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lundi, 29 mars 2021

Mettre l'Ego à l’épreuve - Evola et la philosophie

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Mettre l'Ego à l’épreuve - Evola et la philosophie

Par Giovanni Sessa

Ex : https://www.ereticamente.net/

Les études les plus sérieuses et les plus significatives consacrées à la pensée d'Evola partent ou, en tout cas, ont comme thème central de discussion, ses œuvres spéculatives. Pensez au travail pionnier de Roberto Melchionda, brave exégète d’Evola récemment décédé, qui a mis en évidence la puissance théorique de l'idéalisme magique, ou à l'étude d'Antimo Negri, critique à l’égard des résultats atteints par la philosophie du traditionaliste italien. Depuis plus d'une décennie, dans le travail d'analyse de ce système de pensée, se distinguent des auteurs comme Giovanni Damiano, Massimo Donà et Romano Gasparotti, dont les essais sont motivés par une authentique vocation exégétique et loin des conclusions hâtives ou motivées par des jugements politiques, qu'ils soient positifs ou négatifs.

9788855291293_0_0_626_75.jpgUn élève de Donà, le jeune Michele Ricciotti, a récemment publié une monographie consacrée au philosophe, qui s'impose comme un livre important dans la littérature critique sur le sujet. Nous nous référons à "Prouver l'ego". Julius Evola et la philosophie, paru dans le catalogue de l'éditeur InSchibboleth (pour les commandes : info@inschibbolethedizioni.com , pp. 217, euro 20.00).

L'auteur parcourt et discute, avec une évidente compétence théorique et historico-philosophique, l'itinéraire d'Evola, en utilisant une bibliographie des plus actuelles, mû par la conviction, rappelée par Donà dans la préface, que: « le vrai philosophe, pour Evola, ne peut se limiter à "démontrer". Mais il doit d'abord faire l'expérience, sur sa propre peau, de la véracité des acquis qui, en vérité, ne peuvent jamais être simplement ‘’théoriques’’ » (pp. 11-12). Il ressort clairement des pages du livre qu'Evola est resté fidèle à cette hypothèse tout au long de sa vie. Naturellement, son parcours n'a pas été linéaire, mais caractérisé, en particulier, à partir de la fin des années 20, par le "tournant" traditionaliste imposé par sa rencontre avec René Guénon.

Afin de présenter au lecteur la complexité d'une pensée très articulée, Ricciotti a divisé le texte en trois chapitres. Dans le premier chapitre, il affronte, avec des accents et des arguments convaincants, l'expérience dadaïste d'Evola, au cours de laquelle se dessine le "problème" théorique, central pour lui, lié à l'Ego : "de son affirmation et de sa "preuve"", mais: "non sans avoir brièvement thématisé la signification spirituelle que l'Art de la Règle" (p. 17) tient dans la réalisation d'une telle tâche. Oui, l'idéalisme d'Evola était "magique", capable d'intégrer, en termes de praxis, le besoin de certitude propre à l'idéalisme classique et l'actualisme gentilien, considéré comme le sommet de la pensée moderne.

Dans le deuxième chapitre, ce n'est pas un hasard, le rapport d'Evola avec l'idéalisme est abordé, en particulier avec sa déclinaison actualiste. Le lecteur doit savoir que les pages consacrées par Ricciotti au dépassement par Evola du gentilisme (c’est-à-dire du corpus philosophique de Gentile) sont parmi les plus profondes de celles écrites jusqu'à présent: "L'actualisme se configure à notre avis comme une station qui doit nécessairement être franchie par l'Ego pour devenir - de transcendantal qu'il est - "magique"" (p. 18). La philosophie et la magie, en effet, comme Donà l'a bien illustré, ont historiquement partagé le même horizon, dans lequel la pensée et l'action correspondaient. L'individu absolu est celui: "qui est certain du monde grâce au fait qu'il se rend identique à lui, en vertu de sa capacité à en faire une image dont le pouvoir magique s'identifie à la même volonté inconditionnelle du Moi" (p. 19). Le troisième chapitre traite du thème de la descente de l'individu absolu dans l'histoire, suivi de la tentative du philosophe de construire un symbolisme du processus historique. Pour ce faire, le penseur s'est servi des apports théoriques de Bachofen, synthétisés dans la méthode empathique-‘’antiquiste’’, ainsi que de Guénon et de la "méthode traditionnelle". Une courte phrase peut bien clarifier ce que Ricciotti pense du processus de la pensée évolienne: "de l'image magique du monde au symbole", où le premier terme détient une valeur positive et le second représente une diminutio, une dé-potentialisation théorique. Cette torsion des acquisitions magico-dadaïstes initiales se manifeste, explique Ricciotti, à partir des pages d’Impérialisme païen, une œuvre au centre de laquelle se trouve: "un sujet souverain capable d'établir la loi en se plaçant en dehors et au-dessus d'elle, se faisant le représentant d'une liberté inconditionnelle " (p. 27).

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L'individu souverain a des caractéristiques similaires à celles de l'individu absolu, car en tant que sage taoïste, il le sait: "Avoir besoin de pouvoir est une impuissance [...] exprime une privation d'être " (p. 29). D'autre part, le sujet souverain, identifié au Rex de la Tradition, est ici placé dans un contexte historico-chronologique et, par conséquent, est dépourvu de pouvoir par l'"absoluité" du sujet magique. La même situation se retrouve dans les pages de La Tradition hermétique. D'une part, la transmutation alchimique y fait allusion à la " reconstitution du royaume de Saturne [...] et au comblement de la privation dont la matière est le symbole" (p. 37); d'autre part, dès l'organisation du volume, se manifeste l'adhésion du penseur à la méthode traditionnelle. Elle consiste, d'un point de vue général, à tenter de retrouver dans l'histoire le patrimoine symbolique commun à toutes les civilisations traditionnelles, mais aussi à retracer les interférences avec la suprahistoire et la souveraineté. De cette manière, le dualisme réapparaît fortement chez Evola. Elle animera le contraste entre Tradition et Modernité dans les pages de Révolte contre le monde moderne et dans les œuvres de la période "traditionaliste".

Dans cette voie, affirme Ricciotti, Evola arrive à la définition d'une métaphysique de l'histoire centrée "sur une théorie spécifique du symbole compris [...] comme facteur opératoire de l'histoire elle-même" (p. 177). Le traditionaliste y incorpore l'idée guénonienne centrée sur la valeur supra-historique du symbole, à l'idée bachofénienne qui soulignait, au contraire, son historicité. Pour cette raison, le philosophe ne pourra pas "sauver" in toto, même en faisant référence à un éventuel "cycle héroïque", le dynamisme de l'arché. La tradition, paradoxalement, placée dans un passé ancestral, finit par pouvoir être récupérée dans une projection utopique, dans le futur. L'auteur rappelle que seule la réflexion sur les thèses de Jünger, sur le retour de l'élémentaire et du pouvoir négatif dans le monde contemporain, a permis à Evola de retrouver la Nouvelle Essence, l'horizon existentiel et cosmique de l'individu absolu. Les pages de Chevaucher le Tigre en témoigneraient.

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C'est la structure générale du volume. Nous ne pouvons manquer de signaler quelques plexus théoriques pertinents, explicités dans ses pages: tout d'abord, le concept de "valeur" dans l'idéalisme magique. Il indique la résolution de ce qui est matière dans ce qui est forme. Dans toute expérience, le Moi doit s'élever de la forme de l'expérience:  à la forme de toute forme [...] il faudra rendre la forme coextensive au réel, la valeur coextensive à l'être" (p. 96). Cela explique le titre du livre, Provare l’Ego. En effet, "rendre raison de l'Ego signifiera rendre raison de toute la réalité, à partir de l'identité de l'Ego avec la déterminité empirique" (pp. 99-100).

Le livre de Ricciotti remet sous les projecteurs du débat philosophique une pensée puissante et trop longtemps négligée.

Giovanni Sessa.

mercredi, 24 mars 2021

Les ultimes paroles de Mishima

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Les ultimes paroles de Mishima

par Bastien VALORGUES

Le 25 novembre 1970, le célèbre écrivain japonais Mishima Yukio se donnait la mort. Il protestait de la passivité de ses compatriotes. Il incitait par cet acte terrible à réveiller le vieil esprit nippon. Avant de commettre le seppuku rituel, il s’adressa aux unités d’auto-défense réunies à sa demande.

Les éditions Ars Magna viennent de traduire et de publier la dernière allocution du fondateur de la Société du Bouclier, l’organisation paramilitaire chargée de redresser l’Empire du Soleil Levant. Cet « appel aux armes » est précédé par une belle introduction de Georges Feltin-Tracol. C’est d’ailleurs la première fois que le public francophone dispose de cette intervention historique et tragique.

Mishima Yukio dénonce avec force « le Japon d’après-guerre [qui] s’est vautré dans la prospérité économique, il a oublié les fondamentaux d’une nation, perdu son esprit national, négligé ce qui est essentiel dans la poursuite de bagatelles, s’est engagé dans l’improvisé et l’hypocrisie et a perdu son âme. C’est ce que nous avons pu voir (p. 20) ». Il souhaite que la Jieitai (les forces d’auto-défense) « renoue avec l’origine des fondements de la force armée japonaise et devienne une authentique armée nationale grâce à une réforme constitutionnelle (p. 21) ». Il s’agit pour lui de réviser l’article 9 de la Constitution de 1946 qui interdit au Japon de déclarer la guerre. Mishima a raison d’avancer « que légalement et théoriquement, l’existence même du Jieitai est contraire à la Constitution d’après-guerre et que la défense nationale, comme composant fondamental d’une nation, est embrouillée par des interprétations juridiques pratiques afin d’assumer le rôle de la force armée sans employer le nom de force armée (p. 20) ».

image.htmlymaa.jpgPar-delà le rôle moteur de l’armée, Mishima Yukio défend le rétablissement de la pleine souveraineté de Tokyo. Or, il sait que son pays sorti des ruines de l’après-guerre est une colonie de l’Occident anglo-saxon. « Le soi-disant contrôle par le pouvoir civil des militaires anglais et américains est uniquement un contrôle financier (p. 25). » Il dénonce que l’île méridionale d’Okinawa soit encore sous la tutelle de Washington. Il ignore que les États-Unis la rétrocéderont au Japon en 1972. Il s’offusque que le Japon signe le traité de non-prolifération nucléaire et renonce ainsi à la détention d’une force de frappe atomique. Clairvoyant, il prévient que la soumission du Jieitai aux vainqueurs de 1945 en fera, « comme les gauchistes l’ont remarqué, une force mercenaire de l’Amérique pour toujours (p. 27) ».

Si, le 25 novembre 1970, Mishima Yukio demande en vain aux forces japonaises de renverser le régime parlementaire, il invite surtout les Japonais à retrouver le sens du sacrifice. Il désavoue tout « patriotisme constitutionnel ». Il se demande vraiment : « Y a-t-il quelqu‘un qui veut mourir en se sacrifiant pour la Constitution qui a privé le Japon de sa colonne vertébrale ? (p. 27) » Il lance un vrai défi à la société moderne japonaise : « Rendons au Japon son visage authentique et mourons pour lui (p. 27). » Plus que réussir un coup d’État, Mishima Yukio rappelle plutôt aux troupes que « la signification originale et fondatrice de l’armée du Japon ne consistait en rien d’autre que la “ protection de l’histoire, de la culture et des traditions du Japon centrées sur la monarchie ” (p. 22) ».

Rétif aux actes valeureux et pétri de préjugés démocratiques, l’auditoire militaire de Mishima Yukio s’irrite de l’action sublime de l’écrivain qui met alors fin à ses jours dans une mise en scène traditionnelle héroïque. Bien qu’encore aujourd’hui sous-estimée et mal jugée, la tentative de putsch de Mishima Yukio continue à secouer l’âme profonde des Japonais les plus patriotes. Son sacrifice sublime et celui des membres du Tatenokai n’ont pas été inutiles.

Bastien Valorgues

• Mishima Yukio, Un appel aux armes. Le discours final de Mishima Yukio, Ars Magna, coll. « Les Ultras », 2021, 32 p. 15 €.

mardi, 23 mars 2021

L'art de trouver ses sentiers de légende ou comment suivre les "papillons-guides"

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L'art de trouver ses sentiers de légende ou comment suivre les "papillons-guides"
 
par Frédéric Andreu-Véricel

Il marchait au côté de son fils dans la vaste prairie, en direction de la forêt. Devant eux, la légende verte du près se terminait devant une rangée d'arbres. Au-delà de la forêt, se tenaient les contreforts de la montagne à peine visibles sous la brume mais trapue comme un animal à l'affut, puis, au-delà encore, les nuages qui semblaient un autre étagement, le dernier avant les insondables empyrées célestes. Tout en bas de la montagne, comme au pieds d'un mystère, la prairie s'ouvrait sous leurs pas sereins.

À les voir marcher de loin, on aurait dit que les deux hommes suivaient un chemin de fleurs mais, à y regarder de plus près, quelques passages d'animaux avaient laissé comme une écriture dans l'herbe. Là, des herbes foulées ; ici, des fleurs endormies et quelques pierres groupées qui semblaient posées là depuis le premier jour. Et c'est ce sillon qu'ils suivaient comme on suit un sentiment ou une rêverie de demi-sommeil.

Alors que le contours des arbres commençaient à faire silhouette, la rumeur du sous-bois, pareille à des bruits de pas dans une cathédrale, parvenaient jusqu'aux promeneurs. Mais ils étaient encore à bonne distance de l'aura sombre des arbres. Cependant, c'est un peu de la vie cachée de la forêt qui se donnait à entendre devant sa falaise d'elle-même, inaudible aux gens ordinaires et que ces hommes, pourtant ouverts à l'inconnu, écoutait sans l'entendre. On dit que cette forêt s'appelait Alcudia.

1e5yq727-front-shortedge-384.jpgLe couple inégal ralentit le pas. Il était seul devant la forêt aux portes fermées pour eux. Je dis "inégal" car l'un d'entre eux, le plus jeune, savait des choses que le plus vieux ignorait totalement. La preuve de cet aveuglement, de ce rejet obstiné de l'invisible, ce sont ces appareils de mesure qu'il portait en permanence sur lui et qui lui donnait une allure de scaphandrier. À la campagne, ces appareils miniaturisés, micro-ordinateur, caméra avec pluviomètre intégré, entre autres prothèses, étaient le pendant de ces panneaux de circulation et autres passages piétons du monde urbain sans lesquels il ne pouvait vivre.

Je ne sais devant quel bouquet de fleurs les deux hommes s'arrêtèrent soudain, subjugués devant tant de beauté, sans doute devant ces marguerites odorantes au cœur jaune que l'on découvre aux premières altitudes de la montagne. L'un d'eux sortit de son sac un appareil-photo avec un long objectif et prit les fleurs sous tous les angles.

Un échange s'en suivit, discret et presque religieux car, à leur approche, l'essaim de papillons qui sommeillait dans les fleurs se mit à virevolter tout autour. On aurait dit une farandole de flammes ! Quelle spectacle magique !
Mais alors pourquoi sortir cette "arme de guerre" en pleine nature au lieu de suivre les "papillons-guides" ?

"L'homme moderne est lourd, très lourd" disait Louis-Ferdinand Céline ; et lorsqu'il vit en ville, l'homme pèse encore plus lourd : il ne peut pas s'empêcher de prendre en photo la vie même pour aussitôt la rejeter de son cœur. Il ignore que les papillons sont ses éclaireurs de conscience, les animaux-guide des sentiers poétiques. À l'orée d'une forêt, vous en trouverez toujours un pour vous conduire jusqu'aux clairières enchantées où sont d'autres fleurs, d'autres mystères, ceux de la pénombre des sous-bois. Notre "mythologie personnelle" est construite de telles expériences et l'écrivain Robert Brasillach en a donné des exemples précis dans son roman "Comme le temps passe".

L'homme moderne ne connaît de la nature que le carré vert produit par sa tondeuse à gazon. Il ignore tout de la vie subtile parce qu'il ignore les voies de l'âme et par là, ne sait pas lire les traces dans la nature. L'écran a remplacé le symbole ; du coup, il passe à côté des guides comme à côté d'un trésor, sans les voir.

Les papillons lui font signe de s'approcher et de les suivre avec un langage qui parle directement à l'âme. Mais pour les suivre, encore faut-il avoir conscience que l'âme a ses propres principes qui ne sont pas ceux de l'esprit calculateur.

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L'homme moderne, incapable d'aucune réminiscence, répond à l'invite des papillons par la prise compulsive de photographies. La fascination du "double" l'emporte sur l'original d'autant plus que le "clic" sur l'appareil se fait sans effort ; celle de l'écran l'emporte sur l'appel intérieur.

Alors, chers lecteurs, en ce début de printemps, retrouvons notre magistère légendaire, suivons les papillons de nos jardins. Et si les épreuves de la vie nous conduit à l'hôpital, suivons ceux de nos cœurs !

Frédéric Andreu-Véricel.

Texte tiré de LA FORÊT D'ALCUDIA où le reboisement de l'imaginaire :
https://www.lulu.com/en/en/shop/fr%C3%A9d%C3%A9ric-andreu/la-foret-dalcudia-ou-le-reboisement-de-limaginaire/paperback/product-1e5yq727.html?page=1&pageSize=4

jeudi, 18 mars 2021

Michail Boelgakov: Hondehart

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Michail Boelgakov: Hondehart

Björn Roose

Ex: https://www.goodreads.com/review/show/3886206374?rto=friend_update_daily_us&ref_=pe_41736990_574060880_review

amazonhond.jpgWie mijn boekbesprekingen volgt, zal zich misschien herinneren dat ik er eind augustus 2019 (het lijkt alweer een eeuwigheid geleden) een publiceerde over een ander werk van Michail Boelgakov, Zoja’s appartement . Ik verwijs graag naar die bespreking voor wie iets meer wil vernemen over de achtergrond van Boelgakov, maar begin de bespreking van Hondehart even graag met de conclusie van die vorige bespreking: “Voor de duidelijkheid: ik hoor niet tot de kaste van aan wal staande stuurlui. Het was ongetwijfeld in de Sovjet-Unie net zomin gemakkelijk voor je mening uit te komen als in nationaal-socialistisch Duitsland en er zal ook dáár weinig opdeling te maken geweest zijn tussen zwart en wit (een poging die in deze tijden uiteraard wél blijvend ondernomen wordt). Maar het is zonde gezien het talent dat Boelgakov in andere werken getoond heeft. Ik heb jaren geleden genoten van zijn Hondenhart (sic), dat in 1925 werd verboden en dat een heel erg duidelijke kritiek op het regime vormde. Of zoals de Sovjet-krant Izvestia op 15 september 1929 schreef: "Zijn talent is overduidelijk, maar zo is ook het reactionair sociaal karakter van zijn werk". Ik heb zijn voornaamste werk De Meester en Margarita nog niet gelezen - het boek waaraan hij tussen 1928 en het jaar van zijn overlijden, 1940, werkte -, maar ook dát zou een knappe parodie zijn op Stalin en het leven in de Sovjet-Unie. Dat maakt helaas dingen als deze tweede versie van Zoja's appartement én de kniebuigingen van Boelgakov voor Stalin en het regime alleen maar spijtiger.”

Ik heb dus nog steeds De Meester en Margarita niet gelezen (dat komt er een dezer maanden sowieso van), maar wel Hondehart (zonder tussen-n dus) opnieuw. En het boek was nog steeds zo goed als ik me herinnerde. Beter zelfs. Korte samenvatting (spoiler alert) op de achterflap van dit 140 bladzijden dikke paperbackje: “Hondehart is tegelijk de Frankenstein-achtige geschiedenis van een hond én een verbeten satire op bepaalde praktijken in het vroeg-bolsjewistische Rusland. Half verhongerd en met brandwonden overdekt wordt de hond gevonden en meegenomen door een beroemde chirurg, die zich heeft gespecialiseerd in verjongingskuren en nu een grote nieuwe stunt, een waarlijk revolutionair experiment voorheeft. De hond wordt geopereerd en krijgt de testikels en hersenen van een kort tevoren bij een gevecht omgekomen balalaikaspeler. De hond wordt nu snel: kameraad Sjarikov! Maar hij blijft als mens een monstruositeit. Zijn wezenlijke hondenatuur blijkt onveranderbaar. Hij slaat obscene taal uit, valt vrouwen op brute wijze lastig, elimineert op sadistische wijze katten, steelt, morst, probeert zelfs de assistent van de professor neer te schieten. Het experiment blijkt een jammerlijke blunder te zijn geweest: de mens met het hondehart moet maar weer hond worden.”

img_9900.jpgZo, om de clue te weten te komen, moet u het boekje al niet meer lezen, maar u zal allicht ook niet meer opkijken van het feit dat dit werk in de Sovjet-Unie niet mocht gepubliceerd worden (helaas dook het in het Westen ook pas op toen hij al overleden was, net zoals De Meester en Margarita trouwens). Een duidelijker kritiek op het idee van de maakbare mens is nauwelijks denkbaar. En daarmee vormt het boek eigenlijk net zo goed een aanklacht tegen het nationaal-socialisme of tegen volstrekt waanzinnige moderne vormen van utopieën genre de veelbesproken Great Reset. Je kan de mens wel uit het vuilnis halen, maar niet het vuilnis uit de mens. Je kan de mens proberen aan te passen aan je communistische, nationaal-socialistische, post-modernistische ideetjes, maar de mens zal altijd een mens blijven en zelfs als er geen externe factoren meespelen – iets waar mensen als Klaus Schwab vurig naar streven door de hele wereld mee te slepen in hun waanzin –, zal je utopie aan dat simpele feit ten onder gaan.

Alleen zitten verstandige mensen daar niet op te wachten: ze weten ook dat de revolutie z’n kinderen opvreet en dat er een hele hoop kinderen zullen opgevreten zijn vooraleer de revolutie sterft. De “beroemde chirurg” waarvan sprake, Filipp Filippovitsj Preobrazjenski, beseft dat ook, maar vooraleer hij zichzelf zo ver kan krijgen niet alleen pas op de plaats te maken, maar ook rechtsomkeer, is er hoe dan ook al massa’s schade gedaan. En dan is Preobrazjenski nog bereid datgene te doen waar “experten” en politici voor zover ik weet – en ik kan me vergissen, maar laat iemand dan met een tegenvoorbeeld komen – nog nooit in geslaagd zijn: fouten erkennen en die niet proberen op te lossen door verder te gaan op het ten onrechte ingeslagen pad.

Vooraleer het zover komt – want dat gebeurt uiteraard pas op het einde van het boek – krijg je echter een schitterend boekje te lezen. Beginnend met een hoofdstuk waar de hond, sjarik in het Russisch, zijn gedachten de vrije loop laat terwijl ie ligt te creperen, een persoonsverwisseling waar de auteur aardig in geslaagd is (ik heb dit eerder gezien met een veulen, maar kan me niet meer herinneren in welk boek precies).

mm4.jpgGevolgd door een hoofdstuk waarin het beest de operatiekamer ingelokt wordt en de chirurg er behalve wat worst ook een stukje filosofie tegenaan gooit als hij door zijn assistent gevraagd wordt hoe hij de hond heeft meegekregen: “Kwestie van aanhalen. Dat is de enige manier waarop je wat bereikt bij levende wezens. Met terreur kom je nergens, ongeacht het ontwikkelingspeil van een dier.” Waarna dat dier ook te weten komt dat hij dan wel nieuwe testikels heeft gekregen, maar ook ontmand is: “‘Pas op, jij, of ik maak je af! Weest u maar niet bang, hij bijt niet.’ ‘Bijt ik niet?’ vroeg de hond zich verbaasd af.” En waarin we kennis maken met het “huisbestuur”, de club van communistische zeloten die ervoor moeten zorgen dat Preobrazjenski datgene doet wat ook in Dokter Zjivago van Boris Pasternak een belangrijk thema is: zijn appartement delen met alsmaar meer mensen (“inwonerstalverdichting”, zoals dat in Hondehart genoemd wordt). Op het einde van dat hoofdstuk krijgen we deze heerlijke dialoog, een dialoog die ik heden ten dage eigenlijk niet genoeg hoor. Een dialoog waarin simpelweg gezegd wordt dat iemand iets ook niet kan willen omdat hij het gewoon niet wil:

“‘… wilde ik u voorstellen …’ – bij die woorden rukte de vrouw uit haar boezem een aantal kleurige en van de sneeuw nat geworden tijdschriften, ‘een paar bladen te kopen van de kinderen in Duitsland. Een halve roebel per stuk.’

‘Nee, geen behoefte aan,’ antwoordde Filipp Filippovitsj kortaf met een schuinse blik op de blaadjes.

Op hun gezichten tekende zich nu volslagen verbijstering af en het gezicht van de vrouw hulde zich in een framboosrode gloed.

‘Waarom weigert u?’

‘Ik wil ze niet.’

‘Voelt u dan niet mee met de Duitse kinderen?’

‘Zeker wel.’

‘Kijkt u dan soms op een halve roebel?’

‘Nee.’

‘Waarom neemt u er dan geen?’

‘Ik wil niet.’”

Even vertaald naar vandaag de dag en kwestie dat wie er mij ooit om vraagt het nu al weet:

“‘… wilde ik u voorstellen …’ – bij die woorden rukte de dokter uit zijn lade een doorzichtige en van kwijl nat geworden spuit, ‘een vaccin te nemen tegen corona. Gratis.’

‘Nee, geen behoefte aan,’ antwoordde Björn Roose kortaf met een schuinse blik op de spuit.

Op het gezicht van de dokter tekende zich nu volslagen verbijstering af.

‘Waarom weigert u?’

‘Ik wil het niet.’

‘Voelt u dan niet mee met onze zwakkeren?’

‘Zeker wel.’

‘Bent u bang?’

‘Nee.’

‘Waarom neemt u er dan geen?’

‘Ik wil niet.’”

Hondehart.jpgSoit, verder naar het volgende hoofdstuk. Daarin begint de langzame transformatie van hond tot mens (of van mens tot de nationaal-socialistische versie van Nietzsches Übermensch, of van koelak tot communist) en leert het beest dat het goed is geketend te zijn. Liever een dikke hond aan de ketting dan een magere wolf in het bos. “De volgende dag kreeg de hond een brede, glimmende halsband om. Toen hij zich in de spiegel bekeek, was hij het eerste moment knap uit zijn humeur. Met de staart tussen de poten trok hij zich in de badkamer terug, zich afvragend hoe hij het ding zou kunnen doorschuren tegen een kist of een hutkoffer. Maar algauw drong het tot hem door dat hij gewoon een idioot was. Zina nam hem aan de lijn mee uit wandelen door de Oboechovlaan. De hond liep erbij als een arrestant en brandde van schaamte. Maar eenmaal voorbij de Christuskerk op de Pretsjistenka was hij er al helemaal achter wat een halsband in dit leven betekent. Bezeten afgunst stond te lezen in de ogen van alle honden die hij tegen kwam en ter hoogte van het Dodenpad blafte een uit zijn krachten gegroeide straatkeffer hem uit voor ‘rijkeluisflikker’ en ‘zespoot’. Toen zij de tramrails overhuppelden keek een agent van milietsie tevreden en met respect naar de halsband (…) Zo’n halsband is net een aktentas, grapte de hond in gedachte en wiebelend met zijn achterwerk schreed hij op naar de bel-etage als een heer van stand.” Of, zoals het in het volgende hoofdstuk al heet: “Maak je zelf maar niets wijs, jij zoekt heus de vrijheid niet meer op, treurde de hond snuivend. Die ben je ontwend. Ik ben een voornaam hondedier, een intelligent wezen, ik heb een beter bestaan leren kennen. En wat is de vrijheid helemaal? Rook, een fictie, een drogbeeld, anders niet … Een koortsdroom van die rampzalige democraten …”

Maar dat beter bestaan komt met meer en meer plichten een keer je de babyfase voorbij bent, een keer je bekering in kannen en kruiken is, een keer je niet meer terug kan: Sjarikov wordt geacht beleefd te zijn, zijn plaats te kennen, wil “documenten” hebben (“Een document is de belangrijkste aangelegenheid ter wereld.”), wordt er door de communisten op gewezen dat hij “klassebewustzijn” moet kweken, terwijl hij in essentie – opnieuw – alleen maar wil vreten en achter katten aan zitten, wat dan ook precies is wat hij doet. Terwijl hij wel meer en meer eisen stelt aan zijn omgeving, want die doet niet precies wat hij wil.

Samengevat: Hondehart is een filosofisch tractaat zoals ook Frankenstein van Mary Shelley er een is (zoals aangegeven op de achterflap heeft de thematiek duidelijke raakvlakken). Maar wel een filosofisch tractaat dat leuk om lezen is, zelfs voor mensen die er niet meer in willen zien dan een verhaal van een hond die mens wordt en vervolgens weer hond. Ik weet niet of het boekje in recentere jaren nog ergens werd uitgegeven in het Nederlands (mijn exemplaar verscheen in 1969 bij de voor de gelegenheid met Uitgeverij De Arbeiderspers samenwerkende Em. Querido’s Uitgeverij in Amsterdam in een vertaling van Marko Fondse – derde druk van 1975), maar ik zou het zowel de liefhebbers van Russische literatuur, dissidenten, anti-communisme, anti-utopisme als de minder in filosofie maar dan toch in kortere vlot leesbare boeken aanraden. Een must read dus!

dimanche, 14 mars 2021

Patrick Zylberman et la préparation mondiale aux luttes contre le virus

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Patrick Zylberman et la préparation mondiale aux luttes contre le virus

par Nicolas Bonnal

Tempetes-microbiennes.jpgUn livre d’expert nous prévenait (dans un langage scientifique) il y a une dizaine d’années ou plus : les mondialistes nous conditionnaient par la peur des pandémies depuis le début des années 2000 (langage complotiste), en particulier dans le bon vieux monde transatlantique. Tout cela avait suivi le 11 septembre qui devait nous préparer au bioterrorisme, au cyber-terrorisme et enfin à leur vieil objectif de dépeuplement (conspiration ou constatation ?). L’expert en question s’appelle Patrick Zylberman et s’est alors fait l’auteur de drôles de constatations. Le livre a évidemment été mal reçu alors, les journalistes étant comme les médecins vendus achetés pour vendre terreur, vaccin et dictature technologique. 

On se contentera ici de citer sa page Amazon.fr.

« À l'Ouest, du nouveau.
Fin septembre 2005, le coordinateur pour la lutte contre la grippe aviaire et humaine à Genève prédisait de 2 à 150 millions de morts dans le monde lors d'une prochaine pandémie, 'comme en 1918!' tenait-il à préciser. Assurément, un nouveau spectre hante le monde transatlantique : la terreur biologique.
Les États planchent sur des scénarios catastrophes, afin que l'économie mondiale ne soit pas frappée, du jour au lendemain, par la mise hors travail de cadres dirigeants et de simples ouvriers affaiblis par l'infection. Cette peinture des 'tempêtes microbiennes' traduit une amplification considérable de l'idée de sécurité sanitaire et une dégringolade vertigineuse dans la fiction (chiffres exagérés, analogies sans fondement, etc.) lorsqu'il s'agit de définir la prévention contre les menaces microbiennes et les procédures de gestion des crises épidémiques.

Patrick Zylberman dégage trois grands axes de la sécurité sanitaire :
La place grandissante faite aux scénarios (fictions qui feignent le réel en proposant des situations imaginaires mais propices à l'apprentissage des réflexes et comportements visant à la maîtrise des événements) ;
Le choix systématique de la logique du pire comme régime de rationalité de la crise microbienne. Or l'événement déjoue les prévisions : il est toujours autre chose. Les scénarios du pire deviennent un handicap pour la pensée, parce qu'ils demeurent prisonniers de la modélisation ;
L'organisation du corps civique : dans l'espoir de renforcer l'adhésion aux institutions politiques et de faire face à la désorganisation sociale engendrée par la crise épidémique, les démocraties sont de plus en plus tentées d'imposer un civisme au superlatif (l'accent est mis sur les devoirs et les obligations du citoyen comme sur la nécessité de faire preuve d'altruisme), qu'il s'agisse des quarantaines, de la vaccination, voire de la constitution de réserves sanitaires sur le modèle des réserves de la sécurité civile.
Ce faisant, la sécurité sanitaire transatlantique contribue à la crise de l'État-nation. Afin de maîtriser des problèmes qui sont précisément internationaux dans leur nature, les États adoptent des solutions globales, même ceux qui, comme les États-Unis ou la Chine, se montrent d'ordinaire extrêmement chatouilleux sur le chapitre de la souveraineté nationale. »

9782738153104.jpgLe storytelling du pire justifie leur tyrannie, mais cela commence à savoir, même dans la citrouille du citoyen Ran-Tan-Plan (le chien Ran-Tan-Plan de Goscinny sent au moins confusément quelque chose)….

On guette le grand réveil et le choc en retour ?

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jeudi, 11 mars 2021

«Les Alchimistes» de Jean Biès

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Luc-Olivier d'Algange:

«Les Alchimistes» de Jean Biès

Jean Biès est de ces écrivains français qui, le cas n'est pas si fréquent, sont les auteurs d'une œuvre. Poète, romancier, essayiste, Jean Biès est aussi l'auteur d'un ouvrage décisif intitulé Les Alchimistes. D'emblée son livre se distingue par l'exactitude des références, la rigueur doctrinale et la beauté du style. Si le monde est bien, comme nous l'enseignent les Théologiens du Moyen-Age, la «   rhétorique de Dieu   », on ne saurait trop se réjouir de voir la beauté, par l'exactitude grammaticale, répondre à la vérité de la doctrine. A ce titre l'œuvre de Jean Biès est éminemment platonicienne: elle démontre, par son existence, que le Beau est la splendeur du Vrai.

4115JWMCG2L._SX298_BO1,204,203,200_.jpgL'ouvrage est un des rares à prendre en compte tous les aspects de l'Alchimie, tant dans sa réalité historique que constitutive ou structurale. L'Alchimie est un art, un jeu, une science, une poétique et une gnose. Elle est également une médecine, magistralement illustrée, entre autre, par Paracelse, une cosmologie, fondée sur la correspondance du microcosme et du macrocosme (dont témoigne la fameuse Table d'Emeraude) et une science héraldique des «   signatures   ».

A travers la métamorphose des éléments, dont la splendeur se multiplie en images d'une grande richesse poétique et iconographique, l'alchimiste déchiffre les apparences où il retrouve l'empreinte visible d'un sceau invisible. La méditation alchimique n'oppose pas l'intelligible et le sensible, l'invisible et le visible, l'esprit et la matière, l'être et le devenir. Elle ne perçoit point dans ces contraires des ennemis irréductibles. Le monde, qui se déploie dans la diversité des apparences, lui apparaît comme un don du Verbe. Dans les détails les plus infimes et les plus grandioses du monde sensible, son art lui enseigne à reconnaître les signes et les intersignes. Dans les métamorphoses du devenir, l'alchimiste perçoit la permanence des cycles   ; dans l'immobilité désirée et attendue de l'Inconditionné, qui n'est autre que la Pierre philosophale, elle devine la possibilité universelle et les variations infinies dont est faite la trame du monde.

L'Alchimie mérite bien cette appellation de Philosophie, que certains universitaires imbus de «   modernité   » lui refusent, ne serait-ce que par les transitions qu'elle favorise entre les pensées habituellement considérées comme rivales, ou antagonistes, de Pythagore, d'Empédocle, d’Héraclite, de Parménide et de Platon. Dans la perspective alchimique, en effet, le sens héraclitéen du devenir loin d'infirmer la théorie parménidienne de l'être, la corrobore. De même que la vision poétique et dramatique d'Empédocle, loin d'exclure la mathématique de Pythagore s'accorde en elle comme s'accorde, dans la flambée de l'athanor, le Mercure et le Souffre, par l'ambassade du Sel. Pour qui retient la leçon des alchimistes, ces «   philosophes par le feu   », pour celui qui n'oppose point péremptoirement au Mystère ses certitudes et ses convictions, toutes les joutes philosophiques sont nuptiales et la dissociation des éléments n'est que le prélude à leur unificence.

Alchimiste lui-même dans son enquête sur l'Alchimie, Jean Biès se tient exactement sur l'orée qui distingue et unit la nature et la Surnature. Le symbolisme alchimique, en récusant la notion moderne d'une séparation radicale du monde matériel et du monde spirituel, révèle les vertus paradoxales du monde. «   Dieu s'est fait homme pour que l'homme se fasse Dieu   », cette formule de la liturgie orthodoxe convient parfaitement à l'alchimiste dont l'audace est le principe même d'une humilité essentielle. Bien davantage qu'à Prométhée, qui tant fascina les philosophes de la modernité, c'est à Hermès et au Christ que vont les fidélités philosophales. Prométhée, comme Icare, se rend coupable de démesure. Or l'hybris est le premier péril et la première tentation dont l'alchimiste doit se défendre. Son œuvre n'est point subversive, ni titanesque, mais harmonieuse et miséricordieuse.

Cette harmonie et cette miséricorde se manifesteront dans la beauté versicolore du voyage. Les couleurs et les symboles sont à la fois intérieurs et extérieurs. Entre le monde et l'entendement humain, l'art hermétique présume une synchronicité possible.

9782296084421-475x500-1.jpgScience des qualités et des nuances, des variations et de l'interprétation, l'Alchimie, loin d'être l'ancêtre balbutiante de la Chimie telle qu'elle se précisa au dix-neuvième siècle, fut une connaissance (pour une part perdue, et pour une autre, non encore advenue) de l'interdépendance de l'expérimentateur, de la chose expérimentée et de l'expérience elle-même. Le couronnement de l'œuvre est la transfiguration de l'Adepte. L'instrument de la connaissance a pour dessein de modifier, en même temps, et de façon essentielle, la matière et l'entendement humain qui œuvre sur elle. A ce titre, les alchimistes devancent l'exigence de la phénoménologie et de l'épistémologie et l'on s'étonne, en effet, que leurs œuvres soient exclues du «   corpus   » des actuelles pensées prospectives. Il est vrai que l'Alchimie inquiète, que ses œuvres paraissent insaisissables et qu'elle exige de ses chercheurs comme de ses adeptes, et même de ses simples historiographes, certaines des vertus éminentes du navigateur.

Pour consentir à s'aventurer dans ce monde de métaphores scintillantes et houleuses, il faut avoir l'âme odysséenne. «   L'erreur enseigne ce qu'il ne faut pas faire, écrit Jean Biès, l'errance apprend ce qui est à faire: il est bon d'aller s'informer auprès des Maîtres. L'alchimiste apparaît alors dans son manteau de voyage, coiffé d'un grand chapeau souvent orné de la coquille de monseigneur saint Jacques de Galice, muni d'un bâton de marche, accompagné d'un chien. Dans le décor sauvage qui l'entoure on le devine étranger à toute société.   » La pérégrination alchimique est, là aussi, à la fois en-dedans et au dehors de l'entendement humain. Les alchimistes furent de grands voyageurs. Ils eurent l'audace, en des temps où les distances étaient plus éprouvantes et plus réelles, le monde n'ayant pas encore été rabougri par les techniques de déplacement, d'affronter les incertitudes de toute véritable tribulation, - mais ils furent aussi, et surtout, des voyageurs intérieurs, à la ressemblance du Heinrich von Ofterdigen de Novalis.

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Quête initiatique, découverte du monde imaginal, approche de l'Ame du monde, telle est l'Alchimie à laquelle nous invite l'ouvrage de Jean Biès. L'Ame du monde se révèle dans les métamorphoses de la matière ordonnée aux Symboles visibles-invisibles qui s'y déploient comme la roue solaire du Paon. Rien n'importe que ce moment, où l'entendement humain enfin délivré du Règne de la Quantité, de la pensée calculante et des normes profanes de l'indéfiniment reproductible, reconquiert la plénitude intérieure. Or, - et c'est bien là le sens de l'humilité que tous les traités d'alchimie prescrivent aux adeptes, - cette plénitude n'est point notre propriété humaine. Elle nous est, quoiqu'infiniment proche et offerte, étrangère. Elle n'est point dans l'outrecuidance de la subjectivité livrée à la démesure, mais dans la subtilité de ce qui advient, de ce qui transparaît précisément pour nous enseigner le secret de la transparence. Elle est, cette présence cachée, dans l'extinction du Moi.

La rouge aurore du rubis philosophal flamboie à l'instant précis de l'extinction du moi. L'Œuvre est réalisée lorsque tout ce qui fait notre moi est frappé d'inconsistance, littéralement brûlé comme par le Miroir de Nigromontanus qu'évoque Ernst Jünger dans Les Falaises de Marbre.

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«   Ce démembrement du moi, cette mort du moi, écrit Jean Biès, c'est ce que signifie déjà le travail devant l'athanor, exigeant une vigilance épuisante   ». L'âme emprisonnée exige d'être désincarcérée, comme un «   iota   » de la lumière incréée, dissimulé sous la compacité des apparences ou dans l'illusion des fausses lumières. L'ouvrage de Jean Biès, qui est à la fois histoire (au sens d'enquête), légende, au sens de ce qui doit être lu, et herméneutique créatrice, au sens de ce qui doit être interprété et non seulement expliqué, s'inscrit, on l'aura compris, dans une tradition pour laquelle, selon de mot de Villiers de L'Isle-Adam, la lumière des siècles est plus profonde que le prétendu «   siècle des Lumières   ».

Se développant selon les lois de l'arborescence, le discours alchimique exige l'attention à la plus infime radicelle, en même temps que la vue d'ensemble. Le propre du moderne est d'avoir perdu cette vertu d'attention. Sa fascination pour la quantité, le calculable, a pour origine et pour complice cette inattention qui, dans son ignorance du monde des qualités, sépare l'âme humaine de l'Ame du monde, si bien que l'une s'étiole et se durcit et que l'autre devient lointaine et indiscernable. Ce livre de Jean Biès vient, à la suite de ses précédents ouvrages, raviver notre attention, et, si nous en sommes dignes, nous ouvrir la voie à la connaissance de l'esprit de l'Alchimie qui viendra couronner nos retrouvailles tant attendues avec l'Ame du monde, Sophia pérenne et divine présence: «   Se faufilant à pas feutrés, écrit Jean Biès, entre désastres et dérisions, effondrements et massacres, traversées du déserts et marées équinoxiales de la barbarie, l'esprit de l'alchimie, sous les traits joyeux d'Hermès, est bien de retour parmi nous, même si peu d'entre nous le savent. Descendant à travers les airs qui avaient oublié de lui l'empreinte de ses ailes, le dieu rieur parvient sur une terre exténuée, s'aventure au clair-obscur des recompositions incertaines d'aurores s'essayant à naître, et danse par avance dans le secret des cœurs l'ivresse rutilante de l'Or   ».

Luc-Olivier d'Algange

Les Alchimistes, Jean Biès, éditions Philippe Lebaud.

dimanche, 07 mars 2021

Voyage au bout de Céline

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Voyage au bout de Céline
 
98ynm8-front-shortedge-384.jpg"Seyland", "Kørsor ", "Kalundborg", ces noms à consonance étrangère ne vous disent sans doute pas grand chose ! Et pourtant, ces lieux ont écrit quelques pages de la légende célinienne. C'est au travers d'une France à couteaux tirés et une Allemagne réduite en ruine que Louis-Ferdinand CÉLINE - accompagné de sa fidèle épouse Lucette - entreprennent de rejoindre le Danemark.

Après sa sortie de prison à Copenhague, Céline doit-il rentrer en France ? Son avocat, qui s'y oppose, lui ouvre les portes de sa maison de campagne. Les trois années qui s'écoulent, ponctuées d'une abondante correspondance et de quelques visites d'admirateurs, restent encore aujourd'hui un sujet de débat. Les journées sont longues et pesantes mais les témoins ne relatent cependant pas la camisole de force décrite après coup par Céline... Bref, nous sommes plus prêt du confinement que de l'assignation à résidence.

Au cours de l'été 2019, Frédéric Andreu-Véricel, entreprend un voyage de découverte sur les traces de l'écrivain maudit. De bivouacs en bivouacs, de pistes cyclables en rencontres inopinées, notre "cyclo-campeur" retrouve la trace de «Fanhuset», la fameuse maison d’exil de Céline.

L'hiver suivant le voyage, marqué par le confinement sanitaire, est l'occasion de transcrire le récit ; autant de semaines entre quatre murs où le sismographe des souvenirs marchent à pleine cadence alors que toutes sorties à l'extérieur sont proscrites...

Les Éditions ALCUDIA est une maison d'édition en ligne qui oeuvre au "reboisement de l'imaginaire".
 
Pour se faire, ALCUDIA invite a ne pas "rêver sa vie" mais tout au contraire à "vivre son rêve", ressort essentiel à la découverte de sa "mission de vie" ou "légende personnelle".

Pour commander les ouvrages, cliquez sur le lien :
https://www.lulu.com/spotlight/fredericandreu

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samedi, 06 mars 2021

Renzo de Felice: L'historien dans la Cité

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Renzo de Felice: L'historien dans la Cité

Recension:

RENZO DE FELICE - L'Historien dans la cité.
Par Emilio GENTILE
Editions du Rocher, 2008, 237 pages.

Ex: https://vk.com/id596716950

(compte vk de Jean-Claude Cariou)

512QumlYExL._SX309_BO1,204,203,200_.jpg"En général l'historiographie a pour tâche de former l'image que le nation a d'elle-même et de situer l'homme dans la réalité historique (...). De nos jours, on hésite entre une idée de l'histoire comme magistra vitae et une sorte de méfiance généralisée envers elle sous prétexte qu'elle serait le fruit de manipulations et qu'on ne saurait donc s'y fier. En outre, l'historien s'acquitte de la tâche de satisfaire les curiosités les plus disparates, qui vont de la construction des navires à la façon dont les paysans du Moyen Âge faisaient l'amour. Je ne crois pas qu'on puisse accepter cette réduction du chercheur en histoire au rang d'appareil automatique destiné à satisfaire les curiosités des autres et ce parce que, dans ma manière de voir, la fonction principale de l'historien demeure de proposer une image de sa communauté nationale. L'affirmation suivant laquelle nous serions devant un type de problèmes dépassés, puisque nous nous acheminons vers l'intégration européenne, me parait très improductive. Je considère en fait qu'on ne saurait entrer dans une réalité différente sans connaître convenablement la sienne".


" Les discours moralisants appliqués à l'histoire, d'où qu'ils viennent et à quelques mobiles qu'ils obéissent, provoquent en moi un profond sentiment d'ennui, ils suscitent ma méfiance envers celui qui les prononce et m'amènent à conclure à un manque d'idées claires, sinon carrément à une énième forme de chantage intellectuel ou a un expédient pour introduire en contrebande des idées et des intérêts qu'on veut éviter d'exposer sous une forme directe. L'historien peut et parfois doit porter des jugements moraux; s'il ne veut pas trahir sa propre fonction ou se borner à faire du journalisme historique, il ne peut le faire, cependant, qu'après s'être acquitté de toutes les manières de son devoir propre d'enquêteur et de reconstructeur de la multiplicité des faits qui constituent la réalité d'une époque, d'un moment historique; or, j'entends au contraire souvent prononcer des jugements moraux sur des questions ignorées ou mal connues de celui qui les porte. Et ce n'est pas seulement superficiel et improductif sous le profil d'une vraie compréhension historique, c'est aussi peu éducatif et improductif" .

Renzo De Felice.

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Emilio Gentile.

Elève du grand historien Renzo De Felice, dont les travaux ont renouvelé l'approche historienne du fascisme italien dans les années 1970, Emilio Gentile livre une biographie intellectuelle de son maître et ami disparu en 1996. Renzo De Felice a sans doute été l'historien italien du XXe siècle le plus connu en Italie et dans le monde, tant dans les milieux universitaires qu'auprès du grand public. Pendant trente ans, il a été au cœur des recherches sur le fascisme et des polémiques, vives et souvent virulentes, suscitées par ses cours, ses interviews et ses publications. Travailleur infatigable, auteur de nombreux ouvrages et surtout d'une monumentale ( mais malheureusement non terminée) biographie de Benito Mussolini, De Felice a, dès 1975, distingué nettement ce qui dans le fascisme relevait du " mouvement " et donc de sa nature révolutionnaire et ce qui renvoyait au " régime " et à des compromis avec la société existante, lui permettant ainsi de s'appuyer sur un fort consensus.


Pour avoir souligné la spécificité du totalitarisme italien face à ses deux homologues le communisme bolchevique et le national-socialisme, il fut accusé de vouloir réhabiliter le fascisme mussolinien alors que ses analyses étaient le fruit d'un travail phénoménal et d'une longue évolution historiographique issue d'une réflexion sur les conséquences de la Révolution française en Italie.


f22dc7acover23338.gifDe Felice ne répugnait pas à favoriser les remous autour d'une oeuvre savante et difficile qui, sans interventions médiatiques provocatrices, serait restée sans doute peu connue. Tout en évoluant fortement au fil de ses recherches sur la personnalité de Mussolini, sur un mouvement et un régime, il a eu l'occasion de souligner maintes fois tout ce qui sépare le fascisme italien du national-socialisme allemand et, à plus forte raison, du bolchevisme.


Dans ses premier écrits, vers 1953, alors qu'il travaillait encore sur l'histoire du jacobinisme italien, ses réflexes de militant communiste et de marxiste (gramciste) qu'il resta jusqu'en 1956, étaient encore sensibles. Il s'en libéra peu à peu, découvrant que la supposée infrastructure économique et sociale des idées et des engagements conduisait à de graves erreurs. Il comprit que ce sont en réalité les représentations idéologiques et même "religieuses" des idéaux révolutionnaires qui expliquent les embrasements des foules et les choix des meneurs charismatiques.


Emilio Gentile souligne un autre aspect de la conception defelicienne de l'historiographie qui ne s'est jamais démentie: le refus du moralisme en tant que catégorie du jugement historique. "Les discours moralisants appliqués à l'histoire, d'où qu'ils viennent, provoquent en moi, dira De Felice, un sentiment d'ennui, ils suscitent ma méfiance envers qui les prononce et m'amènent à conclure à un expédient pour introduire en contrebande des idées et des intérêts qu'on veut éviter d'exposer directement".
De Felice n'a pas laissé de théorie explicite sur la méthode historique, mais il lui arriva souvent de préciser que le métier d'historien ne s'apprend pas dans les manuels de méthodologie, mais à travers l'expérience concrète de la recherche.


Sans pouvoir résumer des recherches toujours fines, on peut souligner qu'à partir de 1975, il a nettement distingué ce qui, dans le fascisme, relevait du "mouvement" et donc de sa nature révolutionnaire, et ce qui renvoyait au "régime", fait de compromis avec la société existante. C'est ce qui a permis longtemps à Mussolini de s'appuyer sur un consentement majoritaire.Un constat qui fut vertement reproché à De Felice par ses adversaires.


Au-delà de la biographie intellectuelle, Emilio Gentile s'attache à l'homme De Felice, concentré sur son métier d'historien, qu'il pratiquait avec une application monacale, loin du tumulte des médias et de l'action politique. Après un engagement de jeunesse dans les rangs communistes avec lequel il rompit dès l'écrasement de la révolution hongroise de 1956 par les chars soviétique, Renzo De Felice s'est révélé un homme affable, ouvert au dialogue, généreux en conseils et en aides à ses étudiants et ses jeunes collègues, et en même temps une personnalité complexe, mélange de fragilité et de détermination, de timidité et d'orgueil, dont le côté solitaire fut accentué en raison des polémiques violentes qu'il suscitait. Cet ouvrage est le beau portrait de l'un des grands historiens du XXe siècle.

vendredi, 05 mars 2021

Über Tyrannei – Zwanzig Lektionen für den Widerstand – Timothy Snyder

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Über Tyrannei – Zwanzig Lektionen für den Widerstand – Timothy Snyder

Boekbespreking door Björn Roose

Ex: https://bjornroosebespreekt.blogspot.com
 
3406711464.01._SX450_SY635_SCLZZZZZZZ_.jpgDe reden dat u boven deze boekbespreking een Duitstalige titel ziet staan, is dat we op het moment waarop ik dit boekje in handen kreeg nog in net iets minder tirannieke tijden leefden. Je kon nog de grens over zonder veel controles te riskeren, je kon nog min of meer vrij door de Europese Unie bewegen (het Schengenakkoord was nog geen dode letter), je hoefde “alleen maar” in quarantaine als je uit een zogenaamd rood gebied kwam (wat overigens ook al regelrechte bullshit was), en de toekomst zag er op dat moment minstens officieel nog niet erger uit dan het verleden wat dat betreft. Er was nog hoop dat de verzamelde Europese democraturen genoegen zouden nemen met het vaccineren van iedere wappie die het bevechten van een probleem dat hij niet heeft met een middel dat geen redelijk mens in zijn lijf wil een redelijke optie vond. Inmiddels zijn we aan vaccinatiepaspoorten toe om ook die grenzen die op twintig kilometer van je deur liggen over te mogen steken zonder je te onderwerpen aan allerlei vernederingen en straffen, en kunnen we de verzamelde Europese regeringen (en de supranationale instellingen) zoniet als regelrechte doorslagjes van de voormalige Sovjet-Unie (die dissidenten dan toch nog het land uitliet als ze te veel opzien begonnen te baren) dan toch als gijzelnemers beschouwen. Gijzelnemers die bereid zijn de vrijheid die je eigen is (de vrijheid om je te bewegen naar waar je wil) “terug te geven” als je … het losgeld betaalt. Als je je dat vaccin in je lijf laat spuiten. Als je de zeggenschap over het enige waar je nog werkelijk iets over te zeggen hebt, je eigen verdomde lijf, ook opgeeft. In minder “verlichte” tijden was daar een naam voor: lijfeigenschap. In onze eigen tijden noemt men dat … vrijheid.

Nu, toen die “vrijheid” dus nog een béétje bestond – al heb ik meer dan een béétje slordig moeten zijn met de papierwinkel om daar niet te veel voor te betalen -, heb ik dit boekje meegenomen uit zo’n openbare boekenkast die je intussen overal in Oostenrijk vindt. Ik was niet in de mogelijkheid om er, zoals vriendelijk verzocht, een boekje voor in de plaats terug te leggen (wegens geen te missen boeken mee – moet ik aan denken als ik ooit nog eens kan reizen), maar ik wens de mensen van Seitenstetten (waar ik het boekje vond in de boekenkast in de tuin tegenover het Benediktinerstift) toch te bedanken. Ook voor het laatste live optreden van een fanfare dat ik sinds begin vorig jaar gezien heb, trouwens: gemoedelijk, met een niet van mondmaskers voorzien publiek, voorafgegaan door een zeer druk bezochte kerkdienst. Normaal, quoi. In tegenstelling tot hun Kanzler die zich intussen meer en meer als de “beste” leerling van het Europese Big-Pharmaklasje begint te gedragen. In tegenstelling ook tot het feit dat ik een boekje dat in 2017 in het Engels is uitgebracht – de auteur is Amerikaan – en kort daarna al in Nederlandse vertaling bij ons op de markt kwam, in het Duits gelezen heb, maar nu weet u tenminste waarom.

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Dat gezegd zijnde weet u ook dat dit boekje het niét heeft over de dictatuur, de tirannie in naam van de “volksgezondheid” die we heden ten dage met z’n allen moeten ondergaan. Misschien was iemand in 2016 al op het idee gekomen om dat te gaan organiseren, maar dat idee was in ieder geval ook nog niet tot Timothy Snyder doorgedrongen en z’n referentiekader beperkt zich dan ook tot fascisme, nationaal-socialisme, communisme en … Donald Trump. Die laatste werd pas president op 20 januari 2017, maar dat belette Snyder niet hem al als een dictator te brandmerken in z’n boek dat een goede maand later verscheen (op 28 februari 2017 - en toen was het al gecorrigeerd, door de papiermolen van de uitgeverij gegaan en gedrukt, dus Trump was geen dag president geweest toen dit boekje al af was). Een enorme vooringenomenheid tegen Trump – eigen aan ongeveer de helft van de wereldbevolking, toegegeven – was dan ook wat hem inspireerde tot het schrijven van dit boekje en die sijpelt dan ook overal in het boekje door. Ik vermoed dat we van de man nooit een boekje zullen te lezen krijgen – het kon er al geweest zijn, zelfs op basis van de feiten, aan het sneltempo waarmee hij voorliggend boekje geschreven heeft – over de Biden-dictatuur (de man regeert via executive orders per slot van rekening, beslissingen dus die hij, of zijn puppet master, neemt zonder langs het parlement te passeren), maar goed, ik probeer Über Tyrannie – Zwanzig Lektionen für den Widerstand (in het Engels On Tyranny; Twenty Lessons from the Twentieth Century, in het Nederlands Over tirannie – Twintig lessen uit de twintigste eeuw) op z’n eigen merites te beoordelen.

En die zijn er. Bijvoorbeeld al in de inleiding: “Die schlechte Nachricht ist, dass die Geschichte der modernen Demokratie eine des Verfalls und des Untergangs ist”. En verder: “Die europäische Geschichte des 20. Jahrhunderts zeigt uns, dass Gesellschaften zerfallen, Demokratien untergehen, moralische Werte zusammenbrechen und ganz gewöhnliche Menschen plötzlich mit einer Schusswaffe in der Hand an Todesgruben stehen können. Es wäre für uns Heutige ganz gut, wenn wir verstehen würden, warum das so war.”  Ik probeer een en ander verder zo veel mogelijk in het Nederlands te doen (mijn vertaling uit het Duits dan), maar kan sowieso niet anders dan me aansluiten bij de stelling van de auteur dat het “voor ons, mensen van vandaag, zeer goed zou zijn te verstaan waarom” in het verleden gewone mensen zich zo lieten inschakelen in de ideeën van een dictatuur. Dat is immers géén historisch vraagstuk, het is een hedendaags vraagstuk. Wie daar aan twijfelt, kan altijd eens probéren ergens op het internet de vraag op te werpen waarom we ons zouden moeten laten vaccineren tegen een virus dat zo ongeveer nul procent kans op overlijden geeft, om een groepsimmuniteit te bekomen die er al lang geweest zou zijn als er geen tientallen variaties op lockdowns allerhande waren toegepast, en die er uiteindelijk niét zal toe leiden dat we ons weer vrij kunnen bewegen maar wel dat wie zich niet onderwerpt aan dat vaccineren, dat tot in den treure en umsonst testen, een gevangene wordt (wellicht ook nog met beperkende voorwaarden) in het eigen land. “Gewone” mensen blocken je als je zo’n vragen opwerpt, worden hyperagressief, gaan onzin verkopen over (door de in staatsdienst werkende media verspreide etiketjes genre) “corona-ontkenners”, noemen je een “massa-moordenaar”, en tonen zich heel erg bereid je met alle andere “corona-ontkenners” en “massa-moordenaars” vast te zetten in een kamp, een afgelegen dorp, op een bar eiland of je ten eeuwigen dage te voorzien van een merkteken dat aangeeft dat je niet behoort tot de good guys en dus ook niet dezelfde rechten moet hebben als hen. Als je dat dan een nieuwsoortige jodenster noemt, gaan ze op hun achterste poten staan en ben je ook nog een antisemiet, waarbij ze – uiteraard, want alles wat niet via de mainstream media komt is Lüge in hun wereld – negeren dat mensen in Israël zélf het niet hebben van het groene corona-Ausweis ook openlijk bestempelen als een nieuwe jodenster.

81nm63zllnL.jpgEn dan de lessen zelf. “Wees niet bij voorbaat al gehoorzaam” omdat je denkt dat een repressievere regering erger zou kunnen zijn, want dan leer je het regime dat het verder kan gaan en zal je sowieso zélf al verder gaan dan gevraagd. Denk daarbij aan het Milgram-experiment met mensen die anderen steeds dodelijker stroomstoten konden geven en dat in groten getale ook deden.

“Neem verantwoordelijkheid voor het aangezicht van de wereld”, symbolen bepalen de realiteit van morgen. In deze tijd zelfs letterlijk. Herinner u hoe maskers eerst van wat dan ook mochten gemaakt worden, niet verplicht waren, maar wel als een symbool gezien werden dat je je inzette om “de curve plat te slaan”, en vervolgens op korte tijd, en zelfs tegen de wetenschappelijke bewijzen aangaande hun hoogstens negatieve werking in, verplicht werden, tot op de openbare weg toe, van een bepaalde soort moesten zijn, en intussen zelfs aangeraden meervoudig over het gezicht moeten geplaatst worden. Denk aan de door de gazetten verspreide posters om de “essentiële” beroepen een hart onder de riem te steken (waarbij toch meteen ook duidelijk gemaakt werd aan het overgrote deel van de belastingbetalers dat ze niét essentieel zijn waar het hun beroep betreft), denk aan het handjeklappen, het lichtje buiten zetten. Denk aan al die dingen die tonen: hier woont een Gutmensch, hier woont een zuivere, hier woont een volgzame burger.

“Behoed je voor paramilitairen”. Of, eerlijk, zo’n beetje alles dat een uniform aan heeft. Snyder gaat er van uit dat die paramilitairen sowieso ontstaan in de privé-zone en dat het echt gevaarlijk wordt als ze zich gaan vermengen met “de officiële politie en het leger”, maar iedereen weet dat dat soort clubs tegenwoordig veelal georganiseerd wordt door de staat zelf. Net zoals de staat alsmaar meer bevoegdheden geeft aan “de officiële politie en het leger”. Het leger dat winkelstraten in Antwerpen bewaakt omwille van een of andere veronderstelde terroristische dreiging, maar daar dan jaren rond blijft hangen. Politiemensen die drones over je tuin laten zweven (maar uiteraard hun ogen dichthouden terwijl ze dat doen) of zingende mensen uit elkaar slaan. Buurtwachters (of in Nederland BOA’s) die zich binnen de kortste keren ontpoppen tot mini-gestapo’s.

“Zet een teken” (en daaraan toegevoegd de laatste les in het boekje, “Wees zo moedig als mogelijk”). Trek een streep in het zand. “Iemand moet het doen. Het is makkelijk met de anderen mee te lopen. Het kan een eigenaardig gevoel geven iets anders te doen of te zeggen. Maar zonder dit onbehagen is er geen vrijheid.” Ik heb van meet af aan besloten dat ik me niet zou laten testen op corona en ook geen vaccin zou nemen. Nooit. Ik heb dat vaak genoeg duidelijk gemaakt op sociale media en in gesprekken. Maar sinds deze week heb ik ook dat teken gezet. Op mijn Twitter-profiel staat bovenaan vastgepind: “Wat je verkondigt, moet je ook doen. Bij deze dus: ik zal me nooit laten testen op corona, ik zal nooit een vaccin nemen tegen corona. Ik heb m’n grens getrokken en als die m’n einde moet betekenen, dan zal ik dat einde met trots aanvaarden.” Een miniscuul tekentje in een zee van sociale media, maar het is ook voor mezelf een daily reminder en het zal beletten dat ik me wél tot lijfeigene laat maken op dagen waarop ik het moeilijker krijg (geloof me, ik leef om te kunnen reizen; niet kunnen reizen is voor mij het moeilijkste wat er is).

“Wees vriendelijk voor onze taal.” Gebruik niet de slogans die je door politici, “experten” en media worden voorgeschoteld, ook niet als je er tegen ingaat. “Probeer je ver van het internet te houden. Lees boeken”, voegt Snyder er nog aan toe. Ik heb het zelf moeilijk met dat eerste, maar compenseer dat dan weer door geen televisie te kijken en geen radio te luisteren, en uiteraard door het laatste, boeken lezen, volop te doen. Waar het in essentie hoe dan ook op neer komt is dat taal je venster op de wereld is. En dat je door je taal te laten beheersen door een ander – en daarop zijn alle slogans, slagwoorden, vaak herhaalde “boodschappen” en beelden gericht – je venster op de wereld laat verduisteren, versmallen, heroriënteren. “De taal is gans het volk”, schreef Prudens Van Duyse. De taal is ook gans uw geest.

9781847924889.jpg“Geloof aan de waarheid”. Met in de uitleg daarbij: “Die dickste Geldbörse zahlt für die blendendsten Lichter.” Snyder heeft dit ongetwijfeld niét bedoeld als een waarschuwing tegen de traditionele media, maar in tijden waarin deze bepalen wat fake news is, waarin Google bepaalt wat u ziet, waarin LinkedIn, Facebook, Twitter er vrijelijk op los censureren, daarbij steeds uiteraard bewerend dat zij “de waarheid” in pacht hebben, is dat van die dikke beurs maar al te waar. En die dikke beurs zit niet bij Pol en klein Pierke, die zit bij de mediaconcerns, bij diegenen die bepalen wat u mag zeggen en wanneer, bij de regeringen (die uw geld voor hún geld houden), en bij de rechterlijke en politionele arm die hun bevelen opvolgen. “Geloof aan de waarheid” is dus niet helemaal een juiste tip: zoék naar waarheid zou correcter zijn (de les “Frage nach und überprüfe” zou hier dus meteen aan moeten gekoppeld zijn en niet apart staan). En leer onderweg dat die zoektocht een leven lang kan duren.

“Kijk mensen in de ogen en spreek met anderen”, “Doe aan fysische politiek”, “Leid een privé-leven”, “Engageer je voor een goed doel”, “Leer van gelijkgezinden in andere landen”. Vijf hoofdstukken bij Snyder die nauwelijks los van elkaar te zien vallen en die minstens één ding gemeenschappelijk hebben: ze worden waar mogelijk bemoeilijkt, ontmoedigd door democraturen allerhande in de zogenaamde strijd tegen corona. Ogen alleen zeggen niet alles; mensen lezen gezichten, geen halve gezichten. Fysische politiek kan alleen nog als je de regels van de overheid overtreedt. Een privé-leven zit er niet meer in als je overal appjes of formulieren voor nodig hebt. Je engageren in een goed doel kan alleen nog als je dat niét fysiek wil doen. Leren van mensen in andere landen alleen nog als je voorbij de censuur van Big Tech kunt komen.

“Let op met gevaarlijke woorden”: “Gebruik de woorden extremisme en terrorisme alleen met het grootste voorbehoud. Wees je ervan bewust welke fatale betekenis begrippen als noodtoestand en uitzonderingstoestand hebben. Wees woedend als iemand vaderlandslievende woordenschat op achterbakse wijze gebruikt.” Moet ik déze nog toevoegen aan voorgaande vijf om duidelijk te maken dat als onze regimes het woord “vrijheid” gebruiken, spreken over een “team van 11 miljoen” en ter gelijker tijd spreken van “noodtoestand”, “uitzonderlijk”, “complotdenkers”, “wappies”, “extremisten”, enzovoort, dat er dan niet één belletje maar honderden zouden moeten gaan rinkelen? En dat die letterlijk bij zo goed als geen enkele politicus (in Nederland wil ik Forum voor Democratie even als een uitzondering beschouwen, in belgië zijn er geen uitzonderingen), in zo goed als geen enkel medium, bij zo goed als geen enkele opiniemaker afgaan ?

“Blijf rustig als het ondenkbare gebeurt”: “Moderne tirannie is terreurmanagement. Als het tot een terreuraanslag komt, denk er dan aan, dat autoritairen zo’n gebeurtenissen gebruiken om hun macht te vestigen”. En te versterken. En dat we zo op no time van militairen op straat naar politie in uw huis vanwege het feit dat u drie vrienden ontvangt, zijn gegaan.

Kortom, veel zinnige, zij het ook niet originele, lessen in dit boekje van Timothy Snyder. Maar altijd met de bedenking, op z’n minst van mijnentwege, dat hij dit boekje heeft geschreven vanuit een vicerale afkeer voor Trump. Trump die toen in de Verenigde Staten nog niet aan de macht was (intussen dus ook niet meer) en waartegen Snyder meende de gevestigde instellingen te moeten verdedigen. Trump was een “nationalist”, schreef hij, in hoofstuk 19, “Sei patriotisch”, maar geen patriot, een onderscheid dat de auteur maakt op basis van “universele waarden” en een of ander “ideaal” dat de nationalist niet zou hebben en de patriot wel. En daarom moet je dus “patriottisch” zijn. Een zeer eigenaardige stellingname als je weet dat fascisme, nationaal-socialisme en communisme net hun oorsprong vonden in het idee dat er “universele waarden” zijn en dat iedereen het ideaal van het “vaderland” moét volgen. “Verdedig instellingen”, schrijft hij in hoofdstuk 2, zonder er rekening mee te houden dat die instellingen perfect van binnenuit kunnen uitgehold worden en dat de beste verdediging van de instellingen er dus in kan bestaan de buitenkant ervan te slopen en ze te herstellen in hun essentie. Denk maar aan onze democratieën die zo goed als allemaal democraturen zijn geworden. “Hoed je voor de eenpartijstaat”, voegt hij er aan toe in hoofdstuk 3, zonder er voor te waarschuwen dat een systeemstaat minstens even gevaarlijk en véél geniepiger is. Politieke keuze is in landen als belgië net zo illusoir geworden als keuze tussen producten (met firma’s als Unilever, die schijnbaar concurrerende producten aanbieden) of keuze tussen media (die alleen nog in details van mekaar verschillen). Al die keuzes vinden plaats binnen een reusachtige versie van de grot van Plato, meer niet. Wie dát meent te moeten verdedigen als alternatief voor pakweg de Chinese eenpartijstaat, is ofwel een oplichter ofwel dom ofwel minstens gedeeltelijk verblind door in dat vuur te kijken waar Plato ook voor waarschuwt.

Amerikanische-Krankheit_Cover-182x300.jpgNaar mijn mening heeft Snyder net iets te lang in dat vuur gekeken. Hij heeft een aantal zaken correct gedefinieerd, geïdentificeerd bij anderen, maar heeft ook een aantal updates gemist. Beetje verloren kansen, vooral als je weet dat dit boek gedurende de hele ambtstermijn van Donald Trump een bestseller is geweest in de Verenigde Staten. Er was een correctie mogelijk geweest in zijn recent uitgebrachte boek Our malady – Lessons in liberty from a hospital diary, maar in wat ik daarover lees, zie ik weerom dezelfde blinde vlekken opduiken. Maar goed, voortschrijdend inzicht kan altijd nog optreden en met het nodige voorbehoud voor genoemde blinde vlekken, is dit boekje hoe dan ook het lezen waard.

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Les Carnets secrets du Général Huntziger - 1938-1941

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Les Carnets secrets du Général Huntziger - 1938-1941
 
Recension:
Les Carnets secrets du Général Huntziger (1938-1941)
Présentation et notes de Max SCHIAVON
Editions Pierre de Taillac, 2019, 350 pages.
 
Ex: https://vk.com/id596716950
(Compte vk de Jean-Claude Cariou)

-1QSPOQIp1Y.jpgAncienne cheville ouvrière de la victoire majeure de l’armée d’Orient en 1918 et favori bien placé pour la succession de Gamelin au poste de généralissime, le général Charles Huntziger était en 1939 l’un des grands talents du haut commandement de l’armée française. Chef de la IIe armée lors de la percée allemande décisive des Ardennes en mai 1940, il est chargé d’assumer le rôle peu enviable de principal signataire français de l’armistice de Rethondes. Il devient ensuite un des hiérarques du régime de Vichy, d’abord à la Commission d’armistice de Wiesbaden puis en tant que Ministre de la Guerre. Il meurt dans un accident d’avion en novembre 1941, laissant pour l’Histoire le renom controversé d’un protagoniste clé des débuts de la Collaboration d’État.
Ces traits biographiques soulignent l’intérêt historique des carnets personnels rédigés par le général Huntziger durant ces années critiques. L’accord donné par sa famille à la publication de ces textes inédits, demeurés dans l’état où les avait laissés la disparition brutale de leur auteur, permet d’enrichir d’un éclairage nouveau les événements auxquels il a participé de 1938 à 1941, vus depuis les sphères haut placées au sein desquelles il évoluait.

Le texte est divisé en cinq parties de format inégal. Les deux premières portent sur les mois de l’immédiat avant-guerre et ceux de la Drôle de guerre. Elles permettent de brosser les traits de personnalité de Huntziger, homme de droite frayant avec des notables de l’Action française, antisémite avéré et chef militaire animé par la hantise d’une trahison de l’intérieur de la part des communistes. Il n’en formule pas moins un saisissant tableau du climat d’intrigues et des dysfonctionnements structurels qui dérèglent les organes supérieurs de décision. L’incurie de Gamelin est à la fois l’expression déplorable de sa personnalité et le reflet du caractère incroyablement brouillon du pouvoir politico-militaire, où les décisions des dirigeants politiques et les conceptions des chefs militaires sont aussi flottantes les unes que les autres. Dans cet incertain bouillon de culture, Huntziger nourrit le sentiment peu rassurant que leurs actes respectifs ont plus pour boussole les calculs individuels que les urgences du pays. En guise de grain de sel, quelques anecdotes absurdes donnent un ton décalé au climat de crise morale dans lequel la guerre s’amorce : ainsi des mésaventures bovines de la belle-sœur du président Lebrun !

Le carnet consignant les notes de Huntziger sur la bataille de France révèle un chef déstabilisé par la débâcle de mai 1940, où il se montre défaillant et peu lucide face à la percée blindée allemande qui enfonce son propre front à Sedan. Assez passif devant ce revers majeur, il semble sur le moment plus soucieux de la cohésion tactique de son dispositif que de l’urgence stratégique de contrer à tout prix l’assaut ennemi. Il parvient néanmoins à minimiser adroitement sa propre responsabilité dans cette catastrophe. Au sein du drame collectif qui s’ensuit, il ne mesure pas bien l’effondrement de ses propres troupes, mais son képi étoilé prend acte assez lucidement que sa science de la guerre est dépassée et que son univers de chef a perdu tous ses cadres de référence. Entre ingénierie de la déroute et capharnaüm de fin d’un monde, ses appréciations combinent lucidité, impuissance et pessimisme. Mais même dans cet infernal tourbillon, l’ego ne s’efface jamais tout à fait : au fond du pire, Huntziger continue à ruminer des spéculations sur ses possibilités d’accession au poste de généralissime…
La séquence se clôt par l’amère mission sacrificielle de diriger les délégations françaises chargées de signer les deux conventions d’armistice avec l’Allemagne et l’Italie. On prend connaissance avec intérêt des impressions personnelles de l’intéressé sur les discussions de Rethondes. Puis Huntziger occupe pendant les deux mois et demi suivants les fonctions de chef de la délégation française à la commission de Wiesbaden.
 
Ses écrits de cette période sont édifiants sur l’admiration qu’il voue étonnamment vite à l’adversaire, sans doute accélérée par le lourd traumatisme que constitue à l’époque la tragédie de Mers-el-Kébir. Mais ils démontrent également son sentiment d’impuissance accablée face à l’impitoyable régime d’ultimatums que lui imposent les Allemands, et sa désillusion à l’égard de l’ambiance qui règne au sein des instances vichystes.

Il accepte pourtant ensuite d’intégrer le gouvernement du maréchal Pétain au poste clé de Ministre secrétaire d’État à la Guerre. Cette période couvre l’ultime tranche de ses carnets secrets. Le voilà parvenu au sommet, mais au sommet de quoi sinon une dérisoire armée-croupion, dans un régime de la défaite dont la marge de manœuvre est insignifiante ? Ses réactions le situent comme à la fois Maréchaliste et Lavalophobe. Conscient des pressions et du rapport de force arbitraire imposés par les Allemands, Huntziger adhère néanmoins à la Collaboration. Tout en travaillant souterrainement au renforcement des troupes des colonies et en se positionnant comme un ferme soutien de Weygand, il se montre un adversaire sans équivoque des dissidents gaullistes. On suit avec curiosité la chronique tourbillonnante qu’il donne des révolutions de palais à la cour thermale de Vichy. Après la disgrâce de Laval, il témoigne de très peu d’affinités, entre guerre des boutons entre marins et terriens et divergence politique de fond, envers le nouvel homme fort du régime, l’amiral Darlan. Dans les derniers mois qui précèdent sa disparition accidentelle en novembre 1941, Huntziger perd toute illusion sur les intentions allemandes et marque une volonté croissante de céder le moins possible à leurs exigences. Cette attitude semble prendre le caractère d’une forme de Collaboration réticente motivée par la résignation. Même s’il n’en fait aucune mention dans ses écrits intimes, il est par ailleurs attesté que le général commence alors à couvrir certaines opérations secrètes de renseignement et de camouflage des matériels.

Le mérite de l’édition scientifique scrupuleuse de ces carnets revient à Max Schiavon, auteur de biographies de référence sur d’autres chefs marquants de 1940 (Weygand, Corap, Georges, etc.). La transcription du texte courant noté de façon parfois télégraphique par Huntziger est attentive et accompagnée par un appareil critique minutieux et documenté, qui éclaire sans complaisance les prises de position de son sujet. Des pièces annexes et un index (pas tout à fait exhaustif, si l’on en juge par le cas du général Bührer, rival putatif de Huntziger, dont trois mentions ne sont pas répertoriées) font de cette publication un outil de travail solide. Les carnets secrets du général Huntziger s’avèrent donc une source documentaire de premier ordre, dont la contribution enrichit indéniablement le dossier du grand effondrement français de 1940 et ses conséquences. Avec l’impression vertigineuse, pour le lecteur en apnée dans ces pages, d’y assister à une pathétique course de canards sans tête au fond d’un panier de crabes bien glauque…
 

mercredi, 03 mars 2021

"Survivre à la guerre économique" avec Olivier de Maison Rouge

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"Survivre à la guerre économique" avec Olivier de Maison Rouge

"La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde". Ces mots du président Mitterrand n'avaient rien d'une fable, la guerre économique et bien là et elle est totale. C'est ce qu'a voulu démontrer maître Olivier de Maison Rouge dans son ouvrage "Survivre à la guerre économique - Manuel de résilience" publié chez VA Editions. Il revient sur les principales attaques de "l'allié américain" : Prism, Alstom... sur la politique de censure des GAFAM, le grand Big Brother et décrit les contours de la politique publique de sécurité économique dont la France s'est dotée en 2019 pour tenter de survivre face à Washington.
 
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Rémi Soulié évoque « Les Métamorphoses d’Hermès »

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Rémi Soulié évoque « Les Métamorphoses d’Hermès »

Entretien

Ex: https://www.breizh-info.com

Qui ne connaît pas Hermès, fils de Zeus et de la nymphe Maïa, protecteur des voyageurs et des voleurs, messager des dieux ? Son association au logos, au discours raisonné, est en revanche moins connue, bien qu’elle soit nécessaire à son rôle de messager. C’est cette facette méconnue que Rémi Soulié, dans un livre intitulé Les Métamorphoses d’Hermès paru aux éditions La Nouvelle Librairie (collection Longue mémoire de l’Institut Iliade) s’attache à révéler et à expliquer. Dieu d’une connaissance sacrée et voilée, Hermès donne son nom à l’hermétisme, doctrine ésotérique particulièrement utilisée par les alchimistes, et à l’herméneutique, science du déchiffrement et de l’interprétation de textes.

Pour partir à la rencontre d’Hermès avant que vous ne vous penchiez dessus plus en détail dans l’ouvrage (à commander ici), nous avons interviewé Rémi Soulié.

Breizh-info.com : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Rémi Soulié : C’est pour votre serviteur un exercice plus difficile qu’il n’y paraît ! Disons que je suis écrivain et philosophe, que j’ai publié une dizaine de livres dont le dernier s’intitule Racination et qu’il a paru en 2018 aux Éditions Pierre-Guillaume de Roux. Comme vous êtes également « enracinés », je précise que la question de l’enracinement traverse tous mes livres, qu’elle en est même la trame et…que j’étais cet été dans votre pays breton, que j’aime beaucoup, sur les traces de Saint-Pol-Roux, Georges Perros et Xavier Grall (après avoir vécu une curieuse expérience, il y a quelques années, à la Fontaine de Barenton, sur laquelle s’« ouvre » mon prochain livre, L’Éther – où il sera question de l’unité de l’enracinement terrestre et céleste.) Mon pays est occitan, c’est le Rouergue – lequel correspond, à quelques paroisses près, à l’actuel département de l’Aveyron. Il occupe une grande place dans mes livres, qu’elle soit centrale ou « disséminée ».

Au moment de vous répondre, je songe également que La Nouvelle Librairie réédite bientôt L’Ile aux trente cercueils, de Maurice Leblanc, que j’ai eu le plaisir et l’honneur de préfacer : il y est question de la Bretagne, des Celtes et de l’Europe. Arsène Lupin y est rendu à lui-même, contre les manipulations en cours.

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Breizh-info.com : Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser au personnage mythologique d’Hermès ? Qui est-il ?

Rémi Soulié : Je me suis intéressé à Hermès à partir de la pensée hermétique, sur laquelle je reviendrai.

A mes yeux, il est moins un « personnage mythologique », au sens où nous entendons aujourd’hui cette formule, qu’un dieu grec (mais pas « seulement ») et je fais partie de ceux pour qui les dieux ne sont pas morts. Je veux dire par là que le « Dieu est mort » de Nietzsche – constat de décès indubitable – s’applique au dieu moral et, pour une part, au dieu unique, mais que le divin, si crépusculaire soit-il, demeure. Au fond, c’est surtout nous qui sommes crépusculaires, nous, les derniers hommes, les tard venus, qui avons perdu la vue et l’ouïe au point de ne plus voir la merveille du monde, il est vrai recouverte par les monceaux d’ordures de l’industrialisme et du capitalisme planétaires.

Cet été, j’ai donc été me recueillir sur la tombe de Saint-Pol-Roux et de sa fille Divine – sans commentaire… – puis je me suis rendu sur les ruines de son manoir. Je peux vous dire que les dieux étaient là, comme ils étaient à Ouessant, où je me suis rendu quelques jours plus tard. Pour de très nombreuses raisons, la Bretagne est une terre sacrée.

Mais revenons à Hermès, quoique nous ne l’ayons quitté qu’en apparence. Traditionnellement associé aux échanges, il est un dieu de l’entre-deux, un dieu messager et intercesseur dont les ailes lui permettent d’aller et de venir des dieux aux mortels, de l’Empyrée aux Enfers, en particulier pour porter la parole de Zeus. En tant quel tel, il détient une connaissance, un savoir, un pouvoir d’ « in-formation », ce qui ouvre le champ des formes, donc, de la métaphysique. Espiègle, joueur, rieur, il ne nous élève pas moins vers les sommets. En serviteur inutile, j’ai voulu contribuer à l’« arracher » à ceux qui voudraient en faire le dieu de la « communication », au sens moderne, qui est donc l’autre nom de la surdité et de la cécité. Hermès ouvre à l’épaisseur mystérieuse des mondes. Comme Hamlet, avec qui il partage la même initiale, il sait qu’il y a plus de choses sur la terre et dans le ciel que n’en rêve notre philosophie. D’ailleurs, le H a la forme d’une échelle, qu’elle soit de Jacob, de S. Jean Climaque ou de Dame Alchimie, et une échelle, ça se monte et ça se descend. Les Modernes, eux, vivent dans la seule dimension d’une horizontalité qu’ils pensent, sans rire, égalitaire. Un peu plus de H, pour la route – de H et d’Héros : ceux de Hiérarchies, Hiérogamies…

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Breizh-info.com : Qu’est-ce que l’herméneutique ? L’hermétisme ?

Rémi Soulié : L’herméneutique est l’art de l’interprétation des signes que j’entends, ultimement, comme symboles. Autrement dit, il est l’art de voir l’esprit vivant sous la lettre morte, qui est l’autre nom de la pensée. L’hermétisme, quant à lui, permet de comprendre qu’en fait, la lettre et l’esprit ne s’opposent pas, qu’ils sont l’un et l’autre prodigieusement vivants, qu’ils s’interpénètrent comme l’âme et le corps en un ensemble subtil, sub-tela, sous la toile, sous le tissu, sous le textile, donc, sous le texte du monde, auquel il est le répons. Nous lui avons substitué, en parodistes, l’écriture juridique, l’écriture morte d’une langue morte. Aux herméneutes (aux poètes, si vous préférez) s’est substituée ce que Péguy appelait l’« avocasserie ». Les Modernes se gargarisent de l’inflation des lois écrites, comme dans toutes les époques de très grande corruption, or, les lois et les règlements modernes sont de la mort en barre : le juridisme embaume un ordre mort, celui de l’État de droit. Partout, le mécanique s’est substitué à l’organique. Cette horreur contractuelle est d’ailleurs logique puisque nous sommes des cadavres qui, en ayant perdu le symbole, avons perdu la vie. Nous sommes quelques-uns à être éveillés, à être sortis de la Matrice, mais un trop grand nombre de nos contemporains a encore le sommeil lourd et prend le cauchemar pour un rêve – c’est vous dire à quels points ils dorment debout. A leur décharge, l’hypnose spectaculaire est incessante… Notre ascèse consiste à nous situer au plus près du réel, du pays réel, du pays des merveilles, comme Alice. L’enfance, en effet, a toujours raison. L’Hermès de l’Hymne homérique est bien entendu un dieu enfant. Il ne faut jamais croire les « grandes personnes », comme disait Bernanos. Les « vieux » mentent (d’où leur grimage « jeuniste »). En ce qui me concerne, je tends à l’Imitation du Ravi de la crèche, de l’Idiot du village planétaire, du Simplet de Blanche-Neige (le nom de ce conte – il faut toujours en revenir aux contes – est d’ailleurs devenu intolérable ; quel racisme ! De ce point de vue, relisons Patrouille du conte, de Pierre Gripari qui, comme tous les grands écrivains, fut un visionnaire). Je pourrais aussi bien évoquer les Gens du blâme, les Fols en Christ ou le Fou du tarot. Chaque fois que je croise un technocrate ou un oligarque, je rigole. Dèmos Roi est à poil et il ne le voit pas. La démocratie libérale requiert une pataphysique. C’est un nouveau chantier, très exaltant.

Breizh-info.com : En quoi est-il nécessaire de se replonger dans notre mythologie, à l’heure actuelle, pour avancer ?

Rémi Soulié : Il faut en effet renouer avec le mythe qu’une raison étriquée a trop longtemps relégué, sinon, à l’enfance de l’humanité (le « raisonneur métis », comme disait Gobineau, est progressiste), du moins, à des balbutiements prélogiques, pré-rationnels ou magiques alors que le mythe, pour parler un langage hégélien, est la révélation de l’Esprit à lui-même, donc, à nous-mêmes. Le démocrate déconstructeur et déconstruit, qui passe donc son temps à « se reconstruire », bricole du sens provisoire pour ne pas se tuer alors que le sens est prodigalement et prodigieusement donné. C’est un cadeau, un don, un présent, le présent du présent en quelque sorte, qui est l’éternité même, et même l’Ethernité, comme dirait le Docteur Faustroll. Les petites subjectivités électorales-stercorales n’en connaissent que la parodie démoniaque. Seul compte le Graal, vous le savez bien. La chevalerie est le seul souci politique.

Le mythe excède donc l’usage instrumental de la petite rationalité technique moderne. Comme tel, il est le poème accompli de la vie et du sens dévoilé – plus que « révélé », d’ailleurs, car il excède également les religions dites du salut et leurs révélations historiques plus ou moins concurrentes, juive, chrétienne, arabo-islamique. Le mythe les englobe et les dépasse comme il englobe et dépasse l’Histoire dite sainte. Quel paradoxe de l’avoir associé à la fabulation supposée des fables alors qu’il est le juste chant harmonieux de l’Âme du Monde, le chant des Muses ! Combien notre monde spectaculaire de toc, de stuc et de kitsch est-il inconsistant comparativement à cette Grande parole !

Breizh-info.com : Vous avez donc publié Racination, en 2018, chez Pierre Guillaume de Roux, disparu il y a peu. Un commentaire sur sa disparition ?

Si vous le permettez, vous pouvez indiquer à vos lecteurs le site d’Éléments, où je me suis exprimé, avec d’autres, sur cette terrible et douloureuse nouvelle : https://www.revue-elements.com/pierre-guillaume-de-roux-c...

Je connaissais Pierre-Guillaume de Roux depuis plus de vingt ans, depuis la publication de mon deuxième livre, consacré à son père, Dominique de Roux. Nous avons échangé des mails trois jours avant son décès. Élégant jusqu’au bout, enthousiaste et jovial, il n’a rien laissé paraître. Je pleure, comme tous ses amis, un homme intègre, droit, rigoureux, acharné à défendre l’idée qu’il se faisait de la littérature jusqu’à l’héroïsme, tant la situation économique était difficile. Comme toujours, on ne mesurera pleinement que dans quelques années ce que fut son œuvre. Hors le courage et le goût, sa plus grande qualité fut peut-être la discrétion. Pierre-Guillaume de Roux travaillait ; il « ne la ramenait pas », comme tous les grands. Cela ne vous étonnera pas : il dort à Avallon, à Avalon, où ces deux ailes l’ont emporté.

Propos recueillis par YV

Photo d’illustration : DR
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mardi, 02 mars 2021

Lecture de « La Billebaude »

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Lecture de « La Billebaude »

par Eugène KRAMPON

Ex: http://www.europemaxima.com

C’est une lutte à mort qui aujourd’hui s’est engagée entre deux visions du monde totalement incompatibles : l’identité contre le cosmopolitisme, l’enracinement contre le nomadisme, la tradition contre le Progrès. Dans ce combat dantesque, pour nous autres militants identitaires, lire Vincenot est toujours un bain de jouvence, et pour beaucoup, un retour à nos racines paysannes toujours présentes dans notre longue mémoire et dans nos veines. Lors de la parution de l’ouvrage en 1978, les Français ne s’y sont d’ailleurs pas trompés : « De toutes les tribus, ils m’écrivent » disait l’auteur car ce qu’il racontait, c’était tout bonnement ce que nos parents avaient vécu eux aussi, qu’ils soient gaulois d’Auvergne, de Touraine, du Poitou, du Quercy, du Saintonge…

81toqG+L0QL.jpgUn biotope gaulois

Orphelin à l’âge de 8 ans, Henri Vincenot va passer une large partie de son enfance chez ses grands-parents, à Commarin, dans la montagne bourguignonne. Si dans la plaine, l’aristocratie est largement d’origine burgonde (peuple germain issu de l’île de Bornholm dans la Baltique et qui a donné son nom à la Bourgogne), dans la vallée de l’Ouche et dans la montagne, le peuplement est clairement d’origine celtique. En ce premier tiers du XXe siècle, époque à laquelle se déroule La Billebaude, les traditions venues du fond des âges sont encore bien présentes et vécues au quotidien. Il faut dire que nous sommes encore dans le cadre d’une civilisation lente, non encore emportée par le cancer du Progrès, qui vit encore au rythme des saisons et dont la seule richesse n’est que le fruit du travail de la terre et de ce que la forêt donne en cadeau : gibier, fruits, plantes médicinales. Pour s’en convaincre, il n’est que de relire de Vincenot également La vie des paysans bourguignons au temps de Lamartine. À croire que le temps, pour le plus grand bonheur des hommes, s’était arrêté avant la grande fuite an avant, vers le néant des temps modernes.

Il n’est de richesse que d’hommes

La Billebaude, c’est aussi la rencontre de personnages souvent hauts en couleur, comme il en pullulait encore dans tous nos terroirs de France il n’y a pas encore si longtemps : d’abord les deux grands-pères de l’auteur, chasseurs hors pair, l’un et l’autre Compagnons du devoir (l’un est forgeron, l’autre sellier-bourrelier), véritables aristocrates du travail manuel, un garde-chasse doublé d’un braconnier qui connaît la forêt comme sa poche, un chemineau (pas un cheminot, rien à voir avec le chemin de fer) qui erre sur tous les chemins de Bourgogne, conteur de légendes anciennes, connaissant toutes les familles et leurs secrets, dormant là dans un fossé, là dans une grange, des femmes connaissant toutes les vertus des plantes et capables de soigner aussi bien une angine, un rhumatisme, une plaie profonde, une morsure… Le voilà ce peuple celtique au sein duquel grandit notre auteur, au sein d’un village encore très marqué par une puissante vie communautaire.

CVT_La-Billebaude_3065.jpegLa dimension du sacré

Dans ces années 20 en Bourgogne, les traditions païennes sont encore bien présentes. L’Église le sait mieux que toute autre puisque pour une fois main dans la main avec les instituteurs laïcs, elle s’attache à éradiquer ce qu’elle appelle les « superstitions » qui ne sont pas autre chose que des traditions, croyances et légendes qui ont peu à voir avec le désert du Sinaï mais beaucoup avec la Tradition primordiale celtique. Même le missel local a une dimension ethnique puisqu’il est intitulé « Missel éduen », nom du peuple celte installé depuis l’Âge de Bronze sur les contreforts de la montagne du Morvan.

Ces Gaulois de la montagne sont certes attachés à leurs églises et à ses rites pagano-catholiques, pour autant, leur véritable temple, leur sanctuaire, c’est la forêt primaire et son bestiaire sacré, sangliers, cerfs et chevreuils qu’ils traquent dans des parties de chasse épiques, à la billebaude c’est-à-dire à la rencontre, sans traque organisée. La chasse que Vincenot découvre avec son grand-père deviendra une des grandes passions de sa vie. C’est au cours de l’une d’elle, poursuivant un chevreuil, qu’il atterrit dans le hameau abandonné de la Pourrie, « cinq feux dans la vallée de l’Ouche », ancien lieu de vie d’une petite communauté cistercienne qu’il réhabilitera et dans lequel il repose depuis 1985, avec son épouse et un de ses fils, sous une pierre granitique gravée d’une croix celtique. Il est des symboles qui ne meurent jamais…

Eugène Krampon

• D’abord mis en ligne sur Terre et Peuple, le 17 février 2021.

vendredi, 26 février 2021

Les Pages nordiques de Robert Steuckers

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Les Pages nordiques de Robert Steuckers

par Georges Feltin-Tracol

Recension: ROBERT STEUCKERS, Pages nordiques. Fidèles à Thulé, Éditions du Lore, 2020, 100 p., 15 €.

Les excellentes Éditions du Lore poursuivent à un rythme toujours soutenu la publication des nombreux articles, recensions et conférences de l’Européen Robert Steuckers. Après Pages celtiques en 2017 (cf. SN 48), voici maintenant un nouveau recueil qui explore un monde nordique souvent lié à l’univers celtique.

Dix textes forment cet ouvrage qu’il importe de mettre dans toutes les mains, à l’exception de ceux qui croient encore à la fable de la « Lumière » venue d’Orient, de Mésopotamie et d’Afrique. Aidé par les découvertes archéologiques, Robert Steuckers examine d’un œil neuf la thèse de Jürgen Spanuth pour qui l’Atlantide se situe en Mer du Nord et dont l’île d’Héligoland serait l’une des dernières traces physiques.

L’ancien directeur des revues Vouloir et Orientations insiste sur l’action des Vikings, en particulier en Amérique du Nord dès l’An Mil. Leurs multiples expéditions et les leçons qu’ils en tirent alimenteront bien plus tard la curiosité du Génois d’origine corse Christophe Colomb. L’auteur établit par ailleurs une chronologie didactique dédiée au « Retour de la conscience païenne en Europe » de 1176 à 1971. On y apprend que le poète pan-celtique Charles De Gaulle (l’oncle de…) « appelait [...] les peuples celtiques à émigrer uniquement en Patagonie » nommée par le Gallois Michael D. Jones « Y Wladfa ». Ce dernier décida d’y implanter une colonie éphémère. Quel impact a eu cet article de 1864 sur le futur roi des Patagons Orélie-Antoine de Tounens ? La patrie patagone chère à Jean Raspail aurait-elle donc une origine celtico-nordique projetée dans l’hémisphère austral ?

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L’auteur de Pages nordiques évoque enfin le culte de la Déesse-Mère. Il remarque que « la Terre-Mère, dans ces cultes, est fécondée par l’astre solaire, dont la puissance se manifeste pleinement au jour du solstice d’été : la religion originelle d’Europe n’a donc jamais cessé de célébrer l’hiérogamie du ciel et de la terre, de l’ouranique et du tellurique ». On a perdu Alice Coffin et Pauline Harmange !

Avec son immense érudition, son sens de l’éclectisme et sa polyglossie, Robert Steuckers interprète depuis un angle différent les références spirituelles de la civilisation européenne. Celle-ci ne se cantonne pas au triangle Athènes – Rome – Jérusalem. Elle intègre l’héritage du Nord et de l’Ouest. On attend par conséquent avec les prochains volumes : Pages slaves, Pages germaniques, Pages latines, Pages balkaniques, Pages helléniques, etc.

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Pour commander l'ouvrage: http://www.ladiffusiondulore.fr/home/849-pages-nordiques-fideles-a-thule.html

 

lundi, 22 février 2021

Jeunesse électrisante

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Jeunesse électrisante

par Duarte Branquinho


Entre le temps qu'il consacre au magazine "Réfléchir & Agir" et aux éditions Auda Isarn, Pierre Gillieth a réussi à écrire un nouveaux roman, qui est cette fois un voyage autobiographique à travers le militantisme actif et radical et la fuite du milieu familial bourgeois, parsemé d'aventures violentes et amusantes mais aussi de déceptions, de camaraderie, de sexe et de rock. C'est un témoignage précieux parce qu'il est fidèle à la passion et au dévouement à une cause, mais plus encore parce qu'il est magnifiquement écrit.

51DKP6LQs4L._SX330_BO1,204,203,200_.jpgJ'ai rencontré Pierre Gillieth il y a 15 ans à la Table Ronde, la réunion annuelle de l'association Terre et Peuple, présidée par Pierre Vial. Je lisais et aimais le magazine "Réfléchir & Agir" et j'ai voulu rencontrer les personnes qui en sont responsables. Au stand, j'ai parlé pour la première fois avec Eugène Krampon et Pierre et je me souviens avoir ri ensemble tout en satisfaisant notre curiosité, comme des camarades européens qui se reconnaissaient. C'est une amitié qui naît immédiatement et un contact qui se maintient, dans les voyages en France, dans l'échange de correspondance, dans les lectures.


C'est pourquoi, lorsque j'ai appris que "Western électrique" était sorti, je lui ai envoyé un message disant que je voulais recevoir le livre afin de pouvoir le lire le plus rapidement possible. Je l'ai dévoré dès que j'ai pu et j'ai frissonné devant tant de passages où il semblait que je lisais "mon" histoire. Mais ces "années de jeunesse déguisées en romantisme", comme il le décrit dans sa dédicace, nous donnent bien plus qu'un simple exercice d'identification. Elles sont l'affirmation d'un talent littéraire qui a eu le courage de se battre pour ce en quoi il croyait, en s'échappant de la cage dorée du confort matériel et d'un avenir garanti, en militant politiquement dans sa jeunesse et en poursuivant jusqu'à ce jour un combat culturel remarquable et ininterrompu.

Chef-d'œuvre

Kas-Product-so-young-but-so-cold.jpgFaire l’éloge du travail d'un ami peut être suspect, mais dans ce cas, c'est très facile. Bertrand, le personnage principal de ce roman autobiographique, ne s'identifie pas au milieu bourgeois de sa famille riche et influente, aussi opulent que futile, et au grand étonnement de ses proches milita au Front National de Jean-Marie Le Pen, contre l'invasion des immigrés et dégoûté par l'apathie de tant de Français face à la mort imminente de leur pays, une France qui aujourd’hui n’existe plus.
C'est la ligne directrice d'une histoire personnelle de rencontres et de décalages, de découvertes et de désillusions, avec de la musique, des bagarres et du sexe. Une histoire raconté dans un style fluide mais soigné et complexe, complet aussi, avec des descriptions détaillées et des dialogues vifs, de l'authenticité intime et du mordant brut, des références érudites et des ironies précises, et avec des changements de rythme si bien faits qu'ils rendent le récit irrésistible. Mieux encore, la fin est aussi inespérée que révélatrice. Il y a aussi dans ce livre une passion déclarée pour la ville de Toulouse, dont la complicité se manifeste, par exemple, dans le passage extraordinaire suivant, après une rencontre amoureuse : “Je repartis songeur, amer et fatigué, le long du quai, avec la Garonne argentée à mes pieds. Elle ne me trahirait jamais’’.


Je regrette seulement que "Western électrique" n'est pas aussi long que "Gilles" de Drieu la Rochelle, car lorsque j'ai terminé ses cent cinquante pages, j'en ai voulu de plus en plus. .. Ce qui compte, c'est que Bertrand, pardon, Pierre, a beaucoup d'autres histoires à raconter et beaucoup de talent pour les écrire. Attendons...

dimanche, 21 février 2021

Gustavo Bueno : le fétiche d'une "nouvelle droite espagnole" qui n'est pas tout à fait au point !

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Gustavo Bueno : le fétiche d'une "nouvelle droite espagnole" qui n'est pas tout à fait au point !

Par Javier de la Calle

http://ramblalibre.com/2021/02/21/

Au milieu du paysage intellectuel appauvri de l'Espagne, qui est lui-même le résultat d'un déclin national, nous devons saluer l'apparition de ce nouveau livre : Ensayos Antimaterialistas, de Carlos X. Blanco (éditeur :Letras Inquietas, 2021).

Le titre est comme un miroir quelque peu moqueur de ce livre mythique de Gustavo Bueno, Ensayos Materialistas, paru en 1972, année désormais lointaine, dans la non moins mythique maison d'édition Taurus.

Ensayos Materialistas de Gustavo Bueno était l'un des livres les plus complexes et les plus mal compris de la production philosophique du philosophe asturien défunt. Si la philosophie est un arbre à plusieurs branches (philosophie politique, philosophie des sciences, philosophie du droit, philosophie de la religion...), cet arbre a des racines et un tronc à partir desquels elles doivent pousser et former une épaisse couronne : la métaphysique. Comme Gustavo Bueno a été étroitement touché par les influences du néo-positivisme et du marxisme, qui étaient nettement anti-métaphysiques, cette partie radicale et centrale de la philosophie, qui nous a été présentée dans les Essais Matérialistes, n'a pas voulu être appelée "métaphysique", mais a été divisée en "Ontologie" (l'étude de l'être, du réel) et en "Gnoseologie" (la théorie de la connaissance).

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Les Essais de 1972 contenaient l'essentiel de l'Ontologie de Bueno, une Ontologie matérialiste dont le développement et l'édification ne pouvaient se faire sans développer une gnoséologie. Bueno a entrepris de développer cette dernière de manière très étendue et fébrile, et elle a pris la forme d'une Théorie des sciences : la Théorie de la fermeture catégorielle (TCC) est le monument que nous a légué le défunt philosophe d'Oviedo, qui allait bien au-delà d'être un simple outil au service de l'Ontologie, présentée schématiquement dans les Essais matérialistes de 1972.

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Peu de gens à Oviedo se souviennent encore d'un jeune doctorant et, plus tard, du professeur Carlos X. Blanco (Gijón, 1966) : à l'université où oeuvrait Bueno, il avait développé des aspects pertinents de la TCC en les appliquant à la psychologie, aux sciences cognitives et à l'intelligence artificielle. Ses contributions ont été ignorées, semble-t-il, par les esprits obtus qui entouraient le professeur Bueno, et elles ont été ignorées dans un environnement quelque peu fermé et sectaire. Il s'agissait de contributions qui, à l'époque, impliquaient certaines modifications importantes dans la TCC et dans les relations entre l'ontologie et la gnoséologie. Aujourd'hui, plusieurs décennies plus tard, en 2021, le professeur Blanco, surtout connu pour s’être spécialisé dans l’œuvre de Spengler et dans la révision du marxisme, règle ses comptes dans ces essais compilés pour Letras Inquietas. Dans ce nouveau livre, Blanco souligne l'inadéquation de l'idée même au début du projet de Bueno : le "matérialisme".

unnamed.jpgDans le système de Bueno, qui est aujourd'hui admiré et justifié par des personnes de tendances les plus diverses, dont certaines très atrabilaires, il existe d'énormes contradictions que ce livre examine - patiemment -. À partir des origines staliniennes de certaines des conceptions initiales de Bueno, et de sa détermination absurde à rechercher un "fondement" original pour les systèmes sans solution du matérialisme dialectique et du matérialisme historique, la pensée de Bueno a évolué vers un certain jacobinisme hégélien, hypercritique - parfois à juste titre - de la gauche. De compagnon de route des marxistes dans les années 60 et 70, Bueno au XXIe siècle est devenue un peu le fétiche d'une "nouvelle droite espagnole" qui n'a jamais vraiment pris racine intellectuellement, en grande partie à cause de son allergie à l'activité intellectuelle. Mais entre un ECP déjà inexistant ou testimonial, phagocyté par les podémites, et un parti VOX qui doit encore s’immerger sérieusement dans la philosophie (et dans bien d'autres domaines), l'idée de "Matière" apparaît pour tous comme un volet incongru avec la "mise en œuvre politique" de cette philosophie, aussi inconnue que maladroitement et sectairement divulguée.

Un livre du professeur Blanco qui ne sera pas sans controverse, et qui facilitera l'étude de la pensée de Bueno, dont le problème principal, comme le défend l'auteur depuis trente ans, sont les "buenistas" eux-mêmes.

Carlos X. Blanco : Ensayos antimaterialistas. Letras Inquietas (février 2021)

Pour commander : https://www.amazon.es/dp/B08WS2WNGP?&linkCode=sl1&...

158360_portada_el-mito-de-la-derecha_gustavo-bueno_201505211312.jpgLa critique du système capitaliste prédateur et la restauration d'une communauté organique n'ont pas besoin de "matérialisme". Cette étiquette usée en philosophie ne signifie rien d'autre qu'une adhésion aux résidus de la métaphysique déjà dépassée. Il s'agit d'un lien frauduleux avec les systèmes déjà dépassés du "matérialisme" : l'historique et le dialectique. On dit frauduleux, car Gustavo Bueno a joué à retenir le terme "matière" pour prétendre surmonter, de façon très confortable et avec un jargon ésotérique abondant, les dogmatismes attribués à Marx et Engels, et apparaître comme quelque chose de tout nouveau.

samedi, 20 février 2021

Les Métamorphoses d'Hermès

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Les Métamorphoses d'Hermès

par Christopher Gérard

Ex: http://archaion.hautetfort.com

Dans Racination, un essai d’une vertigineuse densité, publié par le regretté Pierre-Guillaume de Roux, Rémi Soulié convoquait Homère et Hölderlin, Heidegger et Mistral, tant d’autres poètes et voyants, tous singuliers, pour conjurer le grand naufrage et pour exalter « l’amitié originelle et émerveillée avec le monde, le dévoilement de l’universelle sympathie analogique ».

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Rémi Soulié.

Rémi Soulié, dont le patronyme évoque le soleil du Rouergue (pensons à Soulès, le vrai nom d’Abellio, l’un de ses maîtres), y exprimait une saine méfiance à l’égard de l’abstraction qui détache sans pour autant résoudre l’énigme du monde. Cette quête de sens, il la poursuit avec vaillance et ténacité, comme l’un de ces solitaires de jadis, à qui ce Cathare fait parfois songer. Il s’attaque aujourd’hui aux métamorphoses d’Hermès, le fils de Zeus et de Maïa (il rappelle que, en sanskrit, maïa signifie l’illusion), frère d’Apollon et père de Pan, à la fois dieu de l’Olympe et ami des mortels, héraut et messager, interprète de la volonté divine, guide et intercesseur.

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Hermès maîtrise les arts du secret ; il est voleur dès le berceau, un tantintent coquin, parjure même, magicien et, comme le soulignait l’helléniste Walter Friedrich Otto, « maître de la bonne occasion ». Soulié rappelle que ce dieu des passages, capable d’ingéniosité et d’une troublante désinvolture, est présent dans tout l’héritage européen depuis Homère, et jusque dans la pensée mahométane sous le nom d’Idris. Connu aussi sous le nom romain de Mercure, Hermès trois fois très grand continue de fasciner, de l’Egypte (Thot !) à la France du Grand Siècle. Néoplatoniciens, adeptes discrets de l’Art royal, poètes romantiques (Blake !) et scientifiques des confins le saluent à leur manière comme leur guide secret.

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La sienne de manière, à Rémi Soulié, se révèle contre-moderne, révulsé qu’il est par ce qu’est devenu cet homme sans qualités, dur et aveugle, émotif et calculateur.

Un curieux essai à ajouter au Corpus hermeticum et qui paraît chez le même éditeur, dans la même collection que le précieux A propos des Dieux de Jean-François Gautier, un autre ami récemment disparu.

Christopher Gérard

Rémi Soulié, Les Métamorphoses d’Hermès, La Nouvelle Librairie – Institut Iliade, 69 pages, 7€. Chez le même éditeur, Rémi Soulié postface une belle Anthologie Friedrich Nietzsche.

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mardi, 16 février 2021

Jean Parvulesco méritait mieux

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Jean Parvulesco méritait mieux

par Georges FELTIN-TRACOL

Le 21 novembre 2010 décédait à Paris Jean Parvulesco, né en Roumanie le 29 septembre 1929 (jour de la Saint-Michel). Auteur confidentiel à la renommée cryptée et à l’influence souterraine, il intégrait volontiers ses relations amicales dans ses intrigues romanesques et mêlait géopolitique, mystique, ésotérisme et théologie dans des essais audacieux. La minable République des Lettres hexagonale a volontiers négligé cette personnalité ambiguë et fascinante. Le nouvel ouvrage de Christophe Bourseiller, En cherchant Parvulesco, aurait pu éclairer d’un point de vue para-universitaire son parcours intellectuel ainsi que la richesse de son œuvre qui contrastait avec un grand dénuement personnel.

Parvulesco-205x300.jpgÂgé de 63 ans, Christophe Bourseiller a enseigné à « Sciences Porcs » – Paris. Il a écrit une assez bonne biographie sur Vie et Mort de Guy Debord (1999), une remarquable histoire sur les Maoïstes (1996) en France et une très honorable Histoire générale de l’ultra-gauche (2003) qui vient de reparaître sous le titre d’Une nouvelle histoire de l’ultra-gauche. Il présente la fâcheuse manie de rééditer sous un nouveau titre un texte légèrement corrigé. Son intérêt politique ne se limite pas à l’extrême gauche; il concerne aussi l’« extrême droite ». Or, quand il aborde ce sujet, ses travaux reflètent une réelle insignifiance tant leur auteur reste engoncé dans ses préjugés.

Outre l’histoire politique, Christophe Bourseiller se pique d’écrire, de faire du journalisme, d’animer des émissions à la radio et à la télé et de jouer au cinéma. Sa filmographie au cinéma et à la télévision correspond à une cinquantaine d’interprétations. Enfant typique des « Trente Glorieuses », il vit dans un milieu favorisé de théâtreux orienté très à gauche : « Chantal Darget, ma mère, comédienne; André Gintzburger, mon père, auteur et producteur; Mme Darget, ma grand-mère, caissière et figurante; Antoine Bourseiller, mon beau-père, metteur en scène (p. 22). » Au bout de quelques pages, on se demande si l’éditeur ne s’est pas trompé d’appellation. En cherchant Parvulesco ne serait-il pas en fait En cherchant Bourseiller tant une pénible introspection envahit l’ouvrage ? Il rapporte par ailleurs que l’actrice Danièle Delorme et le cinéaste Jean-Luc Godard étaient ses marraine et parrain. « Je n’ai bien entendu jamais pu compter sur aucun des deux (p. 26). »

3019774933.jpgOn devine assez vite que Jean Parvulesco n’est qu’un prétexte facile. Ce livre devrait en réalité s’intituler En cherchant Godard puisqu’il s’agit d’un sordide règlement de compte contre le vieil ami du couple Darget – Bourseiller, qui a vu grandir un jeune Christophe souvent insupportable au point de l’engager pour figurer dans de brefs plans de plusieurs de ses films. Par l’intermédiaire fallacieuse de Jean Parvulesco, Christophe Bourseiller critique son « parrain ». Pourquoi l’auteur du Manteau de glace est-il mentionné dans À bout de souffle et interprété par Jean-Pierre Melville lors d’une scène célèbre ?

Figé dans ses certitudes politiques d’un temps éclairé et progressiste bientôt révolu, Christophe Bourseiller ne comprend pas l’insaisissable Parvulesco. Sur les traces de Dominique de Roux, fondateur de l’« Internationale gaulliste » et auteur en 1967 d’un prophétique L’Écriture de Charles de Gaulle, Jean Parvulesco soutient le « grand gaullisme » continental, une ambitieuse synthèse géopolitique de l’eurasisme, de la Révolution conservatrice germanophone, de la géostratégie fasciste et de l’eschatologie providentialiste d’un alter-catholicisme occulté.

DdR-ecrit0614_194027.jpgCollaborateur à de multiples revues, d’Éléments à La Place royale, Jean Parvulesco a le génie de relier le royalisme traditionnel français à l’idée néo-gibeline européenne, en particulier dans le très méconnu Henry Montaigu clandestinement en Colchide (DVX en 2006 ?). Il pose les bases théoriques d’une entente effective et fructueuse entre le « Regnum Sanctum et […] l’Imperium Sanctum, du Royaume et de l’Empire, de la France et de l’ensemble suprahistorique et de l’unité géopolitique impériale ultime du Grand Continent eurasiatique (p. 28) ». À l’interrogation quasi-manichéenne, « la France ou l’Europe », il postule « pour la France avec l’Europe », car, sans la France, l’Europe serait autre, et, sans l’Europe, la France n’existerait pas.

Il sait que dans une perspective politique messianique, le Grand Monarque français dont on retrouve les variants ailleurs en Europe et au-delà (l’empereur Arthur Frédéric endormi dans les montagnes d’Allemagne centrale, le tsar Dimitri en Russie, le roi Arthur en convalescence en Angleterre, le roi Sébastien au Portugal, voire le retour de l’imam caché du chiisme duodécimain iranien…) sera roi de France et ceindra la Couronne de fer des souverains du Saint-Empire romain germanique. Bien que méconnue de l’historiographie officielle française, la prétention fréquente des Valois, puis des Bourbons, à l’Empire n’en fut pas moins réelle. On peut même estimer que les trois pactes de famille (1733, 1743 et 1761) conclus entre les Bourbons de France, d’Espagne, de Parme et des Deux-Siciles, et l’alliance entre les Capétiens et les Habsbourg à partir de 1756 avec l’appui stratégique de la Russie, s’inscrivent assez tardivement dans cette revendication symbolique forte.

Non content de bousculer les certitudes nationalistes les plus vaines, Jean Parvulesco se plaît à bouleverser la théologie chrétienne. Il assume une hyperdulie radicale et souhaite que l’Église de Rome adopte enfin le dogme de la Coronation de Marie, ce qui en ferait l’Épouse de Dieu. On est bien loin des billevesées de Vatican II et de la xénophilie du pseudo-pape Bergoglio.

Christophe Bourseiller survole donc des écrits complexes et parfois hermétiques. Il préfère flinguer l’ancien « garde rouge » suisse du cinéma français. Veut-il le compromettre a posteriori avec Parvulesco, rédacteur à l’été 1960 dans une revue phalangiste espagnole d’une série d’articles laudateurs sur la « Nouvelle Vague » en qui il remarque une forte inclination néo-fasciste ? En langage cinématographique, En cherchant Parvulesco est un flop, un immense flop éditorial. L’auteur de ce livre paru à La Table Ronde (Revenez Roland Laudenbach !) correspond bien au stéréotype enseignant à l’Institut d’études politiques de Paris. On plaindrait presque les étudiants de la rue Saint-Guillaume si ceux-ci n’étaient pas à 99,99 999 % pétris de conformisme historique, d’aveuglement littéraire et de politiquement correct. Jean Parvulesco méritait mieux qu’un évident travail bâclé.

Georges Feltin-Tracol

• Christophe Bourseiller, En cherchant Parvulesco, La Table Ronde, 2021, 125 p., 14 €.

samedi, 13 février 2021

En cherchant Jean Parvulesco

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En cherchant Jean Parvulesco

par Christopher Gérard

Ex: http://archaion.hautetfort.com

Quelle surprise de voir paraître un essai intitulé En cherchant Jean Parvulesco, sous la plume de Christophe Bourseiller, journaliste, spécialiste de l’ultragauche… et surtout connu comme acteur. Fils de comédiens, il apparaît en effet très jeune dans trois films de  Jean-Luc Godard, son « parrain », aux côtés, le veinard, de Marina Vlady ou de Macha Méril. Avec le recul, il se voit comme un « singe savant » ou, plus âgé (dans les films d’Yves Robert ou de Claude Lelouch), comme « un pitre plein de morgue ».

En réalité, le livre est une sorte de lettre à Godard, pleine d’amertume. Sa première moitié est centrée sur le cinéaste, à la fois placé sur un piédestal et cible de reproches plus ou moins implicites. A l’origine, la fameuse scène d’A bout de souffle où Jean-Pierre Melville, qui joue le rôle d’un écrivain qui s’appelle Jean Parvulesco, répond à Jean Seberg que sa plus grande ambition dans la vie est de « devenir immortel, et puis mourir ».

Christophe Bourseiller semble s’agacer a posteriori de l’importance accordée par Godard à cet inconnu, car, en 1960, Jean Parvulesco n’a rien publié ; il grenouille dans les milieux de la Nouvelle Vague avec Alfred Eibel et Michel Mourlet. Ce futur auteur ésotérique, ami d’Abellio et de Rohmer, proche d’Eliade et de Melville, justement, est en train de devenir une figure mythique. Fut-il un agent de la Sécurité militaire française, voire des services britanniques, dans la Vienne du Troisième Homme ? Quel fut son rôle occulte dans certain gouvernement provisoire en exil à Madrid ? Sauva-t-il l'acteur Maurice Ronet d’une plongée fatale dans la guérilla anti-marxiste en Angola ? Mystère et boule de gomme.

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Tout au long des pages, le lecteur perçoit chez Christophe Bourseiller un mélange de fascination ennuyée pour Parvulesco, perdant complet aux yeux de cet homme installé (professeur à Sciences Po, chez lui dans tout l’appareil politico-médiatique) et aussi de profond ressentiment à l’égard de Godard. Nous passons de l’une à l’autre sans toujours savoir où veut en venir ce Narcisse contrarié. Parfois pointe l’impression que l’exilé roumain sert de stylet dans un règlement de compte.

Bourseiller n’est pas écrivain, juste un journaliste – lui manque hélas ! la patte du styliste pour décrire ce malaise. D’où ma déception à lecture de son livre, qui n’est pas vraiment une enquête ni une descente en soi-même. Dommage.

En un mot comme en cent, l’énigmatique Jean Parvulesco (1929-2010), un ami regretté, qui écrivait « dans un but de guerre eschatologique finale », le voyant extra-lucide entre burlesque et vision, le continuateur en géopolitique de Karl Haushofer -Endkampf pour le bloc continental ! -, le conspirateur-né et le flamboyant mythomane, cette figure attachante des décennies durant d’un certain underground, attend toujours un livre digne de lui.

Christopher Gérard 

Christophe Bourseiller, En cherchant Jean Parvulesco, La Table ronde, 128 pages, 14€                

Voir aussi :

http://archaion.hautetfort.com/archive/2010/11/24/exit-je...

vendredi, 12 février 2021

Entretien de RigenerAzione Evola avec Eduard Alcantara

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Entretien de RigenerAzione Evola avec Eduard Alcantara

Interview récente réalisée par "RigenerAzione Evola" à propos de l'édition anglaise de The Man of Tradition.

Entretien avec Eduard Alcantara

avec une brève présentation d'Eduard Alcantara

Ex: https://septentrionis.wordpress.com/

D : Eduard Alcantara, parlez-nous un peu de votre livre. De quoi parle-t-il ?

indexEAenglish.jpgR : Le livre vise à montrer la caractérisation archétypale de ce que serait un Homme de Tradition, y compris - donc - les objectifs qu'il devrait s'efforcer d'atteindre, afin de servir de modèle à tous ceux de nos semblables qui aspirent à s'élever au-dessus de la médiocrité de l'homme moderne (et, plus encore, post-moderne), médiocrité qui est  hégémonique en nos temps de dissolution. En gardant toujours à l'esprit quels sont les traits essentiels qui définissent l'Homme de Tradition, il sera possible d'aspirer, petit à petit, à se forger intérieurement ; avoir ce modèle comme miroir dans lequel se regarder (et qui sait s'il ne sera pas possible d'aspirer à ne pas écarter la possibilité d'opérer un renouvellement ontologique intérieur). La difficulté ou l'impossibilité de trouver, de nos jours, quelque maillon des chaînes initiatiques qui nous relient à la Sagesse de la Tradition Primordiale nous amène à donner une valeur particulière à ce qu'Evola appelle la "voie autonome de réalisation". Le contenu de ce livre peut peut-être aider dans une certaine mesure à faire en sorte que ce chemin ne soit pas une chimère.

Les chapitres de notre travail sont ordonnés en crescendo, en commençant par les premiers relatifs à ce que le maître romain appelait la "race du corps", en continuant avec d'autres chapitres liés à la "race de l'âme" et en terminant par ceux qui seraient en relation étroite avec la "race de l'esprit" ; donc, liés aux trois composantes de l'être humain.

L'ensemble du livre est truffé et complété par une multitude de citations destinées à illustrer ce qui est démontré.

D : D'où venez-vous et quel est l'accueil de Julius Evola dans votre pays ?

R : Je vis à Hospitalet de Llobregat, une ville située à côté de Barcelone, en Espagne.

En Espagne, il y a pas mal de personnalités qui, travaillant dans le domaine de la dissidence à l'ordre établi, reconnaissent qu'elles sont fortement influencées par l'héritage évolien.

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Pour commander l'ouvrage:

https://editorialeas.com/producto/el-hombre-de-la-tradicion/

En 1975, la maison d'édition "Martínez Roca" a publié La tradition hermétique. En 1977, le magazine Graal a publié Orientations. Toujours en 1977, la maison d'édition Plaza & Janés publie Le mystère du Graal. En 1981, les Ediciones Heliodoro ont publié Metafísica del sexo. Dans les années 80, les Ediciones Alternativa, avec une nette tendance à faire évoluer la réception des idées traditionnelles, ont publié plusieurs opuscules de la pensée traditionnelle et quelques ouvrages tels que Masque et visage du spiritualisme contemporain et Les Hommes au milieu des ruines. En 1987, les Ediciones de Nuevo Arte Thor publient Cabalgar el tigre. Cette même maison d'édition a également publié Meditaciones de las cumbres (= Méditations du haut des cîmes). En 1991, la maison d'édition Edaf a publié Tantric Yoga ("Lo yoga della potenza").

Il existe de nombreux autres ouvrages d'Evola publiés en espagnol, mais qui appartiennent déjà à des éditeurs de pays d'Amérique latine, comme l'éditeur mexicain Grijalbo, qui a publié La doctrine de l'éveil ou les Ediciones Heracles, en Argentine, qui ont publié bon nombre de livres d'Evola.

De même, plusieurs maisons d'édition espagnoles ont publié des ouvrages sur l'œuvre léguée par le maître. Cela a été fait par Ediciones Nueva República, Editorial Fides, Hipérbola Janus, Eminves, Editorial Retorno, Ediciones Titania ou, entre autres, Editorial Excalibur.

Les Ediciones Camzo et Editorial Eas se sont également intéressées à l'œuvre de Julius Evola, au point d'être les maisons d'édition qui ont publié mes livres.

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Pour commander l'ouvrage:

https://editorialeas.com/producto/evola-frente-al-fatalismo/

L'association culturelle Tierra y Pueblo, en 2004, a organisé à Madrid un colloque d’hommage à Evola à l'occasion du 30e anniversaire de sa mort. Le contenu des conférences qui y ont été données, ainsi que les autres conférences d'un autre grand séminaire tenu à Rome par l'Associazione Culturale Raido, ont été publiées par Tierra y Pueblo sous le titre "Julius Evola. Un penseur politiquement incorrect".

De même, il existe des associations culturelles telles que l'association Genos dans laquelle l'influence de l'héritage d'Evola est évidente dans beaucoup de ses œuvres, insérées dans le magazine Europae.

D : Connaissiez-vous RigenerAzione Evola et que pensez-vous de ce projet ?

R : Je ne connaissais pas le site web de RigenerAzione Evola. Je l'ai regardé et j'ai vraiment aimé ce que j'ai vu. Excellente diffusion de l'œuvre d'Evola ! Il y a de nombreux articles dont je ne connaissais pas l'existence et des études intéressantes de différents auteurs sur l'œuvre d'Evola. Je vais essayer de le garder toujours à portée de main. J'ai été frappé par l'interview qui a été réalisée à son domicile en 1973, un an avant sa mort et dont le son peut être entendu dans la vidéo que le web nous procure.

***

A propos d’Eduard Alcàntara

J'enseigne depuis trois décennies et demie, en tant qu’instituteur dans l'enseignement primaire.

Deux de mes principaux passe-temps sont les questions liées à la métaphysique et à l'histoire. Si l'on ajoute à cela le fait que j'ai toujours admiré l'essence de l'armée, il n'est pas surprenant que j'aie fini par être attiré par la Tradition telle que Julius Evola nous l'a si magistralement transmise.

J'ai eu mon premier contact avec le maître romain dans la première moitié des années 80 du siècle dernier, à partir des travaux réalisés par Ernesto Milà dans des magazines, des livres et une maison d'édition qu’il avait lui-même fondée ("Ediciones Alternativa").

Je gère un blog traditionaliste dont le contenu s'inspire de l'héritage de "la dernière gibeline" : "Julius Evola". Septentrionis Lux" - https://septentrionis.wordpress.com/

Pendant plusieurs années, j'ai également administré un forum, également d'inspiration essentiellement évolienne, appelé "Traditio et Revolutio", dont les membres venaient d'Espagne et du Portugal ainsi que de plusieurs pays d'Amérique latine. En décembre 2020, les groupes de yahoo ont disparu et avec eux le forum.

J'ai collaboré à plusieurs magazines papier et numériques, ainsi qu'à plusieurs sites web et blogs en Espagne, au Portugal et en Amérique latine. Ediciones Titania a publié "Evola y la cuestión racial". Ediciones Camzo a publié "Reflexiones contra la modernidad". Editorial Eas a publié "L'homme de tradition" (1ère et 2ème éditions). L'Editorial FasciNaçâo a publié "O Homem da Tradiçao" (édition portugaise du livre mentionné ci-dessus).

Troy Southgate vient de publier "The Man of Tradition : Actualising the Evolian Character" (édition anglaise du livre ci-dessus). L'éditorial Eas a publié mon "Evola contre le fatalisme". J'ai également écrit un certain nombre d'avant-propos pour différents auteurs.

lundi, 08 février 2021

Quand le conflit constitue le coeur du politique: la grande leçon de Julien Freund

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Quand le conflit constitue le coeur du politique: la grande leçon de Julien Freund

par Louis Soubiale

Ex: http://lafautearousseau.hautetfort.com

Parce que nos contemporains sont devenus amnésiques au point d’avoir perdu jusqu’au sens du tragique, ont-ils fini par se persuader que la France, l’Europe et plus généralement l’occident, étaient enfin rentrés dans l’ère du progrès continu, de l’eudémonisme et de la parousie terrestre.

Pour s’en tenir aux 27 États de l’Union européenne, les baby-boomers et leurs successeurs n’ont jamais connu les périodes d’instabilité vécues par leurs aïeux, dues, pour l’essentiel, aux guerres ou aux périodes de famines – voire d’épidémies, au miroir desquelles notre Covid-19 fait figure de douce plaisanterie. Nos sociétés pacifiées – à défaut d’être authentiquement pacifiques – ont participé d’un désarmement qui n’est pas seulement d’ordre militaire, puisqu’il affecte intellectuellement et psychologiquement la majorité de nos concitoyens qui sont désormais convaincus, au prix d’un manichéisme séraphique des plus consternants, que la « paix » constitue, à jamais, leur indépassable horizon éthique, tandis que la « guerre » – dont la Seconde Guerre mondiale symbolise, à leurs yeux souvent voilés par une crasse ignorance, l’évènement topique et archétypique –, figure eschatologique sécularisée, renvoie à des temps barbares, archaïques et, comme tels, définitivement révolus. Dit autrement, nos sociétés post-modernes semblent pathologiquement avoir évacué, à peu de frais, tout scénario, quand ce n’est pas jusqu’à l’idée même de conflictualité, de la simple rivalité ou opposition agonale à l’hostilité polémogène ou belligène.

jef810.jpgQuelle n’est pas leur surprise mâtinée d’horreur, lorsque, contre toute attente, surgit, comme satyre au détour d’un bois, la figure inattendue, brute – voire brutale – et grossière de l’antagonisme, surtout lorsqu’il est de nature politique ! C’est ainsi que le mémorable épisode antagonique de la prise d’assaut du siège du Congrès des États-Unis d’Amérique – une fraction du peuple s’étant élevée contre ses représentants élus – a littéralement sidéré les opinions publiques occidentales qui l’ensevelirent sans réserve – et sans nuance – sous un flot incontinent de réprobations excommunicatrices et de condamnations conjuratrices – l’on remarquera, en effet, que la démonologie et l’exorcisme ne sont, paradoxalement, jamais loin dans les esprits déspiritualisés et laïcisés de nos belles âmes offusquées…

Prolongeant Clausewitz qui considérait que la guerre était la continuation de la politique par d’autres moyens, Julien Freund (1921-1993), philosophe et sociologue du politique et du conflit, écrivait dans son maître-ouvrage, L’Essence du politique, que « la politique porte en elle le conflit qui peut, dans les cas extrêmes dégénérer en guerre ». S’appuyant sur la critériologie schmittienne de l’ami et de l’ennemi, Freund la dépasse en l’élevant au rang d’une des trois hypostases du politique – les deux autres étant la distinction du public et du privé et la relation du commandement avec l’obéissance. Freund considère que toute politique, réellement ou virtuellement, suppose le conflit. Ce faisant, rejoignant Machiavel, le philosophe de Villé récuse toute morale dans le champ du politique : « il n’y a pas de politique morale, il n’y a qu’une morale de la politique. » Cette dernière se résume au moyen spécifique d’action du politique : la force – dont le rôle est de « conserver », la ruse n’étant que sa « servante ». Si son maître et ami, le juriste Carl Schmitt, se bornait à identifier le politique partout où se manifeste une relation de type agonistique entre l’ami et l’ennemi, Freund, en bon aristotélicien, classera le politique parmi les six activités originaires de l’homme, chacune étant considérée comme une « essence » : l’économique, le religieux, la science, la morale et l’esthétique.

Le politique est donc, par excellence, le topos de la confrontation. S’il ne débouche pas toujours sur l’élimination physique de l’adversaire, au moins renferme-t-il, inévitablement, cette potentialité qui, formellement, d’une part lui confère les traits d’un concept-limite, substantiellement, d’autre part, en fait le domaine de tous les imprévus – de la simple discordance ou dissidence à l’affrontement physique, en passant aussi par l’aboutissement du compromis. Telle est la grande leçon de Freund, qui a appris de Max Weber que les points de vue ne sont pas toujours dialectiquement conciliables et de Georg Simmel que le conflit peut aussi être « une forme positive de socialisation ». Plus tard, Chantal Mouffe s’en souviendra – bien que partant directement des travaux de Carl Schmitt, là où ceux de Freund eussent été plus pertinents – pour forger son concept d’« agonisme », type de conflit antagonistique apprivoisé ou « sublimé » par la politique démocratique. L’assentiment de Freund au réalisme anthropologique n’évacue donc pas l’inimitié ou l’hostilité, attendu, précisément, que la finalité du politique, enté sur la recherche constante du bien commun, est de « savoir envisager le pire pour empêcher que celui-ci ne se produise » (La Décadence, 1984). La violence et la mort sont parfois ces « pires » que toute politique doit savoir efficacement conjurer. Mais si « la politique repose sur la peur », la peur du conflit est, quant à elle, impolitique.

Source : https://www.politiquemagazine.fr/

vendredi, 05 février 2021

Nous sommes en pleine guerre mentale menée avec des ‘’neuro-armes’’

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Nous sommes en pleine guerre mentale menée avec des ‘’neuro-armes’’

Eduardo Martinez de la Fe

Ex : https://tendencias21.levante-emv.com

Nous sommes plongés dans une guerre mentale qui passe inaperçue: de puissantes neuroarmes sont mises au point pour influencer le cerveau humain, sur la base de technologies qui ont vu le jour à des fins médicales.

À notre insu, nous vivons dans une guerre mentale secrète axée sur le néocortex, la région du cerveau impliquée dans les fonctions cognitives supérieures.

De puissantes neuro-armes sont actuellement développées ou testées pour nous empêcher de penser par nous-mêmes, selon le géostratège et spécialiste du renseignement Pedro Baños.

Il ajoute que, grâce à la technologie, notre espèce a atteint une forme particulière d'immortalité: nous avons déposé notre âme dans le cloud, où elle restera à jamais, avec tous nos secrets et nos émotions les plus intimes, nos pensées et nos faiblesses.

Cependant, il avertit que cet exploit technologique s'est produit à un moment très particulier pour notre espèce: nous vivons dans une Matrice géopolitique où la réalité que nous percevons de nous-mêmes et de notre destination est une illusion créée par les élites pour consolider leur pouvoir mondial.

Ainsi, à l'illusion d'immortalité s'ajoute un autre mirage non moins déconcertant: celui qui nous fait croire que nous faisons partie d'une civilisation organisée qui marche à l’unisson vers un progrès commun et durable, dans lequel notre âme immortelle est en sécurité grâce au nuage d'informations que nous partageons. Rien n'est plus éloigné de la vérité.

Pénétrer l'enchevêtrement

Il n'est pas facile de découvrir l'enchevêtrement mental dans lequel nous sommes, car il est parfaitement dissimulé dans les méandres de notre esprit.

La seule faculté qui nous rend libres est engourdie par les charmes de la technologie, qui nous submerge dans un espace d'information et de loisirs parfaitement conçu pour nous faire réfléchir le moins possible.

Cependant, Baños a pris la peine d'analyser et de dévoiler ce qui nous arrive en coulisses en tant qu'espèce et l'a documenté dans trois ouvrages emblématiques qui constituent un rapport exceptionnel sur les secrets les mieux gardés du monde actuel.

En réalité, selon cette recherche, nous vivons dans un monde dominé par des élites qui ont acquis le pouvoir de créer une culture de masse et qui cachent, derrière l'idéal humaniste que la plupart d'entre nous partageons, le véritable moteur de notre histoire, qui n'est autre que la volonté de pouvoir et de domination mondiale d'une minorité.

D'abord, par une minorité de pays: le plus important est les États-Unis, dont la capacité militaire dépasse largement celle de ses deux rivaux immédiats: la Russie et la Chine.

Ensuite, par une minorité au sein de ces pays: de puissantes multinationales et des fonds d'investissement, qui ont acquis la capacité de contrôler les décisions politiques et ont infiltré les institutions démocratiques pour les pervertir et en faire des participants à leur ambition.

Perversion technologique

La troisième clé de cette réalité cachée est la façon dont la technologie, porteuse des progrès les plus significatifs jamais réalisés par notre humanité, est également pervertie par ces élites pour soumettre nos esprits à ce que l'auteur de cette recherche appelle la "dictature de la micropuce".

Si dans ses deux premiers travaux, Así se domina el mundo (2017) et El dominio mundial (2018), Baños a clairement montré que ces pouvoirs cachés développent une géopolitique culturelle pour influencer la société à travers les médias, les réseaux sociaux, l'art et la culture, dans la troisième partie de cette trilogie, il se penche sur ce qu'il appelle El dominio mental.

Dans ce troisième livre, il révèle la face cachée de la technologie: ce qui se cache derrière la révolution provoquée par les disciplines scientifiques telles que les neurosciences et les technologies associées, qui ont vu le jour à des fins médicales: elles visent discrètement à nous faire penser selon des schémas culturels qui homogénéisent la pensée et font taire les divergences.

Le côté sombre de la technologie

En réalité, nous sommes devenus les vassaux numériques de tout ce monde technologique souterrain, dans lequel l'Internet des objets a ouvert la possibilité d'un contrôle total de la vie des citoyens, dit M. Baños.

La technologie est devenue le plus grand piège contre la social-démocratisation, car elle permet une manipulation toujours plus grande de l'esprit humain, impose la pensée unique et a même acquis la capacité de diriger le vote, ajoute-t-il.

Selon ces recherches, l'esprit humain, devenu le saint graal de la manipulation, est le trou noir qui engloutit toutes les technologies qui tentent de le confondre: il devient le maillon faible du nuage informatique où sont stockées les pensées et les émotions des gens.

Musée de l'horreur

Parmi ces technologies, du côté obscur, on trouve la surveillance et la manipulation des émotions par les ondes cérébrales, la poussière neurale (une micropuce implantée dans le corps qui peut transmettre des informations biométriques à un ordinateur), la duplication du cerveau pour modéliser la prise de décision par une deuxième voix dans notre tête. Ce ne sont là que quelques exemples.

Ce musée de l'horreur, aussi réel que les épidémies et les catastrophes naturelles que nous subissons, est complété par le transhumanisme mental, qui permet, entre autres, d'étendre la domination culturelle par la manipulation du métabolisme, ce que la DARPA appelle la biorévolution, et la neurostimulation, le plus grand potentiel jusqu'à présent pour manipuler l'esprit en faveur de croyances religieuses et sociales spécifiques.

Une variable future de la perversion du transhumanisme est de modifier génétiquement les soldats: immunisés contre la peur et la douleur, et dépourvus de tout sentiment, ils deviendront plus dévastateurs que les armes nucléaires, selon les experts consultés par Baños.

Au-delà de…

Cet au-delà de la technologie se concrétise par des expériences secrètes qui, selon Pedro Baños, sont développées dans le domaine des neuro-armes : elles comprennent la guerre sonique, le harcèlement électronique, l'utilisation d'ultrasons et d'infrasons pour perturber l'équilibre naturel des personnes, et l'utilisation de substances psycho-chimiques (utilisées en médecine) pour obtenir des changements de personnalité favorables à des intérêts cachés.

Pedro Baños montre, de manière bien documentée et rigoureuse, que nous sommes en pleine guerre mentale orientée vers le neurocortex, la région du cerveau qui définit le nouveau contexte de guerre, basé plus sur l'esprit que sur le monde physique.

Ce contexte est bien illustré par un exemple: la communauté du renseignement connue sous le nom des "cinq yeux", composée d'analystes des États-Unis, du Royaume-Uni, du Canada, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande (aucun de l'UE), a formé une unité dite "cybermagiciens" pour employer des techniques cérébrales de manipulation sociale, comme l'a révélé le chercheur Musa Khan Jalalzai, cité par Baños.

La réalité est que nous ne sommes pas dans le "Brave New World" de Huxley, ni dans un scénario qui ne peut pas évoluer au-delà de ce que nous avons atteint aujourd'hui, comme le dit la culture que les modèles induits dans lesquels nous sommes inclus nous ont imposés.

Le potentiel humain est toujours intact et nous pouvons et devons trouver des formules pour ne pas céder à la pression de la guerre mentale et maintenir active notre capacité à penser par nous-mêmes, conclut Pedro Baños dans son dernier ouvrage.

Référence

Pedro Baños, El dominio mental: La geopolítica de la mente,  Ariel, Barcelona, 2020.

17:41 Publié dans Actualité, Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pedro banos, livre, domination mentale, neurosciences | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

jeudi, 04 février 2021

Naar Engeland gedeporteerd. Vlaamse geïnterneerden op het eiland Man 1940-1945 door Carlos H. Vlaemynck

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Bespreking van: Naar Engeland gedeporteerd. Vlaamse geïnterneerden op het eiland Man 1940-1945 door Carlos H. Vlaemynck

Björn Roose

11 november komt er weer aan en daarmee de jaarlijkse herdenkingen. Die zullen ook respectievelijk 100 jaar na het einde van de Eerste Wereldoorlog en bijna 75 jaar na het einde van de Tweede ongetwijfeld behalve over oorlog en vrede ook over de good guys en de bad guys gaan. Niet meer dan passend dus om in deze tijd van het jaar een boekje te lezen dat nóg maar eens aantoont dat de officiële good guys dat verre van altijd waren (en zijn).

Naar Engeland gedeporteerd - Vlaamse geïnterneerden op het eiland Man - 1940-1945 is zo'n boekje. Carlos H. Vlaemynck schreef het neer "uit de mond" (zoals dat dan heet) van Ieperling Luc Desramault en ik ga er van uit dat het in 1984 bij De Nederlandsche Boekhandel (DNB, sinds 1986 bekend onder de naam Uitgeverij Pelckmans) verschenen werk ook nu nog verbazing kan wekken bij de lezers. Ikzelf kende de basis van het verhaal, maar niet de "details", en dit boek gaat in zowel op die basis als op die "details".

Wat die basis betreft, die doet Vlaemynck al meteen in zijn inleiding uit de doeken:

"Toen België op 10 mei 1940 voor de tweede maal in nog geen kwarteeuw door Duitse troepen overrompeld werd, besloot de regering alle verdachte personen, zowel vreemdelingen als landgenoten, bij wijze van voorzorgsmaatregel in hechtenis te nemen. Van uur tot uur zonden de nationale radiozenders oproepen uit waarin de bevolking aangespoord werd hulp te verlenen bij het onschadelijk maken van vijandelijke parachutisten, spionnen en saboteurs. Weldra maakte er zich een ware spionnen-psychose van de bevolking meester. Deze psychose werd in de hand gewerkt door de sterke verhalen van de honderdduizenden vluchtelingen. Overal dacht men leden van de 'Vijfde Colonne' te zien en het aantal preventieve arrestaties steeg onrustbarend. Duizenden mensen, onder wie vooral leden van het V.N.V., het Verdinaso, Rex en de K.P. kwamen aldus in de gevangenis terecht. De meesten onder hen waren onschuldig. Zij kregen echter de kans niet hun onschuld te bewijzen omdat hun aanhouding slechts een zogenaamde 'voorlopige administratieve veiligheidsmaatregel' was, hetgeen iedere vorm van rechtsbijstand uitsloot. Nadat de Franse en Britse troepen op de 19de mei het Nederlandse en het Belgische leger te hulp waren gesneld, gingen de militaire autoriteiten van beide mogendheden eveneens tot aanhoudingen op Belgisch grondgebied over. Zij deden dit onder voorwendsel de aanvoerlijnen van hun strijdkrachten in het opmarsgebied veilig te stellen. Vooral de Fransen lieten zich bij dit wederrechtelijke optreden - België was immers een bondgenoot en geen bezet gebied - niet onbetuigd. Met het oog op de te verrichten arrestaties hadden zij zelfs maanden vooraf door geheime agenten in het neutrale België 'verdachtenlijsten' laten opstellen. Ten gevolge van het bijzonder snel oprukken van de Duitse troepen werd een aanzienlijk aantal politieke gevangenen in uiterst verwarde omstandigheden naar Frankrijk gedeporteerd. Voor velen onder hen betekende deze wegvoering het begin van een wekenlange lijdensweg. [Voor onder andere Joris Van Severen betekende het zelfs het einde, noot van mij] Een kleine groep verdachten kwam evenwel in Engeland terecht."

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Bij die "kleine groep verdachten" het hoofdpersonage van dit boekje, Luc Desramault, destijds gouwleider (regionaal leider) van het Algemeen Vlaamsch Nationaal Jeugdverbond, voor wie deze deportatie vijf jaar zou duren. Liever dan hier het hele verhaal dunnetjes over te doen, houd ik het bij een aantal veelbetekenende citaten:

"Onze bewaking [bij de eerste stop, de gevangenis van Ieper, noot van mij] bestond deels uit politieagenten en deels uit leden van een soort plaatselijke burgerwacht." [terwijl in "klassieke" geschiedenisboeken altijd volgehouden wordt dat burgers pas andere burgers gingen gevangenhouden tijdens de repressie-annex-straatterreur, noot van mij]

"In de bus [waarmee de stouterds afgevoerd werden richting Oostende om van daar richting Engeland gedeporteerd te worden, noot van mij] kregen wij het gezelschap van een zestal Joodse vrouwen die drie kinderen bij zich hadden. Voorts waren er nog enkele communisten bij uit Moeskroen, Wervik en Menen alsook enkele vreemdelingen." [Geef toe, een gezelschap dat, als de Vlaams-nationalistische "verdachten" nationaal-socialisten zouden geweest zijn, toch wel zéér explosief was samengesteld, noot van mij.]

"Op onze bus zat er een jonge jodin die door de natuur met heel wat charmes begunstigd was. Zij bracht het zover dat een van de gendarmen erg verlangend werd om even met haar alleen te zijn ... Toen beiden na geruime tijd terugkwamen, bleek de jodin in het bezit te zijn van enkele koekjes en karamels die wij van haar konden kopen om onze kwellende honger te stillen. Zij bracht het zover dat wij zelfs een weinig water kregen om onze brandende keel te verfrissen." [Het gemengde gezelschap had dus duidelijk ook geen hekel aan mekaar, noot van mij.]

"Niettegenstaande wij slechts verdachten waren, werden wij onderworpen aan het reglement dat van toepassing was op de veroordeelden [in de Londense gevangenis Pentonville, noot van mij] (...) Onze ondervragers hadden een burgerpak aan en waren telkens met vieren. Merkwaardig genoegen kregen wij nooit hun gelaat te zien. Zij droegen steeds een zwarte satijnen kap voorzien van twee doorkijkspleten en een mondopening over het hoofd. Het maakte aanvankelijk een vrij lugubere indruk en liet ons het ergste vermoeden. (...) De ondervragingen duurden twee dagen telkens zonder onderbreking van 8 tot 12 uur en van 13 tot 17 uur. Zij gingen gepaard met heel veel intimidatie. Herhaaldelijk kregen wij te horen dat indien wij de waarheid niet zouden zeggen, zij er die wel uit zouden krijgen! Herhaalde malen verklaarden zij onomwonden dat zij ons zouden afmaken, hetgeen bij ons de bedenking ontlokte dat indien zij toch reeds van plan waren ons te liquideren het dan in feite geen zin meer had om ons te ondervragen. Het kruisverhoor bestond meestal uit vragen die zij door elkaar stelden in de hoop ons op tegenstrijdige antwoorden te kunnen vangen. Dit leverde evenwel niets op aangezien wij niets te verbergen hadden. Wij waren weliswaar allemaal op de een of andere wijze in de Vlaamse beweging actief geweest, maar dit had met de oorlog nooit iets te maken gehad." [Deze mensen waren dus zonder welke officiële beschuldiging dan ook opgepakt, gedeporteerd en gevangen gezet en nu hoopte de belgische staat er op dat ze zelf bewijzen zouden leveren van collaboratie terwijl ze zelfs ... de oorlog niet van dichtbij hadden gezien, noot van mij.]

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"Toen wij in Hutchinson [Hutchinson Camp, een Brits concentratiekamp op het eiland Man, noot van mij] aankwamen, zaten er naar schatting wel vijfduizend joden in het kamp en hoop en al een vijftigtal niet-joden, onder wie Leo Hoste en ik." [Weer dat eigenaardige idee om potentiële "nationaal-socialisten" op te sluiten samen met joden, noot van mij.]

"Het is via dit communicatiesysteem [in de gevangenis van Leeds, de volgende halte van Desramault, noot van mij] dat wij tot de ontdekking kwamen dat er in de gevangenis heel veel Ierse politieke gevangenen zaten. Zij waren leden van de I.R.A. Wij hadden deze drie mysterieuze letters reeds herhaaldelijk als graffiti op de muren van de gevangenis zien prijken, maar de inhoudelijke betekenis van dit letterwoord was toen nog maar een vaag begrip voor ons. Geleidelijk aan leerden wij deze Ierse nationalisten en hun strijd voor de volledige hereniging van hun eiland in één onafhankelijke republiek beter kennen." [Ofte flater nummer zoveel van de Engelsen, noot van mij.]

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"Hoezeer de Londense politiemannen zich [dit keer in Camp X, een ander concentratiekamp op het eiland Man, noot van mij] ook inspanden om het kampleven draaglijker te maken, toch kreeg de drang naar de vrijheid sommigen van ons zo erg te pakken dat er ontvluchtingspogingen werden ondernomen. Een van de merkwaardigste pogingen werd op touw gezet door drie geïnterneerde Nederlanders. Een was officier bij de Koninklijke Nederlandse Marine, de tweede was stuurman bij de Nederlandse Koopvaardij en de derde was piloot bij de K.L.M.. Alle drie werden, terecht of ten onrechte, dat heb ik nooit geweten, verdacht van lidmaatschap bij de N.S.B. Zij hadden hun tocht zorgvuldig gepland en voorbereid. Aldus hadden zij wekenlang in de fabriek waar zij overdag werkten kleine hoeveelheden benzine gehamsterd. Op een mooie morgen kaapten zij ongezien een motorbootje, brachten de benzine aan boord en startten de motor. Met een brede zwaai staken zij van wal en stevenden op volle kracht de Ierse Zee in zuidwestelijke richting op met de kennelijke bedoeling de kust van de neutrale Ierse Republiek te kunnen bereiken. Aanvankelijk scheen hun poging te zullen slagen maar plots kwamen zij echter in een opstekende storm terecht. Aangezien de Ierse Zee een soort van binnenzee is, zijn de golfslagen er kort maar krachtig. Zij kregen water in de boot en de motor begon te sputteren. Weldra viel hij geheel stil en wat zij ook probeerden om hem weer op gang te krijgen, niets mocht baten. Voortgestuwd door de storm dreven zij af naar de Schotse kust. Een Brits legervliegtuig had reeds de drenkelingen opgemerkt en toen hun vaartuig in de branding aan diggelen sloeg en zij uitgeput aan land strompelden, werden zij er opgewacht door militairen die hen oprecht feliciteerden met de gedurfde stunt! Later moesten zij voor een krijgsgerecht verschijnen en werden er tot één maand gevangenisstraf veroordeeld wegens diefstal van benzine en het ontvreemden van een boot. De Britse eigenaar van het vaartuigje weigerde schadevergoeding te vragen. Als sportieve Engelsman vond hij het al erg genoeg dat hun poging mislukt was!" [En dat zijn nu de dingen die een mens veel te weinig leest in "oorlogsverhalen", het respect dat "vijanden" voor mekaar kunnen opbrengen in de juiste omstandigheden, noot van mij]

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"Aldus gingen langzaam maar zeker de oorlogsjaren voorbij. Een paar malen kregen wij bezoek van leden van het Belgische Rode Kruis. Vóór onze aankomst in 'Camp X' hadden wij ze nog nooit gezien. Met veel tegenzin spraken zij Nederlands en het eerste wat zij deden, was ons verwijten maken. Volgens hen waren wij slechte Belgen, omdat wij in een interneringskamp zaten. Het was onze plicht dienst te nemen bij het Belgisch Leger en te gaan strijden tegen de Duitsers. Daarop hebben wij hen ons standpunt uiteengezet. Wij zegden dat wij bereid waren de Belgische strijdkrachten in Groot-Brittannië te vervoegen op voorwaarde dat wij eerst volledig in het openbaar gerehabiliteerd zouden worden. Daar konden zij niet voor instaan, zegden zij, wij moesten dat met de Engelsen regelen. En wanneer wij dan met de Engelsen daarover van gedachten wisselden, verwezen zij ons naar de Belgische regering te Londen. Het gevolg was dat de zaken bleven zoals zij waren en dat de afgevaardigden van het Belgische Rode Kruis ons kamp niet meer bezocht hebben." [Kafka, iemand ?, noot van mij]

En dan, dan moest de kers op de taart nog komen:

"Toen de afreisdatum aanbrak, pakten wij onze koffers en kregen wij onze identiteitskaarten terug. Voorts gaven de Britten ons een vrijgeleidebrief waarop stond dat wij in België overal mochten heengaan waar wij maar wensten. Op 20 mei 1945, Pinksterzondag, stapten wij voor het eerst in ruim vijf jaar als vrije burgers aan boord van een Brits legervliegtuig. (...) Bij de uitgang van de luchthaven [die van Evere, noot van mij] werden wij tegengehouden door enkele mannen in burger. Zij wensten onze persoonsbewijzen te zien. Geen onheil vermoedend toonden wij ze onze vrijgeleidebrieven. Daarop zegden zij dat er voor ons vervoer voorzien was om ons naar Brussel te brengen. (...) Toen men ons daar ter hoogte van het Cantersteen liet uitstappen, werden wij spoedig omringd door een vijandig gezinde menigte die, naar wij later vernomen hebben, daar uit Duitsland gerepatrieerde collaborateurs stond op te wachten. Wij werden er uitgemaakt voor 'sales boches' (smerige moffen) en kregen harde klappen te incasseren. (...) Onder veel gejouw en getier van de omstaanders werden wij [na een ondervraging in Cantersteen, noot van mij] terug in de camion geduwd die ons na een korte rit in het 'Klein Kasteeltje' afleverde. Wij vlogen er bij de aldaar reeds opgesloten incivieken en brachten daar een tiental dagen door. Het eten was er bar slecht en bestond hoofdzakelijk uit gedeshydrateerde rode kool en wortelen. Weldra zat iedereen met diarree geplaagd. Daarna werden wij overgebracht naar de gevangenis van Sint-Gillis (...) Vanuit Sint-Gillis werd ik dan overgeplaatst naar de inmiddels tijdens de oorlog wederopgebouwde gevangenis van Ieper. (...) Het duurde tot in september 1945 vooraleer ik de militaire auditeur te zien kreeg. Hij wist mij alleen maar te vertellen dat er tegen mijn gedrag tijdens de oorlog niets viel in te brengen en dat er derhalve geen reden was om mij te vervolgen. (...) Aangezien ik onschuldig was, gaf de krijgsauditeur bevel mij op staande voet [na zo'n vijf jaar volkomen onterechte vrijheidsberoving dus, noot van mij] in vrijheid te stellen. Hij gaf mij echter de raad mij voor mijn eigen veiligheid voorlopig niet in de buurt van Ieper te vestigen. Ik heb zijn raad opgevolgd en heb eerst een drietal maanden in Vilvoorde bij een zuster van mijn vader gewoond. (...) Daarna heb ik nog zogezegd mijn domicilie gehad bij mijn broer in Komen. Het is daar dat ik dan op 28 februari 1946 een officieel attest van buitenvervolgingstelling heb bekomen."

Om dit waanzinnige verhaal te beëindigen geef ik nog graag mee dat in die officiële buitenvervolgingstelling nog steeds geen reden stond aangegeven waarom Luc Desramault vijf jaar van zijn leven beroofd is door de Belgische staat, maar wel dat die buitenvervolgingstelling "slechts van voorloopigen aard" was en "het hernemen van het onderzoek niet [verhindert] ingeval er zich nieuwe bezwaren voordoen".

Allemaal het overdenken waard als de wereld van de oorlogsjaren weer eens door iemand opgedeeld wordt in zwart en wit ...

mercredi, 03 février 2021

Karl Haushofer en het nationaal-socialisme: tijd, werk en invloed door Perry Pierik

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Bespreking van: Karl Haushofer en het nationaal-socialisme: tijd, werk en invloed door Perry Pierik

Björn Roose

Wie zich ook maar voor een uurtje in geopolitiek verdiept – en dat zijn er sinds die tak van de wetenschap de laatste decennia weer enigszins gededouaneerd is geraakt toch niet weinig –, komt hoe dan ook bij de naam Karl Haushofer terecht. Het is dan ook enigszins spijtig dat Perry Pierik het woord “geopolitiek” niet eens vernoemt op de cover van dit boek, zodanig dat wie nog nooit gehoord heeft van geopolitiek niet door dat woordje kan aangetrokken worden om het boek ter hand te nemen. Nah ja, “nationaal-socialisme” zal een belangrijker verkoopsargument geweest zijn en Pierik is per slot van rekening niet alleen schrijver, maar ook uitgever (dit boek is uitgegeven bij Aspekt, waarvan hij de eigenaar is) en boeken over het nationaal-socialisme en aanverwanten zijn zo’n beetje de specialiteit van zijn uitgeverij. “Als de nationaal-socialisten niet hadden bestaan, dan hadden ze ze moeten uitvinden”, zei een Franstalige kennis van me wel eens en hij had voor de wereld van uitgevers, documentairemakers en cineasten zeker gelijk.

frontImagesLink.jpgNu, los daarvan, dit Karl Haushofer en het nationaal-socialisme is een redelijk sterk boek. Ook voor wie meer wil weten over geopolitiek, want Pierik gaat uitgebreid op het vakgebied in in het derde hoofdstuk Geopolitik: de mores van het vak. De ideeën van Friedrich Ratzel, Rudolf Kjellén, Halford Mackinder en uiteraard Karl Haushofer en de andere geopoliticus in de familie, zijn zoon Albrecht passeren, samen met die van een aantal mindere goden, uitgeverijen, begunstigers, enzovoort, de revue. Bovendien zijn in het boek 35 bladzijden aan voetnoten opgenomen en 20 bladzijden aan literatuurregister. Daarin zit héél veel over de geopolitiek, zodat wie zich verder wil verdiepen in die wetenschap zich nog lang niet zal gaan vervelen.

Maarreuh, geopolitiek, was dat niet iets van de nationaal-socialisten? Was dat niet de semi-wetenschappelijke uitleg die ze gaven aan hun drang naar Lebensraum (en nach Osten)? Zou zoiets niet beter in de hoek blijven liggen waarin het na WOII geschopt is? Wel, dat soort vragen zal allicht ook de reden geweest zijn waarom Pierik dit boek geschreven heeft.

Mijn mening: politici (en dat zijn nationaal-socialisten net zo goed al communisten en “democraten”) maken altijd, net zoals “gewone” burgers (én een groot deel van de wetenschappelijke wereld), misbruik van die conclusies die de wetenschap (tijdelijk) trekt en stofferen er hun eigen aannames mee. Dat dat zal gebeuren, mag geen reden zijn om niet verder te streven naar kennis. En als iemand streeft naar kennis, zal hij doorgaans niet zoveel zelfbeheersing aan de dag leggen dat hij die voor zich houdt tot ze “volledig” is. Wetenschappers hebben een ego, willen niet dat een ander hen vóór is, en verdienen óók graag hun boterham.

Dat er zelfs in de definitie van geopolitiek nogal verschillen zitten van persoon tot persoon, van instelling tot instelling, maakt het er uiteraard niet makkelijker op. Dat er héél veel factoren meespelen óók niet. En dat iedereen er mee doet wat hem zint al evenmin. David Criekemans definieerde geopolitiek in 2005 als “het wetenschappelijk studieveld behorende tot zowel de Politieke Geografie als de Internationale Betrekkingen, die de wisselwerking wil onderzoeken tussen de politiek handelende mens en zijn omgevende territorialiteit (in haar drie dimensies; fysisch-geografisch, menselijk-geografisch en ruimtelijk)”, wat het wel zo’n beetje samenvat, maar ook meteen duidelijk maakt dat geopolitiek over álles kan gaan en overal heen kan.

md1367120941.jpgIs het dan eigenlijk wel een wetenschap, kan je je afvragen? En, weerom mijn mening, dat is het en dat is het niet. Is filosofie een wetenschap? Is psychologie een wetenschap? Is economie een wetenschap? Die eerste twee vragen zullen veel mensen meteen met een “nee” beantwoorden, al zullen de beoefenaars van de wetenschap in kwestie daar wellicht een andere mening over hebben, maar economie wordt algemeen gezien als wetenschap. Ik, als economist, zeg dat het dat niet is. Op basis van de economische “wetenschap” zijn systemen gevestigd die zo ver uiteenlopen als communisme en kapitalisme, verdedigt de ene een “miljardairstaks” en de andere een “flat tax”, is de ene in crisistijden voor zware overheidsinvesteringen terwijl de andere pleit voor het buiten de economie blijven van de staat. En elke politicus én elke economist heeft “wetenschappelijke” bewijzen die zijn gelijk staven. En stuk voor stuk zijn ze van oordeel dat hun tegenstanders onwetenschappelijke klungelaars zijn. Of ze negeren die tegenstanders volkomen. Ergo: als we economie als een wetenschap beschouwen, kunnen we geopolitiek óók als een wetenschap beschouwen.

Sterker nog: er is eigenlijk véél meer overeenstemming in de geopolitieke wereld dan er in de economische wereld is. Zonder dat die overeenstemming met de macht van de straat afgedwongen wordt (cfr. de zogenaamde consensus in de wetenschappelijke wereld over klimaatopwarming, afgedwongen door activistische politieke instellingen en dito van mediatieke roeptoeters voorziene burgers). Er zijn een aantal verschillende verklaringsmodellen, geen daarvan is volledig, en er is sprake van voortschrijdend inzicht, maar de voorlopige conclusies gaan geen radicaal verschillende richtingen uit. Én het is ook gewoon een razend interessant kennisdomein, zeker in tijden waarin grotendeels gedaan wordt alsof grenzen voor eeuwig vastliggen, handels- en andere oorlogen zich bedienen van flauwe excuses, en gedateerde internationale instellingen hun leven proberen te rekken.

51MI6LAnouL._SX339_BO1,204,203,200_.jpgNu, ook los van de rol van Karl Haushofer in de geopolitiek – een rol die eigenlijk nauwelijks kan overschat worden – is dit een interessant boek. De naam van Haushofer zal namelijk zelden genoemd worden zonder ook die van Rudolf Hess te noemen. Rudolf Hess, de gevangene en gehangene van Spandau, de plaatsvervanger van Adolf Hitler, de man met een vredesmissie, is ondanks alle literatuur die over hem gepleegd is nog steeds een van de enigma’s van de twintigste eeuw (daar kom ik bij een latere boekbespreking nog op terug). En hij was jaren een leerling en vriend van Karl Haushofer en diens zoon Albrecht. Hij had hun naamkaartje op zak toen hij naar Schotland vloog. De Haushofers wisten (de zoon in verschillende hoedanigheden) naar alle waarschijnlijkheid van zijn plannen. Al die zaken komen aan bod in Karl Haushofer en het nationaal-socialisme – Tijd, werk en invloed, wat toch veel meer is dan wat Wikipedia ter zake vermeldt. Dat spreekt namelijk alleen van Hess die Haushofers ideeën zou geïntroduceerd hebben bij Hitler en van Hess die Haushofers “joodse familie” (Haushofers vrouw was joods) beschermde tegen diezelfde Hitler, maar vertikt het het ook maar met een woord te hebben over de invloed die de Haushofers (zowel Karl als Albrecht) gehad hebben op zijn “vlucht”.

En dan is er natuurlijk ook nog Karl als vader van Albrecht. De twee kwamen na de “vlucht” van Hess in een neerwaartse spiraal terecht (het nationaal-socialistische regime was zich wél bewust van het feit dat er een samenhang was tussen Hess en de Haushofers die véél verder ging dan het promoten van geopolitieke ideeën), maar zelfs binnen die spiraal bleven ze een merkwaardig evenwicht bewaren. Een evenwicht tussen afkeuring en goedkeuring van de Führer, tussen conservatisme en nationaal-socialisme, tussen oost en west, tussen esoterisme en wetenschap. Een evenwicht dat kennelijk heel moeilijk te begrijpen is in hysterische tijden als de onze en dat daarom steeds weer afgedaan wordt als onzin. Een evenwicht dat Karl Haushofer niet kon redden van een gevangenschap in Dachau en Albrecht Haushofer van executie in de nasleep van het conservatieve von Stauffenberg-complot. Een evenwicht dat Karl Haushofer en zijn echtgenote Martha definitief verloren toen ze zich op 10 maart 1946 achtereenvolgens vergiftigden en ophingen (al lijkt me dat, in combinatie met het lot van Hess, sowieso ook weer een eigenaardigheid).

Voeg aan dit alles een een hoofdstuk toe over de Duitse Sonderweg, een gedegen uitleg over de revolutionaire toestand die uiteindelijk Hitler aan de macht bracht, een stavaza van de geopolitiek op het moment van publicatie (2006) en zelfs – al hoefde dat voor mij niet – een hoofdstuk over wat er van Karl Haushofer gemaakt is in de esoterische literatuur, en je weet dat dit boek van Perry Pierik een aanrader is. Lezen dus !

Epuisement de l'Europe?

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Epuisement de l'Europe?

René Girard

Achever Clausewitz

Editions Champs, 2007

(extraits)

« [En 1940] l’esprit guerrier n’était plus là du tout. L’histoire était devenue implacable. En fait, les Français avaient, à leur tour, l’idée que l’esprit allemand était essentiellement tourné vers la guerre, que c’était dorénavant leur culture à eux (…). Mais ce n’était plus du tout la culture des Français. Il faut penser cette situation comme l’inverse exact de celle de 1806, qui faisait croire à Clausewitz et Germaine de Staël que les guerriers par excellence étaient les Français. Ces derniers ont en effet pris acte, en 1940, que les siècles de la prépondérance française était derrière eux, qu’ils allaient assister au retour des Germains et de l’empire. Quand la culture de la guerre change de camp, la vision de l’histoire change, elle aussi. (…) la France du Second Empire, et surtout celle de la IIIe République, s’est bâtie sur un mythe napoléonien qui l’a littéralement achevée en l’obligeant à vivre au-dessus de ses moyens. Notre dénégation de la réalité est allée croissant, au fur et à mesure que montait, de son coté, le ressentiment allemand. Mais c’est toujours la puissance déclinante qui vit au-dessus de ses ressources. En 1806, c’était la Prusse ; en 1940, c’était la France, mais dans des proportions évidemment incomparables, car la montée aux extrêmes avait progressé. On peut dire de la même façon que l’esprit guerrier a quitté l’Allemagne (…). Là aussi, c’est fini, quelque chose a été cassé. Chaque pays européen a été brisé à son tour par cette tornade. »

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« Il y a de formidables tabous en France, beaucoup de sujets qui fâchent, et dont on ne veut pas parler. (…) Napoléon est littéralement divinisé, comme Jules César. Mais sa mort n’a rien fondé. L’Empire français est mort avec lui. Alors son petit neveu a reconstruit Paris pour essayer de le faire oublier : Iéna, Wagram, Austerlitz, Caulaincourt évoquent plus des avenues, des gares ou des rues, que les batailles ou les généraux qui ont conduit la France à sa ruine. Nous étions encore, il y a peu de temps, dans le mythe de la ‘grandeur française’, dans Louis XIV et dans Napoléon. De Gaulle a porté ce mythe à sa manière. Nous avons changé d’époque. C’est sans doute une bonne chose. Cela indique une sortie de la religion nationale. La continuation de ce qu’il y avait de meilleur dans le gaullisme consistera à renoncer à certains mythes gaulliens, comme un nationalisme trop étroit, par exemple. »

« …l’Europe (…) est un continent fatigué, qui n’oppose plus beaucoup de résistance au terrorisme. D’où le caractère foudroyant de ces attaques, menées souvent par des gens ‘de l’intérieur’. (…) L’Europe était moins malléable du temps de Napoléon. Elle est redevenue, après le communisme, cet espace infiniment vulnérable que devait être le village médiéval face aux Vikings. »

Addendum à

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2021/01/31/la-roue-des-civilisations-le-zodiaque-a-t-il-une-influence-sur-la-successio.html

Citation oubliée dans la compilation « La ‘Roue’ des civilisations » (astro-histoire, etc.) :

« L’entrée dans l’ère du Verseau est bien plus tragique que les changements d’ères précédents. Le passage du Taureau au Bélier n’a vu que l’affaiblissement de l’empire égyptien, celui du Bélier aux Poissons la décadence romaine. Mais le début du Verseau contient la liquidation apocalyptique évoquée par le mythe de Babel… »

(Robert Dun, Le message du Verseau, 1977)

Une autre citation coïncidant partiellement avec le thème de l’astro-histoire, mais qui peut être placée en « Additif » :

« …depuis Alexandre, aucun conquérant n’a réussi à triompher lorsqu’il s’est dirigé vers l’Orient. Toutes les grandes invasions ont eu lieu dans l’autre sens, qui correspond à la course du soleil sur l’horizon, de l’Est vers l’Ouest, l’Occident, le ‘bout du monde’ qui se termine avec les rivages de l’Océan et les caps finis-tère (Irlande, Bretagne, Galice).

Voici les vainqueurs : Jules César, Attila, Tamerlan, Gengis-Khan : ils marchaient vers l’ouest, comme les conquistadors ibériques du Nouveau Monde et ceux du Far West.

Voici les vaincus, marchant vers l’Est : l’empereur Julien, Charles XII, Napoléon, Hitler. 

Hitler aurait dû comprendre le sens cosmique de la marche des peuples migrateurs vers l’Occident : Ases, Scythes, Germains, Celtes. On ne renverse pas le cours du destin, serait-ce pour rejoindre la ‘Horde d’Or’. On ne boit jamais deux fois à la même source. »

(article dans la revue « Nostra », hors-série n° 2, 1983)

11:09 Publié dans Livre, Livre, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : philosophie, europe, rené girard, livre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook