mercredi, 06 novembre 2024
Uranus, ou Pétain sauvé des eaux
Uranus, ou Pétain sauvé des eaux
par André Waroch
Nous avions parlé récemment des films qui n'ont pas été compris - ou pas complètement compris - à leur époque, principalement en raison d'un manque de recul, ou d'une campagne de promotion trompeuse qui substitue l'idée du film au film lui-même.
Uranus appartient à une autre race de films : ceux que les journalistes et les critiques ont fait semblant de ne pas comprendre parce qu'ils contredisaient trop abruptement le politiquement correct, et qu'ils étaient produits et réalisés par des gens trop puissants et trop prestigieux pour qu'on puisse se permettre d'en appeler au scandale et au boycott. C'est le cas de Eyes wide shut de Stanley Kubrick. De Gran Torino de Clint Eastwood. Et d'Uranus de Claude Berri.
Si on analyse à l'os, si l'on oublie la propagande de ceux qui ont voulu nous faire passer des vessies pour des lanternes, Uranus, adaptation très fidèle d’un roman de Marcel Aymé, n'est rien de moins qu'une réhabilitation du pétainisme, de la collaboration, et une condamnation ferme de l'épuration et, par-dessus tout, du parti communiste. Ce parti communiste qui profite de la situation d'exception qui prévaut dans l'immédiat après-guerre, alors que l'ancien régime est tombé et que le nouveau est en train de se mettre en place, pour éliminer la concurrence, en lançant des accusations de collaboration souvent fictives, quitte à envoyer des innocents en prison ou au peloton.
Qui pouvait se permettre de sortir un film pareil, à part Claude Berri, le dernier nabab du cinéma français, producteur et réalisateur, dont les trois derniers films mis en scène à ce moment (Tchao Pantin Jean de Florette et Manon des sources) sont trois triomphes, Claude Berri, juif victime des persécutions de l'occupant allemand ?
Pour taper encore plus fort, il lance les plus grands acteurs du cinéma français à l'assaut de la citadelle du mensonge. Il s’agit tout simplement du casting le plus impressionnant de ces cinquante dernières années : Gérard Depardieu, Jean-Pierre Marielle, Philippe Noiret, Fabrice Luchini, Michel Galabru, Michel Blanc et Daniel Prévost, qui dit mieux ?
Ayant ainsi terrorisé d’avance les journalistes et les critiques, Berri peut laisser tranquillement et implacablement se dérouler l’histoire, qui apparaît comme un engrenage fatal ne pouvant aboutir qu’à son horrible et inéluctable dénouement.
Depardieu campe Léopold, un tenancier de bistrot, alcoolique jusqu'à l'extrême, véritable colosse, fort en gueule, sympathique et sans filtre : c'est lui qui va jouer, en quelque sorte, le rôle de bouffon du roi, qui non seulement sait tout -comme tout le monde- mais aussi dit tout, ce qui finira par lui coûter la vie.
Luchini, à rebours des films médiocres de ces dernières années qui ne reposent trop souvent que sur sa propension au cabotinage, incarne Jourdan, un idéologue communiste, fanatique, rentré, glacé, ne rêvant que de censure, de terreur, d'emprisonnement des opposants politiques et de la future dictature du prolétariat. Il s’oppose en cela à Gaigneux (Michel Blanc), autre figure locale du PC, resté humain malgré tout.
Quant à Marielle, moins éclatant que d’habitude dans le rôle d’Archambaud, homme sobre et mesuré, il est le Français moyen de la bourgeoisie moyenne, pétainiste « comme tout le monde » pendant la guerre, voyant et entendant, avec un écoeurement qu’il n’arrive pas à dissimuler, les vestes se retourner et les armes automatiques changer de main. Comble du sacrilège anti-politiquement correct, il accepte de cacher chez lui de façon héroïque (c’est ainsi que le film le présente) Maxime Loin, ancien milicien, recherché par les autorités avec la certitude de finir devant un peloton d’exécution.
Brochard (Daniel Prévost, toujours formidable dans les rôles d’ordure) le troisième communiste, est un personnage plus ambivalent : véritable barbare qui crève les yeux des miliciens, mesquin et méchant au point de faire mettre Léopold en prison après l’avoir accusé gratuitement, pour se venger d’une humiliation, de cacher Maxime Loin, il accepte de tenir le bistrot pendant la détention de Léopold, à la demande celui-ci.
Ainsi, Claude Berri et Marcel Aymé (le roman et le film sont quasiment identiques) sauvent partiellement Gaigneux et Brochard, qui chacun à leur manière gardent intacte leur part d’humanité. Ils ne sauvent pas Jourdan, Jourdan qui refuse la vie, qui refuse la complexité de la vie humaine, qui veut l’écraser sous le dogme et l’idéologie.
Par contre, ils sauvent un autre idéologue fanatique, mais de l’autre bord, Maxime Loin, présenté comme un pauvre hère, victime de ses mauvais choix, qui aurait pu gagner, et qui n’a pas forcément tort, détestant d’ailleurs Pétain qui selon lui aurait fait perdre l’Allemagne.
Deux personnages apparaissent comme un peu au-dessus, ou à côté, de la mêlée: Watrin (Philippe Noiret, pour une fois supportable) étrange personnage, qui ne voit tous ces évènements que comme des espiègleries de la race humaine, qui s’affirme détaché de tout mais qui aide tout de même Archambaud à cacher Maxime Loin. Et Monglat (Michel Galabru) le notable suprême, le commerçant, guidé seulement par l’appât du gain et par une véritable perversité, le vrai chef de la ville, qui n’a aucune conviction particulière, mais qui a fait fortune en faisant affaire sans vergogne avec les autorités allemandes, malgré tout cela intouchable, plus puissant encore que les communistes, et qui fait assassiner Léopold par la gendarmerie après que celui-ci, dans une crise d’éthylisme, en réveillant toute la ville en pleine nuit avec un haut-parleur, ait révélé la vérité à son sujet.
Il était déjà stupéfiant que Marcel Aymé ose sortir un tel roman juste après la guerre. Il l’est, encore plus que Claude Berri, malgré son histoire personnelle, adapte son roman, sans l’édulcorer en rien, en 1990, en recrutant une telle équipe pour interpréter la galerie des personnages forgés par Aymé.
Nous vivons sur un mensonge, ou plutôt sur un catalogue de mensonges, sur une mythologie de mensonges, et cette mythologie a commencé à s’écrire pendant cette période de l’immédiat après-guerre, sous la plume des gaullistes et des communistes, paraphant ainsi un nouveau pacte de non-agression, sinon d’alliance plus ou moins occulte.
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mardi, 05 novembre 2024
Un rapport danois à sensation sur l'explosion du Nord Stream: la marine américaine a opéré secrètement au large de Bornholm
Un rapport danois à sensation sur l'explosion du Nord Stream: la marine américaine a opéré secrètement au large de Bornholm
Copenhague. Deux ans après le dynamitage du gazoduc Nord Stream en mer Baltique, le gouvernement fédéral allemand, officiellement, n'a toujours aucun indice sur les personnes qui pourraient être à l'origine de cette opération de sabotage. Il a en outre déclaré à plusieurs reprises qu'il ne donnerait pas d'informations au public, même s'il en disposait, pour des raisons d' « intérêt national ».
Mais le journal danois « Politiken » pourrait bien lui mettre la puce à l'oreille. Celui-ci a récemment publié les déclarations explosives du capitaine du port de l'archipel danois de Christiansø, Jon Anker Nielsen. Celui-ci a consigné ce qu'il avait observé quelques jours seulement avant les explosions. Le port de Christiansø est situé à seulement 18 kilomètres au nord-ouest de l'île de Bornholm, non loin de laquelle les explosions ont eu lieu le 26 septembre 2022.
Jon Anker Nielsen a expressément fait remarquer qu'on lui avait demandé de garder le silence sur ce qu'il avait vu la veille des explosions. Il a laissé passer deux ans avant d'informer les médias locaux de ses observations. Selon lui, quatre ou cinq jours avant les explosions, Nielsen avait été appelé pour une opération de sauvetage au large de Christiansø, car plusieurs navires non identifiés avaient été repérés avec des transpondeurs éteints, mais n'avaient pas répondu à toutes les tentatives de contact. Il s'est avéré qu'il s'agissait de navires de guerre américains.
Lorsque l'équipe d'intervention de Nielsen s'est approchée des navires de guerre américains, ceux-ci lui ont demandé d'interrompre son action.
Cela signifie que quelques jours seulement avant les explosions, la marine américaine a opéré secrètement - avec des transpondeurs désactivés - à proximité immédiate des explosions sous-marines qui ont eu lieu peu après. Elle a été prise en flagrant délit par la capitainerie danoise compétente.
Alors que le gouvernement fédéral allemand, avec sa tactique de garder le silence, ne s'exprimera probablement pas non plus sur cette dernière révélation, le rapport danois devrait susciter un intérêt incomparablement plus grand à Moscou et à Pékin. Les deux pays poursuivent leurs propres enquêtes sur l'affaire des oléoducs de la mer Baltique qui ont été détruits (mü).
Source: Zu erst, 03/11/2024.
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Révolte contre le monde postmoderne
Archives Nicolas Bonnal, 2009
Révolte contre le monde postmoderne
Nicolas Bonnal
Extrait personnel du recueil collectif : Julius Evola envers et contre tous (Orientations/Avatar, 2009).
En titrant d'une manière provocante "Révolte contre le monde post-moderne", je suppose qu'il y a quelque chose de pire que ce monde moderne contre quoi se révolter... Sommes-nous descendus plus bas qu'à l'époque où Julius Evola tonnait contre son monde moderne ?
Et d'ailleurs cela fait beaucoup de temps que l'on tonne contre ce monde. Montesquieu s'en moque fort dans ses Lettres persanes, et de l'inflation, et de la mode, et de la crise démographique (comme déjà l'historien grec Polybe qui se navre du dépeuplement et du vieillissement de la Grèce impériale !), et du désir mimétique, et de la vanité des sujets du roi, et du pape, et du reste... Au 19ème siècle, que pourtant moi, Européen, je contemple avec nostalgie, Poe, Tocqueville, Maupassant, Baudelaire et tant d'autres contemplent avec mépris le « stupide dix-neuvième siècle » de Daudet. Pour en revenir à Montesquieu, il modernise une critique acerbe du siècle du « roi-machine » (Apostolides) que l'on pressent à travers les œuvres de Furetière, la Bruyère, la Fontaine ou même Sorel, auteur de l’étonnante histoire de Francion. Bref, la Fin des Temps est dans l’air du Temps, et on relira avec stupéfaction la fin des Mémoires de Saint-Simon pour s'en convaincre.
De quoi donc se plaint Evola et de quoi pouvons-nous nous plaindre nous, trente-cinq ans après sa disparition ? L’esprit traditionnel n'est-il pas lié à je ne sais quelle hypocondrie qui fait tout voir en noir, une mélancolie plutôt, comme celle du nain grincheux, symbole de Saturne et du plomb et qui toujours se plaint, surtout lorsque, comme Evola, il a affaire aux femmes ? Du reste Blanche-Neige, la reine alchimique, trouble, et bien, l'existence des sept nains chercheurs de trésors...
J'insiste, quitte à paraître un peu lourd; car tout de même l'esprit traditionnel aura bien entaché ma jeunesse, en lui faisant voir tout en noir ; et l'on ne vit qu'une fois, contrairement aux chats: « On est forcé d'écrire pour soi, de penser pour soi et d'espérer la fin de tout. Demain ce sera pis encore », écrit dans son prodigieux journal un Léon Bloy plus inspiré que lorsqu'il attend le retour des cosaques, comme d'autres attendaient de l'Orient du capital communiste et des supermarchés un réveil spirituel qui ramènerait l'Occident dans le droit chemin…
C'est d'ailleurs à mon sens une des qualités d'Evola: il n'attendait pas de grand réveil, il a pensé en kshatriya au sauvetage individuel sur un champ de bataille ruiné et abandonné.
Il n’a pas vraiment donné de recettes, mais il a plutôt cru à un salut très personnel, de type nietzschéen si l’on veut.
Cinquante ans après ses grands manuels de résistance (arc et massue, tigre), on ne peut que confirmer l'effondrement de tout : des états, des nations, des Occidentaux, de la famille, des paysages, la pollution du monde qui a atteint un stade ontologique (mais dont parlent déjà les transcendantalistes américains !). On n'en est même plus à l'époque des conflits idéologiques qui opposaient le communisme et l'Occident libéral. L'islam rentre dans le rang à Dubaï ou à Médine et l'Orient goberge comme on sait. Tout le monde se fout de tout, se désintéresse du politique et du reste, les Français subissent sans broncher le gouvernement le plus incapable de leur histoire (mais c'est aussi ce que disaient Bloy ou Toussenel, lui du temps de la monarchie de juillet...).
Nous sommes entrés dans la société post-moderne décrite au début des années 80 par Gilles Lipovetsky dans son Empire de l'éphémère, où il présente un individu cool et désabusé, humoristique et nihiliste. La différence est qu'à l’époque il avait encore un peu de réaction. Il n’y a plus rien aujourd'hui, et cette disparition de toute réaction, qui nous remplit d'angoisse et tremblement, est à mon sens apparue (sic) au milieu des années 2000; quand avec les horreurs de la bourse et de l'Irak, du bric et du broc, de la mondialisation et du néant, tout le monde s'est laissé aller au vide éternel.
L'époque est opaque, les temps sont mous. Mais comme dit déjà Zarathoustra repris par Charles de Gaulle (lire Tournoux), « Tout est vain, tout est mort, tout a été »... Il dit aussi : « le désert croît... malheur à qui recèle des déserts ! ». C'est d'ailleurs pour cela que l'on a accru la consommation d'anxiolytiques, d'antidépresseurs et de somnifères de toute sorte. Dans les années 70, la figure du militant ou du rebelle laisse la place à celle du dépressif (il culpabilise pour son chômage, sa technophobie, ou son absence de convivialité...); et l'on voit aussi le degré d'abrutissement atteint par le cinéma, que l'on compare aux grands films contestataires du début des Seventies : je pense au Grand Secret d'Enrico, à Soleil vert ou Rollerball.
Mais Guénon évoque déjà cette crise psychologique dans la Crise du monde moderne ; auquel je répondrai en citant Sénèque ou même les Sumériens qui se plaignaient du fisc (cf. Samuel Noah Kramer) : le monde n’est-il pas toujours en crise, le monde n'est-il pas une éternelle crise moderne ? Après on pourra toujours m’objecter que du temps de l'âge d'or les choses allaient mieux, il y a 65.000 ans, et que les hommes étaient dorés, comme le dit Hésiode: mais cela m'est difficile à vérifier, surtout que l'histoire, la géographie (ma formation...) ou l'archéologie ne valent rien pour les traditionnels... Quant à Evola qui encense l'empire romain, je peux lui donner à lire ou relire bien des textes, notamment de Sénèque, qui se désespère de l'état de son empire romain, de son pain et de ses jeux du cirque, lui qui avait été le précepteur d'un des monstres les plus renommés de l'Histoire. Il est facile de citer Caton quand on néglige de lire Pétrone ou Tacite, ou bien sûr Juvénal qui comme Montesquieu ou Boileau semble avoir écrit hier matin.
J'en ai fini avec mon introduction qui sert non pas à noyer le sujet, on l'aura compris, mais à le nier: à quel moment peut-on parler de temps traditionnel, d'âge d'or, de société parfaite sinon dans les rêves, ou sinon même de mauvaise foi ?... Et pourtant, je n'y peux mais : de la même manière que Delenda est Carthago, Delendum est monstruum modernum.
Il faut détruire le monde moderne, il faut encore plus détruire le monde post-moderne, et si on ne peut le faire, il faut lui résister de toutes nos forces, à peine de sombrer dans la dépression, « l'angoisse métaphysique » dont se moquait Guénon, et tout le reste. Mais il ne faut pas le mésestimer, car, on l'a vu, les murailles de Jéricho n'ont jamais survécu longtemps au passage du buccin capitaliste. Marx nous avait prévenus dans son Manifeste. La Chine, l'Inde, le Japon, tout a été balayé par l'avarice, la gourmandise (15% d'ados chinois obèses..) et la cyber-luxure, quand ce n'est par la paresse spirituelle et intellectuelle, celle qui enrichit les laboratoires pharmaceutiques...
Car j'en viens à un autre obstacle, beaucoup plus concret maintenant: le temps. Pas le Temps avec un grand « T », celui de l'eschatologie, mais le mien, le vôtre, celui de notre vieillissement organique auquel Houellebecq a consacré des pages dit-on définitives. Le philosophe australien Pearson parle de ce fardeau de la personnalité vers 1890 déjà.
Je me promenais l'autre jour à cap d’Ail et je longeais mes plages et mes roches préférées, comme un promeneur romantique. Soudain je vis un voilier rempli de plaisanciers.
Je pensais aussitôt à Evola : le monde moderne, c'est cela.
Un tas de gens à poil qui « profitent de la mer, « qui profitent de leur vie », « qui profitent de leur temps libre ».
Bloy dénonce déjà cette obsession du Jouir qui est la marque de la vie sous le Second Empire.
Mais... mais il y a en 2010 une petite différence avec l’époque de la rébellion d'Evola (les Sixties). Lui était contemporain d'une jeunesse gauchiste, stripteaseuse, marginale, contestataire, luxurieuse... Celle décrite par Godard, dans les films « existentialistes » d'Antonioni ou caricaturée dans les films de Dino Risi (Les Monstres, magnifique parabole sur les Rigolus de la société de consommation toute neuve à l'époque).
Mais là c'était différent : sur mon voilier d'ailleurs modeste de quarante pieds il n'y avait que des vieux à bord. Oh, pas des vieux paralytiques, pas des cacochymes. De bons retraités bien nourris au viagra et aux farines animales, un bon troupeau festif de « grosses bêtes bien dociles, bien habituées à s’ennuyer » (Céline). Le troupeau post-moderne est en effet postmoderne au sens littéral, il vient après les modernes, il a donc vingt ou trente ans de plus. Je vois 30% de sexagénaires où que ce soit en Europe ou en Amérique du Nord, et même en Amérique du sud, dans les zones principalement peuplées de blancs (Uruguay, sud du Brésil, province de Buenos Aires). Je sais que la population du Brésil va passer d'une moyenne d'âge de 25 à 41 ans d'ici quinze ans, et que la Chine, qui ne sait déjà pas quoi faire de sa jeunesse, va compter 500 millions de retraités (ou présumés tels) en 2050. La population russe va disparaître, comme l'allemande, la coréenne, l’italienne, etc. il ne restera que les noirs et les robots. Sur ces bonnes nouvelles, on se demande contre quoi on va se révolter ? Peut-être que les Folamour qui nous gouvernent vont nous concocter un plan de survie cannibale, en tout cas il est certain que ce ne sont pas des septuagénaires remariés, dont nous ferons bientôt tous partie, qui vont nous tirer de l'ornière. Buzzati, le peu évolien, nous avait prévenus dix bonnes fois dans Le K.
De même, Julius Evola se plaint des Beatles ou de la littérature existentialiste ou du jazz : mais que cette sous-culture nous paraît grande aujourd'hui ! La nullité abyssale de l'époque, que mêmes les ados que je croise reconnaissent, n'est plus mise en doute par personne. Il suffit d'ouvrir sa page Yahoo pour se rendre compte du niveau ahurissant de nullité que recèlent les préoccupations des gens : je copie ce que j'ai sous les yeux (nous sommes le 6 octobre 2009, à 11 heures du matin).
Valérie Payet, Karim Benzema, Spencer Tunick, Rugby fédéral, Chantal Goya, Rallye de Catalogne, Lindsay Lohan, Peugeot 3008, Loi Hadopi, Brigitte Bardot...
Voilà ce qui passionne mes contemporains, qui ont tous ou presque bac+5, et qui sont tous plus cons que la cuisinière de Flaubert. Il me semble bien délicat tout d'un coup, Evola, de se plaindre de Sartre ou Pasolini, de Louis Armstrong ou des jeux olympiques de Rome... Nous sommes bien plus bas.
Nous sommes plus vieux, nous sommes plus bêtes. C'est la première observation. Nous sommes plus vieux ; donc plus radins, plus luxurieux (tout en étant post-sexuels, car les filles d'aujourd'hui préfèrent boire entre elles que faire l'amour, et plus un jeune ne se risque à « draguer », à la façon des idiots du film Les Valseuses). Nous n'avons plus un seul idéal politique, juste la volonté de nuire à notre prochain par le biais juridique dont l'écologie exterminatrice n'est qu'une des ramifications (et pas l'inverse).
On nous a interdit d'interdire, eh bien maintenant tout va nous être interdit: conduire, boire, respirer, fumer, monter dans un avion, cracher par terre, parler même... On aura droit au doigt dans le cul puisque Ben Laden a inventé le suppositoire explosif... Le monde postmoderne s'annonce comme le mauvais film dont parlait Deleuze. Depuis les attentats gluants de 2001, et ce Ground Zero qui n’a pas été reconstruit (Les Hommes au milieu des ruines – des ruines ou des tuiles ?), nous sommes dans un espace-temps gelé, circulaire, clos, une ronde de nuit infernale et ennuyeuse, gâteuse et interminable. Je me réfugie moi dans la vieille musique classique de Pollini ou Karajan, dans les westerns des années 50, décennie diabolisée par Evola, mais où l'on peut encore admirer du Walsh, du Donen ou du Ford. Et j’essaie de ne même plus regarder les nouvelles, de savoir ce qui se passe, ou ne se passe plus. Il devient difficile de se faire des amis, les gens devenant trop cons (le mot est juste). Ceux qui ne le sont pas souffrent, culpabilisent, prennent des produits toxiques (je parle des drogues autorisées bien sûr), deviennent timides....
On n'ose plus, de peur de se faire traiter d'aigris, ou plus simplement traîner devant les tribunaux. Il y a cinquante ans les clivages étaient politiques ou spirituels, aujourd'hui ils sont purement existentiels. On se fond dans la masse ou pas, avec peu de perspectives de futur. Car si l’étranger (pas si étranger d’ailleurs) de Camus commence par la visite au cadavre de la mère à l'hospice, il faut savoir que c'est à l'hospice que se terminera pour tous la chanson de geste post-moderne, d'ici cinquante ou cent ans. On nous promet une durée de vie de 120 ans, et comme le disait le docteur Alexis Carrel, la société augmentera notre durée de vieillissement bien plus que notre durée de vie. Cela doit d'ailleurs correspondre à une logique infernale : une épouvantable salle d'attente où l'on ne peut rien faire. Je me vois actuellement environné par mes vieilles tantes qui voudraient bien mourir et ne le peuvent plus (Exorciste III, le meilleur). Elles ont cent ans, elles redoutent d’en tirer encore pour vingt ou trente. Quant aux enfants, ils vieillissent en même temps que leurs parents. On héritera à 80 ou 90 ans, si l'on a des parents. Le monde nouveau est avancé.
J'aurais 80 ans dans une France qui n'aura plus rien de français, ou je serai ailleurs, dans un monde qui n'aura plus rien de monde; je ne sais pas de quoi je vivrai, si même je survivrai, car on me fera comprendre comme à quelques autres milliards de vieillards que je suis de trop sur cette terre.
Des sexagénaires friqués iront faire des croisières minables sur des mers polluées ou bien assisteront à des concerts de rock-stars grabataires... et l'on réélira des politiciens liftés, botoxés et chevronnés promettant à un vieux public de trouillards de nettoyer au karcher des banlieues qu'ils ont eux-mêmes peuplées, avec les compagnies aériennes et le patronat, de populations allogènes inassimilables mais tenues par la drogue et la médiocrité de la vie ordinaire. Yeaaaah !
Cette espèce d'horreur ordinaire que je viens de décrire sommairement n'est même pas neuve : elle est tout entière présente dans le Voyage au bout de la nuit. Relisez ces pages inoubliables, et cette « petite musique de la vie que l'on n'a plus envie de faire danser », et ce troupeau soumis, et « ce commerce partout, ce chancre du monde ». Car c'est bien le commerce qui aura eu raison de tout cela. Ah, l’Angleterre et son bonheur matériel qu'elle aura partout imposé... Un des intérêts du reste d'Evola est qu'il s'était intéressé physiquement à son siècle: il aimait le sport, l'alpinisme, la guerre, l’héroïsme, il avait le culte des valeurs chevaleresques contemporaines, il admirait Jünger ou Drieu. Mais on sait comment a terminé Drieu, et on relira Soixante-dix s’efface de Jünger pour comprendre comment a terminé le grand homme. Dans ce livre admirable, on sent comment peu à peu Jünger, avec toute sa culture, sa bonne santé, son équilibre romain, son goût pour la bonne vie, est progressivement envahi, déprimé, possédé par l'horreur de ce monde de consommateurs impersonnels.
Il se rend au Maghreb, où je suis né, et progressivement il voit le monde de Guénon et de Titus Burckhardt se déliter devant lui, avec sa médiocrité, sa sexualité, ses constructions, son horreur économique et tout le reste. Et c'est Jünger, que même Evola admirait... Alors, où en sommes-nous, camarades ? Plus bas que l'enfer ! Nous avons touché le fond, mais le fond est vaseux, et nous nous enfonçons encore. Un monde sans prêtres, sans guerriers, sans grands hommes, sans visionnaires, sans conscience, sans jugements, un monde en outre sans corps et sans jeunesse, sans valeurs et sans mémoire.
Le sauvetage ne peut être qu'individuel, dit-on. Peut-être familial, si l'on a rencontré la belle âme-sœur adéquate. Le plus dur est alors de transmettre à l'enfant la lucidité sans le malheur.
De révolte, mieux vaut n'en pas parler. On nous drogue, on nous ment, on nous disperse maintenant comme à Pittsburgh à coups de canon à son. Les foules n'existent plus, les sociétés secrètes non plus, les ordres solaires ou religieux encore moins. La nature, c'est ce qui me peine le plus d'ailleurs, paraît de moins en moins réelle, naturelle. Elle est un parc national cartographié par Google Earth dans le meilleur des cas, et pour le reste... Nous savons que nous avons six fois plus de temps à partager avec un conjoint, quinze fois plus de temps libre qu'il y a deux siècles, et qu'il n'y a plus de religion qui tienne vraiment la route (mais Nietzsche le disait déjà). Chacun peut se soumettre à son filet d'illusions personnelles ou collectives, mais le filet est de plus en plus troué. Nous ne sommes même plus dans le profil d'une attente eschatologique.
Bien orgueilleusement, les prédictions se sont succédé pour rien, où Guénon nous annonçait la fin du monde moderne qui serait celle d'une illusion (ah bon ?). Pour l'instant, c'est notre propre fin, précédée de notre pénible vieillissement, qui nous guette. Comme l'autre dans sa tour, nous n'avons rien vu venir. Ceux qui attendaient trop se sont trompés ou en ont trompé d'autres. Peut-être que Debord a raison et que « le destin du Spectacle n'est pas de finir en despotisme éclairé » ; mais nous n'en sommes même pas certains. Peut-être que tout va s'éteindre lentement, minablement, puisque, comme le dit mon ami Jean Parvulesco, qui participe à ce recueil sur Evola, « la race humaine est fatiguée ». En 1941, les Allemands lancent 170 divisions pour attaquer la Russie et ils se heurtent à la résistance de toute une nation de 160 millions d'habitants. Les deux pays n'ont pas aujourd'hui le dixième de cette frappe militaire d'alors, et les deux nations sont aujourd'hui en voie de disparition démographique. L'histoire est terminée, merci monsieur Fukuyama.
Si j'en reste à ma notion personnelle, que je n'impose à personne, de révolte évolienne contre ce monde du néant absolu et relatif, je vois les contenus suivants : continuer d'écrire ; continuer de lire, d'écouter (ou de jouer) de la musique ; danser, faire du sport, continuer de fréquenter les têtes conscientes, même si l'on se fait un peu de mal à force – et qu’elles se raréfient dangereusement) ; aller vers ce qui reste de nature ; pratiquer la révolution froide de Houellebecq en refusant par exemple de consommer; fuir, là-bas fuir, autant que je le peux. Et mépriser, aussi mépriser mais jusqu'à l'ignorance de l'infra-humanité coprophage qui m'entoure. Car je n'ai plus de temps à perdre. Jamais le mens sana in corpore sano ne m'aura semblé si vrai, à une époque de vide intellectuel et d'obésité corporelle. A une époque où l'on n’a plus d'hommes au milieu des ruines, mais des touristes au milieu des ruines. Nous n'avons d'autre choix alors : les temps sont mous, devenons durs.
« Pourquoi si dur ? », demande le morceau de charbon dans le Zarathoustra. Parce qu'on n'a pas le choix, justement. C'est cela ou y passer tout de suite. On attendra que les touristes soient partis et l'on se promènera entre nous dans les ruines. En relisant les Œuvres du baron Evola.
https://www.amazon.fr/Evola-Envers-contre-tous-Collectif/...
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Smile 2, dites cheese et mourez
Smile 2, dites cheese et mourez
André Waroch
Le film d’horreur a trop longtemps été confisqué par des producteurs avides qui ne pensent qu’à créer des produits formatés pour les bandes d’ados qui fréquentent les salles obscures ; frayeurs attendues, procédés répétitifs, et schémas narratifs convenus dont s’était moqué Wes Craven dans Scream, mise en abime des films d’épouvante hollywoodiens.
L’intelligence diabolique de Smile II (dont le schéma narratif de base depuis le premier épisode est la malédiction qui se transmet par contagion, déjà vu notamment dans le très bon It follows) est de choisir un personnage principal dont on jurerait qu’il est effectivement confectionné par le service marketing pour attirer des bandes d’adolescents ; ce personnage principal est une star de la chanson, un mélange entre Lady Gaga, Miley Cyrus, Beyonce, Pink (rajoutez les noms que vous voulez). On la voit répéter ses chorégraphies en petite tenue en vue de sa prochaine tournée, aux côtés de sa mère qui la coache, de ses assistants gays et de ses danseurs.
Mais, de même que la réussite d’Alien et la crédibilité d’un sujet à première vue abracadabrantesque était avant tout due au réalisme total avec lequel Ridley Scott filmait l’équipage du Nostromo avant tout contact avec la créature, de la même façon, Parker Finn installe la crédibilité de son film, avant l’apparition de tout élément surnaturel, en dépeignant le quotidien d’une popstar idole des jeunes exactement à l’inverse de la façon dont le service marketing le dépeindrait : Skye Riley (Naomi Scott, extraordinaire de vérité) mène une existence solitaire, sinistre, consacrée à un métier qu’elle n’a même pas l’air de vraiment aimer. Elle n’est pas encore remise, ni moralement ni physiquement, d’un accident de voiture qui s’est produit un an auparavant et qui a stoppé net sa carrière, alors qu’elle et son petit ami étaient camés jusqu’aux yeux. Le petit ami y est resté, Riley s’en est sortie avec de très graves blessures, de larges cicatrices qu’elle cache avec des vêtements ajustés, et des douleurs subites au dos qui la foudroient et la laissent exsangue. Pourtant, elle parait déterminée à opérer un come-back.
Cherchant des médicaments de nature à faire taire les douleurs dorsales qui troublent ses entrainements et pourraient gâcher son spectacle, elle va voir en cachette son ancien dealer. C’est lui qui va se suicider devant ses yeux, lors d'une scène absolument traumatisante, selon le même procédé déjà vu dans Smile I : le témoin du suicide se voit rongé par la même force qui a envouté le suicidé ; à partir de là, il ne lui reste que quelques jours à vivre, des jours peuplés de cauchemars, d’hallucinations de plus en plus horribles, avec toujours ce même terrible sourire arboré par des personnes réelles, ou par des personnes disparues, ou par des personnes réelles mais qui ne sont en réalité pas là du tout. Car, au fur et à mesure que le mal progresse, la victime ne sait plus ce qui relève de l’illusion et ce qui relève de la réalité.
Contrairement à It follows, où les non-envoutés finissent par constater l’existence des zombies invisibles qui poursuivent chaque nouveau condamné, et mis à part le mode de transmission et la chaîne de transmission, rien ne prouve jamais aux autres qu’il s’agit de quoique ce soit d’autre qu’une maladie mentale, voire d’une maladie tout court ; Maupassant, lui aussi, avait contracté une maladie qui lui provoquait des hallucinations, des phases délirantes, une perte de contact progressive avec la réalité, et qui finit par l’emporter, même s’il fallut quinze ans pour cela: la syphilis. Il se servit d’ailleurs de ces phases hallucinatoires pour mettre au point sa célèbre nouvelle Le horla, sa seule (ou quasi) incursion dans le domaine du fantastique (contrairement aux âneries inlassablement répétées à ce sujet). Maupassant tenta lui aussi de se suicider, avant d’être enfermé à l’asile et d’y mourir dix-huit mois plus tard.
Il n’y a pas de fantaisie dans Smile II, pas de second degré, pas d’extravagance, pas de dérision. Le gore n’est utilisé que pour rendre la mort et sa violence aussi authentiques que possible. Ce réalisme total rend certaines scènes presque insoutenables. Il ne dessert pas l'horreur, il décuple son impact. Ce film, comme l'étrange virus dont il raconte la progression dans un cerveau humain, est un poison qui s’infiltre dans les fibres et les tripes du spectateur, un film hanté, un film qui rampe lentement, dans l’obscurité, jusqu’à son dénouement inéluctable.
Smile II, comme le I, mais avec plus d’âpreté, de virtuosité dans la mise en scène, avec une musique additionnelle plus travaillée et envoutante, et une actrice principale étourdissante, est un film sans issue, sans espoir, sans chaleur, mais dont le talent et l’inspiration habitent chaque plan.
Si Smile II mérite le titre de film d’horreur, c’est au sens de l’horreur de l’irruption de la mort, de sa monstrueuse fatalité, de sa logique impitoyable, dans la vie des vivants, de leurs espoirs, de leurs rêves. La mort qui applique son propre programme, sa propre logique, sans trier entre les bons et les mauvais, entre les stars et les anonymes, entre les vieillards et les belles jeunes femmes, entre ceux qui mériteraient de continuer à vivre et les autres. Et l'on ne peut s'empêcher de nouveau de penser à Maupassant : "La vie si courte, si longue, devient parfois insupportable. Elle se déroule, toujours pareille, avec la mort au bout. On ne peut ni l’arrêter, ni la changer, ni la comprendre. Et souvent une révolte indignée vous saisit devant l’impuissance de notre effort. Quoi que nous fassions, nous mourrons ! Quoi que nous croyions, quoi que nous pensions, quoi que nous tentions, nous mourrons. Et il semble qu’on va mourir demain sans rien connaître encore, bien que dégoûté de tout ce qu’on connaît. »
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lundi, 04 novembre 2024
Le vieux rêve occidental: la destruction de la Russie
Le vieux rêve occidental: la destruction de la Russie
Filip Martens
Bien que la Russie n'ait jamais attaqué l'Occident au cours de son histoire séculaire et qu'elle ait au contraire toujours été désireuse de coopérer avec lui, elle a toutefois dû se défendre contre des attaques occidentales à plusieurs reprises: par l'Ordre de Livonie en 1240-1242, par la Suède en 1708-1709, par la France en 1812, par l'Allemagne en 1914-1918 et en 1941-1945, par l'Ukraine par procuration des États-Unis en 2022 jusqu'à aujourd'hui. En effet, les puissances occidentales voyaient et/ou considèrent la Russie comme une superpuissance compétitive. Depuis l'industrialisation, on s'est également rendu compte que la Russie possédait d'innombrables matières premières en quantités gigantesques. Ainsi, les puissances occidentales voulaient et veulent toujours avoir accès aux incommensurables ressources minérales de la Russie, car elles sont nécessaires à leur industrie.
Pour ce faire, l'Occident emploie toujours une stratégie de balkanisation de la Russie. Cet article donne un aperçu des différentes tentatives occidentales visant à diviser la Russie en une multitude de petits États sans pouvoir et, par conséquent, facilement dominables.
1916-1918 : la première tentative allemande
La stratégie occidentale de démembrement de la Russie et de pillage de ses ressources a été lancée par l'Allemagne pendant la Première Guerre mondiale. En avril 1916, la Ligue des nationalités allogènes de Russie est fondée à Lausanne. Le statut de neutralité de la Suisse donne à la Ligue l'apparence d'un non-alignement pendant la Première Guerre mondiale qui était en cours. Financée par le ministère allemand des affaires étrangères, la Ligue a pour objectif la destruction de la Russie tsariste par la création de mouvements séparatistes. Ceux-ci étaient censés « libérer » les peuples de Russie. Pour conserver l'apparence de la neutralité, la Ligue cherche à obtenir le soutien des Alliés, des États centraux [1] et des États neutres. Avec le traité de Brest-Litovsk du 3 mars 1918 entre les pays du centre et l'URSS nouvellement créée, l'Allemagne acquiert une série d'États satellites à sa frontière orientale (États baltes, Pologne, Ukraine et Finlande). Ces États satellites dépendent économiquement de l'Allemagne et sont contraints de lui fournir des matières premières. À la suite de ce traité, la Russie a perdu environ un tiers de ses terres agricoles, plus de la moitié de son industrie et la grande majorité de ses mines de charbon. Lorsque l'Allemagne elle-même s'est effondrée en novembre 1918, elle a immédiatement perdu tous ces acquis.
1918-1939: Le prométhéisme et la stratégie d'Intermarium de la Pologne
Toujours en 1918, Jozef Pilsudski, le fondateur de la Pologne nouvellement rétablie, a lancé le prométhéisme. Ce projet visait également à balkaniser la Russie - désormais sous la forme de l'URSS - en soutenant les mouvements séparatistes parmi les peuples non russes de l'URSS. Pilsudski lui-même avait choisi le nom de « prométhéisme » en référence au Titan Prométhée de la mythologie grecque. Prométhée a volé le feu aux dieux et l'a donné aux humains. Pour cela, il a été puni pour l'éternité par Zeus. Par analogie, Pilsudski voyait la Pologne comme le Christ des peuples: de même que Jésus-Christ a apporté la lumière aux hommes, le peuple polonais apporterait la lumière aux peuples non russes qui - du moins selon la Pologne - étaient « opprimés » par l'URSS.
Le prométhéisme repose donc sur l'idée arrogante et méprisante que la petite Pologne est le leader naturel de l'Europe centrale et orientale, ce qui est une utopie compte tenu des capacités économiques et militaires limitées de la Pologne. Alors que l'ancien Commonwealth polono-lituanien (1569-1795) était territorialement le plus grand pays d'Europe, il s'agissait politiquement d'un État bi-confédéral très faible, impuissant et divisé à l'intérieur, Etat qui n'a pu exister que parce que le Brandebourg-Prusse, la Moscovie-Russie et l'Empire des Habsbourg étaient de petits États à l'époque. Une fois que ces trois États sont devenus des superpuissances, le Commonwealth polono-lituanien a disparu de la carte assez rapidement. Néanmoins, Pilsudski voyait en la Pologne une superpuissance potentielle capable de dominer les autres nations « inférieures ». C'est d'ailleurs exactement ce que le prométhéisme reprochait à l'URSS. La Pologne devait donc mobiliser et soutenir les nombreux peuples non russes de l'URSS afin de devenir elle-même dominante.
Le prométhéisme était étroitement lié à la stratégie géopolitique de l'Intermarium de Pilsudski. Ce concept visait à réunir les États d'Europe centrale et orientale au sein d'une fédération placée sous la direction de la Pologne. Cela impliquait que ces États renoncent à leur souveraineté. En effet, Pilsudski rêvait d'une restauration territoriale et politique de l'ancien Commonwealth polono-lituanien, qui s'étendait entre deux mers (la mer Baltique et la mer Noire). D'où le nom latin « Intermarium » donné à cette vision romantique de la politique polonaise.
Dès 1918, la Pologne a soutenu des mouvements séparatistes en Carélie, dans les Pays baltes, en Biélorussie, en Ukraine, dans le Caucase et en Asie centrale. Même après l'annexion de la plupart de ces régions par l'URSS en 1921, la Pologne a continué à apporter un soutien matériel aux séparatistes émigrés.
Le prométhéisme a été une ligne directrice de la politique étrangère de la Pologne pendant l'entre-deux-guerres. En 1934, la Pologne a fondé l'organisation Prometeusz. Son siège se trouvait à Paris. Il existait des antennes à Berlin, Varsovie, Vilnius, Helsinki, Téhéran et Harbin. Cette organisation apportait un soutien financier et technique aux mouvements séparatistes des peuples non russes en URSS.
Après 1939, le prométhéisme disparaît, d'une part parce que la Pologne - une fois de plus - disparaît de la carte et, d'autre part, en raison du manque d'intérêt des Alliés. À partir de 1944, la Pologne est,une fois de plus, rétablie mais devient un État satellite de l'URSS et ne peut donc pas reprendre ses activités prométhéistes.
1941-1945 : la deuxième tentative allemande
Au cours de la Seconde Guerre mondiale, l'Allemagne tente une nouvelle fois de détruire la Russie en lançant l'opération Barbarossa. Cette invasion à grande échelle de l'URSS visait à éliminer l'URSS en tant que superpuissance compétitive, en annexant certains pays et en en colonisant d'autres, en expulsant et en soumettant en partie la population, ainsi qu'en prélevant des produits agricoles et des matières premières. Pour balkaniser l'URSS, l'Allemagne utilise le pantouranisme, une idéologie turque qui cherche à réunir tous les peuples turcs et autres peuples altaïques en une seule unité politique et/ou culturelle sous le nom de Touran.
Un plan de propagande pan-turc émanant de la Turquie a rendu de grands services à l'Allemagne dans les régions occupées de l'URSS. L'Allemagne a ainsi recruté des « Osttruppen » pour la Wehrmacht (environ 250.000 hommes) et pour la Waffen-SS (environ 8000 hommes) [2] parmi les soldats soviétiques faits prisonniers de guerre, qui provenaient des peuples turcs d'URSS. En échange, l'Allemagne promet de rendre indépendantes les régions de l'URSS habitées par les Turcs. La guerre se termine par la destruction complète de l'Allemagne et la prise de Berlin par les troupes russes.
De 1991 à aujourd'hui: l'attaque américaine via les séparatistes, les salafistes, les pseudo-dissidents et les ONG
Lorsque l'URSS, après des décennies d'inertie économique à la fin de la guerre froide, s'est désintégrée en plusieurs États pour la plupart impuissants, dont les économies déjà faibles se sont ensuite complètement effondrées au cours des années suivantes, cela a évidemment offert d'énormes perspectives stratégiques aux États-Unis en tant que seule superpuissance restante. Après tout, toutes les anciennes républiques soviétiques pouvaient désormais être facilement infiltrées et déstabilisées. Depuis lors, les États-Unis et leurs alliés européens ont déstabilisé, (tenté de) changer de régime, semé la mort et la destruction dans les pays de l'ex-URSS pendant des décennies, dans leur vaine tentative de détruire géopolitiquement la Russie. En Géorgie, au Kazakhstan, en Ukraine, en Ouzbékistan, en Russie et au Belarus, entre autres, les Américains ont clairement laissé leur marque. Et aujourd'hui, l'infiltration américano-européenne en Arménie et en Moldavie est évidente.
Mais les États-Unis visent surtout à détruire la Russie. Pour ce faire, ils soutiennent des mouvements séparatistes, souvent salafistes (en Tchétchénie en 1991-2006, au Daghestan en 1999-2012, en Bachkirie en 2005,...). Par ailleurs, les États-Unis tentent - en vain - d'établir des mouvements dissidents en Russie. Le recrutement d'un personnage d'extrême droite et raciste comme Aleksey Navalny, qui a ensuite été présenté à l'Occident comme un « combattant contre la corruption » et un « leader de l'opposition démocratique », est bien connu.
En outre, les États-Unis déstabilisent la Russie par l'intermédiaire de diverses organisations non gouvernementales (ONG). Il s'agit d'organisations qui ont l'apparence d'être indépendantes des gouvernements mais qui sont en réalité contrôlées par le département d'État américain.
Il y a par exemple la National Endowment for Democracy (NED), un outil américain issu de la CIA pour saper les gouvernements dans tout le monde non occidental, instiguer des révolutions de couleur et promouvoir des changements de régime. Cette ONG est directement financée par le gouvernement américain. La NED s'est immiscée dans les élections russes et a constitué une menace pour les institutions constitutionnelles de l'État, la défense et la sécurité nationale de la Russie. Sur la base de la loi de 2012 sur les agents étrangers - qui a été remplacée en 2015 par la loi sur les organisations indésirables [3] - la NED est devenue la première organisation à être interdite en Russie en 2015.
L'ONG Freedom House (FH) est également financée par le département d'État américain. FH finance diverses organisations subversives et des politiciens pro-américains dans des pays du monde non occidental, y compris en Ukraine avant le coup d'État américain de 2014 déguisé en « révolution de Maïdan ». Dans le même temps, la FH sympathise fortement avec les régimes pro-américains. Il n'est donc pas surprenant que cette ONG ait été interdite en Russie en mai 2024 sur la base de la loi susmentionnée sur les organisations indésirables.
L'ONG bien connue mais controversée Amnesty International (AI) est financée par la Commission européenne, la Fondation Ford, la Fondation Rockefeller et les gouvernements britannique, américain et autres. Amnesty International a la sombre réputation de publier des rapports inexacts sur les pays, de collaborer avec des organisations dont le bilan en matière de droits de l'homme est douteux, de faire preuve de partialité idéologique et de politique étrangère, ainsi que de pratiquer une forte discrimination institutionnelle au sein de sa propre organisation. De nombreux États, dont la Russie, ont critiqué l'évaluation de leurs politiques par AI, estimant qu'il s'agissait de rapports partiaux ou d'une réticence à voir les menaces pour la sécurité nationale [4].
En outre, l'Open Society Foundation (OSF) de George Soros, financier notoire des changements de régime, est également interdite en Russie - en tant que troisième organisation en vertu de la loi sur les organisations indésirables - depuis le 1er décembre 2015. En effet, les activités de l'OSF et de l'Open Society Institute Assistance Foundation constituent une menace pour le système constitutionnel et la sécurité nationale de la Russie. L'OSF est un réseau international de financement basé aux États-Unis qui dispose de plusieurs milliards de dollars provenant de la fortune de Soros.
Les objectifs des États-Unis sont primo d'éliminer un rival géopolitique (en divisant la Russie en toute une série d'États impuissants et ipso facto facilement manipulables) et secundo d'avoir accès à l'incommensurable richesse en ressources de la Russie (dont l'industrie occidentale a besoin). Toutefois, les peuples que les États-Unis sont censés vouloir « libérer » n'ont jamais indiqué qu'ils souhaitaient quitter la Russie.
2022-présent: renaissance du prométhéisme et de la stratégie Intermarium en Pologne
Parallèlement aux États-Unis, la Pologne poursuit à nouveau la balkanisation de la Russie. Le 22 novembre 2007, une statue de Prométhée a été inaugurée à Tbilissi, la capitale géorgienne, par le président géorgien Mikhaïl Saakachvili et le président polonais Lech Kaczynski. Cette statue n'a pas été érigée en Géorgie par hasard, car selon la mythologie grecque, Prométhée aurait été enchaîné à une colonne et torturé par Zeus dans le Caucase. La statue symbolisait les efforts de la Pologne et de la Géorgie pour obtenir leur indépendance de la Russie et de l'URSS.
Le prométhéisme est redevenu d'actualité au début de la guerre russo-ukrainienne en 2022. Le Forum des nations libres de l'après-Russie (FNRF) est un mouvement basé en Pologne composé d'hommes politiques et de militants libéraux exilés de Russie, de mouvements régionalistes et séparatistes, ainsi que de sympathisants étrangers. Les membres du FNRF sont inconnus du public russe et connaissent peu la société russe.
Le FNRF, fondé en 2022, prône la dissolution de la Russie – dans pas moins de 34 Etats ! – et dans certains cas même pour la dérussification de certaines régions russes. Divers hommes politiques, diplomates et analystes occidentaux participent souvent au FNRF. Le 31 janvier 2023, une réunion du FNRF a même eu lieu au Parlement européen à Bruxelles. Le 31 mars 2023, le FNRF a été interdit par la Russie en tant qu'« organisation indésirable » (cf. supra).
Les activités du FNRF confirment la rhétorique du gouvernement russe selon laquelle l’Occident veut diviser et détruire la Russie. Le professeur Marlène Laruelle de l'Université George Washington a averti que les hommes politiques occidentaux ne devraient pas confondre les déclarations radicales des exilés politiques avec les opinions des citoyens russes, faisant explicitement référence à l'appel du FNRF à « la libération des nations prisonnières », une expression qui remonte à la Première Guerre mondiale (cf. supra).
Le 25 juillet 2022, Ramzan Kadyrov, président de la République russe de Tchétchénie, s'est longuement moqué du FNRF: « Il y a plus de 20 ans, l'Occident a commis la première violation de l'intégrité de la Russie en République tchétchène, en alimentant les terroristes étrangers avec de l'argent et en inventant une légende sur la liberté. (…) En général, messieurs les pseudo-libéraux, je ne peux que vous remercier d’avoir confirmé les propos des plus hauts dirigeants russes sur les tentatives de désintégration du pays» [5].
La Pologne prométhéiste continue ainsi de promouvoir la sécession des peuples non russes en Russie dans le but ultime de la dissolution et de l'élimination complète de la Grande Russie, afin qu'elle ne puisse plus constituer une menace pour l'aspiration polonaise à l'Intermarium, à nouveau bien vivante en Pologne. Par exemple, le 15 février 1991, la Pologne, la Tchécoslovaquie et la Hongrie ont fondé le Groupe de Visegrad en tant qu'organisation de coopération régionale. Le 6 août 2015, le président polonais Andrzej Duda a annoncé la création d'une alliance régionale des États d'Europe centrale selon l'idée d'Intermarium. Celui-ci est devenu l'organisme consultatif régional Initiative des Trois Mers, qui réunit douze États membres de l'UE entre les mers Baltique, Noire et Adriatique.
La Pologne se considère toujours supérieure à la Lituanie et à l’Ukraine, entre autres. Ces autres peuples devraient encore accepter la domination polonaise, ce qui est insultant, voire humiliant.
Puisque les États-Unis veulent déplacer leurs ressources militaires et financières vers l’Asie du Sud-Est, où ils veulent affronter la Chine, ils penchent actuellement vers l’externalisation de la guerre en Ukraine et menacent la Russie par le truchement de son État satellite, l’Allemagne, contrôlé par les Etats-Unis depuis 1945. Les troupes allemandes sont utilisées et très strictement surveillées par les services de renseignement américains. Cela se reflète dans l’installation de bases militaires allemandes en Lituanie et en Pologne et dans divers projets du gouvernement allemand visant à développer considérablement l’armée. Par exemple, entre 2015 et 2020, les dépenses de défense ont été augmentées pour moderniser l’armée et augmenter le nombre de soldats (jusqu’à 185.000), de véhicules blindés de transport de troupes, de sous-marins et d’avions. Au cours de la période 2020-2030, d’importants investissements supplémentaires seront réalisés dans des troupes supplémentaires et de nouveaux équipements. En 2023, le nombre de soldats avait encore augmenté (de 7000). 20.000 soldats supplémentaires ont été ajoutés en 2024. Dans le même temps, le ministre allemand de la Défense Boris Pistorius a annoncé que l'Allemagne devait être prête à la guerre d'ici 2029. Il s’agit de la première expansion militaire allemande depuis la fin de la guerre froide.
En outre, l’Allemagne encourage à son tour la Pologne, future superpuissance, à promouvoir la stratégie Intermarium pour tenter d’affaiblir la Russie. Il semble donc qu’une troisième tentative allemande soit en route…
Notes:
- (1) Les centres étaient constitués de l'Allemagne, de l'Autriche-Hongrie, de la Bulgarie et de l'Empire ottoman.
- (2) DECORDIER (B.), The Fedayeen of the Reich : Muslims, Islam and collaborationism during World War II, dans : China and Eurasia Forum Quarterly, volume 8, no. 1, 2010, pp. 28.
- (3) La loi russe sur les organisations indésirables du 23 mai 2015 donne aux procureurs le pouvoir de déclarer les organisations étrangères et internationales « indésirables ». Cette loi prévoit l'interdiction de mener des activités en Russie, de lourdes amendes et des peines de prison en cas de non-respect de la loi, ainsi que l'interdiction pour les citoyens russes de maintenir des liens avec ces organisations. Cette loi a été votée pour contrer les nombreuses organisations libérales occidentales qui menaient des activités subversives en Russie.
- (4) LARUELLE (M.), Putin’s war and the dangers of Russian disintegration, dans : Foreign Affairs, 9 décembre 2022.
- (5) Compte Telegram de Ramzan Kadyrov, dd. 25 juillet 2022.
18:46 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, occident, russie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Alexandre Douguine: "L'Etat profond"
L'État profond
Alexandre Douguine
Alexandre Douguine révèle que l’État profond est une cabale occidentale corrompue, infiltrée aux États-Unis et en Europe pour manipuler les élections, écraser les dirigeants populistes comme Donald Trump et imposer son programme libéral-mondialiste en se faisant passer pour un protecteur de la démocratie tout en subvertissant impitoyablement la volonté du peuple.
Le terme « État profond » est de plus en plus utilisé aujourd’hui dans le discours politique, passant du journalisme au langage politique commun. Cependant, le terme lui-même devient quelque peu vague, avec l’émergence de différentes interprétations. Il est donc essentiel d’examiner de plus près le phénomène décrit comme « État profond » et de comprendre quand et où ce concept est entré en usage pour la première fois.
Cette expression est apparue pour la première fois dans la politique turque dans les années 1990, décrivant une situation très spécifique en Turquie. En turc, « État profond » se dit derin devlet. Cela est crucial car toutes les utilisations ultérieures de ce concept sont d’une certaine manière liées à la signification originale, qui a émergé pour la première fois en Turquie.
Depuis l’époque de Kemal Atatürk, la Turquie a développé un mouvement politique et idéologique particulier connu sous le nom de kémalisme. Il repose sur le culte d’Atatürk (littéralement, « Père des Turcs »), une laïcité stricte (rejet du facteur religieux non seulement en politique mais aussi dans la vie publique), le nationalisme (mise en avant de la souveraineté et de l’unité de tous les citoyens dans le paysage politique ethniquement diversifié de la Turquie), le modernisme, l’européanisme et le progressisme. Le kémalisme représentait, à bien des égards, une antithèse directe de la vision du monde et de la culture qui dominaient l’Empire ottoman religieux et traditionaliste. Depuis la création de la Turquie, le kémalisme était et reste largement le code dominant de la politique turque contemporaine. C’est sur la base de ces idées que l’État turc a été établi sur les ruines de l’Empire ottoman.
Le kémalisme a ouvertement dominé pendant le règne d’Atatürk, et par la suite, cet héritage a été transmis à ses successeurs politiques. L’idéologie kémaliste s’appuyait sur une démocratie de type européen, mais le pouvoir réel était concentré entre les mains des dirigeants militaires du pays, en particulier du Conseil de sécurité nationale (CNS). Après la mort d’Atatürk, l’élite militaire est devenue la gardienne de l’orthodoxie idéologique du kémalisme. Le CNS turc a été créé en 1960 après un coup d’État militaire, et son rôle s’est considérablement accru après un autre coup d’État en 1980.
Il est important de noter que de nombreux officiers supérieurs de l’armée turque et des responsables des services de renseignements étaient membres de loges maçonniques, mêlant ainsi le kémalisme à la franc-maçonnerie militaire. Chaque fois que la démocratie turque s’écartait du kémalisme – que ce soit vers la droite ou vers la gauche – l’armée annulait les résultats des élections et lançait un cycle de répressions.
Cependant, le terme derin devlet n’est apparu que dans les années 1990, précisément au moment où l’islamisme politique se développait en Turquie. C’est là que, pour la première fois dans l’histoire de la Turquie, un conflit s’est produit entre l’idéologie de l’État profond et la démocratie politique. Le problème est apparu lorsque des islamistes, comme Necmettin Erbakan et son partisan Recep Tayyip Erdoğan, ont poursuivi une idéologie politique alternative qui remettait directement en cause le kémalisme. Ce changement concernait tout: l’islam remplaçant la laïcité, des liens plus étroits avec l’Est par rapport à l’Ouest et la solidarité musulmane remplaçant le nationalisme turc. Dans l’ensemble, le salafisme et le néo-ottomanisme ont supplanté le kémalisme. La rhétorique antimaçonnique, notamment celle d'Erbakan, a remplacé l'influence des cercles maçonniques militaires laïcs par des ordres soufis traditionnels et des organisations islamiques modérées, comme le mouvement Nur de Fethullah Gülen.
À ce stade, l’idée d’État profond (derin devlet) est apparue comme une image descriptive du noyau militaro-politique kémaliste en Turquie, qui se considérait comme au-dessus de la démocratie politique, annulant les élections, arrêtant les personnalités politiques et religieuses et se positionnant au-dessus des procédures juridiques de la politique de style européen. La démocratie électorale ne fonctionnait que lorsqu’elle s’alignait sur la ligne de conduite de l’armée kémaliste. Lorsqu’une distance critique apparaissait, comme dans le cas des islamistes, le parti qui avait remporté les élections et même dirigé le gouvernement pouvait être dissous sans explication. Dans de tels cas, la « suspension de la démocratie » n’avait aucun fondement constitutionnel – l’armée non élue agissait sur la base d’un « opportunisme révolutionnaire » pour sauver la Turquie kémaliste.
Plus tard, Erdoğan a lancé une guerre à grande échelle contre l’État profond de la Turquie, qui a culminé avec le procès Ergenekon en 2007, où presque tous les dirigeants militaires de la Turquie ont été arrêtés sous prétexte qu'ils préparaient un coup d’État. Cependant, plus tard, Erdoğan s’est brouillé avec son ancien allié, Fethullah Gülen, qui était profondément enraciné dans les réseaux de renseignement occidentaux. Erdoğan a rétabli le statut de nombreux membres de l’État profond, en formant avec eux une alliance pragmatique, principalement sur le terrain commun du nationalisme turc. Le débat sur la laïcité a été atténué et reporté, et surtout après la tentative de coup d’État manquée des gülenistes en 2016, Erdoğan lui-même a commencé à être qualifié de « kémaliste vert ». Malgré cela, la position de l’État profond en Turquie s’est affaiblie lors de la confrontation avec Erdoğan, et l’idéologie du kémalisme s’est diluée, bien qu’elle ait survécu.
Principales caractéristiques de l’État profond
De l’histoire politique moderne de la Turquie, nous pouvons tirer plusieurs conclusions générales. Un État profond peut exister et a du sens lorsque :
- 1) Il existe un système électoral démocratique ;
- 2) Au-dessus de ce système, il existe une entité militaro-politique non élue liée à une idéologie spécifique (indépendamment de la victoire d'un parti particulier) ;
- 3) Il existe une société secrète (de type maçonnique par exemple) qui réunit l'élite militaro-politique.
L’État profond se révèle lorsque des contradictions apparaissent entre les normes démocratiques formelles et le pouvoir de cette élite (sinon, l’existence de l’État profond reste obscure). L’État profond n’est possible que dans les démocraties libérales, même nominales. Dans les systèmes politiques ouvertement totalitaires, comme le fascisme ou le communisme, il n’y a pas besoin d’État profond. Ici, un groupe idéologiquement rigide se reconnaît ouvertement comme la plus haute autorité, se plaçant au-dessus des lois formelles. Les systèmes à parti unique mettent l’accent sur ce modèle de gouvernance, ne laissant aucune place à l’opposition idéologique et politique. Ce n’est que dans les sociétés démocratiques, où aucune idéologie dominante ne devrait exister, que l’État profond émerge comme un phénomène de « totalitarisme caché », qui manipule la démocratie et les systèmes multipartites à sa guise.
Les communistes et les fascistes reconnaissent ouvertement la nécessité d’une idéologie dominante, rendant leur pouvoir politique et idéologique direct et transparent (potestas directa, comme l’a dit Carl Schmitt). Les libéraux nient avoir une idéologie, mais ils en ont une. Ils influencent donc les processus politiques fondés sur le libéralisme en tant que doctrine, mais seulement indirectement, par la manipulation (potestas indirecta). Le libéralisme ne révèle sa nature ouvertement totalitaire et idéologique que lorsque des contradictions surgissent entre lui et les processus politiques démocratiques.
En Turquie, où la démocratie libérale a été empruntée à l’Occident et ne correspondait pas tout à fait à la psychologie politique et sociale de la société, l’État profond a été facilement identifié et nommé. Dans d’autres systèmes démocratiques, l’existence de cette instance totalitaire-idéologique, illégitime et formellement « inexistante », est devenue évidente plus tard. Cependant, l’exemple turc revêt une importance significative pour comprendre ce phénomène. Ici, tout est limpide comme un livre ouvert.
Trump et la découverte de l’État profond aux États-Unis
Concentrons-nous maintenant sur le fait que le terme « État profond » est apparu dans les discours des journalistes, analystes et politiciens aux États-Unis pendant la présidence de Donald Trump. Une fois de plus, le contexte historique joue un rôle décisif. Les partisans de Trump, comme Steve Bannon et d’autres, ont commencé à parler de la façon dont Trump, ayant le droit constitutionnel de déterminer le cours de la politique américaine en tant que président élu, a rencontré des obstacles inattendus qui ne pouvaient pas être simplement attribués à l’opposition du Parti démocrate ou à l’inertie bureaucratique.
Peu à peu, à mesure que cette résistance s’intensifiait, Trump et ses partisans ont commencé à se considérer non seulement comme des représentants du programme républicain, traditionnel pour les politiciens et présidents du parti précédents, mais comme quelque chose de plus. Leur focalisation sur les valeurs traditionnelles et leur critique de l’agenda mondialiste ont touché une corde sensible non seulement chez leurs adversaires politiques directs, les « progressistes » et le Parti démocrate, mais aussi chez une entité invisible et inconstitutionnelle, capable d’influencer tous les processus majeurs de la politique américaine – la finance, les grandes entreprises, les médias, les agences de renseignement, le système judiciaire, les principales institutions culturelles, les meilleurs établissements d’enseignement, etc. – de manière coordonnée et ciblée.
Il semblerait que les actions de l’appareil gouvernemental dans son ensemble devraient suivre le cours et les décisions d’un président des États-Unis légalement élu. Mais il s’est avéré que ce n’était pas du tout le cas. Indépendamment de Trump, à un niveau supérieur du « pouvoir de l’ombre », des processus incontrôlables étaient en cours. Ainsi, l’État profond a été découvert aux États-Unis même.
Aux États-Unis, comme en Turquie, il existe indubitablement une démocratie libérale. Mais l’existence d’une entité militaro-politique non élue, liée à une idéologie spécifique (indépendamment de la victoire d’un parti particulier) et éventuellement membre d’une société secrète (comme une organisation de type maçonnique), était complètement imprévue pour les Américains. Par conséquent, le discours sur l’État profond pendant cette période est devenu une révélation pour beaucoup, passant d’une « théorie du complot » à une réalité politique visible.
Bien sûr, l’assassinat non résolu de John F. Kennedy, l’élimination probable d’autres membres de son clan, de nombreuses incohérences entourant les événements tragiques du 11 septembre et plusieurs autres secrets non résolus de la politique américaine ont conduit les Américains à soupçonner l’existence d’une sorte de « pouvoir caché » aux États-Unis.
Les théories du complot, populaires, ont proposé les candidats les plus improbables – des crypto-communistes aux reptiliens et aux Anunnaki. Mais l’histoire de la présidence de Trump, et plus encore sa persécution après sa défaite face à Biden et les deux tentatives d’assassinat pendant la campagne électorale de 2024, rendent nécessaire de prendre au sérieux l’État profond aux États-Unis. Ce n’est plus quelque chose que l’on peut ignorer. Il existe bel et bien, il agit, il est actif et il… gouverne.
Council on Foreign Relations : vers la création d’un gouvernement mondial
Pour expliquer ce phénomène, il faut d’abord se tourner vers les organisations politiques américaines du 20ème siècle qui étaient les plus idéologiques et cherchaient à fonctionner au-delà des clivages partisans. Si nous essayons de trouver le noyau de l’État profond parmi les militaires, les agences de renseignement, les magnats de Wall Street, les magnats de la technologie et autres, il est peu probable que nous parvenions à une conclusion satisfaisante. La situation y est trop individualisée et diffuse. Il faut d’abord et avant tout prêter attention à l’idéologie.
Laissant de côté les théories du complot, deux entités se distinguent comme les plus aptes à jouer ce rôle: le CFR (Council on Foreign Relations), fondé dans les années 1920 par des partisans du président Woodrow Wilson, ardent défenseur du mondialisme démocratique, et le mouvement beaucoup plus tardif des néoconservateurs américains, qui ont émergé du milieu trotskiste autrefois marginal et ont progressivement acquis une influence significative aux États-Unis.
Le CFR et les néoconservateurs sont tous deux indépendants de tout parti. Leur objectif est de guider la politique américaine dans son ensemble, quel que soit le parti au pouvoir à un moment donné. De plus, ces deux entités possèdent des idéologies bien structurées et claires: le mondialisme de gauche libéral dans le cas du CFR et l’hégémonie américaine affirmée dans le cas des néoconservateurs. Le CFR peut être considéré comme les mondialistes de gauche et les néoconservateurs comme les mondialistes de droite.
Dès sa création, le CFR s’est fixé pour objectif de faire passer les États-Unis d’un État-nation à un « empire » démocratique mondial. Contre les isolationnistes, le CFR a avancé la thèse selon laquelle les États-Unis sont destinés à rendre le monde entier libéral et démocratique. Les idéaux et les valeurs de la démocratie libérale, du capitalisme et de l’individualisme ont été placés au-dessus des intérêts nationaux. Tout au long du 20ème siècle, à l’exception d’une brève interruption pendant la Seconde Guerre mondiale, ce réseau de politiciens, d’experts, d’intellectuels et de représentants de sociétés transnationales a œuvré à la création d’organisations supranationales: d’abord la Société des Nations, puis les Nations Unies, le Club Bilderberg, la Commission trilatérale, etc. Leur tâche consistait à créer une élite libérale mondiale unifiée qui partageait l’idéologie du mondialisme dans tous les domaines: philosophie, culture, science, économie, politique, etc. Les activités des mondialistes au sein du CFR visaient à établir un gouvernement mondial, impliquant le dépérissement progressif des États-nations et le transfert du pouvoir des anciennes entités souveraines aux mains d’une oligarchie mondiale, composée des élites libérales du monde, formées selon les modèles occidentaux.
Par le biais de ses réseaux européens, le CFR a joué un rôle actif dans la création de l’Union européenne (une étape concrète vers un gouvernement mondial). Ses représentants – en particulier Henry Kissinger, le leader intellectuel de l’organisation – ont joué un rôle clé dans l’intégration de la Chine au marché mondial, une mesure efficace pour affaiblir le bloc socialiste. Le CFR a également activement promu la théorie de la convergence et a réussi à exercer une influence sur les dirigeants soviétiques de la fin de l’ère soviétique, jusqu’à Gorbatchev. Sous l’influence des stratégies géopolitiques du CFR, les idéologues soviétiques de la fin de l’ère soviétique ont écrit sur la «gouvernabilité de la communauté mondiale».
Aux États-Unis, le CFR est un organisme strictement non partisan, qui regroupe à la fois des démocrates, dont il est un peu plus proche, et des républicains. Il fait office d’état-major du mondialisme, avec des initiatives européennes similaires – comme le Forum de Davos de Klaus Schwab – lesquelles sont comme filiales. À la veille de l’effondrement de l’Union soviétique, le CFR a créé une filiale à Moscou, à l’Institut d’études systémiques dirigé par l’académicien Gvishiani, d’où sont issus le noyau des libéraux russes des années 1990 et la première vague d’oligarques idéologiques.
Il est clair que Trump a rencontré précisément cette entité, présentée aux États-Unis et dans le monde entier comme une plate-forme inoffensive et prestigieuse pour l’échange d’opinions entre experts « indépendants ». Mais en réalité, il s’agit d’un véritable quartier général idéologique. Trump, avec son programme conservateur à l’ancienne, l’accent mis sur les intérêts américains et la critique du mondialisme, est entré en conflit direct et ouvert avec elle.
Trump n’a peut-être été président des États-Unis que pendant une brève période, mais le CFR a une histoire de plus d’un siècle qui détermine l’orientation de la politique étrangère américaine. Et, bien sûr, au cours de ses cent ans au pouvoir, le CFR a formé un vaste réseau d’influence, diffusant ses idées parmi les militaires, les fonctionnaires, les personnalités culturelles et les artistes, mais surtout dans les universités américaines, qui sont devenues de plus en plus idéologisées au fil du temps. Officiellement, les États-Unis ne reconnaissent aucune domination idéologique. Mais le réseau du CFR est hautement idéologique. Le triomphe planétaire de la démocratie, l’établissement d’un gouvernement mondial, la victoire complète de l’individualisme et de la politique de genre – tels sont les objectifs les plus emblématiques, dont il est inacceptable de s’écarter.
Le nationalisme de Trump, son programme America First et ses menaces de « drainer le marais mondialiste » représentaient un défi direct à cette entité, gardienne des codes du libéralisme totalitaire (comme de toute idéologie).
Tuer Poutine et Trump
Peut-on considérer le CFR comme une société secrète? Difficilement. Bien qu’il privilégie la discrétion, il opère ouvertement, en règle générale. Par exemple, peu de temps après le début de l’opération militaire spéciale russe, les dirigeants du CFR (Richard Haass, Fiona Hill et Celeste Wallander) ont ouvertement discuté de la faisabilité d’un assassinat du président Poutine (une transcription de cette discussion a été publiée sur le site officiel du CFR). L’État profond américain, contrairement à l’État turc, pense à l’échelle mondiale. Ainsi, les événements en Russie ou en Chine sont considérés par ceux qui se considèrent comme le futur gouvernement mondial comme des « affaires intérieures ». Et tuer Trump serait encore plus simple – s’ils ne pouvaient pas l’emprisonner ou l’exclure des élections.
Il est important de noter que les loges maçonniques ont joué un rôle clé dans le système politique américain depuis la guerre d’indépendance des États-Unis. En conséquence, les réseaux maçonniques sont étroitement liés au CFR et servent d’organismes de recrutement pour eux. Aujourd’hui, les mondialistes libéraux n’ont plus besoin de se cacher. Leurs programmes ont été pleinement adoptés par les États-Unis et l’Occident dans son ensemble. À mesure que le « pouvoir secret » se renforce, il cesse progressivement d’être secret. Ce qui devait autrefois être protégé par la discipline du secret maçonnique est désormais devenu un programme mondial ouvert. Les francs-maçons n’ont pas hésité à éliminer physiquement leurs ennemis, même s’ils n’en parlaient pas ouvertement. Aujourd’hui, ils le font. C’est la seule différence.
Les néoconservateurs : des trotskistes aux impérialistes
Le deuxième centre de l’État profond sont les néoconservateurs. À l’origine, il s’agissait de trotskistes qui détestaient l’Union soviétique et Staline parce que, selon eux, la Russie n’avait pas construit un socialisme international mais un socialisme « national », c’est-à-dire un socialisme dans un seul pays. En conséquence, selon eux, une véritable société socialiste n’a jamais été créée, et le capitalisme n’a pas été pleinement réalisé. Les trotskistes croient que le véritable socialisme ne peut émerger qu’une fois que le capitalisme est devenu planétaire et a triomphé partout, mélangeant de manière irréversible tous les groupes ethniques, peuples et cultures tout en abolissant les traditions et les religions. C’est seulement alors (et pas avant) que viendra le temps de la révolution mondiale.
Les trotskistes américains en ont donc conclu qu’ils devaient aider le capitalisme mondial et les États-Unis en tant que porte-étendard, tout en cherchant à détruire l’Union soviétique (et plus tard la Russie, son successeur), ainsi que tous les États souverains. Le socialisme, pensaient-ils, ne pouvait être que strictement international, ce qui signifiait que les États-Unis devaient renforcer leur hégémonie et éliminer leurs adversaires. Ce n’est qu’une fois que le Nord riche aura établi une domination complète sur le Sud appauvri et que le capitalisme international régnera partout en maître que les conditions seront mûres pour passer à la phase suivante du développement historique.
Pour exécuter ce plan diabolique, les trotskistes américains ont pris la décision stratégique d’entrer dans la grande politique – mais pas directement puisque personne aux États-Unis n’a voté pour eux. Au lieu de cela, ils ont infiltré les principaux partis, d’abord par l’intermédiaire des démocrates, puis, après avoir pris de l’ampleur, également par l’intermédiaire des républicains.
Les trotskistes ont ouvertement reconnu la nécessité de l’idéologie et ont considéré la démocratie parlementaire avec dédain, la considérant simplement comme une couverture pour le grand capital. Ainsi, aux côtés du CFR, une autre version de l’État profond s’est formée aux États-Unis. Les néoconservateurs n’ont pas affiché leur trotskisme mais ont plutôt séduit les militaristes américains traditionnels, les impérialistes et les partisans de l’hégémonie mondiale. Et c’est contre ces gens, qui jusqu’à Trump avaient pratiquement dominé le Parti républicain, que Trump a dû lutter.
La démocratie est une dictature
Dans un certain sens, l’État profond américain est bipolaire, c’est-à-dire qu’il possède deux pôles :
- 1) le pôle mondialiste de gauche (CFR) et
- 2) le pôle mondialiste de droite (les néoconservateurs).
Les deux organisations sont non partisanes, non élues et portent une idéologie agressive et proactive qui est, par essence, ouvertement totalitaire. À de nombreux égards, elles sont alignées, ne divergeant que dans la rhétorique. Toutes deux sont farouchement opposées à la Russie de Poutine et à la Chine de Xi Jinping, et elles sont contre la multipolarité en général. Aux États-Unis, elles sont toutes deux tout aussi opposées à Trump, car lui et ses partisans représentent une version plus ancienne de la politique américaine, déconnectée du mondialisme et axée sur les questions intérieures. Une telle position de Trump est une véritable rébellion contre le système, comparable aux politiques islamistes d’Erbakan et d’Erdogan qui ont jadis défié le kémalisme en Turquie.
C’est ce qui explique pourquoi le discours autour de l’État profond a émergé avec la présidence de Trump. Trump et ses politiques ont gagné le soutien d’une masse critique d’électeurs américains. Cependant, il s’est avéré que cette position ne correspondait pas aux vues de l’État profond, qui s’est révélé en agissant durement contre Trump, en dépassant le cadre juridique et en piétinant les normes de la démocratie. La démocratie, c’est nous, a déclaré en substance l’État profond américain. De nombreux critiques ont commencé à parler d’un coup d’État. Et c’est essentiellement ce qu’il s’est passé. Le pouvoir de l’ombre aux États-Unis s’est heurté à la façade démocratique et a commencé à ressembler de plus en plus à une dictature – libérale et mondialiste.
L’État profond européen
Considérons maintenant ce que l’État profond pourrait signifier dans le cas des pays européens. Récemment, les Européens ont commencé à remarquer que quelque chose d’inhabituel se produit avec la démocratie dans leurs pays. La population vote selon ses préférences, soutenant de plus en plus divers populistes, en particulier ceux de droite. Pourtant, une entité au sein de l’État réprime immédiatement les vainqueurs, les soumet à la répression, les discrédite et les écarte de force du pouvoir. Nous le voyons dans la France de Macron avec le parti de Marine Le Pen, en Autriche avec le Parti de la liberté (FPÖ), en Allemagne avec l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) et avec le parti de Sahra Wagenknecht, et aux Pays-Bas avec Geert Wilders, entre autres. Ils remportent des élections démocratiques mais sont ensuite écartés du pouvoir.
Une situation familière ? Oui, cela ressemble beaucoup à la Turquie et au rôle de l’armée kémaliste. Cela suggère que nous avons affaire à un État profond en Europe également.
Il devient immédiatement évident que dans tous les pays européens, cette entité n’est pas nationale et fonctionne selon le même modèle. Il ne s’agit pas seulement d’un État profond français, allemand, autrichien ou néerlandais. Il s’agit d’un État profond paneuropéen, qui fait partie d’un réseau mondialiste unifié. Le centre de ce réseau se trouve dans l’État profond américain, principalement dans le CFR, mais ce réseau enveloppe aussi étroitement l’Europe.
Ici, les forces libérales de gauche, en étroite alliance avec l’oligarchie économique et les intellectuels postmodernes – presque toujours issus d’un milieu trotskiste – forment la classe dirigeante non élue mais totalitaire de l’Europe. Cette classe se considère comme faisant partie d’une communauté atlantique unifiée. Essentiellement, ils constituent l’élite de l’OTAN. Encore une fois, nous pouvons rappeler le rôle similaire de l’armée turque. L’OTAN est le cadre structurel de l’ensemble du système mondialiste, la dimension militaire de l’État profond collectif de l’Occident.
Il n’est pas difficile de situer l’État profond européen dans des structures similaires au CFR, comme la filiale européenne de la Commission trilatérale, le Forum de Davos de Klaus Schwab et d’autres. C’est à cette autorité que la démocratie européenne se heurte lorsque, comme Trump aux États-Unis, elle tente de faire des choix que les élites européennes jugent « mauvais », « inacceptables » et « répréhensibles ». Et il ne s’agit pas seulement des structures formelles de l’Union européenne. Le problème réside dans une force beaucoup plus puissante et efficace qui ne prend aucune forme juridique. Ce sont les porteurs du code idéologique qui, selon les lois formelles de la démocratie, ne devraient tout simplement pas exister. Ce sont les gardiens du libéralisme profond, qui répondent toujours durement à toute menace qui surgit de l’intérieur du système démocratique lui-même.
Comme dans le cas des États-Unis, les loges maçonniques ont joué un rôle important dans l’histoire politique de l’Europe moderne, servant de siège aux réformes sociales et aux transformations laïques. Aujourd’hui, les sociétés secrètes ne sont plus vraiment nécessaires, car elles fonctionnent depuis longtemps de manière ouverte, mais le maintien des traditions maçonniques reste une partie intégrante de l’identité culturelle de l’Europe.
Nous arrivons ainsi au plus haut niveau d’une entité antidémocratique, profondément idéologique, qui opère en violation de toutes les règles et normes juridiques et détient le pouvoir absolu en Europe. Il s’agit d’un pouvoir indirect, ou d’une dictature cachée – l’État profond européen, en tant que partie intégrante du système unifié de l’Occident collectif, lié par l’OTAN.
L’État profond en Russie dans les années 1990
La dernière chose qui reste à faire est d’appliquer le concept d’État profond à la Russie. Il est à noter que dans le contexte russe, ce terme est très rarement utilisé, voire pas du tout. Cela ne signifie pas qu’il n’existe rien de semblable à un État profond en Russie. Cela suggère plutôt qu’aucune force politique significative bénéficiant d’un soutien populaire critique ne l’a encore affronté. Néanmoins, nous pouvons décrire une entité qui, avec un certain degré d’approximation, peut être appelée « État profond russe ».
En Russie, après l’effondrement de l’Union soviétique, l’idéologie d’État a été bannie et, à cet égard, la Constitution russe s’aligne parfaitement sur les autres régimes prétendument libéraux-démocratiques. Les élections sont multipartites, l’économie est fondée sur le marché, la société est laïque et les droits de l’homme sont respectés. D’un point de vue formel, la Russie contemporaine ne diffère pas fondamentalement des pays d’Europe, d’Amérique ou de la Turquie.
Cependant, une sorte d’entité implicite et non partisane existait en Russie, en particulier à l’époque d’Eltsine. À l’époque, cette entité était désignée par le terme général de « La Famille ». La Famille remplissait les fonctions d’un État profond. Alors qu’Eltsine lui-même était le président légitime (bien que pas toujours légitime au sens large), les autres membres de cette entité n’étaient élus par personne et n’avaient aucune autorité légale. Dans les années 1990, la Famille était composée des proches d’Eltsine, d’oligarques, de responsables de la sécurité loyaux, de journalistes et d’occidentalistes libéraux de conviction. Ce sont eux qui ont mis en œuvre les principales réformes capitalistes du pays, les faisant passer au mépris de la loi, la modifiant à leur guise ou l’ignorant tout simplement. Ils n’ont pas agi uniquement par intérêt clanique, mais comme un véritable État profond: ils ont interdit certains partis, en ont artificiellement soutenu d’autres, ont refusé le pouvoir aux vainqueurs (comme le Parti communiste et le LDPR) et l’ont accordé à des individus inconnus et sans distinction, ont contrôlé les médias et le système éducatif, ont réaffecté des industries entières à des personnalités fidèles et ont éliminé ce qui ne les intéressait pas.
À cette époque, le terme « État profond » n’était pas connu en Russie, mais le phénomène lui-même était clairement présent.
Il convient toutefois de noter qu’en si peu de temps après l’effondrement du système de parti unique ouvertement totalitaire et idéologique, un État profond pleinement développé n’aurait pas pu se former de manière indépendante en Russie. Naturellement, les nouvelles élites libérales se sont simplement intégrées au réseau mondial occidental, en y puisant à la fois l’idéologie et la méthodologie du pouvoir indirect (potestas indirecta) – par le biais du lobbying, de la corruption, des campagnes médiatiques, du contrôle de l’éducation et de l’établissement de normes sur ce qui était bénéfique et ce qui était nuisible, ce qui était permis et ce qui devait être interdit. L’État profond de l’ère Eltsine qualifiait ses opposants de « rouges-bruns », bloquant préventivement les défis sérieux de la droite comme de la gauche. Cela indique qu’il existait une forme d’idéologie (officiellement non reconnue par la Constitution) qui servait de base à de telles décisions sur ce qui était bien et ce qui était mal. Cette idéologie était le libéralisme.
Dictature libérale
L’État profond n’apparaît qu’au sein des démocraties, fonctionnant comme une institution idéologique qui les corrige et les contrôle. Ce pouvoir de l’ombre a une explication rationnelle. Sans un tel régulateur supra-démocratique, le système politique libéral pourrait changer, car il n’y a aucune garantie que le peuple ne choisira pas une force qui offre une voie alternative à la société. C’est précisément ce qu’Erdoğan en Turquie, Trump aux États-Unis et les populistes en Europe ont essayé de faire – et y sont partiellement parvenus. Cependant, la confrontation avec les populistes oblige l’État profond à sortir de l’ombre. En Turquie, cela a été relativement facile, car la domination des forces militaires kémalistes était largement conforme à la tradition historique. Mais dans le cas des États-Unis et de l’Europe, la découverte d’un quartier général idéologique fonctionnant par la coercition, des méthodes totalitaires et des violations fréquentes de la loi – sans aucune légitimité électorale – apparaît comme un scandale, car elle porte un coup dur à la croyance naïve dans le mythe de la démocratie.
L’État profond repose sur une thèse cynique, dans l’esprit de La Ferme des animaux d’Orwell : « Certains démocrates sont plus démocrates que d’autres. » Mais les citoyens ordinaires peuvent y voir une forme de dictature et de totalitarisme. Et ils auraient raison. La seule différence est que le totalitarisme à parti unique opère ouvertement, tandis que le pouvoir de l’ombre qui se tient au-dessus du système multipartite est contraint de dissimuler son existence même.
Cela ne peut plus être dissimulé. Nous vivons dans un monde où l’État profond est passé d'une hypothèse issue d’une théorie du complot à une réalité politique, sociale et idéologique claire et facilement identifiable.
Il vaut mieux regarder la vérité en face. L’État profond est réel et il est sérieux.
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Hugo Fischer: le maître caché d'Ernst Jünger
Hugo Fischer: le maître caché d'Ernst Jünger
par Manuel Fernández Espinosa
Source: https://culturatransversal.wordpress.com/2016/01/12/hugo-...
Le magister Nigromontanus
Lors de la préparation de l'excursus à l'« Élucidation de la tradition », consacré en deux parties (Partie I et Partie II [L'ouvrage complet peut être consulté dans Página Transversal]) à la réflexion sur la notion de « tradition » chez Ernst Jünger, nous avons été frappés par un sujet qui nous préoccupait depuis un certain temps: la figure de l'un des maîtres qui a le plus influencé la pensée d'Ernst Jünger et qui, dans la bibliographie espagnole sur Jünger, n'a pratiquement pas été abordée. Il s'agit d'Ernst Hugo Fischer.
Jünger s'y réfère abondamment, mais de manière dispersée. Dans ses journaux, il le désigne presque toujours sous le pseudonyme de «Magister», bien qu'il le mentionne également par son prénom et son nom. Dans les romans « Sur les falaises de marbre » et « Héliopolis », il le désigne par le surnom de « Nigromontanus », dans « Visite à Godenholm », Jünger germanise « Nigromontanus », et on peut l'identifier au personnage de «Schwarzenberg» (Montenegro, comme on dirait en espagnol). Il y a autour de Hugo Fischer un halo de mystère que Jünger lui-même contribue à créer et qui plane sur toute l'œuvre de Jünger dans la figure du maître (bien que tous les personnages ne soient pas identifiables à lui en chair et en os) qui nous initie aux secrets d'une sagesse capable de vaincre le nihilisme.
Ernst Hugo Fischer est né à Halle an der Saale le 17 octobre 1897. La Première Guerre mondiale l'a rendu infirme et, après avoir obtenu son diplôme d'invalidité, il s'est consacré à partir de 1918 à des études consciencieuses et pluridisciplinaires à l'université de Leipzig, où Jünger le rencontrera des années plus tard. Les intérêts « scientifiques » de Fischer sont multiples: il étudie l'histoire, la philosophie, la sociologie, la psychologie et devient un orientaliste renommé. Il obtient son doctorat en 1921 avec une thèse intitulée « Das Prinzip der bei Gegensätzlichkeit Jakob Böhme » (Le principe d'opposition chez Jakob Böhme).
Il est curieux qu'Ernst Jünger, qui avait quelques années de plus que Fischer (Jünger est né en 1895 et Fischer en 1897), l'ait appelé « Maître » jusqu'à la fin de ses jours, mais il faut garder à l'esprit que Jünger est arrivé à l'université alors que Fischer avait quelques années d'avance sur lui. Lorsque Jünger arrive à Leipzig, Fischer est déjà l'un des polygraphes les plus importants d'Europe, mais toujours dans l'ombre, avec une discrétion proche du secret, étudiant et voyageant sans cesse et exerçant son magistère à la manière d'un maître occulte du type de ceux dont parlent les traditions orientales comme le taoïsme.
En 1921, il se rend en Inde, en 1923 en Espagne. De 1925 à 1938, il enseigne à la faculté de philosophie de l'université de Leipzig, où il est associé à Arnold Gehlen. Son nationalisme allemand est une constante dans sa vie et il est actif dans les cercles nationaux-révolutionnaires, y compris dans ceux animés par le national-bolchevique Ernst Niekisch, un ami de Jünger. Il émigre d'Allemagne en 1938, car les nazis le trouvent suspect pour ses analyses philosophiques du marxisme, exprimées dans « Karl Marx und sein Verhältnis zum Staat » (Karl Marx et son rapport à l'État) et « Lénine : Machiavel de l'Est », et il finit par s'installer en Norvège, où il devient directeur de l'Institut de recherche pour la sociologie et l'enseignement d'Oslo. Il s'installe ensuite en Angleterre. Il continue à voyager en Inde, où il donne notamment des cours à l'université de Varanasi, et retourne en Allemagne en 1956, où il occupe la chaire de philosophie de la civilisation à l'université de Munich. Il continue d'étudier, d'écrire et de publier, sans toutefois connaître un succès retentissant qui placerait sa figure philosophique au premier plan dans le monde. Son dernier livre est publié en 1971 sous le titre « Vernunft und Zivilisation » (Raison et civilisation) et il meurt le 11 mai 1975 à Ohlstadt (Bavière).
Sa pensée a évolué, mais il est toujours resté hypercritique à l'égard de la modernité et anticapitaliste, étant l'un des maîtres d'œuvre de la révolution conservatrice allemande et testant tous les moyens possibles de combattre ce qu'il considérait comme le mal absolu: la modernité et le capitalisme, afin d'instaurer un nouvel ordre. L'un de ceux qui ont le plus contribué à le faire connaître est, comme on l'a vu plus haut, Ernst Jünger.
Plus qu'une traque exhaustive des abondantes citations que Jünger consacre à Fischer tout au long de son œuvre, il convient de noter le caractère nettement métaphysique (on pourrait même dire mystique) qu'il a imprimé à la vision du monde de Jünger. Dans « Héliopolis », le protagoniste révèle que l'un des enseignements qu'il a reçus de son maître « Nigromontanus » était « que la nature intérieure de l'homme doit devenir visible à la surface, comme la fleur qui jaillit du germe ». Cette idée est répétée à la fin du roman : « Nous croyons que son intention [celle de Nigromontanus/Fischer] est de saturer la surface de profondeur, de sorte que les choses soient à la fois symboliques et réelles ».
Dans « Sur les falaises de marbre », il est question d'un mystérieux appareil que Nigromontanus aurait offert aux frères du roman: « Pour nous consoler, cependant, nous possédions le miroir de Nigromontanus, dont la contemplation (...) nous calmait toujours ». Ce miroir aurait eu la propriété de « concentrer les rayons du soleil sur un point où un grand feu se produisait immédiatement. Les choses qui, touchées par ce feu, s'enflammaient, entraient dans l'éternité d'une manière qui, selon Nigromontanus, ne pouvait être comparée même à la plus fine distillation. Nigromontanus avait appris cet art dans les couvents d'Extrême-Orient, où les trésors des défunts sont détruits par les flammes, afin qu'ils puissent entrer dans l'éternité en compagnie du défunt.
Etant donné que « Sur les falaises de marbre » est un roman que l'on pourrait bien qualifier de « réalisme magique », sans pour autant lui dénier son statut de « dystopie », on serait en droit de penser que plutôt qu'un artefact, le « miroir de Nigromontanus » serait quelque chose comme une possible technique de méditation inspirée des connaissances occultes de l'Extrême-Orient (je me demande, non sans prévenir que je risque de me tromper : s'agirait-il d'un mandala?).
Dans cette optique, il convient de rappeler les mots énigmatiques que Jünger écrit dans « Le cœur aventureux. Figures et caprices »: "Parmi les arcanes que m'a révélés Nigromontanus, il y a la certitude qu'il y a parmi nous une troupe choisie qui s'est retirée depuis longtemps des bibliothèques et de la poussière des sables pour se consacrer à son travail dans le monastère le plus intime et dans le Tibet le plus sombre. Il parlait d'hommes assis solitairement dans des chambres nocturnes, imperturbables comme des rochers, dans les cavités desquels scintille le courant qui, à l'extérieur, fait tourner toutes les roues des moulins et maintient en mouvement l'armée des machines ; mais l'énergie de ces hommes reste étrangère à toute fin et est rassemblée dans leur cœur qui, en tant que matrice chaude et vibrante de toute force et de tout pouvoir, est à jamais soustrait à toute lumière extérieure".
Quoi qu'il en soit, la relation entre Ernst Jünger et ce philosophe inconnu était très étroite, et Jünger fait même allusion à des voyages qu'ils ont effectués ensemble, par exemple en traversant le golfe de Gascogne sur le bateau « Iris ». Nous savons, grâce aux journaux de Jünger, que le philosophe Fischer s'est encore rendu à Majorque en 1968, mais nous aimerions connaître les lieux qu'il a visités lors de son voyage en Espagne en 1923 ou lors d'autres visites. Nous sommes convaincus qu'en Hugo Fischer, cet inconnu de la philosophie et de la culture espagnoles, nous avons affaire à un maître caché dont l'œuvre scientifique n'a pas encore, pour quelque raison que ce soit, été suffisamment diffusée.
BIBLIOGRAPHIE :
Jünger, Ernst, «Visite à Godenholm».
Jünger, Ernst, «Heliopolis».
Jünger, Ernst, Diarios: Radiaciones I y II, Pasados los Setenta I, II, III, IV, V.
Jünger, Ernst, «Sobre los acantilados de mármol».
Jünger, Ernst, «El corazón aventurero».
Liens intéressants:
Berger, Tiana, «Hugo Fischer: le maître-à-penser d’Ernst Jünger»
Gajek, Bernhard, «Magister-Nigromontan-Schwarzenberg: Ernst Jünger und Hugo Fischer». Revue de littérature comparée. 1997.
13:18 Publié dans Littérature, Philosophie, Révolution conservatrice | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hugo fischer, ernst jünger, lettres, lettres allemandes, littérature, littérature allemande, révolution conservatrice | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Le concept de « civilisation » et ses labyrinthes
Le concept de « civilisation » et ses labyrinthes
Raphael Machado
Source: https://novaresistencia.org/2024/10/23/o-conceito-de-civilizacao-e-os-seus-labirintos/
Le mot « civilisation » est utilisé librement comme si sa signification était évidente. Mais le contenu du concept de « civilisation » varie et on peut se demander s'il est même possible de parler de « civilisation » au singulier.
Comme il est très courant au Brésil que tout débat soit extrêmement tardif, on débat aujourd'hui de la question de savoir si le Brésil est « occidental » ou non. Certains grands Brésiliens, en avance sur leur temps, comme Gilberto Freyre, Darcy Ribeiro, Sérgio Buarque de Holanda, Plínio Salgado, entre autres, considéraient comme un point de paix que le Brésil fasse partie d'une civilisation « latino-américaine » (dans un autre texte, j'ai déjà expliqué pourquoi je rejetais ce terme au profit d'« ibéro-américaine »), et pas d'une autre.
Mais comme les générations nées et éduquées dans la Sixième République (brésilienne) sont, malheureusement, moins brillantes que les précédentes, surtout dans leurs couches intellectuelles, nous voilà en train d'essayer de réinventer la roue et de redécouvrir le feu - et, pire encore, de fulminer, de s'agiter et de se débattre quand un étranger, raisonnablement intelligent et plus versé que nous dans notre littérature ibéro-américaine, vient nous dire : « vous n'êtes pas Occidentaux, mais quelque chose d'autre, quelque chose de nouveau et de particulier ».
Le concept même de civilisation est controversé, car le mot a été utilisé par différents auteurs et à différentes époques pour signifier différentes choses.
Pour Norbert Elias, il ne sert qu'à décrire un processus de « domestication humaine » au fil du temps par le progrès technique, la bureaucratisation et la centralisation des relations humaines. Chez Morgan, Engels, Comte et d'autres, elle apparaît comme une « phase » dans une évolution des formes sociales, généralement après la « sauvagerie » et la « barbarie ». Pour eux, comme pour la quasi-totalité des penseurs des Lumières et de la modernité, il n'y a qu'une seule civilisation, la civilisation « humaine », et l'histoire de l'humanité est l'histoire des progrès de cette seule civilisation.
Les « penseurs du soupçon » comme Nietzsche ont heureusement enterré tout l'optimisme positiviste et scientifique du 19ème siècle et ont irrévocablement oblitéré toute notion philosophique de « progrès », d'« humanité » et d'autres insanités similaires - qui n'ont réussi à prospérer dans la période de l'après-Seconde Guerre mondiale non pas par mérite philosophique, mais par imposition.
La civilisation apparaît chez Oswald Spengler comme le « miroir » de la culture, avec un sens pluraliste. Les civilisations seraient les phases tardives et mécanistes des cultures, qui auraient un caractère plus organique et spontané. C'est ainsi qu'il apparaît déjà chez Richard Wagner, par exemple, et qu'il apparaîtra également chez Thomas Mann. Ici, les civilisations sont déjà locales, territorialisées, comme des systèmes historico-culturels complexes supra-ethniques à grande échelle, dotés d'une même vision du monde, d'un même fondement paradigmatique.
D'autres auteurs comme Nikolai Danilevsky (qui a précédé Spengler), Arnold Toynbee, Pitirim Sorokin, et d'autres grands théoriciens des civilisations ne travailleront pas avec une distinction aussi rigide entre Culture/Civilisation (qui est un thème typique de la pensée allemande), mais ils consacrent cette notion territorialisée, pluraliste et synchronique des civilisations.
Nulle part, dans aucun auteur, n'apparaît la notion d'équivalence entre « civilisation » et « hémisphère ». Il n'y a évidemment pas deux civilisations sur la planète, l'une « occidentale » et l'autre « orientale » - donc parler de « civilisation occidentale » ne présuppose pas une « civilisation orientale » et vice-versa. En fait, j'imagine qu'aucun théoricien de la civilisation n'a jamais envisagé cette possibilité, mais c'est pourtant ce qui guide les réflexions brésiliennes sur la place du Brésil dans ce débat.
Dans cette logique, Brésiliens, Américains, Anglais, Portugais, Tupis et Yorubas appartiennent à la même « civilisation occidentale » - ce qui implique que Polonais, Ethiopiens, Persans et Japonais appartiennent à la même « civilisation orientale ». Quiconque le peut devrait essayer de comprendre un tel raisonnement.
Cette vision pluraliste, synchronique et organiciste des civilisations est presque toujours associée aux « théories des cycles sociaux ». Les théoriciens des civilisations sont presque toujours aussi les tenants d'une vision cyclique du développement des structures socioculturelles humaines, inspirée aussi bien par Giambattista Vico, Hegel et Ibn Khaldun que par les perspectives antiques du passage des « âges ».
Pour Nikolaï Danilevsky, les civilisations sont les suivantes : 1) égyptienne, 2) assyrienne-phénicienne-babylonienne, 3) chinoise, 4) chaldéenne, 5) indienne, 6) iranienne, 7) hébraïque, 8) grecque, 9) romaine, 10) arabe, 11) romano-germanique (européenne). Danilevsky considère que le type historico-culturel slave en est encore à ses balbutiements, mais qu'il a pour mission de mûrir en tant que civilisation. Selon lui, une « civilisation américaine » émergerait également à terme.
Pour Oswald Spengler, on peut parler des cultures suivantes : 1) égyptienne, 2) babylonienne, 3) indienne, 4) chinoise, 5) mésoaméricaine, 6) gréco-romaine (apollinienne), 7) perso-arabo-byzantine (magique), 8) occidentale (faustienne), 9) russe. Spengler n'a pas nié l'existence d'autres cultures, et cette liste n'est pour lui qu'un exemple. Il n'en retient d'ailleurs que trois, l'apollinienne, la magique et la faustienne dans ses analyses, mais remarque avec intérêt que l'on assiste à la naissance d'une nouvelle civilisation, la russe. Spengler a en effet eu un grand impact sur l'Amérique latine, notamment sur le Brésil dans les années 30.
Arnold Toynbee en énumère un nombre beaucoup plus important : 1) minoenne, 2) shang, 3) indienne, 4) égyptienne, 5) sumérienne, 6) andine, 7) maya, 8) hellénique, 9) syrienne, 10) sinique, 11) indienne, 12) hittite, 13) babylonienne, 14) yucatèque, 15) mexicaine, 16) occidentale, 17) orthodoxe-russe, 18) orthodoxe-byzantine, 19) iranienne, 20) arabe, 21) chinoise, 22) japonaise-coréenne, 23) hindoue.
Il existe également d'autres listes et classifications, comme celles de Gobineau, Leontiev, Quigley, Sorokin, Koneczny, Bagby et Coulborn, et certaines très célèbres et récentes, comme celle de Samuel Huntington, qui énumère les civilisations suivantes : 1) l'occidentale, 2) l'orthodoxe, 3) l'islamique, 4) la bouddhiste, 5) l'hindoue, 6) l'africaine, 7) la latino-américaine, 8) la sinique, 9) la japonaise.
La classification de Huntington est curieusement controversée pour un certain nombre de raisons contradictoires. Certains atlantistes lui reprochent de « nier » le projet panaméricain, qui fait partie de la géopolitique atlantiste depuis la doctrine Monroe. Chez certains catholiques latino-américains, en revanche, cette théorie nierait notre appartenance à la « civilisation judéo-gréco-romaine », qui serait la civilisation « occidentale » à laquelle ils pensent appartenir. Les atlantistes slaves reprochent également à Huntington de vouloir que leurs pays (même la Russie !) soient considérés comme faisant partie de la « civilisation occidentale ».
Mais de notre point de vue, la classification de Huntington, héritée par exemple par Douguine, est extrêmement méritoire et peut être considérée comme un triomphe de l'« Arielisme » de José Enrique Rodó, l'un des premiers ouvrages à esquisser avec force et exhaustivité une opposition radicale et fondamentale entre l'Amérique anglo-saxonne et l'Amérique ibérique/latine comme appartenant à des civilisations différentes.
Cet Arielisme, qui fonctionne en distinguant les figures archétypales d'Ariel et de Caliban, déduites des œuvres shakespeariennes, opposera le spiritualisme latino-américain au matérialisme anglo-saxon, tout en soulignant une pluralité d'autres oppositions qui font qu'il est impossible de concevoir les deux sphères comme appartenant à la même vision du monde. Cet Arielisme influencera toute la pensée de José Vasconcelos, Manuel Ugarte, Haya de la Torre et des Brésiliens cités plus haut.
Ce « détachement » ibéro-américain de l'Occident, quand « Occident » signifie « Amérique du Nord », est un mouvement similaire à celui qu'Alain de Beonits, Claudio Mutti, Giorgio Locchi ou encore Régis Debray ont tenté d'opérer pour détacher l'Europe et sa civilisation de l'Occident nord-américain.
En ce sens, il n'y a pas de rupture dans la négation de notre occidentalisation, puisque l'Occident est lui-même la négation de l'Europe. Et comme, bien sûr, il serait absurde de prétendre être « européens » (même si nous sommes clairement des fruits de l'Europe et des héritages de sa civilisation) ou de nier nos racines indigènes et africaines, il n'y a aucun moyen de nier, de contrer ou de surmonter notre statut de Latino-Américains, d'Ibéro-Américains.
En fait, la confusion entre Notre Amérique et l'Occident (dans un Occident qui, lui-même, confond déjà l'Amérique du Nord et l'Europe) est devenue un élément central d'un récit atlantiste et néoconservateur, commun à l'« alt-right », qui, par « civilisation occidentale », entend la défense d'une vision du monde individualiste, thalassocratique, matérialiste et commerciale, qui inclut également des éléments étrangers aux racines judéo-sémitiques.
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dimanche, 03 novembre 2024
Rostock, plaque tournante des opérations de l'OTAN en mer Baltique - rupture du traité 2 plus 4?
Rostock, plaque tournante des opérations de l'OTAN en mer Baltique - rupture du traité 2 plus 4?
Source: https://unser-mitteleuropa.com/150262
L'OTAN a désormais ouvert son quartier général maritime à Rostock et coordonne ainsi toutes les opérations en mer Baltique à partir de cette ville. Pour cela, le quartier général de la marine allemande à Rostock détient désormais une fonction supplémentaire.
Rupture du traité 2 plus 4 par le site ?
L'OTAN a installé un nouveau centre de commandement à Rostock: dans sa fonction de Commander Task Force Baltic (CTF), la marine allemande met depuis le 1er octobre son quartier général de Rostock à la disposition de l'OTAN. Il fait désormais office de quartier général national avec une participation multinationale.
Rostock se situe toutefois dans l'ancienne RDA. La ville se trouve dans l'actuel Land de Mecklembourg-Poméranie occidentale, qui faisait justement partie de la RDA jusqu'à la réunification. L'ouverture d'un quartier général de l'OTAN à Rostock tomberait donc sous le coup des dispositions du traité «deux plus quatre», qui interdit formellement le stationnement permanent de troupes de l'OTAN sur le territoire de l'ancienne RDA.
C'est donc depuis le Mecklembourg-Poméranie occidentale que les forces navales seront à l'avenir dirigées en cas de crise ou de conflit dans la région de la mer Baltique, que les activités des alliés seront coordonnées et que des images de la situation maritime seront établies, selon la prise de position de la marine.
Les premiers éléments venu de Scandinavie et des pays baltes avaient déjà pris leurs fonctions à la mi-octobre. Le site sera dirigé par un contre-amiral allemand, ses adjoints seront polonais et suédois. Le ministre de la Défense Boris Pistorius (SPD) et l'inspecteur général de la Bundeswehr ont finalement inauguré le site lors d'une cérémonie le 21 octobre.
Il reste donc à voir si et comment la Russie réagira à cette rupture sans équivoque du contrat qui garantissait la souveraineté de l'Allemagne vis-à-vis de la Russie et qui avait également conduit au retrait des troupes russes.
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Les pays du groupe BRICS vont détruire l'hégémonie céréalière de l'Amérique
Les pays du groupe BRICS vont détruire l'hégémonie céréalière de l'Amérique
Source: https://www.anonymousnews.org/international/brics-wird-am...
Lors du sommet des BRICS à Kazan, il a été question de la création d'une bourse des céréales des BRICS. Actuellement, les leviers de commande des prix des céréales sont détenus par les États-Unis et la France. Il est temps de se libérer de cette dépendance inutile.
par Olga Samofalova
Le président russe Vladimir Poutine a proposé lors du sommet des BRICS de discuter de la création d'une bourse des céréales qui pourrait à terme se transformer en une bourse des marchandises à part entière.
Selon le chef de l'État russe, l'ouverture d'une bourse des céréales des BRICS contribuerait à former des indicateurs équitables des prix des céréales au niveau international, « à protéger les marchés nationaux des influences extérieures négatives, des spéculations et des tentatives de provoquer un déficit alimentaire artificiel ».
Pour des raisons historiques, les prix du marché des céréales sont formés à la bourse des marchandises de Chicago (Chicago Mercantile Exchange, CME). Pendant et après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis sont devenus le plus grand fournisseur de céréales et de maïs, c'est pourquoi le commerce des contrats sur les céréales a commencé précisément sur une bourse américaine. L'Europe et la Russie, dévastées après la guerre, ne pouvaient évidemment pas concurrencer les agriculteurs américains.
Dans les années 1980, le commerce des céréales a également commencé sur la bourse française des marchandises MATIF, car la France est devenue le premier producteur européen. Depuis lors, la situation mondiale a toutefois considérablement évolué. Selon l'Union des exportateurs de céréales, les BRICS, y compris les nouveaux membres, récolteront au total 1,24 milliard de tonnes de céréales par an à partir de 2024, ce qui représente presque la moitié de la production mondiale, soit 44 pour cent. Et leur consommation sera à peu près équivalente - 1,23 milliard de tonnes, soit 44 pour cent de la production mondiale. À l'origine, les BRICS étaient composés de cinq États: Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud. Depuis le 1er janvier 2024, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l'Égypte, l'Iran et l'Éthiopie ont également rejoint l'association.
Bien entendu, les États-Unis font également partie du top 5 des producteurs de céréales en termes de volume de production. Avec 450 millions de tonnes, ils occupent la deuxième place. Mais les autres membres du top 5 sont des pays BRICS: la Chine occupe la première place, l'Inde la troisième, la Russie la quatrième et le Brésil la cinquième. Ensemble, leur production de céréales est trois fois supérieure à celle des États-Unis. La France occupe même la dernière place du top 10 et se situe même derrière la Russie en termes de volume de production.
Aujourd'hui, il semble beaucoup plus juste que les pays BRICS « donnent le ton » sur le marché mondial des céréales. « Historiquement, les ports d'Europe et des États-Unis ont vu passer une grande quantité de céréales pour lesquelles un prix devait être fixé. C'est pourquoi les prix étaient fixés à la bourse de Chicago. Cette situation satisfaisait tout le monde, car des règles commerciales étaient élaborées, notamment pour les livraisons et les paiements. Mais maintenant qu'il existe des divergences d'opinion importantes entre les principaux acteurs du marché mondial, notamment en ce qui concerne les paiements, la création d'une infrastructure financière propre permet d'organiser une bourse alternative », explique Ekaterina Novikova, professeur à la chaire de théorie économique de l'université économique russe Plekhanov.
« L'idée de créer une bourse des céréales pour les pays BRICS est tout à fait pertinente : plus il y aura de possibilités de déterminer les prix sans l'influence des institutions financières occidentales, plus nos cultivateurs auront la possibilité de vendre leur production de manière rentable. Un avantage important réside dans le fait que dans le cadre de la bourse des céréales et des marchandises des BRICS, un système de paiement commun sera également créé, qui ne sera pas basé sur le dollar américain », explique Natalia Sgurskaya, directrice de l'entreprise de livraison de céréales Semliza.
Novikova est d'accord avec l'idée qu'une nouvelle bourse pourrait aider à former des prix des céréales plus justes, qui tiennent compte des intérêts de tous les acteurs du marché. « En outre, le prix pour le marché intérieur des BRICS pourrait être formé avec un petit rabais, et pour le marché extérieur selon les prix du marché », a déclaré Novikova.
« Le nouveau système rendra les plus grands producteurs de céréales moins dépendants du bloc occidental qui, à l'aide d'instruments financiers, peut faire monter ou descendre artificiellement le prix des marchandises et ainsi déséquilibrer de nombreuses économies », ajoute Novikova.
Comment exactement les États-Unis peuvent-ils faire baisser les prix et influencer le marché mondial des céréales ? Par exemple, le ministère américain de l'économie peut prévoir une baisse de la récolte de céréales russes sans avoir de raison valable de le faire. Ainsi, en 2021, le ministère a sous-estimé sans raison ses prévisions de 12,5 millions de tonnes de céréales pour la Russie. Cela a immédiatement entraîné une hausse des prix sur le marché mondial et le prix des céréales dans les ports de la mer Noire a augmenté de 20 dollars.
Si les États-Unis le souhaitent, ils peuvent ainsi provoquer un déficit artificiel de céréales sur le marché mondial par le biais d'une hausse rapide des prix, laissant les pays pauvres sans pain et la Russie sans revenus d'exportation supplémentaires. Comment une hausse mondiale des prix des céréales peut-elle conduire à un scénario catastrophe ? Si les prix à l'exportation augmentent rapidement, un excédent de marché sera créé au sein de la Russie. Dans ce cas, soit les prix intérieurs russes augmentent, soit les exportateurs livrent toutes les céréales à l'étranger, ce qui peut entraîner un déficit physique sur le marché intérieur. Dans de telles situations, les gouvernements imposent généralement par décret une interdiction d'exportation. Ainsi, les prix et la consommation intérieure sont maintenus stables et la crise est combattue. Mais il va de soi que cela prive la Russie des recettes provenant de la vente de céréales, qui représentent une part importante des recettes budgétaires. Par exemple, le budget de l'État russe aurait dû recevoir 215 milliards de roubles (l'équivalent de 2,06 milliards d'euros) en 2024 grâce aux taxes à l'exportation sur les céréales et les oléagineux.
Il ne faut pas non plus oublier les sanctions financières qui affectent le commerce, dont celui des céréales. « En raison des sanctions, les marchandises de certains pays ne peuvent pas du tout être admises à la bourse », explique Novikova. « D'un point de vue pratique, la nouvelle bourse peut exclure les opérations à terme afin d'éviter la spéculation et autoriser uniquement les participants des BRICS à négocier. Si la Russie connaît une mauvaise récolte, elle pourra mettre en bourse des marchandises issues de ses propres stocks et, en cas de nouvelle récolte record, inverser la situation et augmenter ses propres stocks afin de stabiliser les prix des céréales sur la bourse des BRICS. Mais il faut d'abord résoudre les problèmes de paiement à l'étranger, puis de logistique et d'assurance des livraisons », explique Vladimir Tchernov, analyste chez Freedom Finance Global.
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Catastrophe de Valence: il ne s’agit pas de «changement climatique», mais d’incompétence criminelle
Catastrophe de Valence: il ne s’agit pas de «changement climatique», mais d’incompétence criminelle
Juan Manuel de Prada
Lors de la "goutte froide" de 1982, lorsque le barrage de Tous a cédé, causant quarante morts, mille litres par mètre carré sont tombés à Cortes de Pallàs (deux fois plus que cette fois-ci). Et les personnes les plus âgées de la région se souviendront également de la "goutte froide" qui a causé quatre-vingts morts en 195, pour laquelle nous ne disposons pas de données fiables sur les précipitations, car à cette époque la capacité maximale des pluviomètres était de deux cents litres par mètre carré.
En 1957 et en 1982, il s'est produit la même chose qu'en 2024, un phénomène météorologique typique à ces dates automnales dans le Levant espagnol: un air maritime polaire avec un vent d'est qui apporte des pluies torrentielles. C'est la « goutte froide », que la foule dirigeante, de concert avec les perroquets systémiques à la tête des moyens d'endoctrinement de masse, appelle désormais « Dana ». Mais dire "goutte froide", c'est faire référence à un phénomène météorologique bien connu dans les terres levantines; et les vermines politico-médiatiques doivent créer une « histoire » qui présente ce qui s'est passé comme quelque chose de nouveau, d'inconnu, d'inattendu et de terriblement dévastateur, causé par ce « changement climatique » dont nous sommes tous coupables.
Parce qu'il ne suffit pas à ces vermines de s'exonérer de leur culpabilité, mais ils veulent l'étendre à l'ensemble de la population, en rejetant la responsabilité des catastrophes naturelles sur le peuple qui souffre, justifiant ainsi les impositions auxquelles ils nous soumettent, pour le profit de la ploutocratie qu’ils servent. Si en 1957 et 1982 la goutte froide a fait moins de victimes qu'en 2024, alors que les moyens pour la prévoir, la prévenir et l'atténuer étaient bien moindres, c'est parce que nous sommes gouvernés par des criminels incompétents, uniquement attentifs à leur bien-être, qui nous pillent matériellement tout en se dégradant moralement.
Nous devons tolérer que ces voyous politiques nous envoient des centaines d'avertissements grotesques en été, annonçant l'apocalypse qui nous brûlera, pour construire leur histoire à dormir debout sur le soi-disant « changement climatique ». Par contre, lorsqu'une véritable alerte météorologique survient, avec des prévisions de pluies torrentielles très dangereuses, cette engeance reste coite. Avec des consignes orange lundi, ils auraient dû mobiliser tous les agents publics qualifiés dans le travail de secours, ils auraient dû suspendre les cours dans les écoles et toutes les activités professionnelles non essentielles, ils auraient dû exhorter la population à ne pas quitter leurs maisons et même à évacuer certaines villes.
Mais ces canailles n'ont pas levé le petit doigt, même quand le déluge a commencé; et, dans leur négligence criminelle, ils ont laissé les gens circuler sur des routes déjà inondées, ils ont laissé les gens quitter leurs maisons dans des villes dotées de boulevards où l'eau atteignait des hauteurs de plus d'un mètre. C'est la même négligence criminelle qui les a conduits auparavant – eux ou ceux qui les ont précédés dans la médiocrité – à approuver des plans d'urbanisme meurtriers, à construire des maisons au bord des boulevards, ou il y avait auparavant, en général, des ruisseaux et des rivières qui se sont asséchés au fil du temps, comme si des rigoles de rien du tout ou des bouches d'égout de dimension ridicule étaient suffisantes, flanquées de quelques roseaux sur les berges pour contenir les débordements provoqués par la "goutte froide".
C'est là qu'il faut faire des prévisions. Quant aux remèdes, nous montrons au monde que l’Espagne est un État en faillite, gouverné par des nullards qui assignent des dizaines de milliers de policiers, de gardes civils et de soldats pour protéger leurs sommets coloniaux et autres désordres systémiques, mais qui sont incapables de mobiliser l’armée pour dégager les routes et servir la population qui manque d'eau potable, de médicaments et de nourriture de base, peut-être parce que l'armée espagnole joue le rôle du fourmilier dans les missions que nous impose l'Oncle Sam dans les banlieues de l'Atlas, pour créer le climat guerrier qui intéresse le complexe militaro-industriel.
Au sommet de son audace, le Dr Sánchez, qui venait de jouer le rôle indien pour dissimuler les ignominies du professeur Begoñísima et les siennes, a eu le culot d'insinuer que la catastrophe s'était produite parce que les gens avaient ignoré les instructions de la protection civile. Mais la vérité est que, lorsque de telles indications sont parvenues sur les téléphones portables des Valenciens, de nombreuses personnes étaient déjà en train de se noyer ou d'être entraînées par les flots.
La catastrophe n'a pas été provoquée par un quelconque « changement climatique », comme le prétendent ces ignobles individus, mais par leur incompétence criminelle. Si nous, les Espagnols d'aujourd'hui, n'avions pas que de l'horchata dans nos veines, nous devrions les pendre puis les démembrer, pour finalement exposer leurs restes sur la place publique, afin qu'ils deviennent des appâts pour les mouches et les oiseaux charognards, comme il faut le faire avec les tyrans. Mais puisque nous sommes laissés entre les mains de Dieu, nous continuerons à nous laisser pisser au visage; et bien sûr, ils nous diront que leur urine puante, comme la goutte froide, est « la réalité dramatique du changement climatique ».
Source:
https://www.xn--elespaoldigital-3qb.com/no-es-cambio-climatico-sino-incompetencia-criminal/
18:33 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : catastrophes naturelles, valence, espagne, europe, affaires européennes, climat | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Complexités moldaves
Complexités moldaves
par Georges Feltin-Tracol
On trouve en Europe orientale un État qui ne devrait pas exister et qui existe pourtant, suite aux facéties tragiques de l’histoire. Naguère désigné comme la Bessarabie du Moyen Âge à 1944, car situé sur la rive occidentale du Dniestr, ce territoire convoité tour à tour par la Russie, l’Empire ottoman et, plus tard, la Roumanie s’appelle aujourd’hui la Moldavie qu’il ne faut surtout pas confondre avec une région historique éponyme, l’une des matrices de la nation roumaine qui s’étendait des Carpates orientales aux berges du Prout. D’une superficie de 33.700 km², cette ancienne république soviétique, la plus pauvre d’Europe, d’où une très forte émigration, partage 450 km de frontières avec la Roumanie, et une frontière commune longue de 940 km avec l’Ukraine.
À la fin de l’ère médiévale, la Bessarabie devient une province tributaire de la Sublime Porte. Le traité de Bucarest de 1812 accorde la région comprise entre le Prout et le Dniestr à l’Empire russe qui concède néanmoins des portions territoriales en faveur des Ottomans et des Roumains au lendemain de la guerre de Crimée dans la seconde moitié du XIXe siècle.
Les troubles révolutionnaires de 1917 en Russie se répercutent en Bessarabie. Outre le conflit entre bolcheviks et contre-révolutionnaires, les Bessarabiens se divisent aussi entre quelques indépendantistes, des partisans du maintien dans la Russie, les tenants d’un rattachement à l’Ukraine et les chantres de l’union avec la Roumanie, car Bessarabiens et Roumains parlent la même langue latine, le roumain. Le 27 mars 1918, l’Assemblée nationale de Bessarabie proclame l’indépendance. Le 9 avril suivant, la même assemblée réclame l’intervention militaire de Bucarest et adopte l’union de la Bessarabie à la Roumanie. Les Alliés vainqueurs entérinent ce fait accompli le 28 octobre 1920 malgré les protestations de la Russie bolchevique et le refus des États-Unis d’Amérique d’approuver ce rattachement. La Bessarabie roumaine s’organisent en neuf départements. En réaction, en octobre 1924, Moscou fonde au sein de la république socialiste soviétique d’Ukraine, la république autonome de Moldavie installée sur la rive orientale du Dniestr. Conséquence du pacte germano-soviétique de non-agression du 23 août 1939, l’URSS exige par ultimatum en juin 1940 à Bucarest la Bessarabie et la Bucovine du Nord. Toute la Bessarabie passe sous tutelle soviétique. Mais l’opération Barbarossa du 22 juin 1941 permet à la Roumanie, alliée de l’Axe, de reconquérir les territoires perdus et d’avancer jusqu’à Odessa. La défaite allemande de 1945 redonne la Bessarabie à l’URSS qui fonde la république socialiste soviétique de Moldavie. Moscou se dépêche d’y installer des populations russophones et ukrainiennes et y impose une politique socialiste. Par exemple, le moldave est une langue roumaine russifiée rédigée en alphabet cyrillique.
La société soviétique moldave devient dès lors composite. Le recensement de 2014 indique 81% de Moldaves de langue roumaine, 6,5% d’Ukrainiens, 4,5% de Gagaouzes, 4% de Russes et 2% de Bulgares. Les Gagaouzes sont des chrétiens orthodoxes fidèles au patriarcat de Moscou et de langue turcique écrite en alphabet latin.
La proclamation de l’indépendance de la Moldavie, le 27 août 1991, cristallise les tensions ethniques. En effet, les dirigeants moldaves aspirent à rejoindre la Roumanie à peine émancipée dans des conditions plus que douteuses de la tutelle nationale-communiste. Or les non-roumanophones rejettent cette perspective en favorisant deux sécessions territoriales. Russophones et Ukrainiens créent la Transnistrie, un État-fantôme qui conserve les attributs du soviétisme et où stationnent 1500 soldats russes. Les Gagaouzes cherchent à se séparer de l’ensemble moldave, quitte à former des exclaves liées à la Fédération de Russie. Si le cas transnistrien est un exemple de conflit gelé, la communauté gagaouze a finalement obtenu le statut de république autonome (capitale: Komrat) constituée de quatre territoires non contigus rassemblés en trois districts administratifs.
À ces tensions ethnopolitiques plus ou moins latentes s’ajoutent des tiraillements géopolitiques entre un tropisme russe assez marqué chez les minorités linguistiques dont les Gagaouzes, et l’attrait occidental (Union pseudo-européenne, hégémonie yankee et grand espace euro-atlantiste) fort chez les élites moldaves roumanophones. Il faut enfin évoquer les violentes intrigues entre les différents oligarques locaux. Parmi eux signalons Vladimir Plahotniuc accusé d’avoir détourné un milliard de dollars et d’avoir corrompu toute la classe politique ou son adversaire, Ilan Shor (photo). Né en 1987 à Tel Aviv – Jaffa en Israël, c’est un banquier israélo-moldave et aussi russe qui fait de la politique. Frappé de sanctions personnelles par Washington en octobre 2022, puis par l’Union pseudo-européenne en 2023, il s’enfuit en Russie dès 2019 d’où il anime son propre mouvement politique, le Parti Shor, qu’il met en ordre de marche pour les législatives à venir.
Cette longue digression politico-historique s’imposait pour comprendre la situation politique actuelle. Le 20 octobre dernier, la Moldavie organisait un double scrutin le même jour, à savoir le premier tour de l’élection présidentielle et un référendum sur l’inscription dans la constitution sous la forme d’un titre V et d’un article 140 de l’objectif d’adhésion à l’Union dite européenne en attendant de rejoindre l’OTAN malgré la neutralité inscrite dans cette même constitution. En dépit d’une abstention de 48,32%, le référendum est validé puisqu’il mobilise plus du tiers des électeurs inscrits. Le oui gagne à 50,39% grâce au vote des expatriés. L’attraction de l’UE s’émousse fortement auprès de populations restées conservatrices.
La seconde « douche froide » concerne les résultats du premier tour de la présidentielle. Les commentateurs occidentaux pariaient et parlaient d’une réélection dès le premier tour de la présidente sortante Maia Sandu. Patatras ! L’ancienne première ministresse pendant moins de six mois en 2019 récolte 42,45%. Elle se présente au second tour sans de grandes réserves de voix. Son adversaire d’origine gagaouze russophone et détenteur de la nationalité roumaine, Alexandre Stoianoglo, candidat du Parti socialiste de la république de Moldavie, obtient 25,98%. Il pourrait bénéficier du report des suffrages des autres candidats, en particulier de l’homme d’affaires conservateur Renato Usatîi (13,79%) et d’Irina Vlah (5,38%), gouverneure de la Gagaouzie entre 2015 et 2023.
Les élections moldaves font l’objet d’une interprétation complotiste gouvernementale. La présidente sortante accuse Moscou d’avoir acheté 150.000 voix moldaves. Mais comment expliquer alors une si forte abstention (48,42%)? En Occident, le système médiatique d’occupation mentale insiste sur le caractère pro-russe d’Alexandre Stoianoglo. L’ancien procureur général l’est tellement qu’il a condamné l’invasion de l’Ukraine et l’annexion de la Crimée. Par ailleurs, sa fille travaille ou a travaillé encore récemment à la Banque centrale européenne à Francfort. Les plus informés savent que la BCE est un repaire d’agents aux ordres du Kremlin…
À l’instar d’autres ensembles étatiques d’Europe centrale, balkanique et orientale, la Moldavie est un cas très complexe. Sans ressources naturelles stratégiques vitales pour les grandes puissances mondiales, les influences variées qui s’y jouent démontrent en tout cas la primauté du politique sur l’économique.
GF-T
- « Vigie d’un monde en ébullition », n° 131, mise en ligne le 29 octobre 2024 sur Radio Méridien Zéro.
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samedi, 02 novembre 2024
Le Conseil de l'Atlantique pousse à la guerre contre l'Iran
Le Conseil de l'Atlantique pousse à la guerre contre l'Iran
Source: https://report24.news/atlantikrat-draengt-auf-kriegskurs-...
Les Etats-Unis, et donc leurs alliés européens, doivent être entraînés dans une guerre contre l'Iran. C'est ce que demande le Conseil atlantique. Le complexe militaro-industriel a manifestement besoin de nouvelles guerres. Surtout si Donald Trump souhaite mettre fin au conflit ukrainien.
L'influent Conseil de l'Atlantique (Atlantic Council) a présenté la semaine dernière un dangereux rapport stratégique. Intitulé de manière anodine «L'avenir de la stratégie américaine vis-à-vis de l'Iran», ce document révèle, à y regarder de plus près, un dangereux changement de cap dans la politique étrangère américaine.
Le rapport, présenté comme non partisan, vise ouvertement à impliquer davantage les Etats-Unis dans le conflit qui s'aggrave entre Israël et l'Iran. Particulièrement explosif: la stratégie proposée semble viser à manœuvrer aussi bien une éventuelle administration Trump qu'une administration Harris dans un conflit militaire.
Le rapport recommande le déploiement permanent de forces américaines supplémentaires dans la région - une mesure qui entraînerait inévitablement les Etats-Unis dans un futur conflit militaire avec la République islamique. Pourtant, 40.000 soldats américains sont déjà stationnés au Proche-Orient, et selon les idées du Conseil, ils devraient être restructurés en une « force de réaction rapide ».
La manière dont le rapport aborde la question de Trump est particulièrement révélatrice. Dans le contexte des rapports récents sur les prétendus piratages iraniens de la campagne électorale de Trump et des tentatives d'assassinat présumées, la recommandation du Conseil de répondre par la force militaire à toute attaque contre des politiciens américains apparaît comme une provocation calculée.
La dimension stratégique du rapport est encore plus évidente si l'on considère la constellation internationale. Le Conseil atlantique reconnaît lui-même que l'Iran entretient aujourd'hui des liens étroits avec la Russie et la Chine. Un conflit militaire avec l'Iran pourrait donc rapidement se transformer en une confrontation mondiale - un scénario qui, curieusement, n'est pas présenté comme un avertissement, mais presque comme une recommandation d'action. La « ligne rouge » proposée concernant les armes nucléaires iraniennes est également inquiétante. Le rapport demande une déclaration présidentielle selon laquelle les Etats-Unis ne toléreraient pas un Iran doté de l'arme nucléaire et l'empêcheraient militairement si nécessaire - sachant qu'Israël dispose déjà de son propre arsenal nucléaire.
La stratégie du Conseil atlantique semble se résumer à un opportunisme pervers: si Trump gagne et met fin à la guerre d'Ukraine comme il l'a annoncé, il devrait à la place être orienté vers un conflit avec l'Iran. Sous Harris, en revanche, la confrontation avec la Russie se poursuivrait. Le message du rapport est clair: le complexe militaro-industriel a besoin de sa guerre - peu importe où et avec qui. Les stratèges du Conseil de l'Atlantique ne semblent guère se soucier du fait que l'on s'expose à un conflit qui pourrait se transformer en incendie mondial.
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Quand les BRICS+ discutaient à Kazan, l'Occident préparait ses prochaines actions
Quand les BRICS+ discutaient à Kazan, l'Occident préparait ses prochaines actions
Giuseppe Masala
Source: https://geoestrategia.eu/noticia/43601/geoestrategia/mien...
Alors que les yeux du monde se tournent vers Kazan pour suivre le déroulement du sommet des BRICS+ et tenter de comprendre si (et quand) le « nouveau monde » libéré de la tyrannie occidentale verra le jour, l'Occident ne reste certainement pas les bras croisés en attendant d'abdiquer devant le nouvel ordre.
Plusieurs signes indiquent que de nouvelles mesures se préparent pour élever encore le niveau de confrontation entre l'Occident et le bloc eurasien (essentiellement la Chine, la Russie et l'Iran).
Tout d'abord, les nouvelles du sommet de Kazan sont frappantes, car elles parlent d'un environnement dans lequel les Occidentaux - peu nombreux, pour être honnête - sont snobés, dans lequel l'anglais n'est plus utilisé de manière ostentatoire comme lingua franca, et dans lequel il y a un sentiment clair et net que les pays du bloc eurasien ne reculeront plus devant le fait d'abandonner l'Occident à son sort.
Mais même du côté occidental, on sent clairement que personne n'est prêt à capituler.
C'est ce qui ressort, par exemple, des dernières actions du principal allié de l'Amérique au sein de l'Union européenne... Ironiquement, nous faisons évidemment référence à la Pologne qui, hier encore, a annoncé la fermeture du consulat russe de Poznan, accusant les autorités russes d'avoir lancé depuis ce siège diplomatique un plan de sabotage des infrastructures polonaises. Il convient également de noter que le ministre des affaires étrangères de Varsovie, Radoslaw Sikorski, a expressément menacé d'expulser l'ambassadeur russe en Pologne, ce qui marquerait, de fait, la rupture définitive des relations diplomatiques entre Moscou et Varsovie et, par conséquent, annoncerait également un conflit direct à venir entre les deux pays.
D'autres mesures alarmantes indiquent le manque de volonté de l'Occident de trouver une solution pacifique au conflit actuel en Ukraine. Mesures qui peuvent certainement être identifiées dans les paroles (et les actions) de certains dirigeants politiques européens, tels que le ministre lituanien des affaires étrangères, qui continue à faire pression pour que des troupes européennes soient envoyées en Ukraine, comme il ressort clairement de son interview accordée il y a quelques jours.
Je voudrais ajouter que les propos du Lituanien ne sont en aucun cas ceux d'un fanatique, mais le constat rationnel que l'Ukraine ne pourra plus tenir longtemps par manque d'hommes, sachant que, selon des estimations très prudentes, l'armée de Kiev perd en moyenne au moins 1500 hommes toutes les 24 heures.
À ces propos s'ajoutent ceux de Paris, où Macron et son ministre de la défense Lecornu ont plus d'une fois exprimé leur intention d'envoyer des troupes en Ukraine.
Et que dire du nouveau « traité de défense » bilatéral entre la Grande-Bretagne, géant politique et militaire (en dehors de l'Europe), et l'Allemagne, géant économique et nain politico-militaire? Un traité vraiment bizarre qui, ces derniers jours, est tombé comme un éclair sur les chancelleries européennes et les salles de presse des médias. Un acte apparemment dépourvu de sens politique puisque, à proprement parler, Berlin travaille à la création d'une « armée » de l'UE: par suite, quel serait l'intérêt d'une alliance plus étroite avec un pays non membre de l'UE et, entre autres, cette puissance extérieure à l'UE étant connue pour ses positions de grande hostilité à l'égard de Moscou ?
Selon moi, il est clair que Londres a été lesté par sa victoire dans la Seconde Guerre mondiale, qui - strictement selon les traités de paix - place toujours l'Allemagne dans un statut de minorité politique, et il s'ensuit que Londres a trouvé là un moyen très habile de continuer à influencer les décisions militaires sur le continent européen malgré le fait que la Grande-Bretagne soit maintenant en dehors de l'UE. D'un point de vue pratique, le traité prévoit une étroite collaboration anglo-allemande sur la dernière génération de missiles de croisière à longue portée, ainsi qu'une étroite collaboration sur la construction de drones et de nombreux autres systèmes d'armes avancés. De plus, le traité prévoit le déploiement de troupes anglo-allemandes sur le flanc oriental de l'Europe « menacé » par la Russie.
Ce sont là des signes clairs que l'Europe occidentale n'est pas disposée à accepter le pouvoir acquis par des puissances émergentes telles que la Russie, la Chine et même l'Iran. Mais les déclarations provenant de l'autre côté de l'océan Atlantique sont tout aussi alarmantes. En effet, ce ne sont apparemment que les États-Unis qui se désintéressent de ce qui se passe sur le théâtre européen pour se concentrer sur les théâtres du Moyen-Orient et de l'Extrême-Orient.
En lisant les rapports des groupes de réflexion de Washington, on a le sentiment qu'il ne suffit pas que le gouvernement américain ait réduit en cendres la compétitivité européenne grâce au conflit en Ukraine et aux sanctions qui s'ensuivent. Il faut maintenant assurer une défaite stratégique à la Russie, si nécessaire en utilisant aussi le sol européen comme champ de bataille.
À cet égard, une étude publiée par le très influent Atlantic Council est d'un grand intérêt, indiquant une stratégie à long terme pour la défaite stratégique de la Russie.
Selon l'auteur du rapport, Ariel Cohen (photo), quel que soit le prochain président des États-Unis, « l'agression russe » en Ukraine restera un problème grave pour Washington.
À la suite de ce jugement, l'auteur affirme qu'il existe plusieurs options pour mettre fin à l'impasse sur le sol ukrainien, mais que seule la victoire militaire de Kiev avec la restitution des territoires cédés à la Russie (y compris la Crimée et le Donbass) serait considérée comme positive pour l'Occident. Toute autre option, qu'il s'agisse d'une victoire russe, d'un gel du conflit ou de la poursuite d'une guerre de faible intensité, doit être considérée - selon M. Cohen - comme une défaite claire pour l'Occident, qui n'a pas réussi à obtenir la défaite militaire de Moscou avec pour conséquence un «changement radical du pouvoir à Moscou», un refroidissement des relations avec la Chine et un retour à une «neutralité amicale avec l'Occident».
Pour rendre possible la chute de Moscou, Cohen suggère
1) d'accroître considérablement la militarisation de l'Ukraine par l'ensemble du monde occidental, en supprimant toutes les restrictions et interdictions relatives aux attaques contre les infrastructures stratégiques de la Russie;
2) de lancer une campagne d'information stratégique « pour apporter la vérité au peuple russe et au monde entier », en particulier au Sud. L'accent devrait être mis sur les jeunes et les mots clés devraient être « gaspillage », « corruption », « droits de l'homme », « assassinat de personnalités de l'opposition », etc ;
3) d'exploiter la dépendance à l'égard des technologies occidentales et de renforcer les sanctions pour déstabiliser la production d'armes et l'économie russe dans son ensemble ;
4) d'« éliminer » les marchés d'exportation d'armes de la Russie, « pour affaiblir davantage les revenus et l'influence de Moscou » ;
5) de réduire les revenus pétroliers et gaziers de la Russie en augmentant les exportations américaines de pétrole et de gaz afin de réduire les prix. L'UE devrait cesser d'importer du GNL russe et des engrais à forte teneur en gaz. Cela mettrait fin à la relation énergétique entre l'UE et la Russie et empêcherait le flux de revenus accrus vers la Russie, souligne M. Cohen;
6) de stimuler la « fuite des cerveaux » de la Russie, car les États-Unis manquent à présent « une occasion unique » de commencer à délivrer des visas aux spécialistes russes afin qu'ils puissent travailler « au profit des économies et des sociétés occidentales »;
7) d'exploiter activement le fait que « l'influence de la Russie en Asie centrale et dans le Caucase du Sud s'affaiblit », il devrait être possible de remplacer complètement « l'influence russe » par « l'influence américaine ». Et si les États locaux ne veulent pas coopérer, comme la Géorgie, des sanctions devraient être imposées.
En bref, comme on peut le voir, des voix influentes viennent également de Washington pour soutenir la thèse de la nécessité d'utiliser ce que les États-Unis appellent la « Full Spectrum Dominance », c'est-à-dire l'utilisation synergique d'une série de mesures militaires, diplomatiques, économiques et de propagande qui peuvent briser la force de l'adversaire et de ses alliés.
Seuls les naïfs peuvent croire que le conflit entre l'Occident et la Russie est dans sa phase finale. Malheureusement, l'Europe et les États-Unis ne peuvent pas se permettre de « faire le nœud » avec Moscou, d'autant plus si les relations entre les pays dits BRICS+ continuent de s'approfondir, défiant ouvertement l'empire occidental.
Giuseppe Masala, né en Sardaigne en 25 Avanti Google, est diplômé en économie et s'est spécialisé dans la « finance éthique ». Il se déclare cyber-marxiste mais, comme Leonardo Sciascia, pense qu'"il n'y a pas d'échappatoire à Dieu, ce n'est pas possible. L'exode de Dieu est une marche vers Dieu ».
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La mer contre la terre
La mer contre la terre
par Martino Mora
Source: https://www.ariannaeditrice.it/articoli/il-mare-contro-la...
C'est précisément parce que les valeurs matérielles, et donc économiques, dominent en son sein que l'Occident actuel ne fait pas la guerre au reste du monde pour des raisons strictement économiques.
Ce n'est qu'un paradoxe apparent. L'Occident américano-sioniste actuel, qui vénère la matière et l'individu atomisé, déteste le reste du monde précisément parce que ce reste du monde ne vénère pas la matière et l'individu atomisé de la même manière. C'est pourquoi il n'a pas besoin de la perspective de gains économiques pour lui faire la guerre.
La guerre contre la Russie via l'Ukraine en est un exemple évident. La ploutocratie anglo-américaine déteste Poutine pour des raisons existentielles, pas pour des raisons commerciales. Il suffit de lire ce qu'écrit le financier et idéologue George Soros pour le comprendre. L'Occident ploutocratique déteste la Russie comme il détestait autrefois les autocraties tsariste, prussienne et habsbourgeoise.
Les marchands anglo-saxons détestent Poutine parce qu'il a subordonné les pouvoirs économiques des « oligarques », qui ont débordé de démocratie démagogique dans les années Eltsine, à sa volonté politique. Il ne les a pas expropriés au nom du communisme (bien que certains cultivent la fixation d'un Poutine « bolchevique »), mais les a subordonnés au pouvoir de l'État, c'est-à-dire au sien, par la ruse ou par l'escroquerie. Il a donc rejeté, dans la pratique, le modèle sorosien de « civilisation ouverte », dans lequel seul l'argent gouverne.
Le modèle de Poutine est donc un modèle « césariste » de civilisation et de pouvoir, dans lequel la politique subordonne à elle-même, en le contenant, le règne animal de l'esprit. Et dans lequel un rôle non marginal est également redonné à la dimension religieuse, ce qui est d'ailleurs intolérable pour les tenants de la « société ouverte ».
La Russie d'aujourd'hui n'est pas un modèle véritablement alternatif à la folie spirituelle de l'Occident, mais elle contient au moins les dégâts de la commercialisation à grande échelle de la vie sociale et de la dissolution panérotique des coutumes et de la famille. Ce n'est pas rien.
La haine contre l'Iran est encore plus évidente. Elle se fait passer pour de l'aversion envers le fondamentalisme islamique. Si la véritable aversion était pour le fondamentalisme, l'islam sunnite du Golfe devrait être beaucoup plus détesté que la théocratie chiite de l'Iran, dans laquelle non seulement les minorités chrétiennes et juives, mais aussi les femmes, propagande mise à part, s'en sortent beaucoup mieux. L'Arabie saoudite et le Qatar, ou peut-être le Pakistan ou le Soudan, seraient les principaux ennemis.
Certes, des raisons stratégiques d'alliance géopolitique entre l'américano-sionisme et ses adversaires jouent contre l'Iran. Mais en fin de compte, oublions cela, on en revient toujours là, au choc des civilisations. Le vrai, pas l'imaginaire. Et le choc des civilisations actuel, du moins le principal, est entre le nihilisme matérialiste et atomiste de l'Occident anglo-sioniste, qui a répudié le christianisme et sa Tradition (et s'enfonce donc de plus en plus vers le bas), et le reste du monde.
La mer contre la terre.
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Les pays du groupe BRICS se renforcent
Les pays du groupe BRICS se renforcent
Leonid Savin
Source: https://www.geopolitika.ru/en/article/brics-gaining-strength?utm_referrer=https%3a%2f%2fl.facebook.com%2f
La réunion actuelle de l'association informelle des dix pays du groupe BRICS s'est transformée en percée à bien des égards. L'année de la présidence russe de ce club, malgré les tentatives de l'Occident collectif de gagner les pays du Sud et la guerre de l'information de masse, a été marquée par un intérêt significatif de nombreux pays pour participer à part entière à cette structure.
Trente-cinq pays ont déjà demandé à être admis au sein des BRICS en tant que participants à part entière. Au total, les représentants de 36 États sont arrivés au sommet des BRICS à Kazan, dont 22 pays représentés directement par leurs dirigeants, ainsi que les représentants de six organisations internationales, tandis que les médias mondiaux ont accordé une attention particulière à l'apparition du secrétaire général de l'ONU.
Les rapports des présidents de la Nouvelle banque de développement, du Conseil des entreprises, du Mécanisme de coopération interbancaire, de l'Alliance des femmes d'affaires ont été entendus, des réunions bilatérales des dirigeants des pays ont eu lieu, ainsi qu'une session plénière BRICS Plus/Outreach avec la participation des dirigeants des pays de la CEI, des délégations de nombreux pays d'Asie, d'Afrique, du Moyen-Orient et d'Amérique latine, des chefs des organes exécutifs d'un certain nombre d'organisations internationales.
Treize pays présents au sommet ont déjà reçu le statut de pays partenaire des BRICS. Il s'agit de la Turquie, du Kazakhstan, de l'Ouzbékistan, de l'Algérie, de la Biélorussie, de la Bolivie, de Cuba, de l'Indonésie, de la Malaisie, du Nigeria, de la Thaïlande, de l'Ouganda et du Viêt Nam. Comme vous pouvez le constater, la taille du pays et l'état de son économie n'influent aucunement sur la décision d'accorder un tel statut.
À l'issue de la rencontre entre Vladimir Poutine et Xi Jinping (il convient de souligner que la Russie et la Chine sont des partenaires proches au sein des BRICS, qui s'opposent également activement à l'hégémonie des États-Unis), le président russe a noté que les relations russo-chinoises sont devenues un modèle de la manière dont les relations entre les États devraient être construites dans le monde actuel; la coopération entre les deux pays est l'un des principaux facteurs de stabilisation sur la scène mondiale. "Nous avons l'intention de renforcer encore la coordination sur toutes les plateformes multilatérales afin de garantir la sécurité mondiale et un ordre mondial juste", et “au fil des années de notre travail commun, l'autorité et l'influence des BRICS se sont accrues”.
À son tour, Xi Jinping a noté qu'« au fil des décennies, les relations sino-russes, qui ont résisté aux épreuves de la situation internationale instable, ont parcouru un long chemin et acquis un caractère sans précédent » et que « dans les conditions d'une transformation tectonique sans précédent depuis des siècles, la situation internationale subit de graves changements et bouleversements. Mais cela ne peut ébranler la conviction de l'inviolabilité du choix stratégique des deux pays en faveur d'un soutien mutuel ferme».
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a appelé à un règlement pacifique du conflit en Ukraine sur la base de la charte de l'organisation des Nations unies et du droit international. « Nous avons besoin de paix en Ukraine. Une paix juste conformément à la Charte des Nations unies, au droit international et aux résolutions de l'Assemblée générale », a-t-il déclaré lors de la réunion du 24 octobre. Il a ajouté que tous les conflits actuels dans le monde devaient être résolus « tout en maintenant l'engagement envers les valeurs de la Charte des Nations unies, les principes de l'État de droit, l'intégrité territoriale et l'indépendance politique de tous les États ».
Vladimir Poutine a répondu que « nous devrions tous vivre comme une grande famille. C'est ainsi que nous vivons. Malheureusement, les querelles, les scandales et la division des biens se produisent souvent dans les familles. Parfois, on en vient à se battre ». Dans le même temps, il a souligné que les BRICS considèrent la création d'une « atmosphère favorable dans une maison commune » comme l'un de leurs objectifs. « Nous le faisons et nous le ferons. Y compris en étroite coordination avec les Nations unies », a conclu M. Poutine.
Il est important de noter ici que les BRICS ont été présentés comme une organisation indépendante qui, en fait, se positionne comme un égal de l'ONU. Deuxièmement, si nous parlons des paroles du secrétaire général de l'ONU, il est nécessaire de rappeler que la charte de l'ONU stipule le droit à l'autodétermination des peuples. Et en ce qui concerne l'Ukraine, conformément à la Charte des Nations unies, les Russes avaient tout à fait le droit de se séparer du régime "néo-nazi", ce que certains territoires ont fait en 2014 et que le reste de l'armée russe aide aujourd'hui à libérer.
Une déclaration importante a été faite sur la nécessité de réformer l'ONU elle-même. Il a été noté que la structure de l'ONU devrait être adaptée aux réalités modernes et que les pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine devraient être davantage représentés au sein du Conseil de sécurité de l'ONU. Derrière l'écran de l'ordre imposé par l'Occident se cachent des tentatives de freiner le développement indépendant des pays de ces régions.
La transition vers un ordre mondial plus juste n'est pas facile, les sanctions unilatérales illégales, la manipulation des marchés boursiers et des marchés des changes, ainsi que l'ingérence dans la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne sont autant d'obstacles à la réalisation de cet objectif.
Dans son discours, le président russe Vladimir Poutine a également évoqué l'opération militaire spéciale en Ukraine, rappelant que « l'Ukraine est utilisée pour créer des menaces critiques pour la sécurité de la Russie » et que « ceux qui veulent infliger une défaite stratégique à la Russie ne connaissent pas l'histoire du pays, leurs calculs sont dès lors illusoires ». Une fois de plus, l'engagement en faveur de la création d'une Palestine souveraine a été évoqué: « un règlement au Moyen-Orient n'est possible qu'avec la correction de l'injustice historique et la création d'une Palestine indépendante ».
En ce qui concerne la participation des pays BRICS à l'économie mondiale, même selon les analystes occidentaux, dans les cinq prochaines années, l'économie mondiale reposera davantage sur les pays BRICS que sur les États du G7. Les prévisions du Fonds monétaire international indiquent que la Russie, la Chine, l'Inde et le Brésil seront à l'origine de la majeure partie de la croissance au cours de la période à venir. Dans le même temps, la contribution attendue à l'économie mondiale des membres du G7, tels que les États-Unis, l'Allemagne et le Japon, a été revue à la baisse. Et des pays comme l'Égypte et le Vietnam, grâce au poids plus important des économies en développement lorsqu'elles sont évaluées en termes de parité de pouvoir d'achat, atteindront le niveau de pays comme l'Allemagne et le Japon en termes de croissance économique. Selon les prévisions du FMI, la Chine restera le principal contributeur à l'économie mondiale. L'Inde, dont l'influence sur la croissance mondiale s'accroît également de manière significative, occupera la deuxième place.
Il est significatif qu'au cours du sommet des BRICS, le ministre russe des finances, Anton Siluanov, ait déclaré que la Russie répondrait de manière symétrique à l'utilisation par l'Occident des revenus des avoirs gelés de la Fédération de Russie et commencerait à utiliser les revenus des avoirs occidentaux dans le pays. De nouveaux outils seront également introduits à dessein, tels que la bourse des céréales des BRICS, qui, selon M. Poutine, contribuera également à protéger les marchés nationaux de l'ingérence et de la spéculation extérieures.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré que « la Turquie croit aux objectifs des BRICS pour créer un ordre mondial et des relations commerciales justes ». Le vice-premier ministre serbe Alexander Vulin a quant à lui souligné le rôle constructif des BRICS. Il a déclaré que « personne au sein des BRICS n'exige que nous reconnaissions le Kosovo, que nous renoncions à la Republika Srpska ou que nous imposions des sanctions à l'UE ou à qui que ce soit d'autre. Dans les BRICS, on ne vous demande rien, mais on vous offre un monde complètement nouveau ».
La déclaration des BRICS, publiée le 23 octobre, compte plus de 40 pages et reprend en quelque sorte les thèses des récents sommets de l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et de la Communauté des États indépendants (CEI). De nombreux points sont consacrés à un large éventail de questions.
Pour accéder au document: MUCfWDg0QRs3xfMUiCAmF3LEh02OL3Hk.pdf
Mais toutes ces questions sont liées au changement de l'architecture politique et économique mondiale et au désir de multipolarité et d'un ordre mondial plus juste, en lieu et place de l'« ordre fondé sur des règles » de l'Occident. Dans le même temps, l'UE s'est empressée de renier son implication dans le paragraphe sur l'inadmissibilité des sanctions unilatérales.
À l'issue du sommet, le président russe a également tenu une conférence de presse, au cours de laquelle il a noté que « sans exception, toutes les réunions et tous les événements que je viens de mentionner se sont déroulés dans le cadre traditionnel des affaires et de l'ouverture des BRICS, dans une atmosphère de compréhension mutuelle. Cette approche constructive du travail en commun nous a permis de discuter en détail d'un large éventail de questions pendant trois jours ».
Il a également déclaré que « nous avons confirmé que les BRICS ne sont pas un format fermé, qu'ils sont ouverts à tous ceux qui partagent leurs valeurs et que leurs membres sont prêts à travailler à la recherche de solutions communes sans diktats extérieurs ni tentatives d'imposer des approches étroites à qui que ce soit. Les BRICS ne peuvent que répondre à la demande croissante de coopération dans le monde. Par conséquent, nous avons accordé une attention particulière aux problèmes liés à l'expansion possible des BRICS par la création d'une nouvelle catégorie - les États partenaires ».
Pour confirmer les propos du Président, on peut ajouter que les dirigeants de la Chine et de l'Inde, qui sont antagonistes sur un certain nombre de questions, se sont entretenus lors du sommet, et que les présidents de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan ont également pu s'entretenir. Cela confirme une fois de plus l'importance de cette plateforme et le rôle constructif de la Russie, qui permet d'aplanir les contradictions et les malentendus. Mais dans ce domaine, la participation et l'influence de l'Occident restent un facteur important. L'exemple de l'Ukraine montre que là où l'Occident impose sa volonté politique, la discorde et le conflit surgissent toujours.
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vendredi, 01 novembre 2024
La Géorgie sous pression: course au contrôle et à la souveraineté
La Géorgie sous pression: course au contrôle et à la souveraineté
Source: https://www.pi-news.net/2024/10/georgien-unter-druck-wett...
Lors des élections législatives en Géorgie, république du Caucase du Sud, la commission électorale a déclaré vainqueur le parti national-conservateur «Rêve géorgien» du milliardaire Bidzina Ivanichvili avec 54% des voix.
Par Elena Fritz
Les dernières élections législatives de Géorgie, lors desquelles le parti « Rêve géorgien » (Georgian Dream - GD) a de nouveau assuré la majorité du gouvernement, illustrent la manière dont le pays se retrouve de plus en plus pris entre les fronts des grandes puissances. La situation stratégique dans le Caucase fait de la Géorgie un point névralgique dans la lutte géopolitique entre l'UE, l'OTAN et la Russie. Les acteurs occidentaux cherchent à intégrer étroitement la Géorgie dans leur zone d'influence, tandis que le gouvernement de Tbilissi tente de maintenir un équilibre neutre sous l'égide de GD - une approche qui est à la fois défiée par les tensions politiques internes et les tentatives de pression extérieures.
Pour l'Union européenne, la Géorgie est plus qu'un partenaire du Partenariat oriental: c'est un allié potentiel qui fait interface avec la Russie. Depuis des années, l'UE s'efforce de lier la Géorgie à elle sur le plan économique et politique; les programmes de soutien, les projets d'infrastructure et les conditions de réforme étant des éléments essentiels de cette stratégie. Bruxelles se présente ici comme un soutien, mais les conditions liées à ces programmes laissent peu de place à une politique nationale indépendante.
Un exemple est le financement continu par l'UE d'organisations de la société civile qui promeuvent les valeurs occidentales et renforcent souvent les forces pro-occidentales. Cela contribue à la polarisation de la société géorgienne et pousse le gouvernement à s'aligner plus clairement sur les intérêts occidentaux - une orientation qui remet de plus en plus en question la politique pragmatique de GD vis-à-vis de la Russie. En outre, l'UE met également la Géorgie sous pression en matière de politique de sécurité, par exemple en développant la coopération militaire avec l'OTAN. La stratégie est claire : en tant que partenaire de l'OTAN, la Géorgie doit devenir à long terme un avant-poste occidental dans le Caucase.
Intégration à l'OTAN : sécurité ou facteur de risque ?
La coopération avec l'OTAN, y compris les exercices communs et l'adaptation militaire aux normes de l'OTAN, rapproche dangereusement la Géorgie d'une confrontation avec la Russie. Moscou considère le Caucase comme faisant partie de sa sphère d'influence et a clairement fait savoir à plusieurs reprises qu'un élargissement de l'OTAN dans la région serait perçu comme une menace existentielle. Le conflit autour des régions géorgiennes séparatistes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud reste également un sujet sensible. Tout nouveau pas en direction de l'OTAN provoquerait des réactions politiques et militaires de la Russie - un scénario qui pourrait devenir une menace directe pour la Géorgie.
Le parti GD a reconnu ce facteur de risque et renonce donc officiellement à exiger une adhésion rapide à l'OTAN. Mais le rattachement croissant à l'OTAN via le « statut de partenariat » remet en question cette politique de neutralité et pourrait pousser la Géorgie dans un rôle qui présente des avantages stratégiques pour l'Occident, mais qui pourrait provoquer une escalade pour la Géorgie elle-même.
Des divisions internes: la déchirure de la société géorgienne
La société géorgienne est profondément divisée: l'opposition, sous la bannière du « Mouvement national unifié » (MNU) et de la « Coalition pour le changement », fait ouvertement campagne pour une intégration claire à l'Occident et attaque le gouvernement GD en le qualifiant de « pro-russe » ». Ces fronts politiques ne sont pas seulement de nature idéologique, mais ont un impact réel sur la stabilité politique interne. La présidente Salomé Zourabichvili, par exemple, appelle la population à protester et parle d'« élections russes ». De telles positions reflètent les divisions profondes qui existent en Géorgie, où les électeurs des grandes villes, pro-occidentaux, veulent faire avancer le courant pro-européen, tandis que les éléments plus conservateurs du pays ne veulent pas rompre complètement les relations plus traditionnelles avec la Russie.
De son côté, l'UE soutient indirectement ces tensions en encourageant les ONG et les mouvements politiques pro-occidentaux qui font pression sur le gouvernement et menacent ainsi l'équilibre interne. Ces tensions pourraient être de plus en plus utilisées de l'extérieur pour déstabiliser le gouvernement géorgien et imposer un leadership clairement pro-occidental si le « Rêve géorgien » maintient son cap axé sur la neutralité.
Options de politique réelle pour la Géorgie dans l'ordre multipolaire
En théorie, la Géorgie pourrait jouer un rôle clé dans un ordre mondial multipolaire, dans lequel elle serait un acteur souverain et entretiendrait à la fois des partenariats économiques avec l'UE et des relations pragmatiques avec la Russie. Mais la voie est étroite: les programmes occidentaux et la coopération militaire ont placé la Géorgie dans une position où elle reste dépendante du soutien de l'Occident.
Des partenariats alternatifs, par exemple avec la Chine ou d'autres acteurs eurasiens, pourraient certes apporter des avantages économiques à la Géorgie, mais entraîneraient la perte du soutien occidental et un renforcement des sanctions.
Dans cette constellation, une coopération plus étroite avec d'autres acteurs eurasiens - par exemple en tant que plaque tournante logistique dans le commerce avec la Chine - pourrait certes constituer une alternative stratégique, mais la dépendance vis-à-vis des investissements de l'UE et du soutien de l'OTAN laisse peu de marge de manœuvre au gouvernement. L'ordre mondial multipolaire pourrait théoriquement permettre à la Géorgie d'être plus indépendante, mais il manque actuellement des alternatives concrètes à l'Occident.
Conclusion : l'avenir de la Géorgie - entre intégration et souveraineté
La Géorgie est prise dans un dilemme: la véritable autonomie à laquelle aspire le gouvernement du « Rêve géorgien » est limitée par les mécanismes d'influence occidentaux. L'UE et l'OTAN continueront à défendre agressivement leurs intérêts pour lier fermement la Géorgie à leur sphère d'influence. Il ne reste guère de possibilité réaliste pour la Géorgie de se positionner en tant qu'acteur indépendant sans risquer de perdre le soutien de l'Occident.
Tant que la Géorgie sera liée à l'Occident sur le plan de la politique de sécurité et de l'économie, elle ne disposera guère de l'autonomie stratégique qui serait possible dans un ordre multipolaire. Les années à venir montreront si le « rêve géorgien » pourra maintenir la politique d'équilibre à long terme - ou si la Géorgie deviendra définitivement une sphère d'influence occidentale.
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L'impératif? La puissance russe!
Portrait de Dimitri Donskoï par le peintre Victor Matourine.
L'impératif? La puissance russe!
Alexandre Douguine
Source: https://www.geopolitika.ru/article/imperativ-russkoy-vlasti
Le huitième congrès de Tsargrad, qui s'est tenu dans la cathédrale du Christ-Sauveur, a été d'une incroyable pertinence. Voici, en substance, ce qui s'y est dit.
Il est évident que nous vivons dans une société où l'idéologie est en train de changer - elle passe du libéralisme à la russéité. Et ce processus ne peut être arrêté. Il ne s'agit pas d'une décision ponctuelle des autorités, mais de la logique du temps, d'un ultimatum fixé par l'histoire elle-même.
L'Opération militaire spéciale a radicalement changé le paysage idéologique de la Russie. L'ère des technocrates idéologiquement neutres est révolue, celle des patriotes idéologiquement motivés a commencé.
Un nouveau type de fonctionnaire apparaît - qu'il soit gouverneur, ministre, dirigeant. Désormais, les représentants de l'État sont constamment confrontés à la mort, à la douleur, à l'horreur, à l'âme des gens. Ils ne peuvent se contenter d'instructions, de remplir des conditions formelles et de se corrompre tranquillement sur cette toile de fond. Ils sont impliqués dans l'histoire, et l'histoire exige de la subjectivité, un choix volontaire, une décision prise avec le cœur. Par conséquent, les personnes au pouvoir doivent faire un choix: soit elles sont du côté de la caste, soit du côté du peuple. Soit ils sont du côté de la guerre, ils y prennent une part active, soit leur cause demeure en marge (de l'histoire qui se fait). Être technocrate, c'est désormais choisir le camp de ma cause. Sinon, il faut changer sa vision du monde ou admettre ouvertement les opinions russes qui ont été formées auparavant et passer ouvertement du côté de la cause russe.
Là encore, chacun doit déterminer sa propre position. Il s'agit d'un tournant idéologique. Le libéralisme est complètement épuisé, même s'il existe encore par inertie. Mais aujourd'hui, la technocratie exécutive ne suffit plus. Face à la guerre, face aux ennemis intérieurs des cinquième et sixième colonnes, face aux migrations destructrices et à la démographie catastrophique, face aux valeurs traditionnelles et non traditionnelles, chacun doit faire un choix. Un choix clair et net. Non pas en chuchotant sotto voce, mais en parlant haut et fort. Et nous devrons répondre de ce choix et le mener jusqu'au bout. Peut-être jusqu'à notre propre fin, car nous sommes en guerre. Aujourd'hui, être russe ne signifie pas déposer une marque. Être russe, c'est rejoindre les rangs de la cause russe, c'est se réaliser en tant que nation, c'est tout sacrifier - y compris sa vie - pour le bien du pouvoir.
Le temps des compromis et des demi-mesures touche à sa fin. Le choix,qui est posé maintenant, aura une signification irréversible.
L'Évangile parle des ouvriers de la dernière heure. Ils se sont engagés plus tard que tous les autres, mais ils se sont engagés. Et on leur promet une part du Royaume des cieux. Mais après cette dernière heure, il sera vraiment trop tard.
C'est maintenant la dernière heure pour la cause russe. Il est temps d'apporter à la Patrie, à la Foi, au Pouvoir et au Peuple notre dernier serment.
Oui, depuis les années 80, la trahison est devenue une norme sociale, idéologique et psychologique. Chacun vivait pour soiet pour soi seul. Mais cette époque est révolue.
L'époque est foncièrement différente aujourd'hui. Elle n'est pas seulement illibérale, elle est incompatible avec la technocratiesans âme, sans épaisseur. C'est le temps de l'Idée qui est advenu. De l'idée russe (de l'idée ancrée dans notre réalité vivante). Il est enfin arrivé, ce temps de la décision ultime.
Pas un seul problème de la Russie contemporaine ne peut être considéré comme purement technique. Tous les problèmes, au contraire, ont une dimension idéologique. Ils sont apparus pour des raisons idéologiques et leur solution se trouve dans le domaine idéologique.
Pourquoi l'Opération militaire spéciale a-t-elle été déclenchée ? Parce que les libéraux et les Occidentaux de Russie ont pris la décision idéologique, en 1991, d'effondrer l'Empire (l'URSS). Et nous serons en guerre tant que nous n'aurons pas inversé les résultats de cette trahison.
D'où viennent les migrations ? Du fait que l'idéologie libérale nie, même en théorie, les facteurs ethnique et culturel-religieux. Et le principe capitaliste d'optimisation du profit exige la main-d'œuvre la moins chère et socialement la moins protégée possible. Et c'est cela l'idéologie libérale.
D'où vient le déclin démographique ? Du principe de l'individualisme et de l'engorgement des villes. Et aussi de la destruction systémique des valeurs familiales et du démantèlement du patriarcat classique. Il s'agit d'attitudes idéologiques qui ne peuvent être éliminées par des moyens techniques.
D'où vient la corruption ? De l'égoïsme dogmatique et du cynisme obligatoire, massivement retransmis par la culture: ils conduisent inévitablement à l'érosion de la responsabilité envers la société et à l'opportunisme juridique.
Et puisqu'il en est ainsi, nous avons besoin d'un organe idéologique. Qu'il s'agisse d'un système de contrôle de l'exécution et de la mise en œuvre des décrets présidentiels 809 et 314 et du concept de sécurité nationale. Ou de quelque chose d'autre. Et naturellement, l'idéologie patriotique russe devrait être introduite en douceur dans la société et gérée par des patriotes russes.
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Nerval et la fin de la France druidique
Nerval et la fin de la France druidique
Nicolas Bonnal
Sylvie a émerveillé des générations de lectrices et de lecteurs de sensibilité médiévale et romantique. C’est que ce bref roman conte la fin de la France initiatique et irréelle. Ce qui avait pu rester va être détruit (cf. Balzac qui décrit le processus dans toute son œuvre, du passage de cette France des druides et des chevaliers à celle des Macron) ou réduit à l’état de spectacle ou d’illusion (cf. cette fascination pour le théâtre ou les actrices qui caractérise Nerval).
L’arrivée du chemin de fer, machine apocalyptique dont Dostoïevski a si bien parlé dans l’Idiot (voyez mon livre) va tout modifier ; c’est la fin des distances, c’est la fin du mystère et du pèlerinage de la vie :
« Senlis est une ville isolée de ce grand mouvement du chemin de fer du Nord qui entraîne les populations vers l’Allemagne.
– Je n’ai jamais su pourquoi le chemin de fer du Nord ne passait pas par nos pays, – et faisait un coude énorme qui encadre en partie Montmorency, Luzarches, Gonesse et autres localités, privées du privilège qui leur aurait assuré un trajet direct. Il est probable que les personnes qui ont institué ce chemin auront tenu à le faire passer par leurs propriétés. – Il suffit de consulter la carte pour apprécier la justesse de cette observation. »
Citons cet extrait de Gautier que nous avions repris déjà :
« C'est un spectacle douloureux pour le poète, l'artiste et le philosophe, de voir les formes et les couleurs disparaître du monde, les lignes se troubler, les teintes se confondre et l'uniformité la plus désespérante envahir l'univers sous je ne sais quel prétexte de progrès. Quand tout sera pareil, les voyages deviendront complètement inutiles, et c'est précisément alors, heureuse coïncidence, que les chemins de fer seront en pleine activité. »
Chez Nerval le rêve est comme dans film Brazil (tourné à Marne-la-Vallée…) le seul moyen (avec le théâtre, et on aurait invoqué encore la cinéphilie dans les années soixante) de fuir la réalité et de retourner vers les lieux de la Source :
« Je me représentais un château du temps de Henri IV avec ses toits pointus couverts d’ardoises et sa face rougeâtre aux encoignures dentelées de pierres jaunies, une grande place verte encadrée d’ormes et de tilleuls, dont le soleil couchant perçait le feuillage de ses traits enflammés. Des jeunes filles dansaient en rond sur la pelouse en chantant de vieux airs transmis par leurs mères, et d’un français si naturellement pur, que l’on se sentait bien exister dans ce vieux pays du Valois, où, pendant plus de mille ans, a battu le cœur de la France… ».
Puis vient l’apparition mi-théâtrale mi religieuse d’Adrienne :
« Tout d’un coup, suivant les règles de la danse, Adrienne se trouva placée seule avec moi au milieu du cercle. Nos tailles étaient pareilles. On nous dit de nous embrasser, et la danse et le chœur tournaient plus vivement que jamais. En lui donnant ce baiser, je ne pus m’empêcher de lui presser la main. Les longs anneaux roulés de ses cheveux d’or effleuraient mes joues. De ce moment, un trouble inconnu s’empara de moi. – La belle devait chanter pour avoir le droit de rentrer dans la danse. On s’assit autour d’elle, et aussitôt, d’une voix fraîche et pénétrante, légèrement voilée, comme celles des filles de ce pays brumeux, elle chanta une de ces anciennes romances pleines de mélancolie et d’amour, qui racontent toujours les malheurs d’une princesse enfermée dans sa tour par la volonté d’un père qui la punit d’avoir aimé. La mélodie se terminait à chaque stance par ces trilles chevrotants que font valoir si bien les voix jeunes, quand elles imitent par un frisson modulé la voix tremblante des aïeules. »
On a toute la symbolique des récits du Graal que j’ai décryptée dans mon livre (anneau, blondeur, danse, baiser, brumes, tour…) grâce à des auteurs consacrés comme Guénon, Fulcanelli ou Coomaraswamy (oh, cet essai sur le fier baiser…) ; on a la référence à Dante et à l’origine avec le chant :
« À mesure qu’elle chantait, l’ombre descendait des grands arbres, et le clair de lune naissant tombait sur elle seule, isolée de notre cercle attentif. Elle se tut, et personne n’osa rompre le silence. La pelouse était couverte de faibles vapeurs condensées, qui déroulaient leurs blancs flocons sur les pointes des herbes. Nous pensions être en paradis. – Je me levai enfin, courant au parterre du château, où se trouvaient des lauriers, plantés dans de grands vases de faïence peints en camaïeu. Je rapportai deux branches, qui furent tressées en couronne et nouées d’un ruban. Je posai sur la tête d’Adrienne cet ornement, dont les feuilles lustrées éclataient sur ses cheveux blonds aux rayons pâles de la lune. Elle ressemblait à la Béatrice de Dante qui sourit au poète errant sur la lisière des saintes demeures. »
L’apparition est brève et promise au couvent (que de merveilles perdues ou sacrifiées dans ces couvents – Michelet en a bien parlé) :
« Adrienne se leva. Développant sa taille élancée, elle nous fit un salut gracieux, et rentra en courant dans le château. – C’était, nous dit-on, la petite-fille de l’un des descendants d’une famille alliée aux anciens rois de France ; le sang des Valois coulait dans ses veines. Pour ce jour de fête, on lui avait permis de se mêler à nos jeux ; nous ne devions plus la revoir, car le lendemain elle repartit pour un couvent où elle était pensionnaire… »
Sylvie la brune (ou la grecque, l’autre étant blonde et nordique) est de ce monde et souffre de l’égoïsme poétique du narrateur :
« Quand je revins près de Sylvie, je m’aperçus qu’elle pleurait. La couronne donnée par mes mains à la belle chanteuse était le sujet de ses larmes. Je lui offris d’en aller cueillir une autre, mais elle dit qu’elle n’y tenait nullement, ne la méritant pas. Je voulus en vain me défendre, elle ne me dit plus un seul mot pendant que je la reconduisais chez ses parents… »
Mais les bons parents vont nous priver d’Adrienne :
« La figure d’Adrienne resta seule triomphante, – mirage de la gloire et de la beauté, adoucissant ou partageant les heures des sévères études. Aux vacances de l’année suivante, j’appris que cette belle à peine entrevue était consacrée par sa famille à la vie religieuse. »
Il n’en reste qu’une figure.
Remontons le temps. On est sans doute dans les années 1820, sous Charles X, roi dont Stendhal pensa le plus grand bien. La France aristocrate et traditionnelle a de beaux restes :
« Quelques années s’étaient écoulées : l’époque où j’avais rencontré Adrienne devant le château n’était plus déjà qu’un souvenir d’enfance. Je me retrouvai à Loisy au moment de la fête patronale. J’allai de nouveau me joindre aux chevaliers de l’arc, prenant place dans la compagnie dont j’avais fait partie déjà. Des jeunes gens appartenant aux vieilles familles qui possèdent encore là plusieurs de ces châteaux perdus dans les forêts, qui ont plus souffert du temps que des révolutions, avaient organisé la fête. De Chantilly, de Compiègne et de Senlis accouraient de joyeuses cavalcades qui prenaient place dans le cortège rustique des compagnies de l’arc… ».
Le narrateur ne pouvait rien avec Adrienne, mais il a perdu l’amour de Sylvie (promise à l’industrie et au grand frisé) :
« Je m’excusai sur mes études, qui me retenaient à Paris, et l’assurai que j’étais venu dans cette intention. « Non, c’est moi qu’il a oubliée, dit Sylvie. Nous sommes des gens de village, et Paris est si au-dessus ! ». Je voulus l’embrasser pour lui fermer la bouche ; mais elle me boudait encore, et il fallut que son frère intervînt pour qu’elle m’offrît sa joue d’un air indifférent. Je n’eus aucune joie de ce baiser dont bien d’autres obtenaient la faveur, car dans ce pays patriarcal où l’on salue tout homme qui passe, un baiser n’est autre chose qu’une politesse entre bonnes gens… »
Pourtant la belle grecque a mûri :
« Je l’admirai cette fois sans partage, elle était devenue si belle ! Ce n’était plus cette petite fille de village que j’avais dédaignée pour une plus grande et plus faite aux grâces du monde. Tout en elle avait gagné : le charme de ses yeux noirs, si séduisants dès son enfance, était devenu irrésistible ; sous l’orbite arquée de ses sourcils, son sourire, éclairant tout à coup des traits réguliers et placides, avait quelque chose d’athénien. J’admirais cette physionomie digne de l’art antique au milieu des minois chiffonnés de ses compagnes… »
C’est Nietzsche qui évoque cette observation du voyageur Cicéron sur la beauté athénienne…
Vient la grande scène : on rend visite à la tante et on va remonter dans le Temps, dans le vrai Temps, celui d’avant 89 (époque sur laquelle il ne faut pas trop se faire d’illusions, voir Taine) :
« Je la suivis, montant rapidement l’escalier de bois qui conduisait à la chambre. – Ô jeunesse, ô vieillesse saintes ! – qui donc eût songé à ternir la pureté d’un premier amour dans ce sanctuaire des souvenirs fidèles ? Le portrait d’un jeune homme du bon vieux temps souriait avec ses yeux noirs et sa bouche rose, dans un ovale au cadre doré, suspendu à la tête du lit rustique. Il portait l’uniforme des gardes-chasse de la maison de Condé ; son attitude à demi martiale, sa figure rose et bienveillante, son front pur sous ses cheveux poudrés, relevaient ce pastel, médiocre peut-être, des grâces de la jeunesse et de la simplicité. »
La vieille tante s’émeut et nous aussi car on atteint le sommet de la prose française (comme disait Jean Richer, père de mon ami et préfacier Nicolas, l’œuvre de Nerval ne compte pas par sa quantité mais par sa magie) :
« La tante poussa un cri en se retournant : « Ô mes enfants ! » dit-elle, et elle se mit à pleurer, puis sourit à travers ses larmes. – C’était l’image de sa jeunesse, – cruelle et charmante apparition ! Nous nous assîmes auprès d’elle, attendris et presque graves, puis la gaieté nous revint bientôt, car, le premier moment passé, la bonne vieille ne songea plus qu’à se rappeler les fêtes pompeuses de sa noce. Elle retrouva même dans sa mémoire les chants alternés, d’usage alors, qui se répondaient d’un bout à l’autre de la table nuptiale, et le naïf épithalame qui accompagnait les mariés rentrant après la danse. Nous répétions ces strophes si simplement rythmées, avec les hiatus et les assonances du temps ; amoureuses et fleuries comme le cantique de l’Ecclésiaste ; – nous étions l’époux et l’épouse pour tout un beau matin d’été. »
La fin du livre est plus sombre et Nerval compte ses ruines avec une émouvante référence à Byzance, qui accueillit les Saxons en fuite après 1066 :
« Cette vieille retraite des empereurs n’offre plus à l’admiration que les ruines de son cloître aux arcades byzantines, dont la dernière rangée se découpe encore sur les étangs, – reste oublié des fondations pieuses comprises parmi ces domaines qu’on appelait autrefois les métairies de Charlemagne… »
Le narrateur revoit Adrienne, mais comme actrice :
« La scène se passait entre les anges, sur les débris du monde détruit. Chaque voix chantait une des splendeurs de ce globe éteint, et l’ange de la mort définissait les causes de sa destruction. Un esprit montait de l’abîme, tenant en main l’épée flamboyante, et convoquait les autres à venir admirer la gloire du Christ vainqueur des enfers. Cet esprit, c’était Adrienne transfigurée par son costume, comme elle l’était déjà par sa vocation. »
Il revoit Sylvie qui va se jeter dans les bras du « grand frisé » (un suspect, ce Nerval ?) et s’adonne à l’industrie des gants :
« Elle soupirait et pleurait, si bien que je ne pus lui demander par quelle circonstance elle était allée à un bal masqué ; mais, grâce à ses talents d’ouvrière, je comprenais assez que Sylvie n’était plus une paysanne. Ses parents seuls étaient restés dans leur condition, et elle vivait au milieu d’eux comme une fée industrieuse, répandant l’abondance autour d’elle. »
On est loin de la Fiancée du Cantique des cantiques :
« Mon frère de lait parut embarrassé. J’avais tout compris. – C’est une fatalité qui m’était réservée d’avoir un frère de lait dans un pays illustré par Rousseau, – qui voulait supprimer les nourrices ! – Le père Dodu m’apprit qu’il était fort question du mariage de Sylvie avec le grand frisé, qui voulait aller former un établissement de pâtisserie à Dammartin. Je n’en demandai pas plus. La voiture de Nanteuil-le-Haudoin me ramena le lendemain à Paris. »
Balzac a parlé très prosaïquement des illusions perdues ; et ici :
« Telles sont les chimères qui charment et égarent au matin de la vie. J’ai essayé de les fixer sans beaucoup d’ordre, mais bien des cœurs me comprendront. Les illusions tombent l’une après l’autre, comme les écorces d’un fruit, et le fruit, c’est l’expérience. Sa saveur est amère ; elle a pourtant quelque chose d’âcre qui fortifie, – qu’on me pardonne ce style vieilli. »
La fin arrive sur un ricanement :
« J’oubliais de dire que le jour où la troupe dont faisait partie Aurélie a donné une représentation à Dammartin, j’ai conduit Sylvie au spectacle, et je lui ai demandé si elle ne trouvait pas que l’actrice ressemblait à une personne qu’elle avait connue déjà. – À qui donc ? – Vous souvenez-vous d’Adrienne ? Elle partit d’un grand éclat de rire en disant : « Quelle idée ! » Puis, comme se le reprochant, elle reprit en soupirant : « Pauvre Adrienne ! elle est morte au couvent de Saint-S…, vers 1832. »
La France des origines c’est terminé. La suite est chez Flaubert ou chez Céline.
Sources:
https://www.sos-grannygeek.com/wp-content/uploads/2020/03...
https://www.vousnousils.fr/casden/pdf/id00180.pdf
https://www.amazon.fr/Perceval-reine-%C3%A9tudes-litt%C3%...
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Delivrance ou la mort du grand Pan
Delivrance ou la mort du grand Pan
André Waroch
Le gauchisme n’a pas que du mauvais. Ainsi le mouvement soixante-huitard américain nous débarrassa-t-il du carcan puritain qui obligeait jusque là Hollywood à mettre en scène des héros au cœur pur défenseurs de la veuve et de l’orphelin. Les années soixante-dix vont réinventer le cinéma dans tous les domaines, avant qu’un nouveau puritanisme, le politiquement correct, ne prenne le pouvoir dans les années quatre-vingt. Entre les deux bien-pensances, dix ou quinze ans de films d’une audace incroyable, financés par des producteurs fous.
Mais cette révolution n’a pas libéré que les « progressistes ». Ainsi verra-t-on surgir bon nombre de films réactionnaires, répressifs, héroïques, qui n’ont absolument rien à faire avec la morale de gauche, mais qui n’avaient pas non plus le droit d’exister sous l’ère John Wayne. Les films de Clint Eastwood ou ceux de Charles Bronson en sont un bon exemple, en particulier Un justicier dans la ville, où un bourgeois excédé se promène dans New-York, Magnum 357 dans la poche, et se met à flinguer à vue la racaille, dont une bonne moitié de Noirs.
Où situer Délivrance ? Déjà, resituer le film dans l’œuvre de John Boorman, Nietszchéen par excellence, conservateur par essence, comme il le prouva ultérieurement avec La forêt d’émeraude, film-plaidoyer dénonçant la destruction de l’habitat naturel des indiens d’Amazonie (l’éradication de la nature, due à une conception desséchée du monde qui met l’humain et la rationalité au centre de tout, est de gauche par essence) ou la mise en scène des mythes arthuriens dans son fameux Excalibur.
Délivrance met en scène quatre citadins voulant descendre le cours d’une rivière sauvage, alors que l’ensevelissement de ladite rivière et de l’ensemble de la vallée qui l’entoure par un lac artificiel est déjà programmée. Ces hommes vont rencontrer une population de rednecks oubliée, immensément arriérée, en sursis comme le pays qu’elle habite.
L’incontestable leader du groupe, c'est Lewis, Nietszchéen en acte, qui méprise la mollesse de son époque. Sûr de lui, bras musculeux en avant, il cherche l’authenticité et la vérité en voulant redevenir un homme des bois. Inversant le sens du « retour à la terre » prôné par les hippies pacifistes, il prône le recours aux forêts, en appelle à la violence rédemptrice, à la chasse et à la guerre à l’arme blanche, au combat régénérateur pour la survie dans une nature sauvage et indomptée.
Il y a Bobby, sorte d’antithèse de Ed, gras, méprisant, jugeant et mesurant tout ce qu’il voit à l’aune de la seule chose qu’il connaisse, la vie moderne. La nature n’est pour lui qu’un objet de consommation parmi d’autres, à part peut-être quand elle existe par elle-même, qu’elle n’est pas prévue pour le confort des humains, quand par exemple il s’agit d’une forêt primaire comme celle au milieu de laquelle ils vont naviguer. Dans ce cas très précis, la nature lui apparaît comme une anomalie à éradiquer, comme les Amérindiens encore païens sont apparus à ces authentiques fanatiques religieux qu'étaient les conquistadors. Bobby épouse totalement leur héritier, le fanatisme moderniste évangélisateur. Mais aucun mysticisme chez lui. Il vit, travaille et mange sans se poser aucune question, parfaitement à l’aise dans le monde urbain qu’il habite, et trouvant parfaitement normal que le monde se bétonnise peu à peu totalement.
Drew est une sorte de scout, macroniste avant la lettre, jouant de la guitare, portant sur tout ce qu'il voit un regard candide. Un peu comme Bobby, mais dans un autre style, il croit à la démocratie, à la civilisation.
Quant à Ed, il est finalement le plus subtil, le moins caricatural des quatre, trimbalant sa pipe en promenant sur toute chose un regard songeur et contemplatif. Les trois autres, en réalité, représentent les trois tendances de son esprit indécis. Ed est tiraillé entre l’appel de la forêt et le confort de sa petite vie. Il n’est pas fixé. Il se cherche.
L’opposition la plus frontale, sur le plan philosophique et humain, a lieu entre Lewis et Bobby. Comme à l'occasion de ce mini-dialogue entre les deux personnages après une descente de rapides particulièrement musclée :
- On l’a vaincu, Lewis ! On a vaincu cette rivière !
- Non, répond Lewis, elle est invincible.
Dans l’euphorie de ce qu’il considère comme une victoire sur une nature encore vierge et non domestiquée, Bobby cherche à créer une camaraderie de vainqueurs entre lui et son co-pilote de canoé. Lewis, en une réponse définitive, lui signifie là où vont ses allégeances, établissant ainsi entre eux deux une séparation et une hostilité difficilement surmontables.
Puis, lors d’une scène qui appartient à l’histoire du cinéma, Ed et Bobby, ayant fait halte sur les berges en pleine forêt vierge, se font agresser par deux autochtones menaçants et armés, surgis d’on ne sait où. L’un deux finit par violer le gros Bobby sous les yeux de son ami, avant de se faire tuer d’une flèche par Lewis arrivé à la rescousse, pendant que l’autre parvient à s’enfuir.
Ces deux autochtones, bien que revêtant le même aspect pouilleux, brutal et dégénéré que les autres habitants de la vallée rencontrés par le groupe avant de commencer la descente de la rivière, n’apparaissent pas une seule fois avant cette scène et disparaissent totalement par la suite. Personne ne saura jamais qui ils sont, d’où ils viennent, ni s’ils avaient prémédité leur crime.
Rien de moins anecdotique, en réalité, que cette histoire racontée par Boorman. Tout y est message, tout y est symbole, tout y est de l’ordre du subliminal. Et rien de moins gratuit que ce viol ignoble commis par deux êtres surgis du néant.
Boorman, rompant avec toute la tradition chrétienne et occidentale, met en scène, de la manière la plus délibérément radicale, la vengeance de la nature, de la nature qui s’apprête à être souillée une fois de plus. Elle envoie pour cela deux fantasmagoriques hommes des bois, représentants d’une population ancienne, présentée comme primitive et consanguine, mais qui aura pourtant réussi à vivre pendant plusieurs siècles au coeur d’une gigantesque étendue sauvage sans jamais avoir l’idée d’y construire des hôtels, des banques et des supermarchés. Et cette vengeance s’exerce sur le plus parfait représentant de la bonne conscience éradicatrice occidentale.
Après ce viol, les quatre hommes ont une âpre discussion, et, sous l'impulsion de Lewis, décident de ne pas prévenir la police et d'enterrer le corps, sachant que la vallée est sur le point d'être inondé et que personne ne le retrouvera jamais.
S'ensuit une scène qui, si on s'en tient à la simple rationalité du récit, n'a absolument aucun sens : les quatre hommes, de manière totalement absurde, sans aucun motif, déplacent le corps à plusieurs dizaines de mètres de là, ahanant et trébuchant, alors qu'ils auraient très bien pu l'enterrer sur place.
Boorman veut tourner cette scène parce que, consciemment ou inconsciemment, il veut filmer cet incroyable tableau qui montre Ed, Lewis, Bobby et Drew transporter leur victime suppliciée, les bras en croix.
C'est en réalité, à un véritable rituel auquel on assiste. Et, comme chacun le sait, ou comme le savent ceux qui ont déjà assisté à des cérémonies funèbres, quatre est le nombre règlementaire des proches chargés de porter le cercueil du mot.
Mais qui est celui qu'on on enterre ? Qui est-il réellement ?
Voilà, à mon sens, l'ultime vérité de ce film : cet homme n'est pas un homme. Il est la personnification de la nature sauvage et indomptée. Cet homme, c'est Pan, le dieu de la nature chez les grecs, d'une laideur inouïe, obsédé sexuel, qui rôdait par les campagnes et les bois, Pan qui poursuivait ses victimes pour les violer. Pan, le seul dieu de la mythologie grecque qui soit mort, sous la plume de Plutarque.
C'est donc en 1972, sous l'oeil de la caméra de John Boorman, que que le grand Pan fut assassiné une seconde fois par des citadins en week-end, dans une des dernières forêts primaires des Etats-Unis, qu'il y fut enterré, que sa tombe fut ensuite recouverte par d'infinies trombes d'eau, et que la nature sauvage disparut définitivement. Ad maiorem Dei gloriam.
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jeudi, 31 octobre 2024
L'OTAN et la théorie des États porte-avions
L'OTAN et la théorie des États porte-avions
Carlos X. Blanco
En 1999, l’OTAN a lancé une action militaire en attaquant un pays européen. Les États-Unis, à la tête de l’OTAN, ont une fois de plus bombardé une nation souveraine de notre continent, la République fédérale de Yougoslavie. Depuis 1945, la Luftwaffe (armée de l’air allemande) n’avait pas attaqué un autre pays européen. En 1999, cette même force aérienne a encore tué. De même, l'armée de l'air espagnole, incapable de contenir l'expansionnisme marocain depuis au moins l'époque d'un Franco sénile, détenait néanmoins en Bosnie l'honneur douteux d'avoir été la première à être entrée au combat. Un autre « honneur » pour un pays comme l’Espagne, qui utilisait son armée depuis des siècles pour tuer ses propres compatriotes plutôt que pour se défendre contre des ennemis étrangers, même s’il s’agissait d’ennemis de pays pauvres ou de pays du tiers monde, était que l'on avait nommé secrétaire général de l’OTAN le « scientifique » et socialiste Javier Solana. Cependant, à part les troupes et les bouffons comme l’Espagne, l’Allemagne et d’autres partenaires de l’organisation, nous savons tous que l’action de guerre a été promue et menée par les États-Unis.
On estime que plus de 9000 tonnes de bombes se sont abattues sur ce pays européen. Les Serbes et d’autres peuples yougoslaves sont morts en grand nombre. Entre 1200 et 5000 personnes, dont de nombreux civils, ont été tuées par les bombes de l’OTAN à l’aube du 21ème siècle. Il a été certifié que certaines bombes étaient fabriquées à l'uranium appauvri, ce qui est de mauvais augure pour le rôle de l'OTAN dans les conflits actuels et futurs: l'Europe ne sera jamais un sanctuaire protégé et l'OTAN n'est pas une copie d'une « armée européenne » puisqu'il s'agit d'un conglomérat militaire dirigé par les Américains. Au contraire, l’OTAN est une organisation dangereuse pour les peuples européens, dont le comportement expansif et agressif (contrairement à tous ses documents fondateurs) peut les mettre au bord de la destruction. Avec le même casus belli des « nettoyages ethniques » yougoslaves (ce fut, de fait, le casus belli du massacre de l’OTAN en 1999), de nombreux pays démocratiques et libéraux auraient dû être bombardés, sans parler des petites puissances alliées de l’oncle Sam (Israël, Arabie Saoudite, Maroc, etc.), à cause d'atrocités dont l'OTAN et son leader nord-américain détournent le regard.
Depuis la création de l’OTAN en 1949, une fois le Traité de Washington signé, cette organisation était présentée, dans le contexte de la Guerre froide, comme une alliance « défensive ». En tant qu’alliance militaire, une attaque contre l’un des membres doit susciter une réaction défensive de la part de tous les alliés. "Attaquer l'un de nous, c'est nous attaquer tous". Ce contexte de guerre froide n’était rien d’autre que le contexte supposé des blocs idéologiques: les Russes, nous disaient-ils, auraient atteint Lisbonne et implanté le communisme sans consulter leur ami américain. Cet ami devrait conduire une Europe détruite et affamée, à la fois sur la voie d’une reconstruction capitaliste et sur l’autre voie nécessaire: celle vers un renforcement militaire des partenaires et alliés de la puissance yankee.
Aujourd’hui, depuis les massacres contre la Yougoslavie (principalement contre les Serbes) de 1999, et plus encore depuis la guerre en Ukraine (débutée avec l’Euromaïdan de 2014), les yeux de nombreux citoyens du « vieux continent » se sont ouverts. . Mais pas assez. Le voile tombe peu à peu: l'OTAN ne protège pas la souveraineté des peuples et des nations d'Europe, mais peut (et de fait) doit compromettre leur indépendance et leur souveraineté, en les empêtrant dans des conflits qui ne répondent pas à leurs propres et légitimes intérêts, mais obéissent à la logique de pouvoirs autres que les leurs.
En d’autres termes très simples : faire partie de l’OTAN n’apporte pas de la sécurité, mais plutôt de la peur.
Une OTAN agressive (comme cela a été démontré en Yougoslavie et en Ukraine) est dangereuse pour les peuples et les nations mêmes celles qui sont immergées dans le Traité. C'est une OTAN qui les oblige à remilitariser les structures étatiques (recrutement forcé, envoi obligatoire de missions à l'étranger, augmentation de la fabrication d'armes, coupes sociales...) mais pas pour leur propre bénéfice, et en faveur de leur souveraineté nationale légitime, mais au profit de la propre logique de l'Oncle Sam, qui se révèle de plus en plus contradictoire avec celle de l'Europe. Ce qui est bon pour les Américains est mauvais pour les Européens, et vice versa.
D’un autre côté, le précédent agressif de 1999, contraire à la Charte des Nations Unies, a été le début d’une ombre qui est aujourd’hui sur le point de couvrir l’Occident. Le « jardin » de Josep Borrell, un autre socialiste espagnol raté, comme le chef de l’OTAN de l’époque, Solana, a été assombri par le meurtre de Serbes. Cette partie du monde, le paradis occidental, destinée à apporter les valeurs des Lumières et des Droits de l’Homme au reste d’une « jungle » et d’une humanité arriérée, a commencé à apparaître comme une jungle, ou mieux encore, comme sauvage elle-même. L’Europe était (encore une fois) redevenue une jungle et un bourbier en 1999.
L’OTAN et sa branche civile, l’Union européenne, ne pourront plus enseigner à qui que ce soit les droits de l’homme et les valeurs des Lumières. Les pays des BRICS, parmi lesquels figurera bientôt la Turquie d'Erdogan, se tordent de rire en entendant ces discours « occidentaux ». Même le dernier concierge de l’administration de ces États non occidentaux en est conscient: l’OTAN tue beaucoup depuis les airs. Sur le terrain, elle manque de capacité combative. Le nouvel « axe du mal » composé de la Russie, de la Chine et de l’Iran est bien conscient de l’évolution naturelle que suivra l’OTAN après sa défaite en Ukraine: le terrorisme. On parle beaucoup de « guerre hybride », mais les opérations entreprises par l’Empire d’Occident présentent toutes les caractéristiques des attentats terroristes. L'incapacité sur le terrain de maintenir une armée approvisionnée de manière régulière et homogène, excluant l'Apocalypse d'un scénario de guerre mondiale globale et déchaînée (avec recours aux armes thermonucléaires), fera de l'OTAN une sorte d'essaim mondial "type Israël". En quoi consiste ce modèle ? Enfin, dans une généralisation à d’autres latitudes de la formule de l’État artificiel-terroriste, comme l'est Israël.
Là où il y a un vide de souveraineté territoriale ou là où l’espace géopolitique est chaotique et où, en raison d’actions hybrides antérieures, l’État est déclaré « en faillite » (cas de l’Ukraine), l’OTAN procède à l’armement jusqu’aux dents d’une oligarchie locale, porteuse d'un "néo-Etat".. Les groupes nazistes ou fondamentalistes, selon les coordonnées géographiques et culturelles de la région, et par interposition, déclareront la guerre à tous ceux qui s'opposent ou ne collaborent pas aux plans hégémonistes nord-américains. À l’instar de certaines guerres de l’Antiquité, les ennemis sont attaqués au moyen de « néo-États » tampons et de mercenaires. Il ne s’agit plus seulement de recruter des étrangers de tous les pays imaginables, prêts à tuer et à mourir pour de l’argent. Il s’agit de louer et contracter des « néo-États », entités qui, au départ, étaient elles-mêmes des artifices créés ad hoc, ou des entités entretenues et reprogrammées si elles existaient déjà auparavant, en vue d’affronter une puissance ou une entente constituée de plusieurs pays. L'exemple d'Israël va se répandre, et sera suivi par le Kosovo, l'Ukraine de Zelensky ou le Maroc de Mohamed VI. Ces États artificiels sont comme de grands porte-avions statiques, implantés au milieu d’une zone conflictuelle ou stratégique. S’il s’agit d’une région pacifique ou pacifiée, les États-Unis parviennent à modifier cet état de fait et à semer le chaos pour affronter des ennemis, des concurrents ou même des neutres qui ne se sont pas montrés suffisamment consentants.
Actuellement, les pays d’Europe occidentale courent un très grave danger. Ces États artificiels sont créés sur le modèle Israël-Kosovo-Ukraine. La liste des nouveaux territoires hautement militarisés et convertis en États défaillants ou en États poubelles ne peut que s’allonger dans les années les plus immédiates. Il ne s’agit plus seulement d’une accumulation d’actions terroristes dans des pays souverains proches de la frontière russe, satellites ou alliés de Vladimir Poutine. C'est dans le « jardin » Europe.
D’un côté, nous avons l’Espagne au milieu de la tension maroco-israélienne: de nombreux éléments militaires sionistes ont été détectés dans ce pays du Maghreb. À la présence de personnel militaire et d'espionnage, il faut ajouter les investissements croissants dans la technologie de guerre de pointe qui comprend, entre autres, la surveillance par satellite, la technologie des drones , les logiciels d'espionnage (rappelez-vous le scandale d'espionnage du téléphone portable de Pedro Sánchez, président du gouvernement espagnol, à travers des technologies auxquelles ni le Maroc ni Israël ne sont étrangers).
L'armée marocaine, bien qu'elle soit théoriquement inférieure à l'armée espagnole, est considérée comme l'une des plus puissantes d'Afrique (parmi les cinq premières dans de nombreux paramètres d'évaluation) et, de toute façon, étant une monarchie despotique-féodale, elle est beaucoup moins liée (et plus consciente que l'Espagne) en termes de scrupules concernant le droit international, les droits de l'homme et les engagements de paix. Il a les mains libres pour attaquer. En fait, la monarchie maghrébine n’a jamais cessé de vivre en guerre (de faible intensité la plupart du temps) avec ses voisins et avec le Front Polisario. À cela s’ajoute le fait notable de bénéficier d’un énorme soutien de la part des « Trois Grands » de l’Occident : les États-Unis, la France et l’Entité sioniste (Israël).
Le royaume alaouite est depuis de nombreuses années un partenaire et un allié privilégié, et est considéré comme un acteur majeur au niveau régional. Clé d'accès à deux mers, l'océan Atlantique et la Méditerranée, il est bien plus accessible aux souhaits de l'Empire d'Occident, et fait office de chien de garde qui dégage l'accès à la Mare Nostrum et au Sahel . Concernant la mer Méditerranée, à l’autre extrémité de laquelle se trouve le plus grand porte-avions de la marine américaine, qui est l’État d’Israël lui-même, le Maroc est un partenaire essentiel du sionisme. Un blocus du détroit de Gibraltar analogue à celui de la mer Rouge (cette dernière, menée par les Houthis yéménites ) serait fatal et étoufferait à jamais l’entité sioniste. Pour y parvenir, il faut éviter, comme le prévoient les stratèges du Pentagone, toute inconstance religieuse national-populaire fondamentaliste ou laïque, en Afrique du Nord, inconstance solidaire avec la cause arabo-palestinienne, qui en Espagne, tant à l'époque de Franco qu'au sein de la gauche démocratique, a toujours été la cause la plus populaire, au-dessus des idéologies.
Le projet de l’Empire d’Occident (ou « Occident collectif ») ne consiste plus à générer un ordre, conforme à une certaine doctrine économico-politique, à partir duquel produire des idéologies ou des visions du monde. Bien que le nom de « néolibéralisme » soit généralement attribué à ce projet, la vérité est que les analystes les plus pointus n’ont trouvé rien d’autre que du nihilisme . C'est le cas du célèbre livre d'Emmanuel Todd sur l'échec de l'Occident, bien attesté par la guerre en Ukraine. Qu’une idéologie néolibérale ait triomphé en Europe occidentale n’est pas un fait en soi: c’est une formule rhétorique, guère plus qu’une verbalisation de faits objectifs qui déchirent nos sociétés comme le feraient des poignards: les gens ne croient plus à rien parce que. la famille disparaît, la motivation d'avoir un partenaire stable avec qui remplir le pays d'enfants, le désir d'épargner et de prospérer grâce à une profession ou une petite et moyenne entreprise, la force du code éthique qui fait que les jeunes refusent l'indulgence systématiques, les drogues et les comportements hédonistes anti-vitaux... Todd , en bon wébérien , est un idéaliste et, du point de vue du matérialisme historique orthodoxe, c'est un scientifique qui met, comme on dit, « la charrue avant les bœufs". Cependant, à la manière d’un médecin clinicien, avec son aide, nous devons nous occuper des symptômes de la mort de l’Occident. L’Occident néolibéral est devenu improductif, son mode de production est celui d’un capitalisme ultra-financiarisé qui a coupé les ponts avec la réalité économique qui, elle, n’est que Production. Et ici, la guerre et l’économie se rencontrent.
Depuis la fin du 20ème siècle, les États en faillite et les États indésirables ne peuvent plus être analysés en termes de PIB, de dette et d’autres paramètres de l’économie classique. Qui peut réaliser un audit économique sur des entités comme le Maroc, Israël, le Kosovo...? Les mêmes « nations canoniques » qui formaient autrefois cet Occident hautain qui a colonisé le reste du monde (Espagne, France, Royaume-Uni), que sont-elles aujourd’hui en termes de productivité? Les bases sociales et culturelles de ces entités sont aujourd’hui complètement mises à mal. Ce sont des sociétés qui, après la guerre civile (dans le cas de l'Espagne) ou la guerre mondiale (dans le reste de l'Europe, où il y avait aussi des aspects de guerre civile, comme en France ou en Italie) ont été complètement ruinées, et leur reconstruction d'après-guerre a été soigneusement pilotée par les États-Unis. Les Américains n'ont pas créé l'OTAN uniquement et peut-être pas tant pour opposer une force militaire suffisante au communisme soviétique, car les États-Unis auraient pu le faire seuls sans avoir besoin d'organisations de front ou de superstructures formatées en pseudo-alliances (l'Europe occidentale était, bien sûr, en fait, occupée et détruite), mais pour avoir l'Europe occidentale elle-même sous son contrôle.
Les renseignements nord-américains s’étaient nourris de milliers et de milliers d’émigrants et d’exilés, d’agents de toutes conditions et de toutes couleurs, depuis les rouges et les juifs antisoviétiques jusqu’aux nazis reconvertis. Tous ces agents, dûment rémunérés par le gendarme américain, ont rendu compte en détail des conditions qui ont conduit l'Europe au gouffre de 1939-1945 (avec l'avancée de la guerre mondiale qu'était déjà la guerre d'Espagne entre 1936 et 1939, un massacre qui fut déclenchée à son tour lors de la révolution asturienne de 1934). Mais ce n’était pas l’analyse historique qui intéressait seulement le pouvoir yankee. L’important était de concevoir le monde futur, le monde d’après-guerre : un monde dans lequel se produirait le changement culturel le plus gigantesque jamais signalé.
Ce changement culturel pourrait être appelé « américanisation » (American way of life) ou, comme le marxiste italien Preve l’a détecté avec précision, la « mondialisation ». Il s’agissait de faire en sorte que chaque Espagnol, Italien, Allemand, Français, Belge, etc. devienne un crétin américanisé , inconscient de toute tradition, étranger à la Haute Culture, plongé dans une consommation idiote et émoussé à l'extrême par l'industrie du divertissement. L'impact de la néo(pseudo)-culture d'Amérique du Nord et de l'anglosphère était telle (rappelez-vous simplement les ridicules fêtes d'Halloween organisées dans les écoles espagnoles, fêtes contre nature. La société de l'Europe occidentale a cessé, en quelques décennies, de cultiver tout ce qui concernait sa propre survie :
- 1. Cessation de l'activité productive. Les pays de l' OTAN ont délocalisé leur industrie et subissent l'intervention permanente des grandes entités de la finance de récupération (BlackRock, Vanguard, etc.). Ce sont des pions progressivement endettés qui financent la dette envers ceux qui doivent le plus: les États-Unis eux-mêmes. La dette s'est accrue à outrance, le secteur des services est devenu excessif et, en son sein, le tourisme est devenu un cancer pour l'Europe du Sud, qui finira par la détruire et la ruiner à jamais (voir Espagne).
- 2. Cessation de l’activité reproductive, avec l’anéantissement culturel et économique, sans parler de l’anéantissement militaire, qui accompagne l’hiver démographique et « l’importation » d’étrangers. L'Espagne est sauvée en partie parce qu'un grand nombre de ses émigrés sont originaires d'Amérique latine et, dans une large mesure, ne peuvent pas être considérés comme des étrangers étant donné que leur culture et leur langue sont les mêmes que celles de l'Espagne et que l'intégration est facile. On ne peut pas en dire autant des Marocains et des autres Africains, qui sont aussi ignoblement utilisés comme une bombe avec laquelle Mohamed VI et son clan affaiblissent toujours plus l'Espagne. La même chose peut être dite à propos d’autres pays européens, envahis et donc culturellement perturbés. La traite des êtres humains, à son tour, entraîne une renaissance du continent en réponse.
- 3. Cessation de la capacité défensive. L'Europe a renoncé à se défendre et accepte, si possible, de se mêler des problèmes des autres. Les maigres capacités militaires de nos armées nationales ne sont pas utilisées pour défendre nos points faibles, ceux où l'invasion de la souveraineté est menacée par les mafias et les satrapies africaines (voir l'africanisation rapide des îles espagnoles et d'autres côtes européennes de la Méditerranée, et le manque de protection de Ceuta et Melilla, villes que l'OTAN ne défendra pas lorsqu'elles seront, tôt ou tard, occupées par le Maroc). La Russie n’est pas l’ennemie de l’Europe: la Russie est une puissance européenne et, en outre, elle a sauvé les peuples de notre continent lorsqu’il était menacé, soit par les Turcs, soit par les nazis, ou par d’autres ennemis. Mais c'est là que nous en sommes.
Tandis que des vies et des euros sont brûlés dans une guerre perdue, comme celle en Ukraine, l’Europe laisse ses arrières découverts au sud. Alors que nous vivons tous dans les limbes du consumérisme et sous les effets psychotropes de la « démocratie libérale », notre âme meurt parce que la gouvernance américaine a brisé notre trépied: 1) produire, 2) avoir des enfants, 3) prendre les armes, mais uniquement pour se défendre nous-mêmes. Les trois choses doivent être bien faites, avec la justice sociale (culture du travail, socialisme), familiale (natalisme et soutien aux femmes mères) et le sens de la défense nationale (retour aux armées nationales, dont la haute mission est patriotique et non « missionnaire ». Abandon d'un agenda 2030 ou de droits humains éthérés.
En tant qu'Espagnol, qui peut presque voir l'Afrique par temps clair, je vois aussi de trop près les manœuvres du Pentagone, alors que de nouveaux États poubelles sont en train d'être conçus, comme le nouveau « Grand Maroc ». L'Europe a cessé d'intéresser les États-Unis. Cette vision spenglérienne de l’entité yankee comme un « peuple blanc », transplanté d’Europe sur des terres qui appartenaient auparavant aux Indiens, a disparu depuis longtemps… L’entité yankee, contrôlée par des financiers sans âme ni race (ils sont des capitaux, rien de plus) a trouvé son modèle exact en 1948: le sionisme. Même si Israël tombait, écrasé par ses ennemis, il existe des répliques mutantes de ce porte-avions intégré qu’est aujourd’hui l’entité sioniste, et il y a le Grand Maroc, la honte du Kosovo, ou la très artificielle et belliqueuse Ukraine. Demain, une Catalogne indépendante ou n'importe quelle néo-république ridicule et inventée seront des artifices qui serviront à asservir, comme le nouveau porte-avions de l' US Navy , une population de plus en plus appauvrie, aliénée et soumise à une colonisation féroce.
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"En Thaïlande, nous nous dirigeons vers une catastrophe"
"En Thaïlande, nous nous dirigeons vers une catastrophe"
Peter W. Logghe
Source: https://www.facebook.com/peter.logghe.94
Comme certains États d'Europe occidentale, la Thaïlande a légalisé le cannabis il y a environ deux ans. En conséquence, la violence liée à la drogue a augmenté dans ce pays de vacances prisé par de nombreux Européens et les drogues provoquent des nuisances, comme le montre un rapport de l'hebdomadaire conservateur allemand Junge Freiheit. Bangkok, en particulier, et la fameuse Khaosan Road, subissent le poids de ces nuisances. Dans les agences de voyage, on trouve toutes sortes de cannabis à vendre. Le cannabis est partout.
Un Thaïlandais l'explique ainsi : « Après la légalisation, il y a eu un véritable boom. Tout le monde voulait cultiver du cannabis, faire du commerce et créer des entreprises ». De nombreux agriculteurs pauvres y ont vu une opportunité de compléter leurs revenus. Le prix de vente est bas: 200 bahts par gramme, soit environ 4 euros. En Europe, on paie rapidement 10 euros, et jusqu'à 40 euros dans les coffee shops d'Amsterdam. Sans surprise, cela a attiré en Thaïlande des masses de touristes de la drogue, qui ne se contentent plus de visiter les temples et les plages. La politique antidrogue sévère menée par la Thaïlande ces dernières années a fait place à une politique pro-cannabis et des milliers de boutiques de cannabis ont poussé comme des champignons.
La Thaïlande va réduire la portée de la légalisation
Une mère de trois enfants, gérante d'un restaurant sur Khaosan Road : « La légalisation sera une véritable catastrophe pour notre pays. Le nombre de toxicomanes a fortement augmenté, avec pour conséquence immédiate la violence. J'espère que cette mesure sera bientôt retirée ». Le ministère thaïlandais de la santé a récemment déclaré qu'il était presque impossible de traiter les problèmes de santé mentale. Avant la légalisation, le nombre de patients traités pour des problèmes de drogue était encore bien inférieur à 40.000 ; après la légalisation, ce nombre est passé à plus de 60.000.
Le nouveau gouvernement thaïlandais tire la sonnette d'alarme et souhaite revenir sur la légalisation d'ici la fin de l'année, de sorte que la vente de cannabis ne soit plus possible que pour des raisons médicales. Mais un nouveau problème est apparu entre-temps: l'explosion du nombre de magasins de cannabis et la croissance de la culture du cannabis ont provoqué l'émergence de groupes de pression qui veulent absolument empêcher une nouvelle interdiction du cannabis. Des sommes considérables ont été investies et l'industrie part du principe que les drogues resteront légales, de sorte que leurs investissements seront rentables. Le vieux mythe de la boîte de Pandore, pour ainsi dire. Les gouvernements d'Europe occidentale qui proposent des plans de légalisation devraient tenir compte de l'expérience thaïlandaise à cet égard.
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Evola et le catholicisme
Evola et le catholicisme
Troy Southgate
Source: https://troysouthgate.substack.com/p/evola-and-catholicis...
Une lettre écrite en mai 1945 par Julius Evola à un ami catholique, le père Clemente Rebora (1885-1957) (portrait, ci-dessous), donne un aperçu fascinant de l'état d'esprit du philosophe traditionaliste au lendemain des blessures qu'il avait subies lors d'un bombardement à Vienne.
Bien que le prêtre rosminien et ancien poète athée ait rendu visite à Evola à l'hôpital quatre jours auparavant, pour lui demander s'il souhaitait l'accompagner en train à Lourdes - ce qui a donné lieu plus tard à la spéculation erronée selon laquelle Evola était sur le point de se convertir au catholicisme - ce dernier a écrit pour dire que, bien qu'il soit reconnaissant de l'offre qui lui était fairte d'entreprendre un tel voyage, cela impliquerait ipso facto que tout ce qui l'intéressait était d'obtenir la grâce qui ne mènerait à rien de plus que la possibilité de guérison de ses blessures physiques. Bien que, pour de nombreuses personnes, cela semble être une raison parfaitement compréhensible de visiter le célèbre sanctuaire pyrénéen, il poursuit en expliquant que
"S'il fallait demander une grâce, ce serait plutôt de comprendre le sens spirituel de ce qui s'est passé, que cela reste ainsi ou non, et plus encore de comprendre la raison pour laquelle il faut continuer à vivre".
Après tout, la raison précise pour laquelle Evola s'était exposé à toute l'horreur d'une attaque aérienne soutenue des Alliés était précisément de répondre à cette question. Le résultat, bien sûr, suggère qu'en dépit du fait qu'il ait été confiné dans un fauteuil roulant pendant les vingt-neuf années suivantes, un rôle crucial l'attendait encore. Comme il l'expliquera plus tard dans les pages de son autobiographie, Il cammino del cinabro (1963):
« Rien n'a changé, tout s'est réduit à un empêchement purement physique qui, en dehors des soucis pratiques et de certaines limitations de la vie profane, ne m'a pas du tout affecté, mon activité spirituelle et intellectuelle n'étant en aucune façon altérée ou ébranlée ».
La guérison d'Evola était donc bien moins importante que sa capacité à poursuivre le Grand Œuvre.
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Entretien avec Manuel Quesada, Ediciones EAS, pour Diario16
Entretien avec Manuel Quesada, Ediciones EAS, pour Diario16
Source: https://euro-sinergias.blogspot.com/2024/10/entrevista-manuel-quesada-ediciones-eas.html
Manuel Quesada : « Nous représentons ce qui nous est propre culturellement en tant que développement archéofuturiste et avant-gardiste ».
Manuel Quesada, directeur de la maison d'édition EAS, nous a accordé une interview à l'occasion du dixième anniversaire de son entreprise. Comme le savent les lecteurs de Diario16+, la maison d'édition EAS nous permet de connaître des aspects historiques méconnus et, dans une certaine mesure, abandonnés par l'« académisme », ou des auteurs hautement qualifiés de la nouvelle droite mondiale que l'on ne trouve généralement pas dans les maisons d'édition plus « commerciales ». Ce fut un plaisir de discuter avec Manuel et de vous faire connaître un peu plus Editorial EAS.
D16. Editorial EAS a déjà dix ans, comment vous est venue l'idée de créer cette maison d'édition ?
L'idée est née il y a bien plus de dix ans, lorsque ma passion pour la lecture m'a fait voir les lacunes qui existaient dans le monde du livre. D'une part, il y avait des œuvres que je voulais lire mais c'était impossible, soit parce qu'elles étaient épuisées, soit parce qu'elles n'avaient pas été traduites dans notre langue. Cela signifiait que, pour ma formation intellectuelle et personnelle, il était impossible de les acquérir. D'autre part, et après avoir approfondi les lectures que j'ai trouvées sur mon chemin, j'ai détecté la distorsion que les secteurs de l'industrie éditoriale exercent sur les écrivains et les œuvres; il est chaque jour plus difficile de trouver un contenu sérieux qui s'adapte à la réalité de l'œuvre et de l'auteur, sans distorsions. La manipulation des textes et de leurs messages est de plus en plus évidente, et tant les médias que les réseaux sociaux encouragent cette distorsion sans limites. Des séries où l'on voit un Achille chauve et subsaharien, aux études sur l'indo-européanisme qui tentent d'imposer la thèse de la steppe en écartant les mouvements de peuples basés sur les constructions mégalithiques du nord et du nord-ouest de l'Europe, en passant par la manipulation en littérature, comme on le voit dans l'œuvre de Tolkien, et bien sûr, en terminant par l'éradication de la richesse des contes pour enfants en échangeant des archétypes de beauté dans des films tels que Blanche-Neige.
Face à une telle situation, j'avais le choix entre deux voies: d'une part, continuer ma vie heureuse en m'adaptant aux lectures que je trouvais dans les librairies et en acceptant ce que « le monde offre », ou d'autre part, faire un pas en avant et développer un projet dont non seulement je bénéficierais en tant qu'individu, mais aussi, à long terme, beaucoup d'autres personnes qui, comme moi, demandaient également cette série de lectures, des personnes qui ont vu et voient qu'il y a de graves lacunes dans le monde du livre en particulier et dans la culture européenne en général, et qui aspirent donc à la recherche de la connaissance basée sur les principes du Kulturkampf, ou bataille culturelle, proposée par la maison d'édition EAS.
D16 : EAS est-elle une maison d'édition anti-establishment ?
Les éditions EAS ne peuvent en aucun cas être qualifiées d'anti-système, on ne pourra jamais dire que notre maison d'édition est « anti-quelque chose », car toute personne dont le travail vise à développer une bataille culturelle d'idées dans le domaine littéraire est un créateur, un créateur de culture, d'idées, de pensée, est libre, et la recherche du bien, de la vérité et de la beauté d'un point de vue littéraire ne peut jamais aller à l'encontre de ce qui ne va pas dans le même sens, mais en faveur de ce qui est pur et vrai, de l'essence européenne (puisque notre maison d'édition est un projet qui transcende les frontières nationales), de ce que l'Europe représente pour les Européens de souche et pour le monde: la culture propre comme développement et avant-garde archéofuturiste, exprimée par une plume qui transcende le temps.
D16 : Quel est l'auteur que vous êtes le plus fier d'avoir édité?
Il est difficile de répondre à cette question en raison du nombre d'auteurs avec lesquels j'ai eu la chance de travailler.
Malgré tout, et puisque vous me demandez de me risquer à donner un nom, je vais le faire. Pour sa grande qualité littéraire, feu l'écrivain, poète, explorateur et diplomate chilien Miguel Serrano. Son œuvre littéraire est vaste et magnifique, digne du prix national de littérature, qu'il n'a jamais reçu dans son pays natal pour des raisons politiques. Neveu de Vicente Huidobro (père du créationnisme littéraire), il a eu une vie mouvementée qui l'a amené à se lier d'amitié avec de grandes personnalités comme Indira Gandhi, Nehru, le Dalaï Lama (ayant été le seul étranger à l'accueillir dans l'Himalaya lorsqu'il a échappé à l'invasion chinoise du Tibet), Hermann Hesse, Carl Gustav Jung,... Sa vie est fascinante: en tant qu'ambassadeur du Chili, il a eu l'occasion de rencontrer le maréchal Tito et la reine Élisabeth II, entre autres, et en tant qu'explorateur, il a été le premier civil chilien à poser le pied en Antarctique (1948).
Année après année, nous publions ses œuvres littéraires, et cette année nous venons de publier Elella, libro del amor mágico, qui, avec Las visitas de la reina de Saba (également publié par l'EAS), pourrait être considéré comme ses deux œuvres les plus importantes.
D16 : Et quel est l'auteur qui vous échappe toujours ?
Tout d'abord, il faut savoir « où l'on se trouve sur la carte » (comme le disait un bon ami). Une maison d'édition comme la nôtre doit savoir ce qu'elle peut offrir et à qui elle peut l'offrir. Je n'irais pas jusqu'à proposer notre marque à des écrivains de l'envergure de Pérez-Reverte ou de Santiago Posteguillo ; sans aller plus loin, j'ai maintenu une relation de longue date avec Sánchez-Dragó (qui a acquis tous nos titres), mais nous ne lui avons jamais proposé de publier chez nous, car cela aurait été très prétentieux de notre part.
Cela dit, jusqu'à présent, aucun auteur ne nous a échappé et nous avons été particulièrement intéressés par la publication de ses livres. Certains résistent, comme l'ancien vice-chancelier autrichien H.-C. Strache, mais nous finissons toujours par nous entendre avec les auteurs et par publier les ouvrages.
D16 : Grâce à des maisons d'édition comme la vôtre, nous pouvons lire des auteurs et des penseurs qui, autrement, n'atteindraient pas le marché espagnol.
Il y a effectivement un rejet médiatique, nous vivons dans une culture de l'annulation, tout ce qui n'est pas aligné sur la direction dictée par certains secteurs est dénigré et annulé, il n'est pas possible d'avancer sur certains chemins, et cela rend difficile la publication de livres libres en Europe.
D'autre part, nous vivons à « l'époque du principe d'Archimède », c'est-à-dire qu'il existe une réaction proportionnelle et inverse à ce qui est exercé dans la société, de sorte que, même si nous n'atteignons pas tout le public que nous voulons atteindre, une grande partie du public nous atteint par le biais de la recherche des œuvres que nous publions. En fin de compte, une certaine ligne stoïque qui survit dans l'individu et se retrouve en lui, de manière innée, à travers l'archétype collectif, éveille un intérêt particulier pour le contraire de ce que la post-modernité a à offrir.
En résumé: il faut être, persister, résister et ne jamais abandonner, rester ferme et inaltérable comme une pierre, couler avec les éléments que la postmodernité nous offre comme si nous étions de l'eau, et s'enraciner, croître et fructifier comme un arbre.
D16. Vous exportez désormais vos livres en Amérique latine. Pensez-vous qu'ils y seront bien accueillis ?
Le problème en Amérique (puisque nous vendons également aux États-Unis) est le rapport salaire/prix. Le coût de la vie dans les pays hispanophones est très élevé et les salaires sont très bas. Petit à petit, nous allons nous développer sur ces marchés, mais c'est très difficile, à moins de prendre un engagement financier très fort.
D16 : Vous avez déjà atteint l'âge de dix ans, la prochaine étape est d'atteindre vingt-cinq ans, n'est-ce pas ?
Vous devez comprendre que Editorial EAS n'est pas particulièrement mon projet. Je peux dire que je le gère et le dirige, mais EAS appartient vraiment à chacun des lecteurs qui participent au développement de la maison d'édition en achetant nos ouvrages et en se délectant de l'illusion que nous essayons de partager avec eux dans chaque mise en page, conception de couverture, image, photographie,... Tout le travail qui se cache derrière chacun des livres que nous publions et que nous partageons avec les lecteurs permet à notre maison d'édition de continuer.
Cela dit, EAS continuera aussi longtemps que les lecteurs le voudront, ce projet est plus le leur que le nôtre.
D16 : Combien d'offres de livres recevez-vous chaque année que vous devez refuser ? Entre nous, maintenant que personne ne nous lit, quelles sont les principales raisons de ce refus ?
MQ : Une question quelque peu humoristique, cher Santiago. Nous recevons en moyenne trois ou quatre demandes par semaine pour éditer des livres, nous en rejetons 90%, nous transmettons les 10% restants au studio et, dans le meilleur des cas, nous en acceptons 5%.
La raison pour laquelle nous en rejetons autant est très simple: il est trop fréquent que certains des écrivains qui nous contactent et nous envoient leurs manuscrits n'aient pas la courtoisie d'entrer dans notre site éditorial pour voir quel type d'ouvrages nous publions. Je ne pense pas qu'il soit juste d'attendre de nous que nous passions du temps à examiner leurs œuvres alors que ces auteurs ne prennent pas la moindre considération pour examiner notre site web, où vous pouvez clairement voir tous les sujets que nous couvrons, qui, comme vous le savez, sont principalement des essais. En ce qui concerne les manuscrits que nous examinons et qui sont rejetés, nous avons rencontré toutes sortes de situations, depuis l'impossibilité de parvenir à un accord commercial entre les deux parties, jusqu'au fait que l'auteur souhaite une édition à très court terme et que nous ne sommes pas en mesure de répondre à ses besoins, en passant par l'examen du texte et la constatation qu'il ne correspond pas à notre ligne éditoriale. Dans de tels cas, nous proposons généralement des alternatives aux auteurs et nous les orientons vers d'autres maisons d'édition qui pourraient éventuellement servir de plateforme pour la publication de leurs œuvres. Et nous savons que cela a été le cas.
En fin de compte, notre travail consiste également à conseiller les auteurs le mieux possible, à savoir comment s'engager avec l'auteur lorsque le projet est réalisable, à lui indiquer clairement que sa proposition dépasse nos capacités ou n'est pas conforme à la ligne éditoriale.
D16. Au cours des deux dernières années, nous avons remarqué que l'EAS était présent à divers événements européens. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
Nos amis roumains de l'Institutul Conservator Mihai Eminescu m'ont invité à prendre la parole au Parlement roumain l'année dernière, et cette année, j'ai participé en tant qu'invité à l'événement qu'ils ont organisé au même endroit, J'y ai rencontré des écrivains, des journalistes, des chercheurs, des scientifiques et des hommes politiques du monde entier, et j'ai pu partager l'espace avec le scientifique Robert Malone, le cinéaste mexicain Eduardo Verastegui et l'activiste américaine Alveda King (nièce de Martin Luther King), entre autres... J'ai également participé à plusieurs reprises à des conférences et réunions au Parlement européen, j'ai été invité en tant qu'orateur par la fondation flamande Hertogfonds à Anvers, j'ai participé en tant qu'invité au congrès du réseau Patriots au Parlement flamand, où j'ai pu rencontrer de jeunes intellectuels de la plupart des pays d'Europe et des États-Unis. J'ai été invité à la conférence contre la mondialisation au Parlement slovaque et j'ai reçu une audience privée au Sejm en Pologne.
Nous avons même publié (en autoédition) en Flandre les ouvrages du premier vice-président du Parlement flamand, Filip Dewinter, et de l'écrivain Renaud Camus, Omvolking (= Le grand remplacement), et j'ai eu une importante réunion d'édition à Vienne avec l'ancien vice-chancelier d'Autriche H.-C. Strache.
En somme, des expériences enrichissantes, qui nous aident à grandir.
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dimanche, 27 octobre 2024
L’Outre-mer ne répond plus
L’Outre-mer ne répond plus
par Georges Feltin-Tracol
En 1976, Jean-Claude Guillebaud publiait aux éditions du Seuil dans la collection « L’histoire immédiate » Les confettis de l’empire. Son enquête portait sur les derniers vestiges de l’ancien empire colonial français, à savoir les possessions ultra-marines bientôt dénommées DOM – TOM (départements et territoires d’Outre-mer).
Hormis l’Asie, la France est présente sur tous les autres continents sous la forme insulaire, à l’exception de la Guyane en Amérique du Sud et de la Terre-Adélie en Antarctique. Par le jeu des ZEE (zones économiques exclusives), Paris détient derrière les États-Unis d’Amérique le deuxième domaine maritime mondial. À l’encontre d’une idée reçue, ce n’est pas la Fédération de Russie qui compte le plus grand nombre de fuseaux horaires (onze continus), mais la France avec treize (discontinus) !
Ce constat contredit par conséquent la vision d’une France « tellurocratique ». Elle détient de solides atouts en matière de thalassopolitique. Pour combien de temps encore? En effet, la présence d’Emmanuel Macron bouleverse la donne en Outre-mer. Longtemps chasse gardée de la gauche socialo-communiste et des gaullistes (Michel Debré, maire d’Amboise en Indre-et-Loire est de 1963 à 1988 député de La Réunion), les territoires ultra-marins adoptent une variété de pratiques protestataires. Au moment des Gilets Jaunes en 2018 – 2019, La Réunion dans l’océan Indien et l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon dans l’Atlantique Nord deviennent des foyers virulents des revendications. Pendant la crise covididienne, la Martinique et la Guadeloupe se caractérisent par un taux élevé de refus de vaccination des personnels soignants qui perdent leur travail. L’élection présidentielle de 2022 confirme l’adhésion des populations locales aux candidats d’opposition. Au premier tour, Jean-Luc Mélenchon arrive en tête en Martinique (53,10 %), en Guadeloupe (56,16 %), en Guyane (50,59 %) ou à La Réunion (40,26 %). Au second tour, Marine Le Pen remporte 69,60 % en Guadeloupe, 60,87 % en Martinique, 59,56 % à La Réunion, 55,42 % à Saint-Martin et Saint-Barthélémy ou 59,10 % à Mayotte.
Aux législatives de 2022, les Antilles envoient plusieurs élus qui siègent ensuite au GDR (Groupe républicain et démocrate) aux côtés des communistes ou au groupe centriste charnière LIOT (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires). Ainsi la Polynésie française élit-elle trois députés indépendantistes. Les législatives anticipées de 2024 confirment cette tendance même si les indépendantistes polynésiens perdent deux sièges au profit des autonomistes et des macronistes. Les deux premiers députés du Rassemblement national proviennent de Mayotte et de La Réunion.
À la différence du gouvernement de Gabriel Attal qui avait placé l’Outre-mer sous l’autorité du ministère de l’Intérieur, le gouvernement de Michel Barnier a mis les affaires ultra-marines sous la tutelle directe de Matignon. Le sénateur Les Républicains du Rhône et ancien maire d’Oullins, François-Noël Buffet, en est le titulaire. On n’aimerait pas être à sa place tant la situation de l’Outre-mer est explosive.
Fragilisée par un afflux migratoire constant venu des Comores et désormais d’Afrique orientale, Mayotte est en proie à une insécurité endémique. Le maintien de l’ordre public y est problématique. Plus de la moitié de la population est dorénavant étrangère. En outre, l’archipel mahorais connaît des pénuries d’eau potable fréquentes et sort à peine d’une épidémie de choléra. La dégradation des conditions sanitaires y est manifeste.
Toujours dans l’océan Indien, le Royaume-Uni vient de rétrocéder à l’île Maurice la souveraineté effective des îles Chagos qui gardent néanmoins une base militaire stratégique étatsunienne. L’État malgache souhaiterait que la France s’en inspire pour céder les Îles éparses situées dans le canal du Mozambique ou au large de Madagascar. Or, contrairement aux Chagos où les habitants ont été déportés, Europa, Bassas da India, Juan de Nova, Tromelin et les Glorieuses sont inhabitées. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ne s’y applique pas, à moins de faire voter les espèces animales et florales locales…
Dans les Antilles, la Martinique est en proie à des violences nocturnes. À la fin du mois d’août 2024 surgit une vive agitation (incendie d’entreprises, pillage des boutiques, affrontements avec les policiers et les gendarmes) contre les effets de l’inflation et le coût élevé de la vie quotidienne. Les biens de première nécessité coûtent 40% de plus qu’en métropole sans oublier que 80% des produits parviennent par la voie maritime. Le préfet réplique par l’imposition d’un couvre-feu et l’interdiction de toutes manifestations. Par ailleurs, le Conseil d’État vient d’annuler une délibération de l’assemblée de Martinique qui entérinait l’usage administratif de la langue créole martiniquaise. Ces tensions rappellent la protestation de la Guadeloupe en 2009 contre la « Pwofitasyon » (l'exploitation outrancière). Pour quels résultats ? De nombreuses promesses et un déversement supplémentaire de subventions publiques considérables.
La situation demeure enfin inquiétante en Nouvelle-Calédonie. Le projet de loi constitutionnelle de lever le gel du corps électoral au printemps dernier plonge le « Caillou » dans une ambiance de guerre civile larvée. Les accords de Nouméa de 1998 interdisent aux citoyens français installés en Nouvelle-Calédonie après cette date de s’exprimer aux référendums d’autodétermination et aux élections provinciales. Les Kanak craignent un « grand remplacement démographique » de la part des Européens sans se faire accuser de racisme, de xénophobie et de complotisme. Tenu en pleine période covididienne le 12 décembre 2021, le troisième référendum donne 96,50% de non à l’indépendance, mais l’abstention assumée des indépendantistes monte à 56,13%. Le 7 juillet dernier, pour la première fois depuis 1988 un indépendantiste kanak, Emmanuel Tjibaou, fils de Jean-Marie Tjibaou, co-signataire des accords de Matignon en 1988, accède au Palais-Bourbon grâce aux électeurs de la seconde circonscription de la Nouvelle-Calédonie qui s’étend à l’ensemble du territoire moins le grand Nouméa et les îles Loyauté. Le 24 septembre 2024, fête de la citoyenneté calédonienne, les responsables kanak proclament la souveraineté des chefferies sur leurs territoires coutumiers. Il faut comprendre d’abord un territoire, et donc un ancrage géographique, un enracinement, ensuite, une population structurée dans un réseau de relations organisées, au-dessus duquel se trouve le grand chef coutumier et, enfin, des alliances au-delà des seules limites foncières. N’est-ce pas un exemple à travailler ?
Les violences, les pillages et les barrages édifiés sur les principaux axes routiers de l’île plongent la Nouvelle-Calédonie dans un profond marasme économique. On observe une augmentation des départs de familles européennes vers la métropole. Outre un contexte politique instable, les activités économiques de cet archipel redoutent la faillite annoncée de l’industrie du nickel, premier pourvoyeur des revenus. Ancienne ministre macronienne et présidente de la province Sud, Sonia Backès défend la fédéralisation régionale de la Nouvelle-Calédonie dans une perspective de partition. Or la partition n’est pas une solution valable. On le voit bien avec la séparation de Mayotte du reste des Comores qui attire volontiers les Comoriens paupérisés.
Département aux infrastructures déficientes, la Guyane se confronte à deux problèmes: le vandalisme écologique dû aux garimpeiros, les orpailleurs illégaux, et une arrivée massive d’étrangers clandestins venus du Surinam et du Brésil. Il est courant de rencontrer à Cayenne des immigrés syriens ou afghans. Des réseaux de passeurs transnationaux poussent les candidats au voyage à arriver au Brésil qui n’impose aucun visa. Les migrants franchissent ensuite la frontière franco-brésilienne. Leur venue attise des tensions communautaires dans un territoire déjà marqué par une forte insécurité.
Des puissances étrangères (États-Unis, Chine, Russie, Australie, Azerbaïdjan) attisent enfin le sentiment anti-français dans les derniers « confettis » de l’Hexagone. Elles encouragent au départ définitif des Français de ces portions ultra-marines. On peut bien sûr souhaiter l’indépendance de ces possessions extra-métropolitaines. Mais, sans l’approbation référendaire des peuples concernés, cela risque d’être difficile sauf si la France sombre dans des déficits abyssaux qui la rendront moins attractive pour les populations ultra-marines. Paris ne tient plus ses périphéries. La faute à une république une et indivisible qui assassine toute solution ethno-différencialiste réaliste. Il serait temps de fonder une VIe République, une république fédérale et plébiscitaire des peuples autochtones de France.
GF-T
- « Vigie d’un monde en ébullition », n° 130, mise en ligne le 22 octobre 2024 sur Radio Méridien Zéro.
13:51 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dom-tom, guyane, nouvelle-calédonie, france d'outre-mer, mayotte | | del.icio.us | | Digg | Facebook