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dimanche, 23 mars 2025

Prévisions cliodynamiques

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Prévisions cliodynamiques

par Georges Feltin-Tracol

N’en déplaise aux Occidentaux décadents qui se croient exceptionnels, la culture russe suscite toujours des personnalités étonnantes qui osent comprendre le monde d’une autre façon. Le mathématicien Anatoli Fomenko imagine le récentisme (ou « nouvelle chronologie ») dont les interprétations historiques restent sujettes à caution. En 2011, Le Cherche-Midi traduisait et publiait un ouvrage remarquable d’Alexandre P. Prokhorov, Le modèle russe de gouvernance, une étude non-conformiste qui explique pourquoi et comment la société russe souvent désorganisée, voire chaotique, parvient néanmoins à travers l’histoire à réaliser de grandes prouesses.

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Né en 1957 en URSS, Piotr Valentinovitch Tourtchine émigre en 1977 aux États-Unis. Il travaille dans l’enseignement supérieur en écologue spécialisé dans la dynamique des populations des coléoptères et des mammifères. Ses obligations professionnelles le conduisent à recourir à l’outil informatique ainsi qu’aux biomathématiques. Cependant, en esprit curieux, il ne se limite bientôt plus à son seul champ de compétence. Il s’élargit aux événements historiques et à la mobilité des groupes sociaux au sein des sociétés industrialisées. Il conçoit la cliodynamique.

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On sait qu’à la fin des années 1920, l’école française des Annales, en référence à la revue d’abord intitulée Annales. Histoire, Sciences sociales, encourageait l’histoire sérielle ou quantitative, c’est-à-dire une histoire socio-économique d’après l’utilisation systématique des sources statistiques. Sur ce modèle et en utilisant la rigueur scientifique et les premiers ordinateurs, des historiens, outre-Atlantique, lancèrent la cliométrie, soit l’analyse historique à partir des théories économiques et des données économétriques dont les statistiques.

Devenu Peter Turchin, l’ancien émigré soviétique mentionne volontiers la psychohistoire de Hari Seldon imaginée par l’auteur étatsunien de science-fiction Isaac Asimov (1920 - 1992) dans sa célèbre saga de cinq - sept volumes : Fondation. Seldon voit la psychohistoire comme la prévision, inspirée de la physique statistique, de l’histoire humaine en s’appuyant sur les faits sociaux et la psychologie des individus. Mais ses prospectives spéculatives sur l’avenir sans encore connaître les implications de la théorie du chaos ignorent l’irruption du Mulet, un mutant aux pouvoirs psychiques redoutables.

Dans Le chaos qui vient. Élites, contre-élites et la voie de la désintégration politique (Le Cherche-Midi, 2024, 450 p., 23 €), Peter Turchin pense qu’« une science de l’histoire est non seulement possible, mais aussi et surtout précieuse : elle nous permet d’anticiper l’effet de nos choix collectifs présents sur l’amélioration de notre futur ». En croisant les applications mathématiques, les logarithmes et la modélisation informatique, la cliodynamique serait par conséquent une psychohistoire qui sait se déployer dans trois dimensions.

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Plus concrètement, Peter Turchin propose une « approche structuralo-dynamique » adaptée aux systèmes complexes de la vie sociale. Pour lui, « la cliodynamique […] exploite les méthodes de la science des données, en appréhendant les sources historiques, compilées par des générations d’historiens, comme le big data. Elle se sert de modèles mathématiques pour cartographier le réseau d’interactions entre les différentes “ pièces mobiles “ des systèmes sociaux complexes que sont nos sociétés ». En examinant les résultats des ordinateurs à calcul, il considère que « l’effondrement d’un État, à savoir la désintégration soudaine du réseau de pouvoir régissant une société, est un phénomène fréquent ». Sociologue pour l’occasion, il désigne les élites comme les « individus les plus riches en pouvoir social ». Il détermine l’existence simultanée de quatre pouvoirs sociaux structurant ces sociétés complexes : le pouvoir de coercition, le pouvoir de la richesse ou, plus précisément, de l’accumulation des ressources matérielles, le pouvoir bureaucratique administratif et le pouvoir de l’idéologie qui passe en priorité par la persuasion. Pouvoirs et élites constituent des réseaux plus ou moins solides autour de fortes personnalités ou d’intérêts communs.

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L’auteur n’a pas peur d’employer les termes de « ploutocratie » et d’« oligarchies » pour décrire les États-Unis. En effet, « la classe dirigeante américaine est une coalition des plus riches (1%) et des plus diplômés (10%) ». Par conséquent, « aux États-Unis, le pouvoir est étroitement lié à la richesse ». Il entend étudier les premiers effets de « la situation révolutionnaire des États-Unis ». Ce serait la troisième fois que les États-Unis connaîtraient cette situation après les décennies 1850 – 1860 marquées par la Guerre de Sécession, et les années 1920 – 1940 caractérisées par le consulat présidentiel de Franklin Delano Roosevelt et son New Deal. Il convient volontiers que « les factions oligarchiques se caractérisent par une relative fluidité, et les oligarques changent d’alliance au gré du contexte du moment ». Il argumente son point de vue en donnant l’exemple de l’Ukraine d’avant 2022. Les oligarques s’y « sont dispersés en plusieurs factions, opposées les uns aux autres et s’armant, dans leurs batailles, de politique électorale, de saisies semi-légales et même de prison ».

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Même si l’auteur veut généraliser sa méthode aux autres sociétés, en particulier occidentales, sa démarche concerne surtout le pays de l’Oncle Sam. Il remarque que « conjuguée à l’appauvrissement des classes populaires, la surproduction d’élites et les conflits internes ainsi engendrés ont progressivement miné notre cohésion civique, le sens de la coopération nationale sans lequel les États pourrissent rapidement de l’intérieur ». Il note en outre que « les démocraties sont particulièrement vulnérables à la subversion ploutocratique ». Il annonce par ailleurs qu’« une évolution encore plus inquiétante est à voir dans la transition, au sein des démocraties occidentales, de “ systèmes de partis basés sur les classes “ à des systèmes de partis multi-élites “ ».

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Le chaos qui vient sort aux États-Unis en 2023. Peter Turchin a pris acte de la présidence de Donald Trump entre 2017 et 2021. Il relève déjà que « les républicains sont en pleine transition pour devenir un véritable parti révolutionnaire ». Il présente même J. D. Vance, alors sénateur néophyte de l’Ohio, comme un élément-clé de cette transition. Il le dépeint en figure de proue du courant national-conservateur. Peter Turchin ignorait que Vance deviendrait le vice-président de Donald Trump…

La cliodynamique appartient-elle à la collapsologie si bien travaillée par Dmitry Orlov, lui aussi originaire de l’Union soviétique et arrivé aux États-Unis en 1974 ? Peter Turchin prévient d’un effondrement prochain sans s’attarder sur les suites plausibles. Dommage, car il aurait pu enfin faire entrer le survivalisme à l’université.  

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 148, mise en ligne le 19 mars 2025 sur Radio Méridien Zéro.

Parution du n°4 de la revue Sparta: le Fascisme comme phénomène européen

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Parution du n°4 de la revue Sparta: le Fascisme comme phénomène européen

Volume 4, 352 pages, 29 €

Sparta est une revue théorique d’orientation païenne, racialiste et identitaire, fondée en novembre 2020. Sous-titrée « Ordre vital – Perspective ethnoraciale – Critique sociale », la revue entend remplir une fonction décisive d’approfondissement doctrinal et de transmission de l’héritage ancestral indo-européen, et contribuer à « tout faire pour se réapproprier un héritage doctrinal et spirituel précis sans jamais passer par les filtres de la culture dominante ». Elle est publiée par les Éditions Aidôs.

SOMMAIRE :

La rumeur du monde et la relance de Sparta

Dossier : le fascisme comme phénomène européen

Première partie

Au cœur du phénomène fasciste

Philippe Baillet: Optimisme fasciste et pessimisme traditionaliste

Enzo Erra: Le sens ultime du fascisme

Enzo Erra: Tradition et intervention

Adriano Scianca: La « modernité païenne » de Benito Mussolini

Adriano Romualdi: Réflexions sur l’histoire et sur le fascisme

Documents

La page « Diorama filosofico »

Hymne de la Decima Mas

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Seconde partie

À la périphérie du phénomène fasciste

René Dupuis & Alexandre Marc: À l’ombre de la croix gammée (extraits d’un livre paru en 1933)

Maurice Bardèche: Ce qu’aurait été l’Europe de Hitler

Philippe Baillet: Éclipse et retour de la tradition. Sur les racines spirituelles du Mouvement légionnaire roumain

Robert Poulet: Comment passa la dernière chance de l’Europe

Emil M. Cioran: Le peuple juif, entre universalisme et strict particularisme

Robert Poulet: Adieu au fascisme

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Nécrologies

Laszlo Toth (1934-2021)

Renato Del Ponte (1944-2023)

Jean Haudry (1934-2023)

Jean-Paul Allard (1940-2023)

Roberto Fondi (1943-2024)

Pierluigi Zoccatelli (1965-2024)

Comptes rendus

Georges-Henri Soutou, Europa ! Les projets européens de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste, par Gérard Boulanger

Thierry Bouclier, La Gauche ou le monopole de la violence. De 1789 à nos jours, par David Rouiller

Antoine Dresse, Le Réalisme politique. Principes et présupposés, par David Rouiller

Andrea Scarabelli, Vita avventurosa di Julius Evola. Una biografia, par Gérard Boulanger

Olivier Moos, Le Guide du réac. Comment perdre ses amis et mourir seul, par David Rouiller

Les auteurs de ce volume

Disponible sur Akribeia:

https://www.akribeia.fr/revues/2505-sparta-vol-4.html

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Les vues géopolitiques de James Burnham

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Les vues géopolitiques de James Burnham

Federico Bordonaro, Ph.D.

Source: https://www.linkedin.com/pulse/james-burnhams-geopolitica...

Le parcours de James Burnham, au départ trotskyste puis stratégiste de la guerre froide, a connu une transformation radicale. Dans les années 1930, il était un intellectuel marxiste, mais dans les années 1940, il est devenu l'un des critiques les plus virulents du communisme, préconisant une stratégie agressive des États-Unis pour contrer l'influence soviétique.

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Son premier ouvrage important, The Managerial Revolution (1941 - en français: L'ère des organisateurs), prédisait un monde dominé par trois super-états: un bloc dirigé par les États-Unis, un noyau germano-européen et une sphère japonaise-asiatique. Il sous-estimait la résilience de l'Union soviétique, s'attendant à ce qu'elle se fragmente. Cependant, son point de vue géopolitique en évolution l'a conduit à considérer le stalinisme non pas comme une distorsion du marxisme, mais comme son aboutissement logique.

L'adoption du réalisme politique par Burnham a été façonnée par des penseurs comme Machiavel et Pareto. Dans Les Machiavéliens (1943), il a soutenu que la politique est motivée par des luttes de pouvoir, et non par des idéaux moraux. Les élites dirigeantes, affirmait-il, maintiennent le contrôle par des mythes politiques et consolidant leurs intérêts sectoriels, plutôt que par un engagement envers des principes démocratiques.

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En 1947, dans La Lutte pour le monde, Burnham avait formulé une vision claire des enjeux de la guerre froide: l'Union soviétique visait à la domination mondiale, utilisant l'idéologie comme un outil d'expansion géopolitique. Il interprétait les mouvements de Staline à travers le prisme de la théorie du Heartland continental d'Halford Mackinder, voyant la poussée de l'URSS en Europe, au Moyen-Orient et en Asie comme partie d'une grande stratégie pour contrôler la masse continentale eurasiatique.

Burnham a divisé l'expansion soviétique en cercles concentriques. Le premier incluait des États satellites comme la Mongolie et les nations baltes; le deuxième comprenait des zones contestées comme l'Allemagne de l'Ouest et le nord de la Chine; le troisième impliquait des pays vulnérables à l'infiltration idéologique soviétique, tels que l'Italie, la Grèce et l'Amérique latine. Pour contrer cela, affirmait-il, les États-Unis devaient faire davantage que contenir le communisme: ils devaient l'éliminer.

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Il critiquait la politique étrangère initiale de l'administration Truman car il la considérait naïve, parce qu'elle posait l'URSS comme une puissance traditionnelle plutôt que comme un empire idéologique expansionniste. Bien qu'il ait reconnu que la doctrine Truman marquait un changement vers une position plus ferme, il a averti que le seul endiguement ne suffirait pas. La victoire dans la guerre froide nécessitait de saper l'influence soviétique, et pas seulement de limiter sa propagation.

Les idées de Burnham ont influencé toute la politique américaine ultérieure, notamment l'approche agressive de Reagan pour affronter l'URSS dans les années 1980. Sa vision de la géopolitique, façonnée par le réalisme classique et la prévoyance stratégique, reste aujourd'hui un outil puissant pour comprendre les dynamiques de pouvoir dans le monde.

Pour en savoir plus sur cet auteur et d'autres penseurs géopolitiques anglo-américains, cliquez ici : https://federicobordonaro.blogspot.com/2023/09/la-geopoli...

vendredi, 21 mars 2025

L'avancée du monde multipolaire se poursuit, malgré les revers en Europe et dans le monde arabe

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L'avancée du monde multipolaire se poursuit, malgré les revers en Europe et dans le monde arabe

La chute de la Syrie et le comportement de l'UE ne peuvent pas arrêter l'inévitable

Brecht Jonkers

Source: https://brechtjonkers.substack.com/p/advance-of-multipola...

Cela ne parait sans doute pas toujours évident, mais dans l'ensemble, le monde avance dans la bonne direction, surtout comparé aux âges d'obscurité géopolitique des trente dernières années.

Le principal problème qui peut assombrir notre espoir pour l'avenir est la situation qui règne dans les deux régions du monde où tout s'est apparemment détérioré au-delà de toute possibilité de redressement : le monde arabe et l'Europe.

Le monde arabe, depuis la chute de la Syrie et le partage subséquent du pays entre Israël, les États-Unis et la Turquie, est dans un état de crise sévère depuis plusieurs mois. Probablement l'un des pires états dans lesquels la région ait été depuis la Naksa de 1967.

Israël semble régner en maître, occupant des parties significatives du Liban et de la Syrie et commandant directement le "nouveau gouvernement syrien" à Damas, en collaboration avec l'administration félone d'Erdoğan.

Alors qu'Israël occupe Quneitra et se trouve aux portes de Damas, le "gouvernement" du HTS a envahi le Liban à deux reprises jusqu'à présent et a assassiné ceux qui luttent contre l'occupation sioniste de leur propre terre.

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La puissance arabe la plus forte qui se dresse actuellement sur le chemin de la domination sioniste est le Yémen. Et pour cela, les Yéménites saignent chaque jour. Sion a entraîné les États-Unis dans un état de guerre ouverte de facto contre le Yémen et au bord de la guerre totale contre l'Iran par extension.

Le deuxième fait désespérant dans cette équation est l'Europe. Actuellement dirigée par des troglodytes assoiffés de sang, l'Union européenne (à l'exception de quelques nations résistantes comme la Hongrie et la Slovaquie) cherche activement à déclencher la Troisième Guerre mondiale. Des plans mégalomaniaques pour une militarisation rapide sont en cours, financés par des réductions budgétaires et des mesures d'austérité que l'on n'a pas vues depuis le règne de Thatcher au Royaume-Uni. Certains pays de l'UE sont même prêts à ruiner toute leur économie pour ce projet belliqueux, allant jusqu'à proposer de vendre leurs propres réserves d'or stratégiques juste pour obtenir un peu d'argent liquide afin d'acheter des avions et des canons. Pendant ce temps, l'Allemagne relance la production de chars afin de pouvoir revenir dans le Lebensraum à l'est.

Il est facile de perdre espoir face à la situation qui règne dans ces deux zones du monde. Mais le fatalisme est l'ennemi de l'activité révolutionnaire, et y céder serait comparable à une capitulation.

Ne vous y trompez pas. Le match actuel de l'histoire est celui du progrès et de l'amélioration.

Le monde multipolaire avance. La Chine, la Russie et l'Iran ont renforcé leurs liens mutuels au-delà de tout ce qui a été vu auparavant. Une grande partie de l'Eurasie s'unit sur la base du respect mutuel, de la non-intervention et de la souveraineté nationale. L'Afrique se lève, les États du Sahel s'unissant sous la bannière de Thomas Sankara.

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Les États-Unis ne perdent pas seulement du terrain en tant qu'ancien hégémon mondial, risquant également un effondrement sociétal en tant qu'État ; ils sont maintenant arrivés à un point où même le gouvernement américain admet qu'il perd rapidement, que le pays est dans un état de crise sévère et qu'il ne peut plus maintenir la position de "maîtriser le monde".

L'impérialisme s'effondre, mais dans ses dernières étapes, il montre ses griffes encore plus férocement qu'auparavant. Nous devons être préparés à faire face à cela alors que la transition vers un nouveau monde se déroule.

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Macron renifle le nouveau sac d’argent allemand

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Macron renifle le nouveau sac d’argent allemand

Wolfgang Hübner

Source: https://www.pi-news.net/2025/03/macron-schnueffelt-am-neu...

Cela figurait effectivement en première page du FAZ (Frankfurter Allgemeine Zeitung) de ce lundi : « La députée écologiste Paula Piechotta, membre de la commission des finances, a déclaré au FAZ concernant le compromis trouvé que jamais auparavant une parti d'opposition n'avait été aussi puissant que les Verts. 'La petite coalition sera un gouvernement parla grâce des Verts, et c'est amer à avaler. Si Friedrich Merz négocie aussi mal qu'il l'a fait ici, alors que Dieu nous vienne en aide' ».

Pour être franc, j'ai dû lire deux fois cette évaluation accablante du fraudeur électoral à succès pour croire ce qui était écrit dans ce journal qui, pourtant, soutient politiquement Merz. Cela a dû être particulièrement apprécié en France, pays qui est désespérément surendetté.

Par conséquent, son président, le grand bonimenteur Macron, s'est immédiatement mis en route et s'est rendu à Berlin le soir même de l'approbation par le vieux Bundestag de la militarisation et des mégacrédits de Merz. Car le Français a désespérément besoin d'un partenaire solvable pour pouvoir jouer de manière crédible son rôle espéré de nouveau leader de l'Europe dans la lutte contre la Russie (et contre Trump).

Et quoi de plus facile que de soutirer de l'argent aux idiots d'Allemands par l'intermédiaire d'un autre grand bonimenteur ? Après tout, la force nucléaire française n'est pas bon marché.

Il est maintenant également prévu de développer une quatrième base de missiles nucléaires pour 1,5 milliard d'euros, et cela, tout à fait par coïncidence, non loin de la frontière allemande. Merz, qui aimerait tant avoir des bombes atomiques tout comme son grand ami dans son propre parti, Roderich Kiesewetter, ne manquera certainement pas de financement – la caisse d'endettement est maintenant pleine à craquer.

Trump joue la carte ukrainienne – et l'Europe se contente d'être spectatrice

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Trump joue la carte ukrainienne – et l'Europe se contente d'être spectatrice

Un appel téléphonique entre Trump et Poutine était prévu cette semaine

Elena Fritz

Source: https://www.pi-news.net/2025/03/trump-spielt-die-ukraine-...

Si Donald Trump a un talent particulier, c'est celui de transformer la scène mondiale en un échiquier sur lequel il déplace les pièces avec un sourire, pendant que ses adversaires étudient encore les règles. Dimanche, deux de ses plus proches alliés – Steve Witkoff, émissaire spécial pour le Moyen-Orient, fraîchement revenu de Moscou, et Mike Waltz, conseiller en sécurité avec un visage impassible qui pourrait même rendre Poutine jaloux – ont levé un peu le voile dans les médias américains. Le message : les négociations entre Washington et Moscou concernant l'Ukraine sont en plein essor, et Trump contrôle la situation.

Witkoff, dans le studio de CNN de State of the Nation, a laissé échapper une partie de l'information : un appel entre Trump et Poutine avait été prévu cette semaine – lequel a été « positif » et « bon », comme il l'avait promis. En réponse à la question de savoir quand un accord pourrait être sur la table, il a parlé de « quelques semaines ». Cela ressemble à un homme qui sait que le temps presse – et que Trump n'a pas l'intention de poursuivre le jeu éternellement. Mais ensuite, les choses sont devenues intéressantes. En réponse aux demandes russes concernant la reconnaissance des quatre régions ukrainiennes occupées, Witkoff a fait une déclaration fracassante: « Ces régions sont cruciales. Nous parlons avec l'Ukraine, avec les Européens – la France, le Royaume-Uni, la Norvège, la Finlande – et bien sûr avec les Russes. » Tout ce qu'il faut pour un cessez-le-feu est sur la table.

Trump comme maître d’école de l'Europe

Cela ressemble à une concession à Moscou, ce qui fait dresser les cheveux des faucons européens. Mais attention ! Quiconque connaît Trump sait que l'homme ne joue jamais sur un seul niveau. L'Ukraine pourrait n'être qu'un pion pour forcer les « partenaires » européens – ou plutôt : les freins transatlantiques à son projet – à se soumettre. Witkoff a ensuite laissé tomber le masque sur CBS, émission Face the Nation, en infligeant une gifle verbale à Emmanuel Macron. Le Français avait osé remettre en question la volonté de paix de Poutine. « C’est regrettable lorsque des gens sans connaissances internes posent des jugements », a rétorqué Witkoff. Traduit en langage direct et non soutenu : "Ferme-la, Emmanuel, j'ai regardé Poutine dans les yeux – pas toi".

Le message est clair : Trump veut forcer les Européens à la table des négociations, les mettre en lumière et démasquer leur hystérie russophobe pour ce qu'elle est – un vestige des temps de Biden. Et la stratégie pourrait fonctionner. Même le chef de l'OTAN, Mark Rutte, généralement un maître ès-loyauté obséquieuse pour l'alliance, semble avoir déjà changé de chaussures. Opportunisme ou prise de conscience ? À Bruxelles, il faudra se préparer à des temps difficiles.

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Waltz se moque des critiques

Alors que Witkoff remet les Européens à leur place, Mike Waltz ne laisse aucun doute sur le fait que Trump a le dessus lors d’une interview sur Fox News. Lorsque l’animatrice Jackie Heinrich agite un prétendu « document secret » – des intellectuels européens prétendant que Poutine joue au chat et à la souris avec Trump –, Waltz explose de rire : « C'est presque ridicule. Trump est à des kilomètres devant Xi, Kim et Poutine. » Mais ensuite, il devient sérieux : les discussions avec Poutine vont au-delà de l'Ukraine. « Les Russes veulent-ils continuer à se saigner dans une guerre de tranchées, ou revenir à la table de la raison ? C'est là la question. »

C'est là que se manifeste la marque de fabrique de Trump: il utilise l'Ukraine comme levier pour discipliner non seulement Poutine, mais aussi l'Europe. Les quatre régions ? Une monnaie d'échange. Un cessez-le-feu ? Possible. Mais l'objectif ultime est un nouvel accord avec la Russie – et une Europe qui soit joue le jeu, soit regarde le monde tourner sans elle. Les semaines à venir montreront si Trump bluffe ou s'il a un as dans sa manche. Une chose est certaine: cela ne sera pas ennuyeux. Et les élites européennes pourraient bientôt se rendre compte qu'elles ne sont même plus des figurants dans ce jeu.

Rencontre d’Éric Rohmer et de Jean Parvulesco

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Rencontre d’Éric Rohmer et de Jean Parvulesco

Nicolas Bonnal

Jean Parvulesco a traversé l’âge doré du cinéma français (les années soixante et soixante-dix donc) comme un agent secret et un grand initié discret. Tous ces maîtres plus ou moins célébrés et reconnus réveillèrent une France cinématographique endormie par l’académisme de l’après-guerre (Lourcelles…) et l’Amérique. Et c’est elle qui se mit à inspirer l’Amérique, le tout grâce à un savant et pétillant mélange d’avant-gardisme et d’esprit réactionnaire (voyez notre texte sur la nouvelle vague). La France sous coupe réglée technocratique commençait à disparaître mais il restait quelque chose à anéantir encore. Cet heureux temps n’est plus.

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Jean me disait que l’autre lui devait tout, lui et bien d’autres encore. Il est clair en tout cas qu’ils ne surent ou ne voulurent pas l’utiliser, et que celui qui eût mieux pu le révéler était Rivette, et son obsession pour les conspirations et les mondes secrets. Toujours est-il que personne ou presque n’a vu Rivette et qu’en Amérique du sud j’ai pu voir ou revoir dans les Alliances françaises (que ce mot fait vétuste…) tous les Rohmer qui, en tant qu’ancien prof, avait bien su se faire distribuer. Il y avait d’un côté l’élitisme discret, de l’autre, cette popularité de festival, qui s’interrompit le jour où notre courageux géant régla son compte à notre Révolution dans l’Anglaise et le duc. Là les yeux de certains se dessillèrent et on tempêta contre l’intrus qui remettait en cause l’essentiel : la dictature culturelle de la gauche caviar.

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Envoutant et petit-bourgeois (je le dis presque élogieusement), le cinéma d’Éric Rohmer a célébré la terre de France comme personne, arpentant souvent du reste des lieux que je connaissais (que nous connaissions tous) enfant, quand ils n’étaient pas encore trop profanés (car le temps de Farrebique est loin…) : on eut le lac d’Annecy dans le Genou de Claire, le jardin des Buttes-Chaumont dans la Femme de l’aviateur, le coin de Ramatuelle dans la Collectionneuse, la région de Clermont dans ma Nuit chez Maud, plus grise et sinistre, encore industrielle. N’oublions pas Dinard et Saint-Malo dans Pauline ou le Conte d’été, le meilleur de la série.

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Rohmer a le mieux exprimé son lien avec les paysages et la géographie sacrée, façon Jean Phaure, dans le Rayon vert, tourné au pays basque et à Biarritz. J’avais lu le roman initiatique et voyageur de Jules Verne grâce à Gilbert Lamy et remis mon exemplaire à Jean, qui ne l’avait pas connu jusque-là. Ce film montre admirablement le basculement enchanteur de la dépression, du monde qui ne signifie rien, à celui de la géographie magique et du sixième sens amoureux.

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Éric Rohmer essayait de se protéger en protégeant la France avec sa caméra : c’est là que l’on redécouvre Reinette et Mirabelle, l’Arbre, le Maire et la Médiathèque, qui narre la lutte de l’inévitable Lucchini contre la mégalomanie bâtisseuse des années Mitterrand. Dans ce film de résistance politique, on découvre Parvulesco s’entretenant sur le « grand initié » qui se situe « dans ma dialectique à la droite de l’extrême-droite ». C’est vrai que depuis le départ de Mitterrand on a senti une accélération du processus de désintégration ontologique et physique de la France : effets de la construction européenne et du départ de ce bienveillant protecteur qui entretenait aussi une relation magique et tellurique avec sa terre.

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Le cinéma de Rohmer avait une dimension magique et tellurique, presque initiatique. On le comprenait par la beauté des images de Nestor Almendros (photo) qui malheureusement se sépara du maître au cours des années 80. La splendeur des images de Perceval (plus grande entreprise cinématographique de l’époque avec Apocalypse now, avait dit Joël Magny), de Claire et de l’incroyable Marquise d’Ô en témoignent. Dans son beau livre de mémoires Almendros, artiste hispano-cubain promis à un bel oscar pour le meilleur Malik, raconte que même le directeur de la photo de Kubrick, John Alcott en personne, lui avait demandé comment il s’y était pris pour ses fameux (mais moins que ceux de Barry Lyndon) éclairages à la bougie ; et on se prend comme Jünger à regretter Soixante-dix qui s’efface. Epoque libre, libertaire, païenne, aventurière (ô les Odyssées de Schroeder, autre ami de Parvulesco)…, les Seventies nostalgiques souvent et rebelles toujours se révèlent comme notre préhistoire maintenant. En marge du cinéma libre et des grands westerns révisionnistes, C’est THX 1138, Woody et les robots ou Roller Ball qui ont triomphé, et bientôt Soleil vert.

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La décennie soixante-dix, c’est aussi l’époque de Tarkovski cet autre maître traditionnel perdu dans l’entropie du système soviétique agonisant (et tolérant, finalement, comme je l’ai montré dans mon livre sur le folklore dans le cinéma soviétique). Le grand cinéma d’auteur européen disparaissait, qui avait génialement suppléé à l’effondrement de la Tradition : revoyez dans ce sens l’abominable début du Ginger et Fred de Fellini qui montre que l’Italie a disparu comme ça, en quelques années, au début des années 80. Fini son cinéma aussi comme on sait.

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Rohmer n’était pas un pleurnichard et, lui, il a tenu bon en célébrant jusqu’à la fin (j’allais écrire la faim) le vieux Paris, les villes nouvelles pour jeunes enracinés (L’ami de mon amie), les avanies de nos territoires protocolaires. C’est là que son ami Paul Virilio écrivit :

« Je considère qu’après la dissuasion militaire (Est-Ouest), qui a duré une quarantaine d’années, nous sommes entrés, avec la mondialisation, dans l’ère d’une dissuasion civile, c’est-à-dire globale. D’où les interdits si nombreux qui se multiplient aujourd’hui (exemples : un des acteurs de La Cage aux folles déclarant qu’aujourd’hui on ne pourrait plus tourner ce film ; ou mon ami Éric Rohmer à qui son film, L’Astrée, a valu un procès, un président de conseil régional l’attaquant pour avoir déclaré que L’Astrée — le film — n’a pu être tourné sur les lieux du récit engloutis par l’urbanisation, tu te rends compte ?). Donc je suis très sensible au fait que nous sommes des Dissuadés. »

Que le pauvre Rohmer ait été poursuivi pour avoir simplement déclaré que nous avions saccagé ou fait disparaître nos paysages est finalement un hommage rendu à sa grandeur et à son courage.

Pour le reste il faut aussi comprendre qu’il est trop tard pour s’adonner à la pleurnicherie nostalgique. Nous sommes trop avancés dans le néant pour ça, en France ou ailleurs.

Si j’avais un moment de Rohmer à recommander, pour terminer sur une note plus sereine, ce serait l’Heure bleue. C’est l’heure la plus silencieuse de Zarathoustra mise à portée des jeunes filles en fleur, ou le coin où l’espace et le temps se touchent, comme dit Guénon en évoquant Wagner.

Sources:

https://www.dedefensa.org/article/paul-virilio-et-lere-de...

https://www.dedefensa.org/article/parvulesco-et-le-secret...

https://www.dedefensa.org/article/nouvelle-celebration-de...

 

 

Parution du numéro 482 du Bulletin célinien

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Parution du numéro 482 du Bulletin célinien

Sommaire :

“Chimiste le matin, écrivain l’après-midi, docteur le soir” [2ème partie]

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Micberth

Connaissez-vous Michel-Georges Micberth (1945-2013) ? En novembre 1968 le supplément littéraire du quotidien Le Monde nous apprend la création, par l’Institut Micberth, d’un prix Louis-Ferdinand Céline “destiné à découvrir et à encourager un jeune auteur d’expression française”.  À cette fin,  l’initiateur de ce projet fait la connaissance de Lucette ; elle vit alors dans son garage aménagé suite à l’incendie qui ravagea la maison quelques mois auparavant. Le projet fera long feu car la veuve de l’écrivain en tenait exclusivement pour un prix récompensant un récit animalier. On peut lire dans un récent recueil des textes de Micberth la relation divertissante de cette visite rédigée à l’époque et publiée quatre ans plus tard dans un hebdomadaire éphémère qu’il avait créé. Ce qui perdura, c’est l’admiration du jeune Micberth (il avait alors 23 ans) pour l’écrivain : « Savoir si Céline fut le plus grand n’a aucun intérêt, c’est du domaine de la subjectivité. Ce que l’on peut affirmer sans se tromper c’est sa dimension universelle, son éblouissante importance dans le temps et dans l’espace. » 
 

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L’anarchiste de droite qu’il était fut de toute évidence influencé par le style célinien lorsque le poète se mua en pamphlétaire. Son talent fut salué dans le BC par  Jacques d’Arribehaude,  détenteur, lui aussi,  d’une sacrée  plume: « Les textes de Micberth ont l’admirable éclat d’une série de beignes appliquées à toute volée sur les faces de pitres, de loufiats et de tarés qui règnent sur ce pauvre monde et mettent à l’abrutir une opiniâtreté, une haine, une infamie dans la délation et le sournois verrouillage juridique, qui rendraient aimable le souvenir de l’Inquisition. Dans ce monde à ce point asservi et rampant, la sainte colère de Micberth, son ironie meurtrière, sont un réconfort, une bouffée d’oxygène, proprement inestimables. Tant de verve, et de si haute tenue, ne peut que mettre en appétit, mais il s’y mêle aussi, tout comme chez Bloy, des pages d’émotion, de gravité poignante, de poésie pure, qui témoignent d’une souveraine maîtrise de style dans une langue merveilleusement vivante. » En 1973, Micberth eut les honneurs d’une “Anthologie du pamphlet de la Libération à nos jours”, éditée par Le Crapouillot, et, tout récemment,  dans un hors-série centré sur “Les anars de droite” conçu par Valeurs actuelles.
 

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Son portrait de feu Jean Daniel, directeur du Nouvel Observateur, valait le détour : « Faux bonhomme, faux libéré, faux talent, faux semblant, faux socialiste, faux journaliste, faux penseur, faux-fuyant, mais vraie vraie salope. Depuis vingt ans, lui et son équipe du Nouvel Obs sont passés à côté de l’authentique, du singulier, de l’essentiel, de l’important pour ne pas privilégier, avec une opiniâtreté qui force la considération des ânes, que le dérisoire des sciences humaines et son cortège d’idoles de pacotille. » Il fut également un éditeur prolifique, essentiellement de monographies sur l’histoire locale de la France. Disposant du matériel phonographique nécessaire, il eut la générosité d’éditer plusieurs disques dont je lui soumis le projet. Consacrés tour à tour à Arletty, Robert Le Vigan, Albert Paraz, ils sont pour la plupart épuisés aujourd’hui¹. Écrivain, activiste, fondateur de journaux, dessinateur, ce créateur multiple était avant tout un esprit libre.

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• MICBERTH, Les Vociférations d’un ange bariolé, Le Livre d’histoire – Lorisse, coll. “Petite bibliothèque insolite”, 2024, 308 p. (postface de François Richard). Prix : 35 € franco au Livre d’histoire, place du Château, F-02250 Autremencourt.

Note:

  1. (1) Le disque reprenant mon entretien avec Arletty a été réédité par les éditions Frémeaux.

jeudi, 20 mars 2025

La France face à ses contradictions géopolitiques

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La France face à ses contradictions géopolitiques

Stefano Vernole

Source: https://telegra.ph/La-Francia-alle-prese-con-le-proprie-c...

Après avoir minimisé les capacités militaires de Moscou pendant presque trois ans, des cris d'alerte fusent désormais à Bruxelles et dans certaines chancelleries européennes concernant la menace imminente des forces russes et la nécessité de répondre par des efforts extraordinaires.

Une des prémisses du plan de réarmement annoncé en grandes pompes par Mme von Der Leyen — 800 milliards d'euros en 5 ans — repose sur la dénonciation d'une possible invasion russe de l'Europe dans les cinq prochaines années. Après avoir minimisé les capacités militaires de Moscou pendant près de trois ans, aujourd'hui, depuis Bruxelles et depuis certaines chancelleries européennes, l'alarme est lancée quant à la menace imminente des troupes russes et à la nécessité de faire face à cette menace par un effort financier extraordinaire de la part des différents États membres de l'UE.

Une voix autorisée, naturellement passée sous silence ces derniers jours, est celle du ministre actuel de la Défense de Paris, Sébastien Lecornu, qui a manifestement cherché à tempérer les déclarations tonitruantes d'un Emmanuel Macron de plus en plus en crise de légitimité.

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Tout en prenant note que, depuis 2007, l'attitude du Kremlin envers l'élargissement de l'OTAN à l'Est a progressivement et concrètement changé, Lecornu se distancie non seulement de l'agressivité du chef de l'Élysée, mais aussi des affirmations du patron du service allemand de renseignement extérieur (BND), Bruno Kahl, selon lequel "en termes humains et matériels, les forces armées russes seront probablement en mesure de mener une attaque contre l'OTAN d'ici la fin de cette décennie". Cela se produira dans cinq ans. Et il n'est pas le seul à faire cette évaluation. "La Russie anticipera probablement un conflit avec l'OTAN d'ici la prochaine décennie", avaient estimé les services de renseignement estoniens en février 2024. La même observation a été faite au Danemark, où le FE (Forsvarets Efterretningstjeneste, renseignement militaire) a averti le mois dernier d'une possible "guerre à grande échelle" en Europe d'ici cinq ans.

Dans son discours au peuple français du 5 mars dernier, le président Macron semble avoir partagé cette opinion: "D'ici 2030, la Russie prévoit d'augmenter encore son armée, d'avoir 300.000 soldats supplémentaires, 3000 chars de plus et 300 avions de chasse en plus. Qui peut croire, dans ce contexte, que la Russie d'aujourd'hui s'arrêtera à l'Ukraine ? La Russie est devenue, au moment même où je vous parle et dans les années à venir, une menace pour la France et pour l'Europe".

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Le ministre de la Défense, Sébastien Lecornu, dans les pages de La Tribune du Dimanche du 9 mars 2025, s'est montré plus raisonnable: "Minimiser la menace russe est absurde, tout comme il est tout aussi absurde de montrer une forme de fébrilité à cet égard. Les Russes réinventent la guerre, c'est leur grande force. Ils s'en prennent à notre démocratie et à notre économie. La prochaine campagne présidentielle pourrait donc être l'objet de manipulations massives (oubliant que les dirigeants du Rassemblement National, Le Pen et Bardella, se sont rangés du côté de Kiev, ce qui rend difficile de deviner quels seront les chevaux sur lesquels Moscou pourrait parier pour influencer les élections françaises, n.d.t.)... En ce qui concerne notre économie, la situation est encore plus préoccupante. Par exemple, il y a les déstabilisations des flux maritimes, de la mer Rouge aux nombreux navires de la flotte fantôme civile russe qui attaquent les câbles sous-marins ou les infrastructures énergétiques (cette accusation a toutefois été démentie par les inspecteurs de l'OTAN, n.d.t.). Les cyberattaques deviennent également de plus en plus sophistiquées. [...] Cela peut même aller plus loin: opérations de sabotage, planification d'exécutions ciblées contre des personnalités clés du monde économique, interactions agressives avec nos forces armées, etc.", a expliqué M. Lecornu.

Quant au risque d'une attaque russe contre un pays de l'OTAN dans deux ou cinq ans, le ministre de la Défense de Paris l'a écarté: "Nos services [de renseignement] ne disent pas cela", a-t-il affirmé. Toutefois, il a ajouté qu'il est vrai que Moscou “est tentée de déstabiliser la Moldavie à travers la Transnistrie” (éludant le fait qu'en Transnistrie, un référendum populaire a eu lieu en 2006 pour demander l'annexion de la région à la Fédération de Russie, n.d.t.). "Même les pays avec des minorités russophones peuvent être sujets à la déstabilisation russe", a-t-il ensuite déclaré.

Rappelons qu'en 2022, le renseignement français, en particulier la Direction du renseignement militaire [DRM] et la Direction générale de la sécurité extérieure [DGSE], a été critiqué pour ne pas avoir prévu l'invasion de l'Ukraine et que Macron en avait profité pour remplacer le chef de la DRM, Éric Vidaud, en poste depuis seulement sept mois. Ce que Bernard Émié, alors directeur de la DGSE, avait vigoureusement contesté : "Nous avons détecté les mêmes mouvements de troupes russes que nos alliés. Même si nos analyses pouvaient être différentes, nous avions le même niveau d'informations. La seule différence est la manière dont ces informations ont été traitées. Nous étions encore dans une phase de négociation et de dialogue [avec la Russie, n.d.t.]. La CIA a choisi de divulguer ses informations de renseignement au grand public, dans l'espoir de dissuader Moscou d'intervenir. Nous avons gardé ces éléments secrets car nous ne voulions pas révéler nos méthodes de collecte. Ce silence de notre part a conduit plusieurs médias à penser que nous ne savions pas. Ce qui est faux", a expliqué M. Émié dans une interview au Point.

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Mais les contradictions internes ne concernent pas seulement les intentions de la Russie, mais aussi un dossier hautement "sensible" comme celui du nucléaire.

En France, nous assistons à un retour à des propositions visant à mettre la Force de frappe nationale au service de la défense de l'Europe sur un large spectre allant d'une déclaration plus assertive concernant la dimension européenne des "intérêts vitaux" à une dissuasion partagée, voire même à une forme de partage nucléaire sous double clé, selon le modèle pratiqué par l'OTAN avec plusieurs pays de l'Alliance. Certains suggèrent même de renforcer l'arsenal tant du point de vue qualitatif que quantitatif pour pouvoir contrer tout type d'attaque. Ainsi, adapter ouvertement la dissuasion à l'Europe signifierait ne pas se limiter aux vecteurs aériens et sous-marins actuels, mais se doter à nouveau d'armes tactiques ou même renforcer les armes conventionnelles.

Il s'agirait d'une distorsion inédite et mortelle de la pensée stratégique historique française sur la dissuasion nucléaire ; toute réflexion et toute correction de la position nationale ont été, à l'époque de la guerre froide, condamnées comme une déviation dangereuse comportant le risque d'une guerre et même comme une trahison de l'héritage gaulliste qui avait doté la France de la bombe atomique justement pour ne pas dépendre militairement de Washington et pouvoir dialoguer franchement avec Moscou.

Et cela contredirait également l'audition devant la Commission de la défense nationale et des Forces Armées de l'Assemblée nationale française sur le thème de la dissuasion nucléaire et les modifications des traités en cours – tenue le 20 mars 2019 – de Nicholas Roche, directeur des affaires stratégiques de sécurité et du désarmement au Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Ce fut également l'occasion d'inviter les principaux experts militaires de l'armée française à rendre compte de l'état d'avancement de la Force de frappe de Paris dans les différents domaines et à clarifier quels objectifs stratégiques étaient visés grâce à la possession de l'arme nucléaire. "Il est à rappeler dans toutes les instances diplomatiques et politiques internationales que, si les armes nucléaires doivent rester, elles ne peuvent être qu'un moyen de dissuasion, avec la perspective de mettre en œuvre l'article VI du TNP", précisa alors Roche, manifestant en outre le scepticisme de Paris concernant une intégration de la Force de frappe avec les forces nucléaires de Londres.

Une posture qu'il sera difficile pour Macron de changer maintenant.

Article original: Strategic Culture Foundation.

Johannes Agnoli: la subversion comme Science

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Johannes Agnoli: la subversion comme Science

Portrait d’un penseur injustement oublié du radicalisme 

Werner Olles

Une image iconique: le 17 février 1968, l'« International Vietnam Congress » a lieu dans l'Auditorium Maximum de l’Université Technique de Berlin-Ouest. Sous un drapeau surdimensionné du FNL, portant les inscriptions « Pour la victoire de la révolution vietnamienne » et « Le devoir de tout révolutionnaire est de faire la révolution », environ 5000 participants applaudissent debout le discours d'ouverture de Karl Dietrich Wolff, président de la SDS. À la longue table installée sur le podium se sont levés les leaders de la SDS: Rudi Dutschke, Günter Amendt, Christian Semler, Gaston Salvatore, derrière eux Hans-Jürgen Krahl, et tout à fait à droite en arrière-plan, un jeune homme d'une vingtaine d'années, qui est l'auteur de ces lignes, dont la présence devait garantir la sécurité de Wolff. Tout à gauche sur le podium, un homme en chemise blanche avec une cravate, qui se distingue également parce qu'il est visiblement plus âgé que les autres hommes, tous très jeunes: Johannes Agnoli. Après les discours agités et combattifs de Wolff, Dutschke et Krahl, l'auteur de la bible de la Nouvelle Gauche, de la SDS et de l'APO, La transformation de la démocratie ne sera pas présent à la grande manifestation le lendemain, mais son influence déterminante sur le mouvement étudiant de 67/68 en a déjà fait l'une de leurs figures de proue.

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Giovanni Agnoli – il ne deviendra Johannes que plus tard – naît le 22 février 1925 à Valle di Cadore, un petit village dans les Dolomites. Encore à l'école primaire, il devient membre de l'organisation de jeunesse fasciste Gioventù Italiana del Littorio, et finit par devenir chef provincial de la jeunesse fasciste des écoles. À 18 ans, il travaille dans la « Commission de la culture » et est rédacteur de la revue Dolomiti. Il y écrit: « Croire en notre juste cause, en l'idée pour laquelle beaucoup de jeunes hommes meurent aujourd'hui, parce que seuls nous avons le droit de nous appeler défenseurs de la culture: parce que notre foi ne porte pas seulement le nom de fascisme, mais plutôt le nom d'Europe. »

La Seconde Guerre mondiale, le jeune Agnoli la comprend comme un combat entre la culture du capitalisme, incarnée par les États-Unis et l'Angleterre, et la culture du travail, représentée par l'alliance entre l'Italie et l'Allemagne, comme un combat de la « puissance de l'or » contre la « force du travail du peuple. » Il vénère le poète Ezra Pound, le sociologue et économiste Vilfredo Pareto et le théoricien de l'État Niccolò Machiavelli, et en 1943, après la chute de Mussolini et l’occupation allemande de l'Italie, il s'engage volontairement dans les Waffen-SS, qui, parce qu'il est un alpiniste passionné, le muteront dans les unités de chasseurs de montagne de la Wehrmacht, avec lesquels il combat les partisans de Tito en Yougoslavie.

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En mai 1945, il est capturé par les Britanniques, mais même après sa libération en 1948, son enthousiasme pour l'Allemagne reste intact. Avec une bourse destinée aux anciens combattants, il commence ses études de philosophie, suit des cours avec Eduard Spranger, obtient un doctorat en philosophie et passe un examen en sciences politiques avec Theodor Eschenburg. En 1957, Agnoli rejoint la SPD, dont il est exclu en 1961 en tant que membre de la "Société de soutien socialiste" en raison de la résolution d’incompatibilité avec le SDS qui avait été adoptée. Sur recommandation de Wolfgang Abendroth, il devient assistant d'Ossip K. Flechtheim à l'Institut Otto-Suhr et y obtient son habilitation en 1972.

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Le livre Johannes Agnoli ou : la Subversion comme science, publié par Michael Hewener et paru à temps pour son 100ème anniversaire, propose, après une introduction de l'éditeur sur la vie et l'œuvre d'Agnoli et sa conversion de la droite à la gauche, neuf textes programmatiques originaux. Il est clair,dans ces textes, qu'Agnoli rejette clairement le système représentatif, le parlementarisme et le modèle de démocratie conçu par la constitution, critiquant la démocratie libérale et l'État constitutionnel comme une oligarchie constitutionnelle qui trompe les électeurs et les confine dans leur impuissance politique. La constitution, en tant que compromis de classe, est censée tenir les masses à l'écart du pouvoir. Plus tard, Agnoli, qui se définit désormais comme un « marxiste libertaire », est accusé par Wolfgang Kraushaar et Götz Aly d’avoir largement gardé le silence sur son passé, tandis que l'éditeur et également plusieurs collègues d'Agnoli, tels que Wolf-Dieter Narr et Richard Stöss, ont fermement nié cela. Agnoli aurait parlé librement de sa jeunesse en société et n’aurait jamais renié son enthousiasme pour le fascisme à l’époque. En réalité, il ne l’a jamais refoulé et s'est toujours intéressé au fascisme.

La subversion comme essence de la libération, le malaise avec et dans la démocratie mettent la signification historique d'Agnoli sur le même plan que l'œuvre fondatrice de Herbert Marcuse, L'homme unidimensionnel. Les architectures systémiques et les pénibles phrasographes des divers marxismes-léninismes dans les pitoyables groupes K après la dissolution du SDS étaient à l'opposé de ce que représente une critique subversive et de la raison pure. En tant que praticien des Lumières, la propagande et le journalisme mensonger lui paraissaient abominables, et il n'avait que mépris pour la polémique grand public de Habermas contre le machiavélisme et l'ironie qui l'habite. Ainsi, il se distingue également du marxisme académique qui nie prématurément le moment du naïf en politique. Cela l'a immunisé contre toute théorisation et tout verbiage affecté qui se suffit à lui-même. Il s'opposait fermement à l'idée que la sphère privée doit être politique, affirmant que cette sphère privée doit justement être libérée du politique. Pour lui, réfléchir et anticiper était important, mais pas de manière trop sérieuse; des calembours formulés avec désinvolture faisaient partie de son approche, contrairement à tous ces « politisés », car l'intellectuel ne devait pas faire de la politique le sens même de sa vie.

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La transformation de la démocratie qu'il avait prédite de bonne heure est désormais arrivée à son terme. Agnoli a été qualifié « d'ennemi de l'État doté d'une chaire », ce qu'il n'a pas contesté, tandis que les révolutionnaires professionnels de 68 se plaignaient que l'État ne voulait pas les employer en tant qu’enseignants ou conducteurs de train. Il leur a dit qu'il était tout de même un peu étrange de mendier un poste bien rémunéré auprès de l'État afin de pouvoir mieux le combattre. Tout cela fait que la lecture des essais et articles d'Agnoli reste aujourd'hui un vif plaisir, car ses textes se distinguent agréablement de ceux des habituelles moulins à phrases de gauche et laissent sentir qu’ici un véritable penseur est à l’œuvre, qui ne cherche pas à invoquer de manière pathétique la classe ouvrière ou le socialisme, mais qui vise une critique sévère et une destruction. Bien qu'il se soit toujours distancié d'Adorno et de Horkheimer, c'est précisément ce qui l'unit aux deux penseurs de la Théorie Critique et de la « Dialectique Négative ». Sa compréhension des raisons pour lesquelles les mouvements apparemment dirigés contre ce qui existe (ce qui est "réellement existant") se mettent en réalité au service de ses intérêts, et se traduisent souvent par de pires conséquences: cela s'est vérifié aujourd'hui à un point qu'Agnoli lui-même n'aurait pu ou voulu envisager.

Que la gauche radicale succombe à l'effondrement de la modernisation et à travers plusieurs « crises de mise en œuvre » devienne ce qu'elle est aujourd'hui, un groupe quelconque sans aucune impulsion révolutionnaire théorique, était également une trajectoire tout à fait claire pour Agnoli, en tant que critique radical de la transformation du citoyen en marchandise. Ce mélange d'un militantisme à la fois touchant et aigri et d'un esprit aventureux inébranlable, que l'on aurait soupçonné dans les sectes ML tristement disparues, a désormais contaminé tous les restes de la gauche. Un penseur de l'envergure d'Agnoli est introuvable aujourd'hui. Quant à la droite intellectuelle, elle a tristement évité ses idées théoriques, bien qu'il soit évident qu'elle aurait pu en tirer un avantage métapolitique significatif. Gauches et droites sont deux mondes de pensée qui semblent avoir mal compris sa déclaration « La rébellion est toujours justifiée ! » comme un problème de déterminisme ou une réflexion théorique sur la crise, entraînant ainsi leur orthodoxie dans une boucle infinie de pistes ahistoriques. Cependant, un faux déterminisme est moins inhérent à la pensée d'Agnoli qu'à certaines interprétations historiques dogmatiques de gauche et de droite sur la légitimité de l'État, la domination sans sujet et une critique de la société simplifiée. Le chauvinisme du bien-être et l'effondrement du réalisme mènent inévitablement au Rien ne va plus et donc à la mort de l'esprit dans la société multiculturelle à risque, si bigarrée. Ainsi, la gauche et la droite se révèlent toutes deux être des dinosaures d'une civilisation déclinante, à laquelle il serait indécent de donner le nom de "culture".

Le 4 mai 2004, Johannes Agnoli est décédé à San Quirico di Moriana, près de Lucques, en sa chère Italie.

* * *

Michael Hewener (éd.) : Johannes Agnoli oder : Subversion als Wissenschaft. Karl Dietz Verlag. Berlin 2025. 176 pages. 14 euros.

L'Europe dans l'abîme

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L'Europe dans l'abîme

Jordi Garriga

« Le pacifisme est un rêve noble, mais malheureusement, pour l’instant, c’est un rêve qui produit des cauchemars. »

José Manuel Sánchez Ron (*), journal ABC, 15 mars 2025.

Les intellectuels proches de Bruxelles et de Washington ont déjà lancé une campagne sentimentale et émotionnelle pour adopter l’européisme comme moyen de défense de la démocratie et de la liberté sur notre continent. Ils basent leurs arguments sur l’histoire, les guerres et la menace russe, et les assaisonnent d’attaques contre Trump, lui reprochant de ne pas être assez démocrate et même de ne pas être un bon dirigeant.

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On voit donc qu’ils veulent diffuser un nationalisme non nationaliste… Un européisme basé sur les valeurs mondialistes « de l’inclusion, de la diversité, de la liberté », etc. Comme un déguisement pour la soumission la plus claire à l’impérialisme américain, pour un bellicisme contre une Russie dépeinte comme le mal absolu pour avoir osé se défendre.

La Russie a démontré depuis plus de 30 ans qu’elle n’a jamais voulu envahir quoi que ce soit. Elle a toujours voulu faire partie du monde de l’après-guerre froide, mais elle a été mise à l’écart et méprisée par le racisme occidental.

L'OTAN a progressé, l'ex-URSS s'est fragmentée et un conflit ouvert n'a éclaté qu'après plusieurs « révolutions de couleur », après la guerre du Donbass, après huit années de tromperie occidentale et la menace de l'Ukraine de rejoindre l'OTAN.

La Russie s’est impliquée en Ukraine parce qu’elle n’avait pas d’autre choix. Ils utilisent désormais des exemples historiques pour tenter de transformer la Russie en une nouvelle Allemagne (hitlérienne), en faisant appel à la mémoire collective afin de ne pas avoir à recourir à la simple logique et à la raison.

Le plan continue : alors que les États-Unis se concentrent sur leur confrontation globale avec la Chine, l’Europe restera un champ de bataille contre la Russie. Pour y parvenir, il y a une contradiction à surmonter : créer une conscience européenne unitaire, mais centrée sur la haine de la Russie ; fier des valeurs mondialistes mais pas des siennes ; une unité, mais non souveraine, car orientée vers les objectifs du Maître. Alors que le nationalisme et la différenciation sont encouragés en Russie par les Yankees, ces mêmes Yankees interdisent aux Européens d’être nationalistes, d’être identitaires, d’être fiers de chacun de leurs peuples.

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L’histoire des coalitions occidentales en conflit avec la Russie s’est TOUJOURS mal terminée. Appeler à une croisade contre la Russie est un peu compliqué de nos jours : l’Europe ne croit pas en Dieu, la Russie oui ; personne ne se bat jusqu’à la mort dans un autre pays, pour son propre pays, oui; personne ne meurt pour la démocratie, les droits LGBTI ou les phoques... Pour Dieu et la patrie, oui.

C’est pourquoi ils appellent avec émotion à la défense de l’Europe. Le problème est de le faire après 80 ans de propagande accusatrice, après 80 ans de dénigrement des valeurs de sacrifice, de patriotisme et d’honneur ; après 80 ans à proclamer l'Europe comme le contraire de la guerre, pour laver nos « horribles péchés contre l'humanité » commis au fil des siècles... Ont-ils l'intention de renverser rapidement toute cette sale propagande, ou tout cela n'est-il qu'un coup de pub ? Peut-être que les intellectuels officiels gagnent simplement leur salaire en écrivant et en agissant contre toute logique, afin que leurs maîtres soient contents et que tout le système puisse continuer.

Si la guerre éclate enfin et que nos amis américains restent là à regarder, avec nos pays ruinés et notre jeunesse disparue... De qui diront-ils que c'est la faute ?

Pour lutter « pour la démocratie et la liberté », un régime dictatorial sera établi dans toute l’Union européenne. Ils nous diront que c'est une « situation exceptionnelle temporaire » et ils la maintiendront pendant des années, avec tous les droits sociaux abrogés, au nom de la légalité la plus pompeuse. Il ne sera plus nécessaire d’écarter les candidats présidentiels gênants. Les partis (les « mauvais », bien entendu) seront interdits et il n’y aura pas d’élections.

Les quatre points essentiels pour que l’Europe, avec l’UE, devienne une entité souveraine (unité politique, diplomatie et armée communes, expulsion du personnel militaire américain et pactes avec la Russie) ne sont absolument pas satisfaits par ces appels. Ils représentent l’Europe qui est tombée dans l’abîme creusé par l’UE. Il s’agit d’une compétition interne entre les peuples colonisés, et non d’une unité ; Il n’existe pas d’armée commune et de la diplomatie étrangère sans la permission des Yankees ; les Yankees ne partent pas malgré toutes les promesses de Trump, et tout est centré sur l'agression contre la Russie comme seule chose qui justifierait l'existence de l'UE.

De même qu’en Espagne et dans d’autres pays, le seul patriotisme accepté est celui qui tente de plaire à ceux qui détestent l’Espagne, celui qui est obéissant et non critique envers le régime, dans l’UE, le seul patriotisme sera celui des Européens avec des valeurs yankees, des drapeaux arc-en-ciel et des consommateurs zombifiés.

Note:

(*) Né en 1949, il est physicien théoricien et professeur d'histoire des sciences. Il a étudié en Grande-Bretagne et aux États-Unis et est entré à l'Académie royale espagnole avec le discours « Éloge du métissage ».

 

mercredi, 19 mars 2025

Coup de poker pour les matières premières ukrainiennes: Zelensky a-t-il déjà tout vendu à Londres ?

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Coup de poker pour les matières premières ukrainiennes: Zelensky a-t-il déjà tout vendu à Londres ?

Source: https://report24.news/rohstoffpoker-um-die-ukraine-hat-se...

Le retard de l'accord sur les matières premières entre l'Ukraine et les États-Unis pourrait avoir un contexte explosif: apparemment, Zelensky aurait déjà cédé des ressources minérales essentielles à la Grande-Bretagne en janvier - une manœuvre qui suscite maintenant des tensions diplomatiques.

En janvier 2025, le Premier ministre britannique Starmer et le président Zelensky ont signé un accord de partenariat peu remarqué d'une durée de 100 ans. Alors que les médias occidentaux n'en ont guère parlé, les observateurs russes ont immédiatement reconnu l'importance considérable de cet accord (un grand merci à Thomas Röper du « Anti-Spiegel » pour l'indice). L'accord comprend non seulement une coopération militaire avec des engagements d'aide annuelle de trois milliards de livres, mais aussi des collaborations dans les domaines de l'économie, de l'énergie et des matières premières.

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Particulièrement préoccupant: Zelensky a lui-même mentionné une partie secrète de l'accord. Les experts soupçonnent que cela inclut déjà des droits étendus d'exploitation des ressources minérales ukrainiennes transférés à des entreprises britanniques - en particulier pour des matières premières stratégiques comme le lithium et les terres rares, qui sont essentielles à la « transition énergétique » poussée par les fanatiques du climat. Cela expliquerait pourquoi l'accord sur les matières premières proposé par les Américains, poussé par Trump, et qui coûterait pratiquement à l'Ukraine la moitié de ses ressources minérales, a soudainement pris du retard. L'éclat public entre Trump et Zelensky à la Maison Blanche prend ainsi une nouvelle dimension. L'accusation de Trump selon laquelle Zelensky « n'a plus de cartes » à jouer pourrait être plus littérale qu'on ne le pensait initialement.

Les dissensions entre Londres et Washington sont déjà tendues - non seulement à cause des remarques critiques de Starmer sur Trump durant la campagne électorale, mais apparemment aussi à cause de cette course aux dernières ressources de l'Ukraine. Zelensky lui-même se manœuvre ainsi dans une situation précaire: il a peut-être promis les mêmes ressources aux deux grandes puissances. La saisie des avoirs d'oligarques peu après la signature de l'accord britannique pourrait être un autre indice qu'il voulait éliminer des résistances potentielles contre cette politique de braderie.

Alors que l'Ukraine continue de lutter pour sa survie, il semble déjà qu'une répartition de ses ressources minérales se prépare en coulisses - un jeu d'échecs géopolitique qui, jusqu'à présent, n'a guère été remarquée dans les médias allemands. Et cela, même si la République fédérale fait partie des plus grands soutiens à Kiev.

Unissons-nous contre l'OTAN!

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Unissons-nous contre l'OTAN!

Le Zannekinbond (Flandre) souscrit et participe à l'appel ci-dessous, lancé par le Front Anti-Impérialiste. Unissons-nous contre l'OTAN !

L'OTAN a été fondée le 4 avril 1949 par les États-Unis, le Canada et dix pays d'Europe de l'Ouest. L'histoire de l'OTAN est une histoire tissée d'agressions et de mensonges. L'OTAN signifie occupation, oppression, crimes de guerre, torture, meurtre, pauvreté, exploitation, injustice, contre-insurrection, hostilité féroce à l'encontre de tous les peuples du monde ! Cela signifie enfermement solitaire, lois antiterroristes et désinformation. L'OTAN est une organisation pour l'expansion de l'hégémonie américaine à travers le monde. Pendant ce temps, l'OTAN est devenue une puissance militaire mondiale avec 32 membres. L'OTAN n'est menacée par personne, l'OTAN menace toute l'humanité.

Cette année, nous avons encore été témoins de la poursuite de l'agressivité de l'OTAN à travers le monde :

Le plan de Trump d'attaquer Gaza pour en faire une Riviera pour les monopoles et les profits américains et sionistes a été annoncé.

Le régime fantoche du HTS en Syrie, qui a été installé après 13 ans d'invasion impérialiste par les États-Unis, l'UE et l'OTAN, est désormais occupé à massacrer des Alawites.

Les bombardements au Yémen par l'impérialisme américain et britannique et les attaques contre la résistance libanaise et palestinienne sont des faits supplémentaires démontrant l'agressivité débridée de l'OTAN.

Les tentatives d'expansion de l'OTAN dans les pays d'Europe de l'Est, les menaces lors des sommets de l'OTAN contre la Chine et l'Iran corroborent encore davantage cette agressivité.

Le massacre de milliers de personnes en Palestine, au Liban et en Syrie, orchestré par l'impérialisme et le sionisme se poursuit. Ce massacre visait les groupes de résistance et les civils. Pour toutes ces raisons, nous avons le devoir d'agir contre l'OTAN et ses collaborateurs. C'est pourquoi nous organisons une campagne mondiale autour du 4 avril (le jour de la fondation de l'OTAN) pour condamner l'agression de cette Alliance atlantique.

Nous savons très bien que la résistance des peuples peut stopper les massacres et l'agression impérialiste. Nous avons le devoir de nous unir et de lutter contre l'impérialisme et ses collaborateurs. Nous demandons la fermeture de toutes les bases des États-Unis et de l'OTAN qui ont été utilisées pour attaquer les peuples du monde.

Nous appelons toutes les organisations anti-impérialistes, antifascistes et tous les peuples opprimés du monde à rejoindre la campagne contre l'OTAN, à agir le 4 avril, à unir toutes nos forces contre l'ennemi commun des peuples du monde.

UNISSONS-NOUS, LUTTER ET GAGNER CONTRE L'IMPÉRIALISME !

DÉTRUISONS L'OTAN !

FERMONS TOUTES LES BASES DES ÉTATS-UNIS ET DE L'OTAN !

Front Anti-Impérialiste

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Hegel, Marx et Douguine: une dialectique contrariée

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Hegel, Marx et Douguine: une dialectique contrariée

Pierre Le Vigan

Paru sur cerclearistote.fr le 16 mars 2025

Dans un article récent [1], Alexandre Douguine s’interroge sur le « saut platonicien » et les conséquences métapolitiques que l’on peut en déduire de nos jours. Le saut platonicien, c’est celui qui va des phénomènes à l’Idée, de ce que l’on voit et ressent aux choses telles qu’elles sont réellement. Idée et phénomènes : c’est ce que l’on a appelé le dualisme de Platon, dualisme qui est relativisé par la participation (metaxu, un terme qui veut dire « au milieu de », « dans l’intervalle de »). La participation, c’est le fait que les phénomènes participent de l’Idée et n’en sont séparés qu’en apparence. Cette question du supposé dualisme de Platon hantera la philosophie occidentale.

Hegel, de son côté, veut supprimer le dualisme entre le phénoménal et l’objectif (ce qui est objectivement, non subjectivement, le réel, ce qui est le réel « en soi »). Il veut cette suppression du dualisme d’une autre façon que Platon, par la dialectique. Le phénoménal est un « pour soi », l’objectif est un « en soi ». Le « pour soi » est ce qui est subjectif, le « en soi » est ce qui est nature et matière. C’est à la matière, en ce sens de quasi équivalent de nature (phusis), que l’on fait référence quand on parle des philosophies matérialistes[2]. Ce  n’est bien sûr aucunement à une vision de la vie centrée sur les seuls intérêts matériels, qui est le matérialisme au sens vulgaire.

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Il y a donc une dialectique entre esprit subjectif et esprit objectif. « Hegel, explique Douguine, soutient qu'il existe un esprit subjectif qui se révèle à travers l'esprit objectif par le biais de l'aliénation dialectique. La Thèse est l'Esprit subjectif et l'Antithèse est l'Esprit objectif, c'est-à-dire la nature. La nature n'est donc pas la nature puisque, selon Hegel, rien n'est identique à soi, mais tout est altérité de l'Autre, d'où le terme de ‘’dialectique’’. En d'autres termes, il y a l'Esprit subjectif en tant que tel qui se projette comme Antithèse. C'est ainsi que commence l'histoire. Pour Hegel, la philosophie de l'histoire est d'une importance fondamentale car l'histoire n'est rien d'autre que le processus de déploiement de l'Esprit objectif qui acquiert à chaque nouvelle étape sa composante spirituelle qui constitue son essence. Mais le premier acte de l'Esprit objectif est de cacher son caractère spirituel, de s'incarner dans la matière ou la nature, et ensuite, tout au long de l'histoire, cette altérité de l'Esprit subjectif revient, par l'homme et l'histoire humaine, à son essence. »

La dialectique est donc le chemin d’une reconquête du soi, mais d’une reconquête transformatrice. Non à l’identique. Quand l’esprit objectif (celui de la nature et des institutions de l’homme) redevient esprit subjectif, ce n’est plus l’esprit subjectif du point de départ. C’est un « en soi - pour soi » (un objectif subjectivisé) qui est en même temps un « pour soi - en soi » (un subjectif objectivisé). C’est un résumé pertinent que fait Alexandre Douguine. Il n’est pas à proprement parler un hégélien mais, comme tout praticien des philosophies de l’histoire, il sait que l’on ne peut que rencontrer Hegel sur sa route.

Alexandre Douguine a rencontré Hegel dans le cadre de son cheminement. Douguine plaide pour une quatrième théorie politique. Il rejette le libéralisme, le marxisme, le fascisme. En effet, le fascisme n’était pas un dépassement de l’opposition entre le libéralisme et le marxisme – et plus généralement le socialisme, mais il était un anti-libéralisme socialisant (et sous toutes ses formes, italiennes, allemandes et autres, il est mort en 1945). Ce que parait souhaiter Douguine, c’est une synthèse entre le stade 2 des théories politiques, le socialisme, et le stade 3, le fascisme (ou, pour prendre un terme et une notion non datée, le nationalisme révolutionnaire dans ses formes totalitaires). Le fascisme a été une réaction contre l’universalisme abstrait du socialisme. Mais cette réaction a  été faussée par un nationalisme stérilisant, un racisme ou au moins un racialisme biologique (le fascisme italien n’était pas le national-socialisme allemand et n’était pas exterminateur), par un vitalisme extraverti qui donnait déjà un avant-goût du « bougisme » (bien analysé par P-A Taguieff) contemporain et de la société du spectacle. La quatrième théorie politique de Douguine se veut une synthèse du meilleur du socialisme, à savoir le sens de la communauté et du commun, et de qui fut à l’origine de certaines aspirations « fascistes », à savoir la volonté de se réenraciner dans la longue histoire d’un peuple et de redonner du sens – un sens partagé - à la vie dans une civilisation de plus en plus machiniste et massifiée.

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En outre, la quatrième théorie politique allie la vision métapolitique avec la géopolitique. Douguine souhaite un monde multipolaire de même qu’il voit le monde comme un pluriversum. Un monde dans lequel les cultures doivent rester diverses. Il oppose à l’ « Occident collectif », centré hier sur la Grande-Bretagne et ses dépendances, aujourd’hui sur les Etats-Unis, de grands espaces civilisationnels. Celui qui concerne directement les Européens est l’Eurasie, la grande « île mondiale » de Halford John Mackinder. L’Eurasie, ce n’est pas seulement l’Europe de Dublin à Vladivostok. C’est plus.

Alexandre Douguine considère que les autres grands espaces de l’Eurasie, la Chine et l’Inde notamment, ont vocation à faire bloc contre les Etats-Unis et leur tentative de créer un monde unipolaire. C’est aussi le souhait d’une coalition des puissances de la Terre contre les puissances de la Mer (Etats-Unis et Grande Bretagne). L’Eurasie est ainsi non seulement un projet géopolitique consistant à ne pas se laisser diviser par les puissances de la Mer, mais un projet spirituel de nouvelle civilisation, qui serait post-occidentale et échapperait à la domination de la marchandise et aux idéologies de l’indifférenciation (wokisme, LGBTisme, etc). C’est l’eurasisme, dont l’un des principaux théoriciens fut Nikolaï Sergueïevitch Troubetskoï (1890-1938)[3]. Nouvelle civilisation ? Le pluriel s’impose certainement. La quatrième théorie politique serait celle qui permet l’éclosion de nouvelles civilisations post-marchandes.

La quatrième théorie politique d’Alexandre  Douguine – que l’on ne peut séparer des écrits philosophiques de sa fille Daria Douguine, fauchée en pleine jeunesse et essor de sa pensée - serait le projet d’un nouveau traditionalisme sans immobilisme. L’idée d’un enracinement dynamique. Dans cette perspective, on peut définir la dialectique de Douguine, une dialectique ternaire, comme Tradition-Modernité-Nouvelle Tradition (ce dernier stade correspondant à ce que Hegel appelle l’esprit absolu, dernier stade de Thèse-Antithèse-Synthèse). Mais comment fonctionne cette dialectique ? C’est ici qu’il faut faire, pour le comprendre,  un saut chez Hegel lui-même.

* * *

La dialectique chez Hegel n’est pas seulement une méthode pour trouver le vrai. Elle est l’étoffe même du réel. Ce qui est au départ chez Hegel, - disons plutôt « à l’origine » -, c’est la logique, ou l’Idée, ou encore l’esprit. « L’esprit est [.…] l’essence absolue et réelle qui se soutient soi-même »  (Phénoménologie de l’esprit, chap. 6, 1807). Mais ce qui se tient à l’origine, c’est  l’esprit non absolu. Celui-ci est médiatisé par la nature. Mais cette médiation est elle-même médiatisée par la synthèse, par la réconciliation de l’Idée et de la nature dans l’esprit absolu. Cette synthèse joue le rôle du « troisième homme » chez Platon. L’esprit absolu est, pour le dire dans des termes proches de ceux de Bernard Bourgeois (Le vocabulaire de Hegel, 2000), l’unité infinie de l’esprit infini (l’Idée – ou la logique, le logos - du premier stade de la dialectique) et de l’esprit fini, deuxième stade de la dialectique, esprit fini qui se présente sous la forme de la nature (ou matière). L’unité infinie correspond au stade troisième, synthétique, de la dialectique de Hegel.

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Cette dialectique aboutit à une conception de l’histoire universelle dans laquelle les singularités expriment toutes un universel, et dans laquelle tout universel inclut et donne force aux singularités, leur donne « un énorme droit » dit Hegel. L’histoire a ainsi un sens. « L’histoire est le progrès dans la conscience de la liberté » (La raison dans l’histoire, posth. 1837).  Mais l’observation du réel rend difficile de croire à cet  ajustement implacable qui se produirait entre l’homme et son histoire via la médiation de la nature (ou encore, comme on le verra, via la médiation de l’esprit objectif, le stade 2 de Hegel).

* * *

Le sens de l’histoire est aussi un sens de l’esprit : il y a selon Hegel coïncidence entre l’esprit absolu (le moment de la synthèse) et l’esprit du monde (ou esprit-monde). « L’esprit-monde est l’esprit du monde  tel qu’il s’explicite dans la conscience humaine ; les hommes se rapportent à lui  comme des individus singuliers  au tout qui est leur substance. Et cet esprit–monde est conforme à l’esprit divin qui est l’esprit absolu ». (La raison dans l’histoire). L’esprit du monde est donc identique à l’esprit absolu.

Cette coïncidence laisse perplexe plus d’un philosophe et même plus d’un hégélien.  Le processus par lequel le Soi se ressaisit lui-même par la médiation historique et ses productions (art, religion, philosophie) nécessite de connaitre les ressorts réels de l’histoire des hommes, et c’est ce que veut entreprendre Marx, en rompant avec l’idéalisme de Hegel, idéalisme spéculatif (selon Marx) qui ne voit la vérité (ou l’être – c’est ici la même chose) dans aucune des choses finies qui apparaissent et qui s’interdit donc de comprendre l’histoire au nom d’une conception du Tout qui fait au final l’impasse sur les processus historiques. C’est ce totalisme[4] historiciste hégélien que rejette Marx.    

Autre sujet d’interrogation : en faisant de l’absolu – du divin, de l’esprit – un sujet, Hegel rompt avec Spinoza, en passant d’une métaphysique de la substance à une métaphysique du sujet.  Ceci n’amène-t-il pas à un désenchantement du monde, à un rapport entre le divin et l’homme qui éclipserait la nature ? A une métaphysique de la subjectivité, comme dira Heidegger ?   C’est peut-être ce qui pèche chez Hegel par rapport à Spinoza, peut-être aussi par rapport à Marx, et certainement par rapport à Schelling. Sans prétendre à répondre pleinement à toutes ces questions, nous soulignerons leur légitimité. La dialectique est bel et bien au cœur de la pensée de Hegel, et elle est contrariée. Par le totalisme de Hegel lui-même.

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On évoque souvent pour caractériser la démarche de Hegel le triptyque Logique–Nature–Esprit. Il serait peut-être plus clair, pour être pédagogue, de dire Idée–Nature–Esprit. Quand Hegel (1770-1831) parle de la science de la logique[5], il s’agit de la science de l’Idée. La logique chez Hegel, c’est l’Idée (et on voit bien l’influence de Platon). C’est pourquoi nous parlerons d’Idée plutôt que de logique, le terme logique ayant un sens contemporain éloigné de l’ancienne signification du terme logos. Ce triptyque Idée–Nature–Esprit,  - cette œuvre pliée en trois – serait la forme concrète de la suite « Thèse–Antithèse–Synthèse » (Fichte). C’est certainement un point de repère que de se remémorer cette suite, mais ce n’est pas une explication. Ce triptyque[6] ne prend sens qu’à partir d’une théorie de la transformation qui a pour nom la dialectique. Qu’est-il de celle-ci ?  C’est non seulement un art de raisonner mais un art particulier, fondé sur la succession affirmation–négation–réconciliation. La dialectique est ainsi, non un jeu de l’esprit, mais, selon Hegel, le mouvement même de l’être. De l’être lui-même, on ne peut rien dire, car il est la possibilité de tout, la potentialité de tout, mais par là même, il n’est rien. L’être est le néant. L’être, c’est rien, et c’est pour cela qu’il peut être tout (Heidegger a parfaitement compris cet aspect de la pensée de Hegel[7]).

Un des topos (enjeu, terrain de débat) de la philosophie est la distinction du « pour soi » et de l’ « en soi ». C’est une distinction entre les choses telles qu’on les voit et les choses telles qu’elles sont, indépendamment de nous. Pour Kant, le grand prédécesseur de Hegel, le « pour soi » et l’ « en soi » ne pourront jamais coïncider. Selon Kant nous ne pouvons connaitre les « choses en soi ». C’est pourquoi Alexandre Douguine parle de pessimisme épistémologique à propos de Kant. Au contraire, Hegel pense que l’on peut surmonter cette dissociation entre le « pour soi » et l’ « en soi ». Et ce par un mouvement dialectique. 

Comment se présente ce mouvement, et d’abord, quelles en sont les termes ? L’Idée est le logos : la raison, la parole, le « dire », et plus largement la pensée. Elle est ce que Hegel appelle l’esprit subjectif. C’est l’esprit dans la conscience humaine. Pour éclairer les choses, nous dirons que ce qui est subjectif est un « pour soi », tandis que ce qui est objectif est un « en soi ». « Je me sens maltraité » est une appréciation subjective. « Ceci est une injustice » est une appréciation objective (elle se veut en tout cas objective). Comme le remarque Alexandre Douguine[8], l’esprit subjectif consiste à se mettre à la place de Dieu.  Je parle de mon point de vue mais je pense que mon point de vue est légitimement surplombant. C’est l’occasion de l’installation de la conscience malheureuse. Je me prendrais volontiers pour Dieu mais je sais que je ne peux me prendre pour Dieu. Je suis ainsi séparé de Dieu, dans un rapport de frustration, d’irascibilité qui me rend malheureux (on sait que pour les Grecs, il y a deux tempéraments opposés : le sage et l’irascible).

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L’esprit objectif se prétend en aval de la création. Il constate le monde. Non pas passivement du reste, il le réaffirme par des créations d’institutions, des œuvres d’art, etc. L’esprit subjectif, au contraire, est ce qui triomphe à notre époque d’inflation des ego. Institutions, Etat, lois, arts : il ne juge tout que par rapport à lui, non aux œuvres d’une civilisation. C’est selon Heidegger le règne de la subjectivité. Elle affirme le soi avant d’approuver le monde. Comment ne pas en rester à cette subjectivité ? Réponse de Hegel : il y a toujours une négativité des choses. De quoi s’agit-il ? De l’Autre d’une chose (de son envers), de ce qui lui manque. Par exemple, si, sur un total de 10 points, vous en possédez 6, la négativité de 6 est 4. La négativité est un manque. En ce sens, elle est un appel. Une positivité amène toujours à l’existence d’une négativité car la positivité n’est jamais la totalité.

Ainsi, l’existence d’un esprit subjectif implique l’existence d’un esprit non subjectif donc objectif, son contraire partiel, voire d’un « non-esprit objectif » : son contraire total. Celui-ci est la nature – elle n’est pas esprit, elle est objective - , et cette nature inclut la nature humaine. Cela veut dire que l’esprit subjectif sort de lui-même (s’extériorise) pour devenir la nature, pour se verser dans la nature. Nous en sommes donc au deuxième stade de notre mouvement Thèse–Antithèse (Idée–Nature). La nature comme esprit objectif voire « non-esprit objectif » (objectivité de ce qui n’est pas esprit) est à l’Idée ce que le concave est au convexe dans une surface plane, son complément pour atteindre à une totalité.

Ce terme de totalité est essentiel chez Hegel. Il s’agit de penser le tout du monde, de l’homme et de l’être. Comme chez Parménide, la totalité et la perfection sont l’être pensé. Etre et penser : le même. Aussi n’y-a-t-il pas pour Hegel de l’inconnaissable. Auquel cas, on ne pourrait connaitre le tout. C’est une grande différence avec Kant : pour ce dernier, Dieu, l’âme, le monde étaient inconnaissables, c’était le domaine de la métaphysique, c’est-à-dire de choses auxquelles on pouvait penser, que l’on pouvait penser mais non connaitre. C’était le domaine de l’indécidable. Et la raison est comme le monde et l’âme : elle nous échappe. Seul est à notre portée l’entendement, selon Kant. Le principal reproche (non le seul) que l’on peut faire à Kant est cette distinction entre entendement et raison. L’entendement n’est pas autre chose que l’intelligence de l’homme. Or, Kant met l’entendement en-dessous de la raison. Pourtant, il n’y a pas de raison humaine sans entendement. Autrement, la raison n’est qu’une raison calculante. Mettre la raison hors et au-dessus de l’entendement, c’est en fait prendre le risque (Kant ne pouvait le prévoir) de mettre l’intelligence artificielle au-dessus de l’intelligence humaine[9], alors que l’IA n’est justement pas une intelligence. Pour le dire autrement, la ratio n’est pas la noèse. Calculer n’est pas saisir. Savoir n’est pas comprendre.

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Selon Hegel, la raison peut et doit saisir la totalité, tandis que l’entendement n’est que la compréhension partielle des phénomènes.  La sensibilité, le ressenti, l’expérience vécue ne nous donnent que des indications partielles sur le réel. Au sens trivial, nous disons volontiers que ces indications sont concrètes. Exemple : quelqu‘un nous fait « bonne impression » (ou pas).  Mais nous avons tort selon Hegel : une impression est partielle, elle n’est donc pas vraiment concrète. Au sens philosophique selon Hegel, un ressenti est une abstraction car c’est une impression partielle. Evidemment, Hegel est contre-intuitif. Mais comme cela que fonctionna sa pensée. Ce qui nous parait concret est souvent partiel, donc abstrait selon Hegel. 

Ce qui est vraiment concret doit être total, et non immédiat. Or, nous confondons le concret et l’immédiat.  Pour reprendre notre exemple, il nous faut réfléchir, de manière moins immédiate, aux circonstances de la rencontre, au pourquoi de la bonne impression, aux intentionnalités. Il s’agit, si on est hégélien dans la démarche (quitte à s’éloigner ensuite de Hegel), de passer de l‘abstrait de l’entendement au concret de la raison. C’est l’esprit qui va nous donner accès au « vrai » réel, au réel vraiment concret, au réel total, au tout du réel. Au totalement réel. Ce qui nous est  apparu comme concret de prime abord est  en fait abstrait.

* * *

Dans ce schéma, on s’étonnera peut-être de ne pas avoir encore rencontré l’histoire. Or, elle est inclue dans la nature, car la nature de la nature humaine est d’être historique et culturelle. « La nature de l’homme, c’est sa culture ».  L’histoire est partout : elle est dans le mouvement même de transfusion de l’esprit subjectif dans la nature. Mais le stade de la nature est aussi un stade de l’esprit. C’est le stade de l’esprit objectif. La nature est vue comme un objet, dans une dialectique sujet–objet (homme-nature). Mais nous allons voir que cet objet va se resubjectiviser.

A partir de l’esprit subjectif, fondé sur la psychologie de l’homme et sur son anthropologie, l’homme développe un esprit objectif c’est-à-dire qu’il produit du droit, des institutions, des lois écrites et non écrites, des constitutions, des monuments aussi, qui glorifient ces institutions, et une morale. L’histoire des hommes, qu’ils font en le sachant ou pas (en ne le sachant pas, nous dit Marx), relève elle-même de l’esprit objectif. Mais ce ne sont pas les histoires particulières qui sont l’esprit objectif, c’est l’histoire universelle. C’est toujours le tout qui donne son sens au singulier. C’est aussi la médiation, par quelque chose de plus complet, de plus total, qui donne sens au singulier.

L’histoire a deux sens : c’est ce qui nous est arrivé et c’est la façon dont nous racontons ce qui nous est arrivé. La notion d’histoire, collective ou individuelle, a donc toujours deux sens : ce qui nous est arrivé n’existe pas indépendamment du récit que nous en faisons (un récit qui a à plusieurs versions bien entendu). L’histoire est d’emblée une notion médiatisée. Pour qu’elle soit concrète, il faut qu’elle soit totale, donc universelle. Et cette histoire universelle a un sens, nous dit Hegel : toujours plus de liberté. Mais s’agit-il d’une liberté de faire tout ce que l’on veut ? Certes non.  La liberté est la conscience de ce qui doit être, de ce qui ne peut pas ne pas être. Le réel n’est pas « bien » en soi, mais il est le meilleur à un moment donné car il s’inscrit dans un mouvement nécessaire. En ce sens, Hegel est dans la lignée de Spinoza (tout ce qui arrive doit arriver) et dans celle de Leibniz (nous vivons dans le meilleur des mondes possibles, au moment où nous vivons. Cela ne veut pas dire dans un monde « bon et bien »). Quand Hegel dit à propos de Napoléon, en 1806 : « J’ai vu l’Empereur, cette âme du monde… », c’est parce que, pour lui, la création d’un Etat fort, garantissant les principes de la Révolution française de 1789 correspond à l’impérieuse  nécessité historique du moment et est une manifestation de la liberté de l’homme. Mais si l’Etat est la manifestation de l’esprit objectif, il n’est pas la manifestation de l’esprit absolu, qui réconcilie l’esprit objectif (du stade 2) et l’esprit subjectif (du stade 1).

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Les hommes font donc leur histoire, qui aboutit au triomphe de l’esprit sans entraves (c’est ce que veut dire absolu). L’histoire des hommes ne consiste pas à suivre un quelconque « droit naturel », qui n’existe pas. Pour Hegel, le droit positif, celui qui existe comme produit historique d’une société, est supérieur à l’impératif moral catégorique de Kant car ce qui est le produit d’une évolution est supérieur à ce qui est décrété abstraitement (et l’impératif moral de Kant lui parait abstrait).  L’homme de l’impératif catégorique risque de se sentir une « belle âme » c’est-à-dire de tomber dans le contentement de soi sans penser aux conditions concrètes de la morale. En ce sens, la « belle âme » chez Hegel – celle qu’il critique - est le contraire d’une « âme belle », telle celle que veut  Goethe.   

Ce qui a de la valeur est ce qui est issu de l’esprit de l’homme, et il n’y a nul secret à chercher dans la nature. On peut appeler aliénation l’extériorisation de l’Idée dans la nature, et cette transformation de l’esprit subjectif en esprit objectif. On peut aussi voir dans cela un retrait. L’esprit subjectif se met en retrait pour laisser place à la nature objective et à l’esprit objectif. L’esprit subjectif se retire de lui-même pour envahir le champ de la nature, métamorphosé en esprit objectif.

A partir de là peut se réaliser une troisième étape, celle de la synthèse. « Nous allons voir que cet objet va se resubjectiver » avions nous dit plus haut. L’esprit subjectif (l’Idée, la pensée) devenu objectif (comme la nature l’est) se réapproprie la conscience de soi et devient esprit absolu (absolu : sans entrave, pleinement libre). Ce que désigne absolu chez Hegel n’est pas conforme à l’étymologie qui veut dire « séparé ». Au contraire, cela veut dire : « au-delà de toute séparation ». Cela veut dire que l’Esprit (la majuscule s’impose ici) existe par lui-même, sans être conditionné par des définitions partielles. L’Esprit est absolu en tant qu’il est total, qu’il est « totalement le réel » et « le tout du réel ».

En d’autres termes, l’objectif et le subjectif se réconcilient. Le « pour soi » (L’Idée) est devenu « en soi » (la Nature). Le « pour soi » et l’ « en soi »  se réconcilient dans l’Esprit (absolu) qui est un « en soi pour soi ». A ce stade de la synthèse, la nature devient esprit et conscience d’elle-même. Comme l’homme fait partie de la nature, c’est l’homme qui devient conscient de lui-même et du sens de sa propre histoire au sein de la nature. L’homme devient  conscient par là même de son histoire politique, qui est ce qu’il y a de plus caractéristique de son humanité. C’est l’histoire des religions, des arts, des idées, de la philosophie qui devient alors lisible par l’homme dans une transparence à soi qui est le propre de l’esprit absolu.

La philosophie de Hegel est ainsi un dualisme (Idée–Nature ou esprit subjectif–esprit objectif) surmonté par l’accession à l’esprit absolu. On peut voir aussi cette philosophie comme un monisme de l’esprit qui se déploie en dualisme et se rassemble ensuite en monisme supérieur. On peut encore trouver une analogie avec la doctrine des universaux, qui correspond au moment moniste (l’Idée – stade 1, puis l’Esprit – stade 3), mais un monisme transcendant, et celle des nominaux (le nominalisme affirmant la pluralité, qui commence à deux : Idée–nature, esprit subjectif–esprit objectif), qui correspond au moment dualiste (avec la Nature – stade 2) et plus généralement pluraliste. Mais ce nominalisme est alors un pluralisme de l’immanence (celui de la Nature).

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Pour Hegel, l’histoire des hommes apparait comme le mouvement par lequel, de manière progressive, les hommes, après avoir versé tout leur esprit subjectif dans la nature, se réapproprient cet esprit en resubjectivant la nature et en ‘’supprimant-conservant-dépassant’’ (Aufhebung) l’esprit objectif (celui du stade 2) par un retour conscient sur soi (stade 3 : la synthèse, l’esprit absolu). Cela se fait par la création d’institutions toujours plus parfaites, d’arts de plus en plus épanouis, de pensées de plus en plus élevées dans le domaine de la religion, avec le christianisme, et dans le domaine de la philosophie. Dans tous les domaines, il s’agit de réunir ce qui a pu s’opposer. Ainsi, l’art est-il l’union de la forme et du contenu par le symbole. La forme est limitée, le contenu est illimité. C’est le symbole qui permet de signifier le « sans-limite », ou le « hors limite »  (un sentiment, une gloire, etc) dans une forme limitée. C’est toujours une méthode dialectique (même quand le mot n’y est pas) qui surmonte une séparation.

* * *

Le christianisme est le paradigme de la dialectique de Hegel (qui employait peu le terme). Jésus est un Dieu fait homme, donc une négation de Dieu, mais, mourant sur la croix, il renait, et c’est la Résurrection. Il devient alors le Christ, c’est-à-dire la négation de la négation, le Dieu fait homme (négation de Dieu) qui redevient Dieu sans cesser d’être un homme. Fils de l’Homme et vrai Dieu. Ce pourquoi le Saint Esprit procède du Père et du Fils. (s’il ne procède que du Père, il n’y a plus de dialectique. Il n’y a que des déclinaisons de la verticalité absolue du Père). Jésus Christ : vrai homme et vrai Dieu. Tout Hegel est là. Hegel arrive, en passant par le dualisme Idée–Nature à un monisme à la fois transcendant (comme l’Idée) et immanent (comme la Nature) qui est l’Esprit (absolu), et qui réconcilie la pluralité avec l’Unité, que l’on retrouve au final, mais rehaussée, par rapport à l’Idée unitaire du début, incomplète, mutilée, abstraite (ce qui est parfait, accompli, mené à bien doit être le non-abstrait pour Hegel, c’est-à-dire le concret).    

* * *

La pensée de Hegel peut évidemment donner lieu à des variantes, à des développements divers, et c’est ce qui s’est produit. C’est ce que l’on a appelé les hégélianismes de droite et de gauche. Sachons aussi qu’il existe aussi un hégélianisme « libéral » - ou mieux encore : progressiste-libéral - qui considère que la fin de l’histoire, au sens de sa finalité, est la société libérale. C’est la position d’Alexandre Kojève[10] et de Francis Fukuyama[11]. L’hégélianisme « de droite », pour sa part, est dans la filiation directe de Hegel (même s’il était étranger aux catégories de droite et de gauche). C’est un hégélianisme qui considère que l’ordre existant est légitime par principe. Il considère que l’Etat prussien est le plus perfectionné de l’Allemagne voire de l’Europe, et le plus apte à préparer l’unité étatique de l’Allemagne. L’hégélianisme « de gauche » – qui s’appela historiquement le Jeune hégélianisme (Marx en fit partie de 1841 à 1844) -  considère au contraire que cet Etat n‘est qu’une étape, et est le reflet des limites historiques de son temps. Il considère que le socialisme est le stade supérieur de la civilisation, en quelque sorte l’équivalent de l’esprit absolu, tout en échappant à tout spiritualisme et à tout idéalisme.

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Marx ne se contente pas d’appliquer la méthode dialectique de Hegel à un domaine peu pratiqué par Hegel : l’économie politique. Son approche méthodologique diffère de celle de Hegel. La dialectique de Marx, non seulement ne part pas des mêmes prémisses que celle de Hegel, mais est différente. Témoin cette remarque de Marx : « L’homme aliéné de soi par soi est aussi le penseur aliéné de son être, c’est-à-dire de l’être naturel et humain. »[12] Mais « ce qui est naturel est toujours historial », disait Heidegger. Et ce qui est historial est amené à « avoir à être », est appelé à être. Ce qui est historial est ‘’ce qui doit advenir’’. C’est une ouverture à ‘’ce qui vient’’.

La compréhension du passé vaut ainsi non pour lui-même mais par fidélité à une espérance : espérance chrétienne chez Hegel, espérance d’une société sans classe chez Marx. Deux espérances différentes mais fondées dans les deux cas sur l’étude de l’histoire et de la pensée. Il en ressort toutefois une divergence de fond. Monisme de l’être (non immobile bien entendu) chez Marx, monisme de l’esprit chez Hegel. Pour Hegel, il faut réconcilier l’homme avec l’esprit du monde. Pour Marx, il faut réconcilier l’homme avec lui-même.  

Le « saut platonicien » – celui qui va de l’Idée aux apparences – qu’évoque Alexandre Douguine concerne Hegel, et seulement lui. Marx est moins platonicien que Hegel et plus aristotélicien. Et ce non-platonisme éloigne Marx de Hegel. La question du rapport de Marx à Hegel est essentielle. Marx s’est–il contenté de renverser Hegel et de remettre la philosophie à l’endroit : les idées après la matière et après la nature, et non le contraire ? Nous avons vu que Marx ne s’est pas contenté de cela. Il est plus moniste que Hegel. Son monisme est moins un monisme de résultat (même s’il vise à la société sans classe) mais un monisme de départ (pour Marx, l’homme fait pleinement partie de la nature et du procesus de la vie).   

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On a reproché (Henri Denis) à Marx cet éloignement de Hegel[13]. La théorie de la transformation de la valeur en prix de production (le Capital, Livre III, section 2 chap. 9 et 10[14]) a notamment fait l’objet de critiques en ce sens (Eugen von Böhm-Bawerk, Michio Morishima, Ladislaus Bortkiewicz, ce dernier validant toutefois en grande partie l’analyse de Marx). Nombre de ces critiques, celles issues des marxiens, portaient sur le fait que Marx aurait cherché à résoudre de manière non hégélienne – et donc post-marxienne ( !) – un problème déjà posé par Ricardo[15]. Quoi qu’il en soit de cette controverse de théorie économique, c’est la dimension proprement philosophique qui nous importera ici : Marx est avec Hegel mais au-delà de Hegel.

Chez Marx, hégélien critique, hégélien de premier appui (quand on escalade, il faut bien une première prise), le monisme de départ n’est pas l’Idée (le logos, la raison, la pensée). C’est la nature ou la matière. C’est pourquoi Marx s’écarte rapidement de Hegel qu’il voit comme un idéaliste au sens philosophique, c’est-à-dire quelqu’un qui croit à la primauté de l’Idée (tout comme Platon). Idéaliste : qui croit que l’esprit préexiste à la matière et se dégrade dans celle-ci. Pour l’idéalisme[16], la transcendance ne peut se maintenir face à l’immanence du réel. Quand l’Idée s’incarne, son contenu se dégrade. Ce qui amène à condamner le réel (lire Clément Rosset à ce sujet).

Selon Marx, c’est au contraire le réel matériel qui est primordial, et est à l’origine du monde. Mais en même temps, la conscience des hommes fait évoluer le monde matériel. Le « matérialisme » de Marx est donc très relatif. Il y a une interaction entre les forces matérielles, les rapports sociaux et les représentations, c’est-à-dire les idéologies (la façon dont les choses sont vues)[17]. Pour simplifier, nous dirons : est matérialiste celui qui pense que la matière est à l’origine du réel, mais qu’elle donne naissance à l’esprit. Matérialisme : une immanence qui devient une ascension vers la conscience et l’esprit tout en restant lié à la matière, c’est-à-dire aux conditions matérielles du monde, conditions à la fois héritées et produites par l’homme.

C’est cette conception que résume Gueorgui Plekhanov, avec l’utilisation évidemment inappropriée de « socialisme scientifique »  mais en comprenant bien la nécessité de dépasser l’opposition que fait Descartes entre la res cogitans et la res extensa : « Le matérialisme, nous dit Plekhanov, sous la forme élaborée au XVIIIe siècle et tel qu’il a été adopté par les fondateurs du socialisme scientifique, nous enseigne que “nous ne pouvons connaître une substance pensante en dehors de la substance douée d’étendue, et que la pensée est, au même titre que le mouvement, une fonction de la matière. ‘’ »[18]

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De son côté, Marx nous dit : la nature, qui est aussi la nature humaine, traverse un moment d’aliénation, de dessaisissement de soi, avec l’apparition des sociétés de classes. Elle sortira de cette aliénation par la création d’une société sans classes. On retrouve le mouvement ternaire caractéristique de Hegel même s’il y a retournement du point de départ. Avec Marx, nous trouvons la nature et la matière au départ. Puis, nous connaissons le moment de l’esprit faussé (religion, idéologie, conscience faussée), ensuite (3ème stade), la sortie de l’aliénation : l’esprit entre en conformité avec la nature et l’émancipation de l’homme advient. Il y a rétablissement d’une unité homme–nature. « Le développement illimité du capital détruit les deux sources de la richesse, la Terre et le travail. C’était une des conclusions les plus importantes de Marx qui recherchait la voie d’une restauration du métabolisme entre l’homme et la nature. », écrit Denis Collin (entretien avec Breizh-info.com, 25 janvier 2025).

Ainsi, avec Marx, le stade 2 de Hegel (la nature) devient le stade 1.  Le stade 2 de Marx est l’esprit en tant qu’aliéné et encombré d’illusions (idéologie, religion), il est l’esprit subjectif de Hegel, son stade 1. Cet esprit aliéné est déjà porteur chez Marx de potentialités de compréhension de sa propre aliénation. Le stade 3 de Marx est l’adéquation entre la nature émancipée de l’homme, débarrassé de son auto-exploitation économique, et la conscience de l’homme, qui est d’abord conscience de sa propre histoire. Comme Hegel, Marx vise la réunification de l’esprit subjectif et de l’esprit objectif, mais non comme « esprit absolu » (le stade 3 de Hegel). C’est chez Marx une réconciliation de l’homme et de la nature (= la matière). C’est une réconciliation entre l’esprit subjectif et l’esprit objectif mais cela peut se dire autrement.  C’est une réconciliation entre l’homme abstrait – c’est-à-dire comme espèce, comme être « organique », produit par la nature – et l’homme socio-historique –  concret, « générique » (Gattungswesen)[19] en tant qu’il crée les conditions de sa propre reproduction[20].

Prenons le temps d’écouter Marx sur cette notion d’être générique. Voyons tout d’abord que cette notion caractérise seulement l’homme, alors que les animaux - et l’homme « brut », abstrait, hors l’histoire (qui n’existe plus) – ne sont que des êtres organiques (ce pourquoi l’homme est un animal mais aussi plus qu’un animal). Marx nous dit ceci : « En produisant pratiquement un monde d'objets, en façonnant la nature non organique, l'homme s'affirme comme un être générique conscient, c'est-à-dire un être qui se rapporte à l'espèce comme à sa propre nature, ou à lui-même comme être générique. Certes, l'animal aussi produit. Il construit son nid, son habitation, tels l'abeille, le castor, la fourmi, etc. Mais il produit seulement ce dont il a immédiatement besoin pour lui et pour sa progéniture ; il produit d'une façon partielle, quand l'homme produit d'une façon universelle ; il [l’animal] ne produit que sous l'empire du besoin physique immédiat, tandis que l'homme produit alors même qu'il est libéré du besoin physique, et il ne produit vraiment que lorsqu'il en est libéré. L'animal ne produit que lui-même, tandis que l'homme reproduit toute la nature. Le produit de l'animal fait, comme tel, partie de son corps physique, tandis que l'homme se dresse librement face à son produit. L'animal ne crée qu'à la mesure et selon les besoins de son espèce, tandis que l'homme sait produire à la mesure de toutes les espèces, il sait appliquer à tout objet sa mesure inhérente ; aussi sait-il créer selon les lois de la beauté. C'est précisément en façonnant le monde des objets que l'homme commence à s'affirmer comme un être générique (souligné par nous). Cette production est sa vie générique créatrice. Grâce à cette production, la nature apparaît comme son œuvre et sa réalité. L'objet du travail est donc la réalisation de la vie générique de l'homme. L'homme ne se recrée pas seulement d'une façon intellectuelle, dans sa conscience, mais activement, réellement, et il se contemple lui-même dans un monde de sa création. » (Manuscrits de 1844).  Cette  réconciliation (entre l’être organique et l’être générique)  se fait comme assomption d’un  humanisme intégral et affirmation d’un monisme évolutif. Avec Hegel comme avec Marx, il y a réconciliation finale de deux pôles antagonistes, mais le point de départ n’est pas le même, non plus que le point d’arrivée.

* * *

Nous avons vu Hegel travailler en dialecticien. Mais on peut aussi analyser Hegel en termes de « haut » et de « bas », d’ascension et de descente, voire de chute, comme sur une échelle. Selon Hegel, l’esprit subjectif tombe à un niveau inférieur dans la nature. C’est le passage du stade 1 au stade 2. C’est ici qu’intervient la notion de négativité, qui a donné lieu à tant de formules prétentieuses, mais qui est en fait assez simple. La négativité est un déficit, c’est l’Autre d’une chose. Pour Hegel, la référence est toujours la totalité. Pour reprendre un exemple cité plus haut, sur un total de 10 boules de pétanques, si vous en avez 6, la négativité est de 4. La négativité est donc ce qui manque à une chose pour attendre au tout. Dans un registre moins comptable, la négativité d’un fruit pas mûr est le temps de murir et le soleil, voire le soin qu’on lui apporte. La négativité est donc aussi un appel. Ainsi, la nature (stade 2) est la négativité de l’esprit subjectif (stade 1). Elle remonte vers l’esprit, et c’est cette fois l’esprit absolu (stade 3) qui apparait comme réconciliation de l’esprit subjectif (stade 1) et de l’esprit objectif (stade 2). C’est une respiritualisation de la nature, d’abord détachée de l’esprit, puis rendue à l’esprit. On peut le dire autrement : c’est le retour du sens et sa réappropriation.

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Autre clé de lecture : on peut aussi comprendre Hegel en termes de rapport entre une unité et une multiplicité. Au début est le Un (l’esprit subjectif), puis vient la nature dans sa multiplicité, et enfin l’esprit absolu qui dépasse et inclut les deux notions précédentes. C’est l’Aufhebung, une annulation–conservation par transformation et élévation, une relève, comme l’officier de quart prend la relève de son camarade. L’annulation d’une forme originelle pour la reprendre, la sauver à un niveau supérieur. Comme la mort de Jésus et sa résurrection en Christ. Il s’agit de surmonter une notion, un stade de la pensée mais sans l’abolir. Exemple. Nous marchons en montagne. On dépasse un col, il est annulé comme objectif, mais il a existé comme chemin vers un col plus élevé, ou vers un sommet plus élevé. Nous sommes au-delà de ce col. Le franchir a été indispensable dans notre parcours.

Aufhebung est une notion proche d’Überwindung, la première notion insistant plus sur le levage, le soulèvement de la notion d’origine, mais les deux termes indiquant un dépassement. Aussi est-il éclairant de noter qu’on traduit Die Überwindung der Metaphysik, livre de Walter Schweidler, par « Au-delà de la métaphysique ». On traduit aussi le livre de Rudolf Carnap Überwindung der Metaphysik durch logische Analyse der Sprache par « Le dépassement de la métaphysique par l'analyse logique du langage ». La tonalité est double : dépasser est une façon de conserver mais aussi de rendre caduc. Selon les auteurs, l’accent est mis sur un aspect ou plutôt sur un autre.

* * *

Il reste la dimension originelle du débat.  Ce qui est à l’origine est-il l’esprit ? « L’absolu est esprit », affirme Hegel (Encyclopédie des sciences philosophiques III. Philosophie de l’esprit). Ou bien est-ce la nature, la matière qui, en se complexifiant, donne naissance de l’esprit, qui est son reflet (mais un reflet agissant), en passant par le cerveau ? Ceci nous ramène à ce que nous avons évoqué des différences entre Hegel et Marx. Ce qui distingue Marx de Hegel, ce n’est pas la méthode dialectique (ils la partagent dans son principe), c’est le point de départ : l’esprit ou la nature ? Hegel part de l’esprit. Marx part de la nature. Le premier fait sa place à Dieu, la place première et ultime, puisque Dieu est l’esprit absolu. Le second considère que l’idée de Dieu est une illusion.

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Il existe pourtant une voie qui réconcilie Dieu, ou bien plutôt le divin, ou mieux encore le sacré, et la nature, une nature qui n’est pas une donnée immuable mais un processus éternel. Cette voie consiste à penser « Deus sive Natura ». C’est ce que fait Spinoza dans L’éthique (IV, 1677), après avoir affirmé ce même axiome (qui annonce ceux de Ludwig Wittgenstein) dans son Traité théologico-politique (1670). Ce que veut dire « Dieu ou la nature », c’est qu’il ne faut pas choisir, qu’on ne peut pas choisir entre Dieu et la nature puisque c’est la même chose. Dieu et la nature, c’est l’être infini et éternel. L’un n’est qu’un autre nom de l’autre. Dieu, dans cette conception, est tout sauf une personne, il est le divin, il est la divinité qu’est le monde (ou la nature). Corollaire : il n’y a pas de monde extérieur à soi puisque le monde nous inclut. Dieu nous inclut, la nature nous inclut.

A la lecture de Spinoza, on peut se demander si le vrai clivage est entre Marx et Hegel. N’est-il pas plutôt entre Hegel et les penseurs panthéistes, comme Spinoza[21], ou cosmothéistes (comme les Anciens Egyptiens)[22].  Et n’y-a-t-il pas des ponts à explorer entre Marx et Spinoza ?[23] En tout état de cause, la querelle entre Marx et Hegel, querelle posthume, s’éclaire étonnamment si on fait intervenir la question du divin, et plus amplement du sacré[24], même si cette question est occultée chez Marx par son rapport (critique) à la religion. Car le divin et plus largement le sacré vont bien au-delà des religions instituées.  Autant dire que nous n’avons pas fini d’en parler.

PLV

Notes:

[1] A. Douguine, « Hegel et le saut platonicien », Euro-synergies, 21 janvier 2025.

[2] Lire par exemple Friedrich-Albert Lange, Histoire du matérialisme, 1866.

[3] Troubetskoï enseigna en Autriche et fut persécuté par les nazis après l’Anschluss. On ne peut le suivre sur sa sous-estimation de l’unité des langues indo-européennes. Par contre, que l’identité russe soit composite, à la fois indo-européenne (pour la langue russe en tout cas) et finno-ougrienne ne fait pas de  doute. Les Finno-Ougriens (Estonie, Finlande, Hongrie…) sont des peuples ouralo-altaïques, catégorie qui inclut aussi les Turcs (ou Turco-Tatars) et les Mongols.

[4] Totalisme et non totalitarisme.

[5] La logique est la pensée et l’énoncé de la pensée. « Au commencement était le Verbe », (logos) dit saint Jean. Chez Hegel, la Science de la logique (1812-1816) - dite plus tard Grande Logique - comporte l’Etre et la doctrine de l’essence (qui constituent toutes deux la logique objective),  puis la doctrine du concept (qui est la logique subjective). La Petite Logique constitue pour sa part la première partie de l’Encyclopédie des sciences philosophiques (1817).

[6] Le philosophe canadien Jean-Luc Gouin parle, de son côté, du « Gyroscope Sujet—Négativité—Résultat—Réconciliation » mais le résultat est la réconciliation, ce qui forme une redondance. On peut donc parler plutôt de Sujet-Négativité- Réconciliation, ce qui rejoint le schéma classique que nous avons adopté.

[7] « Le néant ne reste pas le simple vis-à-vis indéterminé de l’étant, mais se dévoile plutôt comme ayant part à l’être de l’étant. », Qu’est-ce que la métaphysique, 1929.

[8] « Hegel et le saut platonicien », Euro-synergies, 20 janvier 2025, art. cit.

[9] Cf. Paul Ducay, « L’IA n’est qu’une Raison artificielle », Philitt, 31 janvier 2025.

[10] Introduction à la lecture de Hegel, Gallimard, 1947.

[11] La fin de l’histoire et le dernier homme, 1992.           

[12] Manuscrits économico-philosophiques de 1844, trad. Franck Fischbach, Vrin, 2007, p. 174.

[13] Henri Denis, Logique hégélienne et systèmes économiques, 1983 ; L’ ’’économie’’ de Marx. Histoire d’un échec, 1992.

[14] Le Capital, Livre II et III, Folio-Gallimard, 2008. Le livre IV du Capital est constitué par les Théories sur la plus-value.

[15] Ce qui est reproché à Marx est un retour à Ricardo, une « déviation ricardienne ». Le supposé échec de Marx – qui n’est bien sûr pas à exclure - dans le traitement de cette question est remis en cause par Adolfo Rodriguez-Herrera, Travail, valeur et prix, L'Harmattan, 2021 ; cf. aussi Alain Lipietz, « Retour au problème de la transformation des valeurs en prix de production », Cahiers d’économie politique, 7, 1982 ; Gilles Dostaler : Marx. La valeur et l’économie politique, Anthropos, 1978 ; Valeur et prix. Histoire d’un débat, Maspéro, 1978, L’Harmattan, 2013.

[16] Le clivage idéalisme-matérialisme ne recoupe pas celui qui existe entre ceux qui voient l’homme comme une créature et ceux qui pensent l’homme comme créateur de lui-même. En effet, du point de vue matérialiste, l’homme se crée lui-même d’une certaine façon, mais en tant qu’il est produit par l’évolution même du vivant et de la matière, pas ex nihilo. L’idéalisme qui affirme la primauté de l’Idée, et donc de l’Idée de l’homme est donc en fait une conception de l’homme plus créationniste – un créationnisme idéaliste – (l’Idée précède et engendre le réel et l’homme) que le matérialisme. Pour ce dernier, L’homme [est] dans le fleuve du vivant, selon le titre du livre de Konrad Lorenz, (1981). Pour le matérialiste, l’homme est une création continue de la nature, pas une création de Dieu.

[17] De ce fait, compte tenu de l’importance des ‘’superstructures’’ idéologiques et du fait qu’elles ne sont pas un simple reflet des conditions matérielles (contrairement à ce que dit un marxisme vulgaire), il nous parait difficile de se référer aussi bien à l’idéalisme ou au spiritualisme (nouvelle forme de l’idéalisme) qu’au matérialisme. Le terme de monisme, ou de monisme dialectique parait plus à même de rendre compte du réel et de son mouvement de perpétuelle polarisation et dépassement des contraires. Coincidentia oppositorum, comme dit Nicolas de Cuse.

[18] G. Plekhanov, D’une prétendue crise du marxisme, 1898.

[19] Cet être générique, c’est l’homme en tant qu’il travaille consciemment à devenir homme.

[20] Cette reproduction est économique et non-économique. Ces aspects non économiques sont regroupés sous le nom d’anthroponomie par Paul Boccara.

[21] D’où la querelle du panthéisme (1785-1815) qui débute par le débat entre Lessing, défenseur des idées de Spinoza, et Jacobi, qui les combat au nom de la lutte contre l’athéisme auquel conduirait le panthéisme de Spinoza. Schelling sera ensuite à la fois le penseur du panthéisme et celui du monisme dialectique.

[22] Voire comme Heidegger. Le Da de Da-sein ne fait-il pas signe vers un cosmothéisme ?

[23] Franck Fischbach, La production des hommes. Marx avec Spinoza, Vrin, 2014.

[24] Le sacré fait intervenir la nature, la sexualité, le sacrifice, les idéaux pour lesquels on est prêts à mourir, etc.  

Trump et la seconde révolution américaine

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Trump et la seconde révolution américaine

Irnerio Seminatore

Source: https://www.ieri.be/fr/publications/wp/2025/f-vrier/trump-et-la-seconde-revolution-americaine

Table des matières

- La « seconde révolution américaine ». Un concept englobant ?

- L’approche à la politique internationale

  Révolution ou discontinuité stratégique ?

- Objectifs historiques et objectifs conjoncturels

- Donald Trump selon Plutarque

- Donald Trump par le comte Joseph de Maistre

- Trump suivant Ortega y Gasset

- La seconde révolution américaine, un renversement des paradigmes dominants

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La « seconde révolution américaine ». Un concept englobant ?

Peut-on penser l'ensemble des idées, des hommes, des principes et des évènements, qui ont marqué l'accession de Trump à la Maison Blanche, sous le concept de « seconde révolution américaine » ? En quelle considération tenir un bouleversement et une secousse intellectuelle qui ont investi tous les milieux et la société toute entière, sur l'homme, l'autorité et le rôle de l'Amérique dans le monde ? Plus encore peut-on ignorer les questionnements sur le destin du pays et sur les autres peuples et nations de la planète, bref sur le Leadership incontestée de son savoir et de son pouvoir, autrement dit sur son hégémonie ?

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Kevin Roberts

Dans la tentative d'en conjuguer les éléments saillants, des analystes ont évoqué une combinaison de doctrines sociologiques tirées de Kevin Roberts et Vilfredo Pareto et, plus loin, des lectures historiques et littéraires de Plutarque, Joseph de Maistre et Ortega y Gasset.

La première évocation comme doctrine antisystème, a été vulgarisée péjorativement par l'assaut jacobin au Capitole du 6 janvier 2021, légitimée par décret quant à l'utilisation de la violence par les émeutiers et la deuxième, pour l'approche anti-élitiste contre l'Etat profond, bureaucratique et financier, aux mains des démocrates depuis les années 1980, par la théorie parétienne selon laquelle « l'Histoire est un cimetière d'élites », qui se succèdent et se remplacent l'une l'autre. Le grand remplacement est avant tout - ont reprit ce leitmotiv les néo-conservateurs - une mutation d'élites et de temps historiques.

En termes de temps historiques le slogan « America first », de la part de Trump signifie la fin de l'âge des paradigmes renversés et l'émergence de l'ère des empires et du grand schisme de l'Occident. Ou encore la fin de la décadence et le renouvellement de la civilisation occidentale par son centre impérial qui, s'il demeure imbu de principes démocratiques, est condamné à l'écroulement, comme l'Europe actuelle, effacée et bannie de tout renouveau et de toute influence.  La première étape de cet effacement des souverainetés nationales est l'unité stratégique et militaire de l'Otan, sous commandement intégré américain, dans le cadre d'une rivalité hégémonique entre Etats-continents/Etats civilisation, prétendants à un empire planétaire. En effet, dans le jeu des flux et reflux de l'Histoire, l'assurance de survie ne peut venir du « statu-quo » ou des dividendes de la paix, mais d'alliances militaires multinationales, qui ont été vassalisées par le pouvoir impérial. 

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On ne peut nier que l'histoire est scandée par des stratégies de rupture et par des avant-gardes intellectuelles, disposant d'identité et de forte conscience politique et, marginalement par des forces naturelles déchaînées, comme c'était le cas dans la doctrine des conservateurs. La nouveauté du trumpisme et des néo-conservateurs est que la stratégie de rupture et sa force d'avenir reposent sur l'attrait des tsars de la technologie, la nouvelle classe « conspirante, cohérente et consciente », qui constitue la nouvelle oligarchie. Sa caractéristique, en tant que force perçante du grand remplacement est que son titre d'appartenance devient la capacité et le mérite et plus guère le privilège ou la politique de discrimination positive, créant artificiellement des statuts dérogatoires.

La révolte contre l'égalitarisme et l'esprit anti-hiérarchique, encouragés par les démocrates et en particulier par Obama, a favorisé dans les universités et dans l'éducation publique, le conformisme, la corruption et la culture woke, une perversion sectaire qui englobe dans sa notion flottante plusieurs luttes sociales autour de questions d’égalité, de justice, de lutte contre le racisme, pour le sexisme et en faveur des LGBTQIA+.

L’approche à la politique internationale

Révolution ou discontinuité stratégique ?

Si l'approche de Trump à la société civile américaine a pu être présentée ou a été perçue comme une « révolution culturelle » sa démarche concernant la politique internationale doit être classée comme une discontinuité stratégique par rapport à la ligne de Biden, le réalisme se substituant à un idéalisme trompeur.

Chez Trump tout découle d'un principe premier « America First » ! C'est la fin de l'après-guerre froide. La révolution interne doit être innervée et structurée à l'extérieur sur une autre vision du monde, basée sur le hard power et sur un retour à la compétition stratégique, compte tenu de l'échec des politiques de partenariat convenues avec des rivaux. Un uni-multipolarisme revendiqué remplacera le multilatéralisme idéologique et institutionnel (ONU, OTAN, Accords de Paris..), inefficaces et périmés.

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En termes de relations entre souverainisme et bilatéralisme dans les négociations internationales la référence d’orientation sera le président Jackson (tableau, ci-dessus), bien qu'une inspiration liée à G. Washington guidera les engagements futurs, en ce qui concerne l'alliance entre non-interventionnisme et nationalisme actif, marginalisant, à l'intérieur des institutions américaines, les élites démocrates, considérées comme anti-américaines. Pour terminer avec les points de doctrine, une adversité instinctive pour le globalisme poussera au retour de rivalité multiples.

Ces points de doctrine se traduisent par une série de politiques régionales qui appellent des initiatives adaptées aux impératifs conjoncturels de sécurité et de défense et, cela se concrétise en quadrillage impérial avec l'accroissement des bases militaires dans le monde, en particulier dans l'aire du Pacifique, et, au-delà, en la confirmation des vieilles relations d'alliance (Israël, Arabie Saoudite et autres pays arabes).

Quant à la politique d'endiguement de la masse continentale de l'Eurasie, quels objectifs conjoncturels correspondront mieux aux intérêts permanent de l’Amérique.

Objectifs historiques et objectifs conjoncturels

La morphologie triadique du système multipolaire actuel distingue toujours entre objectifs historiques et objectifs immédiats et accorde à la géopolitique et à dialectique de l'antagonisme la tâche de distinguer entre types de paix et types de guerres. En fonction des rôles joués par les grands acteurs du système nous passerons en revue et à des seules finalités de connaissance, les différents types de paix, car ils déterminent non seulement les types de guerre, mais également les stratégies générales des acteurs majeurs de la constellation diplomatique. Pour l'Europe l'idéal type de paix est une paix d'équilibre entre l'Amérique et la Russie, puisque le continent est situé à la jonction du Rimland et du Heartland, entre la terre centrale et la grande île du monde ; pour la Russie une paix d'empire, fédératrice de plusieurs peuples, de plusieurs terres et de multiples confessions religieuses. Une paix d'Hégémonie est celle qui convient au choix de l'Amérique, vouée, par sa mission universelle, à exercer son pouvoir sur les trois Océans, Indien, Pacifique et Atlantique, en respectant la liberté et la souveraineté des pays de la bordure des terres  Pour l'Empire du milieu, le  mandat du ciel situe le meilleur type de paix entre une architecture régionale équilibrée et une vision planétaire à long terme, déterminée en partie par sa position géopolitique et en partie par la rivalité qui découle de sa culture et du système mondial des forces. 

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Robert Strausz-Hupé ou l'oeuvre d'un stratégiste américain (anti-européen) qui demeure dangereusement méconnue et qu'il faudrait relire en même temps que Zbigniew Brzezinski.

Or, l'objectif stratégique de l'Amérique et de l'Occident, selon un courant de pensée offensif, représenté par Robert Strausz-Hupé (photo), William R. Kintner et Stefan T. Possony et exposé dans le livre « A Forward Strategy for America », reposera sur la préservation et la consolidation de notre système politique, plutôt que sur le maintien de la paix. Selon ce courant, la survie du régime impérial des Etats-Unis, n'autorisait « d'autre choix qu'une stratégie à la Caton ». « Carthago delenda est ! ». La coexistence de deux empires rivaux était conçue au Sénat de Rome, comme une cause d'instabilité profonde, qui devait déboucher fatalement sur une guerre inexpiable. Or la situation multipolaire d'aujourd'hui est-elle comparable à celle de l'époque romaine ? Change-t-elle sur le fond, l'essence de la rivalité et la structure de l'hostilité ?

Face à un Congrès indécis et dans le cadre d'un isolationnisme sélectif, l'Amérique - selon Marco Rubio, nouveau secrétaire d'Etat, devrait tout subordonner à une posture agressive envers la Chine, ficeler un cessez-le-feu rapide en Ukraine et assurer Israël d'un soutien inconditionnel. Un retour clair à la partition idéologique entre « axe du bien » et « axe du mal », puisqu'il s'agirait d'une politique de force qui annonce une hausse des dépenses militaires et une relance de la course aux armements. La présidence Trump pourrait détricoter le réseau d'alliances tissé par les Etats-Unis après 1945 et transformer durablement le paysage géopolitique du système. Elle compte peu sur l’Europe, car elle la juge captive d'une idéologie post-historique et ne fait pas une grande confiance aux institutions internationales dont elle redoute l’inefficacité. Ainsi l'Amérique de Trump ne compte que sur elle-même et sur des relations bilatérales pour traiter de ses premières priorités.

Ce bref survol sur le jeu politique et les surprises stratégiques imposées par le nouveau Président, nous fait comprendre que beaucoup d’issues dépendront plus de l'esprit et de la force élémentaire des Etats-Unis que de l’appui de leurs alliés occidentaux, de telle sorte que les options retenues se situeront dans une relation de discontinuité par rapport à la politique étrangère des démocrates.

Donald Trump selon Plutarque

Comme toute épopée, ancienne ou moderne, quels éléments ou facettes retiendra-t-elle la postérité de ce terrassement tectonique d'époque et de civilisation, de ce schisme en Occident, profond et durable ? La volonté d'ordre d'abord et l'esprit de stabilisation ensuite, semblables à ceux qui succédèrent au meurtre de César et à la transition de la démocratie oligarchique de Rome, vers l'empire d'Octave-Auguste ou, plus proche de nous au premier Coup d'Etat moderne, celui du Général Bonaparte du 18 Brumaire à Saint-Cloud ? Passant à l’analyse du protagoniste, par le filtre d’interprétations arbitraires, quelle sera la figure et l’image du personnage consignées à l’histoire selon les thèmes et les sujets retenus par le procureur du tribunal historique ?  Pour commencer, quel aventurier se cache donc derrière Donald Trump, dans son assaut contre le Capitole et dans sa promesse d'ouvrir "un nouvel âge d'or" pour l'Amérique ? Pouvons-nous ré-enchanter l'histoire américaine par le mythe de la refondation de la nouvelle Rome sur l'escalier baptismal de Washington ?

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Seul Plutarque aurait pu établir un parallélisme entre les grands décideurs de la modernité et ceux du monde antique, en pédagogues du passé. Mais quel portrait aurait brossé Plutarque de Donald Trump, en empereur romain ? De qui aurait-il pu être le plus proche ? La férocité des opposants le classerait sans hésitation parmi les plus criminels et débauchés dans la vie privée et dans la vie publique. Le nom le plus proche est sans aucun doute celui de Néron, coopté au pouvoir par les intrigues de la cour impériale. Injustice flagrante et jugement hâtif ? Serait-il condamné d'avance sans avoir tué sa mère Agrippine, incendié Rome ou terminé une présidence despotique et controversée ? Dans l'imaginaire collectif, Néron porte une rare diversité de qualificatifs, tous plus éloquents les uns que les autres : tyran, persécuteur, pervers, manipulé, égoïste, immature et cette liste n'est pas exhaustive. Dès sa mort, ses contemporains s'emparent de son nom pour en faire une légende noire, un héros à la passion destructrice. Cette dernière, agrémentée au fil des siècles, est encore tenace de nos jours. Est-elle adaptée ou inadaptée à Donald Trump, personnalité shakespearienne, tyran virtuel et caché, virtuose de la spectacularisation du pouvoir et capable de vitrifier le monde avec la foudre nucléaire, par delà sa tentation de la paix et sa passion tarifée de la luxure, du commerce et de l'argent ?  Or la révolution américaine de Trump aurait pu tomber sous la coupe de deux autres personnalités célèbres, le Comte Joseph de Maistre, Savoisien, Ambassadeur du Royaume de Sardaigne à Saint Pétersbourg et contre-révolutionnaire honnis, et Michel Foucault, auteur d'une préface sur « La vie des hommes infâmes », opposée à celle des hommes illustres, préface par ailleurs fourrée d'éloges par Philippe Sollers. 

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Donald Trump par le comte Joseph de Maistre

Le comte Joseph de Maistre n'aurait peut-être pas désapprouvé l'assaut contre le Capitole puisqu'il aurait pris conscience, en homme d'ancien régime, que l'incapacité du pouvoir démocrate d'obtenir obéissance, le rendait non seulement « illégitime », mais aussi « illégal » et que le droit de sédition pour les abus électoraux commis, permettaient de le contester « quoad esercitium » (en raison de sa gestion). Et ceci sur la base de l'interprétation de la « légitimité » traditionnelle, comme facteur de stabilité qui assure l'ordre et le bien être des sujets de la cité.  Il en découle que le principe de la « légitimité » du suffrage étant variable et imprévisible, celle-ci ne peut prétendre à la « légitimité » de la tradition, qui est immémoriale, inscrite dans les mythes et dans les obéissances anciennes.

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C'est pourquoi l'assaut contre le Capitole, expression de la lutte pour le pouvoir ou pour la puissance, qui sont  l'essence même de la politique, a dévoilé la notion originelle de combat, de violence et de « daimon », qui incarne sur le fond, l'histoire et la tradition toute entière du peuple américain en marche. De plus, aux yeux de de Maistre, il n'aurait pu y avoir de gouvernement politique exemplaire dans une nation qui exalte l'individualisme égalitariste et se tâche au même temps de trafics illégaux, comme l'ont fait les démocrates, méprisant la souveraineté du pouvoir et le consensus naturel du peuple pour la fonction suprême du pays. Fonction qui, pour ses attributs et pour son autorité, appartient aux « génies invisibles de la cité » et devient, par paradoxe, une source inépuisable de conflits et de passions hostiles.  

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Farouchement hérissé contre la violence révolutionnaire des idées tirées des Lumières et de la Révolution française, Joseph de Maistre, lecteur de Plutarque, qui s'inspira d’Edmund Burke, fut un antirévolutionnaire acharné, luttant contre la punition infligée par Dieu à la France. Il se fit connaître comme le porte-drapeau d'une « autre modernité » et comme critique virulent de la « révolution satanique » (Considérations sur la France, 1796 ; Essai sur le principe générateur des constitutions politiques), ainsi que du mal français devenu aujourd'hui mondial, le mal égalitariste ou immigrationniste. Un mal qui était à l'époque, pour de Maistre, celui de l’Eglise gallicane, étrangère à la tradition moniste, identitaire et catholique du pays. « Le plus grand ennemi de l’Europe qu’il importe d’étouffer par tous les moyens qui ne sont pas des crimes, l’ulcère funeste qui s’attache à toutes les souverainetés et qui les ronge sans relâche, le fils de l’orgueil, le père de l’anarchie, le dissolvant universel, c’est le protestantisme », et de nos jours « l'œcuménisme immigrationniste », une « Oumma » universaliste et conspirationniste. Par ailleurs, si la tradition acquiert aujourd'hui la même légitimité que la démocratie représentative moderne, quelle est la doctrine philosophique plus pertinente pour comprendre le monde ? Et la démocratie, comme forme de régime dont la seule source de légitimité est une fiction, la « volonté générale » de Rousseau, peut-elle constituer encore le dépassement inévitable de la tradition et le fondement d'un équilibre des pouvoirs, propre aux régimes constitutionnels modernes ? D'un point de vue intellectuel, ce même Trump aurait pu devenir aussi la meilleure cible pour un dénigrement en règle et pour une crucifixion morale et politique, sans la présence modératrice du préfet de Rome, Ponce Pilate, non seulement de la part d'Obama, mais des philosophes de la « Petitio-paedofilia » française des années 1977, incluant Sartre, Derrida, Lyotard, Deleuze et Simone de Beauvoir, en parfait accord avec tout le courant déconstructionniste parisien de la post-modernité.

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Trump selon Ortega y Gasset

Mais l'autre grande personnalité qui est à la base de l'eschatologie populiste et libertaire des patriotes du monde entier et du Midwest américain est probablement Ortega y Gasset, l'auteur espagnol de la « Révolte des masses ». Penseur existentiel « in partibus infidelium », il défend la lutte pour la liberté contre la dissolution mondialiste et part de l'idée que ce sont les élites qui font l'histoire. De cette même conviction, Trump tire les racines de sa stratégie, partageant avec Ortega y Gasset, les idées de ce dernier sur la crise des certitudes, la critique des sociétés de masse et l'action conjointe des élites, de la tradition et des croyances. La solidité de ces préoccupations est encore démontrée, comme à l'époque d'Ortega y Gasset (1937), par le paradoxe que « les gauches promettent des révolutions et les gauches proposent des tyrannies ». Ainsi, la crise de l'individualisme qui affecte les sociétés occidentales est une crise non pas des principes premiers, ou des valeurs suprêmes, mais de leur absence. D'où le désenchantement. L'époque que nous vivons est celle de l'âme désenchantée. Notre époque n'est point une époque de réaction, qui est toujours le « parasite de la révolution », mais la phase d'une évolution vers un nouveau développement de la spiritualité. Le développement de la civilisation par époques, induit une correspondance dans le développement de l'homme. Ainsi « d'une attitude spirituelle de type traditionnel, on passe à un état d'esprit rationaliste et de celui-ci à un régime de mysticisme ». La troisième phase est donc celle de la désillusion, de l'âme facile, docile et servile. Inaugure-t-elle la phase d'abjection, d'indifférenciation et de rejet de connaissance à la fois du passé et du présent qui caractérise la culture woke ?

La seconde révolution américaine, un renversement des paradigmes dominants

Si la fondation des Etats-Unis et sa première révolution sont nées de la volonté de s'affranchir politiquement de l'Europe et, d'affermir philosophiquement le primat préromantique du sentiment sur la raison et de la foi sur le sentiment, la seconde révolution américaine se fait au nom d’une autre idée de l’homme et de la légitimité, de la crise d’hégémonie de l’Occident et de sa tradition de liberté. La polémique contre la corruption des élites et du parti démocrate tire ses raisons d’être d’une exaltation du rigorisme moral de l'éducation puritaine, intégrée d’une critique sévère de la post-modernité. L'insurrection républicaine a réagi à l’hétérogénéité croissante, spirituelle et sociale d’un société- monde qui, avec une immigration sans contrôle, glisse lentement vers le cœur d’un système, hors de toute philosophie du sens commun, les traditions, la continuité et l’histoire. Ainsi, dans les trois lectures imaginaires d’auteurs classiques ont pourrait voir autant de formes de la conscience historique et donc pour Plutarque le glissement des Princes vers la folie et l’imprévu dans leur course vers une vérité insaisissable, pour le comte Joseph de Maistre la recherche de « sens », dans le long processus de sécularisation des croyances et, pour Ortega y Gasset, le primat de la liberté dans l’éternelle quête du Graal, qui échappe aux droites et aux gauches dans des moments comme le nôtre, où le monde bascule vers la guerre.

Or, si comme l’affirme Ortega y Gasset dans « les époques d’âme traditionaliste s’organisent les nations », par un mode traditionnel de réagir intellectuellement, (qui) consiste dans le souvenir du répertoire des croyances reçues des ancêtres », le progressisme démocrate, déraciné et sans histoire, poussée aux extrêmes par la culture woke, conduit à la dissolution de la société et à la négation des origines spirituelles de l'Amérique. C’est à ces interrogations et à ce défi qu’ont réagit les américains. C’est à ce titre que la victoire de Trump n’a pas été seulement électorale ou politique, mais existentielle et civilisationnelle. Elle a été un renversement des paradigmes et des tabous dominants et au nom d'une révolution galiléenne de la pensée et de l'action.

Bruxelles le 5 janvier 2025.

La fracture au sein de l'opposition en Turquie et l'intérêt d'Erdoğan

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La fracture au sein de l'opposition en Turquie et l'intérêt d'Erdoğan

Kamran Gasanov

Depuis que le Parti républicain du peuple a perdu les élections législatives et n'a pas réussi à remporter la présidence en mai 2023, il est en proie à des difficultés internes. Les membres du parti ont commencé à accuser Kemal Kılıçdaroğlu, alors dirigeant et candidat à la présidence, d'empêcher d'autres candidats plus populaires d'être les représentants du CHP, causant ainsi son échec. Par conséquent, dès novembre 2023, le CHP change de leader et devient Özgür Özel.

En mars 2024, le parti parvient à reprendre confiance en ses forces en remportant une victoire écrasante aux élections municipales. Cependant, le conflit au sein du parti n'est pas terminé et la consolidation est essentielle pour les futures élections présidentielles et parlementaires. Bien qu'elles n'aient pas lieu officiellement avant trois ans, étant donné les appels à des élections anticipées, le CHP devrait s'attaquer dès à présent à la question du candidat principal.

La question de l'unité du parti est également alimentée par les sondages d'opinion. À la surprise des membres du parti d'Özel, le Parti de la justice et du développement (AKP) d'Erdoğan n'est plus derrière le CHP et occupe la première place.

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Ekrem Imamoğlu (ci-dessus) et Mansur Yavaş (ci-dessous)

Imamoğlu ou Yavaş ?

La principale raison de la dispute entre les représentants du CHP reste le désaccord interne sur le choix du candidat le plus favorable pour les élections présidentielles. Au centre du conflit se trouvent trois figures clés : le président du parti Özgür Özel, le maire d'Istanbul Ekrem Imamoğlu et le maire d'Ankara Mansur Yavaş. Özel, dans une tentative de renforcer sa position, a proposé des « primaires » internes au parti pour déterminer le candidat. Son initiative déplaît fortement à Yavaş qui, selon les sondages, est considéré comme le candidat républicain le plus populaire. Les critères de sélection du candidat au sein du parti pourraient ne pas coïncider avec les sympathies des gens ordinaires et Yavaş risquerait de perdre. C'est pourquoi il a refusé de participer aux « primaires », estimant qu'il était plus important de se concentrer sur la résolution des problèmes économiques du pays, ce qui complique encore la situation au sein du CHP.

Le principal adversaire de Yavaş est Imamoğlu. Le maire d'Istanbul a une grande influence sur la structure du CHP. La dispute de 2023 sur le choix du candidat aux élections présidentielles en est une preuve évidente. Meral Akşener, l'un des leaders du bloc des six partis d'opposition et chef du Parti du Bien (IYI), a refusé de se présenter aux élections présidentielles en faveur d'İmamoğlu. Akşener a menacé de quitter l'alliance si Klçdarolu ne soutenait pas Imamolu. Imamoğlu n'a alors pas été nommé, en partie à cause des ambitions personnelles de Kılıçdaroğlu et en partie à cause des procès en cours contre Imamoğlu. Le procès est en cours depuis fin 2022, lorsque le maire d'Istanbul a été condamné à deux ans et sept mois de prison pour avoir insulté des membres du Conseil électoral suprême de Türkiye. La sentence a fait l'objet d'un appel et a été renvoyée devant une cour d'appel.

Bien que Yavaş bénéficie d'un plus grand soutien public, Imamoğlu reste une figure puissante au centre de la structure du parti. Le débat sur la question de savoir qui représentera le parti aux élections est exacerbé par les ambitions personnelles et le mécontentement parmi les députés et les organisations locales du parti. Le CHP a encore beaucoup de temps avant les prochaines élections, mais s'il veut viser une élection anticipée, les rangs du parti devront se resserrer. Sinon, l'échec de 2023 pourrait se répéter.

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Kemal Kılıçdaroğlu

Les frictions internes au sein du CHP sont également exacerbées par l'influence de l'ancien dirigeant du parti, Kemal Kılıçdaroğlu, qui a accusé les dirigeants actuels de « trahison » et de « falsification » pour avoir choisi Özel, et non lui, comme président lors des derniers congrès du parti. Kılıçdaroğlu, fort de sa grande expérience et toujours soutenu par une certaine partie des membres du CHP, continue d'exercer son influence sur les processus politiques au sein du parti, affectant aussi négativement sa cohésion et sa capacité à combattre l'AKP et Erdoğan. Ainsi, non seulement la popularité de Yavaş, mais aussi « l'ombre de Kılıçdaroğlu » mettront des bâtons dans les roues de l'alliance entre Özel et Imamoğlu.

Qui l'Occident soutiendra-t-il ?

Commentant les querelles politiques au sein du principal parti d'opposition, Mehmet Perinçek, historien et représentant du parti turc « Vatan (patriotique) » en Russie, a déclaré que l'Occident parierait sur le maire d'Istanbul.

Le principal projet des atlantistes en Turquie est Ekrem Imamoğlu. Les forces atlantistes travaillent depuis un certain temps à faire d'Ekrem Imamoğlu le candidat de l'opposition à la présidence de la Turquie. On peut le considérer comme un Saakashvili turc, un Zelenskyy turc ou un Pashinyan turc. Bien sûr, Erdoğan a récemment commencé à mener une politique pro-occidentale et pro-atlantique, par exemple sur la question syrienne et la question ukrainienne, mais lui et son parti ne sont certainement pas sous le contrôle total des atlantistes. Les atlantistes ont besoin d'un président fantoche. C'est Imamoğlu qui remplit ce rôle. C'est pourquoi les forces atlantistes soutiennent sa candidature et le nomment au Parti républicain du peuple », a-t-il déclaré à Vestnik Kavkaza.

L'historien a noté que le CHP a perdu sa mission principale : « Ils l'ont complètement oubliée. Le CHP n'est plus le parti d'Atatürk ». D'autres dirigeants du parti sont également fortement influencés par l'Occident, mais « Imamoğlu est un projet direct des atlantistes ».

Perinçek estime que le président turc en exercice, qui tente de remédier à la situation économique du pays au détriment des bonnes relations, doit être sur ses gardes.

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Erdoğan doit comprendre qu'il ne sera jamais l'homme clé des atlantistes en Turquie. Ceux-ci ont décidé depuis longtemps de se débarrasser d'Erdoğan et ont même tenté de le renverser par un coup d'État militaire. Erdoğan cherche encore des compromis et des relations stratégiques à la porte des atlantistes, mais il n'y parviendra pas. Après les élections présidentielles de 2023, il s'est lancé dans une politique économique complètement pro-occidentale, essayant de surmonter la crise économique avec l'aide des banques et des fonds occidentaux, britanniques et américains. Mais en réalité, les atlantistes ne le soutiennent pas. Erdoğan devrait en tirer la leçon : il n'a pas d'avenir dans le monde atlantiste », déclare M. Perinçek.

L'expert estime que le bon choix pour la Turquie est de se tourner vers l'Eurasie et de se rapprocher de la Russie, de l'Iran, de la Chine et du monde turc. Si Erdoğan cherche des compromis ou des intérêts communs avec l'Occident, cela ne l'aidera pas et Imamoğlu finira par devenir l'homme principal des atlantistes au pouvoir. Erdoğan doit trouver et créer une coopération stratégique qui puisse équilibrer la menace des atlantistes, plutôt que de chercher des compromis avec eux », a conclu M. Perinçek.

Article original de Kamran Gasanov :

https://unitedworldint.com/36359-the-split-within-the-opp...

 

Le rôle de la Russie dans la politique étrangère des États-Unis

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Le rôle de la Russie dans la politique étrangère des États-Unis

Alexander Azadgan

(article datant d'avant les présidentielles américaines de novembre 2024)

Historiquement, l'approche de Donald Trump à l'égard de la Russie a été considérée comme très peu traditionnelle. Il est connu pour remettre en question la pertinence de l'OTAN et pour exprimer son admiration pour le président russe Vladimir Poutine. Au cours de son premier mandat, les États-Unis se sont engagés avec la Russie d'une manière que beaucoup ont jugée (trop) conciliante, notamment en ce qui concerne l'allègement des sanctions et les relations diplomatiques. Cependant, l'administration Trump a imposé plusieurs séries de sanctions à des personnes et des entités russes, notamment en rapport avec la guerre en Ukraine, l'annexion de la Crimée et les allégations d'ingérence de la Russie dans l'élection américaine de 2016.

Maintenant que Trump est de retour à la présidence, sa politique à l'égard de la Russie pourrait suivre un schéma similaire, en équilibrant la confrontation et les tentatives de coopération. Sa priorité sera probablement d'améliorer les relations bilatérales tout en abordant des questions d'intérêt stratégique, telles que la maîtrise des armements et la cybersécurité, surtout si les relations des États-Unis avec l'Europe et l'OTAN restent tendues.

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Maîtrise des armements et diplomatie stratégique

L'une des questions les plus importantes dans les relations américano-russes au cours de la première présidence Trump a été le contrôle des armements. Trump a retiré les États-Unis d'accords clés tels que le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI), en invoquant les violations commises par la Russie. Cependant, il a également signé l'extension du nouveau traité START, qui maintient des limites sur les ogives nucléaires.

Si le président Trump parvient à réintégrer le bureau ovale en 2025 avec un mandat clair du peuple américain, il pourrait chercher à négocier de nouveaux accords de contrôle des armements, en reprenant éventuellement les pourparlers avec la Russie sur les armes nucléaires stratégiques. Tout effort diplomatique serait probablement fondé sur le désir de réduire les tensions nucléaires tout en affirmant les intérêts américains en matière de modernisation des armements.

Alignements géopolitiques et Europe de l'Est

Les politiques du président Trump à l'égard de l'OTAN et de l'Europe de l'Est ont souvent été caractérisées par le scepticisme, avec des appels répétés aux membres de l'OTAN pour qu'ils atteignent les objectifs en matière de dépenses pour la défense. S'il a exprimé son soutien à l'Ukraine contre les incursions russes dans le pays, en particulier après l'annexion de la Crimée par la Russie, sa rhétorique a souvent semblé plus pragmatique, arguant de la nécessité de réduire l'implication des États-Unis dans les conflits à l'étranger.

Mon avis d'expert est qu'en 2025, l'administration Trump ne donnera pas la priorité à une intervention militaire en Europe de l'Est, mais pourrait plutôt se concentrer sur la réduction de la présence militaire américaine, en encourageant l'Europe à adopter une position plus ferme.

Toutefois, nos engagements envers l'OTAN et sa clause de défense collective de l'article 5 pourraient être mis à l'épreuve en fonction de l'évolution des relations avec la Russie.

Cybersécurité et ingérence électorale

Les allégations d'ingérence russe dans les élections américaines, en particulier en 2016, constituent un autre domaine où les tensions entre les États-Unis et la Russie ont été vives. L'administration Trump a fait l'objet d'un examen minutieux pour ses réponses à ces allégations, même si le président Trump a toujours minimisé l'ingérence russe et remis en question les évaluations des services de renseignement.

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Par conséquent, la cybersécurité et la sécurité des élections resteront probablement un thème central promu par les mondialistes néolibéraux à Washington. Alors que Trump continuera à minimiser le rôle de l'ingérence russe, il subira également des pressions pour s'attaquer aux cyberattaques russes, en particulier après l'incident SolarWinds et d'autres piratages majeurs attribués à des acteurs russes.

Énergie et relations économiques

Le président Trump a souvent cherché à positionner les États-Unis comme un grand exportateur d'énergie et a défendu l'indépendance du pétrole et du gaz américains. Dans ce contexte, la rivalité entre les États-Unis et la Russie concernant les ressources énergétiques, en particulier les exportations de gaz naturel vers l'Europe, pourrait s'intensifier. Le président Trump pourrait faire pression en faveur de politiques qui réduisent la dépendance de l'Europe à l'égard des sources d'énergie russes et renforcent la domination énergétique des États-Unis à l'échelle mondiale.

Sur le plan économique, l'administration Trump pourrait envisager des sanctions contre les oligarques russes et les secteurs clés de l'économie russe, en particulier dans les industries de la technologie et de l'énergie, si les tensions s'intensifient. Toutefois, les relations commerciales pourraient être moins importantes, à moins que des conflits spécifiques n'apparaissent.

Conclusions

Bien que la nature exacte de l'agenda 2025 de l'administration Trump à l'égard de la Russie soit spéculative, il est probable qu'il combine la concurrence stratégique avec des efforts de dialogue, en particulier sur le contrôle des armes et la politique énergétique. L'approche historique du président Trump a été celle d'une diplomatie transactionnelle, cherchant à équilibrer les intérêts américains tout en minimisant les confrontations directes, tout en maintenant toujours l'objectif d'obtenir des accords favorables pour les États-Unis.

AVERTISSEMENT : Je ne promeus pas, n'ai jamais promu et ne promouvrai jamais la « propagande » de qui que ce soit. Je suis un critique sur un pied d'égalité et un universitaire américain patriote, financièrement et idéologiquement indépendant à 100%, dont la principale responsabilité académique et l'obligation morale sont de dire la vérité et de sensibiliser le public. En tant que tel, le contenu de TOUS mes messages sur les médias sociaux, mes interviews télévisées, mes conférences, mes podcasts et mes webinaires est présenté UNIQUEMENT comme mon opinion personnelle. Par conséquent, mes opinions ne doivent pas être mal interprétées, mal caractérisées et/ou mal comprises comme une déclaration promouvant (au nom de) TOUTE personne, TOUTE cause politique, TOUTE organisation, TOUT gouvernement et/ou TOUT pays. Toute déclaration contraire est catégoriquement fausse, constitue une déformation des faits et serait considérée comme diffamatoire et calomnieuse, c'est-à-dire comme une diffamation de mon caractère personnel et de ma personnalité publique. Je ne fais qu'exercer mon droit au 1er amendement en tant que fier citoyen américain, à savoir la liberté d'expression et de pensée.

Para bellum ? Oui, mais les guerres ont changé depuis l'époque romaine

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Para bellum ? Oui, mais les guerres ont changé depuis l'époque romaine

Ala de Granha

Source: https://electomagazine.it/para-bellum-gia-ma-le-guerre-so...

Si vis pacem, para bellum. Qui sommes-nous pour contester une maxime latine soudainement redécouverte par des hipsters qui ne parlaient qu'en un jargon anglo-américain entre un « ok », un meeting, un business, un asap et un vocabulaire politically correct ? Le ministre italien de l'éducation, Valditara, réintroduit avec bonheur l'étude du latin au collège, alors faisons mine que les Romains ont toujours eu raison. Et qu'ils n'ont jamais perdu leur empire. Préparons-nous à la guerre. Oui, mais comment ? Pour quelle guerre ?

Une guerre contre les Russes, évidemment. Qui alignent 145 millions d'habitants, un tiers de ceux de l'Europe qu'ils seraient censés occuper selon les euro-dingues. Et avec une économie qui ne parvient pas à boucler les fins de mois, toujours selon les euro-dingues. Sans plus beaucoup d’armes ni de véhicules, selon les récits des journaux italiens et pas seulement italiens.

Cependant, pour nous défendre d'un ennemi sans ressources et sans avenir, nous devrions dépenser 800 milliards d'euros. 30 de plus par an juste pour la partie italienne. Génial, les marchands de la mort exultent.

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Entre-temps, le reste du monde, qui avait non seulement appris mais aussi compris les maximes latines, se prépare à la guerre, mais bien avec conscience que le conflit s'est déplacé, a quitté les champs de bataille et nécessite désormais des armes très différentes. Il est facile de massacrer des Palestiniens et des Houthi sans armes, mais Donald Trump, pour menacer le Canada et les états européens, le Brésil et la Chine, a utilisé des droits de douane, pas des missiles. Et la Chine a répondu ces jours-ci non seulement avec des droits de douane, mais en présentant un vaste plan d'investissements pour relancer l'économie. En commençant, tout comme les États-Unis, par booster le marché intérieur.

Car avec la garantie d'une production industrielle et agricole en grande partie absorbée par ses propres citoyens, on peut relever les défis du commerce international avec plus de chances de succès. Pendant que la désinformation italienne parlait de l'effondrement de la production de blé russe, la Russie établissait de nouveaux records de production de blé et, par conséquent, faisait baisser les prix sur le marché intérieur.

Pendant ce temps, l'Italie achète du blé canadien bourré de glyphosate et les prix augmentent.

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Mais le défi réside dans les technologies, dans la compétitivité des produits industriels, dans la recherche, dans l'innovation. En tenant compte du fait bien patent que l'Europe manque cruellement de matières premières et qu'elle a dès lors besoin de bonnes relations internationales pour les obtenir. Et ce n'est pas exactement le type de relations qu'a créées Macron avec l'Afrique, en somme. Même le renoncement au gaz et au pétrole russes pour se concentrer sur l'énergie nucléaire nécessite des importations d'uranium, sans parler du temps nécessaire pour construire les centrales.

Tous des aspects que les dingues eurocratistes ignorent. Pour eux, il suffit de faire enrichir leurs petits amis qui vendent des armes et de la mort à foison. Quos vult Jupiter perdere, dementat prius. Mais cette maxime-là, ils ne l'ont pas étudiée.

mardi, 18 mars 2025

Syrie: pogroms contre les Alaouites

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Communiqué de presse du Zannekinbond (Flandre)

Syrie: pogroms contre les Alaouites

Source: https://www.facebook.com/search/top?q=zannekinbond

Après des mois de pogroms contre les Alaouites par le nouveau régime syrien, dominé par Hay'at Tahrir al-Sham (HTS) sous la direction d'Al-Jolani, la minorité religieuse a formé des groupes de résistance armés dans la région côtière de Lattaquié et a commencé à riposter. En réponse à la résistance alaouite, le régime djihadiste a envoyé des commandos de la mort dans les zones rurales de la côte syrienne. Des civils alaouites désarmés, y compris des enfants, ont été exécutés, des maisons ont été incendiées. Des rapports indiquent un déplacement massif de population, avec des gens fuyant vers les montagnes et les forêts ou se cachant sur la base militaire russe de Khmeimim pour échapper à la violence des groupes terroristes HTS. Anas Ayrouth, membre du comité créé à la demande d'Al-Jolani pour "préserver la paix civile", a récemment appelé à l'extermination des Alaouites. Les milices HTS vont systématiquement de maison en maison dans les zones alaouites, coupent l'accès à Internet et à l'électricité, commettent des massacres et jettent les corps dans des fosses communes. Dans la ville de Baniyas, où vivaient plus de 20.000 Alaouites, toute la population aurait fui ou été tuée par les militants et leurs voisins sunnites.

La Syrie est dangereusement proche d'une implosion. La région côtière alaouite se transforme en zone de guerre. Le nord-est riche en pétrole est contrôlé par les Kurdes, tandis qu’au sud, la puissante invasion israélienne approche de Damas. HTS est issu du Front Al-Nusra, un groupe terroriste lié à Al-Qaïda qui a également reçu un soutien d'... Israël (livraisons d'armes, soins à des terroristes blessés,...). Il est frappant qu'à ce jour, HTS refuse de traiter Israël comme un ennemi. Cela explique également pourquoi l'Occident impérialiste ferme les yeux sur les brutalités que HTS commet en Syrie contre diverses minorités. L'Occident libéral, qui aime tant parler de "diversité", laisse cette dernière être exterminée en Syrie par le HTS islamiste, un proxy des mondialistes.

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Des milliards d’argent public investis dans l’industrie de guerre…

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Communiqué de presse du Zannekindbond (Flandre)

Des milliards d’argent public investis dans l’industrie de guerre…

Source: https://www.facebook.com/search/top?q=zannekinbond

Alors que le secteur de la santé est sous pression financière, que les retraites menacent de devenir impossibles à financer, que la rénovation des infrastructures coûte des sommes colossales et que la sécurité sociale est fortement amputée,… des milliards d’euros d’argent public sont investis du jour au lendemain dans l’industrie de la défense. Les pays de l’OTAN ont depuis longtemps largement dépassé la Russie en matière de dépenses militaires, et pourtant ils continuent à s’armer. Maintenant que Trump transfère la facture de la sécurité atlantique aux élites européennes et trouve des toutous obéissants auprès de figures comme Theo Francken, l’Union européenne, avec sa cheffesse von der Leyen, mène la charge dans la politique belliciste, avec pas moins de 800 milliards d’euros (!!!) consacrés aux dépenses militaires. Au lieu de diplomatie et de détente, il n’y a que davantage d’armes et d'expansionnisme de l’OTAN. Cependant, la sécurité ne découle pas d’une course à l’armement souhaitée par l’Occident libéral, mais de la coopération, de la diplomatie et d’une nouvelle architecture de sécurité pour l’Europe, Russie comprise. Même en Flandre et en Wallonie, la majorité de la population ne veut pas de cette course aux armements - à laquelle le gouvernement belgiciste de Bart De Wever collabore avidement !

Le moment charnière dans la politique internationale et les rapports de force géopolitiques que nous vivons actuellement démasque l'UE plus que jamais: elle est désormais perçue comme un instrument de l'impérialisme occidental, datant du 20ème siècle. Lorsque nous voyons les élites européennes se fâcher parce que Trump a une stratégie différente de celle des fanatiques libéraux qui crient sans arrêt "slava Ukraini", nous voyons en réalité comment l'aile non-trumpiste de la classe dirigeante occidentale bout de colère. L'UE est un lieu où le secteur libéral du capital monopoliste reste dominant, contrairement aux États-Unis. Mais il n'est jamais correct de choisir un camp au sein de l'impérialisme, de plus, les versants américain et européen de cet impérialisme appartiennent réellement au même camp. Le conflit au sein des élites occidentales ne change rien au fait que l'UE est née de l'atlantisme (le plan Marshall a nécessité l'avènement d'un "marché" européen) et qu'elle a toujours servi d'instrument politique et institutionnel pour maintenir l'Europe divisée en tant que communauté de civilisation, sans accorder aux peuples ni le droit à l'autodétermination ni le droit à la souveraineté et pour garder la classe ouvrière complètement impuissante. Il ne peut y avoir de "réunification sociale" ou de véritable politique de paix dans le cadre de l'UE.

NON à la politique de guerre de l'UE, de l'OTAN et de la Belgique !

Révolution, pas réformisme !

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Freedom Cities: la vision de Trump se transforme-t-elle en dystopie à la Schwab ?

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Freedom Cities: la vision de Trump se transforme-t-elle en dystopie à la Schwab ?

Source: https://opposition24.com/politik/freedom-cities-trumps-vi...

Récemment, Donald Trump a évoqué l'idée de construire de soi-disant « Villes de liberté », de Freedom Cities. Il s'agit de nouvelles villes offrant une grande liberté économique et une souplesse en matières de réglements, villes qui doivent servir de contre-modèle aux centres urbains traditionnels aux États-Unis. Mais que cache ce concept et qui sont les forces motrices derrière lui ?

Qu'est-ce que les Freedom Cities?

L'idée des « Freedom Cities » repose sur une vision de la ville qui serait favorables aux entreprises et axées sur la technologie, avec des réglementations minimales. Selon la Freedom Cities Coalition, ces villes devraient promouvoir l'innovation, créer de nouvelles opportunités économiques et constituer un contrepoids aux réglementations centralisatrices. Le concept s'inspire d'expériences libertaires antérieures, telles que les « Nations start-up » ou les zones économiques spéciales, testées dans diverses régions du monde.

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Peter Thiel et Sam Altman

Les élites technologiques en sont les soutiens

Particulièrement dans la Silicon Valley, il existe des partisans de renom de cette idée. Selon Wired, des investisseurs comme Peter Thiel et Sam Altman, le directeur de DeepAI, sont de fervents défenseurs de tels modèles. Peter Thiel, cofondateur de PayPal et Palantir, ainsi que capital-risqueur reconnu, soutient l'idée des « Freedom Cities » dans le cadre de ses convictions libertaires. Il y voit une opportunité de minimiser les interventions de l'État et de maximiser la liberté d'entreprise, ce qui cadre avec sa critique de longue date à l'encontre de la bureaucratie excessive. Comme nous l'avions déjà évoqué précédemment ("Ne fais confiance à aucun milliardaire: le vampire Peter Thiel démasqué comme informateur du FBI", voir Opposition24.com en date du 19.10.2023), Thiel présente également une facette controversée: il aurait fourni au FBI des informations sur des contacts étrangers et des tentatives de gouvernements étrangers d'infiltrer Silicon Valley. En outre, on rapporte qu'il montre un grand intérêt pour les méthodes de rajeunissement, comme l'infusion de sang d'adolescent, et qu'après sa démission en tant que chancelier autrichien, Sebastian Kurz a obtenu un poste chez Thiel Capital.

Sam Altman, qui, en tant que chef de DeepAI, fait avancer le développement de l'intelligence artificielle, pense que de telles villes pourraient offrir des environnements de test idéaux pour des technologies révolutionnaires comme l'IA, sans que des obstacles réglementaires ne ralentissent les progrès. Des entrepreneurs en crypto-monnaies et d'autres milliardaires de la technologie soutiennent également l'initiative et plaident pour des zones où des technologies innovantes peuvent être testées sans les barrières réglementaires traditionnelles.

Critiques et risques venant du mainstream

Cependant, des préoccupations considérables demeurent. Comme le souligne Heise, l'idée d'environnements pour test non régulés pose des risques pour les droits des consommateurs, les normes de travail et la protection de l'environnement. La vision des « Freedom Cities » pourrait conduire à l'affaiblissement des protections sociales fondamentales et des droits des travailleurs. De plus, la critique souligne que les bénéfices de telles villes se concentreront principalement sur de grandes entreprises et des investisseurs, tandis que le grand public supportera les risques potentiels.

Une allure de Schwab 2.0 et des "villes de 15 minutes"

À quoi ressemblera la réalité dans ces Freedom Cities, où quelques-uns possèdent tout et où presque personne ne possède rien ? Les sujets libres seront-ils heureux d'être délivrés du fardeau de la propriété et de voir tous leurs besoins satisfaits sur place ? Une fois enregistrés, pourraient-ils vivre comme dans l'Hôtel California : « Vous pouvez partir quand vous le souhaitez, mais vous ne pouvez jamais quitter ! ».

«Le secret et les sociétés secrètes» de Georg Simmel et la lutte pour le pouvoir

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«Le secret et les sociétés secrètes» de Georg Simmel et la lutte pour le pouvoir

L'essai du sociologue allemand sur les dynamiques complexes de l'ésotérisme, publié par Aragno dans une nouvelle traduction italienne

par Lello Sciannimanico

Source: https://www.barbadillo.it/119816-il-segreto-e-le-societa-...

download-1.jpegDans Le secret et les sociétés secrètes, Georg Simmel aborde le concept de « secret » d’un point de vue sociologique et philosophique, explorant sa pertinence dans les dynamiques sociales et les structures de pouvoir. L’auteur, l'un des penseurs les plus influents de la sociologie, ne se contente pas de traiter le secret comme un phénomène exclusivement privé ou psychologique, mais l’examine comme un élément fondamental des liens sociaux, de la construction de l’identité et des hiérarchies de pouvoir.

Le texte est structuré en deux parties principales: la première se concentre sur l’analyse du secret en soi, explorant sa nature psychologique et sociale. Simmel en souligne la fonction ambivalente, capable de renforcer les liens de confiance entre ceux qui le partagent, mais aussi génératrice de suspicions et de divisions, créant une frontière subtile entre l'inclus et l'exclus. Le secret, dans cette vision, n'est pas seulement un moyen de protection, mais aussi une manière dont la société se structure, excluant et protégeant simultanément. La seconde partie du livre traite de manière incisive des « sociétés secrètes », ces groupes qui reposent sur des connaissances exclusives, réservées à quelques initiés. Simmel explore le rôle de ces organisations dans le maintien des structures de pouvoir, la création de solidarité entre les membres et l'attrait qu’elles suscitent à travers le mystère et la confidentialité. Les sociétés secrètes deviennent ainsi une lentille privilégiée à travers laquelle observer les dynamiques de pouvoir et d’appartenance qui traversent la société dans son ensemble.

Particulièrement fascinante est l'approche de Simmel concernant la relation entre visibilité et invisibilité, public et privé. Le secret, bien qu'il reste caché, exerce une influence continue sur les structures visibles de la société, créant des espaces de pouvoir, de contrôle et de résistance. Cette dialectique entre ce qui est connu et ce qui est occulté traverse toute la réflexion de l’auteur, faisant de l'œuvre une clé de lecture importante des sociétés contemporaines, tant dans la sphère politique que dans les relations intimes.

Le langage de Simmel, bien que philosophiquement dense, est extrêmement raffiné et incisif, et la traduction restitue fidèlement la richesse de la pensée originelle. Le texte se distingue par sa capacité à mêler sociologie, philosophie et psychologie, offrant une vision complexe et multidimensionnelle du secret, d’où émergent des réflexions qui ne sont en rien obsolètes concernant les structures sociales et politiques du présent.

Le secret et les sociétés secrètes est donc une œuvre d'une rare profondeur, qui continue de susciter des interrogations et des pistes de réflexion sur la nature du pouvoir, des relations sociales et de l’intimité. Un travail qui invite à s'interroger sur le rôle fondamental que joue le secret, avec son pouvoir invisible, dans nos vies sociales, politiques et personnelles. Un texte incontournable pour ceux qui souhaitent comprendre les dynamiques souterraines qui gouvernent les sociétés, tant dans le passé que dans le présent.

Georg Simmel, Il segreto e le società segrete, a cura di Giovanni Balducci e Mauro Cascio, Introduzione di Antonio De Simone, Aragno, Torino 2024 (= Georg Simmel, Le secret et les sociétés secrètes, édition par Giovanni Balducci et Mauro Cascio, introduction d'Antonio De Simone, Aragno, Turin 2024).

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Quatre ou cinq régions de plus pour la paix

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Quatre ou cinq régions de plus pour la paix

Alexandre Douguine

Alexander Douguine voit l’apparition de Poutine à Kouban comme un symbole de la détermination inébranlable de la Russie à avancer vers Soumy, à dicter ses conditions aux États-Unis et à poursuivre un changement de régime en Ukraine aux côtés de...

par Alexander Douguine, Constantin von Hoffmeister, et Arktos Journal.

L’apparition de Poutine à Kouban en uniforme militaire et sa rencontre avec le général Gerasimov, le chef d’état-major, en première ligne démontrent la détermination absolue de la Russie à atteindre les objectifs de l’opération militaire spéciale sans aucun compromis.

C’est un signe de détermination, de volonté, de concentration et de ténacité. En même temps, cela souligne les succès de la Russie dans la libération de la région du Kouban. De plus, Poutine a clairement indiqué que cette libération n'est pas l'étape finale: une zone tampon sera créée, qui pourra s'étendre jusqu'à la région de Soumy, autant que notre compréhension des intérêts nationaux le nécessite. Peut-être l'ensemble de la région de Soumy, ou peut-être un territoire encore plus vaste.

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L’Armée du “Nord”, qui a été déployée progressivement dans la région du Kouban pour permettre sa libération, n’est pas, pour l'essentiel, davantage que de simples troupes de gardes-frontière. C’est tout un front qui s’est formé, a atteint ses objectifs et a infligé une défaite militaire colossale aux Forces armées ukrainiennes, y compris sur le territoire de la région du Kouban. Ces forces ont été concentrées là-bas sans affaiblir le reste de la ligne de front. Elles n'ont pas été redéployées ; plutôt, elles ont été renforcées spécifiquement à cet effet. En d'autres termes, dans cette direction, nous avons une armée prête au combat, bien coordonnée et victorieuse.

Et Poutine, en uniforme militaire, juste à la frontière de la région de Soumy, a montré que la détermination de la Russie à poursuivre l'opération militaire spéciale jusqu'à l'atteinte des objectifs fixés est inébranlable. Intransigeante.

Je crois que les négociations avec l'émissaire spécial de Trump, Witkoff, qui est arrivé à Moscou tout récemment, seront constructives. Nous écouterons la proposition de la partie américaine. Après tout, nous sommes en guerre avec les États-Unis eux-mêmes. Comment ils gèrent leur mandataire, Zelensky, c'est leur affaire interne. L'avis du dit mandataire n'intéresse personne — Poutine l'a dit plusieurs fois. Mais l'opinion des États-Unis nous intéresse car c'est eux que nous combattons.

Si les États-Unis ont l'intention de se diriger vers la paix, nous leur dirons comment nous voyons les choses, et ils nous communiquerons leur propre vision. Cela, en soi, est déjà un développement positif. Qu'ils nous écoutent ou non, Poutine exposera sa position en vue de futures négociations. Et celle-ci restera inchangée: changement de régime en Ukraine et, au minimum, reconnaissance de nos territoires constitutionnels. Mais je crois qu'il y a aussi la question de la libération de quatre ou cinq régions supplémentaires d’Ukraine qui seront alors purgées de la présence nazie.

En résumé, Poutine en uniforme militaire, sur fond de l'avancée de l'armée russe victorieuse, est une sorte de formule, un hiéroglyphe, un symbole de la façon dont les négociations avec les États-Unis seront structurées. Trump, pour sa part, essaie de présenter des arguments solides. Il a repris l'assistance à l'Ukraine, fournissant des renseignements et des armes. Militairement, c'est un mouvement agressif et de forte ampleur, mais politiquement, en l'occurrence, il perd. C'est une erreur — ce n'est pas chaque geste de force qui est en fait une démonstration de puissance. Car Poutine répond par son propre mouvement de force.

Nous avons déjà combattu les États-Unis jusqu'à présent. Mais si Trump veut signaler qu'il a l'intention de se battre plus sérieusement, cela contredit complètement sa propre politique et le conduira dans une impasse. Mais nous sommes prêts à cela. Poutine montre que la Russie est mobilisée, que de nouvelles armées sont en cours de création, que de nouvelles forces se rassemblent. Nous apprenons à nous battre correctement, à avancer, à gagner. Nous restaurons la cohésion nationale et notre esprit combattif.

Et c'est précisément pourquoi l'apparition de Poutine en uniforme militaire dans la région du Kouban est une continuation de sa déclaration précédente selon laquelle la Russie n'a pas encore commencé à se battre sérieusement. Mais maintenant — nous allons commencer.

Le trumpisme, la maladie vénérienne de la droite

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Le trumpisme, la maladie vénérienne de la droite

Claude Bourrinet

Source: https://www.facebook.com/profile.php?id=100002364487528

Comme le wokisme, le trumpisme est le symptôme d’une France, d’une Europe, dépossédées d’elles-mêmes, aliénées, colonisées, acculturées, qui ne conservent d’énergie que le pouvoir dérisoire de choisir leurs maîtres.

Encore là aussi, l’idée qu’il existe un « choix » est une hypothèse, tirée d’un cerveau affaibli : la théorie de l’« État profond » (Deep state) - on devrait plutôt parler de « storytelling », d’histoire de bonne femme, de fantasme conspirationniste lisant l’Histoire comme une série télévisuelle d'entourloupes policières et mafieuses - vient à point pour voiler la réalité toute bête : il y a un État, il s’appelle les États-Unis d’Amérique, il est fédéral, il défend les intérêts d’une nation marchande, productiviste, capitaliste, à vocation messianique et hégémonique, faisant prospérer un complexe industriel hypertrophié.

Qu’il s’agisse donc de Trump ou de Biden, de Kamala Harris ou de J. D. Vance, des Républicains ou des Démocrates, c’est du pareil au même, c’est la même marmite où les peuples du monde se doivent de mijoter avec des petits oignons.

Que, d’un côté, l’Amérique semble (je dis bien : « semble ») abandonner l’Ukraine, et que d’un autre, elle soutienne fermement un État génocidaire quasiment revendiqué comme tel, fanatique et dangereux, pourquoi s’étonner ? Tout simplement, le Proche et le Moyen-Orient sont vitaux pour contrôler la pointe ouest de l’Eurasie, afin d’attaquer l’Iran, d’inquiéter la Russie par le sud, et la Chine, par les régions de l’Asie centrale, tandis que le démantèlement de la Russie, dans l’hypothèse où l’opération ukrainienne aurait réussi, aurait abouti aux mêmes résultats. Il se trouve qu’en Palestine, Israël, surarmé par l’Oncle Sam, est la puissance terrible sur laquelle l’Oncle Sam s’appuie, et qui paraît dominer ses voisins, et que l’Ukraine exsangue ne peut plus mener l’offensive contre Poutine. Il faut donc passer à la vitesse supérieure au Proche-Orient, et réduire la voilure en Europe de l’Est.

Encore est-il nécessaire de se méfier. On voit que les bases militaires américaine géantes déployées en Europe de l’Ouest et de l’Est sont loin d’être démantelées, que la CIA est encore très active, et que les intérêts cruciaux de l’Amérique (conquérir sans cesse des marchés, détruire tous les concurrents, imposer sa « culture » d’épicier agressif) persistent. L’objectif de réduire à merci l’Europe de l’Ouest, tout en la ruinant et en la pillant, a été rempli, mais la "victoire" russe semble contrecarrer l'autre but, qui était de la détruire. Toutefois, cette victoire n'est pas encore acquise : rien ne permet de conclure que la Russie peut s’en tirer, pour sa part, à bon compte. L’empire US a encore de nombreuses cartes en mains, non seulement l’extension de l’Otan (qui ne sera pas démembrée), mais aussi l’existence, y compris en Russie - ou en Serbie -, de classes moyennes corrompues et volontiers transnationales, qui lorgnent vers l’Occident friqué et américanisé. Au fond, l’arme la plus puissante de l’Occident pourrissant est l’argent. Avec lui, on peut tout faire, ou presque.

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Les « négociations » actuelles entre Russes et Américains peuvent s’avérer être un jeu de dupes, si les stratèges russes baissent la garde. Certes, ils ne sont pas la caste politique incompétente, pourrie, inculte et traître, de l’Union européenne, mais Trump, sous des apparences de brute, est un finaud, au cuir épais de businessman aguerri. Il est bien évident qu’un gel des opérations militaires, sans conclusion de paix, comme entre les deux Corées, arrangerait ses affaires. Les négociateurs américains, pour ce faire, pour affaiblir Poutine, malgré ses victoires (qui ne sont cependant pas décisives) ont tout intérêt à s’adresser indirectement à l’opinion russe, en lui faisant miroiter une « paix des braves ». Histoire de gagner du temps, et de reprendre les hostilités dans les dix ans (à moins que les Russes ne rejettent vivement tout cessez-le-feu, ce qui donnerait un prétexte aux Américains de reprendre l'armement de l'Ukraine, et la poursuite du conflit, y compris en y envoyant des troupes otaniennes), car le dessein suprême de l’empire américain, je le répète, et c’est pour lui une tâche vitale, une telle puissance construite à partir d’États différents ne demandant, pour certains, qu’à voler de leurs propres ailes (et c’est bien l’expansion extérieure qui soude ces entités dissemblables), est de détruire ce pôle de résistance qu’est la Russie, de piller ses immenses richesses, de quoi revigorer le capitalisme toxique mondial, et de réduire en esclavage la Chine, tout en éliminant les réfractaires secondaires.

Encore un mot. Le trumpisme m’écœure. Mais là où je suis sur le point de vomir, c’est quand je vois les droitards admirer son modèle politique, complètement étranger à l’Europe traditionnelle, enracinée, avant que l’Occident (dont l’Amérique est l’extension extrême et satanique), avec sa volonté illimité de puissance et son culte du fric, ne l’emporte, au tournant de la Renaissance et de l’émergence de la Raison d’État (salut, Richelieu!) et des sectes délirantes. Certes, sa « lutte » contre le wokisme suffit aux décérébrés pour en faire un héros, quand ce n’est là qu’un jeu de billes dans une cour de récréation. Seuls les benêts se laissent prendre à ces couillonnades, car les jeux d’adultes eux, avec leurs grosses roupettes et les tournantes dans les chiottes, c’est le capitalisme volontiers libertarien, la loi du fric, la domination du puissant sur les faibles, l’empoisonnement de la nature, sa destruction, et cette vulgarité insigne, quasi emblématique, à la Rambo, qui fait passer le cynisme, l’amoralité, la muflerie, l’inculture, la violence, la force brute, les muscles saillants, les grandes gueules, l’esprit (si l’on peut dire) colonialiste, le racisme sous-jacent, le mépris pour les petits, l’imbécile vantardise occidentaliste, pour l’acmé de la « liberté ».

12:41 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, états-unis, donald trump | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 17 mars 2025

Julius Evola et la "Flamma non urens"

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Julius Evola et la Flamma non urens

par Troy Southgate

Source: https://troysouthgate.substack.com/p/julius-evola-and-fla...

JULIUS Evola (1898-1974), dans son ouvrage de 1931, La Tradition Hermétique : Symboles et Enseignements de l'Art Royal, note que:

« Le feu est la vertu propre du principe solaire, non pas le feu du désir, de l'ardeur génératrice ou de la luxure, mais la flamma non urens, le principe immatériel de toute animation. La lumière, en elle-même, est plus étroitement liée au principe féminin, lunaire, comme Sagesse qui, par rapport au [soleil], a la même nature que la lumière que la Lune reflète du principe solaire. » (p.35)

Examinons ce concept en termes quotidiens. Lorsque nous lisons à la lumière d'une petite lampe de chevet placée d'un côté de nous, que ce soit à gauche ou à droite, la page la plus éloignée de la lampe reçoit plus de lumière que celle qui est plus proche de la source lumineuse. Cela, naturellement, est dû à la position de la lumière et à l'effet de l'ombre. Il n'y a rien de particulièrement surprenant dans cette observation, mais la page la plus éclairée peut être utilisée pour illuminer la page qui est moins discernable à l'œil humain. En d'autres termes, la lumière sur la surface de la page plus claire peut être dirigée vers celle qui est moins claire.

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En astronomie, ce processus est connu sous le nom de « lumière cendrée » et se produit lorsque la lumière du soleil se reflète sur la surface de la Terre et éclaire la portion non éclairée de la Lune. Cela signifie que la lumière du soleil est reflétée deux fois: d'abord par la Terre, puis par la Lune. Si l'on imagine que le Soleil est l'ampoule de notre lampe de chevet et que la Terre est la page du livre la plus éloignée, nous pouvons voir que la page moins lumineuse est éclairée de la même manière que la portion non éclairée de la Lune.

Le point d'Evola, pour poursuivre avec ma propre analogie, est que le texte sur la page plus sombre devient essentiellement lisible grâce à la lumière qui se reflète de la surface de ce qui est comparativement plus lumineux. La perspective féminine, dans la vision du monde d'Evola, repose donc sur des considérations matérielles et sa « lumière » du désir humain ne doit pas être comparée à la pureté plus transcendante du principe solaire.

En s'appuyant sur la création artificielle de lumière, d'autre part, l'ampoule à incandescence dans mon exemple est elle-même le résultat de facteurs générateurs et - pour rester cohérent - peut être elle-même décrite comme flamma non urens, ou flamme sans feu.