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jeudi, 15 février 2024

Le conseiller du président hongrois: "Les Etats-Unis ont mis l'Europe à genoux"

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Le conseiller du président hongrois: "Les Etats-Unis ont mis l'Europe à genoux"

Source: https://zuerst.de/2024/02/14/ungarischer-praesidentenberater-usa-haben-europa-in-die-knie-gezwungen/

Budapest. Un haut responsable politique hongrois a une nouvelle fois critiqué le rôle des Etats-Unis dans le conflit ukrainien, accusant les Européens de se faire les jouets des Etats-Unis. Balász Orbán (qui n'a aucun lien de parenté avec le président Orbán) a récemment déclaré, lors de la présentation de son nouveau livre, que l'attitude des Etats-Unis avait littéralement "mis l'Europe à genoux".

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D'une manière générale, la politique de "blocus" ou la création d'alliances géopolitiques "n'est pas une solution" à la situation actuelle. Elle est également dangereuse pour la Hongrie, qui est membre de l'UE et de l'OTAN, car elle exclut de nombreuses possibilités de développement, a-t-il expliqué. La formation de blocs ne renforce pas non plus les États-Unis, mais accélère les processus de changement dans le monde. Littéralement : "Nous voyons que l'Europe a été fondamentalement mise à genoux par la position des Etats-Unis sur le conflit entre la Russie et l'Ukraine".

Selon lui, cette situation est lourde de conséquences pour la Hongrie, mais aussi pour l'Europe dans son ensemble, car notre sous-continent dépend de ressources extérieures. "Les révolutions industrielles actuelles sont basées sur des technologies qui nécessitent des matières premières qui ne sont pas disponibles en Europe, ce qui rend le continent vulnérable", a déclaré Orbán, qui est conseiller du président hongrois, avant d'ajouter : "La Russie, en revanche, ne s'est pas effondrée, a pu diversifier son économie et a renforcé ses relations avec la Chine".

La Hongrie devrait utiliser sa position de "porte d'entrée vers l'UE et les Balkans" et renforcer sa souveraineté pour réussir économiquement dans les années à venir, a résumé Balász Orbán (mü).

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Les démocrates américains écrasés par le politiquement correct

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Les démocrates américains écrasés par le politiquement correct

Augusto Grandi

Source: https://electomagazine.it/i-dem-usa-schiacciati-dal-polit...

Et si les défenseurs du politiquement correct étaient écrasés par le poids de leur propre idiotie ? Les colonisés d'Italie devraient prêter beaucoup plus d'attention à ce qui se passe chez leurs maîtres américains. En effet, les élections présidentielles de l'automne prochain posent un certain nombre de problèmes liés au respect des règles que les wokes aiment tant imposer. À commencer par la tentative de réélection de Biden.

Mais un démocrate progressiste peut-il écarter un président sortant simplement parce qu'il est vieux et sénile? Le bon sens voudrait que l'on réponde par l'affirmative, notamment parce que la Maison Blanche exporte des guerres dans toutes les parties du monde. Et les guerres requièrent des compétences en matière de gestion. Mais le politiquement correct ne peut accepter la discrimination sur la base de l'âge. Et encore moins sur la base de l'intelligence, car dans ce cas, les politiquement corrects devraient retourner chez eux.

Ils ne peuvent pas non plus espérer un coup de patte qui élimine le président. Dans ce cas, en effet, c'est l'adjointe qui prendrait le relais, cette Kamala Harris qui constitue un problème encore plus grand. Elle est femme, elle est noire : comment la mettre à la porte sous prétexte qu'elle est incapable ? Mais, si elle ne décide pas de partir volontairement, elle est destinée à devenir rapidement le numéro 1, si Biden est réélu. Trop âgé et trop sénile pour espérer vraiment réussir à achever un second mandat.

Mais, à juste titre, même les démocrates les plus politiquement corrects réalisent que Kamala ne peut pas être présidente des États-Unis. Elle représente un danger pour le monde entier, et pas seulement pour les États-Unis.

Que faire alors ? La solution serait simple. Demander à Biden de se retirer, en impliquant son adjoint dans la sortie. Nommer Michelle Obama. Elle aussi femme et noire. Personne ne sait à quel point elle est capable, mais elle est aimée des médias, à commencer par les médias italiens. Cela suffira-t-il ? Peut-être oui, si l'on considère qu'en politique les idées ne comptent plus, mais seulement l'image. Or, à force de ne miser que sur l'image et les médias, Hillary Clinton a dû rester à la maison et Trump est devenu président.

Et puis, pour l'instant, ni Biden ni Kamala ne veulent s'effacer. Peut-être parce qu'il ne comprend pas et parce qu'elle veut marchander sa sortie. Les démocrates, eux, maudissent le politiquement correct.

Les trois moments du péronisme

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Les trois moments du péronisme

Enric Ravello Barber

Source: https://euro-sinergias.blogspot.com/2024/02/los-tres-momentos-del-peronismo.html

Nous remercions Pablo Anzaldi, docteur en sciences politiques et militant péroniste, pour sa collaboration à l'élaboration de cet article.

"Pour ce grand Argentin qui a su conquérir la grande masse du peuple en luttant contre le capital".

Marche péroniste.

La naissance d'une nation

En 1816, la province de Río de la Plata, successeur politique de la vice-royauté espagnole de La Plata, proclame son indépendance. Le nouvel État contrôlait effectivement le centre de l'Argentine, la ville de Buenos Aires, l'Uruguay, mais pas de grandes régions de l'Argentine actuelle telles que El Chaco, La Pampa et encore moins la Patagonie. Le général San Martin était le héros de l'indépendance nationale.

À cette époque, la population argentine d'origine espagnole provenait de quatre points : la ville de Mendoza (qui avait été chilienne), le Paraguay, la vice-royauté du Pérou et le noyau fondateur de la ville de Buenos Aires.

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En 1833, Juan Manuel de Rosas (illustration) lance la "campagne du désert", qui consiste à contrôler efficacement le centre de l'Argentine, qui comptait jusqu'alors une population indienne peu nombreuse et dispersée. Le projet politique de Rosas ne se limitait pas à l'Argentine, mais à la construction d'une grande puissance biocéanique appelée "Provinces unies du Sud", qui inclurait le sud du Brésil, le Paraguay, la Bolivie, le Chili, l'Uruguay et l'Argentine. Bien entendu, le Royaume-Uni n'a laissé aucune chance à ce projet, allant même jusqu'à manœuvrer pour arracher à l'Argentine ce qui est aujourd'hui l'Uruguay et le rendre "indépendant" en tant qu'État.

En 1862, il adopte le nom définitif de République argentine.

Dans les années 1970, le général Julio Argentino Roca (1879) a mené une seconde et définitive campagne de conquête des régions désertiques et a fait de l'Argentine un État moderne avec toutes ses caractéristiques et ses éléments.

Le fascisme argentin des années 1930 a revendiqué le projet des Provinces unies du Sud et s'est inscrit dans la ligne politique de San Martín, Rosas, dans laquelle Perón se reconnaîtra plus tard.

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Entre 1880 et 1892, l'Argentine a été la destination d'une énorme immigration européenne qui a changé à jamais la physionomie du pays, le même phénomène s'étant produit au Portugal et dans le sud du Brésil. Cette immigration était principalement composée d'Italiens, suivis d'Espagnols et, dans une moindre mesure, d'Allemands, d'Irlandais, d'Anglais et de Français. Il s'agissait de la deuxième vague européenne en Argentine ; il y en a eu une troisième, beaucoup plus petite, composée principalement d'Allemands, d'Italiens et de Croates exilés suite à la Seconde Guerre mondiale.

Dans ces années-là, l'Argentine était le pays le plus riche du monde. Nous avons assisté à une véritable explosion, non seulement économique, mais aussi culturelle, philosophique et artistique. Pendant quelques années, Buenos Aires est devenue la première ville de la civilisation européenne.

Cependant, un problème structurel s'est posé dès le départ. La distribution des terres agricoles, après les campagnes de conquête des régions désertiques, avait créé une classe sociale, la dénommée "oligarchie" d'origine créole-espagnole, qui se consacrait à l'exportation de produits agricoles et d'élevage à grande échelle, dans un contexte de libre-échange et avec le Royaume-Uni comme principal acheteur.

Pendant la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle l'Argentine était neutre, les oligarchies se sont enrichies en exportant de la viande et des céréales vers les marchés européens, mais - et c'est là le défaut endémique de l'histoire économique de l'Argentine - elles n'ont fait aucun effort pour industrialiser le pays. L'excédent économique du secteur primaire n'a pas été investi - comme cela se faisait ailleurs dans le monde - dans la création d'un secteur secondaire puissant qui aurait signifié un saut qualitatif pour l'économie nationale.

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Pour mettre fin à la décennie dite infâme, pleine de troubles et de tensions sociales, l'armée a organisé en 1943 un coup d'État militaire, coordonné par ses deux factions internes: les libéraux et les nationalistes. Le gouvernement militaire nomme l'un de ses officiers de l'aile nationaliste, le colonel Juan Domingo Perón, à la tête du ministère du travail et de la guerre, ce qui fait de lui le vice-président de facto. Perón développe une législation à fort contenu social et très favorable au travailleur argentin, ce qui lui vaut de se mettre à dos l'oligarchie en place, elle aussi traditionnellement anglophile, alors que Perón est clairement en faveur des puissances de l'Axe. Un nouveau coup d'État militaire à la fin de l'année 1945 met fin à son gouvernement et Perón est emprisonné.

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Le péronisme classique 1946-1955

Le 17 octobre 1945, connu dans le calendrier péroniste sous le nom de "Jour de la loyauté", une grande manifestation de travailleurs nationalistes argentins aboutit à la libération de Perón. Après quelques mois de réflexion, Perón décide de se présenter aux élections présidentielles de 1946, son adversaire Branden étant soutenu par toutes les forces anti-péronistes du pays et, de façon claire et publique, par l'ambassade des États-Unis. Le slogan électoral choisi par Perón était clairement "Branden ou moi". Le résultat fut de 53,71 % en faveur du général Perón, inaugurant ce que l'on appelle le "péronisme classique" (1946-55). Cette même année, Perón, veuf depuis 1938, épouse une jeune et courageuse idéaliste, Eva Duarte, ancienne actrice en difficulté.

L'action politique de Perón s'articulait autour de trois points qu'il ne manquait pas de répéter comme base de sa conception politique et de son programme de gouvernement

- la souveraineté politique

- l'indépendance économique

- la justice sociale.

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Son épouse, Eva Duarte de Perón, se voit confier les postes de présidente du puissant syndicat national-populaire CGT, de présidente de la Fundación de Ayuda Social, organisation très importante en Argentine à l'époque, et de présidente du Parti des femmes péronistes, poste qui n'est guère plus que symbolique. Son rôle social et politique exceptionnel dans la défense des classes les plus défavorisées, "los descamisados", et sa confrontation avec l'armée, qu'elle préconisait de remplacer par une milice nationale-populaire armée, lui ont valu l'amour et le dévouement de la majorité des Argentins, qui l'appelaient affectueusement Evita, mais aussi l'inimitié de l'oligarchie réactionnaire, qui s'est déchaînée contre son mari.

L'Argentine pleure la mort d'Evita en 1952. La distance de l'Église à l'égard de Perón s'intensifie; elle ne tolère pas le "culte civique" d'Evita, qui, rappelons-le, a joué un rôle décisif dans l'approbation de la loi sur le divorce en Argentine. En 1954, des actes de violence commis par les "commandos civils" ont commencé à éclater dans toute l'Argentine et la synergie entre l'Église et les éléments réactionnaires et libéraux contre Perón s'est intensifiée. Une série de coups d'État échouent et Perón, qui bénéficie encore du soutien de la majorité, est conscient du grand risque d'une guerre civile sanglante. Pour éviter cela, Perón démissionne et part en exil; les conditions, qu'il avait posées, de respecter son héritage politique ne sont pas suivies d'effet par la nouvelle junte militaire libérale au pouvoir.

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L'exil 1956-1973

Son exil marque le début de la deuxième phase du péronisme, qui s'étend de 1955 à son retour triomphal en 1973.

Perón s'exile d'abord au Paraguay, où il est accueilli par son ami Stroessner, mais la proximité de l'Argentine et la connaissance de tentatives d'assassinat par le nouveau gouvernement de la Casa Rosada l'obligent à choisir une autre destination: la République dominicaine. Il y rencontre Isabel, qui deviendra sa troisième épouse et la première femme présidente de la République argentine. Après un bref séjour dans le Venezuela de Marcos Pérez, il s'installe en Espagne en 1960. Franco l'autorise à vivre en Espagne, mais sans jouer aucun rôle politique, ce que Perón fait depuis sa résidence de Puerta de Hierro (Madrid).

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Perón laisse le commandement de la résistance péroniste en Argentine à l'un de ses cadres les plus courageux et les mieux préparés intellectuellement, John William Cooke, un Argentin d'origine irlandaise.  Et c'est là que commence un sérieux problème. Cooke a voyagé à Cuba, a été fasciné par la révolution castriste et s'est déclaré marxiste-léniniste, affirmant que le péronisme devait se muer et réaliser la même révolution marxiste en Argentine, et est également devenu un ami personnel du philosophe français Sartre, pour lequel Perón éprouvait un profond mépris. Perón rejeta catégoriquement cette approche, démit Cooke de ses fonctions et le remplaça par le social-nationaliste Alberto Brito Lima (photo, ci-dessous).

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La dérive de Cooke préfigure le grand problème interne auquel Perón et le péronisme seront confrontés dans les années suivantes. La naissance du mouvement montonero. Il faut être clair et concret. Les Montoneros étaient une organisation criminelle marxiste-léniniste qui prétendait défendre un "péronisme sans Perón" qui n'était en réalité rien d'autre que la stratégie cubaine de création d'une révolution communiste en Argentine. Les Montoneros ont affronté Perón et ont été objectivement alliés aux forces antinationales et antisociales opposées au général. La tension entre Perón et ses fidèles nationaux-populaires et les Montoneros marxistes s'accroît rapidement, un fossé infranchissable les sépare. Les affrontements entre les Montoneros et les organisations nationales-péronistes: la Garde de fer, la Concentration universitaire argentine, le Commandement organisateur et les Montoneros-Lealtad (scission fidèle au général), prennent des allures de guerre civile.

Du retour triomphal au coup d'État des "gorillas" (1973-1976)

Le 20 juin 1973, Perón fait un retour triomphal à Buenos Aires. Avant de quitter Madrid pour retourner à Buenos Aires, il ordonne que l'estrade où il prononcera son premier discours sur le sol argentin soit occupée exclusivement par des partisans péronistes et il oppose son veto à la présence des Montoneros.  Le même jour, les Montoneros tentent de prendre d'assaut la scène pour manipuler la présence de Perón. D'importants affrontements armés opposent les Montoneros aux milices nationales-populaires péronistes, faisant 69 morts et 135 blessés, en grande majorité des Montoneros.

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Pour se venger, les Montoneros assassinent José Ignacio Rucci, le principal dirigeant du syndicat péroniste CGT et la personne en qui le général Perón avait confiance pour poursuivre son travail social et politique national avec sa troisième épouse, Isabel de Perón. Lors des élections présidentielles de 1974, Isabel Martínez de Perón (photo), soutenue par son mari, a remporté 62% des voix et est devenue la première femme présidente de l'Argentine. L'Argentine connaît alors des années difficiles et des violences éclatent. En 1974, Perón signe un document appelé Acta reservada dans lequel il ordonne de combattre les organisations marxistes par tous les moyens nécessaires, en faisant référence aux Montoneros et à l'ERP (1).

Perón meurt le 1er juillet 1974 et l'instabilité et la violence deviennent insupportables. En 1976, le secteur libéral de l'armée - les Gorillas (2) - a organisé un coup d'État et la junte militaire a été formée. La Junte des Gorillas a initié une forte répression anti-péroniste qui ne s'est achevée qu'avec la fin de la dictature en 1981.

Notes:

(1) Ejercito Revolucionario del Pueblo, une organisation terroriste trotskiste qui entretenait de bonnes relations avec les Montoneros.

(2). Gorilla : militaire anti-péroniste, libéral et atlantiste.

Raisa Blommestijn sur la liberté et l'expression en Russie et dans l'Occident libre

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Raisa Blommestijn sur la liberté et l'expression en Russie et dans l'Occident libre

Bron: https://twitter.com/rblommestijn/status/1756661910383047077

Ces derniers jours, on m'a souvent demandé si je ne m'inquiétais pas de la restriction de la liberté d'expression en Russie.

Franchement, je suis bien plus inquiète de la restriction de la liberté d'expression et de l'empiétement de la censure ici aux Pays-Bas et dans d'autres pays de l'ex-"Occident libre".

Dans un État de droit prétendument démocratique, toute personne qui s'exprime contre l'un des récits dominants est "annulée", ce qui peut aller du licenciement immédiat à des mécanismes d'exclusion plus subtils, comme le fait de ne plus être invité par des amis ou des membres de la famille ou de ne pas être pris en considération pour une quelconque promotion.

Et que dire de la nécessité de prendre constamment ses distances par rapport à toute opinion supposée indésirable d'une personne de votre entourage plus ou moins proche. Si vous ne le faites pas, vous risquez à nouveau l'"annulation" - mais, cette fois, pour quelque chose que vous n'avez même pas dit vous-même.

Et puis, bien sûr, il y a le "cadrage". Quiconque ose aller à l'encontre d'un discours dominant, qu'il s'agisse de la guerre en Ukraine, de la covidiotie, du changement climatique, de la propagande trans ou de l'ouverture des frontières, est traité de stupide, de mauviette, de raciste, de nazi ou de marionnette de Poutine.

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L'Union européenne va encore plus loin: la diffusion de "désinformation" (c'est-à-dire tout ce qui va à l'encontre du discours dominant) est freinée. Les plateformes, telles que X, qui veulent préserver la libre circulation de l'information sont menacées d'amendes colossales. Sur des plateformes comme Instagram et YouTube, les posts sont désormais largement supprimés ou font l'objet d'un avertissement.

Tout cela suscite une peur croissante. La peur de dire ce que l'on pense vraiment. La peur de s'élever contre des choses qui ne sont manifestement pas vraies. Et cette peur est un outil puissant pour continuer à forcer tout le monde dans la direction souhaitée.

C'est surtout cela qui me préoccupe. Je m'inquiète de la limitation du libre débat, de la limitation de la liberté d'expression et de la censure qui émerge de plus en plus dans notre pays, dans l'Occident tout entier.

Telle devrait être notre priorité, et non la façon dont Poutine traite les journalistes ou les dissidents.

mercredi, 14 février 2024

L'Occident collectif et autres bagatelles

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L'Occident collectif et autres bagatelles

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/loccidente-collettivo-e-altre-bagatelle/

La géopolitique - enseigne Ernesto Massi - est une science cruelle. Parce qu'elle vous montre la réalité des choses telles qu'elles sont. Sans faux-semblants.

À l'époque où Massi - le dernier grand géopoliticien italien - enseignait et écrivait, la science cruelle, la géopolitique, n'était pas du tout à la mode. Au contraire, il y a encore quelques décennies, elle était taxée de pseudo-science, de science obscure, qui dégageait en outre une odeur sulfureuse de... nazisme.

Aujourd'hui, au contraire, la géopolitique est à la mode. Et nombreux sont ceux qui s'en empiffrent, de manière plus ou moins inappropriée. Des géopoliticiens improvisés et autoproclamés avec des titres académiques d'on ne sait quelle valeur... des journalistes généralement plus au fait des tenues des chanteurs de Sanremo que de concepts tels que l'Ile du Monde ou le Heartland. Des jeunes en goguette qui ont peut-être entendu parler de McKinder et même de Haushofer, mais qui croient probablement que Kjellen est l'avant-centre de l'équipe de la Finlande et Ratzel un golfeur australien...

Mais surtout, le langage plus ou moins charcuté de la science géopolitique commence à imprégner la rhétorique des hommes politiques.

C'est ainsi qu'un président argentin nouvellement élu - jusqu'à hier connu pour ses coups de théâtre, tronçonneuse à la main, et un vocabulaire qui fait passer notre vieux Bossi pour un fin rhéteur (sans parler de l'intelligence politique) - se rend à Jérusalem.

Et là, après avoir été photographié en train de verser de grosses larmes au Mur des Lamentations (ce qui, étant donné que le nôtre est d'origine italienne et n'a même pas une jota de sang juif, devrait être considéré comme une insulte ou une moquerie par un juif pratiquant sincère), il se lance dans des discours à tire-larigot.

Soutien à Israël dans la guerre de Gaza. Evident et patent. Mais ensuite, Milei devient tout théorique, utilisant des catégories (qu'il croit) propres à la géopolitique.

Il parle d'un "Occident collectif". Dont Israël ferait bien sûr partie intégrante... mais ce n'est pas ce qui nous intéresse. C'est plutôt l'affirmation de cette catégorie, que l'on entend depuis un certain temps du haut de plusieurs chaires.

L'Occident collectif. Qu'est-ce que cela signifie ? D'un point de vue purement géographique, cela ne veut rien dire. Le néant absolu.

Parce que déjà le concept d'Occident, purement et simplement, est en lui-même contestable.

Spengler, lorsqu'il parle du "Déclin de l'Occident", se réfère à l'Europe. Dimension, voire Continent spirituel assiégé par les "barbares" triomphants. À l'est, les Russes. À l'ouest, les Américains. Tous deux ne font pas partie de son idée de l'Occident. En fait, ce sont précisément ceux qui sont sur le point de le détruire.

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Bien des années plus tard, Geminello Alvi, un économiste brillant et original, a appelé l'Amérique le Deep West (Estremo Occidente). Ce sont les États-Unis. Différents de notre vieille Europe occidentale... un concept, lui aussi essentiellement culturel, dérivé de la pensée de Rudolf Steiner.

Deux brèves allusions pour dire quelque chose de très simple. Le concept d'"Occident collectif" est une invention tout à fait récente. Il veut rassembler dans une sorte d'unité tout ce qui correspond à des modèles sociaux et politiques précis. Ceux de l'anglosphère. Pour simplifier, ceux voulus à tous les niveaux - politique, social, culturel... - par les élites économiques qui dominent à Wall Street, à la City et dans leurs périphéries. Les camarades de Davos, en quelque sorte.

Des modèles, je tiens à le préciser, qui ne sont pas les nôtres. Mais pas plus que ceux des citoyens américains et britanniques ordinaires. Même avec toutes les différences, historiques et culturelles, qui nous séparent.

Rien à voir, cependant, avec les catégories propres à la géopolitique. Qui se fondent, toujours et uniquement, sur la réalité la plus convaincante. Celle de la géographie. Donc de la nature.

Qu'est-ce donc que cet "Occident collectif"?

Une abstraction qui contient, voire cache, pas mal de choses. Du turbo-capitalisme financier déconnecté de la Richesse des Nations (et rétif aux concepts de nations et de peuples) au malthusianisme idéologique qui veut décimer la population mondiale. D'une conception oligarchique du pouvoir (déguisée en dialectique démocratique) à la culture Woke. C'est-à-dire à la négation de l'histoire et des histoires différentes.

D'un environnementalisme anti-humain (et instrumental) aux prédilections sexuelles des minorités élevées au rang de nouveaux modèles éthiques...

Des bagatelles, en somme. Mais qui nous mènent à l'abattoir.

Pendant ce temps, M. Milei, après Jérusalem, se rend à Rome.

Au Pape François.

L'aumônier du nouvel Occident collectif.

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La société de la transparence (selon Byung-Chul Han) fragmente les vérités

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La société de la transparence (selon Byung-Chul Han) fragmente les vérités

Dans ce contexte, la politique est normalisée, accélérée, la politique elle-même, à l'heure de la globalisation, devient administration.

par Pasquale Ciaccio

Source: https://www.barbadillo.it/112921-la-societa-della-trasparenza-secondo-byung-chul-han-frammenta-le-verita/

La société de la transparence, par Byung-Chul Han

Dans ce court essai de quelque quatre-vingts pages, le philosophe coréen Byumg-Chul Han, qui enseigne la philosophie et les études culturelles à l'Université des arts de Berlin, analyse le système social dans lequel nous vivons. Qu'entend-il par société de la transparence ? Selon l'auteur, une telle société repose sur l'exposition de tous les aspects de la vie sociale, c'est-à-dire le public, qu'il définit comme le "positif" qui abolit la sphère privée, le secret, mais aussi la sphère de l'affectif, c'est-à-dire la souffrance, la douleur, la dépression, qui font partie de l'opposition au positif, c'est-à-dire au "négatif", comme il le définit.

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Dans ce type de société, tout est normalisé, accéléré, la politique elle-même à l'heure de la mondialisation devient une administration. Byung-Chul Han écrit : "Le Parti Pirate (en Allemagne, ndt), en tant que parti de la transparence, poursuit la tendance lourde vers la post-politique, ce qui équivaut à la dépolitisation. Pour lui, nous ne sommes plus en présence d'idéologies mais d'"opinions" qu'il définit dans le sens où elles manquent de pensée, de théorie, c'est-à-dire de négativité. Nous émettons quelques réserves sur cet aspect dans la mesure où un certain type d'idéologie s'impose, comme l'idéologie du genre ou celle qui se réclame de la soi-disant urgence climato-environnementale, par exemple, qui tend à faire passer certaines idées pour des vérités scientifiques dogmatiques, en qualifiant les thèses opposées de désinformation et de mensonge.

Les autres aspects liés au titre du livre sont: la société du positif; la société de l'exposition; la société de l'évidence; la société pornographique; la société de l'accélération; (la société) de l'intimité; de l'information; du dévoilement; du contrôle.

M02130837891-large.jpgPrenons la société pornographique qui a banni l'érotisme, qui suppose un code, une stratégie, voire un secret dans le sens où il n'est pas exposé, pas prouvé. Pour Byung-Chul Han, la différence fondamentale entre l'érotisme et le pornographique est la suivante: "La position érotique d'un corps est précisément celle où le vêtement est entrouvert, où la peau "brille" entre deux bords, entre le gant et la manche". Au contraire, la pornographie est l'exposition continue du corps marchandisé.

Un autre aspect, pour conclure, assez prévalent sinon envahissant est celui de l'information qui, selon Han, "est un langage positivé, opérationnalisé". La caractéristique de ce langage est qu'il est dépourvu de toute forme de vérité, même relative; en effet, la masse d'informations à laquelle nous sommes soumis quotidiennement ne nous aide pas à comprendre les faits.

L'auteur écrit: "La masse d'informations ne produit pas de vérité. Plus l'information est diffusée, moins le monde est intelligible". Les médias sociaux et les moteurs de recherche eux-mêmes, selon Byung-Chul Han, créent un lieu de proximité dans le réseau où la dimension extérieure est comme éliminée. Byung-Chul Han écrit : "Cette proximité numérique ne propose au participant que les fragments du monde qui lui plaisent. Comme pour dire que l'espace public est éliminé en tant que privatisation du monde. Il écrit : "À la dimension publique se substitue la publicisation de la personne. La dimension publique devient un lieu d'exposition".

Pasquale Ciaccio

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Provoquons la Chine !

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Provoquons la Chine !

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2024/02/08/hei-provosoidaan-kiinaa/

La chaîne de télévision taïwanaise TVBS rapporte que des bérets verts américains, destinés à former l'armée taïwanaise, vont être stationnés sur l'île de Kinmen, juste à côté de la ville portuaire chinoise de Xiamen. La patience est une vertu chinoise, mais je me demande combien de temps Pékin va rester les bras croisés face à ce genre de situation.

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Cela va-t-il provoquer une nouvelle crise dans le détroit de Taïwan, comme celle d'août 1958 ? À cette occasion, l'armée de la République populaire de Chine avait répondu au renforcement militaire de Taïwan par un violent barrage d'artillerie sur l'île de Kinmen, qui avait duré treize jours.

La Chine dirigée par Mao a également testé les États-Unis et a continué à tirer sur l'île de Kinmen les jours impairs jusqu'en 1979, les Taïwanais répondant les jours pairs. Après cet épisode, les États-Unis ont rompu leurs relations diplomatiques avec Taïwan et les ont établies avec la Chine continentale.

Washington reconnaît toujours formellement la politique de la "Chine unique", mais continue de fournir des armes au régime rebelle de Taipei et de maintenir le contact avec cette province, qui est devenue une tête de pont pour l'Occident. Par une provocation constante, Pékin cherche apparemment à provoquer une première frappe afin de faire passer la République populaire pour un agresseur agressif.

L'ascension économique et politique de la Chine sous la direction de Xi Jinping, qui critique l'Occident, a été accueillie avec inquiétude en Occident. Washington a parlé d'un "choc des civilisations" et a pris des mesures énergiques pour arrêter la Chine. La guerre commerciale, la course à la technologie et la mise à contribution des scientifiques chinois dans la guerre de l'information menée par l'Occident en sont de sinistres exemples.

La Finlande officielle veut elle aussi "montrer la couleur" et a commencé à critiquer la Chine par l'intermédiaire de ses hommes politiques. Depuis longtemps, des articles négatifs sont publiés dans les journaux et des "documentaires" négatifs sur la Chine sont diffusés à la télévision, de même que des programmes d'actualité qui traitent de la "rupture avec la Chine".

Ce changement d'attitude se reflète également sur le plan culturel. Depuis 2007, Helsinki n'accueille plus d'événement lié au Nouvel An chinois, la situation a donc changé récemment. La Helsinki Events Foundation a annoncé qu'elle n'organiserait plus de célébrations du Nouvel An chinois, la ville ressentant le besoin de "renouveler son portefeuille d'événements".

L'image de l'ennemi de l'Occident de l'OTAN n'y est-elle pas pour quelque chose, la Chine étant le premier "rival stratégique" des États-Unis ? La Finlande, qui est en train de s'auto-détruire, a déjà été un élève modèle embarrassant dans l'UE, avec l'adhésion à l'OTAN et l'accord DCA cherchant à briller dans la promotion des intérêts de la politique étrangère et économique des États-Unis. Avec la Russie, les relations ont déjà été rompues, c'est maintenant au tour de la Chine.

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mardi, 13 février 2024

C'est le néolibéralisme qui est criminel, pas l'État, cher Milei

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C'est le néolibéralisme qui est criminel, pas l'État, cher Milei

Stelio Fergola

Source: https://www.ilprimatonazionale.it/primo-piano/e-il-neoliberismo-ad-essere-criminale-non-certo-lo-stato-caro-milei-274915/

Le néolibéralisme criminel

Rome, 13 fév - Le néolibéralisme criminel accuse l'Etat d'être criminel. Javier Milei ne se ménage pas lors de sa visite en Italie. Au terme d'une journée riche en rencontres (de la Première ministre Giorgia Meloni au Pape François), le président argentin, interviewé par Quarta Repubblica, a professé pour la énième fois son hostilité à pratiquement toute forme d'intervention de l'Etat dans l'économie.

Miléi: "L'Etat est une organisation criminelle"

L'interview sera diffusée ce soir mais promet déjà de faire du bruit. Pas aussi spectaculaire, visuellement, que les scènes de tronçonneuse auxquelles le président argentin s'est livré dans un passé récent, mais en termes d'impact, nous y sommes. Ce que rapporte Ansa est une nouvelle déclaration de guerre à l'économie sociale. "Philosophiquement, je suis un anarcho-capitaliste et j'éprouve donc un profond mépris pour l'État. Je pense que l'État est l'ennemi, je pense que l'État est une association criminelle", déclare Milei. Il ajoute ensuite : "En fait, l'État est une association criminelle dans laquelle un groupe de politiciens se réunit et décide d'utiliser le monopole pour voler les ressources du secteur privé. La méthode de l'État est le vol: chaque fois que vous allez acheter quelque chose quelque part, l'État vous vole par le biais des impôts; par conséquent, l'État vous vole tous les jours".

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C'est le néolibéralisme qui est criminel, et les 30 années passées à le mettre en oeuvre le prouvent pleinement

Il faudrait partir de la loufoquerie avec laquelle Milei radote sur un "État qui vole avec les impôts", alors que - au moins à long terme, pour l'instant en Argentine les proclamations sont bien sûr contraires et on parle surtout de réduction des dépenses publiques - il devra demander beaucoup à ses citoyens. Et pas qu'un peu. La dette extérieure se paie de deux manières: en taxant et en réduisant. Réduire indéfiniment est évidemment impossible, tout comme taxer indéfiniment. Nous, Européens, qui ne connaissons cette situation misérable que depuis quelques décennies, le savons très bien; ils le savent très bien en Amérique du Sud, où la tradition est malheureusement plus ancienne.

Le problème se situe, comme toujours, au niveau de la politique. Bien plus que dans l'économie, comme on l'a fait croire pendant des décennies. Pour mieux dire, l'économie est le reflet du pouvoir politique. Celui de l'Argentine est pratiquement nul, comme celui de la quasi-totalité des pays d'Amérique latine, d'Afrique et même d'Europe depuis trente ans. C'est alors que la "tenue des comptes" devient une priorité car les intérêts usuraires tiennent le pays, quel qu'il soit, sous contrôle (rappelons toujours qu'à Washington, pendant ce temps, il suffit d'une loi du Congrès pour les contourner, pour contourner, je précise, des faits de 2023, pas des faits d'il y a un siècle). Milei dit que l'État est criminel. Mais sa propre patrie a prouvé, pendant la brève période d'autonomie relative qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, que c'était exactement le contraire. Au contraire, l'État est devenu un fardeau lorsqu'il a été écrasé par l'"aide" du Fonds monétaire international, comme c'est souvent le cas dans ce genre de situation.

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Pensez aussi à la crise tunisienne: pourquoi le président Kais Saied s'est-il montré si hostile aux propositions financières des pays occidentaux et du Fonds lui-même? Tout simplement parce qu'il sait très bien qu'accepter des prêts peut signifier ne mettre qu'un frein momentané à la situation et continuer ensuite dans une spirale sans fin d'argent qui ne sera jamais remboursé et qui conduira à une plus grande immixtion sociale.

C'est ce que démontrent les économies mixtes de l'Europe occidentale jusqu'aux années 1990, dont le PIB n'est certes pas comparable à celui des superpuissances, mais qui se caractérisent par une richesse généralisée et un équilibre social sans précédent dans l'histoire de l'humanité. Trente années de politiques néolibérales le démontrent, mais dans un sens négatif, pour l'Italie mais aussi pour l'Europe. Elles n'ont évidemment pas "accompli" le néolibéralisme italien, mais ont progressivement tué l'une des principales puissances industrielles et sociales du monde, la conduisant, par le biais de la vente du secteur public, à la désindustrialisation et à une augmentation disproportionnée de la pauvreté. Voilà pour les mensonges sur l'État criminel.

Stelio Fergola

21:23 Publié dans Actualité, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dette, économie, actualité, néolibéralisme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Digression sur... Arlequin

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Digression sur... Arlequin

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/divagazione-su-arlecchino/

Mi so' Arlechin batòcio, orbo de na recia, e sordo de n'ocio...

Nous sommes en plein carnaval. Et les masques, anciens, classiques, nouveaux, sont nombreux. Seuls quelques-uns sont vraiment emblématiques... Punchinello, Pantalone...

Mais aucun n'est aussi emblématique que lui. Arlequin. Le vrai visage (masqué) de ces fêtes.

Goldoni en a fait un personnage théâtral (et littéraire) extraordinaire, d'abord dans "Arlequin, serviteur de deux maîtres", paradigme du serviteur idiot et preuve de bravoure, même athlétique, pour les différents Arlequins de cette longue tradition qui remonte au grand Ferruccio Soleri. Pour s'arrêter là. Malheureusement.

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Puis, en le transformant en un masque beaucoup plus complexe, cet "Arménien de Bergame", à qui il a taillé sur mesure l'extraordinaire épisode de "La famille de l'antiquaire".

Mais lui, Arlequin, venait de bien plus loin que Goldoni. Et aussi de la Commedia dell'Arte. Où il était entré furtivement, en se superposant à Zuannj, le serviteur idiot qui dérivait directement du Maccus de l'Atellana romaine. Et qui, en fait, était originaire de Bergame. Car c'est de ces vallées que venaient les serviteurs de bas étage, les hommes de peine, des grandes maisons vénitiennes. Et le nom de Giovanni était commun. Zuàn, en dialecte. Zanni ou Zuanni.

Et sot, en vérité, il ne l'était pas. Un personnage inquiétant, plutôt. Avec son masque qui, à bien y regarder, conserve des traits... démoniaques.

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C'était, ou plutôt c'est toujours, un démon, notre Arlequin. Attention: un démon, pas un diable. Ce qui est, si vous voulez, une catégorie tout à fait différente. Lorsqu'il était encore appelé Hallequin en France, il menait la Chevauchée sauvage les nuits d'orage. Un cortège de morts et autres créatures infernales, selon la tradition médiévale. La suite d'Odhin (ou Wotan, ou Wodden) dans le mythe germanique. Un chevalier et un seigneur des ténèbres. Dont la sagesse lui permet de passer du royaume des morts à celui des vivants....

Et, selon la légende, pendant la période du carnaval, en particulier lors des "jours gras", sa cavalcade s'arrête, même si c'est pour une courte durée. Arlequin se promène alors parmi nous. Avec sa cape irisée, sa petite épée au côté, bientôt transformée en bâton, louche ou matraque de bois.

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Borgne et sourd. D'une oreille et d'un œil. Inversé entre les deux. Mais ces déficiences étaient typiques des personnages de l'Antiquité. Du mythe. Voyants, magiciens... Odin lui-même est borgne. Car il a sacrifié un œil en échange de connaissances occultes.

Il parcourt les maisons, les rues, les fêtes. Et tisse des illusions. Des canulars. Qui, uniquement à cause de notre habitude de tout rabaisser à notre (bas) niveau, deviennent les fameuses farces... avec le corollaire : au Carnaval, toutes les blagues comptent...

Mais dans ce très vieux dicton, il y a quelque chose de troublant. Pensez-y : toutes les blagues. Même les plus féroces. Les plus cruelles. Comme peuvent l'être les farces démoniaques d'Arlequin.

Bon carnaval, donc. En espérant ne pas tomber sur... Harlequin.

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Le piège américain à Taïwan

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Le piège américain à Taïwan

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2024/02/13/amerikkalainen-ansa-taiwanissa/

L'ancien ambassadeur de Chine aux États-Unis, Cui Tiankai, a participé à une table ronde sur les perspectives géopolitiques au sein du groupe de réflexion Asia Society Policy Institute à Washington à la fin du mois de janvier.

Il a soulevé la question du statut de Taïwan et du projet américain pour l'île, déclarant que "quelqu'un" essayait de déclencher une guerre dans le détroit de Taïwan. "Nous ne voulons vraiment pas d'une situation où les Chinois s'entretuent", a déclaré M. Cui.

Cui a été le plus ancien ambassadeur de Chine aux États-Unis depuis que les deux pays ont établi des relations diplomatiques en 1979. Il a occupé ce poste pendant huit ans avant de le quitter en 2021.

"M. Cui, qui est aujourd'hui conseiller auprès de l'Institut chinois de politique étrangère, a déclaré lors d'une table ronde que les pays de l'Asie-Pacifique devraient empêcher les tensions dans la région d'atteindre les niveaux de la guerre froide, faute de quoi la région serait confrontée à une "décennie dangereuse".

Il a conclu en mentionnant Taïwan qui, selon le fonctionnaire chinois, s'unira tôt ou tard à sa mère patrie d'une manière qui "servira au mieux les intérêts nationaux de la Chine dans son ensemble".

Taïwan est l'une des plus grandes sources de tension entre Pékin et Washington - la "question la plus sensible" dans les relations entre les deux pays, comme l'a dit le président Xi Jinping à son homologue Joe Biden lors de leur sommet en novembre.

Le 17 août 1982, Pékin et Washington ont annoncé dans un communiqué que les États-Unis chercheraient à réduire progressivement les ventes d'armes à Taïwan. Même cette déclaration formelle avec la Chine n'a pas été respectée et, depuis lors, le flux d'armes vers l'île n'a fait qu'augmenter de façon spectaculaire.

Les États-Unis cherchent à provoquer la Chine par tous les moyens possibles afin de causer des problèmes politiques à leur rivale. La dernière initiative en date est l'envoi par les États-Unis de leurs forces spéciales pour former l'armée taïwanaise à Kinmen et Matsu, deux groupes d'îles situées juste au large du continent chinois.

L'objectif final est probablement une guerre par procuration, similaire à celle qui ravage l'Ukraine : tenter d'amener la Chine à envahir la province rebelle de Taïwan, puis se battre avec le soutien de l'Occident "jusqu'au dernier Taïwanais".

Cette guerre serait un bon prétexte pour confisquer les réserves de dollars de la Chine, annuler la dette américaine envers la Chine et imposer des sanctions à la Chine afin d'en faire un État paria rejeté par le reste du monde (comme dans le cas de la Russie, une politique de sanctions ne réussirait probablement qu'à détruire les relations de la Chine avec l'Occident).

Le commentaire de Cui Tianka au think tank américain est important, car c'est probablement la première fois qu'un officiel chinois dit tout haut que le plan de guerre contre Taïwan est un piège américain destiné à faire tomber la Chine.

lundi, 12 février 2024

Approche civilisationnelle

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Approche civilisationnelle

Alexandre Douguine

Source: https://www.geopolitika.ru/article/civilizacionnyy-podhod?fbclid=IwAR2PKXcRp-oKPezM0NK4jFCcAPkIUbzIc8tUefUlgFmtR48OLT541yeA1M8

Pour affronter efficacement l'Occident dans la guerre des civilisations que la Russie mène déjà, il faut tenir compte de la hiérarchie des plans.

Le niveau le plus élevé est celui de l'identité :

    - quelle est l'identité de l'ennemi (avec qui sommes-nous en guerre?);

    - quelle est notre propre identité ;

    - quelle est l'identité des autres acteurs civilisationnels?

Nous devons commencer par un tel cartographiage civilisationnel. Et dès ce niveau, nous rencontrons un problème: l'ennemi a pénétré si profondément dans notre propre civilisation qu'il a en partie détourné le contrôle des significations, des structures mentales pour déterminer qui est qui - non seulement de l'extérieur de la Russie, mais aussi de l'intérieur. Par conséquent, nous devons commencer par nettoyer le champ mental, procéder à la souverainisation de la conscience.

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Voici le problème suivant: celui de l'approche dite civilisationnelle. L'ennemi a réussi à imposer aux sciences sociales et humaines russes que l'approche civilisationnelle (russe) est soit fausse, soit marginale, soit facultative. Mais il n'en est rien. Le rejet de l'approche civilisationnelle (spécifiquement russe) ne signifie automatiquement qu'une chose: l'acceptation totale de l'universalité du paradigme de la civilisation occidentale et le consentement au contrôle externe de la conscience de la société russe par ceux avec qui nous sommes en guerre.

En d'autres termes, quiconque remet en question l'approche civilisationnelle devient automatiquement un agent étranger - au sens propre du terme. Peu importe que ce soit intentionnel, stupide ou par inertie. Mais aujourd'hui, il en est ainsi et il n'y a pas d'autre solution. Seule une approche civilisationnelle nous permet de parler d'une conscience publique souveraine, et donc d'une science et d'une éducation souveraines.

C'est le dernier appel pour les sciences humaines russes : soit nous passons rapidement aux positions de l'approche civilisationnelle (Russie = civilisation souveraine), soit nous écrivons notre lettre de démission. Parfois, l'augmentation de la connaissance scientifique se fait par soustraction, et non par addition - si nous soustrayons le non-sens, les algorithmes toxiques, les stratégies épistémologiques subversives, en un mot, le virus libéral de l'occidentalisme.

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Les nationalistes corses dans la rue contre la violence multiculturelle

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Les nationalistes corses dans la rue contre la violence multiculturelle

Peter Logghe

Source : https://www.facebook.com/peter.logghe.94

Il fut un temps où le Mouvement flamand parvenait à faire connaître ses axes de combat à l'attention du grand public par le biais de manifestations, d'actions, d'animations. Cette époque semble révolue, mais ce n'est pas le cas partout en Europe. En Corse, les nationalistes descendent dans la rue pour dénoncer les violences graves commises par des Nord-Africains et réclamer des mesures. Après tout, l'enrichissement multiculturel s'est aussi déchaîné sur cette belle île, avec toutes ses conséquences. En 2015, des pompiers d'Ajaccio ont été attaqués par des "jeunes" d'origine nord-africaine. Deux ans plus tard, des Nord-Africains ont décidé qu'une partie de la côte de Sisco leur appartenait, ce qui a donné lieu à une rixe massive avec des jeunes de la région.

Le 5 janvier, à Furiani, un jeune Corse a été agressé par des "jeunes", tous maghrébins selon les témoins. Selon le procureur, il ne s'agit "que d'une rixe qui a dégénéré" et les quatre auteurs ont été relâchés. Il n'y avait rien de raciste, c'était un malentendu ou quelque chose comme ça. C'est ce qu'a cru le tribunal. Plusieurs centaines de Corses en savaient quelque chose et se sont rassemblés pacifiquement le 13 janvier dans un quartier populaire de Bastia, dans le Paese Novu.

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Les nationalistes ne veulent pas de la violence multiculturelle, ne veulent pas du trafic de drogue

Le slogan, qui a résonné tout au long de la manifestation, ne manque pas de clarté : "Racailles fora" - ou "Racailles dehors". Deux organisations, qui ont appelé à la manifestation, appartiennent au camp nationaliste: Core in Fronte, qui voit dans les violences la conséquence d'une "fragmentation ethnique de la société corse", et le PNC (Parti de la Nation Corse), qui affirme quant à lui que "la société corse est menacée dans son existence et dans ses valeurs culturelles et autres".

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En particulier, un nouveau mouvement, le Palatinu, semble attirer les jeunes nationalistes corses. Il a été fondé par Nicolas Battini en 2021. "Nous avons rompu avec les vieux nationalistes qui sont devenus des bourgeois gauchistes et qui qualifient toute revendication identitaire comme étant d''extrême droite'. Imaginez un instant: le maire de Bastia a adopté l'idéologie du genre, le langage inclusif et a organisé la première Gay Pride en Corse. Et en effet, cette Gay Pride n'a rassemblé que quelques centaines de personnes, pour la plupart des touristes venus de France continentale.

La Corse est touchée par une vague de criminalité liée à la drogue, qui se traduit par une insécurité croissante sur cette belle île de vacances. Les nationalistes corses relèvent le défi et descendent dans la rue. Un bel exemple qui fait chaud au cœur.

L'Occident contre l'Occident

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L'Occident contre l'Occident

par Franco Cardini

Source : Franco Cardini & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/l-occidente-contro-l-occidente

"Le véritable dommage qui menace la civilisation ne vient pas de l'Est mais de l'extrême Occident". Telle est, en résumé, la thèse avancée non seulement par moi dans La deriva dell'Occidente (Laterza 2023), mais aussi et surtout par Emmanuel Todd dans La défaite de l'Occident (Gallimard 2024), d'une manière beaucoup plus autorisée et radicale.

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Je voudrais cependant signaler que la phrase d'ouverture de ces quelques notes est citée dans un essai de Luciano Canfora, La schiavitù del capitale (il Mulino, 2017), toujours aussi lucide: elle appartient à Isaac Kadmi-Cohen (1892-1954) (photo), qui souligne comment, déjà au lendemain de la Première Guerre mondiale, avait été lancé, de la part des États-Unis en particulier, un projet "aussi intelligent que répugnant [...] de ruiner l'Europe et de la coloniser".

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Tout cela revient de manière différente et encore plus convaincante dans le dernier livre du chrétien franco-libanais Amin Maalouf, Le Labyrinthe des égarés. L'Occident et ses adversaires (Grasset 2023), où les quatre ennemis de ce qu'il continue d'appeler "l'Occident" sont, dans l'ordre chronologique, le Japon de l'ère Meji, l'Union soviétique, la Chine d'aujourd'hui et enfin les Etats-Unis. Nous pouvons en déduire que Maalouf continue d'utiliser le terme "Occident" comme Spengler l'utilisait (donc comme synonyme d'Europe), mais qu'il converge avec l'opinion de Kadmi-Cohen selon laquelle le véritable ennemi de notre civilisation est "l'extrême Occident", c'est-à-dire précisément les États-Unis et leur zone de soutien immédiate, la soi-disant "anglosphère".

En revanche, le véritable ennemi de l'Europe a été historiquement, de manière graduelle mais progressive, depuis le début de l'ère moderne, l'Europe elle-même lorsqu'elle s'est proposée comme "Occident moderne" en rompant l'équilibre d'un monde antérieur caractérisé par des civilisations qui n'étaient pas totalement ouvertes les unes aux autres et en initiant l'économie-monde, donc la mondialisation, tout en choisissant de plus en plus irrévocablement l'individualisme, la volonté de puissance et le processus de sécularisation comme principales forces motrices.

Au vu de tout cela, entre le 16ème et le 20ème siècle, l'Europe, prétendant apporter au reste du monde son progrès, sa foi religieuse, sa civilisation et avec elle la paix, a en fait organisé un colossal système d'asservissement des autres continents et de destruction progressive de leurs civilisations respectives.

Maalouf choisit comme exemple, parmi des milliers, un épisode (rapporté dans son livre, pp. 199-201) pour préciser ce que fut la réalité des choses, occultée par les Européens sous couvert de relations commerciales pacifiques mais déjà, par exemple, par les Chinois à la fin du 18ème siècle, révélée et dénoncée dans sa brutale réalité.

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En septembre 1793, le "fils du ciel" Qianlung de la dynastie mandchoue des Qing fête ses 82 ans. Le roi George III d'Angleterre juge bon de lui envoyer un ambassadeur pour lui présenter ses meilleurs vœux de longue vie; à cette occasion, le diplomate doit proposer à l'empereur chinois une collaboration commerciale toujours plus étroite, ce qui implique d'ouvrir davantage ses ports aux navires britanniques. Lord George Macartney, qui avait déjà une certaine expérience de l'Asie, du moins de l'Inde, fut choisi pour mener à bien cette mission.

En tant que représentant de la plus grande puissance navale du monde, Macartney estime qu'une certaine nonchalance déférente suffit pour être reçu à la cour de Pékin: il apporte de riches cadeaux, et il estime que cela suffit pour croire que le représentant du roi d'Angleterre peut être exempté du rite des neuf prosternations devant le trône du Fils du Ciel.

Mais Qianlung était d'un autre avis. Non seulement il le traite avec dédain en l'obligeant à lui rendre l'hommage qui lui est dû, mais il adresse même au roi George un long et sévère avertissement écrit: "Notre Empire céleste possède à l'intérieur de ses frontières toutes sortes de biens en abondance et ne manque de rien. Il n'a donc pas besoin d'importer de l'extérieur les choses que les barbares produisent. Néanmoins, comme le thé, la soie et la porcelaine sont des produits de première nécessité pour les Européens, nous avons, en signe de faveur, permis à des groupes de marchands européens de s'installer à Canton, afin que vos besoins soient satisfaits et que votre pays reçoive sa part des marchandises que nous produisons. Mais votre ambassadeur vient de formuler de nouvelles revendications qui méconnaissent totalement le principe par lequel Nous avons résolu d'accorder le même traitement bienveillant à tous les étrangers. Votre Angleterre n'est pas le seul pays qui fasse du commerce à Canton. Si d'autres pays, suivant votre mauvais exemple, commençaient à nous troubler les oreilles par des revendications insensées, comment pourrions-nous continuer à les traiter avec la même indulgence ? Néanmoins, n'oublions pas que vous venez d'une île lointaine, isolée du reste du monde par une vaste étendue d'eaux marines, ce qui excuse votre ignorance des coutumes du Céleste Empire. En conséquence, nous avons chargé nos ministres de le faire savoir à votre ambassadeur...".

Deux cultures, deux systèmes mentaux se font face. D'un côté, la tradition, les coutumes, le respect accordé et exigé; de l'autre, l'arrogance du pouvoir matériel, du pouvoir qui naît de la conscience de la supériorité, dont les piliers actuels sont ceux indiqués par Carlo Maria Cipolla, les voiles mobiles qui permettent la navigation océanique et les puissantes bouches de feu capables de faire plier des interlocuteurs certainement dotés d'une culture égale et peut-être même supérieure. À la culture de l'Être, l'Occident n'opposait ni Jésus-Christ, ni Platon, ni Aristote, mais la culture de l'Avoir : c'est-à-dire de posséder, d'imposer par la force sa supériorité vantée, de faire fructifier son propre profit.

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Les fruits de ce choc des cultures sont apparus en Chine moins d'un siècle plus tard, lorsque la balance commerciale a basculé du côté des Chinois, qui produisaient en quantité et en qualité des biens de valeur très demandés en Occident. Les Britanniques proposent alors aux Chinois d'exporter ce que, grâce à leur empire indien, ils possèdent en abondance: l'opium, que le gouvernement du Céleste Empire rejette dédaigneusement au motif qu'il causerait d'immenses dommages moraux, économiques et physiques à son peuple. La réponse des puissances européennes - la Grande-Bretagne et la France - fut chrétienne et libérale, comme elles se targuaient de l'être; une agression qui fut suivie de la "guerre de l'opium" déclenchée en 1839 et du début de la destruction de la structure impériale, une porte ouverte à ce qui s'est produit plus tard et que l'Occident officiel blâme en chœur bien qu'il soit contraint d'y faire face: le communisme dans une nouvelle édition et sa puissance mondiale renouvelée.

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Il existe des bibliothèques entières sur tout cela: récemment, la traduction italienne d'un excellent livre de Julia Lovell, The Opium War and the Birth of Modern China (Einaudi 2022), a été publiée. Victor Hugo a écrit que l'agression européenne contre le grand empire hautement civilisé était un pur acte de piraterie et de boucherie. Pour la Chine d'aujourd'hui, cet épisode a marqué l'issue fatale d'une conspiration occidentale visant à détruire la Chine par la drogue et la "diplomatie de la canonnière". Qu'en est-il dans les écoles italiennes du "danger chinois contre la démocratie occidentale"?

Depuis trop longtemps, l'Occident, qui prône la paix, la liberté, le progrès, la fraternité entre les peuples, a semé ce vent dans le monde; nos enfants, enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants de générations de vautours démocratiques éduqués et civilisés, récolteront maintenant la tempête qui se prépare. Et nos gouvernants n'ont pas pu éviter, ils ont même contribué à provoquer la situation que Marco Tarchi définit avec une exactitude désenchantée comme "no way out". Le néo-langage orwellien de nos politiciens libéraux, qui ont préparé la guerre en l'appelant "paix", qui ont organisé des provocations en les appelant "soutien à la démocratie" et des agressions en les appelant "droit à la défense" ou "défense préventive", qui ont ourdi des conspirations putschistes en les appelant "protection de la liberté", est responsable de tout cela.

FC

Jadis, sauveur de l'Europe, bientôt son destructeur?

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Jadis, sauveur de l'Europe, bientôt son destructeur?

Source: https://opposition24.com/politik/vom-retter-europas-zum-zerstoerer/

La Pologne a joué à plusieurs reprises un rôle clé dans la survie des civilisations européennes. Le moment le plus important où la Pologne a "sauvé" l'Europe des Turcs a peut-être eu lieu lors du siège de Vienne en 1683. Dans un effort européen combiné, les troupes du Saint Empire romain germanique et de Pologne se sont réunies pour repousser les Ottomans. Le roi Jan III Sobieski de Pologne a dirigé la Ligue catholique, qui est intervenue au moment crucial de la bataille et a joué un rôle déterminant dans la victoire sur les forces ottomanes et la levée du siège. Cette victoire de la Pologne a marqué un tournant dans l'histoire de l'Europe, car elle a façonné les conditions politiques et culturelles du continent pour des siècles et a effectivement empêché l'avancée ottomane.

Les Polonais n'ont guère tiré bénéfice de leur engagement pour la préservation de l'Occident chrétien. En tant que zone tampon entre la Russie, l'Autriche-Hongrie et la Prusse, puis l'Empire allemand, elle a toujours été divisée entre les grandes puissances et privée de son statut d'État. Cette situation a perduré jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale. Au cours de la guerre, les soldats polonais ont combattu dans différents camps. Les espoirs d'indépendance se sont concrétisés le 11 novembre 1918, peu après l'armistice à l'Ouest. La Pologne retrouva sa souveraineté et Józef Piłsudski devint chef d'État.

Deux ans plus tard, la Pologne battait l'Armée rouge et sauvait l'Europe des Soviétiques, comme on le dit aujourd'hui de manière un peu exagérée.

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Le miracle de la Vistule

La bataille de Varsovie, souvent appelée "Miracle de la Vistule", s'est déroulée du 12 au 25 août 1920 pendant la guerre polono-soviétique. Au cours de cette bataille, l'armée polonaise, commandée par le maréchal Józef Piłsudski et le général Tadeusz Rozwadowski, a vaincu l'Armée rouge dirigée par Mikhaïl Toukhatchevski. La bataille fut décisive car elle permit non seulement de garantir l'indépendance de la Pologne, mais aussi de stopper l'expansion soviétique vers l'ouest et peut-être vers le reste de l'Europe. Elle a peut-être aussi empêché la propagation du bolchevisme en Allemagne et en d'autres pays de l'ouest, et a donc eu une grande importance pour l'orientation politique de l'Europe dans l'entre-deux-guerres.

Le rôle de la Pologne jusqu'à la Seconde Guerre mondiale

A l'approche de la Seconde Guerre mondiale, l'antisémitisme s'est développé au sein de la société et avec le soutien des institutions. Dans les années 1930, une augmentation des boycotts contre les magasins juifs et les universités, qui ont introduit des mesures contre les étudiants juifs, a conduit de nombreux Juifs de l'Est à fuir vers le Reich allemand.

Les différends avec l'Allemagne qui ont conduit à la Seconde Guerre mondiale étaient principalement la demande centrale de révision du Traité de Versailles de 1919, par lequel l'Allemagne avait perdu des territoires après la Première Guerre mondiale, y compris des territoires qui ont contribué à la création de la Pologne indépendante. La demande de restitution de la ville libre de Danzig (Gdańsk) et du corridor polonais qui séparait la Prusse orientale du reste de l'Allemagne a été un élément déclencheur décisif. Comme on le sait, la Pologne a été occupée par l'Allemagne, vaincue, puis "libérée" par les Soviétiques et intégrée au bloc de l'Est. Et elle n'était plus là, la souveraineté qu'elle venait de retrouver.

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La Pologne se prépare à la guerre avec la Russie

Depuis l'effondrement du bloc de l'Est, la Pologne est redevenue souveraine. La méfiance envers l'Allemagne et l'hostilité ouverte envers la Russie sont restées. Qui peut blâmer les Polonais d'avoir cherché à se protéger dans l'OTAN et à rejoindre l'UE ? L'Alliance occidentale traverse actuellement sa crise la plus profonde. La Grande-Bretagne, la Suède, la Finlande et le Danemark ont rejoint les cris de guerre que l'on entendait encore le plus fort en Allemagne.

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Le gouvernement polonais fraîchement élu annule l'une après l'autre les réformes du gouvernement conservateur précédent. Le mariage pour tous et une loi plus libérale sur l'avortement devraient bientôt voir le jour dans la Pologne catholique, comme le souhaite Bruxelles. Le nouveau ministre de la Défense prévoit une guerre contre la Russie, et un appel à la conscription est lancé dans tout le pays pour environ 230.000 personnes. Et la plus grande manœuvre de l'après-guerre est organisée à la frontière avec la Russie, avec une forte participation allemande. En criant si fort à la guerre, on augmente les chances de l'obtenir.

dimanche, 11 février 2024

Convulsions rurales

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Convulsions rurales

par Georges FELTIN-TRACOL

À cinq mois des élections européennes, les campagnes du Vieux Continent s’emballent dans une exaspération variée. Espagnols, Britanniques, Belges, Allemands et Français suivent avec deux à cinq ans de retard la révolte de leurs homologues néerlandais. Ces derniers protestèrent contre les normes administratives, les injonctions officielles et les oukases écologiques punitifs. La Commission européenne a, d’une part, incité à prendre ces mesures et, d’autre part, insisté à ratifier les traités déments de libre-échange au moins disant agricole avéré.

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Depuis bientôt trois semaines, les syndicats majoritaires de l’agriculture hexagonale, productiviste et mécanisée, la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) et les Jeunes Agriculteurs, rencontrent la concurrence non plus de la Confédération paysanne altermondialiste, mais de la Coordination rurale. Dissidence de la FNSEA en 1991 en réaction contre la réforme libre-échangiste de la PAC (Politique agricole commune), la Coordination rurale fusionne avec la FFA (Fédération française de l’Agriculture) dont l’une des figures marquantes fut l’infatigable défenseur de l’enracinement et grand activiste agricole à l’instar d’Henri Dorgères, Alexis Arette. Qu’on se souvienne du magnifique blocus paysan de Paris en 1992 ! Quant au MODEF (Mouvement de défense des exploitants familiaux), proche du PCF, il se met à la remorque des événements…

La présente crise agricole résulte de plus de six décennies d’« industrialisation », de « tertiarisation » et de « bureaucratisation » du secteur primaire. Les agriculteurs sont de nos jours les formidables aventuriers d’une ère moderne finissante. Certains commentateurs voient dans ces manifestations et autres blocages autoroutiers la synthèse des Bonnets rouges bretons de 2013 et des Gilets jaunes de 2018 – 2019, d’où le bonnet jaune porté avec fierté par les mécontents. D’autres y transfèrent leur nostalgie ruraliste et agrarienne alors que le monde agricole est à 100 % urbanisé dans les mentalités. La césure entre les aires rurales et les espaces urbains n’existe plus d’un point de vue psychologique.

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Photo: Jacques Ellul et Bernard Charbonneau

Ce constat, Bernard Charbonneau l’a fait dès 1973 dans son essai Tristes Campagnes (Éditions L’Échappé, coll. « Poche », 2023, 232 p., 12 €). Ami personnel du philosophe anti-technicien Jacques Ellul (1912 – 1994), Bernard Charbonneau (1910 – 1996) reste à l’écart des milieux politiques écologistes. C’est un paradoxe ! Son œuvre riche en essais édifiants constitue une belle somme intellectuelle non-conformiste. Méfiant envers le progrès technique, il clame son amour des patries charnelles. Il regardait d’un œil critique et sceptique l’entrée des écologistes dans l’électoralisme.

Amoureux des paysans du Béarn, des Landes et du Pays Basque, Bernard Charbonneau remarque qu’« autrefois maître de sa terre, le paysan béarnais n’en est plus que l’exploitant provisoire ». Il souligne que « la grande nouveauté de l’après-guerre c’est l’intégration de la campagne dans l’ensemble industriel et urbain, avec pour effet sa transformation en banlieue ». Il note en outre que « nous vivons dans une société qui n’a guère qu’une idée : produire ». Cette course au rendement explique l’endettement des exploitants agricoles, l’extension nécessaire des parcelles au grè des remembrements incessants et l’acquisition, de plus en plus en GAEC (Groupement agricole d’exploitation en commun), de machines automatisées coûteuses. L’introduction de la compétition dans le travail des champs explique le passage du paysan libre au salarié, plus ou moins direct, de l’industrie agro-alimentaire.

Dès 1973, Bernard Charbonneau écrit, visionnaire, qu’« au nom de la rentabilité on détruit l’exploitation familiale de polyculture établie ici depuis des siècles sur sa terre, pour la remplacer par la grande entreprise travaillant pour le marché européen ou mondial. Ou bien on persuade les derniers jeunes de mener un jeu pour lequel ils ne sont pas faits : Dieu – l’Économie – reconnaîtra les siens. Abandonnés dans un désert parsemé de ruines, ils vieilliront dans une angoisse de la faillite, sans pouvoir prendre femme, en attendant le jour où, liquidés par leur tracteur et les hasards de la monoculture, ils devront partir, laissant le nouveau Béarn aux mains de gros propriétaires ou de sociétés étrangères. »

la_fin_des_paysans-631328-264-432.jpgLa « fin des paysans », pour reprendre le titre d’une célèbre enquête du sociologue Henri Mendras en 1967, n’implique toutefois pas la disparition des terroirs. Au contraire, les terres arables conservent toute leur valeur. Elles deviennent plutôt la propriété de multinationales chinoises, indiennes ou moyennes-orientales, car l’agriculture demeure un enjeu crucial pour le maintien de toute communauté politique surtout à un moment où la mondialisation atteint enfin ses limites. L’autosuffisance alimentaire comme d’ailleurs l’autosuffisance énergétique auraient dû être érigées depuis bien longtemps en priorités absolues. Or cela aurait impliqué l’affirmation de l’homme de la terre aux dépens de l’individu de bitume. En fin détracteur du modèle stato-national, Bernard Charbonneau observe que la « modernisation agricole » « a été décrétée d’en haut, en vertu d’un esprit hostile aux particularités, à l’invention et à l’originalité locale, ennemi de tout pays ou patrie ». Ainsi déplore-t-il qu’« un pays, une patrie – je ne dis pas un État-nation - c’est-à-dire un paysage et un style de vie, disparaît ».

Réaliste pessimiste, Bernard Charbonneau estime aussi que « la campagne ne fait pas les révolutions; si elle subit le changement, elle ne favorise guère l’aptitude à le concevoir ». Il faut se défaire de l’envie de voir dans l’actuelle agitation agricole une répétition de la révolte paysanne du Schleswig-Holstein en 1928 - 1932 décrite dans La Ville (1932) d’Ernst von Salomon. Les conditions ne sont guère propices à un tel soulèvement. Il manque aux côtés des agriculteurs des penseurs organiques, des poètes et des artistes authentiques non subventionnés. En effet, dans un récit d’anticipation qui clôt Tristes Campagnes, Bernard Charbonneau rappelle à propos du rôle social de l’art – qu’il ne confond surtout pas avec l’art contemporain ! - qu’« une action révolutionnaire aurait la vertu de lui rendre, comme à la parole, sa dignité. L’art, ou plutôt la pensée vécue jusqu’au sang du cri, serait à nouveau force sociale, créateur de rites et de cérémonies ».

Par leurs actions coups de poing sur les autoroutes et au marché d’intérêt national de Rungis, les adhérents intrépides de la Coordination rurale et des fédérations départementales des exploitants agricoles démontrent cependant leur grand sens de la médiatisation. Hélas ! Ces convulsions rurales actuelles n’empêcheront pas la mort lente des campagnes et leur mutation en zones d’accueil permanent d’une immigration de peuplement en hausse constante. Le cosmopolitisme déteste toute pérennité. La société liquide inonde désormais les campagnes. On assiste en direct à la noyade du monde rural. Qui s’en soucie vraiment ? 

GF-T

 

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 101, mise en ligne le 7 février 2024 sur Radio Méridien Zéro.

L'exercice "Steadfast Defender 2024" de l'OTAN

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L'exercice "Steadfast Defender 2024" de l'OTAN

Un exercice "de seuil" entre une guerre à but limité (Ukraine) et une guerre aux buts illimités, opposant Heartland et Rimland

Irnerio Seminatore

L’exercice et son "sens"

L'exercice militaire de l’OTAN, d’ampleur exceptionnelle et qualifié de « dissuasif », se déroule du mois de février au mois de mai 2024 dans l’aire des pays baltes et de la Pologne. Il est conçu pour  l’hypothèse d’un scénario du pire, une invasion russe. Il a pour but, selon les planificateurs occidentaux, d’adresser un message fort à la Russie, soupçonnée de préparer un plan de conquête de l’Europe centrale et du Nord, jugé inacceptable par les pays européens, l’Otan et les Etats-Unis et vise à l’en dissuader. Medvedev, vice Président du Conseil de Sécurité russe n’a pas tardé à re-dire:  « l’Otan joue avec le feu dans un chemin très dangereux». Dans le même sens, Alexander Grouchko, Vice- Ministre russe des Affaires Étrangères constate « qu’il s’agit d’un retour définitif et irrévocable aux schémas de la guerre froide,…. pour préparer une confrontation avec la Russie ». L’Otan depuis le début de l’opération spéciale russe contre l'Ukraine continue de renforcer sa « présence avancée » sur le flanc oriental par la constitution de quatre groupements tactiques multinationaux en Bulgarie, Hongrie, Roumanie et Slovaquie.

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Par l’importance de son déploiement (90.000 hommes, 1100 véhicules, 133 chars, 50 navires et 80 avions), l’exercice « Steadfast Defender » est articulé en cinq corps d’armées regroupant 31 pays et conçu comme élément d’une préparation à la confrontation contre « un adversaire de taille comparable ». Dans une situation de forte tension internationale il peut être perçu comme un pallier d’escalade et comme le moment tactique d’un affrontement Est-Ouest, symboliquement équivalent au « tercio de piques » d’une corrida tragique, ayant pour conclusion l’estocade finale et mortelle

Assumant, dans l’analyse de ses répercussions, la conception clausewitzienne de la guerre, celle-ci « marque la persistance du commerce politique par d’autres moyens et  détermine, d’un bout à l’autre les opérations et les lignes générales suivant lesquelles les opérations se poursuivent ». Nous considérons pour but politique de ce conflit  l’exigence russe d'interdire l’entrée de l'UkraIne à l’Otan, en proposant la neutralité de ce pays (accords de Minsk I et II), défendre le Donbass et les régions sécessionnistes et russophones, contrôler la Mer Noire). Il nous faudra mettre en lumière « les objectifs militaires qui concrétisent le but politique, cause initiale de la guerre, qui  doivent se plier à la nature des moyens qu'elle emploie » (Clausewitz). Or, « le seul moyen d’arriver au but politique du conflit est de considérer l’anéantissement, total ou partiel, de l’adversaire comme le but de tous les combats » (Clausewitz), car le combat est le fil qui sous-tend toute théorie et toute action partielle.

Dans le même esprit, d’ordre interprétatif, « Steadfast Defender 24», peut être considéré comme une preuve de la volonté des deux parties aux prises, d’ouvrir d’autres zones de conflit à l’affrontement armé (ukrainien), entraînant  dans le « grand embrasement », par une sorte de domino, d’abord des puissances régionales, puis des puissances mondiales, configurant in fine, un antagonisme planétaire entre Heartland et Rimland.

Conflit régional à but limité  ou conflit mondial aux  buts illimités ?

Ainsi l’exercice  « Steadfast Defender »  pourrait être interprété comme ouvrant la voie à deux possibilités :

 - une manœuvre stratégique à but limité et à l’échelle régionale, visant à alléger la pression de la Russie sur l'Ukraine (stratégie directe offensive, Général Beauffre), justifiant au même temps le conflit en cours en Ukraine, par une conception de la stratégie d’action indirecte (Liddell Hart).

- l’entrée dans le profond inconnu d’un conflit mondial aux buts illimités qui, posant comme issue un projet d’alternative hégémonique, dissimule l’option d’une déconnexion de la Russie eurasienne, saignée à blanc, de la Chine continentale et maritime et, en cas d’échec de cette hypothèse, d’un embrasement général et total.

Ce glissement géopolitique  du conflit comporterait un déplacement du centre de gravité de l’affrontement militaire de l’Ouest vers l’Est, de la Russie vers le nord de l’Europe et de la Baltique à la Mer noire, puis encore de la Mer Rouge à l’Indo-Pacifique et aux deux Océans, Pacifique et Atlantique. Se réaliserait après 120 ans la théorie du « Sea Power » à direction anglo-saxonne de Halford J. Mackinder, formulée en 1904, selon laquelle les bases la géopolitique naissante sont résumées en trois expressions: « Qui possède l’Europe de l’Est, possède le Heartland», «Qui possède le Heartland, possède l'Île du monde», « Qui possède l'Île du monde, possède le monde ».

Reprenant l’analyse de l’exercice otanien « Steadfast Defender », la relation entre la stratégie d’approche indirecte à laquelle il se prépare, l’Otan vise à réaliser la concentration maximale de moyens, dans le but de dérouter l’adversaire par une action offensive excentrique (Pays baltes, Pologne). l’Ouest chercherait  à  battre par ailleurs ce même adversaire (la Russie) par une approche directe (Ukraine, où est engagée la force principale ennemie/pôle de combat). Bien avant ces mesures, l’action militaire de l’Otan a joué un rôle important mais d’arrière, car ses objectifs ont été intégrés aux actions combinées, politiques et diplomatiques, selon les indications de la diplomatie coercitive de Thomas Schelling (photo, ci-dessous).

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L’adoption d’une série de sanctions économiques, énergétiques et financières correspondaient, en leur pur concept, au pôle clausewitzien de la non-guerre. Un rôle particulier serait joué par les actions culturelles et médiatiques, visant les consensus au conflit et sa tenue dans la durée. Pour mieux préciser le sens de la manœuvre politique à portée globale, les objectifs d’alternative hégémonique (contre les régimes autocratiques de Chine, Russie, Iran et éventuellement Inde) configurent une guerre illimitée en raison des motivations d’ordre général (valeurs, systèmes politiques, régimes de gouvernement, hiérarchie de puissance, rivalités géopolitiques), s’étalent sur plusieurs théâtres (Golfe, Indo-Pacifique et Extrême Orient) et poursuivent un changement de la « Balance of Power » mondiale favorable à l’Occident.

Dans cette esquisse d’une fiction de conflit global, l’opération spéciale d'Ukraine et la manœuvre de préparation « dissuasive » dans les pays du Nord Europe ne seraient que des options de posture stratégique d’offensive-défensive, comparés aux  dynamiques plus générales d’une guerre de haute intensité et de grandes dimensions. En termes de perspective historique, les enjeux européens du conflit conduiraient à l’anéantissement politique de l’Europe et à une grande dépression spirituelle de sa civilisation ou encore à la restriction du vieux continent à un « status-quo » de soumission extérieure. La gravité de la situation actuelle trouve sa confirmation dans le réarmement de l’Allemagne, de la France et du Royaume Unis, en vue d’un conflit de haute intensité en Europe pour le moyen ou le long terme (de 5 à 10 ans). Une validation complémentaire est celle d’un resserrement des alliances militaires et des accords de coopération militaires dans le monde, en Europe et dans l’Atlantique Nord dans l’Otan, dans la zone du Pacifique avec l’Aukus. Les justifications ou les références justificatives, d’ordre théorique, se trouvent chez les historiens et politistes classiques, pour la défense de thèses et propositions diverses comme Haushofer, Mackinder, Spykman, Colin Gray et Fuller.

Irnerio Seminatore,

Bruxelles 8 février 2024.

Eva Vlaardingerbroek: quelques réflexions sur les déclarations de Poutine sur l'histoire et la géopolitique russes dans son interview avec Tucker Carlson

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Eva Vlaardingerbroek: quelques réflexions sur les déclarations de Poutine sur l'histoire et la géopolitique russes dans son interview avec Tucker Carlson

Source : https://twitter.com/EvaVlaar

Le récit d'une durée de 30 minutes que prononça Poutine sur l'histoire de la Russie était incroyablement intéressant, non seulement en raison de sa pertinence politique actuelle, mais surtout parce qu'il met directement en évidence le fait qu'aucun dirigeant occidental ne pourrait aujourd'hui donner un récit historique aussi détaillé de sa propre nation comme l'a fait Poutine.

Les Occidentaux n'ont plus aucune idée de qui ils sont. Nous n'avons aucune idée de notre propre histoire. Pourquoi le ferions-nous ? Elle a été activement supprimée et rejetée. En fait, la seule chose dont nos "dirigeants" politiques actuels s'enorgueillissent est le rejet de notre "histoire rétrograde". Lorsqu'on leur demande ce qu'est l'Occident, la plupart des gens répètent un cliché selon lequel nous avons dépassé notre barbarie nationaliste pour devenir des "sociétés démocratiques libérales" éclairées. 

C'est ironique car, comme l'a confirmé une fois de plus l'interview de Poutine, la "démocratie libérale" en Occident n'est qu'une illusion. L'actuel président des États-Unis étant indéniablement sénile, cela ne pourrait pas être plus évident. Nos chefs de gouvernement - et a fortiori nos représentants parlementaires - ne sont pas ceux qui tirent les ficelles, mais cette évidence ne suscite pas l'indignation que l'on pourrait attendre. La plupart des gens se contentent de jouer le jeu, même s'ils savent que l'empereur est nu. Pour certains, c'est peut-être parce qu'ils ne savent pas par où commencer ou qu'il y a un certain niveau de dissonance cognitive et qu'ils ne veulent pas affronter la vérité, mais il y a beaucoup de gens qui ont subi un tel lavage de cerveau qu'ils ne se rendent pas compte qu'ils sont des pions dans une pièce de théâtre mondialiste.

Dans ce dernier cas, le lavage de cerveau a été si efficace que quiconque tente de leur dire qu'on leur ment est automatiquement taxé de théoricien du complot. C'est presque comme une réponse immunitaire: la menace est immédiatement et automatiquement localisée et neutralisée. Ces pions sont les plus utiles. Comme l'a dit Goethe: le meilleur esclave est celui qui se croit libre.

Revenons à la guerre entre la Russie et l'Ukraine: vous pouvez détester Poutine autant que vous voulez, mais il est indéniable qu'il est là pour son propre peuple. Il est là pour la Russie et il a une idée claire de ce qu'est la Russie et de ce qu'elle représente. Et la vraie question est de savoir qui sont ceux qui ont provoqué cette guerre en sachant que la CIA était derrière le changement de régime ukrainien en 2014 et qu'un accord de paix a été conclu en 2022, mais rejeté à la dernière minute à cause de l'ingérence de Boris Johnson ? La Russie est-elle vraiment l'agresseur expansionniste que l'on dit d'elle, ou l'ours a-t-il été piqué trop souvent ?

Une chose est sûre : il s'agit d'une interview historique, dont on parlera pendant de nombreuses années et qui, espérons-le, contribuera à la désescalade de ce conflit. Merci, Tucker Carlson.

samedi, 10 février 2024

IA : la tentation transhumaniste

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IA : la tentation transhumaniste

Karl Richter

Source: https://www.facebook.com/karl.richter.798

Ce que l'on appelle l'intelligence artificielle (IA) commence à peine à envahir notre monde du travail, mais aussi tous les autres domaines de notre vie quotidienne. Nous ne parlons encore que de programmes vocaux de plus en plus sophistiqués - c'est-à-dire de robots textuels comme ChatGPT ou "Alexa" d'Amazon - et de générateurs d'images comme Image Creator, Midjourney ou Leonardo. Mais comme le développement est exponentiel à l'ère du numérique, l'IA deviendra de plus en plus puissante dans un avenir proche, effectuera de plus en plus de tâches jusqu'ici réservées à l'intelligence humaine et se rapprochera encore plus de nous, au sens littéral du terme. L'assistant vocal d'Amazon, Alexa, et une foule d'appareils ménagers "intelligents" nous indiquent la direction à prendre. Nous nous entourons d'un cocon de plus en plus dense de vampires de données numériques qui ne font rien de moins que de s'emparer de notre identité.

Il ne faut pas oublier que tout cela n'a rien à voir avec "l'intelligence", c'est-à-dire la compréhension de relations complexes. En réalité, il ne s'agit que de processus complexes de calcul (algorithmes) qui reposent sur la probabilité avec laquelle, par exemple, un mot donné est suivi d'un autre dans le flux de texte, ou avec laquelle certains éléments structurels sont associés les uns aux autres dans la structure des graphiques ou des images. L'IA "apprend" ces probabilités mathématiques au fur et à mesure de son optimisation, pour finalement fournir, après un nombre infini d'heures de travail, des résultats qui doivent se rapprocher le plus possible des opérations du cerveau humain, c'est-à-dire de la pensée. On peut s'attendre à des améliorations drastiques des performances dans ce domaine à l'avenir.

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Un autre aspect important, que l'on perd facilement de vue, est que tous les petits "bots", qu'il s'agisse de programmes de texte, de dialogue ou de graphisme, font partie de l'agenda transhumaniste. En fin de compte, il s'agit de rendre le cerveau humain "lisible" pour les ordinateurs et de pouvoir transférer des données dans les deux sens - du cerveau à l'ordinateur (ou aux supports de stockage), mais aussi de l'ordinateur au cerveau, par exemple au moyen d'une puce implantée. Des fichiers d'images et de textes calculés à grands frais pourraient un jour devenir le support intermédiaire décisif. L'objectif final est - outre la possibilité de contrôle total de l'humanité - la possibilité de mémoriser la conscience humaine, afin de la rendre indépendante de son existence physique et finalement immortelle. Hollywood en parle depuis de nombreuses années, et des intervenants tels que le journaliste israélien Yuval Harari ("Homo Deus", 2017), qui est également un invité apprécié du Forum économique mondial de Klaus Schwab, font des déclarations sans équivoque à ce sujet.

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L'un des chercheurs les plus en vue dans la recherche de l'"interface homme-machine" est d'ailleurs Elon Musk. Depuis 2017 déjà, il fait étudier, sous l'égide d'une société spécialement créée à cet effet, Neuralink, les possibilités de relier le cerveau humain aux ordinateurs. Il s'agit d'une "interface directe avec le cortex cérébral". En 2020, en pleine année Corona, Musk a présenté au public le prototype de sa puce cérébrale : huit millimètres d'épaisseur, 23 millimètres de diamètre.

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Pour l'implantation de haute précision dans le cerveau, Neuralink a spécialement développé un robot spécial. Officiellement, la puce doit surveiller la santé et, grâce à ses capteurs, donner l'alerte en cas de risque d'infarctus ou d'attaque - pour l'instant. Musk défend depuis longtemps le point de vue visionnaire selon lequel "les hommes devront à l'avenir relier leur cerveau à des ordinateurs afin de pouvoir suivre le rythme de l'intelligence artificielle à venir".

C'est là que la boucle est bouclée. Les programmes d'IA de plus en plus sophistiqués ne vont pas seulement révolutionner notre quotidien et notre monde du travail. Ils seront tôt ou tard capables de communiquer directement avec le cerveau en comprenant son "langage", qui repose sur des calculs et des algorithmes incroyablement nombreux et incroyablement complexes. Des millions d'utilisateurs dans le monde entier contribuent à l'entraînement et à l'optimisation de ces programmes.

Le linguiste et journaliste américain Noam Chomsky évoque un autre aspect dans ce contexte. En mars 2023, il a appelé dans le New York Times à cesser d'appeler les programmes d'IA pertinents "intelligence artificielle", mais plutôt : "(...) appelons-les ce qu'ils sont et ce qu'ils font, des "logiciels de plagiat", car ils ne "créent" rien, mais copient des œuvres existantes d'artistes existants et les modifient au point d'échapper aux lois sur le droit d'auteur de l'auteur. Il s'agit du plus grand vol de propriété intellectuelle depuis l'arrivée des colons européens sur les terres des Amérindiens".

Et : bien sûr, chaque petite image, chaque brouillon, chaque saisie de l'utilisateur reste enregistré par Google, Microsoft et les autres "Grands Frères". En plus de toutes les autres traces de données que chacun laisse chaque jour sur son ordinateur ou son téléphone portable, cela constitue un profil assez significatif des intérêts, des préférences individuelles, en un mot : de la personnalité de l'utilisateur. Bien entendu, les instances de surveillance gouvernementales en tirent profit depuis longtemps, et pas seulement en Chine.

La récompense pour la participation est une belle image de synthèse colorée sans valeur intellectuelle ou politique. C'est déjà bien assez pauvre. Chacun devrait décider jusqu'à quel point il souhaite collaborer avec le moloch de l'IA. L'un dans l'autre, les images et les textes obtenus de manière prétendument "intelligente" sont risqués. Il faut les utiliser de manière réfléchie.

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La Boétie et la servitude volontaire via la crétinisation et les jeux

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La Boétie et la servitude volontaire via la crétinisation et les jeux

Nicolas Bonnal

La Boétie: « Mais cette ruse de tyrans d’abêtir leurs sujets ne se peut pas connaître plus clairement que Cyrus fit envers les Lydiens, après qu’il se fut emparé de Sardis, la maîtresse ville de Lydie, et qu’il eut pris à merci Crésus, ce tant riche roi, et l’eut amené quand et soi: on lui apporta nouvelles que les Sardains s’étaient révoltés; il les eut bientôt réduits sous sa main; mais, ne voulant pas ni mettre à sac une tant belle ville, ni être toujours en peine d’y tenir une armée pour la garder, il s’avisa d’un grand expédient pour s’en assurer: il y établit des bordels, des tavernes et jeux publics, et fit publier une ordonnance que les habitants eussent à en faire état. Il se trouva si bien de cette garnison que jamais depuis contre les Lydiens il ne fallut tirer un coup d’épée ».

Il n’y a pas besoin de théorie de la conspiration. Le peuple n’est pas un gentil innocent, une victime naïve. Le peuple, cette somme d’atomes agglomérés, de « solitudes sans illusions » (Debord) aime naturellement être mené à l’étable ou à l’abattoir. Telle est la leçon de la Boétie qui s’extasie devant la capacité des hommes à s’aplatir devant l’autorité. Idole des libertariens et de Murray Rothbard, l’adolescent s’écœurait lui-même en écrivant ces lignes, en rappelant ces faits:

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« Il n’est pas croyable comme le peuple, dès lors qu’il est assujetti, tombe si soudain en un tel et si profond oubli de la franchise, qu’il n’est pas possible qu’il se réveille pour la ravoir, servant si franchement et tant volontiers qu’on dirait, à le voir, qu’il a non pas perdu sa liberté, mais gagné sa servitude. Il est vrai qu’au commencement on sert contraint et vaincu par la force; mais ceux qui viennent après servent sans regret et font volontiers ce que leurs devanciers avaient fait par contrainte. »

Dostoïevski observe dans sa Maison des morts (qui est plutôt une maison des vivants, son roman le plus drôle) que l’on s’habitue en effet à tout. La Boétie:

 « C’est cela, que les hommes naissant sous le joug, et puis nourris et élevés dans le servage, sans regarder plus avant, se contentent de vivre comme ils sont nés, et ne pensent point avoir autre bien ni autre droit que ce qu’ils ont trouvé, ils prennent pour leur naturel l’état de leur naissance ».

C’est la vraie conspiration dont parle aussi en prison le fasciste non repenti Rebatet: nous nous soumettons au joug de la bagnole, de la salle de bains américaine, des artefacts électroniques. La Boétie explique ensuite comment on développe les jeux, l’esprit ludique, et dans quel but politique :

« Mais cette ruse de tyrans d’abêtir leurs sujets ne se peut pas connaître plus clairement que Cyrus fit envers les Lydiens, après qu’il se fut emparé de Sardis, la maîtresse ville de Lydie, et qu’il eut pris à merci Crésus, ce tant riche roi, et l’eut amené quand et soi : on lui apporta nouvelles que les Sardains s’étaient révoltés ; il les eut bientôt réduits sous sa main ; mais, ne voulant pas ni mettre à sac une tant belle ville, ni être toujours en peine d’y tenir une armée pour la garder, il s’avisa d’un grand expédient pour s’en assurer : il y établit des bordels, des tavernes et jeux publics, et fit publier une ordonnance que les habitants eussent à en faire état. Il se trouva si bien de cette garnison que jamais depuis contre les Lydiens il ne fallut tirer un coup d’épée. Ces pauvres et misérables gens s’amusèrent à inventer toutes sortes de jeux, si bien que les Latins en ont tiré leur mot, et ce que nous appelons passe-temps, ils l’appellent ludi, comme s’ils voulaient dire Lydi».

Les bordels et les tavernes: comptez le nombre de sites porno sur le web pour voir un peu (Snyder parle de quatre millions); et comparez aux sites anti-conspiration. Vous verrez que nous sommes peu de chose. Un milliard de vues pour une chanson de la Gaga, un million de commentaires…

La Boétie dénonce, politiquement incorrect, l’efféminisation des cités et des Etats soumis à la tyrannie. Elle croît avec la société de services qui nous dévirilise.

« Tous les tyrans n’ont pas ainsi déclarés exprès qu’ils voulussent efféminer leurs gens ; mais, pour vrai, ce que celui ordonna formellement et en effet, sous-main ils l’ont pourchassé la plupart… Les théâtres, les jeux, les farces, les spectacles, les gladiateurs, les bêtes étranges, les médailles, les tableaux et autres telles drogueries, c’étaient aux peuples anciens les appâts de la servitude, le prix de leur liberté, les outils de la tyrannie. Ce moyen, cette pratique, ces allèchements avaient les anciens tyrans, pour endormir leurs sujets sous le joug. Ainsi les peuples, rendus sots, trouvent beaux ces passe-temps, amusés d’un vain plaisir, qui leur passait devant les yeux, s’accoutumaient à servir aussi niaisement, mais plus mal, que les petits enfants qui, pour voir les luisantes images des livres enluminés, apprennent à lire. »

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Puis La Boétie compare les méthodes éducatives, et ce n’est pas piqué des vers. Lui aussi promeut et aime Sparte – comme Rousseau et comme d’autres.

« Lycurgue, le policier de Sparte, avait nourri, se dit-on, deux chiens, tous deux frères, tous deux allaités de même lait, l’un engraissé en la cuisine, l’autre accoutumé par les champs au son de la trompe et du huchet, voulant montrer au peuple lacédémonien que les hommes sont tels que la nourriture les fait, mit les deux chiens en plein marché, et entre eux une soupe et un lièvre : l’un courut au plat et l’autre au lièvre. « Toutefois, dit-il, si sont-ils frères ». Donc celui-là, avec ses lois et sa police, nourrit et fit si bien les Lacédémoniens, que chacun d’eux eut plus cher de mourir de mille morts que de reconnaître autre seigneur que le roi et la raison. »

Ensuite La Boétie est encore plus révolutionnaire, il est encore plus provocateur et méprisant pour le populo ; il remarque que, comme sur Facebook, on aime jouer à Big Brother, qu’on aime participer à son propre emprisonnement (empoisonnement) moral et physique – et qu’on paierait même pour. C’est le Panopticon de Bentham à la carte :

« Celui qui vous maîtrise tant n’a que deux yeux, n’a que deux mains, n’a qu’un corps, et n’a autre chose que ce qu’a le moindre homme du grand et infini nombre de nos villes, sinon que l’avantage que vous lui faites pour vous détruire. D’où a-t-il pris tant d’yeux, dont il vous épie, si vous ne les lui baillez ? Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne les prend de vous ? Les pieds dont il foule vos cités, d’où les a-t-il, s’ils ne sont des vôtres ? Comment a-t-il aucun pouvoir sur vous, que par vous ? Comment vous oserait-il courir sus, s’il n’avait intelligence avec vous ? Que vous pourrait-il faire, si vous n’étiez receleurs du larron qui vous pille, complices du meurtrier qui vous tue et traîtres à vous-mêmes ? »

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Le citoyen participe à sa propre aliénation. Il est collabo, pas victime. On n’a jamais autant payé d’impôts en Amérique ou en France en 2016. L’Etat n’a jamais été aussi dominateur. Quant au monstre froid européen… No comment.

Mais on en redemande.

Puis le jeune auteur parle des réseaux de la tyrannie qui sont sur une base de six, comme le web (WWW_666, voyez mon livre republié). On pense à Musset et à Lorenzaccio qui eux-mêmes répètent déjà la redoutable antiquité gréco-romaine :

« Toujours il a été que cinq ou six ont eu l’oreille du tyran, et s’y sont approchés d’eux-mêmes, ou bien ont été appelés par lui, pour être les complices de ses cruautés, les compagnons de ses plaisirs, les maquereaux de ses voluptés, et communs aux biens de ses pilleries. Ces six adressent si bien leur chef, qu’il faut, pour la société, qu’il soit méchant, non pas seulement par ses méchancetés, mais encore des leurs. Ces six ont six cents qui profitent sous eux, et font de leurs six cents ce que les six font au tyran. Ces six cents en tiennent sous eux six mille, qu’ils ont élevé en état, auxquels ils font donner ou le gouvernement des provinces, ou le maniement des deniers, afin qu’ils tiennent la main à leur avarice et cruauté et qu’ils l’exécutent quand il sera temps…".

Nicolas Bonnal

Bibliographie:

La Boétie _ Discours sur la servitude volontaire

Nicolas Bonnal – Les grands auteurs et la théorie de la conspiration ; internet et les secrets de la globalisation (amazon.fr)

18:54 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : tyrannie, philosophie, la boétie, nicolas bonnal | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

vendredi, 09 février 2024

Le Tsar parle...

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Le Tsar parle...

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/parla-lo-zar/

Tucker Carlson - l'un des plus grands journalistes américains, pourtant marginalisé aujourd'hui précisément parce qu'il fait son travail et n'obéit pas aux pontes du pouvoir - interviewe nul autre que Vladimir Poutine.

L'interview du siècle, diront certains. Peu, en fait... car pour les grands médias occidentaux, italiens en particulier, c'est comme si rien ne s'était passé. Ce qui est plus important, sans doute, c'est ce John Travolta qui fait la danse du "qua qua". Ou les déclarations de ce chanteur - je crois qu'il se fait appeler Big Mama - sur le fait qu'il est bon d'être "queer"...

Que voulez-vous, c'est l'état de l'information dans nos paradis démocratiques....

Malgré tout, l'interview est parvenue jusqu'à nous. Par le biais des chaînes YouTube, une sorte de samizdat de notre époque.

Et, immédiatement, quelqu'un s'est empressé de dire qu'après tout, Poutine n'avait rien dit de tout cela. Au contraire, tout au long de la première partie, il s'est lancé dans des digressions sur l'histoire russe, ancienne et récente. Puis il s'est limité à quelques observations assez prévisibles sur le présent.

Des digressions... pour moi, franchement, cela a donné une impression assez différente. Car en parlant d'histoire, Poutine a, en fait, expliqué sa vision de la guerre avec l'Ukraine. Laquelle plonge ses racines dans l'histoire complexe de la Russie et de l'Europe. Et aussi parce que Ukraine signifie "frontière". Et c'est là que réside la principale raison du conflit.

Que l'on aime ou que l'on n'aime pas Poutine, c'est un authentique homme d'État. Et sans avoir besoin des "brevets" généreusement accordés par l'anglosphère.

Un homme d'État, l'un des rares sur la scène actuelle.

Et un homme d'État est tel s'il a une vision de la politique, et de la géopolitique, qui va au-delà du moment présent.

Une vision large, capable de lire dans l'Histoire les lignes directrices du destin d'un peuple. Et tenter d'interpréter le moment présent.

Pas si votre regard va au-delà de la GRA.

Attention, il ne s'agit pas ici de faire l'apologie de Poutine. Ni d'épouser sans critique ses positions sur les grandes crises actuelles.

Mais force est de constater que même sur ces dernières, il fait preuve d'une lucidité de vision et d'une cohérence de choix qui n'ont pas d'équivalent chez celui qui devrait être son principal adversaire. Et, bien sûr, je ne parle pas de la marionnette de Kiev, mais de ce grand-père qui, discutant dans le bureau ovale avec des fantômes et des lapins roses imaginaires, attise les conflits dans le monde entier.

Mais revenons à la question de l'histoire.

Un homme d'État, un vrai leader politique - bon ou mauvais, peu importe, pour autant que ces catégories ont un sens... - doit avoir une vision de l'histoire. Et il doit aussi déterminer ses décisions en fonction de celle-ci. Pas seulement en naviguant à vue dans les bas-fonds des contingences.

Étrange, n'est-ce pas ? Seulement pour nous, désormais habitués à des gouvernants qui ne voient pas plus loin que le vingt-sept du mois. Qui ne se soucient même pas de ce qui se passera dans un an. Et qui ignorent totalement le passé. Une ignorance cultivée et complaisante, d'ailleurs.

Une dernière réflexion...

Chaque peuple a le gouvernement et les dirigeants qu'il mérite.

C'est triste. Pour nous.

Finanzcapitalisme : de l'économie réelle à la spéculation financière

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Finanzcapitalisme: de l'économie réelle à la spéculation financière

Ilaria Bifarini

Source: https://ilariabifarini.com/finanzcapitalismo-schiavi-del-debito/

    "De toutes les façons d'organiser la banque, la pire est celle que nous avons aujourd'hui"

    (Sir Mervyn King, ancien gouverneur de la Banque d'Angleterre)

L'une des transformations les plus inhumaines du système capitaliste industriel, fondé à l'origine sur la fabrication et plus généralement la production, est celle du capitalisme financier, dans lequel le pouvoir est concentré dans quelques grandes banques. Les banques ont cessé leur rôle de soutien et de prêt au développement, préférant investir dans des produits financiers qui génèrent plus de capital, dans un système autoréférentiel où les profits proviennent de la spéculation, sans passer par le travail et la production.

Le système capitaliste a déplacé l'axe de l'économie réelle vers l'économie financière et, pire encore, vers la spéculation qui l'accompagne, à tel point qu'il a été rebaptisé "capitalisme financier" ou "capitalisme ultra-financier".

Orientée vers la maximisation du profit à partir de l'argent lui-même, la richesse n'y passe pas par la production de biens ou de services, et il n'y a pas non plus de plan de redistribution entre les travailleurs et les consommateurs, mais seulement une centralisation dans les mains de quelques-uns, d'un très petit nombre. Après avoir toujours soutenu l'économie capitaliste, la finance s'est transformée, avec l'avènement du néolibéralisme, de serviteur en maître de l'économie mondiale, l'engloutissant et se reproduisant à une vitesse vertigineuse.

Depuis 1980, le montant des actifs générés par le système financier a dépassé la valeur du PIB de la planète entière. Depuis lors, la course au profit de la finance est devenue si rapide qu'elle a quintuplé l'économie réelle en termes de masse d'actifs en l'espace de trente ans.

Sous la présidence de Bill Clinton, deux étapes ont été franchies pour achever la dérégulation du système financier néolibéral. Avec l'abolition du Glass-Steagall-Act - introduit par Roosevelt l'année suivant la crise de 29 - la séparation entre banques d'investissement et banques d'affaires a été supprimée, ces dernières retrouvant ainsi des concentrations de pouvoir économique.

Dans le même temps, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) a donné le feu vert aux transactions de gré à gré en annulant les règles antérieures, jugées restrictives, sur le contrôle des produits dérivés.

Chaque jour, de nouveaux types de produits dérivés de plus en plus sophistiqués et complexes sont créés et peuvent être négociés de gré à gré, c'est-à-dire en dehors des bourses. S'agissant de titres "transitoires", ils ne répondent pas à l'obligation d'inscription au bilan des banques et échappent aux réglementations sectorielles. En exploitant les failles du système qu'ils ont eux-mêmes générées, les grands groupes financiers ont créé une myriade de sociétés indépendantes auxquelles ils transfèrent des montants importants de capitaux hors bilan, qui deviennent ainsi invisibles. Ces instruments ont les mêmes caractéristiques que l'argent: ils peuvent être revendus plusieurs fois, sont facilement monétisés et échangés sans détenir la propriété de leur sous-jacent. Ainsi, les produits dérivés, mis en circulation en masse par les banques, sont devenus une nouvelle forme de monnaie circulante, qui échappe à l'analyse et rend les interventions de politique monétaire problématiques et inefficaces. C'est le monde de la finance de l'ombre, ce vaste marché parallèle, né au milieu des intrigues du système bancaire international, qui a rendu la masse des produits financiers en circulation gigantesque et incontrôlable.

Une grande partie de ces produits financiers a pour sous-jacent des formes de dettes, comme les hypothèques sur les maisons. Avec un mécanisme pervers, dans lequel l'argent est créé par la dette, on assiste à une forme de spéculation absolue qui n'a rien à voir avec la création de valeur, mais plutôt avec sa destruction.

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Il est clair qu'un système économique basé sur la spéculation découplée de la production et fondé sur l'endettement, tant public que privé, n'est pas viable.

Le paradoxe du capitalisme financier est qu'il trouve son terreau idéal dans le chaos et la pauvreté, puisque c'est précisément la spéculation sur la dette et la souffrance qui est sa sève. Son fonctionnement est régulé par des mécanismes complexes et artificiels basés sur l'application de modèles issus de la physique et de la cybernétique : rien n'est plus éloigné de l'économie réelle.

 

La menace de Trump et la situation critique des pays euro-atlantiques

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La menace de Trump et la situation critique des pays euro-atlantiques

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2024/02/05/trumpin-uhka-ja-euroatlantistien-ahdinko/

Les euro-atlantistes espèrent probablement que le mandat de Joe Biden, 81 ans, en tant que président des États-Unis se poursuivra après les prochaines élections. Les dirigeants européens ont traditionnellement plus de points communs avec les démocrates américains qu'avec les républicains.

Ces espoirs risquent de ne pas se concrétiser. Malgré toutes les accusations judiciaires dont il fait l'objet, Donald Trump, 77 ans, pourrait revenir à la Maison-Blanche et reprendre là où il s'était arrêté lors de son précédent mandat. Peut-être les cercles capitalistes sont-ils heureux qu'un autre vieil homme, "agent du chaos", le fanfaron Trump, mette à bas l'ancien ordre mondial dans notre ère de crises multiples ?

Trump est le premier président américain à traiter ses partenaires européens avec une suspicion ouverte, avec du mépris et même de l'hostilité. Bien sûr, Washington a toujours traité l'Europe de cette manière et exploité ses vassaux transatlantiques à volonté, mais Trump l'a fait plus ouvertement que ses prédécesseurs.

Malgré les attaques rhétoriques de l'ère Trump, la politique étrangère américaine a peu changé, mais les Euro-Atlantiques craignent toujours sa réélection. Encore une fois, on spécule que le retour de Trump augmenterait l'instabilité, ferait le jeu de Poutine et pourrait soulever une nouvelle vague de résistance en Europe pour déstabiliser également les politiques de Bruxelles.

Les experts en politique étrangère et de sécurité soupçonnent qu'au cours de son second mandat, Trump pourrait devenir encore plus hostile à l'Europe et aux "valeurs européennes", ce qui augmenterait considérablement les risques pour la sécurité du continent et exacerberait ses difficultés actuelles. Les partisans de l'OTAN n'attendent pas avec impatience le retour de Trump, mais ils appellent déjà, eux aussi, à une augmentation des budgets de défense pour maintenir l'alliance militaire à flot.

Sous une seconde présidence Trump, les relations entre les États-Unis et la Chine se détérioreraient probablement davantage, avec des répercussions économiques et politiques pour l'Europe. La ligne nuancée à l'égard de la Chine continuerait-elle à ne concerner que le commerce et la concurrence technologique, et comment Trump traiterait-il la question de Taïwan ?

Bien que les politiques de Trump aient été défendues en affirmant qu'il n'avait pas déclenché de nouvelles guerres, Israël a obtenu davantage de concessions pendant son mandat, ce qui se reflète également dans la crise actuelle à Gaza. Le général iranien Suleimani a été assassiné par Trump et l'homme à la chevelure jaune canari a également poursuivi le vol de pétrole américain en Syrie.

Sous Biden également, les États-Unis ont agi sans consulter leurs "partenaires" européens. Les gazoducs Nord Stream reliant la Russie à l'Allemagne ont explosé dans la mer Baltique, mais en cette année électorale, l'administration Biden, qui peaufine son programme de politique climatique, a décidé de "suspendre temporairement" la fourniture de gaz naturel liquide de substitution à l'Europe en proie au stress énergétique.

En matière de politique économique également, Washington prend des mesures protectionnistes "à la Trump" aux dépens des pays de l'euro. Un exemple en est la loi signée par M. Biden, qui utilise des subventions pour inciter les entreprises à délocaliser de l'Europe vers les États-Unis. La désindustrialisation menace l'Euroland, mais qu'importe si la ligne politique de l'Occident collectif est "America first".

La politique de sanctions imposée par les États-Unis à la Russie a également coûté cher aux pays de l'euro, mais l'économie russe n'a fait que se renforcer malgré les sanctions. Pour couronner le tout, Washington elle-même continue de commercer avec Moscou. Même si Trump ne remporte pas les élections en novembre, les États-Unis ne peuvent pas être considérés comme un partenaire bon et fiable pour l'Europe, qui semble même payer le prix du conflit en Ukraine.

Quelle Turquie sans Atatürk?

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Quelle Turquie sans Atatürk?

Gennaro Malgieri

Source: https://electomagazine.it/quale-turchia-senza-ataturk/

J'ai l'impression que le mausolée massif, imposant et somptueux de Mustafa Kemal Ataturk, l'Anitkabir, qui domine Ankara, a été saccagé. Le père de la patrie n'est plus à sa place dans ce tombeau qui a abrité sa dépouille pendant soixante-deux ans. Quel est le rapport entre ce monument à la gloire laïque de la Turquie et la vague islamiste qui menace d'engloutir la révolution ?

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Il ne voulait pas d'une puissance régionale fondamentaliste et confessionnelle, sinistrement voilée et victime d'une revanche ottomane, bien qu'hypocritement résurgente derrière un hommage formel à son nom. Atatürk voyait loin. Et il a mis fin aux guerres de religion, condition indispensable à la revitalisation d'un monde moribond. Sainte-Sophie à Istanbul est le symbole de la nation, de toutes les confessions, de toutes les croyances: musulmans et chrétiens peuvent se retrouver au nom d'une nation unie, porte de tolérance pour un Orient ébranlé, hier comme aujourd'hui, par un vaticanisme sanguinaire. Le rêve du jeune soldat devenu chef d'un Etat enfin respecté après la défaite ottomane s'estompe. Du parc Gezi aux terres turques servant de bases plus ou moins dissimulées à des manœuvres politico-militaires sans scrupules, la Turquie s'enfonce, elle à qui, il y a quelques années encore, je reconnaissais le droit de faire partie de l'Union d'une Europe qui aurait bénéficié de la "contagion" du kémalisme, dont la liquidation était au contraire, pour beaucoup, la condition préalable à l'entrée dans le club bruxellois.

Malgré tout, après des militaires arrogants et ambitieux, des politiciens médiocres, des bureaucrates corrompus, nous avons cru qu'avec l'avènement de Tayyp Erdogan, le temps commençait à venir. Atatürk pourrait continuer à dormir paisiblement dans son Anitkabir.

Le drapeau de l'Islam ne serait pas déployé sur la nation qui se portait candidate pour être le modérateur des convulsions du Levant et pour agir en Occident comme messager de l'intégration politique, sinon des coutumes et de la civilisation.

Atatürk est mort petit à petit au cours de ses dernières années. Ses portraits, qui accueillent le voyageur dès sa descente d'avion dans n'importe quel aéroport turc et l'accompagnent partout, sont comme effacés. Le nouveau seigneur de l'ambiguïté orientale s'empressera-t-il de les faire disparaître ? Il ferait preuve de cohérence s'il le faisait. Il y a longtemps que quelqu'un a souhaité qu'Atatürk reste présent comme une figure désidéologisée, la référence patriotique la plus sûre et la plus inattaquable en somme. Et même ceux qui n'approuvaient pas l'abolition de la loi coranique n'auraient pas hésité à se reconnaître comme un "tout" dans la diversité. C'est l'inverse qui s'est produit.

Ces dernières années, la Turquie a eu de nombreuses occasions de se montrer à la hauteur de l'héritage d'Atatürk : elle les a toutes gâchées. Tout comme son dirigeant a jeté aux orties l'héritage de Kemal Pacha, construit pour libérer un peuple des idolâtries ottomanes tardives, afin d'affirmer une conception autocratique du pouvoir, sans aucun sens de la communauté composite et complexe à laquelle il appartient. Sur les ruines du kémalisme s'élève désormais le cri d'une nation étouffée dans le conformisme. L'Occident est loin. Daesh est plus proche. Dans le village syrien reculé de Yamadi, non seulement un avion russe s'est écrasé, abattu par un missile de l'armée de l'air turque, mais le mince espoir d'une défense commune contre un ennemi que ceux qui disent le combattre et n'assument pas la responsabilité de sa victoire sacrilège a été brisé.

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La question chiite

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La question chiite

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/la-questione-sciita/

Dans le silence désormais habituel des médias occidentaux, Washington a bombardé la Syrie et l'Irak. En représailles à l'attaque d'une base américaine en Irak par un groupe chiite, attaque qui a fait quelques morts.

Des représailles... près de quatre-vingt-dix raids aériens, menés avec des bombardiers à long rayon d'action en provenance des États-Unis, peut-on appeler cela ainsi?

Car la disproportion entre la provocation d'un groupuscule et la réaction de la grande puissance est immédiatement visible. Du moins pour quiconque n'a pas les yeux aveuglés par les hamburgers de chez McDonald's.

Ce qui se passe entre la Syrie et l'Irak est plutôt une véritable offensive. Menée par voie aérienne, elle exploite l'hégémonie que procurent l'aviation et le contrôle du ciel. Bases aériennes, bases militaires, cibles stratégiques, infrastructures... mais aussi cibles civiles sont touchées. Sans se soucier des "dommages collatéraux".

Il s'agit en fait d'une réédition de la stratégie "Shock and Howe", Strike & Terrorise. Expérimentée en son temps contre la Serbie, puis massivement appliquée lors de la phase initiale de la première guerre du Golfe.

A ce stade, il serait légitime de se demander si celle en cours dans la région syro-irakienne, véritable cœur du Moyen-Orient, se limitera (euphémisme) à une destruction massive de cibles, ou si, au contraire, elle doit être comprise comme un prélude à une attaque terrestre plus conventionnelle.

Auquel cas, tout, vraiment tout, changerait dans l'équilibre mondial déjà périlleux.

En effet, une intervention terrestre des Etats-Unis et de leurs alliés obligerait Téhéran à se rendre sur le terrain. Car il est clair que cette offensive en Syrie et en Irak, ainsi que celle menée parallèlement au Yémen, n'a pas grand-chose à voir avec la question de Gaza. La véritable cible stratégique est l'Iran et son réseau d'alliances.

Malgré l'embargo sévère (ou peut-être à cause de lui), Téhéran a réussi à tisser un réseau complexe d'alliances au fil des ans. Exploitant surtout l'identité particulière de l'islam chiite, dont il a pris la tête. Dont il a assumé le leadership.

Les chiites sont minoritaires dans l'ensemble du monde islamique. Ils sont cependant concentrés au Moyen-Orient, où ils disposent d'une force considérable. Et ils sont, à l'heure actuelle, très bien organisés militairement.

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Le Hezbollah, au Liban, est une véritable épine dans le pied d'Israël. Les analystes du Mossad le considèrent comme la meilleure force armée de tout le monde arabe.

En Irak, la majorité est chiite. C'est d'ailleurs sur le territoire irakien que se trouvent les principaux lieux saints du chiisme.

Après avoir éliminé Saddam, qui était sunnite et nationaliste, les chiites pro-iraniens détiennent de facto le pouvoir dans la région. Et lorsque Isis a tenté de prendre le pouvoir dans le pays, ce sont eux qui ont vaincu les milices du califat. Encadrées et organisées par les Qods, les forces spéciales iraniennes.

Et c'est le général Qasem Soleymani, commandant du Qods, qui a été l'architecte de ce réseau de forces chiites. C'est aussi à lui que l'on doit la réorganisation des troupes fidèles à Assad, un alawite, dont les références religieuses procèdent d'une déclinaison du chiisme- troupes qui ont renversé le cours de la guerre en Syrie.

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Soleymani a également structuré les Houthis yéménites - de confession zaïdite, une autre branche du chiisme - leur permettant de résister à sept années de guerre contre la coalition du Golfe dirigée par l'Arabie saoudite. Et, aujourd'hui, d'affronter même les forces de l'OTAN, minant la route commerciale de Suez.

C'est pourquoi, le 3 janvier 2020, le stratège iranien a été assassiné par un drone américain à l'aéroport de Bagdad. Une élimination qui rappellerait celle de l'amiral Yamamoto dans le conflit américano-japonais, si ce n'est que, cette fois, l'état de guerre n'avait pas été déclaré.

Et le même sort a été réservé au général Raza Moussavi en décembre dernier en Syrie. Ce dernier avait été l'un des plus proches collaborateurs de Soleymani.

À Washington, l'Iran est considéré comme la principale menace pour le contrôle du Moyen-Orient. Une vision qui n'est pas l'apanage de Biden, puisque l'assassinat de Soleymani a eu lieu sous la présidence Trump.

Cependant, The Donald avait toujours évité une confrontation directe avec Téhéran. Et c'est pourquoi il considérait l'attaque contre les Houthis yéménites comme une folie.

En outre, il avait beaucoup œuvré pour une bonne entente avec Moscou. Toujours dans le but d'isoler Téhéran.

Aujourd'hui, cependant, la scène a radicalement changé. La Russie apparaît comme le principal allié de l'Iran. Les risques de la politique de Biden, qui consiste à attaquer frontalement le monde chiite, sont évidents. Et très élevés.

Au Pentagone, on en est parfaitement conscient. Et ils essaient d'y mettre un frein. Il faudra cependant voir si la prudence des militaires l'emportera ou le bellicisme hâtif des "faucons". Ces conseillers qui, depuis West Wongh et surtout Wall Street, tirent les ficelles de Joe Biden.

Triste succès des transatlantistes : le commerce germano-russe s'effondre de 80%

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Triste succès des transatlantistes: le commerce germano-russe s'effondre de 80%

Source: https://zuerst.de/2024/02/08/trauriger-erfolg-der-transatlantiker-deutsch-russischer-handel-um-80-prozent-eingebrochen/

Berlin/Moscou. Le journaliste et géopoliticien américain George Friedman, cofondateur du think tank américain "Stratfor", ne s'est jamais lassé d'évoquer dans ses livres et ses conférences le grand danger que représente pour les Etats-Unis la coopération germano-russe. En 2010, il écrivait déjà dans son livre The Next Decade : What the World Will Look Like (en français: "La prochaine décennie - à quoi ressemblera le monde"): "Le maintien d'une barrière solide entre l'Allemagne et la Russie est d'un intérêt primordial pour les États-Unis".

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Et en 2015, lors d'une conférence au Chicago Council on Global Affairs, il a réaffirmé: "Le principal intérêt des États-Unis, pour lequel nous avons mené des guerres pendant des siècles - la Première, la Deuxième et la Guerre froide - est la relation entre l'Allemagne et la Russie, parce qu'ils sont là, et s'ils s'unissent, ils seront la seule force qui pourrait nous menacer. Et nous devons faire en sorte que cela n'arrive pas".

Entre-temps, c'est exactement ce qui s'est passé, et c'est invariablement le mérite discutable de l'ancienne chancelière allemande Angela Merkel (CDU) et de l'actuel gouvernement "Feu tricolore", en place depuis très exactement deux ans. En 2023, le commerce entre l'Allemagne et la Russie s'est complètement effondré, à l'exception de quelques postes résiduels. Les importations allemandes en provenance de Russie ont chuté de 90%. Les exportations allemandes vers la Russie ont encore chuté de 39%. Par rapport à l'année 2021, avant la guerre, elles ont diminué de deux tiers. C'est ce que révèlent les dernières données de l'Office fédéral des statistiques.

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En 2023, l'Allemagne n'achetait plus que 3,7 milliards d'euros de marchandises à la Russie. Avant le début de la guerre en Ukraine, ce chiffre dépassait les 30 milliards d'euros. Les entreprises allemandes livraient encore pour près de 9 milliards d'euros de marchandises à la Russie. Il s'agissait en grande partie de médicaments, d'appareils médicaux et de produits alimentaires.

Dans un premier temps, l'économie allemande avait continué à miser sur le commerce avec la Russie malgré l'aggravation du climat après le coup d'État de Maïdan en 2014, profitant notamment des livraisons d'énergie russe à bas prix. Mais au plus tard après le déclenchement de la guerre en février 2022, cette orientation n'a plus pu être maintenue dans le sillage des sanctions occidentales. L'Allemagne a été contrainte de se détacher de la Russie, à son propre détriment.

Par rapport à l'année 2021, avant la guerre, le volume total du commerce germano-russe a chuté de près de 80%. La Russie est désormais largement insignifiante pour le commerce extérieur allemand. Les liens économiques étroits qui existaient auparavant ont été rompus. Avant la guerre d'Ukraine, la Russie était encore le cinquième marché le plus important pour les exportateurs allemands en dehors de l'UE, juste derrière les États-Unis ou la Chine. Elle est désormais 20ème.

En décembre, les entreprises allemandes livraient encore pour 700 millions d'euros de marchandises à la Russie. Inversement, l'Allemagne a reçu des marchandises en provenance de la Russie pour une valeur de 200 millions d'euros. Le volume des échanges commerciaux s'est maintenant stabilisé à ce niveau. Les saboteurs du partenariat germano-russe ont fait du bon travail (mü).

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