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vendredi, 16 mai 2025

Le cinéma noir et la prison de fer

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Le cinéma noir et la prison de fer

Nicolas Bonnal

Encensé d’une manière ridicule depuis des décennies par la cinéphilie (une cinéphilie d’ilotes sans culture théologique ni philosophique), le cinéma noir ne peut toutefois offrir comme la plus fille du monde que ce qu’il est : un documentaire sur la pourriture du monde (allez, du monde capitaliste), sur la déchéance du héros, le nihilisme tragi-comique, la laideur industrielle (relire les pages de Tocqueville à Manchester), la rapacité féminine qui mène l’homme par le bout de son nez, les invincibles méchants et cette loi de la rue maladive et tordue qui évoque les pages inoubliables d’Edgar Poe :

– des efforts insensés furent faits pour établir une Démocratie universelle. Ce mal surgit nécessairement du mal premier : la Science. L’homme ne pouvait pas en même temps devenir savant et se soumettre. Cependant d’innombrables cités s’élevèrent, énormes et fumeuses. Les vertes feuilles se recroquevillèrent devant la chaude haleine des fourneaux. Le beau visage de la Nature fut déformé comme par les ravages de quelque dégoûtante maladie. Et il me semble, ma douce Una, que le sentiment, même assoupi, du forcé et du cherché trop loin aurait dû nous arrêter à ce point. Mais il paraît qu’en pervertissant notre goût, ou plutôt en négligeant de le cultiver dans les écoles, nous avions follement parachevé notre propre destruction.

On ne saurait être plus clair : la folle activité industrielle et commerciale américaine, bientôt dominée par des banquiers invisibles et des mafieux trop invisibles (le jeu, la drogue, le sexe, le tabac, l’alcool, les paris, etc.) ne peut déboucher que sur le désastre deviné et courageusement révélé par Walt Whitman dans ses vistas démocratiques publiées après la Guerre de Sécession. Cette dernière sonne le glas de la civilisation américaine déjà compromise par le commerce et l’immigration européenne. Poe, mais aussi Booth Tarkington (Splendeur des Amberson…) ou Walt Whitman (voir notre texte) l’ont déjà compris.

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La dégoutante maladie de Poe se met en place et l’on observe avec tous les forbans de la nuit (film d’autant plus supérieur qu’il est tourné à Londres !) une civilisation maudite et malade. Nous sommes maudits, dit la blonde de King Kong (la vraie, celle de 1976, traînée dans la boue par la critique). Dick parle de prison de fer, à laquelle l’humanité n’a pu échapper malgré (à cause de, plutôt) le judéo-christianisme. L’homme judéo-chrétien et capitaliste étriqué né du protestantisme scientiste et bientôt athée est déchu non de sa nationalité mais de son ontologie. Et Tocqueville comprend longtemps avant le sinistre Grand sommeil (métaphore non de la mort mais de la vie occidentale, de l’American Way of Death) que « les petits et vains plaisirs dont ils emplissent leur âme » mènent au désespoir. Métaphore du crédit et de la dette du consommateur, la femme dite fatale se retourne contre l’homme-banquier-financier-équipementier qu’elle ruine et mène à la mort (pauvre Burt Lancaster, grand dadais mécanique dans Criss Cross et les Killers) ; dans la divine comédie de Dante, premier film noir, spendere veut dire tuer ; dépenser c’est tuer, tout comme consommation veut dire mort. D’ailleurs chez Shakespeare Mercutio se dit spent quand il est transpercé. Dépenser, s’est ne plus être. La monstruosité américaine va déteindre sur nous, n’apparaissant plus monstrueuse qu’à une mince élite, le reste se mutant en troupeau zélé de consommateurs.

L’école de Hudson et ses paysages géniaux trottent alors dans nos têtes, alors que le sujet du western consiste à faire bouger des vaches, du capital donc, d’un coin de paradis piétiné par les sabots à un autre.

Le monde est beau à voir et laid à être, a dit l’oncle Arthur.

Dans son grand opus, le formidable Francis Parker Yockey (les Américains ont les plus grands penseurs nationalistes au vingtième siècle, et ce n’est certes pas un hasard) parle admirablement des métiers parasites qui pullulent en cette Fin des Temps agonique et interminable : le mariage a été remplacé par le divorce et le détective déglingué homoncule sorti d’un cauchemar de Dostoïevski (qui envoie ses idiots et ses démons en Amérique pour se faire initier puis démolir leur Russie, voir notre livre) couche avec sa cliente, celle qui veut se débarrasser d’un riche mari pour trouver mieux à court terme. Lui-même parsème son cursus honorum de cadavres et détruit toujours plus ce qu’il prétend protéger : ce qu’on appelle une Happy End.

Le grand sommeil (le monde de l’idiot intentionnel dont parle Orson Welles au début de sa Femme de Shanghai) n’est pas terminé et mériterait sa conclusion. On arrive au monde de la science-fiction et au héros taré et désabusé de Dick, sur fond de décor noir, pluvieux, et de gabardines façon Blade runner (on cherche à fuir, mais où ? Le monde sera vie américanisé comme le Mexique, voyez The Big Steal, toujours avec Mitchum).

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« Et encore une clairvoyance dickienne concernant notre présent où les socialistes et communistes regagnent le pouvoir partout dans le monde sous des formes différentes : Dick revient à sa théorie développée dans les autres romans où le camp capitaliste est égal au camp communiste et les deux amènent le même danger (ainsi le président FFF de ce roman est un communiste caché). Et encore l’image fusionnée de l’Empire et de la prison, du temps romain et du temps californien où le narrateur « sentait l’Empire, sentait une énorme prison de fer où travaillaient des esclaves », et seuls les petites figures en vêtements gris (les premiers chrétiens) résistent aux espions de l’Empire qui n’est pas disparu mais s’est caché à notre vue. »

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Tetyana ajoute dans son livre sur Dick :

« Infatigable Philip Dick trouve une ironie même dans cette situation de son personnage : « Maintenant il a senti sur sa propre peau qu’être un fou – à part d’être enfermé- te coûte aussi beaucoup d’argent. On t’émettra une facture pour ta folie, et si tu ne peux pas ou ne veux pas la payer – on te poursuivra en justice, et si tu n’accomplis pas la décision du juge on t’enfermera dans la prison pour offense contre le juge ». De cette manière le personnage est enfermé pas seulement dans l’Empire mais aussi dans sa prison de fer personnelle. »

On a du mal à croire au salut par le christianisme depuis longtemps fondu et confus, confondu dans cette masse gélatineuse de pouvoir et d’argent. La Sibylle de Dick annonçait un autre message, un âge d’or qu’on a raté en temps et en lieu.

Le cinéma noir et son roman annonçaient toutes sortes de grandes transformations (ou déformations, comme a dit Stockman justement, car après Eisenhower…)

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Tiens, la première phrase d’Adieu ma jolie (roman que personne n’a dû lire) :

IT WAS ONE OF THE MIXED BLOCKS over on Central Avenue, the blocks that are not yet all Negro.

On comprend pourquoi personne n’a lu le livre ; à la même époque Céline fait les mêmes observations, avec tout un tas d’Américains surpris de se voir remplacer à la vitesse de l’éclair. L’âge d’or colonial célébré par Madison Grand ou Lothrop Stoddard (cités dans Gatsby, récit à clés) est terminé.

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Revenons-en à Edgar Poe. C'est dans son Colloque entre Monos et Una que notre aristocrate virginien élevé en Angleterre se déchaîne :

« Hélas ! nous étions descendus dans les pires jours de tous nos mauvais jours. Le grand mouvement, – tel était l’argot du temps, – marchait ; perturbation morbide, morale et physique. »

Il relie très justement et scientifiquement le déclin du monde à la science:

« Prématurément amenée par des orgies de science, la décrépitude du monde approchait. C’est ce que ne voyait pas la masse de l’humanité, ou ce que, vivant goulûment, quoique sans bonheur, elle affectait de ne pas voir.

Mais, pour moi, les annales de la Terre m’avaient appris à attendre la ruine la plus complète comme prix de la plus haute civilisation. »

Sources:

https://www.amazon.fr/puissance-apocalyptique-Essais-foli...

https://www.amazon.fr/Philip-Kindred-Dick-grand-reset/dp/...

https://www.dedefensa.org/article/walt-whitman-et-la-maud...

https://www.dedefensa.org/article/poe-et-baudelaire-face-...

 

17:11 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : nicolas bonnal, cinéma, edgar a. poe, cinéma noir | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

L'IMEC perturbé: la résistance gagne du temps pour Pékin

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L'IMEC perturbé: la résistance gagne du temps pour Pékin

par Abbas Al-Zein (*)

Source: https://www.sinistrainrete.info/articoli-brevi/30454-abba...

La guerre à Gaza a révélé une profonde contradiction entre les intérêts stratégiques de la Chine en Asie occidentale et les avantages poursuivis par Israël, avec le soutien des États-Unis. Alors que Pékin s'efforce de préserver son initiative « la Ceinture et la Route » (BRI), Washington et Tel-Aviv remodèlent activement la région pour marginaliser l'influence chinoise sur les plans politique, économique et logistique.

Au centre de ce bras de fer se trouve le corridor économique Inde-Moyen-Orient-Europe (IMEC), annoncé lors du sommet du G20 de 2023 à New Delhi. Avec l'Inde, l'Arabie saoudite, Israël, les Émirats arabes unis et les principaux États européens en piste, l'IMEC vise à contourner les routes commerciales traditionnelles de la Chine, en reliant l'Inde à l'Europe via l'Asie de l'Ouest. Le port de Haïfa, dans l'État occupant la Palestine, est un pilier de ce projet.

Gaza : la porte d'entrée d'un affrontement géopolitique

La tentative de Tel-Aviv d'imposer un contrôle total sur Gaza - à quelques kilomètres de la route du corridor - n'est pas seulement un objectif militaire, mais une condition préalable à la sécurité de ce gazoduc commercial construit pour les intérêts occidentaux.

Selon The Diplomat, la guerre à Gaza a déjà « détruit l'IMEC avant même qu'il ne soit commencé », tandis qu'un rapport de l'université Carnegie note que la viabilité du corridor est en suspens après l'opération « Al-Aqsa Flood » et la pause dans la normalisation des relations entre l'Arabie saoudite et Israël.

Une bande de Gaza maîtrisée offrirait à Israël un levier économique, une intégration régionale et une nouvelle fonction géopolitique, en sapant la position centrale de la Chine dans le commerce mondial. Mais tant que la résistance persistera à Gaza et au Sud-Liban, le corridor restera vulnérable, ce qui donnera à Pékin le temps de renforcer ses alternatives stratégiques.

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Dans ce contexte, la résistance palestinienne et régionale sert involontairement les intérêts chinois en menaçant les infrastructures israéliennes et en retardant les projets d'intégration menés par les États-Unis. Haïfa et d'autres ports israéliens sont confrontés à une insécurité persistante, qui décourage les investisseurs et complique la planification à long terme des infrastructures.

Contrairement à Washington et à Tel-Aviv, Pékin bénéficie d'un atout multipolaire et la survie de la résistance modifie l'équilibre régional en sa faveur.

Les gains silencieux de la Chine dans la résistance

Bien que la Chine ne soit pas directement impliquée dans la guerre, l'érosion de la résistance palestinienne renforcerait les réseaux concurrents alignés sur l'Occident et réduirait la marge de manœuvre de Pékin. Le maintien d'un état d'indécision sur les théâtres de Gaza et du Liban donne à la Chine un temps précieux pour renforcer ses atouts dans le cadre de la BRI par le biais de couloirs plus sûrs.

Un front parallèle à cette confrontation se développe en mer Rouge. Les activités militaires des États-Unis et d'Israël près de Bab al-Mandab témoignent d'une tentative de monopoliser le contrôle de cet étroit passage stratégique. Bien que ces opérations soient présentées comme une tentative de contrer les « menaces pour la navigation », elles visent en réalité à consolider la domination occidentale sur une artère commerciale mondiale essentielle.

La Chine, qui a établi sa première base navale à l'étranger à Djibouti en 2017 pour protéger les voies de navigation de la BRI, considère cette militarisation comme un défi direct. Selon le Defense Post, les États-Unis visent à « contrer l'influence croissante de la Chine dans la région », citant les exercices navals conjoints sino-russo-iraniens et le soutien chinois à la surveillance des navires alliés.

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En avril, les États-Unis ont accusé la société chinoise Chang Guang Satellite Technology Co. de fournir des images satellite aux forces armées yéménites alignées sur Ansarallah pour les aider à cibler les ressources navales américaines et alliées en mer Rouge. L'entreprise a rejeté l'accusation en la qualifiant de « calomnie scandaleuse », mais Washington y voit la preuve que Pékin exploite des entreprises privées pour mener une guerre du renseignement par procuration.

Cet arrangement permet à la Chine de maintenir un déni plausible tout en profitant de la perturbation des opérations maritimes américaines. Le refus de Pékin de condamner les attaques au Yémen et son insistance sur la fin de la guerre à Gaza comme condition de la stabilité régionale sont conformes à sa stratégie plus large qui consiste à éviter la confrontation directe tout en affaiblissant le contrôle des États-Unis.

Selon l'Institut israélien de sécurité nationale, la Chine est « prête à assumer la responsabilité des dommages économiques causés par la crise » de la mer Rouge, en échange de la non-adoption d'une position conforme aux objectifs israélo-américains.

Iran, sanctions et points de pression énergétiques

L'Iran, partenaire le plus proche de la Chine dans la région, joue un rôle tout aussi crucial. Près de 50% des importations chinoises de pétrole proviennent d'Asie occidentale, et l'Iran en fournit une part importante à des prix préférentiels, une relation façonnée par les sanctions et les besoins stratégiques. Pour Pékin, ce corridor énergétique est essentiel pour se protéger de la manipulation du marché par les États-Unis et garantir son autonomie en matière de fixation des prix de l'énergie.

Cependant, Washington a fait de l'Iran une cible centrale de sa stratégie d'endiguement. Du sabotage de l'accord nucléaire à la pression par procuration et à l'étranglement économique, la politique américaine vise à isoler Téhéran et à contraindre ses partenaires - notamment la Chine - à de nouvelles dépendances. Le 1er mai, le président américain Donald Trump a annoncé l'imposition de sanctions secondaires à toute entité qui achète du pétrole ou des produits pétrochimiques à la République islamique.

Cette escalade a pour but de frapper la Chine. En affaiblissant la capacité d'exportation de Téhéran, Washington limite les options de Pékin et l'oblige à dépendre davantage des États du golfe Persique alignés sur les États-Unis. L'objectif de la Chine de désaméricaniser les flux énergétiques est ainsi affaibli et sa vision à long terme de la souveraineté économique est mise à mal.

Dans cette optique, le rôle d'Israël dans la déstabilisation régionale, notamment par la promotion du sectarisme en Syrie et les cyber-opérations contre les infrastructures iraniennes, sert les objectifs des États-Unis en faisant de l'Iran un nœud moins fiable dans le réseau chinois de l'initiative de coopération pour le développement.

Découplage stratégique ou confrontation directe?

L'implication plus large de toutes ces tendances est que l'Asie occidentale n'est plus un théâtre secondaire dans la rivalité entre les États-Unis et la Chine, mais la ligne de front. Les États-Unis ne se retirent pas de la région pour se tourner vers l'Asie de l'Est. Au contraire, ils militarisent l'Asie occidentale elle-même afin d'acculer la Chine au niveau mondial. Des projets tels que l'IMEC, les patrouilles navales en mer Rouge et les sanctions anti-iraniennes sont autant de prolongements de cette logique stratégique.

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Pendant ce temps, la Chine continue de marcher sur la corde raide diplomatique, en maintenant sa neutralité, en évitant de s'engager militairement et en invoquant vaguement la désescalade. Mais le fossé entre ses intérêts économiques et sa position politique devient intenable. Alors qu'Israël s'efforce de sécuriser militairement un régime commercial conçu pour remplacer l'initiative de Bretton Woods, Pékin doit décider si sa position passive tiendra ou s'il sera contraint de défendre ses intérêts avec plus d'assurance.

Un équilibre fragile mis à mal par la résistance

Malgré une pression croissante, les forces de résistance en Asie occidentale continuent de jouer un rôle disproportionné dans le façonnement de ce champ de bataille géopolitique. De Gaza au Liban, de l'Irak au Yémen, leur capacité à imposer l'insécurité aux infrastructures rivales - qu'il s'agisse d'aéroports, de pipelines ou de routes maritimes - crée des frictions qui favorisent la Chine sans qu'elle ait besoin d'agir directement.

Les missiles balistiques hypersoniques de Sanaa, les restes de l'arsenal du Hezbollah ou les attaques transfrontalières potentielles de la résistance irakienne contribuent à un environnement dans lequel les plans américains peinent à se stabiliser. Fondamentalement, ces acteurs se sont abstenus de cibler les intérêts chinois, renforçant l'image de Pékin en tant que partenaire commercial neutre plutôt qu'hégémon militaire.

Cet équilibre - dans lequel la résistance maintient la région suffisamment instable pour retarder les projets d'intégration américains, mais pas assez chaotique pour nuire aux investissements chinois - a jusqu'à présent joué en faveur de Pékin. Mais comme Israël cherche à étendre son rôle de plaque tournante économique occidentale et que les sanctions américaines visent à couper la Chine des sources d'énergie alternatives, la marge d'inaction de la Chine s'amenuise.

(*) Abbas est un journaliste politique libanais du réseau Al-Mayadeen Media Network, spécialisé dans la géopolitique et la sécurité internationale. Dans son travail, il analyse également les ressources énergétiques mondiales, les chaînes d'approvisionnement et la dynamique de la sécurité énergétique.

Turbo-capitalisme financier: comment tout nous est volé

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Turbo-capitalisme financier: comment tout nous est volé

Diego Fusaro

Source: https://posmodernia.com/turbocapitalismo-financiero-como-...

Le turbo-capitalisme financier pourrait être décrit comme une industrie extractive, bien que sui generis. Il s'agit en effet d'un puissant appareil d'abstraction, de centralisation et de captation des biens communs et de la valeur sociale, selon la figure de « l'accumulation par dépossession » évoquée par David Harvey dans Une brève histoire du néolibéralisme, en référence au paradigme néolibéral et à la transition entre le capitalisme producteur manufacturier bourgeois et le capitalisme prédateur financier post-bourgeois.

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Cette accumulation se fait souvent avec la médiation du gouvernement dans sa version libérale, par des manœuvres telles que le remplacement des organismes de retraite par des assureurs privés, ou encore par le dé-financement du secteur public. Le crédit est ainsi présenté comme le principal système par lequel le turbo-capital financiarisé peut extraire la richesse de la population. Il utilise de multiples stratagèmes pour mettre en œuvre son projet d'extraction des richesses et d'expropriation de l'argent au profit de la classe dirigeante déjà hyper-possédante. Tous s'articulent autour de pratiques prédatrices astucieuses qui s'appuient formellement sur la loi, en la rédigeant ex novo ou en la pliant simplement à leurs interprétations, de manière à garantir de manière stable - pour parler comme Thrasymaque (La République, 339a) - « l'intérêt du plus fort ». Ainsi s'expliquent les taux d'intérêt usuraires des cartes de crédit, les saisies d'entreprises privées de liquidités en cas de difficultés, la promotion de l'actionnariat, la fraude aux entreprises, la manipulation des marchés et l'utilisation de systèmes pyramidaux comme la fameuse « pyramide de Ponzi ».

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Pour reprendre le titre du chef-d'œuvre de Weber, on pourrait à juste titre parler d'accumulation par expropriation et du nouvel esprit de l'ordre capitaliste. Cette dépossession ne se limite d'ailleurs pas aux leviers de l'extraction financière, mais se détermine - explique Harvey - également dans de nombreuses autres figures connexes (« privatisation », « gentrification », « réclusion de masse ») ; au premier rang de celles-ci - surtout après 1989 et l'effondrement du Weltdualismus (dualisme mondial) - figure le retour de l'impérialisme atlantiste sous ses formes les plus brutales. Harvey lui-même le reconnaît dans Perpetual War (2003) et, à côté de lui, Giovanni Arrighi dans The Long Twentieth Century (1994) et dans Adam Smith in Peking (2007) : hors des frontières de l'Occident, le capital utilise à nouveau la violence de l'expropriation directe, appelée pieusement « privatisation », sous des formes qui ne sont pas si différentes de celles étudiées par Marx, à propos de l'« accumulation originelle », dans le chapitre 24 du premier livre du Capital. Marx lui-même, en revanche, nous enseigne que « l'hypocrisie profonde et la barbarie intrinsèque de la civilisation bourgeoise apparaissent devant nous sans voile lorsque de la métropole, où elles revêtent des formes respectables, nous tournons les yeux vers les colonies, où elles sont nues ».

A titre d'exemple, il suffit de rappeler le travail de la civilisation du dollar dans l'Irak occupé par les troupes de l'impérialisme en 2003. Le politicien Paul Bremer a publié quatre ordonnances prévoyant la privatisation totale des entreprises d'État, la propriété privée totale des activités économiques irakiennes par des sociétés étrangères, le rapatriement total des bénéfices réalisés par les sociétés étrangères, l'ouverture des banques irakiennes au contrôle étranger, l'égalité de traitement entre les sociétés étrangères et les sociétés nationales et la suppression de la quasi-totalité des obstacles au commerce. Le premier laboratoire de ces stratégies soutenues par Washington avait été le Chili de Pinochet.

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En résumé, l'oligarchie ploutocratique néolibérale se présente comme une aristocratie extractive, puisqu'elle s'enrichit en extrayant la richesse du corps social sans contribuer d'aucune manière à sa production. Elle apparaît ainsi, à toutes fins utiles, comme la Parasitenklasse (classe parasitaire) évoquée par Marx. L'accumulation par dépossession - ou, si l'on préfère, « l'accumulation dominée par la finance » (finanzdominierte Akkumulation) - propre à la phase absolue, repose sur l'hypothèse que la forme la plus rapide et la plus immédiate d'enrichissement consiste à soustraire de la richesse ou, plus précisément, à l'extraire par la contrainte: cela s'obtient, concrètement, en spoliant les épargnants et les investisseurs, en vidant les banques (après avoir empêché l'utilisation des liquidités et, donc, la fuite de l'épargne), en pillant les « actifs » (les « assets », comme les appelle le néo-langage) des entreprises et des Etats par le recours à des emprunts meurtriers.

In specie, le système de crédit tisse une toile d'obligations pour le débiteur de telle sorte que, finalement, la personne endettée n'a pas d'autre choix que de céder ses droits de propriété au prêteur. Cette stratégie, en revanche, était déjà connue de Marx, qui la mentionne fréquemment dans le troisième livre du Capital. Par exemple, lorsque des hedge funds - fonds spéculatifs - prennent le contrôle d'entreprises pharmaceutiques, ils achètent d'immenses quantités de maisons saisies et les mettent ensuite à la disposition des consommateurs qui en ont besoin à des prix exorbitants, organisant scientifiquement l'accumulation par l'expropriation. Il arrive souvent, en effet, que les crises laissent dans leur sillage une masse d'actifs dévalués, qui peuvent ensuite être obtenus à des prix avantageux par ceux qui ont les liquidités pour les acheter : c'est ce qui s'est passé en 1997-1998 en Asie de l'Est et du Sud-Est, lorsque des entreprises parfaitement saines ont fait faillite par manque de liquidités et ont été rachetées par des banques étrangères, pour être ensuite revendues avec des profits impressionnants.

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Si la bourgeoisie entrepreneuriale générait la richesse par le travail et son exploitation, les élites mondialistes sans frontières s'enrichissent par la dépossession aux dépens des travailleurs et des classes moyennes non libéralisées. Elles extraient la richesse du corps social productif et ne contribuent pas à la production de cette richesse : en d'autres termes, elles ne participent pas au travail qui la produit, ce qui les rapproche - mutatis mutandis - de l'ancienne aristocratie de l'Ancien Régime. Les maîtres de la finance techno-féodale, qui gèrent la création monétaire privée à des fins privées (cachées et exemptes de toute responsabilité), dirigent la domination parasitaire et extractive du produit et du travail d'autrui. En vue de cet objectif conforme à leur domination de classe, les globocrates - habitués à vivre « sur l'argent des autres », pour reprendre la formule de Luciano Gallino - opèrent le détournement prédéterminé du crédit de l'économie productive vers la finance spéculative, processus qui est suivi par la désindustrialisation, le désinvestissement, la baisse des salaires et les licenciements.

Les classes moyennes et populaires, quant à elles, sont contraintes de travailler et de payer des impôts très élevés pour enrichir une classe financière mondiale qui a le monopole de la création des symboles monétaires et qui, en échange de ses prêts, retient, sous la formule de l'intérêt usuraire, une grande partie du produit du travail. La finance elle-même, dans sa dynamique essentielle, opère en favorisant le passage de la fabrication bourgeoise à l'hégémonie des multinationales post-bourgeoises et de leurs monopoles. Cela conduit à cette inversion mortelle entre la finance et l'industrie déjà décrite, dans ses caractéristiques les plus particulières, par Lénine et, bien que d'une manière différente, par Rudolf Hilferding dans son Finanzkapital (1923).

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Tous deux, bien que dans des perspectives différentes, avaient pleinement décrypté le quid proprium du capital financier et son remplacement de la primauté des industriels par celle des banquiers. L'industriel bourgeois est impliqué et proche des processus productifs, et dirige la coopération (dans le chapitre XXIII du Capital, Marx utilise l'exemple du chef d'orchestre) ; le banquier, en revanche, est éloigné de la production et n'est pas lié à ses éventuelles tragédies (en fait, il a souvent tout intérêt à ce qu'elles se produisent).

Comme toutes les activités de rente, la finance fonctionne aussi selon la figure de l'actio in distans: elle s'abstrait de la production et gouverne à distance, sans se montrer, en agissant de manière parasitaire par rapport à la production réelle et à la société dans son ensemble. La finance, en outre, ne s'intéresse pas à la construction de la stabilité et, en fait, vit de l'instabilité et de la précarité, selon les fondements de la nouvelle forme d'accumulation flexible que nous avons analysée dans notre livre Histoire et conscience du précariat (Ed. esp. 2021).

Contrairement à ce que le regard idéologiquement contaminé détecte habituellement, le capital financier n'opère pas dans une terra nullius indéterminée, ni ne génère de la richesse à partir de rien : en réalité, il extrait de la valeur du bien commun de la société et, en général, de la « classe qui vit du travail », c'est-à-dire du serf précarisé. Le capital financier liquide se présente ainsi comme un puissant appareil d'expropriation faussement anonyme. Il opère en transférant des biens publics tels que les chemins de fer et l'eau, les lignes téléphoniques et le patrimoine culturel dans des mains privées, libérées de toute localisation nationale. On peut également en déduire l'analogie avec les processus d'« accumulation originelle » décrits par Marx dans Le Capital.

Ce n'est qu'à cette lumière que l'on peut expliquer la soi-disant crise américaine de 2007, ainsi que - pour rester en Europe - la perte d'environ quarante pour cent du pouvoir d'achat du peuple italien avec le passage de la lire à la monnaie unique de l'euro (on peut dire à peu près la même chose du peuple espagnol). Le capitaliste bancaire-monétaire apparaît comme un faiseur d'argent et, en même temps, comme un donneur d'argent : il crée de l'argent ex nihilo et le prête dans le but évident d'endetter les « bénéficiaires ». Elle prélève non seulement les fruits du travail, mais aussi l'épargne de l'ensemble de la classe dominée.

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Par essence, la finance produit de la « richesse » en créant de l'argent à coût nul. Mais en réalité, elle crée du papier et non de la richesse : avec la conséquence évidente que la richesse qu'elle obtient doit être soustraite, par des impôts et des artifices usurocratiques, à ceux qui la produisent réellement, c'est-à-dire au précariat en tant que classe qui vit du travail. Dans son aspiration à dominer la planète entière au nom du profit et de la croissance infinie, la classe mondiale des seigneurs de la finance a imposé des modifications de la fiscalité à son profit exclusif. En Occident, la progressivité de l'impôt diminue progressivement, depuis 1989, au fur et à mesure que l'on s'élève dans la hiérarchie des comptes bancaires. La classe moyenne bourgeoise en voie d'illicitisation se voit prélever en moyenne 45% de ses modestes revenus. Bref, dans une synthèse plausible, alors que le travail est de plus en plus taxé, la spéculation financière et les grandes affaires de l'aristocratie financière restent non taxées et non contrôlées, le plus souvent sous la forme d'une véritable légalisation de l'évasion fiscale.

De leur côté, les multinationales, leurs actionnaires et leurs PDG paient des impôts fixés à des chiffres dérisoires, allant régulièrement de 1 à 5% (et qu'ils évitent, quand ils le peuvent, en utilisant les « paradis fiscaux »). Tout employé du colosse Amazon est taxé dix fois plus que la même multinationale multimilliardaire pour laquelle il travaille. Sous cet aspect, la lutte contre l'évasion fiscale, toujours invoquée comme une figure de la justice universelle, est ponctuellement menée par l'Etat libéral contre les classes moyennes et populaires au profit de la classe financière mondiale. Loin d'être une garantie de justice universelle, la « lutte contre l'évasion fiscale », telle qu'elle est gérée par l'ordre néolibéral, apparaît comme l'un des nombreux instruments du massacre des classes opéré par les cagoulards de la finance et par l'Etat libéral à leur service.

En témoigne le fait que la possibilité d'évasion fiscale des classes moyennes et populaires, quand elle n'est pas rendue impossible par une fiscalité qui pille les salaires avant même qu'ils ne soient perçus (c'est le cas de l'emploi public, en voie de démantèlement au nom de la raison libérale), est poursuivie comme une règle de droit, là où l'évasion des géants du commerce cosmopolite, des usuriers de la finance spéculative et des multinationales massives, est admise comme une règle de droit. Cela confirme, pour la énième fois, que le droit, dans l'ordre des rapports capitalistes, ne garantit pas la justice universelle, mais les intérêts de la classe dominante, dont il « juridifie » et « légalise » la domination.

Le nazisme « woke » de Peter Singer

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Le nazisme « woke » de Peter Singer

Carlos X. Blanco

Source: https://decadenciadeeuropa.blogspot.com/2025/01/el-nazism...

Le message des grandes banques, des seigneurs de l'argent et d'ajtres oiseaux charognards, est généralement clair. La BBVA, une institution bancaire que certains s'obstinent à appeler « la nôtre », parce qu'elle est espagnole, a décerné un prix à un philosophe anglophone, bien sûr : l'Australien Peter Singer : https://www.premiosfronterasdelconocimiento.es/galardonad...

Parler de « frontières de la connaissance » précisément à propos d'un homme dont la mission est de brouiller les frontières ontologiques est frappant, et cette nouvelle nous contraint à tirer la sonnette d'alarme. Le portail solidarity.net décrit très bien le personnage :

« Ce philosophe athée d'origine juive a fait quelque chose de très important pour le néo-capitalisme mondial, c'est-à-dire pour les puissants de la Terre : essayer d'abaisser la dignité des êtres humains, en particulier des plus démunis, des plus faibles et des plus vulnérables, à une catégorie inférieure à celle des animaux. De telle sorte que l'avortement, l'infanticide et l'euthanasie sont considérés comme des pratiques louables si elles sont appliquées en particulier aux malades et aux handicapés. Il s'agit de justifier l'élimination de toutes les personnes qui peuvent représenter un fardeau moral, social ou économique pour toute société néolibérale efficace. C'est un promoteur de la guerre des puissants contre les faibles ».

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Le capitalisme, dans sa version ultra-libérale actuelle, ne veut pas de frontières ontologiques nettes. Il n'y a pas de frontière entre les espèces, nous dit Singer. Il y a des humains qui « valent moins » que certains singes ou vertébrés en général. C'est lui, et d'autres « experts » engagés par le capitalisme, qui décideront qui mérite de vivre et qui ne le mérite pas. Le capitalisme, et non un comité d'universitaires compétents et indépendants, décide également de récompenser les siens, ceux qui donnent le ton en termes de frontières à balayer. En Espagne, comme dans tout pays colonisé par l'anglosphère, comme dans toute colonie merdique qui décide d'incorporer l'idéologie anglo-américaine et cosmopolite des « éveillés », il y aura toujours des professeurs doués, prêts à nommer et à approuver l'anti-humanisme de Singer.

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Luis M. Valdés Villanueva (photo, ci-dessus) est professeur à Oviedo et il semble qu'il ait proposé à Singer de recevoir ce prix octroyé par la banque « espagnole ». J'ai été étudiant, chercheur et professeur dans cette université, mais je n'ai jamais rencontré cette personne. De toute évidence, la banque BBVA ne m'a pas payé de dîner ni ne m'a fait de cadeau d'aucune autre manière. Au contraire, elle a toujours été une banque très ponctuelle lorsqu'il s'agissait de me facturer des intérêts. Malheureusement, dans mon ancienne université - qui m'a laissé tant de souvenirs - je constate que l'animalisme a également transformé la philosophie en « animal ». La trajectoire d'un philosophe analytique comme Valdés, professeur de ce courant anglo-saxon - et donc colonial - qui réduit l'activité linguistique à une simple analyse d'énoncés, ne justifie guère son rôle de « nominateur » d'un personnage comme Peter Singer. On dira que le point commun entre Valdés et Singer est de professer cette pensée anglo-saxonne aberrante pour laquelle un enfant peut « valoir moins » qu'un singe, ou pour laquelle un membre handicapé de notre espèce pourrait faire l'objet d'une expérimentation en laboratoire avant n'importe quel autre vertébré « sain ». Peut-être que le colonialisme anglo-saxon, qui dans l'Espagne universitaire a pris de nombreuses formes, y compris la philosophie analytique ou « du langage », implique fondamentalement un atroce nominalisme, un mépris pour l'ontologie.

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Le « spécisme », c'est-à-dire l'adoption d'un point de vue centré sur une espèce - la sienne - considérée comme privilégiée, serait la nouvelle idole à abattre, après le sexisme et l'ethnocentrisme. Le professeur Valdés, dont nous ne connaissons pas les études sur l'éthique, la biologie des espèces, le bien-être animal ou la théorie de l'évolution, ne connaît qu'une chose : la possession d'une « chaire ». Obtenir une chaire et faire en sorte qu'une banque se souvienne un jour de vous. Quelqu'un, celui qui possède la chaire de quelque chose qui n'a rien à voir avec lui, cite néanmoins le nom de l'Australien à la généreuse banque « espagnole », en disant qu'il « marque un avant et un après ».

Il y a quelque chose dans les banques, quelque chose de magique et de tintinnabulant. Vous savez ce que c'est. L'espèce des professeurs susmentionnés existe, bien sûr, ce n'est pas un flatus vocis. Et l'argent, qui est magique, leur accorde l'entité voulue. Le nominalisme anglo-saxon, issu directement du frère Occam, vient nous enseigner qu'« il y a - comme le déclare le professeur Valdés - un avant et un après Singer ». En Espagne, des gens comme Sánchez Ron, Carmen Iglesias, José Muñiz, etc., tous professeurs, nous ont appris qu'« il y a un avant et un après Singer » donc ce sont là tous des professeurs qui se consacrent à découvrir pour les banques qui marque l'avant et l'après.

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Il me semble que l'animalisme, comme tant d'autres excroissances idéologiques du mouvement « woke », parvient, avec beaucoup d'argent, à introduire, avec la bénédiction académique et financière, les choses les plus scandaleuses dans la culture populaire. Les masses semi-éduquées et abruties sont prêtes à tolérer et même à applaudir les plus grandes absurdités s'il y a un « professeur » pour les soutenir et s'il y a une banque pour mettre suffisamment d'argent à leur disposition. Une grande partie des masses abruties meurt d'envie que des personnalités éminentes marquent un but contre la « tradition ». La philosophie grecque et la tradition chrétienne ont été, à parts égales et solidairement, des courants « spécistes » : brisons cette barrière, disent les wokistes. Mais les mêmes masses qui ont acheté cette histoire à la BBVA et à l'Anglosphère ne savent pas qu'elles seront bientôt, très bientôt, le matériel consommable, la masse humaine que le capital réduira en bouillie avec d'autres vertébrés non-humains...

Le lecteur, et bien sûr quiconque se considère comme un admirateur de types à la Peter Singer, ainsi que tout client de banques comme la BBVA, ou même, plus modestement, tout « fan » de professeurs de philosophie analytique « made in Anglosphere » à la façon de Luis Villanueva, devrait se rappeler qui est vraiment aux commandes dans la banque qui récompense si généreusement et de manière si désintéressée ces « transgresseurs de la connaissance ».

Le responsable de tout cela chez BBVA n'est autre que BlackRock, l'un des principaux "fonds vautours" qui détient déjà environ 7 % des actions de la banque. Ce même fonds possède également une participation importante et similaire dans la banque Sabadell, avec laquelle il envisage de fusionner, formant ainsi une énorme macro-banque. D'autres grandes institutions financières, espagnoles et mondiales, sont contrôlées par le plus grand fonds vautour que certains considèrent déjà comme « le propriétaire du monde ».  Cette entité représente parfaitement le modèle du capitalisme spéculatif, où quelques rares personnes possèdent les principales entreprises du monde. Ces quelques personnes, dont beaucoup sont américains, ont la capacité de façonner les goûts, les tendances et les valeurs d'une grande partie du monde, en particulier dans le monde occidental où les entreprises vassales de BlackRock n'ont pratiquement pas d'adversaires réels.

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Le capitalisme dans sa phase actuelle, comme on le sait, dirige les destinées du monde à travers des investissements-désinvestissements qui ont la capacité d'envoyer des millions de personnes à la mort (par la violence ou la famine). Ces groupes financiers contrôlent également les grandes entreprises technologiques, dont les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) qui, à leur tour, sont les propriétaires souverains des grandes décisions prises dans le monde en matière d'éducation, de santé, d'armée, d'environnement, etc. Le type d'être humain que nous aurons, disons, en 2050, sera le résultat direct de ce que certains personnages, comme Larry Fink (propriétaire de BlackRock) ou Peter Singer, gestionnaire du lobby anti-humaniste, adoptent aujourd'hui.

Il est très significatif qu'après avoir effacé - soi-disant - les différences ethnoculturelles entre les hommes au nom de la soi-disant mondialisation, les détenteurs de l'argent ont entrepris d'effacer les différences entre les sexes et les différences entre les espèces. Pour couronner le tout, il y a chez Singer non seulement un nominalisme grossier (« Qu'est-ce qu'un homme, un enfant, en quoi est-il vraiment différent d'un autre vertébré ? ») mais aussi un utilitarisme effroyable. C'est un certain Jeremy Bentham (1748-1832) qui a défini la vie humaine en termes de calcul grossier: l'éthique consiste en un calcul hédoniste. L'homme maximise ce qui lui procure du plaisir (ou de l'utilité) et économise ou minimise ce qui lui cause de la douleur. L'être humain est ainsi réduit à une machine à calculer le plaisir, il devient un maximisateur hédonique. Le capitalisme sauvage et débridé a ici son modèle de l'homme parfait, bestialisé et machinal.

Qu'on nous dise quel genre de bouillie humaine nous serons en 2050 grâce à ces loups déguisés en brebis. Ils se faufilent d'abord dans nos manuels puis si hissent sur les chaires de « bien-être animal » (pauvres petits animaux !), mais finissent par écrire des programmes pour la « solution finale ». Les nouveaux nazis pourraient bien avoir des origines juives. Ils parlent anglais, sont utilitaristes et parlent de « progrès » : ils décideront « qui vaut moins », même s'il est humain. Cet « être », une fois descendu de son piédestal anthropocentriste, peut n'être qu'un « morceau de viande », et donc avortable, aussi bien en prénatal qu'en postnatal. Ce vertébré humain peut faire l'objet d'une euthanasie obligatoire, car il génère des dépenses de santé injustifiées. Ou peut-être son « empreinte écologique » est-elle insupportable pour les salamandres, les phasmes ou les phoques arctiques?

Ce corps humain peut être apte à donner du plaisir sexuel à des gorilles, des chiens ou des chevaux, mais il ne vaut pas un centime sur le marché des organes, sur le marché des esclaves ou en tant que paquet de viande destiné à être consommé par des animaux protégées. Si l'on dévalorise l'être humain, on ne peut pas s'arrêter. L'anti-humanisme est le nazisme du 21ème siècle. Voyons si un professeur d'Oviedo nous expliquera prochainement qu'il n'en est rien.

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jeudi, 15 mai 2025

Le terrorisme jihadiste. Narration et réalité

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Le terrorisme jihadiste. Narration et réalité

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/il-terrorismo-jihadista-narrazi...

Racontez-nous la vérité, pour une fois. Dites-nous la vérité, même partielle, mais que ce soit la vérité. 

Ou inventez-vous un nouveau mensonge. Plus crédible. 

Car la vieille narration répandue sur le terrorisme islamique, le jihadisme, ne tient plus. 

Al-Jolani, celui qui se fait ainsi appeler, le leader du mouvement jihadiste syrien affilié (du moins autrefois) à Al-Qaïda et aussi à l’État islamique, s'est envolé, direction Paris.

Et Macron le reçoit avec tous les honneurs. Comme s’il était le légitime chef d’État de la Syrie. 

Normal ? Je me souviens encore du massacre du Bataclan, du deuil, des larmes des Français. Des manifestations de compassion universelle. Des funérailles où les grands du monde se rassemblaient autour du président qui siégeait alors à l’Élysée. 

Paris avait été blessée. La France, l’Europe, l’Occident avaient été blessés. Et ils réagissaient, avec une colère mesurée. Avec douleur. 

Et pourtant, tout cela n’était qu’une mise en scène. Pour les médias. Pour le grand public. 

Car la réalité était, et est, bien différente. 

Le terrorisme jihadiste, qui est périodiquement utilisé pour vomir l’infamie sur tout le monde islamique, sert en réalité des intérêts précis. Qui ne sont ni ceux de l’Islam, ni ceux des peuples arabes. 

Des intérêts qui ne trouvent leur explication qu’en regardant, sans œillères, ceux qui tirent profit de ces actions, de ces groupes islamistes. 

Et ce ne sont pas les Arabes, ni les Palestiniens, ni les Iraniens, contraints à la défensive et soumis à un harcèlement économique et militaire impitoyable. 

Ces groupes, jihadistes si l’on veut employer ce terme, ne représentent pas une menace, mais une ressource utile pour ceux qui les utilisent et en tirent avantage. Et ils se prélassent, tranquillement, dans leurs salons «occidentaux». Accumulant des richesses et déterminant le sort du Moyen-Orient. 

Les morts du Bataclan ? Un incident de parcours, dans le meilleur des cas.

Un prix à faire payer aux Français pour favoriser leurs stratégies et leurs affaires. 

Et pendant ce temps, un terroriste, un jihadiste dont les mains, littéralement, sont tachées de sang, est reçu à l’Élysée. Avec les honneurs d’un chef d’État. Un État, cependant, qui n’existe plus depuis longtemps. Car ce qu’était la Syrie a été débité en morceaux. Et elle est une proie pour ces « jihadistes ». Qui sait pourquoi, ils semblent si sympathiques à Macron et à un certain Occident.

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Trump et le nouvel accord avec le Royaume-Uni: le retour de l’axe anglo-saxon

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Trump et le nouvel accord avec le Royaume-Uni: le retour de l’axe anglo-saxon

Source: https://unzensuriert.at/297610-neues-abkommen-mit-grossbr...

Le président américain Donald Trump annoncera officiellement aujourd’hui, jeudi, un accord commercial avec le Royaume-Uni. Pour l’équilibre des puissances transatlantiques, il ne s’agit pas seulement d’un contrat : c’est un signal de changement et l’émergence d’une nouvelle puissance transatlantique forgée entre Londres et Washington.

Le « deal » comme déclaration de guerre à l’ancien système

Trump, qui depuis son retour à la Maison-Blanche mène une offensive commerciale sans compromis, présente cet accord comme le début d’une série de nouveaux accords bilatéraux. Comme le rapporte Bild, il a annoncé sur son réseau social Truth Social, avec des mots énergiques, un « accord important » avec un « grand pays respecté ». La confirmation qu’il s’agit du Royaume-Uni a été donnée par des médias américains comme le New York Times et Politico. Cet accord dépasse la simple politique économique – c’est un rejet clair de l’ordre commercial mondialisé des dernières décennies.

Le Brexit comme libération

Particulièrement sensible: cet accord dénonce comme une simple panique les scénarios apocalyptiques avancés par des politiciens pro-européens depuis des années. Après le Brexit, le Royaume-Uni a été présenté par les médias proches de Bruxelles et par les élites du continent comme un naufrage économique, incapable de se maintenir sur l’échiquier mondial sans l’UE (par exemple, la BBC en 2016). Mais désormais, Londres réalise un coup magistral : alors que l’UE est bloquée dans des disputes internes et un ralentissement de la croissance, la porte du plus grand espace économique mondial – les États-Unis sous Trump – s’ouvre. Une libération qui légitime a posteriori la décision du Brexit.

La continuité anglo-saxonne : anciennes alliances, nouvelle force

Il est également intéressant de voir qui Trump et son administration considèrent comme « véritable » allié : non pas la bureaucratie lourde de l’UE, mais l’ancienne mère patrie des États-Unis. La continuité de l’axe anglo-américain est profond : de l’époque coloniale, à travers les deux guerres mondiales, jusqu’à la politique commerciale d’aujourd’hui. Pendant que l’Allemagne et la France voient leur position mondiale vaciller, Washington et Londres renforcent leur partenariat historique. Cet accord constitue une alliance géopolitique des nations anglo-saxonnes – contre la fragmentation et la faiblesse des puissances continentales.

Le nationalisme économique de Trump porte ses fruits

Depuis son retour au pouvoir, Trump a appliqué sans relâche sa ligne: droits de douane, mesures punitives et une focalisation rigoureuse sur les intérêts américains. Les critiques ont crié au protectionnisme (comme le journal autrichien Standard) – mais aujourd’hui, il apparaît que d’autres États ne résistent pas, mais demandent en masse des accords. Le Royaume-Uni pourrait n’être que le début. Trump souhaite, par ces accords, reprendre le contrôle économique et mettre fin à la désindustrialisation des États-Unis. L’accord avec Londres marque une première grande réussite – et un message clair aux mondialistes.

Un signe annonciateur de la marginalisation de l’Europe ?

Du point de vue conservateur, cela annonce le début d’un nouvel ordre mondial : loin des constructions faibles et supranationales, vers des États-nations forts, qui défendent leurs intérêts avec confiance. L’UE, longtemps considérée comme une alternative incontournable, risque de devenir une simple note en bas de page si Washington et Londres, moteurs de l’Occident, se rapprochent à nouveau. Pour l’Allemagne, qui reste attachée à l’illusion d’une Europe supranationale, cela pourrait être le début d’un changement douloureux. La doctrine Trump est désormais irréversible – et l’Europe risque d’être reléguée au rang de simple spectatrice.

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Corruption, blanchiment d'argent – un scandale à propos des contrats d'armement secoue l'OTAN

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Corruption, blanchiment d'argent – un scandale à propos des contrats d'armement secoue l'OTAN

Source: https://jungefreiheit.de/politik/ausland/2025/bestechung-...

Des employés de l'agence d'approvisionnement de l'OTAN auraient divulgué des informations confidentielles à des entreprises d'armement. Il s'agit de corruption, de blanchiment d'argent – et de contrats d'armement se montant à plus d'un milliard d'euros.

BRUXELLES. Le parquet belge a porté de graves accusations contre des employés de l'agence d'approvisionnement de l'OTAN, la NSPA, basée au Luxembourg : ils seraient soupçonnés d'avoir transmis des informations confidentielles à des entreprises d'armement et de s'être ainsi, peut-être, enrichis de manière illégale.

Dans le cadre de cette affaire, plusieurs perquisitions et arrestations ont eu lieu dans plusieurs pays européens. Il est suspecté que les personnes impliquées n’auraient pas seulement transmis des documents internes concernant des procédures d’attribution en cours, mais auraient aussi effectué des opérations de blanchiment d'argent via des sociétés fictives. Selon les autorités, les contrats portant sur des drones et des munitions seraient particulièrement visés.

Lundi, deux personnes ont été arrêtées à Bredene, en Belgique, et une d’entre elles a fait l’objet d’un mandat d’arrêt. Selon Bruxelles, l’enquête s’étend également au Luxembourg, à l’Espagne et aux Pays-Bas. La procédure est coordonnée par Eurojust, l’autorité judiciaire de l’UE. Les accusations portent sur la corruption, l’appartenance à une organisation criminelle et le blanchiment d'argent.

L’Allemagne aussi sur la liste des bénéficiaires de l’OTAN

L’OTAN elle-même a confirmé, sur demande, qu’elle collaborait avec les autorités d’enquête. Selon elle, les investigations auraient été déclenchées à partir de renseignements internes de la NSPA. Il n’a pas été précisé quels entreprises auraient pu bénéficier des opérations présumées illégales.

À travers l’agence de l’OTAN, des contrats d’un milliard d’euros sont régulièrement attribués pour des systèmes d’armement et des munitions. Récemment, la NSPA a conclu un contrat-cadre pour de l’artillerie d’un montant de 1,1 milliard d’euros. L’Allemagne figure également parmi les bénéficiaires. Auparavant, l’achat d'un total pouvant aller jusqu'à 1000 missiles Patriot pour 5,5 milliards de dollars américains avait été annoncé (rr).

20:04 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, otan, corruption | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Joseph Vogl: Capital et ressentiment à l'ère digitale

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Joseph Vogl: Capital et ressentiment à l'ère digitale

Entretien avec Ivan Areler

Le penseur allemand contemporain Joseph Vogl, auteur de Kapital und Ressentiment. Eine kurze Theorie der Gegenwart, a tenté de reconstruire de nouvelles formes de pouvoir dans l'entreprise, formes qui ont émergé à l'ère digitale (et non avant). Ces formes dépassent les cadres nationaux et s'incrustent massivement dans les processus de décision politique et économique. Pouvez-vous me dire qui est Joseph Vogl, quels ont été les thèmes de son oeuvre jusqu'ici et quelle est la teneur de son ouvrage "Kapital und Ressentiment" et dans quel cadre politique et/ou idéologique on pourrait éventuellement le situer?

Joseph Vogl est un penseur et philosophe allemand contemporain dont le travail se situe à la croisée de la littérature, de la philosophie, de l'économie politique et de la théorie des médias. Né en 1957, il enseigne la littérature allemande, les études culturelles et la théorie des médias à l’université Humboldt de Berlin. Son approche se caractérise par une réflexion critique sur les fondements idéologiques des systèmes économiques et politiques contemporains. Il est souvent perçu comme un penseur "interdisciplinaire", voire "iconoclaste", en raison de son refus des cloisonnements disciplinaires.

Les grands thèmes de l’œuvre de Joseph Vogl

Jusqu'à aujourd’hui, Vogl a exploré plusieurs axes majeurs :

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Critique de l’économie politique :

Dans Das Gespenst des Kapitals (2010, Le Spectre du capital), Vogl s'intéresse aux discours qui entourent le capitalisme financier et tente de démontrer comment le capital s'est autonomisé au point de devenir un système autoréférentiel, échappant au contrôle politique classique.

Il y critique la figure du "marché autorégulateur" comme une fiction idéologique puissante.

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Pouvoir et gouvernementalité :

Dans Der Souveränitätseffekt (2015, L’Effet de souveraineté), il analyse les formes de pouvoir qui se sont développées parallèlement à l'État souverain, notamment dans les sphères économiques et financières. Il montre que le pouvoir réel, dans les sociétés modernes, ne réside pas toujours là où les institutions l’assignent.

Théorie des médias et de la culture :

Plus tôt dans sa carrière, Vogl a beaucoup travaillé sur les rapports entre les formes littéraires et les régimes de savoir, notamment à travers Goethe ou la littérature du XVIIIe et XIXe siècle.

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Kapital und Ressentiment (2021) : contenu et thèse principale

Dans Kapital und Ressentiment. Eine kurze Theorie der Gegenwart (Capital et ressentiment. Une brève théorie du présent), Vogl analyse comment le capitalisme numérique a transformé les modes de production, d’information et surtout de pouvoir.

Principaux axes du livre :

Un nouveau régime de pouvoir : le "pouvoir informationnel"

Vogl y identifie l’émergence d’un pouvoir transnational basé sur la collecte massive de données, la modélisation algorithmique du comportement humain et le ciblage informationnel.

Il parle d’un pouvoir qui ne passe plus par la souveraineté de l’État mais par des formes de gouvernementalité algorithmique, notamment exercée par les grandes entreprises technologiques (GAFAM, etc.).

L’économie de l’attention et la manipulation des affects

L’ère numérique, selon Vogl, n’est pas simplement marquée par l’information, mais par la gestion de l’affect, en particulier du ressentiment.

Les plateformes numériques exploitent ce ressentiment pour générer de l’engagement : radicalisation des opinions, polarisation, haine, colère… Ces affects deviennent des ressources économiques.

Une critique du néolibéralisme tardif

Il montre que nous sommes passés d’un néolibéralisme basé sur le marché et l’individu rationnel à un néolibéralisme technologique où l’individu est profilé, influencé, dirigé, sans toujours en avoir conscience.

Position politique et idéologique de Joseph Vogl

Joseph Vogl n’est pas un militant au sens traditionnel, mais son travail s’inscrit clairement dans une critique radicale du capitalisme contemporain et de ses effets sur les sociétés démocratiques.

Il est souvent comparé à des penseurs comme Michel Foucault, Giorgio Agamben, Byung-Chul Han ou Wendy Brown : une veine critique qui interroge les conditions de possibilité de la souveraineté, de la liberté et de la rationalité dans un monde gouverné par des logiques de marché.

Il ne propose pas de programme politique explicite, mais dénaturalise les discours dominants en révélant leur substrat idéologique.

On pourrait dire qu’il occupe une position post-marxiste, ou néo-foucaldienne, critique envers les promesses non tenues de la modernité libérale, et attentif aux mutations profondes du pouvoir dans l’ère numérique.

Pour résumer :

Joseph Vogl est un penseur critique majeur de l’économie et du pouvoir à l’ère numérique.

Il explore comment les nouveaux régimes de pouvoir s'exercent au-delà des États, à travers les données, les algorithmes, les plateformes.

Dans Kapital und Ressentiment, il montre comment le ressentiment devient une force structurante du capitalisme digital.

Politiquement, il est proche d’une critique radicale des logiques néolibérales, sans être engagé dans un cadre partisan.

Si vous pouviez nous mettre cette oeuvre de Vogl en perspective avec d'autres penseurs ou philosophes, cela nous conviendrait. Aussi, nous serions très heureux si vous pouviez quelque peu préciser ce qu'il entend, sur base d'une étude de l'oeuvre poétique de Goethe, par "rapport entre formes littéraires et régimes de savoir", notamment dans le cadre du 19ème siècle allemand?

Ce sont là deux dimensions fondamentales de l’œuvre de Vogl : d’un côté, sa critique contemporaine du pouvoir à l’ère numérique, et de l’autre, sa généalogie des régimes de savoir en lien avec la littérature, notamment chez Goethe. Et l’une n’est pas étrangère à l’autre : chez Vogl, la forme littéraire n’est jamais neutre, elle participe à la configuration historique d’un régime de rationalité, d’un rapport au monde, voire d’un mode de gouvernementalité.

1. Mise en perspective de Kapital und Ressentiment

Vogl s’inscrit dans un champ intellectuel critique large, qu’on pourrait qualifier de généalogie du capitalisme numérique. Voici quelques rapprochements féconds :

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Michel Foucault

Vogl reprend (sans toujours le dire explicitement) la notion de gouvernementalité développée par Foucault : l’idée que le pouvoir moderne ne s’exerce pas principalement par la violence ou la loi, mais par la production de savoirs, de normes, de comportements.

Là où Foucault étudiait l’économie politique classique, la psychiatrie, la biopolitique, Vogl prolonge la généalogie dans le champ des données, de l'information, de l'affect.

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Shoshana Zuboff – The Age of Surveillance Capitalism

Très proche thématiquement : Zuboff théorise le "capitalisme de surveillance" comme une nouvelle phase dans laquelle les comportements humains sont extraits, analysés, modélisés, non seulement pour prédire mais pour influencer les actions futures.

Là où Vogl insiste sur les affects (le "ressentiment") comme ressource, Zuboff parle de "rendement comportemental".

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Byung-Chul Han

Philosophe germano-coréen qui, comme Vogl, critique l’époque actuelle sous l’angle de ses pathologies affectives et sociales.

Dans La société de la transparence ou Psychopolitique, Han décrit une société où le contrôle ne passe plus par la répression, mais par l’incitation, la transparence, et l’auto-exposition.

Le "ressentiment" chez Vogl pourrait dialoguer avec la "positivité toxique" chez Han: deux formes d’affect mobilisées et instrumentalisées par le capitalisme tardif.

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Wendy Brown & les critiques du néolibéralisme

Dans Undoing the Demos, Brown montre comment la logique néolibérale transforme les sujets politiques en agents économiques, calculant chaque geste selon une logique de profit.

Vogl va plus loin : dans le capitalisme digital, il ne s’agit même plus d’un calcul rationnel, mais de profilage émotionnel et comportemental, hors de la conscience.

2. Vogl, Goethe et la poétique des savoirs

Avant d’être un théoricien du capitalisme, Vogl est un philologue formé à la littérature allemande classique. Son travail sur Goethe est fondateur pour comprendre sa méthode.

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Le projet : penser la littérature comme un lieu de production du savoir

Dans des ouvrages comme Kalkül und Leidenschaft (1998) ou Poetologien des Wissens (Poétiques du savoir), Vogl s’intéresse à la manière dont la littérature ne reflète pas simplement un savoir préexistant, mais met en scène des modes de connaissance, voire expérimente de nouvelles formes de rationalité.

Chez Goethe, il identifie une tension entre :

La passion et la raison, c’est-à-dire entre forces affectives et logiques formelles.

Le calcul et le vivant, par exemple dans les écrits scientifiques de Goethe, qui s’opposent à une logique purement mécaniste du monde.

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Goethe comme figure critique de la modernité scientifique

Goethe, notamment dans ses écrits sur la morphologie, propose une approche du vivant fondée sur la forme, la transformation, l'intuition — contre le réductionnisme analytique de la science naissante.

Vogl y voit une forme de contre-modèle épistémologique, où la littérature et la science ne sont pas séparées mais dialoguent dans une même recherche de compréhension du monde.

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Goethe et la figure du savant : le roman comme laboratoire de pouvoir

Dans Les Affinités électives, par exemple, Goethe applique un langage chimique (les "affinités") à des relations humaines — ce que Vogl lit comme une formalisation des passions, une tentative de mathématiser l’imprévisible.

Cette mise en forme des désirs humains n’est pas innocente : elle reflète une volonté de contrôle rationnel sur l’individu, annonçant des régimes de pouvoir modernes.

Le 19e siècle comme moment de bascule

Le 19e siècle allemand voit l’émergence d’une bureaucratie rationalisée, d’une science positiviste, de l’État-nation, etc.

Vogl montre que la littérature de cette époque participe à l’imagination politique de ces structures — elle est à la fois un miroir et un moteur de la rationalisation du monde (Max Weber n’est pas loin ici).

En résumé

Chez Vogl, l’histoire de la rationalité moderne est indissociable des formes littéraires. Il voit dans les œuvres de Goethe un moment clé où la pensée du vivant, du calcul, du pouvoir et de l’affect s’articulent.

Ce regard "généalogique" sur la modernité se prolonge dans sa critique du capitalisme digital, qui reprend les mêmes tensions, mais en les inscrivant dans des logiques techniques et globalisées.

Il est l’un des rares penseurs à faire le lien direct entre esthétique, économie, et pouvoir, dans une perspective longue, du romantisme allemand à la Silicon Valley.

Les différences et/ou accointances entre Vogl et des auteurs tels Benjamin et Adorno m'intéresse. Par ailleurs a-t-il évoqué ou non l'idée de Nietzsche d'une "transvaluation des valeurs"?

Joseph Vogl se situe à un carrefour intellectuel où l'on croise des noms comme Benjamin, Adorno, Nietzsche, Foucault, Heidegger, etc. Comparer son œuvre à celle de Benjamin et Adorno, et examiner ses rapports avec la pensée de Nietzsche, permet d’éclairer sa philosophie de la modernité et la manière singulière dont il articule pouvoir, savoir, littérature et économie.

Chacun de ces pôles interagit avec les autres. Par exemple :

La littérature est un laboratoire de formes qui préfigurent des formes de rationalité politique ou économique.

Le pouvoir ne se comprend plus uniquement par l’institution, mais par la circulation de savoirs, de récits, d’affects.

Le ressentiment n’est plus un symptôme psychologique mais une ressource économique et politique.

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Comparaison avec Benjamin et Adorno

Avec Walter Benjamin :

Affinités: Tous deux pensent historiquement. Benjamin dans une veine messianique et dialectique, Vogl dans une veine généalogique et critique.

L’idée que la technique transforme la perception, la politique, et la culture les rapproche (cf. Benjamin et l’art à l’ère de sa reproductibilité technique // Vogl et l’ère numérique).

Une attention aux formes culturelles mineures comme révélatrices de vérités historiques.

Différences : Benjamin reste très attaché à une philosophie de l’histoire messianique, où la rédemption est possible dans l’instant.

Vogl est plus foucaultien, sans horizon eschatologique ou salut: il étudie les formes de pouvoir sans promesse.

Avec Theodor W. Adorno :

Affinités : Critique de la rationalité instrumentale, de la réification, de l’aliénation dans les systèmes économiques et culturels.

Intérêt commun pour Goethe, mais dans une perspective différente: Adorno l’aborde dans sa critique de la culture bourgeoise, tandis que Vogl en fait un laboratoire épistémologique.

Différences : Adorno reste attaché à une dialectique négative, profondément imprégnée de marxisme hégélien.

Vogl, lui, se situe plutôt dans une logique post-marxiste et post-structuraliste, méfiant à l’égard des totalités dialectiques, et préférant des lectures discontinues, locales, archéologiques.

On pourrait dire que Vogl est une sorte d'héritier indiscipliné de la Théorie critique : il partage sa méfiance à l'égard de la raison capitaliste, mais adopte des outils foucaldiens, littéraires, et "poétologiques" pour la déconstruire.

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Vogl et Nietzsche : la transvaluation des valeurs

Vogl ne consacre pas d’ouvrage entier à Nietzsche, mais l’influence est là, diffuse, mais structurante, notamment sur deux plans :

  1. Le pouvoir et les affects

Nietzsche, dans La Généalogie de la morale, montre que les systèmes moraux sont des dispositifs de pouvoir intériorisés, fondés sur des affections négatives (culpabilité, ressentiment).

Chez Vogl, ce ressentiment devient une ressource exploitable par les régimes économiques numériques : ce n’est plus un simple symptôme de l’âme blessée, mais une donnée, une énergie sociale, voire une marchandise.

  1. La transvaluation des valeurs

Nietzsche appelait à une refondation des valeurs, au-delà du bien et du mal, contre la morale chrétienne de la faiblesse.

Vogl n’appelle pas à une transvaluation explicite, mais on peut dire qu’il diagnostique un processus involontaire de reconfiguration des valeurs dans l’ère numérique :

La vérité devient moins une fin qu’un effet de viralité.

La liberté devient un choix programmé par des algorithmes.

Le sujet rationnel devient un profil comportemental.

Ainsi, sans être nietzschéen au sens strict, Vogl s’inscrit dans une logique de généalogie critique, là où Nietzsche interrogeait les origines des valeurs, et Foucault leur sédimentation dans des dispositifs.

En résumé

Vogl partage avec Benjamin et Adorno une critique radicale de la modernité, mais en mobilisant des outils post-foucaldiens et en mettant l’accent sur le numérique, le ressentiment et l’information.

Il n’est pas un lecteur explicite de Nietzsche, mais il hérite de son intuition fondamentale : le pouvoir est inscrit dans les valeurs, les formes, les discours – et aujourd’hui, dans les algorithmes.

Sa spécificité : relier littérature, savoir et pouvoir, de Goethe à Google, en passant par les passions, les formes esthétiques et les infrastructures techniques.

En savoir plus sur les notions de "gouvernementalité algorithmique" et de "poétique des savoirs" nous conviendrait parfaitement.

Ces deux notions sont centrales pour comprendre l’originalité de la pensée de Joseph Vogl. Elles permettent d’articuler les nouvelles formes de pouvoir technologique et le rôle des récits, des formes littéraires ou culturelles dans la production de savoir. Elles peuvent sembler très différentes, mais chez Vogl, elles dialoguent intimement : la manière dont une société "raconte" le monde n’est jamais innocente — elle participe à sa gouvernance effective.

1. La gouvernementalité algorithmique

Origine du terme

La notion est un prolongement critique de la "gouvernementalité" chez Michel Foucault, c’est-à-dire :

"L’ensemble constitué par les institutions, les procédures, les analyses, les calculs, les tactiques qui permettent d’exercer une forme très spécifique de pouvoir : le gouvernement des conduites."

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Chez Foucault, la gouvernementalité moderne émerge à partir du XVIIIe siècle, avec l'État libéral : il ne s’agit plus de gouverner seulement par décret ou par force, mais par des mécanismes d’incitation, de régulation, de normalisation des comportements.

Vogl prolonge cette idée dans le monde post-légal, post-étatique, datafié et algorithmisé.

La gouvernementalité algorithmique, chez Vogl, se définit comme :

Un régime de pouvoir déterritorialisé fondé sur la collecte, le traitement et l'exploitation de données massives, qui permet de modéliser, prédire et orienter les comportements humains, souvent de manière préconsciente et sans intervention explicite d’un appareil d’État.

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Ses caractéristiques principales :

  1. a) Profilage comportemental

Chaque individu devient une matrice de données (géolocalisation, achats, réseaux, recherches…).

Ces données ne servent pas à "connaître" l’individu comme une personne morale ou politique, mais à anticiper ses actions, à le rediriger (via la publicité, l’interface, l’algorithme de recommandation).

  1. b) Pouvoir sans visage

Ce régime ne repose plus sur des figures visibles du pouvoir (roi, juge, bureaucrate) mais sur des architectures techniques, souvent opaques.

Ce pouvoir est dispersé, automatisé, intégré à l’environnement (smartphones, applis, plateformes, objets connectés).

  1. c) Économie de l'affect

Les plateformes optimisent l’engagement via des affects polarisants : indignation, peur, colère, ressentiment. L’algorithme "apprend" que l’indignation génère du clic.

Ainsi, le ressentiment devient une ressource économique, un carburant du capitalisme attentionnel.

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  1. d) Subversion de la rationalité

La figure classique du sujet rationnel autonome (hérité des Lumières) est supplantée par un sujet calculé, anticipé, nudgé, dans un environnement de micro-incitations invisibles.

En résumé :

Le pouvoir ne vous dit plus quoi faire : il prédit ce que vous allez faire, puis crée les conditions pour que cela se réalise — sans que vous sachiez qu’on vous a influencé.

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2. La poétique des savoirs

Ce concept est plus "littéraire", mais tout aussi crucial. Il s’agit d’un des apports les plus originaux de Vogl, notamment dans Poetologien des Wissens et Kalkül und Leidenschaft.

Qu’entend-on par "poétique des savoirs" ?

L’idée que les formes littéraires (romans, récits, styles, genres) ne se contentent pas de représenter un monde déjà connu, mais participent activement à la production des savoirs — y compris scientifiques, économiques, politiques.

Trois idées centrales :

  1. a) La forme fait savoir

Par exemple, un roman épistolaire ne transmet pas la même compréhension du monde qu’un roman réaliste à narrateur omniscient.

La forme narrative configure une perception du temps, de la causalité, de l’individualité, etc.

  1. b) La littérature comme lieu d’expérimentation

Goethe, Kleist, Büchner, mais aussi Kafka ou Musil, ne sont pas "des artistes qui expriment leur époque", mais des penseurs qui mettent en scène des configurations possibles du savoir, du droit, de la responsabilité, de la folie…

Chez Goethe, par exemple, Vogl étudie comment le langage scientifique s’infiltre dans la fiction (cf. Les Affinités électives) et modèle les affects.

  1. c) Les régimes de savoir sont historiques

La "science" n’a pas toujours été ce qu’elle est aujourd’hui. La frontière entre science, fiction, et mythe a été mobile.

La poétique des savoirs étudie cette mobilité historique, en interrogeant les formes culturelles par lesquelles un monde devient pensable, dicible, représentable.

En quoi cela rejoint la gouvernementalité ?

    - La littérature préfigure souvent des dispositifs de pouvoir : Vogl montre comment certaines formes littéraires normalisent des comportements, des structures sociales (notamment dans la bourgeoisie naissante).

    - Inversement, aujourd’hui, les formes algorithmiques jouent le rôle qu’avait la littérature dans le passé : elles produisent des savoirs sociaux, structurent des subjectivités, modèlent la perception du réel.

Synthèse (en une phrase chacun)

Gouvernementalité algorithmique : régime de pouvoir technologique où les comportements sont orientés par la donnée et l’algorithme, souvent sans conscience ni consentement.

Poétique des savoirs : étude des formes culturelles et littéraires comme producteurs historiques de rationalité, de normativité et de savoir.

Albert Camus et la prostration du Français

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Albert Camus et la prostration du Français

Nicolas Bonnal

On sait que Camus aura beaucoup souffert du carcan scolaire. Le redécouvrir c’est le lire en oubliant le fatras idéologique (Résistance, Vichy, décolonisation, communisme, absurde…) qui l’accompagne, certes en le remettant aussi à sa modeste – modeste mais indispensable - place. Car il ne faut pas oublier que sa mort accidentelle aura arrangé tout le monde, surtout à gauche. Certains le voyaient mal tourner alors.

J’ai eu comme ça un besoin de relecture étant resté sur des souvenirs lumineux et surpris (on se doute qu’il n’était pas a priori ma tasse de thé). Mais en le triangulant avec le roman noir américain (même froideur glaciale, même prison de fer que chez Chandler), avec Céline et avec les réflexions du maître communiste Henri Lefebvre, inspirateur de Debord et découvreur de la vie ordinaire qui allait décapiter tous les mouvements politiques (car quel mouvement politique voudrait nous en arracher à cette vie ordinaire ?) ; en relisant d’une manière behaviouriste L’Etranger par exemple, en le considérant comme un documentaire social et non comme une « allégorie » (les pages de Wikipédia sont ridicules, abjectes même) et en se rappelant que notre bon esprit fut surtout un découvreur de Dostoïevski, on arrive à de curieuses observations.

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Rappelons au passage que si Visconti a raté l’adaptation cinéma de L’Etranger, il a très bien réussi celle de D’Annunzio (L’Innocent est son chef-d’œuvre), ou celle des Nuits blanches de Dostoïevski, ce qui montre que n’importe quel maître du dix-neuvième siècle est plus présent, moderne et contemporain que toutes les babioles du vingtième siècle.

Je n’ai pas trop envie de reprendre le lien entre La Peste et le Covid. Il est déjà trop éculé et trop évident, même si La Peste annonce et décrit le pouvoir moderne et la banalité de son mal et de ses méthodes qui ont été vues par Jouvenel à la même époque (que L’Etranger) dans ses analyses sur la démocratie totalitaire.  

Mais prenons le début tout de même; c’est ce Camus célinien qui me surprend:

« Dans notre petite ville, est-ce l'effet du climat, tout cela se fait ensemble, du même air frénétique et absent. C'est-à-dire qu'on s'y ennuie et qu'on s'y applique à prendre des habitudes. »

Comparons ici :

« Au lit ils enlevaient leurs lunettes d’abord et leurs râteliers ensuite dans un verre et plaçaient le tout en évidence. Ils n’avaient pas l’air de se parler entre eux, entre sexes, tout à fait comme dans la rue. On aurait dit des grosses bêtes bien dociles, bien habituées à s’ennuyer… »

Le style de Céline reste incomparable mais l’effet est le même.

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Impitoyable, Camus observe aussi – toujours au début de La Peste donc :

« Mais, très raisonnablement, ils réservent ces plaisirs pour le samedi soir et le dimanche, essayant, les autres jours de la semaine, de gagner beaucoup d'argent. Le soir, lorsqu'ils quittent leurs bureaux, ils se réunissent à heure fixe dans les cafés, ils se promènent sur le même boulevard ou bien ils se mettent à leurs balcons. Les désirs des plus jeunes sont violents et brefs, tandis que les vices des plus âgés ne dépassent pas les associations de boulomanes, les banquets des amicales et les cercles où l'on joue gros jeu sur le hasard des cartes. »

La suite résonne comme du Henri de Man :

« On dira sans doute que cela n'est pas particulier à notre ville et qu'en somme tous nos contemporains sont ainsi. »

La banalité du mal moderne se manifeste partout :

« Ce qu'il fallait souligner, c'est l'aspect banal de la ville et de la vie. Mais on passe ses journées sans difficultés aussitôt qu'on a des habitudes. »

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La presse, l’information ? On lit ceci plus loin :

« Les journaux, naturellement, obéissaient à la consigne d'optimisme à tout prix qu'ils avaient reçues. À les lire, ce qui caractérisait la situation, c'était « l'exemple émouvant de calme et de sang-froid » que donnait la population. »

La presse n’est là que pour programmer sur ordre. Dont acte.

Les crétins font donc de La Peste un produit allégorique sur Vichy et la Shoah. En réalité on est plus proche d’Ionesco-Beckett, de ce désespoir, devant la vie et les hommes modernes, qui a saisi les écrivains au lendemain de la seconde guerre mondiale: et Camus finit par douter de la réalité des hommes qui l’entourent. On est ici au début – début épouvantable – de L’Etranger, quand il veille notre héros (meurt et sot comme racines) le cadavre de sa mère (il n’est donc pas si abominable que cela, il est prostré et fatigué de réagir, comme le froncé sous Macron) :  

« Je les voyais comme je n'ai jamais vu personne et pas un détail de leurs visages ou de leurs habits ne m'échappait. Pourtant je ne les entendais pas et j'avais peine à croire à leur réalité. »

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En fait avant la télé déjà l’homme moderne ou pour parler comme l’extraordinaire Roderick Seidinger l’homme post-historique doute de la réalité de son prochain, avant même qu’il ne lui parvienne plus que par écran interposé (voyez mon texte sur Nizan et le bourgeois) !

Il fait des observations prosaïques mais objectives notre "étranger":

« Je n'avais encore jamais remarqué à quel point les vieilles femmes pouvaient avoir du ventre. Les hommes étaient presque tous très maigres et tenaient des cannes. Ce qui me frappait dans leurs visages, c'est que je ne voyais pas leurs yeux, mais seulement une lueur sans éclat au milieu d'un nid de rides. Lorsqu'ils se sont assis, la plupart m'ont regardé et ont hoché la tête avec gêne, les lèvres toutes mangées par leur bouche sans dents, sans que je puisse savoir s'ils me saluaient ou s'il s'agissait d'un tic. Je crois plutôt qu'ils me saluaient. »

Retour au boulot avec l’impeccable patron:

« En me réveillant, j'ai compris pourquoi mon patron avait l'air mécontent quand je lui ai demandé mes deux jours de congé: c'est aujourd'hui samedi. Je l'avais pour ainsi dire oublié, mais en me levant, cette idée m'est venue. Mon patron, tout naturellement, a pensé que j'aurais ainsi quatre jours de vacances avec mon dimanche et cela ne pouvait pas lui faire plaisir. »

Atmosphère de gendarmerie… Courteline est passé par là il est vrai… O bureaucratie, ô républiques !

Puis L’Etranger retrouve sa jolie fille, d’ailleurs espagnole, comme tant de gens à Oran et ailleurs. Au lieu de venir râler toute leur vie en République, certains pieds noirs auraient mieux fait de s’y rendre et d’y vivre en Espagne, même « franquiste » ! Bazar politique à part c’était le pays le plus libre et le plus heureux du monde, le moins taxé aussi (il y a des restes…). Vous ne pouvez pas imaginer le bonheur dans un pays où les partis politiques sont interdits. Pas de parti socialiste, communiste, conservateur, républicain, catho, crétin-démocrate, euro-féministe écologiste, national-sioniste ou populiste…

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Et ici on découvre une évidence rappelée par Revel dans ses très bonnes Mémoires (le Voleur dans la maison vide) : chaque génération croit avoir inventé la révolution sexuelle. En réalité on se croirait dans les années soixante-dix (les présumées libératoires qui imposèrent surtout avortement, féminisme, implosion familiale) et comment :

« J'ai retrouvé dans l'eau Marie Cardona, une ancienne dactylo de mon bureau dont j'avais eu envie à l'époque.

Elle aussi, je crois. Mais elle est partie peu après et nous n'avons pas eu le temps. Je l'ai aidée à monter sur une bouée et, dans ce mouvement, j'ai effleuré ses seins. J'étais encore dans l'eau quand elle était déjà à plat ventre sur la bouée. Elle s'est retournée vers moi. Elle avait les cheveux dans les yeux et elle riait. Je me suis hissé à côté d'elle sur la bouée. Il faisait bon et, comme en plaisantant, j'ai laissé aller ma tête en arrière et je l'ai posée sur son ventre. Elle n'a rien dit et je suis resté ainsi. » 

Après on est plus vie ordinaire que jamais (et alors, René Guénon ? C’est un crime ?), et on parle bronzette et cinoche :

« Sur le quai, pendant que nous nous séchions, elle m'a dit : « Je suis plus brune que vous. » Je lui ai demandé si elle voulait venir au cinéma, le soir. Elle a encore ri et m'a dit qu'elle avait envie de voir un film avec Fernandel. Quand nous nous sommes rhabillés, elle a eu l'air très surprise de me voir avec une cravate noire et elle m'a demandé si j'étais en deuil. »

Atterrissage en douceur mais atterrissage quand même :

« Je lui ai dit que maman était morte. Comme elle voulait savoir depuis quand, j'ai répondu : « Depuis hier. » Elle a eu un petit recul, mais n'a fait aucune remarque. »

Rappelons comme ça en passant les faux scandales liés à la canicule de 2004. Survient la fameuse après-midi sans télé passée à ne rien foutre donc et à mater la rue du balcon puisqu’il n’y a pas de télé :

« J'ai pensé qu'ils allaient aux cinémas du centre. C'était pourquoi ils partaient si tôt et se dépêchaient vers le tram en riant très fort. Après eux, la rue peu à peu est devenue déserte. Les spectacles étaient partout commencés, je crois. Il n'y avait plus dans la rue que les boutiquiers et les chats. »

Là on est dans Guy Debord !

Paragraphe premier du légendaire opus :

« Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s’annonce comme une immense accumulation de spectacles. Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans la représentation. »

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Et comme dit le cinéphile Céline (Le Voyage, toujours), étranger à New York :

« Nous sommes, par nature, si futiles, que seules les distractions peuvent nous empêcher vraiment de mourir. Je m’accrochais pour mon compte au cinéma avec une ferveur désespérée. »

Ensuite il y a le sport et ses supporters :

« À cinq heures, des tramways sont arrivés dans le bruit. Ils ramenaient du stade de banlieue des grappes de spectateurs perchés sur les marchepieds et, les rambardes. Les tramways suivants ont ramené les joueurs que j'ai reconnus à leurs petites valises. Ils hurlaient et chantaient à pleins poumons que leur club ne périrait pas. Plusieurs m'ont fait des signes. L'un m'a même crié : « On les a eus. » Et j'ai fait : « Oui », en secouant la tête. À partir de ce moment, les autos ont commencé à affluer. »

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Petite piqure de rappel avec Henri de Man :

« De Man voit aussi l’homogénéisation frapper les esprits grâce aux médias de masse et à l’adoration du sport ou du people. Il parle de sa vision de pavillons de banlieue et leur audition, à ces habitants qu’il croyait bien logés, d’une seule émission :

Tous les habitants de ces maisons particulières écoutaient en même temps la même retransmission. Je fus pris de cette angoisse… Aujourd’hui ce sont les informations qui jouent ce rôle par la manière dont elles sont choisies et présentées, par la répétition constante des mêmes formules et surtout par la force suggestive concentrée dans les titres et les manchettes. »

Retour à Camus. Le troupeau rentre de la promenade et du spectacle :

« La journée a tourné encore un peu. Au-dessus des toits, le ciel est devenu rougeâtre et, avec le soir naissant, les rues se sont animées. Les promeneurs revenaient peu à peu. J'ai reconnu le monsieur distingué au milieu d'autres. Les enfants pleuraient ou se laissaient traîner. Presque aussitôt, les cinémas du quartier ont déversé dans la rue un flot de spectateurs. Parmi eux, les jeunes gens avaient des gestes plus décidés que d'habitude et j'ai pensé qu'ils avaient vu un film d'aventures. Ceux qui revenaient des cinémas de la ville arrivèrent un peu plus tard. Ils semblaient plus graves. »

Après le sport, un peu de cul comme on disait jadis :

« Quand nous nous sommes rhabillés sur la plage, Marie me regardait avec des yeux brillants. Je l'ai embrassée. À partir de ce moment, nous n'avons plus parlé. Je l'ai tenue contre moi et nous avons été pressés de trouver un autobus, de rentrer, d'aller chez moi et de nous jeter sur mon lit. J'avais laissé ma fenêtre ouverte et c'était bon de sentir la nuit d'été couler sur nos corps bruns. »

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Maupassant parlait déjà de cette libération sexuelle en Algérie. Et de ce peu de futur aussi qui nous y attendait :

« Et je pensais à ce peuple vaincu au milieu duquel nous campons ou plutôt qui campe au milieu de nous, dont nous commençons à parler la langue, que nous voyons vivre chaque jour sous la toile transparente de ses tentes, à qui nous imposons nos lois, nos règlements et nos coutumes, et dont nous ignorons tout, mais tout, entendez-vous, comme si nous n’étions pas là, uniquement occupés à le regarder depuis bientôt soixante ans…. »

L’Etranger comme métaphore du froncé qui campe ?

Camus a parlé de ces vieux sans réalité, et Maupassant de ces colonisateurs qui ne sont pas là, « comme si nous n’étions pas là… ». J’ai eu cette sensation partout où j’ai vu  la « présence française » en voyageant… Ne polémiquons pas.

Mais continuons, comme dirait Sartre :

« Quand elle a ri, j'ai eu encore envie d'elle. Un moment après, elle m'a demandé si je l'aimais. Je lui ai répondu que cela ne voulait rien dire, mais qu'il me semblait que non. Elle a eu l'air triste. Mais en préparant le déjeuner, et à propos de rien, elle a encore ri de telle façon que je l'ai embrassée. C'est à ce moment que les bruits d'une dispute ont éclaté chez Raymond. »

Comme on sait le Raymond en question est encore plus obsédé sexuel que notre meurt-sot et c’est son obsession pour les filles arabes battues qui va amener le drame.

« Mais Raymond m'a demandé d'attendre et il m'a dit qu'il aurait pu me transmettre cette invitation le soir, mais qu'il voulait m'avertir d'autre chose. Il avait été suivi toute la journée par un groupe d'Arabes parmi lesquels se trouvait le frère de son ancienne maîtresse. « Si tu le vois près de la maison ce soir en rentrant, avertis-moi. » J'ai dit que c'était entendu. »

Sur cet incident se rappeler l’essentiel: on va guillotiner un Français de souche qui a tué un arabe. C’est aussi ça L’Etranger, même si tout le monde oublie... Pour le reste Maupassant avait sans doute raison: le froncé se comporte en touriste et en campeur partout où il passe, et il n’a donc rien colonisé sérieusement. Voyez et revoyez Rue cases-nègres, un des derniers chefs d’œuvre de notre cinéma. On voudrait polémiquer mais je n’en ai aucune envie.

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Trop espagnole, la pauvre et romantique Marie se fait encore rembarrer :

« Le soir, Marie est venue me chercher et m'a demandé si je voulais me marier avec elle. J'ai dit que cela m'était égal et que nous pourrions le faire si elle le voulait. Elle a voulu savoir alors si je l'aimais. J'ai répondu comme je l'avais déjà fait une fois, que cela ne signifiait rien mais que sans doute je ne l'aimais pas. « Pourquoi m'épouser alors ? » a-t-elle dit. »

Pour divorcer. Comme dit Yockey dans son opus monumental, le divorce remplace le mariage.

Rappel : Maupassant évoque aussi dans son conte comique Marroca des souvenirs sexuels hispaniques. L’autre conte à relire est Allouma.

Marie s’enfonce, elle est obligée de s’enfoncer vu l’énergumène postmoderne, post-historique et post-tout qui l’a séduite :

« Après un autre moment de silence, elle a murmuré que j'étais bizarre, qu'elle m'aimait sans doute à cause de cela mais que peut-être un jour je la dégoûterais pour les mêmes raisons. »

Meurt-sot annonce Jean Yanne en fait, celui de Nous ne vieillirons pas ensemble; et c’est Pialat, pas Visconti (le pauvre, car une fois qu’on a enlevé les costumes…) qui aurait du « adapter » comme on dit en novlangue L’Etranger.

Puis on parle de Paris et c’est pittoresque :

« Je lui ai parlé alors de la proposition du patron et Marie m'a dit qu'elle aimerait connaître Paris. Je lui ai, appris que j'y avais vécu dans un temps et elle m'a demandé comment c'était. Je lui ai dit : « C'est sale. Il y a des pigeons et des cours noires. Les gens ont la peau blanche. »

C’était avant Hidalgo…

Rare allusion heureuse à la belle race méditerranéenne de la rue algérienne :

« Puis nous avons marché et traversé la ville par ses grandes rues. Les femmes étaient belles et j'ai demandé à Marie si elle le remarquait. Elle m'a dit que oui et qu'elle me comprenait. Pendant un moment, nous n'avons plus parlé. »

Céline dit la même chose sur les newyorkaises. Il est plus lyrique naturellement :

« Quelles gracieuses souplesses cependant ! Quelles délicatesses incroyables ! Quelles trouvailles d’harmonie ! Périlleuses nuances ! Réussites de tous les dangers ! De toutes les promesses possibles de la figure et du corps parmi tant de blondes ! Ces brunes ! Et ces Titiennes ! Et qu’il y en avait plus qu’il en venait encore ! C’est peut-être, pensais-je, la Grèce qui recommence ? J’arrive au bon moment ! »

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Ces races créoles étaient belles. Mais revenons sur terre :

« Nous allions partir quand Raymond, tout d'un coup, m'a fait signe de regarder en face. J'ai vu un groupe d'Arabes adossés à la devanture du bureau de tabac. Ils nous regardaient en silence, mais à leur manière, ni plus ni moins que si nous étions des pierres ou des arbres morts. »

Le Français qui aime tant moraliser les Américains ferait bien de méditer ces lignes – et celles de Maupassant (inspiré non par Dostoïevski mais comme on sait par Schopenhauer). Métaphore de la pression qui monte L’Etranger?

Après il faut passer à table. Et là on est affamés. J’ai un ami restaurateur à Vézelay qui me dit que son restau est plein à midi dix des fois. Ma sœur confirme pour Monaco. Elle sait aussi que dans plein de bleds en France on ne peut plus dîner. Passées huit heures c’est le couvre-feu annoncé par mon Philippe Muray (avec la fin du sexe) il y a trente ans déjà.

On va voir :

« Quand nous sommes revenus, Masson nous appelait déjà. J'ai dit que j'avais très faim et il a déclaré tout de suite à sa femme que je lui plaisais. Le pain était bon, j'ai dévoré ma part de poisson. Il y avait ensuite de la viande et des pommes de terre frites. Nous mangions tous sans parler. Masson buvait souvent du vin et il me servait sans arrêt. Au café, j'avais la tête un peu lourde et j'ai fumé beaucoup. »

J’ai sympathisé une fois avec un jeune serveur équatorien (un des pays sinistres où j’ai séjourné le moins longtemps en Amérique du Sud) à Côme ; il était impressionné par cette clientèle de retraités qui venait dîner à dix-neuf heures pour se planter ensuite devant Tik Tok ou la télé. Tutti quadrati, m’a-t-il dit en italien dans cette ville alors submergée de migrants et de son et lumière écolo-Bergoglio…

Résultat des courses, on a mangé un peu tôt. Il annonce la France à Macron notre "étranger":

« Masson, Raymond et moi, nous avons envisagé de passer ensemble le mois d'août à la plage, à frais communs. Marie nous a dit tout d'un coup : « Vous savez quelle heure il est ? Il est onze heures et demie. » Nous étions tous étonnés, mais Masson a dit qu'on avait mangé très tôt, et que c'était naturel parce que l'heure du déjeuner, c'était l'heure où l'on avait faim. »

Pas de doute, ils se seraient fait vacciner trente fois pour aller au restau à dix heures…

A l’heure où j’écris je vois une épidémie d’obésité irréelle se produire en Espagne. Mes amis me garantissent que ça se produit aussi en France. Bouffer est un but en soi, pas un moyen, rappelait Shamir à propos des Israéliens.

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On a beaucoup parlé des grands auteurs du dix-neuvième siècle. Un peu de Dominique de Fromentin (peintre d’Algérie aussi) :

« Quoiqu'il ne fût pas le premier venu autant qu'il le prétendait, et qu'avant de rentrer dans les effacements de sa province il en fût sorti par un commencement de célébrité, il aimait à se confondre avec la multitude des inconnus, qu'il appelait les quantités négatives. »

Allez, encore une répétition de ce rare plaisir littéraire :

« Pourtant je ne les entendais pas et j'avais peine à croire à leur réalité. »

Ma conclusion ? C’est facile d’accuser l’informatique et la télé. Mon mal vient de plus loin, comme dit Jean Racine.

Sources principales :

http://www.maupassantiana.fr/Oeuvre/Les%20Contes%20de%20M...

https://dissibooks.wordpress.com/wp-content/uploads/2014/...

http://datablock.free.fr/GUY%20DEBORD%20La%20societe%20du...

https://www.ebooksgratuits.com/blackmask/fromentin_domini...

https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/09/19/lecons-liber...

https://www.amazon.fr/Dosto%C3%AFevski-modernit%C3%A9-occ...

https://www.amazon.fr/Louis-Ferdinand-C%C3%A9line-pacifis...

https://www.dedefensa.org/article/nizan-et-les-caracteres...

mercredi, 14 mai 2025

Les derniers souffles du système démocratique

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Les derniers souffles du système démocratique

Jordi Garriga

Tout ce que nous connaissons du système démocratique, avec ses parlements, son système de vote, son économie de marché, sa liberté de conscience, etc., est un système adapté aux intérêts de la classe que nous appelons traditionnellement la bourgeoisie. Toutes les révolutions démocratiques depuis la Révolution américaine de 1776, la Révolution française de 1789, les révolutions européennes de 1820, 1830, 1848… ont été organisées pour renverser la classe aristocratique considérée comme improductive, dont la justification d’exister avait déjà expiré : le but de la vie est désormais le bien-être matériel et tous ceux qui ne dirigent pas leurs efforts pour l’atteindre, ceux qui n’adorent pas la machine utile, les processus d'achat et de vente, restent en dehors du nouveau monde.

Mais ce nouveau monde, qui prétend consacrer la figure du citoyen libre comme nouveau souverain, par le vote dans les assemblées, par l'expression d'opinions, par les relations d'affaires avec d'autres citoyens libres... ne fait que reproduire, avec une nouvelle topologie, ce qu'il prétend avoir dépassé. Le changement, qui a entraîné la disparition de l’aristocratie en tant que classe dirigeante, a été déterminant.

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Si autrefois le facteur déterminant était la propriété de la terre, cultivée par des gens qui ne la possédaient pas, plus tard c'est la propriété des moyens de production (usines, machines) qui a été déterminante. Aujourd’hui, une nouvelle classe (les intermédiaires) prend le pouvoir de l’ancienne bourgeoisie (une simple mutation), dont la clé de la domination est le contrôle des réseaux, des flux d’information, des échanges monétaires et du marché des données (Big Data).

Nous savons que pendant des siècles, au Moyen Âge et jusqu’à il y a moins de trois siècles, la société occidentale était divisée en trois classes : l’Église, la noblesse et la bourgeoisie. L'Église détenait le pouvoir spirituel et moral, la noblesse contrôlait la terre et la force militaire, tandis que la bourgeoisie émergente commençait à accumuler richesses et influence grâce au commerce.

Au travers des révolutions et des changements institutionnels mentionnés ci-dessus, à des degrés divers, ce schéma a été maintenu. Ce qu'on appelle désormais « lutte des classes » est le produit du nouvel ajustement : la légitimité réside dans un citoyen présumé libre, qui devrait pouvoir faire valoir ses qualités, lesquelles, grâce à l'effort et à l'éducation, pourraient être améliorées pour réaliser ses désirs, et ainsi chacun serait heureux dans un cadre de libre concurrence. Mais non, la réalité est différente et l’a toujours été: les classes sociales existent comme il y a mille ans, avec le cruel espoir d’une égalité terrestre qui ne pourra jamais être atteinte. Si l’Église l’a reporté après la mort (l’opium du peuple, selon Marx), le système démocratique le promet pour aujourd’hui.

Le système démocratique a provoqué un déplacement entre les strates de la pyramide sociale (qui existe toujours), qui pourrait être résumé comme suit :

- L’Église a été remplacée par les médias, qui exercent une influence significative sur l’opinion publique et le récit social. Les partis politiques jouent également un rôle crucial dans la formation de la volonté politique.

- La noblesse a été remplacée par des élites économiques et financières, qui contrôlent les banques et les grandes entreprises. Ces élites exercent un pouvoir considérable sur l’économie et la politique.

- La bourgeoisie a évolué vers une classe moyenne et supérieure qui accumule richesse et influence grâce à la propriété et au capital.

- Enfin, plus de 90% de la population est regroupée dans un quatrième état qui va du « précariat » (Fusaro) aux techniciens cosmopolites au service des grandes multinationales.

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Depuis la généralisation d’Internet, une autre organisation postmoderne simili-médiévale se dessine déjà, fondée sur la privatisation de tout, y compris des ressources de base, et la délégation de tout, où le producteur devient aussi un fonctionnaire au service des pouvoirs privatisés.

Les services publics essentiels, tels que l’éducation, la santé et la sécurité, sont privatisés et soumis à la logique du marché. Les partis politiques et les médias agissent comme intermédiaires entre le peuple et ces pouvoirs privés, tandis que les banques et les entreprises exercent un contrôle important sur l’économie, faisant en sorte que leurs décisions enrichissent certains et appauvrissent d’autres en fonction de la volonté de familles et de clans que personne ne voit, ne connaît ou pour lesquels personne ne vote.

Cela donne lieu à une « dictature des intermédiaires » (situés dans le flux entre plusieurs points), où ceux qui ne produisent pas ou ne créent pas de valeur, mais qui contrôlent les mécanismes de pouvoir et d’influence, exercent une domination significative sur la société : bitcoins, bases de données, bourse, réseaux sociaux… Ces intermédiaires dirigent la reproduction et la consommation, profitent du système et le perpétuent, soumettant les détenteurs des moyens de production à leur logique, indiquant la direction que l’opinion publique devrait prendre et générant des bulles financières comme nouveau moyen de contrôle de l’économie.

En ce sens, la structure sociale actuelle peut être considérée comme une forme de « féodalisme financier », où les seigneurs féodaux sont les banquiers et les sociétés, et les serfs sont les citoyens ordinaires qui travaillent pour rembourser leurs dettes et maintenir le système en marche. La question est de savoir comment la classe émergente, celle des techniciens et des intermédiaires qui contrôlent les flux, va mener à bien sa révolution.

Pendant ce temps, le système démocratique est dans ses derniers souffles: élections, partis et candidats inadaptés sont suspendus, tarifs douaniers et désindustrialisation font s'écrouler des empires, guerres déclarées et non déclarées où personne ne sait où se trouve le front… On verra bien.

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Marxiens, oui. Marxistes, non

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Marxiens, oui. Marxistes, non

par Alessio Mannino

Source :  https://www.ariannaeditrice.it/articoli/marxiani-si-marxi... 

Le 5 mai 1818 naissait à Trèves ce penseur brillant, profond, infatigable, fiévreux, utopiste malgré lui, politiquement autoritaire et philosophiquement incontournable qu'était Karl Marx. Il existe d'innombrables bibliothèques sur sa biographie et son œuvre, et il ne s'agit pas ici de se lancer dans une nouvelle interprétation fantaisiste (nous ne sommes d'ailleurs pas dignes d'en formuler une nouvelle). Mais l'occasion, qui nous est donnée ici, nous donne le droit de mettre un point final à son actualité, du moins à mon avis: le marxisme reste une pensée vivante et fertile en tant que méthode analytique, alors qu'il est gangréné de l'intérieur et devenu inutile en tant que conception palingénésique. C'est une idée qui a toujours été hérétique dans le camp marxiste (le premier à l'avoir formellement théorisée fut l'Allemand Karl Korsch, il y a cent ans, une sorte d'anti-Lukacs, qui a fini dans l'oubli précisément parce qu'il était un pestiféré et un réprouvé). Mais la thèse reste la même. D'autant plus aujourd'hui, après les échecs pratiques du communisme tel qu'il a été appliqué, où l'on peut, et même, d'après moi, l'on doit se dire marxien mais non pas marxiste.

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Marx, comme on le sait, est un élève rebelle de Hegel. Le philosophe prussien, dans son article de 1802 intitulé « La Constitution de l'Allemagne », définit l'esprit bourgeois comme relevant d'une « préoccupation constante » pour la propriété. Le bourgeois est avant tout un individu angoissé. Quelques années plus tard, dans son opus majeur, la Phénoménologie de l'esprit, il formule sa fameuse conception du travail comme devoir d'émancipation, « discipline de service et d'obéissance » sans laquelle la peur de la mort, propre à l'être humain, « reste intérieure », polluant la conscience qui, dès lors, « ne devient pas conscience elle-même ». Pour Hegel, et même les pierres le savent, ce qui constitue l'histoire humaine est le processus dialectique de l'autoconscience progressive de l'Esprit. Marx, dans son objectif de « remettre la dialectique hégélienne sur pied », a substitué la matière à l'Esprit (c'est cela le matérialisme historique), tout en maintenant l'aspiration au progrès, à l'amélioration et à l'humanisation, qui, selon lui, étaient entravés par les structures sociales oppressives, dominées à l'époque par la bourgeoisie. C'est-à-dire par le bourgeois dévoué à ses affaires plutôt que, comme le prolétaire, à l'émancipation de l'humanité entière, laquelle serait même, un jour, libérée du travail en tant que tel, grâce au communisme (« de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins »).

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Comme l'a souligné Simone Weil dans ses fulgurantes Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale, Marx attribuait en effet au rêve révolutionnaire la tâche de libérer « non pas les hommes, mais les forces productives ».  L'attention de Marx s'est progressivement déplacée de l'homme concret vers la production: ce n'est pas un hasard si le concept d'aliénation (la perte d'humanité de l'homme en tant qu'esclave de la machine capitaliste), si central et significatif pour la postérité, c'est-à-dire pour nous, n'est pas développé par le Marx de la maturité, qui laisse plutôt inachevée l'imposante cathédrale théorique qu'est le Capital.

L'image de la société communiste reste vague, essentiellement identifiée à l'extinction de l'État. Ce dernier est remplacé par une organisation sociale calquée sur le régime hyper-rationnel de la grande entreprise, que Friedrich Engels résume ainsi : « du gouvernement des hommes à l'administration des choses ». Une immense étendue de communautés qui tendent à se pacifier dans la mesure où elles sont régies par des principes, dirions-nous aujourd'hui, de rationalisation des ressources, visant au développement maximal de la productivité. Disons-le tout net : un cauchemar, plutôt qu'un rêve.

En effet, Weil a toujours observé que la limite macroscopique de Marx consistait dans le fait que son anticapitalisme « s'accordait profondément avec le courant général du capitalisme ». C'est-à-dire la mécanisation, la concentration, la managérialisation, tout le système d'asservissement que l'on verrait à l'œuvre dans le fordisme-taylorisme américain. En un mot : le productivisme, qui se traduit aujourd'hui par le dogme de la croissance économique infinie. Une exigence purement machinique, un automatisme de système, un article de foi rationnel, anxiogène, disciplinaire et aliénant vis-à-vis de tout. Mais rien de raisonnable et d'humain, absolument rien, ne s'y manifeste.

La part fallacieuse du philosophe barbu de Trèves ne réside donc pas tant dans la prédiction erronée de la baisse tendancielle du taux de profit, que dans la vision eschatologique de fin des temps d'un règne futuriste et saturnien, débarrassé de la pénibilité du travail et de l'âpreté des conflits.

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C'est pourquoi le marxisme, entendu comme pensée systématique, n'a plus grand-chose à nous dire, après le 20ème siècle: non pas parce que le capitalisme a battu en efficacité et en efficience les expériences du communisme tel qu'il a été réalisé, mais avant tout à cause de la déshumanisation qu'il portait dans son ADN, et dans laquelle toute tentative de poursuite d'un idéal abstrait et réductricement rationaliste finit invariablement par se déverser. C'est un fait établi: la poursuite aveugle du bonheur collectif conduit à la persécution aveugle et au malheur chronique des individus, pris dans leurs interactions, leurs relations et leurs rapports sociaux. Dans leur vie, en somme. Méfions-nous donc de ceux qui imprègnent encore les révolutionnarismes d'une saveur messianique, introduisant dans leur militantisme trop de transcendance et d'actes de foi. La révolution est possible, mais pour retourner le conflit en faveur des aliénés selon la justice. Pas pour le supprimer, ce qui est humainement impossible et indésirable. Ici, le républicain, qui est aussi précisément conflictualiste, Machiavel, peut servir d'excellent antidote (ce n'est pas pour rien que Machiavel, cette pierre angulaire qui va bien au-delà du machiavélisme maniéré, est un auteur totalement ignoré par Marx).

En quoi Marx reste-t-il non seulement utile, mais indispensable ? Dans le diagnostic de la maladie capitaliste (un terme, bien sûr, qu'il n'aurait pas utilisé, nous l'utilisons pour indiquer toute la difformité et l'insalubrité dont est victime la condition psychophysique, aussi bien que politique, de l'homme-animal: une aliénation, en fait, selon moi, qui est comparable à bien des égards à l'inévitable fléau du nihilisme, diagnostiqué plutôt par Nietzsche).

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Dans la mise en évidence de la nature de l'argent, qui provoque un manque inhumain d'empathie en étouffant à la racine le besoin naturel de communauté (« l'indifférence », dit Marx). Dans le chapitre III de la prophétie que constitue le Capital, celle-ci ponctuellement réalisée, est l'« aristocratie financière » qui étendra sa domination au monde entier. Enfin, même s'il est banal de le souligner, dans la subordination lucide de tout jugement à l'examen rigoureux des forces en présence à un moment historique donné, afin de relier les superstructures idéologiques aux structures de pouvoir sous-jacentes (sans tomber pour autant dans un économisme puéril - erreur dans laquelle, contrairement à certains de ses épigones, Marx n'est jamais tombé). Marx est donc toujours vivant. Le marxisme, beaucoup moins. D'ailleurs, malgré le maniement despotique et férocement polémique qui caractérisait le Marx politique actif dans le mouvement ouvrier, c'est lui-même qui disait, selon un témoignage d'Engels, que « ce qui est certain, c'est que je ne suis pas marxiste ». Deux siècles plus tard, nous pouvons d'autant plus nous permettre de ne pas l'être.

mardi, 13 mai 2025

Nouvelles sanctions américaines contre la Russie: Washington de nouveau sur la voie de la guerre?

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Nouvelles sanctions américaines contre la Russie: Washington de nouveau sur la voie de la guerre?

Washington. Le rapprochement entre l’administration Trump et la Russie semble prendre fin, et Washington se prépare de nouveau à la confrontation avec Moscou : selon des informations de l’agence de presse Reuters, le gouvernement américain prépare de nouvelles sanctions économiques ciblées contre la Russie afin d’accroître la pression sur le Kremlin. Trois représentants du gouvernement, dont les noms n'ont pas été dévoilés, et une source bien informée ont confirmé que le Conseil de sécurité nationale avait décidé de mesures appropriées, que le président Trump doit encore approuver. Les sanctions viseraient le conglomérat énergétique d’État Gazprom ainsi que des entreprises importantes du secteur des matières premières et du secteur bancaire, et devraient soutenir les efforts de Trump pour mettre fin à la guerre en Ukraine.

Jusqu’à présent, les sanctions américaines se concentraient principalement sur le secteur bancaire russe et sur des restrictions à l’exportation. Le nouveau paquet pourrait marquer une éventuelle correction de cap de l’administration Trump, qui a montré ces dernières semaines une certaine ouverture envers Moscou. « Le Conseil de sécurité nationale tente de coordonner une série de mesures punitives contre la Russie », a déclaré l’une des sources. « C’est uniquement sa [celle de Trump] décision », a ajouté un officiel. James Hewitt, porte-parole du Conseil de sécurité, a refusé de commenter les « négociations en cours », mais a souligné l’engagement constant de Trump en faveur d’un cessez-le-feu.

Le contexte des éventuelles sanctions est le rejet réitéré par Poutine des pourparlers de paix, comme l’a expliqué Kurt Volker, ancien envoyé spécial américain pour l’Ukraine, à Reuters : « Poutine le rejette [Trump] encore et encore. » Selon Volker, les mesures prévues pourraient donc constituer « la prochaine étape » de la pression exercée. Selon certains observateurs, cette démarche pourrait toutefois se retourner violemment contre les Etats-Unis. Le Kremlin n’a pas changé ses conditions pour entamer des négociations de paix, mais ne considère par le gouvernement de Zelensky à Kiev comme un partenaire de négociation adéquat. (mü)

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De la réalité et du narratif

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De la réalité et du narratif

par Pierluigi Fagan

Source : Pierluigi Fagan & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/realta-e-narrazione 

Depuis les événements du 7 octobre 2023 en Israël, une puissante bulle narrative s'est imposée, se substituant aux faits. L'opinion publique occidentale s'est, pour l'essentiel, plongée dans des discussions d'ordre narratif en négligeant obstinément les faits. La question du sémitisme et de l'antisémitisme est devenue un tourbillon narratif désormais classique. La Shoah juive et le génocide palestinien en sont un autre. La civilisation et la barbarie, même si elles n'ont pas été évoquées en tant que telles, ont été un autre topos narratif convoqué dans la bataille. De nombreuses discussions, même sur ma propre page, ayant gravi différents niveaux dans l'arsenal narratif et ce, dans un contexte de plus en plus conflictuel, n'ont pu que reporter le jugement final à un vague « nous verrons ».

Aujourd'hui, nous ne sommes pas encore au bout de la trajectoire qui nous permettrait de tracer une ligne de jugement, mais nous nous en rapprochons. Le gouvernement israélien a lancé l'opération « Chariot de Gédéon », l'une des nombreuses pièces narratives tirées du géniteur de tous les récits occidentaux: l'Ancien Testament.

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L'histoire de ce Gédéon ferait référence à des événements lointains, situés au 12ème siècle avant J.-C., mais il faut se rappeler que la rédaction plus ou moins complète du Livre ne date que du 6ème siècle avant J.-C., à Babylone, soit 700 ans après les prétendus « faits ». Nous avons donc un peuple résidant sur une terre partagée avec d'autres peuples, se souvenant d'une croyance née il y a près de quatre mille ans, un peuple totalisant moins de 18 millions de personnes dans le monde (0,2 % de la population mondiale), un peuple qui encadre ainsi narrativement les faits qu'il accomplit. En outre, le récit de Gédéon n'est pas du tout clair quant au parallèle, même métaphorique, qu'il pourrait avoir avec l'affaire de Gaza. L'opération « Chariot de Gédéon » semble vouloir déplacer (expulser) tous les Palestiniens de la bande de Gaza et l'occuper de façon permanente.

Mais qu'est-ce qui est accompli plus largement ?

Fondamentalement, Netanyahou met en œuvre le projet qu'il a lui-même présenté avec des cartes et des marqueurs à l'Assemblée générale de l'ONU, quelques jours avant le 7 octobre.

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Le projet remonte à un plan stratégique partagé par les Américains, les Israéliens et les Arabes du Golfe et qui a été sanctionné par les Accords d'Abraham à l'époque de la première présidence Trump, développé par l'administration Biden avec l'idée de la « Route du Coton » dont la logistique est montrée dans la carte ci-dessus, confirmé par la deuxième présidence Trump qui a vaguement envisagé de faire de la Bande de Gaza une ZES ou Zone Économique Spéciale (on ne sait pas si ce sera sous une administration américaine, israélienne ou mixte).

Je rappelle que la bande de Gaza a été officiellement reconnue par l'ONU (en 2012) comme faisant partie de l'État de Palestine. Mais c'est le sort constant du « droit international » d'être ignoré, car il est un concept que l'on voudrait logique, mais qui ne l'est pas du tout parce qu'il est en fait impossible à promouvoir. Impossible pour différentes nations de reconnaître un droit supérieur au leur lorsqu'une nation se constitue elle-même en État en définissant souverainement son droit, ses mécanismes de jugement et son système pénal.

La logique de ce projet est toutefois bien articulée. Le noyau dur de ce projet serait de mettre en commun les intérêts entre les monarchies arabes du Golfe et Israël, de créer une ère de paix basée sur le business, la paix la plus solide que l'on puisse imaginer dans ces contrées. Mais le principe de la cause complexe nous invite aussi à nous pencher sur les intentions annexes.

Netanyahou, avec l'état de guerre permanent, reporte sine die sa comparution effective devant un tribunal pour ses actes délictueux passés et compte sur le fait que, outre le report, une fois qu'il aura réalisé le grand plan en se débarrassant des Palestiniens de Gaza et du Hamas, il sera le héros d'Israël et, en tant que tel, difficilement jugeable par les bagatelles formelles émanant d'un acte d'accusation antérieur.

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Netanyahou s'appuie sur une majorité de droite plus ou moins extrême, qui à son tour s'appuie sur une partie de la population qui a émigré en Israël sur la base du récit de la réunification des Juifs (mais il y a aussi des doutes sur le fait que beaucoup -en provenance d'Europe de l'Est depuis l'après 1991- le sont réellement), même si l'idée même d'utiliser cette identité ethnique ou raciale est acceptée par la culture occidentale, qui, dans d'autres cas, désavoue et abjure la prétendue identité de tout groupe ethnique qui voudrait se transformer en une race.

Mais pour les « Juifs », tout est permis, à la fois parce qu'ils auraient trouvé l'occidentalité chez les Grecs (à cause du récit religieux), et parce qu'en tant qu'Israéliens, ils sont un coin occidentaliste enfoncé dans une partie sensible du monde arabe, et parce que l'Occident (et les Allemands plus que tous les autres) a une conscience très coupable à l'égard de ce peuple. C'est le seul peuple au monde qui croit avoir une continuité d'existence historique inchangée depuis trois mille ans et plus, transmise principalement et génétiquement par la voie maternelle, et avec sa propre religion exclusive selon laquelle le dieu de l'Univers aurait une relation unique et spéciale avec lui.

Enfin, et bien que le dire attire immédiatement les cris de colère de la machine de propagande narrative dont ils sont les maîtres millénaires, il ne fait aucun doute que ce maigre 0,2 % du monde a un poids et une influence culturels, informationnels, éducatifs et financiers exceptionnels ou disproportionnés. La Russie aussi, et pour diverses raisons, est très condescendante.

Enfin, l'opération Trump1-Biden-Trump2 créerait une homogénéité stabilisatrice au Moyen-Orient (au moins dans les intentions), contraire à l'islam iranien, une homogénéité annonciatrice de nombreuses grandes affaires futures et, dans la version « Route du coton », alternative et concurrente de la BRI chinoise. Un axe entre, d'une part, l'Inde -qui tente de s'arracher à son asiatisme naturel-, et, d'autre part, la péninsule arabique pleine d'hydrocarbures et d'argent, et l'Europe à la recherche d'approvisionnements énergétiques alternatifs à la dépendance russe qui a été abjurée, depuis le début de la guerre en Ukraine. A cela, il convient d'ajouter les fantasmes anarcho-capitalistes de la zone Trump à constituer sur le territoire de Gaza comme un nouvel hybride de Singapour et de Disneyland pour les riches, un paradis fiscal drainant les capitaux européens fuyant les fiscalités nationales.

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Bien entendu, nous ne nous sommes concentrés ici que sur une partie de l'aire des conflits. Il y a ensuite le Hamas, avec une moitié relevant des Frères musulmans (la « peste » en termes politiques pour les monarchies et les gouvernements arabes), mais aussi avec une autre moitié protégée et manipulée par le Qatar et l'Iran, les contradictions internes du monde palestinien, l'histoire controversée de la zone depuis les Philistins jusqu'au Mandat britannique, etc. En réalité, les « Palestiniens » sont un groupe ethnique malheureux qui n'est pas aimé par tout le monde, soit par intérêt, soit par opposition ouverte. En théorie, ils seraient également des Sémites, définissables comme des Arabes à d'autres égards, mais ils ont leur propre nom et leur propre identité. Utilisés par le Qatar et l'Iran, avec lesquels on ne voit pas très bien ce qu'ils ont à partager si ce n'est d'être pions pour des manœuvres géopolitiques (ils pourraient l'être davantage par la Turquie), mal aimés par les gouvernements arabes et les religieux (les Palestiniens ne sont historiquement pas très religieux), méprisés par les Israéliens, problématiques pour les Européens. La logique de l'opération du 7 octobre du Hamas, avec toute la bonne volonté du monde, est difficile à comprendre.

Il faut dire que, si l'on peut dire beaucoup de choses sur l'affaire israélo-palestinienne sur le plan du jugement moral, sur le plan du jugement pratique, la question de l'hypothèse d'une coexistence honnête et pacifique des acteurs de ce long drame est effectivement complexe. Surtout lorsque les intérêts internationaux des puissances extérieures s'ajoutent au tableau local déjà compliqué, qui a une profondeur historique longue et stratifiée.

Un exemple ridicule de cet état de confusion (comme tant d'autres choses concernant ce parti politique italien) est le fait que le parti libéral-progressiste qui s'appelle improprement « de gauche » et se pose comme démocratique, après avoir pendant des années soutenu bruyamment l'idée d'« une terre, deux États », est aujourd'hui passé à la position de « gauche pour Israël » (?).

Quoi qu'il en soit, je voulais simplement résumer la question à grands traits en rappelant une fois de plus combien nous aimons discuter de récits fictifs et d'idées hyper-ouraniques alors que le sang coule, que l'injustice triomphe, que la civilisation décline. On pourrait en tirer une règle : plus la réalité est sombre, plus on se réfugie dans le monde lumineux des idées. Des idées qui, pourtant, justifient et s'emploient à rendre la réalité toujours plus sombre.

Economie verte et écologisme néolibéral

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Economie verte et écologisme néolibéral

Diego Fusaro

Source: https://posmodernia.com/business-ecologico-el-ambientalis...

Il existe un paradoxe apparent lié à la question de l'apocalypse environnementale qu'il convient d'aborder : le logo dominant dans le cadre du technocapitalisme du nouveau millénaire non seulement ne reste pas silencieux face au dilemme de la catastrophe imminente, mais l'élève au rang d'objet d'une prolifération discursive hypertrophique. L'urgence environnementale et climatique est, à juste titre, l'un des sujets les plus soulignés et les plus discutés dans l'ordre actuel du discours.

Cela semble, à première vue, une contradiction dans les termes, si l'on considère que poser ce dilemme revient à énoncer la contradiction même du capital, qui est son fondement. Ne serait-il pas plus cohérent avec l'ordre technocapitaliste d'occulter - ou du moins de marginaliser - cette question problématique, d'une manière similaire à ce qui se passe avec la question socio-économique du classisme et de l'exploitation du travail, rigoureusement exclue du discours public et de l'action politique ?

Affirmer que, contrairement au problème de l'exploitation du travail (qui reste largement invisible et qui, de toute façon, peut être facilement éludé par le discours dominant), la question environnementale est claire et évidente aux yeux de tous, oculos omnium, et que, par conséquent, il serait impossible de l'éviter comme si elle n'existait pas, revient à faire une affirmation vraie mais, en même temps, insuffisante: une affirmation qui, en outre, n'expliquerait pas les raisons pour lesquelles le discours dominant non seulement aborde ouvertement la question, en la reconnaissant dans sa pleine réalité, mais tend même à l'amplifier et à la transformer en une urgence et en une véritable urgence planétaire.

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La thèse que nous entendons soutenir à cet égard est qu'il existe une différence notable entre la question environnementale et la question socio-économique (que Marx appellerait, sans périphrase et à juste titre, « lutte des classes »). Cette dernière ne peut en aucun cas être « normalisée » et métabolisée par l'ordre technocapitaliste qui, en fait, opère de telle sorte qu'elle n'est même, tendanciellement, jamais mentionnée (ni, ça va sans dire  par les forces du camp gauche de la politique, depuis longtemps redéfini comme gauche néolibérale ou, mieux encore, « sinistrash » - gauche poubelle). Margaret Thacher, quant à elle, avait déjà ostracisé le concept même de classe sociale, le qualifiant de vestige inutile et pernicieux du communisme (selon ses propres termes : « la classe est un concept communiste. Il sépare les gens en groupes comme s'il s'agissait de parcelles et les monte ensuite les uns contre les autres").

978881717846HIG.pngComme nous l'avons montré plus en détail dans notre étude Démophobie (2023), les droits sociaux sont remplacés dans l'ordre discursif et dans l'action politique par des « droits arc-en-ciel », c'est-à-dire par ces caprices de consommateurs qui, en plus de permettre de détourner le regard du conflit de classe, sont intrinsèquement fonctionnels à la logique néolibérale d'expansion de la marchandisation du monde de la vie. Et les forces politiques sont toutes réorganisées à l'extrême centre de la grosse Koalition néolibérale, apparaissant de plus en plus comme des articulations du parti unique du turbo-capital qui élève le fanatisme économique et le classisme, l'impérialisme et l'aliénation à un destin inéluctable et à un horizon exclusif (il n'y a pas d'alternative).

Contrairement à la question socio-économique, la question environnementale peut être métabolisée et - littéralement - rentabilisée par l'ordre technocapitaliste pour de multiples raisons. Précisons toutefois que l'ordre discursif néolibéral affronte et, en fait, amplifie la question environnementale et climatique dans l'acte même par lequel il la déclare abordable et résoluble mais toujours et seulement dans le cadre du technocapitalisme, neutralisant a priori la pensabilité de toute arrière-pensée ennoblissante éloignée de la prose de la réification du marché et de la Technique. Et c'est en fonction de cette clé herméneutique que s'explique l'intensification discursive néolibérale de l'urgence climatique et environnementale, toujours caractérisée par l'occultation de la matrice capitaliste des désastres.

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Bien canalisée dans les rails de la mondialisation néolibérale, la question environnementale peut jouer, pour l'ordre dominant, le rôle d'une fonction efficace de défocalisation du regard sur la question socio-économique, le classisme, l'exploitation et l'impérialisme. Pour comprendre cet usage apotropaïque dans toutes ses implications, on peut par exemple se référer au rapport de 1991 intitulé La première révolution mondiale, publié par le « Club de Rome », une association fondée en 1968 par l'homme d'affaires Aurelio Peccei, le scientifique écossais Alexander King et le turbo-capitaliste milliardaire David Rockefeller : une entité que l'on peut à juste titre classer parmi les nombreux think tanks (du Cato Institute à la Heritage Foundation, de l'Adam Smith Institute à l'Institute of Economic Affairs) au service de l'ordre dominant, auquel ils apportent une caution idéologique.

Ainsi, on peut lire dans le rapport de 1991 : « Dans la recherche d'un nouvel ennemi qui pourrait nous unir, nous avons trouvé l'idée que la pollution, la menace du réchauffement climatique, la pénurie d'eau potable, la faim et d'autres choses du même genre serviraient notre objectif ». En somme, la question verte doit être habilement identifiée comme une contradiction fondamentale et un « ennemi commun » capable de nous unir ("un nouvel ennemi pour nous unir") dans une bataille qui, d'une part, détourne le regard du conflit entre le Serviteur et le Seigneur et, d'autre part, conduit le premier à adhérer à nouveau à l'agenda du second, notamment aux nouvelles voies du capitalisme écologique telles qu'elles seront sculptées dans les années à venir.

Le rapport du Club de Rome peut être accompagné d'un autre document datant de deux ans plus tôt qui, malgré les différences de nuances et d'intensité des approches, propose un schéma de pensée convergent. Il s'agit d'un discours prononcé par Margaret Thatcher le 8 novembre 1989 devant l'Assemblée générale des Nations Unies. Il est animé, entre les lignes, par la volonté d'identifier un nouvel « ennemi commun » pour remplacer le « socialisme réel », déjà en déclin (il est significatif que le discours de la Dame de fer ait eu lieu à la veille de la chute du mur de Berlin). Et que, par conséquent, il peut être assumé comme le nouveau défi global au capitalisme, en impliquant tout le monde dans son projet. Selon Thatcher, « de tous les défis auxquels la communauté mondiale a été confrontée au cours de ces quatre années, l'un d'entre eux est devenu plus évident que tous les autres, à la fois en termes d'urgence et d'importance : je veux parler de la menace qui pèse sur notre environnement mondial ».

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Le sermon de la Dame de fer est parfois encore plus symptomatique du nouvel esprit du temps que le rapport du « Club de Rome », en particulier dans son insistance sur la nécessité de traiter la question environnementale sans renoncer à l'impératif de croissance, préservant ainsi le capitalisme sous une forme éco-durable tout en se consacrant à la croissance économique. Pour reprendre les termes de Thatcher, « nous devons faire ce qu'il faut sur le plan économique. Cela signifie que nous devons d'abord avoir une croissance économique continue afin de générer la richesse nécessaire pour payer la protection de l'environnement ». L'astuce - une constante dans l'ordre du discours néolibéral - consiste à dénoncer le problème environnemental, en accompagnant immédiatement la dénonciation de la reconnaissance que la croissance, le développement et les auri sacra fames - la faim d'or maudite - du capital ne sont pas la cause, mais la solution possible : « nous devons résister à la tendance simpliste de blâmer l'industrie multinationale moderne pour les dommages causés à l'environnement. Loin d'être les méchants, ce sont eux sur qui nous comptons pour enquêter et trouver des solutions ».

Ainsi, suivant le discours de Thatcher, qui résume le nouvel esprit du capitalisme vert in statu nascendi - en phase d'émergence - la critique du capitalisme comme cause de la destruction de l'environnement (en un mot, l'environnementalisme socialiste) serait une « tendance simpliste », du fait que les industries multinationales, « loin d'être les méchants », sont les agents qui peuvent mener les recherches et trouver les solutions au dilemme. Cependant, le non sequitur dans lequel la réflexion de Thatcher, et avec elle, la raison d'être néolibérale elle-même, s'enlisent est que, même à supposer que les entreprises multinationales puissent trouver la solution, cela ne peut servir d'alibi à leur responsabilité dans la genèse de la tragédie, comme semble l'indiquer le passage cité plus haut. Et, de toute façon, comme nous essaierons de le montrer, les « solutions » recherchées et trouvées par l'industrie multinationale moderne évoluent toujours sur la base de l'acceptation (et de la reproduction perpétuelle) de la contradiction qui génère le problème.

Par conséquent, l'ordre hégémonique admet et même encourage le discours sur la catastrophe, tant qu'il est invariablement articulé dans les périmètres du cosmos technocapitaliste, supposé comme un a priori historique non modifiable ou, en tout cas, comme le meilleur système possible à la fois parmi ceux qui ont déjà existé et parmi ceux qui pourraient éventuellement exister en tant qu'alternative.

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L'évocation constante de la catastrophe climatique et l'exigence d'y remédier sont donc permises et d'ailleurs constamment induites, à condition que les recettes et les solutions soient administrées par la logique du profit et le maintien de la forme valeur comme fondement du système de production.

Enfin, si l'environnementalisme néolibéral est ouvertement promu et pratiqué par les modèles politiques de l'Occident - ou, plus précisément, de l'Ouest -, l'environnementalisme socialiste est découragé et diabolisé, soit sur la base de ce que Fisher a défini comme le « réalisme capitaliste » (selon lequel il n'y aurait pas d'alternatives à ce qui existe), soit sur la base de la stigmatisation de la passion utopique et anti-adaptative, idéologiquement assumée comme prémisse à la violence et au retour des atrocités du 20ème siècle.

En d'autres termes, le turbo-capitalisme pose et débat la question de l'apocalypse verte en se présentant comme la solution et non comme l'origine du problème: ainsi, tout en cultivant les causes de la catastrophe, il se propose de travailler sur les effets, dans une perspective qui, de surcroît, est fonctionnelle à la préservation de la logique du capitalisme lui-même. Il va sans dire qu'affronter le dilemme environnemental en restant sur le terrain du technocapitalisme signifie, dans la meilleure des hypothèses, ne pas le résoudre et, dans la pire (comme nous pensons que c'est effectivement le cas), renforcer encore les bases de la catastrophe.

En particulier, nous tenterons de montrer comment, sous la forme de l'environnementalisme néolibéral, le discours turbo-capitaliste sur l'apocalypse verte tente, d'une part, de moduler les stratégies de résolution de la catastrophe qui, présupposant l'ordre technocapitaliste et son maintien, sont toutes vouées à l'échec et, d'autre part, de neutraliser préventivement la viabilité de l'option de l'environnementalisme socialiste. Sans exagérer, si le logo hégémonique s'approprie le discours environnemental, c'est en raison de sa volonté de le sortir du camp socialiste pour le ramener - et donc le « normaliser » - sur le terrain néolibéral, plutôt qu'en raison de sa volonté réelle de remédier au cataclysme qui s'annonce. D'autre part, pour les porte-drapeaux du fanatisme techno-économique - pour paraphraser Jameson - il est plus facile et moins douloureux d'imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme.

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L'hypertrophie discursive de la question environnementale à l'ère néolibérale s'explique par trois raisons principales, qui seront examinées ci-dessous : (a) la transformation de l'urgence environnementale elle-même en une source d'extraction de la plus-value, qui se produit surtout en vertu du système manipulateur de l'économie verte et de ses « sources renouvelables » d'affaires ; (b) le brouillage du regard par rapport au conflit socio-économique (qui, comme on l'a rappelé, ne peut être incorporé et normalisé dans l'ordre technocapitaliste, contrairement à la question environnementale) ; (c) la fabrique de la crise et le gouvernement de l'économie de marché, qui sont les principaux responsables de l'hypertrophie discursive de la question environnementale à l'ère néolibérale ; c) la fabrique de la crise et l'utilisation gouvernementale de l'urgence, sous la forme d'un « Léviathan vert » qui utilise la crise elle-même comme ars regendi - l'art de gouverner - pour consolider, optimiser et étendre la domination technocapitaliste sur la vie.

Sur la base de ces hypothèses, l'économie verte peut être comprise à juste titre comme la solution que la raison néolibérale propose pour la question environnementale, dans une tentative non pas tant de sauver la planète (et avec elle, la vie) du capitalisme, mais de sauver le capitalisme lui-même des impacts environnementaux et climatiques. En d'autres termes, l'économie verte aspire à garantir que le capital puisse, de quelque manière que ce soit, surmonter sa contradiction intrinsèque qui se traduit par l'épuisement des ressources et la neutralisation du « remplacement organique » de la mémoire marxienne : pour rendre cela possible, le punctum quaestionis - l'état de la question - conduit à la redéfinition du capitalisme lui-même, selon une nouvelle configuration verte, qui lui permet de poursuivre la valorisation de la valeur, en évitant la récession et en reportant dans le temps l'éclatement de la contradiction.

Les élites turbo-financières apatrides s'approprient les revendications écologistes croissantes, nées dans les années 1970 et devenues de plus en plus solides, et les détournent vers les circuits de l'économie verte, en cohérence avec laquelle la limite environnementale doit être perçue non pas comme un obstacle au développement, mais comme une opportunité de profit sans précédent, comme un moteur de croissance renouvelé et comme le fondement d'un nouveau cycle d'accumulation.

L'erreur qui est à la base de l'« économie verte » et, plus généralement, de l'environnementalisme néolibéral dans toutes ses extra-inspections, peut être facilement identifiée dans la conviction générale que la contradiction ne réside pas dans le capitalisme en tant que tel, mais dans son fonctionnement, encore insuffisamment calibré pour trouver un équilibre avec la nature.

En somme, le capitalisme est perçu comme la thérapie d'un mal qui, tout au plus, peut être compris comme la conséquence d'une application encore perfectible du capitalisme lui-même. Il va sans dire que ce qui échappe à la raison d'être néolibérale, c'est que, comme Marx et Heidegger l'ont montré - bien que sur des bases différentes - c'est le fondement même du technocapitalisme qui consomme les entités dans leur totalité et conduit à l'épuisement de la nature.

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En bref, le capitalisme n'est pas malade, comme les hérauts de l'économie verte et de l'environnementalisme néolibéral semblent vouloir le suggérer : il est la maladie. Il ne s'agit donc pas de guérir le capitalisme, mais de guérir l'humanité et la planète du capitalisme. Cela signifie que ni la justice sociale ni même un véritable environnementalisme ne peuvent exister sans l'anticapitalisme. Prétendre guérir le capitalisme signifie seulement perpétuer, sous de nouvelles formes, le système d'oppression de l'homme et de la nature par l'homme.

La dévastation de l'environnement et le changement climatique générés à son image par le technocapital (heideggérien dans son « oubli de l'Être » et sa volonté de puissance de croissance démesurée) deviennent, grâce à l'économie verte, un phénomène par lequel la ruse de la raison capitaliste (comme nous pourrions aussi l'appeler, en empruntant la formule hégélienne), se trompe elle-même en croyant pouvoir résoudre la contradiction, désormais indéniable parce qu'attestée par les données scientifiques et l'expérience quotidienne.

En d'autres termes, puisque la contradiction est réelle et évidente, et que ses effets désastreux tendent à se manifester dès le temps présent, l'ordre libéral s'emploie à la résoudre par des méthodes qui ne remettent pas en cause l'ordre capitaliste lui-même et qui, de surcroît, permettent de le maintenir et même de le renforcer.

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Selon la ligne théorico-pratique ouverte par le « Rapport Stern » (2006), l'économie verte conçoit de nouvelles sources de profit qui, sans affecter réellement le processus de production, ont simplement - ou semblent avoir - moins d'impact sur l'environnement et le climat. En substance, ils recommandent que nous fassions simplement ce que nous faisons déjà, mais d'une manière verte. Ainsi, non seulement le capitalisme se trompe lui-même (et nous trompe) en prétendant avoir trouvé la solution à la catastrophe environnementale dont il a été l'un des principaux responsables, mais il se revitalise et revitalise sa propre logique en modifiant les hypothèses du mode de production et en conquérant de nouveaux marchés, en inventant de nouvelles stratégies et en encourageant la consommation de nouvelles marchandises « éco-durables ».

Quelle Allemagne ?

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Quelle Allemagne ?

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/quale-germania/

Merz, le leader de la CDU-CSU, vainqueur des dernières élections, n’avait pas obtenu, au premier tour, assez de voix au Bundestag pour être élu Chancelier.

C’est, bien sûr, un simple signal. Sans plus. Car, lors du second tour, sa dite majorité s'est à nouveau rassemblée. Et il a alors été élu.

En Italie, ces querelles internes à la majorité seraient considérées comme normales. Mais pas en Allemagne. Jamais il ne s’était produit qu’un chancelier fédéral ne soit pas élu dès le premier tour comme prévu. Et l’opinion publique allemande est restée, pour le moins, consternée.

Lors de ce premier tour, il manquait dix-huit voix. C'est peu, mais c'est énorme. Quoi qu’il en soit, le signal était très clair.

Profitant du scrutin secret, un groupe de parlementaires a voulu faire comprendre qu’ils ne signaient pas un mandat en blanc pour Merz.

Qu’ils étaient prêts à lui tourner le dos si ses choix ne les convainquaient pas.

Quels parlementaires ? L’opération semble trop bien organisée pour laisser penser à des dissensions occasionnelles et indépendantes les unes des autres. Au contraire, l’impression est celle d’un signal très précis de la part d’un secteur de la majorité, qui nourrit beaucoup de doutes sur les positions adoptées par Merz ces derniers temps.

Et, je peux me tromper, mais ces signaux viennent de l’intérieur de la CDU, de son propre parti. Où l’excessif bellicisme de Merz, homme lié par tous les fils aux lobbys financiers internationaux qui veulent la guerre avec la Russie, inquiète beaucoup.

Surtout ceux qui ont conscience du colossal dommage économique subi par Berlin qui a accepté, sottement, de s’opposer à Moscou.

Une prise de position, si l’on peut l’appeler ainsi, qui est absolument en contradiction avec les intérêts réels des Allemands. Et qui, de plus, gonfle les voiles de l’AfD.

L’AfD que Merz voudrait interdire. Une intention que, non par hasard, Massimo Cacciari a qualifiée de suicidaire.

Car elle ne représenterait qu’un signe supplémentaire de l’appauvrissement du positionnement déjà fragile du nouveau chancelier sur les positions et intérêts d’une certaine finance spéculative. À laquelle il appartient de fait, et à laquelle il répond clairement.

En se désintéressant, ou pire, de l’Allemagne et des Allemands qu’il devrait gouverner.

lundi, 12 mai 2025

Continuité douteuse: la critique de la Russie reste à l’ordre du jour au ministère allemand des Affaires étrangères

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Continuité douteuse: la critique de la Russie reste à l’ordre du jour au ministère allemand des Affaires étrangères

Berlin. Annalena Baerbock (Verts) quitte ses fonctions, mais son héritage en matière de politique étrangère désastreuse demeure. En effet, la CDU a marqué des points indiscutables avec la nomination de Johann Wadephul comme futur ministre des Affaires étrangères et de Serap Güler comme future ministre d’État au ministère des Affaires étrangères. Les décisions quant au choix du personnel qui ont été prises par le futur chancelier Friedrich Merz garantissent ainsi la poursuite d’une ligne anti-russe néfaste.

Alors que les médias spéculaient initialement sur un éventuel retour de l’ancien candidat à la chancellerie Armin Laschet, c’est finalement l’expert en sécurité Wadephul qui a triomphé. Lors d’un entretien piégé qu'il avait accordé deux satiristes russes, il aurait prétendument confié à la fin de l'année 2024: « La Russie restera à jamais un ennemi pour nous. » La véritable surprise est toutefois la nomination de la politicienne de 44 ans, Serap Güler (photo, ci-dessous), qui, contrairement aux espoirs déçus de son protecteur Laschet, intégrera désormais le ministère des Affaires étrangères.

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Cette politicienne d’origine turque, qui se décrit elle-même comme une « experte CDU-OTAN », adopte une position claire dans la politique étrangère allemande à venir. Ses nombreuses déclarations sur X (anciennement Twitter) ne laissent aucun doute sur ses positions. Elle a ainsi demandé le 26 août 2022 de manière rhétorique: « Qu’est-ce qui ne va pas chez vous ? Où avez-vous vécu ces derniers mois, pour penser encore qu’on peut négocier la paix avec Poutine?». En janvier 2023, elle a mis en garde: «Le plus grand service que nous puissions rendre à Poutine, c’est de laisser tomber l’Ukraine». Et encore en mars 2025, elle critiquait le chancelier Scholz: «Si Scholz gouvernait en Finlande ou en Suède, ces pays ne seraient jamais entrés dans l’OTAN».

La position inflexible de Güler va au-delà de la simple critique. En mars 2023, elle déclarait au Münchner Merkur: « Nous sommes déjà en guerre hybride avec la Russie». Elle réclame la conscription pour les femmes et a mis en garde à plusieurs reprises contre des cyberattaques russes.

Cependant, la nouvelle ministre d’État n’est pas du tout vierge de positions controversées. Les médias ont évoqué ses contacts avec des nationalistes turcs et des lobbyistes azerbaïdjanais — accusations qu’elle a toujours réfutées.

Güler se montre également intransigeante sur d’autres questions de politique étrangère et affiche une détermination résolue face à la Russie. En décembre 2024, elle a appelé sur Deutschlandfunk à fermer les bases russes en Syrie: «Leur perte affaiblirait considérablement la Russie».

Avec la double direction Wadephul/Güler, la CDU envoie un message clair à Moscou: l’ère d’une politique russe profondément conflictuelle va se poursuivre (rk).

Fumée blanche. Et maintenant?

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Fumée blanche. Et maintenant?

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/fumata-bianca-e-ora/

Le pape est là. Comme prévu, la Chaire de Pierre est restée vacante très peu de temps. La période de deuil pour François/Bergoglio, puis deux jours de scrutin. Et au quatrième tour, le nom a été annoncé.

Ce n'est pas un nom imprévu, même s'il n'était pas parmi les plus populaires avant l'élection. Mais ensuite, Washington est entrée en scène. Et Elon Musk aussi. Avec des arguments très... concrets.

Et ainsi le cardinal Prevost est devenu Léon XIV.

Évidemment, il reste encore beaucoup à comprendre sur la manière dont sera ce pontificat. Et Prevost, cardinal depuis à peine deux ans et somme toute jeune (69 ans), reste une inconnue difficile à décrypter.

Certes, Bergoglio l'avait voulu à Rome. Cependant, les premiers signes ne semblent pas indiquer qu'il soit un fidèle du pape argentin, lequel fut très souvent controversé.

Le style, tout d'abord. Complètement différent. La tenue pontificale complète, la lecture des Écritures, la bénédiction.

Aucune « familiarité » comme dans la manière de se présenter de son prédécesseur. Bien au contraire, une certaine froideur, probablement voulue.

Surtout, aucune concession à la place publique. Où la déception a semblé tangible.

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Et puis le nom. Léon XIV. Un bond en arrière, à la fin du 19ème siècle. Ni Paul, ni Jean, ni François... ni Pie ni Benoît. Léon. Comme l'auteur de l'Encyclique Rerum Novarum. Qui était, il faut le rappeler, la réponse de l’Église aux tensions sociales qui traversaient le siècle. Et une réponse sèche et dure: fermeture à toute forme de socialisme. Et, en réponse, une déclinaison particulière de la doctrine corporative.

Bien sûr, il n'est pas certain que l'évocation soit celle de Léon XIII. Car d'autres figures surgissent dans la mémoire.

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À commencer, évidemment, par Léon I, Léon le Grand, également vénéré par les orthodoxes. Qui représente la tentative de maintenir unies les Églises d’Orient et d’Occident, évitant ainsi le grand Schisme.

Une main tendue, peut-être, vers la Russie chrétienne, qui demeure encore aujourd’hui le bastion de l’orthodoxie.

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Ou encore Léon III. Qui forgea un accord avec Charlemagne. Le pape de la « realpolitik » occidentale. Ce pourrait être une référence intéressante, étant donné l’origine de Prevost et ses relations, complexes mais étroites, avec Washington.

Ce ne sont que des hypothèses, bien sûr, qui devront être vérifiées. Comme l’attitude de l’évêque Prevost à l’époque, qui aurait empêché, dit-on, des enquêtes sur des prêtres pédophiles dans sa juridiction. Une attitude, là aussi, qui doit être examinée attentivement, car elle semble témoigner de la volonté traditionnelle de l’Église de ne pas laisser d’autres pouvoirs s’immiscer dans ses affaires.

En somme, c’est moi qui juge mes prêtres coupables. Et c’est moi qui décide de leur sort. Aucune autorité ou pouvoir civil ne peut s’en mêler.

N’oublions pas que l’archevêque de Canterbury, Thomas Becket, a été assassiné sur ordre du roi précisément parce qu’il avait excommunié le souverain. Coupable d’avoir condamné un prêtre coupable de crimes sexuels. Invasion dans le domaine de l'Eglise. Donc... inacceptable.

Quoi qu'il en soit, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Il ne reste qu’à attendre et voir si ce pontificat, qui pourrait durer longtemps, déplacera davantage l’axe du monde vers l’Occident. Ou s’il offrira l’occasion de rouvrir le dialogue avec Moscou.

13:39 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : léon xiv, papauté, religion, catholicisme, vatican | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Le Pakistan et l'Inde vers un conflit. Cui prodest?

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Le Pakistan et l'Inde vers un conflit. Cui prodest?

par Stefano Vernole

(Vice-président, Centre d'études Eurasie et Méditerranée)

Source: https://www.cese-m.eu/cesem/2025/05/pakistan-e-india-vers... 

Le Pakistan affirme que l'Inde prépare une « attaque militaire imminente » et, si c'est le cas, la région de l'Asie du Sud plongerait dans la catastrophe.

SOURCE DE L'ARTICLE : https://strategic-culture.su/news/2025/05/05/pakistan-ind... 

Le prétexte officiel ? Une attaque sanglante à Pahalgam, au Cachemire, qui a tué 26 civils le 22 avril. Et s'il ne s'agissait que du dernier « casus belli » d'une stratégie atlantiste vieille de plusieurs décennies, destinée à attiser la ferveur nationaliste et à détourner l'attention de crises plus profondes?

L'avertissement du Pakistan est clair: toute agression indienne sera répoussée par la force. Les deux parties sont prises au piège d'une « guerre froide » régionale dans l'ombre d'un réalignement mondial. La Chine et la Russie sont des observateurs inquiets, qui appellent à la retenue et se proposent comme médiateurs. Et les États-Unis d'Amérique? Ils sourient en arrière-plan, avides d'instabilité pour maintenir l'Eurasie divisée et continuer à « gonfler » les profits du complexe militaro-industriel.

Le moment ne pourrait être plus suspect. Le dollar vacille. L'Occident s'enfonce dans le déclin moral et économique. Les BRICS+ apparaissent de plus en plus comme la seule alternative à l'indigne gouvernance mondiale nord-américaine. Que tout cela se termine par une escarmouche ou par une spirale plus large, il y a une certitude: lorsque l'ordre unipolaire vacille, le chaos devient monnaie courante et la guerre devient possible.

Lors d'un rassemblement public organisé à la hâte dans le Bihar, où des élections législatives auront lieu d'ici la fin de l'année, le Premier ministre indien Modi a porté la rhétorique guerrière à un nouveau niveau: «Aujourd'hui, depuis le sol du Bihar, je dis au monde entier: l'Inde identifiera, traquera et punira tous les terroristes et ceux qui les soutiennent. Nous les poursuivrons jusqu'au bout du monde». Il a ajouté: «Le châtiment sera important et sévère, ce à quoi ces terroristes ne songeraient même pas». Le ministre de la défense, Rajnath Singh, a déclaré : « Les responsables de tels actes recevront une réponse ferme dans un avenir proche. Nous ne punirons pas seulement les monstres qui ont perpétré cet acte de brutalité et de barbarie. Nous nous adresserons également à ceux qui se sont cachés derrière un rideau pour mener à bien cette conspiration. Les agresseurs et leurs maîtres seront pris pour cible». De même, le ministre de l'intérieur de l'Union, Amit Shah, a déclaré: «Les auteurs de cette lâche attaque terroriste ne seront pas épargnés. Et face à une nation qui les observe de près, ces mots sont plus qu'une promesse: ils sont un avertissement» (1).

La date de l'attentat de Pahalgam mérite d'être analysée de près. Il s'est produit alors que le Premier ministre Modi était en visite en Arabie saoudite, que le vice-président américain J. D. Vance était en Inde avec sa famille et juste avant que Donald Trump n'annonce une suspension des droits de douane à New Delhi. En outre, alors que les élections au Bihar sont prévues pour octobre-novembre 2025, de nombreux États clés comme l'Assam, le Kerala, le Tamil Nadu et le Bengale occidental devraient aller aux urnes en 2026. Sur le plan intérieur, les musulmans ont vivement protesté dans tout le pays contre la loi Waqf récemment adoptée, car elle est considérée comme une nouvelle loi anti-musulmane après la loi d'amendement sur la citoyenneté (CAA). Le gouvernement indien a été fortement incité à créer une distraction et à détourner l'attention du public. Après avoir accusé le Pakistan sans enquête appropriée et sans fournir de preuves, l'Inde a proclamé une série de mesures de rétorsion. Elle a notamment décidé de suspendre le traité sur les eaux de l'Indus, qui date de 1960, et a annoncé la fermeture du poste de contrôle intégré d'Attari. Il a été conseillé à tous ceux qui avaient franchi la frontière munis d'un visa valide de repasser par cette voie avant le 1er mai 2025. L'Inde a ajouté que les ressortissants pakistanais ne seront pas autorisés à entrer dans le pays avec des visas relevant du programme d'exemption de visa de l'ASACR (SVES) et que tous les visas délivrés aux ressortissants pakistanais sont considérés comme annulés, tandis que les ressortissants pakistanais qui se trouvent actuellement en Inde n'ont que 48 heures pour quitter le pays.

Les conseillers militaires, navals et aériens du haut-commissariat du Pakistan à New Delhi ont été déclarés « personae non gratae » et ont reçu un délai d'une semaine pour quitter l'Inde. New Delhi a également décidé de retirer ses conseillers de la défense, de la marine et de l'armée de l'air du haut-commissariat indien à Islamabad.

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En réponse, le Pakistan, à la suite de la réunion du comité de sécurité nationale, a rejeté la décision de l'Inde de « geler » le traité sur l'eau, soulignant qu'aucune clause de l'accord n'autorise sa suspension unilatérale. Le Pakistan a averti que tout détournement des eaux serait considéré comme un « acte de guerre » et a décidé de fermer son espace aérien à l'Inde. Alors que le Pakistan avait déjà bloqué le commerce bilatéral suite aux mesures illégales et unilatérales prises par l'Inde le 5 août 2019 concernant l'IIOJK (la région du Jammu-Cachemire), il vient d'annoncer la suspension de toutes les formes de commerce, y compris le commerce avec des pays tiers via le territoire pakistanais (2).

Le Pakistan a également demandé aux citoyens indiens de quitter le pays, à l'exception des Sikhs Yatri, et a indiqué qu'il se réservait le droit de suspendre les accords bilatéraux, y compris l'accord de Simla. Le Pakistan a ensuite exprimé sa ferme détermination à défendre sa souveraineté et son intégrité territoriale contre toute « mésaventure ». Ces derniers jours, les tensions bilatérales croissantes ont été accompagnées d'informations faisant état d'une escalade des échanges de tirs le long de la ligne de contrôle (Line of Control / LoC).

Selon Islamabad, ce n'est qu'une question de temps avant que le monde n'apprenne que cette attaque sur Pahalgam faisait également partie de la stratégie habituelle de déstabilisation par le biais d'une opération sous faux drapeau. Le Pakistan, qui est engagé dans une lutte résolue contre le terrorisme à partir de sa frontière occidentale, ne peut guère se permettre d'ouvrir un nouveau front à ses frontières orientales: les accusations indiennes semblent en effet dénuées de toute logique.

Le problème est qu'à moins qu'une enquête internationale neutre et indépendante ne soit menée sur l'incident - comme l'a immédiatement exigé Pékin - pour vérifier la responsabilité éventuelle de « tierces parties » dans l'attaque, New Delhi et Islamabad continueront d'échanger des accusations mutuelles, alimentant la rhétorique nationaliste et se dirigeant vers un conflit ouvert extrêmement dangereux, puisqu'il s'agit de deux puissances nucléaires. Des exercices de guerre de l'armée d'Islamabad sont actuellement en cours dans les régions de Sialkot, Narowal, Zafarwal et Shakargarh, à la frontière entre le Pakistan et l'Inde.

Il s'agit donc d'un test important pour la stratégie d'intégration eurasienne, puisque l'Inde et le Pakistan appartiennent tous deux à l'Organisation de coopération de Shanghai; en outre, Islamabad a depuis longtemps exprimé sa volonté de rejoindre les BRICS et de participer au Corridor international Nord-Sud, des initiatives auxquelles l'Inde participe déjà depuis des années.

NOTES:

(1) Mahwish Hafeez, Pahalgam Incident : Another False Flag Operation ?, ISSI, Islamabad, 29 avril 2025.

(2) Stefano Vernole, KASHMIR WITHOUT PEACE : A FOCUS ON INTERNATIONAL LAW, www.cese-m.eu, 7 février 2025.

Les exportations chinoises augmentent malgré les droits de douane américains

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Les exportations chinoises augmentent malgré les droits de douane américains

Source: https://dissident.one/chinese-export-stijgt-ondanks-ameri...  

La Chine enregistre des exportations record en avril, à la veille de négociations commerciales de première importance avec les États-Unis.

Les exportations chinoises ont fortement augmenté en avril malgré les droits de douane imposés par Donald Trump sur les expéditions vers les États-Unis à l'occasion du « Jour de la libération ». Cela a renforcé la position de Pékin à l'approche de négociations commerciales de toute première importance qui débutent ce week-end, rapporte le FT.

Ces bons résultats ont été obtenus alors que les entreprises chinoises ont réorienté leurs flux commerciaux vers l'Asie du Sud-Est, l'Europe et d'autres destinations après que des droits de douane excessifs ont été imposés par les deux plus grandes économies du monde.

Les douanes chinoises ont indiqué vendredi que les exportations en dollars avaient augmenté de 8,1% par rapport à l'année précédente. La croissance a ainsi dépassé les prévisions des analystes interrogés par Reuters, qui tablaient sur une croissance de 1,9%. Il s'agit toutefois d'un ralentissement par rapport à la croissance de 12,4% enregistrée en mars, lorsque les chiffres étaient soutenus par les exportateurs qui voulaient devancer les droits de douane prévus en expédiant leurs marchandises aux États-Unis.

Les importations ont diminué de 0,2% en avril. C'est le troisième mois consécutif de baisse des importations. Cette situation suscite des inquiétudes quant aux excédents commerciaux croissants de la Chine. Ces excédents sont à l'origine d'une grande partie des tensions avec les États-Unis.

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« Cela semble encore pire pour les États-Unis à l'approche des négociations commerciales », a déclaré Lynn Song, économiste en chef pour la Grande Chine auprès de la banque ING. Elle a ajouté que la contraction des importations chinoises semble s'être faite au détriment des exportations américaines vers le pays.

Selon Heron Lim, économiste chez Moody's Analytics, les échanges commerciaux de la Chine avec les États-Unis ont chuté de 21% en glissement annuel en avril, mais les échanges avec les pays d'Asie du Sud-Est ont augmenté dans les mêmes proportions et ceux avec l'UE ont progressé de 8%.

« Les expéditions vers l'Indonésie, la Thaïlande et le Viêt Nam ont connu les plus fortes augmentations », a déclaré M. Lim.

Ces bons résultats devraient accroître la pression sur les représentants commerciaux américains, qui s'apprêtent à rencontrer leurs homologues chinois pour des négociations à Genève, à partir de samedi.

Le secrétaire au Trésor Scott Bessent et le représentant commercial Jamieson Greer représenteront les États-Unis, tandis que la Chine a déclaré que sa délégation serait dirigée par le vice-premier ministre He Lifeng, le plus haut responsable économique chinois.

Le mois dernier, M. Trump a augmenté les droits d'importation sur la plupart des produits chinois jusqu'à 145% et a annoncé qu'il imposerait de nouveaux droits même sur les petits paquets en provenance du pays. Pékin a réagi en imposant des droits d'importation de 125%.

Dans un premier temps, il a également imposé des droits de douane punitifs au Viêt Nam, à la Thaïlande et à d'autres pays d'Asie du Sud-Est qui ont accumulé d'énormes excédents commerciaux avec les États-Unis. De nombreuses entreprises ont construit des sites de production dans ces pays pour remplacer la Chine.

Trump a ensuite annoncé une pause de 90 jours sur les droits de douane du « Jour de la Libération », dans l'attente de négociations avec la plupart des pays, à l'exception de la Chine.

Les exportateurs ont donc eu la possibilité d'acheminer leurs marchandises vers les États-Unis via l'Asie du Sud-Est.

Jens Eskelund, président de la Chambre de commerce de l'Union européenne en Chine, a déclaré jeudi que le nombre de réservations pour des expéditions chinoises vers les États-Unis avait chuté de 30 à 50%. Il a toutefois précisé que le nombre de réservations pour le reste du monde avait en fait augmenté.

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« Les exportations chinoises vers le reste de l'Asie semblent particulièrement performantes, mais aussi vers le Moyen-Orient et, dans une certaine mesure, vers l'Europe », a-t-il déclaré. « Bien sûr, la Chine est touchée... mais nous constatons que, dans une certaine mesure, d'autres marchés peuvent absorber une partie des marchandises qui ne sont pas destinées aux États-Unis ».

L'excédent commercial de la Chine avec les États-Unis s'est élevé à 20,46 milliards de dollars en avril, pour un total de 96,2 milliards de dollars. Toutefois, les exportations vers les États-Unis ont chuté de 17,6% par rapport au mois précédent, ce qui indique que la Chine a développé ses échanges avec d'autres marchés.

Dans un communiqué analysant le commerce en renminbi chinois au cours des quatre derniers mois, les fonctionnaires des douanes ont noté que le commerce avec les pays d'Asie du Sud-Est, l'UE et le long de l'initiative Belt and Road, le principal projet d'infrastructure internationale de Pékin, avait augmenté. Les échanges avec les États-Unis ont diminué, a-t-on ajouté.

Jorge Toledo, ambassadeur de l'UE en Chine, a critiqué vendredi le déficit commercial croissant entre la Chine et le reste du monde. Il a ajouté que les contrôles des exportations de Pékin et « l'absence de règles du jeu équitables pour les entreprises européennes » suscitaient « d'énormes inquiétudes ».

« La situation ne s'améliore pas... il faut faire quelque chose », a-t-il déclaré à la China Europe International Business School de Shanghai.

Selon l'agence de presse nationale chinoise Xinhua, Lu Daliang, porte-parole des douanes, a déclaré que « la coopération globale de la Chine avec les pays voisins continue de s'approfondir et que les relations économiques et commerciales sont de plus en plus étroites ».

10:48 Publié dans Actualité, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chine, droits de douane, économie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

dimanche, 11 mai 2025

Trump et le nouvel ordre mondial. Le retour de la doctrine Monroe

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Trump et le nouvel ordre mondial. Le retour de la doctrine Monroe

Erik Norling

Source: https://posmodernia.com/trump-y-el-nuevo-orden-mundial-la... 

Depuis l'arrivée de Donald Trump à la présidence américaine, les médias occidentaux ne cessent de rappeler que ce qu'ils appellent pompeusement un Nouvel Ordre Mondial est en train de s'imposer. Une cataracte médiatique qui s'est accentuée depuis la conférence de presse déformée et manipulée de Zelensky à la Maison Blanche et l'obsession à vouloir, notamment en Europe, nous le présenter comme un personnage qui serait une sorte de nouveau leader autoritaire prêt à faire alliance avec Poutine, à abandonner l'alliance traditionnelle atlantiste avec l'Europe, tout en s'imposant sur la scène internationale par la force, qu'elle soit économique ou militaire. Ajouté à une sorte d'excentricité propre à un pique-assiette égocentrique, qu'y a-t-il de vrai là-dedans ?

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Cependant, pour ceux qui connaissent l'histoire et la politique étrangère des États-Unis, nombre de ces affirmations gratuites doivent être remises en question. Ce n'est pas la première fois que le chef de ce qui est aujourd'hui la première puissance mondiale opte pour une politique plus axée sur la politique intérieure (America First), au détriment d'un déploiement international de sa puissance économique et militaire. Il faut rappeler que dans les deux guerres mondiales, ils sont intervenus tardivement, uniquement lorsqu'ils ne pouvaient pas rester à l'écart, malgré une opinion publique américaine largement isolationniste (dans la première en 1917, et dans la seconde après Pearl Harbor en décembre 1941). Ce qui est certain, c'est qu'après ces deux conflagrations, Washington a profité de la faiblesse des autres puissances occidentales pour étendre son influence dans le monde, faisant du 20ème siècle le siècle américain. Une ère où le mode de vie américain, la démocratie libérale et le capitalisme mondial semblaient prévaloir. Cela s'est matérialisé surtout après la défaite des puissances de l'Axe et la longue guerre froide contre l'Union soviétique (et plus tard contre la Chine communiste), qui a duré plus de quatre décennies.

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L'émergence d'un monde multipolaire après la chute du mur de Berlin, saluée par certains essayistes tel Fukuyama comme le triomphe définitif de l'Empire atlantique, n'a été qu'un mirage de courte durée. La Chine est devenue un acteur capitaliste international (curieux paradoxe pour un État qui se définit comme communiste); la Russie a refusé de rester en retrait, se lançant dans une expansion militaire pour contrôler ses frontières et osant même débarquer en Afrique (les pays du Sahel en sont la preuve); les économies des pays dits en développement ont connu une croissance exponentielle, de même que leurs populations (les BRICS avec l'Inde, le Brésil, l'Afrique du Sud). L'émergence de l'islamisme, nouveau facteur géopolitique, a remplacé le communisme comme axe du mal, corroborant les thèses conservatrices de Samuel P. Huntington dans son essai Le choc des civilisations, judicieusement sous-titré La reconfiguration de l'ordre mondial [1]. Dans ce scénario inaugurant le 21ème siècle, après les échecs du Vietnam d'abord, puis de l'Irak et de l'Afghanistan, les États-Unis ont entamé leur repli sur leur zone d'influence traditionnelle: les Amériques. L'arrivée au pouvoir de Trump pour la deuxième fois en 2025 ne doit être considérée que comme la prochaine étape de ce qui a commencé avec Obama, mais avec plus de vigueur.

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La doctrine Monroe 2.0.

Les déclarations publiques et les décisions prises au cours des premières semaines de son mandat ont révélé ce que Trump avait déjà dans son programme Make America Great Again. Conscient de la nécessité pour l'équipe du nouveau président de réorienter sa politique étrangère - car il serait naïf, comme le font les médias d'information, de penser que tout dépend de la volonté d'une seule personne - tout indiquait que le pendule revenait vers le continent américain. Les analystes critiques ont immédiatement parlé d'un retour à la très décriée doctrine Monroe [2].

Formulée par le cinquième président James Monroe (en fonction de 1817 à 1825) dans un discours au Congrès en décembre 1823, elle a marqué le point de départ de la politique étrangère des États-Unis, alors puissance régionale. Elle vise à maintenir les puissances européennes en dehors de l'hémisphère occidental (qu'ils baptisent "continent américain", expression aujourd'hui remise au goût du jour) et à permettre au nouveau pays d'étendre son territoire aux dépens de ses voisins [3]. L'Amérique aux Américains était le slogan utilisé pour intervenir dans la région lorsque les intérêts américains étaient menacés ou qu'on ne leur permettait pas d'incorporer de nouvelles terres (avec la Russie, l'Espagne et la France, puis aux dépens du Mexique, surtout avec des campagnes militaires).

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La dernière, l'occupation manu militari de Cuba et de Porto Rico en 1898. Si elle suscite d'abord la sympathie de l'Amérique espagnole en s'opposant à l'influence européenne, elle se transforme rapidement en un sentiment anti-américain croissant [4].

Le 20ème siècle commence également par une longue série d'aventures guerrières yankees (Cuba, Honduras, Panama, 1898-1909 ; Haïti, 1915-1935 ; République dominicaine, 1916-1924 ; Nicaragua, 1912-1933 ; Mexique 1910-1919). Après cette période, et surtout après la Seconde Guerre mondiale, la politique d'intervention au-delà des frontières s'est étendue au monde entier. Dès lors, à quelques exceptions près, l'influence en Amérique latine s'est faite par le biais des élites locales, de l'influence de la CIA et de l'armée, toujours avec l'excuse d'éviter l'infiltration communiste [5].

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Une relation qui s'est rompue au début du 21ème siècle, avec l'attention portée par le président Bush à la menace islamiste, et qui a conduit en Amérique latine à une montée de l'indigénisme aux côtés de mouvements post-soviétiques, auparavant dépendants de Moscou, qui se sont déclarés anti-impérialistes et ont pris le pouvoir (Nicaragua, Vénézuéla, Bolivie, etc.). Il en résulte un déclin de l'influence américaine, désormais remplacée par des puissances émergentes telles que la Russie, l'Iran et la Chine. Cuba persiste dans sa résistance face à des États-Unis de plus en plus affaiblis.

Trump a lancé ses premières proclamations à cet égard, en faisant allusion au fait que le Canada devrait devenir le 51ème État américain, que le Groenland serait acheté aux Danois, que le golfe du Mexique serait rebaptisé « Gulf of America » et qu'il reprendrait le contrôle du canal de Panama. Il a précisé qu'il ne permettrait pas l'ingérence d'autres puissances (allusion ouverte à la Chine et à la Russie) et qu'il protégerait l'hégémonie américaine contre tout ennemi extérieur susceptible de mettre en péril son statut économique (euphémisme « sécurité nationale », expression qui nous ramène à l'ère Kennedy), allant même jusqu'à rompre l'ordre international établi après la Seconde Guerre mondiale.

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Beaucoup ont interprété cela comme une nouvelle version de la doctrine Monroe. En réalité, cette analyse n'est pas tout à fait correcte. Il faut plutôt y voir une révision de la politique définie par le président Theodore Roosevelt (1901-1909), qui a considérablement régénéré la traditionnelle doctrine Monroe, avec laquelle Trump présente même des similitudes personnelles et sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir. Pour atteindre leurs objectifs, les nouveaux faucons de la Maison Blanche ont estimé que les Etats-Unis devaient d'abord résoudre le délicat scénario mondial, afin de pouvoir avoir les coudées franches sur « leur » continent américain [6].

Une nouvelle géopolitique

En conséquence, et sans surprise, le nouveau dirigeant de Washington a fait de la résolution (au moins temporaire) du problème du Moyen-Orient l'un des principaux objectifs de ses premiers mois de mandat. Protéger Israël tout en mettant un terme à un conflit qui ne cesse de s'envenimer depuis l'attentat du Hamas en octobre 2023. Si cela nécessite un rapprochement avec l'Iran, il le fera, lui permettant de devenir une puissance régionale sans menacer l'allié de Tel-Aviv. Dans le même temps, elle imposerait un armistice entre la Russie et l'Ukraine, quitte à aller à l'encontre des intérêts européens et à susciter un anti-américanisme croissant dans l'opinion publique du Vieux Continent. On ne sait pas encore quelle sera la réponse de la Russie, car il s'agit d'accepter un retrait d'Afrique et du Venezuela, tout en reconnaissant le statu quo aux frontières de l'Europe de l'Est. Cela ajouterait au malaise de l'Europe qui, jusqu'alors, vivait paisiblement sous le parapluie protecteur américain.

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Le troisième pilier de ce projet complexe sera la Chine, qui sera plus difficile à briser car il s'agit d'une guerre commerciale, avec un colosse asiatique qui ne veut pas revenir à ses limites du 20ème siècle. Pékin a passé des années à investir dans des mines, des ports, des infrastructures essentielles, dans tous les pays en développement en dehors de l'Asie. Sur son propre continent, elle a connu des difficultés en raison de l'antipathie traditionnelle des pays voisins (Corée, Taïwan, Japon, Viêt Nam et Philippines), raison pour laquelle elle s'est tournée vers l'Afrique et l'Amérique latine. C'est précisément là que le voisin du Nord tente de les repousser en premier. Le nouveau chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, l'a clairement indiqué dans un article de l'influent Wall Street Journal, assurant que la priorité de l'administration Trump serait de mettre fin à cette influence :

"Le Salvador, le Guatemala, le Costa Rica, le Panama et la République dominicaine (les pays que je visiterai lors de ce voyage) ont énormément à gagner d'une plus grande coopération avec les États-Unis.

Ces nations ont été négligées par les administrations précédentes, qui ont donné la priorité à l'international plutôt qu'au local et ont poursuivi des politiques qui ont accéléré le développement économique de la Chine, souvent au détriment de nos voisins. Nous pouvons inverser cette tendance".

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Trump l'avait déjà prévenu, ce qui n'est pas surprenant puisque dans son Projet 2025, il a carrément anticipé une confrontation ouverte avec la puissance asiatique, lorsqu'en janvier 2025 il a accusé Pékin d'essayer de transformer les Caraïbes en un « lac chinois » à travers le canal de Panama, qu'il a d'ailleurs expressément inclus dans son discours d'investiture. Qu'il le reprendrait, même par la force si nécessaire. Une véritable déclaration d'intention qui anticipe que, dans les années à venir, nous assisterons à un affrontement entre la puissance asiatique et les Etats-Unis, que plusieurs spécialistes ont déjà prophétisé, anticipant une victoire américaine [8]. Peut-être un peu trop à la légère.

En attendant, une alliance russo-américaine n'est pas impossible, avec un Moscou qui a historiquement montré de nombreux signes d'incompréhension avec son voisin asiatique (n'oublions pas que le seul conflit chaud de l'URSS dans l'après-guerre a été celui avec la Chine communiste en 1969, qui a fait des centaines de victimes). Les anciennes aspirations irrédentistes de la Chine sont dirigées vers le nord, vers la Sibérie russe occupée par les tsars dans leur expansion vers le Pacifique aux 18ème et 19ème siècles. Les déclarations des dirigeants chinois ont été réitérées à cet égard depuis l'époque de Mao. Pour ce faire, la Russie aura besoin du soutien de l'Europe, qui dépend également des exportations vers le colosse chinois. L'avenir de l'alliance des BRICS, tant vantée, a déjà été mis à mal. L'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud n'hésiteront pas à collaborer avec les États-Unis.

En conclusion, beaucoup d'inconnues et de fronts restent ouverts. En ce qui concerne les Hispaniques, il reste à voir dans quelle mesure les États-Unis réagiront avec force pour regagner de l'influence en Amérique latine. De même que le rôle que l'Europe et surtout l'Espagne peuvent jouer dans ce processus. Il est temps de choisir son camp.

Notes:

[1] En espagnol, par Paidós. Barcelone, 2001.

[2] The Washington Post, 28.2.2025. En Espagne, El País, 5.1.2025, et La Vanguardia, 9.1.2025.

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[3] Excellente étude de Jay SEXTON, The Monroe Doctrine : Empire and Nation in Nineteenth Century America. Hill et Wang. New York, 2012.

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[4] Pour comprendre ce phénomène au niveau mondial, voir. FRIEDMAN, M.P. : Repenser l'antiaméricanisme. L'histoire d'un concept exceptionnel dans les relations internationales américaines. Machado Grupo Editores. Madrid, 2015.

[5] Les rapports de la CIA de l'époque, aujourd'hui déclassifiés, sont illustratifs. L'un d'entre eux est le fameux « United States Objectives and Courses of Action with respect of Latin America : Staff study », daté du 4 mars 1953. Cité dans FRIEDMAN, M.P. : Rethinking Anti-Americanism. Op.cit. p. 198.

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[6] Kiron SKINNER, « Department of State », in Mandate for Leadership, un gros volume publié par l'ultra-conservatrice Heritage Foundation en 2023 avec le programme de gouvernement Project 2025 pour quand Trump serait élu. Disponible sur les réseaux. Afro-américaine, elle était directrice de la planification au département d'État lors de son premier mandat, après avoir fait partie de l'administration Bush.

[7] Wall Street Journal, 30.1.2025, « An Americas First Foreign Policy ».

[8] Wall Street Journal, 05.3.2025, « China is secretly worried Trump will win on trade ».

Barrès et l'arbre de Taine, entre contemplation et action

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Barrès et l'arbre de Taine, entre contemplation et action

Claude Bourrinet

Un roman à thèse

Quand Barrès publie Les Déracinés, roman à forte teneur naturaliste, dont la dimension satirique rappelle aussi le Balzac des Illusions perdues, ou, plus proche de lui, le Bel-Ami de Maupassant, paru en 1885, il le conçoit comme un coup de semonce, la sonnerie alerte du tocsin. Premier tome d’une trilogie qu’il groupera sous le titre, qui vaut programme, de Roman de l’énergie nationale, ce récit de la « montée » à Paris de jeunes bacheliers lorrains encouragés par leur professeur de philosophie, M. Bouteiller, illustre jusqu’à ses ultimes conséquences, sordides et démoralisantes, l’état de « décérébration » et de « dissociation » d’une France qui a rompu ses liens charnels avec la terre des ancêtres.

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Bouteiller est de ces intellectuels dont Nietzsche parle dans ses Considérations inactuelles. Kantien incantatoire et sermonnant, il symbolise l’homme moderne (dont Kant est le suprême instituteur), cette « araignée au nœud du filet universel », qui détisse (zerspinnt), déchiquète (zerspillert), effiloche (zerfassert), et vaporise le corps social.

Le thème de la Décadence se déploie ainsi, impérieux, en arrière-plan des vicissitudes de personnages symbolisant toutes les hypothèses de vie – ou de survie – de cette fin de siècle fuligineuse, balayant un large spectre social et psychologique, du politicien corrompu, à la prostituée occasionnelle, ou à l’assassin. Comme dans tout roman réaliste, des spécimens humains plongés dans un certain bain précipitent leur destin, le vice, la mort ou, pour les plus favorisés par le sort social, la collusion avec le régime en place. La fin mêle, par une coïncidence temporelle significative, un meurtre sordide dans les fossés de Billancourt, à l’apothéose de Victor Hugo, « la plus haute magistrature nationale », « cadavre héroïque », gisant forcément sublime du Parthénon, et, partant, l’idole des Hussards noirs pour au moins un siècle.

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Bourget avait mis peu d’années auparavant la « décadence » à la mode, dont il avait fait la théorie : « […] l’étude de l’histoire et l’expérience de la vie nous apprennent qu’il y a une action réciproque de la société sur l’individu et qu’en isolant notre énergie nous nous privons du bienfait de cette action ». La décadence résulte de la valorisation de l’intérêt individuel aux dépens de l’intérêt collectif. Phénomène de dégénérescence, il s’agit d’une loi aussi bien naturelle qu’humaine.

Dès lors, le rôle du romancier est celui du botaniste « qui observ[e] sept à huit plantes transplantées et leurs efforts pour reprendre racine ». La narration alterne en effet entre récit proprement dit, diégésis, comme disent les savants, et commentaire, ou plutôt analyse. Roman inspiré de la vie réelle de l’auteur, Les Déracinés est une expérimentation, un laboratoire, et tient aussi de l’essai.

L’Axis mundi

L’épisode central du roman est la rencontre de Rœmerspacher, jeune Lorrain solide, étudiant en médecine et en histoire, et de son « père spirituel », Hippolyte Taine, dont il vient d’analyser l’œuvre dans un article profond. Au fil de la conversation, leurs pas les mènent aux Invalides, devant un platane, un « arbre assez vigoureux », « bel être luisant de pluie, inondé de lumière ». Ce monument de la nature est le but habituel des promenades parisiennes de l’auteur des Origines de la France contemporaine. Sa localisation concrète : « exactement celui qui se trouve dans la pelouse à la hauteur du trentième barreau de la grille compté depuis l’esplanade », jure avec l’abstraction universaliste d’un kantisme, qui a certes avec lui la raison, mais pas de corps, donc pas de lieu. Cette précision scrupuleuse a la valeur d’un théorème : n’existe que ce qui occupe un espace circonscrit.

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D’ailleurs, certains détails : « grain serré de son tronc », « nœuds vigoureux », évoquent pour Taine des endroits du monde dont la symbolique est attachée à un style de vie : « les roches pyrénéennes », donc la montagne, les situations élevées, d’où l’on a une vaste vue du monde ; « les chênes d’Italie », l’Italie étant, selon Stendhal, un fragment de ciel bleu chu sur la terre, pays des citrons d’or et du bonheur ; de surcroît, puisque l’on se trouve, en imagination, dans la patrie de l’art, cette école de la Renaissance qui incarne le plus la volupté d’exister, la variété chromatique de la beauté, c’est-à-dire « les peintres vénitiens ». Tout permet de suggérer que « cet arbre est l’image expressive d’une belle existence. »

Aux antipodes de cette exaltation vitale, La Nausée, de Sartre offre une vision mélancolique de l’Arbre – bien qu’il soit aussi question, pour lui, d’« exister ». En 1938, celui qui n’est pas encore l’existentialiste que l’on connaît, réplique aussi bien à Barrès qu’à Taine. Il se trouve devant un marronnier (qui paraît bien être un érable). « Assis, un peu voûté, la tête basse, seul en face de cette masse noire et noueuse, entièrement brute et qui [lui] fai[]t peur », il éprouve une sensation qui est en-deçà du langage, le plongeant dans un maelström de déréliction : « Les mots s'étaient évanouis et, avec eux, la signification des choses, leurs modes d'emploi, les faibles repères que les hommes ont tracés à leur surface ». Et, paradoxalement, il ajoute : « J'étais. » Tout se dissout : « La racine, les grilles du jardin, le banc, le gazon rare de la pelouse, tout ça s'était évanoui : la diversité des choses, leur individualité n'était qu'une apparence, un vernis. Ce vernis avait fondu, il restait des masses monstrueuses et molles, en désordre - nues, d'une effrayante et obscène nudité. [...] » « Tout est gratuit, ce jardin, cette ville et moi-même. Quand il arrive qu'on s'en rende compte, ça vous tourne le coeur et tout se met à flotter. »

Sartre, pour Julien Gracq, est l’un des chefs de file de ce qu’il appelle la « littérature du Non », le Non à la vie, comme il y a une littérature qui parie sur le monde, sur ses merveilles, ses surprises, ses bonheurs, ses plaisirs, une littérature du Oui. Le marronnier du jardin public  s’oppose au platane de l’esplanade des Invalides, comme le nihilisme au vitalisme, ainsi que le trou noir avalant tout, ouvrant sa gueule de néant au milieu de la sarabande scintillante des galaxies.

Une autre réaction, défi que releva Maurras, en 1903, dans la Gazette de France, fut celle d’André Gide qui, dans un recueil d’articles paru au Mercure de France peu de temps avant sous le titre « Prétextes », s’en prenait avec véhémence aux Déracinés ainsi qu’à l’auteur de l’Enquête sur la monarchie. Ce débat virulent est connu sous le nom de Querelle du peuplier.

Maurras, avait côtoyé Barrès en collaborant à La Cocarde, en 1894, et, bien que le premier fût royaliste, tandis que le second persistât dans son républicanisme, ils menaient le même combat pour le « sursaut national ».

Maurras avait posé la question : «  A quel moment un peuplier, si haut qu'il s'élève, peut être contraint au déracinement ? » Gide avait fait remarquer bizarrement que le déracinement était au contraire utile à la bonne croissance du peuplier (bien que replanter un peuplier adulte fût peu recommandé, ces essences d’arbres ayant un système racinaire étendu et profond, et les racines risquant d’être endommagée. En outre - et cette conséquence convient très bien aux conclusions de Barrès-, la transplantation peut occasionner un traumatisme violent, et la mort de l’arbre. Gide ajoutait, avec plus de réalisme : « Né à Paris d'un père Uzétien et d'une mère Normande, où voulez-vous, Monsieur Barrès, que je m’enracine ? »

Arbre de Vie

Revenons à Taine. Dans la présentation qu’il fait de son totem vivant, il reprend implicitement des catégories aristotéliciennes. Le platane est de ces êtres dont la « force créatrice » tire la graine vers la lumière du jour. Sa perfection provient de la puissance devenue « acte », qu’il ait été « accomplissement » (energia), ou réalisation (entelechia). Être en « acte », c’est exister. Il est, à ce titre, modèle pour l’homme. En effet, « lui-même il est sa loi, et il l’épanouit…guide pour penser ! »

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Lors du retour,  Rœmerspacher « remarqu[e] la forte cheville du vieillard, puis observ[e) son mollet assez développé ; il pens[e] qu’il devait être de constitution vigoureuse, d’une solide race des Ardennes, affaibli seulement par le travail, et, pour la première fois, il lui vint à l’esprit de considérer M. Taine comme un animal ».

Le terme « animal » n’est pas péjoratif. D’une part, il s’oppose à la désincarnation kantienne, par la masse d’énergie vitale qu’il enferme. D’autre part, il connote la réalité du lieu que suppose la présence charnelle dans le monde. On rencontre là, bien entendu, le leitmotiv barrésien de la terre, celle des ancêtres, les Ardennes, pour Taine, la Lorraine, pour Barrès. L’homme enté sur son sol natal est similaire à un animal, qui renouvelle sa force vitale au contact du biotope dont il est originaire, et dont il tire toute sa richesse.

Et, comme un animal, l’homme enraciné est au service de l’espèce, du groupe, de la « nation » (au sens que ce vocable prenait au moyen-âge, mais aussi selon une acception moderne, Barrès étant aussi « régionaliste » que nationaliste). Chaque individu n’étant qu’une « feuille » frissonnante, « il serait agréable et noble, d’une noblesse et d’un agrément divins, que les feuilles comprissent leur dépendance du platane et comment sa destinée favorise et limite, produit et englobe leurs destinées particulières ».

Ainsi, comme dans le kantisme, l’individu doit se transcender, mais, contrairement à lui, ce ne sera pas en faveur d’idées universelles, mais plutôt d’une collectivité dont la légitimité tient du temps, de la longue mémoire, et du lieu où sont enterrés ses morts.

Arbre de la connaissance

Toutefois, Maurice Rœmerspacher et son ami, François Sturel, tentant nerveusement de tirer une leçon de cette rencontre, en arrivent-ils à un constat, qui les déconcerte. Taine, géant de la pensée, champion de l’étude austère, qui tient du bénédictin et du rat de bibliothèque, interprète autrement qu’eux le symbole de l’arbre vigoureux. Il présente un « tableau de la vie tout spinoziste ». Certes, la règle du devoir, selon l’Éthique, est claire : « Plus quelqu’un s’efforce pour conserver son être, plus il a de vertu; plus une chose agit, plus elle est parfaite... ». Mais toute la question vient de la définition de l’« agir ».

Le platane, selon l’interprétation qu’on lui accorde si on le considère comme mythème, peut symboliser tout aussi bien l’arbre de la connaissance, que celui de la vie. On sait que les deux arbres coexistent, dans l’Eden. Et si l’on partage l’avis des deux jeunes hommes, qui voient dans Taine un spinoziste, il faut supposer que pour le savant, il s’agit bien du premier.

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Rappelons quelle est la fin de l’existence, pour Spinoza. Tout être, quel qu’il soit, n’éprouve de bonheur qu’en accédant à la perfection. Celle-ci consiste dans la conservation de soi suivant sa puissance et sa nature (essence). Plus nous agissons suivant les lois de notre puissance, plus nous sommes parfaits. De sorte que nous éprouvons de la joie.

Or, la perfection dont nous sommes capables correspond à la « réalité» de notre nature, et le « modèle de la nature humaine » est l’homme qui vit sous la conduite de la raison ou le sage. La connaissance est le propre de l’homme.

Pour Spinoza existent trois grands « genres de connaissance » : 1) la connaissance par imagination, qui est inadéquate ; 2) la connaissance par raison, qui est adéquate ; 3) la science intuitive, qui est adéquate aussi et représente le moment le plus parfait du développement cognitif de l’âme.

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On trouve dans l’Ethique ces affirmations : « Qui connaît les choses par ce genre de connaissance (le troisième), il passe à la plus haute perfection humaine » (E, V, Prop. 27, Démonstration); « Plus chacun a le pouvoir de ce genre de connaissance, mieux il est conscient de lui-même, c’est-à-dire plus il est parfait et possède la béatitude » ; « Du troisième genre de connaissance naît nécessairement un Amour intellectuel de Dieu » (E, V, Prop. 32, Corollaire).

L’Amour intellectuel de Dieu apporte la béatitude, qui est la transitio la plus intense de notre puissance, la perfection adéquate à notre nature humaine.

Ainsi, par intuition, par connaissance des essences, la nature humaine se reflète-t-elle dans son « modèle » : « Plus grande est la joie dont nous sommes affectés, plus grande la perfection à laquelle nous passons et plus, en conséquence, nous participons de la nature divine »

Nous ne savons pas si Taine a joui de la deuxième connaissance (ce qui est fort probable), ou de la troisième (il n’est pas interdit de le penser). Il a lu Spinoza, il n’est pas ignorant de sa pensée profonde.

L’action vitale

Ce qu’il faut retenir, en l’occurrence, est que, pour le philosophe juif des Pays-Bas, c’est que toute connaissance prend ses racines dans la nature même, en puissance, de notre être.

Peut-être faudrait-il rappeler ce qu’a été la source du rejet nietzschéen du spinozisme, car cette réaction hostile est fort proche de la vision de la perfection que propose Sturel.

Nietzsche découvre Spinoza à Sils Maria, en juillet 1881. D’abord, pour lui, il s’agit d’une révélation lumineuse. Il en est enthousiaste. Il a l’impression de rencontrer un autre lui-même. Il écrit à Overbeck : « Sa tendance générale est la même que la mienne : faire de la connaissance le plus puissant affect».

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Mais, dans Par-delà le Bien et le Mal, paru en 1886, il l’attaque violemment. Selon lui, il est de ces penseurs qui ont empoisonné la vie. Dans le deuxième livre du Zarathoustra, il compare les érudits à des araignées préparant le poison, « ils sont habiles, ils ont les doigts experts. Leurs doigts s’entendent à toutes les façons d’enfiler, de nouer et de tisser les fils, ils tricotent les bas de l’esprit. » Le but de Spinoza est de disséquer les passions, pour les éliminer. « L’amour intellectuel de Dieu« est une ruse pour détruire les instincts vitaux.

Et il lui reproche, in fine, ce qui dévalorise le kantisme aux yeux d’un Barrès: ses subtiles spéculations abstraites soumettent l’homme à l’impératif de la morale.

Sturel, qui fait remarquer que le platane pousse « contre les Invalides où repose la gloire de Napoléon », rétorque à Rœmerspacher, qui semble partager la vision de son maître à penser : « « Vivre pour penser », que s’est fixé M. Taine, suppose l’abandon de parties considérables du devoir intégral: « Être le plus possible. » » Et il ajoutera, dans le Tombeau de Napoléon : « C’est bien, […], M. Taine t’a fait panthéiste. Tu regardes la nature comme une unité vivante ayant en elle-même son principe d’action. Moi, j’y vois un ensemble d’énergies indépendantes dont le concours produit l’harmonie universelle. »

Racardot, dans une conférence provocatrice, devant un auditoire goguenard et scandalisé, appellera l’épanchement de ces « énergies indépendantes », d’un nom qui évoque Napoléon : « césariser ». Notion qui peut aller loin. Car, commente le narrateur en suivant les pensées de Sturel : « si l’on coupe la tête à Racadot, à Mouchefrin, on anéantira des cellules très nombreuses qui ont été excitées à la vie par des idées de Sturel. Ce mot de « césariser » de qui Racadot le tient-il ? »

Ce même Racadot avait en effet poussé la logique de François Sturel jusqu’à ses limites. Le Platane de Taine, avait-il souligné ironiquement, avait tué, dans son harmonieux déploiement racinaire, deux de ses congénères, qu’on avait dû abattre.  La volonté de puissance, associée à l’inévitable individualisme généré par une société « dissociée », « déracinée », aboutit au darwinisme, à cette loi qui règle les relations vitales des animaux et des végétaux, mais aussi les hommes entre eux. Le mot n’est pas employé, mais l’idée s’impose. En l’absence d’harmonie supérieure subsumant les éléments dont la nature peut s’épanouir et se réaliser dans la télos singulier de chacun, le seul équilibre concevable, mais branlant et temporaire, toujours en voie de dislocation, est la lutte de tous contre tous, le struggle for life, ou la volonté de puissance s’essayant sur la résistance qui l’accroît, ou la diminue, voire la détruit.

Dans cet ordre des choses, la volonté de puissance la plus efficace est celle qui s’impose au vide.

Barrès, pour nous

Tentons, en récapitulant les notions agitées par Barrès, de prendre quelque distance – celle de l’histoire du siècle dernier – pour les jauger.

Sans conteste, les deux seuls personnages qui « réussissent » sont Bouteiller et son acolyte, l’un de ses anciens élèves, Suret-Lefort. Le nouveau député de la République conclue le roman par une boutade, faisant remarquer au second qu’il est manifestement « affranchi » de son accent, « de toute intonation, et, plus généralement, de toute particularité lorraine ». Ces parvenus ont, par des combinaisons nauséabondes et des trafics d’influence, dont le futur scandale de Panama se devine en arrière-plan, conquis une circonscription électorale. Ce n’est pas un hasard si le vainqueur final est un kantien, qui, selon Péguy, aurait les mains propres, sans avoir de mains. Toutefois, les deux compères ont bien des mains, les leurs, qui ne sont pas propres, et celles des électeurs en leurs poches. Dans le royaume des idées creuses et des corps exsangues, ce sont les vampires de la pensée qui l’emportent. Barrès, qui s’est frotté, parfois avec succès, aux élections, sait de quoi il est question : «La vie est une brutale. Nul n’est contraint de se donner à la politique active, mais celui qui s’en mêle ne crée pas les circonstances ; on n’atteint un but qu’en subissant les conditions du terrain à parcourir. » Même si ce « terrain s’avère marécageux, ou ressemble à un cloaque.

Toujours est-il que nos sept héros, sept Rastignac lorrains à l’assaut de la capitale, comme les Sept contre Thèbes, ont lamentablement échoué. Même Sturel a perdu sa « promise » ! Lui-même, si avide d’action, n’a, par snobisme bourgeois, pas su, ou pu, sauver son ancienne maîtresse des griffes de ses assassins. Pire : il va pousser le sophisme jusqu’à les excuser. Car la force des choses veut que l’énergie (et il en faut pour commettre un crime, même contre une belle femme sans défense) déployée, agissante, soit viciée, dévoyée par le déracinement. Ragadot et Mouchefrin, en quittant la terre de leurs ancêtres, sont tombés dans l’erreur, qui est le vice. Et alors, la société, dans sa marche, expulse les tarés, les êtres inadéquats. Quant à Mme Astiné Aravian, cette exquise, intelligente, raffinée et voluptueuse Orientale, ce n’est qu’une malheureuse victime de l’histoire, dont le destin, nous suggère le narrateur, une espèce de hérisson écrasé par la roue d’une voiture, fatalement destinée, de toute façon, à se faire assassiner, puisque c’est un sort tout à fait naturel là-bas, dans le Caucase.

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Il est assuré que, hormis Ragadot, guillotiné, Mouchefrin, écrasé de misère, tous deux issus de la plèbe, des Lorrains, certes, mais presque des gueux, sont les deux seuls, au fond, à avoir « agi » (d’autant plus que Ragadot a sacrifié ses économies pour créer un journal au titre grotesque, La vraie République, dans lequel se sont exprimés ses amis, qui n’ont mis en jeu que leur plume). Ses « amis » vont en effet s’insérer dans une société fin de siècle, dont l’image est étonnamment moderne, comme si c’était la nôtre qui était contée, avec ses médiocrités, ses vilenies, ses laideurs.

Pour autant, Barrès, l’un de nos auteurs les plus intelligents, a vu clair, souvent, et on se demande comment il a pu se livrer à certains emballements illusoires. Son patriotisme lui donnera un rôle de chantre du carnage durant la Grande Boucherie patriotique de 14-18. L’ »action » virera au cauchemar collectif. La nation ne s’en est jamais vraiment relevée. Il y a un Juin 40 à l’envers, dans le massacre de Verdun, mais l’un ne peu pas se concevoir sans l’autre. Sa lucidité, puisqu’elle existe, s’exerce, du moins, à l’échelle du roman, au sujet des possibilités d’action telles que de jeunes gens échauffés peuvent en rêver après avoir lu les pages glorieuses de la France : « Quelque chose d’imaginaire, comme la figure de Napoléon en 1884, ne peut pas fournir à des unités juxtaposées la faculté d’agir ensemble. Bonne pour donner du ressort à certains individus, cette grande légende ne peut donner de la consistance à leur groupe, ni leur inspirer des résolutions. Où les sept bacheliers peuvent-ils se diriger, pour quels objets se dépenser, à quelle union s’agréger ? »

Pour nous, qui avons connu un siècle de bouleversements atroces, de grands remuements de peuples, des monceaux de cadavres, et le manège tournant des idées qui s’enfuyaient aussi vite qu’elle s’étaient imposées, nous prenons les grandes aspirations héroïques avec circonspection.

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La situation de la France, de l’Occident, s’est aggravée depuis la « Belle époque ». C’est le même vertige, devant l’abîme, mais ce dernier s’est encore plus creuser, laissant présager des éruptions meurtrières sans commune mesure avec ce que l’Europe a subi. Après la Grande Guerre, nous avons versé dans une société de masse, la grande industrie et la technique ont mécanisé la vie et les hommes, les moyens de pulvérisation de la vie se sont accrus de façon démentielle, les patries charnelles se sont volatilisées (seuls 5 à 10 % des Français, désormais, se font inhumer dans la terre qui les a vu naître, quand ils ne se font pas incinérer – et le nombre de pratiquants catholiques est encore plus bas), les capacités critiques se sont effondrées, le nihilisme s’est imposé comme horizon existentiel. Si les questions posées par Barrès persistent encore comme hantise, elles ne portent plus de réponses. Peut-être au fond celle, spinoziste, qui concerne la « troisième connaissance », est-elle encore persistante, car, au fond, éternelle. Tant qu’il y aura des hommes, mais rien n’est moins sûr.

Ces cent jours qui ont frappé le monde

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Ces cent jours qui ont frappé le monde

par Georges Feltin-Tracol

Investi 47e président des États-Unis d’Amérique le 20 janvier 2025, Donald Trump a atteint le centième jour de son mandat le 30 avril dernier. En dix décades, le locataire de la Maison Blanche a déjà bouleversé son pays, l’économie mondiale et les relations internationales. Dès le premier jour de sa présidence, il a signé vingt-six executive orders qui correspondraient en France à des ordonnances gouvernementales. Par comparaison, en 2021, Joe Biden en signa dès la fin de son investiture le 20 janvier 2021… neuf ! Cent jours plus tard, ce sont finalement cent quarante-trois décrets présidentiels qui ont été pris. Lors de son premier mandat en 2017, surpris par sa victoire face à Hillary Clinton et peu soutenu par les caciques proto-démocrates d’un parti républicain soumis aux injonctions de la gauche culturelle, Donald Trump n’avait signé que vingt-quatre décrets présidentiels en une centaine de jours.

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Ayant compris ses erreurs, ses négligences et ses maladresses, le nouveau président s’est tourné vers les laboratoires d’idées, dont The Heritage Foundation, grands pourvoyeurs d’agents administratifs fiables, compétents et loyaux. Il a accepté de « noyer le marais » en ouvrant en même temps plusieurs fronts, d’où cette impression recherchée de tournis incessant. La méthode est excellente. Dans son roman de politique-fiction, Le temps du phénix (2016), Bruno Mégret soutenait cette méthode afin de saper toute mobilisation hostile intense. Cette pratique devrait s’appliquer en 2027. En effet, plutôt qu’organiser, par exemple, une seule grande réforme sur les retraites susceptible de cristalliser les mécontentements, le gouvernement aurait tout intérêt à lancer en même temps plusieurs réformes (retraites, audio-visuel, temps de travail, code de la nationalité, fiscalité, etc.). Dès lors, soit l’opposition répliquerait à l’ensemble des projets avec le risque de se disperser et de s’amoindrir, soit elle ne se concentrerait que sur une seule réforme et permettrait l’adoption des autres.

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Par ses décrets et des sorties tonitruantes, Donald Trump tient ses promesses électorales. Quelle audace ! Pendant la campagne présidentielle, ne disait-il pas que les droits de douane fussent les plus beaux mots du vocabulaire ? Ne prévenait-il pas les pans de l’« État profond » qu’il effectuerait une purge draconienne sous la direction d’Elon Musk et du DOGE (Département de l’efficacité gouvernementale) ? Outre un accord qui expédie dans une prison de très haute sécurité au Salvador des migrants illégaux, des agents du FBI arrêtent en plein tribunal, le 25 avril, Hannah Dugan, juge élue au tribunal de circuit (l’équivalent d’une cour d’appel) du comté de Milwaukee dans le Wisconsin. Jubilons que d’autres juges, d’autres journalistes, d’autres universitaires connaissent eux aussi les menottes !

C’est en économie que le trumpisme en action a effectué le plus de changements. En augmentant considérablement les taxes douanières, puis en revenant sur ces tarifs prohibitifs, Donald Trump sait-il ce qu’il fait ? Oui ! Par la menace, il formule des exigences si hautes que ses interlocuteurs ouvrent aussitôt des négociations et recherchent le meilleur compromis commercial possible.

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Favorable à une Amérique du Nord autarcique, élargie au Canada et au Groenland, Donald Trump, bien que non interventionniste belliciste pour l’instant, encourage une hégémonie mondiale sans complexe. L’Amérique d’abord ne signifie pas l’Amérique seule et isolée ! S’il somme les membres de l’OTAN d’augmenter leurs efforts de réarmement, il les pousse à ne se fournir que chez des groupes étatsuniens, quitte à mettre en péril les industries de défense du Vieux Monde. En parallèle, Washington s’indigne des amendes infligées par l’Union dite européenne à Apple (500 millions d’euros) et à Meta (200 millions). Les États-Unis ne se privent pourtant pas de sanctionner maints entreprises européennes sous couvert de l’extraterritorialité de leur droit au moindre prétexte. Trump II témoigne d’une incontestable volonté prédatrice, y compris envers les fonds sous-marins riches en nodules polymétalliques. La signature récente d’un accord sur les terres rares avec l’Ukraine en est une preuve tangible.

Les formidables pressions de la part des « seigneurs de la Tech », Elon Musk en premier, expliquent aussi le revirement de Donald Trump sur les droits de douane. Si le mouvement MAGA prêche le protectionnisme de bon aloi, son aile high tech, en bon perroquet libertarien, continue à défendre le libre-échange, un libre-échange biaisé en faveur de l’Oncle Sam. C’est la seconde fois en cent jours, après la dispute autour des visas accordés aux ingénieurs étrangers nécessaires aux firmes du numérique, que de fortes dissensions opposent Musk à Steve Bannon. Deux tendances au moins s’affrontent pour disposer ensuite du monopole idéologique sur la nébuleuse MAGA.

La volte-face présidentielle sur les questions douanières montre en tout cas la forte intégration commerciale de l’aire occidentale américanomorphe, dont l'économie est fortement internationalisée. La Hongrie illibérale récuse tout protectionnisme strict. Par ses initiatives erratiques, Donald Trump a le mérite de montrer qu’il n’est pas simple de se libérer du dogme libre-échangiste, ni de la réalité induite par cette croyance pathogène. Circonstance aggravante, sa reculade se comprend à l’approche des élections de mi-mandat en novembre 2026. La médiasphère spécule déjà sur une victoire des démocrates à la Chambre des représentants, voire aussi au Sénat. Ce pari journalistique serait trompeur.

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En dressant de hautes barrières douanières qui stimulent l’inflation, Donald Trump espère inciter à la réindustrialisation des États-Unis avec des producteurs étatsuniens pour des consommateurs US. Preuve est faite qu’on ne peut pas rayer d’un simple trait de plume cinq décennies de libre-échangisme mondial. Une politique protectionniste nécessite de la durée incompatible avec les échéances électorales à venir. Sa réalisation effective signifierait la fin de l’opulence, la sortie du consumérisme effréné et la mise en place d’une décroissance planifiée tendant vers l’appauvrissement (et non la paupérisation) de la société. Un mode de vie pauvre, austère et frugale n’est guère l’idéal recherché aux temps de la démocratie massifiée et manipulée.

En cent jours, Donald Trump a réussi, après le plus formidable retour politique de l’histoire des États-Unis, à chambouler un monde qui perd à son corps défendant sa boussole américaine. Se dirige-t-on vers une multipolarité naissante, instable et partielle ? Difficile de l’affirmer nettement. La seconde présidence Trump parviendra-t-elle à enrayer le déclin des États-Unis ou bien va-t-elle au contraire l’amplifier ? L’occasion est toutefois propice pour que les Européens renouent enfin avec leur propre civilisation. 

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 155, mise en ligne le 6 mai 2025 sur Radio Méridien Zéro.

L'homme le plus dangereux d'Amérique n'est pas Trump, mais Alex Karp

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L'homme le plus dangereux d'Amérique n'est pas Trump, mais Alex Karp

John Mac Ghlionn

Source: https://dissident.one/de-gevaarlijkste-man-van-amerika-is... 

Alors qu'Orwell nous mettait en garde contre Big Brother, Alex Karp, PDG de Palantir, construit tranquillement sa salle de contrôle alimentée par l'IA - systématique, insidieuse et efficace, écrit John Mac Ghlionn.

Karp ne ressemble pas à un belliciste. Le PDG de Palantir se présente avec des cheveux ébouriffés, des lunettes sans monture et débite des citations d'Augustin ou de Nietzsche - comme s'il se préparait à une conférence TED sur le techno-humanisme. Mais derrière cette façade pseudo-philosophique se cache une vérité toute simple: Karp est en train de créer un système d'exploitation numérique pour une guerre perpétuelle. Et il est en passe de remporter la victoire.

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Pendant des années, il a été considéré comme une curiosité dans la Silicon Valley: trop direct, trop têtu, trop étroitement associé au complexe militaro-industriel. « Nous étions la bête de foire », a-t-il déclaré un jour, à la fois fier et blessé.

Aujourd'hui, cependant, il n'est pas seulement accepté - il fournit le modèle d'un nouvel autoritarisme technologique dans lequel l'intelligence artificielle ne se contente pas d'observer le champ de bataille, mais le devient elle-même.

Le principal produit de Palantir, AIP, est déjà profondément intégré dans les processus militaires américains. Il prend en charge la sélection des cibles, la logistique du champ de bataille, la coordination des drones, la police prédictive et la fusion des données à une échelle qui fait pâlir la NSA.

Karp se vante que sa technologie donne aux « nobles guerriers de l'Occident un avantage injuste ». Au-delà de la rhétorique héroïque, elle offre une suprématie algorithmique : la guerre des machines, codée et marquée dans le style de l'efficacité patriotique.

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Et l'économie américaine passe à l'action. Citi, BP, AIG et même Hertz utilisent la technologie de Palantir. La frontière entre les applications militaires et civiles s'estompe. Ce qui était autrefois développé pour le champ de bataille permet aujourd'hui d'analyser les clients, les travailleurs et les civils.

Karp ne veut pas seulement numériser le Pentagone, il veut implanter Palantir dans les écoles, les hôpitaux, les tribunaux et les banques.

Le plus grand danger ne réside pas seulement dans la technologie elle-même, mais aussi dans la vision du monde qui l'accompagne. Karp parle de « transformation du système » et de « reconstruction des institutions » comme s'il était Moïse sur une montagne - mais derrière ce geste messianique se cache la croyance dangereuse que les processus démocratiques - la discussion publique, la délibération éthique, la résistance - sont obstructifs et doivent être contournés.

Il ne vend pas des outils, il vend l'inévitabilité. Karp est proche des militaires, méprise la transparence et se moque des débats éthiques de la Silicon Valley. Alors que d'autres PDG mettent en place des comités d'éthique, Karp s'exprime ouvertement: Palantir est venu pour faire la guerre - contre l'inefficacité, contre la bureaucratie, contre les ennemis à l'intérieur et à l'extérieur du pays.

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Il se moque de l'idée que la technologie puisse être freinée par des scrupules moraux. Pour lui, tout ce qui compte, c'est l'efficacité : le contrôle, la domination, l'efficience opérationnelle. Sa pensée est claire : la technologie est un pouvoir - et ce pouvoir doit être contrôlé, optimisé et automatisé.

Ce n'est pas un manager qui recherche l'équilibre. Karp conçoit l'architecture logicielle d'un État de surveillance - et l'appelle libération. Le logiciel détermine non seulement comment les problèmes sont résolus, mais aussi quels problèmes peuvent être résolus.

Son émergence reflète un changement fondamental : les États-Unis s'appuient de plus en plus sur la surveillance, la vitesse et le contrôle algorithmique - Palantir fournit tout cela. Contrairement à Zuckerberg et Musk, Karp ne prétend même pas vendre de l'innovation sociale. Il est fier que ses produits permettent des frappes de missiles, coordonnent les attaques de l'ICE et effectuent des recherches prédictives dans la foulée. Pour lui, c'est un progrès.

Et ça marche. Palantir est l'une des entreprises de défense les mieux notées de l'histoire des États-Unis et se négocie à 200 fois ses bénéfices escomptés. Wall Street l'aime - et Washington encore plus.

Karp fournit déjà des véhicules TITAN à l'armée américaine et gère le programme MAVEN basé sur l'IA, qui convertit les données satellitaires en cibles d'attaque en temps réel. Ce n'est plus de l'infrastructure, c'est de la logistique impériale.

L'attitude du philosophe-guerrier peut fasciner les investisseurs. Le reste d'entre nous devrait s'inquiéter. Karp prévoit un avenir où les guerres ne nécessiteront plus le consentement du public, mais seulement un accès stable par le biais du backend.

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Un avenir où la moralité est confiée à des algorithmes et où le comportement humain est mesuré, évalué et approuvé comme un flux de données.

Alors qu'Orwell nous mettait en garde contre Big Brother, Karp construit aujourd'hui sa salle de contrôle d'une manière différente : non pas avec de la propagande, mais avec des diapositives PowerPoint. Non pas en secret, mais publiquement, par le biais de communiqués de presse et de chiffres trimestriels.

Alors que les autres plateformes vendent des produits, Karp vend une structure : numérique, profondément intégrée et permanente. Son plus grand danger est de paraître civilisé. Il cite des versets de la Bible, porte des manteaux d'extérieur et se présente comme un professeur charismatique.

Mais derrière cette façade artificielle se cache un homme qui façonne un avenir dans lequel la dissidence sera considérée comme un dysfonctionnement, l'ambiguïté comme un défaut et les gens comme des variables inefficaces à optimiser.

La vision de Karp : une souveraineté totale de l'information, une prise de décision préventive et une militarisation de toutes les institutions sociales. Un avenir sombre - et il est plus proche que nous ne le pensons.

Alors que les médias se focalisent encore sur Trump, il vaudrait mieux s'intéresser à Alex Karp.

Car l'homme le plus dangereux d'Amérique ne vocifère pas. Il code.

samedi, 10 mai 2025

Norvège: Pourquoi relancer Le Rabouliste ?

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Norvège: Pourquoi relancer Le Rabouliste ?

Source: https://rabulisten.no/hvorfor-rabulisten/

Le Rabouliste renaît en tant que sanctuaire pour la recherche de la vérité, de l'identité nationale et des questions que vous n'avez plus le droit de poser.

Nous relançons Le Rabouliste en date du 8 mai parce que la Norvège a besoin d'une voix indépendante et inébranlable pour le peuple norvégien. Une voix qui refuse de s'incliner devant l'UE, le dogme mondialiste ou la main moite de l'autocensure.

Le Rabouliste original, connu plus tard sous le nom de Vårt Land, était l'un des journaux illégaux publiés pendant l'occupation allemande, à une époque où la voix de la liberté ne pouvait s'exprimer que par chuchotements. Aujourd'hui, il faut à nouveau la murmurer, notamment au Royaume-Uni, où des personnes ont été arrêtées pour s'être exprimées sans fioritures ni circonlocutions prudentes. En Roumanie et en France, où les candidats au poste de premier ministre ne peuvent pas se présenter. Et en Allemagne, où les enseignants, les policiers et les soldats n'ont pas le droit d'adhérer au plus grand parti du pays.

En Allemagne, l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) a été déclarée « extrémiste de droite patentée ». Non pas parce que ces membres ont perpétré des violences, mais parce qu'ils ont commis le péché capital de prétendre que les Allemands ne devraient pas devenir une minorité dans leur propre pays. Selon l'État, quiconque possède un passeport allemand est un « Allemand », quelle que soit son origine. Une notion absurde à laquelle peu de gens croient encore en Allemagne.

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La Norvège, notre coin d'Europe balayé par les vents, n'est pas non plus à l'abri d'une telle cécité politique. Nos propres politiciens prennent des décisions qui affaiblissent les intérêts de la nation: les câbles offshore, l'électrification du plateau continental norvégien. Et maintenant Melkøya (ndt: île au nord de la Norvège où l'on a effacé la culture rurale traditionnelle pour monter une usine de gaz liquide).

Parallèlement, une transformation démographique est en cours. Depuis 1975, le taux de natalité est resté inférieur à 2,1 enfants par femme, alors que la population est passée de 4 à 5,5 millions d'habitants.

Le taux de natalité actuel? 1,41. Une évolution qui ne met pas seulement la vie en danger, mais qui va à l'encontre du but recherché. Oswald Spengler l'avait prédit : l'Occident, dans sa phase civilisationnelle tardive, perdrait la volonté de vivre, de croître et d'aller de l'avant. Lorsqu'un peuple cesse de se porter vers l'avant, il ne s'agit pas seulement d'une crise démographique, mais d'un effondrement spirituel.

Un certain nombre de processus réversibles et irréversibles menacent notre chère patrie.

Nous relançons Le Rabouliste le jour de la libération du territoire en 1945, pour rendre hommage à ceux qui se sont levés dans le passé quand il fallait du courage, et aussi pour affirmer l'évidence à notre époque, où il faut à nouveau du courage pour dire la vérité. Nous puisons notre force dans le fait que, malgré 434 ans de domination danoise, 91 ans d'union avec la Suède et cinq ans d'occupation allemande, nous avons préservé notre identité norvégienne, notre spécificité norvégienne.

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Dans une société où la tyrannie des médias progressistes cherche à se scandaliser quand on affirme qu'une femme est une femelle biologique, il devient évident que l'uniformité idéologique a atteint des sommets. Comme l'avait compris le marxiste italien Antonio Gramsci, le pouvoir le plus efficace ne s'exerce pas par la violence, mais par l'hégémonie culturelle, lorsque la vision dominante du monde devient si englobante qu'il semble impensable d'y résister. Mais l'aide est venue d'un endroit inattendu: des États-Unis, qui étaient jusqu'à récemment l'épicentre de la théorie critique et de la politique identitaire-woke. La victoire de Trump en 2024 et la nouvelle administration ont donné aux Norvégiens et aux Européens une pause précieuse, un créneau pour reprendre nos pays.

De nombreux éléments indiquent que le vice-président américain J. D. Vance avait raison lorsqu'il a déclaré dans son discours à Munich:

« Mais la menace qui m'inquiète le plus pour l'Europe n'est ni la Russie, ni la Chine, ni aucun autre acteur extérieur. Ce qui m'inquiète, c'est la menace qui vient de l'intérieur ».

En Suède, la politique d'immigration a contribué à l'émergence de sociétés parallèles et de structures claniques (des colonies musulmanes) qui compromettent la stabilité de l'État. Ce que l'écrivain français Renaud Camus a appelé « Le Grand Remplacement » n'était pas une hypothèse, mais une description sobre de la réalité, y compris dans notre pays voisin. Le Rabouliste se veut une voix honnête et intransigeante, qui tirera le signal d'alarme lorsque les hommes politiques norvégiens nous entraîneront sur la même voie désastreuse.

Nous sommes politiquement indépendants, mais nous avons une mission claire: défendre le droit du peuple norvégien à l'autodétermination, à exister en tant que tel et à façonner sa propre société. Il est irresponsable de rester silencieux dans le contexte actuel.

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Pour nous, il s'agit de retrouver la liberté, non seulement face aux puissances supranationales, mais aussi face à une Norvège de plus en plus aliénée. Fritjof Nansen avait compris qu'un peuple qui n'a pas la volonté de s'affirmer ne peut pas aider les autres. Ses efforts en faveur des peuples norvégien et arménien témoignent d'une foi inébranlable dans la dignité nationale et la responsabilité personnelle, un héritage que nous souhaitons transmettre.

« Nous voulons un pays qui soit sauvé et libre et qui n'ait pas à emprunter sa liberté.

Nous voulons un pays qui soit le mien et le vôtre, et notre pays s'appelle la Norvège !

Et si nous n'avons pas encore ce pays, nous le gagnerons, toi et moi ! ».

- Per Sivle, 1895 (langue norvégienne modernisée)

17:19 Publié dans Nouvelle Droite | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : norvège, scandinavie, nouvelle droite | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

L'Europe en crise: la présidente de la Commission, Mme von der Leyen, menace de tomber de son piédestal

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L'Europe en crise: la présidente de la Commission, Mme von der Leyen, menace de tomber de son piédestal

Par le Dr Gert-Jan Mulder

Source: https://www.dagelijksestandaard.nl/opinie/europa-in-crisi...   

La position d'Ursula von der Leyen en tant que présidente de la Commission européenne vacille. Celle qui avait commencé comme une candidate de compromis en 2019 est devenue en 2025 l'un des dirigeants européens les plus critiqués de ce siècle. L'opposition grandit de toutes parts:

- Les États membres remettent ouvertement en question sa légitimité et son style de gouvernance.

- Le Parlement européen est divisé et semble de plus en plus opposé à ses politiques.

- La Cour des comptes européenne s'attaque frontalement à la gestion du gigantesque fonds de relance « Coro na » de 750 milliards d'euros, qui a été dépensé de manière opaque sous la direction de Mme von der Leyen.

- La correspondance secrète par SMS avec Pfizer sur les vaccins C orona reste inexpliquée.

- Plusieurs dénonciateurs, journalistes et organisations de la société civile parlent de concentration du pouvoir, de manque de transparence et d'une possible utilisation abusive des fonds.

Dans une démocratie saine, cela soulève une question logique: dans quelles circonstances Ursula von der Leyen peut-elle être contrainte de démissionner - ou de se retirer volontairement ? Voici une analyse juridique et institutionnelle.

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  1. 1) Démission volontaire (article 17, paragraphe 6, du traité UE)

La voie la plus simple et la plus rapide serait la démission volontaire. Ursula von der Leyen peut démissionner de son propre chef à tout moment auprès du président du Parlement européen et du président du Conseil européen. Dans ce cas, elle restera présidente sortante jusqu'à ce qu'un successeur soit nommé et confirmé.

Toutefois, cette voie exige qu'elle soit tout à fait prête à cette éventualité, ce qui, pour l'instant, ne semble guère être le cas.

  1. 2) Motion de défiance du Parlement européen (article 234 du TFUE)

La seule voie formelle pour contraindre la Commission européenne, et donc son président, à démissionner est la motion de censure du Parlement européen. Cette procédure comporte les éléments suivants :

- Doit être déposée par au moins un dixième des membres du Parlement (actuellement 71 sur 720).

- Elle doit être adoptée à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés et à la majorité des membres (au moins 361 voix).

- Si la motion est adoptée, l'ensemble de la Commission doit démissionner collectivement, y compris le président.

Notez que le Parlement ne peut pas simplement démettre le président. C'est tout ou rien. Cette procédure est difficile mais, politiquement, elle n'est pas impensable en cas d'échec continu du leadership.

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  1. 3) Pression politique du Conseil européen (contrainte indirecte à la démission)

Le Conseil européen, composé des chefs de gouvernement des États membres, peut déclencher la nomination d'un successeur si Mme von der Leyen perd la confiance. Légalement, ils ne peuvent pas la démettre de ses fonctions, mais la pression politique exercée par une majorité d'États membres pourrait rendre sa position pratiquement intenable.

Dans la pratique, cela pourrait se faire par des pressions diplomatiques, des déclarations publiques ou un appel commun.

  1. 4) Faute grave ou manquement aux devoirs (articles 245 et 247 du TFUE)

Si Mme von der Leyen se rend coupable d'une faute grave ou d'une négligence grossière, le Conseil ou la Commission elle-même peut saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) d'une demande de destitution.

Conditions:

- Possible uniquement en cas de « faute grave » ou si elle « ne remplit plus les conditions nécessaires à l'exercice de ses fonctions ».

- C'est la Cour qui décide, faisant de cette procédure une voie juridique très accessible et rare.

À ce jour, cette disposition n'a jamais été utilisée contre un président de la Commission.

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  1. 5) Problèmes de santé ou circonstances personnelles

Bien que peu discutés, les problèmes de santé ou les raisons personnelles peuvent également conduire à une démission temporaire ou à une révocation. Dans ce cas, ses fonctions sont assumées par un vice-président de la Commission.

Éléments déclencheurs possibles dans un avenir proche

- Nouvelles révélations sur les fonds COV ID, en particulier s'il s'avère que des milliards ont été gaspillés ou détournés.

- Percée dans le scandale des SMS à Pfizer ou nouvelles enquêtes sur la corruption.

- Un changement politique fort après les élections européennes conduisant à un Parlement critique.

- Soutien ouvert de plusieurs chefs de gouvernement à un autre président de la Commission.

- Une action en justice suite au rapport de la Cour des comptes européenne.

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Conclusion : une démission est possible, mais pas facile

Ursula von der Leyen est fermement en selle, institutionnellement parlant. Mais cette selle devient de plus en plus inconfortable.

Avec la persistance de la mauvaise gestion, de la pression publique et de l'isolement politique, la démission volontaire peut encore s'avérer être l'option la moins humiliante.

D'ici là, il reste à attendre une motion parlementaire sérieuse, une vague de pression politique ou une décision juridique rappelant la Commission à l'ordre.

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Dr Gert-Jan Mulder