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mercredi, 05 novembre 2025

Guy Debord est mort, le spectacle continue

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Guy Debord est mort, le spectacle continue

Alexandre Douguine 

Alexandre Douguine rappelle l’héritage de Guy Debord, l’un des derniers grands anticonformistes européens et le "démasqueur" de la « société du spectacle », dont la critique radicale de la culture de masse moderne, bien que récupérée par le Système qu’il dénonçait, pourrait encore inspirer une action révolutionnaire renouvelée. 

Le 30 novembre 1994, à l’âge de 62 ans, Guy Debord s’est suicidé. Son nom est depuis longtemps devenu un mythe. L’Internationale situationniste (fondée par lui lors d’une conférence à Cosio di Arroscia le 27 juillet 1957; il l'a présidée pendant de nombreuses années) est entrée dans l’histoire comme l’une des orientations politiques les plus radicales jamais connues. La foule le craignait autant qu’elle l’idolâtrait. Il fut l’un des auteurs et principales inspirations des révolutions européennes de 1968, qui échouèrent. Il est mort parce qu'il n'avait plus d’échappatoire et avait une conscience trop aigüe de la défaite totale subie par le non-conformisme en Occident, accompagnée du triomphe total du Système. 

Démasquer Charlie Chaplin

Dans l’époque heureuse du début des années 1950, lorsque l’avant-gardiste Michel Mourre, déguisé en moine dominicain, prononça un long sermon sur la radicalité de Nietzsche, lors de la semaine de Pâques à la cathédrale Notre-Dame, et lorsque « l’Atelier d’Art Expérimental », en exposant les œuvres d’un certain « Congo » et après avoir reçu des critiques positives de la part de critiques d’avant-garde, déclara que l’artiste avait en réalité été un chimpanzé, un jeune génie du nom de Guy Debord fit son entrée explosive dans l’univers non-conformiste ; il était profond, radical et impitoyable. Il les surpassa tous par son énergie, son courage, son talent et sa capacité à boire de grandes quantités d’alcool. Comme Debord lui-même écrira plus tard, « Tout ce que j’ai fait dans la vie, c’était lire et boire. J’ai peut-être beaucoup lu, mais j’ai bu bien plus. J’ai moins écrit que d’autres préoccupés par l’écriture, mais j’ai bu plus que ceux qui se soucient de boire. » 

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Le premier acte scandaleux de Debord fut une attaque féroce contre Charlie Chaplin lors de l’arrivée de ce dernier en Europe en 1952. Debord surnomma ce comique de l’humanisme « le voleur de sentiments et le blackmailer de la souffrance ». Son défi lancé fut ponctué par ces mots : « Rentrez chez vous, monsieur Chaplin ! ». Dans cet épisode, on peut déjà voir la trajectoire fondamentale du futur situationniste — une haine des substituts bourgeois de la culture de masse, surtout lorsqu’ils sont marqués par un faux progressisme et un humanisme pharisien. La position de Debord peut essentiellement se réduire à une lutte contre la droite et à un démasquage de la gauche. En d’autres termes, il voulait une révolte radicale contre le Système et son totalitarisme rusé, déguisé en « démocratie ». Il est logique que des gauchistes plus engagés aient dénoncé Debord, craignant son absence de compromis et ses conséquences écrasantes. Finalement, Debord lui-même formulera sa critique irremplaçable de l’« avant-garde » : 

« Au début, une des caractéristiques de la bourgeoisie développée est la reconnaissance du principe de liberté pour les œuvres intellectuelles ou artistiques. L'étape suivante constitue une lutte contre ces œuvres. Enfin, la bourgeoisie adapte ces œuvres à ses propres intérêts. La bourgeoisie n’a d’autre choix que de soutenir un sentiment critique au sein d’un petit groupe de personnes — un esprit d’enquête libre — mais seulement à condition que ces efforts soient concentrés dans une sphère étroite et que ces critiques soient soigneusement compartimentées de la société dans son ensemble [...]. Les personnes qui se sont distinguées dans le domaine du non-conformisme sont acceptées comme des individus par le Système, mais uniquement au prix de renier toute application globale de leurs idées et avec l’accord que leur activité sera strictement limitée aux niches sociales les plus fragmentaires. C’est précisément pour cette raison que le terme « avant-garde », qui se prête si bien à la manipulation bourgeoise, devrait en soi susciter suspicion et rire. »

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Révolte contre la Société du Spectacle

L’œuvre principale de Guy Debord, qui est devenue un classique moderne, est sa Société du Spectacle. Dans ce livre, il condamne impitoyablement la modernité, l’« époque des foules solitaires ». 

« Tout comme le loisir est défini par le fait qu’il n’est pas du travail, le spectacle est défini par le fait qu’il n’est pas la vie. » 

Le monde moderne, en conséquence, se réduit à l’isolement, à la représentation et à la mort. Au lieu d’une expérience de vie unificatrice, ce sont les lois de l’image qui règnent en maître, des images vacillantes qui ne font que représenter la réalité. Debord, en s’appuyant sur Fromm, observe que la dégradation sociale du Système libéral a passé un temps considérable dans ses phases finales. Au début, « être » s’est transformé en « avoir ». Et à présent, même « avoir » a disparu, transformé en « apparaître ». 

Au début, le monde bourgeois subordonnait la nature à ses lois industrielles; puis, il a subordonné la culture à lui-même. Le spectacle a anéanti l’histoire. « La fin de l’histoire offre un soupir de soulagement à toutes les autorités existantes. »

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Après avoir supprimé chez l’homme et dans la société le goût du réel, en remplaçant États et expériences par des « représentations », le Système a mis au point la méthode la plus récente d’exploitation et d’esclavage. Auparavant, il séparait les gens en classes, puis utilisait la force pour les pousser dans les usines et les prisons, et aujourd’hui il les a enchaînés à leurs téléviseurs. Ce faisant, il a une fois pour toutes remporté une victoire sur la Vie. 

« L'accumulation implacable d’images donne au spectateur l’impression que tout est permis, mais en même temps lui impose une assurance que rien n’est possible. On peut regarder, mais on ne peut pas toucher. Le monde moderne devient un musée, où la passivité même de ses visiteurs devient son principal gardien de sécurité. » 

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Définir l’essence de la société du spectacle de cette manière relève tout simplement du génie. N’était-ce pas une épiphanie, un regard clair dans les profondeurs de cette terrible vérité, qui poussa des révolutionnaires russes en octobre 1993 à tenter une attaque désespérée contre la tour Ostankino (1), le plus haut symbole du mensonge absolu du Système ? Peut-être, à ce moment-là, ceux qui participèrent à la révolte manifestèrent-ils intuitivement les témoignages de Debord : 

« Il faut chercher la formule du ‘détournement’ non dans les livres, mais dans l’expérience concrète. Il faut diverger de la trajectoire prescrite en pleine lumière, afin que rien ne rappelle la veille. Rencontres saisissantes, obstacles inattendus, trahisons grandioses, enchantements risqués — tout cela suffira à cette quête révolutionnaire et tragique du Graal de la Révolution, que personne n’avait demandée. » 

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Une nouvelle marche vers la tour Ostankino

Après l’effondrement de la révolution de 1968, Guy Debord prêta beaucoup moins attention à son Internationale et, en 1972, celle-ci se dissout d’elle-même. De temps en temps, Debord publiait encore des articles et réalisait quelques films, mais l’amertume qu’il avait absorbée à la suite de sa défaite était trop profonde. Même ses critiques les plus intransigeantes avaient été absorbées sans effort par le Système ; son œuvre principale était devenue un classique canonisé auquel tout le monde faisait référence, sans que peu prennent le temps de la lire. L’expression « Société du Spectacle », qui avait été si chargée et terrible dans la bouche de Debord lui-même, était devenue une banalité dans le lexique politique, ayant perdu sa charge révolutionnaire, anticonformiste et démasquante. 

Debord fut alors marginalisé, isolé, et « récupéré ». Les situationnistes disparurent, et seule une poignée d’« anarchistes de droite » et de followers européens d’Evola (notamment Philippe Baillet) firent une tentative, certes infructueuse, de rétablir une certaine pertinence à ses idées. Mais l’Occident poursuivit encore plus loin le chemin du spectacle, plus que nous ne pourrions l’imaginer. 

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Jamais auparavant la mort n’a régné sur le monde avec autant d’absolu et d’évidence horrifiante que ce qu’elle fait aujourd’hui dans le monde libéral. Le suicide de Guy Debord est la dernière touche écrite dans le sang d’une personne vivante, sous l’ordre de la Société du Spectacle. Il se peut qu’il ait été la dernière personne encore présente en Occident à pouvoir se donner la mort, puisque personne là-bas ne possède plus de « moi » authentique. 

L’élection de Chirac à la présidence de la France, le succès de « Procter & Gamble », la dernière tournée de Madonna, le travail de Bernard-Henry Levi sur un nouveau texte publicitaire pour le bourgeois Yves Saint Laurent, le sourire creux et cyborg de Naomi Campbell, démocratiquement fabriqué en tube à essai rempli de sperme de représentants des quatre races humaines... Plus encore de temps s’est écoulé depuis la mort silencieuse du grand Témoin... 

La Bête soulève son corps télévisé, rampant, morose, vers l’oubli, l’agonie, l'Est en phase de flétrissure. 

Mais tout de même… Tout de même, il faut se relever encore et encore et marcher vers la tour d'Ostankino. Les vivants et les morts. Avec Guy Debord. Cette tour télévisée maléfique est le phallus de Satan, qui engendre constamment l’hypnose toxique de la « Société du Spectacle ». Après l’avoir fait exploser, nous castrerons le démon même de la violence qui se cache derrière les masques délabrés des marionnettes du Système. 

Tôt ou tard, le spectacle sans fin prendra fin. Ce n’est qu’alors que nous aurons notre vengeance, et elle sera impitoyable. 

LIRE PLUS : Le texte ci-dessus est un extrait de Templiers du Prolétariat d’Alexandre Douguine, présenté en français par Ars Magna :

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Pour toutes commandes: https://www.editions-ars-magna.com/livre/douguine-alexand...

Note:  

(1) La tour Ostankino, la plus haute structure autoportante d’Europe, est une tour de radiodiffusion et de télévision à Moscou.

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La Finlande paie au prix fort la folie belliciste anti-russe

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La Finlande paie au prix fort la folie belliciste anti-russe

Enrico Toselli

Source: https://electomagazine.it/la-finlandia-paga-con-la-disocc...

Préférez-vous des canons ou des touristes ? Cette question rhétorique, tout comme celle posée par Draghi sur le choix entre climatiseurs et armes (même si, hypocrite, il qualifie l'achat d'armes de « paix »), n'a même pas été posée aux Finlandais. D'ailleurs, les Italiens n'ont pas non plus eu le choix. La réduction des investissements afin de pouvoir offrir de l'argent et des armes à Zelensky n'est pas soumise à référendum. Ce sont les marchands d'armes qui décident et les majordomes politiques exécutent.

C'est maintenant au tour des Finlandais de découvrir que les choix des bellicistes ont de lourdes conséquences pour la population. Par exemple, ils ont perdu 2 millions de touristes russes par an. Et pour un pays qui compte un peu plus de 5 millions d'habitants, ce n'est pas négligeable. Tout comme le chômage, qui a atteint 15 %, n'est pas négligeable, lui aussi. Des hôtels, des restaurants, des magasins et des centres de bien-être ont fermé leurs portes. Mais, dans la foulée, les travailleurs des industries forestière et sidérurgique ont également été licenciés.

Les grands économistes du gouvernement d'Helsinki ont alors pensé à favoriser le tourisme intérieur. Et ils ont découvert, étrange mais vrai, qu'en appauvrissant le pays et en augmentant le chômage, le tourisme intérieur ne se développe pas davantage. Parce qu'il manque de l'argent. Celui des Russes, en particulier. Et il faudra du temps, beaucoup de temps, avant que les touristes russes oublient le comportement des Finlandais. Et des autres pays gouvernés par les eurodingues.

mardi, 04 novembre 2025

Désintégration rapide du dollar: la Russie évince le dollar et l’euro du commerce extérieur

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Désintégration rapide du dollar: la Russie évince le dollar et l’euro du commerce extérieur

Moscou. En raison de la guerre en Ukraine et des sanctions occidentales, le commerce extérieur de la Russie a profondément changé ces dernières années. Les flux commerciaux, qui étaient auparavant principalement dirigés vers l’Europe, ont été redirigés vers l’Asie en un temps record. L’ancien conseiller du Kremlin, Vladislav Inotzemtsev, a déclaré à „Die Welt”: «Aucun changement aussi rapide des habitudes de consommation n’a jamais été observé auparavant». 

Ce recentrage se reflète également dans les monnaies utilisées. Selon l’agence de presse Interfax, qui se base sur des données provisoires de la banque centrale de Moscou, la Russie a effectué en août 55,2% de son commerce extérieur total en roubles – un record absolu. Pour l’exportation, la part du rouble s’élevait à 56,3%, pour l’importation à 54,1%. 

Le retrait stratégique du dollar américain, appelé désintégration du dollar ou «dédollarisaton», avait déjà été amorcé par Moscou après l’annexion de la Crimée en 2014. L’objectif était et est de réduire la vulnérabilité face aux sanctions occidentales. Ainsi, les obligations d’État américaines ont été presque entièrement retirées des réserves de devises. Cependant, cette accélération du processus n’a vraiment eu lieu qu’après le début de la guerre en Ukraine en 2022. Alors qu’en 2021, 84,6% des exportations et 67,6% des importations étaient facturés en dollars ou en autres monnaies occidentales, cette part a chuté en août 2025 à seulement 14,3% pour les exportations et 15,7% pour les importations.  

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En plus du rouble, ce sont principalement les monnaies des États amis qui ont remplacé les monnaies occidentales. Leur part dans l’exportation russe s’élevait en août à 29,4%, dans l’importation à 30,1%. La monnaie la plus importante reste le yuan chinois. La Chine est devenue le partenaire commercial principal et couvre désormais 40% des importations russes et 30% des exportations. Le volume commercial entre les deux pays a atteint en 2024 un record de 245 milliards de dollars. L'importance de l’Inde en tant que grand acheteur de pétrole russe a également considérablement augmenté. 

L’Occident tente, par le biais de menaces de sanctions secondaires, d’entraver ces relations commerciales, mais ses succès restent limités. Dans ce contexte, deux économistes ont récemment proposé dans la revue „Foreign Affairs” une nouvelle stratégie de sanctions. Selon eux, l’accent ne devrait pas être mis sur le blocage des flux financiers vers la Russie. Au lieu de cela, il faudrait inciter les Russes bien formés et fortunés, avec leur capital et leur savoir, à quitter le pays. La dynamique des processus géopolitiques et monétaires ne devrait cependant pas en être affectée (mü).

Source: Zu erst, Nov. 2025. 

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La Libye au cœur de la nouvelle stratégie américaine en Méditerranée orientale

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La Libye au cœur de la nouvelle stratégie américaine en Méditerranée orientale

Source: https://t.me/restinvestigate

Les États-Unis avancent dans leurs projets visant à faire de la Libye un pivot stratégique de leur politique en Méditerranée orientale, avec la proposition d'une conférence quadripartite réunissant la Grèce, la Turquie, l'Égypte et la Libye afin de régler les différends en cours concernant les frontières maritimes. Washington fait pression pour une représentation libyenne unifiée afin de soutenir cette initiative diplomatique, signalant ainsi une évolution vers un engagement régional accru.

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Le conseiller américain Massad Boulos (photo) a récemment rencontré le président du Conseil présidentiel libyen, Mohammed Menfi, à Paris afin de favoriser l'alignement politique entre les factions libyennes rivales et de discuter de la coopération énergétique. Dans le même temps, la société énergétique américaine Chevron a tenu des discussions à Tripoli sur l'expansion des investissements dans le pétrole, les énergies renouvelables et la technologie.

La Turquie suit de près ces développements, en particulier après avoir obtenu des droits d'exploration offshore près de la Crète. Les responsables turcs et libyens continuent de coordonner leurs relations énergétiques, soulignant la nature contestée des revendications maritimes de la région. Alors que les puissances rivales cherchent à exercer leur influence sur les principaux corridors énergétiques, la décision des États-Unis marque un rééquilibrage de leur présence en Méditerranée, ancrée en Libye.

L'Europe entre dans une lutte décisive – entre ambition géopolitique et usure intérieure

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L'Europe entre dans une lutte décisive – entre ambition géopolitique et usure intérieure

Analyse stratégique & Prévisions

Elena Fritz

Source: https://t.me/global_affairs_byelena

L’UE en route vers un centre de pouvoir autonome

La politique européenne traverse une phase de transition: elle ne se comporte plus comme un partenaire subalterne, mais comme un pôle de pouvoir indépendant avec un ennemi clairement défini – la Russie.

L’objectif n’est plus seulement de pratiquer la dissuasion, mais de viser une défaite stratégique de Moscou afin de consolider l’identité politique de l’Europe et sa capacité à agir en matière de sécurité.

Derrière cela se cache un changement idéologique: l’UE se perçoit de plus en plus comme un sujet géopolitique avec une « mission » – et non plus comme une simple zone de marché et de valeurs. 

La logique de l’irréversibilité

Depuis les années 1990, Bruxelles a investi d’énormes ressources politiques et financières dans l’espace post-soviétique.

Ces investissements sont aujourd’hui devenus un engagement en soi: un retrait d’Ukraine ne remettrait pas seulement en question le prestige, mais aussi tout le projet d’intégration.

Conséquence: l’UE mise sur la prolongation et l’élargissement du conflit pour justifier son engagement stratégique. 

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La militarisation comme principe structurant

L’Europe traverse une phase de mobilisation déguisée.

Les budgets sont réorientés, des fonds spéciaux créés, les dépenses de défense fortement augmentées.

L’objectif n’est pas une victoire à court terme, mais une capacité de gérer un état de guerre sur le long terme – capacités industrielles, production en série, normes communes, « base européenne de défense ».

Cette dynamique déplace le centre de pouvoir de l’UE: de la politique économique vers une gestion axée sur la sécurité et la défense. 

La guerre financière

Parallèlement, Bruxelles met en place de nouveaux instruments financiers pour soutenir le conflit, indépendamment des budgets nationaux :

L’utilisation d’actifs gelés, des obligations de l’UE et des fonds restructurés juridiquement.

Il en résulte une architecture financière de guerre opérant sans légitimité politique classique – un provisoire économique permanent qui se pérennise lui-même. 

La matrice géopolitique des objectifs

L’UE souhaite tirer de la guerre en Ukraine une nouvelle identité en matière de sécurité.

Elle se définit par la démarcation, et non plus par l’intégration.

L’ennemi à l’est fournit le cadre narratif pour compenser la fragmentation intérieure.

Cela signifie: l’Europe ne se bat pas seulement sur le front, mais aussi pour sa propre auto-définition – comme une puissance politique qui veut émerger du conflit comme d’une initiation. 

Prévisions 2026–2028 

- Renforcement de l’intégration en matière de sécurité par le renforcement institutionnel de Bruxelles (Agence de défense, agence d’approvisionnement, titres de dette commune).

- Continuer à déconnecter l’industrie des marchés mondiaux au profit d’une production stratégique nationale.

- Tensions sociales dues à la redistribution des coûts et à la baisse du revenu réel.

- Durcissement normatif : la sécurité et la loyauté deviennent des valeurs politiques centrales; le dissensus est considéré comme un risque.

Conclusion:

L’Europe ne mène plus une guerre pour faire la paix, mais pour se prouver à elle-même qu'elle est une puissance géopolitique.

Elle risque de perdre ce qui a longtemps été sa force: la rationalité économique, la diversité politique et la profondeur culturelle.

Finalement, le « combat décisif » n’est pas mener contre la Russie, mais contre l’âme même de l’Europe.

Fondements de la géopolitique d'Alexandre Douguine : une analyse critique

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Les fondementaux de la géopolitique d'Alexandre Douguine: une analyse critique

Source: https://socialismomultipolaridad.blogspot.com/2025/11/fun...

Introduction

osnovygeopolitiki_0-2952310780.jpgPublié en 1997, le livre Les fondementaux de la géopolitique : l’avenir géopolitique de la Russie, dû à la plume du philosophe et stratégiste russe Alexandre Douguine est devenu une œuvre de référence dans les cercles nationalistes et militaires russes. Considéré par beaucoup comme le « manuel géopolitique du Kremlin », le livre propose une vision du monde profondément antimoderne, multipolaire et centrée sur la restauration du pouvoir impérial russe. Il manque, à cet ouvrage, une attention aux luttes de classes, à la conception marxiste de l’histoire et de la société. Il n’analyse pas le rôle destructeur du capitalisme ni les processus impérialistes enracinés dans l’exploitation, l’accumulation et la concentration du capital. De plus, ce texte précède l’évolution ultérieure de la pensée de Douguine, où l’on observe une limitation de la perspective « impériale » russe en faveur d’une approche multipolaire et de l’élaboration de la «Quatrième Théorie Politique» (4TP). Cet article du collectif Cultura Popular offre une analyse détaillée des principales thèses du livre, en insistant sur les passages les plus marquants et une évaluation critique de ses implications.

1. La géopolitique comme science du pouvoir

Douguine part d’un principe fondamental: la géopolitique n’est pas une discipline neutre, mais un outil pour la conquête de l’espace et l’affirmation du pouvoir. En ses termes :

«La géopolitique est la logique de la grande stratégie, la science de la guerre pour l’espace».

Cette conception instrumentale de la géopolitique s’éloigne des approches académiques et se rapproche d’une vision presque darwiniste des relations internationales, où la survie des États dépend de leur capacité à s’étendre et à dominer. Douguine réalise une synthèse originale entre les approches «traditionalistes» (Guénon, Evola) et la «Géographie sacrée» (particulièrement présente dans la dernière partie du livre), ainsi que la tradition réaliste de la géopolitique (McKinder, Haushofer). Cet équilibre et cette synthèse tendent, toutefois, vers le réalisme politique: si un empire veut un avenir et souhaite éviter la destruction ou la soumission, il doit savoir unir ses alliés et diviser ses ennemis.

Le germe de l’Empire, dont Douguine parle, est l’Empire russe (qui s'est transformé par la suite en empire soviétique), mais il ne s’agit que d’un germe. L’objectif de Douguine dans ce livre, à la fin des années 1990, était de bâtir un Empire méta-russe, non exclusivement russe (au sens ethnique, nationaliste, étatiste) mais eurasiatique.

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2. Terre contre mer: la dichotomie fondamentale

Douguine reprend l’opposition classique entre puissances terrestres (Heartland) et puissances maritimes (Rimland), formulée par Halford J. Mackinder et Nicholas Spykman. Selon Douguine, la Russie représente la civilisation de la terre, spirituelle, traditionnelle et communautaire, tandis que les États-Unis et le Royaume-Uni incarnent la puissance maritime, libérale, individualiste et matérialiste.

« L’histoire du monde est l’histoire de la lutte entre la civilisation de la terre et celle de la mer. »

Dans le texte, l’idée de l’Hispanité est totalement absente, en dehors des catégories marxistes. L’Empire espagnol, bien qu’appuyé sur des aspects thalassocratiques (domination universelle des mers et reconfiguration atlantique de l’Hispanité, laissant de côté ses attaches méditerranéennes), fut un exemple fondamental d’empire tellurocratique. L’Espagne a structuré le continent américain non selon un schéma « générateur », comme dirait Gustavo Bueno, mais selon un schéma « agglutinant », selon le vocabulaire de la théorie des empires de Carlos X. Blanco. Cela signifie que l’Espagne n’a pas simplement appliqué une grille donnée aux terres conquises, répétant de manière homogène, multiplicative, la grille originelle de la Rome antique, mais qu’elle a accru les fondements de son empire en intégrant ethnies, territoires et formes culturelles dans un projet universaliste («catholique»). Entre le modèle anglo-saxon «absorbant» (que Bueno nomme «prédateur») et le modèle chinois d’un empire hautement «agglutinant», l’empire de la monarchie hispanique occupe une position intermédiaire.

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3. Eurasianisme : la renaissance impériale

Le cœur de la pensée de Douguine est l’eurasisme, une doctrine qui propose la création d’un bloc géopolitique dirigé par la Russie, s’étendant de l’Europe de l’Est à l’Asie centrale. Ce bloc doit s’opposer à l’ordre unipolaire dominé par les États-Unis.

« La Russie ne doit pas s’intégrer à l’Occident ou à l’Orient, mais mener une troisième voie : l’Eurasie. »

Le projet eurasien implique de forger des alliances stratégiques avec l’Iran, l’Inde, la Chine et, dans certains scénarios, avec l’Allemagne et la France. L’Ukraine est considérée comme un territoire-clef dans cette optique: sans elle, la Russie ne peut pas constituer un empire. L’indépendance de l’Ukraine et son basculement vers l’OTAN et l’Occident étaient perçus, dès les années 1990, comme des éléments à haut risque pour la sécurité de la Russie.

Les États d’Europe de l’Est et les petites républiques baltes, dont la légitimité historique est douteuse, ont été constamment utilisés par l’Occident comme des entités étatiques marionnettes pour encercler, provoquer et saper la sécurité russe. Leur irresponsabilité face à la géopolitique en fait des proies et des porteurs d'armes entre les mains des Anglo-Saxons, des forces thalassocratiques qui cherchent à contenir toute forme d'Eurasie forte et unie.

Douguine affirme que la libération de l’Europe passe par la création d’un «Axe Paris-Berlin»: l’Allemagne est un élément déterminant pour asseoir une paix eurasiatique et pour la création d’un grand empire. Douguine oublie encore une fois de plus le rôle potentiel de l’Hispanidad. L’Europe atlantique, qui devrait représenter l'ultime frontière occidentale de l’empire eurasiatique, doit redevenir une Europe celtique (issue de l’Arc Atlantique dont le centre, symboliquement, serait Covadonga, arc qui serait donc une alternative à la domination anglo-saxonne sur cet océan). Un Royaume-Uni fragmenté en pays celtes, et une France réorientée vers l’axe Berlin-Moscou, seront des maillons à relier avec une Espagne à vocation atlantique (son origine se trouve dans les Asturies, dans la révolte de Pelayo contre les Maures) et en Amérique ibéro-latine.

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4. Un Empire agglutinant

Un des aspects les plus intéressants du texte de Douguine est l’importance qu’il accorde aux facteurs extra-économiques dans la gestion de l’union agglutinante (et non absorbante) des peuples du futur Empire eurasiatique. La clé pour unir et diviser les peuples réside parfois dans la religion, parfois dans l’ethnie, et toujours, en toile de fond et, dans le cadre des conditions toujours en présence, dans la géographie. Il ne s’agit pas d’un empire «absorbant» (comm le fut la russification, qui fut une erreur en général, suite à la soviétisation de vastes régions d’Asie), mais d’un empire «agglutinant», selon la définition qu'en donne Blanco. L’objectif est d’incorporer la diversité dans un projet stimulant, qui s’enrichit toujours de la diversité de départ. Il s’agirait de porter à grande échelle le projet, d’origine asturienne et médiévale, des « Espagnes » (Las Españas), mais cette fois à une échelle beaucoup plus grande et d'ampleur eurasiatique: autonomie locale et régionale maximales, chaque peuple conservant son identité ethnique, religieuse, linguistique et «forale» (autonomie), tandis que le Pouvoir Central réserverait pour lui les grands desseins stratégiques, la défense et les relations multipolaires avec le reste du monde.

6. Europe : l’alliance indispensable avec Moscou

Douguine consacre plusieurs sections de son livre à l’Europe Occidentale. L’Allemagne est vue comme un allié potentiel si elle rompt avec les États-Unis et s’oriente vers l’Eurasie. La France, avec sa tradition gaulliste, pourrait également s’intégrer dans ce bloc. L’Espagne apparaît à peine, bien que sa position atlantique, qui a été historiquement la clé de son pouvoir entre les 16ème et 18ème siècles, pourrait être pertinente dans un schéma multipolaire. L’Espagne est née dans le Royaume d’Asturies, et ce sont les marins des Asturies, de Santillana et de toute la région Cantabrique (Galice, Asturies, Pays Basque), qui ont créé une Castille « tellurique » (terrestre), avec une flotte qui a affronté la piraterie européenne et musulmane. Il n’y a pas de frontière occidentale possible pour l’Eurasie sans revendiquer l’Hispanidad : a) comme garante de ses côtes contre les « insulaires » américains et anglo-saxons, et b) comme lien incontournable avec la Patria Grande, Nuestra América (en commençant à l’extrémité sud du continent ibéro-américain).

« L’Europe doit se libérer du joug atlantiste et trouver son destin dans la grande Eurasie. »

7. Amérique hispanique, Afrique et Sud Global

Douguine propose une stratégie pour rapprocher l’Amérique hispanique, qu’il appelle à tort et de façon persistante «Latine», et particulièrement le Brésil, comme contrepoids à l’hégémonie américaine. L’Afrique est vue comme un espace de compétition indirecte, où la Russie peut gagner en influence par des alliances anti-occidentales.

« Le Sud Global est un terrain fertile pour l’expansion de l’influence eurasiatique. »

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Pour commander: https://www.editions-ars-magna.com/livre/arnold-jafe-les-...

8. Guerre culturelle et contrôle de l’information

Douguine reconnaît que les enjeux de la géopolitique du 21ème siècle ne se gagneront pas uniquement avec des tanks, mais aussi avec des idées, des réseaux et de la culture. Il propose une guerre culturelle contre le libéralisme, en promouvant des valeurs traditionnelles, religieuses et nationalistes.

« La bataille pour l’âme du monde se joue dans le domaine de la culture. »

Cette dimension idéologique du livre peut s'avérer particulièrement influente sur les mouvements souverainistes, populistes et de gauche en Europe et en Amérique. Son rejet de l’atlantisme et sa connexion avec les théories de la dépendance, de l’échange inégal, du marxisme du « Tiers Monde », du peronisme, du chavisme, du castrisme et de toutes les idéologies émancipatrices qui luttent contre la Doctrine de Monroe et l’impérialisme américain font de Douguine une référence. En termes plus généraux, Douguine revendique un empire agglutinant, proche de celui qu'a théorisé Carlos X. Blanco: c'est, de cette manière, un Grand Espace (selon Schmitt), autocentré et en harmonie pacifique avec les autres, si possible.

Conclusion : manuel de stratégie ou manifeste idéologique ?

Les fondementaux de la géopolitique est plus qu’un traité académique: c’est un manifeste idéologique qui cherche à redéfinir le rôle de la Russie, mais aussi celui de l’Europe, dans le monde. Son influence sur certains secteurs de l’armée russe et la politique extérieure du Kremlin a été largement documentée. Cependant, c’est un texte qui doit être complété par d’autres œuvres et contributions ultérieures du grand philosophe russe, telles que sa théorie du multipolarisme et son approche de la Quatrième Théorie Politique. Il lui manque une analyse économique sur l’évolution du capitalisme au 20ème et 21ème siècle, ainsi qu’une étude des luttes de classes et du conflit stratégique entre États et acteurs (selon G. La Grassa). Une lutte pour le pouvoir.

lundi, 03 novembre 2025

Il faut relire les oeuvres d'Arnold J. Toynbee

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Il faut relire les oeuvres d'Arnold J. Toynbee

Rodolfo S. Souza

Source: https://www.facebook.com/rodolfo.souza.7

Arnold J. Toynbee, qui est aujourd'hui malheureusement tombé dans l'oubli, fut l'un des plus grands historiens du 20ème siècle. Son ouvrage « A Study of History » (publié en 12 volumes entre 1934 et 1961) est l'un des plus grands traités théoriques d'histoire comparée, au même titre que des ouvrages tels que « Le Déclin de l'Occident » d'Oswald Spengler. « A Study of History » attire l'attention tant par son immense érudition que par l'ambition épistémologique et spirituelle de sa vision: formuler une métathéorie de l'histoire humaine qui ne se réduit à aucune science particulière, ni à une simple succession de faits — une histoire qui est à la fois philosophie, théologie et diagnostic civilisationnel.

Pour Toynbee, l'histoire ne doit pas être racontée à partir des États, des empires ou des individus, mais à partir des civilisations: de grandes totalités culturelles, spirituelles et sociales. Il a identifié environ 21 civilisations, des Sumériens et des Hellènes à l'Occident moderne, et a cherché à comprendre comment elles apparaissent, s'épanouissent et déclinent. Son originalité réside dans le fait qu'il ne considérait pas les civilisations comme des entités déterminées par la race ou la géographie, mais comme des organismes spirituels, façonnés par des réponses créatives aux défis de l'existence. Chaque civilisation naît d'un défi environnemental, social ou spirituel (famine, invasions, désordre moral, perte de sens) et ne survit que si une élite créative (une minorité inspirée) répond de manière adéquate à ce défi, en générant de nouvelles institutions, de nouvelles valeurs et de nouveaux modes de vie.

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Lorsque cette élite perd son dynamisme, elle devient une minorité dominante (au lieu d'être créative), et la civilisation entre alors en déclin, remplacée par la passivité et la révolte des masses. Contrairement au biologisme d'Oswald Spengler, Toynbee rejette le déterminisme. Aucune civilisation n'est condamnée à mourir: sa mort survient lorsqu'elle perd le contact avec son élan spirituel originel, c'est-à-dire lorsque ses institutions cessent de servir la vocation créative et religieuse qui les a fondées. Le déclin est donc moral et spirituel, et pas seulement matériel ou politique.

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Toynbee réintroduit également l'élément religieux dans la philosophie de l'histoire, à une époque dominée par le matérialisme historique et la sociologie sécularisée. Il croyait que le sens de l'histoire réside dans un rapprochement progressif avec le divin, et que les religions universelles (en particulier le christianisme, le bouddhisme et l'hindouisme dans leurs dimensions mystiques) représentent des tentatives de transcender le cycle d'ascension et de chute des civilisations.

Dans ses derniers volumes, Toynbee en vient à parler d'une histoire dont le point culminant n'est pas politique, mais spirituel: la quête humaine de l'union avec l'Absolu. Ce tournant mystique situe sa pensée en dehors du positivisme, du libéralisme et du marxisme.

La fuite annuelle des cerveaux hors de France

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La fuite annuelle des cerveaux hors de France

Peter W. Logghe

Source: https://www.facebook.com/peter.logghe.94

Ils ont terminé leurs études d'ingénieur à Polytechnique, ont peiné dans les écoles de commerce de l'EDHEC et ont enfin obtenu leur diplôme. Et pourtant, ils prennent l'avion pour partir vers des régions et des pays où ils n'ont pas fait leurs études. Chaque année, environ 15.000 jeunes quittent la France, comme l'indique le baromètre Ipsos 2025 pour cette année.

La fuite des cerveaux hors de France se poursuit et s'accentue. Les jeunes, qui, avec leurs diplômes d'ingénieurs, sont censés représenter l'élite intellectuelle de la nation, partent. Chaque année, « environ 10% de nos jeunes diplômés des écoles d'ingénieurs et 15% des diplômés français des écoles de management quittent la France ». Et si les pourcentages de la fuite des cerveaux peuvent être considérés comme « assez normaux » par Ipsos, l'institut de sondage, il n'en reste pas moins que l'évolution est alarmante.

La France est un pays en déclin, alors pourquoi y rester ?

Selon Ipsos, ce qui est alarmant dans ce pourcentage, c'est qu'il augmente chaque année. En 10 ans, 25% de diplômés français supplémentaires ont émigré à l'étranger. « Cela représente un risque structurel pour le renouveau et la compétitivité de la France », selon Ipsos. Une évolution alarmante, surtout quand on sait « que le pourcentage de diplômés qui quittent la France augmente avec le niveau d'études ». En d'autres termes, la France perd ses cerveaux.

Pourquoi tant de jeunes partent-ils ? Selon Ipsos, la réponse est claire: « Il existe en France des freins structurels à l'attractivité des talents. La fiscalité est perçue comme un lourd fardeau par la moitié des jeunes Français interrogés. Les salaires sont clairement insuffisants (pour 44%) et le marché du travail est trop rigide (pour 32% des jeunes Français) ».

Mais ce n'est pas tout. Si les jeunes intellectuels français quittent le pays, c'est aussi parce que « 70% des talents estiment que la France est un pays en déclin. 74% s'inquiètent de la situation économique et 81% de la situation politique ». 73% des jeunes Français interrogés attendent une action du gouvernement, mais avec un cinquième, voire peut-être déjà un sixième Premier ministre, ces jeunes intellectuels, qui constituent l'épine dorsale de la nation, ne sont malheureusement pas servis à leur guise !

Et la situation chez nous, en Flandre/aux Pays-Bas, est-elle vraiment meilleure ?

Le magnétiseur magnetisé: l'art de Luc-Olivier d'Algange

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Le magnétiseur magnetisé: l'art de Luc-Olivier d'Algange

par Frédéric Andreu

« Je ne puis me défendre de l’idée que le livre que nous écrivons est déjà écrit dans quelque « registre de lumière ». En écrivant, nous sommes des Servants. Une trame secrète se révèle peu à peu ». — Luc-Olivier d’Algange, Entretien avec André Murcie.

Porteur de la lampe poétique, Luc-Olivier d’Algange connaît l’art d’éclairer les blasons d’attente de nos âmes. On lit un texte de lui en se surprenant, parfois, à voir le monde par ses yeux. Et lorsque l’ouvrage se referme et que sa trace narrative s’estompe dans les brumes de l’oubli, il demeure en nous comme un bruissement de feuilles : trace d’une forêt enchantée qu’il a su éveiller en nous.

Les fieffés rêveurs que nous sommes savent que nos images oniriques dérivent parfois jusqu’aux rivages les plus secrets de Mnémosyne, mère des Muses. Peu savent, en revanche, que ces rivages, infrarouges et ultraviolets du monde suprasensible, sont aussi ceux où scintillent les récits de nos légendes. Car le monde légendaire prolonge la lumière naturelle : il fait rayonner, au-delà du visible, ces couleurs interdites au regard, mais familières à l’âme.  

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Laissant entrer ces fréquences suprasensibles, la prose dalgangienne évoque, par certains côtés, les vitraux d’église traversés par la clarté du sacré. J’ajouterais quelques rares estampes, celles d’Aude de Kerros, dont le magnétisme sourd des mêmes rêveries cheminantes : https://audedekerros.fr

Textes ajourés, estampes magnétiques ou vitraux d’église nous met en contact cette vie dans la vie qui nous attend avant la mort, celle qui pleut en rosée mystique sur les pétales de nos âmes —  et non celle qui nous serait promise après la mort.

En contrepoint à l’approche héraldique de Luc-Olivier se tient l’approche étymologique de Philippe Barthelet. J’ai longtemps cherché à comprendre pourquoi deux factures aussi différentes semblaient participer d’une même tradition. Tout récemment, une réponse à cette question s’est imposée à moi: quand Luc-Olivier « remonte » la tradition vers les pistils, bourgeons et fleurs du langage — où butinent tant d’abeilles poétiques ! —, l’auteur du Voyage d’Allemagne descend, lui, vers le sol de cette langue où racines et bulbes des mots forment leurs rhizomes. D’où ces étymons qui émaillent presque chacune de ses phrases.

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Ces deux explorations, aussi riches de découvertes soient-elles, ne sont pas sans risque : la première peut perdre le Petit Poucet lecteur non averti dans les Holzwege des brumes ésotériques ; la seconde risque de prendre les mots pour les choses. Cependant, mises bout à bout, ces deux œuvres forment un axe lumineux et vertical, absolument nécessaire en ces temps d’avachissement généralisé et de nivellement par le bas.

En elles-mêmes, les œuvres font et sont signes — car tout ce qui est n’est-il pas signe d’autre chose. Elles nous intiment dans l’idée que l’existence n’est que sous l’horizon de notre propre transfiguration, que du point de vue d’elle et d’elle seule. Au coeur de cette attente, les œuvres sont témoins, rappels, voire appels. À la fois balises et boussoles magnétiques, elles ont vocation à nous faire entendre - dans ce monde-ci - les échos de l’autre monde qui veille dans les marges du visible. On peut dire avec Ernst Jünger que l’art agit comme puissance d’orientation. Observons-le dans nos vies intimes : parfois, la montre de l’art se met à sonner quand nous sommes égarés dans les doublures factices de ce monde.Dans ces moments de tourmente, tout se passe comme si quelque chose de nous, en nous, mystérieux et nostalgique, se mettait soudain à résonner avec l’art. Cette résonance rend alors possible d’autres raisonnements plus affûtés que ceux issus de notre logique primaire. Plus encore, l’art nous intime dans l’idée que notre vie entière est, un jour ou l’autre, appelée à changer d’octave, à ôter ses vieux habits de l’âme. D’ailleurs, un des contes recueillis par les frères Grimm, Die Sterntaler, ne dit pas autre chose. Ôtant son unique chemise pour la donner à une enfant plus pauvre qu’elle, la jeune fille du conte voit tomber les étoiles du ciel qui se transforment en ducats d’or. Son vieil habit n’est autre ce qui nous voile la « légende éveillée », l’« imagination vraie » pourtant face à nos yeux de toute éternité. Non seulement l’or tombe dans la nouvelle robe miraculeuse de la jeune fille, mais encore les animaux de la forêt se mettent à lui parler, et elle à les comprendre ! Les fleurs deviennent des sceptres, les êtres apparaissent revêtus de leur manteau de sacre...

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Cet écho « transfigurique » — dont le conte de fée conserve l’octave — est sans doute le plus haut et souverain qui dans une vie d’homme, il nous soit donné d’entendre. Mais il contient aussi sa part de risque : l’oubli de lui-même. Une fois sa conscience altérée, il est fatalement remplacé qui, par une théologie créationniste, puis un moralisme fossilisé et enfin une croyance athéiste. Autant de vérités chrétiennes dont Chesterton nous enseigne qu’elles seraient « devenues folles ». Bref, autant de château en ruine, de parodies du plan initial... On peut dire que lorsque le son initial disparaît, il est remplacé par un bruit, lui-même par un autre, et ainsi de suite, jusqu’au règne assourdissant du monde-machine.

« Le monde devient un monde-machine, toutes les souverainetés sont corrodées, arasées » écrit si justement Luc-Olivier. La catena aurea où scintillent tant d’oeuvres et de poèmes, agit alors comme un rappel du son primordial, un tocsin ; un antidote et un acte de résistance. S’il déplore, certes, ce paysage de chantier que devient notre monde, cet imaginaire en ruine que la technologie laisse derrière elle, Luc-Oliver d’Algange n’ignore pas non plus que la providence est inscrutable. C’est à travers les murs fissurés des ruines qu’il guette l’aurore. L’oeuvre de Luc-Olivier n’est ni progressiste, ni réactionnaire ; c’est à ce signe que l’on peut dire qu’elle est l’un des maillons de la catena aurea, chaîne d’or de la tradition.  

« L’ennemi, c’est la planification du monde : l’homme-machine, le monde sans imprévu, sans feu », écrit Dominique de Roux dans Mémoires de l’inassouvissement. Disciple du faucon royal Dominique de Roux, Luc-Olivier n’ignore pas que des mains visqueuses, toujours à louvoyer et à comploter dans l’ombre, agissent aujourd’hui à ciel ouvert. Leur technologie noire, planificatrice et ensorcelante, brouille le message divin, le détourne de sa finalité libératrice. Ce dispositif vise un but : empêcher notre éveil individuel et collectif. Les grands planificateurs visent en effet moins notre mort physique que notre consentement au déclin et à la zombification. Pour ce faire, ils remplacent nos royaumes, nos récits fondateurs, nos arts et nos dieux par autant de doublures parodiques et subliminales. Leur stratégie a une force, mais aussi une faiblesse, elle est reconnaissable entre toutes. Celle-ci consiste toujours à présenter la copie à la place de l’original, avant de l’imposer comme la norme. Le règne contemporain de l’« art conceptuel » est emblématique de ce processus. Heureusement, Aude de Kerros s’est employée à démasquer le dispositif. Mais sans aller jusqu’à s’interroger sur l’essence de cet art. Pourtant, rien de nouveau sous le soleil. Ce dispositif, à l’œuvre dans la laideur contemporaine, n’est-il pas inscrit dans l’essence même de la technique ? Aussi bien actif dans l’asphalte qui recouvre la terre, l’écran de l’ordinateur qui s’érige en fenêtre, le dispositif ainsi à imposer le faux art pour le vrai. 

L’art qui contient un secret, un magnétisme, une orientation, doit être remplacé par un autre, bidulaire, qui n’en contient pas. La finalité du dispositif est d’obombrer notre potentiel transfigurique, d’opacifier la conscience collective. Mais, aussi, à mesure que la vie se parodise en palais de miroir technique et administratif, augmente la nostalgie du fil d’Ariane. C’est donc en ces temps de règne sans partage des Titans et des Cyclopes, que poèmes, estampes et vitraux redeviennent autant d’aiguilles magnétiques de notre horloge intérieure.

Oui, Luc-Olivier d’Algange : la Tradition n’est pas derrière nous, mais devant nous.
Et les œuvres d’art en sont les balises secrètes.

Contacts :

dalgangelucolivier@gmail.com
audedekerros@yahoo.fr
phiiippe.barthelet@orange.fr (s’écrit avec trois « i »)

dimanche, 02 novembre 2025

Carlos X. Blanco énonce une critique marxiste de la théorie de l’Empire chez Gustavo Bueno

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Carlos X. Blanco énonce une critique marxiste de la théorie de l’Empire chez Gustavo Bueno

Source: https://socialismomultipolaridad.blogspot.com/2025/11/la-...

Carlos X. Blanco distingue, dans une optique critique du matérialisme philosophique de Gustavo Bueno, entre empires absorbants et unificateurs, proposant une vision plus proche du marxisme et de l’idée d’empire comme forme d’émancipation des peuples.Gustavo-Bueno-3774232747.jpg

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Gustavo Bueno et Carlos X. Blanco

Carlos X. Blanco, bien qu’issu de l’école de Gustavo Bueno, s’en éloigne en réinterprétant le concept d’empire d’un point de vue plus historiciste et marxiste. Dans son ouvrage sur la géopolitique de l’Empire espagnol, Blanco introduit une distinction clé entre empires absorbants et unificateurs, qui s’éloigne de la classification de Bueno qui voyait des empires générateurs et prédateurs, telle que cela fut présenté par ÑTV España.

Différences clés entre Blanco et Bueno

Gustavo Bueno distingue entre :

- Empires générateurs : qui créent des structures politiques et culturelles durables (comme l’Empire romain ou l’Empire espagnol).

- Empires prédateurs : qui extraient uniquement des ressources sans laisser d’institutions solides (comme l’Empire britannique ou belge en Afrique).

Carlos X. Blanco, quant à lui, propose :

- Empires absorbants : qui détruisent les identités des peuples intégrés, en les homogénéisant sous une seule culture dominante.

- Empires unificateurs : qui respectent et articulent les différences culturelles, ethniques et politiques, en les intégrant dans une structure commune sans les annihiler.

Cette distinction ne se limite pas à la sémantique : Blanco l’utilise pour revendiquer le rôle de l’Empire espagnol comme empire unificateur, ayant permis la survie de multiples peuples, langues et cultures sous une unité politique commune. En ce sens, il s’oppose à la Légende Noire comme à la Légende Rose, proposant une troisième voie qui reconnaît la complexité du processus impérial hispanique.

Approche marxiste et émancipatrice

Blanco donne une tournure marxiste au concept d’empire, s’éloignant de l’impérialisme comme domination économique et politique, pour s’approcher de l’idée d’empire comme structure de libération face au chaos, à la fragmentation ou à la domination des puissances étrangères. Dans ce cadre:

- L’empire peut constituer une forme de résistance culturelle face à la mondialisation néolibérale.

- L’Hispanité se présente comme une alternative civilisatrice à l’anglosphère, avec des racines dans une tradition communautaire, catholique et populaire.

- L’empire unificateur devient un outil d’émancipation des peuples, et non leur soumission.

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Implications géopolitiques

Blanco voit dans la restauration de l’héritage impérial espagnol une voie pour reconstruire une identité commune entre les peuples hispaniques, tant en Espagne qu’en Amérique. Cette vision comporte des implications politiques et culturelles profondes:

- Rejet du nationalisme fragmenteur et de l’européisme technocratique.

- Défense d’une unité hispanique basée sur la tradition partagée et la souveraineté populaire.

- Critique du modèle libéral et de l’hégémonie culturelle anglo-saxonne.

En résumé, Carlos X. Blanco redéfinit le concept d’empire d’une perspective marxiste et traditionaliste, proposant une alternative à la pensée dominante, aussi bien à gauche qu’à droite. Cette vision est reliée à d’autres penseurs hispaniques comme Bolívar, Mariátegui, ainsi qu’à des marxistes internationaux tels que Lénine, Gramsci, La Grassa et Preve.

Beaucoup d'argent des contribuables allemands pour l'extrême gauche

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Beaucoup d'argent des contribuables allemands pour l'extrême gauche

Peter W. Logghe

Source: https://www.facebook.com/peter.logghe.94

1286_L-1202582687.pngLe ministre allemand de la Culture, Wolfram Weimer (CDU), a critiqué la remise d'un prix à une maison d'édition d'extrême gauche. Selon son porte-parole, aucun « signe suspect » de « glorification de la violence » n'a été découvert chez l'éditeur concerné, a-t-il déclaré au portail d'information Nius. Pour la cinquième fois, cette maison d'édition, baptisée « Verbrecher Verlag » (littéralement « maison d'édition criminelle »), a reçu une prime de 18.000 euros. En 2013, la maison d'édition a publié le livre « Gedenken abschaffen » (Supprimer la mémoire), dans lequel tout souvenir des bombardements de Dresde est rejeté et rendu suspect. Le collectif d'auteurs « Rechercheteam Dresden » avait déjà publié une liste des « lieux de rencontre de l'extrême droite » dans la ville de Dresde. Peu après cette publication, le bureau d'une association qualifiée d'extrême droite a été gravement endommagé.

Une deuxième subvention a attiré encore plus l'attention. Le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et la ville de Mari ont décerné le Grimme Online Award au site web « afd-verbot.de » du Zentrum für Politische Schönheit, un groupe d'extrême gauche. Ce site plaide ouvertement en faveur de l'interdiction du parti d'opposition AfD et présente les représentants du parti comme des ennemis criminels de la Constitution. Selon la chancellerie du Land, ce choix a été fait « par une commission indépendante et des experts ». La subvention s'élève à 2,51 millions d'euros, soit 85 % des ressources opérationnelles de l'association.

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Pendant ce temps, l'Allemagne est en proie aux flammes. Le lundi 6 octobre, le pavillon de chasse Thiergarten de la princesse Gloria von Thurn und Taxis (près de Ratisbonne) a été entièrement détruit par un incendie, comme vous avez pu le lire sur le site web de l'hebdomadaire anversois 't Pallieterke. Meubles anciens, lustres, porcelaine, collection complète d'objets de chasse : tout a été détruit. Très vite, on a soupçonné qu'il s'agissait d'un incendie criminel. Peu après l'incendie, un « commando Antifa » a revendiqué la responsabilité de l'incendie via le portail Internet d'extrême gauche Indymedia. Selon ce commando, l'attaque est un avertissement à la maîtresse des lieux, car Gloria von Thurn und Taxis ne cache pas son amitié avec Alice Weidel, présidente de l'AfD. Et cela n'est bien sûr pas acceptable pour la gauche tolérante en Allemagne.

Entre-temps, le danger continue de venir de la droite et les contribuables allemands continuent de débourser des sommes considérables pour financer toutes sortes de clubs d'extrême gauche. À qui cela profite-t-il ? Et surtout, pourquoi un parti centriste comme la CDU laisse-t-il passer tout cela ? Pourquoi n'intervient-il pas, par exemple sur le plan financier ? Considère-t-il ses propres électeurs comme des idiots ?

Ainsi, le centre-droit ou les conservateurs semblent encore pires que la gauche : avec une politique de gauche, on sait à quoi s'attendre, tandis qu'un gouvernement de centre-droit ou conservateur prétend faire les choses « différemment », alors que rien ne change, bien au contraire.

Récemment, quelqu'un m'a dit : « Un gouvernement de droite est un gouvernement qui commet les mêmes bêtises qu'un gouvernement de gauche, mais à un rythme plus lent ». Ne peut-on vraiment pas attendre davantage d'une politique de droite ?

Parution du numéro 74 de la revue War Raok

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Parution du numéro 74 de la revue War Raok

Editorial

Défendre l’idée de patrie … c’est défendre l’âme de la nation bretonne !

Parmi les idées qui sont particulièrement attaquées, et au premier rang d’entre elles par ceux qui rêvent et encouragent un idéal internationaliste, se trouve au premier chef celle de la patrie.

Aujourd’hui, sachez bien qu’il n’y a guère d’idée plus attaquée, menacée constamment par des idéologies comme le socialisme, cette religion de la fausse fraternité, les libres penseurs qui, dans l’assaut désespéré qu’ils donnent à toutes nos traditions, déclarent l’idée de patrie étroite et surannée, sans oublier bien sûr les chantres du libéralisme et leurs oraisons jaculatoires au néant !

La patrie est attaquée également par certains esprits « forts », ou plutôt prétendument forts tant il est vrai que ces nouveaux esprits imbus d’eux-mêmes ne sont en réalité que des faibles d’esprit qui s’imaginent que « l’universalité » doit nécessairement s’accompagner d’un effacement total des peuples et des nations et d’un renoncement à ce que celle-ci, historiquement, charrie de grandeur, de dévouement et de sens de l’honneur.

C’est même ce que ces beaux esprits ont appelé bien souvent l’étroitesse. Leur intellectualisme étouffe dans ses limites ! Et n’osant pas toutefois l’attaquer ouvertement, c’est alors qu’ils en cherchent les moyens plus obliques, et les ayant trouvés, c’est ainsi qu’ils deviennent et qu’ils sont vraiment plus dangereux.

L’attaque est d’autant plus redoutable qu’elle est sournoise et que son enjeu est masqué. Dans ce combat, notre combat de nationaliste breton, ce qui se joue n’est rien d’autre que la survie de l’âme bretonne, véritable communication héréditaire de sentiments et d’idées.

Mais les ennemis de l’âme bretonne sont bien nombreux. S’ils n’ont pas nécessairement de nom, ont du moins un visage, ce sont tous ceux qui veulent éradiquer les plus belles et anciennes traditions de Bretagne et du peuple breton. Et parmi celles-ci plus que toutes autres, celles qui, parce qu’elles témoignent de l’âpreté des combats passés et de la force du lien sacral, unissent les unes aux autres les générations. Toucher aux traditions, c’est toucher au patrimoine génétique de la Bretagne, c’est affaiblir ses défenses immunitaires… C’est donc prendre le risque d’affaiblir durablement l’âme de la nation bretonne, c’est prendre le risque d’anéantir la civilisation qu’elle porte et qui s’incarne en elle. On ne saurait toucher les unes sans atteindre mortellement les autres.

Grâce à notre grande histoire nationale, grâce aux épreuves subies en commun, grâce aux exemples et aux leçons de quelques grands hommes de Bretagne… s’il y a une patrie qui soit vraiment un organisme, quelque chose d’harmonieusement complexe, de véritablement vivant, qui ne soit pas une abstraction mais une réalité, … c’est la patrie bretonne ! Notre longue histoire n’est pas seulement, comme beaucoup d’autres et je pense tout particulièrement à celle de notre voisin, véritable agrégat de pièces assemblées au hasard des batailles, une succession de dates, un enchaînement de faits, une alternative de prospérités et de revers...  Elle est, encore et surtout, une tradition. Du milieu même de ses vicissitudes, une intention générale se dégage, identique à elle-même depuis des siècles et des siècles et c’est ce qui achève de vivifier cette idée de patrie.

Enfin, je dirais volontiers de l’amour de la patrie ce qu’on peut dire du besoin de croire. Cet amour nous l’apportons avec nous en naissant et ce n’est pas pour la fortifier ou la glorifier que nous avons besoin de longs raisonnements ou de brillants sophismes.

Voilà bien des raisons de croire que, dans un monde moderne et quelque peu perturbé, l’idée de patrie n’est pas près de périr.

Padrig Montauzier, directeur de publication.

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SOMMAIRE N° 74  

Buhezegezh vreizh, page 2             

Editorial , page 3                   

Buan ha Buan, page 4   

Tribune libre        

Portrait du Progressiste, page 11             

Environnement

La Bretagne défigurée : un autre mémoricide, page 12 

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Société

La révolte des Penn Sardin et Joséphine Pencalet , page 16 

Hent an Dazont

Votre cahier de 4 pages en breton, page 19  

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LES CAHIERS DE L’EMSAV

Yann Fouéré, patriote, infatigable combattant… , page 23 

Yann Fouéré, une vie au service du peuple breton, page 24 

Politique

Pour un renouveau de la nation bretonne, page 32 

Histoire de Bretagne

Un jeune lévrier nommé Yoland, page 34  

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Nature

Le Faucon crécerelle, page 36 

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Lip-e-bav

Sardines bretonnes au gros-plant, page 37  

Keleier ar Vro

Breizh-a-live, un baptême réussi, page 38 

Bretagne sacrée 

L’abbaye de Beauport, page 39

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Retour sur une votation inaperçue

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Retour sur une votation inaperçue

par Georges Feltin-Tracol 

En cette fin de mois d’octobre, la dernière lubie d’Emmanuel Macron serait de soumettre la réforme des retraites décalée, suspendue ou abrogée à un possible référendum. La démarche est étonnante pour un sujet d’une si grande complexité qu’il ferait passer la rédaction des traité de Maastricht de 1992 et constitutionnel européen de 2005 pour d’aimables facéties adolescentes. Un tel scrutin se révélerait aussitôt en plébiscite sur la personne même de l’actuel chef de l’État hexagonal. Oserait-il se suicider politiquement au point de cramer son éventuel retour élyséen en 2032 surtout si l’horrible « extrêêêêêêêêêêêêêêêême droite » arrivait au pouvoir en 2027 ? La proposition présidentielle appartient pour l’instant à une divagation exprimée à haute voix.

La Confédération helvétique a l’habitude de convoquer ses citoyens à l’occasion de référendums – les votations –, souvent d’initiative populaire, c’est-à-dire lancées à partir d’un nombre suffisant de signatures. Les électeurs ont ainsi le droit d’annuler les décisions prises par le pouvoir législatif et mises en application, régime d’assemblée oblige, par le pouvoir exécutif.

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Le 28 septembre 2025, deux votations se tenaient à l’échelle nationale. L’une d’elles concernait le sort de la loi sur l’e-ID. Il s’agit de la loi fédérale du 20 décembre 2024 sur l’identité numérique et d’autres moyens de preuves électroniques. Le gouvernement suisse – le Conseil fédéral – entend dématérialiser tous les documents officiels dont la carte d’identité dans une application conçue par les services de l’État suisse sur les fameux téléphones intelligents. Les autorités précisent volontiers que cette démarche demeure facultative. Les non-détenteurs de ces mini-ordinateurs portatifs ne seront pas affectés… pour l’instant.

Le résultat de ce vote est très serré: le oui l’emporte à 50,39 % (49,61 % de non). La participation s’élève à 49,55 %. Si les cantons de Genève, du Tessin et de Vaud ont voté « oui », le Valais, le canton de Neuchâtel et celui du Jura s’y sont opposés nettement. On doit regretter la forte abstention pour un scrutin déterminant. Les Suisses ne perçoivent pas les risques et autres méfaits de l’intrusion de la cybernétique, d’État comme des entreprises, dans leur vie privée. Outre leur faible esprit civique pour la circonstance, les Suisses ne se rendent pas compte du détournement de la procédure. L’approbation du 28 septembre 2025 annule en effet le refus du 7 mars 2021. Ce jour-là, une votation rejetait la loi du 27 septembre 2019 sur les services d’identification électronique à 64,36 % avec une participation de 51,29 %. Commentateurs, politiciens et experts crurent que cette hostilité populaire résultait du climat de méfiance suscité par l’épisode covidien.

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Ce rejet momentané ne signifia nullement l’émergence d’une attitude réfractaire ou contestataire. Un trimestre plus tard, le 13 juin 2021, les Suisses acceptaient à 60,20 % la loi sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de covid-19. Comment expliquer cette contradiction électorale flagrante ? Un important travail de persuasion sur l’opinion publique suisse a permis l’acceptation au final de ces choix liberticides. Sur la même lancée négative, le 26 septembre 2021, la Suisse approuvait le mariage pour tous à 64,10 % !

Ces quelques exemples infirment la vision, largement défendue naguère par des Gilets jaunes naïfs, du référendum d’initiative citoyenne comme méthode radicale de résolution des problèmes politiques, sociaux et économiques. Les chantres du référendum vu en deus ex machina de la politique méconnaissent toujours le rôle et l’impact du système informationnel – médiatique sur la population. On retrouve ce phénomène dans le verdict des cours d’assises avec des jurés tirés au sort sur les listes électorales. Le manque criant de preuves tangibles (un corps jamais retrouvé) n’empêche pas la condamnation d’un accusé qui n’a jamais avoué et, au contraire, clamé son innocence.

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L’emploi du référendum comme moyen de surmonter les pesanteurs institutionnelles enrobées sous le mantra surgi de la novlangue de l’« État de droit » n’est plus d’actualité. Un référendum est-il encore possible en France afin de contenir les autorité judiciaire hypertrophiée ainsi que l’ingérence des agences administratives indépendantes ? Une révision radicale de la Constitution de 1958, défigurée, pervertie et déséquilibrée, par l’article 11 ne serait-elle pas empêchée par un avis du Conseil constitutionnel ? Le gouvernement pourrait-il passer outre, quitte à engager l’épreuve de force et ouvrir les bureaux de vote malgré les menaces du dit-conseil ? À part quelques exceptions, le système médiatique, bras armé du Conseil constitutionnel, dénoncerait une soi-disant manœuvre despotique de la part du pouvoir. Le Conseil constitutionnel annulerait de facto tout résultat au préalable entaché par une abstention assez forte.

Décevons immédiatement les tenants du pouvoir populaire ! Le référendum n’est pas une panacée. Pour que la procédure référendaire soit optimale, il faut appliquer au quotidien une véritable démopédie, une instruction civique et politique permanente des citoyens. Cette exigence impliquerait en contrepartie une indispensable politisation des enjeux et des personnes. Or, avec le développement de nouveaux pouvoirs (militaire – renseignement, système médiatique, pègres, complexes techno-industriels et bio-technologiques) et la consécration de l’hyper-individualisme anomique, la tripartition institutionnelle chère à Montesquieu, s’estompe. La neutralisation du politique demeure l’événement principal de la présente phase historique de transition épochale, un interrègne confus entre une Modernité tardive, un postmodernisme wokiste et une Post-Modernité archéofuturiste.

Loin d’être une île isolée au cœur du continent européen, la Suisse démontre dès à présent par ses comportements électoraux sa pleine intégration aux rouages euro-atlantistes et globalistes du collectif occidental cosmopolite si bien qu’elle en est le vingt-huitième membre officieux de la pseudo-Union européenne. Sa neutralité devient formelle, rhétorique et illusoire. Le peuple suisse ne peut plus aller à l’encontre de cette assimilation silencieuse. Son modèle politique fondé sur le fédéralisme, la subsidiarité et le référendum s’étiole. Un mythe politique disparaît.          

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 172, mise en ligne le 29 octobre 2025 sur Radio Méridien Zéro.

Élections législatives argentines: victoire à la Pyrrhus pour Milei?

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Élections législatives argentines: victoire à la Pyrrhus pour Milei?

Raphael Machado

Source: https://www.facebook.com/profile.php?id=100069794930562

Beaucoup d'observateurs ont été surpris par les résultats favorables obtenus par Milei lors des élections législatives argentines, qui visaient le renouvellement de la moitié de la Chambre des députés et d’un tiers du Sénat.

La coalition La Libertad Avanza, dirigée par Javier Milei, a obtenu un peu plus de 9,3 millions de voix (40%), tandis que son principal rival, la coalition Fuerza Patria, dirigée par Cristina Kirchner, a recueilli 7,7 millions de voix (34%).

Le résultat est comparé à celui des élections législatives de 2023, où la coalition La Libertad Avanza avait atteint 6,8 millions de voix (28%) et la coalition kirchneriste Unión por la Patria 9,2 millions (38%).

Cette comparaison sert de base pour analyser le paysage politique argentin comme étant un paysage où le peuple continue de faire confiance à Milei et de miser sur "des réformes difficiles". On utilise également ces résultats pour critiquer les analyses qui pointent les erreurs et la perte de popularité de Milei.

Mais il y a beaucoup de superficialité et de précipitation dans un tel raisonnement.

Tout d’abord, il y a une grande différence entre les élections de 2023 et celles de 2025: la consolidation de presque toutes les forces "de droite" dans la coalition La Libertad Avanza. En 2023, Mauricio Macri dirigeait la coalition Juntos por el Cambio, avec 6,4 millions de voix (26%). En 2025, les forces menées par Macri se sont alignées sur La Libertad Avanza, unifiant leurs forces avec celles de Milei.

Il n’existe plus de "troisième force" politique argentine représentée par une droite libérale centriste; la politique argentine se consolide en seulement deux grands camps.

Prendre en compte ce facteur remet en question la narration triomphaliste, car si l’on additionne les voix du camp macriste et celles de Milei, la coalition de ce dernier aurait dû dépasser les 13 millions de voix.

La droite a donc perdu 4 millions de soutiens entre 2023 et 2025. Mais ces soutiens perdus ne sont pas passés au kirchnerisme, car la gauche a aussi perdu des électeurs, mais seulement 1,5 million durant cette même période.

La démographie électorale de base aide à expliquer une partie du phénomène: en 2023, 24,5 millions d’Argentins ont voté valide, contre 22,9 millions en 2025.

Un autre facteur est le renforcement du fédéralisme, avec des gouverneurs provinciaux formant la coalition Provincias Unidas, qui a recueilli 1,5 million de voix. Le reste des voix "perdues" s’est dispersé entre de nombreuses autres micro-coalitions (Innovación Federal, Frente de Izquierda y de Trabajadores - Unidad, Nuevos Aires, etc.).

Dans ce sens, ce que montre le résultat de ces élections, c’est une déception du peuple argentin envers la politique traditionnelle. Le peuple en a assez de Milei, mais ne veut pas voter pour Kirchner. Les Argentins attendent donc une nouvelle alternative politique — mais il n’y a rien à l’horizon. En attendant, la tendance est à une baisse progressive de la participation populaire, ainsi qu’à une augmentation du soutien à des micropartis localistes ou radicaux.

Pour Milei, c’est une victoire à la Pyrrhus.

D’abord, parce qu’elle n’a pas permis d’obtenir la majorité parlementaire, de sorte que le législatif restera fracturé et contre Milei.

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Ensuite, parce qu’elle a été une victoire obtenue grâce au pouvoir d’autrui, avec l’aide financière des États-Unis, qui ont fourni 40 milliards de dollars pour maintenir l’Argentine à flot. Sans cet argent, le peso argentin aurait été en chute libre en pleine période électorale.

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Cette même aide financière résulte d’un accord entre l’oligarque Robert Citrone (photo) et le secrétaire au Trésor des États-Unis, Scott Bessent. Citrone a misé une grande partie de ses fonds sur l’Argentine au début du mandat de Milei, mais lui et d’autres investisseurs n’ont pas vu de résultats satisfaisants.

L’argent qui entre a pour seul but de stabiliser la monnaie argentine juste le temps que Citrone et d’autres investisseurs puissent partir du pays, en limitant leurs pertes.

Après que cet effet d’injection d’argent aura disparu, l’Argentine continuera à s’enfoncer.

Par exemple, selon les données publiées la semaine dernière par la Banque centrale argentine, le taux de défaut des familles argentines a atteint son niveau le plus élevé depuis 2010 (date du début de la série statistique), et les taux d’intérêt sur les prêts personnels ont atteint 74%.

Pour les entreprises, la situation est encore pire. Le coût de financement des avances en compte courant (couramment utilisées pour payer les salaires) est de 190% par an, le plus haut niveau de l’histoire argentine depuis la publication de cette statistique en 2009.

En résumé, Milei n’a obtenu qu’une survie. Et cette survie a été octroyée par des tiers, et non même en raison de Milei, mais pour garantir la sécurité financière des investisseurs étrangers qui ont parié gros sur le succès argentin.

samedi, 01 novembre 2025

L'Europe et le financement de l’Ukraine: la logique d’une soumission progressive

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L'Europe et le financement de l’Ukraine: la logique d’une soumission progressive

Elena Fritz

Source: https://t.me/global_affairs_byelena 

Le rapport d’Euractiv (https://www.euractiv.com/news/rapporteur-the-ukraine-funding-option-europe-fears/) sur la « Option de financement de l’Ukraine » décrit en réalité un cas typique de mauvaise analyse géopolitique.

L’Europe tente de compenser une crise stratégique par une symbolique financière – c'est quasiment un idéalisme moral dépourvu de substance stratégique.

1. L’illusion de la mission morale

- L’Europe a interprété le conflit ukrainien en catégories morales – démocratie contre autocratie, bien contre mal.

- Elle se condamne ainsi à la cécité face à la structure de la politique internationale :

- Les puissances n’agissent pas pour paraître morales, mais pour préserver leurs intérêts et leur sécurité.

- En interprétant la guerre comme un "combat entre civilisations" plutôt que comme une collision d’architectures sécuritaires, elle perd la compréhension de la mécanique que constitue l’équilibre des pouvoirs.

2. L’argent remplace la stratégie

- L’« option de financement » n’est pas un signal économique, mais un signal politique.

- Au lieu d’élaborer une véritable architecture de paix pour l’Europe de l’Est, Bruxelles crée des lignes de crédit, des fonds et des constructions juridiques.

- L’UE se comporte comme un joueur cherchant à couvrir sa défaite stratégique par de nouveaux engagements.

- Mais l’argent ne peut remplacer la géographie. La guerre en Ukraine est un conflit d’influence, non de ressources budgétaires.

- Ceux qui veulent gérer une guerre financièrement plutôt que la résoudre politiquement la prolongent.

3. La fiction juridique

- L’affirmation d’une « base légale solide » pour l’utilisation des avoirs russes gelés est un embellissement diplomatique.

- Pour un réaliste, ce n’est qu’un acte de pouvoir déguisé en droit.

- En pratique, le principe de propriété est sacrifié pour démontrer une unité politique.

- Ainsi, l’Europe sape ce qui a, jusqu’ici, soutenu sa puissance – la crédibilité de son ordre juridique.

- À Moscou, Pékin et New Delhi, ce message est clair : « Votre argent n’est en sécurité chez nous que tant que vous nous obéissez. »

4. La chape superstructurelle américaine

- Cette architecture financière n’est pas un projet européen – c’est la poursuite institutionnalisée de la stratégie géopolitique américaine.

- Depuis 2022, l’UE opère dans l’ordre dirigé par les États-Unis, non comme un acteur autonome, mais comme une branche financière de l'endiguement.

- Washington définit l’objectif stratégique (limiter la Russie), l’UE en supporte les coûts économiques.

- Ce n’est pas un partenariat, mais une hiérarchie.

- L’Europe s’est dégradée de sujet de la politique de puissance à l’instrument des intérêts de sécurité étrangers.

5. La peur face à la réalité

- Le titre de l’article – « L’Europe a peur » – est exact, mais pas dans le sens moral.

- L’Europe ne craint pas la Russie, mais la prise de conscience qu’elle ne contrôle plus sa propre politique de sécurité.

- Elle redoute qu’une réorganisation souveraine de l’Eurasie implique de sortir du manteau de protection américain.

- Mais cela serait la condition de toute maturité stratégique.

- Au lieu de cela, l’UE s’accroche à des dépendances transatlantiques qui la fragilisent économiquement et la paralysent politiquement.

Conclusion – Le prix de l’auto-tromperie

- D’un point de vue réaliste, la guerre en Ukraine n’est plus une lutte pour des territoires, mais un conflit systémique portant sur l’ordre d'agencement de la puissance future en Eurasie.

- L’Europe s’est réduite dans ce conflit à un acteur secondaire – qui fait beaucoup de bruit en énonçant des principes moraux mais qui est devenu géopolitiquement sans importance.

- L’« option de financement de l’Ukraine » n’est donc pas un instrument de puissance, mais un symbole de la perte de toute autonomie stratégique.

Selon Mearsheimer :

- Les États qui justifient leur politique extérieure par la morale sont vaincus par ceux qui la calculent rationnellement.

- L’Europe ne paie pas aujourd’hui pour l’Ukraine – mais pour conserver l’illusion de pouvoir être une grande puissance sans en être une.

L’économie est cyclique et le capitalisme intrinsèquement instable : l’échec de l’école de Chicago et l’effondrement des États-Unis

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L’économie est cyclique et le capitalisme intrinsèquement instable : l’échec de l’école de Chicago et l’effondrement des États-Unis

de Fabrizio Pezzani 

Source: https://www.ariannaeditrice.it/articoli/keynes-aveva-ragi...

Face au chaos mondial, il ne faut pas oublier les visions prophétiques mais réalistes de John Maynard Keynes, que les chercheurs ayant continué à défendre sa conception de la cyclicité naturelle de l’économie ont renforcées par des analyses empiriques des faits. Si nous voulons soutenir une vision anthropologique de la crise, nous ne pouvons pas dissocier la connaissance des outils dont nous disposons de celle des sujets qui utilisent ces outils pour satisfaire leurs besoins.

Lorsque Keynes affirme que le capitalisme est naturellement instable, il relie également cette observation à la dynamique de la nature humaine, qui fait du capitalisme un instrument destiné à réaliser les désirs. En ce sens, on ne peut dire que le capitalisme existe indépendamment de la structure psychique des hommes qui le créent et le gouvernent ; en d’autres termes, il n’existe pas un capitalisme en tant qu’entité abstraite, mais il existe des hommes capitalistes qui façonnent ce modèle de relations économiques au sein d’un système social. Sa dynamique est dans un équilibre instable parce qu’il n’existe pas de systèmes, même sophistiqués, permettant de définir la notion de juste profit.

Si l’on pouvait, en se limitant à la détermination du résultat d’exploitation, définir « rationnellement » et avec certitude quelle part revient au capital investi et quelle part revient aux travailleurs, la plupart des luttes sociales s’en verraient peut-être allégées. Dans la tradition juive, l’institution de l’année sabbatique et dans la tradition chrétienne, l’institution de la période jubilaire avaient pour but d’annuler les positions de dette et de crédit entre les différents membres de la société ; ainsi, on posait une limite temporelle à l’accumulation. Tout cela n’est plus possible aujourd’hui.

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Pour reprendre la définition de « société liquide » que Bauman utilise pour décrire un système social en constante mutation et difficile à stabiliser, on peut étendre ce même concept, aujourd’hui, à l’économie qui, dans le cadre d’une société liquide, ne peut qu’être elle-même liquide. Il est donc naturel que l’économie, et encore plus la finance, deviennent un système perpétuellement instable, car il n’est pas possible de définir la « mesure » dans la répartition du bonheur ou de la richesse, si celle-ci est fonction de la réalisation du bonheur.

Contrairement aux systèmes mécaniques ou naturels pour lesquels la mesurabilité permet de déterminer les lois physiques qui les régissent, en mettant en évidence le risque de points ou de moments de rupture – la chute d’un grave, la portée d’une grue, la combinaison d’agents chimiques, la mesure des paramètres biologiques d’un organisme – dans la société, le système relationnel de personnes différentes, dont la composante émotionnelle et psychique n’est pas mesurable, rend impossible la détermination du point de non-retour d’un processus déséquilibrant la société elle-même.

Il n’est pas possible de dire quel est le pourcentage de personnes sous le seuil de pauvreté qui représente le dernier stade avant l’effondrement, ni de faire de même pour la concentration de richesse, le chômage ou d’autres pathologies sociales. Simplement, la société humaine ne possède pas d’éléments certains et mesurables de son point de rupture, et toutes les révolutions et guerres de l’histoire démontrent l’incapacité à prévoir le krach.

Si Louis XVI avait compris le niveau de misère de la population française, il aurait envoyé des chariots de pain et non des soldats. Il en a été de même pour la Russie des Romanov et les États-Unis contre la couronne anglaise. L’histoire confirme la vision de Keynes et annonce l’échec d’un libéralisme qui, sans règles morales, devient dévastateur car il finit par favoriser la partie la plus barbare de l’homme.

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L’école de Chicago, représentée par Milton Friedman – qui a reçu le prix Nobel en 1976, deux ans après celui de Hayek de l’École de Vienne, qui campait sur une position contraire – a fini par s’opposer à la fausseté de ses hypothèses, dans lesquelles la réalité doit s’adapter au modèle, et le cas du Chili de Pinochet est l’expression la plus évidente de la grossière erreur de ne pas considérer l’histoire et la nature humaine dans la vie sociale.

Penser qu’on peut appliquer la même recette à des réalités profondément différentes, comme c’était le cas du Chili, avec ses disparités de richesse et son retard culturel, aurait été impossible dans une réalité comme celle d’Amérique du Nord. L’ignorance n’est jamais le problème que doit affronter l’évolution de la science, mais plutôt l’arrogance de ceux qui se considèrent investis de la vérité indiscutable ; malheureusement, c’est toujours la population pauvre qui en paie le prix.

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Les travaux de Posner, mais aussi ceux de Gary Becker, montrent à quel point, même dans le monde culturel américain, on comprend le lent effondrement d’un modèle incapable de répondre aux problèmes qu’il a créés et qui, ne voulant pas ou ne pouvant pas se remettre en question, ne fait qu’aggraver et empirer ces problèmes. Leur référence à la pensée de Keynes devient de plus en plus forte et entendue.

Les États-Unis, qui ont indissolublement adopté cette culture en la transformant en vérité absolue, sont la représentation extrême de la vérité trahie : un pays qui a oublié ses principes constitutifs, représentés par les formules E pluribus unum et In God we trust, et qui fait face à un effondrement socio-culturel sans précédent dans son histoire. Avoir confié l’avenir à la finance a été un suicide, car en fin de compte, cette fausse vérité des marchés rationnels a fini par dépouiller la société de l’intérieur, et aujourd’hui, c’est un géant aux pieds d’argile. Aujourd’hui, les États-Unis, comme on peut le voir, sont un pays qui, sur le plan social, est avant toute chose, techniquement en faillite.

vendredi, 31 octobre 2025

De Grokipedia à la chute de l'Occident - L'IA remplace l’homme alors que l’Occident approche de sa fin

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De Grokipedia à la chute de l'Occident

L'IA remplace l’homme alors que l’Occident approche de sa fin

Alexander Douguine

Alexander Douguine avertit que l'humanité fait face à un effondrement imminent alors que l’IA, la guerre génétique et la chute du Sacré marquent la dernière descente de l’Occident.

La fin de l'humanité pourrait être plus proche que nous ne le pensons.

Le 27 octobre, d’un simple clic, Elon Musk a remplacé l'encyclopédie en ligne Wikipedia libérale-globaliste (qui a mis 25 ans à se construire) par la Grokipedia neutre, tandis que Jeff Bezos a remplacé 300.000 employés d’Amazon par l’intelligence artificielle. De plus, Musk a préparé une armée de robots, dont l’apparition sur les champs de bataille est attendue pour le printemps prochain. Les cyborgs et les animaux modifiés artificiellement sont déjà en développement. Demain, ce seront les humains eux-mêmes qui seront modifiés.

Guerre et paix évoluent à une vitesse fulgurante.

La recherche génétique a fait de la société une cible facile pour un génocide massif — possiblement avec une composante ethnique. Des armes ethniques ont été créées et pourraient être utilisées à tout moment.

Le contrôle mental a atteint des sommets sans précédent, et la virtualité remplace la réalité.

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Je crois que la convergence de ces menaces pourrait conduire à un effondrement total — non pas sur plusieurs décennies, mais dans les années à venir.

Selon les prévisions statistiques, un effondrement est beaucoup plus probable que la poursuite des tendances actuelles sous quelque forme que ce soit.

Le libéralisme était la dernière idéologie à préserver le statu quo, mais il s’est avéré totalement nihiliste et destructeur, et il s’est effondré. S’y accrocher est inutile. Il a largement provoqué cette situation lui-même.

Tout a commencé avec la perte du Sacré. L'humanité a annulé Dieu. Au début, au nom de l’homme. La religion a été remplacée par la philosophie et la science. Puis l’homme lui-même est entré dans une crise: la philosophie s’est effacée, et la science est devenue la servante de la technologie. L’homme a commencé à se désintégrer en fragments. Transgenres, transespèces (furries, quadrobers, chimères), transethnies, et enfin, transhumanisme. L’homme est devenu une question de choix.

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Il ne faut pas se faire d’illusions: la fin est à portée de main. Pour l’éviter — ou même pour la retarder — nous devons identifier la racine du problème. C’est, en essence, le but de l’Occidentologie. C’est une carte qui permet de saisir la nature de la Modernité occidentale. L’Occident en tant que tel, et surtout la Modernité occidentale, est responsable de tout ce qui arrive à l’humanité.

L’Occident n’est pas seulement un concept géographique mais aussi une limite historique. Hegel a écrit que l’histoire se déplace d’Est en Ouest. Cela signifie du début à la fin. L’Occident est un phénomène eschatologique.

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Les Etats d'Europe centrale se rapprochent - L'axe de coordination d'Orbán et la pression financière de Bruxelles

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Les Etats d'Europe centrale se rapprochent

L'axe de coordination d'Orbán et la pression financière de Bruxelles

Elena Fritz

Bron: https://t.me/global_affairs_byelena 

Selon les recherches de Politico, la Hongrie travaille avec la République tchèque et la Slovaquie à la création d'un bloc de coordination au sein de l'UE. L'objectif est de coordonner des positions communes avant les sommets européens, en particulier sur les questions relatives à l'aide à l'Ukraine. À Bruxelles, on parle déjà d'une « alliance anti-ukrainienne », mais il s'agit en réalité d'un signe qui annonce une différenciation croissante au sein de l'UE.

Les points clés de l'initiative sont les suivants :

- coordination régulière des chefs de gouvernement avant les réunions du Conseil;

- recherche d'une ligne commune pour l'Europe centrale;

- distanciation par rapport à la politique d'escalade envers Moscou.

Viktor Orbán a exprimé ouvertement ce que de nombreux gouvernements pensent sans le dire :

«L'UE est à court d'énergie et d'argent. Qui va payer pour ce qui reste de l'Ukraine?».

Ce scepticisme intervient dans une période de tensions financières croissantes au sein de l'UE. Politico décrit comment la Commission européenne exerce une pression croissante sur les États membres pour les contraindre à trouver un accord sur le financement de l'Ukraine.

Politico : « L'UE joue les durs: si vous ne voulez pas prendre l'argent de la Russie, ouvrez vos propres portefeuilles».

Selon Politico, la plupart des gouvernements rejettent l'idée d'une dette européenne commune (euro-obligations).

La Commission utilise donc cette question comme levier pour forcer l'accord sur la confiscation des avoirs russes.

- Les gouvernements qui s'opposent à de nouvelles dettes ou à des paiements à Kiev sont soumis à des pressions: « Si vous ne faites pas payer la Russie, vous devrez payer vous-mêmes. »

- Le plan B – les euro-obligations – est considéré comme encore plus toxique politiquement que l'utilisation des fonds russes gelés.

- L'Allemagne et les Pays-Bas, en particulier, rejettent catégoriquement l'idée d'un endettement commun, tandis que les États fortement endettés comme la France et l'Italie peuvent difficilement soutenir de nouvelles charges.

- Néanmoins, Bruxelles mise sur le fait que des pays comme la Belgique, où une grande partie des fonds russes sont stockés, finiront par céder, par crainte de l'alternative que représente l'endettement commun.

Le directeur du Centre for European Policy Studies, Karel Lannoo, est cité dans ce contexte:

«Le manque de discipline budgétaire dans certains pays est tel que les euro-obligations sont impensables pour les dix prochaines années. C'est pourquoi les actifs russes restent la seule issue».

L'UE est donc soumise à une double pression d'ordre temporel:

1. L'Ukraine pourrait se retrouver dans l'incapacité d'agir financièrement d'ici mars 2026.

2. Dans le même temps, il y a le risque d'une contre-alliance en Europe centrale, qui pourrait bloquer de nouveaux plans d'aide; ce risque s'accroît.

Selon Politico, un diplomate européen a commenté ouvertement la tactique de Bruxelles:

« C'est de la diplomatie : on offre aux gens quelque chose qu'ils ne veulent pas afin qu'ils acceptent la proposition la moins désagréable. »

Conclusion :

L'UE se trouve dans une impasse financière et politique. La tentative d'utiliser les actifs russes révèle non seulement des risques juridiques, mais aussi le processus d'érosion de la cohérence européenne.

Dans le même temps, un groupe d'États se forme en Europe centrale, qui mise sur la souveraineté, le réalisme et la raison budgétaire.

Entre Budapest, Prague et Bratislava, ce n'est pas un bloc anti-ukrainien qui se crée, mais un indicateur précoce du retour de la rationalité politique en Europe.

L’Autre Gramsci

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L’Autre Gramsci

par João Martins

Source: https://www.arktosjournal.com/p/the-other-gramsci

João Martins se souvient du frère oublié du célèbre théoricien marxiste italien Antonio Gramsci, Mario Gramsci, un soldat dévoué dont la vie aventureuse incarnait la loyauté, le courage et le destin tragique des guerres civiles en Europe.

Au-delà de toutes tendances idéologiques, nous admirons les hommes et les femmes qui ont consacré leur vie à un idéal. Sans de telles vies, expériences et actes décisifs de volonté ou de courage, toute conception du monde devient totalement dépourvue d’humanité — ces visages, ces sentiments et ces émotions sont si souvent portés à des niveaux d’intensité étonnants qu’ils débouchent sur des drames humains tragiques. Les guerres civiles représentent le point culminant de tels drames, car aucune famille n’échappe au spectacle de ses membres présents de part et d’autre des barricades.

Récemment, lors de mes pérégrinations à travers l’histoire européenne moderne, je suis tombé sur un épisode des plus curieux qui m’a profondément ému — un épisode qui s’est déroulé en Italie durant la première moitié du 20ème siècle, ou, pour être plus précis, durant ce que l’historien allemand Ernst Nolte appelait la "Deuxième Guerre civile européenne".

Je souhaite partager avec vous le destin d’un homme portant un nom bien connu, mais dont la mémoire, en raison de circonstances politiques, a été reléguée dans l’oubli obscur de l’histoire. J’en profite donc pour sauver de l’oubli une vie, une damnatio memoriae, et pour brosser, aussi brièvement et injustement que ce soit, sa biographie extraordinaire.

Antonio Gramsci, le célèbre penseur marxiste et théoricien de l’"Hégémonie culturelle", était en prison sous le régime fasciste, qui lui permit néanmoins de poursuivre son travail idéologique en captivité. Il est décédé il y a 70 ans. Nous pouvons éprouver une certaine sympathie pour cet homme, ou même étudier sa pensée complexe ; pourtant, aucun biographe ne pourrait lui attribuer ce qui rend une vie humaine plus riche et plus belle — l’esprit d’aventure, de renoncement, cette impulsion rebelle de marcher à contre-courant ou simplement d’être la « brebis noire » de la famille. La dernière expression convient ici le mieux, évoquant la chemise noire des escadrons fascistes — la même que portait fièrement le frère d’Antonio, Mario Gramsci, et dans laquelle il savait vivre et mourir.

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Né en 1893 dans une famille modeste, le plus jeune de sept enfants, Mario Gramsci ne vécut pas longtemps, mais ses jours furent remplis de sentiments profonds et d'un patriotisme ardent — une vie si intense qu’elle aurait pu sortir tout droit du Manifeste futuriste italien, cette célèbre diatribe de Marinetti contre la timidité et la conformité, qui exaltait «l’amour du danger, l’habitude de l’énergie et de l’audace (…) le courage, l'audace, la rébellion».

Dans l’année fatidique de 1914, la Première Guerre mondiale éclata — un conflit qui clôturerait dans le sang les illusions impérialistes du 19ème siècle. À 22 ans, Mario Gramsci soutint avec enthousiasme l’entrée de l’Italie dans la guerre en 1915 et s’engagea volontairement au front, où il combattit comme lieutenant. Lorsque le conflit prit fin, l’Italie se trouva plongée dans une crise politique et sociale profonde (1). La « victoire mutilée » et la montée de l’agitation communiste le poussèrent à rejoindre les Fasci di Combattimento, la nouvelle organisation fondée par le vétéran socialiste et ex-soldat Benito Mussolini. Il grimpa rapidement au poste de secrétaire fédéral du Fasci de Varese, et même les supplications persistantes d’Antonio Gramsci et de toute la famille (Mario était le seul fasciste parmi eux) ne purent le dissuader — pas même les solides raclées qu’il reçut des camarades communistes de son célèbre frère, qui l’envoyèrent à l’hôpital.

Antonio rompit tout contact avec lui en 1921. Néanmoins, en août 1927, à la demande de leur mère, Mario tenta de se réconcilier avec Antonio — qui était alors emprisonné à San Vittore — pour l’aider dans ses difficultés juridiques.

En 1935, l’Italie déclara la guerre et envahit le Royaume d’Abyssinie. Encore une fois, Mario Gramsci se porta volontaire pour rejoindre le corps expéditionnaire italien qui allait conquérir l’Éthiopie de l’empereur Haïle Selassié — une campagne féroce de neuf mois qui permit à Mussolini de proclamer depuis le Palazzo Venezia la naissance de l’Empire italien.

En 1941, au milieu de la Seconde Guerre mondiale, mû par son esprit guerrier et désormais âgé de 47 ans, Mario — qui considérait la vie comme une bataille permanente — retourna en Afrique, cette fois pour faire face aux forces britanniques menaçant les possessions italiennes en Libye et en Afrique orientale italienne.

À mesure que la guerre avançait, les puissances de l’Axe perdaient l’initiative, et le tournant du conflit s’opéra de manière décisive en faveur des Alliés. En 1943, suite à une série de défaites, une partie de la péninsule italienne fut envahie par les troupes anglo-américaines. Le mécontentement se répandit dans le Grand Conseil fasciste, et Mussolini fut démis de ses fonctions par le roi Victor Emmanuel III, puis arrêté. Peu après, le 8 septembre, vint la trahison de Badoglio: l’Italie se rendit aux Alliés et déclara la guerre au Troisième Reich.

Au milieu du chaos, Mario resta inébranlable, sa foi dans la doctrine fasciste demeura intacte. Mussolini, libéré de la captivité par un commando SS, proclama le 23 septembre l'avènement de la République sociale italienne (RSI) — la courte mais mal famée République de Salò. Au lieu d’accueillir les envahisseurs avec des drapeaux blancs, ou parfois rouges ou même américains, Mario Gramsci répondit à l’appel fasciste à continuer le combat, en s’engageant dans les forces armées de la RSI.

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Capturé par les partisans, le Gramsci fasciste fut remis aux Britanniques et déporté dans un camp de concentration en Australie, très loin de chez lui. Les conditions difficiles qu’il endura — une forme de traitement inhumain réservée surtout aux soldats fascistes sans repentir — détruisirent peu à peu sa santé.

Libéré fin 1945, il revint en Italie, pour mourir peu après, ses blessures en camp s’étant révélées incurables. Il fut admis dans une clinique mal équipée, où il mourut à l’âge de 52 ans, en présence de sa femme Anna et de leurs enfants, Gianfranco et Cesarina.

Ironiquement, il est intéressant de noter qu’Antonio Gramsci, lorsqu’il tomba malade en prison à cause d’une maladie chronique contractée dans sa jeunesse, fut libéré et, en tant qu’homme libre, put recevoir un traitement — aux frais du régime fasciste — dans une clinique privée.

Le nom de Mario ne fut jamais donné à une rue, contrairement à celui de son frère Antonio, et il est presque oublié dans les pages injustes de l’histoire. Pourtant, Mario — le Gramsci en chemise noire — reste sans doute l’image même de l’aventurier: un exemple de courage et de loyauté, la glorification du soldat politique. Peut-être que les mots de John M. Cammett résument la richesse émotionnelle de la vie de Mario Gramsci: « Il était volontaire pendant la Première Guerre mondiale, volontaire lors de la guerre en Éthiopie, et à nouveau lors de la Seconde Guerre mondiale (à 47 ans !). Et entre ces catastrophes, il était un volontaire enthousiaste pour l’idéologie qui l’a finalement détruit ! Quelle vie ! » (2).

Notes:

(1) Bien que nation victorieuse, l’Italie n’a pas vu la pleine mise en œuvre des traités qui lui auraient accordé des territoires supplémentaires et des avantages économiques.

(2) John M. Cammett, “L’autre frère de Antonio : une note sur Mario Gramsci,” International Gramsci Society Newsletter 7 (mai 1997) [ http://www.internationalgramscisociety.org/igsn/articles/...  ].

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Hegel et l’Intelligence Artificielle

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Hegel et l’Intelligence Artificielle

Un essai dialogique d’Enrico Arduin : le volume est ouvert par la préface de Massimo Donà, directeur de la collection, et par une contribution de Gianfranco Bettin

de Giovanni Sessa

Source: https://www.barbadillo.it/125712-hegel-e-lintelligenza-ar...

Arduin_.jpgNous avons lu un volume original et très actuel. Original, mais attention, non dans le sens commun du terme, renvoyant, dans le cas d’une production intellectuelle, à quelque chose d’inhabituel et de singulier, mais dans un sens profond, comme une production centrée sur la confrontation avec l’origine.

Ce livre est très actuel pour une autre raison: il aborde, au-delà de tout canon herméneutique déjà expérimenté, le problème de l’Intelligence Artificielle (IA). Il s’agit du essai dialogique du philosophe Enrico Arduin, récemment paru dans le catalogue des éditions InSchibboleth, dans la collection « Facéties, sagacités et minuties », Hegel e l'intelligenza artificiale. Dialogo su Assenza e Esistenza (= Hegel et l’Intelligence Artificielle. Dialogue avec ChatGPT sur l’Absence et l’Existence). Pour toutes commandes : info@inschibbolethedizioni.com).

Le volume commence par la préface de Massimo Donà, directeur de la collection, ainsi que par une contribution de Gianfranco Bettin. Ces deux textes synthétisent, avec une argumentation pertinente, les thèses d’Arduin et introduisent le lecteur dans l’univers idéal des thèmes complexes abordés dans les pages du volume.

Jusqu’à présent, la bibliographie critique sur le thème de l’IA a été marquée par des positions divergentes. D’un côté, les partisans de l’IA, qui en exaltent les avantages et les aspects positifs, de l’autre, ses détracteurs, qui la considèrent essentiellement comme un danger pour la liberté et la pensée. Arduin, en revanche, part d’un échange direct et actif avec l’IA, un dialogue sur des thèmes que certains pourraient considérer inhabituels pour l’IA, concernant les aspects les plus significatifs de la spéculation d’un des grands pères de la philosophie, Hegel.

Dans la première partie du volume, l’auteur a choisi, en tant que deutéragoniste, le plugin « Mr. Logical », basé sur ChatGPT ; dans la seconde section, Arduin dialogue avec un modèle plus avancé de ChatGPT, produit au cours des premiers mois de 2024, tandis que, dans les conclusions, le dialogue devient le chat de la toute dernière génération, GPT-4.5.

Arduin est conscient que, dans le contexte actuel, marqué par des dispositifs synthétiques constitués de PC et de téléphones, il existe une possibilité d’intégration entre la dimension physiologique-biologique de l’humain et celle représentée par la nouvelle technologie. La comparaison qu’il met en scène, remarque Donà, est celle qui existe entre « la fragilité et l’imperfection de notre être sensible et l’action symbolique générée par les articulations synaptiques complexes conservées par un processus computationnel sans identité matérielle ni corporelle » (p. 10). De ce processus, il ressort, à la manière nietzschéenne, la disparition du sujet, de l’agent, puisque tout est action.

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Les questions pressantes, critiques, parfois subtiles, que pose Arduin à l’IA, l’éclairent. L’incipit du dialogue avec l’IA revient tout au long de la discussion et est représenté par la dialectique hégélienne, relue au-delà des exégèses scolastiques accumulées dans la philosophie depuis plus de deux siècles.

La conversation montre que chez le philosophe allemand, les concepts de Dieu et de la Religion ne renvoient jamais, souligne le préfacier, à quelque chose de semblable à une réification conceptuelle fallacieuse, qui ne peut être ramenée au mouvement général de l’Esprit (p. 12). De cette conceptualisation, conçue de façon dynamique, non statique, découle l’auto-cancellation à laquelle toute détermination de l’Absolu est destinée.

Le philosophe vénitien Andrea Emo en a pris conscience dans son ultra-temporalité. Dans la logique de l’essence, Hegel a saisi la négativité du principe, qui se répercute perpétuellement dans l’apparition « positive » des multiples. L’auteur conclut: « Adopter cette perspective exige une ouverture philosophique à la fluidité de la réalité et à la nature provisoire de nos horizons conceptuels. Elle nous invite à voir le monde [...] comme un processus dynamique et interconnecté en devenir » (p. 21). Arduin évoque et confronte, dans le dialogue avec l’IA, la thèse du « manque » lacanien.

Le « manque », que nous expérimentons concrètement dans la vie, donne lieu à un mouvement désirant sans fin, destiné à déstabiliser [...] toute tentative de « fixer » la substance du réel » (p. 13). L’origine est infondée, c’est la liberté non réduite aux catégories eidétiques, aux universaux.

Hegel et Lacan sont envisagés comme des auteurs capables de résoudre le problème complexe du rapport entre nos existences individuelles, «incorporées», et «le réseau extrêmement compliqué de processus computationnels rendu à l’humain [...] par une action inexistante mais hyper efficace capable de modifier [...] notre rapport [...] avec la réalité» (p. 13). La vision de Lacan, selon l’auteur, « offre une voie valable pour comprendre le processus dialectique [...] en intégrant les dimensions physiques, existentielles et symboliques de l’expérience humaine » (p. 22), nous rendant donc, selon Bettin, conscients que l’histoire de l’individu est l’histoire de la physis.

L’exégèse de Hegel est menée par Arduin à la lumière de la notion de «contradiction». Elle clarifie l’interrelation entre être et non-être et présente cinq configurations. La confrontation avec l’IA permet aussi d’accéder aux thèmes éthico-politiques vivants: entre autres, avec le lien qui unit pouvoir et liberté, toujours entrelacés, de façon à ce que, précise Donà, «reconnaître l’un, c’est aussi reconnaître, dans l’un, l’autre» (p. 15).

La thèse centrale du livre doit être saisie dans la discussion sur les développements futurs de l’IA, qui prévoient la nullification de la distance entre processus neuronaux numériques et l’expérience de la conscience analogique. Les premiers, attention, tendent toutefois à nier le flux de conscience humaine. La solution se trouve encore une fois dans la notion de «contradiction» chez Hegel, où les «dépassés» (intelligence analogique et computationnelle) ne sont pas effacés, mais radicalisés dans leur incommensurabilité. Une «synthèse», donc, incapable d’être vraiment telle, et de statuer et d’atteindre un nouveau positivum. En fin de compte, l’auteur remarque que la révolution informatique ne fait que remettre en question le problème de la signification, sur lequel la réflexion philosophique s’est penchée, dès l’origine, de manière sceptique et critique.

Enrico Arduin, Hegel e l'intelligenza artificiale. Dialogo con ChatGPT su l'Assenza e l'Esistenza (= Hegel et l’Intelligence Artificielle. Dialogue avec ChatGPT sur l’Absence et l’Existence), Edizioni InSchibboleth, pp. 345, 26 euros

jeudi, 30 octobre 2025

Orbán ressuscite l’esprit de Visegrád

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Orbán ressuscite l’esprit de Visegrád

Source: https://report24.news/orban-belebt-den-geist-von-visegrad...

Hongrie, Slovaquie et République tchèque – un trio de pays d’Europe centrale, dirigé par Orbán, Babiš et Fico, qui refuse de se soumettre aux eurocrates bruxellois. Désormais, le groupe de Visegrád cherche à se redonner vie avec ces trois États.

Pendant que Bruxelles inonde Kiev de milliards et parle de “solidarité européenne”, un contrepoids se forme discrètement mais avec détermination en Europe centrale. Viktor Orbán, qui est depuis des années l’enfant terrible de l’UE, pense que son heure est arrivée. Après les récentes élections en République tchèque et le retour au pouvoir du pragmatique Andrej Babiš, de nouveaux horizons stratégiques s’ouvrent. Avec le Premier ministre slovaque Robert Fico, Orbán veut raviver ce qui, autrefois, en tant que “groupe de Visegrád”, a conservé une bonne dose de bon sens – et qui pourrait aujourd’hui devenir le dernier bastion du bon sens sur un continent dominé par une fièvre de nature idéologique.

Si Prague, Bratislava et Budapest unissent leurs forces, elles pourraient sérieusement freiner la folie financière et politique des aides à l’Ukraine. Orbán a déjà prouvé à plusieurs reprises qu’il sait comment bloquer la machinerie de l’UE – au grand dam de la Commission, qui s’arroge de plus en plus de pouvoirs. Mais cette fois, il y a davantage en jeu. Il ne s’agit plus seulement de sanctions ou de quotas de réfugiés, mais de la question de savoir si l’Europe continuera à se laisser entraîner dans une guerre économique ou si elle choisira une voie basée sur la raison économique.

L’alliance de Visegrád – autrefois symbole de la résistance contre la tutelle bruxelloise – s’est effondrée lorsque la Pologne a rejoint, une fois pour toutes, la politique anti-russe menée par les États-Unis. Mais désormais, cette idée renaît sous la forme de “Visegrád 3”. Orbán, Babiš et Fico – trois hommes très différents, mais partageant un même point de vue: leur refus de faire de leurs pays des États vassaux de la bureaucratie européenne.

La victoire de Babiš aux élections tchèques marque un tournant décisif. Le milliardaire et ancien Premier ministre en a assez des leçons moralisatrices de Bruxelles. Son programme: défendre les intérêts nationaux plutôt que la loyauté transatlantique. Il se rapproche ainsi plus que jamais d’Orbán. Fico, de son côté, privilégie le dialogue avec Moscou plutôt que l’escalade – ce qui met en rage les soutiens de Kiev en Occident. Ce qui se forme ici n’est pas simplement une alliance politique utile, mais un contrepoids idéologique: souveraineté nationale contre ingérence supranationale, politique réaliste contre exaltation gonflée à la moraline, recherche de paix contre guerre permanente.

Une telle alliance constitue une épine dans le pied pour Bruxelles. Un pays seul peut plus facilement être mis sous pression qu’un trio. Si Budapest, Prague et Bratislava défendent leurs intérêts conjointement, à l’avenir, l’équilibre des pouvoirs dans l’UE pourrait basculer. Au Conseil, le bloc “Visegrád 3” aurait assez de poids pour bloquer de futurs financements pour l’Ukraine ou des paquets de sanctions. Bruxelles redoute le scénario qu’elle craint le plus: une coalition de forces réalistes au cœur de l’Europe.

De plus, au Parlement européen, on commence à sentir du mouvement. Balázs Orbán, le directeur politique du Premier ministre hongrois, a annoncé que la fraction “Patriots for Europe” voulait s’unir aux conservateurs européens et aux souverainistes. L’objectif : une nouvelle majorité de droite qui pourrait faire vaciller l’alliance déjà fragile d’Ursula von der Leyen. Ce double-front contre les eurocrates bruxellois sera-t-il couronné de succès ?

Foreign Affairs: « L’Amérique doit diviser le groupe BRICS » – Quand le monde devient trop indépendant

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Foreign Affairs: « L’Amérique doit diviser le groupe BRICS » – Quand le monde devient trop indépendant

Elena Fritz

Source: https://t.me/global_affairs_byelena 

Aux États-Unis, on pense désormais à voix haute à chercher comment fragmenter le bloc que forment les États du BRICS.

Dans Foreign Affairs, la revue porte-voix de l’élite de la politique étrangère américaine, deux stratégistes républicains, Richard Fontaine et Gibbs McKinley, écrivent très franchement que les États-Unis devraient isoler la Russie et la Chine — tout en se rapprochant davantage du Brésil, de l’Inde et de l’Afrique du Sud.

Pourquoi ?

Parce que ces cinq pays font quelque chose qui effraie Washington: ils construisent étape par étape un monde soustrait au contrôle américain.

Le véritable cœur du problème : le pouvoir par l’argent

Les auteurs le disent presque sans détour: si les États du BRICS commencent à ne plus commercer entre eux en dollars américains, Washington perdra son arme de pression la plus importante — le système financier utilisé comme une arme.

Car tant que le dollar reste la monnaie mondiale, les États-Unis peuvent presque frapper n’importe quel pays via les banques, le système SWIFT et les sanctions.

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Mais si le Brésil achète du pétrole en yuan, l’Inde paie en roupies et la Russie utilise ses réserves d’or, cette emprise disparaît peu à peu.

C’est cela qui compte — pas la démocratie, pas les valeurs invoquées, mais la domination économique.

Pourquoi les États-Unis doivent diviser

Un bloc BRICS uni serait une véritable alternative à l’ordre occidental: banques de développement propres, systèmes de paiement indépendants, et une voix politique commune qui ne plie pas devant Washington.

C’est ce qu’ils veulent empêcher.

Ils tentent donc de séduire les États « plus neutres » — le Brésil, l'Inde, l'Afrique du Sud — avec des accords commerciaux, des contrats d’armement, de l’attention diplomatique.

Objectif: affaiblir la cohésion interne du groupe BRICS pour que la Russie et la Chine restent seules.

La logique plus large...

Ce n’est pas un cas isolé, mais une partie d’une stratégie éprouvée: lorsqu’un concurrent devient trop fort, il est divisé de l’intérieur. Cette méthode a déjà fonctionné durant la Guerre froide — et elle doit maintenant empêcher la transformation de l’ordre mondial.

Mais cette fois, l’Occident ne fait plus face à des États dépendants, mais à des puissances régionales confiantes qui ont déjà appris à gérer les offres de Washington sans se soumettre.

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Conclusion :

Ce que Foreign Affairs présente comme une « stratégie », c’est en réalité la reconnaissance d'un fait patent: celui d'une hégémonie qui perd son contrôle.

Quand une superpuissance commence à parler ouvertement de division, cela montre qu’elle craint déjà l’unité des autres.

Et c’est là que se trouve le vrai tournant de la politique mondiale.

Les États-Unis ne combattent pas le BRICS, ils luttent pour retarder le moment où ils perdront le contrôle de la scène mondiale.

Il ne s’agit pas de politique, mais de garder le contrôle sur le système monétaire.

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Moeller van den Bruck, avant-garde de la révolution conservatrice

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Moeller van den Bruck, avant-garde de la révolution conservatrice

Par Enrico Colonna

Source: https://www.ilprimatonazionale.it/primo-piano/konservativ...

Souvent, lorsqu’on parle de la Révolution Conservatrice, l’idée qui en ressort est assez floue. Non pas parce qu’on ignore ce dont il s’agit — du moins parmi ceux qui s’intéressent à ces questions — mais parce que ce mouvement était plutôt varié en lui-même et parce qu’à différence d’autres mouvements culturels du 20ème siècle, la Révolution Conservatrice n’a pas eu de véritable manifeste (comme par exemple le Manifeste du Futurisme de 1909). Pour une systématisation bibliographique de ce mouvement, il faut attendre l’essai d’Armin Mohler de 1950, La Révolution Conservatrice, récemment réédité en Italie par "Passaggio al Bosco Edizioni" dans une version enrichie avec la bibliographie de Nicola Cospito et les essais d’Alain De Beniost, Adriano Scianca et Lorenzo Di Chiara.

Les trois étapes de la révolution conservatrice

Cependant, on peut repérer une sorte de « manifeste en trois étapes » dans l’œuvre de l’un de ses principaux initiateurs : Arthur Moeller van den Bruck. Né en 1876, soldat de réserve durant la Première Guerre mondiale, Moeller van den Bruck écrivit dans la dernière décennie de sa vie trois essais qui devinrent en quelque sorte les manifestes de la Révolution Conservatrice : Le Style prussien (1916), Le Droit des jeunes peuples (1919), et Le Troisième Reich (1923).

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Une « triade » qui amena un penseur marxiste comme Stefano Azzarà à qualifier Moeller van den Bruck de « Lénine de droite », en raison de ses réflexions sur l’effondrement de l’ordre bourgeois et la nécessité d’une transformation radicale après un tel effondrement.

Moeller van den Bruck a ses racines culturelles dans la lecture passionnée de Nietzsche et dans la critique artistique et littéraire: notons que sa première notoriété en Italie vint avec son essai La beauté italienne, écrit après un séjour en Toscane où il put admirer l’art et l’architecture du Moyen Âge et de la Renaissance. De cette formation culturelle émerge sa conception particulière du « style », qui, selon lui, ne concerne pas seulement l’art ou l’esthétique.

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Le style est la forme morale que donne un peuple à sa vie. La louange ici n’est pas pour la Prusse en tant qu’État ou sujet historique-politique, mais comme « manière d’être » : une façon d’être qui privilégie la mesure à l’excès, qui exaltent la primauté du devoir sur le plaisir, qui oppose l’héroïsme quotidien « anonyme » basé sur la constance à l’héroïsme du geste spectaculaire et de la gloire personnelle.

Le style et le droit des peuples jeunes

Moeller van den Bruck, en effet, est très satisfait que l’Allemagne se soit unifiée sous la direction du Royaume de Prusse et non, par exemple, du Royaume de Bavière : en s’unifiant sous la direction et l’impulsion militaire prussienne, l’Allemagne s’est formée sur cette base morale. Il soutient également qu’il existe des « Prussiens d’adoption », comme Georg Wilhelm Friedrich Hegel (originaire de Stuttgart), c’est-à-dire ceux qui ont fait leur la mentalité prussienne. La Prusse n’est donc pas une entité géographique sur la carte, mais — justement — un « style » qui imprègne tous les aspects de la vie.

À la fin de la Grande Guerre, Moeller van den Bruck acheva la rédaction de la deuxième étape de son « manifeste » de la Révolution Conservatrice : Le Droit des jeunes peuples.

A la base de ce texte se trouve une distinction assez « classique » : celle entre vieux et jeunes peuples. Les premiers, qui ont atteint le sommet de leur civilisation et sont désormais en déclin, doivent être balayés par les seconds, qui n’ont pas encore atteint leur plein développement et qui ont le droit historique et moral de se manifester sur la scène de l’histoire.

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Est ici évidente l’influence de la pensée de Hegel dans ses Leçons sur la philosophie de l’histoire, où le philosophe de Stuttgart souligne la nécessité du conflit et de la « tempête » pour garder la mer de l’histoire limpide et empêcher qu’elle ne se transforme en un marécage calme et plat.

Le conflit par lequel l’ancien est renversé par le nouveau occupe une place centrale dans la pensée de Moeller van den Bruck. La Première Guerre mondiale a été, dans cette vision de l’histoire, un « chapitre » de cette lutte.

La troisième voie du nationalisme allemand

Mais la notoriété de Moeller van den Bruck repose surtout sur la création d’une expression qui, après sa mort (en 1925, par suicide), a acquis une grande popularité : Le Troisième Reich.

Cette expression devint un mot-clé du mouvement völkisch, bien avant que le national-socialisme en fasse son programme politique.

Il est également intéressant de voir comment, à l’origine, l’auteur envisageait d'intituler « Der Dritte Weg » (la Troisième Voie)  cet essai qui constitue la troisième et dernière étape de son « manifeste »: une voie « allemande » vers la révolution, alternative aussi bien au capitalisme qu’au socialisme scientifique.

Comme le note Armin Mohler dans l’essai déjà cité sur la Révolution Conservatrice :

« Face au Saint-Empire romain universel de la nation allemande et au petit ‘Zwischenreich’ (l'Empire intermédiaire) de Bismarck, Moeller van den Bruck, avec le ‘Troisième Reich’, propose l’image d’un Empire final, où les contradictions du socialisme et du nationalisme, de la gauche et de la droite, s’annulent en se réunifiant. Le chiffre trois ne signifie pas seulement la succession des empires au fil de l’histoire ; il exprime l’idée d’une synthèse conciliant une thèse et une antithèse. »

En somme, un Empire de l’âme et un « mythe politique » mobilisateur. Une condition morale avant d’être historique, semblable à celui de l'« Allemagne secrète » évoquée par les intellectuels (comme l’historien Ernst Kantorowicz) réunis dans le cercle du poète nationaliste Stefan George.

Les Balkans sont la chair et le sang de l’Europe, tandis que l’UE n’est qu’une institution économique

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Les Balkans sont la chair et le sang de l’Europe, tandis que l’UE n’est qu’une institution économique

Maintenant, les drones turcs équipent les Albanophones du Kosovo, où le conflit pourrait être réactivé contre la Serbie

Par Francesco Cosimato

Source: https://www.barbadillo.it/125378-i-balcani-sono-carne-e-s...

Les livraisons de drones militaires au Kosovo par la Turquie remettent en question le statut des Balkans occidentaux et leur position par rapport à l’Union européenne, et plus généralement par rapport à l’Europe, cette réalité physique qui ne correspond pas aux institutions européennes : celles-ci ne représentent qu’une partie du continent et uniquement du point de vue économique : l’UE n’est pas un État.

Les drones sont des Skydagger Rft15, drones FPV capables de transporter jusqu’à 5 kg de charge utile, y compris des explosifs, et de voler sur 10 km à 130 km/h. Ils ont été fournis en grande quantité aux forces du Kosovo, qui, conformément à des accords prévoyant la présence des forces de l’OTAN (Kfor), ne devraient avoir que des missions de sécurité intérieure. Ils ne devraient donc pas disposer d’armes offensives.

Anti-Slaves, c’est-à-dire anti-Russes

Les Balkans sont assurément européens, mais ils sont lourdement marqués par des rivalités historiques et des ingérences occidentales : les États-Unis sont intervenus dans l’ex-Yougoslavie pour des raisons anti-slaves et, surtout, anti-russes.

L’auteur de cet article s’est rendu au Kosovo et voit comment la région est bien vivante grâce au financement américain, et comment les conditions de vie difficiles des minorités serbes sont inacceptables et incontestables, tout comme celles de la majorité albanaise.

L’Europe est un concept culturel depuis l’époque de Charlemagne, mais l’UE semble ne pas savoir ce qu’est l’Europe quand elle poursuit des politiques dictées par des puissances outre-océaniques.

La position turque dans les Balkans, depuis longtemps, est d’islamiser la région, formant une sorte de sandjakkat, qui, en se basant sur les données historiques ottomanes, comprime l’entité serbo-slave pour servir les intérêts des États-Unis.

Adhésion suicidaire à la politique américaine

La direction actuelle — une gouvernance, non élue par les peuples — de l’UE devrait examiner attentivement s'il est vraiment utile de suivre les États-Unis dans leur lutte contre les zones slaves en Europe. Priver l’Europe de la composante slave, cela ne signifie pas seulement la priver d’énergie, ce qui est déjà une question stratégique importante. Priver l’Europe de la Serbie et de la Russie, cela signifie priver le vieux monde de sociétés cohésives qui s’opposent à la dérive woke et gender, importée d’outre-atlantique. Le patriarche serbe de Belgrade s’installe à Pećka Patriarska, un lieu du Kosovo, juste pour mieux comprendre.

Cette gouvernance ne parvient pas à définir des lignes d’action diplomatique pour calmer les crises qui nous entourent. Cela conduira probablement à une Europe amputée, sans énergie, vieillie et idéologisée. Du Moyen-Orient à l’Asie, l’Europe devient insignifiante.

Diplomatie non, guerre oui

Les déclarations bellicistes de la commissaire européenne, Kaja Kallas, responsable de la politique étrangère et de la sécurité, indiquent la volonté d’éviter la voie diplomatique pour gérer les conflits. La volonté de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, de « réarmer » une Europe qui n’est pas un État, s'avère également nuisible et dangereuse.

Une des choses les plus importantes à connaître sur les Balkans occidentaux est la « bataille de la plaine des merles », défaite serbe contre les Ottomans à Kosovo Polje le 28 juin 1389, épisode clé de la lutte entre chrétiens et Ottomans. Que ceux qui veulent livrer les Balkans au Sandjakkat aillent de l’avant…

mercredi, 29 octobre 2025

L'Europe, la grande perdante dans la guerre entre les États-Unis et la Chine pour les métaux rares, selon les médias

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L'Europe, la grande perdante dans la guerre entre les États-Unis et la Chine pour les métaux rares, selon les médias

Source: https://es.sott.net/article/102129-Europa-la-gran-perdedo...

Bruxelles risque de devenir subordonnée aux deux puissances en raison de sa dépendance aux services numériques américains et à l’exploitation minière chinoise, avertit le journal The Financial Times. Il ajoute que l’investissement de l’UE dans les industries clés est ridicule par rapport aux milliards que Pékin et Washington y investissent.

« La double dépendance de l’Europe vis-à-vis des services numériques américains et de l’industrie chinoise de traitement des minéraux critiques la rend très vulnérable aux pressions extérieures », souligne-t-il. 

Cela s’aggrave du fait que la stratégie de l’UE concernant les matières premières entre en conflit avec l’opposition des écologistes, tandis que ses investissements technologiques sont bien inférieurs à ceux de la Chine et des États-Unis, indique la publication. 

Même dans le domaine où l’Europe était considérée comme leader — énergie solaire, éolienne et véhicules électriques — la Chine domine actuellement ces secteurs, notamment avec la production de batteries au lithium. 

« Si Bruxelles ne parvient pas rapidement à mobiliser les États membres, l’UE finira par devoir supplier en permanence la Chine, les États-Unis ou les deux », résume The Financial Times. 

Cela se produit dans le contexte de la guerre technologique entre Pékin et Washington, dans laquelle les États-Unis restreignent l’accès de la Chine aux microprocesseurs, majoritairement fabriqués à Taïwan. La Chine, pour sa part, est devenue le leader mondial du traitement des métaux rares, en réalisant ses opérations à un coût 30% inférieur à celui de ses concurrents et en monopolisant les terres rares. Cela lui permet de contre-attaquer et d’imposer ses propres règles du jeu. 

Les nouveaux tarifs douaniers imposés par Trump contre la Chine entreront en vigueur à partir du 1er novembre, ce qui porterait les droits de douane de Washington contre Pékin à 130%, alors que jusqu’à présent, la Chine applique une taxe de 10% sur les produits américains. 

Le 15 octobre, la Chine a lancé un avertissement aux États-Unis concernant la guerre commerciale. La réponse de Pékin aux tarifs américains sera ferme et personne ne l’intimidera, ont assuré le ministère chinois du Commerce.