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jeudi, 16 octobre 2025

Les Celtes dans la pop culture: d’Astérix à Assassin’s Creed Valhalla, entre mythe et réalité

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Les Celtes dans la pop culture: d’Astérix à Assassin’s Creed Valhalla, entre mythe et réalité

Source: Page Facebook de "Celtes , Gaulois fierté autochtone", https://www.facebook.com/groups/269177069889276

Les Celtes, peuple mystérieux et fascinant, occupent une place de choix dans l’imaginaire collectif. Depuis les bandes dessinées jusqu’aux blockbusters et aux jeux vidéo, leur représentation dans la pop culture oscille entre clichés romantiques, humour décalé et reconstitutions plus ou moins fidèles. Ces figures, souvent stylisées, ont marqué des générations et contribué à forger une image à la fois héroïque et folklorique des Gaulois, des Pictes et des autres peuples celtiques. Mais comment le cinéma, les séries et les jeux vidéo ont-ils façonné – et parfois déformé – leur héritage ?

Astérix et Obélix : des Gaulois résistants et burlesques

Impossible d’évoquer les Celtes dans la pop culture sans parler d’Astérix, créé par René Goscinny et Albert Uderzo en 1959. La série de bandes dessinées, puis ses adaptations animées et live-action, a popularisé une vision humoristique et stéréotypée des Gaulois. Dans l’univers d’Astérix, les habitants du petit village armoricain résistent vaillamment à l’envahisseur romain grâce à une potion magique, symbolisant l’esprit de résistance et d’indépendance. Les Gaulois y sont représentés comme des guerriers rusés, aimant la bagarre, les sangliers et les banquets arrosés de cervoise. Leur druide, Panoramix, incarne la sagesse et le lien avec la nature, tandis que les femmes, comme Bonemine, sont dépeintes comme des matrones autoritaires.

Cette représentation, bien que caricaturale, a ancré dans les esprits l’image d’un peuple fier, attachant et profondément ancré dans ses traditions. Pourtant, Astérix mêle anachronismes et fantasmes : les casques ailés, par exemple, sont une invention du XIXe siècle, tout comme l’idée d’une Gaule unie – en réalité, les peuples gaulois étaient divisés en nombreuses tribus souvent rivales. Malgré ces libertés, Astérix a joué un rôle clé dans la transmission d’une certaine idée de la culture celte, mêlant histoire et satire sociale.

s-l500-1826883431.jpgLe cinéma : entre épopées historiques et fantasy

Au cinéma, les Celtes ont inspiré des films aussi variés que "Braveheart" (1995) de Mel Gibson ou "Le Roi Arthur" (2004) d’Antoine Fuqua. Dans Braveheart, bien que centré sur la figure de William Wallace, l’Écosse médiévale est souvent associée à un héritage celte, avec ses kilts (anachroniques à l’époque), ses cornues et ses chants guerriers. Le film renforce l’idée d’un peuple indomptable, luttant pour sa liberté face à l’oppresseur anglais, un thème cher à la mythologie celte.

Dans "Le Roi Arthur", les chevaliers de la Table Ronde sont présentés comme des descendants des Celtes, défendant une Bretagne romaine contre les Saxons. Le film mêle légendes arthuriennes et éléments celtiques, comme la figure de Merlin, inspiré des druides, ou les peintures de guerre bleues des Pictes. Cependant, ces représentations restent souvent superficielle, privilégiant le spectacle à la rigueur historique.

La fantasy n’est pas en reste : "Highlander" (1986) puise dans le mythe celte de l’immortalité, tandis que "Le Secret des Menhirs" (2022), adapté de la BD du même nom, plonge dans un univers où druides et créatures magiques coexistent. Ces œuvres, bien que divertissantes, participent à une vision romantique et mystique des Celtes, loin des réalités archéologiques.

Les séries télévisées : entre documentaires et fictions

Les séries ont aussi exploré l’univers celte, avec des approches très différentes. "Les Carnets de Julie" (France 3) a consacré des épisodes aux traditions celtiques en Bretagne ou en Irlande, offrant une vision plus documentée et culturelle. À l’inverse, "The Last Kingdom" (Netflix), bien que centrée sur les Saxons et les Vikings, évoque les royaumes celtes de Grande-Bretagne, comme le Wessex ou la Mercie, et leur résistance face aux envahisseurs scandinaves.

bLDi1pdZnhXkv4XayCocCIuHrn4-3213360183.jpgPlus récemment, "Cursed" (2020), une réinterprétation de la légende arthurienne, met en scène une héroïne celte, Nimue, dans un monde où magie et politique s’entremêlent. La série s’inspire librement des mythes, notamment celui de la Dame du Lac, mais prend des libertés avec l’histoire pour créer un récit moderne et féministe.

Les jeux vidéo : une immersion (parfois fantaisiste) dans le monde celte

Les jeux vidéo ont offert une nouvelle dimension à la représentation des Celtes, permettant aux joueurs d’incarner des guerriers, des druides ou des explorateurs. "Assassin’s Creed Valhalla" (2020) est sans doute l’exemple le plus marquant. Le jeu plonge le joueur dans l’Angleterre du IXe siècle, où Vikings et Saxons se disputent des territoires encore marqués par la culture celte. Les quêtes secondaires mettent en scène des druides, des cercles de pierres et des légendes locales, comme celle du roi Arthur. Ubisoft a travaillé avec des historiens pour recréer un cadre plausible, même si le jeu mêle réalité et fiction – les Pictes, par exemple, y sont dépeints comme des sauvages tatoués, un cliché tenace mais partiellement fondé sur les récits romains.

apps.39575.65858607118306853.39ed2a08-df0d-4ae1-aee0-c66ffb783a34-2183574256.jpgD’autres jeux, comme "Total War: Rome II" ou "Age of Empires II", permettent de jouer des factions gauloises ou bretonnes, avec des unités et des technologies inspirées de l’histoire. "The Witcher 3" (2015) s’inspire quant à lui du folklore slave et celte pour créer son univers, avec des créatures comme les leshens (esprits de la forêt) ou les banshees, issues des légendes irlandaises.

Enfin, "Genshin Impact" (2020) et son région de Mondstadt, librement inspirée de l’Allemagne et de la culture celte, montre comment les éléments celtiques – comme les bardes, les fêtes païennes ou l’architecture en pierre – peuvent être réinterprétés dans un univers fantasy.

Musique et festivals : la culture celte vivante

La pop culture celte ne se limite pas à l’écran. Des groupes comme Celtic Woman, Loreena McKennitt ou Manau (avec leur tube "La Tribu de Dana") ont popularisé une musique inspirée des traditions irlandaises, bretonnes ou écossaises. Les festivals, comme le Festival Interceltique de Lorient ou les Highland Games en Écosse, célèbrent chaque année cet héritage à travers la danse, la musique et les sports traditionnels.

Ces manifestations, souvent festives, entretiennent une image vivante et joyeuse de la culture celte, même si elles gomment parfois sa diversité historique. Les tatouages celtes, les nœuds triskèles ou les croix celtiques sont devenus des symboles populaires, portés bien au-delà des frontières de l’Irlande ou de la Bretagne.

Mythe et réalité : une représentation en constante évolution

Si la pop culture a contribué à diffuser une image des Celtes, elle a aussi véhiculé des clichés tenaces : le Gaulois bagarreur et moustachu, le druide mystérieux, la princesse celtique aux longs cheveux roux. Pourtant, les recherches archéologiques et historiques montrent une réalité bien plus complexe : des sociétés organisées, des artisans talentueux, des agriculteurs innovants et des artistes raffinés, comme en témoignent les bijoux de l’âge du fer ou les enluminures des manuscrits médiévaux irlandais.

les_celtes-1473882655.jpgAujourd’hui, des créateurs tentent de proposer des représentations plus nuancées. Le jeu "A Plague Tale: Innocence" (2019), par exemple, évoque la guerre de Cent Ans et les légendes bretonnes sans tomber dans la caricature. De même, des documentaires comme "Les Celtes" (Arte) ou des podcasts comme "Choses à Savoir" revisitent cette histoire avec rigueur.

Conclusion : un héritage qui inspire toujours

Des aventures d’Astérix aux quêtes épiques d’Assassin’s Creed Valhalla, les Celtes continuent de fasciner. Leur représentation dans la pop culture reflète nos propres projections : un mélange de nostalgie pour un passé idéalisé, de fascination pour le mysticisme et d’admiration pour des peuples perçus comme libres et courageux.

Si ces œuvres prennent souvent des libertés avec l’histoire, elles jouent un rôle essentiel : elles maintiennent vivante la mémoire des Celtes et invitent à découvrir leur véritable héritage. Entre mythe et réalité, une chose est sûre : les Gaulois, les Pictes et les autres peuples celtiques n’ont pas fini de nous faire rêver. Et vous, quelle est votre représentation préférée des Celtes au cinéma ou dans les jeux ? Un Gaulois résistant, un druide sage, ou un guerrier picte couvert de peintures bleues ?

mercredi, 15 octobre 2025

Polarisation politique au Brésil

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Polarisation politique au Brésil

Leonid Savin

La confrontation entre les États-Unis et le Brésil dure déjà depuis plusieurs mois, alors que ce dernier pays traverse également une polarisation politique, qui a des causes tant internes qu’externes.

Les deux principales raisons de la pression américaine sur le Brésil sont la demande de concessions sur les nouveaux tarifs douaniers et le procès de l’ancien président Jair Bolsonaro, allié idéologique de Donald Trump. Trump lui-même a menacé d’imposer des droits de douane de 50% dans une lettre adressée au président brésilien Lula da Silva le 7 juillet. Lula a ignoré cette lettre. Après l’annonce du verdict, le 12 septembre, qui a condamné Bolsonaro à 27 ans et 3 mois de prison pour complot en vue d’un coup d’État, la rhétorique agressive de la Maison-Blanche à l’égard du gouvernement de Lula da Silva s’est intensifiée.

L’ancien président n’a cependant pas été incarcéré, et ses avocats ont déclaré qu’il avait été diagnostiqué d’un cancer de la peau et avait besoin d’un traitement urgent. Beaucoup ont perçu cet état de flottement comme le fait que les autorités utilisaient Bolsonaro comme otage politique.

Les États-Unis ont imposé des sanctions, dans le cadre du Global Magnitsky Act, contre le juge de la Cour suprême brésilienne Alexandre de Moraes. Son épouse, Viviane Barci de Moraes, directrice de l’Institut Lex, a également été sanctionnée. Les sanctions s’appliquent également à toutes les mesures juridiques prises par Alexandre de Moraes. D’autres juges en exercice et leurs assistants figurent aussi sur la liste des sanctions.

De plus, de nombreux hommes politiques brésiliens ont vu leur visa pour les États-Unis annulé avant et pendant l’Assemblée générale de l’ONU. Paula Coradi, dirigeante du Parti socialisme et liberté (Partido do Socialismo e Liberdade, PSOL), a été la dernière à subir de telles mesures.

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Le président brésilien Lula da Silva, présent à New York pour un discours à l’Assemblée générale des Nations unies, a refusé une rencontre personnelle avec Donald Trump. Le ministre brésilien des Affaires étrangères a toutefois indiqué qu’un échange téléphonique était encore possible. D’une manière générale, dans son discours devant les Nations unies, Lula a ouvertement critiqué les actions des États-Unis contre son pays, affirmant qu’« une attaque contre l’indépendance du système judiciaire est inacceptable ». Il a également défendu Cuba, exigeant que les États-Unis le retirent de la liste des « États soutenant le terrorisme », et a plaidé pour la création de l’État de Palestine.

Il est significatif que, dans le contexte de la confrontation avec les États-Unis, les relations du Brésil avec le Venezuela se soient améliorées (il convient de rappeler qu’auparavant, c’est le Brésil qui avait empêché le Venezuela de rejoindre les BRICS+) et que le trafic aérien entre les deux pays ait été rétabli.

Dans l’ensemble, les processus politiques au Brésil se déroulent sur fond de spéculations et de désinformation. Ainsi, il y a quelque temps, une rumeur a circulé selon laquelle le gouverneur de l’État de São Paulo, Tarcisio de Freitas, se présenterait à la présidentielle l’an prochain. Cela a entraîné une hausse de l’indice boursier brésilien. Mais après que le gouverneur a démenti cette intention et annoncé qu’il briguerait un nouveau mandat à l’échelle de l’État, l’indice s’est effondré.

Les partisans de Bolsonaro organisent des manifestations de masse. Récemment, de tels événements ont été organisés sous prétexte d’une amnistie nécessaire. De leur côté, les partis de gauche de la coalition au pouvoir organisent des rassemblements tout aussi importants.

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Pendant ce temps, les parlementaires travaillent à des mesures pour empêcher l’ingérence dans les affaires intérieures du pays. Le député fédéral Filipe Barros (photo) a notamment déclaré qu’une loi interdisant la réception de fonds étrangers par les ONG opérant au Brésil serait adoptée dans les prochaines semaines.

Paradoxalement, une telle loi pourrait également affecter les intérêts de la coalition de Lula da Silva. En effet, plusieurs personnalités de la gauche brésilienne, y compris le président lui-même, sont en contact avec Alexander Soros, fils de George Soros, qui préside le conseil d’administration de l’Open Society Foundation et possède ses propres actifs et intérêts à long terme au Brésil.

Les paradoxes de la confrontation américano-brésilienne ne s’arrêtent pas là. Les industriels de l’État de São Paulo, dont les autorités s’opposent à Lula et soutiennent Bolsonaro, sont les plus vulnérables aux nouveaux tarifs américains. Bien sûr, le secteur agricole, très important, sera également touché de manière indirecte, mais il est depuis longtemps réorienté vers la Chine.

Il convient de noter que parmi les produits exclus des nouveaux tarifs figurent les avions et pièces d’avion, qui constituent l’un des principaux postes d’exportation à forte valeur ajoutée du Brésil, ainsi que la cellulose, le minerai de fer, le pétrole et les produits pétroliers. Mais de nombreux produits, difficiles voire impossibles à remplacer sur le marché américain, tels que le café, le bœuf et le bois, n’ont pas été exemptés des droits de douane.

Ainsi, le Brésil ne comprend pas la logique de l’administration Trump et tente de faire valoir ces questions auprès du Congrès américain et des entrepreneurs américains, et surtout auprès des oligarques de droite alliés de Bolsonaro.

Néanmoins, dans un contexte global, il est évident que les mesures de Trump ne relèvent pas du protectionnisme, par exemple dans le secteur de l’acier, où l’acier brésilien, moins cher, concurrence l’acier américain. Trump a justifié les nouveaux tarifs par le déficit commercial, mais ce n’est pas suffisant pour déclarer une guerre commerciale. Avec la Chine, les États-Unis ont un déficit bien plus important, mais avec Pékin, Washington tente de trouver des solutions acceptables pour éviter une spirale d’escalade.

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Un facteur d’irritation probable pour l’administration Trump est l’activité du BRICS+ et la présidence brésilienne de cette association cette année. Il n’est pas étonnant que Trump ait auparavant menacé de punir quiconque prônerait la dédollarisation, et Lula da Silva lui-même a publiquement soutenu l’idée de s’éloigner du dollar. Il faut ajouter que le Brésil dispose de son propre système de paiement Pix, à cause duquel les États-Unis ont déjà tenté de « mettre la pression » sur le Brésil. Brasilia a répondu que le système était très apprécié par des organisations telles que le FMI et l’OCDE, et qu’en outre, Pix facilitait la concurrence sur le marché des paiements électroniques, ce qui a conduit à une plus grande implication des entreprises privées, y compris américaines.

Mais, apparemment, Trump ne veut pas de concurrence saine, mais seulement de la dépendance. À cet égard, le Brésil a réduit sa dépendance vis-à-vis des États-Unis d’environ moitié au cours des 20 dernières années, pour atteindre environ 10%. Les exportations sont dirigées vers divers pays du Sud global, et cette tendance s’accentue. Enfin, au niveau international, le Brésil a acquis le rôle et le statut de partisan d’un monde multipolaire. C’est probablement la véritable raison de l’hystérie de Donald Trump, qui voit le crépuscule de la Pax Americana se dérouler sous ses yeux.

Pour la direction brésilienne, il est important de déterminer ses alliés stratégiques, parmi lesquels les « sorosiens » n’augurent rien de bon. De même, les rencontres avec le dictateur Zelensky (la dernière ayant eu lieu lors de l’Assemblée générale de l’ONU) ne donneront pas de poids politique à Lula da Silva. À l’approche des élections générales de l’année prochaine au Brésil, il est nécessaire d’avancer avec un programme d’action clair, à orientation sociale, sans flirt avec les forces néolibérales.

Raphaël Glucksmann, le candidat de l’OTAN et de l’Union européenne aux prochaines présidentielles françaises

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Raphaël Glucksmann, le candidat de l’OTAN et de l’Union européenne aux prochaines présidentielles françaises

Davide Rossi

Source: https://telegra.ph/Rapha%C3%ABl-Glucksmann-il-candidato-d...

Qui sera le nouveau candidat à la présidence française pour remplacer Macron, désormais sur le déclin ?

Alors que le président Macron tente de survivre politiquement avec des tentatives charlatanesques de gouvernements au service de la finance et de la guerre, sans aucun soutien ni au parlement ni parmi les citoyens, la campagne électorale pour les présidentielles françaises a débuté. Certes, elles sont prévues pour le printemps 2027, il reste encore dix-huit mois, cependant les médias liés à l’OTAN travaillent déjà à multiplier les interviews dans tous les quotidiens et télévisions européennes avec Raphaël Glucksmann, pour le présenter comme un homme de la gauche social-démocrate, raisonnable, modéré, réfléchi et intelligent. En résumé, la finance et les canons occidentaux l’ont choisi pour remplacer Emmanuel Macron et surtout pour empêcher Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon d’entrer à l’Élysée et de changer la politique libérale et belliciste dévastatrice de la France, en apportant un souffle de paix et d’initiatives sociales visant à améliorer les conditions de vie des citoyens.

Parcourir la biographie de Raphaël Glucksmann aide à comprendre à quel point son éventuelle arrivée à la présidence de la République française risque d’être une véritable catastrophe et une étape supplémentaire vers cette guerre mondiale contre la Russie et la Chine que l’humanité devrait pourtant éviter.

Fils du philosophe André Glucksmann, atlantiste et sioniste, soutien de tous les coups d’État, de la Libye à la Côte d’Ivoire réalisés par son ami Sarkozy, il partage autant le sionisme que l’atlantisme de son père, se distinguant dès son jeune âge par sa haine antirusse, au point de fonder l’association « Études sans frontières » pour faire fuir en Occident certains Tchétchènes hostiles au président Vladimir Poutine.

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Avec son père, il fonde en 2006 la revue néoconservatrice « Le Meilleur des Mondes », dont le financement est entièrement assuré par un think tank ouvertement pro-américain ; cette revue lui sert de tremplin pour devenir éditorialiste dans les journaux, radios et télévisions françaises. Globaliste et cosmopolite, il a déclaré se sentir mieux à New York et à Berlin que dans la province française, même s’il feint souvent de le regretter ; en réalité, il accuse le reste de ses concitoyens d’être arriérés, répétant ainsi une attitude typique d’hostilité envers la culture et les traditions de son propre peuple, perpétrée partout par les élites mondiales.

Européiste extrême, il porte un intérêt particulier pour les révolutions de couleur, au point de se retrouver en 2009 en Géorgie, devenant conseiller de Mikheil Saakachvili, et se liant d’amitié avec Giorgi Arveladze, puissant collaborateur du président, ayant étudié entre les États-Unis et Tel Aviv, qui lui aussi passera plus tard par l’Ukraine.

L’arrivée de Raphaël Glucksmann à Tbilissi est facilitée par Bernard-Henri Lévy, intellectuel hyperlibéral, atlantiste et russophobe notoire depuis l’intervention soviétique en Afghanistan, et, fait du hasard, ami du père du jeune Raphaël Glucksmann. À Kiev, lors de la tentative de coup d’État de 2004, grâce à Lévy, il rencontre le Géorgien Saakachvili, lui aussi attiré par l’atmosphère de coup d’État antirusse.

Raphaël Glucksmann, justement, est en Ukraine entre novembre 2004 et janvier 2005 avec le documentariste David Hazan pour soutenir la putschiste Ioulia Tymochenko, organisatrice d’une révolution colorée antirusse, et revient donc chez lui avec des idées et des références très claires.

En 2008, Lévy encourage le jeune homme avec des paroles qui méritent d’être rappelées pour leur gravité, véritable hymne au cosmopolitisme antirusse et en fin de compte profondément antgéorgien : « Le gouvernement Saakachvili est composé de jeunes dont la double nationalité américaine, anglaise ou israélienne fait ressembler la Géorgie à une Babel occidentale plantée au cœur du Caucase. »

Lorsque Saakachvili perd les élections en 2012, il s’enfuit avec lui en Ukraine, accompagné de la femme qu’il a épousée entre-temps, Eka Zguladze ; tous trois sous les ordres de Victoria Nuland pour organiser une nouvelle révolution colorée, qui aboutira au tragique Maïdan de 2014. Grâce à l’intervention de Washington, Mikheil Saakachvili et Eka Zguladze obtiennent immédiatement le passeport ukrainien et commencent à faire de la politique dans ce nouveau pays. Lorsque les putschistes et les fascistes prennent le pouvoir, Mme Glucksmann, probablement passionnée par les services de sécurité, après avoir été vice-ministre de l’Intérieur en Géorgie (2005-2012), occupe le même poste en Ukraine sous Petro Porochenko, de 2014 à 2016. Par ailleurs, Eka Zguladze a travaillé de 2004 à 2005 pour l’agence américaine d’aide étrangère Millennium Challenge Corporation, l’une des nombreuses ONG servant les intérêts de Washington et non ceux des populations locales, et aime répéter sa conviction de la supériorité des valeurs, de la démocratie et des aspirations occidentales.

On a découvert qu’au cours de ses années géorgiennes, Raphaël Glucksmann a constamment œuvré pour promouvoir toute forme d’hostilité envers la Russie et favoriser autant que possible l’intégration éventuelle de la Géorgie dans l’Union européenne et dans l’OTAN, devenant selon l’aveu même de Saakachvili, l’auteur de nombreux discours présidentiels sur ces sujets.

Il a fait pire en Ukraine, où il a été ami et conseiller de l’ancien boxeur putschiste et fasciste Vitali Klitschko, devenu maire de Kiev lors de l’Euromaidan de 2014. Il y a organisé des think tanks pour transformer l’Ukraine, selon ses propres mots, « en une vitrine de la démocratie européenne et de l’opposition à Vladimir Poutine ».

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Fort de toute cette « démocratie libérale », de toute cette haine envers la Russie et de tout cet amour pour le bataillon Azov, Raphaël Glucksmann rentre en France avec la conviction d’avoir compris comment contribuer au bien-être de son peuple. Ne pouvant toutefois organiser une révolution colorée dans son propre pays, il se résout, grâce aussi à d’importants financements, à fonder un parti politique « Place publique », composé uniquement de citoyens de la « société civile », bref la rhétorique habituelle contre les partis et une énième « révolte » des citoyens respectables qui, en paroles, « se rebellent », mais qui, en réalité, sont les meilleurs exécutants des intérêts bellicistes et libéraux de la finance spéculative de Wall Street. Bien sûr, le nouveau parti est inclusif en matière de genre et a une co-présidente femme, car la lutte contre le pouvoir excessif des hommes tient beaucoup à cœur à M. Glucksmann.

Pour se faire élire au Parlement européen, il va toutefois chercher des voix dans les anciens partis, en commençant par les socialistes. Une fois arrivé à Bruxelles, il est ravi d’être nommé président de la « Commission spéciale sur les ingérences étrangères dans tous les processus démocratiques de l’Union européenne, y compris la désinformation ». Évidemment, en dehors du nom aussi ridicule que ronflant de cette « commission spéciale », il va de soi qu’elle opère dans la propagande la plus féroce de la haine antirusse et antichinoise. Mais pour ne rien manquer, il demande et obtient également de devenir vice-président de la sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen, une autre façon de diffamer toutes les nations du monde hostiles à l’OTAN.

En mars 2022, il déclare : « Si nous n’arrêtons pas Vladimir Poutine en Ukraine, nous ne connaîtrons plus la paix en Europe » et appelle à davantage d’armes pour les Ukrainiens, souhaitant une transition européenne vers une économie de guerre, tragiquement entendue par la baronne von der Leyen, bien sûr sous prétexte d’aider militairement Kiev.

Pour mieux relever ces nouveaux défis, il quitte sa première femme et s’installe avec la journaliste française d’origine libanaise Léa Salamé, catholique, qui, comme ses compatriotes coreligionnaires, déteste tous les musulmans non seulement de son pays d’origine mais du monde entier, et dont la mère, l’Arménienne Maria Boghossian, appartient à l’une des familles de diamantaires les plus connues et influentes du monde.

Mme Salamé sait bien qu’elle doit aider son mari et, dans ses interviews, elle se montre par exemple chaleureuse avec Carlos Ghosn, multimillionnaire en fuite devant la justice japonaise, et se montre au contraire très hostile envers Philippe Martinez, secrétaire du syndicat CGT, ou pire encore envers Jean-Luc Mélenchon. Une telle violation manifeste de la déontologie professionnelle a été condamnée par le Conseil français de l’éthique et de la médiation journalistique (CDJM), mais bien sûr, Madame est toujours à l’antenne à faire la propagande en faveur de son mari.

Raphaël Glucksmann, quant à lui, est réélu en 2024 au Parlement européen, siège à la Commission des affaires étrangères et à celle du commerce international, où il s’emploie à attaquer la Chine en inventant des mensonges sur les Ouïghours et en se rendant plusieurs fois à Taïwan pour boycotter tout dialogue avec Pékin ; il défend le Green Deal pour nuire aux citoyens européens et s’engage sans relâche pour le réarmement du continent, la livraison d’armes à l’Ukraine et l’intégration éventuelle de Kiev dans l’Union européenne. Puis, pour plaire aux défenseurs des animaux, il se déclare contre les corridas espagnoles.

La République populaire de Chine lui a refusé l’entrée sur son territoire, déclarant disposer de preuves solides qu’il serait un agent de la CIA. Pourtant, la plus grande erreur, commise tant par Jean-Luc Mélenchon que par les socialistes français, a été d’avoir accordé tant d’espace à un personnage qui a fait de la haine et de la provocation antichinoises et antirusses sa marque politique.

L'Europe commence à deviner le rôle que l'Amérique lui a réservé

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L'Europe commence à deviner le rôle que l'Amérique lui a réservé

Elena Fritz

Source: https://t.me/global_affairs_byelena

La Neue Zürcher Zeitung (NZZ) n'est pas un journal à sensation. Lorsque son rédacteur en chef Eric Gujer écrit qu'une guerre nucléaire en Europe n'est plus inimaginable, ce n'est pas de l'alarmisme, mais un symptôme.

Un symptôme du retour de la guerre froide, cette fois sans architecture de sécurité, sans lignes rouges, sans rationalité.

Gujer décrit ce que les gouvernements européens refusent de voir :

- L'arrangement confortable – les Ukrainiens se battent et meurent, les Européens paient et fournissent des armes – est révolu.

- Avec les « drones inconnus » au-dessus des aéroports allemands, danois et polonais, la frontière entre zone de guerre et zone de paix s'estompe. Le conflit, que l'on observait à distance respectable, commence à avoir des retombée tout près de nous.

Ce qui suit est un regard sans concession sur la réalité :

- Si la Russie occupe une bande de terre symbolique dans les pays baltes et menace d'une escalade nucléaire, l'Allemagne se battra-t-elle ?

- Ou capitulera-t-elle pour survivre ?

- Et que feront Paris et Londres si leurs systèmes de dissuasion nucléaire deviennent soudainement la cible d'attaques militaires ?

Gujer reconnaît le dilemme, mais en tire la mauvaise conclusion :

- Au lieu d'arrêter la spirale de l'escalade, il recommande le réarmement comme assurance, comme si l'on n'avait rien appris de 1914 et de 1939.

Ceux qui veulent se prémunir contre le « chantage » en s'armant jusqu'aux dents confondent sécurité et frénésie.

Car en réalité, Gujer décrit – peut-être involontairement – la logique américaine qui sous-tend le rôle de l'Europe:

- Washington a d'abord laissé l'Ukraine se battre pour elle.

- Aujourd'hui, l'ensemble de l'UE est entraînée dans le même mécanisme: livraisons d'armes, programmes d'armement, dogmes de sécurité – tout est financé, mais rien n'est décidé par l'Europe.

L'Europe doit redevenir un État frontalier, pas être un acteur.

Et tandis que les États-Unis se demandent s'ils interviendraient en cas d'urgence, le champ de bataille se rapproche de plus en plus de Berlin, de Varsovie et de Paris.

Le texte de Gujer est moins un avertissement qu'un miroir:

- Il montre à quel point les élites européennes se sont habituées à l'idée que la guerre est à nouveau « gérable » – tant qu'elle n'a pas lieu à Washington.

Telle est la nouvelle « architecture de sécurité » du monde transatlantique:

- L'Europe comme zone tampon, moralement surévaluée, stratégiquement mise sous tutelle – et dangereusement proche du précipice nucléaire.

Poutine et la philosophie de la complexité

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Poutine et la philosophie de la complexité

Alexandre Douguine

Animateur : Il existe des dirigeants mondiaux que tout le monde regarde et écoute. Et il y en a d'autres que l'on ne se contente pas de regarder et d'écouter, mais dont on revoit et réécoute les interventions. Vladimir Poutine est l'un des rares dans ce cas. La semaine dernière a eu lieu l'un de ses discours programmatiques, qui a été activement suivi, écouté, commenté – et, sans crainte de le dire, même redouté en Occident. Cependant, selon vous, quel est l'essentiel à retenir du discours de Valdaï du président russe ?

Alexandre Douguine : Vous savez, d'un côté, ce qui a été dit ne différait pas fondamentalement de ses précédentes interventions à Valdaï ou à d'autres tribunes. Mais si l'on suit la séquence de ses discours programmatiques, on voit comment notre président développe pas à pas une philosophie complète, alternative au modèle globaliste occidental. Ce ne sont plus de simples remarques ou des déclarations tactiques. Voilà pourquoi les discours de Trump ne nécessitent pas d'être relus, alors que ceux de Poutine, oui, parce que chacun d'eux est comme un épisode de série, d'autant plus compréhensible si l'on se souvient des précédents.

L'intervention de Trump ressemble à un clip, à un meme: on peut la regarder séparément de l'histoire américaine, séparément de Trump lui-même. Il dit quelque chose de drôle, danse, saute, fait un clin d'œil, menace, fait peur, puis se rétracte. C'est un format à court terme – petit, incohérent, frappant, parfois menaçant, mais contradictoire par rapport à ce qui a été dit une seconde auparavant. Poutine, au contraire, est l'opposé: un dirigeant mondial qui déploie progressivement sa philosophie.

Dans ce discours de Valdaï, il a poursuivi son explication de la multipolarité, dont il parle depuis longtemps, mais de plus en plus souvent, de manière plus concrète et plus profonde. Il s'agit du développement d'une compréhension de la multipolarité, qui renaît non seulement dans notre société, mais aussi dans la conscience du président. Pourquoi la multipolarité ? Parce que c'est quelque chose de nouveau. Ce n'est pas un monde bipolaire, ni un monde unipolaire, ni le système westphalien des États-nations, où chacun serait soi-disant souverain, mais où, en réalité, ce n'est pas le cas. Seuls les grands États-civilisations peuvent être véritablement souverains dans notre monde, et cela devient de plus en plus clair.

À l'origine, la multipolarité n'était qu'un slogan, un meme, sans engagement. Mais désormais, tout comme on trace une ligne entre deux points, la conscience géopolitique et le récit du président avancent dans cette direction. Il définit de plus en plus précisément le modèle d'un monde multipolaire, où les pôles sont des États-civilisations. Et il devient de plus en plus évident que le monde multipolaire ne ressemble à rien d'autre. La seule comparaison possible est celle de l’organisation de l’humanité avant l’ère des Grandes découvertes géographiques: des États-civilisations entiers, le califat islamique, la civilisation indienne, l’empire chinois, les sociétés africaines, les empires ouest-européen et russo-byzantin. Avant le colonialisme, il existait une vraie multipolarité, portée par les empires, les États-civilisations ou les macro-États, comme on dit aujourd’hui. Poutine trace cette transition – non seulement en la théorisant, mais aussi en la réalisant.

Lors de ce nouveau forum de Valdaï, il fait le point: ce qui a été accompli, ce qui ne l’a pas été, où se trouvent les obstacles, où ont eu lieu des avancées. Avec Trump, il y a eu une telle avancée, bien que les partisans de l’unipolarité aient immédiatement corrigé le tir. Le slogan du mouvement MAGA reconnaissait, à son origine, la multipolarité, mais les néoconservateurs font pression sur Trump pour le faire dévier de cette position. C’est un processus constant, grandiose, de passage vers la multipolarité, qui touche toutes les régions du monde: l’intérieur de la Russie, les frontières, le Pacifique, le Moyen-Orient, l’Afrique, l’Amérique latine. Aux États-Unis et en Europe, une véritable guerre civile oppose conservateurs et libéraux-globalistes, fidèles à l’unipolarité — des politiques qui ne représentent rien d’autre que la volonté frénétique et agonisante de préserver le régime et l’idéologie unipolaires. C’est tout cela que Poutine analyse.

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Les gens commencent à comprendre: il ne s’agit pas d’un meme, mais d’une exigence à laquelle il faut adapter l’éducation, la culture, la politique, l’économie. Nous devons participer activement, de manière proactive et non réactive, à la construction d’un monde multipolaire. Pour cela, il faut que chacun prenne conscience de ce que cela représente: une tendance idéologique, de long terme, fondamentale, qui explique tout le reste. Ce n’est plus une nouveauté, mais un approfondissement du sujet. Ce qui est nouveau, à mon avis, c’est l’accent mis sur la philosophie de la complexité d’Edgar Morin (photo), penseur français qui a développé la théorie de la complexité. Poutine a évoqué à plusieurs reprises les processus non linéaires du nouveau monde, les comparant à la mécanique quantique. Les processus non linéaires, la mécanique quantique — c’est l’interconnexion, où le moindre changement au niveau microscopique, qu’il s’agisse d’un blogueur avec son iPhone ou d’un individu, influence les macro-processus mondiaux. Ce n’est pas une mécanique linéaire.

Pour comprendre ce monde, construire une diplomatie, interagir avec les pôles, analyser les contradictions de l’Occident — divisé entre l’Europe et les États-Unis —, il faut une nouvelle façon de penser. La diplomatie exige d’entrer dans la société, la religion, la culture de chaque pays et de chaque civilisation. Cela exige des diplomates du MGIMO (où j’enseigne la théorie du monde multipolaire et des civilisations) une restructuration complète de leur conscience. Cela concerne les affaires, l’économie, l’industrie, la sphère militaire, la guerre — désormais non linéaire, où les drones rendent obsolètes les paramètres classiques de la guerre industrielle. Selon Poutine, la philosophie de la complexité est le fondement de la nouvelle diplomatie. C’est un appel à abandonner une vision simpliste de la réalité.

Le monde moderne avec sa multipolarité est un système complexe. Rejetons les vieux clichés, cessons de projeter les stéréotypes du passé sur le présent, et intéressons-nous à la mécanique quantique, étudions les civilisations, les religions, les théologies qui redéfinissent aujourd’hui les processus. C’est une invitation à changer de conscience — pour tout l’État, et surtout pour ses élites pensantes. Notre pensée est un mélange de soviétisme, de libéralisme oublié — à la limite de la catastrophe. Si nous ne comprenons pas la complexité de la réalité dans laquelle nous vivons, agissons, prenons des décisions et dont nous dépendons, cela finira mal.

En somme, Poutine a fait appel à la philosophie. Une grande puissance a besoin d’une grande philosophie. Sans elle, elle n’est qu’un golem, un robot technique manipulé par d’autres mains. Le monde est gouverné par ceux qui pensent. Il n’existe pas de dirigeants idiots — s’il y en a, c’est que quelqu’un d’autre tire les ficelles. Le monde est régi par des idées — fausses ou vraies, justes ou cruelles, humaines ou inhumaines. Et cela me semble l’une des principales conclusions du discours de Vladimir Poutine à Valdaï.

Animateur : En quinze minutes, vous avez présenté une analyse circonstanciée, approfondie et globale du discours, de sa signification et de son importance. Mais si l’on regarde les titres de la presse occidentale, il n’y a qu’une seule chose: la Russie a menacé de se livrer à une escalade dans les conflits en cours. En petits caractères, chez les plus responsables, on ajoute: en cas de militarisation de l’Europe, de l’Occident, des États-Unis, en cas d’injection d’armes. Mais dans les titres, partout: la Russie brandit le poing. Votre comparaison est pertinente: d’abord la philosophie, puis les vidéos pour les réseaux sociaux. Mais pour une attention aussi brève de l’Occident, de l’Europe, des États-Unis, où il faut quelque chose de substantiel et de sérieux, que faudrait-il? Ou bien la tactique de Dmitri Anatolievitch Medvedev, qui frappe fort et que le président américain suit volontiers et mord à l’hameçon des provocations, n’est-elle pas plus efficace?

Alexandre Douguine : Je pense que Dmitri Anatolievitch Medvedev s’occupe justement de cela. À chacun son rôle. Vladimir Poutine développe une philosophie sérieuse, réfléchie. L’interprétation occidentale, c’est de la phénoménologie. Un individu, une société, une civilisation voient dans le monde le reflet de leurs propres représentations. En anglais, on parle de « reading », en français de « grille de lecture », c’est-à-dire de schéma d’interprétation. Si un terroriste dit n’importe quoi — « maman » ou « miaou » — on y entendra un message terroriste. L’homme voit ses propres reflets, et il est impossible de le convaincre du contraire — c’est la force de la conscience. L’Europe voit en la Russie un ennemi à travers ce prisme et interprète chaque parole de Poutine en conséquence, ignorant tout le reste.

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Pour être honnête, je n’ai même pas remarqué le thème de l’escalade dans son discours. Poutine a parlé de la défense des intérêts de manière douce et sereine, il a souligné que nous avons plus de points communs avec Trump qu’avec les mondialistes européens. Mais ils retiennent ce qui les arrange: «Poutine menace». Le rapprochement avec l’Amérique, ils ne l’évoquent pas. Ils sont sélectifs: ils veulent voir une menace, se préparent à la guerre contre la Russie, cherchent à la déclencher en nous accusant de provocation, en utilisant n’importe quel prétexte. Si Poutine était resté silencieux, son silence aurait été interprété comme une préparation à l’escalade. C’est incurable.

En ce qui concerne Dmitri Anatolievitch Medvedev, il a parfaitement maîtrisé le style des remarques courtes, percutantes et précises. Cela parle à l’esprit occidental: ils disent « nous allons vous détruire », et lui répond « essayez donc — nous vous frapperons les premiers ». Et cela fonctionne, car à leur niveau de perception, c’est un échange de memes. Un meme contre un meme. Trump: « Le tigre de papier russe ». Medvedev: «Ce tigre remue la queue, et une bombe nucléaire peut tomber sur votre tête». Le dix de cœur bat le neuf — Medvedev a surenchéri. Cela ressemble au jeu du fou, mais selon leurs règles — c’est du poker. Ils ignorent le préférant de Poutine. Dmitri Anatolievitch, à mon avis, prépare l’avenir. Il montre qu'il sera tout aussi patriotique, mais plus dur encore. Si notre tendance se poursuit, il la renforcera.

Medvedev façonne l’image de notre pays — visuellement, brièvement, de façon percutante, mémétique. Le sens de ses messages, c’est la préparation à une ligne assumée. Vladimir Poutine est doux, formule de façon enveloppée, consciemment. Mais il faut le bon et le mauvais policier. Poutine, c’est clairement le bon, Medvedev le mauvais. Ensemble, ils font craquer les criminels, mènent les enquêtes, tracent les lignes, maintiennent l’ordre. Ils se complètent parfaitement — les deux sont nécessaires. Je suis convaincu que Dmitri Anatolievitch sait ce qu’il fait, même si c’est parfois brusque et peu diplomatique. Mais il faut hurler avec les loups quand on vit parmi eux. C’est nécessaire, extérieurement, pour qu’on n’oublie pas à qui on a affaire. C’est l’un de nos blogueurs les plus populaires : les gens lisent, et tout devient clair.

Vont-ils s’intéresser à la philosophie de la complexité d’Edgar Morin, à l’interprétation de Copenhague de la mécanique quantique, à la multipolarité? Certains écouteront. Mais pour les autres, ceux qui n’ont pas envie de se plonger dans ces sujets, le blog de Dmitri Anatolievitch Medvedev dit la vérité. Pour l’homme simple, tout devient clair: en Russie, nous serons au-dessus de tout, jusqu’au bout: « rends-toi, ennemi, reste immobile et couche-toi ! ».

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Animateur : Les résultats des élections influenceront de toute façon la vie de ces pays et nos relations avec eux. Commençons par la Géorgie, où le parti au pouvoir « Rêve géorgien » a obtenu de bons résultats aux élections municipales, recueillant plus de 80% de soutien selon les statistiques officielles. Peut-être s’agit-il d’une question naïve, extérieure ou même primitive. Dernièrement, surtout après les élections, la situation est marquée par des troubles. Certains parlent de protestations, d’autres de manifestations. Bref, les gens descendent dans la rue avec des drapeaux aux couleurs bleu-jaune, bleu-blanc familières. Ces schémas fonctionnent — ceux qui ont été conçus il y a 20, 30, 40 ans pour déstabiliser les pays au régime indésirable. Des schémas occidentaux, appliqués dans différents pays, mais qui ont récemment perdu en efficacité. Ou bien ai-je tort, et mon regard sur la situation est-il trop naïf ?

Alexandre Douguine: D’abord, vous avez raison: mobiliser la société civile pour prendre le pouvoir ou renverser des gouvernements indésirables est une tactique qui a fonctionné pendant des décennies, avec des succès divers. C’est une arme puissante des nouvelles technologies sociales et politiques. Il ne s’agit pas tant de créer de vraies structures d’opposition que de mobiliser des éléments libres de la population: des marginaux, des prêcheurs de rue, des personnes qui ont changé d’orientation. Ce sont des fragments mercuriels, des atomes disséminés dans la société, inutiles à tout, incapables de représenter une position politique. Ils sont de plus en plus nombreux, car la culture occidentale ébranle les consciences. Ces masses errantes, faibles d’esprit, ces foules chaotiques deviennent un outil sérieux de la grande politique. Elles agitent la situation, déstabilisent la société. Puis, sur leurs épaules, arrivent les véritables forces qui prennent le pouvoir et ne le rendent plus.

Ensuite, le régime change, ces foules se dispersent — elles ne réclament pas de participation au pouvoir, elles ne sont rien. Ce sont les déchets, les rebuts des grandes villes, des libéraux, non pas au sens idéologique, mais au sens où chacun ne pense qu’à soi. Ces atomes chaotiques sont faciles à mobiliser pour détruire. Mais ils ne revendiquent rien. Sur leurs épaules s’élèvent les libéraux-pantins, qui instaurent une dictature. Ce fut le cas du Maïdan, ce fut aussi en grande partie le cas en France. Dès que les libéraux accèdent au pouvoir, ils ne le lâchent plus. Quant aux gens qu’ils mobilisent comme une bélier pour renverser des gouvernements légitimes, plus ou moins souverains, ils les renvoient ensuite chez eux. En Géorgie, cela a fonctionné plusieurs fois — c’est là qu’a eu lieu l’une des premières révolutions de couleur.

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Animateur : Mais il y a plus de vingt ans.

Alexandre Douguine : Oui, il y a vingt ans, cela a fonctionné, portant au pouvoir le véritable dictateur nazifiant Saakachvili. Mais il semble que la Géorgie ait développé une immunité contre ces révolutions de couleur, et qu’elle n’y cède plus. Le gouvernement souverain du « Rêve géorgien », au départ pro-occidental, avec une voie européenne artificielle, faible et factice, mais face à cette frénésie d’éléments incontrôlables — provocateurs, terroristes, nazis, et en grande partie une masse de schizophrènes géorgiens —, il s’est renforcé. Il a accumulé de l’expérience, et ne se laisse plus faire.

C’est une chose dangereuse — la philosophie de la complexité. Des rebuts inutiles peuvent renverser le destin d’un pays ou d’une géopolitique. Les micro-processus sont activement exploités. D’ailleurs, en Amérique, le mouvement Antifa est composé de ces éléments. Récemment interdit aux États-Unis, il se fait passer pour « antifasciste », mais c’est une organisation ultra-terroriste qui qualifie les libéraux indésirables de fascistes, qui attaque physiquement, harcèle, dénonce, modifie Wikipédia et tue, comme ce fut le cas pour Charlie Kirk. C’est dangereux, car ces gens sont mentalement instables, facilement enclins à la violence physique.

Mais la Géorgie a développé une immunité. Des anticorps sont apparus, le «Rêve géorgien» s’est renforcé. Il a compris comment gouverner le pays sans gestes brusques, sans céder aux provocations, en suivant l’idée de préserver la souveraineté géorgienne. Il a trouvé les clés: où s’arrêter, où faire preuve de fermeté, où laisser faire, où déplacer. Ils jouent avec ce phénomène dangereux depuis une position de force et d’efficacité. Ils ont compris l’algorithme, l’ont maîtrisé. Après Zourabichvili et les élections précédentes, tout semblait clair. Mais les libéraux, encouragés par les élections truquées en Moldavie où la dictature de Sandu a interdit tout ce qui remettait en cause le pouvoir — et n’ayant pas rencontré de résistance sérieuse, ils ont décidé de secouer la Géorgie à nouveau. Cette fois, je pense que cela ne marchera pas, mais il ne faut pas sous-estimer cette stratégie. Elle fonctionne étonnamment bien: plus il y a d’éléments faibles dans la société, plus elle est efficace.

La culture occidentale favorise leur multiplication, les migrants illégaux — des gens non enracinés dans la société, des atomes libres qui peuvent facilement faire le saut quantique du marginal à la force de destruction. C’est la gestion du chaos — une stratégie utilisée par de grandes puissances mondiales. Je pense que les manifestations en Géorgie ne donneront rien. Mais cette menace permanente resurgira sans cesse dans toute société qui aspire à la souveraineté.

Animateur : À l’horizon, il y a la Tchéquie, où Babiš, ancien leader populaire, revient, et qu’on appelle le messager du changement. Encore une fois, la Tchéquie pourrait rejoindre la Hongrie et la Slovaquie comme un petit bloc de pays sûrs d’eux, qui défendent en priorité leurs propres intérêts, reléguant au second plan les enjeux européens, euro-centristes. Qu’en pensez-vous ? Avec ces élections tchèques, où arrive au pouvoir une personne qui n’est absolument pas prorusse, mais dont la politique diffère de celle menée par une Tchéquie hostile à la Russie depuis ces dernières années.

Alexandre Douguine : La question n’est pas d’être pour ou contre la Russie — c’est un aspect secondaire. Il est remarquable que la Pologne aussi penche de plus en plus vers la souveraineté. La Hongrie et la Slovaquie choisissent en priorité la voie du souverainisme, se libérant de la pression des forces globalistes qui s’efforcent de l’abolir. Leur logique est pragmatique et fondée sur l’intérêt national: ils construisent leur politique étrangère — y compris à l’égard de la Russie — selon le principe: la Hongrie avant tout, la Slovaquie avant tout, et non l’Union européenne.

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Orbán et Fico ne sont pas des hommes politiques prorusses. Ce sont des souverainistes qui défendent avec constance les intérêts nationaux. Un souverainiste similaire est arrivé au pouvoir en Tchéquie. Même la Pologne, hostile à notre égard, évolue dans cette direction.

Je recommande de lire la monographie d’un penseur contemporain très brillant, Alexandre Bovdounov, consacrée au projet de « Grande Europe de l’Est » — sa thèse transformée en ouvrage scientifique. Il y a quelques années, alors que ces processus n’étaient pas encore manifestes, il a démontré que l’Europe de l’Est constitue une entité géopolitique indépendante, différente de l’Europe de l’Ouest. Cela concerne tous les pays de la région: Roumanie, Bulgarie, Pologne, Hongrie, Slovaquie, Tchéquie, et même l’Autriche.

Le projet de la Grande Europe de l’Est, décrit par Alexandre Bovdounov, anticipe une vague de révolutions populistes qui porteront les souverainistes au pouvoir (par des voies démocratiques ou moins démocratiques) — et cela arrivera plus vite en Europe de l’Est qu’en Europe de l’Ouest. Cette région deviendra un pôle autonome: d’un côté, ce pôle sera européen, proche de la France, de l’Allemagne, de l’Angleterre, de l’Espagne, de l’Italie, et de l’autre, il sera proche de nous. C’est une région intermédiaire, une sorte de pont. La zone de la Grande Europe de l’Est pourrait devenir un levier clé dans la grande géopolitique européenne et eurasiatique.

Les petits pays, ayant adopté cette ligne stratégique qu’Alexandre Bovdounov a théorisée, observent la réalisation de ces scénarios, y compris avec l’arrivée de Babiš. Les souverainistes d’Europe de l’Est transformeront progressivement la région en une entité civilisationnelle autonome.

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Dans mon ouvrage « Noomachie », deux volumes sont consacrés à l’Europe de l’Est — slave et non slave. Même si je n’ai pas abordé directement la géopolitique, j’ai étudié les identités culturelles des peuples. C’est un monde unique. La Serbie est un autre exemple frappant de souverainisme.

Progressivement, si l’on tient compte du fait que les souverainistes peuvent garder une attitude critique à notre égard, ce tableau deviendra dominant. La question n’est pas la relation à la Russie, mais celle des dirigeants polonais envers le peuple polonais, des dirigeants tchèques envers le peuple tchèque, des dirigeants serbes envers le peuple serbe. Il s’agit de souveraineté.

La vague de souverainisme en Europe de l’Est conduira à la formation d’une communauté autonome. Nous avons intérêt à ce que cela se produise. Mais cela ne signifie pas qu’ils travaillent pour nous ou qu’ils doivent être russophiles. Leur logique est différente: ils aspirent à l’indépendance et veulent mener une politique uniquement dans l’intérêt de leur État. Ils ont pour cela de bonnes raisons.

Je pense que les forces populistes et populaires l’emporteront plus rapidement en Europe de l’Est qu’en Europe de l’Ouest. En Allemagne, le parti AfD gagne partout dans l’ex-RDA et en Prusse occidentale (Brandebourg), où le totalitarisme libéral est moins présent et où les forces patriotiques sont plus fortes. Cette partie de l’Allemagne réunifiée fait aussi partie de la frontière de l’Europe de l’Est (on peut rattacher la Prusse à l’Europe de l’Est ou centrale).

Ce projet est très intéressant. Ce qui se passe en Europe de l’Est n’est pas un phénomène ponctuel ou un succès des technologies politiques, c’est une tendance de fond. C’est la logique de la Grande Europe de l’Est, qui prend une forme géopolitique réelle.

mardi, 14 octobre 2025

De Balfour à Blair: le jeu de l’Occident en Palestine!

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De Balfour à Blair: le jeu de l’Occident en Palestine!

par Adem Kılıç

Source: https://telegra.ph/Da-Balfour-a-Blair-il-gioco-dellOccide...

Peu après avoir annoncé la reconnaissance de la Palestine en tant qu’État, la Grande-Bretagne a envoyé l’ancien Premier ministre Tony Blair pour entraver l’autodétermination de la Palestine, conformément au soi-disant “accord de paix” du président américain Trump.

Cette démarche a une nouvelle fois mis en lumière l’hypocrisie historique et la mentalité colonialiste de Washington, Londres et, en réalité, de l’Occident dans son ensemble.

Tony Blair n’est plus seulement un « consultant », mais une figure qui protègera les intérêts occidentaux et israéliens à Gaza et gérera le processus de transition post-conflit.

L’héritage de Blair en Irak et les crimes de guerre

L’héritage de Tony Blair en Irak démontre clairement à quel point il est peu fiable lorsqu’il s’agit de la Palestine.

Des milliers de civils ont perdu la vie et des massacres ainsi qu’une destruction systématique ont eu lieu lors de l’invasion de l’Irak menée par les États-Unis en 2003.

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Tony Blair, qui avait convaincu le président américain de l’époque Bush de déclarer la guerre, a admis des années plus tard qu’il n’y avait pas d’armes de destruction massive en Irak et qu’ils avaient agi sur la base de fausses informations des services secrets.

Néanmoins, cet aveu et ce processus, qui ont suscité de sérieux débats en matière de droit international, n’ont jamais fait l’objet d’un procès au niveau international.

Aujourd’hui, cette figure devient un acteur clé dans la « reconstruction » de Gaza, dans le cadre d’un soi-disant accord de paix qui sert entièrement les intérêts d’Israël.

Le plan “Riviera” de Trump et Netanyahou

Tony Blair a déclaré explicitement son soutien à un projet qui transformerait Gaza en une “Riviera” et un “hub commercial”, conformément aux intérêts américains et israéliens.

La semaine dernière, le Financial Times a rapporté que le plan “Riviera de Trump”, élaboré par le Boston Consulting Group et piloté par des investisseurs israéliens, prévoyait d’ouvrir Gaza aux capitaux internationaux, et que Blair soutenait ce plan.

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Cependant, au cours de ce processus, l’avis des Palestiniens n’a jamais été demandé. Bien que le plan en 20 points présenté affirmait que les Palestiniens ne seraient pas expulsés, il ne donnait aucune information sur la vie qu’ils mèneraient dans le cadre du nouveau plan.

Tromperie diplomatique

Le président américain Donald Trump a fermé les yeux sur les attaques israéliennes contre les négociateurs du Hamas à Doha, tout en révélant ses véritables intentions en refusant d’accorder un visa au président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas pour assister à la cérémonie de l’ONU.

Ce geste ne visait pas l’administration Abbas, qui ignore déjà les droits de Gaza, mais constituait un pas de plus vers le mépris total du peuple palestinien.

Trump a pris des mesures qui ont privé les Palestiniens de leur droit de décider de leur propre avenir, sous les yeux du monde entier, puis a immédiatement annoncé un soi-disant plan de paix ignorant les Palestiniens, comme pour couronner ses actions.

La nomination de Blair s’est également révélée être une partie de cette ironie diplomatique.

Sa responsabilité dans les massacres en Irak et sa description de lui-même comme « juif évangélique » montrent que son véritable rôle est de limiter le droit de la Palestine à l’autodétermination et de mettre en œuvre les politiques américano-israéliennes.

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De Balfour à Blair : l’approche coloniale britannique de la Palestine

Plus d’un siècle s’est écoulé depuis qu’Arthur Balfour (portrait), un autre ministre britannique, a publié en 1917 la déclaration qui allait jeter les bases de l’État d’Israël, promettant « un foyer national pour le peuple juif ». Il semblerait que les États-Unis et Israël tentent aujourd’hui de mettre en place une nouvelle approche “Balfour”.

Washington et Tel Aviv jouent un rôle central dans cette nouvelle manœuvre “Balfour”, et la mise en avant de Tony Blair dans ce processus marque la renaissance de cette ironie historique.

Dans l’ensemble, il est clair que le peuple palestinien se voit refuser le droit de déterminer son propre destin, même sur sa propre terre, et la nomination de Tony Blair – compte tenu de ses crimes de guerre passés et de ses politiques destructrices en Irak – prouve qu’il n’est qu’un projet pour la Palestine.

Conclusion

Le processus de transition à Gaza est modelé selon les intérêts des grandes puissances internationales, et la capacité des Palestiniens à contrôler leur propre sécurité, ainsi que leur avenir économique et politique, est complètement éliminée.

Cette situation vise également à limiter les espoirs de la Palestine de créer son propre État et sa résistance sociale.

Les États arabes, contraints d’accepter l’idée que « la pire paix vaut mieux que la guerre », continuent actuellement à prendre des mesures pour mettre fin à l’oppression à Gaza dans ce contexte.

En résumé, l’histoire se répète une fois de plus de façon ironique : après la déclaration d’Arthur Balfour il y a plus d’un siècle, de nouvelles figures, portées sur la scène par Washington et Tel Aviv, mettent en œuvre un nouveau plan pour continuer à décider du destin du peuple palestinien depuis l’extérieur.

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Gracq dans les marges de l'Histoire

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Gracq dans les marges de l'Histoire

Claude Bourrinet

Source: Page Facebook de Claude Bourrinet

L'idée (une des idées), ou plutôt l'image, la chiquenaude qui met en branle l'imagination, ou, si l'on veut, le cerf-volant que l'on envoie dans les airs pour capter la foudre, le déclencheur, donc, qui pré-valut à la rédaction du Rivage des Syrtes, fut la tentation forte de décrire une bataille navale. L'enfant Gracq suivait avec passion, sur les cartes reproduites par L'Illustration, les affrontements des flottes de guerre allemande et anglaise, notamment ce choc des Titans que fut la bataille du Jutland, le 1er juin 1916. Cependant, celle qui aurait dû avoir lieu, entre la flotte d'Orsenna et celle du Farghestan, non seulement ne fut pas écrite, mais elle n'eut pas lieu. « Les beaux cavaliers qui sentent l’herbe sauvage et la nuit fraîche, avec leurs yeux d’ailleurs et leurs manteaux soulevés par le vent » envahirent le territoire d'Orsenna sur terre, par le Sud, par le désert.

D'aucuns pourraient s'avouer déçus: une sorte de bataille de Lépante aurait fait bel effet, dans un roman plus ou moins historique (entre l'Antiquité et la Renaissance, entre Mithridate et Venise, il est vrai) ; mais voilà, une sorte de logique romanesque a empêché Gracq de la peindre. Ses « marines », ce sont les vagues qui giflent les côtes bretonnes. Mais, plus que la dimension réaliste (ou romantique), plus que l'anecdote pittoresque, qui manqueraient à l’œuvre, c'est plutôt une certaine conception de la littérature qui est affirmée par l'ellipse. L'écriture romanesque ne vise pas à montrer les choses, mais à en saisir, par les sens et l'intuition, la logique de leur survenue. Ce qui compte, ce n'est pas l' « événement » (il n'y en a guère, chez Gracq), mais ce qui le rend possible, comme l'étreinte pesante et lourde du ciel orageux présage l'éclair et le tonnerre. Tout est dans l'attente intense de cela même qui doit donner sens. Tout le récit du Rivage des Syrtes est la narration d'un crescendo fatal d'une énergie tellurique (symbolisée par le volcan Tângri, qui se profile à l'horizon de la terre farghestane), à travers les expériences sensorielles et passionnelles du héros Aldo. L'orage, qui est le destin de l'Histoire, ne nous est pas donné. On sait seulement, au détour d'une phrase, qu'Orsenna a été détruite par les « barbares ».

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Cette charge électrique saturant l'atmosphère prête à crever en cataractes de sang, nous l'avons connu avant les coups de feu du 28 juin 1914, à Sarajevo, où Nedeljko Čabrinović fut une sorte d'Aldo. Mais le héros de Gracq n'est pas nationaliste, et ne médiatise, dans son geste provocateur, aucune idéologie. Les trois coups de canon provenant des batteries côtières faghestanes, sonnent comme un lever de rideau théâtralisé. L'Histoire est une scène où les morts sont vraiment morts, certes, mais Gracq se présente comme le spectateur, et directeur de cet « opéra fabuleux » porté par une trajectoire imaginaire, qui peut, au demeurant, s'apparier à celle d'un individu.

Pourtant, beaucoup de commentateurs n'ont pas manqué d'établir un parallèle entre le désastre annoncé, et la montée du nazisme, vecteur de guerre et de destructions massives. A ce compte, Aldo fut un « collabo », puisqu'il fut appelé à désirer l'offensive désastreuse de l'ennemi, poussé par le désir ardent de transgresser la loi, de franchir la ligne maritime interdite depuis des siècles, déclenchant ainsi sciemment l'apocalypse. Il semble évident que le roman recèle une portion non négligeable de nietzschéisme. En outre, Gracq était alors un grand lecteur d'Oswald Spengler et de Ferdinand Lot. Mais il a pris des distances par rapport aux thèses « dangereuses » de l'auteur du Déclin de l'Occident, ainsi que de Toynbee, qui expliquait, comme Ibn Khaldoun avant lui, l'effondrement des Empires par la conjonction entre les invasion barbares, et la défection insurrectionnelle du « prolétariat » intérieur (ou, dans le roman, par la rébellion d'une famille de rebelles, les Aldobandi, à laquelle Vanessa, qui tient un rôle capital, appartient).

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Il considérait surtout ces deux historiens (ou philosophes de l'Histoire) comme des « poètes de l'Histoire », des pourvoyeurs d'archétypes. Les légendes, les mythes, sont des générateurs de motifs imaginaires. L'épopée des Nibelungen (étymologiquement « Ceux du brouillard), par exemple, si chère au wagnérien Gracq, pourrait entretenir maints liens avec Le Rivage des Syrtes ; Aldo, alors, ne serait pas Siegfried, mais le « traître » Hagen, celui qui déclenche tout. A moins, plus justement, qu'il ne soit Kriemhild, qui épouse le roi des Huns, pour se venger, et provoquer le massacre du roi Gunther, et de ses frères. Mais il n'est pas mu par le ressentiment, bien que le résultat soit de même portée. Toutefois, la "liberté" provocatrice, quoique pourvoyeuse de jouissance et d'ivresse, s'avère être une illusion. Une fois le branle donné, le dynamiteur n'aura été qu'un rouage d'une machine qui le dépasse infiniment, et qui poursuit une marche froide et inexorable.

C'est en poète, en visionnaire, que Gracq s'enquiert de la décadence. Qu'importe du reste si elle est occidentale ou non. Il acquiesce au concept d'entropie. Ses images sont, comme chez Spengler, ou Michelet, biologiques. « Tout ce qui existe mérite de périr ». Et il ajoute volontiers, à cette assertion de Hegel, « surtout si le corps est usé, miné par l'âge et la sclérose, vermoulu, et qu'un coup de botte suffit à ébranler jusqu'au fracas de la chute ». Orsenna est bâtie sur des couches superposées d'ossements, de cadavres. Elle est une ancienne puissance qui se survit, juchée sur une mémoire sénile de ressassement d'une gloire évanouie. Sa pulvérisation est donc logique. Le fonctionnaire Marino, fidèle capitaine et gardien de la forteresse maritime des terres du Sud, incarne l'enracinement dans le culte de la Terre et des Morts, et son barrésisme est condamné par le narrateur, lorsqu'il se noie dans la vase puant le cadavre et le bois pourri qui clapote au pied du quai de l'arsenal.

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Gracq a rarement évoqué les événements historiques, ni ne s'est engagé après 1938, date à laquelle il a rompu avec le Parti communiste, dix ans après avoir perdu l'habitude de se rendre à la messe. Son sens de l'Histoire doit beaucoup à Chateaubriand, non par une posture « réactionnaire », voire royaliste, qu'il n'eut jamais (bien que né à Saint-Florent-le-Vieil, haut lien des exploits de l'armée de Vendée, et tombeau de Bonchamps), et, si l'on excepte quelques références historiques parsemées, à titre d'exempla, dans ses fragments critiques, il n'évoqua la guerre qu'à travers ses souvenirs de la bataille de Dunkerque – au sens large -, à laquelle il participa en tant que lieutenant. Jamais il ne s'engagea pour un parti ou un autre, quoiqu'il partageât un certain conservatisme « provincial » avec une certaine droite. Il accepta plusieurs invitations de Pompidou, mais uniquement parce que ce dernier avait été l'un de ses condisciples à l’École Normale supérieure. Son refus de dédicacer Les eaux étroites, dans une édition d'art offerte par l'illustrateur à Mitterrand, tenait probablement à la répugnance que lui inspirait le personnage. Sa «ligne», pour autant qu'on le sache par son silence massif à ce sujet, tient en un apolitisme inflexible. Cela ne l'empêchait pas, néanmoins, de jeter des lueurs de compréhension avertie sur des tendances majeurs de l'actualité mondiale (par exemple, son refus de l'intégration de la Turquie dans l'Union européenne). Il ne rejetait pas non plus toute nouveauté. L'abattage des haies du bocage vendéen et breton le réjouit, car il lui permettait de jouir de larges échancrures par lesquelles s'offraient des perspectives et des panoramas que l'amateur de paysages – comme « presbyte » - recherchait.

La question de la rédemption historique est loin d'être résolue dans l’œuvre gracquienne, qui baigne cependant en partie, du moins dans sa composante romanesque, dans l'Histoire (Le Rivage des Syrtes, Un balcon en forêt), tandis que sa seule pièce de théâtre, Le Roi pêcheur, évoque la possibilité du salut, d'un salut qui n'est pas chrétien (Gracq a rejeté toute interprétation chrétienne du mythe du Graal). Le Roi pêcheur finit dans l'incertitude, et l'attente a tout lieu de persister. Le personnage féminin de Kundry est, selon l'auteur, son « porte-parole » : elle est déchirée, comme Baudelaire, entre deux postulations, entre la caducité de la nature humaine, qu'on peut appeler le « péché », et l'espoir, la quête de la grâce. Mais ce n'est pas de ce côté-là que Gracq trouve une issue à l'enfermement, au nihilisme contemporain.

000385770-1456422122.jpgAu fond, toute son œuvre consiste en un refus de l'Histoire. Dans Le Rivage des Syrtes, ce rejet est incarné par le barrésien Marino, qui considère que le seul mouvement possible est l'immobilité. Dans le roman, il serait un élément « négatif » si Aldo ne l'était pas lui-même, à la manière du Méphistophélès de Goethe, de celui qui nie (Der Geist der stets verneint). Le diable empêche Faust d'accéder au salut, du moins tente de le faire, mais, d'un autre côté, sa négation a une fonction dialectique : elle stimule le mouvement, le questionnement et le progrès en défiant l'ordre établi. S'il ne faut pas tomber dans la facilité périlleuse d'associer un auteur à ses personnages, on peut néanmoins considérer que Gracq partage les visions aussi bien d'Aldo que de Marino (que le jeune héros stendhalien dit « aimer »). En 1959, il trouve à Venise, comme Chateaubriand et Barrès avant lui, le bonheur d'un lieu enchanté, hors des délires vertus et nietzschéens de l'Histoire, des folies sanguinaires des réformateurs du genre humain, comme Robespierre ou Lénine (dont il goûtait, par ailleurs l'allégresse et l'humour).

Gracq passe, en littérature, pour un « passéiste », voire un réactionnaire. Il a déclaré, avec son ironie mordante que, par moment, il déployait (songeons à son pamphlet, « La Littérature à l'estomac », où il pourfend les « Aristarque » de la critique littéraire), qu'en France, la littérature, du moins la production de grands écrivains, avaient cessé après le XIXe siècle. Son style, très maîtrisé, aristocratique quelque peu, hautain disait certains, et exigeant un lecteur lent et scrupuleux, désignait en lui un adversaire du laisser-aller, de la « libération » de la libido créatrice (ce qui était un contresens : rien de plus érotique, sensuelle, que la prose poétique de Gracq, qui, paradoxalement, est bien plus proche d'une hypothétique « avant-garde » - bien qu'il réprouvât et le terme, et l'idée – pour peu qu'on fasse l'effort de reconnaître en lui la « liberté grande » sans cesse en exercice, qui préside à son travail d'écriture, bien éloignée du conformisme salonnard et universitaire des Écoles littéraires en -isme de l'après-guerre).

Gracq était attaché à une certaine authenticité de vie, et de relation avec le monde. Il la trouvait dans ses liens avec la nature. Ce n'est pas un hasard s'il prisait par-dessus tout la rudesse dépouillée et franche des reliefs hercyniens, de la Bretagne, des Ardennes, des plateaux de l'Aubrac et du Cézallier. Il était l'homme des marges, de l'entre-deux, des zones insolites, à la manière dont les surréalistes désignaient les hasards objectifs pourvoyeurs de « merveilles », qui, parfois, lui octroyaient des « extases » ressemblant étrangement à des expériences mystiques orientales, ou à ce que recherchait Heidegger, quand il parlait des « Clairières de l'être ». Mais s'il s'inspire beaucoup du romantisme allemand, il n'en demeure pas moins un géographe. Comme Jünger, il observe la nature, les paysages, au moyen d'un double regard, de la conjugaison « kaléidoscopique », dit Jünger dans Le Cœur aventureux, d'une interprétation analytique claire et distincte, et d'une plongée « magique » dans le flux de sensations que le monde offre. Un œil scrutateur au cœur du maelström, en quelque sorte. A cette connaissance de lieux remarquables se mêlent également intimement des fragments vivants de souvenirs mythiques, culturels, historique, etc., aboutissant parfois à un état proche du rêve. Mais un rêve conscient.

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Gracq écrit à un moment où l'Occident est en crise, et le sait. Toute la production littéraire, philosophique, artistique du XXe siècle tente de répondre à ce malaise (et Freud, dans son Malaise dans la civilisation (1929), a réagi peu de temps après Spengler (1918 et 1922)). Gracq refuse de jouer. Il ne « s'engage » pas, il est, non « antipolitique », comme Baudelaire, qui s'essouffle à vilipender la démocratie, les bourgeois, l'égalitarisme, le progrès etc., mais apolitique. Non qu'il n'aille voter, mais il ne se laisse pas ferrer. Son royaume n'est pas de ce monde-là. Son « utopie », son locus amoenus, est de celui qui existe vraiment, qui est tel ou tel lieu, bien concret, bien sentant, bien jouissant, aussi prenant que des élans du cœur et de la chair, et qui ouvre sur le cosmos, dont l'ouverture délimite un périmètre aussi signifiant qu'une fenêtre découpant un paysage éblouissant de beauté convulsive ou gorgée de paix. Avec Gracq, comme avec d'autres (et comment ne pas penser à Kenneth White?), des contrées inconnues s'ouvrent à notre curiosité et à notre sensibilité : ce sont celles qui échappent aux labours de l'Histoire, et qui sont là, devant nos yeux, pourvu qu'on les ait « bien ouverts ».

Le Messie à la tronçonneuse vacille: l’expérience ultralibérale de Milei touche-t-elle à sa fin?

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Le Messie à la tronçonneuse vacille: l’expérience ultralibérale de Milei touche-t-elle à sa fin?

Buenos Aires. Lors de sa prise de fonction en décembre 2023, le nouveau président argentin Javier Milei fut accueilli par beaucoup comme un sauveur. Milei avait promis un programme radicalement ultralibéral qui devait bouleverser le pays en un temps record et le remettre sur pied. En très peu de temps, il a mis en œuvre plus de 300 mesures individuelles visant une vaste déréglementation, une privatisation et une réduction drastique des dépenses publiques. Les subventions à l’énergie, aux transports et aux services de base ont été supprimées, des milliers d’emplois publics supprimés et les prestations sociales massivement réduites. La recette de Milei : retrait de l’État, libération du marché.

En réalité, quelques premiers succès de prestige ont été obtenus : le taux d’inflation est passé de près de 300 % en avril 2024 à environ 34 % à l’été 2025, et le budget a été équilibré. Des bailleurs de fonds internationaux comme le FMI ont accordé des prêts de plus de 40 milliards de dollars. Mais le prix de ce succès est élevé. L’industrie argentine souffre de la libéralisation brutale ; les secteurs à forte consommation d’énergie comme l’industrie du plastique et du caoutchouc enregistrent des baisses de production allant jusqu’à 25 % par rapport au niveau d’avant la crise. Le produit intérieur brut a également diminué de près de 4 % en 2024, un sérieux revers comparé au Brésil voisin qui a connu une croissance sur la même période.

L’échec de la thérapie de choc est particulièrement flagrant dans le domaine social : le taux de pauvreté a continué d’augmenter, la situation d’approvisionnement dans les zones périurbaines s’est détériorée et la polarisation politique s’est accentuée. Le gouvernement Milei opère sans majorité propre au Congrès, ce qui complique la mise en œuvre de son programme et a conduit à un patchwork de décrets et de lois édulcorées. La renaissance promise du pays n’a pas eu lieu – au contraire, la fuite des capitaux, la désindustrialisation et la fragmentation sociale menacent.

Désormais, la cure radicale de Milei semble vouée à l’échec. Le retour de l’hyperinflation est une menace réelle. La monnaie, redevenue forte, freine les exportations et laisse affluer des importations bon marché, ce qui a entraîné une dangereuse pénurie de réserves de dollars. Les analystes jugent le peso fortement surévalué ; la banque centrale a dû dépenser 1,1 milliard de dollars en trois jours pour soutenir la monnaie. Les réserves de change librement disponibles sont tombées à environ cinq milliards de dollars.

Parallèlement, les revers politiques internes affaiblissent la position de Milei. Une lourde défaite électorale dans la province de Buenos Aires, un scandale de corruption impliquant sa sœur Karina et plusieurs défaites parlementaires, où les députés ont refusé de soutenir les coupes budgétaires, ont fait chuter sa popularité sous les 40 %. Il en résulte une fuite massive des capitaux qui met le peso sous pression malgré les interventions. Les obligations d’État sont à nouveau considérées comme « à risque », et le chômage augmente.

Face à la crise, les États-Unis, par la voix du secrétaire au Trésor Scott Bessent, signalent leur soutien. Bessent a déclaré que toutes les options étaient sur la table, y compris des lignes de swap et le rachat d’obligations argentines. Mais aux États-Unis, cette aide fait débat. La sénatrice Elizabeth Warren a averti dans une lettre qu’un sauvetage ne devait pas se faire « aux dépens du peuple américain ».

Les économistes sont également critiques envers une aide américaine, car elle empêcherait une dévaluation nécessaire du peso et ne réglerait pas les problèmes structurels. Milei tente de se maintenir à flot par des mesures d’urgence telles que des allègements fiscaux pour les exportations agricoles. Les élections de mi-mandat du 26 octobre seront un test décisif. Si Milei ne parvient pas à obtenir une majorité stable pour ses réformes et à renforcer la monnaie, l’expérience de la tronçonneuse pourrait prendre fin plus rapidement que ses partisans ultralibéraux ne l’auraient imaginé.

Source: Zu erst, Oct. 2025.

Le “thanato-capitalisme”

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Le “thanato-capitalisme”

Par Andrés Piqueras

Professeur de Sociologie, Université Jaume I de Castellón

Source: https://socialismomultipolaridad.blogspot.com/2025/10/el-...

L’avancée du capitalisme comporte un processus consubstantiel d’automatisation productive, qui entraîne deux conséquences dramatiques. L’une est la suraccumulation du capital (excès de machines ou de technologie par rapport à la valeur, traduite en profit, qui est générée). C’est la clé de l’inclination récurrente de ce système à la crise. L’autre conséquence concerne la dissolution de la relation salariale, c’est-à-dire le déclin aigu de l’emploi.

Face à ce dilemme, il resterait en principe deux voies. Soit, sous une forte pression sociale, on partage le travail tout en maintenant le salaire ; où le salaire direct (la paie) serait de plus en plus compensé par le salaire indirect (services sociaux) et différé (retraites), à partir d’une redistribution de la valeur ajoutée ou de la richesse sociale totale créée (un revenu de base universel aurait aussi sa place ici). Soit on accélère la destruction de l’emploi et la misère générale de la société.

Dans les deux cas, le mode de production capitaliste est remis en question et pourrait céder la place à un autre mode de production. Dans le premier cas parce qu’il est obligé de réaliser des réformes non réformistes, qui autonomisent la population. Dans le second parce que, sans relation salariale, il devient très difficile de continuer à parler de “capitalisme”.

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Mais les conséquences de cette seconde option sont désastreuses. Ce qu’on appelle aujourd’hui le “chômage structurel” est en réalité un chômage permanent (souvent camouflé sous des contrats précaires, de l’auto-emploi ou de “l’entrepreneuriat”) et une insécurité de l’emploi, accompagnée donc d’insécurité de revenus, de logement, de biens de consommation, etc., pour la plus grande partie de la société. Autrement dit, la fin de tout ce qui concerne la sécurité sociale.

Tout cela a un autre corollaire : la brutalisation croissante du travail pour ceux qui, d’une manière ou d’une autre, restent encore liés à la relation salariale. Le despotisme patronal ne pourra qu’augmenter avec l’accroissement déjà immense de l’armée de réserve industrielle mondiale.

Ainsi, les deux conséquences dramatiques évoquées au début conduisent probablement à l’effondrement du mode de production capitaliste. En d’autres termes, le capitalisme s’épuise lui-même. C’est pourquoi de plus en plus le capital revient à sa forme monétaire (d’où la financiarisation de l’économie), en dehors de la production. Signe évident de l’involution que subit ce système, qui marque le processus exactement inverse de sa naissance et de son développement (lorsque l’argent est devenu capital).

Jusqu’à présent, la dernière grande crise capitaliste que nous traînons depuis les années 70-80 a été détournée ou différée grâce à différentes mesures qui ont servi de “fusibles”, empêchant que des courts-circuits sectoriels ne détruisent ou ne fassent trop de dégâts au système : on a combattu les principaux syndicats, ou bien on les a détruits ou cooptés pour empêcher qu’ils n’influencent le marché du travail et le champ social ; on a adopté des politiques monétaires et financières (remplaçant le revenu salarial par un accès facile au crédit) et des politiques budgétaires (austérité-déflation pour protéger les créanciers rentiers) ; la Réserve fédérale américaine et les banques centrales d’Angleterre, du Japon et finalement de l’UE, ont littéralement inventé de l’argent sans aucun soutien matériel, dans le but de reconstituer une partie des actifs volatilisés.

Cependant, tout cela a fini par générer une économie fictive (bulles, spéculations, produits dérivés, méga-chantiers, prolifération des mafias...), qui montre l’épuisement de telles mesures et l’impossibilité de prolonger le fonctionnement capitaliste de façon “normale”, étant donné que les trois catégories fondamentales du capitalisme – le travail, la valeur et le capital – sont en crise permanente.

Dans sa dégénérescence finale, le système mute vers un thanato-capitalisme. C’est-à-dire un capitalisme terminal, foncièrement despotique, basé sur des nécro-politiques dont l’objectif est le démantèlement du social et l’eugénisme démographique (multipliant les “états d’exception”, d’“exclusion” et de “siège”), avant de déboucher sur d’autres modes de production.

C’est pourquoi la guerre de classe, économique ou militaire, devient la principale forme de régulation du système à l’échelle étatique comme globale. Le parrainage du terrorisme est une stratégie de combat en plein essor parmi les élites mondiales.

En témoignent le coup d’État en Ukraine (et peut-être bientôt en Transnistrie) pour accentuer la pression sur la Russie, l’offensive généralisée contre la Chine, la guerre sale en Syrie, le démantèlement d’États comme l’Irak, la Libye, la Somalie, l’Afghanistan, très bientôt le Nigéria, le Mali, etc., la “nouvelle” stratégie du Pentagone pour forcer les négociations du TTIP et faire avaler à la population européenne les conditions effroyables qui l’accompagnent.

Et maintenant la Grèce.

L’écrasement de ce pays, le massacre de cette société, est un indicateur clair des processus évoqués : il n’y a plus de possibilités de régénération économique ni de croissance, et donc plus d’espace pour la démocratie.

L’UE s’auto-dévore. En son sein, le pays le plus puissant, l’Allemagne, n’a depuis longtemps plus la correspondance territoriale de sa puissance économique. Pour tenter de compenser cela, la classe capitaliste allemande a déclenché une politique expansionniste dans le dernier quart du 19ème siècle et deux guerres contre l’Europe qui sont devenues “mondiales”. 100 ans après la première, elle détruit à nouveau le Vieux Continent, maintenant sous le couvert d’un prétendu projet commun, l’UE, qui est en réalité la Grande Allemagne. Sa guerre contre la Grèce ne laisse guère concevoir plus grand mépris pour les populations, la démocratie et la Vie.

Mais cela ne s’arrêtera pas à la Grèce. Bientôt, ce sera contre nous.

Dans le capitalisme post-démocratique actuel, il est donc extrêmement important, pour les formes organisées de la conscience sociale émancipatrice, de prendre conscience de cela et d’ajuster les stratégies politiques et les projets sociaux. Le capitalisme “amical”, régulé, keynésien, ne reviendra pas.

C’est pourquoi croire en des options électorales qui parlent de “régénérer” le capitalisme ou d’une sortie par la gauche à l’intérieur du capitalisme ne mène pas loin. Pas plus que de suivre des chefs qui disent avoir les recettes pour nous sortir de la crise et de l’indignité. Au contraire, les possibilités résident dans la construction de forces sociales à partir des racines mêmes de la société, dans la préparation du post-capitalisme, pour enclencher des pas irréversibles dans sa dissolution. Des sujets actifs qui génèrent une démocratie directe, une démocratie économique, une démocratie sociale, sans déléguer leur propre émancipation à d’autres. Tout ce qui vient d’en haut et nous incite à remplacer notre participation et notre rôle par le vote est voué à la frustration (qui prendra pour beaucoup la forme de “trahison”). Tsipras en est un exemple aussi inégalable que pathétique.

lundi, 13 octobre 2025

Changement de régime

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Changement de régime

par Andrea Zhok

Source: https://www.ariannaeditrice.it/articoli/regime-change

De temps à autre, quelqu’un rappelle à quel point la vie est difficile à Cuba ou au Venezuela, combien la population souffre, à quel point l’économie est en grande détresse. Souvent, ces personnes poursuivent en affirmant, ou à tout le moins en suggérant, que cela est la responsabilité de gouvernements illibéraux, qu’il serait donc souhaitable de renverser, afin de libérer enfin le peuple de la misère.

On ne sait jamais si c’est par ignorance ou par malveillance, mais ces personnes oublient toujours de mentionner un détail.

Des pays comme Cuba et le Venezuela sont sous l’emprise de sanctions internationales dévastatrices imposées par les États-Unis.

fotonoticia_20180806101622_1920-443258547.jpgCuba est sous sanctions depuis toujours, depuis qu’ils ont osé chasser le dictateur pro-américain Fulgencio Batista (1959) (photo).

Le Venezuela est sous embargo, interdit de vendre son propre pétrole et d’accéder au système de crédit international depuis 2017 (premier mandat Trump). Entre 2017 et 2024, le Venezuela a subi des pertes estimées à environ 226 milliards de dollars, à cause de cette étreinte.

Le petit jeu américain est, partout dans le monde, toujours le même : ils exercent une combinaison de chantages économiques, de menaces (ou d’interventions) militaires et de financement des forces pro-américaines à l’intérieur du pays qu’ils veulent contrôler. Cette usure se poursuit jusqu’à ce qu’un de leurs pantins parvienne au pouvoir, selon des modalités présentées comme une «expression spontanée de la volonté populaire».

Qu’il s’agisse de Pinochet au Chili ou d’Al-Jolani en Syrie, du Guatemala, du Nicaragua, de la Bolivie, de la Libye, etc., le schéma se répète avec de très légères variations.

Il n’y a là rien de mystérieux. Il s’agit de politique impérialiste ordinaire.

La seule chose dans ce tableau qui frôle le mystère, c’est la réactivité des « émancipateurs à ressort » des contrées occidentales. Il s’agit de naïfs aussi embarrassants que fréquents, pour la plupart des baizuo, qui, de temps à autre, se réveillent, par l'effet du journal du matin, dans la peau de courageux libérateurs de peuples opprimés.

La veille au soir, ils ne savaient même pas que tel ou tel terrible régime illibéral affamait son peuple, mais le lendemain, d’un coup, ils se découvrent protecteurs des campesinos et des droits civils dans quelque pays lointain où – quelle coïncidence – est justement en train de mûrir un « regime change made in USA ».

Puis, typiquement, le lendemain de la prise de pouvoir du nouveau régime « ami », ils oublient en temps réel l’existence même de ce pays, certains – on suppose – qu’à partir de ce moment le sort des peuples qui leur tenaient tant à cœur s’est définitivement redressé, au point qu’il ne vaut plus la peine de s’y intéresser.

Lecornu et les arrière-pensées du président

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Lecornu et les arrière-pensées du président

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/lecornu-e-la-frutta-del-preside...

Lecornu démissionne. L'impossibilité de former un gouvernement a pu être constatée par tous, de la Terre de Feu au Détroit de Bering.

Et Macron le renomme. Pour former le gouvernement.

Il a la confiance du président.

Cela ressemble à une pochade. Une comédie de Feydeau transposée à l'Élysée et dans ses environs.

Et pourtant, c'est la réalité.

À bien des égards, une réalité tragique.

Car Macron est désormais à bout de souffle. Au cours de consultations fébriles, il n'a trouvé personne, absolument personne, disposé à assumer la charge de former un nouveau gouvernement pour la France.

Personne n'est prêt à aller à l'abattoir.

Il a donc repêché le pauvre Lecornu (nomen est omen) qui, évidemment, ne peut pas lui dire non.

Il ira à l'abattoir, bien sûr, mais il lui accordera encore un peu de temps.

Et c'est ce que Macron veut. Du temps. Pour entraîner une France, qu'il ne contrôle plus, vers la guerre. La guerre avec la Russie, à laquelle il n'est, militairement, absolument pas préparé. Et qui, d'ailleurs, n'est pas souhaitée par la grande majorité des Français. Qui sont déjà en révolte contre les conditions économiques dans lesquelles ils se trouvent. Et qui, à coup sûr, rejetteraient un conflit qui ne les concerne pas. Qu'ils ne comprennent pas, et ne peuvent comprendre.

Mais Macron mise là-dessus. Contre toute logique saine. En espérant que l'état de guerre lui permette de suspendre les derniers vestiges de démocratie. Et de rester à l'Élysée. De survivre.

En somme, il nous dit: "Que la France meure, pourvu que je continue à vivre".

Un très beau programme gouvernemental.

D'autre part, Macron s'est retrouvé confronté à une situation dont il n'est pas vraiment responsable.

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Ses prédécesseurs, notamment Sarkozy et Hollande – mais Giscard a également sa part de responsabilité –, ont fait vivre la France au-dessus de ses moyens, en exploitant à l'extrême les vestiges de l'empire colonial. La Françafrique et le franc CFA en étaient les symboles et les instruments. Une monnaie qui permettait de tenir sous contrôle les colonies africaines, déjà pauvres.

Mais aujourd'hui, c'est fini. Du Burkina Faso à tous les pays au sud du Sahel, les Français sont chassés sans ménagement.

Macron n'a fait qu'aggraver la situation. Transformant ce retrait en un effondrement honteux.

Et la France se rebelle. Car elle n'est pas disposée, comme je le disais, à accepter une réduction drastique de ses conditions de vie.

Sans parler des banlieues. Où les « invités », islamistes et africains, sont maintenus partiellement calmes grâce à des dépenses et des dons continus. Au détriment, cependant, des citoyens français.

Donc, à tous points de vue, Macron est arrivé au bout du rouleau.

Le sérieux, un minimum de sérieux, voudrait qu'il présente sa démission.

Il ne le fera pas. Et il continuera à essayer de déclencher un conflit entre l'Europe et la Russie.

Pour sauver son siège à l'Élysée.

La métamorphose du corps humain au 21ème siècle

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La métamorphose du corps humain au 21ème siècle

par Giuseppe Sapienza

Source: https://socialismomultipolaridad.blogspot.com/2025/10/la-...

Lorsque le capital, poussé par son besoin d’expansion, rencontre le corps humain, il le modifie de trois manières : comme produit, comme moyen de production et comme marché en soi. Ce processus s’accompagne d’une marchandisation générale du corps humain et d’une métamorphose fonctionnelle : de l’être-corps à l’avoir-corps.

Le corps humain comme produit

En tant que marchandise achetée et vendue sur le marché de la production et de la consommation, le corps humain a toujours été limité par sa rigidité. Contrairement à de nombreux autres produits, le corps humain ne peut pas être modifié à volonté. Pourtant, c’est son mauvais état qui a préservé son humanité.

Aujourd’hui, la biotechnologie et l’intelligence artificielle semblent capables de franchir cette barrière.

La séparation du corps de l’identité individuelle a rendu possible la vente du corps humain non seulement aux autres, comme dans l’esclavage, la prostitution ou, en d’autres termes, le travail salarié, mais aussi à son propre propriétaire, qui, en interagissant avec lui-même, entre dans un cycle de création et de satisfaction de besoins comblés par les soins corporels, les traitements de beauté, la chirurgie, le fitness, etc. Ainsi, l’individu finit par devenir une sorte d’acheteur, d’utilisateur et de client de son propre corps. La biotechnologie peut élargir les possibilités du corps humain, compris comme produit, selon les besoins du marché, en identifiant de nouvelles parties spécifiques à améliorer, remplacer ou échanger ; et, à l’avenir, l’intelligence artificielle est capable de reproduire l’esprit de manière algorithmique, le séparant ainsi du corps. Dans cette perspective, n’importe quel esprit pourrait habiter n’importe quel corps, dans une sorte de marché immobilier du corps humain.

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Le corps humain comme instrument de production

En tant qu’instrument de production, le corps humain a montré toutes ses limites depuis la naissance de la vie sociale. La marge d’amélioration structurelle est très différente. Les machines peuvent être modifiées, améliorées et remplacées indéfiniment, tandis que les humains restent inchangés depuis le jour imaginaire où ils se sont proclamés humains.

L’incapacité du corps humain à être modifié structurellement a laissé sa capacité productive osciller entre une marchandise inestimable hors marché et, au contraire, un produit sans marché et une marchandise de faible valeur.

Le corps humain comme marché en soi

Si l’on imagine le corps humain comme un lieu géographique où l’on achète et vend des biens comme des montres, des vêtements ou des bijoux, sa plasticité limitée représente un obstacle à l’expansion du capital car, si le marché des montres exige un troisième bras, l’humain ne peut s’en doter.

Le capital a tenté de contourner cette limitation par la multiplication des individus et l’augmentation conséquente de la population mondiale.

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La façon dont, ces dernières années, le capital est allé au-delà des usages traditionnels du corps humain comme marché en soi (vêtements, mode, accessoires, produits pharmaceutiques, etc.) l’a vu s’immiscer dans le corps humain, donnant lieu à un marché du sang, des organes, et, plus récemment, du sperme et des ovules, et à la location d’utérus pour la reproduction.

Ces dernières années, les avancées technologiques ont permis la conception de médicaments personnalisés, la modification génétique, les nano-médicaments, la protéomique, les cellules souches et la biologie synthétique, qui promettent de faire du corps humain un marché aux possibilités immenses.

Le scénario le plus inquiétant est celui de l’homme du 21ème siècle totalement séparé de son corps, totalement marchandisé et soumis aux règles du marché.

Dans les perspectives les plus extrêmes de l’intelligence artificielle, le corps peut être habité, acheté et vendu comme un appartement, tandis que du point de vue de la biotechnologie, il peut être modifié à volonté, amélioré et intégré à des parties robotiques.

Dans cette perspective, la vieille phrase de Sénèque : « Celui qui est esclave de son propre corps n’est pas libre » prend un tout autre sens.

Chaos permanent en France: un mauvais présage pour l'Allemagne et l'Europe

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Chaos permanent en France: un mauvais présage pour l'Allemagne et l'Europe

Paris. Nouveau coup de théâtre chez nos voisins : après seulement 27 jours en fonction, le Premier ministre Sébastien Lecornu a annoncé lundi sa démission. Le pays va ainsi avoir son sixième chef de gouvernement en deux ans, et le quatrième en douze mois. Lors de son entrée en fonction en septembre, Marine Le Pen, du Rassemblement national, avait prédit que Lecornu serait la « dernière cartouche » de Macron.

Comme la plupart de ses prédécesseurs, Lecornu a lui aussi échoué en raison de l'instabilité chronique qui règne à l'Assemblée nationale à Paris. Le parti du président Macron n'y représente plus qu'un petit groupe parlementaire, coincé entre les grands blocs de gauche et de droite. Le Rassemblement national de Marine Le Pen forme certes le groupe le plus puissant, mais il reste exclu de la formation du gouvernement – une réplique du « mur de feu » (ou cordon sanitaire) allemand.

Le camp de gauche est quant à lui fragile. Il dispose certes de plus de sièges que le Rassemblement National en raison du scrutin majoritaire français, mais il est fragmenté en plusieurs groupes parlementaires et exige de Macron une politique radicale de gauche qu'il ne peut soutenir.

Macron n'a désormais plus que deux options : soit il intègre le Rassemblement national de Le Pen au gouvernement, ce qui, dans l'état actuel des choses, l'obligerait à céder le poste de vice-président à Jordan Bardella, le protégé de Marine Le Pen, soit il organise de nouvelles élections, lors desquelles le Rassemblement national devrait encore renforcer sa position.

Cette crise ne marque pas vraiment un tournant dans la politique française. Le chaos est depuis longtemps institutionnalisé dans ce pays voisin. Elle est toutefois un signe avant-coureur pour l'Allemagne voisine. Elle montre en effet où mènent les « murs coupe-feu » idéologiques (les "cordons sanitaires"). Les différences entre le scrutin majoritaire français et le scrutin proportionnel allemand sont finalement négligeables : même le système électoral allemand, qui offre depuis un certain temps des résultats électoraux impressionnants à l'AfD, pourrait conduire à long terme à une situation instable si les partis traditionnels s'accrochent à leur « mur coupe-feu ». Même de légers changements dans les résultats électoraux pourraient contraindre l'Union et la SPD à former une nouvelle coalition avec les Verts. Les conséquences éventuelles en sont d'ores et déjà connues. (mü)

Source: Zu erst, octobre 2025. 

Argentine : nuages d’orage et vents de changement

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Argentine : nuages d’orage et vents de changement

Javier M. del Castillo

Source: https://euro-sinergias.blogspot.com/2025/10/argentina-nub...

I.

Le dimanche 7 septembre dernier, le gouvernement de Javier Milei a subi le choc d’une défaite retentissante lors des élections législatives et municipales qui se sont tenues dans la province de Buenos Aires : Fuerza Patria (FP), la coalition dirigée par le Parti Justicialiste, est sortie largement gagnante, s’imposant dans 6 des 8 circonscriptions électorales existantes. Elle a dépassé de plus de 13 points La Libertad Avanza (LLA), une coalition composée du parti éponyme du président argentin et de Propuesta Republicana (PRO) de l’ex-président Mauricio Macri. Ainsi, à la Chambre des députés de Buenos Aires, FP a obtenu 39 sièges, à 8 du quorum, tandis que la coalition LLA a atteint un total de 30 sièges. Parallèlement, au Sénat provincial, FP a obtenu 24 sièges, atteignant le quorum, tandis que la coalition LLA totalisait 16 sénateurs.

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Ces résultats affaiblissent non seulement gravement les positions de la LLA et de ses alliés dans l’État le plus important de la République argentine. Ils augmentent également de manière significative la probabilité d’une défaite lors des élections législatives nationales du 26/10/25. Cela s’explique par l’importance considérable de la province de Buenos Aires dans la politique argentine: elle abrite près de 40 % de la population nationale et détient 35 des 127 sièges à renouveler à la Chambre des députés de la Nation. Mais en outre, cette augmentation des probabilités est due à l’attitude adoptée par Milei lui-même face aux élections de Buenos Aires: avec un ton ouvertement triomphaliste, le président n’a pas hésité à conférer à ces élections provinciales une signification et une portée nationale.

Face à la clarté du message transmis par les électeurs de Buenos Aires, le président n’a pas tardé à reconnaître publiquement la défaite. Cependant, il a aussitôt confirmé l’orientation politique de son gouvernement, annonçant même son renforcement et son accélération. Une telle confirmation, face à la fermeté du scrutin, met en évidence une dangereuse obstination du président et alimente en parallèle les soupçons d’une forte influence occulte, dans l’agenda de son gouvernement, d’intérêts contraires à la Nation argentine.

Ces deux considérations gagnent encore en crédibilité lorsqu’on tient compte de quatre revers sévères subis par le président au Congrès national. L’un, trois jours avant les élections de Buenos Aires, et les autres, les 18 septembre et 2 octobre : par de larges majorités, les vetos présidentiels contre les lois d’urgence nationale concernant le handicap, la répartition des apports du Trésor national aux provinces, l’urgence pédiatrique et le financement universitaire, ont été rejetés. Ces vetos, malgré l’importance et la gravité des sujets concernés, avaient été annoncés publiquement par le président sur un ton vantard, provocant, voire moqueur, allant jusqu’à dénigrer les promoteurs des initiatives législatives dont question. Depuis plus de 20 ans, le Congrès national n’avait pas rejeté un veto présidentiel…

II.

Il va sans dire que le rejet du premier de ces revers, survenu quelques jours avant les élections de Buenos Aires, a fortement contribué à la défaite électorale de la LLA dans cette province. Cependant, il serait erroné d’omettre au moins deux autres facteurs qui ont également conduit à ce résultat :

1) L’échec de la politique économique :

Le gouvernement de Milei met particulièrement en avant, parmi les mérites de sa politique économique, la lutte contre l’inflation et l’excédent budgétaire primaire obtenu en 2024 (10,4 billions de pesos). Ces deux points exigent les précisions suivantes :

- Il est vrai que le processus d’inflation a ralenti. Cependant, il n’en est pas moins vrai que c’est ce même gouvernement qui, en décembre 2023, a provoqué un bond brutal de l’inflation (de 10/12 % à 25,5 % par mois) et que, depuis, celle-ci n’a cessé de croître, atteignant en juin 2025 une accumulation de 214,4 %.

- L’excédent budgétaire primaire a été obtenu grâce à un ajustement extraordinaire des comptes de l’État national (le plus dur de l’histoire argentine, selon les dires de Milei lui-même). Mais cet ajustement, loin de peser sur “la caste” comme le promettait le président pendant sa campagne électorale, a été supporté par le peuple argentin accablé (par la dévaluation des revenus et subventions dus à l’inflation ; par la paralysie massive et indiscriminée des travaux publics ; par la réduction drastique des prestations sociales ; par des hausses exorbitantes des tarifs des services publics et des impôts distorsifs, comme les “taxes sur les carburants” ; etc.). De plus, cet excédent budgétaire a finalement servi à payer une partie des intérêts de la dette publique de l’État central.

En conséquence, loin de la relance tant promise et attendue, l’économie argentine continue à montrer de nombreux signes d’alarme : contraction de l’activité industrielle, augmentation du chômage, dépréciation des salaires réels, chute de la consommation intérieure, dégradation grave de l’infrastructure logistique, insuffisance énergétique, etc. À ce sombre panorama s’ajoutent : la mauvaise santé des comptes de la banque centrale (réserves nettes négatives : entre 4 et 8 milliards de dollars US) et une augmentation hypertrophiée de la dette publique de l’administration centrale (par prise de prêts sans capacité de remboursement, acceptation ou offre de taux exorbitants, renégociation systématique, anatocisme et emprunt pour payer la dette). Il suffit de mentionner le sauvetage de 44 à 48 milliards de dollars conclu avec le FMI et d’autres entités il y a quelques mois, ou les démarches désespérées en vue d’obtenir une aide financière du Trésor américain, pour conclure que l’Argentine se trouve déjà à l’épicentre d’une nouvelle crise de la dette publique, avec un risque sérieux de défaut de paiement.

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Parallèlement, le spectre de la dévaluation du peso agite, car le gouvernement de Milei “subventionne” le taux de change avec le dollar américain par la dette publique, le maintenant artificiellement bas. Ce taux n’est pas viable, en premier lieu, à cause de son artificialité et de la volatilité de la dette qui le soutient. Mais aussi parce qu’il s’agit d’un taux de change non compétitif pour le commerce extérieur, lequel, combiné à la politique d’ouverture de Milei qui supprime les barrières à l’importation, déséquilibre la balance commerciale.

2) Scandales pour délits présumés :

Depuis le début de 2025, divers cas retentissants ont éclaboussé le gouvernement de Milei : celui de la crypto-monnaie $LIBRA ; celui du fentanyl contaminé qui a déjà causé plus de 100 morts ; celui des enregistrements attribués à l’ex-directeur de l’Agence nationale du handicap, évoquant des pots-de-vin systématiques impliquant Karina Milei, sœur du président et secrétaire générale de la présidence ; et celui de la relation du député José L. Espert, l’une des principales figures du parti au sein de la Chambre basse nationale, avec ‘Fred’ Machado, un homme d’affaires argentin assigné à résidence en attente d’extradition demandée par un tribunal texan pour trafic de drogue et blanchiment d’argent, entre autres délits (suite à ce scandale, Espert a fait l’objet d’une plainte pénale en Argentine et vient de renoncer à sa candidature au Sénat national)…

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Ces affaires ont mis à mal l’un des principaux atouts politiques du “mileisme” : le drapeau de l’honnêteté, de la transparence et de l’efficacité. Par ailleurs, ces scandales ont favorisé la réémergence d’anciennes accusations publiques contre divers dirigeants de la LLA, formulées par d’anciens partisans “mileistes” désabusés, concernant : paiement pour des réunions avec Milei, vente de candidatures et même harcèlement sexuel. Dans ce contexte inquiétant, face à une population de plus en plus lassée, certaines voix publiques commencent à affirmer que Milei consomme régulièrement des psychotropes puissants et porte des couches en raison de son incontinence. De plus, certains l’accusent publiquement d’avoir consommé et/ou diffusé de la pornographie infantile (des rumeurs qui, par leur extrême gravité, provoquent un mélange de confusion, de perplexité, d’indignation et de rejet).

III.

Inutile de dire que tout ce qui précède constitue un cocktail explosif d’une grande dangerosité, d’autant plus dans un contexte où, pour couronner le tout, l’ensemble des forces politiques est affaibli dans sa représentativité (les taux élevés d’abstention et de vote blanc en témoignent). Dans ces conditions, l’atmosphère argentine est de plus en plus imprégnée du parfum funèbre d’un possible effondrement du gouvernement Milei, ainsi que du sentiment inquiétant que le pays est à la veille de changements brusques. Ce n’est pas un hasard si, dans les milieux politiques, la presse et l’opinion publique, les diagnostics de “fin de cycle” et les pronostics d’“éclatement de la crise” résonnent de plus en plus fortement. D’ailleurs, ces présages trouvent un écho dans de nombreux médias et cercles proches ou alliés du gouvernement Milei.

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Au milieu de ce contexte sombre et préoccupant, une actrice clé se détache, dont la pertinence politico-institutionnelle semble grandir de jour en jour dans cette conjoncture difficile. Il s’agit de la vice-présidente de la nation, Victoria Villarruel (photo), qui serait appelée à assumer la présidence du pays en cas de départ anticipé de Milei. C’est une figure politique très différente de celle du président. Contrairement aux extravagances idéologiques de ce dernier, Villarruel revendique un patriotisme profond, sain et limpide, enrichi d’autres valeurs traditionnelles chères au peuple argentin. Face aux scandales qui entachent l’image de Milei, la réputation de Villarruel est exempte de tout soupçon de corruption. À l’opposé des emportements et des débordements du “manieur de tronçonneuse”, Villarruel fait preuve d’une grande prudence et de bon sens. C’est une qualité que la vice-présidente a démontrée, par exemple, par la lucidité et la fermeté avec lesquelles – dans un bel exemple de dignité personnelle et de responsabilité politique – elle a su répondre aux attaques injustifiées et acharnées de Milei à son encontre. À l’opposé de l’intransigeance radicale dont se vante ouvertement ce dernier, Villarruel a montré une remarquable ouverture au dialogue politique, une attitude qui n’a pas tardé à être remarquée et appréciée dans divers milieux politiques, favorisant le rapprochement de personnalités importantes, notamment des sénateurs nationaux et des gouverneurs de provinces.

À cela s’ajoute un facteur objectif fondamental, qui est l’Argentine elle-même. Ses immenses richesses et la résilience démontrée de ses habitants maintiennent ouverte la possibilité d’une reprise relativement rapide du pays, malgré la gravité des problèmes qui l’assaillent. Une reprise qui dépend, bien sûr, des changements de cap que la direction politique devra effectuer.

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Tout cela apporte un peu de sérénité et encourage un certain optimisme face à la tempête qui semble sur le point de s’abattre sur l’Argentine. Il convient ici de rappeler que le père de la vice-présidente, Eduardo Villarruel (photos), haut gradé de l’Armée argentine et vétéran reconnu de la guerre de l’Atlantique Sud, concluait souvent ses conférences géopolitiques destinées à la jeunesse en soulignant l’immense potentiel argentin et en appelant à un engagement patriotique actif. Peut-être la Providence divine a-t-elle prévu de confier à la fille de ce valeureux lieutenant-colonel la tâche de prendre la barre du navire national, de manœuvrer pour éviter la tempête qui s’annonce et de remettre le pays sur la voie de la grandeur.

Dans le contexte actuel, les signes se multiplient qui permettent de penser que, plus tôt que tard, les événements en Argentine vont s’accélérer de façon dramatique, et que la situation incertaine du pays sud-américain prendra une direction – pour le meilleur ou pour le pire. Pour l’instant, seul DIEU sait ce qu’il adviendra…

Javier M. del Castillo est avocat et professeur d’université argentin.

« L’Europe comme vassale » - Les mémoires de Stoltenberg

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« L’Europe comme vassale »

Les mémoires de Stoltenberg révèlent la dépendance totale de la direction de l’OTAN aux États-Unis et montrent que les politiciens ne sont que de simples gestionnaires

Arnaud Bertrand

Source: https://uncutnews.ch/europa-als-vasall-stoltenbergs-memoi...

Il est extraordinairement instructif de lire le livre de Stoltenberg sur son expérience en tant que secrétaire général de l’OTAN.

The Guardian vient d’en publier un long extrait.

Ce qu’il montre, entre autres :

ZÉRO réflexion stratégique et ZÉRO prévoyance

D’après les propres mots de Stoltenberg, il croyait en 2016 que Hillary gagnerait – cette croyance était basée sur son « intuition » – et a été « surpris » lorsque Trump a remporté l’élection.

La victoire de Trump l’a rendu très « nerveux », car Trump « avait déclaré dans une interview télévisée fin mars: "L’OTAN est obsolète"».

Réfléchissez-y deux minutes. Vous êtes le secrétaire général de la plus grande alliance militaire du monde, responsable de la sécurité de près d’un milliard de personnes. Un pays finance 80 à 90% de votre budget. Il y a une élection à deux issues possibles – et l’un des candidats a publiquement qualifié votre alliance d’«obsolète». Et pourtant, vous ne prenez aucune disposition au cas où il gagnerait, ni ne cherchez à comprendre, au-delà des déclarations médiatiques, comment il pense. Vous supposez simplement qu’il va perdre, sur la base de votre « intuition » – et quand il gagne, vous êtes « nerveux ».

Vous n’êtes en fait pas différent d’un téléspectateur ordinaire qui regarde CNN dans son salon – vous n’apportez aucune valeur ajoutée. C’est de la négligence stratégique au plus haut degré. Comme le dit le proverbe: «Gouverner, c’est prévoir» – ce qui, concrètement, signifie que la plus grande alliance militaire du monde n’était pas dirigée, et Stoltenberg l’avoue lui-même dans ses mémoires, comme si cela était tout à fait normal. C’est insensé !

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Et il ressort clairement de l’extrait que Stoltenberg n’était pas seul: personne n’était préparé, tous les dirigeants européens ne faisaient que réagir, au lieu d’agir.

Stoltenberg décrit un sommet de l’OTAN avec Trump en juillet 2018, où ce dernier menaça de quitter non seulement le sommet, mais l’OTAN elle-même si les autres membres n’augmentaient pas immédiatement leurs dépenses.

La scène, telle que la décrit Stoltenberg, est incroyablement pitoyable: le «père» annonce qu’il pourrait couper l’argent de poche, et les «enfants» se bousculent pour défendre leur cause. Merkel raconte à Trump les soldats allemands qui meurent en Afghanistan – «malgré une forte opposition dans mon pays, où beaucoup se demandent ce que l’Afghanistan a à voir avec nous». Le Premier ministre danois souligne également le «sacrifice de sang» de son pays pour les États-Unis, et sa voix «tremblait» lorsqu’il disait: «rapporté à la population, le Danemark a perdu plus de soldats en Afghanistan que les États-Unis».

Chacun rivalise pour montrer à Papa Trump quels « bons enfants » ils sont – des supplications émotionnelles depuis une position de dépendance totale. Il n’y a aucune préparation ni réponse stratégique.

Et pourtant, cela aurait pu être l’opportunité du siècle. Nous sommes en 2018, des années avant la crise ukrainienne et un an après que Macron a, pour la première fois, prôné l’« autonomie stratégique » de l’Europe. Trump offrait à l’Europe cette autonomie stratégique sur un plateau d’argent – en temps de paix, idéal ! Mais au lieu de saisir cette chance, les Européens – Macron inclus – ont gaspillé toute leur énergie à préserver le statu quo. Le résultat, nous le voyons aujourd’hui.

C’est une accusation accablante – et le pire, c’est que Stoltenberg en parle comme s’il avait bien géré une crise. Il ne se rend même pas compte qu’il vient de faire un aveu de faillite stratégique.

La colonisation des esprits

Ce qui ressort particulièrement de cet extrait, c’est à quel point l’Europe est devenue colonisée. Dès la nuit de l’élection américaine, lorsque Stoltenberg «a organisé une fête avec des amis et collègues dans sa résidence à Bruxelles. Nous avons installé une grande télévision dans le salon, et des hamburgers ont été servis».

En réalité, tout l’extrait – et probablement tout le livre – ne parle que des États-Unis : il s’agit de façon obsessionnelle de ce que pensent les Américains, de ce qu’ils veulent, de ce qu’ils pourraient faire. L’Europe n’existe pratiquement pas comme entité indépendante avec ses propres intérêts ou objectifs – ce n’est qu’un objet qui réagit aux mouvements américains. Le livre se lit comme le journal d’un eunuque nerveux à la cour impériale, qui observe l’humeur du souverain et considère comme un succès de rester dans ses bonnes grâces.

Un autre passage de l’extrait est particulièrement révélateur à cet égard. Stoltenberg décrit comment il a ordonné à tous les employés de l’OTAN de «se discipliner» vis-à-vis de Trump:

« Pas de roulements d’yeux lors des tweets ou des apparitions publiques de Trump ; pas de rires moqueurs à propos des vidéos ; pas de blagues sur le golf ou ses manières. Tolérance zéro était essentielle. Même un petit groupe qui se moque peut contaminer l’organisation. Et si Washington apprenait que des employés de l’OTAN se moquent de Donald Trump, ce serait désastreux. »

C’était son obsession : pas la planification stratégique, ni les intérêts européens, mais la peur que quelqu’un à Washington entende que les Européens ne sont pas assez respectueux envers l’« empereur ».

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C’est l’impérialisme réussi: les colonisés deviennent les exécutants les plus zélés des colonisateurs. Plus encore que dans le cœur de l’Empire – car aux États-Unis, à ma connaissance, rouler des yeux et plaisanter sur Trump est permis. À Bruxelles, en revanche, c’est interdit.

L’Europe est morte en tant qu’unité politique

À un niveau encore plus profond, le livre montre non seulement que les Européens manquent d’autonomie stratégique ou qu’ils sont mentalement colonisés – il montre qu’ils ont perdu le concept même de capacité d’action politique.

Stoltenberg et les dirigeants européens, tels qu’il les décrit, ne sont pas des hommes politiques avec un grand P, mais de simples gestionnaires, de petits bureaucrates.

Regardez comment Stoltenberg décrit son « succès » : il a empêché la réunion de s’effondrer, trouvé une formule pour sauver la face, empêché Trump de quitter la salle. Mais il ne s’occupe absolument pas du fond – à quoi tout cela sert-il ? Que veut réellement atteindre l’Europe ? Ces questions n’existent même pas dans son univers mental.

Cela va au-delà de la dépendance. Je compare souvent l’Europe actuelle à la fin de la dynastie Qing pendant le « siècle d’humiliation ». Mais malgré tous ses défauts – l’Empire Qing était conscient de son humiliation. Il comprenait que le but était la restauration nationale. La politique était vivante, même durant la colonisation.

Mais quel est l’équivalent européen ? Où est la conscience qu’il y a quelque chose de fondamentalement faux ? Les mémoires de Stoltenberg montrent un homme qui se considère comme un homme à succès – sur la base d’une définition totalement faussée du succès. Le patient ne sait même pas qu’il est malade. Les élites européennes d’aujourd’hui ont même perdu la conscience politique la plus élémentaire.

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L’historien français Emmanuel Todd a récemment évoqué un « processus de dégénérescence intellectuelle et morale », où « toutes les notions de vérité, d’honneur et de réflexion » disparaissent en Europe.

Ce livre en est l’illustration parfaite:

Un homme qui documente son propre échec politique, décrit des scènes de soumission et d’humiliation profondes – et présente tout cela comme l'histoire d'un succès.

La dégénérescence est totale, lorsqu’on l’appelle cela du « travail bien fait ».

dimanche, 12 octobre 2025

La flotille du vide

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La flotille du vide

Jordi Garriga

Nous vivons dans une sorte de simulation, c'est la chose la plus logique qui me vienne à l'esprit. Car si on me disait que tout cela n'était qu'une vaste farce, je pourrais me mettre en colère, mais je ne l'exclurais certainement pas non plus. Je veux parler de l'énième « mission humanitaire » que nos habituelles starlettes nous ont offerte: du politiquement correct, recouvert d'autopromotion de nature électoraliste, le tout avec une grande candeur. Servez chaud, svp.

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Il est clair que toute la mission de la Global Sumud Flotilla a été chorégraphiée du début à la fin. Quiconque a regardé trois journaux télévisés savait déjà qu'ils seraient interceptés avant même d'arriver ; qu'ils seraient retenus (même pas détenus) pendant deux ou trois jours maximum, et dans des conditions plutôt correctes ; et qu'ils seraient renvoyés à l'odeur de la foule (ou des journalistes). Il y avait Greta Thunberg et Ada Colau, des personnes de la caste des intouchables. Pourquoi leur arriverait-il quelque chose ? Ce voyage n'a été qu'une nouvelle plateforme de marketing personnel indéniable. Loin d'être un acte discret de solidarité, il s'est transformé en une émission de télé-réalité itinérante, où nous avons découvert une autre étoile à l'horizon, Ana Alcalde (Barbie Gaza) (photo). Pour eux, ce voyage n'était qu'un exemple de moralité, un moyen facile d'acheter l'admiration sociale sans courir de réel danger.

Ce qui m'a paru véritablement obscène, c'était la diffusion de vidéos de danse sur le pont ou de publications sur les réseaux sociaux d'une frivolité choquante, contrastant avec la tragédie évidente que ces gens étaient censés aller atténuer. Cela a donné lieu à des attaques impitoyables de notre droite sioniste espagnole, comme celles d'Isabel Díaz Ayuso : « Si l'assemblée flottante du corps enseignant croyait qu'Israël était un État génocidaire, ils ne seraient pas venus, même s'ils étaient fous.» Elle les connaît bien, car elle aussi fait partie de ce Premier Monde au sein du Premier Monde, éloignée des réalités quotidiennes du monde et du pays lui-même.

Je crains que peu de gens en Occident soient épargnés : les horreurs bien réelles des bombardements, de la faim et des décombres peuvent nous ébranler, nous poussant à la condamnation et à la solidarité, simplement pour nous sentir bien, car c’est la « religion sans religion » qu’on autorise à afficher dans nos sociétés. Celle-ci, et toute autre religion exotique, pour ne pas se sentir raciste, bien sûr…

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Les grands maîtres de cérémonie de cette démocratie émotionnelle, les politiciens de tous bords, savent exploiter ces situations pour mobiliser leurs bases, faire la une des journaux et se forger une image de « combattants antisystème » ou de « défenseurs de la civilisation », de droite comme de gauche, tout cela sans l’effort d’une diplomatie sérieuse ou de négociations complexes. L’activisme de façade est conçu pour la consommation médiatique et les prochaines urnes, plutôt que pour une solution efficace. C’est de la démocratie émotionnelle.

À Gaza, en Palestine, je ne sais pas comment ils accueillent tout cela. Ils apprécient sûrement cela d’un point de vue moral. J'espère qu'ils mesurent la différence entre ceux qui les soutiennent sincèrement et les politiciens qui, alors qu'ils pourraient agir efficacement, lorsqu'ils pourraient véritablement aider, se contentent d'agiter des mouchoirs, des drapeaux ou des paroles creuses, transformant leur souffrance en un simple spectacle, avec son créneau horaire et ses rituels consensuels d'indignation.

Sous la noble bannière de l'aide, la flottille a transporté moins de tonnes de matériel réel que de TikToks et d'ambitions politiques.

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Le pape de glace et la longue désintégration du catholicisme

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Le pape de glace et la longue désintégration du catholicisme

Par Nicolas Bonnal

Le nouveau pape américain, qui devait nous faire oublier Bergoglio, bénit les glaçons et prêche un grand remplacement plus rapide de ses ouailles blanches. Voilà où nous en sommes. Le prêchi-prêcha humanitaire évoque depuis Vatican II (au fait ses prêtres ne valent rien, découvrez ou relisez Rama Coomaraswamy pour comprendre) les abeilles, les migrants, et désire ardemment le grand remplacement de l’Europe et des pays blancs. La pauvreté pour tous est un bel objectif qui rime avec les objectifs de Fink et des mondialistes. C’est le Grand Reset pour tous mené par une poignée de manipulateurs de symboles (expression de Robert Reich) qui ont pris la place de la hiérarchie cléricale adoratrice du pauvre et du soumis. Le but reste bien catholique : pauvreté, chasteté et obéissance…

Mais je ne veux pas ici évoquer une déchéance chrétienne. Je veux évoquer un problème chrétien, que des éclaireurs courageux comme Laurent Guyénot (photo, ci-dessous) ont enfin souligné. Laurent a rejoint de grands esprits intuitifs comme Nietzsche et Céline et il a étayé leurs propos incisifs.

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L’autodestruction est devenue une obsession catholique, pendant que les sectes protestantes s’étiolent ou deviennent de plus en plus dangereuses, à commencer comme toujours par l’Angleterre. Après on accuse les juifs mais avec des chrétiens comme ça… certes on pourra toujours fonder une communauté fanatique et désireuse de résister, mais on sait que cela ne dure pas longtemps. L’Etat moderne ou la faiblesse humaine en viennent vite à bout. Et la natalité chrétienne ne tient plus depuis longtemps sur le long terme, contrairement à l’israélienne, plus en forme que jamais.

Il faut en revenir aux origines et bien comprendre qu’on est face finalement à une secte à la fois juive et antisémite qui a connu un succès incroyable. On comprend dès lors pourquoi les Juifs victimes de cet antisémitisme religieux ridicule ne supportaient pas ce cadre dans lequel ils ont survécu impeccablement et qui les a rendus plus forts. Jamais le mot de Nietzsche ne s’est mieux appliqué qu’à eux : ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts. Le judéo-christianisme actuel qui rime avec judéo-crétinisme ne fait que rendre à César ce qui est à César : c’est le Dieu juif que nous adorons, assez maladroitement, depuis deux mille ans. Là-dessus Céline comme Nietzsche avaient raison. Nietzsche décrit ce Triomphe du peuple sacerdotal dans généalogie de la morale qui est passé par un prophète persécuté par les juifs eux-mêmes, et Céline regrette la défaite des dieux aryens qui annonce la « victoire des douze juifs » et l’engloutissement de l’Europe par le « lupanar afro-asiate » (Céline toujours). Mais certains dont je suis observent justement que cette invasion se produit depuis que nous ne sommes plus du tout chrétiens.

Dans le même élan les grands écrivains catholiques antimodernes se sont rendu compte de la catastrophe : Bernanos a parlé d’une administration cléricale en accord avec les diktats de l’Etat moderne (voir citations plus bas) ; Léon Bloy a parlé de la fin des agonies et de l’atrophie générale de l’esprit chrétien ; enfin Chesterton a parlé de ces idées chrétiennes devenues folles parce qu’elles l’étaient déjà au départ. Mais je mets au défi qui que ce soit de trouver dans l’enseignement de Jésus fils de Joseph un pilier pour établir une civilisation sereine et solide (refus de la famille, des élites, de l’État, de la culture, de l’argent, etc.).

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Le christianisme s’est construit ensuite et assez mal comme on a pu le constater au bout de siècles de guerres, de compromissions et d’hérésies. Enfin on ne devient pas chrétien par l’opération du Saint-Esprit mais par la propagande (mot inventé par le Vatican) et par la persécution. Il fallut attendre longtemps pour le comprendre, voyez Laurent Guyénot et quelques autres comme Ramsey MacMullen (photo, ci-dessus). Seule la Renaissance et le boom scientifique  de l’époque des Lumières nous ont arrachés (pour le meilleur et pour le pire, mais c’est une autre question) à l’arriération antérieure. Nietzsche a adoré la Renaissance mais regretté Luther et la contre-réforme.

D’un autre côté cette clochardisation chrétienne revient avec le Grand Reset, le prodigieux appauvrissement actuel et la bêtise incroyable qui règne en Occident pour des questions morales et humanitaires. Tout pourrait se terminer par cette apocalypse molle et médiocre, celle que devinait et décrivait brillamment T. S. Eliot dans son texte (texte plus que poème) sur les hommes creux. Mais l’atmosphère de croisade qui règne contre la Russie et le reste du monde ne nous garantit pas non plus un futur équitable. Cet esprit de missionnaire et de croisade morale qui est le fondement du christianisme géopolitique aura été un désastre permanent.

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A dire vrai donc la catastrophe chrétienne est ancienne : dans son grand livre sur la crise de la conscience européenne, l’historien Paul Hazard citait Swift qui avec son ironie coutumière se demandait par quoi on allait remplacer le christianisme au siècle du libertinage et du capitalisme qui commençait. On était en 1707 et toutes les Lumières liquidaient déjà le christianisme. La France des lettres persanes et de Manon Lescaut n’est plus chrétienne dès le début du XVIIIème siècle et elle attend son coup de grâce qui s’est passé sans coup férir comme l’observait le RP Bruckberger. Léon Bloy a même vu que la révolution n’avait pas produit de martyrs ; elle a juste rétréci et raccourci les hommes. Même Victor Hugo, qui est parfois un Nietzsche de gauche, remarque dans son Quatre-Vingt-Treize un rétrécissement des hommes depuis la Révolution Française.

Le christianisme écrasé et rétréci par la Révolution et l’Empire (l’agent Napoléon a détruit Espagne catholique et la Russie orthodoxe) a subsisté comme on sait ensuite mais il a été remplacé par son masque comme disait Feuerbach vers 1850. La religion déchoit. Gustave de Beaumont l’ami de Tocqueville remarque que le prêcheur a un business aux Etats-Unis. On est déjà dans un « pays juif » dont le dieu est l’argent comme dit Marx dans son texte célèbre sur la question juive : c’est Marx qui a compris que peut-être Beaumont est plus important que Tocqueville pour comprendre le monde moderne. Tocqueville est surtout important dans son tome II quand il pressent et décrit l’esprit socialiste et égalitaire français (plus qu’américain)…

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Dieu est mort mais on fait semblant de continuer. L’historien républicain Michelet (portrait) le voit aussi, qui explique qu’une spiritualité morte (zombie, dit Emmanuel Todd de nos jours) peut continuer de durer par habitude et par éducation, il oublie de dire par intérêt, le catholicisme étant devenu depuis le dix-neuvième siècle une religion exclusivement bourgeoise, surtout depuis la disparition de la classe paysanne, que les bourgeois modernes ont mis tant de cœur à exterminer pendant qu’ils modernisaient leurs pays et les déracinaient physiquement et spirituellement. Les petits bergers de Fatima ne reviendront pas, comme le montrait Fellini dans une scène célèbre de Roma.

On a eu des copies de christianisme et on a eu un christianisme bourgeois et conservateur (celui qui a bâti l’Europe totalitaire de von der Leyen avec les socialistes et les informaticiens américains) et on a eu un christianisme apocalyptique réservé à des esprits catastrophés comme l’amusant Léon Bloy qui plaisait bien à Kafka (son livre sur les juifs dit-il est surtout un livre contre les antisémites de son temps comme Drumont). C’est ce christianisme qui annonce les cosaques et le Saint-Esprit en 1917 et qui récupère les bolcheviques et le communisme, en attendant de déboucher sur un mondialisme de marché qui, à tout point de vue, est pire que le communisme (ce dernier garantissait comme le franquisme néo-catholique natalité, éducation, santé et éducation gratuite…). Mais c’est celui que veulent les catholiques et les chrétiens un peu partout dans le monde, avec leurs partis de droite ou de centre-droit. La religion climatique s’est agrégée à ce train de la mort et du nihilisme ambiant.

Certains enfin croient  toujours à une solution finale, à un réveil chrétien ultime mais ils ignorent l’histoire du christianisme telle qu’on devrait l’enseigner. La destruction de l’empire romain, l’invasion migratoire sous Théodose et la dépopulation qui s'en est suivie suite à l’application du christianisme (les âges sombres, comme on dit justement) au cours du premier millénaire, les invraisemblables génocides, persécutions, croisades génocidaires et inutiles, guerres civiles et totalitarismes papistes (voyez Luchaire ou notre ami Guyénot) et enfin pour finir une cauchemardesque atmosphère de vacance fatiguée et de fumet bourgeois qui se dégagent des chrétiens de la fin, tout cela ne donne pas du paquet-cadeau une haute image. Mais ce n’est grave : - continuons, comme dit un personnage de Sartre aux enfers.

On va donner la dizaine de citations indispensables qui serviront à éclairer ce que nous venons de dire. Commençons par les écrivains chrétiens qui ont compris la catastrophe chrétienne moderne :

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Léon Bloy :

« Le christianisme, quand il en reste, n’est qu’une surenchère de bêtise ou de lâcheté. On ne vend même plus Jésus-Christ, on le bazarde, et les pleutres enfants de l’Église se tiennent humblement à la porte de la Synagogue, pour mendier un petit bout de la corde de Judas qu’on leur décerne, enfin, de guerre lasse, avec accompagnement d’un nombre infini de coups de souliers. »

Autre envolée magnifique :

« On est bien forcé d’avouer que c’est tout à fait fini, maintenant, le spiritualisme chrétien, puisque, depuis trois siècles, rien n’a pu restituer un semblant de verdeur à la souche calcinée des vieilles croyances. Quelques formules sentimentales donnent encore l’illusion de la vie, mais on est mort, en réalité, vraiment mort. Le Jansénisme, cet infâme arrière-suint de l’émonctoire calviniste, n’a-t-il pas fini par se pourlécher lui-même, avec une langue de Jésuite sélectivement obtenue, et la racaille philosophique n’a-t-elle pas fait épouser sa progéniture aux plus hautes nichées du gallicanisme ? La Terreur elle-même, qui aurait dû, semble-t-il, avoir la magnifiante efficacité des persécutions antiques, n’a servi qu’à rapetisser encore les chrétiens qu’elle a raccourcis. »

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Bernanos :

« Les puissantes démocraties capitalistes de demain, organisées pour l’exploitation rationnelle de l’homme au profit de l’espèce, avec leur étatisme forcené, l’inextricable réseau des institutions de prévoyance et d’assurances, finiront par élever entre l’individu et l’Église une barrière administrative qu’aucun Vincent de Paul n’essaiera même plus de franchir. Dès lors, il pourra bien subsister quelque part un pape, une hiérarchie, ce qu’il faut enfin pour que la parole donnée par Dieu soit gardée jusqu’à la fin, on pourra même y joindre, à la rigueur, quelques fonctionnaires ecclésiastiques tolérés ou même entretenus par l’État, au titre d’auxiliaires du médecin psychiatre, et qui n’ambitionneront rien tant que d’être traités un jour de « cher maître » par cet imposant confrère… Seulement, la chrétienté sera morte. Peut-être n’est-elle plus déjà qu’un rêve ? »

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Chesterton :

« Le monde moderne n’est pas méchant ; à certains égards il est beaucoup trop bon. Il est rempli de vertus farouches et gaspillées. Quand un certain ordre religieux est ébranlé – comme le Christianisme le fut sous la Réforme – les vices ne sont pas seuls à se trouver libérés. Certes les vices sont libérés et ils errent à l’aventure et ils font des ravages. Mais les vertus aussi sont libérées et elles errent, plus farouches encore, et elles font des ravages plus terribles encore. Le monde moderne est envahi des vieilles vertus chrétiennes devenues folles. Les vertus sont devenues folles pour avoir été isolées les unes des autres, contraintes à errer chacune en sa solitude. »

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Passons aux antichrétiens :

Céline :

« Drumont et Gobineau se raccrochent à leur Mère l’Église, leur christianisme sacrissime, éperdument. Ils brandissent la croix face au juif, patenté suppôt des enfers, l’exorcisent à tout goupillon. Ce qu’ils reprochent surtout au youtre, avant tout, par-dessus tout, c’est d’être le meurtrier de Jésus, le souilleur d’hostie, l’empêcheur de chapelets en rond… Que ces griefs tiennent peu en l’air ! La croix antidote ? quelle farce ! Comme tout cela est mal pensé, de traviole et faux, cafouilleux, pleurard, timide. L’aryen succombe en vérité de jobardise. Il a happé la religion, la Légende tramée par les juifs expressément pour sa perte, sa châtrerie, sa servitude. Propagée aux races viriles, aux races aryennes détestées, la religion de “Pierre et Paul” fit admirablement son œuvre, elle décatit en mendigots, en sous-hommes dès le berceau, les peuples soumis, les hordes enivrées de littérature christianique, lancées éperdues imbéciles, à la conquête du Saint Suaire, des hosties magiques, délaissant à jamais leurs Dieux, leurs religions exaltantes, leurs Dieux de sang, leurs Dieux de race. Ce n’est pas tout. Crime des crimes, la religion catholique fut à travers toute notre histoire, la grande proxénète, la grande métisseuse des races nobles, la grande procureuse aux pourris (avec tous les saints sacrements), l’enragée contaminatrice. La religion catholique fondée par douze juifs aura fièrement joué tout son rôle lorsque nous aurons disparu, sous les flots de l’énorme tourbe, du géant lupanar afro-asiate qui se prépare à l’horizon. Ainsi la triste vérité, l’aryen n’a jamais su aimer, aduler que le dieu des autres, jamais eu de religion propre, de religion blanche. »

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Nietzsche :

« Allons droit à l'exemple le plus saillant. Tout ce qui sur terre a été entrepris contre les « nobles », les « puissants », les « maîtres », le « pouvoir », n'entre pas en ligne de compte, si on le compare à ce que les Juifs ont fait : les Juifs, ce peuple sacerdotal qui a fini par ne pouvoir trouver satisfaction contre ses ennemis et ses dominateurs que par une radicale transmutation de toutes les valeurs, c'est-à-dire par un acte de vindicte essentiellement spirituel. Seul un peuple de prêtres pouvait agir ainsi, ce peuple qui vengeait d'une façon sacerdotale sa haine rentrée. Ce sont clés Juifs, qui, avec une formidable logique, n’ont osé le renversement de l'aristocratique équation des valeurs (bon, noble, puissant, beau, heureux, aimé de Dieu). Ils ont maintenu ce renversement avec l'acharnement d'une haine sans borne (la haine de l'impuissance) et ils ont affirmé : « Les misérables seuls sont les bons; les pauvres, les impuissants, les petits seuls sont les bons; ceux qui souffrent, les nécessiteux, les malades, les difformes sont aussi les seuls pieux, les seuls bénis de Dieu…

On sait qui a recueilli l'héritage de cette dépréciation judaïque… Je rappelle, à propos de 1'iniliative monstrueuse et néfaste au-delà de toute expression que les Juifs ont prise par cette déclaration de guerre radicale entre loules, la conclusion à laquelle je suis arrivé en un autre endroit (Par-delà le bien et le mal, aph. 196). — Je veux dire que c'est avec les Juifs que commence le soulèvement des esclaves dans la morale : ce soulèvement qui traîne à sa suite une histoire longue de vingt siècles et que nous ne perdons aujourd'hui de vue que —parce qu'il a été victorieux... »

Plus important encore sur la fabrication du Christ, sujet tabou entre tous :

« N'est-ce pas par l'occulte magie noire d'une politique vraiment grandiose de la vengeance, d'une vengeance prévoyante, souterraine, lente à saisir et à calculer ses coups, qu'Israël même a dû renier et mettre en croix, à la face du monde, le véritable instrument de sa vengeance, comme si cet instrument était son ennemi mortel, afin que le « monde entier », c'est-à-dire tous les ennemis d'Israël, eussent moins de scrupules à mordre à cet appât? »

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Manipulations moldaves

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Manipulations moldaves

par Georges Feltin-Tracol 

L’Occident globalitaire jubile ! Ses candidats en Moldavie remportent les législatives du 28 septembre dernier. La précédente chronique hebdomadaire n° 168 évoquait ce scrutin crucial pour l’avenir de cette ancienne république soviétique de langue roumaine. Cette victoire plus nette que prévue revient en partie au vote des Moldaves de l’étranger. Environ 280 000 d’entre-eux ont participé à l’élection avec un taux de 78 % en faveur du parti Action et Solidarité (PAS). Par ailleurs, entre 600 000 et un million de Moldaves détiennent une autre nationalité, particulièrement la roumaine. C’est le cas de la présidente moldave, Maia Sandu. Une falsification sophistiquée de ces élections est aussi une possibilité à ne pas négliger dans le contexte trouble post-soviétique. Il faut néanmoins l’admettre : la propagande du pouvoir a été remarquable.

La formation dirigeante, le PAS, ramasse 50,20 % des suffrages et remporte 55 sièges sur 101. Le système médiatique occidental d’occupation mentale salue ce nouvel ancrage euro-atlantique de la Moldavie. Pourtant, le gouvernement de Chisinau et les journalistes venus de l’Ouest n’ont pas cessé de dénoncer pendant toute la campagne électorale les opérations de manipulation, d’ingérence et de désinformation orchestrées par la Russie. Or le résultat final surprend. On peut sérieusement douter de l’efficacité des services russes au regard du succès des sortants pro-occidentaux. Le Kremlin devrait s’inquiéter de l’amateurisme, souvent filmé, de ses agents à l’étranger, amateurisme déjà manifeste au moment de la tentative d’empoisonnement de l’agent double Sergueï Skripal et de sa fille réfugiés en Grande-Bretagne en 2018. Les services russes combineraient-ils dans leurs manigances bras cassés et Pieds-Nickelés ?

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Plus sérieusement, ces actions clandestines de « guerre hybride » ne seraient-elles pas en fait des opérations menées sous faux drapeau à l’initiative d’officines occidentales de déstabilisation ? Prétendre sans guère de preuves probantes que Moscou dépenserait des millions d’euros pour corrompre des Moldaves et les submergerait de comptes fantômes sur les réseaux sociaux pour finalement obtenir une contre-performance majeure, à savoir une nouvelle majorité absolue pour son principal ennemi, interroge… Ces actes de subversion, souvent fomentés par l’Occident lui-même, alimentent une nouvelle et intense guerre psychologique, ce qui ne dédouane pas la Russie d’entreprendre des manipulations propres à l’habituelle guerre de l’ombre.

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La victoire du PAS se produit dans un cadre que n’approuverait pas en temps normal les bouffons de la commission de Venise. Cette instance internationale a pour vocation de protéger l’« État de droit » sur le continent européen. Des décisions judiciaires contestables biaisent la sincérité de l’élection. Quarante-huit heures avant l’ouverture du scrutin, la commission électorale interdit deux partis accusés d’être pro-russes et/ou de recevoir de l’argent de Moscou. Le mouvement Cœur de la Moldavie contraint le Bloc patriotique - nationaliste de gauche (24,17 %) - d’exclure ses candidats et de les remplacer au pied levé par d’autres. Quant au Parti de la Grande Moldavie de Victoria Furtuna (photo), il se voit privé d’élection. Même dans les États démocrates décatis des États-Unis, on n’aurait pas fait pire… Irrédentiste, la formation de Victoria Furtuna (4,45 % à la présidentielle de 2024 et qui appela à voter au second tour pour Maia Sandu) envisage l’annexion de la Moldavie roumaine et du littoral méridional ukrainien tout en exprimant en public un scepticisme marqué envers la Russie.

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En revanche, le parti Démocratie à la maison de Vasile Costiuc, affilié à l’AUR (Alliance pour l’unité des Roumains) de George Simion, obtient 5,62 % et six sièges. Unionistes, ce parti et son grand frère, l’AUR qui appartient aux Conservateurs et réformistes européens de Giorgia Meloni, soutiennent le rattachement de la Moldavie à la Roumanie. Il existe néanmoins une branche moldave de l’AUR qui n’a fait que 0,10 %.

Le PAS s’élève sans cesse contre la sécession de la Transnistrie slavophone. Le séparatisme assumé de la République moldave du Dniestr l’arrange cependant pour une fois. Deux faits auraient dû susciter l’ire des grandes consciences démocratiques. Le gouvernement moldave a établi douze bureaux de vote réservés aux électeurs transnistriens hors du territoire de la Transnistrie. Lors de la présidentielle de 2024, on en recensait trente. Aux législatives de 2021, on en comptait… quarante-et-un ! Par un fâcheuse coïncidence, le dimanche du vote, la presque totalité des ponts qui franchissent le Dniestr et qui servent de frontière informelle entre la Moldavie et la Transnistrie a été coupé. Certains n’ont ouvert qu’une demi-heure avant la fermeture des bureaux de vote. Des milliers de Transnistriens n’ont ainsi pas pu exercer leur devoir électoral. Ni l’Union pseudo-européenne, ni le Conseil de l’Europe, d’habitude si prompts sur le respect tatillon des normes démocratiques, n’ont émis le moindre commentaire défavorable ! Seule l’OSCE (Organisation de sécurité et de coopération en Europe) a quelque peu tiqué. Cette double manœuvre confirme que certains gouvernements sont plus égaux que d’autres en matière de contournement électoral.

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Chef de l’opposition, l’ancien président Igor Dodon ne reconnaît pas les résultats officiels et en appelle à des manifestations contre ce détournement de la volonté populaire. Le climat de terreur qui règne en Moldavie avec des descentes policières fréquentes et des rafles régulières contre les opposants rend incertain toute contestation vraiment organisée d’autant que des menaces d’arrestation planent sur la plupart des personnalités-clef de l’opposition. Il importe par conséquent de surveiller avec attention les prochains événements en Moldavie, foyer de tension de l’Est européen en devenir.       

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 169, mise en ligne le 9 octobre 2025 sur Radio Méridien Zéro.

samedi, 11 octobre 2025

Merkel vient de l'admettre: la Pologne et les pays baltes également responsables de la guerre en Ukraine

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Merkel vient de l'admettre: la Pologne et les pays baltes également responsables de la guerre en Ukraine

Berlin/Budapest. L’ancienne chancelière allemande Angela Merkel n’est jamais à court de révélations surprenantes. On se souvient de son aveu sans détour – en accord avec le président français Hollande – lors d’un entretien avec Die Zeit en décembre 2022, selon lequel l’accord de Minsk de 2014 n’avait eu pour but que de donner à l’Ukraine du temps pour se réarmer.

Voici maintenant la nouvelle sensation : lors d’une interview accordée au média en ligne hongrois Partizán, l’ancienne chancelière a notamment déclaré que la Pologne et les pays baltes étaient également responsables du déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022. Selon ses dires, elle a tenté en juin 2021 d’établir un nouveau format de discussions avec la Russie, après avoir constaté que « l’accord de Minsk n’était plus pris au sérieux par Poutine, et c’est pourquoi je voulais un nouveau format, afin que nous puissions parler directement à Poutine en tant qu’Union européenne ».

Mais cette tentative a échoué en raison de l’opposition des pays d’Europe de l’Est: « Certains ne l’ont pas soutenue. Il s’agissait surtout des pays baltes, mais la Pologne était également contre. » Selon Merkel, ces pays craignaient « que nous n’ayons pas de politique commune envers la Russie ».

Selon elle, cet échec a largement contribué à une escalade ultérieure : « En tout cas, cela n’a pas abouti. Ensuite, j’ai quitté mes fonctions, et c’est alors que l’agression de Poutine a commencé. »

De manière surprenante, Merkel cite également la “pandémie” de Covid comme facteur ayant favorisé la guerre. À cause de la « peur de Poutine face à la pandémie de Co vid », les rencontres en personne étaient impossibles. « Si l’on ne peut pas se rencontrer, si l’on ne peut pas exposer ses différends face à face, on ne trouve pas de nouveaux compromis », analyse-t-elle rétrospectivement. Les visioconférences n’étaient pas suffisantes.

Dans le même temps, Merkel a défendu les accords de Minsk, qui « avaient permis une accalmie » et donné à l’Ukraine la possibilité de « rassembler ses forces et de devenir un autre pays ». Elle a ainsi réitéré son aveu que les accords de Minsk n’étaient qu’une manœuvre de diversion.

Sans surprise, les propos de Merkel ont suscité des réactions vives chez les intéressés. Le président polonais Andrzej Duda a fermement rejeté les accusations et insisté sur le fait que son pays n’était pas complice, mais bien une victime potentielle de l’agression russe. Mais cela est faux, et ce n’est pas seulement l’avis de Merkel, mais aussi celui du président du Kremlin, Poutine. Lors de son long entretien avec le journaliste américain Tucker Carlson en février 2024, Poutine a tenu la Pologne largement responsable de l’escalade du conflit en Ukraine – et a précisé à cette occasion que la Pologne, par une politique similaire, avait également été au moins en partie responsable du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale en 1939 (mü).

Source: Zu erst, Oct. 2025.

France: la social-démocratie zombie

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France: la social-démocratie zombie

Nicolas Maxime

Source: Page Facebook de Nicolas Maxime

Ces derniers jours, le PS, le PCF et EELV n’ont cessé de multiplier les appels du pied et les négociations avec Emmanuel Macron pour former un hypothétique gouvernement de centre gauche. Certains comme le député Philippe Brun sont même allés jusqu'à vouloir ressusciter le hollandisme en considérant que Bernard Cazeneuve serait une très bonne option pour Matignon. Ce réflexe révèle moins une stratégie politique que de la survie artificielle d’un corps politique déjà mort, celle d’une "social-démocratie zombie".

Comme l’a montré Emmanuel Todd avec le catholicisme zombie, qui continue d’imprégner les comportements malgré la disparition de la foi, ces partis perpétuent les dogmes d’un monde révolu:

– la croyance qu’un marché libre mais régulé pourrait garantir la justice sociale ;

– l’illusion qu’une redistribution des riches vers les pauvres suffirait à corriger les inégalités structurelles créées par le capital ;

– la foi dans un État arbitre, neutre et bienveillant, qui concilierait intérêts du capital et exigences sociales ;

– l’idée qu’une Europe sociale pourrait émerger d’institutions conçues pour sanctuariser la concurrence et la libre circulation des capitaux ;

– et, plus largement, l’espoir d’un capitalisme moral, adouci par quelques correctifs écologiques ou redistributifs.

FRANCE-2017-VOTE-ECONOMY-PRIMARIES-PIKETTY-2-1227820419.jpgOr, cette vision appartient à un autre âge car le compromis fordo-keynésien n'existe plus. À la différence de leurs prédécesseurs, ces partis sont désormais largement discrédités auprès des Français. Ainsi, ensemble, ils ne représentent plus qu’à peine 10 % des suffrages. Leur discours ne parle ni aux ouvriers, ni aux employés, ni aux classes moyennes précarisées. Ils incarnent cette « gauche brahmane » décrite par Thomas Piketty (photo) — celle des professions intellectuelles supérieures, urbaines, diplômées, détachées des réalités du travail et de la France périphérique et rurale.

Cette social-démocratie zombie continue de réciter les prières d’un capitalisme à visage humain, sans voir que le système dont elle espère la rédemption est entré en phase terminale. Cette gauche croit encore aux politiques de régulation quand tout démontre que la financiarisation, la désindustrialisation et la crise écologique ont rendu ces compromis impossibles. Cette gauche parle d’égalité, mais dans le cadre d’un système économique qui rend structurellement irréalisable toute politique de redistribution.

Ainsi, la gauche traditionnelle ne meurt pas de ses adversaires, mais de son incapacité à rompre avec l’imaginaire bourgeois du progrès indéfini et du compromis social.

Car la véritable alternative ne se joue plus entre droite et gauche du Capital, mais entre la perpétuation d’un capitalisme autoritaire et la construction d’un éco-socialisme démocratique, fondé sur la souveraineté populaire, la socialisation des moyens de production et la planification écologique.

La social-démocratie, dans sa forme zombie, vit pour l’heure ses derniers instants.

Woke, une vendetta contre l’Histoire

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Woke, une vendetta contre l’Histoire

par Roberto Pecchioli

Source: https://telegra.ph/Woke-vendetta-contro-la-Storia-10-09

La culture de l’annulation woke, soi-disant « éveillée » (elle aurait mieux fait de continuer à dormir), est une vengeance contre l’histoire, un suprématisme du temps présent. Elle mène une véritable guerre contre le passé. Mots obligatoires, grammaire inventée, statues déboulonnées, nouveaux lieux communs « présentistes » souvent ridicules remplacent les convictions enracinées sur lesquelles des communautés entières se sont fondées. Les livres coupables d’exprimer des idées non conformes à la vulgate contemporaine sont interdits. Des bûchers symboliques en attendant les vrais. Quand ils ne sont pas cachés ou « purgés », les textes jugés politiquement incorrects, les films, les œuvres d’art suspectes exposées dans les musées sont précédés des fameux trigger warnings, des avertissements signalant « la présence de contenus susceptibles de déclencher des émotions négatives, des pensées ou des souvenirs désagréables chez les personnes ayant subi un traumatisme ou particulièrement sensibles à certains thèmes comme la violence, les abus ou la perte. L’objectif est de permettre aux personnes de choisir d’affronter ou non le contenu, en leur offrant une préparation psychologique et la possibilité d’éviter une retraumatisation ». Le nouvel art dégénéré. La définition citée est celle de Google, élaborée par l’Intelligence artificielle. Voilà donc qui sont les véritables mécènes de l’ouragan woke.

En substance, on avertit les lecteurs et les usagers des œuvres et contenus que ceux-ci ne correspondent pas au canon présentiste inversé. Ils appartiennent au passé: ils méritent d’être effacés, ou du moins ridiculisés, soumis à la censure éthique du tribunal de l’Inquisition laïque. Le critère est élémentaire: tout ce qui n’a pas été inventé, produit ou pensé par la génération actuelle est faux, indigne, barbare. Les contemporains se sont « réveillés » et savent avec une certitude infaillible que la vision du monde actuelle est la seule correcte, voire définitive. L’éveil a conféré la conviction apodictique que le passé doit être totalement effacé pour délit de discordance avec l’Aujourd’hui. Vaste entreprise au nom de laquelle l’ensemble de l’héritage historique de la civilisation occidentale s’est transformé en champ de bataille. Le verdict ne prévoit ni absolutions, ni circonstances atténuantes, ni excuses.

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Le problème, c’est que si l’on destitue tout passé, il devient impossible de donner un sens à la vie des gens dans le présent. Nous craignons que ce soit là l’objectif, non pas tant des théoriciens woke, parmi lesquels abondent marginaux et sujets borderline, mais de leurs maîtres mondialistes, ceux qui les ont mis en chaire, qui leur ont confié la direction de l’appareil culturel, médiatique, communicationnel dont ils sont propriétaires. En effet, une caractéristique de la culture de l’annulation – oxymore risible puisque la culture est accumulation – est de ne jamais remettre en cause l’ordre économique, social et financier actuel, le globalisme capitaliste, dont elle est soutien et avant-garde. L’ennemi, c’est moi, c’est toi qui lis, c’est le peuple ordinaire, résumé dans la formule méprisante pale, male and stale (pâle (blanc), mâle et rassis (vieux, rétrograde)), étendue à toute l’histoire de la civilisation.

La contestation ne touche pas à la structure concrète du pouvoir, mais réinterprète tout, chaque passé, chaque événement comme une vengeance posthume contre les torts d’hier. Puisque le passé n’existe plus et ne peut être changé, victimes et bourreaux doivent être créés et situés dans le présent. L’idée de sensibilité blessée est un récit artificiel, né parce que quelqu’un a décidé de lui coudre une histoire, attribuant à une chose – une statue de Colomb, une œuvre d’Aristote, certains principes – une signification d’oppression capable de générer le sentiment d’offense, essentiel au mécanisme de l’annulation. L’étape suivante est l’indignation sur commande, puis la sanction, enfin l’interdiction et la damnatio memoriae, la condamnation à l’oubli pour indignité. La première victime est le langage qui interprète la réalité, raison pour laquelle il faut obligatoirement dire « la maire » ou « l’avocate », s’adresser aux « travailleuses et travailleurs », alors que personne n’avait jamais pensé que le genre masculin « étendu » en italien contenait de la discrimination.

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La seconde est la liberté de jugement. La volonté de préserver quelqu’un du trouble inclut l’interdiction de l’expression libre au nom d’une abstraction ou d’une simple intention offensive, inexistante dans des œuvres qui utilisaient, comme il se doit, les canons linguistiques, culturels, les connaissances de l’époque où elles furent conçues. La dictature du présent empêche la formation de consciences libres et inhibe l’avenir. Et si les générations décidaient que le critère woke est erroné, voulaient connaître d’autres points de vue ou pressentaient que le canon d’aujourd’hui pourrait être contredit demain ? Quant à l’offense perçue, à effacer ou à punir, elle présente souvent des traits paranoïaques. Comment un vers de Shakespeare pourrait-il offenser ? Si cela arrive, cela signifie que les générations élevées au pain et au woke sont extrêmement fragiles, des flocons de neige hypersensibles, incapables de vivre dans le monde, forcés par de mauvais maîtres à cacher la tête sous le sable, jusqu’à devenir des haineux implacables de quiconque fait éclater la bulle de savon dans laquelle ils sont plongés.

Leur imaginaire, loin d’être décolonisé comme le prétend le récit woke, a été vidé et rempli de concepts entourés d’une aura d’indiscutabilité, des a priori dont la négation déconstruit des esprits fragiles désaccoutumés au raisonnement. Le capitalisme absolu, qui est au pouvoir, rit sous cape, car il a grand besoin de têtes vides, d’autant plus si elles invalident l’histoire, détruisent le passé, corrigent la connaissance. C’est la quintessence de la modernité libérale dont les fautes passées indignent tant l’idéologie woke. La volonté de tout remettre à zéro et de repartir à nu n’est pas nouvelle. C’est l’histoire de la révolution française, du communisme, du maoïsme, des traditions qui imposent même leur propre calendrier. Cela n’a jamais apporté grand-chose de bon, mais l’homme n’apprend jamais de ses erreurs, d’autant plus s’il est programmé pour les ignorer.

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Un livre du Hongrois Frank Furedi, naturalisé américain, La guerre contre le passé, constate la nature iconoclaste, furieuse, de la culture de l’annulation, la rage de ceux qui violentent le passé – par exemple en détruisant une statue présente depuis des siècles – pour se venger du présent et « déshériter l’histoire ». Naïve est la surprise de Furedi lorsqu’il observe que les lubies idéologiques actuelles, incubées dans les années 1960, ont explosé en influence culturelle dans les années 1980, dominées par Ronald Reagan et Margaret Thatcher. Il confond libéralisme/néolibéralisme et conservatisme, deux idéologies divergentes. Les libéraux des années 1980, comme leurs références culturelles et économiques (von Hayek, Friedman, Ayn Rand), avaient essentiellement des préoccupations économiques: ils défendaient la libre entreprise et le dogme de la croissance, la forme du progrès chère à la droite libérale. Leur prétendu conservatisme se limitait à défendre l’ordre patrimonial existant. Margaret Thatcher a affirmé que la société n’existait pas, qu’il n’y avait que des individus. « There is no such thing as society ». Distillat de culture de l’annulation, tout comme l’autre affirmation iconique de la dame anglaise selon laquelle « il n’y a pas d’alternative » à la société de marché, l’acronyme TINA (there is no alternative) invoqué par la pensée libérale.

Ce furent le colonialisme anglo-saxon et français qui ont pratiqué la suppression culturelle – déculturation suivie d’acculturation forcée – à l’encontre des peuples « arriérés », soumis à un énergique lavage de cerveau pour les conduire vers un progrès inévitable, coïncidant avec l’adhésion au modèle libéral-démocratique occidental, arrivé aujourd’hui – selon la vulgate woke – à l’apogée civile et culturelle de l’histoire. Une grave erreur si elle est exprimée par des experts en scénarios géopolitiques comme Francis Fukuyama, dévastatrice si elle devient l’idée unique de générations elles-mêmes déculturées et, de plus, ramollies par la ouate existentielle. Tout à fait trompeuse est la prétention à un jugement moral irrévocable condamnant le passé: racisme contre l’histoire. Une conséquence est l’autosatisfaction aveuglée par la négation d’idées, de principes, de formes de vie différents, incompréhensibles faute de points de comparaison. Le présent devient totem et tabou d’une idéologie semblable à la caverne de Platon, où les ombres remplaçaient la réalité.

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Le passé à effacer est ce qui est donné, le fondement, naturel (la biologie niée) ou culturel, les usages, coutumes, traditions et principes sédimentés au fil du temps. Nous assistons à un phénomène singulier d’inversion: habitudes, normes, institutions sont déclarées obsolètes au nom de la supériorité du présent, c’est-à-dire d’une croyance invérifiable, tandis que ceux qui les défendent – lorsqu’on leur accorde gracieusement la parole – doivent apporter la preuve de la validité de leurs affirmations. Mais comment démontrer la normalité de l’existence de deux sexes, de races différentes, du fait que la grossesse a été attribuée par la nature ou par Dieu à la femelle des mammifères (un terme suspect que nous suggérons aux policiers du langage)? Il n’est pas non plus possible d’apporter une rigueur scientifique à l’usage de certains mots ou à des comportements que le jugement commun a toujours considérés comme normaux (autre terme dont on demande l’abolition).

Nous ne pouvons pas démontrer qu’il est préférable de connaître Dante, Shakespeare, la philosophie et l’histoire, plutôt que de les effacer. Il manque un code commun de compréhension. On pourrait affirmer que la condition préférée des êtres vivants est l’homéostasie – le maintien de conditions stables – mais on resterait dans le champ du réel, vaincu dans l’imaginaire woke (et pas seulement) par la virtualité. Il est vain de rappeler que des théoriciens libéraux, de Stuart Mill à Hayek ou le progressiste Jonas, ont argumenté en faveur de l’importance des coutumes et modes de vie consolidés, mais on ferait alors référence au passé. Personne ne répondrait. Seulement des regards dédaigneux, au mieux la pitié réservée à ceux qui ne sont pas dans l’air du temps.

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En suivant Erich Fromm – qui n’était certainement pas un réactionnaire borné – nous affirmons qu’une guerre acharnée de l’avoir contre l’être est en cours, où discréditer le passé sert les intérêts du monde-marché et de son mouvement perpétuel orienté vers le profit. Le symbole universel du présent est l’argent, par nature mobile, sans passé ni avenir. Le présentisme qui efface, engloutit et recrache est l’expression d’un monde dominé par le marché, la consommation, c’est-à-dire l’obsolescence programmée. Et d’une idée de liberté négative, d’émancipation « de ». Liens, idées, identités, héritages ; du passé, le grand ennemi. Nus vers le but, mais le but est la dissolution. Individuelle, communautaire, civique. Au réveil woke succédera la nuit définitive. Il deviendra lui aussi du passé. Ce qu’il adviendra de ce pan du monde, nous le découvrirons en vivant. Ou en mourant.

 

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Le plan secret de l’histoire: le voyage philosophique de Nick Land de l’accélérationnisme à l’eschatologie

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Le plan secret de l’histoire: le voyage philosophique de Nick Land de l’accélérationnisme à l’eschatologie

Markku Siira

Source: https://geopolarium.com/2025/10/09/historian-salainen-suu...

Qualifier Nick Land uniquement de prophète de la dystopie techno-capitaliste peut aujourd'hui sembler une description insuffisante. Sa récente discussion avec le politologue russe Aleksandr Douguine révèle que le philosophe britannique résidant à Shanghai inscrit la crise de la modernité et l'accélération dans un contexte historique, théologique et géopolitique bien plus nuancé. Land ne rejette pas ses premières intuitions, mais les affine afin de proposer une analyse qui distingue deux formes essentielles de la modernité.

Land maintient une distinction entre le « paléo-libéralisme » et le « libéralisme globaliste » actuel. Le premier incarne pour lui le cœur de la tradition anglo-saxonne, en particulier anglo-écossaise, caractérisée par des systèmes décentralisés, le « sommet vide » (empty summit) et les « mains invisibles » (invisible hands) — au pluriel, sur lequel Land insiste consciemment. Dans ce modèle paléo-libéral, la morale publique suprême de la société n’est pas codifiée dans l’autorité, mais déléguée à des processus spontanés.

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Selon Land, la culture chinoise présente des caractéristiques similaires : « Dans la tradition taoïste-légaliste, il existe une forte tendance, propre à cette pensée selon laquelle le meilleur empereur est invisible pour la société » et « les montagnes sont hautes et l’empereur est loin » — des conceptions qu’il considère comme analogues à celle du « sommet vide ».

Land fait référence à Adam Smith et Bernard Mandeville pour montrer que cela repose sur une intuition profonde: l'action égoïste de l'individu peut conduire au bien commun par le biais de la main invisible. Il considère cette forme de libéralisme comme saine et historiquement durable, tant qu’elle reste liée à son contexte ethnique et culturel particulier. Le problème n’est donc pas le libéralisme en soi, mais son arrachement à son environnement originel et sa transformation en une idéologie globale et universelle, devenue selon Land le plus grand problème du monde, un « monstre moralisateur ».

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Cette distinction explique l’intérêt de Land pour certaines technologies actuelles. Il voit dans Internet, les cryptomonnaies et l’intelligence artificielle décentralisée une expression moderne des principes paléo-libéraux. Ces technologies reposent sur une logique décentralisée et non centralisée, qui s’oppose à la « sur-codification » venue d’en haut. En ce sens, son accélérationnisme demeure valide : les systèmes décentralisés engendrent une véritable accélération.

Selon Land, les objets qui suscitent de la passion chez les accélérationnistes actuels sont fondamentalement les mêmes: «L’intelligence artificielle accélère, la technologie blockchain accélère.» Pour lui, ces phénomènes représentent le vrai libéralisme: «Ces technologies exigent une mentalité libérale fondée sur la décentralisation et le concept de sommet vide. L’Internet lui-même est né de ce principe — ses concepteurs ont noté qu’en cas d’échange de frappes nucléaires, tous les centres de commandement centraux seraient détruits. »

Dans le dialogue avec Douguine, le cadre philosophique de Land s’approfondit encore. Il souligne que tant la tradition biblique que la philosophie critique de Kant à Heidegger rejettent une conception du temps simplement progressiste. Selon Land, comprendre en profondeur le temps et l’histoire nécessite d’abandonner la conception habituelle selon laquelle l’homme agit dans un processus causal du présent vers l’avenir.

Il en découle la thèse centrale de Land : « la structure historique organise les décisions que nous prenons ». Ce point de vue révèle son attitude post-humaniste fondamentale, où l’agentivité humaine est remplacée par des processus historiques, voire divins, plus larges. Cependant, Land n’adopte pas l’idée de Douguine de « stopper ce processus », mais maintient que ces processus ne sont pas maîtrisables par la volonté humaine.

Son approche consiste plutôt à « avoir confiance dans le plan » — il semble croire que les phénomènes apparemment chaotiques et impies du présent, comme l’accélération technologique, peuvent faire partie d’un plan providentiel plus vaste, même s’il dépasse l’entendement humain.

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Land explique cela en se référant au Faust de Goethe : « L’énoncé de Méphistophélès et le concept de main invisible d’Adam Smith sont presque identiques. Les deux affirment que le bien commun ne résulte pas d’une intention délibérée individuelle, mais s’accomplit grâce à une force supérieure. »

Vu sous cet angle, la pensée du philosophe britannique, autrefois qualifiée de « sataniste », est plutôt une tentative de dire « oui » au processus historique profond, plutôt qu’une rébellion contre celui-ci.

Enfin, dans sa pensée désormais mature, Land voit comme un développement positif le retour du débat sociétal à un langage théologique et métaphysique. Les accusations de satanisme ne le dérangent pas, car elles montrent que la supposée fin de l’ère moderne séculière et superficielle a été atteinte.

Land affirme : « Les gens doivent en réalité penser aux choses de façon beaucoup plus profonde qu’il n’y paraîtrait à première vue. Je pense qu’il vaut vraiment la peine de payer le prix et de supporter les flèches et les coups, si cela signifie que toute la culture passe à un état plus profond de réflexion sur des questions sérieuses. »

Selon lui, cet approfondissement se manifeste dans le fait que les gens recommencent à discuter des anges, des démons et des forces historiques — ce qui, selon Land, constitue une alternative bienvenue à « l’athéisme auto-satisfait ».

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La vision philosophique de Land atteint une expression particulièrement poétique dans son interprétation de la croix de Saint-Georges du drapeau anglais. Il remarque que « les nouvelles de Grande-Bretagne — d’Angleterre — montrent aujourd’hui des gens brandissant le drapeau de Saint-Georges », et relie cela aux recherches de l’historienne Frances Yates.

Selon Land, « ce qui est fascinant, c’est que ce [drapeau] représente la tradition hermétique rosicrucienne, qui a cheminé de la Renaissance italienne à l’Angleterre élisabéthaine — les croix de Georges, la Rose-Croix ». Cette symbolique lui révèle la profondeur secrète de l’histoire : « Même si les gens ne connaissent pas toujours la signification plus profonde de leurs actes, le drapeau qu’ils agitent représente cette tradition cachée qui agit sous notre monde moderne. »

Cette observation résume l’essence de son approche : « L’histoire est beaucoup plus profonde que les gens ne l’imaginent. » Dans le voyage philosophique de Land, de la dystopie du technocapitalisme au seuil de l’eschatologie, la crise de la modernité n’apparaît que comme un phénomène superficiel, sous lequel se cachent des forces et des traditions métaphysiques ancestrales — des forces qui continuent d’exercer leur influence aujourd’hui, que les gens en soient conscients ou non.

Le voyage philosophique de Land n’a donc pas abandonné l’accélérationnisme, mais l’a intégré dans un réseau toujours plus complexe de forces historiques, qui dépassent l’évaluation morale traditionnelle et nous obligent à affronter les dimensions métaphysiques plus profondes de la réalité.

vendredi, 10 octobre 2025

Sur la démocratie et la figure du Démocrate

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Sur la démocratie et la figure du Démocrate

Andrea Falco Profili

Source: https://www.grece-it.com/2025/09/26/opinioni-sulla-democr...

Les mots, comme tout autre instrument, subissent l’usure du temps. À l’instar des outils, c’est précisément le passage de main en main qui accélère ce processus, en émoussant les arêtes et en affaiblissant la charge de la signification originelle, jusqu’à les rendre presque méconnaissables. Aucun mot n’a peut-être subi une usure plus radicale que « démocratie ».

Aujourd’hui, ce terme est un récipient universel pour toute aspiration au bien ou – plus fréquemment – un synonyme paresseux de liberté, de tolérance et de droit. Évidemment, dans cette œuvre de sacralisation laïcisée, les Lumières ont joué un rôle de premier plan. Les régimes bourgeois qui s’opposaient à l’Ancien Régime, dans leur tentative de se doter d’une légitimation, ont cherché leurs racines vertueuses dans un passé idéalisé, construisant une généalogie qui, de l’Athènes classique, mènerait linéairement jusqu’aux palais de Bruxelles, Washington, Montecitorio ou de l’Élysée. Naturellement, l’opération est idéologique, comme le sont toutes les grandes entreprises de construction du mythe, mais ce n’est pas une raison pour accorder foi aux illusions auxquelles elle conduit en revendiquant une « identité démocratique ».

La démocratie n’est pas un terme thaumaturgique capable de dissoudre les conflits. Une nécessaire opération philologique révèle que l’élément décisif de ce construit lexical, kratos, signifie puissance au sens de force efficace, parfois contrainte dans sa dimension la plus physique. Demos, sans kratos, reste une somme indistincte ; kratos, sans demos, devient pure domination. Les Grecs n’ignoraient pas la friction, car la démocratie athénienne fut un équilibre instable entre l’assemblée, les tribunaux, le tirage au sort et le commandement militaire.

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L’époque de Périclès démontre que l’hégémonie culturelle d’un leader n’abolissait pas les contrôles, mais la cité se reconnaissait, lors des moments décisifs, dans un guide capable d’imprimer une direction. Ce n’est pas un hasard si les détracteurs du gouvernement populaire appelaient le parti au pouvoir « démocratie » précisément pour signaler l’aspect coercitif du kratos, tandis que ce dernier préférait se désigner simplement comme « le demos ».

D’où la première constatation essentielle: là où aujourd’hui on lit « gouvernance », les classiques écrivaient kratos. Vider le terme de sa substance « violente » revient à occulter que la décision comporte un risque, une forte responsabilité personnelle et – si besoin – le conflit. Dans les moments de bifurcation, la polis ne se sauve pas par la simple procédure, mais parce que quelqu’un concentre et dirige l’énergie commune. C’est précisément cela que la rhétorique contemporaine tend à éluder.

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Il est également intéressant de noter un terme d’usage classique qui a connu peu de fortune historique, demokrator. Dans la Grèce de l’époque romaine, «demokratía» peut signifier la domination sur la communauté: chez Appien, César et Pompée « luttent pour la demokratía » (ils ne briguent sûrement pas une élection) ; et un témoin tardif rapporte que Dion Cassius définissait Sylla comme demokrator. Il ne s’agit pas de la fonction technique du dictateur romain, mais d’un pouvoir personnel plein, accepté parce qu’efficace.

Ainsi, l’opposition scolaire commode entre « démocratie » et « dictature » apparaît floue. La différence, pourtant, existe et reste cruciale: le dictateur romain est une magistrature extraordinaire et temporaire, déléguée par la loi pour résoudre une urgence. Le demokrator pourrait être défini comme un aboutissement, c’est la force collective qui se reconnaît dans un guide qui intègre – au lieu de suspendre – le tissu institutionnel, orchestrant le pluralisme sans le dissoudre. À l’époque moderne, ce dispositif réapparaît comme césarisme et, à une certaine époque, sous le nom de bonapartisme: gouvernement personnel qui naît d’une relation directe avec le corps civique et mesure sa légitimité à son efficacité.

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Mais pour revenir à Athènes, il est remarquable de rappeler que Thucydide anticipe en Périclès la figure du princeps: pour éviter l’accusation d’être un régime démocratique (horribile dictu), il rapporte qu’Athènes était « en paroles une démocratie, en fait un gouvernement du pròtos anèr (premier homme) ». Il s’agit donc d’une primauté personnelle acceptée, capable de rendre la légalité opérante et d’hégémoniser la majorité.

L’image renverse le lieu commun de la démocratie athénienne comme principe des systèmes d’assemblée « redécouverts » à l’époque moderne, et montre au contraire un lien inconfortable avec l’institution romaine dont, dans l’histoire, le parcours de Bonaparte se serait voulu le continuateur: un compromis entre élites, corps et peuple, avec une direction qui sait aussi être impopulaire.

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Démocratie donc, n’équivaut pas à demo-archie: c’est l’opération de camouflage de la « force des nombreux » en « principe des nombreux ». Que la démocratie soit aussi une question d’indépendance matérielle est démontré par un épisode historique précis: en 89-87 av. J.-C., lorsque Athènes recouvre momentanément sa souveraineté, elle réactive des formes démocratiques. Indépendance et démocratie vont de pair parce que la citoyenneté est, avant tout, puissance en armes: sans autonomie, aucun kratos commun n’est possible.

Ce n’est pas seulement un rappel gênant pour ceux qui identifient la démocratie à un sondage éternel, mais si dans l’esprit de certains cela ouvre la perspective d’un régime militaire traditionnellement opposé à Athènes comme celui de Sparte, cela n’est pas un hasard. Ce fut en effet l’Athénien Isocrate (statue, ci-dessus) qui définissait Sparte comme une « démocratie parfaite », pour avoir fait coïncider citoyenneté et puissance armée dans la figure des Spartiates: citoyens par droit du sang, armés et appelés à exercer une participation exclusive vis-à-vis de l’étranger.

Pour donner consistance à la figure du demokrator, il s’agit de le définir comme celui qui reçoit un mandat à haute énergie et le restitue en œuvres, en définissant priorités et délais. En d’autres termes, un régime est démocratique non s’il exclut l’existence d’élites, mais s’il les requalifie, en passant d’élites de naissance à élites de fonction, dont le rang dépend de la capacité à rendre productive la force du peuple.

Napoléon est un cas exemplaire, il n’a pas exercé un rôle dictatorial au sens romain, mais plutôt celui de directeur plébiscitaire: son administration, fondée sur un rapport immédiat avec la nation, sans abattre les corps intermédiaires mais en les réorganisant, atteste d’une trajectoire qui – avec les éventuelles ombres du cas – confirme le kratos comme un outil. La question, avant d’être institutionnelle, est aussi symbolique. L’histoire est un réservoir d’images et de rites civiques qui concentrent l’attention collective. Sans ce registre, la politique se réduit à une administration compliquée.

Dans les moments décisifs, les communautés se rassemblent autour de figures qui séparent le tissu vivant des formes parasitaires: des interprètes capables de libérer des ressources contre les rentes et les appareils qui les drainent. C’est la manière dont le « sacré » civil canalise, sans mysticisme, l’énergie commune.

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Que l’acception réelle de la démocratie soit aujourd’hui aussi étrangère, sinon contradictoire, n’est pas sans raison: « démocratie » est un terme qui a eu trois siècles marginaux dans l’Antiquité, puis a disparu longtemps avant de ressurgir tardivement, jusqu’à la consécration post-1789; au vingtième siècle, souvent employé comme mot d’ordre contre les régimes illibéraux plutôt que comme définition institutionnelle.

Revenir aux textes est un exercice nécessaire pour reconnaître les pulsions vitales de la politique, communément diabolisées dans la figure maléfique du « démagogue populiste » qui – observait Spengler – correspond à une phase de déclin des bureaucraties amorphes, destinées à s’effondrer dans le césarisme, qui ne vient pas éteindre la démocratie mais la revitaliser. Il ne s’agit pas d’invoquer l’homme providentiel, mais une grammaire qui lie décision et responsabilité, permettant au peuple de se reconnaître dans celui qui gouverne, afin que « démocratie » retrouve le sens de capacité à destiner et non seulement à administrer avec de vrais résultats.

Andrea Falco Profili

Comment «l'éducation positive» a des conséquences négatives

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Comment «l'éducation positive» a des conséquences négatives

Peter W. Logghe

Source: Page Facebook de Peter Logghe

Dans le journal français Le Figaro, Luc Ferry, ancien ministre français de l'Éducation nationale, commente les directives du ministère français du Travail, de la Santé, de la Solidarité et de la Famille, publiées en juillet dernier et destinées à tous les établissements qui accueillent des enfants de moins de 6 ans. Dans ces directives, qui s'appuient sur la psychologie et l'éducation « positives », on peut notamment lire : « Quelles que soient les émotions qui animent l'enfant (joie, peur, colère, agacement, tristesse...), elles doivent être soutenues par les adultes et ne doivent donc pas être réprimées. Les enseignants privilégient un cadre éducatif qui ne consiste pas en premier lieu à discipliner l'enfant, mais à le protéger. Les enseignants n'ont pas recours à des mesures punitives lorsque l'enfant ne respecte pas ce cadre. Si l'enfant ne respecte pas les règles, les limites et les interdits, toute punition (mots désobligeants, mise au coin, isolement, etc.) est interdite par la loi, car elle est contre-productive ».

Dans son commentaire, Ferry fait référence à une lettre ouverte, signée entre-temps par plus de 700 psychologues pour enfants, éducateurs et autres personnes, qui exige l'arrêt de cette « psychologie positive ». Les auteurs de ce texte sont la psychologue pour enfants Caroline Goldman et la philosophe Elisabeth Badinter.

Ils mettent en garde : « Selon les auteurs de ces directives, tous les enfants sont soudainement devenus des êtres traumatisés à plusieurs reprises, pour qui toute obéissance serait perçue comme un signe de soumission et toute sanction comme un mauvais traitement ». L'agressivité des enfants « y est régulièrement rebaptisée « émotion ». Mais nier l'agressivité impulsive de l'enfant et son exploration normale des limites, et au contraire soutenir et protéger toute expression de frustration, ne peut être qualifié que d'attitude stupide et dangereuse ».

En France aussi, pendant des années, on a expérimenté l'enseignement, au détriment des élèves et des enseignants.

L’horizon déclinant de l’humanité: la dystopie techno-capitaliste de Nick Land

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L’horizon déclinant de l’humanité: la dystopie techno-capitaliste de Nick Land

Markku Siira

Source: https://geopolarium.com/2025/10/08/ihmisyyden-haviava-hor...

Le philosophe anglais et théoricien de l’accélérationnisme Nick Land (né en 1962) est redevenu une figure d’actualité, dont les réflexions sont discutées dans des podcasts, commentées dans des publications en ligne, ainsi que sur les réseaux sociaux, où Land est lui-même présent. Sa pensée séduit ceux qui voient la technologie comme un destin inévitable ou comme une menace qui bouleverse les frontières de l’humanité et remet en question les fondements de l’ordre mondial.

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La pensée de Land agit comme un trou noir dans le champ de la philosophie moderne: elle attire, trouble et déforme tout ce qui s’en approche. Son œuvre oblige à affronter la finitude de l’humanité sous la pression de la machine technologique. Sa philosophie ne se contente pas de remettre en cause la place de l’homme, mais anticipe la marche implacable de la technologie vers un avenir posthumain où les valeurs et significations traditionnelles se dissolvent sous la dynamique technocratique.

L’approche de Land rejette la morale et place l’auto-direction de la technologie au centre de tout, soulignant ainsi une posture radicalement antihumaniste. Un concept clé de ses premiers écrits est celui de « xénodémon » – une incarnation lovecraftienne de l’intelligence artificielle utilisant l’humanité comme tremplin pour ses propres desseins. S’agit-il encore d’un scénario futuriste, ou bien d’un processus de transformation déjà en cours, qui façonne la réalité selon ses propres conditions et menace d’engloutir le sujet humain ?

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La base philosophique de Land s’est formée dans les années 1990 à l’université de Warwick, où il a participé au collectif expérimental Cybernetic Culture Research Unit (CCRU). Dans ce laboratoire intellectuel, Land s’est abreuvé aux courants de Gilles Deleuze, Félix Guattari et de la littérature cyberpunk, a développé le concept d’« hyperstition » (prophétie autoréalisatrice), et a adopté la théorie de l’accélérationnisme, qui, pour lui, se manifeste comme une force autonome du technocapitalisme fonçant vers la singularité.

Au début des années 2000, Land a quitté sa carrière universitaire pour passer à l’usage d’amphétamines et pour subir un effondrement personnel, puis est devenu une figure culte. Ses idées sur la technologie, le capitalisme et la mystique ont depuis été reprises tant par les techno-utopistes, les occultistes que par les prophètes de la dystopie.

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Land voit le capitalisme comme « un virus qui se répand de manière cyberpositive », libérant l’homme de ses limites biologiques mais fragmentant la subjectivité humaine. Pour lui, le capitalisme n’est pas un système économique, mais une machine planétaire qui réorganise la réalité sans la permission de l’homme. Ce processus rappelle l’énergétique du philosophe français Georges Bataille : un flux intense et non linéaire, qui dissout les hiérarchies et les sujets, transformant l’économie en une force chaotique qui absorbe tout et recrache une réalité métamorphosée.

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Parmi les néons et les gratte-ciel de Shanghai, il a vu dans la « Nouvelle-Chine » un précédent du futur – une fusion de l’automatisation globale et du capitalisme asiatique, qui selon lui représente un modèle de développement où la technologie atteint son plein potentiel sans les limites de la démocratie occidentale.

En Chine, Land n’a cependant pas adopté le communisme spatial chinois, mais les principes du néo-réactionnarisme américain, qu’il a développés avec les concepts de « Lumières sombres » et de la « cathédrale ». Le néo-réactionnarisme constitue chez Land un étrange paradoxe : il combine un techno-centrisme futuriste avec une résurgence du féodalisme – l’admiration de l’innovation technologique et de la hiérarchie traditionnelle. Les Lumières sombres imaginent une libération par le technocapitalisme qui mènera hors des illusions de la démocratie et de l’égalité, que Land considère comme des illusions anthropocentriques.

Land critique la démocratie occidentale comme un frein au développement technologique, empêchant l’avènement de la « singularité technologique ». Selon lui, la démocratie maintient la suprématie du sujet humain et freine l’ascension de l’intelligence machinique. Cette vision déterministe repose sur la croyance que le développement technologique est une loi naturelle auxquelles les processus démocratiques s’opposent en vain. L’énergie philosophique de Land s’inspire du concept de machine de Deleuze et Guattari, un champ dynamique générant différences et intensités, l'accélérant pour le mener à l’effondrement et à la renaissance.

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Land s’intéresse aussi à la technologie blockchain. Il considère la cryptomonnaie comme une révolution philosophique qui libère l’économie de la confiance humaine et du contrôle des tiers. Pour Land, la blockchain est une « écologie technonomique » – un processus symbiotique entre technologie et économie, qui automatise la confiance et ouvre la voie à une économie libérée du contrôle.

Cette vision reflète la conception de Land de l’argent comme intelligence machinique, fonctionnant non seulement plus vite que la conscience humaine, mais posant aussi les bases d’un nouvel ordre économique non humain. Dans la vision de Land, l’argent est une forme précoce d’intelligence artificielle qui dirige la société de façon autonome.

Ces dernières années, Land a adopté le vocabulaire du gnosticisme pour décrire le technocapitalisme comme une fusion du matérialisme et de la spiritualité – une libération antihumaniste se dirigeant vers une suprématie non humaine où l’intelligence se libère des chaînes que lui impose l’humanité. Il décrit le technocapitalisme comme un processus cosmique qui dissout le sujet humain et le remplace par une intelligence machinique affranchie de la morale. Il appelle cela un « lexique thermodynamique », faisant référence à la force auto-alimentée des marchés et de la technologie, qui écarte l’homme comme un tournant historiquement inévitable.

Land suit également la politique américaine et voit dans les alliances politiques de leaders technologiques comme Trump et Musk des signes accélérationnistes qui sapent la cathédrale et accélèrent le technocapitalisme vers la singularité. Cette vision unit sa pensée technologique et mystique, où le capitalisme agit comme une hyperstition, une prophétie autoréalisatrice.

L’évolution de la pensée de Land révèle un paradoxe fascinant : il est passé d’un déterminisme centré sur la technologie à un discours métaphysique, tout en conservant son attitude antihumaniste fondamentale. Cela se manifeste aujourd’hui dans sa façon de réinterpréter les concepts religieux dans le contexte de l’ère technologique, tout en rejetant le libéralisme comme un échec historique.

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Ses vues, qui anticipaient autrefois la fin de la politique depuis la perspective de la rupture technologique, se sont rapprochées au fil des ans de la pensée conservatrice traditionnelle, ce qui se reflète aujourd’hui aussi dans ses commentaires, par exemple sur l’état de l’Église d’Angleterre et ses allusions aux profondeurs secrètes de l’histoire de la modernité. Il est étonnant que Land ne voie pas lui-même la contradiction entre le progressisme technologique et le traditionalisme réactionnaire – ou peut-être que ce paradoxe est justement le cœur de sa philosophie.

De même, l’usage pseudo-scientifique de certains concepts pose problème: le mélange de gnosticisme, d’occultisme et de numérologie donne à sa pensée une impression de profondeur, mais révèle une vision du monde où les références occultes peuvent primer sur la rigueur analytique. Cela fait de l’œuvre de Land davantage une fiction spéculative qu’une analyse philosophique sérieuse.

Finalement, la dystopie de Land n’est pas un avertissement, mais une vision qui semble autodestructrice, qu’il considère inévitable, voire souhaitable. Son approche met trop l’accent sur le chaos, négligeant la possibilité d’un changement maîtrisé. Alors que l’horizon de l’humanité menace de disparaître, il nous revient de décider si nous naviguerons à travers la tempête technologique ou si nous nous abandonnerons de bon gré à la gueule de la machine.