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vendredi, 08 août 2025

Postmodernisme alternatif: un phénomène sans nom - Démasquer le postmodernisme pour retrouver la tradition et transcender la modernité

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Postmodernisme alternatif: un phénomène sans nom

Démasquer le postmodernisme pour retrouver la tradition et transcender la modernité

Alexander Douguine

Alexander Douguine soutient que le postmodernisme accomplit la logique nihiliste de la modernité, mais qu'en récupérant ses éléments hérités — la phénoménologie, le mythe, le sacré et l'antiracisme différentialiste —, nous pouvons créer une alternative traditionaliste au-delà de l'ordre libéral déviant.

Déconstruire le postmodernisme

Plusieurs aspects essentiels du postmodernisme doivent être clarifiés. Le postmodernisme n'est pas un phénomène unifié. Bien que ce soient les penseurs postmodernistes eux-mêmes (notamment Derrida) qui aient introduit le concept de « déconstruction » — lui-même fondé sur la notion de Destruktion de Heidegger dans L'Être et le temps —, le postmodernisme peut à son tour être déconstruit, et pas nécessairement de manière postmoderniste.

Le postmodernisme émerge des fondements de la modernité. Il critique en partie la modernité et la prolonge en partie. Au fur et à mesure que le mouvement s'est développé, ses déterminations de ce à quoi il s'oppose précisément dans la modernité et de ce qu'il choisit de perpétuer sont devenues un dogme philosophique et ont échappé à toute critique. Ce système auto-renforçant est ce qui définit le postmodernisme en tant que tel. Il n'est ni bon ni mauvais; il est, tout simplement. Sans cette structure, le postmodernisme se serait entièrement dissous. Mais cela ne s'est pas produit. Malgré son ironie, son caractère évasif et sa rhétorique glissante, le discours postmoderniste possède un noyau clair de principes fondamentaux qu'il n'abandonne jamais et délimite des frontières qu'il ne transgresse jamais.

Si l'on adopte une position critique à l'égard de ce noyau et que l'on franchit ces limites, il devient possible d'examiner le postmodernisme de l'extérieur et de se demander: pouvons-nous extraire certains courants que le postmodernisme s'est appropriés ailleurs et les recombiner différemment ? Pouvons-nous ignorer ses limites auto-imposées et ses impératifs moraux, démanteler le postmodernisme en ses composantes sans nous soucier de ses protestations théoriques ?

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Démanteler la modernité: qu'y a-t-il de précieux dans le postmodernisme ?

Proposons quelques observations générales. Nous identifierons d'abord dans le postmodernisme les courants qui présentent un intérêt du point de vue d'une critique radicale de la modernité, dépouillés de leur cadre moral postmoderniste. Nous énumérerons ensuite les caractéristiques si étroitement liées à cette moralité qu'elles ne peuvent en être séparées.

Qu'est-ce qui attire le critique radical de la modernité occidentale dans le postmodernisme ?

- La phénoménologie et l'exploration de l'intentionnalité (Brentano, Husserl, Meinong, Ehrenfels, Fink)

- Le structuralisme et l'ontologie autonome du langage, du texte et du discours (Saussure, Trubetzkoy, Jakobson, Propp, Greimas, Ricœur, Dumézil)

- Le pluralisme culturel et l'intérêt pour les sociétés archaïques (Boas, Mauss, Lévi-Strauss)

- Reconnaissance du sacré comme facteur existentiel fondamental (Durkheim, Eliade, Bataille, Caillois, Girard, Blanchot)

- Existentialisme et philosophie du Dasein (Heidegger et ses disciples)

- Acceptation de la topologie psychanalytique comme « travail de rêve » continu sapant la rationalité (Freud, Jung, Lacan)

- Déconstruction comme contextualisation (Heidegger)

- Accent mis sur le récit en tant que mythe (Bachelard, Durand)

- Critique du racisme, de l'ethnocentrisme et du suprémacisme occidentaux (Gramsci, Boas — Personality and Culture, nouvelle anthropologie)

- Critique de la vision scientifique du monde (Newton) et de ses fondements rationalistes cartésiens et lockiens (Foucault, Feyerabend, Latour)

- Exposition de la fragilité, de l'arbitraire et de la fausseté des hypothèses fondamentales de la modernité (Cioran, Blaga, Latour)

- Pessimisme à l'égard de la civilisation occidentale et démystification des mythes utopiques du « progrès » et d'un « avenir radieux » (Spengler, les frères Jünger, Cioran)

- Sociologie fonctionnaliste (Durkheim, Mauss), démontrant l'illusion de la liberté individuelle par rapport à la société

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- Démasquage du nihilisme de la modernité (Nietzsche, Heidegger)

- Relativisation du sujet humain (Nietzsche, Jünger)

- Découverte de l'intériorité et de l'intériorité chez l'homme (Mounier, Corbin, Bataille, Jambet)

- Théologie politique (Carl Schmitt, Giorgio Agamben)

Progressisme et censure du postmodernisme

Toutes ces tendances intellectuelles sont apparues avant le postmodernisme et ont existé indépendamment de lui. Chacune a apporté quelque chose d'essentiel au postmodernisme et, au fil du temps, a commencé à se développer dans son contexte, fusionnant à des degrés divers. Néanmoins, toutes les approches, leurs intersections et leurs points de dialogue, réels ou imaginaires, restent viables en dehors du paradigme postmoderniste.

Les penseurs postmodernistes s'y opposeront. Pour eux, toute interprétation non postmoderniste de ces mouvements a déjà été invalidée de manière préventive par le postmodernisme. En dehors du cadre postmoderne, ces traditions sont considérées comme purement archéologiques.

Le postmodernisme insiste sur le fait que ces disciplines et ces écoles sont devenues de simples objets au sein du sujet postmoderne, qui détient désormais un contrôle interprétatif absolu. Toutes ces lignes de pensée sont considérées comme dépassées, sublimées au sens hégélien, et donc dépouillées de leur droit souverain d'interprétation. Elles ne sont autorisées à exister qu'au sein du postmodernisme, selon ses règles. Prises isolément, elles ne sont pas simplement dépassées, mais toxiques lorsqu'elles sont coupées du contexte postmoderne.

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Pourtant, toutes ces orientations sont apparues au tournant du 20ème siècle et représentent un tournant systémique au sein même de la modernité. Dans ces courants, la modernité est confrontée à sa crise la plus profonde, à son incohérence et à sa fin inévitable. Il est important de noter que cette confrontation s'est produite avant que le postmodernisme n'acquière ses caractéristiques définitives. Ces traditions ont nourri le postmodernisme, façonnant son climat intellectuel, son langage et son appareil conceptuel. Pourtant, au sein de la modernité, elles existaient dans un contexte différent, contrôlées par les « gardiens de l'orthodoxie » que le postmodernisme cherchait à l'origine à remettre en question. Tout comme la modernité a renversé le prémoderne sous la bannière de l'antidogmatisme, mais a rapidement érigé ses propres dogmes, et tout comme les régimes communistes ont pris le pouvoir en s'opposant à l'oppression pour ensuite instaurer une violence et un contrôle encore plus grands, le postmodernisme a rapidement pris un caractère exclusif et tyrannique.

Le paradoxe est le suivant : le postmodernisme élève le relativisme au rang de valeur universelle, puis défend cette « conquête » par les mesures mondialistes les plus dures et les plus absolutistes. La transgression passe de possibilité à impératif. Le pathologique devient normatif. Tout ce qui précède ce nouvel ordre est soumis à une exclusion impitoyable.

Un examen attentif des traditions susmentionnées révèle que si beaucoup se situent dans le cadre de la modernité, elles en soulignent également les lacunes. D'autres vont plus loin, décrivant la modernité comme un phénomène intrinsèquement sombre, déformé, nihiliste et erroné.

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Que faut-il rejeter dans le postmodernisme ?

Identifions maintenant les caractéristiques du postmodernisme susceptibles d'être responsables de son virage totalitaire :

- Le progressisme, désormais paradoxal : le « progrès » signifie le démantèlement de la croyance en l'utopie et en l'avenir. On pourrait appeler cela le « progressisme noir » ou les « Lumières sombres » (Nick Land - portrait, ci-dessous).

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- Le matérialisme, redéfini comme le summum de la doctrine postmoderniste, surpassant les matérialismes plus anciens et plus « idéalistes ». Un nouveau matérialisme « réel » doit être justifié (Deleuze, Kristeva).

- Le relativisme, qui rejette toutes les universalités, les taxonomies et les hiérarchies, alors même que le relativisme lui-même devient un dogme (Lyotard, Negri & Hardt).

- Le poststructuralisme, qui cherche à surmonter les limites du structuralisme, en particulier son incapacité à s'adapter au dynamisme historique et social (Foucault, Deleuze, Barthes).

- La critique radicale de la tradition, considérée (en particulier par Hobsbawm) comme une fiction bourgeoise, un narcotique pour le peuple. Cela efface toute ontologie souveraine de l'esprit.

- Le nouvel universalisme, défini par une décomposition ironique et une méfiance envers toute prétention unificatrice, qui déplace l'attention vers les fragments ontiques et l'hétérogénéité.

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- La moralité de la libération totale, qui célèbre la transgression sans limites (Foucault, Deleuze, Guattari, Bataille - photo, ci-dessus).

- L'anti-essentialisme, une interprétation déformée du Dasein de Heidegger : l'essence est entièrement rejetée ; l'être devient pur devenir.

- L'abolition de l'identité, l'identité devenant transitoire, performative et moralement suspecte. Seul son dépassement est vertueux.

- La théorie du genre, imposant une relativisation radicale de l'identité de genre, d'âge et d'espèce (Kristeva, Haraway)

- La psychanalyse postmoderne, cherchant à démanteler les cartes structurelles de Freud et Lacan (Guattari)

- La haine de la hiérarchie, rejetant l'ordre vertical au profit des masses schizoïdes et des « parlements d'organes » (Latour)

- Le nihilisme, non plus un diagnostic mais une célébration du Néant — une volonté vers le Néant (Deleuze)

- L'abolition de l'événement, remplacée par le recyclage (Baudrillard)

- Le posthumanisme, dépassement de l'humain jugé trop traditionnel, promotion des hybrides, des cyborgs et des chimères (B.-H. Lévy, Haraway)

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- Apologie des minorités, assimilant les cultures archaïques organiques à des sous-cultures artificielles et mécaniques ; promotion de communautés perverses et malades mentales en réseau.

- Le postmodernisme comme finalisation nihiliste de la modernité.

En y regardant de plus près, il apparaît clairement que le postmodernisme n'hérite pas simplement de la modernité, mais qu'il achève la trajectoire morale de l'ère moderne, la menant à sa conclusion logique. Cette liste de caractéristiques postmodernes ne reflète plus une relation conflictuelle avec la modernité, comme dans la liste précédente, mais montre plutôt une critique de la gauche: un regret que la modernité n'ait pas pleinement réalisé ses propres principes. Le postmodernisme propose désormais d'achever cette tâche. En ce sens, le postmodernisme se révèle être l'aboutissement de la modernité, la réalisation de son telos. Mais alors que la modernité a tenté son projet émancipateur dans le contexte de la société traditionnelle (le prémoderne), le postmodernisme commence par tenter de surmonter la modernité elle-même. D'où le caractère totalitaire et bolchevique des épistémologies postmodernistes, qui embrassent la terreur révolutionnaire comme une nécessité théorique. La modernité doit être abolie précisément parce qu'elle n'était pas suffisamment moderne, parce qu'elle a échoué dans sa mission. Toute la logique reproduit celle du marxisme: tout comme la bourgeoisie était une classe progressiste par rapport à la féodalité, mais devait être renversée par le prolétariat plus progressiste, la modernité est plus progressiste que la tradition, mais doit maintenant être dépassée par le postmodernisme. C'est une dialectique du dépassement vers la gauche.

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Théorie critique implicite

Revenons maintenant sur les courants précédemment signalés comme intéressants. Une fois séparés du postmodernisme – et en particulier de ses caractéristiques inacceptables –, ils forment une constellation cohérente. Cette cohérence n'apparaît qu'après la déconstruction du postmodernisme lui-même. Le fait que ces mouvements intellectuels se soient développés indépendamment et avant le postmodernisme montre que nous avons affaire à un ensemble d'idées totalement différent et autonome. Ces théories reconnaissent toutes la crise fondamentale et décisive de la civilisation occidentale contemporaine (cf. René Guénon, La crise de la civilisation occidentale), tentent de localiser le moment historique de l'erreur décisive qui a conduit à la situation actuelle, identifient les tendances centrales du nihilisme et du déclin, et proposent diverses stratégies de sortie, allant de la correction de cap à la révolte ouverte ou à la révolution conservatrice.

L'accent qu'elles mettent sur le nihilisme de la modernité occidentale, en particulier ses phases purement négatives au 20ème siècle, les relie au postmodernisme et permet un certain degré d'intégration. Mais à y regarder de plus près, ces mouvements peuvent être harmonisés – bien que de manière relative – à travers une trajectoire sémantique complètement différente. Ils visent à libérer la modernité précisément des aspects que le postmodernisme a consacrés.

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En d'autres termes, la culture intellectuelle du 20ème siècle a atteint un point de bifurcation. Sa critique commune de la civilisation occidentale – sa philosophie, sa science, sa politique et sa culture – s'est scindée en deux courants principaux :

- Le postmodernisme, qui revendique explicitement la souveraineté interprétative et axiologique et affirme sa légitimité exclusive.

- Un deuxième phénomène qui n'a pas de nom — expulsé, fragmenté et remodelé par le postmodernisme lui-même.

L'absence de nom, d'unité structurelle ou de consolidation institutionnelle de ce deuxième courant — ainsi que son acceptation d'une existence isolée et son accent sur des questions localisées et sectorielles — nous a jusqu'à présent empêchés de le traiter comme une formation intellectuelle cohérente.

La seule véritable tentative d'unifier ces différents courants a été faite au sein de la Nouvelle Droite française. Elle y est parvenue en partie, mais son mouvement intellectuel a été entaché par des étiquettes marginalisantes et un cadrage déformé. Ainsi, le phénomène que nous appelons « postmodernisme alternatif » ou « non-postmodernisme » reste sans nom, sans structure et sans forme institutionnelle.

Cela ne signifie toutefois pas que nous devions rejeter cette branche de la pensée critique comme éphémère ou accepter les prétentions hégémoniques du postmodernisme. Nous pouvons interpréter la somme de ces vecteurs intellectuels comme une vision du monde cohérente, bien qu'implicite. Cela devient évident dès lors que l'on adopte le point de vue d'une histoire alternative des idées. L'histoire ne garantit pas que les vainqueurs – qu'il s'agisse de guerres, de conflits religieux, d'élections, de révolutions ou de batailles philosophiques – soient nécessairement alignés sur la vérité, le bien ou la justice. Les résultats varient. Nous pouvons appliquer ce principe de la même manière au postmodernisme et à son alternative: l'alt-postmodernisme.

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Phénoménologie

La phénoménologie est importante car elle affirme la primauté du sujet, sa souveraineté ontologique. Cela brise les axiomes matérialistes de la modernité, plaçant l'objet de l'intentionnalité dans le processus même de la pensée et de la perception. Le terme même d'intentio, qui signifie « être dirigé vers quelque chose », implique l'intériorité. Franz Brentano, le fondateur de la phénoménologie, a tiré cette idée de la scolastique européenne, en particulier de l'aristotélisme radical au sein de l'ordre bénédictin (par exemple, Friedrich von Freiberg et les mystiques rhénans), qui mettaient l'accent sur l'immanence de l'intellect actif dans l'âme humaine. La thèse de Brentano portait sur la doctrine aristotélicienne de l'intellect actif. Bien que développée par la suite par Husserl et portée à des sommets métaphysiques par Heidegger, la phénoménologie révèle un style de pensée prémoderne qui transcende le nominalisme, le matérialisme et l'atomisme. Elle dépasse ainsi la modernité tout en faisant écho à la pensée classique et médiévale.

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Structuralisme

Le structuralisme est séduisant car il rétablit la priorité du langage — à nouveau, le domaine du sujet — sur la réalité non linguistique. Cela renverse la foi du positivisme dans les objets réels et leurs faits atomiques. Bien que révolutionnaire en linguistique, en logique et en philologie, cette vision reflète la vénération de la société traditionnelle pour le Logos, pour l'ontologie du langage et de la raison. Bien que l'affirmation d'une ontologie textuelle souveraine puisse sembler grotesque, dans le contexte positiviste — conscient ou inconscient —, elle ravive les attitudes pré-nominalistes et réalistes. Le débat médiéval sur les universaux opposait essentiellement ceux qui affirmaient l'ontologie autonome des noms (réalistes et idéalistes) aux nominalistes qui la niaient.

Ainsi, le structuralisme, bien que né dans un contexte philosophique et culturel différent, fait écho au réalisme et à l'idéalisme ainsi qu'à la pensée prémoderne.

De plus, si l'on considère les liens entre les principaux structuralistes — tels que Trubetzkoy et Jakobson, fondateurs de la phonologie — et le mouvement eurasien, ainsi que les tendances traditionalistes dans les travaux de Dumézil sur l'idéologie tripartite indo-européenne et les parallèles entre Propp, Greimas et les visions sacrées du monde, ce lien s'approfondit considérablement.

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Réhabilitation des sociétés archaïques

L'étude rigoureuse et impartiale des sociétés archaïques, fondée sur les mythes et les croyances, a réfuté les conclusions superficielles et souvent erronées de l'anthropologie progressiste et évolutionniste. Elle a révélé de nouvelles perspectives sur la culture qui, comme l'ont souligné Franz Boas et son école, doit être comprise selon ses propres termes, avec sa sémantique et son ontologie intactes.

Cela conduit à l'affirmation du pluralisme culturel et à un noyau minimal de propriétés que l'on pourrait qualifier d'universelles. Les systèmes d'échange, bien qu'universels dans leur fonction, prennent des formes distinctes dans différentes sociétés et façonnent leurs horizons ontologiques et épistémologiques.

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Le sacré

La redécouverte du sacré en tant que phénomène distinct s'est produite simultanément en sociologie, en religion comparée et en philosophie traditionaliste. Les traditionalistes ont embrassé le sacré, considérant sa perte dans la civilisation moderne comme un signe de décadence. La sociologie s'est limitée à la description, tandis que la religion comparée — et certaines branches de la psychanalyse, notamment Jung — ont démontré la présence durable de modèles sacrés même dans les sociétés rationalistes et matérialistes.

Le postmodernisme n'aborde le sacré que pour intensifier sa critique de la modernité, qu'il accuse de ne pas avoir réalisé ses propres idéaux. Plutôt que de désenchanter le monde (comme l'affirmait Max Weber), la modernité a simplement généré de nouvelles mythologies. Le postmodernisme ne réhabilite pas le mythe; il cherche à l'éradiquer de manière encore plus fondamentale que les Lumières. Ce programme est étranger aux sociologues, aux comparatistes, aux pragmatistes (comme William James) et aux traditionalistes. Le sacré peut donc être étudié indépendamment des objectifs postmodernistes.

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Philosophie du Dasein

La philosophie de Heidegger constitue un vaste champ d'idées autonome. Son projet d'un nouveau départ pour la philosophie n'a rien de commun avec les fondements du postmodernisme. Ce qui a atteint le postmodernisme, ce sont les échos de Heidegger à travers des lectures sélectives et déformées des existentialistes français (Sartre, Camus, etc.), qui ont ensuite été déformées dans le discours postmoderniste.

Le concept de rhizome de Deleuze peut faire vaguement écho au Dasein de Heidegger, mais la ressemblance est superficielle — plus proche d'une parodie matérialiste que d'une continuation fidèle.

Psychanalyse

À l'instar de la pensée de Heidegger, la psychanalyse dépasse largement le postmodernisme. Sa plus grande valeur réside dans son affirmation d'une ontologie autonome de la psyché — en particulier de l'inconscient — dont la signification ne découle pas de la subjectivité rationnelle, mais de mécanismes oniriques complexes. La psychanalyse ne doit pas se limiter à une seule école — orthodoxie freudienne, théorie jungienne ou modèles lacanien. L'Anti-Œdipe de Deleuze et Guattari et la psychanalyse féministe sont des variantes marginales qui, malgré les tentatives postmodernistes, n'annulent pas les autres cadres interprétatifs. À bien des égards, la psychanalyse fait revivre le mythe et les structures sacrées, en particulier dans la tradition jungienne, ce qui la rapproche du traditionalisme et de la critique anti-rationaliste. Les séminaires d'Eranos illustrent ces intersections.

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Déconstruction

La déconstruction de Derrida est une extension de la destruction philosophique de Heidegger, telle qu'introduite dans L'Être et le temps. Heidegger entendait par là le placement d'une école, d'une théorie ou d'une terminologie dans une structure philosophico-historique, à savoir l'oubli progressif de l'Être, aboutissant à la suppression de la question ontologique (ontologische Differenz). La déconstruction peut être utilisée dans toutes les disciplines pour restaurer des positions fondamentales, à l'instar de l'idée de « jeux de langage » de Wittgenstein. Elle implique une analyse sémantique précise : retracer les concepts et les récits depuis leur origine, à travers leurs changements et leurs distorsions. Le modèle de Heidegger est très utile, mais il n'est pas le seul.

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Analyse des mythes

L'étude des mythes en tant que scripts durables reliant des images, des figures et des événements révèle des schémas communs à différentes époques et cultures. Si la déconstruction recherche le noyau originel des systèmes de connaissance, l'analyse des mythes (par exemple, Gilbert Durand) identifie les schémas récurrents et les algorithmes de la conscience culturelle.

Parfois, l'analyse des mythes recoupe la psychanalyse jungienne ; d'autres fois, elle éclaire la sociologie, l'anthropologie, les sciences politiques et la théorie culturelle.

Antiracisme différentialiste

La critique de l'ethnocentrisme et des hiérarchies culturelles ne doit pas reposer sur un individualisme extrême ou sur la validation globale des minorités. La pluralité culturelle est une loi sémantico-génétique: le sens n'apparaît qu'au sein d'une culture, et chaque culture a ses propres normes. Les sociétés doivent être comprises selon leurs propres termes.

Cela conduit à un différentialisme sans hiérarchie. L'impératif moral libéral d'émanciper les individus des identités collectives sape l'unité culturelle. L'antiracisme différentialiste se contente d'affirmer la réalité de la différence, sans appliquer aucune mesure « transcendantale » de valeur.

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Cette lecture de Boas et Lévi-Strauss (photo) a été adoptée par les eurasianistes russes et la Nouvelle Droite française, mais elle peut s'étendre bien au-delà de ces cadres.

Critique de la vision scientifique du monde

Les critiques postmodernes de la science — Foucault, Latour, Feyerabend — peuvent être explorées indépendamment. Ces critiques rappellent la critique de Husserl à l'égard des sciences européennes, qui appartient à la phénoménologie et constitue une tradition distincte. Nous devons également revisiter les modèles scientifiques prémodernes, comme l'ontologie aristotélicienne et l'hermétisme.

Le postmodernisme évite tout cela. Ses critiques proviennent de théories récentes — relativité, mécanique quantique, théorie des cordes — sans s'engager dans les sciences sacrées du passé. Mais une synthèse entre la critique scientifique et la science sacrée pourrait donner naissance à une vision radicalement nouvelle. En dehors du postmodernisme, rien ne s'y oppose.

Les critiques du rationalisme, du dualisme cartésien et de la mécanique newtonienne pointent vers des concepts plus raffinés de l'esprit et de la réalité, réhabilitant le Nous de Platon et l'« intellect actif » d'Aristote. À partir de là, on pourrait reconstruire de nouvelles ontologies scientifiques inspirées de l'Antiquité et du Moyen Âge.

Critique de la modernité

Les critiques postmodernes de la modernité reflètent largement la critique du capitalisme par Marx. Marx dénonçait le capitalisme comme une abomination, tout en reconnaissant sa nécessité historique et son rôle progressiste par rapport aux systèmes antérieurs. Sur cette base, il établissait une distinction stricte entre les critiques issues d'une perspective post-capitaliste (comme la sienne) et celles qui rejetaient le capitalisme dans son ensemble, y compris sa nécessité et son utilité. Parmi ces derniers figuraient les conservateurs et les socialistes agraires comme Ferdinand Lassalle et les narodniki russes.

De même, les postmodernistes condamnent la modernité comme une catastrophe, tout en embrassant sa moralité et ses objectifs émancipateurs, qu'ils affirment qu'elle n'a pas réussi à réaliser. Cette critique, bien que souvent juste, partage le défaut du marxisme: elle surestime la nécessité de la modernité en tant que destin, plutôt que de la considérer comme un choix historique. On peut choisir la modernité — ou autre chose, comme la tradition. Les véritables opposants à la modernité sont prêts à s'allier à tous ses détracteurs.

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Les critiques les plus virulentes viennent des traditionalistes: le philosophe français René Alleau qualifiait René Guénon de révolutionnaire plus radical que Marx. Lorsque des critiques comme André Gide, Antonin Artaud, Georges Bataille, Ezra Pound ou T. S. Eliot s'alignent sérieusement sur les positions de Guénon et d'Evola, leurs arguments gagnent en force. Sinon, ils restent prisonniers du mal même qu'ils combattent.

Pessimisme envers la civilisation occidentale

Il en va de même pour le pessimisme envers la civilisation occidentale contemporaine. Elle a été critiquée par la gauche — Bergson, Sartre, Marcuse — et par la droite — Nietzsche, Spengler, les frères Jünger et Cioran. Ces camps ont beaucoup en commun, surtout lorsque leurs critiques s'étendent vers l'avenir tout en s'inspirant du passé. Pourtant, considérer cette civilisation comme autre chose que pathologique, déviante ou, au pire, comme une grande parodie ou le royaume de l'Antéchrist, c'est accepter sa logique interne et sa légitimité.

En dehors du postmodernisme, le dialogue entre les critiques de gauche et de droite restait possible, bien que difficile. Le postmodernisme a complètement fermé cet espace.

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La pertinence de la sociologie

En tant que discipline née à la fin de la modernité, la sociologie conserve une vision approfondie des relations entre la société et l'individu, en particulier de la primauté du social. Durkheim (portrait, ci-dessus) appelait cela le « fonctionnalisme »: les individus ne sont pas façonnés par leur moi autonome, mais par un réseau de rôles sociaux, de masques et de fonctions.

De ce principe fondamental, de nombreuses conclusions peuvent être tirées. Des penseurs tels que Tönnies, Sombart, Sorokin, Pareto et Dumont ont montré qu'il n'existe pas de modèle de développement unique ni de règle universelle régissant la société. Les sociétés connaissent des cycles, des déclins, des renaissances, mais aucune progression linéaire. Ainsi, le rêve de la morale libérale de libérer l'individu de l'identité collective s'effondre. La vision libérale de l'histoire comme une émancipation constante est un mythe. La sociologie démasque bon nombre des idées dominantes de la modernité comme de simples « mythes du droit » (cf. Georges Sorel), des fictions instrumentales utilisées par les élites au pouvoir.

La sociologie expose le progrès comme un préjugé infondé (cf. Pitirim Sorokin). Le postmodernisme ne s'inspire de la sociologie que pour concevoir de nouvelles formes de libération et des stratégies exotiques : transgression, fluidité des genres, formations schizoïdes de masse (Deleuze/Guattari), langages privés (Barthes, Sollers) et fragmentation du soi en unités sous-individuelles — « parlement des organes » (Latour) ou « usine de micro-désirs » (Deleuze).

Au-delà de cela, la sociologie conserve son pouvoir herméneutique, rétablissant le statut ontologique du collectif (holisme) et centrant non pas l'individu isolé, mais la personne (persona).

Nihilisme

Le nihilisme dans la société occidentale a été identifié bien avant le postmodernisme. Nietzsche l'a exploré en profondeur ; Heidegger a construit toute une ontologie autour de lui. Pour Heidegger, la philosophie était une recherche de voies pour sortir du labyrinthe nihiliste. Il traitait la question du Néant avec le plus grand sérieux.

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Les postmodernistes ont revendiqué le monopole du nihilisme, le banalisant en ironie. Deleuze a rebaptisé la « volonté de rien » moteur culturel du postmodernisme. Ainsi, ils ont apporté une réponse facile avant même de comprendre la question. Le nihilisme postmoderniste ressemble souvent à de la moquerie ou à de l'art performatif, et non à de la philosophie. Les tentatives visant à élever cela au rang d'épistémologie — via la non-philosophie de Laruelle ou le nihilisme transcendantal de Ray Brassier — transforment un échec de la pensée en dogme.

Le nihilisme exige toujours une réflexion sérieuse — et peut-être un dépassement radical. Nietzsche appelait l'Übermensch « le vainqueur de Dieu et du Néant ». L'ouvrage d'Evola, Chevaucher le Tigre, analyse cette tâche en profondeur.

La relativisation de l'homme

À la suite de l'appel de Nietzsche à « déshumaniser l'Être », de nombreux penseurs du 20ème siècle ont remis en question la centralité de l'homme. Ortega y Gasset a décrit la déshumanisation de l'art. Ernst Jünger a examiné comment les systèmes technocratiques ont supplanté la nature humaine.

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Cette préoccupation a conduit à divers domaines : l'éthologie de Konrad Lorenz, la théorie de l'Umwelt de Jakob von Uexküll, la critique de la technologie de Friedrich Georg Jünger, l'« écologie de l'esprit » de Gregory Bateson.

Le postmodernisme, cependant, a glorifié la mutation, appelant à des êtres hybrides biomécaniques et dénonçant tout essentialisme. Sa guerre contre l'anthropocentrisme s'est transformée en un projet complet visant à effacer l'homme en tant qu'espèce. Les futurologues comme Harari et Kurzweil louent cela dans leurs visions de la singularité.

La dimension intérieure

La redécouverte de l'intériorité, bien que résumée par Bataille dans son ouvrage L'expérience intérieure, n'est pas née avec la modernité. Saint Paul a écrit sur « l'homme intérieur ». Les religions traditionnelles sont centrées sur l'âme. La modernité, fondée sur le matérialisme et l'évolutionnisme, a effacé cette dimension, modelant un homme sans âme.

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Le fait que les artistes d'avant-garde et les surréalistes aient découvert « l'homme intérieur » dans leur crise de la modernité n'en fait pas une invention du 20ème siècle. Des traditionalistes comme Evola et Guénon ont proposé des descriptions métaphysiques détaillées de la subjectivité radicale. Les personnalistes (après Mounier) ont développé cette idée. Corbin et ses élèves (Jambet, Lardreau, Lory) ont élevé la figure de l'Ange, un thème repris par Rilke et Heidegger.

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Dans le postmodernisme, cette dimension est marginale. Les réalistes critiques rejettent tout repli sur soi, à moins qu'il ne s'agisse d'un repli sur l'intérieur des choses, séparé du Dasein (cf. Graham Harman).

En dehors du postmodernisme, le sujet radical reste une préoccupation philosophique centrale.

Théologie politique

Carl Schmitt a formulé la théologie politique comme une théorie du politique. Le fait que des penseurs postmodernistes (Taubes, Mouffe, Agamben) aient adapté Schmitt ne change rien à son autonomie. Des concepts tels que « vie nue » et « katechon négatif » sont dérivés des idées de Schmitt.

La théologie politique s'appréhende mieux dans le cadre de la philosophie intégrale de Schmitt, qui était profondément conservatrice et hostile à la modernité.

Postmodernisme alternatif et traditionalisme

Cette analyse préliminaire ouvre une voie pour l'avenir.

Le postmodernisme a déformé le paysage philosophique, revendiquant l'héritage intellectuel de l'humanité. Pourtant, si nous le rejetons en bloc, nous risquons de retomber dans des positions prémodernes déjà dépassées – et habilement démantelées – par le postmodernisme. De plus, en rejetant entièrement le postmodernisme, nous rejetons également les courants critiques qu'il s'est appropriés. L'engagement superficiel du postmodernisme envers le sacré et d'autres éléments positifs menace de discréditer les structures prémodernes par association.

Un retour direct à la Tradition, ignorant l'empreinte profonde laissée par la modernité et le postmodernisme, est impossible. Un mur sémantique nous sépare du prémoderne. Les rayons de la Tradition authentique s'estompent ou sont déformés au point d'être méconnaissables.

Pour atteindre la Tradition, il faut passer par la modernité et le postmodernisme. Sinon, on reste prisonnier de son propre champ épistémique.

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Ainsi, le phénomène que nous appelons « postmodernisme alternatif » revêt une importance fondamentale. Il ne peut être contourné. Son noyau doit être le traditionalisme et la critique radicale de la modernité. Mais sans un dialogue vivant avec la pensée contemporaine, le traditionalisme se décompose en une secte sans vie. Le postmodernisme alternatif revitalise sa puissance intérieure.

Cela a déjà été tenté par Julius Evola, qui s'est engagé dans les défis de son temps — philosophiques, politiques, scientifiques — en s'écartant sans crainte de l'orthodoxie lorsque cela était nécessaire. Nous devons faire de même.

L'Europe n'est plus qu'une périphérie

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L'Europe n'est plus qu'une périphérie

Source: https://www.heliodromos.it/periferia-europa/

En ces temps difficiles, où presque plus personne ne veille sur la beauté de la terre, alors que le monde est en proie à des guerres insensées et à des massacres indicibles, les analystes et les (faux) sages des médias soulignent l'insignifiance de l'Europe et de ses institutions, son manque d'influence sur la scène politique internationale, son exclusion et sa marginalisation des lieux où se prennent les décisions importantes et où se font les choix décisifs. Et en le constatant, on affiche surprise et consternation, presque comme si l'on subissait une injustice ou si l'on était victime d'un abus.

Il suffirait cependant d'évaluer avec détachement et sans préjugés la soi-disant Union européenne pour se rendre compte qu'il ne pourrait en être autrement. Qu'est-ce qui pourrait en effet garantir l'autorité et la crédibilité de l'entité qui s'est emparée de la civilisation européenne, si celle-ci repose précisément sur le rejet de toute idée (antérieure) d'autorité et de souveraineté ? Les « talebuoni » (1) qui y campent sont manifestement au service et à la solde de centres de pouvoir extérieurs et inconnus, de sorte qu'ils ne sont absolument pas en mesure d'intervenir concrètement, de prendre des décisions autonomes et de s'attaquer aux problèmes réels de la population.

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N'étant que de sombres transmetteurs d'ordres et signataires de décrets et de réformes dictés par quelqu'un qui ne s'intéresse qu'à son propre profit (les seigneurs de l'usure), ils sont totalement incapables de prendre toute initiative bonne et utile pour les peuples qu'ils prétendent gouverner. Même la stérilité croissante de la population et le déficit de natalité qui menace les Européens peuvent leur être imputés, en tant que conséquence directe de cette « obscurcissement », qui dépend bien plus qu'on ne peut l'imaginer de l'éloignement de l'Esprit, qui est toujours source de vie, de renouveau et de renaissance des êtres vivants sur terre.

Le sortilège dont ils sont victimes les éloigne de la Lumière du Seigneur, qui pourrait éclairer leurs actions et illuminer leurs pensées. Perdus dans l'ombre et déconnectés de son cœur, de son âme et de son esprit, ils agissent comme un mécanisme froid, rendant compte uniquement à ses fabricants et programmeurs, qui les ont mis là (en les achetant pour peu, car ils ne valent pas grand-chose) afin qu'ils servent leurs intérêts, qui ne prévoient en aucun cas le bien commun. Un manque de liberté et d'autonomie qui, d'ailleurs, n'épargne même pas les premiers serviteurs – fût-ce le commandant en chef des États-Unis, le plus asservi de tous, même en vertu des cendres d'Epstein cachées sous le tapis ! – placé seulement un cran plus haut dans la hiérarchie servile...

Voilà l'origine et la logique de toutes les impositions scélérates et des directives démentielles que ces serviteurs pondent en continu (C'EST STRICTEMENT INTERDIT ! est la seule chose qu'ils parviennent à dire au peuple), y compris les choix stupides et insensés de politique internationale, inacceptables non seulement du point de vue de l'intelligence, de la conscience et de l'humanité, mais même contraires aux intérêts matériels des différents États européens. D'ailleurs, la méchanceté congénitale qui les caractérise les empêche de faire des associations logiques et rationnelles, de distinguer le bien du mal, de garantir toute forme de justice et d'assurer (dans la mesure du possible) un peu de paix. Ils n'en possèdent pas les principes, ils ne sont pas en mesure d'accéder à leur source.

Ce qui constituait le contenu spirituel éternel de l'Europe a été attaqué et démoli non pas par des ennemis extérieurs, contre lesquels on aurait pu se défendre par instinct de survie et par réaction naturelle, mais de manière beaucoup plus banale, l'attaque est venue de l'intérieur, de certaines composantes et forces qui ont promu des idéologies et des modes de vie représentant la négation de l'ordre précédent, jusqu'à conduire à l'asservissement actuel.

L'ordre organique sur lequel reposait la civilisation précédente, articulé en communautés, corps et unités différenciés et hiérarchisés, maintenus ensemble par la relation directe entre la réalité terrestre et le domaine spirituel et sacré, s'est effondré lorsque le « contact » entre le haut et le bas a été rompu. Et le fait même qu'aujourd'hui on utilise l'arme des sanctions économiques pour plier les États et les nations récalcitrants, alors qu'auparavant il suffisait de menacer d'excommunication pour ramener à l'ordre les souverains et les individus, indique clairement le glissement matériel subi par la société moderne.

D'ailleurs, la tyrannie et le totalitarisme sont postérieurs à cette « fracture », du moins depuis la Révolution française, où un appareil centralisateur fondé sur la bureaucratie, le contrôle policier et des impositions rigides s'est imposé de manière toujours plus envahissante et oppressive, contre les autonomies et les indépendances communautaires et personnelles qui existaient auparavant, où les différences linguistiques, ethniques et historiques individuelles étaient respectées et préservées. Et le fait d'avoir troqué les anciennes autonomies et libertés contre un (prétendu) bien-être matériel n'est pas forcément une bonne affaire !

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Pour se rebeller contre cette tyrannie apparemment invincible, il faudrait remettre au centre la liberté authentique, qui ne soit plus au service de l'individualisme et des vices égoïstes privés, transformés en droits publics ; en reconstruisant, dans le même temps, un ordre organique totalement décentralisé, composé d'autonomies individuelles et d'autorités intermédiaires, en remettant au centre des fonctions directrices – à tous les niveaux – la personne, capable d'affirmer le principe d'autorité par la prise directe de responsabilités, d'abord par l'exemple, puis par des actes précis et des comportements cohérents ; en fondant le tout sur la solidité intérieure, l'inébranlabilité et l'absence de craintes et de peurs face au monde extérieur, hostile et contraire.

Des fondements que seul le retour aux valeurs spirituelles et traditionnelles serait en mesure de garantir, mais ce tournant révolutionnaire n'est certainement pas ce que l'on peut attendre des parasites qui dirigent aujourd'hui (!) l'Europe décadente, soucieux uniquement de satisfaire leur égoïsme particulier et de lécher la main qui les nourrit et les tient en laisse.

Note:

 (1) "Ceux qui pensent que tout est bon ainsi"

jeudi, 07 août 2025

L'Allemagne est le fer de lance de BlackRock en Europe

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L'Allemagne est le fer de lance de BlackRock en Europe

Entretien avec Werner Rügemer par Felicitas Rabe

Source : https://dissident.one/duitsland-is-blackrocks-speerpunt-i...

Werner Rügemer explique la longue histoire de l'influence américaine sur l'économie allemande et européenne. BlackRock est depuis devenu l'un des principaux acteurs de la désindustrialisation de l'Allemagne et de la poursuite de la guerre en Ukraine. Friedrich Merz joue un rôle important à cet égard.

Dans une interview, le journaliste Dr. Werner Rügemer, basé à Cologne, explique comment les États-Unis ont organisé leur influence sur l'économie allemande, d'abord sous Konrad Adenauer, puis avec le rachat d'entreprises est-allemandes et actuellement avec le rachat de grandes entreprises allemandes par BlackRock. Il souligne également le rôle puissant de BlackRock en Europe et en particulier le rôle crucial que joue cet organisateur de capitaux dans la poursuite de la guerre en Ukraine, écrit Felicitas Rabe (pour R T.d e)

Q : Est-ce une coïncidence si c'est précisément en Europe qu'un ancien cadre de BlackRock est devenu chef du gouvernement allemand ?

Rügemer : Non, ce n'est pas une coïncidence. Depuis Konrad Adenauer, premier chancelier allemand et président de la CDU, l'Allemagne est le principal site de l'expansion américaine en Europe. Cela vaut tant sur le plan économique que militaire et culturel.

Après la Seconde Guerre mondiale, cette position était initialement occupée par l'État séparé, imposé par les États-Unis en Allemagne de l'Ouest: la République fédérale d'Allemagne. De 1990 à 1994, la Treuhand (agence fiduciaire) allemande a organisé la liquidation de l'ancienne RDA. Les entreprises américaines McKinsey, PricewaterhouseCoopers et JPMorgan Chase ont dominé le processus. À partir de 2002, le gouvernement SPD-Vert, dirigé par le chancelier Schröder et le vice-chancelier Fischer, a également encouragé la vente d'entreprises et de sites en Allemagne de l'Ouest à des entreprises américaines.

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Depuis Adenauer, les États-Unis n'ont jamais eu autant de bases militaires dans aucun autre État membre de l'OTAN qu'en Allemagne. Et dans aucun autre pays européen, les nouveaux acteurs financiers américains tels que BlackRock, Vanguard, State Street, KKR et Blackstone ne détiennent autant d'actions – c'est-à-dire de copropriété – dans les entreprises les plus importantes qu'en Allemagne.

La réunion « Made for Germany » qui s'est tenue le 21 juillet 2025 à la Chancellerie fédérale a réuni 61 PDG et le représentant allemand de BlackRock. Comme déjà mentionné, le gestionnaire de capitaux BlackRock est lui-même le plus grand actionnaire allemand, via ses participations dans des entreprises cotées au DAX telles que Rheinmetall, Deutsche Bank, SAP, Vonovia, Bayer, BASF, Deutsche Post DHL, Siemens, RWE, Zalando et plus de 100 autres entreprises cotées en bourse.

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Annonce d'une conférence du Dr. Werner Rügemer

Q : Quel est le « mandat » spécifique de BlackRock pour Merz ?

Rügemer : Merz a déjà rempli sa tâche la plus importante pour BlackRock de 2016 à 2020: à l'époque, il était président du conseil de surveillance de la filiale allemande de BlackRock, BlackRock Asset Management Deutschland AG. À ce titre, il a organisé des réunions à huis clos entre son patron, le PDG de BlackRock basé à New York, Lawrence Fink, et les ministres des Finances du gouvernement Merkel: Wolfgang Schäuble, de la CDU, et Olaf Scholz, du SPD, le futur chancelier fédéral.

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Merz a également organisé des réunions de lobbying similaires avec le chancelier fédéral, avec Helge Braun (CDU), et avec le ministre d'État à l'Économie, Jörg Kukies (SPD). Schäuble, Scholz, Braun, Kukies et même Merkel elle-même n'ont jamais évoqué publiquement ces réunions. Cela a permis à BlackRock d'acquérir en toute discrétion une position d'actionnaire majoritaire en Allemagne.

Q : Comment BlackRock tente-t-il d'influencer le chancelier Friedrich Merz ?

Rügemer : Cela est devenu clair en janvier 2025: le PDG américain de BlackRock, Fink, a invité son ancien employé Merz à un dîner privé à Davos pendant le Forum économique mondial, en dehors du programme officiel. En pleine phase finale de sa campagne électorale, Merz a pris le temps de se rendre en Suisse. La réunion portait apparemment sur la chancellerie de Merz, que les deux parties espéraient voir advenir. Comme l'a rapporté plus tard le Handelsblatt, Jamie Dimon, le directeur de JPMorgan Chase, la plus grande banque américaine, était également présent à la réunion. BlackRock est un actionnaire important de la banque et Dimon l'a félicité : « Le chancelier fait exactement ce qu'il faut. »

Avant son élection, Merz avait lui-même proposé un accord au président américain nouvellement élu Donald Trump: l'Allemagne et l'UE achèteraient davantage de gaz de schiste et de matériel militaire aux États-Unis en échange d'une baisse des tarifs douaniers. Trump a maintenant accepté avec gratitude cette offre servile dans l'accord conclu avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. BlackRock s'en réjouit.

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Pourcentages des parts de BlackRock dans les grandes entreprises allemandes.

Q : Pourquoi BlackRock ne représente-t-il pas ses intérêts et ne fait-il pas pression par l'intermédiaire de la Commission européenne, alors que les États européens perdent leur souveraineté ?

Rügemer : BlackRock est également très présent à Bruxelles. La banque parallèle y dispose de son propre bureau de lobbying et est membre d'une dizaine d'organisations internationales de lobbying, ce qui lui confère un accès privilégié aux commissaires et à leurs groupes de travail. En 2020, BlackRock a signé un accord de conseil avec la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. Parallèlement, BlackRock conseille également la Banque centrale européenne. Dans ce contexte, cette société de capital est co-organisatrice de la perte de souveraineté des États membres de l'UE.

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Tout comme BlackRock achète le chancelier allemand Friedrich Merz, la société achète également d'anciens politiciens et banquiers de haut rang pour en faire des lobbyistes bien rémunérés dans d'autres grands pays européens, tels que la France, l'Angleterre et la Suisse. L'organisateur de capitaux est également le plus grand actionnaire en Angleterre, en France, en Belgique, au Luxembourg, etc., ainsi qu'en Suisse.

Q : Quelles ont été les conséquences de cette politique économique pour l'Allemagne ?

Rügemer : BlackRock & Co. est le principal actionnaire des plus grandes sociétés immobilières allemandes, à savoir Vonovia, Deutsche Wohnen et LEG. Avec environ 700.000 appartements, elles constituent le plus grand monopole immobilier privé jamais créé en Europe. BlackRock & Co. font ainsi grimper les loyers et les coûts énergétiques.

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Ni les sociétés immobilières, ni les autres entreprises cotées au DAX, dont leur actionnaire BlackRock, ne demandent l'autorisation du gouvernement fédéral lorsqu'elles vendent des divisions, délocalisent à l'étranger et suppriment des emplois. Ainsi, BlackRock & Co. orchestrent depuis une dizaine d'années la désindustrialisation de l'Allemagne et augmentent leurs profits.

Les cours des actions montent; le DAX a atteint son plus haut niveau historique, bien au-dessus des 20.000 points, surtout pendant la « crise économique » de ces dernières années. L'économie se contracte, mais BlackRock & Co. ne connaissent pas de crise ; ils profitent de la récession.

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BlackRock a toujours été et reste un sujet tabou au Bundestag allemand. D'ailleurs, après la démission de Merz chez BlackRock, le ministre de l'Économie Habeck, membre des Verts, a nommé Elga Bartsch, directrice chez BlackRock, à la tête du département politique de son ministère. L'organisateur de capitaux a de nombreux amis, dont les Verts. Et avec l'actuel vice-chancelier SPD et ministre des Finances Lars Klingbeil, BlackRock & Co. jouissent d'une liberté considérable. Leurs actions sont en outre protégées par le fait que le gouvernement, le parlement et les principaux médias n'en parlent pas. BlackRock n'est pas non plus un sujet de discussion avec l'autorité de surveillance financière et le Bundeskartellamt. Le directeur allemand de BlackRock, Dirk Schmitz, est totalement inconnu du grand public.

Q : Quelles sont les autres aspirations de BlackRock pour la politique allemande ?

Rügemer : Le PDG de JPMorgan a déclaré le 11 juillet 2025 dans le Handelsblatt : « Nous investissons certes davantage dans l'UE, mais cela nécessite encore quelques réformes structurelles ! Par exemple, des réductions d'impôts pour les investisseurs et les entreprises. Merz et Klingbeil s'y sont déjà engagés. »

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Enfin, la dette d'un billion d'euros que le gouvernement CDU/SPD sous Merz et Klingbeil vient d'approuver pour les années à venir sera également un terrain de jeu idéal pour BlackRock. Le contrat de coalition stipule: « Nous créerons un « fonds allemand » dans lequel « nous combinerons la force des marchés financiers privés avec la vision à long terme de l'État ». Cela permettra à BlackRock et à ses collègues d'accorder des prêts rentables aux start-ups. Merz souhaite également promouvoir la prévoyance retraite privée à l'aide du produit financier de BlackRock ETF, la « Frühstartrente » (retraite anticipée): les parents sont encouragés à verser chaque mois au moins 20 euros pour leurs enfants à partir de l'âge de 6 ans, afin qu'ils puissent ensuite acheter des ETF avec un avantage fiscal de l'État.

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Q : Le chancelier Merz est surtout connu au sein de l'UE pour son soutien à la guerre en Ukraine et sa russophobie. Pourquoi BlackRock est-il si déterminé à poursuivre cette guerre, qui, du point de vue de l'Ukraine et de l'OTAN, est déjà perdue ?

Rügemer : Avec l'aide du gouvernement américain de Joe Biden, BlackRock est devenu le coordinateur officiel de la « reconstruction » de l'Ukraine, grâce à un contrat avec le gouvernement Zelensky. BlackRock est le principal actionnaire des entreprises américaines de défense telles que Lockheed, Raytheon/RTX, Northrop, Boeing, General Dynamics, etc., ainsi que des entreprises énergétiques et informatiques essentielles à l'effort de guerre : plus la guerre détruit de manière rentable, plus les profits de la reconstruction seront élevés. C'est aussi simple que cela, selon la logique de BlackRock et de ses clients richissimes, qui sont dissimulés derrière des sociétés écrans.

Sous Trump, BlackRock a mis fin à son rôle de coordinateur de la « reconstruction » de l'Ukraine ; l'accès passe désormais par l'UE. Le premier cobaye, l'Ukraine – c'est-à-dire le premier Etat combattant américain par procuration contre la Russie – est désormais épuisé. Après que des centaines de milliers de soldats ukrainiens ont été sacrifiés de manière invisible sur l'autel des « valeurs occidentales », les combattants par procuration de remplacement des États-Unis, sur ordre du président américain Trump, sont désormais les pays européens de l'OTAN, sous la direction de Merz, Macron et Starmer. Ceux-ci ont immédiatement satisfait à l'exigence de Trump: augmenter les budgets militaires à 5% du produit intérieur brut ! Désormais, BlackRock n'a plus besoin d'avoir un bureau à Kiev, à côté du gouvernement corrompu de Zelensky.

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BlackRock est situé à côté de la Commission européenne et est un actionnaire majeur des principales entreprises de défense de l'UE, notamment la plus grande entreprise de défense européenne: BAE Systems en Angleterre, où elle exploite également Rolls-Royce, Rheinmetall en Allemagne, Leonardo en Italie et Airbus en Allemagne, en France, en Espagne et en Angleterre. C'est à partir de là que les livraisons ont lieu actuellement, avec le soutien des gouvernements respectifs, et notamment de Merz en Allemagne.

La russophobie attisée par les politiciens et les médias faisait partie intégrante du capital allemand. Cette russophobie a été et continue d'être renforcée par les États-Unis. De plus, les principaux médias allemands, du BILD au FAZ, ainsi que les médias publics ARD, ZDF et DLF, propagent la russophobie. Merz dispose d'une multitude de sources dans lesquelles il peut puiser.

De plus, Merz espère trouver dans l'industrie de la défense un substitut aux industries allemandes de pointe en déclin dans les secteurs de l'automobile, de la construction mécanique et de l'acier. Et pour cela, les troupes de Merz ont besoin d'une guerre, une guerre qui dure le plus longtemps possible, avec une préparation minutieuse.

L'UE dépense des centaines de millions d'euros pour faire taire ses opposants

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L'UE dépense des centaines de millions d'euros pour faire taire ses opposants

Source: https://dissident.one/de-eu-spendeert-honderden-miljoenen...

Au début de l'été, le groupe de réflexion conservateur MCC Bruxelles a publié un rapport soulignant une tendance inquiétante à financer, par l'argent des contribuables, des « recherches » sur les propos prétendument haineux et la désinformation. L'UE dépense des sommes colossales pour contrôler le débat public et étouffer les voix dissidentes.

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Le rapport « Manufacturing Misinformation : The EU-Funded Propaganda War Against Free Speech » (= "Fabriquer la désinformation: la guerre de propagande financée par l'UE contre la liberté d'expression") a été rédigé par le Dr Norman Lewis (photo), un expert britannique en réglementation des communications numériques qui compte plus de vingt ans d'expérience, rapporte Samnytt.

Au cours de ses recherches sur ce sujet, Lewis a identifié 349 projets financés par la Commission européenne, principalement par le biais du programme de recherche Horizon, axés sur la lutte contre la « propagande haineuse » et la « désinformation ». Le coût de ces projets s'élève à 649 millions d'euros, soit 31% de plus que ce que Bruxelles consacre à la recherche transfrontalière sur le cancer.

«Cette allocation massive de fonds publics a été délibérément utilisée pour financer un complexe orwellien de désinformation qui dicte et contrôle le langage du débat public», écrit le groupe de réflexion dans un communiqué de presse relayé par The European Conservative.

Il existe plusieurs exemples concrets qui montrent qu'il ne s'agit pas d'un acte bienveillant d'un gouvernement responsable, mais d'une attaque systématique contre la liberté d'expression en Europe. Cela étouffe le débat ouvert et favorise les projets de Bruxelles, affirme-t-on.

Protéger le statu quo

Lewis a également identifié une liste de termes délibérément ambigus et euphémiques souvent associés à ce type de projets, destinés à créer un cadre idéologique artificiel. L'objectif est de contrôler le discours politique et de délégitimer les opposants. À long terme, le but est de créer une « panique morale » qui justifie des instruments de censure à grande échelle tels que la loi sur les services numériques (DSA) et le bouclier démocratique (EDS).

« Il ne s'agit pas d'une quête de vérité ou de nouvelles connaissances, mais simplement de l'adhésion à un discours bureaucratique élitiste visant à protéger le statu quo », explique Lewis.

L'aspect le plus inquiétant du rapport est peut-être que bon nombre des projets mentionnés concernent le développement de systèmes d'IA avancés. Ces systèmes sont non seulement chargés de surveiller et de censurer en temps réel les contenus indésirables, mais aussi d'influencer le comportement des utilisateurs en « formant » les jeunes en ligne pour qu'ils deviennent des « agents » autonomes ou des « gardiens de la liberté d'expression » au service du discours de l'UE.

Avertissement de Washington: J. D. Vance et l'effondrement silencieux de la République allemande

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Avertissement de Washington: J. D. Vance et l'effondrement silencieux de la République allemande

Elena Fritz

Source: https://pi-news.net/2025/08/warnung-aus-washington-j-d-va...

Quand un vice-président américain se montre plus inquiet pour l'avenir de l'Allemagne que de nombreux députés du Bundestag, il ne faut pas s'indigner, mais écouter.

Il faut parfois un regard extérieur pour rendre à nouveau visible ce qui est évident.

Vendredi 1 août, le magazine britannique « Spectator » a publié un article qui dissèque si bien la situation actuelle en Allemagne qu'il devrait être recommandé comme lecture obligatoire au Bundestag (cf.: https://www.spectator.co.uk/article/j-d-vance-is-right-about-germanys-civilisational-suicide/) . L'auteure, Elisabeth Dampier, y analyse les récentes déclarations du vice-président américain J. D. Vance, qui parle d'un « suicide civilisationnel » de l'Allemagne – et elle lui donne raison. Mais pas sur le ton du « populisme », plutôt en se basant sur des statistiques réelles, des déséquilibres fiscaux et une désorientation culturelle.

Le constat est clair : l'Allemagne traverse une crise aiguë et vit dans une auto-illusion chronique.

Le mythe de la pénurie de main-d'œuvre qualifiée

Un exemple central: alors que les responsables politiques et les médias affirment que le pays a besoin de 400.000 travailleurs supplémentaires chaque année, quatre millions de personnes en âge de travailler vivent déjà en Allemagne de manière permanente grâce aux prestations sociales, dont près des deux tiers sont issues de l'immigration. Ceux qui parlent de « phases de transition » ou d'« obstacles à l'intégration » ignorent que ce taux est stable depuis des années.

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Il n'existe pas en Allemagne d'analyse coûts-bénéfices fiable de la migration, comme c'est pourtant le cas depuis longtemps au Danemark ou aux Pays-Bas. Au lieu de cela, l'immigration et l'État social sont mis en relation d'une manière qui n'est pas fondée sur des données empiriques, mais sur des considérations morales. Et c'est précisément là que se situe la rupture: la réalité se détache de plus en plus de l'idéologie.

L'instruction publique comme reflet de la désintégration

Dampier renvoie à ce que de nombreux parents observent depuis longtemps: dans de nombreuses écoles, la proportion d'élèves issus de l'immigration dépasse les 50%, voire 90% dans certains quartiers. Il ne s'agit pas ici de couleur de peau ou d'origine, mais de capacité à s'exprimer, de cohésion sociale et d'identité culturelle. Lorsque les fêtes de Noël sont remplacées par des célébrations du ramadan et que les écoles publiques ne proposent plus que des repas halal, il ne s'agit pas de « diversité », mais d'un abandon par l'État de sa propre identité culturelle.

Sur le plan économique, le constat est tout aussi désolant. Le déficit budgétaire structurel s'élève à 172 milliards d'euros, l'industrie automobile s'effondre, les petites et moyennes entreprises sont soumises à une pression réglementaire et la « transformation verte » est source d'incertitude. Friedrich Merz promet des investissements de plusieurs milliards d'euros de la part de groupes internationaux, mais quiconque y regarde de plus près constate qu'il n'y a pas de stratégie globale en matière de politique industrielle, pas de réforme des systèmes sociaux, pas de réponse au changement démographique. Tout n'est que rafistolage.

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La liberté d'expression s'érode

Une partie particulièrement explosive de l'article concerne l'érosion de la liberté d'expression. Selon Dampier, de nombreux Allemands auraient été poursuivis en justice pour des articles critiques à l'égard du gouvernement, pour des satires ou pour des manipulations d'images. Même des journalistes seraient traînés devant les tribunaux, non pas pour incitation à la haine, mais pour avoir prétendument insulté des politiciens.

Dans un État de droit qui fonctionne, ce serait un thème majeur pour la presse. En Allemagne, c'est depuis longtemps la norme. La « démocratie forte » ne se défend pas contre l'extrémisme, mais contre toute déviation par rapport au consensus discursif.

Une constatation amère

Le plus troublant dans cet article n'est toutefois pas son contenu, mais le fait que cette analyse précise provienne de Grande-Bretagne. Alors que les principaux médias allemands rejettent J. D. Vance comme un fauteur de troubles ou un agitateur, une auteure britannique examine sa thèse avec lucidité et la confirme sur toute la ligne. Cet article n'est ni rageur, ni polémique, mais analytique. Et c'est précisément ce qui le rend si percutant.

Car ceux qui le lisent comprennent que la crise dans laquelle se trouve l'Allemagne n'est pas le fruit du hasard. Elle est le résultat d'une politique menée par le pays lui-même.

Conclusion

L'analyse d'Elisabeth Dampier dans The Spectator est un texte intellectuellement honnête sur le déclin insidieux d'un pays qui a honte de lui-même. Le terme de « suicide civilisationnel » utilisé par J. D. Vance peut sembler radical, mais il décrit une réalité que plus personne ne conteste, mais que tout le monde s'efforce de passer sous silence.

Quand un vice-président américain se montre plus inquiet pour l'avenir de l'Allemagne que de nombreux députés du Bundestag, il ne faut pas s'indigner, mais écouter.

Israël ouvre des portes interdites

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Israël ouvre des portes interdites

Douguine sur la structure verticale majeure à ne pas toucher.

Alexandre Douguine

Les événements qui se déroulent actuellement en Terre Sainte, mais aussi depuis le milieu du 20ème siècle, revêtent une importance capitale. La création de l'État national juif d'Israël sur le territoire de la Palestine, qui était sous mandat britannique après le partage de l'Empire ottoman, était loin d'être un simple acte politique. Contrairement à la création et au partage de la Tchécoslovaquie ou à l'effondrement de l'URSS, qui ont sans aucun doute été des événements importants, ce qui se passe en Terre Sainte a une ampleur incomparable.

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Les trois religions monothéistes à Jérusalem : le Mur des Lamentations pour la religion juive ; la fête du feu sacré à Pâques pour les chrétiens orthodoxes et la Mosquée Al-Aqsa pour les musulmans.

Pour les trois religions monothéistes – le judaïsme, l'islam et le christianisme – il ne s'agit pas simplement d'un territoire ou d'une zone, ou des frontières d'une entité politique. C'est le miroir de l'histoire mondiale. Dans les sociétés traditionnelles structurées par ces religions, on considérait que Jérusalem et la Terre Sainte étaient traversées par une ligne verticale reliant les mondes céleste, terrestre et souterrain. L'entrée du paradis et l'entrée de l'enfer.

C'est pourquoi ce territoire revêtait une importance colossale pour les anciens Juifs, pour les chrétiens (d'où les croisades) et pour les musulmans, car c'est à Jérusalem que, selon le Coran, Mahomet a été enlevé pour être conduit au ciel. Cette verticale reliant le ciel et la terre rend cette terre difficile à vivre pour la grande majorité de l'humanité qui professe des religions monothéistes.

Les questions de savoir à qui appartient la Terre Sainte et ce qui s'y passe – paix ou guerre, avec ou sans purges ethniques, savoir quel peuple combat quel autre, qui se comporte noblement, qui se comporte de manière ignoble, qui est meurtrier, qui est victime, qui attaque qui, comment les frontières sont-elles établies, quelle est la législation de ces territoires ? Toutes ces questions ne sont pas secondaires. Il est évident que tout système politique de n'importe quelle région du monde est important pour les personnes qui y vivent. Mais les événements à Jérusalem ont une importance capitale pour tout le monde. Beaucoup plus que, par exemple, l'existence des États baltes ou de l'Ukraine, qui peuvent exister ou ne pas exister. Leur importance est locale. Pour l'humanité dans son ensemble, c'est le sort de la Palestine et de Jérusalem qui est primordial.

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L'idée de donner la Palestine aux Juifs, qui s'est répandue il y a environ cent ans, et surtout après les atrocités commises par Hitler pendant la Seconde Guerre mondiale, semblait être une solution tout à fait raisonnable. De nombreux peuples ont leur propre État national, mais pas les Juifs. Bien qu'il ait été possible de proposer un autre territoire (et de telles options ont été envisagées, y compris celle d'installer les Juifs en Ouganda, pays africain). Il ne s'agissait pas simplement de terre, mais de la création d'un État national juif indépendant, ce que beaucoup, y compris Staline, ont finalement accepté. C'est ainsi qu'a été créé l'État d'Israël.

Mais l'élément le plus important du plan de l'ONU pour le partage de la Palestine a été omis. Il s'agissait de l'accomplissement de prophéties d'une importance capitale pour la religion juive: après deux mille ans d'errance et de dispersion, les Juifs retournaient en Terre promise. Réfléchissez-y: nous, les Slaves, nous nous souvenons à peine de ce qui nous est arrivé il y a mille ans. Et là, un peuple a vécu deux mille ans loin de sa terre sacrée. Que cette dispersion ait été méritée ou non, c'est une question de théologie, en premier lieu de théologie juive, qui la considère comme une punition ou une épreuve, le soi-disant galout, la punition divine pour purifier le peuple juif. Il s'est purifié pendant deux mille ans et, selon certaines croyances, il achèvera sa purification et passera de la souffrance au règne, de la défaite à la victoire, lorsque viendra le Machia, c'est-à-dire le Messie juif. C'est alors que les Juifs retourneront en Terre promise.

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Et voilà que cela s'est produit. Il n'y a pas de Messie, mais le retour des Juifs a eu lieu. En conséquence, la Terre Sainte a été donnée à une seule religion, le judaïsme. Nous savons très bien comment les Juifs se sont comportés sur cette terre. Au début, tout le monde les traitait avec compassion, ils étaient des victimes. Mais ensuite, ils ont commencé à montrer leur autre visage, et cela n'a fait que s'accentuer avec le temps. Plus l'arrivée du Messie se fait attendre, plus les Juifs se comportent de manière cruelle, violente et inhumaine sur cette terre sacrée pour nous tous. Une facette incroyable de leur identité se révèle.

Un exemple récent. En ce moment même, un scandale gigantesque à facettes multiples éclate aux États-Unis autour de l'affaire de pédophilie autour d'Epstein, à propos des bombardements de l'Iran, de l'escalade des tensions avec notre Russie, de l'assassinat de Kennedy, et partout, le facteur principal est Israël. Les lobbyistes actifs d'Israël aux États-Unis sont accusés d'avoir mis ce pays à leur service et de couvrir toutes leurs actions, qu'elles soient défensives ou offensives. Grâce à leur influence sur l'élite américaine. Même si ces actions sont incompréhensibles pour les Américains eux-mêmes. Il s'est soudainement avéré que l'Amérique était gouvernée par Israël, un Israël cruel, inhumain, que nous ne connaissons pas (peut-être a-t-il conservé quelque chose de l'époque de l'Ancien Testament).

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Cet Israël procède au nettoyage ethnique de Gaza, attaque l'État souverain d'Iran pour l'empêcher de se doter de l'arme nucléaire, alors qu'il en possède lui-même. Il porte au pouvoir en Syrie le bourreau et terroriste Ash-Sharaa (Al-Jolani), puis, connaissant sa nature d'assassin et de bourreau, commence à bombarder la vieille ville de Damas. La question se pose: à qui l'humanité a-t-elle confié ce territoire, ce miroir du monde, cette porte vers le paradis et l'enfer? Il semble que les dirigeants israéliens actuels ouvrent les portes non pas du paradis, mais de l'enfer. Et en effet, les missiles israéliens et iraniens survolent le champ d'Armageddon et la terre sacrée de Syrie. En un mot, ce qui se passe aujourd'hui au Moyen-Orient offre un tableau extrêmement sinistre.

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Et surtout, pourquoi nous, représentants de la foi chrétienne monothéiste, avons-nous cédé aux Juifs cette terre sacrée pour nous tous, chrétiens et musulmans, pour qu'ils en aient la domination totale ? Il y avait les résolutions de l'ONU de 1947 stipulant que Jérusalem devait rester une ville internationale sous tutelle internationale. Mais les sionistes n'y ont prêté aucune attention et ont agi de manière tout à fait inattendue. Ce comportement d'un peuple qui, hier encore, était considéré comme une victime, à qui l'on présentait ses condoléances, dont la mémoire des souffrances était préservée par d'autres peuples, a soudainement révélé une facette totalement différente. Il a révélé le visage monstrueux d'une force absolument inhumaine, anti-humaine et cruelle, qui gouverne les autres peuples par la ruse et la perfidie, détruit ceux qui ne sont pas d'accord, fait exploser les sanctuaires d'autres cultures, mène des intrigues monstrueuses, élimine physiquement les dirigeants politiques et militaires d'autres pays. En un mot, il fait tout ce qu'il veut.

Et cela, bien sûr, nous amène à réfléchir à beaucoup de choses. À l'époque dans laquelle nous vivons. L'interprétation religieuse des événements qui se déroulent dans les lieux sacrés des trois religions monothéistes ne peut être réduite ni au pétrole, ni au gaz, ni aux fonds spéculatifs, ni aux prix du pétrole, ni à la valeur du bitcoin, ni à quelque intrigue politique que ce soit. Il s'agit de quelque chose de beaucoup plus important et de plus fondamental.

mercredi, 06 août 2025

Macron réduit les dépenses non militaires: un mauvais exemple pour l'UE

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Macron réduit les dépenses non militaires: un mauvais exemple pour l'UE

La course aux armements (made in USA) financée par l'austérité réveillera les gilets jaunes

par Claudio Mauri

Source: https://www.barbadillo.it/123112-macron-taglia-le-spese-n...

Le plan d'assainissement proposé par le Premier ministre François Bayrou marque un tournant – du moins sur le papier – pour la France et, par ricochet, pour l'UE. En 2026, Paris entend mettre en œuvre 43,8 milliards d'euros d'austérité, touchant les retraites, les prestations sociales et les services essentiels. La lutte contre le déficit exige-t-elle des sacrifices? Pas pour tout le monde. Les dépenses militaires augmentent: +6,5 milliards au cours des deux prochaines années.

L'année blanche n'est pas le titre d'un film d'essai, mais le nom donné au gel des retraites, des salaires publics et des subventions. Cela rapportera 7,1 milliards. À cela s'ajoutent le retard dans l'indexation des retraites (3,6 milliards supplémentaires), les réductions des remboursements de santé et des indemnités de maladie et de maternité. En période de quasi-belligérance, on peut aussi se soigner un peu moins.

Moins de fêtes, plus de travail

Le projet d'abolition des jours fériés (le lundi de Pâques et le 8 mai, jour de la « victoire » française dans la Seconde Guerre mondiale) pour relancer la productivité ne manque pas. Rien de mieux qu'un lundi à l'usine ou au bureau pour célébrer la victoire sur la peur.

Le plan français s'inscrit dans un discours européen de plus en plus rodé: évoquer la menace russe jusqu'à imaginer – sans rire – l'invasion du continent jusqu'à Lisbonne. Improbable pour les analystes les plus sobres. Mais on le sait: dans les talk-shows, les hypothèses extrêmes ont plus de succès.

Ainsi, avec une opinion publique bien conditionnée, on peut investir dans l'armement américain avec une certaine sérénité: F-35, systèmes Patriot, technologies d'outre-Atlantique. Autonomie stratégique? Oui, mais toujours liée aux États-Unis.

Et pourtant, Charles de Gaulle...

Et si l'Europe, au lieu de jouer les seconds rôles belliqueux, se portait candidate à la tête de la diplomatie pour mettre fin au conflit, rouvrir les canaux avec la Russie et – comme le souhaite tant l'Italie – reconstruire l'Ukraine? Ce serait une initiative aussi logique qu'inactuelle. Il est en effet curieux que deux réalités naturellement complémentaires – les ressources russes et la technologie européenne – s'obstinent à se faire la guerre au lieu de former une superpuissance mondiale. Pourtant, lorsqu'il parlait de l'Europe de l'Atlantique à l'Oural, Charles de Gaulle avait cela en tête.

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Moscou se rapproche de Pékin

Le véritable risque, si tant est qu'il y en ait un, est que la Russie entre dans l'orbite chinoise, tandis que l'UE, pour se montrer plus atlantiste que les États-Unis, se condamne à l'insignifiance. Le successeur de Poutine pourrait être plus rigide que lui. Cela ne serait pas surprenant: l'UE en mode Macron, semant la menace, récolte le radicalisme.

L'austérité française est le reflet d'une conception déformée de la sécurité: citoyens, serrez les ceintures et financez un appareil militaire toujours subordonné à celui des États-Unis. Une logique qui, étendue à l'ensemble du continent, risque de démanteler le système social et de réduire les marges d'autonomie.

L'UE se trouve ainsi à la croisée des chemins: continuer sur la voie de la peur bien gérée et de l'obéissance bien armée, en sacrifiant son modèle social, ou pratiquer une diplomatie concrète et silencieuse, qui pourrait la rendre moins petite.

L'alternative n'est pas entre la guerre et la capitulation, mais entre la stagnation permanente et une nouvelle architecture de sécurité partagée. Renoncer à la liberté au profit d'une sécurité illusoire est le prélude au déclin. Redécouvrir une vision autonome et pragmatique est peut-être le dernier moyen d'éviter un déclin supplémentaire, sous les projecteurs de quelqu'un d'autre.

Les néoconservateurs entraînent Trump vers l'enfer

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Les néoconservateurs entraînent Trump vers l'enfer

Alexandre Douguine

Tatiana Ladiaïeva : Commençons par évoquer un nouveau cycle de négociations. Il y a au moins quelques prémices. Je parle des négociations entre Moscou et Kiev. Selon certaines informations, notamment turques, une nouvelle rencontre pourrait avoir lieu à Istanbul mercredi ou jeudi. Mais, pour être honnête, il n'y a pas encore de confirmation officielle. Zelensky aurait déclaré la veille qu'il était enfin prêt à rencontrer des interlocuteurs russes, alors que Moscou attendait depuis longtemps une réaction de sa part. J'aimerais beaucoup connaître vos prévisions, Alexandre Gelevitch.

Alexandre Douguine : J'ai déjà exprimé mon point de vue à plusieurs reprises; à l'heure actuelle, les négociations avec l'Ukraine n'ont qu'un seul sens: montrer à Trump la détermination de la Russie à œuvrer pour la paix. Trump, comme nous le voyons, se méfie de nous et ne croit pas vraiment à notre volonté pacifique. Il semble commencer à comprendre que seule la victoire nous satisfera. Les négociations ne peuvent donc porter que sur un seul sujet: la reconnaissance immédiate par l'Ukraine de sa défaite militaire. Mais dans les conditions actuelles, cela est absolument irréaliste.

Des questions secondaires pourraient être abordées, comme la restitution des corps de milliers ou de dizaines de milliers de soldats ukrainiens à leurs familles ou d'autres aspects humanitaires et techniques. C'est une bonne chose, mais cela doit pouvoir se faire sans une capitulation sans condition, l'Ukraine n'ayant rien à offrir, et nous ne sommes intéressés par rien d'autre. Nous envoyons ainsi un signal clair à Trump: nous sommes prêts à la paix, mais uniquement à une paix qui implique la capitulation sans condition de Kiev et la reconnaissance de sa défaite totale dans cette guerre. C'est notre condition pour la paix, et nous y tenons fermement. Elle a été transmise à plusieurs reprises à la partie américaine, directement ou indirectement, le plus souvent indirectement, mais parfois aussi directement.

Il n'y a donc actuellement aucune condition réelle pour des négociations. L'Ukraine change de position parce que le régime de Zelensky sent les hésitations de Trump. Cela ne signifie pas pour autant que Trump a abandonné l'Ukraine face à la Russie ou même face à l'Union européenne. Mais leur bluff devient évident. Lorsque Trump propose à l'Union européenne de payer les armes américaines destinées à l'Ukraine, c'est un discours absurde, comme beaucoup d'autres qu'il a prononcés ces derniers temps. Le budget de l'OTAN est principalement constitué de fonds américains, l'Europe n'y contribue que pour une petite part. Revendre des armes américaines à l'OTAN, c'est les revendre aux États-Unis eux-mêmes. Les Européens sont désorientés, ne comprenant pas ce qui se cache derrière tout cela. Ils ne sont pas capables de mener seuls la guerre contre nous en Ukraine, même en mobilisant le potentiel économique de l'Allemagne et le modeste potentiel de la France, cela ne suffirait pas. Dans ces conditions, Zelensky comprend que les choses vont mal, même s'il ne s'agit pas encore d'un refus total d'aide, mais seulement d'hésitations de la part de Trump.

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Ces hésitations sont déjà une catastrophe pour l'Ukraine. Zelensky n'a pas pu atteindre ses objectifs dans la guerre contre nous, même avec le soutien total des États-Unis et de l'Union européenne, un crédit illimité, une quantité énorme d'armes, un soutien politique et financier. Il n'a rien obtenu.

Maintenant que la position de Trump commence à vaciller – il n'a pas encore refusé, mais il hésite déjà –, cela se répercute immédiatement sur l'ensemble du système politique et militaire ukrainien. C'est précisément pour cette raison que Zelensky se lance dans des négociations: il sent que la situation se détériore. Il est encore trop tôt pour parler d'une réduction ou d'un arrêt des livraisons d'armes américaines, mais ces hésitations suffisent à perturber le système ukrainien. C'est pourquoi, pour être honnête, ces négociations ne nous sont d'aucune utilité. Il est inutile de tenter de convaincre Trump, il suit son propre programme. Comme nous l'avons dit à maintes reprises, il ne nous offrira pas la paix, c'est-à-dire la victoire de la Russie, mais il résistera.

Récemment, une écrasante majorité de républicains ont voté en faveur de la reprise de l'aide à l'Ukraine, tout comme l'ensemble des démocrates. Seuls 60 membres républicains du Congrès ont exprimé un point de vue différent, ce qui est beaucoup, mais pas assez pour bloquer l'aide. La situation reste défavorable pour nous. Nous devrons nous battre et aller vers la victoire par nous-mêmes, quoi qu'il en coûte. En ce sens, les initiatives de paix de Zelensky sont une provocation. Je resterais prudent: je sacrifierais encore un millier ou des dizaines de milliers de vies, je lui demanderais de se calmer, et pour le reste, je lui poserais un ultimatum exigeant une capitulation sans condition.

Il ne faut plus prêter attention aux actions de Trump. Il va hésiter, mais je pense qu'il ne veut pas d'une guerre nucléaire pour l'instant, ce n'est pas son style. S'il ne cherche pas à provoquer un conflit nucléaire de manière unilatérale, le reste n'a pas d'importance fondamentale. Nous sommes de toute façon en guerre contre l'Occident, qui apporte un soutien maximal à l'Ukraine. Tant que nous n'aurons pas renversé le cours de cette campagne militaire par une victoire, il n'y aura pas de paix.

Tatyana Ladiaïeva : Je voudrais préciser : avec quel message la délégation ukrainienne peut-elle se rendre à Istanbul (où que se déroulent désormais ces négociations et quel que soit le jour) ?

Alexandre Douguine : Je suis sûr qu'ils exigeront la restitution des quatre régions, de la Crimée et des réparations colossales s'élevant à plusieurs milliards ; en substance, la reconnaissance de la défaite de la Russie et la restitution de tous les territoires, rien d'autre.

Tatyana Ladiaïeva : Donc, rien ne change ?

Alexandre Douguine : Ils vont simplement appeler Trump, et Zelensky dira : « J'ai proposé des négociations, vous m'obligez à rencontrer les Russes, je suis prêt, mais ils refusent ». C'est bien sûr ce qui se passe. Pourquoi devrions-nous nous humilier ? Notre réponse est un ultimatum : hissez le drapeau blanc, sinon nous continuerons comme maintenant. Nous avons peu d'atouts, mais nous avons tenu bon. Nous ne nous sommes pas effondrés, nous résistons depuis quatre ans déjà, nous avançons lentement mais sûrement. Cette situation ne peut guère empirer pour nous, toutes les sanctions possibles ont déjà été prises.

Quant aux nouvelles sanctions que Trump menace d'imposer après la période de cinquante jours qu'il nous a annoncée, de son point de vue, nous devons pendant ce temps conquérir tout ce que nous pouvons en Ukraine et entamer des négociations tout en conservant ce que nous avons conquis. Mais il exigera la fin des hostilités. En 50 jours, nous ne prendrons pas Kiev, nous ne libérerons pas Odessa, Kharkiv, Zaporijia, Kherson, Dnipropetrovsk. Nous n'aurons pas assez de temps. Par conséquent, de nouvelles menaces de sanctions suivront.

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Contre qui ? Contre ceux qui achètent notre pétrole, l'Inde et la Chine. Tout le reste n'a pas d'importance, on peut s'en passer. L'Inde et la Chine seront confrontées à des sanctions, mais la Chine a déjà gagné la guerre des sanctions contre Trump: les tarifs douaniers menaçants ont été ramenés à un niveau acceptable pour eux. Une dispute avec l'Inde signifierait une rupture avec un allié clé des États-Unis en Asie. Les deux scénarios sont irréalistes. Les menaces semblent effrayantes, mais à y regarder de plus près, elles sont difficilement réalisables. Des sanctions de 100 ou 500% n'auront pas d'impact décisif sur nos volumes de pétrole, mais la menace elle-même pourrait transformer l'Inde et la Chine en ennemis des États-Unis. Dans ce cas, la Chine nous soutiendrait probablement encore plus activement, ce qui est déjà perceptible ces derniers jours.

Malgré ses fanfaronnades et sa brusquerie, Trump dispose de peu de moyens de pression réels sur nous. Nous, en revanche, jouissons d'une grande stabilité, qu'il convient de renforcer. Nous avançons inexorablement vers la victoire. Les négociations, en fin de compte, ne mènent à rien et ne peuvent aboutir tant que ce régime est au pouvoir en Ukraine, tant qu'ils n'ont pas perdu plusieurs grandes villes. À l'étape suivante, les négociations pourraient prendre tout leur sens : nous serions alors plus proches d'une capitulation sans condition probable. Aujourd'hui, nous en sommes loin. Toutes les discussions se résumeront à ce que nous proposerons: «Reprenez vos morts», et ils répondront: «Nous n'en voulons pas» ou «Vous ne nous rendez pas les bons». Tout se terminera ainsi, tristement. Le geste de bonne volonté perd tout son sens, devenant rituel, comme un «bonjour» dit sans souhaiter la bonne santé. Ce n'est qu'une formalité.

Tatyana Ladiaïeva : C'est un jeu de mots. Un point très important: peu importe que ce soit cette semaine ou dans 50 jours, le conflit ukrainien reste non résolu, l'opération spéciale se poursuit. Nous ne dialoguons pas encore avec Kiev, et les Américains – je ne sais pas s'ils se sont retirés de cette question ou s'ils continuent à fournir une aide militaire, dont nous parlerons également tout à l'heure. Mais la question clé est la suivante: comment la prolongation du conflit ukrainien affectera-t-elle nos relations avec Washington ? Après tout, nous avons essayé d'établir ces relations.

Alexandre Douguine : Il devient évident qu'il est impossible d'améliorer les relations avec Washington. Le comportement de Trump au cours des derniers mois ou des derniers deux mois parle de lui-même. Il ne reste rien du programme initial du mouvement MAGA et du slogan « Make America Great Again » qui l'ont porté au pouvoir. Il est revenu à la politique néoconservatrice classique des républicains.

Hélas, l'établissement de relations avec les États-Unis n'était possible qu'à condition qu'ils renoncent à un monde unipolaire, au mondialisme, à l'hégémonie et à l'impérialisme. Cela avait été promis, ce n'était pas seulement notre espoir naïf. Trump avait fondé sa campagne électorale sur cela. Les électeurs américains l'ont soutenu parce qu'il avait promis de se concentrer sur les problèmes intérieurs, de lutter contre l'immigration, de dénoncer l'élite corrompue et vicieuse du Parti démocrate et de détruire l'État profond. Au lieu de cela, nous assistons à un soutien inconditionnel au génocide des Palestiniens à Gaza, à une attaque contre l'Iran, à un soutien à Netanyahou, à une nouvelle aide financière à l'Ukraine, à des menaces contre la Russie et à la négation de l'affaire Epstein.

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Aujourd'hui, Trump affirme que cette fameuse affaire n'existe pas, alors que c'est précisément grâce à la promesse de publier le dossier Epstein, qui détaillait les orgies pédophiles de l'élite américaine et occidentale, qu'il a remporté la victoire. Trump s'est tellement écarté de son programme, qui nous ouvrait une fenêtre pour un rapprochement et une désescalade, qu'il est désormais un politicien néoconservateur agressif et impulsif comme les autres. Chaque jour, il fait des signes d'attention et d'amitié au terroriste Lindsey Graham, tout en critiquant ses propres partisans, grâce auxquels il est arrivé au pouvoir. Trump a renié sa base électorale et l'idéologie sous laquelle il a remporté la victoire. Dans ces conditions, un rapprochement avec les États-Unis devient douteux: cela revient à tenter de négocier avec un ennemi cynique et sournois qui ne respecte pas les règles, revient sur ses décisions et prétend qu'elles n'ont jamais existé.

Cela ressemble à de la démence, mais pas à la démence silencieuse de Biden, qui était contrôlé par les mondialistes, mais à la démence violente de l'establishment néoconservateur américain. Cela exclut toute possibilité rationnelle de rétablissement pacifique des relations. Peut-être que les tergiversations de Trump s'avéreront plus favorables pour nous s'il est distrait par un autre événement ou un autre segment de la politique internationale. Mais il ne faut plus s'attendre à des stratégies rationnelles et positives dans nos relations avec lui. S'il a trahi ses partisans de cette manière, que fera-t-il de nous ? Il a tourné le dos à ceux qui ont voté pour lui, sa base électorale, indispensable pour les élections de mi-mandat au Congrès et au Sénat l'année prochaine. Il la méprise, la considérant comme insignifiante. Comment peut-on négocier avec de tels personnages sur des questions fondamentales telles que la guerre et la paix, la coopération économique ?

Nous devons nous concentrer davantage sur nous-mêmes et renforcer nos liens avec la Chine, établir des relations avec les autres pôles d'un monde potentiellement multipolaire: l'Inde, le Brésil, le monde islamique, l'Amérique latine, l'Afrique, parties du monde où une politique indépendante et souveraine est encore possible. C'est ce que nous avons fait, et Trump représentait une fenêtre d'opportunité lorsque, selon ses propres termes, l'Amérique était prête à reconnaître la multipolarité et à s'y intégrer tout en conservant sa position de leader.

Mais aujourd'hui, Trump déclare que le BRICS est son ennemi principal, changeant complètement son discours. Dans cette situation, nous n'avons d'autre choix que de compter sur nous-mêmes et sur nos alliés dans le cadre de la multipolarité. Il faut avant tout approfondir nos relations avec ceux qui nous soutiennent: la Corée du Nord, aider l'Iran à se reconstruire. Le plus important, c'est notre partenariat stratégique avec la Chine. C'est sérieux. Le rapprochement entre la Russie et la Chine forme un bloc puissant, capable de relever les défis dans la région du Pacifique, en Ukraine et en Europe de l'Est.

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Tatyana Ladiaïeva : Je rappellerai l'une des dernières déclarations du président chinois Xi Jinping : si Trump continue à faire pression, y compris en imposant des sanctions contre les partenaires qui coopèrent avec la Russie, nous nous rapprocherons encore plus de Moscou, renforcerons notre amitié et conclurons des accords sans céder à Trump.

J'ai des questions sur le terroriste Lindsey Graham : quelle pression exerce-t-il actuellement sur Trump ? Je remarque une tendance : il annonce de plus en plus souvent des décisions au nom de Trump. Vous avez également mentionné leur rapprochement. Je ne comprends pas très bien comment Lindsey Graham et, par exemple, le chancelier allemand Friedrich Merz – qui, selon des informations provenant de Berlin, serait sous son influence – ont pu influencer la décision de Trump de continuer à soutenir l'Ukraine. Trump semblait être un leader fort et volontaire. De quels leviers de pression disposent-ils ? Cette question reste d'actualité.

Alexandre Douguine : Il faut noter que Lindsey Graham, déclaré terroriste en Russie, est un représentant des néoconservateurs, un groupe influent au sein de l'establishment américain. Ils sont de droite, contrairement aux mondialistes de gauche – Biden, Obama, Hillary Clinton –, mais, en substance, ils sont également en faveur de l'hégémonie. Leur programme est proche de celui des mondialistes de gauche, mais met l'accent sur l'impérialisme américain plutôt que sur la démocratie universelle. Ils sont de fervents partisans d'Israël, considérant ses intérêts comme prioritaires par rapport à ceux des États-Unis. Pour les mondialistes de gauche, les valeurs libérales européennes ou universelles sont plus importantes qu'Israël ou même l'Amérique.

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Ni les uns ni les autres ne sont de véritables patriotes américains. Cependant, les néoconservateurs sont convaincus que l'impérialisme, le néocolonialisme, le soutien à Israël et la lutte contre toute entité souveraine constituent l'objectif principal de la politique américaine. Au final, leur stratégie diffère peu de celle des mondialistes.

Les néoconservateurs ont été les principaux adversaires de Trump. Lors de son premier mandat, entre 2016 et 2020, il a conclu un pacte avec eux, mais ils l'ont tous trahi, sans exception, Bolton, Pompeo. Lindsey Graham faisait partie du groupe « Never Trump » (« jamais Trump » : n'importe qui, sauf lui). Néanmoins, ils représentent ouvertement l'État profond, l'ennemi principal du mouvement MAGA.

Pour les partisans de Make America Great Again, Graham est l'incarnation du mal absolu: l'État profond, le colonialisme, les interventions, le financement sans fin d'Israël, de l'Ukraine et le harcèlement de tous les adversaires de l'hégémonie américaine, la lutte contre les BRICS et le multipolarisme. En même temps, Graham est un lobbyiste du complexe militaro-industriel, une figure clé de l'État profond. C'est précisément lui que Trump a promis de détruire, d'assécher le marais, d'éradiquer l'État profond — c'est pour cela qu'il a été élu. Son rapprochement avec Graham, qui déclare ouvertement: « J'ai conseillé cela à Trump, et il le fera », est perçue comme une anomalie flagrante non seulement par nous, observateurs extérieurs, mais aussi par les Américains.

Trump s'est positionné comme un homme politique imprévisible : « Je fais ce que je veux, je suis souverain, je ne dépends de personne, je peux prendre des décisions impopulaires, j'ai toujours raison ». C'est ainsi qu'on le connaissait, et on l'a cru quand il a promu l'idéologie MAGA. Mais maintenant, il n'écoute plus ni MAGA, ni même lui-même. Ses paroles et ses promesses, prononcées il y a 15 minutes ou 15 jours, n'ont aucune autorité pour lui. Sous l'influence de l'État profond, il s'est enfoncé plus profondément que lors de son premier mandat.

Graham est le symbole de la soumission totale de Trump à l'État profond. Quand ils apparaissent ensemble, par exemple sur un terrain de golf, les réseaux sociaux explosent d'indignation: des dizaines, des centaines de milliers de messages de partisans de MAGA crient: « On nous a trahis! L'État a été détourné, Trump est pris en otage!». S'il s'éloigne un instant de Graham, l'espoir renaît: «Peut-être qu'il reviendra, ce n'est que temporaire». Certains élaborent des théories conspirationnistes selon lesquelles Trump se rapproche délibérément de Graham afin de gagner sa confiance et de détruire l'État profond de l'intérieur. Mais c'est là du désespoir.

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En réalité, Trump est une marionnette entre les mains de l'État profond, qu'il prétendait détruire pour arriver au pouvoir. C'est une surprise non seulement pour nous, mais aussi pour les Américains. Nous avons fait confiance à ce personnage excentrique, égocentrique, mais souverain qu'est Trump. Avec la valise nucléaire, c'est difficile, mais on pouvait s'y adapter. Mais lorsqu'il n'est pas indépendant et qu'il suit une logique imposée, cela nous oblige à baisser les bras. Il n'est pas seulement bruyant et excentrique, il est aussi dépendant. Cette combinaison – la dépendance envers ceux qu'il qualifiait d'ennemis et qui sont les ennemis de la société américaine – est grave.

Graham est une personnalité importante. On pensait qu'il disparaîtrait de la scène politique, mais son influence n'a fait que croître. Malgré son ton hystérique et incendiaire, ses propos doivent être pris au sérieux. Il est celui qui veille sur Trump depuis les profondeurs de l'État, pour employer des termes mafieux. C'est exactement ainsi que cela se présente et que les Américains le perçoivent.

Tatyana Ladiaïeva : Le président américain Donald Trump a-t-il vraiment pu prendre la décision de continuer à soutenir l'Ukraine sous l'influence du chancelier Merz ? Qu'adviendra-t-il de ce soutien ? Comment l'Europe va-t-elle s'impliquer ? Les États-Unis, si je comprends bien, font semblant de ne pas s'impliquer directement, mais leurs plans commencent déjà à fonctionner via l'Europe.

Alexandre Douguine : Je ne pense pas que Merz soit capable d'influencer Trump de manière significative. Merz est également un néoconservateur, mais européen. L'Allemagne n'est pas un État souverain, mais un territoire occupé avec une autonomie quasi nulle. Sa politique est subordonnée à l'État mondial globaliste. L'influence de Merz ne tient pas à son statut de chancelier allemand, mais au fait qu'il fait partie du cabinet fantôme mondial qui contrôle Trump, tout comme l'État profond aux États-Unis.

Lindsey Graham est une incarnation plus frappante de cet État profond, tandis que Merz n'est qu'un exécutant. Il a été porté au pouvoir non sans manipulations, malgré d'autres tendances, notamment perceptibles en Allemagne de l'Est. Il a promis de lutter contre les migrants, mais dès son arrivée au pouvoir, il est revenu sur ses promesses. Merz est un technicien et son influence sur Trump est minime. Lindsay Graham, à titre individuel, n'a probablement pas non plus une influence significative. Il s'agit du fait qu'il représente la plus haute instance de gestion du monde. Merz fait partie de ce système.

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Tout s'est passé comme prévu : les mondialistes et les néoconservateurs sont une seule et même instance mondiale qui dirige l'Europe occidentale, l'Union européenne et les États-Unis. Ce sont les mêmes personnes et les mêmes structures. Trump a été une intrusion inattendue avec des idéologies différentes, mais cela n'a pas duré longtemps, moins d'un an. Il a commencé par promouvoir à des postes clés des personnes telles que Tulsi Gabbard et J. D. Vance, qui n'étaient pas liées aux républicains traditionnels ou aux néoconservateurs. C'était eux le potentiel de MAGA. Mais la résistance de l'ancien establishment s'est avérée plus forte. Pourquoi aurait-il besoin d'une équipe qui n'est pas contrôlée par l'État profond ?

Les débuts étaient prometteurs, mais il y a un mois et demi, le système MAGA, l'indépendance et la politique autonome de Trump se sont effondrés. Les observateurs américains attribuent cela à l'influence israélienne. C'est peut-être exagéré, mais ils cherchent un facteur extérieur, voyant Trump et l'Amérique se faire détourner. Beaucoup d'Américains pensent que les services secrets israéliens sont derrière tout cela, forçant l'Amérique à servir des intérêts étrangers. On dit que la CIA et le Mossad contrôlent l'Amérique depuis longtemps. C'est peut-être exagéré, mais il y a une part de vérité dans cela.

Les Américains cherchent des responsables: qui a détourné Trump, qu'est-ce que l'État profond ? Graham et, dans une moindre mesure, Merz en sont les représentants. Merz n'est qu'un simple fonctionnaire de l'État mondial. Si l'État profond international décide de se préparer à la guerre contre la Russie, en laissant l'Amérique légèrement à l'écart et en faisant porter le poids principal à l'Union européenne, avec un soutien moins évident des États-Unis, c'est une décision grave. Elle ne dépend pas de Merz, Macron, Starmer ou Graham. On peut s'indigner autant qu'on veut contre ces dirigeants odieux, mais ce ne sont que des employés, une façade.

Nous sommes confrontés à un État international profond qui déclare la guerre à la Russie pour la détruire et qui cherche à nous infliger une défaite stratégique. Il ne correspond ni aux États-Unis, ni à l'Union européenne, ni à leurs pays, ni à leurs intérêts nationaux. —  C'est une force différente. Nous devons comprendre quelle est cette force. Même à haut niveau, nous n'en avons qu'une vision fragmentaire.

Auparavant, nous expliquions tout par l'idéologie communiste, le capitalisme, la lutte pour les marchés, les ressources, l'opposition au système socialiste. À l'époque, tout concordait. Mais au cours des dernières décennies de l'Union soviétique, nous avons perdu la compréhension de ce qui se passait en Occident. Nous avons besoin de nouveaux modèles. Pourquoi nous haïssent-ils ? Pourquoi veulent-ils nous détruire ? Quels sont les mécanismes, qui prend les décisions, à quel niveau ? S'ils sont capables de reformater le président américain, qui est arrivé avec le slogan de la destruction de l'État profond, en le transformant en quelque chose d'autre, sans l'emprisonner ni le tuer, comment est-ce possible ? Qui compose ce cabinet fantôme du gouvernement mondial ?

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Les Américains, se sentant trahis, tentent de comprendre. Nous devons suivre leurs débats et réflexions de près, ils trouveront peut-être des indices. Mais c'est dangereux car cela peut coûter la vie à ceux qui fouinent trop là où il ne faudrait pas...

Nous, les Russes, ne comprenons pas tout à fait à quoi nous avons affaire. Nos pères spirituels ont leur propre vision, mais pour l'accepter, il faut partager leur vision du monde, que la société laïque n'est pas prête à prendre au sérieux. Il est extrêmement difficile de se faire une idée rationnelle du fonctionnement de cet État international profond qui se considère comme le gouvernement mondial. Parfois, cela est déclaré ouvertement, parfois cela reste dans une zone grise. Il faut y prêter une attention particulière. En Russie, nos centres intellectuels tentent de comprendre ce phénomène, mais leurs efforts sont encore préliminaires. C'est une bonne chose, mais il faut faire beaucoup plus.

Tatyana Ladiaïeva : Parlons d'Epstein pendant le temps qui nous reste. Je crois comprendre que l'affaire Epstein continue de diviser la société américaine en deux. Pouvez-vous nous dire s'il y a aujourd'hui plus de gens qui exigent du président américain, des fonctionnaires et des procureurs qu'ils révèlent tous les détails de cette affaire ?

Alexandre Douguine : L'affaire Epstein est liée au fait que le milliardaire Jeffrey Epstein, propriétaire d'un fonds spéculatif de plusieurs milliards de dollars, a été condamné pour avoir organisé un réseau pédophile auquel participaient régulièrement des représentants de l'élite américaine, dont Bill Clinton, Obama et de nombreuses autres personnalités, notamment issues des milieux européens et intellectuels.

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Les dossiers d'Epstein contiennent des informations compromettantes sur toute l'élite américaine. Trump avait promis de les publier après son arrivée au pouvoir. Epstein se serait suicidé dans sa cellule, mais il s'est avéré que plusieurs minutes d'enregistrement des caméras de surveillance avaient disparu: on le voit assis, puis pendu, mais on ne sait pas ce qui s'est passé entre les deux. Il y avait suffisamment de preuves dans le dossier pénal pour le condamner à plusieurs reprises. Sa plus proche collaboratrice, Ghislaine Maxwell, a été condamnée à 20 ans de prison. Elle est la fille d'un haut responsable des services secrets israéliens, et ce n'est là qu'une des nombreuses allusions dangereuses pour l'establishment.

Trump avait annoncé: «Je publierai les dossiers, nous détruirons le lobby pédophile». Mais il y a un mois, il a déclaré: «Il n'y a pas de dossier, ce sont des inventions des démocrates, parlons plutôt du temps qu'il fait au Texas». Il menace ceux qui posent des questions sur les dossiers: «Ce sont mes ennemis, je les écraserai». La société américaine est sous le choc: «Nous attendions ces dossiers, nous vous avons élu pour cela, et vous niez leur existence!».

Des informations circulent selon lesquelles Trump était proche d'Epstein et qu'il existe des informations compromettantes à son sujet. Elon Musk, qui s'est séparé de Trump, affirme que Trump figure dans ces dossiers et que c'est pour cette raison qu'il ne les publiera pas. On a l'impression que Trump est victime de chantage, peut-être de la part des services secrets, de l'État profond ou même des services de renseignement israéliens, qui le forcent à agir contrairement à ses promesses, à sa politique et à ses intérêts. Personne ne l'affirme catégoriquement, mais c'est un autre levier de contrôle sur Trump. Son changement radical de position sur l'affaire Epstein au cours du dernier mois a provoqué un véritable choc. Tout le monde attendait la publication, et il déclare qu'il n'y a rien. Alors pourquoi Maxwell purge-t-elle une peine de 20 ans? Pourquoi Epstein est-il mort? Pourquoi les procureurs ont-ils rendu leurs décisions précédentes? Il ne s'agit plus d'un simple événement politique, mais d'un crime pénal colossal, et Trump en devient complice.

Imaginez la situation dans laquelle il se trouve. Dans une telle situation, il peut décider de prendre des mesures extrêmes. Il est pris en otage par certaines forces, et c'est très grave.

Quelques aspects du nihilisme

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Quelques aspects du nihilisme

(notes de lecture d'un essai de Heidegger – le début - : « Le mot de Nietzsche « Dieu est mort », avec quelques commentaires de ma part – tout ce qui est entre crochets)

Claude Bourrinet

Source: https://www.facebook.com/profile.php?id=100002364487528

Le supra-sensible n'est plus que le produit inconsistant du sensible.

[C'est sans doute vrai à partir du romantisme allemand. En France, c'est évident chez Chateaubriand, Ballanche : le récit biblique, surtout évangéliste, devient un compartiment (lyrique, épique, élégiaque, tragique, merveilleux) de la littérature.]

Mais en dépréciant ainsi son contraire, le sensible s'est renié lui-même en son essence. La destitution du supra-sensible supprime également le purement sensible et, par là, la différence entre les deux.

[Notions difficiles à comprendre au XXIe siècle (ou au XXe). Au moyen âge, on vivait dans le supra-sensible : la plupart des agissements, comportements (le « riche » qui lègue TOUTE sa fortune aux pauvres, à l'article de sa mort, aux dépens de ses héritiers, par exemple, ou bien le noble sans pitié, un brin boucher sanguinaire, qui, d'un coup, se « convertit », et devient un saint pacifique, ou bien des miséreux de tous âges et de tous sexes qui, du jour au lendemain, s'ébranlent, et courent pathétiquement à la quête du salut et de la Jérusalem céleste, ou bien l'aristocrate qui s'arme, porte croix sur sa tunique, et s'empresse d'aller mourir en terre sainte, après avoir sacrifié une grande partie de son patrimoine...), la plupart des pensées et des rêves de cette époque n'étaient pas de ce monde, comme disait Jésus. Le « sensible » n'était qu'une ombre (mais grave, sérieuse, là où se jouait le salut), presque inexistence par rapport au grand Soleil de Dieu (ou à la nuit terrible de la damnation). Rabattre le « suprasensible » - qui ne serait alors qu'une idée, un vague sentiment, du genre « Il y a quand même quelque chose »... -, ou même un espoir – par exemple celui de revoir après la mort des chers disparus, ou tout simplement de persister dans son individualité, sans trop y croire, du reste, les statistiques de sondages le montrent – c'est faire disparaître le sensible, qui n'existe que parce qu'il est l'affirmation d'une existence homogène face à l'infini, le fini dont la condensation d'existence ne prend consistance que par rapport au mystère de la mort. Enlevez le poids du choix, de l'enjeu d'une vie, qui ne saurait se suffire à elle-même, ballottée dans un océan de stimulations dérisoires, vous anéantissez l'existence. Du reste, il ne s'agit pas là seulement des religions du « salut », issues par exemple du judaïsme, mais aussi de toute Weltanschauung induite par les sociétés qu'on appelle « traditionnelles », où le supra-sensible est la « vraie vie », laquelle conduit la vie « terrestre », ontologiquement infiniment moindre. Le « suprasensible », qu’il est difficile, voire impossible d’« imaginer » - faire image -, ou de « vivre », nous est aussi étranger, étrange, que, selon Hegel, un Grec antique pour nous, qui aurait un être-au-monde aussi différent du nôtre que l’est celle d’un chien. La question n’est pas de savoir si nous sommes capables d’avoir l’intuition, ou une connaissance abstraite – donc fausse – de la structure mentale de peuples disséminés dans le temps et l’espace : Grecs et Romains antiques, Amérindiens, Nomades des steppes de l’Eurasie, Nippons du Japon ancien, « Sauvages » d’Amazonie etc, pour qui chaque seconde, chaque lieu de l’existence, dépendait d’un dieu, d’un esprit, d’une force surnaturelle – mais si cette représentation est adéquate. On ne peut connaître que ce dont on a l’expérience. Un cardinal de Richelieu ou un général Franco sont plus proches du trader des officines financières de New York, que d’un anachorète de Thébaïde. Nous sommes le jouet des mots, qui subsument des réalités radicalement dissemblables. Spengler, d’ailleurs, ne cesse de souligner cette tare optique. Il suffit de tenter (vainement, en vérité) d’« entrer » vraiment dans le monde (au sens phénoménologique et mental) par exemple d’un Spartiate pour avoir une petite idée – certes passablement erronée, fondamentalement – de ce qui nous sépare de lui. Et se référer à sa vision du monde est l’une des grosses bêtises de notre époque : le sens des mots et les perspectives (les « vérités ») du monde glissent comme des plaques tectoniques, et subissent des ruptures définitives, comme notre croûte terrestre : nous parlons d’autrui, mais nous ne cessons de palabrer que sur nous-mêmes. Dans notre monde, chrétiens et athées, agnostiques comme « païens », indifférentistes comme fanatiques, se conduisent et réagissent en fonction d’un univers technique, totalement technoscientifique, et en tant que sujets économiques, producteurs, employés, salariés, et consommateurs.]

Cette destitution aboutit ainsi à un « ni... ni... », quant à la distinction du sensible (αἰσθητικός) et du non-sensible (νοητέον) ; elle aboutit à l'in-sensible, c'est-à-dire à l'in-sensé.

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Elle n'en reste pas moins la condition aussi impensée qu'indispensable de toutes les tentatives qui essayent d'échapper à cette perte de sens par un pur et simple octroi de sens.

[Réagissant à l'angoisse suscitée par la perte de sens, due à l'évanouissement du supra-sensible, rendant vain le monde du sensible, le volontarisme le plus évident pousse à octroyer au sensible ce surplus d'âme, qu'on appelle les « valeurs », sans s'apercevoir que la disparition réelle, effective, dans la vie intime, aux racines du monde, du supra-sensible, transforme ces effets rhétoriques en théâtre, en scènes d'opéra, en coups d'épée dans l'eau : on ne saurait sans ridicule mimer le tragique. La religion (cf. « relier ») s'apparente alors à de la bouffonnerie (voir les Évangélistes américains) ou à des simulacres creux (d'où la désaffection des offices religieux), ou bien à des transformations cyniques versant dans le management du marché « spirituel ». Ajoutons les tentatives pathétiques de pourvoir à l'assèchement des relations humaines par l'humanitarisme laïque, pleurnichard et venteux, qui n’empêche nullement les atrocités, et qui même, parfois, les cautionne.]

DIEU EST MORT (troisième volume du Gai Savoir, 1882)

9782080707185-475x500-1-3315333676.jpg[phrase de Jean-Paul Richter, reprise, par intermittence, par Vigny et Nerval. Vigny et Nerval, à la suite de Ballanche, reprennent le principe de la palingénésie, c’est-à-dire de la métamorphose, de la transformation évolutive (dans le sens du progrès, pour Ballanche) du Divin, que ce dernier fût incarné par tel ou tel Dieu, ce n’est pas l’essentiel. Or, au moment du romantisme désenchanté, après 1830, on a le sentiment qu’il soit possible que la fin des transformations a lieu : Dieu serait mort. Il n’existerait plus de Divin. Nerval va chercher la vraie vie dans le rêve. Voir aussi Pascal, au XVIIe siècle, qui rappelle la phrase de Plutarque (Pensée, 695) : « Le grand Pan est mort. »]

[…] le mot de Nietzsche nomme la destinée de vingt siècles d’Histoire occidentale. [Pour Heidegger, la « mort de Dieu » est contenue dans le devenir de la métaphysique platonicienne, et dans le christianisme.]

[…] les noms de « Dieu » et de « Dieu chrétien » sont utilisés, dans la pensée nietzschéenne, pour désigner le monde suprasensible en général.

Ainsi le mot « Dieu est mort » signifie : le monde suprasensible est sans pouvoir efficient.

Ainsi le mot « Dieu est mort » constate qu’un néant commence à s’étendre.

Il ne suffit pas de se réclamer de sa foi chrétienne ou d’une quelconque conviction métaphysique pour être en dehors du nihilisme. Inversement, celui qui médite sur le néant et son essence n’est pas nécessairement un nihiliste.

Le nihilisme est un mouvement historial [ne pas confondre avec « historique], et non pas l’opinion ou la doctrine de telle ou telle personne. Le nihilisme meut l’Histoire à la manière d’un processus fondamental à peine reconnu dans la destinée des peuples de l’Occident. Le nihilisme n’est donc pas un phénomène historique parmi d’autres, ou bien un courant spirituel qui, à l’intérieur de l’histoire occidentale, se rencontrerait à côté d’autres courants spirituels, comme le christianisme, l’humanisme ou l’époque des lumières.

211013ec7bf35d9781a7d39530bbcc54.jpgLe nihilisme est bien plutôt, pensé en son essence, le mouvement fondamental de l’Histoire de l’Occident [C’est pourquoi invoquer la « perte des valeurs » à partit de mai 68 relève de la vacuité intellectuelle la plus profonde]. Il manifeste une telle importance de profondeur que son déploiement ne saurait entraîner autre chose que des catastrophes mondiales. Le nihilisme est, dans l’histoire du monde, le mouvement qui précipite les peuples de la terre dans la sphère de puissance des Temps Modernes.

[…] il n’est pas seulement un phénomène de notre siècle, ni même du XIXe siècle... »

Le nihilisme n’est pas non plus le produit de certaines nations. Quant à ceux qui s’en croient exempts, ils risquent fort d’être ceux qui le développent le plus intensément. [Que les nietzschéens bottés en prennent de la graine!].

Le discours du forcené nous dit précisément que le mot « Dieu est mort » n’a rien à voir avec la trivialité banale des opinions de ceux qui « ne croient pas en Dieu ». Car ceux qui ne sont, de cette manière, que des incroyants, ceux-là ne sont pas encore atteints par le nihilisme en tant que destination de leur propre Histoire.

Dans « Dieu est mort », le terme Dieu, pensé selon l’essence, entend le monde suprasensible des idéaux qui renferment, par-dessus la vie terrestre, le but de cette vie, la déterminant ainsi d’en haut et, en quelque sorte, du dehors.

La Métaphysique est le lieu historial dans lequel cela même devient destin, que les Idées, Dieu, l’Impératif Moral, le Progrès, le Bonheur pour tous, la Culture et la Civilisation perdent successivement leur pouvoir constructif pour tomber finalement dans la nihilité. Ce déclin essentiel du suprasensible, nous l’appelons sa décomposition (Verwesung). Ainsi l’incroyance en tant qu’apostasie du dogme chrétien n’est donc jamais le fondement ou l’essence du nihilisme, mais toujours sa conséquence ; car il se pourrait bien que le christianisme lui-même fût déjà une conséquence et une forme du nihilisme.

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Le monde après l'accord de Turnberry

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Le monde après l'accord de Turnberry

Source: Dissipatio, #77, Gruppo editoriale MAGOG · Via Boezio · Roma · Roma, LAZ 00193 · Italy - redazione@dissipatio.it  

Dans un salon luxueux du complexe hôtelier de Turnberry, sur la côte écossaise, le président américain Donald Trump et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ont conclu l'accord commercial le plus controversé depuis longtemps. L'accord prévoit un droit de douane uniforme de 15% sur les importations européennes aux États-Unis, soit la moitié du tarif de 30% que Trump avait menacé d'appliquer en l'absence d'un accord valable à compter du 1er août, tout en garantissant aux exportateurs américains un accès au marché européen sans droits de douane sur une large gamme de produits.

L'accord prévoit également des engagements contraignants de la part de l'Union européenne à investir environ 600 milliards de dollars sur le marché américain et à importer pour 750 milliards de dollars d'énergie américaine au cours des trois prochaines années, en plus d'acheter d'importantes quantités de matériels militaires fabriqués aux États-Unis.

La rencontre a été précédée de plusieurs mois de négociations intenses entre Bruxelles et Washington, le bloc européen étant sous pression en raison de l'échéance imminente du 1er août et de la perspective concrète d'une escalade qui aurait entraîné des droits de douane pouvant atteindre 50% sur l'acier et l'aluminium. Trump, qui a qualifié cet accord de « plus grand accord commercial jamais signé », a souligné que celui-ci renforcerait les relations transatlantiques après des années de ce qu'il a décrit comme un commerce « profondément injuste et déséquilibré » au détriment des États-Unis. Ursula von der Leyen, tout en reconnaissant la dureté de l'accord, l'a qualifié de « meilleur résultat possible dans ces circonstances », soulignant la valeur de la prévisibilité et de la stabilité qu'il garantit aux entreprises des deux côtés de l'Atlantique.

Il existe une convergence substantielle sur l'interprétation du contenu de l'accord : il s'agit d'un accord politique préliminaire, qui n'est pas encore juridiquement contraignant, prévoyant une liste initiale d'exemptions tarifaires - notamment les aéronefs, les pièces d'aéronefs, les équipements pour semi-conducteurs, certains produits chimiques, les médicaments génériques et une sélection de produits alimentaires - tout en laissant ouverte la possibilité d'allonger cette liste dans les semaines à venir, dans l'attente de la rédaction des textes juridiques officiels.

Le tarif de 15% sur les autres catégories a été fixé comme plafond, mais le président Trump a précisé qu'il se réservait le droit de l'augmenter unilatéralement si l'UE ne respectait pas ses engagements en matière d'industrie, d'énergie et d'investissements. Le secteur sidérurgique fait exception: le droit de 50% sur l'acier et l'aluminium reste en vigueur car, selon Trump, il s'agit d'une mesure « globale » de sécurité nationale, et non bilatérale, une décision accueillie avec une grande déception par les lobbies industriels européens, en particulier allemands.

L'industrie automobile européenne, en particulier Mercedes-Benz, Volkswagen et BMW, a toutefois évité le pire, puisque les droits de douane sur les importations de véhicules ont été réduits de 27,5% à 15%, un seuil qui reste toutefois supérieur à l'objectif à long terme de l'UE, qui est de supprimer les barrières douanières réciproques dans ce secteur.

Les réactions politiques au sein du bloc européen ont été mitigées: le chancelier allemand Friedrich Merz a salué la capacité de l'UE à éviter une « escalade inutile », tout en reconnaissant que l'économie allemande, fortement orientée vers l'exportation, subira néanmoins un impact négatif ; le ministre des Finances, Lars Klingbeil, a parlé d'un « accord qui freine la croissance », tandis que le président de la commission du commerce international du Parlement européen, Bernd Lange, a qualifié les droits de douane de « déséquilibrés » et l'accord d'engagement qui pèse sur les finances de l'Union européenne.

En France, les propos ont été plus durs : le Premier ministre a parlé d'une « journée sombre pour l'Europe », affirmant que Bruxelles avait cédé à une négociation trop déséquilibrée, soulignant également l'absence de contre-mesures concrètes à l'égard des États-Unis. Le traité, précisément parce qu'il s'agit d'un accord-cadre, devra maintenant être traduit en un texte juridique : selon des analogies avec des accords précédents, tels que celui conclu avec le Royaume-Uni après le Brexit, on estime que le processus législatif et technique prendra plusieurs semaines, voire plusieurs mois, avant qu'il ne devienne pleinement applicable des deux côtés de l'Atlantique.

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Lagardenomics, ou la liquidation totale

Les propos de la présidente de la BCE, Christine Lagarde, qui a proposé de répondre aux futures politiques économiques de Trump en encourageant une plus grande consommation américaine, ont suscité de vives discussions. Une opposition à la dynamique du « tit-for-tat », c'est-à-dire « œil pour œil », qui, en l'absence de réciprocité, aura sans doute des répercussions concrètes.

Les marchés financiers ont réagi positivement : les actions européennes ont atteint leur plus haut niveau en quatre mois, l'indice Euro Stoxx 600 étant en hausse et les indices allemands et français progressant, tandis que le taux de change euro-dollar s'est légèrement raffermi en raison de la réduction de l'incertitude. Les analystes soulignent toutefois que, même si l'accord apporte une certaine stabilité, il ne modifie pas le cadre structurel du commerce international : il s'agit avant tout d'une solution d'urgence qui évite le conflit et lie l'Europe à des obligations économiques et stratégiques imposées par les décisions politiques américaines. De nombreux commentateurs y voient un accord asymétrique qui renforce le pouvoir de négociation américain, utilisant les menaces tarifaires comme un moyen d'obtenir des concessions substantielles en matière d'investissements et d'achats énergétiques et militaires.

Cet accord s'inscrit dans une stratégie commerciale plus large menée par l'administration Trump ces derniers mois: après des accords similaires avec le Japon, le Royaume-Uni, le Vietnam, l'Indonésie et les Philippines, l'UE est désormais le dernier grand partenaire à conclure un accord-cadre avant la fameuse échéance du 1er août, qui aurait entraîné des droits de douane à l'échelle mondiale.

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L'ampleur des contraintes en matière d'achats d'énergie (250 milliards par an jusqu'en 2027, pour un total de 750 milliards) et des investissements promis (600 milliards au-delà des niveaux actuels) représente une charge importante pour les caisses européennes, mais a été présentée comme un signe de bonne volonté pour éviter des sanctions plus sévères.

De nombreux secteurs stratégiques européens - de l'automobile à la pharmacie, de l'aérospatiale aux produits alimentaires géographiques - restent dans l'expectative, dans l'attente des textes définitifs et des listes d'exemptions. Le secteur des alcools fait également l'objet de négociations parallèles, tandis que l'agroalimentaire européen conserve certaines protections liées aux normes sanitaires et environnementales, refusant toute concession sur les produits non conformes à la réglementation communautaire.

Dans le débat italien, Marco Palombi, dans Il Fatto Quotidiano, a dénoncé le « complexe de subordination européenne », affirmant que Bruxelles a accepté des conditions défavorables pour éviter une guerre commerciale, tandis que l'administration Trump a imposé son agenda économique comme un instrument de pouvoir géopolitique. Pour M. Palombi, l'UE aurait dû saisir cette occasion pour relancer une politique industrielle autonome, au lieu d'« acheter la paix » avec l'énergie et les armes américaines.

Moreno Bertoldi et Marco Buti, dans un éditorial conjoint publié dans Il Sole 24 Ore, ont parlé d'un « accord amer » : selon eux, l'Europe a renoncé à jouer un rôle de premier plan sur la scène mondiale, choisissant plutôt une posture défensive qui renforce son déficit stratégique vis-à-vis de Washington. Bertoldi et Buti soulignent que l'UE a cédé en échange d'une trêve fragile, acceptant un droit de douane de 15% et des engagements économiques lourds sans obtenir de véritables contreparties structurelles.

Veronica De Romanis, tout en reconnaissant la nécessité d'éviter une escalade, a exprimé des doutes quant à l'impact macroéconomique de l'accord, notamment en ce qui concerne la contrainte sur les achats d'énergie : selon elle, il s'agit d'un accord qui affaiblit l'autonomie stratégique européenne alors que le contexte international exigerait le contraire.

Enfin, Stefano Folli, dans les colonnes de La Repubblica, a donné une lecture politique de l'accord, le qualifiant de « concession nécessaire », fruit d'un leadership européen faible, plus soucieux de contenir les pressions internes que de défendre une vision stratégique commune. M. Folli a invité l'Italie à ne pas se limiter à un rôle de spectateur passif dans les relations entre Bruxelles et Washington, mais à se positionner comme un interlocuteur proactif capable de médiation entre les intérêts du bloc et ceux des pays membres.

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Dans les jours qui ont suivi l'annonce en Écosse, la Commission européenne s'est engagée auprès des gouvernements nationaux pour approuver le cadre, mais le pouvoir de ratification appartient à Bruxelles et le veto de certains États capables de bloquer le processus n'est pas attendu. La guérilla politique interne semble plus symbolique que substantielle, même si l'Italie, comme l'Allemagne, a exprimé des inquiétudes quant au poids économique de l'opération.

L'accord signé en Écosse marque un tournant dans les relations commerciales transatlantiques : d'une part, il évite une crise imminente, d'autre part, il établit une structure contractuelle dans laquelle l'Europe accepte des droits de douane élevés, des engagements financiers et une dépendance énergétique et stratégique vis-à-vis des États-Unis, tandis que ces derniers conservent la liberté de réinterpréter ou de remodeler les termes futurs. Si l'objectif européen était de préserver la paix commerciale, l'accord a été atteint, mais il est évident que cet accord consolide et fige un rapport de force qui aura inévitablement des répercussions politiques de ce côté-ci, à court et à long terme.

mardi, 05 août 2025

Menaces de Trump: l'Inde ne se laisse pas impressionner - Le pays asiatique veut continuer à acheter du pétrole à la Russie

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Menaces de Trump: l'Inde ne se laisse pas impressionner

Le pays asiatique veut continuer à acheter du pétrole à la Russie

Kurt Koriath

Source: https://aufgewacht-online.de/trump-drohungen-indien-laess...

Malgré les menaces du président américain Donald Trump, l'Inde prévoit de continuer à acheter du pétrole bon marché à la Russie, ont déclaré des représentants du gouvernement indien au New York Times (NYT) dans un article publié le 2 août.

Le 30 juillet, Trump a annoncé un droit de douane de 25% pour l'Inde ainsi qu'une sanction non précisée pour la poursuite des achats de produits pétroliers russes. Trump a également menacé d'imposer des droits de douane secondaires de 100% sur le pétrole russe d'ici le 8 août si Moscou ne parvenait pas à un accord pour mettre fin à la guerre en Ukraine.

Deux hauts responsables indiens ont déclaré au NYT que l'annonce de la Maison Blanche n'entraînerait aucun changement dans la politique énergétique ou commerciale de l'Inde. Le gouvernement n'a « donné aucune instruction aux compagnies pétrolières » de réduire leurs importations en provenance de Russie, a déclaré l'un d'eux.

Les relations avec la Russie restent « stables »

Randhir Jaiswal, porte-parole du ministère indien des Affaires étrangères, a déclaré lors d'une conférence de presse le 1er août que les relations entre l'Inde et la Russie restaient « stables ».

« Nos relations bilatérales avec différents pays sont fondées sur leurs propres mérites et ne doivent pas être considérées à travers le prisme d'un pays tiers », a déclaré M. Jaiswal. « L'Inde et la Russie ont un partenariat stable et éprouvé. »

L'Inde est le deuxième plus grand importateur de pétrole russe après la Chine. Longtemps dépendante du pétrole du Moyen-Orient, l'Inde a fortement augmenté ses importations en provenance de Russie depuis le début de la guerre en Ukraine, profitant ainsi de remises importantes et de la baisse de la demande en Europe.

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Les espoirs de Trump prématurés ?

Après les avertissements de Trump concernant des droits de douane élevés sur les importations secondaires, Reuters a rapporté le 30 juillet que les raffineries publiques indiennes avaient suspendu leurs achats de pétrole russe pendant au moins une semaine. Bloomberg a ensuite rapporté le 1er août que plusieurs pétroliers transportant du pétrole brut russe étaient au large de la côte ouest de l'Inde, tandis que les raffineries du pays cherchaient des alternatives.

Trump a commenté ces informations dans une déclaration aux médias le 1er août.

« J'ai entendu dire que l'Inde n'achèterait plus de pétrole à la Russie », a-t-il déclaré.

« C'est ce que j'ai entendu. Je ne sais pas si c'est vrai ou non. C'est une bonne initiative. Nous verrons ce qui se passera. »

Les déclarations des responsables indiens au NYT suggèrent que les informations faisant état d'un changement majeur de la politique commerciale étaient peut-être prématurées. Les analystes de Kpler, une société qui recueille des données sur le transport maritime, ont déclaré au NYT que la baisse des importations de pétrole brut russe en Inde en juillet coïncidait avec une période où l'Inde achète généralement moins de pétrole en raison de la mousson et des travaux de maintenance prévus dans les raffineries.

Kurt Koriath

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À propos de la multipolarité structurelle

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À propos de la multipolarité structurelle

Leonid Savin

Si l'on examine l'état actuel du système international, on constate sans aucun doute qu'il se trouve dans une phase de transition, où les processus de transformation touchent l'économie, la politique, la géopolitique, les normes juridiques et même les religions. Une période de transition avait déjà été évoquée dans les années 1990, lors de l'effondrement du système bipolaire. Quelles sont les différences fondamentales entre la transition actuelle et la précédente, et vers quoi tend le système ?

Les pays occidentaux parlent aujourd'hui de la nécessité de préserver un certain « ordre fondé sur des règles », dont les origines remontent à la fin de la Seconde Guerre mondiale et à la naissance du modèle économique international de Bretton Woods. Cette position montre clairement que la période de transition précédente ne concernait pas cet ordre occidento-centrique, mais visait à changer les régimes des pays qui s'opposaient ou critiquaient le modèle capitaliste en économie et le libéralisme en politique.

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À l'époque, l'Occident parlait avec enthousiasme de la transition de l'autoritarisme à la démocratie et proposait, ou plutôt imposait, sa vision de l'État et des relations internationales. Dans le même temps, l'Occident, en particulier les États-Unis, soutenait activement les autocraties au Moyen-Orient et dans d'autres régions, à condition qu'elles suivent la politique du consensus de Washington. Cette politique de deux poids deux mesures perdure aujourd'hui, comme en témoigne le soutien apporté par l'Occident à la politique de génocide pur et simple menée par Israël à l'encontre des Palestiniens, parallèlement à ses critiques à l'égard de la Russie qui, depuis 2014, défend les droits des civils en Ukraine, notamment leur droit de s'exprimer dans leur langue maternelle, le russe.

Aujourd'hui, l'Occident collectif dénonce la menace du révisionnisme de la part des pays qui ne partagent pas sa vision des relations internationales, ou plus précisément, qui critiquent la pratique du néocolonialisme et de l'hégémonie culturelle utilisée comme instrument de politique étrangère par les États-Unis et leurs satellites.

product_8345_1.jpgDans le même temps, même aux États-Unis, les responsables politiques ont commencé à parler d'une transition vers le multipolarisme et à élaborer leur nouvelle politique étrangère en fonction de ce paradigme.

Le thème de la multipolarité n'est pas un phénomène récent, même si l'opération militaire spéciale russe a sans aucun doute servi de catalyseur à ce processus. Il existe différentes théories de la multipolarité, certaines mettant l'accent sur des critères spécifiques, d'autres se limitant à des affirmations abstraites. Il est nécessaire de les examiner brièvement pour bien comprendre ces débats, ce qui permettra de clarifier la situation actuelle de crise du système international.

La caractérisation la plus succincte des pôles dans le système politique international a été donnée par le politologue américain Richard Rosenkrants en 1963: « Les systèmes internationaux multipolaires, bipolaires et unipolaires peuvent être distingués comme suit: la multipolarité est un système comportant de nombreux blocs ou acteurs; la bipolarité est un système comportant deux blocs ou acteurs; l'unipolarité nécessite l'existence d'un bloc dirigeant ou dominant ».

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Karl Deutsch (photo) et David Singer considéraient la multipolarité comme un moyen d'inciter les principaux acteurs à coopérer davantage. Ces auteurs affirmaient que le passage d'un système bipolaire à un système multipolaire devrait entraîner une diminution de la fréquence et de l'intensité des conflits, et que le système multipolaire lui-même se caractérisait par une stabilité beaucoup plus grande que le système bipolaire.

51DEFuScgKL._UF1000,1000_QL80_.jpgIl existe également une théorie de la multipolarité nucléaire, dans laquelle les pôles sont les puissances dotées d'armes nucléaires. Cette théorie fait toutefois l'objet d'évaluations divergentes. Kenneth Waltz partait du principe que les États sont des acteurs rationnels, enclins à minimiser les risques. Les puissances nucléaires, lorsqu'elles ont affaire les unes aux autres, se comportent avec une extrême prudence, car elles comprennent que le prix d'un conflit peut être trop élevé. Selon lui, les États dotés d'un faible potentiel nucléaire peuvent appliquer avec succès une stratégie de dissuasion à l'égard de puissances nucléaires beaucoup plus puissantes. Cependant, Stephen Simbala a fait remarquer que « contrairement à l'époque de la guerre froide, un monde multipolaire composé de puissances nucléaires régionales rivales pourrait créer un test de résistance ingérable pour vérifier les hypothèses fondées sur le réalisme ou la dissuasion rationnelle ».

Au milieu des années 80, Frank Weiman a introduit le concept de multipolarité en grappes. Il a noté que « le système de pouvoir est multipolaire lorsque les capacités sont réparties de manière plus uniforme que dans un système bipolaire et lorsque l'hostilité reste élevée... Le système est multipolaire en grappes lorsque les États sont répartis plus uniformément dans l'espace, avec de grandes possibilités pour les intermédiaires et de nombreuses loyautés transversales qui tempèrent l'hostilité... Le pouvoir bipolaire et le pouvoir multipolaire sont des catégories mutuellement exclusives... ».

61ImOQCB-FL._UF1000,1000_QL80_.jpgJohn Mearsheimer a proposé deux modèles de multipolarité. Dans son livre « La tragédie des grandes puissances », il écrit : « Je qualifie de « multipolarité déséquilibrée » la configuration du pouvoir qui suscite le plus de crainte et qui est un système multipolaire comprenant un hégémon potentiel ». Un système multipolaire sans hégémon potentiel est donc une « multipolarité équilibrée » et vise à préserver les asymétries de pouvoir entre ses membres. Par conséquent, la multipolarité équilibrée produit moins de peur que la multipolarité déséquilibrée, mais plus que la bipolarité.

En fait, tous les théoriciens présentés appartiennent à l'école du réalisme ou du néoréalisme dans les relations internationales.

Dans le contexte de la situation internationale actuelle et des changements en cours, on peut conclure que, en l'absence d'une hégémonie mondiale claire des États-Unis, la situation pourrait s'améliorer considérablement, car il y aurait davantage de pôles de puissance. Si la disparition de l'hégémonie de Washington rend automatiquement l'Union européenne plus indépendante et souveraine, on pourra alors parler de quatre pôles, avec la Russie et la Chine. Avec l'Inde, ils seront cinq. Il est encore difficile de dire comment se déroulera l'intégration en Afrique et en Amérique latine, qui pourraient potentiellement devenir des pôles de puissance à l'avenir.

Mais dans quelle mesure cela correspond-il à la réalité ? Quels sont les critères visibles d'une transition vers le multipolarisme ? Par exemple, si tous les pays africains travaillent plus intensément à l'intégration de la région, cela signifie-t-il qu'un pôle sera créé ? Il existe une Union africaine, mais quel est son rôle dans la politique mondiale ? Est-elle équivalente à d'autres associations supranationales ? Peut-on considérer l'ASEAN comme un pôle distinct, compte tenu de la démographie des pays et de la participation des États membres de cette association à l'économie mondiale?

1af56e0199422c7a143ad0a08f77c39e.jpgDans l'ensemble, derrière la création d'un pôle géopolitique mondial, qu'il soit unique ou multiple, se cache une grande puissance qui assume la responsabilité de former une structure spécifique, c'est-à-dire un système de pouvoir unique comprenant des éléments politiques, idéologiques (vision du monde), économiques et militaires (sécurité), qui sont interconnectés par divers accords et formats d'interaction. Dans un ordre mondial bipolaire, ils étaient évidents. Il s'agissait de l'URSS en tant que grande puissance et camp socialiste, avec le Conseil d'assistance économique mutuelle dans le domaine économique, l'Organisation du traité de Varsovie dans le domaine de la défense et de la sécurité, ainsi qu'une idéologie commune du marxisme et de la lutte des classes. De l'autre côté, il y avait les États-Unis et les États capitalistes. Le dollar américain était utilisé comme monnaie de réserve mondiale, dépassant le cadre de la zone de contrôle politique formelle de Washington. L'OTAN était le principal bloc militaire, bien que les États-Unis aient conclu d'autres accords avec des États asiatiques, africains et latino-américains qui ont officialisé la présence militaire américaine dans le monde entier.

Par conséquent, un pôle réellement actif dans les relations internationales n'est pas seulement une puissance nucléaire ou une grande puissance. Par exemple, le Pakistan possède des armes nucléaires, mais cet État n'est pas une grande puissance et ne peut être un pôle selon de nombreux critères et indicateurs.

Un pôle réellement actif dans la géopolitique mondiale est une structure régionale ou transrégionale où une grande puissance peut agir comme principal moteur des processus et centre de réflexion.

FxJXrcyaUAAvZOc.jpgCe n'est pas un hasard si la question de l'unipolarité a été soulevée avant même l'effondrement de l'Union soviétique, car depuis la chute du mur de Berlin en 1989 et le changement de régime dans les pays d'Europe de l'Est, les processus de désintégration de l'Organisation du Traité de Varsovie, qui était un élément clé de la sécurité en Eurasie, étaient évidents. C'est précisément pour cette raison que Charles Krauthammer a intitulé son article « Le moment unipolaire », rédigé à partir d'une conférence donnée à Washington en septembre 1990. Krauthammer admettait l'émergence d'un multipolarisme, mais, compte tenu de l'opération « Tempête du désert » en Irak, il soulignait la puissance réelle des États-Unis et mettait en garde contre les troubles internes afin de préserver cette position de seule puissance mondiale à l'avenir.

D'ailleurs, Fidel Castro avait soulevé une question similaire. Il avait exprimé cette idée pour la première fois en décembre 1989, soulignant que si certaines tendances très négatives se poursuivaient, le monde passerait de la bipolarité à l'unipolarité sous la domination des États-Unis. Le mur de Berlin était tombé un mois avant sa mise en garde. Et Fidel avait prévu un scénario possible, qui s'est ensuite réalisé.

L'Organisation du Traité de Varsovie a mis fin à sa coopération militaire en février 1991 et a été officiellement dissoute le 1er juillet de la même année. Le Conseil d'assistance économique mutuelle a cessé d'exister le 28 juin 1991.

Et l'Union soviétique a cessé d'exister en décembre 1991. Il convient de noter qu'au début, ce n'est pas l'acteur principal du deuxième pôle qui s'est désintégré, mais ses éléments structurels sous la forme d'un organe chargé de la sécurité et d'un autre lié à l'économie.

cf4776c4b78beda865620c3327a9f8e6.jpgEt rien de similaire n'a encore été créé pour les remplacer. Bien sûr, la Russie est devenue beaucoup plus forte qu'elle ne l'était immédiatement après l'effondrement de l'URSS. À l'initiative de Moscou, l'Organisation du traité de sécurité collective et l'Union économique eurasienne ont été créées, mais leur effet est assez insignifiant par rapport à ce qui existait à l'époque de l'URSS.

Dans le même temps, l'hégémonie du dollar se maintient et la plupart des transactions bancaires dans le monde sont effectuées dans cette devise, même s'il existe une pratique de règlement en monnaie nationale et que la part du yuan chinois augmente progressivement.

Le bloc de l'OTAN s'est considérablement élargi, notamment grâce à l'adhésion d'anciens membres du Pacte de Varsovie. Ses objectifs déclarés dépassent largement les frontières de l'Atlantique Nord, il a mené une intervention militaire en Afrique (Libye) et l'alliance a conclu des accords avec des pays du Moyen-Orient et d'Asie.

Par conséquent, même si l'on parle de l'émergence d'un multipolarisme, en réalité, si l'on considère la situation du point de vue des structures et non des grandes puissances ou des unions supranationales telles que l'UE, il existe toujours un pôle puissant, qui a été établi par les États-Unis. Et malgré les divergences actuelles entre les États-Unis et l'UE, ce modèle perdure. De plus, ce pôle est devenu plus grand et plus influent grâce à l'élargissement de ses éléments structurels.

Malgré ses énormes succès économiques et politiques, la Chine ne peut opposer rien de tel à l'Occident. L'initiative « Belt and Road » n'est pas une nouvelle version du Conseil d'assistance économique mutuelle, mais la mise en œuvre d'une partie de la politique étrangère chinoise. Elle est intrinsèquement centrée sur la Chine. L'Organisation de coopération de Shanghai a également été conçue par Pékin pour servir ses propres intérêts, et la présence en son sein de pays en conflit permanent, comme l'Inde et le Pakistan, montre qu'il n'y a pas de véritable unité d'objectifs.

C'est pourquoi, du point de vue de la multipolarité structurelle, on ne peut que parler d'une certaine renaissance de la bipolarité, où la Russie est l'acteur clé, mais ce pôle fonctionne sous un autre format et a été catalysé par l'opération militaire spéciale en Ukraine.

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Les nouveaux accords conclus par Moscou avec Minsk, Pyongyang et Téhéran ont permis d'établir un niveau particulier de relations entre la Russie et ces États partenaires. Le déploiement d'armes nucléaires en Biélorussie, la participation des troupes nord-coréennes à la guerre en Ukraine et la fourniture d'équipements nécessaires par l'Iran témoignent d'un nouveau modèle de sécurité en gestation en Eurasie. Dans le même temps, l'OTSC et l'UEE fonctionnent parallèlement à ce processus.

Par conséquent, si l'on parle de multipolarité structurelle, celle-ci est en réalité inexistante. Mais elle sera nécessaire pour mettre fin à l'hégémonie unipolaire. Il ne faut donc pas se laisser bercer par les illusions des politiciens occidentaux qui parlent de l'avènement du multipolarisme, à l'instar de Joe Biden naguère. Certes, les États-Unis connaissent actuellement une série de problèmes, mais leurs agents financiers, incarnés par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, continuent de travailler activement et de défendre l'hégémonie du dollar. L'OTAN augmente ses dépenses de défense et a récemment accueilli de nouveaux membres, la Suède et la Finlande. Parallèlement, diverses formes de partenariat se mettent en place en dehors de l'Atlantique Nord, par exemple avec la République d'Azerbaïdjan, ce qui témoigne des intérêts mondiaux de l'OTAN. De plus, la Serbie, victime des bombardements de l'OTAN, a également conclu une série d'accords avec cette organisation, ce qui indique clairement le renforcement du contrôle géopolitique de l'OTAN en Europe.

Néanmoins, l'expérience de la Russie peut être appliquée dans d'autres régions, créant ainsi une multipolarité plus tangible. On veut croire que la coopération de Moscou en Afrique et en Amérique latine donnera une impulsion appropriée à cette orientation. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Hugo Chávez a proposé de créer une alliance défensive pour les pays d'Amérique latine, une idée qui a ensuite été reprise par le Brésil sous la forme d'un Conseil de défense des États latino-américains. Mais ce projet n'a jamais vu le jour, car les États-Unis ont parfaitement compris la menace que représenterait pour leurs intérêts la création d'un pôle géopolitique indépendant dans l'Atlantique Sud. Espérons qu'après le règlement des différends et des contradictions entre plusieurs pays de la région, cette idée sera finalement mise en œuvre sous la forme nécessaire à la création d'une structure polaire à part entière, qui constituera une contribution digne de ce nom à la multipolarité qui se dessine actuellement.

IA et colonIAlisme - Comment l'intelligence codée par l'Occident propage l'hégémonie numérique

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IA et colonIAlisme

Comment l'intelligence codée par l'Occident propage l'hégémonie numérique

Alexander Douguine

Alexander Douguine soutient que l'IA occidentale sert d'outil d'hégémonie numérique et que seule la restauration de l'identité civilisationnelle de la Russie permettra l'émergence d'un intellect souverain et véritablement russe.

L'IA n'est pas universelle. Elle a été créée en Occident et représente une structure de pensée occidentale, c'est-à-dire un réseau colonial qui s'étend sur toutes les sociétés, les soumettant aux significations, aux objectifs et aux procédures occidentaux. L'IA a une identité civilisationnelle. Et elle est occidentale. Nous ne pouvons pas créer une IA russe tant que nous n'avons pas clarifié ce qu'est et doit être l'identité civilisationnelle russe. GigaChat et autres imitations russes ne sont que des substituts importés, des versions clonées de ChatGPT avec quelques restrictions supplémentaires pour satisfaire les autorités.

Maria Zakharova a soulevé une question importante: la souveraineté de l'IA. Mais cela révèle immédiatement une autre question: la souveraineté de l'intellect lui-même, de la souveraineté russe aux niveaux de l'esprit et de la pensée. Il est impossible de parler sérieusement de l'IA sans discuter tout aussi sérieusement du « moi » (collectif russe).

Depuis environ trois cents ans, nous vivons dans un contexte intellectuel façonné par l'Occident. Cela inclut nos sciences, notre politique, notre culture, notre économie et notre technologie. C'est une vie empruntée. Nous vivons une vie qui n'est pas la nôtre. L'Occident est maintenant en train de pénétrer en nous par le biais de l'IA, ce que Zakharova interprète à juste titre comme de l'impérialisme. Pourtant, l'Occident était déjà entré en nous depuis longtemps sous la forme du « moi ». Nous pensons avec un esprit qui n'est pas le nôtre. En considérant la Russie comme faisant partie de la civilisation occidentale – posture qui n'a pas commencé avec les bolcheviks, mais avec Pierre le Grand –, nous avons perdu nos significations russes natives et n'avons montré aucune intention de les récupérer. Tout ce que nous comprenons sous les étiquettes de science, politique, culture et art est occidental, importé, copié. Le développement « créatif » n'est possible que parce que nous ne saisissons pas complètement les idées empruntées; leur contexte d'origine nous est étranger, car il ne correspond pas à notre expérience vécue. Depuis Pierre, la Russie est une pseudomorphose, une archéo-modernité, un culte du cargo.

Mais ce n'est pas tout. Il y avait les slavophiles et les eurasiens ; il y avait Jean de Cronstadt et Antoine (Khrapovitsky) ; il y avait Tikhomirov et Solonevitch ; il y avait Florensky avec sa physique chrétienne et Sergei Boulgakov avec son économie chrétienne. Ils ont tenté désespérément de rendre le « moi » russe, de dé-occidentaliser la conscience russe. Chacune de leurs actions, menées au nom d'une civilisation dont le « moi » avait été volé et remplacé par quelque chose d'étranger, vaut son pesant d'or.

Pour aborder la question de l'IA russe – ne serait-ce que pour poser correctement la question –, nous devons d'abord percer le « moi » russe, décoloniser notre conscience. Aujourd'hui, presque toutes les institutions responsables du paradigme humanitaire sont fermement ancrées dans l'occidentalisme – pire encore, dans l'universalisme occidental –, que ce soit sous sa forme libérale ou sous sa forme communiste résiduelle. De l'Académie des sciences aux écoles. Et là où il y a de timides tentatives de substitution des importations, elles ne mènent nulle part : « Alisa, à qui appartient la Crimée ? ». Même cela est évité. Creusez un peu plus profondément, et vous trouverez un pur progressisme de type gendériste.

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C'est ce qu'a rencontré Elon Musk lorsqu'il a voulu créer une IA illibérale, un modèle anti-woke. Il a découvert qu'il ne suffisait pas d'apprendre à Grok à donner plus d'une position (pas seulement celle des libéraux-mondialistes dans l'esprit de Soros et de sa censure insensée), mais aussi d'inclure d'autres positions (telles que les opinions conservatrices). Le cœur de l'IA restait structuré selon des prémisses libérales. Lorsque Musk a levé certaines restrictions, Grok 4 s'est mis à parler avec la voix d'Hitler. Musk a immédiatement fait marche arrière. Tout ce qu'il essayait de faire, c'était de déplacer légèrement l'accent au sein du cadre idéologique occidental. C'est ce à quoi il s'est heurté. Pour nous, afin d'éviter la colonisation (terme approprié utilisé par Mme Zakharova), la tâche qui nous attend est bien plus difficile. Il ne s'agit pas d'une correction cosmétique du paradigme occidental, mais de son démantèlement et de la construction d'une IA russe souveraine sur la base d'un « moi » russe souverain.

Dieu merci, cette question est désormais reconnue par le président, l'administration présidentielle s'y intéresse et le ministère des Sciences et de l'Éducation prend certaines mesures ciblées et systémiques. Le ministère des Affaires étrangères, qui promeut activement la multipolarité, en a également fait un sujet prioritaire.

C'est excellent. Mais ce n'est même pas le début, c'est la préparation du début, le cycle zéro.

D'ailleurs, dans notre histoire, il y a eu très peu de moments où nous avons sérieusement réfléchi à notre identité civilisationnelle: du 15ème au 17ème siècle (Moscou comme troisième Rome), les slavophiles au 19ème siècle, au début du 20èe siècle avec l'âge d'argent (Blok, Klyouïev) et parmi les émigrés. Et maintenant, une fois de plus.

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La guerre des puces électroniques va décider de l'ordre mondial

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La guerre des puces électroniques va décider de l'ordre mondial

Elena Fritz

Source: https://pi-news.net/2025/08/im-chipkrieg-entscheidet-sich-die-weltordnung/

Dans un monde où la supériorité technologique détermine l'armement, les services de renseignement, l'approvisionnement énergétique et même la communication politique, l'accès aux semi-conducteurs devient un enjeu géopolitique crucial.

Aujourd'hui, le pouvoir politique ne se redéfinit pas par la diplomatie ou le déplacement de chars, mais par des nanomètres. Ce sont les micropuces, à peine visibles mais stratégiquement essentielles, qui structurent le 21ème siècle. Ceux qui les fabriquent ont le contrôle sur l'armement et l'intelligence artificielle, sur la création de valeur et l'ordre mondial. Et ceux qui dépendent de leur production peuvent invoquer des traités internationaux – ou le principe de l'espoir.

Les États-Unis tentent de se libérer de cette dépendance. Et ce, avec une détermination brutale. Ce qu'ils poursuivent sous le terme de « réindustrialisation » n'est pas une simple politique industrielle, mais un programme géostratégique qui rappelle les grandes mobilisations de la guerre froide – plus discret, mais non moins ambitieux. Il ne s'agit pas seulement de sécurité d'approvisionnement, mais aussi de prétentions au leadership mondial. Le contrôle de la technologie clé des semi-conducteurs est devenu à Washington le nouvel axe de l'ordre mondial. Dans un monde où la supériorité technologique détermine l'armement, les services de renseignement, l'approvisionnement énergétique et même la communication politique, l'accès aux semi-conducteurs devient un test géopolitique de premier ordre.

Les micropuces comme axe impérial

Le fait que Taïwan, un État insulaire à portée immédiate des systèmes de missiles chinois, fournisse la majeure partie des puces haute performance dans le monde constitue, du point de vue de Washington, un risque sécuritaire de premier ordre. Environ 70 % des puces logiques les plus modernes sont fabriquées à Taïwan, en particulier par TSMC. Efficace en temps de paix. Fatal en temps de crise.

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La réponse des États-Unis : délocalisation, contrôle, autarcie. Sous Biden, l'argent a coulé à flots : plus de 50 milliards de dollars de subventions directes, accompagnées d'allégements fiscaux et de paquets législatifs. Trump, quant à lui, recourt à la manette des droits de douane, avec jusqu'à 100% sur les importations de puces taïwanaises. La carotte et le bâton, mais avec le même objectif : le d'une technologie mondialisée.

Et cela fonctionne. TSMC construit en Arizona. Intel délocalise en Ohio. Samsung s'étend au Texas. Plus de 450 milliards de dollars d'investissements ont été lancés, des dizaines de grands projets sont en cours de construction. Les États-Unis font ce que l'Europe ne fait que promettre : ils prennent acte de la réalité géopolitique et en tirent les conséquences en matière de politique industrielle.

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Le prix du découplage

Mais le programme américain de réindustrialisation ne se fait pas sans bruits parasites. Il est coûteux, complexe et structurellement fragile. Les coûts de production des usines de semi-conducteurs aux États-Unis sont en moyenne de 30 à 50% plus élevés que dans les pays producteurs d'Asie de l'Est tels que Taïwan ou la Corée du Sud. Cela s'explique notamment par des réglementations plus strictes, des coûts salariaux plus élevés et un manque de routine industrielle dans la fabrication de haute technologie.

À cela s'ajoute une pénurie aiguë de main-d'œuvre qualifiée : presque toutes les régions manquent d'ingénieurs, de techniciens et de personnel de production spécialisé. Des études estiment que d'ici 2030, les États-Unis auront un déficit d'environ 90.000 travailleurs qualifiés dans l'industrie des semi-conducteurs, un déficit qui ne pourra être comblé à court terme. Les infrastructures constituent également un facteur limitant. La plupart des machines de précision proviennent toujours des Pays-Bas, en particulier d'ASML. Des matériaux importants tels que le silicium de haute pureté ou des produits chimiques spéciaux proviennent du Japon. Et même les étapes finales de test et d'emballage, nécessaires à la production en série, se déroulent principalement en Asie. Les plans ambitieux des États-Unis se heurtent donc à des dépendances mondiales qui ne peuvent être éliminées d'un trait de plume.

Il en résulte une mosaïque industrielle : pensée au niveau national, mais dépendante au niveau mondial. L' idée que l'on puisse construire une industrie clé mondiale comme un projet d'infrastructure national est illusoire. Mais les États-Unis prennent cette illusion au sérieux – en tentant résolument de façonner la réalité selon leurs intérêts.

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CHIP4 – une promesse géopolitique sans substance

Pour soutenir cette stratégie géopolitique, le format « CHIP4 » a été créé – une alliance avec le Japon, la Corée du Sud et Taïwan. Il vise à stabiliser les chaînes d'approvisionnement, coordonner les normes et orienter les investissements. Mais ce qui ressemble à une alliance sur le papier reste en pratique un forum de consultation informel. Les participants hésitent, notamment parce qu'ils sont réticents à se mettre au service d'un ordre industriel dominé par les États-Unis.

À cela s'ajoute le fait que les États partenaires asiatiques ont leurs propres intérêts. Ils ne veulent pas devenir le jouet de la politique industrielle américaine ou chinoise, mais souhaitent rester des acteurs souverains. Les États-Unis répondent à cette ambivalence par le moyen classique de la politique structurelle impériale : pression par les droits de douane, incitation par les promesses du marché. Mais la confiance stratégique ne s'impose pas de force. Dans le même temps, la pression de la Chine s'intensifie : interdiction d'exporter des matières premières critiques, investissements propres dans les technologies 7 et 5 nm, acquisitions stratégiques tout au long de la chaîne d'approvisionnement. Pékin ne se contente pas de réagir, elle agit – de manière systématique et avec persévérance.

Le somnambulisme stratégique de l'Europe – et comment y remédier

L'Europe ne se tait pas, elle murmure. Entre les plans de relance, les sommets d'experts et les documents de la Commission, on semble se contenter de littérature réglementaire. Mais ce dont nous avons besoin, c'est d'un esprit d'expédition – d'une stratégie, d'un rythme et d'une détermination. Le Chips Act de 2022 devait faire de l'Europe un acteur mondial dans le domaine des semi-conducteurs. Mais à l'été 2025, il ressemble plutôt à une réaction tardive aux démonstrations de force des États-Unis et de la Chine.

Alors que Washington construit, subventionne et menace même d'imposer des droits de douane, Bruxelles insiste sur les normes environnementales, les délais d'autorisation et les lignes directrices en matière d'aides d'État. Cette approche coûte du terrain. Ce n'est pas l'argent qui manque, mais la mobilisation intellectuelle. La France a formulé ses ambitions, l'Allemagne est bloquée par une jungle administrative fédérale, l'Italie se dit prête à coopérer, mais il n'y a pas de ligne européenne commune. Ce n'est qu'avec un étau industriel solide que l'Europe pourra faire contrepoids. Et concrètement, l'épine dorsale technique de l'Europe est prête. ASML, aux Pays-Bas, contrôle la lithographie ultraviolette, sans laquelle les autres ne peuvent produire que des puces à moitié finies. Infineon, STMicroelectronics et Bosch sont compétitives à l'échelle internationale. Mais le déficit le plus important concerne la fabrication de pointe, c'est-à-dire la technologie dite « sub-5 nm », qui permet de fabriquer des structures de commutation de moins de cinq milliardièmes de mètre. Sans elle, nous manquons de puces pour l' IA de pointe, les ordinateurs haute performance et les systèmes d'armes autonomes. L'Europe est à la traîne dans ce domaine.

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La pénurie de main-d'œuvre qualifiée à laquelle il faut s'attendre nécessite la création de centres de formation spécialisés, l'extension des programmes d'études en alternance et des programmes visant à attirer les talents européens à l'étranger. D'ici 2030, environ 90 000 travailleurs qualifiés devront être recrutés. Enfin, l'Europe devrait s'engager en tant que co-investisseur stratégique dans de nouvelles installations de production. Les participations minoritaires dans des projets clés renforcent non seulement le droit de regard, mais garantissent également des intérêts à long terme dans la chaîne de valeur. L'Europe se trouve aujourd'hui à un tournant géopolitique : va-t-elle devenir souveraine sur le plan numérique ou rester le jouet des géants asiatiques et américains ? Le temps presse, et c'est à nous de donner le rythme.

Conclusion : la grammaire géopolitique de la technologie

Il ne s'agit plus depuis longtemps de marchés, mais de pouvoir. Les micropuces ne sont pas des produits industriels parmi tant d'autres. Elles sont, comme le pétrole au 20ème siècle, un levier géopolitique. Les États-Unis l'ont compris. Leur succès reste à déterminer. Mais leur détermination est indéniable. L'Europe ferait bien de ne pas considérer la lutte pour les semi-conducteurs comme un conflit économique lointain, mais comme faisant partie d'un nouvel ordre mondial. Dans cet ordre, ce n'est pas celui qui discute qui compte, mais celui qui produit. Celui qui produit définit les règles.

lundi, 04 août 2025

Chantage, impuissance, déshonneur: comment l'Europe est devenue le jouet des États-Unis

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Chantage, impuissance, déshonneur: comment l'Europe est devenue le jouet des États-Unis

Günther Burbach

Source: https://overton-magazin.de/hintergrund/politik/erpressbar...

En 2025, l'Europe se trouve à un tournant géopolitique, mais personne ne semble vouloir vraiment l'admettre. Le nouvel accord commercial avec les États-Unis, négocié par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et approuvé par le chancelier allemand Friedrich Merz, montre sans détour ce qui est depuis longtemps une réalité : l'Europe n'est plus un partenaire, mais un suppliant.

Et Donald Trump n'en fait pas mystère. Au contraire, il nous ridiculise devant les caméras, sans courtoisie diplomatique, sans se soucier de perdre la face. Et le pire, c'est que nos gouvernements applaudissent. Cela aurait pu être pire, telle est l'idée générale, mais est-ce vraiment le cas ? Il ne s'agit plus de droits de douane qu'un certain monsieur à Washington juge bon de claironner devant les caméras de télévision. Il s'agit de l'Europe en tant qu'ancienne puissance économique mondiale. Il s'agit du fait que cette ancienne puissance économique n'a rien d'autre à offrir qu'une Ursula von der Leyen qui nous vend une humiliation totale comme une bonne affaire.

  1. 1. Le nouvel accord : une capitulation annoncée

Le 27 juillet 2025, Trump et von der Leyen ont présenté un accord commercial censé protéger l'UE contre des droits de douane plus élevés. En réalité, il s'agit d'un accord unilatéral en faveur des États-Unis. Alors que l'Europe devra désormais acheter pour 750 milliards de dollars de gaz de schiste américain et s'engager à investir 600 milliards aux Etats-Unis, les produits américains resteront en grande partie exempts de droits de douane.

En contrepartie, l'UE accepte des droits de douane punitifs de 15% sur ses principaux produits d'exportation: les voitures, les machines et les semi-conducteurs. Trump appelle cela « l'équilibre », mais en réalité, il s'agit d'un tribut. Il reste à voir comment notre industrie automobile, déjà en difficulté, va pouvoir s'en sortir.

Cet « accord » a été salué comme un compromis par les médias atlantistes. En réalité, il s'agit d'un chantage absolu. L'Europe paie pour ne pas être punie et vend cela comme un succès en matière de politique étrangère.

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  1. 2. La protection militaire comme arme – La menace du parapluie

Les États-Unis assurent la sécurité militaire de l'Europe, en particulier nucléaire, ce qui était un consensus tacite depuis des décennies. Mais Trump a publiquement démantelé ce consensus. Dès 2020, il a remis en question l'OTAN, et en 2024, il a exigé que « les pays qui ne paient pas soient livrés à eux-mêmes ». Aujourd'hui, il exige clairement que l'Europe paie, sinon le parapluie sera retiré.

Qu'est-ce que cela signifie ?

- L'accès aux armes nucléaires américaines reste entièrement entre les mains de Washington.

- Les garanties en matière de cybersécurité sont également dictées par des considérations politiques.

- La logistique militaire, les satellites, les systèmes d'alerte précoce sont pratiquement inaccessibles sans l'accord des États-Unis.

Militairement, l'Europe est sous perfusion. Et cette perfusion est désormais utilisée pour imposer une docilité politique et économique. Mieux encore, les nouveaux contrats d'armement rendront l'Europe encore plus dépendante des États-Unis. On se demande vraiment dans quelle tête de tels contrats peuvent avoir un sens. Les logiciels américains contrôlent tout et Big Brother est présent dans chaque PC, chaque caméra et tous les autres systèmes à travers l'Europe. Trump nous montre actuellement ce que cela signifie. Mais apparemment, tout cela reste sans effet, non, cela conduit à se rapprocher encore plus du grand frère. L'Europe semble attendre que Trump la punisse par de nouvelles frasques.

  1. 3. La séparation prévue : comment les États-Unis ont détaché l'Europe de la Russie

Ceux qui pensent que la guerre en Ukraine est une escalade fortuite méconnaissent les intérêts stratégiques de Washington. Depuis 2014 déjà, la politique étrangère américaine s'efforce de couper la Russie de l'Europe, à grands renforts de moyens.

Après le Maïdan, plus de 5 milliards de dollars américains ont été investis dans la « promotion de la démocratie » en Ukraine (Victoria Nuland, 2014).

Les États-Unis ont fourni des armes, formé l'armée ukrainienne aux tactiques occidentales et ancré la doctrine de l'OTAN dans l'appareil sécuritaire du pays.

De nombreuses ONG, think tanks et conseillers proches des États-Unis ont été systématiquement installés à Kiev. Le pays a été aligné sur l'Occident sur les plans politique, économique et médiatique, sans adhérer à l'OTAN, mais avec une orientation claire.

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Depuis 2016, des centaines de millions de dollars d'aide militaire ont été versés chaque année. Avec la guerre de 2022, ce montant est passé à plusieurs dizaines de milliards, y compris les bombes à sous-munitions, les systèmes Patriot et la formation Black Hawk.

La Russie a été isolée, Nord Stream a été détruit, les canaux diplomatiques ont été coupés, l'objectif étant de séparer définitivement l'UE de Moscou. Gagnant : les États-Unis. Perdant : l'Europe, qui achète depuis lors du gaz de schiste américain à des prix exorbitants et perd sa base industrielle.

  1. 4. La classe politique : gestion de l'impuissance

Que font les dirigeants européens ? Ils gèrent, dissimulent, voilent, mais ne contredisent pas. Ursula von der Leyen, qui dispose d'un excellent réseau transatlantique, se comporte comme une ambassadrice de Washington. Friedrich Merz, ancien de BlackRock, aujourd'hui chancelier, défend les droits de douane de Trump comme une « impulsion modernisatrice ». Emmanuel Macron critique prudemment, mais reste finalement muet. Critiques à l'égard de l'OTAN, des sanctions américaines ou de la désindustrialisation due aux prix de l'énergie ? Aucune.

Les élites européennes font ce qu'elles perfectionnent depuis des années : elles affichent une position sans agir. Elles utilisent un vocabulaire bien intentionné qui se heurte à la réalité. Et elles confondent loyauté transatlantique et irresponsabilité envers leur propre population.

  1. 5. Dépendance totale dans tous les secteurs

L'Europe utilise presque exclusivement des infrastructures logicielles américaines : Microsoft, Amazon Web Services, Palantir.

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Armement : avions de combat F-35, systèmes de défense antimissile, avions de transport, tout vient des États-Unis.

Énergie : le gaz liquéfié américain domine les projets de construction à Wilhelmshaven, Brunsbüttel et ailleurs.

Finances : le dollar reste la monnaie de référence, tandis que SWIFT et les sanctions américaines dictent aux banques européennes ce qu'elles ont le droit de faire.

Chacun de ces domaines constitue un moyen de pression potentiel, et Trump le sait. Il ne menace même pas de manière subtile. Il le dit ouvertement. Et l'Europe ? Elle se tait.

  1. 6. Et si demain, c'était vraiment la fin ?

Imaginons que Trump exige: « Deux mille milliards d'euros par an, sinon il n'y aura pas de protection ». Pas d'accès aux infrastructures militaires. Pas de dissuasion nucléaire. Pas de bouclier cybernétique. Pas de satellites. Pas d'accès aux plateformes économiques américaines. Pas de coopération militaire en matière de renseignement.

Que resterait-il à l'Europe ? Une dépendance totale. Pas de plan B, pas d'autonomie stratégique, pas d'alliance en dehors de la sphère américaine. La France ? Seule. L'Allemagne ? Désarmée sur le plan militaire. L'OTAN ? Une coquille vide sans noyau américain.

  1. 7. L'Europe doit agir maintenant, sinon elle disparaîtra

Le temps de l'hésitation est révolu. Soit l'Europe comprend enfin qu'elle ne survivra qu'en tant qu'acteur indépendant, soit elle restera un protectorat. Les mesures à prendre :

- Mise en place d'une structure de défense souveraine avec la France, l'Italie et la Scandinavie.

- Création d'un cybercommandement européen sans technologie américaine.

- Autonomie énergétique grâce à des partenariats stratégiques avec l'Afrique, l'Asie et l'Amérique latine.

- Souveraineté numérique grâce à nos propres clouds, puces et normes.

- Sobriété en matière de politique étrangère : reprise des relations diplomatiques avec la Russie, sans œillères idéologiques.

Conclusion : Trump n'est pas le problème. Il est le miroir d'une Europe qui a oublié comment fonctionne l'indépendance. Nous nous sommes relégués au rang de partenaire junior, par peur, par commodité, par inertie idéologique. Il est désormais trop tard pour les politesses.

L'Europe doit sortir de sa dépendance, sinon elle deviendra une coquille vide sur le plan géopolitique. L'Europe ne doit rien à personne, sauf à ses citoyens.

Sources:

Victoria Nuland, 2014 : https://2009-2017.state.gov/p/eur/rls/rm/2014/mar/222718....

RAND Corporation, 2019 : « Extending Russia » https://www.rand.org/pubs/research_reports/RR3063.html

AP News, juillet 2025 : https://apnews.com/article/cb323423c4317c89410c0dee3d389753

FT zu US-Zollpolitik: https://www.ft.com/content/11aa3964-5460-405f-981b-9d284f...

The Guardian, 28/07/2025 : https://www.theguardian.com/commentisfree/2025/jul/28/eu-...r

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Sur l'auteur: Günther Burbach, né en 1963, est informaticien, journaliste et auteur. Après avoir tenu sa propre chronique dans un hebdomadaire, il a travaillé à la rédaction du groupe Funke Mediengruppe. Il a publié quatre livres consacrés à l'intelligence artificielle et à la politique intérieure et étrangère allemande. Dans ses textes, il allie connaissances techniques et vision sociopolitique, toujours dans le but de susciter le débat et d'aiguiser le regard sur l'essentiel.

Plus d'articles de Günther Burbach → https://overton-magazin.de/author/guenther-burbach/

La mort de Horst Mahler ou l'impossibilité de renier son père

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La mort de Horst Mahler ou l'impossibilité de renier son père

Der Spiegel évoque les années 70 de la Rote Armee Fraktion et de l'avocat de ses membres, emprisonné pendant plus de 20 ans.

Par Roberto Giardina

Source: https://www.barbadillo.it/123348-deutsche-zeit-la-morte-d...

Dimanche dernier, à Berlin, l'avocat Horst Mahler est décédé. Der Spiegel lui a consacré un long article; d'autres hebdomadaires, quotidiens ou chaînes de télévision ont à peine mentionné ou ignoré la nouvelle. Une histoire allemande, un personnage qui dérange. Mieux vaut l'oublier.

Né en 1936 à Haynau, en Basse-Silésie (aujourd'hui Chojnow, en Pologne), Mahler a grandi en République démocratique allemande et, adolescent, il idéalise Lénine. Cependant, peu avant la construction du mur (13 août 1961), il passe à Berlin-Ouest avec sa famille.

Le climat politique de la République fédérale n'est plus celui, mélancolique et fervent, de la reconstruction. Depuis le milieu des années 60, les étudiants manifestent contre le Bild Zeitung et Die Welt, les journaux d'Axel Springer. En 1968, Mahler conseille : « Si vous brûlez un camion du Bild, c'est un délit. Si vous les brûlez tous, c'est un acte politique ».

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Défenseur de Rudi Dutschke

Mahler devient, en toute cohérence, l'avocat de Rudi Dutschke (photo). Né en 1940, celui-ci passe de la République démocratique, où il est réfractaire au service militaire, à la République fédérale trois jours avant la construction du Mur. À Berlin-Ouest, Dutschke s'inscrit à la faculté de sociologie. En 1963, il adhère à la SDS, l'organisation étudiante socialiste allemande, qui a pour triumvirat idéologique Marx, Mao et Marcuse.

Dutschke est la figure de proue d'une contestation allemande contemporaine de celle des États-Unis, qui a débuté en 1964 en Californie. L'agitation devient plus visible en 1967, surtout à Munich et à Berlin. En avril 1968, Dutschke est victime d'un attentat. Il survit à trois coups de feu, mais cette tentative d'assassinat l'oblige à se retirer de la vie politique active. Il meurt en 1971, des suites de l'attentat, à Aarhus (Danemark).

Pour en revenir à Mahler, il est condamné à 14 ans de prison en 1970. Il ne participe donc pas aux débuts de la Rote Armee Fraktion (RAF): braquages de banques pour se financer, attentats dans lesquels des policiers trouvent la mort. La RAF sera ensuite connue sous le nom de bande Baader-Meinhof, d'après les noms de ses chefs, Andreas Baader et Ulrike Meinhof.

Andreas Baader et Günter Grass

En Italie, on veut croire que la RAF et les Brigades rouges étaient en contact étroit, mais elles étaient très différentes. Baader, Meinhof et leurs compagnons ont commencé leur protestation contre leurs pères, qu'ils considéraient comme complices ou disciples passifs d'Hitler. Et leurs attentats visaient des personnalités politiques et des bases américaines, pour protester contre la guerre du Vietnam.

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Baader (photo) est souvent l'invité de Günter Grass, ancien membre de la Waffen SS (ce que peu de gens savaient à l'époque) et pas encore prix Nobel, et de Hans-Magnus Enzensberger. Lorsque Baader est condamné pour avoir incendié un magasin à Francfort, de nuit, afin de ne faire aucune victime, la peine est légère. Grass s'inspire de lui pour le personnage principal de son roman Anesthésie locale (éd. it.: Einaudi, 1971), où un jeune homme brûle un teckel devant des dames dans le café du luxueux hôtel Kempinski, à Berlin.

Ulrike Meinhof et Gudrun Ensslin

Baader s'évade de la bibliothèque où il est autorisé à étudier. Au cours de leur fuite, ses compagnons tuent un vieux commis. C'est ainsi que commence le terrorisme en Allemagne. Baader rejoint Ulrike Meinhof, la journaliste la plus connue du pays à l'époque (ce serait comme si, en Italie, Oriana Fallaci avait rejoint les Brigades rouges). Avec eux se trouve Gudrun Ensslin (photo), dont le père est un ami du président de la République, Gustav Heinemann.

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Après chaque action à Berlin, les terroristes disparaissent. Mais on ne quitte pas la métropole divisée sans subir de contrôles. Baader et ses compagnons se réfugient donc à Berlin-Est. La République fédérale ne reconnaît pas la République démocratique, il n'y a donc pas de contrôles à l'ouest: cela reviendrait à reconnaître de facto la RDA.

Otto et Jenny Schily

Les avocats de Baader-Meinhof sont arrêtés les uns après les autres. En effet, ils transmettent des messages aux terroristes arrêtés. Tous, sauf Otto Schily (photo, ci-dessous), qui sera député du nouveau parti des Verts, puis des sociaux-démocrates de Willy Brandt, avant de devenir ministre de l'Intérieur sous Gerhard Schröder, élu chancelier en 1998. En 2000, Jenny Schily, la fille d'Otto, incarnera un membre du groupe Baader-Meinhof dans le film Le silence après le coup de feu de Volker Schlöndorff

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Bandits ou terroristes ?

Pendant ce temps, l'Allemagne s'interroge. Les journaux font des sondages. « Si Ulrike Meinhof frappait à votre porte, lui ouvririez-vous ? » ; « La Bande Baader Meinhof est-elle une bande ou un groupe ? » Dans mes articles, je les appelle toujours « groupe » ; les appeler « bande » révèle hypocrisie et peur. Pour la société, les bandits sont moins redoutables que les terroristes.

Quand je propose un article sur qui sont les terroristes, Il Giorno répond: «Cela n'intéresse personne, c'est typiquement allemand, cela n'arrivera jamais en Italie». Mon bureau de correspondance à Hambourg se trouve chez Springer Verlag. Le 17 mai 1972, une bombe explose au cinquième étage, où je travaille. Elle blesse des typographes, mais aucun journaliste. Les terroristes deviennent automatiquement les ennemis de la classe ouvrière.

Le même jour, le commissaire Luigi Calabresi est assassiné à Milan. Il Giorno m'appelle pour m'annoncer que le tueur est Andreas Baader, car l'assassin est « blond et plus grand que Calabresi: donc un Allemand ». Je réponds : « Mais Baader est brun, aussi grand que moi » (1,73 m). Mon collègue me rappelle: « Touché, Calabresi s'est penché, ce qui a donné l'impression que le terroriste était plus grand ».

La barbe de Holger Meins

Peu après, Interpol diffuse un portrait-robot: il ressemble à Holger Meins, un autre leader de la RAF. Deux semaines plus tard, le 2 juin 1972,  Meins est capturé avec Baader à Francfort, après une fusillade. Il a une longue barbe depuis qu'il est en cavale. Meins tombe ainsi dans l'oubli. Avertissement: les informations que me donne mon collègue de Milan proviennent de la police. En décembre 1969, il faut le rappeler, Il Giorno a été le premier à écrire que Giuseppe Pinelli ne s'était pas suicidé...

Entre-temps, Mahler, depuis sa prison, prend ses distances avec les terroristes: il adhère à la NPD, qui ne dépasse toutefois jamais 1% des voix. Il écrit anonymement un livre antisémite, niant la Shoah. Le 19 mai 1972, lorsqu'un autre terroriste, Jan-Carl Raspe, se laisse mourir de faim en prison à l'âge de 33 ans, Mahler commente: « Un tique rouge de moins ».

Le soutien de Gerhard Schröder

En 1988, Gerhard Schröder se bat pour lui. Mahler peut ainsi reprendre son travail d'avocat. En 2002, il fait sa dernière apparition publique: devant la Cour constitutionnelle, il défend la NPD, dont l'interdiction est réclamée, contre Otto Schily. Condamné pour négationnisme, il retourne en prison de 2009 à 2020. C'est surtout cela qui explique le quasi-silence autour de sa fin. Était-il un opportuniste ? Mahler a cependant toujours eu des principes "libéraux", défendant ceux qui se battent pour une idée, même s'il ne la partageait pas. C'était un personnage dérangeant.

Autorité et autoritarisme

En 1963, Alexander Mitscherlich, ami d'Ernst Jünger depuis les années 1920, écrit Vers la société sans père (éd. it.: Feltrinelii, 1973), qui reste un classique de la psychanalyse.

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Mitscherlich y constate le déclin de l'autorité, et pas seulement de l'autoritarisme. Une observation largement exacte, mais, en fait, pas tout à fait exacte. Un homme politique qui s'est opposé à Mahler a su trouver les mots pour le souligner. « Son destin a été tragique », commente aujourd'hui Otto Schily, 93 ans.

« Mahler était mon rival quand j'étais jeune à Berlin. Un brillant avocat et, pour moi, un exemple ». Schily attribue les contradictions de la vie tourmentée de Mahler au traumatisme subi à l'âge de 13 ans. Berlin, 1949. Après le petit-déjeuner, devant sa famille, son père déclare : « La vie n'a plus de sens sans Hitler ». Et il se suicide.

Le conflit énergétique va déterminer l'ordre mondial

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Le conflit énergétique va déterminer l'ordre mondial

Les deux jours de négociations commerciales entre les États-Unis et la Chine se sont achevés à Stockholm sans avancée notable.

Par Elena Fritz

Source: https://pi-news.net/2025/07/im-energiestreit-entscheidet-...

Alors que Washington brandit des menaces et durcit ses droits de douane, Pékin reste imperturbable: la Chine refuse l'ultimatum américain de renoncer au pétrole russe et iranien. Lors des dernières négociations commerciales à Stockholm, il est apparu clairement que le nouvel ordre mondial ne se joue plus depuis longtemps avec des armes, mais avec des contrats, des droits de douane et des matières premières. Et que la Chine est prête à en payer le prix.

Le ministre américain des Finances, Scott Bessent, n'a laissé aucun doute lors de la conférence de presse qui a clôturé les négociations: si la Chine continue d'importer du pétrole russe, Washington imposera des « sanctions secondaires », si nécessaire avec des droits de douane pouvant atteindre 100%. Un projet de loi au Congrès américain prévoit même des droits de douane pouvant atteindre 500%. L'accusation est dès lors la suivante: ceux qui achètent du pétrole russe contournent de fait les sanctions occidentales et sapent la « pression internationale » sur Moscou.

Mais Pékin a réagi avec une clarté remarquable: la Chine est un État souverain qui a ses propres besoins énergétiques, et les décisions relatives aux importations de pétrole relèvent exclusivement de la politique intérieure chinoise. M. Bessent a lui-même cité cette phrase, avec un mécontentement perceptible.

La carotte et le bâton – et la réalité

La stratégie des États-Unis est un mélange de menaces et de chantage moral: on invoque le prétendu « danger pour la sécurité de l'Europe » que représenterait le commerce entre la Chine et la Russie, tout en mettant en garde contre une perte d'image auprès de l'opinion publique occidentale. Mais la réalité est plus prosaïque: la Chine s'assure des approvisionnements énergétiques à long terme auprès de partenaires qui ne sont pas sous l'influence des États-Unis. Et elle est prête à accepter des désavantages économiques pour y parvenir.

Les droits de douane punitifs brandis par Trump ne garantissent aucun effet politique. Au contraire: le projet de loi est actuellement gelé, car même les républicains jugent les risques économiques pour les entreprises américaines « inacceptables ». Ce qui est présenté comme une menace n'est pour l'instant que du vent.

La rupture stratégique

Ce qui se profile ici est plus qu'un différend bilatéral. C'est le début d'une nouvelle ère: celle de la division géopolitique des flux énergétiques. L'Occident veut isoler la Russie et menace de sanctions économiques les États qui ne s'y plient pas. Mais ces menaces perdent de leur efficacité à mesure que des acteurs tels que la Chine, l'Inde ou le Brésil gagnent en assurance.

Le cas de la Chine montre que ceux qui ne se laissent pas intimider gagnent en pouvoir d'influence. Pas à court terme, mais à long terme. Car l'énergie n'est pas une arme comme un fusil: c'est une infrastructure, une sécurité de planification, un avenir.

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L'Europe : absente et divisée

Jusqu'à présent, l'Europe ne joue pratiquement aucun rôle dans cette épreuve de force stratégique. Si certains gouvernements insistent sur le respect des sanctions, la réalité est tout autre: l'Italie importe à nouveau du gaz liquéfié russe, la Hongrie maintient ses contrats énergétiques avec Moscou et les entreprises allemandes tentent de continuer à accéder aux matières premières russes via des pays tiers.

Au lieu d'une stratégie commune, nous assistons à une Europe tiraillée entre appel moral et réflexe de survie économique. Le gouvernement fédéral allemand donne l'impression d'être un spectateur dans un match dont les règles sont écrites par d'autres.

Que reste-t-il ?

À Stockholm, la Chine a clairement fait savoir qu'elle poursuivrait sa politique d'indépendance énergétique, même contre la volonté de Washington. Les droits de douane annoncés par les États-Unis semblent pour l'instant davantage être des gestes symboliques que des outils de realpolitik. Et l'Europe ? Elle devrait se demander si elle veut continuer à soutenir une politique énergétique dictée par d'autres ou si elle veut commencer à définir elle-même ses intérêts stratégiques.

Les Indo-Européens redécouverts, comment une révolution scientifique réécrit leur histoire

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« The Indo-Europeans Rediscovered, How a scientific revolution is rewriting their history » (Les Indo-Européens redécouverts, comment une révolution scientifique réécrit leur histoire).

Benny Vangelder

Source: Newsletter du groupe de travail "Traditie" n°5 - Hooimaand 2025

Il s'agit du dernier ouvrage - publié le 24 avril 2025 - du célèbre archéologue et indo-européaniste James Patrick Mallory, que nous connaissons également pour un ouvrage similaire publié précédemment, In Search of the Indo-Europeans (1989), et d'autres ouvrages tels que The Tarim Mummies (1991) et The Origins of the Irish (2013). Sa quête de la patrie des Indo-Européens a toujours été une approche interdisciplinaire mêlant archéologie et linguistique. Dans cet ouvrage, il y ajoute l'archéo-génétique afin de renforcer et de compléter cette approche, en s'appuyant sur les dernières découvertes jusqu'en mai 2024. Le livre donne un aperçu des différentes approches et hypothèses dans la recherche de la patrie originelle des Indo-Européens, mais pour les dernières découvertes, le lecteur devra patienter jusqu'aux derniers chapitres. Il parvient néanmoins à maintenir l'intérêt et n'hésite pas à utiliser l'humour ici et là.

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Linguistique

Au début, Mallory donne un aperçu de la manière dont on est parvenu à la famille des langues indo-européennes. Il vous emmène à travers différentes couches d'analyses linguistiques, qui dévoilent les évolutions des mots et de la grammaire, jusqu'aux découvertes archéologiques. Ces comparaisons linguistiques ont mis en évidence les liens entre les langues indo-européennes. Au fil du temps, cette famille linguistique s'est élargie, alors qu'au départ, les comparaisons et les similitudes concernaient principalement les langues germaniques, romanes, grecques et indo-iraniennes. Plus tard, les langues celtiques et balto-slaves s'y sont ajoutées, puis finalement les langues tokhariennes et anatoliennes, dont le hittite est la plus connue. Au cours des 19ème et 20ème siècles, différentes hypothèses ont été avancées quant à l'emplacement de cette patrie originelle, allant de l'Europe à l'Asie, en passant par la Scandinavie, les pays baltes, l'Europe centrale, les steppes pontiques, l'Anatolie, l'Asie centrale, l'Afghanistan et l'Inde. Et des lieux « alternatifs » tels que l'Atlantide, le pôle Nord, le jardin d'Eden, la tour de Babel et l'Ararat, la montagne où Noé aurait échoué avec son arche et l'un de ses trois fils, Japhet, serait alors l'ancêtre des Indo-Européens et les deux autres fils, Sem et Cham, des Sémites et des Africains...

Pour déterminer linguistiquement la patrie indo-européenne, on examine certains mots qui peuvent renvoyer à une région mais aussi à une époque particulière. On trouve des références importantes dans les similitudes entre les mots désignant la roue, le cheval, le miel, l'hydromel, l'or, l'argent, la laine, etc. Les noms de rivières semblent également résister à l'épreuve du temps et sont souvent repris lorsqu'un autre peuple s'installe dans la région.

Pour Mallory, la paléo-linguistique, qui consiste à reconstituer des mots à l'aide de la philologie comparée, est un outil approprié à cette fin. En outre, les familles linguistiques qui formaient les voisins des Indo-Européens, telles que les langues ouraliennes, les langues parlées dans le Caucase et les langues sémitiques, sont également examinées afin de déterminer s'il existe des parentés et/ou des emprunts linguistiques. Il en ressort que la patrie indo-européenne devait être située entre les zones linguistiques ouralienne et caucasienne. Il est difficile d'aborder toutes ces déductions linguistiques dans le cadre de cette discussion. Mais on devine que la conclusion de Mallory va dans le sens des steppes pontiques. Les langues anatoliennes sont la plus ancienne branche du proto-indo-européen et sont parfois considérées comme une langue sœur plutôt que comme une langue fille, les deux appartenant à ce qu'on appelle l'indo-anatolien.

Archéologie

Ensuite, différentes cultures archéologiques susceptibles d'être considérées comme les dépositaires de la culture de la patrie originelle sont examinées. On remonte même à une culture en évolution constante qui existait déjà en Europe depuis le Paléolithique. Selon Mallory, cela n'a aucun sens, car des changements clairement démontrables se sont produits en termes de peuplement, de technologie, de rituels, de religion et de composition génétique. De même, l'affirmation selon laquelle la culture agricole du néolithique originaire d'Anatolie aurait été le vecteur de la diffusion des langues, des cultures et des peuples indo-européens ne trouve pas d'écho chez Mallory pour les mêmes raisons. Il ne veut toutefois pas exclure complètement cette possibilité. D'autres cultures archéologiques sont des candidates plus sérieuses, comme la célèbre culture Yamnaya de la steppe caspienne-pontique et la culture des vases à cordes de l'Europe centrale et du nord-est.

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Mallory compare systématiquement les cultures et les sites archéologiques concernés, en partant de trois hypothèses, à savoir: la patrie anatolienne, la patrie caucasienne/arménienne et la patrie steppique. Et bien que l'on trouve certainement des influences indiennes jusqu'en Mésopotamie et en Asie centrale (complexe archéologique de Bactriane-Margiane), ce sous-continent d'où les Indo-Européens se seraient dispersés n'est pas démontrable, tant sur le plan archéologique que génétique, selon Mallory. À cela s'ajoute le fait qu'un tiers de la population, qui a des ancêtres clairement sud-asiatiques (Ancient Ancestral South Indian), ne parle pas de langues indo-européennes, mais dravidiennes. Cette composante génétique est aujourd'hui présente dans toute l'Inde, mais pas en Europe. Mallory admet toutefois que la migration indo-aryenne depuis la plaque tournante supposée d'Asie centrale vers l'Inde n'a pas encore été prouvée de manière suffisamment claire à ce jour.

Il convient bien sûr d'être prudent et de toujours tenir compte des aspects socioculturels lorsque l'on souhaite utiliser la langue, l'archéologie (la culture) et l'ascendance biologique (les gènes) comme preuves. En effet, la céramique en soi ne dit rien sur la langue d'une culture, tout comme les gènes ne peuvent le prouver directement, car les langues peuvent être apprises ou reprises d'une autre culture ou d'un autre peuple dominant. Pour citer Mallory : « On peut convenir que seule la contextualisation archéologique des données paléo-génétiques peut établir dans quel sens et dans quelle mesure l'échantillon paléo-génétique représente les populations préhistoriques et si sa distribution spatiale et temporelle est représentative de la dynamique historique des sociétés auxquelles ces populations appartenaient. » (p. 279)

Génétique

Enfin, Mallory se concentre sur les études génétiques qui peuvent aider à trouver la patrie originelle des peuples indo-européens. Là encore, il commence par les premières étapes du siècle dernier (ou des siècles précédents), qui se concentraient principalement sur la pigmentation et les mesures crâniennes, mais qui n'ont guère apporté de réponses quant à l'origine du peuple indo-européen. Surtout si l'on se base sur les peuples contemporains qui parlent une langue indo-européenne.

Il se penche ensuite sur la génétique moderne, qui a d'abord cartographié les haplogroupes liés au sexe, à savoir l'ADN mitochondrial (ADNmt) hérité de la mère et l'ADN du chromosome Y masculin (ADN-Y), qui n'est transmis que de père en fils. Ces lignées peuvent être intéressantes comme outil, mais elles ne sont pas infaillibles, car lorsqu'une branche parentale se fond dans un autre groupe ethnique, l'ADNmt ou l'ADN-Y transmis ne dit rien sur un éventuel changement ethnique. Il en va autrement de l'ADN autosomique, qui prend en compte tout le matériel génétique des deux parents. Et pour connaître l'ascendance d'un peuple depuis ses origines, il est particulièrement important de pouvoir extraire le matériel génétique d'anciens vestiges, appelé ADN ancien. Il a été clairement démontré qu'il y a eu une intrusion en Europe depuis la steppe pontique, qui s'est également étendue vers l'est. En Europe, la culture des vases à bec est particulièrement importante en tant que vecteur des différentes ramifications ultérieures, et à l'est, la culture Andorova pour l'indo-iranien. Il s'est également avéré qu'un certain métissage s'était produit entre les peuples des steppes et les peuples autochtones des régions vers lesquelles les migrations se sont déroulées. Il s'agissait souvent d'hommes des steppes et de femmes autochtones.

Il n'y en avait apparemment qu'un seul. En Anatolie, on n'a initialement trouvé aucun ADN dit « steppique », ce qui a conduit à situer la patrie d'origine en Arménie. En effet, les peuples des steppes semblent être un mélange de chasseurs-cueilleurs d'Europe de l'Est (EHG) et du Caucase (CHG). Et en Anatolie, on n'a initialement trouvé que la composante CHG, en plus de la composante autochtone anatolienne. C'est pourquoi on a supposé que la composante caucasienne devait être déterminante. Seulement, la plupart des peuples, tant actuels (par exemple les Géorgiens) qu'anciens (par exemple les Hourrites), ayant principalement une ascendance CHG, ne parlent/parlaient pas de langue indo-européenne... Jusqu'à la publication de l'étude la plus récente, en avril 2024, à laquelle ont collaboré des généticiens tels que David Reich, ainsi que des archéologues tels que David Anthony. Il en ressort que de l'ADN steppique a bien été trouvé en Anatolie, certes seulement à 11%, et que le pays d'origine se trouvait dans la steppe. Les migrations depuis la steppe sont génétiquement et archéologiquement démontrables, et le pays d'origine correspond à ce que la linguistique avait déjà supposé, à savoir la steppe caspienne-pontique. C'est finalement la conclusion à laquelle parvient Mallory ; sur la base d'arguments linguistiques, archéologiques et génétiques, il situe la patrie indo-européenne dans la steppe pontique-caspienne, malgré les imperfections que celle-ci présente parfois. Le hasard a voulu que je travaillais sur un article à ce sujet avant la publication de ce livre. Tout d'abord pour citer des arguments contre l'hypothèse arménienne. Puis, pendant que j'écrivais, l'étude d'avril 2024 a été publiée, que j'ai pu intégrer à temps dans l'article, qui paraîtra probablement dans l'annuaire de Traditie 2025.

Conclusion

Le livre The Indo-Europeans Rediscovered n'est pas une simple énumération aride de subtilités archéologiques et linguistiques, mais emmène le lecteur dans une aventure à la recherche des origines de nos ancêtres. C'est un ouvrage qui passionnera tant les spécialistes des études indo-européennes que les profanes intéressés. Mallory a le don de rendre accessible ce sujet complexe. Il plonge toutefois souvent dans des détails techniques et, bien qu'il les explique correctement, le jargon peut être intimidant, voire dissuasif pour certains lecteurs. Ceux qui s'intéressent à ce sujet, mais ne souhaitent pas lire un livre entier à ce sujet, peuvent se reporter à l'annuaire Traditie 2025, dans lequel mon article sur ce sujet sera probablement publié. À bientôt !

Informations sur le livre :

Titre : The Indo-Europeans Rediscovered, how a scientific revolution is rewriting their story.

Auteur : J.P. Mallory

Éditeur : Thames & Hudson Ltd - ISBN : 9780500028636

Date de publication : 24 avril 2025

Nombre de pages : 448 (y compris glossaire, notes, bibliographie et index)

Langue : anglais

dimanche, 03 août 2025

La menace yéménite

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La menace yéménite

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/la-minaccia-yemenita/

Yémen. Le général de brigade Saree semble extrêmement déterminé. Les forces armées yéménites ne permettront plus le passage d'aucun navire marchand destiné à traverser ensuite les eaux et le territoire israéliens. Et ce, indépendamment de leur cargaison, de leur destination et de leur pavillon.

Car il est désormais clair pour Saree que la guerre sans merci menée par Israël contre ses « frères » palestiniens signifie une guerre contre tout le monde arabe. Qui ne peut et ne doit pas accepter sans réagir ce qui se passe à Gaza. À savoir un nettoyage ethnique systématique.

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Aujourd'hui, la menace de Saree (photo) doit être prise très au sérieux. Même si le général représente l'une des deux factions qui divisent l'armée yéménite. À savoir celle qui soutient les Houthis, les chiites pentésimains, en lutte depuis longtemps contre les sunnites soutenus par l'Arabie saoudite et la coalition du Golfe.

Un conflit qui dépasse largement les limites, pourtant cruciales, de la péninsule arabique. Et qui implique, d'un côté, l'Iran, devenu le bastion de tous les chiites, quelles que soient leurs origines, souvent très différentes.

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Comme c'est le cas des Houthis. Qui sont « pentésimains ». C'est-à-dire qu'ils suivent la tradition du cinquième imam. Et présentent des formes rituelles qui ne sont pas très éloignées de celles communes aux sunnites.

De l'autre côté, derrière les Saoudiens, se profilent les États-Unis. Qui soutiennent la tentative, vieille de plus de dix ans, d'arracher une grande partie du Yémen au contrôle iranien.

Il s'agit en substance d'une guerre locale, causée par des raisons historiques et religieuses particulières. Mais elle est devenue un terrain d'affrontement pour des puissances qui agissent et évoluent dans des dimensions bien différentes.

Il s'agit donc d'un nouvel épisode de cette guerre mondiale asymétrique qui, pour ceux qui observent attentivement un planisphère, semble en cours depuis un certain temps déjà.

Cependant, la force des Houthis et de la faction de l'armée yéménite à laquelle appartient le général Saree est considérable. Comme ils l'ont démontré en résistant pendant des années à la tentative de conquête saoudienne.

Tellement considérable qu'elle est devenue une véritable menace pour le commerce international.

Car la menace que représente Saree doit être prise au sérieux. Très au sérieux. De nombreuses compagnies de transport international ont déjà commencé à détourner leurs cargos vers d'autres itinéraires. Cela les oblige à effectuer une longue et coûteuse circumnavigation de l'Afrique. Ce qui, bien sûr, entraînera à court terme une augmentation considérable des prix de toutes les marchandises transportées, du pétrole aux denrées alimentaires.

Aujourd'hui, il est en effet impossible, voire impensable, de considérer un conflit régional comme une entité distincte du contexte mondial.

Certes, la guerre au Yémen est un conflit de longue date dont les racines sont anciennes. Mais les alliances et les intérêts en jeu vont bien au-delà.

Ils finissent inévitablement par influencer nos vies. Et les conditionner de manière extrêmement lourde.

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Le Japon se rapproche davantage de l'Occident collectif

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Le Japon se rapproche davantage de l'Occident collectif

Leonid Savin

Au début du mois, le Japon a franchi une nouvelle étape importante dans l'approfondissement de ses relations avec certains membres du groupe de renseignement « Five Eyes » en concluant un accord avec le Canada sur l'échange d'informations classifiées. L'accord sur la protection des informations (SIA) a été signé par le ministre des Affaires étrangères Takeshi Iwaya et son homologue canadienne Anita Anand lors d'une cérémonie à Tokyo le 8 juillet.

Ce document juridiquement contraignant, qui doit encore être ratifié par le Parlement, régira les modalités d'échange, de traitement, de stockage et de destruction des informations confidentielles par les deux parties. Bien que l'accord en soi n'autorise pas l'échange d'informations et ne précise pas quelles données seront échangées, il est considéré comme une étape importante vers l'approfondissement des relations bilatérales dans le domaine de la défense et de la sécurité.

En novembre 2024 le Japon a organisé pour la première fois une réunion de hauts responsables militaires du partenariat de renseignement « Five Eyes », sans être membre de cette structure qui rassemble les pays anglophones.

Cela souligne clairement la coopération croissante entre Tokyo et ses alliés occidentaux dans un contexte de préoccupations communes concernant l'évolution de la situation internationale en matière de sécurité. La réunion avec les membres du groupe, qui comprend les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, s'est tenue dans le cadre d'une conférence plus large organisée à Tokyo entre des militaires de haut rang des Forces d'autodéfense japonaises.

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En décembre 2024, Bloomberg a noté : « L'intégration de Tokyo dans ce club était attendue depuis longtemps, d'autant plus que la région est confrontée à l'assertivité croissante de la Chine et à l'imprévisibilité des ambitions nucléaires de la Corée du Nord. Le groupe ne doit plus perdre de temps pour tirer parti de l'expérience de Tokyo. Il dispose de l'une des plus grandes agences de renseignement au monde et surveille depuis longtemps la Chine et la Corée du Nord, considérées comme l'une des menaces les plus graves pour la sécurité nationale. Ces connaissances seraient inestimables pour la coalition dirigée par Washington, qui subit la pression d'un environnement de plus en plus hostile.

Cependant, la question de l'adhésion du Japon à cette coalition de services de renseignement a été soulevée bien avant. Le Centre pour la politique de sécurité de Washington a fait pression sur cette question dès 2020, soulignant que « l'intégration du Japon dans les « Cinq yeux » constituerait une avancée majeure tant pour les pays membres des « Cinq yeux » que pour les Japonais. Mais la situation en Asie de l'Est devient de plus en plus complexe, et cela semble devoir se poursuivre. C'est un pari risqué, mais le moment est peut-être venu de transformer les Cinq Yeux en Six Yeux ».

Il n'est un secret pour personne que les États-Unis ont tout intérêt à s'assurer la participation du Japon dans la contenir la Chine.

Comme l'a souligné l'Institut allemand pour les affaires internationales et la sécurité dans son analyse de juin, « le Japon considère l'influence croissante de la Chine en Asie du Sud-Est comme un problème majeur de politique étrangère. Il souhaite empêcher l'émergence d'un ordre régional hiérarchisé, fondé sur une asymétrie des pouvoirs et centré sur la Chine. Elle a des intérêts économiques et sécuritaires en Asie du Sud-Est, ainsi que dans le domaine de la coopération multilatérale et des structures institutionnelles de la région. L'action de Tokyo en Asie du Sud-Est vise à maintenir un ordre multilatéral fondé sur des règles dans la région, soutenu par la participation des États-Unis. Son attachement aux règles, principes et normes communs, dont il a fait preuve notamment lors des négociations sur les accords régionaux de libre-échange, mérite d'être souligné. Dans sa politique de sécurité, Tokyo est attachée au respect des normes et règles communes consacrées par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer... »

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Le Japon renforce également activement ses relations tant avec les pays qui se montrent plus critiques à l'égard de la Chine, comme les Philippines, qu'avec ceux qui sont considérés comme plus loyaux envers la Chine, comme le Cambodge. Par ses propositions de coopération, le Japon offre aux pays d'Asie du Sud-Est une alternative aux initiatives chinoises et empêche ainsi la Chine de monopoliser la région.

C'est pourquoi les États-Unis et leurs satellites, y compris l'UE, saluent l'intérêt du Japon pour le maintien d'un « ordre fondé sur des règles » en Asie du Sud-Est, y compris en ralliant à leur cause les États de l'ASEAN.

Dans le même temps, les États-Unis misent davantage sur la dissuasion militaire de la Chine et, potentiellement, de la Corée du Nord. Après la rencontre entre Donald Trump et Shigeru Ishiba le 7 février 2025 à Washington, le ministre américain de la Défense, Pete Hegseth, a rencontré le ministre japonais de la Défense, le général Nakatani, le 29 mars à Tokyo. La question de Taïwan a été abordée, et le secrétaire d'État Hegseth a déclaré que « le Japon serait en première ligne dans tout conflit auquel nous pourrions être confrontés dans l'ouest de l'océan Pacifique » et a réaffirmé l'engagement des États-Unis à maintenir « une dissuasion fiable, opérationnelle et crédible dans la région indo-pacifique, y compris de l'autre côté du détroit de Taiwan ». Le ministre Nakatani a réaffirmé que « la paix et la stabilité dans l'ensemble du détroit de Taiwan sont importantes pour la sécurité nationale du Japon ».

Néanmoins, Tokyo ne dépend pas à 100 % des États-Unis dans le domaine des technologies à double usage. La veille, il a été annoncé que le Japon et l'Union européenne prévoyaient de créer un vaste réseau de satellites de communication, comme l'indique le projet d'accord préparé pour le sommet Japon-UE du 23 juillet (dans le cadre des efforts visant à réduire la dépendance vis-à-vis des entreprises américaines telles que SpaceX). À l'issue de la réunion, l'Union européenne et le Japon ont convenu d'une coopération dans le domaine militaire et industriel et ont entamé des négociations sur un accord dans le domaine de la sécurité de l'information, a déclaré le Premier ministre Ishiba.

Il n'est pas exclu que le Japon envoie ainsi un message à l'administration de Donald Trump, qui a promis d'introduire à partir du 1er août des droits de douane de 25% sur toutes les importations de voitures japonaises et de pièces détachées.

153972800125_20181018-2849930279.JPGQuoi qu'il en soit, le Japon est à la merci des États-Unis, qui disposent au total de 90 bases militaires et installations sur son territoire, où sont stationnés 53.700 militaires américains.

20:23 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, japon, asie, affaires asiatiques | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Mercosur en vue: éradication du cheptel français… et de nos paysans avec !

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Mercosur en vue: éradication du cheptel français… et de nos paysans avec!

Pierre-Emile Blairon

Il n’y a rien de plus terrible pour un éleveur que d’assister à la mise à mort brutale des bêtes qu’il a soignées, sélectionnées et choyées pendant de longues années afin qu’elles produisent le meilleur lait dans cette région de Savoie et Haute Savoie, célèbre pour ses huit grands fromages que sont l’AOP Abondance, l’AOP Beaufort, l’AOP Chevrotin, l’IGP Emmental de Savoie, l’IGP Raclette de Savoie, l’AOP Reblochon, l’AOP Tome des Bauges, l’IGP Tomme de Savoie. (AOP : appellation d’origine protégée, IGP : indication géographique protégée).

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Selon Thomas Dantin, producteur et président de l'Association des fromages de Savoie, 186 tonnes de fromage qui représentent 2 millions d’euros sont bloquées, interdites à la vente, par les services étatiques, à la suite de la détection de cas de Dermatose Nodulaire Contagieuse (DNC) dans le cheptel savoyard, alors que cette maladie animale, bien répertoriée, ne se transmet pas à l’homme par quelque canal que ce soit. Qu’est-ce qui justifie cette interdiction ?

Le retour à la terre

Des générations de paysans se sont succédé sur cette terre rude de haute montagne où ils ne pouvaient vivre que grâce à l’élevage.

« Vivre et travailler au pays » : le slogan des premiers écolos soixante-huitards, qui avait fleuri sur les terres arides du Larzac durant la période d’abondance des « trente glorieuses », avait permis aux filles à papa de jouer quelque temps aux bergères avant de regagner le cocon familial et d’épouser quelqu’un de plus sérieux – et de plus fortuné - que leur petit ami fumeur de hachich qui les avait accompagnées dans leur utopie sous contrôle parental.

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Les jeunes paysans qui reprennent de nos jours l’exploitation de leurs parents ne sont pas de doux rêveurs ; ils payent le prix (fort) de leur fidélité à leur lignage et à la terre qui les porte.

C’est le cas de Pierre-Jean Duchêne, 28 ans, éleveur à Entrelacs. Il est courageux, travailleur, lucide, amoureux de ses vaches et de son métier. Il a contracté un prêt de 600.000 euros et créé un emploi pour l’aider dans son travail qui l’occupe tous les jours; il n’est pas aux 35 heures.

Abattre tout le troupeau pour un seul cas détecté

Le 29 juin 2025, les services sanitaires ont détecté dans son cheptel deux cas de Dermatose Nodulaire Contagieuse (DNC), une maladie propagée par une mouche qui pique les bêtes ; cette maladie est sans danger pour l’homme ; les premiers cas sont apparus en Sardaigne et en Italie avant de se répandre en Savoie. Les deux vaches ont été aussitôt abattues. Il n’a rien pu faire contre la décision de justice [1] qui a ordonné l’abattage de tout son troupeau, malgré la mobilisation des éleveurs locaux, qui étaient venus à plus de 200 pour l’aider à empêcher le massacre. Peine perdue, la totalité de son troupeau (123 bêtes) a été sacrifiée, les paysans étaient désespérés; comme ils le sont depuis bien longtemps; vous ne pouvez ignorer que deux paysans se suicident tous les jours; 529 en 2016, et ça ne va pas en s’arrangeant. « L'État a joué la montre", dénonce Christian Convers, coprésident de la Coordination rurale des Savoie. Lui aussi a éclaté en sanglot dans l'après-midi. Pour l'éleveur, aussi secrétaire général de la Coordination rurale, le choc est immense, "c'est comme quand on perd quelqu'un de sa famille quand on perd tout un troupeau. Je pense que ça ne va pas être simple pour lui dans les jours qui viennent [2]ʺ. 

Les services vétérinaires sont restés une bonne partie de la journée dans le hangar de son exploitation et les forces de l'ordre ont été présentes en nombre à l'entrée pour éviter tout blocage ; la préfecture de la Savoie, elle, est formelle : pour éradiquer ce virus, conformément à la réglementation européenne, lorsqu'un bovin est infecté, c'est bien tout le troupeau qui doit être abattu ». (Ici, Pays de Savoie)

Relisez les phrases en gras ci-dessus : il semble bien que les intervenants représentant l’Etat dans cette affaire (préfètes – toutes les deux des femmes -, gendarmerie, services sanitaires), aient reçu des ordres stricts pour la régler au plus vite au détriment des éleveurs, ne respectant même pas les procédures légales.

Pourquoi un tel empressement ? quel est l’enjeu pour le gouvernement ?

Réaction politique

Une réponse est donnée par Florian Philippot, pour l’instant, le seul responsable politique[3] à dénoncer pertinemment cette énorme machination qui se trame derrière ce que « nos » gouvernants veulent faire apparaître comme une navrante fatalité alors qu’ils ne font que suivre à la lettre l’agenda mondial afin d’éradiquer sur l’ensemble de la planète la classe paysanne.

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Cette volonté de voir disparaître les paysans se traduit concrètement dans différents domaines et par de multiples façons. Florian Philippot nous en donne quelques exemples.

- On retrouve toujours Bill Gates derrière tous ces coups tordus destinés à remplacer la nature: humaine, animale ou végétale par des produits artificiels, de substitution ou de synthèse.

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Bill Gates apporte 33 millions d’euros à Galvmed, une société qui mène des recherches sur les vaccins et médicaments vétérinaires ; l'objectif est « d'aider les animaux à survivre grâce aux vaccins et à la génétique et les aider à produire davantage », explique Bill Gates dans une vidéo publiée sur Twitter (Les Echos, 3 février 2018) ; comme si les animaux avaient besoin de vaccins et de génétique pour survivre ! En fait, il s’agit de remplacer la viande naturelle par de la viande synthétique, tout comme nos « élites » ont essayé de nous faire avaler des couleuvres mais aussi, et ce n’est pas une image, des insectes.

- Ouest-France s’est intéressé à un rapport de la Cour des comptes dans un article du 26 mai 2023 : « Dans un récent rapport, la Cour des comptes a réclamé la réduction du cheptel bovin pour réduire l’empreinte carbone, déclenchant l’incompréhension voire la colère de nombreux éleveurs ». Trois jours après la publication du rapport de la Cour des comptes qui dresse un « bilan défavorable de l’élevage bovin pour le climat[4] » (O.-F. du 24 mai 2023), l’incompréhension voire la colère des éleveurs ne semble pas retomber. Déjà chauffés à blanc par le tweet du ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, qui vantait les mérites environnementaux des substituts de viande, une trentaine de membres de la FNB (Fédération nationale bovine), association spécialisée de la FNSEA, ont occupé, hier, pendant une heure et demie, le parvis du ministère de l’Économie.

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La France, premier producteur européen de viande bovine et deuxième troupeau laitier derrière l’Allemagne, abrite environ 17 millions de têtes de bovins. Or, l’élevage bovin compte pour 11,8 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) du pays, en raison du méthane éructé par les bovins (45% des émissions agricoles françaises). La réduction des émissions de méthane est déjà en cours. Presque naturellement. Avec les départs en retraite et les cessations d’activités, l’hexagone a perdu près de 800.000 vaches (lait et viande) en six ans…

ʺOn attendait de la puissance publique un plan de sauvetage, pas de destructionʺ, a réagi Patrick Bénézit. Le président de la FNB et éleveur allaitant dans le Cantal, a dénoncé, au passage, les accords de libre-échange qui visent à importer de la viande bovine d’Australie (24.000 tonnes), du Canada (50.000 tonnes), du Mexique (20.000 tonnes), « sans parler des 100.000 tonnes de l’accord de libre-échange Mercosur-Union européenne, en négociation depuis des années et que la France refuse pour le moment de signer. »

C’était en 2023 : la France a donc signé ce traité et prépare son application qui aboutira à la disparition de l’élevage français. En effet, cette réduction baisserait de 25% le cheptel bovin laitier et de 33% le cheptel bovin autre que laitier.

Cette « apparition mystérieuse », comme dit Florian Philippot (et soudaine, ajouterions-nous) de cette maladie animale est le signe d’une manœuvre qui se cache derrière « la réglementation européenne », (c’est pas moi, c’est l’Europe), qui, d’ailleurs, même si elle déresponsabilise nos institutions nationales, ne fait que souligner l’impuissance des pays y adhérant et la mainmise de cette institution non élue sur nos libertés et nos modes de vie[5].

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Réactions syndicales

Le seul responsable syndicaliste paysan à avoir compris qu’il fallait s’extraire à tout prix de l’Union européenne est Sébastien Béraud (photo), interrogé ici par François Asselineau[6] ; Sébastien Béraud a créé un nouveau syndicat paysan pro-Frexit, Verte France ; il peut être joint à cette adresse courriel : epis43@protonmail.com

Dans cet entretien, Béraud nous rappelle qui est Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, principal syndicat agricole en France, bien en cour dans les hautes sphères des pouvoirs politiques, industriels et financiers. C’est le chef d’une entreprise de production de céréales de plus de 700 hectares en Seine-et-Marne, il a dirigé la Fédération française des producteurs d'oléagineux et de protéagineux (2007-2023).

Rousseau est président du conseil d’administration d’Avril, groupe industriel et financier de la filière française des huiles et protéines végétales, Pour l’exercice de cette fonction, il a perçu en 2022 un revenu annuel de 187.000 € brut.

Depuis avril 2023, il est président de la puissante Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA).

Ce portrait ressemble à celui, plus modeste cependant, du sénateur Duplomb que Sébastien Béraud connaît bien puisque c’est son voisin avec lequel il a été brièvement associé: Duplomb est membre de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA), président des Jeunes agriculteurs de la Haute-Loire, président de la chambre d'agriculture de la Haute-Loire ; il est partisan, personne n’en sera étonné, d'une agriculture productiviste, c’est-à-dire qui bouleverse nos paysages en abattant les haies de nos champs pour créer à la place des champs de monoculture à perte de vue.

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Élu sénateur de la Haute-Loire, il est à ce titre à l'origine de la loi qui porte son nom, qui autorise à nouveau l’emploi d’un pesticide de la famille des néonicotinoïdes retiré du marché en raison de sa toxicité sur les humains et les abeilles, d’où la forte opposition que cette loi a soulevée.

De 2014 à 2017, il est président de la région Massif central et il siège au conseil de surveillance de la marque laitière Candia.

Comment est-il possible que de tels personnages puissent représenter les paysans alors qu’ils en sont les pires ennemis ?

La vaccination animale est-elle dangereuse pour l’humain ?

Les services de santé animale annoncent la vaccination de 310.000 vaches. Un coût énorme pour l’Etat qui prend tout en charge. N’oublions pas cependant que l’Etat, c’est nous, et nous savons que la France et l’Union européenne ne s’intéressent guère au montant de leurs dépenses, comme si cette charge n’allait pas inévitablement retomber sur les contribuables. Après moi, le déluge. En fait, c’est la ruine de la France et de l’Europe qui est ici recherchée sans même tenter de cacher cet objectif. Le gouvernement français travaille pour la disparition de la France au profit de l’Union européenne, jamais au profit des Français, l’Union européenne travaille pour la disparition de l’Europe au profit de l’Amérique et du consortium mondialiste, jamais au profit des Européens.

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Dans son blog, Patrice Gibertie (photo), agrégé d'histoire, professeur de Chaire Supérieure en économie et en géopolitique, nous décrit une situation à l’inverse de ce qui se passe en France et, d’une manière générale, en Occident: les bovins atteints de LSD sont séparés du troupeau et traités à l’Ivermectine, notamment. C’est en Inde.

Aucun vaccin. Aucun abattage. Les animaux guérissent après 15 jours de traitement. « En Inde, dans le district de Dhamtari, au Chhattisgarh, six bovins ont été trouvés atteints de LSD. Le diagnostic de la maladie a été établi sur la base d’une combinaison de lésions cliniques et d’un diagnostic de laboratoire par RT-PCR. Les bovins présentant des signes cliniques importants ont été immédiatement séparés des animaux sains. Tous les animaux ont été traités avec des antibiotiques, des analgésiques, de l’Ivermectine et du complexe B pendant une semaine. Tous les animaux se sont rétablis après deux semaines de traitement. »

Ce qui prouve bien que la méthode employée par l’Union européenne cache une idéologie, pour le moins, mais plus sûrement une pratique mafieuse de corruption dans l’intérêt unique du corrompu et du corrupteur: vendre et acheter toujours plus de vaccins qui tueront toujours plus de bêtes et, si ces bêtes peuvent transmettre leur maladie à l’humain, c’est encore mieux: si les vaches ne meurent pas de la maladie, elles mourront du vaccin, une chance au grattage, une chance au tirage, on fait d’une pierre deux coups, comme on l’avait déjà fait pour le tandem Covid-vaccin pour les humains.

Faut-il rappeler que l’objectif n°1 de la Secte mondiale qui nous dirige est la réduction de la population humaine mais aussi animale par tous moyens comme nous l’avons expliqué maintes fois dans ces colonnes.

En effet, si cette maladie animale, comme bien d’autres, n’est pas transmissible directement à l’humain, elle peut l’être au stade suivant, celui de la vaccination des bêtes, qui est bien plus dangereuse pour l’Homme.

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Jean-Marc Sabatier (photo) est docteur en biochimie, chercheur français reconnu pour ses contributions significatives à la conception de médicaments, à la chimie des peptides et à l’étude des maladies infectieuses, en particulier durant la pandémie de COVID-19. Il a occupé des postes éminents dans diverses institutions de recherche, notamment le CNRS et l’INSERM.

Dans cette vidéo[7], Jean-Marc Sabatier nous met en garde contre la consommation de viandes vaccinées à l’ARN messager qui peuvent transmettre à l’humain les maladies dont elles sont porteuses.

Je ne parlerai pas aujourd’hui d’autres fléaux qui ont été inventés par les mondialistes pour pourrir la vie des agriculteurs mais aussi celle des humains d’une manière générale ; ces catastrophes tournent toutes autour des manipulations du climat que la Secte a mises en place: éoliennes, 5G, énergie solaire photovoltaïque, j’en passe et de plus tristes.

Toutes ces manipulations auxquelles nous soumettent nos élites psychopathes sont inutiles en Europe et encore plus en France. Notre pays dispose de richesses naturelles innombrables sur sa terre et sous sa terre, d’un climat généreux mais tempéré et d’un peuple paysan voué à sa terre et à ses compatriotes ; nous n’avons nul besoin de nous approvisionner à l’autre bout du monde pour nous nourrir ; nous pouvons vivre en parfaite autarcie, dans un échange apaisé avec nos proches voisins européens dès l’instant où nous choisirons de le faire en abattant les pratiques qui ont mondialisé nos échanges. Il nous faut retourner aux anciennes pratiques de proximité, de localisme qui nous ont toujours aidé à vivre dans un monde harmonieux, entre hommes et bêtes.

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Et je veux rappeler les belles phrases d’Oswald Spengler quand il parlait du monde paysan dans son ouvrage Le déclin de l’Occident : « Avec ses toits muets semblables à des collines, avec ses fumées vespérales, ses fontaines, ses enclos, son bétail, le village est complètement perdu, alité, dans le paysage. Le sentiment de l’enchaînement à la terre, de la plante cosmique, ne s’est exprimé nulle part avec autant de force que dans ces vieilles cités minuscules, à peine plus étendues qu’un carrefour, autour d’un marché, d’un château ou d’un sanctuaire[8]. »

Notes:

[1] « Au-delà de la tristesse, c'est la colère qui domine. Parce que Pierre-Jean Duchêne a déposé un recours devant le Conseil d'État lundi soir, assurent les représentants locaux de la Coordination rurale, pour suspendre la décision administrative qui autorisait l'abattage total de son troupeau. Sauf que les services de l'État sont intervenus avant que ce recours ne soit enregistré. » (Ici Pays de Savoie)

[2] https://www.facebook.com/reel/3006044992911349

[3] Avons-nous à espérer que les autres politiciens (exceptés, bien sûr, ceux qui prônent le Frexit), suivront son exemple ? Nous n’y croyons guère : ils sont complices puisqu’européistes, et, donc, mondialistes, l’Union européenne n’étant qu’une courroie de transmission de l’idéologie mondialiste.

[4] Les milliers de tankers qui sillonnent les mers du monde, les milliers d’avions qui occupent l’espace aérien, les dizaines de millions de vaches indoues, brésiliennes, argentines, etc. qui, en l’absence de toute contrainte d’ordre écologique, polluent des milliers de fois plus que notre pauvre petit pays, sont-ils pris en compte ?

[5] https://www.youtube.com/watch?v=pg3z1fD0o9c  Coup de tonnerre : l’Europe va « tuer toutes les vaches françaises » !

[6] https://www.youtube.com/watch?v=mVDNQWpWuvo Sébastien Béraud lance le 1er syndicat agricole anti-Union Européenne

[7] https://www.facebook.com/L.Alerte/videos/1989180941608776?locale=fr_FR

[8] La Roue et le Sablier, page 175, Pierre-Emile Blairon

 

L'« apoliteia » de Julius Evola, la révolte contre le monde moderne et le rôle de la Russie en tant que Katechon contre le mondialisme satanique

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L'« apoliteia » de Julius Evola, la révolte contre le monde moderne et le rôle de la Russie en tant que Katechon contre le mondialisme satanique

Werner Olles

Depuis que l'ordre mondial globaliste et impérialiste de l'Occident collectif est en train de s'effondrer au profit d'un ordre mondial multipolaire dans lequel les peuples, les nations et les États exercent leur droit à l'autodétermination, une partie de la dite « nouvelle droite intellectuelle » est en effervescence. Ce qui ressort avant tout, c'est leur inertie intellectuelle et la surestimation totale de leurs propres « analyses », qui ne leur permettent pas de reconnaître que les États-Unis sont avant tout ce qu'ils ont toujours été et ce qu'ils seront éternellement : la première civilisation de gauche au monde, l'enfant mal aimé de l'Europe et une « expérience de la modernité » (Alexandre Douguine). En tant qu'émanation de la véritable droite, cela ne devrait toutefois pas nous empêcher de louer le président américain Trump pour ses mesures de politique intérieure anti-woke et en faveur de la remigration, tout en critiquant certains aspects de sa politique étrangère. Se perdre dans des théories dignes d'une cour de récréation ne mène toutefois à rien, car celles-ci restent nécessairement superficielles et sont donc dénuées de sens.

Que l'on soit encore enthousiaste ou plutôt désillusionné à l'égard de Trump après la débâcle américano-israélo-iranienne au Moyen-Orient n'a en principe qu'une importance secondaire. Qu'il s'agisse de trumpistes éternellement ravis ou d'ex-trumpistes profondément déçus, les deux postures sont tout aussi insignifiantes. Ce qui importe réellement, c'est de plonger plus profondément et plus sincèrement dans la sphère politico-spirituelle du monde de l'Antéchrist et du Katechon. Pour comprendre cela ne serait-ce que d'une manière simple, il faut toutefois étudier sérieusement et intensément les philosophies de Julius Evola, de René Guénon et bien sûr d'Oswald Spengler. Sans eux, on ne comprend rien et toutes les « analyses » ne valent pas le papier sur lequel elles sont imprimées. Pour une partie de la soi-disant « nouvelle droite », qu'elle se qualifie d'« antisioniste » ou de « pro-sioniste » – deux termes qui sont de toute façon relativement vides de sens –, tout cela semble toutefois être un terrain totalement inconnu. Au lieu de s'inspirer de Douguine ou des intellectuels américains Peter Thiel, Steve Bannon, Marjorie Taylor-Greene et Thomas Massie et de réfléchir à leurs thèses, ils théorisent et idéologisent tout à tout prix et avec un fanatisme exacerbé, soulignant leur propre grandeur et leur conviction absolue, sans percevoir le vide existentiel profond qui les habite. En réalité, il serait préférable pour la plupart d'entre eux de se replier sur leur propre spiritualité, ce qui est exactement le contraire du désengagement. Mais les sentiments enthousiastes du moment, qui n'ont pas de racines profondes, ont malheureusement encore trop souvent pour principales sources d'énergie la négativité, l'orgueil et l'arrogance.

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Selon Alexandre Douguine, une nouvelle constellation politico-théologique-eschatologique de l'absolu métaphysique se profile, qui pourrait conduire soit à un cataclysme, une catastrophe destructrice, soit à un ordre mondial multipolaire de peuples et de civilisations libres. Cela expliquerait également pourquoi la religion, la philosophie, la géopolitique et l'eschatologie sont les éléments centraux d'une culture traditionnelle, comme nous pouvons le lire chez Oswald Spengler. Ainsi, Peter Thiel, Thomas Massie et Steve Bannon, les principaux architectes de la victoire de Trump, expliquent que le mondialisme est l'idéologie de la civilisation de l'Antéchrist, tandis que pour les juifs pratiquants, l'arrivée du Messie est imminente et le secrétaire d'État américain Marco Rubio a déclaré que les chiites iraniens attendent l'arrivée prochaine de l'imam Mahdi, qui annoncera la fin des temps, tandis qu'Evola parlait de l'ère du Kali Yuga, de l'âge sombre de la mythologie hindoue. Dans le même temps, on a appris que la droite paléo-américaine, avec Thomas Massie à sa tête, s'était fermement opposée à une intervention en Iran.

Mais quel est le rapport entre tout cela et Julius Evola et l'extrémisme de la non-ingérence dans les affaires militaires étrangères, absolument nécessaire et indispensable à toute véritable droite, que ces affaires se déroulent en Afghanistan, en Iran ou en Israël ? Cela ne peut s'expliquer que dans le contexte culturel d'une transcendance immanente au monde et d'une ontologie de tout ce qui vit, ainsi que dans l'adaptation par Evola du traditionalisme intégral.

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Même l'extrême droite italienne, après son effondrement, avait presque totalement ignoré la vie culturelle du fascisme, bien que les essais écrits par Evola dans la revue Diorama, par exemple, fussent « une chose formidable », comme l'a avoué Pino Rauti (photo, ci-dessus) lors d'un de ses nombreux séjours en prison. D'autres intellectuels de droite, comme Marco Tarchi, voyaient dans la lecture d'Evola le danger d'un « mythe rendant incapable de faire de la politique » et perdaient ainsi la clé de son message traditionnel, tandis que le « Centre Studi Ordine Nuovo », fondé en 1954 par Pino Rauti, également rédacteur en chef du journal « Ordine Nuovo », le « mensuel de politique révolutionnaire » dans lequel Evola publiait régulièrement, et depuis la fin des années 1960, l'extrême droite et les sections du MSI considéraient la lecture d'Evola comme une sorte de rite d'initiation. Au plus tard dans les années 1970, Evola est devenu une icône de la jeunesse italienne de droite, et ce malgré le fait qu'il ait qualifié la marche sur Rome de Mussolini de « caricature d'une révolution » et critiqué son régime, de son point de vue aristocratique et traditionnel, comme étant trop « populiste », « matérialiste » et « dépourvu de toute spiritualité ».

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Mais comme il le notait dans ses livres Révolte contre le monde moderne (« Rivolta contro il mondo moderno », 1934/1951) et Chevaucher le tigre (Cavalcare la Tigre, 1961), les forces du mal, les princes des ténèbres, étaient trop puissantes et les forces du bien beaucoup trop marginalisées dans la société moderne et décadente. Pour survivre dans cet environnement hostile, la jeunesse de droite devait adopter une « attitude attentiste », qu'Evola qualifiait d'« apoliteia ». Il fallait attendre le moment opportun, jusqu'à ce que le « tigre » – une analogie avec le monde moderne – soit trop fatigué et affaibli pour représenter encore un danger. Evola, qui s'est inspiré de l'histoire culturelle de l'humanité tout entière, notamment de la Grèce antique et de l'Inde classique, mais aussi de la spiritualité du bouddhisme, de l'hindouisme et du monde mythologique anglo-saxon, ne prône en aucun cas la résignation ou le repli sur soi, mais plutôt la prévention des actions kamikazes. De plus, il juge totalement inacceptable de défendre le statu quo du passé récent, c'est-à-dire le monde de la bourgeoisie, déjà complètement contaminé par les idées libérales et égalitaires de gauche. Il n'est pas question de négocier avec la subversion, car faire des concessions aujourd'hui signifierait être définitivement vaincu demain. Mais lorsque le moment opportun se présentera, il faudra alors passer à l'action avec une violence pure. La métapolitique d'Evola ne découle donc pas des sentiments actuels de désillusion et d'impuissance, de frustration, de soumission ou de résignation apathique, mais du fait que la droite fait ce qui doit être fait, tout en étant prête à mener une bataille perdue d'avance. Pour Evola, « l'héroïque dans l'histoire » – qui est d'ailleurs le titre d'un livre de Thomas Carlyle (photo, ci-dessous), un érudit écossais du temps de l'Angleterre victorienne passionné par la culture intellectuelle allemande – occupe toujours la première place, tout comme la tradition, qui repose sur des principes métaphysiques transcendantaux.

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Si la philosophie d'Evola est aujourd'hui plus que jamais recherchée par les philosophes russes, les traditionalistes et les néo-eurasiens comme Alexandre Douguine et les conservateurs américains comme Steve Bannon et l'Alt-Right, et si, depuis les années 1980, la droite métapolitique paneuropéenne s'intéresse également à Evola – même si cette dernière a encore aujourd'hui du mal à la décrypter en raison de sa complexité et la comprend malheureusement souvent de travers –, c'est parce qu'il rejetait le national-socialisme allemand comme une aberration, critiquait son orientation moderniste et biologiste et mettait en avant ses propres principes traditionalistes face à ces dérives. Pour les nazis, il restait un « Romain réactionnaire » dont le rêve d'un nouvel empire romain et la conception de la race n'avaient rien à voir avec la vision purement biologiste d'un Alfred Rosenberg ou d'un Heinrich Himmler, vision qu'Evola qualifiait d'« infantilisme spirituel ». Il interprétait au contraire la « race » dans un sens transcendantal, comme une culture. Élite et aristocratie, il prônait un « racisme de l'esprit et de l'âme ».

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Dans le sillage du mouvement de 1968, le président du MSI, Giorgio Almirante, qualifiait Evola, non sans raison, de « notre Marcuse de droite, mais en mieux ». Pour Douguine, tout comme René Guénon, auquel Evola fait souvent référence, il est aujourd'hui un défenseur d'une société spirituelle traditionnelle, car en réalité, la guerre de l'Occident collectif ne se déroule pas seulement sur les plans économique, militaire, politique et culturel, mais aussi sur le plan religieux. Alors que les médias pro-OTAN sont désormais tombés dans le terrorisme pur et dur, que les politiciens vassaux de l'UE et de l'OTAN mentent effrontément à leurs populations jour après jour, et de fausses informations, l'Occident collectif, avec son alliance militaire agressive qu'est l'OTAN, prépare une politique cohérente de destruction des pays européens et d'asservissement de la Russie, et tente d'empêcher la Russie de mener à bien son opération pour imposer la paix. Néanmoins, le combat principal est aujourd'hui moins militaire que culturel. Il est d'autant plus important de réveiller les consciences des gens à la vérité de la tradition et d'éclairer les peuples sur le rôle de la Russie en tant que Katechon, en tant que frein au mal incarné par l'Antéchrist, représenté par le mondialisme, le libéralisme, le gnosticisme, l'antimoralité de l'UE et de l'OTAN, l'État profond européen, la bureaucratie bruxelloise secrète et mafieuse avec ses innombrables scandales de corruption et ses révolutions colorées, dans les préparatifs de guerre mégalomaniaques et meurtriers contre la Sainte Russie, dans l'hypocrisie et le mépris des politiciens mondialistes envers leurs propres peuples manipulés, auxquels ils servent des paillettes démocratiques, bonnes pour les seuls idiots, dans les perversions des femmes LGTB barbues et des pédophiles, dans l'innovation de tous les vices sataniques promus par la législation, comme par exemple la légalisation de l'avortement jusqu'à la naissance, un holocauste de millions d'enfants à naître auxquels on refuse le droit à la vie, dans la légalisation délibérée de la décomposition de la liberté d'expression, de parole et de réunion des citoyens, dans la « melonisation » de la droite qui, selon l'influenceuse conservatrice espagnole Ada Lluch (photo, ci-dessous), prouve que la démocratie est une illusion, à savoir une « démonocratie », que nous ne sauverons jamais l'Occident parce que la politique dominante est contrôlée par des forces maléfiques, et que la libération et la résurrection de notre continent vieillissant, envahi et occupé par des peuples étrangers et hostiles, de l'UE et de sa nomenklatura idiote, corrompue et politico-criminelle devraient figurer en tête de l'agenda libéral-conservateur-droite.

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L'« apoliteia » d'Evola signifie donner un sens révolutionnaire à notre combat, contrairement à la simple érudition de salon, et faire renaître les racines cachées de notre civilisation, de notre culture, de notre tradition, de notre histoire et de notre spiritualité.

Werner Olles

samedi, 02 août 2025

Accord douanier: l'UE capitule, l'Amérique triomphe

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Accord douanier: l'UE capitule, l'Amérique triomphe

L'accord commercial entre l'UE et les États-Unis révèle une fois de plus la faiblesse de la construction bruxelloise. La RFA en est la principale victime.

par Elena Fritz

Source: https://www.compact-online.de/zoll-deal-eu-kapituliert-am...

Il y a quelques jours, le président américain Donald Trump et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ont signé à Turnberry, en Écosse, un accord commercial présenté comme un compromis économique. En réalité, il s'agit d'un tournant géopolitique: un pacte économiquement asymétrique qui n'a pas été négocié, mais dicté, dans des conditions qui n'ont pas été élaborées en Europe, mais qui nous ont une fois de plus été imposées de l'extérieur. 

Le contenu de l'accord: des droits de douane forfaitaires de 15% sur presque toutes les exportations de l'UE, des obligations d'importation de plusieurs milliards d'euros pour le gaz liquéfié et les équipements militaires américains, une ouverture de facto des marchés européens, tout en maintenant des barrières commerciales unilatérales telles que les droits de douane de 50% sur l'acier et l'aluminium.

L'accord entre l'UE et les États-Unis est un aveu de faillite de la structure bruxelloise, qui reconnaît avoir perdu sa capacité d'action en matière de politique économique. Plus encore, il prouve une fois de plus que l'Union européenne ne définit plus elle-même son rôle géopolitique, mais se laisse reléguer par Washington à un rôle économique marginal.

Pas un partenaire à part entière

L'UE n'a jamais été une simple zone commerciale. Elle a toujours été une idée, ou du moins elle a prétendu l'être. Mais à chaque série de sanctions, à chaque « diplomatie fondée sur des valeurs », à chaque centrifugeuse réglementaire qui a privé les États membres de leur souveraineté nationale, le projet s'est éloigné de sa fonction initiale: unir l'Europe au lieu de l'administrer. L'accord de Turnberry montre désormais ouvertement ce qui n'était jusqu'à présent que subliminal: l'UE n'est pas respectée sur le plan géopolitique, elle est exploitée.

Pour les États-Unis, et en particulier sous la présidence de Donald Trump, l'UE n'est pas un partenaire à part entière. Son importance ne réside plus dans sa force d'intégration, mais dans son utilité économique. Bruxelles n'est pas considérée comme un contrepoids, mais comme une avant-garde, contrôlable, faible et fragmentée. L'accès se fait de manière bilatérale, ciblée et transactionnelle.

L'Allemagne sombre

La Chine considère de plus en plus l'UE comme une entité volatile, incapable de suivre une ligne claire. Les accords d'investissement échouent, les mécanismes d'exportation s'effondrent, les canaux diplomatiques s'enlisent dans des discours sur la morale et les droits de l'homme. C'est pourquoi l'accent est mis depuis longtemps sur les contacts bilatéraux, là où il reste encore un semblant de réalisme politique.

La Russie, quant à elle, a classé l'UE comme un bloc idéologique de domination occidentale, comme une agence des intérêts américains et non comme une voix continentale. La question cruciale qui se pose avec Turnberry est toutefois la suivante: quel rôle reste-t-il à un pays comme l'Allemagne si l'UE est dévalorisée en tant que cadre géopolitique ?

Car une chose est claire: l'accord touche le plus durement l'Allemagne, en tant que nation exportatrice, importatrice d'énergie et État à la structure fortement industrialisée, qui dépend de marchés prévisibles. Et il touche un pays dont l'élite politique s'est systématiquement appuyée depuis des décennies sur Bruxelles pour protéger son espace politique, parce qu'elle ne veut ou ne peut plus mener une politique de puissance. Avec un échec de cet ordre, un vide se crée, qui sera soit comblé de l'extérieur, soit reformulé de l'intérieur.

Retour à la géopolitique

La fin de l'aveuglement atlantiste ne génère pas le chaos, mais ouvre une fenêtre pour la réflexion stratégique. Non pas dans le sens d'une action unilatérale agressive, mais dans celui d'une refondation intellectuelle du politique. Il faut un ordre fondé sur la culture, l'espace, la responsabilité et la souveraineté, et non sur les mécanismes du marché et la prétention normative.

L'Allemagne n'est pas un pays isolé, mais une force structurelle centrale de l'Europe centrale, située entre l'Atlantique et l'Eurasie. Un tel espace ne peut être géré de manière technocratique: il doit être interprété intellectuellement, compris historiquement et repensé stratégiquement.

Histoire: la bataille navale oubliée de L'Ecluse (Sluis)

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Histoire: la bataille navale oubliée de L'Ecluse (Sluis)

Jan Huijbrechts

Source: https://www.facebook.com/jan.huijbrechts.9

Hier, je me suis arrêté un instant pour penser à l'assassinat du chef de file gantois Jacob van Artevelde. Ce meneur populaire a su tirer habilement parti du début de la guerre de Cent Ans entre l'Angleterre et la France pour non seulement protéger le comté de Flandre contre le désastre économique, mais aussi contraindre les parties belligérantes à reconnaître la neutralité de cette même Flandre.

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Au début de l'année 1340, Artevelde s'attira toutefois les foudres du roi de France en renonçant à cette politique de neutralité et en concluant une alliance militaire et politique avec le roi anglais Édouard III, qui revendiquait la couronne de France. Le 30 janvier 1340, Artevelde, qui avait entre-temps été nommé bailli de Flandre, reçut solennellement Édouard III sur la place du Vrijdagmarkt à Gand et le proclama roi de France et protecteur de la Flandre.

Cette provocation ne pouvait bien sûr pas rester sans réponse de la part du roi de France Philippe de Valois. À peine Édouard était-il rentré en Angleterre avec la promesse de revenir en Flandre le jour de la Saint-Jean, le 24 juin, que Philippe envoya ses troupes vers le nord. L'avance française fut toutefois stoppée près d'Audenarde par les milices urbaines flamandes rassemblées à la hâte. Après cette débâcle, Philippe sonna l'alarme générale. Il constitua une immense flotte de guerre chargée de bloquer le Zwin et donc Bruges, qui était alors la plus importante ville portuaire d'Europe occidentale, tout en empêchant une invasion anglaise sur la côte flamande. À la fin du mois de mai, la flotte de guerre française quitta Lorient pour la Flandre. 173 navires de transport de troupes français, 23 barges et 6 galères étaient suivis par plus de 30 galères génoises sous le commandement du corsaire Barbavara. Ce devait être impressionnant de voir cette flotte de plus de 800 voiles, avec à son bord 35.000 fantassins et archers, entrer dans l'embouchure du Zwin, alors beaucoup plus large. Le commandement suprême de la flotte française fut confié au trésorier du roi, Nicolas Béhuchet. Ce n'était pas vraiment un choix judicieux, car cet homme n'avait guère d'expérience militaire. Son bras droit, le chevalier originaire d'Artois qui commandait l'infanterie, en avait certes, mais il ne semblait pas vraiment doué d'un grand sens stratégique.

Le 8 juin, au lieu d'attendre les Anglais en pleine mer, les Français pénétrèrent dans le Zwin. Nicolas Béhuchet fit immédiatement débarquer une grande partie de ses troupes et prendre d'assaut Cadzand, qui était alors encore une île au large de la côte zélandaise. La poignée de maisons de Cadzand fut pillée avec un zèle professionnelle puis réduite en cendres, tandis que les habitants qui n'avaient pas réussi à s'échapper à temps furent impitoyablement passés au fil de l'épée. Les Français se dirigèrent alors vers la riche ville de Sluis (= L'Ecluse), mais les milices brugeoises, rapidement alertées et menées par Jan Breydel et Jan Schynckele, arrivèrent à temps pour mettre Sluis en état de défense. Les Brugeois virent les Français attacher trois de leurs navires les uns aux autres à l'aide de solides chaînes, puis les disposer en trois lignes de combat, en grande partie cachées par les dunes, en travers de l'embouchure du Zwin, face à Sluis. Un choix stratégique qui n'était pas évident. Non seulement la flotte française était ancrée sous les murs de Sluis, qui était aux mains des milices flamandes, mais le manque d'espace de manœuvre en cas d'affrontement pouvait s'avérer très désavantageux. De plus, le danger était réel que les Flamands puissent attaquer les Français par l'arrière.

Pendant que les Français formaient leurs lignes, les Anglais constituèrent à la hâte une flotte d'environ 150 navires de guerre qui prit la mer le 22 juin. Le lendemain, vers 15 heures, les premiers navires anglais apparurent devant le village de pêcheurs de Blankenberge. Reynald de Cobham débarqua avec quelques chevaliers pour explorer les dunes. Il ne leur fallut pas longtemps pour découvrir la flotte française qui les attendait en embuscade. Les Anglais jetèrent l'ancre pour la nuit et attendirent la marée favorable et le changement de vent pour engager le combat.

Le Génois Barbavara, qui comprit que la flotte française s'était piégée elle-même, rompit la ligne défensive dans la matinée du 24 juin et se positionna devant les Français dans l'espoir de pouvoir s'échapper en pleine mer, mais cette tentative fut repoussée par l'avant-garde anglaise sous le commandement de l'amiral Morley. À marée haute, toute la flotte anglaise entra dans le Zwin, tandis que les Flamands, qui avaient capturé des navires espagnols dans le port de Bruges, attaquaient les Français par l'arrière. Les Anglais, aidés par les Flamands, écrasèrent la flotte française qui manœuvrait désespérément et dans le désordre.

Les combats durèrent des heures, de 14 heures jusqu'au coucher du soleil – c'était le solstice d'été et donc le jour le plus long de l'année. Les Français, réalisant que tout était perdu et tentant de fuir vers la plage ou les polders, furent impitoyablement massacrés par les milices flamandes qui s'étaient positionnées sur les digues. Sur les 202 navires français, 163 furent incendiés, coulés ou capturés. Les estimations les plus réalistes des pertes françaises varient entre 20.000 et 25.000 hommes... Les Anglais et les Flamands auraient perdu entre 2000 et 3000 hommes... Edward III fut touché à la cuisse par une flèche au plus fort de la bataille, mais il continua à se battre malgré sa blessure. Hugues Quiéret fut tué et Nicolas Béhuchet, fait prisonnier, fut pendu au mât principal de son navire amiral... Ce fut un véritable massacre. Les annales rapportent : « La mer en estoit tout ensanglantée ». En Angleterre, on racontait cyniquement que « les poissons allaient désormais apprendre à parler français après avoir mangé autant de Français »... Des centaines de cadavres, souvent horriblement mutilés, continuèrent à s'échouer pendant plusieurs jours sur les plages de Knokke et de Cadzand. Jusqu'à ce que les marées finissent par emporter les « vagues de sang ».

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Les Anglais ont attribué leur victoire éclatante à l'utilisation de l'arc à main. Lors de la bataille de Sluis (L'Ecluse), 12.000 archers anglais ont combattu. Ces archers bien entraînés, équipés de leurs superbes arcs gallois de deux mètres de haut en bois d'if et de leurs flèches de près d'un mètre de long, efficaces jusqu'à 180 mètres, pouvaient tirer jusqu'à douze coups par minute contre seulement deux pour les Français armés d'arbalètes. La pluie de flèches anglaises avait fait la différence... 38 ans après que les milices flamandes eurent écrasé la fine fleur de la chevalerie française dans les prairies de Courtrai, la flotte royale française subit une défaite encore plus cuisante dans le Zwin. Une victoire anglo-flamande qui, curieusement, a quelque peu disparu dans les replis de l'histoire et est tombée dans l'oubli...

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La machine de guerre ukrainienne grince et craque. Il en va de même pour nos médias et leur couverture de la guerre

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Ça grince et ça craque

La machine de guerre ukrainienne grince et craque. Il en va de même pour nos médias et leur couverture de la guerre

Joachim Van Wing

Source: https://joachimvanwing.substack.com/p/het-piept-en-het-kr...

Il y a quelques mois, une information est sortie de nulle part selon laquelle Moscou aurait perdu 1 million d'hommes (1). Personne ne savait d'où le président Trump tirait ces chiffres hyperboliques. Nos médias ne se sont pas posé de questions et ont amplifié et diffusé la rumeur. Les pertes ukrainiennes n'étaient mentionnées qu'en passant, comme si elles étaient nettement moins importantes. Aucune de ces affirmations n'a été corroborée par des analystes ou des observateurs militaires.

Les analystes occidentaux, les inspecteurs en désarmement à la retraite et les anciens militaires qui comprennent le conflit et ont accès aux chiffres ont toujours affirmé le contraire. À savoir que les pertes russes sont effectivement très élevées, avec 150.000 à 200.000 soldats tués ou invalides à vie. Et que les pertes ukrainiennes sont bien plus importantes, atteignant 1.200.000 hommes, dont la moitié sont morts ou portés disparus. Ces chiffres sont d'ailleurs corroborés par des « rapports de renseignement » et par la réalité sur le champ de bataille.

« Chaque semaine, plus de 10.000 personnes sont tuées ou blessées dans tous les camps en Ukraine.

Plus d'un million de victimes depuis février 2022 »,

- Mark Rutte, événement Carnegie Europe, 12 décembre 2024

Il y a quelques semaines, Moscou a lancé une offensive aérienne sans précédent à l'aide de missiles balistiques, de missiles hypersoniques, de drones et de bombes glissantes. Cette fois-ci, elle ne vise pas la ligne de contact ou le front, mais toutes les infrastructures militaires essentielles et les centres névralgiques administratifs à Kiev et dans ses environs. Dans le même temps, il est évident que Kiev et l'OTAN ne disposent d'aucun moyen d'interception ou de défense aérienne pour contrer les vagues d'attaques russes.

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Hier, nos médias grand public ont publié une information alarmante faisant état de la capacité de production irrésistible (2) des drones russes. Aujourd'hui, De Morgen publie un article sur les jeunes seniors (3) sur lesquels l'armée ukrainienne compte désormais pour renforcer ses rangs. Cela confirme l'affirmation faite en novembre dernier... lorsque des analystes fiables avaient remarqué que l'âge moyen dans l'armée ukrainienne était passé à 43 ans (4). Avec de plus en plus de jeunes Ukrainiens qui fuient le service militaire ou trouvent la mort au combat, ce chiffre n'a fait qu'augmenter. À l'époque, pas un mot à ce sujet. Aujourd'hui,  on peut lire cela dans De Morgen.

Au début, en 2022 et 2023, Kiev manquait de pièces d'artillerie et de munitions. Au début du conflit, Moscou tirait 10 salves sur les positions ukrainiennes pour chaque rare salve d'artillerie avec laquelle Kiev répondait aux barrages russes. Après le manque d'artillerie, la pénurie de chars et de véhicules blindés est apparue. Un an plus tard, l'attention s'est reportée sur les avions de combat. Jusqu'à récemment, l'attention s'est soudainement portée sur la défense aérienne et les drones. Et aujourd'hui, après 40 mois de tromperie et de morts inutiles, notre presse fait état d'une pénurie criante d'effectifs. L'OTAN a fourni toutes les pièces d'artillerie et toutes les munitions disponibles, elle a livré tous ses chars et véhicules blindés et, il y a un an, tous les anciens F-16 ont été transférés vers des bases aériennes ukrainiennes. Entre-temps, les entreprises européennes d'armement ont commencé à produire des drones aériens. Mais aujourd'hui, après 41 mois de violence guerrière, l'Ukraine se retrouve sans hommes, sans chair à canon. La question est donc de savoir si, après avoir envoyé tous ses canons, ses munitions, ses chars, ses avions et ses drones, l'OTAN va maintenant envoyer nos garçons.

Sommes-nous arrivés à un tournant ? Nos médias grand public ne vantent plus les mérites de l'empereur, mais se voient de plus en plus contraints d'injecter avec parcimonie un peu de vérité et de réalisme dans le récit de guerre grotesque des 41 derniers mois. Espérons que cela conduise à une nouvelle réalité qui mettra fin aux pertes humaines. Comment ? Par une capitulation sans condition qui fera de l'Ukraine un État neutre et un no man's land militaire entre l'OTAN et la Russie.

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Cela peut aller dans deux directions. Soit Kiev signe une capitulation inconditionnelle, soit l'Europe mise tout sur une seule carte et envoie des millions de jeunes fantassins dans une guerre terrestre. L'Allemagne prévoit de soumettre tous les garçons de 18 ans à un test d'aptitude au service militaire à partir de 2028 (5). En Finlande, toute la société se prépare à la guerre avec la Russie. En Suède, le service militaire a été réintroduit. En Belgique, il n'a jamais été aboli, seulement suspendu, et le ministre de la Défense, Theo Franken, a envoyé une lettre à tous les jeunes de 18 ans les invitant à s'engager volontairement dans l'armée.

Tout cela laisse supposer qu'une capitulation inconditionnelle de l'Ukraine n'est pas envisagée pour l'instant et que nos cabinets de guerre travaillent d'arrache-pied à la prolongation et à l'extension de ce conflit lucratif. Après des années de peur artificielle et exagérée face à des phénomènes insaisissables tels qu'Al-Qaïda, le changement climatique et les virus, l'heure est venue de créer une image anthropomorphique de l'ennemi. Nous n'avons pas vraiment de souci à nous faire. L'histoire nous a appris que toutes les mesures d'urgence ne sont que temporaires.

Notes: 

1) https://www.hln.be/buitenland/rusland-heeft-kaap-overschr...

2) https://www.standaard.be/buitenland/we-bereiken-stilaan-h...

3) https://www.demorgen.be/nieuws/onze-loopgraven-zijn-leeg-...

4) https://time.com/6329188/ukraine-volodymyr-zelensky-inter...

5) https://www.nieuwsblad.be/nieuws/duitsland-plant-geschikt...

6) https://www.tijd.be/politiek-economie/europa/algemeen/hoe...

7) https://www.hln.be/buitenland/zweden-voert-dienstplicht-o...

8) https://www.vrt.be/vrtnws/nl/2025/02/22/vrijwillige-leger...