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vendredi, 28 mars 2025

Erdoğan est désormais seul

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Erdoğan est désormais seul

Alexander Douguine

Suite à l'arrestation du maire d'Istanbul, Ekrem İmamoğlu, de graves troubles ont éclaté et continuent de s'intensifier en Turquie. La crise s'aggrave. Mais pour analyser correctement la situation, plusieurs facteurs doivent être pris en compte.

Tout d'abord, le maire d'Istanbul, tout comme le maire d'Ankara, appartient à l'opposition libérale à Erdoğan. Il s'agit du Parti républicain du peuple (CHP), qui représente une alternative de gauche-libérale, laïque et généralement pro-européenne au parti d'Erdoğan, le Parti AK (Parti de la justice et du développement). Cette opposition est, en principe, orientée vers l'Occident et opposée à l'orientation islamique des politiques d'Erdoğan. En même temps, elle adopte une position assez hostile envers la Russie.

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Deuxièmement, Erdoğan lui-même a récemment commis plusieurs erreurs politiques très graves. La plus significative d'entre elles est son soutien à la prise de pouvoir à Damas par les militants d'al-Jolani. C'est une erreur fatale parce qu'en agissant ainsi, Erdoğan a infligé un coup sérieux — peut-être irréparable — aux relations turco-russes et turco-iraniennes. Maintenant, ni la Russie ni l'Iran ne viendront en aide à Erdoğan. La situation s'est déjà retournée contre lui, et la crise pourrait s'intensifier davantage.

Je ne crois pas que l'Iran ou la Russie soient impliqués de quelque manière que ce soit dans les troubles en Turquie. Plus probablement, c'est l'Occident qui essaie de renverser Erdoğan. Néanmoins, son erreur syrienne est significative. Beaucoup en Turquie n'ont pas seulement échoué à la comprendre, mais ont également condamné cette politique d'Erdoğan qui, comme nous le voyons maintenant, a conduit au génocide des Alaouites et d'autres minorités ethno-religieuses, y compris les chrétiens. En effet, seul un politicien extrêmement myope pourrait remettre le pouvoir en Syrie à al-Qaïda. Et bien qu'Erdoğan ait généralement été considéré comme un homme d'État prévoyant, cette erreur, à mon avis, le hantera longtemps.

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Un autre aspect est sa politique économique. La dévaluation de la lire, l'inflation galopante — tout cela sape une économie turque déjà fragile. Et bien sûr, ces échecs — tant en Syrie que dans l'économie — ainsi que le rapprochement d'Erdoğan avec l'Union européenne, avec les forces mondialistes, et son contact avec le chef du MI6, Richard Moore, poussent tous Erdoğan dans un piège. En conséquence, l'opposition libérale mais kemaliste (et donc nationaliste) en Turquie a saisi l'occasion de capitaliser sur ses échecs. Leur argument est : « Nous vous avions prévenus que ce qui s'était passé en Syrie serait une victoire pyrrhique, l'économie s'effondre, et nous avons une orientation plus forte vers l'Ouest qu'Erdoğan, sous lequel la Turquie ne sera jamais acceptée en Europe. »

Et puisque la Turquie a une démocratie fonctionnelle, Erdoğan n’a pas pu empêcher les populations d’Istanbul et d’Ankara de voter pour des leaders de l'opposition lors des élections municipales. En fin de compte, Erdoğan a décidé d'emprisonner le maire d'Istanbul. La question de savoir si c'était justifié ou non est presque sans importance — dans tout régime politique moderne, il est toujours possible de trouver des motifs pour emprisonner n'importe quel fonctionnaire (en politique moderne, il n'y a pas de personnes innocentes). La Turquie ne fait pas exception. Par conséquent, la question est uniquement celle de l'opportunité politique.

Erdoğan a décidé que les choses allaient mal pour lui et qu'il devait emprisonner son opposant le plus actif — Ekrem İmamoğlu. Pourtant, İmamoğlu est une figure affiliée à Soros, soutenue par des réseaux mondialistes, et Erdoğan n'aurait pu être soutenu dans cette démarche que s'il avait lui-même pris une position ferme contre cette faction liée à Soros. Cependant, comme l'avons déjà mentionné, Erdoğan avait précédemment poignardé dans le dos ses alliés — l'Iran et la Russie. Par conséquent, nous, Russes, ne pouvons pas le soutenir dans la situation actuelle. Et les Iraniens non plus.

C'est une situation très mauvaise pour Erdoğan. Tous ses opposants, profitant de ses erreurs accumulées au fil du temps, se sont soulevés en une même révolte — laquelle est une véritable révolution de couleur. Et ces kemalistes conservateurs, même alignés dans les forces armées, avec une orientation eurasienne — des militaires kémalistes qu'Erdoğan avait un jour accusés dans l'affaire toute fabriquée que fut "Ergenekon", et qui, en fait, l'avaient sauvé plus d'une fois (surtout lors de la tentative de coup d'État de 2016) — ne viendront plus à son secours.

En essence, Erdoğan se retrouve sans amis, ayant trahi tout le monde à plusieurs reprises. Je crois que sa situation est peu enviable. En même temps, nous devons garder une très grande prudence face aux manifestations en cours, car de la même manière que dans la plupart des révolutions de couleur, les mêmes organisateurs se tiennent derrière elles, y compris celle qui se déroule actuellement en Serbie. Au même temps, les mondialistes impliqués dans les manifestations sont une minorité — la majorité sont des gens ordinaires réellement mécontents de divers excès politiques au sein de la direction. Par conséquent, il y a aussi des raisons objectives à ce qui se passe — il semble qu'Erdoğan ait simplement épuisé sa marge d'erreur. Pourtant, il continue à faire des erreurs.

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Il est difficile de dire ce qui pourrait rectifier la situation. Peut-être qu'une certaine forme de gouvernement d'unité nationale kemaliste impliquant des islamistes modérés (comme des membres du propre parti d'Erdoğan) pourrait émerger. Dans ce contexte, la question se pose : que se passe-t-il avec Devlet Bahçeli, le leader du Parti du mouvement nationaliste turc et le principal allié d'Erdoğan ? Il y a même des rumeurs selon lesquelles il serait mort, ce que les autorités auraient soi-disant dissimulé. Je pense que ce ne sont que des théories du complot — mais cette figure de la politique turque a vraiment vieilli et s'est affaiblie. Erdoğan ne peut plus compter sur lui ou sur ses "Loups gris", autrefois puissants, de redoutables nationalistes radicaux turcs.

Donc, encore une fois, je répète : l'avenir d'Erdoğan et de son régime semble sombre. Cependant, bien sûr, nous préférerions avoir une Turquie souveraine avec une politique étrangère indépendante comme voisine — de préférence amicale, bien que nous soyons préparés même si elle nous devient hostile. La Russie est prête à toute éventualité.

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L'Amérique latine et la nouvelle politique américaine

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L'Amérique latine et la nouvelle politique américaine

Leonid Savin

Pendant plus de deux siècles, depuis la doctrine de Monroe, les États-Unis ont considéré l'Amérique latine comme leur arrière-cour, sont intervenus dans les affaires de la région et ont mené des interventions militaires sous divers prétextes. Ces effets se font encore sentir aujourd'hui, qu'il s'agisse des actions des gouvernements fantoches centrés sur Washington ou de la présence d'entités néocoloniales telles que le territoire associé de Porto Rico.

L'administration de Donald Trump ayant déjà émis un certain nombre de menaces et de déclarations très médiatisées à l'encontre des pays d'Amérique latine, il est nécessaire d'analyser quelles actions réelles les États-Unis peuvent mettre en œuvre et contre qui des mesures sévères peuvent être prises. Même si, bien sûr, il faut tenir compte du fait que Trump, tout en appliquant la rhétorique de la diplomatie préventive, peut aussi bluffer.

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Le Mexique et le Panama ont été les premiers à subir la pression de la Maison Blanche. Non seulement ce que l'on appelle l'impérialisme linguistique (en référence au décret de Donald Trump renommant le golfe du Mexique en golfe américain) a été appliqué au Mexique, mais aussi un avertissement d'utiliser la force militaire en cas d'invasion de migrants illégaux ou d'activités des cartels de la drogue. Plusieurs milliers de soldats supplémentaires ont été envoyés à la frontière. Le Mexique a été contraint d'accepter les propositions américaines et a déjà officiellement accepté, depuis février, l'envoi de forces spéciales pour aider l'armée mexicaine à lutter contre le crime organisé. Le 18 mars, un porte-missiles américain est entré dans les eaux du Golfe.

Le Panama, malgré l'indignation de ses dirigeants face à la possible annexion du canal, a également répondu aux demandes américaines de réduction de la présence chinoise en entamant le processus d'achat par un consortium BlackRock des actifs de la société hongkongaise CK Hutchison, qui possède plusieurs ports au Panama même, mais aussi en Europe.

Le reste de l'Amérique centrale et du Sud peut être divisé en trois groupes conventionnels. Le premier représente les opposants et les critiques de l'hégémonie américaine. Le deuxième est composé d'États qui adhèrent à l'équilibre. Le troisième est composé de pays qui coopèrent activement avec les États-Unis et qui n'ont donc pas à s'inquiéter. Au contraire, ils peuvent encore récolter quelques dividendes, comme le Salvador, où Nayib Bukele accepte déjà des prisonniers en provenance des États-Unis pour les héberger dans des prisons contre rémunération (officiellement des membres du groupe vénézuélien Tren de Aragua, et le Salvador a également demandé officiellement l'extradition des chefs du gang local MS-13).

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La première comprend sans aucun doute les pays du bloc ALBA, qui sont des partenaires stratégiques de la Russie - Cuba, le Nicaragua, le Venezuela et la Bolivie. En ce qui concerne les deux premiers, il est probable que les États-Unis poursuivent leur politique de sanctions. Dans le même temps, la Maison Blanche a proféré de nouvelles menaces contre toute coopération avec Cuba dans le domaine de la médecine, ce qui est un non-sens : ce domaine d'activité n'a jamais fait l'objet de sanctions pour des raisons humanitaires. Cela a provoqué la colère d'un certain nombre de pays de la région.

Le Venezuela représente un cas particulier car, en plus des sanctions, il existe une réelle menace de recours à la force. Bien entendu, le retrait des producteurs de pétrole américains (Trump a interdit à Chevron de travailler au Venezuela) nuira davantage à l'économie vénézuélienne. Et les nouvelles règles migratoires aux États-Unis, qui criminalisent effectivement les détenteurs de passeports vénézuéliens, aggraveront encore les relations entre les pays. Mais ce n'est pas une raison pour intervenir militairement.

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Le différend territorial avec la République coopérative de Guyane, dont un tiers du territoire appartient au Venezuela selon le référendum de 2023, pourrait être un prétexte à une intervention militaire américaine. La direction de l'US Southern Command s'est déjà exprimée sur l'assistance militaire à la Guyane, et étant donné les intérêts directs d'Exxon-Mobil dans le pays, le lobbying pourrait être impliqué à différents niveaux.

Précédemment, Juan Sarate, membre du National Endowment for Democracy des États-Unis, a mené une politique de déstabilisation à l'égard du Venezuela. Il est connu pour être lié à l'actuel secrétaire d'État Marco Rubio, qui s'oppose également au gouvernement chaviste de Nicolas Maduro. Étant donné que certaines parties de la Guyane sont devenues une zone grise de facto, toutes sortes de provocations pourraient y être menées.

La Colombie accueille déjà des bases américaines et Washington a déjà utilisé le pays pour effectuer des sorties de sabotage à perpétrer dans le Venezuela voisin. Mais sous la présidence de Gustavo Petro, les relations avec le gouvernement Maduro se sont normalisées. En outre, la Colombie a refusé d'accorder aux États-Unis l'espace aérien pour leurs avions militaires. Et Trump a imposé des droits de douane de 25 % sur tous les produits colombiens. Compte tenu de la situation complexe dans plusieurs régions du pays en raison des groupes paramilitaires, les États-Unis ont une raison formelle d'intervenir (encore une fois, la lutte contre le trafic de drogue), mais il n'y a pas encore de signaux clairs pour justifier une telle opération.

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L'Équateur a jusqu'à présent suivi l'exemple des États-Unis. Mais des élections présidentielles sont prévues le 13 avril, où le magnat de la banane Daniel Noboa (photo, ci-dessus) tentera de l'emporter. Le président et candidat Daniel Noboa a pris l'avantage au premier tour dans les hautes terres, où se trouve notamment la capitale Quito, tandis que la chef de file de l'opposition Luisa Gonzalez l'a emporté dans les provinces côtières, où l'insécurité est un problème central. Les voix étant à peu près également réparties, le second tour sera une bataille pour les électeurs de Leonidas Isa, qui arrive en troisième position.

Suite à l'ouverture l'année dernière du port en eau profonde de Chancay au Pérou, qui a été lié aux investissements chinois, Washington considère le Pérou comme un allié de son adversaire. Cette nouvelle porte d'entrée, reliant l'Asie du Sud et l'Amérique du Sud, sape le contrôle des États-Unis sur les communications maritimes.

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Au Pérou, le gouvernement de Dina Boluarte (photo, ci-dessus) a imposé un état d'urgence de 30 jours à Lima et Callao depuis le 18 mars. L'armée et la police ont commencé à patrouiller conjointement dans les rues. Dans ce cas, le gouvernement a pris cette décision après l'assassinat du chanteur Paul Flores du groupe Harmony 10, tué lorsque plusieurs personnes ont ouvert le feu sur le bus du groupe Cumbiambera qui circulait sur l'avenue de l'Indépendance à San Juan de Lurigancho.

Le problème est interne, mais comme souvent dans l'histoire, les États-Unis peuvent l'utiliser à leur avantage.

La Bolivie entretient des relations froides avec les États-Unis, mais pourrait à nouveau susciter l'intérêt de Washington en raison de ses gisements de lithium, de gaz naturel et d'autres minéraux. Des élections devant avoir lieu cette année, le département d'État tentera probablement de gérer le processus électoral. Une intervention militaire ouverte dans ce pays est techniquement difficile, car elle impliquerait le territoire de certains de ses voisins.

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Quant au Chili, le président Gabriel Borich a récemment qualifié d'« inacceptables » les propos de Trump concernant Zelensky (dictateur sans élections), se plaçant en défenseur de la junte de Kiev. Cela peut sembler étrange, car Borich s'est auparavant aligné sur la politique de Washington. Cependant, son comportement devient compréhensible si l'on considère le contexte de la confrontation entre les mondialistes libéraux dirigés par George Soros, les Rothschild et d'autres personnages de ce type et les conservateurs tels que Donald Trump lui-même. Borich est sans aucun doute en phase avec les politiques de Soros ; il est un pion du projet libéral mondialiste.

Par ailleurs, la ministre de l'intérieur du Chili de 2022 à 2025, Carolina Toa, qui a démissionné pour se présenter à la présidence en novembre, représente également des intérêts mondialistes et est liée aux structures de Soros et à la BlackRock Corporation.

Par conséquent, Trump pourrait avoir des questions désagréables à poser aux autorités chiliennes actuelles.

Les dirigeants brésiliens ne sont pas en bonne position. Non seulement le pays a cédé le rôle de leader du Sud à l'Inde au niveau mondial, mais la politique de Lula da Silva n'a pas été cohérente ces derniers temps (on se souvient du récent blocage de l'entrée du Venezuela dans le groupe des BRICS). En outre, l'ancien président Jair Bolsonaro a donné le coup d'envoi de sa campagne électorale en organisant un rassemblement à Rio de Janeiro le week-end dernier, qui a attiré environ un demi-million de personnes. Bolsonaro est connu pour être un conservateur et un bon ami de Donald Trump, dont il obtiendra certainement le soutien politique. Mais on ne peut pas dire que la situation soit critique, car Lula coopère lui aussi avec les États-Unis sur divers fronts, notamment en matière de défense et de sécurité.

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Le président argentin Javier Milei a une position plutôt pro-américaine et pro-Trump, il continuera donc à mener des politiques favorables à Washington.

Dans le contexte de l'évolution de la politique étrangère américaine, il convient également de noter que les critères d'évaluation se transforment eux aussi. Si au début du 20ème siècle, l'influence américaine dans la région était évaluée à travers le prisme des intérêts économiques (la United Fruit Company), dans la seconde moitié du 20ème siècle, l'idéologie a pris la première place et des projets tels que le plan Condor ont été réalisés en raison de la crainte de la propagation du communisme et de l'émergence de systèmes politiques alternatifs (en particulier après la révolution cubaine de 1959). Ces craintes se sont aujourd'hui estompées et Trump semble se préoccuper davantage des questions économiques, ce qui est plus proche de la stratégie du début du siècle dernier. Par conséquent, sa politique dans ce pays s'intéressera avant tout à la présence de la Chine et à la menace directe que représente la frontière mexicaine.

De quand date la crise de l’Occident?

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De quand date la crise de l’Occident?

Claude Bourrinet

Source: https://www.facebook.com/profile.php?id=100002364487528

Parallèlement à mon étude de Julien Gracq, déjà bien avancé, et qui occupera probablement mes soirées, je vais m'atteler à une autre tâche, bien plus rude, qui risque, si Dieu me prête encore assez de vie, de meubler les quelque dix ans qui viennent, peut-être ce qui me reste avant de mourir, avec un peu de chance.

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Cette recherche aura pour noyau Perlesvaus, aussi appelé Li Hauz Livres du Graal, roman "arthurien' violent, sombre, magnifique, publié anonymement au tournant des XIIe et XIIIe siècles. Ce récit ouvre une plaie sanglante dans la civilisation que l'on considère pourtant comme l'un des sommets de l'Europe, entre le Roman et le Gothique (termes et concepts, du reste, forgés au XIXe siècle). Quelque chose se passe alors dans le champ littéraire, comme un symptôme morbide. Il me semble que la crise s'ouvre en 1140 (voire avant, mais il s'agit-là de la prise en considération d'une maladie qui va plonger l'Europe dans des angoisses profondes et vitales), avec le heurt frontal entre Saint Bernard et Abélard, et semble se refermer, pour verser dans autre chose, un autre Occident, au début du XIVe siècle, avec la mystique rhénane et Dante.

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Quelques lignes d'Alain de Libéra m'ont confirmé dans mon choix, car il dit, en substance, que les fractures subies dans les expressions les plus hautes de la culture, comme la philosophie, ou, surtout, la théologie, se retrouvent, pour ainsi dit naïvement, naturellement, en littérature, dans un domaine qui, a priori, ne concerne que les « gens du commun », les « illettrés » (qui ne sont pas versés dans les « arts »intellectuels, ce qui ne signifie pas qu’ils ne sachent ni lire, ni écrire), mais qui, par ce fait même, reçoivent plus facilement, en imagination ou en leur sensibilité, les secousses qui mettent en péril la société. De fait, cette vocation de la littérature à jouer le rôle d’un sismographe civilisationnel a toujours été avérée, d’Homère à Julien Gracq. Et, à tout prendre, les blessures sanglantes, parfois mortelles, de notre humanité, surtout intérieure, s’explicitent mieux, en langage simple et accessible, dans le royaume des Lettres, que dans les réduits fortifiés de la technicité langagière et conceptuelle.

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Entre Saint Bernard et le couple Eckhart-Dante, existe un principe commun : c’est le choix conscient de la nature, et d’un lien direct entre l’âme (ou plutôt l’esprit) et le coeur, et le rejet plus ou moins affirmé de la dialectique et des « jongleries » verbales propres aux techniciens de l’« organon » aristotélicien. Au début, il s’agit de sauver un mysticisme d’épanchement, lyrique, tel qu’on le rencontre par exemple dans les Confessions de Saint-Augustin. Durant le large siècle et demi qui sépare Saint Bernard d’Eckhart et de Dante, la philosophie a émergé de façon plus ou moins autonome, néanmoins censurée par la Sorbonne. Non que le théologien ne passe par les arts libéraux comme propédeutique à l’étude très longue de la science de Dieu, mais l’horizon n’était pas celui d’une recherche du bonheur individuel, et surtout à la portée de tous. Les théologiens étaient une caste de spécialistes se plaçant au service des pouvoirs civils et ecclésiastique, pour permettre que le Salut de tous fût possible.

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En revanche, le Maître qu’était Eckhart « oublie » le jargon scolastique, la technicité langagière, et s’adresse en termes très simples, « enthousiasmant », en langue vernaculaire, aux béguines (et à d’autres « laïcs » … ou moines), à des gens qui n’ont pas fait d’études autres que d’apprendre à lire et à écrire (et encore!) ; et pourtant, ses sermons sont d’une profondeur fascinante.

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Quant à Dante il opte en grande partie pour l’italien, nous livre un immense poème théologique, métaphysique, épique, qui jette les bases de l’homme moderne, et disserte sur les préoccupations mondaines comme un philosophe. Ces deux grands penseurs n’ont pas pour autant abandonné le latin, langue de l’Europe, mais ont « oublié » le langage de l’université, pour transmettre leur Sagesse.

Il s’agit de savoir ce qui est en jeu dans ce pont entre deux périodes de l’histoire européenne, qui paraissent pourtant bien éloignées l’une de l’autre. Qu’a-t-on voulu « sauver », au moment où la ville « dénature » l’homme, où l’argent, truchement aliénant entre les producteurs, les consommateurs, semble être la transmutation dans le domaine économique de l’inflation technicienne du savoir, où l’aristocratie paraît dépossédée de son pouvoir, et où les fondements mystiques de l’âge roman ont été ravalés à des considérations parfois sécularisées, dont le thomisme, l’averroïsme, et certaines productions littéraires, traduisent la mauvaise conscience, ou le consentement à une vision « terrestre » de l’humanité (pour être plus précis, il s’agit en l’occurrence d’une vision qui part de l’homme pour se diriger vers Dieu). Un retournement des sens, de l’oeil, de l’âme, s’est produit durant ces deux siècles. Lequel ?

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Les décès dus au fentanyl aux États-Unis et les tensions avec le Mexique et la Chine

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Les décès dus au fentanyl aux États-Unis et les tensions avec le Mexique et la Chine

Peter W. Logghe

Source: https://www.facebook.com/peter.logghe.94

Il est évident pour tout observateur que les États-Unis, sous la présidence de Donald Trump, sont progressivement entrés en conflit ouvert avec la Chine et le Mexique. Il est clair que cela a beaucoup à voir avec le flot de migration illégale passant par le Mexique pour se diriger vers les États-Unis, et que les tensions géopolitiques et économiques avec la Chine expliquent également beaucoup de choses. Mais cela a également un rapport avec le fentanyl, une drogue synthétique aux conséquences dévastatrices, surtout aux États-Unis (mais aussi chez nous).

Selon un document du Central Washington Fentanyl Task Force Report, plus de 110.000 Américains auraient perdu la vie en 2023 à la suite d'une overdose, dont 75.000 seraient directement liés à l'utilisation de fentanyl. Bien que les chiffres pour 2024 montrent déjà une légère baisse du nombre de décès dus à des overdoses, le fentanyl reste la principale cause de décès chez les 18 à 44 ans aux États-Unis.

La Chine et le Mexique jouent un rôle important dans la question du fentanyl – Trump intensifie la lutte

Un rapport du Congrès américain, publié en 2024, a révélé que la Chine est le principal producteur de composants chimiques pour le fentanyl. 97% de ces composants chimiques proviennent d'entreprises chinoises. Les États-Unis parlent de "guerre chimique" de la part de la Chine, car le régime communiste chinois subventionne la production de ces composants et ne fait rien pour arrêter la production de fentanyl.

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Mais il y a aussi le Mexique, bien sûr. Ce pays d'Amérique centrale est devenu le hub du fentanyl. Les produits sont expédiés de la Chine vers le Mexique, où les cartels de Sinaloa et de Jalisco les composent pour en faire du fentanyl pur et veillent à ce qu'ils entrent aux États-Unis par la frontière mexicaine. En 2023, les autorités américaines auraient intercepté 101.493 livres de fentanyl pur, suffisantes pour tuer plusieurs fois tous les citoyens des États-Unis. Les produits chimiques utilisés pour fabriquer le fentanyl ont également été massivement interceptés par les États-Unis.

Le président Donald Trump a récemment décidé de considérer les cartels mexicains de la drogue comme des organisations terroristes. Une décision aux conséquences considérables: cette décision donne aux agences américaines, telles que la CIA et l'armée, le pouvoir d'attaquer ces cartels immédiatement et partout. Apparemment, des drones MQ-9 de la CIA survolent déjà certaines zones du Mexique pour repérer des laboratoires illégaux.

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Le gouvernement japonais réfléchit à la migration de travail: l'Allemagne comme exemple négatif

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Le gouvernement japonais réfléchit à la migration de travail: l'Allemagne comme exemple négatif

Tokyo. Il n'y a pas que le vice-président américain J.D. Vance qui considère la politique d'immigration allemande comme suicidaire. Le gouvernement japonais voit également l'Allemagne comme un exemple négatif en matière d'immigration.

Cela a été clairement exprimé ces jours-ci lors des discussions sur l'accueil et l'intégration des travailleurs étrangers au Japon, qui ont eu lieu lors de la 21ème session du cabinet japonais. Le gouvernement à Tokyo souhaite promouvoir la migration de travail vers le Japon avec des programmes spéciaux – tout en évitant à tout prix les erreurs de l'Allemagne. Une grande importance est accordée, par exemple, aux compétences linguistiques des postulants. Des plafonds doivent également être fixés pour le nombre d'étrangers admis.

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Cependant, même cette politique d'immigration relativement prudente n'est pas sans controverse au sein du gouvernement. Minoru Kiuchi (photo), responsable, au sein du cabinet du Premier ministre Ishiba, de la sécurité économique notamment, a exprimé, après la réunion ministérielle, sur X, ses inquiétudes quant aux conséquences de la migration – en faisant surtout référence à l'Allemagne comme un exemple dissuasif. En Allemagne, qui mène une "politique active d'accueil des étrangers", on constate une augmentation de la criminalité et des problèmes sociaux ainsi qu'une fracture au sein de la société, a-t-il écrit.

Kiuchi a appelé à "analyser en profondeur et avec soin les problèmes de ces pays" avant que le Japon ne prenne ses propres décisions en matière de politique migratoire. Il est nécessaire d'évaluer l'efficacité de la politique de ces pays et ensuite de "gagner le consensus du public" (mü).

Source: Zu erst, mars 2025.

jeudi, 27 mars 2025

L'essor de l'Asie: une restauration de l'ordre naturel du monde

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L'essor de l'Asie: une restauration de l'ordre naturel du monde

Brecht Jonkers

Source: https://brechtjonkers.substack.com/p/the-rise-of-asia-a-r...

L'essor de l'Asie n'est pas un phénomène nouveau. C'est la restauration de l'ordre naturel du monde.

Le graphique ci-dessous est encore imparfait et ce, d'une manière qui profite encore fortement à l'Occident, car il s'étend jusqu'à l'année 1700 et ne montre donc pas à quel point la période de domination économique mondiale de la Chine et de l'Inde a été incroyablement longue.

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Mais il met en avant quelques aspects cruciaux. La Chine a été la puissance économique mondiale dominante pendant la majeure partie de l'histoire humaine enregistrée, jusqu'à bien loin dans le 19ème siècle. Le seul concurrent qu'elle ait jamais eu était l'Inde, par exemple sous les règnes des Moghols. Aucune autre nation n'a jamais été même proche de la Chine et de l'Inde à leur apogée jusqu'à il y a moins de 150 ans.

La seule façon pour l'Occident de soumettre ces deux puissances orientales a été par des injections excessives de violence. Comme l'a dit Samuel Huntington, la « supériorité occidentale dans l'application de la violence organisée » était ce qui leur a permis de conquérir le monde au 19ème siècle.

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Les guerres de l'opium ont été le point crucial et pivot de l'histoire récente de la Chine, démarrant le Siècle de l'Humiliation et causant l'effondrement de la Chine au profit de l'Europe et, plus tard, de l'Amérique. Alors que les Européens se souviennent à peine que ces deux conflits ont eu lieu, étant conditionnés à oublier tout ce que notre société a fait de mal (à part l'Holocauste); pour la Chine, les guerres de l'opium ont été un moment charnière qui détermine pratiquement tout ce qui s'est passé depuis 1839: du vol de Hong Kong et de Macao à la période d'occupation japonaise, jusqu'à la sécession en cours de la province satellite américaine de Taïwan.

C'est une force motrice interne qui se trouve dans l'esprit de chaque homme d'État chinois, du programme d'industrialisation rapide de Mao Zedong, aux réformes économiques de Deng Xiaoping, jusqu'à l'expansion des capacités de défense chinoises par Xi Jinping. C'est le « Plus jamais ça » qui forme un pilier de la conscience nationale chinoise, que les Occidentaux échouent continuellement à comprendre.

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L'Inde a subi un sort encore pire. L'économiste renommée Utsa Patnaik (photo) a calculé qu'en raison de l'occupation coloniale britannique directe, l'Inde a été dépouillée de 45 trillions de dollars de richesse entre 1765 et 1938. Les estimations conservatrices, comme celle du journal World Development, évaluent l'excès de mortalité à 50 millions de victimes causées directement par la politique coloniale britannique entre 1891 et 1920 seulement. Une période qui n'a duré que 40 ans. Des dommages de proportions apocalyptiques, dont l'Inde ne s'est même pas entièrement remise jusqu'à ce jour.

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Dans les deux cas, la Grande-Bretagne était le principal coupable et la force motrice derrière la destruction de l'Inde et de la Chine. Et même alors, comme le montrent les statistiques, l'Empire britannique n'a jamais atteint la puissance économique dont l'un ou l'autre de ces deux espaces civilisationnels asiatiques jouissait à son apogée. Britannia peut prétendre avoir régné sur les mers, mais elle n'a certainement jamais réussi à dominer les tableaux de score historiques.

Seuls les États-Unis ont jamais réussi à être un challenger, et un vainqueur temporaire, dans la compétition avec la Chine pour le titre d'hégémon économique. Mais ce temps est déjà passé, et la Chine est de nouveau au sommet. Comme l'histoire humaine nous l'a montré, c'est ainsi que les choses devraient être.

mercredi, 26 mars 2025

Georgescu non et Imamoglu oui ? Erdogan se fiche des subtilités électorales et ne pense qu'à la Grande Turquie

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Georgescu non et Imamoglu oui ? Erdogan se fiche des subtilités électorales et ne pense qu'à la Grande Turquie

Enrico Toselli

Source: https://electomagazine.it/georgescu-no-e-imamoglu-si-erdo...

Un gouvernement inéluctablement démocratique fait arrêter le candidat de l’opposition ayant le plus de chances de gagner les élections. Et l’empêche de se porter candidat. Pendant ce temps, il bloque aussi le parti qui soutient le candidat. Et que font les eurodingues de Bruxelles ? Cela dépend. Dans un cas, celui de Georgescu en Roumanie, ils soutiennent l’arrestation et l’annulation de la candidature, au nom de la démocratie, ça va sans dire. Dans l’autre cas, celui d’Imamoglu en Turquie, on s’indigne du comportement antidémocratique d’Erdogan.

Et les médias suivent les directives des eurodingues. On minimise les manifestations de protestation en Roumanie et on met bien en exergue celles qui se déroulent en Turquie. Où, évidemment, Erdogan s’en fiche, malgré les répercussions sur la bourse et le change, pour bien clarifier que les spéculateurs internationaux sont toujours prêts à faire comprendre de quel côté ils se trouvent.

Imamoglu, maire d'Istanbul, avait sans aucun doute de bonnes chances de s'imposer aux élections prévues en 2028, même si, dans trois ans, il peut se passer n'importe quoi. Mais Erdogan a une vision du monde, et de la Turquie, qui ne dépend pas de la conjoncture électorale. Il veut reconstituer l'empire ottoman et ne peut pas se contenter de méditer les subtilités des règles électorales.

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Il est d’ailleurs en bonne compagnie. Peu d'États de l'Union européenne ont reçu un mandat des électeurs pour faire la guerre contre la Russie et pour voler les économies des familles européennes. Mais à Bruxelles, ils se fichent des électeurs et agissent uniquement pour rendre heureux les marchands de mort.

Erdogan, pour sa part, s'engage à renforcer le rôle de la Turquie. Et il réussit. Parfois en utilisant l'Azerbaïdjan comme bras armé ou comme instrument pour des accords économiques – des confrontations avec l'Arménie aux accords avec l'Europe pour le gaz – parfois en utilisant les jihadistes comme en Syrie, parfois en intervenant directement comme en Libye.

Une politique à large spectre, qui implique les pays turcophones d’Asie centrale et qui prévoit la plus totale ambiguïté dans les relations avec Moscou et Pékin, et même avec Tel Aviv : de grandes menaces publiques contre le boucher israélien, puis des accords économiques en sous-main.

Tout est bon pour rendre à nouveau grande la Turquie. Un slogan déjà utilisé? Oui, mais peu importe à Erdogan. Qui veut être le maître de la Méditerranée. D’ailleurs, si ses adversaires sont Tajani et Ursula von der Leyen, le match se gagne facilement.

Protestations en Turquie: Erdogan sous pression

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Protestations en Turquie: Erdogan sous pression

Source: https://report24.news/proteste-in-der-tuerkei-erdogan-unt...

Le président Recep Tayyip Erdogan a fait arrêter son plus grand rival politique, le maire d'Istanbul, Ekrem Imamoglu. Cela a entraîné des manifestations dans plusieurs villes. Des centaines de manifestants ont été arrêtés. La Turquie est confrontée à des troubles de masse contre le "sultan du Bosphore", dont la position s'affaiblit lentement.

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La situation en Turquie est tendue. L'arrestation du maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu (photo) a déclenché des manifestations à l'échelle nationale, rappelant les grandes manifestations de 2013, lorsque les citoyens s'étaient soulevés contre la destruction du parc Gezi. Dans la nuit de samedi, le ministère de l'Intérieur a signalé que 343 personnes avaient été arrêtées dans plusieurs villes, dont Istanbul et Ankara. Ces mesures ont été justifiées par l'argument de la nécessité de maintenir l'ordre public. Cependant, la réalité est beaucoup plus complexe et soulève des questions sur les droits démocratiques en Turquie.

Les manifestations, qui ont commencé le 19 mars, ne sont pas seulement une réaction à l'arrestation d'Imamoglu, mais reflètent un mécontentement plus profond face à la situation politique et économique du pays. Le maire a été arrêté chez lui sous des accusations de terrorisme et de corruption, ce que beaucoup considèrent comme une action politiquement motivée. "Il y a une grande colère. Les gens sortent spontanément dans la rue. Certains jeunes sont politisés pour la première fois", a déclaré Yuksel Taskin, député du Parti républicain du peuple (CHP), considéré comme social-démocrate, à propos des développements actuels.

Imamoglu, considéré comme un rival sérieux du président Recep Tayyip Erdogan, était prévu comme candidat de son parti, le CHP, pour les prochaines élections présidentielles de 2028, qui se tiendront le 23 mars. Son arrestation pourrait être interprétée comme une tentative de réduire l'opposition politique et de renforcer le contrôle sur l'opinion publique. "Je constate aujourd'hui lors de mon interrogatoire que mes collègues et moi sommes confrontés à des accusations et à des diffamations inimaginables", a déclaré Imamoglu lors de son interrogatoire par la police.

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Les accusations portées contre lui sont graves : diriger une organisation criminelle, corruption et soutien au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), lequel est interdit. Ces accusations sont non seulement juridiquement mais aussi politiquement explosives. Elles visent à discréditer Imamoglu et ses partisans et à manipuler la perception publique. Le fait que l'Université d'Istanbul ait déclaré un jour avant son arrestation que son diplôme était invalide renforce l'impression qu'il s'agit bien d'une manœuvre politique. En Turquie, seuls les titulaires d'un diplôme universitaire peuvent se porter candidat à des fonctions politiques.

La réaction du gouvernement aux manifestations est tout aussi préoccupante. Le ministre de l'Intérieur, Ali Yerlikaya, a annoncé que des centaines de comptes sur les réseaux sociaux avaient été identifiés et que 37 utilisateurs avaient été arrêtés pour "publications provocatrices incitant à des crimes et à la haine". Cela montre que le gouvernement s'attaque non seulement aux manifestants, mais aussi à la libre expression par voie numérique. Les restrictions sur les plateformes sociales sont un autre signe de la répression croissante en Turquie.

Les manifestations ne sont pas seulement un signe de mécontentement face à l'arrestation d'Imamoglu, mais aussi un signe de la frustration généralisée face à la situation économique et sociale du pays. "Le sentiment d'être piégé dans tous les domaines – économique, social, politique et même culturel – est déjà largement répandu", a déclaré le journaliste et auteur Kemal Can. Ces sentiments sont profondément enracinés dans la population et pourraient conduire à un tournant dans le paysage politique de la Turquie.

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Le CHP, qui se situe dans la tradition laïque et kémaliste du fondateur de l'État Mustafa Kemal Atatürk, a appelé ses partisans à manifester pacifiquement et a souligné que les arrestations sont politiquement motivées. Le parti se considère comme responsable de représenter la voix des citoyens et de lutter contre les mesures répressives du gouvernement. Les événements actuels pourraient servir de coup de fouet pour de nombreux citoyens qui se sont jusqu'à présent tenus à l'écart de la politique.

La question qui se pose désormais est de savoir si ces manifestations peuvent conduire à un mouvement plus large qui transformerait fondamentalement les relations politiques en Turquie. Le gouvernement d'Erdogan, orienté vers le grand empire ottoman, composé de l'islamiste AKP et de l'islamo-nationaliste MHP, a déjà montré qu'il était prêt à réprimer toute forme d'opposition d'une main de fer. Cependant, la colère des citoyens pourrait être un facteur imprévisible qui déréglerait les calculs politiques du gouvernement.

D'un autre côté, il convient de considérer qu'Erdogan ne s'est pas fait beaucoup d'amis en Occident (notamment au sein de l'OTAN, des États-Unis et de l'UE) avec sa politique grande-ottomane et ambivalente. Un changement vers un président pro-occidental "plus fiable" comme Imamoglu pourrait jouer en faveur de l'alliance militaire transatlantique. Dans ce cas, la Turquie pourrait assumer des rôles au Moyen-Orient et dans le Caucase pour le compte des États-Unis, qui souhaitent également se concentrer davantage sur l'Asie de l'Est – la Chine et la Corée du Nord.

L'APEC et la géoéconomie à la chinoise

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L'APEC et la géoéconomie à la chinoise

Leonid Savin

Le 35ème sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC), composé de 21 pays d'Amérique du Nord, d'Amérique du Sud et d'Asie du Sud-Est, qui s'est tenu au Pérou en novembre 2024, a montré que l'équilibre des pouvoirs évoluait rapidement. On constate que les États-Unis perdent de leur influence, même s'ils tentent par divers moyens de maintenir leur hégémonie.

L'APEC elle-même est une plateforme qui correspond à la description du libéralisme classique. En fait, même si l'on lit les déclarations et les énoncés adoptés, ils peuvent s'inscrire dans le cadre des énoncés des dirigeants américains.

Par exemple, la déclaration ministérielle générale indique que « nous reconnaissons le rôle important d'un écosystème numérique favorable, ouvert, équitable, non discriminatoire, plus sûr et plus inclusif qui facilite le commerce, ainsi que l'importance d'instaurer la confiance dans l'utilisation des technologies de l'information et de la communication (TIC). Nous encourageons les pays à intensifier leurs efforts pour faire progresser la transformation numérique. Dans le cadre de l'accord avec l'AIDEN, nous travaillerons ensemble pour faciliter la circulation des données, en reconnaissant l'importance de la protection de la vie privée et des données personnelles, et en renforçant la confiance des consommateurs et des entreprises dans les transactions numériques ».

Un vrai style "Maison Blanche".

Le 16 novembre, la déclaration de Machu Picchu a été publiée, avec les signatures des dirigeants des nations participantes, y compris des puissances rivales telles que les États-Unis et la Chine.

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Le document souligne également la nécessité d'un commerce équitable, transparent et prévisible, sans discrimination, et de promouvoir l'interconnexion de la région à différents niveaux. Il a également décidé d'organiser les prochains sommets de 2025 à 2027, respectivement en Corée, en Chine et au Viêt Nam, ce qui démontre le rôle de l'Asie du Sud-Est dans les affaires de l'APEC pour les trois prochaines années.

Cependant, il y a eu des nuances. En particulier, l'initiative B3W (Build Back Better World), lancée par Joe Biden en 2021, n'a pas été mentionnée du tout dans les documents du sommet. Pourtant, ses objectifs affichés sont assez proches des documents de l'APEC.

Cela confirme une fois de plus que ce projet géoéconomique américain a lamentablement échoué, même si les représentants de la Maison Blanche et du département d'État tentent occasionnellement d'utiliser ce récit pour exercer une influence en Amérique latine et dans la région indo-pacifique.

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La Chine, en revanche, est apparue comme un leader clair et un acteur constructif. Il ne s'agissait pas seulement de la photo de famille symbolique des dirigeants des pays, avec Xi Jinping au centre du premier rang à côté de l'hôtesse du forum, Dina Boluarte, et le président américain Joe Biden modestement rangé dans les marges du deuxième rang. Le 15 novembre, les présidents péruvien et chinois ont inauguré le grand port de Chancay (photo, ci-dessous), sur la côte pacifique, à 70 kilomètres de Lima.

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La part de l'entreprise logistique chinoise COSCO Shipping dans ce projet est de 60%. En d'autres termes, la Chine détient une part de contrôle. L'investissement total s'élève à 3,4 milliards d'USD.

La capacité prévue du nouveau port est de 1 million d'EVP (équivalent vingt pieds, une mesure conventionnelle de la capacité de fret) par an à court terme et de 1,5 million d'EVP à long terme. Selon le Global Times, la construction des principales installations portuaires s'est achevée au début de l'année, avec plus de 80% du projet réalisé.

Pour la Chine, le lancement d'une nouvelle plate-forme de transport en Amérique latine peut réduire considérablement les coûts logistiques (jusqu'à 20%) et les délais de livraison (23 jours). Auparavant, les marchandises en provenance de Chine étaient expédiées vers le Mexique ou le Panama, d'où elles rejoignaient l'Amérique du Sud. Désormais, la Chine a la possibilité de livrer directement en Amérique du Sud et le Pérou devient une zone de transit supplémentaire pour les pays voisins de la région: l'Équateur, la Colombie, la Bolivie, le Chili et le Brésil, et, à travers ces pays, l'Argentine, le Paraguay et l'Uruguay.

En plus des marchandises en provenance de Chine, le Pérou sera en mesure d'augmenter ses exportations, qui ont connu une croissance significative ces dernières années. L'année dernière, le Pérou a vendu pour 23 milliards d'USD de marchandises à la Chine, quadruplant ainsi ses revenus par rapport à 2009. Cela signifie plus de production, plus d'emplois et plus de devises pour acheter les biens dont le Pérou a besoin. Environ 90% des exportations péruviennes vers la Chine sont constituées de ressources naturelles.

Et la Chine est désormais intéressée par l'augmentation de leur volume. Il convient de noter que le Pérou et le Chili sont des leaders dans l'exploitation du cuivre. Quant à la Bolivie voisine, elle possède d'importantes réserves de lithium.

Globalement, la catégorie des principaux produits exportés du Pérou vers la Chine comprend les scories et les cendres de minerai (19,8 milliards de dollars), le cuivre (1,18 milliard de dollars), les résidus, les déchets de l'industrie alimentaire, les fourrages (733 millions de dollars), les fruits comestibles, les noix, les écorces d'agrumes, les melons (282,3 millions de dollars), les poissons, les crustacés, les mollusques, les invertébrés aquatiques (336,9 millions de dollars), combustibles minéraux, huiles, produits de distillation (258,8 millions de dollars) - tels sont les chiffres à l'horizon 2023.

De toute évidence, une telle avancée de l'initiative chinoise Belt and Road va à l'encontre du désir de Washington de mener sa propre politique et de dire aux pays d'Amérique latine avec qui commercer. C'est pourquoi ils ont immédiatement commencé à critiquer le projet sur le terrain.

Laura Richardson, un général à la retraite qui a récemment dirigé le commandement sud des États-Unis, s'est inquiétée du fait que le port pourrait être utilisé pour amarrer des navires de guerre chinois. Mme Richardson s'est également opposée à la proposition de construire un port chinois dans le sud de l'Argentine.

Foreign Policy cite également des analystes péruviens anonymes qui affirment que le port soulève des préoccupations plus sérieuses que la concurrence des grandes puissances. La construction des routes et des voies ferrées nécessaires à l'acheminement des marchandises vers le port aurait pris du retard.

Cela dit, il est évident que ces problèmes peuvent être résolus et que la Chine, en collaboration avec le Pérou, s'y attaquera. En outre, le port lui-même, en tant que nouvelle plaque tournante, servira d'exemple pour les autres pays, qui pourront voir ce que la Chine peut faire et le comparer à ce que font les États-Unis.

Ce qui est intéressant, c'est que la Chine utilise une approche purement géoéconomique, que les États-Unis eux-mêmes ont déjà promue par le passé. Cette approche n'a rien à voir avec l'idéologie et le « hard power », qui sont plutôt pratiqués par Washington. L'approche de Pékin est pragmatique et ne pose aucune exigence politique supplémentaire, ce qui la rend plus attrayante que celle des États-Unis.

Article original de Leonid Savin :

https://orientalreview.su/2025/02/21/apec-and-chinese-sty...

mardi, 25 mars 2025

Le rôle de l'Allemagne: de puissance économique à puissance militaire?

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Le rôle de l'Allemagne: de puissance économique à puissance militaire?

Elena Fritz

Source: https://www.pi-news.net/2025/03/deutschlands-rolle-von-de...

L'Allemagne doit devenir la pointe de lance militaire de l'Europe

Le Bundestag a brisé le frein institutionnel qui empêchait tout endettement – une modification constitutionnelle qui ouvre la voie à un fonds de 500 milliards d'euros. Objectif officiel : investissements dans la défense et les infrastructures. Mais ceux qui lisent entre les lignes reconnaissent le véritable plan : l'Allemagne doit devenir la pointe de lance militaire de l'Europe. À une époque où l'UE se voit comme le dernier bastion du modèle hégémonique américain et où Donald Trump pourrait couper les liens transatlantiques, Berlin mise sur l'armement plutôt que sur la diplomatie. Est-ce le début d'une nouvelle guerre froide – ou la préparation à une confrontation directe ?

Les avertissements concernant une guerre entre la Russie et l'UE ne sont pas nouveaux – mais depuis la victoire de Trump, les spéculations s'intensifient. L'homme de la Maison Blanche n'a que peu d'envie de jouer le garant de la sécurité de l'Europe. Bruxelles réagit en paniquant: l'UE doit devenir l'“Arche de Noé” de l'ancien ordre mondial – avec la puissance militaire, le pouvoir des entreprises et la “soft power” comme armes. Pourtant, la réalité est décevante: sans la puissance industrielle des États-Unis, cela reste un tigre en papier. Si même les mises en oeuvre nécessitent vingt ans de discussions, combien de temps faudra-t-il pour créer une armée européenne? La réponse tombe sans appel: trop longtemps pour dissuader la Russie.

Le Grand Jeu : La Russie, les États-Unis et la peur de l'effondrement de l'UE

Une rapprochement entre Moscou et Washington serait le cauchemar des élites de l'UE. Sans la menace russe comme ciment, des pays comme la Hongrie, l'Italie ou même l'Allemagne pourraient suivre à nouveau leurs propres voies – notamment dans le secteur de l'énergie. Déjà, la dépendance à l'égard du gaz russe est un secret de polichinelle, néanmoins les sanctions se poursuivent. Un jeu perfide : hostilité à l'extérieur, affaires à l'intérieur. Mais si Trump redistribue les cartes, cet équilibre fragile pourrait basculer – et plonger l'UE dans le chaos et la division.

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Avec le fonds de 500 milliards, l'Allemagne montre les dents. Le message est clair : nous ne laisserons plus les États-Unis nous mener à la baguette et ne serons plus freinés par Bruxelles. Mais les coûts de ce réarmement sont astronomiques – alors que la souveraineté s'amenuise. Car une puissance militaire européenne signifie moins de contrôle par le niveau national, plus de dépendance envers la bureaucratie dysfonctionnelle de l'UE. L'industrie allemande est peut-être riche, mais sans unité avec la France ou la Pologne, cela demeure un rêve coûteux. Et qui paiera à la fin ? Le contribuable – tandis que le danger d'une escalade militaire grandira.

Pour la Russie, la réarmement de l'Europe est une provocation. L'opération militaire en Ukraine devait mettre l'Occident en difficulté stratégique – au lieu de cela, le Kremlin voit maintenant une UE qui s'arme. Les 500 milliards de l'Allemagne sont un signal clair: l'Occident ne mise pas sur la détente, mais sur la confrontation. Moscou va réagir – avec une pression militaire, des manœuvres diplomatiques et la patience d'une grande puissance qui sait que le temps est souvent le meilleur allié. Les prochaines années pourraient amener l'Europe au bord du gouffre.

Conclusion: réarmement ou diplomatie ?

L'Allemagne entre dans l'arène des puissances militaires – mais à quel prix ? Le fonds est une montagne de dettes qui étrangle tous les élans potentiels de la jeunesse, tandis que l'UE instrumentalise ses citoyens pour des jeux de pouvoir géopolitiques. Au lieu de paix et de souveraineté, nous risquons la guerre et la dépendance. Mais il existe une alternative : la diplomatie.

Une Europe qui mise sur le dialogue plutôt que sur l'escalade pourrait créer une nouvelle architecture de sécurité – indépendamment de Washington, mais aussi sans confrontations inutiles avec Moscou. Le rôle de l'Allemagne en tant que moteur économique de l'Europe pourrait être utilisé pour ouvrir des espaces de négociation, plutôt que de tracer de nouvelles lignes de front. Pourtant, cette possibilité est à peine prise au sérieux à Berlin. Au lieu de cela, nous nous dirigeons vers un avenir où la militarisation et la vanité géopolitique pourraient plonger le continent dans le chaos.

La question est dès lors la suivante : voulons-nous vraiment des canons au lieu de beurre ? Ou n'est-ce pas le moment de concevoir une véritable politique de paix européenne – au-delà des jeux de pouvoir géopolitiques et sans loyauté de vassal envers Washington ou Bruxelles ? La réponse ne se trouve pas chez les bureaucrates, mais en nous.

La fin de la démocratie en Europe et la nouvelle forme de coercition

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La fin de la démocratie en Europe et la nouvelle forme de coercition

par Andrea Zhok

Source: https://www.sinistrainrete.info/articoli-brevi/30106-andr...

Avec le vote du Parlement européen en faveur du plan de réarmement (419 OUI, 204 NON, 46 abstentions), je pense que nous pouvons dire que, symboliquement, à partir d'aujourd'hui, la démocratie en Europe a disparu ; déjà flétrie depuis un bon bout de temps, nous constatons amèrement, aujourd'hui, que les pétales secs sont tombés.

Elle n'a pas été remplacée, comme beaucoup le craignaient, par une dictature.

L'histoire prend toujours des formes différentes et surprenantes.

Non, cette fois, la démocratie a été submergée par la conquête, de l'intérieur, des institutions et des médias par l'oligarchie financière et ses bailleurs de fonds.

La manœuvre de contournement est désormais achevée.

Les canaux permettant à la population de s'exprimer de manière politiquement significative ont tous été fermés ou neutralisés. Cela s'est fait en partie en modifiant les lois électorales, en partie en rendant le processus démocratique contestable uniquement par ceux qui disposaient de fonds importants, en partie en occupant le système médiatique à tous les niveaux (et en expulsant ceux qui ne se pliaient pas aux ukases), et en partie en supprimant la nature de tiers que revêtait le système judiciaire, qui est désormais largement politisé.

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Les coups peuvent maintenant se succéder de manière de plus en plus violente et effrontée. Contourner les débats parlementaires par des décrets est déjà et sera de plus en plus la nouvelle norme. Tout comme le fait d'empêcher les personnes extérieures de participer au débat public d'abord, aux processus électoraux ensuite.

Qu'elle ait été planifiée de la manière dont elle s'est réellement déroulée ou qu'elle se soit simplement produite, l'affaire de la pandémie a représenté de facto la répétition générale de la militarisation de la société et de l'information : une sorte de loi martiale sans guerre.

Ce tournant avait été précédé de nombreuses étapes intermédiaires, de nombreuses plaintes sur l'inefficacité du rythme lent de la politique, des rituels de la démocratie.

Puis, depuis 2022, la guerre russo-ukrainienne est devenue l'occasion de planter les derniers clous dans le cercueil de la démocratie.

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Désormais, il faut s'attendre à ce que les étapes soient de plus en plus rapides.

Entre la grande expropriation des ressources publiques de la crise des subprimes (2008-2011) et la grande expropriation des ressources publiques de la crise du Cov id (2020-2022), une dizaine d'années se sont écoulées. Aujourd'hui, et ce n'est que trois ans plus tard, nous passons à une troisième expropriation colossale au nom de l'urgence guerrière.

Le résultat de ce glissement est transparent et très clair.

Des piliers sociaux fondamentaux comme le système de santé et le système des pensions seront écrasés.

Pour parer le coup, une grande partie de l'épargne privée restante sera drainée des citoyens vers des actifs autres (assurances privées, pensions privées, etc.).

L'immobilier privé, là où, comme en Italie, il est encore important, deviendra d'abord le collatéral nécessaire à la mise en place des financements indispensables pour répondre aux besoins incontournables (santé, études des enfants, survie hors de la sphère productive).

La dernière étape sera bien sûr la soustraction même des biens immobiliers, qui deviendront au contraire le collatéral pour le déboursement de prêts rémunérés par les groupes financiers.

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À la fin du processus, les citoyens endettés de diverses manières seront en fait enchaînés, même s'ils sont formellement libres : conditionnés et soumis au chantage à chaque étape. Fin du processus? Jamais!

L'endettement économique irréversible sera la nouvelle forme de coercition. Il ne s'agit plus des modèles désuets de soumission violente, d'esclavage, mais d'un système propre, contractuellement sans exception, et pourtant bien plus rigoureux et détaillé que toute relation serviteur-maître du passé.

Qu'il soit alors décidé d'envoyer les débiteurs/coupables (Schuld) pour être la chair fraîche de la guerre ou le rouage à vie d'une multinationale, ce seront des détails.

C'est l'avenir qui frappe à la porte, et les espaces où il est encore possible de réagir - s'il y en a encore - se referment rapidement.

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Platon, Aristote et le destin de la civilisation occidentale

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Platon, Aristote et le destin de la civilisation occidentale

Le libéralisme et le communisme sont tous deux des produits de la tradition anti-platonique. Pour restaurer la civilisation, nous devons revenir aux fondations métaphysiques de Platon et d'Aristote.

Alexander Douguine

Platon est pour la civilisation russe et également pour la civilisation traditionnelle de l'Occident aussi important que les Upanishads pour l'Inde ou Confucius pour la Chine. La théologie chrétienne est basée sur Platon. Sans lui, sans ses théories, ses termes, sa langue, rien n'est compréhensible dans notre héritage.

D'ailleurs, la philosophie islamique, le soufisme (en terres arabes et ailleurs) et la doctrine chiite (avant tout le chiisme rouge) sont également construits sur Platon. Certains étaient appelés péripatéticiens, mais en réalité, ils reposaient sur le néoplatonisme. Platon est central dans la tradition intellectuelle islamique à ses apogées.

La Kabbale juive n'est rien d'autre qu'une doctrine néoplatonique introduite au Moyen Âge dans la religion juive. Scholem soutient qu'elle était étrangère au judaïsme traditionnel précédent, où presque aucune trace de la théorie des émanations n'est trouvée, sauf pour quelques groupes mystiques (peut-être influencés plus tôt).

Platon est le fondement métaphysique de notre civilisation. Mais cela ne signifie pas qu'Aristote doit être abandonné. Proclus, Simplicius et d'autres néoplatonistes ont inclus Aristote dans le contexte platonicien. La lecture correcte d'Aristote est celle d'Alexandre d'Aphrodise et de Brentano.

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Ainsi, Aristote est le deuxième pilier le plus important de notre héritage intellectuel. En perdant une connaissance et une compréhension profondes de ces deux hautes figures, nous nous coupons des racines de notre identité en tant que civilisation. Rien dans la philosophie, la religion et la vie elle-même ne peut être compris correctement sans ces deux phares de la pensée.

Nous n'avons aucune idée des éléments qui seraient purement sémitiques dans nos religions monothéistes - dans toutes les trois. Le sémitisme a déjà été profondément retravaillé par l'hellénisme (où le platonisme et Aristote ont joué un rôle crucial). Tout l'esprit sémitique que nous connaissons aujourd'hui est une version hellénisée de celui-ci.

La modernité et le déclin de l'Occident ont commencé avec l'abandon de Platon et d'Aristote et de leur héritage. C'est là que Démocrite est réapparu. L'atomisme et l'externalisme, aussi connu sous le nom de matérialisme, étaient des hérésies philosophiques grecques ressuscitées du passé présocratique.

La modernité est anti-platonicienne et anti-aristotélicienne. Mais pro-Démocrite. Démocrite est la racine commune du communisme et du libéralisme. Ainsi, l'alternative au communisme et au libéralisme ne peut être que le retour à Platon et à Aristote. C'est pourquoi le platonisme politique est si important.

La Grande-Bretagne est un morceau de l'Occident profondément empoisonné, toxique et en décomposition. C'est un démon mourant. Déjà sénile et faible mais toujours vindicatif, agressif, violent, stupide et ensauvagé, comme le sont habituellement les vieilles personnes de mauvais aloi.

Le nouveau 1776 est la seule solution. Pour les États-Unis, je veux dire.

Le Royaume-Uni essaie d'entraîner MAGA dans l'abîme. Je ne leur ferais pas confiance.

La pandémie teslaphobe est une invention typique du MI6, mise en œuvre par Soros et ses réseaux.

La modernité et le déclin de l'Occident ont commencé avec l'abandon de Platon et d'Aristote et de leur héritage. C'est là que Démocrite est réapparu. L'atomisme et l'externalisme, aussi connu sous le nom de matérialisme, étaient des hérésies philosophiques grecques ressuscitées du passé présocratique.

L'externalisme est l'approche qui nous domine lorsque nous convenons que la réalité est placée à l'extérieur de la conscience et non à l'intérieur. Platon et Aristote (ce dernier s'il est correctement interprété) ont supposé que la réalité est interne. Ce qui est purement "externe" n'est que matière dépourvue de toute qualité et donc elle égale à rien.

La modernité a commencé avec le nominalisme niant l'internalisme et affirmant l'externalisme. C'est pourquoi la modernité est totalement erronée. Incurable.

L'Etat vrai et la politique organique selon Othmar Spann - Rétrospective et essai de réactualisation

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L'Etat vrai et la politique organique selon Othmar Spann - Rétrospective et essai de réactualisation

Entretien avec Robert Steuckers

Entretien paru préalablement dans le n°16 (janvier 2025) de la revue Les Ecrits de Rome (Laval, France), dirigée par Louis Marguet et Louis Furiet (contact: ecritsderome@gmail.com)

Sociologue et philosophe, Othmar Spann fut l’une des principales figures de ladite « révolution conservatrice » en Autriche. Pourriez-vous d’abord rappeler la nature de cette nébuleuse ? À quel courant Spann appartenait-il en son sein ?

S’il fallait résumer en quelques mots la nature de la nébuleuse que fut (et reste) la « révolution conservatrice » dans les pays germanophones, je dirai qu’elle constitue un ensemble, assez varié, de réactions philosophiques et politiques qui entendaient rejeter tous les linéaments du libéralisme occidental, revenir à l’équilibre diplomatique de l’ère bismarckienne (avec de bons rapports avec la Russie) et à l’efficacité de l’Obrigkeitsstaat (la forme d’Etat démocratique et parlementaire mais assortie de pouvoirs régaliens forts, que l’on qualifierait d’illibéral aujourd’hui). A cela s’ajoute, l’expérience traumatisante de la première guerre mondiale et surtout de la défaite et de la disparition imposée de cet Obrikeitsstaat qui avait sorti l’Allemagne, au 19ème siècle, de la misère impolitique où elle avait longtemps végété.

Il ne faut pas oublier que l’Allemagne est un pays bi-confessionnel, catholique et protestant-luthérien : Spann, dans ce contexte, est catholique et entend donc penser un système politique, économique et social qui correspond à l’idéal communautaire des traditions catholiques, souvent rurales. Son influence s’exercera principalement sur les réseaux jungkonservativ, selon la classification d’Armin Mohler, bien que l’impact de son oeuvre, rigoureuse, puisse se repérer bien au-delà des catégories habituelles où l’on range les auteurs appartenant au filon RC.

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Spann décrivait l’État comme un tout « organique », auquel il appliquait le célèbre principe aristotélicien, repris par Thomas d’Aquin, selon lequel totum ante partes, le tout précède les parties. Peut-on dire que la sociologie de Spann s’appuyait au fond sur une philosophie aristotélico-thomiste ? Et si oui, pourquoi le choix d’une telle philosophie ?

Bien sûr, Spann pose son œuvre comme une réponse solide à la modernité, qui a commencé à la Renaissance et a culminé avec la Révolution française. Il choisit une terminologie particulière, qui déroute un peu le lecteur d’aujourd’hui, en opposant la pensée politique individualiste (qu’il entend combattre) à la pensée politique universaliste (qu’il veut promouvoir, entendant par « universalisme » la définition qu’en fit Aristote).

L’individualisme selon Spann est donc ce que la plupart des autres critiques de la modernité appellent le libéralisme, tant dans sa version classique/modérée que dans sa version gauchiste (selon l’usage anglo-saxon du terme « liberal »). L’individualisme selon Spann à des racines profondes remontant à la Renaissance, moment historique où l’homme se détache et se libère de tous les liens sociaux qui existaient au moyen-âge, époque des guildes et des corporations, des ordres de chevalerie et des ordres monacaux, sous le baldaquin théologico-philosophique qu’était la scolastique (c’est-à-dire la pensée d’Aristote revue et christianisée par Saint Thomas d’Aquin). Il déplore la destruction de l’esprit médiéval et surtout des liens corporatifs qui équilibraient les sociétés européennes.

En même temps, il constate l’irruption de la dissolution individualiste dans la sphère politique, laquelle dissolution se repère chez Hobbes (où l’Etat n’assure qu’une simple protection, finalement très théorique), dans le volontarisme qui entend dépasser par la volonté tout ce qui s’oppose à l’individu, dans le culte du génie qui se suffit à lui-même et débouche sur une forme de titanisme, dans le mythe de Robinson Crusoé qui fait miroiter l’idéal d’une autonomie totale, sans société, comme le voudra, quelques siècles plus tard, Margaret Thatcher (« There is no society »).  

Le néolibéralisme, qui triomphe de nos jours est l’exact contraire de la société néo-médiévale espérée par Spann. Celui-ci, catholique, croit en une réalité suprasensible, métaphysique et spirituelle, existant séparément de la réalité matérielle et hissée au-dessus de cette dernière, le matériel n’étant que le reflet imparfait de cette réalité suprasensible (il y a beaucoup de platonisme chez Spann !). L’Etat vrai, en ce sens, doit être conforme aux lois divines. Telle est bien la raison fondamentale qui a poussé Spann à reprendre et à actualiser le corpus médiéval scolastico-thomiste.

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Othmar Spann est aussi connu pour sa réflexion sur l’ « État vrai », qu’il opposait aux abstractions individualistes des Modernes reposant notamment sur les théories de l’ « état de nature » et du « contrat social ». Qu’entendait-il par cette expression d’« État vrai » ?

L’Etat vrai de Spann dérive de sa définition de la société, laquelle, pour lui, est un tout dont les parties ne sont pas à proprement parler « autonomes et indépendantes » mais sont, en une certaine façon, les organes d’un Tout. Les parties existent parce qu’elles sont nécessaires à la totalité/à l’holicité (Ganzheit). L’Etat vrai, pour faire simple, doit donc promouvoir, protéger, renforcer les liens entre ces organes et faire éclore les potentialités de cette unité organique, vivante et dynamique.

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Il n’y a donc plus d’  « Etat vrai » selon Spann : il s’agit de le reconstituer en évinçant les formes d’individualisme qui ont sapé l’Etat vrai antérieur, médiéval et corporatif. Ces formes d’individualisme sont l’anarchisme (dont les effets négatifs sont évidents), le machiavélisme (qui utilise la société à des fins triviales, pour satisfaire des ambitions ou des fringales de pouvoir déséquilibrantes), l’idéologie du « droit naturel » et du contrat (jusnaturalisme). Cette dernière idéologie a introduit dans l’histoire européenne 1) l’absolutisme éclairé où les parties délèguent leur pouvoir à un monarque (légitime ou non) et 2) la démocratie libérale, où les parties délèguent leur pouvoir à des mandataires. L’illusion de la « liberté individuelle », sans plus aucun lien social/communautaire, conduit à l’instauration d’un « Etat faux », qui est minimal, réduit à une association vaguement protectrice (protection qui, aujourd’hui, 74 ans après la mort de Spann, s’avère totalement illusoire), avec un droit qui n’autorise qu’un minimum de limitations à la liberté, ce qui permet, notamment aux sphères économiques, usurocratiques et autres, de dresser des factures léonines et contraignantes, acceptées par les tribunaux au nom de contrats qui ne tiennent jamais compte du principe « res sic stantibus », de se livrer à des captations de rente, etc.

L’irruption permanente de ferments de l’individualisme dans la chose politique détache celle-ci du réel, reflet des lois divines, lesquelles lois impliquent la Ganzheit, l’holicité, des sociétés. Si cette holicité de facture divine est absente, donc si l’Etat n’est pas « vrai »,  nous débouchons sur « un monde asocial d’atomes mus par leurs seules pulsions, sans responsabilité et sans liens enracinés (Spann parle plus spécifiquement de Rückbindung).

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D’autres dangers guettent la « véracité de la chose politique fondée sur les lois divines » : un mauvais usage de la notion d’holicité ou de communauté fait que l’on voit, dans tout « Etat faux », émerger des totalités partielles - les catholiques, les protestants, les végétariens, les ouvriers (au sens marxiste du terme), les animalistes, les espérantistes, etc.- qui bétonnent un éparpillement démesuré. L’ « Etat vrai » postule un principe d’intégration qui hiérarchise les valeurs et les priorités, avec, pour objectif, la stabilité sociale, l’harmonie, la justice-équité : les communautés ou Stände (états) peuvent regrouper les travailleurs manuels, les travailleurs hautement qualifiés, les gérants efficaces de l’économie vraie, les fonctionnaires indispensables, les militaires, les dignitaires de l’église, les enseignants (avec un Stand particulier pour ce que Spann appelle les « enseignants créatifs », correspondant peu ou prou aux philosophoi de la pensée platonicienne). Dans un tel « Tout », chacun doit pouvoir réaliser le meilleur de lui-même.

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L’élite d’un tel « Etat vrai » doit être « staatsgestaltend », soit « façonneuse d’Etatité », donner forme en permanence à la chose politique, ce qui fait de la notion spannienne de l’Etat vrai une notion dynamique et non statique (comme on le lui a parfois reproché, à tort). Autre aspect intéressant de la vision de l’Etat vrai chez Spann : la définition de l’économie qui doit être un moyen et non une fin, ein Mittel für Ziele, un moyen pour atteindre des objectifs définis avec clarté, constance et précision. Il n’y a donc pas de primat de l’économie dans l’Etat vrai. Une telle primauté est indice d’Etat faux. Spann demande à faire barrage au tout-économique (comme le fera aussi Carl Schmitt) et à refuser l’ « économicisation de la vie » (ce qui équivaut au slogan « ni capitalisme ni marxisme »). Spann est donc plus actuel que jamais car il refuse anticipativement ce à quoi nous assistons aujourd’hui où plus aucun frein n’est posé au tout-économique. Celui-ci ne vise aucun but sublime, idéal, ne cherche pas à promouvoir de « hautes valeurs », ne constitue jamais un plus d’ordre axiologique tel la stabilité sociale (on le voit du thatchérisme au macronisme, et aussi avec les outrances du gauchisme écolo dans l’Allemagne de Merkel à Scholz et Baerbock). Le tout-économique ne recherche que des profits sectoriels voire individuels à court terme. L’Etat faux où règne le tout-économique et où s’impose l’ « économicisation de la vie » ne connait pas la planification à long terme donc déstabilise dangereusement la chose politique.

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Sa pensée de l’« État vrai » le conduisit logiquement à prôner un État autoritaire de type corporatiste. Comment vit-il le régime corporatif fondé par le chancelier Dollfuss (photo, ci-dessus) en 1934 ? Peut-on dire que ce dernier a été influencé par la pensée de Spann ?

Il prônait certes un Etat autoritaire et corporatiste dans une Autriche mutilée après le Traité du Trianon, coupée qu’elle était des ressources agricoles de la Hongrie et de la Croatie et des atouts industriels de la Bohème. Il a appuyé la Heimwehr, le mouvement qui entendait soutenir le petit Etat autrichien résiduaire, au départ en s’appuyant résolument sur les nationaux-socialistes, en bout de course en cherchant un compromis avec le pouvoir en place à Vienne. Explorer les vicissitudes historiques de l’Autriche de l’entre-deux-guerres dépasserait le cadre de ce modeste entretien. On peut dire que Spann, et son principal disciple Walter Heinrich, ont animé quantité de manifestations liées au mouvement Heimwehr, avant et après leur rupture avec le national-socialisme.

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En revanche, ses théories ont inspiré bon nombre de penseurs catholiques italiens, lié au fascisme, dont Carlo Costamagna (photo). De plus, l’influence directe de Spann sur un Etat européen est dûment attestée dans la Slovaquie de Monseigneur Tiso, où un disciple local de Spann, Stefan Polakovic, a exercé une influence directe sur le fonctionnement du pays, au cours de ses six petites années d’existence. En France, les cercles de Spann ont exercé une influence directe sur certains autonomistes alsaciens, dont Hermann Bichler. Une étude plus approfondie du contexte centre-européen et du catholicisme allemand permettrait de répondre de manière plus exhaustive à votre question. Il faudra s’y atteler car il est impossible de comprendre une pensée, en n’étudiant qu’elle seule et en ignorant la complexité de son contexte.

Enfin, les nationaux-socialistes, après avoir cherché un temps à la récupérer, comprirent rapidement que la pensée du philosophe autrichien était incompatible avec la leur. Ce dernier fut arrêté le jour même de l’Anschluss. Qu’est-ce qui, dans sa pensée politique, rebutait le plus les intellectuels du NSDAP : sa dimension spiritualiste – inconciliable avec le racisme biologique –, ou sa vision même de l’État, qui différait de la conception totalitaire des dirigeants nazis ?

Ne nous livrons pas à ces manichéismes imbéciles qui marquent certaines écoles historiques francophones qui traitent de l’Allemagne, de l’Europe centrale ou des mouvements quiritaires européens, en montrant une fascination inversée pour le nazisme et en voulant tout ramener à lui, en commettant quantité d’anachronismes. Ainsi, ce qui leur plait est absous de toute compromission avec le nazisme, ce qui leur déplait est nazifié à outrance. Triste mentalité. Spann, pour parler vrai, a coopéré étroitement avec les nationaux-socialistes à partir de 1928-1929, soutenant notamment une association fondée par Alfred Rosenberg, Die Nationalsozialistischen Gesellschaft für die deutsche Kultur, dont il sera exclu en 1931 (sans doute à cause de l’anticatholicisme de Rosenberg). Il a animé les cercles du Hakenkreuzlertum à l’Univerité de Vienne et organisé des stages de formation pour les cadres NS en Autriche. Il voyait le NS comme un mouvement (qui n’était alors nulle part au pouvoir) dont la dynamique aurait été capable de faire advenir l’Etat corporatif, soit l’Etat vrai de ses vœux. La rupture viendra immédiatement après la dissolution du mouvement NS autrichien, suite à des violences démesurées et à l’attentat qui coûta la vie au Chancelier Dollfus. Spann ne pouvait plus travailler en Autriche en se réclamant ouvertement de la NSDAP allemande. Par ailleurs, des maximalistes, en Allemagne, se mirent à traquer les intellectuels catholiques au sein des instances du parti. Carl Schmitt en fit les frais en 1936. Spann a critiqué les conceptions raciales du national-socialisme à partir de 1934, selon des modalités que l’on retrouve chez d’autres auteurs tels Ludwig-Ferdinand Clauss et Julius Evola. L’homme est, pour ces auteurs, un être spirituel avant d’être un être simplement biologique, mais cette spiritualité intrinsèque doit être en harmonie avec une forme somatique chaque fois particulière (nordique chez les uns, bédouine chez le Clauss qui étudie les tribus du désert du Néguev, etc.). Chaque spiritualité a sa forme somatique particulière.

Bibliographie :

lundi, 24 mars 2025

Le programme allemand de retour volontaire ne prend pas!

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Le programme allemand de retour volontaire ne prend pas!

Peter W. Logghe

Source: https://www.facebook.com/peter.logghe.94

Le gouvernement allemand, qui avait parié et espéré que de nombreux réfugiés syriens retourneraient dans leur pays après la chute d'Assad et l'installation d'un nouveau gouvernement en Syrie, avait dégagé d'importants moyens financiers à cet effet. L'organisation était placée sous la responsabilité du BAMF (Office fédéral des migrations et des réfugiés). Un maximum de 4000 euros était prévu par famille. L'aide comprenait, entre autres, une prise en charge des frais de voyage jusqu'à 200 euros par adulte et 100 euros par enfant. Diverses dépenses médicales jusqu'à 2000 euros devaient également être remboursées.

Chaque adulte pouvait en outre compter sur une aide financière de départ de 1000 euros, et 500 euros par enfant. En dehors de ce programme fédéral, plusieurs Länder avaient aussi leurs propres primes de retour. Selon le ministère allemand de l'Intérieur, 85 retours volontaires vers la Syrie avaient été financés de cette manière en 2024. Pour 2025, il y en a actuellement 8. Selon le registre central des étrangers, 975.061 réfugiés syriens vivaient en Allemagne fin 2024. Le gouvernement allemand déclare qu'il "explore de nouvelles possibilités".

…mais les réfugiés afghans avec de faux papiers restent les bienvenus !

Entre-temps, le gouvernement allemand reprend l'accueil des citoyens afghans ayant travaillé pour les Allemands en Afghanistan et les amène en Allemagne. Un premier vol avec 157 Afghans a déjà atterri en Allemagne – mais une enquête a révélé que seuls 2 de ces réfugiés afghans avaient effectivement travaillé pour le gouvernement allemand. Pourtant, les coûts de l'acheminement des Afghans vers l'Allemagne ne sont pas négligeables, et un montant de 25 millions d'euros a été prévu dans le budget. Jusqu'à présent, 35.800 Afghans ont été amenés en Allemagne dans ce cadre.

Un fonctionnaire a témoigné anonymement dans le journal allemand Bild sur l'échec de la politique: "La sélection manque de toute transparence. Dans de nombreux cas, l'identité ne peut pas être prouvée ou elle est même totalement tirée par les cheveux". Il y avait ainsi une famille de 9 personnes, et lors d'un examen plus approfondi par un fonctionnaire, il s'est avéré que les dates de naissance sur les documents avaient été remplies complètement au hasard. Néanmoins, le ministère des Affaires étrangères a permis l'admission sans aucune condition.

De plus, il est également apparu qu'environ 12.000 Afghans souhaitent voyager en Allemagne par l'intermédiaire de l'ambassade du Tadjikistan au Pakistan et ont demandé des visas pour cela. Les documents d'identité afghans n'ont pas pu être vérifiés en raison d'un manque de personnel et parce que personne parmi le personnel allemand ne comprend les langues de l'Afghanistan. Et cela continue ainsi, che(è)r(e)s concitoyen(nes)…

Nulle envie de faire la guerre: les Sud-Européens ne veulent pas réarmer

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Nulle envie de faire la guerre: les Sud-Européens ne veulent pas réarmer

Bruxelles. L'UE vient tout juste de décider qu'elle pourra désormais mener la guerre même sans les Américains. Bruxelles prévoit de mobiliser jusqu'à 800 milliards d'euros à cet effet – et d'assouplir spécifiquement les règles fiscales en vigueur. La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen (CDU), souhaite même puiser dans l'épargne des citoyens, qu'elle veut reclassifier comme des "investissements" dans le cadre d'une future "Union d'épargne et d'investissement".

Mais tous les États membres de l'UE ne veulent pas participer à l'engouement pour le réarmement. En particulier, les pays méditerranéens montrent peu de disposition à mobiliser davantage de ressources financières pour des armes et des munitions. Ils sont déjà très endettés. Au Conseil de l'UE, ils ont bloqué – au grand désarroi de la commissaire européenne aux affaires étrangères Kallas – un nouveau paquet de 40 milliards d'euros pour l'Ukraine. Et la Hongrie sous le Premier ministre Orbán, tout comme son homologue slovaque Fico, est de toute façon contre toute aide à l'Ukraine, même si Kiev a maintenant plus que jamais besoin de soutien.

On parle déjà à Bruxelles d'une "coalition des réticents". De plus, la même tendance que pour l'aide à l'Ukraine est également visible dans le domaine du réarmement. En matière de dépenses de défense, un fossé se creuse désormais entre le Nord et le Sud, l'Est et l'Ouest de l'UE. Alors que la Pologne dépense plus de quatre pour cent de sa production économique pour la défense, l'Espagne, qui se trouve en bas du classement, n'a consacré que 1,3 pour cent l'année dernière. L'Allemagne vient également de lancer un nouvel endettement colossal pour pouvoir soutenir son propre réarmement. Il n'y a pas d'efforts comparables dans le sud de l'UE.

L'Italie sous la présidence de Meloni vise à atteindre l'objectif de deux pour cent de l'OTAN seulement en 2029. Pas étonnant – le pays, avec une dette d'environ 135 pour cent de son produit intérieur brut, est le deuxième pays le plus endetté de l'UE. Il ne reste plus beaucoup de marge de manœuvre. Dans le gouvernement de Meloni, le partenaire de la coalition, la Lega, rejette catégoriquement tout réarmement et a voté contre la résolution relative au plan "ReArm Europe" au Parlement européen.

L'Espagne hésite également. Le budget de la défense y est traditionnellement bas, et la population est considérée comme fondamentalement pacifiste. La guerre en Ukraine n'a pas vraiment changé cela. Bien que le gouvernement soit plutôt en ligne avec l'UE, une augmentation du budget de la défense est difficile à vendre au public.

Le Portugal est également très en dessous de l'objectif de deux pour cent en matière de dépenses de défense. Mais d'autres budgets importants sont également chroniquement sous-financés, ce qui rend difficile la défense politique d'un budget de réarmement plus élevé. De plus, des élections anticipées auront lieu en mai : des dépenses de défense plus élevées ne peuvent en aucun cas constituer une promesse électorale qui attire les électeurs. (mü)

Source: Zue rst, mars 2025.

Quand Hollywood fait la chasse au comte Zaroff

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Quand Hollywood fait la chasse au comte Zaroff

Nicolas Bonnal

J’ai repris ma version de 2016 pour établir ce texte, dont j’avais écrit une première version bien avant. Je reconnais qu’en matière de russophobie, depuis, l’élève européen a dépassé le maître (l’Amérique, toujours, plus russophile avec les républicains pour des raisons établies par Todd)….

Je crois de plus en plus à une montée de la tension russo-américaine pour l’année prochaine, qui pourrait déboucher sur une catastrophe. C’est comme pour les produits dérivés ; on ne s’arrêtera pas en si bon chemin, et c’est Hollywood qui va nous éclairer à ce propos.

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Dans les années 80 et 90, Hollywood envoyait Schwarzenegger égorger des latinos en Amérique centrale ou du sud (Commando, Predator, Collateral Damage) ; ou bien, quand on avait moins d’argent, on envoyait Chuck Norris. Dans les années 90, alors que l’on prépare l’opinion aux attentats du 11 septembre et aux guerres qui s’ensuivent, on ne cesse de montrer au public des films consacrés au terrorisme islamiste. Enfin, dans les années trente, pour remonter le cours du temps, les épisodes de Buck Rogers nous initiaient au péril jaune.

Chaque fois, des guerres ont bien eu lieu. En Asie bien sûr (Japon, Corée, Vietnam et tout le reste). En Amérique centrale, en Colombie (300.000 morts tout de même), au Moyen-Orient où elles ne cessent pas, et ne cesseront peut-être jamais. Et ce que nous voyons aujourd’hui, c’est que la pression antirusse ne cesse de monter du côté de Los Angeles.

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Dans les années 80, on avait eu Rambo 2 et 3, la délirante Aube rouge, qui voyait une invasion russo-cubaine des USA. L'invasion latino a bien eu lieu, mais sous forme de réfugiés économiques.

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Il y a toujours eu pléthore de films antirusses à Hollywood, et il est bon de noter que ces films antirusses étaient rarement anticommunistes : sous Roosevelt le cinéma fut même pro-stalinien. Je me souviens d’une comédie, Jet Pilot, de von Sternberg, datant d’après d’ailleurs, narrant le mariage d’une belle pilote stalinienne avec John Wayne ! Sous Reagan aussi, Le Quatrième Protocole (1987), Double Détente (1988) ou Gorky Park (1983) ne marquaient pas, c’est le moins qu’on puisse dire, un anticommunisme viscéral. On peut rappeler aussi la Belle de Moscou qui voit Fred Astaire séduire Cyd Charisse avec son soft power. Et je ne cite pas Reds de Warren Beatty oscarisé en 1981 pour son catéchisme bolcheviste (c’est à croire que l’on attendait avec impatience la nationalisation de toutes les banques et de toutes les dettes…).

Les grands cinéastes anticommunistes comme Mervin Le Roy, l’immense McCarey ou même Kazan ont même été diabolisés ou sciemment oubliés depuis, à l’instar de Joe McCarthy.

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Les films hollywoodiens étaient plutôt antirusses, et marquaient une haine antirusse civilisationnelle, essentiellement tsariste et orthodoxe. L’Amérique comme l’Angleterre de Palmerston au 19ème siècle poursuivait la lutte de la périphérie océanique contre le pays-continent, que l’on symbolisait par le conflit de l’ours et de la baleine. L’Angleterre réussit à entraîner la France de Louis-Napoléon dans son irréelle guerre de Crimée (la charge de la brigade légère). Disraeli voulait une guerre contre la Russie en 1878, pour protéger l'empire ottoman, et l’obsession anglo-saxonne était d’empêcher la Russie d’avoir accès aux mers chaudes ou bien de se rapprocher des Indes (la thématique de McKinder). C’est une belle espionne russe qui aide Mohammed Khan à capturer les Trois lanciers du Bengale dans le film éponyme (par ailleurs œuvre préférée d’Adolf Hitler, qui s’y connaissait en racisme antirusse). Kim avec Errol Flynn tacle aussi la Russie (elle envahit l'Inde!). Le Kipling sur l'homme qui voulut être roi est aussi antirusse (le "grand jeu"…), mais pas la belle adaptation de John Huston. On pourra aussi citer Capitaine sans peur, de Raoul Walsh où un fougueux Gregory Peck se fait fouetter par un noble russe, dont il a séduit la fiancée... Encore un marin contre un terrien. Le film tourne autour de l'Alaska que le tsar Alexandre II vendit pour une bouchée de pain. Et dire qu'Alexandre aurait pu aider l'Angleterre et la France impériale à soutenir le Sud sécessionniste…

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Mais c’est le légendaire comte Zaroff (avatar de King Kong finalement) qui synthétise tous les préjugés antirusses : c’est évidemment un russe blanc, un aristocrate ; il adore chasser ; il est cruel et entouré de moujiks sordides ; et il se lance dans des chasses sadiques après avoir coulé les navires des riches yachtmen qui croisent près de son île mélanésienne. Rappelons qu’Hollywood ne dénoncera presque jamais le bolchévisme : McCarthy a essayé d’expliquer pourquoi, on a vu comment il a fini dans la fosse à purin, plus bas qu’Hitler ou presque.

Trente ans plus tard, Kubrick le russophile (voyez mon livre sur Kubrick aux éditions Dualpha) se moque un peu du racisme antirusse dans son Docteur Folamour : pour le général xénophobe qui pousse le président à une guerre totale, les Russes sont un « tas de moujiks ignorants ». Mais l’ambassadeur soviétique ne s’illustre pas par sa bonne conduite dans la War Room où il ne faut pas se battre... Dans 2001 les savants russes sont du reste des savants trompés par une conspiration américaine !

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Comme je l’ai dit déjà, il y eut une baisse de régime antirusse sous le regretté Ronald Reagan : les républicains sont devenus moins hostiles aux Russes depuis Nixon que les démocrates, ce n’est pas difficile... Et puis l’implosion du communisme, mauvais service rendu aux Anglo-Saxons (il a libéré les forces vives de la Chine, de la Russie et même de l’Inde), fait qu’en 1997 Simon Templar alias Le Saint va combattre un « oligarque ultranationaliste » qui risque de nous priver de pétrole et de liberté. A la même époque les oligarques apatrides enrichis sous l'ère Eltsine sont déjà tous à Londres ou à Megève... La même année Air Force One nous décrit l’assaut de l’avion présidentiel américain par un groupe de terroristes nationalistes. Le sulfureux Gary Oldman peut exposer son point de vue de méchant, d’ailleurs parfaitement justifié.

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Il faut attendre dix ans pour voir une nuée de films antirusses déferler sur nos écrans : Les Promesses de l’Ombre, de Cronenberg, La Nuit nous appartient, X-Files de Chris Carter. La russophobie revient avec le regain russe, comme le dit Todd dans son Après l'Empire. A chaque fois, on n’y va pas de main morte : les Russes sont des cannibales, des racistes abrutis, des trafiquants de cocaïne, ou des mafieux pathétiques qui contrôlent tout ce qui se fait du mal dans le monde (Equalizer)... Pis encore, ils vont aussi à l’église et ont l’esprit de famille...

C’est eux, et non pas d’autres, qui organisent la nouvelle traite des blanches. On se croirait au temps du terrible Ivan Grozny !

Menacent-ils la sécurité des Etats-Unis, qui aujourd’hui peut être menacée n’importe où ? Oui, pour Charlie’s Wars, écrit par Aaron Sorkin et réalisé l’an dernier par Mike Nichols, qui montre comment les Etats-Unis ont équipé les talibans pour abattre les hélicoptères de l’armée rouge. S’agit-il d’une répétition ?

La russophobie en Amérique est ancienne. On demandera à Tocqueville de la justifier, ce qu'il fait nûment à la fin du tome premier de sa Démocratie :

« Il y a aujourd'hui sur la terre deux grands peuples qui, partis de points différents, semblent s'avancer vers le même but: ce sont les Russes et les Anglo-Américains. Tous deux ont grandi dans l'obscurité; et tandis que les regards des hommes étaient occupés ailleurs, ils se sont placés tout à coup au premier rang des nations, et le monde a appris presque en même temps leur naissance et leur grandeur. »

Sources :

https://www.dedefensa.org/article/emmanuel-todd-et-le-con...

https://www.dedefensa.org/article/kubrick-et-la-question-...

https://www.dedefensa.org/article/kubrick-et-la-demence-d...

https://www.dedefensa.org/article/kubrick-et-polanski-con...

https://www.revuemethode.org/sf111630.html

 

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Un message de Pierre-Emile Blairon

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Un message de Pierre-Emile Blairon

Bonjour, chers amis,

Je vous propose aujourd'hui non pas un nouvel article, mais une réactualisation de mon statut d'auteur ( comme journaliste  et écrivain) que j'espère faire perdurer encore les quelques temps qui me restent à vivre en votre aimable compagnie, n'ayant pas d'autre objectif que de faire ce qui doit l'être avec ce que je  sais faire (plus ou moins bien, mais avec de la bonne volonté, en tout cas) en espérant que cela puisse servir à quelque chose ou à quelques-uns, maintenant ou plus tard.

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Une bonne biographie me concernant est parue sur Métapédia, il y a déjà trois ans, que je complète à la suite avec mon dernier ouvrage paru :

https://fr.metapedia.org/wiki/Pierre-%C3%89mile_Blairon

Il faut rajouter à ma bibliographie : L'emprise du mensonge, paru en novembre 2023 aux Editions du Lore.

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On peut trouver également mes ouvrages en librairie, notamment ceux édités par Ouest-France : Le guide secret d'Aix-en-Provence et alentours, Le guide secret de la Côte d'Azur et Album secret et mystérieux de la France, en collectif.

D'autres de mes ouvrages sont disponibles sur Amazon :

https://www.amazon.fr/stores/author/B004MPS7M2

ou à la FNAC, Cultura, Decitre, Furet du Nord, etc. En Angleterre chez  Troy Southgate, Arktos, Goodreads, Booknode, etc. en Espagne chez  Ratzel, en Italie chez L'Età dell'Acquario :

https://www.amazon.fr/Nostradamus-Astrologo-alchimista-me...

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Je continue à écrire des articles mêlant à la fois actualité et spiritualité ; ces articles paraissent essentiellement chez Nice Provence Info, site dirigé par Georges Gourdin et chez Euro-synergies, dirigé par Robert Steuckers.

Ces articles sont repris, pour certains, à l'international (cette diffusion tous azimuts étant le privilège d'internet) essentiellement sur les suites suivants, hors les deux sites déjà cités :

En Russie, sur le site d'Alexandre Douguine, Géopolitika :

https://www.geopolitika.ru/en/person/pierre-emile-blairon

Aux Etats-Unis, chez https://fr.sott.net/  (Sign of the Times),

chez Muck Rack : https://muckrack.com/pierre-emile-blairon/articles

Sur Réseau international : https://reseauinternational.net/  

et autres.

Amitiés, PEB

dimanche, 23 mars 2025

Parution du numéro 72 de War Raok

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Parution du numéro 72 de War Raok

EDITORIAL

Le vrai redressement

Devons-nous rendre à la nation bretonne un rôle actif, rôle qui suppose une prise de risques ? Pouvons-nous courir le danger de nous replier sur un culte exclusif du passé, sur le refus d’une histoire qui, de toute façon, se ferait sans nous, c’est-à-dire contre nous ? De toute évidence un repliement sur des complexes culturels figés signerait la baisse de vitalité de notre peuple. Nous devons vouloir la modernité, à condition de donner à ce terme le sens d’une réactualisation de notre héritage.

Maintenir une tradition figée, ou ses restes, ne suffit pas, il faut en faire un instrument de conquête et de prospection. La reconquête de notre personnalité est un signe parmi d’autres de cette attitude. Il n’est surtout pas question de renier le legs des ancêtres, mais gardons-nous du passéisme, d’une utopie régressive.

La nation bretonne suppose une juvénilité persistante de ses membres, non la relégation dans l’image faussée d’un passé désamorcé. La réactualisation des héritages, l’implantation volontaire de nouvelles traditions conformes à l’esprit communautaire, la revalorisation de notre histoire nationale, autant d’axes pour ce qui est véritablement une politique culturelle de recréation du peuple.

Cette entreprise n’est pas essentiellement de nature politique, on peut diffuser dans la mentalité collective et dans la société civile des valeurs, des idées, des images, des mythes selon des visées qui dépassent de loin le champ du politique et recherchent le plus vaste impact historique. Le but : la prise du « pouvoir culturel », indispensable à tout changement dans l’ordre du politique. Cet impact historique, c’est l’histoire de Bretagne véritable conscience du destin d’un peuple dans le temps et l’espace. Notre histoire est sans fin et au système dominant qui tente aujourd’hui de figer toute histoire dans une culture planétaire inerte, nous y opposons une philosophie dynamique et devons nous réapproprier notre passé et le mobiliser pour un projet de reconquête et de remodelage du présent. Nous atteindrons ainsi la part d’éternité qui est en nous. L’histoire est donc ce qui doit être conservé et régénéré pour que notre peuple échappe à la disparition qui le menace.

Habitués malheureusement à une représentation segmentaire du devenir historique, nous n’avons que trop sacrifié au dogme d’un progrès à sens unique. Or, le passé chronologique n’est pas le révolu. C’est tout naturellement que les générations d’autrefois se prolongent dans celles d’aujourd’hui et prennent part à notre vie présente. Nous refusons de les oublier à jamais au profit d’une quelconque fin de l’histoire. 

C’est pourquoi un retour aux sources signifie une recréation volontaire des formes sociales, linguistiques, culturelles, qui devraient nous être propres et la remise en pratique des principes qui les entretiennent. C’est donc, avant tout, une réforme de l’ordre intérieur et une régénération de la conscience.

Le peuple breton doit rester fidèle à ses attaches et à ses héritages culturels et historiques. A une époque où domine un système planétaire, l’enracinement constitue une réponse globale aux pathologies d’une civilisation mondiale paralysée et cancérisée.

Enfin, donnons au peuple breton une forme qui empêche sa disparition et permette son retour à la dynamique de l’histoire. Notre perspective est alors politique et en ce sens nous entendons l’aider à devenir une véritable communauté solidaire et renforcer sa conscience nationale. Notre volonté d’histoire et d’enracinement n’est pas un enfermement, elle s’ouvre sur la reconquête d’un espace culturel global, exigence de la géopolitique la plus réaliste. Découvrons l’authenticité d’une vue-du-monde qui rompe avec les schémas universalistes. Loin de marquer un repliement, cette attitude devrait se généraliser aux peuples-de-culture des cinq continents, victimes du même ennemi idéologique. 

Padrig MONTAUZIER.

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SOMMAIRE de WAR RAOK n° 72

Editorial, page 3

Buan ha Buan, page 4

Société

Pourquoi s’attaquer à nos pierres sacrées ?, page 8

Environnement

La non-durabilité des énergies renouvelables, page 10

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Traditions

Le Barroù Mae, une tradition du mois de mai en Bretagne, page 12

Politique

À propos du Mémoricide, page 14

Enseignement

L’esclavage numérique et la fin de l’enseignement, page 17

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Billet d’humeur

Pour que la Bretagne reste la Bretagne… et l’Europe…, page 18

Europa

Les socialistes arrivent au pouvoir en Catalogne…, page 19

Hent an Dazont

Votre cahier de 2 pages en breton, page 20

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LES CAHIERS DE L’EMSAV

Olier Mordrel : un sanglier de combat !, Page 23

Un sacrifice volontaire, page 24

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Histoire de Bretagne

Sébastien Le Balp, leader des Bonnets rouges, page 31

Nature

La loutre d’Europe en Bretagne, page 35

Lip-e-bav

Le parmentier de chou-fleur aux moules, page 37

Keleier ar Vro

Le patrimoine breton, en danger, en déshérence !, page 38

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Bretagne sacrée

Le temple de Lanleff un temple énigmatique, page 39.

* * *

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War Raok fête ses 25 années de combat pour la Bretagne !

Avec le numéro 72, la revue War Raok fête ses 25 années d’existence.

25 années de combat politique, combat pour les libertés bretonnes et l’émancipation du peuple breton, combat pour la civilisation, la pérennité de nos ethnies, de nos peuples...

Finis les projets utopiques, les sursauts libérateurs jaillis d’un autre printemps… Finis les doux rêves d’un romantique mouvement breton. L’émancipation du peuple breton, la vraie, celle qui dans un même mouvement change l’homme breton et la société, ne peut germer que dans une société nouvelle où les préoccupations matérielles n’accaparent pas totalement les esprits. Malheureusement aujourd’hui, le contexte politique enferme la plupart des Bretons dans l’individualisme, dans l’égoïsme matérialiste ou dans le désespoir.

Le nationalisme breton que l’on retrouve exprimé dans War Raok est en fait un espoir de liberté par delà des siècles de servage, un besoin d’identité qui n’a jamais été aussi fort. Vouloir être Breton aujourd’hui, c’est vouloir retrouver le sens de la communauté fraternelle, c’est vouloir maîtriser son destin, c’est vouloir exprimer sa dignité dans sa propre culture, c’est vouloir vivre ses traditions… en un mot c’est vouloir être un Breton libre, un Breton de ce temps. 

L’esprit de la revue War Raok est simple : il faut dépouiller de ses dernières guenilles passéistes le combat breton. Ce dernier doit impérativement devenir authentique et indubitable ! Aussi, la revue s’inscrit dans une démarche souverainiste bretonne, un souverainisme breton qui doit demeurer frontal.

La muraille du mépris édifiée par les divers gouvernements français depuis des siècles se lézarde sérieusement. C’est l’occasion de réaffirmer nos revendications de justice, de liberté et sortir définitivement des abysses dans lesquels l’État français nous entraîne.

Pour la rédaction de War Raok,

Padrig Montauzier, directeur de publication.

 

Prévisions cliodynamiques

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Prévisions cliodynamiques

par Georges Feltin-Tracol

N’en déplaise aux Occidentaux décadents qui se croient exceptionnels, la culture russe suscite toujours des personnalités étonnantes qui osent comprendre le monde d’une autre façon. Le mathématicien Anatoli Fomenko imagine le récentisme (ou « nouvelle chronologie ») dont les interprétations historiques restent sujettes à caution. En 2011, Le Cherche-Midi traduisait et publiait un ouvrage remarquable d’Alexandre P. Prokhorov, Le modèle russe de gouvernance, une étude non-conformiste qui explique pourquoi et comment la société russe souvent désorganisée, voire chaotique, parvient néanmoins à travers l’histoire à réaliser de grandes prouesses.

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Né en 1957 en URSS, Piotr Valentinovitch Tourtchine émigre en 1977 aux États-Unis. Il travaille dans l’enseignement supérieur en écologue spécialisé dans la dynamique des populations des coléoptères et des mammifères. Ses obligations professionnelles le conduisent à recourir à l’outil informatique ainsi qu’aux biomathématiques. Cependant, en esprit curieux, il ne se limite bientôt plus à son seul champ de compétence. Il s’élargit aux événements historiques et à la mobilité des groupes sociaux au sein des sociétés industrialisées. Il conçoit la cliodynamique.

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On sait qu’à la fin des années 1920, l’école française des Annales, en référence à la revue d’abord intitulée Annales. Histoire, Sciences sociales, encourageait l’histoire sérielle ou quantitative, c’est-à-dire une histoire socio-économique d’après l’utilisation systématique des sources statistiques. Sur ce modèle et en utilisant la rigueur scientifique et les premiers ordinateurs, des historiens, outre-Atlantique, lancèrent la cliométrie, soit l’analyse historique à partir des théories économiques et des données économétriques dont les statistiques.

Devenu Peter Turchin, l’ancien émigré soviétique mentionne volontiers la psychohistoire de Hari Seldon imaginée par l’auteur étatsunien de science-fiction Isaac Asimov (1920 - 1992) dans sa célèbre saga de cinq - sept volumes : Fondation. Seldon voit la psychohistoire comme la prévision, inspirée de la physique statistique, de l’histoire humaine en s’appuyant sur les faits sociaux et la psychologie des individus. Mais ses prospectives spéculatives sur l’avenir sans encore connaître les implications de la théorie du chaos ignorent l’irruption du Mulet, un mutant aux pouvoirs psychiques redoutables.

Dans Le chaos qui vient. Élites, contre-élites et la voie de la désintégration politique (Le Cherche-Midi, 2024, 450 p., 23 €), Peter Turchin pense qu’« une science de l’histoire est non seulement possible, mais aussi et surtout précieuse : elle nous permet d’anticiper l’effet de nos choix collectifs présents sur l’amélioration de notre futur ». En croisant les applications mathématiques, les logarithmes et la modélisation informatique, la cliodynamique serait par conséquent une psychohistoire qui sait se déployer dans trois dimensions.

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Plus concrètement, Peter Turchin propose une « approche structuralo-dynamique » adaptée aux systèmes complexes de la vie sociale. Pour lui, « la cliodynamique […] exploite les méthodes de la science des données, en appréhendant les sources historiques, compilées par des générations d’historiens, comme le big data. Elle se sert de modèles mathématiques pour cartographier le réseau d’interactions entre les différentes “ pièces mobiles “ des systèmes sociaux complexes que sont nos sociétés ». En examinant les résultats des ordinateurs à calcul, il considère que « l’effondrement d’un État, à savoir la désintégration soudaine du réseau de pouvoir régissant une société, est un phénomène fréquent ». Sociologue pour l’occasion, il désigne les élites comme les « individus les plus riches en pouvoir social ». Il détermine l’existence simultanée de quatre pouvoirs sociaux structurant ces sociétés complexes : le pouvoir de coercition, le pouvoir de la richesse ou, plus précisément, de l’accumulation des ressources matérielles, le pouvoir bureaucratique administratif et le pouvoir de l’idéologie qui passe en priorité par la persuasion. Pouvoirs et élites constituent des réseaux plus ou moins solides autour de fortes personnalités ou d’intérêts communs.

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L’auteur n’a pas peur d’employer les termes de « ploutocratie » et d’« oligarchies » pour décrire les États-Unis. En effet, « la classe dirigeante américaine est une coalition des plus riches (1%) et des plus diplômés (10%) ». Par conséquent, « aux États-Unis, le pouvoir est étroitement lié à la richesse ». Il entend étudier les premiers effets de « la situation révolutionnaire des États-Unis ». Ce serait la troisième fois que les États-Unis connaîtraient cette situation après les décennies 1850 – 1860 marquées par la Guerre de Sécession, et les années 1920 – 1940 caractérisées par le consulat présidentiel de Franklin Delano Roosevelt et son New Deal. Il convient volontiers que « les factions oligarchiques se caractérisent par une relative fluidité, et les oligarques changent d’alliance au gré du contexte du moment ». Il argumente son point de vue en donnant l’exemple de l’Ukraine d’avant 2022. Les oligarques s’y « sont dispersés en plusieurs factions, opposées les uns aux autres et s’armant, dans leurs batailles, de politique électorale, de saisies semi-légales et même de prison ».

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Même si l’auteur veut généraliser sa méthode aux autres sociétés, en particulier occidentales, sa démarche concerne surtout le pays de l’Oncle Sam. Il remarque que « conjuguée à l’appauvrissement des classes populaires, la surproduction d’élites et les conflits internes ainsi engendrés ont progressivement miné notre cohésion civique, le sens de la coopération nationale sans lequel les États pourrissent rapidement de l’intérieur ». Il note en outre que « les démocraties sont particulièrement vulnérables à la subversion ploutocratique ». Il annonce par ailleurs qu’« une évolution encore plus inquiétante est à voir dans la transition, au sein des démocraties occidentales, de “ systèmes de partis basés sur les classes “ à des systèmes de partis multi-élites “ ».

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Le chaos qui vient sort aux États-Unis en 2023. Peter Turchin a pris acte de la présidence de Donald Trump entre 2017 et 2021. Il relève déjà que « les républicains sont en pleine transition pour devenir un véritable parti révolutionnaire ». Il présente même J. D. Vance, alors sénateur néophyte de l’Ohio, comme un élément-clé de cette transition. Il le dépeint en figure de proue du courant national-conservateur. Peter Turchin ignorait que Vance deviendrait le vice-président de Donald Trump…

La cliodynamique appartient-elle à la collapsologie si bien travaillée par Dmitry Orlov, lui aussi originaire de l’Union soviétique et arrivé aux États-Unis en 1974 ? Peter Turchin prévient d’un effondrement prochain sans s’attarder sur les suites plausibles. Dommage, car il aurait pu enfin faire entrer le survivalisme à l’université.  

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 148, mise en ligne le 19 mars 2025 sur Radio Méridien Zéro.

Parution du n°4 de la revue Sparta: le Fascisme comme phénomène européen

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Parution du n°4 de la revue Sparta: le Fascisme comme phénomène européen

Volume 4, 352 pages, 29 €

Sparta est une revue théorique d’orientation païenne, racialiste et identitaire, fondée en novembre 2020. Sous-titrée « Ordre vital – Perspective ethnoraciale – Critique sociale », la revue entend remplir une fonction décisive d’approfondissement doctrinal et de transmission de l’héritage ancestral indo-européen, et contribuer à « tout faire pour se réapproprier un héritage doctrinal et spirituel précis sans jamais passer par les filtres de la culture dominante ». Elle est publiée par les Éditions Aidôs.

SOMMAIRE :

La rumeur du monde et la relance de Sparta

Dossier : le fascisme comme phénomène européen

Première partie

Au cœur du phénomène fasciste

Philippe Baillet: Optimisme fasciste et pessimisme traditionaliste

Enzo Erra: Le sens ultime du fascisme

Enzo Erra: Tradition et intervention

Adriano Scianca: La « modernité païenne » de Benito Mussolini

Adriano Romualdi: Réflexions sur l’histoire et sur le fascisme

Documents

La page « Diorama filosofico »

Hymne de la Decima Mas

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Seconde partie

À la périphérie du phénomène fasciste

René Dupuis & Alexandre Marc: À l’ombre de la croix gammée (extraits d’un livre paru en 1933)

Maurice Bardèche: Ce qu’aurait été l’Europe de Hitler

Philippe Baillet: Éclipse et retour de la tradition. Sur les racines spirituelles du Mouvement légionnaire roumain

Robert Poulet: Comment passa la dernière chance de l’Europe

Emil M. Cioran: Le peuple juif, entre universalisme et strict particularisme

Robert Poulet: Adieu au fascisme

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Nécrologies

Laszlo Toth (1934-2021)

Renato Del Ponte (1944-2023)

Jean Haudry (1934-2023)

Jean-Paul Allard (1940-2023)

Roberto Fondi (1943-2024)

Pierluigi Zoccatelli (1965-2024)

Comptes rendus

Georges-Henri Soutou, Europa ! Les projets européens de l’Allemagne nazie et de l’Italie fasciste, par Gérard Boulanger

Thierry Bouclier, La Gauche ou le monopole de la violence. De 1789 à nos jours, par David Rouiller

Antoine Dresse, Le Réalisme politique. Principes et présupposés, par David Rouiller

Andrea Scarabelli, Vita avventurosa di Julius Evola. Una biografia, par Gérard Boulanger

Olivier Moos, Le Guide du réac. Comment perdre ses amis et mourir seul, par David Rouiller

Les auteurs de ce volume

Disponible sur Akribeia:

https://www.akribeia.fr/revues/2505-sparta-vol-4.html

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Les vues géopolitiques de James Burnham

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Les vues géopolitiques de James Burnham

Federico Bordonaro, Ph.D.

Source: https://www.linkedin.com/pulse/james-burnhams-geopolitica...

Le parcours de James Burnham, au départ trotskyste puis stratégiste de la guerre froide, a connu une transformation radicale. Dans les années 1930, il était un intellectuel marxiste, mais dans les années 1940, il est devenu l'un des critiques les plus virulents du communisme, préconisant une stratégie agressive des États-Unis pour contrer l'influence soviétique.

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Son premier ouvrage important, The Managerial Revolution (1941 - en français: L'ère des organisateurs), prédisait un monde dominé par trois super-états: un bloc dirigé par les États-Unis, un noyau germano-européen et une sphère japonaise-asiatique. Il sous-estimait la résilience de l'Union soviétique, s'attendant à ce qu'elle se fragmente. Cependant, son point de vue géopolitique en évolution l'a conduit à considérer le stalinisme non pas comme une distorsion du marxisme, mais comme son aboutissement logique.

L'adoption du réalisme politique par Burnham a été façonnée par des penseurs comme Machiavel et Pareto. Dans Les Machiavéliens (1943), il a soutenu que la politique est motivée par des luttes de pouvoir, et non par des idéaux moraux. Les élites dirigeantes, affirmait-il, maintiennent le contrôle par des mythes politiques et consolidant leurs intérêts sectoriels, plutôt que par un engagement envers des principes démocratiques.

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En 1947, dans La Lutte pour le monde, Burnham avait formulé une vision claire des enjeux de la guerre froide: l'Union soviétique visait à la domination mondiale, utilisant l'idéologie comme un outil d'expansion géopolitique. Il interprétait les mouvements de Staline à travers le prisme de la théorie du Heartland continental d'Halford Mackinder, voyant la poussée de l'URSS en Europe, au Moyen-Orient et en Asie comme partie d'une grande stratégie pour contrôler la masse continentale eurasiatique.

Burnham a divisé l'expansion soviétique en cercles concentriques. Le premier incluait des États satellites comme la Mongolie et les nations baltes; le deuxième comprenait des zones contestées comme l'Allemagne de l'Ouest et le nord de la Chine; le troisième impliquait des pays vulnérables à l'infiltration idéologique soviétique, tels que l'Italie, la Grèce et l'Amérique latine. Pour contrer cela, affirmait-il, les États-Unis devaient faire davantage que contenir le communisme: ils devaient l'éliminer.

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Il critiquait la politique étrangère initiale de l'administration Truman car il la considérait naïve, parce qu'elle posait l'URSS comme une puissance traditionnelle plutôt que comme un empire idéologique expansionniste. Bien qu'il ait reconnu que la doctrine Truman marquait un changement vers une position plus ferme, il a averti que le seul endiguement ne suffirait pas. La victoire dans la guerre froide nécessitait de saper l'influence soviétique, et pas seulement de limiter sa propagation.

Les idées de Burnham ont influencé toute la politique américaine ultérieure, notamment l'approche agressive de Reagan pour affronter l'URSS dans les années 1980. Sa vision de la géopolitique, façonnée par le réalisme classique et la prévoyance stratégique, reste aujourd'hui un outil puissant pour comprendre les dynamiques de pouvoir dans le monde.

Pour en savoir plus sur cet auteur et d'autres penseurs géopolitiques anglo-américains, cliquez ici : https://federicobordonaro.blogspot.com/2023/09/la-geopoli...

vendredi, 21 mars 2025

L'avancée du monde multipolaire se poursuit, malgré les revers en Europe et dans le monde arabe

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L'avancée du monde multipolaire se poursuit, malgré les revers en Europe et dans le monde arabe

La chute de la Syrie et le comportement de l'UE ne peuvent pas arrêter l'inévitable

Brecht Jonkers

Source: https://brechtjonkers.substack.com/p/advance-of-multipola...

Cela ne parait sans doute pas toujours évident, mais dans l'ensemble, le monde avance dans la bonne direction, surtout comparé aux âges d'obscurité géopolitique des trente dernières années.

Le principal problème qui peut assombrir notre espoir pour l'avenir est la situation qui règne dans les deux régions du monde où tout s'est apparemment détérioré au-delà de toute possibilité de redressement : le monde arabe et l'Europe.

Le monde arabe, depuis la chute de la Syrie et le partage subséquent du pays entre Israël, les États-Unis et la Turquie, est dans un état de crise sévère depuis plusieurs mois. Probablement l'un des pires états dans lesquels la région ait été depuis la Naksa de 1967.

Israël semble régner en maître, occupant des parties significatives du Liban et de la Syrie et commandant directement le "nouveau gouvernement syrien" à Damas, en collaboration avec l'administration félone d'Erdoğan.

Alors qu'Israël occupe Quneitra et se trouve aux portes de Damas, le "gouvernement" du HTS a envahi le Liban à deux reprises jusqu'à présent et a assassiné ceux qui luttent contre l'occupation sioniste de leur propre terre.

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La puissance arabe la plus forte qui se dresse actuellement sur le chemin de la domination sioniste est le Yémen. Et pour cela, les Yéménites saignent chaque jour. Sion a entraîné les États-Unis dans un état de guerre ouverte de facto contre le Yémen et au bord de la guerre totale contre l'Iran par extension.

Le deuxième fait désespérant dans cette équation est l'Europe. Actuellement dirigée par des troglodytes assoiffés de sang, l'Union européenne (à l'exception de quelques nations résistantes comme la Hongrie et la Slovaquie) cherche activement à déclencher la Troisième Guerre mondiale. Des plans mégalomaniaques pour une militarisation rapide sont en cours, financés par des réductions budgétaires et des mesures d'austérité que l'on n'a pas vues depuis le règne de Thatcher au Royaume-Uni. Certains pays de l'UE sont même prêts à ruiner toute leur économie pour ce projet belliqueux, allant jusqu'à proposer de vendre leurs propres réserves d'or stratégiques juste pour obtenir un peu d'argent liquide afin d'acheter des avions et des canons. Pendant ce temps, l'Allemagne relance la production de chars afin de pouvoir revenir dans le Lebensraum à l'est.

Il est facile de perdre espoir face à la situation qui règne dans ces deux zones du monde. Mais le fatalisme est l'ennemi de l'activité révolutionnaire, et y céder serait comparable à une capitulation.

Ne vous y trompez pas. Le match actuel de l'histoire est celui du progrès et de l'amélioration.

Le monde multipolaire avance. La Chine, la Russie et l'Iran ont renforcé leurs liens mutuels au-delà de tout ce qui a été vu auparavant. Une grande partie de l'Eurasie s'unit sur la base du respect mutuel, de la non-intervention et de la souveraineté nationale. L'Afrique se lève, les États du Sahel s'unissant sous la bannière de Thomas Sankara.

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Les États-Unis ne perdent pas seulement du terrain en tant qu'ancien hégémon mondial, risquant également un effondrement sociétal en tant qu'État ; ils sont maintenant arrivés à un point où même le gouvernement américain admet qu'il perd rapidement, que le pays est dans un état de crise sévère et qu'il ne peut plus maintenir la position de "maîtriser le monde".

L'impérialisme s'effondre, mais dans ses dernières étapes, il montre ses griffes encore plus férocement qu'auparavant. Nous devons être préparés à faire face à cela alors que la transition vers un nouveau monde se déroule.

14:53 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, europe, monde arabe, multipolarité | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Macron renifle le nouveau sac d’argent allemand

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Macron renifle le nouveau sac d’argent allemand

Wolfgang Hübner

Source: https://www.pi-news.net/2025/03/macron-schnueffelt-am-neu...

Cela figurait effectivement en première page du FAZ (Frankfurter Allgemeine Zeitung) de ce lundi : « La députée écologiste Paula Piechotta, membre de la commission des finances, a déclaré au FAZ concernant le compromis trouvé que jamais auparavant une parti d'opposition n'avait été aussi puissant que les Verts. 'La petite coalition sera un gouvernement parla grâce des Verts, et c'est amer à avaler. Si Friedrich Merz négocie aussi mal qu'il l'a fait ici, alors que Dieu nous vienne en aide' ».

Pour être franc, j'ai dû lire deux fois cette évaluation accablante du fraudeur électoral à succès pour croire ce qui était écrit dans ce journal qui, pourtant, soutient politiquement Merz. Cela a dû être particulièrement apprécié en France, pays qui est désespérément surendetté.

Par conséquent, son président, le grand bonimenteur Macron, s'est immédiatement mis en route et s'est rendu à Berlin le soir même de l'approbation par le vieux Bundestag de la militarisation et des mégacrédits de Merz. Car le Français a désespérément besoin d'un partenaire solvable pour pouvoir jouer de manière crédible son rôle espéré de nouveau leader de l'Europe dans la lutte contre la Russie (et contre Trump).

Et quoi de plus facile que de soutirer de l'argent aux idiots d'Allemands par l'intermédiaire d'un autre grand bonimenteur ? Après tout, la force nucléaire française n'est pas bon marché.

Il est maintenant également prévu de développer une quatrième base de missiles nucléaires pour 1,5 milliard d'euros, et cela, tout à fait par coïncidence, non loin de la frontière allemande. Merz, qui aimerait tant avoir des bombes atomiques tout comme son grand ami dans son propre parti, Roderich Kiesewetter, ne manquera certainement pas de financement – la caisse d'endettement est maintenant pleine à craquer.

Trump joue la carte ukrainienne – et l'Europe se contente d'être spectatrice

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Trump joue la carte ukrainienne – et l'Europe se contente d'être spectatrice

Un appel téléphonique entre Trump et Poutine était prévu cette semaine

Elena Fritz

Source: https://www.pi-news.net/2025/03/trump-spielt-die-ukraine-...

Si Donald Trump a un talent particulier, c'est celui de transformer la scène mondiale en un échiquier sur lequel il déplace les pièces avec un sourire, pendant que ses adversaires étudient encore les règles. Dimanche, deux de ses plus proches alliés – Steve Witkoff, émissaire spécial pour le Moyen-Orient, fraîchement revenu de Moscou, et Mike Waltz, conseiller en sécurité avec un visage impassible qui pourrait même rendre Poutine jaloux – ont levé un peu le voile dans les médias américains. Le message : les négociations entre Washington et Moscou concernant l'Ukraine sont en plein essor, et Trump contrôle la situation.

Witkoff, dans le studio de CNN de State of the Nation, a laissé échapper une partie de l'information : un appel entre Trump et Poutine avait été prévu cette semaine – lequel a été « positif » et « bon », comme il l'avait promis. En réponse à la question de savoir quand un accord pourrait être sur la table, il a parlé de « quelques semaines ». Cela ressemble à un homme qui sait que le temps presse – et que Trump n'a pas l'intention de poursuivre le jeu éternellement. Mais ensuite, les choses sont devenues intéressantes. En réponse aux demandes russes concernant la reconnaissance des quatre régions ukrainiennes occupées, Witkoff a fait une déclaration fracassante: « Ces régions sont cruciales. Nous parlons avec l'Ukraine, avec les Européens – la France, le Royaume-Uni, la Norvège, la Finlande – et bien sûr avec les Russes. » Tout ce qu'il faut pour un cessez-le-feu est sur la table.

Trump comme maître d’école de l'Europe

Cela ressemble à une concession à Moscou, ce qui fait dresser les cheveux des faucons européens. Mais attention ! Quiconque connaît Trump sait que l'homme ne joue jamais sur un seul niveau. L'Ukraine pourrait n'être qu'un pion pour forcer les « partenaires » européens – ou plutôt : les freins transatlantiques à son projet – à se soumettre. Witkoff a ensuite laissé tomber le masque sur CBS, émission Face the Nation, en infligeant une gifle verbale à Emmanuel Macron. Le Français avait osé remettre en question la volonté de paix de Poutine. « C’est regrettable lorsque des gens sans connaissances internes posent des jugements », a rétorqué Witkoff. Traduit en langage direct et non soutenu : "Ferme-la, Emmanuel, j'ai regardé Poutine dans les yeux – pas toi".

Le message est clair : Trump veut forcer les Européens à la table des négociations, les mettre en lumière et démasquer leur hystérie russophobe pour ce qu'elle est – un vestige des temps de Biden. Et la stratégie pourrait fonctionner. Même le chef de l'OTAN, Mark Rutte, généralement un maître ès-loyauté obséquieuse pour l'alliance, semble avoir déjà changé de chaussures. Opportunisme ou prise de conscience ? À Bruxelles, il faudra se préparer à des temps difficiles.

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Waltz se moque des critiques

Alors que Witkoff remet les Européens à leur place, Mike Waltz ne laisse aucun doute sur le fait que Trump a le dessus lors d’une interview sur Fox News. Lorsque l’animatrice Jackie Heinrich agite un prétendu « document secret » – des intellectuels européens prétendant que Poutine joue au chat et à la souris avec Trump –, Waltz explose de rire : « C'est presque ridicule. Trump est à des kilomètres devant Xi, Kim et Poutine. » Mais ensuite, il devient sérieux : les discussions avec Poutine vont au-delà de l'Ukraine. « Les Russes veulent-ils continuer à se saigner dans une guerre de tranchées, ou revenir à la table de la raison ? C'est là la question. »

C'est là que se manifeste la marque de fabrique de Trump: il utilise l'Ukraine comme levier pour discipliner non seulement Poutine, mais aussi l'Europe. Les quatre régions ? Une monnaie d'échange. Un cessez-le-feu ? Possible. Mais l'objectif ultime est un nouvel accord avec la Russie – et une Europe qui soit joue le jeu, soit regarde le monde tourner sans elle. Les semaines à venir montreront si Trump bluffe ou s'il a un as dans sa manche. Une chose est certaine: cela ne sera pas ennuyeux. Et les élites européennes pourraient bientôt se rendre compte qu'elles ne sont même plus des figurants dans ce jeu.

Rencontre d’Éric Rohmer et de Jean Parvulesco

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Rencontre d’Éric Rohmer et de Jean Parvulesco

Nicolas Bonnal

Jean Parvulesco a traversé l’âge doré du cinéma français (les années soixante et soixante-dix donc) comme un agent secret et un grand initié discret. Tous ces maîtres plus ou moins célébrés et reconnus réveillèrent une France cinématographique endormie par l’académisme de l’après-guerre (Lourcelles…) et l’Amérique. Et c’est elle qui se mit à inspirer l’Amérique, le tout grâce à un savant et pétillant mélange d’avant-gardisme et d’esprit réactionnaire (voyez notre texte sur la nouvelle vague). La France sous coupe réglée technocratique commençait à disparaître mais il restait quelque chose à anéantir encore. Cet heureux temps n’est plus.

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Jean me disait que l’autre lui devait tout, lui et bien d’autres encore. Il est clair en tout cas qu’ils ne surent ou ne voulurent pas l’utiliser, et que celui qui eût mieux pu le révéler était Rivette, et son obsession pour les conspirations et les mondes secrets. Toujours est-il que personne ou presque n’a vu Rivette et qu’en Amérique du sud j’ai pu voir ou revoir dans les Alliances françaises (que ce mot fait vétuste…) tous les Rohmer qui, en tant qu’ancien prof, avait bien su se faire distribuer. Il y avait d’un côté l’élitisme discret, de l’autre, cette popularité de festival, qui s’interrompit le jour où notre courageux géant régla son compte à notre Révolution dans l’Anglaise et le duc. Là les yeux de certains se dessillèrent et on tempêta contre l’intrus qui remettait en cause l’essentiel : la dictature culturelle de la gauche caviar.

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Envoutant et petit-bourgeois (je le dis presque élogieusement), le cinéma d’Éric Rohmer a célébré la terre de France comme personne, arpentant souvent du reste des lieux que je connaissais (que nous connaissions tous) enfant, quand ils n’étaient pas encore trop profanés (car le temps de Farrebique est loin…) : on eut le lac d’Annecy dans le Genou de Claire, le jardin des Buttes-Chaumont dans la Femme de l’aviateur, le coin de Ramatuelle dans la Collectionneuse, la région de Clermont dans ma Nuit chez Maud, plus grise et sinistre, encore industrielle. N’oublions pas Dinard et Saint-Malo dans Pauline ou le Conte d’été, le meilleur de la série.

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Rohmer a le mieux exprimé son lien avec les paysages et la géographie sacrée, façon Jean Phaure, dans le Rayon vert, tourné au pays basque et à Biarritz. J’avais lu le roman initiatique et voyageur de Jules Verne grâce à Gilbert Lamy et remis mon exemplaire à Jean, qui ne l’avait pas connu jusque-là. Ce film montre admirablement le basculement enchanteur de la dépression, du monde qui ne signifie rien, à celui de la géographie magique et du sixième sens amoureux.

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Éric Rohmer essayait de se protéger en protégeant la France avec sa caméra : c’est là que l’on redécouvre Reinette et Mirabelle, l’Arbre, le Maire et la Médiathèque, qui narre la lutte de l’inévitable Lucchini contre la mégalomanie bâtisseuse des années Mitterrand. Dans ce film de résistance politique, on découvre Parvulesco s’entretenant sur le « grand initié » qui se situe « dans ma dialectique à la droite de l’extrême-droite ». C’est vrai que depuis le départ de Mitterrand on a senti une accélération du processus de désintégration ontologique et physique de la France : effets de la construction européenne et du départ de ce bienveillant protecteur qui entretenait aussi une relation magique et tellurique avec sa terre.

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Le cinéma de Rohmer avait une dimension magique et tellurique, presque initiatique. On le comprenait par la beauté des images de Nestor Almendros (photo) qui malheureusement se sépara du maître au cours des années 80. La splendeur des images de Perceval (plus grande entreprise cinématographique de l’époque avec Apocalypse now, avait dit Joël Magny), de Claire et de l’incroyable Marquise d’Ô en témoignent. Dans son beau livre de mémoires Almendros, artiste hispano-cubain promis à un bel oscar pour le meilleur Malik, raconte que même le directeur de la photo de Kubrick, John Alcott en personne, lui avait demandé comment il s’y était pris pour ses fameux (mais moins que ceux de Barry Lyndon) éclairages à la bougie ; et on se prend comme Jünger à regretter Soixante-dix qui s’efface. Epoque libre, libertaire, païenne, aventurière (ô les Odyssées de Schroeder, autre ami de Parvulesco)…, les Seventies nostalgiques souvent et rebelles toujours se révèlent comme notre préhistoire maintenant. En marge du cinéma libre et des grands westerns révisionnistes, C’est THX 1138, Woody et les robots ou Roller Ball qui ont triomphé, et bientôt Soleil vert.

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La décennie soixante-dix, c’est aussi l’époque de Tarkovski cet autre maître traditionnel perdu dans l’entropie du système soviétique agonisant (et tolérant, finalement, comme je l’ai montré dans mon livre sur le folklore dans le cinéma soviétique). Le grand cinéma d’auteur européen disparaissait, qui avait génialement suppléé à l’effondrement de la Tradition : revoyez dans ce sens l’abominable début du Ginger et Fred de Fellini qui montre que l’Italie a disparu comme ça, en quelques années, au début des années 80. Fini son cinéma aussi comme on sait.

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Rohmer n’était pas un pleurnichard et, lui, il a tenu bon en célébrant jusqu’à la fin (j’allais écrire la faim) le vieux Paris, les villes nouvelles pour jeunes enracinés (L’ami de mon amie), les avanies de nos territoires protocolaires. C’est là que son ami Paul Virilio écrivit :

« Je considère qu’après la dissuasion militaire (Est-Ouest), qui a duré une quarantaine d’années, nous sommes entrés, avec la mondialisation, dans l’ère d’une dissuasion civile, c’est-à-dire globale. D’où les interdits si nombreux qui se multiplient aujourd’hui (exemples : un des acteurs de La Cage aux folles déclarant qu’aujourd’hui on ne pourrait plus tourner ce film ; ou mon ami Éric Rohmer à qui son film, L’Astrée, a valu un procès, un président de conseil régional l’attaquant pour avoir déclaré que L’Astrée — le film — n’a pu être tourné sur les lieux du récit engloutis par l’urbanisation, tu te rends compte ?). Donc je suis très sensible au fait que nous sommes des Dissuadés. »

Que le pauvre Rohmer ait été poursuivi pour avoir simplement déclaré que nous avions saccagé ou fait disparaître nos paysages est finalement un hommage rendu à sa grandeur et à son courage.

Pour le reste il faut aussi comprendre qu’il est trop tard pour s’adonner à la pleurnicherie nostalgique. Nous sommes trop avancés dans le néant pour ça, en France ou ailleurs.

Si j’avais un moment de Rohmer à recommander, pour terminer sur une note plus sereine, ce serait l’Heure bleue. C’est l’heure la plus silencieuse de Zarathoustra mise à portée des jeunes filles en fleur, ou le coin où l’espace et le temps se touchent, comme dit Guénon en évoquant Wagner.

Sources:

https://www.dedefensa.org/article/paul-virilio-et-lere-de...

https://www.dedefensa.org/article/parvulesco-et-le-secret...

https://www.dedefensa.org/article/nouvelle-celebration-de...