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mardi, 10 novembre 2015

Un entretien entre Franck Abed et Georges Feltin-Tracol sur Maurice Bardèche

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Un entretien entre Franck Abed et Georges Feltin-Tracol sur Maurice Bardèche

Ex: http://synthesenationale.hautetfort.com

Roland Hélie, directeur de Synthèse Nationale, avait eu l’amabilité de m’adresser le livre intitulé Bardèche et l’Europe de Georges Feltin-Tracol, publié en 2013. Pour différentes raisons, je ne l’avais pas encore lu et étudié. C’est chose faite maintenant.

Je dois dire que la pensée de Bardèche, en tant que catholique et royaliste, m’est assez éloignée. Pourtant, cela ne m’empêcha point de lire et de grandement apprécier l’excellent Sparte et les Sudistes. En tant que défenseur de l’héritage capétien, partisan de la monarchie universelle et admirateur de l’Europe Impériale, toutes les questions doctrinales et intellectuelles sur l’Europe m’attirent et m’intéressent grandement. Une fois le livre lu, je voulais en savoir plus. J’ai donc demandé à mon ami Roland de me mettre en relation avec l’auteur. Quelques jours après, je recevais un appel téléphonique de Georges Feltin-Tracol. Une longue et sympathique discussion s’en suivit au cours de laquelle nous abordions à battons rompus, Bardèche, l’Europe, l’Empire, le solidarisme, la théocratie, la « droite » en France et les raisons de son échec, les monarchies etc. Ne voulant pas en rester là, je proposais à mon interlocuteur de poursuivre notre échange. Voilà la raison de cet entretien...

Franck ABED

Franck Abed : Maurice Bardèche le jacobin, l’admirateur de la Grande Révolution et des soldats de 1793, a toujours défendu l’idée européenne. N’est-ce pas contradictoire ?

Georges Feltin-Tracol : Avant de répondre à cette question, il faut prévenir le lecteur que Maurice Bardèche est d’abord connu pour avoir défendu toute sa vie son meilleur ami et beau-frère Robert Brasillach dont l’exécution, le 6 février 1945, le traumatisa et transforma un paisible universitaire spécialiste de la littérature française du XIXe siècle en un ardent polémiste et farouche contempteur de l’ordre du monde surgi à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

L’idée européenne chez Maurice Bardèche est surtout développée dans sa conférence, « L’Europe entre Washington et Moscou » (disponible dans « Maurice Bardèche l’insoumis 1998 - 2013 », dans les Cahiers des Amis de Robert Brasillach, n° 51 - 52), à Anvers en avril 1951, dans L’œuf de Christophe Colomb (1952) et, plus succinctement, dans Les temps modernes (1956), et le fameux Sparte et les Sudistes (1969). Il faut se souvenir qu’en pleine Guerre froide, le succès notable de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier) en 1951 incite les responsables européistes à envisager deux autres communautés européennes complémentaires, la première pour la défense — sous-entendue contre l’URSS — : la CED (Communauté européenne de défense) et la seconde, politique, la CEP (Communauté européenne politique). Le violent débat sur la CED porte sur le caractère supranational de l’armée européenne, son degré d’intégration de cette armée dans l’OTAN, créée en 1950, et la remilitarisation de l’Allemagne occidentale.

La CED divise toute la classe politique, hormis le PCF et le RPF gaulliste qui lui sont hostiles. Par ses interventions fréquentes, Maurice Bardèche entend contribuer aux discussions publiques en soutenant le projet. Parallèlement, Rivarol se montre lui aussi favorable à ce projet, au contraire de Jeune Nation.

Quand on retrace la généalogie contemporaine de l’idée européenne, on relève l’absence de contradictions avec l’héritage révolutionnaire française dans lequel a grandi le jeune Bardèche. Dans l’opposition jusqu’en 1875, les républicains français sont bellicistes, expansionnistes, nationalitaires, c’est-à-dire favorables à une Europe des nationalités libres qui exista un temps lors du « Printemps des peuples » de 1848. Nonobstant son (néo)fascisme assumé, Maurice Bardèche s’inscrit dans cette tradition politique. Le paradoxe n’est d’ailleurs qu’apparent puisque l’historien italien Renzo de Felice a bien démontré que les principales racines idéologiques du fascisme provenaient du nationalitarisme mazzinien. En admirateur de Metternich et de la Sainte-Alliance, Julius Evola le reconnaissait volontiers.

FA : Pourriez-vous préciser ses grandes inclinations intellectuelles sur l’Europe ?

bardèche.jpgGF-T : Maurice Bardèche ne fait pas œuvre d’historien. Il puise dans l’histoire des exemples marquants. Quand il rédige L’œuf de Christophe Colomb, il a en tête deux visions d’Europe inachevées ou avortées : l’Europe de la Grande Nation de Napoléon Ier et celle des volontaires européens sur le front de l’Est de 1941 à 1945, la première étant plus prégnante dans son esprit que la seconde.

En 1993, dans ses Souvenirs, des mémoires qui s’arrêtent volontairement à 1958, Maurice Bardèche revient sur son européisme et, dépité par la construction technocratique et marchande de l’Union pseudo-européenne, exprime toute son admiration pour les thèses de Thatcher sur une simple organisation intergouvernementale. En creux s’affirme l’acceptation d’une « France seule » chère à Charles Maurras, constat d’une immense déception et d’une occasion manquée.

FA : L’idée européenne promue par Bardèche est-elle encore défendue par des acteurs politiques contemporains ? Si oui lesquels ? Si non, pourquoi ?

GF-T : Quand on lit avec attention les positions de Maurice Bardèche sur l’Europe, on remarque tout de suite qu’il n’imagine pas un super-État continental centralisé. Mieux que l’économie (Jean Monnet) ou la culture (Denis de Rougemont), il a compris que les meilleurs facteurs d’une réelle cohésion européenne passeraient par la diplomatie et la défense.

« Babar » comme le surnommaient affectueusement les rédacteurs de sa revue, la très mal-nommée Défense de l’Occident, n’est pas un théoricien, ni un constitutionnaliste et encore moins un juriste de profession ; il se veut pragmatique. Il conçoit ainsi une Confédération européenne des États nationaux qui ne concentrerait que quelques attributs, mais des attributs régaliens primordiaux : le domaine militaire et les relations internationales. Cette idée de confédération limitée à ses seules fonctions n’est pour l’heure défendue par personne. Dans les années 1980, l’ancien ministre Michel Jobert exposait cette vision dans le cadre de son Mouvement des démocrates (cf. Vive l’Europe libre ! Réflexions sur l’Europe, Ramsay, 1984). Dans la même période, le solidariste et nationaliste-révolutionnaire Jean-Gilles Malliarakis proposait lui aussi dans Ni trusts, ni soviets (Éditions du Trident, 1985) une semblable solution. Plus récemment, mon vieux camarade Rodolphe Badinand, co-fondateur d’Europe Maxima, exigeait dans Requiem pour la Contre-Révolution (Alexipharmaque, 2008) un noyau confédéral en lieu et place de l’Union soi-disant européenne.

Aujourd’hui, l’idée européenne chère à Maurice Bardèche est en sommeil, oubliée et/ou ignorée des minables politicards. Mais le choc du réel provoquera son surgissement tôt ou tard !

FA : Dans votre livre, une expression de Maurice Bardèche m’a frappé, à la fois par sa pertinence, sa rigueur et sa permanence. Il s’agit de « l’Europe cuirassée ». Pourriez-vous l’expliquer et l’approfondir en quelques mots ?

GF-T : Par la métaphore de l’« Europe cuirassée », Maurice Bardèche veut donner un sens politique à l’Europe qu’il esquisse. En 1951, celle-ci, divisée et amoindrie par deux conflits mondiaux consécutifs et récents, se retrouve en proie à trois menaces considérables : le réveil des peuples de couleur (la décolonisation commence), la menace soviétique qui n’est alors qu’à « deux étapes du tour de France » de Paris et l’occupation étatsunienne. Maurice Bardèche aurait souhaité assister à l’émancipation des Européens. Il aurait aimé que l’Europe nationale proclame sa neutralité et, pourquoi pas ?, prenne ensuite la tête du non-alignement contre le condominium soviético-yankee.

Maurice Bardèche voulait probablement faire de l’Europe nationaliste, voire néo-fasciste, une très grande Suisse, un État neutre et inattaquable du fait d’une redoutable cuirasse : son service militaire de milice civique. On peut même s’avancer à croire que la Confédération européenne fût été le décalque continental de sa consœur helvétique.

Avec l’actualité, il va de soi que l’« Europe cuirassée » prend une autre tournure. Avec l’invasion afro-asiatique en cours orchestrée, payée et encouragée par la Turquie, l’Arabie Saoudite et les États-Unis, l’« Europe cuirassée » impliquerait le rétablissement de frontières strictes tant du point de vue juridique que politique parce que les frontières ne sont pas que territoriales. La préférence nationale, au minimum, est une autre forme de frontière salutaire. À mon avis, toutes les frontières, matérielles et immatérielles, concourent à l’édification salutaire d’une société fermée, autocentrique et autarcique. Bref, l’« Europe cuirassée » signifie « les Européens maîtres chez eux en Europe et prêts pour cela à se battre ».

FA : Quel fut l’impact réel du Mouvement social européen, dont Bardèche fut membre, sur la vie politique ?

GF-T : Dès 1951 et le lancement de la CECA, il est prévu d’instituer un Parlement européen élu au suffrage universel direct, mais le rejet de la CED en 1954 par l’Assemblée nationale française écarta cette option jusqu’en 1979 quand les députés européens remplaceront les parlementaires désignés par les Parlements nationaux. Pour une fois en avance, des formations de droite nationale ont cherché à se regrouper afin d’atteindre un seuil électoral pertinent à l’instar des premiers résultats électoraux prometteurs du jeune MSI (Mouvement social italien).

Reconnu par toute l’Europe des réprouvés grâce à son Nuremberg ou La terre promise (1948), Maurice Bardèche est sollicité pour conduire la délégation française à Malmö en Suède. De cette réunion sort le Mouvement social européen (MSE) dont Bardèche devient l’un des vice-présidents et le responsable du MSE pour la France, d’où la création d’un bulletin de liaison : la future revue Défense de l’Occident.

Si une certaine presse versa dans le sensationnalisme et cria à la renaissance du fascisme ou d’une nouvelle « Internationale noire (ou brune) », l’impact du MSE sur la vie politique française et européenne fut plus qu’insignifiant. Outre le report sine die du scrutin européen, le MSE subit très tôt une scission de la part des racialistes réunis dans le Nouvel ordre européen. Cet échec fut néanmoins profitable puisque une décennie plus tard, le Belge Jean Thiriart lança Jeune Europe avec le MSE en contre-exemple parfait.

FA : Dans votre essai vous ne mentionnez pas la religion en général, ni la religion catholique en particulier. Pourtant, la religion catholique romaine reste un pilier de notre civilisation européenne. Quel était le rapport de Bardèche à la religion catholique ?

GF-T : Maurice Bardèche évoque rarement le catholicisme dans ses écrits. Élevé par l’école des hussards noirs de la IIIe République laïque et ayant grandi dans une famille patriote, anticléricale et radicale-socialiste, c’est un catholique de culture.

La religion catholique romaine reste-t-elle encore un pilier de notre civilisation européenne? J’en doute. Certes, les basiliques des premiers chrétiens, les églises romanes, gothiques, baroques et classiques appartiennent à notre héritage, mais ce n’en est qu’une partie. L’Orthodoxie et même un certain protestantisme en sont d’autres. Avec le concile Vatican II, conséquence catastrophique des conciles antérieurs (Vatican I et Trente), le catholicisme romain a renié sa part européenne, ces syncrétismes singuliers avec les paganismes ancestraux qui en faisaient son originalité.

L’Église de Rome trahit maintenant les peuples autochtones de notre continent au profit d’intrus surnommés « migrants ». Bien que sympathique par certains côtés (son hostilité au règne de l’argent ou son approche de l’écologie malgré son tropisme cosmopolite), l’actuel « pape » conciliaire Bergoglio comme ses prédécesseurs immédiats ne me convainc pas. Pour soutenir un véritable catholicisme de combat, il eut fallu que Mgr. Jean de Mayol de Lupé (1873 - 1955) devînt le souverain pontife, cela aurait eu tout de suite une toute autre tenue !

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FA : D’une manière générale, le projet politique de civilisation européenne défendu par Bardèche ou d’autres peut-il se faire sans le catholicisme ?

GF-T : La civilisation européenne ne se réduit pas au seul catholicisme qui lui-même change et se modifie au fil des âges. Les racines spirituelles de l’Europe ne se trouvent pas qu’à Athènes, Rome et Jérusalem; elles plongent aussi dans les traditions germaniques, celtiques, scandinaves, slaves, balkaniques, caucasiennes et même basques et laponnes ! Comme l’affirmait Dominique Venner dans Histoire et tradition des Européens (Éditions du Rocher, 2002), l’étymon européen a au moins plus de 30 000 ans d’histoire. Le christianisme n’est qu’un moment de sa longue histoire. Cette phase historique est d’ailleurs en train de s’achever quand bien même l’abjecte idéologie des droits de l’homme en est la forme sécularisée (pour faire simple).

Une Europe catholique serait un non-sens, sauf si un Prince, Capétien ou Habsbourg, en prenait la direction comme le soutient la sympathique équipe anarcho-royaliste et écolo-décroissante du Lys Noir. Cette Europe-là demeurerait toutefois une portion d’Europe.

La question religieuse n’est pas le meilleur moyen de favoriser la prise de conscience des Européens. Celle-ci ne se cristallisera que face à des périls immédiats, que face à l’irruption d’une altérité menaçante et conquérante. Au-delà des contentieux territoriaux, historiques et confessionnels, les Européens comprendront grâce à l’ethnologie, la généalogie et l’anthropologie qu’ils procèdent d’une substance commune et initiale. Quant à la religion, il est vraisemblable que les techniques les plus sophistiquées favorisent la résurgence et la réactivation des structures anthropologiques de l’imaginaire archaïque européen.

Propos recueillis par Franck Abed.

Le site de Franck Abed cliquez ici

  • Georges Feltin-Tracol, Bardèche et l’Europe. Son combat pour une Europe « nationale, libérée et indépendante », Éditions Les Bouquins de Synthèse nationale, Paris, 2013, 130 p., 18 €, à commander sur www.synthese- editions.com ou à (+ 3 € de port), chèque à l’ordre de Synthèse nationale, 116, rue de Charenton, 75012 Paris, (+ 3 € de port), chèque à l’ordre de Synthèse nationale. L'acheter en ligne cliquez là
  • « Maurice Bardèche l’insoumis 1998 - 2013 », Cahiers des Amis de Robert Brasillach, n° 51 - 52, 2013 - 2014, 275 p., 40 €, à commander aux Amis de Robert Brasillach (ARB), Case postale 3763, CH - 1211 Genève 3, Suisse, chèque à l’ordre de l’ARB.

dimanche, 08 novembre 2015

Jünger-Haus Wilflingen

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JÜNGER-Haus Wilflingen

Gedenkstätte für Ernst und Friedrich Georg Jünger

 

„Der Besucher taucht ein in die einzigartige
Atmosphäre des Hauses, in dem Ernst Jünger
nahezu ein halbes Jahrhundert lebte und arbeitete.“

Monika Miller-Vollmer, ehemalige Kustodin Jünger-Haus

 

Öffnungszeiten

Mittwoch bis Freitag 9 - 12 Uhr
Donnerstag und Freitag 14 - 16 Uhr
Sonntag 13.30 - 16.30 Uhr
sowie nach Vereinbarung.

An Feiertagen ist nicht geöffnet.
Kurzfristige Feiertagsöffnungen werden hier bekannt gegeben.

Ab Sonntag, 29. November 2015 bis voraussichtlich April 2016 ist das Jünger-Haus an den Sonntagen geschlossen.
Wir bitten um Beachtung und Verständnis.
Ernst-Jünger-Stiftung und Team

Eintritt (mit Führung)

Erwachsene
5,00 € pro Person
Schüler/Studenten, Schwerbehinderte 3,00 € pro Person

Gruppenführung
(ab 10 Personen)

4,00 € pro Person

Kinder und Jugendliche bis 14 Jahre haben freien Eintritt. Schulklassen auf Anfrage.

Buchhandel

In unserem umfangreichen Büchershop haben Sie die Möglichkeit Bücher, Hörbücher und Postkarten (Primär- und Sekundärliteratur von Ernst Jünger) zu erwerben.

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samedi, 07 novembre 2015

Bulgakov Against Atheism

Bulgakov Against Atheism

 “We will strike out against Bulgakovism!”[i]

And Bulgakov returned fire.

I would have preferred a title more along the lines of “Bulgakov Against Little-mindedness.” “Narrow-mindedness” maybe? But it seems to me, and I believe it seemed to him, that atheism is sufficiently synonymous with either.

Mikhail Bulgakov is my favourite writer. My teacher—Headmaster of the school that I attend. I am assuming the reader will have read something by him. I won’t be providing a little biography of him of my own either. For that kind of a basic introduction, I confidently refer anyone interested to a good little article originally published in Russian Life entitled “Mikhail Bulgakov: A Wolf’s Life.”

Throughout the whole of his literary career Bulgakov thoughtfully engaged what was wrong in the society, and its thinking, in which he himself lived.

Where it went wrong in its thinking was official State irreligiousness, wishfully called “scientific atheism.”

Everything wrong in Soviet society stemmed out from there.

In his novels this is perfectly apparent. We’ll save the best known, Master and Margarita, for last. This will preserve an order both logical and chronological, as it was his final work and master-piece as well as his fullest attack on atheism and its allied ills.

In The White Guard the opinions of the Turbins over the table, with vodka and wine as encouragement, are very clear. The Revolution is destructive, idiotic and unwanted. The response in Kiev has been disgraceful, opportunistic and left it until too late. For free Ukraine “from Kiev to Berlin” there is only one option: “Orthodoxy and monarchy!”

Setting to one side Bulgakov’s feuilletons—written for bread, not to say something—we will look a little at the three major short-stories he wrote when in Moscow: Diaboliad, The Fatal Eggs and Dog’s Heart.

The Short Fiction

Diaboliad is best for its unique prose. It’s practice almost for the writer, the first flight, a getting used and accustomed to a new self-awareness and the exercise of a power not known prior. Margarita on her broomstick. Bulgakov before Diaboliad wanted to be a writer. When he wrote Diaboliad—he was.

Its protagonist loses his job, at the Main Central Base for Matchstick Materials (MACBAMM), in unbelievable circumstances and ends diving off of a building—an open question whether it was insanity, supernatural or just Soviet.

mikhail-bulgakovs-quotes-7.jpgThe atmosphere established is eerie. Bulgakov has already here located the absurd fact that Soviet society actually embodied what it denied. It may have consciously rejected the existence of the demonic, but the existence of such a society was itself proof of it.

That is the major theme, tucked neatly under criticism of the housing situation and failures in economic policy. He is already creatively careful not to aim too openly at the target he really wants to hit. He will eventually have to summon up history, demonology, feign blasphemy and employ luxuriant symbolism to say everything he needs to.

Next came The Fatal Eggs. [Quick aside: it was originally published together with Diaboliad in May 1925]

A professor single-mindedly dedicated to his work has made a remarkable discovery. A ray that fantastically increases the rate of reproduction and the size of their off-spring in amphibians. A local journalist, with stereotypical sensationalism, publishes an article that misrepresents the discovery in a way most likely to hold the interest of his readers.

At just that time a disease decimates the poultry population of the USSR. An idiot has a bright idea—use the ray to produce excess, giant chickens to make up for the losses. The ray is taken from the professor and relocated to a rural area for the purpose.

A postal worker does his proverbial poor job and confuses two different loads of eggs. One has harmless chicken eggs and is intended for the ray. The other has a variety of unhatched serpents and is meant to arrive at the Institute where the professor works. It instead arrives at the farm.

The ray is then used to unintentionally produce an invasion of giant snakes that devastate the countryside. The civil authority and military are incapable of stopping them as they slither toward the capital. Humanly-speaking, all hope is lost.

But during the Dormition of Mother of God on the Orthodox Calendar (which Bulgakov continued to use even after the Soviet authorities had changed to the Gregorian), an unheard of frost, with no comparison available in even the oldest people’s memories, happens to kill them off. What a curious coincidence it was. And the reader’s attention is drawn to the dome of the Cathedral of Christ the Saviour at just that moment in the narrative when Moscow is saved.

Here again we see the development, the birth and beginning of ideas which will find fuller expression later on in his work.

Isn’t this man imagining he can control his own life without reference to any higher order outside of himself? But Bulgakov has Providence provide a miracle that saves Moscow. Later on his mood has changed. Berlioz beheaded by a tram will serve to make the same point.

The main concern here is the belief, commonly held by people not Communists today, that science can essentially solve all problems. This simplistic idea tends to dangerous results when taken too far. We are slowly realising this. Bulgakov saw it in 1924. What disasters are in store if we don’t learn the lesson, God only knows.

And now we move onto the final major short-story —Dog’s Heart. Here the writer is too open, too incisive, his aim too obvious. It was never published for as long as he lived. And when at last it was, it was published abroad (in 1968).

It begins from the dog’s perspective, the stray Sharik. After lamenting his cruel fate, moments before having been scalded by a cook for stealing, an inordinate improvement in his luck follows. Professor Filipp Filoppovich takes him, takes care of him and treats him kindly. But there is a motive other than humane behind it all.

mikhail_lg0dwx8av01qd9gmo.jpgAs an experiment Sharik’s scrotum and hypophysis are removed and replaced by human equivalents. He survives the operation and a most unusual result unfolds—he slowly becomes human.

He begins to speak, becomes bipedal and eventually his personality merges with that of the deceased man whose testicles and pituitary gland he possesses.

Sharik changes his name to Polygraph Polygraphovich Sharikov and gets a job in the Moscow Department of Communal Welfare (for the extermination of cats and other foul rodents). Eventually entertaining a proletarian dislike for professor Filipp Filippovich, he avails himself of the easy-going informing policy of the Soviet government (not unlike present-day Kiev) to try and get him arrested. The professor’s hand forced, he manages to reverse the operation.

Here again we have science taken too far without sufficient thought given to the consequences liable to follow. But unlike professor Persikov of The Fatal Eggs—Filipp Filoppovich is a type as well as a character.

He is everything Bulgakov wished he could have been. A practising doctor with private customers and a large flat—safe through influential patients from any sudden moods of the government.

Characterised by class and taste, the professor is the exact opposite of the new Soviet man embodied in comrade Sharikov.

Bulgakov’s point is double-edged. It cuts twice with one stroke. That a dog made into a man could succeed in Soviet society and that ultimately the stray dog was better than the man it became.

There is furthermore an important insight into the cultural impact of an atheistic mind-set. In a society where the greatest goods are not religion or art or the humanities but rather manual labour and material possessions and creature comforts—the consequence is crassness.

The spoken-language deteriorates. So too what interests and amuses people. The public attention span dwindles. Everyone looks out for themselves and selfishness reigns. We have a dense, insensitive society where even such basic things as that seniority dictates who gets the first glass of vodka are lost.

And isn’t this timely now? Is it not perfectly applicable to the modern and Western situation?

We live in a time where people cannot work out how to use the past tense correctly or navigate the “th” sound. “Wif” and “dis” and so on.

Anything short of practically pornography or violence won’t stand a chance of selling or being aired.

A fast-food quality of intelligence now exists. You look at your phone, supposedly know in a snap-shot everything about something long enough to insist on your opinion about it and then promptly forget what you might have learned, comfortable in the knowledge that you can just Google it again if need be.

Do I need to provide any examples of selfishness reigning? I’ll dare not to.

Master and Margarita

Finally we come to the masterpiece.

Mikhail Bulgakov was a priest’s son, a professor at Kiev Theological Academy—Afanasy Ivanovich.

mikhail-bulgakov-book-cover1.jpgHis death when the future writer was only 15 years old shook the boy’s faith in that God is Benevolent and All-knowing. But for Bulgakov conscious disbelief in the God of the Orthodox Church did not entail an a priori atheism, least of all of the simplistic and materialist kind sponsored by the Soviet State.

Why should there be no soul or spiritual world even if God as traditionally defined (admittedly altogether imperfectly) didn’t exist? That, for Bulgakov, did not follow.

In the years after he renounced his baptism up until he regained his faith in the God of his father he pursued different definitions and looked in the opposite direction to materialism, into spiritism. He was convinced that there was more to the universe than bare sensory phenomena.

And what could possibly justify the opposite claim? Could constitute positive proof that all that is, is necessarily material? And what of the numerous immediately obvious instances where it fails?

Concepts are not material, but they do exist. Materialism itself being one of them.

Individuals as persons are not material. Were I to lose a limb I would not be less Martin Kalyniuk than I was before.

Time exists I think. It isn’t material.

And it is not only this metaphysical cage that materialist atheists lock themselves in and throw away the key to. A moral narrowness follows on the mental one.

I repeat—in the master-piece the Master’s mood has changed. The devil is coming to Moscow. Not a swarm of snakes but the Serpent himself. The ancient one that began by exposing the infidelity of humanity’s parents to the God that made them. And he is back to expose and punish modern materialist man, with his closed mechanist universe and narrow pursuit of personal gratification.

The Devil rides out in Moscow. Painting by Aleksandr Kurushin.

The Devil rides out in Moscow. Painting by Aleksandr Kurushin.

It’s instructive that he begins with Berlioz. Berlioz’s crime is atheism. His denial that Christ existed in history, that God exists since eternity and his insistence that even Satan himself, who Berlioz is speaking with (!), does not exist either. We have to laugh with the devil.

Well, now, this is really getting interesting,” he cried shaking with laughter, “What is it with you? Whatever comes up you say doesn’t exist!

His punishment begins in time by the separation of his head from his body by a tram. It culminates in eternity when the devil gives him his wish.

Speaking to his severed, conscious head,

You were always an avid proponent of the theory that after his head is cut off, a man’s life comes to an end, he turns to dust, and departs into non-being. I have the pleasure of informing you in the presence of my guests—although they actually serve as proof of a different theory altogether—that your theory is both incisive and sound. However, one theory is as good as another. There is even a theory that says that to each man it will be given according to his beliefs. May it be so! You are departing into non-being, and, from the goblet into which you are being transformed, I will have the pleasure of drinking a toast to being!

mikhailbulwhite.jpgBerlioz didn’t believe in life after death. Berlioz believed man is essentially a very complex material object. His final retribution is to be made into one, though a very simple one, a goblet, out of which a toast is made to the immortality he denied so vehemently.

And everyone is punished.

Laziness and fakery—Likhodeyev. Fraud—Nikanor Ivanovich. Generally being an annoyance—Bengalsky. Vanity—basically the whole female population of Moscow. Greed—everyone to a man. Spousal infidelity—Arkady Apollonovich. Blasphemy and cursing—Prokhor Petrovich. Covetousness—Maximilian Andreyevich. Informing and betrayal—Baron Maigel. And, the worst sin of all according to Bulgakov, cowardice—the cruel fifth procurator of Judea, the knight Pontius Pilate.

And what is most interesting above all, is that we feel nothing for them. Bulgakov has not invested any of them with pathos. They are not human beings. Not at all. Bulgakov has made them into what they wish to be—puppets. Mere material objects bumping into each other, with a pre-set selection of pursuits, wishes and desires as in a puppet-show.

They lack life. They have no depth. This is why Berlioz’s or Bengalsky’s head comes off and we don’t feel horror or revulsion. We may rather laugh. But we most certainly don’t bat an eyelid, leave aside shed a tear, between that occurrence and the sentence to follow.

And this narrowness of ideas and aims, shallowness of character and conduct, littleness of mind and heart are all the direct consequence and conclusion of the conviction that we are just finite, material toys trapped in time and space. Without purpose, without ultimate accountability and with no future beyond the short, uncertain span of our life on earth.

The ideas from the short-stories have been refined and sharpened. All the threads are drawn together, tight to breaking point—and Woland, Begemot, Koroviev, Gella and Azazello are here to cut them.

Man the material object meets spirit, even if evil. The atheist’s mechanical closed universe is invaded by beings that existed before it and who know of far more than it (the fifth dimension for example). And so far from being based on the empirical and experiential, so dogmatic is “scientific atheism” that Berlioz can try and convince the devil himself that he doesn’t exist.

This dogmatism of materialist atheism is the last point I should like underscore before closing this essay.

Fiction has the marvellous quality to it that you can’t argue with it. Like maths or a thought-experiment, you agree to play by rules. The cardinal rule is that what the narrator says is so. This gives the writer the power to make you think about things that you otherwise not for a single moment’s time would have entertained on your own.

Everything that has happened in Bulgakov’s Moscow—has happened. In the context of the novel, that’s a fact. “And” as the devil says to Berlioz’s head “a fact is the most stubborn thing in the world.” What do puppets do when confronted with them? Exactly what they do in actual life.

As always when something is reported that would seem to compel us to broaden our understanding of the way the world works—psychology is called in.

One person saw something exceeding a narrow understanding of the laws of the universe? He’s schizophrenic. Several people? Mass hallucination. And who’s responsible for the seeming events that didn’t occur? For everyone saw them, even if not a violation of the laws of nature.

“It was the work of a gang of hypnotists and ventriloquists magnificently skilled in their art.” ?!

Bulgakov’s final stab is his hardest. The way he wraps up the novel by providing naturalistic explanations that explain nothing but satisfy everyone and parade about behind the banners of scientific terms. There can be nothing more idiotic than these explanations. But how many people, during Bulgakov’s time, and, I stress, in the West today would readily venture or accept them if (or when) confronted with the same thing?

Could you believe that the devil exists? If one hot spring evening, just as the sun was going down, he sat next to you too?


[i] Ударим по булгаковщине!

(Title of an article published in a Soviet magazine during the writer’s lifetime and found among 297 other such collected articles in his private papers)

lundi, 02 novembre 2015

Don Quijote und die Konservativen

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Don Quijote und die Konservativen

von Carlos Wefers Verástegui

Ex: http://www.blauenarzisse.de

Der „Ritter von der traurigen Gestalt“ ist den meisten als eine komische Figur, das Buch über Don Quijote selbst als eine Parodie mittelalterlicher Ritterromane bekannt.

Doch in Wahrheit steckt viel mehr in ihm, als sich ahnen lässt. Der Quijote ist nämlich eine konservative Symbolfigur. Zur Zeit des Quijotes, im 17. Jahrhundert, gab es zwar noch die Wertewelt des Mittelalters mit ihren idealen Vorstellungen von Adel und Königtum. Doch diese hatte sich von den tatsächlich bestehenden Institutionen und Würdenträgern getrennt.

Der Adel tat es seinen in Cervantes´ Roman auftauchenden Repräsentanten gleich: der Schwertadel war zu einem weitgehend funktionslosen Landadel geworden und zur Müßigkeit verurteilt. Der Hochadel, obwohl er noch einiges Gewicht besaß, übte sich zunehmend darin, sich auf immer feinere und spielerische Weise die Zeit zu vertreiben und überhaupt das Dasein zu versüßen, als dass er sich dem Gemeinwesen verpflichtet fühlte. Das eigene Königtum – der König – hatte aufgehört, das Ideal des Ritters und Kriegers beispielhaft zu verkörpern. Es war zu einer Gewalt mutiert, die zwar überall, gleich einem Schatten, bedrohlich hin(ein)fallen konnte, doch selbst da, wo sie ihre Macht aufs deutlichste spüren ließ, haftete ihr doch stets etwas Schattenhaftes an.

Ein abgeklärtes und „entzaubertes“ Zeitalter

In dieser abgeklärten Atmosphäre, einem, den Untertanen fernen und unpersönlichen, eben schattenhaften Absolutismus, in der Ehrgeiz und Gewinnstreben mehr auszurichten vermochten als persönliche Tugend, wurde den ritterlichen Idealen kein besonderer Ernst mehr entgegen gebracht. Der Titel „Ritter“ selbst war käuflich geworden oder wurde, aus bürokratischem Verdienst, an die „Räte“ des absolutistischen Verwaltungsstaats verliehen.

Diese wirkliche Welt des Landedelmanns Alonso Quijano stand im krassesten Gegensatz zu den imaginierten Traumländern und Wundergeschichten, von denen er aus seinen heißgeliebten Ritterromanen erfahren hatte. Sowohl Alonso Quijano als auch sein höheres Selbst, Don Quijote, waren sich ihrer höchst nüchternen Realität nur allzu bewusst. Der unüberbrückbare Gegensatzes zwischen ihr und der den Ritterromanen entnommenen besseren Wertewelt des Mittelalters brachte diese Einsicht fast zwangsläufig mit sich.

Don Quijote brauchte deshalb nicht erst auf Max Weber zu warten, um zu wissen, was „Entzauberung“ und „stahlhartes Gehäuse“ bedeutet: beides war ihm längst zur bitteren Gewissheit geworden, sein Zeitalter ihm ganz folgerrichtig ein „greuliches“. Alonso Quijano-​Don Quijote besaß ein unzweifelhaft richtiges Bewusstsein von seiner Realität.

Alonso Quijano wird zu Don Quijote

Als einem Nachfahren echter Ritter zeichnete sich Hidalgo Alonso Quijano durch eine ihm eigene Kühnheit aus: aus den besonderen Umständen seines müßigen Daseins heraus musste sie eine geistige Richtung nehmen. Diese Kühnheit Alonso Quijanos ging so weit,dass er das Rittertum vollständig beim Wort nahm. Nachdem seine Phantasie aus den Fugen geraten – durch zahlreiche Übernächtigungen – und übermäßig gereizt – durch den ungesunden Genuss von Ritterromanen – , sein „Gehirn ausgetrocknet“, sein Verstand überwältigt ist, beschließt er doch tatsächlich, Ritter zu werden.

Seine „Verrücktheit“, die eigentlich eine Steigerung seiner geistigen Kühnheit ist, besteht darin, Wertewelt und Phantasiegebilde der Ritterromane gleich ernst genommen zu haben. Der Hidalgo Alonso Quijano wird zu Don Quijote dadurch, dass er das, was er liest und was ihn anreizt, so für richtig befindet und deshalb auch für würdig, als Ganzes in die Wirklichkeit überführt zu werden. Die geistige Kühnheit artet dabei aus, Alonso Quijano wird – verrückt. Cervantes lässt seinen tragischen Helden Alonso Quijano-​Don Quijote absichtlich über das Ziel hinausschießen. Er lässt ihn von vornherein „verrückt sein“, vielleicht aus vorausgreifender, vorsichtiger Rücksichtnahme auf die sich übervernünftig ankündigende Wirklichkeit seiner Zeit.

donquichotte6.jpgEdmund Burke ist Don Quijote

Als der „Vater des Konservatismus“ Edmund Burke der Französischen Revolution seine „Betrachtungen“ entgegenschleuderte, bediente er sich des Bildes des „metaphysischen Ritters“. Er wollte die Revolutionäre als abstrakte Fanatiker entlarven. Don Quijote war damals eine bekannte komische Figur. Burke konnte voraussetzen, dass er verstanden wurde. Nur war Burke im eigentlichen Sinne Don Quijote, weil er es wagte, der Revolution die Stirn zu bieten – im Namen der Ritterlichkeit – , und dabei im gleichen Atemzug verkündete: „Doch das Zeitalter der Ritterlichkeit ist nun vorbei. Die Sophisten, die Ökonomen, die Erbsenzähler haben gewonnen. Und die Herrlichkeit Europas ist nicht mehr.“

Im gleichen Sinne wie Burke zog aber der „metaphysische Ritter“ aus wider sein Zeitalter der „Greulichkeit“, trotzdem er zu genüge wusste: Es gibt keine fahrenden Ritter mehr. Don Quijote und Burke gleichen sich auf Haar in ihrer jeweiligen Kampfansage, die bei ihnen Verneinung und Bejahung der Gegenwart in einem ist. Beiden wird ihre Gegenwart zur eigentlichen Herausforderung, sie wird ihnen zum Prüfstand ihrer eigenen ritterlichen Tugend: sie ist ein Material, welches sie sich in Wahrheit gar nicht anders wünschen könnten, in ihr gilt es nämlich sich zu bewähren.

Romantischer Politiker und Antikapitalist

Die konservative Bedeutung Don Quijotes ist der Deutschen Romantik früh aufgegangen. Sie sah in ihm einen Wesensverwandten. Später ist Carl Schmitt von dieser konservativ-​romantischen Entdeckung des Quijotes ausgegangen, um den unsterblichen Typus des „romantischen Politikers“ – eines echten Politikers im Gegensatz zum „politischen Romantiker“ – anhand des Quijotes darzustellen.

Werner Sombart hat seinerseits Don Quijote als einen hervorragend antikapitalistischen Typus betrachtet. Bei seinem ersten „Auszug“ kommt der Ritter gar nicht darauf, dass er bei der Ritterfahrt eine derartige Trivialität wie „Geld“ nötig haben könnte. Das muss ihm erst ein verschmitzter Gastwirt beibringen. Besonders grell leuchten die gegensätzlichen Prinzipien von Antikapitalismus und Geldreichtum bei Don Quijotes Zusammenstoß mit Seidenhändlern auf. Am Ende dieser unseligen Begegnung liegt der wackere Held hilflos und gedemütigt auf der Erde, seine Lanze wird zu Kleinholz gemacht, er selbst von einem gemeinen Maultierjungen mit den Lanzenresten geprügelt.

Absage an die Moderne

Die „Modernität“ des Quijotes ist von der Literaturwissenschaft oft betont worden. Weniger oft bemerkt wurde die seltsame Spannung, in der sich die literarische Modernität des Buches mit der Antimoderne des Helden befindet. Eines der genialsten Kapitel des Quijotes, das, „Welches von der merkwürdigen Rede handelt, die Don Quijote über die Waffen und die Wissenschaften hält“, ist in seiner leidenschaftlichen Parteinnahme für den seine Waffen tragenden Soldaten und gegen den Rechtsgelehrten ein großartiger Versuch, das vom Mittelalter ererbte Bildungsideal „Waffen und Wissenschaften“ wiederherzustellen.

Wie tief dabei die Absage an die Moderne geht, wird im Vergleich zu Hegel deutlich. Der Gegenstand, von dem beide in ihrer jeweiligen Auseinandersetzung mit der Moderne ausgehen, sind die Feuerwaffen. Dass die Bewertung dabei unterschiedlich ausfällt, liegt auf der Hand, die Gründe aber, die sie anführen, sind überraschenderweise die gleichen.

In der „Philosophie des Rechts“ (§ 328) teilt Hegel die Verwünschungen und die Entrüstung Don Quijotes nicht. Hegel bejaht den Fortschritt, den Weg, den der „Geist“ zu sich selbst, zum modernen Staat, nimmt. Im Herzen dieses Epoche machenden Prinzips „der modernen Welt“ – nach Hegel: der Gedanke und das Allgemeine – steht die Überwindung der feudalen Welt. Hegel begreift philosophisch, was Don Quijote-​Cervantes am eigenen Leibe erfahren und begriffen hat. Nur verneint Don Quijote die Moderne aus Gründen, die sich aus seiner existenziellen Situation und seiner Wesensart ergeben.

Während der deutsche Protestant eine historische Rechtfertigung der „Entwicklung“ liefert, treibt der existentielle Protest den spanischen Edelmann und Ritter Alonso Quijano-​Don Quijote zum Handeln an. Don Quijote scheitert zwar, bleibt aber, wie er auch am Ende wieder „zu sich kommt“ und kurz darauf als einfacher „Hidalgo Alonso Quijano der Gute“ tot und begraben liegt, einem ganzen Zeitalter gegenüber im Recht.

 

 

dimanche, 01 novembre 2015

Sur Barrès: entretien avec V. Rambaud

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Vital Rambaud: «Le nationalisme n’est, pour Barrès, qu’une forme d’égotisme élargi à la communauté nationale»

Enseignant de littérature française, Vital Rambaud dirige actuellement le département d’Études françaises de l’Université Paris-Sorbonne Abu Dhabi. Spécialiste de Maurice Barrès dont il a édité les Romans et voyages dans la collection « Bouquins », il prépare actuellement, avec Denis Pernot, une anthologie de la Chronique de la Grande Guerre de Barrès (à paraître chez Garnier).

PHILITT : Y a-t-il rupture ou continuité chez Barrès entre Le Culte du Moi et Le Roman de l’énergie nationale ? Entre son sensualisme égotiste et son nationalisme ?

Vital Rambaud : J’aurais envie de répondre : rupture et continuité. La rupture est évidente dans la forme comme sur le fond. Alors que, dans Sous l’œil des Barbares, le jeune auteur du Culte du Moi s’essayait à une nouvelle forme romanesque, celui des Déracinés revient à un type de roman nettement plus traditionnel. Quant au fond, on se rappelle que le héros d’Un homme libre tournait le dos à sa lorraine natale pour partir à la découverte de l’Italie ou que l’Avertissement de L’Ennemi des lois contenait cette affirmation : « Les morts ! Ils nous empoisonnent. » Nous étions bien loin alors du Barrès chantre de l’enracinement et de la terre et des morts. Mais on pourrait, inversement, faire observer que l’Homme libre interrogeait déjà ses racines lorraines, que Philippe, dans Le Jardin de Bérénice, était déjà soucieux d’écouter l’instinct populaire et que le nationalisme n’est, pour Barrès, qu’une forme d’égotisme élargi à la communauté nationale. En cherchant à se protéger des Barbares, le protagoniste de son premier livre ne manifestait-il pas une préoccupation analogue à celle qui l’animera en écrivant Les Bastions de l’Est ? Même si Le Roman de l’énergie nationale peut se lire comme une sorte d’autocritique dans laquelle l’auteur reconnaît les erreurs et les errements de sa jeunesse, il a lui-même toujours soutenu qu’il n’y avait eu qu’une évolution entre Le Culte du Moi et le reste de son œuvre et que celle-ci était, tout entière, contenue en germe dans Un homme libre.

GC163.jpgPHILITT : On trouve dans Les Déracinés une critique explicite de la morale kantienne. Pouvez-nous dire quels sont les enjeux d’une telle critique ?

Vital Rambaud : Sans négliger le fait qu’il s’agisse d’une philosophie allemande et que Barrès ne manque pas dans son roman de mettre en garde contre les poisons allemands répandus par l’Université, la critique barrésienne du kantisme consiste essentiellement à dénoncer une « morale d’État », – l’auteur de Scènes et doctrines du nationalisme en parle comme de « la doctrine officielle » de l’Université, – qui, en reposant sur une conception de l’homme en général, sombre dans le verbalisme, ne tient aucun compte de la réalité des particularismes et coupe l’individu de ses racines. En s’en prenant à la morale kantienne, c’est le procès de l’universalisme que l’auteur des Déracinés instruit au nom du relativisme.

PHILITT : Le livre met en scène plusieurs jeunes hommes venus de Nancy pour étudier à Paris (Sturel, Rœmerspacher, Mouchefrin, Racadot…). Quelles sont les leçons que nous devons tirer de leurs destins respectifs ?

Vital Rambaud : Barrès s’attache en effet, dans Les Déracinés, à présenter les destins différents de sept jeunes Lorrains dont il a entrepris de raconter l’installation à Paris et les débuts dans la vie. Deux d’entre eux, Racadot et Mouchefrin, deviennent des assassins et le premier finit guillotiné. Deux autres, Renaudin, qui se fraye très vite une place dans le monde du journalisme, et Suret-Lefort, qui entame une brillante carrière politique, sont, pourrait-on dire, récupérés par le système mais au prix du reniement de leurs racines : Suret-Lefort se voit félicité par son ancien professeur, que le romancier présente lui-même comme « un déraciné supérieur », de s’être « affranchi de toute intonation et, plus généralement, de toute particularité lorraine ». Rœmerspacher et Saint-Phlin résistent mieux à leur déracinement : Rœmerspacher grâce à son intelligence et à sa solidité psychologique, Saint-Phlin parce qu’il est, en réalité, toujours resté profondément attaché à la Lorraine et à son domaine familial. Quant à Sturel, il n’a pas encore trouvé sa voie ni retrouvé ses racines mais, malgré des expériences ou des comportements malheureux, il demeure protégé par la discrète influence que continuent d’exercer sur lui son milieu familial et les mœurs provinciales de sa ville natale. Les différents destins mis en scène illustrent donc, à des degrés divers, les dangers du déracinement. Barrès les résume brutalement à propos de Racadot en intitulant le chapitre consacré à son exécution : « Déraciné, décapité ». Comme Le Disciple de Bourget, Les Déracinés font aussi  la critique d’un système scolaire qui, contrairement à ce que croyait Hugo, peut fabriquer des criminels en produisant un « prolétariat de bacheliers » : ce n’est pas un hasard si, parmi les sept protagonistes du roman, ceux qui résistent le mieux à leur déracinement sont ceux qui en ont les moyens non seulement intellectuels et moraux mais aussi matériels. Au-delà de cette critique de l’institution scolaire, c’est le système lui-même que Barrès dénonce, à commencer par le parlementarisme et par l’absence d’unité morale du pays : la France, accuse-t-il, est « dissociée et décérébrée ». Les voies différentes que suivent les destins de ses personnages sont l’illustration de cet éclatement. L’unité du petit groupe qui se constitue de manière illusoire aux Invalides, devant le tombeau de Napoléon, ne dure pas. Malgré le « professeur d’énergie » qu’ils se choisissent dans ce célèbre chapitre et le journal qu’ils décident ensemble de lancer, les sept jeunes Lorrains ne créent pas « l’énergie nationale » que l’écrivain appelle de ses vœux : ils demeurent des énergies individuelles et isolées que rien ne fédère.

PHILITT : Comment se fait-il que Barrès, malgré les critiques qu’il formule à l’encontre d’une certaine idéologie républicaine bien représentée par Bouteiller, demeure attaché à la République comme institution ? La République n’est-elle pas, en ce sens, un facteur de déracinement ?

Vital Rambaud : Ce n’est pas la République, en tant que régime, que Barrès critique. Comme la Révolution qui, pour Clemenceau, était un bloc, l’histoire de France forme, pour lui, un tout. Il est attaché à la France révolutionnaire et impériale tout autant qu’à celle des rois. C’est la raison pour laquelle, malgré l’amitié qui le lie à Maurras, il refuse en 1900 de se rallier au principe monarchique. Bien loin, d’autre part, de voir dans la République elle-même un facteur de déracinement, il se souvient qu’elle fut à l’origine décentralisatrice et considère qu’elle n’est pas, en soi, incompatible avec le régionalisme qu’il prône. Non ce qu’il critique à travers, notamment, Bouteiller, c’est le régime parlementaire ainsi que les Républicains opportunistes et radicaux. Il ne confond pas la République avec ces derniers.

GC164.jpgPHILITT : Dans L’Appel au soldat, Barrès raconte la fulgurante ascension du général Boulanger. Voit-il en lui une figure du réenracinement ?

Vital Rambaud : Comme beaucoup de ses contemporains, Barrès voit, d’abord, en Boulanger le « général Revanche » : celui grâce auquel la France pourrait recouvrer les provinces perdues. Il a cru aussi que Boulanger serait celui autour duquel l’unité nationale pourrait se reconstituer et le pays se régénérer. Mais, si le boulangisme n’a finalement été qu’une « convulsion nationale », c’est, déplore-t-il, parce qu’il a manqué à Boulanger des idées maîtresses et une doctrine. Racontant après-coup dans L’Appel au soldat sa fulgurante ascension mais aussi son échec, qui le fascine tout autant, Barrès ne saurait donc en faire une figure du réenracinement. C’est le personnage de Saint-Phlin, revenu s’installer auprès de sa grand-mère dans leur domaine familial de Lorraine qui incarne ce réenracinement. Il s’efforce d’en démontrer les vertus à Sturel en l’entraînant dans un mémorable voyage à bicyclette le long de la Moselle et en lui racontant sa visite chez Mistral à Maillane. Mais, parce qu’il est précisément trop engagé dans l’aventure boulangiste, Sturel n’est pas encore prêt à ce réenracinement auquel il ne se décidera qu’à la fin de Leurs Figures.

PHILITT : La terre et les morts sont les deux piliers du nationalisme barrésien. Comment ces deux notions s’articulent-elles ?

Vital Rambaud : La terre et les morts sont les deux réalités sur lesquelles Barrès, dans le texte d’une célèbre conférence en 1899, proposait de fonder la conscience française. Influencé par Auguste Comte et Jules Soury, il considère que nous sommes le prolongement de nos ancêtres et que c’est par la « permanence de l’action terrienne » que l’héritage de nos traditions nationales nous est transmis. Nos cimetières mais aussi nos paysages façonnés par l’histoire et, comme il aimait à le répéter, « la motte de terre elle-même qui paraît sans âme [mais] est pleine du passé » permettent d’en avoir une approche sensible et concrète qui parle autant au cœur qu’à la raison.

PHILITT : Dans La Colline inspirée, Barrès décrit la force mystique de Sion-Vaudémont en Lorraine. À ses yeux, l’esprit peut également s’enraciner dans certains lieux. Comment comprendre la communion entre ces deux natures (transcendance et immanence) a priori hétérogènes ?

Vital Rambaud : C’est un mystère que Barrès nous montre « en pleine lumière » quand il raconte l’histoire des frères Baillard sur la « colline inspirée » de Sion-Vaudémont. Mais il ne cherche pas à nous expliquer et ne s’explique pas à lui-même le fait qu’il y ait « des lieux où souffle l’esprit ». C’est un constat qu’il fait : certains endroits de par le monde ont, de tout temps, éveillé des émotions religieuses et, si l’Église ne vient pas y apporter sa discipline, les dragons du paganisme peuvent, comme à Sion-Vaudémont, y ressurgir même en plein XIXe siècle.

mercredi, 28 octobre 2015

Entretien avec Edouard Limonov

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«L'EUROPE DOIT AUJOURD'HUI FAIRE FACE À SES CRIMES»
 
Entretien avec Edouard Limonov
Ex: http://metamag.fr

Edouard Limonov est un écrivain et dissident politique, fondateur et chef du Parti national-bolchevique (Nazbol) interdit en Russie. Célèbre pour son charisme et ses prises de position controversées, son ouvrage le plus connu paraît alors qu'il est émigré aux Etats-Unis, puis à Paris. Intitulé « C'est moi, Eddie ou Le poète russe préfère les grands nègres » (1980) et racontant ses mois d'errance et de débauche dans le New-York des années 70, il connaît un immense succès et Limonov est propulsé au sommet de la scène littéraire française durant plusieurs années. Il reste encore aujourd'hui un personnage médiatique adulé par certains, haï par d'autres. L'ouvrage de l'écrivain français Emmanuel Carrère qui retrace sa vie a obtenu le prix Renaudot.Edouard Limonov a été écrivain, voyou, poète, ouvrier d'usine, émigré, sans-abri, domestique, dissident politique... D'un tempérament volontairement provocateur, il a récemment défrayé la chronique en critiquant violemment la politique européenne qui, selon lui, a provoqué la crise migratoire qui entraînera, à terme, la mort de l'Europe. Pour RT France, il a accepté de revenir sur ce point de vue et nous livre une interview sans équivoque.


RT France : D'un côté, l'Europe se sent obligée d'accueillir les réfugiés, par solidarité, par devoir d'humanité. D'un autre côté, elle craint pour ses frontières et son patrimoine culturel et religieux. Que pensez-vous des effets de la crise migratoire sur l'Europe ?

 Edouard Limonov (E.L) : Vous savez, l'Europe et les Etats-Unis on créé eux-mêmes cette situation de toutes pièces. Ils ont totalement détruit la Libye avec leur intervention en 2011. l'Irak, les Etats-Unis l'ont carrément détruit deux fois ! Regardez aujourd'hui l'Irak, regardez la Syrie. C'est de votre faute messieurs les européens ! Aujourd'hui il faut faire face à votre crime. On récolte ce que l'on sème. L'Europe et les Etats-Unis ont détruit ces pays et aujourd'hui, des réfugiés fuient ces pays par milliers pour gagner l'Europe. Qu'attendiez-vous en échange ? Cette situation était inévitable. D'un autre côté, nous sommes désormais à l'aube de changements démographiques grandioses. Et vis-à-vis de cela, je considère que l'Europe a entièrement le droit de se défendre. 

Une grande majorité de réfugiés veulent se rendre en Allemagne... 

E.L : Evidemment ! L'Allemagne est une cible de choix pour eux. C'est le pays le plus riche, le plus prospère d'Europe. Il est donc évident que c'est en Allemagne que les réfugiés veulent se rendre. Bien que cette richesse, dont je vous parle, est à mon avis seulement présumée car la crise n'a épargné aucun pays et l'Allemagne d'aujourd'hui, ce n'est plus l'Allemagne des années 80-90. Et cette Allemagne subit aujourd'hui une sorte d'invasion barbare, de peuples qui ont d'elle une vision totalement fantasmée. J'ai peur qu'à terme, on risque de voir apparaître une résurgence des idées nazies à cause de cette invasion incontrôlée.  

limonovol12.jpgL'Allemagne semble pourtant accueillir les réfugiés chaleureusement... 

E.L : Oui. Cela vient d'un sentiment de culpabilité vis-à-vis du nazisme. Pour ma part j'attends depuis longtemps que l'Allemagne se relève et arrête de se cantonner à sa politique victimaire, de se flageller pour son passé. Le tribu qu'on lui fait payer commence à être beaucoup trop lourd. L'Allemagne finira par se révolter de cette situation. C'est également le cas pour le Japon à qui on fait payer depuis bien trop longtemps sa prise de position dans la Seconde Guerre Mondiale.


De nombreux pays européens et notamment certains maires français, on affirmé qu'ils ne sont prêts à accueillir que des chrétiens... 

E.L : Selon moi, c'est une exigence tout à fait raisonnable. Aujourd'hui, les médias nous montrent un Islam aggressif, représenté par Daesh. Alors les gens ont peur, ils préfèrent se tourner vers des populations dont ils savent qu'elles partagent la même religion, les mêmes valeurs.

 
Vous aussi avez vécu l'exil et la situation de réfugié dans les années 70-80, aux Etats-Unis et en Europe... 

E.L : J'ai vécu une toute autre situation. Ce n'est pas comparable. Réfugiés, nous l'étions, certes, mais nous n'étions que quelques centaines. Nous aussi nous avons fuit, mais nous faisions partie de l'Intelligentsia, nous étions des artistes, des poètes, des peintres, des écrivains. Comment peut-on comparer cela à la vague migratoire à laquelle fait face aujourd'hui l'Europe ? Ces gens fuient la terreur, la mort, ils fuient pour sauver leurs vies. Beaucoup d'entre eux n'ont pas le choix. Et l'Europe en paye les conséquences.

Comment évaluez vous cette situation de Russie, où vous vous trouvez ? 

E.L : La Russie aussi a accueilli plus de 600 000 réfugiés vous savez. Seulement, voyez-vous, ceux-là sont ukrainiens. Ils parlent la même langue que nous, ils partagent notre culture. Ils ne sont absolument pas une menace pour la Russie. Je peux vous dire qu'on est bien mieux lotis que vous de ce côté là. Enfin... pour le moment.


*Source 

lundi, 26 octobre 2015

1942 & 2015: les mêmes décombres?

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1942 & 2015: les mêmes décombres?
 
Livre: Les décombres

Relire Lucien Rebatet

Journaliste
Ex: http://www.bvoltaire.fr
 

rebatet1.JPGSorti en 1942, Les Décombres de Lucien Rebatet (deuxième titre majeur après Les deux étendards) viennent d’être réédités chez Robert Laffont. Cinq mille exemplaires épuisés dès le premier jour, l’éditeur a lancé un deuxième tirage à trois mille.

Si les « heures les plus sombres de notre histoire » sont cadenassées par le système oligarchique en place (interdisant même l’étude historique), le peuple reste friand et curieux de son histoire, et de points de vue interdits.

Rebatet nous présente une France, au cœur de l’action politique furieuse de la fin de l’Entre-deux-guerres, dans un état similaire au nôtre. « On avait pu reconnaître la fragilité de la carcasse parlementaire. Mais elle s’était révélée encore plus ferme que tous ses ennemis. Les Parisiens, des camelots du roi aux communistes, avaient prouvé qu’ils étaient encore capables d’un beau sursaut de colère et même de courage. Mais leur élan inutile était brisé pour longtemps. »

Ces lignes, écrites il y a plus de soixante-dix ans, nous prouvent, une fois de plus, que l’histoire est un éternel recommencement : « Nous ne faisions pas la guerre. Nous la singions », comme François Hollande, caporal-chef de guerre pour l’oligarchie mondialiste en Afrique et au Moyen-Orient. Avec les mêmes faux-amis : « L’aide des Anglais – ils ne nous le cachaient pas – serait de pure forme. Nous serions réduits à nos seuls moyens, un contre deux, trois peut-être bientôt si l’Italie s’en mêlait. »

La finance de Wall Street soutenait Hitler en sous-main 1 et les soubresauts du peuple, par des partis alternatifs (aujourd’hui décrits comme extrémistes, fascistes ou nazis par les tenants de ladite oligarchie) ou des manifestations n’eurent aucun effet sur les événements politiques et économiques. « Il n’y avait aucun risque que le prolétariat s’insurgeât contre la guerre. Ses maîtres, décidément beaucoup plus forts que nous, étaient parvenus à lui faire confondre le grand soir avec l’abattoir. […] Il était dit que l’imbécillité suraiguë remplacerait le typhus dans cette guerre et que sa contagion n’épargnerait personne. C’était à notre tour de jouer les justiciers avec nos sabres de paille. »

La nouvelle montée des tensions voulue par les élites mondialistes (écho de Bagatelles pour un massacre de Louis-Ferdinand Céline) se fait, à nouveau, sous couvert du vernis craquelé de la démocratie. « Pour imposer silence aux vieilles cliques sans idées, incapables d’imaginer et de faire la paix avec nos voisins, il faut une poigne solide. Nous demeurons dans la situation paradoxale d’août 1939. Ce sont les mous, les hésitants, les « modérés » qui poussent à de nouvelles tueries guerrières, par débilité intellectuelle ou sentimentale. Ce sont les forts, les violents, puisant leur énergie dans leur intelligence, qui veulent la paix, parce que la paix seule peut être vraiment révolutionnaire, tandis que la guerre revancharde ne pourrait être que hideusement conservatrice. » Les mêmes causes produisent les mêmes effets…

dimanche, 25 octobre 2015

Le monde orwellien de l’information, c’est maintenant

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Le monde orwellien de l’information, c’est maintenant

par Yovan Menkevick

Ex: https://reflets.info

Le journalisme est une pratique professionnelle très large. Il n’y a pas un type de journaliste, une sorte de modèle qui donnerait le « La » à tous les autres. Certains relayent les informations de [la centrale française de l’information] l’AFP, et les « habillent », d’autres mettent bout-à-bout des actualités récupérées par des confrères. Il y a des journalistes assis, d’autres debout, en mouvement, des journalistes qui analysent, qui n’analysent pas, qui creusent ou non, enquêtent, fouillent, vont sur le terrain, ou au contraire, relayent principalement le message de groupes d’intérêts.

Toutes ces formes de journalisme créent ce que l’on nomme « l’information ». Et dans un monde complexe, hétérogène, aux politiques d’influence d’une puissance historique incomparable, recouvert de technologies [de l’information] en perpétuelles améliorations, le journalisme continue, malgré tout, à pratiquer son activité de manière [majoritairement] uniforme. Majoritairement, mais pas intégralement, puisque des hisoires commencent à être racontées avec l’aide de nouveaux acteurs — qui peuvent être nommés de façon large — les hackers.

Poitras et Greenwald, avec les révélations d’Edward Snowden en sont un exemple frappant. Reflets, avec les affaires Amesys, Qosmos, en est un autre. Ces nouvelles manières d’aborder les réalités  — beaucoup par et — grâce à Internet, offrent une autre vision du monde qui nous entoure. Elles critiquent la réalité établie, celle qui est servie par « l’information ». Personne ne pouvait imaginer il y a un peu plus de 2 ans, que la planète entière était sous écoute américaine (et d’autres grandes nations), même si cette possibilité était pointée par Reflets, depuis 2011, inlassablement, avec entre autres les ventes d’armes numériques de la France à la Lybie, la Syrie — et d’autres nations très peu démocratiques.

La réalité commune, véhiculée par l’information des journalistes, n’est donc pas fixe. Mais elle a la peau dure. Le rapprochement avec le monde d’Orwell commence à émerger, et étrangement — alors que chacun pouvait le penser au départ — ce n’est pas grâce à une surveillance permanente des individus par un œil étatique invisible (Big Brother) et omniprésent. Le monde d’Orwell est en place, mais c’est avant tout celui de la fabrication et de la refabrication de la réalité qui le définit. Par le biais de l’information.

La guerre c’est la paix (créer le chaos c’est la sécurité)

go5798749_e9c5d296d2_z.jpgLes attentats de janvier 2015 ne sont pas survenus au gré de circonstances équivoques, par la simple volonté d’illuminés vengeurs qui ne supportaient pas des caricatures vieilles de 10 ans, d’un journal satirique en cours d’effondrement économique pour cause de manque de lecteurs. Cette histoire de liberté d’expression bafouée ne fut qu’un paravent pour éviter de parler de politiques françaises lourdes de conséquences.

La première de ces politiques est la participation militaire de la France à des bombardements en Irak depuis l’automne précédent. La seconde est la politique de rapprochement avec Israël, marquée par un discours du chef de l’Etat français soutenant – durant l’été 2014 — les bombardements aveugles d’un Nethanyaou plus martial que jamais, et causant par des bombardements aveugles la mort de plus de 2000 Palestiniens de la bande de Gaza, dont un nombre impressionnant d’enfants.

« La guerre c’est la paix » était le slogan d’un ministère de la société de Big Broter imaginée par Georges Orwell dans 1984. Le « chaos c’est la sécurité » pourrait dire Hollande, qui prétend protéger la France en envoyant son armée pilonner des territoires partout où des fondamentalistes appellent leurs « frères », en Occident, à causer le maximum de morts dans les populations des pays engagés militairement contre eux.

La cause et l’effet sont évidentes, elles ne sont pourtant pas fortement discutées : la réalité ne semble pas vouloir plonger dans les racines des événements. Au contraire, elle semble devoir être l’événement, et lui seul. Une forme d’amnésie permanente de « l’information au présent simple », avec laquelle l’histoire est évacuée.

L’ignorance c’est la force (et la distraction assurée)

« Notre ennemi, c’est la finance, mais ce sont aussi les djihadistes, bien que nos alliés soient des bourreaux qui ont financé ces mêmes djihadistes et participent au grand désordre financier mondial. Quand nous soutenons la dictature militaire égyptienne en leur vendant de l’armement, nous soutenons la démocratie et les révolutions arabes, parce que nous sommes le pays des Droits de l’homme qui aide les dictatures à torturer ses opposants politiques grâce à nos technologies duales de surveillance numérique. Nous soutenons la transition écologique grâce à l’énergie nucléaire — qui exploite nos ex-colonies riches en uranium, aux populations affamées — énergie que nous allons pourtant réduire, tout en déclarant la guerre aux centrales à charbon, car la planète se réchauffe dramatiquement par notre faute, par la croissance économique, que nous souhaitons pourtant la plus forte possible. »

Discours imaginaire de François Hollande.

La réalité commune, celle du monde qui nous entoure est forgée — au XXIème siècle — non pas par une observation personnelle d’un environnement local, ou par la lecture approfondie de documents fabriqués par des personnes observatrices et analystes d’événements locaux, dans la durée, mais par un flot ininterrompu d’informations. Cette information est rapide, fabriquée par des acteurs plus ou moins indépendants, plus ou moins présents lors des événements. Sa principale vocation est d’appeler à réagir, émotionnellement le plus souvent.

Présenter des événements inquiétants, violents, perturbants, gênants, qui appellent les spectateurs à la fascination et au dégoût, tel est le principe de l’information actuelle. Le but étant de faire commerce de cette information, il est crucial qu’elle « fasse événement », soit forte, et surtout, qu’elle soit une nouveauté. D’où le remplacement nécessaire d’une information forte par une autre, quand la première commence à se dégonfler, à perdre de son intensité. Cette faculté de l’information à ne jamais revenir sur les origines des événements, de ne jamais traiter les causes et les effets (faculté qui existait auparavant mais pas dans des proportions aussi importantes, cf l’info en continu) de ce qu’elle montre, mène à des manipulations par omissions, certainement inconscientes de la part des journalistes, mais qui posent de véritables problèmes. Démocratiques.

Comment les citoyens peuvent-ils débattre, échanger, chercher à connaître la réalité de la façon la plus honnête qui soit, demander à leurs représentants d’améliorer, faire progresser leur société (ou d’autres plus lointaines), s’ils sont en permanence floués, assommés par des réalités/vérités qui remplacent et annulent les anciennes ?

L’information, c’est l’affirmation

Une quinzaine d’articles publiés sur Reflets (du même auteur que cet article) — plus ou moins satiriques — à propos du changement climatique, ont tenté de réfléchir et faire réfléchir sur cette capacité à revisiter l’histoire que la société de l’information actuelle pratique intensivement. Le but de ces articles, malgré les apparences, n’était pas moins d’invalider purement et simplement les thèses sur le réchauffement anthropique — démonstration impossible s’il en est à l’échelle d’un journaliste — que de pointer le traitement quasi hallucinatoire de ce sujet.

L’intérêt principal de l’information sur le changement climatique est sa capacité à refaire sa propre histoire, à oublier ses erreurs, approximations, ses prédictions fausses, et recréer de façon continue une cohérence illusoire dans sa vocation unique. Cette « vocation », l’objectif de l’information sur le climat, n’est pas de parler du climat en tant que tel, mais des catastrophes que celui-ci, en se modifiant à cause de l’activité humaine, va provoquer. De façon « certaine ». D’où les annonces permanentes de prévisions d’augmentation de la température du globe, à 10 ans, 15 ans, 30, 50 ou 100 ans.

Si l’information d’il y a 15 ans, pour la période actuelle, s’avère fausse, à propos de la hausse générale de température prévue, cette information n’est pas ou peu franchement traitée, et quand c’est le cas, elle est balayée d’un revers de main par un expert officiel du « consensus », qui quand il admet que la hausse n’est pas franchement là (le hiatus), laisse entendre que, certes, la chaleur n’est pas autant là que prévu, mais qu’elle existe quand même (théorie de la chaleur captive des océans). De la même manière, les années plus chaudes sont relayées de façon massive, mais lorsque des années plus froides surviennent, cette information n’est pas relayée, ou cataloguée dans le registre « météo ». Une année très chaude est une information climatique, une année froide est de la météo, et écartée. Ou bien encore, elle trouve une explication par le « forçage naturel » du climat.

Le principe de l’histoire [de l’information] revisitée en permanence — pour le traitement du changement climatique — est central. Le terme de réchauffement a d’ailleurs été modifié en « changement », en quelques années (alors que le phénomène de réchauffement est le cœur du sujet, les conférences le stipulent toutes, comme les différents rapports du GIEC). La courbe qui a affolé la communauté scientifique (courbe de Mann en crosse de hockey) dans les années 2000, bien que déclarée fausse, tronquée, et admise comme telle par la communauté scientifique (puis corrigée) — n’a rien changé à l’information sur l’évolution du climat [et des prévisions de changements de température au cours du temps]

Tout comme les 9 mensonges d’Al Gore dans son film « Une vérité qui dérange » (et reconnus comme tels par un tribunal anglais) ne l’ont pas empêché d’obtenir un Nobel de la paix. Les mêmes types d’information contenues dans le le film d’Al Gore, circulent toujours, sont relayées.

go044f.jpgCette information revisitée, ré-évaluée en permanence — quasi amnésique — est logique puisque le but n’est pas d’informer sur le réchauffement climatique, mais de démontrer — à tout prix — la réalité d’un réchauffement anthropique. Ceux qui se penchent sur les ré-écritures de cette histoire, sur les prévisions ratées, sur les jeux de données choisis de façon univoque [avec l’écartement des études ou jeux de données ne collant pas bien avec la démonstration anthropique], ou simplement qui pointent des incohérences ou émettent des doutes sur la connaissance parfaite du climat par la science actuelle — sont donc taxés de climato-sceptiques.

Ce qui ne signifie rien en soi, puisque personne « ne doute de la réalité du climat ». Mais le terme a cette capacité à créer deux camps : ceux du consensus scientifique sur le changement climatique anthropique (le consensus scientifique n’existe QUE pour le changement climatique, et nulle part ailleurs en sciences) et les climato-sceptiques. Le premier camp est celui de ceux qui veulent sauver l’humanité de ses propres errements, et l’autre, ceux de ceux qui osent douter, questionner l’information sur le changement climatique. Le procès de Galilée n’est pas loin. Sachant que de nombreux « climato-sceptiques » sont avant tout des chercheurs qui tentent [encore] de comprendre quelque chose qui ne leur semble pas « fini » en l’état de la science. Les modèles, les informations manquantes, les méthodes, la manière de « prendre la température de la planète » etc…

La plupart ne contestent pas la hausse de 0,8°c en 150 ans. Ni le ralentissement de cette progression depuis 17 ans. Ils ne cherchent pas non plus forcément à démontrer qu’il n’y a aucune influence de l’homme dans cette élévation, mais contestent les rapports du GIEC et son discours univoque, tout comme l’information générale actuelle sur le réchauffement climatique anthropique. Mais cette (petite) information qui met en cause la validité intégrale des rapports du GIEC et de son relais journalistique, qui doute de l’influence unique des gaz à effets de serre dans le réchauffement, n’a simplement plus droit de cité, elle est désormais condamnée, suspecte, considérée comme propagandiste. Le plus étonnant (et ironique) est de voir les pires propagandistes de la planète, à la tête des plus grandes nations, des plus grandes entreprises, des plus grands médias, pointer du doigt une fraction d’individus comme étant ceux pratiquant la propagande.

La liberté c’est l’esclavage

L’intégrisme est devenu un fonctionnement partagé par le plus grand nombre. Intégrisme religieux, politique, intellectuel, informatif. La capacité des individus de la société de l’information à douter, questionner [l’information] se raréfie et mène à une radicalisation des esprits. Le flot continu d’actualités anxiogènes, décousues mais martelées en permanence semble forcer les spectateurs du monde à tenir une position radicale face à celui-ci.

Le doute et le questionnement n’ont donc plus véritablement de valeur : ils mèneraient à une forme d’inconsistance, de mollesse dangereuse, d’un manque de positionnement affirmé. La servitude à l’information est devenue la règle, que cette information soit médiatique ou par échanges de points de vue, d’opinions sur les réseaux [informatiques].

L’éducation est censée avoir progressé et pourtant le nombre d’adultes ne connaissant l’histoire de leur propre pays, ou du monde, que par fragments totalement superficiels est devenu la norme. Jamais la liberté de déplacement, d’apprentissage, de s’informer n’a été aussi grande qu’aujourd’hui pour les populations occidentales, et jamais le servage (aux technologies, à la distraction, à la consommation industrielle) de ces mêmes populations n’a été aussi important. L’homme et la femme actuels des pays industrialisés sont pourtant convaincus de leur libre arbitre, de leur capacité à s’émanciper par l’accès aux technologies de l’information, à s’affirmer par celles-ci, alors qu’en réalité, il n’ont jamais été autant asservis. Leur autonomie est réduite à très peu de choses, leur indépendance, quasi nulle. Paris, si elle n’est plus ravitaillée de l’extérieur, possède une autonomie alimentaire de 5 jours. Elle était de 60 jours en 1960 avec la ceinture verte, qui a disparu. Les réseaux de téléphonie mobile s’arrêtent ? C’est la panique pour une grande majorité des individus actuels qui dépendent à tous les niveaux de leurs smartphones.

Un télécran pour tous ?

Le principe d’une surveillance constante de la population par un dictateur via des écrans nommés « télécrans » et placés dans les logements, les entreprises, les lieux publics, était inquiétant dans le roman « 1984 ». Mais s’il était difficile d’imaginer une population acceptant de se soumettre à ce diktat de l’image, imposé par un pouvoir un place, la réalité de 2015 a trouvé bien plus fin et acceptable : le télécran auto-géré, auto-imposé et valorisé.

La dictature la plus insidieuse et la plus durable est celle des esprits, et elle passe par l’enfermement volontaire d’une majorité des individus dans un écosystème informatif propagandiste et délassant, le tout sous surveillance d’une administration invisible mais en capacité légale et affichée de fouiller la vie privée de tout un chacun. Sachant que les citoyens en redemandent, consomment chaque jour un peu plus de leur télécran, les pouvoirs en place ne peuvent qu’être incités à utiliser cet outil de contrôle pour affirmer et maintenir leur position. Orwell était bien en dessous des possibilités totalitaires qu’une société technologiquement avancé peut mettre en place. Bien en dessous…

Le monde orwellien est celui de 2015. Il est le monde orwellien de l’information .

vendredi, 23 octobre 2015

HUGO FISCHER: EL MAESTRO OCULTO DE ERNST JÜNGER

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HUGO FISCHER: EL MAESTRO OCULTO DE ERNST JÜNGER

EL MAGISTER NIGROMONTANUS
 
Manuel Fernández Espinosa

Ex: http://movimientoraigambre.blogspot.com

hugofischer.jpgCuando estos días prepárabamos el excursus a la "Elucidación de la tradición", dedicado en dos entregas (I parte y II parte) a considerar la noción de "tradición" en Ernst Jünger, nos asaltó un tema que hace tiempo acariciábamos la idea de tratar: el de la figura de uno de los maestros que más influencia ejerció sobre el pensamiento de Ernst Jünger y que, en la bibliografía española sobre Jünger, apenas ha sido tratado. Me refiero a Ernst Hugo Fischer.
 
Jünger se refiere a él con profusión, pero de una forma dispersa. En los diarios alude a él casi siempre bajo el pseudónimo de "Magister", aunque también lo cita por su nombre de pila y apellidos. En las novelas "Sobre los acantilados de mármol" y "Heliópolis" se refiere a él con el sobrenombre de "Nigromontanus", en "Visita a Godenholm" germaniza Jünger el "Nigromontanus" pudiéndosele identificar con el personaje de "Schwarzenberg" (Montenegro, que diríamos en castellano). Hay en torno a Hugo Fischer un halo de misterio que el mismo Jünger contribuye a crear y planea en toda la obra jüngeriana en la figura del maestro (aunque no todos los personajes puedan identificarse con éste de carne y hueso) que inicia en los secretos de una sabiduría capaz de superar el nihilismo.
 
Ernst Hugo Fischer nació en Halle an der Saale el 17 de octubre de 1897. La Primera Guerra Mundial lo dejó mutilado y, licenciado por invalidez, se emplea a partir del 1918 al estudio concienzudo y multidisciplinar en la Universidad de Leipzig, donde años más tarde lo conocería Jünger. Los intereses "científicos" de Fischer son múltiples: estudia Historia, Filosofía, Sociología, Psicología y se convierte en un reputado orientalista, doctorándose el año 1921 con la tesis titulada "Das Prinzip der bei Gegensätzlichkeit Jakob Böhme" (El principio de la oposición en Jakob Böhme). Resulta curioso que Ernst Jünger que era unos años mayor que Fischer (Jünger nació en 1895 y Fischer en 1897) le llame hasta el final de sus días "Maestro", pero tendríamos que tener en cuenta que Jünger llegó a la Universidad cuando Fischer le llevaba en ella unos años de ventaja. Cuando Jünger llegó a Leipzig, Fischer era ya uno de los polígrafos más importantes de Europa, pero eso sí: siempre en la sombra, con una discreción que raya el secreto, estudiando y viajando sin cesar y ejerciendo su magisterio a la manera de un maestro oculto de esos que nos hablan las tradiciones orientales como el taoísmo.
 
En 1921 viajó a India, en 1923 estuvo en España. Desde 1925 a 1938 ejerció la docencia en la Facultad de Filosofía de la Universidad de Leipzig, asociándosele con Arnold Gehlen. Su nacionalismo alemán fue una constante en él, militando en los círculos nacional-revolucionarios, trabando relación incluso con el nacional-bolchevique Ernst Niekisch, amigo de Jünger. Emigró de Alemania en 1938,  pues los nazis lo encontraron sospechoso por sus análisis filosóficos del marxismo, expresados en "Karl Marx und sein Verhältnis zum Staat" (Karl Marx y su informe al Estado) y "Lenin: el Maquiavelo del Este", por lo que terminó estableciéndose en Noruega, donde fue Director del Instituto de Investigación de la Sociología y la Enseñanza en Oslo. Más tarde se trasladó a Inglaterra. Siguió viajando a la India, incluso fue profesor en la Universidad de Benarés y regresó a Alemania en 1956, ocupando la cátedra de Filosofía de la Civilización en la Universidad de Múnich. Siguió estudiando, escribiendo y publicando, aunque sin éxitos rotundos que pusieran su figura filosófica en primera línea mundial. Su último libro lo dio a la estampa en 1971, bajo el título "Vernunft und Zivilisation" (Razón y Civilización) Falleció el 11 de mayo de 1975 en Ohlstadt (Baviera).
 
Su pensamiento fue evolucionando, pero siempre se mantuvo hipercrítico contra la modernidad y anticapitalista, siendo uno de los cerebros de la Revolución Conservadora alemana y tanteando todas las formas posibles de combatir lo que consideraba el mal absoluto: la modernidad y el capitalismo, para establecer un orden de nuevo cuño. Uno de los que más ha contribuido a darlo a conocer fue, como dijimos arriba, Ernst Jünger. Más que un exhaustivo seguimiento y localización de las abundantes citas que Jünger dedicó a Fischer a lo largo de toda su obra, merece la pena destacar el marcado carácter metafísico (podríamos decir que hasta místico) que imprimió a la visión del mundo jüngeriana. En "Heliópolis" el protagonista revela que una de las enseñanzas que recibió de su maestro "Nigromontano" era "que la naturaleza interior del hombre debe hacerse visible en su superficie como la flor que nace del germen". La idea se repite al final de la novela: "Creemos que su intención [la de Nigromontano/Fischer] es saturar la superficie con profundidad, de modo que las cosas sean al mismo tiempo simbólicas y reales".
 
En "Sobre los acantilados de mármol" se habla de un misterioso artilugio que Nigromontanus había dado a los hermanos que protagonizan la novela: "Para consolarnos, sin embargo, poseíamos el espejo de Nigromontanus, cuya contemplación (...) siempre nos serenaba". Dicho espejo tenía las supuestas propiedades de "concentrar los rayos solares sobre un punto en el que inmediatamente se producía un gran fuego. Las cosas que, tocadas por aquel ardor, se incendiaban, entraban en la eternidad de una manera que, según Nigromontanus, no podía comparse ni a la más fina destilación. Nigromontanus había aprendido aquel arte en los conventos del lejano Oriente, donde los tesoros de los difuntos son destruidos por las llamas, a fin de que puedan entrar en la eternidad en compañía de éstos".

Habida cuenta de que "Sobre los acantilados de mármol" es una novela que bien mereciera calificarse como "realismo mágico", sin regatearle su condición de "distopía", haríamos bien en pensar que más que un artefacto, el "espejo de Nigromontanus" sería algo así como una posible técnica de meditación inspirada en los saberes ocultos del extremo oriente (me pregunto, no sin advertir que me aventuro a equivocarme: ¿sería un mandala?.) A tenor de ello merece la pena recordar las enigmáticas palabras que Jünger escribe en "El corazón aventurero. Figuras y caprichos": "Entre los arcanos que me reveló Nigromontanus figura la certeza de que entre nosotros hay una tropa selecta que desde hace mucho tiempo se ha retirado de las bibliotecas y del polvo de las arenas, para consagrarse a su trabajo en el más recóndito cenobio y en el más oscuro Tíbet. Él hablaba de hombres sentados solitariamente en estancias nocturnas, imperturbables como rocas, en cuyas cavidades centellea la corriente que afuera hacer girar toda rueda de molino y que mantiene en movimiento el ejército de las máquinas; pero la energía de estos hombres permanece extraña a todo fin y se recoge en sus corazones, que, como matriz caliente y vibrante de toda fuerza y poder, se sustrae para siempre a cualquier luz externa".
 
Como quiera que sea la relación entre Ernst Jünger y este filósofo desconocido fue muy estrecha, incluso Jünger alude a viajes que hicieron juntos, pasando por el Golfo de Vizcaya en el barco "Iris" por ejemplo. Sabemos, por los diarios de Jünger, que todavía en 1968 el filósofo Fischer visitaba Mallorca, pero nos gustaría saber los lugares que recorrió en su viaje a España en 1923 o en otras de sus visitas. Estamos convencidos de que en Hugo Fischer, ese desconocido para la filosofía y la cultura española, estamos ante un maestro oculto cuya labor científica no ha sido todavía, por las razones que sean, lo suficientemente divulgada.
 
BIBLIOGRAFÍA:
 
Jünger, Ernst, "Visita a Godenholm".
Jünger, Ernst, "Heliópolis".
Jünger, Ernst, Diarios: Radiaciones I y II, Pasados los Setenta I, II, III, IV, V.
Jünger, Ernst, "Sobre los acantilados de mármol".
Jünger, Ernst, "El corazón aventurero".
 
Enlaces de interés:
 
Gajek, Bernhard, "Magister-Nigromontan-Schwarzenberg: Ernst Jünger und Hugo Fischer". Revue de littérature comparée. 1997
 

jeudi, 22 octobre 2015

Michel Houellebecq’s Submission

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Michel Houellebecq’s Submission

Michel Houellebecq
Submission: A Novel
Trans. Lorin Stein
London: Heinemann, 2015

Submission.jpgMichel Houellebecq is one of the finest novelists living today. His most recent novel, Submission, is now out in English. It confirms my long-held suspicion that Houellebecq is a man of the Right, whether or not he admits it to us, or even to himself.

Houellebecq has long been one of the most savage critics of liberal decadence and cant. But Submission reveals that he is also a student of far Right literature, showing a broad familiarity with demographics, eugenics, Traditionalism, European nationalism, distributism, biological race and sex differences, Identitarianism (which he calls “Indigenous Europeanism” in the book), and the critics of Islam.

 [3]Submission (a translation of “Islam”) tells of a Muslim takeover in France in 2022. The National Front and a fictional Muslim Brotherhood party make it into the runoff in the French national election. On election day, they are neck and neck. Ballot boxes are stolen, invalidating the entire vote. Another vote is scheduled for the following Sunday, but in the meantime, the conservative and Socialist parties join the Muslims in a “Republican Front” to keep Marine Le Pen out of power. Once installed, the Muslim Brotherhood institutes sweeping educational, economic, and foreign policy reforms designed to make Muslim hegemony permanent. Belgium is the next to fall, but all of Europe is doomed due to the political and economic integration of the Muslim world into the European Union.

Houellebecq’s scenario is highly unlikely, at least in the time-frame he specifies. But lack of realism does not prevent science fiction from being an instructive mirror for modern society, and the same is true of Submission, which is less about Islam than about the weaknesses of modern France — and of its would-be defenders on the radical Right — that make them susceptible to a Muslim takeover. Although millions will read this book, I believe that its chosen audience are the intellectuals and activists of the nationalist Right. Houellebecq wants us to succeed. He wants us to save Western civilization. But he does not think we are quite up to the task, so he offers some sage advice.

The End of Democracy

 [4]The first lesson of Submission concerns the political process. The Left and the center-Right are both committed to dissolving France into Europe and then into global “humanity.” They are more opposed to French nationalism than to Islam, even though Islam represents a repudiation of their liberal and Republican values. They hate the National Front, and the nation it represents, more than they love themselves and their values. Therefore, out of suicidal spite, they would be willing to put France under a Muslim regime.

But wouldn’t the Left and center-Right wake up eventually and resist as the Muslims began to implement their program? Houellebecq thinks not. The Left would be unable to protest because Islam is a sacred non-white, non-European “other,” and the Right would be unable to protest because they are bourgeois cowards who follow the lead of the Left. The fact that both groups fear Muslim violence does not help either. (None of them fear Right-wing violence, however.)

But if liberal democracy is a sordid, pusillanimous sham which is willing to deliver the nation and itself to destruction, then why is the National Front seemingly committed to democratic legitimacy? Putting a Muslim party in power is not politics as usual, in which power circulates between different branches of the same elite. It is the emergence of a new elite with a radical revolutionary agenda. Islam aims at irreversible change, hence it punishes apostasy with death. It is not just a flavor of liberal democracy that can be installed by a minor tantrum of the voters and then reversed on whim at the next election.

If this is how democracy ends, then why is the Right unwilling to end democracy in order to save the nation? Houellebecq sets up a scenario in which the only salvation of France would be a Right-wing revolution or military coup, followed by both massive ethnic cleansing and an épuration of the ruling classes, including “the soixante-huitards, those progressive mummified corpses — extinct in the wider world — who managed to hang on in the citadels of the media, still cursing the evils of the times and the toxic atmosphere of the country” (p. 126).

It goes without saying that the Muslims are willing to kill and die to get their way, but the Right, apparently, is not. In Submission, as in Jean Raspail’s The Camp of the Saints, even the most martial and patriotic French are so rotted with humanitarian cant and cowardice that they allow their country to be destroyed rather than use force to preserve it. I refuse to believe that the French Right is quite that decadent and that Marine Le Pen or her successor would allow a great nation with a venerable tradition of revolutions, coups, and dictatorships to perish out of cuckservative good sportsmanship.

Why are young Rightists not entering the French army and police forces? Why are they not opening private security firms? If none of this had occurred to the leaders of the National Front and the Identitarians, it has now. If so, perhaps Houellebecq will some day be remembered as the Rousseau of the next (and final) French Revolution.

Post-Democratic Legitimacy

The next lesson of Submission concerns how to legitimate a post-democratic society. And make no mistake: even though the form of elections might be maintained, the Muslim Brotherhood would never allow itself to be voted out of power. Specifically, how would the Muslim Brotherhood neutralize its most committed enemies on the far Right, the traditionalist Catholics, the Identitarians, and the National Front? Simple: by instituting reforms that they wanted all along.

The Muslim Brotherhood is in no hurry to impose sharia law. The French may not fight for nation and freedom, but they will fight for alcohol and cigarettes. Christians and Jews will not be persecuted. The Muslims realize that the future belongs to the population that has more children and passes on their values to them. The native French population is shrinking. In a few generations, they will be virtually extinct, and those who remain will be powerless to resist sharia law. So all the Muslim Brotherhood has to do is wait.

In the meantime, they are content to reform the educational system, one of the bastions of the Left. Muslims are given the option of a completely Muslim education. Co-education is abolished. Female teachers are pensioned off. Schooling is mandatory until only the age of 12. Vocational training and apprenticeships are encouraged. Higher education is privatized. The public universities are Islamized with huge influxes of petrodollars. Non-Muslim male faculty and all female faculty are given early retirements with full pensions.

In the economic realm, the Muslim Brotherhood eliminates unemployment by giving incentives to women to leave the workplace and return to family life. Small, family-owned businesses are encouraged through adopting Catholic distributist policies. Welfare spending is slashed dramatically, forcing people to work in good times and to depend on their families and religious communities in hard times.

sub.jpgIn the social realm, the patriarchal family is reestablished as the norm. Women are encouraged to choose families over careers. Sexual modesty in dress, behavior, advertising, and popular culture is rapidly adopted. Oh, and Muslim men are allowed up to four wives.

Crime, which is mostly Muslim crime to begin with, plummets, perhaps because they feel that France is now their country and they no longer wish to trash it.

Now, dear reader, ask yourself: wouldn’t you wallow in Schadenfreude to see the Leftist academics, feminists, and welfare scroungers get theirs? Wouldn’t you rejoice at such pro-family reforms? And that’s the problem.

In the long run, under Muslim rule, France will disappear, and the only force that could prevent it is the far Right. But the far Right, like every other group, has a majority of short-sighted people and a minority of far-sighted ones. The far-sighted can only mobilize the short-sighted based on their present discontents. Drain the sources of discontent, and the far-Right constituency will grow complacent. And without followers, the leadership will be powerless.

The far Right is also a coalition of people with varying complaints. Only a minority are true racial nationalists who realize that to be French, one must be white. A black can be a French citizen, speak French, eat French food, and be a Roman Catholic. Thus citizenship, language, culture, and religion are not essential to being French. But whiteness is.

Many Rightists do not see this, however. They are broad-brush anti-modernists and reactionaries; traditionalists with a large or small “T”; anti-feminists, masculinists, and “Men Going their Own Way”; or devotees of dead or dying religions and deposed dynasties. Such vague and anachronistic yearnings will never be fully satisfied anyway. There will never be another king Clovis, who will re-Christianize France. So many of these people would be quite happy to live under a moderate Muslim regime which is traditional, patriarchal, hierarchical, and appeals to transcendent values.

After all, we have ample evidence of impotent Rightists being willing to accept vague approximations to their values and submerge their reservations, as long as the approximation is better organized and more active than the Right, which isn’t hard. Thus in America, I have seen actual National Socialists converted into fervent enthusiasts for Ron Paul, Vladimir Putin, Alexander Dugin, Catholicism, Orthodox Christianity, Traditionalism — anything, really, as long as it appears to be a sizable and well-organized opposition to the existing establishment. You know very well what such weak reeds would do when confronted with an actual Muslim regime. After all, opposing Islam would be “anti-traditional.”

There are many lessons for White Nationalists here. First, never let a Muslim regime come to power. Instead, prevent that — and gain power for ourselves — by any means necessary. Second, we must work relentlessly to focus our people on the paramount importance of race and not to fall for approximations and half-measures. Third, once we have power, we should not be in any hurry. All we need to do is hold onto power — which means postponing more radical reforms for a later date — and be content to set social processes in motion that will in the long-term lead to the sort of society we want. Focus on education and the family. Be kind to workers and small businessmen. Encourage the white population to grow and the non-white population to emigrate [6]. Deliver prosperity, security, and peace to our constituents. And then wait.

The Jewish Question

Now you may be wondering where the Jews fit into this. As Guillaume Durocher points out [7], Houellebecq hints at the importance of Jewish power, but in his narrative, Jews have no agency whatsoever. They simply slouch off to Jerusalem when the Muslim Brotherhood comes to power. In France today, however, Jews are a formidable political force, and Muslims are far weaker than their numbers would predict. Indeed, Jews have played a dominant role in encouraging Muslim immigration and empowerment, and in stigmatizing French resistance. Perhaps Houellebecq thinks that Islam will turn out to be another golem that turns on its Jewish masters. Maybe he wishes to focus specifically on the susceptibility of the French to Muslim domination. Or perhaps he thinks that Jews can be persuaded to change sides, which strikes me as extremely naive [8].

Surrender and Collaboration 

The next lesson of Submission concerns the psychology of surrender and collaboration. The main character of Submission is François, a 44-year-old professor of 19-century French literature in Paris. (He is a specialist on Joris-Karl Huysmans.) François is an only child (of course), the offspring of two selfish baby-boomers (divorced, of course) of the type that Houellebecq so masterfully skewers in his other books. He has had no contact with his parents in years, and he learns of their deaths only after the fact.

François is obsessed with sex (of course, since this is a Houellebecq novel). He has never married (of course). Instead, he has a series of transient relationships with young female students, who always seem to be the ones who break it off (of course), perhaps to show how strong they are.

François’ intellectual life is as empty as his personal one. The author of a brilliant dissertation, he has published one book, been promoted to full Professor, and now whiles away his time with petty academic politics.

Although a student of French literature, François knows very little about France. He seems utterly cut off from any sense of national identity. Left to his own devices, he eats nothing but Oriental, Middle Eastern, and Indian food, generally of the frozen or take-out varieties. (Let that sink in for a minute. How could any self-respecting Frenchman eat shwarma?) He lives in Paris’ Chinatown. He envies his Jewish soon-to-be-ex-girlfriend’s tribal identity, ruefully remarking that, “There is no Israel for me.” (Yes, but who made it so?)

François is also a chain-smoker and a massive alcoholic, although these hardly distinguish him from other European men today.

Desperately unhappy, François tries to follow Huysmans’ path into the Catholic Church, hoping it will provide a ready-made, all-encompassing meaning for his life. But it does not take. At one shrine, he has a quasi-mystical experience, but he interprets it as hypoglycemia. On another attempt, at a monastery, he flees after three days from the cold, discipline, deprivation, and forced sociability back to his solitude, cynicism, and cigarettes. Christianity demands sincere commitment, which François cannot give, and it offers very few creature comforts, which he cannot give up.

Naturally, François’ utter self-absorption goes along with political passivity. He barely took notice of politics until his country was torn away from him, and then he did absolutely nothing to fight it. When he hears of the possibility of a civil war, he wonders only if the deluge can be postponed till after his death. The very idea of fighting or dying for France would never have crossed his mind. But men who care about nothing higher than comfort and security, no matter how clever and civilized they may be, are no match for men who are willing to kill or die for higher values, no matter how stupid and primitive they may be.

After the Muslim takeover, François is forced into early retirement at full pension. But then he is slowly reeled back in by Robert Rediger, the Belgian-born convert to Islam who is put in charge of the educational system. First, at Rediger’s instigation, François is invited to edit an edition of Huysmans for the prestigious French publisher Pléiade. Then Rediger invites him to a reception, where they meet. At the reception, Redinger invites François to his home for a conversation, where Rediger reveals that he is recruiting distinguished scholars from the old system for the new Islamic University of Paris-Sorbonne. All François need do is convert to Islam, which he does.

Why does François convert to Islam rather than Catholicism? One reason is that Christianity is a feminine religion that inspires contempt, and Islam is a masculine religion that inspires admiration. But the main reason seems to be the fringe benefits. Christianity offered him swooning and self-denial. Islam offered him self-assertion and material advancement: a job at the Sorbonne, a huge salary, a house in a fashionable part of Paris, and most importantly, a cure for his sexual frustration and loneliness. Rediger offers him three wives, for starters: young, nubile, submissive Muslim girls to share his bed and bear his children.

Why does Houellebecq center his narrative on an academic? Because this novel is a thought experiment. Academia is the stronghold of the Left, which is still the strongest metapolitical force in our society, and if Islam can break its resistance, it can break anything else. Houellebecq realizes that academic males are pretty much all sexually frustrated wimps, dorks, and slobs: beta males oppressed by strong womyn in both their professional and personal lives. He believes they would welcome a regime that forces modesty in dress and advertisements, so they are not constantly tormented with sexual thoughts; a regime that restores male dominance in the workplace and bedroom; a regime that suppresses feminism and encourages female submission. Being married to four modern Western women sounds like hell on earth, but Islam might make polygamy quite workable. Houellebecq supports something I have long suspected: fundamentalist religions appeal to beta males as a way of controlling women. (“Jesus wants you to make me a sandwich, dear.”)

Polygamy, of course, is not the white way. But Rightists need to take note. Feminism is probably the greatest source of misery for men, women, and especially children today. White Nationalism is all about restoring the biological integrity of our race. That means not just creating homogeneously white living spaces for the reproduction and rearing of our kind, but also restoring traditional (and biological) sex roles: men as protectors and providers, women as mothers and nurturers. If we can promise to restore stable and loving families and homogeneous, high-trust communities, we can drain the swamps in which Leftists breed. After all, how many Leftists do you know who are lonely, dysfunctional, socially alienated products of broken families and communities?

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Beware the Traditionalists

The most interesting character in Submission is Robert Rediger, the Education then Foreign Minister of the new regime. He is a master of persuasion who knows that academics suffer above all from sexual frustration and unrequited vanity. He is a master of religious apologetic, meaning that he is an exceedingly clever liar. He claims that the Koran is a great poem of praise for creation, when it is closer to gangsta rap both as poetry and edification. He claims that polygamy is eugenic, which it might be if Muslims didn’t marry blacks and their own first cousins.

Rediger is a large, masculine man, which makes him an unusual academic. But this comes as no surprise when we learn his history. As a young man in Belgium, Rediger was an ardent Right-wing nationalist. But he was never a racist or fascist, mind you. Just a broad-brush reactionary anti-modernist who wrote a dissertation on Nietzsche and René Guénon, anti-modernist thinkers with radically incompatible premises. This does not, however, prevent Rediger from shifting from one perspective to another whenever it suits him. Nietzsche destroyed Christianity for Rediger, and Guénon offered him a way into Islam, a religion he sees as more compatible with masculine and vitalist impulses.

The lesson here is obvious: if racial integrity is not paramount, then Traditionalism is a vector of Islamization. A demythologization of Traditionalism has long been on my agenda, and Houellebecq has convinced me to step up the timetable. Such an argument has two prongs. First, as I argued in my review of Jan Assmann’s Moses the Egyptian [11], the Traditionalist thesis of the transcendent unity of religions is actually heretical according to the Abrahamic faiths, Judaism, Christianity, and Islam, which reject all other religions as false. Second, the Traditionalists are well aware of this problem. Thus their assertion that the Abrahamic faiths are compatible with Traditionalism is merely an attempt to trick their adherents into tolerating esoteric paganism. (Arguing this thesis would require a reading of Ibn Tufayl’s Hayy Ibn Yaqzan [12] and Guénon’s Initiation and Spiritual Realization [13] and Perspectives on Initiation [14].)

There is no Allah, and Muhammad was not his prophet. Therefore, whatever power Islam possesses is grounded in nature. If there is an overall lesson to Submission, it is that if our civilization falls out of harmony with nature and ceases to pass on its genes and values, it will be replaced by a civilization — no matter how backward and primitive — that is capable of doing so. And European man will disappear in a tide of fast-breeding, savage Sand People.

The Left and center-Right are deferential to Islam because they are decadent and devitalized. They sense its greater vitality, including its potential for violence. These people want to be subjugated, because no tyranny is worse than the fate of the atomized individual floating in the void of liberal, consumerist modernity. Liberal democracy and capitalism supply every human need, except to believe, belong, and obey. If our race is to be saved, then White Nationalists need to bring our societies back into harmony with nature. Whites must be forced to submit to our own nature, or we will end up submitting to aliens. And to do that, White Nationalists need to become an even more formidably vital — and intimidating — force than Islam. Clearly we’ve got work to do.

Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

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[1] Image: https://secure.counter-currents.com/wp-content/uploads/2015/10/Submission.jpg

[2] Submission: A Novel: http://www.amazon.com/gp/product/0374271577/ref=as_li_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=0374271577&linkCode=as2&tag=thesavdevarc-20&linkId=VLLJIFMJN4TEPYU4

[3] Image: https://secure.counter-currents.com/wp-content/uploads/2015/10/soumission1.jpg

[4] Image: https://secure.counter-currents.com/wp-content/uploads/2015/10/German.jpg

[5] Image: https://secure.counter-currents.com/wp-content/uploads/2015/10/behodolas.jpg

[6] the non-white population to emigrate: http://www.counter-currents.com/2014/06/the-slow-cleanse/

[7] Guillaume Durocher points out: http://www.counter-currents.com/2015/02/michel-houellebecq-soumission/

[8] extremely naive: http://www.counter-currents.com/2012/10/innocence-of-muslims-guilt-of-jews-interests-of-whites/

[9] Image: https://secure.counter-currents.com/wp-content/uploads/2015/10/MichelHouellebecq.jpg

[10] Image: https://secure.counter-currents.com/wp-content/uploads/2015/01/Muslimprotest.jpg

[11] review of Jan Assmann’s Moses the Egyptian: http://www.counter-currents.com/2014/06/moses-the-egyptian/

[12] Hayy Ibn Yaqzan: http://www.amazon.com/gp/product/0226303101/ref=as_li_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=0226303101&linkCode=as2&tag=thesavdevarc-20&linkId=XL5RYZLX7G5KXBBF

[13] Initiation and Spiritual Realization: http://www.amazon.com/gp/product/0900588357/ref=as_li_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=0900588357&linkCode=as2&tag=thesavdevarc-20&linkId=C5HBSFW6UIKXH5QZ

[14] Perspectives on Initiation: http://www.amazon.com/gp/product/0900588322/ref=as_li_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=0900588322&linkCode=as2&tag=thesavdevarc-20&linkId=SE4EDVIZOTNFDGO4

mercredi, 21 octobre 2015

Dario Fo: Nos intellectuels ineptes, tristes et asservis à la pensée unique

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Dario Fo: Nos intellectuels ineptes, tristes et asservis à la pensée unique

Culture Dissidence Liberté d'expression
 
Ex: http://www.arretsurinfo.ch

J’ai bien connu Dario Fo à Rome. C’était en 1974. Des affichettes placardées sur la Piazza Navona annonçaient son spectacle le soir même. Fo était un artiste déjà fort célèbre ; sa critique politique et sa défense des militants accusés de terrorisme, dérangeaient le système. Après un long et tortueux périple, où j’ai cru ne jamais arriver, j’ai fini par trouver le quartier pauvre de la banlieue romaine où Dario Fo se produisait. La salle, était bondée, en délire. Son spectacle comique, enthousiasmant, tenait de la Commedia dell’Arte et du meeting politique. Il y avait un climat de radicalisation gauche droite de quasi guerre civile en Italie. C’était les sombres « années de plomb ». Les années Gladio pour ceux qui connaissent l’histoire. A la sortie de ce spectacle si revigorant, le cercle qui entourait Fo m’a approchée. Stupéfait d’apprendre que je venais de Suisse pour atterrir en ce lieu perdu, Fo m’invita à se joindre aux acteurs de sa troupe et amis. Assise à l’arrière du véhicule je découvris que les amis qui accompagnaient Dario Fo assuraient sa protection armés de bâtons. Son épouse, l’actrice Franca Rame avait été séquestrée et violentée pour son engagement politique quelques mois plus tôt par un groupe néo-fasciste. Le souvenir de cette nuit romaine d’un Dario Fo accueillant, généreux, exubérant, préparant lui-même le diner, en riant, est resté gravé dans ma mémoire. [Silvia Cattori].
 
 


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Remettons les choses à plat : la loi [pour limiter] les écoutes téléphoniques, la réforme du Sénat, les interventions sur la RAI, l’article 18 [du statut du Travailleur] annulé par le Jobs Act(*) (que c’est moche cette expression, Jobs Act), autant de choses qui, si elles étaient arrivées il y a quinze ans sous le règne du Seigneur d’Arcore (Silvio Berlusconi, NdT) auraient – et ont effectivement – rempli les rues de manifestants, et les pages des journaux. Mais alors, que s’est-il passé, que nous est-il arrivé, pour que s’abatte un silence aussi effrayant ? Pour que se produisent cet assoupissement paradoxal, cette anesthésie générale. Vous rappelez-vous cette vieille fable, « Le joueur de flute » ? Un joueur de flûte enchante les rats de la ville et les conduit au fleuve où ils se noient, libérant ainsi la cité. Mais comme les gens de la ville … ne tiennent pas parole et ne le paient pas, lui se venge et avec sa flûte il enchante cette fois les enfants de la cité et les emmène avec lui.Voilà, la même chose s’est produite avec les journalistes qui  devraient être les premiers à avoir conscience de l’importance de l’information : à force de jouer de la flûte, ils ont endormi trop de gens ! Mais ce n’est pas seulement le problème de la presse écrite. Nous avons aujourd’hui une classe d’intellectuels qui a en grande partie oublié d’utiliser le tambour, un instrument formidable pour réveiller les enfants ahuris. La plupart se taisent, ils n’ont plus de dignité et donc ne s’indignent plus. C’est cela qui est terrible et incroyable : le manque d’indignation. Cela dépasse de loin la trahison du clergé ! Tous pensent la même chose : mais pourquoi donc devrais-je m’exposer ? Peut-être qu’un jour j’aurai besoin de quelque chose, d’une faveur, d’un coup de main de celui que je suis en train de critiquer.

Tout se joue sur la peur du chantage, sur la possibilité d’en tirer un avantage pour soi. Ceux qui font l’information et l’opinion ont compris cela : il faut rester dans le jeu. Si tu te mets à critiquer, ou même à faire des remarques ou des réflexions gênantes, tu es purement et simplement  éliminé. Désormais le pli est pris : on aligne sur le tableau le nom de ceux qui se sont « mal comportés ». Celui dont la tête dépasse des rangs est jeté dehors. Et par « dehors » j’entends, mis totalement hors-jeu.

Les conséquences de cette pensée, non pas « unique » mais asservie, conformiste, et opportuniste sont terribles : les anticorps disparaissent peu à peu. Cela crée potentiellement une société d’ineptes, de lèches-culs. Il suffit de regarder les parlementaires qui expliquent leur volte-face par la vieille excuse « J’ai une famille moi », un refrain si souvent entendu du temps du Fascisme. Je vois clairement aujourd’hui un encerclement de la liberté d’expression, et les personnes qui ont le courage de s’exprimer sont marginalisées. Depuis toujours le pouvoir veut faire taire les voix dissidentes : mais dans un système sain, d’habitude il trouve une limite en ceux qui s’opposent à lui. Les intellectuels, un temps, guidaient l’opinion publique. Mais aujourd’hui, qui ose relever la tête ?

Dario Fo, Prix Nobel de littérature
26 sept. 2015 (version imprimée)

Traduction : Christophe/Fatto Quotidiano

Notes de traduction :

(*) Jobs Act : Loi italienne mise en place par le gouvernement de Matteo Renzi réformant en profondeur le marché du travail

Source: FattoQuotidiano.fr

URL: Arret sur info

"Canto XIII - Canto 13" by Ezra Pound (read by Tom O'Bedlam)

"Canto XIII - Canto 13" by Ezra Pound (read by Tom O'Bedlam)

Kung is Confucius who presents an ideal social order based on ethical principles "good is right" rather than on political realism "might is right". You notice that present day society - particularly in dealings between nations - works on the basis of political realism with only the pretence of ethical principles. The rich and the powerful have the best weapons. the best lawyers and can withstand deprivation the longest, so they manage to win. There's a good exposition of the kung-fu philiosophy of government here:
http://www.friesian.com/confuci.htm

One of the sayings I like best - although it's really Taoism, but Kung could easily have said it too - "The wise man does everything while appearing to do nothing" We all take too much action. Often the best thing to do is nothing.

You can read more about Ezra Pound's cantos and radical ideas here:
http://en.wikipedia.org/wiki/The_Cantos

samedi, 17 octobre 2015

Sur Drieu la Rochelle + entretien avec Frédéric Saenen

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Drieu la Rochelle, l’homme qui ne s’aimait pas

Ex: http://www.valeursactuelles.com

Pierre Drieu la Rochelle (1893-1945), l'écrivain du manque et de l'insécurité.

Subtil. Une analyse synthétique du parcours et de l’oeuvre d’un écrivain torturé et essentiel.

GillesL._SX301_BO1,204,203,200_.jpgOn a tant écrit sur Drieu. On a un peu l’impression qu’aujourd’hui, le mieux, pour l’évoquer, est encore de le relire. Il y a eu Drieu le petit-bourgeois déclassé, disséqué par François Nourissier — un expert —; il y a eu le souvenir de l’ami, par Berl dans Présence des morts (magnifique évocation d’un adolescent éternel — et c’est compliqué, signifie Berl, lorsqu’on a 50 ans… —) ; il y a eu l’ami encore, par Malraux dans ses entretiens avec Frédéric Grover, ou par Audiberti, dans Dimanche m’attend, un des rares présents aux obsèques de Drieu, en dépit du contexte et en vertu d’une fidélité amicale certaine ; il y a eu Michel Mohrt et l’évocation de Fitzgerald à propos de Drieu, son “cousin américain” (voir leurs rapports avec les femmes, l’argent et la mélancolie).

Il y a eu, aussi, ceux qui ont découvert Drieu par le film de Louis Malle, le Feu follet — bon film mais caricature figée, selon nous, de ce que peut devenir Drieu si l’on s’en tient à ce livre. Un des plus aboutis littérairement, certes, mais un des moins fidèles à ce que nous évoque l’homme Drieu, en fait. Très abouti, alors que Drieu n’est que boiterie, manque — c’est aussi sa qualité. Drieu se ressemble dans Gilles ou dans Rêveuse bourgeoisie, lorsqu’il bâcle les fins ou impose ses tunnels. Là, on a l’impression d’éprouver viscéralement, intimement, la pente de Drieu : Drieu ne s’aime pas, et le fait savoir, se sabote — et personne n’est dupe. Le prodige, le “grand-écrivain”, c’était l’autre ami, Aragon. Le Feu follet, c’est un accident de parcours, si l’on ose. Évidence : relire Aurélien et Gilles, et éprouver la virtuosité d’Aragon et la maladresse, parfois, de Drieu, sa marque et son charme.

Dans le Feu follet, le décadent morbide, le suicidaire, le “drogué”, toute cette panoplie assez génialement démontée par Bernard Frank dans la Panoplie littéraire est surlignée, pain béni pour la caricature — et on n’y a pas coupé, jusqu’à réduire Drieu au Feu follet. Et passer d’abord à côté de l’homme, puis de ses livres. Frédéric Saenen, dans une synthèse récente, analyse de concert son parcours et son oeuvre, avec un surplomb qui atteste sa connaissance intime de l’un et de l’autre — et redonne sens (pluriel) et relief à une aventure complexe et polymorphe qui est aussi un moment de la littérature du XXe siècle.

Drieu la Rochelle face à son oeuvre, de Frédéric Saenen, Infolio, 200 pages, 24,90 €.

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Drieu, l’homme précaire

Entretien avec Frédéric Saenen

Propos recueillis par Daniel Salvatore Schiffer

Ex: http://www.jeudi.lu

La polémique a enflé lorsque La Pléiade a publié Drieu la Rochelle, écrivain doué mais qui signa quelques-unes des pages les plus déshonorantes de la collaboration des intellectuels au temps du nazisme. C’est le bilan d’une œuvre contrastée que Frédéric Saenen tente de faire dans son livre «Drieu la Rochelle face à son œuvre»*. Pari osé mais réussi!

Le Jeudi: «L’avant-propos de votre dernier essai ne laisse planer aucun doute: « Peut-être l’heure a-t-elle sonné de tenter le bilan d’une œuvre multiforme, dont la valeur exacte est toujours occultée par les choix idéologiques de son signataire », y spécifiez-vous.»

Frédéric Saenen: «Pierre Drieu la Rochelle, écrivain français de l’entre-deux-guerres, et même l’un des plus représentatifs, avec Louis-Ferdinand Céline, de cette infâme nébuleuse que fut la collaboration, provoque encore aujourd’hui, dès que son nom est prononcé, l’opprobre, sinon le rejet, voire le scandale. Une chose, cependant, le distingue, outre son indéniable talent littéraire malgré quelques inégalités, des autres écrivains «collabos», tels Robert Brasillach ou Lucien Rebatet: c’est l’issue fatale – puisqu’il se suicida en mars 1945, alors que des poursuites judiciaires étaient lancées contre lui – de son parcours existentiel, particulièrement tortueux, difficile et conflictuel. Ainsi, sept décennies après ce suicide, ai-je pensé que l’heure était venue de se pencher de manière un peu plus approfondie, rigoureuse et nuancée à la fois, sur cette œuvre dont la qualité littéraire se voit encore contestée par les choix politiques, condamnables tant sur le plan philosophique qu’idéologique, de son auteur.»

Le Jeudi: «La tentation du suicide ne fut-elle pas une sorte de « constante existentielle », par-delà ce pénible sentiment d’échec qui l’animait vers la fin de la guerre, pour Drieu tout au long de sa vie?»

F.S.: «Drieu a toujours entretenu, dès son plus jeune âge, un rapport étroit avec la mort, et donc avec l’idée du suicide, qui l’avait en effet déjà tenté, plus d’une fois, dans sa vie. C’est là un des thèmes de prédilection, objet de fascination et de répulsion tout à la fois, des écrivains ou artistes dits « décadents », dont Drieu fut, en cette époque trouble qu’a été l’entre-deux-guerres, un des épigones. Le héros ou, plutôt, l’anti-héros d’un roman tel que Le feu follet se suicide d’ailleurs.»

DrieucGpwckSL._SX.jpgLe Jeudi: «Dans quelles circonstances précises Drieu s’est-il suicidé?»

F.D.: «Le 30 août 1944, une commission rogatoire est établie contre lui. Elle sera suivie d’une procédure d’enquête, ainsi que de l’élaboration d’un dossier d’instruction contenant, entre autres documents accablants, ses articles publiés dans les journaux collaborationnistes. En février 1945, il apprend qu’un mandat d’amener a été lancé contre lui. Il risque, à l’instar de Brasillach, fusillé devant un peloton d’exécution, la peine de mort, promulguée par ce que l’on appelait, après la Libération, le « comité d’épuration ». Ainsi, se sachant parmi les « perdants » et résolu donc à se condamner par lui-même, plutôt que d’avoir à affronter ses juges, Drieu choisit-il, comme il le confie dans son Journal, cette « suprême liberté: se donner la mort, et non la recevoir ». Quelques jours après, le 15 mars 1945, il se suicide en absorbant une forte dose de médicaments, du Gardénal, qu’il associe à l’inhalation de gaz. Sur un billet laissé à sa femme de ménage, il avait écrit ces mots: « Gabrielle, laissez-moi dormir cette fois »…»

Le Jeudi: «Conclusion?»

F.S.: «Il y avait indubitablement là, quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir de Drieu, une certaine grandeur d’âme. Ce fut, quoi que l’on puisse penser du suicide, un geste non seulement courageux, paré d’une réelle noblesse d’esprit, mais aussi un acte que vous pourriez qualifier d’éminemment dandy: une esthétique de la liberté individuelle doublée d’une souveraine affirmation de solitude, et qui, comme telle, contribua considérablement à édifier sa légende, fût-elle tragique!»

Le Jeudi: «Mais vous posez également, dans la foulée de ce dramatique constat, un certain nombre de questions, toutes aussi légitimes que pertinentes!»

F.S.: «Je l’espère, car, au-delà de la simple quoique embarrassante question « Pourquoi lire Drieu aujourd’hui? », s’en posent, tout naturellement, d’autres. Comment, par exemple, approcher cet auteur que tout éloigne de nos repères habituels et de nos codes actuels? Quelle place occupe-t-il au sein des lettres françaises d’aujourd’hui? Quel sens donner à son œuvre, pour nous, hommes et femmes du XXIe siècle? A-t-il encore quelque chose à nous dire, lui qui se compromit avec l’une des pires idéologies – le fascisme – du XXe siècle? Ainsi ne s’agit-il en rien, dans mon livre, de réhabiliter l’homme Drieu, mais bien, seulement, de reconsidérer l’authentique écrivain qu’il fut.»

Question de méthode

Le Jeudi: «Votre livre se présente donc comme une analyse circonstanciée de son œuvre plus que comme une biographie?»


F.S.: «Certes le rapport à la biographie, à la psychologie profonde de ce personnage éminemment complexe, parfois contradictoire et souvent ambigu, est-il indispensable afin de cerner les fantasmes directeurs de sa création fictionnelle, les axes majeurs de sa pensée, l’évolution de sa réflexion politique, mais cet aspect, quoique important, reste cependant secondaire dans mon essai, qui est, plus fondamentalement, une monographie.»

Le Jeudi: «C’est-à-dire?»

F.S.: «L’œuvre de Drieu est certes multiforme, mais lui-même s’employait sans cesse, ainsi qu’il l’affirme dans sa préface, à la réédition, en 1942, de Gilles, peut-être son roman le plus connu, à y souligner « l’unité de vues sous la diversité des moyens d’expression, principalement entre (s)es romans et (s)es essais politiques ». Ainsi la principale caractéristique de mon étude, qui, je crois, la rend originale, différente de tout ce qui a été effectué autour de la question Drieu, repose-t-elle sur le fait de ne pas dissocier l’homme de lettres et l’homme d’idées. Le romancier y est traité sur le même pied que l’essayiste. Telle est la raison pour laquelle j’ai intitulé mon avant-propos « Drieu au miroir ».»
Une «bibliothèque-miroir»
ou le paradoxal «mentir-vrai»

Le Jeudi: «Vous y parlez même de « bibliothèque-miroir »!»

F.S.: «L’une des originalités de Drieu est d’avoir pratiqué, plus que n’importe quel autre des auteurs français de l’entre-deux-guerres, une « littérature de la sincérité », franche et parfois crue, sinon cruelle, voire brutale, jusqu’à désarmer, souvent, le lecteur non averti. C’est ce que Louis Aragon, ami de Drieu, appelait, d’une formule aussi paradoxale que magistrale, le « mentir-vrai »!»

Le Jeudi: «Vous appliquez aussi à Drieu l’expression d' »homme précaire », forgée par un autre de ses amis, André Malraux »! Quelle en est la signification profonde?»

F.S.: «Drieu avait une conception du monde basée sur son vécu personnel: des expériences intenses, parfois traumatisantes, mais qui étaient aussi l’inconfortable lot de sa propre génération, de ce contexte déchiré dans lequel il vivait. C’était un écrivain de son temps, pour le meilleur et, hélas, pour le pire! Ainsi, s’il est exact qu’il avait une vision plutôt lucide de la vie, il est tout aussi vrai qu’il s’aveugla sur le plan idéologique. Ce fut donc, souvent, un individu instable et tourmenté, un écorché vif, un dépressif oscillant entre indécision caractérielle et exercice spirituel, un mélange d’idéalisme et de pessimisme, un alliage d’exaltation et de désespérance, un mixte d’élan vital et de pulsion mortifère. Bref: un être double, avec ce que cette dualité suppose de contradictions, d’incohérences, d’errances, de reniements, d’apories, d’inexcusables erreurs de jugement. C’est pour cela que j’ai tenté, dans mon livre, de le comprendre, intellectuellement, sans jamais toutefois le justifier, politiquement. Il n’y a, dans mon travail, ni complaisance ni indulgence, encore moins d’empathie suspecte, à l’égard de Drieu. J’espère, tout simplement, que Drieu redevienne ainsi, après ces années de purgatoire, sinon un être fréquentable, du moins un écrivain à redécouvrir. Car il est vrai que le seul nom de Drieu évoque, encore aujourd’hui, l’une des pages les plus sombres de l’intelligentsia française. Il continue à traîner, dans son infernal sillage, une obsédante odeur de soufre!»

Le Jeudi: «Force est cependant de constater que son entrée dans La Pléiade, n’aura pas atténué, sur ce point, la controverse.»

F.S.: «Oui, mais, en même temps, cette publication de son œuvre – ses écrits littéraires puisqu’il s’agit exclusivement là de ses romans, récits et nouvelles, et en aucun cas de son « Journal », encore moins de ses pamphlets, lettres ou articles de journaux** – aura finalement apporté un fameux démenti à sa prétendue relégation dans l’enfer de la bibliothèque du XXe siècle. Drieu, c’est, par-delà cette part maudite de son personnage, un inséparable mélange de rêve et d’action, où l’encre de l’écriture jaillit après le sang de l’existence!»

* Publié chez Infolio (Lausanne-Paris).
** Cette édition dans la «Bibliothèque de La Pléiade» (Gallimard) a pour intitulé exact: «Romans, récits, nouvelles».

vendredi, 16 octobre 2015

La théorie zinovienne de l'idéologie

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La théorie zinovienne de l'idéologie

Un bref aperçu

Fabrice Fassio**
Ex: http://metamag.fr

Dans le cadre de la VIème Conférence Internationale "Lire Alexandre Zinoviev", avec pour thème : "Alexandre Zinoviev et les idéologies contemporaines" qui se tiendra à Moscou fin octobre 2015, plusieurs  articles, dont celui-ci,  seront publiés et de nombreux chercheurs interviendront. Faire connaître les thèses du sociologue russe : tel est  l'objectif que se sont fixé tous les participants à cette conférence. Fabrice Fassio.


Á ma connaissance, Alexandre Alexandrovitch Zinoviev est le seul philosophe au monde qui ait créé une théorie englobant tous les aspects du phénomène idéologique. Il est regrettable  que peu de gens aient prêté attention aux idées radicalement nouvelles que le logicien russe a développées  dans ses ouvrages, qu'ils soient littéraires ou sociologiques. Dans le cadre de cet article, nous vous proposons un très bref aperçu de cette théorie.


Passion de jeunesse


zinoRCFBRL._S.jpgPassionné dès son adolescence par les problèmes politiques et sociaux, Alexandre Zinoviev raconte dans ses mémoires, Les Confessions d'un Homme en Trop,  qu'il  a commencé très jeune à se familiariser avec l'idéologie marxiste,  lisant entre autres des ouvrages de Marx, d'Engels ou de Staline. Devenu bien plus tard un logicien de renommée mondiale, le philosophe affirmera que le marxisme, idéologie d'État de l'ancienne Union soviétique, est le phénomène idéologique le plus important du vingtième siècle. Il affirmera aussi que le marxisme n'est pas une science, bien qu'il contienne des éléments scientifiques en son sein. Quelle est donc la frontière entre science et idéologie selon le philosophe?


Cerner le phénomène  idéologique


Selon le logicien russe, les propositions scientifiques sont vérifiables ou réfutables, à moins que l'on ne puisse prouver leur caractère insoluble. Quant aux  affirmations idéologiques, elles sont impossibles à prouver ou à réfuter; en outre, elles peuvent être interprétées de différentes façons, alors que  les termes utilisés par la science ont un sens précis. Enfin, et ce point me paraît essentiel, les résultats  d'une idéologie (qu'elle soit laïque ou religieuse) se mesurent par l'efficacité de son action sur la conscience des gens.  Dans ses ouvrages sociologiques, le philosophe explique que, dans l'Union soviétique des années 1980-1990,  l'influence du marxisme sur la conscience des Soviétiques  s'est révélée trop faible pour arrêter l'action de l'idéologie occidentale.  Ce fut l'un des facteurs qui contribuèrent à l'effondrement de l'Union soviétique.


La sphère idéologique


zinoavenir-radieux_7527.gifDans ses œuvres, Le Facteur de la Compréhension en particulier*, Alexandre Zinoviev note que la sphère idéologique comprend un grand nombre d'hommes et d'organismes dont la tâche consiste à conditionner l'esprit des citoyens  dans un sens favorable à  la survie de la société tout entière.

Journalistes, politiciens, sociologues, professeurs,  membres du clergé, effectuent au quotidien cette tâche indispensable à la préservation de l'organisme social. Les modes d'organisation de cette sphère sont très divers et forment un large éventail allant de l'organisation unique et toute-puissante (une "Eglise") jusqu'à un grand nombre d'institutions plus ou moins autonomes. L'ancienne Union soviétique où certains pays musulmans contemporains  sont des exemples de sociétés dans lesquelles existait ou existe encore une organisation unique chargée de diffuser une idéologie d'État  laïque ou religieuse. A l'inverse, les nations occidentales contemporaines  comptent de nombreuses institutions plus ou  moins autonomes  (maisons d'édition, médias, cercles de réflexion, etc.) qui exercent  une action idéologique sur les populations. Dans ses mémoires, Alexandre Zinoviev note qu'il existe un mode de pensée commun à tous les Occidentaux. Bien qu'elle se compose de nombreuses institutions, la sphère idéologique occidentale joue donc son rôle. 


Le champ idéologique


L'action de la sphère idéologique a comme résultat la création  d'un champ de forces dans lequel "baignent" en permanence tous les membres de la société. Mots, slogans, images, constituent  la  "nourriture mentale" quotidienne des citoyens d'un pays. De nos jours, des institutions telles que  les médias jouent un  rôle énorme  en matière d'éducation idéologique de la population. Les individus sociaux sont informés dans l'esprit de l'idéologie de l'actualité politique nationale et internationale,  des nouveautés en matière de science et de  technique, etc.  Cette éducation a pour objectif  non seulement d'imprégner les esprits d'une certaine vision de l'être humain, de la  société et du monde, mais aussi d'entraîner les cerveaux de telle sorte qu'ils ne soient pas capables d'élaborer une autre vision des choses. C'est la raison pour laquelle, au sein d'un même groupe humain, beaucoup de personnes adoptent une attitude identique face à des événements sociaux, politiques ou culturels nouveaux.

Si les gens perdent l'idéologie à laquelle ils sont  habitués, ils sombrent dans un état de chaos et de confusion idéologique,  note Alexandre Zinoviev dans le Facteur de la Compréhension. C'est ce qui s'est produit, ajoute le philosophe,  en Union soviétique après le rejet du marxisme-léninisme comme idéologie d'Etat.


Un ensemble mouvant


En tant que doctrine (ensemble d'idées), l'idéologie n'est pas un ensemble figé, constitué une fois pour toutes. Certaines idées apparaissent alors que d'autres se modifient ou disparaissent tout simplement. Après l'effondrement de l'Union soviétique par exemple, l'idéologie occidentale a intégré de nouveaux concepts :  révolution globale, gouvernance mondiale, village planétaire, culture globale, etc. Ces concepts se sont agrégés à des idées plus anciennes (éloges de l'économie de marché ou de la démocratie parlementaire, par exemple). Née aux Etats-Unis, l'idéologie contemporaine de la globalisation est destinée à servir les intérêts des Occidentaux en général et  des Américains en premier lieu. Cependant, les idées occidentales ne sont pas les seules à exister sur cette terre. Idéologie religieuse, l'islam exerce aujourd'hui une action puissante sur l'esprit de millions d'hommes. En plein essor, il s'affirme comme un redoutable concurrent des autres idéologies qui fleurissent  de nos jours sur notre planète.


*Le Facteur de la Compréhension (Faktor Ponimania) ; ce livre n'est toujours pas édité dans notre pays alors que sont publiés chaque année des centaines de livres dénués d'intérêt. France, que devient ta tradition d'intellectualisme ?


**spécialiste de l'oeuvre du logicien et sociologue russe : Alexandre Zinoviev.

Ernst Jünger aan het westelijk front

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Hans Verboven, Joris Verbeurgt

Een oorlog kan ook mooi zijn

Ernst Jünger aan het westelijk front

Publicatie datum
13.10.2015

ISBN
978-94-6310-021-2

Prijs
€ 24.95

In de maanden juli en oktober 1917 vocht de Duitse officier Ernst Jünger (1895-1998) mee in de Derde Slag om Ieper. Aan de hand van de originele dagboeken, brieven, militaire documenten, nieuw fotomateriaal en unieke kaarten reconstrueert Een oorlog kan ook mooi zijnde belevenissen van deze met de hoogste Pruisische ordes gedecoreerde oorlogsheld.

Daarnaast schetsen Hans Verboven en Joris Verbeurgt een beeld van Jüngers controversiële oorlogsfilosofie en ze beschrijven het bewogen leven van een van de meest omstreden Duitse schrijvers van de twintigste eeuw. Jüngers literaire oorlogsdagboeken, bekend geworden onder de titel In Stahlgewittern, brachten hem roem en aanzien. Ze bezorgden cultuuraristocraat Jünger ook de naam van onderkoelde en zakelijke ‘estheticus van de gruwel’. De ervaringen van deze overtuigde militarist brengen de Eerste Wereldoorlog heel dichtbij.

Hans Verboven

(1978) promoveerde op het werk van Ernst Jünger in Heidelberg. Hij vertaalde werk van hem en is in ons taalgebied de grootste kenner van het werk van de Duitse schrijver. Hij is professor aan de faculteit TEW van de Universiteit Antwerpen.

Joris Verbeurgt

(1975) is militair historicus. Als beroepsofficier studeerde hij aan de NATO School in Duitsland, aan JFK Special Warfare Center and School in Fort Bragg en aan het Defensiecollege van de Koninklijke Militaire School. Hij diende in het Midden-Oosten en in Afrika.

  • Paperback met flappen, full colour
  • Afmetingen: 15 x 23 cm
  • Pagina's: 264
  • NUR: 680 Geschiedenis / 689 Oorlog en vrede
  • Boekverzorging: Stijn Dams
  • Cover: © Deutsches Literaturarchiv Marbach
  • Foto auteur: Koen Broos
  • Categorieën: Geschiedenis

mardi, 13 octobre 2015

Qui aura la peau de Malaparte?

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Qui aura la peau de Malaparte?

Pour Curzio Malaparte, la libération de l’Italie du joug mussolinien par les Alliés est une illusion. L’écrivain y voit plutôt le triomphe du matérialisme et du consumérisme. Surtout, il déplore la misère qui frappe le peuple napolitain en même temps que la décadence dans laquelle se vautrent ses élites.

Dans La peau qui paraît en 1949, Malaparte dresse un tableau sombre de l’Italie post-fasciste. À ses yeux, la libération formelle de l’Italie laisse place à une métamorphose du champ politique qui n’altère en rien la servitude de son peuple. Au fond, il n’y a pas de véritable changement : la cruauté des hommes perdure, avec ou sans Mussolini. La présence des Alliés est perçue comme hostile. Elle apporte avec elle son lot de misère et rajoute un peu plus au chaos qui domine le paysage napolitain. La force de La peau est de nous rappeler que, fascisme ou non, l’humiliation, la destruction et la misère humaine sont consubstantielles à toute offensive politico-militaire et que les violences morales ou physiques ne sont pas l’apanage des dictatures.

Naples est livrée aux plus basses vicissitudes de la part de ses habitants, les corps se négocient pour quelques cigarettes américaines ou contre quelques misérables denrées de subsistance. Corps de femmes, corps d’enfants, tout y passe sans aucune considération pour la dignité humaine. Quand on a faim, on oublie tout. Les mères vendent leurs enfants, et les femmes leur corps, les hommes se murent dans un silence. Tout le monde se découvre, se met à nu sur le marché, à la vue du public. Les corps sont omniprésents, les âmes semblent avoir disparues. C’est à cause de cette peau, cette maudite peau qui exaspère tant Malaparte : « Cela n’a rien à voir, d’être un homme convenable. Ce n’est pas une question d’honnêteté personnelle. C’est la civilisation moderne, cette civilisation sans Dieu, qui oblige les hommes à donner une telle importance à leur peau. Seule la peau compte désormais. Il n’y a que la peau de sûr, de tangible, d’impossible à nier. C’est la seule chose que nous possédions, qui soit à nous. La chose la plus mortelle qui soit au monde. Seule l’âme est immortelle, hélas ! Mais qu’importe l’âme, désormais ? Il n’y a que la peau qui compte. Tout est fait de peau humaine. Même les drapeaux des armées sont faits de peau humaine. On ne se bat plus pour l’honneur, pour la liberté, pour la justice. On se bat pour la peau, pour cette sale peau. » Malaparte dénonce le matérialisme triomphant et déjà anticipe ses dangers, il a assisté à la naissance en direct du consumérisme d’après-guerre et voit de ses propres yeux de quelles infamies sont capables les hommes « pour cette sale peau ».

L’Italie des vainqueurs

Naples est dans l’anarchie, il n’y plus de maître puisque Mussolini est défait. Il en résulte un état de nature quasi hobbesien : l’homme est un loup pour l’homme. La loi du plus fort règne, et les plus forts à Naples et dans toute l’Italie, ce sont les Alliés, plus exactement les soldats américains. Jeunes, beaux, fiers, souriants, les libérateurs regardent ces pauvres Italiens délabrés avec mépris ; « this bastard dirty people », dira le colonel Jack Hamilton.

Les nouveaux conquérants sont pourtant aimés du peuple italien, qui leur réserve un accueil des plus chaleureux notamment lorsqu’ils débarquent à Rome, et ce même si en passant, un char américain écrase un homme, devenu en l’espace de quelques secondes, un drapeau de peau.

Pendant que le peuple souffre des privations et des humiliations, la fine fleur de l’élite italienne aux mœurs légères se réunit dans des salons, les bourgeois pédérastes se griment en marxistes révolutionnaires, plus préoccupés par leurs affaires de mœurs que du sort de leur pays. Malaparte assiste à l’une de ces réunions, puis à une curieuse cérémonie païenne, il en sort éprouvé. «  À mes yeux, Jean-Louis était l’image même de ce que sont, hélas ! certaines élites des jeunes générations dans cette Europe non point purifiée, mais corrompue par les souffrances, non point exaltée, mais humiliée par la liberté reconquise : rien qu’une jeunesse à vendre. Pourquoi ne serait-elle pas, elle aussi, une « jeunesse à vendre » ? Nous aussi, dans notre jeunesse nous avions été vendus. C’est la destinée des jeunes, en Europe, d’être vendus dans la rue par faim ou par peur. Il faut bien que la jeunesse se prépare et s’habitue, à jouer son rôle dans la vie et dans l’État. Un jour ou l’autre si tout va bien, la jeunesse d’Europe sera vendue dans la rue pour quelque chose de bien pire que la faim ou la peur. » La décadence des élites et la bassesse du peuple italien sont tels que la rédemption devient une nécessité. La spectaculaire éruption du Vésuve vient alors purifier, par la lave et la cendre brûlantes, le péché et l’orgueil des hommes.

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Le Vésuve, symbole d’une justice divine impartiale

Face à l’arrogance américaine et aux vilenies napolitaines, la réaction de la nature et ce qu’elle contient de divin se manifeste dans une éruption volcanique, telle une scène d’Apocalypse, spectacle visuel impitoyable et magnifique à la fois. Le Vésuve, « dieu de Naples, totem du peuple napolitain » se réveille et gronde la terre. Les hommes sont perdus dans les ruelles, les cris, les prières et les supplications fusent sous l’œil impassible du terrible volcan. Pour la première fois, la peau est oubliée, on pense à son âme et à se repentir. Pour la première fois, les GI’s éprouvent un sentiment de crainte, la conscience de leur propre finitude, de leur petitesse. Hommes ou femmes, Américains ou Italiens, vainqueurs ou vaincus, tous sont égaux face à ce seigneur de la mort aveugle et sans pitié.

La loi du plus fort est toujours la meilleure, et c’est bien le Vésuve qui règne depuis des temps immémoriaux. Des scènes d’offrandes pagano-chrétiennes se succèdent dans les jours qui suivent l’éruption, les napolitains sacrifient des animaux, jettent des agneaux, poulets et lapins égorgés « palpitants encore, au fond de l’abîme ». Ils offrent des présents au Vésuve : fromages, gâteaux, pains, fruits et vins sont dédiés à cette divinité terrestre. Un long cortège de femmes, d’enfants et de vieillards monte sur sa pente ornée de sculptures de lave éteinte, alternant entre prières et insultes à l’encontre du volcan. Quand les actions malsaines des hommes atteignent un point de non retour, le Vésuve se réveille : l’hubris humain le tire de sa léthargie. Une fois éteint, désarmé de tout pouvoir de coercition, il redevient un dieu mort.

Un caméléon nostalgique de la grandeur de l’Italie

malaparte-febo.1294907906.jpgL’écrivain risqua sa vie pour libérer son pays de Mussolini dont il fut pourtant proche au départ. Lors d’un discours destiné aux soldats italiens qui combattaient le fascisme, il confie : « Le nom Italie puait dans ma bouche comme un morceau de viande pourrie. » L’écrivain refuse de s’attacher à un patriotisme aveugle et prend le recul nécessaire afin de discerner les tares de son propre pays qui se situent dans le fascisme ou dans le post-fascisme.  Malaparte s’identifie davantage à la Rome antique et à la Renaissance qu’à l’Italie moderne. C’est un homme du passé obnubilé par la richesse culturelle et artistique que lui ont légué les temps anciens : le patriotisme moderne ne semble pas être fait pour lui, le présent le désespère et il ne croit pas en un avenir meilleur. Ce qu’il vit au présent est vulgaire et ignoble, pessimiste résolu et réactionnaire esthétique, il est tourné vers le passé car il est attiré par ce qui est raffiné.

Malaparte est un grand cynique, il aboie pour dénoncer et aime le faire devant les grands hôtels pour déranger les clients, ces consciences tranquilles, bourgeoises, ancrées dans leur confort matériel et intellectuel. Mais son cri animal n’est pas seulement parasite, il est aussi empreint de douleur et de pitié, il crie pour ceux qui ont les cordes vocales sectionnées par la méchanceté et la cruauté humaine, qu’il s’agisse de chiens (son propre chien Fébo dans La peau ) ou d’hommes.

Dostoevsky: Demonic Rationalism

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Dostoevsky: Demonic Rationalism

In his work Dostoevsky and the Metaphysics of Crime, sociologist Dr. Vladislav Arkadyevich Bachinin analyzes the only seemingly contradictory correlation between Enlightenment rationalism and the rise of infernal forces in Fyodor Dostoevsky’s work Demons. Translated by Mark Hackard.

Ex: http://souloftheeast.org

The Immoral Reason of a Living Automaton

Pyotr Verkhovensky, the cold-blooded cynic who easily transgresses any moral obstacles, represents a special type of criminal, to whom is applicable the philosophical metaphor of “man the machine.”

In 1748 France, Lematrie’s book under that title was released. Its author cast man as a self-winding machine moving along perpendicular lines. In Lametrie’s conception a human being was the direct likeness of a watch or harpsichord, and at the same time subordinated to natural necessity. But possessing instincts, feelings, and passions, he is deprived of a soul. Lametrie assumed that the soul was a term lacking any essential substance whatsoever.

The world in which the machine-man dwells is anthropocentric; there is no place for God. Reality is arranged in accordance with the principles of Newtonian mechanics, and the world presents a mechanical conglomerate of soulless elements. Natural and social processes are moved by one and the same mechanical forces.

The philosophy of machine rationality unfolds as the unique result of the evolution of classical rationalism. The elimination of all metaphysical content prepares the ground both for the arrival of positivism and for the realization of plans for building the future strictly rationalized society with calculated parameters wholly under the control of a directing will. The machine-man and machine-state, which need each other, arise as something resembling Aristotle’s telic reasons, and will directly and gradually determine the development of positivist anthropocentric schematics.

In accordance with the mechanistic picture of the world, there always exists the threat of intentional deformations in the structures of the cosmic order. Objectively there exist possibilities for the violation of measure and harmony, the destruction of order, and the ascent of chaos. A murderer can realize the objective possibility of death that exists for his victim. A thief or robber is capable of realizing the objective possibility of shifting material values in the social space from one set of hands to the other, etc. That is, it stands only for man to apply certain efforts for the possibility of disintegration of existing structures, its movement into reality. At times purely mechanical forces were sufficient for this. Moreover, the higher the degree of mechanism of such enterprises, the less that spiritual, ethical, religious, and similar components are in the mix, and the more effective destructive actions will prove.

Dostoevsky has the philosophy of the machine-man applicable first and foremost to characters who represent practical businessmen smacking of commercial types of the Western model, i.e., to such men as Luzhin, Rakitin, Epanchin, Totsky, Ferdyshchenko, etc. Indifferent to metaphysical reality, they subscribe to Rousseau’s “Geneva ideals” allowing the possibility of “virtue without Christ.” Immersed in the vanity of a graceless, prosaic-pragmatic existence, “having ears, they do not hear, and having eyes, they do not see.” All that comes from on high, from the spheres of metaphysical reality, does not reach their souls, and therefore they are immersed in the darkness of ignorance and incomprehension of the most important meanings of life. The thoughts and feelings of these “Bernards” carry an earthly character and are not directed toward the beyond. They do not like abstract reasoning, considering it an idle pastime. For them as for Lametrie, God and the soul are false moral magnitudes. For them the entire world dwells in the “disenchanted” state of a gigantic conglomerate of soulless elements. Not in one of them does God’s spark gleam. All these men are spiritually impoverished living machines, wound up, however, by a mysterious hand, but as Lev Shestov would say about them, they are not conscious that their life is not life, but death.

Art by Sergei Yukhimov.

Art by Sergei Yukhimov.

In his portrayals Dostoevsky expounds his criticism of the far-from-clean, wholly filthy immoral mind, more precisely the banal and base “Euclidian” reason that is deaf to the metaphysics of moral absolutes, the mind that sees in the soul “only vapor;” that is governed by cold reason alone and views the entire world as a set of tools for the achievement of its vapid objectives.

Among the specimens of the machine-man replicated by Dostoevsky, Pyotr Verkhovensky represents the most odious exemplar. He is calculating, ruthless, and is ready to go the full distance for the achievement of his goals, not stopping at the most vile infamies and crimes.

Criminal reality, inside of which exists Verkhovensky’s true “I,” is distinguished by characteristics such as a harsh aloofness from other evaluative worlds, and most of all from the world of religious, moral, and natural-law absolutes. Second, inherent to it is an acute tension in relations with official-normative evaluative reality. And its third particularity is a faint vulnerability, explained by the fact that for all its antagonistic position, it aspires to copy the structures of legal realities in its own fashion. Just as the devil parodies God, trying to imitate him, the criminal world seeks, for all the caricatured nature of its efforts, to reproduce normative-evaluative stereotypes of the legitimate and sacral worlds, attempting to acquire additional vitatlity at their cost.

It is not accidental that Shatov’s murder in Demons bears the marks of a ritual sacrifice. Along with that it takes the form of a monstrous parody of ancient ritual: instead of the solemnity of a holy rite, there is the filthy lowness of the whole scene; instead of open officiality, there is the cowardly, concealed secret act; instead of calling upon the favor of higher forces, there is a wager on the dark elements of evil, a commiseration of all the participants of the murder through the spilled blood of the victim and mutual fear before one another.

Art by Sergei Yukhimov.

Art by Sergei Yukhimov.

The Normative Space of the Criminal-Political Association

Verkhovensky deliberately forms an enclosed normative-evaluative space of criminal-corporate “morality” with harsh principles of self-organization and self-preservation. He requires that association members’ attitude to their tasks and objectives be extremely serious, not allowing for skepticism, self-irony, or criticism. Violators are immediately punished. Applied violence fulfills a protective function, acting as a means of welding and self-defense for this artificial micro-world.

Aside from similarity in the structure and forms of activity of criminal-political and purely criminal organizations, between the two there are essential distinctions. And so, if a criminal group’s ultimate goals are limited to the resolution of self-interested mercantile tasks, then the goals of criminal-political associations reach far beyond the boundaries of mercantile interests and are oriented toward the achievement of political dominance, by which members of the association cross over into the position of a ruling elite.

If associated criminals, as a rule, do not issue a challenge to the state and the state system but prefer to deal with individual citizens, a criminal-political association boldly steps into antagonism with state power and its institutions.

If a criminal group represents a unique form of a “thing-for-itself” and doesn’t conceal its corporate egoism, then a criminal-political association masks its just-as-base interests with a smokescreen of lies about the interests of the people that supposedly concern it.

The latter circumstance, noted Dostoevsky, allowed such men as Verkhovensky to recruit supporters not only from the spectrum of little-educated “losers” and fanatics with an unhealthy lust for intrigue and power, but also to involve young people with a good heart, even if with a “shakiness” in their views. The fate of the latter proved genuinely tragic, since these confidence tricksters, who studied the magnanimous side of the human heart and were able to play on its strings as on a musical instrument, ultimately transformed these youth into criminals.

Dostoevsky lamented that contemporary youth was undefended against “demonism” through maturity of firm convictions and moral hardiness. Among many material drives dominate a higher idea, and a genuine education is replaced with stereotypes of impudent negation through another’s voice, dissatisfaction, and impatience. As a result “even an honest and guileless boy, even one who studied well, could occasionally turn out to be a Nechaevite…that is, again, if he’d come across Nechaev…” (21, 133). To such boys, Nechaevs and Verkhovenskys paint criminal acts as feats of policy.

The fateful transformations that took place in the souls of many “Russian boys” were facilitated by a “time of troubles” itself, which forced Russian civilization at first slowly, and then ever more quickly, to slide down a sloping surface leading from order to chaos.

“In my novel Demons,” wrote Dostoevsky, “I attempted to attempted to express those various and diverse motives by which even the purest of heart and the most guileless people can be drawn to commit the most monstrous villainy. Therein is the horror, that here one can do the most infamous and abhorrent deed, sometimes completely not being a scoundrel! And that’s not among us only, but across the whole world it is so, always and from the beginning of the ages, during times of transition, in times of dislocation in people’s lives, of doubts and negation, skepticism and unsteadiness in basic social convictions. But we have it more than it’s possible anywhere, and namely in our time, and this feature is the most painful and sad feature of our present time. In the possibility of seeing oneself, and even sometimes almost, as a matter of fact, as not a scoundrel, while working clear and inarguable abomination – herein is our contemporary tragedy!” (21, 131)

“Machine” Rationality of a Political Program

Verkhovensky, possessing a strong, mechanical will seeking power, found a just as machine-like political program that corresponded to his nature. Its basic positions amount to the following points:

  • A new type of state with predominantly totalitarian forms of rule is necessary.
  • This state should keep its subjects in constant terror, without ceasing, conducting surveillance of everyone “every hour and every minute.”
  • Since geniuses, talents, and striking individuals represent a threat to the power of “machine-like” leaders by their extraordinary nature, all people will brought to an average level in their development through ideological and police terror, in the course of which Ciceros will have their tongues ripped out, Copernicuses their eyes gouged, Shakespeares stuck down with stones, etc.
  • To come to enactment of this program, it is necessary to begin with the total destruction of everything, in practice carrying out the transition from order to chaos.

Two vectors have united in this criminal-political program – the “machine” rationality of soulless villains with the demonic irrationality of maniacs run amok.

One of the most impressive paradoxes of Verkhovensky’s personality is just that surprising combination of “machine likeness” with a maniacal enthusiasm for destruction. It accords the figure of the political fiend an especially sinister character. With the direct participation of this unfeeling “machine” for producing disorder, events in the novel take the form of an oncoming squall, chaos enthroned, when a dozen murders and suicides are committed, along with several bouts of madness and a grandiose fire from arson. As a result the world enclosed in the novel’s textual frame begins to resemble a monstrous bestiary, where there is an absence of love and mercy, where there is only ruthless struggle of all against all.

Dostoevsky saw one of the sources of this chaos in the philosophical mindsets of rationalistic, materialistic, and atheistic content that penetrated from the West. Falling on Russian soil, the doctrines of Darwin, Mill, Strauss, and other representatives of European “progressive” thought, as a rule were taken in the Slavic consciousness, untried by many centuries of philosophical schooling, as adamantine philosophical axioms. Moreover, practical conclusions were often drawn from them, conclusions the possibility of which Western teachers had not suspected.

Art by Sergei Yukhimov.

Art by Sergei Yukhimov.

Of course, positive knowledge did not directly teach anyone villainy. And if Strauss, Dostoevsky notes with unconcealed irony, denied and mocked Christ, alongside that for man and humanity he demonstrated the most earnest love and desired their most radiant future.

But then here is what seems to me indubitable – give all these contemporary higher teachers the full opportunity to destroy the old society and build a new one – then there will come such darkness, such chaos, something so crude, blind, and inhuman, that the whole construction would collapse under the curses of humanity before it could be completed. Once it has rejected Christ, the human mind can reach the most astounding results. That is an axiom. Europe, at least in the higher representations of its thought, rejects Christ, and as is known, we are obligated to imitate Europe. (21, 132-133)

For Dostoevsky the evaluative-orienting and practical-transforming activity of moral, legal, and political consciousness must be founded on the principles of Theo-centrism. He disseminates the spirit of Theodicy on all spheres of spheres of social and spiritual life without exception. The Western legal consciousness is predominantly anthropocentric, and as a rule does not accept either religious or metaphysical normative-evaluative bases.

These bases are unneeded by machine-man, who discovers by his actions that open immorality, crime, and political Machiavellianism all have one and the same nature. They all begin with the denial of higher principles of being, absolute values, and norms.

vendredi, 09 octobre 2015

Ernst Jünger, Katholik

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Ernst Jünger, Katholik

von Alexander Pschera

Ex: https://erstezone.wordpress.com

Ernst Jünger konvertierte kurz vor seinem Tod zur katholischen Kirche. Die Bücher seines Spätwerks weisen den Weg dahin. Sie lassen sich als eine Theologia in Nuce lesen. Allen voran der Essay Die Schere.

Als Ernst Jünger am 26. September 1996 zum katholischen Glauben konvertierte, zeigten sich viele Zeitgenossen überrascht – und zwar, weil man gerade von Jünger annahm, er habe die traditionelle Religion mit einer „neuen Theologie“ überwunden. Diese neue Theologie trat auf als ein mythologisches Denken großen Maßstabs. Jüngers mythischem Denken traute man zu, die Verwerfungen und Umbrüche der Moderne wenn nicht begrifflich, so doch zumindest bildhaft klären und an die ewigen Kräfte der Erde rückbinden zu können. Jünger galt als homo mythologicus, weniger als homo religiosus. Die Konversion schreckte daher auf. Sie erschien als Rückschritt, als eine Aufgabe desjenigen Postens, den Jünger nie verließ, als Abflachung eines plastischen Bilderuniversums. Warum dieser Regressus ad Romam?

Liselotte Jünger bekannte, ihr Mann habe den Wunsch geäußert, so beerdigt zu werden „wie alle hier“ – mit „hier“ ist die Dorfgemeinschaft des oberschwäbischen Wilflingen gemeint, in dem Jünger die zweite Hälfte seines Lebens verbrachte. Kaum einer der Exegeten gab sich mit solch einer Erklärung zufrieden. So wurde das Werk Jüngers auf katholische Spuren hin abgeklopft mit dem Ziel, die Konversion als den letzten Schritt eines Prozesses darzustellen. Bei dieser Suche nach religiösen Motiven wurde man fündig. Zwar enthalten die Bücher, die auf die Erfahrung des ersten Weltkriegs zurückgehen, allen voran die Stahlgewitter, höchstens para-religiöse Momente. Aber im zweiten Weltkrieg, so bezeugen es Jüngers Tagebücher Strahlungen, vollzieht sich eine Wendung hin zum Christentum. Diese Tagebücher belegen eine zweimalige Bibellektüre, eine Zuwendung zu den Kirchenvätern und zu Léon Bloy, den Jünger durch Carl Schmitt kennenlernte. Jüngers Schrift Der Friede, die in der Endphase des zweiten Weltkriegs im Kreis des Widerstands zirkulierte, beruft sich auf den 73. Psalm – der auch bei der Konversionsfeier eine Rolle spielte – und konstatiert, daß die „humanitäre“ Wandlung, die nach dem Krieg erforderlich ist, von einer „theologischen“ zu begleiten sei. Und auch im Alterswerk, vor allem in der Serie der Tagebücher Siebzig verweht, stößt man immer wieder auf Notate, die eine christliche Haltung bezeugen: Das Gebet „gibt dem Menschen, vor allem in unseren nördlichen Breiten, die einzige Pforte zur Wahrheit, zur letzten und rücksichtslosen Ehrlichkeit“ (Siebzig verweht II). Auch positiv besetzte Figuren wie der naturgelehrte und zum Martyrium bereite Pater Lampros vom Kloster Maria Lunaris aus dem Roman Die Marmorklippen (1939) wurden zitiert, um Jüngers Respekt vor der katholischen Welt zu unterstreichen – und sie wurden einer blassen Figur wie dem Superintendenten Quarisch aus dem Roman Die Zwille (1973) gegenüberstellt, um zu zeigen, wie weit sich Jünger von der entmythologisierten protestantischen Kirche seiner Zeit entfernt hatte. Kurz: Jüngers Konversion zum Katholizismus erschien vor dem Hintergrund seines vielschichtigen Lebensprogramms als logischer Schritt hin zu einer umfassenden, universellen Religion, ja es erschien als roter Faden, als sinnstiftende Einheit in der Vielfalt dieses Lebens.

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Richtig ist, daß Jünger in den Jahren des zweiten Weltkrieges, die er in Paris und an der Ostfront erlebte, angesichts der Kriegsgräuel tatsächlich eine christliche Wende vollzog. Doch schon bald zeigte er auch ein reges Interesse an der Gnosis. In den fünfziger Jahren heißt es in einem Brief an seinen Sekretär Armin Mohler, daß der Autor sich „von theologischen Neigungen freihalten [müsse]. Sie sind Belege, Fundstellen für ihn“ (2.4.1959). In der Tat sammelt Jüngers Werk denn auch Belege für alle möglichen Formen der Transzendenz, ohne daß der Autor sein Denken einem religiösen System anvertraut. Griechische Mythologie, Buddhismus, Taoismus, pantheistische Strömungen, chassidische Lehren, orientalische Weisheiten, die Kirchenväter, immer wieder auch biblische, vor allem alttestamentarische Motive, aber auch literarische Quellen, die, wie Hölderlin, in den Rang von Mythenspendern erhoben werden, macht Jünger für die Interpretation unseres Weltzeitalters nutzbar. Dabei entwickelt er den Kampf zwischen den Titanen – Chiffre für die alles beherrschende Welt der Technik – und den zurückgezogenen Göttern als Leitmotiv. Gerade das Motiv des Rückzugs der Götter, ihre Abwesenheit, zeigt, wie Jünger sammelt und arbeitet. Dieses Motiv wird von ihm mit Léon Bloys vielzitierter –  aber nicht wörtlich nachgewiesener – Rede vom „zurückgezogenen Gott“ und auch mit Hölderlins Versen („Zwar leben die Götter / Aber über dem Haupt droben in anderer Welt“) parallelisiert. Ob „Gott“ oder „Götter“ ist dabei sekundär. Entscheidend ist der Rückzug der göttlichen Substanz. Dieser Rückzug der göttlichen Substanz hinterläßt ein mit sich selbst beschäftigtes, materialistisches und durchorganisiertes Diesseits, in dem nur noch der Mensch für sich selbst und für Ordnung unter seinesgleichen sorgt: „Inzwischen haben wir eine Station erreicht, in der auch die Physik Gleichnisse anbietet. Das hängt damit zusammen, daß sie in die Lücke eindringt, die der Rückzug der Götter hinterlassen hat“ (Die Schere, 18). Doch gibt es im mythologischen Bezugssystem Jüngers auch Hoffnung auf die Wiederkehr des Göttlichen, die sich vor allem in Gestalt der Mutter Erde konkretisiert.

Diese Form der mythologischen Belegentnahme ist eine Spielart postmodernen, postmythischen Denkens. Jünger wurde vor allem mit seinen Büchern An der Zeitmauer (1959) und Über die Linie (1950) zu einem Vorläufer dessen, was später als Diskurs der Postmoderne bekannt wurde. Wäre Jünger ein systematischer Denker, so hätten sich seine Mythenkollektionen zu einem widerspruchslosen System verhärtet. Doch zum Glück war Jünger kein Systematiker. Jüngers Reflexionen entspringen einem vorrationalen, vorbegrifflichen Bezirk. Seine Begriffe entwachsen einem bildlichen Ursprung und tragen bei aller Prägnanz die Mehrdeutigkeiten und Widersprüche des Metaphorischen in sich. Dies läßt sich am Begriff der Zeitmauer zeigen. Er meint nicht, daß vor der Mauer die Zeit und die Geschichte existierten und hinter ihr etwas anderes, aber eben nicht mehr „Zeit“ und „Geschichte“ in unserem jenseitigen Verständnis: „Man kann die Außenwand der Zeitmauer auch als Brunnenrand sehen. (…). Moos und Efeu, die oben am Brunnenrand wuchern, verbreiten sich im Kreise; der Fortschritt kehrt wie die Schlange, die sich in den Schwanz beißt, in sich zurück. In die Tiefe des Brunnens dringen Wurzeln, doch keine Blicke ein“ (Die Schere, 174).

Hier nähert man sich dem Katholischen in Jüngers späteren Werken an. Die Annäherung führt immer aus dem empirischen Bereich in einen anderen Bezirk, für den Jünger zahlreiche bildhafte Umschreibungen fand: „andere Seite“, „Welt, die außerhalb unserer Erfahrung liegt“, Ziel der Wanderung, Bezirk jenseits der Kerkerwand und des zerreißenden Vorhangs. Die Zeit, die „dort drüben“ gilt, nennt er „Schicksalszeit“ im Unterschied zur „meßbaren Zeit“ der Erfahrungswelt. Die Überwindung der meßbaren Zeit geschieht im „Zeitsprung“, das heißt in einem aus der Ordnung und aus der Meßbarkeit fallenden Vollzug. Nennungen der anderen Seite sind stets an Akte des Sehens gebunden. So faßt er die Hoffnung auf die Auferstehung als einen „Ausblick durch die Kerkerwand“ (Die Schere, 18), die prophetische Vorschau und das zweite Gesicht als ein „Spähen durch ein Schlüsselloch“ (35). Mitunter fällt der Blick auf bedeutsam Nebensächliches, auf „Nebendinge wie ein umgestoßenes Tintenfaß“, die eine Störung im Getriebe der Zeit sind und uns aufschrecken lassen. Die Welt der Erfahrung wird dann als ganze zu einem Verweis auf die Welt des Jenseits.

Jünger legt großen Wert auf die Unterscheidung zwischen dem unsichtbar Vorhandenen und dem überhaupt nicht Vorhandenen: „Wir unterscheiden (…) zwischen dem Sichtbaren, dem Unsichtbaren und dem Nicht-Vorhandenen“ (Die Schere, 49). Nicht alles, was unsichtbar ist, ist demnach nicht vorhanden. Gleichzeitig ist aber auch nicht alles, was unsichtbar ist, immer auch vorhanden. Doch wie läßt sich zwischen Wahrheit, daß heißt Vorhandenheit, und Unwahrheit, daß heißt Nicht-Vorhandenheit, unterscheiden? Diese Frage führt hinein in eine mystische Schau einer Wahrheit, die den „Göttern“ ursächlich vorgelagert ist und Gott meint. Der Weg leitet dabei von der „Annäherung“ als einer originär dichterischen und künstlerischen Aufgabe über verschiedene Zwischenstufen zur Epiphanie – wobei zugleich deutlich wird, daß Jünger den Dichter als privilegierten Seher in der Tradition des poeta vates interpretiert.

Die erste Stufe dieser Hierarchie des Erkennens bildet das „zweite Gesicht“. Jünger bezeichnet damit einen Zustand der Entrückung, der im alltäglichen Erleben angesiedelt ist und in dem zukünftiges Erleben erschaut wird, bei dem jedoch Erhabenes noch keine Rolle spielt. Die „Vorschau“ macht dann schon deutlicher, daß es sich bei diesen Wahrnehmungen nicht bloß um subjektive Fiktionen handelt: „In der Vorschau hat ein Zeitsprung stattgefunden; eine Vorhut wurde vorausgeschickt. Insofern wird in der Schau nicht Zukünftiges, sondern Vergangenes gesehen. Der Vorschauer hat die Gegenwart überholt. So kam es zur verblüffenden Identität des Geschauten und seiner Wiederholung in der Zeit“ (30). Die Vorschau – von Jünger dann auch als „Prognose“ bezeichnet –  ist eine „Vorbeurteilung von Entwicklungen“, die „sich auf Tatsachen“ stützt. Die Gewißheit, mit der eine solche Fakultät der Vorausschau als existierend angenommen wird, muß davon ausgehen, daß das Sein auf einem festen Fundament ruht. Es geht Jünger hier nicht um Determinismus, sondern um die Annahme einer vorgegebenen sinnhaften Ordnung, um einen der Schöpfung zugrundeliegenden Logos. Jünger faßt das auf seine Weise, wenn es in Auseinandersetzung mit Kant heißt: „Die Existenz der Dinge ist also vorgezeichnet, wie in einem Prägstock, dessen Figur, in Wachs gedrückt, mehr oder minder deutlich ‚erscheint’. Eben war es noch möglich, während es nun existiert (‚nun’ ist hier besser als ‚jetzt’). Wir dürfen daraus schließen, daß das ‚Hiersein’ nur eine der möglichen Qualitäten des ‚Daseins’ ist“ (85).

In Jüngers Theorie der „Vorschau“ wird also in der Privatsprache des mythologisch denkenden Mystikers ein poetisches Modell christlicher Seins-Gewißheit entwickelt, daß sich darin neutestamentarisch gibt, indem es sich von den Propheten des Alten Testaments deutlich abgrenzt. Denn im Unterschied zur Vorschau gründet sich die Prophetie „weniger auf Tatsachen als auf Eingebung und Erscheinungen“ (41). Der Wahrheitscharakter der Prognose beruht mithin auf ihrer Fundierung durch eine Wirklichkeit, eben durch den fleischgewordenen Logos, den die Propheten nur „prophezeien“ konnten. Erst dieser macht das möglich, was Jünger einen „Zeitsprung“ nennt (und zwar deswegen, weil diese Fleischwerdung Gottes selbst ein solcher „Zeitsprung“ war). Nun ist der Mensch frei, über das Mögliche, gleichwohl noch Unsichtbare, als etwas Wirklichem gedanklich zu verfügen und über dieses unsichtbar Mögliche als über etwas Vergangenes zu sprechen. Denn alles Mögliche muß von nun an verstanden werden als bereits bei Gott existierend und damit eben als unsichtbar vorhanden.

Es ist mehr als ein Deutungsansatz, wenn man Jüngers Theorie der Prognose strukturell als Beschreibung einer christlichen Seinsschau interpretiert. Denn in der Schere läßt Jünger die Reihe der Erkenntniszustände in der Epiphanie gipfeln. Als Zeuge tritt nun nur noch Paulus auf: „’Daher, König Agrippa, war ich der himmlischen Erscheinungen nicht ungläubig’. So Paulus – das war behutsam gesprochen, denn er stand vor Gericht. Er konnte sich auch auf Zeugen berufen, die mit ihm auf dem Weg nach Damaskus das Licht, ‚’heller denn der Sonne Glanz’, gesehen, wenngleich sie die Stimme nicht gehört hatten“ (146). In der Epiphanie gipfelt die Schau der anderen Seite insofern, als sie eine auf Erscheinungen des Göttlichen ausgerichtete Vorschau ist. Und indem Jünger in diesem Zusammenhang auf das Verhältnis von Epiphanie und Zeit zu sprechen kommt, hebt sich unvermutet und nur ganz kurz der Mythen-durchwebte Vorhang, der dem Jünger-Leser Bilder aller Zeiten und Räume vorgaukelt, um ihn an der Vielheit der Erscheinungen des Göttlichen teilhaben zu lassen, und gibt den Blick auf den Logos frei: „Die Schöpfung ist Zeit schaffend. Die Götter sind Zeit setzend, die Titanen Zeit kürzend und dehnend (…)“ (146). Am Ursprung der Zeit sieht Jünger also nicht die Götter, sondern Gott. Die Götter selbst sind, wie es an anderer Stelle heißt, eben auch nur „Gleichnisse“ und Bilder, die an das Unsichtbare heranführen. Sie sind historisch bedingte Erkenntnismuster der religiösen Vernunft. Die Schöpfung aber, die in ihrer wunderbaren Vielfalt Jüngers bevorzugten Zugang zum Ursprung des Seins darstellt, ist historisch nicht bedingt, sondern bedingend. Damit nun ist Gott gemeint.

Man muß darüber streiten, warum Jünger hier und anderer Stelle nicht von Gott spricht, wenn er ihn, was aus dem Kontext deutlich wird, meint. In seiner letzten Schrift Gestaltwandel heißt es hierzu: „’Gott’ genießt, auch wenn der Name nicht genannt wird oder die Sprache sich mehr oder minder überzeugend um ihn herumwindet, noch einen gewissen Respekt. Daß die Rechnung mit unserem Jetzt und Hier nicht aufgeht, wird instinktiv gefühlt und auf jeder geistigen Stufe erkannt. Entsprechend formt sich das Gebet“. Doch das ist keine Antwort. Die Stelle belegt nur, daß Jünger sich des eigenen „Herumwindens“ durchaus bewußt ist. Einen Schritt weiter geht Jünger, wenn er dieses Herumwinden auch bei Nietzsche festmacht und eine epochale Situation anruft: „Nietzsches ‚Gott ist tot’ kann nur bedeuten, daß der epochale Stand der Erkenntnis nicht genügt“ (Gestaltwandel). Ist es also tatsächlich die historische Erkenntnissituation des, wie es bei Jünger heißt, „Interims“, die es nicht zuläßt, von Gott zu reden? „Im Interim sind Götter selbst in der Dichtung unzeitgemäß; am besten wird ihr Name neutralisiert“ (ebd.). Jüngers Argumentation ist hier schwer zu folgen, schon allein deswegen, weil er fordert, die Namen der Götter zu neutralisieren, während sich, wie er selbst sagt, die Sprache um den Namen Gottes nur mühsam herumwinden kann. Wäre Jünger ein Systematiker, auf dessen Begriffe und terminologische Abgrenzungen Verlaß wäre, so könnte man in dieser Unterscheidung einen Hinweis auf die stärkere Seinskraft Gottes sehen, die durch Erkenntnis und Sprache gleichsam hindurchdrängt. Doch Jünger ist eben kein Denker, sondern ein Dichter. Daher bleibt auch diese Differenzierung dunkel.

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Und deswegen bietet sich eine andere, weitergehende Hypothese an. Könnte es sein, daß Jünger die Klarheit des mit dem Namen Gottes verbundenen Logos meidet, der für alle nur denkbaren Bilder immer auch die Auflösung, den Schlüssel bereithält, und auf die „Schöpfung“ rekurriert, weil es ihm darum geht, seine dichterische Existenz, die in der Erschaffung von unaufgelösten Bildwelten besteht, zu schützen? Diese Vermutung gewinnt an Beweiskraft, wenn man betrachtet, welche Rolle dem Dichter angesichts der Gewißheit zukommt, daß es das unsichtbar Vorhandene als Mögliches gibt und daß der Mensch Gewißheit darüber hat. „Das Mögliche, besser noch das Vermögende, ist unbegreiflich; die Vorstellung ist von ihm wie durch eine Mauer getrennt. Es kann nur duch Dinge, die innerhalb der Erfahrung liegen, der Anschauung nähergebracht werden – also durch Gleichnisse“ (Die Schere, 86). Gleichnisse und Bilder sind Sichtbarmachungen des Unsichtbaren. Der Dichter ist es, der diese Bilder findet. „Wo Bilder fallen, müssen sie durch Bilder ersetzt werden, sonst droht Verlust“, heißt es zu Beginn der Schere (1). Bilder fallen immer dann, wenn Religionen, die Jünger als „mehr oder minder gelungene Kunstwerke“ (ebd.) betrachtet, untergehen. Genau dies ist im Zeitalter der Titanen geschehen. Die Bilderwelten der Religionen, die eine Ahnung des Transzendenten vermitteln, sind untergegangen – und daran hatte Luther keinen geringen Anteil („Es scheint, daß die Begegnungen schwächer werden, wenn man Linien wie Moses-Paulus-Luther bedenkt“, 77). Nur die Gleichnisse des Dichters können diesen Bildverlust ausgleichen, indem sie anstelle der Epiphanien und Begegnungen mit dem Überirdischen wenigstens poetisch an der Sichtbarmachung des Unsichtbaren arbeiten. Man gelangt in Jüngers Spätwerk also an einen Punkt, an dem sowohl die offene als auch die verdeckte Struktur der Texte eindeutig auf den Logos hinlenken. Genau an dieser Stelle jedoch weicht Jünger aus und in den Bereich der ästhetischen Präfiguration zurück. Was das für die Konversion des Menschen Jünger  bedeutet, wird (und soll auch) immer ein Geheimnis bleiben. Jüngers Texte jedenfalls haben jene Linie des 26. September 1996 nicht überschritten. Sie bleiben diesseits des Logos.

(zuerst in: Die Tagespost, September 2015)

jeudi, 08 octobre 2015

Coming Soon from Telos Press: Ernst Jünger’s Sturm

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Coming Soon from Telos Press: Ernst Jünger’s Sturm

Coming on October 1st from Telos Press Publishing: Ernst Jünger’s Sturm. Pre-order your copy today, and we will ship it as soon as it is available.

JUNGER_Sturm_MED.jpgSturm
by Ernst Jünger

Publication Date: October 1, 2015
Pre-order your copy today.

Translated by Alexis P. Walker
With an Introduction by David Pan

Set in 1916 in the days before the Somme offensive, Ernst Jünger’s Sturm provides a vivid portrait of the front-line experiences of four German infantry officers and their company. A highly cultivated man and an acute observer of his era, the eponymous Lieutenant Sturm entertains his friends during lulls in the action with readings from his literary sketches. The text’s forays into philosophical and social commentary address many of the themes of Jünger’s early work, such as the nature of war, death, heroism, the phenomenon of Rausch, and mass society.

Originally published in installments in the Hannoverscher Kurier in 1923, Sturm fell into obscurity until 1960, when it was re-discovered and subsequently re-published by Hans Peter des Coudres, a scholar of Jünger’s work. This translation—the first to be published in English—brings to the English-speaking world a work of literature of interest not only to students of Jünger’s work and of World War I, but to any reader in search of a powerful story of war and its effects on the lives of the men who endure it.

Praise for Ernst Jünger’s Sturm

“The rediscovery of Ernst Jünger’s Sturm, abandoned by its author after its first publication in 1923, significantly alters our understanding of Jünger’s place in modern European literature. The literary and aesthetic moments, frequently seen as secondary in Jünger’s early work, turn out to be constitutive from the very beginning. While the plot deals with the experience of war in 1916, Sturm‘s ultimate concern is the possibility of radical modern art under conditions of extreme violence.”
—Peter Uwe Hohendahl, Jacob Gould Schurman Professor Emeritus of German Studies and Comparative Literature, Cornell University

“This translation of Sturm fills a long missing gap in the German war literature of the 1920s available to English readers. The translation by Alexis Walker is vibrant and precise while also reflecting the nuances and tone of the original German text. David Pan’s introduction sets the stage with a masterful overview of the context in which Sturm was written and pays particular attention to the debates since then on the aestheticization of the war experience.”
—Elliot Neaman, Professor of History, University of San Francisco

“An unblinking account of a culture in twilight, this novella recasts central themes of Ernst Jünger’s chronicles of the Great War: the unrelenting test of human perdurance under new technologies of annihilation; the naturalist’s precise aesthetic of life teeming amid martial insanity; and, a new note, the harrowing free fall of civilian life into erotic aimlessness and inebriated despair, for which only art serves for an antidote. In Alexis Walker’s carefully wrought translation, Sturm will be a welcome surprise to Jünger’s veteran readers, and an ideal introduction for those who are curious to know more than his name.”
—Thomas Nevin, author of Ernst Jünger and Germany: Into the Abyss, 1914–1945

“Had Stephen Crane’s Henry Fleming been born in 1895 Germany, his story might very well have read like the eponymous protagonist’s of Ernst Jünger’s Sturm. In a fascinating novella in turn meditative and wrenchingly physical, Jünger stages a drama of one man’s ideas about himself, as told through a narration conflicted about its own subject.”
—Alex Vernon, James and Emily Bost Odyssey Professor of English, Hendrix College

Sturm is a subtle novella about an intellectual in the trenches who sees the age of industrial-scale war as deeply dehumanizing, yet recognizes that this war has given him a sense of identity, and of community with others, that no peacetime experience could match. . . . Jünger is a remarkable writer. In this novella he comes across as a romantic with a loathing of modernity, especially as characterized by the overbearing state. The book is grim, and deeply pessimistic—but exceptionally interesting, and well worth reading.”
—George Simmers, Great War Fiction blog

About the Author

Ernst Jünger (1895–1998) was one of the most complex and controversial writers of twentieth-century Germany. Born in Heidelberg, he fought in the German Army during World War I, an experience that he would later recount in his gripping war memoir, Storm of Steel. Though Jünger would serve as a German officer during World War II, his 1939 novel On the Marble Cliffs daringly advanced an allegorical critique of Hitler’s regime. Over the course of his long literary career, Jünger would author more than fifty books, some of which are now available in English translation from Telos Press, including On Pain, The Adventurous Heart, The Forest Passage, and the brilliant dystopian novel Eumeswil.

dimanche, 04 octobre 2015

Céline entre deux guerres

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“ On croyait tout connaître de Louis-Ferdinand Céline un peu plus de cinquante ans après sa disparition, en 1961. L'enquête ici réalisée démontre le contraire. Elle prend pour hypothèse le rôle matriciel de la Grande Guerre dans l'émergence d'une personnalité et d'une oeuvre qui n'ont cessé de questionner le sens de l'événement guerrier et sa résurgence pendant les années 1939-1945.


Elle montre l'ampleur de la déformation ou de la reconstruction de l'expérience personnelle de la guerre des années 1914-1915 dans Voyage au bout de la nuit (1932) mais aussi dans l'ensemble des entretiens et témoignages accordés ou lettres adressées par le docteur Destouches à partir du moment où il est devenu célèbre en 1932 sous le pseudonyme de Louis-Ferdinand Céline. Le brouillage de la réalité vécue de la guerre et la construction d'une mythologie personnelle ont jusqu'à nos jours été largement avalisés par les biographes. L'enjeu est ici celui de la démythologisation de la biographie.


L'ouvrage s'interroge sur les multiples raisons de cette reconstruction biographique en avançant que la dimension officiellement héroïque de l'expérience célinienne de la première guerre est d'autant plus nécessaire à l'identité du combattant que celle-ci sera après 1944 constamment revendiquée et présentée comme une pièce à décharge dans le procès intenté à Céline par la justice de l'Epuration pour ses pamphlets antisémites des années 1937-1941 (republiés jusqu'en 1944) et ses prises de position publiques dans la presse collaboratrice entre 1940 et 1944. En d'autres termes, l'expérience subie d'une première guerre se prolonge sous forme d'argument juridique à l'issue du deuxième conflit mondial. Est aussi en exergue toute la question du pacifisme de Céline comme justification donnée de l'entrée en écriture pamphlétaire à partir de 1937. La connaissance historienne de l'expérience de la guerre est d'autant plus importante que la guerre est elle-même l'origine traumatique revendiquée de l'écriture, du choix de la langue argotique mais aussi et plus fondamentalement de la construction du temps et de l'histoire communes que les romans de Céline construisent. ”

Source: http://zentropa.info

Interview mit Martin Lichtmesz zur Übersetzung des Buches "Heerlager der Heiligen" von Jean Raspail

Interview mit Martin Lichtmesz zur Übersetzung des Buches "Heerlager der Heiligen" von Jean Raspail

Alexander Markovics interviewt Martin Lichtmesz zur Neuübersetzung des Buches "Das Heerlager der Heiligen" von Jean Raspail ins Deutsche. Warum das Heerlager das Schlüsselbuch zur Asylkrise darstellt, was Raspail unter dem "Tier" bzw. dem "Big Other" versteht und warum unsere Politiker ein gespaltenes Bewusstsein in Bezug auf den Großen Austausch haben sowie vieles mehr in knapp 50 Minuten.

 

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samedi, 03 octobre 2015

La Cavale du Docteur Destouches

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La Cavale du Docteur Destouches, récit de Christophe Malavoy, dessins de Paul et Gaëtan Brizzi, d’après l’œuvre de Louis-Ferdinand Céline1944 : Louis-Ferdinand Céline, son épouse, le comédien Robert le Vigan et le chat Bébert quittent la France pour rejoindre la communauté française collaborationniste à Sigmaringen.

Christophe Malavoy adapte l’oeuvre de Céline et signe, avec la complicité des frères Brizzi, une véritable farce burlesque, hallucinante et drôle, sur un épisode pourtant sombre de notre histoire.1944, Montmartre ploie sous les bombardements de la RAF. Le vent tourne pour les Allemands et les collaborateurs. Le docteur Destouches, plus connu sous son nom de plume, Louis-Ferdinand Céline, muni de faux-papiers, quitte la France en compagnie de Lucette son épouse et Bébert le chat. Direction l’hôtel Brenner à Baden-Baden, où il retrouve Robert Le Vigan, comédien et collabo, qui vient de quitter le tournage des Enfants du paradis.

Ensemble, traversant une Allemagne en ruine, ils se rendent à Sigmaringen, rejoindre le gouvernement en exil de la France Vichyste. Cerné par des personnages hauts en couleur, pitoyables, voire caricaturaux, le drame tourne à la farce burlesque. De cet épisode historique authentique, Céline a tiré une oeuvre incontournable, D’un château l’autre, Nord et Rigodon. Il fallait un sacré culot pour oser s’y attaquer. Christophe Malavoy et Paul & Gaëtan Brizzi se sont lancés ici avec maestria dans leur première bande dessinée.

Source: http://zentropa.info

vendredi, 02 octobre 2015

Dossier Rebatet

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Lucien Rebatet est l'auteur d'un livre maudit qui fut le best-seller de l'Occupation : Les Décombres, livre qui lui a valu, entre autres raisons, d'être condamné à mort en 1946 avant qu'il voie sa peine commuée en détention à perpétuité. Ce texte est réédité dans son intégralité pour la première fois depuis 1942, après avoir reparu dans les années 1970 amputé de ses chapitres les plus délirants, notamment celui intitulé “ Le ghetto ”.

Pour la première fois aussi, alors que l'ouvrage est en libre accès sur le Net, il est accompagné d'un appareil critique conséquent, qui permet de le lire en connaissance de cause, de le resituer dans le climat de l'époque, avec ses outrances, ses haines et ses préjugés dont Rebatet fut l'un des plus véhéments porte-parole. Annoté par l'une des meilleures spécialistes de l'Occupation, Bénédicte Vergez-Chaignon, ce livre, empreint d'un antisémitisme viscéral et obsessionnel, apparaît aujourd'hui comme un document historique édifiant sur l'état d'esprit, les phobies et les dérives de toute une génération d'intellectuels se réclamant du fascisme.

L'auteur n'étant pas dénué de talent d'écriture, comme l'ont prouvé ses romans, notamment Les Deux Étendards, publiés par la NRF, et son Histoire de la musique, qui figure au catalogue “ Bouquins ”, Les Décombres constituent également une œuvre littéraire à part entière, reconnue comme telle, y compris par ses détracteurs les plus résolus. Ce Dossier ne manquera pas de susciter réactions et commentaires quant à l'opportunité de sa publication. Pascal Ory, qui a soutenu dès l'origine l'idée d'une réédition intégrale, mais encadrée et commentée, fournit dans une préface très éclairante les explications qui la justifient aujourd'hui.


À paraître le 15 octobre 2015.   

Source: http://zentropa.info

mercredi, 23 septembre 2015

Jean Raspail, l’écrivain aventurier

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Jean Raspail, l’écrivain aventurier
 
par Frédéric Kisters
Ex: http://www.associazioneculturalezenit.org

Article rèdigè par Frédéric Kisters pour l’Association culturelle Zenit

La vie de Jean Raspail est divisée en trois périodes, la première assez morne, la deuxième pleine d’aventures, la troisième est littérature. Il semble avoir connu une enfance paisible et bourgeoise. Né le 25 juillet 1925 en Indre-et-Loire, il se proclame Wisigoth. Après la guerre, il s’essaya sans succès à l’écriture. Son premier manuscrit ayant été refusé par toutes les maisons d’édition, il clôt le prologue de sa vie, tourna la page et passa au premier véritable chapitre de son existence. En 1948, avec trois amis, il partit en expédition en Amérique, sur les traces de Jean Marquette, jésuite explorateur du 17e siècle, qui donna son nom à l’expédition. Ils descendirent les chemins d’eau qui relient le Québec au Mississipi. Près des Grands Lacs, il découvrit, lors d’une excursion, un village abandonné au milieu de la forêt, “à la lisière du rêve et du réel”. Il a écrit qu’il était véritablement né ce jour là. Il avait trouvé sa voie, la quête des hommes et peuples authentiques.

Comme Jean Raspail avait renoncé à manier la plume, ce fut son ami Philippe Andrieux qui rédigea le récit du voyage. Dès leur retour en France, les deux comparses montèrent une nouvelle expédition, non pas une espèce de voyage initiatique contrairement au premier, mais plutôt un défi technico-sportif. Il s’agissait de rejoindre la Terre de feu à l’Alaska en voiture, une équipée de 40.000 km. Cette fois, il cosignera le récit de l’aventure avec Andrieux, renouant ainsi avec l’écriture, avant de repartir à l’aventure. Des multiples voyages suivants, il rapporta de nombreux livres de souvenirs, un genre de littérature qui rencontrait un certain succès à l’époque, car  la TV, l’objet du culte médiatique, ne trônait pas encore dans tous les salons familiaux.

Entre deux périples, il retrouvait une France endormie, repliée sur elle-même, qui perdait peu à peu son âme diluée dans l’universalisme consumériste. Imaginons-le un instant revenant d’une contrée sauvage dans ce pays peuplé de morts-vivants… Il avait acquis la certitude que sa patrie, en ces années ’60, avait subi une horrible métamorphose. Et son avatar avait effacé de sa mémoire jusqu’au souvenir de ce qui faisait sa singularité autrefois si fort affirmée à la face du monde. Cette France désincarnée, pour laquelle il éprouvait une répulsion naturelle, il en fera son deuil en écrivant “Le Camp des Saints”, au fil de l’inspiration, pendant une sorte de transe de 18 mois dont il sortit “méconnaissable”, avoue-t-il.

“Le Camp des Saints” (1973)

Avec le “Camp des Saints”, Raspail entre vraiment en littérature en posant un sujet grave, essentiel au sens étymologique: l’Occident mérite-t-il encore d’exister ? A sa sortie, le livre fut fusillé par les prêtres du politiquement correct et les chantres de vertu, qui le dénoncèrent comme un roman d’extrême droite, voire raciste. En réalité, Raspail l’avait écrit dans un mouvement de colère, excédé par la dictature de la pensée unique qui s’instaurait. Il lançait un dernier et fracassant coup de semonce avant de se retirer, de manière hautaine, dans son monde intérieur, en vouant à l’Apocalypse cette civilisation moribonde. Raspail claquait la porte au nez d’une société en plein processus de déréliction. A partir de cette rupture, il entreprit la création de son propre univers romanesque.

L’auteur imagine un improbable prophète indien, prosélyte improvisé mais doué, entraînant à sa suite une horde de miséreux qui embarque dans une flotte de rafiots rouillés vers les riches contrées européennes. Nos gouvernants ne savent comment réagir. A la question “Que faire?”, ils répondent: “Parlons, analysons le problème, en attendant organisons leur accueil”. Lorsque l’armada de boat people approche de nos côtes, la population s’enfuit, quant à l’armée, malade de culpabilité, elle s’égaille, la France s’écroule sans résistance.

En butte aux critiques, Raspail a souvent soutenu qu’il ne voulait pas écrire un pamphlet prophétique. Evidemment, l’immigration n’a jamais pris la forme d’une irruption brutale, elle fut au contraire une distillation lente et pernicieuse. De surcroît, les immigrés n’ont pas seulement été attirés par le mirage de la richesse occidentale et nous ne les avons pas uniquement acceptés par faiblesse; à cette époque, le capitalisme avait aussi besoin de main d’œuvre à bon marché. Néanmoins, en posant la question de cette manière, Raspail met le lecteur dans une situation d’urgence. Face à une immigration diffuse, le citoyen peut s’offrir le temps de la réflexion; confronté à la menace imminente du débarquement de millions d’affamés, il doit prendre une décision immédiate.

Et un des aspects les plus intéressants du roman est sans doute la description des réactions de l’Occident qui souffre d’une espèce d’apathie, de paralysie de la décision et de l’action. En effet, quelles valeurs l’Europe peut-elle opposer à un tel déferlement ? Il ne serait ni chrétien ni charitable de les refouler à la mer. D’un autre côté, le soi-disant humanisme actuel nous enseigne que l’étranger nous enrichit et ne veut pas nous nuire. Nos bien-pensants n’imaginent même pas que les autres puissent nous détruire par inadvertance et ignorance, comme on écrase sans le vouloir un insecte. De plus, les Européens ont cultivé le remords et la mauvaise conscience, à tel point qu’ils ne se sentent plus meilleurs en donnant, au contraire ils cèdent par honte et non par générosité. Le véritable mal réside dans nos faiblesses. En réalité, l’Europe aspire les pauvres parce qu’elle est vide. Certes, d’aucuns ont encore conscience que nous avons le devoir de défendre notre identité au nom de notre passé et pour notre avenir, mais à quel prix ? Raspail suggère un début de réponse: “Apprendre le courage résigné d’être pauvre ou retrouver l’inflexible courage d’être riche. Dans les deux cas, la charité dite chrétienne se révélera impuissante. Ces temps-là seront cruels.”

Raspail regarde l’humanité actuelle avec dédain mais sans cruauté, il voit des hommes qui n’ont plus aucune raison d’agir, un Occident en détresse parce qu’il a perdu jusqu’au souvenir de sa raison d’exister. Depuis le “Camp des Saints”, il a renoncé à notre civilisation. Ses livres suivants sont, à mon sens, plus réussis, parce que l’auteur se détache de l’actualité et nous emmène dans l’univers des contes symboliques.

Il se dégage de son œuvre plusieurs traits saillants.

jr782226168245g.jpgLes héros de Raspail

Les héros de Raspail ont le sens de l’aventure, pour autant ils ne sont pas tous des hommes d’action. Ainsi le duc Christian VII de Valduzia ne quitta jamais son bureau des cartes, néanmoins il partagea en pensées les campagnes de ces troupes. Il aime aussi les inspirateurs, comme le roi de Patagonie, Antoine IV qui instille l’esprit de royauté au jeune garçon qu’il a choisi pour successeur dans “Le Jeu du Roi” ou les détenteurs de la mémoire, comme le vieux professeur du “Camp de Saints”. Il a  aussi imaginé une dynastie d’hommes capables d’allier l’action à la réflexion, la prolifique lignée des Pikkendorf qui peuple son univers romanesque.

Ses personnages mènent tous à leur façon une quête. Le fait apparaît évident dans “Sept Cavaliers”. L’histoire se déroule dans un margravat vermoulu où tout s’effondre pour une raison énigmatique. Des hordes de pillards, dont une secte de drogués, les Ammanites, saccagent le pays, soldats et fonctionnaires désertent leurs postes, les derniers fidèles à la dynastie, terrorisés et pourchassés par la populace, se claquemurent dans leurs maisons; aux frontières, les barbares, autrefois vaincus, relèvent la tête. Le colonel-major Silve de Pikkendorf rassemble six cavaliers pour partir à la recherche de la source du mal qui ronge le pays. Ils ne la découvriront pas, mais chacun d’entre eux accomplira son destin. L’évêque Osmond van Beck atteindra Dieu; Richard Tancrède rencontrera l’amour d’une catholique opprimée par une tribu de musulmans; le brigadier Vassili rattrapera les Tchétchènes que son ancien capitaine poète poursuivait; Abaï l’Oumiâte retournera dans sa forêt natale, le cadet Vénier reconquérera le fief de ses ancêtres, quant à Silve de Pikkendorf et l’artilleur rimeur Bazin Dubourg, ils rejoindront la réalité, lors de la surprenante transition finale du roman. Ainsi, ils se sont tous réappropriés leur authenticité.

Les peuples oubliés

Autant dans ses récits de voyage que dans ses romans, Raspail exprime sa fascination pour les peuples disparus. Par exemple, il raconte la disparition des Ghiliaks réfugiés dans l’île de Sakhaline. En 1890, on en recensait encore 320, un siècle plus tard, “Pas un seul, fût-ce à l’état de souvenir ou de tombe. Escamotés dans les oubliettes de l’Humanité !” (La Hache des Steppes”).

Dans “Le Jeu du Roi”, nous croisons les Alakalufs que l’auteur a rencontré lors d’un de ses périples. Ces habitants de la Terre de Feu et des canaux chiliens de la Patagonie se déplaçaient en cabotant avec leurs canots. Ils survivaient dans des conditions extrêmement pénibles. Raspail souligne que : “Le bonheur n’existe pas dans la langue des Alakalufs, ni aucun vocable similaire.” (“Qui se souvient des hommes…”). En revanche, ils en ont cent pour exprimer l’angoisse.

Enfin, n’oublions pas le peuple invisible, les Oumiâtes qu’il évoque dans “Septentrion”. Ils sont aussi représentés par le guide Abaï, un des “Sept Cavaliers”. Surtout, ils préfigurent les petits hommes discrets des “Royaumes de Borée”. “Ce sont des gens qui vivent dans la grande forêt. Ils portent des bonnets pointus et de grandes bottes de peau brodées de fil d’argent. Quand ils se déplacent, ils ne laissent aucune trace et ne font aucun bruit.”

Ces peuples l’obsèdent, parce qu’ils ont le panache de s’acharner dans la survie, fût-ce en se cachant.

La fuite

Comme les peuples perdus, les personnages de Raspail fuient chacun à leur manière. Les petits hommes de Borée reculent de forêt en forêt, sous la poussée d’hommes qui pourchassent un mythe. Les enfants de “Septentrion” tentent d’échapper à l’invasion grise. Quant aux “Sept Cavaliers”, ils fuient en avant. D’autres s’évadent dans l’imaginaire, ainsi Antoine de Tounens qui a fondé son royaume de Patagonie dans la solitude de son château. Toutefois, il ne s’agit pas de lâcheté. Ces deux catégories de héros raspailliens refusent un monde horrible, mais ils ne capitulent pas. Plutôt que de devenir des hommes ternes, ils préfèrent chercher un refuge, en une contrée lointaine ou au fond d’eux-mêmes. Là, ils pourront du moins conserver leur noble attitude.

jr41hvgzg6xrL._UY250_.jpgLa royauté

Raspail a toujours proclamé ses opinions royalistes et catholiques, les deux étant pour lui indissociablement liés, puisque la monarchie est de droit divin. Lui accoler l’adjectif “constitutionnel(le)” revient à commettre une hérésie. De même, il vomit l’Eglise actuelle, parce qu’elle a perdu le sens du sacré.

Tous les Etats imaginaires qui servent de cadre à ses récits sont soit des royaumes soit des principautés. Dans “Sire”, il restaure même une forme de royauté: le jeune Pharamond de Bourbon traverse à cheval, avec ses rares compagnons, la France contemporaine pour se faire sacrer en la cathédrale de Reims.

Toutefois, Raspail ne soutient ni les Bourbons ni les Orléans. Dans son esprit, le royaume n’est plus une institution, il est transporté dans une sorte d’éternité, il devient une idée à l’état pur.

En 2000, Raspail publiait “Le Roi au-delà de la mer”, une sorte de lettre ouverte adressée à un jeune monarque sans terre. Ce dernier incarne si bien la royauté de droit divin et les valeurs chevaleresques qu’il ne peut accepter un trône. Son devoir consiste à se retirer dans un digne isolement qui le préserve des avanies de notre époque. Retranché sur cette forte position, le symbole souverain peut inspirer la révolte contre un monde où tous les objets et les idées sont devenus des marchandises. Lorsqu’il attirera le regard des meilleurs, il sera temps de combattre.

“Les Royaumes de Borée” (2003)

jr41Q52F2RK.jpgL’histoire se déroule du 17ème au 21ème siècle, elle est celle du duché de Valduzia, principauté onirique sise aux confins de la Carélie russe. Ses princes héréditaires se sont lancés à la conquête de ces vastes territoires vierges. Pour marquer la prise de possession, ils tracèrent une ligne hypothétique sur des centaines de lieues, la frontière. Les érecteurs de bornes croient marquer leur territoire et conjurer une improbable menace ou affirmer leur propriété en posant des pierres dans une lande de neige sans horizon. Au contraire, les petits hommes de la Taïga pressentent que la présence de ces curieux monolithes annonce leur fin prochaine. Ils comprennent que, désormais, ils devront reculer de forêt en forêt, jusqu’à la soixantième, avant de disparaître. En réponse, ils marquent leur présence au moyen de petits bâtons sculptés et ils lancent un avertissement: un javelot planté dans un arbre. Ces reliques, seules preuves de leur existence seront transmises de génération en génération et elles parviendront jusque dans les mains du narrateur, un professeur d’ethnologie qui tente de reconstituer la légende du petit homme.

Son récit traverse quatre siècles d’histoire. Il décrit les contrées sauvages avec lyrisme. Il parle de ces explorateurs épuisés, qui, au seuil de la mort, croient avoir aperçu le petit homme. Juste une ombre dans le halo qui précède l’inconscience. Avec la brigade valduzienne, nous connaissons la déroute de 1812. Les survivants affrontent lors d’une bataille épique les hordes cosaques venues ravager leur patrie. A la fin de la seconde guerre mondiale, l’exode des populations qui fuient l’armée soviétique emporte tout sur son passage. Au terme d’une longue enquête, l’auteur s’interroge sur l’existence du petit homme.

Dans le dernier roman de Raspail, le lecteur retrouve la plupart des thèmes récurrents de son œuvre, comme si l’auteur avait voulu en faire la synthèse. En particulier, il développe celui de la limite entre le rêve et le réel.

La frontière rassure l’esprit humain, il croit qu’elle le protège alors qu’elle l’encage. L’homme a peur de l’immensité inconnue qui s’étend au-delà d’improbables balises perdues dans la lande. En réalité, la frontière ne circonscrit pas un espace géographique, elle trace la limite entre le raisonnable civilisé et le sauvage onirique un abîme que le dernier homme tente de combler ou d’oublier. En conquérant la Carélie, il veut effacer l’immensité étrange qui l’inquiète alors qu’elle devrait l’intriguer. La frontière dessine le profil de la falaise qui sépare le rêveur du bien-pensant, elle est le seuil de notre jardin intérieur que beaucoup de nos contemporains ont fermé à jamais, n’osant plus y pénétrer. Le petit homme des bois avait averti les civilisés qu’ils entraient dans un autre monde, un lieu désert où confrontés au vide, ils seraient obligés d’explorer leurs territoires intérieurs.

En Borée, l’histoire efface peu à peu la légende, l’homme civilisé chasse le barbare jusque dans la soixantième forêt où il disparaît. Au crépuscule de ses jours, le vieux professeur le redécouvre en dévisageant son reflet.

Un style, une attitude

Jean Raspail fait aussi partie de ces écrivains qui ont la capacité de changer de style. Cette capacité renforce son talent de conteur. “Le Camp des Saints” est, en de nombreux passages, rédigé avec emphase, sur un ton prophétique; on sent la fulgurance du premier jet. Au contraire, Jean-Marie Ghislain Pénet, l’instituteur qui narre “Le Jeu du Roi”, s’exprime en phrases simples et courtes. En compagnie des “Sept Cavaliers”, le lecteur chevauche de longues phrases cadencées dont le rythme imprime un élan épique au récit.

Dans ses scènes d’actions romanesques, Raspail évoque souvent le fracas des champs de batailles. Pourtant, en privé, il est un auteur discret qui ne reçoit pas ses admirateurs, car “Sauter sur un cheval blanc et charger lance au poing devient aujourd’hui un exercice difficile et parfaitement anachronique qu’il est préférable de pratiquer sans témoin”. Il chante des valeurs aujourd’hui délaissées, voire honnies: le courage, la vertu, la camaraderie, la foi, l’honneur, le dévouement, l’esprit de liberté et de sacrifice. Auteur réactionnaire ? A voir ce que nous avons abandonné sur la route depuis 1789, nous serions tentés de rebrousser le chemin pour ramasser les restes. Mais il sait que l’Histoire ne foule jamais ses propres empreintes. Il nous dit d’avancer en conservant le souvenir des ruines du passé et des peuples disparus qui se sont obstinés à survivre. Nous devons créer notre propre monde, fût-il un songe, pourvu qu’il existe et que les autres l’entrevoient parfois dans notre regard.

samedi, 19 septembre 2015

Ernst Jünger: La guerre, fabrique de la bravoure

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Ernst Jünger: La guerre, fabrique de la bravoure

par Hélie Destouches

Ex: http://www.lerougeetlenoir.org

« Élevés dans une ère de sécurité, nous avions tous la nostalgie de l’inhabituel, des grandspérils. La guerre nous avait saisis comme une ivresse. » [1]

Dès les premières lignes d’Orage d’acier, Ernst Jünger dépeint la léthargie dans laquelle sont nés, pour la jeunesse allemande de 1914, l’attrait irrésistible du front, la soif d’aventure, besoin physique de danger et de violence. Ils allaient connaître une violence inédite, celle de la guerre moderne, loin des rêveries d’épopées héroïques. Une violence déshumanisée. La guerre de position, le pilonnage continu de l’artillerie industrielle, la mort anonyme. Dans les récits de guerre qui fleurirent dès le lendemain des démobilisations, de 1918 jusqu’en 1920, il ressort une image uniforme du profond choc causé par le dépassement de tous les seuils de tolérance devant la brutalité ordinaire de la guerre de tranchées. Les bombardements, les assauts – brèves et mortelles montées à la surface – et l’entassement de cadavres sans sépulture, autant d’expériences qui égrainent un quotidien déjà saturé de violence.

Les traces physiques et morales portées par les hommes ont marqué leurs témoignages. Elles forment la trame qui sous-tend toute la littérature de guerre, de Roland Dorgelès à Erich Maria Remarque. Du grand dolorisme qui imprègne cette production, il est néanmoins une œuvre qui se détache radicalement.

Ernst Jünger, le guerrier et l’écrivain

Né en 1895 à Heidelberg, en plein apogée wilhelminien, Ernst Jünger manifeste dès sa jeunesse la fibre littéraire qui fera de lui l’écrivain de guerre de langue allemande le plus essentiel du XXe siècle. Son cheminement semblait, dès le début, tendre au mystique, exalté dans l’admiration pour les penseurs formalistes, empreint de l’héritage nietzschéen et du lyrisme de Hölderlin, naturellement enclins à l’apologie du guerrier. Il gravite notamment dans la proximité du George-Kreis, noyau informel de ce qui deviendra la frange aristocratique de la révolution conservatrice, et s’engage auprès des Wandervögel. En 1912, âgé de 17 ans, il revêt une première fois l’uniforme au sein de la légion d’Afrique. Engagement armé et inspiration littéraire s’entrecroisaient déjà, dans la quête d’une violence encore pure et brutale qu’il espérait trouver sur le continent noir.

Ernst Jünger décoré de la croix Pour le mérite

 

Lors de l’appel aux armes, en août 1914, Jünger fait partie des troupes volontaires. Il rejoint le 72e régiment de fusilier en Champagne. Dès lors, il ne quitta plus le front, et obtint plusieurs promotions dans les rangs de la l’armée impériale. Après s’être formé en tant que sous-officier, il obtiendra dans les dernières années du conflit le grade d’Oberleutnant à la tête de la 7e compagnie. La position d’officier subordonné, c’est-à-dire d’officier de tranchée, marque profondément l’expérience combattante de Jünger. C’est la position clef du combat rapproché, de la guerre vécue. En tant qu’Oberleutnant, il est la tête d’un corps combattant abandonné dans le no-man’s-land, coupé de l’arrière. Le modèle de courage, le chef qui doit entraîner ses hommes au combat ; « L’officier occupe sa place : dans toutes les circonstances, la plus proche de l’ennemi. » [2]. Son engagement de soldat puis d’officier lui vaudra quatorze blessures et la suprême décoration impériale de la croix Pour le mérite.

En 1920, alors qu’il sert encore dans l’armée de la République de Weimar, il publie l’opus majeur de son œuvre de guerre, Orages d’acier (In Stahlgewittern). Il est puisé par ses carnets de guerre, scrupuleusement rédigés au fil des affrontements et des périodes d’accalmie. Dans ce premier ouvrage, Jünger développe de manière inédite l’expérience du combat, exposant la relation brute et cinglante de l’individu avec la violence de guerre, à la fois comme figure littéraire fondamentale et comme objet central pour une conception de l’existence dans la modernité du monde. Orages d’acier forme le tronc d’une ramification composée d’un essai, La guerre comme expérience intérieure (Der Kampf als inneres Erlebnis – 1922) et d’ouvrages de moindre ampleur, qui s’ajoutent peu à peu dans les années suivantes à partir des carnets inexploités. Lieutenant Sturm (Sturm – 1923), Le boqueteau 125 (Das Wäldchen 125 – 1924) et Feu et sang (Feuer und Blut – 1925) donnent des points de focalisation détaillés sur des aspects particuliers du combat, variant l’approche et le traitement. Chez Jünger, la narration est souveraine, brutale, précise – une écriture qui ne tremble pas, même devant l’horreur – et c’est dans La guerre comme expérience intérieure que se déploie le véritable sens donné au combat, la mystique guerrière. Ses écrits se répondent et ne peuvent véritablement être dissociés les uns des autres.

La guerre au cœur de l’homme

La guerre que décrit Jünger n’est pas un phénomène volontaire, une contingence diplomatique, ou, suivant la formule de Clausewitz, de la politique poursuivie avec d’autres moyens. La guerre trouve sa cause première dans l’homme, dans sa nature archaïque. Elle ne commence pas avec une déclaration de guerre, elle ne se termine pas avec un traité de paix. La guerre est un état perpétuel qui, bien qu’il puisse être contenu sous le vernis de la culture policée, ressurgit immanquablement. « La guerre n’est pas instituée par l’homme, pas plus que l’instinct sexuel ; elle est loi de nature, c’est pourquoi nous ne pourrons jamais nous soustraire à son empire. Nous ne saurions la nier, sous peine d’être engloutis par elle. » [3]. Le profond besoin de violence guerrière, gravé dans la chair des hommes, s’étend comme un lien indéfectible entre le montagnard armé d’une massue et de pierres, et le soldat des tranchées sous la pluie de feu et d’acier. Lorsque la guerre éclate, qu’elle embrase tout, il ne reste qu’une alternative : se battre ou disparaître. Cela vaut pour les civilisations, cela vaut pour chaque individu ; « Le fort seul a son monde bien en poigne, au faible il glisse entre les doigts dans le chaos » [4].

Mais la violence combattante - la pulsion qui pousse irrésistiblement au combat - n’est pas une résurgence d’un bas instinct qui abîme les hommes dans la brutalité gratuite. Jünger la conçoit au contraire comme la marque d’une antique noblesse, qui relève l’humanité de son affaissement. « Nous avons vieilli, et comme les petits vieux nous aimons nos aises. C’est devenu un crime d’être davantage ou d’avoir plus que les autres. Dûment sevrés des fortes ivresses, nous avons pris en horreur toute puissance et virilité ; la masse et l’égalitaire, tels sont nos nouveaux dieux. » [5] Pour Jünger, la force combattante, la nature guerrière de l’homme, est ce qui permet à l’homme de s’élever au dessus de ses semblables et aux civilisations d’inverser le cours de leur décadence pour renouer avec la grandeur. Une forme particulière de volonté de puissance qui réveille le besoin du sacrifice, pour un idéal, pour Dieu, pour la gloire. Ainsi parle-t-il des combattants de choc dans les tranchées : « Cette seule idée qui convienne à des hommes : que la matière n’est rien et que l’esprit est tout, cette idée sur laquelle repose tout entière la grandeur humaine, ils l’exaspéraient jusqu’au paradoxe » [6]. Oublier le moi pour le je. Devenir acteur de sa pensée. Telle est en somme, dans la pensée de Jünger, la plus haute des vertus combattantes.

Il met en valeur un type d’homme particulier, qui s’est approprié une virilité guerrière parfaite, chez lequel l’idée du combat a définitivement triomphé sur le matériel : « La perfection dans ce sens – au point de vue du front –, un seul en présentait l’apparence : le lansquenet. En lui, les vagues de l’époque s’entrechoquaient sans dissonance aucune, la guerre était son élément, en lui de toute éternité » [7]. Le lansquenet, mercenaire combattant, soldat de métier et d’engagement, concrétise donc dans sa manière d’exister la coupure totale avec le monde civil installé. Comme le légionnaire des armées de la Rome antique, il vit de la guerre, dans la guerre, pour la guerre. Le sens guerrier coule dans son sang, il en a adopté tous les codes, et il s’est entièrement arraché à l’esprit bourgeois. Le lansquenet est en quelque sorte la quintessence de l’existence. En lui, le détachement est total ; il ne vit plus que par le danger. « Pour chacun, vivre veut dire autre chose, pour l’un le chant du coq au matin clair, pour l’autre l’étendue qui dort au midi, pour le troisième les lueurs qui passent dans les brumes du soir. Pour le lansquenet, c’est le nuage orageux qui couvre au loin la nuit, la tension qui règne au-dessus des abîmes. » [8]

 

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La renaissance par le combat

Quel sens a cette représentation d’une violence de guerre stylisée, si on la rapporte au charnier de la Première Guerre Mondiale ? C’est ce qui se découvre dans les textes tirés des carnets de guerre. Le boqueteau 125, sous-titré Une chronique des combats de tranchée, contient le déroulement d’une séquence de combat qui tient lieu dans la dernière phase de la guerre, au début de l’été 1918, devant les ruines de Puisieux-au-Mont, près d’Arras. Jünger relate le stationnement de sa compagnie dans les tranchées bordant le boqueteau 125, une place intégrée aux lignes allemandes sur le front du nord, quotidiennement pilonnée par les forces anglaises. Le point central de l’ouvrage est l’offensive anglaise lancée contre cette position dont Jünger en commande la compagnie d’intervention. Celle-ci subit d’abord le tir d’anéantissement de l’artillerie britannique, puis l’offensive de l’infanterie.

Chargés de fatigue, dans un espace-temps désarticulé, sous la pluie des bombes, les éclats d’obus qui arrachent les membres, les soldats de la troupe de choc sont confrontés à toutes les conditions de la violence extrême qui caractérise la guerre de tranchées. L’assaut représente alors un moment clef. C’est le moment où on s’apprête à entrer en contact direct avec l’ennemi devenu invisible derrière les murs de glaise. Le moment où l’exposition aux tirs de shrapnel, des mitrailleuses, des grenades menacent le plus de sectionner le maigre fil de la vie. Au cœur de la nuit, la peur de la mort, l’horreur du spectacle macabre se propagent comme un virus. C’est dans ce contexte que Jünger voit surgir dans le visage de ces hommes cette marque des héros modernes : « Nous sommes cinquante hommes, guère plus, debout dans ce boyau, mais sélectionnés par des douzaines de combats et familiarisés par une longue expérience avec le maniement de toutes les armes. Si quelqu’un est capable d’y tenir sa place, c’est nous et nous pouvons dire que nous sommes prêts. Être prêt, où que ce soit, pour quelque tâche que ce soit, voilà ce qui fait l’homme » [9]. Réminiscence de l’idéal du lansquenet, celui qui a fait toutes les guerres, qui en est imprégné de part en part, Jünger affirme que ce n’est pas l’uniforme, l’alignement sur le champ d’honneur dans la brume de l’aube qui fait la beauté du guerrier. C’est au contraire la résistance aux conditions les plus déshumanisantes qui distingue l’esprit combattant. Ils ont des visages taillés comme des spectres, qui ne respirent plus que la bravoure.

C’est dans cette bravoure que Jünger identifie le grand renouveau de l’humanité : « Bravoure est le vent qui pousse aux côtes lointaines, la clef de tous les trésors, le marteau qui forge les grands empires, l’écu sans quoi nulle civilisation ne tient. Bravoure est la mise en jeu de sa propre personne jusqu’aux conséquences d’acier, l’élan de l’idée contre la matière, sans égard à ce qui peut s’en suivre. Bravoure est pour l’homme seul de se faire mettre en croix pour sa cause, bravoure est de professer encore et toujours, au dernier soubresaut nerveux, au dernier souffle qui s’éteint, l’idée qu’on a soutenue jusqu’à la mort. Le diable emporte les temps qui veulent nous ravir la bravoure et les hommes ! » [10]. C’est par elle que le soldat de tranchée est le frère du lansquenet. La profonde modernité que Jünger a vue dans ses égaux au combat, c’est cette audace ultime que confère la bravoure. La soif de gloire et de danger. L’audace des conquistadores et des ascètes du désert, qui ont forgé leur âme au feu de l’idéal. « Voilà l’humanité nouvelle, le soldat du génie d’assaut, l’élite de l’Europe centrale. Une race toute neuve, intelligente, forte, bourrée de volonté. Ce qui se découvre au combat, y paraît à la lumière, sera demain l’axe d’une vie au tournoiement sonore et toujours plus rapide. » [11]

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Maintenir vive la bravoure

La guerre contemporaine n’est pas une guerre de samouraïs ou une guerre de chevaliers. Ni même une guerre de petits soldats. La bataille, ses unités de temps, de lieu et d’action ont été battues en brèche par la technologie de l’armement de pointe. On ne se bat plus sur le champ, ni même dans les tranchées pour mener le siège en rase campagne. La guerre moderne se mène de loin, derrière des écrans, ou bien au ras du sol, suivant les codes de la guérilla. Le vernis de civilisation imposé pendant des siècles à la violence par l’Occident s’écaille et tombe en poussière. Plus de consensus implicite qui porte les forces à l’affrontement décisif. On se bat dans les ruines, on tire dans le dos, on ne distingue plus guère civils et combattants. Ainsi se bat-on en Ukraine, au Proche-Orient. Ainsi se battait-on en Irlande du Nord, il y a quelques décennies encore. Ainsi se battra-t-on peut-être demain, au cœur des nations qui se sont inventé une paix éternelle. Car si l’on en croit Jünger, les fruits du pacifisme sont amers. « Une civilisation peut être aussi supérieure qu’elle veut – si le nerf viril se détend, ce n’est plus qu’un colosse aux pieds d’argile. Plus imposant l’édifice, plus effroyable sera la chute. » [12]

Ernst Jünger ne laisse pas, dans sa première œuvre, d’espoir à une paix durable qui soit de ce monde. Il l’exclut par nécessité, car le renouvellement passe par le perpétuel lien entre les hommes et la guerre. C’est au combat que se forge l’élite de l’humanité, celle des vrais hommes. « Polemos est le père de toutes choses », selon la formule d’Héraclite. Mais quelle inspiration un jeune homme du XXIe siècle peut-il bien tirer de ce qui peut apparaître comme un véritable culte du carnage ?

Le lyrisme d’Ernst Jünger au sujet de la guerre lui a valu d’être qualifié par certains critiques de poète de la cruauté. Pourtant, jamais un mot de haine pour l’ennemi. Au contraire. L’estime va au soldat d’en face, français ou anglais, bien plus qu’aux hommes de l’arrière qui entretiennent la propagande. Il ne s’agit pas de perpétrer des exactions, mais de monter à l’assaut. Cette quête de bravoure, d’où qu’elle vienne, est le trait prédominant de l’œuvre jungerienne. Il s’est affirmé au cours de la Grande Guerre, il s’accentuera encore dans les années trente, lorsque l’auteur prendra peu à peu conscience de l’écart croissant entre le national-socialisme et les espérances des penseurs de la révolution conservatrice. Le régime d’un idéologue populacier, déserté par la noblesse, avide de briser les individus au profit de la masse, lui inspirera le dégoût. La force de l’homme seul avec lui-même, l’exaltation de son existence au combat, quel que soit ce combat, c’est en cela que consiste l’essence de la pensée de Jünger, de son éthique. Elle ne repose dans rien d’autre que dans le dépassement de ses propres faiblesses, dans l’unité de l’esprit et du sang au profit du sacrifice. « Rien n’est mieux fait pour enflammer l’homme d’action que le pas de charge à travers les champs où voltige le manteau de la mort, l’adversaire en pointe de mire. » [13]


[1JÜNGER E., Orages d’acier, traduction par H. Plard, Paris, Le livre de Poche, 2002, p.6

[2JÜNGER E., Le boqueteau 125, traduction par Th. Lacaze, Paris, Payot, 1995, p.178

[3JÜNGER E., La guerre comme expérience intérieure, traduction par Fr. Poncet, Paris, Christian Bourgeois, 1997, p.75

[4Ibid., p.76

[5Ibid., P.95

[6Ibid., p.104

[7Ibid., p.97

[8Ibid., p.106

[9JÜNGER E., Le boqueteau 125, op. cit, p. 179

[10JÜNGER E., La guerre comme expérience intérieure, op. cit., p.87

[11Ibid., p.121

[12Ibid., p.76

[13Ibid., p.91