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mardi, 29 mai 2012

La chevauchée littéraire, devenue mythique d’Artus

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La chevauchée littéraire, devenue mythique d’Artus

L'aventure d'une revue racontée par celui qui l'a intensément vécue

Hervé Glot
Ex: http://metamag.fr/
 
Nous avons longtemps hésité avant de classer l'article d'Hervé Glot, issu d'une contribution au magazine des Amis de l'écrivain normando-breton, Jean Mabire . Il avait sa place dans notre rubrique "émotion/réflexion", car l'histoire du magazine Artus relève d'abord de la littérature, de la poésie, de l'image et de l'imaginaire. Mais par la vocation ambitieuse qu'elle s'assignait, au service de la large culture celte, toujours vivante et ardente, par l'enthousiasme  qu'elle a suscité auprès d'artistes, d'intellectuels, du public, par l'impulsion enfin qui continue de nourrir rêves et convictions, elle relève finalement de la rubrique "communautés vivantes". 
Guilhem Kieffer
 
"Difficile de prendre individuellement la parole au sujet d’une aventure qui fut avant tout collective, d’autant que les années ont en partie gommé le contexte qui vit la naissance et l’évolution de la revue Artus, puis, par la suite, des éditions du même nom. Mais soit, je tenterai d’être le chroniqueur concis et néanmoins fidèle d’une chevauchée qui s’est étalée dans le temps et bien sûr, comme tout corps vivant, a initié ou subi ses propres métamorphoses.
 
 
L’affaire est ancienne, puisque c’est en 1979 que fut fondée l’association éditrice de la revue, avec pour dessein d’explorer les voies de la culture celtique d’hier, et d’en faire entendre les voix d’aujourd’hui. Cette association naissait en Bretagne, à Nantes capitale du duché, et Jean-Louis Pressensé en était le directeur et le premier rédacteur. Artus : le nom avait, bien sûr, été choisi en référence au roi de la Table Ronde, dont le royaume légendaire s’étendait sur les deux rives de la Manche. 
 
Il élargissait considérablement le réduit breton auquel nous étions certes attachés… mais à condition d’exercer toute liberté dans les instants où il nous siérait de larguer les amarres, comme en témoignait le sous-titre "pays celtiques et monde nordique". L’association était née d’une réaction contre une certaine vision en vogue dans les années 70, celle d’une Bretagne étroite, suffisante et, pour finir, morte d’un trop plein "de légitimes revendications et de droits imprescriptibles"…
 
Sources et survivances d’un imaginaire celtique
 
Nous souhaitions rechercher, au sein d’un univers plus large, les sources et les survivances d’un imaginaire celtique. Et nous nous interrogions: « Segalen est-il moins celte quand il compose Les Immémoriaux, Kenneth White quand il décrit Hong-Kong, Michel Mohrt quand il rédige "L’ours des Adirondacks ?" »
 
Dès lors se posait le problème du contenu que nous entendions donner au terme « celtique ». Pour ma part, très sensible à l’enseignement que prodiguait (parfois dans la douleur) Christian-J. Guyonvarc’h, l’Irlande, avec sa mythologie miraculeusement transmise, était un des conservatoires et l’un des foyers où aller chercher les brandons encore vivants du grand récit. Des brandons à raviver parce que, sans cette lueur venue de ses franges "barbares’", l’Europe, qui cherchait à s’inventer, faisait l’impasse sur une partie de son âme (elle a fait mieux depuis !). De notre point de vue, c’était pour les artistes, les créateurs, se priver d’une source d’inspiration dont des écrivains majeurs, comme Yeats ou Joyce (bon gré, mal gré), avaient fait le suc de leur œuvre, et dont le cinéma s’emparait désormais avec gourmandise. J’aime toujours rappeler que l’Irlande, un tout petit pays, peut se flatter d’avoir porté, bien au-delà de son nombril, la lumière de ses écrivains et que l’imaginaire est une pensée vivante, une flamme que l’on ravive au contact de la diversité du monde. 
 
Pourtant, la volée de bois vert ne vint pas des Bretons pur beurre : il apparut rapidement que l’usage que nous faisions des termes celte ou celtique, et ce que nous affirmions comme un héritage mésestimé étaient, pour certains, des vocables strictement interdits, des territoires de la pensée absolument prohibés. Passons sur ces polémiques, elles n’en méritent pas davantage.
 
Un sentiment géographique et quasi climatique  
 
Nous cherchions à faire partager un sentiment géographique et quasi climatique : cette Europe du nord-ouest, atlantique et baltique, est (de toute évidence) un mélange de terre et d’eau, un espace terraqué aux limites indécises, aux lumières parfois incertaines et aux origines parfois contradictoires. Nous souhaitions faire naître peu à peu, par les textes des chercheurs, ceux des écrivains et des poètes, les œuvres des photographes, des peintres ou des graveurs, etc, une esthétique, un esprit, qui donneraient à la revue une couleur que j’espérais singulière. 
 
 
Jean-Louis Pressensé avait, au tout début de l’aventure, suggéré cet en-dehors des territoires trop arrimés, en évoquant l’Artusien en devenir : « Etre enfant du granit, de la houle, des forêts et du vent, être pétri de fidélité, de folie et de rêves…» Et, effectivement, les filiations furent de cœur, de consanguinité spirituelle, de générosité, jamais fondées sur l’intérêt ou le conformisme idéologique. 
 
La revue fut, pour bien des rédacteurs, une école pratique et un centre de formation intellectuelle. Nous approfondissions nos compétences techniques, passant de la terrible composphère, fleuron de chez IBM, à l’ordinateur, et la table de la salle à manger, qui servait de table de montage, conserve les ineffaçables stigmates du cutter de mise en page : à ces moments-là, il fallait penser avec les mains, non sans avoir affirmé, quelques instants auparavant, après Rimbaud, que la main à plume valait bien la main à charrue.
 
Nous allions vers les artistes ou les chercheurs par inclination personnelle, aussi bien que par curiosité pour qui nous intriguait. Ainsi, la revue développait son contenu, tandis que les numéros sortaient avec la régularité qu’autorisaient nos occupations professionnelles. Artus a fédéré des énergies, confronté des individualités et surtout nous a conforté dans le sentiment que l’équilibre, le nôtre en tout cas, se trouve où cohabitent le travail des savants et le chant des poètes.
 
Un équilibre où cohabitent le travail des savants et le chant des poètes
 
Peu à peu, nous avons orienté notre publication vers des thèmes plus précis. Parurent ainsi "Le Graal", "A chacun ses Irlande", "Au nord du monde", "Harmonique pour la terre", "L’Amour en mémoire", "Ecosse blanches terres", "Mégalithes", "Archipels, vents et amers", autant de titres qui signaient des affinités électives, des rencontres insolites ou prévisibles. Avec le recul, cette formule éditoriale a eu le grand avantage d’ouvrir un espace accueillant et de permettre la constitution d’un noyau de collaborateurs, qui auront trouvé dans le rythme revuiste, à la fois souplesse, diversité et régularité. 
 
 
Les universitaires Jacques Briard pour l’archéologie, Christian-J. Guyonvac’h pour le domaine celtique, Léon Fleuriot pour les origines de la Bretagne, Philippe Walter pour la littérature arthurienne, Régis Boyer pour le monde nordique, Gilbert Durand pour le vaste champ de l’imaginaire, furent parmi d’autres, nos guides et nos interlocuteurs. Patrick Grainville et Kenneth White nous donnèrent de sérieux coups de main. Philippe Le Guillou a été le compagnon de nos rêveries scoto-hiberniennes. Michel Le Bris a bercé nos songes romantiques au rythme des puissances de la fiction; quant à Pierre Dubois, il a été pour nous tous l’empêcheur de raisonner en rond, le Darby O’Gill des raths et des moors.
 
La revue a permis, en outre, de créer un lectorat qui est naturellement resté fidèle lors du glissement -amorcé en douceur au milieu des années 80- de la revue vers la maison d’édition, ayant ainsi, pour effet, de résoudre partiellement le problème de la diffusion.
 
Après s’être essayé à la publication de textes relativement courts : "Enez Eussa" de Gilles Fournel, "Marna" d’Yvon Le Menn, "la Main à plume" de Philippe Le Guillou, suivront une vingtaine de livres dont "Ys dans la rumeur des vagues" de Michel Le Bris, ou "Les Guerriers de Finn" de Michel Cazenave. Des albums sont consacrés à des peintres, des sculpteurs, des graveurs, des photographes (Yvon Boëlle, Jean Hervoche, Carmelo de la Pinta, Bernard Louedin, Sophie Busson, Jean Lemonnier, Geneviève Gourivaud).  
 
Avec Pierre Joannon, nous éditerons un gros album, "L’Irlande ou les musiques de l’âme", une somme menant de la protohistoire à la genèse de l’Irlande contemporaine, que reprendront les éditions Ouest-France. Toujours à l’affut des méandres de la création, sous la direction de Jacqueline Genêt, de l’université de Caen, nous avons publié les variations des écrivains de la renaissance culturelle irlandaise, autour de la légende de Deirdre. 
 

Pierre Joannon
 
Depuis ces temps de fondation, d’autres livres bien sûr sont parus, parfois en coédition avec Hoëbeke ou Siloë. Citons "Arrée, l’archange et le dragon", "Des Bretagne très intérieures", "Une Rhapsodie irlandaise", plus récemment "Lanval" et ,dernier en date, "Les îles au nord du monde", un texte de Marc Nagels illustré par Didier Graffet, avec des photographies de Vincent Munier.
 
Un numéro spécial avait marqué un tournant dans l’histoire d’Artus. Ce n’était déjà plus le fascicule habituel, mais un véritable album titré "Brocéliande ou l’obscur des forêts". Il allait nous conduire vers une autre direction : une heureuse conjonction permit à Claudine de créer et d’asseoir" au château de Comper" le Centre de l’Imaginaire Arthurien. Mais cela est une autre histoire, et je ne voudrais pas m’approprier abusivement ce qui appartient à une fraternité sûrement plus vaste que la mienne, sinon en rappelant ce que pourrait être… une errance arthurienne.
 
Vagabondage dans l’espace arthurien
 
Histoire des hommes et de leur imaginaire, rêves, foi, mythes, voilà un terrain de pérégrinations assez inépuisable, au milieu duquel l’héritage celtique et la légende arthurienne brillent, aujourd’hui, d’un éclat particulier, avec leur cortège de prouesses et d’enchantements, dont le moindre n’est pas la promesse de la quête.
 
Le roman arthurien n’a pas inventé la quête, mais il lui a donné une couleur et une dimension renouvelées. La quête chevaleresque n’est ni la descente aux Enfers d’Orphée ou de Virgile, la fuite d’Énée ou la dérive involontaire d’Ulysse. À travers d’innombrables épreuves, dont on ne sait dans quelle réalité elles se déroulent, elle unit, à un voyage qui porte ordre et lumière là où règne le chaos, un cheminement intérieur, recherche de perfection ou d’absolu.
 
Au centre de la cour arthurienne, la Table Ronde rassemble les meilleurs chevaliers, venus du monde entier briguer l’honneur de servir. Alors, commencent les expéditions, entreprises sur un signe, une requête, un récit marqué d'étrangeté. Lorsqu’il prend la route, chaque chevalier devient, à lui seul, l’honneur de la Table Ronde et la gloire du roi. Il forme l'essence même de la chevalerie arthurienne, affirmant la nécessité de l'errance, le dédain des communes terreurs, la solitude, qui ne s’accompagne que d’un cheval et d’une épée. Il ne sait ni le chemin à suivre, ni les épreuves qui l'attendent. Un seule règle, absolue, lui dicte de « prendre les aventures comme elles arrivent, bonnes ou mauvaises ». Il ne se perd pas, tant qu’il suit la droite voie, celle de l'honneur, du code la chevalerie.
 
La nécessité de la Quête est partie intégrante du monde arthurien. Au hasard de sa route, le chevalier vient à bout des forces hostiles. Il fait naître l’harmonie, l’âge d’or de la paix arthurienne dans son permanent va et vient entre ce monde-ci et l’Autre Monde, car l’aventure, où il éprouve sa valeur, ne vaut que si elle croise le chemin des merveilles. Sinon elle n’est qu’exploit guerrier, bravoure utilitaire. Seul, le monde surnaturel, qui attend derrière le voile du réel, l’attire, et lui seul est qualifiant.
 
Les poètes recueillent la Matière de Bretagne vers le XIIe siècle, de la bouche même des bardes gallois et, sans doute, bretons. Malgré le prestige du monde antique et des romans qu’il inspire et qui ne manquent pas de prodiges, la société cultivée découvre, fascinée, les légendes des Bretons (aujourd’hui nous parlerions des Celtes), un univers culturel perçu comme tout autre, d’une étrangeté absolue. Le roman, cette forme nouvelle nourrie de mythes anciens, donne naissance à des mythes nouveaux, la Table Ronde, le Graal, l’amour de Tristan pour Iseult, Merlin… Parmi les référents culturels de l’Europe, en train de naître, elle s’impose en quelques dizaines d’années, du Portugal à l’Islande, de la Sicile à l’Écosse.
 
La légende celtique, mêlée d’influences romanes ou germaniques, constitue une composante fondamentale pour l’Europe en quête d’une identité qui transcende les nécessités économiques et politiques. Mais le thème de la quête représente, plus fondamentalement croyons-nous, un itinéraire proprement spirituel, initiatique ou mystique même, pour certains. Elle manifeste, aussi, un besoin d’enracinement, la recherche de valeurs anciennes, prouesse, courtoisie, fidélité, largesse, l’aspiration à l’image idéale de ce que nous pourrions être.
 
Une fois de plus, le roi Arthur revient : non pas la figure royale, mais l’univers de liberté et d’imaginaire qu’il convoie. A qui s’interroge sur cette postérité tenace, sur ces résurrections insistantes, on peut trouver des raisons, dans le désordre, culturelles, patrimoniales, psychanalytique, politiques, artistiques. Pour nous, nous dirons, simplement et très partialement, qu’il s’agit de la plus belle histoire du monde, et qu’il suffit de revenir au récit, à ces mots qui voyagent vers nous, depuis plus de huit siècles, pour comprendre que les enchantements de Bretagne ne sont pas près de prendre fin."

vendredi, 25 mai 2012

Simon Leys, l’intempestif

 

Simon Leys, l’intempestif

 

Un des rares écrivains vivants que l’on devrait déclarer d’utilité publique

 

Ex: http://www.causeur.fr/

 

 

 

En ce temps-là, tout anticommuniste était un chien. Achat obligé en Chine sous peine de travaux forcés, le Petit Livre Rouge se vendait comme des petits pains à Saint-Germain-des-Prés. Philippe Sollers s’exaltait à traduire les poèmes du Grand Timonier dans Tel Quel. Et parce qu’il avait osé le premier un essai critique sur la Révolution culturelle avec Les Habits neufs du président Mao (1971), la sinologue maoïste Michelle Loi ne trouvait rien de plus honnête que de révéler le véritable patronyme de Simon Leys dès le titre de son libelle contre lui Pour Luxun. Réponse à Pierre Ryckmans (Simon Leys), espérant ainsi que celui-ci devienne persona non grata en Chine. Il est vrai que l’on ne s’en prenait pas comme ça à la « Révo. Cul. » et à ses laudateurs dont Jean-François Revel dirait plus tard que s’ils n’avaient pas de sang sur les mains, ils en avaient sur la plume.

 

Autant le négationnisme nazi arriva après le nazisme, autant le négationnisme stalinien et maoïste commença tout de suite, et non par le biais de quelques extrémistes délirants et isolés, du reste immédiatement exclus des thébaïdes intellectuelles mais bien par celui de l’ensemble des maîtres-censeurs du Flore et dont certains sont toujours honorés sur les plateaux de télévision, tel l’inoxydable Alain Badiou qui se donne encore le droit, comme le rappelle, mi-consterné mi-amusé, Leys, d’écrire à propos de Lénine, Staline, Mao, Guevara et autres bienfaiteurs du XXème siècle qu’ « il est capital de ne rien céder au contexte de criminalisation et d’anecdotes ébouriffantes dans lesquelles depuis toujours la réaction tente de les enclore et de les annuler. » Rien que pour cette piqûre de rappel, d’autant plus nécessaire que l’amnésie historique, partie intégrante du programme totalitaire, continue, comme l’a bien vu Frédéric Rouvillois, à être la règle auprès d’un grand nombre d’intellectuels, la lecture de ce Studio de l’inutilité devrait être déclarée d’utilité publique. En vérité, ce Belge qui résista aux tanks de l’intelligentsia des années 70 et suivantes, fut notre homme de Tian’anmen à nous.

 

Pour autant, l’intérêt de ce Studio n’est pas seulement d’ordre purgatif. Intempestif en politique, Simon Leys l’est tout autant en littérature – et c’est là que le plaisir commence. Esprit curieux, érudit toujours plaisant, il n’est jamais là où on l’attend. Peut-être est-ce dû à cette « belgitude » qui, comme chez Henri Michaux sur lequel s’ouvre ce recueil d’essais, est la marque d’une carence originelle, d’une « conscience diffuse d’un manque » que l’auteur de L’ange et le Cachalot va tenter de compenser par la singularité et le paradoxe – l’inadaptation étant toujours la chance de l’esprit libre. Et l’adaptation trop grande provoque la malchance de l’artiste – celle qui finira par toucher Michaux lui-même qui, en voulant, à la fin de sa vie, corriger son œuvre de sa spontanéité originelle, la gâchera en lui donnant un tour bien trop culturel pour être artistique. C’est qu’entre temps, Michaux sera pour sa gloire et son malheur devenu français – c’est-à-dire à l’époque un intellectuel de gauche se rangeant à l’opinion la plus avantageuse et la plus dépravée, au fond la plus utile, celle qui permet, écrit Simon Leys, de « délivrer des brevets de bonne conduite et des médailles récompensant l’effort méritant, qu’il s’agisse de la Chine de Mao ou du Japon d’après guerre » et qu’il se serait sans doute bien gardé de faire s’il était resté belge.

 

Se garder de tous les clichés de la « francitude », au risque de perdre les pouvoirs qu’elle donne, telle sera la probité de Simon Leys qui, à l’instar de Simone Weil qu’il admire, choisira toujours la justice plutôt que son camp. En plus de rester fidèle à ses goûts, ce qui dans notre pays où tout le monde aime ou déteste la même chose est aussi une preuve d’héroïsme. Ainsi, lorsqu’Antoine Gallimard et Jean Rouaud le contactent pour savoir quel est pour lui « le roman du XX ème siècle », il ne propose pas, comme tout un chacun, l’énième chef-d’œuvre de Céline, Proust ou Kafka, mais remet à l’honneur d’autres titres moins côtés quoique tout aussi importants, tels Le nommé Jeudi de Chesterton et L’agent secret de Conrad, deux romans qui mettent en scène terroristes et contre-terroristes et qui à leur manière parlent de cette possession révolutionnaire qui fut la marque abominable du XX ème siècle et qu’un Dostoïevski avait déjà anticipée dans ses Possédés. Paradoxe personnel de Leys dont on connaît l’amour de la mer mais qui choisit de Conrad, l’un des plus grands écrivains maritimes s’il en est, le roman le plus urbain, le moins épique, et qui en guise d’eau ne parle que de la pluie londonienne. Mais cohérence métaphysique de Leys qui voit dans cet Agent secret la volonté de Conrad, apatride comme lui, de décrire la terrifiante réalité européenne du début du siècle avec ses conspirations prométhéennes, son nihilisme délirant, sa future violence continentale.

 

A l’instar de René Girard et de Conrad, Leys est un romantique qui connaît mieux que personne les mensonges du romantisme que seul l’art romanesque peut dévoiler. Y compris ceux qui se mêlent justement de mer et de navigation, sa passion-répulsion. Car la mer réelle n’est pas celle qu’ont fantasmée nombre d’auteurs (et parmi les plus grands comme Baudelaire), en faisant une sorte d’évasion du quotidien, d’horizon paradisiaque, d’aventure féérique comme la rêvait le pauvre Marius dans la trilogie de Pagnol. Non, la vérité que seuls les marins savent mais taisent est que « la mer est invivable ». La mer est stupide, plate, monotone, stérile, cruelle. La mer rappelle que la Nature n’est pas cette bonne maman accueillante sur laquelle se sont pâmés Charles Trenet et Renaud mais bien cette marâtre qui traite sans pitié les hommes et les marins de surcroît. Le « rêve nautique » est plein de noyade, de scorbut, de discipline inhumaine – aussi faux et aussi mortifère que le rêve maoïste. Mais l’amnésie poétique a la vie aussi dure que l’amnésie idéologique. Que sait-on exactement de Magellan et de son voyage aussi héroïque qu’infernal (et qu’il ne termina pas, se faisant tuer à mi-route par des indigènes philippins) ? Au-delà de la performance, indiscutable pour l’époque, de ce premier tour du monde et qui allait changer la donne du monde, « ce que l’expédition démontra – faisant de Magellan l’involontaire ancêtre idéologique de la globalisation, c’est la circumnavigabilité du globe : tous les océans communiquent. »

 

A partir de Magellan, le monde ne sera en effet plus qu’une affaire de communication, commercialisation, médiatisation, aliénation – et mal de mer. Alors, certes, on peut toujours rêver d’une cité parfaite, comme celle qu’organisèrent pour un temps sur leur île les fameux « naufragés des Auckland » en 1865 (et qui inspirera à Jules Verne quelques années plus tard son Ile mystérieuse), on peut toujours rêver, à l’instar de Simon Leys lui-même, d’une université castalienne où professeurs et étudiants se retrouveraient pour la seule quête de la connaissance pure et de la vérité désintéressée (quoique, rajoute malicieusement l’auteur, « les étudiants constituent un élément important, mais pas toujours indispensable » !), l’on peut toujours imaginer une tour d’ivoire aristocratique dans laquelle se protéger du monde, le problème est que, comme le disait Flaubert, l’on ne pourra jamais éviter cette « marée de merde [qui] en bat les murs, à les faire crouler. » La merde de l’utile, évidemment.

 

Simon Leys, Le Studio de l’inutilité, Flammarion, 2012.

jeudi, 24 mai 2012

Le Dictionnaire des polémistes

Un nouveau Bouquin de Synthèse nationale :

Le Dictionnaire des polémistes,

d'Antoine de Rivarol à François Brigneau,

par Robert Spieler...

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Tout au long de l’année 2011, Robert Spieler a proposé aux lecteurs de Rivarol, l’hebdomadaire de l’opposition nationale et européenne, une série d’articles consacrés aux polémistes qui marquèrent l’histoire de la presse depuis la Révolution française, jusqu’au milieu du XXe siècle. Il reprend ainsi le travail effectué par Pierre Dominique dans son ouvrage publié au début des années 60 (et aujourd’hui épuisé) Les Polémistes français depuis 1789.

Ce Dictionnaire des polémistes rassemble tous ces articles. Vous retrouverez ici les grands noms qui, en leur temps, marquèrent les esprits. Ils n’hésitaient pas à dénoncer les puissants du moment. Beaucoup parmi eux payèrent très cher leur engagement.  Aujourd’hui, la liberté d’expression se heurte encore aux ukases du politiquement correct et, comme hier, des lois liberticides, beaucoup plus insidieuses sans doute, empêchent les vrais polémistes de s’exprimer…

Robert Spieler, ancien député, fondateur d’Alsace d’abord, Délégué général de la Nouvelle Droite Populaire, est aussi l’un des journalistes de l’hebdomadaire Rivarol. Chaque semaine il décortique avec délectation et cynisme l’actualité dans sa fameuse Chronique de la France asservie et résistante.

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Règlement à la commande par chèque à l’ordre de Synthèse nationale à retourner à :

Synthèse nationale 116, rue de Charenton 75012 Paris

18, 00 € l’exemplaire (+ 3 € de port)

Bulletin de commande : cliquez ici

mardi, 22 mai 2012

Maurice Bardèche, Européen fidèle

Maurice Bardèche, Européen fidèle

par Georges FELTIN-TRACOL


I-Grande-6153-bardeche.net.jpgAprès avoir écrit pour la même collection la biographie condensée d’Henri Béraud, de Léon Daudet, de Henry de Monfreid, de Hergé et de Saint-Loup, Francis Bergeron évoque cette fois-ci la vie d’une personne qu’il a bien connue : Maurice Bardèche.

 

On sait que Bardèche fut l’exemple-type de la méritocratie républicaine hexagonale. Ce natif d’un village du Cher en 1907 montra très tôt de belles dispositions intellectuelles pour l’étude et la littérature. Excellent élève, ce boursier se retrouve à l’École normale supérieure (E.N.S.) où il allait côtoyer une équipe malicieuse constituée de José Lupin, de Jacques Talagrand (le futur Thierry Maulnier) et de Robert Brasillach, l’indéfectible ami. « Brasillach lui fait du thé, lui offre des gâteaux catalans. Mais la culture littéraire de Brasillach date un peu; Bardèche lui fait découvrir à son tour Proust, alors qu’il vient d’obtenir le prix Goncourt, Barrès, dont les funérailles nationales datent tout juste de deux ans, et Claudel, ancien de Louis-le-Grand, dont l’œuvre est déjà reconnue (p. 16). »

 

À l’E.N.S., Maulnier et Brasillach commencent à publier dans la presse tandis que « Bardèche […] se destine réellement à l’enseignement supérieur, et […] voit son avenir dans l’approfondissement de la connaissance des grands textes et des grands auteurs (p. 20) ». À côté de sa passion littéraire, Maurice Bardèche éprouve de tendres sentiments pour la sœur de son ami Robert, Suzanne Brasillach. Ils se marient en juillet 1934 et partent en voyage de noce pour l’Espagne en compagnie de Robert qui vivra avec eux jusqu’en 1944 ! Francis Bergeron raconte qu’au cours de ce voyage, Maurice Bardèche faillit mourir dans un accident de la route. Bardèche fut trépané et conserva sur le front un « enfoncement dans le crâne (p. 26) ».

 

On ne va pas paraphraser cet ouvrage sur le talentueux parcours universitaire de Bardèche qui suscita tant d’aigreurs et de jalousie. Sous l’Occupation, si Robert Brasillach travaille à Je suis partout, Bardèche préfère se tenir à l’écart des événements et se dévoue à Stendhal et à Balzac. Or le mois de septembre 1944 marque un tournant majeur dans la destinée du jeune professeur : il est arrêté, puis emprisonné. Il voit ensuite son cher beau-frère jugé, condamné à mort et exécuté le 6 février 1945. Dorénavant, « la vie et, plus encore, peut-être, le martyre et la mort de Robert [vont] occup[er] une place centrale tout au long de l’existence de Maurice (p. 43) ». Guère attiré jusque-là par la politique, Maurice Bardèche s’y investit pleinement et va produire une œuvre remarquable, de La lettre à François Mauriac (1947) à Sparte et les Sudistes (1969). En outre, afin de publier les œuvres complètes de Robert Brasillach, il fonde une maison d’édition courageuse et déjà dissidente, Les Sept Couleurs.

 

Le respectable spécialiste de littérature du XIXe siècle se mue en fasciste, terme qu’il endosse et qu’il revendique d’ailleurs fièrement dans Qu’est-ce que le fascisme ? (1961). Dès la fin des années 1940, il se met en relation avec d’autres réprouvés européens dont les militants du jeune M.S.I. (Mouvement social italien). En 1952, il participe au célèbre congrès de Malmö qui lance le Mouvement social européen dont le bulletin francophone est Défense de l’Occident (titre ô combien malvenu, car les positions qui y sont défendues ne rappellent pas l’occidentalisme délirant d’Henri Massis – il faut comprendre « Occident » au sens d’« Europe » et de « civilisation albo-européenne pluricontinentale »). Sorti en décembre 1952, ce titre est dirigé par Bardèche. Si le M.S.E. s’étiole rapidement, miné par des divergences internes et des scissions, Défense de l’Occident devient une revue qui accueille aussi bien les nationaux que les nationalistes, les nationalistes-révolutionnaires que les traditionalistes. La revue disparaîtra en novembre 1982. Francis Bergeron n’en cache pas l’ensemble inégal du fait, peut-être, d’une forte hétérogénéité thématique visible à la lecture de ses nombreux collaborateurs.

 

Par fascisme, Bardèche soutient une troisième voie hostile au capitalisme et au socialisme. Mais son fascisme, anhistorique et éthéré, cadre mal avec les réalités historiques du fascisme. Dès 1963 dans L’Esprit public, Jean Mabire rédigeait un article roboratif intitulé « L’impasse fasciste » repris successivement dans L’écrivain, la politique et l’espérance (1966), puis dans La torche et le glaive (1994). Au-delà des blessures vives de la Seconde Guerre mondiale, « Maît’Jean » esquissait de nouvelles perspectives européennes et authentiquement révolutionnaires.

 

Déjà marqué par son fascisme assumé, Maurice Bardèche accepte d’être un paria de l’histoire parce qu’il ose un avis révisionniste sur les événements contemporains. « Ses exercices de “ lecture à l’envers de l’histoire ”, comme il les appelle lui-même, font partie des points les plus détonants de son discours. Ils démontrent son courage tranquille, et ne peuvent que susciter l’admiration. Sur le fond, il y aurait certes beaucoup à dire, explique Bergeron. De toute façon, comme l’a rappelé Bardèche lui-même à Apostrophe, on ne peut plus s’exprimer librement sur ces questions (p. 87). » Saluons toutefois sa clairvoyance au sujet de la mise en place d’une justice internationale mondialiste. Déjà prévue dans l’abjecte traité de Versailles de 1919, cette pseudo-justice planétaire se réalise à Nuremberg et à Tokyo avant de réapparaître dans les décennies 1990 et 2000 à La Haye pour l’ex-Yougoslavie, à Arusha pour le Rwanda et avec l’ignominieuse Cour pénale internationale qui veut limiter la souveraineté des États.

 

Tout en étant fasciste et après avoir prévenu en 1958 le camp national du recours dangereux à De Gaulle, Maurice Bardèche n’hésite pas à vanter le caractère fascisant des régimes de Nasser et de Castro, et à faire preuve dans Défense de l’Occident d’une grande lucidité géopolitique. « Bardèche […] faisait bouger les lignes de la vision géopolitique de son camp (p. 67). » Cet anti-sioniste déterminé encourage le panarabisme et, dès l’automne 1962, appelle les activistes de l’Algérie française à délaisser leur nostalgie et à relever le défi de la nouvelle donne géopolitique. Il est l’un des rares à cette époque à prôner une entente euro-musulmane contre le condominium de Yalta.

 

1752.jpgC’est sur la question européenne que Maurice Bardèche a conservé toute sa pertinence. Quand on lit L’œuf de Christophe Colomb (1952) ou Sparte et les Sudistes, on se régale de ses fines analyses. Bardèche réfléchissait en nationaliste français et européen. À la fin de l’opuscule, avant l’habituelle étude astrologique de Marin de Charette et après les annexes biographiques, bibliographiques, de commentaires sur Bardèche et de quelques-unes de ses citations les plus marquantes, Francis Bergeron reproduit l’entretien que lui accorda Bardèche dans Rivarol du 5 avril 1979 (avec les parties supprimées ou modifiées par Bardèche lui-même). Cet entretien est lumineux ! « Devons-nous accepter […] de ne pas nous défendre contre la concurrence sauvage, déclare Bardèche, accepter le chômage, le démantèlement d’une partie de notre industrie, la dépendance à laquelle nous risquons d’être contraints ? » On croirait entendre un candidat à l’Élysée de 2012… Le sagace penseur de la rue Rataud estime que « l’Europe qu’on nous prépare ne sera qu’un bastion avancé d’un empire économique occidental dont les États-Unis seront le centre »… Il prévient qu’« il ne faut pas que l’Europe ne soit que le cadre agrandi de notre impuissance et de notre décadence », ce qu’elle est désormais. Il importe néanmoins de ne pas rejeter l’indispensable idée européenne comme le font les souverainistes nationaux. L’Europe demeure plus que jamais notre grande patrie civilisationnelle, identitaire et géopolitique. « L’Europe indépendante constitue un idéal ou plutôt un objectif », juge Bardèche avant d’ajouter, prophétique, que « la crise économique peut nous aider à la faire plus vite qu’on ne le croit ».

 

Ce nouveau « Qui suis-je ? » est bienvenu pour découvrir aux plus jeunes des nôtres l’immense figure de ce fidèle Européen de France, ce magnifique résistant au politiquement correct !

 

Georges Feltin-Tracol

 

• Francis Bergeron, Bardèche, Pardès, coll. « Qui suis-je ? », (44, rue Wilson, 77880 Grez-sur-Loing), 2012, 123 p., 12 €.


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lundi, 21 mai 2012

Le Bulletin célinien n°341 - mai 2012

Le Bulletin célinien n°341 - mai 2012

 
Vient de paraître : Le Bulletin célinien n°341. Au sommaire :

- Marc Laudelout : Bloc-notes
- *** : Hommages à Claude Duneton
- Benoît Le Roux : Céline vu de Rennes en mars 1939
- Louis La Motte-Meurdel : Bagatelles pendant un massacre ou Céline à Rennes [1939]
- Paul Werrie : Entre Céline et Robert Poulet
- B. C. : Une version célinienne du mythe de Babel (2)

Un numéro de 24 pages, 6 € franco.

Le Bulletin célinien, B. P. 70, Gare centrale, BE 1000 Bruxelles.



Le Bulletin célinien n°341 - Bloc-Notes

Notre ami Claude Duneton nous a quittés le 21 mars. Coïncidence : c’est un 22 mars (1997) qu’il fut l’invité d’honneur de la « Journée Céline » organisée par le BC ¹. On lira dans ces pages un bouquet d’hommages rendus par ses confrères au chroniqueur de la langue française, à l’homme de théâtre et à l’écrivain

 

Il me revient peut-être de saluer ici le célinien émérite et pionnier. Sait-on qu’il fut l’un des premiers à adapter Céline au théâtre ? Cela se passait en novembre 1970 à Paris et il s’agissait – belle audace – d’une adaptation des Beaux draps ².  Éric Mazet s’en souvient : « Nous n’étions guère nombreux ! On avait l’air de conspirateurs. » Et d’ajouter : « Claude Duneton était un homme libre. D’une vive intelligence curieuse de tous les chemins de traverse, d’une grande culture voyageuse sans frontières et d’une malice dans le regard inoubliable ³. » Je souscris entièrement à ce point de vue en ajoutant, parmi d’autres qualités, sa grande modestie et ce courage tranquille qui lui faisait écrire des choses que la doxa feint d’ignorer. Ainsi rappelait-il volontiers que c’est l’anticommunisme, bien davantage que l’antisémitisme, que les épurateurs reprochaient à Céline après la guerre : « Jusqu’au milieu des années 1950, le sort des Juifs n’était pas vraiment détaché de celui des déportés de toutes catégories dans l’opinion des Français. Ce fut plus tard, presque dix ans après la défaite de l’Allemagne, qu’on se rendit compte, dans la foulée, du massacre distinctif – ethnique si l’on veut. (…) Céline est parti, in extremis, parce que les communistes étaient sur le point de lui faire la peau – et sans procès encore ! (…) Voilà la tare, la faute inexpiable : Céline était anticommuniste militant, et pire, antistalinien farouche, exactement, il l’avait crié à tous les échos. Mea culpa, Bagatelles, Les Beaux draps... 4 ». Outre ses préfaces pertinentes 5, on retiendra aussi de Duneton son « ode à Célne », Bal à Korsør 6,  publié en 1994 « à l’occasion de ses cent bougies ». Moins connu : son montage de textes, Appelez-moi Ferdinand, qu’il réalisa en 1980 pour la télévision française 7. Et il faudrait également citer ses chroniques langagières du Figaro qui firent souvent la part belle à Céline. Ainsi Claude Duneton n’a-t-il jamais cessé de se livrer à une défense et illustration de l’œuvre célinienne. Grâces lui en soient rendues.
 
Marc LAUDELOUT.

1. Les autres invités étaient Jean-Claude Albert-Weil, Éliane Bonabel, Nicole Debrie-Le Goullon et la Compagnie Catherine Sorba qui présenta des extraits de son adaptation de Guignol’s band.
2. Les Beaux draps. Adaptation scénique de Claude Duneton. Librairie-galerie « Les Anamorphoses », 68 rue de Vaugirard, Paris 6ème.  Mise en scène de Jean-Paul Wenzel. L’affiche du spectacle est reproduite dans le Catalogue de l’exposition Céline – Musée de l’Ancien Evêché de Lausanne, Edita, 1977.
3. Commentaire d’Éric Mazet au lendemain de la mort de Claude Duneton sur le blog « Le Petit Célinien », 22 mars 2012 [http://www.lepetitcelinien.com]
4. Préface de Claude Duneton à Céline au Danemark, 1945-1951 de David Alliot & François Marchetti, éditions du Rocher, 2008, pp. 9-13.
5. Signalons aussi ses préfaces au livre d’Éric Mazet & Pierre Pécastaing, Images d’exil. Louis-Ferdinand Céline 1945-1951 (Copenhague-Korsør (Du Lérot et La Sirène, 2004) et à la biographie de Gen Paul, un peintre maudit parmi les siens par Jacques Lambert (La Table ronde, 2007).
6. Bal à Korsör. Sur les traces de Louis-Ferdinand Céline, Grasset, Paris 1994, 122 p. Une deuxième édition a paru en 1996 dans « Le Livre de Poche » et fait l’objet, en 1999, d’une traduction danoise due à Svend Mogensen.
7. « Appelez-moi Ferdinand », montage illustré de textes de Céline (Guignol’s band et Nord) par Claude Duneton et Gérard Folin. Voix : Georges Mordillat et Jean-Pierre Sentier. Comédien : Jules Firmin Waroux. Antenne 2, 16 avril 1980.

jeudi, 17 mai 2012

Yukio Mishima: Man of Pure Action

Yukio Mishima: Man of Pure Action

In Action, Contemplation, and the Western Tradition, Julius Evola writes that action can take on the qualities of ‘Being’ only if the action is ‘pure.’ According to Evola, the pure act does not aim at “contingent and particular fruits, considering as the same happiness and calamity, good and evil, even victory and defeat, looking neither at the ‘I’ nor at the ‘you’, overcoming love as well as hatred and any other pair of opposites.”

Evola sees a man in the motion of a pure act as becoming truly free. In it, such a man breaks away from the bonds of individualism and everything that grounds him to the material order of things. Here, man can act from “the deep and in a way supra-individual core of being” and with a quality that “never varies, divides, or multiplies: they are a pure expression of the self,” as Evola writes in Ride the Tiger.

Evola explains that pure action is taken regardless of the pleasure or pain implied in one of its acts. This does not mean that pure action is devoid of pleasure, but rather it enjoys only heroic pleasure, or the superior pleasure derived from “decisive action that comes from ‘being’.” Evola considers in the realm of ‘heroic pleasure’ the type of pleasure that is derived from “action in its perfection” or actions that require training to the point of becoming an acquired skill.

A popular literary figure who lived and died embodying these principles is Yukio Mishima. Although in no way associated with the Traditionalist school and more of an intellectual than a strict metaphysician, Mishima sought the revival of the Samurai “Tradition” and attempted to live his life by the code and ethics described in the Hagakure, despite his living in an era far more decadent and removed from Tradition than the one Hagakure’s writer, Yamamoto Tsunetomo, lived in and sought to overcome.

Mishima famously committed suicide in the traditional Seppuku way after taking several capitalist governmental figures hostage. Mishima’s obsession with death and his suicide can be interpreted as conformance with the Hagakure’s dictate that the Samurai “decide to die” and the advice that it should probably be done before old age because by that time one would likely have little reason to continue living. Mishima’s suicide should also be seen as an expression of the pure act though.

Scorning modern man’s and Japan’s loss of tradition and contempt for the body, Mishima died not as a martyr for his cause and much less a savior for his people, but instead, he died in service to the pure idea. Mishima overcame petty individuality and in his act died as a Samurai. Mishima himself wrote that he wished to “achieve pure action that admitted of no imagination, either by the self or by others” in Sun and Steel. Mishima clearly acquired Being in its actual sense while making death his heroic pleasure.

Throughout Mishima’s text, other Traditional attitudes can be observed. Mishima explains that the “glorification of individual style in literature” is “no more than a beautiful ‘perversion of words’.” Here, Guenon’s observation that art is first reduced to Quantity through the introduction of “individuality” is seen.

Mishima also saw a universality in man from what was highest in him as opposed to the lowest. Despising the frailty of his youth, Mishima used body building to strip “my muscles of their unusualness and individuality.” Doing this, he realized “the triumph of knowing that one was the same as others.” Using both words and muscles, Mishima did not deny his individuality or being, but achieved the supra-individuality Evola referred to. He used both to “universalize my own individuality” and created a “general pattern in which individual differences ceased to exist.”

Mishima undoubtedly captures the spirit of the warrior in Sun and Steel, but he also has the powers of the spiritual/intellectual class as well. He would fit the mold of Evola’s conception of the early Brahmin. Mishima himself stated that contemplation to the point of discounting the body leads to a “steadily perverted and altered reality.” Instead, through an asceticism of strength, Mishima claimed to have found “a reality that rejected all attempts to make it abstract… that flatly rejected all expression of phenomena by resort to abstraction.”

Here, the problem of the modern notion of spirituality as abstract, renouncing, and soft is solved. Like Buddha, Mishima combated the infernal becoming of the Kali Yuga by developing a spirituality that sought direct contact with reality, overcoming what he saw as the nihilism of this state by living a philosophy of steel and pure action.

lundi, 07 mai 2012

Ernst Jünger, 102 years in the heart of Europe (English subtitles)

Ernst Jünger, 102 years in the heart of Europe (Swedish comments - German answers of Jünger - English subtitles)

dimanche, 06 mai 2012

Du chevalier au cuirassier Destouches : l'art du pamphlet comme un art de la guerre

Du chevalier au cuirassier Destouches : l'art du pamphlet comme un art de la guerre

par J.-Fr. Roseau

Ex: http://www.lepetitcelinien.com/

Étude comparée de la violence polémique et critique chez Jules BARBEY D'AUREVILLY et Louis-Ferdinand CÉLINE




Les prétentions aristocratiques de Céline, léguées par les récits d’un modeste employé d’assurance hanté par le mythe de la déchéance, ne relèvent pas seulement d’une reconstruction délirante ou fantasmatique du passé familial, mais tirent leur légitimité d’une généalogie désormais attestée. Comme le chouan du même nom, chargé d’informer les troupes royalistes émigrées sur les côtes anglaises durant les guerres révolutionnaires, la souche paternelle des Destouches est originaire de la Manche. Issu en ligne directe des seigneurs de Lantillère, comme il se plaît à l’indiquer dans une lettre adressée à une amie d’enfance (1), Louis-Ferdinand Céline descend d’un cousin éloigné au dixième degré de Jacques Des Touches de La Fresnaye, érigé en figure historique par le texte éponyme de Jules Barbey d’Aurevilly (2). La lumière faite sur l’ascendance aristocratique de Céline, le métier des armes devenait un devoir. Pour autant, du Chevalier au cuirassier, fallait-il en conclure une même culture guerrière, exprimée, à plus d’un siècle de distance, dans le maniement conjoint du sabre et de la plume ?

Quant à Barbey, sa posture chevaleresque est un appel du sang (3). Vaguement unis par ces lointaines racines, normandes et nobiliaires, mais plus encore par une verve brillante de polémiste forcené, ces deux atrabilaires ont une vénération commune pour l’art de batailler, et perçoivent l’écriture comme un jet d’amertume et de rage libéré. Si Barbey comme Céline ont excellé dans la carrière des Lettres en ferraillant contre la pensée dominante, c’est avant tout par l’adoption d’une langue radicale et cruelle, portant ouvertement l’empreinte d’une virulence martiale à la fois séduisante, ivre et brutale. On a pu évoquer çà et là les parentés éthiques et idéologiques de ces deux écrivains réduits à l’isolement à force de convictions politiquement anachroniques et moralement douteuses. Pourtant, noyée dans le bruit parasite de leur époque, leur voix hargneuse et provocante n’en a pas moins sonné comme un ultime refus de ce que l’opinion posait comme vérité définitive.

De la critique considérée comme un art militaire 

On trouve chez ces deux solitaires une même expérience décisive de la guerre. Pour le premier, refusé au collège militaire, le déshonneur moral de n’avoir pu s’y livrer conformément à son statut de gentilhomme, pour le second, le traumatisme incurable des séquelles corporelles et psychiques laissées par la Grande Guerre. La frustration sublimée de Barbey devait nécessairement aboutir à une langue belliqueuse, agressive et violente, transposant dans l’univers symbolique de l’écriture des procédés de nature soldatesque : escarmouche passionnée contre le culte du progrès, assaut féroce contre les fats, parade contre les bien-pensants. Si la critique aurevillienne a sans conteste une valeur de compensation, l’énergie frénétique de Céline puise quant à elle ses sources dans la violence hallucinante non seulement fantasmée, mais vécue des boucheries quotidiennes de 14. Recevant sa pension héroïque d’invalide, le sous-off’ réformé n’a pas tout dit durant ses quelques mois au front. Céline remplace Destouches. Le pamphlétaire, avec l’allure hautaine et suranné d’un duelliste piqué au vif ou d’un soldat subitement réveillé par les coups de canon, tient la littérature pour un champ de bataille. Il y règle ses comptes, fièrement, à coups de plume bien affûtée. Pour ces bretteurs, toute injure personnelle est un casus belli et l’écriture est un art de la guerre. Il y a chez eux un sens aigu de l’honneur offensé.
« Je devrais être aujourd’hui […] le maréchal d’Aurevilly », écrit Barbey à la veille de sa mort, lui qui rêvait d’une « existence passionnée, fringante, vibrante, même cahotée, pleine d’un bruit essentiellement militaire, un tumulte de charges endiablées et de sonneries éclatantes, avec le faste attirant d’uniformes empourprés et d’aiguillettes d’or sautillantes dans le galop des purs-sang » (4). Cette phrase, d’ailleurs, n’est pas sans faire penser au rythme haletant des trompettes céliniennes. Il y a chez eux un souffle épique qui tient de l’assaut littéraire. A défaut du bâton de maréchal, il aura obtenu l’honneur non moins glorieux d’être nommé « connétable des Lettres françaises ». Céline, en revanche, gradé maréchal des logis à quelques mois de la déclaration, a vécu le baptême douloureux du feu comme un fait structurant de son évolution morale, littéraire et idéologique (5). Pessimistes, Céline et Barbey d’Aurevilly le sont tous les deux face à l’espérance vaine et fallacieuse d’un progrès de l’humanité. Ils s’escriment l’un et l’autre contre la nonchalance facile des donneurs de leçons collectives qui, sur fond d’humanisme éclairé et de bonté philanthropique, prennent la défense du faible contre la brute intolérante et fanatique.

Du catholique hystérique à l’antisémite enragé 

La rhétorique fulminante de Barbey comme la voix furibonde de Céline, souvent assimilables à un tissu de vitupérations haineuses, traduit une obsession quasi-pathologique focalisée sur le mythe nauséeux d’un coupable exclusif. Le juif assume chez Céline le rôle que Barbey attribue indifféremment au protestant, au juif ou au franc-maçon. Relevant les symptômes de la décadence et du malaise social, les deux auteurs entretiennent constamment la fiction du complot étranger. Au-delà des différences culturelles et chronologiques entre d’une part l’antijudaïsme chrétien (6), qui culmina lors de l’Affaire Dreyfus, et d’autre part l’antisémitisme racial du premier XXe siècle, leurs thèses ont en commun une pseudo-justification d’ordre racial ou religieuse. Dans les deux cas, il s’agit d’une croisade dont l’enjeu correspond au pays menacé. S’il leur arrive d’essuyer un échec ou un désagrément quelconque, ils revendiquent aussitôt la pureté de l’écrivain solitaire, guerroyant pour l’esprit national, contre la corruption et la conspiration. « Faut dire…, écrit Céline, je serais d’une Cellule, d’une Synagogue, d’une Loge, d’un Parti, […] tout s’arrangerait ! sûr !» (7). Le rôle du pamphlétaire incarné par Céline ou Barbey d’Aurevilly, reclus loin des factions, est d’annoncer les cataclysmes sur un ton de prophète et de dénoncer les « coupables ». Mais, à défaut d’arguments, la haine impétueuse du pamphlet tourne en rond. Elle manifeste une tendance singulière à la névrose. Névrose antisémite, antidémocratique et « conspirationniste » qui se mue en délire frénétique. Il y a chez ces deux écrivains une outrance idéologique qui tient de la dérive malsaine et maladive. Le lexique médical, et plus précisément le lexique psychiatrique, sont en effet les premiers qui répondent à l’appel quand on souhaite qualifier cette violence passionnée du polémiste, éreintant hargneusement sa cible, hanté par un ennemi qui relève davantage du mythe que de la menace effective. Il fallait donc nécessairement que, parmi leurs principaux contradicteurs, Barbey et Céline se heurtent aux défenseurs de l’universalisme et de l’humanisme bafoués. Zola accuse le premier d’hystérie fanatique (8). Sartre prend Céline pour exemple historique de l’antisémite assimilé aux « grands paranoïaques » (9). C’est ici que la figure haïe de l’intellectuel entre dans l’arène.

Polémique contre Sartre et Zola : la haine de l’intellectuel

Barbey s’éteint en 1889, cinq ans avant la naissance de Céline. La fin du siècle aura vu émerger dans la sphère politique la figure engagée de l’intellectuel. Dans la lignée triomphante des Lumières, Zola ouvre le bal et Sartre prend le flambeau. A l’opposé, comme un revers de ce militantisme littéraire, vibre la voix grinçante du pamphlétaire réactionnaire, inaugurant la tradition « anti-intellectualiste ». Car Barbey contre Zola, ou Céline contre Sartre, c’est toujours Rivarol polémiquant contre l’abstraction théorique de Rousseau. La violence est la même. Excessive et cruelle. Les traits de leur virulence langagière, à commencer par l’injure scatologique –métaphore récurrente de leur critique anti-intellectualiste- coupe court à toute tentative de débat rationnel conforme aux schèmes spéculatifs qui structurent les discours de l’intellectuel. Le but est d’humilier. Apôtre du progrès dénonçant l’injustice et l’intolérance de ses contemporains, Zola n’est pour Barbey qu’un « fanfaron d’ordures ». Son oeuvre est tout entière construite « comme le système intestinal », produisant des effluves « de fumier et de fientes ». « M. Zola, dit-il encore, travaille dans l’excrément humain » (10). Enfin, le portrait de l’auteur culmine dans une comparaison grandiose à la Barbey : Zola, « un Michel-Ange de la crotte… ». Céline, lui, n’a pas la pudeur de Barbey. Sa prose déverse un dégoût sans mesure. Sartre est ainsi qualifié tour à tour de « petite fiente », « petit bousier », « petite crotte » et, plus franchement, de « satanée petite saloperie gravée de merde » (11). Barbey n’a pas non plus peur des gros mots lorsqu’il accuse Les Misérables, texte à tonalité pathétique et démocratique ouvrant l’ère du roman engagé, de « colossale saloperie » (12). Dépourvu d’argument et de ménagement rhétorique, leur stratégie critique repose sur l’effet vexatoire de la raillerie et de l’insulte. Rien de plus humiliant, en l’occurrence, que le motif fécal qui revient constamment. Il s’agit de blesser pour vaincre, et non pas de convaincre. Dès lors, l’intellectuel et le pamphlétaire se rejettent et s’excluent comme la passion s’oppose à la raison et le style à l’idée. Revendiquant une oeuvre intégralement fondée sur l’énergie nouvelle d’un style, Barbey et Céline condamnent tous deux la vanité des hommes à idées. Les philosophes sont, après le traître corrompu qu’ils nommeront juif ou franc-maçon, leur plus farouche ennemi. Et l’on retrouve, dans leur critique, le reproche d’un soldat à l’endroit du lâche ou du traître. Contrairement à la verve fougueuse de l’écrivain-guerrier, l’intellectuel est un « impuissant » (13). Il n’a aucune utilité sociale. Chez Céline, l’identification de l’intellectuel -et notamment de « l’agent Tartre » (14) - à la figure hideuse et répugnante du parasite, emprunte par conséquent une multitude de formes (« bousier », « cestode », « demi-sangsue »…).
Autre point commun de l’anti-intellectualisme aurevillien et célinien, la négation systématique du talent. Zola, par exemple, n’invente rien. C’est un « singe de Balzac dans la crotte du matérialisme ». Il apparaît ainsi comme une hydre sans unité, dont Barbey refuse tout talent littéraire au-delà du pastiche. Sa chair, dit-il encore, « est faite des chairs mêlées de Victor Hugo, Théophile Gautier et Flaubert ». La méthode satirique de Céline use des mêmes procédés. Le prétendu génie de Sartre ne dépasse pas celui d’un lycéen fort en thème ou d’un plagiaire habile. Sartre, en somme, est un « Lamanièrdeux… » !
Au-delà des analogies littéraires et critiques entre les deux auteurs, il existe également une convergence idéologique marquée par le refus des idéaux démocratiques et progressistes. On a déjà pointé les ressemblances du conservateur royaliste et du patriote pacifiste sous la notion d’ « anarchisme de droite » (15). Mais plus encore que son isolement face aux idées du temps, c’est bien l’art impétueux de ses écrits polémiques, drôles et sinistres à la fois, qui fait du cuirassier Destouches l’héritier littéraire de l’auteur inquiétant du Chevalier Destouches.
 
Jean-François ROSEAU
Spécial Céline n°3 (novembre/décembre 2011, janvier 2012)
Repris sur le site www.barbey-daurevilly.com le 12 décembre 2011.
 
 
 
Notes
1 - Lettre à Simone Saintu du 30 octobre 1916 : « Il y a là aux environs de Coutances un vieux château de Famille qui abritera vraisemblablement mes pénates », dans Lettres et premiers écrits d'Afrique 1916-1917, textes réunis et présentés par Jean-Pierre Dauphin, Paris, Gallimard, 1978, p. 144. Au XVIIe siècle, une branche Destouches s’était fixée à Lentillière. C’est d’elle que descend l’auteur qui signe dans ses premières lettres Louis des Touches ou encore L. d. T.
2 - Le Chevalier Des Touches paraît pour la première fois en 1864.
3 - Lettre à Trebutien, février 1855 : « En sa qualité de cadet, mon père était ce qu’on appelle en langage gentilhomme : le chevalier », dans Correspondance générale, t. IV., Paris, Les Belles Lettres, « Annales littéraires de l’Université de Besançon, 1984, p. 180.
4 - Cité par Octave Uzanne, dans Barbey d’Aurevilly, Paris, A la Cité des Livres, 1927, 88 pages. Texte mis en ligne par la médiathèque André Malraux de Lisieux.
5 - Pour H. Godard, l’expérience martiale de Céline « restera la référence absolue » en littérature comme en politique, cf. Céline scandale, Paris, Gallimard, 1998, p. 47.
6 - Ce vieux ferment d’antijudaïsme traditionnel s’exprime au premier chef dans l’accusation séculaire de déicide. Cf. la critique de Barbey d’Aurevilly, dans « Les Déicides, par M. Joseph Cohen », Le Pays, 5 janvier 1852 : « ce sang accusateur dans lequel les pieds de chaque Juif marchent, à travers le monde, depuis tout à l’heure dix-neuf cent ans ».
7 - L.-F.Céline, D’un Château l’autre, Paris, Gallimard, « coll. Folio », 1957, p. 30.
8 - « Le Catholique hystérique », dans E. Zola, Mes Haines, Paris, G. Charpentier, 1879, pp. 41-55.
9 - J.-P. Sartre, Réflexions sur la question juive, Paris, Gallimard, « coll. Folio », 1954, p. 51.
10 - J. Barbey d’Aurevilly, « Emile Zola », dans Le Roman contemporain, Paris, A. Lemerre, 1902, pp. 197-239.
11 - L.-F. Céline, A l’agité du bocal, Paris, Herne, 1995, 85 pages.
12 - Correspondance générale, t. VI, Paris, Les Belles Lettres, 1986, p. 203.
13 - L.-F. Céline, Entretien avec le professeur Y, dans Romans, IV, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1993, p. 497 : « les impuissants regorgent d’idées ».
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
14 - D’un Château l’autre, ibid., p. 31 : « l’agent Tartre ! crypto mon cul ! […] sous-sous-dévalures de Zola !... »,
15 - Céline et Barbey servent d’exemples emblématiques à l’ouvrage de François Richard, cf. « La haine des intellectuels, dans Les Anarchistes de droite, Paris, Presses Universitaires de France, 1997

 

 

 

lundi, 23 avril 2012

Ce qui doit être dit, par Günter Grass

Ce qui doit être dit, par Günter Grass (Traduction)

Ex: http://antoinechimel.hautetfort.com/

1680503_3_994e_l-ecrivain-allemand-gunter-grass-le-21-mars_c1781620595e36eb6d6c8a601d03a1b5.jpgPourquoi je ne dis pas
pourquoi ai-je tu pendant trop longtemps
ce qui est pourtant évident
et a fait l’objet de tant de simulations
dans lesquelles nous, les survivants,
sommes au mieux des notes de bas de page.

On évoque le droit à une frappe préventive,
l’éradication du peuple iranien soumis,
tenu à une liesse sans joie par un fort en gueule,
sous prétexte que ce potentat construirait une bombe atomique.

Mais alors, pourquoi m’interdis-je
de nommer cet autre pays
qui dispose depuis des années,
certes dans le plus grand secret,
d’un potentiel nucléaire croissant
et échappant à tout contrôle,
puisque aucun contrôle n’est permis ?

Le silence général autour de ce fait établi,
ce silence auquel j’ai moi-même souscrit,
je le ressens comme un mensonge pesant,
une règle que l’on ne peut rompre
qu’au risque d’une peine lourde et infâmante :
le verdict d’antisémitisme est assez courant.

Mais aujourd’hui, alors que mon pays
coupable de crimes sans commune mesure,
pour lesquels il doit rendre des comptes encore et encore,
mon pays donc, dans un geste purement commercial,
certains parlent un peu vite de réparation,
s’en va livrer un nouveau sous-marin à Israël,
un engin dont la spécialité est d’envoyer
des ogives capables de détruire toute vie
là où l’existence de ne serait-ce qu’une seule
bombe nucléaire n’est pas prouvée,
mais où le soupçon tient lieu de preuve,
je dis ce qui doit être dit.

Pourquoi me suis-je tu aussi longtemps ?
Parce que je croyais que mes origines,
entachées par des crimes à jamais impardonnables,
m’interdisaient d’exprimer cette vérité,
d’oser reprocher ce fait à Israël,
un pays dont je suis et veux rester l’ami.

Pourquoi ne dis-je que maintenant,
vieux, dans un ultime soupir de mon stylo,
que la puissance nucléaire d’Israël
menace la paix mondiale déjà fragile ?
Parce qu’il faut dire maintenant
ce qui pourrait être trop tard demain,
et parce que nous, Allemands, avec le poids de notre passé,
pourrions devenir les complices d’une crime,
prévisible et donc impossible
à justifier avec les excuses habituelles.
Pourquoi je ne dis pas
pourquoi ai-je tu pendant trop longtemps
ce qui est pourtant évident
et a fait l’objet de tant de simulations
dans lesquelles nous, les survivants,
sommes au mieux des notes de bas de page.

On évoque le droit à une frappe préventive,
l’éradication du peuple iranien soumis,
tenu à une liesse sans joie par un fort en gueule,
sous prétexte que ce potentat construirait une bombe atomique.

Mais alors, pourquoi m’interdis-je
de nommer cet autre pays
qui dispose depuis des années,
certes dans le plus grand secret,
d’un potentiel nucléaire croissant
et échappant à tout contrôle,
puisque aucun contrôle n’est permis ?

Le silence général autour de ce fait établi,
ce silence auquel j’ai moi-même souscrit,
je le ressens comme un mensonge pesant,
une règle que l’on ne peut rompre
qu’au risque d’une peine lourde et infâmante :
le verdict d’antisémitisme est assez courant.

Mais aujourd’hui, alors que mon pays
coupable de crimes sans commune mesure,
pour lesquels il doit rendre des comptes encore et encore,
mon pays donc, dans un geste purement commercial,
certains parlent un peu vite de réparation,
s’en va livrer un nouveau sous-marin à Israël,
un engin dont la spécialité est d’envoyer
des ogives capables de détruire toute vie
là où l’existence de ne serait-ce qu’une seule
bombe nucléaire n’est pas prouvée,
mais où le soupçon tient lieu de preuve,
je dis ce qui doit être dit.

Pourquoi me suis-je tu aussi longtemps ?
Parce que je croyais que mes origines,
entachées par des crimes à jamais impardonnables,
m’interdisaient d’exprimer cette vérité,
d’oser reprocher ce fait à Israël,
un pays dont je suis et veux rester l’ami.

Pourquoi ne dis-je que maintenant,
vieux, dans un ultime soupir de mon stylo,
que la puissance nucléaire d’Israël
menace la paix mondiale déjà fragile ?
Parce qu’il faut dire maintenant
ce qui pourrait être trop tard demain,
et parce que nous, Allemands, avec le poids de notre passé,
pourrions devenir les complices d’une crime,
prévisible et donc impossible
à justifier avec les excuses habituelles.

Je dois l’admettre aussi, je ne me tairai plus
parce que j’en ai assez de l’hypocrisie de l’Occident
et j’espère que nombreux seront ceux
prêts à se libérer des chaînes du silence,
pour appeler l’auteur d’une menace évidente
à renoncer à la violence tout en exigeant
un contrôle permanent et sans entraves
du potentiel atomique israélien
et des installations nucléaires iraniennes
par une instance internationale
acceptée par les deux gouvernements.

Ce n’est qu’ainsi que pourrons aider
les Israéliens et les Palestiniens,
mieux encore, tous les peuples,
frères ennemis vivant côte à côte
dans cette région guettée par la folie meurtrière,
et en fin de compte nous-mêmes.

Je dois l’admettre aussi, je ne me tairai plus
parce que j’en ai assez de l’hypocrisie de l’Occident
et j’espère que nombreux seront ceux
prêts à se libérer des chaînes du silence,
pour appeler l’auteur d’une menace évidente
à renoncer à la violence tout en exigeant
un contrôle permanent et sans entraves
du potentiel atomique israélien
et des installations nucléaires iraniennes
par une instance internationale
acceptée par les deux gouvernements.

Ce n’est qu’ainsi que pourrons aider
les Israéliens et les Palestiniens,
mieux encore, tous les peuples,
frères ennemis vivant côte à côte
dans cette région guettée par la folie meurtrière,
et en fin de compte nous-mêmes.

Günter Grass - Ce qui doit être dit

vendredi, 20 avril 2012

Quando Céline era solo un giovane corazziere in armi nella Grande Guerra

Quando Céline era solo un giovane corazziere in armi nella Grande Guerra

di Andrea Lombardi

Fonte: barbadillo


Cuirassier-Destouches.jpg Louis-Ferdinand Destouches (in arte Céline), uno dei massimi romanzieri del ‘900, dopo il successo del suo libro di esordio Viaggio al termine della notte (1932) e di Morte a credito (1936), e le polemiche suscitate da Bagatelle per un massacro (1938), operò con i suoi romanzi una vera rivoluzione dello stile narrativo, culminata nella cosidetta Trilogia del nord (Nord, Rigodon e Da un castello all’altro). Uomo dalle molte vite, soldato nella prima guerra mondiale, direttore di piantagioni, membro di una commissione sanitaria della Società delle Nazioni, medico di periferia, scrittore, bohemienne, e infine Collabo e reprobo, la prima vita di Céline sarà quella di corazziere a cavallo: infatti Louis Destouches, nato il 27 maggio 1894 a Courbevoie (Parigi) si arruolerà il 28 settembre 1912, con ferma triennale, nel 12eme Régiment Cuirassiers (12° Reggimento Corazzieri) di stanza a Rambouillet, nel dipartimento degli Yvelines nella regione dell’Île-de-France. Il 12eme “Cuir” era un’unità scelta, con una lunga tradizione militare risalente al 1668: creato da Luigi XIV per suo figlio quale Régiment “Dauphin-Cavallerie”, fu rinominato 12° Reggimento di Cavalleria nel 1791 dopo la Rivoluzione Francese. Il reparto si distinse in numerose battaglie: dalle Campagne del Re Sole alle Guerre della Rivoluzione, subordinato all’Armata del Reno; da Austerlitz, Jena e Waterloo a Solferino, alla disastrosa guerra franco-prussiana del 1870-1871. I primi tempi di servizio presso il 12° ben difficilmente potevano ricordare al giovane Louis queste antiche glorie, preso come doveva essere, da buona recluta, a spalare letame, strigliare il pelo dei cavalli e centellinare i pochi spiccoli della diaria, vessato dalla disciplina di ferro dei sottuff’ di carriera, come ricordato d’altronde da lui stesso in Casse-Pipe! Dopo un anno da militare di truppa, Louis è promosso Brigadiere il 5 agosto 1913, e quindi Maresciallo d’alloggio il 5 maggio 1914.

Il 31 luglio, a Saint-Germain, il Reggimento è mobilitato e il 2 agosto si assembra nella regione a sud di Commercy. Louis accoglierà la notizia della guerra con lo stesso entusiasmo patriottico di milioni di giovani come lui in tutta Europa, come testimoniato da questa lettera ai genitori scritta poco prima della partenza per il fronte, tanto diversa per stile e spirito dal Viaggio al termine della notte:

“Cari genitori: l’ordine di mobilitazione è arrivato partiamo domani mattina alle 9 h 12 per Étain nelle pianure della Voevre non credo che entreremo in azione prima di qualche giorno […] è una sensazione unica che pochi possono vantarsi di aver provato […] Ognuno è al suo posto sicuro e tranquillo tuttavia l’eccitazione dei primi momenti ha fatto posto a un silenzio di morte che è il segno di una brusca sorpresa. Quanto a me farò il mio dovere sino in fondo e se per fatalità non dovessi tornare… siate sicuri per attenuare la vostra sofferenza che muoio contento, e ringraziandovi dal profondo del cuore. Vostro figlio”.

Il 12°, al comando del Colonnello Blacque-Belair, e facente parte della 7ª Divisione di Cavalleria, condurrà numerose missioni di ricognizione tra la Wöevre, la Mosa e l’Argonne nell’agosto e settembre 1914: il terreno dove opererà, boscoso, con campi cintati da muretti a secco tagliati da fossi e canali, è inadatto all’impiego della cavalleria, men che meno quella pesante. La guerra del ’14 inizia a mostrarsi per quello che è: niente eroiche cariche di cavalieri, ma un cieco tritacarne. Louis scriverà allora a casa lettere di ben altro tono rispetto a quelle precedenti; l’assurdità della guerra inizia a far nascere in lui Céline:

“La lotta s’impegna formidabile, mai ne ho visto e ne vedrò di così tanto orrore, noi camminiamo lungo questo spettacolo quasi incoscienti per l’assuefazione al pericolo e soprattutto per la fatica schiacciante che subiamo da un mese davanti alla coscienza si para una specie di velo dormiamo appena tre ore per notte e marciamo quasi come automi mossi dalla volontà istintiva di vincere o morire Nessuna nuova sul campo di battaglia quasi sulla stessa linea del fuoco da 3 giorni i morti sono rimpiazzati continuamente dai vivi a tal punto che formano dei monticelli che bruciamo e in certi punti si può attraversare la Mosa a piè fermo sui corpi tedeschi di quelli che tentano di passare e che la nostra artiglieria inghiotte senza posa. La battaglia lascia l’impressione di una vasta fornace dove s’inghiottono le forze vive delle due nazioni e dove la più fornita delle due sarà la vincitrice”.

Ad ottobre il Reggimento è inviato nelle Fiandre, partecipando a duri combattimenti assieme ad alcune unità di fanteria nel settore tra Ypres e Poelkapelle; il 27 ottobre, quest’ultima località è battuta incessantemente dal tiro dell’artiglieria e delle mitragliatrici tedesche, tanto che sembra impossibile garantire con staffette le comunicazioni tra il 125° e il 66° Reggimento di fanteria, che stanno cercando di strappare l’abitato di Poelkapelle al nemico. È in questo momento che il Maresciallo d’alloggio Destouches, comandato presso il Comando di Reggimento, si fa avanti, dandosi volontario per questa missione quasi suicida. Louis riuscirà a condurre a termine il pericoloso compito, ma al ritorno, intorno alle ore 18, è ferito gravemente al braccio destro. Dopo essersi ricongiunto alla sua unità, data la mancanza di posti disponibili nelle ambulanze o tende-ospedale a causa del gran numero di feriti e moribondi, dovrà raggiungere a piedi, camminando per sette chilometri, un ospedale da campo presso Ypres. Sarà poi da lì evacuato a Hazebrouck, dove sarà operata la frattura del braccio, e poi ricoverato in degenza all’ospedale militare Val-de-Grâce a Parigi, dove subirà un secondo intervento chirurgico il 19 gennaio 1915. Dichiarato inabile al servizio a causa della sua ferita, viene riformato il 2 settembre 1915: finisce così il servizio attivo di Louis Destouches nell’Armée.

Per l’eroismo dimostrato sul campo sarà citato nell’ordine del giorno del 29 ottobre del Reggimento, insignito della Medaglia Militare il 24 novembre 1914 e della Croce di Guerra con Stella d’Argento.

La rivista L’Illustré National del dicembre 1914 dedicherà al fatto d’arme che lo vide protagonista una tavola a colori a tutta pagina: Louis-Ferdinand Céline la mostrerà sempre con orgoglio a ogni suo visitatore nell’eremo di Meudon, tanti anni e tante vite più tardi.

Bibliografia:

Dauphin-Boudillet, Album Céline

Gibault, Céline

Ruby – de Labeau, Historique du 12eme Régiment Cuirassiers (1668-1942)

Le 12eme Régiment Cuirassiers (1871-1928)


Tante altre notizie su www.ariannaeditrice.it

jeudi, 12 avril 2012

Grass und seine Kritiker

Gunter-Grass-at-home-in-L-006.jpg

Grass und seine Kritiker

Von Thorsten Hinz

Ex: http://www.jungefreiheit.de/

Der Schriftsteller sieht sich nach seiner Kritik an Israel mit Antisemitismusvorwürfen konfrontiert

Was sich über Ostern an einem läppischen Gedicht von Günter Grass entzündet hat, verdient die Bezeichnung „Debatte“ nicht. Grass hat eine sehr schlichte politische Stellungnahme verfaßt, sie mit Selbstreflexionen vermengt, in Zeilchen zerhackt und als Gedicht unter die Leute gebracht. Er sieht die Gefahr heraufziehen, daß Israel den Iran mit Atomwaffen angreift, einen Weltkrieg heraufbeschwört, und daß Deutschland, weil es atomar nutzbare U-Boote an Israel liefert, sich mitschuldig macht und in den Konflikt hineingezogen wird.

Nun wird der Iran in der Tat dämonisiert, während Israel in der Atomfrage doppelte Standards zugestanden werden, indes es zum Präventivschlag bläst. Wer mag garantieren, daß sich die Lüge um irakische Chemiewaffen nicht wiederholt? Andererseits wird Grass den Gefahren und Risiken, denen Israel ausgesetzt wird, nichtmal ansatzweise gerecht. Aus seinen Versen spricht auch das bundesrepublikanische Unverständnis über einen Staat, der sich seiner Haut zu erwehren weiß.

Nibelungentreue zu Israel

Kurzum, es handelt sich um eine hochkomplizierte politische, geopolitische, militärische, religiöse, auch demographische Gemengelage, die kein Gedicht der Welt erfassen kann. Allerdings wissen Politik, Wissenschaft und Medien in Deutschland ebenfalls nichts dazu zu sagen. Mit der Aussage, die Sicherheit Israels sei Teil der deutschen Staatsräson, hat Kanzlerin Merkel die Deutschen auf die Nibelungentreue zu Israel festgelegt. Dem verbreiteten Unbehagen daran hat Grass einen verquasten Ausdruck verliehen. Die Tatsache, daß seine Haltung mehrheitsfähig ist, macht wiederum die Politik und Medien nervös und läßt sie hysterisch reagieren.

Weder Grass noch seine Kritiker argumentieren politisch, sondern moralisch. Die Moral und Merkels „Staatsräson“ stützen sich dabei auf eine Metaphysik, die um den Mord an den europäischen Juden herum errichtet worden ist.

Diesen Kern des Problems hat Grass zwar nicht formuliert, aber unbewußt berührt. Es geht gar nicht primär um Israel und den Iran, vielmehr um das kranke Nervenzentrum des eigenen Landes, um den Zwang der „belastenden Lüge“, deren Aufkündigung als Strafe „das Verdikt ‘Antisemitismus’“ nach sich zieht. Nun hat Grass viele Jahre eigenhändig an dem geistigen Gefängnis gebaut, gegen dessen Reglement er nun anrennt, und bleibt dabei weiterhin sein überzeugter Insasse. Das wird klar, wenn er von „meinem Land“ schreibt und seinen „ureignen Verbrechen, / die ohne Vergleich sind“. Er beschwört eine metaphysische Untat und leitet daraus seine anhaltende Treue zu Israel ab.

Teufelskreis

Um innerhalb des Teufelskreises, den er nicht durchbrechen kann, Israel kritisieren zu können, muß er ihm unterstellen, seinerseits ein absolutes Verbrechen zu planen: die Auslöschung des iranischen Volkes. Was, wie der stets besonnene und noble Avi Primor kommentierte, einfach „lächerlich“ ist.

Was können wir aus all dem lernen? Nichts, was wir nicht schon wußten. Substantiell ist die sogenannte Grass-Debatte eine weitere Runde im Totentanz des BRD-Diskurses. Gegen Ende von Goethes „Faust“ zitiert Mephisto die Bewohner der Unterwelt herauf: „Herbei, herbei! Herein, herein! / Ihr schlotternden Lemuren, / Aus Bändern, Sehnen und Gebein / Geflickte Halbnaturen.“ Sie helfen ihm noch beim Täuschen und Tricksen, etwas Vernünftiges bringen sie nicht mehr zustande.

Ernst Jünger, lecteur de Maurice Barrès

Harald HARZHEIM:
Ernst Jünger, lecteur de Maurice Barrès

Nationalisme, culte du moi et extase

barres.jpg“Je ne suis pas national, je suis nationaliste”: cette phrase a eu un effet véritablement électrisant sur Ernst Jünger, soldat revenu du front après la fin de la première guerre mondiale qui cherchait une orientation spirituelle. Soixante-dix ans plus tard, Jünger considérait toujours que ce propos avait constitué pour lui l’étincelle initiale pour toutes ses publications ultérieures, du moins celles qui ont été marquées par l’idéologie nationale-révolutionnaire et sont parues sous la République de Weimar.

L’auteur de cette phrase, qui a indiqué au jeune Jünger la voie à suivre, était un écrivain français: Maurice Barrès. Bien des années auparavant, dans sa prime jeunesse, Ernst Jünger avait lu, en traduction allemande, un livre de Barrès: “Du sang, de la volupté et de la mort” (1894). On en retrouve des traces dans toute l’oeuvre littéraire de Jünger.

Maurice Barrès était né en 1862 en Lorraine. Tout en étudiant le droit, il avait commencé sa carrière de publiciste dès l’âge de 19 ans. A Paris, il trouva rapidement des appuis influents, dont Victor Hugo, Anatole France et Hippolyte Taine. Dans ses premiers ouvrages, Barrès critiquait l’intellectualisme et la “psychologie morbide” que recelait la littérature de l’époque. A celle-ci, il opposait Kant, Goethe et Hegel, qui devaient devenir, pour sa génération, des exemples à suivre. Après l’effondrement des certitudes et des idéologies religieuses, le propre “moi” de l’écrivain lui semblait le “dernier bastion de ses certitudes”, un bastion éminemment réel duquel on ne pouvait douter.

Il en résulta le “culte du moi”, comme l’atteste le titre général de sa première trilogie romanesque. Le “culte du moi” ne se borne pas à la seule saisie psychologique de ce “moi” mais cherche, en plus, à dépasser son isolement radical: le moi doit dès lors se sublimer dans la nation qui, au contraire du moi seul, est une permanence dans le flux du devenir et de la finitude.

Le processus de dépassement du “moi” individuel implique un culte du “paysage national”, donc, dans le cas de Barrès, de la Lorraine. Dans les forêts, les vallées et les villages de Lorraine, Barrès percevait un reflet de sa propre âme; il se sentait lié aux aïeux défunts. Le “culte du moi” est associé au “culte de la Terre et des Morts”. Ce culte du sol et des ancêtres, Barrès le considèrera désormais comme élément constitutif de sa “piété”. L’Alsace-Lorraine avait été conquise par les Allemands pendant la guerre de 1870-71. Une partie de la Lorraine avait été annexée au Reich. Barrès devint donc un germanophobe patenté et un revanchard, position qu’il n’adoucira qu’après la première guerre mondiale, après la défaite de l’ennemi. Dans un essai écrit au soir de sa vie, en 1921, et intitulé “Le génie du Rhin”, cette volonté de conciliation transparaît nettement. Ernst Jünger l’a lu dès sa parution.

Barrès posait un diagnostic sur la crise européenne qui n’épargnait pas l’esprit du temps. Il s’adressait surtout à la jeunesse, ce qui lui valu le titre de “Prince de la jeunesse”. Pourtant la radicalisation politique croissante de son “culte du moi”, sublimé en nationalisme intransigeant, effrayait bon nombre de ses adeptes potentiels. Ainsi, Barrès exigeait que le retour des Français sur eux-mêmes devait passer par l’expurgation de toutes influences étrangères. Le “moi”, lié indissolublement à la nation, devait exclure toutes les formes de “non-moi”. Cela signifiait qu’il fallait se débarrasser de tout ce qui n’était pas français et qu’il résumait sous l’étiquette de “barbare”. Il prit dès lors une posture raciste et antisémite. Son nationalisme s’est mué en un chauvisnisme virulent qui se repère surtout dans ses écrits publiés lors de l’affaire Dreyfus. Une haine viscérale s’est alors exprimée dans ses écrits. En 1902, Barrès a rassemblé en un volume (“Scènes et doctrines du nationalisme”) quelques-uns de ces essais corsés.

Barrès n’était pas seulement un homme de plume. Au début des années 80 du 19ème siècle, il avait rejoint le parti revanchiste du Général Boulanger et fut élu à la députation de Nancy.

Après la seconde guerre mondiale, Ernst Jünger comparait le Général Boulanger à Hitler (ce que bien d’autres avaient fait avant lui). Après une conversation avec le fils de Barrès, Philippe, il en arriva à la conclusion que cet engagement en faveur de Boulanger a dû le faire “rougir” (EJ, “Kirchhorster Blätter”, 7 mai 1945).

En 1894, Barrès avait écrit “Du sang, de la volupté et de la mort”, recueil d’esquisses en prose et de récits de voyage en Espagne, en Italie et en Scandinavie, pimentés de réflexions sur la solitude, l’extase, le sexe, l’art et la mort. Le corset spatial étroit du nationalisme de Barrès éclatait en fait dans cette oeuvre car il ne privilégiait plus aucun paysage, n’en érigeait plus un, particulier, pour le hisser au rang d’objet de culte: chacun des paysages décrits symbolisait des passions et des sentiments différents, qu’il fallait chercher à comprendre. En lisant ce recueil, Ernst Jünger a trouvé dans son contenu l’inspiration et le langage qu’il fallait pour décrire les visions atroces des batailles, relatées dans ses souvenirs de guerre. De Barrès, Jünger hérite la notion de “sang”, qui n’est pas interprétée dans un sens biologique, mais est hissée au rang de symbole pour la rage et la passion que peut ressentir un être. Quant aux descriptions très colorées des paysages, que l’on retrouve dans l’oeuvre de Barrès, nous en trouvons un écho, par exemple dans “Aus der goldenen Muschel” (1944) de Jünger.

Maurice Barrès est mort en 1923. Peu d’écrits de lui ont été traduits en allemand. Le dernier à l’avoir été fut son essai “Allerseelen in Lothringen” (“Toussaint en Lorraine”), paru en 1938. Après la deuxième guerre mondiale, aucun écrit de Barrès n’a été réédité, retraduit ou réimprimé. On a finit par le considérer comme l’un des pères intellectuels du fascisme. Barrès a certes été élu à l’Académie Française en 1906 mais sa réhabilitation en tant que romancier est récente, même en France, alors que Louis Aragon l’avait réclamée dès la fin de la seconde guerre mondiale.

Jünger ne s’est pas enthousiasmé longtemps pour ce nationaliste français. Dès la moitié des années 20 du 20ème siècle, il s’oriente vers d’autres intérêts littéraires. Jünger n’évoque Barrès explicitement qu’une seule fois dans ses oeuvres journalistiques et militantes, alors que le Lorrain les avait inspirées. Dans “Vom absolut Kühnen” (1926), Jünger affirme qu’il “préfère la France de Barrès à celle de Barbusse”, parce qu’il entend récuser l’idéologie pacifiste de ce dernier.

Toutes les évocations ultérieures de Barrès relèvent du rétrospectif. Jünger ne puise plus aucune inspiration nouvelle dans les écrits de Barrès. Jünger, âgé, comparait le sentiment qu’il éprouvait face à la défaite allemande de 1918 au désarroi qu’ont dû ressentir les jeunes Français en 1871 (cf. “Siebzig verweht”, IV, 23 octobre 1988). Il répète dans ce même passage que Barrès l’avait fortement influencé dans le travail de façonnage de sa propre personnalité, une imprégnation barrèsienne, dont il s’était distancié assez tôt. En 1945, Jünger notait que “lui-même et les hommes de sa propre génération étaient arrivés trop tard en beaucoup de choses, si bien que la voie, que Barrès avait encore pu emprunter, ne leur était plus accessible”. Dès le début des années 30 du 20ème siècle, Ernst Jünger en était arrivé à considérer le nationalisme barrèsien comme une construction dépassée, née au 19ème siècle et marquée par lui. Cette position l’a empêché de s’engager dans le sillage d’un politicien chauvin comme Boulanger, c’est-à-dire comme Hitler.

Dans la bibliothèque de Jünger à Wilflingen, on trouve deux ouvrages de l’écrivain français: “Amori et Dolori sacrum. La mort de Venise” et les quatorze volumes de “Mes cahiers”. Ces “cahiers”, Jünger les évoque dans une notule envoyée à Alfred Andersch: “Vous me comptez non pas parmi les conservateurs-nationaux mais parmi les nationalistes. Rétrospectivement, je suis d’accord avec vous. J’ose même dire que j’ai inventé le mot; récemment en lisant ses “Cahiers”, je me suis découvert de remarquables parallèles avec Maurice Barrès. Il y dit: ‘...je suis né nationaliste. Je ne sais pas si j’ai eu la bonne fortune d’inventer le mot, peut-être en ai-je donné la première définition’” (cf. “Siebzig verweht”, II, 7 juin 1977).

Ernst Jünger a donc lu les “Cahiers” de Barrès de manière fort occasionnelle car la plupart des quatorze volumes des “Cahiers”, dans la bibliothèque de Wilflingen, n’ont en apparence que rarement été ouverts; certains n’ont même pas été coupés. En 1971, Jünger a dit: “Barrès aussi est désormais derrière moi”. La teneur de cette assertion n’a plus été modifiée jusqu’à la mort de l’écrivain allemand.

Harald HARZHEIM.
(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°23/2005; trad. française: avril 2012).
http://www.jungefreiheit.de/

Harald Harzheim est écrivain, dramaturge et historien du cinéma. Il vit à Berlin. Il travaillait en 2005, au moment où il rédigeait cet article, à un essai sur la “Démonologie du cinéma” d’Ernst Jünger.

samedi, 07 avril 2012

Le poète Wies Moens: disparu il y a trente ans

“Brederode” / “ ’t Pallieterke”:
Le poète Wies Moens: disparu il y a trente ans

L’expressionniste flamand qui refusait les “normalisations”

wm1.jpgLe 5 février 1982, Wies Moens quittait ce monde, lui, le principal poète moderne d’inspiration thioise et grande-néerlandaise. Il est mort en exil, pas très loin de nos frontières, à Geleen dans le Limbourg néerlandais. Dans un hebdomadaire comme “’t Pallieterke”, qui cultive l’héritage national flamand et l’idéal grand-néerlandais, Wies Moens est une référence depuis toujours. Il suffit de penser à l’historien de cet hebdomadaire, Arthur de Bruyne, aujourd’hui disparu, qui s’inscrivait dans son sillage. Pour commémorer le trentième anniversaire de la disparition de Wies Moens, “Brederode”, qui l’a connu personnellement, lui rend ici un hommage mérité. L’exilé Wies Moens n’avait-il pas dit, en 1971: “La Flandre d’aujourd’hui, l’agitation politicienne qui y sévit, l’art, la littérature, tout cela ne me dit quasi plus rien. Je ne ressens aucune envie de revenir de mon exil”?

Ces mots, tous pleins d’amertume et de tristesse, nous les avons entendus sortir de la bouche de Wies Moens, alors âgé de 73 ans, lorsque nous l’avons rencontré dans son appartement de Neerbeek (Limbourg néerlandais) pour converser longuement avec lui. Nous avions insisté sur la nostalgie qu’il cultivait à l’endroit de sa chère Flandre, de son pays scaldien chéri, de sa ville de Termonde (Dendermonde) et sur la splendeur des douces collines brabançonnes près d’Asse. En ces années-là, Wies Moens était encore très alerte: il avait une élocution charmante pimentée d’un humour solide, il était un narrateur sans pareil. Mais ce poète, et ce chef populaire par excellence, observait, atterré, le délitement de la culture et l’involution générale du pays, amorcé dans les années 60. Les principes, les valeurs, qu’il avait défendus avec tant d’ardeur, périclitaient: l’inébranlable foi en Dieu du peuple des Flandres, l’esprit communautaire du catholicisme implicite de la population, l’idée de communion entre tous les membres d’un même peuple, la fierté nationale, le sens intact de l’éthique, l’idéal de l’artiste qui sert le peuple, tout cela allait à vau-l’eau.

Avec la vigueur qu’on lui connaissait, avec sa fidélité inébranlable aux principes qu’il entendait incarner, le poète septuagénaire fit une nouvelle fois entendre sa voix: elle s’éleva pour avertir le peuple des risques de déclin qu’il encourait. Il fut l’un des premiers! L’occasion lui fut donnée en 1967 lorsqu’il s’insurgea contre certains professeurs de l’université populaire de Geleen, dont il fut le directeur zélé et consciencieux à partir de 1955. Wies Moens fit entendre ses griefs contre le modernisme vide de toute substance que ces professeurs propageaient. Derrière son dos, la direction de l’université populaire décida de continuer sur cette lancée: Moens donna bien vite sa démission.

Un rénovateur

Wies Moens a été un poète avant-gardiste soucieux de ne pas se couper du peuple: il s’est engagé pour la nation flamande (et grande-néerlandaise) et n’a cessé de promouvoir des idées sociales et socialistes avancées. Dans ce contexte, il voulait demeurer un “aristocrate de l’esprit” et un défenseur de toutes les formes de distinction. Avec sa voix hachée, l’une de ses caractéristiques, le réaliste Wies Moens condamnait tous les alignements faciles sur les affres de décadence et de dégénérescence. On repère cette option dans le poème “Scheiding der werelden” (= “Divorce des mondes”), qu’il écrivit peu après avoir donné sa démission à Geleen en 1967:

“Ik wijs uw aanpassing af,
Die nooit anders is
Dan aanpassing benedenwaarts:
Een omlaagdrukken
Van het Eeuwige naar ’t vergankelijke,
Van het Gave naar ’t ontwrichte,
Van het Grote naar de middelmaat”

“Je rejette vos adaptations
Qui ne sont jamais autre chose
Qu’adaptations à toutes les bassesses
Une pression vers le bas
De l’Eternel vers le mortel
Du grand Don vers la déliquescence
De la Grandeur vers la médiocrité”.

Pendant toute sa vie Wies Moens n’a jamais été autre chose qu’un rénovateur: en toutes choses, il voulait promouvoir élévation et anoblissement. De même, bien sûr, dans ses idéaux politiques, comme, par exemple, celui, récurrent, de la réunification des Pays-Bas déchirés au sein d’un nouvel “Etat populaire Grand-Néerlandais” (= “Dietse Volksstaat”), s’étendant de la Somme au sud de la Flandre méridionale jusqu’au Dollard en Frise. Moens voulait la perfection par l’émergence d’un homme nouveau, aux réflexes aristocratiques immergés dans une foi profonde. Ce nouvel homme thiois (= Diets) serait ainsi la concrétisation du rêve du jeune poète Albrecht Rodenbach: “Knape, die telt een hele man”.

Pour évoquer ici la mémoire de Moens, notre principal poète grand-néerlandais, le rénovateur de notre art poétique moderne (que suivirent de grands poètes néerlandais comme Antoon van Duinkerken et Gabriël Smit), je commencerai par un de ses premiers poèmes, parmi les plus beaux et les plus connus, que plus personne, malheureusement, n’apprend de nos jours. Ce poème nous montre comment “l’esprit nouveau de ces temps nouveaux” d’amour fraternel s’exprimait avec force et hauteur dans les premiers recueils de Moens; prenons, par exemple, ce poème issu du recueil “De Boodschap” (= “Le Message”), de 1920:

“De oude gewaden
zijn afgelegd.
De frisse vaandels
Staan strak
In den morgen.
Aartsengelen
Klaroenen
Den nieuwen dag.

Wie het mes van zijn haat
Sleep op zijn handpalm,
Inkeren zal hij bij den vijand
En reiken zijn mond hem ten zoen!

Wie gin naar verdrukten
En droeg vertedering in ’t hart,
Hij wakkert hen op tot den Opstand
Die het teken van de Gezalfden
Zichtbaar maakt aan het voorhoofd
Der kinderen uit de verborgenheid!

Strak staan
De vaandels in den morgen.
Aartsengelen
Roren de trom.
De jonge karavanen
Zetten aan”.

“Les vieux oripeaux,
nous les avons ôtés.
Les étendards tout neufs
Sont dressés
Dans l’air du matin.
Les archanges
Au clairon annoncent
Le jour nouveau.

Celui qui a aiguisé le couteau
De sa haine dans la paume de la main,
Se repentira auprès de l’ennemi
Et lui tendra la bouche pour un baiser!

Qui porte attention aux opprimés
Et attendrissement en son coeur
Les incitera à la Rébellion,
Signe des Oints,
Rendra celui-ci visible au front
Des enfants des ténèbres!

Dressés sont
Les étendards dans l’air du matin.
Les archanges
Battent le tambour.
Les jeunes caravanes
Se mettent en marche”.

Avec des poèmes de ce genre, aux paroles drues, au symbolisme fort, avec d’autres titres, plus connus, comme “Laat mij mijn ziel dragen in het gedrang” (“Fais que je porte mon âme dans la mêlée”) ou “Knielen zal ik...” (“Et je m’agenouillerai...”) ou encore “Als over mijn hoofd de zware eskadronnen gaan...” (“Quand, au-dessus de ma tête, vont les lourds escadrons...”), Moens faisait fureur chez les jeunes amateurs de poésie, mais aussi chez les plus anciens, au début des années 20. Avec Paul Van Ostaijen, Marnix Gijsen et Karel van den Oever, il fut l’un des principaux représentant de l’expressionnisme flamand, mouvement dans lequel il incarnait le courant humanitaire.

La Flandre, au cours du 20ème siècle, n’a eu que peu de chefs, d’éducateurs du peuple et d’artistes du format de Wies Moens. Le principal de ses contemporains, parmi les artistes serviteurs du peuple et chrétiens, fut Ernest van der Hallen (1898-1948). Tous deux partageaient ce dégoût et cette haine de l’embourgeoisement et de la médiocrité que l’on retrouve chez un Romano Guardini ou un Léon Bloy.

Avant de prendre conscience des anciennes gloires nationales flamandes et néerlandaises, Wies Moens fut pris de pitié pour la misère sociale, pour la déchéance spirituelle et matérielle de la “pauvre Flandre” d’avant la première guerre mondiale. Une immense compassion naquit en lui, dès son enfance. C’est là qu’il faut voir l’origine du grand combat de son existence pour l’éducation populaire, pour l’élévation du peuple et pour sa libération. Il en témoigne dans l’esquisse épique et lyrique de sa vie, qu’il écrivit en 1944 sous le titre de “Het spoor”:

Eer ik uw grootheid zag, kende ik uw nood:
Uw armoe, Volk, ging eerder in mijn hart
Dan in mijn geest de rijkdom van uw roem

“Avant que je n’entrevis ta gloire,
je connus ta misère, ta pauvreté,
ô peuple, et ce fut d’abord en mon coeur
que ta richesse et ta gloire entrèrent,
bien avant qu’elles n’arrivassent en mon esprit”.

La tâche de sa vie a été d’élever le peuple haut au-dessus de ses petites mesquineries, de sa déréliction et de sa minorité: cet acharnement ne lui a rapporté que l’exil, l’ingratitude et l’incompréhension... mais aussi la conscience que “ce bon combat, il l’a mené jusqu’à l’extrême”. L’engagement social de Moens était bien plus vaste et profond que ce qui se fait en ce domaine de nos jours, avec les théories fumeuses du “progressisme”. Le souci que Moens portait au peuple s’est, au fil du temps, mué en un amour, inspiré de l’évangile, pour tout le peuple des Flandres et des Pays-Bas. A l’évidence, il a trouvé la voie du flamingantisme pour incarner cet amour, plus tard celle du nationalisme flamand et thiois, dans une perspective d’élévation du peuple, bien plus vaste que celle des partis de la politique politicienne. Dans les années 20, il émis de vigoureuses tirades contre les étudiants de l’AKVS, “parce qu’ils n’étaient pas assez sociaux”.

Un art au service de la communauté

Ce long et patient travail d’élever le peuple au-dessus de sa misère se reflète dans sa poésie, qui, sur le plan du rythme et du style, a évolué de l’expressionnisme humanitaire à connotations bibliques comme dans les recueils “De Boodschap”, “De Tocht”, “Opgangen” et “Landing” (années 20), tous marqués par un langage luxuriant, imagé et symbolique et un rythme chantant, pour aboutir, dès le milieu des années 30, à une poésie de combat pour le peuple, plus sobre et plus tranchante comme dans les recueils “Golfslag” (1935), “Het Vierkant” (1938) et “Het Spoor” (1944).

Ses derniers poèmes évoquent sa plongée dans la clandestinité, sa condamnation et son exil. “De Verslagene” (= “Le Vaincu”) de 1963 et “Ad Vesperas” de 1967 sont parfois tout compénétrés d’amertume mais, en dépit de cela, témoignent à nouveau d’une foi en Dieu inébranlée mais, cette fois, épurée, notamment dans “Verrijzenistijd” et “Late Psalm” (“Et Dieu fut... se répètent-ils...”). Jusque dans ses derniers vers, Wies Moens est resté le poète de la communauté catholique par excellence, fidèle à sa “foi néerlandaise”, selon laquelle l’art doit demeurer avant tout service à la communauté.

wm2.gifWies Moens ne cessera plus jamais de nous interpeller, surtout grâce à ses premiers poèmes, dont le sublime “Laat mij mijn ziel dragen in het gedrang...”, paru dans le recueil “De Boodschap”. Il l’a écrit à 21 ans, la veille de Noël 1918, quand il était interné à la prison de Termonde, pour avoir été étudiant et activiste. Dans le deuxième ver de ce poème, il esquisse déjà tout le travail qu’il s’assigne, celui d’éduquer le peuple:

“Tussen geringen staan en hun ogen richten naar boven
waar blinken Uw eeuwige sterren”.

“Se trouver parmi les humbles et tourner leurs regards vers le haut
où scientillent Tes étoiles éternelles”.

C’est avec ce poème, et avec d’autres, tirés de ses premiers recueils, qu’il a fortement influencé des poètes et des écrivains catholiques et non catholiques, tant dans les Pays-Bas du Nord qu’en Flandre. Dans le Nord, citons notamment Antoon Van Duinkerken, Gabriël Smit, Henri Bruning et Albert Kuyle. C’est aussi cette poésie au service de la communauté populaire qu’il défendra et illustrera lorsqu’il deviendra le secrétaire de l’association du “Théâtre populaire flamand” (“Vlaamse Volkstoneel”), une association qu’il contribuera à rénover entre 1922 et 1926, ou lorsqu’il sera le correspondant du très officiel quotidien néerlandais “De Tijd” ou encore le collaborateur attitré de revues comme “Pogen”, “Jong Dietsland”, “Dietbrand” et “Volk” (que les Allemands jugeront “trop catholique”).

Contrairement à bon nombre de ses anciens compagnons de combat, Wies Moens n’a jamais fléchi, n’a jamais abandonné les idéaux auxquels il avait adhéré. Au contraire, l’exilé, devenu âgé, n’a cessé de rejeter les édulcorations de l’idéal, toutes les formes de concession. La Fidélité est resté sa vertu la plus forte:

“De Trouw moet blijke’ in onheils bange dagen.
Zij moet als ’t koren lijden harde slagen.
Het kaf stuift weg, men houdt het kostbaar graan!”.

“Elle doit demeurer, la Fidélité, dans les jours de peur et de malheur.
Elle doit éprouver les coups les plus durs, comme le blé.
Car alors l’ivraie partira, virevoltante, et le bon grain, si précieux, demeurera!”.

“Brederode” / “ ’t Pallieterke”.
(article paru dans “’ t Pallieterke”, Anvers, 28 mars 2012).

vendredi, 06 avril 2012

Günter Grass und die schuldstolze Agitprop

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Erik LEHNERT

Günter Grass und die schuldstolze Agitprop

Ex: http://www.sezession.de/

Günter Grass ist wieder rückfällig geworden. Damit ist nicht der moralische Zeigefinger gemeint, den er sowieso immer ausgestreckt hält, sondern sein merkwürdiger Zwang, Gedichte schreiben zu müssen. Unter „Gedicht“ kann man eine ganze Menge verstehen. Ob es allerdings reicht, einen sehr kurzen Text durch einige Umbrüche zu strukturieren, um daraus ein Gedicht zu machen, ist zweifelhaft. Wenn Heiner Müller auf diese Weise „dichtete“, kamen dabei wenigstens Unterhaltsames und Nachdenkenswertes heraus.

Bei Grass ist es Agitprop geworden, die auf eine Weise platt daherkommt, daß man niemals auf die Idee käme, daß es sich beim Autor um einen Nobelpreisträger handelt. (Gut, Dario Fo ist auch einer, aber der ist wenigstens nicht humorfrei.) Dabei geht es weniger um den Inhalt (Iran/Israel etc.), sondern um die märtyrerhafte Form der Darbietung: „Was gesagt werden muß“ – und sich keiner traut, weils keiner sagen darf. Nur Günter traut sich, er nimmt alle Last auf sich, um stellvertretend für alle Deutschen die Wahrheit zu sagen. Er ist ein Märtyrer. Danke, Günter, wir werden Deiner gedenken.

Auf den ersten Blick geben ihm die Reaktionen auf sein „Gedicht“ sogar recht: Henryk M. Broder holt die größte Keule raus, die er finden kann und nennt Grass den „Prototypen des gepflegten Antisemiten“ und alle folgen ihm: Grass war immer Nazi, damals in der Waffen-SS und später als Linker, worüber soll man sich da noch wundern. Daß Grass nur ein Prototyp des gepflegten Moralisten ist, fällt dabei kaum jemanden auf. In seinem „Gedicht“ heißt es ja, daß er Sorge um den Weltfrieden hat, ein Freund Israels ist und überhaupt nur das Gute befördern helfen will.

Ganz in diesem Sinne äußert sich ausgerechnet ein SPD-Politiker aus Mecklenburg-Vorpommern, der den „reflexhaft erhobenen Vorwurf des Antisemitismus“ kritisiert und (Achtung, Achtung!) diesen Reflex „so stark im deutschen Schuldstolz verankert“ sieht, daß Grass´ Freundschaft zu Israel nicht wahrgenommen wird. (Die Schuldstolz-Studie des IfS scheint es also bis in den Schweriner Landtag geschafft zu haben.)

Ist Grass also wirklich ein Märtyrer, der es auf sich genommen hat, als Antisemit (der schlimmsten aller Zuschreibungen) zu gelten, um die Wahrheit zu sagen? Wohl kaum. Der Versuch, ihn zur Strecke zu bringen, wird scheitern: Grass hat wichtige Verbündete in Politik und Medien (sonst wäre das „Gedicht“ gar nicht gedruckt worden) und, da hat Broder recht, nicht wenigen spricht die simple Logik aus der Seele. Wenn seine Bigotterie in Sachen persönlicher Vergangenheitsbewältigung ihm nichts anhaben konnte (er forderte von anderen Aufklärung, schwieg aber selbst), wird das hier wohl erst recht nicht geschehen.

Zumal Grass in einem ganz wichtigen Punkt auf Linie ist. So heißt es in dem „Gedicht“:

Warum aber schwieg ich bislang?

Weil ich meinte, meine Herkunft,

die von nie zu tilgendem Makel behaftet ist,

verbiete, diese Tatsache als ausgesprochene Wahrheit

dem Land Israel, dem ich verbunden bin

und bleiben will, zuzumuten.

Nun wird er mit seiner Herkunft kaum seine kaschubische, sondern seine deutsche Abstammung meinen. Und der „nie zu tilgende Makel“ ist vermutlich die Schuld gegenüber den Juden, mit der alles Deutsche behaftet ist und bleiben wird. Das Wort „Herkunft“ legt in diesem Zusammenhang nahe, daß der Makel vererbbar und somit eher genetisch veranlagt ist. Also kann Grass nichts für diesen Makel und kann eben doch die Wahrheit sagen (zumal er ja lange im Sinne des Makels gehandelt hat). Und, so wird man sagen können, Grass trägt diesen Makel der Schuld nicht ohne Stolz. Er gibt seinem „Gedicht“ erst den richtigen Sound.

 

jeudi, 05 avril 2012

Louis-Ferdinand Céline : Le gribouilleur céleste

Louis-Ferdinand Céline : Le gribouilleur céleste

Ex: http://www.lepetitcelinien.com/

 
Victor Hugo louait Charles Baudelaire pour avoir introduit « un frisson nouveau dans la poésie ». L’homme qui à introduit un frisson nouveau dans le roman ; c’est Louis-Ferdinand Céline.

Si le XIXème siècle a eu le privilège de le voir naitre, le XXème siècle a eu celui de le voir écrire. Écrire, déstructurer, casser, broyer, pour enfin révolutionner une langue française essoufflée. On entre dans l’œuvre de Céline comme on s’élance au cœur d’une cathédrale dévastée, car, n’en déplaise à Baudelaire, pas de place ici pour le luxe, le calme et la volupté. L’écrivain compose sur les ruines de l’humanité, assassinant jusqu’à l’amour qu’il « traque, abîme, et qui ressort de là : pénible, dégonflé, vaincu… ».
Atypisme revendiqué, populisme lyrique, musicalité de la prose ; la plume de Céline est un « scalpel de mage ». Chaque virgule est un rouage d’argent dans une mécanique d’or, chaque page se « débrousse comme le temple d’Anghkor », chaque couteau tiré est une larme qui tombe, chaque mensonge est une demi-vérité. Céline était médecin des pauvres. Sans doute a-t-il autant soigné par son œuvre que par sa médecine.
L’alchimiste des mots n’a pourtant pas compté ses détracteurs. L’anti-judaïsme philosophique, qu’il partage avec bon nombre de grands auteurs, Voltaire et Hugo en tête, lui aura valu la mise à l’index et l’opprobre de ses contemporains. À la suite de la publication de ses pamphlets, Sartre « l’agité du bocal », traducteur d’Heidegger, ira jusqu’à l’accuser de collaboration avec l’ennemi. C’était oublier que si Céline pouvait tremper sa plume dans l’ambroisie, il pouvait aussi la noyer dans le cyanure. La réponse qu’il fit à Sartre éleva jusqu’au mythe l’art de la diatribe. Il y a fort à parier que le « ténia aux yeux embryonnaires » regretta longuement son commentaire. Fort de cette séance épistolaire d’acupuncture au pic à glace, sonnant comme un rappel à l’ordre, il préféra le silence au ridicule. A croire que lui aussi sortit de là : pénible, dégonflé et vaincu.
Auteur controversé, à la fois adulé et maudit, Céline n’a incarné qu’une école: la sienne. Son histoire est celle d’un nihiliste marginal, chansonnier du chaos, pessimiste et lucide à l’égard de la nature humaine. Sa vision de l’homme se résume à la victoire de Caliban sur Ariel. Force est de constater que cinquante années après, la « révolte de l’esprit sur le poids » n’a pas eu lieu.
Les controverses à l’endroit de Céline en sont les exemples les plus probants. Douce mascarade que celle qui consiste à retirer le maudit de Meudon des célébrations nationales. Preuves que les pressions communautaristes prévalent sur la légitimité des ministres français. En attendant bienveillamment que la famille Klarsfeld, descendante directe de Tomas de Torquemada, prenne la peine de se déplacer outre-manche pour demander l’autodafé en grande pompe des œuvres de Shakespeare pour son « Marchand de Venise », finissant leur voyage en Allemagne afin de prétendre à la saisie de tous les ouvrages de Schopenhauer, notamment son « Foetor Judaicus ».
Un racket moral à deux vitesses qui confine au grotesque mais qui finit pourtant noyé dans les eaux troubles du conformisme. Et tous les demi-spécialistes qui s’excitent, pérorent, rhétorent sur l’ambivalence d’un talent schizophrène. Autant de commentateurs volontaires qui lisent sans projeter et dissertent sans comprendre qu’il n’y a jamais eu qu’un seul système, qu’une seule vision du monde, qu’un seul Céline.
On peut penser que la prolongation post-mortem de l’anathème aurait convenu au docteur Destouches, voire qu’il l’aurait souhaité. Quoi de plus mesquin, en effet, que d’être couronné par un siècle qui s’est fait un sacerdoce d’ériger la tartufferie en vertu cardinale. Les époques pardonnent tout à leurs contemporains, sauf le génie. Lui qui appréhendait avec beaucoup de quiétude le repos de sa mort, je crains que sa plume n’ait jouée contre lui.
Son talent l’a rendu immortel. Et s’il vous vient l’envie de vérifier ce céleste postulat, rendez-vous au cimetière de Meudon. Asseyez-vous près de la roche qu’il partage avec son épouse « à l’ombre du monument adjudicataire et communal élevé pour les morts convenables dans l’allée du centre ». Regardez la pierre gravée, respirez, ouvrez « le voyage ». Alors vous conviendrez que cet endroit est le seul au monde ou Louis-Ferdinand Céline ne se trouve pas.

Maxime LE NAGARD
Le Bréviaire des patriotes, 22 mars 2012.

Günter Grass difende l’Iran con una poesia

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Günter Grass difende l’Iran con una poesia

di Andrea Tarquini (Günter Grass)

Fonte: La Repubblica [scheda fonte]


Il testo del Nobel per la letteratura rifiutato dal settimanale di Amburgo "Die Zeit"
Attacco anche alla Germania per la fornitura di sottomarini allo Stato ebraico

Torna in campo Günter Grass. E lo fa con testo poetico destinato a suscitare polemica. Il Nobel della letteratura sostiene che il vero pericolo per la pace è Israele e non l´Iran, il deterrente nucleare israeliano e non l´arsenale che Ahmadinejad starebbe costruendo.
Rieccolo in campo, torna come sempre, da intellettuale impegnato di tutto il lungo dopoguerra, a lanciare le provocazioni più scomode possibili. Decenni fa in campagna elettorale per Brandt cancelliere della pace, questa volta sul tema caldo mondiale del momento, i piani atomici iraniani: secondo lui il vero pericolo per la pace è Israele e non l´Iran, il deterrente nucleare israeliano e non l´arsenale che Ahmadinejad sta costruendo. Di chi parliamo? Di Guenter Grass. Il Nobel per la letteratura, il massimo scrittore tedesco vivente, con la poesia che pubblichiamo vuole aprire un dibattito che si annuncia confronto lacerante, a livello globale.
"Quel che deve essere detto", s´intitola la lirica. In uno stile politico-didattico che ricorda il Brecht più impegnato e aggressivo, Grass lancia un attacco durissimo contro la politica dello Stato d´Israele, e contro la Repubblica federale. Perché, in nome della responsabilità per il passato chiamato Olocausto e del nuovo ruolo di potenza-leader di Berlino, la Germania di Angela Merkel ha fornito a prezzi stracciati sei sottomarini ultramoderni alla Hel ha´Halama le Israel, la Marina israeliana. Sottomarini che possono sparare missili da crociera.
Un´arma made in Germany per l´ultima difesa, deterrente da minacciare di usare per non usarlo, come fu con le atomiche tra Usa e Urss nella guerra fredda. In tecnica e strategia militari moderne, spieghiamolo al lettore, i missili lanciati da sottomarini servono a una risposta nucleare a un attacco nucleare subìto, non a un primo colpo. Il primo colpo atomico lo spari con i missili terrestri, come quelli che Teheran acquista in Corea del Nord. E non Gerusalemme e Washington, bensì l´Agenzia internazionale per l´energia atomica (Aiea) che fu guidata dal grande politico egiziano Mohammed el Baradei, denuncia per prima il programma atomico iraniano.
Grass non è d´accordo, non ci sta. Nel poema parla del deterrente israeliano come "minaccia alla pace". Una minaccia, si potrebbe sottintendere, va eliminata. Parla degli U-Boot tedeschi per Gerusalemme scrivendo di "crimine prevedibile, e nessuna delle nostre scuse cancellerebbe la nostra complicità". E denuncia "l´ipocrisia dell´Occidente". Tirades non nuove: da sempre Grass è un grande polemista, non solo un grande letterato. Anni fa, in "im Krebsgang", raccontando del piroscafo Wulhelm Gustloff carico di civili e silurato dai russi nel Baltico, dipinse i tedeschi in qualche modo come vittima della Seconda guerra mondiale. Più tardi, dopo un lunghissimo silenzio, in "Sbucciando la cipolla", confessò di aver prestato servizio nelle SS da giovane, credendoci. Passato e presente si confondono nell´eterno dramma tedesco. Ma questa volta è anche diverso. Die Zeit, l´illustre settimanale di Amburgo, ha rifiutato di pubblicare la poesia. La pubblicherà invece oggi (insieme a Repubblica, El Paìs, e a Politiken in Danimarca) la liberal Sueddeutsche Zeitung. «Grass è il più noto e massimo scrittore tedesco vivente, un Nobel, è sempre stato nel dibattito politico non si censura, si pubblica, in una certa misura i media sono anche bacheche, e Grass è uno dei tedeschi più famosi nel mondo», mi dice Heribert Prantl, direttore nella direzione collegiale della Sueddeutsche.
«Non si può censurare Grass, anche se si ritengono fuorvianti alcune sue opinioni», continua Prantl. «Forse riceverà applausi da una parte, interviene con una poesia nel dibattito, posso solo accettare l´intervento come contributo lirico al dibattito». Non si censurano i grandi intellettuali, insomma, neanche quando possono violare gravi tabù della Memoria o travisano la realtà odierna. La discussione è lanciata.


Quello che deve essere detto"
di Günter Grass


Perché taccio, passo sotto silenzio troppo a lungo
quanto è palese e si è praticato
in giochi di guerra alla fine dei quali, da sopravvissuti,
noi siamo tutt´al più le note a margine.

E´ l´affermato diritto al decisivo attacco preventivo
che potrebbe cancellare il popolo iraniano
soggiogato da un fanfarone e spinto al giubilo organizzato,
perché nella sfera di sua competenza si presume
la costruzione di un´atomica.

E allora perché mi proibisco
di chiamare per nome l´altro paese,
in cui da anni - anche se coperto da segreto -
si dispone di un crescente potenziale nucleare,
però fuori controllo, perché inaccessibile
a qualsiasi ispezione?

Il silenzio di tutti su questo stato di cose,
a cui si è assoggettato il mio silenzio,
lo sento come opprimente menzogna
e inibizione che prospetta punizioni
appena non se ne tenga conto;
il verdetto «antisemitismo» è d´uso corrente.
Ora però, poiché dal mio paese,
di volta in volta toccato da crimini esclusivi
che non hanno paragone e costretto a giustificarsi,
di nuovo e per puri scopi commerciali, anche se
con lingua svelta la si dichiara «riparazione»,
dovrebbe essere consegnato a Israele
un altro sommergibile, la cui specialità
consiste nel poter dirigere annientanti testate là dove
l´esistenza di un´unica bomba atomica non è provata
ma vuol essere di forza probatoria come spauracchio,
dico quello che deve essere detto.

Perché ho taciuto finora?
Perché pensavo che la mia origine,
gravata da una macchia incancellabile,
impedisse di aspettarsi questo dato di fatto
come verità dichiarata dallo Stato d´Israele
al quale sono e voglio restare legato
Perché dico solo adesso,
da vecchio e con l´ultimo inchiostro:
La potenza nucleare di Israele minaccia
la così fragile pace mondiale?
Perché deve essere detto
quello che già domani potrebbe essere troppo tardi;
anche perché noi - come tedeschi con sufficienti colpe a carico -
potremmo diventare fornitori di un crimine
prevedibile, e nessuna delle solite scuse
cancellerebbe la nostra complicità.

E lo ammetto: non taccio più
perché dell´ipocrisia dell´Occidente
ne ho fin sopra i capelli; perché è auspicabile
che molti vogliano affrancarsi dal silenzio,
esortino alla rinuncia il promotore
del pericolo riconoscibile e
altrettanto insistano perché
un controllo libero e permanente
del potenziale atomico israeliano
e delle installazioni nucleari iraniane
sia consentito dai governi di entrambi i paesi
tramite un´istanza internazionale.

Solo così per tutti, israeliani e palestinesi,
e più ancora, per tutti gli uomini che vivono
ostilmente fianco a fianco in quella
regione occupata dalla follia ci sarà una via d´uscita,
e in fin dei conti anche per noi.

(Traduzione di Claudio Groff)

Tante altre notizie su www.ariannaeditrice.it

Le Bulletin célinien n°340 - avril 2012

Le Bulletin célinien n°340 - avril 2012

Vient de paraître : Le Bulletin célinien n°340.

Au sommaire :

- Marc Laudelout : Bloc-notes
- M. L. : Céline dans la presse
- P.-L. Moudenc : Cette prose flamboyante
- P.-L. Moudenc : Les souvenirs de Henri Mahé
- Bernard Baritaud : Pour une association Mac Orlan
- Pol Vandromme : Maurice Bardèche et Céline
- André Suarès : Les rires de crocodile [1946]
- Louis-Albert Zbinden : La blessure d’un paradis perdu [1973]
- B.C. : Une version célinienne du mythe de Babel [1]

Un numéro de 24 pages, 6 € franco.

Le Bulletin célinien, B. P. 70, Gare centrale, BE 1000 Bruxelles.

 

Le Bulletin célinien n°340 - Bloc-Notes

La bibliographie Tout sur Céline serait-elle l’Arlésienne ? Annoncée pour l’année du cinquantenaire de la mort de l’écrivain, elle n’a pas encore vu le jour. Aussi convient-il de s’en expliquer auprès des souscripteurs. Cette bibliographie a, comme on le sait, trois co-auteurs : Arina Istratova, Alain de Benoist et Marc Laudelout. Le but de l’imposante Bibliographie des écrits de Louis-Ferdinand Céline, publiée il y a plus de vingt-cinq ans par Jean-Pierre Dauphin et Pascal Fouché, n’était pas de prendre en compte l’abondante littérature secondaire qui a été consacrée à l’auteur de Nord ¹. C’est cette situation que les auteurs de Tout sur Céline ont voulu pallier. Leur bibliographie référencera tous les livres, brochures, tirés à part, travaux universitaires et numéros spéciaux de revues, parus en langue française et dans d’autres langues, qu’il a été possible d’identifier. Elle ne citera ni les articles sur Céline, dont la recension exhaustive serait difficilement réalisable (mais a déjà été entreprise par Jean-Pierre Dauphin pour la période 1914-1961 ²), ni – sauf très rares exceptions qui ont paru justifiées – les livres qui ne consacrent à Céline que des sections ou des chapitres particuliers : histoires générales de la littérature, études diverses sur les « fascismes littéraires », etc.
Cette bibliographie comprendra cinq parties principales : (A) les publications périodiques et les séries éditoriales entièrement consacrées à Céline ; (B) les travaux universitaires (mémoires, masters et thèses) dont Céline a fait l’objet ; (C) les ouvrages publiés ; (D) la documentation filmographique (émissions télévisées essentiellement) ; (E) la documentation phonographique (émissions radiophoniques, discographie, partitions). Un complément relatif à Internet constituera la partie (F). Une dernière partie (G) recensera les associations spécialisées dans les études céliniennes.
Cette bibliographie fournira au total près de 2000 références, dont plus de 800 thèses ou mémoires universitaires identifiés. C’est précisément cette partie-là qui donne le plus de fil à retordre aux auteurs. Alors même qu’ils en étaient au stade des épreuves, ils ont encore constaté de trop nombreuses erreurs dues au fait que les travaux universitaires (non publiés) sont souvent mal répertoriés. Nombreux sont, dans ce domaine, les renseignements lacunaires ou tout simplement erronés. Cela s’explique par le fait que toutes les universités ne recensent pas de manière méthodique et précise les thèses soutenues en leur sein. La situation est, comme on s’en doute, encore plus complexe pour les mémoires de maîtrise. Les auteurs espèrent clôturer enfin ce vaste chantier cette année. Le tirage sera limité à 300 exemplaires. Tous ceux qui ont souscrit sont bien entendu assurés de recevoir cette bibliographie dès sa sortie de presse ³. Nous espérons qu’ils voudront bien ne pas (trop) tenir rigueur de ce retard aux auteurs. L’un des souscripteurs, célinien patenté et chercheur de talent, a bien voulu faire part de sa compréhension : « Pour ma part, perfectionniste comme je le suis, je sais trop bien qu’il faut prendre tout le temps nécessaire pour faire un travail se rapprochant le plus possible de la perfection. Par conséquent, même si votre bibliographie ne sortait que dans un an, je n’en ferai pas un drame. » Puissent tous les autres souscripteurs partager ce sentiment !

Marc LAUDELOUT


1. Jean-Pierre Dauphin & Pascal Fouché, Bibliographie des écrits de Louis-Ferdinand Céline, 1918-1984, BLFC, 1984. Cet ouvrage est épuisé mais une version électronique est disponible sur www.biblioceline.fr
2. Jean-Pierre Dauphin, Bibliographie des articles de presse & des études en langue française consacrés à L.-F. Céline, 1914-1961, Du Lérot, 2011.
3. La souscription est actuellement close. Le prix de vente est de 65 €, frais de port inclus.

mercredi, 21 mars 2012

Céline, profeta de la decadencia

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Céline, profeta de la decadencia

GISELLE DEXTER Y ROBERTO BARDINI

Ex: http://www.elmanifiesto.com/


"Rencorosos, dóciles, violados, robados, con las tripas fuera y siempre jodidos. (...) Hemos nacidos fieles y así morimos". El autor de esta frase es un médico, físico y viajero francés a quien nadie conoce por su verdadero apellido: Destouches.

En cambio, los ambientes literarios y culturales de todo el mundo reconocen su talento magistral como escritor bajo el nombre que eligió para entrar –sin saberlo, entonces– por la puerta grande de la literatura: Louis Ferdinand Céline (1884-1961). La frase citada pertenece, precisamente, a la obra que lo consagró internacionalmente: Viaje al fin de la noche.

Céline sucumbió, junto con un grupo de jóvenes y talentosos intelectuales franceses, a lo que Benito Mussolini llamó "la tentación fascista", en el período que va de la primera a la segunda guerra mundiales. Este "pecado", con variantes, también se dio en Bélgica, Holanda, Noruega, Finlandia, Croacia, Polonia y Hungría. Ninguno de estos países, sin embargo, contó con una congregación de autores tan brillante, trágica y malograda como la de Francia. Entre sus principales exponentes figuran, entre otros, Pierre Drieu la Rochelle y Robert Brasillach. A todos ellos se les aplicó, según los casos, la ley del "encierro, destierro o entierro"; todos ellos recibieron el despectivo apodo de colabos, es decir "colaboracionistas" con el enemigo.

Una intelectual italiana antifascista y feminista, María Antonietta Machiochi, define a Céline como "el más genial de los escritores nazifascistas". A muchos historiadores, literatos y críticos les resulta muy difícil digerir esta doble realidad que incluye el reconocimiento a su genialidad como escritor y su identidad "políticamente incorrecta". Y, por si fuera poco, hay que agregar una faceta más: su rabioso antijudaísmo.

"Uno de los gigantes de nuestra época"

Lo cierto es que no existe polémica acerca de su talento; casi todos los prólogos a sus obras incluyen, junto con el repudio a su elección ideológica, las alabanzas al estilo literario: "escritura hablada", "anárquica expresividad", "grafía desquiciada". Entre las etiquetas también hay que incluir "absoluto cinismo", "pesimismo radical", "nihilismo deslumbrante". Sus admiradores políticos, incluso, lo llaman "el profeta de la decadencia europea"... Y se podría continuar.

Uno de sus adversarios, Jean Paul Sartre, quien antes de convertirse en filósofo existencialista había sido simpatizante comunista, escribe en 1946: "Tal vez Céline sea el único que permanezca de todos nosotros". Etienne Lalou, novelista, cronista de L’Express y productor de radio y televisión, dice: "Céline ha restituido al francés hablado sus títulos de nobleza y, sin él, una parte de la literatura moderna no sería lo que es". Lalou, un creador alejado de cualquier cosa vinculada a Hitler y Mussolini, lo llama "uno de los gigantes de nuestra época".

Céline es voluntario en la Primera Guerra Mundial, de la que regresa con el 75 por ciento de su cuerpo mutilado. Al terminar el conflicto, comienza a estudiar medicina. Egresa en 1924, con una tesis sobre el médico húngaro Felipe Ignacio Semmelweis (1818-1865), a quien un colega contemporáneo definió como "un poeta de la bondad". Esa tesis se convertirá en 1937 en Semmelweis, una bella biografía sobre el investigador que luchó contra la fiebre puerperal hasta el último día de su vida. En la nota preliminar de este libro, el novelista español Juan García Hortelano (1928-1992) escribe:

"La agresividad, componente indispensable de la obra maestra, alcanza en Céline al universo entero y verdadero. En el caos, el asesinato, la injusticia, el terror y la debilidad juegan la partida; el que pueda envidar, gana; sólo perderán los débiles, para quienes la opción se limita a la fuga o la muerte. Céline, en absoluto partidario del suicidio, es el primer escapista que, refractario a la mentira, no huye. Tampoco se apiada (...).Destruye el mundo, minuciosamente (...), con el arma que supo manejar. Céline es un lenguaje nuevo. Del francés hablado, mal hablado, destiló un sistema de ruptura de la lengua, en el que reside toda su gloria".

Novela "irreductible y salvaje"

Céline se alista en la marina. De 1924 a 1928 integra misiones de la Sociedad de Naciones en África y Estados Unidos; por su cuenta, visita la Unión Soviética. Al regreso a Francia, trabaja en una clínica estatal en Clichy, un suburbio al norte de París, donde prácticamente sólo atiende a pobres. En 1940, se presenta nuevamente al ejército como voluntario pero es rechazado por las secuelas de sus heridas anteriores.

Su obra incluye los siguientes títulos: Viaje al fin de la noche (1932), Muerte a crédito (1936), Mea Culpa (publicado luego de su regreso de la Unión Soviética, 1936), Bagatelles pour un massacre (1937), L´école des cadavres (1938), Les Beaux Draps (1941), Guignol´s Band (1943), Casse Pipe (1949), Feerie pour une autre fois (1952), De un castillo a otro (1957), Norte (1960) y Rigodon, publicada después de su muerte.

Con Viaje al fin de la noche gana el premio Renaudout. Ferdinand Bardamu, el protagonista de la novela, es un héroe desilusionado y castigado que vive experiencias extremas, siempre al borde del abismo: herido en la Primera Guerra mundial, enamorado de una prostituta sin futuro, víctima de un trabajo embrutecedor en las colonias francesas en África, perseguidor del "sueño americano" –que no se parece al del publicitado mito– y de nuevo en Francia como médico rural de campesinos miserables.

Las reflexiones de Viaje al fin de la noche sobre la condición humana son amargas. Robert Saladrigas escribe en "Céline, el recluso de Dinamarca" (La Vanguardia, Cataluña, 24 de julio de 2002): "Novela única, irreductible, salvaje; un sólido monumento literario contra el que nada han podido el tiempo, los tifones de la historia ni la aberrante ideología de quien la escribió con un talento que desborda cualquier esquema en el que se pretenda encajarla. Es difícil no pensar en una poderosísima creación de la naturaleza que resulta literalmente abrumadora". En Viaje al fin de la noche se lee:

"Los hombres se aferran a sus cochinos recuerdos, a todas sus desgracias, y no se les puede sacar de ahí. Con eso ocupan el alma. Se vengan de la injusticia de su presente revolviendo en su interior la mierda del porvenir. Justos y cobardes que son todos, en el fondo. Es su naturaleza. (...) Os lo digo, infelices, jodidos de la vida, vencidos, desollados, siempre empapados de sudor; os lo advierto: cuando los grandes de este mundo empiezan a amarlos es porque van a convertirlos en carne de cañón".

Un destino trágico

Después de la caída del régimen de Vichy, la vida de Céline será una sucesión de sufrimientos que parecen copiados de sus propias novelas. Y parece confirmarse que la vida imita al arte hasta en sus aspectos más desgarradores.

Radio Londres, portavoz de la Resistencia Francesa, ofrece una recompensa por su captura, vivo o muerto. En 1944, Céline se retira de Francia junto con las tropas alemanas. Hace una escala en Alemania, donde paradójicamente sus libros están prohibidos. De ahí, busca refugio en la neutral Dinamarca. El Consejo Nacional de los Escritores, vinculado con la Resistencia, divulga una "lista negra" con doce autores colaboracionistas; él, desde luego, es uno de ellos. Entre los escritores denunciantes se encuentran muchos envidiosos del talento del "profeta de la decadencia", que no pueden tolerar el éxito de Viaje al fin de la noche.

En septiembre de 1945, un juez le dicta orden de arresto por "traición a la patria". Poco después, una denuncia anónima informa a la embajada francesa en Copenhague que el fugitivo se encuentra en esa ciudad. El 17 de diciembre de 1945, Céline es encarcelado. El novelista permanecerá en una celda de la severa prisión de Vestre Faengsel durante 16 agónicos meses. Entre otros vejámenes, sus carceleros lo mantienen sin calefacción en pleno invierno danés. Hay que tomar en cuenta que había quedado mutilado después de la Primera Guerra; además, estaba enfermo y se le agravaron sus dolencias hasta límites insoportables: enteritis, pelagra y reumatismo. Céline sale en libertad el 24 de junio de 1947, sin cargos, con 40 kilos menos.

El juicio al escritor "maldito" se lleva a cabo el 21 de febrero de 1950, en París, en ausencia de acusado y de un abogado defensor; lo condenan a un año de prisión, pena inferior a la cumplida con carácter preventivo en Dinamarca. Puede regresar a Francia recién el primero de julio de 1951. A seis años de terminada la guerra, toda su obra ha sido destruida.

Se establece con su mujer y decenas de gatos y perros en Meudon, cerca de París. En 1953 abre un consultorio médico para atender a personas sin recursos. Se hace imprimir tarjetas de presentación en las que se lee: "Louis Ferdinand Céline - Ave del paraíso". Recibe siete u ocho cartas diarias con insultos y amenazas; y otras tantas llenas de admiración y elogios. Unas y otras lo tienen sin cuidado. Escribe: "Anarquista soy, he sido, sigo siendo. ¡Y me traen sin cuidado las opiniones!"

Poco a poco, Céline recupera el prestigio literario que, a pesar de todo, le pertenece. Pero el sistema se lo devuelve a regañadientes, haciendo constar siempre que había sido –y continuaba siendo– un "maldito". En 1953, la editorial Gallimard edita nuevamente sus libros. De la larga lista de sus obras, cuatro continúan prohibidas a casi medio siglo de haber sido escritas: Bagatelles pour un massacre, L´école des cadavres, Les Beaux Draps y Mea Culpa. Y esto en Francia, país que se reconoce a sí mismo como cuna del liberalismo, precursor de la moderna democracia, practicante del lema Igualdad, fraternidad, solidaridad.

El marginado vuelve a escribir. Relata sus experiencias durante el exilio en De un castillo a otro (1957), Norte (1960) y Rigodon, publicada póstumamente. En 2002 se divulgan sus Cartas de la cárcel. Son casi 200 mensajes originalmente escritos en el áspero papel de baño carcelario, recopilados por su biógrafo François Gibault. "Sufro mi destino. No sé de qué crímenes soy culpable. Pero esta incertidumbre puede durar –me temo– años", dice Céline en una de sus cartas. Y en otra: "Es duro tener un mundo entero de odio contra uno".

En el prefacio, Gibault, refiriéndose a los panfletos antisemitas de Céline, explica que éste "sabía lo que había escrito antes de la guerra y por qué lo había escrito". Pero cuando se descubrió el genocidio judío "aquellos panfletos adquirían un cariz trágico que nadie había descubierto ni denunciado en el momento de su publicación, mientras que él mismo aparecía como un asesino". Sus escritos, elaborados para evitar la guerra, "pero con las exageraciones sin las cuales Céline no habría sido el que era y que aparecían a la luz de los acontecimientos como incitaciones a la matanza, servían de pretexto, pese haber sido escritos antes del genocidio, para una partida de caza en la que el objetivo era él".

Carlos Manzano, traductor de Cartas de la cárcel –y de la mayoría los libros de Céline en español– respalda las afirmaciones de François Gibault: "Él sentía desprecio por los alemanes, nunca fue colaborador de los nazis. Siempre lo negó y nunca se pudo demostrar nada; después, cuando volvió a Francia, se encerró y nunca quiso hablar con la prensa ni con nadie".

En mayo de 2002, el primer manuscrito de Viaje al fondo de la noche fue subastado en París por casi un millón 800 mil dólares. Las 876 páginas del original –llenas de tachaduras y correcciones– quedaron en Francia ya que la Biblioteca Nacional interpuso su derecho prioritario para que el texto no salga del país. Para los especialistas, el hallazgo del texto tiene un valor inestimable, ya que permite comprender los mecanismos mediante los cuales se construyó una de las obras más importantes y sombrías del siglo XX. Durante más de 40 años, el original fue motivo de las más increíbles versiones: se decía que fue perdido, recuperado y quemado por Céline; también que estaba oculto en Argentina, en manos de nazis refugiados.

La suma que se pagó por el histórico escrito de Céline superó el monto en que fue subastado, en 1988 por la casa Sotheby’s, el manuscrito de El proceso, de Franz Kafka: un millón y medio de dólares. El texto del primer tomo de En busca del tiempo perdido, de Marcel Proust, otro clásico, fue rematado en 2001 por Christie’s en poco más de un millón de dólares.

Dejemos algunas reflexiones finales por cuenta de Andreu Navarra Ordoño, autor de "Céline: el hombre enfadado" (revista Babab Nº 11, Madrid, enero de 2002), quien define a Viaje al fondo de la noche como "una de las más feroces sátiras contra la civilización occidental". El escritor español se pregunta: "¿Es injustificado desentenderse del mundo cuando éste se ha convertido en una estafa universal, en algo así como una trampa a gran escala? ¿Cómo no hubiera podido enfadarse ante semejante espectáculo? ¿Niega Céline alguna vez las acusaciones de que fue objeto? En absoluto. Sí nos ofrece sus reflexiones, nunca alegaciones".

Céline falleció en Meudon en 1961, a los 77 años. En algún momento de su vida, escribió: "En este mundo vil, nada es gratuito. Todo se expía: el bien, como el mal, se paga tarde o temprano. El bien mucho más caro, lógicamente".

© Giselle Dexter y Roberto Bardini

lundi, 12 mars 2012

Le Bulletin célinien n°339 - mars 2012

Le Bulletin célinien n°339 - mars 2012

Vient de paraître : Le Bulletin célinien n°339.

Au sommaire :

Marc Laudelout : Bloc-notes
M. L. : Milton Hindus et L.-F. Céline
Pascal Ifri : In memoriam Milton Hindus
M. L. : La rencontre à Korsør
Philippe Alméras : Milton Hindus face au géant
M. L. : Corinne Luchaire et Céline
Jacqueline Demornex : Le noir destin de Corinne Luchaire
*** : Corinne Luchaire et Céline. De Baden-Baden à Sigmaringen, un itinéraire commun.
*** : Karl Epting et l’Institut allemand (p. 23)

Un numéro de 24 pages, 6 euros franco.
Abonnement annuel : 50 €

Le Bulletin célinien, B. P. 70, Gare centrale, BE 1000 Bruxelles.

 

Le Bulletin célinien n°339 - Bloc-notes

Il est bien connu que la France croule sous un excès de règlementation. Celle-ci s’avère parfois paralysante. En témoignent les efforts contrariés de François Gibault, conseil de Lucette Destouches, pour faire restaurer la tombe des parents de Céline au cimetière du Père-Lachaise dans une concession accordée jadis à la grand-mère maternelle de l’écrivain, Céline Guillou, née Lesjean. La dernière « propriétaire » en fut Marie Joubert-Guillou, la veuve de Louis Guillou, l’« Oncle Édouard » de Mort à crédit.


La tombe étant en mauvais état, François Gibault, par ailleurs président de la Société d’Études céliniennes, a décidé, en accord avec Lucette, de la faire restaurer (1). Réponse négative de la Conservation du Père-Lachaise : « Afin que le Bureau des concessions reconnaisse des droits à votre cliente sur cette sépulture, il convient d’établir, au moyen de pièces d’état civil ou d’actes notariés, sa qualité héréditaire par rapport à Madame Veuve Guillou, la concessionnaire (2) ». Tâche ardue et pas vraiment indispensable, Lucette Destouches ne demandant pas d’être reconnue titulaire de cette concession mais seulement l’autorisation de faire restaurer la tombe de ses beaux-parents, précise François Gibault dans un courrier ultérieur. Réaction inflexible du chef du Bureau des concessions : « Seul des ayants droit dûment reconnus par l’administration sont autorisés à intervenir sur leur concession (3). » Pour que Lucette soit reconnue en tant qu’ayant droit, il aurait fallu que « Madame Veuve Guillou, née Lesjean » léguât la sépulture soit à « Marguerite Destouches, née Guillou » [la mère de l’écrivain], soit « à Louis Guillou », soit directement à « Madame Destouches, née Almansor » (4). Bel hommage (involontaire) à Georges Courteline, lui aussi inhumé au Père-Lachaise. L’administration ne devrait-elle pas, au contraire, se réjouir de voir quelqu’un – membre de la famille, de surcroît – prendre en charge les frais de restauration d’une tombe ? D’autant qu’il ne s’agit pas de la modifier en quoi que ce soit mais de la nettoyer et de redorer les noms des personnes qui y sont inhumées (5). Mais les ronds-de-cuir ne badinent pas avec le règlement.


Ultime paradoxe : François Gibault a rencontré moins de difficultés à Septeuil pour la restauration de la tombe de Raoul Marquis, le fameux « Courtial des Pereires », autre personnage de Mort à crédit (6).


Il reste à espérer qu’à l’avenir, la tombe de Céline, sise au cimetière des Longs-Réages à Meudon, pourra, elle, être entretenue sans obstacle.

Marc LAUDELOUT


Notes
1. Lucette Destouches, la Société d’Études céliniennes et François Gibault lui-même ayant décidé de prendre chacun en charge un tiers des frais de restauration de la tombe.
2. Lettre du Chef du Bureau des Concessions à François Gibault (20 décembre 2011).
3. Lettre du Chef du Bureau des Concessions au même (17 janvier 2012).
4. Entretemps, Gaël Richard, qui a eu accès au testament olographe de Marie Guillou (laquelle n’a pas eu d’enfant), a découvert que la légataire universelle était sa nièce, Germaine Decorde, épouse de Jean Croisille. Aujourd’hui la titulaire de cette concession est sa fille, la chanteuse Nicole Croisille. Espérons qu’elle réservera une réponse favorable à la requête de François Gibault.
5. Outre les parents de Céline, sont inhumés dans ce caveau (qui comprend six places) : sa grand-mère (maternelle), Céline Guillou, née Lesjean (1847-1904) ; son grand-père, Jacques Guillou (1847-1879) ; son arrière grand-père, Julien Guillou (1847-1879) ; et son oncle, Julien [dit Louis] Guillou (1874-1954).
6. Il est vrai que, dans ce cas, la procédure est plus simple, François Gibault s’étant rendu propriétaire de cette concession. La décision de restaurer cette tombe fut prise lors de la dernière assemblée de la SEC, à Dinard. En couverture : la photographie de la tombe restaurée. À noter que François Gibault envisage également la pose d’une plaque rappelant que Raoul Marquis est l’un des principaux personnages de Mort à crédit.

samedi, 03 mars 2012

The Conservative Revolution Then and Now: Ernst Jünger

The Conservative Revolution Then and Now: Ernst Jünger

Will Fredericks

Ex: http://www.wermodandwermod.com/

Early in 1927 the Austrian poet Hugo von Hofmannsthal made a famous address to students at the University of Munich. He alluded to and deplored the historical separation in German society between the intellectual and political sphere, between “life” and “mind”. He deplored that German writing in the past had functioned in a vacuum and was “not truly representative nor did it establish a tradition” and was symptomatic of a crisis in civilization which had lost contact with life. In response, he referred to the “legions of seekers” throughout the country who were striving for the reestablishment of faith and tradition and whose aim was not freedom but “allegiance”. He concluded: “The process of which I am speaking is nothing less than a conservative revolution on such a scale as the history of Europe has never known.

Comparing this with the present day situation, when paleoconservative leaders like Paul Gottfried feel lucky to sell a thousand copies of a book, German conservatism was experiencing a period of unparalleled cultural, intellectual, and spiritual vitality as measured by literary engagement. Large numbers of conservative revolutionary political philosophers formed political clubs and organizations and swamped the periodical market with their pamphlets full of semi-political, semi-philosophical jargon. They found access to the “respectable” public, and became the heralds of conservative revolution. They represented an intelligentsia that had the ear of the people, in contrast to the leftist intelligentsia which was considered “Western” and “alien” by most.

Among the most prominent leaders of the “conservative revolution” were Ernst Jünger, Oswald Spengler, and Moeller van den Bruck, each of whom sold hundreds of thousands and in some cases millions of books in Germany and were eagerly followed, debated, and almost canonized. They had succeeded in overcoming the separation between the intellectual and the political. Their writings all place strong emphasis on a homogenous, culturally and spiritually unified nation and on the role of the state in establishing and protecting society. (Jünger’s Über Nationalismus und Judenfrage (On Nationalism and the Jewish Question [1930]), depicted Jews as a threat to German cultural homogeneity; see here.)  For this reason they still elicit interest to at least some extent from White nationalists and traditionalists. Although they all rejected the strictly racial theories of National Socialism, this emphasis on a strong, culturally unified state has caused their doctrines and ideologies to be confused with National Socialism. This occurred not only with the left but was characteristic of prominent theorists of the Austrian school like Friedrich Hayek, who are foundational to libertarianism and mainstream conservatism.

This criticism of the conservative revolutionaries is part of the larger criticism of pre-Nazi German society which has been ongoing since the war, and has of course been dominated by the left and such writers as the Frankfurt School’s Erich Fromm and his work Escape from Freedom. According to this line, the failure of German society as reflected in the Third Reich (including the conservative revolutionaries) was that it was insufficiently liberal, that it was insufficiently oriented way from traditional authority and toward modern freedom and rationalism. There is a contrary analysis of some conservative writers like Klemens Von Klemperer (for whom I am indebted to for this piece), alien to the mainstream, that to the extent that German society was deficient, it was more because it was insufficiently conservative, that it lacked sufficient loyalties, roots, allegiances and faith. From a traditionalist point of view that is the only point of view that makes sense, standing as it does against the liberal notion that there was nothing wrong with either Weimar Germany or today’s society that a little, or perhaps a lot, of diversity training and PC conditioning won’t cure. Using this framework it is instructive to see how the conservative revolutionaries, starting with Ernst Jünger, measure up.

Ernst Jünger

Among conservative revolutionary writers Ernst Jünger occupies a unique niche, ideologically and most obviously historically, Jünger lived to the ripe old age of 102, dying in February 1998, just a few months short of the release of Baby One More Time. (Fortunately, by that time the lifelong Nietzschian had converted to Catholicism, thus avoiding the necessity of one last comment on the victory of Spenglerian decadence and the final victory of Zarathustra’s “Last (Wo)Man”.) And it was an active literary lifespan, including definitive works like Eumeswil (1981) and Aladdin’s Problem (1992). After his Weimar period, however, Jünger’s books never attained a mass following. In fact, the works of Jünger’s later life are almost unknown in the English-speaking world. None of the numerous studies I read on the revolutionary conservatives I read ever mentioned that Ernst Jünger was still alive, and that his present work seemed to bear little relationship to the ideas they associated with him.

How do we start in understanding this extraordinarily long and productive life, especially when his work is considered not only in its own right but as paradigmatic of a whole, extraordinarily productive and significant generation of writers? It is certainly not a simple task. Initially one might start with his reputation not in our narrower world. Tom Sunic in part I of his article on Jünger wrote that Ernst Jünger “is today eulogized by all sorts of White nationalists and traditionalists as a leading figure in understanding the endtimes of the West.” Specifically he is of help in charting “new types of dissent and new forms of non-conformist action. Arguably, Jünger could be of help in furnishing some didactic tools for the right choice of non-conformism; or he may provide archetypes of free spirits, which he so well describes in his novels and essays: the rebel, the partisan, the soldier, and the anarchist.” Interpreting such a broad mandate of such a prolific and eclectic writer over such a long life span in such a difficult time as today is not easy.

It might help to reflect briefly on what it is of among all the revolutionary conservatives that makes Ernst Jünger especially popular among some White nationalists and traditionalists. Probably it has much to do with the fact of his life experiences and longevity, spanning the entire twentieth century, as described in Ernst Jünger: A Portrait of an Anarch. Having lived through all these eras, he undoubtedly is a living symbol to some of what a surviving White nationalist in our era would look like. I suspect his popularity might have to do with Jünger’s ability to be “all things to all men.” To WN’s still looking back with nostalgia at the Third Reich, the high position his writings enjoyed and his prominent war service at the Paris high command (even if after the failed plot against Hitler he received a dishonorable discharge) serves him well. To those WN’s and traditionalists of a libertarian bent, the kind that practically canonize Ron Paul, Jünger’s latter day anarchist tendencies (albeit qualified in the form of his term the Anarch) is reassuring.

The free spirits that Sunic describes so well provide the strongest source of continuity in his thought. Other than in this, his early writings in the Weimar period, for which he is mainly known for and studied today by mainstream scholars, diverge greatly from his later writings. Although he is known chiefly for his war works such as Storm of Steel (1925), it was in more theoretical works like Das Arbeiter (1932) that outlined the philosophy of this period. He saw the troubling implications for ethics arising in the modern military and industrial world, but labeled concern for them “romantic.” On freedom, which was of concern to conservatives then as now, he likewise distinguished himself from the other revolutionary conservatives with his easy de facto dismissal of its practical relevance. While rejecting individual freedom as “suspect,” he seized upon “total mobilization” as an ideal situation in which freedom would survive only insofar as it spelled total participation in society. He described an inherently self-contradictory (Hegelian identity) relationship between freedom and obedience: freedom was reduced to “freedom to obey”. While he privately preferred the National Bolsheviks, it is easy to see why the National Socialists were so fond of his early writings.

The later Ernst Jünger

His later writings, starting with On the Marble Cliffs (1939), reflect his disillusionment with National Socialism and his reengagement with ethics and individual freedom. In place of his Das Arbeiter archetypes of “the worker” and “the soldier” (the prototype of the S.S. man), he created a new type, “the woodsman” which is the prototype for the Anarch, defined as “one who strives to preserve by all means his autonomy of thought and his independence in the face of historical trends and the consensus of majorities.” Jünger’s writings returned to the world of the civilian and the individual, to the preservation of freedom against totalitarianism.

At least in this respect, the later Jünger seems to certainly help fulfill Sunic’s search for nonconformist weapons of dissent against today’s multicultural tyranny. The question I have is to what extent, if any, is Jünger’s later thinking representative of or supportive of traditionalism, let alone White nationalism. While he differentiates his Anarch figure from anarchism, it still seems to share certain basic characteristics of anarchistic thought which utterly oppose it to traditionalism or White nationalism.  Indeed, Simon Friedrich, an expert on Jünger, characterizedJünger’s position as follows. “ALL external identifications, not excluding racial ones, are ultimately to be separated from”, leading a reader to ask: “So if we have to get rid of our identifications, what are we left with?” Jünger had become a radical individualist.

Jünger was always a consistent thinker. He clearly saw the figure of the Anarch as incompatible with that of the worker or the soldier, the types he saw as logically arising out of his earlier attempts to fashion a vision of a homogenous, unified, and culturally cohesive society. Jünger seems to still have seen a Hegelian identity between freedom and the service and sacrifice any traditionalist or White nationalist vision of society he can envision would have. The fact that the later Jünger switched sides on that issue doesn’t help us with this dilemma. Throughout his life and especially in his later period Jünger always veiled some of the political implications of his views by an ostensible apoliticism. One wonders, if he had chosen to connect anarchistic-tending views toward a congenial, politically oriented outlet, would his ideas have been much different from the political policy prescriptions one sees in Reason magazine or any other of the invariably open-borders libertarian groups?

This is a logical outcome of anarchistic-tending philosophies. Consistent thinkers like Jünger recognize that one cannot have one’s cake and eat it too, and they make the necessary choices. One cannot separate oneself from society by “fleeing into the forest,” as his forest dweller or woodsman (Waldganger) had done, and still remain involved in the struggles and conflicting identities of society. His choice clearly seems to mark him as not one of us, albeit it seems to reflect his characteristic aloofness rather than antagonism to a racial communitarian identity. Imagining his type as just watching from the watchtower, waiting for the right moment to strike, in turn strikes me, as it must have struck those involved in the plot against Hitler who hoped for his assistance, as just wishful thinking. The watchtower metaphor rather brings to mind a quote of his: “I have chosen for myself an elevated position from which I can observe how these creatures (the masses) devour one another”(Der Fragebogen, p. 291). His refusal to involve himself in the Hitler assassination plot was correspondingly another expression of his aloofness “I am convinced … that by political assassination little is changed and above all nothing is helped”(Der Fragebogen, p. 540).  One of the ironies of this supreme lover of martial combat is that in politics he was close to a pacifist.

Although the writings of Ernst Jünger should not be seen as infallible truth, I agree with Sunic that he is a potential source of didactic tools for us. I feel a review of some of the other conservative revolutionary writers might be even more useful in this regard. Of all the revolutionary conservatives, Jünger’s writings in many ways are the most problematic. Hence the comment of one of their major periodicals, Deutsches Volkstrum, that “for the conservative man the way of Ernst Jünger would mean a major reorientation.” Other revolutionary conservative writers such as Moeller van den Bruck were also aware of the traditional dilemmas for conservatism, such as the duality between “freedom” and traits such as “allegiance”, “duty”, and “sacrifice.” These thinkers often worked more diligently toward conservative solutions for these dilemmas, typically proposing more complex solutions than Jünger’s streamlined (by ignoring conservative concerns) formulas. As noted above, the conservative critique regarding the weak point of the conservative revolutionary writers is the need to reconcile their ideas with traditional conservative concepts, as exemplified by Jünger. Even if they, unlike Jünger, did not live nearly so far into our present timeframe, their analyses of many things strike one as equally if not more perspicuous.

mardi, 28 février 2012

An essay on Ernst Jünger's concept of the sovereign individual

EUROPEAN SYNERGIES – SYNERGIES EUROPEENNES – MARS/MARCH 2004

WARRIOR, WALDGAENGER, ANARCH
An essay on Ernst Jünger's concept of the sovereign individual

[TAKEN FROM : http://scot.altermedia.info/ ]

tumblr_liurg6UdCg1qzdxojo1_400.jpgErnst Jünger says in his acceptance speech for the prestigious Goethe prize in 1982, "I've had the experience that one meets the best comrades in no-man's-land. I've always been pleased with my troops (Mannschaft) in war and my readership in peace. A hand that holds a weapon with honor, holds a pen with honor. It is stronger than any atom bomb, or any rotary press." With these words Jünger bestows an honour on us, his readership. He equates us with his comrades-in-arms in times of peace, but is it a wonder after all? If you are a reader of Ernst Jünger, you must be in either one of two camps, those who consider his opus with genuine admiration or the detractors, those sceptics, "whose contribution does not equal to one blade of grass, one mosquito wing".

Ernst Jünger was both literally and metaphorically a warrior of the 20th Century. Not only did he survive two world wars but also the ideologies of the 20s and 30s. He would cross swords with the bourgeoisie, and later after the war with the Frankfurter School of philosophy and Gruppe 47 proponents. But all of his achievements both on the battlefield of war and on paper serve as a guide to our being in the world, above all his achievements are not only personal, they are also a contribution to us his readership.

Jünger's first book, The Storm of Steel gives us an insight to his character and his future development as an author and individual. It is here that the seeds are sown, that great men of any war are not soldiers; they are warriors, they fight to test themselves and above all to uphold the truth, whatever the reality of that may be. They do not fight for ideologies, but instead they are initiated in earth, blood and fire. By his own admission Jünger was never a good soldier. He admitted to being useless in basic training and the field drills. In his own words: "I had hoped to go from there (the battle field) without being praised. From the beginning, I've always had particular allergy to honors. That this happens to be the case, I probably owe to field marshal Von Hindenberg, who said to me in his sonorous voice: 'Don't you know that this is not good that the king of Prussia has awarded his highest order to such a young man. Nothing much came of my comrades, who received the Pour le Merit in 1864, 1866, and 1870.' He was right. In two world wars, I was only able to achieve Captain. And could be happy that it didn't cost me my head as it did Rommel and other brothers in my order."

Jünger made up for this seeming lack through his bravery and concern for his comrades in no-man's-land. He was one of the few who survived the trenches. He went through the baptism of fire and iron to be wounded 14 times (not an insignificant number). "Exactly at the times when the force of things threatened to hammer the soul soft, men were found who unawares danced it away as over nothingness." Jünger reflects introducing to us the knowledge that the human soul is indeed stronger than the material world, a point not lost on his readers.

He attributes his survival, not to any skill of his own, but rather to the higher power of fate, a portent of his later writings. Jünger leads us through this most nihilistic of wars, with the cool eye of the observer. In its midst the only meaning he can find is a personal one, one of the initiation of life and death. All of those men who survived the horrors of this mass-suicide found one of two things, either the inward strength to master the madness of the material war or insanity. Jünger found out who he was by the end of the war and would carry on this inward strength to the end of his life, not only benefiting himself but his readers too.

Never being concerned about the shells that went off around him, would equally help him in the ideological years after the war. After Versailles Jünger responded to the selling out of Germany by embarking on a war of words with the bourgeois Weimar Republic supporters. Jünger contributed to any cause, be it right or left on the political spectrum, that wanted the best for Germany. These were Jünger's nationalistic years.

The fires of Jünger's youth were not completely spent on the battlefield. Attacking all those people he envisioned as selling out Germany brought him into the centre of many radical parties that longed to have him as spokesman. The Nazis courted him, as did the Communists. He wrote for the various propaganda organs of the right and left. He was even invited to a place on Nazi electoral list, which he luckily declined, a near miss. Later Jünger will stand accused of writing a thinly veiled critique of the Nazi tyrannies in On the Marble Cliffs. The Volkische Beobachter stated that Ernst Jünger..."begibt sich in der Nähe eines Kopfschüsses." Which loosely translated means that he is coming very close to a bullet in the head, one of the methods used by the Nazis for political executions, another brush with death.

Jünger himself says that he had finished with the Nazis after Krystal Nacht, the Nazis' attack on the Jewish businesses of Germany. It didn't take this erudite observer much to recognise that both Hitler and the Nazis were proletarian scum and that nothing higher could ever come from them. On one occasion Jünger was asked what he thought of Hitler, he replied, "Er war nur ein kleiner Mann". (He was just a little man.)

But with the war over that was not the end of his troubles, now he had to deal with the Allies, who believed him to be a contributing ideologue to the Nazi war machine. Jünger refused to undergo the denazifaction program of the Allies and as a result was hung with the prohibition to publish for some years, from 1945 to 1949 to be precise. Now the attacks would come from the liberal left at the head of which was the Frankfurter School. Still Jünger took it all in his stride and would gain in stature in the post war Germany, until the chancellor of Germany, Helmut Kohl and the prime minister of France, Francois Mitterand would visit him in his Wilflingen home. Recognised as a man of letters, his death at 102 was mourned by all.

But what was Jünger's contribution? How are we, his readership, to profit from his experience? We might profit in many ways as the scope of Jünger's opus is vast, covering such diverse topics as botany and etymology or "War as an inner experience" and modern nihilism, but to me the triumvirate of the Krieger (warrior), Anarch, and the Waldgaenger are his legacy and we, his readership, are his inheritors.

Paul Noack in his biography of Jünger's life sums up for us the nature of Jünger's contribution with these words. Jünger believed "…that every failure only comes from ourselves, and therefore can also be overcome in ourselves. That is the way that he (Jünger) wanted to show: he guides Over the Line through the Wall of Time into a future of a different sort."

And it is Jünger's opus that gives us the means to bridge the modern nihilism of this age through the figures of the Krieger, Anarch and Waldgaenger. I have spoken of the significance of Jünger's life from the perspective of a warrior and its potential differences with the soldier as well as its indications for us. Now we must turn to the Anarch and the Waldgaenger, which are both an extension of each other and the warrior.

Let us state unequivocally that the Anarch is not an anarchist, or to use Jünger's own definition, "The Anarch is to the anarchist, what the monarch is to the monarchist..." So it follows that sovereignty is the meaning sought here. The Anarch is sovereign like the monarch. And from this conviction of sovereignty, he does not need to rely on others. But what is the frame in which this becomes necessary or even desirable? In our modern times this approach to politics is desirable, even lifesaving. Again it must be said that Jünger's own character typifies this sort of behaviour in the face of the tyranny of modern political nihilism. The Anarch is capable of survival because he can outwardly assume any form, be it a clerk behind a counter or a soldier in the military, while inwardly he remains free, able to think and observe. He, in his inward migration, does not nihilistically implode into himself, but remains aware of the circumstances around himself but not affected by them. It is not his goal to be dialectically resistant to the tyranny, rather he is observant as if following the Confucian code: "Attacking false systems merely harms you." Aware of the inherent falseness of any sort of tyranny, he does not need to jeopardise his life or that of others by attacking something that itself will come to an end. Rather he becomes a preserver of knowledge, a philosopher, poet and historian. He waits, studies, and preserves until a time when he can contribute. Otherwise it is his duty to pass on what he knows, preserving it for a time when his inheritors can put it to use.

Jünger himself in one description of the Anarch says: "...His inner strength is far greater. In fact, the Anarch's state is the state that each man carries within himself. He embodies the viewpoint of Stirner,...that is the Anarch is unique. Stirner said, "Nothing gets the best of me." The Anarch is really the natural man. He is corrected only by the resistance he comes up against when he wishes to extend his will further than is permitted by the prevailing circumstances. In his ambition to realise himself, he inevitably encounters certain limits; but if they did not exist his expansion would be indefinite..."

"The Anarch can don any disguise. He remains wherever he feels comfortable; but once a place no longer suits him he moves on. He can, for instance, work tranquilly behind a counter or in an office. But upon leaving it at night, he plays an entirely different roll. Convinced of his own inner independence, he can even show a certain benevolence to the powers that be. He's like Stirner, he's a man who, if necessary, can join a group, form a bond with something concrete; but seldom with ideas. The Anarchist is an idealist; but the Anarch, on the contrary, is a pragmatist. He sees what can serve him - him and the common good; but he is closed to ideological excesses. It is in this sense that I define the Anarch's position as a completely natural attitude. First of all, there is a man, and then comes his environment. That is the position I favor at the moment."

Jünger took this position in World War II and before, during the tyranny of the Nazi regime. He became invisible despite his writings in the Wehrmacht. This also enabled him to have contact with the resistance within Paris and the German General Staff itself. His writing entitled The Peace, (Der Friede) was a plan for post-war Europe, although contrary to every Nazi policy, it found a great reception among the Staff, even if fate would never allow it to be played out.

The Anarch gives us the means to observe and understand the materialist age we find ourselves in, without jeopardising our own sovereignty. Because the Anarch is the natural form of man, by Jünger's own definition, we should not be mistaken that we are talking about the individualist or individualism as it has become known today. Individualism itself is an extension of the rampant nihilism of our age and therefore an illness to be overcome. The individual is a private being closed in his own world. The individualist even rejects the naturalness of a social milieu free of the exploitation of the modern servile state. If we are talking of the Anarch as a natural man then we must also mean a man who is social in his form. The sovereign individual is always capable of joining together with others of his kind. It means to be an individual only in the truth with which one faces oneself, otherwise it has nothing to due with individualism. Still this Anarch may not find many people who understand him or what it means to be natural. If this figure is a threat to the status quo, he is an Anarch, if not we must suspect the individual.

By extension the Waldgaenger is the Anarch who has had to retreat into the wilderness because he has been exposed as the Anarch, the free sovereign man and is in danger of being killed. So he must range the forest, or the city for that matter, but it requires a style of resistance to the forces of tyranny. He will have to take up the fight and this is the indication that the Anarch again is not an individual in Jünger's meaning, because although the Waldgaenger can and might have to fight alone, it is futile to do it without support, one cannot live the Hollywood film of the lone hero. This is simply a psychological indoctrination for the masses enforcing the nihilistic idea of the individual and must therefore be recognised for what it is, a baseless myth.

The retreat into the forest comes today under certain conditions which Jünger describes for us, "The Waldgang (retreat into the forest) followed upon proscription. Through it man asserted his will to survive by virtue of his own strength. That was held to be honorable, and it is still today in spite of all indications to the contrary. Waldgängers (Rangers in the forest) are all those, isolated by all great upheavals, and are confronted with ultimate annihilation."

"Since this could be the fate of many, indeed, of all, another defining characteristic must be added: The Waldgaenger (the Ranger) is determined to offer resistance. He is willing to enter into a struggle that appears hopeless. Hence he is distinguished by an immediate relationship to freedom which expresses itself in the fact that he is prepared to oppose the automatism and reject its ethical conclusion of fatalism. If we look at him in this fashion we shall understand the roll which the Waldgang plays not only in our thoughts but also in the realities of our age. Everyone today is subject to coercion and the attempts to banish it are bold experiments upon which depends a destiny far greater than the fate of those who dare to undertake them."

Here we have it in its essence, we see its nature as broad capable of taking many forms, but all to the same end, the preservation of the dignity and freedom of man in its original and most natural form. This is beyond the polemics of modern philosophy and politics. It is the removal of the coercion that has become characteristic of the modern mega-state and its master the banking titan.

Jünger: "The Waldgang is not to be understood as a form of Anarchism directed against world technology (technik), although this is a temptation, particularly for those who strive to regain a myth. Undoubtedly, mythology will appear again. It is always present and arises in a propitious hour like a treasure coming to the surface, but man does not return to the realm of myth, he re-encounters it when the age is out of joint and in the magic circle of extreme danger..."

The Waldgang is the stuff of myth, but not created by the likes of us. Myth has its root in the disclosure of the divine and it is only the natural man, a man who is beyond the concepts of liberty, fraternity and equality that might achieve this. Where the modern concepts of the Enlightenment prevail, so prevails the tyranny of the state. Here the Anarch becomes potent in his reflection even dangerous, he has recognised the tyranny and if he is exposed he must choose the method of retreat into the forest or pay the price.

In our age we cannot underestimate the heritage that Jünger has left us. All around us we see the levelling effects of technology. It becomes more and more difficult to be free in the golden cage of the world state. Who are the men and women that are still sovereign in this age? It is certainly becoming more difficult to find real ‘Anarchs’ devoted to learning and freedom, but they are there; some of them are the readership that Jünger honours so greatly and others are unaware of Jünger, but possess a natural inclination to his thoughts.

These ideas have never been popular, even with some of his loyal readers. Jünger himself had burnt himself on the hot iron of modern democracy. Naturally those who believe in the saying of Winston Churchill, "Democracy is the worst form of government, but the best we've got," will certainly disagree with Jünger's political analysis, but the further we go down this strange path called the modern world, the more we must realise how much Jünger's political analysis rings true. Modern Democracy is a sham, covering up the all too real and undemocratic exploitation of people, wealth, and resources, siphoning it off into the hands of the few, in the name of the many. We have entered the age of the Anarch and who knows what will come next?

ABDALBARR BRAUN - 7 March 2002

 

Link to this text : http://scot.altermedia.info/index.php?p=446&more=1&c=1

vendredi, 24 février 2012

Livr'arbitres n°7

Livr'arbitres n°7      
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jeudi, 23 février 2012

William Golding et son anthropologie sceptique

Prof. Dr. Heinz-Joachim MÜLLENBROCK:
William Golding et son anthropologie sceptique

Son oeuvre majeure, “Sa majesté des Mouches” (Lord of the Flies), est une critique fort pertinente de l’optimisme progressiste

williamgolding.jpgNé le 19 septembre 1911, William Golding peut être considéré comme le grand marginal de la littérature anglaise contemporaine. Le vécu existentiel, pour lui, a été le plus intense pendant la seconde guerre mondiale, où il a servi dans la marine —Golding était présent quand le Bismarck a coulé et au moment du débarquement anglo-américain de Normandie. Il a pris conscience de ce que les hommes pouvaient mutuellement s’infliger. Les expériences de la guerre ont conduit Golding, qui, avant les hostilités, croyait encore au perfectionnement de l’homme en tant qu’être social, à penser “que l’homme produit de la méchanceté comme les abeilles produisent du miel”. Le produit littéraire de cette grande désillusion est un roman, paru en 1954, et intitulé “Lord of the Flies” (en français: “Sa Majesté des Mouches”). Ce roman a permis à Golding d’acquérir la célébrité car il est devenu un succès international.

Les contours assez simples que prend l’action dans ce roman ne nous permettent de deviner que progressivement la grande profondeur de ce récit qui a toutes les apparences de la modestie. Un groupe d’écoliers anglais, âgés entre six et douze ans, échoue sur une île inhabitée du Pacifique. Les garçons se regroupent d’abord sous la houlette de Ralph, le raisonnable, qui permet le maintien d’un ordre social quasi démocratique. Mais, rapidement, une partie d’entre eux opte pour une autre voie, sous la direction de Jack, gamin agressif, totalement dénué de scrupules. Cette partie du groupe fait sécession.

Ces garçons, regroupés autour de Jack, se dénomment les “chasseurs” et abandonnent graduellement toutes les normes de la vie civilisée; mus par leurs instincts les plus sombres, libérés par la pratique de la chasse, ils s’adonnent à l’ivresse de verser le sang, développent une fixation barbare pour les mises à mort et transforment, finalement, l’île en un enfer, après avoir allumé des brasiers qui se transformeront en incendie général. Le film, tiré du roman et réalisé par Peter Brook en 1963 met bien en exergue la mutation des garçons en une horde de sauvages. Finalement, le groupe d’écoliers est sauvé de l’auto-annihilation par l’arrivée d’un officier de marine britannique.

L’histoire est, en apparence, toute dépourvue de prétention, mais, subrepticement, elle révèle ses visées plus hautes: en effet, peu après l’arrivée des garçons sur l’île, l’un d’eux, enthousiasmé par la beauté naturelle et exotique du lieu, s’écrie: “c’est l’Ile de Corail!”. Nous avons affaire, là, à une sorte de signal intertextuel, car ce cri, inséré dans l’intrigue, rappelle indubitablement la robinsonade victorienne de Robert Michael Ballantyne, “The Coral Island” (1858), que décrit Golding par ailleurs et en détail. “Lord of the Flies” est dès lors la première “anti-robinsonade”, parfaitement charpentée. L’auteur, en effet, recourt aux techniques d’écriture que présentent toutes les robinsonades, dans le but de les inverser, d’en réviser le contenu et la portée. Ces robinsonades ont été, pour la plupart, écrites à l’époque des Lumières, comme l’atteste d’ailleurs leur nom, dérivé de l’oeuvre de Daniel Defoë, “Robinson Crusoe” (1719), qui a servi à poser l’idéal intellectuel et social de l’homme au début du 18ème siècle.

“Lord of the Flies” entend aussi dévoiler, par le biais de la littérature, une anthropologie, dans le sens où elle rejette de manière décisive les espoirs optimistes des Lumières. Chez Ballantyne, trois garçons, très conscients de leurs devoirs, prennent sur le dos le “fardeau de l’homme blanc” (pour parler comme Kipling) et se comportent entre eux comme des gentlemen; chez Golding, au contraire, les garçons, qui portent, pour une bonne partie, les mêmes prénoms, s’avèrent incapable de maîtriser la situation exceptionnelle dans laquelle ils se trouvent.

Dans “The Coral Island”, le processus civilisationnel, reproduit par les héros, est menacé de l’extérieur par des sauvages et des pirates; dans le roman de Golding, les sources de la menace du Mal ne proviennent pas de l’extérieur mais de l’intériorité même de ses jeunes compatriotes. L’anthropologie sceptique de Golding acquiert toute sa pertinence dans la mesure où, dans “Lord of the Flies”, les enfants —généralement, dans toutes les robinsonades, les héros jeunes incarnent l’innocence— recèlent en eux le Mal.

“Lord of the Flies” est donc l’antithèse radicale de la robinsonade de Ballantyne, qui, elle, enjolivait l’aventure colonialiste anglaise. Mais elle ne constitue pas pour autant un manifeste anti-impérialiste. Les visées de l’auteur sont plus profondes: elles cherchent à saisir plus généralement les déficits constitutifs de l’humanité. Le principal impact de “Lord of the Flies” est d’avoir démontré que le vernis, auquel finalement se réduit notre civilisation, est très superficiel et n’offre, en fin de compte, qu’une protection bien insuffisante contre la brutalité innée de l’être humain. A plusieurs reprises, Golding a souligné que tous les pays et toutes les cultures recèlent, au fond d’eux-mêmes, un pareil potentiel de dangerosité. L’“Oxford Dictionary of National Biography” remarque que “Lord of the Flies” n’aurait certainement jamais été écrit s’il n’y avait pas eu de Bergen-Belsen ou d’Auschwitz ou si Dresde n’avait pas été bombardée par les Alliés.

lordofthefliesbookcover_1.jpgDans “Lord of the Flies” —le titre, rappellons-le, est une traduction littérale du concept hébraïque de “Belzébuth”, le “Seigneur des Mouches”— le tête de porc fichée sur un pieu, que les “chasseurs” offrent en sacrifice pour conjurer le danger d’un “monstre” qui les menacerait, symbolise le Mal. En voyant cette tête de porc, entourée d’une dégoûtante nuée de mouches, Simon, qui finira martyr, reconnaît que l’homme lui-même est ce “monstre”, une créature déchue.

L’homme déchu est aussi le thème du récit de Golding, se déroulant dans la préhistoire, “The Inheritors” (1955). Ce récit mène l’enquête sur le Mal, depuis son émergence. “Lord of the Flies” campe l’action dans un contexte moderne (à l’arrière-plan, une guerre atomique fait rage); dans “The Inheritors”, au contraire, le Mal est décrit dans ses formes les plus originelles. Dans “Lord of the Flies”, Golding cherche à corriger un genre littéraire, véhicule traditionnel de l’idéologie progressiste. Dans “The Inheritors”, il va se poser comme l’opposant radical à l’apôtre le plus emblématique du progrès dans le monde anglo-saxon du 20ème siècle.

Si “Lord of the Flies” décrit l’île de corail (“The Coral Island”) de Ballantyne, “The Inheritors” cherche délibérément à inverser la thèse véhiculée par la nouvelle “The Grisly Folk” de H. G. Wells (1921). Dans les deux cas, le scepticisme antiprogressiste de Golding s’exprime, avec la nette intention de provoquer de manière affichée l’idéologie dominante. Dans “Lord of the Flies”, ce sont des enfants qui incarnent le Mal. Dans “The Inheritors”, les Néanderthaliens sont posés comme les victimes innocentes de l’homo sapiens, qui veut s’imposer par la violence. Le titre, qui recèle quelque ironie, cherche déjà à montrer que la Terre n’appartient pas aux doux mais, au contraire, à leurs meurtriers; l’aurore même de l’humanité est entachée de sang.

La querelle Wells/Golding n’est pas une simple dispute intellectuelle. Golding a certes tenté de réfuter la teneur idéologique de la brève nouvelle de Wells; ce dernier avait émis des remarques dénigrantes au sujet des Néanderthaliens dans “The Outline of History” (1920). Golding les cite d’ailleurs dans les prolégomènes des “Inheritors”. Ce roman acquiert dès lors sa qualité intrinsèque parce que Golding, par le biais d’une expérience littéraire audacieuse, se glisse dans la peau des Néanderthaliens, posés par Wells comme des êtres incapables de raisonner. En effet, Wells leur dénie, dans “The Grisly Folk” toute capacité de raisonnement. Golding, lui, va tenter d’interpréter le sentiment vital chtonien de ses propres Néanderthaliens, ce qu’il résussira en campant le personnage naïf de Lok, dont il interprétera les perspectives. Sur base de l’empathie conséquente qu’éprouve Golding, la domination finale des Néanderthaliens par les hommes dotés de raison et armés de quelques artifices rudimentaires de “technologie”, prend une tournure tragique. Golding démontre de la sorte que tout progrès historique englobe simultanément pertes et profits. Contrairement à l’écrivain catholique de son époque, Hilaire Belloc, Golding n’entame pas une polémique contre le principe de base énoncé par Wells, qui postule l’évolution de l’homme au départ de prémisses primitives, mais uniquement contre l’interprétation qu’en fait Wells, c’est-à-dire celle d’un développement parfaitement libre qui ne connaît ni crises ni sauts qualitatifs provisoires.

A partir de la rédaction de son amère robinsonade à héros unique, “Pincher Martin” (1956), Golding illustre sa thématique générale, celle du caractère inné du Mal en l’homme, non plus de manière collective mais de manière individuelle. Dans sa rude présentation de la situation de l’homme dans le monde, basée sur des fondements religieux, la rédemption, par la mort de Jésus Christ, ne joue aucun rôle concret et améliorant, vu tout l’arrière-plan éminemment négatif sur fond duquel se déploie l’aventure humaine.

Golding, à qui on attribua le Prix Nobel de littérature en 1983, est resté, sa vie durant, un isolé difficile à cerner sur la scène littéraire britannique. Il était populaire parmi ses contemporains et se désintéressait des problèmes réels de la société britannique. La critique que formule Golding à l’endroit de la civilisation a des fondements religieux: elle se borne à dévoiler, sans illusion aucune, la fragilité intrinsèque de l’homme et nous laisse en héritage un savoir profond qui devrait demeurer durable en nos esprits, et ce n’est pas là le moindre mérite de son oeuvre vu la superficialité de la pensée actuelle: la société humaine n’est ni améliorable ni perfectible par l’action d’une quelconque “ingénierie sociale”.

Prof. Dr. Heinz-Joachim MÜLLENBROCK.
(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°38/2011; http://www.jungefreiheit.de ).

Le Prof. Dr; Heinz-Joachim Müllenbrock est professeur ordinaire retraité de langue et littérature anglaise à l’Université “Georg-August” de Göttingen.

mardi, 14 février 2012

Gottfried Benn, El médico

Gottfried Benn, El médico

 

 

Ex: http://griseldagarcia.blogspot.com/

I

La dulce corporalidad se me pega
como una costra contra el borde del paladar.
Lo que alguna vez tembló entre humores y carnes blandas
alrededor del hueso calcáreo,
se cuece a fuego lento, con leche y sudor en mi nariz.
Yo sé cómo las putas y las madonas olfatean
en busca de una cuadrilla en las mañanas al despertar
por la marea de su sangre

y entran a mi despacho los señores,
para quienes la estirpe se hizo cicatriz

la mujer piensa que la preñan
para levantarla a la colina de un dios;
pero el hombre cicatrizó,
su cerebro sale a cazar arriba la bruma de una estepa,
y silencioso ingresa su semen.
Yo vivo frente al cuerpo: y en el centro
se pega por todas partes la vergüenza. Allí también
husmea el cráneo. Yo presiento: algún día
la grieta y el temblor
se abrirán en la frente apuntando al cielo.

II

La corona de la creación, el cerdo, el hombre
:
¡rehuye junto a otros animales!
Con ladillas de diecisiete años
entre hocicos nauseabundos, aquí y allá,
enfermedades intestinales y pensión alimenticia,
infusorios y hembras,
con cuarenta comienza a correr la vejiga
:
¿piensan ustedes que por semejante tubérculo la tierra se estiró
del sol a la luna? ¿A qué ladran entonces?
Hablan desde el alma, ¿qué es su alma?
¿Se caga la vieja en su cama noche a noche?

¿se embadurna el viejo los blandos muslos?
¿les basta el forraje para maldecir en los intestinos?
¿piensan ustedes que las estrellas engendraron antes felicidad
?

 

¡Ah! Desde el intestino enfriado
la tierra escupe como desde otros agujeros de fuego,
la sangre brota del hocico
:
tambalea
el arco bajando
condescendiente hacia las sombras.

III

 

Con granos en la piel y dientes podridos
eso se aparea en una cama y se apretuja
y siembra el semen en el surco de la carne
y se siente dios en casa de una diosa. Y el fruto
– –:
en muchos casos es deforme de nacimiento:
con marsupios en la espalda, grietas en la faringe,
bizco, sin testículos, por amplias hernias
le escapan los intestinos
; pero no es mucho siquiera,
incluso aquello que al final se hincha sin lesionarse al contacto con la luz,
y a través de los agujeros la tierra gotea:
paseo
: fetos, chusma de la especie :
se promulga a sí misma. Sentada.

Dedos se olfatean.
Pasa de uva recogida del diente.
¡Los pececitos de oro
!!! !
¡Elevación! ¡Ascenso! ¡Canción del Weser!
Lo ordinario es palpable. Dios,
campana de idioteces, levantado sobre la vergüenza
:
¡el buen pastor!
!! – – ¡sentimiento ordinario!
Y por las noches el macho cabrío salta sobre la cierva. 

 

Gottfried Benn (Mansfeld, Bradeburgo, 1886- Berlín 1956). 

 

Benn formó parte del grupo de los expresionistas (junto con Georg Heym, Ernst Stadler, Else Lasker Schuller, August Stamm). Participa de la Primera Guerra Mundial en el frente belga. Luego se especializa en dermatología y enfermedades venéreas. Escribe durante toda su vida: no solo poesía, también tiene algunas pocas novelas y muchísimos ensayos. Simpatizó con el nazismo en sus inicios; creyó ver que con el nuevo régimen sus aspiraciones estéticas podrían concretarse, pero en pocos meses terminó refugiándose en la Wehrmacht (en lo que él llamó "una forma aristocrática de emigración"). Fue censurado y atacado públicamente. Fue considerado un degenerado, homosexual, judío. Su obra poética es reconocida finalmente en 1951 cuando le dan el premio Georg Büchner.

Versión del poema y biografía: Guillermo Romero Von Zeschau

 

samedi, 11 février 2012

Ernst Jünger in Paris

Ernst Jünger in Paris: Tobias Wimbauer hält den Bunsenbrenner an des großen Eindeuters Kitschgemälde      

Geschrieben von: Till Röcke   

 

Ex: http://www.blauenarzisse.de/

Natürlich war es unmöglich, in einer Stadt wie Paris einem halbwegs durchschnittlichen Kriegs- bzw. Etappenleben nachzugehen. Zu viel der Ablenkung, wo hin man blickte ein Verlustieren und Frönen. Literaten und Kollaborateure, Theater und Bordelle, es war alles da, und das war es immer schon gewesen. Stadt der Liebe, Stadt der Sehnsucht. Und dann zeitbedingt eine reizende Insel im Schlachtentaumel. Man möchte das alles einmal aufgeschrieben wissen, wüsste man es nicht besser. Denn diesen Dienst hat Ernst Jünger einst gerne übernommen. Als Offizier im besetzten Paris der vierziger Jahre hatte er Zeit und das, wovon er immer schon am meisten besessen hatte: Muse.

Der ästhetische Beobachter

Jünger-Nestor Tobias Wimbauer ist dem Pariser Treiben nachgegangen. Das Resultat liegt nun als Band in der akribisch-herzlichen „Bibliotope“-Reihe des Hagener Eisenhut Verlags vor. Dabei steht die bereits bekannte, vor einigen Jahren in der FAZ für Aufmerksamkeit sorgende Untersuchung über die amourösen Spielereien Jüngers im Zentrum. Der vernobelte Lackschuh-Landser hielt alles fest, schließlich war er bekennender Diarist. Die Schwierigkeit dabei: In Jüngers Aufzeichnungen dieser Jahre, den nach dem Krieg publizierten „Strahlungen“, mischen sich Fakten und Fiktion – wie es nun mal der erzählenden Dichtung zu eigen ist, mit den doch eher wahrheitsgetreuen Protokollen in Tagebüchern allerdings weniger zu tun hat.

Wimbauers Aufsatz „Kelche sind Körper“ weist den „Strahlungen“ denn auch einen hohen Grad an zusammengeklaubten Liebesmotiven der Weltliteratur nach. Als Pointe erklärt Wimbauer die bekannte „Burgunderszene“ zur Nebelkerze. In dieser Miniatur, ein belletristischer Klassiker obszöner Überhöhung, schildert ein am Gläschen nippender Ich-Erzähler sein tiefenentspanntes Beiwohnen einer Bombardierung. Luftkrieg und Lust, Jünger als universalistischer Ästhet. Denn eigentlich, so Wimbauers Lesart, war es dem Autor daran gelegen, die Liaison mit einer gewissen Sophie Ravoux zu verschleiern. In Kirchhorst wartete schließlich die Frau.

Der Phallus von Paris

Neben der Erotik sah sich Jünger immer wieder gezwungen, den militärischen Dienstpflichten beizukommen. Die Erschießung eines Deserteurs, unter seinem Kommando durchgeführt, stellt sich auch nach Jahrzehnten der Forschung noch als heiße Sache heraus. Diese bildet den zweiten Schwerpunkt des Sammelbandes, der neben dem Herausgeber noch vier weitere Experten zu Wort kommen lässt. Insgesamt ist festzuhalten, dass Wimbauer souverän zusammenstellt, was das französische Abenteuer an wissenschaftlicher Spiegelung bereithält. Gedanke: Man ist eben nie ganz fertig mit Ernst Jünger. Wilflingen ist noch lange nicht genommen.

„Désinvolture“, Schnöselei von hoher Qualität, ist das aus Kennermund oft vorgebrachte Prädikat des Jüngerschen Wesens. Dem ist wohl kaum zu widersprechen, zu sehr war das Vorraussetzung, um ein derart bildgewaltiges Werk zu schaffen. Was davon heute noch übrig ist, was sich aus einer weniger zurückgelehnten und auf Gleichnisgenuss bedachten Perspektive davon noch fruchtbar machen lässt, das weiß irgendwann vielleicht die Jünger-Exegese. Vielleicht auch nicht. Skepsis ist geboten. In diese Richtung zumindest bringt es Textbeiträger Alexander Rubel. Als Jüngers Lebensmotto und künstlerische Daseinsberechtigung mag vorerst Rubels lapidare Feststellung herhalten: „Wer die Welt in ihrer Gesamtheit erfasst, muss sich nicht von ephemeren Ereignissen wie Weltkriegen und Massenvernichtung beunruhigen lassen.“

Tobias Wimbauer (Hg.): Ernst Jünger in Paris. Ernst Jünger, Sophie Ravoux, die Burgunderszene und eine Hinrichtung. Eisenhut Verlag: Hagen Berchum 2011. 12,90 Euro