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jeudi, 12 septembre 2019

Les dirigeants européens sont atteints du syndrome de Stockholm face aux intimidations états-uniennes

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Les dirigeants européens sont atteints du syndrome de Stockholm face aux intimidations états-uniennes

par Finian Cunningham 

Ex: http://www.zejournal.mobi

La situation psychologique connue sous le nom de syndrome de Stockholm, dans laquelle les otages sympathisent de manière irrationnelle avec leurs ravisseurs, pourrait très bien s’appliquer aux dirigeants européens face aux intimidations états-uniennes.

Les États-Unis ont toujours été le parti dominant – et dominateur – de la relation transatlantique. Mais les administrations précédentes, à Washington, avaient pris soin de présenter les États européens comme des «partenaires» dans une alliance «apparemment» mutuelle.

Sous le Président Donald Trump, les pressions et les harcèlements dont sont l’objet les Européens mettent en lumière leur véritable statut de simples vassaux de Washington.

Prenez le projet Nord Stream 2. Le gazoduc sous-marin d’une longueur de 1 220 km, qui augmentera considérablement la capacité de livraison de gaz en Europe, devrait être achevé d’ici la fin de l’année. Cette nouvelle offre profitera à l’économie de l’Union Européenne, en particulier à celle de l’Allemagne, en fournissant du gaz moins cher pour les entreprises et pour le chauffage des logements.

Eh bien, la semaine dernière, le sénateur américain Ted Cruz a déclaré que son pays avait le pouvoir d’arrêter l’achèvement du projet. Cruz fait partie de la commission des affaires étrangères du Sénat US qui a adopté en juillet dernier un projet de loi imposant des sanctions aux entreprises impliquées dans la construction du pipeline. L’Allemagne, l’Autriche, la France et la Grande-Bretagne font partie du consortium de construction, aux côtés de la société russe Gazprom.

Ironiquement, le projet de loi du Sénat US s’appelle «Protéger la sécurité énergétique de l’Europe». C’est une bien curieuse forme de «protection» lorsque les sanctions appliquées par les USA pourraient priver les entreprises européennes et les consommateurs de gaz à un prix abordable.

Cruz, comme le Président Trump, a accusé la Russie d’essayer de resserrer son emprise économique sur l’Europe. Plus proche de la vérité et plus cynique, Washington souhaite que l’Europe achète son gaz naturel liquéfié, plus coûteux. Le Texas, la plus grande source de gaz américain, est l’État d’origine de Cruz. Son projet de loi devrait peut-être être renommé «Protection des exportations américaines d’énergie».

À cela s’ajoute l’imposition plus large, par Washington et l’Europe, de sanctions à l’encontre de la Russie depuis 2014. Plusieurs raisons ont été invoquées pour justifier les mesures punitives prises contre Moscou, notamment une prétendue déstabilisation de l’Ukraine et une «annexion» de la Crimée, une ingérence présumée dans les élections et l’affaire Skripal. Cette politique de
sanctions a été largement initiée et promue par Washington, suivie servilement par l’Europe.

La semaine dernière, les représentants de l’UE ont voté en faveur d’une prolongation des sanctions de six mois, alors qu’elles sont beaucoup plus dommageables pour l’économie européenne que pour celles des États-Unis et que les entreprises allemandes, en particulier, s’opposent à l’hostilité économique contre-productive à l’égard de Moscou.

L’absence de toute opposition européenne à une ingérence aussi flagrante de la part des États-Unis dans leur prétendue souveraineté et leur indépendance sur des questions d’intérêt vital est tout simplement stupéfiante.

Un autre exemple frappant est la façon dont l’administration Trump insiste pour que les États européens abandonnent d’importants projets d’investissement avec la société de télécommunication chinoise Huawei pour moderniser les infrastructures de téléphonie mobile et d’Internet. Washington a menacé de sanctions de représailles si l’Europe s’associait à Huawei. Les États-Unis ont également averti qu’ils pourraient empêcher le « partage de renseignements » des « alliés » européens sur les risques liés à la sécurité et au terrorisme. Fait-on cela à un « ami » ?

Là encore, les dirigeants européens font preuve de la même velléité d’acquiescement, au lieu de s’opposer aux États-Unis pour qu’ils s’occupent de leurs propres affaires.

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L’accord nucléaire conclu entre le JCPOA et l’Iran est une autre preuve éclatante de la relation fondamentalement abusive que Washington entretient avec l’Europe. Cette semaine, l’administration Trump a rejeté la proposition française d’étendre une ligne de crédit de 15 milliards de dollars à Téhéran. La proposition française visait à atténuer la pression économique sur l’Iran et à le maintenir dans l’accord nucléaire défaillant.

Washington a simplement déclaré « qu’il sanctionnera quiconque achètera du pétrole brut iranien« . Il n’y aura pas de dérogations ni d’exceptions aux sanctions américaines. Cela impose à peu près à l’Union Européenne d’oublier ses efforts hésitants pour sauver l’accord nucléaire avec l’Iran, dont elle est signataire, aux côtés de la Russie et de la Chine.

Donc, comme Trump s’est écarté de l’accord, cela signifie, dans sa vision dominatrice, que les Européens doivent également le faire,. De toute évidence, l’UE n’a pas la liberté d’agir indépendamment du diktat américain. Détruire les relations entre l’Europe et l’Iran mettra en péril les intérêts économiques et les préoccupations de sécurité liées aux conflits et à la non-prolifération des armes dans la région. Les préoccupations européennes sont-elles si peu pertinentes pour Washington ?

Maintenant, accrochez-vous à la formidable double pensée suivante. Le Secrétaire américain à la Défense, Mark Esper, a incité la semaine dernière ses «amis» européens à faire preuve de plus de vigilance pour lutter contre les supposées malignités russes et chinoises.

Tenu devant le groupe de réflexion du Royal United Services Institute à Londres, ce discours a été présenté comme le premier discours majeur d’Esper depuis qu’il est devenu chef du Pentagone en juillet.

« Il est de plus en plus clair que la Russie et la Chine veulent perturber l’ordre international en obtenant un droit de veto sur les décisions économiques, diplomatiques et de sécurité d’autres nations« , a-t-il déclaré.

«En termes simples, la politique étrangère de la Russie continue de faire fi des normes internationales», a ajouté, sans aucune honte, l’ancien lobbyiste de Raytheon et d’autres fabricants d’armes américains.

Quelle a été la réponse de l’Europe ? Les dirigeants européens et les médias ont-ils éclaté de rire devant une telle absurdité, hypocrisie et inversion accusatoire ? Existe-t-il des déclarations officielles ou des éditoriaux sévères invitant le représentant américain du complexe militaro-industriel à ne pas insulter la simple intelligence ?

La tolérance de l’Europe aux comportements abusifs de son «partenaire» américain est bien un problème de syndrome de Stockholm. Bien sûr, parfois les dirigeants européens tels que Merkel ou Macron s’interrogent sur la nécessité de renforcer leur indépendance par rapport à Washington, mais quand les cartes sont minces, ils témoignent tous d’une allégeance méprisable pour la politique américaine, même si cela nuit réellement à leurs intérêts nationaux.

Lorsque Trump a recommandé que la Russie soit admise au récent sommet du G7 en France, le mois dernier, le reste du groupe a réagi avec horreur en demandant le maintien de l’exclusion de Moscou. Comment expliquer cette attitude ? Des chefs européens pathétiques veulent rester dans un club avec leur plus grand bourreau – Washington – tout en excluant un pays voisin et un partenaire stratégique potentiellement important. Comment peut-on faire plus irrationnel?

Les psychologues expliquent le syndrome de Stockholm en tant que «mécanisme d’adaptation» pour traiter les traumatismes. Il est observé parmi les otages, les prisonniers de guerre, les survivants des camps de concentration, les esclaves et les prostituées.

La sympathie irrationnelle envers un parti qui inflige des difficultés et des blessures est un moyen de minimiser les traumatismes en semblant adopter les mêmes valeurs.

Apparemment, le syndrome peut être traité et guéri. Les victimes doivent être progressivement familiarisées avec la vérité objective de leur situation. L’Europe doit se réveiller de ses illusions sur son «allié américain».

Traduit de l’anglais par Dominique Delawarde


- Source : RT (Russie)

Quand la CIA étudiait la French theory: sur le travail intellectuel de démembrement de la gauche culturelle

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Quand la CIA étudiait la French theory: sur le travail intellectuel de démembrement de la gauche culturelle

Par Gabriel Rockhill 

Source The Philosophical Salon

On présume souvent que les intellectuels ont peu ou pas de pouvoir politique. Perchés au sommet d’une tour d’ivoire privilégiée, déconnectés du monde réel, mêlés à des débats académiques dénués de sens sur des détails infimes, ou flottant dans les nuées absconses de théories abstraites, les intellectuels sont souvent dépeints comme non seulement coupés de la réalité politique, mais comme incapables d’avoir un impact significatif sur elle. Ce n’est pas ce que pense la CIA.

En fait, l’agence responsable de coups d’État, d’assassinats ciblés et de manipulations clandestines des gouvernements étrangers ne croit pas seulement au pouvoir de la théorie, mais elle a consacré des ressources importantes pour qu’un groupe d’agents secrets étudient ce que certains considèrent comme la théorie la plus complexe et absconse jamais produite. En effet, dans un article de recherche intrigant écrit en 1985, et récemment publié avec des retouches mineures en raison du Freedom of Information Act, la CIA révèle que ses agents ont étudié la très complexe, avant-gardiste et internationale French theory, [ou théorie de la déconstruction, NdT] adossée aux noms de Michel Foucault, Jacques Lacan et Roland Barthes.

L’image d’espions américains se réunissant dans des cafés parisiens pour étudier assidûment et comparer leurs notes sur les écrits des grands prêtres de l’intelligentsia française choquera ceux qui présument que ce groupe d’intellectuels est constitué de sommités dont la sophistication éthérée ne pourrait jamais être saisie par un filet aussi grossier, ou qui, au contraire, les considèrent comme des charlatans colportant une rhétorique incompréhensible sans impact sur le monde réel ou presque. Cependant, cela ne devrait pas surprendre ceux qui connaissent l’investissement de la CIA, ancien et permanent, dans la guerre culturelle mondiale, y compris par le soutien à ses formes les plus avant-gardistes, qui a été bien documenté par des chercheurs comme Frances Stonor Saunders, Giles Scott-Smith, Hugh Wilford (et j’ai moi-même apporté ma propre contribution dans Radical History & the Politics of Art).

Thomas W. Braden, l’ancien superviseur des actions culturelles à la CIA, a expliqué avec franchise la puissance de l’offensive intellectuelle de l’Agence dans un compte rendu à destination de ses membres, publié en 1967 :

Je me souviens de l’immense joie que j’ai ressentie lorsque le Boston Symphony Orchestra [qui avait reçu l’appui de la CIA] a recueilli plus d’éloges pour les États-Unis à Paris que John Foster Dulles ou Dwight D. Eisenhower n’aurait pu en obtenir en une centaine de discours.

En aucune façon, il ne s’agissait d’une petite opération à la marge. En fait, comme Wilford l’a fort justement décrit, le Congrès pour la liberté de la culture (CCF), dont le siège social se trouvait à Paris et qui s’est par la suite avéré une organisation de façade de la CIA dans la partie culturelle de la guerre froide, était l’un des plus importants mécènes dans l’histoire universelle. Il soutenait une incroyable gamme d’activités artistiques et intellectuelles. Il avait des bureaux dans 35 pays, publiait des dizaines de magazines de prestige, était impliqué dans l’industrie du livre, organisait des conférences internationales de haut niveau ainsi que des expositions d’art, coordonnait des spectacles et des concerts et contribuait largement au financement de divers prix et bourses culturels, ainsi que d’organismes de soutien comme la Fondation Farfield.

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L' »Appareil » parisien : l’agent de la CIA et chef du CCF Michael Josselson (au centre) dans un déjeuner de travail avec John Clinton Hunt et Melvin Lasky (à droite)

La CIA comprend que la culture et la théorie sont des armes cruciales dans l’arsenal global qu’elle déploie pour protéger les intérêts étasuniens dans le monde entier. Le rapport de recherche de 1985, récemment publié, intitulé « France : Defection of the Leftist Intellectuals » (Défection des intellectuels de gauche en France) examine, sans aucun doute pour la manipuler, l’intelligentsia française et son rôle fondamental dans l’orientation des tendances qui à leur tour génèrent les orientations politiques. Le rapport suggère qu’il a existé un équilibre idéologique relatif entre la gauche et la droite dans l’histoire intellectuelle française, puis souligne le monopole de la gauche dans l’immédiat après-guerre (auquel, nous le savons, l’Agence était farouchement opposée) en raison du rôle clé des communistes dans la résistance au fascisme et de leur victoire finale. Bien que la droite, selon les mots de la CIA, ait été massivement discréditée en raison de sa contribution directe aux camps nazis, ainsi que de son programme globalement xénophobe, anti-égalitaire et fasciste, les agents secrets anonymes qui ont rédigé le plan d’étude constatent avec un vif plaisir son retour intellectuel depuis le début des années 1970 environ.

Plus précisément, les soldats camouflés de la culture applaudissent ce qu’ils considèrent comme un double mouvement qui contribue à ce que les cercles intellectuels détournent leurs critiques des États-Unis vers l’URSS. A gauche, il existait une désaffection intellectuelle croissante envers le stalinisme et le marxisme, un retrait progressif des intellectuels radicaux du débat public, et un mouvement théorique de prise de distance envers le socialisme et le Parti socialiste. Plus loin, à droite, les opportunistes idéologiques appelés Nouveaux philosophes ainsi que les intellectuels de la Nouvelle droite avaient lancé une campagne médiatique de critique du marxisme.

Tandis que d’autres tentacules de la CIA étaient impliqués dans le renversement de dirigeants démocratiquement élus, fournissant des informations et des financements à des dictateurs fascistes, soutenant les escadrons de la mort, l’état-major culturel parisien recueillait des données sur la manière dont le glissement du monde intellectuel vers la droite pourrait directement bénéficier à la politique étrangère américaine. Les intellectuels de gauche de l’après-guerre avaient ouvertement critiqué l’impérialisme américain. L’influence médiatique de Jean-Paul Sartre en tant que critique marxiste, et son action notable, en tant que fondateur de Libération, dans le dévoilement du dirigeant de la CIA à Paris ainsi que de dizaines d’agents infiltrés, étaient surveillées de près par l’Agence et considérées comme un très grave problème.

Par contraste, l’atmosphère anti-soviétique et anti-marxiste de l’ère néolibérale en cours d’émergence détournait l’attention du public et fournissait une excellente couverture pour les sales guerres de la CIA en rendant « très difficile pour quiconque de mobiliser parmi les élites intellectuelles une opposition significative à la politique des États-Unis en Amérique centrale, par exemple. » Greg Grandin, un des meilleurs historiens de l’Amérique latine, a parfaitement résumé cette situation dans The Last Colonial Massacre :

En plus des interventions visiblement désastreuses et mortelles au Guatemala en 1954, en République dominicaine en 1965, au Chili en 1973 et au Salvador et au Nicaragua au cours des années 1980, les États-Unis ont attribué des ressources financières stables et discrètes, et leur soutien moral aux États terroristes contre-insurgés. […] Mais l’énormité des crimes de Staline assure que ces histoires sordides, qu’elles soient convaincantes, approfondies, ou accablantes, ne perturbent pas le fondement d’une vision du monde où le les États-Unis jouent un rôle exemplaire dans la défense de ce que nous appelons aujourd’hui démocratie.

C’est dans ce contexte que les mandarins masqués saluent et soutiennent la critique implacable qu’une nouvelle génération de penseurs anti-marxistes comme Bernard-Henri Levy, André Glucksmann et Jean-François Revel lancent contre « la dernière clique d’intellectuels communistes » composée, selon les agents anonymes, de Sartre, Barthes, Lacan et Louis Althusser. Étant donné que ces anti-marxistes avaient penché à gauche dans leur jeunesse, ils fournissaient un modèle parfait auquel adosser des récits trompeurs qui confondent une prétendue prise de conscience politique personnelle avec la marche progressiste du temps, comme si la vie individuelle et l’histoire étaient simplement une question de maturité qui consiste à admettre que l’aspiration à une profonde transformation sociale vers l’égalité est une chose du passé, à l’échelle personnelle et à l’échelle historique. Ce fatalisme condescendant et omniscient ne sert pas seulement à discréditer les nouveaux mouvements, en particulier ceux dirigés par des jeunes, mais il interprète également les succès relatifs de la répression contre-révolutionnaire comme le progrès naturel de l’histoire.

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Le philosophe français anti-marxiste Raymond Aron (à gauche) et sa femme Suzanne en vacances avec l’agent infiltré de la CIA Michael Josselson et Denis de Rougemont (à droite)

Même les théoriciens qui n’étaient pas aussi opposés au marxisme que ces réactionnaires ont apporté une contribution significative à une atmosphère de désillusion envers l’égalitarisme transformateur, de prise de distance envers la mobilisation sociale et d’« enquête critique » dépourvue de point de vue politique radical. Ceci est extrêmement important pour comprendre la stratégie globale de la CIA dans ses tentatives puissantes et profondes de démanteler la gauche culturelle en Europe et ailleurs : reconnaissant qu’il était peu probable qu’on puisse l’abolir entièrement, la CIA a cherché à déplacer la culture de gauche d’une politique anti-capitaliste et résolument transformatrice vers une position réformiste de centre-gauche moins ouvertement critique des politiques étrangères et nationales étasuniennes. En fait, comme Saunders l’a démontré en détail, dans l’après-guerre l’Agence a influencé le Congrès maccarthyste pour qu’il soutienne et assure une promotion directe des projets de gauche qui permettaient d’attirer les producteurs et les consommateurs culturels à l’écart d’une gauche résolument égalitaire. En isolant et en discréditant cette dernière, la CIA aspirait aussi à fragmenter la gauche en général, laissant à ce qui restait du centre gauche un pouvoir et un soutien public minimaux en plus d’être potentiellement discrédité en raison de sa complicité avec la politique de droite, une question qui continue de tourmenter les partis institutionnalisés contemporains de gauche.

C’est dans cette lumière que nous devons comprendre le penchant de la CIA pour les récits de conversion et son profond intérêt pour les « marxistes repentis », un leitmotiv qui traverse le rapport de recherche sur la Déconstruction française. « Encore plus efficaces pour saper le marxisme », écrivent les taupes, « il y a ces intellectuels qui, comme de vrais croyants, se sont mis en tête d’appliquer la théorie marxiste aux sciences sociales, et qui ont fini par repenser et rejeter l’ensemble du corpus théorique. » Les agents citent en particulier la puissante contribution de l’École des Annales d’historiographie et le structuralisme (en particulier Claude Lévi-Strauss et Foucault) à la « démolition critique de l’influence marxiste dans les sciences sociales ». Foucault, identifié comme « le penseur le plus profond et le plus influent en France », est particulièrement applaudi pour ses éloges à l’endroit des intellectuels de la Nouvelle droite pour avoir rappelé aux philosophes que des « conséquences sanglantes » ont « découlé de la théorie sociale rationaliste des Lumières du XVIIIème siècle et de l’ère révolutionnaire ». Bien sûr, ce serait une erreur de juger la théorie ou la pratique politique d’un penseur sur une seule position ou un seul résultat, mais le gauchisme anti-révolutionnaire de Foucault et sa perpétuation du chantage au Goulag (c’est-à-dire l’affirmation selon laquelle les mouvements radicaux conquérants visant une transformation sociale et culturelle profonde ne font que ressusciter les traditions les plus dangereuses), sont parfaitement alignés avec les stratégies globales de guerre psychologique de l’Agence.

frenchtheorylivreLD.jpgL’interprétation de la French theory par la CIA devrait nous faire réfléchir, dans ce cas, à reconsidérer le vernis radical chic qui a accompagné en grande partie sa réception anglophone. Selon une conception étapiste d’une histoire progressiste (généralement aveugle à sa téléologie implicite), l’œuvre de figures comme Foucault, Derrida et d’autres théoriciens français d’avant-garde est souvent intuitivement associée à une forme de critique radicale et sophistiquée qui dépasse sans doute de loin tout ce que l’on trouve dans les traditions socialistes, marxistes ou anarchistes. Il est certainement vrai, et mérite d’être souligné que la réception anglophone de la French theory, comme John McCumber l’a souligné à juste titre, a eu d’importantes implications politiques en tant que pôle de résistance aux fausses neutralités politiques, aux formalismes techniques rassurants de la logique et du langage, ou au conformisme idéologique direct opérant dans la tradition philosophique anglo-américaine et soutenu par McCarthy. Cependant, les pratiques théoriques des philosophes qui ont tourné le dos à ce que Cornelius Castoriadis nommait la tradition de la critique radicale, (c’est-à-dire la résistance capitaliste et anti-impérialiste) ont certainement contribué à la mise à l’écart idéologique de la matrice de transformation sociale. Selon la CIA elle-même, la French theory post-marxiste a directement contribué au programme culturel de l’Agence consistant à entraîner la gauche vers la droite, tout en discréditant l’anti-impérialisme et l’anti-capitalisme, créant ainsi un environnement intellectuel dans lequel les projets impériaux pourraient être poursuivis sans l’entrave d’un examen critique sérieux des cercles intellectuels.

Comme nous le savons grâce aux recherches sur le programme de guerre psychologique de la CIA, l’organisation n’a pas seulement cherché à contraindre des individus, mais elle a toujours voulu comprendre et transformer les institutions de production et de distribution culturelles. En effet, son étude sur la Déconstruction met en évidence le rôle structurel des universités, des maisons d’édition et des médias dans la formation et la consolidation d’un ethos politique collectif. Dans des descriptions qui, comme le reste du document, devraient nous inviter à penser de manière critique à la situation académique actuelle dans le monde anglophone et au-delà, les auteurs du rapport mettent au premier plan les méthodes par lesquelles la précarisation du travail universitaire contribue à la démolition de la gauche radicale. Si la gauche la plus résolue ne peut pas se procurer les moyens matériels nécessaires à l’exécution de son travail, ou si nous sommes plus ou moins subtilement contraints de nous plier à une conformité pour trouver un emploi, publier nos écrits ou acquérir un auditoire, alors les conditions structurelles pour une communauté de gauche radicale sont affaiblies. La professionnalisation de l’enseignement supérieur est un autre outil utilisé à cette fin, puisqu’il vise à transformer les gens en rouages technoscientifiques de l’appareil capitaliste plutôt qu’en citoyens autonomes pourvus d’outils fiables en vue de la critique sociale. C’est pourquoi les mandarins théoriciens de la CIA font l’éloge des efforts déployés par le gouvernement français pour « pousser les étudiants à suivre des cursus de commerce et de technologie ». Ils soulignent également les contributions de grandes maisons d’édition comme Grasset, des médias ainsi que la vogue de la culture américaine pour faire avancer leur matrice post-socialiste et anti-égalitaire.

Quelles leçons pouvons-nous tirer du document, en particulier dans le contexte politique actuel d’une offensive permanente contre les cercles de l’intelligence critique ? Pour commencer, cette enquête devrait être un rappel convaincant que si certains présument que les intellectuels sont impuissants, et que leurs orientations politiques sont impuissantes, ce n’est pas ce que pense l’organisation qui a été l’un des plus puissants courtiers de puissance dans la politique mondiale contemporaine. La Central Intelligence Agency, comme son nom l’indique ironiquement, croit au pouvoir de l’intelligence et de la théorie, et nous devrions prendre cela très au sérieux. En présumant que le travail intellectuel a peu d’influence sur le « monde réel », ou n’en a pas, nous ne nous bornons pas à dénaturer les implications pratiques du travail théorique, nous courons aussi le risque de nous aveugler dangereusement sur des projets politiques pour lesquels nous pouvons facilement devenir les ambassadeurs involontaires. Même s’il est vrai que l’Etat-nation et l’appareil culturel français fournissent une matrice publique beaucoup plus efficace pour les intellectuels que ce que l’on trouve dans de nombreux autres pays, le souci de la CIA de cartographier et de manipuler la production théorique et culturelle partout ailleurs devrait tous nous réveiller.

Deuxièmement, les courtiers de pouvoir actuel ont un intérêt direct à cultiver des cercles intellectuels dont l’acuité critique aura été assombrie ou aveuglée en encourageant les institutions fondées sur les intérêts des affaires et de la techno-science, en assimilant la gauche à l’anti-scientifisme, en mettant en corrélation la science avec une neutralité politique prétendue (mais fausse), en assurant la promotion de médias qui saturent les ondes de pratiques conformistes, en tenant la gauche la plus déterminée à l’écart des grandes institutions universitaires et des projecteurs, et en discréditant tous les appels à une transformation égalitaire et écologique radicale. Idéalement, ils cherchent à nourrir une culture intellectuelle de gauche neutralisée, immobilisée, apathique et limitée au fatalisme, ou à la critique passive des mobilisations de la gauche radicale. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous pourrions considérer l’opposition intellectuelle à la gauche radicale, qui prédomine dans l’université américaine, comme une position politique dangereuse : n’est-elle pas directement complice du programme impérialiste global de la CIA ?

Troisièmement, pour contrer cette offensive institutionnelle contre une culture de gauche affirmée, il est impératif de résister à la précarisation et à la professionnalisation de l’enseignement. Il est tout aussi important de créer des sphères publiques de débat réellement critique, offrant une matrice élargie à ceux qui reconnaissent qu’un autre monde est non seulement possible, mais est nécessaire. Nous devons aussi nous unir pour contribuer aux médias alternatifs, aux modèles d’éducation différents, aux contre-institutions et aux collectifs radicaux. Il est vital de favoriser précisément ce que les combattants secrets de la culture veulent détruire : une culture de gauche radicale et son vaste cadre institutionnel de soutien, un large ancrage public, une puissance médiatique conquérante et un pouvoir de mobilisation contagieux.

Enfin, les intellectuels du monde devraient s’unir pour reconnaître notre pouvoir et le saisir afin de faire tout ce que nous pouvons pour développer une critique systémique et radicale, égalitaire et écologiste, anti-capitaliste et anti-impérialiste. Les positions que l’on défend en cours ou en public sont importantes pour définir les termes du débat et tracer le champ des possibilités politiques. En opposition directe à la stratégie culturelle fragmentaire et polarisante de la CIA, par laquelle l’Agence a cherché à diviser et isoler la gauche anti-impérialiste et anti-capitaliste, tout en l’opposant à des positions réformistes, nous devrions fédérer et mobiliser en reconnaissant l’importance de travailler ensemble (dans toute la gauche, comme Keeanga-Yamahtta Taylor nous l’a rappelé récemment) pour cultiver les conditions d’une intelligentsia réellement critique. Plutôt que de proclamer ou de déplorer l’impuissance des intellectuels, nous devrions exploiter la capacité de dire les mots justes au pouvoir en travaillant ensemble et en mobilisant notre capacité à créer collectivement les institutions nécessaires à un monde de gauche culturelle. Car c’est seulement dans un tel monde, et dans les chambres d’écho de l’intelligence critique qu’il génère, que les vérités énoncées pourraient effectivement être entendues, et ainsi changer les structures mêmes du pouvoir.

Gabriel Rockhill

Note du Saker Francophone

- Des deux parties de cet article, la 1ère est de loin la plus intéressante 
car elle met en contexte le paysage intellectuel français très polarisé des
années 70. À titre personnel j'y vois par exemple un lien avec
l'affaire Marchais révélée par L'Express en 1980, pour laquelle les
explications de J.-F. Revel m'ont toujours semblé pour le moins évasives.
- Il est tout à fait possible que la CIA ait programmé le débordement
de la gauche marxiste classique par la French Theory (rien que le nom...),
et on peut également se dire que cette théorie aura ensuite
été laissée libre de poursuivre sa trajectoire pour s'attaquer au socle
intellectuel et anthropologique occidental, empêchant ainsi toute pensée
critique structurée. Une sorte de gestion du chaos intellectuel, en fait.
Vous savez, les régressives études de genre, décoloniales, intersectionnelles etc.
En ce sens, malgré la pauvreté finale de son article, Gabriel Rockhill
aurait doublement raison.
- Vous trouverez ici un bon texte de Yannick Jaffré sur Katehon complétant celui-ci.

Traduit par Stünzi, relu par San pour le Saker francophone

mercredi, 11 septembre 2019

L'impuissance militaire américaine dans la zone indo-pacifique

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L'impuissance militaire américaine dans la zone indo-pacifique

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

La zone indo-pacifique, priorité militaire pour le Pentagone

L'auteur de l'article de Strategic Culture cité en référence indique que selon le secrétaire de la Défense américain Mark Esper, le retrait des Etats-Unis du traité INF (Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire ) n'a pas été motivé par la volonté d'établir des bases américaines dotées de tels missiles aux frontières de la Russie, mais de rassembler tous les moyens militaires disponibles pour faire face à une éventuelle attaque chinoise dans la zone indo-pacifique.

Mark Esper a confirmé que, conformément aux prescriptions du récent rapport sur la stratégie nationale de défense américaine, c'est la Chine et ensuite la Russie qui représentent le plus grand danger auquel sont confrontés les Etats-Unis. Il serait temps selon lui, de se préparer à passer de conflits de basse intensité avec ces deux pays pouvant se prolonger pendant des années à des conflits dits « de haute intensité ». Comme chacun sait, ceux-ci pourraient dégénérer en affrontements nucléaires.

On notera que Mark Esper n'a pas hésité à réaffirmer ceci au moment même où Donald Trump et Xi Jinping envisageraient une atténuation des « sanctions américaines » contre la Chine et des contre-sanctions chinoises. Cette atténuation est vivement souhaitée par les entreprises américaines qui vivent des échanges économiques entre les deux pays. Mais on peut penser que le Pentagone et ses alliés, notamment au Japon et en Corée du Sud, sont de plus en plus préoccupés par les missiles hypersoniques dont se dote actuellement la Chine, avec l'aide de la Russie. Un seul de ceux-ci, comme nous l'avons indiqué précédemment, pourrait s'il était bien placé envoyer par le fonds un porte-avions américain,

Ce qui les inquiète particulièrement aujourd'hui est l'acquisition d'armes anti-aériennes et anti-missiles du type du système anti-missile russe S400 par des pays essentiels à la sécurité américaine tels que l'Inde, la Turquie, la Syrie et même les Emirats Arabes Unis. Les stratèges américains reconnaissent que la supériorité militaire américaine est mise en échec par de tels bases ou navires équipés de ces missiles. Ceux-ci pourraient rendre impuissantes les forces armées américaines dans le Pacifique en seulement quelques heures de conflit.

Mais, comme l'écrit Strategic Culture, les Etats-Unis n'ont pas profité de cette situation pour proposer des accords de coopération avec la Chine et ses alliés. Au contraire, ils voudraient maintenant négocier avec leurs alliés la mise en place d'un Otan du Pacifique. Compte tenu des difficultés que les Américains rencontrent actuellement à utiliser l'Otan nord-atlantique pour établir des relations de coopération entre les membres de cette dernière, on doute que la perspective d'un Otan du Pacifique intéresse beaucoup d'alliés de l'Amérique dans cette zone.

Pour en savoir plus, voir

https://www.strategic-culture.org/news/2019/09/02/america...

L'auteur en est Matthew Ehret, fondateur et responsable de la Canadian Patriot Review et de la Rising Tide Foundation

Note au 05/09

Il convient de relativiser l'impuissance américaine  en mer de chine méridionale. L'US Navy vient de conduire des manoeuvres communes avec les marines de l'ASEAN, comme le relate l'article ci-dessous. Il est vrai que selon cet article, la Chine pratique de son côté de telles manoeuvres.  L'ASEAN ou Association des nations de l'Asie du Sud-Est est une organisation politique, économique et culturelle regroupant dix pays d'Asie du Sud-Est

https://www.asiatimes.com/2019/09/article/us-asean-float-...

 

lundi, 09 septembre 2019

The Legacy of Lothrop Stoddard

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The Legacy of Lothrop Stoddard

Lothrop Stoddard (1883-1950) was, in many respects, decidedly a man of his times. Like many intellectuals of his generation, he devoted the bulk of his writing to the nascent field of social science, hoping to harness the discipline not only to explain the past and present, but also to affect positive changes in the future. He can accurately be surmised as a disciple of Madison Grant, who was himself the intellectual progeny of Arthur de Gobineau by way of Houston Stewart Chamberlain. The Rising Tide of Color [2], the 1920 geopolitical and anthropological work for which Stoddard was and is best known, shows Grant’s influence not only in its division of the Aryan race into three subcategories (Nordic, Alpine, and Mediterranean), but also in its overriding pessimism and anxiety about the future of white civilization, a trait characteristic of the post-First World War generation of Right-wing intellectuals.

LS-schum.jpgHowever, Stoddard departed from Grant in meaningful ways and, while some of Grant’s work is commendable, Stoddard’s deviations from it are almost uniformly for the better. In The Passing of the Great Race [3], Grant suggested that the Nordic race was characterized by a set of sublime, masterful traits which were absent from lesser races, including the other Caucasoid races. Stoddard, by contrast, is less interested with these subdivisions than with the fate of the larger racial community. Grant wrote the preface to The Rising Tide of Color, and the word “Nordic” appears far more often in those thirty-two pages than in the remaining three-hundred some pages of the book. As one would expect, Stoddard is guilty of some of the purity-spiraling which characterized his generation of racial theorists and remains a problem for white activism today, but these forays into excess are easy to overlook in favor of the more relevant argument and his obvious admiration for a greater racial community.

Stoddard has some positive things to say about non-white races, even as he views geopolitical circumstances naturally drawing them into conflict with whites. For instance, Stoddard praises the Chinese for their laboriousness. The Japanese are praised for their rapid industrialization, and the West is chastised for having underestimated their abilities. Stoddard even praises the Islamic Revival as regenerative within its particular cultural context, restoring to the Arab world a vitality which had been lost within the bureaucratic Ottoman Empire, and he portrays Arabs as some of the world’s fiercest warriors. Stoddard’s advocacy of racial hygiene thus has the goal of preserving the distinctive traits of all races, not just a particular subset of the Caucasoid race. In this sense, he has more in common with many on the New Right than does Madison Grant.

In The Rising Tide of Color, Stoddard made a number of predictions which have proven startlingly accurate, if not wholly original. Stoddard’s thesis, in essence, is that the apparent hegemony of Europe in his day would be short lived – white civilization would soon be overrun by the “colored” races. Unsurprisingly, he does not predict that this circumstance will be brought about by non-whites overtaking whites in terms of ability. Rather, this usurpation of the West would be a simple metric of quantity over quality, the result of higher birth rates among non-whites. These higher birth rates, he notes ironically, would not be possible without the medicinal, technological, and political changes brought to Africa and Asia by European colonists. At stake here was not just the displacement of whites from their traditional homelands. Stoddard, who had previously written The French Revolution in San Domingo, was well aware of the probable fate of white minorities. The dysgenic tragedy of the First World War, which Stoddard aptly portrayed as meaningless but unfairly blames almost exclusively on the Germans, is portrayed as accelerating the onset of this catastrophe.

LS-racreal.jpgStoddard foresaw that capitalism would encourage the importation of non-white labor that would outcompete whites not in its quality, but in its quantity and its willingness to work for practically nothing. This willingness is owed to the fact that, given the Malthusian pressures triggered by the overpopulation of their nations, even the most meager subsistence would be preferable from their perspective. Needless to say, this prediction has been made manifest in the United States, the United Kingdom, Germany, and elsewhere. Stoddard predicted that the Islamic Revival would bring the Muslim world into war against the West and that black Africans would align with Muslims in this effort. Stoddard predicted that internecine rivalries between non-whites would be put aside in favor of a sort-of rainbow coalition that would persist up until the moment that the white world had been defeated. He also predicted that the moral grandstanding about national self-determination during and after the First World War would make continued maintenance of the massive European colonial empires an impossibility. This seems obvious in retrospect – the values codified at Versailles both incentivized the creation of nationalist movements across the European colonies and made the ruling position blatantly and indefensibly hypocritical – but it must not have been to the contemporary British and French ruling class, who made efforts (with varying degrees of intensity) to cling to their empires into the 1960s. He predicted that the Bolsheviks would persuade discontented colored nationalists to the cause of Communism. He predicted that Japan would challenge the West for hegemony over Asia – another accurate prediction, although its impressiveness is mitigated by the fact that this was already a widespread belief following the Russo-Japanese War of 1904-05. He also presaged Samuel Huntington by prophesying that the struggle between various races and cultures, rather than Marxist materialist concerns, would be the primary cause of conflict and consciousness in the twentieth century and beyond.

The Rising Tide of Color was well-received, despite being panned by the eminent anthropologist Franz Boas, who (in keeping with his Jewishness) was endeavoring to remove all racial considerations from a field historically composed almost exclusively of racial studies. Stoddard took the implications of his research seriously, and worked to prevent the catastrophe he foresaw from becoming a reality. To this end, he helped lobby for the 1924 Johnson-Reed Act, much admired by contemporary and modern Rightists, which created an immigration system based upon quotas designed to preserve the traditional ethnic makeup of the United States. This seems to have alleviated much of his pessimism, as his 1927 book Re-forging America: The Story of Our Nationhood [4] celebrates the (sadly, illusory) palingenesis of the US and its founding stock. Reflecting the non-racial dysgenic concerns described within The Revolt Against Civilization: The Menace of the Underman [4] (1922), Stoddard helped promote eugenicist policies, working alongside Margaret Sanger to create the birth control movement. He also spent time as a correspondent in the Third Reich, of which he held an ambivalent view. Nonetheless, German government officials naturally preferred giving interviews to Stoddard rather than to the more hostile William Shirer. During and after the Second World War, Stoddard, like many of his generation, was shut out from even supposedly conservative publications. The man and his work were suddenly heretical to the intellectual and political establishment, and he was silenced to such an extent that his death in 1950 went practically unreported in the press.

LS-revciv.jpgToday, the unfortunate veracity of Stoddard’s predictions has reignited interest in his scholarship, sympathetically in dissident circles and, of course, negatively in the establishment. The similarity of his predictions to the “Great Replacement” which we observe today will not be lost on any conscious reader. It is safe to say that this is the reason that Stoddard has recently begun reappearing in Leftist publications. The Left uses Stoddard [5] to demonstrate that anything but an open border is racist and evil, and those articles are exactly the kind of insipid, smooth-brained commentary you would expect – in essence, Stoddard proves that “orange man bad.” Another article positions Stoddard as evidence for the dangers of academic and speech freedoms [6]. A slightly (but only slightly) more interesting article suggests that Douglas Murray is the heir apparent to Stoddard’s legacy [7], a somewhat accurate assessment nonetheless muddled by the asinine, copy-and-paste commentary suggesting that the displacement of whites is at once a ridiculous conspiracy theory and an inevitable force of nature that we should celebrate and embrace. The establishment Right [8] has also recently begun smacking around Stoddard, using him to tar Planned Parenthood as part of its ridiculously misguided and self-destructive campaign against abortion rights.

It will doubtless be a shock to all Counter-Currents readers to learn that none of this mainstream pabulum is worth the time invested in reading it. However, there has been one recent article regarding Stoddard which caught my attention and which, through its enshrinement in Stoddard’s Wikipedia entry, has now become part of his popular legacy. The article, published in The New Yorker and penned by Ian Frazier, regrettably grabbed my attention with the clickbait headline “When W. E. B. Du Bois Made a Laughingstock of a White Supremacist [9].” I immediately knew, based on the fact that he had once engaged in a public debate with Du Bois, that the eponymous “supremacist” was Stoddard. Moreover, I immediately knew that the article must be laughably disingenuous, given that Du Bois was not remotely close to Stoddard in terms of ability (and given that it was published in The New Yorker). Du Bois is a beloved icon of the modern American Left, a fact attributable to his blackness, his constant demands that whites change their societies to include and advance blacks, and his Marxism.

Du Bois is uniformly portrayed as an inimitable genius, rivaled only by Emile Durkheim and Franz Boas as a founder of social science. However, when one actually examines his ideas, it becomes obvious that not only was he wrong about practically everything but, worse, he also had nothing novel to say. Every single one of Du Bois’ supposed contributions to social science can more meaningfully be attributed to someone else. The term “color line” to describe racial segregation was coined by Frederick Douglass (and, at any rate, is hardly an insight), and the argument that the concept of race only exists to justify capitalist exploitation was clearly lifted from Karl Marx’s theories of superstructure and false consciousness. Du Bois’ most celebrated achievement, elucidated in The Souls of Black Folk, is the theory of “Double Consciousness,” wherein blacks are forced to consider themselves through white racial conceptions. Even this is lifted from elsewhere, little more than a modified version of Ralph Waldo Emerson’s concept of the same name. Moreover, double consciousness’ claim that black Americans are forced to inexorably struggle to reconcile a black ethnocultural identity with their existence in a European cultural context has always struck me as a direct contradiction of Du Bois’ race negationism. Race, when it is conceived by whites, is a social construct created to justify exploitation. When conceived by blacks, race is an innate reality of existence, and Pan-African cultural traits persist within the black soul regardless of their physical location.

Nonetheless, and despite the much more numerous successes of his arch-rival Booker T. Washington, Du Bois was regarded as the leading black intellectual of his day. In The Rising Tide of Color, Stoddard had explicitly cited Du Bois as an example of the growing non-white resentment that would undermine and eventually destroy white civilization. This, coupled with Stoddard’s constant willingness to express his ideas in front of even uniformly hostile audiences (he even gave a speech to all-black Tuskegee University in 1926), led to a 1929 debate between Stoddard and Du Bois in Chicago. The debate was Du Bois’ brainchild, and was thus held in front of a largely black audience and reported on primarily by the black press. One is thus forced to wonder what Stoddard thought this debate would accomplish. At the time, there remained some slight degree of optimism that blacks and whites would both remain in their proverbial lanes, with blacks following the example of Booker T. Washington and his Atlanta Compromise. Indeed, Stoddard referenced Washington’s metaphor of the American races as a hand (in which each race is kept distinct, like the fingers, but works together for the betterment of all) during the debate. But Washington’s path, which focused on black self-improvement, cultural assimilation, and interracial cooperation until black-white parity was achieved, was always a longshot; it required blacks to possess low time preference. Du Bois’ way – simply demanding that white society change to fit black expectations by appealing to the white sense of fair play and benevolence – was always going to be an easier sell.

To borrow a beloved Leftist expression, everything about the debate was “rigged.” The New Yorker article, like the magazine’s Jewish readership and the debate’s contemporary audience, has of course already made up its mind on who won the debate before a single word is relayed. Author Ian Frazier mocks Stoddard as a “nut,” citing his belief in “germ-plasm” as the conveyor of genetic information. Stoddard’s understanding of this process retrospectively comes across as nonsense, and The New Yorker clearly feels that it is no excuse that he was writing at a time when no one on Earth understood it much better. Likewise, the black correspondents who recorded the details of the event from which we are to draw our conclusions represented The Chicago Defender, which had called Stoddard “the high priest of racial baloney,” and The Baltimore Afro-American, which had at once rejected the premise of The Rising Tide of Color while simultaneously celebrating its statistics showing that non-white people outnumbered whites worldwide.

LS-Dark.jpgThe central question of the debate was “Shall the Negro Be Encouraged to Seek Cultural Equality?,” a concept which had never been relevant to Stoddard’s research but was the entire raison d’etre for Du Bois’ career. Moreover, the framing of the question was such that, even at the time, it would have been impossible to make a cogent argument against it. The contrary position, that whites should actively discourage blacks from bettering themselves, would not have been how segregationists presented their position. And, of course, Du Bois was not asking for whites to “encourage” blacks to “seek” their own achievements – that was the position of Booker T. Washington, his hated nemesis. Du Bois’ goal was to dissolve white institutions, or at least inject blacks into them, and to accomplish a Marxist redistribution of wealth along racial lines.

The debate began with the moderator presenting Du Bois as “one of the ablest speakers for his race not only in America but in the whole wide world,” while Stoddard was “a man whose books and writings and speaking have made his views known to many hundreds of thousands of people both in this country and abroad.” In other words, Du Bois is among the most brilliant people in the world, and Stoddard is someone who is literate enough to convey his ideas through the written word. Du Bois’ speech at the debate was typical for him and the precedent of black activism he established: He argues that everyone should be given cultural equality freely rather than having to seek or earn it, that since Abolition blacks have a list of accomplishments with “few parallels in human history” (though what these are is not stated), and that the white race has actually done far more ill for the world than good. Nordic whites, he says, have inflicted war, suffering, and tyranny on more people than any other group, a position that could be found restated verbatim in any modern Leftist publication. The same could be said of his next argument, which is that science (in the abstract) has proven that the races are equal in their aptitudes.

Du Bois also says that Stoddard is hypocritical for opposing miscegenation, for it is whites that have brought about the majority of interracial interaction in the world via exploration and colonization. Moreover, it is only arrogance which leads whites to believe that blacks would want to copulate with them in the first place. In the very next breath, Du Bois asserts that racial categorization itself is ridiculous because, as a mixed-race person himself, he is both Nordic and negro. This obvious contradiction – wherein he chastises whites for miscegenation before immediately saying resisting miscegenation is foolish – gets no commentary from The New Yorker, which presents Du Bois’ argument as brilliant at every turn, carefully luring Stoddard into a rhetorical trap. Du Bois finishes by saying that the US is founded upon Christian values, which it betrays by denying equality to blacks; in essence, that “this is not who we are.” What is most striking about Du Bois’ speech is that it reveals that the Left simply never changes. Their rhetoric today is the very same as it was ninety years ago. While it has never ceased being emotionally manipulative and intellectually bankrupt, you can hardly blame Leftists for sticking to a script which has won them a practically uninterrupted string of major victories.

Stoddard, for his part, does not even address Du Bois’ points. His proposal is the maintenance of the “separate but equal” dictum established by Plessy v. Ferguson, in which the races are kept apart not based on claims of superiority, but simply on the basis of racial difference. The New Yorker predictably presents this as a distortion of his beliefs, but I have little doubt that Ian Frazier never read The Rising Tide of Color, which makes the same essential argument. This brings us to the climactic moment of the debate when, as The New Yorker tells it, Du Bois makes a laughingstock of Stoddard, exposing his “unintentionally funny” ideas for just how ridiculous they are. Let us see how Du Bois’ brilliant dialectical style unfurled in full flower, ensnaring this hapless, “Nazi-loving” fool in its wake.

LS-clash.jpgStoddard says that “the more enlightened men of southern white America” are trying to ensure that, while the races are kept separate, that the facilities to which they have access are nonetheless equal in quality. This elicited laughter from the black audience, who found the claim to be ridiculous. Stoddard then informed them that he did not see the joke, apparently eliciting more whooping. Angered, Stoddard rebutted that bi-racial cooperation of the Atlanta Compromise mold was making more progress than anything Du Bois was attempting – another apt prediction, for Du Bois died having accomplished none of his goals. Du Bois gave up on “progress” in the US and eventually moved to observe and admire Mao Zedong’s brutality in China before settling in Ghana. His NAACP was and remains little more than a debating and protesting society. From its inception in 1909, the NAACP incessantly complained for over fifty years until other acronymous black organizations, aided by the bayonets of the National Guard and the Cold War exigencies of “winning hearts and minds,” ended the white near-monopoly on American political power.

The duplicity of The New Yorker’s portrayal here is so obvious that I have to imagine even those few goyim foolish enough to regularly sift through its wretched pages were able to at least sense a slight tingling in their temporal lobe. Clearly, Du Bois did nothing to “make a laughingstock” of Stoddard. Stoddard simply stated his beliefs in front of an audience so hostile to them that they met his arguments with incredulous laughter. The same result would befall anyone today who attempted to suggest before a black audience that Affirmative Action is racially biased or that Michael Brown was not a gentle giant. One wonders what the response would have been if Du Bois had returned Stoddard’s courtesy by conducting a debate in front of an educated, pro-white audience. How might they have reacted if Du Bois had made his claim that science disproves human genetic variation?

Ironically, the 2019 retrospective on this debate in The New Yorker is evidence of the veracity of Stoddard’s ideas. The entire informational apparatus of the US has been seized by vengeful non-whites and their self-destructive white allies, and is now used as a vanguard for affecting anti-white sociopolitical change. The rest of society is already taking and will continue to take the same course as whites become an increasingly scarce minority. Barring a miracle reversal, the “rising tide” which he feared and helped delay will subsume whites, subjecting them to the conditions which have befallen white minorities everywhere around the world.

 

Article printed from Counter-Currents Publishing: https://www.counter-currents.com

URL to article: https://www.counter-currents.com/2019/09/the-legacy-of-lothrop-stoddard/

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[1] Image: https://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2019/09/9-5-19-4.jpg

[2] The Rising Tide of Color: https://archive.org/details/in.ernet.dli.2015.22915/page/n5

[3] The Passing of the Great Race: https://archive.org/details/in.ernet.dli.2015.39871/page/n5

[4] Re-forging America: The Story of Our Nationhood: https://archive.org/details/in.ernet.dli.2015.43395/page/n13

[5] The Left uses Stoddard: https://www.thenation.com/article/replacement-theory-racism-white-supremacy/

[6] as evidence for the dangers of academic and speech freedoms: https://qz.com/1093545/a-brown-professor-explains-how-americans-faith-in-civilized-debate-is-fueling-white-supremacy/

[7] Douglas Murray is the heir apparent to Stoddard’s legacy: https://medium.com/@buffsoldier_96/the-strange-case-of-douglas-murray-74a670150172

[8] The establishment Right: https://www.nationalreview.com/2017/06/planned-parenthoods-brutal-century/

[9] When W. E. B. Du Bois Made a Laughingstock of a White Supremacist: https://www.newyorker.com/magazine/2019/08/26/when-w-e-b-du-bois-made-a-laughingstock-of-a-white-supremacist

 

mercredi, 26 juin 2019

La droite nord-américaine fait fausse route

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La droite nord-américaine fait fausse route

par Rémi TREMBLAY

En Amérique, tant au Canada qu’aux États-Unis, l’immigration illégale – ou les « migrations irrégulières » pour employer le novlange d’Ottawa – défraie les manchettes depuis quelques années.

Au sud du 51e parallèle, l’immigration illégale, principalement en provenance des pays de l’Amérique latine, est un phénomène majeur, mais ne date pas d’hier, contrairement au Canada où c’est le fameux Tweet « Bienvenue au Canada » lancé par Justin Trudeau sur le réseau social Twitter qui a enclenché le phénomène à l’hiver 2017.

Depuis, ce sont des dizaines de milliers de clandestins qui ont franchi la frontière américano-canadienne pour être accueillis à bras ouverts par les autorités canadiennes. C’est énorme pour une population comme celle du Canada, bien que le phénomène soit beaucoup moins important qu’aux États-Unis où les clandestins sont au minimum 10 millions selon le Pew Research Center qui présente un nombre probablement bien en deçà de la réalité.

La volonté de Donald Trump de bâtir un mur entre le Mexique et les États-Unis et d’appliquer une ligne dure envers l’immigration illégale explique en partie son élection à la Maison Blanche et a eu un impact beaucoup plus important qu’une quelconque intervention russe.

Au Canada, la campagne électorale n’a pas encore été officiellement déclenchée, mais déjà le conservateur Andrew Scheer, le principal adversaire de Trudeau fils, attaque le premier ministre sur cet enjeu qui risque de devenir un élément marquant de sa campagne.

Mais le problème avec cet enjeu est qu’il reste relativement secondaire. Certes, il va de soi qu’un gouvernement doit contrôler ses frontières, ce qui est la base même de toute souveraineté. Il est aussi crucial que dans un État de droit, une démocratie libérale comme les États-Unis et le Canada, les règles soient respectées. Ces pays ont renié toute identité nationale ou ethnique; l’appartenance au pays nécessite une adhésion à ses lois et institutions.

C’est la seule façon dont ces états de plus en plus artificiels, car de plus en plus coupés de leur identité nationale et ethnique au profit d’une approche inclusive, peuvent perdurer.

Mais ce n’est justement pas les institutions et l’État qu’il faut préserver, mais la nation, le peuple qui est à son origine. Les institutions peuvent changer, l’État peut s’écrouler, peu importe, tant que la nation survit. L’exemple russe qui a connu le régime tsariste, la révolution, la tyrannie et la violence avant de renaître de ses cendres nous le démontre bien. Et quand on parle de survie nationale, ce n’est pas l’immigration illégale et statistiquement marginale qui importe, mais l’immigration de masse, tout à fait légale qui est orchestrée par les élites.

Le Grand Remplacement ne se fait pas de façon clandestine et illégale, mais bien au grand jour à travers l’immigration de masse. Au Canada, celle-ci a explosé, passant d’un niveau ingérable d’un quart de million de nouveaux venus annuellement pour une population totale de moins de 40 millions à un tiers de million chaque année et les chiffres continuent de grimper. C’est là le véritable enjeu. Les quelques milliers qui parviennent à entrer au pays ne représentent qu’une goutte d’eau dans le tsunami migratoire que nous impose Trudeau.

Si les Conservateurs voulaient vraiment enrayer le Grand Remplacement, ils s’attelleraient tout de suite à ce dossier. Mais voilà, ce n’est pas ce qu’ils souhaitent.

Rémi Tremblay

• D’abord mis en ligne sur Euro-Libertés, le 19 juin 2019.

jeudi, 20 juin 2019

Orwell, Molotov, & the “Crisis of Capitalism”

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Orwell, Molotov, & the “Crisis of Capitalism”

Did the international crises of 1947 and 1948 leave their mark on the writing of Nineteen Eighty-Four? I’ve spent a lot of time on this question, and so far as I can tell, the answer is – yes; but only obliquely. And George Orwell may not even have been conscious of the fact.

A couple of months into writing the first draft of the novel, he paused to do an article for the Partisan Review. This was one of an ongoing series by several authors called “The Future of Socialism.” Orwell’s contribution for the July-August 1947 issue was titled “Toward European Unity,” and it includes some recognizable themes that were finding their way into Nineteen Eighty-Four.

Actually, the piece itself doesn’t have much to say about socialism. (One of Orwell’s last essays was on Oscar Wilde’s notion of “socialism.” Like Wilde, Orwell thought it all sounded like a nice idea, but he was one of those socialists who never read Marx.) As for “European unity,” Orwell saw only dim prospects. He was much more interested in rather whimsical speculation about how the world could survive after the Third World War started and the “atomic bombs” dropped. His least favorite outcome happened to be the background to the world of Nineteen Eighty-Four. (I’ll excerpt these at the end.)

But there’s a throwaway line in “Toward European Unity” that might be an eye-opener for people today, though it was a reasonably sound, matter-of-fact assessment of the political scene in mid-1947:

. . . American pressure is an important factor because it can be exerted most easily on Britain, the one country in Europe which is outside the Russian orbit.[1] [2]

The hard fact here is that most of western Europe was slipping into the Soviet grip. Communist parties in France and Italy were getting ready to seize power, with the Communists already the largest party in the French assembly. The USSR was maneuvering to take control of the 1945 rump of Germany, by first uniting the four zones – British, American, French, Soviet – under a Sovietized “neutral” government. Meanwhile, Europe’s post-war economic recovery had stalled and backslid, largely because of the destruction of German mines and industry, and punitive reparations and deindustrialization under the still-operative Morgenthau Plan.[2] [3] France and Britain were effectively bankrupt, living on loans and remittances from the US.[3] [4]

The stage, then, was set for the wave of revolutions, wars, and brutal regimes that form the backstory to Nineteen Eighty-Four. More memorably, these conditions are the background to the American foreign policy initiatives remembered as the Truman Doctrine and the Marshall Plan. For most people, these things are mainly recalled as chapter subheadings in high school texts, or even as examples of insuperably dull, indecipherable topics best treated as punchlines to jokes. (The writer Tobias Wolff once wrote a cruelly humorous short story in which the running gag was about a job-seeking professor forced to give a lecture with someone else’s dreary paper on the Marshall Plan.)[4] [5]

What is generally forgotten these days – or more likely, unknown – is the worldwide campaign of agitprop and civil unrest that the Soviet Union mounted in 1947-48 in retaliation for the Marshall Plan. You really need to go back to the newspapers of the era to see how far and wide was the campaign’s reach. Throughout western Europe, there were riots, work stoppages, mine floodings, and anti-Marshall Plan posters, films, flyers, and newspapers. Factories and wharves were shut down throughout France for much of late 1947; in Italy, the Communists held a sit-down strike in the Parliament. Dockworkers on the Continent, in Britain, and even in Australia, New Zealand, and North America refused to unload ships.

In America, the most memorable efflorescence of the anti-Marshall Plan drive (though seldom remembered as such) was the strange presidential campaign of ex-Vice President Henry Wallace. Wallace and other “Progressives” (for such he called his party) aimed to punish President Truman and pro-Marshall Plan Democrats by splitting their vote in 1948. They did not succeed, as it rapidly became clear that these efforts were directed by the Soviet Central Committee and the Communist Party of the USA, operating through labor unions, particularly the CIO. In 1947 and 1948, Dwight Macdonald (Orwell’s friend and political soulmate) devoted many pages of his magazine, Politics, to exposés of the Stalinist machinations behind the Wallace campaign.[5] [6]

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In that same paragraph from the Partisan Review piece by Orwell that I quoted above, there’s a curious and most un-Orwellian comment about U.S. trade:

If the United States remains capitalist, and especially if it needs markets for exports, it cannot regard a Socialist Europe with a friendly eye.[6] [7]

 

Dwight Macdonald

What exactly is he saying here? In all his writings, Orwell seldom, if ever, affects interest in such peripheral economic matters as trade policy. Yet here he is, professing to suspect that the “capitalist” US has a great need to expand its overseas (specifically European) markets. Now, in the late 1940s American exports worldwide comprised about five percent of its GNP.[7] [8] That is, most of the GNP was from domestic consumption, and need for exports would have been negligible.

Knowing when Orwell wrote this, in about June 1947, gives us a clue as to where he got this funny notion. Apparently he’d just read something in the papers pertaining to the newly-proposed Marshall Plan. I doubt Orwell knew where the story originated, or detected its ring of Marxian economics; but that is essentially what it was. Right about this time, the Soviet Foreign Minister, Vyacheslav Molotov, was putting out a tale that the European Recovery Plan, aka the Marshall Plan, had an ulterior motive: to forestall an inevitable and approaching depression due to American war debts and its unsold “surplus goods.”

Shortly after Secretary of State George Marshall gave his so-called “Marshall Plan Speech” (at Harvard’s commencement on June 5, 1947), Molotov had asked the top Soviet economist, Yevgeny “Jeno” Varga,[8] [9] to provide a report on the American economy. Specifically, he wanted Varga to “assess motives” behind this proposed aid plan. Varga came back with a suitably dire forecast: the US was facing a depression nearly the size of the Great Depression of the 1930s, with ten million unemployed and a twenty percent drop in GNP.

Per Varga, the apparent rationale for the Marshall Plan was that by lending billions in credits to Europe, the US could get rid of its “surplus goods” (as it was suffering from a “crisis of overproduction”). It could thereby avoid the forthcoming economic collapse – temporarily, at least – even though the countries to which it was “lending” credits were themselves bankrupt. Varga most likely did not believe what he wrote here. In 1946, he had written an in-depth economic study putting forth the thesis that because of changes in the American economy and government, it was no longer subject to the classic boom-and-bust “Crisis of Capitalism.” But now he was simply telling Molotov what Molotov wanted to hear.[9] [10]

molotov.jpgAnd so, when Molotov went to Paris to meet the British and French foreign ministers at a preliminary conference on the Marshall Plan (this is still June 1947), he told them he believed the proposed Plan was really conceived in America’s own interest, “to enlarge their foreign markets, especially in view of the approaching crisis.” To no one’s great surprise, Molotov soon announced that neither the USSR nor any of the Communist satellite states would be participating in the European Recovery Plan.

With the passing months, Soviet propaganda evolved somewhat. In September, Molotov’s deputy and eventual successor, Andrei Vyshinsky, told the UN General Assembly that “[t]he United States . . . counted on making . . . countries directly dependent on the interests of American monopolies, which are striving to avert the approaching depression by an accelerated export of commodities and capital to Europe.”[10] [11] This soon turned into a more pointed accusation, that the US was setting up a “Western Bloc” as an economic and political beachhead. Soviet spymaster Pavel Sudoplatov explained that “the goal of the Marshall Plan was to ensure American economic domination of Europe.”[11] [12]

What were these “surplus goods” that the US supposedly wanted to offload onto Europe via the Marshall Plan? Mostly, they were the same goods that America had been providing all along: grain and fuel, primarily coal. (While western Europe had endless reserves of coal, the mines in Germany had been so damaged that Europe suffered from severe coal shortages for the first few years after the war.) When European countries bought these with Marshall credits beginning in 1948, it freed up their own capital for “recovery” uses. And, pace Varga and Molotov, America was not disposing of these goods in order to forestall an economic crisis. There wasn’t even a recession in 1947 or 1948; just a mild downturn that came in 1949.

But the notion of “surplus goods” and its Marxian companion, the “crisis of overproduction,” found their way into an obscure corner of Nineteen Eighty-Four. They provide the stated (though rather illogical and unnecessary) rationale for eternal war, as set forth in The Theory and Practice of Oligarchical Collectivism:

The primary aim of modern warfare (in accordance with the principles of doublethink, this aim is simultaneously recognized and not recognized by the directing brains of the Inner Party) is to use up the products of the machine without raising the general standard of living. Ever since the end of the nineteenth century, the problem of what to do with the surplus of consumption goods has been latent in industrial society. . . . The war, therefore, if we judge it by the standards of previous wars, is merely an imposture. It is like the battles between certain ruminant animals whose horns are set at such an angle that they are incapable of hurting one another. But though it is unreal it is not meaningless. It eats up the surplus of consumable goods, and it helps to preserve the special mental atmosphere that a hierarchical society needs.[12] [13]

It’s all a joke, of course: Oligarchical Collectivism is not a serious treatise even within its fictive realm. It’s something that O’Brien and his colleagues concocted (or so O’Brien tells us) as a plausible excuse for a revolutionary tract that the non-existent Goldstein might write. It puts forth “the problem of what to do with the surplus of consumption goods” as though that were a real conundrum, one that can only be solved by constant pseudo-warfare.

It would have been quite enough just to say fake wars provide “the special mental atmosphere that a hierarchical society needs.” But Orwell apparently had export markets and “surplus goods” on his mind, so he threw those in as well.

 *  *  *

partisanreview.jpgThis tortured, unnecessary explanation ties up nicely with the alternative predictions Orwell offers in his Partisan Review article. As I said, he doesn’t really say much about socialism, and he doubts European unity, but he puts an awful lot of (overly) complex thought into how it’s all going to end. He’s writing this while he’s mainly focused on Nineteen Eighty-Four, so we end up with three James Burnham-esque scenarios of what may face us when the bombs start a-flying:

As far as I can see, there are three possibilities ahead of us:

    1. That the Americans will decide to use the atomic bomb while they have it and the Russians haven’t. This would solve nothing. It would do away with the particular danger that is now presented by the U.S.S.R., but would lead to the rise of new empires, fresh rivalries, more wars, more atomic bombs, etc. In any case this is, I think, the least likely outcome of the three . . .
    2. That the present ‘cold war’ will continue until the U.S.S.R., and several other countries, have atomic bombs as well. Then there will only be a short breathing-space before whizz! go the rockets, wallop! go the bombs, and the industrial centres of the world are wiped out, probably beyond repair . . . Conceivably this is a desirable outcome, but obviously it has nothing to do with Socialism.
    3. That the fear inspired by the atomic bomb and other weapons yet to come will be so great that everyone will refrain from using them. This seems to me the worst possibility of all. It would mean the division of the world among two or three vast super-states, unable to conquer one another and unable to be overthrown by any internal rebellion. In all probability their structure would be hierarchic, with a semi-divine caste at the top and outright slavery at the bottom, and the crushing out of liberty would exceed anything that the world has yet seen . . .[13] [14]

Notes

[1] [15] George Orwell, “Toward European Unity,” Partisan Review (New York), July-August 1947, Vol. 14, No. 4.

[2] [16] One sometimes hears that the Morgenthau Plan for the starvation and pastoralization of Germany was floated as an idea but sternly rejected. Actually, as Joint Chiefs of Staff directive No. 1067 [17], it was the basis of American occupation policy, effective from April 1945 until July 1947. Both the US and the Soviet Union dismantled German industrial plants in this period.

[3] [18] There are countless sources for this subject, but Benn Steil’s 2018 book, The Marshall Plan (New York: Simon & Schuster, 2018), gives a detailed overview of the economic crisis.

[4] [19] Tobias Wolff, “In the Garden of the North American Martyrs,” originally published in Antaeus (New York), Spring 1980.

[5] [20] Macdonald’s most thorough examination of Wallace and company was in the Summer 1948 issue of Politics.

[6] [21] Orwell, “Toward European Unity.”

[7] [22] See chart, The Hamilton Project [23].

[8] [24] Jeno Varga was a Hungarian Jew (his real name was Eugen Weisz) who had been in the Hungarian Communist Party since the Béla Kun days in 1919. After this, he fled to the USSR and became Stalin’s longtime economic adviser. Like Molotov in the late 1940s, Varga was about to fall out of favor.

[9] [25] Scott D. Parrish & Mikhail M. Narinsky, “New Evidence on the Soviet Rejection of the Marshall Plan, 1947 [26]” (Washington, DC: Wilson Center), 1994.

[10] [27] Andrei Vyshkinsky’s speech [28] at the United Nations, September 1947.

[11] [29] Steil, The Marshall Plan.

[12] [30] George Orwell, Nineteen Eighty-Four, 1949, Part II.

[13] [31] Orwell, “Toward European Unity.”

 

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[17] Joint Chiefs of Staff directive No. 1067: https://en.wikisource.org/wiki/JCS_1067

[18] [3]: #_ftnref3

[19] [4]: #_ftnref4

[20] [5]: #_ftnref5

[21] [6]: #_ftnref6

[22] [7]: #_ftnref7

[23] The Hamilton Project: http://www.hamiltonproject.org/charts/u.s._imports_and_exports_1947_2016

[24] [8]: #_ftnref8

[25] [9]: #_ftnref9

[26] New Evidence on the Soviet Rejection of the Marshall Plan, 1947: https://www.wilsoncenter.org/sites/default/files/ACFB73.pdf

[27] [10]: #_ftnref10

[28] speech: https://astro.temple.edu/~rimmerma/vyshinsky_speech_to_un.htm

[29] [11]: #_ftnref11

[30] [12]: #_ftnref12

[31] [13]: #_ftnref13

mardi, 18 juin 2019

Note sur une grande influence en France

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Note sur une grande influence en France

par Georges FELTIN-TRACOL

Le témoignage de Frédéric Pierucci (avec l’aide de Matthieu Aron) paru chez Jean-Claude Lattès sous un titre explicite, Le piège américain. L’otage de la plus grande entreprise de déstabilisation économique témoigne (postface d’Alain Juillet, JC Lattès, 2019), comporte deux niveaux de lecture :

– un récit glaçant sur les conditions de détention ainsi que sur l’aveuglement systématique de la supposée « justice » aux États-Unis (cf. « À l’intérieur du système carcéral étatsunien » et « Otage des États-Unis »),

– un rappel bienvenu sur la vente forcée d’Alstom à General Electric (GE) qui éclaire et confirme l’excellent documentaire plusieurs fois diffusé sur LCP, Guerre fantôme de David Gendreau et d’Alexandre Leraître.

Bien que condamné aux États-Unis à trente mois de prison, Frédéric Pierucci reste un innocent, d’abord victime de la rapacité d’affairistes outre-Atlantique de mèche avec le Department of Justice (DOJ) qui joue au Zorro planétaire pas très Robin des Bois.

Cet ouvrage passionnant signale en outre l’immense influence qu’exerce Washington auprès des cliques médiatique, politique et économique de l’Hexagone. L’auteur se montre très surpris de l’attentisme et du manque d’attention des médiats au moment du bradage d’Alstom. Son arrestation et son incarcération aux États-Unis dans une prison de haute sécurité ne soulevèrent pas la curiosité immédiate des journalistes, ni même des autorités françaises. Le contraste est saisissant par rapport au tintamarre orchestré autour des islamistes dits « français » condamnés à mort en Irak et de leurs gamins qui devraient rentrer en France…

Certes, Frédéric Pierucci et ses proches n’ont pas cherché à médiatiser cette prise d’otage terroriste économique, car ils ont craint d’éventuelles représailles du DOJ qui agit en digne imitation de la mafia. Ainsi reconnaît-il que son épouse ne donna aucune suite aux demandes de Fabrice Arfi de Médiapart. Le 27 mai 2014, Martine Orange et lui sortaient une enquête décapante sur la « Vente d’Alstom : l’enjeu caché de la corruption ». Ils notaient que l’arrestation d’un nouveau cadre d’Alstom aux îles Vierges étatsuniennes « a pu être utilisée comme un ultime moyen de pression sur l’état-major d’Alstom, juste avant qu’il ne signe avec GE (p. 232) ». Lors de leur première rencontre, Frédéric Pierucci se montra presque paranoïaque envers Matthieu Aron, alors journaliste à France Inter avant de rejoindre la rédaction de L’Obs.

À l’époque, il s’étonne que l’avenir d’Alstom ne suscite aucun débat public. Il apprendra plus tard que la direction d’Alstom débloquera 262 millions d’euros « en communication, en montage financier, et en assistance juridique. Alstom, pour mener à bien la vente, a eu recours à dix cabinets d’avocats, deux banques conseils (Rothschild & Co, Bank of America Merrill Lynch) et deux agences de communication (DGM et Publicis). Côté General Electric, on dénombre trois banques conseils (Lazard, Crédit Suisse, et Bank of America), l’agence de communication Havas et de nombreux cabinets d’avocats (pp. 357 – 358) ». Afin de remporter la bataille décisive de l’opinion publique française, le patron de GE Jeff Immett « a porté son choix sur Havas, dont le vice-président, Stéphane Fouks, est un ami intime du Premier ministre Manuel Valls (p. 234) ». Le sinistre locataire de Matignon ne voulait pas offrir un boulevard à son principal opposant interne au sein du Parti socialiste, le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg qui refusât avec raison et au nom de l’intérêt national la cession d’Alstom. Cet ardent défenseur fut écrasé par la foudroyante contre-offensive du PD-G d’Alstom, Patrick Kron qui « s’est entouré de deux experts trois étoiles : Franck Louvrier, l’ancien gourou de la communication de Nicolas Sarkozy, et Maurice Lévy de Publicis (très proche de Clara Gaymard, la présidente de GE France (p. 235) ». Point culminant d’une moralité très made in USA, « dans ses tractations avec GE, Alstom est conseillé par un cabinet d’avocats dirigé par Steve Immett… le propre frère de Jeff Immett, le patron de General Electric ! On n’est jamais aussi bien servi que par son propre clan… (p. 232) ». Le conflit d’intérêts n’est-il pas ici flagrant ? Aveuglés par leur suffisance, les si sourcilleux limiers du DOJ n’ont bien sûr rien vu… Seraient-ils en réalité des handicapés profonds ?

Si la vente bradée d’Alstom confirme l’atlantisme intrinsèque du PS en général, courant de Montebourg mis à part, et de François Hollande en particulier, Le Piège américain mentionne le jeu trouble d’Emmanuel Macron comme secrétaire général-adjoint de l’Élysée, puis en tant que ministre de l’Économie. Il révèle en outre l’apport déterminant de la Sarkozie dans cette félonie économique. L’ancien président de la République de 2007 à 2012 garda un silence assourdissant, lui qui avait sauvé Alstom quelques années auparavant. Patrick Kron est d’ailleurs l’un de ses très grands amis qui assista au Fouquet’s le soir de l’élection élyséenne de l’ancien maire de Neuilly. Les réseaux sarkozystes résistèrent à Montebourg. Celui-ci sollicita la DGSE qui lui opposa une fin de non-recevoir, car elle « ne met pas les pieds sur les plates-bandes d’un allié aussi puissant que les États-Unis (p. 211) ».

D’autres proches du sarkozysme, cette calamité hexagonale, ont participé à cette duperie industrielle nationale. Frédéric Pierucci évoque la succulente « Valérie Pécresse dont le mari a été parachuté en 2010 chez Alstom à la tête du business des énergies renouvelables et qui sera bientôt nommé en charge de l’intégration des équipes GE/Alstom, puis de l’ensemble des activités Power Renewable de GE, dépendant directement de Jeff Immelt (p. 231) ». Il s’attarde sur le cas de Clara Gaymard. Présidente du Women’s forum et considérée par le magazine Forbes en 2011 comme la trentième femme la plus influente au monde, la fille du professeur Jérôme Lejeune dirige à l’époque GE France. Malgré un attachement public au catholicisme, ce membre de la Commission Trilatérale ne cache pas un tropisme libéral, progressiste et LGBTiste. Au civil, elle est l’épouse de Hervé Gaymard, président Les Républicains du Conseil départemental de la Savoie et éphémère ministre de l’Économie en 2005 contraint de démissionner suite à des travaux d’aménagement coûteux de son logement de fonction.

Il ne fait guère de doute qu’Emmanuel Ratier aurait apprécié toutes ces connivences. Les numéros d’alors de son excellente lettre confidentielle d’informations Faits & Documents insistaient déjà sur la mainmise des États-Unis dans l’Hexagone. L’influence russe existe bien en France, mais, n’en déplaise aux complotistes officiels, elle demeure négligeable. Elle est sans commune mesure avec l’influence des États-Unis. Toutes les élites de l’Hexagone se pressent pour jouer aux larbins satisfaits de Washington.

Georges Feltin-Tracol

mardi, 11 juin 2019

Snowden et le contrôle électronique du parc humain

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Snowden et le contrôle électronique du parc humain

Les Carnets de Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

L’expression parc humain vient de l’incertain Sloterdjik, néo-penseur allemand des nullissimes nineties,aujourd’hui bien oublié. Elle me paraît pourtant bonne. Pour savoir comment nous avons été domestiqués par le marché et par l’étatisme moderne, on relira les classiques que je n’ai cessé d’étudier ici-même : Debord, Mattelart, Marx, Heidegger, Tocqueville et bien sûr Platon (le chant VIII j’allais dire, de la république, qui précise comment on ferme les âmes, pour retourner l’expression du bon maître Allan Bloom). Parfois un contemporain comme l’historien américain Stanley Payne résume très bien notre situation de résignés, d’anesthésiés et de petits retraités de l’humanité. Comme dit l’impayable Barbier, les retraités ont pardonné à Macron. Alors…

J’ai écrit trois livres, tous différents, sur Tolkien en insistant sur le point essentiel de son grand-œuvre populaire dont je pensais qu’il ouvrirait nos âmes (mais quelle forfanterie, mais quelle erreur encore…) : ne pas utiliser les armes du système. Or en utilisant sa matrice électronique et son medium-message, nous n’avons fait que le renforcer. A preuve la lâcheté et l’indifférence dont nous avons fait preuve le jour où ce bon système est venu, avec ses loups et ses agents, arrêter le plus célèbre des nôtres, le malheureux (et pas même martyr, parce que pas très courageux non plus) Assange. En prétendant lutter contre le système en cliquant nous l’avons renforcé, utilisant son terrain, alors que Sun Tze nous recommande de ne pas le faire.

« Mettez-vous au faite du terrain et choisissez ce qu’il y aura de plus avantageux pour vous… »

Or en se mettant dans l’espace virtuel où nous sommes contrôlés vingt-quatre heures sur vingt-quatre… Mais passons. J’ai eu assez de clics contre moi (« mais pour qui ce méprisant se prend, je suis rebelle moi, mais le système s’écroule quoi ») pour savoir où j’en suis.

Un qui semble avoir compris cette réalité de nos royaumes peu combattants est le réfugié Snowden, rongé par le calvaire juridique que subissent du fait de leur aide plusieurs de ses anciens amis. Snowden ne voit pas du tout le système en crise, et il a bien raison Snowden. Le système devenu tout-puissant dans les années 2010 (migrants, Lybie, Syrie, théorie du genre, Facebook-Twitter, métastase du contrôle fiscal, intellectuel, facial…) triomphe aussi avec ses adversaires chinois ou russe (merde, depuis quand ces deux puissances incarneraient la liberté ?). Le système triomphe et nous dévore exsangues. Il laissera la chair comme ces pumas qui ne se repaissent que du sang des brebis dans mes pampas. Et on consommera sans sourciller cette chair quand on nous interdira la consommation de viande.

On l’écoute alors Snowden repris par zerohedge.com, le blog du gloom and doom qui ne s’est jamais fait trop d’illusion sur notre résistance néostalinienne ou identitaire.

« Le lanceur d'alerte de la NSA, Edward Snowden, a déclaré jeudi que les personnes dans les systèmes de pouvoir avaient exploité le désir humain de se connecter afin de créer des systèmes de surveillance de masse. Snowden  est apparu  à l'Université Dalhousie de Halifax, en Nouvelle-Écosse, via un flux en direct de Moscou, pour prononcer un discours liminaire  sur  la série de dialogues ouverts de l'université canadienne. »

La suite n’avait rien de rassurant. On imagine le décor du Ghost writer de Polanski ou d’un championnat mondial et glacial d’échecs (le film de Zwick sur Bobby Fisher était aussi très bon) :

« Pour le moment, a-t-il dit, l’humanité est dans une sorte de "moment atomique" dans le domaine de l'informatique. "Nous sommes en train de procéder à la plus grande redistribution du pouvoir depuis la révolution industrielle, et cela est dû au fait que la technologie offre une nouvelle capacité", a déclaré Snowden. »

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Le techno-servage que j’évoquais dans mon livre sur Internet nouvelle voie initiatique est en place :

"C'est une influence qui touche tout le monde à tout endroit", a-t-il déclaré. "Il n'a aucun respect pour les frontières. Sa portée est illimitée, si vous voulez, mais ses garanties ne le sont pas."  Sans de telles défenses, la technologie peut affecter le comportement humain. »

Le grand triomphateur est le pouvoir bancaire-institutionnel qui peut nous priver à tout moment de notre liberté ou même… de notre argent (mot plus éclairant que liberté) :

« Les institutions peuvent "surveiller et enregistrer les activités privées des personnes sur une échelle suffisamment large pour que nous puissions dire que cela est proche de la toute-puissance", a déclaré Snowden. Ils le font via "de nouvelles plateformes et de nouveaux algorithmes", grâce auxquels "ils peuvent changer notre comportement. Dans certains cas, ils sont capables de prédire nos décisions – et aussi de les pousser - à des résultats différents. Et ils le font en exploitant le besoin humain d'appartenir. »

Les gens se sont jetés sur Facebook. Et pourtant…

"Nous ne nous inscrivons pas pour cela", a-t-il ajouté, écartant ainsi l'idée que les gens sachent exactement à quoi s'en tenir avec les plateformes de médias sociaux comme Facebook.

"Combien d'entre vous qui ont un compte Facebook lisent réellement les conditions d'utilisation?" demanda Snowden. "Tout a des centaines et des centaines de pages de jargon juridique que nous ne sommes pas qualifiés pour lire et évaluer – et pourtant, ils sont considérés comme contraignants pour nous."

Le contrôle par les algorithmes. On se souvient de ces cathos extatiques qui partaient se faire casser la gueule dans les rues pour défendre « la famille », et qui une fois leurs cathédrales incendiées ou occupées par les islamistes, se sont empressés d’aller voter LREM à Paris ou ailleurs. Dix ans de dressage face de bouc par les algorithmes-système cela vous reformate un cerveau. De toute manière, voter pour le reste des partis… Lisez le dernier texte de Dimitri Orlov, très bon là-dessus.

Puis Snowden résume le piège. Comme toujours, l’enfer était pavé de bonnes intentions « (vous serez comme des dieux »…) :

"C’est grâce à ce type de connexion technologique impie et à une sorte d’interprétation inhabituelle du droit des contrats ", a-t- il poursuivi, "que ces institutions ont été en mesure de transformer cette plus grande vertu de l’humanité, à savoir le désir d’interagir et de connecter coopérer et partager - transformer tout cela en une faiblesse ".

"Et maintenant", a-t-il ajouté, "ces institutions, à la fois commerciales et gouvernementales, se sont inspirées de cela et ... ont structuré cela et l'ont ancré là où elles sont devenues le moyen de contrôle social le plus efficace de l'histoire de notre espèce. "

"Peut-être que vous en avez entendu parler", a déclaré Snowden. "C'est une surveillance de masse."

Quand je vois ces ados ou ces vieux  le nez piqué dans leur smartphone (smart désigne la douleur en saxon, la mort en russe) je me dis que nous avons du souci à nous faire ou à botter en touche. 

Une solution ? Celle qu’indiquait Carl Schmitt dans son maître-opus sur le Partisan : le tellurisme. C’était celle aussi du cosmonaute dans 2001 : éteindre l’ordinateur-système pour repasser en contrôle manuel.

Sources

ZeroHedge.com

Nicolas Bonnal – Internet nouvelle voie initiatique (Les Belles Lettres) ; Les mystères de Stanley Kubrick (éditions Dualpha).

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À l’intérieur du système carcéral étatsunien

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À l’intérieur du système carcéral étatsunien

par Georges FELTIN-TRACOL

Alexis de Tocqueville dut sa célébrité à son séjour aux États-Unis en 1831 – 1832 où il devait à l’origine étudier le système pénitentiaire local. À son corps défendant, Frédéric Pierucci s’est retrouvé pendant plus de deux ans au cœur du milieu carcéral étatsunien en ce début de XXIe siècle.

piege-americain_0_400_642.jpgCe patron monde de la division chaudière d’Alstom basé à Singapour est arrêté par le FBI dès l’arrivée de son avion de ligne à New York, le 14 avril 2013. Accusé de corruption d’élus indonésiens afin d’obtenir la construction d’une centrale électrique à Tarahan sur l’île de Sumatra, il pâtit du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA), une loi qui permet depuis 1977 aux autorités étatsuniennes et en particulier au ministère fédéral de la Justice – ou DOJ (Department of Justice) – de poursuivre n’importe qui n’importe où pour n’importe quoi. En 1998, le Congrès lui a conféré une valeur d’extraterritorialité. Cette loi dispose en outre des effets pernicieux du Patriot Act, de l’espionnage numérique généralisé orchestré par la NSA et encourage le FBI à placer au sein même des compagnies étrangères suspectées, souvent en concurrence féroce avec des firmes yankees, un mouchard infiltré prêt à tout balancer, puis une fois les entreprises condamnées, un « monitor », c’est-à-dire « un contrôleur qui rapporte au DOJ durant une période de trois ans (p. 80) ». Cette inacceptable ingérence résulte d’une conception hégémonique des activités économiques étatsuniennes. « Les autorités américaines considèrent que le moindre lien avec les États-Unis, cotation en bourse, échanges commerciaux en dollars, utilisation d’une boîte mail américaine, les autorise à agir (p. 77). » Le FCPA constitue donc une arme redoutable de la guerre économique et juridique que mène Washington au reste du monde. Par exemple, si le DOJ s’attaque aux sociétés pharmaceutiques, c’est parce qu’il considère les médecins étrangers comme des agents publics exerçant une délégation de service public !

Ubu chez Kafka

Le témoignage poignant de Frédéric Pierucci mériterait d’être lu par tous les auditeurs de l’École de guerre économique de Christian Harbulot tant il est passionnant et effrayant. Ce cadre supérieur presque quinquagénaire est conduit en détention provisoire dans la prison de Wyatt dans le Rhode Island classé niveau 4, soit de haute sécurité. Or il n’est « ni un récidiviste, ni un détenu dangereux. Ce choix est contraire à toute logique carcérale. Mais personne ne me fournira jamais la moindre explication (p. 40) ».

Ce qu’il découvre au cours de sa longue détention ne correspond jamais aux films, feuilletons et autres téléfilms réalisés par Hollywood pour décérébrer le monde entier. Prévues pour deux personnes, les cellules en accueillent quatre tant le taux d’emprisonnement aux États-Unis demeure le plus élevé au monde. Frédéric Pierucci nous aide à en comprendre les raisons profondes. On plonge ainsi dans les méandres ubuesques et kafkaïens de la justice étatsunienne au Connecticut. Pourquoi au fait cet État et non pas la Californie ou l’Indiana ? Peut-être parce que Frédéric Pierucci y vécut plusieurs années avant de s’installer en Asie… Les juges locaux y agissent en dociles caniches des procureurs fédéraux, d’exceptionnels salopards ceux-là ! Dès sa première confrontation avec l’un d’eux, David Novick, l’auteur trouve qu’il « ne fait aucun effort pour dissimuler son arrogance et me donne le sentiment d’être un bel arriviste (p. 21) ». Finalement jugé le 25 septembre 2017 en trente-huit minutes avec un seul bref échange avec le tribunal et condamné à trente mois de prison, une peine d’une sévérité exceptionnelle qui ne peut faire l’objet du moindre appel, Frédéric Pierucci dépeint bien la juge Janet Bond Arterton. « Cette magistrate incarne l’hypocrisie américaine dans toute sa splendeur (p. 332). »

Quant à ses avocats, ils respirent l’incompétence et la médiocrité. Le cabinet Day Pitney devrait les virer. La première, Liz, de trente-cinq – quarante ans, détonne immédiatement « par son manque d’expérience en matière pénale et son détachement qui fleurent l’amateurisme (p. 33) ». Le second, Stan, est un ancien procureur. D’abord rassuré, Frédéric Pierucci déchante bientôt; on a la franche impression que Stan aurait été brillant en avocat de la défense lors des procès de Moscou en 1938 ! La plupart des avocats « commencent leur carrière au sein des parquets, en tant que procureur adjoint, ou assistant, avant de rejoindre un grand cabinet. Dans leur immense majorité, ils ne plaideront jamais lors d’un procès pénal. Ce ne sont pas réellement des défenseurs, comme on l’entend en France, ce sont avant tout des négociateurs. Leur principal mission consiste à convaincre leur client d’accepter de plaider coupable. Et, ensuite, ils dealent la meilleure peine possible avec l’accusation (p. 116) ». Otage avéré du gouvernement étatsunien pour que General Electric acquiert à vil prix Alstom, un magnifique fleuron industriel français et européen et complètement ignoré par le gouvernement Hollande – Valls (deux tristes sires aux méfaits désormais légendaires), l’auteur apprend que « la justice américaine est un marché (p. 92) ». Un détenu de 57 ans qui cumule vingt-six ans de détention lui lance : « Ne fais jamais confiance à ton avocat. La plupart travaillent en sous-main pour le gouvernement. Et surtout, n’avoue jamais rien à ton conseil, autrement, il te forcera à faire un deal, à ses conditions, et si tu ne le fais pas, il balancera tout au procureur (p. 105). » Il se retrouve donc « sous surveillance, pris en étau entre Alstom et le DOJ, et sous contrôle d’un avocat que je n’ai pas choisi (p. 86) ». Dès leur première rencontre, Stan dépêché indirectement par Alstom avec qui il ne peut entrer en contact du fait de l’enquête exige de son client qu’il soit prêt à rembourser tous les frais en cas de condamnation, sinon il ne le défendra pas. Les rencontres suivantes avec « ses » avocats ressemblent plus à des discussions de marchands de tapis qu’à la préparation d’une défense. « Deal. Marché. Négociations ! Depuis que nous avons commencé notre briefing, Stan et Liz, ne me parlent que de négocier, jamais de juger sur des faits et des preuves (p. 90). »

Entraves multiples

Frédéric Pierucci note un trait psychologique révélateur qui réduit à néant l’illusion du Yankee self made man. « Les Américains adorent les process. Dans le cadre de leur travail, ils font rarement preuve d’imagination. En revanche, ils dépensent beaucoup d’énergie et de temps à respecter leurs process (p. 75). » Il profit du temps « offert » par son incarcération provisoire pour étudier le FCPA ainsi que le million et demi de pièces envoyées par les procureurs. En temps normal, cela nécessiterait au moins trois ans d’analyses et plusieurs millions de dollars de frais. Il en reçoit déjà environ trois mille enregistrées sur des CD. S’il peut « les visionner sur un écran et prendre des notes mais [… il n’a] pas le droit d’imprimer le moindre document (p. 141) », il ne peut consulter l’ordinateur qu’une heure par jour ! « Dans cette justice, les droits les plus élémentaires sont bafoués. Les représentants du Department of Justice ont parfaitement conscience que le temps joue pour eux. C’est donc à dessein qu’ils noient les accusés sous des tonnes de papier. Ils poursuivent toujours la même logique, implacable : priver les “ mis en examen ” – sauf les plus riches – des moyens réels de se défendre, pour les contraindre à plaider coupable (p. 142). »

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Frédéric Pierucci

S’il a été placé dans un univers inconnu hostile où il est très vite accueilli par trois francophones, un Canadien, un Grec qui a étudié à Marseille, et Jacky, âgé de 75 ans, un ancien de la French Connection, que tous les prisonniers respectent, c’est parce que « pour parvenir à leur fin, les magistrats sont prêts à laisser mijoter leurs gibiers aussi longtemps que nécessaire. À Wyatt, certains prisonniers sont en attente de deal depuis deux, voire cinq ans (p. 114) ». Bien pire, « pour éviter de perdre une procédure, les procureurs américains sont aussi prêts à tous les arrangements. Ils incitent ainsi les inculpés à coopérer en balançant leurs complices. Même en l’absence de toutes preuves matérielles (p. 115) ». Ainsi les statistiques officielles vantent que « le DOJ a un taux de réussite en matière pénale digne de résultats d’élections sous Ceausescu : 98,5 % ! Cela veut dire que 98,5 % des personnes mises en examen par le DOJ sont au bout du compte reconnues coupables ! (p. 114) ».

Quiconque est allé aux États-Unis sait qu’il faut en permanence dépenser un pognon de dingue. Les mécanismes judiciaires n’échappent pas au dieu Dollar. « Dans les affaires financières, cela signifie souvent l’étude de dizaines ou de centaines de milliers de documents. Très rares sont donc les mis en examen qui peuvent (pendant plusieurs mois, voire des années) rémunérer (à hauteur de plusieurs centaines de milliers de dollars) un véritable défenseur, ou faire appel aux services d’un détective privé pour mener une contre-enquête (p. 113). »

L’enfer ultra-libéral

Le quotidien carcéral est lui aussi dominé par l’argent. « Wyatt est une prison privée. Le coût des repas est calculé au centime près. Il ne doit pas dépasser 1 dollar (0,80 euros). Et qui dit prison privée, dit entreprise, et donc bénéfices. Non seulement les détenus sont tenus de ne rien coûter à la collectivité mais ils sont priés de rapporter de l’argent aux sociétés qui gèrent les centres de détention (p. 65). » Pour téléphoner, « il faut d’abord payer ! Chaque détenu doit avoir un compte de cantine créditeur sur lequel est débité le coût, par ailleurs exorbitant, des communications téléphoniques (p. 56) ». Il n’y a pourtant que quatre vieux téléphones dans le réfectoire et les conversations enregistrées pour le FBI et les procureurs n’excèdent pas vingt minutes. Pour les appels vers l’étranger, « les personnes qui ont été autorisées à entrer en contact avec un détenu doivent s’inscrire sur une plateforme internet, à partir d’un compte bancaire ouvert aux États-Unis. Bonjour le cesse-tête pour un ressortissant étranger. En clair, cette procédure prend au bas mot une quinzaine de jours… et n’est pas donnée (p. 63) ». Si regarder la télévision est gratuite, l’écouter se paie !

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Avant de se prononcer sur une éventuelle libération conditionnelle, le juge exige une caution élevée et que deux citoyens des États-Unis acceptent d’être conjoints et solidaires, c’est-à-dire qu’ils mettent en gage leurs propres maisons. Deux amis de Frédéric Pierucci, Linda et Michaël, le feront quand même, relevant l’image bien terni de la société étatsunienne. Après quinze mois de détention provisoire, Frédéric Pierucci peut rentrer en France : il a versé au préalable une caution de 200 000 dollars, ne doit pas voyager hors d’Europe et envoie chaque semaine un courriel à un officier de probation outre-Atlantique. L’auteur explique ces conditions draconiennes parce que « la justice américaine a eu, par le passé, toutes les difficultés pour saisir des biens (p. 89) » en France. Pour combien de temps encore ? Libre et en attente de son procès, l’auteur fonde une société de compliance et engage un procès aux prud’hommes contre Alstom à Versailles. Et voilà que le DOJ se mêle « d’une procédure civile opposant un salarié français, sous contrat français régi par le Code du travail français avec une société française et devant un tribunal français (p. 316) » !

Condamné à l’automne 2017, Frédéric Pierucci retourne aux États-Unis pour purger sa peine, incarcéré au Moshannon Valley Correction Center en plein centre de la Pennsylvanie. Les conditions de vie y sont plus rudes. « Le centre pénitentiaire est géré par GEO, un concessionnaire privé qui possède plusieurs établissements du même genre aux États-Unis et à l’étranger. Comme toute entreprise, GEO essaie de maximiser son profit. Le groupe n’hésite donc pas à rogner au maximum sur les services (repas, chauffage, maintenance des locaux, services médicaux), à augmenter le prix des articles que les détenus peuvent acheter à l’économat, ou à allonger au maximum la durée du “ séjour ”, en envoyant, par exemple, des prisonniers au mitard, pour leur faire perdre une partie de leur réduction de peine obtenue pour bonne conduite (pp. 341 – 342) » Les autorités françaises se manifestent enfin. Elles réclament son transfèrement. « L’administration pénitentiaire américaine aura épuisé tous les recours, afin que je sois transféré le plus tard possible (p. 368). » Pour preuve, « trois jours pour effectuer un trajet de moins de 400 kilomètres (p. 370) » ! Les services de l’immigration perdent bien sûr son passeport… Comme quoi, cela arrive encore à l’heure du numérique. L’administration du Moshannon Valley Correction Center n’apprécie pas les interventions de la France auprès du gouvernement fédéral. Souvent corrompus et au QI de limace obèse, les matons commencent à harceler l’auteur en lui privant de ses journaux français et des photographies des siens.

Esclavage légal

En quête de profits élevés, le Moshannon Valley Correction Center ne veut pas libérer le moindre détenu qui doit travailler entre une et cinq heures par jour. Grâce à Frédéric Pierucci, on apprend que l’esclavage se poursuit toujours aux États-Unis. « L’administration pénitentiaire s’appuie en effet sur le célèbre Treizième amendement de la constitution américaine abolissant l’esclavage “ sauf pour les prisonniers condamnés pour crime ”. Légalement, nous sommes donc tous des esclaves ! (p. 349). » Et après, ça ose jouer aux gendarmes du monde…

Enfin revenu définitivement en France, Frédéric Pierucci reste encore quelques jours en prison, mais dans de bien meilleures conditions, preuve supplémentaire que cet innocent n’a été qu’un simple lampiste. Il obtient finalement une liberté conditionnelle à l’automne 2018 de la part d’un juge d’application des peines.

Le Piège américain éclaire d’une lumière crue les dérives du droit anglo-saxon fort peu protecteur que le droit écrit romain et la démarche inquisitoriale. Cependant, « le système judiciaire américain, aussi inique qu’il soit, possède au moins un mérite : il est relativement transparent (p. 291) ». Le secret de l’instruction n’existe pas ! À l’aune du récit de Frédéric Pierucci, on ne peut que s’inquiéter d’un autre innocent, Julien Assange, détenu à Belmarsh, une prison britannique de haute sécurité, torturé psychologiquement, et poursuivi par le DOJ pour une supposée trahison. On comprend mieux aussi les mécanismes diaboliques de la CPI (Cour pénale internationale), des tribunaux spéciaux sur l’ex-Yougoslavie et le Ruanda et des jugements de 1945 – 1946 et de 1946 – 1948. Aveugle par nature, la Thémis anglo-saxonne se révèle toujours plus infecte et complètement débile.

Georges Feltin-Tracol

• Frédéric Pierucci (avec Matthieu Aron), Le piège américain. L’otage de la plus grande entreprise de déstabilisation économique témoigne, postface d’Alain Juillet, JC Lattès, 2019, 396 p., 22 €.

mercredi, 29 mai 2019

L'Otan est une menace pour l'Europe

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L'Otan est une menace pour l'Europe

Ex: http://www.europesolidaire.eu 

Ces propos sont du général (2s) Vincent Desportes, très apprécié sur ce site. Ils ont été recueillis par Isabelle Lassere, du Figaro. Disons seulement que le général s'illusionne un peu sur la capacité des Européens d'échapper à l'influence américaine.
 

desportes_122.jpgLE FIGARO. - On a peu parlé de défense pendant la campagne des européennes. C'est pourtant un enjeu crucial pour l'avenir du continent. Est-ce grave ?

Général Vincent DESPORTES. - Oui, parce que ­l'Europe ne peut pas se construire seulement sur ses dimensions économique et sociale. Si elle n'est pas capable de défendre ses citoyens, elle ne sera pas crédible. Or, désormais, pour des raisons financières en particulier, les systèmes de défense des nations moyennes ne peuvent construire leur cohérence qu'au niveau supranational.

Cette atonie européenne est-elle similaire à celle qui existe avec l'écologie ?

Les Européens commencent à être sensibles au problème écologique, mais ils ne s'en saisissent pas. En matière de défense, ils n'ont pas encore pris conscience de l'importance du problème. Pourquoi ? Parce qu'ils pensent toujours vivre dans le monde d'hier, celui des bons sentiments. Ils ne voient pas venir ce monde de violences qui montent et qui sera dominé par les rapports de force. Les Européens se croient toujours protégés par le parapluie américain. À tort : il a longtemps été fiable mais il ne l'est plus.

Les attentats terroristes n'ont-ils pas réveillé la sensibilité européenne à la dangerosité du monde ?

En partie, si. Mais les principaux enjeux vont bien au-delà. Je pense notamment au grand affrontement déjà en cours entre les États-Unis et la Chine, qui s'affirme comme la nouvelle puissance impériale. Dans les années qui viennent, les relations internationales seront basées sur la puissance ; l'Europe doit se doter de ses attributs pour faire rempart à la Chine et faire part égale avec son ancien allié. Elle doit absolument reconstruire sa puissance, condition de son autonomie.

Que faut-il faire concrètement ?

L'Europe doit être capable de jouer son rôle dans le monde et de participer au maintien des grands équilibres. Elle ne pourra le faire que si elle détient la puissance militaire. Car la voix des nations ne porte qu'en fonction du calibre de leurs canons ! Si la ­France compte davantage que les autres pays, c'est justement parce qu'elle a une armée digne de ce nom. Si l'Europe est aphone, c'est parce qu'elle ne s'est pas dotée des moyens de la puissance.

Vous évoquez la possibilité d'un conflit sino-américain. Mais une confrontation entre les États-Unis et l'Iran ne pourrait-elle pas intervenir avant ?

À court terme, si l'on exclut le terrorisme, il existe d'autres zones de tension, notamment la région du Golfe et la péninsule nord-coréenne. Mais ce sont des conflits de petite ampleur par rapport aux grands enjeux qui s'annoncent. Personne n'a intérêt à ce que l'opposition entre l'Iran et les États-Unis se transforme en une guerre ouverte. Il semble en revanche écrit que le conflit de puissance entre la Chine et les États-Unis sera la grande histoire de demain...

À quoi sert encore l'Otan ?

L'alliance avec les États-Unis ressemble à celle qui unissait Athènes aux cités helléniques. L'Otan est une alliance sur laquelle règnent de manière hégémonique les Américains, qui offrent leur protectorat en échange de la vassalisation de leurs alliés. Le problème, c'est que ce protectorat n'est pas fiable. De Gaulle le disait déjà quand il affirmait qu'il fallait une armée française car le parapluie américain n'était pas suffisamment fiable. Il l'est encore moins aujourd'hui. L'Alliance est un leurre. Elle affaiblit les Français, car elle ne leur permet pas de parler au monde et de défendre leurs valeurs. Il faut sortir de l'illusion que les outils d'hier sont toujours pertinents pour le monde de demain.

L'Alliance atlantique peut-elle mourir ?

L'Otan est devenue une menace pour les pays ­européens. D'abord parce qu'elle est un outil de déresponsabilisation des États qui ne se croient plus capables d'assumer leur défense. Ensuite parce que son existence même est un outil de maintien et de renaissance des tensions en Europe. Il est temps que l'Otan soit remplacée par la défense européenne. La meilleure chose qui pourrait arriver à l'Alliance, c'est que les États-Unis s'en retirent. Ils placeraient ainsi l'Europe devant la nécessité d'avancer. Tant que l'Europe stratégique ne sera pas construite, le continent restera un protectorat à qui les États-Unis dictent leurs règles, comme le principe d'extrater­ritorialité dans l'affaire des sanctions contre l'Iran.

desportesstratagié.jpgPourtant, les pays de l'Est, notamment la Pologne, ne jurent toujours que par elle...

On peut comprendre que les Polonais croient être défendus par les États-Unis. Mais ils ont commis la même erreur en 1939, quand ils ont cru que la France viendrait les défendre s'ils étaient attaqués par les Allemands... Pourquoi les États-Unis sacrifieraient-ils Washington pour Varsovie si la Pologne était attaquée par la Russie ?

Parce qu'ils ont déjà traversé deux fois l'Atlantique pour sauver l'Europe...

Oui, mais ce n'était pas la même époque. Le ­nucléaire a complètement changé la donne. C'est la raison pour laquelle de Gaulle a voulu doter la France de la bombe atomique. La seule Europe qui vaille pour les États-Unis, c'est une Europe en perpétuel devenir. Ils ont toujours poussé pour les élargissements, y compris vis-à-vis de la Turquie. Mais la culture européenne est trop riche pour se limiter à ce qui en a été fait aux États-Unis. Le continent européen est celui de la philosophie et des Lumières, il a aussi été meurtri par la guerre. Il faut qu'à la puis­sance prédatrice américaine on puisse opposer une ­Europe capable de raisonner un monde qui ne l'est plus par les institutions internationales, qui ont été créées en 1945 ! S'appuyer sur les solutions d'hier pour construire le monde qui vient est dangereux et mortifère.

Vous semblez davantage craindre les États-Unis, qui malgré Trump restent notre partenaire et une démocratie, que la Russie qui cherche à diviser l'Europe.

L'Amérique n'est pas maligne comme un cancer. Mais quand elle n'est pas régulée, elle a tendance à imposer ses intérêts avant tout. Elle se détache par ailleurs de sa grand-mère patrie l'Europe pour se tourner vers le Pacifique. Quand ce processus sera achevé, l'Europe se trouvera bien démunie. Je pense que la Russie doit être intégrée à l'espace européen et que nous devons faire en sorte qu'elle ne soit plus une menace. L'avenir de l'Europe est eurasiatique, pas euro-atlantique. Nous avons, nous Occidentaux, contribué à faire ressurgir la menace russe. Nous avons raté l'après-guerre froide car nous n'avons pas réussi à réintégrer la Russie dans le jeu des ­démocraties.

L'armée européenne dont parle Emmanuel Macron, qui a provoqué des grincements de dents à l'Est et à l'Ouest, est-elle un gros mot ? Ou peut-elle être un objectif pour le futur ?

Elle ne peut pas exister aujourd'hui. Mais il faut assurer le plus vite possible la défense de l'Europe par l'Europe et pour l'Europe. Il faut créer un noyau dur capable de doter le continent d'une autonomie stratégique et capacitaire. Nous ne pouvons pas attendre la fin des divisions, notamment entre l'Est et l'Ouest, pour agir.

 

jeudi, 23 mai 2019

Train à hydrogène. Succès français ou succès américain?

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Train à hydrogène. Succès français ou succès américain?
 
par Jean-Paul Baquiast
Ex: http://www.europesolidaire.eu
 
La presse indique le 21 Mai 2019 qu'Alstom vient de signer un contrat pour la fourniture de 27 trains alimentés par une pile à combustible. On s'en réjouira en France car Alstom dispose de nombreux établissements dans le pays et fournit de nombreux emplois. Mais Alstom est elle vraiment française ?

Alstom vient de remporter l'appel d'offre lancé par Fahma, filiale de l'opérateur allemand RMV Rhein-Main Verkehrsverbund (RMV) . Alstom devra livrer à partir de 2022 de 27 trains Coradia iLint qui remplaceront des rames diesel sur quatre lignes de la région de Taunus. Alstom devra également fournir l'hydrogène, la maintenance et la mise à disposition de capacités de réserve durant 25 ans. Le contrat est de 500 millions d'euros dont 360 millions pour Alstom. 

Rappelons que les trains à hydrogène fonctionnent en brûlant de l'hydrogène. Celui-ci est généralement fourni par l'hydrolyse de l'eau à partir d'un courant électrique au sein d'une pile à combustible. L'électricité utilisée par ces piles provient soit de l'énergie nucléaire comme en France soit de centrales thermiques utilisant du charbon, comme c'est encore le cas en grande partie en Allemagne. Mais la consommation de charbon en ce cas produit moins de CO2 que le recours au pétrole utilisé dans les locomotives dotées de moteurs à explosion, comme c'est encore le cas dans de nombreux pays, notamment sur les réseaux secondaires.

Cet appel d'offres est certainement un succès remarquable de Alstom. Mais faut-il rappeler que 6 février 2019, la Commission Européenne avait rejeté un projet de fusion entre Alstom et Siemens Mobility, au prétexte que cette fusion ne respectait pas les règles de concurrence au sein de l'Union Européenne. Le projet de fusion avait été présenté par Alstom le 26 septembre 2017, et prévoyait, en cas d'acceptation par les autorités de la concurrence, que la nouvelle entreprise prenne le nom de Siemens-Alstom. Siemens serait devenu l'actionnaire principal avec 50 % des parts. Dans le cadre du rapprochement, Siemens aurait apporté ses activités ferroviaires et de signalisation à Alstom, en échange de la moitié du capital de celle-ci. Le rejet de la fusion par l'Union Européenne avait été salué par les organisations syndicales, le gouvernement français avait parlé d'une "erreur économique" , Mais il n'avait utilisé aucun des moyens dont il disposait pour s'opposer à la Commission.

A la suite de quoi, Alstom qui avait besoin d'argent avait vendu à l'américain General Electric ses actions dans le domaine de l'énergie et du transport, notamment ferroviaire. Le Journal Libération avait pu à juste titre parler d'un « grand racket américain » .

Qui était président de la République à cette date, et qui avait laissé faire, sinon encouragé l'opération ?

mercredi, 22 mai 2019

Rand Corp : comment abattre la Russie

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Rand Corp : comment abattre la Russie

Auteur : Manlio Dinucci 
Ex: http://www.zejournal.mobi

Contraindre l’adversaire à s’étendre excessivement pour le déséquilibrer et l’abattre : ce n’est pas une prise de judo mais le plan contre la Russie élaboré par la Rand Corporation, le plus influent think tank étasunien qui, avec un staff de milliers d’experts, se présente comme la plus fiable source mondiale de renseignement et d’analyse politique pour les gouvernants des États-Unis et leurs alliés. 

La Rand Corp* se vante d’avoir contribué à élaborer la stratégie à long terme qui permit aux États-Unis de sortir vainqueurs de la guerre froide, en contraignant l’Union Soviétique à consommer ses propres ressources économiques dans la confrontation stratégique. C’est de ce modèle que s’inspire le nouveau plan, “Overextending and Unbalancing Russia”, publié par la Rand. Selon ses analystes, la Russie reste un puissant adversaire des États-Unis dans certains domaines fondamentaux. Pour cela les USA doivent poursuivre, avec leurs alliés, une stratégie d’ensemble à long terme qui exploite ses vulnérabilités. Ainsi va-t-on analyser divers moyens pour obliger la Russie à se déséquilibrer, en indiquant pour chacun les probabilités de succès, les bénéfices, les coûts et les risques pour les USA. 

Les analystes de la Rand estiment que la plus grande vulnérabilité de la Russie est celle de son économie, due à sa forte dépendance par l’exportation de pétrole et de gaz, dont les recettes peuvent être réduites en alourdissant les sanctions et en augmentant l’exportation énergétique étasunienne. Il s’agit de faire e sorte que l’Europe diminue l’importation de gaz naturel russe, en le remplaçant par du gaz naturel liquéfié transporté par mer depuis d’autres pays. 

Une autre façon de nuire dans le temps à l’économie de la Russie est d’encourager l’émigration de personnel qualifié, notamment des jeunes Russes avec un niveau élevé d’instruction. Dans le domaine idéologique et informatif, il faut encourager les contestations internes et en même temps miner l’image de la Russie à l’extérieur, en l’excluant de forums internationaux et en boycottant les événements sportifs internationaux qu’elle organise. 

Dans le domaine géopolitique, armer l’Ukraine permet aux USA d’exploiter le point de plus grande vulnérabilité extérieure de la Russie, mais cela doit être calibré pour garder la Russie sous pression sans arriver à un grand conflit dans lequel elle aurait le dessus. 

Dans le domaine militaire les USA peuvent avoir des bénéfices élevés, avec des coûts et des risques bas, par l’accroissement des forces terrestres des pays européens de l’OTAN dans une fonction anti-Russie. Les USA peuvent avoir de hautes probabilités de succès et de forts bénéfices, avec des risques modérés, surtout en investissant majoritairement dans des bombardiers stratégiques et missiles d’attaque à longue portée dirigés contre la Russie.

Sortir du Traité FNI et déployer en Europe de nouveaux missiles nucléaires à portée intermédiaire pointés sur la Russie leur assure de hautes probabilités de succès, mais comporte aussi de hauts risques. 

En calibrant chaque option pour obtenir l’effet désiré -concluent les analystes de la Rand- la Russie finira par payer le prix le plus haut dans la confrontation avec les USA, mais ceux-ci aussi devront investir de grosses ressources en les soustrayant à d’autres objectifs. Ils pré-annoncent ainsi une forte augmentation ultérieure de la dépense militaire USA/OTAN aux dépens des dépenses sociales.

Voilà l’avenir que nous trace la Rand Corporation, le think tank le plus influent de l’État profond, c’est-à-dire du centre souterrain du pouvoir réel détenu par les oligarchies économiques, financières et militaires, celui qui détermine les choix stratégiques non seulement des USA mais de tout l’Occident.

Les “options” prévues par le plan ne sont en réalité que des variantes de la même stratégie de guerre, dont le prix en termes de sacrifices et de risques est payé par nous tous.

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

*La RAND Corporation : Research ANd Development (recherche et développement)

lundi, 20 mai 2019

«L’incroyable déficit à 239 000 milliards de dollars des Etats-Unis!»

Mes chères impertinentes, mes chers impertinents,

J’aime bien faire remarquer avec une certaine perfidie que cela fait bien longtemps que l’on n’entend plus parler des retraites par capitalisation qui seraient un système extraordinaire venu des Etats-Unis et qui devrait vite être mis en place sous les latitudes hexagonales.

Vous n’en entendez plus parler à vrai dire, depuis que les banques centrales du monde libre (comprendre occidental et pro-américain) ont fixé les taux d’intérêt proches de 0! Il faut dire qu’avec des placements qui rapportent rien du tout, il est très difficile de faire gagner de l’argent au fonds de retraite par capitalisation et accessoirement au futur retraité.

Les taux à zéro posent donc un immense problème au système de retraite par capitalisation américain évidemment basé sur la valeur de l’argent matérialisée par les taux! Si l’épargne ne rapporte rien, si l’épargne ne s’apprécie pas, alors elle perd du pouvoir d’achat. C’est l’inverse de ce qu’il faut pour faire un système par capitalisation. Capitaliser c’est recevoir des intérêts que l’on conserve chaque année, qui se « capitalisent » et qui « rapportent » pour constituer une somme très importante qui sera reversée plus tard sous forme d’une rente.

Lorsque la FED, la banque centrale américaine monte les taux d’intérêt, c’est exactement cela qu’elle veut combattre, à savoir lutter contre l’évidente faillite du système de retraite.

Ce qui est valable pour le système privé par capitalisation, l’est aussi pour la sécurité sociale « publique » américaine qui fait face à un trou officiel non comptabilisé dans la dette publique puisqu’il s’agit des engagements futurs toujours comptés dans « le hors bilan ». (En France aussi beaucoup de choses sont « cachées » dans le hors-bilan).

Les chiffres sont ahurissants et donnent le vertige

Les engagements futurs de la sécu américaine sont de 176 000 milliards de dollars… vous avez bien lu!

Les recettes estimées dans la même période sont de 130 000 milliards de dollars…

Le déficit lui est de 43 000 milliards de dollars la différence étant dans un fonds qui détient quelques actifs pour l’équivalent de 3 000 milliards de dollars.

Conclusion?

Les Américains vont soit se voir diminuer de 43 000 milliards les prestations sociales, soit se voir augmenter d’autant les ponctions fiscales ce qui devraient se passer dans les années qui viennent. Mais ce n’est là qu’un des aspects d’un total à 239 000 milliards de dollars, oui, vous avez bien lu. 239 000 milliards de dollars. « Je vais bien, tout, va bien, il n’y a pas de problème »!!!

Voici ce qu’en dit cet article dont j’ai traduit pour vous l’essentiel.

La Sécurité sociale vient d’avoir un déficit de 9 000 milliards de dollars, et personne n’a remarqué

« Le rapport annuel des administrateurs de la Sécurité sociale a été publié récemment et montre que la Sécurité sociale a enregistré un déficit gigantesque de 9 000 milliards de dollars entre l’année dernière et cette année. Le passif non capitalisé à long terme du système s’élève maintenant à 43 000 milliards de dollars , contre 34 000 milliards l’an dernier.

C’est drôle, personne n’a remarqué.

Ai-je raté un tweet du président? Je ne pense pas. Qu’en est-il de la presse? Quelqu’un a-t-il vu un article sur le déficit de la Sécurité sociale dépassant le déficit fédéral d’un facteur 11? Non.

La presse couvre la dette fédérale « officielle » dans les bilans, mais ignore la dette fédérale non officielle dans les hors-bilans.

Le fait qu’un ensemble de dettes figure dans les bilans en raison du choix des catégories par le Congrès et un autre ne l’est plus, encore une fois, en raison du choix des catégories par le Congrès. En matière économique, la presse croit trop souvent simplement ce qu’on lui dit.

Qu’en est-il des myriades de démocrates qui se présentent à la présidence? La Sécurité sociale est leur fierté et leur joie. Ont-ils pesé sur la hausse massive de sa dette massive? Aucun d’entre eux n’en parle.

Le secrétaire au Trésor, Steve Mnuchin, a sûrement fait part de ses préoccupations concernant le déficit de 9 000 milliards de dollars de la Sécurité sociale. Après tout, il est l’un des administrateurs du système. Il a signé le rapport. Curieusement, il ne l’a pas fait.

Le passif non capitalisé est le chiffre le plus important et le plus effrayant du rapport. Le secrétaire et ses collègues administrateurs l’ont ignoré dans leur déclaration sommaire pour la même raison qu’ils l’ont enterré à l’arrière de leur rapport.

C’est de la dynamite politique.

Il indique aux personnes âgées que ce qui leur a été promis ne sera probablement pas intégralement payé. Et cela indique aux jeunes qu’ils pourraient être confrontés à des taxes supplémentaires pouvant aller jusqu’à 43 000 milliards de dollars, dont le paiement ne leur rapporterait absolument rien.

Le secrétaire au Trésor est un banquier et les banquiers connaissent les bilans. Le passif non capitalisé est une déclaration importante concernant le bilan de la Sécurité sociale.

Sur le côté droit du bilan de la Sécurité sociale se trouvent ses passifs, tous évalués au présent, c’est-à-dire à la valeur actuelle. Les engagements du système correspondent aux obligations au titre des prestations projetées (176 000 milliards de dollars) envers les retraités actuels, les travailleurs actuels et futurs.

À gauche se trouvent les actifs du système. Il s’agit de la valeur du fonds en fiducie (3 000 milliards de dollars) et de la valeur actuelle de ses recettes prévues au titre des taxes sur la masse salariale (130 000 milliards de dollars) des travailleurs actuels et futurs.

Les bilans sont destinés à être équilibrés, d’où leur nom.

Quand ils ne le sont pas, faites attention.

Cela signifie que l’entité est en faillite. Lorsque les passifs non cachés (cachés) d’Enron ont été rendus publics, Enron a immédiatement fait faillite car son passif total (inscrit dans les livres) dépassait de loin ses actifs.

Lorsque les actifs de Lehman Brothers ont été évalués à un niveau proche de zéro au beau milieu de la panique financière de 2008, elle a été obligée de fermer ses portes.

La Sécurité sociale n’est pas différente.

Son passif dépasse de 43 000 milliards de dollars son actif.

Le système est en ruine en raison de changements dans les prévisions des actuaires.

La Sécurité sociale est sous-financée à 33% (43 000 milliards de dollars divisés par 130 000 milliards de dollars). Il s’agit du pourcentage d’augmentation immédiate et permanente du taux de 12,4% de la taxe sur la masse salariale de la Sécurité sociale nécessaire pour éliminer l’écart financier du système.

Cela représente 4,1 cents de plus d’impôts FICA que nous devons payer pour chaque dollar que nous gagnons, dans la limite du plafond des gains couverts de la Sécurité sociale, qui s’élève maintenant à 139 200 dollars. Alternativement, nous pourrions réduire toutes les prestations de la Sécurité sociale, immédiatement et de façon permanente, de 24% (43 000 milliards de dollars divisés par 175 000 milliards de dollars).

Plus nous attendons, plus le fardeau des jeunes générations sera lourd.

Le reste du système fiscal ne peut-il pas sauver la Sécurité sociale? Certes, nous pourrions utiliser les recettes générales pour aider à combler le déficit de la Sécurité sociale. Malheureusement, la réponse est non.

L’écart financier pour l’ensemble du gouvernement fédéral ne correspond pas aux 17 000 milliards de dollars de dette publique (calculés par le Bureau du budget du Congrès et rapportés par la presse).

Ces 17 000 milliards de dollars de dettes ne sont pas non plus la dette officielle totale.

Au lieu de cela, c’est la dette publique de 17 000 milliards de dollars, auxquels il faut rajouter les 43 milliards de dollars de dette hors-bilan de la Sécurité sociale sans oublier les 179 000 milliards de dollars du reste de la dette hors-bilan du système fiscal!!

Autrement dit, le système fédéral dans son ensemble présente un déficit financier de 239 000 milliards de dollars !

239 000 milliards de mille sabords!!

Bon lorsque l’on atteint ce genre de chiffre, nous ne sommes tout simplement plus dans le vrai monde ni dans la véritable vie. Nous sommes dans un délire collectif, dans une fiction imaginaire d’un système que l’on peut appeler argent-dette et qui vit évidemment ses derniers instants.

Toutes les grandes institutions, pour le moment, jouent le jeu, elles jouent la partie.

On imprime les billets nécessaires.

On demande à tous de croire que tout va bien. Que tout est normal.

Si quelqu’un dit que les monnaies imprimées ne valent rien et qu’il faut acheter de l’or, on lui tord le bras, si ce n’est pas assez on envoie les porte-avions et on lui casse la gueule.

Dans un système de changes flottants, où les monnaies ne sont jamais arrimées à un étalon-de valeur fixe comme pourrait l’être l’or, alors chaque mauvaise monnaie flotte par rapport aux autres. Quand le dollar baisse parce que la FED vient d’imprimer 5 000 milliards, l’euro lui monte. Mais cette hausse n’est pas durable, puisque l’année d’après c’est la BCE qui imprime… 4 500 milliards d’euros. L’euro baisse, le dollar remonte.

Pourtant les banques centrales européennes et américaines viennent d’imprimer 10 000 milliards ces dernières années.

Tout le monde fait mine de croire que les euros et les dollars valent la même chose.

Tout ceci peut durer tant que tous les acteurs de la pièce seront d’accord pour que la partie dure.

Pourtant au bout du compte, nous ne paierons pas toutes ces dettes, parce que c’est tout simplement impossible. Nous les paierons en monnaie de singe au mieux. Au pire nous ferons une grande réforme du système monétaire. Nul n’en connaît ni la date ni l’heure mais ce moment arrivera.

C’est en préparation de ce moment, que vous avez intérêt à sur-pondérer les actifs tangibles dans votre patrimoine.

Il est déjà trop tard, mais tout n’est pas perdu. Préparez-vous !
 
Charles SANNAT« Insolentiae » signifie « impertinence » en latin
Pour m’écrire charles@insolentiae.com
Pour écrire à ma femme helene@insolentiae.com

Vous pouvez également vous abonner à ma lettre mensuelle « STRATÉGIES » qui vous permettra d’aller plus loin et dans laquelle je partage avec vous les solutions concrètes à mettre en œuvre pour vous préparer au monde d’après. Ces solutions sont articulées autour de l’approche PEL – patrimoine, emploi, localisation. L’idée c’est de partager avec vous les moyens et les méthodes pour mettre en place votre résilience personnelle et familiale.

« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes » (JFK)

« Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Insolentiae.com est le site sur lequel Charles Sannat s’exprime quotidiennement et livre un décryptage impertinent et sans concession de l’actualité économique. Merci de visiter mon site. Vous pouvez vous abonner gratuitement à la lettre d’information quotidienne sur www.insolentiae.com. »20

Source ici

dimanche, 19 mai 2019

Début de conflit entre le Pentagone et l'Europe sur les questions de défense

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Début de conflit entre le Pentagone et l'Europe sur les questions de défense

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Washington tente de convaincre l'Union européenne de le soutenir dans ses projets de guerre contre l'Iran. Les Européens sont plus que réticents.

Mais cette question pose à nouveau la question de savoir si l'Union européenne, ou si certains Etats de celle-ci, en premier lieu la France, pourront sans conflits graves avec Washington, se doter d'une armée européenne indépendante de l'Otan et s'équipant en priorité de matériels militaires conçus et fabriqués en Europe.

Le 1er mai, le département de la Défense des États-Unis a envoyé une lettre à l'Union européenne l'avertissant que la création par les Européens d'une armée indépendante des Américains pourrait entraîner l'effondrement de l'alliance de l'OTAN entre les États-Unis et les Etats européens. La lettre, envoyée par les sous-secrétaires américains à la Défense, Ellen Lord et Andrea Thompson, à la responsable de la politique étrangère de l'Union, Federica Mogherini, a été évoquée é par le quotidien espagnol El Pais le 13 mai. On notera que ce même jour, le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo, s'était invité sans y avoir été convié à une réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Union à Bruxelles pour exiger leur soutien aux projets américains de guerre contre l'Iran.

La lettre du Département de la Défense indiquait que « Les États-Unis sont profondément préoccupés par l'approbation des règles relatives au Fonds européen de défense et des conditions générales de la Coopération structurée permanente (CSP) ». La lettre a précisé qu'une armée européenne entraînera «un recul spectaculaire de trois décennies d'intégration croissante du secteur de la défense transatlantique». Elle a mis en garde contre le danger d'une «concurrence inutile entre l'OTAN et l'UE».

Cette lettre comportait la menace plus ou moins voilée visant de possibles représailles politiques ou commerciales si Bruxelles maintenait son intention de développer « des projets d'armement européens sans consulter des pays extérieurs, comme les États-Unis». On rappellera à ce sujet que le Fonds européen de la défense stipule que les entreprises européennes doivent contrôler la technologie utilisée dans les systèmes d'armement européens, sans dépendre nécessairement de technologies étrangères, notamment américaine.

Faisant référence aux conflits qui avaient éclaté lorsque Berlin et Paris s'étaient opposées à l'invasion de l'Irak par les États-Unis en 2003, la lettre indique que les projets européens actuels «pourraient non seulement nuire aux relations constructives entre l'OTAN et l'Union Européenne, mais également relancer potentiellement les échanges tendus qui ont dominé nos relations il y a 15 ans sur les initiatives de défense de l'Europe».

Le sérieux avec lequel des menaces de rupture de l'alliance américano-européenne sont prises en Europe a trouvé un écho dans la publication cette semaine d'une étude réalisée par le groupe de réflexion IISS (International Institute of Strategic Studies) à Londres. Cette étude, intitulée «Défendre l'Europe: les scénarios de capacités nécessaires pour les membres européens de l'OTAN», évalue les coûts supportés par l'Europe pour reconstruire la capacité militaire de l'OTAN si les États-Unis abandonnaient l'alliance. Mais l'IISS n'envisage apparemment que la question de la défense de l'Europe en cas d'une invasion russe. Il évalue en ce cas le renforcement de capacité navale pour un coût de 110 milliards de dollars et des dépenses de 357 milliards de dollars ;

Ceci en soi ne devrait pas inquiéter Washington. Une éventuelle armée européenne n'est en rien présenté par l'Union comme devant mener une guerre contre les Etats-Unis. Mais ce qui inquiète ceux-ci est la perspective de voir les industries de défense européenne faire appel à leurs ressources propres plutôt que dépendre massivement, comme c'est le cas actuellement, à l'exception de la France, de l'industrie militaire américaine. Celle-ci fait la loi au Pentagone.

Aujourd'hui, l'Espagne donne l'exemple en matière de désolidarisation d'avec la politique américaine dans le domaine d'une possible guerre américaine contre l'Iran. Elle retiré sa frégate Méndez Núñez du groupe aéronaval dirigé par les États-Unis et mené par le porte-avions Abraham Lincoln, qui se rend dans le golfe Persique pour menacer l'Iran. La ministre espagnole de la Défense, Margarita Robles, a déclaré «Si le gouvernement nord-américain a l'intention de faire en sorte que le porte-avions Abraham Lincoln se rende dans une zone donnée pour une mission dont il n'a jamais convenu avec l'Espagne, nous quittons provisoirement le groupement tactique.» Elle a cependant assuré que Washington ne devait pas considérer cela comme une rupture définitive. On pourra lire à ce sujet Challenges

Rappelons que des tensions s'accentuent également au sujet des relations entre l'Europe et la Chine, après que l'Italie eut officiellement signé en mars un mémorandum d'accord approuvant l'Initiative d chinoise de la BRI ou la nouvelle route de la soie), un vaste plan d'infrastructure eurasien pouvant inclure certains Etats européens, ceci malgré les objections des États-Unis. Par ailleurs, Washington a menacé l'Allemagne et la Grande-Bretagne de suspendre la coopération en matière de renseignement pour avoir autorisé la société chinoise Huawei à participer à la construction de leur réseau de télécommunications.

Ceci dit, il est évident que si certains européens voulaient prendre leur indépendance à l'égard des industries militaires américaines, comme De Gaulle en son temps, ils devraient clairement sortir de l'Otan.

samedi, 11 mai 2019

L’hegemon américain menace l’Allemagne une fois de plus : si le gazoduc Nord Stream 2 est inauguré, il y aura des sanctions !

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L’hegemon américain menace l’Allemagne une fois de plus : si le gazoduc Nord Stream 2 est inauguré, il y aura des sanctions !

Washington/Berlin: L’ambassadeur américain en Allemagne, Richard Grenell ne cesse pas de se comporter en maître de maison et de s’immiscer dans les affaires intérieures du pays dans lequel il exerce ses fonctions. Récemment, Grenell est revenu à la charge et, menaçant, a averti les Allemands des conséquences que pourrait avoir la poursuite des travaux de construction du gazoduc Nord Stream 2. Aux questions des journalistes de l’hebdo Focus, le « gouverneur » américain a déclaré textuellement : « Du point de vue américain, le gazoduc ne vous alimentera pas seulement en gaz mais aussi en risques croissants de sanctions ».

Pour l’ambassadeur des Etats-Unis, les pays européens se rendent dépendants du gazoduc russe. Il a surtout insister sur un point : « si les entreprises allemandes persistent à travailler à ce projet, les Etats-Unis songeront à imposer des sanctions ». Les mesures de rétorsion, en ce cas précis, frapperont principalement le consortium énergétique Uniper, basé à Düsseldorf, et le producteur pétrolier et gazier Winterschall Dea, basé à Kassel, parce que ces deux entreprises participent à la réalisation de Nord Stream 2.

De surcroît et plus fondamentalement, Grenell a critiqué la politique russe de l’Allemagne, trop laxiste à ses yeux. Il a tenu ensuite des propos hallucinants, en disant qu’il y a seulement quelques années, « il aurait été considéré comme absurde que l’Europe laisse faire la Russie, la laisse occuper la Crimée, abattre un avion, manipuler des élections et utiliser des armes chimiques » .

Article paru sur le site http://www.zuerst.de .

vendredi, 10 mai 2019

Récupération politique: Anciennes et nouvelles tentatives de justifier l’hégémonie des USA et de l’UE

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Récupération politique

Anciennes et nouvelles tentatives de justifier l’hégémonie des USA et de l’UE

par Karl Müller

Ex: http://www.zeit-fragen.ch/fr

Dans un livre publié en 1999 par le journaliste et chroniqueur américain au «New York Times» Thomas L. Friedman («Understanding Globalisation. Between Marketplace and World Market» [Comprendre la mondialisation. Entre la place du marché et le marché global]) figure le chapitre intitulé «The Geopolitics of Globalisation». On peut y lire «l’importance des Etats-Unis pour le monde à l’ère de la globalisation». La «plus grande partie du monde» aurait «compris que le monde serait beaucoup moins stable sans la force des Etats-Unis». Une «mondialisation durable» exige une «structure stable du pouvoir» et aucun pays n’y joue «un rôle plus important que les Etats-Unis». Cette «stabilité» repose également sur «la puissance des Etats-Unis et leur volonté de l’utiliser contre quiconque menace le système globalisé – de l’Irak à la Corée du Nord»: «La force invisible faisant prospérer la technologie du Silicon Valley est constituée par l’armée de terre, l’armée de l’air, la marine et les marines étatsuniens». Et de continuer: «Sans la politique étrangère et de défense active des Etats-Unis, le système globalisé ne peut être maintenu.»

De Friedman à la consternation de Snowden …

Dans le film de 2016 d’Oliver Stone sur Edward Snowden, on assiste à une scène significative. Snowden a été invité à une réunion avec de hauts responsables du renseignement américain. Il demande à l’un de ces agents du renseignement pourquoi de très nombreux millions de personnes dans le monde entier sont espionnés en cachette. La réponse qu’il obtient est que tout cela n’a qu’un seul but: rendre le monde plus sûr et prévenir les guerres. Pour cela, le monde a besoin des Etats-Unis et de leurs services de renseignement.

… jusqu’à Robert Kagan

otto+von+bismarck+1871.jpgRobert Kagan, leader d’opinion néoconservateur des Etats-Unis, époux de Victoria Nuland (co-responsable du coup d’Etat de 2014 en Ukraine) et membre du Council on Foreign Relations, a publié dans le mensuel Foreign Affairs d’avril 2019 un article sur l’Allemagne, l’UE et les Etats-Unis. Le titre: «The New German Question. What Happens When Europe Comes Apart?» [La nouvelle question allemande. Que se passe-t-il lorsque l’Europe quitte le droit chemin?]. Le raisonnement se base sur les constructions suivantes: la création du Reich allemand en 1871 a créé au centre de l’Europe un foyer à troubles trop puissants, plongeant l’Europe et le monde dans deux guerres mondiales. Après 1945, il fut possible de stabiliser ce foyer à troubles – grâce à la garantie sécuritaire américaine pour l’Europe et à la politique européenne des Etats-Unis, grâce au système de libre-échange international dirigé par les Américains, grâce à une vague démocratique en Europe émanant des Etats-Unis et, notamment aussi, grâce à la lutte contre le nationalisme européen des USA, de l’UE et de ses organisations précédentes. Selon Kagan, dans la situation actuelle, tout cela n’est plus garanti et suscite donc de vives inquiétudes – notamment en prenant en compte l’Allemagne future.

Tentatives de justification de l’hégémonie américaine …

A ces trois tentatives de justifier l’hégémonie américaine dans le monde ainsi que l’élargissement du pouvoir de l’UE et de ses organisations prédécesseurs en Europe au cours des deux dernières décennies, on pourrait en ajouter de nombreuses autres. Toutes ont en commun qu’elles ne résistent pas à un examen pertinent – même si elles sont toujours et encore maintenues.

… et de l’UE

Du 23 au 26 mai se tiennent dans les Etats membres de l’Union européenne les élections des députés au «Parlement» européen pour un nouveau mandat de cinq ans. La campagne électorale bat son plein. Les arguments justifiant de telles élections et les activités de cette assemblée de l’UE – en réalité, il ne s’agit pas d’un réel Parlement, car il lui manque des conditions préalables essentielles – ainsi que l’UE dans son ensemble sont apparemment très minces. C’est pourquoi les propagandistes recourent à des fantasmes et des distorsions historiques. Ils sont assistés par les «alliés» étatsuniens ayant depuis 1945 un intérêt manifeste à affaiblir les Etats-nations européens et souverains en leur imposant ce qu’ils appellent, par euphémisme, «globalisation». En réalité, ils ne craignent pas le «nationalisme» – cette notion est elle aussi mise en scène et instrumentalisée quand elle semble «utile» –, mais les fondements constitutionnels à caractère libéral, démocratique, juridiques et sociaux des Etats souverains représentés dans une «Europe des patries». Une UE gouvernée de haut en bas leur semble être un vassal plus maniable.

280px-Incendie_Notre_Dame_de_Paris.jpgL’incendie de «Notre-Dame» a déclenché un engouement …

L’abus pour l’engouement de l’incendie et du débat autour de la reconstruction et du financement de la cathédrale «Notre-Dame» de Paris pour la campagne électorale actuelle est absurde. La revue de presse du Deutschlandfunk du 17 avril constatait «que le thème dominant des commentaires du jour était l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris» suivi d’un certain nombre de citations.


La «Frankfurter Allgemeine Zeitung» a écrit: «L’incendie du 15 avril 2019 à Paris restera dans les annales. Il a frappé le symbole d’un pays déchiré et divisé. Depuis novembre, le mouvement des Gilets jaunes avec ses protestations partiellement violentes a forcé les dirigeants de l’Etat de sortir de la réserve. Suite à une évolution totalement inattendue de l’Histoire, l’incendie catastrophique survenue juste avant les fêtes de Pâques, a imposé un moment d’arrêt à la France. Brièvement, l’horreur de la cathédrale Notre-Dame en flammes a créé une cohésion ayant cruellement fait défaut ces derniers mois».


La «Neue Osnabrücker Zeitung» a réagi ainsi: «Dans l’horreur commune, de nombreuses personnes ont redécouvert les forces unificatrices des valeurs, de la cohésion et même de la beauté. Maintenant, cette catastrophe libère des énergies inattendues. Soudainement, les valeurs se retrouvent au-dessus du marché qui semblait tout dominer. Les familles milliardaires Pinault et Arnault veulent à elles seules faire don de trois cents millions d’euros pour la reconstruction. L’argent s’incline devant la culture. Ce n’est pas le moindre des messages transmis suite à ce malheur. Plus important que l’argent est le fait que l’Europe ait trouvé, avec la reconstruction, une tâche commune. Cela unit à nouveau.»
La «Stuttgarter Zeitung» écrit: «‹Nous les reconstruirons ensemble›, a annoncé le président Macron. Il ne fait aucun doute que Notre-Dame brillera à nouveau, un jour, dans toute sa nouvelle splendeur. Ce qui fut possible à Reims et à Rouen où les cathédrales détruites pendant la guerre furent merveilleusement restaurées, se répétera à Paris. Mais les propos de Macron vont au-delà des aspects financiers et techniques. Ils témoignent de l’espoir que ce choc puisse être salutaire et réunisse à nouveau la nation.»

… pour un «sentiment du vivre-ensemble européen» à l’américaine

Le «Reutlinger General-Anzeiger» renchérit dans les termes suivants: «Il se peut que le terrible incendie ait fait prendre conscience à l’un ou l’autre qu’il existe quelque chose comme une conscience européenne et un sentiment de solidarité au-delà des égoïsmes nationaux. Si tout le monde se réunit pour aider, la reconstruction pourra réellement réussir. Notre-Dame ne sera plus jamais la même, mais elle pourrait devenir un symbole de la solidarité européenne.»


Finalement, il y a encore les «Westfälische Nachrichten»: «Notre-Dame étant un patrimoine européen commun, la reconstruction – comme ce fut le cas autrefois avec la Frauenkirche à Dresde – est une tâche commune pour tous les Européens. Ce serait une lueur d’espoir dans cette catastrophe, si la douleur vécue ensemble conduisait à un sentiment de communauté français et européen.»


Que les plumes s’alignent toutes sur la même idée peut avoir deux raisons: soit tous les éditorialistes tirent dans le mille, soit il s’agit de tout autre chose, par exemple d’une campagne médiatique coordonnée et orientée politiquement.  

mardi, 07 mai 2019

Le droit, arme de guerre des Etats-Unis...

 

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Le droit, arme de guerre des Etats-Unis...

Entretien avec Ali Laïdi
Ex: http://www.metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Ali Laïdi au Figaro Vox à l'occasion de la sortie de son essai Le droit, nouvelle arme de guerre économique (Acte Sud, 2019). Docteur en science politique, Ali Laïdi est chroniqueur à France24, où il est responsable du "Journal de l'Intelligence économique". Il est également chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). et enseigne à Sciences Po Paris. Il a déjà publié une Histoire mondiale de la guerre économique (Perrin, 2016).

Comment le droit est devenu l’arme favorite des États-Unis pour s’accaparer nos entreprises

FIGAROVOX.- Comment résumer en quelques lignes l’usage du droit en tant qu’arme de guerre économique? Comment définir l’extra-territorialité du droit américain?

Ali LAIDI.- Les juristes distinguent deux types d’extraterritorialité, notamment à travers la question des sanctions. Il y a d’abord les sanctions primaires, appliquées lorsque l’État américain décide d’interdire à ses sociétés et à tout ce qu’il considère comme étant des «US persons» d’avoir des relations commerciales avec certaines entités, généralement un État. Or dans ce cas précis, selon les juristes, nous ne serions pas dans un cas d’extraterritorialité puisque cette sanction primaire ne s’applique qu’aux US persons. Cependant, la définition de l’US persons aux États-Unis est tellement large qu’une filiale d’entreprise étrangère peut être comprise comme US person et donc tomber sous le coup des sanctions primaires.

Il y a ensuite les sanctions secondaires, qui s’appliquent à tout le monde, toutes les entreprises, qu’elles soient américaines ou étrangères. Dans ce cas-là, certains juristes acceptent de reconnaître qu’il y a une forme d’extraterritorialité.

Mais, pour les géopolitologues, il est évident que l’extraterritorialité se situe à la fois dans les sanctions primaires et secondaires et il est très intéressant d’en étudier les effets, notamment en ce qui concerne les affaires d’embargos ou de lutte contre la corruption, car dans ces domaines-là, le lien avec le territoire américain est beaucoup plus ténu. En effet, dans la plupart des cas recensés depuis un certain nombre d’années, les cas de corruption ont lieu en dehors du territoire américain. Mais un lien peut être établi dès lors que vous allez utiliser le dollar, ou par exemple si vous avez utilisé un compte Gmail dont le serveur se situe en partie aux États-Unis. La définition de la compétence du droit américain sur les faits de corruption à l’étranger est donc extrêmement large, même si elle ne touche pas directement le territoire américain.

Pouvez-vous revenir sur l’affaire Alstom?

C’est en 2010 que les Américains sonnent l’alerte et que le Département de la Justice des États-Unis ouvre une procédure contre le Français Alstom. Des années que la société pratique la corruption, enchaîne les condamnations, pourtant rien ne change. En 2004 et 2008, les justices mexicaine et italienne condamnent Alstom à plusieurs milliers de dollars et à une exclusion pour quelques années des marchés publics pour corruption de fonctionnaires. En 2011, la justice suisse épingle le Français pour corruption et trafic d’influence en Tunisie, Lettonie et Malaisie et condamne Alstom à une amende de plus de 40 millions d’euros. Prévenants, les Suisses qui savent que la justice américaine s’intéresse également à Alstom, lui envoient l’ensemble des pièces de cette affaire. Lesquelles alourdissent le dossier ouvert par Washington.

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Autant dire que les Américains ne manquent pas d’éléments pour aller chercher querelle à Alstom et exiger que l’entreprise lance une enquête interne. Ils passent à l’attaque en 2013 et interpellent un cadre d’Alstom, Frédéric Pierucci, vice-président d’Alstom Chaudière. La rumeur dit même que Patrick Kron est menacé d’un emprisonnement s’il met les pieds aux États-Unis. Pendant que Frédéric Pierucci croupit sous les verrous, Patrick Kron négocie dans le plus grand secret la vente de la branche énergie (Alstom Power) de son entreprise à l’américain General Electric. Malgré la résistance d’Arnaud Montebourg, alors ministre de l’économie, au plus haut niveau de l’État, la messe est déjà dite. On a lâché Alstom.

Le 19 décembre, lors de l’Assemblée générale d’Alstom, le dépeçage d’Alstom est acté. Dans les trois co-entreprises Energie créé dans le plan, General Electric est majoritaire. Les Américains y pilotent les deux directions les plus stratégiques: les directions financières et opérationnelles. Les Français sont cantonnés à la technologie. C’en est fini de l’indépendance atomique française chère au Général De Gaulle. La fabrication des turbines, élément indispensable au fonctionnement de nos centrales nucléaires, passe sous pavillon américain.

Quelles sont les réactions des États visés par ce genre de pratiques? Comment a réagi la France, par exemple, à l’affaire Alstom?

Les Européens ne bougent pas. Angela Merkel reconnaît la légitimité des États-Unis à épingler les entreprises étrangères soupçonnées de corruption. En 2015, des députés français enquêtent sur l’extraterritorialité de la législation américaine mais le rapport n’aboutit à aucune décision politique forte. J’ai beaucoup travaillé sur la réponse de la France en particulier et de l’Europe en général, et le bilan c’est qu’il n’y en a pas. Les Européens sont tétanisés par rapport à ce problème-là, et ils ne savent pas quoi faire. Le plus extraordinaire, c’est qu’ils se plaignent même de ne pas avoir été préparés, alors même que l’une des premières manifestations de l’extraterritorialité date de 1982, lorsque le président Reagan a voulu interdire aux filiales des entreprises américaines de participer à la construction d’un gazoduc entre l’URSS et l’Europe. À cette époque, Margaret Thatcher s’était fermement opposée à la position américaine de vouloir imposer des sanctions aux filiales américaines, ce qui avait fait reculer Ronald Reagan.

C’était donc déjà un signe de la volonté des Américains de s’immiscer dans les relations commerciales et l’autonomie économique de l’Europe. En 1996, il y a eu un second signal avec la loi fédérale Helms-Burton, qui renforçait l’embargo contre Cuba, et la loi d’Amato-Kennedy, qui visait à sanctionner les États soutenant le terrorisme international et qui donnait la possibilité à Washington de punir les investissements - américains ou non - dans le secteur énergétique en Iran ou en Libye. Toute cette expérience n’a donc servi à rien, comme l’illustre tout ce qui se passe aujourd’hui avec le cas iranien. On a l’impression que l’Union européenne repart à zéro, qu’elle n’a pas enrichie sa réflexion sur le sujet.

J’explique cela par le fait que tant qu’il n’y aura pas un cadre général de pensée stratégique économique en Europe, à chaque fois les fonctionnaires de Bruxelles se trouveront dépouillés, car ils ne savent pas comment réagir. En effet, le concept de guerre économique est un concept complètement balayé à Bruxelles où l’on n’a jamais accepté de réfléchir sur la question. L’Europe, c’est la paix, et la puissance est un gros mot à Bruxelles.

L’Union européenne n’est donc pas en mesure de répondre à ces menaces?

En 1996, il y a eu une occasion formidable de réagir face aux lois Helms-Burton et Amato-Kennedy, lorsque les Européens ont décidé d’établir un règlement pour protéger les entreprises européennes. L’Union européenne avait déposé plainte à l’OMC, mais malheureusement elle l’a retirée. Les Européens ont trouvé un accord avec les Américains, et ce fut là l’erreur stratégique. Cet accord reposait alors essentiellement sur la bonne volonté du président Clinton, et sur celle du Congrès qui, éventuellement, n’appliquerait pas forcément les dispositions des lois qui posaient problème. Selon moi, à l’époque il aurait vraiment fallu traiter le problème à la racine et laisser la plainte déposée à l’OMC aller jusqu’au bout. Cela aurait permis de montrer que les Européens n’accepteraient pas ce type de diktat économique.

On mesure aujourd’hui le prix de cette erreur politique des Européens. Le président Trump n’étant pas tenu par la promesse de ses prédécesseurs a décidé très récemment d’appliquer le titre III de la loi Helms-Burton qui autorise les poursuites des entreprises étrangères devant les tribunaux américains. Faut-il déposer une nouvelle plainte à l’OMC? Aujourd’hui, une telle action semble inenvisageable tant les Européens craignent de donner une occasion à Donald Trump de quitter l’OMC. Bruxelles et Paris sont donc systématiquement sur la défensive, ne trouve pas de solutions, et toutes les entreprises européennes ont aujourd’hui quitté l’Iran et peut-être Cuba dans les prochains mois. Et ce n’est pas la plateforme financière de troc promise par Paris, Londres et Berlin pour assurer des relations commerciales avec Téhéran qui va radicalement modifier le rapport de force avec les Américains. L’ambition européenne se limite aux échanges dans les secteurs de l’alimentation et des médicaments. Ce n’est pas cela qui fera revenir Total, Peugeot ou Renault…De plus, les Américains comptent tout faire pour l’empêcher de fonctionner.

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Vous expliquez qu’Airbus sera la prochaine cible de l’extraterritorialité du droit américain...

Depuis le printemps 2016, Airbus Group traverse une zone de turbulence juridique. Thomas Enders, alors PDG de l’avionneur européen (remplacé par Guillaume Fleury) a décidé d’ouvrir le parapluie en se confessant de son propre chef à l’agence britannique de crédit à l’exportation (UK Export Finance, UKEF): son entreprise a oublié de mentionner certains intermédiaires dans plusieurs contrats à l’export. Depuis, les Britanniques et les Français via le Parquet national financier, enquêtent. Thomas Enders pensait couper l’herbe sous le pied des Américains. Mais en décembre dernier, on a appris que Washington avait placé Airbus sous enquête. Il est clair qu’une épée de Damoclès est placée au-dessus de l’avionneur européen. Avec la présence des Américains dans la procédure, la facture risque d’être salée, forcément de plusieurs milliards d’euros.

Les États-Unis sont-ils le seul pays à mettre en œuvre l’extra-territorialité de leur droit? Vous expliquez que c’est beaucoup grâce à leurs services secrets…

Les Américains sont en effet le seul pays à manier leurs lois extraterritoriales de manière aussi intrusive et agressive. Et visiblement cela marche quand vous constatez qu’ils peuvent frapper des entreprises russes et même chinoises (ZTE et Huawai). Les Européens répondent qu’ils possèdent aussi une législation extraterritoriale à travers le Règlement général de protection des données (RGPD) censé contraindre les entreprises du monde entier à protéger nos données personnelles. Mais la loi américaine qu’on appelle le Cloud Act voté en août dernier permet à n’importe quelle autorité de poursuite américaine d’exiger l’accès à nos données quand bien celles-ci sont hébergées en Europe par un Gafa. Les États-Unis sont extrêmement agressifs car, vous avez raison de le noter, ces lois leur permettent de récupérer des millions d’informations économiques qui vont nourrir les bases de données de leurs services de renseignement. Et servir à la protection de leurs intérêts économiques et commerciaux. Il va falloir surveiller la réponse chinoise. Souvent Pékin applique la réciprocité. Il faudra voir comment les Chinois se comportent notamment sur les marchés de la route de la Soie. Ce n’est pas un hasard si les Chinois ont été les premiers à traduire mon livre.

Ces pratiques deviendront-elles systématiques? Ou bien les États-Unis seront-ils contraints de les abandonner?

Elles commencent à poser des problèmes aux Américains. Diplomatiques d’abord. Les relations avec leurs alliés se tendent de plus en plus. Vont-ils finir par se révolter ou accepter un statut plus proche de vassal que d’allié? Vont-ils utiliser les mêmes armes, et dans ce cas, cette affaire pourrait très mal finir... Ou alors se détacher du dollar au profit de l’euro et du yuan? Problèmes sécuritaires ensuite. Les organisations criminelles et terroristes ainsi que les États qualifiés de «voyous» par Washington s’adaptent à la nouvelle situation. Ils trouvent les parades pour parer aux coups de l’Amérique. Le problème, c’est que les lois extraterritoriales américaines sont trop efficaces. Résultat: les entreprises occidentales n’osent plus bouger le moindre petit doigt et désertent certains marchés risqués. Ce qui affaiblit la surveillance américaine, les autorités manquant de sources pour faire remonter les bonnes informations. Du coup, remarquent les spécialistes américains de la sécurité, les outils de surveillance et de contrôle commencent à diminuer. Les entreprises et les acteurs moins dociles, plus opaques, s’en réjouissent.

Ali Laïdi, propos recueillis par Etienne Campion (Figaro Vox, 3 mai 2019)

dimanche, 05 mai 2019

La chimère du monde unipolaire

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La chimère du monde unipolaire

par V.A. Michurin

Les jugements concernant l’idée selon laquelle nous vivons dans un monde unipolaire peuvent être entendus partout. Les « patriotes » en parlent avec une voix enrouée par la peur et avec un regard de condamnation, les « cosmopolites pro-occidentaux » avec une attitude nettement élogieuse et une tape indulgente sur le bras de l’interlocuteur, les « pragmatiques » lèvent les bras : c’est la réalité, disent-ils. A première vue, de fait, tous les faits confirment cette thèse : après la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis sont devenus le leader évident de tout le monde non-communiste, et après le grand effondrement du « système socialiste mondial » et de l’URSS, et aussi l’affaiblissement de l’héritière de la Russie – la Fédération Russe – au rang d’une puissance plus faible, tributaire des pays occidentaux, les Etats-Unis ont presque automatiquement acquis le rôle de leader mondial. Ils ne veulent pas être évincés de ce rôle, et ils le clament de toutes les manières possibles. Le monde unipolaire est-il donc, réellement, la « Fin de l’Histoire » ? Ou peut-il s’agir d’une illusion qui s’est enracinée dans la conscience de masse ?  Ou un paradoxe historique a-t-il réellement surgi ?

lev-gumilev_1-t.jpgEssayons de donner la réponse, en partant de la théorie de l’ethnogenèse de L.N. Gumiliev [1]. Cette théorie, avant tout, permet d’échapper à ce que Gumiliev lui-même a appelé « l’aberration de la proximité », lorsque « face à face, la face n’est pas vue ». Chacun peut tenter l’expérience : mettez la paume de la main très près du visage – elle semblera plus grande que l’armoire de l’expérimentateur à cinq mètres de là. Si un homme ne connaît pas le concept de la perspective, il y croira toujours. Dans la vie quotidienne, l’erreur est évidente. Mais lorsqu’il s’agit de comprendre des événements modernes avec une perspective vraiment historique, sans une vision objective prenant en compte la régularité de la montée et de la chute des civilisations et des peuples, nous ne pouvons pas l’éviter.

Le problème est que pour la majorité des gens, les événements et les phénomènes modernes semblent toujours magnifiques et faisant date, alors que les anciens semblent recouverts par la poussière des siècles et ne semblent pas aussi significatifs. Il est difficile d’échapper à cette déformation émotionnelle.

Expliquons notre approche de ce thème avec un exemple concret. Toutes les branches occidentales de l’humanité sont déjà entrées jadis dans un nouveau millénaire, en considérant qu’elles étaient dans un « monde unipolaire ». C’était le début d’une nouvelle ère, quand les concepts d’« empire romain », de « monde civilisé », de « monde entier », étaient considérés comme des synonymes par la conscience collective. Cette vision était basée sur de solides fondations – Rome n’avait pas de rivaux puissants, elle gérait plus ou moins efficacement la « pax romana » qui existait alors. La conscience des premiers chrétiens était légitimement liée à une perception unipolaire du monde. Et après ? La « fin du monde » était aussi prévue, et elle survint à l’époque des « grandes invasions ». Les siècles ont passé, et à la place de la partie occidentale de l’empire romain, qui avait toujours paru éternel, un conglomérat varié d’états « barbares » apparut, dont la population ne se rappelait plus du tout l’ancienne tradition. Et maintenant, au XXe siècle, il y a même des gens qui nient en bloc qu’un empire romain ait jamais existé.

Ce que nous voulons dire est que le premier point de vue (le leadership mondial américain comme signe de la « fin de l’histoire ») ne peut absolument pas être pris au sérieux. Le concept de la « dilution du monde dans le marché intégré » sous l’égide des Etats-Unis est une nouvelle sorte de « communisme », c’est-à-dire une propagande-fantôme exigeant un acte de foi, au lieu d’une attitude consciente. Les faits de la présence d’un marché financier mondial, du dollar comme devise mondiale, et d’Internet, n’abrogent pas les lois de l’ethnogenèse, comme la cruelle réalité le démontre constamment.

Tournons-nous donc vers les faits réels.

*   *   *   *   *

Aux XVIIIe et XIXe siècles, en Amérique du Nord, à partir des descendants de colons venant de régions d’Europe à prédominance protestante – Anglais, Hollandais, Allemands, Français, Scandinaves –, une ethnie complètement nouvelle se développa, mais qui appartenait en même temps indubitablement à la civilisation occidentale. Elle sera correctement nommée WASP (White-Anglo-Saxons-Protestants) ou Yankee, pour empêcher une confusion avec le concept juridique d’Amérique. Pour les contemporains, il devint bientôt évident que les anciens habitués des salons de thé de Boston ou les Minutemen n’étaient pas simplement des insurgés contre les autorités anglaises, mais quelque chose d’essentiellement nouveau.

La nouvelle ethnie se développa à partir des représentants les plus « passionnés » des ethnies protestantes d’Europe [2]. Ces gens ne savaient pas comment utiliser leurs forces dans leur pays natal et avaient en eux suffisamment d’énergie pour traverser l’océan et s’adapter à des conditions inhabituelles et plutôt dures. On pourrait dire que la colonisation de l’Amérique du Nord et l’apparition à cet endroit d’une ethnie nouvelle en expansion vigoureuse fut la dernière manifestation sérieuse de « passionnarité » venant de la super-ethnie occidentale [3]. La « frontière », la conquête de l’Ouest Sauvage [Wild West] (c’est-à-dire un paysage complètement nouveau), représente en elle-même la dernière grande communauté de « passionnés » générée par la civilisation européenne. Après cela, au XXe siècle, l’Occident donna naissance à un grand nombre de personnalités brillantes, mais dans l’ensemble les « passionnés » restèrent des exceptions plutôt que la règle, dans les ethnies occidentales, leur proportion étant insignifiante et décroissante avec le temps.

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Les Etats-Unis créèrent un système ethnico-social assez raisonnable, basé sur la non-ingérence dans les coutumes des divers groupes de colons et sur la tolérance ethnique (c’est précisément ce système qui permet jusqu’à ce jour l’existence du conglomérat poly-ethnique nord-américain). En Amérique se précipitèrent aussi les fractions actives d’autres peuples éloignés des protestants mais capables de cohabiter avec eux dans le cadre du système américain : les Irlandais, les Polonais, les Italiens, les Juifs. Un rôle singulier fut joué dans la vie du pays par les Juifs d’Europe de l’Est, dont la « passionnarité » au XIXe siècle et au début du XXe était très élevée.

A la longue, les Etats-Unis devinrent le refuge des aventuriers du monde entier, cherchant un meilleur sort, représentants les ethnies et les civilisations les plus diverses. Certains d’entre eux devinrent de loyaux citoyens des Etats-Unis, trouvant un langage commun avec la majorité ethnique du pays. Certains se rassemblèrent dans des mafias ethniques fermées. Le poids spécifique de la fraction des ethnies plutôt éloignées du stéréotype de comportement européen s’accrut constamment dans la composition des immigrants (le pourcentage des immigrants originaires d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine dans la composition de ceux qui s’établissent définitivement aux Etats-Unis est passé de 12% en 1951 à 88% en 1990 – I. Tsanenko, Social and Political Consequences of International Population Shift, MeiMO, N° 3, 1999, pp. 59-63). En conséquence, l’Amérique s’est transformée en un conglomérat de peuples, loin d’être toujours proches (complémentaires) les uns des autres –, ce qui génère des conflits ethniques sporadiques, et pas seulement cela. Gumiliev a démontré que la montée des Weltanschauungen [visions-du-monde] négatrices de la vie (anti-systémiques) est liée aux zones de contacts ethniques négatifs. Ces phénomènes, à un degré maximum, sont caractéristiques des Etats-Unis : ainsi l’apparition de sectes totalitaires complètement non-naturelles, la croissance de la violence gratuite, et le niveau croissant de criminalité.

Tous ces facteurs contiennent un énorme potentiel d’instabilité pour la société multiethnique américaine. En partant de l’hypothèse qu’à long terme les Etats-Unis seraient capables de conserver leur rôle dans le monde et un état stable de leur économie, étroitement lié à ce rôle, il est possible de formuler le pronostic suivant : la société américaine restera solide tant que l’ethnie de base (Yankees – protestants) conservera un niveau de « passionnarité » suffisant pour maintenir en ordre l’actuel système social, et tant que les groupes ethniques du pays ne seront pas contraints par une politique d’Etat à un mélange artificiel. Si l’Amérique devenait réellement un melting-pot, au lieu d’une cohabitation des ethnies, cela serait la garantie de sa ruine rapide.

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Les raisons pour lesquelles l’Amérique est devenue au XXe siècle l’incontestable leader de l’Occident sont, pour le chercheur familiarisé avec la théorie de l’ethnogenèse, aussi évidentes que le sont les raisons de la venue de l’été après le printemps pour des climatologues. Les Etats-Unis ont simplement joué le rôle d’une « pompe aspirante » absorbant les gens les plus forts et les plus entreprenants de toute l’Europe, c’est-à-dire concentrant en eux [= aux Etats-Unis] le fond génétique européen de « passionnarité ». Grâce à celui-ci, la récession générale de « passionnarité », inéluctable pour la super-ethnie occidentale, eut lieu aux Etats-Unis beaucoup plus lentement qu’en Europe.

En plus de cela, il est nécessaire de dire que la destinée historique de l’Amérique avec sa situation géographique au XXe siècle étaient simplement extrêmement favorables. Sa situation devint très favorable dès la fin de la Première Guerre mondiale. A cet égard, la promotion des Etats-Unis à un rôle dirigeant commença déjà à rencontrer un obstacle avec la « passionnarité » décroissante de leur population, composée de gens actifs, pragmatiques et respectueux des lois, ne pensant qu’à accroître leur bien-être, au lieu de penser à la mission mondiale de leur pays – c’est-à-dire des gens représentant la phase inertielle de l’ethnogenèse. Ces gens trouvaient naturelle et évidente l’idéologie de l’isolationnisme, qui peut être exprimée par ces mots : « Pourquoi nous charger d’un autre problème ? ».

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Bien que cela puisse sembler paradoxal, il est cependant possible de dire que ceux qui ouvrirent la voie au leadership mondial américain furent les Japonais, provoquant la guerre du Pacifique en attaquant Pearl Harbour en 1941. Le puissant lobby isolationniste, qui ne laissait pas l’Amérique entrer dans la guerre, fut obligé de céder. Les événements ultérieurs se développèrent selon une logique implacable. Le Japon n’avait aucune chance de gagner contre les Etats-Unis (à cause de l’énorme disparité entre les potentiels d’économie de guerre) et était entré en guerre seulement à cause d’un surplus de « passionnarité » de type oblatif, qui avait surgi massivement en résultat de la poussée de « passionnarité » qui transforma le Japon après la révolution de Meiji. Tous les jeunes officiers japonais souhaitaient périr pour l’Empereur, et le gouvernement du pays ne pouvait rien faire contre cela (il est intéressant de noter que, une fois débarrassé du surplus de « passionnarité » qui était un obstacle à la vie, le Japon réalisa d’importants succès économiques dans les années d’après-guerre. La guerre joua pour le Japon un rôle similaire à celui d’une saignée pour les hypertendus). Etant entrés en guerre, les Etats-Unis la menèrent selon leurs inclinations, représentations et possibilités, c’est-à-dire en créant – grâce à l’invulnérabilité de leur territoire face à l’ennemi – un complexe militaro-industriel d’une dimension absolument sans précédent, permettant à l’armée de conduire la guerre en usant d’une supériorité technique quantitative (et souvent aussi qualitative) écrasante.

On pense généralement que si l’Amérique n’était pas entrée en guerre, les pragmatiques Américains auraient difficilement commencé à investir dans la création d’un aussi vaste complexe militaro-industriel. Mais dès que cette branche hypertrophiée eut été créée, elle se transforma dans les années d’après-guerre en une force autonome poussant les Etats-Unis à adopter un style de comportement plus actif, plus « puissant », sur la scène mondiale.

Après la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis eurent à nouveau de la chance : ils trouvèrent un ennemi idéal – le communisme, qui leur permit de rassembler tout le monde non-communiste sous leur égide, et qui n’avait aucune chance de remporter une victoire définitive (pour beaucoup d’Américains, et aussi pour Staline, il était évident que même les espoirs les plus illusoires de « victoire mondiale du communisme » étaient morts le matin du 22 juin 1941).

Les Etats-Unis tirèrent avantage de tous les avantages de leur situation. Ils se subordonnèrent les restes de « passionnarité » de l’Europe Occidentale, épuisée par la guerre et égarée, et s’attachèrent le Japon, ils introduisirent le dollar comme équivalent monétaire mondial, remplaçant dans les faits l’or lui-même. Les succès américains se déroulaient parallèlement à un déclin constant de la « passionnarité » de la population du pays. Après avoir vaincu le Japon, trente ans plus tard les Américains perdirent au Vietnam, bien qu’ils aient utilisé la même stratégie d’usage massif d’une puissance militaro-technique écrasante. Les recrues étaient simplement d’une autre génération.

Ensuite, les Américains et leurs alliés poussèrent habilement l’URSS à sa dissolution, en stimulant le processus objectivement rapide de désintégration de son élite politique. Après août 1991, la « force des choses » elle-même, ainsi que la politique rigoureuse de leur gouvernement, avaient porté les Etats-Unis à une position dirigeante dans le monde.

Et maintenant ?

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Maintenant, nous voyons un paradoxe historique, où le leader mondial est un pays avec une population apathique, bien que travaillant dur, généralement pas intéressée par la politique étrangère (chacun sait que dans les campagnes électorales des candidats à la présidence US, les questions de politique intérieure sont absolument prédominantes, et selon les sondages

13% seulement des Américains sont favorables à ce que les Etats-Unis deviennent l’unique leader mondial pour la solution des problèmes internationaux – Z. Brzezinski, The Grand Chessboard, Moscou 1998, p. 249). La puissance militaro-technique des Etats-Unis est incontestable, mais il existe un certain nombre de limitations externes et internes, qui ne permettent pas à cette puissance de devenir une arme absolue capable de mettre le monde entier à genoux.

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Remarquons qu’après le Vietnam, la force militaire a été utilisée par les Américains seulement dans des cas où des pertes humaines significatives dans leur camp étaient exclues (Irak, Serbie). En cela, les Etats-Unis ressemblent à un homme qui de temps en temps frappe son chien juste pour lui montrer « qui est le maître dans la maison ». Face à des centres de force, ou « pôles », sérieux (Chine, Inde, Iran, et récemment même la Russie), les Etats-Unis se comportent plus poliment, visant moins à imposer qu’à manœuvrer. Les Etats-Unis ont donc tendance à beaucoup insister sur leur « leadership mondial » dans un but de propagande, et en retirent un bénéfice très concret.

Economiquement aussi les Etats-Unis sont très forts, pas tellement en tant qu’hégémonie et dictateur mondial, mais en tant que l’un des secteurs importants de l’économie mondiale, représentant un système uniforme se développant selon ses propres lois. En même temps, il est déjà impossible de dire que leur rôle soit beaucoup plus important que celui de la « Grande Chine » ou celui de l’Europe unie (la part des Etats-Unis dans le PNB mondial a diminué – en 1950 elle constituait environ 30% et elle atteint aujourd’hui à peine plus de 20% – MEiMO, n.s. 10, 1999, p. 27 – et leur part dans les exportations mondiales a chuté encore plus fortement, de 60% en 1950 à 12-13% aujourd’hui).

Le monde unipolaire est une chimère. La réalité est une chose différente. Une élite essentiellement cosmopolite, basée sur la « continuation transocéanique de l’Europe » faible en « passionnarité » mais pragmatique – les Etats-Unis –, exploitant correctement une situation historique mondiale unique qui prit forme grâce au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, a maintenant gagné plus de poids dans le monde que toute autre élite. Elle a ainsi habilement joué sur les contradictions existantes dans le monde moderne (en fait, multipolaire), construit par un processus en fait contemporain. Le mythe de la puissance éternelle et indestructible de l’Amérique est donc une efficace arme de propagande et d’intimidation.

Les perspectives d’existence des Etats-Unis dans le présent et difficile monde « pseudo-unipolaire » dépendent de savoir si l’élite politique américaine peut rester en équilibre sur la corde, en empêchant les processus de croissance de « passionnarité » dans diverses régions du monde (avant tout, en Eurasie) de passer cette limite critique où le contrôle US sur les endroits stratégiques importants et les sources de matières premières serait perdu, ce qui en retour pourrait saper la position militaire et économique mondiale américaine. Si cette limite était franchie, la destinée future des Etats-Unis serait pitoyable : ils deviendraient un Etat lointain et pas particulièrement intéressant, dont l’élite politique resterait face à une population ethniquement variée, ayant perdu le très haut niveau de vie qui ne servirait plus de stimulant pour rester dans le cadre du système social existant de nos jours.

En dépit des incontestables avantages de l’actuelle situation des Etats-Unis dans le monde, la tendance basique mondiale à long terme (et peut-être pas à si long terme) leur est défavorable : la « passionnarité » de la civilisation européenne vieillissante et de sa partie transocéanique va en diminuant, alors qu’elle augmente dans de nombreuses nations du monde – certaines d'entre elles étant loin d’être prêtes à se résigner à l’actuel rôle mondial des Etats-Unis. Tout cela justifie parfaitement le sentiment d’« alerte historique, et probablement même de pessimisme » qui, comme l’écrit Brzezinski dans le livre susmentionné (p. 251), « commence à être perçu dans les milieux les plus conscients de la société occidentale ».

Originellement publié dans « Deti feldmarshala », n° 6, 2000.

Republié avec des modifications mineures sur : http://kulichki.rambler.ru/~gumilev/MVA/mva03.htm

Notes de la rédaction (M.C.)

[1] Lev Nikolaiévitch Gumiliev (1912-1992), historien, orientaliste, ethnologue et archéologue russe. Selon la théorie de l’ethnogenèse de Gumiliev, une ethnie (« un phénomène à la frontière de la biosphère et de la sociosphère ») n’est pas un « état » mais un « processus », caractérisé par sa propre structure particulière, son propre stéréotype comportemental et ses propres phases de développement (la période créative, la période de réalisme ou période inertielle, la période de déclin). [Il est intéressant de comparer les idées de Gumiliev à celles d’Oswald Spengler et d’Arnold Toynbee, NDT].

Une courte biographie et une version abrégée de son livre Ethnogenesis and the Biosphere peuvent être trouvées en langue anglaise sur le site d’Artiom : http://artiom.home.mindspring.com/gumilev/

[et aussi sur www.cossackweb.com/gumilev/contents.htm]

[2] Le mot russe « passionarnost » (« drive » étant son équivalent anglais) a été introduit par Gumiliev pour identifier le « facteur X » de l’ethnogenèse, l’impulsion anti-entropique dont le jaillissement est typique de la période créative d’une ethnie. Le processus de l’ethnogenèse, dans son ensemble, peut être décrit comme une perte plus ou moins intensive de la « passionnarité » du système.

[3] La super-ethnie est un groupe d’ethnies qui sont apparues en même temps dans une certaine région et qui se manifeste dans l’histoire en tant qu’unité d’une mosaïque d’ethnies.

 

 

 

DOUGUINE : Israël nous rapproche de l’Armageddon – la Déclaration de Trump sur les Hauteurs du Golan est de mauvais augure

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DOUGUINE : Israël nous rapproche de l’Armageddon – la Déclaration de Trump sur les Hauteurs du Golan est de mauvais augure

Par Natalia Makeeva

La reconnaissance par le président américain Donald Trump de la souveraineté israélienne sur les Hauteurs du Golan continue à être discutée par des politiciens et des figures publiques autour du monde. Le décret correspondant a été signé par le dirigeant américain le jour d’avant, le 25 mars 2019. La Syrie a déjà déclaré que par cette mesure Trump a piétiné la loi internationale.

L’Agence d’Information Fédérale (FAN) rappelle que depuis de nombreux siècles, tout ce qui arrive en Israël, en Syrie et dans cette région est souvent interprété par une partie de la tradition intellectuelle à travers des interprétations chrétiennes, juives et islamiques comme associé à la Fin du Monde. FAN a discuté de cela avec le leader du « Mouvement Eurasien » international, le philosophe et politologue Alexandre Douguine.

Au début de la conversation, le philosophe a expliqué l’essence de l’Etat d’Israël du point de vue de la tradition religieuse juive.

« L’actuel Etat d’Israël est un simulacre. C’est une proclamation antisémite et antijuive dans tous les sens de ces concepts », assure Douguine. « Si vous le regardez depuis le judaïsme, c’est une parodie. En tant que partie du modèle eschatologique juif [décrivant la fin du monde], sa mission est une pure imposture. Le fait est que dans le judaïsme, dans l’histoire juive, le retour des Juifs dans la Terre Promise doit survenir au moment de l’arrivée du Moshiach [= le Messie]. Tant que le Messie ne vient pas, ils n’ont pas le droit religieux de revenir ici. L’Etat d’Israël est un obstacle pour le Messie. [Il faut choisir :] Le Moshiach ou Israël. »

Par conséquent, d’après Douguine, pour que le Moshiach puisse venir, Israël doit cesser d’exister, parce que c’est un simulacre, une tentative de remplacer le divin, du point de vue du judaïsme, par la volonté humaine.

Douguine  explique que la reconnaissance des Hauteurs du Golan par Trump amène la Fin du Monde.

Quant à Trump, d’après l’interlocuteur de FAN, il est loin des sujets religieux.

« Trump, bien sûr, est un réaliste et un politicien complètement séculier. Il cherche des alliés parmi les mouvements conservateurs de droite, sans prêter attention à la religion à laquelle ils appartiennent », explique Douguine. « Il a misé sur quelques politiciens, en particulier sur Netanyahu. En même temps, Trump est absolument indifférent aux questions eschatologiques et elles n’ont pas de sens pour lui. Il soutient des politiciens simplement en raison des nécessités politiques ».

Quant au Golan, l’idée de reconnaître les droits d’Israël sur les Hauteurs du Golan de la Syrie, qui sont occupées par cet Etat [Israël], est une mesure purement politique.

« De mon point de vue, cela rend finalement plus proche l’effondrement de l’Etat d’Israël », dit Alexandre Douguine. « L’Amérique, représentée par Trump, peut temporairement soutenir Netanyahu, mais plus Israël agit agressivement et audacieusement, plus l’hostilité envers lui grandit, non seulement de la part de la population arabe mais aussi de la part d’autres pays ».

Par conséquent, conclut l’interlocuteur de FAN, le seul résultat de cette reconnaissance sera l’approche de la fin de l’Etat d’Israël.

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« Et c’est la signification eschatologique », Douguine en est convaincu. « Lorsqu’il s’effondrera, les Juifs se retrouveront face à une nouvelle expulsion, recherchant un nouveau foyer, et alors, du point de vue des Juifs traditionnels, l’obstacle à la réalisation de leur scénario eschatologique sera éliminé. C’est dans ce sens et seulement dans ce sens que j’interprète la décision de Trump, qui est simplement un instrument du destin. Plus tôt l’Etat d’Israël s’effondrera et disparaîtra de la face de la terre, plus tôt dans la perspective juive – c’est-à-dire de leur point de vue, le Moshiach viendra et plus tôt le [véritable] Etat apparaîtra, de leur point de vue. »

« D’un point de vue chrétien, tout sera différent », remarque-t-il.

En même temps, d’après Douguine, les cercles fondamentalistes protestants n’ont pas beaucoup d’influence sur Trump, il est bien plus probablement un homme séculier – un playboy, un réaliste politique.

« D’une manière générale il est de droite, conservateur, et il traite bien les religions. Mais il ne comprend pas la théologie protestante – il a un profil complètement différent, un style différent. Il ne s’y intéresse pas, cela ne compte pas. Et il voit tout à travers des catégories politiques réelles. Et les lignes plus profondes du destin et de l’humanité motivent les actions des pays ou de leurs dirigeants contre leur volonté, sans qu’ils s’en rendent compte, qu’ils comprennent ce qu’ils font ou qu’ils ne le comprennent pas », conclut le philosophe.

Rappelons que les Hauteurs du Golan sont un territoire disputé entre Israël et la Syrie, dont ils firent partie entre 1944 et 1967. En résultat de la dénommée Guerre des Six Jours en juin 1967, le territoire fut envahi par Israël. En 1981, la Knesset israélienne proclama sa souveraineté sur le Golan, mais cette décision ne fut pas reconnue par le Conseil de Sécurité de l’ONU. En 2018, les hauteurs furent complètement capturées par des militants islamistes. Durant l’été 2018, l’Armée Arabe Syrienne parvint à les chasser de la région.

Les Hauteurs du Golan sont un territoire important pour au moins deux raisons : l’accès aux réserves d’eau dépend du contrôle de ces hauteurs, et elles sont aussi d’une importance stratégique d’un point de vue militaire.

Source

[Dans un article il y a quelques années, le philosophe russe disait déjà : « Le problème d’Israël n’est pas géopolitique ou économique. Il est théologique. Leur Messie ne vient pas. Les calculs juifs disent unanimement : il est grand temps, il devrait sûrement se hâter. Si les USA tombent, il y aura presque immédiatement un pays de moins au Moyen-Orient. Devinez lequel ? Donc il doit vraiment venir, parce que toutes les actions politiques et militaires des Juifs dans la seconde moitié du XXe siècle furent orientées vers sa venue. S’il attend encore, ils sont perdus. Il ne viendra pas, ni maintenant, ni plus tard. C’est vraiment une mauvaise nouvelle. Une mauvaise nouvelle pour les bon Juifs. Ils pourraient promouvoir un simulacre du genre Sabbataï Zeevi. Un Messie virtuel. Ils le peuvent peut-être. Et ils le feront peut-être. Ce sera encore pire pour eux. Internet ne peut pas les sauver. Ni le veau d’or, ni un gros mensonge. » (Alexandre Douguine, « The end of Present World. Post-American future », conférence de Londres, octobre 2013). – NDT.]

 

 

 

mardi, 02 avril 2019

Washington cherche l’escalade : y aura-t-il de nouvelles sanctions contre la Russie à cause du soutien de Moscou à Maduro ?

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Washington cherche l’escalade : y aura-t-il de nouvelles sanctions contre la Russie à cause du soutien de Moscou à Maduro ?

Washington / Caracas : Le gouvernement américain entend infliger de nouvelles sanctions à la Russie, cette fois à cause du soutien que celle-ci apporte au régime de Maduro au Vénézuela. John Bolton, conseiller ès-sécurité du Président Trump, a condamné ce soutien et a averti d’autres Etats de n’envoyer ni forces militaires ni équipements. « Nous considérerons de tels actes provocateurs comme une menace directe contre la paix internationale et contre la sécurité dans la région » a lancé Bolton.

Elliott Abrams, plénipotentiaire américain pour le Venezuela, a déclaré que les Etats-Unis disposaient de toute une série d’options pour s’opposer à l’engagement russe au pays de Maduro. Quand on lui a posé la question de savoir ce que le gouvernement américain entendait faire pour barrer la route aux projets russes en Amérique latine, Abrams a répondu : « Nous avons une liste d’options ». Il y aurait ainsi des possibilités au niveau diplomatique mais aussi au niveau économique, c’est-à-dire des sanctions. Il n’a pas été plus explicite. Mais il a toutefois souligné : « Ce serait une erreur, pour les Russes, de croire qu’ils ont les mains libres en cette région. Ils ne les ont pas ! ». Et il a ajouté que le nombre de soldats russes au Venezuela n’est pas très grand mais leur influence potentielle est néanmoins considérable. Leur présence ne va pas dans l’intérêt de la population du pays.

Les Russes ont toutefois contesté les accusations des Américains, ces derniers jours, et leur ont reproché d’organiser un coup d’Etat pour favoriser un changement de régime au Venezuela, ce qui revient à s’immiscer de manière inacceptable dans les affaires intérieures de l’Etat sud-américain. Moscou se réfère à un accord existant de coopération militaire et technique avec le Venezuela. Vendredi dernier, la Russie a demandé une nouvelle fois que les Etats-Unis ne se mêlent pas des affaires intérieures du Venezuela. Washington n’a pas le droit, ajoutent-ils, de dicter à d’autres Etats avec quels pays ils peuvent collaborer, pensent les principaux acteurs de la politique étrangères à Moscou.

(article paru sur http://www.zuerst.de – 01 avril 2019).

dimanche, 31 mars 2019

Reflecting on the Interwar Right

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Reflecting on the Interwar Right

Please note this rightist opposition to war must be distinguished from the objections of Communist sympathizers or generic leftists to certain wars for ideological reasons. For example, George McGovern, who was a longtime Soviet apologist, protested the Vietnam War, while defending his own role in dropping bombs on helpless civilians in World War Two. For McGovern the “good war” was the one in which the US found itself on the same side as the Soviets and world Communism. Clearly McGovern did not object to American military engagements for rightist reasons.

My own list of interwar American Rightists would include predominantly men of letters, e.g., Wallace Stevens, H.L. Mencken, George Santayana (who was Stevens’s teacher at Harvard and longtime correspondent), Robert Lee Frost, the Southern Agrarians, and pro-fascist literati Ezra Pound and Lovecraft, (if accept these figures as part of a specifically American Right). Although Isabel Patterson and John T. Flynn may have regarded themselves as more libertarian than rightist, both these authors provide characteristically American rightist criticism of the progress of the democratic idea. The same is true of the novelist and founder of the libertarian movement Rose Wilder Lane, whose sympathetic portrayal of an older America in “House on the Prairie” has earned the disapproval of our present ruling class. Many of our rightist authors considered themselves to be literary modernists, e.g., Stevens, Pound and Jeffers. But as has been frequently observed, modernist writers were often political reactionaries, who combined literary innovations with decidedly rightist opinions about politics. Significantly, not only Mencken but also Stevens admired Nietzsche, although in Stevens’s case this admiration was motivated by aesthetic affinity rather than discernible political agreement.

This occasions the inevitable question why so many generation defining writers, particularly poets, in the interwar years took political and cultural positions that were diametrically opposed to those of our current literary and cultural elites. Allow me to provide one obvious answer that would cause me to be dismissed from an academic post if I were still unlucky enough to hold one. Some of the names I’ve been listing belonged to scions of long settled WASP families, e.g., Frost, Stevens, Jeffers, and, at least on one side, Santayana, and these figures cherished memories of an older American society that they considered in crisis.  Jeffers was the son of a Presbyterian minister from Pittsburgh, who was a well-known classical scholar. By the time he was twelve this future poet and precocious linguist knew German and French as well as English and later followed the example of his minister father by studying classics, in Europe as well as in the US.

Other figures of the literary Right despised egalitarianism, which was a defining attitude of the self-identified Nietzschean Mencken. The Sage of Baltimore typified what the Italian Marxist Domenico Losurdo describes as “aristocratic individualism” and which Losurdo and Mencken identified with the German philosopher Nietzsche. This anti-egalitarian individualism was easily detected in such figures as Mencken, Pound and the Jeffersonian libertarian, Albert J. Nock.

états-unis,droite américaine,conservatisme,conservatisme américain,littérature,lettres,lettres américaines,littérature américaine,histoire,paul gottfried,philosophie,nietzschéismeIt may be Nock’s “Memoirs of a Superfluous Man” (1943) with its laments against modern leveling tendencies, and Nock’s earlier work “Our Enemy, The State” (1935) which incorporated most persuasively for me this concept of aristocratic individualism. Nock opposed the modern state not principally because he disapproved of its economic policies (although he may not have liked them as well) but because he viewed it as an instrument of destroying valid human distinctions. His revisionist work Myth of a Guilty Nation, which I’m about to reread, has not lost its power since Nock’s attack on World War One Allied propaganda was first published in 1922. Even more than Mencken, whose antiwar fervor in 1914 may have reflected his strongly pro-German bias, Nock opposed American involvement in World War One for the proper moral reasons, namely that the Western world was devouring itself in a totally needless conflagration. Curiously the self-described Burkean Russell Kirk depicts his discovery of Nock’s Memoirs of a Superfluous Man on an isolated army base in Utah during World War Two as a spiritual awakening. Robert Nisbet recounts the same experience in the same way in very similar circumstances. 

Generational influence:

These interwar rightists of various stripes took advantage of a rich academic-educational as well as literary milieu that was still dominated by a WASP patrician class before its descendants sank into Jed Bushism or even worse. These men and women of letters were still living in a society featuring classes, gender roles, predominantly family owned factories, small town manners, and bourgeois decencies. Even those who like Jeffers, Nock and Mencken viewed themselves as iconoclasts, today may seem, even to our fake conservatives, to be thorough reactionary. The world has changed many times in many ways since these iconoclasts walked the Earth. I still recall attending a seminar of literary scholars as a graduate student in Yale in 1965, ten years after the death of Wallace Stevens, and being informed that although Stevens was a distinguished poet, it was rumored that he was a Republican. Someone else then chimed in that Stevens was supposed to have opposed the New Deal, something that caused consternation among those who were attending. At the times I had reservations about the same political development but kept my views to myself. One could only imagine what the acceptance price for a writer in a comparable academic circle at Yale would be at the present hour. Perhaps the advocacy of state-required transgendered restrooms spaced twenty feet apart from each other or some even more bizarre display of Political Correctness.  I shudder to think.

But arguably the signs of what was to come were already present back in the mid-1960s. What was even then fading was the academic society that still existed when Stevens attended Harvard, Frost Dartmouth, though only for a semester, or Nock the still recognizably traditional Episcopal Barth College. Our elite universities were not likely to produce even in the 1960s Pleiades of right-wing iconoclasts, as they had in the interwar years and even before the First World War.  And not incidentally the form of American conservatism that came out of Yale in the post-war years quickly degenerated into something far less appealing than what it replaced. It became a movement in which members were taught to march in lockstep while advocating far-flung American military entanglements. The step had already been taken that led from the interwar Right to what today is conservatism, inc. Somehow the interwar tradition looks better and better with the passage of time.

samedi, 30 mars 2019

Les États-Unis perdent le contrôle de l’Europe…

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Les États-Unis perdent le contrôle de l’Europe…

 
… alors que le pipeline Nordstream 2 est sur le point d’être achevé 
 
par Tom Luongo
 
Ex: https://echelledejacob.blogspot.com
 
Le pipeline Nordstream 2 représente le dernier avatar de l’influence américaine sur les affaires intérieures de l’Europe. Une fois terminé, il témoignera de la scission fondamentale entre l’Union européenne et les États-Unis. 
 
L’Europe sera la première à défendre avec succès son indépendance nouvellement proclamée. Et les États-Unis devront accepter de ne plus avoir le contrôle sur l’étranger. C’est un schéma qui se répète partout dans le monde en ce moment. Votre vision de Nordstream 2 dépend de qui vous êtes.

Si vous êtes les États-Unis, il s’agit d’une rebuffade massive de l’ordre institutionnel de l’après-Seconde guerre mondiale, principalement financé par les États-Unis pour reconstruire l’Europe et la protéger du fléau de l’URSS.

Du point de vue de l’Europe, c’est : « Bien joué, mais la Russie n’est plus une menace et il est temps de nous débarrasser de la tutelle des États-Unis. »

Et si vous êtes Russe, Nordstream 2, c’est la fissure qui sépare les deux adversaires tout en améliorant la sécurité nationale à votre frontière occidentale.

L’Europe a ses propres ambitions impériales et Nordstream 2 en est une partie très importante. Ces ambitions, toutefois, ne sont pas conformes à celles des États-Unis, en particulier sous la houlette de Donald Trump.

Trump a cette étrange idée que les États-Unis n’ont rien reçu en retour pour avoir pris la direction du monde « libre » ces soixante-dix dernières années. Dans l’esprit simpliste de Trump, le déficit commercial massif du pays est une richesse volée par ses partenaires commerciaux.

Il refuse de voir la richesse gaspillée que nous avons « perdue » par des décennies de corruption, de paresse, d’atteinte aux réglementations, etc.

Ainsi, Nordstream 2 est une abomination pour Trump car celui-ci finance l’OTAN pour protéger l’Europe de la Russie, mais celle-la augmente ensuite la quantité de gaz acheté à ce même ennemi.

Et cela devrait vous indiquer où tout cela se dirige à long terme : à la dissolution de l’OTAN rendue inutile par la Russie et l’UE.

Aussi, peu importent les efforts des États-Unis et des forces anti-russes des sociétés européenne et britannique pour arrêter ce pipeline, comme en témoigne le vote non contraignant de cette semaine au Parlement européen, l’appétit américain n’existe plus réellement.

Le Sénat américain n’a aucun intérêt à demander au Président de sanctionner les sociétés qui construisent Nordstream 2. Cela n’empêcherait pas Trump de sanctionner de toute façon s’il le voulait.
 

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La vraie raison pour laquelle Trump ne sanctionnera pas Nordstream 2 est la même que celle qui le pousse à se tourner vers la Chine pour le commerce : liquidité du dollar dans le commerce mondial.

Il a déjà fait assez de dégâts. Il cherche maintenant à se faire réélire face à une réserve fédérale hostile.

S’il devait sanctionner Nordstream 2, il l’aurait fait. En vérité, ce vote au Parlement européen marque le dernier faible souffle pour tenter d’arrêter le pipeline et non le coup rusé d’un type qui détient des as dans ses poches.

C’est précisément parce que les États-Unis n’ont pas imposé de sanctions, qu’il ne reste que des incantations vertueuses pathétiques.

Pour que cela se produise, il faudrait que ce soit avant les élections au Parlement européen de mai, au cours desquelles nous pouvons nous attendre à voir au moins doubler le nombre de représentants eurosceptiques élus.

Si la situation continue de dégénérer en France, si l’Italie se durcit encore contre l’UE et si le Brexit est reporté, les eurosceptiques pourraient devenir le bloc le plus important du Parlement européen en juillet.

À ce stade, nous assisterons à une dégringolade en flèche de l’influence de la tristement célèbre liste Soros dans le parlement européen et peut-être même au sein de la Commission européenne. Et, le cas échéant, davantage de contrats de pipeline et d’investissements dans l’énergie russe.

En fait, un Parlement eurosceptique pourrait lever complètement les sanctions contre la Russie. De plus, les prochaines élections en Ukraine vont probablement amener au pouvoir une personne qui n’est pas pleinement soumise à la stratégie américaine.

Avec tout cela et les élections législatives ukrainiennes qui auront lieu plus tard cette année, nous verrons probablement l’Ukraine et Gazprom renégocier le contrat de transport de gaz, apportant encore plus de gaz russe sur le continent.

Et cela ne fera que rendre Trump encore plus furieux qu’il ne l’est maintenant, car il a énormément misé sur la stratégie globale de faire des États-Unis un puissant exportateur de gaz, et il a besoin de clients. L’Europe et la Chine sont deux clients évidents, mais la Russie a maintenant surclassé Trump chez les deux.

La fin de cette expansion interminable et superficielle met les États-Unis face à la dette insoutenable provoquée par le boom de la fracturation hydraulique (gaz de schiste), alors que le service de cette dette fait monter en flèche la demande de dollars, entraînant une forte hausse des taux d’intérêt.

Le marché du schiste va se fracasser à nouveau.

Tout cela confirme pour moi que le sommet des Jardins, l’été dernier, entre Poutine et la chancelière allemande Angela Merkel a accouché d’une stratégie visant à battre Trump sur Nordstream 2 et à entamer la prochaine phase des relations entre la Russie et l’Allemagne.

L’image est importante, et cette celle-ci capture bien ce que les deux parties ont voulu transmettre. Cette réunion marque le début d’un changement positif des relations entre l’Allemagne et la Russie.

La question est pourquoi ?

La réponse évidente est la nécessité résultant de la pression exercée sur les deux pays par Donald Trump, par le biais des sanctions et des droits de douane, ainsi que de leurs intérêts communs représentés par le gazoduc Nordstream 2.

Et tout ce que cela implique.

Tom Luongo Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

jeudi, 28 mars 2019

Michael Snyder et la dystopie californienne

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Michael Snyder et la dystopie californienne

Par Nicolas Bonnal

Ex: https://leblogalupus.com

Les films de dystopie (Blade runner, Rollerball, Soleil vert) nous promettaient un futur abominable et surréaliste, et en vérité nous avons un futur nul qui confirme l’observation de Léon Bloy faite en 1906, à savoir que nous sommes déjà morts. On est dans un monde bête, laid, matérialiste, certes surpeuplé, mais qui ne va pas trop mal, qui fonctionne globalement. Ce n’est pas grave, on continue dans les fictions de nous promettre un futur abominable au lieu de nous montrer notre présent cher et dégoûtant… Il semble que ce pessimisme extra soit de mise dans nos sociétés pour établir la dictature ou cet imprécis ordre mondial dont rêve une partie des élites humanitaires. On nous promet le pire pour nous donner des ordres. Mais c’est un autre sujet… je maintiens que le seul film de dystopie réaliste reste Alphaville puisqu’il montrait notre décor, notre apparence de réalité, mais truffé de contrôle mental et cybernétique. C’est bien là que nous sommes, et pas dans les espaces infinis.

ms-bend.jpgJe lis Michael Snyder et son blog apocalyptique depuis des années et je fais donc attention chaque fois qu’à la télévision on montre des images de la vie quotidienne en Amérique. Or de petits films sur mes espagnols à travers le monde démontrent qu’effectivement les conditions de vie aux USA sont devenues sinistres et hors de prix, sans qu’on puisse évoquer la poétique de Blade runner…Plusieurs amis fortunés qui font aussi des allers et retours et m’ont confirmé que le vieil oncle Sam coûte bien cher, comme Paris, Londres et des milliers d’endroits (même se loger en Bolivie devient un exploit, vive Morales-Bolivar-Chavez…), pour ce qu’il offre ; d’autres amis moins fortunés, universitaires, survivent durement. Car il y a en plus les persécutions politiques qui gagent nos si bienveillantes démocraties…

On écoute les dernières révélations de Snyder sur la Californie :

« 53% des californiens veulent partir… Cela montre simplement ce qui peut arriver lorsque vous laissez des fous diriger un État pendant plusieurs décennies. Dans les années 1960 et 1970, la possibilité de s’établir sur la côte ouest était «le rêve californien» de millions de jeunes Américains, mais à présent, «le rêve californien» s’est transformé en «cauchemar californien».

Snyder ajoute ce que nous savons par le cinéma (qui ment toujours moins que les news) :

« Les villes sont massivement surpeuplées, la Californie connaît le pire trafic du monde occidental, la consommation de drogue et l’immigration clandestine alimentent un nombre incroyable de crimes, les taux d’imposition sont abominables et de nombreux politiciens de l’état semblent être littéralement fous. Et en plus de tout cela, n’oublions pas les tremblements de terre, les incendies de forêt et les glissements de terrain qui font constamment les gros titres dans le monde entier. L’année dernière a été la pire année pour les feux de forêt dans l’histoire de la Californie , et ces jours-ci, il semble que l’État soit frappé par une nouvelle crise toutes les quelques semaines. »

calg.jpgEn vérité les gens supporteraient tout (« l’homme s’habitue à tout », dixit Dostoïevski dans la maison des morts), mais le problème est que cette m… au quotidien est hors de prix ! Donc…

« Un nombre croissant de Californiens envisagent de quitter l’État – non pas à cause d’incendies de forêt ou de tremblements de terre, mais à cause du coût de la vie extrêmement élevé, selon un sondage publié mercredi. Le sondage en ligne, mené le mois dernier par Edelman Intelligence, a révélé que 53% des Californiens interrogés envisagent de fuir, ce qui représente un bond par rapport aux 49% interrogés l’année dernière. L’enquête a révélé que le désir de quitter le pays le plus peuplé du pays était le plus élevé. »

On évoque les règlementations de cet état exemplaire pour tous les progressistes et sociétaux de la foutue planète :

« Grâce à des restrictions de construction absolument ridicules, il est devenu de plus en plus difficile de construire de nouveaux logements dans l’État. Mais entre-temps, des gens du monde entier continuent à s’y installer car ils sont attirés par ce qu’ils voient à la télévision. »

Notre grand pessimiste documenté précise :

« En conséquence, l’offre de logements n’a pas suivi la demande et les prix ont explosé ces dernières années. Les chiffres suivants proviennent de CNBC …

À l’échelle de l’État, la valeur médiane des maisons en Californie s’élevait à 547 400 $ à la fin de 2018, tandis que la valeur médiane des maisons aux États – Unis était de 223 900 $ . À titre de comparaison, la valeur médiane des maisons dans l’État de New York s’établissait à 289 000 dollars et à 681 500 dollars à New York; New Jersey était 324 700 $. Oui, il y a beaucoup d’emplois bien rémunérés en Californie, mais vous feriez mieux d’avoir un très bon travail pour pouvoir payer les paiements hypothécaires d’une maison valant un demi-million de dollars. »

Du coup il faut vivre avec des colocataires, même en couple !

« Bien sûr, de nombreux Californiens se retrouvent dans une situation financière extrêmement pénible en raison de coûts de logement incontrôlables. Ils sont donc plus nombreux que jamais à emménager avec des colocataires. En fait, un rapport récent a révélé que le nombre de couples mariés vivant avec des colocataires «a doublé depuis 1995» … Le nombre de couples mariés vivant avec des colocataires a doublé depuis 1995, selon un rapport récent du site immobilier Trulia. Environ 280 000 personnes mariées vivent maintenant avec un colocataire – et cela est particulièrement vrai dans les villes coûteuses comme celles de la côte ouest. »

La Californie n’est pas seule dans ce cas :

« À Honolulu et à Orange Country, en Californie, la part des couples mariés avec des colocataires est quatre à cinq fois supérieure au taux national. San Francisco, Los Angeles, San Diego et Seattle ont également des taux très élevés de couples mariés avec colocataires. Ces mêmes villes ont des coûts de location et de logements très supérieurs à la moyenne (Trulia note que les coûts de logement dans tous ces marchés ont augmenté de plus de 30% depuis 2009), les habitants de San Francisco, extrêmement coûteux, ont besoin de plus de 123 000 dollars de revenus pour vivre confortablement… »

Puisqu’on parle d’Honolulu, je ne saurais trop recommander, sur la dystopie hawaïenne, le film d’Alexander Payne avec Clooney, film nommé justement les Descendants, qui traite du néant dans la vie postmoderne. Honolulu, un Chicago au prix de Monaco. Dire qu’il y en a encore pour critiquer Rousseau…

calcrazy.pngLes impôts pleuvent comme en France :

« En plus des coûts de logement, de nombreux Californiens sont grandement frustrés par les niveaux de taxation oppressifs dans l’État. À ce stade, l’État a le taux d’imposition marginal le plus élevé de tout le pays … Avec 12,3%, la Californie est en tête des 50 États en 2018 avec le taux d’imposition marginal le plus élevé, selon la Federation of Tax Administrators ; et cela n’inclut pas une surtaxe supplémentaire de 1% pour les Californiens ayant des revenus de 1 million de dollars ou plus. »

Evidemment on a d’autres privilèges culturels…Snyder :

« Hier, j’ai écrit un article intitulé «Les rats, la défécation publique et la consommation de drogue à ciel ouvert: nos grandes villes occidentales sont en train de devenir des enfers inhabitables» , et cela a déclenché une tempête de feu. Plus de 1 000 commentaires ont déjà été publiés sur cet article, et quelques personnes enthousiastes ont tenté de convaincre le reste d’entre nous que la vie sur la côte ouest n’est pas si mauvaise. Je suis désolé, mais si votre ville compte beaucoup plus de toxicomanes par voie intraveineuse que d’élèves du secondaire, ce n’est pas un endroit où je voudrais fonder une famille … »

La conclusion pas très gaie :

« Au total, environ 5 millions de personnes ont fait leurs valises et ont quitté définitivement la Californie au cours des 10 dernières années. Malheureusement, la nation tout entière est en train de devenir comme la Californie et si nous ne renversons pas les choses, il n’y aura plus de place où aller. »

C’est TS Eliot, cité dans Apocalypse now, qui dans ses Hommes creuxévoque ce monde qui ne finira pas dans une déflagration, mais dans un pleurnichement (not in a bang but a whimper). Nous y sommes et cette agonie interminable peut encore bien durer cent ans…

Note

J’ajouterai cet extrait de Ron Unz sur la Californie :

« Le style de vie californien, riche et extrêmement agréable, de l’après-guerre, était largement reconnu aux États-Unis, et ce leurre magnétique fut à l’origine des premières étapes de la croissance démographique très rapide de l’État. Mais plus récemment, les effets néfastes de la congestion routière, des options de logement épouvantables et de la concurrence acharnée sur le marché de l’emploi ont considérablement réduit l’attrait de l’État. La croissance a fortement diminué , en partie parce que l’afflux continu d’immigrants a été partiellement compensé par un départsimultané de résidents existants. »

https://nicolasbonnal.wordpress.com/2019/02/18/michael-sn...

 

mercredi, 27 mars 2019

La défaite américaine et le le retour de l’empire des steppes

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La défaite américaine et le le retour de l’empire des steppes

 
Ex: https://www.geopolitica.ru

Ecrabouillement américain face aux soviets et aux chinois : le poing par Philippe Grasset (dans une mer de sarcasmes et par la Rand Corporation en personne). Problème : ils n’ont pas de solutions…A compléter avec les propos de Bayan-Orson Welles (la rose noire, 1950) ; les flèches (les missiles) valent mieux que les armures (les porte-avions). Pour comprendre l’empire des steppes, lire Grousset sur classiques.uqac.ca.

L’USS Pentagone et sa Mer des Sargasses

12 mars 2019 – La communauté des experts, aussi bien férue de l’objet de leur expertise que des relations publiques, commence à  s’alarmer des progrès russes et chinois en matière d’armement ; mais  piano pianissimo, cette alarme, au rythme postmoderne, bien que les termes et les trouvailles qui la justifient effraient les experts eux-mêmes.

Il s’agit essentiellement, pour notre propos de ce jour, d’un rapport suivant une simulation particulièrement sophistiquée de la  RAND Corporation. C’est un événement important, qui devrait faire autorité à Washington : la RAND est le  think tanks  US le plus prestigieux et le plus influent pour les questions techniques de la communauté de sécurité nationale ; basée en Californie et dominant le domaine de l’expertise technique depuis 1948 (date de sa création), directement connectée à l’USAF et à l’industrie d’armement (officiellement, c’est la firme Douglas, agissant comme faux-masque de l’USAF, qui créa la RAND). Ses analyses reflètent et inspirent à la fois les conceptions des milieux experts des forces armées : une étude de la RAND ainsi présentée publiquement fait autorité et indique selon les normes de la communication ce que le Pentagone et la communauté de sécurité nationale pensent et doivent penser à la fois.

En effet, RAND est venue à Washington présenter un rapport très technique sur des simulations d’une Troisième Guerre mondiale au CNAS (Center for a New American Security), autre  think tank  mais plus doué en relations publiques et établi en 2007 pour présenter une vision “bipartisane” de la  politiqueSystème suivie par les USA ; c’est-à-dire, un institut recyclant la politique-neocon  habillé d’une parure de consensus washingtonien dans le sens évidemment belliqueux qu’on imagine. La séance d’information a été rapportée par divers médias, et nous citons aussi bien ZeroHedge.com que SouthFront.org.

Le rapport, présenté  le 7 mars, envisage divers scénarios des engagements au plus haut niveau des USA contre la Russie ou contre la Chine. Le verdict est peu encourageant : “Nous nous ferons péter le cul !” : « “Dans nos simulations, lorsque nous affrontons la Russie et la Chine, les Bleus  [les USA]  se font péter le cul”, a déclaré jeudi l’analyste de RAND David Ochmanek. “Nous perdons beaucoup de gens, nous perdons beaucoup d’équipements. Nous n’atteignons généralement pas notre objectif d’empêcher l’agression de la part de l’adversaire”, a-t-il averti. »

Et pour suivre, sur l’état général des conclusions du rapport : « Alors que la Russie et la Chine développent des chasseurs de cinquième génération et des missiles hypersoniques, “nos éléments reposant sur des infrastructures de base sophistiquées, telles que des pistes et des réservoirs de carburant, vont connaître de graves difficultés”, a déclaré Ochmanek. “Les unités navales de surface vont également connaître de graves difficultés”

» “C’est pourquoi le budget 2020 présenté la semaine prochaine prévoit notamment de retirer du service actif le porte-avions USS Truman plusieurs décennies à l’avance, et d’annuler une commande de deux navires amphibies de débarquement, comme nous l’avons signalé. C’est aussi pourquoi le Corps des Marines achète la version à décollage vertical du F-35, qui peut décoller et atterrir sur des pistes aménagées très petites et très rustiques, mais la question de savoir comment entretenir en état de fonctionnement un avion de très haute technologie dans un environnement de très basse technologie reste une question sans réponse”, selon le site Breaking Defence… »

Certains points spécifiques des équipements par rapport aux simulations de la RAND font l’objet de précisions et d’observations, – en général très critiques, parce que personne ne semble satisfait de l’état des forces et de leurs capacités en cas de conflit. On en signale ici l’une et l’autre, par ailleurs sur des sujets déjà connus, et avec des conclusions qui n’étonneront personne, dans tous les cas parmi les lecteurs de dedefensa.org.

  • Le F-35, l’inépuisable JSF. On a lu plus haut cette remarque selon laquelle le F-35B des Marines à décollage vertical (ADAC/ADAV) trouvait sa justification dans les conditions dévastées pour les USA d’un conflit à venir, mais qu’on doutait grandement qu’il puisse jouer un grand rôle opérationnel à cause de l’extrême complexité de l’entretien opérationnel de l’avion dans un tel environnement. Un autre intervenant ajoute cette remarque, où l’on pourrait voir une ironie désabusée :

« “Dans tous les scénarios auxquels j’ai eu accès”, a déclaré Robert Work, ancien secrétaire adjoint à la Défense ayant une grande expérience des exercices opérationnels, “le F-35 est le maître du ciel quand il parvient à s’y trouver mais il est détruit au sol en grand nombre”. » Cette remarque, d’ailleurs bien trop follement optimiste sinon utopiste (ou ironique ?) pour les capacités du F-35 lorsqu’il parvient à se mettre en position de combat aérien, marque surtout la prise en compte de la fin de l’ Air Dominance pour l’USAF et les forces aériennes US en général, du fait de la puissance nouvelle acquise notamment par les Russes, suivis par les Chinois en pleine expansion militaire.

  • La décision de retrait et de mise en réserve (“mise en cocon”) du porte-avions USS Truman, annoncée au début du mois, a  d’abord été présentéecomme une manœuvre de l’US Navy pour obtenir un budget supplémentaire pour garder cette unité en service actif et poursuivre en même temps la construction des deux premiers classes USS  Gerald R. Ford, toujours  aussi catastrophiques et empilant délais sur augmentation de coût. (On cite le précédent d’une manœuvre similaire lorsque la Navy avait prévu de faire subir le même sort au USS  George-Washington  en 2012, la Maison-Blanche allouant avec le soutien du Congrès les fonds nécessaires pour éviter cette réduction de la flotte des onze porte-avions de la Navy.) La Navy économiserait jusqu’à $30 milliards en écartant le  Truman  qui va bientôt entrer en refonte de mi-vie s’il reste en service (un travail très complexe, coûteux et long : 2024-2028).

Mais on voit que la RAND suscite une explication qu’elle renforce d’autres constats, qui impliquerait que la Navy estime le danger des nouvelles armes hypersoniques trop grand pour continuer à mettre toute sa puissance stratégique sur les porte-avions. Venant de la RAND, avec tout son crédit, la chose doit être considérée sérieusement, pour marquer combien les USA commenceraient à prendre conscience de la puissance de leurs adversaires stratégiques du fait de la percée majeure constituée par les missiles hypersoniques.

  • Un autre exemple des insuffisances considérables débusquées par la RAND concerne la couverture anti-aérienne des forces terrestres. Les experts du think tank ont fait leur compte, ce qui est illustré par cette remarque :

« … Si l’on se base sur une situation purement hypothétique [selon les moyens actuels], “si nous partions en guerre en Europe, il y aurait une unité de [missiles sol-air de défense aérienne] Patriot qui serait disponible pour y être envoyée, pour être déployée à la base de Ramstein. Et c’est tout”, dit Work avec amertume. L’US Army compte 58 brigades de combat mais ne dispose d’aucune capacité de défense anti-aérienne et antimissile pour les protéger contre des attaques de missiles venues de la Russie. »

Cette situation US est en complet contraste avec celle des Russes, qui intègrent dans leurs forces terrestres des unités de défense anti-aérienne chargées de la protection des forces en campagne. C’est d’ailleurs autant une question de moyens qu’une question structurelle et même psychologique. Les forces armées US ont toujours fonctionné depuis 1945 selon le principe qu’elles disposaient d’une totale domination aérienne qui jouaient un rôle d’interdiction quasi-impénétrable. Cette situation est très largement mise en cause aujourd’hui, notamment avec les progrès russes en matière d’A2/AD («  [Z]ones dite A2/AD, ou Anti-Access/Area-Denial ; c’est-à-dire des sortes de No-Fly-Zone pour l’aviation ennemie, du fait des moyens russes parfaitement intégrés de détection, de brouillage et de contrôle électroniques, et de destruction, qui transforment toute incursion aérienne ennemie dans ces zones en un risque inacceptable »).

Non seulement les forces US sont affaiblies, non seulement l’apparition des missiles hypersoniques donne aux Russes une puissance de feu d’une catégorie nouvelle et révolutionnaire, mais en plus la structure des forces US est fondée sur le postulat psychologique quasi-inconscient (“inculpabilité-indéfectibilité”) de la supériorité US (notamment aérienne) qui dispense ces forces d’avoir une défense organique puissante.

USA : le Russiagate est vraiment fini

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USA : le Russiagate est vraiment fini

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com
 
Le 12 février, nous écrivions "Le Russiagate est fini". La conclusion était basée sur un rapport de NBC :

Après deux ans d'enquête et 200 entretiens, le Comité du renseignement du Sénat touche à la fin de son enquête sur les élections de 2016, n'ayant encore trouvé aucune preuve directe d'un complot entre la campagne Trump et la Russie, selon les démocrates et les républicains siégeant au comité. ... Les démocrates et autres opposants à Trump pensent depuis longtemps que l'avocat spécial Robert Mueller et les enquêteurs du Congrès découvriront de nouvelles preuves plus explosives de la coordination de la campagne de Trump avec les Russes. Mueller pourrait encore le faire, bien que des sources au ministère de la Justice et au Congrès affirment qu’il est sur le point de clore son enquête.

La théoricienne du complot Russiagate, Marcy Wheeler, a répliqué en affirmant que le complot avait été prouvé lorsque l’ancien chef de campagne de Trump, Paul Manafort, a admis avoir transmis des données sur les élections à des contacts ukrainiens/russes pour s’attirer les faveurs d’un oligarque russe auquel il devait de l’argent. Mais les crimes de Manafort, pour lesquels il a plaidé coupable le 14 septembre 2018, n’avaient rien à voir avec « la Russie » ou avec Trump et seulement de manière indirecte avec sa campagne électorale : Vendredi, Manafort, directeur de la campagne présidentielle de Donald Trump de juin à août 2016, a plaidé coupable devant le tribunal fédéral de Washington pour deux accusations de complot contre les États-Unis, dont un pour lobbying, impliquant des crimes financiers et la violation de l'enregistrement comme agent étranger, et l'autre impliquant la subornation de témoins. Dans le cadre de son plaidoyer, Manafort a également reconnu sa culpabilité dans des accusations de fraude bancaire qu'un jury fédéral de Virginie avait portées contre lui le mois dernier.

Marcy, la théoricienne du Russiagate, et d’autres personnes espéraient que l’enquête sur Mueller aboutirait à un acte d’accusation qui justifierait le non-sens absolu qu’elle-même et d’autres ont promu pendant plus de deux ans. Il y a à peine deux semaines, l’ancien directeur de la CIA, John Brennan, qui a probablement conspiré avec les services de renseignement britanniques pour confondre Trump dans l’affaire avec la Russie, a déclaré qu’il s’attendait à de nouvelles inculpations : Lors de son apparition sur MSNBC le 5 mars 2019, Brennan a prédit que Mueller émettrait des actes d’accusation pour «complot criminel» impliquant Trump ou les activités de ses collaborateurs lors de l’élection de 2016.

Ce dernier espoir des jusqu’au-boutistes est maintenant évanoui : Le Conseil spécial, Robert S. Mueller III, a remis vendredi au procureur général, William P. Barr, un rapport très attendu, mettant ainsi fin à son enquête sur l'ingérence de la Russie dans l'élection de 2016 et l'éventuelle entrave à la justice par le président Trump. ... Un haut responsable du département de la justice a déclaré que le Conseil spécial n’avait recommandé aucune autre inculpation - une révélation applaudie par les partisans de Trump, alors même que d’autres enquêtes liées à celui-ci se poursuivent dans d’autres départements du département de la justice. ... Aucun des Américains inculpés par Mueller n'est accusé d'avoir conspiré avec la Russie pour s'immiscer dans l'élection - la question centrale du travail de Mueller. Au lieu de cela, ils ont plaidé coupable pour divers crimes, notamment d'avoir menti au FBI. L’enquête s’est terminée sans inculpation de plusieurs personnalités qui étaient sous la surveillance de Mueller depuis longtemps. ...
 

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Les conclusions du rapport Mueller seront publiées par le ministère de la Justice dans les prochains jours.

Que les promoteurs du Russiagate aient eu tort de gober les conneries du dossier Steele et les mensonges sur les « hackers russes » propagés par les marchands de sornettes Clapper et Brennan était évident depuis longtemps. En juin 2017, nous avions évoqué un long article du Washington Post sur le piratage présumé des élections en Russie et avions remarqué : En lisant cet article, il devient clair - mais jamais dit - que l'unique source de cette affirmation de Brennan sur le "piratage russe" en août 2016 est l'absurde dossier Steele, un ex-agent du MI6 payé très cher pour des recherches sur Trump commanditées par l'opposition. La seule autre "preuve" de "piratage russe" est le rapport Crowdstrike sur le "piratage" de la DNC. Crowdstrike qui soutient un agenda nationaliste ukrainien, a été embauché par la DNC et a dû se rétracter sur d'autres affirmations de "piratage russe" et personne d'autre n'a été autorisé à consulter les serveurs de la DNC. Autrement dit : Toutes les allégations de "piratage russe" reposent uniquement sur les "preuves" de deux faux rapports.

Le dossier Steele était une fausse étude commanditée par l’opposition et colportée par la campagne Clinton, John McCain et un groupe de types de la sécurité nationale anti-Trump. La prétention encore non prouvée de « piratage russe » visait à détourner l’attention du fait que Clinton et la DNC se soient entendus pour éliminer Bernie Sanders de la candidature. L’affirmation stupide selon laquelle la pêche aux clics sur internet, par une entreprise commerciale de Leningrad, aurait été une « campagne d’influence russe », a été conçue pour expliquer la défaite électorale de Clinton contre l’autre pire candidat de tous les temps. L’enquête Russiagate visait à empêcher Trump de nouer de meilleures relations avec la Russie, comme il l’avait promis lors de sa campagne.

Tout cela a connu un certain succès parce que des médias et blogueurs étaient heureux de vendre de telles absurdités sans les mettre dans un contexte plus large.

Il est grand temps de lancer une enquête approfondie sur Brennan, Clapper, Comey et la campagne Clinton afin de mettre en lumière le complot qui a conduit au dossier Steele, à l’enquête du FBI qui en découla, et à toutes les autres conneries qui ont suivi cette enquête.

En ce qui concerne Marcy Wheeler, Rachel Maddow et d’autres imbéciles qui ont colporté l’absurdité du Russiagate, je suis d’accord avec l’avis de Catlin Johnstone : Tous les politiciens, tous les médias, tous les experts de Twitter et tous ceux qui ont gobé cette giclée débile de bouses de vaches se sont officiellement discrédités à vie. ... Les personnes qui nous ont conduits dans ces deux années de folie du Russiagate sont les dernières personnes que quiconque devrait jamais écouter pour déterminer l’orientation future de notre monde.

Moon of Alabama

Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone