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vendredi, 18 février 2022

Eduard Alcántara : "L'Imperium est la forme la plus achevée et la plus complète d'organisation socio-politique"

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Echange avec Eduard Alcántara 

Eduard Alcántara: "L'Imperium est la forme la plus achevée et la plus complète d'organisation socio-politique"

Lien vers une interview récente qui nous a été accordée : https://miscorreoscongenteinquietante.blogspot.com/2022/01/mi-correo-con-eduard-alcantara.html

Nous sommes de plus en plus nombreux, dégoûtés par le monde moderne et ses deux grandes idéologies dominantes - le progressisme et le conservatisme - à nous retrouver dans un no man's land, à essayer de "surfer sur le kali-yuga" et à trouver des réponses alternatives dans la pensée traditionnelle. Evola m'a servi de prétexte pour contacter Eduard Alcántara, véritable connaisseur de l'œuvre de cet inclassable Italien, qui a très gentiment répondu à mon formulaire.

Relativement récemment, quelques mois avant la "pandémie", votre livre Evola frente al fatalismo est paru, publié par EAS avec un prologue de Gonzalo Rodríguez García. Evola, comme Guénon ou Chesterton, fait partie de ces lectures indispensables lorsqu'il s'agit de tolérer cette "nouvelle normalité" qui nous est imposée depuis deux ans. Personnellement, je recommande la lecture de Chevaucher le Tigre, peut-être le texte d'Evola le plus connu. J'aimerais que vous nous fassiez une présentation de votre livre, et que vous justifiiez pourquoi la pensée évolienne est toujours pertinente aujourd'hui.  

La transcription du livre a, dans une large mesure, un seul but. Celle de présenter un type d'homme différencié qui, en tant que tel, présente des aspirations qui vont au-delà du simple contingent et fait preuve d'une volonté qui peut rendre possible la réalisation de ces aspirations, un homme qui ne reste pas à mi-chemin dans sa via remotionis, sur la voie de sa réalisation intérieure, mais aspire à atteindre ses plus hauts sommets... Sommets qui consommeront un état de liberté authentique et totale par rapport à toute limite, conditionnement, sujétion et servitude. Pour ce type d'homme, en raison de ces réalisations intérieures, les facteurs de conditionnement qui, comme les "circonstances" qui, selon Ortega y Gasset, affectent le "je", comme le contexte social dans lequel il est immergé, l'éducation reçue, l'environnement et/ou les influences culturelles et/ou religieuses ou le soi-disant Destin inhérent à la vision du monde de tant de cultures et de civilisations, n'auront pas la nature, vu les facteurs de conditionnement précités, de déterminismes fatals insurmontables. Pour ce type d'homme différencié, ces circonstances environnantes peuvent l'influencer, mais elles ne le médiatiseront pas de manière déterministe et restrictive, qui restreindront donc sa vraie liberté, qui n'est autre que celle qui consiste dans la maîtrise et la tranquillité de l'"univers" mental, comme une étape préliminaire pour que cet esprit-âme puisse parcourir des étapes supérieures de la réalité, les connaître et devenir ontologiquement un avec elles, et même couronner le sommet qui se trouve au-delà et dans la transcription de celles-ci : celui qui représente le Premier Principe éternel et totalement inconditionné. 

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Dans ce livre, nous avons mis en évidence la voie traditionnelle présentée par Julius Evola comme celle qui ne laisse aucune chance aux approches fatalistes, contrairement à celle proposée par d'autres auteurs appartenant au courant de la pensée dite "traditionnelle" ou pérenne, qui, soit en adhérant à des approches ou en reprenant des concepts typiques de certaines religions sacerdotales qui défendent une conception fatalement linéaire du parcours de l'humanité, soit en défendant une vision rigide et presque, pourrait-on dire, mathématique de la doctrine des quatre âges (ou yugas), ne permettent pas à ces auteurs d'échapper aux trames que tisse, pour l'homme qui aspire à s'élever au-dessus du simple terrestre, une conception fataliste de l'existence.  

En ce qui concerne la validité de la pensée évolienne, nous devons garder à l'esprit deux questions. L'une est celle de l'héritage indispensable de son œuvre pour tous ceux qui conçoivent un type d'homme non mutilé dans sa dimension transcendante, mais formé par le corps, l'âme/mental et l'Esprit. Qu'ils conçoivent un type d'homme non animalisé, non circonscrit à des fonctions purement physico-psychiques, mais porteur d'un germe d'Eternité que nous chérissons, pour le sortir de sa léthargie, l'actualiser en nous et donner ainsi à notre existence le sens le plus élevé qu'elle puisse avoir. L'autre question est qu'Evola semble être le seul auteur traditionaliste qui nous offre des outils pour maintenir non pas une position passive, mais une position active dans la situation actuelle de marasme et de syncope existentielle, culturelle, politique et spirituelle dans laquelle marche notre humanité actuelle.

A l'époque où, du vivant de notre auteur, il semblait encore possible de donner une direction adéquate aux dérives de la modernité, Evola nous offrait des voies à suivre, et à l'époque où un tel changement de direction semblait pratiquement chimérique, il nous offrait aussi des moyens d'agir et de ne pas nous résigner passivement et fatalement aux combustions de ce qui commençait déjà à être la post-modernité naissante. Nous nous référons à ce qu'il a exposé dans son livre Chevaucher le Tigre publié en 1961 et réédité, avec certains ajouts, dix ans plus tard (1971).

Le fait même que nous parlions de cette "nouvelle phase" indique déjà que nous sommes dans un changement de cycle, c'est indiscutable. Je ne sais pas si nous sommes ou non dans les premiers stades du soi-disant "kali-yuga", mais d'une certaine manière, la folie générée autour du thème du Covid n'a fait qu'accélérer le processus de décomposition des soi-disant démocraties occidentales. À court et moyen terme, et en se concentrant sur le niveau local, quel est, selon vous, l'avenir du projet européen ? 

Sans aucun doute, les mécanismes de contrôle de la population que le dossier Covid a mis en branle renvoient à un projet de gouvernance mondiale qui vise à faire disparaître tout résidu de souveraineté locale qui pourrait subsister. En conséquence, les organismes supranationaux et internationalistes vont s'emparer du pouvoir au prix d'une diminution du pouvoir local, et l'un de ces organismes est l'UE, qui, avec d'autres institutions mondialistes et globalistes telles que la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l'ONU (avec ses diverses ramifications, comme l'UNESCO et l'OMS), est en passe de monopoliser tout espace de souveraineté restant en dehors de leurs tentacules.

978849451847.gifCette sombre perspective nous amène à penser que nous traversons effectivement un stade très avancé du kali-yuga, mais, suivant l'héritage sapientiel transmis par Julius Evola, nous ne devons pas perdre courage et perdre l'espoir de renverser la situation délétère que nous traversons (car il ne doit pas y avoir de vision fatale de l'existence qui puisse nous paralyser) mais, au contraire, nous ne devons pas cesser de lutter contre le monde moderne (et son appendice, le postmoderne) et, à l'aide des outils que le maître transalpin nous a montrés dans son œuvre "Chevaucher le tigre", sans affronter de front un courant dissolvant qui nous entraînerait vers l'abîme, nous devons combattre le taureau de la dissolution jusqu'à ce qu'il soit épuisé afin de pouvoir lui donner, à ce moment-là, le coup mortel qui l'achèvera. 

Si la pandémie a eu quelque chose de positif, c'est que de nombreuses forces "rebelles" en Europe sont descendues dans la rue pour protester contre les restrictions de leurs gouvernements respectifs (confinements, quarantaines, couvre-feux, amendes, vaccins obligatoires, etc.). Il est intéressant de noter que les premiers promoteurs de ces révoltes ont été des forces politiques traditionnelles, de la "altright" aux organisations identitaires ou ouvertement NS/NR. Pensez-vous qu'Evola, qui a toujours espéré la génération d'un mouvement traditionnel au niveau européen, accueillerait favorablement ces protestations ?  

Il les accueillerait certainement avec plaisir, car, pour utiliser une locution évolienne, son équation personnelle, comme il l'explique dans son autobiographie Le chemin du Cinabre, lui est donnée par une double impulsion : vers le Transcendant et vers l'archétype du guerrier. Pour ces derniers, notre grand interprète de la Tradition a toujours préconisé la "voie de l'action", non seulement pour faire face au fait transcendant mais aussi aux tâches immanentes. Contrairement à la grande majorité des auteurs traditionalistes, il s'est préoccupé - et a traité - de la politique de son époque. Il s'en est mêlé pour tenter de lui faire prendre une orientation conforme aux valeurs et à la vision du monde inhérentes à la Tradition. En témoignent, outre d'innombrables articles, ses livres politiques, tels que Orientations, Les Hommes au milieu des ruines et Le fascisme vu de droite - Avec des notes sur le Troisième Reich.

Si je ne me trompe pas, vous avez été enseignant, professeur de philosophie, pendant de nombreuses années. J'aimerais connaître votre sentiment sur les nouvelles générations. Il existe un lieu commun qui dit que les jeunes Espagnols sont totalement étrangers à toute préoccupation politique ou philosophique, mais j'aimerais connaître votre expérience à cet égard. 

Je suis un enseignant, mais mon enseignement est, comme on disait autrefois, celui d'un "maître d'école". C'est ma vocation. Il est vrai qu'il s'agit d'une vocation, on pourrait dire, acquise, car j'ai flirté à plusieurs reprises avec des études de géographie et d'histoire mais, pour diverses raisons, j'y ai finalement renoncé. Mais bon, bien que je n'enseigne pas à des élèves plus âgés, mon école enseigne aussi l'ESO, le baccalauréat et la formation professionnelle et, de temps en temps, on a la possibilité d'échanger des impressions avec des élèves que j'avais eus auparavant au stade de l'enseignement primaire et, aussi, on reçoit des commentaires des enseignants qui leur donnent des cours. Je connais quelques étudiants qui ont des préoccupations politiques, la plupart assez superficielles, et j'en connais aussi quelques autres, les plus rares, qui essaient d'approfondir la tendance politique qui les attire, mais je crains que la plupart d'entre eux ne montrent que peu d'intérêt pour la politique et n'en parlent que parce qu'elle est mentionnée en classe ou parce que les quelques camarades de classe qui s'y intéressent l'évoquent.   

index.jpgDans le cas particulier de mon école, nous avons la chance d'avoir un professeur de philosophie qui sait comment motiver les élèves à étudier cette matière et qui a même changé les plans d'études universitaires initiaux de certains d'entre eux, qui se dirigeaient dans d'autres directions (certains même de nature scientifique), pour les conduire à obtenir un diplôme de philosophie. Mais malheureusement, j'ai entendu un jeune homme m'avouer qu'il aimait la philosophie mais qu'il n'allait pas l'étudier à l'université parce qu'elle ne lui permettait pas de "gagner de l'argent"... Malheureusement, c'est la mentalité majoritaire que le monde moderne et l'Establishment qui en est le vecteur, ou qui est animé par sa dynamique corrosive, inculque à nos jeunes... une mentalité pragmatique, utilitaire et, en somme, matérialiste. "Faire de l'argent" est devenu la principale aspiration de nos jeunes - quel immense et triste contraste avec la jeunesse d'autres époques tristement disparues! Des jeunes qui rêvaient d'actes, d'imiter les héros, de se battre pour conquérir un monde meilleur et plus juste et/ou d'élever leur âme aux sommets de l'Esprit.

Votre dernier livre, publié l'été dernier, s'intitule Imperium, Eurasia, Hispanidad y Tradición, et est co-signé avec l'Asturien Carlos X. Blanco et le Belge Robert Steuckers, un auteur de référence lorsqu'il s'agit de faire des recherches sur la soi-disant "révolution conservatrice", la nouvelle droite ou les théories de Guillaume Faye. En quoi consiste exactement l'idée d'"Imperium" ? A-t-elle quelque chose à voir avec les livres de Francis Parker Yockey ? Enfin, j'aimerais vous demander de nous faire une recommandation, une nouvelle publication que vous jugez intéressante ou pertinente. Avez-vous d'autres projets en préparation pour 2022 ? 

Ce livre Imperium, Eurasia, Hispanidad y Tradición, co-écrit avec Carlos X. Blanco et Robert Steuckers, est le premier livre de la série Imperium, Eurasia, Hispanidad y Tradición. C'est le deuxième livre sur le sujet, puisque peu de temps auparavant, la même maison d'édition, "Letras Inquietas", avait eu l'amabilité de publier El Imperio y la Hispanidad, qu'à cette occasion Carlos X. Blanco (en tant que coordinateur du projet) et moi l'avons écrit avec Ernesto Ladrón de Guevara, Antonio Moreno Ruiz, José Antonio Bielsa Arbiol, José Francisco Rodríguez Queiruga et Alberto Buela.

L'idée d'Imperium doit être encadrée dans les paramètres de la Tradition pérenne, qui conçoit le cosmos de manière holistique, comme un tout harmonieux et entrelacé. "Ce qui est en haut est en bas", dit un adage classique d'hermético-chimie, de sorte qu'en suivant les outils de connaissance propres à l'époque sapientielle, comme la loi des analogies et des correspondances, l'harmonie des forces subtiles qui coordonnent le macrocosme (ce qui est en haut : les sphères célestes) doit avoir son reflet ici-bas, dans le microcosme. Et la forme d'organisation politique la plus proche de cet Ordo ou Rita (de cet ordre cosmique) est celle de l'Imperium, conçue comme une entité harmonisée autour d'un principe sacré représenté et incarné dans la figure de l'empereur, qui, non par l'usage de la force mais par le charisme que lui confèrent ses attributs sacrés, réunit autour de lui, selon les époques, d'une part, des royaumes, des territoires divers, des principautés, des duchés, des villes libres, des provinces, et d'autre part, des corps intermédiaires de la société, concrétisés dans des guildes, des confréries, des corporations,..... L'empereur devient pontifex en servant de pont entre le céleste et le terrestre et étend la sacralité, acquise par des processus initiatiques, à l'ensemble de l'Imperium, en l'imprégnant de sacré.

Cette conception sacrée consubstantielle à l'Imperium traditionnel ne coïncide donc pas avec l'idée d'Imperium présentée par Francis Parker Yockey dans son grand et intéressant ouvrage, puisque cette dernière a des connotations plus simplement politiques et se concentre sur une étude historique et sur des approches et analyses politiques et même géopolitiques.

Quant aux recommandations bibliographiques... si elles se réfèrent à des ouvrages antérieurs, la liste serait trop longue en termes de livres et d'auteurs, donc, pour faire court, je recommanderais, bien sûr, de lire l'œuvre d'Evola, en commençant par les livres plus politiques et en passant ensuite aux plus métaphysiques, car la lecture de ces derniers peut être assez compliquée lorsqu'il s'agit de digérer de nombreuses doctrines et concepts abordés.   

Si nous nous concentrons sur les livres récents, j'en ai plusieurs sur mon agenda que, si le temps le permet, j'aimerais lire. Le dernier est de Swami Satyananda Saraswati, un bon ami à nous, Les bases du yoga. Je suis également curieux de mettre la main sur L'empire invisible, de Boris Nad, publié par "Hipérbola Janus", ainsi que sur deux livres de l'Argentin Sebastián Porrini Le sacrifice du héros et Quand les dieux habitaient la terre (ce dernier en collaboration avec Diego Ortega) ; d'ailleurs, nous recommandons - ainsi que les précédents, publiés par Matrioska - Les autres - celui-ci déjà lu - à tous ceux qui veulent connaître les principaux auteurs du pérénnalisme (on parle de 23 d'entre eux !).

Quant à moi, Editorial Eas prévoit de publier prochainement un nouveau livre, avec un prologue de notre ami Joan Montcau, qui traite de divers sujets - certains plus, si je puis dire, d'actualité, d'autres plus historiques et certains plus doctrinaux - toujours du point de vue fourni par la Tradition sapientielle. 

L'aube d'une nouvelle Amérique latine : protestante et pro-américaine

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L'aube d'une nouvelle Amérique latine: protestante et pro-américaine

Emanuel Pietrobon

Ex: https://it.insideover.com/politica/l-alba-di-una-nuova-latinoamerica-protestante-e-filoamericana.html

L'Amérique latine est le lieu où a éclaté la guerre mondiale des croix, c'est-à-dire la dure confrontation géoreligieuse entre l'Internationale protestante de Washington et l'Église catholique. C'est aussi le théâtre où, compte tenu des transformations vastes et radicales qui se sont produites au cours des dernières décennies à la suite de ce conflit, il est possible de comprendre ce qui se passe en pratique, au niveau de la politique étrangère, lorsqu'une société change de forme, ou plutôt se convertit à une nouvelle foi.

Un pouvoir qui ne peut être ignoré

Du Brésil à l'Argentine, en passant par le Mexique et le Chili, sans oublier les cas souvent oubliés du Venezuela et de Cuba, l'histoire récente nous enseigne que lorsqu'il s'agit de protestantisation hétérogène impulsée par la Maison Blanche, le scénario est toujours le même : il commence par un pêcheur d'hommes évangélisant les incroyants et les catholiques désabusés au sein d'une méga-église, et se termine par un président-messie à la tête d'un parlement. C'est ce que rappellent les cas de Jair Bolsonaro, qui est entré au Palácio do Planalto avec l'aide de l'Église universelle du Royaume de Dieu d'Edir Macedo, ou de Jimmy Morales et Alejandro Giammattei, élus à la présidence du Guatemala avec le soutien du télévangéliste Cash Luna.

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Les chrétiens protestants évangéliques d'Amérique latine constituent depuis longtemps une force perturbatrice dont les intérêts ne peuvent être ignorés, puisqu'ils représentent un cinquième de la population totale du sous-continent et qu'ils se développent progressivement mais sûrement de Mexico à Buenos Aires. L'influence culturelle et la capacité à déplacer les votes de cette masse énergique, écrasante comme un tsunami, sont telles que même les partis et mouvements politiques traditionnellement proches de l'Église catholique, comme le Parti des travailleurs du Brésil, ne peuvent plus ne pas écouter ce qu'elle a à dire. Parce qu'ignorer les besoins, les désirs et les intérêts des nouveaux protestants aujourd'hui équivaut à déclarer son propre suicide politique, surtout dans des pays comme le Brésil, où ils représentent un tiers de la population totale, ou le Guatemala, où pour chaque paroisse catholique, il y a quatre-vingt-seize églises évangéliques.

Bibles, dollars et beaucoup de messianisme

Peu importe que le président soit évangélique, ou que le parlement soit religieusement multiforme, car ce qui compte, c'est la manière dont le pouvoir a été obtenu. Et si le pouvoir a été obtenu grâce à la mobilisation des églises protestantes, dont les fidèles votent de manière compacte, se déplaçant et se comportant comme un monolithe - à la différence des catholiques sécularisés et déboussolés -, l'histoire récente enseigne et (dé)montre que le retour de la faveur implique l'adoption de certaines orientations politiques tant à l'intérieur qu'à l'extérieur.

Sur le plan interne, c'est-à-dire celui des affaires culturelles, sociales et économiques de la nation, l'électorat protestant est habitué à demander, ou plutôt à exiger, des législateurs une grande variété de réformes dans les secteurs les plus divers. Dans le domaine de l'éducation, par exemple, ils demandent l'expulsion de l'idéologie du genre des écoles publiques et parfois l'introduction de l'enseignement du créationnisme. Dans le secteur économique, des voix s'élèvent pour réclamer moins d'État-providence et plus de libéralisme. Et dans le domaine de la sécurité publique, des appels sont lancés en faveur de la tolérance zéro, de la militarisation, de l'aggravation des peines et même du rétablissement de la peine de mort.

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Deux cartes révélatrices: en haut, la mappemonde montre clairement l'importance du facteur protestant en Amérique latine; en bas, la carte du continent sud-américain montre le recul du catholicisme.

L'ingérence des groupes d'intérêts protestants n'est pas moins incisive (et envahissante) dans les affaires étrangères, où, en effet, le parti au pouvoir ou le président en exercice peut être soumis à des pressions égales ou supérieures à celles reçues dans la formulation des politiques intérieures. La raison pour laquelle les Églises protestantes aspirent à monopoliser l'élaboration de l'agenda étranger du parti et/ou de la personne pour lesquels elles votent est simple : elles sont un instrumentum regni des États-Unis, le complément spirituel de leurs plans hégémoniques pour l'Amérique latine, d'où le désir de transformer les semailles en récoltes le plus rapidement possible.

Aux ordres de Washington

Alors qu'au niveau national, ils exigent la loi et l'ordre, le conservatisme social - c'est-à-dire la défense des valeurs dites traditionnelles - et le libéralisme - confiant dans le potentiel émancipateur de la théologie de la prospérité -, lorsqu'il s'agit des relations internationales, ils exigent que les décideurs s'orientent sur la voie tracée par la poussière coruscante de la comète américaine. Concrètement, un gouvernement sous l'influence d'un lobby évangélique a tendance à épouser la rhétorique du choc des civilisations, à approfondir les relations avec Israël, à dégrader les liens avec l'Iran - une puissance insoupçonnée aux multiples ramifications dans le sous-continent - et à lutter contre tout ce qui est latino-américain, du communisme cubain à l'ancienne au chavisme vénézuélien plus récent.

L'histoire récente offre une multitude d'exemples de la manière dont un exécutif latino-américain façonné par le protestantisme made in USA opère au niveau régional et international :
    
- Deux des quatre pays qui reconnaissent Jérusalem comme la capitale unique et indivisible d'Israël et y ont ouvert leur ambassade sont sud-américains : le Guatemala, qui a été le deuxième pays au monde à suivre l'administration Trump en 2018, et le Honduras, qui l'a inauguré en 2021.
    
- L'Amérique latine est la troisième région géopolitique du globe, après l'Europe et l'Arabosphère, en termes de nombre de nations adhérant au front anti-Hezbollah. Ces dernières années, parallèlement à l'influence politique croissante des églises évangéliques, l'Argentine, la Colombie, le Guatemala, le Honduras et le Paraguay ont inclus l'entité politico-militaire libanaise dans la liste des organisations terroristes. Dans un avenir proche, le Brésil, qui a entamé le même processus sous la présidence de Bolsonaro, pourrait également être ajouté.

Le remplacement de l'arabisme populaire par le sionisme n'est pas le seul miracle dont a été capable la droite évangélique latino-américaine. En plus de persuader les électeurs fidèles de remplacer la cause palestinienne par la cause israélienne, mettant ainsi fin à une tradition diplomatique de plusieurs décennies ancrée dans la solidarité avec le tiers-monde, les télévangélistes et les politiciens ont simultanément concentré leurs ressources et leur attention sur l'endiguement de la gauche sous toutes ses formes - modérée, progressiste et révolutionnaire -, sur sa lutte contre les gauches à l'intérieur et à l'extérieur de ses frontières - allant jusqu'à soutenir des changements de régime - et sur l'offre d'une plateforme idéologique malveillante pour les adeptes des gauches - soit la fameuse plateforme de la "théologie de la prospérité".

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Ce qui se passe aujourd'hui en Amérique latine, au XXIe siècle, est la preuve lapidaire et irréfutable que Theodore Roosevelt avait raison et était clairvoyant lorsqu'il identifiait, en 1912, la catholicité de l'arrière-cour "monroeïste" des États-Unis comme le principal obstacle à son incorporation dans l'américanosphère. Ce problème a été surmonté en investissant dans une campagne de prosélytisme macroscopique et clairvoyante, qui a rendu possible la satellisation de puissances clés comme le Brésil, pivot du cône sud, et l'entrée en terrain hostile comme en Bolivie, à Cuba et au Venezuela.

Écrire et parler de la Réforme à la sauce latino-américaine est plus qu'important, c'est indispensable, car ce n'est pas seulement pour expulser l'Église catholique, l'Iran et le communisme que les protestants 2.0 sont et seront nécessaires. Plus dévoués à George Washington qu'à Simon Bolivar, plus américains que latins, les nouveaux chrétiens du sous-continent pourraient être appelés à jouer un rôle de premier plan dans la guerre froide entre l'Ouest et l'Est, c'est-à-dire dans la confrontation avec la Russie et la République populaire de Chine. Et l'appel pourrait venir très bientôt, notamment parce que ce que le pape François a surnommé la troisième guerre mondiale en morceaux s'étend progressivement de l'Eurafrique et de l'Indo-Pacifique à l'imperméable continent-forteresse qu'est l'Amérique, comme l'indiquent les récentes actions chinoises au Nicaragua, pays pivot, et l'insurrection de fin d'année en Martinique, en Guadeloupe et à la Barbade.

jeudi, 17 février 2022

Les populistes américains à la rescousse : de Jefferson à Bryan

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Les populistes américains à la rescousse : de Jefferson à Bryan

Une histoire du populisme américain, publié par la maison d'édition Oaks

par Michele Salomone

Source: https://www.barbadillo.it/102839-populisti-usa-alla-riscossa-da-jefferson-a-bryan/?utm_campaign=shareaholic&utm_medium=whatsapp&utm_source=im&fbclid=IwAR062f6rBtGz-AhBqOP8rfKGI5JNGNiQcry4WCIuA1c7iiFisocxzXrqN7Q

Recension: Avery Craven, Storia populista degli U.S.A. Da Jefferson a Bryan (Histoire populiste des États-Unis d'Amérique de Jefferson à Bryan).

Cop.-CRAVEN-ok.jpgLe populisme n'est pas un ennemi à abattre. Bien que la formulation officielle mette à l'index le populiste, coupable de remuer démagogiquement des questions de grand impact pour tenter d'attirer l'attention et le consensus du peuple, si l'on consulte l'encyclopédie, on constate que, lorsqu'on parle de populisme, on se réfère à des "tendances ou mouvements politiques développés dans des domaines et des contextes différents (...) qui peuvent être attribuées à une représentation idéalisée du "peuple" et à l'exaltation de ce dernier comme porteur d'instances et de valeurs positives (principalement traditionnelles), par opposition aux défauts et à la corruption des élites. Parmi ces traits communs, la tendance à dévaloriser les formes et les procédures de la démocratie représentative, en privilégiant les modalités de type plébiscitaire, et l'opposition des nouveaux leaders charismatiques aux partis et aux représentants de la classe politique traditionnelle ont souvent pris une importance politique particulière".

Attentives aux grands thèmes historiques, les éditions Oaks présentent une "Histoire populiste des U.S.A. de Jefferson à Bryan", un essai de l'historien américain Avery Craven (1885-1980) publié en 1941 sous le titre Democracy in American Life. Lançant une pique à ses compatriotes, coupables de n'avoir "jamais pu donner une définition exacte de la démocratie", Craven stigmatise "l'individualisme forcené", à l'origine d'une néfaste "aristocratie de la richesse". Il méprise donc "l'individu libre" qui, à des "fins personnelles", accumule des richesses et met en œuvre des "programmes matériels".

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Contre "la richesse et le pouvoir", contre la déprédation de la "richesse publique", dans le contexte vaste et varié des États-Unis, Craven nous présente quelques personnages que l'on pourrait définir comme des populistes et, par conséquent, des antidotes aux maux dénoncés. Commençons par Thomas Jefferson (1743-1826), vice-président des États-Unis de 1797 à 1801, année où il est devenu le troisième chef d'État, poste qu'il a occupé pendant deux mandats jusqu'en 1809. Démocrate et républicain, nationaliste et libéral, la parole de Jefferson conjugue le respect des lois et de la Constitution, mais aussi la rébellion "contre les abus".

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Défenseur d'une liberté fondée sur la paix et l'ordre, opposé à toute ingérence du gouvernement dans la vie des citoyens, Jefferson était convaincu que l'élimination des inégalités entraînerait une plus grande croissance démocratique aux États-Unis. Même si certains de ses programmes n'ont pas abouti lorsqu'il est devenu chef d'État - abolition de l'esclavage, amélioration des conditions de vie des agriculteurs, réduction des impôts - Jefferson reste une figure qui fait débattre les historiens, s'attirant les sympathies et les antipathies de la gauche comme de la droite.

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Intéressons-nous maintenant à William Jennings Bryan (1860-1925), une figure explosive du populisme américain. Bryan a été trois fois candidat démocrate malheureux à la présidence des États-Unis entre la fin du XIXe siècle et la première décennie du XXe siècle. Défenseur tenace de l'isolationnisme américain en politique étrangère - il changera d'avis lorsque les États-Unis entreront dans la Première Guerre mondiale - Bryan est le prototype du populiste. Attentif aux questions féminines, constitutionnelles, sociales et syndicales, favorable à la prohibition, il s'oppose au pouvoir des oligarchies.

En juillet 1896, lors de la convention démocrate de Chicago en vue des élections présidentielles du mois de novembre suivant, Bryan bouleverse le parti démocrate en l'amenant à des positions populistes et, à seulement 36 ans, il obtient l'investiture pour la Maison Blanche. Au cours de la campagne présidentielle, Bryan parcourt un peu plus de 29.000 kilomètres et prononce des discours explosifs. Une partie considérable de la population est infectée par son programme économique "d'argent facile", qui implique la frappe illimitée d'argent. C'est un gigantesque plan de souveraineté monétaire au profit de ceux qui vivent la misère d'un quotidien plein de privations, qui soutiennent une économie déprimée et qui profitent d'une agriculture en crise. Soutenu par le parti démocrate, le parti populiste et le National Silver Movement, Bryan est battu de 600.000 voix par le candidat républicain William McKinley (1843-1901) qui, fort d'une machine électorale bien rodée, devient le 25e président des États-Unis.

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Après avoir effectué les comparaisons nécessaires en termes d'époques et de dynamiques socio-économiques, certains des programmes proposés ces dernières années par divers mouvements populistes, tels que l'impression de monnaie pour soutenir les classes les plus faibles et l'économie en difficulté, ne sont pas différents des projets de Bryan. Il ne faut pas oublier la proposition avancée en 2019 par la Ligue du Nord (en Italie) - au gouvernement avec le Mouvement 5 étoiles - en faveur du lancement de Minibots, des titres en circulation qui auraient permis à l'État de rembourser immédiatement ses nombreuses dettes, donnant une bouffée d'oxygène aux créanciers en difficulté. Cette proposition a été rejetée par le gouverneur de la BCE de l'époque, Mario Draghi.

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Il est indéniable que le populisme a laissé une trace profonde dans la société américaine. Spiro Ted Agnew (1918-1996), choisi par le président Nixon (1913-1994) comme adjoint lors de ses deux mandats présidentiels en tant que "mystique, patriote à l'ancienne, maître stratège sur les questions urbaines", de 1969 à 1973, a fait le "sale boulot" que son patron, pour des raisons évidentes, ne pouvait pas faire. L'ancien gouverneur du Maryland, en plus de s'adresser à l'Amérique profonde, dans un langage cinglant, s'en prend aux ennemis de Nixon, décrivant les journalistes comme une "petite fraternité fermée d'hommes privilégiés élus par personne" et les détracteurs comme des "nababs du négativisme".

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Nous en arrivons au populiste républicain Pat Buchanan (1938), conseiller des présidents Nixon, Ford et Reagan, anticommuniste intransigeant - peut-être l'un des rares du parti républicain - qui a tenté à deux reprises de monter à la Maison Blanche, mais a été battu lors des nominations de 1992 et 1996 par George H.W. Bush et le sénateur Bob Dole. Partisan d'une Amérique isolationniste non embrigadée dans les querelles mondiales, allergique à "l'insipide establishment de Washington", adversaire du monde libéral-progressiste voué à un hédonisme débridé, Buchanan, dans son livre The Death of the West : How Dying Populations and Immigrant Invasions Threaten Our Country and Our Civilisation, publié au début des années 2000, dénonce notamment la baisse importante du taux de natalité combinée à un sentiment et une croyance hostiles au christianisme et désormais généralisés.

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Le reste est l'histoire de notre époque, avec Donald Trump qui, un contre tous, bien que n'étant plus à la Maison Blanche, continue de bénéficier d'un nombre formidable de consensus populiste.

Une dernière remarque. Dans l'introduction, Luca Gallesi souligne que le "front populiste" américain n'a jamais succombé "à la tentation de la lutte des classes prônée en Europe par le marxisme". C'est un axiome qui est toujours valable aujourd'hui, étant donné que la gauche, ainsi que la droite libérale, s'opposent au populisme et, par conséquent, aux mouvements qui, sans s'en réclamer, agissent de manière populiste.

(oakseditrice.it)

Le grand jeu de l'énergie : l'accord Xi-Poutine qui effraie l'Europe

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Le grand jeu de l'énergie : l'accord Xi-Poutine qui effraie l'Europe

Federico Giuliani

Source: https://it.insideover.com/energia/il-grande-gioco-dellenergia-laccordo-xi-putin-che-spaventa-leuropa.html

Si le renforcement des liens politiques sino-russes est un avertissement pour les États-Unis et l'OTAN, les accords économiques consolidés lors de la dernière rencontre entre Xi Jinping et Vladimir Poutine sont un message direct à l'Europe. L'UE doit maintenant faire ses propres calculs, notamment en termes d'avantages et d'inconvénients énergétiques, et choisir à quelle croisade elle se joindra. Est-ce celle prêchée à Washington, qui continue à diaboliser Moscou en alimentant l'hypothèse d'une invasion russe en Ukraine ? Ou, au contraire, choisira-t-elle la croisade entreprise par le véritable nouvel ordre mondial, réuni en grande pompe dans les tribunes du stade national de Pékin, théâtre des Jeux d'hiver de 2022 en Chine ? Il y aurait aussi une troisième voie : utiliser le pragmatisme pour éviter, comme nous le verrons, de se retrouver dans des sables mouvants.

Il va sans dire que l'Union européenne, entendue comme une institution supranationale, n'a pas la moindre intention de trahir ses valeurs libérales, démocratiques et atlantistes; mais il est tout aussi vrai qu'épouser de trop près le combat de Joe Biden - une question qui semble, à la rigueur, ne concerner que les États-Unis - pourrait conduire à une aggravation de la tempête énergétique qui se prépare depuis quelques semaines. Oui, car l'Europe est dépendante des importations de gaz naturel russe, lequel hydrocarbure est fondamental pour l'approvisionnement en énergie et donc pour répondre aux besoins quotidiens de la population, notamment pour cuisiner et chauffer les maisons.

Il va sans dire qu'en cas d'une hypothétique implication militaire en Ukraine contre la Russie ou d'un renforcement des sanctions, le Vieux Continent se trouverait exposé à de probables représailles économiques de la part de Moscou. À ce moment-là, Poutine aurait tout le pouvoir de fermer les robinets des gazoducs russes vers l'Europe pour acheminer le précieux combustible vers la Chine, où la soif d'énergie est grande. Entre-temps, les Jeux olympiques d'hiver ont sanctionné un nouveau rapprochement tous azimuts entre la Chine et la Russie, qui "s'opposent à un nouvel élargissement de l'OTAN et appellent l'Alliance de l'Atlantique Nord à abandonner ses attitudes idéologiques de la guerre froide" et à "respecter la souveraineté, la sécurité et les intérêts des autres pays".

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Le gaz russe en Europe

Il est inutile de faire comme si de rien n'était : l'Union européenne est largement dépendante du gaz naturel russe. Les données les plus récentes d'Eurostat, qui remontent à 2019, ont montré que l'UE importait 41,1 % de son gaz de Moscou. Ensuite, bien sûr, la situation varie d'un pays à l'autre, avec des gouvernements à la merci des humeurs du Kremlin et d'autres capables, du moins en partie, de s'extraire d'une dépendance pesante. Selon les données du ministère de la Transition écologique, en 2020, l'Italie importerait 41,1 % de son gaz naturel de Russie, 22,8 % d'Algérie et environ 10 % de Norvège et du Qatar. Pas besoin de calculatrice pour comprendre qu'en cas de coupures russes, Rome perdrait une bonne moitié de ses importations de gaz, avec des effets indésirables sur toute la chaîne économique et des répercussions sur la vie quotidienne des citoyens.

Mais il y a même ceux qui pourraient se retrouver sans gaz : c'est le cas de la Macédoine du Nord, de la Moldavie et de la Bosnie, dont les importations de gaz proviennent à 100% de la Russie, de la Finlande (94%), de la Lituanie (93%), de la Serbie (89%) et de l'Estonie (79%) ; l'Allemagne est "exposée" à 49%, tandis que l'Autriche et la France le sont respectivement à 64% et 24%. En bref, si le scénario ukrainien devait s'aggraver - on pense à une guerre ou à une augmentation des sanctions russes lancées par Bruxelles - il n'est pas exclu que Moscou vende tout son gaz à la Chine. Ainsi, au milieu des États-Unis et de la Russie, deux ports de fer, l'Europe risque de se retrouver comme un pauvre pot de terre et de payer les conséquences les plus coûteuses d'une éventuelle augmentation des tensions internationales.

Pétrole et gaz : les derniers accords entre la Chine et la Russie

La Chine et la Russie ont montré qu'elles étaient sérieuses. Entre-temps, les deux pays, comme le rappelle Reuters, ont signé des accords pétroliers et gaziers d'une valeur de 117,5 milliards de dollars (une part appelée à augmenter, probablement dans un jeu à somme nulle avec l'Europe), ainsi qu'un échange total en 2021 de 146,8 milliards de dollars (contre 107,8 milliards en 2020 et 65,2 en 2015). En ce qui concerne le pétrole, le géant russe Rosneft, dirigé par Igor Sechin, a signé un accord avec la société chinoise CNPC pour fournir 100 millions de tonnes d'or noir via le Kazakhstan d'ici les dix prochaines années, prolongeant ainsi un accord existant. Valeur de l'opération : les Russes ont parlé de 80 milliards de dollars.

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Cela nous amène au deuxième accord, celui qui concerne le gaz. Le géant russe Gazprom s'est engagé à fournir aux Chinois de CNPC 10 milliards de mètres cubes de gaz par an via une route située dans l'Extrême-Orient russe, prévoyant de porter les exportations de gaz vers la Chine à 48 milliards de mètres cubes par an (mais on ne sait pas quand ; selon les plans précédents, la Russie devait fournir à la Chine 38 milliards de mètres cubes d'ici 2025). De ce point de vue, il est intéressant de s'attarder sur l'"itinéraire" cité par Moscou. De telles déclarations pourraient en fait impliquer la décision de construire un second pipeline dédié aux besoins de Pékin, capable d'accompagner le gazoduc Power of Siberia déjà existant. Rappelons que la Russie envoie déjà du gaz à la Chine via ce gazoduc dit Power of Siberia susmentionnée, qui a commencé à pomper des fournitures de gaz naturel liquéfié en 2019, et qui, pour la seule année 2021, a exporté 16,5 milliards de mètres cubes de gaz et de gaz liquide au-delà de la Grande Muraille. Si l'on considère que le prix moyen de 1000 mètres cubes de gaz est d'environ 150 dollars, le dernier pacte signé entre Poutine et Xi - à long terme, pour une durée de 25 ans - pourrait valoir environ 37,5 milliards de dollars.

À cet égard, il est important d'apporter quelques précisions. Tout d'abord, le réseau Power of Siberia n'est actuellement pas relié aux gazoducs qui acheminent le gaz vers l'Europe. Toutefois, il n'est pas exclu que le second gazoduc vanté par le Kremlin puise dans la péninsule de Yamal, le même gisement d'où provient une grande partie du gaz destiné au marché européen. D'autres rumeurs affirment que le nouvel accord avec Pékin concerne le gaz russe de l'île de Sakhaline, dans le Pacifique, qui sera transporté par gazoduc à travers la mer du Japon jusqu'à la province de Heilongjiang, dans le nord-est de la Chine, pour atteindre jusqu'à 10 milliards de mètres cubes par an vers 2026. Ensuite, et c'est peut-être le plus important, dans le face-à-face avec l'UE, Poutine a envoyé un message fort et clair. La construction éventuelle d'une nouvelle ligne destinée à l'Est indiquerait les nouveaux plans de Moscou. De plus en plus orientée vers l'Asie et de moins en moins vers l'Occident.

Juan Manuel de Prada : "La "Matrix Progrès" est l'imposition d'une vision hégémonique du monde qui déracine l'homme de sa véritable nature"

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Juan Manuel de Prada : "La "Matrix Progrès" est l'imposition d'une vision hégémonique du monde qui déracine l'homme de sa véritable nature"

par KontraInfo - 02/01/2022

Source: https://kontrainfo.com/juan-manuel-de-prada-la-matrix-progre-es-la-imposicion-de-una-vision-hegemonica-del-mundo-que-desarraiga-al-hombre-de-su-verdadera-naturaleza/

Juan Manuel de Prada est l'une des plumes les plus lucides, sinon la meilleure, de notre époque. Un digne héritier de Leonardo Castellani, qui, par sa critique, sa satire et ses analyses précises, a su ridiculiser le nouveau tyran de notre époque : le progressisme, qui, par sa dictature culturelle, a réussi à construire une réalité parallèle, comme l'auteur le décrit dans son livre. Tomas Várnagy affirme que l'humour peut être une arme et une forme d'attaque. Pour reprendre les mots de Bertolt Brecht : "Il ne faut pas combattre les dictateurs, il faut les ridiculiser". De Prada a réussi en ce domaine, il a utilisé l'humour comme une arme, il ne se contente pas de les combattre, mais en même temps il les ridiculise et les laisse nus (Christian Taborda).

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Entretien avec Juan Manuel de Prada

MADRID, mercredi 29 avril 2009

La nueva tirania. El sentido común frente a la Mátrix progre est le titre du livre publié par l'écrivain Juan Manuel de Prada chez LibrosLibres (2009), dans lequel il rassemble ses écrits sur l'actualité et sur l'époque, datant d'il y a une douzaine d'années mais qui demeurent pertinents pour le présent.

N'est-ce pas un peu provocateur d'identifier le concept de progressisme à celui de "tyrannie" ?

-Juan Manuel de Prada : Le "progressisme" s'est en effet imposé comme un concept inattaquable à notre époque, si inattaquable que même ceux qui ne sont pas "progressistes" en termes idéologiques se sentent obligés de se déclarer comme tels. Mais qu'est-ce que c'est que d'être progressiste ? Dans un sens banal, c'est se conformer aux paradigmes culturels et aux modèles de jugement hégémoniques ; c'est-à-dire, pour reprendre l'expression de Chesterton, "être un esclave de notre temps". Et, évidemment, ceux qui sont d'accord avec les "moulins" sont des êtres tyrannisés.

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- Vous pensez que les gens se sentent asservis ?

L'avantage de cette nouvelle tyrannie sur les autres, la raison pour laquelle elle est - contrairement aux tyrannies d'antan - si attrayante et si persuasive pour les gens du peuple, c'est qu'elle donne une impression de liberté totale à ses sujets, qui sont transformés en enfants qui peuvent en fait élever leurs caprices, leurs intérêts et leurs désirs au rang de droits.

C'est surtout la gauche qui ramasse ces drapeaux, n'est-ce pas ?

C'est le résultat d'une vaste manœuvre de la gauche qui, face à l'échec retentissant de ses postulats idéologiques classiques (caractérisés par leur dogmatisme rigoureux), a décidé à un moment donné de se "réinventer" et de s'ériger en championne d'un relativisme extrême, où le seul dogme accepté est qu'il n'y a pas de dogmes. À cette fin, elle accepte l'"ordre économique" historiquement prôné par la droite libérale (avec des corrections cosmétiques), en échange de l'imposition d'un nouvel ordre moral et social qui lui permet d'opérer sur un territoire toujours favorable. La droite, débordée là où elle s'y attendait le moins, accepte de jouer sur ce terrain adverse, et n'a d'autre choix que de jouer selon les règles dictées par la gauche ; ainsi, le seul débat possible se déroule dans une sphère strictement "idéologique", sans possibilité de débat proposant une vision alternative du monde. Et, bien sûr, postuler une vision alternative du monde devient non seulement provocateur, mais "blasphématoire".

- Pourquoi utilisez-vous le mot "Mátrix" pour désigner cet établissement culturel ?

- Je me permets de faire une blague cinématographique, facilement compréhensible pour ceux qui connaissent les films des frères Wachowski avec Keanu Reeves. La "Mátrix pro-verte" est l'imposition d'une vision hégémonique du monde que tout le monde accepte comme la seule possible, comme une nouvelle foi pseudo-messianique, alors que la vérité est qu'elle repose sur des piliers d'artifice et de tromperie, puisqu'elle déracine l'homme de sa véritable nature. Naturellement, se rebeller contre cette Mátrix pro-verte implique une exigence presque héroïque et une prise de risques que peu osent accepter. Il suffirait que quelques-uns s'insurgent contre elle pour que ses fondations, faites de ruses et d'artifices, s'effondrent ; mais l'accepter est une tentation trop forte, car elle assure une vie placide et des avantages indiscutables.

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- Dans le monde de la culture, les portes sont fermées aux réfractaires.....

- Tout intellectuel qui ose défier la Mátrix progre sait qu'il sera condamné aux ténèbres extérieures ; d'où l'apparition d'un phénomène sans précédent dans l'histoire culturelle de l'Occident, à savoir la grégarité sans faille des artistes et des écrivains, tous prêts à s'ériger en apôtres du nouveau culte. Et pendant ce temps, un travail imparable d'ingénierie sociale est en cours.

- Pourquoi la droite ne dénonce-t-elle pas cette prédominance et n'essaie-t-elle pas de la remplacer ?

- La droite a abandonné la bataille des principes. Aujourd'hui, un conservateur est essentiellement devenu un gentleman qui se consacre à la "préservation" de l'ordre social et moral prôné par la gauche, c'est-à-dire qu'il est l'élément de respectabilité dont la gauche a besoin pour garantir sa suprématie idéologique et culturelle. Une fois le processus d'ingénierie culturelle achevé, une fois qu'il est accepté que la vision progressiste de la réalité est la seule acceptable, quel est l'intérêt d'adhérer à un substitut médisant et autoconscient dédié à la "préservation" de l'ordre que la gauche défend sans ambiguïté et sans complexe ?

- Quel est le talon d'Achille du pro-vert "Mátrix" ?

- Eh bien, la Mátrix pro-verte, bien qu'elle maintienne sa structure tyrannique sous le couvert du "culte de l'homme" (c'est-à-dire en élevant ses aspirations les plus égoïstes ou compulsives au rang de "droits" sacro-saints), est fondée sur une amputation profonde de la nature humaine, qui est la rupture avec une loi supérieure, facilement discernable par la raison humaine, et avec le reniement de sa vocation de transcendance (habilement substituée par une "spiritualité" déliquescente). Et cette amputation, que la Mátrix pro-verte vend comme une conquête, finit par éveiller une profonde nostalgie chez les tyrannisés, qui ont besoin de se réconcilier avec leur vraie nature, qui ont besoin de se nourrir à nouveau des vérités profondes qui ont été occultées ou qui leur ont été retirées.

- Et pourtant, il faut....

- Tant que nous sommes encore humains, cette nourriture restera nécessaire ; il en est autrement lorsque la Mátrix progrè achève son dessein et que nous atteignons le degré d'"abolition de l'homme" auquel C. S. Lewis faisait référence.

- La flèche qui le blessera à mort est-elle déjà lancée, ou la dictature médiatique des valeurs de gauche est-elle encore solide ?

- Jamais le système établi n'a eu à sa disposition des moyens de persuasion et de propagande aussi dévastateurs qu'à notre époque. Monopole des médias, corruption généralisée du milieu intellectuel, etc. Mais il suffira que le bien-être économique s'effrite, bien-être que le système stimule pour adoucir la blessure infligée à la nature humaine anesthésiée, pour que la tyrannie vacille.

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- Quelle est donc l'alternative ? Donnez-nous, par exemple, trois points pour lesquels il vaut la peine de se battre et où il est possible de renverser la situation.

- Pour renverser la situation, il faudrait susciter des débats de société qui parviennent à se détacher de la "pollution idéologique" dans laquelle se déroulent actuellement tous les débats. C'est-à-dire des débats qui parviennent à s'élever de la boue dans laquelle se déroulent les querelles idéologiques à un niveau supérieur, où les principes sur lesquels se fonde la nature humaine redeviennent intelligibles. La bataille à mener n'est pas idéologique, mais anthropologique. Et les points ou zones de friction où cette bataille doit être menée sont la défense de la vie, la recomposition du tissu cellulaire de base de la société (c'est-à-dire la famille) et la récupération d'une éducation qui redonne la possibilité de "connaître" le monde de manière harmonieuse, et non comme un simple agrégat d'impressions contingentes et chaotiques inspirées par l'idéologie.

- Ce sont trois zones de friction très chaudes en ce moment !

- C'est précisément là que la Mátrix pro-verte lance ses divisions de Panzer, car elle sait qu'au moment où les gens ré-accepteront leur vraie nature, sa domination prendra fin.

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- Votre façon de voir les choses semble bien s'accorder avec le pontificat de Benoît XVI. Comment évaluez-vous sa figure ?

- Benoît XVI est un intellectuel lumineux et un homme d'une humanité simple, qui a voulu faire de la foi le moteur d'une transformation profonde de la société, ce que nous appelons la "nouvelle évangélisation". Ce qui caractérise la prédication et le magistère de Benoît XVI, c'est un retour aux sources de la foi. Il a compris que le seul moyen de sauver notre humanité est de la ramener à ses véritables racines, de nous réconcilier avec les vérités profondes que la pollution idéologique obscurcit ou rend inintelligibles.

- Est-ce pour cela que la religion est si contestée ces derniers temps ?

- Naturellement, cet effort de probité intellectuelle et de charité fraternelle est systématiquement dénaturé par ceux qui préfèrent maintenir l'être humain aigri et divisé. Benoît XVI combat en outre le dualisme qui a triomphé dans la sphère catholique au cours des dernières décennies, selon lequel la réalité peut être divisée en deux plans, l'un naturel et l'autre surnaturel, et aussi notre tête, de telle sorte que d'un côté nous faisons une profession de foi et de l'autre nous entrons dans la réalité sans foi. C'est un combat intellectuel et spirituel passionnant qui redonne de l'espoir à l'être humain ; mais il se heurte à une résistance farouche et furieuse.

- N'avez-vous pas l'impression que ces derniers mois, la Mátrix pro-verte a tiré la sonnette d'alarme contre le pape Ratzinger ?

- Sans aucun doute, parce qu'elle a détecté que Benoît XVI n'attaque pas les problèmes dans leurs manifestations banales, mais qu'il s'attaque à leurs causes les plus profondes, qui sont celles qui permettent de recomposer une compréhension unifiée du monde et du rôle de l'homme dans la Création. Cela a été perçu, par exemple, de manière grinçante dans la réaction provoquée par les récentes déclarations de Benoît XVI sur la nécessité d'"humaniser la sexualité" ; car ce que recherche la Mátrix progrè est précisément une sexualité déshumanisée, une "physiologisation" de l'homme qui nous transforme en chiens de Pavlov répondant aux stimuli qui garantissent l'ingénierie sociale que les organes de pouvoir de la Mátrix progrè se sont fixés comme objectif.

- Cette conception du monde est-elle "la beauté de l'ordre romain" à laquelle vous faites référence dans votre livre ?

- Je me réfère, précisément, à cette reconstitution de notre humanité, qui ne peut être atteinte que lorsque nous récupérons ce qui a été amputé de nous, notre vocation de transcendance. Et cette reconstitution que l'Église postule nous réconcilie avec la beauté; car pour moi, la foi est l'acceptation d'une beauté éternelle - si ancienne et si nouvelle, comme dirait saint Augustin - qui accompagne l'homme dans sa vie, dans chaque jour de sa vie, en le rendant intelligible, en le dotant de sens. Disons que l'ordre établi par la Mátrix progrè vise à élever, comme ce Nimrod qui régnait à Babel, une tour qui atteint le ciel, faisant croire aux hommes qu'en embrassant l'idéologie ils seront comme des dieux ; l'ordre romain dit à l'homme que le ciel est dans son cœur.

- Comme on trouve aussi dans La nueva tirania des articles intimes sur votre passé et vos proches, concluons par une question personnelle: pourquoi un romancier à succès s'attire-t-il de tels ennuis, qui ont dû lui valoir plus d'un déplaisir ?

- Car la mission d'un homme de lettres, comme celle de tout artiste, n'est pas de s'installer, mais de se remuer, même si en retour il ne reçoit que des contrariétés et des revers. Et parce que toutes ces contrariétés et ces revers ne sont rien comparés à la récompense de pouvoir se regarder sans honte dans le miroir.

Source ACI Press.

Alexandre Douguine : "Je pense que nous n'avons pas longtemps à attendre - certains pour le dernier cauchemar, d'autres pour une grande joie"

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Alexandre Douguine : "Je pense que nous n'avons pas longtemps à attendre - certains pour le dernier cauchemar, d'autres pour une grande joie"

Alexander Douguine

Source: https://www.geopolitica.ru/article/aleksandr-dugin-ya-dumayu-nedolgo-ostalos-zhdat-komu-poslednego-koshmara-komu-bolshoy

Aujourd'hui, le philosophe Alexandre Douguine répond aux questions de Vos Nouvelles. Nous avons non seulement discuté des événements mondiaux les plus importants de ce début d'année 2022 et des perspectives du monde russe, mais nous avons également appris pourquoi le Kazakhstan ne doit pas quitter son orbite eurasienne et qui est le principal ennemi de la Russie.

"VN" : - Alexandre Golubevitch, en tant qu'idéologue de l'eurasisme, comment jugez-vous les événements survenus depuis le début de l'année au Kazakhstan ? 

- Je pense que ce qui s'est passé au Kazakhstan relève d'un processus assez compliqué. C'est le résultat du retour en arrière de Nazarbayev a effectué par rapport à sa position eurasienne initiale. Il s'est alors empêtré dans un jeu douteux avec les élites locales, il a fait une démarche totalement non-eurasienne - en direction et au bénéfice d'entreprises et de tendances culturelles ou politiques britanniques et occidentales. Cela a eu des conséquences désastreuses, car l'Occident a renforcé son influence au Kazakhstan et, par conséquent, l'eurasisme y a été comprimé et presque oublié. Et un processus catastrophique a commencé. Cependant, il faut savoir que cela est bien naturel!

Lorsque la situation a atteint le niveau d'une révolution colorée, la Russie, avec les forces de l'OTSC, est venue à l'aide et a contribué à stabiliser la situation. Mais l'aide n'était plus accordée à Nazarbayev et à ses clans corrompus, désormais davantage intégrés à un modèle occidental, mais à Tokayev en tant que président par intérim, qui avait fait preuve d'une loyauté suffisante (bien que relative en dernière analyse) envers la Russie et les obligations alliées. Si nous n'étions pas venus à la rescousse, des processus similaires au Maidan ou au soulèvement contre Lukashenko en Biélorussie auraient commencé au Kazakhstan, mais avec un style asiatique - décapitations, islam radical, brutalité injustifiée, etc.

La situation est sortie de la phase aiguë maintenant. Mais je ne pense pas que nous en soyons vraiment satisfaits maintenant. Pour ramener le Kazakhstan sur une orbite eurasienne, vous devez d'abord faire de gros efforts. Deuxièmement, reconnaître pleinement l'importance et le caractère fondamental de l'eurasisme, sa priorité en tant que repère politique et impératif pour l'intégration du grand espace post-soviétique - impérial. C'est-à-dire que nous, les Russes, devons d'abord devenir nous-mêmes des Eurasiens à part entière. Ensuite, nous pouvons appeler les autres à faire de même. Tout va dans ce sens, je pense. La situation évolue plus dans ce sens que dans tout autre. Mais parfois, elle est trop lente, incertaine et contradictoire.

Je pense que, grâce à ces événements, l'attention a été attirée sur le Kazakhstan, alors que nous avions complètement oublié l'existence de ce grand et fort pays, très important pour nous. 

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"VN : - Les autres États membres de la CEI et de l'OTSC ont-ils tiré des conclusions pour eux-mêmes ? Quel sera le comportement futur de l'Arménie, qui a démontré de manière décisive son adhésion aux principes de l'OTSC ? Comment se comporteront l'Ouzbékistan et le Turkménistan ?

- Je pense qu'ils ont conclu que la Russie n'a pas fui sa responsabilité dans le destin des régimes post-soviétiques. Que la Russie est déterminée à ne pas permettre les révolutions de couleur dans l'espace post-soviétique. L'escalade actuelle des relations avec l'Occident est liée à cela. La Russie dit : "Non, je ne vous permettrai pas de faire ce que vous voulez sur le territoire post-soviétique. Ni au Kazakhstan ni ailleurs non plus". Je pense que tout le monde a compris cela - les pays de la CEI et l'Occident. Par conséquent, les membres de l'OTSC ont décidé de démontrer leur fidélité aux principes de l'OTSC, aux normes d'unité stratégique et d'assistance mutuelle, en s'appuyant sur l'exemple du Kazakhstan. Cet exemple est très juste et très pertinent. 

Mais il manque encore quelque chose pour que l'intégration eurasienne passe à la phase à part entière. Et cela ne se fera pas simplement par des mots ou la signature de traités d'amitié. Nous parlons d'un geste beaucoup plus sérieux. Nous sommes au seuil de ce geste. Le geste auquel je pense serait une percée décisive vers le rétablissement de l'Eurasie en tant que pôle indépendant de la politique mondiale, en tant que centre de pouvoir ayant un contrôle total sur tout ce qui relève de sa zone de responsabilité.

Le sort de l'ensemble de l'espace eurasien dépendra de la manière dont sera résolue la situation critique en Ukraine et dans le Donbass, qui s'est maintenant amplifiée. Dans la situation au Kazakhstan, la Russie a agi correctement et bien, et il est remarquable qu'elle ait été soutenue par les pays de l'OTSC. Mais ce n'est pas l'essentiel. L'essentiel est de savoir comment le problème ukrainien, qui est à l'ordre du jour de manière beaucoup plus aiguë, sera résolu. 

"VN" : - Passons à l'Ukraine. Quel est le prix réel que les dirigeants russes sont prêts à payer pour la Novorossiya ?

- C'est une question à laquelle je n'ai pas de réponse. Parce qu'en 2014, j'étais profondément convaincu que la Russie pouvait réaliser la mise en œuvre du projet Novorossiya, la libération de ce territoire, à un prix relativement faible. Au moins, la question de la libération de l'Ukraine orientale aurait été résolue par des moyens beaucoup plus simples, avec un plus grand degré de légitimité et à un coût moindre qu'aujourd'hui. J'étais alors simplement étonné que lorsque tout était prêt pour la prochaine étape logique, nous nous sommes arrêtés. Cela me semblait illogique. Je n'ai pas du tout compris l'histoire du "plan astucieux" que l'on avait soi-disant mis en oeuvre. Sept années sont passées et n'ont en rien clarifié la situation. Et dans l'escalade d'aujourd'hui, il n'y a toujours pas de réponse à la question de savoir quel était le "plan astucieux". 

Pour dire les choses simplement, il n'y avait pas de "plan astucieux". Nous avons hésité, nous nous sommes arrêtés et nous avons manqué notre chance. Cela me paraît évident. Et puisque nous n'avons pas fait ce que nous aurions définitivement dû faire alors, en 2014, dans des conditions initiales plus favorables, je ne peux même pas imaginer maintenant ce à quoi nous avons affaire dans cette nouvelle escalade. Si l'Occident nous provoque et fait croire que nous sommes prêts à passer à une action décisive afin de nous intimider. Pour que nous acceptions docilement l'éventuelle opération terroriste de Kiev dans le Donbass. 

Soit nous avons décidé de corriger ce défaut de 2014 dans de nouvelles conditions. Ce qui s'est passé en 2014 était une erreur, et peut-être même une trahison. Après 2014, d'ailleurs, j'ai été écarté des chaînes centrales en raison de ma position. Mais j'y adhère toujours : nous n'aurions jamais dû nous arrêter, nous aurions dû poursuivre la libération de la Novorossia.

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Kharkiv, avril 2014.

Et nous nous sommes arrêtés et, par conséquent, nous n'avons absolument rien réalisé pendant tout ce temps. Seule l'armée ennemie est devenue plus forte physiquement, politiquement et moralement. Et l'influence du bloc de l'OTAN en Ukraine, qui nous est hostile, s'est multipliée. Exactement tout ce qui n'aurait pas dû se produire s'est produit.

La situation ne s'est pas améliorée en sept ans. Et je pense que l'issue de la crise actuelle est tout simplement imprévisible. Aucun des deux camps, que ce soit à l'extérieur ou à l'intérieur, ne dit, même de loin, ce qu'il en est réellement. Je pense que c'est même, en un sens, un secret d'État - comment les choses sont réellement.

Il y a des questions auxquelles on ne peut tout simplement pas répondre. Ce qui se passe actuellement avec l'Ukraine par rapport à la Russie et à l'Occident - personne ne peut le savoir ou le comprendre de manière fiable. Parce qu'il s'agit d'une situation tellement complexe et critique à tous égards qui défie toute explication logique simple. Elle peut se terminer par rien, ou par une affirmation retentissante "nous avons gagné" grâce au "plan astucieux n°2". Mais cela pourrait aussi déclencher quelque chose de grave. Cela pourrait même être très grave dès maintenant. Car en 2014, contre toute attente, nous avons fait le mauvais choix. Mais que se passe-t-il si nous faisons la bonne chose maintenant ? Ce serait merveilleux. Mais il est déjà impossible d'influencer le cours des choses, il est également impossible de le comprendre. Il y a un élément d'excentricité fantastique dans les décisions de nos dirigeants qui, parfois, agissent de manière absolument correcte, se comportent brillamment, comme par une fantaisie suprême - dans les limites de toutes les lois historiques et géopolitiques.

Et parfois, certains obstacles insurmontables et incompréhensibles surgissent de rien. L'art du déguisement, qui prospère dans notre gouvernement, est de fait l'art du déguisement, afin que personne ne sache si nous allons sacrifier quelque chose ou non, si nous sommes prêts à faire quelque chose ou non, si nous avons de la détermination ou non. 

Je pense que nous n'avons pas longtemps à attendre - pour certains, ce sera le dernier cauchemar, pour d'autres une grande joie. Cela dépend de qui veut le définir. 

"VN : - Notre principal ennemi est la "civilisation de la mer", comme vous l'avez dit à plusieurs reprises. Mais dans la situation avec le Kazakhstan, il est devenu clair que la Chine et la Turquie sont les premiers à relever la tête. La Turquie est également active en Ukraine. De qui attendons-nous plus de danger ? Dans une perspective historique, quel est le degré de dangerosité de la Chine, de la Turquie et de l'idée du pan-turquisme ?

- Ceux qui ont lu mes livres, qui connaissent la géopolitique, doivent très bien comprendre qu'il existe une hiérarchie des menaces. Aujourd'hui - comme toujours, cependant ! - la principale menace vient de l'Occident atlantiste, qui - et surtout avec le nouveau leadership de l'ultra-mondialiste Biden et de ses faucons libéraux - continue de défendre un monde unipolaire angoissé car son hégémonie s'effrite. C'est la "civilisation de la mer". Elle est la principale cause des problèmes dans l'espace post-soviétique. C'est notre principal ennemi - existentiel. C'est soit nous, soit lui. Jeu à somme nulle.

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Et donc, lorsque cet ennemi principal - un ennemi fort, déterminé et puissant, rusé, sournois et intelligent - est présent et actif, certains s'amusent à le comparer à certaines menaces secondaires, en nous demandant de choisir laquelle est la plus dangereuse dans telle ou telle situation difficile - ces gens sont d'ores et déjà suspects. La géopolitique en tant que discipline affirme "Civilisation de la terre contre Civilisation de la mer". Les civilisations de la Terre, c'est nous. La civilisation de la mer, c'est l'Occident. S'ils avancent activement (et ils avancent activement !), alors il n'y a qu'un seul ennemi. Et tous les autres sont de possibles alliés, amis ou forces neutres. Et surtout, c'est ainsi que les stratèges occidentaux qui prennent les décisions voient la carte du monde. Ils sont atlantistes - et tout à fait consciemment. Dans l'élite libérale américaine et occidentale en général, l'Atlantisme a été encouragé dès l'enfance. 

D'aucuns essaient constamment, que ce soit par ignorance ou parce qu'ils appartiennent à l'agence d'influence atlantiste, de rejeter cette logique simple et d'ignorer la géopolitique et ses lois. Et c'est le pire qui puisse arriver. Ici, il ne devrait y avoir aucun doute pour le patriote russe, de savoir et de désigner qui est notre véritable, principal et fondamental ennemi : c'est l'Occident ! 

Et au Kazakhstan, et en Ukraine, et dans l'espace post-soviétique, et en Europe, et partout ailleurs - c'est l'Occident qui est notre adversaire absolu. Dès que l'on en doute, on devient suspect et on fait le jeu de la "civilisation de la mer". Il n'est pas nécessaire d'être comme eux. Il faut connaître la géopolitique et réussir avec un solide A. Si vous êtes un patriote russe, vous dites : "Notre ennemi est l'Occident", "Score, cinq." Et puis tout le reste - la Turquie, la Chine et ainsi de suite. C'est la loi, deux fois deux font quatre, et ce n'est pas seulement mon opinion personnelle. Il y a des gens qui ont terminé la première année et d'autres qui ont été virés dès la première année. Quiconque pense que nous avons d'autres ennemis comparables à l'Occident est tout simplement incompétent sur le plan professionnel. Soit il s'agit d'une supercherie malveillante et d'un travail effectué grâce à des subventions étrangères. 

Notre ennemi est l'OTAN, les États-Unis, la "civilisation de la mer", le monde anglo-saxon. Surtout lorsque, suivant sa stratégie mondialiste, elle avance et le fait à nos dépens. S'ils s'écroulaient, on pourrait encore penser - ne faut-il pas les épargner. Mais lorsqu'ils encerclent la Russie de tous les côtés, en procédant comme l'anaconda constricteur, et lorsqu'ils augmentent la pression à tous les niveaux (dans l'esprit de la doctrine de la domination à spectre complet), il ne peut y avoir aucun doute. 

Quant à la Chine, elle est notre principal appui pour affronter l'Occident, elle est notre allié le plus important aujourd'hui. Au Kazakhstan, les Chinois se sont comportés en parfaite harmonie avec nous. Et en coordination stratégique. L'alliance stratégique russo-chinoise est désormais un gage pour un monde multipolaire.

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Il me semble que les choses ne sont pas aussi dogmatiques ici qu'en Occident. Parce que la Chine est différente, multidimensionnelle. Elle a la possibilité de choisir une identité - soit la Terre ou la Mer. Mais aujourd'hui, c'est notre ami. L'Occident est notre ennemi tant qu'il est la mer, mais il a déjà fait ce choix il y a des siècles. Et la Chine est notre amie - notre amie aujourd'hui - sous Xi Jinping et son vecteur géopolitique et idéologique actuel. 

Quant à la Turquie, dans le monde bipolaire, elle faisait partie de la stratégie occidentale, elle suivait les ordres occidentaux, y compris les tentatives de renforcer son influence en Eurasie. Cependant, ces dix dernières années, Erdogan s'est de plus en plus soustrait à l'influence occidentale. 

Avec la Turquie, ce n'est pas la même chose qu'avec la Chine, c'est plus compliqué. Ankara cherche tous les moyens de renforcer sa souveraineté. Principalement aux dépens de l'Occident, mais aussi aux dépens des autres à l'occasion. En tout cas, la politique d'Erdogan n'est pas synonyme de politique américaine. Il y a une divergence croissante entre Ankara et l'OTAN. Et il est important pour nous, dans une telle situation, de garantir au moins la neutralité de la Turquie - surtout à la veille du geste fondamental que nous avons mentionné (si, en fait, nous nous préparons à en faire un).

D'ailleurs, sur la question de l'Azerbaïdjan, nous étions du même côté. Nous avons soutenu l'intégrité territoriale de l'Azerbaïdjan. Et ceci est également important. Nous ne sommes pas ennemis des Turcs. Je ne pense pas qu'ils fournissent une force sérieuse en Ukraine, et ils peuvent difficilement jouer un rôle important dans les négociations. Ils mènent une politique active en tant que puissance régionale souveraine. Vous ne pouvez pas leur reprocher cela.

Et je pense qu'ils ne seront certainement pas sans équivoque du côté de Kiev au cas où le conflit passerait à une phase aiguë. Ils prendront - au pire - une position neutre ou une certaine position de leur côté. Cela ne veut pas dire que nous devons l'applaudir, mais ce n'est pas une vraie querelle. La vraie querelle est celle qui nous oppose à Washington. C'est ce qui doit être détruit - Carthago delenda est.

Source originelle: https://vnnews.ru/aleksandr-dugin-ya-dumayu-nedolgo-osta/

mercredi, 16 février 2022

La signification du Carnaval

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La signification du Carnaval

Andrea Marcigliano

SOURCE : https://electomagazine.it/il-senso-del-carnevale/

Il est temps. Le carnaval est sur le point d'entrer dans sa phase culminante, ou du moins il devrait l'être. Son "apogée", traditionnellement éclatant de masques, de fêtes, de danses, d'étoiles, de serpentins, de confettis, de rires... Une apogée qui atteint une forme presque paroxystique le mardi gras. La grande fête. Et puis, à l'aube du Frêne, il s'est soudainement calmé. Tout devient silencieux. Tout est fini. Les esprits du Carnaval, les Masques, Arlequin, Punchinello et autres, se retirent de notre monde. Et avec eux toute la joie. C'est le Carême. "Memento mori" murmuraient les vieux curés, ceux du passé, en faisant le geste de tracer une croix de cendres sur votre front. "Tu étais poussière, tu retourneras à la poussière".

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Une succession de gestes, de rituels, qui n'ont de sens que s'ils sont liés les uns aux autres. La contrition du Carême avait une raison d'être car elle venait après l'effervescence, à la limite et souvent au-delà de la limite de l'orgiaque, du carnavalesque. Ça aurait pu être répugnant pour les bigots. Mais la réalité, terrestre et spirituelle, ne répond pas aux règles d'un moralisme abstrait. C'est réel et c'est la vie. Et la vie a toujours deux visages. Apparemment contradictoire. Aucun bigot n'est jamais devenu un saint. Au contraire.... Eh bien, lisez la vie d'hommes comme Augustin et vous comprendrez. En fin de compte, Dante, pour atteindre le Paradis, doit d'abord passer par tout l'enfer.

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Dans cette alternance entre fête débridée et pénitence, il y avait une profonde sagesse. Une sagesse spirituelle, certainement. Mais aussi une sagesse sociale. Car, en fin de compte, le gouvernement des choses terrestres, l'ordre temporel, a toujours reflété un ordre beaucoup plus élevé. Métaphysique, spirituel... appelez ça comme vous voulez.

Le pouvoir, tout pouvoir terrestre, a toujours eu l'intelligence de comprendre la nécessité de la licence. C'est-à-dire des moments où les impulsions, les désirs et les instincts, normalement comprimés, doivent pouvoir émerger. Et avoir un exutoire. Le peuple, n'importe quel peuple, ne peut pas vivre éternellement sous des règles. Vrai ou faux, oppressif ou plus libéral.

La nature humaine, et plus généralement la Nature elle-même, ne peut être un ordre juste. Même pas le meilleur ordre possible. Elle a besoin de désordre. Le Cosmos existe parce que le Chaos existe. Devant les temples dédiés à Apollon, il y avait toujours un autel consacré à Dionysos.

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Les Saturnales romaines, comme les Antestersias athéniennes, avaient également cette fonction, en plus de la fonction sacrée. dont il était la projection nécessaire. La part d'ombre de notre psyché doit parfois être autorisée à émerger. Et avoir un exutoire. Elle ne peut pas toujours et uniquement être réprimée. Et là, Freud avait raison. Ce qui, à un niveau social, et donc collectif, se traduit par la nécessité d'accorder, même aux tyrannies les plus sombres et les plus oppressives, des moments de fête libérateurs.

Le règne des Bourbons à Naples a été qualifié avec mépris de "festin, farine et gibier". Mais un vieux monsieur réactionnaire m'a dit un jour : "Bien sûr, il y avait la potence. Mais il y avait Farina, donc tu pouvais vivre. Mais, par-dessus tout, il y avait la Festa".
Le festival. La gaieté nécessaire qui rend supportable une existence normalement triste.

Cela me rappelle un épisode qui m'a été raconté, je ne me souviens plus qui, il y a de nombreuses années. Il y avait un parti de matriculation à Florence, si ma mémoire est bonne. Achille Starace, alors secrétaire du PNF, l'homme des liturgies du Régime, y assiste. Les goliards l'ont pris au poids, comme pour l'emporter en triomphe. Mais c'était un triomphe très étrange. Parce qu'ils ont chanté des chansonnettes se moquant de lui de la manière la plus grossière. Et quelqu'un, semble-t-il, piquait par en dessous le cul du puissant hiérarque avec une aiguille à matelas. Personne n'a été arrêté ou dénoncé. Et Starace a esquissé un sourire à la fin, exprimant son bon gré.

Aucun régime, aucun tyran n'a jamais rêvé de renier le Parti. Le moment libérateur où le malaise qui couve au plus profond des entrailles du peuple trouve un exutoire. Et subit une catharsis. En effet, aucun tyran n'a probablement jamais pensé à l'anéantissement systématique du peuple qu'il dirige. De leur économie et de leur vie. La seule exception est peut-être le régime des Khmers rouges au Cambodge. Peut-être... Mais dans notre histoire, les tyrans, les despotes, les régimes autoritaires et totalitaires ont toujours toléré le carnaval. Le moment nécessaire du désordre, du chaos, pour maintenir l'ordre.

Un petit commentaire. Depuis bientôt trois ans, le carnaval, comme tous les autres festivals, nous est refusé. Trois ans de Carême morne. Avec les couleurs froides et plombées qui dominent la deuxième partie de "Fanny et Alexandre" de Bergman. Le manoir lugubre du pasteur protestant bigot. Presque trois ans...

Andrea Marcigliano.

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Le chemin de la vie noble: le tir à l'arc

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Le chemin de la vie noble: le tir à l'arc

Azione Tradizionale

Ex: https://www.azionetradizionale.com/2022/02/07/il-sentiero-della-vita-nobile-il-tiro-con-larco/

Les origines

L'arc est sans doute l'une des plus importantes inventions de l'homme et a accompagné son évolution. À l'exception de l'Australie, de la Polynésie et de la Micronésie, l'arc est connu dans le monde entier depuis l'Antiquité. Ayant été inventée et perfectionnée à différentes époques et dans différents pays de manière tout à fait indépendante, il est difficile d'établir avec exactitude la date de sa première apparition ; cependant, on peut raisonnablement considérer qu'il s'agit d'une arme établie dès le Paléolithique, comme le montrent certaines peintures rupestres d'Altamira (Espagne). L'avantage évident et incroyable que l'invention de l'arc a apporté à la chasse était la possibilité de frapper la proie à distance et en toute sécurité.

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À partir de cet outil encore primitif, mais déjà complexe et efficace, des dizaines de types d'arcs différents et raffinés ont été développés à différentes époques et civilisations, à des fins de guerre, de chasse et de techniques de tir. Lorsque l'Europe était encore habitée par des peuples sauvages, les aspects philosophiques du tir à l'arc, qui avait déjà atteint un très haut niveau de spécialisation dans ce pays et faisait partie intégrante des techniques de guerre, ont été exposés en Chine. L'arc était utilisé par les anciens Égyptiens, qui, à l'époque biblique, avaient déjà expérimenté l'utilisation de métaux et d'autres matériaux que le bois, ainsi que par les Scythes, les Babyloniens, les Assyriens, les Perses et les Parthes, qui utilisaient des arcs courts et puissants, tirés directement de la selle du cheval.

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Il convient également de mentionner les archers mongols et japonais, dont la capacité à atteindre la cible depuis un cheval au galop était proverbiale, et les Amérindiens, qui étaient capables de tirer sur des bisons et des buffles avec leurs arcs.

En Europe, l'histoire de l'arc a son épicentre en Angleterre, où l'outil, probablement introduit par les Danois, s'est rapidement répandu dans le Pays de Galles au Moyen Âge. Malgré l'incroyable puissance de l'arc gallois et la grande habileté de ses archers, ce n'est qu'après la conquête normande que les rois anglais manifestent une préférence pour cet instrument par rapport à l'arbalète (plus lente à charger) et que l'outil, avec quelques modifications, est adopté dans toute l'île. L'arc long, le "roi des arcs", était ainsi établi et son efficacité sur le champ de bataille est attestée par divers épisodes historiques. L'arc long était fabriqué à partir d'une seule pièce de bois, généralement de l'if, dont la longueur variait en fonction de la taille de son propriétaire et était approximativement égale à l'envergure de ses bras.

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La glorieuse histoire de l'arc doit son irrémédiable déclin à l'avènement des armes à feu : les arcs et les flèches disparaissent définitivement de la scène guerrière vers la fin du XVIIe siècle, laissant la place aux arquebuses et aux bombardes.
 
Une alternative à la dégradation et au désert existentiel

Dans la vision moderne du sport, le contenu éducatif et formateur, qui est la base principale de toute activité gymnique correcte, visant un développement intérieur et physique équilibré, a progressivement perdu de son importance jusqu'à être pratiquement inconnu de la plupart des gens. Dès que la motivation principale du sport devient le succès ou les résultats pratiques, les portes sont ouvertes à l'exaspération technologique ou, de manière similaire, à une exaltation mythique des capacités conditionnelles (force, résistance, etc.). En d'autres termes, la recherche maniaque de la performance et la perte des valeurs plus proprement humaines conduisent facilement à la dégradation, qui devient aussi un vide intérieur et spirituel.

Tout cela devient évident, même pour les personnes peu sensibles, lorsqu'on considère la pratique répandue du dopage - l'utilisation (ou l'abus) de substances chimiques ou de drogues dans le but d'augmenter artificiellement les performances physiques de l'athlète. Le dopage, aujourd'hui très répandu non seulement dans le sport professionnel mais aussi dans le sport amateur, met en évidence le mirage du succès à tout prix : lorsque le seul objectif est le résultat pratique, dans une société malade comme la nôtre, tous les moyens "deviennent" légaux...

Outre le dopage, le concept de "puissance", évidemment à la mode en ce moment historique, met bien en évidence la projection mentale vers les aspects liés à la seule réussite extérieure.

Dans la vie contemporaine, la technologie a donc, en général, pris le dessus sur l'action humaine, qui devient, par une déviance inévitable, complètement secondaire par rapport à des outils en constante évolution, toujours plus précis, raffinés et puissants. C'est comme si l'homme quittait la scène, du moins en partie, renonçant à une action à vivre intensément, complètement.

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Les arcs n'ont pas échappé à l'évolution technologique : poulies, viseurs et stabilisateurs de plus en plus sophistiqués augmentent incroyablement les performances, qui peuvent devenir l'objectif principal du tir, au détriment d'une amélioration plus importante des qualités humaines. En d'autres termes, l'extrême spécialisation exigée par une vision de l'activité sportive uniquement liée aux résultats pratiques et à la performance rend l'homme de plus en plus semblable aux machines qu'il a lui-même inventées pour "progresser" : l'athlète devient semblable à une machine sans âme qui court après le mirage du succès. Lorsque, en revanche, l'équipement est moins performant et le physique moins "spécialisé", il est nécessaire d'impliquer d'autres capacités : des éléments tels que la sensibilité, l'intelligence, la coordination, l'évaluation de ce qui est bien et de ce qui est mal, favorisant ainsi un développement plus complet et harmonieux de l'esprit et du corps, acquièrent une valeur.

Si l'on considère la délicate question de savoir quelles activités sont réellement formatrices pour l'être humain, le point de départ et, en même temps, le point d'arrivée consiste à comprendre qu'il est plus facile de travailler sur l'homme et sa formation, lorsque le rôle de la technologie ou de la musculature est moindre, ou tout au plus égal, à celui de l'action humaine proprement dite.
 
Le tir traditionnel dans le monde moderne

Le tir à l'arc traditionnel se pratique généralement avec des arcs historiques, le longbow et le recurve. Dans ce type d'arc, l'être humain doit manipuler l'ensemble de l'outil afin d'atteindre la cible sans utiliser de viseur et de stabilisateurs.

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Avec le tir traditionnel aujourd'hui, il est possible de redécouvrir certains contenus essentiels pour la formation d'un homme non homologué à la philosophie dégénérée de la société contemporaine. Un premier aspect qui devient évident dès le moment où la première flèche est tirée est la difficulté de coordonner la cible, l'arc, la flèche et l'archer dans une action précise. La valeur de la coordination et des compétences techniques pour la formation est bien connue, non seulement en termes d'aspect strictement physique, mais aussi et surtout en termes de sphère d'être plus générale et complète. Il suffit de se rappeler que l'intelligence humaine est beaucoup plus liée à la qualité et à la capacité qu'aux aspects quantitatifs et matériels, pour comprendre pleinement l'importance de pratiquer des activités dans lesquelles les éléments techniques et de coordination sont prédominants.

Il ne s'agit pas seulement de savoir ce qu'il faut faire,
Je ne suis pas meilleur si je fais une chose plutôt qu'une autre,
tout dépend de comment je fais cette chose.

Le premier objectif d'un archer qui veut se lancer dans le tir traditionnel est d'apprendre avec une grande précision le mouvement nécessaire pour tirer correctement la flèche. En améliorant votre technique avec la pratique, vous réaliserez combien il est important d'apprendre à gérer votre concentration mentale. Dès le VIe siècle avant Jésus-Christ, Platon a clairement indiqué le processus intérieur qui permet à l'âme humaine d'être conduite vers le haut, du monde de la génération à celui de l'être. La clé est d'identifier les objets et les disciplines qui invitent "l'intellect à s'interroger", à travers un processus dans lequel l'âme se trouve confrontée à deux sensations opposées. En pratique, il s'agit de coordonner des éléments contrastés, par la "comparaison des contraires". Au moment où nous tirons la flèche, il est possible d'opérer ce processus intérieur en divisant l'attention en deux ; d'un côté nous dirigeons la concentration vers la cible que nous voulons atteindre et de l'autre côté nous la maintenons immobile, dans le corps, en particulier nous la plaçons dans le geste que nous effectuons en tirant la flèche.
Sans entraînement adéquat, l'esprit humain tend vers une hyperactivité chaotique : les pensées, qui se succèdent généralement de manière rapide et aléatoire, affectent négativement le geste technique, provoquant une déviation plus ou moins marquée de la trajectoire de la flèche.

Parfois, c'est comme si l'esprit voulait maîtriser et soumettre tout ce qui est extérieur à lui, entravant le libre fonctionnement de tous les composants, dans ce cas, l'arc, la flèche et l'archer. La capacité de calmer la pensée, de la stabiliser, est le point de départ d'une implication correcte de l'esprit dans l'action de tirer.
 

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Wu-wei (Ne pas faire)

Une grande partie du contenu du principe taoïste, exprimé dans les termes "wu-wei" (ne pas faire), est adaptée au tir à l'arc.

Le manque d'équilibre dans l'action, avec la prédominance de la phase active (yang) sur la phase passive (yin), conduit généralement l'homme à une erreur typique dans le geste technique et athlétique, qui consiste en une tendance à exécuter des mouvements excessifs, exagérés ou inutiles, au point de générer des erreurs et de forcer. L'action correcte, en revanche, implique un équilibre entre le yin et le yang ; il faut certes agir, mais il s'agit d'agir sans excès, en n'effectuant que les mouvements strictement nécessaires.

En tir à l'arc, il s'agit de bouger le corps dans le seul but de faire fonctionner l'arc comme il doit le faire. Cela semble très simple, mais ça ne l'est pas : la moindre imperfection affecte le vol de la flèche. L'effort requis, dans le cadre du tir traditionnel, pour l'apprentissage de l'action correcte ne peut être comparé à l'effort super spécialisé requis - par exemple - par un compound moderne avec viseur et déclencheur mécanique: cet outil, si sophistiqué et technologique, prédomine sur l'action humaine et tend à la remplacer dans la recherche de la précision.

Le moment clé du tir est le lâcher, c'est-à-dire l'instant où la main qui tient la corde doit s'ouvrir pour permettre à l'arc d'imprimer une force à la flèche dans la bonne direction. Pour effectuer correctement le lâcher, les rôles des muscles du dos et de l'épaule sont déterminants, car ils sont adéquatement impliqués et n'interfèrent donc pas avec le vol de la flèche, évitant de dévier sa trajectoire.

Faiblesses humaines et obstacles à la connaissance :
si la flèche atteint la cible, le mérite en revient à l'archer,
si la flèche ne touche pas la cible, la faute en revient à l'archer.

Le tir à l'arc peut mettre en lumière certains aspects misérables de l'âme humaine.

L'homme moderne, qui ne suit pas un chemin d'amélioration intérieure, a une forte tendance à s'attribuer le mérite de ce qui arrive par hasard et à ne pas assumer la responsabilité de ce qu'il fait, surtout lorsque le résultat de l'action ne répond pas aux attentes. Au tir à l'arc, il n'y a pas d'excuses, la flèche va là où vous la tirez, pas là où vous voulez l'envoyer. Simplement et inévitablement.

La meilleure façon d'éviter de générer des fantasmes et de connaître le niveau de précision que nous avons atteint dans le tir est d'évaluer les flèches tirées, en excluant aussi bien celles qui sont les plus proches de la cible que celles qui en sont les plus éloignées : si, par exemple, nous tirons trois flèches, notre niveau est indiqué par la flèche intermédiaire, c'est-à-dire celle qui n'est ni la plus proche ni la plus éloignée de la cible.
 
Viser ou ne pas viser : les fantasmes de tir traditionnels

En raison du fait qu'ils n'utilisent pas le viseur, de nombreux archers ont romancé à l'excès un "instinct" présumé qui permet à l'archer de tirer la flèche au bon moment et d'atteindre la cible. En réalité, il s'agit d'une pure fantaisie : l'action de viser n'implique pas nécessairement une visée sophistiquée. L'exaltation du prétendu "instinct" peut provenir de l'ignorance de la dynamique précise du tir et du vol de la flèche ; la flèche vole en parabole, ce qui signifie que plus la cible est éloignée, plus la parabole devra être large, c'est-à-dire que la flèche devra être tirée plus haut pour l'atteindre, tandis que plus la cible est proche, plus la parabole tendra vers une ligne droite et la direction du tir sera plus basse.

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De la même manière que pour lancer une pierre, pour tirer correctement à l'arc, il faut également tenir compte de la distance de la cible et de la parabole de la flèche, ainsi que du geste de tir proprement dit. Dans d'autres cas, ce sont des archers très entraînés qui exaltent l'"instinct" qui les conduirait à atteindre "mystérieusement" la cible, alors que c'est au contraire la fréquence élevée de l'entraînement qui favorise l'identification de la levée correcte de la flèche par rapport à la distance de la cible. En d'autres termes, lorsqu'on est particulièrement habitué à évaluer les distances, on est capable d'ajuster l'élévation de manière "automatique", en effectuant un tir qui n'est qu'apparemment "instinctif", c'est-à-dire non visé.
 
L'arc et la chasse

Ce qui a été dit sur l'équilibre entre l'action humaine et la technologie, ainsi qu'entre les capacités de coordination et de conditionnement, est particulièrement valable dans le cas de la chasse. Un chasseur qui n'est pas soucieux de trouver un équilibre entre les moyens qu'il utilise et l'animal qu'il chasse ne doit pas être considéré comme tel. Pensez au massacre des bisons par les "visages pâles" et leurs armes à feu ; ces hommes auraient pu être n'importe quoi, certainement des tueurs d'animaux, des marchands ou des ivrognes, mais ils n'étaient certainement pas des chasseurs. Si l'idée d'utiliser un seul tir de fusil existe pour réduire l'écart entre le chasseur et l'animal, alors l'utilisation de l'arc comble évidemment cet écart, ou du moins le réduit considérablement. L'expérience de la chasse à l'arc projette l'homme dans une autre dimension, lui permettant de revivre des expériences qui ont été fondamentales dans l'histoire de l'homme lui-même.

En réalité, la chasse devient presque secondaire par rapport au contexte plus général d'une action humaine complexe qui précède la capture d'une proie : lire les traces, savoir se déplacer sans faire de bruit, la capacité d'attendre et d'exercer l'art de l'embuscade, confronter certains aspects en sommeil dans la vie ordinaire comme l'intuition, la perception accrue, la peur, le froid...

Une telle expérience favorise la compréhension de l'importance de l'action humaine, indépendamment du résultat pratique que l'on souhaite obtenir, et esquisse un chemin possible vers la connaissance des limites ou, mieux, de l'échec de la culture matérialiste de l'apparence, caractérisée par le vide des valeurs et la dégradation, désormais facilement reconnaissable dans la société contemporaine.

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La gauche et les ouvriers: la vie des autres

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La gauche et les ouvriers: la vie des autres

Fabian Schmidt-Ahmad

Source: https://jungefreiheit.de/debatte/kommentar/2022/die-linke-und-der-arbeiter/

C'est une impressionnante démonstration de force. La capitale du Canada, Ottawa, a déclaré l'état d'urgence, le Premier ministre Justin Trudeau se cache depuis des jours, le gouvernement titube. Les camionneurs, qui doivent maintenir l'approvisionnement dans ce pays rude et peu peuplé, ont rejoint la capitale en convois gigantesques. Comme leur bras puissant le veut, des milliers de roues sont à l'arrêt depuis des jours ; en même temps, une vague de solidarité submerge la nation.

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Ce qui a commencé par une obligation de vaccination pour les transports transfrontaliers s'est transformé depuis longtemps en une protestation contre la restriction des libertés, dont les justifications sont de moins en moins compréhensibles pour les citoyens. Une période troublée qui, pourrait-on penser, devrait être un moment fort pour la gauche politique. Ici, l'ouvrier, le camionneur, qui traînait jusqu'ici sur sa selle la superstructure culturelle d'une classe chic improductive et qui lui fait désormais sentir la réalité.

Mais à quelques exceptions près, le regard des politiques de gauche sur les énormes "road trains" qui se faufilent dans les rues est craintif, voire ouvertement hostile. Car ils sont depuis longtemps devenus partie intégrante du "monde chic".

Le monde idéologique de la gauche

Ce qui amène les gauchistes dans la rue, en revanche, a rarement à voir avec le monde de l'ouvrier. Lorsque des justiciers "woke" protestent à Berlin contre le gaspillage alimentaire en bloquant des bretelles d'autoroute, il est fort probable que l'artisan énervé qui les fait sortir de la chaussée soit leur premier contact avec la classe ouvrière. Comment en est-on arrivé à une telle aliénation ? Il faut pour cela plonger dans les profondeurs idéologiques.

Selon la conception marxiste, les rapports de production déterminent la conscience humaine. Si ceux-ci changent, une nouvelle classe sociale apparaît avec sa propre conscience. Qu'y a-t-il donc de plus proche que de changer les conditions par une compréhension rationnelle des forces sociales dans un acte révolutionnaire, de telle sorte qu'une nouvelle classe humaine avec une conscience supérieure puisse être cultivée ?

Les tentatives de la gauche de s'immerger dans la réalité pratique de la vie ont toutes échoué. La conséquence n'a pas seulement été la mort et la misère par millions. Ce qui a été encore pire pour la théorie, c'est que cette nouvelle conscience n'est tout simplement pas venue. L'homme soviétique, à peine libéré des contraintes socialistes, est redevenu un Russe, un Estonien, un Polonais, qui invoque devant lui et devant le monde la sainteté de la famille, l'amour de la patrie et la bénédiction divine sur tout.

Des conditions réelles non découvertes

De toute évidence, Karl Marx et ses partisans n'avaient pas découvert les conditions réelles, mais quelque chose d'autre. A savoir une méthode d'accumulation du pouvoir qui flatte la vanité humaine et assure ainsi une subsistance rémunératrice. L'intellectuel de gauche était né, qui apporte essentiellement du bavardage sur le social et attend en retour d'être pris en charge par certaines parties productives de la société.

La conscience qui ne pouvait que se former à partir de cette relation - et ce, selon l'hypothèse de la gauche - est celle du comédon. L'intellectuel de gauche espérait un bond en avant, par la force de son esprit, pour la société. En réalité, il fait reculer celle-ci d'un cran.

Son mode de vie n'est pas celui de l'ouvrier, ni celui du capitaliste, mais un réseau de dépendances personnelles, d'obligations, de faveurs. Un échange de postes et de privilèges, une surveillance et des pots-de-vin réciproques. En bref, c'est la vieille société féodale qui connaît actuellement une renaissance sous la forme de l'État des partis. Les valeurs de la bourgeoisie ne sont plus que des décors de façade.

Seule l'appartenance à un groupe est valable

L'égalité devant la loi n'est plus valable, mais seulement l'appartenance à un groupe que l'intellectuel de gauche attribue aux autres. C'est aussi ce statut, couplé à la soumission au parti, qui permet d'accéder à la prospérité. En revanche, ce que l'on apporte concrètement à la société n'intéresse pas plus le seigneur féodal que le sacrifice de ses serfs. Le nouveau mercantilisme, c'est autant de capitalisme que nécessaire, autant de socialisme que possible, pour l'optimum de la communauté captatrice de rentes et de subsides.

Il y a pourtant une différence avec l'Ancien régime : cette classe pouvait encore s'enorgueillir d'un passé où elle a sans doute produit les plus hautes fleurs culturelles de l'humanité, avant de s'effondrer, vidée de sa substance. Mais vers quelles hauteurs l'intellectuel de gauche doit-il regarder ? Tout en lui est mensonge, même la prétention d'être intellectuel. Car pour ignorer toutes les absurdités et les contradictions des théorèmes de gauche, il faut déjà avoir un talent pour l'entêtement conceptuel.

Nourri par l'exploitation

Si l'intellectuel de gauche était honnêtement stupide, il aurait pu, avec une modestie socratique, repousser les limites de son intellect par un travail acharné. Mais sa vanité hautement cultivée empêche cette prise de conscience. "Les contradictions de ta pensée", lui chuchote-t-elle à l'oreille, "ne sont pas l'expression d'un échec, mais d'une conscience supérieure, dialectique, que ton entourage est trop limité pour saisir". Et tu n'as donc pas besoin de le lui expliquer.

C'est ainsi que vit l'intellectuel de gauche, un fœtus âgé dans le sac amniotique, nourri par l'exploitation. Il remercie gentiment les puissants et aboie contre tous ceux qui trouvent cet ordre de domination injuste. Si l'absolutisme s'est appuyé sur un sacerdoce décadent pour se protéger idéologiquement, l'intellectuel de gauche en est le descendant laïc.

Les sociétés occidentales se nourrissent encore du travail constructif de leurs ancêtres, mais tout est fini. Dans un climat aussi dur que celui du Canada, les échecs ne se manifestent que plus rapidement qu'ailleurs. Il peut alors arriver à l'Ancien régime que des colosses d'acier fassent vrombir les façades vitrées des immeubles comme des animaux préhistoriques enragés. L'intellectuel de gauche contemple cette agitation avec étonnement. Et quelque part dans sa peur, un pressentiment de réalité se fait jour.

JF 7/22

Martin Sellner: Paradoxes politiques

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Paradoxes politiques

Martin Sellner

Ex:  Sezession 79/août 2017 - https://sezession.de/sezession-79-august-2017

Martin Sellner est à la tête du mouvement identitaire autrichien.

La métapolitique est un chemin sur une ligne de crête étroite. Des deux côtés, des abîmes menacent. On ne peut avancer que sur une "voie médiane" et il faut constamment tâtonner. Il en résulte quelques paradoxes. J'aimerais en présenter deux dans ce texte.

Le premier est ce que l'on appelle le Political Identity Paradox et a été nommé et donc "découvert" pour la première fois par Jonathan Matthew Smucker, un étudiant d'extrême gauche de Berkeley. Il décrit une problématique fondamentale : chaque mouvement politique a besoin d'un noyau de militants idéalistes qui le portent sur le long terme. Si le mouvement est vraiment oppositionnel, c'est-à-dire dans une position marginale, il a un manque fondamental de masse, d'hommes et de matériel, que seul l'idéalisme peut combler.

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Cet idéalisme, et avec lui le courage, la discipline et la fiabilité, nécessite une forte identité de groupe. Le sentiment du "nous" doit compenser les sacrifices que l'on doit faire. Une forte identité de groupe est toutefois - et c'est là que commence le paradoxe - toujours et nécessairement exclusive. L'"appartenance" à une clique, qu'il s'agisse d'un gang de motards, d'un groupe de hooligans ou d'un groupe antifasciste, s'avère justement si désirable parce que tout le monde ne peut pas en faire partie. L'habillement, le comportement et le jargon marquent une frontière nette entre la communauté élitiste et "les autres". Cette frontière crée la tension interne nécessaire à une forte identité de groupe et à un idéalisme durable.

Mais c'est justement cette forte identité de groupe qui conduit aussi à l'enfermement du mouvement. Pour un gang de motards ou un groupe antifasciste qui n'a pas d'objectifs ou de stratégies politiques concrets, cela ne pose pas de problème. En revanche, tout groupe métapolitique doit rester ouvert. Mais une forte identité de groupe réduit les possibilités de croissance, de formation d'alliances, de connexion et d'influence, ce qui contrecarre l'objectif politique du groupe. Ce dont le groupe a besoin pour tenir le coup conduit en même temps à son isolement. Ce qui fait son rayonnement et sa force d'attraction repousse en même temps ceux qui n'en font pas encore partie. C'est le paradoxe de l'identité politique.

Smucker cite comme exemple la désintégration de la grande organisation de masse SDS ("Students for a democratic society") dans les années 1960. Le vaste mouvement d'extrême gauche, basé sur des structures, a été démantelé par la fraction extrémiste et plus tard terroriste des "Weathermen". Le noyau élitiste s'était éloigné de ses propres membres, qu'il méprisait en raison de leur demi-mesure libérale.

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Ce mépris s'est manifesté lors des "Days of Rage". Entre le 8 et le 11 octobre 1969, la faction élitiste-extrémiste a voulu "ramener la guerre à la maison" et a semé la désolation à Chicago. Mark Rudd, l'un des porte-parole radicaux, a annoncé dans un discours : "Le SDS n'est pas assez radical. Il doit mourir". Lui et un autre centriste allèrent même jusqu'à déverser tous les dossiers et les listes de membres du bureau du SDS à Chicago dans une décharge. Avec cette attitude élitiste et extrémiste, qui a logiquement mené au terrorisme, les "Weathermen" avaient, comme l'a noté avec délectation le FBI, "effrayé presque tous leurs partisans" et détruit leur véritable force de frappe.

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La forte identité de groupe est nécessaire pour compenser l'absence habituelle de structures fixes, de hiérarchies et de salaires. Elle seule constitue une réassurance, renforce la confiance et crée la cohésion nécessaire à l'activisme politique. Et c'est ainsi que se forment des cercles fermés avec des rituels, un style de vie et des projets d'habitation. Mais ces cercles de politique préfigurative agissent souvent sur les nouveaux venus comme un "choc culturel". Ils compliquent définitivement l'entrée en matière, souvent ils échouent même, et le cercle des familiers ne s'agrandit pas, bien qu'il gémisse sous sa charge de travail. Pendant ce temps, les sympathisants ne sont pas pris en charge et restent inactifs sur le côté.

Smucker recommande un équilibre entre le bonding et le bridging. Sans un fort bonding et un sentiment de "nous", le groupe n'a pas la force nécessaire pour un activisme à long terme. Mais sans bridging, c'est-à-dire ouverture et capacité de connexion, le groupe se dégrade en une secte isolée dont le chemin peut aboutir à la violence et à la terreur.

Surmonter le Political Identity Paradox est donc l'une des grandes tâches des leaders de mouvements politiques. Ils doivent promouvoir l'identité du groupe, mais ne doivent jamais s'y fondre eux-mêmes. Le bonding se fait de lui-même lorsqu'on encourage les activités au-delà des actions. Le bridging, en revanche, nécessite une intervention ciblée. Le pont vers l'extérieur doit tenir, l'échelle doit freiner là où s'installe une envie élitiste de trop de "nous-mêmes".

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Le numéro de Sezession d'où cet article de Martin Sellner est extrait.

Ce sont moins des codes extérieurs qu'un objectif commun et une volonté commune de changement politique qui doivent former l'esprit du groupe central. Un sentiment de "nous" affamé et politique, et non statique et sous-culturel, empêche l'isolement et le glissement vers l'autosuffisance politique. Le deuxième paradoxe ne concerne pas l'interne, mais l'activisme. Il s'agit du "paradoxe de la polarisation". Il décrit la nécessité pour un mouvement métapolitique de polariser la société dans la provocation, quitte parfois à froisser sa propre base de sympathisants. Comprendre cette dialectique est particulièrement important, car cela signifie également comprendre la différence entre un parti et un mouvement.

Commençons par une métaphore : le mouvement a la fonction de la hache, le parti celle de la charrue. Le mouvement défriche les terres métapolitiques et les rend cultivables. Il remue et est disruptif. Le parti exploite et travaille le terrain ainsi défriché. Alors qu'il se déplace toujours dans le cadre du possible et du praticable et qu'il cherche la position la plus proche par une habile "triangulation", le mouvement doit faire éclater le cadre.

La tâche du parti est de gagner du pouvoir politique réel en maximisant les voix. Le jour des élections, son succès est illustré par le pourcentage de voix obtenues, et il doit formuler ses revendications de la manière la plus cohérente possible. L'outil de la provocation doit être utilisé, si tant est qu'il le soit, pour attirer l'attention.

Le mouvement métapolitique, quant à lui, dépasse le cadre de la "normalité" dans lequel le parti cherche à s'intégrer. Pour l'élargir, il doit franchir régulièrement, de manière ciblée et contrôlée, les limites du dicible. Son élément est la provocation. Elle n'est efficace que si elle est perçue en masse. Le mouvement doit rassembler suffisamment d'activistes et de sympathisants pour pouvoir mettre en œuvre des stratégies de désobéissance civile à long terme et des campagnes contre les piliers de soutien (Gene Sharp) de l'idéologie dominante.

Cependant, il existe au centre de la société (en particulier à sa droite) une opposition de principe à l'activisme politique, indépendante de l'accord sur le contenu : plus un mouvement provoque et polarise, plus il perd sa capacité d'adhésion, dont il a à son tour besoin pour son efficacité métapolitique. Le paradoxe est ainsi mis en évidence. Deux tâches différentes s'y dessinent.

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D'une part, il y a la fenêtre d'Overton. Il s'agit de l'espace du dicible, au milieu duquel la moyenne (de la population) s'oriente. Aujourd'hui, le souverain est celui qui décide du cadre de l'Overton window et qui impose le politiquement correct. Les partis populistes de droite doivent eux aussi s'adapter à ce comportement dans leur mission de maximisation des voix. Malheureusement, beaucoup "naturalisent" cette nécessité pragmatique et en font ainsi une vertu politique. Ils occultent le fait que l'ensemble du système de référence s'est déplacé vers la gauche depuis des décennies. Le fait qu'il soit soudain devenu "völkisch et raciste" de vouloir un pays homogène sur le plan ethnique et culturel, que la promotion des naissances soit automatiquement soupçonnée de vouloir ressusciter le "Lebensborn", que nous devions accepter le remplacement de population et le statut de "pays d'immigration" comme une normalité, que les monuments aux morts soient retirés et que l'idéologie du genre soit inscrite de plus en plus tôt dans les programmes scolaires - tout cela est le résultat du déplacement vers la gauche de l'Overton window.

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Comment le parti et le mouvement peuvent-ils s'y opposer ? Comment déplacer cette fenêtre si l'on n'a pas de pouvoir d'interprétation ? Le moyen est la provocation planifiée et connectée. Le passage de la frontière par le bord de la fenêtre doit être régulièrement effectué, répété et établi par une avant-garde, et dans la mesure où ces passages de la frontière reçoivent les ressources centrales que sont l'attention et l'approbation de la masse, cette répétition mène à la normalisation et à l'établissement. Ce qui est considéré comme "trop extrême" est renégocié, et la fenêtre politique se déplace dans la direction opposée. Trois pas en avant et deux pas en arrière - telle était la tactique des Fundis de la gauche radicale et des Realos modérés de gauche. Entre chocs ciblés et confort conciliant, ils ont forcé le paysage métapolitique allemand vers la gauche.

La réponse nécessaire et attendue peut et doit utiliser les mêmes moyens. Les revendications pour la fermeture des frontières et la remigration, la préservation de notre identité ethnoculturelle et la fin de la censure doivent être répétées jusqu'à ce que l'Overton window soit replacé dans une position centrale saine. A cet égard, il faut savoir que les nombreuses petites avancées et provocations ne sont efficaces que si elles "entraînent" un grand groupe du camp de l'opposition. Si elles n'entraînent pas de sympathisants, elles n'ont aucun sens. Elles ne font alors que "jouer" avec l'existant, ce qui nourrit certes un homme (ou toute une rédaction), mais ne provoque pas le changement de situation nécessaire.

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La "provocation connectée" est le moyen de sortir du paradoxe de la polarisation. Elle exige une sérénité provocatrice de la part du mouvement activiste. L'objectif ne peut pas être de plaire à tout le monde. Frances Fox Piven écrit dans son livre Challenging Authority : "Le conflit est le battement de cœur des mouvements sociaux". La polarisation "oblige les gens à se demander où ils se situent par rapport aux thèmes". Et plus encore:

"Les mouvements de protestation menacent de diviser les coalitions majoritaires que les politiques s'efforcent de maintenir ensemble. Pour stopper les éventuels sortants, les politiques prennent publiquement de nouvelles positions". C'est exactement ainsi qu'il faut comprendre la reprise des revendications de l'AfD et du FPÖ par la CDU et l'ÖVP. Elle n'est pas une raison de désespérer, mais pas non plus une raison de se réjouir, mais de renforcer la poussée contre le Overton window gauchiste.

Le phénomène selon lequel le camp de l'opposition sympathise certes avec les idées du mouvement, mais moins avec ses formes d'action, est aussi vieux que la résistance politique elle-même. Il ne faut pas avoir peur de récolter des critiques, même dans nos propres rangs, car nous sommes en bonne compagnie. Même les stratégies de polarisation réussies de Martin Luther King et du Mahatma Gandhi ont été considérées comme contre-productives par leurs amis contemporains.

C'est ce qui est arrivé à King après le fameux "Projet C", la tactique de confrontation ciblée dans l'un des bastions de l'apartheid, à savoir Birmingham. Des violences policières massives et des arrestations avaient été provoquées, et King lui-même avait été emprisonné pour avoir bravé une interdiction de rassemblement.

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Lorsqu'il a écrit sa fameuse "lettre de prison", les critiques ont fusé, principalement de la part des libéraux blancs qui le soutenaient. "Nous comprenons l'impatience des gens qui ont le sentiment que leurs espoirs tardent à se concrétiser", écrivait un groupe de huit militants libéraux des droits civiques bien connus de l'Alabama, "mais nous sommes convaincus que ces manifestations sont imprudentes et n'arrivent pas au bon moment". King effraierait ainsi l'ensemble du "milieu de la société".

La résistance de Gandhi a également été considérée comme contre-productive par les opportunistes de son époque. Mais elle est tout aussi "contre-productive" que le contre au football qui affaiblit sa propre défense - donc contre-productive du point de vue du gardien de but. Le regard de l'entraîneur doit toutefois garder un œil sur l'ensemble et reconnaître où et quand la polarisation et le dépassement des limites de manière cohérente sont de mise.

Comprendre et maîtriser le paradoxe de l'identité politique et de la polarisation est une tâche quotidienne avec laquelle les "têtes pensantes" du nouveau mouvement patriotique se retrouvent généralement assez seules. Entre toutes les réflexions et pesées d'intérêts, un seul impératif clair se dégage : structure, ordre et discipline. Les différentes parties du camp peuvent fonctionner et interagir au mieux si elles comprennent leurs différentes tâches dans l'ensemble et reconnaissent ainsi la nécessité d'une séparation claire.

Le paradoxe de la polarisation, en particulier, n'en est pas vraiment un, mais se présente, d'un point de vue supérieur et stratégique, comme une attribution de différentes tâches. On ne peut pas être à la fois politicien de parti et militant d'un mouvement, pas plus qu'on ne peut être à la fois gardien de but et attaquant.

La provocation par le franchissement de l'Overton window et la conquête de la masse centrale s'excluent mutuellement, mais elles doivent agir ensemble. Personne ne reprochera au gardien de but de prendre le ballon en main, ni à l'attaquant de sortir de la surface de réparation. De même, personne ne pourra reprocher au mouvement de polariser, de construire une identité politique exclusive et une contre-culture provocatrice, alors que le parti a pour mission de former de nouvelles majorités dans le paysage politique ainsi assoupli et d'obtenir des succès en matière de Realpolitik.

La tâche des partis et des journaux et think tanks orientés vers le centre est de ne pas oublier la destination lors de leur nécessaire titillement du centre. Ils doivent reconnaître où et quand le cadre s'élargit et comment sécuriser et coloniser rapidement les zones ouvertes par le mouvement. Moins le parti et les journaux sont institutionnellement reliés à ce mouvement, plus cela est possible avec succès. La séparation claire et la répartition des tâches permettent une coopération métapolitique et une solidarité efficace en cas de diabolisation et de répression.

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Martin Sellner et son épouse Brittany Pettibone.

Mais si le parti et ses collaborateurs se laissent prendre au piège du paradoxe de la polarisation, en utilisant l'effet dissuasif de la provocation comme une raison pour se rapprocher rapidement du centre, ils sont devenus des agents du glissement vers la gauche. Cette catastrophe ne peut être évitée que si les égoïstes à courte vue des deux camps, qui ne comprennent que leur rôle et non le jeu, n'ont rien à dire. L'ordre et la structure doivent être mis en place pour que le nouveau mouvement patriotique puisse naviguer dans le détroit des paradoxes politiques.

Ce n'est que lorsqu'une nouvelle élite métapolitique s'imposera dans tous les groupes, partis et mouvements et qu'elle détrônera à chaque fois les opportunistes et les extrémistes, les sans-vision et les anarchistes, que le grand œuvre pourra aboutir. Pour travailler ensemble à cet objectif, un échange intellectuel, au moins indirect, est nécessaire. Ma conviction est que celui-ci fonctionnera d'autant mieux que chacun sera clairement conscient de sa tâche et de sa fonction, bref, que le gardien de but sera le gardien de but et l'attaquant, l'attaquant.

mardi, 15 février 2022

Dislocations politiques et révolutions systémiques

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Dislocations politiques et révolutions

 

systémiques

 

La Russie, la Triade et l'onde de choc

 

de la crise ukrainienne

 

Irnerio Seminatore

 

Source: https://www.ieri.be/fr/publications/wp/2022/janvier/dislo...

 

TABLE DES MATIÈRES

AVERTISSEMENT

L'HÉGÉMONIE ET LA PUISSANCE GLOBALE

LA PUISSANCE GLOBALE ET SES ATTRIBUTS. LE LINKAGE, LA DIPLOMATIE TOTALE, L’ « ALLIANCE GLOBALE » ET LA « GUERRE HORS LIMITE »

STABILITÉ ET CRITIQUES DE L'HÉGÉMONIE

ASYMÉTRIE ET INCERTITUDES STRATÉGIQUES

DEREGULATION ET PRECARITE STRATEGIQUE DU SYSTÈME INTER-ETATIQUE

L’ERE DE L’ASYMETRIE

LES STRATÉGIES DES « COMBINAISONS CROISÉES »

STABILITE ET INSTABILITE DE L’ORDRE HEGEMONIQUE

HÉGÉMONIE ET EMPIRE

THEORIES DES CYCLES HEGEMONIQUES

STRAUSZ-HUPE ET LES REVOLUTIONS SYSTÉMIQUES

SECURITE ET SOUVERAINETE

 L’UKRAINE, LA MER NOIRE ET LE THEATRE BALTIQUE

LA RUSSIE ET SES CONCEPTIONS POLITIQUES DE POLITIQUE ETRANGERE. LA RUSSIE EST ELLE A L’OFFENSIVE ?  

L’HYPOTHESE D’INVASION DE L’UKRAINE ET L’ONDE DE CHOC PREVISIBLE                     
           

AVERTISSEMENT

Ce texte est divisé en deux parties, dont la première, à caractère académique, fait référence à l’Hégémonie et à ses interprétations et figure sur le site www.ieri.be

La deuxième partie, à orientation stratégique, s’insère dans le débat sur la sécurité européenne et sur les événements de dislocation politique en Europe de l’Ouest.

DEUXIEME PARTIE

SECURITE ET SOUVERAINETE

La grande majorité des analystes expriment  la conviction que le système international actuel opère une transition vers une alternative hégémonique et ils identifient les facteurs de ce changement, porteur de guerres  de haute intensité, dans une série de besoins insatisfaits et principalement dans l’exigence de sécurité, repérable dans les conflits gelés et dans les zones d’influence disputées (en Europe, dans les pays baltes, en Biélorussie et en Ukraine et, en Asie centrale, au Kazakhstan , au  Kirghizistan, Afghanistan et autres points parsemés). L’énumération de ces besoins va de l’instabilité politique interne  et de ses problèmes  irrésolus, mais sujets à l’intervention de puissances extérieures, à  l’usure des systèmes politiques démocratiques, gangrenés en Eurasie, par l’inefficacité ou par la corruption et, en Afrique, par le sous-développement, l’absence d’infrastructures modernes, la santé publique et une démographie sans contrôle. Cependant le trait prédominant et grave demeure l’absence, au niveau du système, d’un leadership mondial établi, capable d’imposer et de faire respecter les règles créées par lui-même.

Or, sans la capacité d’imposer la stabilité et de s’engager pour la défendre et sans pouvoir compter sur la relation symbiotique entre l’hégémonie déclinante (USA) et l’hégémonie montante (Chine), comme ce fut le cas entre la Grande Bretagne et les Etats-Unis,  l'Hégémon ne peut exercer une prépondérance de pouvoir, par la diplomatie, l’économie, la coercition, ou la persuasion, que s’il ne garde pas  une suprématie inégalée, dans au moins un aspect essentiel du pouvoir international (armée, organisation militaire, avancées technologiques, ou autres).

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Fiche didactique sur le modèle de Modelski (en anglais): https://www.e-education.psu.edu/geog128/node/646

Or, selon le modèle de Modelski, les guerres majeures relèvent essentiellement de décisions systémiques. Elles doivent tenir compte de l’échiquier mondial, de la constellation diplomatique et du jeu des alliances, mais aussi de l’intensité et de la durée d’un engagement militaire éventuel ; en particulier  de mauvais calculs et des pulsions irréfléchies et revanchardes de certains acteurs (Kiev -Donbass).

Un signe d’affaiblissement de la puissance hégémonique est constitué en outre par la considération, réelle ou symbolique, que l’acteur dominant n’est plus bénéfique ou déterminant pour les grandes puissances ainsi que pour la communauté internationale. La manifestation la plus évidente de ce retournement du poids international de l’Hégémon, repose sur le rabaissement diplomatique, la perte de rang et l’exclusion des négociations diplomatiques de ses alliés les plus proches (Union Européenne). C’est le signe d’une régionalisation contre-productive de la sécurité et de la distinction entre théâtres d’action futurs.

L’UKRAINE, LA MER NOIRE ET LE THEATRE BALTIQUE

Alors qu’aux frontières de l’Ukraine, une guerre de haute intensité ne peut être exclue et que les politiques extérieures de deux des puissances de la Triade (les Etats-Unis et la Russie) testent leurs volontés et déterminations réciproques en Europe centrale et orientale, la géopolitique de cette zone, apparait divisée, aux yeux de la Russie en deux théâtres, la Mer Noire et la Mer Baltique et comporte deux stratégies différenciées.

Dans la Mer Noire, depuis la guerre de 2008 entre la Russie et la Géorgie, puis à partir de 2014, avec le retour de la Crimée dans le giron de la mère-patrie, s’exerce une prédominance militaire russe, contrastée par les agissements militaires de la Turquie, gardienne des détroits du Bosphore et des Dardanelles selon la Convention de Montreux (1935). Moscou y montre une préoccupation légitime, face aux tentatives de l’Otan de prendre de l’ascendant dans son flanc Sud, en menaçant directement le cœur de la Russie et en brisant la continuité stratégique avec la Syrie, la Méditerranée, le Proche et Moyen-Orient et le Golfe.

Dans la deuxième en revanche, depuis 2010, l’hypothèse d’une projection des forces russes vers le théâtre de la Baltique (Estonie, Lettonie et Lituanie, auxquelles il faut joindre récemment la Finlande et la Suède), est l’un des scénarios d’affrontement prévisibles, selon le documentaire de la chaine britannique BBC, Word War Three. Inside the War Room. L’impact psycho-politique de cette hypothèse, prenant en considération le caractère indéfendable de ces pays par l’Otan et par l’Occident, a eu pour but d’influencer la politique régionale de l’Hégémon, sollicité à intervenir. Par la mise en œuvre d’une dissuasion par le déni, les pays baltes sont ainsi parvenus à influencer les orientations de l’Allemagne et des Etats-Unis, dans la conception de contre-mesures, politiques, économiques et énergétiques (blocage de Nord Stream 2), ainsi que le durcissement de la position de la Pologne.

A l’échelle globale, la surextension impériale de l’Hégémon, disposant de bases militaires dans plus de cinquante-cinq pays, produit d’elle-même des stress stratégiques et s’approche de plusieurs points de rupture.

Par ailleurs la vulnérabilité des pays de la Baltique, mise en exergue par un rapport de la Rand Corporation de 2016, a influencé le renforcement stratégique de la part de Moscou à Kaliningrad, dans la conception de sa défense du flanc occidental. L’extension des tensions et des intérêts en conflit entre la Russie, l’Otan et l’Europe occidentale, dans l’élargissement du cadre d’action de l’alliance atlantique et son rapprochement à Moscou, justifie la question capitale suivante : la Russie est-elle à l’offensive ? La réaction russe à ce rapprochement progressif de la menace est indéniablement liée, dans la pensée et dans les perceptions stratégiques russes au système de défense anti-missiles et engendre inquiétude et exacerbation pour la volte-face américaine consécutive à la dissolution de pacte de Varsovie.  

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Ces sentiments remontent aux promesses liées à l’effondrement de l’Union Soviétique et à la disparition illusoire de la notion d’ennemi. La réponse à cette question pose par ailleurs l’exigence d’un recours à des explications d’ordre historique et culturel, car, à l’opposé de la géopolitique occidentale, s’exprimant en termes de souveraineté juridique et abstraite, la géopolitique russe se conçoit en termes de rapports de forces et de zones d’influence. Autrement dit, dans le sens classique du réalisme politique. Les intérêts de sécurité de la Fédération russe vont jusqu’à la revendication de droits historiques (Crimée, étranger proche). Sur la base de cette clé de lecture, on ne sera pas surpris de la demande par Moscou, d’un engagement écrit pour une reconnaissance de ses droits. Ceux-ci sauraient interprétés comme une satisfaction de prestige pour la place de la Russie dans les affaires mondiales. Ainsi le déplacement de l’accent diplomatique sur un accord de principe justifierait paradoxalement les évidences de l’histoire et de la géographie, par l’abstraction formelle du droit, autrement dit sur le contraire d’une ligne politique traditionnelle, appuyée sur le réalisme, la méthode coercitive et l’image de la puissance.

L’HYPOTHESE D’UNE INVASION DE L’UKRAINE ET L’ONDE DE CHOC PREVISIBLE

Or, la puissance réelle et la balance mondiale du pouvoir renvoient au système international et au troisième pilier de la triade, l’Empire du milieu.

La montée en puissance de ce dernier apparait renforcée par l’offensive politico-diplomatique de l’Hégémon en Europe et provoque un rapprochement de la Russie et de la Chine. Le renforcement des liens entre la Russie et les pays d’Asie centrale est ainsi le corrélat continental de la stratégie océanique de l’Hégémon dans l’Indo-Pacifique, par la stipulation d’une alliance tripartite (AUKUS), entre les Etats-Unis, le Royaume Uni et l’Australie, en fonction antichinoise. Ce Traité actualise la politique du containment de la guerre froide, celle des puissances de la mer contre les forces militaires de la masse continentale, solidaires du même enjeu.

Ainsi, la modification régionale des conditions de sécurité en Europe, en apparence irréversible, sera le détonateur d’une onde de choc, qui transformera la configuration politique du continent et la balance mondiale, modifiant la hiérarchie de pouvoir au sein de la Triade et plus en général la multipolarité planétaire. L’instabilité du système internationale en sera affectée et convergera avec force dans la révolution systémique de l’âge moderne, décrite par Strausz-Hupé.

Bucarest le 27 janvier 2022

 

Julius Evola: le philosophe en prison

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Julius Evola: le philosophe en prison

L'essai de Guido Andrea Pautasso sur le procès du penseur traditionaliste en 1951

SOURCE : https://www.barbadillo.it/103086-julius-evola-il-filosofo-in-prigione/

Le philosophe vénitien Andrea Emo, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, écrivait, en diagnosticien lucide, que la démocratie libérale est "épidémique". Le terme doit être lu dans le sens étymologique grec: la démocratie moderne tend à se placer, à travers son appareil représentatif, "sur le peuple", à limiter sa liberté et l'exercice effectif de la souveraineté politique. Aujourd'hui, en pleine ère de la gouvernance, cela va de soi, mais à l'époque, une telle thèse était, pour le moins, suspectée de "nostalgie". Un livre de Guido Andrea Pautasso, récemment publié dans le catalogue de la maison d'édition Oaks, Il filosofo in prigione. Documenti sul processo a Julius Evola, semble confirmer la thèse d'Emo (pour les commandes : info@oakseditrice.it, pp.287, euro 20.00).

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Julius Evola avec Gianfranco de Turris en 1972.

Le volume est enrichi par l'avant-propos de Gianfranco de Turris et la préface de Sandro Forte. Il s'agit d'une collection de documents produits lors du procès des F.A.R. (Fasci d'Azione Rivoluzionaria), qui s'est tenue à Rome en 1951. Le texte comprend les procès-verbaux des interrogatoires des accusés et des séances du procès, ainsi que tous les articles publiés dans la presse sur le sujet. La documentation est complétée par un article de Fausto Gianfranceschi, qui a également participé à l'enquête, intitulé In prigione con Evola (En prison avec Evola). L'auteur rappelle qu'Evola a été emmené par la police qui est alle le chercher dans son appartement romain dans la nuit du 23 au 24 mai 1951. La maison avait été surveillée par les hommes de la Sécurité Publique sous les ordres de Federico Umberto D'Amato qui, non par hasard, entre 1971 et 1974 (années de la stratégie de la tension), dirigeait le Bureau des Affaires Réservées du Ministère de l'Intérieur, bien que le philosophe soit depuis longtemps paralysé des membres inférieurs et donc incapable de faire une quelconque tentative de fuite. Il est accusé d'être le "mauvais professeur" d'un groupe de jeunes gens appartenant au F.A.R., qui ont mené des attaques spectaculaires contre le siège du parti, toutefois sans effusion de sang.

Certains militants du groupe planifient, entre autres, le naufrage du navire Colombo : "qui, selon le traité de paix, devait être cédé à l'Union soviétique" (p. 14). Le plan est découvert et plusieurs membres de l'organisation sont arrêtés : Clemente Graziani, Biagio Bertucci et Paolo Andriani. En 1951, les attaques du F.A.R. se multiplient et de nombreux militants de droite sont emprisonnés dans la capitale. C'est dans cette circonstance qu'Evola, inspirateur présumé de ces actions démonstratives, fut conduit en prison. Le traditionaliste, compte tenu de son état physique, a été détenu à l'infirmerie de la prison romaine de Regina Coeli pendant six mois. Le procès a débuté le 10 octobre. Le penseur a comparu devant le tribunal le 12 de ce mois, transporté sur une civière par des prisonniers ordinaires. À ce moment de l'histoire, le philosophe est occupé à réviser ses principales œuvres, si bien qu'en mai 1951, la nouvelle édition de Révolte contre le monde moderne est publiée. Pautasso rappelle que le traditionaliste : "sur l'insistance de son ami Massimo Scaligero, a commencé à collaborer avec certains journaux proches du Mouvement social" (p. 27). 

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Après la publication dans La Sfida de l'article d'Evola, Coraggio Radicale (Courage Radical), le philosophe entre en contact avec un groupe de jeunes qui collaborent avec "l'encre des vaincus" : Erra, Graziani, Rauti, Gianfranceschi. Gianfranceschi, devenu plus tard catholique, écrit à propos d'Evola : "Il nous a libérés des scories du passé auxquelles nous étions politiquement attachés, sans faire de concessions aux horribles clichés de l'"antifascisme"" (p. 28).

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Le penseur a assisté à une conférence du MSI à Rome et, plus tard, a participé à la 2e assemblée des jeunes du parti. C'est le début de son intense collaboration avec des magazines régionaux, dont Imperium. Les trois articles publiés dans le périodique, ont suscité un grand intérêt dans le milieu politisé, car ils étaient centrés "sur une vision spirituelle, anti-eudémoniste et qualitative de la vie" (p. 36). Ces jeunes ont convaincu Evola d'écrire un seul texte d'éclaircissement sur le chemin de formation spirituelle qu'ils devaient emprunter. C'est ainsi que naquirent les 22 pages du pamphlet Orientamenti, qui devint rapidement le livre de chevet de la "jeunesse nationale" et fut considéré par la Questura comme rien de moins qu'une sorte de vade-mecum "ésotérique" pour terroristes.

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Lors du procès, un fonctionnaire du Bureau politique a déclaré que c'est un dirigeant national du MSI qui a dénoncé le courant des jeunes lecteurs de la revue Imperium. Evola, dans son autobiographie, évoque l'épisode de son emprisonnement comme s'il avait été involontairement: "impliqué dans une affaire comique" (p. 42). L'affaire était en effet cocasse, si l'on considère que le philosophe avait clairement affirmé depuis les années 30 qu'il appréciait à quel point l'héritage "traditionnel" du fascisme était revenu au premier plan. Pour cette raison, il n'avait jamais adhéré au parti national-socialiste ni, a fortiori, au parti socialiste italien. En outre, comme le soulignent les documents judiciaires, il avait exhorté à plusieurs reprises ces jeunes à renoncer à toute forme d'activité politique et à rejeter toute pratique violente. 

La défense et l'autodéfense de Francesco Carnelutti ont démontré que la pensée d'Evoli n'était pas réductible, sic et simpliciter, à la pensée fasciste, ses idées étant "traditionnelles et contre-révolutionnaires" (p. 18). Ainsi, devant l'évidence des choses, le 20 novembre 1951, Evola, Melchionda, Petronio et d'autres sont acquittés pour n'avoir pas commis de fait. Trois ans plus tard, la Cour d'Assises décide de ne pas poursuivre Evola, Erra et De Biasi pour apologie du fascisme, le crime ayant été éteint par l'amnistie. 

Les magistrats, dans cette deuxième partie du jugement, concernant le crime d'apologie, avaient raisonné en ces termes: si les idées " traditionnelles " d'Evola réapparaissaient, même partiellement, dans le fascisme, cela impliquait qu'elles étaient, d'une certaine manière, en phase avec le régime totalitaire. Les documents et leur exégèse, présentés dans ce volume, clarifient comment la démocratie républicaine renaissante a ordonné des "procès d'idées", contre les idées jugées non conformes. Depuis, la réputation d'enseignant "sulfureux" d'Evola a pesé sur lui, et il a été dérouté par les critiques comme un penseur "impardonnable". Même dans cette circonstance, le baron a conservé un remarquable détachement intérieur par rapport aux événements qui l'impliquaient, témoignant de sa diversité existentielle.

Alexander Dugin : Alors que les libéraux échouent, un nouveau monde dirigé par la Russie et la Chine a émergé

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Alexander Dugin : Alors que les libéraux échouent, un nouveau monde dirigé par la Russie et la Chine émerge

亚历山大·杜金:自由主义者功败垂成,中俄引领的新世界已经出现了

Source : http://www.4pt.su/zh-hant/content/ya-li-shan-da-du-jin-zi-you-zhu-yi-zhe-gong-bai-chui-cheng-zhong-e-yin-ling-de-xin-shi-jie?fbclid=IwAR0yqNA0ZiutSxwwrO-dTLuUfIGHOgYboYcnO1ghUGKHWZPpHOAWMyiSrn4

La crise actuelle des relations de la Russie avec l'Occident n'a rien à voir avec le gaz, le pétrole, l'énergie ou l'économie en général. Les tentatives d'expliquer la politique en termes de théorie des "prix", comme le fait Daniel Yergin, sont futiles et superficielles. (Note : Daniel Yergin est un auteur américain qui a écrit un livre sur la relation entre le pétrole et le pouvoir et la richesse intitulé The Prize (= "Le Prix"). Nous avons affaire à des processus civilisationnels et géopolitiques dans lesquels les questions économiques et énergétiques sont secondaires, ce sont simplement des outils à emprunter.

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D'un point de vue civilisationnel, tout est question d'idéologie, surtout sous l'administration démocrate de Biden. L'administration américaine actuelle est composée de mondialistes extrémistes, de néoconservateurs et de faucons libéraux. Ils observent que le monde unipolaire, l'idéologie libérale mondiale et l'hégémonie occidentale sont en train de s'effondrer, et ils sont prêts à tout - même à déclencher une troisième guerre mondiale - pour empêcher que cela ne se produise.

Les mondialistes ont de nombreux ennemis - l'islam, le populisme (y compris Trump), le conservatisme, l'islam politisé, etc. Mais seules deux puissances ont un réel potentiel pour défier cette hégémonie - la Russie et la Chine. La Russie est une puissance militaire, tandis que la Chine est une puissance économique.

Cela laisse de la place pour des manœuvres géopolitiques. Pour Biden, il était important de couper la Russie d'une Europe qui voulait son indépendance. Le problème de l'Ukraine est donc apparu et la crise du Donbass s'est aggravée. La Russie et Poutine ont été diabolisés et accusés de vouloir envahir un pays voisin. Bien que l'invasion n'ait pas vraiment eu lieu, Washington a agi comme si c'était le cas.

Il s'en est suivi des sanctions et même la possibilité de mesures militaires préventives dans la région du Donbass. Puisque tous les Occidentaux croient que la Russie va envahir le pays, toute action militaire des Ukrainiens dans le Donbass, soutenue par l'OTAN, sera considérée comme une "légitime défense". Dans le même temps, on estime également qu'une campagne médiatique contre la Russie empêchera toute réponse appropriée de la part de Moscou. Le conflit sur le gaz et Nord Stream 2 n'est qu'un outil technique pour une guerre de classement.

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La situation est la même pour la Chine. Biden a déjà créé une coalition anti-chinoise avec l'accord AUKUS des pays anglo-saxons (Australie, Royaume-Uni) et le mécanisme QUAD des pays asiatiques (Japon, Inde). La pierre d'achoppement préparée pour la Chine cette fois-ci est Taïwan (comme l'Ukraine l'est pour la Russie). L'objectif ultime est de saper et d'empêcher l'"expansion économique" de la Chine qui y procède par le biais de l'initiative Belt and Road.

L'alliance entre la Russie et la Chine, combinée aux tentatives de la Russie de faire revivre la "Grande Profondeur" en associant l'initiative "Grande Eurasie" à l'initiative Belt and Road (comme annoncé par les dirigeants russes et chinois il y a quelques années). Une nouvelle "Grande Profondeur" signifierait la fin irréversible de l'hégémonie occidentale. La récente rencontre entre Vladimir Poutine et Xi Jinping montre sans aucun doute que le projet de "Grande Eurasie" est sérieux et poursuivi avec détermination. En conséquence, l'ultra-libéral et mondialiste Soros a lancé une attaque féroce contre la Chine.

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Tout ceci est un cas classique de géopolitique, répétant le projet atlantiste qui va de Mackinder à Brzezinski, c'est-à-dire qu'il y a un duel entre la puissance maritime (libéraux, mondialistes) et la puissance terrestre (Eurasie).

Dans le même temps, la Russie et la Chine pourraient accueillir dans leur giron d'autres Etats prétendants participer à l'émergence d'un monde multipolaire.

- l'Amérique latine (comme l'a souligné le président argentin Albert Fernandez lors de sa visite à Moscou, et comme l'évoquera certainement le président brésilien Bolsonaro lors de sa visite en Russie).

- le monde islamique (qui rêve de se libérer du contrôle occidental - avec l'Iran, la Turquie et le Pakistan à l'avant-garde), et

- l'Afrique (où la Russie et la Chine ont commencé à purger les régimes fantoches mis en place et consolidés jusqu'ici par les Français),

- et, enfin, le continent européen lui-même (qui est de plus en plus fatigué de subir l'atlantisme et rêve de devenir lui-même un pôle - bien que l'élite libérale atlantiste soit toujours au pouvoir en France, en Allemagne, en Italie et en Espagne, ces idées sont de plus en plus populaires dans ces pays).

Seuls l'Inde (en raison de ses conflits avec la Chine et le Pakistan), le Japon (toujours sous le contrôle étroit des États-Unis) et certains États fantoches mondialistes restent du côté des perdants de toute évidence. C'est devenu une véritable honte d'être du côté des perdants.

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Cela affecte également l'idéologie. Tous ceux qui s'opposent à l'hégémonie américaine et se désintéressent des tentatives de sauvetage du monde unipolaire par Biden (dans l'esprit de la "Ligue des démocraties") commencent également à prendre leurs distances avec les dogmes libéraux - surtout lorsqu'ils apparaissent sous leur forme actuelle, dégoûtante et pathologique (la légalisation de l'homosexualité, de la bisexualité, du transsexualisme, du mariage homosexuel et d'autres perversions, voire l'application totalitaire radicale de ces lois ; et l'autonomisation de l'intelligence artificielle conduisant à l'émergence des menaces très réelles que la promotion agressive du "post-humanisme" par les grandes entreprises technologiques a engendrées).

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Si l'on ajoute à cela l'échec des politiques de prévention des épidémies, les vaccinations douteuses (dont l'épidémie Omicron a prouvé la totale inefficacité), les confinements irrationnels et mal organisés dans les villes, les nouvelles obligations de porter sur soi un passeport sanitaire et quasi biométrique selon les modèles totalitaires des dystopies, le tout assorti d'un système de surveillance totale, il est clair que l'effondrement du libéralisme est plus imminent que jamais. Le succès du groupe rebelle canadien des "Freedom Trucks", qui a forcé le mondialiste libéral Justin Trudeau à aller se cacher, et la popularité des candidats anti-Macron en France (de Zemmour et Marine Le Pen à Mélenchon, qui sont tous du côté anti-libéral et anti-OTAN) ne sont que quelques-uns des symptômes du processus de mondialisation. Ce ne sont là que quelques-uns des symptômes du processus de mondialisation qui annonce la fin de l'hégémonie atlantique.

Tensions à la frontière russo-ukrainienne

La Russie est maintenant confrontée directement à l'atlantisme, et la Russie devrait donc:

- opposer le globalisme à la multipolarité dans la perspective de la géopolitique eurasienne.

- s'opposer au libéralisme en poussant en avant des valeurs civilisationnelles traditionnelles, véritables alternatives constructives ; refuser les dérives LGBT et affirmer l'excellence et la préséance de la famille traditionnelle (inscrite dans la constitution) ; refuser l'individualisme méthodologique du néolibéralisme et affirmer l'État porteur d'une identité historique, etc.

La Chine soutient généralement cette approche tout comme Moscou. Pékin s'oppose également au mondialisme et à l'hégémonie occidentale, tout en défendant les valeurs traditionnelles chinoises.

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Ces points de vue ont été clairement exprimés par Poutine et Xi Jinping lors de leur dernière rencontre.

- Moscou et Pékin entendent s'opposer à toute tentative de violation de leur souveraineté (et combattre jusqu'au bout l'hégémonie et le mondialisme).

- La Chine et la Russie ont pris en compte le fait que Biden veut créer un bloc anti-chinois et activer les mécanismes de l'OTAN en Europe de l'Est, et ont l'intention de s'opposer (ensemble) à ces actions.

- Les dirigeants des deux pays ont fait allusion au bioterrorisme américain (une menace connue sous le nom de "biologie militaire américaine"), ce qui signifie en fait que les deux pays pensent que c'est l'Occident (les États-Unis et le Royaume-Uni) qui a déclenché la pandémie du nouveau coronavirus.

- Pékin soutient Moscou en Europe orientale, Moscou soutient Pékin dans l'océan Indien et le Pacifique, et Poutine a explicitement déclaré que "Taïwan est aux Chinois".

- Les deux pays condamnent l'"Union des démocraties" (l'alliance visant à maintenir l'unipolarité) et s'engagent à préserver l'ordre mondial multipolaire (ce qui doit être interprété comme une déclaration visant à préserver le système de Yalta et l'ONU).

Le bloc eurasien russo-chinois a pris forme. Tous les autres pays doivent choisir - quel côté prendre.

- Se placer du côté de l'hégémonie américaine agressive et devenue complètement folle.

- ou travailler avec le groupe des pays visant l'avènement d'une réelle multipolarité (dont la Russie, la Chine, l'Iran, le Pakistan, le Belarus, la Corée du Nord, le Venezuela, Cuba, le Nicaragua, la Syrie, le Mali, la République centrafricaine, le Burkina Faso, la Guinée, et, pas encore totalement rejoints, la Turquie, l'Argentine et le Brésil) qui s'opposent aux États-Unis afin de préserver leur souveraineté nationale et leur identité culturelle.

L'avenir est définitivement multipolaire et le bloc eurasien doit donc l'emporter. Après l'effondrement de l'Union soviétique, le dernier effort pour construire un empire mondial a échoué parce que les libéraux n'ont pas été capables de consolider et de conserver leur succès, et un nouveau monde a émergé.

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Hola

Andrei Fursov et le monde post-capitaliste

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Andrei Fursov et le monde post-capitaliste

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2022/02/08/andrei-fursov-ja-jalkikapitalistinen-maailma/

"Nous quittons le monde de l'après-guerre et entrons dans le monde post-capitaliste", déclare l'historien et spécialiste des sciences sociales russe Andrei Fursov.

Le monde que nous quittons est "le monde entre 1945 et 2020". Fursov trouve que c'est une étrange coïncidence que ce "capitalisme socialisé d'après-guerre ait existé pendant environ 74 ans, tout comme le système soviétique".

Le résultat des deux dernières années n'était pas le seul possible, bien sûr, mais il était "la conséquence logique du développement de l'ordre mondial d'après-guerre".

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Selon Fursov, la préparation idéologique d'une technocratie biofasciste a commencé il y a longtemps. Le rapport du Club de Rome intitulé "Les limites de la croissance", qui préconisait des restrictions et une réduction de la consommation, a jeté les bases du mouvement environnemental et de la "transition verte" que les grandes entreprises encouragent aujourd'hui avec un enthousiasme suspect.

Dès 1971, Klaus Schwab a avancé l'idée du "capitalisme des parties prenantes", qui n'était pas du tout un capitalisme classique, mais tout le contraire, mettant l'accent non pas sur la propriété mais sur la "participation". Dans ce modèle aussi, tout est contrôlé par la "gouvernance mondiale" avec les cercles détenteurs de capitaux en arrière-plan.

Cette période a culminé en 1975 avec le rapport de la Commission trilatérale intitulé Crisis of Democracy, qui affirmait très clairement que la plus grande menace pour l'Occident n'était pas l'Union soviétique, mais "l'excès de démocratie en Occident".

Parallèlement, au milieu des années 1970, malgré la célèbre conférence d'Helsinki, l'Union soviétique a perdu son initiative historique et est passée d'une défense offensive à une défense stratégique, ce qui a conduit à l'éclatement de l'Union soviétique au début des années 1990.

Les mandataires de la Commission trilatérale et d'autres lobbies mondialistes ont commencé à accéder au pouvoir dans tous les grands pays occidentaux. Il s'agit donc de la victoire finale des trente premières années de l'après-guerre.

Les années 1990 ont vu le début d'une euphorie libérale, avec le philosophe de cour Francis Fukuyama proclamant "la fin de l'histoire" : la bataille entre les idéologies politiques s'était, selon lui, terminée par le triomphe de la démocratie libérale.

Fursov rappelle que le "pillage du camp socialiste" a commencé, notamment pendant "l'ère post-soviétique". De l'effondrement de l'Union soviétique en 1991 au milieu des années 1990, l'économie russe a connu une profonde récession. Le programme de privatisation aux temps d'Eltsine a donné naissance à un phénomène connu sous le nom de "capitalisme sauvage".

Mais la croissance industrielle a commencé à s'estomper ailleurs et les institutions modernes, surtout les États-nations, ont commencé à perdre leur pertinence. Au cœur du processus décisionnel mondial se trouvaient les fonds d'investissement transnationaux, qui reliaient les échelons supérieurs de l'économie mondiale, les familles aristocratiques de l'ancien argent et les représentants du "nouvel argent".

Dans le même temps, on a assisté à une dépolitisation de la société, au rétrécissement de la société civile et à son remplacement par les branches des structures financières, ce qui a entraîné une crise de toutes les identités traditionnelles au cours de cette période.

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Les premières années du XXIe siècle ont montré que le monde exclusif avait ses faiblesses. Il est devenu évident qu'il fallait davantage de centres de pouvoir pour un développement rapide. C'est alors, lors de la crise économique de 2008, qui a dissipé les dernières illusions d'une "victoire du libéralisme", qu'est né le plan final de transition vers un monde post-capitaliste.

L'objectif de ce plan était de démanteler et d'exproprier la "classe moyenne" partout, tout en contrôlant et en dominant totalement la population mondiale. Tout cela devait se faire de manière évolutive, en "faisant bouillir la grenouille" lentement, sans se faire remarquer et sans manifestations de masse.

Puis est arrivé le "cygne noir", Donald Trump, qui représentait les groupes du système américain et mondial qui n'étaient pas satisfaits du scénario que nous décrivons ici. Avant Trump, un cygne noir plus petit, le Brexit, a émergé et la Grande-Bretagne a quitté l'Union européenne.

Ces deux événements ont fait dérailler le plan de développement pour une transition vers le post-capitalisme, en exploitant le potentiel des États-Unis. Une partie de l'establishment anglo-américain était derrière cette initiative. "Si la transition vers le post-capitalisme ne peut être réalisée de manière évolutive, elle doit l'être de manière révolutionnaire", affirme Fursov.

Dans une situation optimale, les problèmes auraient pu être résolus et l'ordre des choses serait resté plus ou moins le même. Dans la variante révolutionnaire, les problèmes de l'humanité et du pouvoir de l'argent seraient résolus plus violemment et un état qualitativement nouveau serait atteint.

L'option de transformation radicale des mondialistes aboutirait à deux espèces presque entièrement différentes de classes supérieures et inférieures. Il n'y aurait plus de "niveau intermédiaire". L'élite riche vivrait "de longues vies dans des zones écologiquement propres et profiterait de tous les avantages de la civilisation". Les classes inférieures vivraient "au fond" dans leurs ghettos-métropoles, "sous la pression des maladies et des épidémies, de la mauvaise alimentation et des pressions environnementales".

Moins la "base" avait à faire avec les classes supérieures "au sommet" et moins elle les connaissait, mieux c'était, pensaient les créateurs et les promoteurs de cette vision arrogante. Cela semble plutôt dystopique, mais nous en avons déjà eu un avant-goût.

Cela soulève la question de savoir comment cette transition sera initiée de manière à minimiser la résistance de la base ? En principe, de tels projets ont été réalisés plus d'une fois dans l'histoire du monde (Fursov donne l'exemple de la Révolution française).

Ces projets de changement social risqués ne sont pratiquement jamais mis en œuvre conformément au plan initial. Mais pour qu'une grande histoire se reproduise, il faut créer un déclencheur ou un événement.

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La pandémie du coronavirus a été un tel événement déclencheur, initiant la transition vers un nouvel ordre mondial. Schwab, dans son livre Covid-19 : The Great Reset, écrit avec Thierry Malleret, a dit très directement et clairement que la pandémie était l'occasion d'un "grand redémarrage" touchant l'ensemble de l'humanité.

Toutefois, le succès de la réinitialisation exigeait certaines conditions préalables. Tout d'abord, il faudrait que l'événement soit universel. "Aucun grand pays, qu'il s'agisse des États-Unis, de la Chine, de la Russie ou de l'Inde, ne devrait être exclu, afin que tous se conforment à l'ordre de réinitialisation. Deuxièmement, le processus doit être rapide et irréversible, afin que personne n'ait le temps de réagir avant que tout le monde soit déjà vacciné", explique M. Fursov.

Mais le penseur russe estime que la relance selon Schwab a échoué et qu'il n'y a pas moyen d'éviter la controverse. L'élite russe a été empêchée de gagner de l'argent avec les vaccins, et les sanctions n'ont pas été levées. Les élites chinoises ont été menacées de revendications massives, évoquant le "virus de Wuhan". "Surtout, elles ont surestimé le degré de passivité de la population, notamment en Europe."

M. Fursov ne s'attendait pas à ce que trois cent mille personnes manifestent à Vienne, ni à ce que la même chose se produise à Bruxelles, Londres et Paris. Mais les personnes qui ont été marquées par les restrictions dues au coronavirus réagissaient à la perte de liberté qu'elles avaient subie. Une partie de l'élite a déjà tourné le dos au programme envisagé : Bill Gates a déclaré que la "phase aiguë" de l'épidémie prendrait fin en 2022, et The Economist, publié par les Rothschild, promet la même chose.

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Le fait que la pandémie du coronavirus touche maintenant à sa fin n'arrêtera pas la montée du technoglobalisme transhumaniste. Fursov mentionne que le représentant de la Fédération de Russie aux Nations unies, Vasily Nebenzia, a au moins bloqué une initiative qui aurait défini le changement climatique comme une menace pour la sécurité, plaçant ainsi toutes les nations sous le talon de fer des écofascistes.

"Mais personne n'a réussi à renverser l'emprise du numérique", souligne M. Fursov. En d'autres termes, le processus peut ralentir, mais il ne s'arrêtera pas complètement. Si l'opération corona échoue, de "nouveaux virus plus dangereux et mortels" seront bientôt utilisés. "Ou une réalité différente sera créée pour nous."

Werner von Braun, concepteur de fusées pour l'Allemagne national-socialiste, qui a ensuite développé des missiles et le programme spatial de la NASA aux États-Unis, a déclaré à un assistant, six mois avant sa mort dans les années 1970, que la menace soviétique disparaîtrait un jour et que l'Occident inventerait un nouveau "croquemitaine", à savoir l'Islam.

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Ensuite, il y a la menace climatique. Et lorsqu'on a demandé à von Braun ce qui se passerait si la menace climatique ne fonctionnait pas non plus, il a répondu la "menace extraterrestre" restante de l'espace. Le 25 juin 2021, la Nasa a publié une annonce officielle selon laquelle les ovnis, ou objets volants non identifiés, constituent une "menace sérieuse pour les États-Unis".

En d'autres termes, "on crée des signes pour l'avenir, on affine et on développe des technologies de réalité augmentée", laisse entendre M. Fursov. Autrefois surnommés "théories du complot", ces projets semblent se concrétiser les uns après les autres à l'ère moderne.

Le monde post-capitaliste devient déjà une réalité quotidienne, par exemple en Chine, affirme M. Fursov. Le même avenir autoritaire est aussi partiellement arrivé aux États-Unis, en Europe et ailleurs, au nom de la "pandémie" et de la "quatrième révolution industrielle".

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Mais le plus dangereux est que "nous entrons dans un monde sans ordre ni chaos", une sorte d'inquiétant "juste milieu" - ou la "mosaïque du chaos" de Félix Guattari - "sans outils conceptuels et opérationnels adéquats pour étudier ces processus".

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La science du XXe siècle n'a pas remis en question sa propre validité ; elle a découvert et façonné les lois de la nature, en d'autres termes, elle a exercé une fonction de pouvoir sur le monde qui l'entoure. Même le terme "statistiques", "statisticien", est dérivé du mot "état". Maintenant que les États disparaissent, nous n'avons plus qu'un "ordre conceptuel".

Les structures supranationales joueront un rôle crucial dans l'ordre futur. Pour M. Fursov, il ne s'agit pas seulement de grandes entreprises, mais de toutes sortes d'entités dotées d'un haut degré d'autonomie interne : on pourrait tout aussi bien prendre l'alliance des services de renseignement anglais "five eyes", par exemple, ou même les diverses organisations criminelles.

Les processus mondiaux en cours font de cette période une "ère de turbulence", où "un nouvel ordre est créé à partir du chaos". Qui seront les vrais gagnants au XXIe siècle, les technocrates élitistes ou les masses rebelles ? Est-ce que ce sera vraiment le cas que celui qui contrôle la technologie de l'IA contrôlera toujours le monde ?

lundi, 14 février 2022

Nord Stream 2 : la guerre économique américaine contre l'Allemagne

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Stefan Schubert

Nord Stream 2 : la guerre économique américaine contre l'Allemagne

Source: https://kopp-report.de/nord-stream-2-der-amerikanische-wirtschaftskrieg-gegen-deutschland/

Quand on a de tels amis, on n'a plus besoin d'ennemis : outre la Commission européenne, l'administration américaine en particulier se permet audace sur audace. Alors que les Etats-Unis continuent d'acheter des millions de tonnes de pétrole brut directement à la Russie, Joe Biden se présente dans le bureau ovale devant la presse mondiale réunie et annonce qu'une escalade dans la crise ukrainienne signifierait la fin du gazoduc germano-russe Nord Stream 2. Le chancelier allemand se tient à côté comme un écolier bien sage et reste silencieux.

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L'Allemagne a un besoin urgent de livraisons de gaz en provenance de la Russie, riche en matières premières. Juste maintenant, alors que le gouvernement de gauche exécute l'œuvre néfaste de Merkel et impose par étapes de plus en plus drastiques le soi-disant tournant énergétique sans se soucier des conséquences. Le célèbre Wall Street Journal a publié dès 2019 un article sur la politique énergétique allemande au titre évocateur : World's Dumbest Energy Policy ("La politique énergétique la plus stupide du monde").

Oubliez toutes les justifications des sanctions demandées contre la Russie, les droits de l'homme, le droit international et les élucubrations habituellement citées. Lors de l'invasion des Américains en Afghanistan, en Irak et en Syrie, ces mêmes voix sont d'ailleurs restées muettes.

Il s'agit tout simplement pour les Américains d'imposer leurs propres intérêts économiques. Cela n'a rien de répréhensible en soi, c'est pour cela qu'un gouvernement a été élu. Cela ne devient dangereux que lorsque cette politique d'intérêts rigoureuse se heurte à un pays absolument sans défense, dont le gouvernement n'a rien, mais absolument rien à apporter au bien-être et à l'utilité de son propre pays, à part des phrases creuses et des attitudes ineptes. Une Allemagne complètement molle qui ne dispose pas d'une politique étrangère indépendante depuis des décennies.

Au lieu de placer les intérêts du pays et de son propre peuple au premier plan de chaque effort entrepris et de chaque crise subie, le gouvernement fédéral allemand s'est lui-même rabaissé au rang de simple exécutant des ordres de Washington, de l'UE et de l'ONU.

La seule puissance mondiale - l'agenda américain

 L'audace avec laquelle les Américains agissent pour imposer leur agenda de politique étrangère a de quoi faire rougir de colère. La première puissance mondiale américaine s'attaque avec acharnement non seulement à ses concurrents et ennemis géopolitiques, mais aussi à ses "plus proches alliés" comme l'Allemagne. En matière d'espionnage économique, les services secrets américains n'ont rien à envier à leur homologue chinois. Outre les brevets et les secrets d'entreprise de plusieurs milliards de dollars, aucun secret d'entreprise n'est à l'abri des écoutes omnipotentes de la NSA. Cela inclut également des documents hautement confidentiels de l'UE, des décisions de conférence et le téléphone portable professionnel d'Angela Merkel, comme l'a appris la naïve classe politique berlinoise.

Les élites américaines se trouvent dans un état de guerre froide permanent avec le monde entier. Il s'agit avant tout de protéger les intérêts militaires et économiques américains, et en même temps de nuire à tout concurrent. La Russie, riche en matières premières, avait déjà été désignée par le président américain Ronald Reagan comme un "Evil Empire", un empire du mal. Cette position de principe n'a pas changé en 2022. Dans leur naïveté sans limite, les hommes politiques de notre pays considèrent pourtant l'Allemagne comme un partenaire équivalent aux Etats-Unis. Pourtant, la politique américaine considère la puissance économique allemande et son économie d'exportation avant tout comme des rivaux. De plus, ce pays situé au cœur de l'Europe se prête parfaitement au déploiement de troupes et sert de zone de déploiement pour le Proche-Orient et en direction de l'Europe de l'Est. Et pour finir, on essaie de détourner autant de milliards d'euros que possible de l'Allemagne vers les canaux américains. Si ces milliards devaient en outre être retirés à un ennemi principal comme la Russie, il s'agirait pour les Américains d'une situation gagnant-gagnant sur le plan économique et géopolitique. Et c'est précisément cette constellation qui est la seule raison pour laquelle les Américains tentent depuis des années de saboter Nord Stream 2. Il s'agit d'un contrat valable entre deux États souverains, pour la sécurité énergétique de l'Allemagne. Ce projet est pourtant publiquement déclaré comme cible des Américains, et le gouvernement allemand ne s'y oppose pas.

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La Russie est le troisième fournisseur de pétrole des États-Unis

Pour couronner le tout, la Russie est devenue, sous Trump et Biden, le troisième plus grand fournisseur de pétrole des États-Unis.

En 2020, la Russie a exporté près de 27 millions de tonnes de pétrole brut vers les États-Unis. Cela correspond à 538.000 barils par jour et représente une augmentation de 63 pour cent par rapport à 2014. Nous parlons ici d'un ordre de grandeur d'environ 200 millions de barils, de 159 litres chacun, par an. La tendance est à la hausse.

Les liens de Big Oil avec le gouvernement américain sont très étroits et ne sont pas un secret. Donald Trump n'a jamais caché son travail de lobbying pour l'industrie pétrolière et gazière américaine. Les Américains veulent vendre leur gaz liquide cher et sale à l'Allemagne, mais le gaz russe, moins cher et facilement disponible, est un produit concurrent imbattable. Les livraisons de pétrole russe ont augmenté ces dernières années, car le gouvernement américain a frappé d'autres pays avec sa politique de sanctions. Parmi eux, on trouve l'Iran et le Venezuela, deux pays riches en matières premières. Le pétrole vénézuélien a justement pris une place importante pour les raffineries américaines.

La variété russe Urals est celle dont la consistance se rapproche le plus du pétrole lourd d'Amérique du Sud et le remplace donc. Un passage complet au pétrole américain plus léger de la marque WTI impliquerait pour les raffineries américaines des efforts importants et des coûts immenses. C'est pourquoi non seulement la part du pétrole russe en Amérique restera élevée, mais les livraisons continueront d'augmenter. La Russie pourrait bientôt devenir le deuxième plus grand fournisseur de pétrole des États-Unis, après le Mexique.

Alors que le gouvernement américain sabote et sanctionne Nord Stream 2 et affirme unilatéralement qu'une aggravation de la crise ukrainienne signifierait la fin définitive de l'oléoduc, les livraisons de pétrole russe se poursuivent sans relâche.

Les listes de sanctions américaines en circulation mentionnent en particulier des entreprises et des secteurs économiques européens, mais les livraisons de pétrole russe aux Etats-Unis n'y sont pas du tout mentionnées.

Le prétexte ukrainien

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Le prétexte ukrainien

L'administration Biden, dans un autre coup stratégique magistral, nous met à l'épreuve.

Gabriele Adinolfi 

Source: http://www.noreporter.org/index.php/conflitti/28471-2022-02-11-14-22-50 

Kiev et ses environs : vent de guerre ou jeu d'échecs ?

L'objectif principal des Américains est, comme toujours, de contenir l'Europe, devenue un concurrent économique et diplomatique avec des ambitions d'indépendance stratégique à conquérir par le biais d'une rupture avec l'OTAN, qui devra être brutale selon Macron, alors que selon les Allemands, elle devra se faire progressivement.

Les autres objectifs sont la gestion du multilatéralisme asymétrique qui se profile à l'horizon et le jeu extrêmement difficile sur la Chine. La Russie est secondaire dans tout cela, bien qu'elle soit affichée de manière flagrante comme une menace.

L'invasion russe

C'est un canular. Cela est confirmé par des sources très autorisées, à savoir des nationalistes ukrainiens qui ne sont pas du tout pro-russes.  Les responsables de l'armée régulière disent qu'ils n'ont pas remarqué de réelle mobilisation dans le nord, ce serait une imposture, un coup des Américains. A Kiev, on ne croit pas que l'armée russe ait l'intention de franchir la frontière. Alors pourquoi cette forte tension ?

L'administration Biden, contrairement à celle de Trump, veut polariser les relations entre la Russie et l'UE tout en libérant Moscou de l'étreinte étouffante de Pékin. Depuis 2017, le Kremlin mène une politique de détente à l'égard de l'UE ; Washington offrirait désormais essentiellement aux Russes un Yalta mineur. En d'autres termes, il garantirait aux Russes de mener des actions en Afrique, actions qui nuiraient aux intérêts européens et, en échange du "danger écarté" d'une invasion de l'Ukraine, il mettrait sur la balance un Donbass "indépendant", c'est-à-dire russe. En échange, les liens entre Moscou, d'une part, et Berlin et Paris, d'autre part, seraient rompus. Dans le cadre du "diviser pour régner", l'axe énergétique russo-européen se briserait et nous serions subordonnés au gaz américain. Les relations détendues retrouvées avec les États-Unis (rappelons que jamais dans l'histoire les deux peuples n'ont tiré un seul coup de feu l'un contre l'autre) donneraient à la Russie l'échappatoire à la dépendance vis-à-vis de Pékin que Moscou cherche à obtenir de nous depuis au moins quatre ans.

La guerre

Si Moscou ne mordait pas à l'hameçon, y aurait-il une guerre ?

Bien que les Britanniques jettent continuellement de l'huile sur le feu, l'hypothèse est très peu probable.

Jusqu'à présent, Biden a utilisé des menaces économiques. La plus grave d'entre elles est la suspension des paiements SWIFT de la Russie. Les autres, de la non-activation du gazoduc Nord Stream 2 à de nouvelles sanctions, nuiraient aux intérêts russes et européens et favoriseraient une fois de plus, comme à l'époque d'Obama, le capitalisme américain qui exploiterait les obstacles mis sur la route des entreprises européennes.

L'Europe ne peut s'empêcher de se plier aux sanctions, qui sont la contrepartie de ses actions pacifiques. N'oublions pas que les premiers étaient la contrepartie incontournable lorsque la question ukrainienne a été pacifiée avec le traité de Minsk, œuvre de Merkel.

Si Paris et Berlin ne concèdent rien, la stratégie britannique triomphera. Un fossé irréconciliable serait créé entre l'Europe occidentale et les neuf pays du groupe de Bucarest, qui rassemble des nations longtemps soumises aux Soviétiques et inconditionnellement anti-russes.

Une Europe orientale atlantiste se formerait en opposition aux autres membres de l'UE et l'ensemble du processus politique et économique européen serait bloqué.

L'objectif allemand

L'administration Biden s'est installée dès le début dans les arcanes du nouveau gouvernement allemand, dans lequel elle peut partiellement compter sur les Verts. Le gouvernement des feux tricolores (libéral jaune, social-démocrate rouge et écologiste vert) a signé un contrat dans lequel il est écrit noir sur blanc que les liens avec la Russie sont indispensables et qu'il entend collaborer avec elle à l'avenir.

En outre, l'accord pour Nord Stream 2 vient d'être signé, mais il n'a pas encore été activé. En bref, Washington a l'intention de faire pression sur le nouveau gouvernement avant que cet accord ne se stabilise.

L'objectif français

Comme l'explique parfaitement la doctrine Brzezinski, ce sont les Français dont les Américains se méfient le plus. Le fait que Washington veuille la tête de Macron n'est un mystère que pour ceux qui suivent l'actualité dans des ghettos sociaux autoréférentiels et ignorants. Toute l'armée atlantiste/sarkozienne a été déployée en France avec des moyens impressionnants pour tenter d'empêcher la réélection de Macron et créer les conditions pour qu'une guerre civile virtuelle et un terrorisme généralisé frappent et menacent la France dans les cinq prochaines années.

Le nœud Paris-Moscou doit être tranché ou défait, pense le Pentagone.

Les liens franco-russes sont historiques et il faut se souvenir qu'à l'aube de la présidence Macron, à Paris, Poutine a reçu un cérémonial non pas pour un président mais pour un roi.

La doctrine Macron est très favorable à la Russie, qui ne s'en cache pas.

Mais comme aujourd'hui tous les acteurs évoluent dans des situations imbriquées et se retrouvent alliés d'un côté et rivaux de l'autre, la Russie a fini par menacer les intérêts français et européens en Afrique, ce qui est source de frictions. D'autre part, Paris est le seul acteur à s'opposer à la Turquie, qui a été sur une trajectoire de collision presque régulière avec Moscou ces derniers temps. Trouver un équilibre n'est pas facile, ce qui explique aussi les déclarations et les gestes fluctuants des deux côtés.

Ajoutez à cela le fait que Macron a pris la présidence de l'UE en janvier et le jeu s'avère encore plus délicat et significatif, l'offensive américaine plus précise.

Moscou entre les États-Unis et l'UE

La clé du jeu, c'est la Russie. Jusqu'à présent, le Kremlin a maîtrisé son comportement et ses messages, acceptant de traiter séparément avec les États-Unis et l'UE.

Si elle acceptait l'offre de Biden, c'est-à-dire si elle revenait à la politique qu'elle menait sous l'administration Obama, ce serait une victoire importante et substantielle pour les Américains.

Si, par contre, une vision large prévaut, considérant que jusqu'à présent non seulement Paris et Berlin, mais toute l'Europe qui compte s'en tient à l'essentiel, la victoire stratégique serait la nôtre.

Qui vivra verra.

C'est de cela que nous parlons, pas des guerres mondiales.

Ceux qui, dans leur risque imaginaire, encouragent la Russie anti-occidentale ou l'Occident anti-russe sont non seulement déconnectés de la réalité, mais aussi un peu stupides.

Gabriele Adinolfi

Duplicité britannique: Boris Johnson salue les vertus de la diplomatie tout en accentuant les tensions militaires avec la Russie

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Duplicité britannique: Boris Johnson salue les vertus de la diplomatie tout en accentuant les tensions militaires avec la Russie

SOURCE : https://www.controinformazione.info/la-doppiezza-britannica-non-e-molto-piu-intensa-del-fatto-che-il-primo-ministro-boris-johnson-acclama-le-virtu-della-diplomazia-mentre-accumula-tensioni-militari-con-la-russia/

Cette semaine, M. Johnson a écrit un article d'opinion pour le journal Times dans lequel il se dit convaincu que "la diplomatie peut l'emporter" pour éviter que l'escalade des tensions autour de l'Ukraine ne dégénère en une guerre totale entre le bloc militaire USA-OTAN et la Russie.

M. Johnson a toutefois annoncé, quasi simultanément, que la Grande-Bretagne prévoyait de déployer davantage de marines, d'avions de chasse et de navires de guerre en Europe de l'Est. La Grande-Bretagne a déjà pris la tête des pays européens membres de l'OTAN en envoyant des armes et des forces spéciales en Ukraine, dans le cadre d'une défense contre l'"agression russe".

Ce que Johnson propose cette semaine, c'est le déploiement d'un plus grand nombre de forces britanniques en Pologne et dans les États baltes, dans ce qu'il appelle une démonstration du soutien "inébranlable" de la Grande-Bretagne à l'Europe. Il s'agit d'un prétexte cynique pour embellir l'image de la Grande-Bretagne comme une sorte de puissance animée de nobles sentiments.

Le président français Emmanuel Macron s'est rendu à Moscou cette semaine pour des discussions de fond avec le dirigeant russe Vladimir Poutine sur les efforts visant à apaiser les tensions concernant l'Ukraine. La semaine prochaine, le chancelier allemand Olaf Scholz se rendra également à Moscou pour des entretiens avec Poutine.

Ensuite, nous voyons Londres faire apparemment tout son possible pour que la diplomatie échoue en augmentant arbitrairement les tensions militaires avec la Russie.

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M. Johnson et sa ministre des affaires étrangères, Liz Truss, se sont employés à mettre en garde la Russie contre un carnage sanglant si elle osait envahir l'Ukraine. Moscou a nié à plusieurs reprises avoir l'intention d'envahir le pays. Cependant, Mme Truss a été photographiée par les médias britanniques portant un gilet pare-balles de l'armée alors qu'elle était montée sur un char d'assaut. Elle doit se rendre à Moscou ces jours-ci pour des entretiens avec son homologue russe Sergei Lavrov. Cette rencontre promet d'être glaciale. On se demande pourquoi le Kremlin s'intéresse à un envoyé britannique aussi incompétent et malhonnête.

Londres, comme d'habitude, se plie aux exigences de Washington. Depuis que les États-Unis ont lancé, il y a près de trois mois, leur campagne de propagande accusant la Russie d'agression contre l'Ukraine, la Grande-Bretagne a explicitement amplifié le message de Washington sur la prétendue agression russe.

La propagande et les opérations médiatiques psychologiques sont un domaine dans lequel l'empire britannique décrépit conserve des compétences incontestables. On peut supposer que la prédominance des médias anglophones donne aux Britanniques un avantage inné.

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Ce dont Londres semble profiter, c'est d'animer la russophobie inhérente à la Pologne et aux États baltes. Les récents déploiements militaires britanniques se sont concentrés dans ces États d'Europe de l'Est, ainsi qu'en Ukraine. Cette démarche a servi à gonfler l'hystérie quant à l'agression russe.

Fait significatif, Johnson était à Kiev la semaine dernière pour rencontrer le président ukrainien Vladimir Zelensky, le même jour que le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki. Morawiecki a été l'une des voix russophobes les plus véhémentes d'Europe de l'Est, appelant à des sanctions plus drastiques encore contre Moscou.

Johnson renforce ces appels à une position unifiée de l'OTAN et de l'Europe sur des sanctions préventives contre la Russie "si elle envahit l'Ukraine". M. Johnson a déclaré que les sanctions devraient être "prêtes à l'emploi" et devraient inclure l'arrêt du gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l'Union européenne.

Notamment, l'Allemagne et la France, les deux plus grandes économies de l'UE, sont réticentes à l'idée de parler de la fin de Nord Stream 2 si les tensions s'aggravent. Berlin et Paris sont manifestement plus disposés à trouver une issue diplomatique à l'impasse dans laquelle se trouve le bloc de l'OTAN dirigé par les États-Unis et la Russie.

Voici une ironie amère : la Grande-Bretagne a quitté l'Union européenne après le référendum sur le Brexit en 2016. Boris Johnson était une personnalité publique de premier plan qui a poussé au Brexit avec le mantra de la "reprise en main" de l'Union européenne.

Toutefois, si la Grande-Bretagne est désormais officiellement sortie du bloc européen, elle est toujours en mesure d'exercer une énorme influence sur l'UE dans ses relations avec la Russie. Londres mobilise un axe d'hostilité à l'égard de Moscou en militarisant les États russophobes d'Europe de l'Est, ainsi que l'Ukraine, et en imposant des sanctions visant à détruire le commerce énergétique stratégique avec la Russie.

En effet, la Grande-Bretagne gonfle probablement délibérément son importance internationale en alimentant de dangereuses tensions avec la Russie.

La crise de l'Ukraine a été artificiellement gonflée par Washington, avec l'aide et la complicité de Londres. Dicter l'énergie et les affaires étrangères de l'Europe à la Russie, voire à la Chine, est l'objectif non avoué de Washington et de son fidèle serviteur britannique. Et en accomplissant cet objectif, la Grande-Bretagne a cyniquement exploité la russophobie de l'Europe de l'Est pour obtenir un rôle surdimensionné dans l'ingérence dans les affaires de l'Union européenne, un bloc qu'elle a officiellement quitté après le Brexit.

Les préoccupations de la Russie en matière de sécurité doivent être négociées rationnellement et calmement par des moyens diplomatiques. Les objections de Moscou à l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN sont tout à fait raisonnables.

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Mais il y a peu de chances que la diplomatie l'emporte lorsque des gens comme Boris Johnson et d'autres guerriers froids de Londres attisent les tensions guerrières par des livraisons d'armes provocantes à l'Europe de l'Est, dans un contexte de distorsions fantastiques sur l'"agression russe".

Une autre ironie amère est le rôle historique néfaste de la Grande-Bretagne dans l'incitation aux guerres en Europe. Contrairement à la version conventionnelle de la propagande de la Seconde Guerre mondiale, c'est Londres qui a secrètement mobilisé l'Allemagne nazie pour attaquer l'Union soviétique, sacrifiant ainsi son "allié" nominal, la Pologne et d'autres pays. Aujourd'hui, Londres proclame qu'elle défend l'Europe contre "l'agression russe" tout en préparant le terrain pour une guerre contre la Russie.

Source : Culture stratégique

Traduction : Luciano Lago

Pierre Boutang et la vox cordis 

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Luc-Olivier d'Algange:

Pierre Boutang et la vox cordis 

Note sur l'art de la traduction

« Ainsi chaque réel poème a pour invisible

réserve, ce que le Moyen-Age nommait

vox cordis, une voix du cœur. »

Pierre BOUTANG

Il est de coutume de juger l'œuvre de Pierre Boutang, pour l'en louer ou l'en blâmer, peu importe, à l'aune de sa fidélité à Charles Maurras. Pierre Boutang ne cessa jamais, à l'inverse de tant d'autres, de mentalité honteuse ou renégate, de témoigner d'une fidélité essentielle à l'égard de l'auteur (enseveli sous l'opprobre, le mépris et l'indifférence) de L'Avenir de l'Intelligence. Etre fidèle à Charles Maurras, ce ne fut certes point, pour Pierre Boutang, s'obstiner, à l'exemple de quelques acariâtres, sur les vues partielles défendues par le Maître de Martigues dans tel ou tel éditorial malencontreux, mais bien accomplir cet acte de remémoration et de gratitude par lequel le disciple établit l'autorité du Maître dans son essence, sans pour autant éprouver la tentation « psittaciste », sans âme, qui accable l'oeuvre sous le poids de la lettre morte. Villiers de l'Isle-Adam dans un conte intitulé Les Plagiaires de la foudre traite la question sous forme de parabole.

Rien n'est moins aimable que le reniement. Déprécier le passé du monde, de son pays, ou ne fût-ce que de sa propre existence est, selon Nietzsche, le signe propre du nihilisme. Celui qui renie son passé ne fonde point le nouveau mais l'abolit. L'idée même d'un « couronnement des formes », d'un accomplissement du destin, d'une réalisation, au sens métaphysique, voire initiatique du terme, suppose que l'âme humaine, l’amoureuse amie de Mnémosyme, eût construit, pierre à pierre, et avec déférence, un édifice du Souvenir. Etre fidèle, ce n'est point idolâtrer le passé, c'est veiller sur la flamme, dispensatrice à la fois de chaleur et de lumière, afin qu'elle ne s'éteigne. Témoigner d'une fidélité essentielle, n’est-ce point comprendre alors la différence entre le Maître qui nous fait disciple et le Maître qui nous fait esclave ? Etre fidèle, n’est-ce point atteindre à cette liberté essentielle, caractère dominant de l'auteur Pierre Boutang : liberté qui est le « privilège immémorial de la franchise », signe de l'attachement de l'auteur à son Pays qui lui permet d'être lui-même, sans pour autant être « maurrassien » à la façon des épigones et des obtus? Ces nuances échapperont aux esprits mécaniques. Pierre Boutang sut rendre possible une telle méditation sur le Logos et la nécessaire convenance du monde au langage qui l'élucide et l'enchante et, par voie de conséquence, témoigner de la tradition, et de l'art du traducteur, qui présument l'autorité du sens.

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Dès lors que l'on ne cède point à la superstition ou à l'idolâtrie du texte réduit à sa propre immanence, comme il était d'obligation naguère dans les sectes de la critique « matérialiste », il devient légitime de s'interroger sur les fonctions, non plus de l' « écriture » mais de l'auteur. Les fonctions de l'auteur sont de l'ordre de son magistère. Dans la perspective métaphysique ou plus exactement théologique, qui ne cessa jamais d'être celle de Pierre Boutang, même au cœur le plus ardent de son combat politique, l'œuvre est un moyen de connaissance et de justice. Si la fonction dévolue à quelques écrivains est de distraire, à d'autres, moins enviables, de relever la bonne conscience défaillante de leurs lecteurs, à d'autres encore plus simplement de « passer le temps », comme si temps n'accomplissait pas cette fonction de son propre chef, les fonctions de l'œuvre de Pierre Boutang sont infiniment plus complexes et d'une portée si grande que nous parions volontiers qu'elles ne commencent qu'à peine à être évaluées.

Pierre Boutang, « logocrate », monarchiste, philosophe et traducteur, fit donc de chacune de ses « vertus » au sens antique, une « fonction », au sens sacerdotal. Etre monarchiste loin d'être seulement l'expression d'une conviction, ce fut, pour lui, une poétique et une rhétorique, au sens noble, médiéval et théologique, c'est à dire la façon, également grammaticale et étymologique tout autant qu'architecturale et musicale, de comprendre l'ordre humain et l'ordre du monde en concordance avec l'ordre divin. Alors que le « monarchisme » de beaucoup d'autres n'est qu'une façon retorse d'avouer leurs nostalgies d'un monde réduit précisément aux valeurs de la « troisième fonction », au sens dumézilien, « travail, famille, patrie », c'est-à-dire aux « valeurs » bourgeoises dans toute leur horreur, à quoi s'ajoute le goût obscur pour la défaite, la contrition, et une forme vaniteuse d'irresponsabilité, pour Pierre Boutang être fidèle au Roi, ce fut d'abord se souvenir que la France, par provenance, et osons le croire par destination, est un Royaume, et que la « République » ( dont il est permis à présent de préférer l'aristocratisme jacobin, d'allure encore vaguement stendhalienne, à l'actuel totalitarisme démocratique) est elle- même faite avec ce Royaume dont elle décapita les symboles.

Etre monarchiste, pour Pierre Boutang, ce fut comprendre, par delà les considérations « positivistes » (inspirées d'Auguste Comte, d'Anatole France ou de Renan) de Maurras, que l'ordre politique et terrestre n'est digne d'être respecté que s'il reçoit humblement l'empreinte de l'Ordre du Ciel. La fonction d'Auteur monarchique que Pierre Boutang fut, avec Henry Montaigu, un des très rares à hausser à l'exigible dignité chevaleresque, annonce ainsi sa fonction de philosophe, c'est-à-dire d'amoureux de la sagesse. Car si l'Ordre est vénérable, en ce qu'il témoigne du permanent, et s'il est préférable a priori à la subversion, désastreuse par nature, il n'en demeure pas moins que l’auteur des Abeilles de Delphes, dans la fameuse querelle sur le « coup de force » qui eût libéré Socrate de ses geôliers, eût été enclin à passer outre aux recommandations légalistes de Socrate pour le sauver. L'Ordre est sacré, certes, mais encore faut-il qu'il ne contredise point le cri du coeur qui, en certaines circonstances, nous en révèle la nature parodique. Dans la honte et l'horreur où nous plonge le désastre du monde moderne, le grand péril est de céder à n'importe quelle « réaction », de nous contenter d'un « ersatz ». Mieux vaut approfondir en soi l'absence du Royaume, de l'Ordre, du Sacré que d'en faire un simulacre. Les temps modernes sont aux faux-semblants. Des fausses légions romaines de Hitler aux châteaux en carton-pâte des parcs d'attraction d'Outre-Atlantique venus s'installer chez nous, la ligne constante du monde moderne est de substituer le faux spectaculaire à «  la simple dignité des êtres et des choses ».

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Amoureux de la sagesse, le philosophe est aussi amoureux du langage qui porte en lui, comme un secret et comme une évidence, les normes de la sagesse. Le pouvoir du Logos accroît notre liberté et notre autorité. L'oeuvre de Pierre Boutang se laisse lire comme une méditation sur le Logos incarné. Etre auteur, c'est remplir ces « fonctions » de l'auctoritas non sans un certain détachement, accomplir son destin, faire son oeuvre, être à la hauteur de cette « disposition providentielle » dont la surnature nous privilégie et dont tout combat humain n'est que la remémoration ou le remerciement.

Les talents ne sont pas donnés en vain et comme les hommes plus généreux sont aussi les plus prompts à révéler leurs talents, il est compréhensible que l'écart se creuse entre les hommes et entre leurs oeuvres. Mais cette inégalité est avant tout, pour reprendre le mot de Maurras, une « inégalité protectrice ». La méditation sur la Monarchie, sur le pouvoir du Logos et sur la rhétorique de Dieu que Pierre Boutang poursuit à travers son oeuvre ne sera point sans redonner, au grand scandale des bien-pensants, un sens profond, et dirions-nous profondément chrétien, - au mot hiérarchie. Parmi les rares écrits anglais trouvant grâce aux yeux de Maurras figurait le Colloque entre Monos et Una d'Edgar Poe qui comporte, il est vrai l'une des critiques métaphysiques les mieux formulées de l'idéologie démocratique: « Entre autres idées bizarres, celle de l'égalité universelle avait gagné du terrain, et à la face de l'Analogie et de Dieu, en dépit de la voix haute et salutaire des lois de gradation qui pénètrent si vivement toutes choses sur la Terre et dans le Ciel, des efforts insensés furent faits pour établir une Démocratie universelle. » Nous comprenons, alors que ce qui distingue les hommes en accord avec les profondeurs du temps et les « derniers des hommes » au sens nietzschéen, « ceux qui clignent des yeux », n’est autre que le sens des gradations.

Ce sens des gradations qui est d'abord résistance à la planification sera aussi une clef pour comprendre la pensée platonicienne de la Forme et du Logos dont Pierre Boutang ravive les prestiges et approfondit les possibilités. Il existe une façon matutinale d'être platonicien, de faire de la pensée un chant de gratitude dans le « matin profond », et cette « façon », cette poétique, en référence à l'étymologie du faire poétique, nous délivre de ce « dualisme morose » où certains voulurent enfermer l'oeuvre de Platon et de ces disciples. De même que Pierre Boutang eût été tenté de sortir Socrate de sa geôle, il saura prendre les mesures nécessaires pour sortir Platon de sa prison exégétique où, non sans les commodités propres aux prisons « modernes », Platon se trouve réduit à une triste « perpétuité ». L'oeuvre de Pierre Boutang réfute ainsi un nombre considérable de banalités fallacieuses. A commencer par la plus insistante de toutes qui consiste pour le premier venu à prétendre au « renversement du platonisme ». La belle affaire que de « renverser » : de quoi satisfaire à la fois au goût moderne de la subversion et à l'indéracinable vanité humaine. Pierre Boutang, en renouant avec une subtilité herméneutique perdue, fut sans doute, avec Henry Corbin et George Steiner, celui des philosophes qui nous offrit l'ultime chance de comprendre, avant la liquidation générale de tout, que ce platonisme « renversé » par une prétention qui se voudrait nietzschéenne (alors qu’elle n'est que bonhomesque) est une caricature.

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Poursuivant avec audace et humilité la méditation européenne sur la Forme et le Logos sans faire système ni doxa de ce qui ne s'y prête point, Pierre Boutang exige de son lecteur cette témérité et cette déférence qui, selon la formule d'Hölderlin, fondent « ce qui demeure ». Les philosophes modernes, loin d'avoir renversé le platonisme se sont contentés d'en fermer l'accès, d'en rendre l'approche impraticable par des approximations et des sophismes. Ainsi en est-il de la confusion assez systématiquement entretenue entre l'opposition et la distinction. Platon distingue le monde des Idées et le monde sensible, il ne les oppose point ni ne les sépare. Platon distingue car distinguer est le propre de la connaissance et l'art du poète comme du métaphysicien. De même que le musicien distinguera le timbre, le rythme et la mélodie, sans davantage concevoir qu'on dût les séparer, Platon distingue les idées et les réalités sensibles comme Julius Evola, l'un de ses lointains disciples, distinguera la forme de la matière. Platon lui-même parle des « gradations infinies » qui unissent les mondes que l'exigence de la connaissance distingue. Il y a dans l'insistance des Modernes à « renverser le platonisme » une volonté déterminée de ne pas comprendre la Forme, le Logos et l'Un qui fondent la métaphysique et l'ontologie européennes. Le grand mérite de Pierre Boutang sera de renouer la « catena aurea », qui nous unit à Platon, Parménide, Aristote et à la Théologie médiévale après laquelle une grande part de l'ingéniosité humaine consistera à déraisonner de façon de plus en plus utilitaire.

L'Idea, la Forme, au sens platonicien, ne se réfute qu'au profit d'un nouvel obscurantisme, peut-être le pire de tous, qui délie, scinde, déconstruit ; d'une relativisation générale qui, récusant la notion d'interdépendance universelle n'est plus qu'une méthode pour nier tout sens et toute orientation. Si nous ne pouvons nier la Forme, et que toutes les choses ont une forme qui correspond à un modèle, il demeure possible de contester ce que l'on suppose être l'intention de la métaphysique, qui est d'affirmer la précellence de l'Un et de l'Eternel sur le multiple et le fugace. Or le monde moderne a ceci d'étonnant qu'il choisit ses chantres parmi les hommes qui éprouvent le plus vive aversion pour la communion des esprits. Nier l'éternité, le Logos, l'Un, c'est rendre impossible la communion des esprits, c'est rejeter dans une multiplicité aléatoire un message réduit à sa propre immanence et vouée à ne « signifier » fugacement que dans un temps ou dans un lieu donné. Sous couvert de dénoncer toute hiérarchie, y compris celle qui, par gradations infinies embrasse toute chose dans un même amour (ou dans une même logique) et de refuser toute autorité (y compris celle qui est contre le pouvoir, dont la nature est d'abuser, le seul recours de la liberté), le Moderne invente un monde où la communion cède définitivement à la fascination, où les signes et les symboles réduits à eux-mêmes deviennent idoles et où la solitude, - n'étant plus glorifiée par l'unificence de Dieu - n'est plus que l'esseulement de l'insolite, de l'unité interchangeable, propre à cet individualisme de masse qui parachève les ambitions les plus folles du totalitarisme.

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Ce n'est pas le caractère le moins diabolique de ce siècle étrange que d'avoir généralisé la « communication » tout en ôtant aux hommes la possibilité de la communion. Exception lumineuse, la rencontre de Pierre Boutang et de George Steiner, fut bien davantage qu'un heureux hasard médiatique. Pour peu que l'on cultive quelque peu, à l'exemple du bon maître d'Engadine, le goût de la généalogie des idées, l'importance de la théorie de la traduction, aussi bien dans l’œuvre de Boutang que de Steiner, ne manquera pas d'apparaître dans sa perspective métaphysique. La riposte à Derrida et à quelques autres, qui persistent à refuser le sens comme une déplorable « survivance platonicienne », vient ainsi étayer dans notre pensée l'Art poétique de Pierre Boutang, comme de juste dédié à Steiner, et qui est d'abord un traité de la traduction.

Que la traduction soit possible, nous dit Steiner, prouve l'existence du sens. Non point d'un « sens » comme épiphénomène, prolongement du « fonctionnement du texte » mais comme origine, voire comme Mystère, dont il reviendra à l'Art poétique de manifester la présence réelle. L'insistance du Moderne à nier la possibilité ou la légitimité de la traduction, toute traduction s'avérant pour lui inadéquate ou délictueuse, n'est rien moins qu'innocente ; à suivre le raisonnement de Steiner et celui de Boutang, si nous pouvons traduire, toute la doxa moderne et matérialiste se trouve récusée. Si le sens existe, s'il se manifeste en « présence réelle », ainsi que l'établit la simple possibilité de la traduction, l'intelligence même du mouvement renoue avec l'herméneutique, et, par voie de conséquence, avec la tradition.

Ce qui peut être traduit, cette possibilité universelle du sens, tel est le fondement de l'herméneutique et de la tradition. Interpréter, traduire, transmettre, telles sont, pour l'homme traditionnel, les fonctions essentielles de l'entendement humain, et l'aventure par excellence, dont la navigation d'Ulysse est la métaphore immense. Ce qui peut être traduit navigue sur le vaisseau du langage dont les cordes, les voiles et le bois sont la grammaire. L'herméneute est celui qui fait sienne cette beauté maritime, qui veille sur les variations météorologiques révélées par les souffles et les couleurs. Celui qui aborde un poème avec un cœur moins aventureux demeurera en deçà de l'honneur que la Providence lui fait d'une telle rencontre. Comme dans toutes les circonstances majeures de l'existence, tout se joue dans la déférence. S'orienter dans les ténèbres des signes réduits à eux-mêmes, jusqu'au matin, tel sera le courage du traducteur.

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Avant de traduire d'une langue à une autre, dans ce monde « d'après Babel » où nous sommes précipités de naissance, le traducteur traduit du silence qui est en amont de l'oeuvre. Toute traduction est ainsi non seulement herméneutique, elle est aussi gnostique, à la condition de comprendre que le mot gnose ne renvoie pas ici aux théogonies des sectes d'Alexandrie qui voyaient en la création l'oeuvre du démon, mais à la connaissance, la gnosis que Platon distingue de l'opinion, de la doxa. Ce que le Moderne nie en niant la possibilité de la traduction, n'est rien d'autre que la tradition avec ses ramifications et ses arborescences. Enfermer chaque langue dans la prison de ses mécanismes, et chaque auteur dans le cachot de sa subjectivité intransmissible, soumettre les idées, les métaphysiques, les symboles et les mythes à des circonstances sociologiques, en un mot, expliquer le supérieur par l'inférieur, au point de ôter à l'esprit toute réalité, telle est l'ambition du Moderne qui ne peut établir son règne totalitaire qu'à ce prix. C'est à ce titre que l'on cherche, depuis plusieurs décennies, à nous faire croire que Platon, Dante, Shakespeare nous sont devenus incompréhensibles afin qu'ils le deviennent et que nous soit ôté ce lien aux gloires et aux autorités d'antan où nous puisons la force de résister aux offenses et aux pouvoirs d'aujourd'hui.

Ne voir que le mécanisme des êtres, des oeuvres et des choses, c'est hâter le moment où tous les êtres, toutes les oeuvres et toutes les choses seront entièrement livrés à un mécanisme. A l'analyse et à l'explication où le Moderne accomplit sa vocation titanique, Pierre Boutang oppose l'interprétation et la compréhension des gradations. A travers ses traductions de l'Ecclésiaste, de Sophocle, de Shelley ou de Rilke, Pierre Boutang fait l'expérience, non de mécanismes mais « d'une poésie secrètement unique dont il est naturel ou surnaturel qu'elle passe toute entière, non sans métamorphose, dans d'autres langues humaines parce qu'elle est la langue des dieux. Et puisqu'il n'y a qu'un seul Dieu, il faut que ce soit parce qu'elle est poésie et non prose. »

Le rapport essentiel qui rend possible ce périple odysséen ne sera donc pas celui qui s'établit, ou manque à s'établir, entre le poète traduit et le poète traducteur, ou entre la langue d'origine et la langue destinée mais, plus profondément, entre le poème et l'Auteur « L'être du poème à traduire, écrit Pierre Boutang, n'est de personne, il est comme le poème, présent dans sa langue - au point décisif de l'expérience. » Cette affirmation suffit à elle seule à marquer le différend qui oppose Pierre Boutang à la presque totalité des critiques qui furent ses contemporains. Loin de lancer devant soi l'être du poème ou quelque audacieuse et peut-être salvatrice hypothèse ontologique, la critique moderne fit de son mieux pour dénier à la poésie tout être, voire toute existence, à la rendre dépendante, non seulement de l'humain mais d'un humain défini selon des critères strictement déterministes.

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Qu'il y eût un être du poème et donc, de la part du poète, comme du traducteur, la possibilité d'une gnose et d'une ontologie poétique, c'est bien là une hypothèse qui, non seulement ne fut pas envisagée mais dont il parut nécessaire, pour d'évidentes raisons d'orthopraxie matérialiste, d'exclure toute approche possible. Telle fut la sereine fulgurance de Pierre Boutang, en concordance avec sa fidélité, de nous faire comprendre que le poète est à la poésie ce que l'homme est à Dieu, le plus simplement du monde « un éclair dans un éclair » selon la formule étonnante d'Angélus Silésius. « Le traducteur auprès de cet être, écrit Pierre Boutang, ne diffère pas foncièrement du poète, lui-même effacé par son ouvrage. » Le tout est d'entendre ce qui est dit. A peine sommes-nous présents à notre esprit que nous devenons l'infini à nous-mêmes. Les vertus réfléchissantes de notre spéculation que la vérité métaphysique embrase, comme un soleil la surface des eaux, s'incarnent dans le chant. Dans les éclats illustres de cette transcendance immanente, nous abandonnons l'illusion dérisoire d'un poème issu de l'humain pour rejoindre l'élan de l'hypothèse audacieuse, odysséenne, d'une poésie reçue des dieux ou de Dieu.

Certes, l'être simple du poème, en tant que pure transcendance, est au-delà de la subjectivité et de l'objectivité, de même qu'il ignore l'opposition coutumière entre l'intérieur et l'extérieur. Toutefois, la façon la moins malencontreuse d'aborder le poème est encore de commencer par lui reconnaître cette grande vertu d'objectivité, où le Moi s'efface, et qui est le propre des natures héroïques et sacerdotales. L'oeuvre de Pierre Boutang et de Henry Montaigu se rejoignent là encore pour reconnaître dans cette vertu une prédestination surnaturelle de la langue française dont Boutang souligne « l'universalité et la vocation à traduire les proses de Babel et à les attirer sur un terrain commun ». Une fois dépassées les contingences, par l'immensité des désastres qui survinrent, l’ « action française » ne saurait plus être qu'une action du Logos français, une action oblative, c'est-à-dire une prière du coeur d'où naissent surnaturellement les prosodies de Scève, de Nerval ou d'Apollinaire. Pierre Boutang en témoigne: «  La langue française ne devrait d'abord établir ses titres et son privilège que dans la traduction du poème et de tout ce qui demeure d'héroïque et de divin dans l'existence des hommes de toute origine ». L'universalité métaphysique non seulement ne dénie pas cette « disposition providentielle », elle en accomplit la vocation profonde.

 

dimanche, 13 février 2022

Endiguer les Etats-Unis dans les Caraïbes

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Endiguer les Etats-Unis dans les Caraïbes

Source: https://katehon.com/ru/article/sderzhivanie-ssha-v-karibskom-basseyne

Comment la Russie peut contribuer à protéger la souveraineté de l'Amérique latine et obliger Washington à se montrer plus conciliant.

La crise des missiles de Cuba en 1962 a montré qu'il existe certaines limites au-delà desquelles les États-Unis commencent à se sentir menacés dans leur sécurité ontologique. Le déploiement de missiles nucléaires soviétiques à Cuba en réponse à la présence de missiles américains en Turquie a contraint l'administration Kennedy à faire certaines concessions. La situation peut maintenant se répéter, bien qu'avec une tension moins dramatique, sans la menace d'une guerre nucléaire. Comme la Maison Blanche n'a pas accepté les propositions de Moscou visant à établir un cadre de sécurité clair, le Kremlin a les mains libres. Des déclarations ont déjà été faites sur l'intensification de la coopération militaro-technique avec des partenaires proches des frontières américaines - Cuba, le Venezuela et le Nicaragua. Avec ces trois pays, la Russie a une expérience de la coopération militaire et sécuritaire.

Les portes de l'économie dans le collimateur

Les États-Unis réalisent une part importante de leurs opérations d'import-export par le biais du Golfe du Mexique. Les ports de Houston, de la Nouvelle-Orléans, de Mobile et de Miami en Floride sont des éléments importants des chaînes d'approvisionnement en marchandises et en matières premières pour l'industrie américaine. Et il ne s'agit là que des plus grands points de déchargement et de chargement ; en tout, il y a une vingtaine de ports maritimes ou fluviaux situés dans le Golfe du Mexique. S'ils sont paralysés en raison d'une menace militaire, les terminaux des côtes de l'Atlantique et du Pacifique ne pourront pas faire face à la charge d'approvisionnement. L'économie américaine s'effondrerait.

Les États-Unis sont bien conscients de cette perspective, et l'un des objectifs de l'embargo et des sanctions américaines contre Cuba est de réduire son potentiel industriel et de défense. En outre, une base militaire américaine est située illégalement dans la province de Guantanamo, ce qui permet à l'armée américaine de mener des activités de renseignement et de surveillance opérationnelle. L'aide de la Russie pour le retrait de cette base serait très précieuse pour Cuba, car elle contribuerait à l'établissement de la pleine souveraineté du gouvernement en place à La Havanne sur l'ensemble du territoire cubain. En plus des méthodes légales, des blocus et des moyens de pression pourraient être utilisés - jusqu'à la création de barrières de mines empêchant le passage des navires américains.

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Cyber-guerre

À l'époque de la guerre froide, Cuba hébergeait un centre radio-électronique à Lourdes (Cuba) pour intercepter les données des satellites de communication américains et des câbles de télécommunications vers les États-Unis. Cependant, il a été fermé. Mais le centre radio-électronique russe GLONASS au Nicaragua est désormais opérationnel. L'apparition de centres et d'installations supplémentaires d'interception radio et de brouillage électronique à Cuba et au Venezuela créera également des problèmes supplémentaires pour le commandement sud des États-Unis, en particulier pour la marine.

Des cyberattaques provenant d'États voisins pourraient également être menées sur le territoire américain. Le Mexique pourrait être un lieu idéal, étant donné les activités de divers gangs criminels et cartels de la drogue - les attaques contre les infrastructures américaines pourraient être officiellement menées au nom de la communauté criminelle en représailles aux actions des agences de renseignement américaines au Mexique.

Des armes supersoniques au large des côtes américaines

Parmi les menaces actuelles pour leur sécurité, les États-Unis mettent surtout en avant la technologie moderne, qui comprend les robots, l'intelligence artificielle, la cybernétique et les transporteurs supersoniques. Entre autres choses, Washington réfléchit déjà à la manière de contrer la menace des armes supersoniques. Jusqu'à présent, la première analyse ne concerne que la Russie et la Chine.

Toutefois, la RPDC a récemment testé avec succès ses armes supersoniques (on ne peut exclure qu'il s'agisse de la version chinoise), ce qui crée des inquiétudes supplémentaires pour les États-Unis.

L'apparition d'une telle arme à proximité des frontières américaines rendrait leur système d'alerte précoce pratiquement inutile et obsolète. En termes pratiques, cela peut se faire par le biais de plusieurs options. La première, et la plus simple, consiste à équiper de missiles supersoniques des navires et des sous-marins qui seraient en alerte près des côtes américaines. Des vols de routine d'avions stratégiques russes en visite amicale au Venezuela ou à Cuba pourraient également ajouter une dimension supplémentaire à ce modèle.

Régime de prolifération

Toutefois, le coup le plus sensible pour les États-Unis serait le transfert de certains systèmes d'armes aux partenaires russes dans la région. Le régime de non-prolifération étant une priorité stratégique pour les États-Unis, son antipode provoquera une réaction immédiate de la Maison Blanche. De même que la vente de systèmes S-400 à la Turquie s'est transformée en un scandale majeur et a refroidi les relations entre Ankara et Washington, la fourniture d'armes russes à des pays d'Amérique latine pourrait devenir une douche froide pour les fonctionnaires de la Maison Blanche et du Département d'État. Si la Russie a déjà fourni des armes au Venezuela, au Nicaragua et à Cuba, le nouveau dispositif pourrait suggérer une approche légèrement différente. Non seulement la géographie peut être étendue au détriment, par exemple, de l'Argentine, mais les principes des livraisons eux-mêmes peuvent être modifiés.

Et si les systèmes d'armes supersoniques russes se retrouvaient à Cuba, au Nicaragua et au Venezuela dans le nouvel agencement des relations bilatérales ? Par exemple, une forme particulière de leasing sera élaborée avec le concours de spécialistes russes. Officiellement, il n'y aura pas de bases militaires russes dans les pays susmentionnés, mais seulement des conseillers militaires et du personnel de maintenance, ce qui s'inscrit également dans le cadre de l'interaction actuelle avec ces pays.

Enfin, des manœuvres et exercices réguliers dans la région des Caraïbes pourraient servir de base à la présence effective des forces armées russes dans la région. Et l'implication des partenaires de la multipolarité, notamment la Chine et l'Iran, serait un bon signal pour Washington.

Attaque israélienne contre l'Iran : menace réelle ou rhétorique vide ?

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Attaque israélienne contre l'Iran : menace réelle ou rhétorique vide ?

Mohammad Salami

Source: https://katehon.com/ru/article/izrailskoe-napadenie-na-iran-realnaya-ugroza-ili-pustaya-ritorika

Les Israéliens n'ont pas la capacité ou les ressources nécessaires pour frapper plusieurs installations nucléaires iraniennes, mais les menaces de le faire continuent de croître.

Les responsables israéliens ont visiblement intensifié leurs menaces d'attaquer les installations nucléaires iraniennes au cours des derniers mois et ont même lancé des exercices provocateurs de l'armée de l'air israélienne visant à simuler des frappes contre les installations nucléaires iraniennes.

En réponse à l'escalade du langage et du comportement d'Israël, le Corps des gardiens de la révolution islamique d'Iran (IRGC) a organisé fin décembre son exercice militaire annuel, baptisé "Grand Prophète 17".

Le général de division Hossein Salami, commandant en chef du Corps des gardiens de la révolution islamique, a déclaré que l'exercice militaire visait à envoyer un "signal très clair" et un "avertissement sérieux et réel" à Tel Aviv.

"Nous leur couperons les mains s'ils font le mauvais geste", a-t-il déclaré sèchement. "La différence entre les opérations réelles et les exercices militaires réside uniquement dans le changement des angles de lancement des missiles."

Outre les avertissements du Corps des gardiens de la révolution islamique, il existe de nombreuses raisons de penser que les menaces d'Israël ne sont rien d'autre que de la rhétorique vide destinée à la consommation intérieure et extérieure. En bref, Tel Aviv pourrait en fait n'avoir ni les ressources nécessaires pour attaquer l'Iran ni la capacité de neutraliser les représailles assurées de Téhéran.

Les multiples contraintes d'Israël

La principale limite d'Israël pour mener à bien ces attaques découle de la multiplicité et de la dispersion des installations nucléaires iraniennes.

Contrairement à la destruction opérationnelle des installations nucléaires irakiennes par l'armée de l'air israélienne en 1981 (opération Opera) et à son attaque en 2007 contre une installation nucléaire présumée en Syrie (opération Out of the Box), où l'armée de l'air n'avait pour mission que de frapper un seul endroit - Bagdad et Deir ez-Zor -, Israël sera confronté à un paysage totalement différent en Iran.

L'Iran possède quatre types d'installations nucléaires, à savoir des réacteurs de recherche, des mines d'uranium, des installations militaires et nucléaires. Au total, il existe plus de 10 sites nucléaires connus, dispersés du nord au sud du pays.

Par exemple, la distance terrestre entre la mine d'uranium de Gachin, dans la ville de Bandar Abbas, au sud de l'Iran, et le réacteur de recherche de Bonab, au nord-ouest, est d'environ 1800 kilomètres (1118 miles). Attaquer un tel nombre de sites nucléaires à partir de longues distances nécessiterait une coordination extraordinaire et des opérations complexes pour s'assurer que tous les sites soient frappés simultanément.

En outre, l'Iran a fortement investi dans sa défense aérienne au cours des dernières décennies, qui couvre désormais plus de 3600 sites et est capable de localiser des missiles sol-air.

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Il convient de noter que l'Iran affirme être autosuffisant dans la production de ses missiles, de sorte qu'il peut produire et disperser ses missiles sans interruption, malgré les sanctions internationales. Le missile Bavar-373, une version locale du système russe S-300, en fait partie.

Le Bavar-373 peut engager jusqu'à six cibles simultanément avec douze missiles jusqu'à une distance de 250 km. Plusieurs missiles peuvent être tirés sur une même cible pour augmenter la probabilité d'engagement.

Avec cet arsenal défensif puissant et combiné, la probabilité que l'Iran suive et détruise les avions de guerre israéliens est élevée.

Une autre limite pour Israël est que certaines des installations nucléaires iraniennes sont souterraines. Les installations nucléaires, telles que l'usine d'enrichissement du combustible de Fordow, où l'uranium est enrichi à plus de 20 %, sont construites à 80 mètres (260 pieds) de profondeur dans une montagne. Israël ne dispose pas de bombardiers spécialisés capables de détruire des installations situées en profondeur.

Bien que les États-Unis disposent des puissantes munitions anti-bunker nécessaires pour atteindre de telles cibles - le GBU-57 Massive Ordnance Projectile (MOP) de 13.600 kilogrammes (30.000 livres) - Washington a jusqu'à présent refusé de les fournir à Tel Aviv.

En tout état de cause, la vente de tels MOP incroyablement lourds à Israël n'aurait aucun sens, car l'armée de l'air israélienne ne dispose ni des avions capables de les transporter, ni de l'infrastructure d'aérodrome nécessaire au soutien de ces appareils.

En outre, la vente de certains types de SS est interdite par le traité New START, également connu sous le nom de "Mesures pour la poursuite de la réduction et de la limitation des armements stratégiques offensifs", conclu entre les États-Unis et la Russie.

Affronter l'Iran et ses alliés

Contrairement aux frappes aériennes israéliennes en Syrie et en Irak, qui sont restées sans réponse, Tel-Aviv est bien conscient que la réponse de l'Iran sera dure et décisive. Les capacités militaires nationales de l'Iran dépassent de loin celles de ses voisins et, au cours des quarante dernières années, l'Iran a noué des relations solides avec des alliés en Irak, en Syrie, en Palestine, au Liban et au Yémen, qui ont exprimé leur volonté de défendre l'Iran en cas d'attaque par un adversaire commun.

En avril 2021, un missile syrien a pu traverser le système antimissile israélien Dôme de fer et exploser près du réacteur nucléaire secret du pays à Dimona. Ces actions pourraient être répétées par des alliés tels que le Hezbollah, le Hamas et les groupes pro-iraniens en Syrie et en Irak en cas d'attaque contre les installations nucléaires de l'Iran.

Pour frapper l'Iran, les Israéliens devraient traverser l'espace aérien de pays "inamicaux" en Syrie et en Irak. Même les États arabes de la péninsule arabique ne sont pas susceptibles d'autoriser les avions de guerre israéliens à utiliser leur territoire pour attaquer l'Iran, par crainte de représailles iraniennes.

Le souvenir des frappes de missiles ponctuelles du Yémen sur les installations pétrolières d'Aramco en septembre 2019, attribuées à tort à l'Iran plutôt qu'au Yémen, a convaincu les pays du Golfe qu'il fallait à tout prix éviter un prétexte pour des frappes de représailles iraniennes.

La Russie pourrait également s'y opposer, car si Israël attaque l'Iran, les actions des mandataires iraniens à l'intérieur de la Syrie pourraient déclencher une nouvelle crise dans l'équilibre politico-militaire du pays.

Le président russe Vladimir Poutine, qui a dépensé des millions de dollars pour stabiliser la Syrie, ne veut pas que la Syrie soit à nouveau sens dessus dessous. Et compte tenu de l'influence de la Russie au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, Israël ne voudra pas se confronter à Moscou.

Face à la communauté internationale

Les États-Unis et l'Europe négocient actuellement à Vienne avec l'Iran pour rouvrir l'accord nucléaire du Plan global d'action conjoint (JCPOA) de 2015, qui a été abandonné par la précédente administration américaine. Le président américain Joe Biden cherche à conclure rapidement un "bon accord nucléaire" avec l'Iran, en partie pour aliéner Téhéran de ses alliés stratégiques de Moscou et de Pékin, les deux principaux adversaires mondiaux de Washington.

Si Israël attaque l'Iran, Téhéran pourrait se retirer des pourparlers et, en représailles, augmenterait probablement son niveau d'enrichissement de l'uranium de 60 % à plus de 90 % (convenant à une bombe nucléaire). Biden a besoin d'une Asie de l'Ouest pacifiée pour pouvoir sortir facilement des divers bourbiers de la région et "virer à l'Est" pour contenir la Chine et encercler la Russie, deux de ses priorités stratégiques les plus urgentes.

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Selon Foreign Policy, les États-Unis ont longtemps résisté aux attaques contre les centrales nucléaires iraniennes, comme le souligne l'autobiographie de l'ancien ministre israélien de la défense Ehud Barak, My Country, My Life.

"Je tiens à vous dire à tous les deux maintenant, en tant que président, que nous sommes catégoriquement opposés à toute action de votre part visant à lancer une attaque contre les centrales nucléaires [iraniennes]", a déclaré le président américain de l'époque, George W. Bush, à Barak, au premier ministre de l'époque, Ehud Olmert, en 2008. "Encore une fois, pour éviter tout malentendu, nous attendons que vous ne le fassiez pas. Et nous ne le ferons pas non plus, tant que je serai président. Je voulais que ce soit clair."

L'approche actuelle de l'administration Biden consiste à ramener le programme nucléaire iranien aux frontières de 2015 sans guerre ni recours à la force.

Dans un article paru en octobre 2021, Dennis Ross, assistant spécial de l'ancien président américain Barack Obama et directeur principal pour la région centrale au Conseil national de sécurité, a écrit :

"Bien qu'ils rejettent la justification iranienne des actions qui poussent l'Iran vers les armes nucléaires, les responsables de l'administration Biden ont dit aux Israéliens, comme je l'ai appris récemment en Israël, qu'il y avait 'une bonne pression et une mauvaise pression' sur l'Iran - citant le sabotage de Natanz et de Karaj comme le 'mauvais' exemple parce que les Iraniens ont utilisé cette affaire pour enrichir l'uranium à des niveaux proches de ceux des armes."

Les commentaires de Dennis Ross montrent qu'à ce stade, les Américains ne cherchaient pas à attaquer ni même à saboter les installations nucléaires iraniennes, mais étaient déterminés à empêcher les Israéliens d'attaquer l'Iran.

Il devient évident que les menaces israéliennes à l'égard des capacités nucléaires de l'Iran sont largement destinées à la consommation intérieure - et peut-être aussi à maintenir la pertinence d'Israël face aux changements géopolitiques rapides qui se produisent en Asie occidentale.

L'actuel Premier ministre israélien Naftali Bennett doit actuellement faire face aux critiques incessantes de l'ancien Premier ministre Binyamin Netanyahou et de ses rivaux politiques, ainsi qu'à des déficits intérieurs dans le sillage de la crise de la pandémie. Attaquer un pays étranger - ou Gaza - est le principal moyen pour Israël de détourner l'attention de l'opinion publique de ses problèmes intérieurs.

Les discussions sur les frappes aériennes israéliennes contre l'Iran ne sont rien d'autre que de la rhétorique vide, malgré les menaces verbales répétées des responsables israéliens. Pour l'instant, Israël n'a ni le pouvoir ni les moyens d'attaquer l'Iran et ne peut agir unilatéralement contre la politique américaine.

 

L'ennemi de l'Europe

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L'ennemi de l'Europe

par Daniele Perra

Source : https://www.ariannaeditrice.it/articoli/il-nemico-dell-europa

Ces derniers jours, on a beaucoup parlé de la diatribe entre Meta (la société de Mark Zuckerberg à laquelle se réfèrent les plateformes sociales Facebook et Instagram) et l'Union européenne. L'objet du litige serait l'incompatibilité avec la réglementation européenne en matière de protection des données personnelles, qui empêcherait Meta de transférer ces données, tirées des utilisateurs européens, aux gestionnaires et archives nord-américains. Cette réglementation représenterait en effet une limitation majeure pour une entreprise géante dont l'activité et les bénéfices dépendent de sa capacité à envoyer aux utilisateurs des messages promotionnels, des publicités, des informations et des invitations ciblées. Plus précisément, le rapport de Meta indique : "Si nous ne sommes pas en mesure de transférer des données entre les pays et les régions dans lesquels nous opérons, ou si nous sommes empêchés de partager des données à travers nos produits et services, cela pourrait affecter notre capacité à fournir nos services, la façon dont nous fournissons ces services ou notre capacité à cibler les annonces" (1).

En outre, le rapport indique que Meta entend obtenir de nouveaux accords avec l'Union européenne d'ici 2022. Dans le cas contraire, elle sera contrainte de suspendre l'utilisation de ses produits en Europe.

Ce qui pourrait sembler être une simple confrontation entre une entreprise privée et des institutions politiques (une confrontation qui se résoudra probablement par une énième capitulation européenne face aux diktats de l'outre-mer), cache en réalité quelque chose de bien plus pertinent sur le plan géopolitique. En fait, il convient de rappeler que les États-Unis ont réussi à faire du monde une "colonie économique américaine" grâce à deux technologies principales : la technologie financière et la technologie de l'information. Les premières, avec l'aide des secondes, comme le disait l'ancien général de l'armée de l'air chinoise Qiao Liang, ont favorisé la mondialisation du dollar américain en construisant un empire financier d'une ampleur sans précédent [2]. Si le premier a permis l'hégémonie du dollar, le second a été crucial en termes de gestion de l'information, de propagande et de "construction de l'ennemi" [3] : par exemple le terrorisme islamique, les " États voyous ", l'autoritarisme russe ou chinois, ou plus récemment le virus.

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Aujourd'hui, certaines personnes continuent à hausser les épaules quand on parle de l'empire mondial nord-américain. Plus que toute autre chose, cette attitude repose sur le désir mal dissimulé de nier l'évidence ou avec une intention politique précise de détourner/d'orienter l'attention de l'opinion publique sur des questions qui sont absolument consubstantielles au système et pas du tout nuisibles pour lui. La dichotomie souverainisme/mondialisme, par exemple, évolue à l'intérieur du système, et non à l'extérieur. Il en va de même pour la controverse novax/provax, largement alimentée par le système lui-même afin de dissimuler les résultats les plus néfastes de la crise pandémique : les profits excessifs des multinationales occidentales du médicament, le renforcement des structures du capitalisme de surveillance (exploitation des données et des informations privées des citoyens pour des raisons commerciales et de sécurité), l'atteinte aux biens communs mondiaux dissimulée derrière les mesures de lutte contre la crise elle-même. En effet, les gouvernements collaborationnistes de l'Occident ont ouvert la course des fonds d'investissement aux biens indispensables à la vie : l'eau, la mer, la terre (parcs naturels et archéologiques), l'espace autour de la terre et l'espace dit numérique.

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Ce n'est pas par hasard qu'il a été fait référence ci-dessus au "profit disproportionné" que les multinationales occidentales du médicament ont tiré de la crise de la pandémie (malgré la rhétorique mielleuse du "bienfait mondial du vaccin" colportée par certaines institutions politiques). Ceci, en plus de mettre en évidence le fait que la géopolitique de la vaccination a été utilisée comme un instrument de césure entre l'Occident et l'Orient [4], nécessite une brève réflexion à la lumière du fait que le prix Genesis (le "Nobel juif") a été attribué au PDG de Pfizer Albert Bourla, et à la lumière du fait que certains pays européens (l'Italie in primis) ont choisi (ou c'est plus probablement ce qui leur a été imposé) de suivre le modèle israélien pour faire face à l'épidémie de Covid-19. Ce prix (l'équivalent d'un million de dollars qui est habituellement attribué à d'autres fondations juives) est décerné chaque année à des personnalités qui se sont distinguées en tant qu'"expressions exceptionnelles des valeurs juives et pour des services rendus à l'État d'Israël". La motivation du choix de Bourla (un juif séfarade originaire de Thessalonique) semble être le fait que celui-ci, méprisant la bureaucratie, a pris les risques (on ne sait pas exactement lesquels, étant donné la protection garantie par les gouvernements occidentaux contre d'éventuelles demandes de dommages et intérêts) de produire un vaccin le plus rapidement possible. Sans mâcher les mots, le véritable mérite aurait été que Pfizer gagne plus de 30 milliards de dollars en un an.

Cela demande toutefois un autre type de raisonnement, qui s'inscrit parfaitement dans l'idée exprimée par Qiao Liang, selon laquelle le modèle impérialiste américain est basé sur la technologie de la finance et de l'information. Et ce raisonnement peut partir de quelques considérations de Karl Marx tirées de l'écrit Sur la question juive écrit en réponse à certaines thèses du philosophe hégélien Bruno Bauer. Marx écrit : "Quel est le dieu terrestre du Juif ? L'argent. Le Juif s'est émancipé d'une manière juive non seulement dans la mesure où il s'est approprié le pouvoir de l'argent, mais aussi dans la mesure où l'argent, à travers lui et sans lui, est devenu une puissance mondiale, et l'esprit pratique du Juif, l'esprit pratique des peuples chrétiens" [5].

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La réflexion du penseur de Trèves se prête involontairement à la géopolitique. La crise géopolitique (conflit militaire ou crise pandémique), en effet, est souvent et volontairement utilisée pour créer une situation favorable à la monnaie : dans ce cas, au dollar américain. Ainsi, une autre caractéristique du pouvoir mondial nord-américain est le fait que la géopolitique a été subordonnée (est devenue instrumentale) à la politique monétaire. Pour profiter de l'hégémonie financière, les États-Unis doivent contrôler les flux de capitaux, et pour contrôler les flux de capitaux, ils doivent contrôler les centres commerciaux les plus importants de la planète : en termes géopolitiques, "les Méditerranées de l'Eurasie" (l'ancienne Mare Nostrum et la mer de Chine méridionale).

Maintenant, pour être plus précis, les États-Unis ont pu développer leur puissance mondiale à la fois par les formes coloniales classiques et par le système de domination financière, informatique et informationnelle. Les États-Unis ont leurs territoires d'outre-mer : Guam, les îles Vierges américaines, Porto Rico, etc. Leurs bases militaires dans le monde sont régies par le droit américain. Et même les crimes commis par des représentants de l'armée américaine semblent échapper à la juridiction du "pays/colonie hôte" (le massacre de Cermis, par exemple). De plus, depuis leurs bases, ils projettent une influence politique et économique sur l'État vassal. Et la force militaire ouvre la voie aux multinationales qui se consacrent à l'exploitation des ressources locales.

L'interventionnisme militaire au-delà des frontières se fait au nom de la "destinée manifeste", d'un nouveau pacte avec Dieu qui a permis à l'Amérique, incarnation d'une forme typiquement moderne de messianisme, de changer le monde à son image et à sa ressemblance. Cependant, la politique étrangère de cet État impérialiste, érigé depuis les années 1970 en technostructure financière et informatique, est axée sur la sauvegarde exclusive de ses propres intérêts. Les intérêts des alliés/vassaux ne sont pris en compte que s'ils coïncident (très rarement, d'ailleurs) avec ceux du centre impérialiste. Sinon, ils ne sont absolument pas pertinents. Au contraire, le territoire des vassaux eux-mêmes est utilisé comme un théâtre de guerre potentiel contre d'éventuels rivaux (l'arsenal nucléaire américain en Europe a précisément pour rôle d'empêcher le territoire nord-américain de devenir la cible de représailles nucléaires).

Au sujet des intérêts non-contigus entre le centre impérialiste et les vassaux, on peut mentionner le retrait unilatéral des États-Unis de l'accord nucléaire avec l'Iran. Le choix de la présidence Trump, en effet, est intervenu à un moment où Washington s'est rendu compte que la suppression progressive du régime de sanctions contre l'Iran favorisait une "connexion eurasienne dangereuse" mutuellement bénéfique. L'Union européenne, en fait, grâce au choix des États-Unis, a perdu pas mal de commandes commerciales avec Téhéran (l'Italie seule a perdu des commandes commerciales pour environ 30 milliards d'euros) [6].

De plus, la "destinée manifeste" est le seul ciment idéologique d'une construction étatique fondée sur le génocide, les préjugés raciaux et les immenses différences sociales. La "destinée manifeste", en fait, est ce qui permet de décharger la violence cachée en dehors des frontières américaines. La violence elle-même devient une forme d'"agrégation nationaliste" [7], déclare le général Fabio Mini dans la préface du texte précité de Qiao Liang, L'Arc de l'Empire.

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La guerre est une nécessité, et même lorsque l'opération militaire s'avère être un échec, un succès financier et/ou stratégique se cache derrière elle (les guerres de Corée et du Vietnam, destinées à empêcher toute coopération entre l'espace eurasien et les "satellites" qui l'entourent, comme le Japon, ou les agressions contre l'Irak et l'Afghanistan). Cela explique les 452 interventions américaines à l'étranger depuis 1780, dont 184 au cours des vingt dernières années : c'est-à-dire à un moment où les États-Unis ont pleinement assumé le rôle de gendarme du monde et où les aventures militaires ont été justifiées sur la base de l'ingérence humanitaire (du Kosovo à la Libye). Dans ce cas, "le colonialisme est camouflé en hégémonie" [8]. Le colonialisme, en effet, c'est aussi la capacité de faire combattre ses vassaux pour son propre compte (pensez au rôle que les États-Unis réservent à l'Australie et à la Grande-Bretagne sur le théâtre indo-pacifique) tout en faisant semblant de les considérer comme des alliés (aussi l'Italie au Kosovo, en Irak et en Afghanistan).

Le rôle de l'OTAN, en ce sens, est emblématique. L'Alliance atlantique est en fait une alliance non-égale. C'est un instrument coercitif contre l'Europe pour l'empêcher d'être indépendante, véritablement unie, et pour l'empêcher de se tourner vers l'Est. Ce n'est pas un hasard si, selon Brzezinski, l'expansion de l'OTAN vers l'est aurait élargi la zone d'influence des États-Unis en Europe et créé une union européenne aussi vaste qu'unie et, par conséquent, facilement contrôlée par la puissance hégémonique.

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La guerre au Kosovo s'inscrit dans cette perspective. L'un des événements les plus importants de 1999 a été le lancement officiel de l'euro, initialement adopté dans 11 pays. Porter la guerre au cœur de l'Europe sur la base d'accusations contre la Serbie qui se sont avérées sans fondement avait précisément pour but d'affaiblir la monnaie unique européenne par rapport au dollar au moment même de sa naissance. La guerre américaine en Europe avait donc pour but de polluer le climat d'investissement sur le "Vieux Continent". Et la même chose pourrait facilement être appliquée à la crise de la dette grecque, qui a été conçue pour montrer la faiblesse structurelle de l'euro et pour mettre en évidence le problème de l'excédent commercial allemand (ce n'est pas une coïncidence si le protagoniste de la "boucherie sociale" grecque était le référent le plus important de l'atlantisme dans les institutions européennes, l'actuel Premier ministre italien Mario Draghi).

Le sujet de l'excédent commercial allemand mérite d'être approfondi car la monnaie unique a également été conçue comme un système visant à empêcher un renforcement excessif du mark. Le problème (nord-américain) est que les États-Unis sont le plus grand débiteur du monde. La dette publique américaine a atteint 132,8 % du PIB en 2021 ; la dette extérieure nette est passée à 109 % du PIB. Les pays ayant une position financière internationale nette positive sont le Japon, l'Allemagne, la Chine, Hong Kong (qui fait désormais partie intégrante de la Chine) et Taïwan (considérée par la Chine elle-même comme une "province sécessionniste"). Le "problème fondamental" est que ces pays sont excédentaires principalement au niveau de leur balance commerciale avec les États-Unis. En 2019, le solde pour la Chine était de +345 milliards, pour le Japon +69 milliards, +67 pour l'Allemagne, +26 et +23 respectivement pour Hong Kong et Taïwan.

Or, sans tenir compte du fait qu'une éventuelle réunification de Taïwan avec la Chine non seulement augmenterait de manière exponentielle la capacité industrielle du pays asiatique, mais renforcerait également sa position de crédit vis-à-vis des Etats-Unis (c'est pourquoi cette éventualité doit absolument être évitée par Washington) et sans tenir compte du fait que le Japon a déjà été victime de guerres commerciales dans les années 1980, la position allemande mérite une attention particulière.

Le coup d'État atlantiste en Ukraine en 2014 visait spécifiquement à anéantir toute coopération possible entre l'Allemagne (et au sens large l'Union européenne, dont Berlin, qu'on l'accepte ou non, est le moteur) et la Russie. La recrudescence actuelle des provocations de l'OTAN en Ukraine a exactement le même objectif, auquel s'ajoute la volonté de forcer l'Europe (déguisée en "diversification") à acheter du GNL (gaz naturel liquéfié) nord-américain. L'Europe et la Russie, dit Qiao Liang, sont des géants, surtout si elles unissent leurs atouts. L'Europe a le pouvoir économique. La Russie, qui fait elle-même partie de l'Europe, dispose de la puissance militaire. Unis, ils seraient un géant de toute grande envergure. Quelque chose que les États-Unis ne pourraient jamais tolérer. C'est pourquoi le véritable ennemi du Vieux Continent ne se trouve pas à l'Est mais à l'Ouest.

NOTES

[1] Mark Zuckerberg et son équipe envisagent de fermer Facebook et Instagram en Europe si Meta ne peut pas traiter les données des Européens dans des serveurs américains, www.cityam.com.

[2] Qiao Liang, L’arco dell’impero con la Cina e gli Stati Uniti alle sue estremità, Editions LEG, Gorizia 2021, p. 59.

[3] Prenons par exemple le cas emblématique de l'Italie et du groupe GEDI en particulier. En 2020, au plus fort de la crise pandémique, M. Molinari (une personne en "excellentes relations" avec le groupe américain Stratfor Enterprise) est devenu le directeur du quotidien Repubblica (le principal journal du groupe éditorial lié au groupe Bilderberg, l'avant-garde politique et financière de l'atlantisme créée par la CIA et le MI6). Stratfor se définit comme une "plateforme d'intelligence géopolitique". Le groupe a été fondé par le juif hongrois (fils de survivants de l'Holocauste) George Friedman, aujourd'hui à la tête de Geopolitical Futures, et par certaines personnalités directement liées au Pentagone, comme l'ancien officier du US Special Operations Command, Bret Boyd. Stratfor est considéré comme une "CIA de l'ombre" et entretient des liens étroits avec l'industrie de l'armement Lockheed Martin (la même industrie qui, par l'intermédiaire du "think tank" Projet 2049 de Randall Schriver, le protégé de Steve Bannon, fait pression pour la vente constante d'armes à Taïwan), Goldman Sachs (la même banque où travaillait le Premier ministre italien Mario Draghi), Bank of America et Coca Cola. Les Agnelli-Elkann (propriétaires du groupe GEDI) sont également cités par le magazine britannique The Economist qui, sans surprise, a déclaré Mario Draghi "homme de l'année".

[4] Voir D. Perra, "Geopolitica e diplomazia dei vaccini", Eurasia. Rivista di studi geopolitici, vol. LXV, 1/2022.

[5] K. Marx, Sulla questione ebraica, Bompiani, Milano 2007, p. 99.

[6] Voir "L’uscita degli USA dall’accordo sul nucleare iraniano: conseguenze e implicazione per l’Italia", Osservatorio di Politica Internazionale, n. 139 settembre 2018.

[7] F. Mini, Introduzione a L’arco dell’impero, ivi cit., p. 22.

[8] Ibid, p. 23.

La revue de presse de CD - 13 février 2022

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La revue de presse de CD

13 février 2022

EN VEDETTE

" La plaidoirie de la déficience intellectuelle aggravée est la seule à pouvoir vous tirer d’affaire "

LETTRE OUVERTE : Chères et chers membres de l’Académie Nationale de Médecine, Votre réputation n’est plus à faire. C’est vous qui avez, il y a déjà plus d’un an, prescrit à la population de remettre son masque entre deux bouchées pendant les repas, ou de ne pas parler dans les transports en commun, derrière les mêmes masques, pour limiter la transmission du virus, et autres conseils frappés au sceau du bon sens et de la rationalité…

Francesoir.fr

https://www.francesoir.fr/opinions-tribunes/mehdi-belhaj-...

AFRIQUE

La dérive anti-française en Afrique, comment Paris risque de perdre le Sahel

Le Mali, dans la zone francophone du Sahel, a toujours été un pays plutôt "rebelle" par rapport à Paris. En 1962, Bamako décide même d'imprimer sa propre monnaie au lieu du franc Cfa, celui qui est actuellement en vigueur dans la plupart des anciennes colonies françaises d'Afrique de l'Ouest. Le pays a réintégré le groupe en 1984, mais aujourd'hui encore, le débat sur la monnaie est source d'âpres controverses. Même l'un des imams les plus en vue de Bamako, le très populaire Mahmoud Dicko, a, ces dernières années, soulevé les foules en qualifiant le franc Cfa d'outil colonial. Mais c'est dans tous les pays d'Afrique subsaharienne que ces questions trouvent un large écho.

Euro-synergies

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/02/03/l...

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DÉSINFORMATION/CORRUPTION

Guerre médiatique contre les camionneurs

Un caricaturiste du Washington Post a dépeint le convoi de camionneurs comme l’image du fascisme incarné, tandis qu’une autre colonne du même journal a tourné en dérision le « convoi toxique de la liberté« . Toute personne qui résiste à un ordre du gouvernement est apparemment devenue un ennemi public. La protestation des camionneurs a été motivée par le pass vaccinal imposé par le gouvernement canadien. De nombreux camionneurs estiment que les risques du vaccin sont supérieurs à ses avantages et, surtout, qu’ils ont le droit de contrôler leur propre corps.

Contrepoints.org

https://www.contrepoints.org/2022/02/08/421013-guerre-med...

Enquête sur SOS Racisme

Dans cette vidéo d’une dizaine de minutes, SOS Racisme est parfaitement expliqué en trois points : Qui sont-ils ? Leur engagement politique. Et leur financement. Et ce n’est vraiment pas triste : pas de militants, mais de très grosses subventions…

L’Incorrect

https://www.youtube.com/watch?v=t5uPpCW6XOE&t=470s

ÉCONOMIE

Politique & Eco n°329 – Olivier Delamarche met Macron et Le Maire en « PLS »

Aux déclarations injurieuses du chef de l’Etat contre les non-vaccinés, l’économiste dénonce les propos d’un ado pas fini qui provoque comme dans une cour de récréation et que les Français finiront peut-être par aller chercher par la peau du dos comme il les a déjà invités à le faire. Quant au ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, pour qui la France a retrouvé son niveau de croissance des Trente Glorieuses, Olivier Delamarche évoque l’arnaque du PIB comme ceux du chômage qui sont des chiffres politiques : une arnaque totale !

Tvlibertes.com

https://www.tvlibertes.com/politique-eco-n329-olivier-del...

ÉNERGIE

L’industrie pétro-gazière en mains de l’oligopole de la haute finance. Cartellisation par le capital.

On a beau faire croire à toutes sortes de sources d’énergie alternative, le pétrole reste et restera un moteur indispensable pour ce qui restera de l’économie lorsque les oligarques de la haute finance auront appuyé sur le bouton du Great reset.

Afin de démontrer la cartellisation des acteurs du secteur du pétrole et du gaz, je vous invite à prendre connaissance de la capitalisation boursière des compagnies.

Le blog de Lilian Held Khawam

https://lilianeheldkhawam.com/2022/02/05/lindustrie-petro...

ESPIONNAGE

Iran et Israël : les guerres d'espionnage

La confrontation en matière d'espionnage entre Israël et l'Iran est l'une des batailles de renseignement les plus spectaculaires depuis la fin de la guerre froide.

Euro-synergies

http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/02/04/i...

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ÉTATS-UNIS

Comment les espions américains couvrent-ils leurs traces ?

Dans l’émission « Le désordre mondial », une interview passionnante d’Éric Denécé qui explique comment les espions américains couvrent leurs traces. Il met en exergue le rôle de la DIA qui emploie environ 60.000 personnes et invente la légende de ses espions militaires dans plus de 170 pays à travers des sociétés fictives et/ou réelles et grâce à des hackers qui créent des fausses vies pour de vrais espions.

CF2R

https://www.youtube.com/watch?v=Sgh7rZWCPuI

Irak, Syrie : Sans mission claire, les troupes américaines doivent se retirer

De temps en temps, on nous rappelle que les troupes américaines se trouvent encore dans des endroits où elles ont soi-disant cessé de participer aux « guerres éternelles ». En général, ce rappel prend la forme d’attaques contre ces troupes. Même si la description officielle des membres des services est qu’ils ne sont pas engagés dans un combat, ils se font néanmoins tirer dessus. C’est le cas d’une série d’attaques récentes contre des installations habitées par les 2 500 soldats américains en Irak et les près de 1 000 en Syrie.

Les-crises.fr

https://www.les-crises.fr/irak-syrie-sans-mission-claire-...

FRANCE

Après l’enfumeur, le totalitarisme du gouvernement

Il s’agit bien d’une dislocation sociale que nous vivons aujourd’hui sur tous les plans. Une situation qui nous rapproche du totalitarisme.

Contrepoints

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Fabien Roussel : ne pas se raconter d’histoires

On prête à Georges Clemenceau la phrase suivante quand il était au pouvoir: «l’opposition m’approuve, j’ai dû dire une connerie ». Les acclamations dont fait l’objet aujourd’hui de la part du système politique et médiatique élitaire, devrait peut-être inciter à un peu de retenue et éviter de se raconter des histoires. Surtout que la percée médiatique de Fabien Roussel démontre une fois de plus que les adversaires stupides font les meilleurs agents électoraux.

Vu du Droit

https://www.vududroit.com/2022/02/fabien-roussel-ne-pas-s...

GAFAM

Censure ou mensonge organisé, l’AFP, Google et la bande des 17

Ce pourrait être un conte revisité de Perrault : Google jouerait le rôle de l’ogre, l’AFP celui de la sorcière et les 17 médias qui les suivent, ceux de leurs enfants ou des nains, au choix. Bienvenue chez « Objectif désinfox », un outil de période électorale.

OJIM

https://www.ojim.fr/censure-afp-google-17-medias/?utm_sou...

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Meta fait pression sur l’Europe sur le transfert des données

Meta, dans son rapport annuel à la Securities and exchange commission (SEC), le gendarme de la bourse américain, menace de suspendre ses services Facebook et Instagram de l’Union européenne. Dans ce texte publié le 3 février et repéré par City A.M., le groupe reproche au Vieux Continent sa réglementation trop stricte sur les transferts de données vers les États-Unis.

siecledigital.fr

https://siecledigital.fr/2022/02/07/meta-fait-pression-su...

GÉOPOLITIQUE

La révision des frontières en Europe : l’ultime tabou ?

La guerre du Donbass, région orientale d’Ukraine peuplée de Russes, a déjà fait plus de 14 000 morts et près d’un million de déplacés, pour un conflit engendré par d’anciennes frontières internes à l’URSS et par les soubresauts de l’Histoire. Au sortir de la Première Guerre mondiale, l’anarchie crée par la révolution bolchévique eut pour résultat l’instauration de deux gouvernements ukrainiens en 1918 : l’un pro-soviétique à Donetsk, l’autre pro occidental à Kiev.

Geopragma

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Alexandre Douguine: Prévisions pour 2022

Un renforcement du monde multipolaire est très probable en 2022, car les politiques de la Russie et de la Chine seront de plus en plus claires. Les deux nations continueront à renforcer leurs liens. Par conséquent, il est très probable qu'un club de puissances multipolaires émerge autour de ces deux acteurs (tandis que les pays qui reconnaissent encore la légitimité de l'unipolarité américaine s'organiseront autour de la "Ligue démocratique"). En outre, les "Grands Espaces" comme l'UE, l'Inde ou les pays islamiques affirmeront également leur souveraineté. Cependant, il est très probable que la tripolarité restera la norme, car ni l'Inde ni l'UE ne sont capables de devenir des sujets autonomes pour de nombreuses raisons : élites libérales, manque de conscience de soi, influence directe des puissances mondialistes, absence d'idée d'unité, etc.

Euro-synergies

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PROCHE-ORIENT

Les Kurdes et le Moyen-Orient

Une compréhension adéquate des processus politiques au Moyen-Orient nécessite une connaissance détaillée du facteur kurde. Ce peuple indo-européen joue un rôle important dans la région qui englobe l'Anatolie orientale, la zone septentrionale de la Mésopotamie et le nord-ouest de l'Iran, une région précédemment peuplée par les Hourrites, qui se sont ensuite déplacés vers le nord dans le Caucase.

Euro-synergies

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RUSSIE

« Nous avons été humiliés » : le discours du Kremlin sur les années 1990 et la crise russo-ukrainienne

L’élargissement de l’Alliance atlantique à l’Est (14 pays d’Europe centrale et orientale ont adhéré entre 1999 et 2020) représente, pour le pouvoir russe, un symbole traumatisant de la débâcle de l’URSS à la fin de la guerre froide et de l’effondrement de l’influence de Moscou sur ces territoires qui ont, des décennies durant, relevé de son pré carré. Cette dimension symbolique joue indubitablement un rôle dans la crise actuelle. En bonus dans cette remarquable analyse, la vidéo de Nicolas Sarkozy, sonné comme un boxeur à la sortie de son entrevue avec Vladimir poutine en 2007.

The Conversation

https://theconversation.com/nous-avons-ete-humilies-le-discours-du-kremlin-sur-les-annees-1990-et-la-crise-russo-ukrainienne-176075?utm_medium=email&utm_campaign=La%20lettre%20du%20week-end%20de%20The%20Conversation%20France%20-%202199121805&utm_content=La%20lettre%20du%20week-end%20de%20The%20Conversation%20France%20-%202199121805+CID_a1beed9ea19149cd7c44f6f079933c63&utm_source=campaign_monitor_fr&utm_term=Nous%20avons%20t%20humilis%20%20%20le%20discours%20du%20Kremlin%20sur%20les%20annes%201990%20et%20la%20crise%20russo-ukrainienne

SANTÉ/MENSONGES/LIBERTÉ

Crise coronavirale : entretien (1) avec le toxicologue Jean-Paul Bourdineaud

Dans cet entretien, le toxicologue Jean-Paul Bourdineaud conteste la supposée toxicité de l’hydroxychloroquine et de l’ivermectine, explique la raison de leur bannissement, et développe la notion de controverse scientifique ; il met en lumière le rôle des conflits d’intérêts et le problème de l’évaluation des risques par les agences de régulation, qui ont abouti à l’unique solution vaccinale.

Le blog de Laurent Mucchielli

https://blogs.mediapart.fr/laurent-mucchielli/blog/300921...

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Pass vaccinal : Véran nous la joue Tartuffe et Diafoirus

Le pass sanitaire puis vaccinal aura été une farce de bout en bout.

Farce – le terme sera sans doute jugé trop faible compte tenu de l’atteinte aux libertés que cet « outil » organise depuis plus de six mois pour un bénéfice sanitaire dont tout le monde sait à présent qu’il est parfaitement nul. Rappelons que le 8 décembre dernier, avant même que la vague omicron annoncée ne vienne amplement confirmer l’analyse, le Pr Jean-François Delfraissy (qui préside le Conseil scientifique) a en quelque sorte « officialisé » son inutilité pour circonscrire la circulation du virus devant la très respectable Commission des affaires sociales du Sénat.

Contrepoints

https://www.contrepoints.org/2022/02/06/421056-pass-vacci...

Laurent Montesino : "Je suis là pour dire aux patients et aux médecins : réveillez-vous ! "

Accès aux traitements précoces empêchés, controverses à propos de certains compléments alimentaires, vaccination généralisée, absence de soin, Covid long, tels sont les grands thèmes abordés par Laurent Montesino, médecin réanimateur suspendu depuis l’obligation vaccinale, devenu médecin bénévole au sein de l’ONG suisse « Soigner heureux ».

Francesoir.fr

https://www.francesoir.fr/videos-pause-interview/laurent-...

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Laurent Toubiana : une autre vision de l’épidémie du cond-19

Invité d’Yvan Rioufol sur Cnews, le chercheur en épidémiologie Laurent Toubiana révèle les vrais chiffres de la pseudo-épidémie. Vidéo

Cnews

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UNION EUROPÉENNE

Internet : l’incroyable autoritarisme de la Commission européenne

Dans un entretien aux Échos, le directeur général de l’ICANN révèle que la Commission européenne travaille à réguler les serveurs informatiques à la base du réseau. Un projet jamais entrepris même par les États les plus autoritaires.

Contrepoints.org

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samedi, 12 février 2022

Günter Maschke est mort - Nécrologie pour mon ami !

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2003: Günter Maschke à Francfort lors d'un colloque sur le philosohe Adorno.

Günter Maschke est mort - Nécrologie pour mon ami !

par Werner Olles

Source: https://wir-selbst.com/2022/02/12/gunter-maschke-ist-tot-nachruf-auf-einen-freund/

Il y a quelques personnes dont l'existence même donne réconfort. C'est le cas de mon cher ami Günter Maschke, qui est décédé de manière inattendue le 7 février, trois semaines seulement après son 79e anniversaire. Une semaine plus tôt, nous nous étions encore parlés au téléphone, il était de bonne humeur, travaillait à son petit livre d'anecdotes sur Carl Schmitt et se réjouissait de l'arrivée du printemps, car nous pourrions alors à nouveau manger ensemble au restaurant italien. Et puis mercredi, j'ai vu sa photo sur le blog "acta diurna" de Michael Klonovsky et j'ai lu la nouvelle de sa mort, je n'ai d'abord pas voulu y croire et je n'arrive toujours pas à y croire aujourd'hui.

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Nous nous sommes rencontrés au milieu des années 1980, alors qu'Alain de Benoist devait parler de la "Nouvelle Droite" dans une maison privée quelque part dans le Taunus. Lorsque nous sommes arrivés, il y avait là quatre ou cinq personnages que j'ai reconnus comme étant des membres du Kommunistischer Bund (KB) - avec lequel j'avais encore sympathisé dix ans auparavant -, ce qui a conduit l'organisateur, un avocat de Francfort, à annuler la rencontre. Maschke a écumé de rage et a écrit à ce monsieur une lettre amère dont la teneur était la suivante : "Si nous nous dégonflons déjà devant une telle bande d'hirsutes du KB, comment allons-nous arriver un jour au pouvoir ?". En tant qu'ancien radical de gauche, cela m'a touché au cœur, et lorsque nous nous sommes découverts de nombreux points communs, il avait par exemple appris le métier d'assureur comme moi, avait été membre du SDS, puis du SPD, mais avait renoncé au communisme après son asile sur l'île de Cuba, tandis que chez moi, quelques années plus tard, la triste réalité de la gauche, dans le propre cadre des mes fréquentations, a suffi à détruire mes utopies socialistes.

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Deux productions du plus haut intérêt de la maison "Edition Maschke".

Nous nous sommes ensuite rencontrés plus souvent, nous sommes allés manger ensemble ou allés siroter quelques breuvages au café, et il était toujours présent lors des réunions mensuelles à la "Nibelungenschänke", auxquelles participaient également Martin Mosebach, Lorenz Jäger, l'artiste de cabaret Matthias Beltz, Gerd Koenen, Claus Wolfschlag, "notre" député de l'époque au Römer (le parlement de la ville de Francfort, ndt) Wolfgang Hübner, Eckhard Henscheid, Götz Kubitschek et Ellen Kositza. Cela s'est encore intensifié après le décès de sa chère Sigrid il y a six ans, dont il s'est occupé avec dévouement jusqu'à la fin. C'est alors que s'est révélée une facette que beaucoup ne soupçonnaient pas chez un homme qui, en tant que professeur invité à l'Académie de la marine de guerre de La Punta au Pérou, enseignait à ses élèves officiers la théorie de la lutte contre les partisans de son propre maître Carl Schmitt et qui avait lui-même participé à deux campagnes contre les terroristes du Sentier lumineux ("Sendero Luminoso"). De ces campagnes, il nous est parvenu une anecdote savoureuse qui mérite d'être retenue : Lors d'une fusillade à Ayacucho, l'armée fut bombardée de grenades de mortier par le Sendero, et alors que la place du marché de la petite ville était jonchée de débris et de cadavres, Maschke découvrit dans la vitrine d'une librairie, curieusement restée à peu près intacte - le libraire s'était sagement éclipsé - un livre de son ennemi préféré Jürgen Habermas "Théorie de la communication sans domination". Ses camarades ne furent pas étonnés de le voir ensuite éclater de rire malgré le carnage qui l'entourait. Dans son magnifique livre "La parole armée", il décrit d'ailleurs dans un essai du même nom l'ascension du "Sendero", une lecture qui coupe le souffle.

Günter Maschke est né le 15 janvier 1943 à Erfurt. Son père biologique étant mort pendant les dernières années de la guerre, il a été adopté par un monsieur Maschke, un fabricant de tricots de la classe moyenne. Son père adoptif, un Stresemannien politique qu'il aimait beaucoup, déménagea avec sa famille et son entreprise à Trèves à la fin de la guerre. C'est là que le jeune Günter grandit dans une Allemagne d'après-guerre marquée par la France, obtint son certificat d'études secondaires (Mittlere Reife), puis son baccalauréat (Begabtenabit) des années plus tard dans le Bade-Wurtemberg, et adhéra aussitôt à l'Union allemande pour la paix (Deutsche Friedensunion, DFU), une organisation de façade du KPD interdit, financée par la RDA, ce qui fit sensation dans la ville catholique de Trèves et provoqua des tumultes et lui valu des insultes, ce qui lui plut beaucoup. Il était logique qu'il rejoigne également le KPD illégal peu de temps après.

Avec Rudi Dutschke, Frank Böckelmann, Herbert Nagel et Dieter Kunzelmann, il était actif dans la "Subversive Aktion", puis plus tard dans le SDS. Il a déserté l'armée allemande, mais pas pour des raisons pacifistes, s'est réfugié en Autriche où il fut connu sous le nom de "Dutschke de Vienne". Lorsque la police a voulu l'expulser vers l'Allemagne, l'ambassadeur cubain lui a offert l'asile. Pendant les deux années qu'il passa sur l'île à sucre, Maschke découvrit le côté obscur du communisme, une économie moribonde, la faim et une répression excessive, le système des mouchards, la mentalité habituelle de l'Amérique latine qui consiste à ne rien faire, et le "petit protégé" de Castro devint avec le temps un opposant grâce à son amitié avec le dissident et poète Heberto Padilla. Lorsque le régime l'accusa de "conspiration", même le Lider Maximo - qu'il vénérait malgré tout parce que Castro avait tenu tête au principal ennemi de l'Amérique latine, les États-Unis - ne put plus le protéger : la police militaire cubaine est venue le chercher, a glissé un bon cigare dans la poche de sa chemise à l'aéroport et l'a mis dans l'avion. En Allemagne, un an de prison l'attendait à Landsberg. Pendant cette période, qu'il ne regretta jamais, il mit sur pied la bibliothèque de la prison et fit ce qu'il aimait le plus : lire.

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En haut, Maschke à son retour de Cuba. En bas, Maschke attend son procès qui le conduira à purger treize mois de prison à Landsberg en Bavière.

Il serait trop long d'énumérer toutes les étapes de sa vie aventureuse. Jusqu'à la mort de Carl Schmitt en 1985, il a travaillé comme pigiste permanent pour la FAZ. Sa nécrologie de Schmitt, qui venait de mourir, incita Dolf Sternberger à écrire un contre-article et Maschke à démissionner de son poste à la FAZ. Maschke fonda sa propre maison d'édition, "Edition Maschke", donna des conférences, surtout à l'étranger, en Espagne, en France, en Colombie, écrivit de magnifiques essais, commenta et traduisit les œuvres de Juan Donoso Cortés - il suffit de lire son essai "La dictature légale du général Narváez et Donoso Cortés (1847/51)" - et devint à Francfort-sur-le-Main le point focal où convergeaient de jeunes intellectuels de droite, surtout des admirateurs étrangers de Schmitt, auxquels il offrait en quelque sorte des cours privés. Il donna d'innombrables interviews sur Carl Schmitt, le droit international, la constitution de la République fédérale d'Allemagne qui n'existe toujours pas - sa première interview dans le JF "Die Verfassung ist unser Gefängnis" (la constitution est notre prison) est légendaire - et cultiva son existence d'érudit privé, traité avec un soin relatif, même par la très controversée plateforme Wikipedia.

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En principe, tout ce qu'il a couché sur le papier mérite d'être lu, mais surtout Das bewaffnete Wort (La parole armée) avec les essais "Sterbender Konservativismus und Wiedergeburt der Nation" (Conservatisme mourant et renaissance de la nation), dans lequel il recommandait aux conservateurs de s'abolir en tant que tels pour renaître en tant que nationaux-révolutionnaires, "Die Verschwörung der Flakhelfer" (La conspiration des aides de camp), qu'il faut avoir lu pour comprendre un tant soit peu le rôle étrange et l'image de soi de la République fédérale et "Die schöne Geste des Untergangs" sur l'écrivain fasciste et décadent Pierre Drieu la Rochelle, un essai que - on a peine à le croire - la FAZ osait encore publier en 1980. Si vous souhaitez également connaître des informations personnelles sur lui ou ce qu'il pense de la soi-disant "nouvelle droite", vous pouvez vous reporter au livre d'entretiens de 200 pages intitulé Verräter schlafen nicht (Les traîtres ne dorment pas). Celui qui veut savoir pourquoi il a mis fin à sa carrière à la FAZ cinq ans plus tard, malgré l'intercession de Joachim Fest, lira Der Tod des Carl Schmitt et la partie qu'il contient "Sankt Jürgen und der triumphierende Drache - Anläßlich Habermas' neueste Angriff auf Carl Schmitt". Il comprendra alors pourquoi - comme aimait à le dire Maschkino - cela ne vaut pas la peine de se pencher sur les théories de Habermas qui, selon les mots de Maschke, "sont réfutées tous les soirs aux informations". Et ce, bien que ce dernier l'ait tout de même qualifié de "seul véritable renégat du mouvement soixante-huitard". C'est pourquoi Maschke réitère : "Que sont cent pages de Habermas face à une page de Hobbes ou de Gehlen ?"

"Pour Werner Olles -in hoffnungsschwacher, doch heiterer Verbundenheit", c'est en ces termes qu'il m'a dédicacé le dernier livre cité, "Das bewaffnete Wort", avec la dédicace "Die Garde stirbt, aber sie ergibt sich nicht! " Maintenant, il est parti, notre esprit le plus brillant, le plus intelligent et en même temps le plus attachant, mais nous ne nous rendrons pas tant que nous serons en vie. Mais en même temps, sa mort marque la fin d'une époque, non seulement pour moi et tous ses amis personnels, mais aussi pour toute la Nouvelle Droite intellectuelle, dont il a toujours accompagné l'action avec un intérêt vigilant et une solidarité critique.

Maschkino, mon cher et fidèle ami, tu me manques, tu nous manques à tous, et tu me manques déjà, ton humour si merveilleusement particulier, ton rire tonitruant, ta noblesse et ta jovialité, l'absence totale de prétention - même pour le mendiant assis avec son gobelet en carton devant Rewe, tu avais quelques mots aimables et surtout toujours quelques euros sous la main - ah, je ne sais pas par où commencer ni par où m'arrêter. Si tu ne te sentais pas très bien, ce qui était dû au "Général Zucker" (= le diabète, ndt), il t'arrivait d'être un peu rude et de me crier que mes articles n'étaient pas non plus "si géniaux" et que je devais "modérer" mes "accès de colère" et de "haine" dans mon "discernement", pour me serrer dans tes bras quelques minutes plus tard. Il reste les souvenirs de nos repas communs chez Pino et chez Apulia, de nos discussions et de nos promenades à Rödelheim, où tu rencontrais une connaissance tous les dix mètres, de l'admiration dont tu jouissais en tant que "le Professore" chez nos deux Italiens préférés, alors que j'étais "le Teemann" (Monsieur-le-thé), car je ne buvais jamais que du thé vert.

À la question "Croyez-vous en Dieu ?", tu as répondu un jour dans une interview : "Pas toujours, mais souvent !" Pour un agnostique confirmé, qui était protestant dans sa jeunesse, qui a qualifié le Vatican II de l'Église catholique de "suicide", c'est beaucoup. Lors d'une conversation sur Dieu que nous avons eue un jour après un bon repas méditerranéen, tu as insisté sur le fait que tu irais plutôt en enfer. Je n'étais pas d'accord et finalement, je n'ai rien trouvé d'autre à dire que "d'accord, mais alors je viendrai te voir de temps en temps". Tu as eu une crise de rire et tu as immédiatement parlé de mon projet à tous les invités avec enthousiasme. Ce genre d'expérience reste à jamais gravé dans ma mémoire.

Mon bon Mashkino, je te remercie pour ta fidèle amitié et pour les moments uniques que nous avons passés ensemble et que je n'oublierai jamais. Un jour viendra où nous nous reverrons, peu importe où, mais je pense que ce sera plutôt là-haut. D'ici là, je suis avec toi en pensée !

Ton ami Werner Olles.

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Daniel Halévy, théoricien de "l'accélération de l'histoire"

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Daniel Halévy, théoricien de "l'accélération de l'histoire"

Francesco Ingravalle

Source: https://rivistaeco.it/daniel-halevy-teorico-della-accelerazione-della-storia/?fbclid=IwAR0NScKej-65jFUZNF5XlxE1VV0VHMzPHy8gBm3eoTKstUMPQQ1sjgEIRqE

Pourquoi relire les classiques et tout livre qui peut être qualifié de "classique" : une nouvelle rubrique sur ce site. Daniel Halévy appartenait à une famille d'écrivains et de musiciens. Ami de Proust, il a introduit Nietzsche en France. Et au début du 20e siècle, il a imaginé le monde au tournant du millénaire.

Avec cet article de Francesco Ingravalle, nous ouvrons une nouvelle rubrique consacrée aux classes de pensée et à leur pertinence. La collaboration à la rubrique est ouverte à tous ceux qui veulent contribuer à la redécouverte des classiques. Écrire sur redazione@rivistaeco.it

(Dans l'image d'ouverture, détail de la couverture de Storia di quattro anni. 1997-2001, dizioni di AR)

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Daniel Halévy est né à Paris le 12 décembre 1872 de Ludovic Halévy et Louise Bréguet. La famille Halévy était illustre (l'une des "deux cents familles les plus influentes" de la France du XIXe siècle) : Ludovic Halévy (1834-1908) avait collaboré avec Meilhac à la composition du Carmen de Georges Bizet ; le père de Ludovic, Léon (1802-1883), avait été un dramaturge de premier plan dans les années 1820 et un adepte du socialisme utopique de Claude-Henri De Saint-Simon ; et son frère, Jacques Fromental (1799-1862), avait été un musicien, le professeur, entre autres, de Gounod et Bizet.

Daniel avait un frère, Élie (1870-1937), auteur d'ouvrages importants tels que La théorie platonicienne des sciences (1896) et Histoire du peuple anglais au XIX siècle (1923).

Daniel Halévy a fait ses études au lycée Condorcet, comptant parmi ses amis Marcel Proust et fréquentant le salon littéraire tenu par sa cousine Geneviève Strauss. Il est diplômé de l'École nationale des langues orientales. Il est l'un des partisans de la nécessité de réviser le procès du capitaine Dreyfus et, bien que n'étant pas socialiste, il est l'un des fondateurs du journal socialiste L'Humanité. Il a collaboré intensivement à de nombreux périodiques, dont le Journal des Débats, la Revue des Deux Mondes et la Revue de Paris.

En 1949, il est élu à l'Académie des Sciences morales et politiques.

En 1960, il a reçu le grand prix de littérature de la ville de Paris.

Il est décédé à Paris le 4 février 1962.

Daniel Halévy, L'affaire Dreyfus. Apologia del nostro passato' (orig. 1911, tr. it. Milan, Oaks Editrice, 2021, édité par Francesco Ingravalle).

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Halévy a introduit la pensée de Friedrich Wilhelm Nietzsche en France (La vie de Friedrich Nietzsche, Paris, Calmann-Lévy, 1903, tr. anglaise The Life of Friedrich Nietzsche, Leipsic, T.F. Unwin, London, 1914, tr. italienne La vita di Federico Nietzsche, Torino, Fratelli Bocca Editori, 1909, tr. espagnole, La vida de Federico Nietzsche, Emecé Editores, Buenos Aires, 1943) ; il est connu pour avoir publié la première biographie du président américain Wilson (Le President Wilson, Paris, Payot &C., 1918, deuxième édition, 1919, tr. anglaise President Wilson, New York-London, John Lane Company, 1919; tr. italienne Wilson e la democrazia americana, Naples, Editrice L'Italiana, 1919) et la biographie de l'architecte de Louis XIV, Vauban (Vauban, Paris, Grasset, 1923, tr. Vauban constructeur de forteresses, G. Bles, Major C.J.C. Street, Londres, 1924, Dial Press, New York, 1925) et a publié un important volume de souvenirs sur son ami de famille, le peintre Edgar Degas (Degas parle, Paris, La Palatine, 1960, tr. italiana. Degas parla, Milan, Adelphi, 2018).

dhfb.jpgSes ouvrages sur l'histoire de France sont également très importants, notamment La fin des notables, Paris, Grasset, 1930, rééd. Paris, Sauret, 1972 ; tr. anglaise, The End of Notables, Conn. Wesleyan University Press, Middletown, 1974 ; tr. italienne, La fine dei notabili, Milano, Longanesi, 1954).

Il a également publié une uchronie intitulée Histoire de quatre ans. 1997-2001 (Paris, Marcel Rivière et C., 1903, tr. italienne. Florence, Quaderni della Voce, 1911).

La fascination de l'avenir

L'actualité de Daniel Halévy se retrouve dans ses centres d'intérêt, dans sa personnalité polyvalente : un écrivain qui traverse le temps, son intérêt d'historien pour le passé et le présent et sa fascination pour le futur en tant que visionnaire.

41KW953ZZYL.SR160,240_BG243,243,243.jpgParler, aujourd'hui, comme il le faisait en 1948, de " l'accélération de l'histoire " (Essai sur l'accélération de l'histoire, tr. it L'accelerazione della storia, Milano, Oaks, 2019), c'est voir concrètement comment un siècle peut être plus " comprimé " qu'un autre, une œuvre d'art, de perspectives, restreinte et dilatée ; un auteur qui a vécu le temps de manière artistique, en utilisant, précisément, la perspective comme critère pour voir l'événement.  La stabilité de l'expérience sociale a été perdue en raison du progrès technologique et nos vies sont devenues, comme le dira Zygmunt Bauman au XXIe siècle, des "vies pressées". C'est pourquoi Halévy est pertinent pour le lecteur d'aujourd'hui, c'est pourquoi il est un classique.

FRANCESCO INGRAVALLE

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Les vérités du professeur Perronne

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Les vérités du professeur Perronne

par Georges FELTIN-TRACOL

Spécialiste français de la maladie de Lyme, le professeur Christian Perronne a fondé la fédération française de cette maladie dont il fut le vice-président et le responsable du conseil scientifique. Président de la commission des maladies transmissibles de 2001 à 2006 au Conseil supérieur d’hygiène publique de France entre-temps devenu le Haut-Conseil de la santé publique, ce médecin participe dans le cadre de l’OMS (Organisation mondiale de la santé) entre 2007 et 2016 au groupe d’experts sur la politique vaccinale en Europe. Il a enfin été chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Raymond-Poincaré à Garches. Sommité en matière d’épidémie, il se fait connaître du grand public à l’occasion de la pandémie coronavirale.

En juin 2020, il publie chez Albin Michel Y a-t-il une erreur qu’ILS n’ont pas commise ?, un réquisitoire nuancé et argumenté contre la gestion gouvernementale de l’actuelle crise virale. Cet ouvrage aurait dû susciter le débat si une chape de plomb médiatique ne l’avait pas recouvert. Pis, le professeur Perronne a perdu sa responsabilité de chef de service. Pour quelle faute professionnelle gravissime ? Ne pas souscrire à la narration officielle du covid-19 et pratiquer le doute systématique. On aura tout vu en Macronie !

Avec Décidément, ILS n’ont toujours rien compris ! (Albin Michel, 2021, 280 p., 17,90 €), Christian Perronne sort l’artillerie et arrose d’une ironie grinçante et d’un sarcasme de bon aloi les dirigeants et les sachants qui empoisonnent la vie des Français sous prétexte de combattre le covid, le variant Delta et Omicron. Ses accusations se fondent sur des faits précis, référencés et faciles d’accès pour tout chercheur intéressé. Cette catégorie ne concerne bien sûr pas les plumitifs à la solde du Régime.

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Sa démarche irrite. Christian Perronne est le premier à le reconnaître. « J’ai d’abord été baptisé critique, puis dissident, mais aujourd’hui c’est fait, je suis chef de service du Complotisme ! » Dommage qu’il ne montre pas que ses contradicteurs inversent volontiers la charge de la preuve. Parce qu’il s’interroge sur les conséquences politiques, sociales, économiques, environnementales et psychologiques de la pandémie, et qu’il donne son point de vue, divergent par rapport au discours des autorités répercuté par des radios et des télévisions complaisantes, il subit des persécutions.

Le 10 décembre 2021, après l’avoir harcelé à deux reprises, le Conseil national de l’Ordre des médecins porte plainte contre lui et le professeur Didier Raoult pour de supposés « propos controversés ». Quelques semaines auparavant, le tristement célèbre CSA (Censure sociétaliste de l’audio-visuel) adressait à RMC (Radio Monte-Carlo) une mise en demeure pour « non-maîtrise de l’antenne ». En effet, le 31 août dernier, lors de son passage à l’émission « Les Grandes Gueules », Christian Perronne ne mâchait pas ses mots. Le CSA aurait-il une quelconque compétence médicale ? Christian Perronne sera-t-il la première victime d’une prochaine loi liberticide condamnant le                                    « covidoscepticisme » et toute « contestation virologique » ? Il n’est pas le seul. L’hebdomadaire des Monts du Lyonnais, Le Pays du 20 janvier 2022, rapporte qu’un pompier d’une trentaine d’années, par ailleurs conseiller municipal de la commune de Saint-Symphorien-sur-Coise dans le Rhône, a été suspendu en septembre dernier avant que le conseil de discipline lui inflige un mois d’exclusion dont quinze jours avec sursis. Dans une vidéo mise en ligne sur les réseaux sociaux, il établissait un lien entre le vaccin anti-covid et les risques d’AVC ! N’est-ce pas insupportable ? Remarquons cependant que les sanctions ne sont pas pénales. L’éventualité d’un procès pour des « propos controversés » doit en tout cas intriguer tous les avocats inquiets de l’étiolement accéléré de la liberté d’expression et de l’évaporation de la liberté de réflexion. Soulignons que les habituelles associations subventionnées toujours prêtes à dénigrer la Hongrie, la Pologne ou le Bélarus ne réagissent pas…

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Bien plus percutant que le précédent, l’ouvrage de Christian Perronne explique pourquoi l’hydroxychloroquine, l’azithromycine, l’ivermectine, l’Artemisia annua, la nigelle (ou cumin noir) appartiennent aux « traitements qui marchent » si le malade en reçoit dans les premières heures de l’infection et non au stade terminal comme le prescrit le protocole officiel. Leur mise à l’écart médiatique s’explique par le poids massif du « pantouflage », c’est-à-dire « le fait de bosser pour l’État, puis pour une boîte privée, puis à nouveau pour l’État, puis encore dans le privé, etc. ». Cette connivence légale engendre d’inévitables conflits d’intérêts et encourage une large corruption. Un rapport de l’ONU signale que le domaine de la santé est l’un des secteurs les plus corrompus au monde. Envisager la vaccination de tous comme un facteur de grande rentabilité financière ne relève pas du complotisme. N’y a-t-il pas à ce sujet un véritable problème de déontologie quand 86 % des fonds de l’Agence européenne du médicament (EMA en anglais) proviennent de Big Pharma ? Plus sensationnelle que les costumes de François Fillon, cette information ne fait pas les gros titres. On se demande bien pourquoi…

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Christian Perronne dénonce le déséquilibre structurel de la gestion sanitaire de crise. D’un côté, « on a un président de la République et 2 ministres plus 13 conseils, agences ou organismes existants spécialistes de la santé, note-t-il. On en met 10 de plus, et une conseillère ». De l’autre, la loi de financement de la Sécurité sociale « prévoit 900 millions d’euros d’économies dans les hôpitaux en 2021 ». La crise sanitaire n’empêche pas les coupes budgétaires, le rationnement des soins, la réduction du nombre de lits et la compression du personnel hospitalier. La république macronienne est avare, chaotique et sur-administrée… pour un résultat minable. Or, on peut mobiliser des ressources financières importantes. Pour preuve, depuis le 1er février 2021, la dotation matérielle allouée aux députés a été augmentée pour atteindre un supplément annuel de 2842,50 € ! Que les élus de la majorité ne se plaignent pas ensuite d’être détestés et de recevoir quelques baffes…

Le covid-19 sert enfin de justification anxiogène pour museler et domestiquer les « Gaulois réfractaires ». Peu de temps avant de trépasser, Axel Kahn déclarait sur France Culture, le 6 octobre 2021, que « face à une pandémie, c’est un inconvénient d’être dans une démocratie ». Et face à une immigration allogène de peuplement ? Le professeur Perronne ne s’attarde pas malheureusement sur l’origine véritable de l’« Absurdistan sanitaire hexagonal ». Emmanuel Macron ne pardonnera jamais à la population d’avoir largement soutenu le mouvement des « Gilets jaunes » qui aurait dû emporter sa funeste présidence. Il se venge méthodiquement depuis bientôt deux ans. Il soumet le pays à un sadisme consommé et facilite l’hystérie médiatique. Gare presque à celui qui se mouche en public, il risque le lynchage !

L’ouvrage du professeur Christian Perronne contribue au combat contre le despotisme sanitaire et l’apartheid vaccinal qui en découle. Il dévoile les interactions profondes entre les entreprises audio-visuelles et le pouvoir. Ce livre fait l’objet d’une relative conspiration du silence. Par les exemples donnés, c’est pourtant une œuvre salutaire qui risque, un beau matin, de se retrouver par inadvertance « tolérante et démocratique » brûlée en place publique pour « crime de vérité ».    

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 19, mise en ligne le 8 février 2022 sur Radio Méridien Zéro.

17:41 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christian perronne, actualité, pandémie, médecine | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook