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dimanche, 24 juin 2007

Extraits de l'autobiographie d'A. Mohler

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Extraits de l'autobiographie d'Armin Mohler

Pour expliquer ses positions critiques à l'égard de l'histo­rio­graphie de la République Fédérale, Armin Mohler dans son ouvrage Der Nasenring. Im Dickicht der Vergangenheits­be­wältigung (Heitz und Höffkes, Essen, 1989), évoque quel­ques péripéties de sa jeunesse. Pour fêter ses 80 ans, nous en donnons une toute première version française à nos lec­teurs. Pour les anciens abonnés à Vouloir, cf. Willy Pieters, «Les Allemands, leur histoire et leurs névroses», n°40/42, 1987.

Mes années d'étude: Marx, Freud & Cie

Rétrospectivement, je ne regrette pas la ligne en zigzag qu'a pris mon cheminement à cette époque-là. Elle m'a permis des expériences qui m'ont préservé ultérieurement de tout encroûtement. Pendant quelque temps, je me suis défendu con­tre cette vision (fort juste) que la vie est faite de para­do­xes. Pendant de nombreuses années, j'ai tenté de voiler, de re­fouler, cette vision pertinente du paradoxal de l'existence qui s'installait pourtant lentement dans mes idées, mes sen­ti­ments et mes représentations. Je me suis soumis à une doc­tri­ne sotériologique et universaliste qui promettait de liquider tous les paradoxes et de révéler le sens du Tout. Ce fut une ex­périence qui, au moins, me préserva de fabriquer une au­tre doctrine sotériologique après m'être débarrassé d'une pre­mière.

Cette expérience a commencé quand j'avais seize ou dix-sept ans. Je voulais articuler ma révolte contre l'environ­ne­ment petit-bourgeois d'une façon “originale”, c'est-à-dire de “gauche”. Ce n'était pas si facile au milieu des années 30. La Suisse était déjà sur la voie de la “démocratie du consensus” (ou plus précisément: la démocratie des cartels). L'époque où la troupe avait tiré sur les ouvriers était passée, cela fai­sait au moins vingt ans. La couche de la population vivant dans le besoin s'amenuisait et se réduisait graduellement, pour rester confinée aux paysans des montagnes, dans les loin­taines vallées alpines. Les associations et les cartels des employeurs et des travailleurs avaient décidé de se partager pacifiquement le gâteau. Sur le plan physionomique, les bos­ses d'un camp comme de l'autre ne se distinguaient quasi­ment plus. Dans une telle situation, un marxisme radical se­rait mort de ridicule, car chaque besoin de la classe ouvrière était satisfait par la création d'une nouvelle association. Un anarchisme radical aurait tourné à vide dans un pays, où, certes, chaque autochtone ressent un malaise, mais où au­cun d'eux n'est vraiment opprimé. Personne ne pose des bom­bes contre soi-même.

S'introduire dans le monde des artistes

Parmi les mésaventures grotesques de mon existence: le fait que cette situation sociale, qui m'a fait fuir la Suisse, me rat­tra­pe dans ma nouvelle patrie d'adoption, l'Allemagne de l'Ouest. Des amis allemands, qui se moquent de moi, me po­sent malicieusement la question: «pensez-vous que certains signes permettent de dire qu'il y a “helvétisation” de la Ré­pu­blique Fédérale?». Je pense alors que peu avant la seconde guerre mondiale, seule une gauche intellectuelle avait ses chan­ces dans ma patrie suisse. Or cette chance était limitée à un domaine vraiment réduit: la caste des intellectuels, des lit­térateurs, des artistes avec leurs mécènes issus des clas­ses aisées de la société. C'est justement dans cette caste que je voulais m'introduire: elle me semblait être la porte ou­verte sur le vaste monde. En 1938, je m'inscris donc à l'uni­ver­sité de Bâle; branche principale: histoire de l'art; bran­ches secondaires: philologie germanique et philosophie.

Juste avant cette inscription, j'avais pénétré dans un nou­veau cercle de personnalités, celui des émigrés du Troisiè­me Reich, composés surtout de nombreux Juifs. Les familles juives bien établies à Bâle n'étaient pas trop ravies de cet apport nouveau. Moi personnellement, je me passionnais pour ces Juifs non assimilés. Ils nous apportaient de Berlin un petit reflet des Roaring Twenties, de Prague l'air qu'avait respiré Kafka, de Vienne un zeste de la décadence la plus fascinante de l'histoire récente. Avec les émigrés non juifs, ils prétendaient être “la meilleure Allemagne”. Mais ce furent également des émigrés juifs qui m'ont apporté les premiers éléments philosophiques et esthétiques qui contredisaient mes options libérales. Sur ce chapitre, je m'étais contenté jus­qu'alors d'étudier mon très proche compatriote, Carl Spit­te­ler, natif du Baselbiet, le pays rural autour de la ville de Bâ­le. Spitteler était un poète épique, le seul Suisse qui avait re­çu un Prix Nobel de littérature (sans compter Hermann Hes­se, qui est un naturalisé). Mais, avec la vague d'émigrés de 1938, la communauté poétique fondée par Stefan George, in­stallée à Bâle avant 1933, s'est trouvée renforcée numé­ri­que­ment, si bien que j'ai appris à connaître dans ce cercle des auteurs comme Rudolf Borchardt, Alfred Mombert, Lud­wig Derleth, et même Vladimir Jabotinsky, père fondateur d'un fascisme juif.

Mes intérêts se concentrèrent d'abord sur le plat principal, mitonné par des Suisses et des étrangers, des hommes de gauche, des avant-gardistes et des libéraux, pour être servi à cette gauche culturelle. C'était un savant mélange, parfois assez pertinent, de marxisme, de psychanalyse, de peinture abstraite, de musique atonale, d'architecture du Bauhaus, de films soviétiques, le tout nappé d'une sauce sucrée faite de pathos libéral. De ce côté du front, dans la guerre civile mon­diale, on trouvait ce qu'il y avait de meilleur dans les années 30, car on tentait de revalider le marxisme devenu un peu ca­duc en lui injectant de solides doses de psychanalyse. Wil­helm Reich n'a jamais été qu'un théoricien parmi beau­coup d'autres à avoir eu cette idée. C'était génial: faire entrer en scène de concert, Marx, le mage de la société, et Freud, le mage de l'âme, bras dessus bras dessous. Avec ce cou­pla­ge, le regard devenu un peu myope que jetait la gauche sur le monde, fut renforcé comme par un effet stéréo. A l'é­po­que aussi je croyais disposer, avec le psycho-marxisme, d'un code universel pour déchiffrer rationnellement le mon­de. Le tour de passe-passe scientifique, qui permit à cette doc­trine sotériologique nouvelle d'entrer en scène, la rendit si­multanément irrésistible. Voilà pourquoi, trois décennies plus tard, j'ai eu l'impression de voir des fantômes en Ré­pu­bli­que Fédérale quand les soixante-huitards se sont coiffés de ce vieux chapeau (mais, il est vrai, ils le portaient à la fa­çon californienne et non pas à la mode zurichoise).

Nous nous prenions pour de grands réalistes…

Chez les soixante-huitards, j'ai également découvert une ar­ro­gance élitaire identique à celle qu'affichaient mes amis a­vant-gardistes en 1938. Nous aussi avions commencé notre quê­te en évoquant la “dialectique” et le “refoulement”, nous avions forgé le jargon de notre petite clique pour nous dis­tancier des “masses”. Nous, nous savions “vraiment” ce qui se cachait “derrière” les choses. Une toile constructiviste de Piet Mondrian ne se composait pas seulement de traits droits qui formaient un angle droit, puis s'entrecoupaient, pour séparer agréablement et rythmiquement des carrés ou des rectangles rouges, bleus ou jaunes, le tout sur fond blanc (ce qui peut apaiser un individu hyper-stressé, tout com­me un beau tapis). Non, non, ce n'était pas que cette sim­ple géométrie, cela “signifiait” quelque chose. Ce que nous voyions n'était pas l'essentiel, mais ce que nous as­sociions dans l'image. Nous nous prenions pour de grands “réalistes”, mais nous n'étions que des “réalistes des uni­versaux” (et seulement, comme le veut la conditio humana, selon notre prétention).

Beaucoup d'entre nous pensaient avoir entre les mains la clef donnant accès aux énigmes de l'univers. En réalité, nous avions troublé notre regard sur le monde en usant d'un filtre d'abstractions. On devient ainsi la proie facile de ceux qui veulent nous faire gober que le vrai monde un jour vien­dra, mais dans le futur. Ou on devient la proie d'autres mar­chands d'illusions (moins nombreux mais plus dangereux) qui veulent nous faire croire que le vrai monde a déjà été, et qu'il est irrévocablement perdu. L'espoir existe, quand on com­mence à se rendre compte que l'on passe ainsi à côté de sa vraie vie, unique, spécifique et irremplaçable.

Armin MOHLER

(ex: Der Nasenring. Im Dickicht der Vergangenheitsbewältigung, op.cit., pp. 34-37).


Quand mes premières convictions se sont érodées…

Quand ai-je cessé d'être étudiant de gauche? Je sais du moins le jour où j'ai pris conscience que tout cela était absolument faux: le 22 juin 1941. Toutefois ma conviction que le psycho-marxisme était la clef de l'univers avait déjà été ébranlée.

Je n'étais pas le type prêt à déployer des efforts pendant toute sa vie pour réaliser les lunes de l'universalisme. Dans tous les cas de figure, on peut difficilement évaluer ce que l'on reçoit en héritage avant sa naissance. Personnellement, après ma naissance, j'ai eu de la chance. Mes parents vi­vaient un mariage heureux. Mon père était un homme dis­cret, mais il possédait une autorité naturelle et incontestée. Ma mère, plus entreprenante, était son complément parfait dans la vie. La maison parentale était une maison où régnait l'ordre, mais elle n'était pas ennuyeuse. Je n'ai pas été gâté. Mes parents n'en avaient pas les moyens. Les petites misè­res quotidiennes, physiques ou psychiques, n'ont jamais don­né lieu à des excitations ou des émotions hors de l'ordi­nai­re: on savait qu'elles faisaient partie du lot de tous les vi­vants. Ainsi, j'ai hérité d'un état d'esprit que je ne qualifierais pas d'optimisme mais plutôt de “goût pour la vie” (Lebens­lust).

Le mouvement frontiste en Suisse

Quand je me suis dégagé du corset des idéologies de gau­che, c'est ce goût pour la vie qui a été le moteur principal. Mais ce n'était pas le seul. Quoi qu'il en soit, ce n'est cer­tainement pas la droite suisse de l'époque qui a constitué un moteur supplémentaire. Pour autant qu'il y ait eu des grou­pe­ments qualifiables de “conservateurs” en Suisse du temps de ma jeunesse, et pour autant que ces groupements n'aient pas été édulcorés, ils étaient de nature “patricienne” et/ou catholique. Ces deux fondements m'étaient étrangers. J'étais issu de la petite bourgeoisie, je ne me suis jamais senti chré­tien et, au jour de ma majorité, j'ai quitté volontairement l'é­gli­se réformée, dans laquelle j'avais été éduqué. Le maur­ras­sisme, représenté en Suisse romande, aurait pu m'attirer. Mais le Suisse alémanique a toujours été coupé de la Suisse francophone. En général, il connaît mieux Paris ou la Pro­ven­ce. Pour un garçon comme moi, qui tentait de trouver une voie à droite, il ne restait plus que le mouvement fron­tiste en Suisse alémanique (c'est-à-dire des mouvements comme le Neue Front, le Nationale Front, le Volksbund, etc.). Ce mouvement était un de ces nombreux mouvements de renouveau qui surgissaient partout en Europe à cause de la crise économique et que les politologues contemporains qualifient de “fascistoïde”.

En 1931, au moment où les fronts connaissaient leur prin­temps, je n'avais que onze ans, sinon je me serais facile­ment laisser entraîner par eux. Ce mouvement de renou­veau, à ses débuts, pouvait compter sur l'assentiment de nom­breuses strates de la population. Il avait été initié par des jeunes loups issus des partis établis, qui voulaient créer quelque chose pour absorber le mécontentement général et la lassitude de la population contre les partis conventionnels. Pourtant, très vite, les fronts suisses ont créé leur propre dynamique. On vit apparaître des similitudes de style avec le fascisme tel qu'il se manifestait dans toute l'Europe mais, à partir de 1933, l'ombre compromettante du Troisième Reich s'est étendue sur le mouvement frontiste. Les représentants des associations de l'établissement, qui participaient à ces fronts, ont rapidement pris leurs distances, dès 1933. Les in­tellectuels, qui étaient les pendants suisses de la “Révolution Conservatrice” allemande à Zurich ou à Berne, sont resté plus longtemps dans ces formations politiques et ont béné­ficié de l'approbation de la Jeunesse dorée qui s'ennuyait. Cependant, lors des exécutions de la Nuit des Longs Cou­teaux, le 30 juin 1934, à Munich et à Berlin, plusieurs victi­mes étaient des représentants de la “Révolution conser­va­trice”; choqués, la plupart de ces intellectuels suisses con­ser­vateurs-révolutionnaires quittent la vie publique et se ré­fu­gient dans leur tour d'ivoire. Le seul siège frontiste au Par­lement suisse est rapidement perdu. Ce qui a subsisté des fronts a été marginalisé par la société libérale avec tous les moyens dont elle disposait. Les chefs les plus modérés se sont repliés sur leur vie privée. Une partie des leaders les plus radicaux se sont réfugiés dans le Troisième Reich pour échapper à la police et à la justice helvétiques. Il n'est plus resté qu'une troupe sans chefs, dont le nombre ne cessait de se réduire: des petites gens, obnubilés par une seule idée fixe, que les francs-maçons et les juifs (dans cet ordre) é­taient responsables de tous les maux de la Terre.

Le Major Leonhardt du Volksbund

Une théorie du complot aussi lapidaire n'était pas ce qu'il fallait pour un type comme moi, qui était sur le point de résoudre l'énigme de l'univers. Pourtant, un jour, je me suis ha­sardé dans l'antre du lion. J'ai assisté à un meeting du plus radical des chefs frontistes, le Major Leonhardt, chef du Volksbund, une dissidence du Nationale Front. (Comme l'ar­mée, à l'époque, était encore une institution sacro-sainte, le fils d'un Allemand naturalisé utilisait ses galons d'officier pour faire de la propagande en faveur du Volksbund). Ce mee­ting a dû avoir lieu au plus tard en 1939, car j'ai lu dans une thèse de doctorat consacrée au Volskbund, que Leon­hardt avait émigré en Allemagne en 1939 et qu'il y a trouvé la mort en 1945 lors d'un raid aérien allié. Extérieurement, il correspondait à son surnom: “le Julius Streicher suisse”. Ef­fectivement, son corps était d'allure pycnique, tassée, il sem­blait ne pas avoir de cou; il avait le même crâne pointu que Streicher, un crâne qui semblait toujours prêt à l'attaque. Il avait aussi des talents d'orateur comparables, comme j'allais ra­pidement le constater à mes dépens. Après le discours du Ma­jor —sur la Suisse “souillée” par les francs-maçons et les juifs— j'ai osé formuler une remarque. Je ne sais plus au­jourd'hui ce que j'ai dit alors. Mais je n'ai pas oublié que le Major Leonhardt a tout de suite repéré que j'étais étudiant. Il m'a directement attaqué ad personam. (Dans la thèse que j'é­voquais tous à l'heure, j'ai lu qu'il avait justifié sa rupture et celle de ses ouailles avec le Nationale Front car celui-ci était entièrement tombé sous la coupe des universitaires). Le Ma­jor a commencé à me répondre froidement, puis m'a admi­nistré une litanie d'injures, d'une voix toujours plus élevée; les insultes successives semblaient s'enrouler autour de moi comme une spirale. Leur contenu approximatif? Le contri­bua­ble suisse fait construire des universités avec son argent et qu'en sort-il? Des universitaires étrangers au monde, qui ont appris tant de choses inutiles qu'ils ne savent même plus quels sont les véritables ennemis du peuple! Leonhardt avait bien chauffé son public: les uns me regardaient avec un air nar­quois, les autres me lançaient des regards haineux; quant à moi, j'étais également échaudé car que peut-on op­poser à une telle avalanche d'insultes? Je n'ai revécu de si­tuation semblable qu'à la fin des années 60 et au début des années 70 dans les “discussions” qui avaient lieu à l'époque dans les universités ouest-allemandes.

Mobilisé dans l'armée suisse en 1940

Comme les fronts n'ont nullement contribué à me faire des­cen­dre de mon petit trône de libéral de gauche, quelle est a­lors la force qui m'en a fait descendre? Avec la distance que procure l'âge, je dois bien constater que ma mobilisation dans les rangs de l'armée suisse en 1940 a eu sa part. Le “drill” helvétique de l'époque était encore très rude: mes com­patriotes qui ont d'abord servi dans l'armée suisse puis, plus tard, dans la Waffen SS allemande, considèrent que l'in­struction dans notre pays était plus dure que celle qui prévalait dans les divisions de Himmler. Avec l'état d'esprit qui était le mien en ce temps-là, j'ai endossé l'uniforme avec des sentiments anti-militaristes. Je n'ai pas été un bon soldat et, à la fin de mes classes de conscrit, mon commandant m'a demandé si je voulais devenir aspirant officier (on le de­man­dait automatiquement à tout universitaire à l'époque). J'ai répondu “non merci!” et je suis resté simple fantassin. A ma grande surprise toutefois, je sentais que certains aspects du service me plaisaient. Ainsi la course avec paquetage d'as­saut et fusil me plaisait. Je ne pouvais pas me hisser au-dessus de la barre fixe mais j'étais un bon coureur à pied. Pour un étudiant anti-militariste, ces petits plaisirs peuvent en­core se justifier: c'est du sport. Mais, il y avait plus inquié­tant pour un pacifiste de gauche: des plaisirs quasi ataviques m'emportaient dans un domaine strictement militaire, notam­ment le drill. Je ne pouvais pas réprimer une profonde satis­fac­tion quand mon peloton, après des journées d'exercices, fai­sait claquer ses fusils sur le sol sans “effet de machine à é­crire”. (Pour les civils, cela signifie: lorsque les crosses des fu­sils tombent sur le sol en ne faisant plus tAc-TaC-taC-Tac dans le désordre et sans unisson, mais avec un seul et uni­que TAC métallique sur les dalles de la cour de la caserne). Quinze jours auparavant, je me serais encore moqué de ces “enfantillages”.

Aller au peuple

Cependant, l'expérience la plus importante de mon service mi­litaire est venue après l'école des recrues, quand je suis passé au service actif et quand j'ai été affecté à la garde de la frontière. On m'avait envoyé dans une compagnie de Schützen (= tirailleurs), composée d'hommes, aptes à porter les armes, issus de toutes les classes d'âge mais aussi, comme habituellement dans l'infanterie, d'hommes venus de tous les horizons de la vie civile. Dans une société haute­ment spécialisée, l'intellectuel éprouvera des difficultés à fai­re ample connaissance avec des “gens du peuple”. Il n'exis­te que deux institutions où il peut le faire, vingt-quatre heures sur vingt-quatre: la prison et le service militaire. Les deux ans de mon service le long de la frontière m'ont beaucoup plus apporté dans ma formation humaine que le double du temps que j'avais passé auparavant dans les universités. (…) Dans cette optique autobiographique, je me contenterai d'une citation, qui résume bien l'affaire. Elle provient de l'œu­vre d'un Suisse original, Hans Albrecht Moser (1882-1978); je l'ai tirée de son journal Ich und der andere, paru à Stutt­gart en 1962. La voici: «L'humain se trouve plus facile­ment dans l'homme normal que dans l'homme excep­tion­nel. C'est pourquoi cet homme normal m'attire da­van­tage. Pour satisfaire des besoins spirituels, il existe des livres».

Découvrir Spengler

Pour ce qui concerne les livres, je m'empresse de dire ceci: j'ai continué à en dévorer, sans discontinuité, et, parmi eux, j'ai surtout lu les grands critiques du libéralisme. Ces lectu­res ont beaucoup contribué à faire crouler mes palais imagi­nai­res et utopiques. J'avais déjà commencé à lire Nietzsche quand j'étais scout. Pendant mes deux ans de garde le long de la frontière, je suis passé aux autres grands anti-libéraux. L'expérience la plus originale que j'ai eue, c'est en lisant Os­wald Spengler. Au sommet de ma période de gauche, j'avais tenté de lire Le Déclin de l'Occident. (Bien sûr, pour appren­dre à connaître l'adversaire). Mais je n'étais pas parvenu à franchir le cap des premières pages: pour moi, le texte était absolument incompréhensible. La notoriété de cet ouvrage res­tait un mystère pour moi, même d'un point de vue thérapeu­tique. Vers la fin de ma période d'incubation, que je viens de vous esquisser —ce devait être au début de l'an­née 1941— les deux énormes volumes me sont tombés une nouvelle fois entre les mains. J'ai ouvert le premier à n'im­por­te quelle page et j'ai commencé à lire, sans m'arrêter, et au bout de quelques jours, j'avais entièrement parcouru les deux tomes. Pourquoi n'avais-je pas pu faire la même ex­pé­rience lors de ma première tentative? Quelque chose d'es­sen­tiel en moi avait changé, mais je n'en avais pas encore idée.

Armin MOHLER

(ex: Der Nasenring. Im Dickicht der Vergangenheitsbewältigung, op.cit., pp. 37-41).


Participation et ergonisme

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Participation gaullienne et "ergonisme": deux corpus d'idées pour la société de demain

Robert Steuckers

Beaucoup de livres, d'essais et d'articles ont été écrits sur l'idée de participation dans le gaullisme des années 60. Mais de toute cette masse de textes, bien peu de choses sont passées dans l'esprit public, dans les mentalités. En France, une parcelle de l'intelligentsia fit preuve d'innovation dans le domaine des projets sociaux quand le monde industrialisé tout entier se contentait de reproduire les vieilles formules libérales ou keynésiennes. Mais l'opinion publique française n'a pas retenu leur message ou n'a pas voulu le faire fructifier.

On ne parle plus, dans les salons parisiens, de la participation suggérée par De Gaulle, ni de l'idée séduisante d'"intéressement" des travailleurs aux bénéfices des entreprises, ni des projets "pancapitalistes" d'un Marcel Loichot ou d'un René Capitant. Lors des commémorations à l'occasion du centième anniversaire de la naissance de Charles De Gaulle, ces projets, pourtant très intéressants et, aujourd'hui encore, riches de possibles multiples, n'ont guère été évoqués. Couve de Murville, sur le petit écran, a simplement rappelé la diplomatie de "troisième voie" amorcée par De Gaulle en Amérique latine, au Québec et à Phnom Penh (1966). Si la "troisième voie" en politique extérieure suscite encore de l'intérêt, en revanche, la "troisième voie" envisagée pour la politique intérieure est bel et bien oubliée.

Outre les textes de René Capitant ou l'étude de M. Desvignes sur la participation (1), il nous semble opportun de rappeler, notamment dans le cadre du "Club Nationalisme et République", un texte bref, dense et chaleureux de Marcel Loichot, écrit en collaboration avec le célèbre et étonnant Raymond Abellio en 1966, Le cathéchisme pancapitaliste. Loichot et Abellio constataient la faiblesse de la France en biens d'équipement par rapport à ses concurrents allemands et japonais (déjà!). Pour combler ce retard  ‹que l'on comparera utilement aujourd'hui aux retards de l'Europe en matières d'électronique, d'informatique, de création de logiciels, en avionique, etcŠ‹  nos deux auteurs suggéraient une sorte de nouveau contrat social où capitalistes et salariés se partageraient la charge des auto-financements dans les entreprises. Ce partage, ils l'appelaient "pancapitaliste", car la possession des richesses nationales se répartissait entre toutes les strates sociales, entre les propriétaires, les patrons et les salariés. Cette diffusion de la richesse, expliquent Loichot et Abellio (2), brise les reins de l'oligo-capitalisme, système où les biens de production sont concentrés entre les mains d'une petite minorité (oligo  en grec) de détenteurs de capitaux à qui la masse des travailleurs "aliène", c'est-à-dire vend, sa capacité de travail. Par opposition, le pancapitalisme, ne s'adressant plus à un petit nombre mais à tous, entend "désaliéner" les salariés en les rendant propriétaires de ces mêmes biens, grâce à une juste et précise répartition des dividendes, s'effectuant par des procédés techniques dûment élaborés (condensés dans l'article 33 de la loi du 12 juillet 1965 modifiant l'imposition des entreprises si celles-ci attribuent à leur personnel des actions ou parts sociales).

L'objectif de ce projet "pancapitaliste" est de responsabiliser le salarié au même titre que le patron. Si le petit catéchisme pancapitaliste de Loichot et Abellio, ou le conte de Futhé et Nigo, deux pêcheurs japonais, dont l'histoire retrace l'évolution des pratiques économiques (3), peuvent nous sembler refléter un engouement utopique, parler le langage du désir, les théoriciens de la participation à l'ère gaullienne ne se sont pas contentés de populariser outrancièrement leurs projets: ils ont su manier les méthodes mathématiques et rationnelles de l'économétrie. Mais là n'est pas notre propos. Nous voudrions souligner ici que le projet gaullien global de participation s'est heurté à des volontés négatives, les mêmes volontés qui, aujourd'hui encore, bloquent l'évolution de notre société et provoquent, en bon nombre de points, son implosion. Loichot pourfendait le conservatisme du patronat, responsable du recul de la France en certains secteurs de la production, responsable du mauvais climat social qui y règnait et qui décourageait les salariés.

Deuxième remarque: qui dit participation dit automatiquement responsabilité. Le fait de participer à la croissance de son entreprise implique, de la part du salarié, une attention constante à la bonne ou la mauvaise marche des affaires. Donc un rapport plus immédiat aux choses de sa vie quotidienne, donc un ancrage de sa pensée pratique dans le monde qui l'entoure. Cette attention, toujours soutenue et nécessaire, immunise le salarié contre toutes les séductions clinquantes des idéologies vagues, grandiloquentes, qui prétendent abolir les pesanteurs qu'impliquent nécessairement les ancrages dans la vie. Jamais les modes universalistes, jamais les slogans de leurs relais associatifs (comme SOS-Racisme par exemple), n'auraient pu avoir autant d'influence, si les projets de Loichot, Capitant, Abellio, Vallon s'étaient ancrés dans la pratique sociale quotidienne des Français. Ceux-ci, déjà victimes des lois de la Révolution, qui ont réduit en poussière les structures professionnelles de type corporatif, victimes une nouvelle fois de l'inadaptation des lois sociales de la IIIième République, victimes de la mauvaise volonté du patronat qui saborde les projets gaulliens de participation, se trouvent systématiquement en porte-à-faux, davantage encore que les autres Européens et les Japonais, avec la réalité concrète, dure et exigeante, et sont consolés par un opium idéologique généralement universaliste, comme le sans-culottisme de la Révolution, la gloire de l'Empire qui n'apporte aucune amélioration des systèmes sociaux, les discours creux de la IIIième bourgeoise ou, aujourd'hui, les navets pseudo-philosophiques, soft-idéologiques, de la médiacratie de l'ère mitterandienne. Pendant ce temps, ailleurs dans le monde, les Allemagnes restauraient leurs associations professionnelles ou les maintenaient en les adaptant, Bismarck faisait voter des lois de protection de la classe ouvrière, les fascismes italiens ou allemands peaufinaient son ¦uvre et imposaient une législation et une sécurité sociales très avancées, la RFA savait maintenir dans son système social ce qui avait été innovateur pendant l'entre-deux-guerres (Weimar et période NS confondues), le Japon conservait ses réflexes que les esprits chagrins décrètent "féodaux"... Toutes mesures en rupture avec l'esprit niveleur, hostile à tout réflexe associatif de nature communautaire, qui afflige la France depuis l'émergence, déjà sous l'ancien régime, de la modernité individualiste.

L'idée de participation est un impératif de survie nationale, identitaire et économique, parce qu'elle implique un projet collectif et non une déliquescence individualiste, parce qu'elle force les camarades de travail d'une entreprise à se concerter et à discuter de leurs vrais problèmes, sans être doublement "aliénés": et par les mécanismes économiques du salariat et par les discours abrutissants des médias qui remplacent désormais largement l'opium religieux, comme l'entendaient Feuerbach, Marx et Engels, dont les idées sont trahies allègrement aujourd'hui par ceux qui s'en revendiquent tout en les figeant et les dénaturant. La réalité, qui n'est pas soft  mais hard, contrairement à ce qu'affirment les faux prophètes, a déjà dû s'adapter à cette nécessité de lier le travailleur immédiatement à sa production: l'éléphantiasis tant des appareils administratifs étatisés de type post-keynésiens que des énormes firmes transnationales ont généré, à partir de la première crise pétrolières de 1973, une inertie et une irresponsabilité croissantes de la part des salariés, donc une perte de substance humaine considérable. Il a fallu trancher stupidement, avec gâchis, au nom de chimères opposées, en l'occurrence celles du néo-libéralisme reaganien ou thatchérien. Renvoyer des salariés sans préparation au travail indépendant. Résultat, dans les années 80: accroissement exponentiel du chômage, avec des masses démobilisées n'osant pas franchir ce pas, vu que les législations de l'ère keynésienne (qui trahissaient Keynes) avaient pénalisé le travail indépendant. Autre résultat, au seuil des années 90: une inadaptation des structures d'enseignement aux besoins réels de la société, avec répétition sociale-démocrate des vieux poncifs usés, avec hystérie néo-libérale destructrice des secteurs universitaires jugés non rentables, alors qu'ils explorent, souvent en pionniers, des pans entiers mais refoulés du réel; et produisent, du coup, des recherches qui peuvent s'avérer fructueuses sur le long terme.

Les vicissitudes et les dysfonctionnements que nous observons dans notre société contemporaine proviennent de ce désancrage permanent qu'imposent les idéologies dominantes, privilégiant toutes sortes de chimères idéologiques, transformant la société en un cirque où des milliers de clowns ânonnent des paroles creuses, sans rien résoudre. La participation et l'intéressement sont les aspects lucratifs d'une vision du monde qui privilégie le concret, soit le travail, la créativité humaine et la chaîne des générations. Ce recours au concret est l'essence même de notre démarche. Au-delà de tous les discours et de toutes les abstractions monétaires, de l'étalon-or ou du dollar-roi, le moteur de l'économie, donc de notre survie la plus élémentaire, reste le travail. Définir en termes politiques notre option est assez malaisé: nous ne pouvons pas nous définir comme des "identitaires-travaillistes", puisque le mot "travailliste" désigne les sociaux-démocrates anglais ou israëliens, alliés aux socialistes de nos pays qui claudiquent de compromissions en compromissions, depuis le programme de Gotha jusqu'à celui de Bad Godesberg (4), depuis les mesures libérales du gouvernement Mitterand jusqu'à son alliance avec Bernard Tapie ou son alignement inconditionnel sur les positions américaines dans le Golfe.

Jacob Sher, économiste qui a enseigné à l'Institut polytechnique de Léningrad avant de passer à l'Ouest, participationniste sur base d'autres corpus que ceux explorés par les gaulliens Loichot, Vallon ou Capitant, a forgé les mots qu'il faut   ‹ergonisme, ergonat, ergonaire (du grec ergon, travail)‹   pour désigner sa troisième voie basée sur le Travail. Issu de la communauté juive de Vilnius en Lithuanie, Jacob Sher partage le sort de ces Israëlites oubliés par nos bateleurs médiatiques, pourtant si soucieux d'affirmer et d'exhiber un philosémitisme tapageur. Oublié parce qu'il pense juste, Sher nous explique (5) très précisément la nature éminement démocratique et préservatrice d'identité de son projet, qu'il appelle l'ergonisme. Il est démocratique car la richesse, donc le pouvoir, est répartie dans l'ensemble du corps social. Il préserve l'identité car il n'aliène ni les masses de salariés ni les minorités patronales et fixe les attentions des uns et des autres sur leur tâche concrète sans générer d'opium idéologique, dissolvant toutes les formes d'ancrage professionnel ou identitaire.

La participation gaullienne et l'ergonat sherien: deux corpus doctrinaux à réexplorer à fond pour surmonter les dysfonctionnements de plus en plus patents de nos sociétés gouvernées par l'idéologie libérale saupoudrée de quelques tirades socialistes, de plus en plus rares depuis l'effondrement définitif des modèles communistes est-européens. Pour ceux qui sont encore tentés de raisonner en termes reagano-thatchériens ou de resasser les formules anti-communistes nées de la guerre froide des années 50, citons la conclusion du livre de Jacob Sher: "Et ce n'est pas la droite qui triomphe et occupe le terrain abandonné par la gauche, malgré les apparences électorales. Certes, la droite profite de la croissance du nombre des voix anti-gauche, mais ces voix ne sont pas pro-droite, elle ne s'enrichit pas d'adhésions à ses idées. Car la droite aussi est en déroute, son principe de société a aussi échoué. Ce sont les nouvelles forces qui montent, les nouvelles idées qui progressent, une nouvelle société qui se dessine. Non pas une société s'inscrivant entre les deux anciennes sociétés, à gauche ou à droite de l'une ou de l'autre, mais CONTRE elles, EN FACE d'elles, DIFFERENTE d'elles. TROISIEME tout simplement. Comme un troisième angle d'un triangle".

Notes

(1) Cf. M. Desvignes, Demain, la participation. Au-delà du capitalisme et du marxisme, Plon, Paris, 1978; René Capitant, La réforme pancapitaliste, Flammarion, Paris, 1971; Ecrits politiques, Flammarion, 1971; Démocratie et participation politique, Bordas, 1972.
(2) "Le catéchisme pancapitaliste" a été reproduit dans une anthologie de textes de Marcel Loichot intitulée La mutation ou l'aurore du pancapitalisme, Tchou, Paris, 1970.
(3) Le conte de Futhé et Nigo se trouve également dans Marcel Loichot, La mutation..., op. cit., pp. 615-621.
(4) Au programme de Gotha en 1875, les socialistes allemands acceptent les compromissions avec le régime impérial-libéral. A Bad Godesberg en 1959, ils renoncent au révolutionnarisme marxiste, donc à changer la société capitaliste. Le marxisme apparaît comme un compromis permanent face aux dysfonctionnements du système capitaliste.
(5) Jacob Sher, Changer les idées. Ergonisme contre socialisme et capitalisme, Nouvelles éditions Rupture, 1982.

[Synergies Européennes, Nationalisme & République, Janvier, 1992]

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samedi, 23 juin 2007

L'anthropologue américain C. S. Coon

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Sur l'anthropologue américain Carleton Stevens Coon

23 juin 1904 : Naissance à Wakefield dans le Massachusetts de l'anthropologue américain Carleton Stevens Coon. Sa méthode consistait à émettre des thèses en anthropologie sur base d'un matériel archéologique. Son œuvre majeure a été The Origin of Races (1962), ouvrage controversée à une époque où les études anthropologiques sont systématiquement soupçonnées de consolider un discours "raciste". L'investigation minutieuse des preuves archéologiques ne peut pourtant pas se réduire à des slogans ineptes, que ceux-ci soient de facture "raciste" ou "anti-raciste". L'hystérie de ses contradicteurs ne remplacera évidemment jamais le fait qu'il ait examiné plus de 31.000 outils, fragments d'outils ou récipients destinés à l'agriculture, dont certains remontaient à 6050 av. J. C. et provenaient de la grotte de Hotu en Iran. Ce chantier archéologique permettait, grâce à sa bonne conservation, d'explorer plusieurs strates successives de l'évolution préhistorique et proto-historique, allant du néolithique à l'Age du Fer en passant par l'Age du Bronze. Mieux, Coon y découvrit des restes humains de l'ère glaciaire, dont l'examen lui permit d'écrire, en 1954, The Story of Mankind (= L'histoire de l'humanité), panorama de l'histoire humaine depuis l'ère glaciaire jusqu'aux temps modernes. Pour Coon, cinq souches humaines existaient avant l'apparition de l'homo sapiens. Il a donc été l'avocat de la théorie polygéniste, opposée à la théorie monogéniste, propre de ceux qui interprètent la Bible stricto sensu et appartiennent généralement aux sectes protestantes les plus rétrogrades et propre aussi des "anti-racistes" professionnels qui se piquent d'un progressisme plus religieux que scientifique. Parmi les autres ouvrages majeurs de Coon, citons The Tribes of the Rif (= Les tribus du Rif, 1931) et The Races of Europe (1939). Carleton Stevens Coon meurt le 3 juin 1981 à Gloucester dans le Massachusetts (Robert Steuckers).

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vendredi, 22 juin 2007

Don d'information, résistance à la globalisation

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Frédéric VALENTIN:

Le don d'information, résistance à la globalisation

Un pamphlet bien conçu, publié récemment par Bernard Maris (1), a ou­vert la boîte de Pandore de la cuistrerie contemporaine : les dis­cours des experts en économie. On y trouve clairement exposé qua­tre thèmes qui ferment définitivement, du moins pour des penseurs hon­nêtes, la prétention des pseudo-spécialistes en économie :

- A la fin des années 70, la démonstration mathématique de ce que le modèle de concurrence est dans une impasse totale est acquise. Gé­rard Debreu a démontré que le marché ne conduit pas, naturelle­ment, à l’équilibre. Puis, Lipsey-Lancaster et Nash établissent que le mar­ché ne donne pas l’optimum. Ainsi, de même que les planifica­teurs socialistes, s’inspirant de la théorie de l’optimum et de Walras, ont finalement assassiné leur pays, de même les libéraux éradiquent l’Europe à l’abri de superstitions ridicules.

- Les auteurs Henri Simon (prix Nobel 1978) et Maurice Allais (prix No­bel 1988) ont prouvé que les agents sont irrationnels dès que l’on introduit de l’aléa dans leurs gains. La rationalité n’est qu’un postulat commode, sans lien avec le réel. Pour avoir osé préten­dre qu’ils avaient fabriqué le modèle adéquat à la réalité, les deux No­bel Merton et Scholes ont fait plonger leur portefeuille dont les clients ont été renfloués, comme toujours, par le prélèvement fiscal sur les populations laborieuses (2).

- Si certains savants finissent par devenir malhonnêtes en se trans­for­mant en « experts », les experts qui s’autorisent de la complexité de la science économique sont toujours malhonnêtes. Il en résulte que les économistes lucides refusent de parler de la réalité éco­nomi­que : elle n’existe pas. Tout ce qui se dit est parfaitement dé­montrable mais invérifiable et insanctionnable.

- La seule économie possible est l’histoire. Confession du prix No­bel John Hicks, peu avant sa mort ; et pratique régulière de Maurice Al­lais. Edmond Malinvaud, cherchant pourquoi les économistes ne font pas de découvertes, répond maintenant que cette science est sem­blable à la casuistique.

Une fois que l’esprit a été éclairé sur l’absence d’une science éco­no­mique prouvant quoi que ce soit, le point de vue de Carl Schmitt s’impose avec force : l’économie est un moyen de contrôle social in­di­rect. Il dépend de la volonté des élites et du sens de l’action op­portune, que de désobéir et /ou ne pas obéir aux diktats fondés sur cette pseudo-science. Il existera toujours des alternatives aux vec­teurs actuels de la globalisation que sont la finance, le commerce et les médiats. Nous montrerons que la problématique du don est l’une des orientations pour remettre en cause la théorie de l’information-mar­chandise véhiculée par la globalisation. Contre l’enfer de la glo­ba­lisation, soutenons le don. A l’information marchandise, opposons la valeur qualitative du lien social fondé sur des informations données et partagées.

A – Démythifier la globalisation

La globalisation désigne l’accroissement des mobilités de tout ce qui est codifiable (3). Sont concernés : la circulation des capi­taux, les marchandises et informations qui peuvent être numérisées et se transporter indépendamment des hommes. Tout ce qui se dé­place rapidement et à faible coût (sauf, évidemment, les hommes) a fa­cilité le développement des firmes globales. Par la double impulsion des États qui ont démoli leurs frontières, et du progrès technique orienté par le type de compétition que les entreprises subissent, la glo­balisation creuse chaque jour les inégalités au sein des pays et en­tre les régions du monde, en particulier entre les emplois compéti­tifs et les emplois protégés.

Les firmes globales pratiquent de la manière suivante :

- Décomposition de la chaîne de production, depuis la recherche-dé­­ve­lop­pement d’un nouveau produit jusqu’à sa distribution, en ac­ti­vi­tés unitaires simples.

- Localisation des activités sédentaires là où elles doivent l’être.

- Installation des autres processus dans les territoires qui offrent les meil­leures conditions pour leur fonctionnement.

Les experts-économistes serviteurs des marchands cherchent à faire croi­re que le progrès technique est la seule source du chômage et des inégalités. Puisque personne ne peut refuser le progrès tech­ni­que, il n’y a rien à faire... En réalité, c’est le processus de globa­lisa­tion qui est responsable d’une grande partie du chômage, en sorte qu’un certain protectionnisme servirait les intérêts des populations. Mais, pour les castrats au service des puissances économiques, il s’agit de camoufler le fait essentiel que le libéralisme de façade sert à réinstaller la société de castes : les patrons cèdent leur pla­ce aux héritiers ; en politique et dans la haute administration, les mê­mes noms se retrouvent sur plusieurs générations. Les lettrés sont en­fon­cés dans l’oubli par la promotion des « merducons » (4) du spec­tacle (cinéma, radio, chanson, sport) qui orientent les passions des foules. Cette nouvelle caste des têtes d’affiche, leaders d’opi­nion, transmet son succès à ses descendants. L’“affirmative action” (ou discrimination positive) applique le principe de la naissance à la pla­­ce du mérite. Partout en Europe, des mafias ethniques venant du vaste monde, des sectes monothéistes spécialisées dans le grand ban­ditisme intellectuel et le crime comme les humains qui pensent, pos­sèdent à nouveau, collectivement et donc par droit de naissance pour chacun, un statut juridique de race supérieure. Le fait d’être un dé­vot de telle secte ou de venir d’ailleurs, hors d’Europe, assure au­to­matiquement une préférence sur tous et favorise l’embauche par les satrapes politiques contrôlés par les marchands.

Par le processus de globalisation, l’oligarchie qui pilote l’Occident, fu­sion de la politique et des affaires, a réussi à inverser l’ordre tra­ditionnel des fonctions : l’avoir commande le pouvoir qui donne des ordres au savoir. Le sublime libéralisme mondial est en réalité une imposition violente, par propagande, meurtres et déporta­tions, d’une idéologie religieuse monothéiste et d’une organisation cléricale. Le droit de l’homme comme réalité est la continuation de la tyrannie mo­­nothéiste : la caste des purs auto-proclamés guide le troupeau et pu­­ri­fie le monde des mal-pensants.

La justification de la globalisation par des économistes-charla­tans ca­che donc le règne d’organisations centralisées à l’échelle du globe, vé­ritables Églises dirigées par des oligarchies de trafiquants. Si, en pratique, on vit le retour de la société raciste théo­cratique, l’absence d’une noblesse au service du peuple et d’une aris­tocratie spirituelle indépendante se fait déjà cruellement sentir. La mondialisation se dé­roule donc dans un certain contexte, spatial­e­ment et temporellement localisé. Quelques mensonges pieux ont été re­levés par l’économiste Bernard Maris (5) :

- La mondialisation n’est pas le commerce, mais l’organisation con­certée au niveau mondial des grands oligopoles.

- Les changements institutionnels qui favorisent le processus de glo­balisation sont soigneusement programmés dans des institutions spé­cialisées dans la dérèglementation, comme la commission euro­péen­ne ou l’OMC.

- La globalisation n’est pas la mondialiation des échanges. Pour plus de la moitié, le commerce se limite aux filiales de firmes globales.

Le mouvement de globalisation renvoie plutôt aux enclosures qui pré­cé­dèrent la révolution industrielle. Ce fut un mouvement de destruc­tion du collectif transformé en propriétés privées. De la même ma­niè­re, la globalisation organise la privatisation du monde et, corrélative­ment, tiers-mondise les Nations. Les oligarchies de trafiquants se dé­sengagent de toute obligation de façon radicale : plus de devoirs à l’é­gard de multiples groupes : employés, âgés ou jeunes, générations à venir, conditions de vie, etc. Ne pas avoir à assumer les con­sé­quences de ses actes, voilà l’avantage des nouveaux maîtres et les rai­sons de leur préférence en faveur des religions monothéistes fon­dées sur la culpabilisation, la délation et le meurtre intellectuel de mas­se.

Sous le prétexte fallacieux de pratiquer la science économique, les ec­clesia financières entretiennent des claque-dents affirmant que la guerre de tous contre tous est un progrès. L’idéologie occidentiste, par l’abus de la métaphore guerrière, tente de voiler les conditions réelles de la privatisation du monde. De même qu’il fallut une “grande transformation” pour stopper les conséquences des enclosures, de mê­me il faudra d’autres organisations (6) pour freiner les ardeurs des maîtres de l’heure. La compréhension de leur propagande vomitive amène à repenser la logique du Don - Contre-Don qui, quoique étouf­fée par les échanges monétaires, est une voie de réappropriation de l’humanité de l’homme en ce qu’elle fait appel à la valeur qualitative du lien social.

B – Don, dette, information

La production économique a besoin d’informations et de motivation. L’information est celle du travailleur ou de l’entrepreneur sur ce qu’il doit faire pour satisfaire au mieux des besoins ou désirs. Transmettre aux divers agents économiques les informations nécessaires sur les désirs et possibilités des autres est traditionnellement considéré par les économistes comme le problème majeur qu‚un système écono­mique doit résoudre (7). Les marchés avec leurs prix, la planification avec ses transferts administratifs d’information apportent des solu­tions qui, dans l’ensemble, sont impressionnantes. Mais si la motiva­tion existe ou est développée, des agents peuvent vouloir se trans­mettre volontairement des informations économiques à titre gracieux. Car le don d’information améliore le calcul, diminue les inconvénients du coût élevé de toutes informations, et donc son imperfection et son manque. La publicité qui incite à la consommation perd une grande par­tie de sa rentabilité si l’information est donnée et transmise gratui­tement. Le don d’information limite aussi les ravages du mensonge, car la motivation du secret perd de son importance.

Le capitalisme a d’autres possibilités d’avenir que la globalisation et la société de castes à fondement raciste théocratique dans laquelle les riches et les purs (justes et pieux selon la bible) dominent le trou­peau des impurs. Mais il faut pouvoir étudier l’autogestion, l’écologie, les autonomies, les décentralisations et les démocratisa­tions, etc. Pour préférer quelque chose il faut le connaître et, pour pouvoir le réa­liser il faut, de plus, savoir que c‚est possible. Aussi, la large diffu­sion de la connaissance de possibilités de transformations sociales est nécessaire pour que ces possibilités soient comprises et effec­tuées par le maximum de personnes. Car dans le champ des réfor­mes sociales, les personnes sont tout à la fois acteurs et auteurs, le suc­cès requérant que le progrès soit perçu (la fin est immanente aux moyens en ces matières).

Le don d’informations lutte contre la négligence de l’étude des so­cié­tés possibles par rapport à celle des sociétés réalisées (présentes et passées). L’argument clef des conservatismes de toutes les factions au pouvoir est devenu que seul ce qui existe est possible. Cela prou­ve une pauvreté d’imagination et de connaissance et une inaptitude à penser logiquement. Le seul critère « mérite d’exister » n’est pas le cri­tère de qualité d’une société. La recherche des inexistants pos­si­bles, la quête des ailleurs réalisables, l’analyse des utopies réalistes sont nécessairement la plus scientifique des activités. Pour savoir ce qui, parmi l’inobservé, est possible ou ne l’est pas, il faut avoir une con­naissance en profondeur de la nature et de la structure du mon­de. Le chant révolutionnaire affirme : « la liberté guide nos pas ». En fait, c’est l’espoir de liberté, c’est-à-dire l’imagination du futur, du pos­si­ble, du désirable : l’utopie. L’utopie de maintenant, c’est de donner le plus d’informations possibles pour limiter les relations hostiles, ré­dui­re les activités de parasitisme, connaître les méthodes de la ty­ran­nie monothéiste. La société actuelle des trafiquants pieux ne devien­dra problématique que si un maximum de gens peuvent en concevoir une différente. Or, toute information transmise peut créer une dé­cou­verte nouvelle ou une prise de conscience, en se combinant avec ce que sait déjà celui qui la reçoit ; de sorte que la diffusion d’in­for­ma­tions doit emprunter toutes les voies de la communication. Par exem­ple, le don d’informations provoquerait instantanément des amélio­ra­tions dans les domaines sociaux suivants :

- Les simples annonces de demande et d’offre d’emploi, développées et systématisées.

- Les accords de livraison présente ou future de biens et services, pas­sés deux à deux.

- Chaque unité économique ferait ses propres études de marché pour l’usage de ses produits et services.

- Des groupes auraient la possibilité de se transmettre des “prix fictifs” représentant des taux de substitution entre leurs désirs, ou des taux de transformation entre leurs possibilités, ou encore se don­ne­raient les rapports entre les coûts marginaux et les productivités mar­ginales.

- Les effets externes positifs ou négatifs créés par une activité se­raient connus. Le centre de décision calculerait le profit « fictif » inté­grant ces externalités. Les mensonges comptables diminueraient.

On peut donner et contre-donner pour bien des raisons : amour de l’au­tre, gratitude, reconnaissance, sens de l’équilibre ou du devoir, re­cherche de l’estime ou du statut, crainte de perdre la face, ou pour que l’autre continue de donner. Une forme classique de lien social, l’at­tachement d’un individu à ceux avec lesquels il est en relation in­stitutionnelle, est le sentiment que la personne a envers une (des) au­tre(s) une dette qu‚elle ne peut jamais entièrement repayer : dettes envers les parents, l’Empereur (cas japonais), mais ces sentiments existent souvent envers des groupes, des collectivités, des entités so­ciales (Patrie) ou des divinités créatrices. La notion de réseau rap­pelle qu’on donne en général plus facilement lorsqu’on connaît celui qui reçoit. Le réseau permet de savoir si l’aide offerte procure plaisir et de s’informer si les autres donnent aussi.

La globalisation n‚est pas la meilleure économie possible pour le plus grand nombre. La technique ne justifie aucunement la globalisation. C’est l’absence de réflexion sur le don, sur le rôle de l’information dans les conceptions sociales qui limitent la société à l’horreur ac­tuelle. Nous montrerons ci-dessous comment la théorie de l’informa­tion marchandise, véhiculée par les organisations dominantes, ré­sulte d’une conception monothéiste du marché et débouche sur la propagande et la censure. Puis nous établirons comment le don, re­fusant que l’information n’ait qu’une valeur quantitative, renoue avec la tradition de l’homme-mesure de toutes choses, conquérant de sa li­berté.

C – La théorie de l’information-marchandise

La vulgate économique pose en hypothèse que dans un monde d’a­tomes individuels et de concurrence pure et parfaite, et en l’absence de barrières techniques ou institutionnelles, les discours de tout un cha­cun et de tous types circulent. Le monde parfait, pur et immaculé, posé a priori, permet aux énoncés d’être émis, entendus, lus, é­cou­tés, vus sans entraves. La stratégie des ententes est alors d’obtenir une rente de monopole par la censure et la propagande.

1 – Censure, propagande et information-marchandise

La censure et la propagande sont deux manières complémentaires d’ob­tenir des rentes de monopole (8) :

- La censure augmente le coût, pour les producteurs et les utili­sa­teurs, des énoncés concurrents. Elle intervient tant sur le support ma­té­riel de la pensée (livres, ordinateurs,...) que sur les idées (inter­dic­tion d’enseignement, doctrines imposées, censures doctrinales) que sur les personnes (procès, sanctions, intimidations).

- La propagande diminue artificiellement le coût des énoncés de l’au­torité. Elle suppose un contrôle monopolistique sur les médiats, ces principaux moyens de diffusion des messages destinés aux foules et à l’intelligentsia. Les sources alternatives sont plongées dans le si­lence et les populations se convertissent, peu à peu, par la répétition des énoncés, aux superstitions qui conviennent à l’autorité. L’en­sei­gnement est toujours le premier visé puisqu’il permet une pro­pa­­gande « préventive » à l’usage des futurs croyants adultes.

Censure et propagande mobilisent un personnel important organisé en ecclésia. L’acceptation de la propagande et de la censure par les foules et l’intelligentsia est recherchée à travers le mécanisme étho­logique de l’argument d’autorité : les censeurs et autres prédicateurs sont présentés comme des leaders d’opinion et des locomotives so­cia­les dont les pensées sublimes sont crédibles. La cohérence des sain­tes doctrines s’appuie sur la hiérarchie des « élus », caste su­bli­me à laquelle les médiats demandent leur consentement avant de dif­fuser un énoncé. Enfin, les bourreaux de la magistrature, par envie de plaire et crasse intellectuelle, recherchent l’hérésie à tout prix et développent l’hystérie et l’efficacité de la censure.

Propagande et censure vont de pair. Elles naissent dans des socié­tés ouvertes qu’elles ferment ensuite pour longtemps. La propagande et la censure ne peuvent tolérer les libertés de l’esprit, assimilées au péché. L’éducation évolue vers la propagande, la censure déclenche l’au­tocensure et la sottise bestiale en résulte naturellement. Ces deux phénomènes ont toujours et partout dénaturé la pensée authentique et accouché de nouveaux systèmes d’idées extravagants mais com­pa­tibles avec la tyrannie.

En occident aujourd’hui, l’offre oligopolistique de messages tant cul­turels (idéologies) qu’informationnels (nouvelles) et la censure tou­chant les œuvres, leurs supports et leurs créateurs, ramènent le mar­ché de l’information à une fiction. La demande d’informations est con­di­tionnée par l’éducation / propagande à laquelle chacun est soumis depuis son enfance. Les offreurs sont organisés en consistoires : 100 chaînes et cent fois la même chose (et les mêmes têtes). Le con­tenu des messages est toujours imprégné de la même idéologie. Le mo­ment de la consommation ne change plus le contenu : du matin au soir, le médiatique autoréfère. Et une formation intellectuelle plus in­dé­pendante a un coût prohibitif, conséquence logique de l’efficacité de la censure. Pour les trafiquants et leurs cochons truffiers, l’infor­ma­tion-marchandise est un moyen d’enrichissement et de domi­na­tion. Ils demandent donc que la valeur soit appréciée selon les cri­tè­res de toute marchandise : la structure de préférence de l’individu ab­strait.

2 – Quelle valeur pour les flux d’information ?

Le morcellement effectif du pouvoir a toujours été la seule garantie contre l’intolérance. Si propagande et censure fleurissent aujourd’hui en occident, c’est qu’elles accompagnent la concentration des pou­voirs entre les mains d’oligarchies marchandes. Celles-ci affirment que l’information obéit aux mêmes lois que celles qui régissent les échanges marchands. Pourtant, dans une information se combinent la connaissance (un savoir), la donnée matérielle (informatique), la nouvelle (domaine informationnel). Mais les trafiquants affirment qu’une information est semblable à une marchandise ou à un service: c’est une chose que l’on peut quantifier et évaluer. Un paradoxe é­merge cependant : information et appréciation se correspondent. On ne peut évaluer une information si l’on ne présuppose pas une pos­sibilité d’appréciation. Une appréciation résulte d’informations préa­la­bles... Comment fixer la valeur?

Les experts qui analysent l’information sous l’angle d’un service é­co­no­mique particulier emploient leurs instruments habituels, la pré­fé­ren­ce et l’évaluation. La valeur dépend de la qualité de la relation éta­blie entre le producteur et l’usager. En tant que service, l’information obéit à cette règle, même si elle n‚est pas « appropriable » puis­qu’elle forme le substrat sur lequel s’appuient les décisions. Chaque bran­che de l’économie, de la théorie du capital humain aux in­ves­tis­se­ments immatériels, la traite alors à sa façon. Il reste toutefois que le don, en posant la question de la gratuité, ouvre d’autres voies qui re­nouent avec la pensée philosophique traditionnelle : l’homme est la me­sure de toutes choses ; l’homme accepte des conventions ; l’hom­me est un créateur.

D – Don et valeur de l’information

Max Weber (9) a développé, au début de ce siècle, la compréhension des comportements humains fondés sur l’intérêt et sur la fidélité à une conviction. Les hommes donnent de la valeur à l’objet et valo­ri­sent leur action. Ce phénomène de l’évaluation est impliqué dans toute action qui veut réaliser un but et cherche à s’en donner les moyens. Pour Weber, la valorisation consiste à donner une dignité su­périeure à un type d’actions sur les autres. Mais il est impossible de faire que les hommes ne croient qu’à un système de valeurs et portent tous uniformément la même appréciation sur le cours des choses.

Toute relation sociale s’inscrit soit dans l’éphémère soit dans la du­rée, est fermée ou ouverte (dans un parti politique, on recrute un ma­xi­mum de membres). L’activité sociale, orientée d’après autrui, met en jeu des réciprocités (pas nécessairement de la solidarité ou de la coopération) et possède un degré de probabilité pour que les rap­ports sortent du cadre dans lequel ils sont établis (exemple : la non obéissance ou la désobéissance vident des règles ou des structures de leurs possibilités d‚existence). Le don d’information agira donc sur les formes d’activité sociale et sur le type de relations. Les fragments de Protagoras ouvrent la première piste.

1 – La tradition sophistique

Le premier fragment de Protagoras affirme : « De toutes les choses, la mesure est l’homme : de celles qui sont, du fait qu’elles sont ; de celles qui ne sont pas du fait qu’elles ne sont pas » (10). L’homme-mesure s’interprète de plusieurs manières. Le grec « métron » pro­vient des racines indo-européennes *me- ; *met- ; *med-, « me­su­rer » (11). La valeur originelle a été « mesurer le temps ». Elle a eu des emplois dérivés, notamment les mesures autres que temporelles et spatiales : soit en vue d’un résultat tangible (destiner, gouverner, soigner) ; soit en vue de la cohérence du discours (inférer, déduire, apporter une preuve). L’homme-mesure est donc celui qui crée l’har­mo­nie, l’unité et la différence dans les choses. Il décèle l’existence et la manière dont les choses existent. Il laisse la possibilité aux choses d’être et de devenir. Il en valorise une sans que celle-ci en ait pour un groupe. Il peut refuser de classer et de hiérarchiser, laissant les cho­ses dans un état d‚indifférence, l’une n’ayant pas plus de valeur que l’autre. L’existence simultanée de mesures plus ou moins com­pa­ti­bles est donc normale.

L’homme-mesure est à la fois individuel et social. Il prononce des o­pi­nions et agit selon des convictions. Créant la différence, il protège la valeur potentielle des choses. Car par différence, elles demeurent sans valeur affirmée mais acquièrent une valeur latente, non quan­ti­fia­ble. Ainsi, lorsqu’on refuse de classer des informations, on affirme que ce que l’on reçoit n’a aucune importance, aucune valeur : ça nous indiffère ici et maintenant. Dans le temps, les choses in­diffé­ren­tes s’actualiseront éventuellement. C’est dans le processus de trans­formation des choses au cours du temps que la valeur s’actualise.

Il n’existe pas d’universalité des valeurs. La curiosité intellec­tuelle, la déambulation, le souhait de connaître, valorisent à certains moments telle ou telle modalité de l’être. Du fond latent des choses, informes et sans valeur, sortent les œuvres des hom­mes, la valeur créative. L’hom­me-mesure met à plat les va­leurs proclamées des choses et des qualités et refuse de se sou­mettre à une définition quantitative dé­finitive de la valeur.

Le poète français Charles Baudelaire a illustré parfaitement cette dé­marche. Le monde extérieur et notre univers intime sont entourés de mystères. Les images picturale, poétique ou musicale guident vers des correspondances où tout se vaut. Le poète est l’un de ceux qui dé­voilent les richesses du monde, et sépare la valeur d’usage d’une œuvre d’avec sa valeur marchande grâce au choc esthétique. Un tel rap­port entre l’homme et l’objet exclut toute espèce de classement et de hiérarchie.

2 – Les conventions

L’économiste écossais David Hume, au XVIIIième siècle, affirmait que la convention est le sentiment de l’intérêt commun (par exemple, la justice résulte de conventions humaines). Pour les auteurs contem­porains qui en redécouvrent l‚intérêt et la portée, elle est un réfé­rentiel sans autre raison d’être que de garantir aux actions humaines une certaine continuité, durée et pérennité. Contrairement au contrat ou à la promesse, elle résulte d’un accord unanime et libre. « C’est une solution stable et régulière, offerte par l’environnement socio-économique dans lequel les acteurs sont plongés » (12). Puisqu’elle cherche à mettre en place des relations de confiance, elle touche au domaine de l’éthique. Toute la question est de savoir sur quoi se fon­de la conviction des individus quant à la généralisation de l’adoption d’une convention. Les conventionnalistes parlent d’écran d’informa­tions (13) pour désigner l’ensemble des règles qui définissent un système d’interprétation de l’information. Un pont est rétabli avec la phi­losophie grecque qui se préoccupait déjà de l’influence des ac­teurs sur les flux d’informations et de l’interprétation de celle-ci.

Il ne suffit pas de recevoir des informations pour que les conduites de­viennent cohérentes ou coordonnées. L’individu n’est pas maître du tissu informationnel qui l’entoure : information et individu sont é­troi­tement liés. Au sein d‚un groupe, un grand nombre d’informations ne sont pas traitées mais admises comme telles. Les conventions é­vitent à chacun d’avoir à manipuler un grand nombre de données, si­gnaux, énoncés, disparates. Elles sont des écrans informationnels en­tre les individus qu’elles placent dans un espace de confiance. Elles diffusent de l’information sur les convictions partagées, les rè­gles et normes. Les écrans d’informations assurent la conviction, trans­fèrent l’information afin de répondre à la question: Comment les in­dividus savent-ils (et sont-ils convaincus) que la convention est une norme générale ? Les conventions en tant que structure d’infor­ma­tions contiennent deux dimensions: l’énoncé qui véhicule le contenu donnant du sens à la convention ; le dispositif matériel qui assure tech­niquement le transfert d’information sur l’existence de la con­ven­tion auprès de chaque individu. « En tant qu’écran d’information, la con­vention est donc à la fois composée de discours qui l’énoncent et d’objets qui mettent en relation les adopteurs » (14).

L’information n’est plus ici un flux autour duquel les individus gra­vi­tent ; elle fait écran au sens et empêche que chacun se méfie et dou­te du comportement des autres en les informant du respect de la nor­me. L’information est organisation sociale.

Le Don d‚informations va-t-il alors définir à lui seul la valeur de l’in­for­ma­tion ? Ou ce don ne sera-t-il qu’un vecteur de l’échange mar­chand? En réalité, puisque le don est une convention morale à valeur im­matérielle, qui ne saurait s’identifier à la gratuité, l’association avec l’information nous conduit à l’économie de l’immatériel qui met l’accent sur l’attente d’une réaction qualitative à l’acte de donner. On sort de la logique de l’échange si on escompte, dans le don, la re­la­tion à venir (contre-don) en termes qualitatifs. Dans le don d’infor­ma­tions domine l’idée d’un retour anticipé qui prend la forme de la rela­tion donateur/donataire. Le retour s’effectuant gratuitement, la nou­veau­té réside tout d’abord dans la nouvelle perception du temps (le moment du retour est inconnu) et dans l’anticipation d’une conduite at­tendue de l’autre. Donner de l’information valorise le rapport à l’au­tre, l’aspect qualitatif de rapports communautaires par le partage d’in­for­mation. Le don d’informations dans le cadre des conventions exis­tantes aide celles-ci à résister au temps, à ne point se périmer. Il re­fu­se la marchandisation puisque l’entretien de la convention n’est pas monétarisé. Le don d’informations est à la fois invisible, sans retour attendu, sans dette à l’égard de qui que ce soit. Les conventions so­ciales définies comme des processus informationnel fonctionneront d’au­tant mieux que:

- L’interactivité entre les locuteurs est régulière.

- Celui qui reçoit l’information l’enrichit en la traitant.

- L’information circule. Le mouvement en garantit la valeur en tant que processus décisionnel.

- Chaque acteur a un statut propre : il reçoit des informations dans une zone donnée, sur des thèmes spécifiés. Il se peut que certaines informations aient une valeur marchande. Mais un grand nombre n’en auront pas.

- Le contexte dans lequel est perçu l’information n’est pas négligé.

Le don d’information pratiqué dans les réseaux interpersonnels et in­terorganisationnels accroît l’importance des liens amicaux et commu­nautaires, à la place des régulations marchandes. Le don est lui-mê­me une convention d’après laquelle on distribue des connaissances sans qu’il y ait d’utilité marchande ; des énoncés sont offerts sans hié­rarchisation directe et immédiate des contenus. La productivité du don en matière d’information réside dans la création de ressources nou­velles, puisque individus et conventions se forment mutuellement.

E – Reconquérir notre liberté

A l’écart de la globalisation et de l’information-marchandise, moyen de propagande et objet de censure, le don dévoile la question du rap­port entre l’homme et la division du travail. Les membres des groupes de production, hier comme aujourd’hui, ont besoin de connaître la valeur de leurs contributions respectives. Or le technicien, depuis la plus haute antiquité, est celui qui anticipe la valeur future. Le tech­ni­cien, comme le donneur d’informations, parie sur le futur dans sa di­men­sion qualitative. Cette anticipation des qualités à venir, par les tech­niciens et les donneurs d’informations, est une dimension de ce que les anciens Grecs nommaient la liberté.

Platon, dans La République, avait déjà posé la question de la valeur d’une production. Il avait répondu que la mesure de la valeur cor­respondait à la quantité de travail servant à la production. Il en va de mê­me aujourd’hui pour le don et l’échange d’informations au sein des ré­seaux informationnels. Pour Platon, le rapport entre les travaux qui ser­vent à produire les biens est un rapport d’équité, de justice com­mu­tative. Appliqué à l’information, l’équité s’exprime par une valeur indifférenciée. Puisque l’information est appréciée selon des valeurs qua­litatives comme la coopération, la confiance, la convention, elle ne tombe pas dans le domaine marchand et on ne peut lui appliquer les notions de coût, prix, investissement... Par ailleurs, si nous substi­tuons à La République de Platon les réseaux interpersonnels et inter-organisationnels, la division du travail devient le partage de l’infor­ma­tion et le don d’information est le moyen par lequel l’agent (l’acteur, l’hom­me, le citoyen) réalise sa liberté. Car seul un sujet actif, un hom­me libre, peut donner.

Le retour sur investissement (le rendement) de toute affectation de res­sources prend, avec le don, une autre dimension. Le donateur at­tend un retour qualitatif. En matière d’éducation par exemple, le don an­ticipe l’amélioration de la qualité du donataire qui sera utile à tous. Par là, de nouvelles ressources ont été créées. Dans le domaine de la technique, a enseigné Heidegger, nous ne devons pas en rester aux mécanismes et procédures car la technique exprime des formes de futur anticipées dont certaines seront opératoires. Le projet tech­ni­que est une anticipation selon le schéma du don, anticipation de fu­turs possibles.

Conclusion

Don, Technique et ordre social fondé sur le mérite forment un tout qui, reposant sur l’anticipation de futurs possibles, affirme la liberté de l’homme. Information-marchandise, logique de l’adaptation à la globalisation et ordre social fondé sur la naissance orchestrent le mépris de toutes les potentialités au profit de l’empire de la servitude, la tyrannie de l’opinion imposée par les médiats. La société actuelle (l’occidentisme) vit donc dans une schizophrénie qui la ronge : elle met l’accent sur la technique mais, simultanément, re­con­sti­tue les castes et traite l’information comme une marchandise. Elle fonctionne avec de multiples conventions et, parallèlement, incite à s’enrichir par des stratégies de modification de celles-ci.

L’occident a réactivé les méthodes des ecclesia monothéistes, responsables de la propagande et de la censure. Le jugement à l’é­gard des censeurs restera pour nous aujourd’hui ce qu’il fut au XIIIiè­me siècle, sous la plume de Roger Bacon : « Ils avaient commis une gra­ve erreur, ils étaient même coupables ; leur décision, injustifiable, ne pouvait que naître d’une profonde ignorance » (15). Les conven­tions valables dans les sociétés ouvertes fondées sur la technique sont qu’aucun pouvoir ne doit posséder le monopole de la doctrine. Cen­sure et propagande prouvent, une fois de plus, que les marchands sont tentés par une simplification dramatique du monde à laquelle il nous faut nous opposer de toutes nos for­ces. Le don associé à l’information émerge comme un moyen privi­lé­gié de réaliser notre liberté.

Frédéric VALENTIN.

Bibliographie :

BIANCHI Luca : Censure et liberté intellectuelle à l’université de Paris. Les Belles Lettres, 1999.

COULOUBARITSIS L. : Aux origines de la philosophie européenne. De Boeck, 1992.

FREUND Julien : Philosophie et Sociologie. Cabay, Louvain, 1984.

GIRAUD Pierre-Noël : Économie, le grand satan ? Textuel, 1998.

GOMEZ Pierre-Yves : Le gouvernement de l’entreprise. InterÉditions, 1996.

HAUDRY Jean : Études Indo-Européennes, 1992.

KOLM Serge-Christophe : La bonne économie. PUF, 1984.

LECLERC Gérard : La société de communication. PUF, 1999.

MARIS Bernard : Ah Dieu ! Que la guerre économique est jolie ! A.Michel, 1998.

MARIS Bernard : Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles. A.Michel, 1999.

MILON Alain : La valeur de l’information. PUF, 1999.

ZINOVIEV Alexandre : Le communisme comme réalité. Le livre de poche, 1983.



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jeudi, 21 juin 2007

Pensamiento de Spengler en la historiografia de América Latina

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El pensamiento de Spengler en la Historiografía de América Latina

M. Cristina Carnevale - UBA

Para Santiago

La memoria es algo más que la cárcel de un pasado infeliz.
Andreas Huyssen

 

Presentación

En este trabajo vamos a indagar sobre uno de los temas que aparecen en la historiografía latinoamericana en el período de entreguerra.  En el marco de un pensamiento sobre la crisis de la sociedad, se desarrolla un respuesta a la crisis que proviene del campo del antipositivismo y que promueve el desarrollo de un pensamiento de neoconservadurismo.  Dentro de éste escriben historia, con notable suceso editorial, varios autores que encontrarán en la morfología spengleriana explicaciones ante las crisis -de todo tipo- que se suceden en América Latina. 

 

En este caso consideramos tres países: Chile, Argentina y Uruguay, en los cuales hemos encontrado historiadores que armándose con el modelo propuesto por Spengler elaboran obras de historia entre 1920-1950.

 

(mas: http://www.accionchilena.cl/Filosofia/pensamiento_de_spengler.htm )

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Tueur à gages économiques

Les confessions d’un tueur à gages économiques

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(IRIB, juin 2007) John Perkins, l’auteur de « confession of an economic hit man » (confessions d’un tueur à gages économique) il décrit, dans son livre comment, en tant que professionnel très bien payé, il a aidé les Etats-Unis à extorquer des milliards de dollars aux pays pauvres à travers le monde en leur prêtant plus d’argent qu’ils ne pouvaient rembourser pour ensuite prendre le contrôle de leurs économies. Il y a 20 ans, Perkins a commencé à écrire un livre intitulé « la Conscience d’un Tueur à gage Economique ».

Perkins écrit, « le livre à l’origine était dédié aux présidents de deux pays, des hommes qui avaient été mes clients et que j’ai respecté et que je tenais en estime - Jaime Roldos, président de l’Equateur, et Omar Torrijos, président du Panama. Les deux sont morts dans des crashs d’avion. Leurs morts n’était pas accidentelles. Ils ont été assassinés parce qu’ils s’opposaient à l’alliance entre les dirigeants des multinationales, les gouvernement et les banques dont l’objectif est de construire l’Empire Global. Nous, les tueurs à gages économiques, n’avons pas réussi à retourner Roldos et Torrijos, alors un autre type de tueurs à gages, les chacals de la CIA, qui étaient toujours dans notre sillage, sont entrés en scène. » John Perkins écrit aussi : « on m’a convaincu de ne pas écrire le livre. Je l’ai commencé quatre fois au cours des vingt dernières années. A chaque fois, ma décision était motivée par des événements mondiaux : l’invasion du Panama par les Etats-Unis en 1980, la première Guerre du Golf persique, la Somalie, et la montée d’Oussama Ben Laden. Cependant, des menaces et des pots de vin m’ont toujours convaincu de m’arrêter. »

Perkins a finalement publié son livre intitulé « Confessions of an economic hit man » [confession d’un tueur à gages économique]. Il est avec nous dans les studios. John Perklins, qui également l’auteur de l’histoire secrète de l’empire américain; a accordée une interview à Democracy Now et tels sont les principaux qu’il a révélé:

“En gros, nous étions formés et notre travail consistait à construire l’empire américain. De créer des situations où le maximum de ressources étaient drainées vers ce pays, vers nos multinationales, notre gouvernement, et nous avons été très efficaces. Nous avons construit le plus grand empire de l’histoire du monde. Et nous l’avons fait au cours des 50 ans qui ont suivi la deuxième guerre mondiale, avec peu de moyens militaires en réalité. En de rares occasions, comme en Irak, les militaires interviennent mais uniquement en dernier recours. Cet empire, contrairement à tout autre empire de l’histoire du monde, a été crée d’abord par la manipulation économique, par la fraude, par la corruption de personnes avec notre mode de vie, et à travers les tueurs à gages économiques. J’en faisais partie. ”

” J’ai été recruté lorsque j’étais encore étudiant dans une école de commerce, à la fin des années 60, par l’Agence de Sécurité Nationale [NSA - acronyme anglais, NDT], la plus grande et la moins connue des agences d’espionnage du pays. A la fin, j’ai travaillé pour des compagnies privées. Le premier tueur à gage économique était Kermit Roosevelt, dans les années 50, le petit-fils de Teddy [président des Etats-Unis - NDT], qui renversa le gouvernement Iranien, un gouvernement démocratiquement élu, le gouvernement de Mossadegh qui avait été désigné « homme de l’année » par le magazine Time. Il a réussi à le faire sans verser de sang - enfin, il y en a eu un peu, mais sans intervention militaire, juste en dépensant des millions de dollars et en remplaçant Mossadegh par le Chah d’Iran. A ce stade, nous avons compris que l’idée d’un tueur à gages économique était une très bonne idée. Nous n’avions plus à nous préoccuper d’un risque de conflit armé avec la Russie en opérant ainsi. Le problème était que Roosevelt était un agent de la CIA. Il était donc un employé du gouvernement. S’il avait été découvert, nous aurions eu de gros ennuis. Cela aurait été très embarrassant. Alors la décision a été prise de faire appel à des organisations comme la CIA et la NSA pour recruter des tueurs à gages économiques comme moi et nous faire travailler pour des sociétés privées, des sociétés de conseil, de construction. Ainsi, si on se faisait prendre, il n’y avait aucun lien avec le gouvernement”

“La compagnie pour laquelle je travaillais s’appelait Chas. T. Main à Boston, Massachusetts. Nous avions environ 2000 employés, et je suis devenu leur économiste en chef. J’avais 50 personnes sous mes ordres. Mais mon véritable job était de conclure des affaires. J’accordais des prêts à des pays, des prêts énormes, qu’ils ne pouvaient pas rembourser. Une des clauses du prêt - disons 1 milliard de dollars pour un pays comme l’Indonésie ou l’Equateur - était que le pays devait retourner 90% du prêt à des compagnies états-uniennes, pour reconstruire des infrastructures, des compagnies comme Halliburton ou Bechtel. Ce sont de grosses compagnies. Ces compagnies ensuite construisaient des réseaux électriques ou des ports ou des autoroutes qui ne servaient qu’aux quelques familles les plus riches de ces pays. Les pauvres de ces pays se retrouvaient en fin de compte avec une dette incroyable qu’ils ne pouvaient absolument pas payer. Un pays aujourd’hui comme l’Equateur consacre 50% de son budget national juste pour rembourser sa dette. Et il ne peut pas le faire. Ainsi nous les tenons à la gorge. Si nous avons besoin de plus de pétrole, nous allons voir l’Equateur et nous leur disons, « Bon, vous ne pouvez pas nous rembourser, alors donnez à nos compagnies les forêts d’Amazonie qui regorgent de pétrole. » C’est ce que nous faisons aujourd’hui et nous détruisons les forêts amazoniennes, obligeant l’Equateur à nous les donner à cause de cette dette. Ainsi, nous accordons ce gros prêt, et la majeure partie revient aux Etats-Unis. Le pays se retrouve avec une dette plus d’énormes intérêts et il devient notre serviteur, notre esclave. C’est un empire. Ca marche comme ça. C’est un énorme empire. Qui a eu beaucoup de succès.”

“Lorsque la NSA m’a recruté, ils m’ont fait passer au détecteur de mensonges pendant une journée entière. Ils ont découvert toutes mes faiblesses et m’ont immédiatement séduit. Ils ont utilisé les drogues les plus puissantes de notre culture, le sexe, le pouvoir et l’argent, pour me soumettre. Je venais d’une très vieille famille de la Nouvelle Angleterre, Calviniste, fortement imprégnée de valeurs morales. Vous savez, je crois que je suis plutôt quelqu’un de bien, et je crois que mon histoire montre réellement comment ce système et ses puissantes drogues comme le sexe, l’argent et le pouvoir peuvent exercer une séduction, parce que j’ai été réellement séduit. Et si je n’avais pas mené moi-même cette vie de tueur à gages économique, je crois que j’aurais eu du mal à croire que quelqu’un puisse faire de telles choses. Et c’est la raison pour laquelle j’ai écrit ce livre, parce que notre pays a vraiment besoin de comprendre. Si les gens de ce pays comprenaient la nature réelle de notre politique étrangère, la nature réelle de notre aide à l’étranger, comment fonctionnent les multinationales, où passe l’argent de nos impôts, je sais qu’ils demanderaient que cela change”

“Omar Torrijos, le président du Panama, avait signé un accord sur le Canal du Panama avec Carter. Vous savez que cet accord n’a été approuvé par le Congrès que par une majorité d’une seule voix. C’était un sujet très controversé. Puis Torrijos est allé de l’avant et a commencé à négocier avec les Japonais la construction d’un nouveau canal. Les Japonais voulaient financer et construire un nouveau canal au Panama. Torrijos leur en a parlé, ce qui n’a pas plus du tout à Bechtel Corporation, dont le président était George Schultz, et son conseiller principal était Casper Weinberger. Lorsque Carter a été viré (et il serait intéressant de raconter comment il a été effectivement viré), lorsqu’il a perdu les élections, et que Reagan est arrivé au pouvoir, Schultz est devenu Secrétaire d’Etat et Weinberger est devenu Secrétaire à la Défense et ils étaient très en colère contre Torrijos. Ils ont essayé de l’amener à renégocier le traité du Canal et de laisser tomber les japonais. Il a platement refusé. C’était un homme de principes. Il avait ses défauts, mais c’était un homme de principes. C’était un homme étonnant. Puis il est mort dans un crash d’avion, un magnétophone relié à une bombe avait été placé dans l’appareil. J’y étais. J’avais travaillé avec lui. Je savais que nous, les tueurs à gages économiques, avions échoué. Je savais que les chacals avaient été appelés. Puis son avion a explosé avec un magnétophone piégé. Il ne fait aucun doute pour moi que c’était un travail de la CIA. De nombreux enquêteurs latino-américains sont arrivés à la même conclusion. Bien sûr, nous n’en avons jamais entendu parler chez nous.”


Article printed from AMIBe: http://be.altermedia.info

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mercredi, 20 juin 2007

Sur le "modèle impérial"...

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Sur le "modèle impérial" pour l'Europe d'aujourd'hui...

Réponse de Robert Steuckers à un étudiant dans le cadre d’un mémoire de fin d’étude (Entretien avec Robert Steuckers).

En ce qui concerne la construction européenne, Alain de Benoist affirme préférer le modèle impérial comme mode de construction politique. Et vous, même, animateur de “Synergies européennes”?

Mon option est également “impériale”. Mais il faut s’entendre sur le mot. Les termes “imperium”, “empire”, “impérial” revêtent dans le langage quotidien des acceptions très différentes et parfois contradictoires. Je tiens tout de suite à dire que, pour moi, le terme “empire” ne signifie nullement ce mixte de militarisme et d’idéologie conquérante que l’on trouve dans les phases décadentes de la République romaine et dans le césarisme qui les a suivies, dans l’empire hellénistique d’Alexandre, dans le bonapartisme napoléonien ou dans l’hitlérisme. Ainsi que dans l’impérialisme économique de l’Angleterre victorienne ou des Etats-Unis après 1945. Pour moi, l’empire idéal est un espace vaste et multiethnique/multiculturel, de dimensions continentales (p. ex. l’Europe), où règne, en droit constitutionnel, le principe de subsi­diarité, donnant à chaque entité territoriale, à chaque communauté linguistique ou ethnique, à chaque classe sociale ou corps de métier, à chaque strate organisée de la société (ordre des médecins, des architectes, des pharmaciens, etc., universités), la liberté de s’auto-administrer en toute autonomie, sans subir des interventions de l’instance hiérarchique la plus élevée ou d’une instance établie dans une capitale lointaine. La subsidiarité valorise la proximité et l’identité des gouvernants et des gouvernés. La théorie de la subsidiarité a été énoncée par des auteurs comme Althusius, Gierke, Riehl, etc. (cf. NdSE n°17). La théorie de la subsidiarité est une option politique très présente dans l’espace géographique de l’Europe catholique et baroque (de la Flandre à la Bavière, l’Italie du Nord, la Hongrie, l’Autriche et la Croatie). Elle est un héritage du Saint-Empire médiéval et baroque.

Deux difficultés surgissent quand on manipule les notions d’empire et de subsidiarité dans l’orbite des nouvelles droites francophones.

Premièrement, Paris et la France ne font pas partie des espaces catholiques et baroques que je viens de mentionner. L’idée d’un empire bienveillant, garantissant le rapprochement systématique des gouvernants et des gouvernés, y est étrangère et y rencontre la plupart du temps une incompréhension inquiétante, bien que de très brillants universitaires français aient abordé avec brio cette question (Alexandre Marc, Guy Héraud, Chantal Millon-Delsol, Stéphane Pierré-Caps, etc. cf. NdSE n°17 & n°29). Ces auteurs constituent pour nous des références essentielles. En dépit de ses efforts méritoires, de Benoist n’a pas pu dissiper l’ambiguité existant entre la notion impériale, romaine et germanique du Saint-Empire et la notion militariste et bonapartiste dominante en France. C’est une ambiguité et une contradiction de plus dans la ND française. Alain de Benoist a toujours vivement regretté le désintérêt en France pour cette notion bienveillante de l’empire, mais a écarté de son entourage tous les hommes qui la défendaient pour s’entourer de personnages bizarres qui ne comprenaient strictement rien du tout à cette vision impériale, pluraliste et plastique de la politique ou qui s’y opposait carrément avec une rage et une obstination féroces (Philippe de Saint-Robert).

En Belgique, où la logique fédéraliste travaille le monde politique depuis des décennies, la logique de la subsidiarité et de la représentation de la societas civilis dans tous ses aspects (syndicats, mutuelles, associations professionnelles) doit présider toute réorientation idéologique. La logique de la subsidiarité et du fédéralisme sont présentes, bien que de façon incohérente et désordonnée, dans la culture politique et dans les réflexes populaires: elles doivent déboucher sur un corpus théorique cohérent puis sur une pratique politique cohérente, appelée à corriger les effets pervers et les dysfonctionnements qui ren­dent problématique la bonne marche de notre société (fédéralisme incomplet, survivances de structures incompatibles avec un fédéralisme cohérent, emprise des partis sur les corps intermédiaires de la société, surplombage des décisions par les états-majors des partis, dérives mafieuses de la partitocratie, verzuiling- pillarisation, etc.). Dans le contexte belge, flamand comme wallon, ainsi que dans tous les contextes issus du Saint-Empire, la reprise mécanique, pure et simple du débat français est impossible: l’égalitarisme-nivelleur a fait moins de ravage en Belgique (et dans le reste du Saint-Empire) qu’en France, les différences qui innervent la société ont subsisté et se sont organisées, hélas le plus souvent selon des schémas inopportuns. Cette organisation des corps intermédaires est une bonne chose en soi: ce qu’il faut corriger, c’est leurs vices de fonctionnement. Telle doit être la tâche politique majeure. La notion d’égalité des pairs (et tous les citoyens sont pairs devant le droit et devant leurs droits et leurs devoirs constitutionnels) ne saurait être battue en brèche par un discours purement idéologique, où l’on absolutise l’attitude anti-égalitaire, jusqu’à l’absurde.

Deuxièmement, affirmer l’idée impériale contre les autres modèles de constitutions ou d’Etats implique un travail au niveau du droit. Une option politique de ce type implique de proposer des modèles susceptibles de fonctionner dans le consensus et sans heurts. De tels modèles existent forcément dans la réalité ou ont existé dans l’histoire, car proposer des modèles inexistants ou purement construits participerait d’une démarche utopique. Il n’y a nulle trace d’un tel travail dans l’histoire de la “nouvelle droite” parisienne. Une des raisons de la rupture entre le GRECE, —instance qui a incarné les premières phases de l’existence de la ND en France,— et “Synergies Européennes”, —qui entend proposer des modèles cohérents pour tous les pays d’Europe à l’heure de l’unification européenne,— réside précisément dans l’absence de modélisations concrétisables de la part du GRECE, où ces matières ont été systématiquement délaissées au profit de nébuleux engouements esthétiques sans grande consistance. A terme, l’UE devra à l’évidence se doter d’une constitution cohérente reposant sur les principes de droit qui régissent

a) la confédération helvétique,
b) les constitutions fédérales allemandes, autrichiennes et belges,
c) les structures de représentation des minorités ethniques (Danois au Schleswig, Sorabes en Lusace, Slovènes en Carinthie, Allemands en Wallonie orientale, etc.), qui devront être généralisées dans toute l’Europe,
d) la conception espagnole d’un Etat asymétrique de communautés autonomes,
e) les principes théoriques qui se profilent derrière la devolution britannique (Ecosse, Pays de Galles),
f) les recherches des fédéralistes européens (Marc, Héraud, MacDougall, Peeters, etc.), que ceux-ci se soient situés à droite ou à gauche sur l’échiquier politique (nous avons le souci de mêler étroitement les applications traditionnelles du principe de subsidiarité et les projets militants et prospectifs du filon proudhonien de la gauche européenne).

Certes, l’exposé de ces doctrines juridiques et constitutionnelles ne suscite pas les enthousiasmes du grand public. Néanmoins, on ne peut pas faire l’impasse sur la question du droit constitutionnel de la future Europe, quand on prétend étudier les ressorts de la civilisation européenne dans le but de la sauver d’un certain naufrage. Je pense qu’il faut marteler et répéter à intervalles réguliers les argumentaires fédéralistes et subsidiaristes et montrer l’excellence des modèles constitutionnels que je viens de mentionner par rapport à ceux qui ont cru bon de se débarrasser des “organismes symbiotiques” et des “corps intermédaires” (cf. Bodin) de la societas civilis (Althusius; cf. NdSE n°17) pour construire fébrilement une version ou une autre de la “Cité géométrique” (Gusdorf). Au seuil du IIIième millénaire, le retour à des formes d’organismes symbiotiques, respectueux des mille et une possibilités de l’homme, n’est possible que par une généralisation des modèles fédéralistes, qui rapprochent les gouvernants des gouvernés. Le discours un peu vague sur la “société civile”, que l’on entend depuis quatre ou cinq ans en France, restera vague et confus s’il n’est pas étayé par un projet fédéraliste. Il n’y a pas d’organisation cohérente et consensuelle de la société civile sans l’adoption d’un modèle fédéral, si possible basé sur des traditions locales ou tiré d’une continuité précise, à la fois juridique et historique (droits coutumiers locaux, formes historiques de représentation, etc.). On ne peut pas, d’un côté, réclamer la défense de la société civile, et plaider de l’autre pour le maintien d’un modèle jacobin ou géométrique de l’Etat. Une telle démarche est généralement une escroquerie de la gauche. Mais on ne peut pas davantage parler des régionalismes en limitant ceux-ci à leurs dimensions culturelles et esthétiques (ou en jouant aux “transgresseurs” et en n’applaudissant que les seules violences civiles ou terroristes des zones à risques en Europe) ou ne suggérant aucun modèle juridique qui permette de sauver globalement (politiquement, économiquement, culturellement, etc.) les différences qui composent et innervent l’Europe.

La revendication “impériale” n’est pas sérieuse si elle n’est pas assortie d’un plaidoyer pour une constitution fédéraliste complexe, cohérente, étayée et plongeant ses racines dans l’histoire. A la droite française d’en tirer les conclusions, c’est-à-dire de s’affirmer pour ce qu’elle est et pour ce qu’elle veut défendre: ou bien la societas civilis avec toutes ses différences symbiotiquement organisées ou bien les institutions dérivées de la Révolution française et du Code Napoléon, ou bien être une démocratie réelle et vivante de facture vieille-européenne ou bien être un “révolutionarisme institutionalisé” (et donc non fondamentalement démocratique)…

Robert STEUCKERS, mai 1998.

mardi, 19 juin 2007

Filosofia y Politica de Spengler

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Filosofía y Política de Spengler

Por Augusto Iglesias (1) - http://www.accionchilena.cl/Filosofia/Filosofiaypolitica-1.htm

Pese a su posición "políticamente correcta", esta crítica del libro de Armando González Rodríguez "Filosofía y Política de Spengler" resulta aleccionadora respecto a la importancia del texto comentado, y permite aclarar ciertos aspectos del pensamiento del maestro de modo general.

Uno de los grandes errores de los que no han leído a Spengler y gustan, sin embargo, citarlo, es el de atribuir a este pensador un cariz pesimista. Para tales escoliastas, la Decadencia de Occidente es libro amasado para nutrir de pronta desilusión a todos los derrotados de nuestra Era. Sin embargo, nada de eso podría comprobarse. Dentro de la teoría spengleriana la Historia se divide en ciclos culturales con el mismo recorrido del fenómeno de la Vida considerado éste en su trayectoria Cósmica. Como la vida orgánica las culturas nacen, se desarrollan, alcanzan la plenitud, maduran y decaen. Esta caída dura hasta finar en su desaparición, como cuerpo individualizado, dentro de la marcha de la humanidad.

Terminado el ciclo —vale decir, sobrevenida la muerte de una Cultura— el tipo de civilización que la había sustentado, desaparece. Esto, no es óbice para que los rastros de su paso por la Historia se aprovechen en cierta medida por otros ciclos culturales; o bien se desechen por éstos, caso de no convenir a la distinta morfología que el siguiente ciclo histórico vaya adoptando en sus nuevas experiencias.

Dedúcese de lo antedicho, que dentro del razonamiento spengleriano no cabe la idea del progreso indefinido. Por otra parte, el término “progreso”, en sí mismo difícil de explicar, sólo puede satisfacer a los ilusos. El valor de palabra clave que le asignan los sociólogos del siglo XIX, metiendo a la fuerza en las acepciones de este vocablo, un sentido de finalidad masiva perseguida por los pueblos en su viejo intento de planificar la marcha de la Humanidad, es, en efecto, de desconcertante improcedencia. Y Spengler, espíritu demasiado analítico para aceptar esa clase de asertos, lo deja pasar sin preocuparse mayor mente de él. Pero aún, dentro de una teoría así de falsa, como la del “progreso indefinido”, un astrónomo, v. gr., también estaría obligado a considerar su inutilidad en el Tiempo si la ajusta a las “líneas largas” de la Historia, pues resulta de evidencia estatuir que un día, en el Futuro, nuestro Planeta, irremisiblemente, deberá también morir...

Spengler es el primer pensador filósofo de la Historia de la Humanidad que considera a ésta con criterio morfológico de creación natural. Si se le tuviera que comparar con algún otro hombre magnífico de la Civilización europea, se nos ocurre que le vendría bien un paralelo con Linneo. Es así como para el tudesco que nos preocupa, las divisiones de la Historia en Antigua, Moderna, Media y Contemporánea, de uso obligado para los estudiantes de ayer y hoy en la mencionada materia, no entra en la síntesis que baraja cuando expone sus puntos de vista.

En la Historia no hay líneas rectas ni círculos concéntricos, sino ciclos culturales de agrupaciones humanas que actúan de acuerdo con sus leyes propias; lo que en última instancia significa que la fenomenología social no obedece a principios absolutos, es decir, universales e invariables, sino todo lo contrario, son de por sí independientes, pues cada ciclo cultural debe enfrentar por sí mismo sus problemas diversos y darle a éstos la solución circunstancial que les corresponde.

En un mundo así de diversificado no puede haber entonces principios invariables ni de valencia general; al contrario, para existir ellos deberán circunscribirse a las culturas respectivas de las cuales proceden. En otras palabras, estos valores no pueden ser sino relativos. Y no es asunto que pueda mirarse con desapego el hecho de que la exposición de la teoría de Spengler efectuada hacia el año 1918, coincida con la época en que Einstein moviliza la preocupación de los más altos pensadores de Europa en torno a las perspectivas generales de su teoría de la relatividad (1).

Nos apresuramos a advertir, sin embargo, que el relativismo de Spengler nada tiene que hacer con el relativismo matemático de Einstein.

Al juntar sus nombres sólo hemos querido señalar su coincidencia en el Tiempo, en el sentido de que ambos leccionan una nueva manera de interpretar fenómenos correlativos dentro del ciclo cultural en que ellos vivían, pero, no obstante, de ámbito filosófico diverso...

Hasta el momento en que Spengler funda su teoría, cuenta ocho culturas; esto es: egipcia, babilónica, china, india, greco- romana, mágica, occidental o fáustica y mexicana. Pero este existir de las culturas antedichas no implica, según él, la supeditación de unas a las otras; inclusive pueden coexistir sin penetrarse, pues cada ciclo cultural tiene características propias, encerradas como quien dice dentro de sus propias murallas y, por lo tanto, impermeables ya sea a las culturas antecedentes ya a las contemporáneas a su particular existencia histórica.

Dedúcese de lo anterior, por lógicas inferencias, que ninguno de los principios rectores de la vida moral del hombre o de los ordenamientos políticos que éste ha construido, pueden considerarse etapas de un proceso evolutivo; sino, al contrario, deben juzgarse como vivencias de carácter aislado e intrascendente que morirán después de cumplido su plazo del mismo modo que muere cuanto vive; porque ese es, fatal e irremisible, el sino de todo...

Ahora bien, de esta sucesión indefinida de “chispazos” —que eso es para nosotros la marcha de la Humanidad— ¿nada trasciende, nada aumenta el acervo hereditario de las generaciones que se suceden?, ¿todo es sólo una cadena de eslabones rotos entre cuya herrumbre la Historia vislumbra pequeñas luces, hijas de una razón cuya sinrazón nos envuelve de amargas conjeturas frente a su vacía realidad?

No; para Spengler hay entre ciclo y ciclo una hendidura o falla que permite cierta fluencia animadora entre el Pasado y el Presente.

Por esta hendidura es por donde se filtra la tónica; vale decir, las “recetas” para hacer o completar un cometido. Pero el Genio, el espíritu de un pueblo, con sus características creadoras en el plano alto de las ideas, permanece incomunicable inclusive en la morfología de su expresión artificiosa.

No hay poeta en el mundo que hoy fuera capaz de construir la Ilíada o la Odisea; y si hubiera alguno que lo intentara, su obra sería un “pastiche”, una imitación o plagio, sin alma, sin palpitaciones de vida, sin realidad cultural presente.

Esta afirmación envuelve, a su vez, otra de mayor calibre de ser, como afirma Spengler, tampoco la obra de arte magna —es decir “inmortal” de acuerdo con nuestra medida del tiempo— podría existir si no es como objeto arqueológico, esto es, como exponente de Museo; pero jamás, en ningún modo, tomando parte en nuestros sentires vitales, en los que mantienen la circulación del común entusiasmo dándole tibieza a las “opiniones” y ‘creencias”, es decir, a las ideas del proceso cultural propio.

Igual cosa podría decirse de la Moral, y, por ende, de todo principio religioso. Cierta inhabilidad congénita haría impracticable un acomodo de los ciclos culturales en un orden de correlaciones recíprocas. Si consideramos este asunto con extrema amplitud, es muy posible que el pensamiento de un islámico presionado por la moral colectiva de su pueblo, se ajuste y coincida en muchos puntos con lo que pueda opinar un puritano escocés sobre una determinada materia; el hecho de que ambos sean humanos los inducirá a pensar en ciertos casos en fórmulas similares y, a veces o muchas veces, en una medida común a toda la especie. Pero en los detalles, en las características que distinguen a un hombre de otro, en la médula misma de esos principios, en cuanto ella se refiere a la conducta individual en sus manifestaciones particulares, la moral del puritano escocés y del musulmán se mantendrán siempre separadas por un abismo, e indiferentes, por lo tanto, a sus mutuas reacciones, porque bien poco los une y mucho los separa, siendo sus idiosincrasias diversas.

Todo esto —opinarán muchos— entra en el terreno de las especulaciones filosóficas, pues nada de lo comentado hasta aquí podría considerarse como afirmación teóricamente irreductible. Al contrario, los asertos spenglerianos hasta aquí citados son, en su esencia, de repetida controversión en la realidad fluyente de los hechos.

Sería ese un razonamiento justo, me parece. No es inseguro que en los extractos vitales aducidos hasta aquí, la posición de Spengler no sea otra, que la de un filósofo en busca de ajustar sus principios al heterogéneo fenómeno de la Historia de la Humanidad. Mas, habría que agregar, en defensa del pensador tudesco, que junto a ese cuerpo de doctrinas, vaticinó él, ateniéndose a su enseñanza, una serie de hechos. Ahora bien, dentro del breve tiempo de su generación no sólo pudieron ver el cumplimiento de éstos sus lectores entusiastas, sino también, quienes habiéndolo leído le negaron por razones particulares —o “partidistas”, en el mejor de los casos— el pan, el agua y la sal...

Vamos a referirnos a esos hechos.

* *

Ha merecido particular hincapié que algunos aspectos de la doctrina spengleriana puedan considerarse como dictatoriales, o más precisamente aún, de filiación nazi.

Burdo error, explotado en forma extensa por demagogos o políticos que no han leído a este Maestro. El juicio de Spengler en este sentido es otro: cree él que los pilares de la democracia no son suficientemente firmes para soportar las sacudidas de lo que Ortega y Gasset, más tarde, llamara la “rebelión de las masas”, sacudimiento concentrado como su mayor fuerza en el ángulo económico, y que mueve en ondas amenazantes a la clase más numerosa del mundo actual, vale decir al proletariado.

La gran bandera de la democracia, la insignia por la cual todos los que creemos en ella moriríamos en su defensa, es la libertad civil. Pero eso no es todo; entre los ideales de la clase formada por los que no pertenecen a ninguna clase —opina Spengler— hállase, asimismo, no sólo el respeto al gran número —respeto que se expresa en los conceptos de igualdad, de derecho innato, y en el principio del sufragio universal— sino, también, la libertad de la opinión pública, sobre todo la de prensa... “Estos son ideales —continúa Spengler. Pero, en realidad, la libertad de la opinión pública requiere la elaboración de dicha opinión, y esto cuesta dinero; la libertad de la prensa requiere la posesión de la prensa, que es cuestión de dinero, y el sufragio universal requiere la propaganda electoral, que permanece en la dependencia de los deseos de quien la costea. Los representantes de las ideas no ven más que un aspecto; los representantes del dinero trabajan con el otro aspecto”.

Las anteriores no son palabras y sólo palabras; son hechos. Eso no quiere decir que otro sistema político pueda eludir estos graves compromisos con los hijos de Mercurio. Cualquier sistema que actualmente los pongo en práctica, forzosamente, por un proceso de evolución regresiva, habrá de virar en redondo a fin de completar el ciclo cultural de su posible desarrollo; y, completado el círculo, llegar, por ende, a la crisis, es decir, al colapso mortal.

En la teoría de estas consideraciones, mirando el panorama de su patria germana, Spengler anuncia, es cierto, el advenimiento de las puntas de lanza nacionalistas, pero no las propugna. La prueba más concluyente de este aserto es que no adhiere al nacismo cuando la crisis se produce, y, por tanto, se cumple su profecía. El no llega a ese anuncio como corifeo, sino a través de un puro trabajo intelectivo, relacionando causas y efectos después de estudiar períodos cíclicos de la Historia Universal en distintos momentos de su desarrollo morfológico. Hecho este ensayo, el filósofo que hay en él proyecta, intuitivamente, en el futuro, el encadenamiento de las series lógicas establecidas en anteriores procesos culturales.

Y aquí necesitamos hacer, de paso, una advertencia. Base de sustentación de las pocas democracias modernas son los Parlamentos, institución que para los pueblos occidentales de la llamada “Civilización Europea”, tuvo su origen en Inglaterra. Sin embargo, los primeros en dudar de la eficacia del sistema parlamentario como mercadería de exportación, fueron los ingleses, y entre ellos un pensador número uno, Edmundo Burke (1728- 1797) con más de un siglo de anterioridad a la Decadencia de Occidente del filósofo de nuestro comento. Enfrentándose a Mirabeau, Burke declara, no sin cierto cinismo: “Nosotros no pedimos nuestras libertades como derechos del hombre sino como derechos de los ingleses”.

Los tiempos han cambiado, es cierto, pero no tanto. Todavía sería el caso de preguntar: ¿Pueden los Parlamentos de hoy soportar hasta el final con victoriosas consecuencias los cambiantes de la obra comunizante?

¡Ojalá que sí! Es duro pensar lo contrario.

Aquí es donde Spengler intuye el advenimiento de los gobiernos fuertes, es decir, de acción enérgica inmediata, en reemplazo de la tramitación o lento desarrollo del proceso legal de uso corriente en los gobiernos parlamentarios.

No nos olvidemos que Spengler se halla observando las peripecias del siglo XIX, en esa etapa de transición de la política europea que desemboca en el siglo que corremos y en el cual hace crisis.

Es, por otra parte, la hora de la bancarrota o más bien dicho de la putrefacción de los partidos políticos en el Viejo Mundo. Marx también la había anunciado al producirse la insurrección proletaria de 1848; y Lenín, en 1917, la comprueba al cercenar sin dificultad la Duma, incapaz, por anquilosis, de mantener su propia dictadura; y menos para metamorfosearse en un sistema democrático. Por eso, de acuerdo con la trayectoria secular de los boyardos, dio paso a una oligarquía si no peor, más exigente o dogmática que la originada en los días tenebrosos de la Horda de Oro.

El hecho —agrade o disguste— es que el mundo en su plenitud esférica se llena, en el primer cuarto de la centuria que vivimos, de una serie, casi uniforme, de autocracias sin freno. Spengler anticipa el aparecimiento del fenómeno; no lo inventa. Los negadores de la realidad no son, por lo general, hombres de ciencia, ni filósofos; esta manera de pensar, es más bien cosa de fanáticos u obsecados. Pero Spengler asegura, además, otro hecho que aún está en camino: niega el tudesco la eficacia gubernamental de las masas; y como esta clase de dictaduras son ejercidas por oligarquías demagógicas que buscan en las mayorías económicamente inferiorizadas, su apoyo y sustento integral, Spengler anuncia, asimismo, el fracaso de esa clase de gobierno.

Los enemigos de este hombre superior, dirán ahora que su posición es anticomunista... Pero tampoco lo es; decir que Spengler fue anticomunista, vale tanto como asegurar su anti democracia. Ni lo uno ni lo otro. El es un observador y nada más que un observador. Frente al fenómeno histórico, estudia, analiza, compara. Luego, con una base cultural inmensa, como pocos hombres de su época lograron tener, intuye vivamente lo que —según sus operaciones mentales— va a ocurrir o está ocurriendo, sin que los estudiosos, sedicentemente llamados así, hubieran previsto o comprobado antes de él.

Todo esto, de acuerdo con la teoría spengleriana, involucra a la vez, como no podría ser de otro modo, un terrible desorden económico; acaso una vorágine mundial, en que el desequilibrio entre la producción y el consumo terminen por aniquilar las fuerzas sustentadoras del convivir jurídico en las naciones civilizadas. En esta pulverización de las unidades estaduales, lo único que podría cohesionar momentáneamente el viejo sentido nacionalista de los hombres, es la guerra. Y por lo tanto, el filósofo anuncia no uno sino varios de estos encuentros dramáticos, que ahora, por tener una concurrencia mundial, podrían considerarse, en cierto modo, cósmicos. Y es así como apenas terminada la Primera Gran Guerra de 1914 - 1918 el filósofo “profetisa” una Segunda, que él no alcanza a ver pues muere el 8 de mayo de 1936, tranquilamente, en su cama de hombre solitario, pero a cuyo alrededor bullían multitudinarias las ideas de miles de hombres de superior categoría que admiraban y comprendían, al mismo tiempo, la profunda veracidad de su genio.

¿Pesimismo? preguntamos de nuevo.

De buena fe habría que escribir una respuesta negativa. Anticipar la visión de hechos para el futuro, y que luego esos hechos ocurran, es cualidad que no puede ser calificada de modo tan somero y vacuo.

* *

Mi intento de dar actualidad a estas notas fue motivado por el libro de Armando González, recién sacado a luz por la Editorial Andrés Bello. Se trata de una obra maciza, quizá uno de los aportes de mayor interés escritos en Hispanoamérica, para dar a conocer con método, claridad y en síntesis de adecuada elocuencia, la Historia de las doctrinas de Oswald Spengler. El recio germano, que hacia el año 1918 moviliza la preocupación de los más altos pensadores de Europa en torno a las perspectivas del porvenir de Occidente, no es de ideas fáciles de digerir. En cuanto empieza a razonar a fin de dar solución a los problemas históricos que él mismo plantea y ambiciosamente cree resolver, comienza a barajar entre secuencias de filósofo y artista tal masa de antecedentes y conocimientos previos, que resulta casi imposible para un lector corriente o buen universitario, seguirlo con provecho y orden. En otras palabras, para leer a Spengler, en su texto original, se precisa de una erudición sólida, que, por su propia extensividad reduce el porcentaje de lectores a una fracción insignificante a mucha distancia del entero.

Sin embargo, las ideas spenglerianas son comprensivas para cualquiera persona de cultura media si el que hace la exposición emplea para ello, un método didáctico concorde con el auditorio.

En Hispanoamérica, esos intentos han sido numerosos. Inclusive, aquí mismo en Chile, Alberto Edwards, cuando comenzó a discutirse entre la gente culta la nueva teoría de la Historia que propugnaba implantar el genial tudesco, dio algunas conferencias tratando de vulgarizar esa teoría. No sé si esas lecciones de Edwards fueron recogidas en volumen, pero sí es seguro que tuvieron éxito, pues recuerdo haber asistido a una de ellas, y su público era numeroso y con una preocupación increíble para aquel tiempo, pues el nombre de Spengler era entonces casi desconocido en nuestro país.

El libro que ahora nos da Armando González, es la excepción en esa lista ya no pequeña de expositores spenglerianos. Para buscarle paralelo habría que hacerlo en nuestro Continente, en la gran República de los Estados de la Unión. Existe en esa literatura, un ensayo muy aplaudido de Edwin Franden Dankin “To Day and Destiny”. No obstante, sin pasión ni parcialidad de ninguna especie, creemos que el libro de González es más didáctico y de mucho más fácil lectura que el de Mr. Dankin.

No solamente en los puntos que hemos esbozado, sino en todos y cada uno de los que enfoca la teoría spengleriana expuesta a lo largo de sus libros básicos y particularmente de los cuatro volúmenes de la Decadencia de Occidente (N.d.E.: se refiere a la edición de ed. Osiris), Armando González lleva al lector como de la mano, aclarándole dudas y formulando las conclusiones a que el texto obliga. Y esto, con extrema acuciosidad, con limpia exposición, y valiéndose de un método didáctico que a cada instante nos revela al intelectual acostumbrado a ejercitar funciones de mentor o guía en los campos de la alta especulación filosófica.

A este propósito, antes de cerrar estas líneas quisiéramos hacer un alcance pertinente. En días pasados un publicista de conocida firma refiriéndose a la sensible ausencia de Ricardo Dávila Silva (Leo Par), echaba en cara a los manes del distinguido humanista su interés por los temas no estrictamente nacionales, englobando en su juicio a todos los que padecen del mismo mal...

“En esta inclinación —decía— de los escritores a los temas de fuera, yo no puedo dejar de ver una especie de alegre suicidio de las horas. ¿Se imagina alguien que en las bibliografías que alguna vez hayan de compaginarse sobre la literatura persa se van a considerar los estudios producidos en la costa del Océano Pacífico por un autor que escribe en español?”

Tal vez el publicista en cuestión al escribir esas palabras no se daba cuenta que con ellas intentaba aniquilar de una sola plumada el glorioso pretérito y, esperamos en Dios, también el futuro glorioso del Humanismo. Porque éste al fin de cuentas, no es otra cosa que eso: interesarse por todo lo que al hombre se refiere, como exigía Terencio.

Por lo tanto, agradecernos, asimismo, al señor González éste su aporte al comento de un libro “extranjero” hecho en el ensayo que acaba de regalarnos. Y por si alguna vez el desaliento llega a entumirle un poco las alas, deseamos traer a su memoria cierta sentencia de Samuel Johnson, inserta en uno de sus ensayos dedicados al hombre de la calle:

“Nothing has more retarded the advancement of learning than the disposition of vulgar minds to ridicule and wilify what they cannot comprehend”

“Nada ha retardo más el desarrollo del saber, que la disposición de las mentes vulgares para ridiculizar y envilecer lo que ellos no pueden comprender”.

Augusto Iglesias

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lundi, 18 juin 2007

Sur l'égalitarisme moderne...

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Sur l'égalitarisme moderne

Réponse de Robert Steuckers à un étudiant dans le cadre d’un mémoire de fin d’étude

Quelle différence entre Nietzsche et Marx quand on se place du point de vue de l’égalitarisme moderne? Pour Marx, l’injustice provoque l’inégalité, pour Alain de Benoist, en ce sens post-nietzschéen, l’injustice s’instaure justement parce que nous vivons dans une ère égalitaire…

(Robert Steuckers, mai 1998) - Votre question s’inscrit dans une problématique d’ordre sémantique. Vous cherchez à y voir clair dans la manipulation tous azimuts de “grands mots” du débat politico-social: justice, liberté, égalité, etc., toutes dévalorisées par les “discours-bâteaux” de la politique politicienne. Essayons ici de clarifier ce débat.

1. Pour Marx, effectivement, l’injustice sociale, la non redistribution harmonieuse des revenus sociaux, la concentration de capitaux en très peu de mains provoquent une inégalité entre les hommes. Il faut donc redistribuer justement, pour que les hommes soient égaux. Ou ils seront égaux quand ils ne seront plus victimes d’aucune injustice d’ordre matériel (bas salaires, exploitation du travail humain, enfants compris, etc.).

2. Pour la tradition dite “inégalitaire” dont s’est réclamé de Benoist au début de sa carrière “métapolitique”, l’injustice, c’est que les individus d’exception ou surdoués ne reçoivent pas tout leur dû dans une société qui vise l’égalité. En ce sens, “égalité” signifie “indifférenciation”. Cette équation est sans doute plausible dans la plupart des cas, mais ne l’est pas toujours. Alain de Benoist craint surtout le nivellement (par le bas).

Ces opinions se développent au niveau de la vulgate, de la doxographie militante.
Pour approfondir le débat, il faut récapituler toute la pensée de Rousseau, son impact sur le socialisme naissant, sur le marxisme et sur les multiples avatars de la gauche contestatrice. Néanmoins, dans le débat actuel, il convient de souligner ce qui suit:

a) Une société équilibrée, consensuelle, harmonieuse, conforme à une tradition crée d’elle-même la justice sociale, elle la génère spontané­ment, elle est travaillé par une logique du partage (des risques et des biens) et, partiellement, du don. Elle évite les clivages générateurs de guerres civiles, dont les inégalités trop flagrantes en matières économiques. La Rome antique nous donne de bons exemples en la matière, et pas seulement dans les réformes des Gracches (auxquelles se réfèrent les marxistes). Les excès de richesses, les accumulations trop flagrantes, les spéculations les plus scandaleuses, l’usure étaient réprimés par des amendes considérables, réinvesties dans les festivités de la ville. On s’amusait a posteriori avec l’argent injustement ou exagérément accumulé. Les amendes levées par les édiles couroules et plébéiennes taxaient ceux qui contrevenaient à la frugalité paradigmatique des Romains et le peuple en tirait profit. L’accumulation exagérée de terres arables ou de terres à pâturages étaient également punie d’amende (multo ou mulcto).

b) La pratique de la justice est donc liée à la structure gentilice et/ou communautaire d’une société.

c) Une structure communautaire admet les différences entre ses citoyens mais condamne les excès (hybris, arrogance, avarice). Cette condamna­tion est surtout morale mais peut revêtir un caractère répressif et coercitif dans le chef des autorités publiques (le multo réclamé par les édiles de la Rome antique).

d) Dans une structure communautaire, il y a une sorte d’égalité entre les pairs. Même si certains pairs ont des droits particuliers ou complémen­taires liés à la fonction qu’ils occupent momentanément. C’est la fonction qui donne des droits complémentaires. Il n’y a nulle trace d’inégalité ontologique. En revanche, il y a inégalité des fonctions sociales.

e) Une structure communautaire développe simultanément une égalité et des inégalités naturelles (spontanées) mais ne cherche pas à créer une égalité artificielle.

f) La question de la justice est revenue sur le tapis dans la pensée politique américaine et occidentale avec le livre de John Rawls (A Theory of Justice, 1979). Le libéralisme idéologique et économique a généré dans la pensée et la pratique sociales occidentales un relativisme culturel et une anomie. Avec ce relativisme et cette anomie, les valeurs cimentantes des sociétés disparaissent. Sans ces valeurs, il n’y a plus de justice sociale, puisque l’autre n’est plus censé incarner des valeurs que je partage aussi ou d’autres valeurs que je trouve éminemment respectables ou qu’il n’y a plus de valeurs crédibles qui me contraignent à respecter la dignité d’autrui. Mais, dans le contexte d’une telle déperdi­tion des valeurs, il n’y a plus de communauté cohérente non plus. La gauche américaine, qui s’est enthousiasmée pour le livre de Rawls, a vou­lu, dans une deuxième vague, restaurer la justice en reconstituant les valeurs cimentantes des communautés naturelles qui composent les Etats et les sociétés politiques. Reconstituer ces valeurs implique forcément un glissement à “droite”, non pas une droite militaire ou autoritaire, mais une droite conservatrice des modèles traditionnels, organiques et sym­biotiques du vivre-en-commun (merry old England, la gaieté française, la liberté germanique dans les cantons suisses, etc.).

g) La contradiction majeure de la “nouvelle droite” française est la suivante: avoir survalorisé les inégalités sans songer à analyser sérieusement le modèle romain (matrice de beaucoup de linéaments de notre pensée politique), avoir survalorisé les différences jusqu’à accepter quelques fois l’hybris, avoir simultanément chanté les vertus de la communauté (au sens de la définition de Tönnies) tout en continuant à développer un discours inégalitaire et faussement élitiste, ne pas avoir vu que ces communautés postulaient une égalité des pairs, avoir confondu l’égalité des pairs et l’égalité-nivellement ou ne pas avoir fait clairement la différence, avoir produit des raisonnements critiques sur l’égalité sans prendre en compte la valeur “fraternité”, etc. D’où l’oscillation de de Benoist face à la pensée de Rousseau: rejet complet au début de sa carrière, adhésion enthousiaste à partir de la fin des années 80 (cf. intervention au colloque du GRECE de 1988). Avec la percée de la pensée communautarienne américaine (cf. Vouloir n°7/NS et Krisis n°16), qui se réfère à la notion de justice théorisée par Rawls, la première théorie néo-droitiste sur l’égalité vole en éclat et n’est plus reprise telle quelle par la nouvelle génération du GRECE.

h) L’égalité militante, leitmotiv qui a structuré les démarches de toutes les pensées politiques dominantes en France, est une égalité qui vise l’arasement, la mise au pas des mentalités et des corps (Foucault: “surveiller et punir”), le quadrillage du territoire, qui agit par le déploiement d’une méthode systématique pour transformer la diversité grouillante de la societas civilis en une “Cité géométrique” (Gusdorf). Dans une telle démarche les communautés et les personnalités sont disciplinées, se voient imposer l’interdiction d’exprimer et leur spontanéité et leur spécificité et leur génie créatif. La volonté de restaurer cette spontanéité, cette spécificité et ce génie créatif passe par un refus des méthodes d’arasement “égalitaires”, mais n’interdisent pas de penser l’égalité en termes d’égalité des pairs et en termes de “phratries” communautaires et de fraternité au sens général (troisième terme de la triade révolutionnaire française, mais laissée pour compte dans quasi toutes les pratiques politiques post-révolutionnaires). La ND française (contrairement à ses pendants allemand et italien) a mal géré cette contradiction entre la première phase de son message (anti-égalitariste obsessionnel) et la seconde phase (néo-rousseauiste, démocratiste organique, communautarienne et citoyenne, intérêt pour la théorie de la justice chez Rawls). Elle est toujours perçue comme anti-égalitariste obsessionnelle dans les sources historiographiques les plus courantes, alors qu’elle développe un discours assez différent depuis environ une douzaine d’années, discours dont les principaux porte-voix sont de Benoist lui-même et Charles Champetier.

Spengler's cultural pessimism today

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History And Decadence: Spengler's Cultural Pessimism Today

Tomislav Sunic

http://home.alphalink.com.au/~radnat/tomsunic/sunic4.html... 

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dimanche, 17 juin 2007

Nacionalismo

Nacionalismo




Conceito,
Teoria,
Organização !


Entendemos o Nacionalismo, não como uma prática política mais, mas como uma forma de estar na vida, um estado de vivência…
Neste contexto, consideramos ser fundamental a clarificação de certos conceitos divulgados por teorias e doutrinas que, pelo mimetismo imposto pela moda e, menos eufemisticamente, pela ignorância, assumem significados que não o são.
O Nacionalismo é, em si mesmo, um conceito com nome próprio que não suporta adjectivações !
Referir um nacionalismo adjectivado (e.g. "nacionalismo revolucionário" ou "nacionalismo liberal") é pretender reduzir um conceito abrangente, incluente de toda uma "nação", a uma mera teorização política a que (quantas vezes…) nem falta a abstrusa designação de esquerda ou direita.
"A fortiori", o termo "nacionalismo" poderá ser identificado pelo nome da Nação a que se refere (e.g. "nacionalismo galego").

Por muito que estremeça o ideário histórico incutido nas populações europeias desde a normalização carolingia, na Europa de hoje um "país" não corresponde necessariamente a uma "nação", pelo contrário, a maioria dos países europeus constituiram-se por amálgama de territórios conquistados, subordinados a um Estado centralizador que se impôs, unificando nações diferenciadas.

1. Filosofia e Conhecimento

Talvez os antigos gregos tivessem razão quando afirmavam que existia uma erudição própria escondida em cada palavra.

Se prestarmos atenção ao vocábulo "filósofo" ("philosophos" em grego), um termo que surge, segundo Ponticus Heraclides (séc. IVº EP), quando Pitágoras recusa a denominação de "sophos" ("sábio") que lhe é atribuida pelo rei de Phlionte (cidade do Peloponeso) e retorquiu afirmando que mais não se considera além de "philo sophos" ("amigo da sabedoria").
Do adjectivo "filósofo", forma-se o substantivo "filosofia" ("philo + sophia"), "amizade pela sabedoria", que reflecte um encaminhamento em direcção à "sabedoria" e se opõe à noção de "possuidor de sabedoria" ("sophos").
A erudição do termo é bem patente no seu significado de "busca" da sabedoria, e de "recusa" (por impossibilidade) de a possuir !

Mas, invariavelmente, o valor erudito das palavras é fagocitado pelo utilitarismo com que se pretende aplica-las, e os vocábulos "filosofia" e "filósofo" sofreram o "habitual" tratamento de aculturação predominante.
No presente, particulariza-se como "filosofia de …" qualquer actuação teorizante nos mais diversos campos específicos, da gramática à política como da arte à lógica. Amarfanha-se, amalgama-se, oprime-se o sentido de "filosofia" com o significado de disciplinas outrora pertencentes ao "corpus philosophicus", mas que se disjuntaram constituindo áreas de estudo especifico.

Com efeito, o "pensamento" grego via na filosofia a "sabedoria", a totalidade do saber da época e um conhecimento aspirando ao universal !
Posteriormente, o "saber" foi-se compartimentando em "saberes" (ciências) enquanto o conhecimento se afirmava como compreensão dos limites e das condições da existência.
Compete pois ao ciêntifico o "saber" que permite o controlo da Natureza, e ao filósofo o "conhecimento" de uma vida acorde com a Natureza !

Se nos restringirmos ao espaço político, referir "filosofia do fascismo", "filosofia do marxismo", "filosofia do liberalismo", etc, não é culturalmente aceitável, pois que fascismo, marxismo, liberalismo, etc, são teorizações de um mesmo conceito filosófico que é a "Política", um conceito que provém de "Politeia" (da raiz grega "pólis", cidade ; em latim "civitas").
A origem do erro reside na assimilação habitual de "política" à "gestão da pólis", confundindo-se o conceito filosófico de "política" com as teorizações que propõem "gestões políticas" diversas.

Para bem compreendermos os âmbitos de acção do "conceptual filosófico" e da "teorização política", devemos ter presente as três realidades sobrepostas que a noção de "polis" engloba :
- um factor social, entendido como uma comunidade autónoma, habitualmente constituida por sinoecismo (1), fortemente estruturada, étnica e culturalmente coesa.
- um espaço, que conecta o "habitat" a um território e ao seu ecosistema.
- um Estado, dotado de poderes de regulação sobre o "espaço" e o "factor social".

Assim que, se o "factor social" e o "espaço" determinam a "Nação" (conceito filosófico), as regras de Estado são do âmbito da teorização política, embora com uma excepção qualitativa relacionada com o substracto cultural das comunidades que constituem o "factor social" da "Nação".
E esse substracto cultural constitui o que os gregos denominavam "agraphoi nomoi", comummente entendido como "leis não escritas" (costumes e tradições).
O que valoriza, na tradição ética grega, os "agraphoi nomoi", não é somente o facto de evitarem a imperfeição técnica das leis escritas ("nomoi"), mas a sua relatividade cultural (2).

Na Esparta e na Atenas clássicas, muito diferentes na teorização política, o mais importante era o conceito filosófico de comunidade de homens livres (noção espartana de "homoioi") que o grego orgulhosamente proclamava.

"Cada um, então, de acordo com sua vontade, pode fulgir... ou calar-se. Pode imaginar-se mais bela igualdade ?"
(palavras deTeseu ao arauto in "Suplicantes" de Eurípides - vv. 426-441)

Se Atenas adopta uma "politeia" teorizada na participação activa dos membros da comunidade ("politai") nos trabalhos do "Boule" (Conselho), do "Helieia" (Tribunal) e da "Ekklesía" (Assembleia), para Esparta a organização da vivência em comunidade dependia substancialmente dos costumes e do definido por alguns poucos princípios reguladores, os famosos ordenamentos ("rethra"), atribuídos a Licurgo (séc. IX ou VIII EP).

Lucius Furius Philus, no diálogo "De Res Publica", escrito por Cicero, defende (Livro III - VIII a XI) a tese de que justiça é coisa social, e não natural, que como tal varia conforme o povo e varia num mesmo povo através do tempo. É o interesse que comanda os homens.
A essa posição, Cícero opõe, por intermédio de Lelius, a lei ética, o conceito filosófico que deve ser o fundamento do Estado :
"Existe uma lei verdadeira, é a recta razão, conforme com a natureza espalhada em todos os seres, sempre de acordo consigo própria, não sujeita a perecer, que nos chama imperiosamente a preencher a nossa função, nos interdiz a fraude e dela nos afasta. Jamais o homem honesto é surdo às suas ordens e proibições; estas não têm acção sobre o perverso.
Nesta lei, nenhuma emenda é permitida, não é lícito revogá-la totalmente ou em parte. Nem o Senado, nem o povo podem dispensar-nos de a ela obedecer (…). Esta lei não é uma em Atenas, outra em Roma, uma hoje, outra amanhã, é uma única e mesma lei que rege todas as nações em todos os tempos (…) quem não obedece a esta lei ignora-se a si mesmo, e, porque ignorou a natureza humana, sofrerá por isso mesmo o maior castigo …"
(Marcus Tullius Cicero (106-43 EP) in "De Res Publica", Livro III, XXII).

No plano doutrinário a filosofia posiciona-se entre o escrito e o não escrito, entre a lei e o costume, consciente de que, pela biologia intrínseca do cérebro humano, uma "hierarquia de domínio" vai estabelecer-se entre os individuos que constituem o "factor social" que constitui a "polis", e que compete à teorização política fundamentar a organização dessa "hierarquia de domínio" no interior da comunidade, da sociedade, ou da Nação, pois esta tenderá a controlar a repartição da totalidade dos recursos (bens e serviços).
Os factores culturais envolventes deverão constituir a linha de conduta que a acção filosófica tem por obrigação impor à teorização política.

2. Teorização Política

Como demonstrou o fundador da antropología política, Pierre Clastres (1934-1977), em "La société contre l'État" (1974), a ligação entre "Política" e "Estado" não é tão evidente como habitualmente se crê, pois existem formas de organização que evitam a aglomeração do "poder" no Estado, competindo à "teoria política" desenvolver a formatação do Estado, com base numa fundamentação cultural estruturada pelos conceitos filosóficos assentes nos valores primevos dos individuos que constituem a Nação.

Parece-nos provada a necessidade de constituir um "corpus philosophicus" fundacional da "teorização política", antes de "desenhar soluções de pormenor" ou, pior ainda, copiar dos alfarrábios soluções "read-made" !

Provindo o termo do grego "theorein", "teoria" significa "contemplar, observar, examinar", e "teoria política" é, como qualquer outra teoria, um quadro de trabalho para compreensão de uma proposta.
Em linguagem corrente, uma teoria é um conjunto de conceitos, fundamentados em teorias precursoras ou em casos reais, conducentes a um resultado especulativo, a uma representação ideal.

Desde a lógica das matemática, diz-nos o primeiro teorema de Kurt Gödel (1931), que (numa teoria) existem enunciados que não são demonstráveis e cuja negação tão pouco é demonstrável !
Se assim é numa ciência exacta como as matemática… na política arriscamos navegar na mais pura virtualidade !
E para que essa virtualidade não se transforme em enunciado dogmático, devemos ter recurso à "fundamentação cultural estruturada pelos conceitos filosóficos".

Se nos fixarmos nas propostas políticas ditas nacionalistas encontraremos a nivel da teorização política "um pouco de quase tudo" !
Desde o fascismo, ao nacional-socialismo, ao nacional-bolchevismo, ao salazarismo (católico-corporativista), ao franquismo (falangista), ao europeismo (nas mais diversas tonalidades), ao monarquismo lusitanista (integralismo), e um longo etc, todos se dizem nacionalistas e afirmam o seu desejo de uma solução política "nacionalista" !

Como Blaise Pascal, façamos um pouco de "ucronia" (3).
Se toda a vontade nacionalista antes referida, chegasse a uma vitória política e, consequentemente ao "controlo do Estado", quantas horas tardariam a lançar-se (mutuamente) à cabeça, as cadeiras do "poder" ?
Como poderia um nacionalismo monárquico aceitar uma solução republicana ? E o nacional-bolchevismo colaborar com os fascistas ?

Perante o que nos demonstra a realidade, as variáveis são tantas (incluindo os "infiltrados" e os "inocentes"), tantas as teorizações políticas, que o "poder teo-democrático" em funções pode "ressonar sem sobresaltos" !

Parece-me óbvio que sem uma "fundamentação cultural" consequente as divagações prosseguirão, cada hipótese continuará a afirmar-se como sendo a mais acertada e, todas (ou quase) continuarão a considerar o "nacionalismo" como uma teoria política mais.

Não, não sou pessimista, mas tão pouco sou optimista ! Esses sentimentos não se coadunam com a análise responsável de um projecto politico.

Temos necessidade de nos elevarmos por em cima da fragmentação teórica do saber político que envolve o nacionalismo.
A filosofia não teoriza a política, mas fundamenta os conceitos necessários à sua expressão, e creio ser já tempo de enquadrar a teoria política nacionalista com o conceito adequado !

Uma das primeiras cacafonias teorizadoras com que deparamos nas páginas "web" e nos "fórum", assumidamente nacionalistas, assim como numa variada literatura existente, é a confusão entre o significado atribuido a certos vocábulos e a sua real significação. Dois dos mais sintomáticos exemplos são, "nação - pátria" e "povo - população".
Confundindo "povo" com "população", dilui-se a noção de etnicidade, uma estrutura fundacional do nacionalismo… Amalgamando "nação" com "pátria", abandonamos decididamente o campo nacionalista pelo patriótico, a visão de futuro pela simbologia do passado !
Nada mais que esclarecer os exemplos apontados e teriamos uma importante redução nos candidatos a nacionalistas.

Outro aspecto, nem o último nem o menos importante, é o enfeudamento a soluções "prontas-a-utilizar", o recurso a teorias aplicadas em periodos históricos recentes e que ainda brilham no imaginário politico de muitos.
Não nego o interesse em conhecer essas experiências, que podem, na devida perspectiva histórica, enriquecer conceitos ou complementar teorizações, mas saibamos distinguir o antigo do velho, o texto lúcido e pertinente da retórica fora de circunstância.

3. Europa e Nacionalismo

Existem posicionamentos que advogam por "pensar Europa já e agora", e outros mais críticos relativamente à oportunidade de optar desde já pela Europa. De entre os primeiros, distinguimos os que creem que uma Nação é algo de perene e que á dado adquirido como parte constituinte da Europa, e outros, bem intencionados, mas que se comportam como borboletas nocturnas encandeadas pelo "farol europeista" !
Desde uma perspectiva analítica também é por demais evidente a actividade de alguns émulos de Fausto que, com propósitos inconfessáveis, exaltam uma Europa alquímica, saida de alguma retorta do Grande Arquitecto, com o evidente objectivo de transmutar a Nação em poltronas de eurodeputado.

Quando Drieu de la Rochelle defendia uma solução europeia, essa solução passava por uma França (culturalmente dominante) aliada a uma pujante Alemanha nacional-socialista, referindo uma Europa conceptualmente fundamentada em valores étnicos e culturais que hoje somente encontramos nas hemerotecas.

Sejamos conscientes de que o denominador comum que têm, na actualidade, os povos de regiões como a Wallonie belga, o Vaud suiço ou o Vale do Ave português, é a sua acelerada perda de identidade ! A rotura drástica e dramática com os laços culturais que os uniam ao seu território. Na Europa de hoje, como na Europa que alguns (consciente ou inconscientemente) pretendem, as Nações desvanecem-se !

Que Europa se pretende ? Uma Europa sem Nações ?
Uma "pátria europeia" habitada por uma população multi-étnica e culturalmente "miscigenada" ?
A Europa financeira dos bancos e das empresas, dos negócios, da usura e dos lucros ?
Não será isso embrulhar o nacionalismo em reluzente papel e oferta-lo a quem pagar mais subsídios ?

Como já o escrevi repetidamente, e em nada altero o afirmado, estou intimamente convencido de que devemos lutar por uma Europa forte, mas, e sem lugar a dúvidas ou tergiversação, étnica e culturalmente coesa.

Que a árvore não nos esconda a floresta ! Se primeiramente não nos constituirmos em Nações autónomas de qualquer poder central e centralizador, em Nações representativas de uma realidade cultural, falar em nacionalismo é uma falácia !
Europa não é, nunca foi uma Nação, mas um conjunto de Nações étnicamente próximas (antes da invasão migratória) e culturalmente compreensíveis.
Pretender, como Lenine, uma Europa de Repúblicas Socialistas, ou uma espécie de Império "envergonhado de o ser", como propõe Jean Thiriart, ou um negócio financeiro montado numa manipulação cultural, estilo União Europeia, ou uma Europa do arquipélago das Curilhas ao dos Açores, e de Instambul a Rabat, não é, seguramente, respeitar as tradições, as "agraphoi nomoi" que são o bastião da nossa cultura !
Provavelmente, os que defendem essas "soluções", pensem (por manifesta ignorância e manipulação) que Carlos Magno foi um grande protector da cultura europeia, tal como tinha sido o Império de Roma ou a evangelização cristã...
E aí não nos encontram ! Porque é um engano, uma burla política, uma falácia…

O projecto da "Nova Ordem Mundial" é criar grandes blocos económicos sem conteúdo cultural !
Nesse sentido se vão formatando a União Europeia, a Mercosul, a Asean e a União Africana.
Posteriormente, será fácil tudo amalgamar num mercado global, num Estado global… dirigido por um governo Mundial !

A afirmação nacionalista é um conceito identitário, não é uma teorização política, nem se engloba no ardil das direitas ou das esquerdas.
E a nossa afirmação nacionalista, com respeito por todas as outras que se manifestem no território europeu, relaciona-se com a defesa da "nossa Cultura", do "nosso Povo" e, consequentemente da "nossa Nação" !
A partir desta base, poderemos participar na compreensão de uma Europa Identitária ! Não num "mercado comum" !

4. Fundamento Conceptual do Nacionalismo

Insistimos em que o trabalho inicial dos nacionalistas é determinar o fundamento conceptual do nacionalismo que provém de nós mesmo, como povo.
Várias áreas devem ser estudadas para que, a partir de conceitos claros e esclarecidos, se possa desenvolver uma "teorização política", uma proposta de organização que nos enquadre como fenómeno nacionalista e nos permita transparecer como Nação.

A História deve ser interpretada como instrumento de aprendizagem que os nossos ancestros nos deixaram, não como um acumular de lendas, de glosas míticas, de milagres fundacionais ou de acasos proféticos.
Uma Nação não nasce por decreto nem por bula papal ! Uma Nação é "um todo coeso", um laço cultural expresso por um povo num contexto territorial.

Que referência cultural se pode deduzir quando se divaga entre as mais variadas concepções de ética, de estética e de religiosidade ?
A que Nação se reporta quem devaneia entre conceitos de "território como parte da Nação" e "território como constituinte de um país" ?
Como seria interessante que, quem se pretende nacionalista, tivesse a consciência de que denominar uma "população" como "povo" não passa de uma afirmação manipulada (ou manipuladora), mas que não altera uma virgula à realidade, à distinção étnica e etológica existente sobre o terreno !

Que pretendemos ?
Fundamentar o conceito "nacionalista" e tentar viver nele e com ele, numa simbiose conseguida, ou continuar a discutir virtualidades, como se estivessemos a dialogar com o coelho de Alice no outro lado do espelho ?

Nacionalismo é a defesa de uma identidade nacional, é um conceito étnico-cultural que pretendemos se expresse através de uma "teoria política" que devemos formular, adequando a sua formatação à realidade que somos e ao futuro que pretendemos.
É a partir da Nação que deveremos pensar a Europa. Não o contrário !

Tenhamos sempre presente as palavras que proferiu, na defesa do "seu" globalismo, o barão Edmond Rothschild à revista "Entreprise", em 18 de Julho de 1970, sobre a constituição do Mercado Comum Europeu, fase que precedeu a actual União Europeia :
"… (como condição) a estrutura que deve desaparecer, o ferrolho que deve saltar, é a nação" ! (4)

Cremos firmemente que, para um futuro consequente, o trabalho dos nacionalistas (em cada Nação) deveria percorrer três etapas fundacionais (eventualmente subdivididas) :
1. Significação Conceptual
- conceitos filosóficos
2. Teorização Política
- estrutura do Estado
3. Organização e Actuação
- prospectiva

Com um razoável consenso nestas premissas, as nações europeias poderão "formatar" uma Europa Identitária !
Senão, o nacionalismo continuará a ser, para uns, um exercício intelectual, para outros, um passatempo e, para alguns… uma actividade (consciente ou não) para que "o ferrolho" se desvaneça de vez !

Despertemos a cultura imanente em cada Nação, interliguemos os conceitos e avancemos no caminho da Europa Identitária…
Como diz o poeta : "… o caminho faz-se andando !".
------------------
(1) Na Antiguidade, o sinoecismo (do grego "sunoikismós", dérivado de "sún", com, e "oikos", casa, ou seja "conjunto de casas") é o acto fundador de uma cidade. Uma reunião de várias aldeias formavam uma vila… uma cidade…

(2) A primeira lembrança que nos vem à memória refere-se ao famoso passo da tragédia de Sófocles, Antígona (450-59), onde desafiando as determinações de Creonte, rei de Tebas, Antígona presta honras fúnebres a Polinices, seu irmão, morto em combate com o seu também irmão, Eteocles.
A jovem princesa justifica seu acto alegando obediência às normas divinas, eternas e intocáveis, superiores, como valor imperativo, à proclamação do rei.

(3) "Ucronia" - História alternativa de um evento particular modificado, imaginado, através do qual o autor estabelece conclusões hipotéticas.
"Se o nariz de Cleópatra tivesse sido mais pequeno, a face da terra teria mudado" (Blaise Pascal in "Pensées", 90).

(4) Sejamos conscientes do enfrentamento entre o nacionalismo, que é garante da identidade de cada povo, e a miscigenação mundialista expressa pelo sistema, aparentemente contraditório, liberal-marxista, cujo objectivo é o total desenraizamento cultural dos povos e a criação de um governo mundial.

 

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G. Faye: Wofür wir kämpfen!

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Wofür wir kämpfen
Von der Notwendigkeit eines Kampfes um die europäische Identität

Noch nie in ihrer langen Geschichte haben die Völker europäischer Abstammung und weißer Rasse eine solche Tragödie wie die derzeitige erlebt. Meine Position erscheint zunächst äußerst pessimistisch, genauer gesagt realistisch, doch ist am Ende etwas tragischer Optimismus zu erkennen.

Zunächst erschreckt vielleicht meine erste These, aber ich denke, sie ist Teil eines nachvollziehbaren Szenarios: Die derzeitige Weltzivilisation (die man »das globale planetarische System« nennen könnte) könnte in weniger als 20 Jahren zusammenbrechen, und zwar aufgrund einer Zahl gewisser dramaturgischer Linien – sich ständig verschlimmernder und den ganzen Planeten betreffender Krisen –, die alle aufeinander zu verlaufen und sich am Bruchpunkt treffen.

Diese Krisen, die sich ständig verstärken, die erstaunlich parallel verlaufen und die untereinander eine Wechselwirkung haben, sind die folgenden:

• Verfall des Ökosystems und Erschütterungen durch klimatische Veränderungen;
• Verletzlichkeit einer globalen Wirtschaft, die zu offen, zu spekulativ und, da vom schnellen Gewinn besessen, zu kurz ausgerichtet ist;
• Erschöpfung der fossilen Energien, der Erze sowie der Ressourcen aus Land- und Fischwirtschaft, die bald nicht mehr in der Lage sein werden, die Gier des Wachstums zu befriedigen und dem Mythos einer unendlichen »Entwicklung« der Weltwirtschaft zu entsprechen;
• Aufstieg von Nationalismen und Terrorismen und wachsende Verbreitung von Nuklearwaffen;
• massenhafte und unkontrollierte Wanderungsbewegungen von Süden nach Norden;
• voraussagbare Feuersbrunst im Nahen Osten;
• allgemeine Offensive des Islam und ein mächtiges Aufeinanderprallen der Kulturen, das zu verhindern unsere Regierungen wegen Zaghaftigkeit nicht in der Lage sein werden;
• dramatische Überalterung und demographischer Niedergang in den reichen Ländern – vor allem bei den Völkern weißer Rasse –, was sich in einer bisher nicht dagewesenen wirtschaftlichen Rezession äußern wird;
• massenhafte und rasche Invasion Europas durch Einwanderer aus der Dritten Welt, die von einer zunehmenden Islamisierung begleitet wird, und, besonders in Frankreich, auf den Beginn eines – das muß so klar benannt werden – ethnischen Bürgerkrieges hinauslaufen wird;
• Zusammenbruch der fundamentalen moralischen und vitalen Werte überall im Westen zugunsten eines kollektiven suizidären Verhaltens;
• Wiederaufkommen unkontrollierbarer Epidemien.

Demographischer Winter und ethnischer Selbstmord

In seiner »Politeia« spricht Aristoteles davon, daß keine Gesellschaft und keine Stadt ohne ein Mindestmaß an ethnischer und kultureller Homogenität bestehen kann. Diese Homogenität ist der Garant für die philia, d.h. für eine allgemeine Verständigung auf gemeinsame Werte. Nun erleiden aber die europäischen Nationen – allen voran Frankreich – noch viel mehr als Nordamerika einen regelrechten Bevölkerungsaustausch: Wir haben es mit einer »Libanisierung« Europas, einem ethnischen Chaos, einer galoppierenden Islamisierung und einer rapiden Afrikanisierung unseres ethnischen Grundschatzes zu tun – ein Phänomen, das in diesen Ausmaßen seit dem Neolithikum (Jung-steinzeit, 5.000 - 2.000 v. d. Ztw.) unbekannt ist und das in den nächsten Jahren zu einer massiven Destabilisierung führen und unseren Kontinent verwandeln wird. Das alles bei nicht sehenwollender Gleichgültigkeit oder zynischer Komplizenschaft der politischen, wirtschaftlichen, intellektuellen und kulturellen »Eliten«.
Ich möchte einige Zahlen nennen: Nach Frankreich kommen jedes Jahr mehr als 300.000 Einwanderer aus der Dritten Welt, von denen die Hälfte in keiner Statistik auftaucht und nur fünf Prozent qualifizierte Arbeiter sind. Es gibt bereits sechs Millionen Moslems in Frankreich; das sind zehn Prozent der Bevölkerung, Tendenz rapide steigend. Es gibt bereits 2.000 Moscheen und ähnliche moslemische Orte des Kultes in Frankreich – mehr als in Marokko. Und es kommen pro Monat 20 hinzu – mit der Zustimmung der katholischen Kirche und der Stadträte. Eine Geburt von Dreien ist die einer moslemischen oder schwarzafrikanischen Frau. Die Fremdstämmigen haben eine doppelt oder dreimal so hohe Geburtenrate wie die »Ureinwohner«. Wenn sich nichts ändert, wird der Islam im Jahre 2020 in Frankreich, aber auch in Belgien, die stärkste Religion darstellen. Bereits heute sind 15 bis 20 % der Bevölkerung nicht mehr von weißer Rasse; bei den Jugendlichen sind es 30 %. In seinem Buch »Das afrikanische Frankreich« kommt der Soziologe und Demograph J.-P. Gourevitch zum Ergebnis, daß im Jahre 2050, wenn nichts getan wird, die Mehrheit der Bevölkerung in Frankreich nord- und schwarzafrikanischer Abstammung sein wird.


Zu all dem kommen der massive Geburtenrückgang und die Überalterung der Europäer von Lissabon bis Moskau. Man kann von einem ethnischen Selbstmord und einem demographischen Winter sprechen. Doch das scheint die europäischen Führer nicht weiter zu interessieren – die Sorge um die Geburtenrate von Weißen gilt als etwas »Faschistisches«. Schon heute – seit dem Jahr 2000 – verlieren Deutschland, Italien, Spanien usw. jährlich Zehntausende von Einwohnern – trotz einer massenhaften Einwanderung von Fremden!

Eine solche Entwicklung kann, rein mathematisch, nur zu einem wirtschaftlichen Zusammenbruch ganz Europas führen, der etwa im Jahre 2015 erfolgen könnte und der nach dem Dominoprinzip Auswirkungen auf die gesamte Welt haben wird.

Bereits Oswald Spengler hatte darauf hingewiesen, daß die weißen Völker von einer Art Gemütskrankheit befallen sein könnten, die ihren Lebenswillen untergräbt. Noch nie haben die Völker der europäischen Geschichte eine solche Tragödie erlebt, die das anthropologische Fundament Europas, aber auch seinen Überlebenswillen und seine sowohl genetische als auch spirituelle Kraft im Kern angreift.

Sollte Konrad Lorenz, als er vom Wärmetod sprach, recht gehabt haben? Könnte es sein, daß die Völker europäischer Abstammung ihren Untergang erleben, ihren »Fall«, und daß sie, wie andere Kulturen vor ihnen, nach einer langen Geschichte, die sie weitestgehend über alle anderen Kulturen hat siegen lassen, Opfer einer Erschöpfung und einer biologischen Überalterung werden?

Manche freuen sich über diesen Zustand, den meisten ist er egal. Aber wir, wir müssen diesen Fatalismus ablehnen, weil unsere Werte keine fatalistischen, sondern voluntaristische sind.

Die suizidäre Umkehrung der Werte

Es gibt ein weiteres untrügliches Zeichen: die krankhafte Umkehrung der Werte, die der Westen (besonders Europa) durchmacht und die seit den 1960er Jahren immer schneller vorangeht. Symptome dafür sind:

• stetige Verschlechterung der Ausbildung der Jugendlichen, sowohl was das Wissen anbelangt als auch die Kenntnis und die allgemeinen Regeln des zivilen Umgangs, was auf eine neue Barbarei und einen Neo-Primitivismus hinauslaufen wird;
• Ethnomasochismus, d.h. für Herkunft, ethnische Identität und Geschichte empfundene Scham- und Schuldgefühle, die zu krankhaften Bußhandlungen führen;
• Xenophilie: Fremdenidolatrie, anders gesagt die systematische Bevorzugung all dessen, was ausländisch ist;
• Homophilie oder Höherstellung der Homosexualität über die Heterosexualität als neues soziales Modell;
• Banalisierung des komfortablen Schwangerschaftsabbruchs;
• dauernde Rechtfertigung der Völkervermischung und Ermutigung zu dieser;
• Niedergang des familiären Prinzips und der Erbschaftsfolge, die lächerlich gemacht oder wie in der Zoologie präsentiert werden;
• Einreißen der Geschlechterunterschiede und Entmännlichung;
• Beeindruckende Zunahme von Betäubungs- und Aufputschmitteln, die von der politischen Kaste, die von diesen profitiert, nur lasch verfolgt wird;
• allgemeiner Egoismus und Narzißmus, paradoxerweise einhergehend mit dem gekünstelten Altruismus der Menschenrechtsreligion und einem heuchlerischen Humanismus;
• Verschwinden des ethnischen Bewußtseins bei unseren Völkern und gleichzeitige Hinnahme des ethnischen Chaos (genannt »multikulturelle Gesellschaft«) als ganz und gar zu akzeptierendem sozialem Umfeld;
• Vergessen und Verächtlichmachung unserer Wurzeln und unserer Traditionen wie auch der Zukunft unserer Kinder zugunsten eines sterilen Gegenwartskultes (Kult der kurzen Sicht);
• pseudo-optimistische Kultur des Festes und des Zusammenlebens, mit der auf ungeschickte Weise die Verzweiflung und die Ohnmächtigkeit einer Endzeit verschleiert wird;
• Verschwinden des ästhetischen Sinnes und des Sinnes für die schöpferische und disziplinierte formale Konstruktion, während sich der künstlerische Abschaum und die Betrügereien von Idioten und Unfähigen durchsetzen;
• krankhafte Häßlichkeit und Vernachlässigung von Bekleidung und Architektur;
• Faszination für den Fernseher und die elektronischen Medien, die das Wort, den Blick, das Gehör, die sinnliche Wahrnehmung und den unmittelbaren Austausch von Gefühlen ersetzen;
• Kult der Jugend und Infantilisierung in Kultur und Bildung;
• Vernichtung des Verlangens, des Erotischen und der natürlichen Sexualität zugunsten kommerzieller Pornographie und einer sexuellen Sprache, deren Paradigma die Vergewaltigung ist;
• die Zelebrierung des Sports als Show – Tagtraum für die verwirrten Massen, die nicht mehr erkennen, worum es wirklich geht (Brot und Spiele);
• unsinnige Lobhudelei des Konsums und der Scheffelei materieller Güter ohne jegliches Wohlbefinden;
• Verschwinden von Dichtkunst und des musikalischen, lyrischen, plastischen und bildnerischen Schöpfertums zugunsten von Täuschungen durch Schwindler;
• Austrocknung und Vergessen der Volkskünste und völkischer Traditionen;
• todesschimmernde Literatur und Filmkunst;
• gleichzeitige Herrschaft von unklarem und schwafelndem Intellektualismus und verarmtem, monopolistischem und jede Meinungsfreiheit erstickendem Einheitsdenken;
• Tod des volkstümlichen Humors und des Lachens zugunsten höhnischen Gekichers;
• Niedergang frischer und echter Gefühle, Verschwinden von Einfachheit und positiver Zukunftsvorhaben bei künstlichem Optimismus in den Reden der Offiziellen;
• Explosion der Kriminalität und der alltäglichen Gewalt, einhergehend mit besorgniserregender seelischer Verletzlichkeit und einer Inflation moraltriefenden Altruismus;
• Nebeneinander von versessenem und rationalisiertem Materialismus und dem Erfolg falscher, pseudo-esoterischer und im Grunde entzauberter Spiritualität.

Man könnte diese traurige Diagnose noch lange fortsetzen. All diese pathologischen Symptome des kulturellen Chaos sind solche einer Zivilisation, die am Ende eines Zyklus angelangt ist. Sie zeigten sich schon in den Dekadenzen untergegangener, von Altersschwäche befallener Völker. Doch sind sie noch nie so stark und allgemein verbreitet gewesen wie heute. Man erinnere sich der Prophezeiungen des indischen Kali Yuga, was das Zeitalter des Eisens, d.h. die endgültige Dekadenz, anbelangt: »Sie werden die Kinder in den Bäuchen der Frauen töten / Männer werden Männer ehelichen und Frauen Frauen / Kühe wird man mit Fleisch füttern / Sie werden Helden und Krieger verlachen und verachten / Könige werden zu Dieben und Diebe zu Königen.«

Keine menschliche Gesellschaft, die in einer solchen Verneinung der Naturgesetze lebt und die eine Zügellosigkeit für alles Widernatürliche und Selbstmörderische, aber eine gnadenlose Intoleranz für alles, was die Identität wieder aufrichten könnte, aufweist, kann einem schnellen Verschwinden entgehen.
Der Islam hat das gut verstanden. Er versucht, sich auf diesem Ruinenfeld als eine Art »Anti-Dekadenz-Wunderpille« durchzusetzen. Aber wir dürfen – im Unterschied zu gewissen wie die Spatzen faszinierten und den Verrat liebenden Pseudo-Identitären – die Lösungen nur in uns selbst suchen und finden.

Positive Utopien

Ich denke, daß bei einem solchen Unternehmen die demnächst stattfindenden und diese »Weltzivilisation«, dieses uns bekannte »System Welt« zum Einbruch bringenden Ereignisse von großer Hilfe sein können. Aus diesem Grunde sollten wir uns mit einer Anzahl von neuen Vorstellungen und Entwürfen vertraut machen. Die erste ist mit dem Begriff »Eurosibirien« benannt. Eurosibirien bedeutet, in einem riesigen, ethnisch homogenen und wirtschaftlich autozentrierten, d.h. sich selbst in den Mittelpunkt stellenden Bundesstaat eine Europäische Union und ein weißes Rußland neu entstehen zu lassen, die – wie ein »riesiger Igel«, um Robert Steuckers zu zitieren – niemanden bedrohen, aber die auch niemanden brauchen. Natürlich steht diese Sicht der Dinge jener von einem multirassischen »Eurasien« gegenüber.

Der zweite Entwurf ist der »autozentrierte Wirtschaftsraum«, der in radikaler Opposition zur derzeitigen freihändlerischen Globalisierung steht und der darauf abzielt, wirtschaftlich autonome Systeme für jede große ethnisch definierte Region des Planeten einzurichten. Der autozentrierte Wirtschaftsraum kommt ohne jegliches Einheitsmodell aus – jede Region folgt ihrem eigenen Rhythmus.
Die dritte Vorstellung verbindet sich mit dem Begriff »Septentrion« – eine poetische Kurzform für »solidarische Verbindung aller Völker europäischer Abstammung als zentrales Ziel«. Auf diese Weise soll gegenüber dem Rest der Welt ein Marmorblock entstehen, der nicht einfach nur etwas Romantisches und Kulturelles, sondern Politisches, d.h. auf konkreten Verträgen basierendes, sein soll.

Edelweiß

Die Ressourcen unserer verwundeten Völker bestehen noch immer, vergleichbar dem Samenkorn, das in der winterlichen Kälte unter dem Schnee und bei Frost am Leben bleibt – wie das Edelweiß. Wir haben das Glück, einer Zivilisation anzugehören, die ihre Gestalt ändern kann und die es noch immer verstanden hat, sich nach schweren Krisen zu regenerieren – wie der Vogel Phönix, der aus seiner Asche aufsteigt. Fliegt Minerva nicht im Dunkel, wenn alles verloren scheint, auf und davon? Von heute an gilt es, sich »die Welt danach« vorzustellen und die Wiedergeburt vorzubereiten. In der Geschichte sind es die aktiv handelnden Minderheiten, die gewinnen. Im Zentrum des europäischen Geistes steht der grundlegende Begriff des Schicksals (das fatum bei den Römern und die moïra bei den Griechen). Das Schicksal ist offen und unvorhersehbar; nichts steht geschrieben, und der Fluß der Geschichte kann seinen Lauf umdrehen. Kein Gott kann Prometheus auf die Knie zwingen. Eingangs seines »Fausts« sagt Goethe, der Bibel widersprechend: »Im Anfang war das Wort? Nein, im Anfang war die Tat.« Ich denke, tatsächlich stehen sowohl das Wort als auch die Tat am Anfang. Man muß sprechen und schreiben, um zu lehren und zu überzeugen, und man muß handeln, um die Dinge voranzutreiben. – Warum kämpfen wir? Nicht so sehr für uns, sondern für das Erbe unserer Vorfahren und für die Zukunft unserer Kinder.

Ich schließe meinen Beitrag mit einem Slogan, denn ich mag Slogans, auch weil die enthirnten Intellektuellen Slogans hassen: »Vom Widerstand zur Rückeroberung, und von der Rückeroberung zur Revolution.« Sind Renaissance und Revolution nicht mehr oder weniger das gleiche?

Der Aufsatz ist der Auszug eines Vortrages des Autors beim diesjährigen Deutschen Kongreß der Gesellschaft für freie Publizistik. Der gesamte Vortrag ist neben anderen im Rahmen des GfP-Reports »Sturm auf Europa – Im Fadenkreuz zwischen Masseneinwanderung und Amerikanisierung« abgedruckt und über den Buchversannd der DS, Postfach 100068, 01571 Riesa, erhältlich. 180 S., Broschur, 10,00 Euro.

Guillaume Faye

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samedi, 16 juin 2007

Evola: Oriente e Occidente

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Archivio della rivista "Orion" (Milano)

Edoardo LONGO :

Julius Evola : Oriente e Occidente

Ref.: Julius Evola, "Oriente e Occidente", La Cueste, Milano 1984, pagg. 232.


Narra un'antica leggenda che Carlo Magno, nel percorrere le contrade del suo Impero, ebbe un giorno a conoscere la singolare figura di un cavaliere detto « Senza-Memoria ».

Costui, uscito di senno, aveva perso completamente coscienza di sé e non ricordava più chi fosse. Il povero disgraziato vagava per le terre dell'Impero e, non appena incontrava un qualunque animale, si fermava, lo fissava ed iniziava ad imitarne il verso credendo, nel suo delirio, di esser proprio l'animale che gli si parava innanzi.

Costui, durante le sue folli peregrinazioni, si aggrego un giorno al seguito dell'Imperatore Carlo e fu cosi che questi lo conobbe e chiese che fosse portato al suo cospetto.

Narrano sempre le leggende che, a quel punto, l'Imperatore guardo il povero demente non con occhi pieni di ira o di disprezzo, bensi di pietà e con un velo di assorta malinconia. Forse Carlo Magno vedeva prefigurarsi nel delirio del Cavaliere Senza-Memoria il destino del proprio Impero che, nei secoli a venire, avrebbe perso il proprio ruolo centrale e la coscienza del proprio destino per divenire schiavo di nuove potenze egèmoniche ne avrebbero rapito -oltre che la potenza- anche l'anima? Forse nella follia di chi non sapeva più quai era la propria identità si celava la metafora del nostro continente, ebbro ormai di i tutte le mode d'oltre oceano e dimentico del proprio modo di essere?

Questo le leggende non lo dicono, ma...

È scorrendo le pagine di Oriente e Occidente, raccolta degli ultimi saggi fino ad oggi inediti di Julius Evola, che questa antica saga mi è tornata alla mente.

Non da oggi la cultura più anticonformista, da destra come da sinistra, si interroga sul destino del nostro continente.

È consolante che, nonostante i continui peana levati in favore dell'American way of life dai detentori del potere culturale, oggi paiono rifiorire i saggi critici verso questa massiccia trasformazione della povera Europa in un satellite (e neppure dei più importanti...) delI « americanosfera ».

Questa antologia evoliana è un segno vigoroso di anticonformismo. I saggi in essa contenuti furono pubblicati (fra il 1950 e il 1960) dalla rivista « East and West », diretta da G. Tucci ed espressione dell' ISMEO (« Istituto di Studi per il Medio ed Estre- mo Oriente »). Pertanto il taglio rigoroso e scientifico si rivolge innanzitutto agli studiosi delle forme culturali tradizionali.

Ma non è solo qui il pregio di quest'opera che ri-sulta interessante anche sotto un ulteriore profilo, come dej resto ci confermano G. Nicoletti e M. Pucciarini, curatori del volume: « Caratteristica di questo insieme di articoli è anche che in essi Evola non è solo teso a mostrare le analogie che sussistono fra Oriente ed Occidente, ma anche e soprattutto a mostrare le differenze, talvolta incolmabili, che esistono fra le diverse tradizioni, e cià al fine di mettere in evidenza quanto sia immaturo e poco realistico un semplice rivolgersi all'Oriente solo allo scopo di traslare, senza adattamenti, il patrimonio tradizionale che è proprio di tale mondo ».

Evola ci tratteggia qui i profili di due mondi - l'Oriente e l'Occidente -che da sempre si sono fronteggiati, forse alla ricerca del senso della propria identità.

Ma, forse, una cosi netta differenza appartiene di più al mondo degli archetipi astratti che non a quello dell'esistenza storica... Ed è proprio (paradossalmente} nel fatto di fornire degli elementi quasi paradigmatici che sta, ad avviso di chi scrive, il pregio maggiore di quest'opera.

Nel quadro di una generale omogeneizzazione egualitaria dei valori che caratterizza questi anni crepuscolari del nostro secolo, la possibilità di tratteggiare delle diverse possibilità di confrontarsi con il mondo (sia pur idealizzandole nelle riduttive categorie di Oriente ed Occidente) è una salutare occasione di riflessione per chi crede in una dimensione plurale, composita ed antiegualitaria dell'esistenza.

Il senso della morte ed il valore della vita; il ruolo della donna; i misteri iniziatici; le differenti consonanze interiori della cultura occidentale ed orientale -nonché le loro sconcertanti linee di affinità -sono solo alcuni dei temi affrontati da Evola in questi articoli.

Non ne vogliamo affrontare qui partitamente l'analisi: per chi già conosce l'opera evoliana sarebbe inutile; per comunicarne agli altri pregi e limiti le poche righe di una recensione sarebbero insufficienti.

Perché in effetti in Oriente e Occidente emerge in chiaroscuro tutta la Weltanschauung evoliana.

Non a caso infatti larghi stralci di questi saggi furono utilizzati dall'autore per comporre « Cavalcare la tigre », libro emblematico per comprendere l’ “eredità” evoliana e tanto citato quanto poco compreso e meditato.

Ed è proprio sul significato oggi dell'opera evoliana, grazie agli spunti offertici a iosa dai libro in esame, che vogliamo spendere le ultime parole di .questa recensione.

Emerge da queste pagine l'impressione (certezza...) di una profonda conoscenza delle archetipe matrici della cultura europea.

È il caso di citare, solo di sfuggita, che Gottfried Benn parlo di « magia » dell'opera evoliana.

Emerge altresi la convinzione che dopo Evola sia necessario andare oltre Evola.

A undici anni dalla sua muorte, viste le vorticose trasformazioni avvenute nel domini della cultura e della politica, è necessario che l'intera opera evoliana venga letta attraverso rinnovati spunti interpretativi, uscendo dalle secche di uno “scolasticismo evoliano » che in questi anni ha ampiamente dimostrato la propria impotenza.

A fuoco dei temi cruciali del dibattito delle idee contemporanee le intuizioni evoliane possono trovare nuovi riscontri, nuove chiavi di lettura, e nuovi esiti culturali e metapolitici.

E lo spettro di divenire noi tutti un po' come il Cavaliere incontrato da Carlo Magno nell'antica leggenda, sarà, forse, anche cosi un po' più allontanato.

Edoardo Longo.

(Ottobre 1985).

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La Teoria Gaia

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 La Hipótesis Gaia afirma que las condiciones de la superficie de la Tierra son reguladas por las actividades de la vida

La Teoría Gaia

Por Alexis López Tapia
1996

http://www.accionchilena.cl/Ecofilosofia/lateoriagaia.htm

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R. Kjellen (1864-1922) (Franç.)

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Robert Steuckers

RUDOLF   KJELLEN 

1864-1922

Né le 13 juin 1864 dans la petite île de Torsoe au milieu du grand lac suédois de Voenern, Kjellen grandit dans une atmosphère tout empreinte de luthérisme. Il s'inscrit à l'Université d'Uppsala, ou le marque l'influence du Professeur Oscar Alin, une des têtes pensantes du mouvement conservateur suédois. En mai 1891, Kjellen est diplômé de sciences politiques et reçoit un poste de professeur à la nouvelle université de Goeteborg. Plus tard, outre les sciences politiques, il y enseigne la géographie. Cette circonstance a permis l'éclosion, chez lui, de cette synthèse entre les sciences politiques et la géographie qu'est la géopolitique. Influencé par le géographe allemand Friedrich Ratzel, il applique ses théories à la réalité suédoise (cf. Inledning till Sveriges geografi, 1900) et infléchit ses cours de sciences politiques à Goeteborg dans un sens géopolitique. En 1904, il visite les Etats-Unis avec ses étudiants et y est frappé par la qualité de l'espace nord-américain, différent et plus démesuré que l'espace européen. En 1905, Kjellen est élu au parlement de Stockholm. Désormais, à sa carrière de chercheur et de professeur, s'ajoute une carrière parallèle d'homme politique. Kjellen lutte pour que l'Union qui unit depuis 1814 la Norvège à la Suède ne se disloque pas. En vain. Le reste de sa carrière politique, il la consacre à lutter contre la bureaucratie et le socialisme et à faire passer des lois sur la démographie, la politique économico-sociale et la défense. De 1909 à 1917, il quitte la Chambre pour siéger au Sénat.

Son intérêt pour le Japon ne fait que croître au cours de ces années; il le visite en même temps que la Chine en 1909. Empruntant le transsibérien, il se rend physiquement compte de l'immensité territoriale sibérienne et centre-asiatique. A Pékin, il constate que les jours de la domination européenne en Chine sont comptés. Comparant ensuite les mentalités chinoise et japonaise, Kjellen écrit dans son journal de voyage: "L'ame du Japon est romantique tandis que celle de la Chine est réaliste-classique; l'ame du Japon est progressiste tandis que celle de la Chine est bureaucratique-conservatrice". De même, le rôle croissant de l'Etat au Japon induit Kjellen à le juger "socialiste" tandis que l'Etat chinois, peu interventionniste dans le domaine social, génère une société qui, en fin de compte, est libérale.

En 1913, alors que s'annonce la première guerre mondiale, Kjellen dresse un bilan des puissances qui entourent la Suède. Conclusion: l'Allemagne est l'alliée naturelle des Suédois, tandis que la Russie est leur adversaire depuis des siècles. Dans les débats qui vont suivre, Kjellen opte pour l'Allemagne. Avec bon nombre de professeurs et de philosophes allemands, il affirme que les idées de solidarité nationale, nées en 1914, refouleront les idées libérales/individualistes/universalistes de 1789. Au slogan révolutionnaire de "liberté, égalité, fraternité", Kjellen et ses homologues allemands opposent une autre triade, nationaliste et patriotique: "ordre, justice, fraternité".

En 1916, il est nommé professeur à Uppsala, à la chaire triplement centenaire de Johan Skytte. Au même moment, ses thèses géopolitiques et ses commentaires de l'actualité connaissent un succès croissant en Allemagne. A Uppsala, Kjellen rédige son ?uvre majeure Staten som livsform (L'Etat comme forme de vie) qui paraît en langue allemande en avril 1917 et connaît immédiatement un grand succès. C'est dans ce livre qu'il forge le terme de "géopolitique". Avant, on parlait, à la suite de Ratzel, de "géographie politique". Quand la guerre prend fin en 1918, Kjellen voit l'émergence de deux puissances planétaires: l'Angleterre et la Russie, "désormais gouvernée par une aristocratie de forme dégénérée, soit une oligarchie" et par une idéologie batarde, hégélienne dans sa forme et rousseauiste dans son contenu. A la même époque paraît un second ouvrage théorique majeur de Kjellen: Undersoekningar till politikens system  (Recherches sur le système de la politique), récapitulatif complet de ses idées en géopolitique. Pendant les quatre dernières années de sa vie, Kjellen visite plusieurs universités allemandes. Souffrant d'une angine de poitrine, il meurt le 14 novembre 1922 à Uppsala. Ses théories ont connu un impact très important en Allemagne, notamment dans l'école de Haushofer, d'Otto Maull, etc. En Suède, son principal disciple a été Edvard Thermaenius et, en Finlande, Ragnar Numelin (1890-1972). 

Les idées de 1914. Une perspective sur l'histoire mondiale(Die Ideen von 1914. Eine weltgeschichtlicher Perspektive), 1915

Cette brochure importante ne nous dévoile pas Kjellen en tant que théoricien de la géopolitique ou des sciences politiques, mais une réflexion générale sur les événements de 1914, que reprendront à leur compte les théoriciens de la géopolitique allemande des années 20 et 30 et les protagonistes de la "Révolution conservatrice". Kjellen base sa démonstration sur deux ouvrages: l'un de Werner Sombart (H?ndler und Helden;  "Les marchands et les héros"), l'autre de Johann Plenge (Der Krieg und die Volkswirtschaft;  "La guerre et l'économie politique"). Avec Sombart, il critique la triade de 1789, "Liberté, égalité, fraternité", instrument idéologique de la "bourgeoisie dégénérée par le commerce". La guerre en cours est davantage qu'une guerre entre puissances antagonistes: elle révèle l'affrontement de deux Weltanschauungen,  celle de 1789 contre celle, nouvelle et innovatrice, de 1914. La France et la Grande-Bretagne défendent par leurs armes les principes politiques (ou plutôt, anti-politiques) de la modernité libérale; l'Allemagne défend les idées nouvelles, nées en 1914 du refus de cette modernité libérale. Pour Kjellen, en 1914 commence le crépuscule des vieilles valeurs. Affirmation qu'il reprend du Danois Fredrik Weis (in Idealernes Sammenbrud;  "L'effondrement des idéaux"), pour qui les carnages du front signalent le crépuscule de l'idéalisme, l'effondrement de toutes les valeurs que la civilisation européenne avait portées au pinacle. Kjellen et Weis constatent l'effondrement de cinq jeux de valeurs fondamentales: 

1) l'idée de paix universelle; 

2) l'idéal humaniste de culture; 

3) l'amour de la patrie, qui, de valeur positive, s'est transformé en haine de la patrie des autres; 

4) l'idée de fraternité internationale portée par la sociale-démocratie; 

5) l'amour chrétien du prochain. 

Ce quintuple effondrement scelle la banqueroute de la civilisation chrétienne, transformée par les apports de 1789. Mais le premier idéologème ruiné par la conflagration de 1914 est en fait le dénominateur commun de tous ces idéaux: le cosmopolitisme, contraint de s'effacer au profit des faits nationaux. Les nationalismes prouvent par la guerre qu'ils sont des réalités incontournables. Leur existence peut provoquer la guerre mais aussi la coopération internationale. L'internationalisme n'exclut pas, aux yeux de Kjellen, l'existence des nations, contrairement au cosmopolitisme. L'internationalisme est une coopération entre entités nationales organiques, tandis que le cosmopolitisme est inorganique, de même que son corollaire, l'individualisme. Ce dernier connaît également la faillite depuis que les hostilités se sont déclenchées. 1914 inaugure l'ère de l'organisation et termine celle de l'anarchie individualiste, commencée en 1789. Désormais, l'individu n'a plus seulement des intérêts privés, il doit servir. Son orgueil stérile est terrassé, ce qui ne veut pas dire que les qualités personnelles/individuelles doivent cesser d'agir: celles qui servent bien l'ordre ou la collectivité demeureront et seront appelées à se renforcer. Romain Rolland a dit, signale Kjellen, que la guerre a dévoilé les faiblesses du socialisme et du christianisme. En effet, les soldats de toutes les puissances belligérantes se réclament de Dieu et non du Christ. Ce Dieu invoqué par les nouveaux guerriers est nationalisé; il est totémique comme Jéhovah aux débuts de l'histoire juive ou comme les dieux paiens (Thor/Wotan). Ce Dieu nationalisé n'est plus le Nazaréen avec son message d'amour. Ce panthéon de dieux uniques nationalisés et antagonistes remplace donc le messie universel. En dépit de cet éclatement du divin, il en reste néanmoins quelque chose de puissant. La paix avait été dangereuse pour Dieu: des hommes politiques avaient inscrit l'irreligion dans les programmes qu'ils s'efforçaient d'appliquer. Et si la guerre suscite l'apparition de dieux nationaux qui sèment la haine entre les peuples, elle déconstruit simultanément les haines intérieures qui opposent les diverses composantes sociales des nations. La guerre a transplanté la haine de l'intérieur vers l'extérieur. La paix sociale, la fraternité, l'entraide, les valeurs fraternelles du christianisme progressent, d'ou l'on peut dire que la guerre a accru dans toute l'Europe l'amour du prochain. En conséquence, ce qui s'effondre, ce sont de pseudo-idéaux, c'est l'armature d'une époque riche en formes mais pauvre en substance, d'une époque qui a voulu évacuer le mystère de l'existence.

Effondrement qui annonce une nouvelle aurore. La guerre est période d'effervescence, de devenir, ou se (re)composent de nouvelles valeurs. La triade de 1789, "Liberté, égalité, fraternité", est solidement ancrée dans le mental des anciennes générations. Il sera difficile de l'en déloger. Les jeunes, en revanche, doivent adhérer à d'autres valeurs et ne plus intérioriser celles de 1789, ce qui interdirait d'appréhender les nouvelles réalités du monde. La liberté, selon l'idéologie de 1789, est l'absence/refus de liens (l'Ungebundenheit, le Fehlen von Fesseln).  Donc la négation la plus pure qui empêche de distinguer le bien et le mal. Certes, explique Kjellen, 1789 a débarrassé l'humanité européenne des liens anachroniques de l'ancien régime (Etat absolu, étiquette sociale, église stérile). Mais après les événements révolutionnaires, l'idée quatre-vingt-neuvarde de liberté s'est figée dans l'abstraction et le dogme. Le processus de dissolution qu'elle a amorcé a fini par tout dissoudre, par devenir synonyme d'anarchie, de libertinisme et de permissivité (Gesetzlosigkeit, Sittenlosigkeit, Zoegellosigkeit).  Il faut méditer l'adage qui veut que la "liberté soit la meilleure des choses pour ceux qui savent s'en servir". La liberté, malheureusement, est laissée aux mains de gens qui ne savent pas s'en servir. D'ou l'impératif de l'heure, c'est l'ordre. C'est empêcher les sociétés de basculer dans l'anarchie permissive et dissolvante. Kjellen est conscient que l'idée d'ordre peut être mal utilisée, tout autant que l'idée de liberté. L'histoire est faite d'un jeu de systole et diastole, d'un rythme sinusoidal ou jouent la liberté et l'ordre. L'idéal suggéré par Kjellen est celui d'un équilibre entre ces deux pôles. Mais l'ordre qui est en train de naître dans les tranchées n'est pas un ordre figé, raide et formel. Il n'est pas un corset extérieur et n'exige pas une obéissance absolue et inconditionnelle. Il est un ordre intérieur qui demande aux hommes de doser leurs passions au bénéfice d'un tout. Kjellen ne nie donc pas le travail positif de l'idée de liberté au XVIIIième siècle mais il en critique la dégénérescence et le déséquilibre. L'idée d'ordre, née en 1914, doit travailler à corriger le déséquilibre provoqué par la liberté devenue permissive au fil des décennies. L'idée d'égalité a mené un combat juste contre les privilèges de l'ancien régime, issus du Moyen Age. Mais son hypertrophie a conduit à un autre déséquilibre: celui qui confine l'humanité dans une moyenne, ou les petits sont agrandis et les grands amoindris par décret. En fait, seuls les grands sont diminués et les petits restent tels quels. L'égalité est donc la "décollation de l'humanité". Kjellen défend l'idée nietzschéenne de surhumanité non parce qu'elle est orgueil mais plutôt parce qu'elle est humilité: elle procède du constat que le type humain moyen actuel est incapable d'accomplir toutes les vertus. Or ces vertus doivent être revivifiées et réincarnées: telle est la marque de la surhumanité qui s'élève au-dessus des moyennes imposées. Kjellen accepte le troisième terme de la triade de 1789, la fraternité, et estime qu'elle sera renforcée par la camaraderie entre soldats. Kjellen soumet ensuite la déclaration des droits de l'homme à une critique sévère: elle conduit au pur subjectivisme, écrit-il, et entrevoit les rapports humains depuis la "perspective de la grenouille". Il s'explique: l'homme quatre-vingt-neuvard, comme l'a démontré Sombart, veut recevoir de la vie et non lui donner ses efforts. Cette envie de recevoir, consignée in nuce  dans la déclaration des droits de l'homme, transforme l'agir humain en vulgaire commercialisme (obtenir un profit d'ordre économique) et en eudémonisme (avoir des satisfactions sensuelles). Depuis le début du XIXième siècle, la France et la Grande-Bretagne véhiculent cette idéologie commercialiste/eudémoniste, enclenchant ainsi le processus d'"anarchicisation" et de permissivité, tandis que la Prusse, puis l'Allemagne, ajoutent à l'idée des droits de l'homme l'idée des devoirs de l'homme, mettant l'accent sur la Pflicht  et l'"impératif catégorique" (Kant). Le mixte germanique de droits et de devoirs hisse l'humanité au-dessus de la "perspective subjectiviste de la grenouille", lui offrant une perspective supra-individuelle, assortie d'une stratégie du don, du sacrifice. L'idée de devoir implique aussitôt la question: "que puis-je donner à la vie, à mon peuple, à mes frères, etc.?". En conclusion, Kjellen explique que 1914 n'est pas la négation pure et simple de 1789; 1914 impulse de nouvelles directions à l'humanité, sans nier la justesse des contestations libertaires de 1789. Il n'est pas question, aux yeux de Kjellen et de Sombart, de rejeter sans plus les notions de liberté et d'égalité mais de refuser leurs avatars exagérés et pervertissants. Entre 1914 et 1789, il n'y a pas antinomie comme il y a antinomie entre l'ancien régime et 1789. Ces deux mondes axiologiques s'excluent totalement. Si l'ancien régime est la thèse, 1789 est son antithèse et la Weltanschauung  libérale qui en découle garde en elle toutes les limites d'une antithèse. Ce libéralisme n'aura donc été qu'antithèse sans jamais être synthèse. 1914 et l'éthique germanique-prussienne du devoir sont, elles, synthèses fructueuses. Or les mondes libéral et d'ancien régime sont également hostiles à cette synthèse car elle les fait disparaître tous deux, en soulignant leur caducité. C'est pourquoi les puissances libérales française et britannique s'allient avec la puissance russe d'ancien régime pour abattre les puissances germaniques, porteuses de la synthèse. La thèse et l'antithèse unissent leurs efforts pour refuser la synthèse. Les partisans de l'oppression et ceux de l'anarchie s'opposent avec un zèle égal à l'ordre, car l'ordre signifie leur fin. Les puissances libérales craignent moins l'absolutisme d'ancien régime car celui-ci est susceptible de s'inverser brusquement en anarchie. A l'ancienne constellation de valeurs de 1789, succédera une nouvelle constellation, celle de 1914, "devoir, ordre, justice" (Pflicht, Ordnung, Gerechtigkeit). 

Les problèmes politiques de la guerre mondiale (Die politischen Probleme des Weltkrieges), 1916

Dans l'introduction à cet ouvrage qui analyse l'état du monde en pleine guerre, Kjellen nous soumet une réflexion sur les cartes géographiques des atlas usuels: ces cartes nous montrent des entités étatiques figées, saisies à un moment précis de leur devenir historique. Or toute puissance peut croître et déborder le cadre que lui assignent les atlas. Au même moment ou croît l'Etat A, l'Etat B peut, lui, décroître et laisser de l'espace en jachère, vide qui appelle les énergies débordantes d'ailleurs. Kjellen en conclut que les proportions entre le sol et la population varient sans cesse. Les cartes politiques reflètent donc des réalités qui, souvent, ne sont plus. La guerre qui a éclaté en aout 1914 est un événement bouleversant, un séisme qui saisit l'individu d'effroi. Cet effroi de l'individu vient du fait que la guerre est une collision entre Etats, c'est-à-dire entre entités qui ont des dimensions quantitatives dépassant la perspective forcément réduite de l'individu. La guerre est un phénomène spécifiquement étatique/politique qui nous force a concevoir l'Etat comme un organisme vivant. La guerre révèle brutalement les véritables intentions, les pulsions vitales, les instincts de l'organisme Etat, alors que la paix les occulte généralement derrière toutes sortes de conventions. Dans la ligne de l'ouvrage qu'il est en train de préparer depuis de longues années (Staten som livsform)  et qui sortira en 1917, Kjellen répète son credo vitaliste: l'Etat n'est pas un schéma constitutionnel variable au gré des élections et des humeurs sociales ni un simple sujet de droit mais un être vivant, une personnalité supra-individuelle, historique et politique. Dans ses commentaires sur les événements de la guerre, Kjellen ne cache pas sa sympathie pour l'Allemagne de Guillaume II, mais souhaite tout de même rester objectif ("Amica Germania sed magis amica veritas"). 
Le livre aborde ensuite les grands problèmes géopolitiques de l'heure. Trois puissances majeures s'y affrontent, avec leur clientèle, des puissances de second ordre. Il y a l'Allemagne (avec ses clients: l'Autriche-Hongrie, la Turquie, la Bulgarie); ensuite l'Angleterre (avec la France, l'Italie, la Belgique et, dans une moindre mesure, le Japon); enfin, la Russie, avec deux minuscules clients, la Serbie et le Monténégro. Trois exigences géopolitiques majeures s'imposent aux Etats et à leurs extensions coloniales: 1) l'étendue du territoire; 2) la liberté de mouvement; 3) la meilleure cohésion territoriale possible. La Russie a extension et cohésion territoriale mais non liberté de mouvement (pas d'accès aux mers chaudes et aux grandes voies de communication océanique). L'Angleterre a extension territoriale et liberté de mouvement mais pas de cohésion territoriale (ses possessions sont éparpillées sur l'ensemble du globe). L'Allemagne n'a ni extension ni liberté de mouvement (la flotte anglaise verrouille l'accès à l'Atlantique dans la Mer du Nord); sa cohésion territoriale est un fait en Europe mais ses colonies ne sont pas soudées en Afrique. Reprenant les idées de son collègue allemand Arthur Dix, Kjellen constate que les tendances de l'époque consistaient, pour les Etats, à se refermer sur eux-mêmes et à souder leur territoire de façon à en faire un tout cohérent. L'Angleterre est ainsi passée d'une politique de la "porte ouverte" à une politique visant l'émergence de zones d'influence fermées, après avoir soudé ses possessions africaines de l'Egypte à l'Afrique du Sud (du Caire au Cap). Elle a tenté ensuite de mettre toute la région sise entre l'Egypte et l'actuel Pakistan sous sa coupe, se heurtant aux projets germano-turcs en Mésopotamie (chemin de fer Berlin-Bagdad-Golfe Persique). L'Allemagne qui n'a ni extension ni liberté de mouvement ni cohésion territoriale sur le plan colonial (quatre colonies éparpillées en Afrique plus la Micronésie dans le Pacifique). Elle a tenté, avec l'Angleterre, de souder ses colonies africaines au détriment des colonies belges et portugaises: un projet qui ne s'est jamais concrétisé. Pour Kjellen, le destin de l'Allemagne n'est ni en Afrique ni dans le Pacifique. Le Reich doit renforcer sa coopération avec la Turquie selon l'axe Elbe-Euphrate, créant une zone d'échanges économiques depuis la Mer du Nord jusqu'au Golfe Persique et à l'Océan Indien, chasse gardée des Britanniques. Les projets germano-turcs en Mésopotamie sont la principale pomme de discorde entre le Reich et l'Angleterre et, en fait, le véritable enjeu de la guerre, menée par Français interposés. La politique anglaise vise à fractionner la diagonale partant de la Mer du Nord pour aboutir au Golfe Persique, en jouant la Russie contre la Turquie et en lui promettant les Dardannelles qu'elle n'a de toute façon pas l'intention de lui donner car une présence russe dans le Bosphore menacerait la route des Indes à hauteur de la Méditerranée orientale.

A ces problèmes géopolitiques, s'ajoutent des problèmes ethnopolitiques: en gros, la question des nationalités. Le but de guerre de l'Entente, c'est de refaire la carte de l'Europe sur base des nationalités. L'Angleterre voit l? le moyen de fractionner la diagonale Mer du Nord-Golfe Persique entre Vienne et Istanboul. Les puissances centrales, elles, réévaluent le rôle de l'Etat agrégateur et annoncent, par la voix de Meinecke, que l'ère des spéculations politiques racisantes est terminée et qu'il convient désormais de faire la synthèse entre le cosmopolitisme du XVIIIième et le nationalisme du XIXième dans une nouvelle forme d'Etat qui serait supranationale et attentive aux nationalités qu'elle englobe. Kjellen, pour sa part, fidèle à ses principes vitalistes et biologisants, estime que tout Etat solide doit être national donc ethniquement et linguistiquement homogène. Le principe des nationalités, lancé dans le débat par l'Entente, fera surgir une "zone critique" entre la frontière linguistique allemande et la frontière de la Russie russe, ce qui englobe les Pays Baltes, la Biélorussie et l'Ukraine. Aux problèmes d'ordres géopolitique et ethnopolitique, il faut ajouter les problèmes socio-politiques. Kjellen aborde les problèmes économiques de l'Allemagne (développement de sa marine, programme du Levant, ligne de chemin de fer Berlin-Bagdad) puis les problèmes de la Russie en matière de politique commerciale (la concurrence entre les paysannats allemand et russe qui empêche la Russie d'exporter ses produits agricoles vers l'Europe). La Russie veut faire sauter le verrou des Dardannelles pour pouvoir exporter sans entraves son blé et ses céréales d'Ukraine, seule manière d'assurer des boni à sa balance commerciale.

Kjellen approuve la politique conservatrice du Ministre britannique Chamberlain qui, en 1903, a évoqué une Commercial Union  autarcisante, protégée par la puissance maritime anglaise. Trois grandes zones se partageraient ainsi le monde: 1) l'Angleterre, avec le Canada, l'Australie et l'Afrique du Sud; 2) l'Allemagne, avec l'Autriche-Hongrie, la Fédération balkanique et la Turquie; 3) la "Panamérique". En Angleterre, la politique est portée par un paradoxe: ce sont les conservateurs qui défendent cette idée de progrès vers l'autarcie impériale qui implique aussi la non intervention dans les autres zones. La gauche, elle, est conservatrice: elle préfère une politique interventionniste bellogène dans les zones des autres. Kjellen explique ce renversement: le projet d'autarcie est peu séduisant sur le plan électoral tandis que celui de la pantarchie (du contrôle total du globe par l'Angleterre) excite la démagogie jingoiste. Chamberlain, en suggérant ses plans d'autarcie impériale, a conscience des faiblesses de l'Empire et du cout énorme de la machine militaire qu'il faut entretenir pour pouvoir dominer le globe.

Viennent ensuite les problèmes d'ordres constitutionnel et culturel. La guerre en cours est également l'affrontement entre deux modèles d'Etat, entre l'idéal politique anglais et l'idéal politique allemand. En Angleterre, l'individu prime l'Etat tandis qu'en Allemagne l'Etat prime l'individu. En Angleterre, l'objet de la culture, c'est de former des caractères; en Allemagne, de produire du savoir. A cela, les Allemands répondent que l'autonomie des caractères forts erre, sur l'espace culturel anglais, dans un monde de conventions figées et figeantes. Anglais et Français prétendent que l'Allemagne est une nation trop jeune pour avoir un style. Les Allemands rétorquent que leur masse de savoir permet un arraisonnement plus précis du monde et que leur culture, en conséquence, a plus de substance que de forme (de style). L'Angleterre forme des gentlemen alignés sur une moyenne, affirment les Allemands, tandis que leur système d'éducation forme des personnalités extrêmement différenciées se référant à une quantité de paramètres hétérogènes. L'Allemagne étant le pays des particularismes persistants, il est normal, écrit Kjellen, qu'elle prône un fédéralisme dans des "cercles" d'Etats apparentés culturellement et liés par des intérêts communs (Schulze-Gaevernitz) ou des "rassemblements organisés de forces ethniques homogènes contre les sphères de domination" (Alfred Weber). L'idée allemande, poursuit Kjellen, c'est le respect de la spécificité des peuples, quelle que soit leur importance numérique. C'est l'égalité en droit des nations à l'intérieur d'une structure politique de niveau supérieur, organisée par une nationalité dominante (comme en Autriche-Hongrie). Kjellen relie cette idée soucieuse du sort des spécificités à l'idée protestante militante du roi suédois Gustave-Adolphe, champion du protestantisme, pour qui "il fallait sauver la tolérance".

Le jeu se joue donc à trois: les Occidentaux, les Russes et les Centraux. Ou, comme il l'avait écrit dans Les idées de 1914, entre l'antithèse, la thèse et la synthèse. La guerre est également l'affrontement entre les idées de Jean-Jacques Rousseau et celles d'Immanuel Kant, entre l'insistance outrancière sur les droits et le sens équilibré des droits et des devoirs. Aux idées de Rousseau s'allient celles de Herbert Spencer, "commercialistes" et "eudémonistes", et celles, réactionnaires de Pobiedonostsev, tuteur des Tsars Alexandre III et Nicolas II. Le pur individualisme et l'oppression du pur absolutisme font cause commune contre l'ordre équilibré des droits et des devoirs, postulé par la philosophie de Kant et la praxis prussienne de l'Etat. 

L'Etat comme forme de vie (Staten som livsform), 1917

Ouvrage principal de l'auteur, ou il utilise pour la première fois le vocable de "géopolitique". Kjellen travaille à l'aide de deux concepts majeurs: la géopolitique proprement dite et la géopolitique spéciale. La géopolitique proprement dite est l'entité géographique simple et naturelle, circonscrite dans des frontières précises. Kjellen analyse les frontières naturelles montagneuses, fluviales, désertiques, marécageuses, forestières, etc. et les frontières culturelles/politiques créées par l'action des hommes. Le territoire naturel des entités politiques peut relever de types différents: types potamiques ou "circonfluviaux" ou "circonmarins". L'une des principales constantes de la géopolitique pratique, c'est la volonté des nations insulaires ou littorales de forger un pays similaire au leur en face de leurs côtes (exemple: la volonté japonaise de créer un Etat mandchou à sa dévotion) et de s'approprier un ensemble de territoires insulaires, de caps ou de bandes territoriales comme relais sur les principales routes maritimes. Kjellen étudie le territoire naturel du point de vue de la production industrielle et agricole et l'organisation politique et administrative. Kjellen souligne l'interaction constante entre la nation, le peuple et le pouvoir politique, interaction qui confère à l'Etat une dimension résolument organique.

Outre la géopolitique proprement dite, Kjellen se préoccupe de la géopolitique spéciale, c'est-à-dire des qualités particulières et circonstantielles de l'espace, qui induisent telle ou telle stratégie politique d'expansion. Kjellen examine ensuite la forme géographique de l'Etat, son apparence territoriale. La forme idéale, pour un Etat, est la forme sphérique comme pour l'Islande ou la France. Les formes longitudinales, comme celles de la Norvège ou de l'Italie, impliquent l'allongement des lignes de communication. Les enclaves, les exclaves et les corridors ont une importance capitale en géopolitique: Kjellen les analyse en détail. Mais de toutes les catégories de la géopolitique, la plus importante est celle de la position. Pour Kjellen, il s'agit non seulement de la position géographique, du voisinage, mais aussi de la position culturelle, agissant sur le monde des communications.

Le système de la géopolitique, selon Kjellen, peut être subdivisé comme suit: 

I. La Nation: objet de la géopolitique 

1. La position de la nation: objet de la topopolitique. 

2. La forme de la nation: objet de la  morphopolitique. 

3. Le territoire de la nation: objet de la  physiopolitique. 

II. L'établissement national: objet de l'écopolitique. 

1. La sphère de l'établissement: objet de  l'emporopolitique. 

2. L'établissement indépendant: objet de  l'autarchipolitique. 

3. L'établissement économique: objet de  l'économipolitique. 

III. Le peuple porteur d'Etat: objet de la démopolitique. 

1. Le peuple en tant que tel: objet de l'ethnopolitique. 

2. Le noyau de la population: objet de la  pléthopolitique. 

3. L'ame du peuple: objet de la psychopolitique. 

IV. La société nationale: objet de la sociopolitique. 

1. La forme de la société: objet de la phylopolitique. 

2. La vie de la société: objet de la biopolitique. 

V. La forme de gouvernement: objet de la cratopolitique. 

1. La forme de l'Etat: objet de la nomopolitique. 

2. La vie de l'Etat: objet de la praxipolitique. 

3. La puissance de l'Etat: objet de l'archopolitique.

La méthode de classification choisie par Kjellen, est de subdiviser chaque objet d'investigation en trois catégories: 1. l'environnement; 2. la forme; 3. le contenu. 

Les grandes puissances et la crise mondiale (Die Grossmaechte und die Weltkrise), 1921

Dernière version de ses études successives sur les grandes puissances, cette édition de 1921 ajoute une réflexion sur les résultats de la première guerre mondiale. L'ouvrage commence par un panorama des grandes puissances: l'Autriche-Hongrie, l'Italie, la France, l'Allemagne, l'Angleterre, les Etats-Unis, la Russie et le Japon. Kjellen en analyse l'ascension, la structure étatique, la population, la société, le régime politique, la politique étrangère et l'économie. Ses analyses des politiques étrangères des grandes puissances, dégageant clairement les grandes lignes de force, gardent aujourd'hui encore une concision opérative tant pour l'historien que pour l'observateur de la scène internationale. 

A la fin de l'ouvrage, Kjellen nous explique quels sont les facteurs qui font qu'une puissance est grande. Ni la superficie ni la population ne sont nécessairement des facteurs multiplicateurs de puissance (Brésil, Chine, Inde). L'entrée du Japon dans le club des grandes puissances prouve par ailleurs que le statut de grand n'est plus réservé aux nations de race blanche et de religion chrétienne. Ensuite, il n'y a aucune forme privilégiée de constitution, de régime politique, qui accorde automatiquement le statut de grande puissance. Il existe des grandes puissances de toutes sortes: césaristes (Russie), parlementaires (Angleterre), centralistes (France), fédéralistes (Etats-Unis), etc. La Grande Guerre a toutefois prouvé qu'une grande puissance ne peut plus se déployer et s'épanouir dans des formes purement anti-démocratiques. Le concept de grande puissance n'est pas un concept mathématique, ethnique ou culturel mais un concept dynamique et physiologique. Certes une grande puissance doit disposer d'une vaste territoire et de masses démographiques importantes, d'un degré de culture élevé et d'une harmonie de son régime politique, mais chacun de ces facteurs pris séparément est insuffisant pour faire accéder une puissance au statut de grand. Pour ce faire, c'est la volonté qui est déterminante. Une grande puissance est donc une volonté servie par des moyens importants. Une volonté qui veut accroître la puissance. Les grandes puissances sont par conséquent des Etats extensifs (Lamprecht), qui se taillent des zones d'influence sur la planète. Ces zones d'influence témoignent du statut de grand. Toutes les grandes puissances se situent dans la zone tempérée de l'hémisphère septentrional, seul climat propre à l'éclosion de fortes volontés. Quand meurt la volonté d'expansion, quand elle cesse de vouloir participer à la compétition, la grande puissance décroît, recule et décède politiquement et culturellement. Elle rejoint en cela les Naturvoelker,  qui ne mettent pas le monde en forme. La Chine est l'exemple classique d'un Etat gigantesque situé dans la zone tempérée, doté d'une population très importante et aux potentialités industrielles immenses qui déchoit au rang de petite puissance parce qu'il fait montre d'un déficit de volonté. Ce sort semble attendre l'Allemagne et la Russie depuis 1918.

Il existe deux types de grandes puissances: les économiques et les militaires. L'Angleterre et les Etats-Unis sont des grandes puissances plutôt économiques, tandis que la Russie et le Japon sont des grandes puissances plutôt militaires. La France et l'Allemagne présentent un mixage des deux catégories. La mer privilégie le commerce et la terre le déploiement de la puissance militaire, créant l'opposition entre nations maritimes et nations continentales. L'Angleterre est purement maritime et la Russie purement continentale, tandis que la France et l'Allemagne sont un mélange de thalassocratie et de puissance continentale. Les Etats-Unis et le Japon transgressent la règle, du fait que les uns disposent d'un continent et que l'autre, insulaire, serait plutôt porté vers l'industrialisme militariste (en Mandchourie). Les grandes puissances maritimes sont souvent des métropoles dominant un ensemble éparpillé de colonies, tandis que les grandes puissances continentales cherchent une expansion territorialement soudée à la métropole. L'Angleterre, les Etats-Unis, la France et l'Allemagne ont choisi l'expansion éparpillée, tandis que la Russie et le Japon (en s'étendant à des zones contigues situées autour de son archipel métropolitain) accroissent leur territoire en conquérant ou soumettant des pays voisins de leur centre.

L'histoire semble prouver que les empires éparpillés sont plus fragiles que les empires continentaux soudés: les exemples de Carthage, de Venise, du Portugal et de la Hollande. L'autarcie, l'auto-suffisance, semble être une condition du statut de grande puissance que remplissent mieux les empires continentaux, surtout depuis que le chemin de fer a accru la mobilité sur terre et lui a conféré la même vitesse que sur mer. Les leçons de la guerre mondiales sont donc les suivantes: la thalassocratie britannique a gagné la bataille, notamment parce qu'elle a fait usage de l'arme du blocus. Mais cette victoire de la puissance maritime ne signifie pas la supériorité de la thalassocratie: une Allemagne plus autarcique aurait mieux résisté et, en fin de compte, ce sont les masses compactes de territoires dominés par l'Angleterre qui ont permis aux Alliés de contrer les Centraux. 

Le facteur déterminant a donc été la Terre, non la Mer. L'idéal est donc de combiner facteurs maritimes et facteurs continentaux.  Faut-il conclure de cette analyse des grandes puissances que les petits Etats sont condamnés par l'histoire à ne plus être que les vassaux des grands? Non, répond Kjellen. Des petits Etats peuvent devenir grand ou le redevenir ou encore se maintenir honorablement sur la scène internationale. Exactement de la même façon que les petits ateliers se sont maintenus face  la concurrence des grandes fabriques. Les forts absorbent très souvent les faibles mais pas toujours. La résistance des faibles passe par la conscience culturelle et la force spirituelle. La pulsion centrifuge est aussi forte que la puissance centripète: l'idéal, une fois de plus, réside dans l'équilibre entre ces deux forces. L'idée de la Société des Nations y pourvoiera sans doute, conclut Kjellen. 
 


 

Bibliographie: 

Pour une bibliographie quasi complète, v. Bertil Haggman, Rudolf Kjellen, Geopolitician, Geographer, Historian and Political Scientist. A Selected Bibliography,  Helsingborg, Center for Research on Geopolitics, 1988 (adresse: Box 1412, S-25.114 Helsingborg, Suède). 

Oeuvres de Rudolf Kjellen: 

Hvad har Sverige vunnit genom unionen med Norge? Ett vøktarerop till svenska folket af Hbg, 1892; Underjordiska inflytelser pa jordytan - Om nivaf?røndringar, jordbøfningar och vulkaniska f?reteelser, 1893; Om den svenska grundlagens anda. Røttspsykologisk unders?kning, 1897; Den sydafrikanska fragan, 1898; Ur anteckningsboken. Tankar och stømningar, 1900; Inledning till Sveriges geografi, 1900; Kunna i var tid diplomati och konsulatvøsen skiljas?, 1903; Stormakterna. Konturer kring samtidens storpolitik, I-II, 1905, I-IV, 1911-1913 (avec nouvelle éd. des tomes I et II); Mellanpartiet. En fraga f?r dagen i svensk politik, 1910; Sveriges jordskalf. Foersoek till en seismik landgeografi, 1910; Sverige och utlandet, 1911; Den stora orienten. Resestudier i oestervøg, 1911; Den ryska faran, 1913; "Peter den stores testamenta". Historisk-politisk studie, 1914; Die Großmaechte der Gegenwart, 1914; Politiska essayer. Studier till dagskroenikan (1907-1913), 1914-1915; Die Ideen von 1914. Eine weltgeschichtliche Perspektive, 1915; Vørldskrigets politiska problem, 1915; Den endogena geografins system, 1915; Hvadan och hvarthøn. Tva f?reløsningar om vørldskrisen, 1915; Politiska handb?cker, I-IV, 1914-1917 (nouvelle éd., 1920); Die politischen Probleme des Weltkrieges, 1916; Staten som livsform, 1917; Studien zur Weltkrise, 1917; Schweden. Eine politische Monographie, 1917; Stormakterna och vørldskrisen, 1920; Grundriss zu einem System der Politik, 1920; Vørldspolitiken i 1911-1919 i periodiska oeversikter, 1920; Die Grossmaechte und die Weltkrise, 1921; Dreibund und Dreiverband. Die diplomatische Vorgeschichte des Weltkriegs, 1921; Der Staat als Lebensform, 1924; Die Grossmaechte vor und nach dem Weltkriege, 1930 (réédition posthume, commentée et complétée par Haushofer, Hassinger, Maull, Obst); Jenseits der Grossmaechte. Ergønzungsband zur Neubearbeitung der Grossmaechte Rudolf Kjellens, 1932 (réédition posthume patronnée par Haushofer); "Autarquìa", in Coronel Augusto B. Rattenbach, Antologia geopolitica, Pleamar, Buenos Aires, 1985. 

Sur Rudolf Kjellen: 

W. Vogel, "Rudol Kjellen und seine Bedeutung f?r die deutsche Staatslehre", in Zeitschrift f?r die gesamte Staatswissenschaft, 1925, 81, pp. 193-241; Otto Haussleiter, "Rudolf Kjelléns empirische Staatslehre und ihre Wurzeln in politischer Geographie und Staatenkunde", in Archiv fuer Sozialwissenschaft und Sozialpolitik, 1925, 54, pp. 157-198; Karl Haushofer, Erich Obst, Hermann Lautensach, Otto Maull, Bausteine der Geopolitik, 1928; Erik Arrhén, Rudolf Kjellén och "unghoegern": Sammanstøllning och diskussion, Stockholm, Seelig, 1933; E. Therm?nius, Geopolitik och politisk geografi, 1937; A. Brusewitz, Fran Svedelius till Kjellén. Nagra drag ur den skytteanska lørostolens senare hist, 1945; Nils Elvander, Rudolf Kjellén och nationalsocialismen, 1956; Mats Kihlberg & Donald Suederlind, Tva studier i svensk konservatism: 1916-1922, Stockholm, Almqvist & Wiksell, 1961; Nils Elvander, Harald Hjørne och konservatismen: Konservativ idédebatt i Sverige, 1865-1922,  Stockholm, Almqvist & Wiksell, 1961; Georg Andrén, "Rudolf Kjellen", in David L. Sills (éd.), International Encyclopedia of the Social Sciences, vol. 8, The Macmillan Company & The Free Press, 1968; Ruth Kjellén-Bj?rkquist, Rudolf Kjellén. En mønniska i tiden kring sekelskiftet, 1970; Bertil Haggman, Rudolf Kjellen. Founder of Geopolitics, Helsingborg, 1988. 

V. aussi: 

Lucien Maury, Le nationalisme suédois et la guerre 1914-1918, Perrin, Paris, 1918; Richard Henning, Geopolitik. Die Lehre vom Staat als Lebewesen, 1931; Otto Maull, Das Wesen der Geopolitik, 1936; Robert Strausz-Hupé, Geopolitics. The Struggle for Space and Power, G.P. Putnam's Sons, New York, 1942; Robert E. Dickinson, The German Lebensraum, Penguin, Harmondsworth, 1943; Adolf Grabowsky, Raum, Staat und Geschichte. Grundlegung der Geopolitik, 1960; Hans-Adolf Jacobsen, Karl Haushofer - Leben und Werk -, 2 vol., Harald Boldt, Boppard am Rhein, 1979; Robert Steuckers, "Panorama théorique de la géopolitique", in Orientations, 12, 1990; Michel Korinman, Quand l'Allemagne pensait le monde. Grandeur et décadence d'une géopolitique, Fayard, Paris, 1990. 
 


 
 
 
Publié dans Vouloir n.9 printemps 1997

05:55 Publié dans Géopolitique, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

vendredi, 15 juin 2007

R. Kjellen (1864-1922) (Esp.)

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Rudolf Kjellen (1864-1922)

Robert Steuckers

Nacido el 13 de Junio de 1864 en la pequeña isla de Torsoe en medio de un gran lago sueco de Voenern, Kjellen crece en una atmósfera totalmente impronta de luteranismo. Se inscribe en la Universidad de Uppsala, donde lo marca la influencia del Profesor Oscar Alin, una de las cabezas pensantes del movimiento conservador sueco. En mayo de 1891, Kjellen es diplomado de ciencias políticas y recibe un puesto de profesor en la nueva universidad de Goeteborg. Más tarde, además de las ciencias políticas, enseña geografía.

Esta circunstancia permitió el surgimiento, de esta síntesis entre las ciencias políticas y la geografía que es geopolítica. Influenciada por el geógrafo alemán Friedrich Ratzel, aplica sus teorías a la realidad sueca (cf. Inledning till Sveriges geografi, 1900) y modifica sus cursos de ciencias políticas en Goeteborg en un sentido geopolítico. En 1904, visita los Estados Unidos con sus alumnos y es golpeado por la calidad del espacio norteamericano, diferente y más desmesurado que el espacio europeo. En 1905, Kjellen es elegido en el parlamento de Estocolmo.

Después, en su carrera de investigador y profesor, se suma una carrera paralela de hombre político. Kjellen lucha para que la Unión que unió desde 1814 a Noruega y a Suecia no se disloque. En vano. El resto de su carrera política, la consagró a luchar contra la burocracia y el socialismo y a aprobar las leyes sobre demografía, la política económico-social y la defensa. De 1909 a 1917, deja la Cámara para ocupar un escaño en el Senado.

Su interés por el Japón no hace más que crecer con el transcurso de estos años; lo visita al mismo tiempo que China en 1909. Prestado del transiberiano, físicamente se da cuenta de la inmensidad territorial siberiana y centro-asiática. En Pekín, constata que los días de dominación europea en China están contados. Comparando en seguida las mentalidades china y japonesa, Kjellen escribe en su diario de viaje: "El alma del Japón es romántica mientras que la de China es realista-clásica; el alma de Japón es progresista mientras que la de China es burocrática-conservadora."

Asimismo, la creciente función del Estado en el Japón induce a Kjellen a sentenciarla "socialista" mientras que el Estado chino, poco intervensionista en el dominio social, genera una sociedad que, a fin de cuentas, es liberal.

En 1913, mientras se anuncia la primera guerra mundial Kjellen formula un balance de potencias que rodean Suecia. Conclusión: Alemania es la aliada natural de los suecos, mientras que rusia es su adversario después de los siglos. En los debates que van a seguir, Kjellen opta por Alemania. Con un buen número de profesores y de filósofos alemanes, afirma que las ideas de solidaridad nacional, nacidas en 1914, rechazan las ideas liberales/individualistas/universalistas de 1789. En el slogan revolucionario de "libertad, igualdad, fraternidad", Kjellen y sus homólogos alemanes se oponen a otra tríade, nacionalista y patriótica: "orden, justicia, fraternidad."

Es nombrado profesor en Uppsala, en la cátedra triplemente centenaria de Johan Skytte. Al mismo tiempo, sus tesis geopolíticas y sus comentarios de la actualidad tienen un creciente éxito en Alemania. En Uppsala, Kjellen redacta su obra maestra Staten som livsform (El Estado como forma de vida) que aparece en alemán en abril de 1917 y tienen inmediatamente un gran éxito. Es en este libro donde inventa el término de "geopolítica". Antes, se hablaba, según Ratzel, de "geografía política".

Cuando la guerra toma fin en 1918, Kjellen ve el surgimiento de dos potencias planetarias: Inglaterra y Rusia, "además gobernada por una aristocracia de forma degenerada, ya sea una oligarquía" y por una ideología bastarda, hegeliana en su forma y rousseauísta en su contenido. En la misma época aparece una segunda obra maestra teórica de Kjellen: Undersoekningar till politikens system (Trabajos sobre el sistema de la política), recapitulación completa de sus ideas en geopolítica.

Durante los cuatro últimos años de su vida, Kjellen visita varias universidades alemana. Sufriendo de una angina de pecho, muere el 14 de noviembre de 1922 en Uppsala. Sus teorías tuvieron un impacto muy importante en Alemania, principalmente en la escuela de Haushofer, de Otto Maull, etc. En Suecia, su principal discípulo fue Edvard Thermaenius y, en Finlandia, Ragnar Numelin (1890- 1972)

LAS IDEAS DE 1914. UNA PERSPECTIVA SOBRE LA HISTORIA MUNDIAL, 1915

Este folleto importante no nos descubre a un Kjellen como teórico de la geopolítica o de las ciencias políticas, sino una reflexión general sobre los hechos de 1914, que tomarán en cuenta los teóricos de la geopolítica alemana de los años 20 y 30 y los protagonistas de la "Revolución conservadora". Kjellen basa su demostración en dos obras: una de Werner Sombart ("los comerciantes y los héroes"), la otra de Johann Plenge ("La guerra y la economía política"). Con Sombart, critica la tríada de 1789, "Libertad, igualdad, fraternidad", instrumento ideológico de la "burguesía degenerada por el comercio." La guerra en curso es mas prejudicial que una guerra entre potencias antagonistas: revela el enfrentamiento de dos Weltanschauungen, la de 1789 contra la nueva e innovadora de 1914.

Francia y Gran Bretala defienden con sus armas los principios políticos (o más bien, anti-políticos) de la modernidad liberal. Para Kjellen, en 1914 comienza el crepúsculo de los antiguos valores. La afirmación que retoma del danés Fredrik Weis ("La caída de los ideales"), para quien las carnicerías del frente señalan el crepúsculo del idealismo, la caída de todos los valores que la civilización europea había llevado al pináculo. Kjellen y Weis constatan la caída cinco juegos de valores fundamentales:

1. la idea de paz universal.

2. el ideal humanista de cultura.

3. el amor a la patria, que, de valor positivo, se ha transformado en odio a la patria de los otros.

4. la idea de fraternidad internacional llevada por la social-democracia;

5. el amor cristiano al prójimo.

Este quíntuple colapso sella la bancarrota de la civilización cristiana, transformada por los aportes de 1789. Pero la primera ideología arruinada por la conflagración de 1914 es de hecho el denominador común de todos estos ideales: el cosmopolita, obligado a ser eliminado en beneficio de los hechos nacionales. Los nacionalismos prueban por la guerra que son realidad inevitables. Su existencia puede provocar la guerra pero también la cooperación internacional. El internacionalismo no excluye, a los ojos de Kjellen, la existencia de las naciones, contrariamente al cosmopolitismo.

El internacionalismo es una cooperación entre las entidades nacionales orgánicas, mientras que el cosmopolitismo es inorgánico, del mismo modo que su corolario, el individualismo. Este último conoce igualmente la quiebra después que las hostilidades se desencadenaron. 1914 inaugura la era de la organización y termina la de la anarquía individualista, iniciada en 1789. Además, el individuo ya no tiene solo intereses privados, debe servir. Su orgullo estéril es derribado, lo que no puede decir que las cualidades personales/individuales deben dejar de aparentarse: las que sirven bien al orden o a la colectividad continuarán y serán llamados a reforzarse. Romain Rolland dijo, señala Kjellen, que la guerra descubrió las deficiencias del socialismo y el cristianismo. En efecto, los soldados de todas las potencias beligerantes se valen de Dios y no de Cristo. Aquel Dios invocado por los nuevos guerreros es nacionalizado; es totémico como Jehová en los principios de la historia judía o como los dioses paganos (Thor/Wotan). Este Dios nacionalizado ya no es el Nazareno con su mensaje de amor. Este panteón de dioses únicos nacionalizados y antagonistas reemplaza así al Mesías universal. A pesar de esta fragmentación de lo divino, queda no obstante algo poderoso. La paz había sido peligrosa para Dios: los hombres políticos habían asentado la irreligión en los programas que se esforzaban por explicar. Y si la guerra suscita la aparición de dioses nacionales que siembran el odio entre las personas, sustituyen simultáneamente a los odios internos que oponen a los diversos componentes sociales de las naciones. La guerra transplantó el odio del interior hacia el exterior.

La paz social, la fraternidad, la ayuda mutua, los valores fraternales del cristianismo progresan, se puede decir que la guerra incrementó en toda Europa el amor por el prójimo. En consecuencia, lo que se derriba, son los seudo-ideales, esta es la armadura de una época rica en formas pero pobre en sustancia, de una época que quiso evacuar el misterio de la existencia.

La caída que anuncia una nueva aurora. La guerra es un periodo de efervescencia, de futuro, o Europa se recompone de nuevos valores. La tríada de 1789, "Libertad, igualdad, fraternidad", está sólidamente anclada en la mente de las antiguas generaciones. Será difícil de expulsarla. Los jóvenes, por el contrario, deben adherir a otros valores y no interiorizarse más en las de 1789, ya que impedirían aprehender las nuevas realidades del mundo. La libertad, según la ideología de 1789, es la ausencia/rechazo de las ataduras. Así la negación más pura que impide distinguir el bien y el mal. Ciertamente, explica Kjellen, 1789 despejó la humanidad europea de los vínculos anacrónicos del antiguo régimen (Estado absoluto, etiqueta social, iglesia estéril). Pero luego de los hechos revolucionarios, la idea del ochenta y nueve de libertad se fijó en la abstracción y en el dogma. El proceso de disolución que inició terminó por disolverlo todo, para convertirse en sinónimo de anarquía, de libertinaje y de permisividad. Hay que meditar el adagio que quiere que la "libertad sea la mejor de las cosas para aquellos que saben servirse de ella. De allí el imperativo de la hora, es el orden. Esto es impedir que las sociedades caigan en la anarquía permisiva y disolvente. Kjellen es consciente que la idea de orden puede ser mal utilizada, tanto como la idea de libertad. La historia está compuesta de una serie de sístole y diástole, de un ritmo sinusoidal donde juegan la libertad y el orden.

El ideal sugerido por Kjellen es el de un equilibrio entre estos dos polos. Pero el orden que está naciendo en las trincheras no es un orden paralizado, austero y formal. No es un corsé exterior y no exige una obediencia absoluta e incondicional.

Es un orden interior que exige a los hombres dosificar sus pasiones en beneficio de un todo. Kjellen no niega así el trabajo positivo de idea de libertad del siglo XIX pero critica la degeneración y el desequilibrio. La idea de orden, nacida en 1914, debe trabajar para corregir el desequilibrio provocado por la libertad convertida en permisiva al final de los decenios. La idea de igualdad ha dirigido a un combate justo contra los privilegiados del antiguo régimen, procedentes de la edad Media.

Pero su hipertropía condujo a otro desequilibrio: el que confina la humanidad en un término medio, o los pequeños son engrandecidos y los grandes aminorados por decreto. De hecho, solo los grandes son disminuidos y los pequeños quedan tal cuales. La igualdad es por tanto "la decapitación de la humanidad". Kjellen defiende la idea nietzcheniana de la sobrehumanidad no por orgullo sino más bien por humildad: procede del balance de que el tipo humano medio actual es incapaz de cumplir todas las virtudes. Ahora bien estas virtudes deben ser revivificadas y reencarnadas: tal es la marca de la sobrehumanidad que se educa por encima de los promedios impuestos. Kjellen acepta el tercer término de la tríada de 1789, la fraternidad, y se estima que será reforzada por la camaradería entre los soldados. Kjellen expone luego la declaración de los derechos del hombre a una crítica severa: conduce al subjetivismo puro, escribe, y entreve las relaciones humanas desde la "perspectiva de la rana".

Explica: el hombre del ochenta y nueve, como lo demostró Sombart, quiere recibir de la vida y no darle sus esfuerzos. Estas ganas de recibir, consignada in nuce en la declaración de los derechos humanos, transforma el actuar humano en vúlgar comercialismo (obtener en beneficio del orden económico) y en eudemonismo (tener satisfacciones sensuales). Desde el principio del siglo XIX, Francia y Gran Bretaña vehiculan esta ideología comercial/eudemonista, poniendo en marcha así el proceso de anarquisación y de permisividad, mientras que Prusia, después de Alemania, agregan a la idea de los derechos del hombre la idea de los deberes del hombre, insistiendo en el Pflicht y el "imperativo categórico" (Kant). El mezcla germánica de derechos y deberes eleva a la humanidad por encima de la "perspectiva subjetivista de la rana", ofreciendo una perspectiva supra-individual, separada de una estrategia de don, de sacrificio. La idea de deber implica inmediatamente la pregunta: "¿qué puedo dar a la vida, a mi pueblo, a mis hermanos, etc.? En conclusión, Kjellen explica que 1914 no es la negación pura y simple de 1789; 1914 impulsa nuevas direcciones a la humanidad, sin negar la precisión de las disputas libertarias de 1789.

No hay problema, a los ojos de Kjellen y de Sombart, para rechazar sin más las nociones de libertad y de igualdad sino rechazar sus avatares exagerados y pervertidos. Entre 1914 y 1789, no existe una antinomia como existe entre el antiguo régimen y 1789. Estos dos mundos axiológicos se prohíben totalmente. Si el antiguo régimen es la tesis, 1789 es su antítesis y la Weltanschauung liberal que deriva vigilancia en ellas todos los límites de una antítesis. Este liberalismo habrá sido entonces solo una antítesis sin nunca ser una síntesis. 1914 y la ética germano-prusa del deber son, síntesis fructuosas. Por lo tanto, los mundos liberal y del antiguo régimen son igualmente hostiles a esta síntesis ya que las hace desaparecer a los dos, recalcando su caducidad. Esto se debe a que las potencias liberales francesa y británica se alían con la potencia rusa del antiguo régimen para derribar las potencias germánicas, portadoras de la síntesis. La tesis y la antítesis unen sus esfuerzos para rechazar la síntesis. Los partidarios de la opresión y los de la anarquía se oponen con un interés similar al orden, porque el orden significa su fin. Las potencias liberales amenazan menos al absolutismo del antiguo régimen porque esta es susceptible de invertirse bruscamente en anarquía. En la antigua constelación de valores de 1789, sucederá una nueva constelación, la de 1914, "deber, orden, justicia".

LOS PROBLEMAS POLÍTICOS DE LA GUERRA MUNDIAL, 1916

En la introducción de esta obra que analiza el estado del mundo en plena guerra, Kjellen nos expone una reflexión sobre los mapas geográficos de los atlas usuales: estos mapas nos muestran entidades estáticas fijas, capturadas en un momento proceso de su futuro histórico. Por tanto toda potencia puede crecer y superar el cuadro que le asignan los atlas. Al mismo tiempo en que crece el Estado A, el Estado B puede, disminuir y dejar el espacio en desierto, vacío que cita las energías desbordantes en otra parte. Kjellen concluye que las proporciones entre el suelo y la población varían sin cesar. Los mapas políticos reflejan así las realidades, que, a menudo, ya no lo son. La guerra que estalló en agosto de 1914 es un hecho conmovedor, un movimiento que atrapa al individuo de espanto. Este temor del individuo proviene del hecho que la guerra es una colisión entre los Estados, es decir, entre las entidades que tienen las dimensiones cuantitativas que sobrepasan la perspectiva fuertemente reducida del individuo. La guerra es un fenómeno específicamente estático/político que nos fuerza a concebir el Estado como un organismo viviente. La guerra revela bruscamente las verdaderas intenciones, los pulsos vitales, los instintos del organismo estado, mientras que la paz las oculta generalmente detrás de todos los tipos de convenciones. En la línea de la obra que está preparando desde hace muchos años y que se publicará en 1917, Kjellen repite su credo vitalista: El Estado no es un esquema constitucional variable a merced de las elecciones y de los humores sociales ni un simple sujeto de derecho sino un ser viviente, una personalidad supra-individual, histórica y política. En sus comentarios sobre los hechos de la guerra, Kjellen no oculta su simpatía por Alemania de Guillermo II, sino que desea sin embargo seguir objetivo. El libre aborda luego los grandes problemas geopolíticos de la hora. Tres potencias mayores se enfrenta, con su clientela, las potencias de segundo orden. Esta Alemania (con sus clientes: Austria-Hungría, Turquía, Bulgaria), luego Inglaterra (con Francia, Italia, Bélgica, y, en una menor medida, el Japón); al final, Rusia, con dos clientes minúsculos, Serbia y Montenegro.

Tres exigencias geopolíticas mayores se imponen a los Estados y a sus extensiones coloniales:

1) la extensión del territorio; 2) la libertad del movimiento, 3) la mejor cohesión territorial posible.

Rusia tiene la extensión y la cohesión territorial pero no la libertad de movimiento (no el acceso a los mares cálidos y a las grandes vías de comunicación oceánica). Inglaterra tiene la extensión territorial y la libertad de movimiento pero no cohesión territorial (sus posesiones están dispersas en el conjunto del globo). Alemania no tiene ni la extensión ni la libertad de movimiento (la flota inglesa bloquea el acceso al Atlántico en el Mar del Norte), su cohesión territorial es un hecho en Europa pero sus colonias no están encadenadas a África. Retomando las ideas de su colega alemán Arthur Dix, Kjellen constata que las tendencias de la época consistían, para los Estados, en encerrarse sobre ellos mismos y juntar su territorio haciendo un todo coherente. Inglaterra es así pasado de una política de la "puerta abierta" a una política que se enfoca en el surgimiento de las zonas de influencia cerradas, luego de haber reunido sus posesiones africanas de Egipto a África del Sur (del Cairo al Cabo). Es tentada luego de situar toda la región entre Egipto y el actual Pakistán bajo su copa, enfrentándose a los proyectos germano-turcos en Mesopotamia (ferrocarril Berlín-Bagdad-Golfo Pérsico). Alemania que no tiene ni la extensión ni la libertad de movimiento ni la cohesión territorial sobre el plano colonial (cuatro colonias dispersas en África más la Micronesia en el Pacífico). Tentó, con Inglaterra, de reunir sus colonias africanas en perjuicio de las colonias belgas y portuguesas: un proyecto que nunca fue concretizado. Para Kjellen, el destino de Alemania no está ni en África ni en el Pacífico. El Reich debe reforzar su cooperación con Turquía según el eje Elba-Eufrates creando una zona de intercambios económicos desde el Mar del Norte hasta el Golfo Pérsico y el Océano Indico, casería conservada de los británicos. Los proyectos germano-turcos en Mesopotamia son la principal manzana de la discordia entre el Reich e Inglaterra y, en efecto, la verdadera problemática de la guerra, dirigida por los Franceses intermediarios. La política inglesa busca fraccionar la diagonal que divide el Mar del Norte para acabar en el Golfo Pérsico, poniendo a Rusia contra Turquía y prometiéndole los Dardanelos que no tiene de todos modos la intención de dárselos ya que una presencia rusa en la Bósfora amenazaría la ruta de las Indias a la altura del Mediterráneo oriental.

A estos problemas geopolíticos, se añaden los problemas etnopolíticos: en líneas generales, la cuestión de las nacionalidades. El objetivo de la guerra de Entente, es rehacer el mapa de Europa sobre la base de las nacionalidades. Inglaterra ve el medio de fraccionar la diagonal Mar del Norte-Golfo Pérsico entre Viena y Estambul.

Los poderes centrales, reevalúan la función del Estado agregado y anunciante, por la voz de Meinecke, que la era de las especulaciones políticas había terminado y que conviene por tanto hacer la síntesis entre el cosmopolitismo del siglo XVIII y el nacionalismo del siglo XIX en una nueva forma de estado que era supranacional y atenta a las nacionalidades que abarca. Kjellen, por su parte, fiel a sus principios vitalistas y biólogos, estima que todo Estado sólido debe ser nacional por tanto étnicamente y lingüísticamente homogéneo. El principio de las nacionalidades, lanzado en el debate por la Entente, hará surgir una "zona crítica" entre la frontera lingüística alemana y la frontera de la Rusia rusa, lo que abarca los Países Bálticos, la Bielorrusia y Ucrania. A los problemas de órdenes geopolítico y etnopolítico, se debe añadir los problemas socio-políticos. Kjellen aborda los problemas económicos de Alemania (desarrollo de su marina, programa de Levant, línea de ferrocarril Berlín-Bagdad) luego los problemas de Rusia en materia de política comercial (la competencia entre el campesinado alemán y ruso que impide a Rusia exportar sus productos agrícolas hacia Europa). Rusia quiere hacer saltar el cerrojo de los Dardanelos para poder exportar sin obstáculos su trigo y sus cereales de Ucrania, única manera de asegurar del resto a su balanza comercial.

Kjellen aprueba la política conservadora del Ministro británico Chamberlain que, en 1903, evocó una Unión Comercial autárquica, protegida por la potencia marítima inglesa. Tres grandes zonas de repartirían así el mundo: 1) Inglaterra, con Canadá, Australia y Africa del Sur, 2) Alemania, con Austria-Hungría, la Federación balcánica y Turquía; 3) la "Panamérica". En Inglaterra, la política es guiada por una paradoja: son los conservadores que defienden esta idea hacia la autarquía imperial que implica también la no intervención en las otras zonas. La derecha, es conservadora: prefiere una política intervensionista en las zonas de otros. Kjellen explica esta caída: el proyecto de autarquía es poco atractivo sobre el plano electoral mientras que el de la pantarquía (del control total del mundo por Inglaterra) estimula la demagogia jingoísta. Chamberlain, sugiriendo sus planes de autarquía imperial, es conciente de las debilidades del Imperio y del enorme costo de la máquina militar que se debe mantener para poder dominar el mundo.

Vienen en seguida los problemas de ordenes constitucionales y culturales. La guerra en curso es igualmente la confrontación entre dos modelos de Estado, entre el ideal político inglés y el ideal político alemán. En Inglaterra, el individuo prima al Estado mientras que en Alemania el Estado prima al individuo. En Inglaterra, el objeto de la cultura, es formar caracteres; en Alemania, producir del saber. A esto, los alemanes responden que la autonomía de los caracteres fuertes se equivocan, sobre el espacio cultural inglés, en un mundo de convenciones fijas y paralizantes.

Los ingleses y franceses afirman que Alemania es una nación muy joven para tener un estilo. Los alemanes replican que su masa de saber permite la inspección de un barco más exacto del mundo y su cultura, en consecuencia, tienen más sustancia que forma (DE ESTILO). Inglaterra forma caballeros alineados en un promedio, afirman los alemanes, mientras que su sistema de educación forma personalidades extremadamente diferenciadas refiriéndose a una cantidad de parámetros heterogéneos. Alemania siendo el país de los particularismos persistentes, es normal, escribe Kjellen, que recomienda un federalismo en los "círculos" de Estados aparentemente culturales y ligados por intereses comunes o "aparentemente" organizados por fuerzas étnicas homogéneas contra las esferas de dominación" (Alfred Weber). La idea alemana, prosigue Kjellen, es el respeto de la especificidad de los pueblos, cualquiera que fuera su importancia numérica. Esta es la igualdad en derecho de las naciones al interior de una estructura política de nivel superior, organizada por una nacionalidad dominante (como en Austria-Hungría). Kjellen conecta esta idea inquieta del tipo de especificidades a la idea protestante militante del rey sueco Gustavo Adolfo, campeón del protestantismo, por el cual "se debía salvar la tolerancia".

El juego entonces se juega de tres: los Occidentales, los rusos y los centrales. O, como lo había escrito en Las ideas de 1914, entre la antitesis, la tesis y la síntesis. La guerra es igualmente el enfrentamiento entre las ideas de Jean-Jacques Rousseau y las de Immanuel Kant, entre la insistencia excesiva sobre los derechos y el sentido equilibrado de los derechos y los deberes. A las ideas de Rousseau se unen las de Herbert Spencer, "comercialistas" y "eudemonistas", y las reaccionarias de Pobiedonostev, tutor de los Zares Alejandro III y Nicolás II. El individualismo puro y la opresión del puro absolutismo hacen causa común contra el orden equilibrado de los derechos y deberes, postulado por la filosofía de Kant y la praxis prusiana del Estado.

EL ESTADO COMO FORMA DE VIDA, 1917

La obra principal del autor, donde él utiliza por primera vez el vocablo de "geopolítica". Kjellen trabaja con la ayuda de dos conceptos mayores: la geopolítica propiamente dicha y la geopolítica especial. La geopolítica propiamente dicha es la entidad geográfica simple y natural, circunscrita en las fronteras precias. Kjellen analiza las fronteras naturales montañosas, fluviales, desérticas, pantanosas, forestales, etc, y las fronteras culturales/políticas creadas por la acción de los hombres. El territorio natural de las entidades políticas pueden pertenecer tipos diferentes: tipos potámicos o "circunfluviales" o "circunmarinos". Una de las principales constantes de la geopolítica práctica, es la voluntad de las naciones insulares o litorales de forjar un país similar al que está frente a sus costas (ejemplo: la voluntad japonesa de crear un Estado manchú en su devoción) y apropiarse un conjunto de territorios insulares, de cabos o de franjas territoriales como paradas en las principales rutas marítimas. Kjellen estudia el territorio natural desde el punto de vista de la producción industrial y agrícola y la organización política y administrativa.

Kjellen subraya la interacción constante entre la nación, el pueblo y el poder político, interacción que confiere al estado una dimensión decididamente orgánica. Además de la geopolítica propiamente dicha, Kjellen se preocupa de la geopolítica especial, es decir de las cualidades particulares y circunstanciales del espacio, que inducen a tal o tal estrategia política de expansión. Kjellen luego examina la forma geográfica del estado, su apariencia territorial. La forma ideal, para un Estado, es la forma esférica como para Islandia o Francia. Las formas longitudinales, como las de Noruega o Italia, implican la extensión de las líneas de comunicación. Los enclaves, las exclaves y los corredores tienen una importancia capital en geopolítica: Kjellen las analiza en detalle. Pero de todas las categorías de la geopolítica, la más importante es la de la posición. Para Kjellen, se trata no solo de la posición geográfica, de la vecindad, sino también de la posición cultural, actuando sobre el mundo de las comunicaciones.

El sistema de la geopolítica, según Kjellen, puede estar dividido como sigue:

I. La Nación: objeto de la geopolítica.

1. La posición de la nación: objeto de la topopolítica.

2. La forma de la nación: objeto de la morfopolítica.

3. El territorio de la nación: objeto de la fisiopolítica.

II. El establecimiento nacional: objeto de la ecopolítica.

1. La esfera del establecimiento: objeto de la emporopolítica.

2. El establecimiento independiente: objeto de la autarquipolítica.

3. El establecimiento económico: objeto de la economipolítica.

III. El pueblo portador del Estado: objeto de la demopolítica.

1. El núcleo de la población: objeto de la pletopolítica.

2. El alma del pueblo: objeto de la psicopolítica.

IV. La sociedad nacional: objeto de la sociopolítica.

1. La forma de la sociedad: objeto de la filopolítica.

2. La vida de la sociedad: objeto de la biopolítica.

V. La forma de gobierno: objeto de la cratopolítica.

1. La forma de Estado: objeto de la nomopolítica.

2. La vida del Estado: objeto de la praxiopolítica.

3. El poder del Estado: objeto de la arcopolítica.

El método de clasificación elegido por Kjellen, es subdividir cada objeto de investigación en tres categorías: 1. medio ambiente; 2. la forma; 3. el contenido.

LOS GRANDES PODERES Y LA CRISIS MUNDIAL, 1921

Ultima versión de sus estudios sucesivos sobre los grandes poderes, esta edición de 1921 añade una reflexión sobre los resultados de la primera guerra mundial. La obra empieza por un panorama de los grandes poderes: Austria-Hungría, Italia, Francia, Alemania, Inglaterra, los Estados Unidos, Rusia y Japón. Kjellen analiza la ascensión, la estructura estática, la población, la sociedad, el régimen político, la política extranjera y la economía. Sus análisis de las políticas extranjeras de los grandes poderes, destacan claramente las grandes líneas de fuerza, incluso actualmente guardan una concisión operativa tanto por el historiador como por el observador de la escena internacional.

Al final de la obra, Kjellen nos explica cuáles son los factores que hacen que una potencia sea grande. Ni la superficie ni la población son necesariamente factores multiplicadores de poder (Brasil, China, India). La entrada del Japón en el club de las grandes potencias prueba por otro lado que el status de grande ya no están reservada a las naciones de raza blanca y de religión cristiana. Por tanto, no existe ninguna forma privilegiada de constitución, de régimen político, que concede automáticamente el status de gran potencia. Existen grandes potencias de todos tipos: cesaristas (Rusia), parlamentarias (Inglaterra), centralistas (Francia), federalistas (Estados Unidos), etc. La Gran Guerra no obstante ha probado que una gran potencia ya no puede desplegarse y florecer en las formas puramente antidemocráticas.

El concepto de gran potencia no es un concepto matemático, étnico o cultural sino un concepto dinámico y fisiológico. Ciertamente, una gran potencia debe disponer de un vasto territorio de masas demográficas importantes, de un grado de cultura elevado y de una armonía de su régimen político, pero cada uno de sus factores tomados por separado es insuficiente para hacer acceder una potencia al estatus de grande.

Para ello, es la voluntad la determinante. Una gran potencia es por tanto la voluntad servida por los medios importantes. Una voluntad que quiera acrecentar el poder. Las grandes potencias son en consecuencia Estados extensivos, que se tallan en zonas de influencia sobre el planeta. Estas zonas de influencia demuestran el status de grande. Todas las grandes potencias se sitúan en la zona temperada del hemisferio septentrional, único clima limpio para el florecimiento de fuertes voluntades. Cuando la voluntad de expansión muere, cesa el hecho de querer participar en la competencia, la gran potencia decrece, retrocede y fallece políticamente y culturalmente. Se reincorpora a este los Naturvoelker, que no ponen el mundo en forma. China es el ejemplo clásico de un Estado gigantesco situado en la zona temperada, dotada de una población muy importantes y a las potencialidades industriales inmensas que pierde los privilegios al rango de la pequeña potencia, ya que muestra un déficit de voluntad. Este tipo parece prever Alemania y Rusia desde 1918.

Existen dos tipos de grandes potencias: las económicas y las militares. Inglaterra y los Estados Unidos son grandes potencias más bien económicas, mientras que Rusia y Japón son grandes potencias más bien militares. Francia y Alemania presentan una mezcla de dos categorías: el mar privilegiado, el comercio y la tierra, el despliegue del poder militar, creando la oposición entre nacionales marítimas y naciones continentales. Inglaterra es puramente marítimo y Rusia puramente continental, mientras que Francia y Alemania son una combinación de talasocracia y de poder continental. Los Estados Unidos y el Japón transgreden la regla, de modo que unos dispongan de un continentes y que el otro, insular, sea llevado más bien hacia el industrialismo militarista (en Manchuria). Las grandes potencias marítimas son con frecuencia metrópolis que dominan a un grupo diseminado de colonias, mientras que las grandes potencias continentes buscan una expansión territorialmente conectada a la metrópolis. Inglaterra, Estados Unidos, Francia y Alemania han elegido la expansión diseminada, mientras que Rusia y el Japón (extendiéndose a zonas contiguas situadas alrededor de su archipiélago metropolitano) incrementan su territorio conquistando o sometiendo países vecinos de su centro.

La historia parece probar que los imperios dispersos son más frágiles que los imperios continentales contiguos: los ejemplos de Cartago, Venecia, Portugal y Holanda. La autarquía, la autosuficiencia, parece ser una condición de estatus de gran poder que representan mejor los imperios continentales, sobretodo desde que el ferrocarril incrementó la movilidad sobre la tierra y le confirió la misma velocidad que en el mar. Las lecciones de las guerras mundiales son por tanto las siguientes: la talasocracia británica ganó la batalla notablemente porque hizo uso del arma del bloqueo. Pero esta victoria de la potencia marítima no significa la superioridad de la talasocracia: una Alemania más autárquica sería mejor resistida y, a fin de cuentas, son las masas compactas de territorios dominados por Inglaterra que han permitido a los Aliados oponerse a los Centrales. El factor determinante por tanto fue la Tierra, no el Mar. El ideal es entonces combinar factores marítimos y factores continentales.

¿Se debe concluir de este análisis de las grandes potencias que los pequeños Estados están condenados por la historia a no ser más que los vasallos de los grandes? No, responde Kjellen. Los pequeños estados pueden convertirse en grandes o volver a convertirse o incluso mantenerse honorablemente en la escena internacional. Exactamente de la misma forma que los pequeños talleres se mantuvieron frente a la competencia de las grandes fábricas. Los fuertes absorben con mucha frecuencia a los débiles pero no siempre. La resistencia de los débiles pasa por la conciencia cultural y la fuerza espiritual. La pulsión centrífuga es tan fuerte como el poder centrípeto: el ideal, una vez más, reside en el equilibrio entre estas dos fuerzas. La idea de la Sociedad de las Naciones la suministrará sin duda, concluye, Kjellen.

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Regard sur le scepticisme

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Regard sur le scepticisme: des Grecs au Grand siècle

Communication de Robert Steuckers au Colloque de SYNERGIES EUROPÉENNES-France, Metz, 26 juin 1999

Le scepticisme est un courant philosophique qui se manifeste tou­jours postérieurement à la domination de grands systèmes con­ceptuels, tout comme il pourrait s’opposer aujourd’hui à une idéologie dominante, à des constellations politiques répétées à la suite d’élec­tions-spectacle, à une vulgate imposée et martelée à satiété par les médias.

Refuser la logique de l’oeil unique

L’étymologie du terme “scepticisme” est intéressante, selon Lambros Couloubaritsis. En grec, nous explique-t-il, skeptomai désigne le regard attentif —appréhendeur et curieux— qui porte vers deux ou plusieurs directions possibles et non pas un regard fixe —fixé une fois pour toutes— ne portant que dans une et une seule direction. Nietzsche a retenu cette leçon: la pluralité des regards est né­ces­saire; il l’exprime notamment dans Généalogie de la morale. Sarah Kofman nous le rappelle et l’explique clairement: Nietzsche refuse la logique de l’oeil unique (cyclopéen), il veut toujours voir autrement. Celui qui dit “raison pure”, “spiritualité absolue”, “connaissance en soi”, n’a qu’un seul oeil, ne jette qu’un seul regard qui ne doit pas avoir de directions (au pluriel!), ne doit pas pivoter sur lui-même, scruter, fouiller l’horizon, changer de perspective. Pour appréhender le monde dans toutes ses facettes, il faut avoir plus d’yeux, autant d’yeux que d’affects, sinon, dit Nietzsche, on châtre l’intelligence (des sceptiques grecs à Nietzsche, la pensée européen­ne opte pour une approche plurilogique).

Dans l’histoire de la philosophie grecque, le scepticisme arrive après trois étapes majeures:

1. Celle de Socrate, qui évoque deux possibilités: l’homme raisonne et choisit la meilleure option de l’alternative.

2. Celle de Platon qui opte pour la dialectique qui débouche sur un seul choix possible.

3. Celle d’Aristote, qui hérite de la dialectique de Platon, évoque une multiplicité de choix, mais où, finalement, un seul choix est le bon.

Pyrrhon d’Elis (365-275), premier exposant du scepticisme grec, estime que cette obligation philosophique de déboucher sur un seul choix constitue une fausse route pour la pensée (“A” ou “Non-A”). Pour Pyrrhon, aucun choix tranché n’est finalement pertinent, car, ainsi, on exclut toujours de sa démarche ou de sa spéculation une multitude de pans du réel. On les ignore. On refuse les potentialités qu’ils recèlent en jachère. Un choix tranché est toujours mutilation du réel pour le père de l’école sceptique. Le risque d’une telle position est l’indécision. L’avantage qu’elle offre, en revanche, est de pouvoir tenir compte d’un maximum de paramètres, et, partant, de ne pas se laisser surprendre par des paquets d’imprévus, de faits de monde que le dogmatique aurait banni de son horizon. Puis de décider en meilleure connaissance de cause.

Pyrrhon d’Elis en Inde

Pyrrhon d’Elis est en quelque sorte l’héritier des sophistes, qui furent les premiers sceptiques, car ils n’accordaient aucune valeur privilé­giée à leur choix, mais optaient pour le choix qui les arrangeaient hic et nunc, sans que ce choix ne revête un statut de vérité. Pyrrhon d’Elis a accompagné Alexandre le Grand jusqu’en Inde. Il a vrai­sem­blablement eu des contacts avec la pensée indienne, plus plastique, plus moulée sur la pluralité intrinsèque du monde. Sa position de ba­se est une méfiance à l’endroit de toute domination de la rhétorique, tout comme notre scepticisme contemporain devrait être une méfian­ce à l’endroit de tout discours et de toute image médiatique.

Ensuite, Pyrrhon se méfie des jugements de valeur, car, en les énon­çant, le penseur, le locuteur, le médiateur ajoute(nt) derechef un pré­dicat à la chose, qui ne lui appartient pas en propre. La chose est dé­cré­tée belle ou laide, juste ou injuste, bonne ou mauvaise, sans que l’on ne puisse fondamentalement prouver qu’elle l’est. La Serbie de Mi­losevic ou l’Irak de Saddam sont décrétés laid(e), injuste et mau­vais(e), sans que ce jugement de valeur, asséné sans interruption, ne puisse être corroboré (dans les médias américains, on parle de “Ro­gue states”, en allemand de “Schurkenstaten”). Pour Pyrrhon, le sage doit suspendre ce type de jugement, pratiquer l’epochè. Un prédicat, aux yeux de Pyrrhon, est toujours subjectif, toujours dérivé de con­ven­tions qui me sont propres, qui sont le propre de mon environne­ment culturel, de mes circonstances, mais qui ne peuvent se greffer sans dégâts sur une réalité autre. L’adjonction de prédicats à la cho­se constitue donc toujours une oblitération. Par le collage de pré­di­cats, le dogmatique affirme qu’une chose possède des attributs, alors qu’elle ne les possède pas en propre. Il nie également, en survalo­ri­sant tel ou tel prédicat, la valeur intrinsèque de toutes les autres qua­lités de la chose (dans les cas aujourd’hui médiatisés de la Serbie et de l’Irak, on focalise l’attention des masses de téléspectateurs ou d’au­diteurs sur une définition plaquée, subjective, arbitraire, fabri­quée, et non pas sur l’histoire plurimillénaire ou pluriséculaire du pays, sur sa configuration géographique ou hydrographique, etc., c’est-à-dire sur les phénomènes réels et concrets qui le constituent). Conclusion: les jugements de valeur ne rendent pas objectivement compte du réel. Le sage doit donc être indifférent à ces jugements de valeur (adiaphoria) et partir du principe de l’équipotence des phéno­mènes, où les phénomènes sont jaugés avec équité.

Regard aigu, vitalisme implicite

Pour l’optique pyrrhonienne, seule la Vie dans son ensemble a du sens. Diogène Laërce dit de Pyrrhon: “Il a pris la vie pour guide”. Le scepticisme est ainsi, non seulement un regard plus aigu porté sur les choses du monde, mais un vitalisme implicite (que nous re­ven­diquons par ailleurs). Le vitalisme pyrrhonien s’oppose à tout dogma­tisme car les dogmatiques ne cessent de disserter sur ce que de­vraient être les choses en soi, sans jamais percevoir tangiblement cet en soi et en oubliant ce qu’est phénoménalement la chose dans ces multiples facettes. Pyrrhon réclame dès lors un retour délibéré à l’ex­périence et à la vie (ce qui nous rappelle la Leiblichkeit de Nietzsche, la corporéité).

Le pari sur la Vie va de paire avec un pari pour le plaisir. Mais celui-ci ne s’obtient que si l’on s’abstrait de tout trouble, de tout tracas inutile, de toute fausse question. L’epochè sert à se débarrasser de ces troubles et tracas; il faut suspendre l’impact qu’ils ont sur nous, car sinon nous nous cassons la tête pour résoudre ou concrétiser des chimères intellectuelles. L’absence de trouble se dit en grec: ataraxia, état d’âme optimal, où l’on se détache des fausses querelles, des problèmes sans objet, etc. Face aux variantes politiciennes de l’idéologie dominante contemporaine, nous proposerions également une ataraxia, tout comme Evola, dans le monde en ruines de notre après-guerre, avait proposé une apolitéia, attitude de l’”homme différencié”. Les querelles au sein de la gauche ou de la droite ne résolvent nullement les problèmes de fond de notre société. Ces disputes entre deuxième gauche et troisième gauche, réalos et fundis chez les Verts allemands, belges ou français, etc. trahissent plutôt des problèmes de personnes et non des problèmes concrets.

Seul un esprit libre sait rire

Alexis Philonenko nous rappelle la leçon qu’a tirée Nietzsche de sa lecture de Pyrrhon et de Sextus Empiricus: “Se taire et rire”. Le philosophos, cuistre à la pensée rigide et démontrée une fois pour toutes, nous dit, en fronçant les sourcils, que l’on ne peut rire des valeurs intangibles, irréductibles, non renversables (des droits de l’homme, de la République, de la communauté occidentale des valeurs ou de l’OTAN, son bras armé, etc.). Pyrrhon et Nietzsche, au contraire, nous enseignent et nous enjoignent à en rire à gorge déployée, car, à travers le rire, souffle le vent de la liberté. Voilà pourquoi seul un esprit libre sait rire.

Pyrrhon était originaire d’Elis, d’où était également venu Hippias, illustre sophiste. Hippias était un empiriste absolu: pour lui, il n’y avait pas d’êtres intelligibles en dehors des manifestations sensibles des objets. Pyrrhon avait rencontré Anaxarque, disciple de l’atomiste Démocrite et de Protagoras, pour qui toute théorie de la perception borne toute réalité à la réalité sensible et à la relation phénoménale; pour Protagoras, il était illusoire de prétendre voir ou saisir la “vraie nature” des choses.

Pyrrhon nous a donc enseigné

- à discerner le noyau d’une chose (sa phénoménalité au-delà de tous les discours construits);

- à admettre qu’on ne peut l’appréhender in extenso, dans toutes ses facettes, et surtout, dans toutes les potentialités qu’elle recèle. La cho­se reste toujours obscure (adhla). Je ne peux donc jamais affir­mer qu’une chose est telle ou telle, mais nous est seulement connue par le truchement de représentations relatives à la situation, aux cir­constances (tropos). Le scepticisme conduit à percevoir la relativité de toute chose.

- à rechercher quel bénéfice, quel avantage, stratégique ou autre, je puis tirer de ce regard que je pose sur la chose qui m’apparaît sans jamais se révéler entièrement? Le scepticisme déploie là une stra­tégie vitale concrète, sereine, libre d’affects incapacitants (apa­thie).

Créons une ataraxie a-médiatique

Les autres figures du scepticisme antique sont

- Timon de Phlionte (320-230), dont le penchant pour la dive amphore était légendaire, provoquant une verve endiablée contre les dogmatiques,

- Aenésidème le Crétois et

- Sextus Empiricus.

Aenésidème énonce une théorie de la diversité irréductible du monde et de la relativité de toutes nos perceptions et sensations, vu que les circonstances et les lieux modifient sans cesse les perspectives. Sex­tus Empiricus (IIième et IIIième siècles ap. J.C.) a vécu en plein effervescence religieuse du Bas-Empire. Il se proclame disciple de Pyrrhon d’Elis et rédige des “esquisses pyrrhoniennes” ou Hypo­typoses pyrrhoniennes. Sextus Empiricus, médecin de son état, explique qu’aucun argument des zélotes religieux n’est valable en soi. Le risque d’une telle position est le conformisme, mais au­jourd’hui un rejet de toutes les lunes médiatiques ne saurait dé­boucher sur le conformisme. Sans cesse, les médias sollicitent artifi­ciellement nos émotions; un scepticisme actualisé doit opposer à ces sollicitations une epochè contemporaine, se fermer à ces discours ineptes, créer une ataraxie a-médiatique.

Les avatars du scepticisme antique nous lèguent une anecdote si­gnificative: en 155 av. J. C., Athènes est condamnée à payer une amende à Rome pour avoir pillé la Cité d’Oropos. Les Athéniens envoient une ambassade à Rome pour plaider leur cause; elle est composée de Carnéade, Critolaos et Diogène de Babylone. Car­néade, philosophe sceptique, montre que la notion de justice est rel­a­tive, que les arguments des uns et des autres peuvent être valables, sont équipotents, qu’en l’occurrence tant les Athéniens que les Romains ont raison. Carnéade applique la règle du doute universel, démontre que les lois sont des conventions entre les hommes qui peuvent être reconduites, discutées, modifiées, etc. Les trois am­bassadeurs athéniens tiennent ensuite salon dans Rome, intro­duisent le scepticisme dans les esprits. Caton l’Ancien, très puissant et influent à cette époque, leur donne raison, fait que l’amende est suspendue mais ordonne que les trois philosophes soient expulsés de Rome. Le scepticisme permet une diplomatie sereine, casse la raison du plus fort (qui n’est pas plus valable que celle du plus faible). Un modèle de négociation, dont auraient pu s’inspirer les Albright et autre Solana, avant de déclencher la dernière guerre du Kossovo.

La postérité du scepticisme est vaste: elle pourrait englober Descartes, Hume, Kant et l’empirisme logique, Popper, etc. Bornons-nous à citer deux figures du XVIième siècle, Erasme et Montaigne, et une du XVIIième, Gassendi.

L’éloge de la folie d’Erasme

La notoriété d’Erasme a franchi les siècles surtout par L’éloge de la folie (Laus Stultitiae) de 1511. La “folie” chez Erasme revêt un double sens:

1) se dégager des tics et manies des philosophes; la “folie” est chez lui la gaité, la joie, l’innocence, l’absence de prétention; elle critique les illusions de la vertu, des cuistres et de la société. Erasme décrit les divers ridicules dans lesquels sombrent les hommes. Erasme prend l’homme tel qu’il est et non pas tel qu’il se prononce dans sa “dignité”, dans les poses et les grimaces sociales qu’il adopte pour se faire valoir. Pour l’auteur de l’Eloge de la folie, l’homme se définit par ce qu’il vit, par les événements qu’il crée ou qu’il subit. Dans les statuts de l’association “Europa”, que nous avons fondée en 1993 à Bruxelles, nous avons introduit le principe de la défense des droits de l’homme, tel qu’il est, dans sa “carnalité” et dans son cadre culturel, dans sa situation spatio-temporelle, et non pas tel que l’ont imaginé de pseudo-philosophes en chambre ou des idéologues fumeux ou des politiciens sans foi ni loi qui manipulent les esprits simples et tirent de ces vilenies toutes sortes de profits sonnants et trébuchants.

2) Mais il y a une deuxième dimension à la “folie” selon Erasme. Pour lui, la “folie du chrétien” consiste à croire sans spéculation, à ne pas vouloir créer une nouvelle religion. Dans Enchiridion militis chrisitani (= Le manuel du militant chrétien; 1504), Erasme accepte le cadre civilisationnel catholique sans chercher à le justifier, car le justifier conduirait à énoncer des théories ou des doctrines réfutables, à engager des discussions sans fin, foncièrement stériles (nous re­trouvons là l’horreur de la discussion pour la discussion qu’éprou­veront plus tard Donoso Cortès et Carl Schmitt). Erasme nous en­seigne à accepter le cadre spatio-temporel, tel qu’il est, sans pour autant sombrer dans le conformisme, car le conformisme, c’est se fa­briquer une “dignité”, se composer un personnage, prendre des po­ses, se donner un “look”, et s’y accrocher ridiculement.

Montaigne, sceptique dans les tourbillons de la vie

En 1576, Montaigne termine la rédaction de son Apologie de Raimond Sebond. Dans quel contexte a-t-il rédigé ce maître-ouvrage des lettres françaises du XVIième siècle? Son père, âgé, mal-voyant, lui avait demandé de traduire les écrits d’un philosophe catalan du XVIiè­me siècle, auteur de la Theologia naturalis sive liber creatu­rarum. Montaigne, par piété filiale, s’est exécuté, mais a ajouté au texte traduit une foule de commentaires, notamment issus de sa lec­ture très attentive du De rerum naturae de Lucrèce et des Hypoty­poses pyrrhoniennes de Sextus Empiricus. Montaigne, contrairement à un préjugé malheureusement assez courant, était un homme actif, en prise directe sur les problèmes de son temps, et non pas un oisif enfermé dans sa tour-bibliothèque. Montaigne était plongé dans les courants tourbillonnants de la vie de son époque mouvementée.

Ses commentaires, en marge de la traduction du livre de Raimond Se­bond, nous enseignent:

- que la raison ne peut rien établir de définitif; elle reflète toujours une étape temporaire de la caducité des choses; les raisonneurs sont malhonnêtes, ils nuisent au bonheur de nos vies; ils sont vaniteux et ridicules. «L’homme qui n’est rien, s’il pense être quelque chose se séduit soi-même et se trompe».

- que les jugements sont toujours marqués d’incertitude, d’où l’inanité des assertions/affirmations qui se veulent éternelles et universelles.

Du point de vue politique, Montaigne nous dit que les lois sont la mer flottante des opinions d’un peuple et d’un prince, qui l’un comme l’autre, changeront un jour d’opinion et d’avis. Montaigne dit ainsi clairement qu’il n’y a pas de lois humaines universelles. Ses ré­flexions nous aident à mieux comprendre l’opposition entre légalité et légitimité (Carl Schmitt) ou entre “pays légal” et “pays réel” (Maurras).

Gassendi: dégager l’homme de ses liens de mille nœuds

Pierre Gassendi (1592-1655), autre philosophe intéressant pour notre propos sur les sceptiques, était chanoine à Digne et professeur à Aix. Il fut le correspondant de Galilée et un critique de l’aristotélisme (qu’il considérait comme un “système”), proche des libertins érudits (mais sans oublier ses devoirs d’ecclésiastiques). Gassendi fut un critique de Descartes. Il publia des travaux sur Epicure et se situa entre le libertinisme et l’orthodoxie religieuse. Pour Gassendi, on ne peut enfermer la liberté de l’esprit dans aucune doctrine. Quatre points majeurs de son œuvre doivent retenir notre attention dans le cadre du présent exposé:

◊ Très vite dans la vie de l’homme, l’esprit est ligoté de mille nœuds, les conventions le retiennent dans ses liens.

◊ La philosophie a pour tâche de nous faire retrouver notre liberté.

◊ Bon nombre de philosophes font fausse route en imposant à l’entendement chaînes et entraves. Ces philosophes sont attachés au râtelier comme du vil bétail (Gassendi anticipe ici les travaux de Simmel, Heidegger, Lukacs et Sartre, tous critiques des conventions et des pesanteurs institutionnelles).

◊ Le spectacle de la nature peut mener à Dieu. L’harmonie de la nature est la simple preuve de l’existence de Dieu. Le regard qui appréhende ce spectacle est un regard pluriel, un regard jeté par mille yeux (et nous revenons à Nietzsche!).

Conclusion

Notre propos était de montrer la trajectoire du scepticisme des Grecs au Grand Siècle. Cependant il serait injuste de terminer abruptement sans au moins citer David Hume, rénovateur de la veine sceptique, en réhabilitant le rôle des sens dans l’appréhension du monde extérieur. Le recours aux sens corrige ou annule dogmes et abstrac­tions. Mais, l’œuvre de Hume recèle un risque: devenir un positivisme trop étriqué. Ou bien, nouvelle lecture, avec sa volonté de faire confiance aux sens, Hume cherche-t-il à pénétrer les mystères du réel? Le débat est ouvert. Il est une interpellation de la modernité. Sûrement l’objet d’un prochain débat de notre atelier philosophique.

Robert STEUCKERS.

Bibliographie :

 Frédéric BRAHAMI, Le scepticisme de Montaigne, PUF, 1997.

 Lambros COULOUBARITSIS, Aux origines de la philosophie européenne. De la pensée archaïque au néoplatonisme, De Boeck/Université, Bruxelles, 1994.

 Manuel de DIÉGUEZ, Rabelais, Seuil, 1960.

 ERASME, Eloge de la folie, Garnier-Flammarion, 1964.

 Hugo FRIEDRICH, Montaigne, Gallimard, 1968 (coll. « Tel », n°87).

 Bernard GROETHUYSEN, Anthropologie philosophique, Gallimard, 1953-80.

 Klaus-Jürgen GRUNDNER, «Michel de Montaigne 1533-1592», in Criticón, Nr. 66, Juli/August 1981.

 Lucien JERPHAGNON, Histoire de la pensée. Antiquité et Moyen Age, Tallandier, 1989.

 Sarah KOFMAN, Nietzsche et la scène philosophique, UGE 10-18, 1979.

 Silvano LONGO, Die Aufdeckung der leiblichen Vernunft bei Friedrich Nietzsche, Königshausen & Naumann, Würzburg, 1987.

 LUCIEN de SAMOSATE, Sectes à vendre, Ed. Mille et Une nuits, 1997. Présentation par Joël GAYRAUD.

 Ian MACLEAN, Montaigne philosophe, PUF, 1996.

 Simone MAZAURIC, Gassendi, Pascal et la querelle du vide, PUF, 1998.

 Daniel MÉNAGER, Présentation des Essais de Montaigne, Larousse, 1965.

 Michel de MONTAIGNE, Apologie de Raimond Sebond, Gallimard, 1962-67. Introduction de Samuel Sylvestre de SACY.

 Bernard MORICHÈRE (sous la direction de), Philosophes et philosophie. Des origines à Leibniz, tome 1, Nathan, 1992.

 Emmanuel NAYA, Rabelais. Une anthropologie humaniste des passions, PUF, 1998.

 Raphaël PANGAUD, Présentation des Essais de Montaigne, Larousse, s.d.

 Brice PARAIN (sous la direction de), Histoire de la philosophie, 1, Orient, Antiquité, Moyen Age, La Pléiade/Gallimard, 1969.

 Alexis PHILONENKO, Nietzsche. Le rire et le tragique, Livre de Poche, coll. Biblio-Essais, 1995.

 Andreas PLATTHAUS, « Prinz Güldenkiel. Montaigne erhält den Ritterschlag », Frankfurter Allgemeine Zeitung, Literaturbeilage, 3. November 1998 (recension de la traduction allemande de Michel de Montaigne de Jean Lacouture, Campus, Frankfurt am Main, 1998).

 Jean-François REVEL, Histoire de la philosophie occidentale. Penseurs grecs et latins, Livre de Poche/Stock, 1968.

 Hélène VÉDRINE, Les philosophies de la renaissance, PUF, 1971.

 Hélène VÉDRINE, Philosophie et magie à la Renaissance, Livre de poche, coll. Biblio-Essais, 1996.

 The Internet Encyclopedia of Philosophy, «Erasmus (1466-1536)», http://www.utm.edu/research/iep/e/erasmus.htm... 

 The Internet Encyclopedia of Philosophy, «Ancient Greek Skepticism», http://www.utm.edu/research/iep/s/skepanci.htm... 

 The Internet Encyclopedia of Philosophy, «Pyrrho (c. 360 - c. 270 BCE.)», http://www.utm/edu/research/iep/p/pyrrho.htm... 

 The Internet Encyclopedia of Philosophy, «Carneades (213-129 BCE.)», http://www.utm.edu/research/iep/c/carneades.htm...



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jeudi, 14 juin 2007

Pour se souvenir de G. K. Chesterton

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Pour se souvenir de G. K. Chesterton

14 juin 1936 : Mort à Londres de Gilbert Keith Chesterton, écrivain et journaliste anglais. Né dans une famille anglicane, où la religion n'avait guère d'importance, il lit dans sa jeunesse les œuvres de Thomas d'Aquin et du Cardinal Newman, épouse une femme dont la famille appartient aux plus conservateurs des Anglicans, les Anglocatholics, puis devient catholique à son tour, car l'esprit anglo-saxon, estimait-il, reposait sur l'arbitraire du subjectivisme, revenait à faire de l'art pour l'art, à rejeter toutes les lois qui donnent socle aux actions humaines, à laisser libre cours à des tempéraments délirants ou anarchiques. Chesterton défend ses positions par des arguments théologiques ou philosophiques solides, mais aussi par l'humour et la moquerie. Sur le plan politique, il commence par être un simple libéral de gauche avec des sympathies pour les socialistes. Mais cette posture lui apparaît bien vite insuffisante, car il voit tout de suite que derrière les vocables pompeux d'humanisme, de justice sociale, etc. se cache une inhumanité foncière, une méchanceté diabolique, une perversité sans nom. Ce libéralisme hisse les mensonges, ses impostures, au rang de dogmes intangibles. Dans une telle perspective, la Tradition, pour Chesterton, n'est pas un musée, que l'on visite de temps à autre par meubler son oisiveté, mais un réceptacle hautement respectable d'orientations fructueuses pour l'âme et pour la vie quotidienne. La Tradition nous donne non seulement les recettes de la sagesse, mais elle nous livre aussi les linéaments permanents de la volonté populaire. Chesterton a répandu sur la tête des bien-pensants libéraux sarcasmes et jets cinglants d'ironie, pour fustiger leur forfanterie. Au-delà d'un catholicisme, compréhensible dans une société anglo-saxonne parce qu'il constitue une position antagoniste, Chesterton nous apprend à rire aux éclats des poncifs qui sous-tendent aujourd'hui la pensée unique et qui sévissaient déjà de son temps (Robert Steuckers).


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Théologie politique américaine

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De la théologie politique américaine

«C’est un paradoxe flagrant de l’histoire de voir comment un nationalisme précis (et particulièrement puissant) se déclare non seulement “prophétique” mais aussi universel, tout en se matérialisant dans de nombreux actes d’expension ou d’interventionnisme». Anders Stephenson*

L’éminent juriste allemand Carl Schmitt a ca­rac­térisé l’idéologie de l’expan­sion­nisme et de l’im­périalisme américains comme une théolo­gie politique, qui est en même temps totali­tai­re, dogmatique et pseudo universaliste, et qui s'in­gé­nie à faire l'équation —avec le zèle et la fer­veur d’un Torquemada— entre l’in­térêt in­ter­national particulier des Etats-Unis et l’in­té­rêt du genre humain.

Hans Morgenthau remarque que l’universa­lis­me est une idéologie qui répond aux besoins de l’impéria­lis­me et de l’expansionnisme. L’ex­pansionnisme est sans cesse en opposition avec l’ordre international dominant et le statu quo existant. L’expansionnisme doit prouver que le statu quo qu’il cherche à vaincre mérite d’être vaincu et que la légitimité morale qui, dans l’esprit de beaucoup, est attachée aux cho­ses telles qu'elles sont, sera finalement ob­ligée de céder face à un principe de plus gran­de moralité, tout en faisant appel à une nou­velle distribution de pouvoir (1). «Jusqu’à pré­sent, vu que les idéologies typiques de l’impé­ria­lisme utilisent des concepts de droit, elles ne peuvent faire référence de manière correcte au droit international positif, c’est-à-dire au droit in­ternational tel qu’il existe aujourd’hui. Dans le do­mai­ne du droit, c’est la doctrine du droit naturel, c’est-à-dire du droit comme il de­vrait être [et non pas tel qu'il est, ndt], qui répond aux besoins idéo­lo­giques de l’im­péria­lisme… Lorsque la politique impé­rialiste expan­sionniste n’est pas dirigée contre un sta­tu quo en particulier, fruit d’une guerre perdue, mais tend à s'accroître à l'appel d'un vide de pou­voir qui invite à la conquête, elle avance tout un arsenal d’idéologies morales / moralisantes qui ont évidem­ment pour corollaire de rem­pla­cer le simple appel à un “droit naturel juste” contre “un droit positif in­juste” par le devoir, inévitable, de conquérir le pays récalcitrant (2).

La doctrine de la “destinée manifeste”

L’objectif principal de l’idéologie impérialiste est de faire l'équation entre les aspirations po­litiques d’une nation précise, d'une part, et les lois morales qui gou­vernent l’univers, d'autre part; nous avons là une idéologie spécifique­ment anglo-saxonne pour habiller les aspi­ra­tions particulières et les actions impérialistes d'un objectif moral, qui correspondrait aux lois de l’univers. Cette idéologie a d'abord été ty­pi­quement britannique, mais elle a été perfec­tion­née et absoluisé par les Etats-Unis. «Le fait que savoir que les nations soient soumises à la loi mo­rale est une chose, mais prétendre sa­voir avec as­surance ce qui est bon et mauvais dans les relations entre les nations, est d’un au­tre ressort. Il y a un mon­de de différence en­tre la croyance que toutes les nations sont sous le couvert du jugement de Dieu, impéné­trable au genre humain, et la conviction blas­phé­matrice que Dieu est toujours de son côté et que ce que cette puissance alliée à Dieu veut pour elle-même ne peut pas connaître l'é­chec, parce que cette volonté est aussi celle de Dieu» (3).

L'exemple d'école d’un tel blasphème se re­trou­ve dans l’assertion du Président McKinley qui affirmait que l’annexion des Philippines (et la série de mas­sacres de civils qui s'ensuivit) était un signe de la providence divine. Cette con­quête et ces massacres avaient été entre­pris après que le président ait reçu un signe de la Providence. L’Amiral Dewey reven­di­quait le fait que la conquête des Philippines était un ga­ge d’approbation divine. «Je devrais dire que la main de Dieu y était pour quelque cho­se» (4).

Les arguments avancés pour justifier la con­quê­te des Philippines se concentraient sur des thèmes re­ligieux. «Ces thèmes s'exprimaient par les mots de­voir et destinée. Selon le pre­mier terme, refuser l’annexion des Philippines au­rait signifié omettre d'ac­complir une obliga­tion divine et solennelle. Selon le second ter­me, l’annexion des Philippines en parti­culier et l’expansion en général étaient inévitables et ir­ré­sistibles» (5); dans cette optique, l’expan­sion­nis­me impérial américain était une “desti­née manifeste” sous le signe de la Providence.

Une doctrine calviniste

La doctrine calviniste devient ainsi une arme idéo­lo­gique pour la guerre d’agression et l’ex­pansion­nis­me. «Les victoires rapides gagnées par les forces américaines ont renforcé les po­si­tions psycholo­gi­ques des impérialistes. L’im­pres­sion de commettre un acte répréhensible ne se renforce que si l’action contestable est suivie de revers. Inversement, la mauvaise cons­cience diminue ipso facto si le projet est exécuté avec brio. L'échec s'interprète comme une punition de la Providence; mais la réus­si­te, telle que la décrit le schéma calviniste, se perçoit comme le signe extérieur d’un état de grâce intérieur… Le «devoir», disait le Pré­si­dent McKinley, «détermine la destinée». Tandis que le devoir signifie que nous avons une obli­gation morale, la destinée signifie que nous al­lons certainement remplir cette obligation, que la capacité à le faire nous est inhérente. Notre histoire a toujours été une histoire ininterrom­pue d'expansion; notre pays était toujours par­­venu autrefois à s'étendre, ainsi il était cer­tain qu'il réus­sirait de la même façon dans le fu­tur. La force d’ex­pansion est un héritage na­tio­nal et “racial”, un be­soin intérieur, irrésis­ti­ble et profond… La Providence a été vraiment in­dulgente envers nous en nous pro­curant des réussites si fructueuses que nous com­met­­trions un péché si nous n’acceptions pas les res­ponsabilités que l’on nous a demandé d’as­sumer» (6).

L’impérialisme américain a développé une puis­­­sante théologie de l'élection. L’idée améri­caine d'élection historique ou providentielle, in­hérente à la doctrine de la Destinée Mani­fes­te, a fait en sorte que Dieu et la géopolitique fu­sionnent en un tout parfaitement instrumen­ta­lisable; la doctrine procure ainsi la «légi­ti­mi­té» à la conquête et l’expansionnisme.

Un charabia moraliste et religieux

Le charabia moral et religieux de la doctrine de la Destinée Manifeste, tellement américain dans son sens primitif profond, est facile à éva­cuer car elle n'est qu'un bric-à-brac idéo­logique. Malgré sa nature de bric-à-brac, cet abominable bricolage est devenu l'assise de la théologie politique et de la politique étrangère américaines. L’expansionnisme impéria­lis­te se voyait élevé au rang d’obligation positive, au rang de devoir. Plus l’expansionnisme était im­pi­toyable, plus on le justifiait par une appro­ba­tion divine. La volonté des impérialistes amé­ricains était d’égaler la volonté de Dieu. L’im­pé­rialisme est de­venu «une vertu dérivée de l’ap­pel de Dieu». Rester en deçà équivalait à «re­jeter la guidance divine». Le Sénateur Al­bert J. Beveridge déclara un jour que «Dieu n’a pas passé son temps pour rien durant un millier d’années à préparer les peuples anglo­pho­nes pour qu'ils ne se livrent à rien d'autre qu'une vaine et ridicule auto-contemplation et au­to-admiration. Non! Il a fait de nous les maî­tres-organisateurs du monde pour établir des systèmes ordonnés là où régnait le chaos. Il a fait de nous des virtuoses de la bonne gou­vernance pour que nous puissions, le cas é­chéant, gérer la politique chez les peuples sau­vages et les peuples séniles» (7).

Pris dans la spirale du destin

Le thème de la destinée était un corollaire du thè­me du devoir. A maintes reprises, on a dé­cla­ré que l’ex­pansion était le résultat d’une «tendance cosmique», que «c’était le destin», que c’était «la logique ine­xorable des événe­ments», etc. La doctrine qui affir­me que l’ex­pan­sion est inévitable a bien sûr été long­temps familière aux Américains; nous savons ô com­bien la Destinée Manifeste a été invoquée au cours du 19ième siècle. Albert Weinberg souli­gne, toutefois, que cette expression prend un nouveau sens dans les années 90. Auparavant, destinée si­gnifiait, dans son sens premier, que l’ex­pansion a­mé­ricaine, quand on le voulait, pou­vait être con­tre­carrée par d'autres qui pou­vaient se mettre en tra­vers de notre chemin. Au cours des années 90, le sens de cette no­tion de “Destinée Manifeste” a lé­gèrement é­vo­lué; elle finit pas vouloir signifier que “les A­méricains ne pouvaient pas, par leur propre volonté, refuser cette expansion”, car ils é­taient pris, qu'ils le veuillent ou non, dans la spi­rale du destin. Nous faisions montre d'une cer­taine réti­cence. Ce n’était pas tout à fait ce que nous voulions faire; c’était ce que nous de­vions faire. Notre politique agressive se vo­yait implicitement définie comme obligatoire, com­me le fruit, non pas de nos propres envies, mais d’un besoin objectif (ou de la volonté de Dieu) (8). La destinée a toujours eu une desti­na­tion, et la destination correspondait à l’ex­pan­sion­nisme géopolitique; ainsi la source de l’impé­ria­lisme américain était le désir de Dieu don­né aux élus pour destinée.

La mythologie politique de la Doctrine de Monroe

Kenneth M. Coleman définit le corollaire politi­que (et géopolitique) de la doctrine de la Des­tinée Manifes­te, soit la doctrine Monroe, com­me une mythologie po­litique : «Une mytholo­gie politique a émergé par­mi les Nord-Amé­ri­cains pour justifier la réalité de leur hégémonie dans les Amériques. La doctrine Mon­roe con­sti­tue un exemple quasi paradigmatique de la création d'un mythe politique accompagnant la création de l’empire américain. Il apparaissait néces­saire, à l'époque, de trouver une sorte de vé­hicule rhétorique par lequel on puisse sug­gé­rer non pas une intention expansionniste, mais une auto-abné­gation… Dès ses débuts, la doctrine Monroe a été un artifice rhétorique con­çu pour réconcilier les valeurs affirmées, c'est-à-dire celles qui évoquent le désin­té­res­se­ment et l'abnégation des Américains, avec leurs intentions expansionnistes réelles qui vi­sent à réaliser leurs intérêts stratégiques et éco­nomiques majeurs. Ainsi la première carac­té­ri­stique dans la définition d'une mythologie po­litique est son actua­lité… L’hégémonie, tout comme l’Empire, postule la création d’une my­tho­logie légitimante… Dans le cas d'un Empire, la mythologie doit faire raisonner les Améri­cains comme suit : «Nous vous dirigeons parce qu’il est dans votre intérêt que ce soit nous qui le fassions»… Dans le cas d'une hégémonie, la my­thologie doit générer la croyance que les re­lations existantes sont bénéfiques aux parte­nai­res et que ceux qui ne les perçoivent pas comme telles sont malavisés ou intrinsèque­ment mauvais...» (9).

Le message normatif de la Doctrine de Monroe

La mythologie politique, qui sous-tend les di­ver­ses formes d'hégémonie, se distingue des au­tres mytho­lo­gies, dans le sens où elle nie l’existence de la do­mination politique et éco­no­mique. Elle est similaire à la mythologie de l’im­périalisme parce qu'elle affirme que les re­la­tions existantes sont justes, appropriées, i­né­vitables, ou défendables de manière sur le plan des normes… La doctrine Monroe ren­fer­me un mes­sa­ge normatif… qui dit que les cau­ses actuelles, dé­fendues par l'Amérique, sont ju­stes, moralement dé­fendables, et en accord avec les plus grands prin­cipes d’un ordre poli­ti­que supérieur à d’autres ordres politiques (10) et que l’impérialisme américain sert un but moral plus élevé, celui de la Destinée Ma­ni­feste laquelle a été préalablement fixée par Dieu lui-même. Kenneth M. Coleman cite Sal­va­dor de Ma­da­riaga qui décrit la nature de la doctrine Monroe selon les termes suivants: «Je sais seulement deux choses à propos de la doc­trine Monroe: l’une est qu’aucun Américain que j’ai rencontré ne sait ce que c’est; l’au­tre est qu’aucun Américain que j’ai rencontré ne consentirait à ce que l'on tergiverse à son pro­pos… J’en conclus que la doctrine Monroe n’est pas une doctrine mais un dogme… pas un seul dogme, mais bien deux, à savoir: le dogme de l’in­faillibilité du Pré­sident américain et le dog­me de l’immaculée con­ception de la politique étrangère américaine» (11).

Les intérêts des Etats-Unis sont les intérêts de l'humanité toute entière

Croire que les Américains sont un peuple choisi par Dieu, pour amorcer une expansion sans fin, était in­hérent tant à la doctrine de la Des­ti­née Manifeste qu'à la doctrine de Monroe. «Le terme qui a servi à prendre ce sens de moral, du moins sur le plan de l’expansion géo­graphique, est celui de “Destinée Ma­ni­fes­te”; il révèle la certitude calviniste avérée : Dieu révélera au monde ceux qui assureront Sa grâ­ce et les rendra prospères». Si les Etats-Unis re­pré­sentent la Terre Promise du Peuple Choisi, alors « il est absolument impossible de concevoir une si­tua­tion dans laquelle les in­té­rêts du genre humain ne sont pas tout à fait iden­tiques à ceux des Etats-Unis. En faisant mon­tre d'une telle présomption, l’oppo­si­tion à la Destinée Manifeste (des Etats-Unis) n’était pas une simple opposition politique —elle ne re­pré­sentait pas une quelconque différence d’o­pinion et se posait plutôt comme une hé­ré­sie, en révolte contre les gens choisis par Dieu lui-même… Si les autorités des Etats-Unis —les autorités choisies par les gens favorisés par Dieu lui-même— étaient en faveur d'u­ne politi­que donnée, alors critiquer la justice ou la mo­­ra­lité de cette politique s'avérait moralement im­possible» (12).

Dans cette optique, il faut se souvenir de la con­clu­sion de Werner Sombart qui disait que «le calvi­nis­me est la victoire du judaïsme sur la chrétienté» et que «l’Amérique est la quin­tessence du judaïsme». L’immoralité politique de la doctrine de la “Destinée Manifeste”, l’ex­pansionnisme géopolitique, sous la for­me d'u­ne conquête de territoires, telle que la re­ven­­dique la doctrine de Monroe, et l’impérialisme économique, tel qu'il se manifeste sous la for­me de la politique des “portes ouvertes” (Open Doors Po­licy), deux options qui ont été fusion­nées par la suite sous la dénomination de “wil­so­nisme” (Doctrine de Wilson), sont en fait des traductions simplistes et mal­veillantes de la vieil­le immoralité talmudique, re­pérable dans l'his­toire.

Carl Schmitt a souligné que la transformation de la doctrine de Monroe, à partir d’un Gross­raum ("grand espace") concret, en un principe universel, c’est-à-dire la “théologisation” d’un im­périalisme américain spécifique et particu­lier, en une doctrine mondialiste universelle, qui doit inéluctablement déboucher sur une puis­sance-monde unique et absolument domi­nante, une “Capital Power”, laquelle “servirait” les intérêts du genre humain. Cette trans­for­ma­tion d'un impérialisme particulier en un mon­­dialisme sans al­ter­native est aussi le com­men­cement de la “théo­lo­gisation” des objectifs politiques étrangers améri­cains (13). Ce pro­ces­sus de “théologisation” a débu­té au cours de la présidence de Théodore Roosevelt, mais le Président Woodrow Wilson fut le premier à élever la doctrine de Monroe au rang d'un prin­cipe mon­dial, à véritablement “mondialiser” une doctrine qui, auparavant, était censée se li­miter au seul hé­misphère occidental, pana­mé­ricain. Dans la moralité calviniste, talmudi­que et axée sur la Prédestination de Woodrow Wilson, l'idée-projet de la domination mondiale de l'Amérique devient la substance même de son plaidoyer pour une doctrine de Monroe à ap­pliquer au monde entier.

L'immoralité foncière de Wilson le “moraliste”

Un cas à mentionner : le slogan américain de la «De­s­tinée Manifeste» a servi à accroître l'ai­re d'ap­pli­cation de la doctrine de Monroe par le biais du prin­cipe de l'autodétermination des peuples qu’a uti­lisé le Président Wilson lors de la Conférence de Paix de Paris (Versailles), pour accroître de fait —et sub­tilement— les sphè­res d'influence anglo-saxonne et pour créer un Cordon Sanitaire autour de l’Alle­ma­gne et de la Russie Soviétique en Europe, un Cordon Sanitaire composé d’Etats tampons. Évi­demment, le Président Wilson, dans son em­pressement à faire va­loir en Europe le droit à l’autodétermination, n’a jamais dénoncé la doc­trine de Monroe qui incarnait, à son épo­que, dans l'hémisphère américain, la né­ga­tion absolue de ce droit qu’il proclamait au bénéfice des petits peuples des anciens môles impé­riaux d'Eu­­rope centrale et orientale. En fait, ce qu’il a vou­lu dire en parlant du droit à l'auto­dé­termination était clairement démontré en 1914 déjà, lorsque l’Améri­que, renversant le gou­vernement élu au Mexique, a bombardé la vil­le mexicaine de Vera Cruz, tuant ain­si des cen­taines de civils. Après le bombardement qui, par la suite, a conduit à la chute du gou­ver­ne­ment mexicain et à l’installation d’un fan­toche à la solde des Etats-Unis, le Président Wil­son, en mettant l’accent sur la soi-disant iden­tité entre la politique américaine et la jus­tice universelle, a convaincu le mon­de que «les Etats-Unis ont renversé le pouvoir mexicain pour rendre service à l'humanité» (14) (sic!). Le Président Wilson croyait sincèrement au rô­­le providentiel, désigné par Dieu, des Etats-U­nis pour diriger le monde.

Aujourd’hui, si l’on regarde la situation de la You­go­slavie, on peut constater qu’une fois en­co­re le prin­cipe pseudo-universel du droit à l’au­todétermination a été utilisé comme un mo­yen idéologique pour ren­verser un statu quo existant, via un règlement fron­talier en Europe, alors que les frontières euro­péennes a­vaient été définitivement reconnues et ac­ceptées comme telles par les Accords d’Hel­sin­ki. De même, ce fameux droit à l'autodéter­mi­nation, in­ven­té jadis par Wilson, a servi à lé­gi­timer les atrocités musulmanes lors de la guer­re en Bosnie d’abord, puis celles, innom­ma­bles, des bandes armées isla­mistes, ter­roristes et mafieuses des Albanais du Ko­sovo; en fait, ces bandes d'irréguliers musulmans sont l’équivalent européen des “Contras” du Ni­cara­gua, armés, entraînés et subsidiés par les Etats-U­nis. L'Europe est désormais traitée de la même ma­nière que les anciennes ré­pu­bliques latino-amé­ri­cai­nes.[ndt : Pire, dans le cas de la Bosnie et du Ko­sovo, les dirigeants des principales puissances euro­péennes ont ap­plaudi et participé à ces horreurs, en po­sant, via les relais médiatiques, les assassins bos­niaques et albanais comme des héros de la li­berté ou des défenseurs des droits de l'hom­me].

Quand l'Allemagne hitlérienne reprenait à son compte les concepts forgés par Wilson

Ironie historique : l’Allemagne nazie avait em­prun­té, en son temps, de nombreux concepts idéo­logiques venus d'Amérique. Ainsi, l’Allema­gne nazie fondait ses requêtes pour réviser le statu quo du Traité de Versailles, d'abord sur le principe d’égalité que le Traité de Versailles avait violé. Les juristes alle­mands ont pris cons­­cience que le droit international en place n’était rien d’autre que l’universalisation de l’hé­gémonie anglo-saxonne, et, partant, la “théo­lo­gi­sation” de l’intérêt national américain en par­ticulier. Ces juristes allemands se sont donc mis à parler d’un nouveau droit interna­tio­nal qui servirait l’intérêt national allemand, comme le droit en place servait les intérêts na­tio­naux américains. Ce nouveau droit, favo­ra­ble aux intérêts allemands, utiliserait égale­ment le concept d'un “nouvel ordre mondial juste” destiné à justifier l’expansionnisme ger­ma­nique et à préparer le renversement du sta­tu quo international, qui s'était établi après la guerre de 14-18.

Les principes de bases de la théologie politique a­mé­ricaine peuvent se résumer comme suit:

◊ a) L’intérêt national des Etats-Unis s'univer­sa­lise dans le but de devenir l’intérêt universel du genre humain ou de la communauté inter­na­tio­nale. Par conséquent, l’expansionnisme im­périaliste américain est alors vu comme un avancement de la race hu­maine, une promo­tion de la démocratie, luttant con­tre le totalita­ris­me, etc. Les intérêts américains, le droit in­ter­national, et la moralité internationale de­vien­nent équivalents. Ce qui sert les intérêts a­mé­ri­cains est posé, avec une incroyable ef­fron­terie, com­me des actes visant ou poursui­vant les desseins de la morale et du droit, dans tous les cas de figure (15).

Délégitimer les intérêts nationaux des autres pays

b) Par conséquent, l’universalisation de l’inté­rêt na­tio­nal américain, sa légitimation transna­tio­nale —u­ne façade allant au-delà de toutes les légitimités concrètes— conduit à délégiti­mer les intérêts natio­naux des autres pays. A travers la doctrine de Mon­roe, les pays latino-américains se voyaient refuser l'ex­pression de leurs intérêts nationaux, du moins ceux qui dif­féraient de ou s'opposaient à l’intérêt na­tio­nal américain. Quoi qu'il en soit, une analyse his­torique objective montre clairement que l’intérêt na­tio­nal authentique des pays latino-a­méricains s'op­po­sent, en règle générale et par nécessité, à l’intérêt national des Etats-Unis. L’effet de la doctrine de Mon­roe était que les pays latino-américains cessent d’exister po­li­tiquement, en devenant des protecto­rats et des nations captives au sens propre du ter­me.

c) Avec le Pacte Briand-Kellog, les Etats-Unis amor­cèrent l'étape suivante dans la globalisa­tion de leur théologie politique. Les guerres me­nées au départ d’intérêts nationaux diffé­rents de ceux des Etats-Unis se voyaient éti­que­tées comme des “guerres d'agression”, tan­dis que les guerres agressives me­nées par les Etats-Unis étaient considérées comme des “guerres justes”. Les réserves émises par les E­tats-Unis quant au Pacte de Kellog revêtent une im­portance particulière : les Etats-Unis se ré­servent le droit d’être seuls juges de ce qui constitue une guer­re d’agression. La doctrine américaine de reconnais­sance et de non-re­con­naissance des Etats est éga­le­ment signifi­ca­tive : les Etats-Unis se réservent le droit d’ê­tre les seuls juges pour décider quel Etat doit être reconnu ou non et quels sont les motifs qui les amènent à reconnaître un Etat ou non. Ces mo­tifs équivalent à l’intérêt national des Etats-Unis. Pour voir à quels dangers et quelle absurdité grotes­que, cette équivalence peut me­ner s'observe dans l’exemple historique de la non-reconnaissance par les Etats-Unis de la Chine après 1949, alors qu'ils re­connaissaient le régime fantoche de Tchang Kai Tchek, qu'ils avaient installé et qu'ils contribuaient à main­te­nir. Les Etats-Unis ont utilisé leur doctrine de non-reconnaissance, bloquant l’admission de la Chi­ne aux Nations Unies, dans le but précis de sa­boter les Nations Unies et aussi pour s’assu­rer, par cet ar­tifice, deux sièges au Conseil de Sé­curité des Na­tions Unies, la Chine de Tchang Kai Tchek leur étant dévotement inféodée.

d) L’utilisation idéologique du concept de guer­re —et les principes de reconnaissance et de non-recon­naissance— mène également à la dés­hu­manisation médiatique des adversaires de l'Amérique : l'ennemi n'est plus un ennemi qui défend à égalité ses inté­rêts nationaux, mais un paria international.

e) La conséquence finale du développement de la théo­logie politique américaine est l’identifi­ca­tion du droit international —le Droit des Na­tions— avec le sy­stème de l’impérialisme amé­ri­cain. La source de ce droit international n'é­tant, dans un tel contexte de "nouvel ordre mondial", plus rien d'autre que la volonté géo­politique et stratégique des Etats-Unis. Un tel "droit international" (?) n’est vraiment plus le Droit des Nations, au sens classique et habi­tuel du terme, mais bien le droit du pays le plus fort, l’in­car­nation de l’hégémonie et de l’ex­pansionnisme amé­ricains. L’intérêt national des Etats-Unis reçoit un sta­tut d'universalité dans le "nouvel ordre mondial" et passe pour re­présenter l’intérêt de la commu­nau­té inter­na­tionale. En outre, les Etats-Unis eux-mê­mes de­viennent un sujet omnipotent et transna­tio­nal, s'universalisent, sans cesser d'être eux-mê­mes et rien qu'eux-mêmes, représentant sans médiation la communauté mondiale tout entière.

Les autres Etats n'existent plus que comme entités non politiques

La théologie politique américaine est incom­pa­tible en soi, non seulement avec le principe de l’égalité des Etats et avec celui de leur souve­rai­neté individuelle, mais aussi avec toute or­ganisation qui se prétend ê­tre une orga­nisa­tion internationale réelle comme les Nations U­nies. Dans le "nouvel ordre mondial", les E­tats ne peuvent exister que comme entités non-po­li­tiques; les prérogatives de toute instance po­li­tique et territoriale concrète et réelle, telle que nous les trouvons énumérées et définies dans et par la ter­mi­nologie de Carl Schmitt, sont réservées uniquement aux Etats-Unis, de même que le droit y afférent, de les exercer. Et une organisation internationale ne peut exister que si elle n'est plus rien d'autre qu'un équivalent fonctionnel de l'Organisation des E­tats A­méricains (OAS), c’est-à-dire qu'une telle organisa­tion internationale ne peut plus être au­tre chose qu'une façade multilatérale pour lé­gitimer le désir hé­gémonique américain. L’hi­sto­rien britannique Ed­ward Hallet Carr re­mar­que, dans son livre, The Twen­ty Years' Crisis - 1919-1939, publié à l’origine en 1939, que, ju­ste un peu avant l’entrée des Etats-Unis dans la première guerre mondiale, dans un dis­cours au Sénat sur les objectifs de la guerre, le Pré­sident Wilson expliquait que les Etats-Unis, ja­dis, a­vaient été «fondés pour le bien de l’hu­ma­nité» (16) (sic!). Wilson affirmait catégori­que­ment: «Ce sont des principes américains, ce sont des politiques amé­ricaines… Ce sont les principes du genre humain et ils doivent pré­dominer» (17). Carr souligne que «les dé­cla­rations de ce personnage viennent es­sen­tiel­lement d’hommes d’Etat anglo-saxons et d'é­cri­vains. Il est vrai, ajoute Carr, que lors­qu’un natio­nal-socialiste important certifiait que «tout ce qui est profitable au peuple al­lemand est juste, tout ce qui fait du mal au peu­ple allemand est mauvais», il pro­posait qua­siment la même équation entre l’intérêt na­tional et le droit universel, équation qui a­vait déjà été établie par Wilson pour les pays de langue an­glaise».

Les deux explications de Carr

Carr a donné deux explications alternatives à ce pro­ces­sus d'universalisation de l’intérêt na­tional particu­lier. La première explication se re­trouve fréquem­ment dans la littérature poli­ti­que des pays continen­taux : elle avance que les peuples de langue anglai­se sont de vieux maîtres dans l’art de concevoir leurs intérêts na­tionaux égoïstes comme l'expression pure et sim­ple du bien général, et que ce genre d’hy­­po­crisie est une particularité spéciale et carac­té­ristique de la façon de penser des Anglo-Sa­xons. La seconde explication était plus sociolo­gi­que : les théo­ries sur la moralité sociale sont tou­jours le pro­duit d’un groupe dominant, qui s’i­dentifie d'emblée à la communauté prise dans son ensemble et qui pos­sède des moyens que ne possèdent pas les groupes ou individus subordonnés pour imposer leur point de vue sur la vie dans la communauté. Les théories de la moralité internationale sont, pour les mê­mes rai­sons et en vertu du même processus, le produit des nations hégémoniques et/ou des groupes de nations dominantes. Durant les cent dernières années, et plus particulièrement de­puis 1918, les nations de lan­gue anglaise ont formé le groupe dominant dans le monde; les théories actuelles de la moralité inter­na­tio­na­le ont été choisies par eux pour perpétuer leur suprématie et se sont généralement d'a­bord ex­primées dans l’idiome qui leur est pro­pre (18).

Le vocabulaire de l'émancipation

Autre aspect important de la théologie politi­que : la pratique de mythifier et d'idéaliser l’ex­pansionnisme américain pour en faire une mo­ralité internationale u­ni­verselle. Quelles sont les caractéristiques de la my­thologie uni­ver­saliste? C’est de transformer la si­gni­fication de la réalité politique classique (ndt : ari­sto­té­li­cienne et nationale-étatique) pour n'en faire qu'une illusion chimérique, de facture répres­sive, et, en conséquence, de neutraliser et de dé­lé­gitimer le langage politico-étatique (natio­nal) ou tout acte de ré­sistance contre l'uni­ver­salisme américain. En d’au­tres termes, la my­tho­logie politique de facture uni­ver­saliste con­siste toujours à confisquer le réel, à l'é­liminer et l'évacuer. Dans ce contexte, le langage ar­­ticulé de l'ère étatique nationale, ou les actes de ré­sistance, affirmés par ceux qui refusent cette logi­que universaliste, offrent peu de ré­sistance, car leur contenu se voit neutralisé par la théologie politique universaliste. Pour pa­raphraser Roland Barthes (19), la théologie politique est expansive; elle s’invente el­le-mê­me sans cesse. Elle tient compte de tout; de tous les aspects des relations internationales, de la di­plomatie, du droit international. Les pays opprimés ne sont rien : ils ne produisent qu'un langage, le cas échéant, celui de leur é­mancipation, or cette éman­cipation a déjà été dé­légitimée à l'avance. L’oppres­seur, en l'oc­cur­rence les Etats-Unis, sont tout, leur langage politico-théologique a été élevé au rang de dog­me. En d’autres termes, dans le cadre de la théo­logie politique, les Etats-Unis ont le droit exclu­sif de produire le méta-langage qui vi­se à pérenniser l’hégémonie américaine. La théo­logie politique, en tant que mythe, nie le caractère empirique de la réa­lité politique; ain­si la résistance à cette théologie hégémonique doit viser à recréer et à émanciper la réalité em­pirique.

Un méta-langage qui accepte pour argent comptant les slogans de la propagande

Durant la marche en avant de l’expansion­nis­me a­mé­ricain, déjà tout entière contenue dans la doctrine de Monroe et dans ses nombreuses extensions, en particulier durant la Guerre Froi­de avec sa justifi­ca­tion idéologique, on pou­vait lire dans des documents tels le NSC-68, qu'une destruction et une idéolo­gi­sation du langage politique devaient s'accomplir et l'ont été. L’histoire de la Guerre Froide a débouché sur le fait que les Américains anglophones sont tom­bés dans le jargon propagandiste de l'ancienne idéo­logie et pratique panaméri­cai­nes, avec sa propen­sion à accepter pour ar­gent comptant les slogans, les simplifications, les mensonges et les clichés pom­peux tels que le "totalitarisme", la "défense de la dé­mo­cra­tie", le "péril rouge", etc.

L’expansionnisme américain et les machina­tions co­lo­niales d’une Amérique perfide ont pré­cisément in­clus de force des sémantèmes nou­veaux dans le lan­gage, des sémantèmes dont Washington avait be­soin pour exprimer ou camoufler vaille que vaille sa sauvagerie, déguisée en universalisme au service du genre humain; l'objectif préventif est de délégitimer toute résistance potentielle et légitimer à l'a­van­ce la conquête et l’hégémonie. Les Etats-Unis ont imposé une subversion planétaire du lan­gage et c'est sur la base de cette gigan­tes­que falsification que l’Améri­que contemporaine a été éduquée.

Un gigantesque mur de mythes

Pour paraphraser George Steiner, les diri­geants de l’Amérique construisent entre l’es­prit américain et la réalité empirique un gigan­tesque "mur de mythes". Au fur et à mesure, les mots ont perdu leur sens ori­ginel et ont acquis les contenus sémantiques propres de la théologie politique universaliste, manipulée par Washington. Le langage est devenu une falsi­fi­cation générale, à tel point qu'il n’est plus ca­pable de saisir ou d’exprimer la vérité. Les mots sont devenus des instruments de men­son­ge et de désinformation, des convoyeurs de fausseté, servant à bétonner l’hégé­monie. «Le langage n’était pas seulement infecté par ces colossales bêtises, il était sommé d'imposer les in­nombrables mensonges [de la propagande]» (20), d’endoctriner et de persuader les Amé­ricains que les nombreux actes visant à mettre des nations entières hors jeu, ainsi que le droit international, que les a­gressions militaires et les crimes de guerre en Co­rée, au Vietnam et, plus récemment, au Panama et en Irak, ont ser­vi la cause des grands principes "hu­manitai­res". La subversion du langage par la théo­logie politique américaine fait en sorte que la vérité empirique ne puisse plus être dite, et érige un mur de silence et de mensonge, qui a pour résultat inat­tendu l’effondrement de la langue anglaise, héritée de l'histoire, au profit du jar­gon panaméricain, pure fabrication récente. Et lorsque la langue « a été pi­quée de menson­ges, seule la vérité la plus crue peut la puri­fier» (21).

Des torrents de parlottes moralisantes

Il est un phénomène américain très étrange que l’on ne retrouve pas en Europe : un Hom­me de Dieu —d’ordinaire un prêtre— qui s’a­vère charlatan. Eh bien, dans l’arène politique, après la fin de la pre­mière guerre mondiale, le Président Wilson était un de ces "Hommes de Dieu" qui voilait l’expansionnis­me américain par des torrents de parlottes morali­santes. Pour Wilson, les Etats-Unis détenaient un rôle, que leur avait dévolu la Providence, celui de di­riger le monde. Le wilsonisme était l’origine et la per­sonnification du totalitarisme améri­cain universa­liste. A présent, dans l’après-Guer­re Froide et l’a­près-Yalta, nous avons af­faire à un nouveau Wilson, un petit Wilson, soit le Président Clinton, qui, à son tour, ré­veil­le le torrent de parlottes moralisantes de son prédécesseur; lui aussi se pose comme "Hom­me de Dieu", et a pris sa place dans la cour­se à l’ex­pan­sionnisme universaliste, de fac­ture néo-wilsonienne, en utilisant la même vieille notion de Destinée Ma­nifeste et la mê­me théologie politique, cette fois sous les ori­peaux du "nouvel ordre mondial". Mais une fois de plus, les concepts de la théologie poli­ti­que universaliste américaine se dévoilent pour ce qu'ils sont : l’opium de la communauté in­ter­na­tio­nale.

Nikolaj-Klaus von KREITOR.

(http://mid.diplomat.ru/wwwb/main/messages/1220.html... ; trad. fr. : LA).

notes :

*Anders Stephenson Manifest Destiny. American expansion and the Empire of Right (Hill and Wang, New-York, 1995).

(1) Hans J. Morgenthau, Politics Among Nations (Alfred A. Knopf, New-York, 1948) p. 64.

(2) Hans J. Morgenthau, Politics Among Nations, ibid., p. 65.

(3) Hans J. Morgenthau, Politics Among Nations, aux édi­tions Stanley Hoffman; Contemporary Theory in Inter­natio­nal Relations (Prentice Hall, Inc, Englewood Cliffs, 1960) p. 61.

(4) Louis A. Coolidge, An Old Fashioned Senator: Orville H. Platt (New-York, 1910) p. 302.

(5) Richard Hofstadter, The Paranoid Style in American Poli­tics (The University of Chicago Press, Chicago, 1965) p. 174.

(6) Richard Hofstadter, ibid. pp. 175, 176, 177.

(7) Claude G. Bowers, Beveridge and the Progressive Era (New-York, 1932), p. 121.

(8) Richard Hofstadter, ibid. p. 177.

(9) Kenneth M. Coleman, The Political Mythology of the Monroe Doctrine:Reflection on the Social Psychology of Domination, pp. 99, 100, 110

(10) M. Coleman, ibid. pp. 97, 103.

(11) M. Coleman, ibid. p. 102. Coleman quotes after Salvado de Madariaga Latin America Between the Eagle and th eBear (Praeger, New-York, 1962) p. 74

(12) Coleman, ibid. pp. 105, 109.

(13) Carl Schmitt, Grossraum gegen Universalismus in Position und Begriffe im Kampf mit Weimar-Genf-Versailles 1923-1939 (Duncker & Humblot, Berlin, 1988) pp. 295-303.

(14) Edward Hallet Carr, The Twenty Year’s Crisis 1919-1939 (Harper Torchbooks, New-York, 1964) p. 78; aussi R.S. Baker Public Papers of Woodrow Wilson: The New Democracy.

(15) Voir sur ce sujet: Kenneth W. Thompson, Toynbee and the Theory of International Poitics, aux editions Hoffman, Contemporary Theory in International Relations, ibid., p. 97.

(16) Editions R. S. Baker, Public Papers of Woodrow Wilson: The New Democracy pp. 318-319.

(17) Edward Hallet Carr, The Twenty Year Crisis, ibid. p. 79; aussi Toynbee, Survey of International Affairs, 1936, p. 319.

(18) Edward Hallet Carr, ibid., pp. 79, 80.

(19) Roland Barthes, Mythologies (Hill and Wang, New-York, 1987) pp. 131, 148, 149.

(20) Georg Steiner, A Reader, (Oxford University Press, New-York, 1984), p. 212.

(21) Georg Steiner, ibid. p. 219.


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mercredi, 13 juin 2007

T. Sunic : Dinamica historica del liberalismo

Dinámica histórica del Liberalismo: del mercado total al Estado total

Tomislav Sunic

El propósito de este texto es examinar críticamente la dinámica histórica del liberalismo y su impacto en las naciones europeas. Este ensayo argumentara a.) que el liberalismo provee hoy un "refugio" ideológico confortable para los miembros de la elite intelectual y dirigente cansados de las disputas ideológicas y teológicas que movieron la política europea durante siglos; b.) que el liberalismo puede converger con el progresismo socialdemócrata en todos los aspectos excepto en el dogma del mercado libre; c.) que el liberalismo crece extendiéndose a todos los aspectos de la vida y a todo el mundo, erosionando gradualmente el sentido de comunidad nacional e histórica que anteriormente había proporcionado al individuo un sentido básico de identidad y de seguridad psicológica. Este texto cuestionara si el liberalismo, pese a su éxito innegable en el plano económico, puede proporcionar un defensa adecuada contra las ideologías no democráticas, o que al provocar ciertas condiciones puede al contrario, inconscientemente estimular su crecimiento. 

Luego de la Segunda Guerra Mundial, el liberalismo y el Marxismo emergieron como las dos ideologías dominantes, como consecuencia de su victoria militar contra su enemigo común, el Fascismo. Esto fue seguido por el conflicto interno entre ambos, en tanto que ambos mantenían que solo su punto de vista y su modelo político era valido, negando tal validez a la tesis de su oponente. Beaud escribe que cuando las ideas liberales y socialistas emergieron, el primero rápidamente se cubrió de cientificismo ("la ley de la oferta y la demanda", "la ley de hierro de los salarios"), mientras que el segundo tendió a degenerar en el misticismo y el sectarismo. [1]

Algunos críticos del liberalismo como el economista francés Francois Perroux, señalaron que según algunos principios liberales extremos, "todo lo que ha sucedido desde el principio de los tiempos puede ser atribuido al capitalismo así como el mundo moderno fue construido por los industriales y mercaderes que consultaban sus cuentas y deseaban aumentar las ganancias."[2] Actitudes subjetivas similares, aunque desde un ángulo ideológico diferente, pueden ser observadas a menudo entre teóricos marxistas, que en sus análisis del capitalismo liberal acuden a juicios de valor colorados por la dialéctica marxista y acompañados por el rechazo de la interpretación liberal de los conceptos de la igualdad y la libertad. "El hecho de que el método dialéctico puede ser utilizado para cada propósito," remarca el filosofo austríaco Alexander Topitsch, "explica la extraordinaria atracción que ha tenido en su diseminación por el mundo, que solo puede ser comparada al éxito propagandístico de la doctrina de los derechos naturales del siglo dieciocho."[3]  No obstante, pese a sus disputas ideológicas, los liberales, neo-liberales, socialistas y "socio-neoliberales" concuerdan, al menos en principio, en tanto que herederos de un racionalismo común en su rechazo de todas las ideologías no-democráticas, especialmente el nacionalismo étnico. A principios de este siglo, Georges Sorel, el teórico francés del anarco-sindicalismo, remarco con ironía que "el intento de protestar contra la ilusión del racionalismo significaba ser considerado inmediatamente como enemigo de la democracia."[4]

El conflicto practico entre las virtudes del liberalismo y el socialismo parece haber llegado a su fin, como lo demuestran algunos de los principales regímenes marxistas que han liberalizado sus economías, aunque el debate ideológico no ha terminado entre los intelectuales. Indudablemente, la popularidad del socialismo marxista ha decaído entre aquellos que han tenido que enfrentar el problema de hacerle funcionar.  En consecuencia, a pesar del hecho de que el apoyo al Marxismo entre los intelectuales occidentales estaba en su cúspide cuando la represión en los países marxistas lo estaba también, hoy parece que el liberalismo ha sido aceptado como un "refugio" para muchos intelectuales, que desilusionados con el fracaso de los países marxistas, sin embargo continúan manteniendo el ethos universalista e igualitarista que el Marxismo compartía con el liberalismo.

Como comenta Francois B. Huyghe, el Estado benefactor aceptado por los liberales ha implementado muchos de los programas socialistas que fracasaron en los países comunistas. [5] Así, el liberalismo económico no solo es popular entre muchos intelectuales ex-izquierdistas (incluyendo numerosos intelectuales de Europa del Este) porque ha dejado resultados económicos tangibles en las naciones occidentales, sino también debido al hecho de que su contraparte socialista ha fracasado en la practica, dejando al modelo liberal como la única alternativa incontestable. "La principal razón por las victorias del liberalismo económico," escribe Kolm, "es el hecho de que todo el funcionamiento erróneo del modelo no-liberal de realización social nos lleva a reconsiderar la realización social alternativa postulada por el liberalismo. Los ejemplos de tales casos abundan en Occidente, como en Oriente, en el Norte y en el Sur." [6] En ausencia de otros modelos exitosos, y en la época de un pronunciado proceso de "despolitización" en toda Europa y Norteamérica, el liberalismo moderno ha resultado ser un modus vivendi común para antiguos enemigos. Pero ¿podemos concluir por consiguiente que el eclipse de otros modelos e ideologías significa el fin de la política e inaugura el inicio de la Era del Liberalismo?

Mucho antes de que el milagro del liberalismo moderno se hiciera obvio, un numero de pensadores habían observado que el liberalismo continuaría teniendo una crisis de legitimidad aunque sus enemigos socialistas y fascistas desapareciesen. [7] En tiempo mas reciente, Serge-Christophe Kolm ha remarcado que el liberalismo y el socialismo no deben ser vistos en oposición dialéctica, sino como complemento uno de otro. Kolm escribe que los ideales del liberalismo y el Marxismo "son casi idénticos dado que ellos están fundados en los valores de la libertad, y coinciden en la aplicación de casi todo, excepto en un tema que es puntual lógicamente, y todavía muy importante en este mundo: el salario, la locación de los individuos y el yo." [8] Algunos han avanzado la hipótesis de que el liberalismo y el socialismo son la cara y la contracara del mismo fenómeno, en tanto que el liberalismo contemporáneo ha logrado, a largo plazo y en una forma no represiva, muchos de aquellos objetivos que el socialismo marxista, empleando métodos represivos, no pudo. Sin embargo, existen algunas diferencias. 

Los ideólogos socialistas no solo temen que la introducción del libre mercado signifique el fin del socialismo, por otro lado el socialismo y el liberalismo difieren fundamentalmente en la definición de la igualdad. Teóricamente, ambos subscriben la igualdad constitucional, legal, política, étnica y social, pero su mayor diferencia esta en sus ideas sobre la distribución de los beneficios económicos, y sus definiciones de la igualdad económica. A diferencia del liberalismo, el socialismo no esta satisfecho con la igualdad política y social, sino que insiste en una distribución igualitaria de los bienes económicos. Marx repetidamente critico la definición liberal de la igualdad de derechos, sobre los que dijo una vez "esta igualdad de derechos es la desigualdad de derechos para los trabajadores. Estos derechos no reconocen la diferencia de clase porque presuntamente todo el mundo es un trabajador como todo el mundo, pero tácitamente reconocen la desigualdad de talentos individuales, y consecuentemente creen que deban darse privilegios según los talentos individuales." [9] Solo en un estado superior de comunismo, luego de que la actual subordinación de los individuos al capital, es decir, después que las diferencias en la repartición de los beneficios económicos hayan desaparecido, los derechos burgueses desaparecerán y la sociedad escribirá en sus fundamentos: "A cada uno según su capacidad, a cada uno según su necesidad." "[10]

A pesar de esas diferencias, se puede decir, en general, que las ideas socialistas siempre han aparecido como satélites y complementos inevitables del liberalismo. Tan pronto como las ideas liberales hicieron sus incursiones en la Europa feudal, el precedente para los apetitos socialistas (unos apetitos que serian muy grandes para ser satisfechos) había sido fijado. Tan pronto como los primeros burgueses aseguraron su posición, liquidando los gremios y las corporaciones feudales y el poder de la aristocracia terrateniente, tuvieron que enfrentarse a los críticos que les acusaban de ahogar las libertades políticas e ignorar la igualdad económica, y de convertir al nuevo campesino desprotegido en un esclavo de la fabrica. En el siglo diecisiete, remarca Lakoff, las ideas burguesas de igualdad y libertad inmediatamente le proporcionaron al cuarto estado (campesinos) una amunición ideológica efectiva, que fue utilizada rápidamente por los numerosos movimientos revolucionarios proto-marxistas.[11] Bajo tales circunstancias de falsa igualdad, no debería sorprendernos que el principal problema para los campesinos era la hipocresía de la burguesía, que exaltaba los derechos a la igualdad en su lucha contra la aristocracia; mientras en el momento en que accedió al poder, prudentemente evito hacer mas declaraciones sobre la igualdad económica. David Thomson remarco con ironía que "muchos de esos que defenderían con su vida los derechos a la libertad y la igualdad (como muchos liberales ingleses y norteamericanos)  no lo harían frente a los ataques al concepto del igualitarismo económico."[12] También, Sorel señalo que en general, el abuso de poder de una aristocracia hereditaria era menos dañino al sentimiento del pueblo que los abusos cometidos por un régimen plutocrático, [13] agregando que "nada arruinaría tanto el respeto a las leyes como el espectáculo de las injusticias cometidas por aventureros, que, con la complicidad de los tribunales, se han hecho tan ricos que pueden comprar a los políticos." [14]

La dinámica de las revoluciones liberales y socialistas se inicio en los siglos dieciocho y diecinueve, una época de gran fermento revolucionario en Europa. La revolución liberal de 1789 en Francia rápidamente abrió el camino para la revolución socialista jacobina de 1792; el "liberal" Condorcet fue suplantado con el "comunista" Babeuf, y el golpe de estado pacifico girondino fue seguido por la avalancha de sangre bajo el terror jacobino y la revuelta de los "sans-culottes."[15] Similarmente cien años después, la Revolución de Febrero en Rusia fue seguida por la revolución de Octubre que sustituyo al socialdemócrata Kerensky con el comunista Lenin. El liberalismo expulso a la antigua aristocracia, liquido las corporaciones de comercio medievales, alieno a los trabajadores, y entonces fue sustituido frecuentemente por el socialismo. Por consiguiente es interesante observar que luego de su competición con su hermano socialista, el liberalismo hoy esta mostrando mejores resultados tanto en el campo económico como ético, mientras que el credo marxista parece estar en su ocaso. Pero, ¿el liberalismo se convertirá en el único modelo aceptable para todos los pueblos de la tierra? ¿Como es posible que el liberalismo, como encarnación del ideal humanitario y del espíritu democrático, haya siempre creado enemigos tanto en la izquierda como en la derecha, aunque por diferentes razones?

Libre Mercado: La "religión" del liberalismo

El liberalismo puede hacer muchos "tratos" ideológicos con otras ideologías, pero en el aspecto donde permanece intransigente es en la promoción del libre mercado y del libre intercambio de bienes y comodidades. Indudablemente, el liberalismo no es una ideología como otras, y además, no tiene el deseo de imponer una visión absoluta y exclusiva del mundo basada en una dicotomía dualista entre el bien y el mal, el proletario y el burgués, y "los elegidos y los no elegidos." Es mas, el ideal liberal no tiene ese telos tan distintivo que es típico del fascismo y del comunismo. A diferencia de otras ideologías, el liberalismo es exceptivo de cualquier concentración de poder, porque ve en la "inflación" de lo político y en el fervor ideológico, los signos del autoritarismo y peor aún, como han argumentado algunos autores, del totalitarismo.[16] El liberalismo parece encajar mejor en una polis secularizada, que Carl Schmitt llamó alternativamente "estado mínimo" (Minimalstaat) o estado neutral.[17] En tal sociedad donde la producción ha sido racionalizada y la interacción humana esta sujeta a una reificación constante, el liberalismo no puede (o no desea) adoptar la misma "voluntad de poder" que caracteriza a las otras ideologías.  Además, es difícil que una sociedad así pueda demandar el sacrifico de sus ciudadanos por los intereses de algún ideal político o religioso.[18]   El libre mercado es visto como un "espacio neutral" (Neutralgebiet), que permite únicamente el conflicto ideológico más minúsculo, que tiene como objetivo superar todos los conflictos políticos, proponiendo que todas las personas son seres racionales cuya búsqueda de la felicidad es sinónimo de la persecución pacifica de su bienestar económico.  En una sociedad liberal e individualista, cada creencia política tarde o temprano es reducida a un "asunto privado" cuyo ultimo arbitro de su veracidad es el individuo. El teórico marxista Jurgen Habermas ha llegado a una conclusión similar, cuando él argumenta que los sistemas liberales modernos han adquirido un carácter negativo: "la política es orientada a la remoción de las disfunciones y riesgos dañinos al sistema; en otras palabras, la política no esta orientada a la implementación de objetivos prácticos, sino a la solución de problemas tecnológicos." [19] El mercado podría así ser visto como una construcción social ideal cuyo principal objetivo es limitar la arena política. Consecuentemente, cada error imaginable en el mercado es explicado como producto del "exceso de política" que impide el libre intercambio de bienes y comodidades. [20]

Una de las frases mas cínicas sobre el liberalismo y el "fetichismo monetario" liberal, no viene de Marx, sino del ideólogo fascista Julius Evola, que una vez escribió: "frente al dilema clásico de elegir entre el dinero o la vida, el burgués paradójicamente respondería lo siguiente: "Toma mi vida, pero ahorra mi dinero." [21]  Pese a su carácter presuntamente agnóstico y apolítico, seria erróneo afirmar que el liberalismo no tiene "raíces religiosas." De hecho, muchos autores han remarcado que la implementación del liberalismo ha sido mas exitosa en aquellas naciones que se han adherido fuertemente al monoteísmo bíblico. A principios de este siglo, el sociólogo alemán Werner Sombart señalo que los postulados económicos y la ética liberal provienen del legalismo judeocristiano, y que los liberales conciben al comercio, el dinero y a la "santa economicidad" ("heilige Wirtschaftlichkeit")  como la vía ideal para lograr la salvación individual espiritual.[22] Mas recientemente, el antropólogo francés Louis Dumont, ha escrito que el individualismo y el economicismo liberal son la transposición secular de creencias judeocristianas, concluyendo que "así como la religión dio nacimiento a una política particular, la política luego engendraría a una cierta economía." [23]

Por consiguiente, escribe Dumont en su libro De Mandeville a Marx, que en la doctrina liberal, la búsqueda individual de la felicidad fue lentamente asociada a la búsqueda del bienestar económico. Él opina que en las sociedades modernas la sustitución del concepto del hombre como ser social por la idea del hombre como individuo fue hecha posible por el judeocristianismo: "fue hecha posible la transición desde un orden social holista (orgánico) a un sistema político organizado por el consenso individual como superestructura en una base económica particular." [24]  En otros términos, la idea de la responsabilidad individual ante Dios, dio nacimiento, luego de un largo periodo de tiempo, al individuo y a la noción de la responsabilidad económica que constituye uno de los ejes del contrato social liberal -- una noción totalmente ausente de las sociedades orgánicas y nacionalistas. [25] Así, Emanuel Rackman argumenta que el judeocristianismo jugo un papel importante en el desarrollo del liberalismo ético en Estados Unidos: "esta fue la única base en la que Thomas Paine pudo fundamentar en sus "Derechos del hombre" el dogma de la Declaración norteamericana de Independencia de que todos los son hombres son creados iguales. Y este dogma es básico en el Judaísmo." [26] Declaraciones parecidas son hechas por Konvitz en Judaism and the American Idea, donde argumenta que la América moderna le debe mucho a las escrituras sagradas hebreas. [27] Feurbach, Sombart, Weber, Troeltsch, y otros han argumentado de forma similar que el judeocristianismo tuvo una influencia considerable en el desarrollo histórico del capitalismo liberal. Por otra parte, sí se considera el reciente éxito económico de los países asiáticos de la costa del Pacifico, cuyo ímpetus expansionista a menudo sobrepasa los logros económicos de las naciones marcadas por el legado judeocristiano, uno no debe igualar el éxito económico únicamente con las formas judeocristianas de la sociedad liberal. 

¿Igualdad de oportunidades económicas o la Oportunidad para ser desigual?

La fuerza del liberalismo y de la economía de mercado reside en el hecho de que el ideal liberal permite, al menos teóricamente, a todas las personas desarrollar sus talentos de la mejor forma que puedan. El mercado ignora toda la jerarquía y diferenciación social, excepto aquellas diferencias que resultan de las transacciones económicas. Los liberales argumentan que todas las personas tienen la misma oportunidad económica, y que consecuentemente, cada individuo, al hacer uso de sus talentos y empeño, determinara su status social. Pero los críticos del liberalismo a menudo señalan que esta forma en si misma  es dependiente de las condiciones bajo las cuales los principios de la "oportunidad económica" pueden tomar lugar. John Schaar afirma que el liberalismo a transformado el espacio social en una área económica, y que tal formula debería entenderse así: "igualdad de oportunidad para todos para desempeñar esos talentos que son valorados altamente por la economía en un tiempo dado." [28] Según la lógica de Schaar, cuando los antojos del mercado determinan que bienes, comodidades o talentos humanos son mas demandados, o mas mercadeables que otros, causa que los individuos que no tienen esos talentos o comodidades experimenten una gran injusticia y un sentimiento de exclusión. "Cada sociedad", Schaar continua, "promueve algunos talentos y rechaza otros. Bajo la doctrina de la igualdad de oportunidades, los hombres que podrán realizarse a si mismos y desempeñar sus habilidades son solo aquellos que hacen lo que la sociedad demanda de ellos." [29]  Esto significa que las sociedades liberales paradójicamente solo funcionaran correctamente cuando sus miembros compartan una cultura (liberal, ciertamente) y unos objetivos en común. Sin embargo, el liberalismo moderno parece querer eliminar las fronteras nacionales y promover la conversión de estados-naciones anteriormente homogéneos en entidades multiétnicas por medio de los desplazamientos migratorios. Así, el potencial para la disgregación e insastifaccion es maximizado por la implementación exitosa de sus principios económicos.

Es mas argumentable decir que el éxito del liberalismo engendra sus propios problemas. Así, como Karl Marx ha notado, en una sociedad donde todo se convierte en una comodidad intercambiable, el hombre gradualmente comenzara a verse a si mismo como otra comodidad intercambiable también. Un individuo medio será cada vez menos capaz de seguir sus propios criterios, valores e intereses personales y mas bien, se enfocara tenazmente en no ser derrotado en la batalla económica, y a estar siempre acoplado con los intereses del mercado. Según Schaar, tal actitud, a largo plazo, puede tener consecuencias catastróficas tanto para el ganador como para el perdedor: "los vencedores empiezan a considerarse a si mismos como superiores a la humanidad común, mientras que los vencidos son forzados a pensar que son menos humanos." [30] Bajo tal presión psicológica causada por una competición económica incesante, y turbados por el temor de que podrían quedar fuera del juego, un numero considerable de personas, cuyos intereses y sensibilidades no son compatibles con las actuales demandas del mercado podrían desarrollar sentimientos de envidia, resentimiento e inferioridad. Muchos entre ellos aceptaran el juego económico, pero muchos, llegaran, poco a poco, a la conclusión de que la forma liberal de la "igualdad" solo aplica en realidad aquellos que son mas exitosos económicamente. Murray Milner, cuyos análisis son paralelos a los de Schaar, observa que bajo esas circunstancias, la doctrina de la igualdad de oportunidades crea una inseguridad psicológica independientemente de cual sea la afluencia material de la sociedad. "Remarcar la igualdad de oportunidades necesariamente hace mas fluida a la estructura del status social y mas ambigua e insegura a la posición del individuo dentro de ella." [31] La lucha sin fin por las riquezas y la seguridad, que parece no tener limites, puede producir resultados negativos, particularmente cuando la sociedad este en camino de sufrir cambios económicos súbitos. Anthony Flew, en forma similar, escribe que "una 'competición' en la que el éxito de todos los competidores es igualmente probable es un juego de azar, no una competición genuina." [32]  Para Milner tal juego económico es impredecible, y "si se extiende indefinidamente, podría llevar al cansancio y al colapso." [33]

Muchos otros autores contemporáneos también argumentan que el mayor desafío para el liberalismo viene del constante incremento del bienestar general logrado por sus éxitos económicos. Recientemente, dos académicos franceses, Julien Freund y Claude Polin han escrito que la sorprendente expansión del liberalismo, que ha resultado en una creciente afluencia general, genera inevitablemente nuevas necesidades económicas y materiales que deben ser satisfechas. Consecuentemente, luego de que la sociedad haya alcanzado un nivel envidiable de crecimiento, la mas ligera crisis económica resulta en una caída perceptible en la calidad de vida, que causa rechazo social y posiblemente movilizaciones y cambios políticos.  

Tomando una posición un poco diferente, Polin remarca que el liberalismo, según la muy valorada doctrina de los "derechos naturales", tiende, a menudo, a definir al hombre como una especie finalizada y completa, que ya no necesita evolucionar, y cuyas necesidades pueden ser predichas racionalmente. Llevado por un deseo inextinguible que hace que él deba actuar en su entorno físico exclusivamente para mejorar sus bienes terrenales, según la ideología liberal él es impulsado a pensar que la única vía posible para realizar la felicidad es poniendo al bienestar material y el individualismo por sobre todo lo demás. [34] De hecho, debido a que la "ideología de las necesidades" se ha convertido en un criterio tácito de progreso en el liberalismo, es argumentable que todas las necesidades materiales de las masas anónimas modernas deben siempre ser "pospuestas", porque nunca serán satisfechas.[35] Es más, toda sociedad que pone una esperanza excesiva en la economía, gradualmente llegara a ver la libertad como una libertad puramente económica y el bien como un bien puramente económico. Así, la "civilización mercantil"  (civilization marchande), como Polin la llama, debe eventualmente convertirse en una civilización hedonista en busca de placer y amor propio. Esos puntos son similares a aquellos mantenidos por Julien Freund, que también vio en el liberalismo la promoción de una sociedad de necesidades imposibles y de deseos insaciables. Él remarca que "la saciedad y superabundancia no son lo mismo que la satisfacción, porque provocan una nueva insatisfacción."[36] En vez de resolver racionalmente todas las necesidades humanas, la sociedad liberal hace aparecer constantemente nuevas necesidades.  Todo sucede, escribe Freund, como si los bien-alimentados necesitarán más que aquéllos que viven en la indigencia. En otras palabras, la abundancia crea una forma diferente de escasez, como si un hombre necesitara de privación e indigencia, "como si el necesitara tener algunas otras necesidades." [37] Uno casi tiene la impresión de que la sociedad liberal deliberadamente provoca nuevas necesidades, generalmente impredecibles, a menudo bizarras. Freund concluye que "mientras mayor sea la racionalización de los medios o de la producción que produzca un incremento en el volumen de los bienes accesibles, mayores serán las necesidades hasta el punto de volverse irracionales." [38]

Esto implica que la dimanica del liberalismo, que continuamente fomenta nuevas necesidades impredecibles, amenaza continuamente los principios filosóficos del mismo racionalismo en el que la sociedad liberal ha construido su legitimidad. En ese aspecto los teóricos socialistas suenan a menudo convincentes cuando argumentan que sí el liberalismo no ha sido capaz de ofrecer la igualdad en la afluencia, al menos el comunismo ofrece la igualdad en la frugalidad!

Conclusión: de la sociedad atomizada al sistema totalitario

El imperialista británico Cecil Rhodes, una vez exclamo: "sí yo pudiera anexaría también los planetas!" De hecho, es una idea muy prometida y bastante digna de los individualistas radicales de Jack London o de los emprendedores de las novelas de  Balzac -- pero ¿puede ser realizada en un mundo en el que la vieja guardia capitalista, como señalo Schumpeter, se ha convertido en una especie en extinción? [39]

Es una incógnita saber cómo el liberalismo realizara su odisea en una sociedad en la que aquellos que son mas exitosos en el plano económico tienen que convivir con aquellos con menos logros económicos, en tanto que sus principios igualitaristas prohiben el desarrollo de un sistema moral que justifique esa jerarquía económica, como aquel que sostuvo la sociedad medieval europea. Aparte de las profecías sobre el ocaso de Occidente, es evidente que es mas fácil crear la igualdad en la miseria económica que la igualdad en la afluencia. Las sociedades socialistas evidencian un grado superior de igualdad en ...la mísera. Pero las sociedades liberales, especialmente en los últimos diez años, han sido enfrentadas por un dilema sin fácil resolución; por un lado, sus esfuerzos para expandir el mercado para crear una economía mas competitiva han causado la marginalización de algún estrato social.  Por otro, sus intentos de crear condiciones mas igualitarias por medio del Estado Benefactor, tienen como consecuencia un desempeño económico mas flojo y el incremento de los controles burocráticos gubernamentales. Como ha sido demostrado antes, la democracia liberal se desvía de la idea de que el "estado neutral" y el libre mercado son presuntamente los mejores obstáculos al avance de las ideologías políticas radicales, y que el comercio, como pensaba Montesqieu, "ablanda los impulsos." Más allá, como resultado del impulso liberal a extender el mercado a nivel planetario, y consecuentemente, a reducir o eliminar todas las formas de proteccionismo nacional contra el flujo de mercancías o de capital, o incluso de mano de obra, el trabajador individual se encuentra en un entorno incomprensible que cambia muy rápido y que es internacional, muy diferente de la sociedad local segura conocida por él en su niñez.

Esta paradoja del liberalismo ha sido descrita muy bien por un lucido observador alemán, el filosofo Max Scheler, que tuvo la oportunidad de observar que el desarrollo errático liberal, primero en la Alemania guillermina y luego en el régimen de Weimar. Él noto que el liberalismo esta condenado a crear enemigos, tanto en el lado derecho como en el izquierdo del espectro político: en la izquierda hace enemigos de aquellos que ven el liberalismo una perversión del dogma de los derechos naturales, y en la derecha, en aquellos que le consideran como una amenaza seria a la sociedad orgánica- comunitaria tradicional. Escribe Scheler "como consecuencia, una gran cantidad de resentimiento aparece en una sociedad como la nuestra, en la cual la igualdad política y otros derechos, es decir, la igualdad social reconocida públicamente, es acompañada de grandes diferencias en poder real, propiedad real y educación real. Una sociedad en la que cada uno tiene el "derecho" a compararse con todos, pese a que en la realidad, el hombre solo puede compararse con nadie."[40] En las sociedades tradicionales según Louis Dumont, esos tipos de razonamientos nunca se desarrollarían en la misma magnitud porque la mayoría de las personas estaban fuertemente arraigadas a sus raíces comunales y al status social que su comunidad les dio. Por ejemplo, India proporciona un caso ejemplar de un país que ha preservado significativamente una comunidad cívica tradicional, al menos en sus pueblos y villas mas pequeñas, a pesar del impacto adverso de su explosión demográfica y del conflicto entre el socialismo gubernamental y el liberalismo del creciente sector industrial de la economía.  A diferencia, en el Occidente mas industrializado, se puede argumentar que la supervivencia del liberalismo moderno depende de su habilidad para "ir mas allá de si mismo" económicamente.

La necesidad de una expansión económica rápida y constante lleva en si las semillas de la dislocación social y cultural, y es esta perdida de "raíces" lo que proporciona el semillero ideal para las ideologías radicales. De hecho ¿como el crecimiento sin control podrá aplacar a los proponentes radicales de los derechos naturales, cuya respuesta típica es que es inadmisible que alguien sea un perdedor y otro un triunfador? Frente a la expansión constante del mercado, el individuo desarraigado y alienado en una sociedad en la que el principal criterio valorativo es la riqueza material, podría tender a sacrificar su libertad por la seguridad económica. No siempre parece convincente que las sociedades liberales sean siempre capaces de sostener el "contrato social" en el que dependen para sobrevivir basándolo en la interdependencia material entre los individuos. La economía podría, a veces, conformar un lazo social fuerte, pero no tiene el poder afectivo emocional (que la vieja nación basada en la familia si tiene) para inducir al sacrificio propio en tiempos de adversidad.

Probablemente, al ligar a los individuos en una interdependencia puramente económica, y al destruir las relaciones mas tradicionales basadas en el parentesco y la comunidad nacional, el liberalismo moderno ha tenido éxito en crear un entorno dónde, en tiempos de adversidad, el individuo económico intentara sobrepujar, ser más listo y superar en estrategia a todos los otros, por consiguiente, preparando el terreno para "el terror del todos contra todos," y para la aparición de nuevos totalitarismos. En otras palabras, el espíritu del totalitarismo nace cuando la actividad económica oscurece todos los otros aspectos de la existencia social, y el "individuo deja de ser un padre, un deportista, un hombre religioso, un amigo, un colega, etc - para convertirse solo en un actor económico."[41] Encogiendo el aspecto espiritual y privilegiando a las actividades económicas, el liberalismo amenaza sus propios principios de libertad, facilitando así enormemente la aparición de las tentaciones totalitarias. Se puede concluir que mientras los valores económicos permanezcan subordinados a los ideales no-económicos, el individuo tiene al menos algún sentido de seguridad independientemente del hecho de que su vida, fuese a menudo, mas miserable económicamente. Con la emergencia subsecuente del mercado anónimo, gobernado por la igualmente anónima mano invisible, en la sociedad anónima, como Hannah Arent alguna vez señalo,  el hombre adquiere un sentimiento de desarraigo y de inseguridad existencial. Por esta razón, las economías liberales modernas del Occidente deben tratar constantemente de asegurar que el milagro económico continúe. En tanto que el éxito económico ha sido convertido en el principal valor moral y los sentimientos comunitarios nacionales han sido tachados de obsoletos, los problemas económicos automáticamente generan una profunda insatisfacción entre aquellos confrontados con la pobreza, que son mas débiles al sentido de "alienación" en el que se ha basado todo el pasado éxito marxista.

Entonces, no se debe excluir la posibilidad de que la sociedad liberal moderna enfrente serias dificultades en algún tiempo futuro al fracasar en ofrecer un crecimiento económico seguro, especialmente, si además continua atomizando deliberadamente a la familia (por ejemplo, reduciendo los matrimonios por medio de un sistema fiscal que favorece el individualismo extremo) y a las comunidades nacionales en beneficio de un único mercado mundial internacional, en conjunto con su acompañante inevitable: el "Hombre internacional." Mientras que cualquier vacilación de la economía mundial, ya bajo presión de la explosión demográfica del Tercer Mundo, podría llevar considerablemente a un resurgir de los totalitarismos de derechas en algunos lugares, es mucho mas probable que en una sociedad internacionalizada el nuevo totalitarismo vendrá de la Izquierda, en la forma de un resurgir del "experimento marxista", que prometería un paraíso económico a una población que ha sido enseñada durante décadas que los valores económicos son los únicos valores que importan.  Precisamente porque los "trabajadores del mundo" se verán a si mismos como un proletariado internacional alienado, tenderán a favorecer al totalitarismo marxista internacional, y no a otros movimientos políticos radicales.

Notas:

  1. Michael Beaud, A History of Capitalism 1500-1980 (Paris: New York: Monthly Review Press, 1983), p. 80. [Back]
  2. Francois Perroux, Le capitalisme (Paris: PUF, 1960), p. 31. [Back]
  3. Ernst Topitsch "Dialektik - politische Wunderwaffe?," Die Grundlage des Spatmarxismus, edited by E. Topitsch, Rudiger Proske, Hans Eysenck et al., (Stuttgart: Verlag Bonn Aktuell GMBH), p. 74. [Back]
  4. Georges Sorel, Les illusions du progres (Paris: Marcel Riviere, 1947), p. 50. [Back]
  5. Francois-Bernard Huyghe, La Soft-ideologie (Paris: Laffont, 1988). See also, Jean Baudrillard, La Gauche divine (Paris: Laffont, 1985). Para una polemica interesante sobre "la traición de los intelectuales ex-comunistas convertidos al liberalismo," ver Guy Hocquenghem, Lettre ouverte a ceux qui sont passes du col Mao au Rotary (Paris: Albin Michel, 1986). [Back]
  6. Serge-Christophe Kolm. Le liberalisme moderne (Paris: PUF, 1984), p. 11. [Back]
  7. Carl Schmitt, Die geistegeschichtliche Lage des heutigen Parlametatarismus (Munchen and Leipzig: Verlag von Duncker and Humblot, 1926), p. 23. [Back]
  8. Kolm, op. cit., p. 96. [Back]
  9. Karl Marx, Kritik des Gothaer Programms (Zurich: Ring Verlag A.G., 1934), p. 10. [Back]
  10. Ibid. , p. 11. [Back]
  11. Sanford Lakoff, "Christianity and Equality," Equality, edited by J. Roland Pennock and J. W. Chapmann, (New York: Atherton Press, 1967), pp. 128-130. [Back]
  12. David Thomson, Equality (Cambridge: University Press, 1949), p. 79. 13. Sorel, op. cit., p. 297. [Back]
  13. Sorel, op. cit., p. 297. [Back]
  14. Loc. cit. [Back]
  15. Theodore von Sosnosky, Die rote Dreifaltikeit (Einsiedeln: Verlaganstalt Benziger and Co., 1931). [Back]
  16. cf. Raymond Aron, Democracy and Totalitarianism (New York: Frederick A. Praeger Publishers, 1969), p. 194 and passim. [Back]
  17. Carl Schmitt, Der Begriff des Politischen (Munchen and Leipzig: Verlag von Duncker and Humblot, 1932), p. 76 and passim. [Back]
  18. Ibid. , p. 36. [Back]
  19. Jurgen Habermas Technik and Wissenschaft als Ideologie (Frankfurt: Suhrkamp Verlag, 1968), p. 77. [Back]
  20. Alain de Benoist, Die entscheidenden Jahre, "In der kaufmannisch-merkantilen Gesellschaftsform geht das Politische ein,"(Tubingen: Grabert Verlag, 1982), p. 34. [Back]
  21. Julius Evola, "Proces de la bourgeoisie," Essais politiques (Paris: edition Pardes, 1988), p. 212. First published in La vita italiana, "Processo alla borghesia," XXV1II, nr. 324 (March 1940): 259-268. [Back]
  22. Werner Sombart, Der Bourgeois, cf. "Die heilige Wirtschaftlichkeit"; (Munchen and Leipzig: Verlag von Duncker and Humblot, 1923), pp. 137-160. [Back]
  23. Louis Dumont, From Mandeville to Marx, The Genesis and Triumph of Economic Ideology (Chicago: The University of Chicago Press, 1977), p.16. [Back]
  24. Ibid., p. 59. [Back]
  25. cf. L. Dumont, Essays on Individualism (Chicago:The University of Chicago Press, 1986). [Back]
  26. Emanuel Rackman, "Judaism and Equality;' Equality, edited by J. Roland Pennock and John W. Chapman (New York: Atherton Press, 1967), p. 155. [Back]
  27. Milton Konvitz, Judaism and the American Idea (Ithaca and London: Cornell University Press, 1978). El jurista aleman Georg Jellinek tambien argumenta en  Die Erklarung der Menschen-and Burgerrechte (Leipzig: Duncker and Humbolt, 1904), p. 46,  que "la idea de establecer legalmente los derechos inalinables, sagrados e inherentes de los individuos no s de origen politico, sino religioso." [Back]
  28. John Schaar, "Equality of Opportunity and Beyond," in Equality, op. cit. , 230. [Back]
  29. Ibid., p. 236. [Back]
  30. Ibid., p. 235. [Back]
  31. Murray Milner, The Illusion of Equality (Washington and London: Jossey-Bass Inc. Publishers, 1972), p. 10. [Back]
  32. Antony Flew, The Politics of Procrustes (New York: Promethean Books, 1981), p. 111. [Back]
  33. Milner, op. cit., p. 11. [Back]
  34. Claude Polin, Le liberalisme, espoir ou peril (Paris: Table ronde, 1984), p. 211. [Back]
  35. Ibid. p. 213. [Back]
  36. Julien Freund, Politique, Impolitique (Paris: ed. Sirey, 1987), p. 336. Also in its entirety, "Theorie des besoins," pp. 319-353. [Back]
  37. Loc. cit. [Back]
  38. Ibid., p. 336-337. [Back]
  39. Joseph Schumpeter, Capitalism, Socialism and Democracy (New York: Harper and Row, 1975), p. 165 and passim. [Back]
  40. Max Scheler, Das Ressentiment im Aufbau der Moralen (Abhandlungen and Aufsazte) (Leipzig: Verlag der weissen Bucher, 1915), p. 58. [Back]
  41. Claude Polin, Le totalitarisme (Paris: PUF, 1982), p.123. See also Guillaume Faye, Contre l'economisme (Paris: ed. le Labyrinthe, 1982). [Back]
  42. Hannah Arendt, The Origins of Totalitarianism (New York: Meridian Book, 1958), p. 478. [Back]
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mardi, 12 juin 2007

Aux origines de l'Europe

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Aux origines de l'Europe

 

Aussi loin que nous remontions dans le passé, nous bai­gnons dans une culture commune à tous les européens. Dé­nommée “Religion Cosmique”, son axe principal est un sy­stème de trois cycles, de trois couleurs puis de trois fonc­tions. Cette religion est à la base d’une conception globale de la société qui s’est transmise d’âge en âge au moyen de my­thes, légendes et contes, voire de données historico-légendaires.

 

CYCLE COSMIQUE ET STRUCTURE SOCIALE

 

Les cycles temporels sont au centre de la vision commune. Le premier cycle est celui de la nuit, du jour, du binôme au­ro­re-crépuscule. L’année est le second cycle composé d’une par­tie diurne, la belle saison, d’une partie nocturne, la ténè­bre hivernale, d’une aurore (le printemps) et d’un crépuscule. Le cycle cosmique est la succession d’une nuit, le chaos, d’une aurore, l’âge d’or, d’un jour et d’un crépuscule qui, à son terme, l’âge sombre, aboutit à une nouvelle nuit.

Les couleurs des trois cieux sont : le blanc du ciel du jour (le blanc est la couleur des nuages) ; le noir du ciel nocturne qui est aussi la couleur de la terre ; le rouge qui renvoie à la notion de coupure : ce qui est coloré en rouge désigne le ciel auroral ou vespéral.

Le ciel du jour qualifie les Dieux souverains qui n’ont aucun pouvoir en dehors du jour et de la belle saison, tels Zeus en Grèce ou Jupiter à Rome. Le ciel nocturne est habité par les Dieux nocturnes et les esprits des morts. Le ciel étoilé des Grecs s’appelle Ouranos et Wotan chez les Germains. Le cré­puscule et l’aurore sont des coupures entre les deux pré­cé­dents. Pour cette raison, le dieu Cronos est castré, et de nom­breuses déesses puis héroïnes représentent les divini­tés du ciel rouge auroral ou vespéral. Leur diversité corres­pond exactement à la situation d’intermédiaire. Les Aurores, d’Aphrodite à la Belle au bois dormant, sont les garantes du retour de l’ordre selon une séquence cohérente: le dieu du jour est rallié par l’Aurore ; le souverain nocturne est évincé ; le jeune Dieu solaire naît.

La société humaine est considérée comme triple. Ses deux premiers composants, le blanc et le rouge, forment la cou­che supérieure. Le blanc est la couleur du principe spirituel sur lequel repose la souveraineté religieuse et magique. Le groupe supérieur, dont la couleur est le blanc, est doté de “ lumineuses” qualités : clarté, bonté, sagesse. Le rouge est la couleur du principe d’ardeur et de passion constitutif de la force et notamment de la force dans les combats. L’union des deux couleurs symbolise l’existence d’une élite sans la­quelle la société ne serait qu’une masse informe. Les trois couleurs des trois cieux sont associées à des principes spiri­tuels et cosmiques qui trouvent leur correspondace dans l’organisation sociale harmonieuse des trois fonctions.

 

LA PRÉOCCUPATION POUR l’HARMONIE, FOND COMMUN DES BONS EUROPEENS

 

La religion cosmique commune se définit aussi comme re­ligion de la vérité, car est vrai ce qui est concordant, bien ajusté. Le retour régulier des saisons, et notamment de la belle saison, est une image de la vérité. L’ajustement correct en tant que définition de la vérité est une caractéristique profonde de la civilisation européenne. C’est en effet l’idée de recherche de la vérité et la préoccupation d’être un bon technicien pour ajuster les cycles, qui a conditionné en Eu­rope l’essor prodigieux de la science et de la technique puis façonné l’espit critique et philosophique. Il n’y a pas de corps de vérités toutes faites, surtout si elles doivent être imposées par un pouvoir politico-idéologique.

 

L’harmonie est une préoccupation quotidienne car il s’agit d’un idéal qui norme le comportement. Le cheminement vers la vérité ainsi que la recherche du comportement conforme à sa position sociale et à ses fonctions se raniment tous les matins au lever du soleil, chaque année pour chasser la ténèbre hivernale, au cours du temps pour lutter contre le chaos. Il nous faut affronter aujourd’hui comme hier le men­son­ge, les mauvais esprits, les forces du néant et notam­ment celles du dissensus. Depuis l’origine des temps, c’est le rôle et la grandeur des hommes d’élite que de restaurer l’har­monie au sein de notre continent.

 

Frédéric VALENTIN.

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lundi, 11 juin 2007

Sur la fête de l'Aurore

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Sur la fête de l’Aurore

 

Il est probable qu'une troisième classe de divinités s’insérait initialement entre celle du ciel diurne et celle du ciel nocturne : les divinités du ciel rouge, auroral et crépusculaire, en particulier les Aurores (1). L'intention d'une fête de l'Aurore a donc une certaine ambiguïté : soit elle vise à encourager l'Aurore contre l'offensive imminente du temps nocturne ; soit à renforcer l'Aurore contre sa propre lassitude.

 

Dans la religion cosmique, l'Aurore est l'intermédiaire obligé entre tous les dieux. Aussi, tantôt elle est une actrice énergique qu'il est très difficile de se concilier, surtout lorsque les rencontres qu'elle agence ont un caractère militaire, tantôt elle est l'objet de sévères disputes entre les deux forces qui la convoitent. En fait, l'Aurore est à la fois une déesse fille, mère et épouse des dieux, notamment ceux du ciel diurne.

 

Hiérogamie

 

Homère, dans le chant 14 de l'Iliade, narre l'union de Zeus et d'Héra sur le sommet du Gargaros. Schéma mythique : la scène se passe au printemps. Le retour du printemps est symbolisé par l'union amoureuse des deux divinités. Le lieu, la montagne, est essentiel. Il existe par exemple une " montagne de l'année ", le Lycabette dont le nom s'explique par le souvenir d'une liaison entre l'année et la montagne. La « montagne » de l’année est celle où se manifeste le retour du soleil : celle dont sortent les « Aurores de l’année ».

 

Le mythe de Vala

 

Selon le Veda, un être mythique, Vala, retient prisonnier dans une caverne les éléments de la création. Vala prospère grâce à cette rétention. Il faut qu'il soit assiégé par un Dieu armé de la parole et accompagné d'un chœur (le récit affirme qu'ils sont sept) pour que, fracturé par la parole, il relâche les biens de la création (2).

 

La caverne de Vala apparaît comme un enclos qui abrite les forces vitales entre deux cycles. Un tel lieu pourrait être connu par les mythologies de plusieurs peuples indo-européens. En Europe du Nord, les éléments qui permettront une vie nouvelle après la destruction du monde, lors du Ragnarök, sont sauvegardés dans le Gimlé. Puisque Vala symbolise l'hibernation de la Création accompagnée de l'affaiblissement de la nature, Vala fracturé c'est l'assurance du retour de la vie, du printemps. Ce retour est représenté par la délivrance des Aurores, les vaches d'abondance.

 

L'Aurore crée une filière

 

Selon les linguistes, il devait exister une formule indo-européenne : " Fendre la montagne par la formule pour faire luire la lumière cachée ". A partir de cette formulation, un réseau d'homologies est établi entre : lumière ; éveil ; vitesse vigueur et courage ; victoire. Parallèlement il existe une homologie entre chanter et luire.

 

L'Aurore, captive de la nuit silencieuse, est accompagnée de bruissements de la nature lorsqu'elle parait. D'où l'association entre l'apparition de la lumière et le bruissement, la rumeur matinale. Par inversion de l'effet et de la cause, le chant (ou bruissement) a délivré l’Aurore des ténèbres.

 

Selon les hymnes védiques à USAS l'Aurore, celle-ci préside au retour de la lumière solaire. En tant que bonne déesse, l'Aurore prodigue elle même ses dons, tout ce qui permet de subsister et d'être heureux. L'Aurore introduit la lumière en tant qu'éclairante, opposée à l'obscurité. Elle ouvre la succession des rites : elle met en rapport les dieux et leurs fidèles. Mais, simultanément, elle ouvre une longue saison avec un contenu incertain, imprévisible. En éclairant, elle éveille les acteurs de la comédie humaine et elle leur propose leur action. Elle ramène à la vue et à la mémoire les fins et les moyens de l'action de chacun, en sorte qu'elle entretient un rapport avec la déesse romaine Fortuna.

 

Rome et Mater Matuta (3)

 

Le jour romain commence à minuit et l'année débute après le solstice d'hiver car il existe une "bonne" obscurité, grosse du soleil, transmettant à l'Aurore l'enfant lumineux en train de naître. L'Aurore est considérée comme la mère adoptive du Soleil : elle le recueille. Ici, nuit et aurore ont en commun une œuvre maternelle. Ces “sœurs” sont des mères collaborantes. Soit elles sont les deux mères d'un même enfant, le Soleil (ou le Feu céleste}; soit l'Aurore prend livraison du fils de la nuit et le soigne à son tour (le Soleil étant remplacé, en Inde, par le Feu des offrandes).

Le service de la déesse se décompose en deux temps.

-           Aux matralia (11 juin), deux actions sont effectuées : Négative, chasser l'obscurité ; positive, recevoir le jeune soleil. Mater Matuta est la protectrice du plus brillant des nouveaux-nés, donc protectrice d'une catégorie de jeunes enfants.

 

-           Deux jours après, les Aurores récalcitrantes ( rôle tenu par des travestis), sont ramenées malgré elles et par ruse, à leur devoir .

Ovide signale que le jour des Matralia, les mères offrent des gâteaux en forme de roue, cuits dans un moule, et de couleur jaune. Cela se réfère à la naissance du soleil.

 

Conclusion

 

L'Aurore est à la fois : la compagne des guerriers (éveil, courage) ; celle des poètes (fendre la montagne par la formule); la porteuse de dons (bienfaits de la lumière opposée aux ténèbres) ; la garante du bon ordre du monde (une fois le souverain nocturne évincé, le jeune Dieu solaire peut naître). Ces multiples aspects sont à intégrer dans la fête de l'Aurore qui demande aussi que l'on choisisse entre la "montagne de l'aurore", ou la "fracture de la caverne" comme rite inaugural.

 

Frédéric VALENTIN.

 

(1) Jean HAUDRY : La religion cosmique des Indo-Européens. Arché,

Les Belles Lettres, 1987.

(2) Patrick MOISSON : Les dieux magiciens dans le Rig-Veda. Archè-Edidit. 1993, p.36 et suivantes.

(3) Georges DUMEZIL : Mythe et Epopée, III, 2°partie : la saison de l'Aurore. Gallimard, 1990.

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dimanche, 10 juin 2007

J. Conrad, voyageur au bout de l'être

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Joseph Conrad, le voyageur au bout de l'être

 

On ne peut évoquer l'aventure en littérature sans se pencher sur le cas Conrad. Mais, avec lui, on s'éloigne radicalement des romans de marins de Stevenson et la seule île au trésor est celle de l'esprit, le trois-mâts, conquérant des sept mers devient le véhicule de la pensée de Conrad et le prétexte pour une aventure introspective.

Joseph Conrad aimait à se définir comme un romancier qui a été capitaine au long cours plutôt que comme un capitaine en retraite écrivant des romans, son expérience de la vie maritime ne constituant en réalité qu'une trame de fond pour une œuvre d'une autre nature. Ainsi, bien que la fiction de son œuvre épouse largement la réalité des événements vécus par lui ou portés à sa connaissance, son récit est avant tout celui de la vie intérieure, des sentiments et des sensations d'une humanité confrontée aux forces naturelles et de ce qui en résulte. Si l'œuvre de Joseph Conrad parcours toutes les mers du globe, la véritable aventure est celle d'une âme mise à nu et de sa place dans le monde, consciente de ses possibilités, rongée par le doute et libre de ses choix. C'est cette dimension de l'homme où la réflexion précède l'action qui est la véritable mesure du « vrai » dans la pensée de Conrad et lui-même sait « qu'un auteur vit dans son œuvre. Il est là, seule réalité d 'un monde fictif; parmi des choses, des événements, des gens imaginaires. En, les décrivant, il ne fait que se décrire lui-même. »

Si la forme de l'œuvre conradienne est une retranscription de son expérience maritime, le fond est imagination pure car « Ce n'est que dans l'imagination des hommes que toute vérité trouve une réelle et indéniable existence. L'imagination, non l'invention, est la maîtresse de l’art comme de la vie ». Et comme : « L'inspiration vient de la terre, qui a un passé, une histoire, un avenir, non du ciel froid et immuable », l'appréhension du monde qui en résulte est soumise à une identité culturelle définie et non à une Raison universellement innée. Donc, si à la lumière de la vie de l'homme s'étire l'ombre de sa pensée, il convient de jeter un regard sur ses origines:

Des origines polonaises et nationales-révolutionnaires

De son vrai nom Teodor Jozef Konrad Korzeniowski, il naît en 1857 à Terechowa, ville polonaise alors sous administration russe, dans une famille catholique et activiste patriote, précision qui serait un pléonasme concernant les Polonais (et les Irlandais) selon Jean Mabire, il est déporté en même temps que ses parents en Sibérie et deviendra orphelin à l'âge de onze ans. Recueilli par un oncle maternel, il s'embarque à dix-sept ans comme matelot à bord d'un voilier. Lié au milieu des activistes carlistes, du nom du prétendant légitimiste à la succession d'Espagne, il s'adonnera à la contrebande d'armes et tirera de cet épisode de sa vie matière à un roman d'inspiration largement autobiographique: La flèche d'or. Après être devenu lieutenant, il obtient la nationalité britannique, retourne pour quelques mois en Pologne où il est accueilli chaleureusement, passe son brevet de capitaine, débarque définitivement après avoir passé une vingtaine d'années sur les mers et devient écrivain. En tant que sujet britannique, Conrad choisira de s'exprimer dans la langue de Shakespeare, choix qui lui imposera une véritable torture intellec­tuel­le pour chaque phrase sortie du néant. Sa carrière littéraire dure une tren­taine d'années environ et il meurt en 1924 et est enterré à Can­torbéry.

Passé directement de l'état de victime dans une société sous admi­nistration étrangère à celui d'acteur dans une civilisation impé­rialiste et colonisatrice, de la solitude contrainte par la suspicion d'é­tat à celle des voyages en mer et surtout de la précarité d'un destin sou­mis à des événements incertains - I'incertitude précaire du mo­ment se révélant souvent être propice au dévoilement des âmes et des comportements - Conrad peut développer une scrupuleuse capacité d'observation du monde des hommes, adoptant le ton d'un relati­vis­me neutre et radical passé à l'aune d'un détachement moral, le dé­ta­chement désignant en fait une réalité aussi étrangère à celle de l'indifférence que peut l'être celle de neutralité à la modération, la tié­deur, l'esprit de conciliation d'un conformisme bien-pensant. C'est sur l'axe qui va du neutre, qui ne s'engage pas, au radical, qui ne tran­sige pas sur l'essentiel, que prend place l'expression de la libre pensée de l'exilé polonais devenu voyageur anglais, se gardant la possibilité de passer de l'un à l'autre au gré des conditions et des difficultés rencontrées.

Une valeur cardinale : la fidélité

Si l'absence d'un véritable engagement envers une quelconque idéologie a permis à certains de ses biographes de dénier à Conrad la possession de la moindre pensée cohérente, tout au plus de quelques vagues opinions, c'est en réalité le scepticisme qui est le point central, la pierre d'achoppement de la perspective conradienne. Mais ce scepticisme, loin d'entraîner l'aigreur et la désespérance est en fait le catalyseur lui permettant de jeter un regard contemplatif sur un « univers conçu comme un pur spectacle » et capable de dépas­ser le réel ou l'apparent pour atteindre le vrai. « Le scepticisme, le tonique des esprits, le tonique de la vie, l'agent de la vérité - la voie de l’art et du salut ». Mais si pour le biographe Albert Guérard, « Une vision moralisante et conservatrice de la vie était pour Conrad une seconde nature et tenait en échec un fort penchant au scepticisme et de forts élans de révolte » ; le scepticisme est également le moyen pour Conrad d'éviter l'écueil des vérités absolues d'une société victorienne mercantile, sûre d'elle-même et dominatrice, et dont les lois sont à l'opposé des convictions de Conrad puisque, comme il le déclare : « Ceux qui me lisent savent ma conviction que le monde, le monde temporel, repose sur quelques idées très simples, si simples qu'elles doivent être aussi vieilles que lui. Il repose notamment, entre autres choses, sur l'idée de fidélité. ». Cette fidélité, qui est la cause de tout engagement durable, mais aussi celle qui lui permet de maintenir un lien avec la tradition des siens et leur combat, comme le marin perdu en mer se cramponne à la bouée de sauvetage, fidélité entière et totale, même si ses compatriotes lui ont souvent reproché son exil volontaire hors de sa patrie d'origine car, pour Conrad, « La fidélité à une tradition particulière persiste à travers les événements d'une existence qui ne lui est pas liée, tout en suivant scrupuleusement le chemin tracé par une impulsion inexplicable » et dans les abords de ce chemin se démarque « Une vue impartiale de l'humanité à tous ses degrés de splendeur et de misère, jointe à un respect particulier pour les droits des non-privilégiés de ce monde, non pour des raisons mystiques, mais par simple solidarité et par un honorable esprit d'entraide, fut le caractère dominant de l'atmos­phè­re intellectuelle et morale des maisons qui abri­tè­rent mon enfance hasardeuse et constitua l’objet d'une con­viction sereine et profonde, durable et cohérente, aussi éloignée que possible de cet huma­nita­risme qui semble seulement l'effet d'un déséquilibre nerveux ou d'une conscience morbide ».

La fidélité et la solidarité, lois fondamentales pour la survie des ma­rins en mer, marquées dans leur cœur plutôt qu'au fronton des capitaineries, sont également nécessaires à l’écrivain en quête de vé­rité et, dans tous les cas, garants contre l'individualisme, l’indé­pen­dance égoïste, l’idée que l'homme serait une unité se suffisant à elle-même mue par des motifs de concurrence, qui donne l'utilitarisme en éthique et le libéralisme en économie (Jacques Berthoud, cf. biblio­graphie).

Le sens de l'honneur

Avec la fidélité et la solidarité, c'est le sens de l'honneur qui est l'un des thèmes majeurs de la pensée de Conrad puisqu'il reviendra à plusieurs reprises parmi les romans les plus importants de l'auteur. Le premier d'entre eux, La folie Almayer est le récit de la déchéance d'un marchand néerlandais promis à un bel avenir mais qui, au fur et à mesure qu'il s'enfonce dans les terres inconnues, se déshonore et devient la risée de tout le comptoir colonial, finit par vendre de la poudre à ceux qui contestent la présence des siens et meurt, seul et dérisoire dans l'attente d'un hypothétique coup du sort censé le mettre en présence d'un trésor. D'honneur perdu, il est encore question dans Lord Jim, I'histoire d'un jeune marin, commandant en second d'un navire rempli de passagers qu'il abandonne lâchement à leur sort et qui se défend des accusations portées contre lui devant Marlow, personnage récurent, probable alter ego de Conrad, solidaire de l'accusé malgré son ironie et sa distanciation.

D'une manière générale, les récits de Conrad sont matières propices à dévoiler toute une galerie de personnages présents pour évoquer toutes les gammes de comportement possible sous ces degrés de latitude et leurs contradictions mutuelles. Par exemple, la fille d'Almayer, métisse indonésienne, incarnation symbolique du choix donné à tous entre une civilisation marchande occidentale rendue pré­caire par la concurrence et celle, tout aussi précaire mais bien plus gratifiante des guerriers (malais en l'occurrence). Mais si le discours de Conrad n'a pas sa place dans le débat sur l'inégalité des races, il réduit à néant également celui sur l'éventuelle supériorité d'une civilisation sur les autres, maladie honteuse de la social-démocratie occidentale et des héritiers universalistes de Jules Ferry, d'autant qu'il est étranger à tout exotisme rousseauiste.

L'homme moderne indifférent et inconséquent

D'ailleurs, chez Conrad, les Européens sont autant guerriers (sans aucun rapport avec le citoyen conscrit, habituelle chair à canons des guerres économiques qui le dépassent) que les Malais peuvent être domestiques, comme en témoigne Tom Lingard, légataire d'Almayer, et, à l'opposé de Chester, marchand invétéré invitant le lord Jim aux promesses de richesse d'une île à guano, le personnage du Dr Stein, véritable entomologiste de choc, explorateur et guerrier capable de se défendre lui et les siens, philosophe à ses heures et initiateur de la réintégration du jeune lieutenant dans son honneur et que certains ont rapproché de la figure de Merlin ou de Prospero. On le voit, le monde issu de l'imaginaire conradien, donc représentation vitale du vrai, est celui des opposés qui réfute le modèle universel d'un monde des contraires forcément manichéens et qui ne peut aboutir qu'à la diabolisation de l'un des éléments par son antagoniste. Chez Con­rad, le choix est toujours possible sans exclusion (le Dr Stein est également commerçant) et va jusqu'aux figures extrêmes repré­sentées dans Au cœur des ténèbres sous les yeux de Marlow par Kurz, guerrier retombé dans le primitivisme et par le directeur du comp­toir congolais, fonctionnaire comptable zélé et déshumanisé. Mais des deux, c'est paradoxalement Kurz qui, au long du récit, garde à l'esprit la prégnance de l'esprit occidental tandis que le directeur, homme pratique et technocratique est transposable dans toutes les civilisations sans que son caractère en soit affecté. Mais si Kurz est coupable de trahir la civilisation européenne en l'aban­don­nant, le directeur est un homme qui a su régresser avec son temps pour devenir le prototype de l'homme moderne indiffé­rent et inconséquent, archétype de la civilisation du Progrès.

L'œuvre du romancier Conrad est donc d'abord celle d'un penseur de l'homme et de ses contradictions. S'il annonce déjà Céline et sa description dans Voyage au bout de la nuit, de la déliquescence de la civilisation européenne sous les tropiques, il demeure fonda­men­tale­ment optimiste en faisant également sienne la vision nietz­schéenne de l’homme, ce ruisseau chargé des alluvions de ses vices et de ses faiblesses cherchant parfois à atteindre à son embouchure la mer de la surhumanité. Mais Conrad n'est ni juge, ni parti et ce qui découle de son œuvre c'est avant tout le choix, celui qui est donné à la plupart de ses personnages et notamment à Marlow, double imaginaire (selon sa propre définition de l’imaginaire) de l'auteur qui, au cours de ses pérégrinations, est amené à observer et à évaluer les hommes et par cet intermédiaire, à faire évoluer son propre caractère pour faire surnager le vaisseau de son propre esprit sur les mers de la contradiction. C'est la garantie de ce choix, qui évite à l'homme de sombrer avec les esprits suffisants et « La troupe vaste de ceux qui manquent complètement d'imagination, de ces êtres au regard vide et aveugle desquels [...] l'univers entier s'évanouit dans un néant total », totalement inaptes à atteindre « notre véritable tâche à nous, les hommes, dont les jours sont comp­tés sur cette terre, lieu d'opinions contradictoires [...] Tâche où le des­tin n'a peut-être rien engagé de nous que notre conscience, douée de voix af in de témoigner véridiquement du miracle visible, de la terreur obsédante, de la passion infinie et de la sérénité sans limite; de la loi suprême et du mystère immuable du spectacle su­blime ».

Frédéric SCHRAMME.

Bibliographie sur Joseph Conrad:

◊ Des souvenirs; récits, Gallimard 1912

◊ La folie Almayer; roman, Gallimard 1919

◊ Lord Jim; roman, Gallimard 1921

◊ Au cœur des ténèbres; nouvelles, Gallimard 1925

◊ La flèche d'or; roman, Gallimard 1918

Jacques Berthoud:

◊ Joseph Conrad: Au cœur de l'œuvre; Criterion 1992.

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samedi, 09 juin 2007

Futuristi e rivoluzione alimentare

I futuristi e la rivoluzione alimentare

http://www.argonline.it/territori/territorio_dieci/futuristi.html

Dall'abolizione della pastasciutta, "assurda religione gastronomica italiana", ai cibi in pillole: le teorie e la storia del Manifesto della cucina futurista

Tutte le avanguardie storiche del Novecento appaiono debitrici verso il Futurismo. Esso è stato il primo movimento a predicare con lucida consapevolezza l'inevitabile necessità di una rivoluzione totale della forma come reazione vitale alla crisi profonda che si stava sviluppando dentro l'epoca. Nel Manifesto Futurista, al punto 6, si legge: "Bisogna che il poeta si prodighi, con ardore, sfarzo e munificenza, per aumentare l'entusiastico fervore degli elementi primordiali".1 Ciò significa, come avviene anche nel Surrealismo o nell'Espressionismo, che è compito dell'artista tuffarsi nella profondità più viscerale del proprio essere, per riportare alla luce quelle antichissime forze primigenie con cui plasmare un nuovo parametro di forma, che vada oltre il pantano della storia e le sue mortifere strutture. Il mondo allora è decostruito e ricostruito da capo, secondo una nuova declinazione della forma che coinvolge tutto. In Democrazia futurista, Marinetti scrive: "L'arte è per noi inseparabile dalla vita. Diventa arte-azione e come tale è sola capace di forza profetica e divinatrice".2 La rivoluzione è dunque totale, invade e modifica ogni aspetto dell'esistenza: l'arte innanzitutto, come luogo privilegiato della fenomenologia dell'essere; ma poi anche la politica, la società e le sue consuetudini, il concetto di corpo e pure, come vedremo nel dettaglio, la cucina e l'alimentazione.

Il 28 Dicembre 1930, nella "Gazzetta del popolo di Torino", appare il Manifesto della cucina futurista, firmato dal solito Marinetti. Il proclama non nasce dal nulla, ma si riallaccia ad una discussione iniziata il 1° Gennaio 1913 con il manifesto Le cubisme culinaire scritto da Apollinaire e pubblicato sulla rivista parigina "Fantasio".3 In esso il poeta esponeva i fondamenti di un nuovo tipo di cucina capace di compiere quella rivoluzione sensoriale che in pittura era stata portata dal cubismo. Sempre nel 1913, in un clima estremamente effervescente, quando di giorno in giorno venivano stilate risme di manifesti, mentre Apollinaire e Marinetti stringevano alleanza sottoscrivendo entrambi L'Antitradizione futurista, nella stessa rivista "Fantasio" appariva l'altro manifesto La cuisine futuriste, ad opera dello chef Jules Maincave. Il cuoco, richiamandosi alle idee artistiche di Marinetti, proponeva alcune soluzioni pratiche per le intuizioni di Apollinaire. Ma lo scoppio della Guerra troncò, insieme a moltissime altre cose, gli sviluppi di questo débat avanguardistico-culinario. Esso verrà ripreso, in maniera decisiva, solo diciassette anni più tardi (nel 1930), allorquando, provocatoriamente, Marinetti decide di ripubblicare il manifesto di Maincave su "La cucina italiana", in quel tempo rivista di punta della gastronomia nazionale.4 Alla provocazione risponde lo scrittore Massimo Bontempelli che, sulle colonne della stessa rivista, propugna il Novecentismo anche a tavola. La bagattella ha una certa eco giornalistica e così Marinetti, da geniale stratega della comunicazione, con ribalderia porta avanti la polemica: in occasione di un pranzo mondano tenutosi in onore del Futurismo, egli annuncia che il suo movimento sta per sovvertire il sistema alimentare. E così è: il 28 Dicembre 1930, come gia detto, viene pubblicato il Manifesto della cucina futurista.

Che cosa asserisce tale manifesto? È fin troppo facile rintracciare in esso gli stilemi più classici del Futurismo. Nell'esordio squilla già la tromba della rivoluzione, dacché vi si legge: "Il Futurismo italiano affronta ancora l'impopolarità con un programma di rinnovamento totale della cucina".5 Parole chiave sono: rinnovamento e impopolarità. Il disprezzo per la tradizione passatista si fonde anche qui con "la voluttà d'esser fischiati",6 di cui già nel 1911 i futuristi si ammantavano in sfregio al tradizionale pubblico teatrale, fatto di "uomini maturi e ricchi, dal cervello naturalmente sprezzante e dalla digestione laboriosissima". Difatti anche qui nel Manifesto della cucina segue subito una clamorosa provocazione: il primo paragrafo è intitolato Contro la pastasciutta. Per prima cosa, nella sua filippica, egli parafrasa il motto di Feuerbach ("Si è quello che si mangia") e scrive che "si sogna e si agisce secondo quello che si beve e si mangia". Ciò postulato, si presenta subito il nocciolo della questione: "Noi Futuristi… prepariamo una agilità di corpi italiani", e poiché "nella probabile conflagrazione futura vincerà il popolo più agile, più scattante", è dunque necessario stabilire "il nutrimento adatto ad una vita sempre più aerea e veloce". Prima di tutto va abolita la pastasciutta, "assurda religione gastronomica italiana". Essa, secondo i Futuristi, è un alimento difficilmente digeribile, che appesantisce e assonna, causando negli uomini "fiacchezza, pessimismo, inattività nostalgica e neutralismo", non adatta quindi ad una razza che vuole farsi più forte. Dopo l'abolizione della pastasciutta Marinetti illustra le altre rivoluzioni da portare a tavola. Secondo la sua prospettiva, la chimica deve impegnarsi nell'inventare cibi in pillole che, distribuite dallo Stato, possano sfamare e nutrire il popolo. In questo modo l'uomo non dovrà più lavorare per procurarsi il cibo. Se a questi traguardi delle scienze chimiche si assomma lo sviluppo prodigioso delle macchine che diventeranno il nuovo "obbediente proletariato", per Marinetti l'uomo in futuro avrà bisogno di lavorare solo due/tre ore al giorno, e potrà così "nobilitare le altre ore col pensiero le arti e la pregustazione di pranzi perfetti".
Ma qual è il pranzo perfetto? Per prima cosa egli suggerisce due specialità: prima Il Carneplastico, assurda vivanda di forma fallica, costituita da un cilindro verticale di carne ripieno di undici qualità di verdure, che poggia su un anello di salsiccia e tre sfere dorate di carne di pollo e coronato da uno spessore di miele; quindi, la vivanda Equatore + Polo Nord che, con una rossa distesa di torli d'uovo su cui si erge una bianca montagna di albume solidificato con spicchi di arancio-sole incastonati e "pezzi di tartufo nero tagliati in forma di aeroplani negri alla conquista dello zenit", evoca la fusione dei due orizzonti antitetici nella simultaneità che abolisce lo spazio. Negli altri punti del suo manifesto, poi, Marinetti afferma che bisogna mangiare con le mani e che vanno abolite le posate, poiché il cibo deve dare "un piacere tattile". Egli auspica inoltre dei "bocconi simultanei che contengano dieci, venti sapori da gustare in pochi attimi" capaci di "riassumere una intera zona di vita".
Siamo di fronte a due cardini dell'estetica futurista: il tattilismo e l'analogia. Al primo Marinetti aveva già dedicato due manifesti, nel 1921 e nel 1924, nei quali si predicava la necessità di riabituarsi a un profondo contatto fisico con la materia, affinché il corpo tornasse a compartecipare dell'energia che circola nell'universo. L'analogia, invece, è uno degli elementi più significativi del pandinamismo vitalistico dei futuristi. Essa, come si legge nel Manifesto tecnico della lettura futurista, è la stretta rete con cui si abbraccia "ciò che vi è di più fuggevole e di più inafferrabile nella materia", e muove dall'"amore profondo che collega le cose distanti".
7

Il Manifesto della cucina futurista suscita subito accese discussioni, che si riflettono su numerosissimi giornali, soprattutto satirici; a destare lo sbigottimento generale è soprattutto la campagna contro la pastasciutta. Nel 1931 addirittura la polemica supera i confini nazionali e trova posto in giornali francesi, inglesi, tedeschi e americani. Tra il 1931 e il 1932 Marinetti tiene numerose conferenze e arriva a riferire le ragioni della sua arte culinaria fino in Turchia e in Romania. Intanto, in tutta Italia, viene organizzata una serie di banchetti futuristi anch'essi ampiamente documentati dalla stampa.8 In seguito a tanto scalpore mondano, nel 1932 esce il libro La cucina futurista, curato da Marinetti e Fillìa, che raccoglie tutto il materiale accumulato in un anno di campagna gastronomica.9 Oltre al manifesto, il volume riporta tutte le cronache giornalistiche dei banchetti futuristi, nuove ricette e istruzioni per perfetti pranzi futuristi e inoltre un "piccolo dizionario della cucina futurista", che chiude il libro, e un racconto inedito, dedicato al rapporto tra eros, plasticità e cibo, che lo apre. Nel capitolo delle ricette, intitolato I pranzi futuristi determinanti, c'è un piccolo paragrafo introduttivo. In esso si torna esplicitamente a insistere sulla relazione tra rivoluzione alimentare e allevamento di una nuova razza.

Posto che il Futurismo negli anni Trenta aveva oramai perso, dopo l'istituzionalizzazione del Fascismo, molto della sua spinta propulsiva, imbolsendosi sia nella produzione artistica che nell'azione culturale, non dobbiamo dimenticare, come già accennato, i propositi totalizzanti insiti nel progetto della avanguardia futurista. Dietro l'idea di una rivoluzione alimentare, che passa attraverso ricette davvero fantasiosissime, di sbalorditivo impatto plastico-visivo, e la geniale e spaccona irrisione delle consuetudini borghesi intorno alla tavola, emerge l'anelito alla manipolazione anche corporale dell'uomo. Il cibo nuovo è conforme alla volontà di creare un uomo nuovo, un uomo metallizzato che nelle nuove forze della meccanicizzazione, divenute orribilmente evidenti fra le trincee della prima guerra mondiale, crede di scorgere il lume divino della sua nuova epoca. Nasce allora una nuova mistica che coinvolge pure le abitudini alimentari.

Marco Benedettelli

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vendredi, 08 juin 2007

Intervista con Marc. Eemans

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Intervista con Marc Eemans, l’ultimo surrealista della scuola di André Breton

Argomentazioni raccolte da K.Logghe e R.Steuckers

All’età di 83 anni, Marc Eemans afferma oggi di essere l’ultimo dei surrealisti. Dopo di lui, si volterà pagina. Il surrealismo sarà definitivamente entrato nella storia. Chi è quest’ultimo dei surrealisti, questo pittore della generazione dei Magritte, Delvaux e Dali, oggi ostracizzato? Qual è stato il suo impatto letterario? Quale influenza Julius Evola ha esercitato su di lui? Questo "brutto anatroccolo" del movimento surrealista getta uno sguardo molto critico sui suoi compari morti. Costoro gliel’avevano fatta pagare per il suo passato "collaborazionista". Recentemente, Ivan Heylen, del giornale Panorama (22/28.8.1989), lo ha intervistato a lungo, abbellendo il suo articolo con un superbo luogo comune che metteva l’accento sulla tumultuosa eterosessualità di Marc Eemans e dei suoi emuli surrealisti. Noi prendiamo il testimone, ma senza dimenticare di interrogarlo sugli artisti che ha conosciuto, sulle grandi correnti artistiche a cui egli è stato a fianco, sui retroscena della sua « collaborazione »...

Il periodo che va dalla sua nascita alla comparsa della sua prima tela, è stato molto importante. Come lo descriverebbe?
 

Sono nato nel 1907 a Termonde (Dendermonde). Mio padre amava le arti e parecchi suoi amici erano pittori. All’età di otto anni, ho imparato a conoscere un lontano parente, scultore e attivista (1): Emiel De Bisschop. Quest’uomo non riuscì mai a niente nella sua vita, ma ciononostante ha rivestito per me un grande significato. È grazie ad Emiel De Bisschop che entrai per la prima volta in contatto con scrittori ed artisti.

Da dove le è venuta la spinta per disegnare e dipingere?

Ho sempre seguito da molto vicino l’attività di artisti. Subito dopo la prima guerra mondiale, conobbi il pittore e barone Frans Courtens. Poi mi recai un giorno in visita dal pittore Eugène Laermans. E poi ancora da molti altri, tra cui un vero amico di mio padre, un illustre sconosciuto, Eugène van Mierloo. Alla sua morte, venni a sapere che egli aveva preso parte alla prima spedizione al Polo Sud, in qualità di reporter-disegnatore. Durante la prima guerra mondiale, visitai una mostra di pittori che godono oggi di una certa notorietà: Felix Deboeck, Victor Servranckx, Jozef Peeters. Alcuni tra di loro non erano a quel tempo astrattisti. Solo qualche anno dopo si ebbe nell’arte moderna il grande boom della pittura astratta. Quando Servranckx organizzò una personale, entrai in contatto con lui e, da allora, egli mi considerò come il suo primo discepolo. Avevo circa quindici anni quando mi misi a dipingere tele astratte. A sedici anni, collaboravo con un foglio d’avanguardia intitolato Sept Arts. Tra gli altri collaboratori, c’era il poeta Pierre Bourgeois, il poeta, pittore e disegnatore Pierre-Louis Flouquet, l'architetto Victor Bourgeois e il mio futuro cognato Paul Werrie (2). Ma l’astratto non mi attirò a lungo. Per me, era troppo facile. Come ho detto un giorno, è un’aberrazione materialista di un mondo in piena decadenza... E’ allora che entra nella mia vita un vecchio attore: Geert van Bruaene.
Lo avevo già incontrato prima ed egli aveva lasciato tracce profonde nella mia immaginazione: egli vi teneva il posto dello zwansbaron, del "Barone Vagabondo". Ma quando lo rividi all’età di quindici anni, egli era diventato il direttore di una piccola galleria d’arte, il "Cabinet Maldoror", dove tutti gli artisti d’avanguardia si riunivano e dove furono esposti i primi espressionisti tedeschi. È con l’intermediazione di van Bruaene che conobbi Paul van Ostaijen (3). Geert van Bruaene meditava i Canti di Maldoror del sedicente Conte di Lautréamont, uno dei principali precursori del surrealismo. È così che divenni surrealista senza saperlo. Grazie, infatti, a van Bruaene. Io passai dall’arte astratta al Surrealismo quando le mie immagini astratte finirono per amalgamarsi a degli oggetti figurativi. A quell’epoca, ero ancora comunista....

Non sembra che al tempo, effettivamente, l'intelligentsia e gli artisti appartenessero alla sinistra? Lei, d’altronde, dipinse una tela superba, rappresentante Lenin e la intitolò "Omaggio al Padre della Rivoluzione"...
Vede, è un fenomeno che si era già prodotto all’epoca della Rivoluzione Francese. I giovani intellettuali, sia in Francia che in Germania, erano tutti sostenitori della Rivoluzione Francese. Ma via via che quella si evolveva o si involveva, quando il terrore prese il sopravvento, etc., essi si tirarono indietro. E poi arrivò Napoleone. Allora svanì tutto l’entusiasmo. Questo fu il caso di Goethe, Schelling, Hegel, Hölderlin... E non dimentichiamo del resto il Beethoven della Sinfonia Eroica, ispirata dalla Rivoluzione francese e inizialmente dedicata a Napoleone, prima che questi divenisse imperatore. Lo stesso fenomeno si è potuto osservare con la rivoluzione russa. Si credeva che stessero per prodursi dei miracoli. Ma non ve ne furono per nulla. In seguito si ebbe l’opposizione di Trotski il quale credeva che la rivoluzione non fosse che agli inizi. Per lui, bisognava dunque andare oltre!

Non è qui la natura rivoluzionaria o non conformista che alberga nel fondo di ogni artista?
Io sono sempre stato un non conformista. Anche sotto il nazismo. Ben prima dell’ultima guerra, ho ammirato il "Fronte Nero" di Otto Strasser. Quest’ultimo era anti-hitleriano perché pensava che Hitler avesse tradito la rivoluzione. Sono sempre stato all’opposizione. Sono sicuro che se i Tedeschi avessero vinto la partita, io me ne sarei andato ad ammuffire in un campo di concentramento. In fondo, come diceva il mio amico Mesens, noi surrealisti non siamo che degli anarchici sentimentali.

Oltre che per la sua pittura, lei è un uomo notevole anche per la grande diversità delle sue letture. Basta nominare gli autori che hanno influenzato la sua opera...
Mi sono sempre interessato di letteratura. All’Athenée (4) a Bruxelles, avevo un curioso professore, un certo Maurits Brants (5), autore, in particolare, di un’antologia per le scuole, intitolata Dicht en Proza. Nella sua aula, egli aveva appeso alla parete delle illustrazioni raffiguranti gli eroi della Canzone dei Nibelunghi. Inoltre, il mio fratello maggiore era wagneriano. È sotto questo doppio influsso che scoprii i miti germanici. Quelle immagini dell’antica Germania sono rimaste incise nella mia memoria e sono esse che in seguito mi distinsero dagli altri surrealisti. Essi non conoscevano niente di tutto questo. André Breton era surrealista da dieci anni quando sentì parlare per la prima volta dei romantici tedeschi, grazie ad una giovane amica alsaziana. Quella pretendeva che ci fossero già stati dei « surrealisti » all’inizio del XIX secolo. Novalis, in particolare. Io avevo scoperto Novalis tramite una traduzione di Maeterlinck che mi aveva passato un amico quando avevo diciassette anni. Quest’amico era il caro René Baert, un ammirevole poeta che fu assassinato dalla « Resistenza » in Germania, poco prima della capitolazione di questa, nel 1945. Feci la sua conoscenza in un piccolo cabaret artistico di Bruxelles chiamato Le Diable au corps. Dopodiché, divenimmo inseparabili in poesia come in politica, diciamo piuttosto in “metapolitica”, perché la Realpolitik non fece mai per noi. La nostra evoluzione dal comunismo al nazional-socialismo derivò in effetti da un certo romanticismo, nel quale l’esaltazione dei miti eterni e della tradizione primordiale, quella di René Guénon e di Julius Evola, svolse un ruolo primario. Diciamo che questa va dal Georges Sorel del Mythe de la Révolution e delle Réflexions sur la violence all'Alfred Rosenberg del Mythe du XXième siècle, passando per Rivolta contro il Mondo moderno di Julius Evola. Il solo libro di René Baert che potrei definire metapolitico s’intitola L'épreuve du feu (Ed. de la Roue Solaire, Bruxelles, 1944) (6). Per il resto, egli è autore di raccolte di poesie e di saggi sulla poesia e sulla pittura. Un pensatore e un poeta da riscoprire. E poi, per ritornare alla mie letture iniziali, quelle della mia gioventù, non posso dimenticare il grande Louis Couperus (7), il simbolista a cui dobbiamo le meravigliose Psyche, Fidessa ed Extase.

Couperus ha esercitato una forte influenza su di lei?
Soprattutto per quel che concerne la lingua. La mia lingua è d’altronde sempre segnata da Couperus. In quanto di Bruxelles, l’olandese ufficiale mi è sempre sembrato un po’ artificiale. Ma questa lingua è quella a cui va tutto il mio amore... Un altro autore di cui divenni amico fu il poeta espressionista fiammingo Paul van Ostaijen. Feci la sua conoscenza tramite Geert van Bruaene. Allora dovevo avere diciotto anni. Durante una conferenza che van Ostaijen tenne in francese a Bruxelles, l'oratore, da poco mio amico che doveva morire alcuni anni dopo a soli trentadue anni, fissò definitivamente la mia attenzione sul rapporto che poteva esserci tra la poesia e la mistica, come egualmente mi parlò di un misticismo senza Dio, tesi o piuttosto tema con il quale egli ritrovava e Nietzsche e André Breton, il "papa del Surrealismo" che allora aveva appena pubblicato il suo Manifesto del Surrealismo.

Nella sua opera non si possono separare, mistica, miti e surrealismo?
No, io sono in qualche modo un surrealista mitico e, in questo, sono forse il surrealista più prossimo ad André Breton. Sono sempre stato all’opposto del surrealismo piccolo-borghese di un Magritte, quel tranquillo signore che, con la bombetta in testa, portava a spasso il suo cagnolino...

Però all’inizio eravate amici. Com’è sopravvenuta la rottura?
Nel 1930. Uno dei nostri amici surrealisti, Camille Goemans, figlio del Segretario permanente della Koninklijke Vlaamse Academie voor Taal en Letterkunde ( = Accademia Reale fiamminga di lingua e di Letteratura), possedeva una galleria d’arte a Parigi. Fece fallimento. Ma in quel momento, aveva un contratto con Magritte, Dali e me. Dopo questo fiasco, Dalì trovò la sua strada grazie a Gala, che, detto tra noi, doveva essere un’autentica megera. Magritte, ritornò a Bruxelles e cadde in miseria. Tutti dicevano: "Quel porco di Goemans! È a causa sua che Magritte è in miseria". È un giudizio che non ho mai accettato. È il lato “sordido” del surrealismo belga. Goemans, divenuto povero come Giobbe per il suo fallimento, fu escluso dai suoi amici surrealisti, ma ritornerà in auge presso di loro dopo essere diventato ricco circa dieci anni più tardi grazie a sua moglie, un’ebrea russa, che fece del “mercato nero” con l’occupante durante gli anni 1940-44. Dopo il fallimento parigino, Goemans ed io avevamo fatto squadra. Fu allora che comparve il secondo manifesto surrealista, in cui Breton scriveva, tra l’altro, che il Surrealismo doveva essere occultato, cioè astenersi da ogni compromesso e da ogni particolarismo intellettuale. Noi prendemmo questa direttiva alla lettera. Aveva già ricevuto entrambe l’influenza dei miti e della mistica germanica. Avevamo fondato, con l’amico Baert, una rivista, Hermès, dedicata allo studio comparativo del misticismo, della poesia e della filosofia. Fu soprattutto un grande successo morale. Ad un certo momento, avemmo tra la nostra redazione, l’autore del libro Rimbaud il veggente, André Rolland de Renéville. Vi era anche un filosofo tedesco anti-nazista, che era emigrato a Parigi ed era divenuto lettore di letteratura tedesca presso Gallimard: Bernard Groethuysen. Per suo tramite, ci assicurammo la collaborazione di altri autori. Egli ci inviava anche dei testi di grandi filosofi all’epoca ancora poco conosciuti: Heidegger, Jaspers e qualche altro. Fummo dunque i primi a pubblicare testi di Heidegger in lingua francese, compresi dei frammenti di Essere e Tempo.
Tra i nostri collaboratori, avevamo uno dei primi traduttori di Heidegger: Henry Corbin (1903-1978) che divenne in seguito uno dei più brillanti iranologhi d'Europa. Quanto al nostro segretario di redazione, egli era il futuro celebre poeta e pittore Henri Michaux. La sua presenza tra di noi fu dovuta al caso. Goemans era uno dei suoi vecchi amici: era stato suo condiscepolo al Collège St. Jan Berchmans. Egli si trovava in una situazione di bisogno. La protettrice di Groethuysen, vedova di uno dei maggiori proprietari dell'Arbed, il consorzio dell’acciaio, ci fece una proposta: se avessimo ingaggiato Michaux come segretario di redazione, ella avrebbe pagato il suo salario mensile più le fatture della rivista. Era una soluzione ideale. È così che oggi posso dire che il celeberrimo Henri Michaux è stato un mio dipendente...

Dunque, grazie a Groethuysen, lei prese conoscenza dell’opera di Heidegger...
Eh sì. A quell’epoca egli iniziava a diventare celebre. In francese, fu Gallimard che pubblicò per primo qualche frammento di Essere e Tempo. Personalmente, non ebbi mai contatti con lui. Dopo la guerra, gli scrissi per chiedergli alcune piccolezze. Avevo letto una sua intervista dove egli diceva che Sartre non era un filosofo, ma che Georges Bataille, lui sì, lo era. Gli chiesi qualche spiegazione su questo argomento e gli ricordai che ero stato uno dei primi editori in lingua francese delle sue opere. Per tutta risposta, egli mi inviò un biglietto con il suo ritratto e queste due parole: "Herzlichen Dank!" (Cordiali ringraziamenti!). Fu la sola risposta di Heidegger...

Lei avrebbe lavorato per l'Ahnenerbe. Come arrivò lì?
Prima della guerra, avevo stretto amicizia con Juliaan Bernaerts, meglio conosciuto nel mondo letterario sotto il nome di Henri Fagne. Egli aveva sposato una tedesca e possedeva una libreria internazionale in Rue Royale a Bruxelles. Io suppongo che questa attività fosse una libreria di propaganda coperta per i servizi di Goebbels o di Rosenberg. Un giorno, Bernaerts mi propose di collaborare ad una nuova casa editrice. Essendo senza lavoro, accettai. Erano le edizioni fiamminghe dell’Ahnenerbe. Noi pubblicammo così una ventina di libri e avevamo piani grandiosi. Pubblicavamo anche un mensile, Hamer, il quale concepiva i Paesi Bassi e la Fiandra come un’unità.

E lei scrisse su questa pubblicazione?
Sì. Sono sempre stato innamorato dell’Olanda e, in quell’epoca, c’era come un muro della vergogna tra la Fiandra e l’Olanda. D’altronde per un Thiois come me, esistono sempre due muri secolari della vergogna: a Nord con i Paesi Bassi; a Sud con la Francia, perché la frontiera naturale delle 17 province storiche si estendeva nel XVI secolo fino alla Somme. La prima capitale della Fiandra fu la città di Arras (Atrecht). Grazie ad Hamer, ho potuto superare questo muro. Divenni l’emissario che si recava regolarmente ad Amsterdam con gli articoli che dovevano comparire su Hamer. Il redattore capo di Hamer-Paesi Bassi coltivava anch’egli delle idee grand’olandesi. Queste trasparivano chiaramente in un’altra rivista, Groot-Nederland, anche della quale egli era direttore. Finché essa continuò ad uscire durante la guerra, vi scrissi degli articoli. Fu così che Urbain van de Voorde (8) partecipò alla costruzione della Grande-Olanda. Egli è d’altronde, autore di un saggio di storia dell’arte olandese, che considera l’arte fiamminga e olandese come un tutt’uno. Io possiedo sempre in manoscritto una traduzione di questo libro, comparso nel 1944 in lingua olandese.
Ma, in fin dei conti, io ero un dissidente in seno al nazional-socialismo! Lei conosce la tesi per cui si voleva costituire un Grande Reich tedesco nel quale la Fiandra non sarebbe stata che una provincia tra le altre. Io mi dissi: "Va bene, ma bisogna lavorare secondo dei principi organici. Prima bisogna che Fiandra ed i Paesi Bassi si fondano e, solo in questo modo noi potremo partecipare al Reich, in quanto indivisibile entità grand’olandese". E per noi, la Grande-Olanda si estende fino alla Somme! Bisogna che io qui ricordi l’esistenza durante l’Occupazione, di una “resistenza thioise" non riconosciuta come tale alla Liberazione". Io ne feci parte con un numero di amici fiamminghi e olandesi, di cui il poeta fiammingo Wies Moens poteva essere considerato come il capofila. Tutti divennero alla fine vittime della "Repressione".

Era qui l’influenza di Joris van Severen?
Non, Van Severen era in realtà un francofono, uno spirito totalmente segnato dalle mode di Parigi. Egli aveva ricevuto un’educazione in francese e, al fronte, durante la prima guerra mondiale, era divenuto “frontista”(9). Quando creò il Verdinaso, egli gettò uno sguardo al di là delle frontiere del piccolo Belgio, in direzione della francia. Egli rivendicava l’annessione della Fiandra francese. Ma da un momento all’altro, doveva essere votata una legge che avrebbe per lui significato delle persecuzioni. È allora che egli diffuse l’idea di una nuova direzione del suo movimento (la famosa "nieuwe marsrichting"). Egli ridivento “piccolo-belga”. E perdette il sostegno del poeta Wies Moens (10), che creò allora un movimento dissidente che si cristallizzò attorno alla sua rivista Dietbrand della quale divenni un fedele collaboratore.

Lei ha collaborato ad una quantità di pubblicazioni, anche durante la seconda guerra mondiale. Lei non ha rievocato che felicitazioni. In quale misura la repressione l’ha segnata?
Per quel che mi riguarda, la repressione non è ancora finita! Io “collaboravo” per guadagnare la mia pagnotta. Bisognava pure che vivessi della mia penna. Io non mi sono mai occupato di politica. Mi interessava solo la cultura, una cultura fondata sulle tradizioni indo-europee. In più, come idealista grand’olandese, io mi trovavo ai margini degli ideali di grande Germania del nazional-socialismo. In quanto artista surrealista, la mia arte era considerata come “degenerata” dalle istituzioni ufficiali del III Reich. Grazie a qualche critico d’arte, noi potemmo tuttavia far credere ai Tedeschi che non c’era « arte degenerata » in Belgio. La nostra arte doveva essere analizzata come un prolungamento del romanticismo tedesco (Hölderlin, Novalis,...), del movimento simbolista (Böcklin, Moreau, Khnopff,...) e dei Pre-raffaelliti inglesi. Per le istituzioni tedesche, gli espressionisti fiamminghi erano dei Heimatkünstler (dei pittori regionali). Del resto, tutti, compreso James Ensor, ma escluso Fritz Van der Berghe, considerato troppo « surrealista » nel suo ultimo periodo, parteciparono a mostre nella Germania nazional-socialista.
Ma dopo la guerra, fui lo stesso epurato con circa quattro anni di carcere. Nell’ottobre del 1944, fui arrestato e, dopo sei o sette mesi, rimesso in libertà provvisoria, con la promessa che la cosa non avrebbe avuto un “seguito”. Nel frattempo, un uditore militare (11) cercava come un avvoltoio di avere il suo processo-spettacolo. I grandi processi dei giornalisti avevano già avuto luogo: quelli del Soir, del Nouveau Journal, di Het Laatste Nieuws,... A qualsiasi costo il nostro uditore voleva il suo processo. E scoprì che non c’era ancora stato il processo del Pays réel (il giornale di Degrelle). I grandi capi del Pays réel erano già stati condannati, cioè fucilati (come Victor Matthijs, capo ad interim del Rex e redattore capo del giornale). L’uditore ebbe dunque il suo processo, ma con delle seconde linee, dei subalterni al banco degli accusati. Io ero il primo delle terze linee, dei sub-subalterni. Fui arrestato una seconda volta, poi condannato. Restai ancora più o meno tre anni in prigione. Non c’era modo di uscirne! Malgrado l’intervento in mio favore di personaggi di grande calibro, tra cui il mio amico francese Jean Paulhan, ex membro della resistenza e il premio Nobel inglese T.S. Eliot, che scrisse nero su bianco nel 1948, che il mio caso non avrebbe dovuto esigere alcun perseguimento. Tutto ciò non servì a nulla. La lettera di Eliot, che deve trovarsi negli archivi della Procura militare, meriterebbe di essere pubblicata, perché condanna in blocco la repressione selvaggia degli intellettuali che non avevano « spezzato la loro penna », cosa che non vuol dire avere commesso “crimini di alto tradimento”. Eliot fu del resto uno dei grandi difensori del suo amico, il poeta Ezra Pound, vittima della giustizia repressiva americana.
Quando espongo, a volte mi si attacca ancora in modo del tutto ingiusto. Così, di recente, ho partecipato ad una mostra a Losanna sulla donna nel Surrealismo. Il giorno dell’apertura, dei surrealisti di sinistra distribuivano volantini che spiegavano al buon popolo che io ero un sinistro compagno di Eichmann e di Barbie! Non ho mai visto una simile abiezione...

Dopo la guerra, lei ha partecipato ai lavori di un gruppo che portava lo strano nome di "Fantasmagie"? Vi si incontravano figure come Aubin Pasque, Pol Le Roy e Serge Hutin...
Sì. Le Roy e Van Wassenhove era stati tutti e due condannati a morte. (12). Dopo la guerra, ad di fuori dell’astratto, non vi era salvezza. Ad Anversa regnava la Hessenhuis: negli anni 50, era il luogo più all’avanguardia d'Europa. Pasque ed io, avevamo dunque deciso di associarci e di ricreare qualche cosa di « anti ». Abbiamo lanciato "Fantasmagie". In origine, non avevamo chiamato il nostro gruppo in questo modo. Non so più per chi esso era il centro. Ma era l’epoca in cui Paul de Vree possedeva una rivista, Tafelronde. Egli non era ancora ultra-modernista e non apprese che più tardi dell’esistenza del faro Paul van Ostaijen. Fino a quel momento, egli era rimasto un piccolo bravo poeta. Naturalmente, egli aveva un po’ collaborato... Credo che egli avesse lavorato per De Vlag (13). Per promuovere il nostro gruppo, egli promise di dedicarci un numero speciale di Tafelronde. Un giorno, mi scrisse una lettera in cui c’era questa domanda: "Che ne è della vostra "Fantasmagie"?". Egli aveva appena trovano il termine. Noi l'abbiamo conservato.

Qual era l’obiettivo di "Fantasmagie"?
Volevamo istituire un’arte pittorica fantastica e magica. Più tardi, abbiamo attratto scrittori e poeti, tra cui Michel de Ghelderode, Jean Ray, Thomas Owen, etc. Ma cosa più importante per me è la creazione nel 1982, in occasione dei miei 75 anni, da parte di un piccolo gruppo di amici, di una Fondazione Marc Eemans il cui obiettivo è lo studio dell’arte e della letteratura idealiste e simboliste. Di un’attività più discreta, ma infinitamente più seria e scientifica rispetto alla "Fantasmagie", questa Fondazione ha creato degli archivi riguardanti l’arte e la letteratura (in via accessoria anche la musica) quando esse toccano il simbolo e il mito, non solo in Belgio ma in Europa e altrove nel mondo, tutto ciò nel senso della Tradizione primordiale.

Lei ha anche fondato il Centrum Studi Evoliani, di cui è il Presidente...
Sì. Per quanto riguarda la filosofia, sono stato influenzato soprattutto da Nietzsche, Heidegger e Julius Evola. Soprattutto dagli ultimi due. Una persona di Gand, Jef Vercauteren, era entrato in contatto con Renato Del Ponte, un amico di Julius Evola. Vercauteren cercava delle persone che s’interessassero alle idee di Julius Evola e fossero disposte a formare un circolo. Egli si rivolse al Professeur Piet Tommissen, che gli comunicò il mio indirizzo. Io ho letto tutte le opere di Evola. Volevo conoscere tutto sul suo conto. Quando mi sono recato a Roma, ho visitato il suo appartamento. Ho discusso con i suoi discepoli. Essi avevano dei contrasti con le persone del gruppo di Del Ponte. Questi sosteneva che essi fossero stati vili e meschini nelle circostanze della morte di Evola. Egli, Del Ponte, aveva avuto il coraggio di trasportare l’urna contenente le ceneri funerarie di Evola in cima al Monte Rosa a 4.000 m. e di seppellirla nelle nevi eterne. Il mio circolo, ahimè, al momento non è più attivo e manca di persone realmente interessate.
In effetti, bisogna ammettere che il pensiero e le teorie di Julius Evola non sono alla portata di qualsiasi militante di destra o di estrema destra. Per accedervi, si deve avere una base filosofica seria. Certo, ci sono stati degli strambi appassionati di occultismo che hanno creduto che Evola parlasse di scienze occulte, perché egli è considerato come un filosofo tradizionalista di destra. Basta leggere il suo libro Maschera e volto dello spiritualismo contemporaneo per rendersi conto fino a che punto Evola è ostile, come il suo maestro René Guénon, a tutto ciò che può essere considerato come teosofia, antroposofia, spiritismo e chi più ne ha più ne metta.
L'opera di base è il suo libro intitolato Rivolta contro il mondo moderno che denuncia tutte le tare della società materialista che è la nostra e della quale il culto della democrazia (di sinistra, beninteso) è l’espressione più caratteristica. Non sto qui a riassumervi la materia di questo libro densa di 500 pagine circa nella sua traduzione francese. E un’autentica filosofia della storia, dal punto di vista della Tradizione, cioè secondo la dottrina delle quattro età e sotto l’angolazione delle teorie indoeuropee. In quanto “ghibellino”, Evola predicava il ritorno al mito dell’Impero, di cui il III Reich di Hitler non era tutto sommato che una caricatura plebea, così fu particolarmente severo nel suo giudizio tanto sul fascismo italiano che sul nazional-socialismo tedesco, perché essi erano, per lui, delle emanazioni tipiche della « quarta età » o Kali-Yuga, l'età oscura, l’età del Lupo, allo stesso titolo del cristianesimo o del comunismo. Evola sognava la restaurazione di un mondo « eroico-uranico occidentale », di un mondo elitario anti-democratico in cui il « regno delle masse », della « società dei consumi » sarebbe stato eliminato. In breve, tutta una grandiosa storia filosofica del mondo il cui grande eroe fu l’Imperatore Federico II di Hohenstaufen (1194-1250), un autentico eroe mitico...

Lei ha incominciato la sua carriera nella stessa epoca di Magritte. Agli inizi, le sue opere erano anche più quotate delle sue....
Sì e nonostante io fossi ancora un giovane galoppino. Magritte si convertì al surrealismo dopo aver dipinto per qualche tempo in stile futurista, poi cubista, etc. A quell’epoca, aveva ventisette anni. Io non ne avevo che diciotto. Questo significa nove anni di differenza. Io avevo più mano. Fu la ragione che lo spinse a mettermi fuori dal gruppo. A volte, quando eravamo ancora amici, egli mi domandava: "Dimmi, come potrei fare questo...?". Ed io rispondevo: "Magritte, vecchio mio, fai così o così...". In seguito, ho potuto scherzosamente dire che ero stato il maestro di Magritte! Durante l’occupazione, potei farlo esonerare dal Servizio Obbligatorio, ma non mi è stato riconoscente. Al contrario!

Com’è che attualmente lei non beneficia della stessa reputazione internazionale di Magritte?
Vede, lui ed io siamo diventati surrealisti nello stesso periodo. Io sono stato celebre quando avevo vent’anni. Lei constaterà la veridicità delle mie affermazioni consultando la rivista Variétés, rivista para-surrealista degli anni 1927-28, dove troverà delle pubblicità per la galleria d’arte L'Epoque, della quale Mesens era il direttore. Lei potrà leggervi: abbiamo sempre pronte opere di ... Segue una lista di tutti i grandi nomi dell’epoca, tra cui il mio. E poi vi fu il formidabile crack di Wall Street nel 1929: l'arte moderna non ebbe più valore dall’oggi al domani. Io caddi nell’oblio. Oggi, la mia arte è apprezzata dagli uni, rifiutata da altri. È una questione di gusto personale. Non dimentichi inoltre che io sono un « epurato », un « incivile », un « cattivo Belga », anche se sono stato in seguito « riabilitato »... Sono stato anche decorato, alcuni anni fa, con l’ « Ordine della Corona » … e della Svastika, aggiungono i miei nemici! In breve, non c’è posto per un “surrealista che non è come gli altri”. Certi pretendono che « si abbia paura di me », mentre io credo piuttosto di avere tutto da temere da quelli che vogliono ridurmi al ruolo poco invidiabile di « artista maledetto ». Ma dal momento che non si può ignorarmi, certi speculano già sulla mia morte!

Note
(1) L'attivismo è il movimento collaboratore in Fiandra durante la I guerra mondiale. Leggere, su questo argomento, Maurits Van Haegendoren, Het aktivisme op de kentering der tijden, Uitgeve-rij De Nederlanden, Antwerpen, 1984.
(2) Paul Werrie era collaboratore del Nouveau Journal, fondato prima della guerra dal critico d’arte Paul Colin. Paul Werrie vi teneva la rubrica "théâtre". Alla radio, egli animava alcuni trasmissioni sportive. Queste attività non politiche gli valsero tuttavia una condanna a morte in contumacia, tanto serena era la giustizia militare... Egli visse per diciott’anni in esilio in Spagna. Egli si stabilì in seguito a Marly-le-Roi, vicino a Parigi, ove risiedeva il suo compagno di sventure e vecchio amico, Robert Poulet. Tutti e due parteciparono attivamente alla redazione di Rivarol e degli Ecrits de Paris.
(3) Paul André van Ostaijen (1896-1928), giovane poeta e saggista fiammingo, nato ad Anversa, legato all’avventura attivista, emigrato politico a Berlino tra il 1918-1920. Fonda la rivista Avontuur, apre una galleria a Bruxelles ma, minato dalla tubercolosi, abbandona e si dedica a scrivere, in un sanatorio. Ispirato da Hugo von Hoffmannsthal e dagli inizi dell’espressionismo tedesco, egli sviluppa un nazionalismo fiammingo di dimensioni universali, che contava sulle grandi idee di umanità e di fraternità. Si volse in seguito verso il dadaismo e il lirismo sperimentale, la poesia pura. Esercita una grande influenza sulla sua generazione.
(4) L'Athenée è l'equivalente belga del liceo in Francia o del Gymnasium in Germania.
(5) Maurits Brants ha in particolare redatto un’opera sugli eroi della letteratura germanica delle origini: Germaansche Helden-leer, A. Siffer, Gent, 1902.
(6) Nella sua opera L'épreuve du feu. A la recherche d'une éthique, René Baert evoca specialmente le opere di Keyserling, Abel Bonnard, Drieu la Rochelle, Montherlant, Nietzsche, Ernst Jünger, etc.
(7) Louis Marie Anne Couperus (1863-1923), scrittore simbolista o0landese, grande viaggiatore, narratore naturalista e psicologico che mette in scena personaggi decadenti, senza volontà e senza forza, in contesti contemporanei o antichi. Prosa di maniera. Couperus ha scritto quattro tipo di romanzo: 1) romanzi familiari contemporanei nella società de l’Aia ; 2) romanzi fantastici e simbolici basati sui miti e le leggende dell’Oriente; 3) romanzi che mettono in scena antichi tiranni; 4) racconti, schizzi e descrizioni di viaggio.
(8) Durante la guerra, Urbain van de Voorde participa alla redazione della rivista olando-fiamminga Groot-Nederland. Durante l’epurazione, egli sfugge ai tribunali ma, come Michel de Ghel-de-rode, è rimosso dalla posizione di funzionario. Dopo questi guai, egli partecipa sin dall’inizio alla redazione di Nieuwe Standaard che riprende rapidamente il suo titolo De Standaard, e diviene il principale quotidiano fiammingo.
(9) Negli anni 20, il frontismo è il movimento politico dei soldati tornati dal fronte e raggruppati nel Frontpartij. Questo movimento si oppone alle politiche militari del Belgio, specialmente alla sua tacita alleanza con la Francia, giudicata atavica nemica del popolo fiammingo, il quale non deve versare una sola goccia del suo sangue per essa. Il movimento si batte per una neutralità assoluta, per dare un’impronta fiamminga all’università di Gand, etc.
(10) Il poeta Wies Moens (1898-1982), attivista durante la I guerra mondiale e studente all’università fiamminga di Gand tra il 1916 e il 1918, sconterà quattro anni tra il 1918 e il 1922 nelle carceri dello Stato belga. Fonda le riviste Pogen (1923-25) e Dietbrand (1933-40). Nel 1945, un tribunale militare lo condanna a morte ma egli riesce a rifugiarsi nei Paesi Bassi per sfuggire ai suoi carnefici. Il è stato uno dei principali rappresentanti dell’espressionismo fiammingo. Sarà legato, all’epoca del Frontpartij, a Joris van Severen, ma romperà con lui per le ragioni che ci spiega Marc. Eemans. Cfr.: Erik Verstraete, Wies Moens, Orion, Brugge, 1973.
(11) I tribunali militari belgi erano presieduti da « uditori » durante l’epurazione. Si parlava ugualmente di "Auditorato militare". Per comprendere l’abominio di questi tribunali, il meccanismo di nomina di giovani giuristi inesperti, di sottufficiali e ufficiali senza conoscenza giuridiche e di ritorno dai campi di prigionia, al posto di giudice, leggere l’opera del Prof. Raymond Derine, Repressie zonder maat of einde? Terug-blik op de collaboratie, repressie en amnes-tiestrijd, Davidsfonds, Leuven, 1978. Il Professeur Derine segnala la definizione del Ministro della Giustizia Pholien, sopraffatto dagli avvenimenti: "Una giustizia da re negri".
(12) Pol Le Roy, poeta, amico di Joris Van Severen, capo della propaganda del Verdinaso, passerà alla SS fiamminga e al governo in esilio in Germania dal settembre 44 al maggio 45. Van Was-senhove, capo distretto del Verdinaso, poi del De Vlag (Deutsch-Vlämische Arbeitsgemeinschaft), a Ypres, viene condannato a morte nel 1945. Sua moglie versa parecchi milioni all’Auditorato militare e ad alcuni « magistrati », salvando così la vita del marito. In carcere, Van Wassenhove impara lo spagnolo e traduce molte poesie. Egli diverrà l’archivista di "Fantasmagie".
(13) De Vlag (= L Bandiera) era l’organo culturale della Deutsch-Vlämische Arbeitsgemeinschaft. Trattava essenzialmente questioni letterarie, artistiche e filosofiche.

06:05 Publié dans art, Entretiens, Révolution conservatrice | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook