mercredi, 04 avril 2007
Sur l'oeuvre de Pitirim Sorokin

R. P. James THORNTON :
Sur l’œuvre de Pitirim Sorokin
Le philosophe traditionaliste, le sociologue et historien Pitirim Alexandrovitch Sorokin est né dans le nord de la Russie, trois décennies avant le déclenchement de la révolution bolchevique. Il avait étudié principalement à l’Université de Saint Pétersbourg, dont il reçut le titre de docteur en sociologie en 1922. Pendant que les événements de la révolution connaissaient leur apogée, et que la guerre civile s’ensuivit, il s’opposa aux communistes et s’engagea dans diverses activités contre-révolutionnaires, ce qui conduisit à son emprisonnement et à sa condamnation à mort par un tribunal rouge.
La condamnation à mort de Sorokin fut annulée par Lénine qui, spéculent certains, voulait se montrer magnanime. Lénine, effectivement, écrivit un article dans la « Pravda », pour se vanter d’avoir sauvé la vie du jeune intellectuel. Sorokin, toutefois, ne cessa pas de critiquer ouvertement le régime, ce qui l’amena au bannissement. Après un bref séjour à Prague à la fin de l’année 1923, il partit pour l’Amérique où on lui offrit un poste de professeur à l’Université du Minnesota. Fait citoyen américain en 1930, il accepte, la même année, l’invitation à devenir le premier professeur et président du Département de Sociologie de l’Université d’Harvard. Il y restera jusqu’à sa mort en 1968.
La philosophie de l’histoire de Sorokin se révéla pour la première fois, sous une forme complète, dans son plus grand ouvrage, « Social and Cultural Dynamics », dont trois volumes furent publiés en 1937 ; le quatrième et dernier ne paraissant qu’en 1941. Cet énorme ouvrage représente un travail de dix années et comporte plus de trois mille pages. Sorokin récapitula l’entièreté de sa vision du monde en 1941 dans une série de conférences tenues au Lowell Institute du Massachusetts puis publiées sous la forme d’un livre portant pour titre : « The Crisis of our Age ».
Le modèle historique suggéré par Sorokin n’est pas aussi sombre que celui que nous ont suggéré d’autres théoriciens du 20ième siècle, dont le plus connu d’entre eux, Oswald Spengler. Sorokin rejette la notion des « cycles de vie organiques » des cultures ; pour lui, celles-ci ne passent pas par des stades successifs. « Ma thèse a peu de choses en commun avec les théories finalement très anciennes du cycle vital des cultures et des sociétés, avec les stades de l’enfance, de la maturité, de la sénilité et du déclin », écrivait-il. « Nous pouvons les laisser aux sages de l’antiquité et à leurs épigones modernes ».
Pourtant Sorokin rejette tout aussi nettement les idées véhiculées par les optimistes invétérés qui croient à l’amélioration des conditions de vie de l’humanité, ou, en d’autres mots, au « progrès », lequel serait automatiquement garanti pour l’avenir immédiat voire pour le long terme. Sorokin avait des mots moqueurs pour décrire le type de société que voulaient faire advenir les progressistes : « cloud-cuckoo land of the after-dinner imagination » (soit : « les rêves nébuleux de l’imagination après dîner », ce qui ne rend pas entièrement la saveur de l’expression anglaise « cloud-cuckoo land »). Il poursuivait en disant que cette idéologie « avait été créée, dans sa forme spécifique et actuelle, pendant la seconde moitié du 19ième siècle », étant « l’une de ces bulles de savon avec lesquelles l’Europe victorienne, satisfaite d’elle-même, aimait s’amuser ». Pour Sorokin, le futur à long terme recèle d’immenses espoirs. La difficulté, pour ceux qui vivent au 20ième siècle, c’est d’affronter le court terme, comme nous allons le voir.
Dans « Social and Cultural Dynamics », Sorokin écrit que les cultures civilisées n’entrent pas par elles-mêmes en déclin mais oscillent plutôt entre diverses phases culturelles. La première de celles-ci est, selon notre auteur, la phase « ideational » (idéationnelle). La seconde est la phase « sensate » (sensorielle). La troisième phase est un mélange équilibré des deux premières, que Sorokin nomme « idealistic » ou « mixed » (« idéalistique » ou « mélangée »). Ces phases durent quelques centaines d’années, période durant laquelle une perspective culturelle unique et totalement intégrée, ou un « super-système » pour emprunter le vocabulaire de Sorokin, en arrive à dominer les arts, la littérature, la musique, la philosophie, la religion, les sciences, le mode de gouvernement, etc. Il faut bien comprendre que, dans le système de Sorokin, les formes idéationnelles et « sensates » de la culture sont en opposition radicale l’une envers l’autre.
La phase idéationnelle trouve un exemple paradigmatique dans le type de culture que l’on trouvait en Europe occidentale au moyen âge ou dans l’Empire byzantin, plus ou moins entre le règne de Théodose le Grand et la conquête turque de 1453, ou encore dans la Russie pré-pétrinienne. Cette phase se caractérise par une vision de la réalité qui met l’accent en premier lieu sur les vérités spirituelles. Cela ne signifie évidemment pas que les hommes qui vivent à une époque dominée par une culture idéationnelle se désintéressent totalement des choses matérielles, qu’ils n’achètent ni ne vendent ni n’accumulent de la richesse. Sorokin veut dire, plus simplement, que la plupart des hommes, dans une telle société, perçoivent la réalité spirituelle comme le souci dominant de leur existence. Sorokin écrit que la plupart des hommes, dans ces phases, ne fuient pas nécessairement le monde, « mais s’efforcent de l’amener à Dieu », c’est-à-dire de transformer le monde et de le réformer en accord avec des valeurs idéationnelles ou spirituelles. La culture idéationnelle est fortement ascétique, en même tant que spiritualisée, ce qui entraîne que son mode de pensée « facilite le contrôle de l’homme sur lui-même ».
La seconde phase est celle qualifiée de « sensate », soit la phase que traverse la civilisation européenne depuis les cinq ou six derniers siècles, selon Sorokin. Par contraste avec la culture idéationnelle, la culture « sensate » perçoit l’accomplissement des besoins physiques comme le but de l’existence. Pour utiliser les termes mêmes de Sorokin, ce type de culture ne « voit la réalité que par ce qui, en elle, se présente aux organes sensoriels ; ce type de culture ne cherche aucune réalité ‘supra-sensorielle’, c’est-à-dire spirituelle, et ne croit en aucune réalité de cette nature ». Par suite, du point de vue de toute culture « sensate », « la vérité ou la foi chrétienne, la révélation et Dieu -en fait toute la religion et la mouvance chrétiennes- ne pouvaient apparaître comme d’autres choses que des absurdités et des superstitions ». Pendant une ère « sensate », même les personnalités qui ont des croyances spirituelles, cherchent à adapter les devoirs induits par la spiritualité à leurs besoins et désirs matériels, au lieu du contraire. Tandis que toute culture de type idéationnel s’efforce d’aider l’homme à se contrôler, comme nous venons de le dire, « la mentalité ‘sensate’ mène au contrôle par l’homme du monde extérieur », ou, au moins, cherche à réaliser un programme de ce genre.
Il apparaît clairement, de ce fait, que la phase « sensate » ouvre une ère où le matérialisme et le commercialisme sont triomphants. Qui plus est, tandis que la société idéationnelle est intrinsèquement conservatrice et favorise la permanence, cherchant à asseoir un système de valeurs immuable et absolu, toute société « sensate » se vante de procéder à des changements constants. Son système de valeurs tend à être utilitaire, comme il se doit dans une société soumise à des flux constants. Résumant la distinction entre les formes idéationnelles et « sensates » de la culture, Sorokin observe que l’homme relevant d’une culture idéationnelle « spiritualise ce qui lui est extérieur, même le monde inorganique », tandis que l’homme relevant d’une culture « sensate » va inévitablement « tout mécaniser et matérialiser, y compris son propre moi spirituel et immatériel ».
S’approchant de la fin de l’ère « sensate », selon la théorie énoncée par Sorokin, la civilisation est entrée dans une période de transition, dans laquelle tout ce que représente la culture « sensate » entre dans un état avancé de décadence. Sorokin écrit que nous sommes coincés désormais entre deux grandes époques : « … entre la culture ‘sensate’ de notre magnifique passé qui se meurt et la culture idéationnelle à venir d’un futur créateur. Nous vivons, pensons et agissons à la fin d’une brillante ère ‘sensate’ qui a duré six cents ans. Les rayons obliques du soleil continuent à illuminer la gloire d’une époque qui passe, mais les lumières s’évanouissent et, dans les ombres qui se creusent, il est de plus en plus difficile d’y voir clair et de nous orienter, car nous sommes plongés dans les confusions du crépuscule. La nuit de la période de transition s’avance, imminente, devant nous et devant les générations montantes… ».
Sorokin avance l’argument suivant : la société moderne est dans une phase de transition, se situant entre la fin d’une époque et le commencement d’une autre, tandis que les fondements et les structures de notre système culturel de valeurs entrent en décomposition. Les gens ne sont plus convaincus, observe-t-il, que les lendemains seront « plus grands et bien meilleurs » ; les gens ne croient plus davantage à la « marche du progrès » qui ne s’arrêtera jamais et qui nous apportera la paix, la sécurité et la prospérité. La société « sensate » se désintègre et les symptômes de cette déliquescence sont légion.
L’esprit qui se dégage de l’art, de la musique et de la littérature contemporaines, écrit Sorokin, « se focalise sur les morgues des centrales de police, sur les repères de criminels, sur les organes sexuels et s’intéresse principalement à tout ce qui relève des caniveaux et égouts de la société », car il n’y a plus d’idéaux vivants pour l’inspirer. Les principes de l’éthique et du droit s’effondrent sous nos yeux, jetant dans une effroyable confusion mentale et morale les hommes de gouvernement et les juges des tribunaux, et même l’immense masse des gens, si bien que tous perdent la capacité de distinguer clairement entre le bien et le mal, entre les choses qui renforcent les liens qui maintiennent la société dans la cohérence et la sécurité et, par ailleurs, les choses qui contribuent à sa dissolution. Tandis que la criminalité atteint des sommets inouïs, les tribunaux sont de plus en plus obsédés par les soi-disant droits des criminels et des psychopathes, tandis que les droits des citoyens ordinaires, obéissant aux lois, sont traités avec mépris et foulés aux pieds. Pire : l’humanité et le propre de l’homme sont niés. Au lieu de le poser comme une créature créée à l’image et à la ressemblance de Dieu, on définit désormais l’homme, remarque Sorokin, comme « un organisme animal, un ensemble de réflexes mécaniques, une variante dans les relations stimuli/réponses, ou, pour la psychanalyse, comme un ‘sac’ plein de libido physiologique ».
Tout naturellement, dans une société où ‘tout va et vient’ et où rien n’est plus ni stable ni solide, les crises s’accumulent, touchant toute chose et chacun. « Allons-nous dès lors nous étonner, dit Sorokin, que, même si beaucoup ne saisissent pas clairement ce qui se passe, ils aient au moins un vague sentiment que l’enjeu n’est pas simplement la ‘prospérité’ ou la ‘démocratie’, ou un concept semblable, mais quelque chose qui implique l’ensemble de la culture ‘sensate’ contemporaine, la société qu’elle génère et les hommes qu’elle détermine ? Si cette masse d’hommes ne comprend pas les enjeux par analyse intellectuelle, elle ressent, avec acuité, qu’elle se trouve douloureusement coincée dans les mâchoires que constituent les vicissitudes de notre temps, que ces hommes soient rois ou manouvriers ».
Sorokin était un homme à l’intelligence extrême et complexe, une personnalité indépendante. Bien qu’on ne puisse pas l’étiqueter comme un « homme de droite » au sens habituel du terme, car toutes les assertions qu’il a émises ne correspondent pas à ce label, on ne peut pas non plus nier son conservatisme intrinsèque sur bien des plans, notamment dans les questions sociales. Entre autres choses, il était bien sûr un adversaire farouche du communisme ; il se méfiait de toutes les idéologies (qu’il considérait comme des schématisations outrancières ou des mutilations mentales dignes de celles infligées sur le lit de Procuste) ; il était atterré en constatant la putréfaction morale qu’il voyait se répandre si rapidement dans la société.
On ne sera pas surpris en apprenant que Sorokin, jadis loué comme le sociologue le plus publié du monde, ait été jeté aux oubliettes après les années 60. D’abord, comme le note le théologien conservateur Harold O. J. Brown, le traditionalisme social très prononcé de Sorokin provoque l’anathème, aujourd’hui, dans les rangs de l’établissement contemporain. Brown écrit que Sorokin « est bien oublié dans la grande université où il passa les quatre dernières décennies de sa vie ; c’est sans nul doute parce qu’il avait essentiellement mis l’accent sur les valeurs et qu’il avait méprisé la corruption ; aujourd’hui, de telles attitudes sont passées de mode en politique et donc elles ne sont plus de mise en ces lieux ».
Ensuite, la vision que cultivait Sorokin du but que devait s’assigner la sociologie était traditionaliste, ce qui est hautement suspect de nos jours. Russell Kirk écrivit, voici quelques années, que « les behavioristes les plus typiques rejettent les convictions éthiques de Sorokin (convictions basées sur la Règle d’Or) et nient l’existence même de ‘valeurs’ et de ‘normes’ permanentes. Sorokin lui-même était consterné de voir son corpus ainsi rejeté ; amer, il a averti la communauté de ses pairs que de telles positions ne pourraient conduire la sociologie que dans des impasses : « En dépit de l’admiration narcissique que nous vouons à nous-mêmes, en dépit des énergies et des fonds énormes que l’on dépense en recherches statistiques et pseudo-mathématiques, les réalisations de la sociologie moderne sont demeurées singulièrement modestes ; de manière inattendue, elle est restée fort stérile et ses déductions fausses particulièrement abondantes ».
Un certain nombre d’ouvrages de Sorokin sont toujours édités et disponibles auprès de maisons d’édition américaines. Les plus importants et les plus pertinents pour comprendre les crises qui bouleversent aujourd’hui la civilisation européenne demeurent : « Social and Cultural Dynamics » et « The Crisis of Our Age ». Dans cette période de ressac, d’abandon et de chute que connaît l’Occident de nos jours, il me paraît fort important de relire l’exposé de ces idées puissantes contenues dans ces ouvrages brillantissimes.
R. P. James Thornton, Prêtre orthodoxe.
Ouvrages de Pitirim Sorokin :
The American Sex Revolution, 1956.
Contemporary Sociological Theories, 1928.
The Crisis of Our Age : The Social and Cultural Outlook, 1941.
Social and Cultural Dynamics, 1937-41.
Social and Cultural Mobility, 1927.
Social Philosophies of an Age of Crisis, 1950.
Society, Culture, and Personality: Their Structure and Dynamics, 1947.
Sociological Theories of Today, 1966.
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Fluvialité et destin des Etats
Fluvialité et destin des Etats
Richard HENNIG & Leo KÖRHOLZ
Orientation du cours des fleuves et structures des Etats riverains
Erich Obst nous a rendu attentifs à Hannovre en 1928 à cette nouvelle dimension historique et géopolitique que revêtaient à ses yeux les fleuves dans le processus d'émergence et le destin des Etats (cf. Zeitschrift für Geopolitik, 1928, p. 27 ss.). Il existe des pays dont les fleuves sont disposés d'une façon telle qu'ils s'écoulent vers la mer dans plusieurs directions au départ d'une aire centrale, en s'éparpillant comme les rayons d'une roue. Dans d'autres pays, les fleuves sont parallèles les uns aux autres et s'écoulent tous dans une même direction. Obst nous a montré que les structures politiques de ces deux types de pays sont profondément influencées par la disposition de leurs fleuves, due en apparence au hasard. Il y a une raison fondamentale à cela. L'aire centrale, à partir de laquelle les fleuves s'écoulent de façon plus ou moins radiale, possède des intérêts dans tous les bassins de ces fleuves et cherche dès lors à ramener sous un dénominateur commun l'ensemble de ces intérêts apparemment divergents. Dans les pays dont les fleuves s'écoulent parallèlement les uns aux autres, il n'y a pas un intérêt commun de ce type. Chaque bassin fluvial se développe selon ses propres lois économiques et, en général, ne se préoccupe que fort peu de ce qui se passe dans le bassin fluvial voisin et parallèle. Pendant longtemps, chacun de ces bassins fluviaux ne perçoit pas la nécessité de s'unir politiquement, au sein d'une structure étatique, à ces autres régions économiques, qui sont d'une nature différente de la sienne. Chaque bassin voit en l'autre un concurrent potentiel, le perçoit comme “étranger” voire comme ennemi. De ces états de choses découlent les règles suivantes:
- Les pays disposant d'un réseau de fleuves centrifuges entretiennent en leur milieu géographique et politique un facteur de puissance centralisant de très grande ampleur et visent à administrer selon les règles d'une centralisation stricte l'Etat qui s'est unifié autour de ce centre.
- Les pays disposant d'un réseau de fleuves parallèles, en revanche, accordent nettement moins d'importance à l'unification politique de ce réseau de fleuves parallèles et voient se constituer sur leur aire des Etats différents, poursuivant souvent des objectifs entièrement différents les uns des autres et hostiles entre eux. Et si, finalement, ces pays finissent par s'unir sous l'effet d'autres conjonctures, ils auront tendance à cultiver une pluralité d'instances et à se donner des constitutions de type fédéral.
Exemples:
a) Les pays à réseau fluvial centrifuge et de forme radiale.
1. Le pays le plus caractéristiques de ce type que connaît la Terre est la Russie d'Europe. Il est remarquable de constater qu'une grande partie de ses fleuves prennent leur source dans les hauteurs du Plateau de Valdaï, dont la situation est centrale. C'est donc là, dans cette aire centrale que la puissance politique prépondérante de ce pays a vu le jour, c'est-à-dire le Royaume de Moscovie, qui, à l'aide de ses fleuves, a pu projeter sa puissance dans toutes les parties de cet immense empire et a pu soumettre celles-ci à sa volonté politique (voir carte). En conséquence de quoi, l'Etat russe, depuis l'émergence du Royaume de Moscovie au 13ième siècle, a toujours été et est resté l'Empire le plus strictement centraliste d'Europe, tant sous les Tsars que sous les actuels Soviets. L'aire centrale de départ de la puissance politique russe, qui a d'abord eu pour capitale Vladimir en 1170, ensuite Moscou à partir de 1328, n'a jamais été, à proprement parlé, le Plateau de Valdaï lui-même, mais un site proche de lui, à partir duquel la navigation fluviale était possible. En 1703, le Tsar Pierre I déplace la capitale à Saint-Pétersbourg, pour pouvoir donner à son empire, jusque là autarcique, une ouverture sur la politique européenne; néanmoins, le centre culturel et véritablement russe du pays reste à Moscou, où officiellement le pouvoir revient en 1917.
2. La plupart des grands fleuves français s'écoulent également dans toutes les directions, à la façon des rayons d'une roue (voir cartes). C'est l'Ile-de-France qui joue là le même rôle que le Plateau de Valdaï pour la Russie; Bartz écrit à ce sujet: «c'est à partir de cette région qu'a jaillie l'idée politique de l'appartenance nationale commune de tout l'espace situé entre la Meuse, le Rhône, les deux grandes mers et les Pyrénées». Comme dans le cas de la Russie, le centre politique se situe le plus possible à proximité de ce centre géographique, sur le fleuve le plus accessible et le plus facilement navigable. En France, ce fut à l'endroit où la Marne, la Seine et l'Oise offraient un très bon accès aux autres fleuves importants. Une fois de plus, nous constatons: l'administration très centralisée de la France fait que l'on n'exagère nullement en disant que la ville de Paris, le centre culturel et politique, est à elle seule toute la France. Dans le cas de la France, nous devons également constater que les provinces ne dépendant pas de ce système fluvial central sont peuplées de minorités ethniques et linguistiques, avec une Alsace germanique, un Sud-Est italien, un Sud-Ouest basque et catalan, un Ouest breton et un Nord flamand.
3. Pour éviter certains reproches, je me dois d'énoncer deux exceptions aux règles que je viens de mentionner. Je m'explique: le Fichtelgebirge en Allemagne présente aussi, comme la Russie et la France, une certaine centralité idéale de type radial, dans la mesure où les fleuves qui y prennent leur source s'écoulent dans toutes les directions de la rose des vents: le Main, la Saale, l'Eger et la Naab. Mais cette centralité du Fichtelgebirge n'a eu aucune conséquence politique. La raison en est simple et évidente: ces fleuves ne sont pas des fleuves principaux, mais seulement des affluents, dont la navigabilité est assez limitée. Les lignes de forces des grands fleuves tels le Rhin, l'Elbe et le Danube ont oblitéré sans difficulté la puissance potentielle formatrice d'Etat de ces petits affluents.
Deuxième exception: les Etats-Unis. Ici aussi, nous pouvons repérer un centre géographique d'où partent comme les rayons d'une roue tous les fleuves importants du pays: le Saint-Laurent, l'Hudson, le Delaware et l'Ohio, qui rejoint le Mississipi. Ce centre est la région qui se situe immédiatement au Sud du Lac Ontario. Mais comme l'Etat nord-américain a été fondé de l'extérieur, à partir de la côte Est, le poids politique des anciennes colonies organisées en 1776, année de l'indépendance, a contribuer à organiser l'Etat de façon durable. Ce sont les côtes regardant vers l'Europe qui ont gardé la prépondérance.
b) Les pays aux réseaux fluviaux parallèles.
1. Il existe pour nous Allemands un exemple patent: l'Allemagne du Nord (voir carte). Tous les fleuves principaux s'écoulent vers le Nord ou vers le Nord-Ouest. Chacun de ces bassins fluviaux constitue au départ une région économique pour soi, sans avoir d'intérêts communs avec les systèmes fluviaux voisins. Chaque partie du pays n'a au départ cultivé de l'intérêt que pour un seul fleuve. Aucune partie n'a manifesté de l'intérêt pour tous les fleuves à la fois. Il y a donc eu dans l'histoire allemande éparpillement des objectifs économiques. C'est la raison principale pour laquelle les tribus et les Etats allemands ont été pendant longtemps, et pour leur malheur, divisés. C'est d'autant plus évident que d'autres pays ne disposant pas d'un espace central économique (comme la France et la Russie) ont connu une pluralité d'instances politiques, voire la Kleinstaaterei: on songe notamment à la Grèce antique, à la Suisse et à l'Inde.
La disposition parallèle des fleuves signifie l'éparpillement des objectifs économiques et politiques.
Comment l'Allemagne du Nord a-t-elle surmonté cet éparpillement initial de ses forces politiques et de ses visées économiques? Quelle est l'instance qui a pu remplacer finalement l'aire centrale absente qui ailleurs soude les pays grâce à l'écoulement des fleuves à la façon des rayons d'une roue? La réponse à ces questions est instructive. L'Etat-noyau du Brandebourg exerçait au 17ième siècle sa domination territoriale sur le Rhin, la Weser, l'Elbe, l'Oder, la Pregel et le Memel, par le hasard de liens ou d'héritages dynastiques. Il désirait tout normalement administrer sur un mode unitaire ces pays disparates et éparpillés, afin de les lier solidement les uns aux autres. Cette politique a été poursuivie d'abord sur le plan économique, par l'organisation d'une poste de chevaux et de diligences, sous la houlette du Grand Prince Electeur, partant de Clèves pour rejoindre Memel, par le creusement du Canal de Müllrose, etc. Plus tard, cette unification a été politique, par l'acquisition de ponts territoriaux en 1666, 1772, 1793, 1803, 1866. Ce processus ne s'est achevé qu'en 1866. Malgré l'écoulement parallèle des fleuves, un puissant système étatique perpendiculaire à ceux-ci unissait toute la plaine d'Allemagne du Nord.
2. Autre exemple très caractéristique: l'Indochine (voir carte). Les cinq grands fleuves, soit l'Irraouadi, le Salouen, le Menam/Nampo, le Mekong et le Song Koi (Fleuve Rouge) s'écoulent parallèlement vers le Sud ou le Sud-Est, chacun dans leur vallée, peu éloignés les uns des autres, souvent séparés par des montagnes importantes. Chacun de ces fleuves constituent une région économique propre, sans relations avec son voisin. Cette caractéristique physique a fait que l'Indochine, tout au long de l'histoire, n'a jamais connu l'unité politique, même pas artificiellement par l'action d'un conquérant extérieur, alors que cette région avait vu se constituer sur son sol des structures étatiques primitives avant l'ère chrétienne. L'Indochine a toujours été divisée en plusieurs Etats.
3. Autre exemple a contrario, bien que de moindre importance: la Sibérie. Les trois fleuves géants, l'Ob, l'Iénisséi et la Lena, s'écoulent parallèlement les uns aux autres vers l'océan; cependant, la Sibérie n'est pas divisée mais unie. La raison de cette unité est comparable à celle des Etats-Unis d'Amérique: l'impulsion politique est venue de l'extérieur et n'est pas autochtone. La Sibérie est une véritable terre de colonisation, même si la colonisation n'est pas venue d'outre-mer mais de la Terre. La structuration politique du pays n'est donc pas venue de l'intérieur mais lui a été imposée, par une immigration venue de l'Ouest et s'avançant toujours plus vers l'Est, perpendiculairement au cours des fleuves. Ceux-ci ne pouvaient pas devenir des zones de développement économique ni servir de base à la constitution de nouveaux Etats parce qu'ils débouchaient sur une mer inaccessible au trafic maritime. Malgré leur navigabilité optimale pendant les mois d'été, ces fleuves n'ont jamais été importants pour l'économie des hommes. Si ces fleuves s'écoulaient vers les mers chaudes du Sud plutôt que vers un Nord an-écouménique, on aurait assisté sur leurs rives à l'émergence d'Etats dès les premiers balbutiements de l'histoire. Enfin, il nous reste à signaler que les sources de l'Iénisséi et de la Léna sont très proches l'une de l'autre dans la région du Lac Baïkal. Ainsi, malgré la parallélité des fleuves, nous trouvons tout de même en Sibérie une sorte de centre géographique, dont il faut tenir compte, surtout depuis que la capitale de la Sibérie s'est déplacée à Irkhoutsk.
c) Aux deux formes d'agencement des fleuves, l'agencement de ceux qui s'écoulent radialement au départ d'un centre et l'agencement parallèle, s'ajoute une troisième, fort différente et qui n'a pas d'effet constructif sur le plan politique. Outre les systèmes fluviaux centrifuges, il existe des systèmes fluviaux centripètes, où de tous côtés convergent des fleuves importants en direction d'une aire centrale. Dans la plupart des cas, ces aires centrales sont proches de la côte, plus rarement dans l'intérieur des terres. Dans de tels cas, l'aire centrale acquiert toujours une grande importance, notamment comme premier port de mer du pays. Mais ces fluvialités centripètes donnent à leur région un poids exclusivement économique, sans qu'aucune tendance au développement politique ne voit le jour.
Les ports de mer se situant au bout d'un réseau de fleuves particulièrement bien développés et navigables, qui converge vers un point central, à l'instar des branches d'une étoile, n'ont pas besoin de développer une puissance politique pour croître et peuvent sans exception s'adonner à leurs activités économiques. Ils peuvent négliger l'effort pénible de construire une structure étatique bien charpentée. Ces villes à l'embouchure des fleuves ne sont dès lors jamais des centres politiques, des capitales d'Etat, mais ne sont que des ports commerciaux de haut niveau.
Exemples:
1. A l'embouchure commune du système fluvial du Gange et du Brahmapoutre, on a vu émerger le port mondial de Calcutta, qui n'est toutefois pas un port mondial.
2. A l'embouchure du Tigre et de l'Euphrate se trouve le port de Basra, le “Balsora” du temps des califes; ce port n'a cessé de croître mais n'est jamais devenu le siège d'un pouvoir politique.
3. Dans l'aire amazonienne, la ville de Manaos s'est développée profondément à l'intérieur des terres, à l'endroit maximal de pénétration possible des navires de haute mer. Manaos se trouve exactement au point de convergence des fleuves géants tropicaux. Ce site est devenu un port de mer accessible aux navire de haute mer (voir carte).
4. Dans le système constitué par le fleuve Congo, parfaitement navigable, nous trouvons une situation comparable à celle du système amazonien. Le point économique central se situe à Stanley-Pool, car la zone de l'embouchure est une zone de rapides rendant la navigation totalement impossible. Si ces rapides n'avaient pas existé, le port de mer de Matadi, situé à l'embouchure, serait sans doute devenu les principal port d'Afrique après Alexandrie et Le Cap.
Richard HENNIG & Leo KÖRHOLZ.
(chapitre tiré de Einführung in die Geopolitik, 1933).
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mardi, 03 avril 2007
James B. M. Hertzog

James B. M. Hertzog
3 avril 1866 : Naissance à proximité de la ville de Wellington dans la Colonie du Cap de James Barry Munnik Hertzog, militaire et homme politique au service des Britanniques, qui devint Premier Ministre de l'Union Sud-Africaine entre 1924 et 1939. Face aux gouvernements de Londres, Hertzog a toujours défendu deux principes de base : primauté des intérêts sud-africains propres, même aux dépens de ceux de Londres, et la politique dite des “deux courants” (Two-Streams-Policy), où les deux communautés européennes d'Afrique du Sud, la Britannique et l'Afrikaander pourraient amorcer un développement séparé mais harmonieux, où ni la première ni la seconde ne domineraient l'autre de manière insupportable. Hertzog, juriste de formation, avait présidé la Haute Court de justice de l'Etat Libre d'Orange, pour ensuite devenir un organisateur hors pair de la guérilla des Boers contre les Britanniques. Après ce conflit sanglant, qui n'a certes pas doré le blason de l'Empire britannique, Hertzog fonde le "Orangia Unie Party", réclamant l'auto-détermination des colons de souche hollandaise, allemande et huguenote. Dans ce combat politique, il sauve de la disparition la langue afrikaander, en en faisant l'une des deux langues officielles de l'Union Sud-Africaine. En désaccord avec Louis Botha, il fonde en 1914, l'Afrikaander Nationalist Party, qui gagne rapidement le soutien de certaines strates de la population, parce qu'il s'oppose à la guerre contre l'Allemagne. Hertzog fait ensuite voter des lois pour protéger l'industrie sud-africaine contre la spéculation libérale et cosmopolite, dès qu'il accède au pouvoir en 1924, avec l'appui des travaillistes. Il oblige Londres à concéder la “Statut de Westminster” (1931), accordant aux républiques afrikaander le droit de faire sécession de l'Empire britannique. Il amorce également une politique équilibrée de “développement séparé” des Noirs et des Blancs, que dénonceront les extrémistes du “Purified Nationalist Party” de Daniel F. Malan, préconisant un apartheid pur et dur. En 1938, Hertzog triomphe aux élections et entend mener une politique de neutralité dans le conflit qui s'annonce en Europe. Mais Smuts, son allié, est pro-britannique et fait passer une motion qui condamne la neutralité; logique avec lui-même, Hertzog démissionne et devient le chef de file de l'opposition au nouveau gouvernement Smuts, allié aux extrémistes de Malan, qui, finalement, torpillent ses mesures de ségrégation tempérée. Il se retire, dégoûté, de la politique à la fin de l'année 1940. Il meurt à Pretoria le 21 novembre 1942.
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Turquia en la geostrategia norteamericana en Eurasia
Ernesto MILA / http://infokrisis.blogia.com/
Turquía en la geoestrategia norteamericana en Eurasia

Infokrisis.- Resulta muy difícil dudar del papel de Turquía como aliado preferencial de los EEUU. En las líneas que siguen analizaremos este papel y sus implicaciones, a partir del estudio del texto "El Gran Tablero Mundial" de Zbignie Brzezinsky. Este texto es la continuación al elaborado hace un año y medio sobre la geopolítica de Turquía y los riesgos ue comporta la creación de un espacio turcófono a expensas de Rusia.
Zbigniew Brzezinsky en su obra “El Gran Tablero Mundial”, define a Turquía es un “pivote geopolítico” de primera magnitud. El antiguo secretario de Estado norteamericano, explica que un “pivote geopolítico” es “un Estado cuya importancia se deriva no de su poder y de sus motivaciones sino más bien de su situación geográfica sensible y de las consecuencias que su condición de potencial vulnerabilidad provoca en el comportamiento de los jugadores geoestratégicos”. Afortunadamente, el propio Brzezinsky explica su concepto de “jugadores geoestratégicos”; dice: “Los jugadores geoestratégicos activos son los Estados con capacidad y voluntad nacional de ejercer poder o influencia más allá de sus fronteras para alterar el estado actual de las cuestiones geopolíticas”. Ahora las cosas están mucho más claras. Pero Brzezinsky realiza su estudio al analizar la geoestrategia euroasiática de los EEUU. Para él solamente hay un actor principal en política internacional, los EEUU, el resto son “jugadores geoestratégicos” y “pivotes geopolíticos”. Entre los primeros, Brzezinsky distingue cinco en Eurasia: Francia, Alemania, Rusia, China e India y, otros tres en un discreto segundo plano (Gran Bretaña, Japón e Indonesia). Los “pivotes geopolíticos” que individualiza son Ucrania, Azerbaiyán, Corea del Sur, Irán y Turquía.
¿Por qué Turquía? Nos lo explica: “Turquía estabiliza la región del Mar Negro, controla el acceso a ella desde el mar Mediterráneo, equilibra a Rusia en el Cáucaso, sigue ofreciendo aún un antídoto contra el fundamentalismo musulmán y es el pilar sur de la OTAN”. No está muy claro que esto sea así y mucho menos lo que Brzezinsky dice a continuación: “Una Turquía desestabilizada sería susceptible de provocar una mayor violencia en el sur de los Balcanes, facilitando al mismo tiempo la reimposición del control ruso sobre los estados recientemente independizados del Cáucaso”. Por nuestra parte, pensamos que es justamente lo contrario: es Turquía la que desestabiliza en los Balcanes y en el Cáucaso y, por lo demás, lejos de ser un muro de contención contra el fundamentalismo islámico, Turquía es hoy un país gobernado por islamistas. Cabe decir, en beneficio de Brzezinsky que su libro se escribió en 1997, cuando Turquía se presentaba (como, por lo demás, la monarquía alhauita, como defensa contra el islamismo radical).
El análisis de Brzezinsky le lleva a identificar lo que llama “zona global de infiltración de la violencia”, un círculo que incluye a Chipre y a los países de Oriente Medio (el Este de Egipto y Sudán, franja costera de Etiopía, la Península Arábiga, Jordania, Siria, Israel, Irak, Irán), el Cáucaso (Georgia, Azerbaiyán y el Cáucaso Ruso), las exrepúblicas del sur de la URSS (Kazajistán, Tayikistán, Turkmenistán, Uzbekistán y Kirguistán), el Oeste de China (la zona islámica de los uigures, Xinjiang) y, finalmente, Afganistán, Pakistán y el Nor-Oeste de la India.
Tiene rzón Brzezinsky en llamar nuestra atención sobre esta zona. En la actualidad es, sin duda, la más conflictiva del planeta: tras las últimas elecciones egipcias, los Hermanos Musulmanes –la más antigua de todas las formaciones políticas islámicas- se han configurado como la primera fuerza político-social de ese país; guerra civil en Sudán; inestabilidad interna en Etiopía; aumento de la actividad del islamismo radical en Arabia Saudí; partición de Chipre con la creación del Estado de facto turco-chipriota en el Norte; dominio de los fundamentalistas de Hamas en Palestina con la consiguiente posibilidad de recrudecimiento del conflicto judío-palestino; guerra civil en Irak dentro de un país con fuerte resistencia a la ocupación norteamericana; toma del poder por los islamistas radicales en Irán que han decidido llevar a la realidad su peligroso plan nuclear; resistencia en Afganistán; conflicto indo-pakistaní siempre susceptible de reavivarse; inestabilidad creciente en el Oeste chino a causa de las protestas islamistas; situaciones que distan mucho de ser estables y democráticas en todas las exrepúblicas soviéticas del Sur; guerra civil chechena; etcétera. Hay que alabar la perspicacia de Brzezinsky en 1997 cuando prevé dificultades internas en los gobiernos en los que podrían haberse depositado esperanzas de que constituyeran un baluarte “seguro” ante la violencia de los radicales. Dice Brzezinsky: “Las presiones internas dentro de Truquía y de Irán no sólo tienen posibilidades de empeorar sino que reducirán mucho el papel desestabilizador que esos Estados son capaces de desempeñar en esta volcánica región”.
Durante cuarenta años, el comunismo, o mejor dicho, la URSS, fue el enemigo secular de Bzezinsky y de los EEUU; pero a partir de mediados de los años ochenta y, especialmente, tras la caída del Muro de Berlín, todo esto cambió extraordinariamente. Por una parte, Rusia que, hasta entonces era la potencia dominante en el Mar Negro pasó a controlar solamente una franja costera, a causa de la independencia de Ucrania. Hoy, la flota rusa en el Mar Negro es un recuerdo de lo que un día surcó los mares. Pero es que, además, la independencia de Georgia, supuso otra mordedura territorial. Otro tanto le ocurrió en la rica zona petrolera del Mar Caspio. De tener que compartir ese espacio al sur, solamente, con Irán, Rusia ha pasado a controlar solamente otra pequeña franja costera. El resto ha ido a parar a Kazajistán, Azerbaiyán y Turkmenistán. Hay que recordar que todas estas repúblicas, mayores o menores (Kazajistán es un coloso territorial con cinco veces la extensión de España) tienen un característica común: salvo Georgia, todas las demás ¡son etnias turcas! En otras palabras: el debilitamiento de Rusia ha hecho aumentar el peso de Turquía. Como veremos, Turquía aspira a obtener la hegemonía en pocas década sen el “espacio turcófono” que, más o menos, coincide con estas regiones. Esta pretensión tiene una importancia vital, como veremos más adelante, y, desde luego, es un factor adicional desestabilizante. Brzezinsky ha reparado en ello y escribe: “Apoyados desde el exterior por Turquía, Irán, Paquistán y Arabia Saudí, los Estados de Asia Central no han estado dispuestos a negociar su nueva soberanía política, ni siquiera a cambio de unas beneficiosa integración económica con Rusia, como muchos rusos esperaban. Como mínimo es inevitable cierta tensión y hostilidad en las relaciones de estos países con Rusia, en tanto que los dolorosos precedentes de Chechenia y Tayikistán hacen suponer que no puede excluirse del todo algo peor”. Solo queda reseñar que los cuatro países mencionados, en este momento son islamistas. Y este es el peligro que el islamismo reviste para la política internacional, éste y no la figura de Bin Laden, del que, por otra parte, no sabemos ni siquiera a qué intereses sirve su imagen.
En el fondo la intención del libro de Brzezinsky es dar unas pautas para que EEUU siga sieno hegemónica en “Eurasia”. Y el método es claro: reforzar al amigo, torpedear al enemigo. La lectura de la obra de Brzezinsky no debe llamar a engaño, es mucho más evidente lo que no dice de lo que dice: dice que EEUU deben seguir manteniendo un eje privilegiado con Europa (a pesar de que desprecia, página a página al aliado inglés), pero se preocupa especialmente de alentar la integración de Turquía en Europa, consciente de que Turquia está orientando buena parte de su política exterior hacia el Este y, por tanto, esto supone situar a la Unión Europea en un avispero, en donde, antes o después, terminaría chocando con Rusia. Brzezinsky en esto demuestra que, a pesar de la caída del Muro de Berlín, muy poco ha cambiado en sus análisis. El enemigo real, durante los cuarenta años de la Guerra Fría, no era el “comunismo”, ni siquiera la URSS, sino Rusia. Y hoy sigue siendo el enemigo secular. Y Turquía, por lo mismo, es el “amigo del alma”.
Por eso, en las conclusiones de su obra, Brzezinsky explica que “Para promover la estabilidad y la independencia del sur del Cáucaso y de Asia Central, los EEUU deben cuidarse de no enajenar a Turquía (…) Una Turquia que se sienta excluida de la Europa en la que ha intentado participar, se convertirá en una Turquía más islámica, más proclive a cooperar con Occidente en la búsqueda de la estabilidad y de la integración de una Asia Central secular en la economía mundial”. Y, más adelante, concluye: “Por consiguiente, los EEUU deberían usar su influencia en Europa para presionar a favor de la futura admisión de Turquía en la UE y deberían esforzarse en tratar a Turquía como a un Estado europeo” y añade, evidenciando que ni siquiera él cree lo que está escribiendo: “… siempre que la política interna turca no dé un giro importante en dirección islamista”. No es raro que los políticos europeos más próximos a EEUU (Aznar, Blair) hayan sido los grandes valedores de Turquía en la UE.
El problema es que ese giro hacia el islamismo ya se ha producido. Para los EEUU se trata de lograr que Turquía protagonice la construcción del oleoducto Bakú (en Azerbaiyán) hasta Ceyhan (en la costa mediterránea de Turquía) para dar salida a la producción petrolera del Caspio. Ahora podemos entender porqué “alguién” ha decidido que el Cáucaso se haya convertido en un avispero. En efecto, el petróleo del Caspio, o se dirigía a Europa a través de Rusia o hacia el Mediterráneo a través de Ceyhan. La diferencia estriba en que la primera opcion, supone, inevitablemente, un eje euro-ruso, mientras que en la segunda, Rusia queda completamente al margen y, por otra parte, ese mismo petróleo llega, a través del Mediterráneo, hacia las refinerías de la Costa Este de los EEUU, uniéndose al flujo petrolero que sube del Golfo de Guinea y de las costas africanas (hasta Marruecos).
Así pues, lo que EEUU aspira es a abastecerse de petróleo seguro y barato procedente de la cuencia del Caspio. Por eso le interesa la amistad con Turquía. Por otra parte, esa amistad tiene como contrapartida el debilitamiento de sus dos grandes enemigos “euroasiáticos”: de un lado la Unión Europea (que de ser “aliado” en la Guerra Fría ha pasado a ser “competidor” en la economía globalizada, como paso previo a ser “enemigo”, pues, no en vano, los intereses económicos de las grandes potencias, antes o después, terminan por entrar en contradicción) y de otro lado Rusia (el enemigo secular).
En la geoestrategia norteamericana, se trata de que Turquía, deje de ser, como lo fue durante la Guerra Fría, una espina clavada en el flanco sur de la URSS, para pasar a ser un espolón, mediante la creación del “espacio turcófono” con los despojos de la URSS, esto es, con la repúblicas exsoviéticas del Sur. Esto sobredimensiona la importancia geoestratégica de Turquía, pero, más particularmente, sobredimensiona los riesgos que este país aporta a la situación de Eurasia. Por que si el islamismo se hace con el poder en Turquía –como de hecho ya ha ocurrido- no se trata de que desparrame sus excedentes de población subdesarrollada y fuertemente islamizada hacia la Unión Europea (para esto hará falta que Turquía entre en el Club europeo) sino que, proyectará sobre las repúblicas exsoviéticas y turcófonas, la concepción islamista de la política, teniendo detrás una fuerza demográfica que Arabia Saudí no tiene, o un territorio etnopolítico del que carece Irán, constituyendo por ello un riesgo de primera magnitud.
© Ernesto Milá Rodríguez - infokrisis – infokrisis@yahoo.es
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Livres allemands sur la pensée russe
Robert STEUCKERS:
Bibliographie:
Livres allemands sur la pensée russe
Ludolf MÜLLER, Die Taufe Rußlands. Die Frühgeschichte des russischen Christentums bis zum Jahre 988, Erich Wewel Verlag, München, 1987, 132 S., DM 14,80, ISBN 3-87904-104-0.
En 988, le Grand-Prince de Kiev se convertit à l'orthodoxie byzantine. Le peuple va suivre. La Russie deviendra chrétienne. Ludolf Müller retrace l'histoire de ce premier christianisme russe, centré sur la ville de Kiev (jusqu'à sa chute devant les hordes tatars en 1240) et porté par les Slaves orientaux (qui ne se distinguaient pas encore entre Russes, Biélorusses et Ukrainiens). Tour à tour, Müller évoque la Légende de St. André, les textes qui nous parlent des Russes aux 9ième et 10ième siècles, les attaques des Slaves orientaux contre des villes grecques sur les côtes de la Mer Noire et en Crimée (ce qui entraîna les premières conversions), l'attaque des Russes (Scandinaves) contre Constantinople en 860, l'action des missionnaires Cyrille et Méthode, le rôle de la Princesse Olga et Jaropolk dans la christianisation, la résistance de Vladimir puis sa conversion, ainsi qu'une exploration méthodique des sources relatant cette conversion d'un résistant païen.
Alexander VUCINICH, Darwin in Russian Thought, University of California Press, Berkeley/Los Angeles/London, 1988, 468 p., ISBN 0-520-06283-3.
Cet ouvrage volumineux est la première étude au monde qui traite exhaustivement de l'influence qu'exerça Charles Darwin sur la pensée russe, de 1860 à la Révolution d'Octobre. Vucinich ne se borne pas à explorer l'impact proprement scientifique du darwinisme en Russie, mais analyse aussi méticuleusement les impact idéologiques sur le nihilisme, le populisme, l'anarchisme et le marxisme. Tout comme en France (voir l'analyse classique de Clémence Royer), le darwinisme a eu un influence diversifiée: il a notamment, dans les milieux religieux, contribué à la formation d'une “théologie” tenant compte de l'évolutionnisme et des acquis des sciences biologiques. Karl von Baer et Danilevski ont élaboré une critique scientifique de Darwin, tout en s'opposant aux fondamentalistes religieux. Cette exploration systématique de l'impact de Darwin permet de constater que le lamarckisme a mieux résisté en Russie, que la génétique a eu du mal à décoller, que la notion de fraternité propre à l'orthodoxie s'est heurtée au social-darwinisme plus individualiste et plus conflictualiste. Les Russes, plus que les Occidentaux, ont réfléchi aux impacts sociaux et moraux de la pensée de Darwin.
Ainsi Karl von Baer a proposé une théorie alternative de l'évolution, insistant sur l'aspect téléologique des processus vitaux. Danilevski prend le relais de von Baer, dans sa longue critique de Darwin. Korjinski réfute la notion d'évolution et préfère parler d'«hétérogénèse» (anticipant de la sorte la théorie des mutations de Hugo De Vries). Sur le plan idéologique, les conservateurs (parmi lesquels Vucinich compte Pogodine, Danilevski, Strakhov, Rozanov et Pobedonotsev) rejettent le darwinisme comme une variante du matérialisme moderne qui s'attaque à la culture religieuse de la Russie. Les révolutionnaires, au contraire, comme le nihiliste Pisarev, le populiste Mikhaïlovski, l'anarchiste Kropotkine ou le marxiste Plekhanov, considéraient que le darwinisme était une victoire de l'esprit scientifique contre l'obscurantisme religieux. Mais ces révolutionnaires refusent la compétition dépourvue de générosité et de fraternité: Mikhaïlovski admet que la compétition est le propre de la nature organique, mais que la coopération est en revanche la loi de la société humaine. Kropotkine, lui, affirme que la coopération est la grande loi et de la nature et de la société humaine. Faut-il penser que la propension russe à hisser la fraternité au-dessus de toutes les autres valeurs a considéré finalement l'idée de compétition comme trop anglo-saxonne et trop occidentale, si bien que le social-darwinisme d'un Gumplowicz ou des penseurs libéraux n'a pas percé en Russie?
Peter Normann WAAGE, Der unsichtbare Kontinent. Wladimir Solowjow - der Denker Europas, Verlag Freies Geistesleben, Stuttgart, 1988, 340 S., DM 58, ISBN 3-7725-0797-2.
Philosophe et slaviste norvégien, Peter Normann Waage a consacré une longue monographie à Soloviev, penseur russe de l'unité continentale européenne, au-delà de toutes les césures confessionnelles et politiques. Pour Soloviev, la tragédie européenne provient de la séparation entre Rome et Byzance. Sa philosophie est pleinement philosophie au sens étymologique du terme: amour de la force entre les forces, de la sophia, dans laquelle toutes les contradictions doivent s'apaiser, se réconcilier et s'unir pour vaincre les ténèbres. Car, dans l'optique de Soloviev, cette sophia, qui doit servir d'assise spirituelle à la future Europe de ses rêves, est l'idée même de création. Elle existait avant que le monde ne soit, comme pure potentialité. Réalité, elle l'est par le fait du monde, dans le monde, dans la nature et dans l'homme. Elle est spiritualité construisante. Elle est beauté, de la nature comme de l'art. Soloviev: «Elle est nous en Dieu, comme le Christ est Dieu en nous. Comprenez-vous la différence? Dieu en nous signifie qu'il est actif, lui, et que nous, nous sommes passifs; nous en Dieu, c'est le contraire, car c'est lui qui est passif, corps, matière, et c'est nous qui sommes volonté, esprit». S'inscrivant dans une perspective anthroposophique, Waage adhère à ce culte enthousiaste de la sophia, proposé par Soloviev.
Wladimir SOLOWJEW, Schriften zur Philosophie, Theologie und Politik, mit einer biographischen Einleitung und Erläuterungen von Ludolf Müller, Erich Wewel Verlag, München, 1991, 283 S., DM 35, ISBN 3-87904-175-X.
Vladimir Sergeïevitch Soloviev (1853-1900) fut d'abord matérialiste, positiviste puis slavophile, avant de se rapprocher du catholicisme romain et du papisme, ce qu'aucun adepte de la slavophilie ne lui a pardonné: Soloviev est resté en Russie un homme isolé. Mais ce rapprochement n'a jamais débouché sur une conversion, au grand dam de ses amis jésuites de Paris. Rapidement, les symbolistes russes lui pardonne son penchant pour le catholicisme et le papisme, ensuite l'Eglise orthodoxe reconnaît le bien-fondé de quelques-unes de ses critiques. En Allemagne, c'est le mouvement anthroposophique de Rudolf et de Maria Steiner qui s'engoue pour son œuvre, plus particulièrement pour les éléments de mysticisme qu'elle contient et que Rome juge “hérétiques”. A Paris, Monseigneur d'Herbigny voit néanmoins en lui un “Newman russe”, c'est-à-dire un orthodoxe qui s'apprête sans doute à suivre le même chemin que l'anglican Newman vers le catholicisme. Les protestants voient en lui une sorte de nouveau Kierkegaard, qui renforce la “théologie dialectique” naissante.
C'est en lisant Spinoza, Schopenhauer puis Schelling que Soloviev se dégage de ses premiers a priori matérialistes; mais le Dieu qu'il découvre chez ces philosophes est une simple métaphore de la nature. Ludolf Müller écrit à ce propos: «Au contraire de la doctrine judéo-chrétienne et à l'instar de Schelling, Soloviev pense l'origine et la naissance du monde. Dieu ne l'a pas créé par un acte arbitraire à partir du néant, mais il résidait en Dieu depuis l'éternité, il était une partie de la plénitude infinie de la divinité, objet de son amour éternel. La nature ou l'âme du monde avait sa propre vie, son être véritable en Dieu». L'Orient (l'Est, la Russie, la slavité orthodoxe) vit plus intensément cette union du monde et du divin que l'Ouest. Mais l'Ouest est capable de mettre en forme ce vécu et cette mystique. La crise de la philosophie occidentale repose justement sur ce contraste qui sépare l'Est de l'Ouest: l'Est est contenu dépourvu de forme; l'Ouest est forme sans contenu. Il faut donc une “grande synthèse”. Il faut donner la rigueur formelle de l'Ouest à la plénitude spirituelle de l'Est.
Son culte de la sophia —qui lui serait apparue trois fois sous les traits d'une belle femme lumineuse— le conduit à postuler l'avènement d'une “libre théocratie”, portée par le peuple russe, dont la mission, dit-il à la suite des slavophiles, sera d'apporter au monde cette grâce, tout en échappant ainsi au “nationalisme zoologique”. Les Russes restent le peuple théophore —ou plus exactement “sophophore”— qui fera advenir l'Empire théocratique (le “Saint-Empire romain de la Nation Russe”), mais leur Tsar doit ployer le genou devant le successeur de Pierre au Saint-Siège de Rome. On s'en doute, Soloviev demeure incompris: les Russes refusent de se soumettre au Pape et les catholiques exigent qu'il abjure ses spéculations théologico-philosophiques sur la sophia. Soloviev n'a pas cédé. Avec la révolution bolchevique, il sombre dans l'oubli (sauf chez les anthroposophes allemands) et on ne reparlera de lui, dans sa patrie, qu'avec la perestroïka. Ludolf Müller nous livre ici une anthologie qui retrace tout l'étonnant cheminement de ce philosophe russe du siècle passé.
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Armeniërs zonder land of een land zonder Armeniërs

Sita VREELING :
“Armeniërs zonder land of een land zonder Armeniërs”
De Belgische houding in de Volkenbond over de Armeense kwestie, 1919-1928
http://www.ethesis.net/armeniers/armeniers_inhoud.htm
Samenvatting :
De Armeense kwestie behelsde in de jaren ’20 meerdere aspecten. Het ging op de eerste plaats om een onafhankelijk Armenië, wat geen vanzelfsprekendheid was en aan de andere kant ging het om het vluchtelingenprobleem. Na de Armeense genocide van 1915 waren de overlevenden immers op de vlucht geslagen. Vandaag de dag betekent de Armeense kwestie iets heel anders, namelijk het erkennen van de Armeense massamoorden.
De Volkenbond leek tijdens het interbellum de ideale instelling om internationale kwesties te behandelen. De Volkenbond was in 1919 immers opgericht om te voorkomen dat er ooit nog oorlog zou zijn. Ook de Armeense problematiek werd als een zaak van internationaal belang behandeld, omdat het oplossen ervan als een essentiële stap werd gezien in het terugbrengen van de vrede in het Midden-Oosten. De Volkenbond probeerde Armenië eerst garanties te bieden om een eigen staat op te richten. Zijn onafhankelijkheid werd vastgelegd in het verdrag van Sèvres, gesloten op 10 augustus 1920 tussen de Geallieerden en Turkije. Maar de Volkenbond of zijn leden konden geen mandaat aannemen over Armenië om het land te beschermen. De mogendheden wilden geen investeringen doen die ze zelf broodnodig hadden om te herstellen van de Eerste Wereldoorlog.
Turkije weigerde het verdrag van Sèvres te ratificeren en samen met de Sovjet Unie bezette het de Armeense staat. De invloed van het overwonnen Turkije nam bovendien in 1922 toe door zijn zege in de Grieks-Turkse oorlog om Anatolië. De Turkse republiek wist zelfs de herziening van het verdrag van Sèvres af te dwingen. Het nieuwe verdrag dat gesloten werd in 1923 op de conferentie van Lausanne, hield geen rekening meer met de Armeense onafhankelijkheid.
Het was wel duidelijk dat de mogendheden liever toegevingen deden dan op ‘kleine’ kwesties als de Armeense onafhankelijkheid te blijven hameren. De Volkenbond probeerde zijn beloftes, om de Armeniërs een thuis te geven, waar te maken. Er werden verschillende pogingen ondernomen om een Nationaal thuis te creëren, maar uiteindelijk bleef dit beperkt tot de Sovjet republiek van Jerevan, waar een groot deel van de Armeense vluchtelingen terecht was gekomen.
Deze pogingen mislukten om verschillende redenen. Ten eerste beschikte de Volkenbond over te weinig kapitaal en moest het telkens beroep doen op zijn leden. De Volkenbond kon daarnaast ook nooit militair ingrijpen. Het had geen eigen troepenmacht (om tussenbeide te komen in conflicten of om de garantie te bieden dat verdragen werden uitgevoerd) en de mogendheden waren uiterst voorzichtig in het sturen van hun legers. Ten slotte was de Volkenbond een overlegorgaan. Hierdoor kon het jarenlang duren eer een voorstel aangenomen werd en uitgevoerd kon worden. Vaak werden kwesties doorgeschoven naar commissies, waar de Raad of de Vergadering later opnieuw over discussieerde.
Eigenlijk slaagde de Volkenbond er alleen in de vluchtelingen te helpen. Dit was vooral door toedoen van dokter Nansen, de Hoge Commissaris voor de Vluchtelingen. Dokter Nansen riep de leden van de Volkenbond meerdere malen op om financiële en materiële hulp te bieden aan de Armeniërs. Hij zorgde ervoor dat de staatsloze vluchtelingen een internationaal paspoort kregen en dat er een juridisch statuut voor de vluchtelingen werd geregeld. Toen het niet mogelijk bleek om alle vluchtelingen in de republiek van Jerevan onder te brengen, wist dokter Nansen samen met het Internationaal Arbeidsbureau duizenden vluchtelingen te plaatsen in andere (geïndustrialiseerde) landen en een nieuw thuis te geven.
Frappant is ook het voorbeeld van Cilicië. Duizenden Armeense vluchtelingen waren in deze regio bijeengebracht. Toen hun beschermer, Frankrijk, besloot om zich terug te trekken omdat ze hierover een verdrag had gesloten met Turkije, sloegen de Armeniërs nogmaals op de vlucht. Ze vreesden immers dat de Turken hen opnieuw zouden deporteren en uitmoorden. Dankzij de tussenkomst van België moest Frankrijk voor de Volkenbond uitleggen welke garanties het land had voorzien om de vluchtelingen te beschermen.
Als we kijken naar de houding van België zien we verschillende aspecten naar voren komen. Na de Eerste Wereldoorlog wijzigde het land zijn internationaal statuut. België wilde in de jaren ’20 meer zelfstandigheid verwerven in (internationale) politieke en economische aangelegenheden. Aan de ene kant hield België rekening met de Franse politiek, door het militaire akkoord van 1920. België werd meerdere malen aangesproken door de Armeense delegaties of door de Philarmeense comités. De Armeniërs vonden in België morele steun. Hadden ze immers niet beiden evenveel geleden tijdens de oorlog? Maar ook door hun gemeenschappelijk geloof ontstond een basis voor wederzijdse sympathie.
De positie van België in de Volkenbond tegenover de Armeense kwestie, was duidelijk. België sympathiseerde met de Armeniërs en zou, wanneer nodig, zijn stem verheffen om de Armeniërs te helpen. België had immers een morele stem verworven toen zijn neutraliteit werd geschonden tijdens de Eerste Wereldoorlog. België was eveneens bekommerd om zijn imago te handhaven in de internationale politiek. De Belgische regering probeerde de Armeniërs hulp te bieden op een manier die liefst zo weinig mogelijk zou kosten.
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M. De Corte : de la Dissociété

Ah ! l'opinion, il aurait tant voulu qu'elle l'adorât cette reine du monde !
( Léon Bloy )
L'homme d'aujourd'hui est libre comme le voyageur perdu dans le désert
( Nicolas Gomez Davila )
DE LA" DISSOCIETE"
Par Marcel De Corte
Pour en savoir plus: http://users.skynet.be/lantidote/dissociete.html
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lundi, 02 avril 2007
Le nucléaire, l'Iran et la France

Le nucléaire, l’Iran et la France
Révélation dans le n°13/2007 de l’hebdomadaire allemand « Der Spiegel ». Voici le texte publié en p. 18 :
L’Iran profite directement, en tant qu’actionnaire de la firme française EURODIF, de l’enrichissement de l’uranium en Europe. Les traités et accords, tenus partiellement secrets jusqu’ici, entre l’Iran et la France ont été révélés par une nouvelle étude commanditée par les Verts européens. Déjà en 1974, ce grand pays du Moyen Orient avait investi plus d’un milliard de dollars dans la firme SOFIDIF, spécialisée dans l’enrichissement de l’uranium. En contrepartie, les signataires étaient convenus de livrer dix pourcents de l’uranium enrichi pour le fonctionnement des centrales nucléaires. Une année plus tard, l’entreprise a acquis des parts de la firme EURODIF, qui fait fonctionner une usine d’enrichissement de l’uranium dans la localité de Pierrelatte dans le sud de la France. Aujourd’hui, la firme prétend que son objectif est « d’étudier l’enrichissement de l’uranium, d’appliquer le résultat de ces études, qui reposent sur les techniques de diffusion du gaz en France ». L’organisation de l’énergie atomique, qui dépend de l’Etat et est dirigée par le vice-président iranien Gholamresa Aghasade, retire de sa participation de 40% dans la SOFIDIF un bénéfice annuel estimé à quelque sept millions d’euro. Pour l’experte des Verts et députée européenne Rebecca Harms, « c’est une monstruosité de constater que l’ONU, sous pression des Etats-Unis, envisage des sanctions commerciales contre l’Iran, tandis que l’Europe fait des affaires avec ce pays sur le plan nucléaire ».
Nos commentaires :
- Les accords nucléaires franco-iraniens datent de l’époque du Shah. Ils avaient concouru à la chute du monarque Pahlavi. Le domaine du nucléaire demeure sensible : Washington refuse tout développement du nucléaire civil iranien, quel que soit le régime en place à Téhéran. Simultanément, Washington refuse toute coopération euro-iranienne en quelque domaine que ce soit. Cette deuxième position est inacceptable pour l’Europe. Tout ceux qui s’opposent à une transaction commerciale à un niveau aussi élevé entre l’Europe et une puissance tierce, extérieure à l’Europe stricto sensu, sont des traîtres à nos peuples et n’hésitent pas à se mettre au service d’une puissance qui veut nuire à l’Europe, à ses peuples et à son développement industriel.
- Le fait que la révélation et la dénonciation de ces accords commerciaux et industriels, vieux de plus de trente ans, viennent des Verts, indique bel et bien que cet aréopage politicien n’a pas pour but de sauver la nature, le patrimoine écologique européen, la santé des habitants de l’Europe, mais sert en ultime instance à faire triompher en Europe la volonté malveillante des Etats-Unis, qui veut un ressac général des industries clefs de notre continent, que ce soit en métallurgie, en industrie automobile, dans les domaines nucléaire et aéronautique, dans toutes les technologies de pointe, en télécommunications et en informatique. L’aréopage politicien vert est un instrument de l’Amérique pour affaiblir l’Europe. L’aréopage politicien vert relève donc de la haute trahison.
- Il est urgent de prendre en Europe des mesures contre les actes de désinformation perpétrés par les médias et les officines tenues par des écervelés politiciens.
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E. Jünger, penseur politique radical

Ecrits de guerre, mobilisation totale et «Travailleur»: Jünger, penseur politique radical
Wolfgang HERRMANN
Toutes les idées que le nationalisme révolutionnaire a développé pendant les dix premières années qui ont suivi la Grande Guerre ont trouvé leur apex dans l'œuvre d'Ernst Jünger. Les résidus du Mouvement de Jeunesse —qui avait littéralement “fondu” au cours des hostilités— les éternels soldats par nature, les putschistes, les révolutionnaires et les combattants du Landvolk ont toujours trouvé en Jünger l'homme qui exposait leurs idées. Mais Ernst Jünger est allé beaucoup plus loin qu'eux tous, ce qu'atteste le contenu du Travailleur.
Il n'en est pas resté à une simple interprétation des événements de la Guerre, ce qui fut son objet dans Der Kampf als inneres Erlebnis, résumé de ces impressions de soldat. Ce mince petit volume sonde les sensations du soldat de la première guerre mondiale, en explore la structure. Et ce sondage est en même temps l'expression d'une nouvelle volonté politique, la première tentative de fonder ce “réalisme héroïque”, devenu, devant les limites de la vie, sceptique, objectif et protestant. En revenant de la guerre, Jünger a acquis une connaissance: l'empreinte que ce conflit a laissé en lui et dans l'intériorité de ses pairs, est plus mobilisatrice, plus revendicatrice et plus substantielle que le message des idéologies dominantes de son époque. Voilà pourquoi la Guerre a été le point de départ de ses écrits ultérieurs, dont Le Travailleur et La mobilisation totale.
Ces deux livres pénètrent dans une nouvelle “couche géologique” de la conscience humaine et modifient la fonction de celle-ci dans le monde moderne. Les deux livres partent du principe de la mobilisation totale, que la Guerre a imposé aux hommes. D'un point de vue sociologique, la guerre moderne est un processus de travail, de labeur, immense, gigantesque, effroyable dans ses dimensions; elle mobilise l'ensemble des réserves des peuples en guerre. Les pays se transforment en fabriques géantes qui produisent à la chaîne pour les armées. Par ailleurs, la guerre de matériel devient pour les troupes combattantes elles-mêmes une sorte de processus de travail, que les techniciens de la guerre ont la volonté de mener à bien. Le nouveau type d'homme qui est formé dans un tel contexte est celui du Travailleur-Soldat, chez qui il ne reste rien de la poésie traditionnelle du Soldat et qui ne jette plus son enthousiasme mais son assiduité dans la redoute qu'il est appelé à occuper. Jünger sait désormais que “la mobilisation totale, en tant que mesure de la pensée organisatrice, n'est qu'un reflet de cette mobilisation supérieure, que le temps accomplit en nous”.
Et cette mobilisation-là est inéluctable, la volonté consciente de l'individu ne peut rien y changer. La mobilisation totale des dernières énergies prépare, même si elle est en elle-même un processus de dissolution, l'avènement d'un ordre nouveau. La figure qui forgera cet ordre nouveau est celle du Travailleur. L'image de ce Travailleur, de ce phénomène qui fait irruption dans notre XXième siècle, nous la trouvons dans l'éducation et les arts modernes; Jünger l'a conçue d'après les caractéristiques du Soldat du Front et d'après le modèle russe où le Travailleur devient le Soldat de la Révolution. Jünger ne conçoit pas la catégorie du Travailleur comme un “état” (Stand) de la société, comme le veut la science bourgeoise, ou comme une classe, à l'instar du marxiste, mais voit dans le Travailleur un nouveau type humain en advenance, une nouvelle mentalité en gestation, qui réussira la fusion de la liberté et du pouvoir.
Seul le Travailleur entretient encore une “relation illimitée avec les forces élémentaires”, qui ont pénétré dans l'espace bourgeois, en opérant leur œuvre de destruction. Conservateurs traditionnels et Chrétiens ont attaqué ce livre radical avec une véhémence affirmée. Le Travailleur reste néanmoins un ouvrage difficile à lire: il recèle une indubitable dimension philosophique; il aborde la problématique en changeant constamment de point de vue, ce qui exige de la part du lecteur une communauté de pensée et une capacité à se remettre perpétuellement en question. (...).
Wolfgang HERRMANN.
(extrait de Der neue Nationalismus und seine Literatur, San Casciano Verlag, Postfach 1306, D-65.533 Limburg; trad. franç.: Robert Steuckers).
06:15 Publié dans Philosophie, Révolution conservatrice, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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"Cordon sanitaire" of "besmetting"?
Ellen Van Den Block
Cordon sanitaire of “besmetting”?
Een onderzoek naar de invloed van regeringsdeelname op rechts-populistische en extreem-rechtse partijen
http://www.ethesis.net/cordon_sanitaire/cordon_sanitaire.htm
06:05 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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dimanche, 01 avril 2007
Nieuw Rechts in Vlaanderen: een thesis

Sofie Delporte:
Nieuw Rechts in Vlaanderen.
Het gedachtegoed van het Nieuw Rechtse tijdschrift ‘Teksten, Kommentaren en Studies’
06:20 Publié dans Nouvelle Droite | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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Oppositions à Roosevelt

Robert STEUCKERS:
Les oppositions américaines à la guerre de Roosevelt
Analyse : Ronald RADOSH, Prophets on the Right. Profiles of Conservative Critics of American Globalism, Free Life Editions, New York, 1975 (ISBN : 0-914156-22-5).L’histoire des oppositions américaines à la seconde guerre mondiale est très intéressante. Elle nous initie aux idées des isolationnistes et neutralistes des Etats-Unis, seuls alliés objectifs et fidèles que nous pouvons avoir Outre-Atlantique, mis à part, bien entendu, les patriotes d’Amérique hispanique.
Aborder ce sujet implique de formuler quelques remarques préliminaires.
- L’histoire contemporaine est évaluée sous l’angle d’une propagande. Laquelle ? Celle qui a été orchestrée par les bellicistes américains, regroupés autour du Président Roosevelt. La tâche de l’histoire est donc de retrouver la réalité au-delà du rideau de fumée propagandiste.
- L’histoire contemporaine est déterminée par la perspective rooseveltienne où
a) les Etats-Unis sont l’avant-garde, la terre d’élection de la liberté et de la démocratie ;
b) les Etats-Unis doivent agir de façon à ce que le monde s’aligne sur eux.
c) Via leur idéologie messianique, interventionniste et mondialiste, les Etats-Unis se posent comme le bras armé de Yahvé, sont appelés à unir le monde sous l’autorité de Dieu. Leur président est le vicaire de Yahvé sur la Terre (et non plus le Pape de Rome).
Mais, pour s’imposer, cette idéologie messianique, interventionniste et mondialiste a eu des ennemis intérieurs, des adversaires isolationnistes, neutralistes et différentialistes. En effet, dans les années 30, 40 et 50, deux camps s’affrontaient aux Etats-Unis. En langage actualisé, on pourrait dire que les partisans du « village universel » se heurtaient aux partisans de l’ « auto-centrage ».
Quels ont été les adversaires du mondialisme de Roosevelt, outre le plus célèbre d’entre eux, le pilote Lindbergh, vainqueur de l’Atlantique. Nous en étudierons cinq :
1) Oswald Garrison VILLARD, éditeur du journal Nation, ancré à gauche, libéral et pacifiste.
2) John T. FLYNN, économiste et éditorialiste de New Republic, également ancré à gauche.
3) Le Sénateur Robert A. TAFT de l’Ohio, chef du Parti Républicain, surnommé « Mr. Republican».
4) Charles A. BEARD, historien progressiste.
5) Lawrence DENNIS, intellectuel étiqueté « fasciste », ancien diplomate en Amérique latine, notamment au Nicaragua et au Pérou.
Tous ces hommes avaient une biographie, un passé très différent. Dans les années 38-41, ils étaient tous isolationnistes. Dans les années 43-50, ils sont considérés comme « conservateurs » (c’est-à-dire adversaires de Roosevelt et de l’alliance avec l’URSS) ; de 1948 à 1953, ils refusent la logique de la Guerre Froide (défendue par la gauche sociale-démocrate après guerre).
Pourquoi cette évolution, qu’on ne comprend plus guère aujourd’hui ?
- D’abord parce que la gauche est favorable au « globalisme » ; à ses yeux les isolationnistes sont passéistes et les interventionnistes sont internationalistes et « progressistes ».
- Dans le sillage de la Guerre du Vietnam (autre guerre interventionniste), la gauche a changé de point de vue.
En effet, l’interventionnisme est synonyme d’impérialisme (ce qui est moralement condamnable pour la gauche hostile à la Guerre du Vietnam). L’isolationnisme relève du non-impérialisme américain, de l’anti-colonialisme officiel des USA, ce qui, dans le contexte de la Guerre du Vietnam, est moralement acceptable. D’où la gauche militante doit renouer avec une pensée anti-impérialiste. La morale est du côté des isolationnistes, même si un Flynn, par exemple, est devenu macchartyste et si Dennis a fait l’apologie du fascisme. Examinons les idées et les arguments de chacun de ces cinq isolationnistes.
Charles A. BEARD
Charles A. Beard est un historien qui a écrit 33 livres et 14 essais importants. Sa thèse centrale est celle du « déterminisme économique » ; elle prouve qu’il est un homme de gauche dans la tradition britannique de Mill, Bentham et du marxisme modéré. La structure politique et juridique, pour Beard, dérive de la stratégie économique. La complexification de l’économie implique une complexification du jeu politique par multiplication des acteurs. La Constitution et l’appareil légal sont donc le reflet des desiderata des classes dirigeantes. La complexification postule ensuite l’introduction du suffrage universel, pour que la complexité réelle de la société puisse se refléter correctement dans les représentations.
Beard sera dégoûté par la guerre de 1914-18.
1. Les résultats de cette guerre sont contraires à l’idéalisme wilsonien, qui avait poussé les Etats-Unis à intervenir. Après 1918, il y a davantage de totalitarisme et d’autoritarisme dans le monde qu’auparavant. La première guerre mondiale se solde par un recul de la démocratie.
2. Ce sont les investissements à l’étranger (principalement en France et en Grande-Bretagne) qui ont poussé les Etats-Unis à intervenir (pour sauver leurs clients de la défaite).
3. D’où le véritable remède est celui de l’autarcie continentale (continentalism).
4. Aux investissements à l’étranger, il faut opposer, dit Beard, des investissements intérieurs. Il faut une planification nationale. Il faut construire une bonne infrastructure routière aux Etats-Unis, il faut augmenter les budgets pour les écoles et les universités. Pour Beard, le planisme s’oppose au militarisme. Le militarisme est un messianisme, essentiellement porté par la Navy League, appuyée jadis par l’Amiral Mahan, théoricien de la thalassocratie. Pour Beard, l’US Army ne doit être qu’un instrument défensif.
Beard est donc un économiste et un théoricien politique qui annonce le New Deal de Roosevelt. Il est donc favorable au Président américain dans un premier temps, parce que celui-ci lance un gigantesque plan de travaux d’intérêt public. Le New Deal, aux yeux de Beard est une restructuration complète de l’économie domestique américaine. Beard raisonne comme les continentalistes et les autarcistes européens et japonais (notamment Tojo, qui parle très tôt de « sphère de co-prospérité est-asiatique »). En Allemagne, cette restructuration autarcisante préconisée par le premier Roosevelt suscite des enthousiasmes et apporte de l’eau au moulin des partisans d’un nouveau dialogue germano-américain après 1933.
Le programme « Big Navy »
Mais Roosevelt ne va pas pouvoir appliquer son programme, parce qu’il rencontrera l’opposition des milieux bancaires (qui tirent plus de dividendes des investissements à l’étranger), du complexe militaro-industriel (né pendant la première guerre mondiale) et de la Ligue Navale. Pour Beard, le programme « Big Navy » trahit l’autarcie promise par le New Deal.
Le programme « Big Navy » provoquera une répétition de l’histoire. Roosevelt prépare la guerre et la militarisation des Etats-Unis, déplore Beard. En 1934, éclate le scandale Nye. Une enquête menée par le Sénateur Gerald Nye prouve que le Président Wilson, le Secrétaire d’Etat Lansing et le Secrétaire d’Etat au Trésor Gibbs McAdoo, le Colonel House et les milieux bancaires (notamment la J.P. Morgan & Co) ont délibérément poussé à la guerre pour éviter une crise, une dépression. Résultat : cette dépression n’a été postposée que de dix ans (1929). Donc la politique raisonnable serait de décréter un embargo général à chaque guerre pour que les Etats-Unis ne soient pas entraînés aux côtés d’un des belligérants.
En 1937, Roosevelt prononce son fameux « Discours de Quarantaine », où il annonce que Washington mettra les « agresseurs » en quarantaine. En appliquant préventivement cette mesure de rétorsion aux seuls agresseurs, Roosevelt opère un choix et quitte le terrain de la neutralité, constate Beard. En 1941, quand les Japonais attaquent Pearl Harbour, le matin du 7 décembre 1941, Beard révèle dans la presse que Roosevelt a délibérément obligé le Japon à commettre cet irréparable acte de guerre. De 1941 à 1945, Beard admettra la nature « expansionniste » de l’Allemagne, de l’Italie et du Japon, mais ne cessera d’exhorter les Etats-Unis à ne pas suivre cet exemple, parce que les Etats-Unis sont « self-suffisant » et que l’agressivité de ces Etats n’est pas directement dirigée contre eux. Ensuite, deuxième batterie d’arguments, la guerre désintègre les institutions démocratiques américaines. On passe d’une démocratie à un césarisme à façade démocratique.
Beard accuse le gouvernement américain de Roosevelt de chercher à entrer en guerre à tout prix contre le Japon et l’Allemagne. Son accusation porte notamment sur quatre faits importants :
1. Il dénonce l’échange de destroyers de fabrication américaine contre des bases militaires et navales anglaises dans les Caraïbes et à Terre-Neuve (New Foundland).
2. Il dénonce la « Conférence de l’Atlantique », tenue entre le 9 et le 12 août 1941 entre Churchill et Roosevelt. Elles ont débouché sur un acte de guerre au détriment du Portugal neutre : l’occupation des Açores par les Américains et les Britanniques.
3. Il dénonce l’incident de septembre 1941, où des navires allemands ripostent aux tirs de l’USS Greer. Beard prétend que Roosevelt monte l’incident en épingle et il appuie son argumentation sur le rapport de l’Amiral Stark, prouvant l’intervention du navire aux côtés des Anglais.
4. En octobre 1941, un incident similaire oppose des bâtiments de la Kriegsmarine à l’USS Kearny. Roosevelt amplifie l’événement avec l’appui des médias. Beard rétorque en s’appuyant sur le rapport du Secrétaire de la Navy Knox, qui révèle que le navire américain a pris une part active aux combats opposants bâtiments anglais et allemands.
Une stratégie de provocation
Beard conclut que la stratégie de Roosevelt cherche à provoquer délibérément un incident, un casus belli. Cette attitude montre que le Président ne respecte pas les institutions américaines et ne suit pas la voie hiérarchique normale, qui passe par le Congrès. La démocratie américaine n’est plus qu’une façade : l’Etat US est devenu césariste et ne respecte plus le Congrès, organe légitime de la nation.
Il est intéressant de noter que la gauche américaine récupèrera Beard contre Johnson pendant la guerre du Vietnam. De Roosevelt à Johnson, la gauche américaine a en effet changé du tout au tout, modifié de fond en comble son argumentation ; elle était favorable à Roosevelt parce qu’il était l’impulseur du New Deal, avec toutes ses facettes sociales et dirigistes, et qu’il fut le leader de la grande guerre « anti-fasciste ». Elle cesse de soutenir l’option présidentialiste contre le démocrate Johnson, redevient favorable au Congrès, parce qu’elle s’oppose à la guerre du Vietnam et à l’emprise des lobbies militaro-industriels. En fait, la gauche américaine avouait dans les années 60 qu’elle avait été autoritaire, bouclier de l’autocratie rooseveltienne et anti-parlementaire (tout en reprochant aux fascistes de l’être !). Pire, la gauche avouait qu’elle avait été « fasciste » par « anti-fascisme » !
Dans une première phase donc, la gauche américaine avait été interventionniste. Dans une seconde, elle devient isolationniste. Cette contradiction s’est (très) partiellement exportée vers l’Europe. Cette mutation, typiquement américaine, fait la spécificité du paysage politique d’Outre-Atlantique.
Mettre le Japon au pied du mur…
Intéressantes à étudier sont également les positions de Beard sur la guerre américaine contre le Japon. Beard commence par constater que le Japon voulait une « sphère de co-prospérité est-asiatique », incluant la Chine et étendant l’influence japonaise profondément dans le territoire de l’ex-Céleste Empire. Pour cette raison, croyant contrarier l’expansion nippone, Roosevelt organise l’embargo contre le Japon, visant ainsi son asphyxie. En pratiquant une telle politique, le Président américain a mis le Japon au pied du mur : ou périr lentement ou tenter le tout pour le tout. Le Japon, à Pearl Harbour, a choisi le deuxième terme de l’alternative. L’enjeu de la guerre américano-japonaise est donc le marché chinois, auquel les Etats-Unis ont toujours voulu avoir un accès direct. Les Etats-Unis veulent une politique de la « porte ouverte » dans toute l’Asie, comme ils avaient voulu une politique identique en Allemagne sous Weimar. Dans la polémique qui l’oppose à Roosevelt, Beard se range du côté de Hoover, dont la critique à du poids. Beard et Hoover pensent que l’action du Japon en Chine n’enfreint nullement la souveraineté nationale américaine, ni ne nuit aux intérêts des Etats-Unis. Ceux-ci n’ont pas à s’inquiéter : jamais les Japonais ne parviendront à japoniser la Chine.
Après la deuxième guerre mondiale, Beard ne cessera de s’opposer aux manifestations de bellicisme de son pays. Il critique la politique de Truman. Il refuse la bipolarisation, telle qu’elle s’incruste dans les machines propagandistes. Il critique l’intervention américaine et britannique en Grèce et en Turquie. Il critique la recherche d’incidents en Méditerranée. Il rejette l’esprit de « croisade », y compris quand il vise le monde communiste.
En conclusion, Beard est resté pendant toute sa vie politique un partisan de l’autarcie continentale américaine et un adversaire résolu du messianisme idéologique. Beard n’était ni anti-fasciste ni anti-communiste : il était un autarciste américain. L’anti-fascisme et l’anti-communisme sont des idées internationalistes, donc désincarnées et irréalistes.
Oswald Garrison VILLARD
Né en 1872, Oswald Garrison Villard est un journaliste new-yorkais très célèbre, offrant sa prose précise et claire à deux journaux, Post et Nation, propriétés de son père. L’arrière-plan idéologique de Villard est le pacifisme. Il se fait membre de la Ligue anti-impérialiste dès 1897. En 1898, il s’oppose à la guerre contre l’Espagne (où celle-ci perd Cuba et les Philippines). Il estime que la guerre est incompatible avec l’idéal libéral de gauche. En 1914, il est l’un des principaux avocats de la neutralité. De 1915 à 1918, il exprime sa déception à l’égard de Wilson. En 1919, il s’insurge contre les clauses du Traité de Versailles : la paix est injuste donc fragile, car elle sanctionne le droit du plus fort, ne cesse-t-il de répéter dans ses colonnes. Il s’oppose à l’intervention américaine contre la Russie soviétique, au moment où Washington débarque des troupes à Arkhangelsk. De 1919 à 1920, il se félicite de l’éviction de Wilson, de la non-adhésion des Etats-Unis à la SdN. Il apporte son soutien au néo-isolationnisme.
De 1920 à 1930, Villard modifie sa philosophie économique. Il évolue vers le dirigisme. En 1924, il soutient les initiatives du populiste LaFollette, qui voulait que soit inscrite dans la constitution américaine l’obligation de procéder à un référendum avant toute guerre voire avant toute opération militaire à l’étranger. Villard souhaite également la création d’un « Third Party », sans l’étiquette socialiste, mais dont le but serait d’unir tous les progressistes.
En 1932, Franklin Delano Roosevelt arrive au pouvoir. Villard salue cette accession à la présidence, tout comme Beard. Et comme Beard, il rompra plus tard avec Roosevelt car il refusera sa politique extérieure. Pour Villard, la neutralité est un principe cardinal. Elle doit être une obligation (compulsory neutrality). Pendant la Guerre d’Espagne, la gauche (dont son journal Nation, où il devient une exception) soutient les Républicains espagnols (comme Vandervelde au POB). Lui, imperturbable, plaide pour une neutralité absolue (comme Spaak et De Man au POB). La gauche et Roosevelt veulent décréter un embargo contre les « agresseurs ». Villard, à l’instar de Beard, rejette cette position qui interdit toute neutralité absolue.
Plus de pouvoir au Congrès
Les positions de Villard permettent d’étudier les divergences au sein de la gauche américaine. En effet, dans les années 30, le New Deal s’avère un échec. Pourquoi ? Parce que Roosevelt doit subir l’opposition de la « Cour Suprême » (CS), qui est conservatrice. Villard, lui, veut donner plus de pouvoir au Congrès. Comment réagit Roosevelt ? Il augmente le nombre de juges dans la CS et y introduit ainsi ses créatures. La gauche applaudit, croyant ainsi pouvoir réaliser les promesses du New Deal. Villard refuse cet expédient car il conduit au césarisme. La gauche reproche à Villard de s’allier aux conservateurs de la CS, ce qui est faux puisque Villard avait suggéré d’augmenter les prérogatives du Congrès.
Dans cette polémique, la gauche se révèle « césariste » et hostile au Congrès. Villard reste fidèle à une gauche démocratique et parlementaire, pacifiste et autarciste. Villard ne « trahit » pas. Ce clivage conduit à une rupture entre Villard et la rédaction de Nation, désormais dirigée par Freda Kirchwey. En 1940, Villard quitte Nation après 46 ans et demi de bons et loyaux services, accusant Kirchwey de « prostituer » le journal. Cette « prostitution » consiste à rejeter le principe autarcique et à adhérer à l’universalisme (messianique). Villard va alors contre-attaquer :
1. Il va rappeler qu’il est un avocat du Congrès, donc qu’il est démocrate et non philo-fasciste.
2. Il va également rappeler qu’il s’est opposé aux conservateurs de la CS.
3. Il va affirmer que c’est l’amateurisme de Roosevelt qui a conduit le New Deal à l’échec.
4. Il démontre qu’en soutenant Roosevelt, la gauche devient « fasciste » parce qu’elle contribue à museler le Congrès.
Ni le Japon ni l’Allemagne n’en veulent aux Etats-Unis, écrit-il, donc nul besoin de leur faire la guerre. L’objectif raisonnable à poursuivre, répète-t-il, est de juxtaposer sur la planète trois blocs modernes autarciques et hermétiques : l’Asie sous la direction du Japon, l’Europe et l’Amérique. Il rejoint l’America-First-Committee qui affirme que si les Etats-Unis interviennent en Asie et en Europe, le chaos s’étendra sur la Terre et les problèmes non résolus s’accumuleront.
Villard n’épargnera pas la politique de Truman et la criblera de ses critiques. Dans ses éditoriaux, Truman est décrit comme un « politicien de petite ville incompétent », monté en épingle par Roosevelt et sa « clique ». Villard critiquera le bombardement atomique de Hiroshima et de Nagasaki. Il s’opposera au Tribunal de Nuremberg, aux Américains cherchant à favoriser la mainmise de la France sur la Sarre, à tous ceux qui veulent morceler l’Allemagne. Villard sera ensuite un adversaire de la Guerre Froide, s’insurgera contre la partition de la Corée et contre la création de l’OTAN.
Robert A. TAFT
Le père de Robert A. Taft fut pendant un moment de sa vie Président de la CS. Le milieu familial était celui des Républicains de vieille tradition. Robert A. Taft exerce ses premières activités politiques dans le sillage de Herbert Hoover et collabore à son « Food Programm ». En 1918, il est élu en Ohio. En 1938, il devient Sénateur de cet Etat. Dès cette année, il s’engage à fond dans le combat pour la « non-intervention ». Toute politique, selon lui, doit être défensive. Il fustige les positions « idéalistes » (c’est-à-dire irréalistes), des messianistes démocrates. « Il faut défendre du concret et non des abstractions », tel est son leitmotiv. La guerre, dit-il, conduirait à museler le Congrès, à faire reculer les gouvernements locaux, à renforcer le gouvernement central. Même si l’Allemagne gagne, argumente-t-il, elle n’attaquera pas les Etats-Unis et la victoire éventuelle du Reich n’arrêterait pas les flux commerciaux. D’où, affirme Taft, il faut à tout prix renforcer le « Neutrality Act », empêcher les navires américains d’entrer dans les zones de combat, éviter les incidents et décréter un embargo général, mais qui permet toutefois le système de vente « cash-and-carry » (« payer et emporter »), à appliquer à tous les belligérants sans restriction. Taft est réaliste : il faut vendre tous les produits sans exception. Nye, Sénateur du North Dakota, et Wheeler, Sénateur du Montana, veulent un embargo sur les munitions, les armes et le coton.
« Lend-Lease » et « cash-and-carry »
Taft ne sera pas candidat républicain aux élections présidentielles car l’Est vote contre lui ; il ne bénéficie que de l’appui de l’Ouest, hostile à la guerre en Europe. Il s’opposera à la pratique commerciale du « Lend-Lease », car cela implique d’envoyer des convois dans l’Atlantique et provoque immanquablement des incidents. En juillet 1941, la nécessité de protéger les convois aboutit à l’occupation de l’Islande. Taft formule une contre-proposition : au « Lend-Lease », il faut substituer le « cash-and-carry », ce qui n’empêche nullement de produire des avions pour la Grande-Bretagne. En juin 1941, la gauche adhère à une sorte de front international anti-fasciste, à l’instigation des communistes (visibles et camouflés). Taft maintient sa volonté de neutralité et constate que la majorité est hostile à la guerre. Seule une minorité de financiers est favorable au conflit. Taft martèle alors son idée-force : le peuple travailleur de l’Ouest est manipulé par l’oligarchie financière de l’Est.
Dans le cadre du parti Républicain, Taft lutte également contre la fraction interventionniste. Son adversaire principal est Schlesinger qui prétend que les isolationnistes provoquent un schisme à l’intérieur du parti, qui risque de disparaître ou d’être exclu du pouvoir pendant longtemps. Dans cette lutte, que s’est-il passé ? Les interventionnistes républicains, rangés derrière Wendell Willkie, chercheront l’alliance avec la droite démocratique de Roosevelt, pour empêcher les Républicains de revenir au pouvoir. De 1932 à 1948, les Républicains seront marginalisés. Une telle configuration avait déjà marqué l’histoire américaine : le schisme des Whigs en 1858 sur la question de l’esclavage (qui a débouché ensuite sur la Guerre de Sécession).
Pour Schlesinger, les capitalistes, les conservateurs et la CS sont hostiles à Roosevelt et au New Deal, qu’ils estiment être une forme de socialisme. Taft rétorque que les ploutocrates et les financiers se sont alliés aux révolutionnaires, hostiles à la CS, car celle-ci est un principe étatique éternel, servant la cause du peuple, celui de la majorité généralement silencieuse. Les ploutocrates sont favorables au bellicisme de Roosevelt, parce qu’ils espèrent conquérir des marchés en Europe, en Asie et en Amérique latine. Telle est la raison de leur bellicisme.
Tant Schlesinger que Taft rejettent la responsabilité sur les capitalistes ou les financiers (les « ploutocrates » comme on disait à l’époque). La différence, c’est que Schlesinger dénonce comme capitalisme le capital producteur enraciné (investissements), alors que Taft dénonce le capital financier et vagabond (non-investissement).
Contre l’idée de « Croisade »
Quand les Japonais bombardent Pearl Harbour le 7 décembre 1941 et y détruisent les bâtiments de guerre qui s’y trouvent, la presse, unanime, se moque de Taft et de ses principes neutralistes. La stratégie japonaise a été de frapper le port hawaïen, où ne stationnaient que de vieux navires pour empêcher la flotte de porter secours aux Philippines, que les Japonais s’apprêtaient à envahir, avant de foncer vers les pétroles et le caoutchouc indonésiens. Taft rétorque qu’il aurait fallu négocier et accuse Roosevelt de négligence tant aux Iles Hawaï qu’aux Philippines. Il ne cesse de critiquer l’idée de croisade. Pourquoi les Etats-Unis seraient-ils les seuls à pouvoir déclencher des croisades ? Pourquoi pas Staline ? Ou Hitler ? L’idée et la pratique de la « croisade » conduit à la guerre perpétuelle, donc au chaos. Taft dénonce ensuite comme aberration l’alliance entre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’URSS (chère à Walter Lippmann). A cette alliance, il faut substituer des plans régionaux, regrouper autour de puissances hégémoniques les petits Etats trop faibles pour survivre harmonieusement dans un monde en pleine mutation d’échelle.
Taft s’opposera à Bretton Woods (1944), aux investissements massifs à l’étranger et à la création du FMI. Il manifestera son scepticisme à l’endroit de l’ONU (Dumbarton Oaks, 1944). Il y est favorable à condition que cette instance devienne une cour d’arbitrage, mais refuse tout renforcement de l’idéologie utopiste. Après la guerre Taft s’opposera à la Doctrine Truman, à la création de l’OTAN, au Plan Marshall et à la Guerre de Corée. En 1946, Churchill prononce sa phrase célèbre (« Nous avons tué le mauvais cochon », celui-ci étant Hitler, le « bon cochon » sous-entendu et à tuer étant Staline) et déplore qu’un « rideau de fer » soit tombé de Stettin à l’Adriatique, plongeant l’Ostmitteleuropa dans des « régimes policiers ». Taft, conservateur « vieux-républicain », admet les arguments anti-communistes, mais cette hostilité légitime sur le plan des principes ne doit pas conduire à la guerre dans les faits.
Taft s’oppose à l’OTAN parce qu’elle est une structure interventionniste, contraire aux intérêts du peuple américain et aux principes d’arbitrage qui devraient être ceux de l’ONU. En outre, elle sera un gouffre d’argent. Vis-à-vis de l’URSS, il modifie quelque peu son jugement dès que Moscou se dote de la Bombe A. Il appuie toutefois Joe Kennedy (père de John, Robert/Bob et Ted) quand celui-ci réclame le retrait des troupes américaines hors de Corée, de Berlin et d’Europe. Taft est immédiatement accusé de « faire le jeu de Moscou », mais il reste anti-communiste. En réalité, il demeure fidèle à ses positions de départ : il est un isolationniste américain, il constate que le Nouveau Monde est séparé de l’Ancien et que cette séparation est une donnée naturelle, dont il faut tenir compte.
John T. FLYNN
John T. Flynn peut être décrit comme un « New Dealer » déçu. Beard et Villard avaient également exprimé leurs déceptions face à l’échec de la restructuration par Roosevelt de l’économie nord-américaine. Flynn dénonce très tôt la démarche du Président consistant à se donner des « ennemis mythique » pour dévier l’attention des échecs du New Deal. Il critique la mutation des communistes américains, qui deviennent bellicistes à partir de 1941. Les communistes, dit-il, trahissent leurs idéaux et utilisent les Etats-Unis pour faire avancer la politique soviétique.
Flynn était proche malgré lui des milieux fascisants (et folkloriques) américains (Christian Front, German-American Bund, l’American Destiny Party de Joseph McWilliams, un antisémite). Mais le succès de Lindbergh et de son America-First-Committee l’intéresse. Après la guerre, il critiquera les positions de la Fabian Society (qu’il qualifie de « socialisme fascisant ») et plaidera pour un gouvernement populaire, ce qui l’amène dans le sillage de McCarthy. Dans cette optique, il fait souvent l’équation « communisme = administration », arguant que l’organisation de l’administration aux Etats-Unis a été introduite par Roosevelt et parachevée par Truman. Mais, malgré cette proximité avec l’anti-communisme le plus radical, Flynn reste hostile à la guerre de Corée et à toute intervention en Indochine, contre les communistes locaux.
Lawrence DENNIS
Né en 1893 à Atlanta en Géorgie, Lawrence Dennis étudie à la Philips Exeter Academy et à Harvard. Il sert son pays en France en 1918, où il accède au grade de lieutenant. Après la guerre, il entame une carrière de diplomate qui l’emmène en Roumanie, au Honduras, au Nicaragua (où il observe la rébellion de Sandino) et au Pérou (au moment où émerge l’indigénisme péruvien). Entre 1930 et 1940, il joue un rôle intellectuel majeur. En 1932, paraît son livre Is Capitalism Doomed ? C’est un plaidoyer planiste, contre l’extension démesurée des crédits, contre l’exportation de capitaux, contre le non-investissement qui préfère louer l’argent que l’investir sur place et génère ainsi le chômage. Le programme de Dennis est de forger une fiscalité cohérente, de poursuivre une politique d'investissements créateurs d’emploi et de développer une autarcie américaine. En 1936, un autre ouvrage suscite le débat : The Coming American Fascism. Ce livre constate l’échec du New Deal, à cause d’une planification déficiente. Il constate également le succès des fascismes italien et allemand qui, dit Dennis, tirent les bonnes conclusions des théories de Keynes. Le fascisme s’oppose au communisme car il n’est pas égalitaire et le non-égalitarisme favorise les bons techniciens et les bons gestionnaires (les « directeurs », dira Burnham).
Il y a une différence entre le « fascisme » (planiste) tel que le définit Dennis et le « fascisme » rooseveltien que dénoncent Beard, Villard, Flynn, etc. Ce césarisme/fascisme rooseveltien se déploie au nom de l’anti-fascisme et agresse les fascismes européens.
En 1940, un troisième ouvrage de Dennis fait la une : The Dynamics of War and Revolution. Dans cet ouvrage, Dennis prévoit la guerre, qui sera une « guerre réactionnaire ». Dennis reprend la distinction des Corradini, Sombart, Haushofer et Niekisch, entre « nations prolétariennes » et « nations capitalistes » (haves/havenots). La guerre, écrit Dennis, est la réaction des nations capitalistes. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, nations capitalistes, s’opposeront à l’Allemagne, l’Italie et l’URSS, nations prolétariennes (le Pacte germano-soviétique est encore en vigueur et Dennis ignore encore qu’il sera dissous en juin 1941). Mais The Dynamics of War and Revolution constitue surtout une autopsie du monde capitaliste américain et occidental. La logique capitaliste, explique Dennis, est expansive, elle cherche à s’étendre et, si elle n’a pas ou plus la possibilité de s’étendre, elle s’étiole et meurt. D’où le capitalisme cherche constamment des marchés, mais cette recherche ne peut pas être éternelle, la Terre n’étant pas extensible à l’infini. Le capitalisme n’est possible que lorsqu’il y a expansion territoriale. De là, naît la logique de la « frontière ». Le territoire s’agrandit et la population augmente. Les courbes de profit peuvent s’accroître, vu la nécessité d’investir pour occuper ou coloniser ces territoires, de les équiper, de leur donner une infrastructure, et la nécessité de nourrir une population en phase d’explosion démographique. Historiquement parlant, cette expansion a eu lieu entre 1600 et 1900 : les peuples blancs d’Europe et d’Amérique avaient une frontière, un but à atteindre, des territoires à défricher et à organiser. En 1600, l’Europe investit le Nouveau Monde ; de 1800 à 1900, les Etats-Unis ont leur Ouest ; l’Europe s’étend en Afrique.
L’ère capitaliste est terminée
Conclusion de Dennis : l’ère capitaliste est terminée. Il n’y aura plus de guerres faciles possibles, plus d’injection de conjoncture par des expéditions coloniales dotées de faibles moyens, peu coûteuses en matières d’investissements, mais rapportant énormément de dividendes. Cette impossibilité de nouvelles expansions territoriales explique la stagnation et la dépression. Dès lors, quatre possibilités s’offrent aux gouvernants :
1. Accepter passivement la stagnation ;
2. Opter pour le mode communiste, c’est-à-dire pour la dictature des intellectuels bourgeois qui n’ont plus pu accéder au capitalisme ;
3. Créer un régime directorial, corporatiste et collectiviste, sans supprimer l’initiative privée et où la fonction de contrôle politique-étatique consiste à donner des directives efficaces ;
4. Faire la guerre à grande échelle, à titre de palliatif.
Dennis est favorable à la troisième solution et craint la quatrième (pour laquelle opte Roosevelt). Dennis s’oppose à la seconde guerre mondiale, tant dans le Pacifique que sur le théâtre européen. Plus tard, il s’opposera aux guerres de Corée et du Vietnam, injections de conjoncture semblables, visant à détruire des matériels pour pouvoir en reconstruire ou pour amasser des dividendes, sur lesquels on spéculera et que l’on n’investira pas. Pour avoir pris de telles positions, Dennis sera injurié bassement par la presse du système de 1945 à 1955, mais il continue imperturbablement à affiner ses thèses. Il commence par réfuter l’idée de « péché » dans la pratique politique internationale : pour Dennis, il n’y a pas de « péché fasciste » ou de « péché communiste ». L’obsession américaine de pratiquer des politiques de « portes ouvertes » (open doors policy) est un euphémisme pour désigner le plus implacable des impérialismes. La guerre froide implique des risques énormes pour le monde entier. La guerre du Vietnam, son enlisement et son échec, montrent l’inutilité de la quatrième solution. Par cette analyse, Dennis a un impact incontestable sur la pensée contestatrice de gauche et sur la gauche populiste, en dépit de son étiquette de « fasciste ».
En 1969, dans Operational Thinking for Survival, Dennis offre à ses lecteurs sa somme finale. Elle consiste en une critique radicale de l’American Way of Life.
Conclusion
Nous avons évoqué cinq figures d’opposants américains à Roosevelt. Leurs arguments sont similaires, en dépit de leurs diverses provenances idéologiques et politiques. Nous aurions pu comparer leurs positions à celles de dissidents américains plus connus en Europe comme Lindbergh ou Ezra Pound, ou moins connus comme Hamilton Fish. Nous aurions pu également analyser les travaux de Hoggan, historien contemporain non conformiste, soulignant les responsabilités britanniques et américaines dans le deuxième conflit mondial et exposant minutieux des positions de Robert LaFollette. Enfin, nous aurions pu analyser plus en profondeur l’aventure politique de cet homme politique populiste des années 20, leader des « progressistes ». Leur point commun à tous : la volonté de maintenir une ligne isolationniste, de ne pas intervenir hors du Nouveau Monde, de maximiser le développement du territoire des Etats-Unis. 80% de la population les a suivis. Les intellectuels étaient partagés.
L’aventure de ces hommes nous montre la puissance de la manipulation médiatique, capable de retourner rapidement l’opinion de 80% de la population américaine et de les entraîner dans une guerre qui ne les concernait nullement. Elle démontre aussi l’impact des principes autarciques, devant conduire à une juxtaposition dans la paix de grands espaces autonomisés et auto-suffisants. En Europe, ce type de débat est délibérément ignoré en dépit de son ampleur et de sa profondeur, l’aventure intellectuelle et politique de ces Américains non conformistes est désormais inconnue et reste inexplorée.
Une étude de cette problématique interdit toute approche manichéenne. On constate que dans la gauche américaine (comme dans une certaine droite, celle de Taft, p. ex.), l’hostilité à la guerre contre Hitler et le Japon implique, par une logique implacable et constante, l’hostilité ultérieure à la guerre contre Staline, l’URSS, la Corée du Nord ou le Vietnam d’Ho Chi Minh. Dans l’espace linguistique francophone, il semble que les non-conformismes (de droite comme de gauche) n’aient jamais tenu compte de l’opposition intérieure à Roosevelt, dont la logique est d’une clarté et d’une limpidité admirables. Navrante myopie politique…
Robert STEUCKERS.
(Conférence prononcée à Ixelles à la Tribune de l’EROE en 1986, sous le patronage de Jean E. van der Taelen ; texte non publié jusqu’ici).
06:20 Publié dans Affaires européennes, Géopolitique, Histoire, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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Taguieff: une barbarie au visage progressiste
Une barbarie au visage progressiste
Trouvé sur: http://albator.hautetfort.com
L'historien Pierre-André Taguieff dénonce la confusion actuelle des idées et les procédés d'intimidation de ceux qui voient le fascisme derrière toute pensée qui n'est pas la leur.

06:10 Publié dans Définitions, Philosophie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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Appel pour une Europe identitaire et libertaire
Appel à l'édification d'une Europe identitaire et libertaire
La fuite en avant de l’esprit du ressentiment, maquillé en compassion et en quelque chose qui serait des Lumières, a fait de ce peuple, notre peuple, l’esclave d’un mépris de soi jusqu’alors inédit.
Un étatisme qui ferait rougir d’envie Louis XIV sert de nid aux produits de ce mépris, les coucous, les gloutons de notre perte.
La caste fonctionnarienne d’Europe est composée des soldats d’une médiocratie ultraconservatrice, des soldats d’un ressentiment qui méprise l’effort et l’amour.
Des progressistes de la bassesse qui prônent une générosité de l’Homme qui traduite dans les faits est pour eux un titre, une inamovibilité, et un salaire qui ne correspond en rien à leur contribution à la prospérité de leur société.
Ce qu’ils appellent Justice est que les paresseux les plus lâches et les moins dignes dictent quoi faire à ceux qui font aller la société de l’avant et qui assurent sa sécurité devant les hostilités d’un Monde en mouvement, et qu’ils le fassent à leurs frais.
Ils sont la démagogie incarnée.
L’entretien du chômage, qu’il soit conscient ou inconscient, offre à la caste plus hydre que mammouth un réservoir de militants dont la bonne foi dans les idéaux de leurs ennemis réels en fait les martyrs haineux d’une cause qui leur est hostile.
Assez.
Nous demandons qu’une lutte contre notre indigne asservissement débute.
Nous demandons que les êtres qui portent en leur cœur l’amour de leurs semblables, le culte du vrai, l’estime de l’effort constructif, et le désir de ce que l’accomplissement de l’Humain s’incarne en une Renaissance perpétuelle identitaire et libertaire se mobilisent, s’organisent, et utilisent toutes les possibilités de l’action pour abattre nos tyrans, leur pouvoir, et leurs mensonges.
Ceux dont le ressentiment pédant a aiguisé le sens de la manipulation possèdent aujourd’hui un monopole de la domination des médias, des partis traditionnels, des organisations traditionnelles du monde du travail, entre autres…
C’est pourquoi chacun de ces dispositifs doit être traité en ennemi.
La naissance de nouveaux dispositifs prônant une évolution radicale émancipatrice et fière doit causer la perte de ces ennemis.
De même la conquête des anciens doit faciliter leur perte.
Nous demandons que le peuple d’Europe s’émancipe et se refonde en un peuple de sages-soldats.
Un ordre d’autonomes éclairés dont l’être sera l’accomplissement humain.
Les deux piliers de cette Europe de demain doivent être la Liberté et l’Estime de soi.
La palingénésie de l’Europe est notre droit, notre devoir, et notre volonté.
Anatole Pairle
06:05 Publié dans Affaires européennes, Définitions, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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samedi, 31 mars 2007
V. Avioutskii : les révolutions de velours

A lire impérativement, pour démonter les nouvelles stratégies du "soft power":
Viatcheslav AVIOUTSKII :
Les révolutions de velours
Sur cet ouvrage (avec références complètes): http://www.clionautes.org/spip.php?article1162
Un article de "La Croix" : http://acturca.wordpress.com/2006/04/21/les-%C2%AB-revolutions-de-velours-%C2%BB-de-viatcheslav-avioutskii/
06:15 Publié dans Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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La logistique du guerrier urbain
La logistique du guerrier urbain
Trouvé sur : http://albator.hautetfort.com/
La logistique conventionnelle peut s'exprimer par la formule N.C.E.M. qui veut dire:
N = Nourriture
C = Combustible
E = Équipement
M = Munitions
La logistique du guérillero urbain correspondra donc à la formule M.A.M.A.E. :
A = Argent
M = Munitions
A = Armes
E = Explosifs

Les véhicules dont il a besoin, il les " captera" s'il ne dispose pas de ressources pour en acheter. Comme pour l'achat d'armes, de munitions et d'explosif, le guerrier urbain prélèvera l'argent des banques. Ces " captations" sont, au départ, indispensables à notre organisation. Il faut aussi bien dérober les armes en vente dans les magasins que celles que portent en bandoulière les soldats ou gendarmes. Postérieurement, lorsqu'il s'agira de développer la force logistique, les guérilleros tendront des embuscades à l'ennemi afin de capturer ses armes, ses munitions et ses moyens de transport. Sitôt dérobé, le matériel doit être caché, même si l'ennemi cherche à riposter ou à poursuivre les assaillants. Il importe donc qu'ils connaissent très bien le terrain où ils agissent et qu'ils s'annexent des guides spécialement préparés.
06:10 Publié dans Défense | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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Der junge Heidegger und der faktische Gott

Pierfrancesco Stagi
Der faktische Gott
Selbstwelt und religiöse
Erfahrung beim jungen Heidegger
http://www.koenigshausen-neumann.de/
Das vieldiskutierte Thema „Heidegger und die Theologie“ wird hier unter einem neuen Blickwinkel analysiert und bewertet, der die Entfaltung der philosophischen Hermeneutik und ihre Analyse der religiösen Sprache miteinbezieht. Die religiöse Erfahrung ist für den jungen Heidegger nicht die mystische Erfahrung einer Abhängigkeit (Friedrich Schleiermacher) oder ein ekstatisches Moment des Irrationalen (Rudolf Otto), sondern vor allem die „sprachliche“ Erfahrung eminenter Texte (Paul Ricoeur). Die Sprache, die aus der religiösen Erfahrung spricht, ist die Sprache der Innerlichkeit. Das Philosophieren entdeckt dank des Christentums die entscheidende Dimension des Selbst und seiner Welt und stellt damit die natürliche Einstellung der griechischen Metaphysik von Grund auf in Frage. Philosophie ist für den jungen Heidegger eine Wissenschaft vom inneren Leben, die die Orientierung aller Lebenstendenzen auf die Selbstwelt erforscht, und er liest Paulus und Augustinus als die beiden Hauptvertreter einer Zentrierung faktischen Lebens auf die Selbstwelt. Ist aber die „christliche“ Wissenschaft der Selbstwelt mit der griechischen Metaphysik versöhnbar? In dieser Frage liegt die Aktualität des frühen Heidegger für das heutige Philosophieren in einer globalen Welt, in der sich die emanzipatorischen Instanzen moderner Vernunft mit der Notwendigkeit konfrontiert sehen, die Ansprüche unterschiedlicher Kulturen und Traditionen anzuerkennen.
Der Autor
Pierfrancesco Stagi promovierte in Turin bei Gianni Vattimo und in Freiburg i. Br. bei Günter Figal. Er ist Mitarbeiter am Philosophischen Seminar der Universität Turin und veröffentlichte auf den Gebieten der Theoretischen Philosophie, Hermeneutik, Existenzphilosophie und Religionsphilosophie.
ca. 272 seiten, Broschur mit Fadenheftung
Format 15,5 x 23,5 cm
Orbis Phaenomenologicus Studien, Band 16
Erscheinungstermin: 2. Quartal
ca. € 39,80 / SFr 69,70
ISBN 3-8260-3446-5
ISBN 978-3-8260-3446-6
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De Berdiaev à Mounier

Jure VUJIC:
PERSONNALISME COMMUNAUTAIRE: DE NICOLAS BERDIAEV à EMMANUEL MOUNIER.
Une grande foi commence toujours par porter le fer et le feu. Elle atteste la pureté; il y aura toujours assez de volontaires pour les compromis. Il n'y a pas une technique des besoins et par-dessus, inopérantes, des mystiques de la Cité. Il n'y a pas une technique de gouvernement et par-dessus, inopérante, une religion invisible de l'esprit. L'esprit doit garder l'initiative et la maîtrise de ses buts qui vont à l'homme par-dessus l'homme et non pas au bien-être. (Emmanuel Mounier).
Le problème de la personne est lié en premier lieu au problème du visage. Je crois à la possibilité d'une transformation de la conscience, à une révolution de la conscience, à une réévaluation des valeurs, à la rééducation spirituelle de l'homme. Alors à une conscience différente se présentera un univers différent. Les plus hautes ascensions de ma vie sont liées à une flamme sèche. Le feu est l'élément qui m'est le plus familier. (Nicolas Berdiaev).
Rien ne prédestinait Emmanuel Mounier et Nicolas Berdiaev de par leur origine et leur éducation (Berdiaev, Russe-orthodoxe, étant d'origine aristocratique, appartenant à une lignée de chevaliers Saint-Georges, Mounier étant, lui, issu d'une famille grenobloise modeste et catholique traditionnelle), leur cheminement intellectuel et religieux, à faire l'objet d'une intense rencontre spirituelle dont les fruits constitueront cette pensée qui leur est commune et si particulière: le personnalisme communautaire. Pourtant l'expérience mystique d'une orthodoxie renouvelée chez Berdiaev, l'engagement dans le cadre d'un christianisme primitif à la fois contemplatif et socialement actif chez Mounier, leur aspiration commune vers une liberté totale et inconditionnelle de l'homme au-delà des désordres politico-sociaux établis, du sectarisme religieux et des dogmes institutionnalisés et sclérosés (du religieux socialisé et objectivé), leur quête de l'absolu, la connaissance des mystères de l'eschatologie chez l'un et la recherche de la pureté ontologique chez l'autre, leur aversion commune de l'esprit bourgeois, les mèneront tous deux sur les sentiers d'une philosophie sociale et existentielle des Friedrich Nietzsche, Martin Buber, Georges Gurvitch, Kant, Bergson, Heidegger, Max Scheler, Keyserling, des écrivains comme Ibsen, Dostoievski, Tolstoi, Gogol, Jacob Boehme, qui voyaient dans le philosophe “der Arzt der Kultur”, le médecin de la civilisation ainsi que vers les enseignements et les expériences mystiques des grands mystiques tels que Maître Eckhart, St Thomas d'Aquin, St Jean de la Croix, Grégoire Palamas, Angelius Silesius, Grégoire de Nysse.
Au-delà de leur engagement politique parfois controversé, Berdiaev, se réclamant d'une “tendance soviétique”, et Mounier, fondateur de la revue Esprit, militant chrétien dans les rangs socialistes et résistant condamné par le régime de Vichy, œuvreront tous deux à l'élaboration d'une vision et d'une définition essentialistes et personnalistes de l'homme et d'une conception organique et fraternelle de la communauté. Tous deux ont paradoxalement adhéré aux thèses marxistes dans lesquelles ils ont chacun vu pour leur propre part, l'un comme un “anarchiste mystique” et l'autre comme un “chrétien de gauche” (ce qui a une connation péjorative); ils ont vu dans ce marxisme l'instrument d'une rupture avec un passé jugé révolu et réactionnaire et comme l'une des bases idéologiques essentielles conditionnant une révolution structurelle et sociale qui allait de pair avec une révolution intérieure et spirituelle.
Toutefois, tous deux ne firent preuve d'aucune naïveté à l'égard de la doctrine marxiste dont ils dénoncèrent l'interprétation matérialiste de l'histoire et du monde, les excès, les mensonges et la brutalité, ce qui leur a valu beaucoup d'inimités dans leurs milieux respectifs, jusqu'à la prison et l'exil pour Berdiaev. Pour aboutir aux notions de personnalisme et de communautarisme, Berdiaev se rapportera systématiquement au sentiment et à l'énergie religieuse de l'âme russe, ainsi qu'à un vécu subjectif qui lui est propre et d'une mystique orthodoxe régénérée. C'est à travers la conception tourmentée et quasi-traumatique et rédemptrice de l'univers de Dostoïevski que l'on peut déceler et comprendre la signification du sentiment religieux de l'âme russe à travers le reflet de tous les types d'hommes: les révoltés, les faibles, les spirituels, les athées, au travers la figure du pélerin Makar Dolgorouki, dans l'adolescent, dans l'archevêque Tikhone dans Les Possédés, dans le Starets Zosima, chez son disciple le doux Aliocha, dans les frères Karamazov qui sont autant d'êtres spirituels, incarnation solaires, ou à travers les paraboles et légendes tels que le Grand Inquisiteur qui présente une apologie du Christ laquelle est prononcée par l'athée révolté Ivan Karamazov.
Nicolas Berdiaev, tout en reconnaissant combien la terre russe se présente comme une terre profondément orthodoxe, dénoncera toutes les prétentions nationalistes, les déviations césaro-papistes de l'Orthodoxie qu'il considère comme une trahison à l'égard de la vocation d'universalité de la Russie dans le monde. Berdiaev a une conception cosmique de la pensée orthodoxe. Pour lui, le Christ ressuscité est un christ cosmique, ce qui implique une dynamique propre à l'orthodoxie et l'importance donnée à la liberté intérieure. L'image du Christ ressuscité prend le pas sur celle du Christ crucifié. Cette conception rejoint l'idée centrale de la patristique orientale, fondée sur l'idée de la Théosis, c'est-à-dire la divinisation de l'homme et de tout l'univers créé, la venue du Christ étant considéré dans un ordre cosmogonique comme une nouvelle genèse, et le salut n'étant rien d'autre qu'une divinisation impliquant le cosmos entier. Le pneumatisme de l'Eglise orthodoxe, qui est en attente de la venue de l'esprit saint, la conduit vers la transfiguration de tout le cosmos à laquelle doit collaborer la création entière. Toute forme d'autoritarisme et d'institutionnalisme tend à séparer la collectivité religieuse de l'individu, or l'Unité devant être réalisée, l'Eglise ne saurait supporter en son sein la présence d'esclaves, car Dieu ne s'adresserait qu'à des hommes libres.
Berdiaev a toujours prôné la réalisation d'un oecuménisme authentique. Il parlait d'un “socialisme” spécifiquement russe dont le but est une église oecuménique unissant tous les peuples et réalisée sur Terre (il écrira en 1945 que la Russie soviétique tend à masquer la Russie éternelle, le peuple russe est le peuple le plus communautaire du monde. Les Français sont trop individualistes pour saisir aisément ce que signifie la personne et son rôle dans la communauté). Mais selon lui l'oecuménisme véritable n'est possible que dans la mesure où les religions donnent la suprématie à l'esprit au-delà de toutes les formes de socialisation et d'autoritarisme. Chez Berdiaev la foi en l'homme véritablement libre et la foi en Dieu se présentent comme les deux pôles d'une croyance identique. Sa tragédie religieuse est très bien illustrée par le conflit dramatique qui se résume dans la légende du Grand Inquisiteur des Frères Karamazov, dans laquelle s'opposent les principes universels de la liberté et de la contrainte, la croyance dans le sens de la vie et la négation de cette croyance, l'amour divin et la compassion purement humaine, le Christ et l'Antéchrist.
La pensée et l'œuvre de Berdiaev se présente comme une lutte contre le Grand Inquisiteur et il écrira dans L'esprit de Dostoievski: l'homme préfère le repos, la mort même, à la liberté de distinguer le bien et le mal. L'homme cherche moins Dieu que le miracle. De cette orthodoxie régénérée, libre, détachée des considérations scolastiques et des carcans institutionnels, naîtra au travers d'une dialectique existentielle une conception essentialiste et personnaliste de l'homme dont J. Boehme avait écrit qu'il est celui en qui “l'esprit a fait sa brèche” et dont A. Silésius avait écrit: «Un homme essentiel est comme l'éternité qui reste inchangée par n'importe quelle extériorité». Pour Berdiaev, l'homme “personnalisé et essentiel” est intemporel, un être de lumière et un lieu de métamorphose qui évolue dans un monde transfiguré et éternel. Pour parvenir à ce degré de personnalisation et d'essentialité, l'être se doit de dépasser le temps profane, appartenant au monde naturel déchu et illusoire, divisé en présent, passé, avenir, lequel est le produit de l'objectivation pour parvenir au temps existentiel qui seul convient à la vie spirituelle, et se réalise dans l'intériorité et dont la mesure est liée à la tension et à l'intensité des états du sujet.
La personnalisation et l'essentialisation de l'être suppose qu'il éprouve intimement le sens du mystère, l'éternité, en manifestant une expérience religieuse au-delà de toute expression dogmatique et se présentant sous la forme d'une révélation intime et profonde. Berdiaev constate que la majorité des hommes mènent une existence dans laquelle l'“essentiel” n'intervient pas, l'extériorité leur suffisant. Dans Les Possédés de Dostoïevski, l'homme est comparé à un chaos, à un manque de hiérarchie et d'ordonnance, chez lequel la dimension de l'éternel est détruite. Dostoievski les désignera: les “hommes de papier”, qui nient le sentiment de l'éternité, le provisoire et le factice leur suffisant. L'homme essentiel protège son univers mental et intérieur de l'extériorité et des assauts des hommes de papiers, c'est pourquoi il a besoin d'une certaine solitude pour méditer et communier avec les plus infimes éléments de la nature et du monde.
L'expérience spirituelle de l'homme “personnalisé” et “essentiel” résulte de conflits frontaux, en constituant des ruptures de niveau ontologique, par lesquels il perçoit d'une certaine façon la fin du monde, et le commencement d'un nouveau monde transfiguré. L'homme personnalisé de Berdaiev se tient debout au centre du monde spirituel qui est unité et subjectivité et non dans la périphérie qui est multiplicité et objectivité, tout en faisant constamment face aux réalités contingentes. L'homme se présentant comme le centre absolu du cosmos est invité à se libérer et à libérer la nature, ce qui suppose une profonde connaissance de soi-même, centrée sur la présence de l'image divine qu'il porte en lui. Toute la pensée personnaliste et communautariste de Berdaiev est axée sur la liberté et son cheminement spirituel qui consistera en la découverte de la liberté. Berdaiev partira du constat que la liberté est récusée par la majorité des hommes qui la vivent et la percoivent comme un joug et une épreuve terrible. C'est dans ce sens que Berdaiev confère à la liberté un sens authentiquement aristocratique. La liberté doit donc s'entendre sur un plan métaphysique, excluant son acceptation et son identification au libre arbitre lequel est d'ordre utilitaire et pédagogique. La liberté authentique qui est aussi potentialité et puissance créatrice de l'être “personnel” suppose la pénétration dans le monde spirituel par un vécu subjectif interne, une expérience spirituelle propre échappant à la collectivité et donc aux formes de religions socialisées et objectivées.
La philosophie existentielle et personnaliste de Berdiaev sous-entendait, selon ses propres termes, que la connaissance philosophique soit un acte spirituel dans lequel non seulement opère l'intellect, mais converge la totalité des forces spirituelles de l'homme, son être voulant et son être sentant. Pour expliquer la notion de communautarisme, inséparable de la notion de personnalisme, Berdiaev oppose la connaissance objectivée aboutissant à la communication appartenant au monde impersonnel et à l'ordre de la société, à la connaissance existentielle, qui suppose la personne et engendre la communion. Berdiaev établira une différenciation entre la communication et la participation. Selon lui, seule la participation est réelle, la communication demeurant symbolique car faisant appel à des signes extérieurs tels que les coutumes, les usages, la politique, les règles conventionnelles, le caractère conventionnel appartenant à l'extériorité et étant étranger à la communion.
Le Communautarisme et la communion authentique supposent de ne pas réduire la connaissance d'autrui en un objet et suppose une appréhension de l'âme d'autrui par une projection hors de soi et un mouvement efficient vers lui, dans le cadre d'une réciprocité de sentiment. A ce propos, Berdiaev considérait que le visage rompait et interrompait le monde objectivé rendant sensible le mystère de l'existence et écrivit dans ce sens: «Le problème de la personne est lié en premier lieu au problème du visage». Un visage serein et harmonieux ainsi que l'excellence d'un corps sain proportionné qui constitue l'enveloppe de l'esprit est le point de départ et la condition sine qua non à toute adhésion aux idéaux des valeurs aristocratiques d'ordre, de beauté, de forme, de hiérarchie et de force alors que chez certaines personnes un visage morbide et la possession d'un corps ingrat et disproportionné n'est que l'expression prophylactique et tourmentée d'une frustration atavique, d'un malaise moral et physique général qui se rattache par dépit à une échelle de valeurs élitistes inapropriées ainsi qu'à des identités de substitution imprégnées de virilités et de force qui ne sont vécues que dans le cadre d'une abstraction cérébrale et lesquelles ne sont souvent que l'avatar d'une éducation autoritaire mal digérée.
Ce qu'affirme le personnalisme communautaire de Berdiaev, ce n'est pas l'amour du bien, d'une idée abstraite, mais l'amour et l'appréhension d'un être concret et du monde de la nature. La philosophie existentielle supposait la recherche de la vérité, laquelle impliquait l'activité de l'esprit de l'homme, la connaissance de la vérité dépendant des degrés de communauté qui peuvent exister entre les hommes et de leur communion dans l'esprit. Le communautarisme de Berdiaev est une symphonie, une Sobornost au sens russe du terme, chaque personne y conservant sa propre voix. Le personnalisme qui joua un rôle de premier plan dans la pensée de Nicolas Berdiaev, qui participera activement à la revue Esprit et influencera considérablement Emmanuel Mounier, les deux hommes s'étant liés d'une amitié profonde.
La pensée et le mouvement personnaliste-communautaire d'Emmanuel Mounier prendra naissance et corps dans la tourmente et la contestation des années 30, de la crise qui s'ouvrit en 1929 avec le krach de Wall Street et qui se poursuivra au-delà de la seconde guerre mondiale. Au-delà des clivages et des querelles intestines de la droite et de la gauche, du marxisme qui cherchera une justification, une légitimité, dans une crise qu'il considère comme l'aboutissement paroxystique du capitalisme, Emmanuel Mounier percevra les signes du temps et les stigmates de ce déclin comme la fin d'un monde qui appelle une nouvelle renaissance, et considérera qu'à cette civilisation déliquescente, il faudra opposer un projet global et nouveau. Mounier rejette toute forme de recomposition et de solution partielle à la crise morale politique et économique qu'ont engendrée durant des siècles la suprématie de la bourgeoisie, l'individualisme, le rationalisme et l'usure qui ont dissocié l'homme de lui-même, ont détruit les liens organiques qui le liaient à la nature et à la communauté.
Cette réflexion et cette option maximaliste des jeunes intellectuels des années 30, qui rejettent le communisme et le capitalisme et cherchent une voie propre et nouvelle pour la France et l'Europe, trouveront écho dans de nombreux thèmes de la revue Esprit et s'inscriront dans l'effervescence idéologique bien particulière des années 30 au travers des revues Réaction, Les Cahiers, La Revue Française, Jeune Droite, La Revue du Siècle, Plans, L'Ordre Nouveau et dans le cadre de groupes de pensée qui réaffirment que la crise des années 30 est avant tout une crise de civilisation et de valeurs. Robert Aron et Arnaud Dandieu, les fondateurs d'Ordre Nouveau écriront que la révolution fatale sera avant tout spirituelle sinon elle ne changera rien, et le manifeste d'ordre nouveau de 1931 proclame “la primauté de la personne”, la “révolution économique” et la décentralisation révolutionnaire. Thierry Maulnier prônera quant à lui une révolution spirituelle, une révolution des valeurs. Le personnalisme communautaire de Mounier s'inscrira dans le cadre de cette «Troisième Force» qui alimentera à la fois Vichy et la Résistance, laquelle, entre le capitalisme bourgeois et le marxisme soviétique, recherchera une troisième voie, celle de l'Europe et d'une démocratie directe régénérée, intégrant organiquement l'économie de masse.
Mais ce qui fait la spécificité du mouvement personnaliste de Mounier, qu'il définit lui-même comme un circuit d'amitiés agissantes, c'est la réaffirmation et la défense de la primauté du spirituel au-delà des contingences politico-sociales externes. La personne —que Mounier évoque lui-même comme «Puissance orientée d'attente et d'accueil, force nerveuse de création et de maîtrise, mais au sein d'une communion humaine où toute création est un rayonnement, toute maîtrise un service, liberté d'initiative, c'est-à-dire un foyer de commencements, une première pente vers le monde, une promesse d'amitiés multiples, une offre de soi»— se détermine avant tout et intrinséquement par un acte de fondation mais dans le cadre d'un mouvement qui fait la négation de sa propre individualité en s'ouvrant et se projetant dans la communauté et l'univers.
Mounier tout en refusant et opposant dos à dos, d'une part, le mal de l'Orient qui, dans l'excès, conduit à la dissolution de la personne dans le néant nirvanique/cosmique, et, d'autre part, le mal de l'Occident, caractérisé par son esprit égocentrique et réducteur, propose de faire une synthèse des deux exigences fondamentales et métaphysiques pour la construction d'un type de personne authentique: celle qui lui vient de la tradition française-occidentale —lucidité, maîtrise, conscience de soi— et celle qui lui vient d'un christianisme caritatif de type assisien qu'incarne et ranime pour lui la pensée russe à travers Berdiaev: conscience du nous, de la communauté, solidarité, oblation. Mounier réaffirmera constamment le dépassement du conflit entre les deux abstractions dichotomiques que sont l'individualité et la collectivité au profit d'un développement mutuel et de la fondation de l'homme concret, l'homme qui se donne comme réalité psychologique et comme condition pratique à la construction de la cité personnaliste et communautaire.
Le personnalisme de Mounier est avant tout une énergétique de la personne, un discours sur l'homme et la civilisation qui s'oppose à la construction d'un système rigide, qui ne se présente pas comme un enchaînement conceptuel mais comme un effort théorique et pratique nécessaire à l'avènement d'une ou de plusieurs philosophies de la personne. Derrière la mutilation de la civilisation occidentale, Mounier y verra la conséquence d'une faillite et d'une subversion de l'esprit, résultant d'une évolution désastreuse de l'histoire depuis la renaissance. Selon Mounier, la recomposition de la société et de l'homme supposera d'abord la reconstitution d'une nouvelle Weltanschauung, d'une vision du monde seule à même de fonder une révolution ontologique, nécessaire à la renaissance d'une nouvelle civilisation régénérée par le personnalisme communautaire. Dans cette perspective, Mounier intégrera les préceptes évangéliques du christianisme primitif au rationalisme contemporain pour jeter les bases d'une philosophie et d'une praxis révolutionnaire. Cette même praxis révolutionnaire doit tendre à réunifier “l'esprit qui rassemble, unifie, réunit vers son but suprême qui est la communion et la fondation de la cité authentique”.
Au-delà des couples antithétiques du capitalisme et du communisme, de l'individualisme et du collectivisme, de l'idéalisme et du matérialisme, dont Mounier refusera de faire une synthèse, il réaffirmera la nécessité d'une révolution spirituelle qui est à l'antipode d'un spiritualisme abstrait car elle tend à réhabiliter et à refonder le monde solide en restaurant la réconciliation entre la nature, dans toute sa poésie, avec l'homme. La personne selon Mounier est une sorte de cogito existentiel qui n'est connaissable que “du dedans” et qui constitue une puissance d'affronter le monde, l'opinion, la lâcheté collective, ce qui reflète l'influence de la pensée nietzchéenne sur Mounier, lequel écrira: «Il faut d'abord que chacun apprenne à se tenir debout tout seul». Le personnalisme de Mounier se caractérise par sa réaction première contre l'individualisme bourgeois, l'adjonction de l'épithète communautaire —dont le kantien Renouvier avait lancé le mot au début du siècle— et sous-entendra que la communauté est incluse dans la définition de la personne. Mounier s'efforcera de restituer ce personnalisme moral et juridique dans le cadre d'une hiérarchie des relations interpersonnelles.
Développant ses thèses personnalistes dans ses ouvrages Le traité du caractère et L'introduction aux existentialismes, Mounier opposera la personne au concept d'individu qui, pour lui, est la dissolution et la dispersion de la personne dans la matière alors que la personne est polarité, maîtrise, choix et générosité. Un individu n'acquiert l'état et le statut de personne qu'en se purifiant de l'individu qui est en elle et en tendant vers l'altérité qui est “l'être ensemble” de la communion. Face au monde moderne qu'il considère comme un affaissement collectif, une dépersonnalisation massive, ce monde du “on” si bien évoqué par Heidegger, Mounier propose une autre forme de groupement communautaire authentique en partant du postulat qu'une communauté ne naît pas spontanément d'une vie en commun. Au-delà des différents échelons hiérarchisés de la communauté qu'il convient de transcender, les sociétés “en nous-autres”, conformistes et conflictuelles, des sociétés vitales (famille et nations), les sociétés raisonnables contractuelles et juridiques des démocraties libérales bourgeoises et avancées, Mounier proposera l'avènement d'une communauté valable et authentique qui réunit des personnes et qu'il définit comme une “personne de personnes” reliées entre elles par une commune adhésion et dévotion à des valeurs transcendantales et des images-limites.
Imprégné de l'idée du droit social, Mounier s'efforcera de promouvoir l'image et l'idée d'un ordre hiérarchique, de personnes, expression collective de l'homme citoyen, le seul capable de construire une cité authentique et fraternelle. La vocation communautaire de la personne qu'évoquera Mounier reflète bien l'influence qu'exerce sur ce dernier la philosophie idéaliste russe (surtout Berdiaev) laquelle aura opéré, à l'encontre d'un rationalisme et d'un positivisme écrasants, une rupture radicale. Cette philosophie se fera le chantre d'une “Vérité fraternelle” au travers d'une énergie spirituelle orthodoxe, proprement slave et un sens pathétique de la communauté et de la populité, imprégnées d'une dimension eschatologique apocalyptique qui se retrouve chez le catholique Mounier. La cité personnaliste communautaire de ce dernier constituera un projet global de vie sociale fondée sur le pluralisme, l'organicité, l'articulation hiérarchisée à plusieurs niveaux (familial, local, syndical) de communautés libres et responsables dans le cadre d'une totalité où les domaines privés et publics restent distincts, où le politique et l'économique ont leurs fonctions propres, une cité fondée sur l'esprit de communion, arrachée de l'individualisme et protégée contre toutes les formes de totalitarisme niveleur par la suprématie de la personne et par la distinction des ordres.
Jure VUJIC.
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vendredi, 30 mars 2007
Statthalter des Geheimen Deutschlands

Jürgen W. Gansel:
Statthalter des Geheimen Deutschlands
Mit Stefan George verschied vor 70 Jahren eine elitäre Jahrhundertpersönlichkeit der deutschen Dichtung
Quelle: http://www.deutsche-stimme.de/
In der Person Stefan Georges (1868-1933) erwuchs zuerst dem literarischen Naturalismus, der sich dem Häßlichen und Gewöhnlichen zuwandte, und dann der modernen Massendemokratie ein Kritiker von unerbittlicher Strenge. Georges Kontrastprogramm zielte in gemeißelter Sprache auf eine Vergöttlichung der Kunst und die Überwindung des liberalkapitalistischen Dekadenzsystems durch die Vision eines Geistesadels und eines mythenumrankten neuen Reiches. Bis heute hat der George-Kreis und dessen Kraftquell des Geheimen Deutschlands nichts von seiner Faszinationskraft eingebüßt.
Als Ausdruck der europäischen Zeitkrise hatte sich im letzten Drittel des 19. Jahrhunderts der Naturalismus zu einer machtvollen Kunstströmung entwickelt. Mit der drastischen Wiedergabe des Lebens und seiner Spannungen und Schattenseiten verbanden viele Naturalisten eine Anklage der Verhältnisse im Zeitalter der Hochindustrialisierung. Aus dem Widerwillen gegen die Elendsschilderungen des Naturalismus mit ihrer gewollt glanzlosen und alltagsnahen Sprache erwuchs die Gegenbewegung der Symbolisten und Neuromantiker. Ein neues Kunstwollen in Sprache und Motivik sollte die Alltagsniedrigkeit hinter sich lassen und in einer symbolhaltigen Sakralsprache die Ehre der Kunst und der Kultur wiederherstellen.
Anreger Nietzsche
Bedeutender Anreger der Symbolisten und Neuromantiker war kein Geringerer als Friedrich Nietzsche (1844-1900). Mit seinem Hauptwerk »Also sprach Zarathustra« (1883/84) schlug der Künder des Übermenschen seine Zeitgenossen in den Bann. Auch der junge Stefan George ließ sich von der religiös-erhabenen, kunstvoll durchformten Dichtersprache gefangennehmen. Über das Ästhetische hinaus faszinierten der seherische Gestus und die Ankündigung einer Zeitenwende, in der ein neuer Adel über die »letzten Menschen« triumphieren und den Nihilismus zu Grabe tragen werde. Als Nietzscheaner griff George zum Federkiel und sollte als weihevoller Sprach- und Ideenschöpfer selber einmal einen stattlichen Kreis von Jüngern um sich sammeln.
In Büdesheim bei Bingen wurde George am 12. Juli 1868 geboren. Mit 18 Jahren begann der Sohn eines Weinbauern mit dem Dichten, das sich noch weitgehend im Kosmos jugendlicher Gefühle bewegte; auffällig ist allenfalls die häufige Beschwörung von Dunkelheit und Vergänglichkeit. Gesichtsausdruck und Gebaren hatten bereits in den jungen Jahren etwas Melancholisches, Kühles und Erstarrtes, zu dem dann mit zunehmendem Alter das Abweisende und Imperatorische hinzutrat.
In betonter Abschottung vom verachteten Gesellschaftstreiben setzte George seine Dichtung ins Werk. Der deutschen Sprache sollte Würde, Glanz und Zucht wiedergegeben werden. Die Zeilen prunken mit einer feierlichen, mythischen und dräuenden Stimmung. Streng geformte Verse, bisweilen schimmernd wie schwarze Perlen, wurden durch eine eigene Rechtschreibung und Zeichensetzung mit der Aura des Exklusiven versehen.
Der Rheinhesse verachtete den Markt und dessen Reklamehaftigkeit und Nutzendenken; seine hochgezüchtete Lyrik, die bisweilen übertrieben und gekünstelt wirkt, sollte deshalb auch einem schnellen Kunstkonsum und billiger Marktgängigkeit entgegenwirken. Ganz Symbolist, Sinnbilder (Symbole) zur Errichtung einer autonomen Welt der Schönheit und Reinheit zu verwenden, baute er am Tempel einer zweckfreien Kunst. Für sich selbst sah er die Aufgabe als Tempelwächter, ja als Tempelherr. Später, nach seiner Hinwendung zu einem neuen Reich als Dach einer veredelten deutschen Gemeinschaft, umschrieb er seinen Sendungsauftrag mit den Worten: »Ich bin gesandt mit Fackeln und mit Stahl, daß ich euch härte.«
Nach dem Abschluß der Schule 1888 bereiste George als unruhiger Schönheitssucher Europa, erlernte Sprachen und unternahm weitere Bildungsanstrengungen. Mit den »Hymnen«, den »Pilgerfahrten« und dem Ludwig II. geweihten »Algabal« erschienen die ersten Gedichtbände. Als Forum für einzelne Dichtungen dienten die »Blätter für die Kunst«. In der zweiten Hälfte der neunziger Jahre hatte sich der Dichter bereits größere Anerkennung erworben und einen Kreis von Freunden und Bewunderern um sich versammelt.
Mit der Zeit entwickelte sich aus dem losen Gesinnungskreis um die »Blätter für die Kunst« der George-Kreis als strenge und hierarchische Gemeinschaft. George fungierte als unangefochtener dichterischer Meister, geistiger Ideenformer und sozialer Gesetzgeber. Noch heute widmen Literaturwissenschaftler, Historiker und Sozialpsychologen dem Faszinosum des George-Kreises Aufsätze und Bücher. Um den Meister als Zentralinstanz dieses »Staates« sammelten sich Jünger, von denen einige Spuren in der Geistesgeschichte hinterließen, so Max Kommerell, Friedrich Gundolf, Ernst Kantorowicz und Claus von Stauffenberg. Der Versuch Georges, den Symbolisten Hugo von Hofmannsthal und den Lebensphilosophen Ludwig Klages in sein Herrschaftsgebilde einzubinden, scheiterten, wie generell die eigentümlichen Sozialbeziehungen des Kreises höchst zerbrechlich waren. Hinzu kamen bizarre Blüten wie der Göttlichkeitskult, den George um den Knaben Max (»Maximin«) Kronberger veranstaltete, und skurrile Maskenfeste, die den Verdacht eines homoerotischen Männerbundes nährten.
Geheimes Deutschland
Tragende Idee des George-Kreises war das Geheime Deutschland, ein Mythos, der in der Herrlichkeit und geistigen Strahlkraft des staufischen Kaisertums Friedrich Barbarossas und Friedrichs II. seinen Wurzelgrund hat und von Hölderlin verschlüsselt in die Dichtung eingeführt wurde. Im November 1933 sprach der Georgianer Ernst Kantorowicz in einer Vorlesung vom Geheimen Deutschland als dem teutonischen Olymp, dem ewigen deutschen Geisterreich:
»Es ist die geheime Gemeinschaft der Dichter und Weisen, der Helden und Heiligen, der Opferer und Opfer, welche Deutschland hervorgebracht hat und die Deutschland sich dargebracht haben. (…) Es ist ein Seelenreich, in welchem immerdar die gleichen deutschesten Kaiser eigensten Ranges und eigenster Artung herrschen und thronen, unter deren Zepter sich zwar noch niemals die ganze Nation aus innerster Inbrunst gebeugt hat, deren Herrentum aber dennoch immerwährend und ewig ist und in tiefster Verborgenheit gegen das jeweilige Außen lebt und dadurch für das ewige Deutschland.«
Das Geheime Deutschland ist danach zugleich ein Reich von dieser und nicht von dieser Welt, ein Reich der Toten und Lebenden. Eine solch metaphysische Reichsidee wies eine natürliche Distanz zu den politischen Realitäten mit ihrem schnöden Tagesgeschäft auf. Den Kriegsausbruch 1914 wertete deshalb auch George als reinigendes Gewitter, das in eine morsche Zivilisation fahre und einem gehärteten Menschenschlag aus überlegenem Geist das Feld bereite. Im dritten Buch des »Stern des Bundes« von 1914 entwirft George das Bild eines Adels, der vom überlebten Blutadel strikt abgegrenzt wird: »Neuen adel den ihr suchet/ Führt nicht her von schild und krone!/ Aller stufen halter tragen/ Gleich den feilen blick der sinne/ Gleich den rohen blick der spähe…/ Stammlos wachsen im gewühle/ Seltne sprossen eigenen ranges/ Und ihr kennt die mitgeburten/ An der Augen wahrer Glut.«
George verstand sich als »Dichter in Zeiten der Wirren«, der von seinem Schwabinger Hochsitz den Weimarer Demokratismus voller Verachtung anprangerte und durch die Rangordnung eines führergeleiteten neuen Reiches ersetzt sehen wollte. Voll Gegenwartshaß und in raunendem Prophetenton erklingt diese Vision in dem bekannten Gedicht, das er dem Andenken des Grafen Bernhard Uxkull widmete.
Das Dritte Reich Adolf Hitlers erfüllte die hohen Erwartungen des elitären Dichters aber nicht und löste Distanzreaktionen aus. Zu seinem Geburtstag am 12. Juli 1933 gratulierte Joseph Goebbels dessen ungeachtet in einem Telegramm: »Dem Dichter und Seher, dem Meister des Wortes, dem guten Deutschen zum 65. Geburtstag ergebenste Grüße und Glückwünsche.« Kurz darauf fuhr George in die Schweiz, wo er seit Jahren die Wintermonate verbrachte und im Dezember 1933 verstarb.
Kurz darauf hielt der Expressionist Gottfried Benn eine Rede, in der er den verstorbenen Dichterherrscher als das »großartigste Durchkreuzungs- und Ausstrahlungsphänomen« der deutschen Geistesgeschichte feierte. Der Laudator, der seinen elitären Ordnungswillen von der Kunst auf die Politik übertragen hatte und so zum Faschisten geworden war, destillierte die beiden Begriffe heraus, die wie keine sonst das Wesen von Georges »imperativer Kunst« erfassen: »Form und Zucht«. Dem Geist der neuen Zeit entsprechend, die demokratische Formlosigkeit durch Form, libertäre Anarchie durch Ordnung ersetzte, würdigte Benn das Formgefühl Georges aus dem Geist des Griechentums und Friedrich Nietzsches: »Form, das ist für weite Kreise Dekadenz, Ermüdung, substantielles Nachlassen, Leerlauf, für George ist es Sieg, Herrschaft, Idealismus, Glaube. Für weite Kreise tritt die Form ,hinzu‘, ein gehaltvolles Kunstwerk und nun ,auch noch eine schöne Form‘; für George gilt: die Form ist Schöpfung; Prinzip, Voraussetzung, tiefstes Wesen der Schöpfung; Form schafft Schöpfung.«
Jürgen W. Gansel
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V. Avioutskii: géopolitiques continentales

Géopolitiques continentales, le monde au XXIe siècle
par Viatcheslav Avioutskii
( Livre )
Armand Colin
Collection Collection U
2006, 397 p., 27.5 euros
ISBN : 2200346220
Pour tenter de répondre à la question, ce livre se propose de faire le point sur les diverses théories qui ont conduit à l'émergence de la notion : des théories classiques de Mackinder et Spykman à la doctrine de l'endiguement de Kennan, en passant par celle du choc des civilisations de Huntington.
L'ouvrage propose d'abord de se familiariser avec les acteurs de la géopolitique tels que les États, les multinationales, les ONG, les partis politiques, les médias, etc., en insistant sur la distinction entre relations internationales et géopolitique. Pour cerner les enjeux du monde au XXIe siècle, il aborde les grands processus géopolitiques qui ont façonné le XXe siècle : la décolonisation, la démocratisation, la montée des totalitarismes, les rivalités idéologiques, la compétition économique, les intégrations régionales, etc.
Enfin, l'ouvrage étudie les géodynamiques continentales à l'œuvre aujourd'hui, à la fois au sein des grandes aires régionales et entre celles-ci (l'Europe, l'Afrique, le Proche et le Moyen-Orient, les Amériques et l'Asie). L'auteur dresse ainsi un tableau complet de la géopolitique mondiale contemporaine et propose une vision post-Huntington du monde au XXIe siècle.
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Qu'est-ce que la géopolitique ? Pour tenter de répondre à la question, ce livre se propose de faire le point sur les diverses théories qui ont conduit à l'émergence de la notion : des théories classiques de Mackinder et Spykman à la doctrine de l'endiguement de Kennan, en passant par celle du choc des civilisations de Huntington. L'ouvrage propose d'abord de se familiariser avec les acteurs de la géopolitique tels que les Etats, les multinationales, les ONG, les partis politiques, les médias, etc., en insistant sur la distinction entre relations internationales et géopolitique. Pour cerner les enjeux du monde au XXIe siècle, il aborde les grands processus géopolitiques qui ont façonné le XXe siècle : la décolonisation, la démocratisation, la montée des totalitarismes, les rivalités idéologiques, la compétition économique, les intégrations régionales, etc. Enfin, l'ouvrage étudie les géodynamiques continentales à l'œuvre aujourd'hui, à la fois au sein des grandes aires régionales et entre celles-ci (l'Europe, l'Afrique, le Proche et le Moyen-Orient, les Amériques et l'Asie). L'auteur dresse ainsi un tableau complet de la géopolitique mondiale contemporaine et propose une vision post-Huntington du monde au XXIe siècle.
Biographie de l'auteur
Viatcheslav Avioutskii, docteur en géographie et spécialisé en géopolitique, est membre de l'Observatoire et Centre de Recherche en Entrepreneuriat (OCRE) de l'Ecole des dirigeants d'entreprises (EDC). Il enseigne la géopolitique à des étudiants d'écoles de commerce.
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An Examination of F. Nietzsche's Thought

Fenris Will Devour Odin: An Examination of Friedrich Nietzsche's Thought
Nietzsche – to speak of his own life – came from a long line of Lutheran pastors, and there remains a decidedly Protestant cast to his thought. Born in 1844, he specialized in classical philology, wrote his thesis on Theognis, an aristocratic radical, and found himself offered a professorship at the tender age of 24! Enoch Powell happened to be granted a similar academic posting, in Australia, at the same age. Nor need it surprise us that Powell was heavily influenced by Nietzsche, before a decisive turn back to Anglicanism a la T.S. Eliot.
Nietzsche’s first act involved blowing his own discipline wide open. This resulted from issuing The Birth of Tragedy from the press. It effectively sought to kill off his own specialism with one sword thrust to the heart. In it, he posited the dialectic of Apollonian vis-à-vis Dionysian in Greek theatre, placed Aeschylus above the other tragedians, and sought in the shambles of the House of Atreus a solution to Western decadence. Like a mortician, he dissected contemporary mores, found them wanting, and offered Wagnerian opera as a lance to an ever-present boil. He soon dispensed with this, given the perennial Christian stance in Parsival. His Grail lay elsewhere.
How to sum up his thinking? When we recall that the Karl Schlechta edition, in its pomp, runs to eighteen volumes, including poetry and letters. He even composed music, although, rather like Anthony Burgess, it has never been performed. Perhaps, reminiscent of Alex in A Clockwork Orange, he could always hear the threnody welling up in his own ears?
First up, he declared that God is dead in men’s minds, and that mortal life must be totally visualized at our level. Second, he asserted the non-normative or spendthrift quality of truth, but denied relativism through the epistemology of a Strong Man’s hammer. Rather like the circus, did not life beat out its meaning on a purposive anvil? Next, or third in our trajectory, he uttered the prophecy of the Superman; the one who exists beyond Good and Evil, and who will recreate intention by utilizing the masses as putty. Contrary to democratic license, he sees life as quintessentially divided into masters and slaves. Which group do you identify with, or, in the words of the Kentucky miners’ anthem from the nineteen-forties, ‘whose side are you on, boy, whose side are you on?’ To follow: he notates Will to Power, or desire to control energy within a form, as a relocation of teleology, or future perfect. If we might adapt the Tofflers, it is not a future shock – merely a shocking future. Again, and to close, he requires all of this to be foregrounded by the Endless Return, so as to cheat death by a karmic insistence not on reincarnation but on Renaissance.
To him, existence was a bullet passing through screens, life is death, all circumstances recur, ethical insight remains pagan, aesthetics constitutes a new master class, pity can be characterized as the sentimentality of worms, and Spencer’s natural fallacy isn’t one. In other words, Might constitutes right, the world is as it should be, heroic struggle mitigates stoicism, and suffering must be lightly borne with aristocratic sang-froid. It might even be schadenfreunde … For him, Christianity as a mass faith will perish, but the little people deeply require it as a socialist opiate, held aloft with feminine compassion, and beholden to one Hippy’s auto-da-fe.
All of these ideas were put forward in a series of books, from Untimely Meditations to Ecce Homo, the autobiography at life’s end. An existence whose closure, almost scripted by Theodore Dreiser and Jack London, ended in madness due to tertiary syphilis. Contrary to the thesis of My Sister and I, a forgery, this was probably contracted from a brothel during his student days. Try to imagine the thesis of Ibsen’s Ghosts, when crossed with the anti-metaphysics of Epstein’s Rock-drill.
For Nietzsche, unlike Evola in his revolt against modernity, preaches a type of modernism which is subtly different. One that revolves around an illiberal and elitist rendition of modern life – its acceptance, its merging in, its energisation, its over-coming. Finally, accompanied by the eagle who evinces courage, and the pet snake who beguiles wisdom, Zarathustra, Nietzsche’s Aryan sage, wanders out into the mountains to face Life.
A signification of death … or is it the coming of a great Noon-time?
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Papel simbolico del petroleo en la crisis de la civilizacion

Ernesto Mila / http://infokrisis.blogia.com/ :
El papel simbolico del petroleo en la crisis de la civilizacion
Infokrisis.- Hay algo en el oro negro que lo hace particularmente inquietante. Pocas veces, la realidad ha estado tan próxima del símbolo y pocas veces el símbolo ha tenido una importante real en la vida de todo el planeta. En las líneas que siguen vamos a realizar una interpretación simbólica de la crisis del petróleo, pero no nos detendremos en el "mundo mágico" de los símbolos, sino que descenderemos, en apoyo de nuestra tesis, a la realidad cotidiana, objetiva y racional.
La primera “crisis del petróleo” digna de tal nombre, se produjo en 1859, tras la perforación del famoso pozo del coronel Drake Titusville en Pennsilvania. Poco después estalló la guerra civil americana y el precio del petróleo se elevó hasta 15 dólares el barril. Bastó con aumentar la producción a 3000 barriles por día para que el precio volviera a caer a siete dólares. Desde entonces, el mismo remedio se ha aplicado en cada nueva crisis petrolera. Pero ahora las cosas son sensiblemente más complejas. A partir de 1999, el precio del petróleo no deja de aumentar, como consecuencia de que la demanda de crudo ha ido aumentando, pero la oferta ya no puede crecer más.
Hemos alcanzado un punto de confluencia de distintos factores: después de treinta años de mejorarse los sistemas de extracción de petróleo y alcanzarse a perforar profundidades que antes parecían inalcanzables, tras veinte años de realizar constantes prospecciones en busca de nuevas cuencas petrolíferas y de aumentos constantes en la producción, se ha alcanzado el punto de inflexión en el que las necesidades petroleras mundiales (la demanda) siguen creciendo, mientras que la oferta empieza, inevitablemente, a disminuir.
Esta tendencia compromete el proceso de globalización mundial iniciado desde principios de los años noventa. La era del combustible barato ha concluido y el precio de los transportes encarece el traslado de las manufacturas de un lado a otro del planeta. Así pues, el petróleo ha apuntillado la era de la globalización. Nuestra civilización se alimenta de energía; si ésta falla, los pilares del desarrollo se desintegran. El fin de la era del petróleo es, en definitiva, va a tener, sin duda, mucho que ver con el fin del mundo moderno.
Cuando las realidades se convierten en símbolos
El universo simbólico no podía haber proporcionado un elemento tan característico del mundo moderno como es el petróleo. Se tiene a nuestra época por decadente y terminal, acaso la más alejada de la mítica Edad de Oro originaria, hasta el punto de que cabría llamar a nuestra era, la Edad del Petróleo, no en vano, este mineral se sitúa en las antípodas del oro.
Habitualmente, se asocia el oro, con su resplandor característico a la naturaleza solar, igualmente brillante, pura y resplandeciente, que luce en las alturas. A este respecto, es significativo que el petróleo se extraiga de las profundidades de la Tierra, allí en donde las viejas tradiciones clásicas consideraban al mundo telúrico y al subsuelo como algo siniestro, el reino de Vulcano, en donde el fuego que existe no es el procedente del sol, sino que se asocia a los infiernos.
La limpieza del oro tiene su contrapartida en el tizne oleaginoso y untoso del petróleo, que para acentuar estas características, además, al arder, produce una densa humareda negra. No en vano, el petróleo es el principal contaminante del planeta. Y, en cuanto a su color, difícilmente podríamos encontrar otro mineral que estuviera tan alejado del brillo solar, como éste mineral, denso, oscuro y opaco, casi como si se tratara de un plomo líquido.
Sin embargo, es frecuente que se llame al petróleo, “oro negro”, lo cual, hace más fácil su asociación y su inversión con el oro.
El petróleo fue llamado en la Edad Media, “aceite de piedra” (petrus-oleos), se le conocía pero, ni siquiera se le utilizaba para encender lámparas. Se le tenía como “acqua infernales” y, por tanto, se le alejaba de la sociedad. Hoy, sin embargo, es el centro de la civilización y nuestro bienestar depende de este mineral líquido, cuyos derivados están presentes, no sólo en carburantes, sino en plásticos, incluso en alimentos. Su valor central en nuestra civilización, sella, así mismo nuestro destino problemático en el momento en que se agote.
El petróleo procede de la descomposición de masas de materia orgánica, sometidas a presión durante milenios. Así pues, cuando consumimos petróleo, estamos agotando algo más que las reservas de este mineral: estamos consumiendo nuestro pasado.
Hay algo infernal en el petróleo. Si lo consideramos como la antítesis del Oro y su inversión, si valoramos su ubicación en el mundo subterráneo, nos sugerirá la misma condición que el “Ángel Caído”: lo contrario de la solidez y brillantez del oro. Además, se añade el hecho de que, así como el oro en su reflejo, encerraba para los antiguos, la naturaleza del Sol, el petróleo, en su opacidad, es simplemente, su negación. Ahora bien, en tanto que el oro se asocia al sol y el petróleo a la combustión, resulta evidente que ambos tienen, en su esencia, una relación con el elemento fuego. El oro es el fuego solar y el petróleo, el fuego destructor. El oro es el material con el que, simbólicamente, están hechos los dioses, el petróleo, por el contrario, es el material de los infiernos.
No puede extrañar, pues, que la crisis que tenemos ante la vista en las dos próximas décadas, tenga que ver con el “oro negro”. Sin el petróleo sería incomprensible el mundo moderno, el maquinismo y la misma globalización. En realidad, la ausencia de petróleo antes de que se haya logrado encontrarle un sustituto, generará el fin de la civilización moderna, del maquinismo y ya hoy está poniendo en aprietos la globalización del mercado de manufacturas.
Las viejas tradiciones ancestrales de Oriente y Occidente, sostenían que en la Edad de Oro (en nuestro ámbito religioso-cultural, en el mito del Paraíso edénico primordial), existía una comunicación directa entre los seres humanos y la trascendencia. Este tema está presente en el mito edénico cuando, antes de la Caída, la pareja originaria no experimentaban sensación de vergüenza y pudor por su desnudez. En la Edad de Oro, los seres humanos no eran trascendencia pura, pero se aproximaban a ella. Es la Caída (presente en todas las tradiciones) la que retrae esa trascendencia a su mínima expresión en un estado de latencia en el ser humano. La “luz” se ha retirado del Mundo. La “luz” ha abandonado a los seres humanos que ni siquiera son conscientes de que aún resta en ellos un reflejo de la trascendencia, aun en forma latente.
A esta primera “Caída”, se suceden otras que llevan hasta nuestro desgraciado siglo. El petróleo está constituido por restos muertos de materia orgánica, plurimilenariamente pútridos, su opacidad absoluta lo hace impenetrable a cualquier rastro de luz superior. Para colmo, el modelo de civilización que se ha creado sobre la base del consumo petrolífero, supone una etapa de despersonalización y masificación traída por las cadenas de producción y montaje, los ritmos de trabajo frenéticos que ya advirtió y denunció Fritz Lang en “Metrópolis”. Gracias al petróleo –aunque no solamente a causa del petróleo- el ser humano ha conquistado la condición, dudosamente honrosa y digna, de productor alienado y consumidor integrado.
Por todo ello, resulta evidente que, en el inicio de nuestro ciclo, el Oro era el símbolo que convenía a una naturaleza capaz de experimentar la atracción y la sintonía con la trascendencia, de la misma forma que, en este fin de ciclo, el petróleo protagoniza, no solamente la antítesis del oro en el terreno simbólico, sino que encarna en sí mismo, los procesos terminales de un ciclo de civilización.
Una reflexión sobre el fin del ciclo
Las guerras de Afganistán e Irak, los conflictos que están asolando África, la inestabilidad de algunos países iberoamericanos, tiene mucho que ver con el petróleo, de la misma forma que la creciente escasez de crudo generará tensiones geopolíticas y geoestratégicos insoportables que culminarán en nuevas y asoladoras “guerras del petróleo”.
Y, en este terreno, no cabe lugar para el optimismo. Cada vez la demanda energética es mayor. El petróleo existente en el planeta, es finito. Cada día se consumo, por tanto, las reservas disminuyen inexorablemente. A pesar de que muchos países tercermundistas, para lograr créditos fáciles del Banco Mundial y del FMI, falsearon sus cifras de reservas petrolíferas adulterándolas al alza, ahora se tiene la completa seguridad de que los hallazgos de nuevos pozos se están ralentizando cada vez más y los ya existentes, no están en condiciones de abastecer a una demanda creciente. Para colmo, las energías de sustitución todavía están en pañales (la fusión en frío no estará disponible antes de 30 años... si llega a estarlo) o bien, no responden a las necesidades globales (energía eólica, energía solar, etc. o bien resultan peligrosas y limitadas a algunos sectores (energía nuclear) o bien caras, sucias e, igualmente, limitadas (carbón o pizarras bituminosas).
Así pues, no debemos forjarnos vanas ilusiones, ni esperanzas carentes de base científica. La realidad es que nuestro modelo de civilización solamente es sostenible mediante altos consumos energéticos; si no están a nuestro alcance, la civilización se para; si se para, muere.
De ahí que los próximos años vayan a ser decisivos y recuerden en dramatismo el escenario pintado en la serie “Mad Max”. Entonces, el cuadro dantesco de una civilización quebrada por falta de carburante parecía una exageración. Eran todavía los tiempos del “combustible barato”. Esos tiempos ya han terminado. A medida que se vaya acercando el colapso de la civilización del petróleo, su precio se irá encareciendo. Resultará dramático, ver como algunos países pobres –e, incluso, productores de petróleo- no están en condiciones de hacerse con stoks situados en los mercados a un precio superior a sus posibilidades. Veremos como otros países en los que aparecen bolsas de petróleo significativas, se convierten en presas para otros países, ávidos de combustible.
Este futuro no es ciencia ficción. Está ya entre nosotros. Todos los grandes acontecimientos que ocurren en el mundo desde mediados de los años 90, están relacionados con el petróleo y con su control. No se dice en voz alta, no se reconoce, pero es así. La guerra de Irak (para controlar las primeras reservas mundiales de petróleo), la guerra de Afganistán (para disponer de una salida al mar para el petróleo del Caspio), la guerra de Chechenia (para obstaculizar el acceso del petróleo del Caspio a Europa Occidental), la presencia norteamericana en el Magreb y en toda la costa de África Occidental, en pugna con Francia, los intentos de desestabilización en Venezuela, el naciente conflicto en Bolivia, la próxima destrucción de amplios sectores naturales en Alaska, la guerra de Putin contra los “oligarcas”, por el control de Yukos la gran petrolera rusa, etc, son muestras de lo que decimos: las “las guerras del petróleo” ya han comenzado. El fin de nuestro ciclo de civilización, también.
© Ernesto Milà – infokrisis – infokrisis@yahoo.es
06:05 Publié dans Affaires européennes, Economie, Géopolitique, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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jeudi, 29 mars 2007
F. Nietzsches Naturbegriff

Wolfgang Jordan
Friedrich Nietzsches Naturbegriff
zwischen Neuromantik und
positivistischer Entzauberung
Der vorliegende Interpretationsbeitrag zum Naturverständnis Nietzsches orientiert sich an der für das 19. Jahrhundert bedeutsamen Bruchlinie von Metaphysik und Positivismus. Etablierte Lehren der Philosophie und traditionelle Kulturbetrachtungen werden im Werk des streitbaren Altphilologen vielfältig durch eine auf vermeintliche Tatsachen beharrende Kritik entzaubert. Hinsichtlich der Natur lässt sich insgesamt in seinen Schriften, Briefen und Nachlassnotizen ein romantisches Naturempfinden des Dichters oder der Privatperson Nietzsche gegenüber einer radikal zergliedernden Skepsis bei erkenntnistheoretischen Fragen abgrenzen: Die euphorisch in einem Gedicht besungene Landschaft kann im theoretischen Fragment als ungegenständlicher Sinneseindruck bloßgestellt werden. Beide Extreme sind wiederum von lebensphilosophischen und vitalistischen Motiven sowie einem kritisch-normativen Naturverständnis in Bezug auf Kultur- und Moralphilosophie zu trennen. Hierher gehören auch progressive Erwägungen zum schwierigen gesellschaftlichen Ineinander von Natur und Kultur sowie zu ethischen Betrachtungen über Willensfreiheit und Schuldfähigkeit. Fraglos lassen sich die Problembereiche nicht systematisch verbinden, obgleich aufschlussreiche Querverweise aufgezeigt werden. Methodisch geht die Schrift von Prämissen der Kritischen Theorie aus. Sie sieht Nietzsche klar als reflexiven Aufklärer, der sich aber stellenweise unter dem Gebot seiner positivistischen Epoche zu immer konsequenteren Schlussfolgerungen antreibt und sich schließlich in Widersprüchen verstrickt. Für den aspektreichen Verlauf der Betrachtung ist es von Vorteil, dass sie sich nicht allein auf eine natur- oder sprachphilosophische Perspektive beschränkt.
Der Autor
Wolfgang Jordan, geb. 1972, studierte Philosophie, Germanistik und Soziologie in Gießen und Frankfurt/M. 2004 promovierte er mit der angezeigten Schrift an der Frankfurter Universität.
352 seiten, Broschur mit Fadenheftung
Format 15,5 x 23,5 cm
Epistemata Philosophie 424
noch nicht angeboten, bereits erschienen
€ 48,00 / SFr 84,00
ISBN 3-8260-3468-6
ISBN 978-3-8260-3468-8
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L'Europe par la culture

Robert STEUCKERS :
Faire l'Europe par la culture et le savoir plutôt que par l'économie
Les pères fondateurs de l'Europe —Schumann, Adenauer et De Gasperi— ont voulu forger d'abord une Europe de l'économie, avant de passer à une fusion harmonieuse des politiques européennes, de construire une défense commune ou de bâtir un réseau universitaire continental. Dans le chef de ces trois catholiques issus de trois régions différentes de la “dorsale lotharingienne”, vouloir amorcer une unification européenne par l'économie était normal car ces trois hommes, polyglottes, de tradition catholique, formés intellectuellement par la rude férule de la grammaire latine, ne se posaient pas le problème de la diversité européenne. Ils ne niaient pas cette diversité, mais, pour eux, elle était sous-jacente à une chape culturelle commune dominée par les humanités classiques, par la paedia enseignée dans les collèges catholiques, meilleurs conservatoires à l'époque de notre héritage antique. Depuis cet immédiat après-guerre, les choses ont bien changé: si l'économie reste potentiellement diversifiée à l'extrême dans notre continent, les pratiques de rationalisation mises au point pour le charbon et pour l'acier au début des années 50 ne sauraient être étendues à tous les domaines de l'activité artisanale, industrielle et agricole humaine: on ne peut songer raisonnablement à réglementer et uniformiser le travail de tous les menuisiers d'Europe qui font tourner leur tour-à-bois, à faire pousser fraises et cerises au même rythme dans les quatre coins de l'UE en dépit des variations climatologiques ni harmoniser sur le modèle allemand ou suédois les législations sociales de Carinthie, du Pays de Galles ou d'Algarve. Ensuite, au fur et à mesure que les technocrates élaboraient leurs règlements pour la fabrication euro-standardisée des pièges à rats (authentique!) ou pour déterminer la grosseur des petits pois, ce qui faisait implicitement l'unité civilisationnelle de l'Europe disparaissait petit à petit sous les coups d'une modernité qui se voulait libératrice et permissive. Jeunes Allemands, Belges, Italiens, Français ou Espagnols potassaient de moins en moins le De Viris Illustribus Urbis Romae; et s'ils grignotent désormais les mêmes bâtons de chocolat Mars ou Milky Way (dont la longueur et l'épaisseur ont été dûment réglémentées), ils se comprennent moins bien entre eux que leurs ascendants immédiats, malgré les guerres civiles européennes de ce siècle.
En effet, toute civilisation possède normalement un corpus de base: la Torah pour les Juifs, le Coran pour les Musulmans, l'Evangile pour les Chrétiens (à la notable différence que si la Torah et le Coran sont rédigés dans une langue originelle, les Evangiles dont disposent les Chrétiens ne sont nullement les paroles araméennes prononcées par le Christ). Pour l'Europe non orthodoxe, les textes de base sont donc forcément les textes latins, reflets d'une culture où l'équilibre juridique est la valeur cardinale. Si l'accès à ce corpus se raréfie, si les “élites” (?) ne sont plus unanimement pétries de ce corpus, la civilisation se morcelle, ne trouve plus d'élan et les tentatives d'unification économique patinent: à la base, devant un horizon matérialiste réduisant l'esprit pur à sa plus simple expression et l'esprit civique à néant, on finit par ne plus voir l'utilité de cette paedia, les différences locales et/ou résiduaires prennent le dessus et focalisent les passions et les obsessions; et, en haut, tout en haut, les mesures d'“harmonisation” eurocratiques apparaissent dès lors pour ce qu'elles sont, c'est-à-dire coercitives. Si Schumann, Adenauer et De Gasperi ne pouvaient pas encore imaginer ce recul catastrophique de l'antique tradition européenne et de sa paedia, aujourd'hui, personne ne peut nier que les fondements de notre civilisation ne sont plus partagés vraiment que par une poignée d'érudits et de nostalgiques en voie de disparition. Nous vivons aujourd'hui un paradoxe colossal: le particularisme le plus élémentaire, le moins créateur de culture, le plus individualiste et le plus matérialiste occupe les esprits et est renforcé par l'opium des médias; sur cet émiettement pèse lourdement la chape de l'administration bruxelloise qui ne peut nullement remplacer les legs de l'antiquité dans le cœur et le cerveau des Européens, ce qui dégoûte inconsciemment les masses de l'idée européenne et les conforte dans leurs particularismes postmodernes, c'est-à-dire des particularismes purement fortuits, occasionnels et déconnectés du réel et de l'histoire. Cette déconnection totale indique l'émergence navrante de centaines de millions de petites sphères privées solipsistiques, parfois appelées “cocons”. Pour sortir de ce paradoxe, de cette impasse, l'Europe devrait pouvoir parier sur la culture, sur ses universités, sur un retour aux racines communes de notre civilisation et ensuite, dans un deuxième temps, se donner une arme militaire et diplomatique commune pour s'imposer comme bloc sur la scène internationale. Les fonctions juridiques-sacerdotales et militaires-défensives sont plus à même de faire rapidement l'Europe, à moindres frais et sans lourdeurs administratives. La fonction économique est une fonction appelée par définition à gérer un divers sans cesse mouvant, soumis à des aléas naturels, climatologiques, conjoncturels et circonstantiels: vouloir à tout prix harmoniser et homogénéiser cette fonction est un véritable travail de Sisyphe. Jamais on n'y viendra à bout. Les fonctions juridiques-administratives, la défense et l'illustration d'un patrimoine culturel à l'échelle d'une civilisation, l'écolage d'une caste de diplomates capables de comprendre le destin global du continent, l'élaboration d'un droit constitutionnel respectant les réalités locales tout en s'inscrivant dans les traditions européennes de fédéralisme et de subsidiarité, la formation d'officiers comprenant que les guerres inter-européennes ne peuvent déboucher que sur des carnages inutiles, la création d'une marine et d'un réseau de satellites militaires et civils sont des tâches qui visent le long terme. Et qui peuvent susciter les enthousiasmes mais non les mépris, car tout ce qui est procédurier et administratif, trop simplement gestionnaire, suscite le mépris... C'est en tenant compte de cet ensemble de principes qu'il faut lire et interpréter le texte de réflexion fondamental que vient de publier l'ambassadeur de la République Tchèque à Bonn, Jiri Grusa. Celui-ci commence par déplorer, tout comme nous, que la culture reste la parente pauvre de l'intégration européenne, ce qu'il explique, en termes évidemment feutrés et diplomatiques, par le fait que l'idée même d'intégration européenne est devenue à l'heure actuelle une idée exclusivement ouest-européenne, c'est-à-dire une idée pure, je dirais même épurée, de facture rationaliste, cartésienne (l'idéologie du “corps sans ombre”, dixit Serge Le Diraison). En dépit des projets “Erasmus” et autres, la pratique de l'intégration européenne, suggérée à Prague, Varsovie, Ljubliana, Zagreb, etc. est une pratique purement économique et idéologiquement “bourgeoise”, non pas issue d'une Bildungsbürgertum cultivée et humaniste, mais d'une bourgeoisie qui a “neutralisé” les élans culturels, politiques et religieux pour faire place au calcul et à l'accumulation du profit économique. Jiri Grusa plaide donc pour une politique culturelle européenne, sinon, inéluctablement, l'espace culturel deviendra la zone de recrutement d'une “résistance politique” susceptible de prendre les allures d'un néo-messianisme gauchiste ou d'un fondamentalisme identitaire (voire, s'ils sont augmentés d'une bonne dose d'écologie, des deux à la fois!). Au vu de la révolte des enseignants et de la déconstruction systématique des réseaux scolaires en Belgique francophone notamment, ce plaidoyer n'est pas un vain discours. Après l'effondrement des institutions culturelles en Europe orientale et en Russie, quand le soutien étatique aux créatifs, aux musées et aux types d'enseignement fondamentaux et non rentables (philologie, linguistique comparée, littérature, archéologie, histoire de l'art, etc.) a cédé le pas au culte démentiel de l'économie et du profit, l'Europe semble être retournée à la face la plus sombre de son âme: l'hybris, la démesure. Pour Jiri Grusa, la protection de la culture européenne passe par un abandon définitif des ressorts conceptuels du “fondamentalisme occidental” (ou “occidentiste” dirait Zinoviev). Jiri Grusa parle plus exactement d'“idées qui ont précipité le continent dans la misère”. Ces “idées” sont celles qui prétendent être les reflets d'une “vérité unique”, comme ce fut le cas de l'idéologie du “socialisme réel” dans cette Europe qui est aujourd'hui post-communiste. Ou comme c'est le cas aujourd'hui avec l'occidentisme le plus radical, qui sévit notamment à Paris dans le sillage des jalons posés voici près de vingt ans par Bernard-Henri Lévy, Guy Konopnicki, etc. Il y a une dizaine d'années, ce prophétisme occidentiste se renforçait considérablement, passait du pamphlet prononcé sur le mode hystérique au catalogue documentaire de ce qu'il ne fallait pas ou plus penser: ce catalogue tenait tout entier dans la réfutation du nietzschéisme et de l'heideggerisme de mai 68, entreprise par Luc Ferry et Alain Renaut; il flanquait un plaidoyer de Ferry pour un individualisme juridique et économique absolu. Envers et contre toutes les traditions d'Europe centrale, c'est cette idéologie dépouillée de tous réflexes communautaires, de toute volonté de fraternité et de tout intérêt pour les matières culturelles que les instituts occidentaux, notamment français, tentent d'imposer en Europe centrale et orientale. Jiri Grusa n'est évidemment pas un nationaliste, ni au sens français ni au sens allemand du terme. Il est un ressortissant de cette Mitteleuropa où l'allemand et le slave se mêlent si étroitement que l'élimination de l'un affaiblit l'autre et vice-versa. Il critique la notion d'“identité” et lui oppose celle de “complexité”, c'est-à-dire la complexité de la “multination”, soit de l'espace géographiqiue ou cohabitent et se compénètrent des ethnies très différentes les unes des autres. Toutefois, on peut déceler dans son discours qu'un abandon des politiques culturelles ou leur mise au rencart sous la dictée d'un “pan-économicisme” ubiquitaire finira par cristalliser une nouvelle opposition binaire sur la scène politique des démocraties post-communistes: avec, d'une part, le primat de l'Origine (ethnique), défendu par les nationalistes et les anciens artistes (communistes de circonstance) privés de leurs subsides légitimes, et, d'autre part, le principe de rentabilité, défendu par les libéraux et les partisans de l'idéologie du seul profit. Pour conserver un européisme culturel efficace et solide, n'impliquant aucun repli sur soi, Jiri Grusa entend développer une politique culturelle paneuropéenne (gesamteuropäisch), capable de surplomber, d'encadrer et de limiter les politiques des Etats nationaux, tentant de récupérer leurs vieilles influences d'avant-guerre (Goethe-Institut pour l'Allemagne, Institut français, British Council, etc.). En tant que Tchèque, il met de l'espoir dans la collaboration avec les petits pays qui ne cultivent aucune intention “impérialiste” en Europe centrale et orientale, mais parie surtout pour une culture débarrassée des vieux réflexes rationalistes-autoritaires, qui ont fait exploser l'hybris européenne dans tous les sens, provoqué les affrontements du XIXième et du XXième siècles, plongé les sociétés occidentales dans l'anomie. Pour promouvoir cette culture continentale, explique Jiri Grusa, il faut multiplier les canaux d'information et favoriser les échanges de savoir, d'idées et de projets, sans qu'aucune des parties dialogantes ne manifeste la moindre tentative de convertir totalement ses interlocuteurs à son message. Grusa plaide pour le savoir contre les tentatives de convaincre, de convertir. Les intellectuels ou les scientifiques européens qui se rencontreront devront surtout chercher à perfectionner les règles du jeu en Europe et s'abstenir de formuler une idéologie toute faite qui s'imposerait à tous les Européens indépendamment de leur origine ou de leur site de vie. La défense de la nouvelle culture européenne passe par une revalorisation complète du principe de subsidiarité. Il faut qu'en Europe surgissent partout des agences efficaces d'information sur les grands thèmes de la vraie politique: géopolitique, écologie, pensée économique, droit (subsidiaire), urbanisme, etc. Parallèlement à ces agences, les échanges entre jeunes Européens doivent s'intensifier. Car seules des communications à haut niveau, entre étudiants, enseignants, chercheurs, permettront de créer une culture européenne apte à affronter et à gérer sans mutilation l'extraordinaire diversité de notre continent. L'avenir de l'Europe est à ce prix. Les idées de Grusa correspondent au projet que j'anime avec Gilbert Sincyr, le Prof. Fabio Martelli, Anatoli M. Ivanov, Mark Lüdders et bien d'autres, sous l'appelation de “Synergies Européennes”. Nous les défendrons. Sans nécessairement enfiler les gants du diplomate et en opposant à la “political correctness”, le “parler vrai”. C'est-à-dire un langage débarrassé d'une vieille tare européenne, qui a servi à camoufler cette hybris que dénonce à juste titre le diplomate tchèque Jiri Grusa: l'eudémonisme. Robert STEUCKERS. Source: Jiri GRUSA, «Wissen statt Überzeugung. Europäische Kulturpolitik in und mit den Staaten Mittel- und Osteuropas», in Internationale Politik, Nr. 3/1996.
06:05 Publié dans Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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mercredi, 28 mars 2007
Le temps des victimes
Le Temps des victimes
de Caroline Eliacheff et Daniel Soulez-Larivière
[Sciences humaines]
Prix éditeur : 20 euros
Editeur : Albin Michel
Publication :11/1/2007
ISBN : 9782226175144
293 pages
Alors que notre société prône le culte du gagnant, la figure de la victime en est arrivée à occuper celle du héros. La médiatisation des catastrophes a révélé que l'unanimité compassionnelle était en train de devenir l'ultime expression du lien social. Et les demandes de réparation auprès des psychiatres et des juristes sont sans fin. Jusqu'où irons-nous dans cette victimisation généralisée ? Croisant leurs disciplines, Caroline Eliacheff et Daniel Soulez-Larivière éclairent ce courant, qui a émergé dans les années 80 sur tous les fronts, et se nourrit de l'idéal égalitaire et de l'individualisme démocratique. Ils dénoncent les dangers que nous fait courir ce primat du compassionnel et de l'émotionnel qui se retourne déjà parfois contre les victimes et finira peut-être par se retourner contre la société tout entière.
06:20 Publié dans Droit / Constitutions, Ecole/Education, Sociologie | Lien permanent | Commentaires (1) | |
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