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vendredi, 23 février 2007

G. LOcchi: Definizioni

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Definizioni

Editore: Società Editrice Barbarossa
Autore: Giorgio Locchi
Anno: 2006
Pagine: 320
Sezione: Arte cultura e letteratura
Argomento: Cultura e intellettuali
Codice: BROSSA0276LB

Prezzo:18,00 € (I.I.)

http://www.orionlibri.com/

Antologia degli scritti di Giorgio Locchi, per la maggior parte inediti in italiano.
Attenzione: la scheda completa di questo libro al momento della messa in vendita.

 

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J. de Maistre ou le Sade de l'ordre moral

Pierre Cormary:

Joseph de Maistre ou le Sade de l'ordre moral

http://pierrecormary.blogspirit.com/archive/2005/11/11/joseph-de-maistre-ou-le-sade-de-l-ordre-moral.html

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R. Lussac: Devenir de la civilisation occidentale

Rodolphe LUSSAC :

Réflexions sur le devenir de la civilisation occidentale: entre agonalité et irénisme

Le cours de l'histoire contemporaine et événementielle, avec son cortège de guerres, de conflits inter-ethniques, de catastrophes humanitaires, de terrorisme transnational, met en exergue, et de manière évidente, l'irruption, ou plutôt le retour en force, du fait religieux et de l'irrationalité politico-idéologique, qui s'enracinent dans les différentes aires civilisationnelles et minent peu à peu les fondements humanitaro-pacifistes de la civilisation occidentale moderne.

 

 

 

Ce constat nous conduit à nous interpeller sur le sens et le devenir des civilisations et surtout de la destinée de la civilisation occidentale. S'il est établi, en reprenant  un mode de pensée spenglerien, que toutes les civilisations sont périssables, il est pertinent de s'interroger sur les causes de déclin et de mort des dites civilisations. En ce sens, il convient de rappeler qu'à juste titre, Arnold Toynbee a affirme que les civilisations se font par l'action des minorités créatrices et se défont quand la force de création diminue. En un mot, toute civilisation est vouée au déclin lorsqu'elle n'a plus de défi à relever. Force est de constater que la civilisation occidentale (qui serait constituée de l'aire civilisationnelle européenne et “extrême-européenne” américaine) serait indéniablement vouée au déclin par défaut de défi régénérateur et d'absence d'élites créatrices de valeurs et vecteurs de mimétisme socio-politique , qui transcendent les seuls pseudo-défis économiques et financiers qui justifient les entreprises belliqueuses comme c'est le cas pour les Etats Unis.

 

 

 

Hobbes et Kant

 

 

 

La perception que l'on se fait de la civilisation occidentale procède d'une dissonance cognitive (pour reprendre un concept sociologique) entre, d'une part, l'image d'une Amérique va-t'en guerre dont les valeurs se fondent sur un réalisme “hobbesien” de recours à la force et, d’autre part, l'image d'une Europe bercée par l'irénisme kantien et idéaliste d'une "paix perpétuelle"  et illusoire, aux accents mielleux, “pacificards”, dignes des héritiers de Kellog et de Briand. L'un et l'autre des deux camps qui sont l'incarnation d'un même mal économiciste et ploutocratique, pêchent par excès d'ignorance car tous deux se réfèrent de manière messianique (pour les Etats Unis) et de manière timorée (pour l'Europe) aux sacro-saintes pseudo-valeurs désuètes de la démocratie, de l'économie libérale de marché et de l'égalitarisme “droit-de-l'hommien”, qu'ils entendent propager coûte que coûte aux "confins barbares" et périphériques des autres peuples et civilisations extra-occidentales. Baignant dans le registre bien connu de la pensée unique, de l'indignation, de la condamnation et du pathos incantatoire face au terrorisme de type ethnique et religieux, ils se refusent à croire que, malheureusement, le moteur de l'histoire humaine résulte de ressorts irrationnels enracinés dans la religion et l'identitarisme national et ethnique dont les irruptions violentes sont cycliques mais constantes.

 

 

 

De récentes fouilles archéologiques et anthropologiques ont établi que le sacrifice humain rituel était la pierre angulaire de toute civilisation, et que la guerre a bien été à la source des premières civilisations et constitue un processus nécessaire du degré de complexification des dites civilisations (l'action guer­rière serait fondatrice de la première ville-mère), alors que les thèses sociologiques conflictuelles comme celles avancées par Lewis Coser (http://www.net-lexikon.de/Lewis-Coser.html - http://www.asanet.org/footnotes/septoct03/indexthree.html - http://cgi.sociologyonline.co.uk/News/coser.shtml) ainsi que l'herméneutique de Gadamer démontrent combien les préjugés, les conflits sociaux et la conflictualité générale ont joué un rôle de résolution et de stabilisation des sociétés humaines. La principale erreur de jugement de la civilisation occidentale moderne est de croire aveuglément que toutes les civilisations se valent sur un même pied d'égalité et sont réductibles à l' omniprésence de la démocratie, des droits de l'homme et de la suprématie de l'économie de marché.

 

 

 

Agonalité

 

 

 

L'histoire démontre au contraire que toutes les grandes civilisations ont émergé et vécu sur un mode d'agonalité ( d'opposition, de conflictualité),  un mode donc éminemment conflictuel, et s'insèrent dans une structure d'inégalité. Déjà les travaux de Lévi-Strauss faisaient état d'une opposition entre cultures chaudes et cultures froides, par référence aux cultures actives prométhéennes et aux cultures passives et contemplatives. L'anthropologue K. Avruche (http://www.republique-des-lettres.com/samuel_huntington/huntington_contre.php ) a démontré, en ce sens, que les concepts de tra­dition et de nation sont impliqués dans un processus constant et interactif de constructions sociales et culturelles et résultent de luttes et de conflits d'identités opposées. Ainsi, les matières premières des tra­ditions, de la religion et de l'idéologie peuvent être utilisées pour générer une gamme extrêmement large de civilisations alternatives. Dans cette structure d'inégalité agonale, on assiste à une échelle va­riable du fait religieux, des ressorts irrationnels, de degrés divers de sacralisation et de sécularisation qui font que les civilisations, à un moment donné historique, peuvent se compénétrer, évoluer de ma­nière synchronique, puis dériver vers une confrontation diachronique de rupture et d'hostilité (le cas le plus flagrant pour la période pré-moderne est celui de l'Empire musulman d’ Al-andalus en Espagne, annihilé à la fin du 15ième siècle par la Reconquista).

 

 

 

A l'époque du mondialisme triomphant, les changements brutaux, économiques et sociaux, détachent les peuples de leur identité locale séculaire. La dé-sécularisation du monde, remarqué par Arthur Weigall, est une réalité de la vie contemporaine. Dans la plupart des civilisations du monde, la religion vient combler ce vide spirituel par un retour aux racines identitaires: “asianisation” au Japon, hindouisation en Inde, ré-islamisation au Moyen Orient, etc. Le fait religieux et, plus largement, la religion, constituent un facteur structurant et permanent de l'identité nationale, sous forme de ciment d'une identité nationale menacée, et certains aspects de la religion cristallisant les antagonismes sociaux entre nations et communautés cohabitant au sein d'une même nation, et peuvent aboutir à des manifestations de violence fanatique, reflet de l'exacerbation du moi collectif, de doctrine libératrice ou de messianisme prophétique, qui peuvent être, tour à tour, conjoncturelles ou structurelles (cf. Les travaux récents de l’anthropologues américaine Amy Chua, originaire de la communauté chinoise des Philippines).

 

 

 

Principes structurants et hiérarchies de valeurs

 

 

 

Les conditions de structuration et d'évolution d'une culture ou d'une identité sont évolutifs et, par rapport à d'autres cultures étrangères, s'articulent selon les principes structurants et des hiérarchies de valeurs variables d'un groupe à un autre. Les contacts peuvent être pacifiques mais sont le plus souvent conflictuels. Les sociologues appellent “acculturation” le fait, pour les membres d'une culture donnée, d'adopter contre leur gré des éléments d'une autre culture; les conquêtes militaires sont souvent suivies de stratégies d'acculturation, d'assimilation, voire de destructions pures et simples. Ainsi, les civilisations connaissent une phase d'expansion caractérisée par un processus combinant la dilation spatio-temporelle, l'absorption-domination de cultures mineures, d'assimilation et d'acculturation.

 

 

 

A la lumière de cet enseignement, force est de constater combien est vulnérable la civilisation occidentale matérialste et libérale, laquelle a pour base des stéréotypes médiatiques et des dingueries publicitaires, et doit,  à l’aide de ces pauvres schémas, faire face aux assauts parfois violents et aspirants d'autres civilisations théocratiques et holistes, car elle a déjà succombé au phénomène d'acculturation, adoptant des modes vie et de pensée extérieurs, que je qualifierai d’ “orientalo-anglo-saxons”, de sorte que le pacte culturel "originel", européano-centré, qui touche à la structuration intellectuelle, affective et sym­bolique (vision du monde, attitudes morales, croyances, réactions affectives) est largement contaminé par des éléments exogènes et verse dans l'anomie généralisée.

 

 

 

Ce n'est qu'au prix d'une ré-européanisation identitaire, que l'Europe redeviendra ce qu'elle est et que l'européanité  (Roland Barthes parle aussi d'américanité) ne sera plus un vague concept technocratique vide de sens et définira une essence spirituelle héroïco-aristocratique comme l'a si bien évoqué Hugo von Hoffmannsthal. A cette “acculturation culturelle” qu’est la colonisation culturelle de l'Europe, les peuples européens opposeront le retour à leur propre identité culturelle, à un nativisme post-moderne, qui se traduirait par le rejet de toute culture étrangère dominante, vecteur de ce que Léo Hamon appelle la “causalité extérieure comme forme absolue d'hétéro-détermination”; les Européens se dresseront pour réactiver leurs cultures chtoniennes spécifiques, et, dans ce mouvement, viendrait éclore ce que le sociologue Heiner Mülhmann (http://www.brock.uni-wuppertal.de/Schrifte/Habil/Rezens1.html ) nomme l'adhésion et l'identification de la masse à un chef prestigieux et charismatique dans le sens wébérien du terme et ce que Jean Lacouture appelle "l'homme-témoin-drapeau" qui incarne l'identité nationale.

 

 

 

La société néo-libérale gangrénée par le syndrome de la modernité

 

 

 

La société globale et néo-libérale est irrémédiablement gangrénée par le syndrome de la modernité, vision mono-linéaire de l'évolution de l'humanité, le miroir aux alouettes des parvenus et des drogues de l'illusion du progrès, l'ambition des "feuilles mortes" comme l'appelait Kundera, la chasse gardée de la caste du "mandanirat" technocratique, vilipendé par Noam Chomsky comme les représentants de la nouvelle oligarchie ploutocratique. Au lieu de se lamenter sur son sort et de faire l'anathème d'un monde qui trébucherait sur des anachronismes et des guerres de religions, la civilisation européenne (enfin ce qu'il en reste) ferait bien d'accepter l'évidence que la religion est une expression naturelle, une forme de croyance, la traduction d'un désir d'interprétation du monde et qu'au lieu de s'indigner et de dénoncer la violence aveugle, elle  s'attache à réfléchir sur la grille de lecture que procure le radicalisme religieux et plus précisément sur le sacré, qui, selon Regis Debray, se révèle être une voie de compréhension et d'accès au profane.

 

 

 

Le fait religieux restera indubitablement  un indicateur de la réalité humaine et collective. A  rebours d'une Amérique messianique contemporaine, qui, au moins, a eu le mérite de remettre au goût du jour le concept de recours à la force, la civilisation européenne plonge dans un irénisme béat et fonctionne sur un mode expiatoire d'auto-flagellation, rongée par ce que Spinoza fustigeait comme la complainte sanglotante de l'homme blanc : le remord, le ressentiment et la propension européenne à culpabiliser sur son passé colonial, ainsi qu'à se morfondre dans une compassion “victimaire” au lieu de se ressaisir sur un mode matriciel et de renouer avec le concept de puissance fondé sur un projet commun géopolitique eurasiatique, la défense des valeurs spirituelles, politiques et culturelles séculaires.

 

 

 

Même si les thèses de Huntington sur le choc de civilisations pêchent par réductionnisme et par culturalisme, et font l'impasse sur les conflits intra-civilisationnels (qu’Amy Chua met bien en exergue), elles ont eu le mérite de remettre au goût du jour les ressorts conflictuels latents, inhérents à toute civilisation, ressorts qui peuvent être, selon le contexte, réactifs par la religion, l'identité ethnique et nationale. A l'instar de ce que l'historien Edward Gibbons a declaré jadis, à savoir que dans l'histoire des civilisations, seuls la naissance et le décès ont une valeur explicative, l'analyse des causes de déclins des civilisations s'avère fondamentale, sans oublier que le déclin de la civilisation occidentale moderne et libérale peut être une lente agonie, compte tenu des capacités d'autorégulation et de régénération du capitalisme de marché, si bien expliquées par Joseph Schumpeter.

 

 

 

Le philosophe Ernst Troeltsch, qui se rattache à l'école de Bade et à l'historisme de Dilthey, a considéré qu'il existe une unité de devenir à travers chaque culture et ses valeurs, et l'on pourrait dire qu'il existe indéniablement une unité de régression propre à toutes les civilisations dont les symptômes sont: anomie généralisée, multiculturalisme exacerbé, persistance du crime, drogue et violence, déclin de la famille et de la natalité, déclin du capital social, faiblesse générale de l'éthique et du civisme, désaffection pour la politique et le savoir, suprématie de l'industrie du spectacle, syncrétisme néo-spirituel et hédonisme généralisé.

 

 

 

De la “communauté de gorets” (Platon) au “meilleur des mondes” (Huxley)

 

 

 

Arnold Toynbee écrira, à juste titre, que la civilisation contemporaine est corrompue par les images et les ondes et le résultat de cette désastreuse nouvelle donne culturelle a été le désert spirituel que Platon avait décrit comme une "communauté de gorets" et qu’Aldous Huxley avait raillé sous le nom de "meilleur des mondes". L'imaginaire collectif européen est purement et simplement colonisé par la société de la communication et de l'information, l'hyper-festif fictif et par les pilules anesthésiantes de la télé-réalité, qui constituent aujourd'hui ce que Louis Althusser appelait les relais modernes de l'"appareil idéologique d'Etat".

 

 

 

Tous ces maux qui accablent la civilisation occidentale procèdent d'un principe du mal que Baudrillard a nommé le “principe de dé-liaison”, ce qui veut dire que l'Occident est en dé-liaison avec ses racines spirituelles et cuturelles comme la societe occidentale est en “dé-liaison” avec le respect du civisme, de l'autorité et de la hiérarchie. Pour se régénérer , la civilisation occidentale se doit de se soumettre à un devoir de mémoire, non pas une mémoire accablante et culpabilisante, mais une mémoire sous forme de maïeutique, que prône le précepte husserlien du "retour aux choses mêmes", du retour aux origines spirituelles et culturelles originelles. Une fois désintoxiquée, cette mémoire collective serait à même, comme le préconise Merleau-Ponty, de mesurer sa conscience au monde, et, en s'incarnant en situation historique, de se confronter aux autres civilisations par l'affirmation de sa volonté de puissance.

 

 

 

Dans la compréhension des dynamiques des civilisations, au pessimisme spenglerien, au réalisme et l'élitisme de Toynbee, il faudrait ajouter une dose de réalisme darwiniste social, selon lequel il est établi que, dans la survie et la suprématie, la victoire appartiendra à la civilisation la plus unifiée culturellement et la plus déterminée ainsi que la plus adaptée à la poursuite de la puissance mondiale. Oui, il faut croire que la civilisation occidentale, plongée dans une longue déliquescence morale et politique, peut encore s'inscrire dans une sorte de "possibilisme", et envisager un sursaut salvateur, un déterminisme à rebours et relever un nouveau défi culturel et identitaire comme le prônait Arnold J. Toynbee. Pour ce dernier, "la facilité est nuisible à la civilisation", et il est vrai que toutes les grandes constructions se sont édifiées dans un cadre difficile par ré-activité volontariste. L'art politique est agonal, naît de la lutte, vit de contrainte et meurt de facilité. "Le stimulant de la civilisation croit en proportion de l'hostilité du milieu". La renaissance de la civilisation européenne se fera si il y a lieu dans un climat de rivalité sous l'impulsion de minorités agissantes et déterminées, car comme le disait si bien Bernanos, les "hommes d'exception naissent à la lisière des pouvoirs forts". Les futures guerres et conflits décisifs seront combattus le long des fractures civilisationnelles et identitaires. La civilisation exprime la plus vaste base symbolique et pratique d'affiliation culturelle humaine en aval d'une conscience d'appartenance à l'espèce humaine. C'est pourquoi, la culture, l'identité et non la classe, l'idéologie ou la nationalité fera la différence dans la lutte des puissances du futur.

 

 

 

Rodolphe LUSSAC,

 

(Toulouse, avril 2004).

 

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jeudi, 22 février 2007

Une étude sur Paul Colin

Pascal Martin

(correspondant scientifique du Centre de Recherches et d'Etudes historiques de la Seconde Guerre mondiale) :

D'une croisade à l'autre ou la paix à tout prix

Analyse du regard porté par le journal "Cassandre" sur les événements d'Espagne

http://www.flwi.ugent.be/btng-rbhc/pdf/BTNG-RBHC,%2019,%201988,%203-4,%20pp%20395-416.pdf

 

Article fouillé permettant de comprendre certains glissements dans la politique belge des années 30, sans tomber dans les errements de la "correction politique"

 

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Entretien avec Mario Borghezio

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Entretien avec Mario Borghezio, député de la "Lega Nord" au Parlement Européen

 

Sur l'immigration en Italie, sur la "Loi Bossi-Fini", sur le "mandat d'arrêt européen", sur l'entrée de la Turquie dans l'UE, sur les axes de combat pour les Européennes de juin 2004

 

Né en 1947 à Turin, Mario Borghezio est docteur en droit, avocat, spécialiste du droit du Saint-Empire germanique diplômé de l’Université de Modène. Il est élu parlementaire de la “Lega Nord” en 1992, devient vice-ministre de la justice sous le premier gouvernement Berlusconi en 1994; depuis lors il est député européen de son parti.

 

Q. : Monsieur Borghezio, vous avez été vice-ministre de la justice dans le premier gouvernement Berlusconi en 1994. Pourquoi avez-vous  été choisi pour remplir cette fonction?

 

MM : J’étais l’homme qui traitait les dossiers relatifs à la mafia, la criminalité et l’immigration dans les diverses commissions de la “Lega Nord”, dont je suis par ailleurs l’un des fondateurs. A la suite de mon mandat de Vice-Ministre, j’ai été membre de la “Commission anti-mafia” du Parlement italien pendant trois législatures. Le problème que j’ai abordé en priorité pendant tout ce temps a été celui des prisons. En Italie, elles étaient pleines à craquer. On craignait l’explosion. Cette situation était due aux dizaines de milliers de détenus immigrés qui affluaient dans nos établissements pénitenciers. L’actuel ministre Roberto Castelli, membre, lui aussi, de la “Lega Nord”, réalise notre programme dans une belle continuité, dans la mesure où l’Etat fait construire de nouvelles prisons, une politique que la gauche refusait car elle était en faveur de vagues d’amnisties générales pour vider les centres de détention avant l’expiration des peines pour les remplir de nouveaux détenus, qui devinaient qu’ils ne purgeraient jamais leur peine complète. Nous avons veillé à ce que les espaces dans les prisons italiennes soient répartis selon les origines ethniques et religieuses des détenus, ce que bien souvent d’ailleurs ils souhaitent eux-mêmes. La “Lega Nord” a donc impulsé une politique plus sévère, hostile à ces amnisties qui ramenaient à intervalles réguliers les criminels dans la rue. A leurs yeux, l’Etat italien n’était qu’un Etat fantoche, affaibli par un laxisme incompréhensible. Castelli et moi-même avons  toujours soulevé le problème des conditions de vie de nos concitoyens plus démunis, contraints de vivre dans des quartiers soumis à une immigration débordante, comme c’est le cas à Milan, Turin, Vérone et Padoue. Personnellement, j’ai organisé des marches de protestation et des manifestations de citoyens et de commerçants, lassés de subir l’insécurité, en grande partie due à l’immigration clandestine.

 

Q. : L’Italie connaît une loi, que l’on appelle la “Loi Bossi-Fini”, qui impose des restrictions à l’immigration. Qu’en est-il?

 

MM : La Loi Bossi-Fini sur l’immigration est le résultat des réflexions et des travaux fournis par les diverses commissions de la Ligue, qui s’est davantage occupé des questions migratoires que l’Allianza Nazionale. Cette loi fixe clairement le parcours juridique des expulsions. Avant, avec le laxisme de la gauche, l’immigré clandestin expulsé recevait un simple papier qui lui signifiait son expulsion. Vous imaginez bien que ce simple papier était inutile, car on ne prenait aucune mesure concrète et la désobéissance à l’ordre d’explusion n’avait aucune conséquence légale. Si le clandestin restait en Italie et venait à être repris par un service de police, il n’était pas sanctionné. On lui donnait un deuxième papier! Aujourd’hui, ne pas obéir à l’ordre d’expulsion est un délit. De cette manière, l’Italie peut mieux combattre l’immigration clandestine et les diverses formes de criminalité qui y sont liées.

 

Q. : Quelles sont les principales composantes de l’immigration qui pose problème en Italie aujourd’hui? Quelle est la nature de la criminalité  attribuable à ces groupes particuliers?

 

MM : Pour répondre à votre question, il faut d’abord formuler une remarque sur la situation générale : l’immigration se concentre essentiellement dans les zones urbaines du Nord de l’Italie, que nous appelons la Padanie, soit le bassin du Pô. La réaction de la population a été vive, a porté notre parti au pouvoir (en dépit de sa localisation limitée aux provinces du Nord), car elle craignait la submersion, elle craignait de voir la situation devenir totalement incontrôlable. Le danger subsiste aujourd’hui. Et les gens craignent que le terrorisme islamiste s’infiltre dans  le magma incontrôlé de l’immigration clandestine. Beaucoup d’observateurs politiques et économiques constatent d’ores et déjà qu’il existe des “zones franches” ou “zones de non droit” (comme on dit en France), où personne ne sait vraiment ce qui se passe. La “Lega Nord” et moi-même,  personnellement, avons organisé des manifestations devant des centres islamiques qui prêchaient la violence et le terrorisme ou qui recrutaient des hommes de main pour des activités violentes ou terroristes. Plus particulièrement, à Turin, à Crémone et à Varese, nous avons pu  découvrir que certains groupes islamistes avaient des liens avec les fauteurs de l’attentat sanglant de Casablanca au Maroc, apparemment le même réseau que celui qui a  commis l’horrible forfait de Madrid, le 11 mars 2004.   Les groupes les plus dangereux, en matières de violence et de terrorisme potentiel, sont constitués de ressortissants nord-africains agités par l’idéologie salafiste. Ils sont très actifs chez nous, comme en Belgique ou en France, et apportent, dans la plupart des cas, un soutien financier aux activités diverses de l’islamisme radical. Ces fonds proviennent des multiples activités de l’immigration clandestine, comme le trafic de drogue, les activités commerciales non déclarées ou enregistrées, comme la plupart des “phone-shops” en Italie. Ces activités commerciales ont une façade légale, mais sont en fait les paravents d’activités illégales, surtout en ce qui concerne la fabrication de faux documents, le recel de marchandises volées ou introduites en fraude dans l’UE, etc.   La deuxième composante de l’immigration clandestine en Italie est constituée d’Albanais, qui arrivent facilement chez nous, en utilisant des embarcations de fortune, les “scafisti”, dotées de petits moteurs qui permettent de traverser l’Adriatique et de débarquer clandestinement sur les côtes des Pouilles. L’actuel gouvernement est parvenu à freiner, voire à bloquer, cette immigration mais la présence des mafias albanaises est désormais bien ancrée dans le pays, à cause du laxisme des gouvernements de gauche, qui ont régularisé aveuglément des centaines de milliers de clandestins, sans aucune vérification ni difficulté.  

Le troisième groupe est constitué de Chinois, qui ne sont pas criminels au sens habituel du terme, mais présentent un danger économique et social évident, notamment pour les petits artisans locaux et pour les restaurants. La présence des Chinois et leur redoutable efficacité a ruiné des milliers et des milliers de petits artisans italiens, surtout dans le domaine du cuir. Cette concurrence déloyale crée du chômage et un mécontentement légitime. Les Chinois excellent dans l’art des contrefaçons. La situation conduit à la ruine de bon nombre de traditions artisanales et micro-économiques locales.

 

Q.: Vous vous êtes insurgé contre l’idée d’un “mandat d’arrêt européen”? Pourquoi?

 

MM : Nous nous opposons fermement à cette idée de “mandat d’arrêt européen”. C’est, à nos yeux, un projet orwellien issu tout droit des esprits délirants de la nomenklatura euro-bruxelloise. Cette idée met la liberté du citoyen en danger et vise principalement ceux qui  prônent ou prôneraient des opinions jugées “non conformes” ou “politiquement incorrectes”. Ainsi, un citoyen danois pourrait être poursuivi par un magistrat français parce qu’il est membre du “Parti populiste” local, dans un pays où la liberté d’expression est totale, même pour ceux qui s’opposent aux immigrations, alors qu’en France celle-ci est jugulée par toutes sortes de lois arbitraires et scélérates. Le danger sera plus grand encore si la candidature turque est acceptée : n’importe quel citoyen allemand ou grec qui aurait montré des sympathies pour le combat des Kurdes ou qui se serait opposé à la candidature turque à l’UE pourrait, en théorie, être cité à comparaître devant un tribunal turc. Notre ministre de la Justice, Roberto Castelli, issu de la “Lega Nord”, s’y oppose formellement et fermement. Grâce à lui, jusqu’ici, l’Italie tient bon et ne cède pas. Nous n’accepterons cette idée de mandat d’arrêt européen que s’il est assorti de sérieuses garanties quant aux droits fondamentaux des citoyens, en matière de liberté d’opinion.

 

Q. : Vous vous opposez également à l’entrée de la Turquie dans l’UE?

 

MM : Oui. Sur le plan international,  c’est un de nos axes de combat principaux. Pour les élections européennes de juin 2004, nous dirons “non” à l’entrée de la Turquie, non au “mandat d’arrêt européen”, non à une constitution qui n’est pas l’expression de la volonté des peuples et de leurs valeurs identitaires, mais est davantage l’œuvre d’un grand sanhédrin constitués par les banquiers, les dirigeants des trusts anonymes,  bref du mondialisme dans toute son “horreur économique” pour reprendre l’expression favorite de Viviane Forrester, une femme de gauche.    

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Note officielle sur Henri de Man

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Notice parue dans la Biographie nationale publiée par l’Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, Tome 38, fascicule 2, p. 535 à 554, Etablissements Emile Bruylant, Bruxelles, 1974.

Trouvé sur le site de l'Université du Québec

http://classiques.uqac.ca/classiques/de_man_henri/de_man_henri_photo/de_man_henri_photo.html

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mercredi, 21 février 2007

Neo-Conservative Reich of E. J. Jung

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Dr. Alexander Jacob :

The Neo-Conservative Reich of Edgar Julius Jung

http://thescorp.multics.org/19jung.html

Petite note sur R. Abellio

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Robert STEUCKERS :

Petite note sur Raymond Abellio

11 novembre 1907 : Naissance à Toulouse de Raymond Abellio. De son vrai nom Georges Soulès, Raymond Abellio entre à Polytechnique en 1927 pour devenir ingénieur des Ponts et Chaussées. Il commence par militer fort à gauche, dans les rangs de la « gauche révolutionnaire », et se montre favorable au Front Populaire, qui accède au pouvoir en 1936. Il entre ainsi au cabinet de Charles Spinasse, ministre de l’Economie nationale.

De 1937 à 1939, il dirige le syndicat socialiste SFIO. Officier de génie, il est mobilisé en 1939, fait la campagne de 1940, est pris prisonnier et envoyé dans un Oflag en Allemagne, où il donne de nombreuses conférences philosophico-politiques. Déçu par la gauche traditionnelle, ses options politiques évoluent vers un révolutionnisme, non plus marxiste ou para-marxiste, mais d’inspiration totalitaire et nationale socialiste.

Revenu en France dès 1941, il adhère au mouvement du cagoulard Eugène Deloncle, qui, comme chacun le sait aujourd’hui, joue double jeu entre Londres et Vichy. Avec André Mahé, il publie un livre-manifeste, intitulé « La fin du nihilisme », qui est indubitablement l’ouvrage le plus clair et le plus concis sur les projets de la nouvelle collaboration, version maximaliste. L’ouvrage conserve pertinence et intérêt aujourd’hui encore, tant il est significatif pour l’époque qui l’a vu éclore.

En 1945, Soulès-Abellio se réfugie en Suisse, d’où il ne revient qu’en 1952, après avoir été acquitté, vu certains services rendus, via la Cagoule, à la résistance gaulliste. A partir de ce moment-là, il fonde une agence d’ingénieurs-conseils et entame une carrière d’écrivain et d’essayiste. Parmi les ouvrages les plus significatifs de l’après-guerre, citons « L’Assomption de l’Europe » (1954), où l’auteur appelle à l’émergence, dans toute l’Europe, d’une nouvelle caste de prêtres, dont l’objectif n’est pas d’introduire, dans notre sous-continent, une nouvelle forme de dévotion ou de bigoterie, mais de conforter une nouvelle connaissance, basée sur les œuvres de Saint Thomas, Descartes, Husserl, Nietzsche, Spinoza et Maître Eckhart.

Abellio constatait, dans cet essai, dont on ne mesure encore ni la profondeur ni l’intensité, que l’Europe, contrairement à d’autres civilisations, n’avait pas encore eu de « caste sacerdotale » proprement dite, au véritable sens du terme. L’Europe est en phase d’assomption parce qu’elle n’a pas généré cette caste et qu’elle a connu l’hypertrophie des castes guerrière et technocratique. En plus de cet appel à une nouvelle caste sacerdotale, Abellio évoque la nécessité de redynamiser le culte marial, la Vierge Marie étant la véritable déesse de l’Europe. Le romancier et essayiste Jean Parvulesco a consacré un ouvrage remarquable à Abellio, intitulé « Le Soleil rouge de Raymond Abellio » (paru chez Guy Trédaniel à Paris en 1987), immédiatement après sa mort, survenue le 26 août 1986 à Nice. L’intérêt de cet essai de Parvulesco réside aussi dans la perspective complémentaire qu’il nous offre : donner les fondements spirituels à un futur « Axe Paris-Berlin-Moscou ».

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Le concept d'aristocratie chez N. Berdiaev

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Le concept d'aristocratie chez Nicolas Berdiaev

Pierre MAUGUÉ

Par son livre La philosophie de l'inégalité  (1), Berdiaev (2) s'inscrit dans la grande tradition des écrivains contre-révolution­naires. Bien qu'il ait été écrit dans le chaos de la révolution russe, et tout imprégné qu'il soit du mysticisme propre à l'orthodoxie, ce livre recèle en effet un message de portée universelle. Par delà le temps et le fossé culturel qui sépare l'Europe latine du monde slave orthodoxe, les analyses de Berdiaev rejoignent celles de Maistre et de Bonald; elles mettent non seulement en lumière les racines communes à la révolution jacobine et à la révolution bolchevique, mais concluent à la primauté des principes sur lesquels reposent les sociétés traditionnelles.

Comme Joseph de Maistre (3), Berdiaev voit dans la révolution une conséquence de l'incroyance et de la perte du centre or­ganique de la vie. «Une révolution, quelle qu'elle soit, est anti-religieuse de par sa nature même, et tenter de la justifier reli­gieusement est une bassesse... La révolution naît d'un dépérissement de la vie spirituelle, de son déclin, et non de sa cois­sance ni de son développement intérieur». Mais la révolution ne s'attaque pas seulement à la religion en tant qu'elle relie l'homme au sacré et à la transcendance, mais aussi dans la mesure où elle établit un lien entre les générations passées, pré­sentes et futures. Comme le note Berdiaev, «il existe non seulement une tradition sacrée de l'Eglise, mais encore une tradition sacrée de la culture. Sans la tradition, sans la succession héréditaire, la culture est impossible. Elle est issue du culte. Dans celle-ci, il y a toujours un lien sacré entre les vivants et les morts, entre le présent et le passé... La culture, à sa manière, cherche à affirmer l'éternité».

Berdiaev ne peut donc que s'insurger contre la prétention des révolutionnaires d'être des défenseurs de la culture. S'adressant à eux, il écrit: «Vous avec besoin de beaucoup d'outils culturels pour vos fins utilitaires. Mais l'âme de la culture vous est odieuse». Ce que Berdiaev leur reproche, c'est aussi leur mépris des œuvres du passé: «La grandeur des ancêtres vous est insupportable. Vous auriez aimé vous organiser et vous promener en liberté, sans passé, sans antécédents, sans relations», et il se voit obliger de rappeler que «la culture suppose l'action des deux principes, de la sauvegarde comme de la procréation».

Le principe conservateur dont Berdiaev se fait le héraut n'est donc pas opposé au développement, il exige seulement que celui-ci soit organique», que l'avenir ne détruise pas le passé mais continue à le faire croître». L'antimarxisme de Berdiaev n'en fait pas pour autant un défenseur inconditionnel du libéralisme. Bien qu'il reconnaisse, avec Tocqueville, qu'«il y a dans la liberté quelque chose d'aristocratique» et qu'il considère que «les racines de l'idée libérale ont une relation plus étroite avec le noyau ontologique de la vie que les idées démocratiques et socialistes», il n'en estime pas moins que, dans le monde actuel, le libé­ralisme «vit des miettes d'une certaine vérité obscurcie».

Berdiaev relève ainsi que l'individualisme libéral sape la réalité de la personne, à laquelle il entendait donner la première place, du fait qu'il détache l'individu de toutes les formations historiques organiques. «Pareil individualisme», dit-il, «dévaste en fait l'individu, il lui ôte le contenu super-individuel qu'il a reçu de l'histoire, de sa race et de sa patrie, de son Etat et de l'Eglise, de l'humanité et du cosmos». Quant au libéralisme économique, il lui paraît avoir plus d'affinités avec une certaine forme d'anarchisme qu'avec la liberté aristocratique. «L'individualisme économique effréné, qui soumet toute la vie écono­mique à la concurrence et à la lutte d'intérêts égoïstes, qui ne reconnait aucun principe régulateur, semble n'avoir aucun rap­port nécessaire avec le principe spirituel du libéralisme».

En définitive, Berdiaev considère que la philosophie de l'état et des droits naturels, prônée par les libéraux, est superficielle, car «il n'y a pas et il ne peut y avoir d'harmonie naturelle». Pour lui, «la foi libérale» n'est donc pas moins fausse que «la foi socialiste».

La «philosophie de l'inégalité» se présente comme une suite de lettres traitant chacune d'un thème bien précis. Hormis la première lettre, qui traite de la révolution russe, toutes les autres lettres abordent des sujets qui ne sont pas spécifiquement liés à la situation de la Russie. Partant d'une analyse «des fondements ontologiques et religieux de la société», Berdiaev va nous parler de l'Etat, de la nation, du conservatisme, de l'aristocratie, du libéralisme, de la démocratie, du socialisme, de l'anarchie, de la guerre, de l'économie, de la culture, et, pour conclure, d'un sujet qui n'intéresse généralement pas les polito­logues: du royaume de Dieu.

La lettre sur l'aristocratie est peut-être celle qui retient le plus l'attention, car elle ose faire l'apologie d'un principe que, depuis deux siècles, l'on s'est plus non seulement à dévaloriser, mais à désigner à la vindicte populaire. Aujourd'hui, note Berdiaev, il est généralement considéré qu'«avoir des sympathies aristocratiques, c'est manifester soit un instinct de classe, soit un es­thétisme sans aucune importance pour la vie».

La vision réductrice de l'aristocratie que l'on a tout fait pour imposer depuis la Révolution française est battue en brèche par Berdiaev en partant d'un point de vue spirituel. Pour lui, l'aristocratie a un sens et des fondements plus profonds et plus essen­tiels. Alors que «le principe aristocratique est ontologique, organique, qualitatif», les «principes démocratiques, socialistes, anarchiques, sont formels, mécaniques, quantitatifs; ils sont indifférents aux réalités et aux qualités de l'être, au contenu de l'homme». La démocratie, dépourvue de bases ontologiques, n'a au fond qu'une nature “purement phénoménologique”; elle ne serait finalement rien d'autre que le régime politique correspondant au “règne de la quantité”, à l'“âge sombre”, dont parlent les représentants de la pensée traditionnelle, notamment René Guénon.

Mais Berdiaev ne met pas seulement en valeur la supériorité du principe aristocratique du point de vue spirituel. Comme Maurras, il voit en lui un élément fondamental de l'organisation rationnelle de la vie sociale; il rappelle que tout ordre vital est hiérarchique et a son aristocratie. «Seul un amas de décombres n'est pas hiérarchisé» et «tant que l'esprit de l'homme est en­core vivant et que son image qualitative n'est pas définitivement écrasée par la quantité, l'homme aspirera au règne des meil­leurs, à l'aristocratie authentique».

Berdiaev refuse de croire que la démocratie représentative ait, comme elle le prétend, la capacité d'assurer cette sélection des meilleurs et le règne de l'aristocratie véritable. «La démocratie», estime-t-il, «devient facilement un instrument formel pour l'organisation des intérêts. La recherche des meilleurs est remplacée par celle des gens qui correspondent le mieux aux intérêts donnés et qui les servent plus efficacement».

La démocratie, le pouvoir du peuple, ne sont pour Berdiaev qu'un trompe-l'oeil. «Ne vous laissez pas tromper par les appa­rences, ne cédez pas à des illusions trop indigentes. Depuis la création du monde, c'est toujours la minorité qui a gouverné, qui gouverne et qui gouvernera. Cela est vrai pour toutes les formes et tous les genres de gouvernement, pour la monarchie et pour la démocratie, pour les époques réactionnaires et pour les révolutionnaires». Cette vue de Berdiaev n'est pas sans rappe­ler Pareto et sa théorie de la circulation des élites. Mais à la question de savoir si c'est la minorité la meilleure ou la pire qui gouverne, berdiaev ne donne pas la même réponse que Pareto (4). Il considère en effet que «les gouvernements révolution­naires qui se prétendent populaires et démocratiques sont toujours la tyrannie d'une minorité, et bien rares ont été les cas où celle-ci était une sélection des meilleurs. La bureaucratie révolutionnaire est généralement d'une qualité encore plus basse que celle que la révolution a renversée».

Pour Berdiaev, la réalité est qu'«il n'y a que deux types de pouvoir: l'aristocratie et l'ochlocratie, le gouvernement des meil­leurs et celui des pires». Vue peut-être un peu trop manichéenne dans la mesure où la médiocratie, ou gouvernement des médiocres, paraît être aujourd'hui la forme de pouvoir la plus répandue, et qu'elle est d'autant plus forte qu'elle se trouve en accord quasi parfait avec l'esprit même du monde moderne.

L'aristocratie est quant à elle en porte-à-faux avec les idées modernes parce qu'elle suppose la sélection et la prise en compte du temps. Pour Berdiaev, l'aristocratie s'inscrit dans l'histoire, elle présuppose une filiation et le lien ancestral. «La formation sélective des traits nobles du caractère s'effectue avec lenteur, elle implique une transmission héréditaire et des coutumes familiales. C'est un processus organique».

Il faut, dit Berdiaev, qu'il y ait dans la société humaine des gens qui n'ont pas besoin de s'élever et que ne chargent pas les traits sans noblesse de l'arrivisme. Les droits de l'aristocratie sont inhérents, non procurés. Il faut qu'il y ait dans le monde des gens aux droits innés, un type psychique qui ne soit pas plongé dans l'atmosphère de la lutte pour l'obtention des droits».

Mais à ce privilège correspondent des devoirs qui ne peuvent précisément être remplis qu'en raison même de ce privilège originel. «L'aristocratie véritable peut servir les autres, l'homme et le monde, car elle ne se préoccupe pas de s'élever elle-même, elle est située suffisamment haut par nature, dès le départ, elle est sacrificielle». Vue extrêmement exigeante pour la­quelle «l'aristocratie doit avoir le sentiment que tout ce qui l'élève est reçu de Dieu et tout ce qui l'abaisse est l'effet de sa propre faute», alors que le propre de la psychologie plébéienne est de considérer «tout ce qui élève comme un bien acquis et tout ce qui abaisse comme une insulte et comme la faute d'autrui».

Du fait que «l'aristocrate est celui auquel il est donné davantage» et qu'il peut ainsi «partager son surcroît», il est appelé à jouer un rôle de médiateur entre le peuple et les valeurs supérieures. Berdiaev tient ainsi à rappeler que, dans toute l'histoire, «les masses populaires sortent de l'ombre et qu'elles communient avec la culture par l'intermédiaire de l'aristocratie qui s'en est distinguée et qui remplit sa tâche». C'est la raison pour laquelle les valeurs aristocratiques doivent demeurer prédominantes, car «c'est l'aristocratisation de la société et non pas sa démocratisation qui est spirituellement justifiée». Berdiaev tient d'ailleurs à rappeler que l'attitude méprisante envers le menu peuple n'est pas le fait de l'aristocratie, mais qu'«elle est le propre du goujat et du parvenu».

Tout en affirmant les principes qui forment la trame des valeurs aristocratiques, Berdiaev n'ignore pas que, «dans l'histoire, l'aristocratie peut déchoir et dégénérer», qu'«elle peut facilement se cristalliser, se scléroser, se clore sur elle-même et se fermer aux mouvements créateurs de la vie». Elle trahit alors sa vocation et, «au lieu de servir, elle exige des privilèges». Pour Berdiaev, les conséquences qu'entraîne cette décadence sont les mêmes que celles qu'envisage Joseph de Maistre. «Lorsque les classes supérieures ont gravement failli à leur vocation et que leurs dégénérescence spirituelle est avancée, la révolution mûrit comme un juste châtiment pour les péchés de l'élite».

Mais quelle que soit la décadence qui peut frapper l'aristocratie, le principe qui est à son origine n'en garde pas moins une va­leur éternelle. La noblesse peut mourir en tant que classe, «elle demeure en tant que race, que type psychique, que forme plastique». Ainsi, la chevalerie, dont Berdiaev regrette l'absence dans l'histoire de la Russie, fut plus qu'une catégorie sociale et historique, elle est un principe spirituel, et «la mort définitive de l'esprit chevaleresque entrainerait une dégradation du type de l'homme, dont la dignité supérieure a été modelée par la chevalerie et par la noblesse, d'où elle s'est diffusée dans des cercles plus larges».

Si l'influence de la noblesse fut plus tardive en Russie, il serait injuste, estime Berdiaev, de méconnaître le rôle important qu'elle a joué dans le développement intellectuel de ce pays. «Elle a», dit-il, «été notre couche culturelle la plus avancée. C'est elle qui a créé notre grande littérature. Les gentilhommières ont constitué notre premier milieu culturel... Tout ce qui comptait dans la culture russe venait de l'aristocratie. Non seulement les héros de Léon Tolstoï, mais encore ceux de Dostoïevski, sont inconcevables en dehors de celle-ci... Tous nos grands auteurs ont été nourris par le milieu culturel de la noblesse».

Berdiaev, qui appartient à la noblesse, héréditaire, n'en reconnaît pas moins qu'«il n'y a pas seulement l'aristocratie historique où le niveau moyen se crée grâce à la sélection raciale et à la transmission héréditaire», mais qu'«il y a aussi l'aristocratie spirituelle, principe éternel, indépendant de la succession des groupes sociaux et des époques». Cette aristocratie spirituelle, qui se forme selon l'ordre de la grâce personnelle, n'a pas un rapport nécessaire avec un groupe social donné, elle n'est pas fonction d'une sélection naturelle. «On n'hérite pas plus du génie que de la sainteté». Mais cette «aristocratie spirituelle a la même nature que l'aristocratie sociale, historique; c'est toujours une race privilégiée qui a reçu en don ses avantages».

Opposer la démocratie à l'aristocratie n'est pas concevable pour Berdiaev. «Ce sont là des notions incommensurables, de qualités complètement différentes». Il voit d'ailleurs dans le triomphe de la métaphysique, de la morale et de l'esthétique dé­mocratiques «le plus grave péril pour le progrès humain, pour l'élévation qualitative de la nature humaine». «Vous niez», dit-il, «les fondements biologiques de l'aristocratisme, ses bases raciales, ainsi que celles de la grâce et de l'esprit. Vous condam­nez l'homme à une existence grise, sans qualités». Quant à la volonté affirmée de porter une masse énorme de l'humanité à un niveau supérieur, elle résulte, selon Berdiaev, non pas d'un amour de ce haut niveau, mais avant tout d'un désir d'égalitarisme, d'un refus de toute distinction et de toute élévation.

Se plaçant délibérément à contre-courant des idées qui ont cours à son époque et qui ont aujourd'hui acquis une valeur de dogme, Berdiaev s'adresse en ces termes aux grands-prêtres de l'idée démocratique: «Ce qui vous intéresse par-dessus tout, ce n'est pas d'élever, c'est d'abaisser. Le mystère de l'histoire vous est inaccessible, votre conscience y reste à jamais aveugle. Le mystère de l'histoire est un mystère aristocratique. Il s'accomplit par la minorité».

Pierre MAUGUÉ.

(décembre 1993).

Notes:

(1) La philosophie de l'inégalité, écrite en 1918, a été publiée à Berlin en 1923. Sous le titre De l'inégalité, une traduction en fran­çais a été éditée en 1976, à Lausanne, par les Editions L'Age d'Homme.

(2) NIcolas Berdiaev est né à Kiev en 1874 et mort à Clamart en 1948. Sa mère était une princesse Koudachev, apparentée à la famille Choiseul. Professeur de philosophie à l'Université de Moscou, Berdiaev, que l'on a parfois qualifié d'existentialiste chré­tien, s'oppose à toutes les formes modernes de matérialisme. Expulsé d'Union Soviétique en 1922, il s'établira en France, où il demeurera jusqu'à sa mort.

(3) Cf. Considérations sur la France. Cette œuvre a récemment été rééditée par “Les Editions des Grands Classiques” (ELP) (37, rue d'Amsterdam, F-75.008 Paris).

(4) Cf. Vilfredo Pareto, Traité de sociologie générale.

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F. Schuon: Questions and Answers

Frithjof Schuon: Questions and Answers

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mardi, 20 février 2007

Stratégies et géopolitiques chinoises

Stratégies et géopolitiques chinoises

 

 

Il y a près d’un demi siècle, Mao Tse Toung, fâché, avait dit que « la Chine n’était même pas capable d’envoyer une pomme de terre dans l’espace ». Entre temps, la situation a bien changé. Avec une fusée balistique, la République Populaire de Chine a réussi à détruire l’un de ses propres satellites météorologiques. Comme c’est souvent le cas chez les Chinois, toute cette opération a été enveloppée d’une aura de mystère. Ils avaient préalablement mis les Japonais et les Américains au courant, mais très peu de temps seulement avant le lancement de l’opération. L’opinion publique européenne l’a appris par les Américains. Si cela n’avait tenu qu’aux Chinois, rien n’aurait été dévoilé. Les faits sont ce qu’ils sont et ils ne sont guère impressionnants. Bien que… Tous les pays n’ont pas la possibilité technique de réduire un satellite en charpie ; ce que les Chinois ont réussi à faire en janvier 2007, les Russes et les Américains sont capables de le faire depuis plus de deux décennies. « One shot, many motives » ont dit les spécialistes du « Council on Foreign Affairs » (CFR). Et ce sont bel et bien ces nombreux motifs qui rendent toute l’affaire fort intéressante.

 

Une démonstration

 

Les analystes sont à l’unisson pour dire que le message majeur que les Chinois veulent transmettre au monde est de nature militaire. La destruction d’un satellite lancé par eux en 1999 démontrait clairement le savoir-faire chinois. Cela constitue donc un défi adressé aux Américains. En août 2006, les Etats-Unis ont constaté que les Chinois avaient pointé un laser sur l’un de leurs satellites. Cela pourrait signifier que les Chinois testent des méthodes pour « aveugler » des satellites du même type. Les Chinois, on le sait, sont patients et étudient de fond en comble tous les problèmes qu’ils abordent, même si cela prend de très nombreuses années. L’appareil militaire américain dépend largement des informations apportées par les satellites : état de choses qui n’a pas échappé aux spécialistes chinois. Peut-on imaginer l’armée américaine sans GPS ou sans disposer d’une information détaillée sur ses adversaires ? Non, bien sûr. De ce fait, les satellites sont le talon d’Achille de la machine militaire américaine. C’est donc à ce niveau-là que les Chinois iront les taquiner. « Lorsque ton adversaire a un tempérament volcanique, tu dois l’irriter encore davantage » : telles étaient les paroles de Sun Tzu ; il les a écrites il y a 2500 ans.

 

Tout cela signifie-t-il que la Chine est passée à la vitesse supérieure ? En fait, non. Au fond, ce teste, contesté, se situe dans le prolongement d’une tendance perceptible depuis quelques années déjà. La Chine est en phase ascensionnelle (« on the rise »), comme le signalait très récemment un rapport du Pentagone ; qui précisait en outre : « elle fait montre d’une ascension rapide et abrupte sur la voie de la grande puissance spatiale ». Si le programme spatial chinois se poursuit comme Pékin le souhaite, vers 2020, la Chine sera capable d’envoyer une mission dans l’espace. L’année prochaine, le programme spatial chinois prévoit le troisième voyage de cosmonautes.

 

Ironie : la destruction consciente de ce satellite météorologique met en danger ces multiples projets spatiaux qui devront se succéder. Parce qu’ils ont agi de cette manière, les Chinois seront confrontés à des centaines de fragments erratiques qui sont en fait de petits projectiles, qui peuvent endommager sérieusement d’autres satellites ou engins spatiaux.

 

Ensuite : quels sont les autres motifs qu’évoquaient les spécialistes du CFR ? Certains pensent que la Chine veut contraindre les Etats-Unis à s’asseoir à une table de négociations. En d’autres termes : qu’ils veulent des promesses claires sur le développement et l’usage des technologies spatiales. Il est toutefois peu probable que les Chinois essayent ainsi d’éviter une sorte de courses aux armements dans l’espace. La véritable intention, qui se profile derrière ces manœuvres spatiales, trouverait ses sources dans la grande question stratégique à laquelle la Chine se voit confrontée aujourd’hui.

 

Stratégie et géopolitique

 

Sur le plan géopolitique, la Chine, finalement, est un pays relativement bien protégé. Elle dispose de quelques frontières naturelles : la plaine sibérienne, le massif de l’Himalaya. Ces frontières naturelles permettent d’éviter bon nombre de dangers qui pourraient survenir de ces points cardinaux-là, ce qui permet à la Chine de résoudre déjà quelques problèmes militaires potentiels de taille. Certes, la Chine a des intérêts importants en Asie centrale. Mais, dans cette région, la concurrence est grande, raison pour laquelle la Chine y opte pour des formes douces d’accroissement de son influence. Mais il y a un lieu où la Chine entend bien imposer sa puissance militaire : la mer. La Chine est devenue une nation commerçante de tout premier plan ; par conséquent, la liberté des voies maritimes acquiert, pour elle, désormais, une importance cruciale. Sur ce point, Chinois et Américains sont sur la même longueur d’onde ; mais aucune nation fière d’elle-même  -et la Chine en est une, à un point quasi pathologique-  ne veut dépendre, en ultime instance, d’une autre, plus puissante, pour assurer sa propre sécurité.

 

Donc la Chine investit en masse dans sa propre marine, opération qui porte nettement sur le long terme. Si l’on veut miner à court terme les capacités de contrôle de l’US Navy, alors il faudrait procéder d’une autre manière. Le test, qui vient d’être effectué, peut-il être mis en rapport avec ce souhait chinois ? Sans doute. Ce raisonnement chinois est-il rationnel ? Non, mais c’est ainsi que l’on raisonne dans l’Empire du Milieu…

 

M.

(article paru dans « ‘t Pallieterke », Anvers, 7 février 2007).

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Montaigne stratège

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Dimitri SEVERENS :

 

Montaigne stratège

Les lectures de l’Ecole des Cadres

Eric WERNER, Montaigne stratège, Essai, Ed. L’Age d’Homme, coll. “Mobiles politiques”, Lausanne, 1996, ISBN 2-8251-0730-1.

On connaît l’intransigeance tranquille d’Eric Werner, chargé de cours à l’Université de Genève, qui ne cède jamais devant les ukases de la pensée dominante, faite de schémas stériles, de prêt-à-penser, de slogans tout faits. Il nous enjoint depuis plus d’une décennie à revenir à l’essentiel,  c’est-à-dire à relire les classiques de la pensée européenne. Parmi ces classiques : Montaigne. Auquel il a consacrer le petit ouvrage dense et précis que nous vous invitons aujourd’hui à lire. Pourquoi Montaigne? Sans doute parce qu’il est un de ces hommes du 16ième siècle, qui n’est plus prisonnier de certaines limites médiévales mais n’est pas encore prisonnier des lubies post-médiévales, modernes et contemporaines, beaucoup plus exigentes. Dans le fond, constate Werner, Montaigne, en nous enjoingnant à “suivre la nature” (Sequi Naturam), reste dans la ligne d’Aristote et des Grecs  : la loi, qui gouverne les hommes, ou est censée les gouverner, dérive du donné objectif que constitue la nature même des choses. Les hommes se soumettent à la loi parce que cette loi exprime, tout bonnement, le “common sense”, le sain entendement de l’homme de bien. La pensée de Montaigne est itinérante, elle voyage au milieu des faits de monde, elle demeure sereine et se défie de toute systématicité inutile. Pour Werner, elle est un modèle pour notre époque, où la loi n’est plus ce reflet naturel et serein de l’ordre cosmique des Grecs, mais, au contraire, l’expression d’une volonté perverse, et pervertie par l’idéologie ou par la folie de vouloir tout transformer; dans sa conclusion, Werner écrit : “La loi, telle qu’on la conçoit aujourd’hui, n’est plus un simple rapport dérivant de la nature des choses, l’expression d’une réalité extérieure s’imposant au législateur, sa raison d’être est au contraire de faire évoluer la réalité à laquelle est s’applique, voire de la transformer de fond en comble, en fonction de critères qui n’ont en règle générale plus rien à voir avec le bien commun (...) mais ne font au contraire qu’exprimer un volontarisme partisan, d’où toute référence aux rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses a désormais disparu. La loi s’érige ainsi en instrument de transformation sociale au service d’idéologies à prétentions le plus souvent hégémoniques, jouant le rôle de véritable religions séculières. C’est une arme de guerre (...)”.

Cette hypertrophie, démesurée et problématique, du domaine de la loi (ou du “nomos” dirait un Carl Schmitt) est inacceptable à deux titres : d’abord, pour une raison pratique, parce que son applicabilité générale, à l’ensemble des faits qu’elle entend soumettre à sa férule, est impossible, vu les limites naturelles et l’inextricable nodalité de toutes choses, à commencer par la nature humaine et les fondements ontologiques et anthropologiques de l’homme; à partir d’un certain moment, la loi moderne, transformatrice et interventionniste, sera impossible à appliquer sans un exercice de terreur; ses prétentions étant illimitées, elle recèle en elle le crime absolu contre les peuples humains, réceptacles différenciés de choses héritées, mais réceptacles toujours limités par des donnés naturels. Cette loi moderne, interventionniste, est ensuite inacceptable pour une raison éthique : son statut d’instrument de guerre, bien mis en exergue par Werner, fait d’elle —à rebours de la loi traditionnelle, factuelle et postulant un ordre cosmique immuable, loi que l’on qualifie généralement de “grecque” dans la pensée européenne—  fait qu’elle s’attaque aux fondements ontologiques et anthropologiques, môles d’une résistance tenace à ses prétentions exorbitantes, et aux héritages et aux légitimités héritées, qui constituent le patrimoine des peuples et ne peuvent se réduire au schématisme d’une norme, dont l’intention malveillante est partisane.

Werner se réfère à Montaigne, comme d’autre se réfèrent à l’anarque d’Ernst Jünger ou à l’”homme différencié” de Julius Evola, pour dire, avec lui : “Le sage doit au dedans retirer son âme de la  presse, et la tenir en liberté et puissance de juger librement des choses; mais, quant au dehors, qu’il doit suivre entièrement les façons et formes reçues”. Face aux sottises des hommes, à leurs affects, à leurs délires, qu’ils coulent aujourd’hui en lois et veulent imposer à tous, il faut opérer un recul, dit Montaigne. Werner est conscient de la difficulté qu’un tel recul, de nos jours, aussi modeste puisse-t-il paraître, dans  le contexte de surveillance totale que nous subissons, où la  parole médiatique s’insinue en permanence dans nos oreilles et nos cerveaux. Il n’empêche : le sage, et le militant politique différencié, anarque malgré lui, parce qu’il n’y a rien d’autre à faire, face à la masse de Big Brother, doit refuser le discours dominant, celui des médias et des politiciens, des relais de la grande puissance d’Outre Atlantique qui orchestrent les machines à ahurir, pour mieux dominer les “alien audiences”.

Ce travail de recul, de saut en arrière et en dehors, est très difficile. Il exige énormément de volonté. Il exige d’imiter les militants indépendantistes indiens du mouvement RSS, qui prend son envol dès la fin du 19ième siècle : devenir et surtout rester, comme eux, des “renonçants”, des “renonçants” qui méprisent les gadgets du monde consumériste et ne s’intéressent qu’à leur travail de resourcement, de réactivation des forces toujours latentes de notre civilisation européenne. Dans ce travail de recul, plus concrètement, la lecture de Machiavel et de Montaigne, deux hommes de ce 16ième siècle si fascinant, s’avère utile sinon indispensable. Notre club de “renonçants” les pratiquera, les remettra en perspective, en transmettra, avec Werner, si direct, si simple et si serein en son style, la substantifique moelle à ceux, plus jeunes et de plus en plus  nombreux, qui se porteront volontaires pour effectuer, volontairement et en pleine conscience, ce recul, seule démarche intelligente pour échapper aux tourbillons du consumérisme qui jettent l’homme contemporain hors de lui-même, hors de ses héritages et le rendent fou, l’assomment, le condamnent à ingurgiter des cachets de Prozac pour tenir bêtement le coup et continuer à les subir.

Dimitri SEVERENS (Ec.C.SYN.EUR./Bruxelles).   

 

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German Socialism as an Alternative to Marxism

Dr. Alexander JACOB :

German Socialism as an Alternative to Marxism

http://thescorp.multics.org/21spengler.html

lundi, 19 février 2007

R. Steuckers: Fondements philosophiques

Pour donner des fondements

 

philosophiques à la «Nouvelle Droite»

 

Allocution prononcée à l’Université d’été du GRECE, Roquefavour, août 1992

 

Robert STEUCKERS

 

Note pour la parution sur ce site : Ce document est historique. Il est l'ultime conférence prononcée par Robert Steuckers pour le compte du GRECE, patronné par Alain de Benoist. Il prouve que Steuckers, contrairement aux allégations de de Benoist, a servi l'association métapolitique néo-droitiste avec fidélité jusqu'au bout, sans faire de vaines polémiques. Certaines pistes esquissées dans ce texte n'ont jamais été poursuivies.

 

En guise d’introduction: Le texte qui suit est le “script” d’une conférence prononcée lors de l’Université d’été 1992 du GRECE (Groupe de Recherches et d’Etudes sur la Culture Européenne), qui s’est déroulée à Roquefavour en Provence. A la demande du Secrétaire Général de cette association, Xavier Marchand, j’avais été sollicité cette année-là pour participer à cette manifestation annuelle de son mouvement pour deux motifs: 1) ouvrir les travaux de l’Université d’été en définissant les linéaments philosophiques de la Nouvelle Droite (où ce que le GRECE veut bien entendre derrière ce vocable) et 2) Encadrer le groupe germanophone, comptant près de la moitié des participants, alors qu’aucun responsable de cette association, soi-disant universitaire et “élitiste”, n’est capable d’aligner une phrase élémentaire dans la langue de Goethe. Sur l’Allemagne, ces gens ne citent généralement que des noms d’auteurs, qu’ils n’ont manifestement jamais lus. Cet exposé, inutile de le préciser, a été mal accueilli, notamment par son commanditaire, dont la prétention n’a d’égal que le ridicule et la préciosité. Le bonhomme aurait voulu un exposé qui aurait amené, “messianiquement”, l’histoire de toute la philosophie mondiale à son point final: la “pensée” de son gourou, le journaliste parisien Alain de Benoist. Ne me sentant pas l’âme d’un apologétiste, ne voyant pas l’utilité d’exercices aussi bouffons, j’ai envoyé sans ménagement, avec deux ou trois sarcasmes en guise de claques, ce galopin, ce Kulturanalphabet, à son petit univers onirique et, deux jours plus tard, je prenais définitivement congé de cette brochette de sectaires et d’imbéciles, tout occupés à leurs intrigues stériles. Le texte qui suit est loin d’être exhaustif; il ne prétend pas donner une recette définitive; il se borne à mettre en exergue deux domaines où la ND a eu un effet de rupture; il entendait réinscrire la démarche néo-droitiste dans le filon philosophique vitaliste (Lebensphilosophie) et dans le cadre des littératures de l’engagement et de la contestation, qui sont le sel du XXième siècle. Provoqué par le pauvre cuistre Xavier Marchand,  —petit caniche aseptisé des beaux quartiers qu’on avait fraîchement galonné dans sa secte en solde parce qu’on le savait niais et manipulable—,  l’incident de Roquefavour en août 1992 a démontré que la ND refusait puérilement de se doter d’un corpus philosophique cohérent, de retourner à des archétypes philosophiques solides, d’étayer sérieusement son discours, d’être tout simplement autre chose qu’une fabrique d’opinions concoctées par des journalistes en quête de gloriole ou de sensation.

 

 

Proposer une rupture des paradigmes occidentaux

 

 

 

La première question que doit se poser toute personne intéressée à l’univers de la ND en Europe aujourd’hui, c’est de se demander pourquoi ce mouvement a fait scandale, a suscité autant de réactions négatives dans les cercles de la pensée conventionnelle? Pour donner d’abord une réponse simple à cette question vaste, je dirais que la ND, d’emblée, proposait une rupture des paradigmes occidentaux. La ND, en effet, comme bien d’autres mouvements philosophiques ou courants de pensée, est essentiellement “rupturaliste”. Elle affirme un monde, un récit (de l’histoire des peuples), différents de ceux qui dominent l’avant-scène politique ou culturelle. Elle tourne le dos à la manie de la critique pour la critique, de la critique comme instrument pour parfaire de petites corrections marginales, de social engineering, sans interpellation radicale et globale de ce qui est lourdement en place, oppresse, opprime et oblitère les potentialités fécondes qui n’attendent qu’une chose: se manifester. Comment, dans le chef de la ND, cette rupture s’est-elle articulée? Elle s’est articulée sur deux plans: a) le plan de l’opposition organique/mécanique; b) le plan religieux, par son rejet global du message chrétien.

 

 

 

A. La rupture avec l’idéologie mécaniciste dominante.

 

 

 

Les idéologies dominantes dans le monde occidental en général et en France en particulier dérivent en majorité des options mécanicistes de la pensée, affirmés aux XVIIième et XVIIIième siècles. Toute option organique en politique ou en économie est suspecte, elle entraîne la méfiance, l’hostilité, elle n’est pas prise au sérieux. Dès la fin du XVIIIième, quelques penseurs politiques, dont l’Anglais Edmund Burke, perçoivent le gros risque que constitue l’adoption acritique, dans la pratique politique quotidienne, des modèles exclusivement mécaniques. Les peuples, comme les arbres, sont des êtres vivants, non des horloges. On ne peut pas gérer une entité politique née de l’histoire en intervenant dans son fonctionnement comme si elle était une machine composée de rouages et de vis. Les “produits de nature”, dont l’homme et ses modes de vie, sont toujours simultanément cause et effet d’eux-mêmes (Ursache und Wirkung), les lois qui président à leur développement dans le temps et dans l’espace résident au fond d’eux-mêmes, dans leur intériorité même. Les “produits d’art”, les produits issus de l’“esprit de fabrication” (Joseph de Maistre), voient leurs mouvements impulsés par un agent extérieur, qui, par la force des choses, les tient arbitrairement sous sa coupe.

 

 

 

L’idéologie dominante d’aujourd’hui, de ces dernières décennies, surtout en France, s’inspire du mécanicisme et est, en dernière instance, coercitive et correctrice, en dépit des discours moraux ou “démocratiques” qu’elle ne cesse de prononcer. Si l’agent extérieur disparaît, le mouvement de la machine, du “produit d’art” (Kant: Critique de la faculté de juger, 1790), cesse aussitôt. L’idéologie dominante repose donc sur l’alternative: ou la coercition ou la mort. En refusant les idéologies mécanicistes, en rappelant les ressorts organiques de l’homme et en se référant à l’œuvre du Prix Nobel Konrad Lorenz (entre autres auteurs), la ND dénonçait implicitement, peut-être même à son insu, la présence contrôlante de tout “agent extérieur” (en l’occurrence les oligarchies et les élites qui se sont elles-mêmes exclues du peuple) et, ipso facto, mettait en exergue son imposture. Grave hérésie dans l’univers politique jacobin. Du coup, le fondement moteur de l’idéologie dominante risquait de disparaître. [Remarque de 1998: la ND n’a jamais fait qu’évoquer Konrad Lorenz, a parlé à satiété de sa critique de l’égalitarisme et répété sa description de l’agressivité, mais en omettant curieusement d’analyser en profondeur sa thèse sur Kant, pourtant capitale pour comprendre son anthropologie philosophique ultérieure. Gusdorf écrit avec pertinence que Kant est aussi le premier des post-kantiens, le premier à indiquer la porte de sortie hors des enfermements euclidiens des Lumières et du newtonisme vulgaire, tout en s’interdisant personnellement d’emprunter ce chemin: à sa suite, Schelling et von Humboldt se tourneront vers l’intériorité, vivante, bien présente, des hommes et des choses, mais dissimulée sous leur surface].

 

 

Le filon romantique et organique 

 

 

A la suite 1) des premières réflexions de Kant sur l’Organismus et les “produits de nature”, puis 2) du Sturm und Drang littéraire et 3) des critiques politiques plus ou moins conservatrices adressées à la France révolutionnaire, la pensée romantique allemande prend son envol. Dans ce corpus épars, mais magistralement analysé par Georges Gusdorf, réside une formidable rupture par rapport à l’anthropologie des Lumières. Celle-ci entendait déployer l’agir de l’homme dans la dimension unique de l’axiomatisation rationnelle, tandis que la révolution romantique plongeait l’individu ou les individualités collectives, les spécificités nées dans le temps et l’espace, dans une pluralité de dimensions, les immergeait dans la nature, la société, dans la communauté charnelle de ses origines (historiques, culturelles ou biologiques). Un homme, plongé ainsi dans l’intensité et l’immédiateté du vécu, n’est guère contrôlable par les “agents extérieurs” (exécutifs arbitraires, polices politiques, oligarchies de tous ordres, manipulateurs médiatiques, etc.); il échappe à leur surveillance, se rit de leurs maladresses et de leurs schématismes, brocarde leur sévérité. Il se soustrait à toute homogénéisation comportementale. Son essence ne réside pas dans un modèle abstrait, mais dans l’unicité de ses expériences spatiales et temporelles, inaliénables et intransmissibles. L’homme romantique n’est pas réductible à un schéma abstrait, n’est pas vidé d’autorité de ses substances, acquises face à la confrontation quotidienne avec le réel ou héritées d’une lignée. L’homme romantique, précise Gusdorf, est en coalescence avec l’univers. Le rationalisme des Lumières est assèchement, tandis que le romantisme, avec Carl Gustav Carus, est un anthropocosmomorphisme, où l’homme, avec son corps et ses sens, devient organe actif du Totalorganismus qu’est la nature. Cet homme ne peut être détaché du Tout qu’est la Terre. Il en est un organe.

 

 

 

De cet anthropocosmomorphisme dérive ce que l’histoire des idées appelera successivement la “révolution allemande” ou la “révolution conservatrice”, qui en sont des avatars ultérieurs, tout comme aujourd’hui, la ND devrait se poser clairement et sans ambiguités comme l’héritière actuelle de ce filon, dans un contexte non plus exclusivement allemand, mais un contexte européen et mondial. Le romantisme induit un savoir romantique de la nature mais aussi de l’homme, de la Cité et du politique qui prendront tour à tour les aspects de la Naturphilosophie de Schelling, de la biosophie (Troxler) ou de la géosophie (Carus), du panvitalisme (Stahl, école française de Montpellier), du monisme animiste (Fechner, maitre d’Ernst Jünger), etc. Révolution romantique, allemande ou conservatrice, peu importe le nom, ce filon de la pensée européenne est celui qui privilégie les particularités, ne leur donne jamais un statut subalterne, ne vise pas leur éradication, et pérégrine, respectueux, vers leur identité intérieure, secrète. En toute bonne logique, une ND, défenderesse des identités (ou des spécificités concrètes, réelles et charnelles que recouvre ce mot un peu malheureux), devrait s’immerger entièrement dans ce filon, travailler à le défendre et à l’illustrer, à le réactiver et à le transformer en un instrument de combat permanent contre les assèchements d’une idéologie issue des Lumières, qui prétend nous apporter la liberté et l’émancipation, mais qui n’est rien d’autre que mortifère.

 

 

 

Impraticabilité du cosmopolitisme

 

 

 

Dans le dégagement progressif de la pensée allemande du XIXième siècle hors du corset de l’Aufklärung, incapable de rendre compte de toutes les facettes de la réalité, l’éclosion de la philosophie de la vie joue un rôle de premier plan. A partir des innombrables intuitions géniales, mais exprimées en vrac, du romantisme, se construit progressivement une approche plus organique et diversifiée du monde et du réel, en réaction contre les avatars de l’Aufklärung. Cet approche porte, entre autres choses, l’appelation de “philosophie de la vie” (Lebensphilosophie). Elle est une réaction contre la première synthèse du XIXième siècle, mixte d’idéalisme allemand, de libéralisme bourgeois, d’idéal de la liberté personnelle, de la culture générale ou particulière des personnes concrètes, d’étatisme, censé se déployer dans un cadre cosmopolite (notons que ce cadre cosmopolite est revenu à l’avant-plan aujourd’hui et est revendiqué bruyamment, avec véhémence par une brochette de doxographes, dont la fonction est policière et inquisitoriale).

 

 

 

C’est justement cet idéal de cosmopolitisme qui constitue le point faible de cette première synthèse du XIXième siècle. Les précurseurs de la philosophie de la vie constatent l’impossibilité d’embrasser idéalement tous les paramètres du monde. Le “moi”, constatent-ils, est limité dans le temps et dans l’espace, bien que son action puisse s’exprimer d’innombrables façons dans ce cadre spatio-temporel. Tel est le destin de l’homme: il ne peut agir que dans une seule vie et, de façon constante et non furtive, fugace, éphémère, que dans un seul lieu, celui où il vit. Le cadre où s’exprime les œuvres innombrables de l’homme, est un cadre circonscrit: celui d’une nation, d’un Reich, d’une ethnie, etc. La nation allemande, le Reich bismarckien, le territoire historique (duché, terre d’église, ville impériale, etc.) inclu dans cet empire sont, pour les néo-idéalistes allemands du XIXième, autant de cadres limités, certes, mais ils sont aussi des faits de vie et, à ce titre, sont incontournables. Là, et seulement dans ces cadres-là, peuvent se concrétiser les visions de l’idéalisme et non dans une cosmopolis.

 

 

 

Eucken: césure entre conscience et action 

 

 

 

Dans une deuxième étape, où les contours de cette pensée en termes de cadres (spatio-temporels) se précisent, nait le néo-idéalisme, démarche philosophique qui veut réaliser les promesses et les aspirations universelles de l’idéalisme mais dans un cadre précis. Dans un autre cadre, d’autres hommes feront de même, sous des modalités différentes, créant des formes culturelles et politiques différentes, adaptés à ce temps-ci et ce lieu-ci.

 

- Le différentialisme nait ou réémerge ainsi dans la pensée européenne, avec le questionnement du néo-idéalisme.

 

- Les néo-hégéliens prennent un certain recul par rapport à l’hégélianisme de stricte obédience, en soulignant l’existence factuelle et incontournable du divers, qu’aucun Etat omnipotent et aucune administration trop rigide des choses ne peuvent effacer.

 

- Les néo-kantiens tentent de sortir des interprétations trop rigides ou trop spéculatives de la pensée de Kant, en s’ouvrant à la métaphysique traditionnelle, à l’éthique, aux découvertes de l’empirisme, à la sensualité.

 

- Eucken, lui, face à ces corpus hégéliens ou kantiens critiqués par leurs propres adeptes, constate, plus largement, une dépersonnalisation de la civilisation sous l’effet de l’industrialisme technique: la grande question de la seconde moitié du XIXième siècle est posée. Que faire, comment ne pas perdre, sous les coups d’une modernité outrancièrement schématisante, ces myriades de possibles tapis dans l’âme de millions d’hommes uniques et originaux? Après avoir observé l’abîme se creusant entre la conscience (l’idéal, la vision idéale, idéaltypique, les archétypes, les visions archétypales projetées vers le passé ou l’avenir) et l’action dans le monde concret, Eucken en conclut qu’il faut revenir à la situation où pensée et action n’étaient pas encore séparées et suggère une réponse “personnaliste”, le personnalisme étant chez lui une force, propre à la personne,

 

- qui va vers l’idéal ou retourne aux archétypes,

 

- qui sort de ses torpeurs stéréotypées,

 

- qui acquiert maturité ou majorité (Kant!) en se dégageant des dogmes ou des enfermements de l’idéologie des Lumières, comme les partisans honnêtes de l’idéologie des Lumières avaient voulu sortir des enfermements imposés par les scholastiques de tous ordres (et sans vouloir faire des Lumières une nouvelle scholastique),

 

- qui active sa subjectivité dans un travail politique, public ou communautaire.

 

Son objectif est de créer une civilisation portée par des hommes prêts à renoncer à leur subjectivité immédiate et individuelle pour assumer leur rôle d’«êtres personnels» et décidés à remonter à ce point d’unité de l’existence où pensée et action ne sont pas encore séparées. Plus tard, d’autres nommeront ce point d’unité la «Tradition» et tenteront de ramener ou de restaurer des éléments religieux et politiques traditionnels.

 

 

 

Du néo-romantisme à l’ultra-vitalisme

 

 

 

L’idée d’un cadre spatio-temporel limitant mais permettant à tous les possibles surgis au fil du temps dans les confins de cette limite de s’exprimer, la nécessité de sortir des torpeurs et des enfermements, la nécessité d’un engagement personnel, constituent donc les découvertes premières de la critique de l’idéalisme, de l’Aufklärung et des démarches mécanicistes. Le néo-romantisme, dans une étape ultérieure, voudra saisir la vie immédiatement (sans filtre et sans obstacles) et dans son a-logicité. Ce postulat fait crouler toutes les idoles idéalistes ou néo-idéalistes telles l’Etat éthique, le culte de la logique et de la raison. Chez les néo-idéalistes, l’Etat, la logique et la raison devaient s’efforcer de prendre en compte d’autres dimensions de la vie, d’être plus attentifs au vécu. Les néo-romantiques voudront “pénétrer au fond originel de nous-mêmes”, retrouver une parenté purifiante et vivifiante avec la nature-mère. Si cette parenté est intacte, l’homme échappe complètement au piège de la conscience et de la réflexion, car la vie est un donné qui échappe à toute réflexion. La vertu cardinale dans une telle optique est l’intuition. Contrairement aux positions d’Eucken, le vécu, dans cette optique intuitive-vitaliste-matérialiste, envahit tout, l’homme devient incapable de recul, de planifier des actions à long terme. Pour les néo-idéalistes et Eucken, l’expérience vécue est centrale mais reste un vécu réfléchi. Le dérapage ultra-vitaliste, dénoncé quelque fois comme un “biologisme forcené”, a attiré l’attention critique d’Ortega y Gasset (qui croyait trouver un juste milieu dans le “ratiovitalisme”) et des écoles traditionalistes (Guénon, Evola). Henri Arvon écrit: «La vie, n’étant plus soumise au verdict de la raison, s’affranchit de toute tutelle et s’arroge le droit d’imposer ses propres critères qu’elle déduit de ses instincts, fussent-ils les plus obscurs et les moins avouables». De leur côté les biologistes s’insurgent également contre le vœu anti-culturel implicite d’un biologisme exacerbé. Ainsi Jakob von Uexküll (1864-1944): «L’expérience humaine ne suffit pas pour saisir la vie, puisque la raison humaine elle-même est un produit de la vie. Toute expérience est nécessairement liée aux limites de l’intelligence du sujet qui fait l’expérience. La vie cependant qui crée les sujets dépasse les limites de chaque sujet. La vie n’est pas égocentrique, ni même anthropocentrique...».

 

 

 

Simmel et la tragédie de la culture

 

 

 

La Lebensphilosophie, le vitalisme, ont couru le risque d’une survalorisation des sentiments et des instincts contre l’intellect parce qu’il y avait eu refoulement. Certains avatars de ce vitalisme ont ainsi débouché sur l’irrationalisme ou une mystique débridée. Le plongeon nécessaire et indispensable dans l’océan du vécu doit toujours s’accompagner d’une lucidité, prélude à l’action consciente et planifiée. Sinon, autre risque, le vitalisme peut en venir à accepter des déviances inacceptables sous prétexte qu’elles sont faits de monde et pourvues d’une certaine force, d’inertie ou de “catagogie” (= chute vers le bas).

 

 

 

Pour Georg Simmel (1858-1918), sociologue et philosophe original, la vie est une situation d’agonalité vis-à-vis du milieu, de l’environnement, des limites que fixe l’espace. Pourquoi? Parce que la vie cherche à s’étendre, se reproduire, accroître ses potentialités, à surpasser sa finitude (la mort). Quelle est dès lors la stratégie de la vie? Sa stratégie est de produire des formes socio-culturelles; ces formes sont des émanations de la vie mais elles s’en détachent graduellement, s’éloignent de leur source au fil du temps. Il se produit alors ce que Simmel nomme la Wendung zur Idee, c’est-à-dire le processus de dévitalisation des institutions, des formes, des manifestations culturelles pour devenir pure idée, pure représentation, forme morte, forme dévitalisée, forme rigidifiée. Dans ce processus d’éloignement de l’idée par rapport à la vitalité, à la source vitale, l’idée acquiert une dynamique propre qui se retourne contre la vie. C’est la révolution qui dévore ses enfants, l’institution qui se sclérose et contrarie le libre épanouissement des citoyens et des entreprises, etc. Pour Simmel, ce processus est la tragédie de la culture, processus où les forces idéelles, produites par la vie, se retournent contre la vie.

 

 

 

Face à ce processus, où est la liberté humaine, en quoi consiste-t-elle? Elle consiste à ouvrir de nouveaux horizons pour la vie, en luttant contre les formes sclérosées. Pour Simmel, l’éthique n’est pas installée dans une “généralité” définie une fois pour toutes mais dans un continuum précis, historique, circonstantiel, personnel. D’où il ne peut y avoir de loi générale valide, non pas tant parce qu’il y aurait pluralité des valeurs ou polythéisme des valeurs mais parce qu’il y a de fait pluralité des expressions de la vie, et que ces expressions ne sauraient être délibérément ignorées. La démarche de Simmel, les grandes lignes de sa pensée, sont autant de modèles dont la ND doit s’inspirer dans sa lutte contre les scléroses dominantes. Une lecture ou une relecture de Simmel s’avère impérative, parce qu’elle demeure vitaliste,

 

- en évitant l’enlisement dans la prolixité des faits de monde,

 

- en nous indiquant les dangers d’un conservatisme qui voudrait maintenir des formes mortes,

 

- en suggérant une pratique de la liberté qui soit simultanément “ouverture au monde”, - en dénonçant les éthiques fallacieuses qui se fondent sur des “généralités” inexistantes dans le réel.

 

Simmel reste à l’ordre du jour.

 

 

 

L’organicisme comme contestation radicale

 

 

 

Cet éventail de références à l’organicisme naissant, à Gusdorf, à Eucken, à la philosophie de la vie, au néo-idéalisme, à Simmel n’est pas exempt d’implications politiques, surtout en France. Ces corpus doctrinaux solidement étayés constituent une réfutation radicale des pratiques politiques centralisatrices et jacobines. Elles suggèrent explicitement d’autres formes de gouvernement, soucieuses de maintenir vivantes les différences organiques, nées de l’histoire et de la géographie, donc du temps et de l’espace, de la durée et de la Terre. Ces autres formes sont nécessairement fédérales, subsidiaires, régionales ou linguistiques/dialectales/ethniques. Elles ne reposent pas sur des schémas définis par des scribes isolés dans leur tour d’ivoire mais sur des faits de monde visibles et tangibles. Toute ND cohérente doit donc se brancher sur les pensées s’inscrivant dans ce filon organique, pour déployer une critique systématique des pouvoirs et institutions en place, tout en gardant en réserve des modèles d’institutions praticables et non abstraits, qui ont été inscrits, à un moment ou à un autre de l’histoire, dans un continuum enraciné. En ce sens, elle serait rupturaliste mais constructive dans sa rupture. Le côté constructif d’une telle rupture s’explique par l’épuisement et le basculement dans l’inauthentique (Heidegger) des institutions, règles de droit, pratiques économiques et sociales d’inspiration mécaniciste. A ces institutions, règles et pratiques inauthentiques, il faut substituer des institutions, règles et pratiques authentiques, c’est-à-dire, selon la définition “existentiale” que nous suggère Heidegger, des institutions, règles et pratiques qui relèvent d’une authenticité qui est telle parce que plongée dans un Dasein spatio-temporellement circonscrit, limité, mais réel, car c’est le seul cadre d’action possible pour l’homme, être jeté-là (de par sa déréliction) et contraint par l’échéance de sa mort inéluctable, par le fait de sa finitude incontournable, de lancer un projet (Entwurf) d’organisation de son environnement (Umwelt), porté par le souci (Sorge). La nécessité d’un Entwurf implique des communautés humaines constructives, prospectives, “pro-actives” (on retrouve ici, systématisée, la démarche des néo-idéalistes du XIXième siècle).

 

 

 

Le filon romantique donne donc ses assises à ce que l’on appelait au XIXième siècle la “révolution allemande” et, sous la République de Weimar, la “révolution conservatrice”. Ce filon a des implications politiques: il nous enjoint à critiquer de fond en comble, puis à travailler inlassablement à la ruine de toutes les institutions dérivées d’un intellectualisme raisonnant more geometrico et instituant quantité de “médiations” coercitives, administratives ou abstraites entre le pouvoir et l’homme concret (bien ancré dans son territoire et sa profession et responsable devant les siens et les autres de ce lieu et de cette fonction). En clair, cette triple révolution, romantique, allemande et conservatrice interpelle le jacobinisme, veut

 

- lui prouver son inadéquation fondamentale,

 

- lui indiquer la porte de sortie et détruire ses traductions institutionnelles, parce qu’elles oblitèrent l’exercice serein d’un métier, d’une profession, d’un savoir concret et pratique (l’exercice de la médecine, la créativité scientifique, le passage rapide de nouvelles idées de la puissance à l’acte, l’intuition lucide et l’insolence didactique du poète, etc.). Se référer à ce filon aux facettes innombrables, c’est réclamer, plus ou moins distinctement, l’avènement d’autres méthodes de gouvernement, d’autres institutions, d’autres structures de représentation et de pouvoir. Les régionalismes et les ethnismes en sont des formes conviviales et symbiotiques, qui devrait, en tous points du globe, rencontrer notre approbation et notre solidarité.

 

 

 

B. La «nouvelle droite» comme rupturalisme dans la sphère religieuse

 

 

 

Dans le domaine religieux, la «Nouvelle Droite» a fait scandale. En se positionnant à “droite”, elle s’inscrivait d’emblée, pour le meilleur et (le plus souvent) pour le pire, dans le camp de la conservation des institutions mentales, judiciaires et politiques ou dans le camp du réformisme lent et graduel (cf. les éditoriaux de Louis Pauwels et les articles d’Alain de Benoist sur Aron ou sur Popper dans les colonnes du Figaro Magazine). En déboulant sous les feux de la rampe à la fin des années 70, et en prenant plus ou moins le contrôle de l’hebdomadaire Figaro-Magazine, la ND semblait implicitement défendre la tradition ou les conformismes, le déjà-vu ou le prêt-à-penser a-critique, conservateur et satisfait (rien ne serait contestable et toute contestation serait folie), tout simplement parce qu’elle acceptait le label de “droite” et semblait chercher un ancrage et quelques casse-croûte dans les partis ou lobbies conservateurs ou néo-libéraux. Mais, dans le cadre de cette droite, elle a pris une option “païenne”, donc elle a affirmé une rupture (difficilement acceptable pour les droites et les notables moisis) par rapport à un “héritage”, celui de la culture dominante en Europe, que cette culture soit restée sur ses positions (catholiques ou protestantes conservatrices) ou qu’elle ait opté pour une laïcisation (libérale conservatrice ou progressisme de façade) ou qu’elle ait parié pour un ronron social-démocrate ou qu’elle ait fait de la contestation de 68 un corpus figé, répété ad nauseam. Mais, malgré son audace et sa pertinence contestatrice, l’option païenne de la ND laisse planer quelques ambiguïtés. En effet, le concept de “paganisme” véhicule des acceptions diverses et divergentes. Il existe de fait un paganisme urbain, cosmopolite et persifleur à l’égard des folklores ruraux, pourtant authentiques héritiers de la paganité antique. A côté de ce paganisme urbain, survit un paganisme ou un post-paganisme rural, perpétuant des cultes agraires immémoriaux. Mircea Eliade le définissait comme le dépositaire de l’immémoriale religion du cosmos, toujours vivace sous un vernis chrétien, avec ses processions, ses carnavals et ses charivaris. Ce paganisme rural est plus proche du “christianisme populaire et villageois” que du paganisme des élites urbaines esthétisantes, professant très souvent un cosmopolitisme sourd à l’appel des lieux. La ND, cela va sans dire, doit éviter (et se défier) des pièges du paganisme urbain.

 

 

 

Les leçons de Robert Muchembled et de Jacques Heers

 

 

 

Enfin, dans le paganisme, qu’il soit urbain ou rural, les options sont multiples (paganismes gréco-romain, celtique, germanique, etc.), conduisant parfois à des conflits.  Tout discours néo-droitiste et païen doit faire sienne la distinction opérée naguère par le Professeur Robert Muchembled entre “culture populaire” et “culture des élites”. La culture des élites est essentiellement urbaine, rationnelle, vise à créer des concepts instrumentaux pour mettre les âmes au pas (les “policer”), voire pour éradiquer les expressions de la religiosité et de la convivialité populaires, païennes dans leur essence, mais jugées “grossières” et “irrévérencieuses”, par les caciques et les apparatchiks de tous poils. La culture populaire, selon Muchembled, a été refoulée dans les marges de nos sociétés ou houspillée hors des esprits, après le moyen âge. Au bout de quelques décennies de refoulement, la jeunesse des villes, les associations juvéniles qui avaient eu droit au chapitre et à la représentation dans le gouvernement des cités à la fin du moyen âge, sont éliminées de la dynamique sociale (cf. Jacques Heers, Fêtes des fous et carnavals, Fayard, 1983). Les hommes réels, de chair et de sang, doivent ployer le genou devant la norme, nouvelle idole conceptuelle, invention de la “culture des élites”. Sur base de cette présentation (très succincte) de la distinction théorisée par Muchembled, nous pouvons constater que le recours aux filons organiques de la pensée européenne et le recours à la “culture populaire” (donc au paganisme qui lui est sous-jacent et constitue son fond vital) conduisent tous deux à un rejet de toute norme rigide, appelée à dresser les esprits et juguler les effervescences spontanées sans jamais aller se ressourcer dans le magma vital et dans la mémoire vive des peuples. Comment ne pas penser au culte rigide de la “Loi” que Bernard-Henry Lévy avait annoncé naguère comme nouvelle parousie biblico-laïque, tout en condamnant globalement les expressions organiques de la pensée française, énoncées sans succès politique réel depuis les premiers théoriciens de la “droite révolutionnaire” (Zeev Sternhell), à la fin du XIXième siècle?

 

 

 

Sternhell et ses terribles simplificateurs

 

 

 

Sternhell a toutefois posé une équation trop simpliste à notre avis: celle qui assimile la “droite révolutionnaire” (et ses multiples questionnements) à une préfiguration pure et simple du fascisme. Si les travaux de Sternhell sont universitaires et fouillés, l’exploitation qu’en font quelques simplificateurs conduit à pas mal de quiproquos. Si elles sont caricaturées outrancièrement et transposées anachroniquement dans l’actualité contemporaine par des bateleurs d’estrade, des journalistes ou des penseurs médiatisés peu scrupuleux, les thèses de Sternhell conduisent à condamner d’avance, a priori et de manière irréfléchie tout infléchissement de la pensée politique ou de la sociologie vers des critères ou des méthodologies organiques et/ou systémiques.

 

 

 

Car ces idéologues n’ont qu’une idée fixe: faire l’équation entre pensée organique et nazisme (celui-ci étant abordé non pas comme un phénomène politique de l’histoire allemande de ce siècle, mais comme un croquemitaine universel, dont les traits ont été établis une fois pour toute par le cinéma de la propagande américaine depuis 1945). Or la civilisation européenne est traversée de filons organiques depuis l’antiquité grecque. Ipso facto, si tous ces filons sont intrinsèquement pervers et potentiellement “fascistogènes”, le nazisme fantasmagorique de nos idéologues et médiacrates parisiens devient une vieille chose increvable, tapie depuis la nuit des temps dans tous les coins et recoins de notre pensée, une monstruosité insinuée dans la syntaxe de chaque syllogisme ou de chaque assertion que nous sommes amenés à énoncer. Une chasse permanente est ouverte, traquant sans merci toute bribe, parole ou borborygme exprimant la nuisance du croquemitaine, même à l’insu du locuteur ou du balbutiant naïf et inconscient.

 

 

 

Si, à l’instar des inquisiteurs habituels, on prend la perspective païenne de la nouvelle droite française comme l’une des expressions sournoises, habiles et camouflées du croquemitaine, ipso facto la religiosité immémoriale de nos campagnes, celle du paysan éternel selon Spengler et Eliade, devient la matrice du croquemitaine, de même que la “vraie religion de l’Europe”, telle que l’entend Sigrid Hunke. Sont ainsi potentiellement “criminalisées”, des écoles d’ethnologie comme celles de Van Gennep, les explorations des contes et récits populaires comme celles de Saintyves, des revues pionnières du XIXième siècle comme Mélusine de Henri Gaidoz et Eugène Rolland, ou La Revue des Traditions populaires de Paul Sébillot (cf. Nicole Belmont, Paroles païennes, Imago, 1986).

 

 

 

Sigrid Hunke, critique des dualismes

 

 

 

Sigrid Hunke a abordé les filons non-dualistes de la pensée, depuis les Grecs jusqu’à nos jours, filons qu’elle appelle “unitariens”. L’histoire spirituelle de l’Europe serait l’histoire d’un long conflit entre une pensée dualiste, segmentante, hostile au donné naturel et une pensée unitarienne, fusionnante et émerveillée face au donné naturel. Les élites dominantes coercitives se seraient toujours inscrites dans la tradition dualiste. Les élites populaires, dans les traditions unitariennes, panthéistes et naturalistes. En d’autres termes, nous retrouvons ici une méthodologie finalement assez semblable à celle de Muchembled. Si les filons unitariens ne sont pas nécessairement païens et dépassent le polythéisme, ils ne montrent pas une agressivité féroce à l’endroit des dieux antiques et des croyances spontanées du peuple. Ils acceptent et incluent la diversité polythéiste dans leur vision de l’unité du cosmos. Pour Sigrid Hunke, la mystique médiévale de Meister Eckhart, la pensée de Nicolas de Cues et le soufisme iranien-musulman appartiennent clairement à la tradition unitarienne. A partir de cette unité de foi, de savoir et d’action, postulée par l’unitarisme (“Dieu aime les hommes libres”, qui croient, savent et agissent) et espérée par Eucken (cf. supra), nous entrons dans les domaines de la Tradition (et de ses innombrables avatars) et des traditions (les expressions populaires, mais incontournables, de la religion pérenne, telle que l’a définie Schuon). L’optique prise serait tout à la fois organique, païenne-populaire et unitarienne (non dualiste).

 

 

 

Sigrid Hunke est assez sévère à l’égard de Plotin (plus sévère que nous le serions personnellement). Elle estime que sa théorie des émanations, exprimée dans les Ennéades, conduit à un dualisme, certes moins rigide que celui que nous ont légué le platonisme, les dualismes grecs, le mythe biblique du péché originel, les christianismes paulinien et augustinien ou, en pour le résumer en un seul terme, l’helléno-christianisme. Pour la pensée de Plotin, les émanations se diffusent au départ de l’Un divin, mais, en s’éloignant de cette source, elles tombent dans la déchéance, dans le monde de la matière privée de lumière, ce qui nous ramène le dualisme idées/matière, monde idéel/monde charnel. Sigrid Hunke préfère Scot Erigène qui affirme audacieusement l’unité Dieu-Nature, au-delà de tous les dualismes.

 

 

 

Révolution métapolitique et référence à Gramsci

 

 

 

Les ruptures de la ND, au niveau épistémologique (mécanicisme vs. organicisme) et au niveau religieux (unitarisme/paganisme vs. dualismes, etc.), postulent une RÉVOLUTION MÉTAPOLITIQUE. Celle-ci doit articuler ces ruptures/propositions/révolutions (au sens de retours aux origines) dans un projet culturel cohérent. Ce projet doit certes reposer sur une lecture des leçons de Gramsci. Mais Gramsci définit l’”intellectuel organique” comme l’intellectuel au service d’une superstructure, qu’elle soit conservatrice ou contestratrice du pouvoir en place. L’hégémonisme en place ou l’hégémonisme challengeur vont tenter de mobiliser en leur faveur les intellectuels en apparence traditionnels (issus de structures traditionnelles comme les anciennes universités ou l’Eglise) ou indépendants (créateurs isolés, en dehors des circuits établis), qui ne sont pas d’office considérés comme les “commis” d’une classe ou d’une catégorie sociale ou d’un parti. Mais la ND n’est pas l’officine des intellectuels de tel ou tel groupe social. Son intention est plus globale, holiste, s’adresse à l’ensemble des citoyens dans tous les pays européens, au-delà de leurs différences socio-économiques (avec les risques de “désincarnement” que cela implique).

 

Au départ des écrits de Gramsci, la ND envisage

 

- l’élaboration d’une nouvelle culture (tirée de linéaments refoulés de l’histoire de la pensée européenne);

 

- d’initier une “réforme intellectuelle et morale”, visant l’émancipation des intelligences et la remise en surface des linéaments culturels refoulés;

 

- de proposer une théorie de la connaissance, n’offrant encore aucune systématisation «car celle-ci produirait immanquablement sa stérilisation, en la solidifiant dans des schémas “logiques “ ou “formels” tels que ceux dans lesquels le marxisme avait été enfermé par les dirigeants de la II° Internationale»; comme pour Gramsci, la théorie, selon la ND, doit s’imbriquer et s’incarner dans le réel historique; elle est en ce sens un “historicisme absolu”, un replongeon activiste et intentionnel dans un passé, jugé toujours vivant et non dévalorisé comme un “tas de formes mortes”, pour produire les racines idéologiques de la transformation des mentalités (cf. Dominique Grisoni & Robert Maggiori, Lire Gramsci, éd. universitaires, 1973);

 

- d’extirper les déformations idéologiques dont souffre la politique en général dans le monde occidental, c’est-à-dire le positivisme, l’économicisme, le déterminisme et le mécanicisme, tout comme Gramsci avait voulu en purger le marxisme;

 

- de restaurer l’homme dans son statut de producteur/créateur de son histoire, tout en cherchant à le dégager définitivement de son statut abstrait d’”homme universel” (où on ne le définit plus que comme “idée” ou “esprit”), en restant ainsi aussi dans la logique de Gramsci; pour la ND comme pour le théoricien communiste italien de la métapolitique, l’homme n’est pas une abstraction qui aurait sa référence en dehors de lui-même (Grisoni & Maggiori, op. cit.); sur base de ce constat, on peut amorcer une critique de l’idéologie des “droits de l’homme”, sans pour autant contester le fait bien tangible que les hommes concrets et réels ont des droits, hérités de leur histoire particulière, et qu’ils doivent les faire valoir, non pas contre les institutions organiques, mais contre les manipulations médiatiques et les propagandes désincarnées/désincarnantes;

 

- de libérer l’homme de toutes les idéologies (bourgeoises, jacobines, réformistes ou autres) qui visent à l’émietter, pour le guider ensuite dans un processus d’évolution réformiste, où il s’agit de le rapiécer continuellement, mais de l’extérieur, comme s’il était un organisme qui ne possède pas à l’intérieur de lui-même sa propre raison d’être (A. Gramsci, Il materialismo storico e la filosofia di B. Croce). On ne peut être plus clair: Gramsci s’inscrit bel et bien dans un filon issu de la philosophie de la vie, au-delà de son marxisme proclamé. A la ND de suivre ses pas. Elle peut le faire sans hésitation, sans trahir ses propres options de base.

 

 

 

En Allemagne, l’éditeur Eugen Diederichs, qui fonde sa maison d’éditions en 1896, est un exemple de “gramscisme” non politique qui a pleinement réussi. Ses intentions sont claires: il déplore la “mécanisation” des esprits, à laquelle il faut opposer une “réforme” (intellectuelle et morale), basée sur le vitalisme naissant, sur la contestation des églises figées et institutionalisées, sur un retour pré-écologique à la nature, sur les formes de socialisme ayant inclu des éléments bergsoniens dans leur démarche. Jusqu’à sa mort, et ses héritiers après lui, Diederichs va œuvrer pour contrecarrer l’expansion de la “mécanisation”. Sa maison d’édition a constitué non seulement un rempart contre le déferlement des idéologies non vitales et mécanicistes, mais aussi et surtout une base de lancement, d’où ont fusé des jets incandescents de vitalisme, vivifiant la pensée allemande et les pratiques induites par cette pensée. Précision: la maison d’édition de Diederichs existe toujours aujourd’hui et exploite les même thématiques (note de 1998: pour plus de précision sur Diederichs, cf. Michael Morgenstern, «Eugène Diederichs: grand éditeur, romantique et universaliste», in Vouloir n°8/nouvelle série, automne 1996; et Robert Steuckers, «Eugène Diederichs et le Cercle “Sera”», in Vouloir n°10/nouvelle série, printemps 1998; les deux articles comportent des bibliographies, pour explorer plus en profondeur l’impact de cette exceptionnelle personnalité).

 

 

 

C. Pour illustrer et étoffer la théorie: s’ouvrir à la littérature

 

 

 

Nous avons vu que les premières manifestations de la pensée organique, à la fin du XVIIIième siècle, s’accompagnent d’un foisonnement littéraire et poétique, qui commence avec le Sturm und Drang. De la fin du XIXième à nos jours, la littérature, elle aussi, est très souvent une protestation véhémente contre les idéologies et les pratiques politiques dominantes. Nul autre que René-Marill Albérès a mieux suivi pas à pas cette histoire littéraire européenne, exploré les filons multiples de cette séculaire protestation. C’est pourquoi, trois de ses ouvrages nous apparaissent essentiels, devraient à tout instant nous servir de référence:

 

- La révolte des écrivains d’aujourd’hui, Ed. Corrêa, Paris, 1949.

 

- Bilan littéraire du XXe siècle, Aubier, Paris, 1956.

 

- L’Aventure intellectuelle du XXe siècle. Panorama des littératures européennes, 4ième éd., Albin Michel, Paris, 1959-69 (Les quatre rééditions successives de cet ouvrage démontrent son importance didactique et l’ampleur de son impact). Dans le cadre du présent exposé, la référence aux ouvrages d’Albérès est purement didactique. Elle vise à suggérer au futur cadre du GRECE des manuels pédagogiques bien structurés de façon à s’orienter  —et à orienter les postulants—  dans les débats d’idées en Europe.  Mais, cette référence utile n’exempt pas le cadre de recourir, si possible, directement aux textes des auteurs.  

 

 

 

Phénomène dérivé des options non conformistes de l’après-guerre français, la ND s’inscrit, elle aussi, dans la révolte des écrivains du XXième siècle et sa révolte conduit aux ruptures que nous avons évoquées dès le début du présent exposé. Cette révolte des écrivains du XXième siècle est multiforme. René-Marill Albérès nous enseigne justement à reconnaître, chacune pour elle-même, ces formes innombrables, à nous repérer dans cette forêt des lettres françaises et européennes. L’existentialisme et ses traductions littéraires participent d’options volontaires et affirmatrices. Le primat de l’existence sur l’essence induit, entre moultes autres choses, une revalorisation de l’aventurier (cf. Roger Stéphane, Portrait de l’aventurier, avec la préface de Sartre). Or les pulsions, les gestes et les engagements de l’aventurier ont toujours séduit notre public, nos lecteurs. Spontanément, c’est vers ce type de littérature que nous étions et sommes portés. La question qui se pose à nous est dès lors la suivante: comment resituer les opti

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H. de Grossouvre: Madrid-Paris-Berlin-Moscou

Henri de GROSSOUVRE :

Madrid-Paris-Berlin-Moscou: l'Europe de la Paix

http://www.paris-berlin-moscou.org/docs/Madrid_Paris_Berlin_Moscou.pdf

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L. Vinteuil : les chimères du progrès

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Louis VINTEUIL :

LES CHIMERES DU PROGRES

A la base de ce désordre persiste la croyance optimiste en l’idée d’un progrès continu et linéaire de l’humanité. Maurras en proclamant qu’il n’existe pas un progrès général du monde mais qu’il y a des progrès, réintroduit l’idée critique d’un progrès dépouillé de ses certitudes messianiques. L’ascension de l’homme ne saurait être régulière et automatique, tout comme le bien ne saurait être inhérent à la nature humaine. Les leçons de l’histoire contemporaine avec son cortège continu de guerres, confirment davantage la règle de l’imperfectibilité humaine. D’autre part, ce progrès n’est nullement parallèle au progrès des libertés et des inventions technologiques. L’idée de progrès contemporaine doit être soumise au relativisme conforme à la loi naturelle et organique laquelle proclame que toute vie connaît le déclin après la croissance. Il nous faut donc admettre que l’Europe est plongée dans une phase de déclin. L’un des signes extérieurs révélateurs de la confusion morale et intellectuelle est de confondre progrès et tolérance : Scipion était doux et Hannibal terrible ; mais d’un point de vue politique l’un et l’autre ont bien agi, car leur action répondait aux circonstances de l’époque. La politique est un domaine distinct de la morale. Elle considère d’abord les conditions existantes et les buts à atteindre au-delà des considérations de bonté naturelle de l’homme. En un mot le réalisme et la nécessité sont dans une interdépendance étroite. Et la plus grande leçon de morale qui existe du point de vue politique et individuel est celle de rester cohérent et fidèle à soi-même. Dans nos sociétés modernes régies par un droit de nature « contractualiste « ,  individualiste et positiviste, l’individu est engagé dans une course effrénée à l’accumulation de droits. Ils sont soumis à la spirale de la « réversibilité » en vertu de laquelle tout individu aurait le droit de revendiquer légitimement un droit du seul fait qu’un autre individu aurait acquis le dit droit. Il va s’en dire que les considérations qui sont de l’ordre de l’aptitude, du mérite et de la hiérarchie, constituants les fondements naturels du droit sont totalement absents de cette réflexion. A ce sujet un fragment des pensées de Pascal pose ce postulat : « Historiquement, le droit n’est que la justification de la force. Dans ce droit public il y a une notion fondamentale, celle de l’Etat : elle domine et régit toute la politique, l’Etat selon l’esprit de Rome : être collectif, maître souverain et absolu  ». La conception individualiste du droit résulte du voile d’illusion généré par le langage chrétien, la phraséologie des légistes et la théorie rousseauiste de la bonté naturelle de l’homme; devant cette hypertrophie de textes juridiques produite par cette usine aux droits de l’homme et du citoyen, nous sommes en présence d’un courant « jusnaturaliste » moderne lequel affirme qu’il y a des droits inhérents à la nature humaine, antérieurs à tout droit positif, l’homme ayant par nature des droits.

Ce jusnaturalisme participe d’une philosophie et d’une vision du monde résolument anthropocentriques. En matière de droit , les anciens parlaient de « justum » qu’ils disaient « naturels », mais il s’agissait de catégories objectives en vertu desquelles on parlait de ce qui est juste par nature et de ce que la nature veut comme  juste. Cette justice naturelle impliquait que l’homme soit soumis à une règle droite, en conformité avec la nature des choses et l’obligation morale de les respecter. Bref, cette conception du droit classique instaurait avant tout une philosophie des devoirs de l’homme, le droit étant indissociable de la notion de devoir et d’autorité. Albert Sorel nous rappelle que dans l’Europe d’avant la Révolution française, le fondement du droit public était la conception romaine de l’Etat maître absolu, « l’auctoritas et l’imperium », renforcée par l’affirmation chrétienne que tout pouvoir vient de Dieu, « non est potestas nisi a Deo ». Cette conception était confirmée d’ailleurs par Henri IV et Descartes et devint la pratique que tous les princes ont suivi . Ainsi le réalisme est la première vertu des reconstructeurs de la nouvelle Europe. Mais il y a plus, la reconnaissance du primat de la force comme fondement du droit ne doit pas verser dans l’idolâtrie aveugle. Le culte, le respect de la force présupposent l’existence de servitude. Le culte de la force comme celle du droit implique une conception des devoirs de la force car tout pouvoir, toute puissance légitime est soumise à un certain ordre de responsabilité. Toute idée de progrès reste  indissociablement liée aux concepts de culture et de civilisation.

Faut-il rappeler la distinction maintenant trop bien connue opérée par O. Spengler entre culture et civilisation ? Trop souvent confondues à notre époque comme dans le passé, ces deux notions recouvrent des significations bien différentes. Elles se rapportent à deux étapes de l’évolution des sociétés, l’une correspondant à la jeunesse et l’autre diraient les modernes, à la maturité. Spengler dans le cadre de sa conception morphologique de l’histoire des peuples, voyait dans la culture un ordre différencié, organique et créateur qualitativement, alors que la civilisation renvoyait à un ordre indifférencié, uniformisateur, mécanique et  quantitatif. La culture était la marque distinctive des peuples « supérieurs » au sens qualitatif du terme, alors que la civilisation était perçue comme une phase descendante et de déclin dans l’histoire d’un peuple. La culture correspond à la vie intellectuelle et artistique des sociétés jeunes qui débordent de vitalité et qui se sont forgées une vision du monde. Elle implique la création originale de nouveaux concepts, de valeurs, de nouvelles inventions : la culture accorde plus d’importance à la « personae », à l’individu et à la création qu’à la reproduction sérielle, aux modèles prototypes de référence et la production de masse. Sa vision du monde est esthétique plutôt qu’économiciste et technicienne. La civilisation  représente la cristallisation sur une échelle gigantesque des avancées technologiques et des courants de pensées mercantiles et progressistes, et ne survient que sous la forme pétrifiée puisque elle est mortifère avant même l’accession à sa maturité. Jadis en Grèce comme en Europe, la création culturelle faisait partie de la vie elle même. Elle se fondait sur une vision synthétique du monde dans laquelle religion, politique, économie, littérature , art , philosophie et science n’étaient que les multiples visages d’une vérité spirituelle transcendantale unique. « les cérémonies religieuses, les jeux olympiques, les tournois de chevaliers, les tragédies de Sophocle et d’Euripide, les visions infernales de Dante, le Parthénon et les cathédrales gothiques étaient les expressions symboliques d’un même élan dynamique fondé sur le postulat commun à toutes les cultures naissantes et dynamiques ;  la beauté, la divinité et la vérité sont des aspects complémentaires d’une même réalité spirituelle », constate A. de Riencourt.

Le progrès depuis la Révolution française est engagé sur la voie déclinante de la civilisation technicienne. Culturellement stérile, organisatrice, elle a supplanté la création, et s’est imposé par l’empirisme pratique et le pragmatisme utilitariste. Ce processus dérivant et de déclin où la civilisation tendait à primer sur la dimension culturelle fut amorcé par l’avènement de la Renaissance. En effet la Renaissance fera éclater la synthèse gréco-romaine et gothique à la base de la culture européenne en déplaçant l’accent de la société sur l’individu. L’intérêt en effet se portera alors plus sur ce qui séparait les différentes sociétés européennes plutôt que sur ce qui les unissait. En effet autrefois dans les sociétés de type organique, le principal but de toute culture était d’assurer le développement harmonieux et simultané de l’homme idéal et de la société idéale. La société était alors conçue comme un organisme analogue au corps humain dotée d’une âme, d’un esprit, de membres et d’ organes dont chacun avait sa place déterminée,ses fonctions, ses devoirs et privilèges. L’homme cellule vivante du corps social, était libre d’y développer toutes ses possibilités individuelles en concorde avec la société. La notion fondamentale qui régissait la vie des individus, comme celle de la société était l’unité. On retrouvait partout le même symbolisme, la même sensibilité artistique,littéraire, philosophique, les mêmes institutions sociales, le même langage culturel. La Grèce antique et l’Europe gothique étaient comme des prismes que divisait un  unique rayon de lumière spirituelle en une variété de couleurs vives. Les contrastes étaient évidents mais un même sentiment religieux de surnaturel unissait les êtres, les idéaux et les symboles. Le concret et l’abstrait, l’objectif et le subjectif n’étaient pas radicalement opposés mais fondus dans une synthèse créatrice dont le fil directeur était  spirituel.

Le processus pan-civilisationnel dissociatif et désagrégateur de la Renaissance fit éclater cet idéal d’unité. Peu à peu avec la poussée de l’individualisme, l’émergence dans le domaine de la politique des cités-Etats, des communautés locales indépendantes déconnectées du culte de l’autorité de l’église finirent de corroborer la désagrégation unitaire de la vie sociale, politique et culturelle.  Le monde antique  était à la recherche d’une unité perdue entre le corps et l’âme ; les religions monothéistes ont entamé le long processus de dissociation entre l’âme et le corps alors que la Renaissance viendra consacrer ce dualisme. Les conceptions du monde moderne sont aussi affectées par la suprématie de l’individualisme. Le corps moderne implique la coupure du sujet avec lui même. Avoir un corps plus qu’ être son corps, tel est le destin du sujet occidental, conception liée à l’émergence d’une pensée rationnelle de la nature. Dans les sociétés traditionnelles étudiées par Maurice Leenhardt le corps qui n’est pas frontière s’intègre dans un ensemble symbolique. Pour l’occidental, coupé du cosmos des autres et de lui même, le corps devient un attribut du sujet, la marque de sa clôture sur lui même. Le savoir officiel sur le corps participe de cette « anthropologie résiduelle ». Le mécanisme cartésien achèvera ce processus de dissociation du corps —qui n’est qu’une machine—  et de l’âme —dont toute l’essence est de penser. Le morcellement du corps induit une sourde inquiétude et une multitude de questions éthiques devenues explicites avec l’essor des biotechnologies. Dans les sociétés organiques de type holiste, le corps est un élément qui s’intègre dans un réseau symbolique dense alors que nos sociétés individualistes exaltent le repli du sujet sur lui même et la maîtrise d’un corps objectivé. L’exaltation des plaisirs et le souci du vécu corporel valent à titre de figures inédites, celles de la maîtrise scientifique et technique du corps. L’aspiration contemporaine au bien être obéit aux normes du « bien paraître », et l’hédonisme généralisé assure la vente des cosmétiques.

Ainsi on assiste aux dérives les plus grotesques du nouvel individualisme qui méconnaît les vertus libératrices d’un imaginaire du corps conçu comme vecteur de puissance et idéal d ‘harmonie. Le phénomène de désagrégation fut parachevé dans le domaine de la religion par la Réforme avec le calvinisme et le luthéranisme, et la philosophie de « restauration » de l’anglo-saxon Richard Hooker, qui assurèrent le passage du puritanisme religieux au cynisme commercial par la proclamation de la primauté de l’économique dans la vie individuelle et sociale. Les américains suivirent le pragmatisme puritain de leurs cousins britanniques puis le dépassèrent dans la réduction progressive de l’individu à l’état d’homo oeconomicus, de simple machine à produire et à consommer. Les chantres du libéralisme des premiers jours, A. Smith et J. Bentham trouveront leur consécration de nos jours dans les théories économiques ultralibérales et individualistes d’un Hayek ou d’un Friedman. La conception mercantile et économiciste anglo-saxonne déferlera sur l’Europe, déclin de la foi religieuse, essor du rationalisme et du matérialisme, tels furent les traits dominants de cette époque. En ce sens et plus tard l’ère victorienne, avec son vernis fallacieux hellénistique et sa mièvrerie créatrice laissera présager le déclin culturel de l’Europe : elle fut une période de transition entre la fin d’une culture et la naissance de la civilisation. L’ordre civilisé coïncidait avec l’instauration et le nivellement égalitariste et démocratique.

A ce titre la notion de progrès fut étroitement liée au phénomène d’uniformisation et au règne des masses. La civilisation tend à uniformiser, embrigader les masses de plus en plus nombreuses et interchangeables dans un moule rigide uniformisateur visant à créer un type d’homme générique quelconque  « sans âme, ni patrie ni visage » qui pense et vit comme tout les autres est se conforte dans son instinct social grégaire l’emportant sur la volonté créatrice. L’effondrement des valeurs européennes qui avaient commencé avec la première guerre mondiale ne fit que s’accélérer après la seconde guerre mondiale. Nietzsche avait senti venir avec terreur l’ère de la civilisation comme produit du progressisme dominant. Mais sa révolte contre la montée de «  l’homme grégaire » ne modifiera pas le cours de l’histoire et le processus de déclin. Les assauts désespérés de Nietzsche contre la morale des esclaves constituaient la dernière manifestation fondée sur la vision esthétique et apollinienne   du monde qui allait céder la place au point de vue « éthique » de la société civilisée. En ce sens Nietzsche sera le représentant le plus clairvoyant et démiurgique de « l’anti-civilisation ». Dans le domaine de la culture, le drame wagnérien cédera la place à une culture de masse, désincarnée qui n’est plus considérée comme chose vitale mais comme une activité marginale ne devant  entraver en aucun cas la poursuite des objectifs de la civilisation : l’établissement du bien-être matériel. En ce sens la culture devient un bien de consommation générique, un divertissement anonyme comme un autre. La culture a toujours pensé en terme de qualité, la civilisation en termes de quantité. La notion de progrès actuelle reste liée à cette vision du monde numérisée et statistique, reconnaissable dans la dimension américaine de la vie. La dimension de l’Europe est celle d’une dialectique organique quasi mystique entre temps-espace et un attachement au sens de l’histoire, c’est à dire à une certaine profondeur à l’ancienneté et à la pérennité d’une idée d’institution. Déjà il y a cent ans A. de Tocqueville remarquait:

« Je ne connais aucun pays où il y ait si peu d’indépendance d’esprit et de véritable liberté de discussion qu’en Amérique » . En effet par sa politique de creuset, de melting-pot, les Etats Unis contribueront à générer une nation d’extrovertis grégaires, dépersonnalisés, décervelés, uniformisés et purgés de tous les instincts hérités du vieux monde ; il en résultera sur le plan politique, l’émergence d’une démocratie qui entrave le libre jeu et le développement de talents, mais au contraire favorise l’ostracisme et l’élimination silencieuse de tous les éléments non conformistes. Par un processus d’immolation et d’individualisme exacerbé, la prétendue liberté américaine consiste en une libération des « chaînes » du sens de l’histoire. A la « libertas » romaine, « l’elenthénia grecque » se substitue une liberté anonyme vide de sens, vagabonde  et privée de racine propre, le miroir aux alouettes des hommes troncs, citoyens dociles gavés à la sauce consumériste.

Ainsi si le progressisme des premiers jours du XVIIIème siècle était imprégné d’un certain illuminisme messianique et d’une foi utopique en une société égalitaire, le progressisme contemporain devient paradoxalement obscurantiste, régressif et conservateur. Ce type de progressisme  est le garant d’un ordre moral dominant et n’en finit pas de détruire les liens organiques qui articulent les éléments pluriels de la vie sociale et culturelle.  Le processus de dissociation , d’autonomisation culturelle et l’atomisation relative de tous les secteurs de la vie sociale, politique et économique séparés d’un centre unique spirituel et politique  est à jamais consommé. le progressisme à l’avènement du troisième millénaire constitue un de ces phénomènes extrêmes observés par Baudrillard. Partant d’une conception égalitariste et économiciste de la société, ce progressisme s’attaque à l’ordre de la réalité elle même, en générant un processus expérimental de virtualisation et de désubstantialisation, de déclinaison des volontés, venant  par un rythme incontrôlable bouleverser les données de l’existence individuelle et sociale. Il s’agit d’une nouvelle version cyberspace et virtuelle de la philosophie behavioriste qui tend à transformer, voir à cloner les êtres humains, simples échantillons expérimentaux en  des créatures hybrides conditionnées et domestiquées. Elle ne laisse  aucune place au libre arbitre et considère l’homme comme une créature virtuelle sujette à des automatismes et réflexes conditionnés donc façonnables à volonté. Les réalités historiques et spirituelles , les concrétudes naturelles sont ignorées et bannies. Cette nouvelle forme de béhaviorisme postmoderne high-tech joue sur l’inertie animale de l’homme spolié de ses capacités réactives et aboutit à la privation du libre arbitre et de la liberté individuelle. Et c’est en ce sens que la forme contemporaine du progressisme constitue une nouvelle « barbarie » despotique, dont les ressorts totalitaires résultent de la mutilation des réalités historiques, les négations de la spiritualité,l’abolition du temps, la désincarnation et la désacralisation de l’espace par la virtualisation progressive de la vie.

Ce progressisme néo-obscurantiste, afin de pallier aux excès de son processus irréversible et cinétique de cristallisation virtuelle du monde , utilise l’arme prophylactique de l’éthique pour en sorte « humaniser «  et dédramatiser cette marche vertigineuse vers le royaume du non sens. Le politiquement correct , l’ordre moral dominant résultent d’une dégénérescence de la morale via l’éthique. Héraclite  qui vivait 500 ans avant le Christ, avait imaginé que chacun des composants du monde possédait son antagoniste, et que les forces opposées entretenaient un brassage incessant, un combat permanent, lequel s’intégrait selon lui dans le grand mouvement perpétuel dont il opposait deux types : l’harmonique et le chaotique conçu comme un fatras non organisé. L’homme bien qu’il soit le composant le plus complexe de la nature obéissait d’abord à ce chaos et à la loi du plus fort. Or cent ans après Héraclite vint Socrate. Tel un prophète laïc, il conçut et enseigna que chaque être humain était un composant à part entière de la nature, et mieux encore de sa fraction vivante, donc doué d’instinct comme les animaux. Doué de plus d’intelligence en tant qu’homme, il pouvait en intégrant ces deux fonctions, en induire une troisième, celle de la responsabilité individuelle. Pour cela, il devait s’exercer à se comprendre ; le ‘connais toi toi-même » ne fut pas seulement le principe précurseur de la psychanalyse, il fut le précurseur de l’idéologie officielle des droits de l’homme  et celui de la déclaration de Gide selon laquelle « chacun est le plus précieux de tous les êtres ». Cette responsabilité lui fixait le devoir d’autocensure « ne fais pas aux autres ce que tu n’eus point aimé qu’on te fit ».

L’homme de Socrate était doté d’une justice intérieure.  Ces principes n’avaient pas été dictés par des dieux. Socrate était un prophète laïc. Les lignes de conduite qu’il édictait ne se déduisaient que de la seule nature, laquelle n’obéissait qu’à une essence dont chaque constituant, matériel ou vivant, ne pouvait agir que dans une direction, celle du bon fonctionnement, celle du bien. Car cette nature était unique et ne pouvait perdurer que si elle obéissait au bien. Socrate s’inscrivait ainsi au royaume du polythéisme, en faveur du futur monothéisme et quasiment de la démocratie, où chacun a le pouvoir de s’exprimer et d’agir selon sa conscience : d’où la nécessité que celle-ci suivit la bonne direction. Bien que la morale de Socrate n’attaquât  ni la religion ni la société avec lesquelles elle passait un contrat moral, celles ci perçurent les pièges qu’un tel art de vivre faisait courir à la liberté. Pour les compromettre Socrate but la cigüe, comme le Christ se laissa crucifier, comme Mishima se fera « harakiri ». La mort s‘inscrit désormais dans la morale du bien ; l’individu doit tout sacrifier même sa vie à la meilleure marche de la société. D’où la non interdiction de la légitime défense ni de la guerre défensive. Les successeurs de Socrate allaient tout en prêchant la morale , tenter de la faire plus accessible à tous. Aristote et Spinoza, tout en soutenant la nécessité que les hommes se conduisent dans le sens du bien et non dans celui du contraire, reconnaissaient que tous les hommes n’étaient pas doués de la personnalité de Socrate, et ils allèrent jusqu’à reconnaître qu’une sagesse trop stricte pouvait ne pas mener à la béatitude, mais à l’ennui. Quels humains n’éprouvaient pas des envies, des haines, des pulsions dont il fallait tenir compte dans le jugement de leurs comportements, alors  que beaucoup sont pathologiquement atteint de névrose obsessionnelle ou /et pulsionnnelle, de manie , de paranoïa. Ils étudièrent donc plutôt que la morale , la science de celle-ci, l’éthique.

Tandis que la morale de Socrate indiquait jusqu’où il ne fallait pas aller du tout, l’éthique tenta de définir jusqu’où on ne pouvait ne pas aller trop loin. En fait la religion puis la justice allaient se mêler à la discussion et c’est finalement la justice qui s’est emparée du pouvoir lequel s’était emparé d’elle depuis longtemps. Nos contemporains refoulent de plus en plus une cette forme de morale et se donnent entre autres excuses, le fait qu’ils obéissent à l’éthique. Ils ont officialisé celle-ci au nom du progressisme dominant  en organisant des comités d’éthiques à tous le échelons de la vie sociale politique et économique. Leurs conclusions à l’officialité ambigüe ont surtout pour objet de préparer l’opinion aux votes par le législateur de lois violant la pure morale. On a vu à titre d’exemple que toutes les lois sur la fécondation, préparées par le comité national de l’éthique biomédicale, sont passées sans problèmes au parlement français, sans parler la loi sur l’avortement. Somme toute l’éthique prépare une évolution des moeurs telles que beaucoup d’interdictions morales d’hier sont levées, et si les parlements transforment ses conclusions en lois, l’interdiction d’hier l’est aussi. Ainsi chaque corporation si elle n’a pas un comité, déclare avoir son éthique. Les politiciens commettent en trouvant cela tout naturel  et politiquement correct les pires abus de biens sociaux. Au nom de l’éthique va- t- on bientôt créer un comité d’éthique sexuelle et le composer d’ experts de tous les types de sensualité ? Oui de la morale on en est venu à l’éthique et de l’éthique on a dérivé vers le politiquement correct. Ainsi seul une refonte complète du système de valeurs contemporain de caractère permissif et individualiste permettrait d’endiguer cette dérive de la morale en éthique. Si l’absolu consiste en une vision du monde héroïque, dans la dimension transcendantale de l’homme, le progressisme néo-obscurantiste contemporain est à la phase ultime de la relativisation de l’absolu, puisqu’il a finit de s’ériger en religion séculière convertie au monde et de vider de son sens la notion de mystère. Ce obscurantisme progressisme néo-obscurantiste s’est engagé sur la voie d’une nouvelle eschatologie, non pas celle d’un monde transfiguré mais celle de la parousie postmoderne d’une nouvelle forme d’hominisation hybrido-mutante, définitivement privée de références spirituelles et identitaires.

Louis VINTEUIL.
 

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dimanche, 18 février 2007

Ikonen der Jugendbewegung

Karlheinz WEISSMANN :

Ikonen der Jugendbewegung

http://www.sezession.de/pdf/sezession15_weissmann_jugend.pdf

06:35 Publié dans Mouvements de jeunesse | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Bodo Uhse (Dt.)

Richard SCHAPKE :

Bodo Uhse - Im Spannungsfeld vom Nationalmedium_uhse.jpgem Sozialismus und sozialistischen Patriotismus

http://www.die-kommenden.net

06:30 Publié dans Biographie | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

11 septembre: la main de "Gladio"?

"Gladio explique-t-il 9/11?"

Cet article publié sur le site dedefensa.org propose une synthèse des idées proposées par le Dr. Daniele Ganser concernant l'hypothétique implication de gladio, un réseau d'agents dormants de l'OTAN, dans les attentats du 11 septembre.

Trouvé sur : http://www.paris-berlin-moscou.org/page_13.html

06:15 Publié dans Manipulations médiatiques | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Dark Futures and Cyberpunk

Mark WEGIERSKI:

"Dark Futures" and "Cyberpunk": Curiously Conservative Science-Fiction

http://www.right-now.org/

(ISSUE 51 - Right Now ! - April/May 2005).

06:05 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

E. Cioran ou l'avancée dans le silence

medium_CIORAN.jpg

A. BARGUILLET :

Emil Cioran ou l'avancée dans le silence

http://mon-bloghauteloire.blogs.allocine.fr/mon-bloghauteloire-78994-emile_cioran_ou_lavancee_dans_le_silence.htm

05:55 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 17 février 2007

Europe-USA: partenaires ou concurrents ?

Gérard Bokanowski:

"Europe - USA : partenaires ou concurents?"

Ce discours prononcé par Gérard Bokanowski lors des rencontres de PanAlp 2007 organisées par Paneurope Autriche expose l'évolution des relations euro-étasuniennes et tends à démontrer leur incomptabilité relative grandissante.

On le trouve sur: http://www.paris-berlin-moscou.org/page_13.html

(Il s'agit du site de Henri de Grossouvre,auteur de l'ouvrage Paris-Berlin-Moscou, paru il y a quelques années chez l'éditeur "L'Age d'Homme" en Suisse).

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M. Eliade über "Die Revolution des Neuen Menschen"

medium_eliade_intro.jpg MIRCEA ELIADE über "die Revolution des neuen Menschen"

Zum heutigen Jahrestag der Gründung der Legion des
Erzengels Michael am 24. Juni 1927


Das Jahr 1927 bedeutete den Beginn des Kampfes zwischen
den "Generationen". Nicht der Kampf zwischen Alten und Jungen
- wie man glaubte und lange behauptete - , sondern der Krieg
zwischen zwei Welten: auf der einen Seite die alte Welt, die an
den Bauch glaubte (das Primat des Ökonomischen und des
Politikertums), auf der anderen Seite die neue Welt, die es
wagte, an den Geist zu glauben (Primat des Geistigen). Die
jugendliche Bewegung von 1927 wurde mit diesem Bewußtsein
der historischen Mission geboren: die Seele Rumäniens zu
verändern, alle Werte einem einzigen höchsten Wert, dem Geist,
unterzuordnen. Eine Unterordnung, die vor allem in der
heroischen Phase Verzicht, Selbstaufopferung, Askese
bedeutet. Der historische Sinn dieser Jugendbewegung ist nicht
schwer zu entziffern. Da sie ihre lebendigen Wurzeln im
Christentum hat - und Christentum bedeutet "Umsturz aller
Werte" - versucht sie einen neuen Menschen zu schaffen. Denn
der Mensch der modernen Zeit blieb Teil der alten luziferischen
Wirtschaft: des Egoismus, der Instinkte, der Werte einer
niedrigsten Biologie. So oft in der Geschichte ein neuer Mensch
auftauchte, setzte er sich durch das Primat der geistigen Werte
durch. Der Kampf zwischen Licht und Dunkel, zwischen Gut und
Böse, wird nur am Ende aller Zeiten beendet sein. Aber jeder
neue Sieg des Geistes, des Lichtes, erfüllte sich nur durch den
völligen Verzicht auf die Instinkte der Selbsterhaltung. Der neue
Mensch bedeutet vor allem die natürliche Überwindung dieser
Instinkte. Eine Überwindung, die die Geschichte immer
berücksichtigt. Übrigens ist es von Bedeutung, daß weder in der
Geschichte noch in der Ewigkeit etwas ohne einen Akt des
Verzichts erreicht wird. Die Geschichte eines Volkes ist nicht
möglich ohne den Lebensverzicht einer großen Anzahl von
Menschen.
(Buna Vestire, 27.6.1937)

Die allergrößte Sünde ist die Unfruchtbarkeit: in biologischer
und in geistiger Ordnung. Die größte Mission, die ein Mensch
erhalten kann, ist die Schaffung von Werten, das spirituelle
Schaffen also. Neben dieser schaffenden Tugend stehen alle
anderen Qualitäten oder Fehler im Schatten. Dieses Kriterium
und diese Mission sind das Einzige, was Menschen jetzt am
Anfang ihres historischen Lebens erhalten können. Nur ein
hartnäckiger Kampf für die Wiederherstellung der
Wertehierarchie und ein ununterbrochenes Bemühen zu
schaffen, können dem modernen Rumänien einen anderen
geschichtlichen Sinn geben. Es wird also abzuwarten sein, wie
viele von Ihnen die Stärke haben werden, bis zum Schluß ihre
Mission nicht zu verraten.
(Raboj, 21.12.1935)

Wir möchten auch noch etwas anderes hören als nur die ewige
Unterscheidung von "Rechts und Links", proletarischer und
nationaler Revolution (als ob eine wahre Revolution nicht immer
ein und dieselbe sei, einfach des Menschen, der Seele). Wollt
ihr Revolution? Sehr gut. Wer will sie nicht? Aber es gibt so viele
revolutionäre Impulse, die seit Tausenden von Jahren darauf
warten in die Praxis umgesetzt zu werden. Der Menschensohn
stieg doch deshalb herab, um uns die ständige Revolution zu
lehren, die Revolution gegen die alte Ökonomie - der
materiellen, persönlichen, dunklen Interessen -, und uns die
neue Ökonomie der Barmherzigkeit, der Hoffnung, der Liebe zu
lehren. Wem von uns ist es gelungen, diese menschliche
Revolution zu verwirklichen? Wer war so verrückt, so
revolutionär, sein Stück Brot seinem Nächsten zu geben, seinen
Stolz durch Erniedrigung zu verletzen, hinter sich die Brücken
abzureißen, und für eine Idee oder einen Glauben auf alles zu
verzichten?
... Revolution? Warum nicht? Denn jeder Mensch, der seinen
Leben einen Sinn geben möchte, wird zur Revolution geboren.
Erinnern wir uns aber daran, daß die wahre Revolution (nicht die
politisierende Pseudo-Revolution, nicht der Wechsel der Herren
und Bojaren) aus einer seelischen Überfülle entspringt, aus
einer biologischen und heiligen Wut gegen Lüge,
Ungerechtigkeit, Heuchelei, aus einem heidnischen Durst nach
neuem Leben, nach einem neuen Menschen , nach einer neuen
Welt.
... Der neue Mensch bedeutet vor allem ein völliges Loslösen
von der Heuchelei und Feigheit der Gesellschaft, in der wir
leben, er ist ein junger Mensch, an nichts gebunden, ohne Angst
und Makel, die Augen auf die Zukunft und nicht auf die Praktiken
der Vergangenheit gerichtet. Ich würde gern einen Revolutionär
treffen, der zuerst die Revolution bei sich zu Hause und in seiner
Seele gemacht hat, der keinen Ehrgeiz kennt, keine Reichtümer
besitzt, auf Bequemlichkeit, auf die Mythologie der Straße und
auf die Unwissenheit der Ahnen verzichtet. Zeigen Sie mir ihn -
eine Seele, bereit für jede Erneuerung, ohne Strategie und
Politik, ohne Geld und Ehrgeiz.
(Vremea, 10.6.1934)

Heute steht die ganze Welt unter dem Zeichen der Revolution.
Aber während diese Völker diese Revolution im Namen des
Klassenkampfes und des Primates der Wirtschaft
(Kommunismus), des Staates (Faschismus) oder der Rasse
(Hitlerismus) leben, wurde die legionäre Bewegung unter dem
Zeichen des Erzengels Michael geboren, und sie wird durch die
göttliche Gnade siegen. Deshalb ist die legionäre Revolution
geistig und christlich, während alle anderen gegenwärtigen
Revolutionen politisch sind. Während alle gegenwärtigen
Revolutionen zum Ziel haben, durch eine soziale Klasse oder
einen Menschen die Macht zu ergreifen, so verfolgt die legionäre
Bewegung als oberstes Ziel die Erlösung des Volkes, die
Versöhnung des rumänischen Volkes mit Gott, wie der Capitan
sagte. Deshalb unterscheidet sich der Sinn der legionären
Bewegung von allen anderen Bewegungen, die bis heute in der
Geschichte entstanden sind, und der Sieg der legionären
Bewegung wird die Wiederherstellung der Tugenden unseres
Volkes, ein tüchtiges, würdiges und starkes Rumänien mit sich
bringen - und einen neuen Menschen schaffen, entsprechend
einem neuen Typus des europäischen Lebens.
(Buna Vestire, 17.12.1937)

Alle Zitate - mit wenigen Korrekturen - aus: Hannelore Müller,
Der frühe Mircea Eliade. Münster 2004.

06:25 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Le blog de Clément Rosset : à lire

Le blog de Clément Rosset

Clément Rosset est un philosophe qui m'a marqué profondément, surtout sa logique du pire et son anti-nature, qui m'ont aidé à ne pas succomber aux optimismes béats, sans pour autant cultiver un pessimisme de sinistrose, et ensuite à me méfier, me défier des arrière-mondes des philosophes du non-vécu. J'ai eu l'occasion, déjà, de dire ce qu'il nous avait apporté, dans un entretien accordé à Marc Lüdders. Armin Mohler, lui aussi, avait saisi la pertinence de ce philosophe français. C'est donc avec une joie, que je veux vous faire partager, que je vous signale ici l'existence de son blog, contenant des textes de grande valeur, dont celui-ci, intitulé: "Le nietzschéisme de Clément Rosset" (http://clementrosset.blogspot.com/2006/05/le-nietzschisme-de-clment-rosset.html ).

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Faustische Suchbewegung

Faustische Suchbewegung

Kritik der Globalökonomie: Was uns vor intellektueller Zahnlosigkeit bewahrt
 

Wolfgang Saur

Vor wenigen Tagen konnte man eine kleine Schar beobachten, die angeregt das Weserbergland durchstreifte. Man schlenderte die Höhenzüge entlang, durchmaß mit Blicken die weit sich hinziehende Landschaft und versammelte sich zu Gespräch und Debatte.

Eine alte Dame hält plötzlich inne und spricht nachdenklich über Heidegger, der engagierte Anthroposoph erläutert Steiners Modell vom dreigliedrigen Sozialorganismus, vorneweg strebt der rüstige Greis, er streut ironische Lichter und macht vieldeutige Anmerkungen zur Lage Rußlands; schließlich verblüfft die literarische Lebensreise des Althippies von Charles Bukowski zu Céline. Neben mir geht ein genialischer Junge, dessen sprühender Idealismus exotisch wirkt bei einem Angehörigen der Hip-Hop-Generation. Als sei der sagenhafte "deutsche Jüngling" zurückgekehrt, entrollt er leidenschaftlich das Weltbild von Ludwig Klages. Wir sprechen von Stefan George, vom "geheimen Deutschland" und der "kosmischen Runde".

Die Rede ist von den Teilnehmern der 10. Synergon-Sommerakademie, die fünf Tage lang, vom 23. bis 28. August, auf einem ländlichen Gutshof tagte. Der Studienzirkel, dessen europäisches Zentrum in Brüssel, dessen deutscher Kristallisationspunkt im Kreis um den Dresdener Verlag Zeitenwende und das Esoterikmagazin Hagal liegen, tagt abwechselnd in den verschiedenen europäischen Regionen. Diese platonische Akademie unserer Zeit ist nicht ortsgebunden, sondern ebenso beheimatet unter provenzalischen Bauern wie zwischen den Kunstdenkmälern Umbriens. Sokratischer Kopf des Unternehmens: der Brüsseler Robert Steuckers, der als intellektueller Trapezkünstler moderierend und übersetzend diese mehrsprachigen Tagungen überhaupt erst ermöglicht.

Deren Horizont umfaßte in diesem Sommer 16 Vorträge von 11 Experten aus Deutschland und Frankreich mit einer thematischen Streuung von der aktuellen weltpolitischen Lage bis zur Symbolkunde. Eingebettet waren alle Referate in umfangreiche Diskussionen im Plenum; sie wurden dann in zahlreichen Privatgesprächen fortgeführt bis in die späte Nacht. Angesichts der Funktionalisierung von Wissen in der Informationsgesellschaft kann solch eine gemeinschaftliche Besinnung für die größtmögliche Freiheit gelten, die es heute überhaupt gibt. Völlig zweckfrei konnte sich der Geist hier ungehindert entfalten, weit hinaus über den interdisziplinären Spielraum des akademischen Betriebs. Trotz divergierender Themen besaß man Spannkraft genug, jedes Detail energisch festzuhalten, um ebenso leidenschaftlich zu fahnden nach dem verlorenen Ganzen. Diese faustische Suchbewegung erwies sich als die eigentliche Triebkraft der Tagung.

Nachdem die Linke gleichgeschaltet ist und ihre vormaligen Symbolfiguren zu "Systemstützen" wurden, geht die Ideologiekritik zur Rechten über. Dieser obliegt es nun, den seifigen Politsprech der neototalitären "Metasprache" der Demokratie mit ihren neuen Götzen und Fetischen kritisch zu sondieren und hinter den obszönen "Sakralisierungen" von Globalität, Markt, Moral etc. den tristen Funktionalismus der Macht aufzuweisen.

Dazu gehört die Dekonstruktion von Segensformeln des westlichen Heilswissens, wie sie in der Herrlichkeit individueller Freiheit oder dem gnadenbringenden Universalismus der USA täglich um uns weben und schweben. Deren Schlüsselrolle darf nicht nur als politischer Unilateralismus und kulturökonomischer Imperialismus interpretiert, sondern muß auch philosophisch erfaßt werden. Entgegen der fortgeschrittenen "Depression" Europas (Neujahr) sind nämlich Amerikas Optimismus und säkular-mythische Phantasie ungebrochen. Die "einzige aktuelle primitive Gesellschaft" erkennt hier Jean Baudrillard: "Die idyllische Überzeugung der Amerikaner, der Nabel der Welt, Weltmacht und absolutes Modell zugleich zu sein, ist nicht ganz falsch. Sie gründet sich ... auf die seltsame Behauptung, die reine Utopie zu verkörpern." Mit größter "Naivität hat sich diese Gesellschaft auf die Idee versteift, die Verwirklichung all dessen zu sein, wovon andere immer geträumt haben: von Gerechtigkeit, Überfluß, Recht, Reichtum und Freiheit; sie weiß es, sie glaubt es, und zuletzt glauben es alle anderen auch."

Auch der Individualismus als liberales Dogma ist heute eine Ubiquität. In Frage stellt ihn allerdings die Einsicht, daß sich "Freiheit" qua Autonomisierung modern in Systemen, nicht über die Person vollzieht. Diese wird, gerade umgekehrt, depotenziert zum disponiblen Sozialatom. Als leere Subjektivität mag sie sich aufblähen. Abgelöst von Natur, Geschichte und Transzendenz muß sie die, für den Widerstand in der Gegenwart notwendige Tiefenstruktur entbehren. Damit sind zwei Leitmotive genannt, die den Tagungsverlauf perspektivisch durchstrukturierten.

Nach grundsätzlichen Überlegungen Martin Baluses' ("Das vielfältige Selbst des Menschen") gab Robert Steuckers in Referaten zur kulturellen Münchner Frühmoderne und Berliner Zwischenkriegszeit historische Anwendungen. Als Beispiele von ideologischem Nonkonformismus konnten das Satiremagazin Simplicissimus (1896-1944) und der deutsch-russische Dialog zur Geopolitik gelten. Die rote Bulldogge des Simplicissimus symbolisiert für Steuckers das Modell einer Kunst als Waffe und den "wahren Sinn der Metapolitik".

Anders die Kultur der französischen Moralisten des grand siècle, die den Hintergrund bildeten für zwei Beiträge zur Postmoderne. Der kroatische Politologe Tomislav Sunic zeigte Schopenhauers Epistemologie als Wurzel postmodernen Denkens auf, dessen Pessimismus und Perspektivismus im "normativen Notstand" besonders gut der Wahlpariser Emile Cioran (1911-1995) verkörpert hat.

Einem Hauptthema Mircia Eliades widmete sich Markus Fernbach ("Das Wesen der Mitte - Kaisertum und Königtum in der Tradition"), besonders dem metaphysischen Aspekt nach. Vor dem leuchtenden Hintergrund platonischer Urbilder nehmen sich heutige Monarchisten mit ihrem Konstitutionalismus allerdings naiv aus, im tieferen Sinn unfähig, dem waste land der "schrecklichen, kaiserlosen Zeit" substantiell etwas entgegenzustellen. Wichtig in Fernbachs Erörterung: der anthropologische Hinweis auf das initiatische Projekt einer Selbst-Zentrierung als persönliche Lebensaufgabe. Dies beschäftigt auch Oliver Ritter, der erst kürzlich eine Monographie über Männlichkeit in initiatischer Sicht im Verlag Zeitenwende vorgelegt hat. Auf der Tagung philosophierte er am Leitfaden der Metaphysik-, und Technikkritik Heideggers tiefgründig über "Die Magie des Wortes und der Sprache". Von einer Theorie der Weltgründung durch Sprache aus, arbeitete er gegenüber dem semantischen Aspekt des Wortes dessen Lautgestalt als lebensspendenden Ursprung, als heilige Schwingung heraus, was Leopold Zieglers Grabinschrift treffend ausdrückt: "Ich habe gehorcht."

Sven Henklers Beitrag zur Spiritualität des Kriegers in West und Ost rückte auch die verzerrte Vorstellung vom "Djihad" zurecht. Wörtlich heißt das: "Anstrengung", wobei nur der "kleine Krieg" den militärischen Kampf, der "heilige, große" indes die asketische Anstrengung gegen das niedere Ich meint.

Politkritisch dagegen fiel die Perspektive Hermann Jungs auf den subkontinentalen Islam aus. Sein Vortrag über die indischen Massenmedien kam zu dem verblüffenden Befund einer, gegenüber der hinduistischen Mehrheitsbevölkerung feindlichen Intellektuellenposition.

Daß solche Konstellationen auch von außen induziert sein können, wurde in den scharfsinnigen Beiträgen von Philippe Banoy klar, deren erster sich mit psychologischer Kriegsführung, Manipulation etc. befaßte und einige Mittel der Subversion analysierte, die als komplexe Realitätsfaktoren im Hinblick auf den eigenen Standort diskussionsweise auch Heiterkeit auslösten. Daran schloß sich sein Porträt des klassischen Strategen und Kriegstheoretikers Antoine Jomini (1779-1869) an, des französischen Clausewitz, und dessen Hauptwerks: "Abriß der Kriegskunst" (1838). Historisch weitblickend dabei Jominis Analyse der napoleonischen Ära. Er begreift sie als Abschied von der Vergangenheit, als Paradigmenwechsel, der dem Adel als Kriegerkaste ein Ende setzt und die Kriegsführung professionalisiert, industrialisiert und totalisiert, sich damit als Keim des Ersten Weltkrieges entpuppt.

Den totalitären Charakter der modernen Diktaturen bekamen auch "Hitlers rechte Gegner" zu spüren. So der Titel einer zeitgeschichtlichen Studie von JF-Autor Claus-M. Wolfschlag (1995). Sein Referat nun stellte den im Herbst ebenfalls im Verlag Zeitenwende erscheinenden neuen Interview-Band: "Augenzeugen der Opposition. Gespräche mit Hitlers rechten Gegnern" vor, eine lebendige Dokumentation als Supplement zur systematischen Untersuchung.

Kritik der heutigen Globalökonomie erwies sich als konstitutives Motiv aller Beiträge. Ein Vorläufer, zumal Gegner der klassischen Dogmen war John Maynard Keynes (1883-1946), der von Frédéric Valentin präsentiert wurde, einer guten Synergon-Tradition folgend, die jedes Jahr einen Klassiker der Ökonomie aufarbeitet. Besonders hellsichtig erscheinen seine Kritik an Versailles (1919) und in Bretton Woods (1945), wo die USA seine Beschränkungswünsche ablehnten und sich mit dem Prinzip der totalen Freiheit für Kapitalbewegungen durchsetzten. Valentin gehörte auch das letzte Wort mit einem Vortrag über Entwicklungen der heutigen Weltökonomie (Ausbreitung der informellen Sphäre und mafioser Strukturen, Bedeutungszuwachs der Diaspora).

Robert Steuckers, fern aller Betulichkeiten, ist ein begnadeter Vollblutintellektueller, wuchtig und zupackend im Denken, das bei ihm gleichsam als körperlicher Vorgang von ursprünglicher Vitalität erscheint. Sein kreativer Imperativ, "aggressiv und pfiffig statt muffig", artikuliert den anarchischen Impuls aller Nonkonformisten seit 200 Jahren.

Zeitschrift "Simplicissimus" (1908): "Mag der Wind von rechts blasen oder von links, für meine Mühle weht er immer günstig"

Weitere Informationen im Internet: www.verlag-zeitenwende.de .

05:45 Publié dans Synergies européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook