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mercredi, 23 mai 2007

Sur Josef Nadler

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Sur Josef Nadler

23 mai 1884: Naissance à Neudörfl en Bohème du Professeur de littérature allemande Josef Nadler, qui développera une approche régionale et provinciale de l’histoire littéraire allemande. Pour le Prof. Nadler, chaque auteur possède dans son style et dans le choix de ses thématiques un cachet régional, propre à la “tribu” de son territoire d’origine. Auteur d’une histoire de la littérature allemande en quatre volumes, où il démontre le caractère sub-national de chaque aspect de la littérature et l’importance du terroir, il appliquera sa méthodologie à la littérature de la Suisse alémanique. Une méthode qui pourrait bien évidemment s’appliquer aux autres littératures européennes et non européennes. Armin Mohler compte Josef Nadler parmi les exposants scientifiques de la “révolution conservatrice”. Josef Nadler fera carrière après 1945 à Vienne.

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Ewald Banse: géographe allemand

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Ewald Banse: géographe allemand

23 mai 1883: Naissance à Brunswick (Braunschweig) du géographe allemand Ewald Banse, dont l’œuvre a eu un impact considérable sur le développement de la géopolitique moderne. Il a notamment développé l’idée d’une “psychologie née du paysage” (Landschaftseelenkunde), puis s’est penché sur le “géopolitique défensive”, la Wehrgeopolitik, sur laquelle l’école de Karl Haushofer publiera bon nombre d’ouvrages à grand tirage.

L’un d’entre eux sera saisi par les autorités nationales-socialistes en novembre 1933. La raison de cette action de censure est vraisemblablement due, écrit Armin Mohler, à l’impact, jugé négatif, de cet ouvrage à l’étranger. Il avait suscité la riposte d’un Lieutenant-Colonel français, Henry Melot, qui publiera en un volume ses réponses au Docteur Banse en 1934. Cette polémique, dans les cercles militaires et géopolitiques, en France et en Allemagne, indique, de fait, l’importance politique de l’œuvre de Banse, l’un des maîtres à penser de Karl Haushofer. Une polémique qui mériterait d’être réétudiée aujourd’hui, car elle éclairerait nos contemporains sur les prolégomènes(*) de la seconde guerre mondiale, au-delà de toutes les vérités de propagande qui continuent à pervertir le débat.

(*) prolégomènes : Ensemble de notions préliminaires nécessaires à l’étude d’une science, d’une question particulière.

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Prince de Ligne

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Sur le Prince Charles-Joseph de Ligne

23 mai 1735: Naissance à Bruxelles du Prince Charles-Joseph de Ligne. Dès l’âge de 17 ans, le jeune Prince des Pays-Bas méridionaux s’engage dans les armées impériales autrichiennes, carrière qui le conduira en 1808 à obtenir le grade de Feldmarschall. Il se distinguera surtout dans la Guerre de Sept Ans et dans la guerre de Succession de Bavière.

Toute sa vie, il restera un loyaliste. Nommé ambassadeur autrichien auprès de Catherine II à Saint-Pétersbourg, il encouragera la conquête de l’Ukraine littorale et de la Crimée contre les Turcs et fera appel à la création d’une nouvelle Sainte-Alliance, capable de bousculer définitivement l’envahisseur ottoman hors des terres européennes et helléniques. Il combattra dans les rangs autrichiens et russes contre les Turcs de 1787 à 1792, contribuant à chasser définitivement ceux-ci de la rive septentrionale de la Mer Noire.

Obligé de quitter les Pays-Bas à la suite de la révolte délirante des Statistes intégristes catholiques et des Vonckistes (illuminés libéraux), il se réfugie à Vienne, où il restera jusqu’à sa mort en 1814, car les Pays-Bas du Sud seront envahis par les hordes de sans-culottes à partir de 1792, plongeant le pays dans une misère morale dont il n’est plus jamais ressorti. La légèreté et la grâce de l’écriture du Prince de Ligne n’ont évidemment pas leur place dans un monde dominé par des catholiques bornés ou des illuminés maçonniques, dont les seules préoccupations sont de médiocres agitations politiciennes (Robert Steuckers).

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mardi, 22 mai 2007

Note sur Wilhelm Stapel

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Note sur Wilhelm Stapel

 

Né le 27 octobre 1882 à Calbe dans l'Altmark et décédé le 1 juin 1954 à Hambourg, Wilhelm Stapel était un écrivain politique, issu d'une famille de la petite classe moyenne. Après avoir achevé des études de bibliothécaire et avoir passé son "Abitur" (équivalent allemand du "bac"), il fréquente les universités de Göttingen, Munich et Berlin et obtient ses titres grâce à un travail en histoire de l'art. Au départ, vu ses orientations politiques, il semble être attiré par le libéralisme, mais un libéralisme de facture spécifique: celui que défendait en Allemagne Friedrich Naumann. Son idée du nécessaire équilibre entre "nation" et "société" le conduit à rencontrer Ferdinand Avenarius et son "Dürer-Bund" (sa "Fédération Dürer") en 1911. Un an plus tard, Stapel devient rédacteur de la revue de cette fédération, Der Kunstwart. Il a conservé cette fonction jusqu'en 1917. A la suite d'une querelle avec Avenarius, Stapel réalise un vœu ancien, celui de passer à une activité pratique; c'est ainsi qu'il prend la direction du "Hamburger Volksheim" (le "Foyer du Peuple de Hambourg"), qui se consacrait à l'éducation de jeunes issus de milieux ouvriers.

 

A ce moment-là de son existence, Stapel avait déjà entretenu de longs contacts avec le "Deutschnationaler Handlungsgehilfenverband" ("L'Association Nationale Allemande des Employés de Commerce"), et plus particulièrement avec sa direction, regroupée autour de M. Habermann et de Ch. Krauss, qui cherchaient un rédacteur en chef pour la nouvelle revue de leur association, Deutsches Volkstum. A l'automne 1919, Stapel quitte son emploi auprès du Volksheim et prend en mains l'édition de Deutsches Volkstum (à partir d'avril 1926, il partagera cette fonction avec A. E. Günther). Stapel transforme cette revue en un des organes de pointe de la tendance révolutionnaire-conservatrice. Il s'était détaché de ses anciennes conceptions libérales sous la pression des faits: la guerre d'abord, les événements de l'après-guerre ensuite. Comme la plupart des Jungkonservativen (Jeunes-Conservateurs), son attitude face à la nouvelle république a d'abord été assez élastique. Il était fort éloigné de l'idée de restauration, car il espérait, au début, que la révolution aurait un effet cathartique sur la nation. La révolution devait aider à organiser le futur "Etat du peuple" (Volksstaat) dans le sens d'un "socialisme allemand". Dans un premier temps, Stapel sera déçu par la rudesse des clauses du Traité de Versailles, puis par la nature incolore de la nouvelle classe politique. Cette déception le conduit à une opposition fondamentale.

 

Bon nombre de ses démarches conceptuelles visent, dans les années 20, à développer une critique de la démocratie "occidentale" et "formelle", qui devait être remplacée par une démocratie "nationale" et "organique". D'une manière différente des autres Jungkonservativen, Stapel a tenté, à plusieurs reprises, de proposer des esquisses systématiques appelées à fonder une telle démocratie. Au centre de ses démarches, se plaçaient l'idée d'une constitution présidentialiste, le projet d'un droit de vote différencié et hiérarchisé et d'une représentation corporative. Pendant la crise de la République de Weimar, Stapel a cru, un moment, que les "Volkskonservativen" (les "conservateurs populaires") allaient se montrer capables, notamment avec l'aide de Brüning (qui soutenait la revue Deutsches Volkstum), de réaliser ce programme. Mais, rapidement, il s'est aperçu que les Volkskonservativen n'avaient pas un ancrage suffisant dans les masses. Ce constat a ensuite amené Stapel à se rapprocher prudemment des nationaux-socialistes. Comme beaucoup de Jungkonservativen, il croyait aussi pouvoir utiliser la base du mouvement de Hitler pour concrétiser ses propres projets; même dans les premiers temps de la domination nationale-socialiste, il ne cessait d'interpréter le régime dans le sens de ses propres idées.

 

On trouve une explication aux illusions de Stapel surtout dans son ouvrage principal, paru en 1932 et intitulé Der christliche Staatsmann ("De l'homme d'Etat chrétien"), avec, pour sous-titre "Eine Theologie des Nationalismus" ("Une théologie du nationalisme"). Tout ce texte est marqué par une tonalité apocalyptique et est entièrement porté par un espoir de rédemption intérieure. Stapel, dans ce livre, développe la vision d'un futur "Imperium Teutonicum", appelé à remodeler le continent européen, tout en faisant valoir ses propres principes spirituels. Il y affirme que les Allemands ont une mission particulière, découlant de leur "Nomos", qui les contraint à apporter au monde un ordre nouveau. Cette conception, qui permet à l'évidence une analogie avec la revendication d'élection d'Israël, explique aussi pourquoi Stapel s'est montré hostile au judaïsme. Dans les Juifs et leur "Nomos", il percevait un adversaire métaphysique de la germanité, et, au fond, le seul adversaire digne d'être pris au sérieux. Mais Stapel n'était pas "biologisant": pendant longtemps, il n'a pas mis en doute qu'un Juif pouvait passer au "Nomos" germanique, mais, malgré cela, il a défendu dès les années 20 la ségrégation entre les deux peuples.

 

Le nationalisme de Stapel, et son anti-judaïsme, ont fait qu'il a cru, encore dans les années 30, que l'Etat national-socialiste allait se transformer dans le sens qu'il préconisait, celui de l'idéologie "volkskonservativ". C'est ainsi qu'il a défendu l'intégrité de Hitler et manifesté sa sympathie pour les "Chrétiens allemands". Cela lui a valu de rompre non seulement avec une bomme partie du lectorat de Deutsches Volkstum, mais aussi avec des amis de combat de longue date comme H. Asmussen, K. B. Ritter et W. Stählin. Ce n'est qu'après les pressions d'Alfred Rosenberg et du journal Das Schwarze Korps que Stapel a compris, progressivement, qu'il avait succombé à une erreur. La tentative de son ancien protégé, W. Frank, de lui procurer un poste, où il aurait pu exercer une influence, auprès de l'"Institut pour l'Histoire de la Nouvelle Allemagne" (Reichsinstitut für die Geschichte des neuen Deutschlands), a échoué, après que Stapel ait certes insisté pour que les Juifs soient séparés des Allemands, mais sans accepter pour autant qu'ils perdent leurs droits de citoyens ni qu'ils soient placés sous un statut de minorisation matérielle. Le pogrom du 9 novembre 1938 lui a appris définitivement qu'une telle option s'avérait désormais impossible. A cette époque-là, il s'était déjà retiré de toute vie publique, en partie volontairement, en partie sous la contrainte. A la fin de l'année 1938, il abandonne la publication de Deutsches Volkstum (la revue paraîtra par la suite mais sans mention d'éditeur et sous le titre de Monatsschrift für das deutsche Geistesleben, soit "Mensuel pour la vie intellectuelle allemande").

 

Sa position est devenue plus critique encore lors de la crise des Sudètes et au moment où s'est déclenchée la seconde guerre mondiale: il s'aperçoit, non seulement qu'il s'est trompé personnellement, mais que le système politique dans son ensemble vient d'emprunter une voie fatale, qui, dans tous les cas de figure, conduira au déclin de l'Allemagne. Par l'intermédiaire de Habermann, qui avait des relations étroites avec C. F. Goerdeler, il entre en contact en 1943 avec certains cercles de la résistance anti-hitlérienne. Beck aurait estimé que le livre de Stapel, paru en 1941 et intitulé Drei Stände ("Trois états"), était capital pour la reconstruction de l'Allemagne. Mais ce lien avec la résistance allemande n'a pas servi Stapel après la guerre, même si J. Kaiser et Th. Heuss avaient tous deux signé pour lui des attestations garantissant sa parfaite honorabilité. On a limité de manière drastique après la guerre ses possibilités de publier. Pour s'adresser à un public relativement large, il n'a pu, après 1945, qu'utiliser le "Deutsches Pfarrerblatt" ("Journal des pasteurs allemands"), qu'éditait son ami K. B. Ritter.

 

Son dernier livre Über das Christentum ("Sur le christianisme"), paru en 1951, constitue un bilan somme toute résigné, montrant, une fois de plus, que la pensée de Stapel était profondément marquée par la théologie et le luthérianisme.

 

Dr. Karlheinz WEISSMANN.

(entrée parue dans: Caspar von SCHRENCK-NOTZING (Hrsg.), Lexikon des Konservatismus, L. Stocker, Graz, 1996, ISBN 3-7020-0760-1).

 

 

 

 

 

Saddam éliminé parce qu'il voulait facturer en euro

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Gerhoch REISEGGER :

Saddam a été éliminé parce qu'il voulait facturer son pétrole en euro et non plus en dollars!

Gerhoch REISEGGER est conseiller d'entreprise indépendant actuellement. Précédem­ment, il a connu une carrière de chef d'entreprise dans le domaine de l'informatique. Il a été le directeur du marketing d'une filiale autrichienne d'un consortium américain d'ordinateurs. Il est officier de réserve dans l'armée fédérale autrichienne. Il a étudié la physique à la “Technische Universität” de Vienne. Il a fait de longs séjours profes­sion­nels à l'étranger, surtout dans le domaine de l'informatique. Depuis quelques années, il déploie une grande activité de publiciste et de conférencier sur les thèmes de l'économie mondiale et de la géopolitique. Il a notamment pris la parole lors de congrès inter­nationaux de l'«Académie Russe des Sciences». Le thème de sa conférence de 2001 était: « Sur la situation géopolitique dix après l'effondrement de l'Union Soviétique ». Il a aussi participé au congrès international sur la globalisation et les problèmes de la nou­velle histoire, en 2002 à Moscou. Il a participé à plusieurs universités d'été et sé­minaires de “Synergies Européennes”, notamment à Sababurg en novembre 1997, à Trente en 1998 et à Pérouse (Perugia) en 1999. Il a participé à l'organisation d'un symposium à l'U­niversité des Saints Cyril et Méthode à Thyrnau/Trnava, sur l'Europe centrale, l'Union Européenne et la globalisation (novembre 2000). Ses contributions sont parues dans de nombreuses revues à Munich, Graz, Vienne, Berlin, Belgrade, Bruxelles, Sofia, Moscou et Bruges. Il est également le fondateur de la Société Johann Heinrich von Thünen en Au­triche, dont les objectifs sont de promouvoir de nouveaux projets dans les domaines de l'agriculture, de la sylviculture et de l'économie politique en général. Il est le président de cette société depuis 1996. Ces dernières années, Gerhoch Reisegger a effectué de nom­breux voyages d'étude en Macédoine, en Serbie, en Croatie, en Bosnie-Herzégovine, en Slovaquie, en Hongrie et en Grèce. Il s'intéresse tout particulièrement à l'histoire po­li­tique et économique des Balkans et des pays d'Europe centrale et orientale.

Les extraits, traduits ci-dessous, sont extraits de son livre intitulé Wir werden schamlos irregeführt ! Vom 11. September zum Irak-Krieg, Hohenrain, Tübingen, 2003, ISBN 3-89180-068-1, pp. 293 à 308.

En novembre 2000, l'Irak décide de vendre son pétrole contre des euro, ce qui a eu pour effet immédiat la reprise des bombardements par les Anglo-Américains. La Malaisie semblait prête à le suivre dans cette voie. Quant à la Russie, elle cherchait à forger une alliance stratégique sur base de l'énergie, non seulement avec l'UE mais aussi avec d'autres puissances du continent eurasiatique. Ce remaniement planétaire aurait évidemment eu pour effet immédiat de mettre un terme à la politique du “pétrole libre”, dont les Etats-Unis sont les premiers bénéficiaires, parce que le pétrole est facturé en dollars, lesquels sont accumulés à des fins spéculatives. Les Etats-Unis n'auraient plus pu faire pression sur les autres puissances en arguant de leurs privilèges, dont ils jouissent parce qu'ils émettent la devise servant à l'achat des hydrocarbures. C'est ainsi qu'ils ont établi leur puissance dans le monde. Mais, si le projet de Saddam Hussein et des Malais, voire des Russes, aboutissait, la fin de l'hégémonie américaine deviendrait à terme une certitude. A la condition, bien sûr, que l'UE accepte ce nouveau jeu sans être sabotée par la Grande-Bretagne (or ce sabotage est parfaitement prévisible, vu l'attitude prise par Blair dans le conflit contre l'Irak).

Un contrôle monopolistique sur les sources d'énergie dans le monde

Nous avons derrière nous cent années de domination anglo-saxonne dans le domaine du pétrole. Rappelons quelques faits historiques : le tandem germano-ottoman s'oppose à l'Angleterre lors de la construction de la ligne de chemin de fer Berlin-Bagdad, ce qui induit Londres à déclencher la première guerre mondiale. Après la seconde guerre mondiale, les assassins d'Enrico Mattei et du Roi Faysal d'Arabie Saoudite empêchent in extremis l'abandon du dollar par les Arabes et l'alliance euro-arabe. En 1990, l'Irak tombe dans le piège : l'ambassadrice américaine April Glaspie fait savoir à Saddam Hussein que toute invasion irakienne du Koweit serait une affaire arabo-arabe, dans laquelle les Etats-Unis ne prendraient pas position. Cette ruse a permis de déclencher une guerre contre l'Irak sans avoir à demander au Congrès américain d'avaliser une guerre d'agression. Au même moment, des forces secrètes provoquent la dissolution de l'Union Soviétique, puis de la CEI, puis de la Fédération de Russie, en favorisant l'émergence de nouveaux Etats “indépendants”, aussitôt reconnus, dans la “ceinture pétrolière” autour du Caucase. L'objectif est identique, comme le souligne sans vergogne Zbigniew Brzezinski dans Le grand échiquier. Cet objectif est le suivant : exercer au bénéfice des Etats-Unis un contrôle monopolistique sur les sources d'énergie dans le monde.

Le geste de Saddam Hussein, s'il avait réussi, aurait porté au dollar un coup fatal et donné à l'euro l'élan qui lui manquait. Personne ne semble avoir analysé les choses dans cette perspective. Pourtant d'autres indices corroborent notre vision : lorsque les Allemands et les Russes avaient envisagé la création d'une alliance monétaire germano-russe, Alfred Herrhausen, impulseur de cette idée, l'a payé de sa vie en 1989 (…). Examinons la situation de manière plus précise. Que s'est-il passé au cours de ces récentes années, de manière occultée? Les médias américains taisent le véritable motif de la guerre contre l'Irak : il s'agit d'imposer leur devise dans les transactions pétrolières. Le gouvernement américain veut empêcher à tout prix que les pays de l'OPEC suivent l'exemple de l'Irak et prennent l'euro pour devise de ces transactions. Ce serait la fin de l'hégémonie américaine. Comme l'Irak dispose des secondes réserves mondiales en quantité, les Etats-Unis, pour des raisons stratégiques évidentes, veulent s'emparer de celles-ci afin de briser le cartel de l'OPEC en exploitant à fond les réserves irakiennes. Toute autre solution aurait fait courir de hauts risques à l'économie américaine, car celle-ci repose entièrement sur la domination du dollar dans les transactions pétrolières et en tant que devise de réserve. Les Etats-Unis ont pu, jusqu'ici, satisfaire leurs appétits pétroliers démesurés : grâce à leur privilège, qu'ils détiennent depuis 1945, les Etats-Unis produisent des dollars (“fiat money”) et le reste du monde doit leur fournir des marchandises contre ces pétro-dollars.

Saddam Hussein avait promis de facturer son pétrole en euro

Mais, à partir du moment où Saddam Hussein promet de facturer son pétrole en euro, les Etats-Unis savent qu'ils ne pourront plus mobiliser une coalition internationale contre lui, comme ils l'avaient fait auparavant. Plus personne, dans les chancelleries et chez les véritables décideurs, ne croyait la propagande américaine, arguant que “Saddam cherchait à jouer le monde”, alors qu'il satisfaisait à toutes les demandes de l'ONU et que les 300 inspecteurs des Nations Unies, déployés en Irak, n'avaient strictement rien trouvé comme “armes de destruction massive”. Malgré toute la rhétorique qu'ils ont utilisée, Bush et la CIA ne sont pas parvenu à faire croire au monde que Saddam Hussein et Al Qaida étaient de mèche.

La seule raison de faire tomber Saddam Hussein résidait dans sa décision de novembre 2000, de facturer le pétrole en euro et non plus en dollar. En prenant cette décision, son sort était scellé. Bush, un obligé de l'industrie pétrolière, partageait avec ces dernières un projet géostratégique clair, qui nécessitait le déclenchement d'une deuxième guerre du Golfe, sur des prétextes entièrement “fabriqués”, s'il le fallait. Qui plus est, l'Irak a changé en euro ses réserves de 10 milliards de dollars qu'il avait placées auprès de l'ONU, dans le cadre du programme “nourriture contre pétrole”. Cette guerre n'a donc rien à voir avec les aspects dictatoriaux du régime de Saddam Hussein ou avec la détention d'armes de destruction massive. Son objectif premier est d'intimider les pays de l'OPEC, qui, s'ils suivaient le programme de Saddam Hussein, risqueraient de se voir infliger le même sort. Il s'agit bien entendu de les empêcher de suivre ce “mauvais exemple” irakien. Saddam Hussein s'est décidé pour l'euro au moment où celui-ci valait 0,80 dollar. C'est ce qui explique pourquoi le dollar à perdu 20% de sa valeur par rapport à l'euro depuis la fin de l'année 2002 (cf. Charles Recknagel, « Iraq : Baghdad Moves to Euro », http://www.rferl.org/nca/features/2000/11/01112000160846.asp ).

Que ce serait-il passé si l'OPEC avait brusquement adopté l'euro? Tous les Etats exportateurs de pétrole et leurs banques centrales auraient dû changer leurs réserves de devises en euro et abandonner le dollar. Le dollar aurait perdu automatiquement la moitié de sa valeur, avec toutes les conséquences que cela aurait entraîné pour l'économie américaine, c'est-à-dire une épouvantable inflation. Les investisseurs étrangers ayant acheté des actions et des titres libellés en dollars, s'empresseraient de s'en débarrasser, provoquant une prise d'assaut des banques comme dans les années 30. Le déficit américain en commerce extérieur, qui est énorme, ne pourrait plus être maintenu en équilibre. L'Etat américain serait de facto en faillite. La double crise russe et latino-américaine scellerait le sort de la première puissance militaire mondiale.

La priorité : éviter le crash définitif du dollar

Les choses semblent claires : le problème du pétrole dépasse de loin la problématique soulevée par l'Irak de Saddam Hussein, et englobe l'Iran, l'Arabie Saoudite et le Venezuela. Le danger pour le dollar est si grand que même les problèmes actuels de l'économie américaine peuvent attendre; la priorité est d'éviter le crash définitif du dollar, qui serait irrémédiable si l'OPEC adopte l'euro. Le rôle de la Russie, de l'Inde et de la Chine dans le “grand jeu” est parfaitement clair aussi : le territoire de ces trois puissances occupe le “pont terrestre” eurasien, autrement dit, dans les termes mêmes de Brzezinski, la “nouvelle route de la soie”. La domination de l'espace eurasien semble plus solide que la domination exercée via le dollar. Jusqu'à présent, les Etats-Unis ont dominé les autres puissances grâce à leur dollar, par le monopole que leur devise nationale exerçait sur le commerce mondial. La machine militaire américaine doit servir à forcer les autres à revenir sur le “chemin de la vertu”, c'est-à-dire à un commerce mondial uniquement axé sur le dollar.

Les médias américains cachent également les raisons qui poussent le gouvernement Bush à parler systéma­ti­que­ment d'un “axe du mal” : l'Iran, inclus dans cet axe en même temps que son ancien ennemi mortel Saddam Hus­sein, souhaite lui aussi vendre son pétrole contre des euro (cf. Roy Gutman & John Barry, « Beyond Bagh­dad: Expanded Target List»,http://www.unansweredquestions.net/timeline/2002/newsweek081102.html). La ban­que centrale iranienne est favorable à ce passage à l'euro, maintenant que la devise de l'UE s'est conso­li­dée. En 2002, l'Iran a converti une bonne part de ses réserves en euro, probablement plus de la moitié, comme l'explique Mohammad Abasspour, membre de la Commission du développement au parlement iranien (cf. «Fo­rex Fund Shifting to Europe», in : Iran Financial News, 25 août 2002;

http://www.payvand.com/news/02/aug/1080.html ). Cette politique suivie par l'Iran est un indice fort, dé­mon­trant bien que les Iraniens, à leur tour, veulent opter pour l'euro, comme devise des transactions pétro­liè­res (cf. « Economics Drive Iran Euro Oil Plan. Politics Also Key »,

http://www.iranexpert.com/2002/economicsdriveiraneurooil23august.htm ). Dans un tel contexte, qui s'éton­ne­­ra que l'Iran devienne la prochaine cible de la “lutte contre le terrorisme”?

Le Venezuela, quatrième producteur de pétrole et également membre de l'OPEC, pourrait opter pour la même politique. Hugo Chavez a commencé, à son tour, une politique commerciale de troc avec les pays voisins, en é­changeant du pétrole contre des marchandises dont le peuple vénézuélien a un besoin urgent. Le Venezuela ne dispose pas de grandes réserves de dollars : en pratiquant le troc, il sort ipso facto du cycle conventionnel des transactions pétrolières. Les Etats-Unis n'ont jamais cessé de conspirer contre Chavez. Indice : Bush a approuvé le putsch militaire manqué d'avril 2002, où la CIA a certainement joué un rôle actif, a tiré les ficelles (cf. Larry Birms & Alex Volberding, « US is the Primary Loser in Failed Venezuelan Coup », in : Newsday, 21 avril 2002;

http://www.coha.org/COHA%20_in%20_the_news/Articles%202002/newsday_04_21_02_us_venezuela.htm). Mais ces intrigues permanentes de Washington pourraient pousser plus rapidement le Venezuela de Chavez à adopter l'euro et de réaliser une politique que les Etats-Unis cherchent à tout prix à éviter.

Le chantage nord-coréen

Les médias américains taisent une autre tendance qui se fait jour dans la politique économique mondiale : d'autres pays que le Venezuela, l'Iran ou certains pays de l'OPEC convertissent leurs réserves en euro, comme la Chine et, plus récemment, la Russie (cf. « Euro continues to extend its global influence », http://www.europartnership.com/news/02jan07.htm ). La Corée du Nord, autre pays inclus dans l'“axe du mal”, s'est officiellement décidée, le 7 décembre 2002, d'opter pour l'euro plutôt que pour le dollar dans ses transactions commerciales avec le reste du monde (cf. Caroline Gluck, « North Korea embraces the euro », 1/12/2002). La Corée du Nord cherche sans nul doute à se venger du très dur embargo sur le pétrole que lui ont imposé les Etats-Unis. Les Nord-Coréens espèrent sans doute faire fléchir les Etats-Unis, obtenir des matières premières et des denrées alimentaires importantes en promettant à Washington de conserver le dollar comme devise de leurs transactions. Le programme nucléaire nord-coréen est probablement un instrument de ce chantage.

Javad Yarjani, chef du département d'analyse des marchés pétroliers auprès de l'OPEC, a tenu un discours très intéressant en Espagne en avril 2002 (cf. « The Choice of Currency for the Denomination of the Oil Bill », http://www.opec.org/Newsinfo/Speeches/sp2002/spAraqueSpainApr14.htm ). Ce discours traitait de la problématique de la devise dans les transactions pétrolières. Les médias américains ont censuré cette information. Yarjani a notamment dit ceci : « A la fin des années 90, plus des quatre cinquièmes des transactions en devises et la moitié des exportations mondiales se font en dollars. En outre, la devise américaine forme deux tiers des réserves officielles de devises dans le monde. Le monde dépend donc du dollar pour son commerce; les pays sont donc liés aux réserves en dollars, alors que cette devise existe sans aucun rapport avec la part produite par les Etats-Unis dans la production mondiale. La part du dollar dans le commerce mondial est bien plus élevée que la part du commerce international américain… La zone euro détient une part bien plus importante du commerce mondial que les Etats-Unis; tandis que les Etats-Unis ont un déficit commercial gigantesque, la zone euro, elle, est en équilibre… En outre, il convient de remarquer que la zone euro est un importateur plus important de pétrole et de produits dérivés que les Etats-Unis… A court terme, les pays membres de l'OPEC continueront à accepter des paiements en dollars. Mais, dans l'avenir, ils n'excluent pas une facturation et un paiement en euro… Si l'euro en vient à ébranler la solidité du dollar, il faudra l'inclure a fortiori comme critère de paiement des transactions pétrolières. Dans ce cas, nous verrons émerger un système qui sera bénéfique à bon nombre de pays. Si l'intégration européenne se poursuit et si l'économie européenne se consolide, ce système deviendra une réalité ».

L'euro deviendra-t-il la devise des transactions pétrolières dans le monde?

Ce discours, fondamental pour comprendre les enjeux d'aujourd'hui, prévoit un élargissement de l'UE en 2004, où cette dernière comptera alors 450 millions d'habitants, avec un PIB d'environ 9,5 milliards. Cet élargissement constituera à coup sûr un encouragement pour les pays de l'OPEC qui souhaitent passer à l'euro. Nous ne comptons pas dans notre calcul les potentiels de l'Angleterre, de la Norvège, du Danemark et de la Suède, qui ne sont pas membres de l'Union monétaire. Depuis avril 2002, quand Yarjani a tenu son discours en Espagne, le rapport dollar-euro s'est inversé, et le dollar ne cesse de chuter.

Si la Norvège se décide à facturer son pétrole en euro et si l'Angleterre adopte l'euro, ce sera un tournant important pour l'OPEC, qui choisira ipso facto l'euro. Pour la Norvège, la décision suédoise aura une valeur d'exemple, à laquelle le Danemark ne pourra pas se soustraire. Une fois de plus, c'est l'Angleterre qui pose problème : c'est d'elle que dépendra le futur statut de l'euro : deviendra-t-il la devise des transactions internationales ou non? Quoi qu'il en soit, le monde s'est mis tout entier en mouvement pour contester la suprématie du dollar. Dans deux ou trois ans, l'OPEC prendra sa décision finale.

L'économie américaine sera mortellement frappée, car, comme je l'ai déjà dit, elle est intimement lié au rôle du dollar en tant que devise de réserve. Un effondrement du dollar aurait pour effet d'intervertir les rôles entre les Etats-Unis et l'UE dans l'économie mondiale, ce que Washington peut difficilement accepter. Raison pour laquelle les menaces militaires américaines seront déterminantes dans l'attitude des pays de l'OPEC. La politique égoïste de Washington, qui méprise les traités du droit international, qui déploie un militarisme agressif, trouvera tôt ou tard ses limites. La rhétorique belliciste de Bush n'a pas placé les Etats-Unis sous un jour avantageux. Washington passe désormais pour une puissance agressive, fautrice de guerre, qui ne tient même plus compte des décisions de l'ONU et n'agit qu'à sa guise.

Un futur effondrement américain?

L'hégémonie américaine prendra fin tôt ou tard. Les Etats-Unis ne peuvent pas éternellement faire appel à la force militaire pour maintenir leur suprématie. Au contraire, les gesticulations militaires, même si elles sont en apparence couronnées de succès, sont un indice de faiblesse et de déclin. Le sociologue français Emmanuel Todd, qui avait prédit la fin de l'URSS en 1976, vient de poser un diagnostic similaire pour les Etats-Unis. Les causes principales du futur effondrement américain sont les suivantes, d'après Todd : un prix trop élevé pour le pétrole et une dévaluation trop importante du dollar.

Cet effondrement comporte évidemment des risques politiques majeurs, mais le plus grand danger qui nous guette est une détérioration drastique de l'économie japonaise. A plus ou moins long terme, le Japon ne pourra pas faire face à un prix trop élevé du pétrole (45 dollars par baril). Si les banques japonaises subissent un krach, leur trop grande dépendance vis-à-vis du pétrole, une dépendance qui est de l'ordre de 100%, entraînera une réaction en chaîne en Asie du Sud-Est, qui aura des effets immédiats en Europe et en Russie. Après cette triple crise extrême-orientale, européenne et russe, les Etats-Unis seront touchés à leur tour.

Quelle est la situation qui encadre tout cela?

◊ La guerre américaine contre le terrorisme entraîne déjà, comme on peut le constater chaque jour, d'immenses déficits, avec, en prime, une balance commerciale américaine plus déficitaire que jamais.

◊ Beaucoup de pays en voie de développement suivent l'exemple du Venezuela et de la Chine, ainsi que d'autres pays, et changent leurs réserves de devises, constituées principalement de dollars, en euro et en or.

◊ L'OPEC pourrait très bien passer à l'euro ou se doter d'une devise propre, couverte par les réserves de pétrole. Le monde islamique prévoit d'autres initiatives, comme, par exemple, celle que suggère le Premier Ministre de Malaisie, Mahathir : la création d'un “dinar-or”. Pour cette raison Mahathir a été déclaré “ennemi public numéro un” par le spéculateur Georges Soros.

◊ Les pays en voie de développement, dont les réserves en dollars sont réduites, pourraient également transformer leur économie en économie de troc. Ce système est plus facile à gérer actuellement, via des opérations d'échange effectuées par le biais de techniques informatiques. Ces pays pourraient commercialiser ainsi leurs matières premières, sous-évaluées sur les marchés mondiaux dominés par le dollar et les Etats-Unis. Le Président vénézuélien Chavez a signé treize contrats de troc de ce type, prévoyant l'échange de matières premières indispensables au Venezuela contre du pétrole.

◊ Les Etats-Unis ne pourront financer indéfiniment leur déficit commercial (± 5% du PIB) et la guerre permanente qu'ils ont déclenchée, sous prétexte de lutte contre le terrorisme.

Les pétro-dollars, instruments de la puissance américaine

Les élites américaines le savent, mais ne veulent pas le faire connaître via les médias : la force du dollar ne repose pas en soi sur les capacités réelles de l'économie nationale américaine. En réalité, la force du dollar repose depuis 1945 sur le privilège d'être la devise de réserve internationale et la devise “fiat” pour les transactions pétrolières dans le monde entier (les fameux “pétro-dollars”). Les Etats-Unis font effectivement imprimer des centaines de milliards de ces pétro-dollars que les Etats nationaux, dans le monde entier, utilisent pour acheter du pétrole auprès des producteurs de l'OPEC, à l'exception de l'Irak, partiellement du Venezuela, qui hésite encore à passer à d'autres formes de transactions, et prochainement l'Iran. Ces pétro-dollars sont renvoyés aux Etats-Unis par les pays de l'OPEC, où, par le truchement de “Treasury Bills” ou d'autres titres ou valeurs libellés en dollars ou encore, par des investissements immobiliers, ils sont réinvestis dans les circuits américains. Ce retour des pétro-dollars à l'Amérique est le prix que les pays producteurs de pétrole doivent payer pour acheter la tolérance américaine à l'égard de ce cartel que constitue l'OPEC.

Le dollar est donc l'instrument de la suprématie globale des Etats-Unis, car seuls les Etats-Unis sont autorisés à l'imprimer. Le dollar, devise “fiat”, est à la hausse depuis seize ans, en dépit du déficit record de la balance commerciale américaine et en dépit des dettes énormes que l'Amérique a contractées.

Les réserves en dollars doivent impérativement être reconverties en dépôts américains, ce qui entraîne un surplus de capitaux en circulation pour le bénéfice de l'économie américaine. Mais après une année de corrections importantes, les actions américaines gardent la santé depuis une période de 25 ans. Le surplus de la balance américaine des capitaux, provenant des investissements étrangers, finance le déficit de la balance commerciale. Qui plus est, toute valeur libellée en dollar, indépendamment du lieu où elle se trouve, est de facto une valeur américaine. Comme le pétrole s'achète et se vend en dollars, en vertu de la puissance américaine consolidée en 1945, et comme le dollar est une devise créée quasiment ex nihilo pour le commerce du pétrole, on peut dire effectivement que les Etats-Unis possèdent les réserves pétrolières mondiales : celles-ci sont à leur disposition. Plus les Etats-Unis produisent des “green backs” (des dollars), plus les valeurs américaines augmentent. La politique du dollar fort constitue donc un double avantage et bénéfice pour les Etats-Unis.

Augmenter la production de pétrole dans l'Irak occupé pour faire crouler l'OPEC

Cette situation actuelle, marquée par l'injustice, ne se maintiendra que si :

◊ les peuples du monde continuent à acheter et à payer le pétrole dont ils ont besoin, de même que d'autres matières premières, en dollars;

◊ la devise de réserve pour les transactions pétrolières mondiales reste le dollar, et le dollar seul.

L'introduction de l'euro constitue un facteur nouveau, qui constitue la première menace pour la suprématie économique américaine.

Au vu de toutes ses données, les Etats-Unis vont donc déclencher une guerre contre l'Irak, chasser Saddam Hussein et augmenter démesurément la production de pétrole en Irak, afin de vendre le pétrole à bas prix et, ainsi, détruire le cartel que constitue l'OPEC, ce qui aura pour conséquence d'empêcher l'ensemble des pays producteurs de passer à l'euro. Tel est le véritable enjeu de la guerre contre le terrorisme ou l'axe du mal. La mise en scène ne trompe personne d'éclairé : les Etats-Unis ont d'ores et déjà annoncé la couleur. Ils imposeront un gouvernement militaire américain dans l'Irak conquis, afin de pouvoir mener leur politique. La première mesure qu'ils prendront sera de ramener l'Irak dans le giron du dollar. A partir de ce moment-là, un gouvernement fantoche gouvernera le pays comme en Afghanistan. Bien entendu, les champs pétrolifères seront placés sous la garde des soldats américains. La junte de Bush pourra quintupler la production du pétrole irakien, de façon à faire sauter les quotas imposés par l'OPEC (pour l'Irak : deux millions de barils par jour). Plus personne, dans de telles conditions, ne voudra encore réduire ses quotas. Mais, les Etats-Unis devront quand même compter sur une résistance des pays de l'OPEC.

Pendant le programme “pétrole contre nourriture”, l'Irak a vendu en cinq ans pour 60 milliards de dollars de pétrole, ce qui fait moins d'un million de barils par jour. Après quelques investissements nécessaires dans les infrastructures d'exploitation, la production irakienne pourra facilement passer à sept millions de barils par jour (2,5 milliards de barils par an). Si l'on tient compte du fait que la production mondiale est de 75 millions de barils par jour et que l'OPEC en produit 5 millions par jour, on comprend aisément que la politique américaine vis-à-vis du pétrole irakien vise ni plus ni moins la destruction de l'OPEC, ce qui fera baisser le prix du pétrole à plus ou moins dix dollars le baril. Les pays importateurs de pétrole économiseront ainsi chaque année 375 milliards de dollars. D'où cette phrase entendue aux Etats-Unis : « The Iraq war is not a money­maker, but it could be an OPEC breaker » (La guerre contre l'Irak ne rapportera sans doute pas d'argent, mais cassera sûrement l'OPEC).

L'OPEC devra réagir

Cette réflexion, posée par un belliciste américain, est forcément venue à l'esprit des représentants de l'OPEC. Les Américains considèrent que ce jeu dangereux est la “meilleure des solutions”, du moins si tout se passe bien. Mais, l'OPEC ne restera pas sans réagir, si les Américains pompent le pétrole irakien à leur profit et à tire-larigot. Assister à ce pillage les bras ballants équivaut à un suicide pour l'OPEC. Déjà la résistance à l'encontre des projets américains dans le monde est éloquente, même si les centaines de milliers de gens qui défilent dans les rues n'en sont pas conscients. A terme, les pressions et les initiatives américaines pourraient bien échouer.

L'OPEC devra passer à l'euro pour les transactions pétrolières, rien que si elle veut assurer sa survie. Une telle décision signifierait la fin du dollar américain comme devise hégémonique, la fin du statut d'unique hyperpuissance.

Il y a un an environ, l'hebdomadaire britannique The Economist évoquait le paradoxe de la puissance américaine (cf. John Nye, « The new Rome meets the new Barbarians », The Economist, 23.3.2002; Nye est le Doyen de la “Kennedy School of Government” de Harvard et l'ex-Assistent Secretary of Defence, en 1994-1995, est, avec Samuel Huntington, éditeur de Global Dilemmas, au centre même du nouveau cénacle de ceux qui forgent et déterminent l'actuelle politique extérieure américaine). L'article de Nye dans The Economist dit bien qu'à long terme la puissance américaine ne pourra pas subir de défis sérieux, mais qu'elle se trouve néanmoins face à des challenges qui vont l'obliger à s'unir à d'autres Etats au sein de “coalitions”, afin de ne pas devoir recourir sans cesse à la force militaire brutale pour contraindre le monde à fonctionner selon la volonté américaine, mais à créer les conditions d'un soft power, d'une puissance douce. L'argumentation de John Nye est un savant dosage de vérités factuelles incontestables, de désinformations savamment distillées, d'analyses cohérentes et de menaces à peine voilées.

Dans sa démonstration, la partie la plus intéressante, à mes yeux, est celle où il évoque les “trois types de puissance”. C'est-à-dire :

◊ la puissance militaire;

◊ la puissance économique et

◊ la puissance qui découle des “relations transnationales telles qu'elles existent au-delà de tout contrôle exercé par les gouvernements” (exemples : les transferts par voie électronique de sommes d'argent gigantesques au sein même du système bancaire international, les réseaux terroristes qui apparaissent toujours immanquablement quelque part, les trafics internationaux d'armes et de drogues, les “hackers” d'internet ou des systèmes informatiques).

L'analyse de la puissance américaine par John Nye

La présence de ces trois formes de puissance est une évidence objective. Mais elles ne sont pas nouvelles. Clausewitz, et Sun Tzu dans la Chine antique, n'ont jamais réduit leurs analyses de situation aux forces quantitatives des armées. Clausewitz constatait, c'est bien connu, que la guerre est la poursuite de la politique par des moyens militaires, mais des moyens militaires qui sont toujours mêlés à d'autres moyens. La politique américaine n'échappe pas à cette règle clausewitzienne.

Nye perçoit la puissance militaire américaine comme “unipolaire”. Il veut dire par là que les Etats-Unis seuls sont aujourd'hui en mesure de “projeter” leurs forces armées nucléaires ou conventionnelles partout dans le monde, donc de menacer tous les Etats de la planète et de leur faire effectivement la guerre. Dans l'état actuel des choses, cette remarque est vraie, sans nul doute, mais, quoi qu'on en dise, l'armée russe est toujours une donne dont il faut tenir compte et elle dispose aussi d'armes nucléaires balistiques. Quant à la Chine, elle est tout simplement trop importante quantitativement, pour être vaincue par la puissance militaire américaine. L'incertitude qui règne aujourd'hui quant à la puissance réelle des armées russes et chinoises vient du fait que la Russie et la Chine sont des nations de grande culture et de longue mémoire et qu'elles ne vont évidemment pas tenter quoi que ce soit, au risque de provoquer une conflagration universelle. Par conséquent, cette sobriété russe et chinoise fait que les menaces américaines fonctionnent… encore (comme le disait Madeleine Albright : «… we have the means and the will to use it » ; = nous avons les moyens et la volonté de les utiliser).

Quant à la deuxième dimension de la puissance, c'est-à-dire la puissance économique, John Nye avoue qu'elle est aujourd'hui multipolaire, avec, pour protagonistes, l'Europe, le Japon et les Etats-Unis. Ensemble, ces trois puissances valent les deux tiers du PIB mondial. Mais cette vision des choses repose sur une distorsion des faits monétaires réels, avec une devise gonflée artificiellement parce qu'elle est la devise standard, la “fiat-money”. L'Amérique, contrairement à ce que John Nye veut bien nous dire, est de facto en faillite. Elle vit d'importations non payées en provenance du reste du monde. Il peut parler de “multipolarité” autant qu'il le voudra, la menace qui pèse le plus lourdement sur les Etats-Unis se situe bien au niveau de la puissance économique.

Le rôle des banques

La troisième dimension, celle des relations transnationales, est un cas particulier. Nye ne nous parle que modérément du rôle des banques et insiste plutôt sur celui des hackers et d'internet. Or le rôle des banques demeure cardinal; en temps de paix, le système bancaire est l'arme préférée des Etats-Unis quand il s'agit de déstabiliser les pays étrangers. Nye nous parle d'une “puissance largement répandue dans le monde et, à son propos, il paraît inutile de parler d'unipolarité, de multipolarité ou d'hégémonisme”. Nye minimise donc les effets d'une “puissance anonyme”, alors qu'elle est celle du dollar; en fait, il veut dissimuler les usages qu'en font les Etats-Unis, car les impulsions données par Washington au système bancaire international constituent les moyens secrets mis en œuvre par la puissance américaine. Quand on ne sait pas par qui on est attaqué, ni l'endroit où cette attaque se déploie, la riposte s'avère difficile, sinon impossible. Les Etats-Unis jouent ici un rôle crucial, ou pour être plus précis, ce sont surtout les instances dominantes de la côte Est des Etats-Unis qui le jouent. Prenons par exemple la situation du Japon. Si les Japonais souhaitaient brusquement mettre un terme à leurs problèmes de finances et de dettes, il leur suffirait de liquider pour 1000 milliards de dollars de titres libellés en cette devise, qui sont en leur possession. Une telle action précipiterait les Etats-Unis dans le marasme le plus total. Les Américains le savent. C'est pourquoi l'ancien ministre des finances américain O'Neill a clairement déclaré que cette “option” n'était pas “ouverte” pour les Japonais.

Les agencements de la puissance économique fonctionneront comme facteurs de puissance uniquement si le reste du monde continue à se laisser imposer les règles voulues par les Etats-Unis, c'est-à-dire aussi longtemps que le dollar servira de devise de réserve.

Nye nous a donc clairement évoqué, dans son article de The Economist, quels sont les domaines clefs de la puissance actuellement dans le monde, mais aussitôt évoqués, il les drape dans une brume de désinformation. Il nous dit que la stabilité des finances internationales est d'une importance vitale pour le bien-être des Américains, mais que, pour y parvenir, les Etats-Unis ont besoin de la coopération d'autres puissances, afin d'assurer cette stabilité pour l'avenir. Mais cette requête, quémandant la coopération de tierces puissances, est un indice du commencement de la fin. Toute construction qui perd l'une de ses colonnes porteuses s'effondre.

Petit secret du “nouvel ordre mondial” : le reste du monde pourrait jeter les Etats-Unis en bas de leur piédestal, dès le moment où il proclamerait la fin du dollar comme devise standard des échanges internationaux. C'est un dilemme crucial auquel l'Amérique ne pourra pas sortir dans l'avenir proche. Mais le processus de la chute ne s'est pas encore mis en marche, parce que l'ensemble des pays occidentaux en serait également ébranlé et les dirigeants de ces pays craignent d'affronter de tels bouleversements. Mais ces craintes pourraient fort bien se dissiper quand il apparaîtra de plus en plus clairement que les Etats-Unis se conduisent comme le “Super-Etat-Voyou”, menaçant tous les pays du monde. Cette conduite inacceptable risque de faire émerger une donne : celle que les Etats-Unis veulent à tout prix éviter.

L'Iran et le Venezuela pourraient choisir l'euro

L'économie japonaise pourrait fort bien s'effondrer. L'Iran, le Venezuela et plusieurs autres pays pourraient choisir l'euro comme devise pour les échanges commerciaux internationaux. La décision de l'OPEC de passer à l'euro pourrait accélérer le processus. Qui plus est, en dépit de ces risques très réels, les Etats-Unis n'ont pas cessé de pratiquer leur politique désastreuse, avec :

◊ un accroissement massif de leur déficit ;

◊ une absence de volonté réelle de faire passer un système de supervision général des actions en bourse (le SEC; “Stock Exhcange Control”) ;

◊ un échec de leurs politiques économique et fiscale.

La plupart des Américains n'en n'ont pas idée, car leurs médias ne leur en parlent pas. On gave les citoyens américains —comme du reste les citoyens européens— de consommation et de loisirs. Seuls internet et les réseaux de samizdat fournissent encore de véritables informations.

CONCLUSION :

Dans un premier temps, il semble plus que probable que toute tentative d'un pays de l'OPEC, de passer à l'euro, se verra combattue par les Etats-Unis, soit par des moyens directement militaires, soit par des opérations camouflées des services secrets. Sous le prétexte de la guerre permanente contre le terrorisme, le gouvernement américain manipule les citoyens des Etats-Unis et de tous les autres pays du monde, via les médias qu'il domine, et trompe l'opinion mondiale sur les véritables motifs économiques de la guerre contre l'Irak. Cette guerre n'a évidemment rien à voir avec les menaces imaginaires que Saddam Hussein aurait fait peser sur la région en déployant des armes de destruction massive, tout aussi imaginaires, comme on le sait aujourd'hui. Le motif de cette guerre est de perpétuer la domination du dollar comme devise dans les transactions pétrolières. Ce n'est pas un contexte qui s'est développé seulement au cours des derniers mois : les décisions avaient déjà été prises avant l'accession au pouvoir de l'équipe de Bush, représentant des lobbies pétroliers. De plus, la banqueroute virtuelle des Etats-Unis est un fait avéré depuis bien plus longtemps. Les attentats du 11 septembre a été un “second Pearl Harbor”, comme bon nombre d'observateurs l'ont d'ores et déjà constaté. Avec ces attentats, la propagande de guerre a pu commencer à battre son plein.

La confrontation dollar / euro semble inévitable, même si l'euro, au départ, avait été voulu par les Américains. Après les guerres de religion et d'idéologie, nous verrons l'avènement d'une nouvelle catégorie de guerres : les guerres de devises.

11 septembre 2001 = nouveau Pearl Harbor

Les gens se sont posé plusieurs questions après le 11 septembre 2001 : sur les motivations de ces attentats, d'une part, sur les possibilités réelles de les perpétrer, d'autre part, parce qu'on mettait en doute la présentation qu'en avaient faite les médias. Les gens veulent aller au bout des choses. Sur le plan purement physique, nous devons d'emblée rejeter la thèse officielle avancée par les Etats-Unis sur ces attentats, soit la thèse qui prétend que des terroristes islamistes ont utilisé des avions comme bombes volantes pour détruire les deux immeubles qui symbolisaient la politique globaliste des Etats-Unis; de même, la motivation fabriquée de toutes pièces par les grands médias est dénuée de tout fondement : on ne peut en rien affirmer que ces attentats constituent la vengeance du monde islamique contre l'impérialisme américain. Or si l'on rejette la thèse officielle de Washington et des médias à sa dévotion, on pose ipso facto la question de savoir quelles sont les véritables causes intérieures qui ont motivé ces attentats. On ne peut plus éluder cette question avec le mépris habituel, en disant qu'elle participe de la “théorie de la conspiration”. L'hypothèse la plus plausible est la suivante : à moyen terme, les Etats-Unis et les médias qu'ils téléguident ne pourront plus dissimuler aux citoyens du monde l'imminence d'une crise économique et d'un effondrement des marchés financiers; par conséquent, il leur fallait trouver un bouc émissaire. L'argumentation tient la route. Vu la dimension gigantesque de la crise qui nous attend, l'événement devait être hyper-frappant, aussi frappant que l'avait été Pearl Harbor, qui a servi de prétexte pour l'entrée en guerre des Etats-Unis en décembre 1941. Le 11 septembre 2001 est par conséquent, aux yeux des esprits critiques et lucides, un nouveau Pearl Harbor, un prétexte idéal pour entamer un nouveau processus de guerres en chaîne.

Si l'on a observé, comme je l'ai fait, la situation économique réelle du monde depuis quelques années, on constate que les médias ne révèlent jamais au public la situation réelle et manipulent les informations. Ce silence et ce tissu de mensonges attestent de l'ampleur de la catastrophe qui nous attend. A l'aide de l'arithmétique la plus élémentaire, on doit déjà pouvoir constater qu'une bulle financière aussi énorme éclatera tôt ou tard. La bulle financière qui a crû sur les marchés financiers de manière exponentielle éclatera effectivement et donnera lieu à un krach épouvantable. Les bénéfices artificiels, engrangés à la suite de bilans faussés, n'existent que sur le papier et doivent immanquablement conduire à la faillite.

A. Greenspan : sommes-nous proches d'une dictature mondiale?

Bon nombre de démonstrations faites par A. Greenspan, avant qu'il ne devienne le chef de la “Federal Reserve Bank” prouvent qu'il savait tout cela, aussi bien que n'importe quel individu capable de raisonner correctement. Greenspan est devenu entre-temps l'homme le plus puissant de l'économie américaine et donc du monde entier. Va-t-il laisser aller les choses à vau-l'eau? Je ne le pense pas. Et je me rappelle quelques réflexions émises par Barnick, qui nous annonçait l'avènement d'une ère nouvelle : nous sommes, disait-il, bien près d'une dictature mondiale, appelée à gérer les ressources qui se raréfient et pour garantir un “ordre social” cohérent aux masses désormais atomisées et dépourvues de moyens. Ces réflexions, qui se veulent d'ordre philosophique, sont intégrées depuis des années dans les “think tanks” des planificateurs américains. Les exemples sont légion : bornons-nous à citer Huntington et Brzezinski, dont les idées servent à consolider et à justifier des opérations dont les objectifs sont essentiellement économiques et géopolitiques. Ces réflexions philosophiques ont donc un impact direct sur la réalité du monde : les observateurs européens, chinois et surtout russes s'en rendent parfaitement compte.

La situation est analysée d'une manière quelque peu différente à Moscou, où l'on est parfaitement conscient des issues dramatiques potentielles qu'elle aura. A la mi-mai 2001, un congrès s'est tenu au Kremlin, dont l'objet était : « Les temps après le dollar ». Après le dollar comme devise de réserve, s'entend. A Moscou, on spécule déjà sur le chute de l'actuel système monétaire. I. P. Panarine, de l'Académie Diplomatique du Ministère des Affaires Etrangères de la Fédération de Russie, optait pour une position euro-centrée. Il pensait que les Etats-Unis éclateraient en groupes d'Etats séparés, voire antagonistes, d'ici une dizaine ou une quinzaine d'années, à cause de la crise économique. Indépendamment de cette analyse russe, mentionnons une étude plus ancienne, celle du Russe germano-balte Georg Knüpfer qui prédisait en 1963 déjà que les Etats-Unis éclateraient en quatre morceaux antagonistes et ne seraient plus capables d'exporter la guerre, comme ils l'avaient toujours fait (cf. Der Kampf um die Weltherrschaft). Si Al Gore, représentant du grand capital, avait remporté les élections, le risque d'un éclatement des Etats-Unis aurait été plus grand encore que sous la houlette de Bush. Les Etats-Unis sont prêts à tout, y compris à multiplier les interventions militaires, pour conserver l'influence du dollar sur le monde entier.

Tels sont les plans concoctés dans l'orbite de la finance américaine. Dans le fond, il s'agit d'une déclaration de guerre pour une guerre économique totale, car les conséquences sont clairement perceptibles :de nombreux pays ont été détruits économiquement au cours de ces dernières décennies.

Pillage du monde par le dollar

Avec un dollar surévalué, les Etats-Unis se sont approprié dans le passé récent le fruit du travail des peuples, leurs ressources énergétiques (dont le pétrole) sans contrepartie. Mais, parce comportement, ils préparent, sans vouloir s'en rendre compte, l'abandon par ces peuples du dollar au profit d'une autre montagne de papier, l'euro. Les Américains ont acheté les entreprises performantes (pas les autres), les mines, les champs pétrolifères, les droits d'exploitation de ceux-ci, à l'aide de leur “fiat money”. Ils ont pillé les économies des peuples étrangers, pour les exploiter à fond puis les laisser péricliter en dévaluant le dollar. Par cette manière de procéder, les Etats-Unis se sont approprié le capital réel des peuples et, par les dévaluations successives et bien calculées du dollar, ils ont épongé leurs dettes gigantesques, que, de toutes les façons, ils n'auraient jamais pu payer. Ces dettes sont ensuite éparpillées à travers le monde entier, qui, au lieu de posséder du capital réel —c'est-à-dire des entreprises productives, des matières premières, etc.— ne possèdent plus que des montagnes de dollars sans valeur.

On verra si le programme actuel des élites américaines va réussir ou échouer. Mais, quoi qu'il en soit, l'euro existe. Quant au franc suisse, il n'est plus vraiment un “havre sûr”, depuis les dernières décisions du gouvernement helvétique : par toutes sortes de trucs, de ruses et de tromperies, ce gouvernement a réussi à fourguer aux Suisses une modification constitutionnelle, permettant de lever la couverture or du franc suisse. Vu sous cet angle, le travail des globalistes a le vent en poupe.

Gerhoch REISEGGER.

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Bellicisme et pacifisme aux Etats-Unis

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Bellicisme et pacifisme chez les conservateurs américains

Article rédigé immédiatement avant le déclenchement des hostilités contre l'Irak au printemps 2003. Dresse un tableau des clivages, qui demeurent encore aujourd'hui.

Les bombes ne pleuvent pas encore sur Bagdad. Les néo-conservateurs américains s'énervent: le Président Bush, disent-ils, est tombé dans un piège, quand il a accepté de nouvelles procédures onusiennes et de nou­velles inspections. Tels sont les propos que l'on peut lire dans les colonnes du Weekly Standard, sous les plumes de William Kristol et Robert Kagan. Ces deux journalistes partent du principe que Saddam Hus­sein est en mesure de mettre en œuvre immédiatement des armes de destruction massive. Si les contrô­leurs de l'ONU ne trouvent pas de preuves évidentes, c'est dû, affirment-ils, à la manière parfaite qu'a Sad­dam Hussein de camoufler ses plans réels. Ensuite, c'est fatal, les poltrons européens ne veulent pas voir la vérité…

Les deux poids lourds du journalisme néo-conservateurs n'écrivent plus le mot "allié(s)" qu'entre guille­mets. C'est surtout la France et, dans une moindre mesure, l'Allemagne, qui sont les objets de leur colè­re. Mais ils soupçonnent aussi la présence de "traîtres" au sein même du gouvernement américain. Tous les membres du gouvernement, estiment-ils, ne soutiennent pas les efforts de guerre de toutes leurs for­ces possibles. C'est surtout le ministre des affaires étrangères Colin Powell et son représentant, Richard Ar­mitage, qu'ils considèrent comme des freins, raison pour laquelle Kristol, dans le Weekly Standard, croit per­cevoir l'émergence et l'action délétère d'un "Axe d'apaisement".

Le "moindre pet de mouche" en Asie centrale…

La clique néo-conservatrice qui donne le ton et qui est constituée de conseillers gouvernementaux, af­fir­me sans ambages qu'elle appelle à la constitution d'un "Empire américain", ce qu'elle avait déjà réclamé a­vec tambours et trompettes dans l'éditorial du Weekly Standard, immédiatement après le 11 septembre 2001. Dans une réaction violente, à chaud, quand l'honneur national américain venait d'être frappé de plein fouet, un journaliste du nom de Max Boot annonçait que la politique étrangère des Etats-Unis "ne de­vait plus se contenter de cuire des petits pains". La politique extérieure américaine est encore beau­coup trop prudente, estimait ce va-t'en-guerre. Les Etats-Unis ne pratiquaient pas trop d'immixtion, mais trop peu: tel est le problème, selon lui! Si, après la guerre froide, les Etats-Unis ne s'étaient pas retirés d'Af­ghanistan, les choses se seraient déroulées autrement. Car le "moindre pet de mouche" en Asie cen­trale, estime ce Boot, "doit susciter une réaction de notre part".

Le "9/11", comme on désigne le 11 septembre dans le jargon des médias américains, constitue une césure dans l'histoire des Etats-Unis. La répétition incessante de séquences de films pris ce jour-là crée le sen­ti­ment d'une menace permanente. L'administration Bush a su profiter des sentiments de l'heure. Bientôt les Amé­ricains se doteront d'un "ministère pour la protection du pays" (homeland), chargé d'assurer la sé­cu­ri­té intérieure; il aura l'autorisation de surveiller chaque déplacement des citoyens, contrôler chaque let­tre, chaque courrier électronique, chaque coup de téléphone. Cette situation n'a plus rien à voir avec les i­déaux traditionnels de liberté en Amérique, inaugurés par les "Pères fondateurs". La "guerre contre le ter­rorisme" justifie les moyens.

Les néo-conservateurs américains ont vécu un réveil le 11 septembre 2001. Le monde entier vivait dans l'ar­riération et cette tare ne pouvait être soignée que si on lui administrait une cure sévère de "démo­cra­ti­sation". Selon les paroles du journaliste Michael Ledeen, cela devient : «Chaque jour, nous opérons une dé­chirure au sein du vieil ordre, que ce soit en économie, en sciences, en littérature, en art, en ar­chi­tec­tu­re ou dans le domaine du cinéma, et même en politique et en droit. Nos ennemis ont toujours haï ce tour­billon d'énergie et de créativité. Car ce tourbillon menace leurs traditions (quelles que puissent être cel­les-ci) et ils ont honte de ne pas pouvoir tenir notre cadence. Nous devons les détruire, afin de pousser en avant notre mission historique».

Est-ce Ledeen ou Lénine qui parle ainsi? De telles phrases, on en trouve à profusion dans le livre de Le­deen, intitulé The War against the Terror Masters. Il ne s'agit pas seulement de jongler avec de fortes pa­roles. Ces phrases trahissent l'état d'esprit dans lequel évoluent les néo-conservateurs aujourd'hui. Même de fidèles partisans du Parti Républicain se frottent les yeux. «Tant le conservatisme moderne que le li­bé­ra­lisme moderne à la Clinton sont indifférents face aux effets arasants et destructeurs de la globalisation sur les cultures et les valeurs traditionnelles, non seulement dans le vaste monde mais aussi, ici, en Amé­ri­que», remarquait récemment un collaborateur du Washington Times, à la suite d'une recension de la nou­velle revue The American Conservative.

Depuis le début du mois d'octobre, cette nouvelle revue bimensuelle fait beaucoup de bruit dans les cer­cles de droite aux Etats-Unis (cf. "Les mouvements américains pour la paix", in: Au fil de l'épée, Recueil n°40, décembre 2002). Les éditeurs de cette revue sont Pat Buchanan, Taki Theodoracopoulos et Scott McConnell. C'est évidemment Pat Buchanan le plus connu des trois. En dépit de son échec à la can­di­da­ture des présidentielles, il est resté une figure connue dans tout le pays, apparaît régulièrement sur les é­crans de télévision. Son dernier livre, The Death of the West, a été un véritable best-seller, avec plus de 200.000 exemplaires vendus aux Etats-Unis. Le financement de départ pour The American Conservative vient très vraisemblablement des poches de Taki Theodoracopoulos (des bruits circulent qui parlent d'une som­me de 5 millions de dollars). Ensuite, cet héritier d'un armateur d'origine grecque s'avère un édito­ria­lis­te très mordant, et ajoute à la revue une touche de glamour (il a collaboré au Spectator de Londres et au New York Press).

Des néo-conservateurs aux racines gauchistes dures…

The American Conservative vole dans les plumes des néo-conservateurs de l'acabit de William et Irving Kri­stol, de Jonah Goldberg, de Charles Krauthammer ou de Norman Podhoretz. «Nous étions déjà "con­ser­va­teurs" quand tous les Podhoretzs de ce monde fricotaient encore avec l'Oncle Joe Staline», ironise Theo­do­racopoulos, en faisant référence aux racines gauchistes dures de tous ces nouveaux "con­ser­va­teurs". Simultanément, cette équipe qui entoure Buchanan cherche à se protéger : sa critique, à l'en­con­tre des intellectuels néo-conservateurs ne doit pas mal s'interpréter comme étant de l'"antisémitisme", ex­pli­que McConnell dans une conférence de presse. Il fait allusion ainsi à un courant officieux, toujours pré­sent, jamais soumis à analyse, dans les débats politiques aux Etats-Unis, soit à la position spéciale des grou­pes qui soutiennent Israël.

Dans la question irakienne, les questions touchant à la sécurité d'Israël jouent un rôle important. Le parti des faucons au Pentagone —en tout premier lieu le représentant du ministre de la défense Paul Wolfo­witz, le Président du Defence Policy Board, Richard Perle, et le sous-secrétaire d'Etat Douglas Feith— est exac­tement le même groupe, à peine discret, qui défend l'idée d'un sionisme sous la protection des Etats-U­nis. Dans un article de fond, intitulé "The Israel Lobby", Michael Lind explique la nature de ce lien. Lind est un Républicain, ancien rédacteur en chef de la revue National Interest. Aujourd'hui, il critique la po­li­ti­que extérieure américaine d'un point de vue qualifiable de "libéral de gauche". Son article sur le "lobby pro-israélien" est paru en avril 2002 et, fait significatif, n'a pas été directement publié aux Etats-Unis, mais loin du Nouveau Monde, dans le magazine britannique Prospect, une revue du "New Labour". Il a sus­cité d'âpres débats.

Les électeurs juifs aux Etats-Unis ne représentent qu'une petite minorité de quelque 3% de la population. Ce­pendant les organisations sionistes parviennent à exercer une influence bien plus prépondérante sur la po­litique étrangère américaine que tous les autres groupes lobbyistes. L'AIPAC ("American Israel Public Af­fairs Committee") occupe dans ce contexte une position clef, dans la mesure où il détient une fonction de co­or­dination des activités. Son travail est efficace : chaque année, Israël reçoit environ trois milliards de dol­lars provenant de l'argent des contribuables américains, plus d'autres milliards venant de dons privés. De­puis 1979, quelque 70 milliards de dollars de l'aide officielle au développement sont arrivés en Israël, gé­néralement sous la forme de soutiens militaires. Cela peut paraître paradoxal, vu la situation actuelle, mais c'est le père de George W. Bush qui s'est plaint ouvertement en septembre 1991 de la pression qu'exerçaient les organisations pro-israëliennes: «Sur la colline du Capitole, il y a un millier de lobbyistes qui œuvrent au Congrès pour obtenir des garanties de crédit pour Israël».

L'alliance des fanatiques protestants et de la droite radicale sioniste

Traditionnellement, la plupart des électeurs juifs votent plutôt à gauche. Ce qui les dérange chez les Ré­pu­bli­cains, c'est le contact étroit que ceux-ci entretiennent avec la droite chrétienne. Des représentants de "Christian Coalition", comme Pat Robertson, n'hésitent pas, à l'occasion, de prononcer sans vergogne des discours grandiloquents sur "le complot judéo-maçonnique, vieux de 200 ans". Mais, simultanément, en dépit de cette idéologie conspirationniste, ces Républicains chrétiens sont des défenseurs acharnés d'Is­raël, pour des raisons d'interprétation biblique. Bien sûr, ils sont aussi les partisans zélés d'une nou­velle guerre dans le Golfe. Lind voit là à l'œuvre l'alliance entre les fanatiques protestants et la droite ra­di­cale sioniste, qui menace le processus de paix au Proche-Orient.

Si, parmi les intellectuels, on se querelle encore avec vigueur pour juger de la moralité ou de l'immoralité d'une attaque contre l'Irak, l'opinion publique, elle, estime déjà que la guerre annoncée est inévitable. Elle pose des questions plus prosaïques, surtout celle de savoir combien cette opération va coûter. Une étu­de du parti démocrate dans la Chambre des Représentants part du principe qu'une guerre, en cas de "vic­toire rapide" coûtera environ 60 milliards de dollars. Si les Irakiens se défendent sur quelques points im­portants seulement de leur territoire ou s'ils concentrent leurs points de résistance autour de Bagdad, il fau­dra que les Américains s'engagent davantage au sol. Alors, estiment les analyses du "Congressional Bud­get Office", le coût de la guerre s'élèvera à 140 milliards de dollars, ce qui ne représente que 1,5% du PIB. Dans ce cas, la guerre ne coûterait que de la menue monnaie…

Professeur d'économie à la Yale University, William D. Nordhaus, dans la dernière livraison de la New York Review of Books, présente une contre-évaluation des coûts de l'opération guerrière, qui apparaît bien moins optimiste : «Il est plus que probable que les Américains sous-estiment les effets économiques qu'en­traînerait une guerre contre l'Irak». Outre les dépenses directes pour les combats, il faut prendre en comp­te les charges que nous coûterait une éventuelle occupation du pays pendant plusieurs années. A ces deux catégories de coûts, il faut ajouter les dépenses pour la reconstruction de l'Irak, c'est-à-dire les frais dits de "nation building", et pour les aides humanitaires. Mais le plus gros morceau, que l'administration Bush refuse de prendre en compte, ce sont les effets indirects négatifs d'une guerre en Irak sur le marché du pétrole et sur la conjoncture aux Etats-Unis. Dans le pire des cas, si l'élimination de Saddam Hussein ne se passe pas de manière aussi aisée que prévue, le professeur Nordhaus prévoit un coût total d'environ 1,6 billions de dollars, ce qui aura des répercussions évidentes sur l'économie américaine.

Catherine OWERMAN.

(article paru dans Junge Freiheit, n°49/2002 - http://www.jungefreiheit.de ).

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lundi, 21 mai 2007

Causalidade, Necessidade e Cultura

Causalidade, Necessidade e Cultura


"Tudo o que existe no Universo é fruto do "acaso" e da "necessidade"
Demócrito de Abdera (460-370 EP)

O desenvolvimento cultural das comunidades humanas é consequência da capacidade intelectual do Homem, da manifestação livre do seu saber e do seu conhecimento, desenvolvimento esse permanentemente contrariado por principios dogmáticos estruturados como doutrinas, religiosas ou políticas, por teorias fundamentalistas de grupos laicos e sacerdotais interessados na manutenção de um "status-quo" capaz de manter os privilégios de que disfrutam, encerrando o desenvolvimento cultural e pretendendo transforma-lo em pseudo-dialécticas que, no abandono consciente das suas estruturas tradicionais e fundacionais, conduz inapelavelmente à sua regressão.
A falácia do igualitarismo, da divindade soterológica ou da finalidade hedonista da existência, conduz ao bloqueamento cultural e, consequentemente, ao desmoronar dos valores éticos que alicerçam a comunidade afectada que, gradualmente, vai inflectindo no sentido da superstição e da existência segundo um modelo acultural que lhe garante a sobrevivência.

Pela sua própria idiossincracia, o efeito dogmático bloqueia todo e qualquer diálogo com a expressão cultural vivente no seio das comunidades, e que formata o seu processo intelectual de compreender os laços que a constituem e o meio em que evolui.
A esse bloqueio, os gregos denominavam "aporia" (1), ou seja, o que consideravam não ter solução, ou o que criava "perplexidade", "embaraço" ou "incerteza", e quando aplicado a um debate, traduzia o reconhecimento por parte de todos os interlocutores da impossibilidade de definir uma noção, a "inexistencia de ligação entre argumentos", um "impasse de raciocinio".
Mais particularmente, Aristóteles designava como "aporia" um conjunto de afirmações separadamente plausíveis, mas falsas se consideradas em conjunto, considerando que a reconciliação de tais proposições, perante soluções alternativas, eram um trabalho de máxima importância para os filósofos.

Perante semelhante enfrentamento entre o dogma paralisante, e portanto culturalmente regressivo, e a estrutura cultural "tradicional" (2), surge a questão sobre se existe um objectivo na existência do ser-humano, algum processo "teleológico" (3) da vida, e se quando consideramos estar, "a priori", perante uma "aporia", na realidade estamos na presença de um embaraço, de um desafio à nossa capacidade de "animal racional" ("zoon logikon") que nos impõe atravessar o "Rubicão", e instalalarmo-nos num processo de desenvolvimento intelectual, ou ficar passivos na crença em mistificações simplistas de divindades etéreas criadas à imagem da nossa ignorância e da nossa curiosidade.

A "teleologia" pressupõe uma espontaneidade no ser vivo, uma energia vital que poderiamos aproximar da "entelequia" (4), termo com que Aristóteles pretendeu designar a "energia da vida", "algo que tende por si mesmo a atingir o seu próprio fim".
Com efeito, a evolução biológica aparece como uma fase de um processo evolutivo composto de três fases diferenciadas, embora interligadas num mesmo processo geral, que para uns se subdivide em "fase inorgânica ou pré-biológica", "orgânica ou biológica" e "humana ou pós-biológica", e para outros, em "protoplasma", "célula" e "animal", como niveis em que se manifestam os graus de integração e organisação dos seres vivos.

Se há ou não um "propósito" nesta evolução, é assunto discutível, embora presentemente não se admita uma teleología no conjunto do processo evolutivo, mas sim processos parciais teleonómicos, isto é, processos que possuem uma "direcção própria".

Os "epistemólogos" (5) ocuparam-se da explicação dos processos evolutivos, concretamente na evolução biológica e concluiram que a explicação evolutiva não é, nem pode ser, uma explicação de natureza dedutiva, mas que pode haver explicações dos processos evolutivos através de leis demonstrativas de como, de um grupo de condições iniciais, se desenvolve (ou "se desenvolveu") um determinado processo, que produz certas outras condições, regidas por leis próprias.
(consulte-se Ernest Nagel, filósofo, epistemólogo - 1901/1985).

Os sistemas vivos seriam teleológicos, relacionando-se com o "cenário" em que vivem, através de um sistema de informação que o naturalista alemão Jakob von Uexkull denominou de "Umwelt", que significa algo como "o-mundo-que-nos-rodeia".
A teleologia seria pois, uma perfeita afirmação da entropia, ou seja, um encaminhamento permanente da ordem à desordem para construir outra ordem.
Nas transformações de energia, "entropia" é a tendência para um estado de desordem molecular no qual a energia deixa de ser utilizável como trabalho.
O segundo principio da termodinâmica, estabelecido por Carnot e Clausius, enuncia esta tendência à degradação da energia, enquanto o primeiro principio afirma a conservação da quantidade, mas através da transformação da qualidade, que se degrada dispersando-se em calor não utilizável.
Este conceito estendido da física, à biologia, à economia e à sociología, tomou nesta última o sentido geral de tendência à desorganisação e à desestruturação.

Aristóteles, na "Ética a Nicómaco", desenvolve o principio da causalidade para evidenciar uma finalidade subjacente à finalidade das coisas.
Esta finalidade contida no "Ser" e que o leva a "devir o que ele é", é denominada "telos" por Aristóteles, e daí provém a "teleologia", um conceito filosófico que diz haver um principio director, uma finalidade que actua na natureza e que a faz realizar o que ela é.
Aristóteles faz notar a extraordinária universalidade deste principio, do qual nada parece afastar-se, como se uma "mão invisível" orientasse o processo. Tenhamos presente que jamais o "Estagirita" atribuiu a essa "mão" uma qualquer noção de divindade !

Na actualidade, uma aproximação sistémica da teleologia e da teleonomia apresenta-as como noções que se relacionam com o objectivo a atingir, com a finalidade, que pode ser declarada (como intenção expressa) ou interpretada a partir da observação dos comportamentos que parece tenderem para um objectivo atribuido pelo observador.

Compreendamos que se algum processo teleonómico nos coloca perante a decisão de sermos servos hedonistas existindo em sociedades controladas por oligarquias anónimas, ou homens livres vivendo em comunidades por nós dirigidas, a opção é nossa, reside na nossa capacidade de ser rebelde, de construir a alternativa cultural que nos permita continuar a viver como rebeldes, e não como servos de oligarquias ou de divindades.

Biologicamente, o "acaso", o fortuito, cria situações que podem ser inócuas e desprezadas, ou aproveitáveis e que a "necessidade" impõe ; sociologicamente, compete-nos a nós determinar a "necessidade".
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(1) Do gr. "a", que priva ou nega, e "poros", passagem, solução.
Certos diálogos de Platon chocam com a "aporia", como no "Eutifron" ("Euthyphron") quando procura uma definição para o que é piedade.
O termo surge mais tarde na Europa, e.g., na "Grammaire genérale" de N. Beauzée, em 1767, para descrever uma figura de retórica relacionada com a "dúvida intransponível" e, no século XIX, continua a ser definido como processo de retórica pelo dicionário Littré, e no século XX, o termo "aporia" é bastante utilizado no discurso filosófico para significar os problemas insolúveis a que conduzem os raciocinios de certos filósofos.
O denominado "teatro do absurdo" coloca em cena situações que poderiam ser consideradas de "aporia", como no caso de Samuel Beckett (1906-1989) cujo personagem, no seu isolamento, acaba por se isolar de si mesmo e dos outros e não vê o seu destino que no silêncio ou na morte (in "En attendant Godot" - 1953), enquanto o dicionário Robert, a partir de 1970, regista o vocábulo como : "(…) dificuldade de ordem racional aparentemente sem solução".

(2) Tradição não é sinónimo de estagnação ou de saudosismo, mas sim de evolução de estruturas fundacionais.
Entendemos por "saudosismo" um patológico desejo do passado, diferentemente do sentimento de "saudade", absolutamente respeitável, pois só sente "saudade" quem tem memória.

(3) Mencionamos "processo teleológico da vida" referenciando "teleológico" como adjectivo que provém de "teleologia" (do gr. "télos", finalidade + "logos", conhecimento), vocábulo proposto por Ernest Mayr (1905-2005) em 1974, significando "doutrina que considera terem todos os seres uma finalidade" e concebendo o mundo como um sistema de relações entre meios e fins, opondo-se a uma visão mecanicista.

(4) Vocábulo criado por Aristóteles para designar a tendência natural de qualquer "sistema" a procurar realizar-se plenamente, a atingir o limite das suas potencialidades.
"Entelequia", do antigo lat. "entelechia", proveniente do gr. "entelecheia" ("en", em + "telos" finalidade e "echein", ter), "ter ou ser uma finalidade". Para alguns, está próximo do termo gr. "energeia" ("energia"). "Força vital". "Vitalismo" (Ortega y Gasset).

(5) Do gr. "épistémê", conhecimento, e "logos", razão, discurso.

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L'Irak contre les "Mongols"

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L'Irak contre les Mongols ou Saddam Hussein géopolitologue!

Texte d'une conférence prononcée par Max Steens devant l'Ecole des Cadres de Synergies Européennes à Bruxelles en 2003. Ce texte, sous bien des aspects, demeure pertinent, en dépit du temps écoulé et de la mort de Saddam Hussein.

1) Saddam Hussein lecteur de Brzezinski?

Le "maître de Bagdad", comme le nomment les journalistes, a prononcé ce 17 janvier, à l'occasion de l'an­niversaire commémoration du lancement de la guerre du Golfe, il y a douze ans, un discours des plus inté­res­sants, qu'il faut savoir entendre dans la brèche opérationnelle et active qu'il sous-tend.

S'adressant à son peuple avec moult images et expressions, issues de sa culture et de son histoire, il a ren­voyé les Etats-Unis à ce qu'ils sont dans les comparatismes historiques (souvent boiteux, certes, qui sont évoqués de part et d'autre, mais néanmoins actifs). A savoir, les Mongols de l'ère moderne !! Je pense, avec Carl Schmitt, que tout discours d'un homme politique, tenant un pouvoir concret, peut définir une doc­trine, et ceci, pour le meilleur comme pour le pire! Alors —et malgré l'intérêt que l'on peut avoir pour Té­­moudjinn, alias Gengis Khan, et pour la tentative héroïque du Général Baron Roman Féodorovitch von Un­gern-Sternberg de s' en inspirer— force est de constater que c'est bien "ce qu'ils sont", plus que tout au­tre forme d'impérialité.

Saddam Hussein est d'ailleurs en accord, en cela, avec le stratège-géopolitologue Zbigniew Bzrezinski. Il ne s'agit pas, dans la bouche du dictateur irakien, d'une formule creuse, mais d'un constat de com­pa­ra­tisme "historico-morphique", au sujet du statut de ce que d'aucuns ont le culot d' appeler l'"Empire amé­ricain". Le "maître de Bagdad" et le professeur , conseiller du Center for Strategic and International Stu­dies de Washington (DC), sont donc d'accord, ils s'accordent sur ce qu'est la puissance américaine sur la surface du globe! Ne pourrait-on les faire se rencontrer afin de boire une tasse de thé? Cela ne servirait à rien. Les héritiers de l'Empire Mongol, qui, je le rappelle, ont comme caractéristique de n'imposer aucun Or­dre territorial cohérent en visant à la domination universelle, de ne proposer aucuns nomos de la Terre, ces cavaliers nomades et pillards n'ayant pas les conceptions de la territorialité qui nous animent.

Le modèle mongol du Pentagone

Je cite Brzezinski, qui passe en revue, dans son étude sur l'Amérique et le reste du monde, les différentes for­mes impériales, et qui, à propos de l' Empire de Gengis Khan, déclare: Seul l'extraordinaire Empire Mongol approche notre définition de la puissance mondiale (in: Le Grand échiquier, Paris, 2000, p. 40, coll. Pluriel/ Hachette; édition de poche). Révélation capitale, s'il en est, et qui devrait nous en­join­dre à des rapprochements décisifs! Ainsi, il rappelle que cet Empire gengiskhanide a pu "soumettre (sic) le Ro­yaume de Pologne, la Hongrie, le Saint-Empire (resic) , plusieurs principautés russes, le califat de Bag­dad et l'Empire chinois des Song.

Dans sa franchise, qui n'est que plus blessante et révélatrice de notre condition misérable en Eurasie, il pour­suit: la puissance impériale mongole est fondée sur la domination militaire (tiens, tiens…), grâce à l'ap­plication brillante et sans pitié d'une tactique remarquable…! En effet, où est la pitié dans la mise en pla­ce de la domination américaine sur la planète depuis plus de cent ans?

Certainement pas en Amérique dans le génocide du peuple amérindien, ni dans l'instauration des dicta­tu­res sud-américaines aux 19ième et 20ième siècles en faveur de Washington et de Wall Street, dictatures où la tête d'un péon ne valait pas un cent, ni à Dresde dans les corps fondus des civils allemands brûlés vifs com­me leurs compagnons en holocauste de Tokyo, de Nagasaki, mais aussi de Hanoï, ou d'Hué, sous l'ac­tion de l'agent orange, corps napalmisés comme des mauvaises herbe1; je ne pense pas que la pitié ait ja­mais résidé dans la volonté de parfaire un blocus qui envoie à la mort des dizaines de milliers d'enfants ira­kiens qui n' ont rien fait, qui ont le tort de naître dans un Pays qui gêne les visées stratégico-com­mer­ciales d'un pays qui se pense comme la mesure du monde (et quelle mesure!!), comme, autrefois, les Ir­landais n'avaient qu'à mourir de faim sous les bons yeux de sa Très Gracieuse Majesté, les rois ou la reine d'An­gleterre.

Brzezinski, insiste, de manière pesante, sur le fait que les Mongols n'apportaient ni système économique et financier ni sentiment de leur supériorité culturelle, lequel existait dans les autres Empires. Voilà donc la mission stratégique de l'Etat américain; en effet, s'il s'inscrit dans la veine mongole, comme le veut Brze­zinski, il lui faut pallier ces défauts, d'autant plus que ces caractéristiques sont consubstantielles du ca­ractère éphémère de l'Empire de Temoudjinn. On remarquera que ces lacunes de l'empire gen­gis­kha­ni­de sont exactement celles qui caractérisent remarquablement bien les USA: l'expansion tous azimuts du dol­lar et l'intégration globalitaire du monde, condamné à être mis au diapason des règles économiques pro­posées par la seule Amérique. Cette dernière pouvant toutefois, à tous moments, les refuser sur son pro­pre sol ou, tout simplement, sous la forme de réciprocité si elles leur nuisent. Pas de barrières com­mer­ciales sur la planète, pas d'exception culturelle, nous vous l'ordonnons mais laissez instaurer des quo­tas et des mesures autarcique chez nous, je vous en prie! Il ne faudrait pas confondre les Maîtres et les esclaves, s'il vous plait de la tenue!

Ce n'est pas étonnant, dans cette mesure, que le parachèvement du condominium américain que veut Brze­zinski, insiste sur cet aspect et sur la diffusion de la culture américaine. Même si elle n'est pas trop sû­re de sa force en réalité, l'avancée de la démocratie (de type démo-libérale s'entend), des droits de l'hom­me (blanc et sioniste, disait Jacques Vergès!), et consécutivement de l'American Way of Life, assu­re­ront la puissance de cette troisième caractéristique impériale: la force d'une culture. Force plus ma­té­riel­le qu'autre chose, certes, mais qui base sa prédominance sur l'éradication des autres et sur l'oubli de tou­tes autres formes de sentir, penser, percevoir. Il ne peut en être ainsi, il ne pourra en être car il faut re­fuser le chemin du néant.

2) Une alliance du turquisme et du wahhabitisme contre les peuples libres d'Eurasie

Prévoyant et préparant la chute de Saddam Hussein, qui a revendiqué dans son discours le droit de toute na­tion à vivre —ce qui nous semble une revendication bien légitime— des réunions ont lieu, en ce mo­ment, entre Saoudiens, Turcs et Egyptiens. Le premier ministre turc Abdullah Güll (AKP), s'attèle à établir une alliance avec un prince saoudien, Abdullah bin Abdulaziz Al Saud (cf. Le Figaro, édition du 18-19/1/2003, p. 2), et avec Hosni Moubarak, qui s'engage à trahir définitivement toute possibilité égyp­tienne d'emprunter une voie politique propre, lui permettant de sortir de son triste état de fellahisation (com­me disait Spengler), dans laquelle l'avait poussée définitivement la colonisation anglo-saxonne, après l'é­limination de Mehmet Ali, et de laquelle entendait la sortir le germanisme en action avec l'aide de Ga­mal Abdel Nasser.

Turcs et Saoudiens, forces d'obscurcissement et ennemis ontologiques de l'Europe et de l'Eurasie, s'enten­dent donc à merveille afin de proposer un plan de liquidation du Parti Baath, ainsi que des hommes in­fluents qui le composent dans l'entourage de Saddam Hussein. On voit à quelle trahison s'apprête Mouba­rak, tombé à genoux devant l'ottomano-wahhabisme. Il s'agit de soudoyer les hommes et les officiers du Par­ti, à l'exception de l'entourage immédiat et de la famille; détail révélateur: il s'agit bien de la liqui­da­tion d'un projet, d'une vision du monde, d'une réorganisation de la région et des rapports de force en pré­sence et non de plier des "sbires".

Napoléon pensait que pour manipuler les hommes, il existait deux moyens, la corruption et le fouet! Le fouet ne sera pas utilisé; les Saoudiens, qui tiennent en main le régime le plus ignoble que la terre n'ait ja­mais porté, le réservant aux femmes et aux esclaves philippines qu'ils emploient dans leurs palaces-ca­si­nos, hideuse expression de la collusion americano-wahabite. Leur environnement esthétique relève effec­ti­vement plus de Las Vegas que de l'Alhambra. La corruption s'appliquerait sous la forme d'une amnistie ju­ridique pour inciter les fidèles baathistes à abandonner le dictateur et à l'anéantir en le condamnant à la solitude.

Bas les masques!

Que vient faire, dans ce point focal du conflit, cette alliance de la Turquie (dite laïque, alors qu'elle par­ti­ciperait à la liquidation du Baathisme, républicaine et je ne sais quoi encore!), qu'il nous faudrait ac­cepter au sein de l'Europe, avec l'islaméricaine Arabie Saoudite, théocratie islamique de mouture wahha­bite, alliée-adversaire des USA? Alliée militaro-stratégique et économique et néanmoins concurrente ou ad­versaire (n'en déplaise à Guillaume Faye) des USA dans la lutte commerciale pour la main mise sur le pé­trole. Ces forces que Jean Parvulesco appelle les forces du Non-Être (et qui comportent encore d'autres é­lé­ments à peine "dicibles"!) agissent de façon de plus en plus visible. L'alliance du dollar et du pétrole re­prend de plus belle, moyennant des zones d'influence accordée à l'islamisme et à l'américanisme, sous l'œil avide de la politique et de la diplomatie turque, saisissant l'opportunité de récolter de substantielles pré­bendes, dépassant largement ses bons services au sein de l'OTAN.

Afin de reconstituer la pérennité du condominium, qui régnait avant l'ébranlement du 11 septembre, —ce­lui étant sans doute plus ou moins factice, du moins manipulé par on ne sait quel nombre de services et de contre-services et ayant principalement une "fonction vidéosphérique légitimisante"— il est fort pro­bable que la Turquie fasse office de grand intercesseur entre les deux adversaires-concurrents, l'A­mé­ri­que et l'islamisme (saoudien), ces deux monstres de prosélytisme monothéiste, monothéisme du marché et monothéisme coranique, alliés à nos dépens.

La Turquie recevrait le droit de s'activer dans les "Balkans eurasiens", tout en étant "boostée" plus que ja­mais dans son lobbying en faveur de son entrée dans l'Union Européenne.

La France : terrain de tous les dangers

Il n'est pas sans signification, dans ce contexte, que la France soit le terrain de tous les dangers. Visible­ment, la France, via Jacques Chirac, a pris, en matière de Grande Politique, conscience de la tragédie qui peut résulter des heures que nous vivons. Face aux Etats-Unis d'Amérique, qui en sont à un tel niveau d'ou­trecuidance et de menace pour la paix du monde, Chirac a pris position en réactivant un certain gaul­lis­me révolutionnaire au sens où l'entend Jean Parvulesco, visionnaire, s'il en est, de la Weltpolitik, poli­ti­que où sont dépassés les clivages habituels. Chirac est le chef d'un Etat de l'Extrême-Occident qui vient de mettre en garde, personnellement, G. W. Bush, sur sa volonté de lancer une guerre unilatérale que, vi­siblement, il s'apprête à lancer, même seul. L'attitude récente de Chirac montre bien que tous les cri­tè­res et conditions pour justifier l'action militaire ne sont que des os à ronger pour les belles âmes occi­den­ta­les et mondialistes qui font office de gribouilles dans la presse, à la télévision, ou dans les tissus asso­cia­tifs, et dont l'Histoire ne s'encombre pas.

Cette prise de position rejoint l'esprit du discours de Phnom Penh prononcé en 1966 par le Général De Gaulle et de l'action sacrificielle du Président Laval; elle témoigne, sans doute, et je l'espère, d'une prise de conscience du Grand Jeu qui se déploie dans le Heartland.

La Russie a sans doute un grand rôle dialectique dans cette prise de conscience, comme le souligne fort ju­dicieusement Parvulesco, l'auteur du Retour des Grands Temps. En effet, la Russie, qui est aux prises avec le terrorisme tchétchène, est consciente de la turcisation des Balkans eurasiens, favorisée par l'ad­mi­nistration du Pentagone et de l'OTAN, ainsi que de l'islamisation montante de ces contrées, favorisée par l'Arabie et le Pakistan. Tout dialogue euro-russe portera à la conscience cet enjeu vital et historial d'em­pêcher ce qu'il convient de nommer un néo-ottomanisme, vu que sont favorisés et la "turcité" et l'is­la­misme.

Jacques Chirac doit comprendre qu'il peut saisir là l'occasion unique de rendre à la France sa cohérence eu­ropéenne, depuis longtemps perdue, dans cette question impériale (et impérieuse), dans cette question de la marche consciente et immémoriale vers notre Empire. En effet, il existe des forces néfastes, en Fran­ce, qui s'emploient à appuyer les revendications turques quant à son entrée dans notre communauté d'E­tre et de destin. Il ne nous appartient pas de savoir à quelles pathologies, intérêts ou incompréhensions de l'Histoire répondent ces énergumènes, il convient de les combattre et de réduire à néant leur projet ab­ject. En restant fidèles au Testament de Charles-Quint…

Je tiens à souligner, à ce propos, le soutien total que mérite Valéry Giscard d'Estaing quand il s'oppose à l'en­trée de la Turquie dans l'UE. Lui, qui fut ridiculement injurié par le ministre turc des affaires étran­gè­res, qui l'assimila à une figure de l'"anti-progressisme", du "passé", de la "réaction"… J'aimerais demander à ce sinistre monsieur qu'il s'informe: il n'y a que dans son Pays, qui bricole avec les concepts les plus abs­cons de l'Occident essoufflé, que l'on croit au "Progrès absolu" et que les partis politiques s'intitulent "Par­ti du Progrès, de la Liberté et du Droit, de la Justice" ou, pourquoi pas, de "l'Expansion économique"…Si, si, le parti qui remporta les législatives turques (l'AKP) récemment, s'auto-désigne comme le "Parti de la ju­stice et du développement"! La criminalisation automatique, de ceux qui osent mettre ses prétentions en doute, est sous-jacente dans ce label "politiquement correct"; on voit à quel géhenne sont renvoyés ses ad­versaires: à l'injustice et à la régression, fichtre, voilà qui collera à merveille avec l'idiosyncrasie amé­ricaine, se pensant comme "peuple élu", agissant au nom du bien universel, et avec l'islamisme des au­todafés; l'enfer, ce n'est plus les autres, c'est pour les autres!

Il s'agit là d'un fétichisme de l'étiquette politique légués par l'introduction, en France, des idéaux des Con­dor­cet, Saint-Simon, voire Comte, etc… Ce n'était déjà pas fameux à l'époque, mais les instances idéo­lo­giques dominantes en France les ont repris avec la ferveur de ceux qui n'y comprennent pas grand chose… Il en résulte des singeries, rien d'autres. Enfin, ces idées étaient en bout de course et, je signale aima­ble­ment, que l'Histoire a démontré leur inanité; je conseille à tous les excellents livres du Professeur P. A. Ta­guieff, notamment sur la question centrale du progrès.

La haine des trotsko-ricains favorables à l'Axe Washington-Ankara

Chirac a pris une position qui honore la France, montrant dans quel ridicule s'est encore une fois plongée la Belgique par la bouche de son ineffable ministre de la défense, le sieur Flahaut (dit "Fléau")2; en re­joi­gnant la position des d'Estaing et Stoiber, après que le chancelier Kohl ait donné la ligne de conduite de l'Eu­rope, à propos de la question turque, après l'appui donné à Giscard par l'ex-Chancelier Helmut Schmidt, fin analyste de la situation internationale, Chirac a provoqué, plus que jamais, la haine des trot­sko-ricains, de son pays, généralement favorables à l'axe Washington-Ankara.

D'autres, après le sociologue Emmanuel Todd 3, défendent l'intégration de la Turquie dans l'Europe. Cet in­dividu, que l'on croyait tout de même capable d'analyses plus pertinentes, y voit une chance pour le mo­dèle jacobin, or, fort heureusement, la France s'est engagée en vue d'une décentralisation régionale, com­me cela avait été le vœu du référendum de 1969. Ainsi, il nous faudra nous méfier du sénateur fran­çais Michel Pelchat, président du groupe des amitiés France-Turquie —qui va recevoir ma réponse sous for­me de communiqué— tellement le drôle est à côté de ses pompes, mais je suppose que c'est normal, vu qu'il en cire d'autres!

La France rentre dans une phase critique où elle pourrait enfin rejoindre et l'idéalité et la réalité de l'Eu­ro­pe en devenir, en renonçant une fois pour toute à l'idée perfide de l'alliance ottomane, en vue de jouer seu­le sur le continent, et en entrant, libérée de ses illusions et de ses aveuglements, dans le camp des Im­périaux, où elle aurait pleinement sa place car elle pourrait constituer une redoutable forteresse ma­ri­ti­me et spatiale sur le rimland atlantique, en lisière immédiate du cœur géopolitique de l'Europe, du no­yau territorial de l'impérialité germanique et occidentale. L'avertissement lancé par Chirac à Bush doit ê­tre le détonateur de cette voie révolutionnaire à suivre, vu l'action anti-européenne et anti-russe de l'al­liance wahhabito-ottomano-ricaine actuellement à l'œuvre.

Panoptisme et univers carcéral

Il est grand temps de comprendre le futur de notre condition humaine sur la planète Terre si cette al­lian­ce vainc un jour: c'est le pénitencier (ou la galère!) pour tout le monde! Sous l'œil de l' américano-panop­tis­me (satellitaire et électronique) et des gouverneurs de prisons turcs ou musulmans. L'humanité vivrait sous leur regard et selon l'aune de toute chose que développe l'humanitarisme, et ce formidable rè­gle­ment de prison que sont les "droits de l'homme". En réalité le droit de recevoir des bons ou des mauvais points selon le comportement de chacun en échange d'une punition éventuelle, le bonheur résidant dans l'ab­sence de punition. Condition de taulards! L'Humanité et le globe comme grand pénitencier, voilà la réa­­lité de la condition humaine à venir sous l'œil des kapos et matons médiatiques. Finie l'Histoire, fini le Po­­litique, finies les Révolutions possibles et l'action des peuples libres… Après la police du globe, le globe com­me prison. Vision accréditée par les régimistes de facture "rawlsienne", actifs dans les médias et les grou­pes associatifs, cet état de l'humanité assurant une juste "égalité des chances", façon pénitentiaire (a­vec un statut particulier pour ces régimistes médiacrates, je suppose que ce sera celui de kapo).

Contre l'alliance wahhabito-turco-ricaine! Contre l'Humanité réduite à un pénitencier! Contre la dhim­­misation et la chiourmisation des peuples d'Eurasie! Soutien total à la légitimité historique du Saint-Empire! Soutien total à Giscard d'Estaing et Jacques Chirac dans leur combat pour la paix! Sou­tien à l'Irak baasiste dans sa résistance aux mongols modernes ! Soutien total à Vladimir Poutine et à la Russie éternelle!

Max STEENS,

Bruxelles, 20/1/2003.

(1) Est-ce la réussite des Etats-Unis, de ne pas employer d'armes de destruction massive mais de traiter les hommes de chair et de sang comme des plantes à détruire, à exterminer leur refusant leur statut d'humanité? Est-ce que dans les repentances et les vagues de pardon et de devoir de mémoire que certains tentent d'imposer; y aura-t-il un jour un mot pour tous ces hommes? Car la vraie question est bien de savoir si une vie humaine vaut une vie humaine? Il est clair que pour les USA la réponse est négative (je pense même qui si il est jaune, il a encore moins de valeur à leur yeux). Un Japonais, un Amérindien, un Allemand, un Vietnamien mais aussi quiconque gênerait la marche de la théo­dicée du peuple américain risque de subir leurs foudres, avalisée subito presto par leur puritanisme qui les enjoints à se considérer comme le peuple élu.

(2) Qui vient de livrer, une fois encore la Belgique à l'accueil des troupes US, il faut dire le sourire au lèvres car le bon­homme raffole de passer à la télévision, expliquant qu'il ne saurait en être autrement. Ménageant ainsi la bonne collaboration otanesque de la Belgique à son maître ricain, de qui Verhofstadt et Michel sont les parangons. Il faut no­ter la juste répartition des rôles au PS, le triste sire de la maffia rose di Rupo essayant tant bien que mal de prononcer un discours devant ses ouailles où il s' affirme comme un opposant à la guerre… oui du point de vue de la belle âme car il s' agit pour lui que du non-envoi de troupes belges (ce sur quoi, il rejoint le Vlaams Blok!), le reste est de l'ordre de la pétition de principe… Principe déjà trahi par son camarade Flahaut. A jamais, le PS s'est déshonoré (pour autant qu'il ait jamais eu d'honneur…), trahi, et ne mérite pas une voix, pas un soupçon d'estime, juste une saine répugnance et ne mérite qu'une chose —outre notre dégoût : que des hommes courageux leur enlèvent à jamais la possibilité de se nom­mer "socialistes", ce qu'ils ne sont pas.

(3) Todd, certes, est apprécié dans nos milieux non-conformistes, allergiques aux "salades" des médias, pour ses travaux sur les structures familiales en Europe et dans le monde, mais il semble aussi, par ailleurs, que nos milieux pratiquent, par trop souvent, une rigidité mentale qui les empêchent d'intégrer la possibilité d'une multiplicité simultanée de points de vues, généralement divergents; croyant qu'un "ami" politique ou qu'une proposition "amie" dans un domaine implique ipso facto une "amitié" dans un autre domaine, sur un autre terrain, sur un autre champ, dans une autre ac­tion, … Funeste erreur. Assurer la cohérence des combats n'implique pas la cohérence des alliances.

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dimanche, 20 mai 2007

G. Faye: Les Titans et les Dieux

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Les Titans et les Dieux
Entretien avec Guillaume Faye

Christopher Gérard : Guillaume Faye, qui êtes-vous ?

Guillaume Faye : Il m'est impossible de me définir. Je suis en tout cas multifacettes, non spécialisé, “polythéiste” dans ma propre vie. Bien que diplômé de Sciences-Po, licencié d’histoire-géo et Docteur en Sciences politiques, je n’ai jamais pris mes diplômes au sérieux et ne les ai jamais utilisés pour “réussir” dans la société bourgeoise ou l’intelligentsia officielle. J’ai vendu des voitures au porte-à-porte, animé des émissions comiques sur les radios et les télés grand public, écrit des livres et des articles sur tous les sujets, des plus “sérieux” aux plus légers. J’ai travaillé dans la publicité et dans la grande presse, etc. Actuellement, j’écris des livres, je fais des conférences un peu partout en Europe et je viens de lancer une lettre d’informations socio-économiques dont je me félicite du succès.
Mes origines ancestrales sont strictement limitées, depuis de nombreuses générations, aux “régions” gauloises Poitou-Charentes et Limousin, heureux assemblage de traditions celtiques et romaines. J’ai été élevé dans le culte du nationalisme français, de tendance bonapartiste, et le résultat paradoxal en fut un patriotisme européen. Mon milieu social d’origine est celui de la grande bourgeoisie parisienne, que je connais parfaitement de l’intérieur et dont je n’ai jamais partagé les idéaux conformistes et matérialistes, que je n’ai jamais enviée, parce que le style de vie qu’elle me proposait, fondamentalement, ne m’intéressait pas.

Quel a été votre itinéraire intellectuel?

Je n'aime pas ce mot d'"intellectuel". Permettez-moi cette remarque un peu crue : j’ai toujours pensé que les intellectuels étaient à l’intelligence ce que la masturbation est à l’amour. L’”intellectuel” est un être narcissique, héritier des théologiens de Byzance, réfugié dans les idées pures (et fausses à 95%), qui perd son temps et en fait perdre aux autres. Au départ, n’oublions pas que c’est un terme péjoratif créé dans les années 90 du XIXème siècle, désignant la classe des professeurs, publicistes et journalistes qui préféraient les dogmes idéologiques à la réalité. Rien de moins païen que ce terme d’”intellectuel” ! Puisqu’il entérine une césure mortelle entre l’intellect (Geist) et l’âme vitale (Seele).
Mon premier éveilleur fut Nietzsche, surtout Le Gai Savoir et l’Antéchrist, que m’a fait découvrir mon prof de philosophie alors que j’étais chez les Jésuites à Paris, corporation religieuse qui ne dispensait que du bout des lèvres une éducation chrétienne, mais s’intéressait nettement plus à l’humanisme gréco-latin antique. Les deux sources de mon Paganisme, le nietzschéisme et la culture gréco-latine, proviennent donc paradoxalement des Jésuites.
J’ai eu la chance de faire de longues études très éclectiques : langues anciennes, sciences politiques, histoire, géographie, philosophie, économie, ce qui m’a permis de ne pas me spécialiser et de rester un “touche-à-tout”. De même, j’ai été influencé par la méthode de pensée du courant marxiste, sans partager aucun de ses choix de société ou utopies. Ma formation fut très variée et, au fond, très peu française. Descartes, Montaigne, Bergson et consorts ne m’ont jamais inspiré, pas plus que Maurras d'ailleurs. J’ai toujours été attiré par les philosophies allemande et anglo-saxonne : Nietzsche, Hegel, Heidegger, Simmel, Tönnies, Schmitt, Spencer, Lash, etc. Cependant, je me suis toujours méfié des savants proclamés comme tels, des homines unius libri (“hommes d’un seul livre”) ou des compilateurs. Je n’appartiens à aucune chapelle théorique ou idéologique, j’ai toujours essayé de penser par moi-même.
Mais, au total, ce ne sont pas tellement les livres qui m'ont influencé, c'est ma vie, tout simplement. Je ne suis pas un “érudit” ni un adepte des citations mises bout à bout et du “collage intellectuel”, manie des autodidactes. Je ne collectionne pas les livres, comme d’autres les soldats de plombs ou les timbres-poste. Je préfère réfléchir par moi-même, créer sans cesse de nouveaux concepts à partir de la réalité quotidienne observée et de mes intuitions, provoquées par une lecture (très personnelle et iconoclaste) de tel auteur, sur lequel je rebondis, ou par une conversation, une observation, la lecture de la presse ou d’un livre d’histoire. Je fonctionne par éclairs et par intuitions, mais je ne me définis pas par rapport à une “école de pensée” ou un “courant d’idées”. Je ne possède chez moi que 100 livres, les plus essentiels. Tous les autres, je les ai donnés ou vendus.
J’ai été influencé par les éthologues, les sociologues, les économistes et les philosophes allemands sans oublier toute l’Ecole de Francfort et Habermas ou des auteurs aussi différents que Koestler, Heidegger, Spencer, Ardrey. Contrairement aux Américains francophiles, j’ai toujours pensé que l’école structuraliste française (Lacan, Foucault et consorts) manquait de clarté. Je ferais, pour les Français, de notables exceptions pour Julien Freund, Maffesoli, Lefebvre, Deleuze et Debord. J’ai participé un temps au courant situationniste, pour la puissance de sa critique de la société occidentale et de son vide. Ce qui m’a paradoxalement amené à m’intéresser, dans les années 70, au GRECE et à la “Nouvelle droite", à laquelle j’ai apporté une importante contribution. Mais j’ai quitté ce courant en 1986, car je sentais que les idées que j’y développais n’étaient plus en phase avec la stratégie de recentrage idéologique de ses dirigeants. Cela dit, j’y ai rencontré des hommes comme le philosophe Giorgio Locchi, l’historien Pierre Vial, Pierre Brader, le politologue Robert Steuckers et d’autres, qui m’ont ouvert de nombreuses pistes et qui tous ont, comme moi, quitté cette famille de pensée.

Et votre itinéraire spirituel?

Mon Paganisme n’a rien de spiritualiste ni de mystique; il est charnel, vécu, je dirais: poétique et totalement personnel. Mon itinéraire est tout sauf “spirituel”, mais purement sensuel. La richesse du Paganisme, que ne possède aucune autre “religion”, c’est qu’on y trouve une extraordinaire pluralité de sensibilités : du Paganisme des bois et de l’enracinement, à celui du déchaînement de la technoscience ; du Paganisme des brumes de la lande à celui des divinités du feu solaire. Du Paganisme des fontaines et des nymphes à celui du bruissement sourd des batailles, de celui du chant des fées ou du galop des lutins dans les sous-bois, à celui du tonnerre des réacteurs, de celui des grands Dieux tutélaires à celui des lares. Mais le génie du Paganisme, c’est de rassembler dans une totalité cosmique et organique l’ensemble des passions humaines, avec leurs misères et leurs grandeurs. Le Paganisme est bien le miroir du monde vivant.
Je n’ai jamais été attiré par les textes ésotériques, les élans mystiques, les recherches et les discours sur la symbolique. Pour moi, le Paganisme est d’abord poésie, esthétique, exaltation et intuition. En aucun cas théorie, chapelle ou instrumentalisation.
C'est du Paganisme grec et romain que je me sens le plus proche. Il marqua toute mon éducation, d'autant plus que j'ai fait dix ans d'études gréco-latines et que j'étais capable (ce que je ne puis plus faire actuellement, sed nihil obstat quibus perseverant) de lire à peu près dans le texte Ovide ou Xénophon. Bien entendu, j'ai beaucoup de connivence et de sympathie pour les sensibilités païennes celtiques, germaniques, scandinaves et indiennes, qui sont tout aussi riches. Je regrette de mal connaître l'Hindouisme, le plus important Paganisme vivant d'aujourd'hui, mais j'aimerais combler cette lacune.
Je me souviens du Serment de Delphes, prononcé sur le site sacré, devant la Stoa, au début des années quatre-vingts, au petit matin, par un aréopage de jeunes Européens. Il fut prononcé à l'instigation de Pierre Vial et de notre défunt ami grec Jason Hadjidinas. Il y avait là des Européens de toutes les nations de notre Maison commune. Toute ma vie, je resterai fidèle à ce serment. Ce fut une intense émotion, une émotion religieuse. Ce serment avait pour objet d’agir concrètement, dans le monde, pour les valeurs païennes.
La “spiritualité” désincarnée m’a toujours semblé très ennuyeuse, tout simplement peut-être parce que je ne la comprends pas. D’Evola, je ne retiens que les passages sociologiques et politiques, mais l’”évolianisme” m’a toujours paru déplacé et les textes de Guénon (d’ailleurs converti à l’Islam) totalement abscons. Mon Paganisme, essentiellement apollinien et dionysiaque, est l’inverse d’une attitude méditative ; il est intuitif, fasciné par le mouvement, l’action, l’esthétisme de la puissance (et non pas de la prière). C’est pour moi l’essence même de la force vitale, du vouloir-vivre. La vie est l’efficacité, la production historique. L’histoire retient les res gestae, les actes, pas la contemplation abstraite et dandy pour des théories inutiles, balayées par l’oubli. Seul le faire est efficace et, seul, il est le but de la pensée comme des mouvements esthétiques de l’âme.
Le principal danger qui guette le Paganisme, c’est l’intellectualisme de la gratuité, la “pensée”, idolâtrée pour elle-même, desséchée et abstraite, para-universitaire, déconnectée du réel et des impératifs de l’urgence. Le Paganisme n’est ni dissertation savante, ni “connaissances” froides, mais attitudes pour l’action. Pour moi, il est immersion dans la vie, pratique qui transforme le monde. Ce ne sont jamais les mots qui comptent d’abord, ni les idées, mais les actes concrets auxquels ces idées et ces mots conduisent. Une idée n’est pas intéressante parce qu’elle est brillante en elle-même, mais si elle donne lieu à une modification d’un état de fait, à une incarnation dans un projet : tel est le centre de l’épistémologie païenne; à l’inverse de l’épistémologie judéo-chrétienne, où l’idée ne vaut qu’en elle-même, où les contingences matérielles, l’urgence, le réel sont méprisés. J’ai toujours été frappé par le fait que les Paganismes gréco-latin, germanique, ou celtique, n’avaient rien de méditatif ou de contemplatif. Ils étaient éminemment actifs, politiques et guerriers.
Plusieurs Judéo-Chrétiens qui s’ignorent pensent, de manière tout à fait biblique, que la volonté de puissance est un péché contre Dieu, un défi, et que, selon l’enseignement des bons Pères, la seule puissance acceptable serait l’”empire intérieur”, dématérialisé. Cette vision suppose que le monde obéit au dualisme: d’un côté le “spirituel”, le sacré, la méditation ; de l’autre le vulgaire profane, englué dans une frénésie absurde de domination, de calculs, de batailles, de stratégies. Je prétends au contraire que le matérialisme et le sens du sacré sont intimement liés dans le Paganisme, “matérialisme” n’étant évidemment pas confondu avec consumérisme.
Une autre chose très étrange m'a rendu “païen” sans le formuler, quand je replonge dans les mystères de ma petite enfance. C'est la fascination pour la nature sauvage, plus exactement pour la forêt, la mer et la montagne. Une simple anecdote, assez curieuse : jeune adolescent, j'avais coutume de traverser à pied une des plus belles forêts d’Europe, la forêt de la Coubre, dans mon pays natal, en Saintonge. Une immense étendue de pins et de chênes torturés par le vent. Plus on s'approche de la mer, plus on entend et plus l'on sent le hululement d’Eole — le redoutable suroît — et l'aboiement rageur de l'océan atlantique. Puis, on escalade une dune, où les derniers pins se meurent, rongés par le sel et les rafales. Et d'un coup, éclate la splendeur de Poséidon: une splendeur sauvage, menaçante, indifférente aux lamentations humaines. Des vagues énormes qui explosent en rugissant, des tourbillons qui bruissent, une interminable côte de sable blanc et les panneaux inscrits en rouge : “baignade interdite”. J’ai toujours été fasciné par ce côté sauvage et menaçant de la nature, où la beauté pure cache un terrible danger, la morsure des Dieux.
Mais, dans cette vision païenne du monde, je suis également attiré par les villes colossales et par l’architecture monumentale d’affirmation et de puissance, d’esthétique et de force harmonieuse : Versailles, le Taj-Mahal, la cathédrale de Strasbourg ou d’Ulm, l’école architecturale allemande de Chicago, le néo-classicisme des années 30, la brutale beauté d’un sous-marin nucléaire ou d’un avion de combat, etc. C’est l’assomption de la puissance et de l’ordre, qu’elle émane de la nature ou de l’homme, qui façonne mon Paganisme personnel. Ma démarche n’a donc jamais été fondée sur la réflexion sèche, ni sur une quelconque extase mystique, mais plutôt sur l’émotion directe. Un ami chrétien m’a “accusé” un jour de “Paganisme onirique”. Il avait raison, sans voir que les rêves des hommes sont peut-être les messages des Dieux. Voilà bien longtemps que ces derniers ont inventé internet...

Vous voilà donc païen, attentif aux signes, vivant sismographe. Mais qu'est-ce que le Paganisme pour vous aujourd'hui? Quelle est votre approche personnelle?

Mon Paganisme n’est pas réactif, mais positif. Je ne suis pas anti-chrétien mais pré et post-chrétien. Je ne tire pas sur les ambulances, je n’ai pas de comptes à régler. Le Paganisme a précédé le Christianisme et survivra à sa disparition dans le coeur des Européens. Ma conviction tranquille est que le Paganisme est éternel. Comme vous l’exprimez dans votre livre Parcours Païen, le Paganisme s’organise autour de trois axes : l’enracinement dans la lignée et le terroir, l’immersion cosmique dans la nature et ses cycles éternels, et une “quête”, qui peut être une ouverture à l’invisible comme une recherche aventureuse (Pythéas, Alexandre, l’école pythagoricienne, etc.) et “désinstallée”. En ce sens, le Paganisme est la plus ancienne et la plus naturelle des religions du monde. Il a profondément innervé l’âme européenne. A l’inverse des monothéismes, on peut même dire que c’est la plus authentique des religions puisqu’elle “relie” les hommes d’une même communauté dans le monde réel et concret, au lieu d’être, comme le Christianisme ou l’Islam une croyance codifiée et un ensemble de décrets impératifs et universels qui ne s’adressent qu’à l’individu désireux d’”acheter” auprès d’un Dieu omnipotent son “salut”.
Ce qui signifie que les traits majeurs du Paganisme sont l’union du sacré et du profane, une conception cyclique ou sphérique du temps (au rebours des eschatologies du salut ou du progrès, dans lesquelles le temps est linéaire et se dirige vers une fin salvatrice de l’histoire), le refus de considérer la nature comme une propriété de l’homme (fils de Dieu) qu’il pourrait exploiter et détruire à sa guise ; l’alternance de la sensualité et de l’ascèse ; l’apologie constante de la force vitale (le « oui à la vie » et « la Grande Santé » du Zarathoustra de Nietzsche) ; l’idée que le monde est incréé et se ramène au fleuve du devenir, sans commencement ni fin ; le sentiment tragique de la vie et le refus de tout nihilisme ; le culte des ancêtres, de la lignée, de la fidélité aux combats, aux camarades, aux traditions (sans sombrer dans le traditionalisme muséographique) ; le refus de toute vérité révélée universelle et donc de tout fanatisme, de tout fatalisme, de tout dogmatisme et de tout prosélytisme de contrainte. Ajoutons que, dans le Paganisme, se remarque sans cesse l’”opposition des contraires” au sein de la même unité harmonique, l’inclusion de l’hétérogène dans l’homogène.
J’ajouterais que la morale païenne, celle par exemple d’un Marc-Aurèle, comporte certainement des exigences bien supérieures à celles du Christianisme. Le Paganisme auquel je me réfère, et qui est principalement gréco-romain, réclame de l’homme une maîtrise de soi, un respect des règles de la communauté et de l’ordre vital qui ne sont pas imposés par la logique intéressée punition/récompense d’un Dieu omnipotent, mais vécus de l’intérieur, psychologiquement intégrés comme “devoirs” nécessaires.
Les Dieux des panthéons païens ne sont pas moralement supérieurs aux hommes. Ils sont simplement immortels, ce sont des “surhommes” doués de pouvoirs magiques. Ce qui fait que, dans le Paganisme, l’homme n’est pas infériorisé par rapport à la divinité, comme il l’est dans les monothéismes du Livre. On le voit très bien dans l’Iliade, où les Dieux prenaient parti pour l’un et l’autre camp, en possédant, eux aussi, tous les défauts, qualités et passions des humains.
Je suis façonné par deux versions du Paganisme parfaitement opposées et complémentaires : un Paganisme de la nature et un Paganisme de la puissance, de l’artifice, de l’arraisonnement du monde, tous les deux aussi émotionnels. Mon Paganisme, je le reconnais, et c’est ce qu’a m’a reproché un jour amicalement Michel Maffesoli, en me qualifiant de “prométhéen”, (à la suite de la lecture de mon livre L’Archéofuturisme) et donc de “moderne”, est hanté, tenté par l’hybris. Quant à Alain de Benoist, il a traité ma vision du monde de conforme à celle des Titans, selon les catégories de Jünger. Je ne conteste pas cette analyse issue d’un auteur qui, bien que s’étant jadis déclaré “païen”, est resté en réalité profondément judéo-chrétien (de tendance agnostique moderniste) dans son idéologie, sa sensibilité et ses centres d’intérêt.
L’Europe n’a jamais cessé d’être taraudée par son inconscient païen : toute la poésie européenne en témoigne, de même que les arts plastiques. Les oeuvres poétiques purement chrétiennes ne sont pas exaltantes et tout l’art sacré catholique est empreint de Paganisme, ne serait-ce que par la représentation permanente du divin qui s’y opère et qui contredit l’impératif iconoclaste du monothéisme. Dans le Christianisme, ce qui m’a toujours gêné, disons dans le Christianisme d'après Vatican II (qui n’a plus rien à voir avec celui des Croisades), c’est qu’il distille une préférence systématique pour le faible, la victime, le vaincu ; il place l’orgueil au rang de péché et condamne la sensualité, même saine, comme contraire aux voies divines. Ce furent la lecture de Nietzsche, mais surtout l’observation des prélats et des Chrétiens d’aujourd’hui, qui me convainquirent du caractère souffreteux et contre-nature de la morale chrétienne, une morale de malades, une rationalisation des frustrations. Cette idée de rédemption par la souffrance, qui n’a rien à voir avec l’idée païenne de mort héroïque, s’apparente à une haine de la vie. Et puis, je ne supportais pas l’idée de péché originel, l’idée qu’on me tînt responsable des souffrances du Christ. Plus que toute autre religion, le Paganisme est à la fois garant de l’ordre social, de l’ordre cosmique et naturel, garant de la pluralité des croyances et des sensibilités. Il repose sur la logique du “chacun chez soi”, et non sur le fantasme de la mixité universaliste chaotique. Son modèle social associe étroitement les notions de justice, d’ordre et de liberté, ces dernières étant fondées sur la discipline. Il part du principe que l’humanité est diverse, et nullement destinée à s’unifier, que l’histoire est un devenir imprévisible et sans fin. Il suppose, à l’inverse des monothéismes, une humanité hétérogène composée de peuples homogènes, l’essence du politique étant la constitution de l’homogénéité de la Cité, sacralisée par les divinités, dans laquelle l’identité se confond absolument avec la souveraineté. Organique et holiste, la vision païenne du monde considère les peuples comme des communautés de destin. Ainsi qu’on le vit dans le Paganisme grec, la notion de Cité, soudée par le patriotisme et l’identité commune (reflet des diversité des divinités et de la nature) est fondamentale dans le Paganisme, où les divinités tutélaires avaient une dimension essentiellement politique et enracinée.
Outre un Paganisme apollo-dionysiaque, je penche pour ce qu’on pourrait appeler une “approche titanesque”, aux accents faustiens et prométhéens, fondée sur l‘esthétique et l’éthique de la puissance, la divinisation du Surhomme — ce qui n’a rien de “moderne” mais tout d’archéofuturiste — puisque le mythe d’Héraclès et la geste de l’Iliade sont l’expression explicite et tonitruante de ce titanisme, dans lequel les héros humains se hissent au niveau des Dieux. Qu’on songe à Achille, Priam, Agamemnon et tous ces personnages de la mythologie ou de la tragédie grecques qui, habités par le surhumanisme, tendaient réellement à atteindre au divin.
Pour moi — et cette approche surprend ou choque certains Païens — le Paganisme est non seulement associé à une esthétique de la “nature menaçante”, à une vision des divinités comme entités empreintes d’une certaine brutalité, d’une sauvagerie vengeresse ( la “Chasse sauvage” entourée d’une aura de sortilèges et d’imprécations, le fantastique roman de Machen, Le Grand Dieu Pan où les Dieux antiques resurgissent, transfigurés et vengeurs, en pleine Angleterre moderne), mais aussi au déchaînement prométhéen de l’hubris technoscientifique — il ne s'agit pas ici d’en parler d’un point de vue socio-idéologique — qui m’a toujours semblé porteur d’une part majeure de l’âme païenne (qu’on songe à Vulcain-Hephaïstos, le Dieu des forges) dans la mesure où par la “technique-de-puissance”, à distinguer de la “technique-de-confort”, l’homme européen a toujours voulu inconsciemment concurrencer la puissance divine et se l’approprier . D’ailleurs la tradition judéo-chrétienne ne s’y est pas trompée : l’homme y est sommé par Dieu de ravaler son “orgueil de puissance”, de ne pas approcher l’arbre de la connaissance, de ne pas créer d’artifices concurrents de la nature immuable et parfaite conçue par le créateur. D’ailleurs, reprenons le nom des fusées ou programmes spatiaux américains du temps où Von Braun les baptisait : Thor, Atlas, Titan, Jupiter, Delta, Mercury, Apollo... Aucune ne s’appelait “Jesus”, “Peace and Love” ou “Bible”. Et ce, dans un pays où le Christianisme est, de fait, religion d’Etat. De même, la fusée européenne est Ariane, les missiles nucléaires de l’armée de terre française, Pluton et Hadès, et celui de l’armée indienne, Agni. Les navires de guerre britanniques portent traditionnellement des noms de même origine : Hermès, Ajax, Hercules...Il existe donc bien un lien, un fil mental entre les réminiscences de la mythologie païenne et cette “technoscience-de-puissance”.
Dans les sonoramas, les émissions de radio, puis la bande dessinée Avant Guerre , j’ai procédé à une véritable divinisation allégorique de la technoscience, notamment militaire, spatiale et biologique. Cette démarche est constante dans la science-fiction, notamment chez l’Américain Philip K. Dick (ouvertement païen) immense auteur, bien plus connu en Europe que dans son pays. De même, on remarquera l’opposition constante des mentalités christianomorphes à l’ingénierie génétique, aux biotechnologies (comme jadis à la recherche et aux interventions médicales). Ces dernières leur apparaissent comme une profanation de l’oeuvre de Dieu. Expliquons-nous. Pour le Judéo-Christianisme comme pour l’Islam, l’univers est divisé entre sacré et profane. Le sacré ne réside qu’en Dieu. La nature, domaine de l’immanence profane, ne peut être modifiée que par Dieu, et non par l’homme. Si l’homme en vient à se modifier lui-même (ingénierie génétique), il commet le pire des péchés : le péché d’orgueil, évidemment, en prétendant “améliorer” ce que Dieu a créé et en ne se soumettant pas à la prédestination. Il commet un second péché, un péché contre l’anthropocentrisme. L’homme a été créé à l’image (imparfaite, mais à l’image quand même) de son Créateur, radicalement séparé du reste de la nature, plantes et animaux, considérés comme de simples mécanismes biologiques instrumentaux. Où va-t-on si l’homme se décrète créateur de lui-même, manipulateur de sa propre vie ? Il commet une double faute : il s’assimile lui-même à un animal, reniant son âme et sa filiation divines en s’immergeant dans le flux biologique ; il se décrète semblable au reste du vivant (c’est le péché d’incarnation) ; et, pis, il s’adjuge le droit de toucher à sa propre nature intime, qui est la propriété du Dieu-Père, et de s’élever, de s’améliorer ; c’est le péché d’assomption.
Le refus de ces deux sacrilèges a été constant dans les monothéismes dualistes : de l’allégorie du Golem (la créature artificielle et diabolique créée par l’homme), à la lutte contre les théories évolutionnistes, ils ont toujours dénié à l’homme le droit de devenir démiurge. Ils l’ont toujours pensé comme immuable et créé d’un bloc, soumis. Pour des Païens, cette position est incompréhensible : la nature est sacrée par elle-même, elle n’est pas l’oeuvre profane d’un esprit sacré qui règne dans les nuées. Elle est incréée et le divin est partout. L’homme n’est pas immuable, mais immergé dans le torrent du devenir. Il n’existe aucune opposition entre le “naturel” et l’artificiel humain, puisque tout est naturel, même l’artifice. La “sur-nature” engendrée par la science humaine est toujours de la nature. La question, pour un Païen, est de savoir si tel artifice (notamment biologique) est positif ou non, concrètement, ou s’il est nuisible ; mais certainement pas de condamner l’Artifice dans son ensemble en tant que principe métaphysique. C’est pour cela que l’écologisme radical défendu par certains est profondément judéo-chrétien.
Autrement dit, à la question: “est-ce que les clonages ou les incubateurs, les organismes génétiquement modifiés, la technologie nucléaire, sont éthiques ou non ? “, question posée par la conscience monothéiste, il substituera une autre question plus pratique et proche du réel: “est-ce que telle intervention sur le génome ou la structure de la matière peut être nuisible ou bénéfique ?“ Dans la pensée païenne, les idées sont instrumentales. On voit donc que la mentalité païenne se garde de toute métaphysique et qu’elle reste “physique”, tout simplement parce qu’elle est persuadée que rien ne pourra jamais désenchanter la nature. On peut ainsi estimer, ce que j’ai essayé d’expliquer dans mon essai L’Archéofuturisme, qu’en matière de biotechnologies (qui vont, liées avec l’informatique, provoquer un cataclysme au cours du XXIème siècle), les mentalités judéo-chrétienne et islamique ne pourront pas assumer éthiquement, théologiquement et culturellement la technoscience à venir, d’essence titano-prométhéenne. Seule, à mon avis, la mentalité païenne pourra l’assumer. D’ailleurs, on remarque déjà, signe prémonitoire, que les trois aires culturelles qui n’ont pas été innervées par le monothéisme, l’Inde, le Japon et la Chine, considèrent l’ingénierie génétique comme parfaitement naturelle.
Je ne puis parler ici que de manière sibylline, lapidaire et symbolique, en lançant des pistes. Il existe pour moi, un “soleil noir” du Paganisme, un foyer incandescent et souterrain, ce que Heidegger appelait le deinotatos, le “plus risqué”, c’est-à-dire l’essence même du tragique et du défi jeté à la face du destin. La technoscience liée à la volonté-de-puissance ; le surhumanisme, la synergie entre l’esthétique et l’appel à ce qu’on pourrait appeler l’ “auto-affirmation”, les tentatives de se faire Dieu, tout cela fait partie d’un univers mental qu’il est impossible de nommer clairement, qui doit rester dans l’ombre, l’"ombre propice" comme disait Ovide. Mais cette dimension démiurgique appartient en propre au Paganisme européen; il l’innerve toujours, comme une braise qui ne s’éteint jamais et qui peut, à tout moment, devenir volcan. Elle s’exprime avec une grande force dans le roman de Erle Cox, La sphère d’or, qui m’a beaucoup impressionné. Ces intuitions ont été développées dans l’émission de radio de science-fiction Avant-Guerre , réalisée avec feu le peintre Olivier Carré, dont les textes existent, qui seront sans doute un jour publiés, mais qui sont encore trop brutaux pour être bien compris. Ce que nous appelions le retour des dieux transfigurés . Il y a un secret de famille dans le Paganisme européen, que toutes les vieilles mythologies — jusqu’au cycle arthurien— évoquent bien sans en dévoiler la nature, un secret dont le coeur (le Graal ?) est à mon avis l’impensable, un secret que Heidegger avait pressenti et dont il s’était effrayé. Dans son texte fondamental, Holzwege ( traduit en français par “sentiers qui ne mènent nulle part”), Heidegger, à mon avis savait parfaitement que ces sentiers menaient bel et bien quelque part... J’avais exprimé cette interprétation dérangeante dans un numéro de la revue Nouvelle Ecole consacrée au philosophe allemand. Heidegger a eu peur de sa propre lucidité. Il a noyé ses intuitions dans le silence. Et puis, on l’a tellement récupéré, neutralisé, défiguré...Où mène le sentier (c’est-à-dire le cheminement de notre histoire) ? Vers la possible victoire des Titans et de Prométhée. Zeus, je sais, m’en voudra, mais cette victoire, je la souhaite, fût-elle éphémère, sera une explosion esthétique, le couronnement des démiurges, l’instant éternel, dont parlait Nietzsche. Lui qui, précisément, effrayait tant Heidegger qui l’avait trop bien compris et non pas sottement lu .

Mais comment vivre cette tension, cet assaut?

En Europe, le Paganisme — qui fut, de manière protéiforme, son ancienne religion — est présent de multiples manières: un Paganisme “folklorique” (sans connotation péjorative), surtout celto-scandinave, qui ne s’accompagne d’aucune croyance envers des Dieux personnifiés mais relève d’un panthéisme traditionaliste et ethniste; on trouve aussi, surtout avec le recul massif du culte catholique, le retour à un Paganisme populaire diffus, dont la célébration en hausse des cycles saisonniers et des solstices, ainsi que la reprise de la fête celtique des morts (Halloween) — dont il existe évidemment comme pour Noël une récupération commerciale — sont de bons exemples. Rappelons que la “repaganisation” de Noël, fête contre laquelle l’Eglise a constamment lutté, qui date du début du XXème siècle (avec remplacement de la crèche par l’arbre) et qui constitue, plus de 1500 ans après la réponse du berger à la bergère à la christianisation médiévale du solstice d’hiver, fut un signe avant-coureur absolument capital d’une régénération spontanée et populaire du Paganisme ancestral.
On note aussi la persistance, dans les arts, la littérature, la philosophie, la bande dessinée d’évidents courants païens, souvent inconscients. Car le Paganisme ne ressortit pas d’une dénomination, mais d’une attitude vitale spontanée, d’une vision du monde. John Boorman, Michel Maffesoli, et tant d’autres continuent une interminable lignée de Païens qui ne se définissent pas comme tels.
A mon avis, en dépit d’une évidente parenté des conceptions du monde, la grande différence entre le Paganisme hindou et celui des Païens d’Europe, c’est que le premier, n’ayant pas connu de discontinuité ni d’acculturation, est resté très proche des religiosités populaires de l’Antiquité européenne: on croit, réellement, au premier degré, à l’existence du panthéon divin. Il est impossible d’en revenir, en Europe, à cette posture. Notre Paganisme européen est en bribes et en même temps souterrain. Comme par hasard, dans cet interrègne, prélude aux plus grands affrontements, le Paganisme resurgit pour combler le vide d’un Eglise officielle qui a capitulé. Aujourd’hui, en Europe, c’est à la naissance d’un néo-paganisme que nous devons nous attendre. Il est impossible d’en prévoir ou d’en décréter les formes

Quel peut être son avenir ?

L’Europe de 2020 sera un capharnaüm de croyances et de religions. Le Christianisme s'effondre, se décompose. La lutte se fera entre le Paganisme et l'Islam. Combat spirituel ou combat tout court ? On ne sait pas. Le Paganisme est le contraire même de l’esprit de sérieux et c’est en cela qu’il est le plus sérieux et le plus durable. La puissance, l’invincibilité du Paganisme (et la raison d’ailleurs pour laquelle c’est de lui que l’Islam a le plus peur— voir l’affaire des Verset sataniques) c’est qu’il épouse les forces vitales et donc qu’il est inextirpable, qu’il ne pourra jamais disparaître, à l’inverse des monothéismes, qui n’ont eux qu’un temps dans l’histoire, puisqu’ils sont fondés sur des théories dogmatiques nécessairement passagères. Il est cependant hautement improbable que l’Europe en revienne à des cultes païens en tant que tels, comme en Inde aujourd’hui ou dans l’Europe pré-chrétienne. Les actuels cultes druidiques, par exemple, (Bretagne, Irlande, Angleterre, etc.) non seulement apparaissent ultra-minoritaires mais encore ont un caractère factice, folklorico-spiritualiste, mais non pas religieux et fidéistes au premier degré authentique. Je vois plutôt la situation suivante se mettre progressivement en place dans les vingt ans: 1) L’Islam devient la première religion pratiquée (causes démographiques et conversion des autochtones), ce qui constitue une catastrophe. 2) En dépit d’une aggravation prévisible de la situation socio-économique et d’une montée des périls (toujours propices à la religiosité monothéiste du Salut), l’Eglise catholique, engoncée dans sa ligne idéologique anti-sacrale et laïcisante, continuera de faire du syndicalisme et de la politique : son déclin se précipitera, comme sa marginalisation. Je ne crois nullement à une “réaction catholique massive” de retour au Catholicisme du XIXème siècle, comme le souhaite Jean-Paul II. 3) Je prévois une prolifération de sectes ou de “tribus” (selon l’expression maffesolienne) d’inspiration chrétienne, minoritaires mais prospères : traditionalistes, charismatiques, mystiques syncrétiques, etc. pas vraiment reconnues par le Vatican. 4) Il faut s’attendre à une expansion lente mais continue du Bouddhisme à l’occidentale, reflet déformé du bouddhisme asiatique originel. 5) Un recul sévère de l’athéisme ou de l’indifférence agnostique est à prévoir dans le siècle de fer qui s’annonce, d’où évidemment une attirance nouvelle pour des formes imprévues de Paganisme. La prolifération de ce que j’ai appelé les religions sauvages (sans aucune connotation péjorative), véritable capharnaüm du pire comme du plus intéressant, constitue pourtant un terreau sur lequel peut s’opérer une véritable régénération métamorphique du Paganisme européen. Ces “religions sauvages” existent déjà et ont un côté glauque, disons tâtonnant. Mais elles correspondent à un besoin ; celui de renouer avec une mémoire floue, semi-oubliée.
Je pense donc que nous allons voir surgir, au cours du XXIème siècle, des formes imprévues de Paganisme, qui s’apparenteront à une métamorphose des Dieux . Tout est possible, tout est envisageable dans ce chaos, d’où un ordre, un après-chaos, surgira nécessairement. Il faut se méfier, d’autre part, de tous ceux (qu’ils se disent Païens ou qu’ils appartiennent à des milieux catholiques intégristes) qui analysent — pour l’approuver ou pour le condamner — le délitement actuel des moeurs (Gay Pride, Love Parade, homophilie, anti-natalisme, féminisme, toxicomanie tolérée, pornophilie abrutissante, abolition des codes sociaux, dégénérescence artistique...) comme un retour du Paganisme. Le Paganisme est le contraire même du relâchement, de la déstructuration des énergies vitales observables dans l’Occident contemporain. Il s’avère tout au contraire comme la ritualisation et l’assomption des impératifs d’ordre vital. Ses principes cosmiques (du grec kosmein, mettre en ordre, parer, organiser) intègrent à la fois, dans une conjonction des contraires apparents, les forces dionysiaques de la sensualité et du principe de plaisir aux nécessités apolliniennes de maîtrise et d’ordre global. Tout ce qui nuit à la perpétuation saine de l’espèce et du peuple, à l’homogénéité organique de la Cité ou de l’Etat (au sens romain du mot) ne peut se prétendre “païen”. Un Païen ne sera jamais ni un puritain ni un obsédé sexuel (les deux étant d’ailleurs très proches...), ni un anarchiste ni un tyran (le second procédant du premier).
De même, le Paganisme ne doit se confondre ni avec le dogmatisme intolérant ni avec la tolérance absolue. Sous prétexte de “polythéisme social”, certains Païens superficiels applaudissent à la tribalisation de la société, au communautarisme, sans savoir que tous les auteurs païens de la Grèce antique — à commencer par Aristote avec son concept de philia, “amitié envers le proche” — ont toujours mis en garde contre l’idée de peuples hétérogènes, ces derniers étant le terreau de la violence et du despotisme. Ce sont au contraire les monothéismes qui défendent l’idée de mixité, afin de disposer de masses d’autant plus malléables qu’elles ne sont plus cimentées par des solidarités ethno-culturelles. Ces Païens de pacotille partagent avec les prélats post-conciliaires, l’approbation de l’accueil de l’ islam comme un “enrichissement oecuménique” (sans comprendre la logique totalitaire — sans connotation péjorative — et monopolistique de la religion de Mahomet) ; et de même, ils pratiquent, au nom d’une vision abstraite et fausse d’un monde futur organisé en “réseaux”, prétendu “polythéiste”, sans peuples ni nations, une tolérance envers les “tribus” marginales et déviantes et, derechef, avec un cosmopolitisme débridé. Ce dernier est parfaitement étranger à la vision païenne de la Cité et s’apparente à une très ancienne conception judéo-chrétienne et paulinienne (bien plus qu’hébraïque) du pluriversum politique. N’oublions pas non plus que le Paganisme gréco-romain était placé sous l’autorité hiérarchique des grands Dieux tutélaires, qui fédéraient l’Etat ou la Cité, qui plaçaient l’ordre politique de la communauté du peuple, de l’ethnos, au dessus des licences individuelles ou des forces hétérogènes et centrifuges d’on ne sait quelles “communautés”.
Dans un autre registre, je me méfie d’un Paganisme purement négatif et réactif qui n’est qu’un anti-catholicisme passionnel. Tirer à boulets rouges sur le Catholicisme européen traditionnel est une perte de temps. J’ai moi-même écrit la préface d’un livre consacré au culte marial — et qui a gêné beaucoup de Catholiques — où je rappelle cette évidence que la Vierge Mère et son culte s’enracinent profondément dans la mentalité européenne pré-chrétienne et qu’un Païen doit les respecter. Car autrement, comment expliquer, à travers les siècles, l' immense succès populaire de la vénération pour Marie et pour les Saints ? D’ailleurs, les épiscopats actuels de l’Eglise post-conciliaire ne mettent-ils pas un sérieux bémol (ce qui explique en partie la désaffection pour leur “nouvelle Eglise”) sur ces cultes soupçonnés de “polythéisme”? Concernant la différence entre le Paganisme d’aujourd’hui et le Christianisme, je suivrai la position du médiéviste P. Vial dans son récent ouvrage Une terre, un peuple, qui rappelle que le Paganisme n’est pas antichrétien, mais à la fois achrétien et postchrétien. Comme il le souligne, dans la lignée de Nietzsche, le point de rupture affectif entre la conception judéo-chrétienne du monde et la conception païenne, que j’ai personnellement toujours ressentie et qui fut une des causes majeures de mon choix du Paganisme, c’est que les Chrétiens préfèrent le martyr au héros, que leur dolorisme célèbre la vertu rédemptrice de la souffrance, qu’ils préfèrent le masochisme, la culpabilité, le repentir à l’esthétique de la vie et de la volonté de puissance, la morale du péché plutôt que l’éthique de l’honneur et de la honte.
Je vais maintenant risquer une prédiction historique, relevant de la pure intuition, qui peut être totalement fausse comme totalement vraie : je vois, en Europe, le XXIème siècle, comme celui de la marginalisation radicale du Christianisme, et de l’affrontement d’un Paganisme protéiforme resurgi de l’ancestrale mémoire, et de l’Islam conquérant. Les Catholiques minoritaires se classeront selon les deux camps. Mais, comme l’avait déjà vu Montherlant en un livre prémonitoire et méconnu (Le Solstice de Juin), dans la guerre des Dieux à venir — et qui a toujours conditionné toute l’histoire humaine — « le Grand Pan est de retour » comme acteur majeur de la conscience européenne menacée.

Quel regard portez-vous sur le Judéo-Christianisme?

A mon avis, la cause pour laquelle les Paganismes européens ont été, dans l’espace de l’Empire romain, submergés par le Christianisme, fut le chaos ethnique apparu à la fin du IIème siècle. Le Dieu unique salvateur, celui de toutes les ethnies, qui s’adressait d’abord à des individus déboussolés et déracinés, est venu remplacer les divinités tutélaires dans un monde en proie aux désordres, aux divisions, aux guerres. Ma position, qui peut choquer, est la suivante : le Christianisme et l’Islam furent des sectes apocalyptiques qui ont réussi, profitant du chaos pour prospérer, remplacer les religions naturelles et devenir des cultes institués. Bien entendu, le Catholicisme romain ou l’Orthodoxie gréco-slave, par une sorte de compromis historique, de syncrétisme avec le Paganisme ont profondément rompu avec le Judéo-Christianisme des origines — vers lequel l’Eglise depuis Vatican II veut revenir, au prix, comme par hasard, d’une phénoménale perte d’audience auprès des Européens...
Je ne suis pas historien, mais j’avance l’hypothèse que la grande rupture historique ne fut pas tant la séparation du Judaïsme stricto sensu et du Christianisme universaliste initiée par Paul de Tarse que l’élaboration d’un judéo-christianisme paganisé (le catholicisme et l’orthodoxie) au cours du Moyen Age. C’est ce qui a permis au Christianisme de s’implanter en Europe. La deuxième grande rupture, en sens inverse, est intervenue dans les années 60 du XXème siècle, quand le catholicisme, suivant la voie funeste du protestantisme, s’est “dépaganisé” et laïcisé. Le résultat ne s’est pas fait attendre: désaffection massive, brutale et généralisée. On entend dire que le Catholicisme s’est “rejudaïsé”. Non! Le Judaïsme est une vraie religion nationale et affirmative, qui n’a rien à voir avec le dépouillement rituel et l’humanitarisme profane du corpus et du discours catholiques actuels, avec ce concept flou d’Amour proféré avec une insistance névrotique, et qui n’évoque rien pour les fidèles. Je n'éprouve aucun ressentiment contre le Catholicisme, qui est un réalité un Polythéisme déguisé, mais qui s'est sabordé en tant que religion avec Vatican II, par l'abandon de sa langue sacrée et de ses rites, et qui, en en revenant à un Monothéisme absolu, devient une copie qui ne peut plus lutter contre les originaux : l'Islam et le Judaïsme. Au fond, le destin du Christianisme est dramatique. Il s’est implanté au prix d’une paganisation, d’un reniement d’un certain nombre de ses principes. Puis, voulant retrouver ses principes, il a effectué un deuxième syncrétisme (Vatican II) avec les idées de la modernité, celles des Lumières, mais qui provenaient précisément de ses propres principes laïcisés! Ainsi, au terme de cet implacable mouvement dialectique, le Christianisme s’est désacralisé en redevenant réellement lui-même et s’est aboli dans son assomption même. L’idée de divin, dans l’Eglise d’aujourd’hui, se résume à des incantation sur le Christ et son Amour, à l’affirmation d’une morale sociale (celle, très floue, des droits de l’homme et d’un altruisme abstrait et extrémiste, d’un pacifisme convenu) qui n’est que la vulgate de l’idéologie profane hégémonique. Le Christianisme est devenu un discours idéologique que n’éclaire plus aucune transcendance ni aucune grande politique, comme l'a vu le penseur catholique Thomas Molnar. On est loin de la foi des cathédrales.
Dans mon essai L’Archéofuturisme, je me suis pris à rêver d’un retour des Européens à ce type de Pagano-Catholicisme médiéval, tandis que les élites conscientes adopteraient un Néo-Paganisme à la fois marc-aurélien et prométhéen. Peut-être le destin nous concoctera-t-il cette solution ?
Sur le fond, la mentalité païenne, par rapport à la chrétienne, a été conformée par l’ancienne attitude de l’homme païen antique face à ses Dieux : ne chercher aucune consolation auprès du divin. Les Dieux ne respectent que la fierté et la force. Pas d’imploration. L’homme ne peut être heureux et sain que par lui-même, que par sa propre puissance psychique intérieure et l’affirmation de sa volonté. L’homme païen ne se couche pas devant ses Dieux ; il les défie. Ou il les remercie et cherche à se les rendre favorables. Le Christianisme a développé une théologie de la castration, où nous sommes coupables et infériorisés. Le Païen séduit ses Dieux ou les affronte, le Monothéiste les implore et s’humilie.
D’autre part, le Judéo-Christianisme, pas plus que l’Islam, n’ont résolu cette question fondamentale autrement que par l’argument du mystère : si Dieu est infiniment bon et infiniment puissant, pourquoi autorise-t-il la souffrance, pourquoi pas le paradis sur Terre pour tous ? Dieu ne mentirait-il pas ? Ou bien il est infiniment bon et il autorise le mal, parce qu’il n’est pas infiniment puissant. Ou bien il est infiniment puissant et il autorise le mal, donc il a un côté cruel. C’est le fameux "problème du mal". Les théologies monothéistes des religions du Salut n’ont jamais résolu cette énigme, que les philosophies païennes ont parfaitement résolues, de la Grèce à l’Inde : les divinités ne sont ni omnipotentes ni infiniment altruistes. Elle sont comme nous immergées dans le cosmos, soumises au hasard erratique du fatum (des Romains) ou de la moïra (des Grecs). Cette divergence philosophique démontre à mon sens que la mentalité païenne, plus proche du réel, a un beaucoup plus grand avenir devant elle que les autres. Tout cela étant dit, je tiens à répéter que j’éprouve une vive sympathie pour le
Catholicisme et l’Orthodoxie traditionnels, car un Païen raisonne toujours concrètement et sans fanatisme.

Dans l'un de vos derniers essais, vous exaltez ce que vous appelez l'archéofuturisme. Qu'en est-il?

Je ne vais pas m’étendre trop longuement sur cet essai, L’Archéofuturisme, dont le titre est un néologisme que j’ai forgé. Ce n’est qu’un ensemble de pistes, destinées à faire réfléchir et agir. J’y développe quatre idées principales :
1°) Après la parenthèse utopique de la modernité (prolongement laïcisé des rêveries judéo-chrétiennes), le monde futur en reviendra à l’”archaïque”, c’est-à-dire non pas au passé, mais aux principes millénaires des sociétés humaines, qui sont l’inverse mêmes de ceux, suicidaires, de l’Occident actuel.
2°) La civilisation occidentale, faute de se fonder sur l’ordre naturel, se dirige vers une convergence des catastrophes dans tous les domaines. Il faut s’attendre au chaos et préparer, dans cet interrègne, l’après-chaos.
3°) Les réalisations actuelles et à venir de la technoscience sont en contradiction avec l’éthique de la modernité (issue du Christianisme) et remettront en scène une éthique prométhéenne du déchaînement et du risque propre à la mentalité païenne antique, de même qu’une éthique proche de celle de l’humanisme grec, pour lequel aucune Loi transcendante n’est supérieure à la volonté humaine, dans l’absolu.
4°) Cette contradiction entre la loi naturelle et le prométhéisme ne pourra être surmontée que par un dépassement de l’égalitarisme : une humanité fonctionnant “à deux vitesses”.
Il faut se reporter à mes textes pour mieux comprendre ce que j’expose ici lapidairement.

Vous avez aussi publié un essai controversé sur la colonisation de l'Europe par l'Islam. Que pouvez-vous nous en dire?

La domination, à l’horizon 2020, pour des raisons démographiques, de l’Islam, n’est pas réjouissante. Face à l’Islam et à l’athéisme matérialiste, la faiblesse du Christianisme (qui fut jadis sa force mais qui s’inverse, en un retournement dialectique) est d’être une religion structurée du Salut, organisée comme un Etat, autour d’un clergé, de dogmes, de constitutions rigides. Or toute organisation est mortelle et dépérit face à une organisation concurrente, que ce soit dans l’ordre politique, économique ou religieux. C’est en ce sens qu’aujourd’hui, le Christianisme recule massivement face à l’Islam, sur le plan physique comme sur le plan moral. Le Catholicisme est en état d’anémie avancée. Il a opéré son suicide théologique avec Vatican II, en abandonnant sa langue sacrée universelle, le latin, alors que l’Islam n’a jamais abandonné, sur la Terre entière, l’Arabe religieux du Coran.
D’autre part, le Catholicisme a commis une gigantesque erreur en voulant se moderniser. Dans les rites, les textes sacrés, comme dans le discours théologal. Cet aggiornamento lui sera fatal. La force de l’Islam, c’est son immuabilité. En revanche, le Paganisme ressemble au roseau de la fable de La Fontaine, face au chêne monolithique d’une religion révélée, il est élan vital, et non organisation contingente bétonnée autour d’un dogme. Sa souplesse provient de son scepticisme et de son réalisme. Le Christianisme en Europe recule face à l’Islam, parce qu’il est opposé à un frère concurrent plus vigoureux que lui ; le Paganisme n’entre pas dans ces querelles de famille. Il est tout autre. C’est pourquoi, dans son entreprise logique et très ancienne — et aujourd’hui reprise — de progression en Europe, l’Islam aura comme principal adversaire la mentalité païenne. Je sais qu’il existe de prétendus Païens favorables à l’Islam. Ils se trompent lourdement, par méconnaissance de ce dernier et ignorent apparemment le sort que le Coran leur réserve, sous la dénomination de mécréants et d’idolâtres : alors que les Juifs et les Chrétiens se retrouveront minorés et soumis (dhimmis), eux, subiront le sort des moutons de l’Aït-el- Khébir. Il suffit de lire la sourate 4 du Coran, enseignée dans toutes les mosquées d’Europe et dans toutes les écoles coraniques pour s’en convaincre.
Je fais en général hurler certains Chrétiens quand je leur explique qu’en tant que Païen, je m’oppose à la transformation des églises en mosquées, alors que l’épiscopat l’admet. Il faut bien préciser que je n’éprouve envers l’Islam aucun mépris, aucune haine. Simplement, je refuse, en tant que Païen, son projet de société et de spiritualité pour mon propre peuple. Je le connais bien, je l’ai longuement étudié. J’ai lu le Coran, à l’inverse des intellectuels parisiens, partisans de la cohabitation communautarienne. J’ai été invité à parler “contre l’Islam” par des Musulmans ; ils ont été surpris par le fait que je connaissais bien leur volonté de conquête de l’Europe, de la transformer en Dar-Al-Islam, et que leur discours sur l’Islam laïc et intégrable harmonieusement était un double discours, un propos hypocrite, recommandé par le Prophète lui-même quand on prend d’assaut une nouvelle terre (“baise la main que tu ne puis encore couper”). Ces Musulmans, Arabes et Pakistanais, n’ont pas cherché à me contrer. Ils ont souri, et m’ont dit, en substance: “heureusement qu’il y a peu d’Européens qui nous connaissent comme vous nous connaissez”.
Sur le chapitre du danger de l’Islam, je suis en parfait accord avec un de ses meilleurs connaisseurs actuels, le jeune chercheur et prolixe Alexandre del Valle. Il appartient à ces milieux Chrétiens traditionnels qui ont parfaitement compris que contre le danger urgent de la progression de l’Islam à l’échelle mondiale, une alliance avec les forces du Paganisme, de l’Europe à l’Inde, est indispensable. L’Islam est un universalisme guerrier, le plus absolu de tous les monothéismes de la vérité révélée. Il ne tolère à terme rien d’autre que lui même et sa conception théocratique du monde, où la foi se confond avec la loi est, au sens étymologique, totalitaire. Même s’il défend très souvent de bons principes, même s’il s’oppose avec raison au décadentisme occidental, il demeure incompatible avec notre mentalité et nos traditions. Je n’ai rien contre l’Islam, sur sa propre terre, mais sa progression constante en Europe occidentale (déjà la seconde religion pratiquée en France ou en Belgique) inquiète davantage le Païen que je suis que les athées de la gauche laïque et que les Chrétiens.

Quelles sont les figures divines qui vous inspirent le plus?

Chaque divinité représente une des facettes de la nature humaine, et loin de moi l’idée de rejeter Vénus-Aphrodite ou Mercure-Hermès ou les modestes Dieux lares gardiens de la famille. J’admets parfaitement que mon interprétation prométhéenne du Paganisme soit critiquée par d’autres Païens. En réalité, il y a toujours existé deux formes de Paganisme, qui peuvent d’ailleurs s’imbriquer ; l’un populaire (d’où le terme de pagani “paysans”), qu’on retrouve chez tous les peuples de la Terre — jusque chez les populations islamisées, adopte des croyances superstitieuses simples, mais nullement méprisables, et nécessaires au bon ordre social ; l’autre est le Paganisme des philosophes, qui ne croit évidemment pas à l’existence objective des divinités, mais, au sein d’un doute terrible et tragique, reconnaît l’existence de “quelque chose” de surnaturel, d’inexplicable, rejette le matérialisme athée, respecte toutes les religions de la Terre comme des parcelles de vérité. Mais il récuse absolument l’idée de vérité révélée. Des Brahmanes indiens aux Druides celtiques, il y a une force à la fois tellurique et cosmique qui échappe totalement aux religions de la révélation et du salut. Cette force ne peut pas être exprimée dans un dogme, un catéchisme. Elle se ressent et s’éprouve. Elle relève d’une initiation, à la fois populaire et spontanée, ou bien aristocratique. Le Paganisme est fait pour les peuples et les communautés d’appartenance, non pour les masses et les individus déracinés. Il relève à la fois de la superstition populaire et de la discipline mentale. Il associe les croyances magiques dans les divinités animales et forestières (pôle dionysiaque et enraciné) aux tonnerres apolliniens. Toutes les divinités m’inspirent, mais plus précisément Dionysos, symbole de fidélité et de durée vitale. Dieu souriant (mais au sourire inquiétant), il symbolise le flux du vivant, la révolte contre les ordres et les dogmes sclérosants ; il est le Dieu des plaisirs, du vouloir-vivre, mais aussi du lignage et de la continuité de la vie. Ce n'est pas un hasard si les Chrétiens ont emprunté certains de ses traits et attributs pour en attifer leur Satan. Principe chtonien, Dionysos le sensuel est l'inverse même du pervers. Il incarne des principes totalement contraires à ceux de la modernité. Il est l'exact opposé, plus que tous les autres Dieux de la Grèce, de toute la conception monothéiste et judéo-chrétienne du monde qui innerve notre civilisation. Ce que Nietzsche avait parfaitement compris, qui en faisait, lui aussi la divinité centrale de son panthéon personnel. Dionysos est le plus tragique de tous les Dieux : il joue, il rit, il appelle à jouir, mais il prépare aussi les mortels à leur inéluctable fin. Il est, bien entendu, comme l'a démontré Pierre Vial, l'exact pendant d'Apollon, la divinité solaire (contradictio oppositorum ). J'avoue que j'ai découvert un des auteurs qui m'a le plus marqué par son oeuvre exceptionnelle, Michel Maffesoli, grâce à son essai L'ombre de Dionysos où il démontre l'invaincue et invincible influence du Dieu des pampres et des sarments. J'ajoute que je ne partage nullement les analyses et options sociologiques de cet auteur, ce qui démontre que je relativise et n'absolutise pas les miennes, ayant conscience que nous sommes tous dans le champ de la doxa et rarement de l'épistémè.
Mais je n'en néglige pas pour autant Apollon, le Dieu solaire. Un texte qui m'a beaucoup marqué est un quatrain, à mon sens un des plus beaux de la langue française, écrit par Paul Valéry. Dans son poème Eve, il oppose et associe magnifiquement la sensualité dionysiaque d'une jeune fille au réveil matinal (permanence de la vie renouvelée mais éphémère) et la souveraine course du soleil. J'ai toujours estimé que ces quatre vers étaient parmi les plus païens de la poésie francophone : la jeune fille, nue dans ses draps, s’éveille et s’ébroue comme un jeune animal et...

« Cependant, du haut-ciel, foudroyant l'heure humaine,
Monstre altéré du Temps, immolant le futur,
Le sacrificateur Soleil roule et ramène
Le jour après le jour sur les autels d'Azur. »

Dionysos renouvelle les formes vitales par la métamorphose (une beauté vieillira, mais une nouvelle beauté à venir lui succédera), tandis qu'Apollon, dans son immuable course (labor solis, ergon heliou) protège et assure cette métamorphose. Dans le couple Apollon-Dionysos, l'éphémère et la permanence s'associent dans l'harmonie. Pour moi, le Paganisme est donc fondamentalement le culte du réel et de la vie dans toutes leurs dimensions (biologiques, astronomiques, physiques, etc.) et, contrairement aux religions du salut, il se refuse à construire une méta-réalité, un mensonge, un fantôme ( les "marionnettes", ta aggalmata de l'allégorie de la caverne de Platon) mais affronte en face la douce et dure tragédie du vivant.
A cet égard, pour reparler de Valéry, je conseille la lecture du musical poème décasyllabique Le Cimetière Marin qui est à mon sens le plus impressionnant manifeste païen depuis Les Amours de Ronsard. Il faut également répéter que le Paganisme est fondamentalement esthétique, principe à la fois apollinien et dionysiaque. L'art, la poésie et l'architecture de notre époque qui considèrent la rigueur et la discipline esthétiques comme des contraintes incorrectes et qui, souvent, justifient par la rationalité la simple laideur, ne sont pas seulement une révolte contre l'âme païenne, mais un modèle qui ne durera pas et qui débouchera sur une catastrophe. Le Paganisme est l'avenir du monde, tout simplement parce qu'il considère le monde tel qu'il est et tel qu’il pourrait devenir, et non pas tel qu’il doit être.
Pour répondre, en final, à votre question, je dirais qu’il faut inventer de nouveaux Dieux. C’est une tendance profonde de l’homo europaeus, mentalité épique. « De nouveaux dieux vont fleurir notre avenir ». J’ai parfaitement conscience que mes réponses recèlent de multiples contradictions. Mais, je ne cherche pas à être mécaniquement cohérent. Je ne prends pas fort au sérieux ces penseurs entomologistes qui débusquent les contradictions chez les autres. Toute création est le résultat de contradictions, toute pensée vibre au sein d’un noeud de vipères.

Propos recueillis par Christopher Gérard
Entretien paru dans Antaios XVI, équinoxe de printemps 2001.

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De la mauvaise stratégie des Etats-Unis

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De la mauvaise stratégie des Etats-Unis

Entretien avec le Prof. Dr. Peter Scholl-Latour

Propos recueillis par Moritz Schwarz

Né en 1924 à Bochum dans la Ruhr, Peter Scholl-Latour travaille depuis 1950 comme journaliste inter­national. De 1954 à 1955, il a été le porte-paroles du nouveau gouvernement de Sarre, après que celle-ci soit retournée dans le giron de la RFA. Orientaliste de formation, il a entrepris des voyages d'étude dans toutes les parties du monde. De 1960 à 1963, il a été le correspondant en Afrique de l'ARD, puis a di­rigé à Paris les studios de cette station de radio-télévision. En 1969, il est devenu le directeur de la WDR puis, en 1971, le chef du département des correspondants à l'étranger de la ZDF. A partir de 1975, il devient le chef du studio parisien de celle-ci. De 1983 à 1988, il occupe le poste d'éditeur de l'heb­domadaire Stern (Hambourg), puis en devient le rédacteur en chef et un des administrateurs du groupe de presse Gruner & Jahr. Il a écrit de très nombreux livres de voyage sur les pays du Proche- et du Mo­yen-Orient, qu'il a visités de fond en comble. Cet acquis fait de lui l'un des meilleurs experts allemands de cette région en ébullition, qui n'est boudé par aucun médium. En décembre 2002, il a fait paraître chez Propyläen un livre critique à l'égard de la politique brutale des Etats-Unis dans la région, Kampf dem Terror - Kampf dem Islam? Chronik eines unbegrenzten Krieges [= La lutte contre le terrorisme est-elle une lutte contre l'Islam? Chronique d'une guerre sans fin]. Comme le titre l'indique clairement: la guerre que Bush entend entamer en Irak ne connaîtra pas de fin et constitue dès lors une entreprise dé­raisonnable, à laquelle l'Europe ne doit pas participer.

MS: Professeur Scholl-Latour, immédiatement après la date du 27 janvier, jour où les inspecteurs de l'ONU auront remis leur rapport sur l'Irak, on pourra compter sur une attaque américaine contre ce pays arabe, car le déploiement des troupes bat désormais son plein. Vous avez voyagé pendant des an­nées dans cette région, vous l'avez traversée de long en large, vous avez rédigé quantité d'ar­ticles et de livres sur le Proche- et le Moyen-Orient. Pensez-vous qu'une attaque "ponctuelle" aura lieu après le 27 janvier ou pensez-vous que les médias répandent de la désinformation quant au mo­ment de l'attaque et que celle-ci se déclenchera plus tôt, avant qu'une protestation universelle ne s'or­chestre contre cette guerre?

PSL: On peut penser, en effet, que les Etats-Unis commenceront par soumettre l'Irak à des bombar­de­ments intensifs avant la fin du mois de janvier. Dans la foulée, ils déclencheront ensuite une attaque sur le terrain, dès que leur déploiement aura été parachevé. Les Américains ne tiendront guère compte des ré­sultats de l'inspection de l'ONU, si ceux-ci ne cadrent pas avec leur agenda.

MS: Déjà lors de la première guerre du Golfe en 1991, les Etats-Unis ont lancé un bobard propa­gan­diste, affirmant que des nourrissons koweitiens avaient été tués par des soldats irakiens, afin de ma­nipuler l'opinion publique américaine et internationale, pour qu'elle abonde dans le sens de la guerre. L'année dernière, les Américains ont annoncé leur intention —retirée depuis— de créer un mi­nistère de la propagande et de la désinformation. Personne, à l'heure actuelle, ne pense sérieu­se­ment que l'escalade sera provoquée par l'Irak, pourtant, aucun homme politique occidental en vue n'o­se remettre en question le fondement même de cette propagande américaine, qui prétend que l'at­ta­que dépendra du comportement de Saddam Hussein; au contraire, on entend les hommes po­litiques européens discuter avec un "sérieux papal" des légendes répandues par la propagande amé­ricaine…

PSL: Le bon vieux truc de la provocation entièrement machinée ne date pas d'hier. Déjà, la guerre du Viet­nam avait commencé à la suite d'une présentation fallacieuse, dans les médias américains, d'un in­ci­dent survenu dans le Golfe du Tonkin en 1964, où, soi-disant, de petits patrouilleurs nord-vietnamiens au­raient attaqué la flotte américaine. Ce qui est exact, c'est que des navires de guerre américains avaient pé­nétré dans les eaux territoriales nord-vietnamiennes, comme l'attestent les documents mêmes du Pen­ta­gone, qui ont été publiés depuis. Le fait que nos politiciens acceptent pour argent comptant la pro­pa­gan­de intensive des Etats-Unis prouve que nous nous trouvons dans un état de subordination totale à l'é­gard de Washington.

MS: Comment expliquez-vous alors le fait que les politiciens européens et surtout les médias en place reprennent, sans la contester ni même la soumettre à une critique sommaire, la thèse que la guerre ou la paix ne dépendent que du seul Saddam Hussein, alors que le dictateur irakien doit à tout prix éviter un conflit ouvert, uniquement parce que son premier intérêt est simplement de survivre?

PSL : La liberté de la presse, dans l'aire capitaliste, n'est pas illimitée. Et, par conséquent, induire systé­ma­tiquement en erreur l'opinion publique occidentale constitue une négation patente des principes mê­mes de la "communauté occidentale des valeurs". Nous sommes entrés dans une époque sans merci, très ru­de. La présidence américaine actuelle manie une vision du monde manichéenne, qui ne connaît qu'un Bien absolu, opposé à un Mal absolu. Malheureusement, la morale et la politique ne se concilient que très rarement. Comme Nietzsche le disait: «L'Etat est le plus froid des monstres froids».

MS: Contrairement à ce qui s'est passé en 1991, Saddam Hussein cherchera vraisemblablement à éviter une bataille frontale ouverte et tentera d'attirer les Américains dans une guerre de partisans et dans des combats de rue, types de combat que même une grande puissance ne peut gagner, com­me on le voit aujourd'hui en Tchétchénie.

PSL: A la condition toutefois qu'une partie des soldats irakiens soit prête à se battre jusqu'au dernier hom­me. Si on en arrive à de tels combats de partisans et de rue, les troupes américaines auront fort à faire, car Bagdad est une ville difficilement contrôlable, abritant six millions d'habitants. Les Irakiens utiliseront sans doute des gaz de combat. Mais, on peut penser aussi que, face à la pression des troupes américaines, en­trant dans le pays, le régime s'écroule et se liquéfie. En 1991, dès le début de l'offensive américaine sur le terrain, l'ordre étatique s'est effondré dans le Sud du pays, et même à Bagdad, où, venus des quartiers pau­vres, des hordes de pillards se sont jetés sur le centre de la ville. Dès que la nouvelle s'est diffusée que Saddam Hussein avait conclu un armistice avec les Américains, l'ordre a été rétabli très vite et très bru­talement. Autre possibilité: pendant la progression éventuelle des troupes américaines, nous pourrions as­sister à un putsch d'officiers, qui se diront: «Saddam doit partir, sinon nous nous balancerons à ses côtés au bout d'un gibet». Saddam Hussein suscite la haine dans de nombreuses catégories de la population. De nom­breux habitants de Bagdad seraient capables d'accueillir les troupes américaines dans la liesse. Ce­pen­dant, une chose est sûre: une telle liesse, si elle a lieu, ne durera pas longtemps. Toute occupation é­tran­gère de l'Irak, par des troupes non musulmanes, conduira, immanquablement, à une révolte po­pu­lai­re. Même les adversaires actuels de Saddam Hussein, comme les nationalistes panarabes et surtout les activistes islamistes, pourront en fin de compte déclencher une guerre d'usure, une "guerre asymétrique", que les Etats-Unis ne pourront subir pendant longtemps, rien que pour des motifs psychologiques.

MS: Vous aviez prédit l'attaque prochaine contre l'Irak dès les événements du 11 septembre 2001. Pourquoi? Parce que les Etats-Unis sont dorénavant bien décidés, depuis cette journée tragique, à li­quider toute menace potentielle sans tenir compte du droit international?

PSL: Non. Le projet d'attaquer l'Irak une seconde fois, les Américains le cultivaient déjà sous la pré­si­dence de Clinton, donc bien avant le 11 septembre 2001. Mais, à l'époque, ce projet n'apparaissait pas com­me opportun pour des raisons de politique étrangère. Aujourd'hui, cependant, dans le cadre de ce qu'ils appellent la "guerre contre le terrorisme", les Américains ont déclenché une action punitive globale, qui touche aussi l'Irak, décrit comme "Etat voyou", afin d'avoir un prétexte pour l'éliminer. Alors que mê­me la CIA a admis que jamais l'Irak n'avait participé aux actions terroristes internationales.

MS: Pourtant les Etats-Unis avancent des arguments très plausibles, par exemple, quand ils disent que l'Irak prépare et stocke des armes de destruction massive, participe à la prolifération des armements, etc. Le rôle des Etats-Unis serait dès lors de mettre un terme à cette prolifération dan­ge­reuse.

PSL: Le fait est que toute prolifération constitue un danger apocalyptique pour l'avenir de l'humanité —les Européens doivent le savoir eux aussi. Cependant, choisir l'Irak pour cible en ce domaine est inepte. Si l'on suit l'argumentation de Bush, alors il faudrait d'abord neutraliser la Corée du Nord, qui vient d'ad­mettre qu'elle possède ses armes atomiques propres. Pour empêcher l'Irak de construire des armes nu­clé­aires dans l'avenir, il suffit de perpétuer les contrôles de l'ONU. Certes, on peut construire des armes chi­miques et biologiques dans n'importe quelle cave, mais on ne peut pas construire des bombes ato­mi­ques avec des installations rudimentaires qui peuvent passer inaperçues.

MS: Les armes nucléaires restent donc un danger…

PSL: Il est très facile de fabriquer des armes chimiques, chaque pays de la région proche- et moyen-orien­tale en a les capacités. En réalité, la question est bien plus fondamentale: il faudrait qu'à Washington, les dé­cideurs comprennent la mentalité de leurs adversaires potentiels. Par exemple, les Américains mena­cent l'Iran d'une frappe nucléaire préventive. De ce fait, il me paraît évident que tout homme d'Etat ira­nien, digne de ce nom, cherchera par tous les moyens à se doter d'armements nucléaires, pour se pro­téger contre la pression et le chantage qu'exerce sur lui la super-puissance américaine, comme le fait d'o­res et déjà la Corée du Nord, ou le Pakistan contre l'Inde, qui lui est supérieure sur le plan militaire.

MS: Que pensez-vous de la motivation qu'avancent les Etats-Unis pour attaquer l'Irak? S'agit-il en fait seulement du pétrole, comme on aime à le dire?

PSL: Ma réponse vous apparaître d'une extrême banalité, vous pourrez la qualifier de "populiste" ou de "dé­magogique", mais, de fait, la motivation centrale reste la même qu'en 1991. Les Américains veulent sur­tout imposer un ordre nouveau, une pax americana, au Proche-Orient, dont Israël aussi serait le bé­né­fi­ciaire.

MS: Saddam n'est pourtant que le moindre mal, même pour les Américains, car il est isolé, il est ho­stile aux islamistes et largement désarmé. Ce sont trois avantages pour les Américains et ils sem­blent les négliger, car ils disparaîtront en cas de chute de l'actuelle dictature irakienne; l'avenir se­ra alors incertain, nous aurons plutôt la guerre civile et l'avènement d'un fondamentalisme isla­mis­te en Irak, et non pas la paix et la liberté…

PSL: C'est exact. C'est pourquoi la stratégie américaine me semble erronée. Car pour maintenir la cohé­sion territoriale de l'Irak après Saddam Hussein, le Pentagone devra immanquablement recourir à une nou­velle dictature à Bagdad, qui serait semblable à celle qu'exerce Saddam Hussein, à la seule différence qu'elle autoriserait les Etats-Unis à puiser dans les nappes pétrolifères irakiennes. Mais je pense qu'un au­tre élément entre en jeu: il est fort possible que les Etats-Unis ont encore un compte à régler avec Sad­dam Hussein. Je pense que Georges Bush Senior, il y a douze ans, a mis abruptement un terme à l'offen­si­ve sur le terrain, parce qu'on lui avait annoncé que Saddam Hussein était sur le point d'être éliminé par un putsch militaire. Sans doute est-ce Saddam Hussein lui-même qui lui a transmis l'information. Ensuite, au­tre facteur: l'avenir de l'Arabie Saoudite, officiellement alliée des Etats-Unis, mais où se situe sans nul dou­te le noyau dur de la conspiration d'Al Qaïda. Si jamais les fournitures en pétrole d'Arabie Saoudite ve­naient à s'interrompre, pour quelque motif que ce soit, les Etats-Unis auraient besoin du pétrole irakien pour compenser par des proportions identiques.

MS: Du fait que l'objectif ultime de cette guerre américaine apparaît comme peu rationnel, peut-on dire que les analyses de certains "dissidents" américains comme Immanuel Wallerstein ou Chalmers Johnson sont exactes? Qu'il s'agit tout simplement d'imposer un "imperium" américain?

PSL: Leur vue correspond à ce que disait l'ancienne ministre américaine des affaires étrangères, Made­lei­ne Albright, quand elle évoquait la "nation indispensable" que devaient devenir les Etats-Unis.

MS: Donc, in ultima ratio, la guerre contre l'Irak n'est pas une guerre destinée à empêcher la proli­fé­ra­tion d'armes de destruction massive, mais constituera la première frappe d'une guerre de longue du­rée pour soumettre le Proche- et le Moyen-Orient à la volonté des Etats-Unis?

PSL: La "guerre contre le terrorisme", que nous a annoncée le Président Bush junior, va durer de longues an­nées, en effet. Et cette guerre ne connaîtra aucune limitation d'ordre géographique, comme on peut le déduire déjà, à l'évidence. Selon des données que laisse filtrer la CIA, soixante Etats (!) dans le monde sont considérés aujourd'hui comme "peu sûrs" par les Etats-Unis. C'est inquiétant, mais nous ne devons pas nous laisser entraîner dans les travers d'un anti-impérialisme simpliste. Les Etats-Unis avancent une idée évidente: les "imperia" peuvent s'avérer nécessaires pour générer de l'ordre dans le monde. Cependant, je ne pense pas que les Etats-Unis soient habilités à jouer ce rôle, car j'ai constaté, au cours de toute ma car­rière, qu'ils ne possèdent pas cet indispensable instinct qui a permis, à d'autres, de comprendre la réa­li­té des autres cultures. Quant à la posture que prend l'Europe aujourd'hui, elle risque bien de devenir ab­so­lument intenable, car son incapacité politique et militaire la condamne à devenir totalement dé­pen­dante des Etats-Unis. Ne comprenez pas mon affirmation de travers: l'alliance atlantique demeurera in­dispensable à l'Europe et aux Etats-Unis, dans l'avenir. Mais l'organisation qui structure cette alliance et qui a fait ses preuves au cours de la guerre froide, c'est-à-dire l'OTAN, bétonne aujourd'hui la domination hé­gémonique sans faille du haut commandement américain sur les forces armées européennes. Prenons un exemple: si un conflit éclate entre les Etats-Unis et la Chine, l'Allemagne devra-t-elle envoyer ses sol­dats combattre l'armée de libération populaire chinoise, dans le cadre de la "Nato-Response-Force"? Lors­que j'entends un ministre allemand de la défense dire que la sécurité de l'Allemagne se défend sur l'Hin­dou Kouch, je me demande si nos hommes politiques sont encore sains d'esprit! Les chances de voir ad­ve­nir une défense européenne autonome sont aujourd'hui pure illusion. Quel homme d'Etat et quel parti se­raient prêts aujourd'hui en Allemagne à faire construire pour le pays des porte-avions, des sous-marins ato­miques ou des fusées nucléaires à l'instar de la France? Au moins, si les Allemands ne sont pas chauds pour agir dans un cadre européen, ils devraient au moins, un jour, se décider à agir dans un cadre na­tio­nal, pour se protéger contre tout chantage atomique venu de l'extérieur.

MS: Le terrorisme vise à ce que les Occidentaux, surtout les Américains, se retirent des hémisphères qui leur sont étrangers et compte sur la vulnérabilité des grosses structures. La création d'un "im­pe­rium", dans cette optique, avec ou sans l'Europe, ne constitue-t-elle pas une réponse erronée?

PSL: Tel est effectivement le problème, car le terrorisme est l'arme des faibles. Pour l'Occident, il existe au­jourd'hui deux dangers réels, notamment la prolifération des armes de destruction massive et la me­nace démographique. Telles sont les deux conditions, aux effets potentiellement funestes, qui alimen­te­ront le terrorisme de demain. Quant à la volonté américaine de construire un "imperium", elle doit se dé­dui­re des événements du 11 septembre 2001. Il ne s'agit pas tant d'une mutation dans le fameux "choc des ci­vi­lisations", comme on le prétend généralement. La signification du "Ground Zero" à New York réside en ce­ci: la psychologie des Américains a désormais changé. Et de fonds en comble!

MS: Que reste-t-il alors de cette idée sublime, qui nous évoque un "ordre juste" pour le monde en­tier?

PSL: Un ordre mondial juste a-t-il déjà existé dans l'histoire?

MS: Et qu'en est-il du droit des gens, du droit international?

PSL: Ne nous faisons pas d'illusions: le droit des gens a toujours été un bricolage tissé de bonnes inten­tions. Quand quelqu'un me sort des grands mots comme "family of Nations" ou "communauté interna­tio­nale des peuples libres", alors il ne me prouve qu'une chose: qu'il ment.

MS: Le Chancelier fédéral Schröder en parle pourtant…

PSL: Je considère que Gerhard Schröder est un virtuose de l'arrangement, mais aussi un homme sans cons­cience historique et sans "feeling" pour la politique internationale. Or cette absence de "feeling" pour la mar­che du monde est symptomatique en Allemagne: lorsque je regarde l'émission "ARD-Presseclub", qui est censée s'occuper de problèmes politiques importants, je constate qu'on n'y cause que de thèmes inté­rieurs, de retraites, de tarifs, d'impôts, alors qu'en dehors de nos frontières, le monde est littéralement en train de s'effondrer. Je reste cependant certain que dans quelques années nos hommes politiques, à leur tour, devront enfin se consacrer à des problèmes qui mettent réellement nos existences en jeu.

(entretien paru dans Junge Freiheit, n°3/2003; http://www.jungefreiheit.de ).


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Quiévreux: dictionnaire du bruxellois

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Un dictionnaire du dialecte bruxellois

 

Un véritable engouement secoue actuellement la capitale belge : la redécouverte, à titre quasi posthume il est vrai, de son dialecte particulier. Après la parution de deux albums de Tintin en bruxellois, « Les bijoux de la Castafiore » et « Le secret de la Licorne », après les « Assimil » sur le bruxellois et même le bruxellois le plus corsé, sans carré blanc, les éditions de manuels ou d’histoire linguistique, qui le concerne, se succèdent. On pourrait croire qu’il s’agit d’un bel enterrement, dans le genre de celui que Charles-Quint, âgé, fit célébrer pour lui-même. En effet, les sexagénaires qui manient encore ce dialecte savoureux, ou ses variantes de banlieues, sont les benjamins des locuteurs subsistants. Les générations montantes, réduites à cause du déclin démographique et remplacées par des arabophones ou des berbérophones de souche, ne maîtrisent plus ce dialecte, ne le comprennent et ne le parlent forcément plus. Nous assistons ainsi à la disparition d’une strate importante dans la structuration linguistique, selon le Prof. Henri Gobard, grand angliciste français, soit la strate dialectale, le parler vernaculaire premier qui sous-tend tout apprentissage linguistique ultérieur et permet, par recours à ce parler forcément moins figé, d’épaissir et de « saucer » la langue, d’éviter son assèchement.

 

Ces éditions successives de livres et de lexiques du dialecte bruxellois ne sont-elles donc que pure nostalgie ? Ou y a-t-il un plus derrière cette mode ? Replaçons notamment la réédition du « Dictionnaire du dialecte bruxellois » de Louis Quiévreux, dont l’édition originale était tant recherchée chez les bouquinistes jusqu’à cet automne 2005, dans le cadre général de l’histoire de la littérature belge, qui, elle aussi, lassitude devant le piètre parisianisme des lettres françaises oblige, connaît un fameux regain d’intérêt, notamment au départ des recherches des Professeurs Paul Aron, Marc Quaghebeur, Jean-Marie Klinkenberg et d’autres. Leurs recherches nous ont rappelé, naguère, que la volonté de créer une littérature spécifiquement belge au 19ième siècle, au lendemain de l’indépendance du pays, visait aussi à sauver la langue française du naufrage, de la cangue d’un classicisme et d’un formalisme outranciers. Cette volonté s’inscrivait bien entendu dans une volonté politique de combattre l’idéologie jacobine et moderniste, qui est mortifère et n’apporte aux expressions humaines, à l’art, qu’éviscérations ; elle est à la langue ce que la taxidermie est à la faune. Pour un Charles De Coster, il s’agissait de raviver l’héritage flamand et de l’opposer à tout ce qui était français, surtout à l’époque de Napoléon III, figure universellement honnie en Belgique au 19ième siècle. Mais cette volonté de rompre avec les manies françaises n’était pas que vengeresse : elle participait également d’un projet « rabelaisien » visant à raviver une langue française anémiée depuis la normalisation de la langue si crue et si drue de Villon et Rabelais, depuis le centralisme et le formalisme qui tueront la Vieille France.

 

Ce n’est donc pas un hasard si les travaux d’un De Coster, dont on se souvient surtout de son « Tijl Uilenspiegel », et d’un Camille Lemonnier, ont été salués par les « rabelaisiens » français, dont les efforts culmineront, finalement, dans l’œuvre de Louis-Ferdinand Céline. De Coster voulait retrouver des termes jugés archaïques par les formalistes parisiens. Lemonnier colorait ses romans d’expressions vives, audacieuses, parfois crues, avait le culte du mot rare ou ancien, pimentait ses romans de termes wallons, chantait les louanges d’un vitalisme flamand et germanique, appelait à écrire « welche » et non pas en « formalo-parigot », en « comme-il-faut ». Céline puisera dans l’argot du Paris de sa jeunesse. Pour leur part, les « Félibriges » provençaux, contemporains de De Coster et de Lemonnier, puiseront dans les saveurs de la langue d’oc.

 

Face aux nouvelles tentatives de formalisation de la pensée avec deux censeurs à tronche débonnaire comme Ferry et Renaut, qui voient dans la « pensée 68 » une sorte de revival discret du nazisme ou du fascisme ( !!) et perçoivent dans l’engouement écologique une dangereuse dérive « völkisch » ( !!!), ou avec un assommant et oléagineux pondeur de navets et de banalités comme ce raseur de Comte-Sponville à la bobine de bon apôtre et de faux derche, eh bien, face à des éviscérateurs de cet acabit, la pensée doit se dresser à nouveau et conjuguer les démarches des rabelaisiens, de De Coster, de Lemonnier et de Céline. Et comme les salades de la nouvelle idéologie républicaine se veulent universelles et panmixistes, immigrophiles jusqu’à faire des voyous de banlieues sans langue définie, sans argot vivant, rien qu’avec des beuglements de haine, de nouvelles figures emblématiques de l’humanité en marche vers la parousie laïque, il est évidemment impératif de mobiliser les richesses inépuisables des terroirs comme le firent et le font Vincenot et Ragon (auteur, il est vrai, d’une très belle introduction à Rabelais), de développer une philosophie critique telle qu’il s’en profile une dans les pamphlets corrosifs d’un Philippe Muray (auteur d’une thèse magistrale sur Céline). Dans une telle entreprise, la réédition de dictionnaires comme celui de Quiévreux, ou d’autres, ont toute leur place.

 

Bien sûr, le germaniste et le dialectologue trouveront le lexique de Quiévreux trop succinct, trop faible sur le plan de la recherche étymologique, trop rédigé pour les rieurs qui perdaient le dialecte de leurs aïeux et tentaient de le sauver par une simple compilation. Les dialectologues se disputent sur la graphie et l’orthographie du bruxellois : en effet, quels signes phonétiques utiliser ? Comment reproduire par des caractères latins des sonorités très particulières que l’on retrouve parfois en danois ou en anglais ? Et quid des diphtongaisons très complexes dont abonde ce dialecte d’Hergé ?

Quiévreux était journaliste, c’est-à-dire un spécialiste de tout et de rien, du superficiel et du clinquant sans profondeur, surtout quand,comme lui, on travaille au « Soir ». On n’échappe pas aux défauts de ce métier de vulgarisateur, surtout après la seconde guerre mondiale qui, sous prétexte de « collaboration », nous a ôté nos meilleurs journalistes, assassinés (Colin, Falony), fusillés (Lhost, Meulenijzer), embastillés, bannis (Poulet, Marceau, partiellement Simenon et Hergé). Quiévreux, anglophile et angliciste, a forcément échappé à cette épuration calamiteuse, mais a œuvré dans les stupides années 50, où l’américanisation la plus vulgaire progressait à vue d’œil, où l’idéologie consumériste se mettait en place. Néanmoins, son « dictionnaire », qui date de 1951, est un lexique utile, auquel il faut recourir, comme il faut aussi recourir à des compilations homologues, rédigées par d’autres auteurs. Cet angliciste a orthographié le bruxellois selon les critères en usage en néerlandais. Il a parfois effectué des recherches étymologiques mais insuffisantes. Les termes qu’il aligne dans ce dictionnaire pourraient émailler des romans du terroir, aussi denses, aussi exportables que ceux de Lemonnier jadis, qui, rappelons-le, a tout de même inauguré des thématiques vitalistes et sexualisées, que l’on retrouvera chez David Herbert Lawrence en Angleterre et dans le monde, British Empire oblige.

La publicité en Belgique fait appel désormais aux accents locaux. Demain, la bande dessinée, où Bruxelles est déjà très présent, le théâtre et le roman pourront retrouver des termes plus savoureux, plus réels, dans ce lexique de Quiévreux, exactement comme Marcel Pagnol avait apprécié, chez nous, le « Mariage de Mademoiselle Beulemans » et « Bosmans et Coppenolle », avant de faire vivre un théâtre marseillais inoubliable avec « Marius », « Fanny », etc.

Affaire à suivre.

Références: Louis Quiévreux, Dictionnaire du dialecte bruxellois, Editions de l’arbre, Bruxelles, 2005, ISBN 2-9600568-0-9.    

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samedi, 19 mai 2007

Biosemiotica y Complejidad

Si Dios fuese una criatura viviente en la tierra, creo no sería un ser humano, no otra vez.
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Biosemiótica y Complejidad

http://www.accionchilena.cl/Ecofilosofia/BiosemioticayComplejidad.htm

Prof. Oscar Fernández Galíndez
Biólogo Venezolano

Desde el virus hasta la ballena, desde el micro-hongo hasta el árbol, todos tenemos algo que decir.

La única ventaja de ser primates, es que aún nos reconocemos ante un espejo.

Todos deberíamos asistir a la escuela para empresarios de las hormigas.

Observemos la transmutación de la oruga.

¿Qué tigre se corta las uñas?.

¿Qué planta odia el dióxido de carbono?.

Es curiosa la fractalidad del girasol.

Un copo de nieve es orden y caos a la vez.

Los caballos si saben de miradas.

Los loros no sólo repiten palabras.

En la semiótica natural el mensaje es el medio.

Entre el corazón y la razón existe todo un sistema inmunológico.

¡Que compleja puede llegar a ser la telaraña del pensamiento!.Si no lo escuchas no quiere decir que no se ha dicho. Ejemplo: el sonar de los murciélagos y los delfines.

Déjate atrapar por los tentáculos inteligentes de un octópodo.

Podríamos aprender mucho de las aves migratorias y los campos magnéticos.

La relación marea/luna nos habla de la ley de la gravedad. Y la relación ser vivo/luna ¿de que nos habla?.

Generalmente no somos conscientes de todo lo que trasmitimos. Ejemplo: la ceguera de los peces biolumínicos (ellos tampoco ven lo que hacen).

 ¡Que puntuales son las aves. Y no tienen reloj! ¿o sí?

 Sincronicemos nuestros relojes biológicos con las aves.

  Los perros pueden oler al cáncer, ¿tú que puedes oler?

Si a una planta se le coloca música rock y ésta se seca, ¿qué le pasará a los seres humanos al escuchar la misma música?

Si escucháramos la voz de los elefantes entenderíamos mejor la vida.

Si escucháramos a los elefantes, tendríamos que recordar su compleja lengua, y para ello su memoria es mejor que la nuestra..

En el orden social de las abejas no existe ni la política ni el protocolo.

 Cantemos a la lluvia con la música de las cigarras.

Prefiero las predicciones sísmicas de los animales por encima de los sismógrafos y los sismólogos.

El campesino sabe cuando es el tiempo de sembrar. El hombre urbano no sabe cuando es el tiempo de vivir.

 El campesino entiende muy bien las señales de la naturaleza.

 El indígena no sólo le habla a sus dioses.

  ¡Que halcón usa anteojos

Ninguna especie animal necesita inventarse juegos colectivos para compartir medianamente (excepto la humana).

Las asociaciones, gremialismos, grupos, religiones, equipos, etc; son sólo inventos humanos, el resto de las especies zoológicas no requieren de excusas para compartir.

El agua no sólo es el origen de la vida. También es su vehículo.

Si Dios fuese una criatura viviente en la tierra, creo no sería un ser humano, no otra vez. 

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Volonté hégémonique américaine

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Prof. Günter ZEHM:

Ancien éditorialiste de Die Welt, collaborateur permanent de Junge Freiheit (Berlin), ancien professeur de philosophie à Halle et rédacteur du Rheinischer Merkur. Quatre ans après sa rédaction, ce texte recèle encore et toujours des principes de base pour élaborer une diplomatie offensive européenne autonome. Raison pour laquelle nous l'archivons sur ce blog.

De la volonté hégémonique des Etats-Unis

Depuis longtemps, on n'avait plus assisté à une telle unanimité en Allemagne et en Europe; tous s'in­sur­gent contre la guerre que planifient les Etats-Unis contre l'Irak. En dehors des Etats-Unis et de la Grande-Bre­tagne, personne dans le monde ne veut de cette guerre: ni le Pape ni les évêques luthériens ni les mé­tro­polites orthodoxes, ni les Chrétiens ni les Musulmans ni les Bouddhistes, ni l'UE ni l'ONU ni la Russie ni la Chine ni l'Iran. Aucune organisation internationale ne se déclare en faveur de cette guerre.

En Allemagne : union sacrée contre la guerre

En Allemagne, le front du refus court à travers tous les partis, tous les groupements politiques, unit radi­caux et modérés, pacifistes et bellicistes. Le front va de Franz Schöhuber à Heribert Prantl, de Horst Mah­ler à Jürgen Trittin, du Cardinal Lehmann au Général Schönbohm. Pourtant, les organes officiels de l'Etat ne répercutent qu'un très faible écho de ce qui se raconte partout dans le pays, dans le sauna, entre qua­tre yeux. Les préparatifs de guerre des Américains et la rhétorique belliciste de l'Administration Bush sus­ci­­tent la réprobation, l'horreur et le mépris. Sur ce sujet, pas d'illusions à se faire.

Le gouvernement fédéral allemand, fraîchement élu, qui, début février, devra présider le conseil de sécu­ri­té de l'ONU, en vertu de la procédure de rotation qui gère cette institution, se trouve face au Rubicon. Le Chancelier Schröder, dans la phase finale de sa campagne électorale, avait clairement promis, avec bel­le emphase, de se tenir à l'écart de toute guerre; il faut que cette promesse soit tenue, sans discussion inu­tile, car c'est ce qu'attendent les électeurs et les non votants, c'est ce qu'ordonne aussi la constitution. Au­cune entourloupette procédurière, aucune circonlocution alambiquée ne pourront contourner ces réa­li­tés: l'Allemagne ne peut pas, en vertu des clauses mêmes de sa constitution, mener une guerre d'a­gres­sion ou y participer. Ses obligations dans l'alliance se voient limitées par cette interdiction con­sti­tu­tion­nel­le.

Un concept de "guerre préventive" qui met hors jeu le droit des gens

La guerre que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne entendent mener contre l'Irak est indubitablement une guer­re d'agression. Pas le moindre doute là-dessus! Pour être encore plus précis, il ne s'agit même pas d'u­ne guerre préventive, car l'Irak ne menace en rien les attaquants potentiels. Et quand bien même ce se­rait une guerre préventive, nous devrions nous poser la question suivante: quelle est la différence entre une "simple agression" et une "guerre préventive"? Y a-t-il vraiment une différence? Les choses sont pour­tant très simples aujourd'hui: la façon dont l'Administration Bush définit désormais les guerres préventives con­stitue en soi une agression. Le programme stratégique élaboré par le Pentagone, pour mener cette guer­re projetée, programme qui est désormais connu du grand public, met purement et simplement le droit des gens hors jeu et déforme les procédures classiques de la politique internationale et mésinter­prè­te les us et coutumes de la diplomatie traditionnelle, dans une mesure que l'on n'avait pas encore ima­gi­née jusqu'ici.

Le débat qui s'est ouvert dans ce contexte plane de fait bien au-dessus de son objet initial, la campagne mi­litaire envisagée contre l'Irak; le débat porte en effet sur la façon dont procède aujourd'hui l'Amérique à l'encontre du reste du monde; il porte sur les manières cavalières du Pentagone et de l'Administration Bush, sur la grossièreté avec laquelle ils traitent les faits et les preuves qu'avancent les autres. En règle gé­nérale, dans le monde entier, cette "diplomatie" américaine, telle qu'elle se pratique à l'avant-veille d'une guerre délibérément voulue, est considérée comme brutale et grossière, elle est ressentie comme bru­tale et stupide. Le monde semble avoir divorcé de l'Amérique.

Une nouvelle "Doctrine Brejnev"

«Tout cela me rappelle le temps ancien du soviétisme», a dit l'ancien président d'un pays d'Europe centra­le. «Le récent programme stratégique du Pentagone, d'après lequel les Etats-Unis réclament pour eux seuls le droit de mener des guerres préventives contre d'autres Etats, soit sous le prétexte d'éliminer des centrales du terrorisme soit pour tuer dans l'œuf des puissances potentielles et concurrentes, partout dans le monde, met le droit international totalement hors jeu. Il s'agit d'une sorte de nouvelle Doctrine Brejnev».

Comparer l'actuel programme du Pentagone avec la Doctrine Brejnev n'est pas une exagération, mais, au con­traire, une minimisation. L'ancienne Doctrine Brejnev, en dépit de son agressivité, maniait quand mê­me une rhétorique défensive. Seuls les "pays frères" étaient censés se voir envahir par les troupes soviéti­ques si le "socialisme" y était mis en danger. Le programme du Pentagone va plus loin: il étend le statut brej­nevien de "pays frère" au monde entier.

Tout Etat qui ne pratiquerait pas la démocratie à la façon dont l'entend Washington devient, virtuelle­ment, territoire à envahir. Par démocratie, dans ce contexte, il faut entendre un régime politique qui ne se construit pas un appareil de puissance qui pourrait devenir "dangereux" aux yeux de Washington, qui pourrait éventuellement remettre en question l'hégémonie américaine. Jamais dans l'histoire, on a osé for­mu­ler une doctrine d'impérialisme global aussi provocatrice, brutale et grossière.

La guerre imminente contre l'Irak servira de test et d'exemple. Il ne s'agit pas seulement de contrôler les champs pétrolifères du Proche-Orient et d'Asie centrale, il ne s'agit pas seulement d'imposer un nouvel or­dre politique et économique au monde arabo-musulman qui sied aux Etats-Unis et au capital financier oc­ci­dental, il s'agit en première instance de démontrer au monde entier la puissance militaire américaine, de monter comment fonctionnent les armes punitives qu'actionnent les militaires de Washington. Bush veut dire à tous les peuples du monde ceci: «Voyez, voilà ce qui arrivera dans le futur à tout pays qui se mon­trera récalcitrant au sens où l'entend la doctrine du Pentagone».

Le monde n'acceptera pas indéfiniment de vivre sous la curatelle des Etats-Unis

L'entreprise est cependant truffée de risques et condamnée à l'échec en ultime instance. Le terrorisme in­ter­national ne sera pas endigué, mais, selon l'avis de tous les observateurs sérieux, trouvera prétexte à se ré­pandre à grande échelle. Le monde connaîtra un grave déficit de sécurité et n'acceptera pas, sur le long ter­me, de se plier indéfiniment à la curatelle d'un seul Etat, d'une seule nation. L'époque des impéria­lis­mes (1789-1989) est terminée: à cela, même les rêves les plus délirants de toute-puissance, que caressent les stratèges du Pentagone, ne pourront rien changer.

Peu s'y attendent, mais l'heure de vérité est proche pour l'Europe. Ou bien elle deviendra un minable ap­­pen­dice des Etats-Unis, qui aura pour tâche de recoller les morceaux après les actes de guerre ("we bomb, you clean up" / "nous bombardons, vous nettoyez"). Ou bien elle se forge une identité propre, elle fait preuve d'unité et d'esprit de décision. Il n'y a pas de troisième terme possible.

Toutes les théories qui évoquent une "unité de l'Occident", qu'il faudrait à tout prix maintenir, fût-ce au prix d'une infériorité à jamais pérennisée, fût-ce au prix d'un rôle définitivement assigné, celui d'éternel domestique de la puissance hégémonique, sont des théories qui n'ont plus lieu d'être. Il n'y a pas d'unité oc­cidentale qui s'étende à tous les domaines de la vie, parce qu'au fond, un tel Occident n'existe pas. Ce qui existe concrètement, ce sont deux aires culturelles, certes apparentées entre elles, mais qui diver­gent fondamentalement sur le plan de leurs intérêts et de leurs traditions. D'une part, nous avons les E­tats-Unis d'Amérique et, de l'autre, l'Europe. Entre ces deux pôles, qui deviendront immanquablement an­ta­gonistes, il ne convient plus d'échanger des phrases pompeuses et solennelles. Chacun doit défendre ses in­térêts propres.

Günter ZEHM.

(article paru dans Junge Freiheit, n°3/2003 - http://www.jungefreiheit.de ).

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Affrontement sino-nippon

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Chine-Japon: l'affontement

Trouvé sur : http://www.radio86.fr/decouvrir-et-apprendre/chine-hebdo/...

Alors que pourtant l'interdépendance économique s'accroît entre les deux géants asiatiques, leurs relations n'ont cessé de se détériorer depuis 2004. Dans “Chine-Japon, l'affrontement” paru aux éditions Perrin, Valérie Niquet passe au peigne fin les relations entre les deux pays, aborde les sujets de tensions. Des tensions qui ont en réalité très peu avoir avec l'histoire mais tout, au contraire, avec le présent et même l'avenir.

Valérie Niquet est professeur au Collège interarmées de défense (CID- École militaire) où elle assure le cours de géopolitique de la Chine. Elle est japanologue, sinologue et dirige le centre ASie de l’IFRI.

Outre de nombreux articles sur des enjeux d’actualité, elle a traduit deux oeuvres majeures de la stratégie chinoise: “L’Art de la guerre”, de Sun Zi et le “Traité militaire”, de Sun Bin

Chine-Japon: des relations diplomatiques au plus bas
Depuis 2004, de nombreux évènements en Chine ont reflété le sentiment anti-nippon de plus en plus présent dans la société chinoise mais également entretenu par les autorités. Face à cette impopularité croissante, le Japon a brandi l'arme économique et a affirmé vouloir supprimer les programmes de développement accordés à la Chine à l'horizon 2008. Reflet de cette « hystérisation » des relations, aucune rencontre officielle n'a eu lieu depuis la visite de Junichiro Koizumi en 2001.

Le poids du passé
Officiellement, les griefs de Pékin envers Tokyo sont de nature essentiellement historiques. La question de la « révision des manuels » visant à présenter la guerre en Asie comme une guerre de libération contre les anciennes puissances coloniales et dans laquelle le massacre de Nankin est fortement édulcoré à provoqué de vives manifestations en Chine en avril 2005.L'autre sujet de contentieux, le plus connu, est l'affaire du sanctuaire Yasukuni, où reposent 14 criminels de guerre de classe A.
Pékin considère alors que le Japon ne souhaite pas « expier la faute de la seconde guerre mondiale ». Mais pourtant, le gouvernement japonais a déjà présenté des excuses, notamment en 1995, à l'occasion du 50e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale dans le Pacifique. Pékin utilise notamment l'argument historique pour justifier son opposition à la candidature du Japon qui souhaite devenir membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU.

Les sujets de discorde
Valérie Niquet s'intéresse à un nouveau terrain possible d'affrontement, la question énergétique, qui vient exacerber les tensions entre la Chine et le Japon. Si les besoins et la dépendance énergétiques de la Chine augmentent beaucoup, le Japon demeure tout aussi dépendant de l'extérieur. Tokyo et Pékin se trouvent alors en concurrence sur le marché russe mais aussi en Iran ou en Arabie Saoudite, partenaire traditionnels du Japon, où Pékin ne cesse pourtant d'avancer ses pions. Malgré ses nombreux sujets de discorde, les relations économiques entre les deux pays sont « florissantes » comme en témoigne le montant des échanges qui ont atteint 189 milliards de dollars en 2005, contre seulement 120 milliards en 2003 et… un milliard lors du rétablissement des relations diplomatiques en 1972. La Chine et le Japon sont les premiers clients l'un de l'autre. Mais pourtant le facteur économique n'apaise en rien les relations sino-japonaises.
Derrière cette « guerre froide qui ne dit pas son nom », c'est la question de la concurrence des modèles chinois et japonais en Asie qui est en jeu.

Enfin Valérie Niquet examine les scénarios probables des rapports entre Tokyo et Pékin.
Titre: Chine-Japon, l’affrontement

Auteur: Valérie Niquet

Paru le:24 août 206

Editeur:Librairie Académique Perrin

Prix éditeur:18,50 euros


Auteur: Marion Zipfel

05:10 Publié dans Eurasisme, Géopolitique, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

vendredi, 18 mai 2007

Hommage à Monique Crokaert

Hommage à Monique Crokaert, poétesse, épouse de Marc. Eemans, décédée le 4 janvier 2004.

Ce texte a été lu le jour de ses obsèques par Robert Steuckers.

Chers parents, chers amis,

Il est l’heure de prendre congé définitivement de Monique, aujourd’hui, en cette triste journée de janvier. Monique, la fille de Jacques, cet esprit politique génial, jamais remplacé et surtout irremplaçable, Monique l’effrontée, Monique la poétesse, Monique la compagne de Marc, Monique qui aimait la vie mais qui n’en avait plus le goût depuis la mort de son grand artiste de mari, nous a quittés, il y a un peu plus d’une semaine.

Une page d’histoire se termine ainsi, trop abruptement. Des souvenirs poignants et incommunicables viennent de s’effacer. Une époque de créativité extraordinaire, artistique, littéraire et philosophique, s’éteint encore un peu plus, avec la disparition de Marc et de Monique à quelque cinq ans d’intervalle, plongeant ce Pays encore un peu plus dans la froide obscurité du Kali Youga.

La langueur qui s’était emparée de Monique depuis le 28 juillet 1998, quand Marc s’est éteint, est sans nul doute empreinte d’une immense tristesse, mais elle nous interpelle, aujourd’hui, au-delà de sa mort. En effet, cette langueur est un appel, qu’elle a lancé à nous tous sans toujours cherché à bien se faire comprendre, un appel pour que nous continuions à œuvrer pour faire connaître, pour défendre la mémoire des peintures, des poèmes, de la pensée mystique de Marc, pour nous souvenir à jamais des poèmes de Monique, pour nous replonger dans l’œuvre politique de Jacques Crokaert.

Car tel était bel et bien le message de cette langueur, et parfois de cette rage, qui a progressivement exténué Monique au cours de ces cinq dernières années. Il serait incorrect de ne pas y répondre, car c’était, au fond, son vœu le plus cher. Que cette formidable mobilisation de l’intellect, de la volonté, de la sensibilité, de l’esprit n’ait pas été qu’un simple passage voué au néant. Que ce formidable feu d’artifice ne soit pas qu’une beauté éphémère. Qu’il y ait pour lui un lendemain. Une réhabilitation totale et définitive.

Tel était le contenu de mes conversations avec Monique au cours de ces cinq dernières années.

Je vous demande donc à tous, selon vos moyens, de réaliser son vœu, si ardent, si noble, si pressant, et de le lui promettre, ici, devant sa pauvre dépouille, devant celle qui ne pourra plus jamais nous parler, nous enjoindre de travailler, ou, même, —et je le dis avec tendresse— de nous « engueuler » parce que les choses ne bougent pas assez vite à son gré. Justement parce que la verdeur occasionnelle de son langage ne sera plus, pour aucun d’entre nous, un aiguillon ou un agacement, je vous demande de continuer ce travail.

Adieu, Monique, nous allons tous regretter tes poèmes, ta nostalgie de Marc, ta fidélité très difficile, vu les circonstances, à son œuvre, nous allons aussi regretter ta verdeur langagière, tes remontrances corsées, comme nous avons aimé les rouspétances de Marc, aigri d’être sans cesse boycotté par les Iniques.

Adieu, donc, et nous travaillerons, pour que les « Fidèles d’Amour » reprennent le flambeau et leur rôle de guide d’une humanité régénérée, pour que les « Lumières archangéliques et michaëliennes » resplendissent à nouveau, comme l’a voulu Marc pendant de longues décennies de combat mystique et philosophique.

Adieu, Monique, tu nous manqueras, parce que tu incarnais, tant bien que mal, parfois en tâtonnant, parfois en te débattant, plusieurs pages sublimes de l’histoire de notre pays. Adieu, mais, pour ne pas t’oublier, nous parlerons et reparlerons de ce qui t’a été si cher au cœur.

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A propos de Werner Sombart

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A propos de Werner Sombart

18 mai 1941: Mort à Berlin du grand sociologue, économiste et philosophe allemand Werner Sombart. Son œuvre est vaste, immensément vaste, mais, en résumé, on pourrait dire qu’il est l’héritier de Marx le plus complet, notamment grâce à son énorme ouvrage en six volumes sur les origines du capitalisme. Sombart est celui qui a complété véritablement le Capital de Marx, en dégageant l’histoire du capitalisme de la gangue des abstractions ou des vœux pieux des militants socialistes, pour la replonger dans l’histoire réelle des peuples européens et de l’économie globale.

Les positions de Sombart l’ont amené à abandonner les tristes insuffisances des politiciens de bas étage se réclamant de Marx —auquel ils ne comprenaient rien— au sein des formations sociales démocrates ou communistes. Ce qui a valu, bien sûr, à Sombart, véritable et quasi seul héritier de Marx, l’étiquette infamante de “fasciste”. Plus tard, l’historien français Fernand Braudel s’appuiera sur bon nombre d’intuitions de Sombart pour développer ses thèses sur l’émergence du capitalisme, à partir de la découverte des Amériques. Pour une approche succincte de l’œuvre de Werner Sombart, cf. : Thierry MUDRY, «Le socialisme allemand de Werner Sombart», in : Orientations, n°12, 1991.

jeudi, 17 mai 2007

O. Spengler's Uneven Legacy

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Oswald Spengler's Uneven Legacy

by Donald L. Stockton

http://home.alphalink.com.au/~radnat/spengler/biographica...

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Brigid : grande déesse celtique et sainte irlandaise

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Brigid: grande déesse celtique et sainte irlandaise

Astrid Bässler, spécialiste des médecines holistes à Berlin, médecin en Allemagne et en Nouvelle-Zélande, où elle a créé la fondation "Crystal Bridge", institution qui soigne les patients en les induisant à pratiquer un travail artistique. Elle s'est ensuite consacrée aux problèmes de l'eurythmie. Elle a composé récemment un petit bréviaire en l'honneur de Brigid, la déesse principale du panthéon celtique. Cet ouvrage contient, outre des poèmes (en allemand, en anglais et en gaélique) et de magnifiques illustrations dues à la plume et au ciseau de Rory McDougall, plusieurs textes définissant le rôle et les attributions de Brigid.

Dans «Brigid», d'Astrid Bässler elle-même, on lit: «Brigid est une figure qui revient sans cesse dans le monde celtique du Nord-Ouest, à des périodes différentes, sous des aspects différents». A l'ère pré-chrétienne, nous rencontrons Brigid comme inspiratrice du processus de création. Par ses chants, elle suscite la puissance créatrice des dieux masculins, comme Angus, incarnation de l'éternelle jeunesse, Ogma, personnification de la magnificence de l'astre solaire, Gobniu, le forgeron magique… Elle offre à la Terre en voie de création son manteau bleu, qui deviendra le sol nourricier de tous les êtres vivants, animaux et végétaux, ainsi que l'enveloppe protectrice dont on entourera tous les malades et nécessiteux. Le manteau bleu de la déesse symbolise dès lors la force vitale omni-compénétrante. La Sainte-Brigitte (455-525?) du christianisme irlandais est une fille de chef, qui devient l'abbesse de Kildare, monastère mixte, où œuvrent hommes et femmes, véritable centre culturel, où l'on recopie des manuscrits, où l'on installe une école de forgerons et d'orfèvres, flanquée d'un hôpital. La qualité d'abbesse de Brigitte lui confère le rang d'évêque dans une église irlandaise qui ne se soucie guère des dogmes (machistes), imposés ailleurs par Rome. Faisant fi de la chronologie officielle qui fait naître la grande abbesse de Kildare en 455, la légende veut que Brigitte se soit trouvée à Bethléem, au moment de la naissance du Christ, l'a vu, enfant dans sa crèche, et l'a enveloppé de son manteau bleu. Légende indéracinable en Irlande qui montre l'antériorité de la religiosité brigittine et brigittine-christique par rapport à l'appareil romain-constantinien. Cette légende refuse donc le "rupturisme" chrétien, qui entend éradiquer les cultes païens ancestraux, dans l'aire celtique ou ailleurs. Astrid Bässler rappelle également que la fête de la Sainte-Brigitte correspond au début du printemps traditionnel celtique, l'Imbolc, le 1 février.

Isabelle Wyatt, dans un autre texte explicatif sur les avatars de la déesse celtique, repère ses traces dans d'autres régions d'Europe: la ville de Brigantia en Espagne doit son nom à Brigid; de même, la tribu celtique des Brigantes du Yorkshire en Angleterre; le Lac de Constance ("Bodensee" en allemand) s'appelait en latin "Lacus Brigantius", près duquel on trouve la ville de Bregenz ("Brigantinum" en latin). Dans l'Est de l'hexagone, on trouve maintes inscriptions votives à "Brigindo", nom de la déesse dans l'Est de la Gaule.

Isabelle Wyatt rappelle que Brigid (ou Brigan, Brig ou, en Irlande, Bridghe) est la déesse du "dan", terme signifiant le savoir mais aussi la vitalité en tous domaines, englobant le visible et le caché. Comme dans nombre de processions de l'ère chrétienne, où elle est remplacée par une vierge Marie, on promène, au début du printemps, son effigie dans les champs, juchée sur un chariot; elle est représentée sous les traits d'une jeune femme tenant en ses bras un enfant. On offre du lait sur son autel. Elle protège le bétail (surtout bovin). Elle est la mère du "Logos" celtique, l'Ogma irlandais ou l'Ogmios gaulois, dieu de la langue, de la littérature et de l'éloquence. Elle est une femme qui guérit et, à ce titre, elle est la protectrice des poètes et des écrivains (dont le statut reste très élevé en Irlande), car la poésie comme l'art de guérir sont des émanations des forces vitales que recèle le monde en abondance. Les rêves, les destinées, les prophéties relèvent également de la déesse, justement parce qu'ils indiquent un domaine où confluent et se mêlent passé et avenir. Brigid est fille du Soleil, car c'est du Soleil que le monde reçoit son être. Autre symbole lié à Brigid: le cygne blanc, essence de l'homme, dans sa pureté prénatale.

Nous trouvons dans l'anthologie d'Astrid Bässler ces phrases du grand poète irlandais William Butler Yeats: «Derrière toute l'histoire irlandaise, nous trouvons une grande tapisserie murale, que même le christianisme doit accepter, pour s'y retrouver. Quand on observe ses plis sombres, on ne peut pas dire où commence le christianisme et où finit le druidisme».

Enfin, Hans Gsänger, dans une contribution assez longue, nous rappelle un texte ancien, l'Hymne de Broccan, où Brigid, symbole de la terre mère fécondée par le Soleil, est présentée comme la véritable mère du Christ, posant dès lors l'équation entre Brigid et Marie/Myriam, inacceptable pour le christianisme dogmatique, car tous les cultes mariaux seraient ramenés à leur matrice païenne, avec Brigid comme mère cosmique et le Christ comme avatar d'Ogmios.

H. Gsänger nous rappelle aussi les écrits de Giraldus Cambrensis (= Gerald of Wales) (1145-1223?). Cet ecclésiastique anglo-gallois avait d'abord participé aux croisades anti-irlandaises du Roi Henri II, puis avait rompu avec la hiérarchie de l'église anglaise, pour devenir un écrivain indépendant, au style puissant et humoristique. Prolixe pour son temps, il rédigea également quelques ouvrages historiographiques et topographiques sur l'Irlande et le Pays de Galles (Topographia et expugnatio hibernica, Descriptio Kambriae, Itinerarium). Il y décrit les mœurs et les gens, y retranscrit des bribes significatives de sagas et de contes, avec d'importantes allusions à la fusion du culte de Brigid et des cultes mariaux, qui ne sont souvent rien d'autre que leur transposition christianisée. Notamment, Gerald rappelle que Sainte-Brigitte, l'abbesse de Kildare, entretient et garde un feu sans cendres, avec l'aide de 19 nonnes. On parlait à l'époque de "la flamme sans cendres des Gaëls". Ce feu de l'abbesse Brigitte sera perpétué par ses successeurs jusqu'en 1220, où, à l'instigation des inquisiteurs anglo-romains, le représentant du roi d'Angleterre, Henri de Loundres, le fait éteindre d'autorité.

Gerald nous apprend également que Sainte-Brigitte est la patronne des étudiants (leg druidique?), la mac-léighinn, ce qui la lie directement à la déesse Brigid, protectrice des poètes et des écrivains.

Le 1 février, jour de l'Imbolc celtique et de la Sainte-Brigitte, celle-ci, rapporte la légende, convie la "famille céleste". Les femmes irlandaises ont encore l'habitude de faire des "Brigid-crosses" à cette date; ces croix sont confectionnées à l'aide de paille et placées au centre d'un carré, également tressé avec de la paille, jeu de formes qui donne la roue cosmique ou swastika. Ce rituel traditionnel relève, ajoute Gsänger, des "mystères irlandais", dont les racines sont païennes mais qui ont survécu longtemps en Irlande, après la christianisation. Que signifie le nombre 19, nombre des nonnes qui accompagnent Sainte-Brigitte dans l'entretien du "feu sans cendres"? Brigitte comme moteur cosmique est de fait accompagnée de 12 + 7 assistantes. Le nombre 12 fait référence aux douze signes zodiacaux, c'est-à-dire aux douze configurations des étoiles fixes, tandis que le nombre 7 correspond aux sept planètes du système solaire connues à l'époque. Le mystère irlandais de Sainte-Brigitte est donc la christianisation superficielle d'une cosmologie païenne immémoriale. Brigid/Brigitte harmonise donc les astres immobiles et les astres mouvants, elle est la gardienne de l'ordre cosmique. Dans la tradition irlandaise, les figures marquantes sont toujours accompagnées de 12 assistants ou disciples, mettant l'accent sur l'immuabilité cosmique: Columcille arrive à Iona (l'île sacrée des Hébrides) avec 12 "frères"; Colomban arrive en Europe centrale avec 12 "moines". Saint-Finnian de Clonard commence sa carrière, accompagné de 12 "apôtres". Le même principe vaut pour les traditions guerrières, comme nous le montre les récits des Chevaliers de la Table Ronde (Artus, Graal). L'iconographie irlandaise représente Brigid au centre de la Trinité, oblitérant ainsi le récit chrétien, plus récent, et affirmant, discrètement, la préséance du culte de Brigid (et d'Ogmios) sur le message strictement chrétien.

Il existe également un rapport intime entre le culte immémorial de Brigid et le symbole du Chaudron de Dagda, réceptacle des forces constitutives de l'éther qui "forgent" le corps. Les forces qui arrivent dans un corps, en voie de constitution, en gestation, et qui ne servent pas directement à le "forger" physiquement et charnellement, virevoltent, libres et ludiques, dans l'âme de la personne et lui communiquent ses qualités artistiques et poétiques. Ce qui explique la triple fonction de Brigid, comme protectrice des "forgerons", des médecins (chargés de maintenir actives les forces vitales dans les corps des hommes) et des poètes.

Dernière indication que nous livre Gsänger: il nous rappelle l'œuvre du poète écossais William Sharp (1855-1905), qui publiait sous le pseudonyme féminin de Fiona Macleod. Sharp/Macleod évoque les récits relatifs à Brigid/Bride dans From the Hills of Dreams (1896), ouvrage qui sera publié en allemand en 1922, sous le titre de Das Reich der Träume, dans la célèbre maison d'édition d'Eugen Diederichs, défenseur d'une religiosité alternative, enracinée, libertaire et vitaliste, qui imprégnera profondément le mouvement de jeunesse allemand, le Wandervogel.

Bref, une anthologie qui permet de redécouvrir, derrière une figure mythologique féminine, la religion cosmique indo-européenne (puisque Brigid fait partie des dieux de la lumière du jour, les Tuatha De Danaan), qui ne s'est pas interrompue brutalement par la christianisation, mais s'est perpétuée intacte pendant plusieurs siècles, jusqu'à la conquête anglaise de l'Irlande, conquête ordonnée par Rome. Cette conquête a conduit à l'extinction du feu sacré de Kildare, donc au rejet de l'ordre cosmique immuable des douze configurations zodiacales et du jeu mouvant des sept planètes.

Detlev BAUMANN.

Astrid BÄSSLER, Brigid. Keltische Göttin und Heilige, Ogham Verlag/Verlag am Goetheanum, Freiburg/Br., 1999, ISBN 3-7235-1063-9.

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Charles-Quint, Empereur gibelin

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Charles-Quint, Empereur gibelin

Les quelques notes qui suivent ici ne sont que les fragments d'une étude beaucoup plus vaste que nous sommes en train de préparer.

 

La figure et l'époque de Charles-Quint (1500-1558) ont déjà été étudiées et analysées par divers historiens espagnols, argentins, anglais et américains, dont les optiques étaient é­ga­lement diversifiées (libérale, progressiste, marxiste, révi­sion­nisme argentin, traditionalisme espagnol), cependant, un aspect de son règne a été largement sous-estimé, à nos yeux, traité marginalement ou supplanté par tous les autres. C'est la perspective que nous tenterons personnellement de mettre en exergue: celle de Charles-Quint comme Empereur gibelin. Pendant les 12ième et 13ième siècles, l'Occident chré­tien est secoué par ce que l'historiographie habituelle et su­perficielle appelle la “querelle des investitures”; mais, une bonne analyse de cette querelle nous induit à ne pas la con­sidérer comme une simple lutte politique mais comme une guerre de nature fondamentalement spirituelle. Depuis l'é­poque de Charlemagne, deux pontifes sacrés se parta­geaient la Terre: le Pape et l'Empereur, qui devaient agir de concert. Ce qui revient à dire que Dieu avait institué deux re­présentants et que tous deux étaient sacrés. Non seulement l'Eglise, chapeautée par le Pape, était d'inspiration divine, mais aussi le Saint-Empire Romain, personnifié par l'Em­pereur. Telle était la conception gibeline. Mais à partir du 12ième siècle  —avec des antécédents plus tôt dans l'his­toire—  se déploie la conception guelfe, où l'Eglise com­men­ce à nier le caractère sacré de l'Empire et prétend assumer seule le monopole des questions spirituelles. En consé­quen­ce, un processus de désacralisation de l'Etat s'amorce qui, par étapes successives, conduira à l'émergence d'Etats na­tio­naux, réduits aux seules dimensions temporelles et étran­gers à toute spiritualité. Ce sont les Etats qui dominent ac­tuellement, totalement laïcisés et séculiers. Quant à l'Eglise, qui perd ipso facto le soutien du Saint-Empire Romain, de­vient exclusivement paulinienne et tombe sous la coupe et le contrôle des monstres qu'elle a elle-même contribué à faire naître.

 

Quand Charles-Quint entre en scène

 

Donc l'aspect du règne de Charles-Quint le moins bien traité par les historiens réside dans ses tendances gibelines. Elle se sont manifestées dans le conflit qui l'a opposé au Pape pendant tout son règne d'Empereur du Saint-Empire Romain (1519-1556) et de Roi d'Espagne, dont il hérite de la monar­chie en 1517, sous le nom de Charles I. Charles-Quint, en se présentant à sa première Diète Impériale, fut très clair à ce propos. Il a dit: «Aucune monarchie n'est comparable au Saint-Empire Romain, auquel le Christ en personne à rendu honneur et obéissance, mais aujourd'hui cet Empire vit des heures sombres et n'est plus que l'ombre de ce qu'il fut, mais avec l'aide des pays et des alliances que Dieu m'a don­nés, j'espère le ramener à son ancienne splendeur». Le jeu­ne Empereur, dès le début de son règne, déclare son option catholique et gibeline et gardera la même position face à l'église que ses prédécesseurs des 12ième et 13ième siècles.

 

L'ombre des Empereurs Frédéric

 

Les Papes de l'époque de Charles-Quint ont vu, sans aucun doute, derrière le nouveau Caesar les ombres de Frédéric Barberousse et de Frédéric II de Hohenstaufen. Par tous les moyens, ils essaieront de bloquer la restauration de l'uni­ver­sitas christiana. Pour arriver à leurs fins, ils utiliseront tantôt une diplomatie tordue, sinueuse, intrigante, traîtresse, un double langage, dans le plus pur style de la “raison d'Etat” exposée clairement par un contemporain, Nicolas Machiavel, tantôt des alliances hostiles à l'Empire et la guerre. Les Pa­pes s'allieront avec la France, berceau du monstre étatique mo­derne. Dans la foulée, ils favoriseront les menées de l'Em­pire ottoman, vu que tant le Grand Turc que le Pape é­taient les alliés de la France. Rome s'est opposée à tout ac­tion énergique de Charles-Quint contre les Turcs et les Lu­thé­riens, qui commençaient à se manifester en Allemagne. N'ou­blions pas que le Saint-Empire Romain à l'époque com­pre­nait l'Espagne et les terres du Nouveau Monde, les Flan­dres, la Franche-Comté, l'héritage bourguignon, le Nord de l'Italie, la Sicile, la Sardaigne, Naples, les Allemagnes, l'Au­triche, la Bohème et la Hongrie.

 

Même pendant le règne de Philippe II, son fils, l'Eglise a ten­té de s'allier avec les Ottomans. L'opposition du Pape Clé­ment VII au Saint-Empire était telle que Charles-Quint a dû se résoudre à le prendre prisonnier, après l'occupation mili­tai­re de Rome par les troupes impériales. Cette capture a été suivie d'un arrangement provisoire et, dès la libération du Pape, Charles-Quint s'est fait consacrer Empereur par celui-ci, devenant de la sorte le dernier souverain du Saint-Empire à avoir été oint par l'Eglise. La politique guelfe de faire obs­tac­le à toute restauration de l'Empire catholique a empêché toute action décisive contre les luthériens. L'Eglise était da­van­tage préoccupée par l'éventuelle restauration politique et l'in­tronisation subséquente d'un nouveau César, rival po­ten­tiel du Pape, que par l'unité du monde catholique. Profitant de l'affaiblissement de l'Empire, dû aux intrigues du Pape, les Turcs ont avancé leurs troupes le long des frontières orien­tales de l'Empire et envahi la Hongrie, tandis que les Fran­çais, leurs alliés, ne cessaient de guerroyer contre Char­les-Quint et de soutenir les luthériens, entamant l'Em­pire sur ses marches occidentales.

 

La responsabilité de l'Eglise

 

Charles-Quint a donc dû faire la guerre à quatre ennemis aus­si funestes qu'implacables: le Pape, les Turcs, la France et les luthériens. Chacun de ces ennemis de l'Empire était allié à l'autre (la France avec les Turcs et les luthériens, le Pape avec la France, donc, implicitement avec les luthériens et les Turcs, etc.). Cependant, on peut dire que la puissance la plus responsable et la cause première de l'effondrement de l'idée impériale de Charles-Quint a été, sans aucun dou­te, l'Eglise catholique. S'il y avait eu un accord solide et sin­cè­re entre l'Empire et l'Eglise, renforcé par un idéal de spi­ri­tualité et de transcendance, où chacune des parties aurait re­connu le caractère sacré de l'autre, comme le voulait le ca­tholicisme médiéval et gibelin, l'Europe (avec ses posses­sions américaines) aurait pu devenir un Empire catholique. Mais la politique guelfe que Rome a suivie sans discontinuer a empêché l'éclosion d'une Europe bien charpentée par l'in­stitution impériale. Les principes supérieurs ont été sacrifiés aux passions inférieures. De tous ces maux sont issus les E­tats nationaux particularistes, la réforme protestante, la perte de l'unité européenne. Quant à l'Eglise, son influence dimi­nue­ra sans cesse au fil du temps parce qu'elle se sera dé­bar­rassé du bras armé de l'Empire, complément traditionnel et indispensable de la caste sacerdotale.

 

L'Argentine, partie intégrante du Saint-Empire Romain

 

Aujourd'hui, pour nous Argentins, il s'agit de récapituler cette histoire de l'idée impériale de Charles-Quint et d'en tirer les leçons pour l'Argentine contemporaine. Nous ne devons pas oublier que l'Argentine s'est incorporée à l'Occident chrétien pendant le règne de l'Empereur Charles-Quint. Notre pays est né comme une partie intégrante du Saint-Empire Ro­main, c'est-à-dire que nous sommes les enfants d'une voca­tion impériale. Rappelons que l'Empire est la forme de politie qui revendique l'universalité, qui est présidée par une idée transcendante et spirituelle, dont l'objectif est de construire une échelle qui va de la Terre au Ciel, ou, en d'autres ter­mes, de jeter un pont entre ce monde et l'autre monde. La vo­cation du Saint-Empire n'a donc rien à voir avec les pro­jets purement matériels des impérialismes modernes, fruits des appétits petits-nationalistes et résultats d'intérêts pure­ment matériels et économiques. Pendant le règne de Char­les-Quint, Solís découvre le Rio de la Plata, Alejo García en­tre­prend ses voyages d'exploration, Magellan et Elcano font le tour du monde (et tous deux passent plusieurs mois en Patagonie), Diego Gaboto explore les terres qui deviendront celles de notre pays et fonde Sanctus Spiritus, Francisco Cé­sar réalise son grand voyage, les Espagnols fondent une première fois Buenos Aires, Irala fonde Asunción, etc. Les ac­tes fondateurs de l'Argentine sont donc posés à l'époque de Charles-Quint. Dans d'autres parties de l'Amérique ibéri­que, les conquistadores conquièrent les Empires aztèque et inca, découvrent la Mer du Sud (le Pacifique).

 

Le symbolisme de l'or et de l'argent

 

Nous devons encore attirer l'attention sur quelques autres faits:

1.        La découverte du fleuve qui s'appellera par la suite le Rio de la Plata.

2.        La recherche de la “Cité des Césars” (Ciudad de los Ce­sares), couverte d'or et d'argent.

3.        Les vieilles légendes médiévales relatives à l'héritage des terres du Saint-Graal, également recouvertes d'or.

4.        Charles-Quint était le Grand-Maître de l'Ordre de la Toison d'Or.

 

Rappelons ici que la Toison d'Or nous amène à une légende mythologique de la Grèce antique, selon laquelle Jason et ses compagnons partent à la recherche d'une toison d'or pour récupérer un royaume. Si nous associons toutes ses ré­férences, nous constatons que notre destin était déjà tra­cé, même avant la naissance de l'Argentine; il était placé sous les signes symboliques de l'or et de l'argent, métaux nobles symbolisant les âges primordiaux: l'Age d'Or et l'Age d'Argent, la noblesse, la supériorité du sacré et du divin. S'il est vrai que si l'on perd le rumb qui nous ramène à nos ori­gi­nes, alors notre voie est de bâtir un Empire. Le nationalisme argentin ne peut servir que de courroie de transmission pour ce projet universel. Vouloir lui donner une autre destination, c'est le condamner au néant, le conduire sur une voie de garage.

 

Julián Atilio RAMIREZ.

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mercredi, 16 mai 2007

Religio - rem lig(a)re

 Religio = rem lig(a)re

Petit ouvrage très spécialisé, qui n'intéressera que les philologues patentés du latin, le travail d'Axel Bergmann (°1956) constitue une mise au point importante: les étymologies généralement admises, qui font dériver le terme "religio" de "relegere" ou de "re(d)- + (nag)legere ou de "religare", sont erronées. Bergmann émet et justifie l'hypothèse suivante: "religio" dérive de "rem lig(a)re". Il fonde son argumentation sur une étude minutieuse de la métrique latine et de la morpho-syntaxe. Cette recherche philologique permet de regarder la religion romaine d'une manière différente, soustraite à toutes les interprétations postérieures, christianisées.(Detlev Baumann).

Axel BERGMANN, Die "Grundbedeutung" des lateinischen Wortes Religio, Diagonal-Verlag, Marburg, 1998, DM 18, ISBN 3-927165-52-2.

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Céline vu de Russie

 
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Céline vu de Russie

http://louisferdinandceline.free.fr/indexthe/russie/celin...

Dans ce Bulletin, nous évoquons le plus souvent la façon dont Céline est perçu dans son pays. Mais la réception critique de l’écrivain ne se limite pas aux frontières de l’hexagone. Il est donc important de montrer comment Céline est vu par le monde non francophone.

L’occasion s’en offre à nous, grâce à la sortie du premier roman de la trilogie célinienne, D’un château l’autre, traduit par Tatiana Kondratovitch¹, et ce, après la parution du Voyage (version de Youri Kornéev, 1994) et de Mort à crédit que l’on doit également à cette même traductrice. La préface d’une vingtaine de pages, écrite par son mari Viatcheslav Kondratovitch, nous éclaire sur la manière dont Céline est actuellement présenté en Russie. D’emblée, l’importance de l’écrivain est attestée : "Dans la littérature contemporaine, il n’ y a peut-être pas de nom plus incontestablement contestable et, en même temps, plus contestablement incontestable que celui de l’écrivain français Louis-Ferdinand Céline". Et d’ajouter : "L’influence que son œuvre a exercée sur la conscience d’un bon nombre d’écrivains contemporains occidentaux peut être comparée seulement à l’effet qu’ont produit les publications des livres de Dostoïevski en Occident". Plus loin, un autre parallèle est tracé entre les deux écrivains en raison de leur égal "talent cruel ".
    Dans sa préface, l’auteur relève que les écrits polémiques de Céline n’ont pas peu fait pour susciter la condamnation de ce qu’il nomme l’ "opinion publique progressiste". Il aurait pu être précisé que cette condamnation est partagée par les libéraux qui ne sont pas tous progressistes, au sens où on l’entend peut-être encore en Russie.   
    Dans cette préface destinée au public russe, l’auteur force un peu le trait lorsqu’il affirme que, dans les années 30, Céline était "en très bonnes relations" avec Louis Aragon qui le pressait de visiter l’Union Soviétique. Mais seul un célinien peut sans doute avoir en mémoire la polémique qui les opposa en janvier 1934 dans Commune, la revue de l’Association des Écrivains et Artistes révolutionnaires ². Quant à la traduction russe du Voyage, on sait désormais qu’elle n’est pas due à Elsa Triolet. Celle-ci, nous l’apprend François Gibault, "y participa seulement en fournissant au traducteur tous les éclaircissements nécessaires pour les passages de langue populaire qu’il ne comprenait pas" ³. Kondratovitch note que, depuis cette première édition, il y eut, en deux ans, trois éditions successives, soit 60.000 exemplaires au total.
    Pour ce qui concerne l’avant-guerre, nous n’avons connaissance que de la traduction de Serguéï Romov (1935), toute aussi caviardée que la précédente 4.
    Plus intéressante est l’information, hélas non vérifiée, selon laquelle c’est Trotski, fervent admirateur du Voyage, qui intervint auprès d’Elsa Triolet pour que sa traduction soit entreprise. Le préfacier rappelle aussi l’attaque de Gorki envers Céline lors du Premier congrès de l’Union des écrivains soviétiques qui eut lieu l’année de cette première traduction : " [Bardamu] a perdu sa patrie, méprise les gens; sa mère, il l’appelle "chienne", ses maîtresses "putains"; il est indifférent à tous les crimes, et ne possédant aucunes données pour " se rallier " au prolétariat révolutionnaire, il est tout à fait mûr pour le accepter le fascisme " 5. Après Mort à crédit, les critiques soviétiques ne feront que renchérir en stigmatisant cet écrivain "profondément anti-humain" qui, dans son œuvre, aurait exprimé "le mépris pour l’homme, l’humanité, la vie", le roman lui-même étant caractérisé comme "une œuvre anarchiste, cynique, nihiliste". La critique soviétique rejoint là les commentaires les plus réducteurs que ce deuxième roman de Céline suscita également dans son propre pays.
    Kondratovitch note que, depuis la parution de Mea culpa, un silence pesant s’était fait sur l’œuvre de Céline en U.R.S.S. On sait que le critique autorisé Balachov qualifiait encore il y a quelques années ce libelle de "calomnie contre le communisme" 6. Après avoir tracé, d’une façon convenue, la chronologie biographique de Céline, le préfacier aborde d’une manière inattendue la question de la philosophie et observe que l’écrivain ne présente que très rarement "ses concepts" au lecteur. On imagine ce que Céline eût pu rétorquer à ce genre de constatation ! En revanche, l’affirmation selon laquelle l’influence de Freud est perceptible dans Mort à crédit s’impose davantage. N’est-ce pas Céline lui-même qui, dans une lettre à un critique, revendiquait l’originalité d’être un romancier pour qui "l’énorme école freudienne" n’est pas "passée inaperçue" ?
    Cette traduction de D’un château l’autre a, paraît-il, suscité plusieurs articles favorables dans la presse russe. Nous n’avons eu connaissance que de l’article de Mikhaïl Berg dans Kommersant-Daily 7. Manifestement peu au fait de la biographie célinienne, ce critique littéraire accumule les erreurs ou approximations : Voyage, roman "autobiographique" ; traduction du livre à la demande personnelle de Trotski ; collaboration de Céline avec Vichy ; etc.
    À propos de la trilogie, il note que Céline "évoque ses pérégrinations en utilisant le genre familier de la lamentation, pleine de pathos et de courroux, dont l’écho monotone est interrompu par les points d’exclamation et les trois points". Le critique se plaît même à en faire le relevé dans une page : soit respectivement 47 et 32 ! En ce qui concerne l’influence de Céline, il cite Henry Miller, Sartre, les écrivains de la Beat generation, et Edward Limonov vu comme "une pauvre copie russe de Céline". Jugement global sur Céline lui-même : "Il réunit le grotesque et la tragédie, la sincérité expressive, mais un peu forcée, et l’ironie méchante, mais bien ajustée." Quant à cette traduction, Berg estime qu’elle arrive trop tard pour le lecteur russe, ce texte n’ayant plus la même portée qu’il y a 40 ans. D’autant que quasiment toutes les invectives sont passées de mode et que, dans la provocation, les épigones ont fait mieux depuis. Et de saluer malgré tout "le charme lugubre de cette prose-confession qui continue à irradier la lumière de l’authenticité".
    Revenons à la préface de Kondratovitch qui, pour terminer, évoque la figure du grand poète russe Marina Tsvétaïéva. Comme Céline, elle vécut à Meudon : " Leur voisinage dans le temps et dans l’espace paraît invraisemblable, d’autant qu’on ne puisse imaginer que Tsvétaïeva ait lu Céline 8. Pour elle, c’eût été l’équivalent d’un suicide ". En effet, Céline a bien anticipé l’une des questions fatidiques des temps modernes : " L’art est-il possible après Auschwitz ? ". Et le préfacier conclut en affirmant que l’œuvre célinienne apporte bien une réponse positive à cette interrogation. Une autre question, plus rarement posée celle-là, demeure : " Est-il encore possible d’écrire après Dostoïevski, Kafka et Céline ? "

 

Marc LAUDELOUT & Arina ISTRATOVA

Notes

1. Louis-Ferdinand Céline, D’un château l’autre. Traduction russe de Tatiana Kondratovitch et préface de Viatcheslav Kondratovitch. Éditions Eurasia [Saint-Pétersbourg], collection "Ultima Thule", 1998. Cette édition a été tirée à 40.000 exemplaires.

Sur les différentes éditions et rééditions des romans de Céline en Russie, voir L’ Année Céline 1994 [Tusson], 1995, pp. 214-222 (textes traduits par Arina Istratova et Bernard Favre).

Sur le regain d’intérêt de l’œuvre, voir J.D.D. : "Céline chez les Russes : le dégel" (Le Bulletin célinien, n° 140, mai 1994, pp. 11-12).

2. Réponse de Céline à l’enquête d’Aragon "Pour qui écrivez-vous ?", Commune, janvier-février 1934. Repris dans Cahiers Céline 1 (Céline et l’actualité littéraire, 1932-1957), Gallimard, 1976, pp. [101]-102.

Dans la revue L’Infini (automne 93, p. 118), Henri Godard ne craint pas d’écrire que Céline "se dérobe" devant l’enquête d’Aragon ("Céline, Aragon, Triolet, itinéraires croisés", pp. [117]-124.

Voir également dans ce numéro : Arina Istratova, "Mea culpa pour âmes interdites (Péripéties d’une édition en pays "prolovitch"), pp. [110]-116.

3. François Gibault. Céline (tome 2), Mercure de France, 1985, pp. 129-130.

Voir aussi sur ce thème : Éric Mazet, "Le docteur Céline au pays des âmes mortes", Le Bulletin célinien, n° 132, septembre 1993, pp. 15-19.

Mais n’est-il pas abusif d’écrire, à la suite de Lev Tokarev (voir L’Année Céline 1994, op. cit., p. 217), que c’est en raison des coupures que Céline rompit toute relation avec Aragon et Triolet, comme l’affirme le préfacier ? D’autant que des motifs de désaccord plus profonds existaient. Voir notamment la lettre de Céline à Élie Faure : " Vous voyez-vous penser et travailler sous la férule du supercon Aragon par exemple ? C’est ça l’avenir ? Celui qu’on me presse de chérir, c’est Aragon ! Pouah ! S’ils étaient moins fainéants tous, s’ils étaient si bons de volonté qu’ils disent, ils feraient ce que j’ai fait au lieu d’emmerder tout le monde avec leurs fausses notes. Ils la reculent leur révolution au lieu de la faciliter. " (Textes & documents, 2, BLFC, 1982, p. 64).

4. Sur cette édition, voir : "Voyage au bout de la nuit en Russie : la traduction de Serguéï Romov (1935)" in L’Année Céline 1992 [Tusson], 1993, pp. 160-165.

5. L’extrait relatif à Céline de ce "Rapport au Premier congrès des écrivains soviétiques de toute l’Union" figure dans le recueil 70 critiques de Voyage au bout de la nuit (1932-1935), IMEC Editions, 1993, p. 194.

6. Voir " L’article "Céline " de La Petite Encyclopédie littéraire " dans L’Infini, op. cit.

7. Tiré à plus de 100.000 exemplaires, cet important quotidien publié à Moscou s’adresse à la "nouvelle bourgeoisie" russe. Cet article parut le 21 février dernier.

8. Le nom de Céline n’est jamais mentionné par Marina Tsvétaïeva, mais on le trouve en revanche dans la correspondance de son fils Guéorguï Efron (1925-1944). Voir ses Lettres éditées par Le Musée de Marina Tsvétaïeva à Bolchévo, Ed. Loutch [Kaliningrad, région de Moscou], 1995 : celles du 18 septembre 1942 et du 4 juillet 1944.

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A. Moeller van den Bruck: Über Dostojewski

Bemerkungen über Dostojewski

von Arthur Moeller van den Bruck

http://www.geocities.com/kshatriya_/dostojewski.html...

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 Die russische Dichtung ist die Dichtung eines jungen Volkes. Nicht das Alter, sondern die Glut, die Unausgebranntheit der Seele entscheidet über die Jugend der Völker. Ursprünglich sind alle Völker gleich alt und gleich jung. Ein noch heute junges Volk aber, wie das russische, ist nach wie vor der Erde und dem Chaos nahe. Für seine Seele ist noch alles Rätsel und Geheimnis in der Welt und der Mensch selbst eine dunkle Sehnsucht nach Schauen und Erkennen. Die Mystik des russischen Volkes: die ist seine Jugend, die ist seine Primitivität, aber auch seine Kraft, und die Extase, mit der und in der es sich einst hinausringen wird über sich selbst — in dieser Mystik allein liegt seine Zukunft und Bestimmung. Die innere Kultur Rußlands wird immer nur eine religiöse, und, wenn man das Wort nicht scholastisch, sondern menschlich versteht, sogar nur eine theokratische sein können. Der Germane wird vorher die vielleicht größte äußere Kultur schaffen, die je die Erde gesehen: geistig ist er der geborene Ideenträger und oft noch kann er als Leibniz oder Kant wiederkehren. Aber geborene Glaubenskünder ist heute allein der Russe, und nur eine slavische Mutter könnte, wenn es bereits Abend geworden in der westlichen Menschheit und der Germane sich ausruht, aus der östlichen Welt noch einmal Buddha oder Jesus gebären. Im Schoße des Slaventums allein ruht als Möglichkeit die Religion, die wir noch haben könnten: jene letzte, äußerste Religion, die in nichts mehr Symbol, die ganz nur Gefühl sein würde. Werden wir sie in Wirklichkeit jemals bekommen? Wir Germanen können es nicht wissen, wir können nur schaffen. Einzig der Slave selbst kann heute schon diese Religion ahnen und glauben. Jedenfalls liegt alles, was im Slaventum geistig geschaffen worden ist, auf dem Wege von seiner latenten Volksmystik zu einer bereits geoffenbarten Weltreligion: vor allem das Beste, was das Slaventum bis heute hervorgebracht hat — die russische Dichtung.

* * *

 

In der Mitte der russischen Dichtung steht Dostojewski. Wenn die russische Dichtung das größte Russische ist, so ist Dostojewski der größte Russe. Er ist das zentrale Genie Rußlands: Genie im allerhöchsten schöpferischen Sinne eines Mannes, der nie vor ihm Dagewesenes aus dem Boden schlägt. In Dostojewski ist der russische Volkscharakter zum ersten Male zur verkörperten Weltanschauung, zu Wort und Sprache und als ganzes Lebenswerk zu einem einzigen großen Epos geworden. Aehnliches ließe sich freilich auch von Tolstoi sagen, aber Tolstoi ist neben Dostojewski doch mehr der Ausdruck der slavischen Ruhe, des stillen schweigenden, eben erst aufhorchenden Landes, des schweren und noch stumpfen, aber in seiner Stumpfheit urgesunden und Zukunft witternden Bauerntums. Dostojewski dagegen ist weit mehr, Dostojewski ist der Ausdruck des russischen Wahnsinns, der Tragödie im Russentum, der Fleischwerdung all seiner mystischen Verinnerlichung und hektischen Geladenheit. Dostojewski hat wie Tolstoi das Epos des russischen Lebens geschaffen, aber er hat es weit großartiger getan: er hat dieses russische Leben nicht nur ausgestattet mit einem unerhörten Gestaltenreichtum, der ganz Rußland, der das ganze Slaventum in all seinen verschiedenen Nationalitäten, Kasten und Typen, vom simplen Muschik bis zum Petersburger Aristokraten, vom Nihilisten bis zum Bureaukraten, vom Verbrecher bis zum Heiligen in tausend Nuancen umgreift — Dostojewski hat noch mehr getan und ihm auch die Offenbarung einer bewußten russischen Weltanschauung zu Grunde gelegt.

* * *

Dostojewskis eigentliche Tat ist es, daß er Rußland eine Mythologie gegeben — dem modernen Rußland eine moderne, eine naturalistische, eine psychologische Mythologie, herausgeholt nicht aus den Nebeln der Vorwelt, sondern aus denen der Seele. Die Mythologie eines Volkes ist die Verkörperung seines Urwesens in Urfiguren: in dieser Weise mythologisch aber kann in jedem Augenblick in der Entwicklung eines Volkes geschaffen werden — es kommt nur darauf an, daß man ihm wirklich auf den Grund schafft und seine innerste Wahrheit über sich selber aus ihm herausschöpft. Auch die Götter entsprangen einstmals leibhaftig und gegenwärtig einem Menschenauge, dem ersten, das sie in innerer Phantastik erschaute, und sie lagen nicht etwa um ganze Schöpfungsringe genetisch zurück, wie die Menschen dann später glaubten. Trotzdem wird in der Regel die Mythologie eines Volkes an seinem Anfang, an der Wende von seiner vorgeschichtlichen zu seiner geschichtlichen Zeit liegen: sie ist das Erste, was es sich schafft, und sie ist zugleich die Schicht, auf der es dann weiterschafft. Fast alle großen Nationalliteraturen bauen sich denn auch auf einer derartigen mythologischen Vorarbeit auf, die einst schon die Ahnen in unbewußter Dichtung geschaffen haben. Bei dem russischen Volke ist das nicht der Fall: es besitzt nur die Geschichtsberichte seiner Chronisten und dann wohl auch reiche Sagen und Märchenwelten, aber doch kein zentrales Nationalepos im Sinne etwa der Ilias und der Nibelungen, kein grandioses Panorama seiner Vorzeit, in dem seine Ueberlieferungen und Sinnbilder, seine Nationalhelden und Nationalstoffe zusammengegossen und zusammengeschmolzen wären. Infolge dessen hat die russische Dichtung, wenn man sie auf ihre Ursprünge hin ansieht, immer etwas Basisloses, die Fundamente scheinen zu fehlen, die einzelnen Dichter stehen disparat hinter- oder nebeneinander. Das wurde dann erst von Dostojewski ab anders. Vor ihm hatte man sogar noch in romantischen Formen den russischen Ton gesucht. Jetzt holte Dostojewski, nach Puschkins und Gogols Vorgang, all das jahrhundertelang Versäumte nach, stellte breit und mächtig eine russische Typologie auf und gab so, indem er das russische Leben in seinem naturalistischen Nationalcharakter ergriff und gleichzeitig bis auf seinen mystischen Untergrund aufdeckte, auch der russischen Dichtung ein für alle Mal und endgültig ihren Nationalcharakter. Wie französische Dichtung immer skeptisch, deutsche Dichtung immer idealistisch ist, so wird russische Dichtung immer naturalistisch-mystisch sein — oder sie wird nicht russisch sein.

* * *

Der Grund der ganzen Erscheinung, warum sich das russische Volk kein Nationalepos geschaffen, mag einmal in der überstark partikularistischen, beständig dezentralisierenden Rasseentwicklung gelegen haben: man bedenke nur, daß unter einem Dutzend anderer Städte Nowgorod, Kieff, Moskau und schließlich Petersburg die wechselnden, den Entwicklungsgang kreuz und quer durcheinander, bald nach Norden, bald nach Süden verschiebenden Entwicklungsmittelpunkte gewesen sind; und zwar unter ganz anders großen Entfernungen und tragischen Umständen, als wir sie etwa in Deutschland gehabt; denn unsere Entwicklung ist gegen die russische gehalten eine durchaus ruhige gewesen! Dann aber lag auch viel schuld vor allem im russischen Nationalcharakter selbst, in der ganzen Monotonie der slavischen Lebensstimmung. Der Russe träumt, aber handelt nicht, sein Weltbild ist monistisch, nicht dualistisch, das Sein ist für ihn Fatum, Verhängnis, nicht Wille und Gegenwille, ist Gefühl, nicht Tat. Das alles konnte dann sehr wohl im einzelnen Volkslied lyrisch ausströmen, aber niemals in wilden Szenen und unter gewaltigen Kontrasten sich plastisch zusammenballen. Gewiß weitet sich in der russischen Wirklichkeit diese Lyrik unwillkürlich zum Epos, zum Epos der Steppe, der Ferne und der Grenzenlosigkeit. Aber eben dieses Epos ist dann so riesengroß und ungeheuer, daß es alle Tragödien wie Winzigkeiten verschlingt und daß schließlich doch immer nur die Lyrik zurückbleibt. Dennoch ist auch für den Slaven wie für jeden Menschen das Leben Kampf und damit Drama: nur daß dieses Drama sich bei ihm weit kontemplativer, quietistischer, eben psychologischer abspielt. Selbst wenn es sich in rasenden und sogar gräßlichen Taten ausrollt — wie bei Dostojewski immer - , selbst dann ist noch der Hintergrund die Seele, ist das Motiv ein inneres, kein äußeres, ist das Heldentum verschwiegen und still nach innen gekehrt, und nicht etwa die starke und über sich klare Heroik des Westeuropäers. All diese Züge russischen Volkstums aber kehren im Schatten Dostojewskis wieder: Tragödie jagt Tragödie, doch die ewige Epik des Slaventums nimmt sie auf, und was schließlich am tiefsten wirkt, ist die Lyrik. Die gigantische Einheit von allen dreien ist Dostojewskis Monumentalität — und sie ist Rußlands Monumentalität.

* * *

In der Wirklichkeitsmythologie, die Dostojewski geschaffen, ist die Mystik das Bedeutsame für Rußland, doch die Wirklichkeit, die besondere Art, in der Dostojewski Wirklichkeit gegeben hat, ist das Bedeutsame für die Welt. Dostojewskis Nichts-als-Modernität ist Dostojewskis Größe. Unter den Dichtern des neunzehnten Jahrhunderts gehört er zu den ganz Wenigen, die nur Neues, die nur nach Vorne, nur in ständigem unterirdischen Zusammenhang mit der allgemeinen Zivilisationsentwicklung geschaffen haben. Für ihn gab es keine Tradition mehr: nicht die "schöne" Tradition der Antike, noch die "wilde" irgendeiner Romantik. Die einzige Basis, auf der sein Werk ruht, ist seine Zeit. Es hätte die Möglichkeit bestanden, die Typologie, die Rußland jetzt endlich bekommen sollte, russisch-archaistisch aus den vergangenen Jahrhunderten noch nachträglich heraufzuholen. Dostojewski hat das nicht getan: gerade so wie Rußland überhaupt in die Zukunft und nicht in die Vergangenheit weist, so hat er auch das bis dahin Unterlassene nicht in jener Weise allegorisch-kostümhaft nachgeholt, sondern mit sicherem Instinkt unmittelbar in seine Gegenwart hineingeschaffen und die Seele seines Volkes bloßgelegt, indem er die Seele dieser Gegenwart bloßlegte. Das Psychische seines Naturalismus war dabei das Entscheidende: dadurch ward Dostojewski zum Ersten jener Künstler, wie heute Munch etwa, in deren Kunst ein Stück Zukunft transcendental vorweggenommen und Leben und Ewigkeit psychisch verbunden scheint. Der moderne Zug allein hätte noch nicht genügt, um Dostojewski seine überragende Stellung zu geben und den großen Epikern anzureihen. Modern waren auch schon die englischen Realisten des 18. und die französischen Realisten des 19. Jahrhunderts — Defoe, Balzac, Flaubert, Zola, Maupassant. Aber es war immer noch erst eine mehr sachliche, unpersönliche, einfach berichtende Modernität. Einzig Goethe grub den Realismus mehr in das Seelische und Ewige ein, dadurch, daß er ihm den Grund der Natur und der aufkommenden Naturwissenschaften legte. Doch erst Dostojewski ist noch weiter gegangen und hat alle Naturalist gezeigt, wie auch das moderne Leben wieder seine Mystik und Phantasie hat. Realistisch von diesem modernen Leben erzählen, sogar mit noch vollerer, runderer, körperhafterer Gestaltungskraft, als sie Dostojewski besessen, der bei der Zeichnung selbst der deutlichsten Charaktere stets etwas Gespensterhaftes behielt — dabei wuchtig und breit in der Ausführung: das konnte auch Tolstoi. Aber das moderne Leben in seiner inneren Dämonie ergreifen, mit seinen neuen Schönheiten und Häßlichkeiten, seinen neuen Sittlichkeiten und Unsittlichkeiten, und den Naturalismus, statt ihn etwa gar zur Kopie zu erniedrigen, in Vision wieder auflösen — das konnte erst Dostojewski.

* * *

Die "Dämonen" haben von dieser inneren Dämonie ihren Namen. Sie zeigen, mit welcher Macht und Unheimlichkeit sie durchschlagen kann in der Staats- und Gesellschaftsauffassung des Russen. Dostojewski hat fast in jedem seiner Bücher ein Sondergebiet russischen Seelenlebens aufgedeckt und hell gemacht. "Rodion Raskolnikoff" war sein moralkritischer und der "Idiot" sein ethisch-mystischer Band. Die Dämonen sind sein Revolutionsepos. Das politische und soziale Gebiet ist gewissermaßen das mittlere und vermittelnde, das der russische Ideologe auf seinem Wege zum religiösen und theokratischen trifft. Die Sehnsucht des Russen ist: gut zu sein und Gutes zu tun, schuldlos zu sein und alle Menschen zu lieben. Die Macht, die ihn daran hindert, ist der Staat. Andererseits, sieht er ein, könnte gerade ein vervollkommneter Staat zu diesem Ziele führen. So wird die russischen Gefühlsreligion und Liebesethik zum — Kampf um den Zukunftsstaat. Hinzu kommt zu diesem politischen Utopismus, der sich steigern kann bis zur politischen Mystik, die tatsächliche Minderwertigkeit und Unwürdigkeit desjenigen staatlichen Gefüges, in dem das Slaventum vorläufig politisch repräsentiert wird — des russischen Reiches. Nicht nur Schwärmerei, auch Freiheit und Gerechtigkeit, die unterdrückt und mißhandelt werden, der Ekel vor einer verkommenen Gesellschaft, die Unhaltbarkeit eines verrotteten Wirtschaftsleben führen die russische Jugend zur Politik. Das Fieber, mit dem sie die Menschen ergreift, hat Dostojewski in den "Dämonen" gestaltet. Zahllosen Typen heben sich ab: nihilistische Helden, sozialistische Doktrinäre, Slavophilen, Patrioten; Fanatiker, Intriganten, Maniaken, Idioten; dazu Reaktionäre, Bureaukraten, Blaustrümpfe, Dekadenten, russisches Publikum. Das Staatsleben wird zur Welt. Die Politik wird zum Menschheitsband. Als Dostojewski jung war, hat er selbst, wenn auch mehr passiv, an revolutionären Umtrieben teilgenommen. Immerhin mußte er dafür lange Jahre in Sibirien als Zwangsarbeiter zubringen. Später, als er schon längst der große russische Dichter war, als Religion und Mystik seine Seele erfüllen und seine politischen Anschauungen reif und fest geworden waren in einem ganz bestimmten russischen Nationalismus und slavischen Rassebewußtsein, erinnerten ihn neue Vorgänge an jene Zeit, da auch sein Leben das russischste aller russischen Leben, ein politisches Leben, gewesen. So schrieb er dann die "Dämonen". Sie sind stofflich sein russischstes Buch.

(Einführung zu: F. M. Dostojewski: Die Dämonen. Sämtliche Werke, Erste Abteilung: Fünfter Band. München und Leipzig: Piper, 1906.)

02:10 Publié dans Littérature, Révolution conservatrice | Lien permanent | Commentaires (1) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 15 mai 2007

Seung-hui Cho: assassin mentalement contrôlé

Conspirationisme yankee :

Seung-Hui Cho

était un assassin

mentalement contrôlé

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Trouvé sur : http://fr.altermedia.info/general/conspirationisme-yankee...

Voici un article de Paul Joseph Watson sur Prison Planet publié le jeudi 19 avril 2007. Il analyse de manière conspirationiste l’action du meurtrier de masse Seung-Hui Cho

Seung-Hui Cho était un assassin mentalement contrôlé, qu’on croie qu’il était sous l’influence de partis extérieurs ou pas, le fait est que le lavage de cerveau culturel de jeux vidéos violents et de drogues psychotropes a directement contribué, comme toujours dans ce genre ce cas, au carnage de Virginia Tech le lundi matin.

Les confisqueurs d’armes exploitent déjà la tragédie pour désarmer les futurs étudiants et leur enlever une occasion de pouvoir se défendre contre les tueurs fous, mais le cirque médiatique est complètement silencieux lorsqu’il s’agit de blâmer le cocktail mortel de drogues faussant l’esprit et de tuez-les-au-hasard sanglants.

En-dehors de l’évidente culpabilité des facteurs que nous voyons dans chaque tuerie de masse – jeux vidéos et « antidépresseurs » –, de nombreux signaux d’alarme concernant les événements de lundi commencent à suggérer que Cho était davantage qu’un cinglé au cœur brisé avec un motif personnel.

Charles Mesloh, professeur de criminologie à Florida Gulf Coast University, a dit sur NBC 2 News qu’il était choqué que Cho ait pu tuer 32 personnes avec deux armes de poing sans entraînement spécialisé. Mesloh a immédiatement supposé que Cho avait dû utiliser un fusil de chasse ou un fusil d’assaut.

« Je suis abasourdi par le nombre de gens qu’il a réussi à tuer avec ces armes », a dit Mesloh, « la seule chose que je peux imaginer c’est qu’il s’est approché d’eux et les a simplement exécutés ».

Mesloh a dit que le tueur se comportait comme un professionnel entraîné, « Il a eu un taux de mort de 60% avec les armes de poings – c’est incroyable étant donné que les 9 mm en question ne tuent pas les gens instantanément », a dit Mesloh, affirmant que les armes que Cho utilisait étaient conçues pour canarder les boîtes de conserve », pas pour exécuter des êtres humains.

Cho n’était certainement pas un empoté, dans l’intervalle de deux heures entre les premiers tirs et le grand déchaînement qui eut lieu plus tard dans la matinée, temps pendant lequel l’Université négligea complètement d’avertir les étudiants bien que disposant des haut-parleurs placés dans tout le campus, Cho eut le temps de filmer une vidéo de confession, de la transférer dans son ordinateur, de l’enregistrer sur un DVD, d’en faire un paquet, d’aller au bureau de poste, de poster le paquet, et de revenir à sa chambre à coucher pour récupérer ses armes et ensuite de revenir à l’extrémité opposée du campus pour reprendre sa joyeuse tuerie. La rapidité presque inconcevable des actions de Cho devient plus suspecte lorsqu’on se rappelle des reportages initiaux qui parlaient de deux tireurs.

Même si on exclut que Cho ait pu recevoir une formation spécialisée en armes à feu, le contrôle mental culturel de jeux vidéos violents et de drogues psychotropes modifiant l’esprit était lui-même un cocktail de lavage de cerveau qui a directement contribué au carnage, comme presque toujours dans ce genre de cas.

Dès les premiers récits de la fusillade, nous avons prédit que le tueur était sous prozac, avait déjà été en soins psychiatriques et avait régulièrement joué à des jeux vidéos violents, et cela s’est précisément révélé être exact dans les trois cas.

« Plusieurs jeunes Coréens qui connaissaient Cho Seung Hui depuis le lycée ont dit qu’il était un fan de jeux vidéos violents, en particulier d’un jeu nommé ‘Counterstrike’, un jeu online très populaire dans lequel les joueurs rejoignent des groupes terroristes ou contre-terroristes et tentent de tuer les autres en utilisant tous les types d’armes à feu », rapporte Newsmax en citant le Washington Post.

« En décembre 2005 – plus d’un an avant la tuerie de masse de lundi – un tribunal de district dans le comté de Montgomery, Va., a conclu que Cho présentait ‘un danger imminent pour lui-même ou les autres’. C’était le critère nécessaire pour un ordre de détention, afin que Cho, qui avait été accusé de harcèlement par deux filles camarades de classe, puisse être évalué par un docteur d’Etat et contraint de se soumettre à des consultations externes », rapporte ABC News, « mais bien que le tribunal ait identifié le futur tueur comme un risque, ils l’ont laissé partir ».

Les enquêteurs pensent que Cho Seung Hui, le tueur de Virginia Tech, avait pris des antidépresseurs à un moment quelconque avant la fusillade, d’après le Chicago Tribune.

Les tueurs de Columbine Eric Harris et Dylan Klebold, ainsi que Kip Kinkel, le tueur de l’Oregon âgé de 15 ans qui a tué ses parents et des camarades de classe, étaient tous sous drogues psychotropes. Les études scientifiques prouvant que le prozac encourage les tendances suicidaires chez les jeunes sont volumineuses et remontent à presque une décennie.
Jeff Weise, le tueur du lycée de Red Lake était sous prozac, « Unabomber » Ted Kaczinski, Michael McDermott, John Hinckley, Jr., Byran Uyesugi, Mark David Chapman et Charles Carl Roberts IV, le tueur de l’école Amish, étaient tous sous drogues psychotropes SSRI.

Puisque ces drogues dangereuses prévalent dans presque tous les incidents de tueries de masse, pourquoi ne demande-t-on pas l’interdiction du prozac ? Pourquoi ce réflexe de toujours attaquer le Second Amendement donnant aux Américains le droit à l’autodéfense ? - un droit qui fut exercé en janvier 2002 quand des étudiants ont maîtrisé un tireur dans une autre Université de Virginie avant qu’il ne puisse tuer plus de trois personnes – parce qu’ils avaient le droit de porter une arme sur le campus.

Pourquoi les raisons profondes qui poussent les jeunes à tuer sont-elles mises de coté alors que les fanatiques du contrôle demandent que les citoyens respectueux de la loi soient désarmés de la seule chose qui peut les protéger de tels déments ?
Les questions sur la séquence des événements de lundi à VA Tech, ainsi que le profil du tueur, soulèvent une suspicion croissante.

Nous avons reçu de nombreux appels et e-mails nous signalant le fait que VA Tech enlève les liens de son site web concernant leur relation avec la CIA. Des rapports de novembre 2005 confirment que la CIA était active dans des programmes de recrutement basés en-dehors de VA Tech. Plusieurs professeurs de VA Tech sont impliqués dans des programmes gouvernementaux liés à la NASA et d’autres agences.

Wikipedia a aussi retiré une bizarre photographie prise récemment, où Cho porte un uniforme des US Marines.
De tels détails ne font qu’attiser le feu des accusations selon lesquelles Cho aurait pu être un « candidat mandchou », un assassin sous contrôle mental.

Le programme de la CIA pour créer des assassins sous contrôle mental qui pourraient être activés par des mots codes, MK ULTRA, n’est pas une théorie du complot, c’est un fait historique documenté par des dossiers gouvernementaux déclassifiés et des auditions du Sénat. Le président Bill Clinton lui-même a dû présenter ses excuses pour le programme avant de quitter son poste.

Au Sénat en 1977, le sénateur Ted Kennedy a dit : « Le directeur adjoint de ma CIA a révélé que plus de trente universités et institutions étaient impliquées dans un programme de ‘tests et d’expérimentations étendues’ qui incluaient des tests secrets avec des drogues sur des citoyens non-volontaires ‘à tous les niveaux sociaux, haut et bas, Américains natifs et étrangers’ ».
Une victime de ces expériences fut Cathy O’Brien, qui immédiatement après la fusillade répéta les révélations dans son dernier livre, selon quoi Blacksburg en Virginie est un lieu central pour les programmes de contrôle mental qui sont encore en cours aujourd’hui.

Les programmes de contrôle mental peuvent être remontés jusqu’aux années 1950 et au Projet Bluebird, plus tard renommé Artichoke. Du blogger Kurt Nimmo :

« Bluebird fut approuvé par le directeur de la CIA le 20 avril 1950. En août 1951, le Projet fut renommé Artichoke. Bluebird et Artichoke incluaient une grande quantité de travaux sur la création de l’amnésie, de messages hypnotiques, et de candidats mandchous », écrit Colin A. Ross, MD. « Les documents Artichoke prouvent que des messages hypnotiques fonctionnaient effectivement dans des simulations dans la vie réelle conduites par la CIA au début des années 1950. Le degré dans lequel de tels individus furent utilisés dans des opérations réelles est encore classifié… Bluebird et Artichoke étaient administrés d’une manière compartimentée. Les détails des programmes étaient gardés secrets même vis-à-vis des autres personnels de la CIA… Les matériels Bluebird/ Artichoke établissent de manière concluante que des ‘candidats mandchous’ ont été créés et testés avec succès par les physiciens avec une évaluation Top Secret de la CIA… En plus d’être des messagers et des agents d’infiltration potentiels, les sujets pouvaient aussi servir de caméras hypnotiquement contrôlées. Ils pouvaient entrer dans une salle ou un bâtiment, mémoriser rapidement des documents, quitter le bâtiment, et ensuite être amnésique pour l’épisode entier. Le matériel mémorisé pouvait ensuite être récupéré par un manipulateur utilisant un code ou un signal précédemment implanté, sans que l’amnésie ne soit interrompue. L’hypnose n’était cependant pas la seule méthode de contrôle mental des docteurs pour la création d’amnésie contrôlée. Les drogues, les champs magnétiques, les ondes soniques, la privation de sommeil, le maintien en isolement, et beaucoup d’autres méthodes furent étudiées sous Bluebird et Artichoke. »

Les chercheurs s’intéressant aux assassinats par des supposés « dingues isolés » retombent toujours sur des indications faisant penser à des expériences de contrôle mental par la CIA. Le meilleur exemple est Sirhan Sirhan, l’assassin de Bobby Kennedy. Il s’avéra que Sirhan était dans un état de transe complète après avoir pressé la gâchette et qu’il ne pouvait même pas se souvenir d’avoir tiré sur Kennedy lorsqu’il fut interrogé sur l’incident quelques jours après. L’avocat de Sirhan, Lawrence Teeter, a présenté des indications concluantes selon lesquelles Sirhan était sous contrôle mental.

Quelle que soit la façon dont on le prenne, Seung-Hui Cho a été la victime d’un lavage de cerveau et d’un contrôle mental. Les vraies questions ne sont pas posées et le doigt de l’accusation est pointé dans la mauvaise direction, assurant qu’une autre tragédie comme le massacre de VA Tech est presque garantie.

Un article allant dans le même sens a été publié dans The Truth Seeker : Le massacre de V-Tech : un ‘candidat mandchou’ en temps réel

Les étudiants témoins de l’Université de Virginia Tech insistent tous sur le comportement robotique et détaché du tueur, Seung-Hui Cho.

* il tuait avec un abandon inconscient
* ses victimes étaient prises au hasard
* il ne tuait pas en autodéfense

Ce type de comportement peut être considéré comme indicatif d’un contrôle mental, et/ou d’une modification comportementale importante par l’utilisation d’appareils mécaniques tels que des implants de micropuces d’ordinateur.

Les faits :

Virginia Tech est situé à Blacksburg, VA.

Blacksburg, VA, abrite un laboratoire souterrain ultrasecret du gouvernement US (dans le flanc d’une montagne près de Blacksburg) qui développe en conjonction avec la DARPA des armes comme le programme de contrôle mental robotique humain.

Virginia Tech est spécialise dans :

* la biomécanique et la manipulation du tissu cellulaire
* la manipulation biomédicale
* la manipulation d’ADN
* l’étude de l’impact des nouvelles technologies sur le comportement humain
* possède des départements pour les traumatismes infantiles liés aux catastrophes qui rendent compte directement à Laura Bush
* travaille sur les maladies humaines, végétales et animales
* aide à faire progresser des sciences similaires aux semences végétales de Monsanto, résistantes aux insectes et aux maladies.

Plus de détails sur Virginia Tech :

* possède sur le campus des experts en grippe aviaire H5N1
* est un partenaire actif de la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency)
* travaille activement sur des projets de neuro-manipulations (contrôle mental)
* les étudiants de Virginia Tech sont fréquemment recrutés par la CIA

V-Tech a reçu et continue à recevoir des millions de financement de la DARPA

La DARPA – la clé de ce qui est en train de dégrader l’âme de l’Amérique, et du monde.

Liste des intérêts de la DARPA (500 millions de dollars dépensés depuis 2001) :

* technologie d’intelligence artificielle supérieure
* robots de combat sous contrôle mental
* avions sans pilote pouvant être dirigés seulement par la pensée
* systèmes de commande vocale à distance
* soldats de combat préprogrammés autonomes
* appareils avancés d’implantations de puce sur des humains

La DARPA est la branche de recherche du Pentagone

La DARPA en même temps que l’Université de Virginia Tech est fortement impliquée dans la nanoscience et la nanotechnologie avec un accent particulier placé sur le diagnostic du cerveau humain pour tester des nanoparticules.

Les buts du massacre d’étudiants de V-Tech :

* application dans le monde réel de l’« arme parfaite »
* recueillir un appui pour le contrôle ou l’interdiction des armes
* créer des diversions
le même jour du débat pour stopper le financement de la guerre et le retrait des troupes (Congrès, DOD, Pentagone, WH)
Alberto Gonzales et les avocats de l’Etat ciblant le Procès d’espionnage de l’AIPAC

Etouffement/défense :

* livrer au public un seul pigeon et un seul dingue isolé

Groupes de soutien :
* principaux médias
* analyse psychiatrique d’un bouc émissaire par des experts
* traces évidentes de preuves fabriquées
* public naïf et ignorant


Notes :

* tous les nouveaux bâtiments sur le campus sont construits avec du calcaire local (le même que celui de la Grande Pyramide d’Egypte), une substance neutre avec un transfert de fréquence et une résonance stables

* Virginia Tech est l’une des trios seules universités publiques aux Etats-Unis à soutenir à la fois un style de vie militaire et non-militaire

* la plupart des anciens étudiants de Virginia Tech sont ou ont été activement impliqués avec la NASA

* l’Université de Virginia Tech se vante de posséder un réseau de grille informatique de haute-performance ; est connectée au National Lambda Rail, une centrale nationale de fibre optique reliant les laboratoires de recherche à des capacités de superordinateur, de stockage et de visualisation

Vidéo : Le “Candidat mandchou” parle sans émotion de ses frères et sœurs (sa confrérie ?)

Résumé :
Virginia Tech réunit les meilleurs esprits du pays qui s’intéressent à la technologie, créant ainsi une réserve de candidats potentiels à partir de laquelle la DARPA, la CIA et d’autres agences gouvernementales peuvent activement chercher des recrues pour leur « confrérie » – une campagne pour créer une « race » supérieure d’êtres mécaniquement manipulés, tout en réduisant simultanément les populations humaines et en asservissant les humains pour servir à leurs futurs maîtres robots.

"Straussiens" et "Réalistes"

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Prof. Dr. Paul GOTTFRIED :

Les deux écoles de la politique extérieure américaine : “Straussiens” et “Réalistes”

Le professeur Paul Gottfried enseigne la politologie à l'Elisabethtown College en Pennsylvanie aux Etats-Unis. En 2002, il a fait paraître un ouvrage fondamental, Multiculturalism and the Politics of Guilt (University of Missouri Press). Son ouvrage The Search for Historical Meaning : Hegel and the Postwar American Right (Northern Illinois University Press, 1986) comporte une étude détaillée sur Leo Strauss, dont il est question dans l'article ci-dessous. Leo Strauss est considéré, à titre posthume, comme le gourou qui a inspiré l'école néo-conservatrice américaine, composée d'anciens trotskistes recyclés, qui déploie actuellement sa rhétorique belliciste. Paul Gottfried nous dévoile les apories de ce discours et l'oppose à la logique “réaliste” d'un autre professeur de sciences politiques de Chicago, Hans Morgenthau, dont les raisonnements s'apparentaient à ceux de Raymond Aron. On ne confondra évidemment pas Hans Morgenthau avec Henry Morgenthau jr., ministre des finances de Roosevelt, qui avait conçu un plan pour réduire l'Allemagne en une zone pastorale dépourvue d'industrie. Le Prof. Gottfried est actuellement le correspondant de la revue Nouvelle école (Paris). Nous avons publié le texte suivant de lui : «La vision négative de l'Europe chez les néo-conservateurs américains» (in : Au fil de l'épée, recueil n°36, août 2002).

* * *

Au cours de ces dernières semaines le New York Times, le New Yorker, le Philadelphia Inquirer, Le Monde et le Boston Globe ont sorti une série d'articles où les néo-conservateurs de l'Administration Bush sont mis en rapport avec le philosophe et théoricien de la politique Léo Strauss (1899-1973). Il est frappant, en effet, de constater que ceux qui défendent aujourd'hui l'hégémonisme impérial des Etats-Unis, en ponctuant leurs discours de phrases globalistes et démocratiques, comme, par exemple, Richard Perle, Paul Wolfowitz, Bill Kristol, Robert Kagan et Abram Shulsky ont tous étudié sous la houlette de Strauss ou de l'un de ses disciples. On raconte maintenant qu'il existerait un lien occulte entre le maître, qui enseignait à l'Université de Chicago, et ses apôtres politiciens. On nous dit que seuls ceux qui connaissent les idées de base de Strauss peuvent comprendre la mentalité des conseillers de Bush.

Mais cette “révélation” n'est finalement rien d'autre qu'une vieille lune. Des commentateurs comme Seymour Hersch et James Atlas exagèrent considérablement l'influence des idées de Strauss sur la politique actuelle. Léo Strauss est un universitaire juif qui quitte l'Allemagne en 1938; il avait travaillé auparavant sur les philosophes de l'époque classique et du début des temps modernes. Il ne s'est quasiment jamais exprimé sur les événements contemporains. Pour juger les néo-conservateurs actuels et leurs platitudes progressistes du temps de la guerre froide et leurs dosages de conservatismes et de phraséologie révolutionnaire, on n'a pas besoin de se référer à Strauss. Pourtant, de fait, il est un penseur incontournable pour comprendre les figures de proue néo-conservatrices qui préconisent une politique extérieure américaine calquée sur le modèle de Woodrow Wilson.

Wolfowitz, Perle et Kristol ont glané dans les doctrines de Léo Strauss les seuls éléments qui leur plaisaient. Contrairement à ses disciples Walter Berns ou Harry Jaffa, Strauss n'a jamais manifesté d'intérêt précis pour le mouvement des droits civiques. Ancien sous-officier de l'armée impériale allemande pendant la première guerre mondiale, Léo Strauss ne souffrait nullement de cette germanophobie passionnelle dont faisait montre la première génération de ses étudiants américains, et que l'on repère encore chez bon nombre de néo-conservateurs. Les partisans actuels de Strauss ont été attirés par son nationalisme juif affiché, qu'a critiqué plus tard et sans ambages son propre élève George Anastapolo. Ensuite, les néo-conservateurs s'intéressent aux louanges que chantait Strauss à la gloire de la démocratie américaine, alors que ces louanges n'étaient souvent rien d'autre que rituelles. On trouve ces louanges surtout dans ses “leçons de Walgreen”, prononcées à l'Université de Chicago en 1949, en même temps que ses tirades contre toutes les formes de “relativisme moral”.

On ne peut isoler les valeurs des principes

Dans son livre What is Political Philosophy? (1959), Strauss règle les comptes de l'“historicisme”, c'est-à-dire l'idée qui veut que les valeurs et les principes sont marqués par les circonstances historiques et ne doivent pas être perçues comme isolées du contexte historique. Cette diatribe pose problème, car elle s'adresse en fait à des hommes de paille. On éprouvera des difficultés à trouver des penseurs historicistes qui ont exprimé des vues comme celles que leur attribue Strauss. Les penseurs qu'il prend à partie, comme, par exemple, Edmund Burke, Max Weber ou le théoricien du droit Hans Kelsen ont certes abordé la question du rapport entre les valeurs et l'histoire, mais, à ce sujet, ils ont écrit des choses bien différentes de ce que Strauss affirme qu'ils ont dit, ou bien, en disant ce qu'ils ont dit, ils ont interprété le rapport valeurs / histoire dans un sens autre que celui que Strauss pense.

Ce qui était important aux yeux de Strauss, c'était une pensée élitiste. Il défendait ce que les autres appelaient “the doormat theory of the majority”, c'est-à-dire que la majorité était pour lui un “paillasson”. Strauss et ses disciples ont répandu dans le public la notion de “philosophie politique” (Aristote les aurait contredits avec véhémence car, pour lui, la politique est une entreprise explicitement non politique, purement pratique). D'après Strauss, les philosophes politiques doivent exprimer leurs idées sous une forme occultée, tant pour éviter la censure que pour tromper ceux que pourrait corrompre la connaissance de la vérité.

Les Straussiens aiment faire la différence entre la signification “ésotérique” et la signification “exotérique” d'un texte; cette distinction est fort bizarre, elle conduit à des positions indémontrables. D'après le politologue Stephen Holmes, cette vue exprime la folle arrogance d'interprètes voire d'augures qui estiment avoir le droit d'agir en prononçant de pieux mensonges et en diffusant des messages cryptés. De même, cette manière de penser sert de prétexte à attribuer arbitrairement à des penseurs décédés les vues privilégiées de l'interprète. Cela revient à dire que tous les grands hommes intelligents du passé auraient agi comme les praticiens actuels de l'exégèse straussienne. On nous assure ainsi que si l'on pouvait faire revenir les morts, ils prêcheraient avec enthousiasme pour les droits de l'homme.

L'idée est très souvent venue aux critiques de dire que les straussiens eux-mêmes sont des “relativistes”. Mais ce reproche est finalement insuffisant. Tant Strauss, l'émigré judéo-allemand qui deviendra un sioniste ardent, que la plupart de ses disciples, eux-mêmes juifs, qui ont chanté les louanges de F. D. Roosevelt et d'Harry Truman, ont intériorisé des loyautés. Le truc, c'est que ces loyautés, ils les vendent comme étant la quintessence du patriotisme américain ou comme des vérités évidentes, tout en maudissant leurs adversaires, décrits comme des incarnations abjectes de l'immoralité.

La raison pour laquelle les straussiens ont connu le succès est la suivante : généralement, les conservateurs n'ont jamais été regarder ce qui se dissimulait derrière leur rhétorique qui semblait être portée par de réelles convictions. Cette paresse intellectuelle, cette absence de curiosité existaient déjà avant que les néo-conservateurs actuels aient pris en main la droite américaine —même avant l'époque où il fallait craindre d'être traité d'antisémite si l'on critiquait le sionisme monomaniaque des straussiens. Déjà dans les années 50, certains conservateurs chrétiens, surtout les catholiques et les thomistes anglo-catholiques, considéraient Strauss comme un héros dans la lutte contre la déliquescence morale menaçante. George H. Nash nous l'a expliqué en long et en large dans The Conservative Movement since 1945.

Les traditionalistes doivent se montrer capables de faire de meilleures distinctions

Le Lexikon des Konservativismus allemand, paru en 1996, valorise Strauss parce qu'il procède “à la réhabilitation de la philosophie politique classique… qui implique la volonté de refaire de la nature la mesure de toutes choses et d'accorder une nouvelle fois le primat au Bien Commun”. Les interprétations de ce style, hyperboliques, omettent de constater que Strauss demeure sceptique face à la pensée antique, dans la mesure où, par exemple, il nie expressément la notion de “forme éternelle” que l'on trouve chez Socrate ou chez Platon. Ainsi, pour lui, la fondation des Etats-Unis procède du matérialisme athée de John Locke, qu'il considère comme faisant partie intégrante de l'identité morale américaine.

Il faudrait aussi préciser quels sont les relativistes sur le plan moral qui constituent véritablement un danger. Beaucoup de straussiens et de conservateurs font référence à la gauche vulgaire, qui détruit les valeurs traditionnelles, pour pouvoir valoriser leurs propres doctrines. Au nom de l'antifascisme et de la lutte contre toute forme de discrimination, de tels “relativistes” postmodernes aiment pourtant exercer un contrôle étroit sur d'autres ou s'adressent à l'Etat dans ce but. Mais les relativistes qui traitent toutes les cultures de manière égale, y compris la culture occidentale chrétienne, sont taillés dans un tout autre bois. C'est à ce niveau que les traditionalistes, dans leur Kulturkampf, doivent se montrer capables de faire de meilleures distinctions.

Tandis que Leo Strauss revient aujourd'hui dans tous les discours, les écrits d'un autre émigré judéo-allemand, son collègue Hans Morgenthau (1904-1980), sombrent progressivement dans l'oubli. Morgenthau qui, comme Strauss, a enseigné à la New School of Social Research à Chicago, défendait, lui, une théorie “réaliste” des relations internationales, dont les bases sont le contraire diamétral de celles défendues aujourd'hui par les néo-straussiens. Morgenthau se considérait comme un conservateur dans la tradition de Burke, mais le courant majoritaire du conservatisme américain ne s'est jamais reconnu en lui. On le considérait comme un “relativiste” sur le plan des valeurs, pour qui la démocratie américaine était l'idéologie d'un Etat particulier et non pas le modèle unique pour le monde entier. Il considérait ensuite que l'Union Soviétique était tout simplement un des deux centres de puissance dans un monde bipolaire.

Le fait d'avoir écrit dans New Republic avant que cette revue ne passe dans le camp des néo-conservateurs a nui à Morgenthau. Quoi qu'il en soit, ses livres, à commencer par Politics Among Nations (1947) fourmille de positions qui sont conservatrices dans leur essence. Dans A New Foreign Policy for the United States (1969), Morgenthau met en garde ses lecteurs contre les “missionnaires de l'expérience américaine”, qui veulent rééditer la “croisade pour la démocratie universelle” de Wilson. D'après le credo de Wilson, il faut employer l'arme de l'intervention militaire “comme un instrument avec lequel l'Amérique atteindrait l'objectif fixé depuis sa fondation : amener au monde entier la bénédiction de son propre système politique”.

Morgenthau n'a pas hésiter a écrire que le globalisme, à la façon de Wilson, “est une malédiction de la politique étrangère américaine”. Son traité intitulé In Defense of the National Interest (1952) contenait cet avertissement : « Oubliez cette idée de croisade car aucune nation, aussi vertueuse et puissante soit elle, ne pourrait avoir la mission de former le monde à son image ». Déjà dans Politics Among Nations, il avait esquissé le portrait de ces idéalistes heureux et moralisants, dont “la tendance à adhérer aux abstractions morales et philosophiques empêche de se poser la question objective de savoir ce que les autres veulent vraiment”.

La perspective critique, élaborée par Morgenthau, trahit une vision conservatrice et sombre de la situation de l'homme en son temps. On entend souvent le reproche formulé à l'encontre de cette position : derrière elle se cacherait un effroyable cynisme qui ne tiendrait nullement compte des maux moraux, commis ailleurs, et qui devraient heurter profondément notre sens des bonnes convenances. Les hommes véritablement moraux devraient être ébranlés devant les massacres de masse et les camps de concentration. On dit que Morgenthau, Kennan et les autres réalistes voulaient voir advenir une politique étrangère américaine aveugle sur le plan éthique.

Morgenthau décrit pourtant les aspects moraux de la politique de manière positive…

Je formulerai deux remarques à l'encontre de cette critique élaborée par les straussiens : d'abord, le réalisme politique est une réaction morale explicite à l'endroit d'une approche des relations humaines que les réalistes jugent fausse et dangereuse. Les réalistes n'ont nullement l'intention de rejeter la dimension humanitaire des préoccupations de la politique étrangère, mais veulent maintenir le politique à l'abri des débordements idéologiques et des propensions à l'apocalypse. C'est pour cette raison que Morgenthau, dans Politics Among Nations, jette un regard rétrospectif, plein de nostalgie, sur l'époque aristocratique, lorsque des gentilshommes policés faisaient, entre eux, la politique, en gardant la tête froide, à l'abri des passions populaires. Dans une démocratie, pensait Morgenthau, “la propagande est inévitable et devient un instrument de la politique étrangère”, mais cette force “dangereuse” doit être contrôlée.

Ensuite, deuxième remarque, Morgenthau a décrit de manière positive les aspects moraux de la gestion de l'Etat. Dans Dilemma of Politics (1958), il nous explique que “les principes moraux ne peuvent jamais se concrétiser complètement et totalement, mais, que, dans le meilleur des cas, il faut s'en rapprocher en tenant toujours compte de l'équilibre des intérêts, lequel est passager”. Rappelons tout de même que l'idéologie conservatrice voit dans le système des “checks and balances”, un “principe universel de la société pluraliste”. Dans un passage, Morgenthau écrit, en se référant très probablement à la notion chère aux straussiens de “philosophes politiques”, que “la philosophie politique, pour être supportable, doit reposer sur la distinction d'Aristote entre ce qui serait bon sur le plan idéal et ce qui est bon dans les circonstances données”.

En effet, d'après Morgenthau, on ne peut pas appliquer le droit des gens si l'on n'accepte pas le fait qu'existent entre les nations des intérêts identiques et complémentaires, même si, à l'intérieur de ces nations de grandes différences continuent à subsister. Dans son ouvrage In Defence of the National Interest, Morgenthau oppose le mauvais mais rusé Staline, homme de puissance —qui sans égards pour les préjugés idéologiques a su redonner à la Russie sa sphère d'influence traditionnelle et même à l'étendre— au wilsonien têtu que fut Franklin Delano Roosevelt. Au lieu d'affronter Staline en fixant bien à l'avance quels étaient les intérêts géopolitiques des Etats-Unis, Roosevelt a défendu “un principe philosophique abstrait impossible à mettre en œuvre dans les circonstances données”.

Morgenthau a tenté de rappeler à sa patrie d'élection pendant la Guerre de Corée qu'une guerre idéologique était risquée si les parties belligérantes n'étaient plus capables de faire la différence entre ce qu'elles racontaient à leurs opinions publiques respectives, afin de les mobiliser pour leur faire accepter la guerre, et ce qu'elles acceptent comme assises de leurs relations internationales. Lorsque l'ennemi est décrit comme le mal absolu, nous avons affaire à un discours incompatible avec une politique étrangère partant du principe que l'ennemi d'aujourd'hui pourrait bien devenir le partenaire de négociations demain.

L'architecture conceptuelle que nous a léguée Morgenthau paraît bien désuète aujourd'hui, à commencer par sa vision d'un monde composé d'Etats-Nations, actuelle à son époque mais plus à la nôtre. Qu'on l'admette ou qu'on le déplore, les jours d'un ordre relativement stable d'Etats nationaux bien délimités, tel qu'il existait en Europe au 19ième siècle, sont comptés. Le style hégémonique, fait d'impérialisme brut et d'idéologie médiatisée, que dénonçait Morgenthau en son temps, s'incarne aujourd'hui dans l'empire américain et dans les démarches de ses défenseurs néo-wilsoniens. Pour le moment, ce sont eux qui donnent le ton, en mélangeant l'idéologie globaliste et impérialiste aux notions de Strauss et à un certain sionisme.

En bout de course : le trotskisme ?

Le réaliste conservateur Morgenthau a-t-il pour autant perdu toute pertinence? Les disciples révolutionnaires de Strauss vont-ils définitivement triompher? Quoi qu'il en soit, l'avertissement que lançait Morgenthau demeure important : la politique étrangère idéologisée à outrance, qui a aujourd'hui le vent en poupe, doit un jour rencontrer ses limites. On peut en effet douter de l'hégémonisme actuel : un pays peut-il indéfiniment, sans ressac et sans retour de manivelle, pratiquer une politique étrangère perçue comme le prolongement de ses expériences sociales intérieures? Walter McDougall, Andrew Bacevich, Robert Tucker et James Kurth ont évoqué la folie qui consiste à vouloir appliquer à l'échelle internationale les réformes sociales réalisées aux Etats-Unis.

Enfin, quand on lit les commentaires de Francis Fukuyama et de Michael Ledeen, on constate que l'intention des néo-conservateurs est bien de déclencher une “révolution mondiale créative” et d'imposer la modernisation par la force. Ce programme straussien n'a absolument plus rien à voir avec les valeurs “intemporelles”, qu'évoquent ces néo-conservateurs, mais révèle bel et bien des intérêts privés et des obsessions spécifiques. Il y a tout lieu de croire que les commentateurs qui estiment que les straussiens veulent remettre les valeurs de l'antiquité classique à l'honneur, finiront par commenter un programme purement trotskiste. Car les personnalités qui se profilent derrière un discours en apparence conservateur et restaurateur sont en réalité des révolutionnaires globalistes. Un aspect de plus de la “doormat theory”, de la pensée “paillasson” que nous évoquions en début d'article.

Prof. Dr. Paul GOTTFRIED.

(article issu de Junge Freiheit, n°23/2003: trad. franç.: Robert Steuckers).




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A. Moeller van den Bruck: Dritte Partei

Die dritte Partei für das neue Deutschland
Vor 80 Jahren verfaßte Arthur Moeller van den Bruck sein vielbeachtetes Hauptwerk »Das dritte Reich«

http://www.deutsche-stimme.de/Sites/07-03-Partei.html...

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In der tiefen Orientierungskrise, die das deutsche Volk nach dem Ersten Weltkrieg erfaßt hatte, steckte auch der biedere und sozialreaktionäre Patriotismus wilhelminischer Prägung. Junge Nationalisten begriffen die Niederlage nun als Chance, Nationalismus, Preußentum und Sozialismus zu verschmelzen. Gewaltigen Ausdruck fand dieses Sehnen nach einer echten deutschen Gemeinschaft in der 1923 erschienenen Schrift »Das dritte Reich« von Arthur Moeller van den Bruck. Ein Buch, das fanfarengleich die besten Geister zum Banner der Konservativen Revolution rief.
Am 30. Mai 1925 setzte Arthur Moeller van den Bruck seinem zuletzt von Schwermut gedrückten Leben ein frühes Ende. Damit verlor der mythenumwitterte Juni-Klub seinen spiritus rector und die nationalistische Schriftstellerei einen ihren kraftvollsten Visionäre. Wurde Moeller van den Bruck von der Spannung zwischen seinem angestrebten »dritten Reich« und dem entmutigenden Politikalltag der verhaßten Weimarer Republik innerlich zerrissen? Fand der Rechtsintellektuelle keinen Ausweg mehr aus dem Niemandsland, in das er sich mit seiner vagen Geschichtsprophetie begeben hatte?
Sein schillernder Lebenslauf gleicht dem anderer politischer Romantiker. Im April 1876 wurde Arthur Moeller – später hängte er seinem Geburtsnamen den mütterlichen Namen an – als Sohn eines königlich-preußischen Baurates geboren, zu dessen Vorfahren preußische Offiziere, Gutsbesitzer und Pastoren gehörten. Das Gymnasium vor dem Abitur verlassend, führte er nach seiner frühzeitigen Heirat und einem auskömmlichen Erbe ein ungezwungenes Leben im Künstlermilieu. In schlaflosen Nächten las er sich ein beträchtliches kunst- und geistesgeschichtliches Wissen an. Vor der Hinwendung zum politischen Nationalismus stand Moeller bereits im Banne von Nietzsches Lebensphilosophie, einer elitären Kulturkritik und eines kriegerischen Heroismus. Aus dieser Zeit stammen die Zeilen: »Sie ist prachtvoll, die Schlacht, und menschenwürdiger als Selbstgenuß in dumpfem Behagen. Sie gibt uns, gerade wenn es die Schlacht der Geister und Leidenschaften ist, unsere höchsten Könige und besten Helden. Das andere, der ewige Frieden, wäre nicht zu tragen – eine Langeweile, ein Gähnen, das uns nur den Philister gäbe.«
Aus Gründen, die im Dunkeln liegen, siedelte Moeller 1902 nach Paris über. Während seines vieljährigen Auslandsaufenthalts reifte er vom Europäer zum herkunftsbewußten und stolzen Deutschen heran. Aus diesem Geist heraus erschien zwischen 1904 und 1910 die umfangreiche Essaysammlung »Die Deutschen« mit Biographien über deutsche Staatsmänner, Philosophen und Künstler. Darin erklärte sich der Autor ausdrücklich zum »deutschen Nationalisten«.
Erste unverwehbare Spuren in der deutschen Geistesgeschichte hinterließ Moeller durch eine kulturpolitische Großtat: Zusammen mit einem russischen Dichter gab er zwischen 1905 und 1914 die 22-bändige Gesamtausgabe des russischen Dichters Fjodor Dostojewski heraus. Für die geistig rege deutsche Jugend vor und nach dem Ersten Weltkrieg wurde die Lektüre Dostojewskis zu einem Schlüsselerlebnis. Bei ihm vernahm sie die Stimme der russischen Seele und einer mythischen Lebenswelt, die keinen Zugang zum Liberalismus und Rationalismus des europäischen Westens erlaubte. Von dem Russen übernahm Moeller den raunenden Prophetenton, in dem dieser von »jungen Völkern« und den »Revolutionären aus Konservatismus« gesprochen hatte. Das Vermächtnis Dostojewskis – die Verachtung für den westlichen Materialismus, für Fortschritts- und Vernunftglauben – wurde zu einer geistigen Waffe der jungen Rechtsopposition in Deutschland.
Während eines Italien-Aufenthaltes entwickelte Moeller die Umrisse eines großen Werkes über den Gegensatz von alten Völkern (Franzosen, Engländern und Italienern) und jungen Völkern (Deutschen, Russen und US-Amerikanern), das jedoch Fragment blieb. 1907 nach Deutschland zurückgekehrt, verließ er seit Kriegsausbruch 1914 sein Vaterland nicht mehr. Moeller meldete sich freiwillig zum Waffendienst und kam als Landsturmmann an die Ostfront, wurde wegen eines Nervenleidens aber schon bald in die Presse- und Propagandazentrale der Obersten Heeresleitung versetzt. Im Rahmen dieser Tätigkeit verfaßte er den Aufsatz »Das Recht der jungen Völker«, der sich als Akt geistiger Landesverteidigung verstand. Unter dem Eindruck der Augusttage 1914, als der zivilisatorische Lack der feisten Bürgergesellschaft abplatzte und der erstarrte Wilhelminismus einer schicksalstiefen Volksgemeinschaft wich, leisteten auch Köpfe wie Werner Sombart und Thomas Mann ihre geistigen Kriegsbeiträge.
Während des Krieges veröffentlichte Moeller sein Buch »Der preußische Stil«, seine einzige Arbeit, die nach 1945 neu aufgelegt wurde. Darin wird atmosphärisch dicht, kenntnisreich und in einer feierlichen Tonlage die preußische Kultur und Geisteshaltung unter besonderer Würdigung ihrer Baukunst beschworen. Das Buch ist eine leidenschaftliche Parteinahme für Preußen-Deutschland, das im tobenden Krieg unbedingt zu verteidigen und danach zu erneuern sei. Nicht ohne weiteres in Einklang zu bringen mit der Nüchternheit und Sachlichkeit der preußischen Staatsidee war indes der romantische Mythos, den Moeller van den Bruck nach der Kriegsniederlage predigte: der Mythos vom Reich, eines neuen, dritten Reiches.

Der Berliner Juni-Klub

Als »Das dritte Reich« 1923 erschien, war der Autor schon ein wichtiger Ideengeber der radikalen Rechten und der intellektuelle »Star« des legendären Juni-Klubs. Dieser Verein, der sich nach dem Monat der Unterzeichnung des Versailler Diktats (Juni 1919) benannt hatte, war in der Berliner Motzstraße 22 ansässig. Dort trafen sich regelmäßig Gelehrte und Publizisten der republikfeindlichen Rechten, deren Auffassungen in der Wochenzeitschrift »Das Gewissen« verbreitet wurden. Mitglieder des Juni-Klubs waren neben Moeller u.a. Eduard Stadtler (»Antibolschewistische Liga«), Max Hildebert Boehm (Buch: »Das eigenständige Volk«), Hans Grimm (Buch: »Volk ohne Raum«) und Hans Blüher, Autor wichtiger Bücher über die Wandervogel-Bewegung. Gäste der elitären Runde waren neben anderen Otto Strasser und Adolf Hitler.
Moeller schwankte anfänglich zwischen den Titeln »Die dritte Partei« und »Der dritte Standpunkt« für sein programmatisches Hauptwerk, dem er schließlich den Namen »Das dritte Reich« gab. Im letzten Kapitel erklärte der Autor: »Die dritte Partei will das dritte Reich. Sie ist die Partei der Kontinuität deutscher Geschichte. Sie ist die Partei aller Deutschen, die Deutschland dem deutschen Volke erhalten wollen.«
Dem Hauptwerk Moellers lag eine niederschmetternde Gegenwartsanalyse des Vaterlandes zugrunde. Die wilhelminische Vergangenheit, schon vor Kriegsausbruch vielfach als überlebt wahrgenommen, war unwiederbring- lich dem Urteilsspruch der Geschichte zum Opfer gefallen. In dieser Lage wandelten sich einige Konservative zu Nationalisten, die dem Konservatismus eine revolutionäre Wendung gaben und damit das geschundene Deutschland wieder aufrichten wollten. Durch die revolutionäre Zerstörung des Dekadenten und Würdelosen – konkret des Systems von Weimar – sollte das wieder ans Licht gebracht werden, was im konservativen Sinne der Bewahrung überhaupt erst lohnte. Die Hauptlehre, die konservative Revolutionäre aus Krieg und Niederlage zogen, war die Herstellung einer mythisch aufgeladenen und solidarischen Volksgemeinschaft. Der Nationalist Franz Schauwecker kleidete eine damals weitverbreitete Ahnung in die Worte: »Wir mußten den Krieg verlieren, um die Nation zu gewinnen.«
Die Erneuerung und Stärkung der niedergeworfenen deutschen Nation war für Moeller das heilige Gebot der Stunde: »Aus Trümmern, die mit dem Staate die Nation zu begraben drohen, hebt sich jetzt als eine sich entringende Gegenbewegung die konservativ-revolutionäre des Nationalismus. Sie will das Leben der Nation. Sie will das, was der alte Staat wollte und jeder Staat wollen muß: aber sie will es nicht von Begriffen aus, sondern vom Erlebnis aus: Sie will nachholen, was versäumt wurde: die Teilhaftigkeit der Nation an ihrer Bestimmung.«
Dieser neue Nationalismus nahm geistig-politisch eine Doppelfrontstellung gegen zwei nur vordergründig feindliche Gesinnungsrichtungen ein: den Liberalkapitalismus und den Kommunismus. Beide Ideologien waren vulgäre Kinder des Aufklärungs- und Fortschrittsglaubens, die sich in ihrer materialistischen Weltsicht und ihrer Feindschaft gegen alle organischen Gebundenheiten von Volkstum, Staat und Tradition trafen. Moeller van den Brucks »dritte Position«, die in einem »dritten Reich« ihre dauerhafte staatliche Form finden sollte, war der nationale Weg jenseits der Abirrungen von Liberalkapitalismus und Kommunismus. Gleichzeitig bescheinigte er dem verflossenen Kaiserreich, bei der Integration aller Volksteile versagt zu haben. Das neue Reich sollte endlich die bisherigen Klassen-, Konfessions- und Stammesgegensätze in einem deutschen Sozialismus aufheben.

Gegen deutschenunwürdige Lebensverhältnisse

Moeller stellte klar: »Für die Deutschen der neuen Generation, die nicht das Bewußtsein einer Klasse, sondern dasjenige der Nationalität haben, ist es unvorstellbar und als Vorstellung unerträglich, daß wir jene zwanzig Millionen in sozialen Zuständen unter uns leben lassen, die nicht menschenwürdig sind, und nicht deutschenwürdig. Diese Menschen der neuen Generation, die nicht Proletarier sein wollen, sind Sozialisten aus Kameradschaft.«
Ohne Scheu verwendete der Autor den Sozialismusbegriff. Dies freilich in scharfer Abgrenzung zur Sozialismus-Rhetorik falscher Arbeiterfreunde und ihres verlogenen Alleinvertretungsanspruchs. Internationalismus und Klassenkampfideologie führte Moeller auf Karl Marx und damit das Judentum zurück. »Er (Marx; Anm.) besaß als Jude kein Vaterland. Also versicherte er dem Proletariat, daß es gleichfalls kein Vaterland habe,« so Moeller. Den Gegensatz von schaffendem und raffendendem Kapital thematisierend, heißt es weiter: »Noch immer wird das große Hindernis für eine dauernde Befriedigung der Klassen und Klassenansprüche in dem Gegensatze von Arbeiter und Arbeitgeber gesucht. Noch immer wird das Kapital dort angegriffen, wo es arbeitet, und nicht dort, wo es wieder vertan, verbracht, verschwendet wird. Nicht Klassen, sondern Typen scheiden die Menschen.«
Dem Liberalkapitalismus warf Moeller wütend vor, der Arbeiterschaft den ihr gebührenden Platz innerhalb der deutschen Nation verweigert zu haben. Der Staat habe die private Wirtschaft an die Zügel zu nehmen und dafür Sorge zu tragen, »daß die Menschen leben und wohnen und arbeiten können, daß ihr wirtschaftliches Dasein in den Bedingungen gesichert ist«. Die besondere Anklage galt dem sogenannten Manchesterkapitalismus, der die erbarmungslose Auspressung der Arbeiter zum Leitprinzip des Wirtschaftens erhoben hatte. Mit der deutschen Kriegsniederlage hatte das Entente-Kapital nie zuvor dagewesene Möglichkeiten, das Herzland Europas und seine Menschen auch wirtschaftlich zu unterwerfen. Nur auf dem Wege der innerdeutschen Klassenversöhnung und Arbeiterintegration unter der Standarte eines deutschen Sozialismus schien der Befreiungsschlag gegen das Entente-Kapital denkbar. In seiner Schrift »Sozialismus und Außenpolitik« erklärte Moeller Völker statt Klassen zu den eigentlichen Ausbeutungsobjekten der Versailler Nachkriegsordnung: »Nicht Klassen, sondern Nationen sind heute die Unterdrückten. Kann es eine andere Außenpolitik für unterdrückte Völker geben als die, welche die Unterdrückung endet?«

Der Blick nach Osten

Auf der Suche nach außenpolitischen Bündnisgenossen für das in eine Paria-Rolle gedrängte Deutschland richtete Moeller – ohne eigentlich in die Gruppe der Nationalbolschewisten eingeordnet werden zu können – seinen Blick nach Osten. Als literarischer Kronzeuge für den Kampf gegen den Nihilismus des Westens diente ihm wiederum Fjodor Dostojewski, der für die unverbrauchten Seelenkräfte des russischen Volkes stand. In »Sozialismus und Außenpolitik« versuchte sich der deutsche Nationalist in einer nüchternen Auslotung deutsch-russischer Bündnismöglichkeiten: »Der deutsche Sozialismus kann sich nur dann für Rußland entscheiden, wenn auch der russische Sozialismus erkennt, daß jedes Volk seinen eigenen Sozialismus hat.«
Wie distanziert der politische Schriftsteller aber der Realpolitik und konkreten politischen Schritten gegenüberstand, zeigte sein Gespräch mit dem Kommunisten Karl Radek über ein deutsch-russisches Bündnis gegen den Imperialismus der Entente-Mächte. Radek, Deutschlandspezialist der Kommunistischen Internationale, stellte Moeller im Juni 1923 – kurze Zeit nach der Erschießung Leo Schlageters durch die Franzosen – die Frage: »Gegen wen wollen die Deutschvölkischen kämpfen: gegen das Ententekapital oder gegen das russische Volk? Mit wem wollen sie sich verbinden? Mit den russischen Arbeitern und Bauern zur gemeinsamen Abschüttelung des Joches des Ententekapitals, oder mit dem Ententekapital zur Versklavung des deutschen und russischen Volkes?« Der so Angesprochene wich den konkreten Fragen aus und lenkte die Diskussion auf weltanschauliche Grundsatzfragen, die eine Verständigung nicht zuließen.
Eine ähnliche Scheu vor greifbarer politischer Selbstverantwortung bestimmte neben weltanschaulichen Auffassungsunterschieden – z.B. in der Rassendoktrin – auch sein Verhältnis zu den Nationalsozialisten. Dies läßt sich an einer Begegnung mit Adolf Hitler festmachen: Nach einem Gastvortrag des NSDAP-Führers vor dem Juni-Klub im Jahr 1922 wandte sich dieser an Moeller mit den Worten: »Sie haben alles das, was mir fehlt. Sie erarbeiten das geistige Rüstzeug zu einer Erneuerung Deutschlands. Ich bin nichts als ein Trommler und Sammler. Lassen Sie uns zusammenarbeiten.« Moeller reagierte zurückhaltend. Nachdem Hitler die Motzstraße 22 verlassen hatte, sagte Moeller zu Rudolf Pechel, dem Herausgeber der »Deutschen Rundschau«: »Pechel, der Kerl begreift‘s nie.«

Streiter gegen den Liberalismus

Die Bedeutung Arthur Moeller van den Brucks lag denn auch nicht in dem Einsatz für Parteipolitik und Tagesfragen, sondern als Ankläger des alles zersetzenden Liberalismus: »Liberalismus hat Kulturen untergraben. Er hat Religionen vernichtet. Er hat Vaterländer zerstört. Er war die Selbstauflösung der Menschheit.« Mit Flammenworten warf er dem Liberalismus vor, die Völker zu zerstören und seinen Angriff auf alle traditionellen menschlichen Bindungen mit verlogenen Freiheitsparolen zu tarnen. Die gezielte Transformation einer gewachsenen Gemeinschaft in eine von bindungslosen Sozialatomen bestimmte Gesellschaft wurde klar erkannt: »Der Liberalismus ist Ausdruck einer Gesellschaft, die nicht mehr Gemeinschaft ist. (…) Jeder Mensch, der sich nicht mehr in der Gemeinschaft fühlt, ist irgendwie ein liberaler Mensch.«
Moellers Entwurf eines dritten Reiches, inhaltlich vage gehalten und in einer suggestiven Sprache verfaßt, begeisterte die nationalen Gegner des Weimarer Systems über alle Maßen. Joseph Goebbels zeigte sich 1925 in seinen Tagebüchern tief beeindruckt: »So klar und so ruhig, und dabei doch von inneren Leidenschaften ergriffen, schreibt er all das, was wir Jungen längst mit Gefühl und Instinkt wußten.« Zeugnis für einen regelrechten Moeller-Kult legte ein deutscher Nationalist ab, als er kurz nach 1933 schrieb: »Es kam – nach den geltenden Anschauungen – etwas ganz Unvernünftiges, es kam die Idee des Dritten Reiches. Und dieser Gedanke packte den deutschen Menschen, er packte politisch Heimatlose und politische Abenteurer, er packte Erdverbundene und Entwurzelte, er packte Naturen, mit denen man nicht sprechen, nicht diskutieren konnte.« Arthur Moeller van den Bruck erlebte die Ausbildung und Geschichtsmächtigkeit seines Mythos vom dritten Reich nicht mehr.

Jürgen W. Gansel

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