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mardi, 13 mars 2007

Le blog de Florence Autret

A propos de Florence Autret

Florence Autret vit et travaille à Bruxelles. Journaliste indépendante, elle collabore notamment aux publications financières de L’AGEFI et au quotidien Le Télégramme.

Son précédent travail d’investigation, « Les Manipulateurs, le pouvoir des lobbys » paru en 2003 chez Denoël, levait pour la première fois le voile sur l’étrange déni du lobbying au sein des élites politiques et les pratiques contestables qu’il cachait.

C’est en poursuivant l’enquête sur Bruxelles, qu’elle a découvert la prégnance des intérêts américains en Europe et leur rôle dans l’invention d’un modèle politique européen sui generis. Mais son intérêt pour l’Europe remonte aux années universitaires et à des recherches sur les origines de l’intégration européenne et l’émergence d’un pouvoir judiciaire communautaire. « L’Amérique à Bruxelles » est ainsi le fruit et la synthèse de quinze ans d’observation et de recherches sur l’Union européenne. Il prolonge et complète la note publiée en 2005 par la République des Idées, « Bruxelles Washington, la relation transatlantique sur le métier » (télécharger gratuitement la note)

Diplômée de l’université Paris IX-Dauphine, de Sciences Po Paris et titulaire d’un Diplôme d’études approfondies de l’université de Paris I-Sorbonne, Florence Autret donne un cours sur le lobbying européen à Sciences-Po Paris.

URL du Blog de Florence Autret: http://lobbying.typepad.fr/

A propos du livre :

L'Amérique à Bruxelles

Depuis soixante ans, l’Europe est l’alliée des États-Unis et les États-Unis le protecteur de l’Europe. En ce début de XXIe siècle, l’alliance scellée au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale n’a pas été dénouée, en dépit des désaccords sur la guerre en Irak et la lutte contre le terrorisme. Bien au contraire. L’interdépendance économique entre les deux rives de l’Atlantique devient chaque jour plus forte. L’ ‘Alliance’ atlantique et l’ ‘Europe’ sont les deux faces d’une même réalité : le rapprochement inexorable des continents européen et américain depuis six décennies.
L’Union européenne que nous connaissons n’est certainement pas le résultat ou le moyen d’une opposition européenne à la puissance américaine, comme on serait parfois tenté de le penser en France. Elle n’est pas non plus le cheval de Troie de la puissance américaine. L’Union européenne, comme puissance politique et réglementaire, est le produit des épisodes de conflit et de coopération de la relation transatlantique. Elle est, en d’autres termes, le fruit d’une dialectique atlantique. « L’Amérique à Bruxelles » est consacré à l’exploration de cette dialectique méconnue.
Au-delà de l’interdépendance économique croissante, le livre décrit l’inexorable convergence entre les deux plus grands marchés de la planète. Que l’ancienne Commissaire à l’environnement devenue vice-présidente de la Commission, Margot Wallström, mette sur les rails une réglementation nouvelle des produits chimiques qui entraînera probablement le retrait de centaines de substances aujourd’hui supposées dangereuses, et c’est Colin Powell en personne, alors secrétaire d’État, qui, alerté par l’industrie américaine, écrit à ses ambassadeurs pour leur demander de faire pression sur Bruxelles. Tous les grands domaines de la réglementation économique, qu’il s’agisse de services financiers, d’environnement, de normes comptables ou de gouvernement d’entreprise, comportent une dimension transatlantique déterminante. Lorsque le Commissaire Charlie McCreevy en charge du Marché intérieur, se déplace à Washington, il n’y reste pas un jour ou deux, il y passe toute la semaine. Le centre de gravité de l’économie mondiale, situé quelque part au dessus de l’Atlantique, aspire comme un siphon les réglementations des deux marchés et même la manière de faire de la politique.
Il y a déjà trente ans, les grandes entreprises américaines ont emmené dans leurs bagages les techniques d’influence qui ont fait de Washington la capitale mondiale du lobbying. Adaptées, ‘customisées’ par une poignée de ‘Pères fondateurs’, souvent britanniques, parfois américains, ces techniques sont devenues la grammaire du microcosme bruxellois. Faut-il se réjouir de cette convergence ou la regretter ?
La force du lien transatlantique interroge l’Europe sur son identité, particulièrement lorsqu’elle touche aux questions de sécurité. L’après-11 septembre qui a vu le a souligné la vulnérabilité européenne. Le Patriot Act a fait voler en éclat le délicat équilibre dégagé par l’Union européenne sur l’équilibre en liberté et sécurité. D’un jour à l’autre, pour les transporteurs aériens, ce n’était plus la loi européenne mais la loi américaine.
Mais comme toujours dans la brève histoire de l’Union, ce choc transatlantique a aussi agi comme un ferment d’intégration. Bruxelles n’est jamais allée aussi loin dans la formulation d’une politique de sécurité européenne que depuis le 11 septembre. Mais son autonomie semble si fragile. Lorsque Washington, pris d’un vertige sécuritaire, quitte la route, l’Europe est entraînée dans sa chute. L’histoire des activités illégales menée par la CIA sur le territoire européen sous prétexte de lutte contre le terrorisme en administre la triste preuve. De quelles valeurs les Européens oseront-ils se prévaloir lorsqu’ils découvriront qu’a existé sur leur sol un Guatanamo roumain et un Abou Grahib polonais ?
L’Europe ne peut échapper à son destin atlantique. Ce qui menace son intégrité, ses valeurs, son autonomie, ce ne sont pas les États-Unis, mais les Européens eux-mêmes. L’influence américaine à Bruxelles souligne a contrario l’indétermination des dirigeants politiques européens ou, à tout le moins, l’absence de consensus sur le sens du projet politique européen.

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Who was Bela Hamvas?

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Who was the Hungarian Thinker Bela Hamvas ?

http://www.hamvasbela.org/main/mainglish.html

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Sangue, potere e petrolio

Sangue, potere e petrolio

Partita mortale tra le macerie di Grozny e Beslan

Giacomo Catrame

Il Caucaso torna a far parlare di sé a seguito del duplice attentato aereo avvenuto ai danni di due apparecchi delle aviolinee russe e al sequestro mostre di Beslan dove alcune decine di guerriglieri ceceni hanno preso in ostaggio bambini e genitori di un complesso scolastico della città della Repubblica autonoma dell'Ossezia del nord appartenente alla Federazione Russa. La guerra in Cecenia sembra essere diventata permanente e a pagarne le spese sono sempre di più le popolazioni civili della Federazione Russa e della stessa repubblica secessionista ormai pesantemente martirizzata. Lo scontro ceceno, però, non è l'unica guerra in corso nella tormentata penisola ponte tra l'Europa e l'Asia. In Georgia il neo presidente Mikheil Saakashvili, dopo aver piegato la repubblica secessionista dell'Adzaria, posta tra la Georgia e la Turchia, ha iniziato le manovre di attacco all'Ossezia del Sud la cui popolazione è etnicamente e culturalmente la stessa del nord, ma il cui territorio è situato all'interno della Georgia.

L'Ossezia del Sud è indipendente de facto dal 1993 quando emerse vittoriosa dalla breve guerra di secessione contro Tblisi all'indomani dello scioglimento dell'URSS. Tale secessione venne appoggiata dai Russi che, grazie ai movimenti indipendentisti in Ossezia, Abkhazia e Adzaria poterono rientrare nella repubblica caucasica diventata indipendente in funzione di peace-keepers, costruendo basi militari sul suo territorio in zone non controllate da Tblisi. La cacciata del Presidente Shevardnadze avvenuta a dicembre del 2003 con l'appoggio degli Stati Uniti è stato il primo segnale del palesarsi di un progetto nazionalista georgiano per recuperare i territori perduti nel 1991-93. Tale progetto viene posto in essere oggi grazie all'appoggio esplicito degli USA che contano alcune centinaia di militari sul campo, ufficialmente in funzione antiterrorista, ma in pratica con quella di addestratori dell'esercito della repubblica caucasica.

L'appoggio di Washington non nasce da spiccate propensioni americane a favorire la Georgia nella sua disputa territoriale con osseti ed abkhazi, ma dalla volontà di isolare in modo drastico Mosca dal trasporto degli idrocarburi del Mar Caspio verso l'Europa. Il nuovo presidente georgiano, infatti, si è impegnato alla costruzione dell'oleodotto Baku-Ceyan che dovrebbe portare il petrolio del Caspio dall'Azerbaigian al porto turco attraversando il territorio di Tblisi, mettendo così fuori gioco la linea di trasporto verso il porto russo di Novorossijsk sul Mar Nero. Inoltre, questo secondo oleodotto passa all'interno della Cecenia. Diventa così chiaro perché il conflitto in Cecenia ha un'importanza strategica nei rapporti Usa-Russia e perché Washington si stia mobilitando per consentire ai georgiani di piegare due piccole repubbliche ribelli e per espellere le basi e le truppe russe dalla repubblica caucasica. La costruzione di un oleodotto completamente controllato dalla Georgia nel momento in cui l'oleodotto concorrente è a continuo rischio di sabotaggio da parte della guerriglia cecena comporterebbe l'esclusiva USA nel controllo delle risorse petrolifere del Caspio meridionale, l'isolamento della Russia verso l'Europa e il completamento dell'accerchiamento dell'Iran.

All'interno di questo quadro deve essere posta la mobilitazione progressiva di decine di migliaia di soldati della Georgia ai confini dell'Ossezia e il rinnovato appoggio di Tblisi alla guerriglia cecena. Saakashvili spera di scatenare una guerra di breve durata che pieghi gli osseti, ne provochi la fuga verso il territorio russo e gli consenta di annettersi il territorio ribelle. Gli osseti da parte loro sanno, in caso di sconfitta di doversi aspettare una feroce pulizia etnica che "georgizzi" il loro paese e si preparano a una guerra di resistenza che probabilmente assumerà tratti di una ferocia inimmaginabile, dal momento che nessuno degli osseti si è dimenticato i 20.000 morti (quasi tutti civili) subiti da questa popolazione nel corso della guerra di secessione dalla Georgia.

I russi dal canto loro sanno che la loro cacciata dalle basi ossete ed abkhaze vorrebbe dire l'emarginazione di Mosca da qualsiasi gioco caucasico e il diffondersi della ribellione all'interno delle molte repubbliche autonome della Federazione. Anche Mosca, quindi, non abbandonerà la mano se non a seguito di un conflitto catastrofico che potrebbe portare alla dissoluzione della stessa Russia in un insieme di staterelli oligarchici gestiti da locali feudatari di Washington.

La questione dell'oleodotto è quella attorno alla quale si è venuto a costruire il conflitto che più di ogni altro sta portando Russia e USA sulla strada del confronto armato, sia pure per interposto esercito. Inoltre Ossezia ed Abkhazia, in quanto stati de facto ma non riconosciuti sono da sempre basi perfette per il contrabbando, il traffico d'armi, di droga e di uomini, totalmente controllati dalla mafia russa e dai suoi molti appoggi all'interno del Kremlino e dell'Armata Russa; una ragione in più per la quale Mosca non può permettersi di abbandonare le due repubbliche caucasiche secessioniste.

 

Chi soffia sul fuoco: padri e padrini dell'indipendentismo ceceno

 

L'assalto alla scuola di Beslan e la successiva carneficina attuata dalla guerriglia cecena tra gli ostaggi (bambini, maestre e qualche genitore) in seguito all'attacco all'edificio condotto dalle forze speciali russe con il consueto mix di ferocia ed incapacità al quale hanno abituato il mondo negli ultimi anni si inserisce in questa partita come un episodio della stessa guerra che devasta il Caucaso dalla fine dell'URSS ad adesso. È vero, infatti, come ricordano molti commentatori sui media occidentali che la guerra coloniale russa in Cecenia è iniziata nella prima metà dell'Ottocento quando l'espansionismo russo toccò le terre del Caucaso meridionale e non è mai davvero finita, ma è altrettanto vero che la nuova fiammata indipendentista iniziata con la dichiarazione d'indipendenza del 1991 e con la successiva guerra voluta e persa da Eltsin nel biennio 1994-96, ha sponsor e padrini in parte coincidenti con quelli che oggi sponsorizzano la ventata nazionalista ed aggressiva georgiana. Il moderno indipendentismo ceceno nasce laico e guidato da ex ufficiali dell'esercito sovietico decisi ad approfittare dello sfascio russo seguito ai convulsi giorni dell'Autunno del 1991 per affermare l'indipendenza di un territorio che avrebbe potuto contare sulla rendita del transito petrolifero per garantirsi una certa prosperità. Gli anni successivi vedono la progressiva emarginazione della leadership laica e la sua sostituzione con una religiosa a base wahabita, il cui finanziamento veniva effettuato in primo luogo dalla monarchia saudita desiderosa di estendere la propria influenza politica su tutti i territori a maggioranza islamica, tramite l'esportazione della versione reazionaria ed oscurantista della religione musulmana, nata in Arabia nel corso del XVIII secolo ed adottata dalla dinastia dei Saud, allora re beduini del Neged in perenne conflitto con gli altri regni della penisola arabica e con gli Sceriffi della Mecca appartenenti alla dinastia Hascemita (quella per intendersi che tuttora esprime il Re di Giordania).

Accanto al wahabismo saudita opera all'islamizzazione dell'indipendentismo ceceno e alla sua trasformazione in una guerriglia feroce, capace di utilizzare l'attentato suicida come la strage di ostaggi, la guerra aperta come l'infiltrazione nel territorio russo, anche una delle principali compagnie petrolifere mondiali: la Chevron-Texaco, la cui consigliera per l'area caucasica, responsabile per le politiche locali, è una signora che tutto il mondo ha imparato a conoscere negli ultimi quattro anni: Condoleeza Rice, l'attuale ministro per la Sicurezza nazionale dell'amministrazione Bush.

La presenza di volontari wahabiti della più diversa estrazione nazionale (arabi, algerini, egiziani, afgani, bengalesi.) tra i guerriglieri ceceni indica, inoltre, che il reclutamento degli effettivi delle formazioni wahabite cecene avveniva fin dalla prima metà degli anni Novanta a cura dell'ISI, il famigerato servizio segreto pakistano inventore e sostenitore del regime talebano afgano e delle organizzazioni politiche e militari wahabita e deobandiste (un'altra scuola islamica a forte orientamento reazionario nata nel XIX secolo nell'India musulmana). Insomma, come in Afganistan, la sinergia tra petroldollari ed ideologia religiosa saudita, logistica ed addestramento pakistani e supervisione geopolitica e geoeconomica a cura dell'intreccio tra dirigenza economica e politica a stelle e strisce. L'interesse della multinazionale americana nello sviluppo della guerriglia cecena è chiaro: mettere fuori gioco la concorrenza europea ed asiatica nel trasporto del greggio del Mar Caspio e tagliare le gambe al monopolio russo. Questi obiettivi vengono perseguiti con una politica di sostegno sempre più marcato alle oligarchie che governano in modo autocratico gli stati asiatici creati dalla disintegrazione dell'URSS, in primis l'Azerbaigian che possiede i giacimenti maggiormente sviluppati, e al contempo con una spinta aggressiva tendente a sabotare le linee di trasporto del greggio costruite al tempo dell'Unione Sovietica che, invariabilmente, passano tutte all'interno della Russia. Da questo punto di vista l'insurrezione della Cecenia, sul cui territorio passa la condotta che porta a Novorossijsk, il porto russo sul Mar Nero specializzato nell'esportazione petrolifera, viene colta come un'occasione unica per il perseguimento dell'obiettivo di inglobamento del controllo del petrolio. Le amministrazioni americane, dal canto loro, hanno continuato a perseguire una politica volta ad impedire che la Russia potesse ripresentarsi come potenza autonoma dagli Stati Uniti, capace di continuare la tradizione sovietica di contrapposizione alla potenza americana, e a costruire le condizioni per le quali l'immenso paese potesse diventare una buona occasione per la speculazione finanziaria internazionale a guida USA. D'altro canto in questa politica hanno trovato l'interessata collaborazione all'interno del paese di una nuova classe di ex funzionari del Partito Comunista riciclatisi grazie alla loro posizione fra i capitalisti della "nuova Russia", distruttivi dal punto di vista dello sviluppo produttivo ma estremamente abili nel fare profitti nel campo finanziario. Sono loro che hanno gonfiato al massimo la bolla della finanza russa esplosa poi nel 1998 travolgendo il risparmio nazionale del paese ma salvaguardando le immense fortune che questa classe di capitalisti senza imprenditoria avevano accumulato negli anni precedenti.

La guerra in Cecenia è sempre stata un buon affare per questa neo classe dominante; a prescindere dai profitti realizzati con il contrabbando e il commercio delle armi con il "nemico", in questi anni la guerriglia cecena è stata soprattutto un ottimo pretesto per indirizzare il malcontento della popolazione verso un obiettivo esterno e per decidere i destini politici della Russia del XXI secolo; Eltsin e la sua banda vengono definitivamente sacrificati grazie a una strana offensiva della guerriglia a suon di bombe a Mosca ed occupazione di ospedali in Daghestan (azioni, guarda caso, condotte dall'incredibile capo guerrigliero Dasayev, concorrente del Presidente ceceno in esilio Maskhadov, responsabile anche del rapimento carneficina di Beslan) nel 1999, mentre Putin viene presentato alla nazione come il futuro Presidente grazie all'offensiva che porta alla rioccupazione del martoriato paese caucasico e che tuttora non ha trovato la sua conclusione. Oggi non si può che sospettare che la stessa classe di grandi capitalisti finanziari, proprietari di tutte le risorse strategiche del paese, sia interessata a contrastare il tentativo del gruppo dirigente riunito attorno a Putin di costruire un capitalismo nazionale nel paese, sviluppando la propria base produttiva e rafforzando i propri legami commerciali e politici con i paesi europei e, necessariamente, esautorando questa classe di oligarchi legata a doppio filo al capitale finanziario americano e alla svendita delle materie prime del paese. La facilità con la quale i guerriglieri ceceni sono riusciti a far saltare in aria due aviogetti, a far scoppiare due ordigni nella metropolitana di Mosca e, infine, ad assaltare la scuola osseta, rimandano alla presenza di sicure complicità all'interno del paese oltre che ai suoi vulnerabili confini con la Georgia con la quale, come abbiamo visto, è in corso una vera e propria guerra sul procinto di diventare calda con sullo sfondo l'appoggio statunitense a Tblisi.

Dietro alle tragedie russe di questi giorni si configura un'alleanza spuria tra gli interessi strategici americani, quelli economici delle multinazionali petrolifere USA, quelli del nazionalismo georgiano e del fondamentalismo wahabita a guida saudita e quelli dell'oligarchia finanziaria russa. L'obiettivo di questa alleanza oggi è quello di dimostrare che l'amministrazione Putin non è in grado di difendere la Russia e di suscitare un clima che ne permetta la sostituzione con un'altra più morbidamente incline ad assecondare gli interessi interni ed esteri legati alla finanza internazionale. L'assalto criminale con il quale le forze di sicurezza russe hanno chiuso la vicenda del sequestro di Breslan, con il corollario di centinaia di morti tra bambini ed adulti rinchiusi nella scuola osseta rimanda alla necessità per il gruppo dirigente putiniano di mostrarsi deciso e feroce nei confronti della guerriglia cecena per ottenere l'obiettivo di impadronirsi realmente della Russia, defenestrandone i padroni finanziari che continuano a muovere i fili fondamentali del potere nell'immenso paese eurasiatico. La posta in gioco è enorme e le conseguenze della vittoria di uno o dell'altro dei due contendenti sono tali che i massacri della popolazione civile, carne da macello e massa di manovra per gli interessi contrastanti dei contendenti in campo, sono destinati a continuare e ad approfondirsi, tanto più adesso quando, dopo il massacro di Breslan, l'ultimo dei tabù comunemente accettati dall'umanità, quello del rispetto della vita dei bambini, è stato definitivamente violato tanto dalla guerriglia che dalle forze di sicurezza russe in diretta televisiva mondiale.

Giacomo Catrame

Umanità Nova

fonte: http://www.ecn.org/uenne/archivio/archivio2004/un27/art3356.html

 

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lundi, 12 mars 2007

L'affiche du jour

Trouvée sur : http://arqueofuturista.wordpress.com/

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Islam: options peu engageantes de l'Europe

Islam : les options peu engageantes de l'Europe

Daniel PIPES / http://theatrumbelli.hautetfort.com/

A long terme, l'évolution la plus décisive du continent européen, celle de ses relations avec sa minorité musulmane croissante, suivra l'une de ces trois voies : intégration harmonieuse, expulsion des Musulmans ou prise de pouvoir islamique. Lequel de ces scénarios est le plus vraisemblable ?

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L'avenir de l'Europe revêt une grande importance non seulement pour ses résidents. Pendant un demi-millénaire, de 1450 à 1950, les 7% de la surface des terres émergées qu'elle représente ont décidé de l'histoire du monde; sa créativité et sa vigueur ont inventé la modernité. La région a perdu cette position cruciale il y a 60 ans, mais elle reste d'une importance vitale en termes économiques, politiques et intellectuels. Ainsi, la direction qu'elle prendra aura des incidences majeures pour le reste de l'humanité, et tout particulièrement pour ses nations sœurs telles que les États-Unis qui, historiquement, ont toujours considéré l'Europe comme une source d'inspiration, de peuplement et de biens.

Voici une appréciation de la vraisemblance des trois scénarios.

 

I. Règne musulman

Feu Oriana Fallaci observa qu'avec le passage du temps, «L'Europe se transforme toujours davantage en une province de l'Islam, une colonie de l'Islam». L'historienne Bat Ye'or a donné un nom à cette colonie – « Eurabia». Walter Laqueur prédit dans son prochain ouvrage Last Days of Europe (Les derniers jours de l'Europe) que l'Europe telle que nous la connaissons sera contrainte de changer. Mark Steyn, dans America Alone : The End of the World as We Know It (L'Amérique seule: la fin du monde tel que nous le connaissons) va plus loin encore et affirme qu'une grande partie du monde occidental «ne survivra pas au XXIe siècle et une grande partie, dont la plupart sinon la totalité des pays européens, disparaîtra pendant notre génération». Trois facteurs - la foi, la démographie et le patrimoine culturel - indiquent que l'Europe s'islamise.

Foi. Une laïcité extrême prédomine en Europe, surtout parmi ses élites, au point que les Chrétiens croyants (tels que George W. Bush) y sont considérés comme mentalement déséquilibrés et incapables d'assumer des tâches publiques. En 2005, Rocco Buttiglione, un politicien italien distingué et un Catholique croyant, a été empêché d'accéder au poste de membre de la Commission européenne pour l'Italie en raison de ses opinions sur l'homosexualité. Une laïcité inflexible va de pair avec des églises vides : à Londres, des chercheurs estiment que les mosquées reçoivent plus de Musulmans le vendredi que les églises chrétiennes le dimanche, bien que la ville compte près de sept fois plus de Chrétiens de naissance que de Musulmans de naissance. Plus le Christianisme pâlit, plus l'Islam attire - le Prince Charles fournit un bon exemple de la fascination exercée par l'Islam sur de nombreux Européens. L'Europe pourrait connaître un grand nombre de conversions à l'avenir, car comme le dit ce mot attribué à G.K. Chesterton, «lorsque les gens cessent de croire en Dieu, ils ne croient pas en rien - ils croient en n'importe quoi».

La laïcité de l'Europe donne à son discours des formes tout à fait inhabituelles pour les Américains. Hugh Fitzgerald, ex-vice-président de JihadWatch.org, illustre ici une dimension de cette différence:

Les déclarations les plus mémorables des présidents américains comprennent presque toujours des passages bibliques aisément reconnaissables. [...] Cette source de vigueur rhétorique a été mise à contribution en février dernier (2003), lors de l'explosion de la navette Columbia. Si la navette détruite avait été non pas américaine, mais française, et si Jacques Chirac avait dû prononcer un discours à ce sujet, il aurait peut-être usé du fait que l'engin transportait sept astronautes et aurait tiré un parallèle avec les sept poètes de la Pléiade, soit avec l'Antiquité païenne. Le président américain, intervenant dans le cadre d'une cérémonie solennelle qui débutait et s'achevait par des passages en hébreu biblique, fit les choses différemment. Il prit son texte dans Isaïe 40:26, ce qui permettait de créer une transition harmonieuse entre d'une part le mélange d'émerveillement et d'effroi devant les hôtes des cieux générés par le Créateur et d'autre part la consolation pour la perte de l'équipage.

La foi des Musulmans, avec son tempérament djihadiste et son suprématisme islamique, tranche autant qu'il est possible avec celle des Chrétiens européens non pratiquants. Ce contraste amène de nombreux Musulmans à considérer l'Europe comme un continent mûr pour la conversion et la domination. Il en résulte des revendications suprématistes extravagantes telles que cette déclaration d'Omar Bakri Mohammed, «Je veux que la Grande-Bretagne devienne un État islamique, Je veux voir les couleurs de l'Islam flotter au 10, Downing Street.» Ou encore cette prédiction d'un imam installé en Belgique : «Nous prendrons bientôt le pouvoir dans ce pays. Ceux qui nous critiquent aujourd'hui le regretteront. Ils devront nous servir. Préparez-vous, car l'heure est proche.» [1]

Population. L'effondrement démographique indique également que l'Europe s'islamise. Actuellement, le taux global de fertilité européen oscille autour de 1,4 par femme, alors que le maintien d'une population exige un taux légèrement supérieur à deux enfants par couple, ou 2,1 enfants par femme. Le taux réel n'en représente que les deux tiers - un tiers de la population nécessaire ne vient tout simplement pas au monde.

Pour éviter une chute démographique critique, avec tous les malheurs que cela implique - notamment l'absence de travailleurs pour financer de généreux plans de retraite -, l'Europe a besoin d'immigrants, de beaucoup d'immigrants. Ce tiers importé tend à être musulman, en partie parce que les Musulmans sont proches (13 kilomètres seulement séparent le Marc et l'Espagne, quelques centaines relient l'Italie à l'Albanie ou à la Libye) ; en partie parce que des liens coloniaux continuent d'unir l'Asie du Sud à la Grande-Bretagne ou le Maghreb à la France ; et en partie à cause de la violence, de la tyrannie et de la pauvreté si répandues dans le monde musulman actuel et qui génèrent d'incessantes vagues migratoires.

De même, le taux de fertilité élevé des Musulmans compense le manque d'enfants parmi les Chrétiens indigènes. Bien que les taux de fertilité musulmans soient en baisse, ils restent sensiblement supérieurs à ceux de la population chrétienne indigène. Il est certain que les taux de natalité élevés sont liés aux conditions de vie pré-modernes dans lesquelles vivent de nombreuses femmes musulmanes en Europe. À Bruxelles, «Mahomet» est le nom de garçon nouveau-né le plus populaire depuis quelques années. Amsterdam et Rotterdam pourraient devenir, d'ici 2015, les premières grandes villes européennes à majorité musulmane. L'analyste français Michel Gurfinkiel estime qu'une guerre des rues en France verrait s'affronter les enfants des indigènes (en français dans le texte) et ceux des immigrants quasiment à égalité. Les pronostics actuels prévoient une majorité musulmane dans l'armée russe dès 2015 et dans l'ensemble du pays vers 2050.

Patrimoine culturel. Ce qui est souvent décrit comme la rectitude politique de l'Europe reflète à mon avis un phénomène plus profond, à savoir l'aliénation de leur civilisation que ressentent de nombreux Européens, l'impression que leur culture historique ne vaut pas qu'on la défende, voire qu'on la préserve. Les différences entre Européens sont frappantes à cet égard. Le pays peut-être le moins touché par cette aliénation est la France, où le nationalisme traditionnel reste vivace et où les gens sont fiers de leur identité nationale. La Grande-Bretagne est le pays le plus affecté, comme l'illustre bien le programme gouvernement larmoyant «ICONS - A Portrait of England», qui tente maladroitement de raviver le patriotisme des Britanniques en les réconciliant avec des «trésors nationaux» tels que Winnie the Pooh et la minijupe.

Ce manque d'assurance a eu des conséquences directes négatives pour les immigrants musulmans, comme l'explique Aatish Taseer dans le magazine Prospect.

L'appartenance à la culture britannique est l'aspect le plus purement nominal de l'identité de nombreux jeunes Pakistanais britanniques. [...] En dénigrant sa culture, on court le risque de voir les nouveaux-venus en chercher une ailleurs. Cela va si loin dans le cas précis que pour beaucoup de Pakistanais britanniques de deuxième génération, la culture du désert des Arabes revêt plus d'attrait que la culture britannique ou continentale. Arrachés par trois fois au sentiment de posséder une identité durable, les Pakistanais de deuxième génération trouvent une identité disponible dans la vision du monde extranationale de l'Islam radical.

Les Musulmans immigrants méprisent profondément la civilisation occidentale, tout particulièrement sa sexualité (pornographie, divorce, homosexualité). Les Musulmans ne s'assimilent nulle part en Europe, les mariages intercommunautaires sont rares. Voici un exemple pittoresque du Canada: la mère du tristement célèbre clan Khadr, connu pour être la première famille canadienne du terrorisme, retourna au Canada depuis l'Afghanistan et le Pakistan en avril 2004 avec l'un de ses fils. Bien qu'elle ait demandé l'asile au Canada, elle affirmait à peine un moins auparavant que les camps d'entraînement sponsorisés par Al-Qaïda étaient l'endroit rêvé pour ses enfants. «Vous voudriez que j'élève mes enfants au Canada pour qu'ils se retrouvent drogués ou homosexuels à l'âge de 12 ou 13 ans? Vous trouvez que ce serait mieux ?»

(Ironie du sort, aux siècles passés, comme l'a documenté l'historien Norman Daniel, les Chrétiens européens méprisaient les Musulmans, dont la polygamie et les harems leur semblaient révéler une obsession du sexe, et se sentaient moralement supérieurs à eux précisément sur ce point.)

En résumé, cette première argumentation avance que l'Europe sera islamisée, qu'elle se soumettra ou se convertira sans résistance à l'Islam parce que le yin de l'Europe s'accorde si bien au yang de l'Islam: faiblesse et puissance de la religiosité, de la fertilité et de l'identité culturelle. [2] L'Europe est une porte ouverte que les Musulmans franchissent librement.

 

II. Expulsion des Musulmans

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Ou la porte leur sera-t-elle fermée au nez ? Le commentateur américain Ralph Peters écarte le premier scénario : «Loin de jouir de la perspective de s'approprier l'Europe en y faisant des enfants, les Musulmans d'Europe y vivent leurs dernières heures. [...] les prédictions de prise de pouvoir musulman en Europe [...] font abstraction de l'histoire et de la brutalité indéracinable de l'Europe.» Sur ce, décrivant l'Europe comme l'endroit «où ont été perfectionnés le génocide et le nettoyage ethnique», il prédit que ses Musulmans «auront de la chance de n'être que déportés», et non tués. Claire Berlinski, dans Menace in Europe: Why the Continent's Crisis Is America's, Too (Menace en Europe : pourquoi la crise du continent est aussi celle de l'Amérique), approuve cela implicitement en désignant les «anciens conflits et schémas de pensée [...] qui s'extirpent lentement des brumes de l'histoire européenne» et qui pourraient bien susciter la violence.

Ce scénario veut que les Européens indigènes - qui constituent toujours 95% de la population du continent - se réveillent un jour et imposent leur volonté. «Basta !» - diront-ils, en restaurant leur ordre historique. Cela n'est pas si improbable; un mouvement d'irritation se fait jour en Europe, moins parmi les élites qu'au sein des masses, qui proteste bruyamment devant l'évolution en cours. Ce ressentiment est illustré notamment par la loi antivoile française, par la mauvaise humeur suscitée par les restrictions imposées aux drapeaux nationaux et aux symboles chrétiens et par l'insistance à servir du vin lors des diners officiels. On peut mentionner aussi un mouvement spontané apparu dans plusieurs villes françaises au début de 2006 et qui consiste à distribuer de la soupe au lard parmi les pauvres, excluant ainsi intentionnellement les Musulmans.

Certes, ce sont des affaires mineures, mais des partis ouvertement opposés aux immigrants ont déjà émergé dans de nombreux pays et commencent à exiger non seulement des contrôles efficaces aux frontières, mais l'expulsion des immigrants illégaux. Un mouvement anti-immigration est en train de se former sous nos yeux, de manière largement inaperçue. Si son parcours est encore très discret, son potentiel n'en est pas moins énorme. Les éléments opposés à l'immigration et à l'Islam ont généralement des racines néofascistes mais ont gagné en respectabilité avec le temps, se sont dépouillés de l'antisémitisme de leurs origines et de leurs théories économiques douteuses pour se concentrer plutôt sur les questions de foi, de démographie et d'identité, et pour étudier l'Islam et les Musulmans. Le British National Party et le Vlaamse Belang belge sont deux exemples d'une telle évolution vers la respectabilité, laquelle peut déboucher un jour sur l'éligibilité. Ainsi, la course à la présidence française en 2002 s'est résumée à une compétition entre Jacques Chirac et le néofasciste Jean-Marie Le Pen.

D'autres partis de ce type ont déjà goûté au pouvoir. Jörg Haider et le Freiheitliche Partei autrichien y ont accédé brièvement. La Lega Nord italienne a fait partie des années durant de la coalition au pouvoir. Ces partis vont vraisemblablement progresser car leurs messages anti-islamistes et souvent anti-islamiques trouvent un répondant et les partis du courant dominant vont probablement les adopter en partie (le Parti conservateur danois en est un exemple - il est revenu au pouvoir en 2001, après 72 ans passés dans la marge, essentiellement en raison du mécontentement provoqué par l'immigration). Ces partis bénéficieront sans doute de la situation lorsque l'immigration gonflera encore pour atteindre des proportions incontrôlables en Europe, avec peut-être un exode de masse en provenance d'Afrique, comme l'indiquent de nombreux indices.

Une fois au pouvoir, les partis nationalistes rejetteront le multiculturalisme et tenteront de rétablir les valeurs et les mœurs traditionnelles. On ne peut que spéculer sur les moyens qu'ils utiliseront et sur les répliques des Musulmans. Peters s'attarde sur les aspects fascistes et violents de certains groupes et s'attend à ce que la réaction antimusulmane revête des formes menaçantes. Il esquisse même un scénario dans lequel «des navires américains sont à l'ancre et des Marines sont descendus à terre à Brest, Bremerhaven ou Bari pour garantir l'évacuation des Musulmans d'Europe dans de bonnes conditions».

Depuis des années, les Musulmans s'inquiètent justement de telles incarcérations brutales, suivies d'expulsions, voire de massacres. Déjà dans les années 1980, feu Kalim Siddiqui, alors directeur du London's Muslim Institute, agitait le spectre des «chambres à gaz hitlériennes pour Musulmans». Dans son livre de 1989, Be Careful With Muhammad (Soyez prudents avec Mahomet), Shabbir Akhtar avertissait que «la prochaine fois qu'il y aura des chambres à gaz en Europe, il n'y a aucun doute sur l'identité de ceux qu'on y mettra», à savoir les Musulmans. Un personnage du roman de Hanif Kureishi paru en 1991 et intitulé The Buddha of Suburbia (Le Bouddha des banlieues), prépare une guérilla dont il prévoit l'instauration quand «les blancs se seront tournés contre les noirs et les Asiatiques et tenteront de nous faire passer dans des chambres à gaz».

Mais il est plus vraisemblable que les revendications européennes seront mises en œuvre pacifiquement et légalement, et que les violences proviendront de Musulmans, conformément aux récentes tendances à l'intimidation et au terrorisme. De nombreux sondages confirment que 5% environ des Musulmans britanniques approuvent les attentats à la bombe du 7 juillet, ce qui indique une disposition générale à recourir à la violence.

Quoi qu'il en soit, on ne peut pas s'attendre à ce qu'un redressement des Européens se déroule de manière coopérative.

 

III. Intégration des Musulmans

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Dans le scénario le plus réjouissant, les Européens autochtones et les immigrants musulmans trouvent un modus vivendi et vivent ensemble harmonieusement. Le témoignage peut-être le plus classique de cette perspective optimiste provient d'une étude de 1991, La France, une chance pour l'Islam, par Jeanne-Hélène et Pierre Patrick Kaltenbach. «Pour la première fois dans l'histoire, il est offert à l'islam de ‹se réveiller› dans un pays démocratique, riche, laïc et pacifique», écrivaient-ils alors. Cette espérance persiste. Un article de premier plan paru dans l'Economist à la mi-2006 affirme que «pour le moment du moins, la perspective d'Eurabia semble alarmiste». À la même époque, Jocelyne Cesari, professeur associée à la Harvard Divinity School, discernait un équilibre en la matière : de même que «l'Islam change l'Europe», disait-elle, «l'Europe change l'Islam». Elle estime ainsi que «les Musulmans ne veulent pas changer la nature des États européens» et s'attend à les voir s'adapter au contexte européen.

Mais un tel optimisme est hélas peu justifié. Les Européens pourraient certes encore redécouvrir leur foi chrétienne, faire davantage d'enfants et mieux chérir leur patrimoine. Ils pourraient encourager une immigration non-musulmane ou acculturer les Musulmans vivant parmi eux. Mais ces changements ne sont pas en cours actuellement, et les chances de les voir apparaître sont faibles. Au lieu de cela, les Musulmans cultivent des revendications et des ambitions conflictuelles à l'égard de leurs voisins indigènes. Fait inquiétant, chaque génération semble plus aliénée que la précédente. Le romancier canadien Hugh MacLennan qualifia le fossé anglais-français séparant son pays de «Two Solitudes» ; un phénomène similaire apparaît et se développe en Europe, mais de manière beaucoup plus prononcée. Ces sondages de Musulmans britanniques, par exemple, révèlent qu'une majorité d'entre eux perçoivent un conflit entre leur identité britannique et leur identité musulmane - et ils souhaitent l'instauration de la loi islamique.

L'éventualité de voir les Musulmans accepter les restrictions de l'Europe historique et s'intégrer sans heurt dans ce cadre peut être pratiquement exclue. Même Bassam Tibi, professeur à l'université de Göttingen, qui a maintes fois averti que «soit l'Islam s'européanise, soit l'Europe s'islamise» a personnellement abandonné tout espoir pour le continent. Récemment, il annonça qu'il allait quitter l'Allemagne, après avoir y vécu 44 ans, pour déménager à l'université de Cornell, aux États-Unis.

Conclusion

Comme le résume le commentateur américain Dennis Prager, « Il est difficile d'imaginer un autre scénario pour l'Europe occidentale que l'islamisation ou la guerre civile». En effet, ces deux alternatives extrêmement déplaisantes semblent bien définir les choix offerts à l'Europe - prise entre deux forces antagonistes, l'une menant au pouvoir des Musulmans et l'autre à leur expulsion, elle peut devenir une extension de l'Afrique du Nord ou entrer dans un état de quasi guerre civile.

Quelle voie prendra-t-elle ? Les événements décisifs qui apporteront une réponse à cette question sont encore en devenir, de sorte que personne ne peut porter un jugement définitif. Mais l'heure de la décision est proche. D'ici la prochaine décennie à peu près, les louvoiements actuels toucheront à leur terme, l'équation Europe-Islam se resserrera et la pente qui déterminera l'avenir du continent devrait apparaître.

Il est d'autant plus difficile d'anticiper cette transformation qu'elle est sans précédent historique. Aucun territoire de grande envergure n'a jamais ainsi glissé d'une civilisation à une autre à la suite de l'effondrement démographique, religieux et identitaire d'une population ; et aucun peuple ne s'est jamais redressé à une telle échelle pour prôner son patrimoine historique. Le problème européen est si inédit et si étendu qu'il est difficile de le comprendre, tentant de l'ignorer et presque impossible d'en pronostiquer l'évolution. L'Europe nous entraîne tous en terre inconnue.

 

Daniel PIPES (traduction en français : Alain Jean-Mairet)

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Daniel Pipes est directeur du Forum du Moyen-Orient et professeur invité à l'université de Pepperdine. Cet article a été adapté d'un exposé donné au Centre de conférence Woodrow Wilson et intitulé «Euro-Islam: la dynamique d'une intégration efficace».

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[1] De Morgen, 5 oct. 1994. Cité dans Koenraad Elst, «The Rushdie Rules», Middle East Quarterly, Juin 1998.

[2] Il est frappant de relever qu'à ces trois égards, l'Europe et les États-Unis étaient beaucoup plus semblables il y a 25 ans qu'ils ne le sont aujourd'hui. Cela indique que leur écart actuel résulte moins d'évolutions historiques remontant à plusieurs siècles qu'à des développements intervenus dans les années 1960. Cette décennie a eu un impact très marqué sur les États-Unis, mais elle a affecté l'Europe beaucoup plus profondément encore.

Source du texte : REVUE MILITAIRE SUISSE.CH 

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Un site sur Jean Raspail

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http://jeanraspail.free.fr/

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Kateschismus der deutschen "Weltalternative"

Jürgen W. GANSEL :

Katechismus der deutschen »Weltalternative«

Armin Mohler/Karlheinz Weißmann: Die Konservative Revolution in Deutschland 1918-1932

Armin Mohler selbst stellte die Frage: »,Konservative Revolution‘ – ist das nicht ein Widerspruch in sich selbst? Kann es einen bewahrenden Umsturz geben?« Und als Schöpfer dieser Begriffsbildung, die zu den erfolgreichsten in der jüngeren Ideengeschichtsschreibung gehört, erklärte er frank und frei: »Ja«. Im Geisteskampf der Weimarer Zeit sah er neue Denkströmungen jenseits von Reaktion und Revolution ihre gewaltige Ausstrahlungskraft entfalten. Eine von jungen Intellektuellen getragene Erneuerungsbewegung verschmolz diese beiden so scheinbar gegensätzlichen Begriffe mit neuem nationalistischen Ideengehalt und wandte sich ebenso gegen eine Bewahrung um der Bewahrung Willen, wie gegen eine Revolution um der Revolution willen. In strikter Abgrenzung von der überlebten wilhelminischen Vergangenheit, der staats- und volkszerstörenden liberalistischen Gegenwart und der drohenden bolschewistischen Zukunft traten die konservativen Revolutionäre auf den Plan. Ihr Ansinnen brachte Moeller van den Bruck auf die Kurzformel: »Dinge zu schaffen, die zu erhalten sich lohnt.« Revolutionär sollten neue deutsche Verhältnisse geschaffen werden, unter denen Bewahrung überhaupt erst wieder möglich und wünschenswert ist.
Erstmals tauchte das Begriffspaar »konservative Revolution« im Gewoge des Mai 1848 auf, um die geistige Unübersichtlichkeit dieser Tage zwischen Revolution und Restauration zu bezeichnen. 1923 schrieb Moeller van den Bruck dann in seinem Schlüsselwerk »Das dritte Reich« das Grundanliegen einer konservativen Revolution nieder. Vier Jahre später sekundierte ihm der Dichter Hugo von Hofmannsthal in seiner Rede zum »Schrifttum als geistiger Raum der Nation« und erklärte, Ziel dieser Denkrichtung sei »eine neue deutsche Wirklichkeit, an der die ganze Nation teilnehmen« könne.
Endgültig eingeführt wurde das Begriffspaar aber erst 1950 durch Armin Mohler und sein einzigartiges Buch, das nun in einer sechsten, völlig überarbeiteten und erweiterten Auflage vorliegt. Dem zeitweiligen Privatsekretär Ernst Jüngers ist es darin wie keinem Autor davor und danach gelungen, die rechtsintellektuelle Kritik am Weimarer System in ihrer ganzen Bandbreite bibliographisch zu dokumentieren, geistig zu durchdringen und politisch zu würdigen. Der einzige Jüngere, der sich fachlich profund und mit viel politischem Einfühlungsvermögen des Themas annimmt, ist der Historiker Karlheinz Weißmann. Fast zwingend beauftragte Mohler deshalb ihn mit der Fortschreibung seines Werkes. Auf aktuellem Forschungsstand und frei von antifaschistischem Distanzierungszwang kann der geneigte Leser hier in das Zeitkolorit von Weimar eintauchen, als noch gefühlsschwere Weltanschauungen in scharfer Konkurrenz standen und tatbereite Persönlichkeiten nicht nur mit der Feder um die Neugeburt ihres Vaterlandes rangen.
Ursache und Folge dieser geistesrevolutionären Tage waren Zeitschriftentitel wie »Standarte« und »Der Vorkämpfer«, »Die sozialistische Nation«, »Die Kommenden« und »Widerstand«. Für diese und andere Organe griffen die Gebrüder Jünger und Friedrich Hielscher, Ernst Niekisch und Edgar Julius Jung, Hans Zehrer und Carl Schmitt zur Feder. In den konservativ-revolutionären Kreisen tummelten sich der Politiker Gregor Strasser, der Feldherr Erich Ludendorff, der Bauernführer Claus Heim, der Freikorpskämpfer Ernst von Salomon und der Soziologe Hans Freyer.
Es gab jedoch kein Zentralorgan, keine Generalversammlung und keine Sammlungspartei, in der sich die konservativen Revolutionäre zusammengefunden hätten, um ihr gleichgerichtetes Wollen kundzutun. Es existierte nur ein geistiges Kraftfeld, in dem Personen und Ideen zirkulierten, ohne eine direkte geistige Einheit zu bilden. Armin Mohler identifizierte mit den Völkischen, den Jungkonservativen, den Nationalrevolutionären, der Landvolkbewegung und den Bündischen fünf Denkfamilien der konservativen Revolution, nicht ohne festzustellen: »Dieses Buch stellt Menschen nebeneinander, die nichts gemeinsam zu haben scheinen. (…). Nordische Urnebel – Ministerialbürokratie und Salon – Sprengstoff und Untergrund – Widerstand des Bauerntums gegen Gerichtsvollzieher und Maschine – Banjo-Klänge in den Kothen am Lagerfeuer: wie reimt sich das alles zusammen?«

Revolution gegen die Revolution

Nach Lektüre der Monumentalstudie weiß man, daß es sehr wohl einen gemeinsamen Kernbestand an Zielvorstellungen und vor allem Feindbildern gab: Der Trümmerhaufen der Gegenwart samt seiner in der Französischen Revolution von 1789 geborenen Geisteshaltungen sollte beseitigt und einer neuen Volks- und Staatsordnung der Weg geebnet werden. Der Dichter Rudolf Borchardt spitzte dies 1931 so zu: »Die ganze Welt wird reißend konservativ, aus Selbstschutz, aus Erbschutz, aus der Pflicht heraus, die durcheinandergerüttelten Elemente (…) wieder einzufangen, jeder auf einem anderen Wege, wir auf dem schwersten, der Wiederumstürzung des Umsturzes, der negierten und negierenden Negation, der Revolution gegen die Revolution.«
Das Aufkommen dieser Denkströmung hing ursächlich mit einer Reihe von zeitgeschichtlichen Ereignissen zusammen. Dazu gehörte 1917 die rote Oktoberrevolution, die für konservative Revolutionäre sowohl Angstfaktor und Feindbild als auch Inspirationsquelle für die nationalrevolutionäre Umgestaltung des eigenen Landes war. Ein Jahr später markierte der Zusammenbruch der Monarchie eine Epochenwende, die die Zeitgenossen aufwühlte und insbesondere die Jugend zu politisch »Suchenden« mit großem Sehnsuchtspotential machte. Entscheidende Faktoren für die Entstehung eines neuen Nationalismus waren überdies das Kriegserlebnis und das Versailler Diktat. Der Weltkrieg überspülte alle bis dahin bestehenden geistigen und sozialen Gegensätze im Volk und schweißte die Deutschen zu einer kriegsgestählten Schicksalsgemeinschaft zusammen. Der Nationalrevolutionär Franz Schauwecker konnte deshalb feststellen: »Wir mußten den Krieg verlieren, um die Nation zu gewinnen.« Mit dem Versailler Diktatfrieden entlarvte sich der Westen als Unterdrücker Deutschlands, dessen Heuchelparolen von »Freiheit« und »Demokratie« schon damals nur die eigenen maßlosen Herrschaftsansprüche bemäntelten. Unter dem Eindruck des »Entente-Kapitalismus« stellte Moeller van den Bruck fest: »Nicht Klassen, sondern Nationen sind heute die Unterdrückten.«

Konservativ-revolutionäre Denkfamilien

Aus den krisenhaften Zeitumständen sind – nach Auffassung Mohlers – die Denkfamilien der Völkischen, der Jungkonservativen und Nationalre- volutionäre, der Bündischen und der Landvolkbewegung hervorgegangen. »In ihnen ist die Welt der ,Ideen von 1789’ mit einer unbedingten Verneinung ihrer Werte konfrontiert«, so der Bibliograph der deutschen Gegenrevolution.
Die Völkischen übten eine starke Vergangenheitsschau und knüpften konsequent an die germanisch-heidnischen Wurzeln des deutschen Volkstums an. Das Wort »völkisch« setzten sie in bewußten Gegensatz zum Begriff »national«, weil eine Nation als Staatsvolk auch Angehörige fremden Volkstums umfassen kann. Das Judentum begriffen diese Kreise als »Fremdkörper, das es aus rassehygienischen Gründen aus der Volksgemeinschaft auszusondern« gelte. Dem Kapitalismus warfen die Völkischen seine immanente Einebnung aller ethno-kulturellen Eigenheiten vor, und sie entwickelten sozialromantische Ideen von Entstädterung und Re-Agrarisierung im Zeichen einer neuen Einheit von Blut und Boden.
Die Jungkonservativen waren – wie es der Name schon vermuten läßt – mehr konservativ als revolutionär geeicht. Ihre Liberalismus- und Parteienkritik führte zu Forderungen nach einem ständestaatlichen und neoaristokratischen Staatsaufbau. Als Antwort auf Versailles strebten sie nach einem »neuen Reich« mit durchaus übernationalen Zügen. Eine echte Staatsautorität sollte eine gegliederte Volksordnung mit der »Herrschaft der Besten« sicherstellen. Edgar Julius Jung formulierte: »Rechte Demokratie, d.h. die Herrschaft des nur metaphysisch zu begreifenden volonté générale, ist das höchste Ideal; es kann aus dem organischen Weltbild nicht hinweggedacht werden. In diesem Sinne ist Demokratie vollendeter Konservativismus.«
Ganz anderes wollten die Nationalrevolutionäre – geistig wie in der Wahl der Mittel, wozu auch schon einmal Sprengstoff und Attentat gehören konnten. Sie, die manchmal auch als Nationalbolschewisten bezeichnet wurden, bejahten entschieden den Untergang der monarchischen Ordnung, dem die Vernichtung der Weimarer Schand- und Chaosrepublik folgen sollte. Alles war den Nationalrevolutionären recht, um die Ketten von Versailles zu zerbrechen und die Weltausbeutung durch den Westen zu beenden. Zur Schwächung der Entente-Mächte gab es in diesen Kreisen Sympathien für ein außenpolitisches Bündnis mit Sowjetrußland. Den Liberalismus bekämpften diese »Jungen Wilden« in seiner politischen wie wirtschaftlichen Gestalt. Durch eine soziale Umwälzung – gemeint war die Entmachtung des Großbürgertums und die Schaffung eines autarken, vom angelsächsisch dominierten Weltkapital unabhängigen Deutschlands – sollte die nationale Freiheit errungen werden.
Dann war da noch die bündische Jugend, die es in der erstarrten Bürgerwelt nicht mehr aushielt und die Rückkehr zum Wesentlichen, also einer naturhaften Lebensweise, anstrebte. Sie verband ihre Zivilisationskritik mit dem Sehnen nach einer brüderlichen Volksgemeinschaft ohne die Entfremdungszustände der modernen Welt. Ihr antibürgerlicher Habitus fand seine Ergänzung in der preußischen Suche nach Bindung und Gemeinschaft. Nicht ihres Schrifttums, das spärlich war, sondern ihres Lebensgefühls wegen zählte Mohler mit einigem Recht die Bündischen zu den konservativen Revolutionären.
Die bäuerliche Existenzkrise ließ Ende der 1920er Jahre im Norddeutschen die Landvolkbewegung entstehen, die sich zuerst nur gegen kapitalistische Freihandelsdiktate und die Gleichgültigkeit der Weimarer Parteien wandte. Angesichts fortgesetzter Zwangsversteigerungen ihrer traditionsreichen Höfe sowie staatlicher Provokationen radikalisierten sich die Bauern aber immer mehr und lernten das System der Parlamente und Banken zu hassen. Als sich mit diesem urkonservativen Kampf für Leben und Scholle literarisch beschlagene Nationalrevolutionäre solidarisierten und dem Formlosen eine Form zu geben suchten, entstand eine ganz eigene Verbindung von Konservativem und Revolutionärem – ein revolutionäres Landvolk eben.
Diesem Fünf-Gruppen-Schema stellte Mohler ein Buchkapitel »Leitbilder« voran, das zeigt, wie stark sich der Autor in die Zeitstimmung der Weimarer Republik einzufühlen vermag und wie vertraut er mit den Leitgedanken ist, die – neben den benannten äußeren Anlässen – den eigentlichen Humus der konservativen Revolution bildeten. Es handelt sich hierbei um eine grandiose Aktualisierung Nietzsches, die »Friedrich den Unzeitgemäßen« als einen ihrer Erzväter ausweist. Der geschichtsphilosophische Nachweis der Unvereinbarkeit von Christentum und konservativer Revolution ist ebenso bedeutend wie der Abschnitt zum »heroischen Realismus«, den man als »Rechter« einfach gelesen haben muß.
Dieses Kapitel »Leitbilder« fehlt in der Neuausgabe aber genauso wie andere entscheidende Texte Mohlers. Ganz ohne Zweifel hat der Verlag mit Karlheinz Weißmann den einzigen Ideenhistoriker gewinnen können, der die Wissensfülle, die Formulierungssicherheit und Gesinnung Mohlers teilt. Die Ausführungen zum »Deutschen Sonderbewußtsein« oder zum »Weltkrieg als Kulturkrieg« sind wie alles von Weißmann überaus lesenswert. Aber auch dessen gelungene Fortschreibung ersetzt nicht die eigentlichen Ursprungstexte mit ihrer stilistischen Brillanz und Gedankentiefe. Hier liegt ein nicht wegzurezensierendes Defizit der Neuausgabe, das auf Kosten des Stoffes selbst geht, auch wenn der neue Bildteil ganz nett ist.
Eingedenk des stolzen Preises von 49,90 Euro wäre die kaufmännische Rechnung des Verlages sicherlich auch dann noch aufgegangen, wenn man die 165 Seiten umfassenden Originaltexte übernommen und den Weißmann-Texten an die Seite gestellt hätte.
So kann nur noch die Empfehlung ausgesprochen werden, sich die »Konservative Revolution« aus der Feder Mohlers unverzüglich antiquarisch und die Neuausgabe beim DS-Verlag zu besorgen. Das Original wie die Fortschreibung sind Schlüsselwerke zur Ergründung dessen, was Karlheinz Weißmann zitierend die deutsche »Weltalternative« nennt – jene Bestrebungen, »die Deutschen bei sich selbst zu halten, zu sich selbst zurückzuführen oder zu sich selbst zu machen«.

Jürgen W. Gansel


Buchempfehlung: Armin Mohler/Karlheinz Weißmann: Die Konservative Revolution in Deutschland 1918-1932, 643. S., Abb., geb., 49,90 Euro. Zu beziehen beim DS-Verlag, Postfach 100 068, 01571 Riesa.

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Subha Chandra Bose et l'indépendance indienne

Il y a soixante ans disparaissait le combattant national-révolutionnaire indien Subha Chandra Bose !

Thomas HARTENFELS :

Subha Chandra Bose : le troisième homme dans la lutte pour l'indépendance de l'Inde

Le Premier ministre indien actuel, Atal Bihari Vajpayee a rendu visite fin mai au lieu où est née la nation indienne moderne, le pays où, pour la première fois, on a joué son hymne national, où l'on a hissé pour la toute première fois le drapeau national indien et où l'on a imprimé les premiers timbres-poste indiens : Atal Bihari Vajpayee a visité l'Allemagne.

Les premières manifestations indépendantes de l'Etat indien actuel se sont en effet déroulée en Allemagne, notamment grâce aux impulsions données, à l'époque par Subha Chandra Bose. A côté de Gandhi et de Nehru, Bose est le plus connu des combattants indépendantistes indiens. Lors de son exil en Allemagne, il a forgé des plans pour libérer sa patrie du joug colonial britannique.

Les exilés indiens déclarent la guerre à l'Empire britannique

Après que la police britannique ait procédé à de nombreuses arrestations en Inde, Subha Chandra Bose, l'ancien maire de Calcutta, décide de quitter le pays en 1941, en compagnie de son épouse allemande, qu'il avait connue lors d'un séjour prolongé à Vienne. Muni d'un passeport de diplomate italien, il se rend en Allemagne en passant par Kaboul et l'Union Soviétique (qui n'était pas encore en guerre avec le Reich; ndt). Âgé à l'époque de 44 ans, Bose appelle les Indiens par radio depuis l'Allemagne à se soulever comme les colonisateurs britanniques; en même temps, il recrute des volontaires pour l'“Azad Hind”, la Légion “Inde Libre”.

Les succès militaires allemands contre l'Union Soviétique, à partir de juin 1941, et contre les Britanniques en Afrique du Nord, encouragent Bose à former une “Légion indienne” en 1942, dont l'objectif est de libérer l'Inde avec l'aide des forces de l'Axe. Les quelque 3000 volontaires de la “Légion indienne” seront instruits dans la région de Dresde. Ils portent des uniformes allemands avec, sur la manche, les couleurs nationales indiennes, sur lesquelles se détachent un tigre bondissant et la mention, en allemand, de “Freies Indien” (= “Inde Libre”). La langue de cette unité est une forme simplifiée d'hindoustani, qui tient compte de la grande diversité des dialectes indiens et de la complexité du système des castes. Les officiers allemands, affectés à l'unité, doivent l'apprendre via un manuel spécial, édité par la Wehrmacht, intitulé Hindustani-Sprachlehre (= Manuel d'hindoustani). Les symboles extérieurs de l'Etat indien ont donc été utilisés et présentés pour la première fois en Allemagne, quatre ans avant l'indépendance de l'Inde. En 1943, Bose fonde à Hambourg la “Deutsch-Indische Gesellschaft” (= La société germano-indienne). Lors des cérémonies qui présidèrent à cette fondation, la mélodie de l'actuel hymne national indien a été jouée pour la première fois et les trois couleurs indiennes ont été hissées au mat. Au même moment, les premiers timbres-poste indiens sortent d'une imprimerie berlinoise.

Le 26 janvier 1943, des officiers allemands et la “Légion Indienne” fêtent de concert le jour de l'indépendance indienne, fête nationale célébrée aujourd'hui encore en Inde. L'Inde libre, comme le voulait le mouvement indépendantiste, a pris forme en Allemagne.

Bose voulait étendre la lutte pour l'indépendance sur plusieurs fronts. En 1943, il se rend au Japon comme passager à bord d'un sous-marin allemand, l'U-Boot 180. Arrivé à Tokyo, il lance quelques-uns de ses célèbres appels radiophoniques, très écoutés et quasi légendaires en Inde, et, avec l'aide des Japonais, met une armée nationale indienne de 50.000 hommes sur pied. Tandis que la “Légion indienne” se battait aux côtés des Allemands en France, notamment pour tenter d'enrayer la progression des Alliés occidentaux après le débarquement de Normandie, l'“Armée Nationale” de Bose participait avec succès à l'offensive japonaise en Birmanie. En tant que chef du gouvernement indien en exil, Bose déclare la guerre en 1943 à la Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Le 18 août 1945, deux ans avant que son objectif ne se soit réalisé, c'est-à-dire l'indépendance de l'Inde, Subha Chandra Bose périt dans un accident d'avion au-dessus de Taiwan, en revenant du Japon.

La fille de Bose vit toujours en Allemagne aujourd'hui

La fille de Subha Chandra Bose, Anita, née en 1941 en Allemagne, est aujourd'hui professeur d'économie politique à l'Université d'Augsbourg. Anita Pfaff s'occupe beaucoup d'histoire indienne et, plus particulièrement, du rôle de son père dans la lutte pour l'indépendance de l'Inde. Comme la plupart des Indiens aujourd'hui, elle sait que l'indépendance de leur grand pays n'a été possible que par l'action résolue de quelques hommes comme Bose, Nehru et Gandhi. Les festivités qui se sont déroulées partout en Inde à l'occasion du centième anniversaire de la naissance de Bose en 1997 le prouvent amplement. Un aéroport et plusieurs artères dans les grandes villes indiennes portent son nom. Il y a des monuments à sa gloire, ainsi que des pièces de monnaie et des timbres-poste.

Thomas HARTENFELS.

(article paru dans Junge Freiheit, n°28/2003 - http://www.jungefreiheit.de ).

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"Europe" et "Occident": deux concepts antagonistes

"Europe" et "Occident"; deux concepts antagonistes

par Claudio FINZI

Nos hommes politiques et nos intellectuels parlent continuellement de l'Europe et de l'Occident, comme s'il était évident que la pre-mière était contenue toute entière dans le second. L'Occident, dans une telle acception, indiquerait ainsi un ensemble formé par les pays d'Europe, surtout d'Europe occidentale, et les Etats-Unis d'Amérique, avec l'appendice canadien. En d'autres mots, l'Occident coïncide avec l'OTAN.

Mais si nous examinons l'origine du terme "Occident", non pas au sens géographique évidemment, mais au sens politique, nous dé-couvrons quelque chose de très différent de cette acception ³otanienne²: au début du XIXième siècle, aux Etats-Unis d'Amérique, cette expression est née, non pas pour englober l'Europe dans un contexte atlantique plus vaste, mais, au contraire, pour que le jeune Etat américain prenne ses distances par rapport aux pays du Vieux Continent.

Nous trouvons les premières traces de cette distinction dans les dis-cours de l'un des plus intéressants présidents américains, Thomas Jefferson, dont on a fêté en 1993 le 250ième anniversaire de la nais-sance. Déjà en 1808, Jefferson affirmait que l'Amérique était un "hémisphère séparé"; ensuite, en 1812, et plus nettement encore en 1820, il évoquait un méridien destiné à séparer pour toujours "notre hémi-sphère" de l'Europe. Dans l'hémisphère américain, prophétisait-il, c'est-à-dire l'hémisphère occidental, "le lion et l'agneau vivront en paix l'un à côté de l'autre".

L'étape suivante fut celle de la fameuse déclaration du Président Monroe, le 2 décembre 1823, par la-quelle il interdit à toute puis-sance européenne d'intervenir dans l'hémisphère occidental-améri-cain. Depuis lors, l'affirmation de cette spécificité occidentale-amé-ricaine est allé crescendo, jusqu'aux prises de position du Président Théodore Roosevelt au début de notre siècle, puis aux déclarations diploma-tiques de 1940 et de l'immédiat après-guerre. Ce qui compte, c'est que dans tous ces discours, dans toutes ces déclara-tions, dans tous ces documents diplomatiques américains, par hémi-sphère occidental, par Occident, on entend quelque chose de radica-lement opposé à l'Europe. Il ne s'agit pas seulement d'indiquer et de délimiter une sphère d'influence ou une zone de défense dans la-quelle on exclut la pré-sence de tout ennemi potentiel. Si tel était le cas, l'Occident ne serait que l'une de ces innombrables dé-nomina-tions utilisées en politique et en diplomatie pour définir un lieu ou une situation géographique ou stratégique.

Il s'agit de bien autre chose. En réalité, l'idée de choisir un méridien qui séparerait l'Europe de l'Occident se fonde sur l'idée que l'Occident, c'est-à-dire l'Amérique comprise comme Occident par opposition à l'Europe, serait fondamentalement différent de l'Europe dans son essence et sa signification. Cette idée se fonde donc sur la présomption que ces deux mondes, le vieux et le nouveau, sont ra-dicalement diffé-rents par nature, selon la tradition et la morale. Dans un tel contexte, l'Amérique finit par être différente de l'Europe, parce que l'Amérique est la terre de l'égalité et de la li-berté, opposée à l'Europe, terre où existent des stratifications so-ciales et où règne l'oppression. L'Amérique, comprise comme Etats-Unis d'Amérique, est la terre où l'homme bon a réussi à créer un ordre social et politique bon, tandis que l'Europe est la terre du vice et de la corruption; l'Amérique est la terre de la paix, l'Europe, celle de la dis-corde et de l'esclavage.

Le méridien, qui devrait séparer l'Occident de l'Europe, revêt donc une fonction de préservation des bons contre les mauvais, signale une opposition radicale et insurmontable, du moins tant que l'Europe ne re-nonce pas à ses perversités (mais sera-ce un jour possible?).

Ce type de raisonnement trouve ses racines dans les plus anciennes traditions politiques américaines, celles des pères fondateurs. Rappelons-nous qu'ils étaient des puritains, des protestants extré-mistes, animés par une profonde foi en Dieu et en eux-mêmes, parce qu'ils croyaient être des élus de celui-ci, contraints d'abandonner l'Angleterre pour échapper aux persécutions et aux contacts entre protestants corrompus et papistes diaboliques. Pour eux, l'Amérique était une terre vierge, où ils pouvaient construire un monde nouveau, un monde de ³purs², un monde pour le peuple de Dieu, un monde libéré des règles im-pies de l'Europe, heureuse-ment séparé de celle-ci par des milliers de miles d'océan.

Dieu avait donc donné l'Amérique à ses habitants et ceux-ci devaient la garder pure et incorrompue, libre de toutes les turpitudes euro-péennes qu'ils venaient d'abandonner. La Doctrine de Monroe et la notion d'"hémisphère occidental" sont la transposition politique et laïcisée au fil des décennies, de cette menta-lité qui, au départ, était religieuse et qui aspirait à une séparation plus nette d'avec l'Europe.

Ceux qui, aujourd'hui, utilisent indifféremment les termes "Europe" et "Occident", comme s'ils étaient synonymes, ou comme si le se-cond comprenait la première, et adoptent cet usage erroné, com-mettent une grave erreur historique et politique. A moins qu'ils n'acceptent, consciemment ou inconsciemment, la vision américaine du monde, espérant de la sorte que l'Europe soit entrée tout entière dans l'Occident.

Il me semble bon de relever le fait suivant: dans la définition de l'Occident, telle qu'elle est née chez un Jefferson, s'inscrivent d'emblée les deux formes américaines de concevoir les relations internationales, que l'on a coutume de considérer comme exclusive l'une de l'autre: l'interventionnisme et l'isolationnisme. En effet, si l'Occident est le "bien", est le monde non infecté par les perversités européennes, alors il faut en tirer deux conséquences. D'une part, on peut décider de se refermer sur soi-même, pour empêcher la conta-gion d'entrer; d'autre part, on peut décider de sortir de sa propre tranchée pour s'élancer et sauver le monde. C'est cette seconde politique qui a prévalu dans l'histoire américaine, surtout parce que l'idée d'un Occident incorrompu s'est unie à celle du "destin manifeste" des Etats-Unis (cette expression a été forgée en 1845 durant le conten-tieux qui opposait les USA à l'Angleterre pour l'Oregon) pour former le pire des impérialismes.

Ainsi, toute action américaine sur le continent américain relève de la défense des intérêts propres des Etats-Unis; toute action outre-mer est dès lors une "mission" du Bien pour sauver le monde. Tandis que la réciproque ne vaut pas pour les Européens, porteurs du "mal", qui ne pourront jamais s'ingérer de bon droit dans les affaires du continent américain, comme le prétendait précisément la Doctrine de Monroe, qui interdisait aux Européens tout mouve-ment à l'Ouest du méridien ³séparateur². Ceux qui en Europe au-jourd'hui s'imaginent être des paladins de l'Occident, sont tout sim-plement des individus qui se sont inté-grés dans le mode d'être et de penser des Américains et qui, consciemment ou inconsciemment, estiment avoir été ³sauvés² par eux et ³libérés². En réalité, ils se sont soumis dans l'âme, en renonçant aux tradi-tions européennes.

Claudio FINZI.
 

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dimanche, 11 mars 2007

Réflexions sur la notion de "soldat politique"

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Pour nourrir la réflexion de ce thème inactuel, qu'est la notion du "soldat politique", nous proposons un texte de Carlos Salas issu de la revue espagnole Fundamentos n° 2 (1984), traduit par Rogelio Pete et publié dans la revue VOULOIR n° 80-82 (sept. 1991).

Carlos SLAS :

Réflexions sur la notion de "soldat politique"

Durant dix ans, au Vietnam, la machine de guerre des États-Unis d’Amérique, dotée de la meilleure capacité destructive que l’histoire ait jamais connue, a répondu avec une violence sans égal aux attaques d’une armée de paysans pour la plupart analphabètes. La capacité dévastatrice des bombardements américains a montré sa terrible réalité sans aucun masque : l’aviation américaine a, durant les 3 premières années de son intervention, arrosé le Vietnam d’une plus grande quantité d’explosifs que durant son intervention contre l’Allemagne et les Pays de l’Axe au cours de la IIe Guerre Mondiale. Presque chaque jour, le napalm boutait le feu à des villages, les brûlant en entier ; sur le terrain, les marines en rasèrent des centaines. La VIIe Flotte pilonna jusqu’à l’écrasement toute la côte du Golfe du Tonkin. En 5 ans, le contingent US passa de 15 000 à 500 000 hommes. Les armes les plus performantes de la technologie la plus récente furent employées sur cet excellent terrain de manœuvres et d’essais que constituait le Vietnam. Et cependant, cette armée fut mise en déroute.

Certaines choses résistent à la logique. L’intervention US au Vietnam en est une. Les guerilleros du Vietcong bien qu’approvisionnés d’armes de fabrication soviétique et chinoise restaient néanmoins, en tous points, en état d’infériorité face à la toute puissante machine de guerre américaine. En tous points effectivement excepté un : le moral. Les combattants de Pathet-Lao savaient pourquoi ils luttaient : ils étaient des Soldats Politiques et si la mort était leur destin, ils ne se posaient aucune question sur la vérité ontologique de l’être. Les 56 000 Américains qui laissèrent leur vie dans les marais du Viet-nam auraient-ils pu penser de même ? "Pour les Américains, ce fut une expérience tragique et purificatrice. Le géant industriel et la puissance militaire de l’Amérique ne purent atteindre la victoire. Contrairement à la Guerre de Corée où des forces réguliéres luttèrent sur des frontières reconnues, au Vietnam la supériorité technologique en armements et la puissance de la flotte aérienne se sont révélées insuffisantes contre un ennemi spécialisé dans la guerre insurrectionnelle et pénétré de ferveur révolutionnaire" (Pallmer & Colton in Histoire contemporaine). Cet exemple de ferveur ne fut pas d’ailleurs le 1er de l’histoire. Les 300 Spartiates de Léonidas, les légions de Scipion, les Croisés de Richard Cœur de Lion firent montre d’une même fermeté morale. Nous sommes devant le phénomène du Soldat Politique.

Soldat national contre soldat international

Machiavel considérait que l’une des causes de la ruine de l’Empire romain réside dans cet égarement qui consiste à vouloir grossir ses troupes, jusqu’alors invaincues, de mercenaires. Pour Machiavel, un mercenaire, quelque soit l’importance de la solde reçue, manquera toujours d’une valeur suffisante devant l’adversité. Par contre, les troupes de nationaux, enrôlés dans des contingents nationaux, seront capables de donner leurs vies pour un Prince : "L’expérience nous enseigne que seuls les princes défendus par des armées qui leur sont propres et les républiques qui jouissent de ce même bénéfice font de grands progrès, tandis que les républiques et les princes qui s’appuient sur des armées de mercenaires ne récoltent que des revers" (in Le Prince). Toujours selon Machiavel, les mercenaires seraient des gens souvent sans idées précises, ambitieux, sans discipline, peu fidèles, fanfarons et couards. La raison sautait aux yeux : "ils n’ont pas d’autre amour ni motif qui les attachent au Prince que ceux de leur petite solde".

Il est bien évident que le mercenaire est tout l’opposé du soldat politique. Pour le moins, les raisons de Machiavel sont convaincantes. Mais il laisse néanmoins sans explication le pourquoi de la milice nationale. En effet, pourquoi une armée formée par des hommes ressortissant d’une même communauté ethnique et culturelle était-elle supérieure à toute autre armée, par ex., celle composée d’hommes sous contrat ? Machiavel supposait que des hommes liés à un sol, parlant la même langue et partageant la même tradition, auraient de raisons de savoir ce qu’ils défendaient : patrie, coutume, norme, en somme, ce que nous appelerions une "unité philosophique". Nous savons bien que l’armée nord-américaine n’était pas composée de mercenaires, mais, en revanche, peut-on dire qu’ elle s’appuyait sur une unité philosophique ? Nous pouvons répondre sans hésitation : non.

La morale des "pilgrims" se vida de son contenu lorsqu’entra en scéne la "diversité philosophique" : "elle représente un indice de l’état de dissociation, de cohésion insuffisante du corps social. Ceci est déjà plus grave qu’une simple divergence dans les manières de penser" (in Pasado y Porvenir para el Hombre actual). Vu ainsi, par Ortega, la "diversité philosophique" scinde les nations en cassant les normes morales établies au cours des siècles. Elle fut, à 1ère vue, l’écueil le plus important que rencontra la démocratie américaine. Se battre contre quelque chose, lorsque l’on ne sait pas avec exactitude ce que l’on édifiera lorsque les volutes de brume se dissiperont, est décourageant. Mettre en déroute un Vietcong composé de partisans fanatiques alors qu’au pays, la presse, l’opinion publique et les milieux artistiques réclament à cor et à cri le retrait, est une tâche de titans. Jamais ne pourraient naître dans de telles circonstances des soldats politiques.

Les 3 clés de la victoire

Il semble qu’il faille 3 causes pour qu’un soldat commun se transforme en soldat politique : une injustice, un ennemi et une mission. Les forces de frappe se mesureront alors par le nombre des individus qui participent ouvertement et librement à ces 3 causes. Les Espagnols de la guerre d’Indépendance (1808) les reçurent servies sur un plateau : l’injustice : l’invasion du pays ; l’ennemi : Napoléon ; la mission : l’expulsion de leur territoire de toutes les troupes françaises. Voilà des motifs plus que suffisants pour soutenir un moral de lutte.

Bismarck donna aux peuples germaniques 3 autres motifs pour la consolidation de l’unité de l’Empire : une injuste atomisation de la communauté allemande, une Autriche décadente et oppresseuse et le devoir du soldat prussien à rétablir l’unité. Pour le cas où l’on se heurterait à un ennemi ayant les mêmes arguments, on aurait alors recours à ce que Napoléon appela, en l’adptant, "la logique des baïonnettes". Le reste est question de persévérance.

Le Manifeste du Parti Communiste rédigé par Marx et Engels fut le 1er manuel contemporain du Soldat Politique, avec la particularité de ce que l’ennemi n’était pas extérieur mais intérieur, aussi intime à une communauté nationale que la corporation patronale. La mission des ouvriers fut dès lors et inexorablement de renverser "par la violence tout l’ordre social existant. Les classes dominantes peuvent trembler devant une Révolution Communiste". Et en plus des 3 clés, une consigne : "Prolétaires de tous les pays, unissez vous !"

Jusqu’alors, les "soldats politiques", les "forces autochtones" s’étaient distinguées par l’accomplissement d’une mission contre une entité étrangére à la communauté. Les campagnes militaires étaient capables de réunir coude à coude le valet de ferme et le propriétaire terrien. L’entrée en lutte unissait en un seul bastion celui-ci et celui-là. L’arrivée du Manifeste mit un terme à ce genre de pacte.

Et comme si les siècles précédents eussent servi de banc d’essai à la mise en scéne la plus tourmentée, le XXe siècle fit office de théâtre pour représenter la consécration définitive du soldat politique. Ce qui s’était répété de temps à autre le devint de manière soutenue. Dans un implacable bombardement idéologique, les gouvernements endoctrinèrent leurs fantassins aux consignes et motifs de leur mission dans le monde : effacer l’injustice, annihiler l’ennemi, accomplir son devoir.

De cette manière surgit la redoutable Garde Rouge de Trotsky, le "justicier" Fascio di combattimento de Mussolini, la SS, fer de lance de Hitler, et aussi les obsédants "Bo-Doi" de Hô Chi Minh. Toutes de puissantes armées politiques. Si leurs objectifs étaient différents, leurs fondements étaient communs. La Phalange macédonienne aurait fait long feu devant ces vives machines de guerre.

Le phénomène du soldat politique était-il réellement un phénomène aussi récent ? Dans la protohistoire humaine, la lutte pour la nourriture quotidienne ne donnait pas lieu à philosopher. L’instinct de survie était l’ordre du jour permanent. Il n’était pas nécessaire d’éduquer "politiquement" les jeunes car tous comprenaient instinctivement ce que pouvait signifier la perte du territoire. Les calamités naturelles et les agressions des tribus hostiles étaient les maîtres idéologiques" du clan. Mais avec l’avance de la technique, cet instinct de survie perdit l’impulsion protectrice des premiers temps. L’application de châtiments devint nécessaire afin que l’homme se souvienne en permanence de cet instinct primordial. Dans sa campagne des Gaules, César vérifia un usage qui naquit probablement de ce souvenir forcé : "Tel est l’usage des Gaulois. Pour entreprendre la guerre, ils obligent par la loi tous les jeunes hommes à se présenter armés et celui qui arrive le dernier au lieu de rassemblement, ils l’écartèlent" (in La Guerre des Gaules). Leçon terrifiante aux yeux d’un contemporain, mais vitale pour éviter la relâche de la troupe. Certaines tribus de l’Europe d’alors interdisaient l’approche des marchands auprès des troupes car le vin et les fastes pouvaient amoindrir l’esprit viril des soldats : "Aucun marchand ne pouvait entrer, ils ne permettaient pas l’introduction des vins ni de denrées semblables destinées au plaisir, persuadés que ces articles efféminent l’esprit et font perdre la vigueur, car ces soldats sont d’un naturel brave et fort". La religion et la politique se confondaient chez eux dans un même état d’esprit, en une norme morale héritée de leurs ancêtres.

Mais les communautés modernes, denses et complexes, se sont éloignées de manière radicale de cette connaissance primordiale. Faudrait-il affiner l’art gaulois de l’écartèlement ? Au moins en tout cas éduquer politiquement les jeunes recrues. Autrement dit, leur inculquer un moral.

Du moral du soldat

Tout bon stratége militaire apprécie comme une des armes les plus puissantes celle qui confére cette force animique qui a pour nom : le moral. Avec une forte dose de moral, on peut en une certaine mesure pallier même aux insuffisances de l’armement et aussi à celles du nombre d’hommes alignés. Le fondement d’un moral guerrier est le même dans toutes les armées ; seule varie la "tonalité" avec laquelle se manifeste cette puissance en un caractére déterminé. Mais dans le fond, il consiste à reconnaître que le droit que l’on a à l’existence est plus juste pour soi que pour l’ennemi. Lorsque le soldat perçoit chez autrui que ce droit à autant sinon plus de raison de s’exercer que chez lui, la guerre peut dès lors être considérée comme perdue.

Un Soldat Politique est une totalisation du moral. Bien que sans épée, sans possibilité de sortir vivant du combat, le soldat politique existera tant que survivra l’esprit de lutte et de victoire. Les exemples historiques ont été suffisants où l’on peut voir un groupe d’intrépides affronter avec héroïsme leur destin sachant que leurs vies s’éteindraient avec la fin de la bataille. Un colonel européen contemporain, Hans Frick, décrivait ainsi le moral du guerrier : "Cet esprit du combattant dépend des aptitudes guerrières d’un peuple, de la conviction qu’il a d’avoir la raison et le droit de son côté, de son éducation militaire, de la confiance qu’il met en ses chefs et en sa propre capacité, et, enfin, de l’état physique du soldat." (in Bréviaire tactique)

Les Spartiates de Léonidas, les Kamikazes nippons et certains Feddayims de la Jihad participent de ces particularités. Dans ces 2 derniers cas, la technique de convertit en une simple comparse devant le destin tragique du soldat.

Ce fut le génie de Clausewitz qui pressentit comme personne auparavant l’importance du moral dans ce qu’il dénomma "l’art de la Guerre". Celui qui exclurait de ses règles et de ses principes les facteurs du moral serait un mesquin et un maladroit. Si ces "agents moraux" échappent au savoir livresque, l’on ne peut oublier que leur influence confére le triomphe ou la déroute. "L’alliage" du physique avec ce qui relève du moral est inséparable car ils constituent un tout : "nous pourrions bien dire que ce qui relève du physique est la poignée en bois alors que ce qui reléve du moral est le métal noble de la lame. Par conséquent, le moral est la vraie et authentique arme à devoir manipuler" (in De la guerre). Clausewitz qualifia les facteurs moral comme étant la question la plus importante de la guerre, il se désolait de ce qu’on ne pouvait les quantifier, les classer et les chiffrer : "Ils forment l’esprit qui pénètre jusqu’au plus petit détail de la guerre ; ce sont eux qui s’unissent en premier en une étroite affinité à la volonté, laquelle dirige et met en mouvement toute la mase des forces."

Tels sont les piliers du moral. Il serait donc vain d’établir un tribunal pour décider qui détient la raison en une guerre. De même, il serait sot de soutenir le moral sur la base de démonstrations alignant causes et effets. En fin de compte, ce qui incite à la guerre totale est l’incertitude dans laquelle l’on est : continuerons-nous demain à exister ou disparaîtrons-nous ? Il est très vrai que le moral est fils de cet axiome naturel et non de déductions syllogistiques. C’est pour cette raison qu’il est déprimant d’entendre d’une armée, lorsqu’elle est devant une situation extrême comme l’est la guerre, qu’elle n’est pas empreinte d’un moral à toutes épreuves. La guerre, cette terrible circonstance, oblige qu’on lui fasse face comme le lion au combat et non à la manière de l’autruche qui plonge sa tête dans le sable.

Presse, Propagande et Persuasion

Il existe une infinité de moyens pour doter une armée d’un moral à l’épreuve des bombes. César, qui connaissait à fond la nature de ses légionnaires, avait pour habitude de se poster au sommet d’une colline non seulement pour voir mais aussi pour être vu de ses combattants. De cette manière, chaque Romain se sentait naturellement un héros et était mu par une force combative difficile à contenir par l’ennemi. La Guerre des Gaules posséde plus de valeur comme précis de propagande de guerre que comme ouvrage historique. Grâce à son sens pénétrant de l’observation, César notait rapidement les points faibles tant de ses hommes que de l’ennemi. Lorsqu’en pleine bataille, l’une de ses légions fléchissait, il se lançait à son secours afin de l’aider. Sa présence et deux coups d’épée rétablissaient le. moral et l’ordre de la troupe : "César était si pressé qu’il arriva sans bouclier, en arracha un à l’un de ses soldats en poste au dernier rang, pour ensuite aller se mettre en première ligne. Appelant les centurions par leurs noms, les exhortant à plus d’efforts, il ordonna d’avancer et d’élargir les rangs pour que les coups d’épées soient plus aisés et efficaces. Par sa seule présence, à la vue de leur général au milieu d’un danger extrême, les soldats reprirent espoir et s’illustrèrent à nouveau" (Clausewitz in De la guerre). La lecture de ce passage nous dit combien le moral du soldat est la clé de la victoire.

De nos jours, l’harangue est devenue la propagande. Les immenses armées humaines se nourrissent jour aprés jour de cette harangue moderne dont 1a chaire de vérité est le journal. En temps de guerre, il est l’appui inconditionnel du soldat, lui donnant foi en son combat, lui rappelant ses devoirs, bref le formant comme Soldat Politique.

Au cours des XVIIIe et XIXe siècles, la vulgarisation rapide de la presse servit tout autant à la division des Français qu’à les lancer dans des campagnes des plus audacieuses. Au début, chaque révolutionnaire possédait sa "feuille" déblatérant même contre ceux qui devaient être des siens. Le résultat fut cet infernal carrousel de prises de pouvoir et de chutes de gouvernements. La patience militaire à bout, ce fut le 18 Brumaire. Ces mêmes machines imprimantes furent alors employées à mouler la conscience des Français dans un droit unique, une seule administration, une seule éducation et un code civil, une "Grande Armée" - tout cela sous le sceau d’une seul esprit : Napoléon. Le soldat napoléonien parcourut l’Europe 15 années durant. Il put admirer les coupoles du Kremlin ; il vint à bout de la machine de guerre prussienne ; il pilla les pinacothéques italiennes et tint en un suspens angoissant les habitants des Iles Britanniques. Napoléon put proclamer à la fin de sa vie avec orgueil : "La France est une mine inépuisable. J’en ai été témoin en 1812 et en 1815. Il suffit de mettre le pied sur son sol pour que jaillissent armées et trésors. Un tel peuple ne sera jamais subjugué" (in Mémorial).

Ceci vu, on constate que la Presse et la Propagande qui se mettent au service d’une idée ont le même effet qu’une injection de béton armé dans la structure d’un édifice. Cette structure chez l’humain est "l’unité philosophique" ; une unité - peu importe laquelle – du moment qu’elle soit unique, indivisible et absolument intègre.

Alexis de Tocqueville, panégyriste de la démocratie américaine, vit en ce systéme une immense faille : "Dans les nations démocratiques, en temps de paix, la carrière militaire est peu suivie et estimée. Ce discrédit public pèse fort sur le courage de l’armée ; les esprits sont comme opprimés. Et lorsque survient un conflit, ils ne sont point capables de retrouver leur mobilité et leur vigueur" (in De la démocratie en Amérique).

Lorsqu’il y a divergence entre le sentiment militaire et civil, phénoméne qui apparaît quand une société est pénétrée de "divisions philosophiques", les nations en souffrant auront moins de poids spécifique à l’heure des grandes décisions. Un affrontement armé inattendu dévoilerait leur pusillanimité au grand jour. Probablement que c’est dans l’intention de se débarasser de ce "cercueil" que les 1ères mesures d’un gouvernement révolutionnaire marxiste sont le contrôle de presse et l’éducation. Le projet de base a toujours été composé de vastes plans d’éducation et de politisation populaires pour convertir les jeunes en Soldats Politiques et ce, en moins d’une génération. La différence entre ce systéme et ceux appliqués en Europe occidentale et dans ce qu’il est convenu d’appeler "Occident" est que, sous l’hégémonie marxiste, l’unité de la presse et de l’éducation populaire sont constantes alors que les démocraties occidentales ne sortent ces méthodes du tiroir que lorsqu’elles sont acculées à un conflit. Alors seulement l’on tente de doter le soldat d’un moral de lutte qui ne puisse être contredit sur ses fondements. Alors aussi, on tente d’arrêter les déviations fatales de la presse devant la nécessité d’une "unité philosophique".

Il y a peu, un journaliste français, JF Revel, publia un livre dans lequel il dévoila cette mortelle insuffisance des démocrates face aux systèmes totalitaires. Le problème reste en suspens : les démocraties sont le système le moins mauvais pour que d’autres États aux intentions douteuses en tirent profit. Mais si les démocrates prennent des mesures préventives, elles cessent d’être des démocraties car elles appliqueraient alors des méthodes totalitaires. Plus qu’une énigme, c’est un paradoxe digne de Zénon.

Ce journaliste dénonce les totalitarismes, plus particuliérement le soviétique, introduisant, selon lui, des "taupes idéologiques" dans la philosophie de l’Occident. Il secoue encore les consciences de l’Occident, piquant au vif leur infériorité idéologique : "La guerre idéologique est une nécessité pour les totalitarismes et une impossibilité pour les démocraties. Cela est consubstantiel à l’esprit totalitaire et inaccessible à l’esprit démocratique. Pour faire la guerre idéologique, il faut avant tout avoir une idéologie. Et les démocraties n’en ont pas une, mais mille, cent mille"(in Ainsi meurent les démocraties).

L’Europe devant sa IVe Guerre Punique

En résumé, le problème que l’on traite est éminemment stratégique. Le soldat politique se révèle l’arme la plus efficace d’une nation. Peu importe si ses principes s’accordent avec les normes philosophiques qu’accepte la nouvelle science. Peu importe la causalité, la non-contradiction, l’identité, la raison suffisante et le tiers exclu. Au moment décisif, celui que Clausewitz définit comme le moment de la "friction", il "faut y aller" avec une fermeté morale à toutes épreuves, celle qui est le propre des soldats politiques.

L’Europe se trouve actuellement à la veille de ce qui survint en des situations analogiques en 480 et en 216 avant notre ère, la 1ère lorsque les Perses mirent Athènes à sac et la seconde, lorsque l’Empire romain souffrit la déroute la plus grave de son histoire devant Carthage. Seule l’audace d’un Thémistocle et la patience d’un Fabius Cunctator arrivérent à protéger la culture que le destin s’obstinait à condamner.

Le plus délicat du "dossier" européen de l’heure présente est que, loin de former des soldats politiques, on répugne plutôt à le faire. À défaut, il pourrait bien arriver à l’Europe ce qui arriva, lors de son interrogatoire, à ce soldat français prisonnier du Viêt-minh : une impossibilité de répondre.

  • - "Répondez ! Pourquoi ne vous êtes-vous pas laissé tuer en défendant votre position ?"
  • Glatigny se posait lui-même la question...
  • - "Moi, je peux vous l’expliquer - poursuivit le commissaire du Viêt-minh – vous avez vu comment nos soldats, qui vous paraissent menus et fragiles, montaient à l’assaut de vos tranchées, malgré vos mines, votre artillerie et vos barbelés, et toutes ces armes offertes par les américains. Les nôtres se sont battus jusqu’à la mort parce qu’ils savaient, parce que nous tous savons, que nous sommes les détenteurs de la vérité, de l’unique vérité. C’est elle qui rend nos soldats invincibles. Et comme vous n’aviez pas ces mêmes raisons,. vous êtes ici, devant moi, prisonnier et vaincu. Vous, officiers bourgeois, appartenez à une société dévastée et pourrie par les intérêts égoïstes de votre classe. Vous avez contribué à maintenir l’humanité dans les ténèbres. Vous n’êtes que des obscurantistes, des mercenaires, incapables de dire pourquoi vous vous battez" (J. Lartéguy in Les centurions).

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Idées politiques de G. Le Bon

Les idées politiques de Gustave Le Bon

par Ange SAMPIERU :

Source : Recension Les idées politiques de Gustave Le Bon, Catherine Rouvier (PUF, 1986) par Ange Sampieru, revue Vouloir n°35/36 (janv. 1987).

Né en 1841, mort en 1931, le docteur Gustave Le Bon est resté célèbre dans l'histoire des idées contemporaines pour son ouvrage historique, La psychologie des foules, paru en 1895. Pourtant, en dépit de plusieurs décennies de gloire, que Catherine Rouvier situe entre 1910 (date de la plus grande diffusion de son ouvrage) et 1931, année de sa mort, il erre depuis maintenant 50 ans dans un pénible purgatoire. Cette éclipse apparaît, au regard de la notoriété de Le Bon, comme un sujet d'étonnement. L’influence de Le Bon ne fut pas seulement nationale et française. Son livre fut lu, loué et utilisé dans de nombreux pays étrangers. Aux États-Unis, par ex., où le Président Théodore Roosevelt déclarait que l’ouvrage majeur de Gustave Le Bon était un de ses livres de chevet. Dans d'autres pays, le succès fut également assuré : en Russie, où la traduction fut assurée par le Grand-Duc Constantin, directeur des écoles militaires ; au Japon et en Égypte aussi, des intellectuels et des militaires s'y intéressent avec assiduité. Cette présence significative de Gustave Le Bon dans le monde entier ne lui évita pourtant pas la fermeture des portes des principales institutions académiques françaises, notamment celles du monde universitaire, de l'Institut et du Collège de France.

Un ostracisme injustifié

Le mystère de cet ostracisme, exercé à l'encontre de ce grand sociologue aussi célèbre qu'universel est l'un des thèmes du livre de Catherine Rouvier. La curiosité de l’auteur avait été éveillée par une étude sur le phénomène, très répandu, de la "personnalisation du pouvoir". Autrement dit, pourquoi les régimes modernes, parlementaires et constitutionnalistes, génèrent-ils aussi une "humanisation" de leurs dirigeants ? Ce phénomène apparaît d'ailleurs concomitant avec un phénomène qui lui est, historiquement parlant, consubstantiel : l'union des parlementaires contre ce que le professeur Malibeau nommait une "constante sociologique". De Léon Gambetta à Charles de Gaulle, l’histoire récente de France démontre à l'envi cette permanence. D'ailleurs les régimes démocratiques, à l'époque de Le Bon, n'étaient évidemment pas seuls à sécréter cette tendance. Les régimes totalitaires étaient eux-mêmes enclins à amplifier cette constante (Hitler en Allemagne, Staline en Russie). Après maintes recherches dans les textes devenus traditionnels (Burdeau, René Capitant) Catherine Rouvier découvrit l'œuvre maîtresse de Le Bon. Malgré les nombreuses difficultés rencontrées dans sa recherche laborieuse d'ouvrages traitant des grandes lignes de la réflexion de Le Bon, c'est finalement dans un article paru en novembre 1981 dans le journal Le Monde, double compte-rendu de 2 ouvrages traitant du concept central de Le Bon, la foule, que l'auteur trouva les 1ers indices de sa longue quête. En effet les 2 ouvrages soulignaient l’extrême modernité de la réflexion de Le Bon. Pour Serge Moscovici, directeur d'études à l'École des Hautes Études en Sciences sociales, et auteur de L'Âge des foules (Paris, Fayard, 1981), Le Bon apporte une pensée aussi nouvelle que celle d'un Sigmund Freud à la réflexion capitale sur le rôle des masses dans l'histoire. Il dénonce dans la même foulée l'ostracisme dont est encore frappé cet auteur dans les milieux académiques français.

Pour Moscovici, les raisons sont doubles : d'une part, "la qualité médiocre de ses livres", et d'autre part, le quasi-monopole exercé depuis des années par les émules de Durkheim dans l'université française. Et, plus largement, l'orientation à gauche de ces milieux enseignants [mode du freudo-marxisme]. Contrairement au courant dominant, celui que Durkheim croyait être source de vérité, Le Bon professait un scepticisme général à l'égard de toutes les notions communes aux idéologies du progrès. Les notions majeures comme celles de Révolution, de socialisme, de promesse de paradis sur terre, etc. étaient fermement rejetées par Le Bon. On l'accusa même d'avoir indirectement inspiré la doctrine de Hitler. Sur quoi Catherine Rouvier répond : pourquoi ne pas citer alors Staline et Mao qui ont, eux aussi, largement utilisé les techniques de propagande pour convaincre les foules ?

Une dernière raison de cet ostracisme fut le caractère dérangeant de la pensée de Le Bon. Son approche froidement "objective" du comportement collectif, le regard chirurgical et détaché qu'il porte sur ses manifestations historiques, tout cela allait bien à l'encontre d'un certain "moralisme politique". En associant psychologie et politique, Le Bon commettait un péché contre l'esprit dominant.

De la médecine à la sociologie en passant par l'exploration du monde...

Avant de revenir sur les idées politiques de G. Le Bon, rappelons quelques éléments biographiques du personnage. Fils aîné de Charles Le Bon, Gustave Le Bon est né le 7 mai 1841 dans une famille bourguignonne. Après des études secondaires au lycée de Tours, G. Le Bon poursuit des études de médecine. Docteur en médecine à 25 ans, il montre déjà les traits de caractère qui marqueront son œuvre future : une volonté de demeurer dans !'actualité, une propension à la recherche scientifique, un intérêt avoué pour l'évolution des idées politiques. En 1870, il participe à la guerre, d’où il retire une décoration (il est nommé chevalier de la légion d'honneur en décembre 1871). Paradoxalement, cet intérêt pour des sujets d'actualité n'interdit pas chez cet esprit curieux et travailleur de poursuivre des recherches de longue haleine. Ainsi en physiologie, où il nous lègue une analyse précise de la psychologie de la mort. Gustave Le Bon est aussi un grand voyageur. Il effectue de nombreux déplacements en Europe et, en 1886, il entame un périple en Inde et au Népal mandaté par le Ministère de l'Instruction publique. Il est d'ailleurs lui-même membre de la Société de Géographie. Et c'est entre 1888 et 1890 que ses préoccupations vont évoluer de la médecine vers les sciences sociales. Le passage du médical au "sociologique" passera vraisemblablement par le chemin des études d'une science nouvelle au XIXe siècle : l'anthropologie. Il rejoindra d'ailleurs en 1881 le domaine de l'anthropologie biologique par l'étude de l'œuvre d'AIbert Retzius sur la phrénologie (étude des crânes).

De cet intérêt est né la "profession de foi" anthropologique de Le Bon, consignée dans L'homme et les sociétés. La thèse principale de ce pavé est que les découvertes scientifiques, en modifiant le milieu naturel de l'homme, ont ouvert à la recherche une lecture nouvelle de l'histoire humaine. Le Bon utilise d'ailleurs l'analogie organique pour traiter de l'évolution sociale. Avant Durkheim, il pose les bases de la sociologie moderne axée sur les statistiques. Il propose aussi une approche pluridisciplinaire de l'histoire des sociétés. Mais, en fait, c'est l'étude de la psychologie qui va fonder la théorie politique de Le Bon.

Naissance de la "psychologie sociale"

En observateur minutieux du réel, le mélange des sciences et des acquis de ses lointains voyages va conduire Le Bon à la création d'un outil nouveau : la "psychologie sociale". La notion de civilisation est au centre de ses réflexions. Il observe avec précision, en Inde et en Afrique du Nord, le choc des civilisations que le colonialisme provoque et exacerbe. C'est ce choc, dont la dimension psychologique l'impressionne, qui mènera Le Bon à élaborer sa théorie de la "psychologie des foules" qui se décompose en théorie de la "race historique" et de la "constitution mentale des peuples". Rejetant le principe de race pure, Le Bon préfère celle de "race historique", dont l'aspect culturel est prédominant. Là s'amorce le thème essentiel de toute son œuvre : "le mécanisme le propagation des idées et des conséquences". À la base, Le Bon repère le mécanisme dynamique de la "contagion". La contagion est assurée par les 1ers "apôtres" qui eux mêmes sont le résultat d'un processus de "suggestion". Pour Le Bon, ce sont les affirmations qui entraînent l'adhésion des foules, non les démonstrations. L'affirmation s'appuie sur un médium autoritaire, dont le 'prestige" est l'arme par excellence.

Le Bon est aussi historien. Il trouve dans l'étude des actions historiques le terrain privilégié de sa réflexion. Deux auteurs ont marqué son initiation à la science historique : Fustel de Coulanges et Hippolyte Taine. La lecture de La Cité Antique, ouvrage dû à Fustel de Coulanges, lui fait comprendre l'importance de l'étude de l'âme humaine et de ses croyances afin de mieux comprendre les institutions. Mais Taine est le véritable maître à penser de Le Bon. Les éléments suivants sous-tendent, selon Taine, toute compréhension attentive des civilisations : la race, le milieu, le moment et, enfin, l'art. La théorie de la psychologie des foules résulte d'une synthèse additive de ces diverses composantes. Mais Le Bon va plus loin : il construit une définition précise, "scientifique", de la foule. L'âme collective, mélange de sentiments et d'idées caractérisées, est le creuset de la "foule psychologique". Le Bon parle d'unité mentale...

Un autre auteur influence beaucoup Le Bon. Il s'agit de Gabriel de Tarde. Ce magistrat, professeur de philosophie au Collège de France, est à l'origine de la "loi de l’imitation", résultat d'études approfondies sur la criminalité. La psychologie des foules, théorie de l'irrationnel dans les mentalités et les comportements collectifs (titre de la 1ère partie), offre à Gustave Le Bon une théorie explicative de l'histoire et des communautés humaines dans l'histoire. À travers elle, l'auteur aborde de nombreux domaines : les concepts de race, nation, milieu sont soumis à une grille explicative universelle.

Une nouvelle philosophie de l'histoire

Le Bon se permet aussi une analyse précise des institutions politiques européennes : ainsi sont décortiquées les notions de suffrage universel, d'éducation, de régime parlementaire. L'actualité fait aussi l'objet d'une approche scientifique : Le Bon analyse les phénomènes contemporains de la colonisation, du socialisme, ainsi que les révolutions et la montée des dictatures. Enfin, Le Bon traite de la violence collective au travers de la guerre, abordant avec une prescience remarquable les concepts de propagande de guerre, des causes psychologiques de la guerre, etc. Tous ces éléments partiels amènent Le Bon à dégager une nouvelle philosophie de l'histoire, philosophie qui induit non seulement une méthode analytique, mais aussi et surtout les facteurs d'agrégation et de désintégration des peuples historiques (plus tard, à sa façon, Ortega y Gasset parlera, dans le même sens, de peuples "vertébrés" et "invertébrés"). La civilisation est enfin définie, donnant à Le Bon l'occasion d’aborder une des questions les plus ardues de la philosophie européenne, celle que Taine avait déjà abordé et celle que Spengler et Toynbee aborderont.

G. Le Bon est un auteur inclassable. Profondément pessimiste parce que terriblement lucide à propos de l'humanité, Le Bon utilise les outils les plus "progressistes" de son époque. Il sait utiliser les armes de la science tout en prévenant ses lecteurs des limites de son objectivité. Observateur des lois permanentes du comportement collectif, Le Bon est un historien convaincu. Il comprend très vite l'importance, en politique, de la mesure en temps. L'histoire est le résultat d'une action, celle qu'une minorité imprime sur l'inconscient des masses. Il constate que cette influence des minorités agit rarement sur la mentalité, donc sur les institutions de ses contemporains. Il y a donc un écart historique entre l'action et la transformation effective du réel. L'élaboration d'une idée est une étape. La pénétration concrète de cette idée est l'étape suivante. Son application enfin, constitue une autre étape. Cette mesure au temps vaut au fond pour tous les domaines où l'homme s'implique. Dans l'histoire bien sûr mais aussi dans la science, dans le politique. Le grand homme politique est simplement celui qui pressent le futur de son présent. Il est la synthèse vivante et dynamique des actions posées par les générations précédentes. L'histoire du passage de l'inconscient au conscient est aussi à la mesure de ce temps. Les institutions et le droit sont les fruits de l'évolution des mentalités.

Au-delà des misères de la droite et de la gauche

Le livre de Catherine Rouvier a un immense mérite : comprendre, au travers de l'œuvre de Le Bon, comment l'histoire des idées politiques est passée du XIXe au XXe siècle. La multiplicité des questions abordées par l'auteur est le miroir de l'immense variété des outils de réflexion utilisés par Le Bon. Les idées politiques de Gustave Le Bon supportent mal une classification simplette. Si la droite libérale lance aujourd'hui une tentative de récupération de Le Bon et si la gauche continue à dénoncer ses théories, on peut déceler dans ces 2 positions, au fond identiques même si elles sont formellement divergentes, une même incompréhension fondamentale de la théorie de Le Bon. Les idées politiques de ce sociologue de l'âge héroïque de la sociologie, dont le soubassement psychologique est présenté ici, ne sont en fait ni de droite ni de gauche. La dialectique d'enfermement du duopole idéologique moderne refuse catégoriquement toute pensée qui n'est pas immédiatement encastrée dans une catégorie majeure. C'est le cas de Le Bon. Catherine Rouvier compare d'ailleurs, avec beaucoup de pertinence, cette originalité à celle des travaux de Lorenz (cf. Postface, p. 251 et s.). Le Bon exprime bien l’adage très connu de Lénine : les faits sont têtus...

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Euro-Bruxelles noyauté par Washington

L'Amérique à Bruxelles

medium_Florence_AUTRET.jpgComment la CIA accède-t-elle à nos données personnelles depuis l'Europe ? Comment les services secrets US peuvent-ils enlever et torturer en toute impunité sur le sol européen ? Quel est le véritable pouvoir de nos élus dans la communauté européennes qui se construit ? Comment les Etats-Unis influencent-ils nos dirigeants ?
Journaliste économique et conférencière à Science-Po en tant que spécialiste du lobbying européen, Florence Autret nous dévoile cette face cachée de l'Europe : celle d'une Europe noyautée par Washington.

Voir: http://theatrumbelli.hautetfort.com/

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Haushofer et le Pacifique

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HAUSHOFER ET LE PACIFIQUE

http://www.stratisc.org/PN5_Korinman_3.html

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samedi, 10 mars 2007

Erreurs stratégiques des Gaulois

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LES ERREURS STRATEGIQUES DES GAULOIS FACE A CESAR

Par PHILIPPE RICHARDOT

La guerre des Gaules est presque toujours vue du côté des Romains, car il n'y a pas eu de grands historiens gaulois pour rapporter l'évènement. Qui plus est, la guerre des Gaules est vue du côté du conquérant romain, Jules César, auteur du seul grand récit sur le sujet, admirablement ramassé dans ses Commentaires. Même lorsque certains historiens contemporains essaient de prendre César en flagrant délit de désinformation, c'est toujours du côté romain qu'ils se placent, tant la conquête de la Gaule a, après deux millénaires, romanisé les descendants des fils de la Gaule vaincue. Le nom même de 'Gaulois' est un jeu de mots latins qui signifie 'coq', déformé d'après le nom que se donnaient les Celtes de Gaule. Limage classique de César est celle d'un conquérant de marbre qui réalise un grand projet de civilisation sur un peuple aussi indiscipliné que divisé dont l'ardeur bravache vient se briser contre l'art des légions. Hors des poncifs et d'une analyse romanocentrique, cet ouvrage montre un César politicien qui mène une quasi-guerre privée, sinon partisane pour financer sa carrière à Rome, voire pour échapper au tribunal. En face de lui, des Gaulois, certes divisés, dont la partie méridionale, déjà romanisée, choisit le camp de César. Des Gaulois, dont la communauté de culture apparaît malgré les clivages politiques aussi profonds entre tribus rivales qu'à l'intérieur d'elles-mêmes. Mais c'est une Gaule riche, en proie à une crise démographique et militaire qu'aggresse César avec un cynisme implacable : une Gaule incapable de s'opposer aux migrations armées des Germains et des Helvètes, avant d'être écrasée par le conquérant Romain. Si le résultat de la lutte est connu, les calculs des Gaulois, la valeur stratégiques de leurs chefs, l'art militaire des peuples celto-germaniques, les opérations les moins avouables de César sont peu étudiées, les Gaulois pouvaient-ils l'emporter? César était-il un maître joueur d'échecs ou a-t-il vaincu sur les erreurs de stratégie des Celtes ?

Ed. Economica

Texte en français
184 pages
Format : 155 X 240

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Petite histoire de l'idéologie roumaine

Petite histoire de l'idéologie roumaine

 

 

 

par Robert STEUCKERS

 

 

 

Analyse:

 

Armin HEINEN, Die Legion "Erzengel Michael" in Rumänien. Soziale Bewegung und politische Organisation. Ein Beitrag zum Problem des internationalen Faschismus,  R. Oldenbourg Verlag, München, 1986, 558 S., DM 128, ISBN 3-486-53101-8.

 

 

 

L'ouvrage d'Armin Heinen, consacré au mouve­ment de Codreanu, diffère de beaucoup d'autres tra­vaux consacrés à la Garde de Fer et aux tu­mul­tes de la politique roumaine de l'entre-deux-guer­res. Il en diffère parce qu'il explore à fond le con­texte historique de la Roumanie depuis son émer-gence en tant qu'Etat et parce qu'il résume, de ma­nière limpide et pédagogique, les multiples li­néa­ments de l'idéologie nationale roumaine. Ce sont ces pages-là que nous analyserons dans le pré­sent article, laissant de côté  —mais pour y re­venir plus tard—  l'exposé brillant et détaillé des é­vé­nements politiques du terrain que Heinen nous livre dans son remarquable ouvrage. 

 

 

 

Au XIXième siècle, les principautés roumaines (la Moldavie et la Valachie), en s'émancipant de la tutelle ottomane, entrent automatiquement dans un champ conflictuel, excitant la convoitise des puis­sances voisines, l'Autriche-Hongrie et la Rus­sie. La société, marquée par l'orthodoxie aux ré­­flexes ruraux et par l'idéologie guerrière tur­que/ot­tomane, reçoit comme de mauvais gref­fons les éléments épars de l'occidentalisme, le li­béra­lis­me économique et politique. La société roumai­ne est affectée par une cascade de crises dues aux facteurs de modernisation: dans une société ac­coutumée à la dépendance voire au ser­vage, l'é­man­cipation moderne ébranle les struc­tures so­cia­les. En amont, chez les dirigeants, les principes in­dividualistes, propres à la modernité politique, disloquent le sens du devoir de solida­rité et de cha­rité, plongeant du même coup les masses ru­ra­les dans la perplexité puis dans la co­lère. En aval, dans les masses, le respect pour les élites tradi­tion­nelles s'estompe et, vis-à-vis des élites im­por­tées ou de la bourgeoisie urbaine émergente, éclot une haine qu'il sera de plus en plus difficile de contenir. Pour les masses, les élites tradition­nel­les ont succombé aux tentations du mirage oc­ci­dentaliste; elles ont basculé dans le péché, en ou­bliant leurs devoirs paternalistes de solidarité et de charité. Les élites importées et les élites urbai­nes (ou fraîchement urbanisées) sont, elles, les ten­tatrices, les vectrices du péché.

 

 

 

Le poporanisme, équivalent roumain du narodnikisme russe

 

 

 

Dans un tel contexte, à terme explosif, se profi­lent quatre filons idéologiques, dont trois sont cal­qués sur leurs équivalents ouest-européens: le libéralisme, le conservatisme, le socialisme; qua­trième filon, le «poporanisme», lui, est «na­tio­nal» (au sens ethnique) et paysan, c'est-à-dire at­ta­ché aux modulations traditionnelles des rela­tions sociales. Le libéralisme roumain est coincé en­tre une volonté théorique de démocrati­sation et la défense effective d'intérêts précis (ceux de la bour­geoisie «parvenue» et importée). Le conser­va­tisme roumain est, quant à lui, im­mobiliste: rai­sonnant en termes d'idéaltypes con­servateurs fi­gés, il refuse de prendre en compte toutes les mo­difications politiques survenues après 1848. Dans le conservatisme roumain, émerge tout de même une figure intéressante, celle de Constantin Radu­lescu-Motru, auteur de Cultura româna si politi­cia­nismul (= La culture roumaine et la poli­ti­cail­le). Radulescu-Motru es­time que les Roumains, par manque d'énergie, n'ont pas transformé leur culture rurale du départ en une culture plus vaste, plus générale, plus viable, semi-urbaine, ou d'u­ne urbanité non ou­blieuse de ses racines, à la mo­de allemande. Dans cette ruralité demeurée primi­tive et en consé­quence fragilisée, des «politi­cards» et des «avocats», rusés et spéculateurs, ont instrumen­talisé des idées étrangères, occi­den­tales, ont ra­tionalisé à leur profit l'appareil étati­que, pour prendre la place des élites déclinantes et pour bar­rer la route à toute élite nouvelle, issue du peuple roumain, qui se profilerait à l'horizon.

 

 

 

Une doctrine de l'Etat démocratique paysan

 

 

 

Le socialisme roumain, enfin, est un socialisme sans ouvrier, dans un pays aux structures indus­trielles peu développées. Le poporanisme, spéci­fi­cité roumaine, élabore une doctrine de l'Etat dé­mocratique paysan, optant pour une voie non ca­pitaliste. Le poporanisme est donc bel et bien une expression de l'ethnicité rurale roumaine, or­phe­line de ses élites et haïssant les nouveaux ve­nus dans la société roumaine. Il est démocratique par­ce qu'il estime ne plus avoir d'élites tradition­nel­les ou a perdu toute confiance dans les élé­ments qui subsistent de celles-ci. Les dominants tradi­tion­nels ayant dérogé, le peuple roumain doit pren­dre son destin en mains: ses élites doivent sortir directement de ses rangs. Mais son carac­tè­re démocratique ressort également parce qu'il re­fuse toute domination des masses rurales par de nouvelles élites dans lesquelles il ne se reconnaît pas. La voie est non capitaliste parce que le capi­talisme est porté par des éléments non issus de ces masses rurales. L'idéologie poporaniste se ba­­se, au départ, sur les écrits de Constantin Ste­re, un socialiste qui a refusé le marxisme et s'est inspiré des narodniki  russes (et ortho­doxes). Le terme narodniki vient de narod (= peuple), com­me "poporanisme" vient de popor  (= peuple) (Cf. Constantin Stere, «Socialdemocratism sau po­poranism», in Viata românesca, 2, 1907-1908). Stere refuse le marxisme parce qu'il ne con­vient pas à un pays à forte dominante agraire comme la Roumanie. L'idéologie marxiste a été in­capable de produire un discours cohérent sur les masses rurales. Le modèle de l'idéologue po­pu­liste-paysan roumain est le Danemark (qui, en Grundvigt, avait eu son théoricien-poète de la ru­ralité et de la populité, initiateur du courant d'i­dées folkelig, de l'adjectif dérivé de folk, "peu­ple"). Le Danemark a su conserver intact son pay­sannat; par un réseau de coopératives, il a ren­du les petites fermes familiales viables et les a cou­plées au monde industriel. En termes plus en­thousiastes, G. Ibraileanu, un disciple de Stere, ima­gine une Roumanie démocratique, avec un Par­lement de petits producteurs et une armée de paysans-soldats, à la mode des Boers sud-afri­cains; ces chefs de famille permettraient à leurs cadets, filles et garçons, d'étudier des ma­tières cul­turellement enrichissantes, à l'université ou dans les conservatoires, générant ainsi une nou­velle élite intellectuelle ayant acquis ses quali­tés en dehors de toutes préoccupations utilitaires. Con­trairement aux conservateurs, les popora­nis­tes se considéraient comme les successeurs des ré­volutionnaires de 1848. Mais, comme les con­ser­vateurs du mouvement Junimea, ils refu­saient d'inclure dans leur vision idéale de la so­ciété, les éléments non issus des masses rurales.

 

 

 

Les piliers d'un nationalisme ethnique, farouchement

 

anti-occidental

 

 

 

Le conservatisme du mouvement Junimea, dont Radulescu-Motru fut le principal théoricien, et le poporanisme ruraliste de Stere et Ibraileanu sont les deux piliers de l'anti-occidentalisme roumain, dont la Garde de Fer sera, plus tard, un avatar ra­di­calisé. Ceci dit, Stere refusera toujours la ra­di­ca­lisation légionnaire; demeurant rationnel et fi­dèle à son «modèle danois», basant ses argu­ments sur des statistiques et sur des observations empiriques, se bornant à déplorer l'accroissement trop rapide des populations non roumaines en Rou­manie (et des Juifs en particulier), Stere res­te­ra éloigné de toutes les déformations mystiques de son socialisme agrarien.

 

 

 

Sur cette double généalogie idéologique, s'est gref­fé un antisémitisme qui, dans un premier temps, était principalement littéraire. Des figures com­me Mihail Eminescu, Aurel C. Popovici et Ni­colae Iorga effectueront, petit à petit, la syn­thè­se entre le populisme roumain, conservateur ou po­poraniste, le nationalisme inspiré des autres na­tionalismes européens et de l'antisémitisme. Par­mi les leitmotive de cette synthèse: la moder­nité, en accordant un droit égal à tous, confisque aux pay­sans pauvres, porteurs de la substance ethni­que roumaine, l'égalité des chances; la so­ciété mo­derne, impliquant la division du travail, induit un clivage entre producteurs (paysans et artisans) et «parasites» (commerçants et spécula­teurs). L'an­tisémitisme qui découle de ces res­sentiments sociaux présente toutes les nuances et gradations du genre: pour les uns (Iorga et Eminescu), les Juifs sont assimilables s'ils adoptent des «métiers productifs»; pour Stere, qui raisonne en termes ra­tionnels, la naturalisa­tion demeure possible, si les Juifs s'adaptent à la culture roumaine (ce qui re­vient en fait à adopter les mêmes métiers que les Roumains); pour d'autres, comme V. Alecsandri, B.P. Hasdeu, N.C. Paulescu et Alexandru C. Cu­za, toute vie en commun avec les Juifs est im­pos­sible. Comment justifient-ils cette exclusion sans appel? En mettant en avant, comme beau­coup d'autres antisémites européens, des citations du Talmud (Rohling, Rosenberg, Picard, etc.). Pour cette tradition anti-talmudiste, l'existence du Tal­mud dans l'héritage spirituel juif interdit l'as­si­milation et la coexistence pacifique.

 

 

 

Nicolae C. Paulescu introduit cependant des nu­an­ces: la substance populaire roumaine n'est pas tant menacée par la concurrence économique de l'élément juif que par la perte des «directives res­trei­gnantes». Une société rurale est une société «é­conome», épargnante, qui restreint ses pul­sions vers la consommation. Le rôle de la morale est de pérenniser cette propension à la restriction, pour que la société ne perde ni son équilibre ni son harmonie. A.C. Cuza introduit dans ce dis­cours des éléments tirés de Malthus: deux peu­ples, les Roumains et les Juifs, ne peuvent pas vi­vre «dissimilés» sur un même territoire, sans que n'éclate une guerre à mort.

 

 

 

Le divorce entre le peuple et l'élite

 

 

 

Pour Eminescu, la Roumanie est passée de l'o­béissance aux Turcs à l'obéissance à l'étranger (hongrois, juif ou allemand), parce qu'en 1878, au Congrès de Berlin, qui instaure l'indépen­dan­ce définitive de la Roumanie, les puissances im­posent comme clause que les non orthodoxes peu­vent acquérir la citoyenneté rou­maine, intro­dui­sant de la sorte une cassure diffici­lement sur­montable entre la ville et la campagne. Cette cas­su­re marginalise une intelligentsia bril­lante, de souche paysanne et roumanophone, très nom­breu­se et privée d'avenir parce que les postes sont déjà occupés dans les villes, par les franco­philes, les fils urbanisés et francisés des boyards (dénoncés surtout par Iorga), les Juifs, les étran­gers. L'idéal de ces laissés-pour-compte, c'est une culture authentiquement roumaine qui puisse accéder à l'universel, être appréciée dans le mon­de entier, exprimer la créativité profonde de l'âme roumaine aux yeux de tous les peuples de la pla­nète, souder la solidarité des Roumains vi­vant à l'intérieur et à l'extérieur des frontières du ro­yaume.

 

 

 

Cet idéal, les Roumains sentent qu'ils ne pour­ront le réaliser. Raison pour laquelle leur nationa­lisme, au début du XXième siècle, est le produit d'une «conscience malheureuse», de doutes et de peurs. Les Roumains ont l'impression, en 1900, que, dans le siècle qui s'annonce, ils auront le statut d'«ilotes». Heinen (pp. 86-87) résume ce pas­sage au nationalisme angoissé chez Eminescu: «[Chez Eminescu], la nation apparaît comme une essence spécifique, qui déploie ses propres re­ven­dications et a sa propre personnalité. Elle se trouve au-dessus de l'idée de liberté individuelle, ce qui veut dire qu'elle ne se constitue pas par la volonté de ses membres mais est un donné natu­rel se situant au-delà d'eux. Le sens qu'acquiert la vie individuelle d'un chacun existe par la Na­tion et pour la Nation. Le corps populaire me­nace toutefois d'être détruit à cause de la lutte des clas­ses, principe égoïste, rendant impossible le don de soi à la Nation. L'inégalité, résultant de la di­vi­sion du travail social, et les conflits qui en dé­coulent doivent être limités par la conscience d'u­ne appartenance à la Nation. Quant à A.C. Cuza, il estime que la réalité Roumanie ne réside pas dans la lutte des classes mais dans la lutte des races, c'est-à-dire dans la question de savoir si ce sont des Roumains ou des Juifs qui conduiront le pays».

 

 

 

Un vigoureux plaidoyer

 

contre la «raison pure»

 

 

 

Aurel C. Popovici introduisit dans la littérature roumaine la critique conservatrice moderne des fondements du libéralisme. Appuyée sur les tra­vaux de Burke, de Joseph de Maistre, de Gustave Le Bon, de Taine, Langbehn, Houston Stewart Chamberlain et Gumplowicz, sa démarche vise es­sentiellement à déconstruire le mythe de la rai­son pure. Heinen la résume comme suit (p. 87): «L'oeil humain n'a pas été créé pour ne regarder que le soleil. Nous ne pouvons pas éduquer nos jeunes gens pour n'être que de purs savants; nous aurions pour résultat une catégorie sociale de de­mi-cultivés ridicules, avançant des prétentions ir­réalisables [...]. La raison pure dissout tout, re­met en question les structures traditionnelles et met ainsi en danger l'intégration sociale [...]. Sans religion, les gens simples du peuple perdent leur retenue morale, la haine sociale et l'envie "ron­gent des trous" dans la vie spirituelle de la na­tion». Popovici estime que tous les maux du mon­de moderne sont réunis dans la démocratie. Par le fait qu'elle hisse les intérêts matériels de la plèbe insatiable et égalitariste au rang de source des décisions politiques, nous voyons nécessai­rement naître un monde de démagogie, de lutte des classes, orienté seulement vers la satisfaction des intérêts particuliers et éphémères. La ville mo­derne reflète d'ores et déjà, pour Popovici, cet­te dégénérescence des mœurs politiques.

 

 

 

A la décadence de la Roumanie de la fin du XIXième siècle, les nationalistes opposent, nous ex­plique Heinen (p. 89), la grandeur nationale des XVième et XVIième siècles ou évoquent les Da­ces. Les nationalistes roumains préféraient d'of­fice tout ce qui s'était passé avant 1800, les époques de simplicité patriarcale, où règnait une so­lidarité naturelle entre paysans, boyards et let­trés. L'assaut des mœurs occidentales délétères, la pénétration en Roumanie d'éléments étrangers a ruiné définitivement cette harmonie.

 

 

 

Un César lié au peuple

 

 

 

Mais les nationalistes ne veulent pas pour autant d'un retour au Moyen Age. Les innovations de la modernité, notamment dans les domaines éco­no­mique et militaire, doivent être assimilées et sou­mises à des principes directeurs pré-mo­dernes. L'évolution de la société doit être gra­duelle, mais c'est le paysannat de souche qui doit la contrôler, de façon à ce qu'il demeure toujours la classe so­ciale dominante. Pour chapeauter ce paysannat, les nationalistes réclament une monar­chie héré­di­taire, se plaçant au-dessus des classes sociales; le monarque souhaité n'est pas absolu: il devra ê­tre un César lié au peuple. A ses côtés, devra se trou­ver une oligarchie politique capable de com­pren­dre l'évolution naturelle des choses. Raison­nant sur un mode «évolutionnaire», rejet­tant toute forme de rupture révolutionnaire, A.C. Cuza et N. Iorga préconisaient une démocratie constitu­tion­­nelle, ayant pour organe législatif un parle­ment des états, calqué sur ceux de l'Ancien Ré­gime mais adapté aux impératifs de l'heure. Con­trairement à Popovici, influencé par les idéolo­gèmes sociaux-darwiniens, Cuza et Iorga préco­ni­saient l'intervention de l'Etat, notamment dans les domaines de l'enseignement et de la forma­tion professionnelle, parce que le retard économique de la Roumanie était dû, pour une bonne part, à l'absence de corps de métier, de maîtres éduca­teurs, de gildes, d'instituts agronomiques. Emi­nes­cu, Iorga et Cuza réclamaient le partage des grands domaines au profit de groupes, fami­liaux ou villageois, composés de petits paysans. Cette re­vendication distingue les nationalistes des con­servateurs, pour qui l'Etat agrarien doit être dirigé par les gros propriétaires et pour qui l'indivi­dua­lisme de type occidental ne doit pas être abandon­né et/ou éradiqué au profit d'un don total de la personne à la nation.

 

 

 

L'influence de la revue «Samanatorul»

 

 

 

Après la première guerre mondiale, quand la don­ne change de fond en comble, le poporanisme de Stere se transforme en «taranisme» (de "tsa­ra", paysan). Le néo-nationalisme gardiste prend une coloration mystique, absente chez Iorga et Cu­za. Le projet de fonder un système d'éducation ra­tion­nel, mettant l'accent sur l'agronomie et le dé­veloppement des corps de métier, cède le pas, dans l'idéologie gardiste, à une éducation de type militaire (milice de Dieu) et activiste. Ce glisse­ment vers le mysticisme armé et politisé, s'est o­pé­ré, graduellement, par l'intermédiaire d'une re­vue très lue, Samanatorul  (= Le Semeur), dont Ni­colae Iorga fut pendant un certain temps le ré­dacteur-en-chef. Le «samanatorisme» esquissa, dans le monde des lettres roumain, l'image d'un vil­lage où vivent deux peuples, selon des modes très différents. D'un côté, la Roumanie patriar­ca­le, avec ses boyards, ses lettrés, ses prêtres et ses paysans; de l'autre, les étrangers et les parvenus so­ciaux d'origine non roumaine, qui ne vivent que pour satisfaire leurs intérêts et leurs pulsions.

 

 

 

Dans l'orbite de cette vision samanatoriste, d'abord circonscrite à la littérature, naît un ro­man, de la plume de Bucura Dumbrava, Haiducul (= L'Haiduc). Dumbrava y décrit une société dé­terminée par des conflits qui ne sont pas de nature sociale mais ethnique. Les Phanariotes grecs ont pu régner sur les Valaques et les Moldaves parce que l'élite nationale était désunie. Précisément par­ce qu'elle était étrangère, la domination des Pha­nariotes était arbitraire. L'idéal de Dumbrava est le Prince Vlad Tepes (1448-1476), souverain im­placable mais national. Dans son roman, les ban­des de brigands que sont les Haiducs, repré­sentent le renouveau national. Ils se placent déli­bérément en dehors des lois, pour faire triompher le véritable droit national, oblitéré par les domi­nants étrangers. Les paysans considèrent les Hai­ducs comme leurs protecteurs et leurs sau­veurs; ils les nourrissent et les cachent comme des par­ti­sans. A l'intérieur des bandes, les membres sont liés par serment et se placent sous l'autorité d'un chef aux qualités exceptionnelles, le Capitan. Tra­hir le Capitan  implique non seule­ment une entor­se aux règles du groupe mais est un crime contre l'ensemble du peuple roumain et mérite, de ce fait, la mort. Dans ce roman, lu par des quantités d'adolescents roumains, se retrou­vent l'éthique na­tionale et l'esprit de corps de la Garde de Fer, expression d'un nationalisme nou­veau par rap­port à celui, littéraire et idéologique, des Emines­cu, Iorga et Cuza, fondateurs du Parti National-Dé­mocrate. A l'intérieur de ce parti, dans les an­nées 20, nous trouvons une aile radi­cale, dirigée par Corneliu Sumuleanu et Ion Zelea-Codreanu. De cette aile radicale naîtra, après une rupture survenue quelques années plus tard, la Légion de l'Archange Michel.

 

 

 

(Nous donnons ici une vision assez incomplète du livre d'Armin Heinen; les chapitres sur l'é­volution des doctrines nationalistes en dehors de la Légion et de la Garde sont importants eux aus­si; notamment, quand il évoque, dans l'œuvre de Mihail Maïnolesco, le passage du néo-libéra­lisme technocratique roumain à la doctrine du parti uni­que et du corporatisme moderne. Maïnolesco a eu une influence très importante en Allemagne, en I­talie, dans la France de Vichy et dans la Po­litieke Akademie de Victor Leemans à Lou­vain en Flan­dre. Maïnolesco a donné une di­men­sion euro­péen­ne à l'idéologie roumaine. Nous y revien­drons).

 

 

 

Robert STEUCKERS.    

 

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Balkan: Europäische Perspektive

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Balkan: Europäische Perspektive, aber keine voreiligen Beitritte
 
Von Andreas Mölzer /
http://www.zurzeit.at/  März 2007
 

Bei ihrem jüngsten Treffen haben die Außenminister der Mitgliedstaaten der Europäischen Union wieder einmal die Beitrittsperspektive für die Staaten des sogenannten Westbalkans bekräftigt. Zweifelsfrei sind Staaten wie Serbien, Montenegro oder Mazedonien ein Teil Europas, auch wenn sie jahrhundertelang vom Osmanischen Reich besetzt waren und deshalb auch erst relativ spät die politische Bühne betreten haben. Allerdings darf Brüssel nicht den Fehler der letzten, überhasteten Erweiterungsrunde wiederholen und jene Balkanstaaten, die noch nicht EU-Mitglieder sind, in Bausch und Bogen aufnehmen oder ihnen voreilig die Mitgliedschaft versprechen. 


Derzeit erfüllt als einziger Staat in der Region nur Kroatien die Kopenhagener Kriterien, weshalb Agram auch aufgenommen werden sollte. Wann aber beispielsweise Serbien EU-reif sein wird, läßt sich heute beim besten Willen nicht sagen. Daher sollte Serbien, das Schlüsselland am Balkan, wie auch die übrigen Balkanstaaten, die schon laut an die EU-Türe anklopfen, erst nach entsprechend langen Vorlauffristen und erst dann, wenn an deren Beitrittsreife keine Zweifel mehr bestehen, in die EU aufgenommen werden. 


Die vielzitierte europäische Perspektive für all jene Balkanstaaten, die in die EU drängen, ist vor allem als ordnungspolitische Aufgabe für Brüssel zu sehen. Denn mit dem Zusammenbruch der alten Ordnung, dem Untergang Jugoslawiens, einem Kunstprodukt der Pariser Vororteverträge, entstand am Balkan ein sicherheitspolitisches Vakuum, das von den Vereinigten Staaten und ihres militärischen Arms, der NATO, gefüllt werden könnte. Der Beitritt der Baltischen Staaten, Polens oder Tschechiens zum nordatlantischen Bündnis zeigte bereits die Folgen der aggressiven US-Außenpolitik auf europäischem Boden. Das Verhältnis zu Rußland, das der natürliche strategische Partner der EU ist, wurde belastet, und Warschau oder Prag fühlen sich in ihrer Außen- und Sicherheitspolitik weniger ihren „europäischen Partnern“, sondern vielmehr der Befehlszentrale in Washington verpflichtet. Daher kann das mögliche Festsetzen einer fremden Macht an seiner südöstlichen Flanke für Europa nicht von Interesse sein. 
Das Wahrnehmen seiner ordnungspolitischen Aufgabe am Balkan ist auch ein Testfall dafür, wie es um die Gemeinsame Außen- und Sicherheitspolitik der EU wirklich bestellt ist. Noch vor eineinhalb Jahrzehnten, als das alte Jugoslawien in seine ethnischen Bestandteile zerfiel, zeigten sich auf bittere Weise jene Bruchlinien zwischen Deutschland, Frankreich und Großbritannien, die auf die alten, im späten 19. Jahrhundert fußenden Bündnisse zurückgehen. Als Kroatien seine Unabhängigkeit erklärte, fand Agram in Deutschland und Österreich, personifiziert durch die Außenminister Hans Dietrich Genscher und Alois Mock, die engagiertesten Unterstützer seiner Eigenstaatlichkeit, während Frankreich und Großbritannien ihren „serbischen Verbündeten“ auf dem diplomatischen Parkett alle erdenkliche Hilfe zukommen ließen. Als Folge dieses unwürdigen Schauspiels wurde die ganze Welt Zeuge der sicherheitspolitischen Ohnmacht Europas. 


Und nicht zuletzt ist es ein Gebot der politischen Vernunft, daß die EU am Balkan, der – wie heute der Kosovo heute beweist – noch lange nicht befriedet ist, ihre außen- und sicherheitspolitischen Ankündigungen mit Leben erfüllt. Schließlich ist der Balkan anders als der Kongo, wo die Europäische Union im vergangenen Jahr für Ordnung und Stabilität sorgen sollte, ein Teil Europas.

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vendredi, 09 mars 2007

Fl. Turcanu: Mircea Eliade

Mircea Eliade

 

Florin Turcanu
Mircea Eliade

464 Seiten, gebunden, 34,00 €
Schnellroda: Edition Antaios 2006
           
                         

ISBN: 3-935063-27-X
34,00 EUR
incl. 7 % UST exkl.
Versandkosten
Pünktlich zum 100. Geburtstag am 9. März: die deutsche Übersetzung der einzigen Eliade-Biographie, die das außergewöhnliche Leben des Religionswissenschaftlers und Romanciers in ganzem Umfang behandelt! Von der Kindheit des hochbegabten "kurzsichtigen Jungen" und der von Eliade verschwiegenen Mitgliedschaft in der Eisernen Garde, überdie Bekanntschaften mit Julius Evola, C. G. Jung und Ernst Jünger, bis zur bahnbrechenden Erneuerung der Religionswissenschaft. Florin Turcanus Biographie ist ein Standardwerk, das nach der französischen und rumänischen Ausgabe jetzt auch in Deutschland erhältlich ist.

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Un site sur Arno Breker

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http://arno.breker.free.fr/arno-breker_index.htm

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Géopolitique d'une conjoncture planétaire finale

Jean PARVULESCO:

Géopolitique d'une conjoncture planétaire finale

L¹Inde prétend depuis longtemps déjà à l¹hégémonie politique totale dans l¹Asie du Sud
Jiang Zemin, Président de la Chine

Avec les cinq essais nucléaires que le Pakistan vient d¹effectuer, dans le désert du Beloutchistan, en réponse aux cinq essais nucléaires de l¹Inde, l¹Asie du Sud-est bascule abruptement dans la " grande histoire " : l¹existence politico-historique planétaire des nations ne se définit plus, désormais, que par leur qualification au niveau de la dissuasion nucléaire métastratégique. Jusqu¹à présent, la seule puissance nucléaire asiatique était la Chine, et c¹est par opposition à la Chine qu¹il faut tenter d¹estimer maintenant l¹importance de l¹émergence métastratégique continentale de l¹Inde et non, comme on aurait tendance à le faire, par rapport au Pakistan. La confrontation nucléaire continentale est implicitement devenue, à l¹heure actuelle, celle de l¹Inde et de la Chine, le Pakistan n¹y jouant  ?malgré ses prétentions et ses efforts?  qu¹un rôle de diversion supplétive, de renforcement  ?en principe?  du camp anti-indien de la Chine, auquel on pourrait éventuellement adjoindre, par la suite, la Corée du Nord.

En effet, la géopolitique totale du Grand Continent eurasiatique, géopolitique révolutionnaire d¹avant-garde, qui pose le concept impérial final de l¹intégration de l¹Europe de l¹Ouest, de l¹Europe de l¹Est et de la Russie, de la Grande Sibérie, de l¹Inde et du Japon, dans le camp d¹une même prédestination métahistorique originelle, exclut formellement la Chine de la définition active de l¹unité grand-continental eurasiatique. C¹est même en quelque sorte contre la Chine que se constitue, aujourd¹hui, l¹unité en marche du Grand Continent, que celle-ci viendra polariser négativement. Ce qui fait que, face à la Chine, l¹Inde se trouve soutenue par le potentiel métastratégique continental de la Russie et de la France et même, en principe, par celui de la Grande-Bretagne aussi. L¹unité grand-continental est une unité dialectique.

D¹autre part, la confrontation nucléaire  sino-indienne dans le Sud-est asiatique implique, pour le Japon, l¹obligation impérieuse, à plus ou moins brève échéance, d¹une décision stratégique inexorable, qui, une fois manifestée, viendra s¹ajouter au camp grand-continental polarisé, dans la région, par l¹Inde. Et cela malgré la psychopathologie nationale japonaise à l¹égard de tout armement nucléaire.

Tout se passe donc comme si l¹histoire eurasiatique immédiatement à venir sera celle de la mise en encerclement nucléaire de la Chine, et des puissances moyennes de sa sphère d¹influence directe dans le Sud-est asiatique, par l¹ensemble des puissances impériales grand-continentales appartenant à la ligne politique de l¹axe Paris-Berlin-Moscou-New Dehli-Tokyo.

L¹attitude certaine des Etats-Unis à l¹égard de cet état de fait se trouve inscrite d¹avance dans les données géopolitiques fondamentales de la situation : car non seulement la confrontation décisive à venir  ?et que l¹on peut même tenir déjà pour actuelle?  entre le Grand Continent et les Etats-Unis correspond aux lignes de force de l¹antagonisme ontologique fondamental entre la " puissance continentale " et la " puissance océanique ", mais il est aussi désormais chose assurée que la construction politique de la plus Grande Europe  ?quels qu¹en fussent les obstacles, les retards, les empêchements que les puissances négatives ¦uvrant dans l¹ombre s¹utilisent à lui oposer, de plus en plus?  viendra à terme pour faire irrépressiblement barrage à la réalisation finale du " grand dessein " hégémonique planétaire des Etats-Unis. L¹entrée en force de la plus Grande Europe dans le jeu dialectique pour l¹emprise impériale planétaire va finir par réduire, on le sait déjà, les Etats-Unis au statut de puissance secondaire.

Force sera-t-il donc aux Etats-Unis de tenter d¹unifier leurs efforts de neutralisation de la Grande Europe avec la volonté de résistance de la Chine face à son encerclement continental. Ce qui va nous mener à une grande alliance Pékin-Washnington, la Chine offrant aux Etats-Unis une tête stratégique majeure à l¹Est du Grand Continent, et les Etats-Unis assurant à la Chine l¹ouverture planétaire de leur puissance impériale grand-océanique.

En même temps, l¹action offensive anti-continentale permanente des Etats-Unis trouve actuellement, à l¹intérieur même de l¹espace géopolitique propre du Grand Continent, un formidable dispositif de réverbération conspirative et révolutionnaire, à savoir celui de l¹Islam fondamentaliste, qui vient s¹ajouter, sur toute la longueur du flanc méridional du Grand Continent, au fait de l¹imposition active de la forteresse géopolitique de la Chine, dont le rayonnement négatif déstabilise et bloque intérieurement le front de l¹aboutissement extrême-oriental du Grand Continent face au Japon.

Le livre récent d¹un haut fonctionnaire français, Alexandre Delvalle, L¹Islamisme et les Etats-Unis, une alliance contre l¹Europe, paru aux éditions l¹Age d¹Homme, à Paris en 1998, dit tout ce qui se doit d¹être dit actuellement sur le problème de l¹utilisation métastratégique offensive de l¹Islam fondamentaliste par les Etat-Unis dans leur combat permanent contre le renouveau européen grand-continental à l¹heure présente en cours d¹affirmation décisive et d¹auto-définition impériale révolutionnaire.

Dans cette conjoncture planétaire finale, la mission particulière de la France  ?ou plutôt du Pôle Carolingien grand-continental politiquement installé par le Général De Gaulle, l¹Axe France-Allemagne?  serait alors celle de la puissance prédestinée à rassembler, à polariser aussi bien idéologiquement que dans les termes d¹une même communauté de destin, l¹ensemble des parties géopolitiques constituantes du Grand Continent eurasiatique face au défi des Etats-Unis et de la Chine, et de l¹utilisation subversive que les Etats-Unis font actuellement de l¹Islam fondamentaliste dans leur bataille à couvert contre l¹Europe.

Le pôle planétaire du Grand Continent eurasiatique, d¹orientation et de choix spirituels, s¹oppose donc, ouvertement, aux positions matérialistes de l¹Axe Washington-Pékin, ainsi qu¹à l¹emprise et aux commandements à la fois manifestes et tout à fait occultes de la mondialisation propagée parl es Etats-Unis qui, sous le déguisement de l¹avancement de leur hégémonie économique planétaire, vise le changement à terme de la civilisation ontologique de l¹être qui est la nôtre, et jusque de la condition humaine elle-même, telle que l¹entendent les conceptions traditionnelles européennes, hindouistes et japonaises, fidèles au mystère de la " Lumière de l¹Etre ".

Situation de laquelle il s¹ensuit également que, face aux actuelles entreprises de pénétration politico-économique des Etats-Unis en Afrique, l¹Europe se doit d¹entamer d¹urgence une contre-intervention offensive en Amérique Latine, qui est géopolitiquement aux Etats-Unis ce que l¹Afrique est à l¹Europe, un continent de dédoublement et de réverbération géopolitique immédiate.

Les positions européennes d¹intervention politico-révolutionnaire profonde sont, à l¹heure actuelle, extrêmement certaines en Argentine et au Chili, les deux pays à partir desquels une entreprise d¹intégration révolutionnaire offensive du continent sud-américain apparaît comme immédiatement envisageable.

Cependant, il se fait que, en dernière analyse, le problème de la prochaine identité planétaire de l¹histoire mondiale se trouve être, à l¹heure présente et dans l¹actuel état des forces en compétition ouverte, le problème de la disponibilité de la France à l¹égard de sa propre prédestination profonde, occulte, abyssale, qui exige qu¹elle prenne sur elle de diriger la marche en avant de l¹intégration méta-historique grand-continentale actuellement en cours, et qu¹elle parvienne à la mener à son terme impérial ultime.

Pour cela, il faudrait qu¹une volonté française nouvelle, inattendue, se lève, aujourd¹hui, en France, pour redresser les disponibilités profondes de la prédestination providentielle la plus secrète de la France, en les mobilisant révolutionnairement, en les polarisant en force dans le sens d¹une reprise offensive totale, d¹un autre recommencement de l¹histoire française de l¹Europe et du Grand Continent eurasiatique dans son ensemble. Autrement dit, qu¹une certaine France secrète prenne soudain  ?et comme miraculeusement?  le dessus sur l¹évidence du désastre de sa propre déchéance actuelle, pour imposer le souffle salvateur d¹une nouvelle remontée de l¹être, afin que " tout rentre à nouveau dans la zone de l¹attention suprême ". Rien d¹autre, en fin de compte, que ce que l¹on attend secrètement depuis toujours, rien d¹autre que l¹avènement au pouvoir politico-historique final d¹une certaine France Secrète.

Le Président chinois Jiang Zemin vient de déclarer que l¹Inde prétend depuis longtemps déjà à l¹hégémonie politique totale dans l¹Asie du Sud. Le Président chinois Jiang Zemin ne se trompe absolument pas. En effet, l¹Inde prétend depuis longtemps déjà à l¹hégémonie politique totale en Asie du Sud, seulement, pas pour son propre compte, mais pour le compte de cette unité impériale grand-continentale dont une certaine France secrète entretient souterrainement la flamme vive, transcendantale.

On sait que la Russie refuse, en fait, tout dialogue politique profond avec la France seule, de même qu¹avec la seule Allemagne, mais, que, par contre, elle se trouve entièrement disposée à poursuivre et à renforcer de plus en plus un dialogue politique décisif avec l¹Axe franco-allemand. Telle est, d¹ailleurs, aussi, l¹attitude de l¹Inde à l¹égard de l¹Europe de l¹Ouest, avec, en plus, l¹exigence confidentielle, pour l¹Inde, d¹adjoindre la Russie à son dialogue grand-continental avec la France et l¹Allemagne.

Le déplacement du centre de gravité critique de l¹actuelle politique grand-continentale depuis l¹Ouest vers l¹Est est aussi une des caractéristiques fondamentales de l¹évolution métastratégique de la situation en cours, dont la signification peut ne pas apparaître comme évidente mais qui n¹en est pas moins décisive pour toute interprétation active de cette nouvelle version du Drang nach Osten.

On sait, en effet, que tout déplacement du centre de gravité politique vers l ?Est implique, annonce et fonde le commencement d¹un nouveau grand cycle historique. L¹écartèlement actuel de la Russie sur les décombres hallucinés de sa propre aventure marxiste révolue avec la fin du millénaire -?lui-même presque déjà révolu?  est également un autre signe majeur, parce qu¹il est certain que la grande destinée à venir de la Nouvelle Russie concernera d¹une manière directe l¹ensemble du devenir politico-historique du Grand Continent eurasiatique, et que, de toutes les façons, la Russie restera, ainsi que le disait Alexandre Douguine, " le pont de l¹Europe en direction de l¹Inde ".

L¹engagement grand-continental du Pôle Carolingien franco-allemand à l¹égard de l¹Inde et du Japon passe donc par la Russie  ?par la Nouvelle Russie?  dont le développement eurasiatique total comprend en son centre le " Heartland " fondamental de Sir Halford J. Mackinder, le " Heartland final et suprême " du Grand Continent.

Aux deux extrémités du Grand Continent eurasiatique, l¹Inde à l¹est et la France à l¹Ouest subissent ensemble l¹attraction prédestinée, la sollicitation géopolitique permanente du Sud, l¹Inde pour l¹Océan Pacifique et la France par rapport à l¹Océan Atlantique. Et plus particulièrement pour la France ne direction de l¹Atlantique Sud, dont l¹appel mobilisera toujours celle-ci vers l¹Amérique latine et vers l¹Antarctique. C¹est dans l¹Antarctique, certains le savent déjà, que va se jouer le plus haut destin, le destin final du Grand Continent eurasiatique. C¹est là un des secrets ultimes de la géopolitique transcendantale, un secret avec lequel il nous faudra désormais compter inexorablement.

Aussi le moment est-il venu pour la France de s¹arracher aux ornières fatidiques de son histoire conventionnelle, pour s¹ouvrir à sa dernière, à sa plus haute prédestination occulte.

Car l¹histoire du monde arrive à présent à un de ses tournants décisifs, un tournant de conclusion et de recommencement qui, avec le début du Troisième Millénaire, marque le retour à ses propres origines antérieures : pour la première fois depuis dix mille ans, les peuples du Grand Continent eurasiatique se retrouvent en état de pouvoir reconstituer l¹unité antérieure de leur identité originelle d¹être, de conscience et de destin, depuis l¹Europe de l¹Ouest jusqu¹à l¹Inde à nouveau maîtresse de son devenir politico-historique propre. Un grand cycle métahistorique est en voie d¹achèvement, refermé sur lui-même, sa fin rejoignant ses commencements. Ainsi la fin du monde annonce-t-elle le recommencement d¹un autre.

Au-delà des circonstances politiques immédiates, qui peuvent actuellement apparaître comme décevantes, voire catastrophiques, la réunification à venir du Grand Continent eurasiatique est transcendantalement inscrite dans le devenir historique en cours, et rien ne saura plus l¹arrêter. Avec la maîtrise finale des Pôles, des continents arctique et antarctique, le Grand Continent eurasiatique va atteindre la maîtrise planétaire impériale définitive et totale, l¹état de l¹Imperium Ultimum, la maîtrise de l¹histoire finale de ce monde. La maîtrise ontologique de l¹histoire et de l¹au-delà transcendantal de l¹histoire, le " but ultime ". Et tout cela se trouvant en germe dans la géopolitique active de l¹actuelle conjoncture planétaire finale, dont il nous appartient d¹arriver à contrôler les développements à venir, immédiatement à venir. Tout est volonté, tout est prédestination.

Car tout cela, à présent, se précise fort dangereusement. Ainsi, les " neuf jours en Chine ", à la fin juin 98, du Président des Etats-Unis, Bill Clinton, consacrent d¹une manière désormais irrévocable la convergence, le dévoilement et la mise en place du contre-dispositif final de l¹offensive sino-américaine permanente contre le front européen grand-continental et contre ses positions géopolitiques décisives.

L¹annonce immédiate des prochaines man¦uvres navales conjointes sino-américaines situe, en même temps, l¹urgence et la direction des exigences politico-stratégiques ayant décidé, derrière la couverture économique et par-delà les justifications doctrinales démocratiques au sujet du problème des " droits de l ?homme ", de la visite de Bill Clinton à Pékin, tournant fondamental de l¹actuelle conjoncture politique planétaire.

Au même moment, la Chine, en proposant aux Etats-Unis  ?suivant le South China Morning Post, dont on connaît les fort étroites relations avec les services politico-stratégiques de Pékin?  de cesser de soutenir les efforts nucléaires de l¹Iran et du Pakistan en échange de l¹interruption, par les Etats-Unis, de leur aide visible en même temps que souterraine à Taiwan, reconnaît ouvertement se trouver derrière les récentes avancées nucléaires du front subversif révolutionnaire islamique dans l¹espace intérieur du Grand Continent. Le dessous des cartes est retourné.

Il devient ainsi tout à fait évident que le défi désormais ouvert de la conspiration anti-continentale de la Chine et des Etats-Unis interpelle à présent d¹une manière incontournable le front des décisions profondes concernant les prochaines contre-dispositions métastratégiques continentales que vont devoir prendre les tenants des destinées finales du Grand Continent eurasiatique, et en premier lieu la France et l¹Inde. La France en tant que puissance décisive à l¹Ouest, et l¹Inde en tant que puissance décisive à l¹Est du Grand-Continent, et les contre-dispositions de la France et de l¹Inde à l¹égard de la mise en place de la conspiration anti-continentale de la Chine et des Etats-Unis devant entraîner, aussi, des choix de destin de longue portée de la part de la Russie.

Les lignes de force géopolitiques des futures conflagrations planétaires du troisième millénaire sont en place, maintenant vont parler notre volonté de survie, notre conscience abyssale du destin qui est nôtre.

Jean PARVULESCO.
 

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jeudi, 08 mars 2007

Citation de Jean Baudrillard

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"La lâcheté intellectuelle est devenue la véritable discipline olympique de notre temps".

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Ezra Pound: un géant du siècle

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M. DOMINGO & J. M. INFIESTA :

Ezra Pound : Un géant du siècle

La gloire et la jeunesse du monde, qu'il avait découvertes dans le vieux continent, Ezra Pound ne voulait pas qu'elles fussent passées en vain, et ce poète qui aurait pu dire : "Magnificat anima mea historiam", entonnait très tôt, non pas certes un chant funèbre, mais le plus neuf, le plus imprévisible des chants incantatoires, où l'expression "magie du Verbe" prend tout son sens.

Poète digne du nom, c’est-à-dire homme de pouvoir, et non doux rêveur, et non décorateur-ensemblier, non artiste pour l'art, Pound va où l'appelle son devoir de poète : il descend aux enfers, traverse l'Achéron, et de partout, à son chant orphique, on voit les ombres accourir. Des éclairs, soudain, trouent la nuit, et tumultueuse, une procession que l'on croyait achevée s'ébranle à nouveau. Et sur les tréteaux, la revoici, l'humaine tragi-comédie. Mais cette fois, un poète est là qui observe. Mieux que cela : qui mène le jeu, projetant sur les événements un éclairage intense, partial. Qui officie. Acta est fabula ? Non, elle recommence.

Somme poétique, épopée lyrique, légende de la tribu, on a tout dit ou presque des Cantos, ce fruit prodigieux d'une existence (ils s'étalent sur à peu près un demi-siècle), où Ezra Pound, poète plus commenté que vraiment lu, confronte dans un immense palais verbal les figures Homère, de Dante, de Villon, les troubadours, les condottieri, les papes de la Renaissance, Éléonore d’Aquitaine, et aussi la Chine de Confucius (cantos LII à LXI), et aussi les Américains Jefferson et John Adams (cantos LXII à LXXI).

Quelle que soit l'abondance des gloses, des exégèses (parfois trop subtiles, trop savantes), la toute récente publication des Cantos par Flammarion (la préface est de Denis Roche), incite à s'interroger à propos de cet opus magnum, où beaucoup voient à juste titre une des réalisations majeures d'un siècle au souffle plutôt court.

Le refus d'une culture domestiquée

Exceptionnelle, hors du commun, l'œuvre l'est d'évidence. Elle l'est non pas grâce à l'obscurité, précision importante, mais malgré elle. Cette difficulté, qui est indéniable, mais que peu osent reconnaître, de peur de passer pour des béotiens, n'apparente nullement le poème à ces monuments d’incohérence que nous aura laissés le surréalisme. A aucun moment, ici, l'inconscient ne dicte sa loi, l’extrême lucidité de Pound, sa vigilance, ne se démentant au contraire jamais. Rien non plus de comparable au flou, à la fluidité impressionniste ou bien à l’hermétisme mallarméen. Pound, dont on sait l'importance qu'il attachait aux idéogrammes chinois, s'efforce de présenter des scènes, des faits concrets, qu'il faut se succéder de manière abrupte, provoquant des télescopages déconcertants. C'est ainsi, par ex., qu'à peine vient-on de quitter la Dogana, à Venise, que tout d'un coup le Cid campéador apparaît : Mon Cid s'en vint à Burgos.

Le vers est tout simple, sans doute tiré du romancero, mais il surgit avec une fraîcheur sans pareille. Et resurgit l'âge roman. Les effets de surprise, de dépaysement abondent, dus à une conception de l'image (le vorticisme), qui fait d'elle une sorte de centre radio-actif, à l'incorporation inopinée dans le poème de documents, de chiffres, de bribes de conversation. On a pu comparer cette technique aux collages cubistes, et ce que Bernard Dorival écrivait de ces derniers s'applique assez bien, il ne faut pas craindre de le dire, à certaines pages des Cantos. "Le peintre en arrive à créer un monde étrange, plein de signification pour l'artiste qui sait par quel processus il en est venu à cette recréation, mais qui ne représente rien pour le spectateur, étranger à sa démarche. L'univers cubiste a une valeur unilatérale." C'est qu'en littérature, de même que dans le domaine pictural, ce siècle outrancièrement bien que nécessairement critique, n'aura su dresser contre la déliquescence romantique, les brumes symbolistes, que le rempart de techniques rapidement ivres d’elles-mêmes.

Il fallait toute la vigueur poétique de Pound pour surmonter l'obstacle, pour donner le jour, malgré le recours à des techniques souvent desséchantes, à une œuvre véritablement organique, et, ce qui ne gâte rien, à maints égards attrayante. Car, hâtons-nous de le souligner, ces chants déroulent à nos yeux le plus bigarré, le plus mouvementé des convois. Tantôt saccadées, crépitantes, tantôt harmonieusement liées, les images fulgurent tout au long du poème, qui unit la netteté (dans l'évocation des lieux, des moments), au vertige (celui que provoque la brusque juxtaposition des siècles). Comme exemple de force plastique, ces vers :

Et nous voici assis
Sous le mur
Arena romana, de Dioclétien, les gradins
Quarante-trois rangées en calcaire.

D'incohérence (pour ce qui est de la forme), d'inhumanité (pour ce qui est du contenu), on n'a pas manqué de taxer Ezra Pound. Il est certain qu'il n'y a pas ici trace d'humanitarisme, et que le poème, à des yeux si souvent mouillés de larmes hypocrites, peut sembler sec. Mais vains sont ces reproches, partisanes ces accusations, auxquelles ne pouvait que prêter le flanc ce dissident viscéral qu'était Ezra Pound. Car on comprend ce qui le rendait suspect. Poète doté d'un regard d'aigle, il refusait de chausser les besicles universitaires. Avec Nietzsche et Lawrence, il refusait une culture qui n'est que domestication des esprits. D'où l'émotion, qui est loin d’être apaisée, des éternels mandarins.

"Une nation dégénère si son langage s’altère"

Pound vivait dans la conviction que le cœur du monde échappe à l'Occident, qu'il nous échappa toujours, sauf à certains moments privilégiés, voilé par des vérités dogmatiques, par un moralisme et un spiritualisme dont la gauche est la pieuse héritière, et que Nietzsche, dans Naissance de la tragédie, fait remonter au bonhomme Socrate. A cette culture désincarnée, déconnectée, à son provincialisme, Pound opposait l'Orient, et plus précisément la sagesse confucéenne. Au grouillement de nomades à quoi se réduisent les peuples "émancipés", il opposait une civilisation ancestrale où hommes, État, cosmos, liés entre eux par des liens vivants, faisaient partie d'un tout indivisible.

Si différents soient-ils, un parallèle s'impose, à mon sens, entre Henry Miller et Pound. Même soif boulimique de connaissance, même écœurement devant une Amérique infantilisée, même appel à ce qu'on a appelé la contre-culture, même goût des citations, qui fait parler les détracteurs d'étalage d'érudition. C'est justement l'abondance des références littéraires et historiques qui rendait peut-être nécessaire un index. L'index existe, qui figurait dans l'édition américaine de 1948, et on ne peut ici qu'en regretter l'absence. Redisons-le pourtant, le terme érudition ne convient pas aux Cantos. Pound fait sa substance de tout ce qu'il lit, de tout ce qu'il écoute et voit, mettant ce prodigieux acquis au service d'une vision orgueilleusement subjective.

De quoi avons-nous parlé
De litteris et armis
Praestantibusque ingéniis

Ces vers me réjouissent, sans doute parce qu'on les dira élitistes, ce qui me permet de rétorquer à l'avance que je ne sais pas d'humanisme qui ne soit aristocratique. Pound voulait protéger le langage, il écrivait ceci, que nous ferions bien de méditer : "Une nation dégénère si son langage s’altère." Il voulait transmettre le vaste patrimoine hérité de l'Antiquité, du Moyen Age, et de la Renaissance, "car la tradition culturelle, c'est la beauté qu'on sauvegarde, et non des chaînes contraignantes". Peut-être ne voulait-il rien de moins que l’anamnèse, les Cantos dans ce cas apparaissant comme un gigantesque effort pour recouvrer la mémoire (de ce monde-ci, s'entend, et non d'un au-delà platonicien).

Un mot me vient à l'esprit, que je me risque à tracer, parce que l'œuvre, tout à coup me le suggère, parce qu'elle me renvoie à cette autre ascèse qu'est le tantrisme. Les temps forts de l'Histoire qui retenaient Pound, ne joueraient-ils pas le rôle des chakras ? Ne s'agit-il pas à la fois de combattre l'usure des mots et celle du temps ? Si ambitieuse est l'entreprise, qu'on pense inévitablement à une quête, quelque nom qu'on lui donne, l'Histoire, avec ses fastes et ses écroulements, avec sa fantastique, sa quasi surnaturelle dramaturgie, pouvant peut-être conduire, si un poète audacieux la pénètre, à une subite et décisive illumination. Ses cent tableaux variés, je ne puis m’empêcher de croire qu'ils enivraient le poète, et que de cette ivresse naquit un jour le désir de clarifier, d'ordonner, de composer un auto-sacramental pour temps de crise. L'Histoire s'offrait comme une matière chaotique. Il fallait porter la torche dans ces ténèbres, et c'est ce que, fasciné par le grand théâtre du monde, tenta le poète des Cantos. Un tel désir de clarté, une telle passion pour les âges classiques ne pouvaient qu’impliquer le refus d’une société morcelée, dévitalisée, et Pound n’avait que mépris pour la civilisation mercantile, son philistinisme.

N’est pas fils d’usura Duccio
Ni Pier della Francesca ni Zuan Bellini
Ni le tableau "La Calunnia"
N’est pas œuvre d’usure Angelico ni
Ambrogio Praedis
Ni per usura Saint-Trophisme
Usura rouille le ciseau
Rouille l’art l’artiste
Une vision religieuse du gouvernement des hommes

À l’instar du grand Knut Hamsun, Pound détestait les Américains pour leur "inefficace imbécillité". Il détestait les chantres du Progrès, aveugles au déclin de l’Europe qui, lui, le hantait, et le déclenchement de la guerre, on n’en sera pas trop surpris, ne le trouva pas à leurs côtés. C’est ici le lieu de citer Waldo Frank qui, dénonçant l’impuissance des démocraties à introduire dans le gouvernement des hommes la vision religieuse et esthétique sans quoi la politique n’est et ne sera toujours qu’un chantier, constate : "Fascistes, nazis furent la réponse, jetée par l’âme étouffée, au rationalisme empirique et utilitaire du monde moderne, qui , niant les profondeurs de l’homme, les change en forces malignes." Et encore : "la République qui dresse le poète contre le politicien se détruit parce qu’elle est fausse."

En 1945, les causeries qu’il avait faites à la radio de Rome valaient à Pound d’être inculpé de haute trahison "pour avoir donné aide et réconfort à l’Italie fasciste dans sa lutte contre les États-Unis". Ce n’est qu’au terme de 12 années d’internement aux États-Unis qu’en 1958 il regagnait l’Italie, sa patrie d’élection. Il mourait à Venise le 1er novembre 1972. Dans l’un de ses derniers cantos, il avait écrit ces beaux vers limpides :

Ce que tu aimes bien demeure
Le reste est déchet
Ce que tu aimes bien est ton véritable héritage
Apprends du monde verdoyant quelle peut être ta place
Dans l’échelle de la découverte ou de l’art vrai
Rabaisse ta vanité

Ici-bas l’erreur est de n’avoir rien accompli. Le poète est désormais un fragment de Venise. Aucune cité au monde ne lui ressemblait davantage que cette fabuleuse cité-miroir où, depuis Barrès, nostalgiquement, l’Europe vient contempler son naufrage. L’œuvre accomplie, il repose dans l’île de San Michele, tout proche des Titien, des Tintoret, des Carpaccio…

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mercredi, 07 mars 2007

Jean Baudrillard est mort

medium_JeanBaudrillard.jpg

 

Jean Baudrillard vient de mourir à l'âge de 77 ans

Voici l'hommage que lui consacre le "Figaro":

http://www.lefigaro.fr/france/20070306.WWW000000430_jean_...

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G. Faye en portugais

Chers amis,

Nous avions omis de signaler, dans une information précédente, relative aux articles de Guillaume Faye en toutes langues, ceux qui existent en portugais. Comme notre site accepte le portugais, ainsi que six autres langues, nous vous signalons la présence de tous les articles de Faye en cet idiome international, sur le site "arqueofuturismo", dédié pour une bonne part à ses oeuvres.

http://arqueofuturista.wordpress.com/tag/fala-guillaume-f...

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Définir et dénoncer l'ethnocide

José Javier ESPARZA :

Définir et dénoncer l'ethnocide

Tout le monde sait ce qu'est un génocide. Personne, ou presque, ne parle d'ethnocide, mécanisme de déracinement culturel qui s'abat, de nos jours, sur la majeure partie du monde. Ses victimes : les peuples, les cultures, les spécificités ethniques. Au profit d'un monde artificiel et homogénéisé. S'engager pour la cause des peuples exige, comme acte préalable, de désigner l'ennemi. Et l'ennemi, dans cette dynamique, c'est l'ethnocide.

L'homme est être de culture. Tout autant que l’espèce humaine est une notion biologique. Sur ce plan, zoologique, tous les hommes sont égaux. Mais les hommes ne se définissent pas seulement par leur constitution biologique mais plutôt par leur appartenance d une culture. L'Homme, dépourvu d’instincts pré-programmés, comme le souligne l'éthologie d'un Konrad Lorenz ou l’anthropologie d'un Arnold Gehlen, doit construire son comportement face au milieu. Cette construction est d'ordre "culturel". De sorte que, selon Gehlen, l'homme est "un être culturel par nature".

Le monde humain : une polyphonie

La même règle prévaut pour les sociétés humaines. Les hommes se regroupent en communautés de culture. Il n'y a pas de culture universelle ni d'homme universel. Il y a des peuples avec des cultures et des hommes. Le monde humain est essentiellement polyphonique. Les cultures se constituent ainsi, pour les hommes, en moyens destinés à la création de leur environnement. Cette culture ne peut être réduite à de la "production culturelle". La culture est la configuration que prennent les coutumes, les rites, les visions-du-monde, les conceptions de la société, les notions de sacré, les manières particulières de chaque entité à comprendre la relation qu'il y a entre l'homme et le monde. Toute tentative d'homogénéiser les cultures, de les réduire à un modèle universel constitue une atteinte contre ce qui est spécifiquement humain : la diversité culturelle. L'ethnocide s'inscrit dans cette dynamique homogénéisante. En provoquant l'extinction de la diversité culturelle, l'ethnocide implique la lente disparition de la spécificité des hommes et des peuples. Il implique la mort de l'humain.

Nous assistons à l'heure actuelle à une nouvelle configuration idéologique dans le monde qui se base sur un système de valeurs uniciste. Le vieux processus de colonisation "brutal et violent" a fait place à un néo-colonialisme pacifique et mercantile qui prétend imposer partout sa vision-du-monde. Ce qui est primordial pour ce néo-colonialisme, c'est la domination psychique et culturelle des peuples vivant dans les aires de son expansion potentielle, plutôt que leur simple domination physique/politique. L'agent privilégié de ce néo-colonialisme est précisément l'ethnocide, phénomène que nous pourrions définir, en un premier stade, comme un génocide culturel, génocide de "bonne conscience", exercé "pour le bien du sauvage". Ses résultats sont tout aussi négatifs et abominables que ceux d'une extermination physique.

Ethnocentrisme et prosélytisme

Approfondir le phénomène exige que nous remontions à l'incontestable et radicale réalité du fait ethnique ainsi qu'à un fait qui lui est fréquemment inhérent: l’ethnocentrisme. Ce terme, synonyme d'auto-centrisme culturel, fut défini en 1906 par W.G. Summer comme la conception du monde lui veut que le groupe humain auquel on appartient est le centre du monde : les autres groupes étant pensés par référence à lui, Il se manifeste (principalement aux niveaux inférieurs d'une communauté) par l'éloge de ce qui lui est propre et par un mépris de ce qui lui est étranger. Ce phénomène n'est pas intrinsèquement négatif ; nous le trouvons, dans la pratique, chez tous les peuples : les Esquimaux s'appellent eux-mêmes "Inuit", c’est-à-dire les "hommes" ; les Indiens Guaranis se donnent le nom d' "Ava", signifiant également les "hommes" ; les Guayquis, celui d' "Aché", les "personnes". Il en est de même chez presque tous les peuples de souche indo-européenne. Claude Lévi-Strauss a écrit que l'ethnocentrisme est un phénomène naturel, résultat des relations directes ou indirectes entre les sociétés (1). Tous les peuples sont ethnocentristes. Ceci dit, seule la "civilisation occidentale" est ethnocidaire parce qu'elle tend au prosélytisme, variante "pacifique" de "l'hétérophobie", manifestation de la "haine de l'autre".

L'hétérophobie

Tous les peuples subissent la tentation de l'ethnocentrisme et l'on doit admettre qu'une certaine dose d'ethnocentrage est nécessaire a l'équilibre d'une communauté, car elle renforce son "auto-perception", c’est-à-dire qu'elle dignifie l'image que la communauté se fait d’elle-même. Mais lorsque cet ethnocentrage dégénère, surgissent alors des manifestations d'hétérophobie, de haine de l'autre, de haine à l'égard de tout ce qui est différent. En règle générale, se cache derrière l'hétérophobie non un complexe de supériorité mais bien plutôt un complexe d'infériorité, une insatisfaction d'ordre culturel, provoquée par la perte de cette auto-perception qu'éprouve une communauté ethnique donnée, ce qui équivaut à une déviation ou une insuffisance d'ethnocentrage. Les manifestations d'hétérophobie sont, au fond, au nombre de 2 : la répudiation et l'assimilation.

L'ethnocide par répudiation

La répudiation consiste en ceci : la relation entre 2 groupes ethniques s’interprète selon le schéma dualiste nature/culture. La "société civilisée" juge la "société sauvage" comme inférieure, comme infra-humaine, et la perçoit comme un mode d'organisation quasi animal. Dans cette logique, les cultures dites "sauvages" sont destinées à être "bonifiées", "valorisées" par le truchement de la domination. Celle-ci, bien sûr, n'exclue pas la violence physique voire l'annihilation d'une race entière (génocide) ; elle n'exclut pas non plus l'ethnocide mais, ici, celui-ci se produit comme conséquence directe de l'exercice de la domination violente, ce qui la différencie de l'autre manifestation d'hétérophobie : l'assimilation.

L'ethnocide par assimilation

L'assimilation est une manifestation altérophobique plus subtile, moins polémique et conflictuelle. Elle consiste en la négation de la différence moyennant l'assimilation à la culture même qui pratique cette stratégie. L'autre devient identique, ce qui évite de poser le problème, pourtant bien tangible, de la différence des cultures. La distance est "censurée". Il s'agit d'un ethnocide pratiqué avec "bonne conscience" et qui correspond au phénomène néo-colonialiste actuel. L'ethnocide se pratique en 2 mouvements consécutifs : a) la déculturation qui génère une hétéroculture ; b) l'assimilation effective, l'ethnocide proprement dit.

Par déculturation, nous entendons l'ensemble des contacts et interactions réciproques entre les cultures. Le terme fut lancé à la fin du XIXe siècle par divers anthropologues nord-américains et plus particulièrement par l'ethnologue J.W. Powells en 1880 dans le but de désigner "l'interpénétration des civilisations". Comme l’a expliqué Pierre Bérard (2), le phénomène survient en plusieurs étapes. En 1er lieu, la culture autochtone s'oppose à la conquérante. Ensuite, avec la prolongation du contact, l'on commence à accepter certains éléments tout en en rejetant d'autres mais le germe d'une culture syncrétique est semé. C'est lors de la 3ème phase que l'on peut parler d'hétéroculture ; ce concept, cerné par J. Poirier (3), peut s'appliquer lorsque l'ethnotype ou mentalité collective, qui constitue avec l'idiome l'un des substrats de la culture, est affecté définitivement par des interventions extérieures. Les individus, coupés de leur mémoire, leur système social "chamboulé" deviennent les agents opérationnels de l'ethnocide (finalement un auto-ethnocide). Il se produit alors une assimilation complète, la disparition définitive de la culture originelle est chose faite et l'acceptation des valeurs de l'autre est acquise. Les courroies de transmission principales de ce processus sont au nombre de 3 : la religion, l'école et l'entreprise. La déculturation consommée et l'hétéroculture installée, l’on peut parler d'ethnocide par assimilation,

L'ethnocide : mort des différences

Le concept d'ethnocide fut suggéré pour la 1ère fois en 1968 par Jean Malaurie qui avait lu le livre de G, Condominar, L’exotique est quotidien. L'ethnocide partage avec le génocide une certaine vision de l'autre mais il n'adopte pas une attitude violente ; au contraire, il adopterait plutôt une attitude "optimiste". La propension ethnocidaire raisonnerait en fait comme suit : "Les autres, d'accord, ils sont 'mauvais' mais l'on peut les 'améliorer' en les obligeant a se transformer au point de devenir identiques au modèle que nous imposons". L'ethnocide s'exécute donc "pour le bien du sauvage". Une telle, attitude s'inscrit bien dans le cadre de l'axiome de l'unité de l'humanité, dans l'idée qu'il existerait un homme universel et abstrait, dans cet hypothétique archétype d'un homme générique. Archétype qui tenterait de fonder l'unité de l’espèce sur une donnée zoologique qui réduirait la culture à un "fait naturel" : cet archétype de l’universalisme militant constitue de ce fait une régression anti-culturelle. L'ethnologie a souvent succombé à cette erreur : dans le cadre de cette discipline, on a estimé, par ex., que l'indianité n'est pas quelque chose de consubstantiel à l'indien (qui est perçu comme un "être humain de couleur") ; dépouillé de son identité (l'indianité), l’indien accédera à la "dignité d'homme" : il s’occidentalisera.

Les 3 phases de l'ethnocide

Dans le cadre socio-économique, ce processus se manifeste en 3 phases fondamentales :

  • a) celle du spectacle : les peuples entrent en contact avec le modèle à imposer, ils contemplent les élites occidentales qui agissent comme vitrines, reflets du "progrès". Ces élites fonctionnent comme 1er instrument de l'ethnocide.
  • b) Celle de la normalisation : on élimine les scories culturelles indigènes, en les reléguant dans des zones dites "arriérées" ou "sous-développées" que l'on a, auparavant, contribué à créer ; l'instrument de pénétration est ici l'idéologie humanitaire qui prétend lutter contre la pauvreté.
  • c) la consolidation : issue des pays industrialisés, la culture dominante s'incruste totalement dans le pan-économisme ; les instruments de cet enkystement : modes de masse, idéologie du bien-être, etc.

Les conséquences de ce processus ont été mises en relief par G. Faye (4) : en même temps que les individus se dépersonnalisent pour végéter dans une existence narcissique et hyper-pragmatique, les traditions des peuples deviennent des secteurs d'un système économicisé et technicisé. Il y a souvenance mais pas de mémoire. Le passé est visité (comme un vieux musée poussiéreux) mais il n'est déjà plus habité. Un vrai peuple intériorise son passé et le transforme en modernité. Le système le transforme en ornement médiatisé et aseptique.

Matrices philosophiques de l'ethnocide

Tant l'esprit du processus d'assimilation que la légitimation de l'ethnocide reposent sur une série de préjugés bien ancrés dans l’idéologie moderne : ils s'inscrivent dans le cadre de la conception linéaire de l'histoire. En 1er lieu, nous rencontrons l'idéologème de la nature convergente de toutes les civilisations vers un système occidental. Dans cette optique, il serait possible de transférer n'importe où le développement culturel d'une population et de l'offrir à une autre parce que les cultures sont jugées simples accidents transitoires ou degrés inférieurs au encore marches d'escalier vers la civilisation unique, celle qui correspond à l'humanité abstraite, représentée aujourd'hui par le système occidental.

Cette vision téléologique est en rapport direct avec le 2nd idéologème, celui de l'unité de l'histoire, celui du sens unique de l'histoire : la civilisation serait alors un processus qui, avec l'aboutissement du développement, se muerait en état de fait ; le temps serait cumulatif et commun à tous les peuples. Bref, on enferme ainsi les peuples dans un processus abstrait et continu, dans un temps unique qui évoluerait vers le point omega du monde marchand et du bien-être de masse. Ces idéologèmes (unicité de l'histoire et convergence naturelle des civilisations) alimentent l'idéologie de l'unité de l'humanité. C'est, comme le souligne Pierre Bérard, "l'ogre philanthropique des ethnies". Résultat : l'homme occidental, prototype achevé de l'humanité unique, devient modèle planétaire.

Quand l'ethnocide engendre de graves pathologies

Ce type d'idées, que l'on tente d'inculquer aux peuples, n'est pas inoffensif. Au contraire, pareilles idées engendrent des pathologies dans l'orbite des psychologies sociale et individuelle, pathologies qui provoquent des déséquilibres sociaux. L'homme en l'intérieur duquel 2 cultures se combattent est un marginal qui ne peut plus se retrouver lui-même, qui ne sent plus les liens qui l’unissent à sa communauté d'origine, mais qui, en plus, ne sent pas se créer en lui d'autres liens qui l'uniraient au modèle culturel qu'on prétend lui imposer. Et ces liens qui, ensembles, donnent naissance à un véritable sentiment d'enracinement et d'appartenance collective, sont indispensables au bon équilibre social. Par la manipulation de ces idéologèmes déréalisants, les idéologies dominantes ont créé une authentique pathologie de la déculturation dont les symptômes ont été chiffrés par Rivers dés 1922 : érosion de la joie de vivre et thanatomanie. En 1941, Keesing observa les terribles effets déstabilisateurs de la dualité des codes axiologiques (l'original et l'imposé) chez des sujets appartenant à des ethnies soumises à un processus de déculturation. Le comportement imposé par l'idéologie occidentale est fréquemment perçu par la culture indigène comme délictueux et vice-versa. Cela donne lieu à des états d'anxiété où le patient déprécie généralement sa propre personne. Le processus de déculturation est-il irréversible ? Les peuples victimes de l'ethnocide, ou ceux qui sont en situation d'hétéroculture, ont-ils une quelconque possibilité de survivre en tant que peuples, c'est-à-dire en tant que matrices de systèmes de valeurs uniques et originales ?

La bouée de sauvetage : amorcer la contre-déculturation

Lorsque nous faisons allusion aux phases de déculturation (opposition initiale, culture syncrétique, hétéroculture et assimilation), nous avons délibérément laissé de côté une dernière et unique phase potentielle, signalée par Pierre Bérard : la contre-déculturation. Dans ce cas, la culture menacée de disparition, de façon inespérée, prétend restaurer les valeurs fondamentales qu'elle a sécrété du temps de sa pleine indépendance. Un tel phénomène, bien que difficile et complexe, peut se produire. Les mouvements des Indiens d'Amérique du sud l'illustrent parfaitement. Les phénomènes régionalistes en Europe aujourd'hui, qui ont une souche historique bien discernable comme ceux des Bretons, Flamands, Basques, etc., s'inscrivent également dans cette dynamique de contre-déculturation. Idem pour les revendications de beaucoup de pays du Tiers-Monde.

De nos jours, seule une réaction allant dans le sens d'une contre-déculturation peut freiner et corriger la dégénérescence des cultures populaires dans le monde entier et empêcher ainsi leur disparition. Le 1er obstacle à cette réaction, signe de santé, est l'idéologie universaliste et mercantile implantée à partir des structures internationales de domination techno-économique dont le pouvoir s'étend à tous les niveaux de la vie quotidienne. Il reste un espoir : que les peuples s'aperçoivent que ce système techno-économique est en réalité un géant aux pieds d'argile. Ils sauront alors que la réaction que nous souhaitons est possible et qu'elle sera efficace.

NOTES :

  • 1) Anthropologie structurale (1973).
  • 2) Ces cultures qu’on assassine in La cause des peuples, éd. Labyrinthe, 1982.
  • 3) Identités collectives et relations interculturelles, éd. Complexe, 1978.
  • 4) Les systèmes contre les peuples in La cause… (op. cit.).

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Pour une nouvelle définition du nationalisme

Pour une nouvelle définition du nationalisme

 

Conférence donnée par Robert Steuckers, le 16 avril 1997 à Bruxelles 

 

 

«Nationalisme» signifie, au départ, selon une définition minimale, la défense de la “nation” sur les plans politique, culturel et écono­mique. Par conséquent, toute définition du “nationalisme” dérive forcément d'une définition de la “nation”.

 

 

 

Qu'est-ce qu'une “nation”? Le terme “nation” vient du latin natio, substantif dérivé du verbe nasci,  naître. Donc, dans sa signification originelle, natio  signifie naissance, origine, famille, clan (Sippe),  la population d'un lieu précis (d'une ville, d'une province, d'un Etat ou, plus généralement, d'un territoire). Dans nos ré­gions au moyen-âge, on appelait diets(ch) ou deutsch les locuteurs de langue thioise (= germanique), en précisant que ceux qui habitaient la rive gauche du Rhin étaient des Westerlingen, tandis que ceux qui habitaient à l'Est du grand fleuve se faisaient appeler Oosterlingen.  Cette terminolo­gie se retrouve en­core dans les noms de famille Westerlinckx ou Oosterlinckx (ainsi que leurs variantes, orthographiées dif­férem­ment). A l'époque médiévale, Regino de Prüm, en évoquant les na­tiones populorum, indique que les “nations” sont des groupes de populations possédant tout à la fois des ancêtres communs, une langue commune et, surtout, ce que l'on a tendance à oublier quand on fait aujourd'hui du “nationalisme” comme Monsieur Jourdain fai­sait de la prose, des systèmes communs de droit, voire des es­quisses de constitu­tions. Dans la définition de Regino de Prüm, l'aspect juridique n'est pas exclu, le continuum du droit fait partie intégrante de sa définition de la nation, alors que certains nationalismes actuels ne réfléchissent pas à la nécessité de rétablir des formes traditionnelles de droit national et se contentent d'interpréter le droit en place, qui fait, par définition, abstraction de toutes les appartenances supra-individuelles de l'homme. Ce droit en place n'a pas été voulu par les néo-nationalistes: il s'opposera toujours à eux. Ou alors, les néo-nationalistes se bornent à rejeter le droit et plaident pour des mesures d'exception ou pour un gouvernement par ukases ou par comités de salut public, ce qui n'est possible que dans des périodes troublées, notamment quand un ennemi extérieur menace l'intégrité du territoire ou quand des bandes de hors-la-loi troublent durablement la convivialité publique (attaques de forugons convoyant des fonds ou initiatives de réseaux de pédophiles en chasse de “chaire fraîche”). Dans le contexte belge, il convien­drait de rejeter toutes les formes de droit et toutes les institutions qui nous ont été léguées par la ré­vo­lution française et le code napoléonien, pour les remplacer par des formes modernisées du droit cou­tumier flamand, brabançon, liégeois, etc. La grande faiblesse des mouvements nationaux dans notre pays, y compris du mouvement flamand, a été de ne pas proposer un droit alternatif, inspiré du droit cou­tumier d'avant 1792 et de contester globalement et systématiquement les formes de “droit” (?) dominantes, non-démocratiques et héritées de la révolution française.

 

 

 

Dans quel contexte le terme de “nation” a-t-il été employé pour la première fois? Dans les universités: une natio, dans la Sorbonne du moyen-âge, est une communauté d'étudiants issus d'une région particulière. Ainsi, la Sorbonne comptait une natio germanica ou teutonica regroupant les étudiants flamands, alle­mands et scandi­naves, une natio scozia ou scotia regroupant les étudiants venus des îles britanniques, une natio franca, regroupant les étudiants d'Ile-de-France et de Picardie, une natio normanica, avec les Normands (que l'on distinguait des “Français”) et une natio provencialensis, pour les Provençaux, et, plus généralement, les locuteurs des par­lers d'oc.

 

 

 

Mais, par ailleurs, au moyen-âge, les gens voyageaient peu, sauf pour se rendre à Compostelle; ils n'avaient que rarement affaire à des étrangers. Ceux-ci étaient généralement bien accueillis, surtout s'ils avaient des choses originales, drôles, étranges à raconter. Le rôle de l'étranger est souvent celui du con­teur d'histoires insolites. Certaines manières des étrangers étonnent, sont considérées comme bizarres, voire inquiètent ou suscitent l'animosité: très souvent, on est choqué quand ils parlent trop haut ou trop vite; dans le Nord, on est rebuté par la manie méridionale de toucher autrui, dans le Sud, on est froisé par la distance corporelle qu'aiment afficher les gens du Septentrion. Les habitudes alimentaires sont généra­lement mal jugées. L'animosité à l'égard de l'étranger se limitait, au fond, à ces choses quotidiennes, ce qui est bien souvent le cas encore au­jour­d'hui.

 

 

 

La conscience d'une “nationalité” n'est pas perceptible dans les grandes masses au moyen-âge. Seuls les nobles, qui ont fait les croi­sades, les clercs qui sont davantage savants et connaissent l'existence d'autres peuples et d'autres mœurs, et les marchands, qui ont accompli de longs voyages, savent que les coutumes et les manières de vivre sont différentes ailleurs, et que ces différences peuvent être sources de conflictualités.

 

 

 

Le nationalisme ne devient une idéologie qu'avec la Révolution française. Celle-ci exalte la nation, mais dans une acception bien différente des nationes  de la Sorbonne médiévale. La nation est la masse des citoyens, qui n'appartenaient pas auparavant à la no­blesse ou au clergé. Cette masse est désormais po­litisée à outrance, pour des raisons d'abord militaires: les hommes du peuple, indis­tinctement de leurs origines régionales ou tribales, sont mobilisés de force dans des armées nombreuses, par la levée en masse. A Jemappes et à Valmy, en 1792, les beaux régiments classiques de la guerre en dentelles, qu'ils soient wallons, autrichiens, croates, hon­grois ou prussiens, sont submergés par les masses compactes de conscrits français hâtivement vêtus et armés. Jemappes et Valmy annoncent l'ère de la “nationalisa­tion des masses” (George Mosse). Celle-ci, dit Mosse, prend d'abord l'aspect d'une militarisa­tion des corps et des gestes, par le truchement d'une gymnastique et d'exercices physiques à but guer­rier: Hébert en France, Jahn en Prusse, drillent les jeunes gens pour en faire des soldats. Plus tard, les premiers na­tio­na­listes tchèques les imitent et créent les sokol,  sociétés de gymnastique. Après les guerres de la Ré­vo­lution et de l'Empire, le nationalisme en Allemagne est révolutionnaire et se si­tue à gauche de l'échi­quier politique. Puisque le peuple allemand s'est dressé contre Napoléon et a aidé le roi de Prusse, les prin­ces locaux, la noblesse et le clergé à chasser les Français, il a le droit d'être repré­senté dans une as­semblée, dont il choisit directement les députés, par élection. En 1815, dans l'Europe de Metternich, le peu­ple ne reçoit pas cette liberté, il est maintenu en dehors du fonctionnement réel des institutions. D'où une évidente frustration et un sentiment de profonde amertume: si le simple homme du peuple peut être ou doit être soldat, et mourir pour la patrie, alors il doit avoir aussi le droit de vote. Tel est le raisonnement, telle est la revendication première des gauches nationales sous la Restauration metter­nichienne en Eu­rope centrale.

 

 

 

Dans l'Allemagne de l'ère Metternich, le nationalisme est un “nationalisme de culture” (Kultur­natio­na­lismus), où l'action poli­tique doit viser la préservation, la défense et l'illustration d'un pa­tri­moine culturel précis, né d'une histoire particulière dans un lieu donné. La culture ne doit pas être l'apanage d'une élite réduite en nombre mais être diffusée dans les masses. Le nationalisme de culture s'accompagne toujours d'une “pédagogie populaire” (Volkspedagogik)  ou d'une “pédagogie nationale”. Concours de chants et de poésie, promotion du patrimoine musical national, inauguration de théâtres en langue populaire (Anvers, Prague), in­térêt pour la littérature et l'histoire locale/nationale sont des mani­festations importantes de ce nationalisme, jugées souvent plus im­portantes que l'action politique propre­ment dite, se jouant dans les élections, les assemblées ou les institutions. Le nationalisme de culture permet d'organiser et de capillariser dans la société un “front du refus”, dirigé contre les institutions nées d'idées abstraites ou détachées du continuum historique et culturel du peuple. Ce na­tionalisme de culture est toujours tout à la fois affirmateur d'un héritage et contestataire de tout ce qui fonctionne en dehors de cet héritage ou contre lui.

 

 

 

Le nationalisme selon Herder et le nationalisme selon Renan

 

 

 

De la volonté d'organiser une “pédagogie populaire” découlent deux tendances, dans des contextes diffé­rents en Europe.

 

- D'une part, il y a les pays où la nation est perçue comme une “communauté naturelle”, c'est-à-dire une communauté reposant sur des faits de nature, de culture, sur des faits anthropologiques ou linguistiques. Cette vision provient de la philosophie de Herder et elle structure le nationalisme allemand, le nationa­lisme des peuples slaves (Russes, Serbes, Bulgares, Croates; en Pologne et chez les Tchèques, cet hé­ritage herdérien s'est mêlé à d'autres éléments comme le catholicisme, le messianisme de Frank, un héri­tage hus­site ou un anti-cléricalisme maçonnique), et, enfin, le nationalisme flamand qui est “herdérien” tant dans ses acceptions catholiques que dans ses acceptions laïques (souvenir de la révolte des Gueux contre l'Espagne).

 

- D'autre part, nous trouvons dans l'histoire européenne une con­ception de la nation comme “communauté de volonté” (wilsgemeenschap);  pour l'essentiel, elle est dérivée des écrits de Renan. Elle est la caracté­ristique principale d'un nationalisme fran­çais postérieur à l'ère révolutionnaire et jacobine. Le nationalisme français n'est pas un nationalisme de culture (et donc ne constitue nullement un nationalisme pour les Allemands, les Slaves et les Flamands) parce qu'il implique un refus des faits naturels, une né­gation du réel, c'est-à-dire des mille et unes particularités histo­riques des nations concrètes. Renan savait que la France de son temps n'était déjà plus un peuple homogène, mais un mixte com­plexe où intervenaient un fonds préhistorique cromagnonique-auri­gnacien (grottes de Lascaux, sites archéologiques périgourdins, etc.), un fonds gaulois-celtique ou basque-aquitain, un apport romain-la­tin et des adstrats francs-germa­niques ou normands-scandinaves. Aucune de ces composantes ne peut revendiquer de représenter la France seule: donc ces réalités, pourtant impassables, doivent être niées pour que fonctionne la ma­chine-Etat coercitive, de Bodin, des monarques, de Richelieu et des jacobins. Pour que l'idéologie ne soit pas trop raide, schématique et abstraite, donc rébarbative, Renan table non pas sur les réalités con­crètes, anthropologiques, ethniques ou linguisitiques, mais sur une émotion artificiellement entretenue pour des choses construites, relevant de l'“esprit de fabrication” (dixit le Savoisien Joseph de Maistre) ou sur des modes assez ridi­cules et des fantaisies sans profondeur (modes vestimentaires pa­risiennes, glamour féminin, produits culinaires ou cosmétiques à la réputation surfaite et toujours parfaitement inu­tiles, etc.). Le ci­toyen d'une telle nation adhère avec un enthousiasme artificiel à ces constructions abs­traites ou à ces styles de vie mondains et cita­dins sans profondeur ni épaisseur, et, en même temps, nie ses pa­trimoines réels, ses traditions rurales, ses héritages, qu'il brocarde par une sorte de curieuse auto-flagellation, de concert avec les pro­pagandistes politiques et les mercantiles qui diffusent ces modes ne correspondant à aucun substrat populaire réel. Cette adhésion est une “volonté”, dans l'optique de Renan. Sa fameuse idée d'un “plébiscite quotidien” n'est jamais que l'exercice d'auto-flagellation des ci­toyens, le catéchisme qu'il doit apprendre pour être un “bon élève” ou un “bon citoyen”, pour oublier ce qu'il est en réalité, pour exorciser le “plouc” qui est en lui et l'empêche d'adhérer béatement à tous les pa­risianismes. Aujourd'hui, les modes vestimentaires, musicales, cinématographiques américaines, diffu­sées en Europe, jouent un rôle analogue à celui qu'avaient les modes françaises jusqu'en 1940. Les mani­festations d'américanisme oblitèrent les traditions historiques et culturelles d'Europe comme les manifes­ta­tions du parisianisme avaient oblitéré les traditions historiques et culturelles des provinces soumises aux rois de France, puis à la secte jacobine-fanatique.

 

 

 

Que signifie cette dualité dans les traditions nationalistes en Europe? Pour Herder, le peuple, en tant qu'héritage et continuité pluriséculaire, prime toutes les structures, qu'elles soient étatiques, démocra­tiques, républicaines, monarchiques ou autres. Les struc­tures passent, les peuples demeurent (Geen tronen blijven staan, maar een Volk zal nooit vergaan,  [Aucun trône ne reste debout, mais un peuple ne passe jamais], dit l'hymne national flamand, contenant ainsi une magistrale profession de foi herdérienne dont les Flamands qui le chantent aujourd'hui ne sont plus guère cons­cients et dont la portée philosophi­que est pourtant universelle). Pourquoi, chez Herder, cette primauté du donné brut et naturel qu'est le peuple par rapport aux institutions étatiques construites? Parce qu'au mo­ment où il écrit ses traités sur l'histoire, il n'y a pas un Etat alle­mand unitaire. Les Allemands du continent sont éparpillés sur une multitude d'Etat, comme c'est encore le cas aujourd'hui. Dans le contexte allemand du XVIIIième, on ne peut donc pas parler de l'Etat comme d'une réalité concrète, puisque cet Etat n'existe pas. Ce qui existe en réalité, ce qui est vraiment là, sous les yeux de Herder, c'est une vaste population germanique, diversifiée dans ses façons de vivre et par ses dialectes, mais unie seulement par une langue littéraire et une culture générale permet­tant d'harmoniser ses dif­férences régionales ou dialectales. Herder voit une nation germa­nique en devenir constant, un édifice non achevé. Les nationalismes qui dérivent de sa philosophie de l'histoire perçoivent leur objet privilégié, soit la nation-peuple, comme un phénomène mouvant, en évolution constante. La primauté de la culture sur les institutions (jugées toujours éphémères et sur la voie de la caducité), du peuple sur l'Etat, conduit aisément à la pratique de défendre les Volksge­nossen  (= les “congénères”) contre les Etats étrangers qui les oppri­ment ou qui, plus simplement, ne permettent pas leur dé­ploiement op­timal. Tous les “congénères” doivent en théorie béné­ficier d'insti­tutions souples et protectrices, déduites de l'héritage juridique et historique national voire d'institutions partagées par la majorité nationale. Il appa­raît intolérable que certains “congénères” soient sous la coupe d'institutions étrangères ou contraints de servir de chair à canon dans des armées non nationales. Le sentiment qui naît de voir des “congénères” subir des injustices conduit parfois à une vo­lon­té d'irrédentisme. Dans cette optique nationale-allemande et herdérienne, les Autrichiens, les Alsa­ciens, les Luxembourgeois, les habitants d'Eupen et de Saint-Vith, les Tyroliens du Sud, les res­sortis­sants des disporas allemandes de la Vistule à la Volga et de Bessarabie au Turkestan sont des com­patriotes allemands à part entière. Pour les Flamands, les habi­tants du Westhoek ou les diaspo­ras fla­mandes réparties jusqu'au pied des Pyrénées sont des compatriotes  —indé­pendamment de leur “natio­nalité de papier”—  qu'il faut proté­ger quand ils ont maille à partir avec l'Etat étranger qui les tient sous tutelle. Le conflit entre Serbes et Croates vient du fait que ni les uns ni les autres ne peuvent accepter de voir les leurs sous la coupe d'un Etat reposant sur des principes qui leur sont étrangers: orthodoxes-byzantins pour les uns, catholiques-romains pour les autres. Les Russes aussi se sentent les protec­teurs de leurs compa­triotes en Ukraine, en Estonie, au Kazakstan et dans toutes les ré­publiques musul­ma­nes de l'ex-URSS. Les Hongrois affirment au­jourd'hui haut et fort qu'ils protègent leurs compatriotes des Tatras et de la Voïvodine et laissent sous-entendre, notamment à la Slova­quie et à la Serbie, qu'ils sont prêts à intervenir militairement si les droits des minorités hongroises sont bafoués.

 

 

 

Pour Renan, l'idée d'une “communauté de volonté” ou d'un “plé­biscite quotidien” repose de fait sur une volonté d'oublier chaque jour ce que l'on est en substance, afin de correspondre à une idée abstraite (la citoyenneté républicaine et universelle dans la version rationaliste, délirante et fanatique) ou à une image idéale (dans la version édulcorée et modérée). Pour les tenants du natio­nalisme de culture, une telle dé­marche est une aberration. C'est ce que repro­chent les nationalistes flamands ou les germanophiles al­saciens à leurs “franskiljoens” ou à leurs “Französlinge”. Rien de plus ridicule évidemment que le franco­phile brabançon ou strasbour­geois qui se pique de suivre les modes de Paris. Gauche et mala­droit, il ca­mou­fle, derrière des propos grandiloquents et un caté­chisme sché­ma­tique, une honte et une haine patho­logiques de soi, qu'il essaye fé­bri­le­ment, de surcroît, d'inculquer à ses compatriotes. A Bruxelles, cer­taines nullités politiciennes de bas étage inféodées au FDF (Front des Francophones) jouent ce jeu avec une obstination inquiétante, avec un fanatisme comparable à celui qui s'est exercé sous la Ter­reur, et bé­néficient du soutien à peine dissimulé de quelques ser­vices du Quai d'Orsay.

 

 

 

Pour Tilman Mayer (cf. Prinzip Nation. Dimensionen der nationalen Frage am Beispiel Deutschlands, Le­ske + Budrich, Leverkusen, 1986; Bernd Estel/Tilman Mayer (Hrsg.), Das Prinzip Nation in modernen Ge­sell­schaften. Länderdiagnosen und theoretische Perspektiven, Westdeutscher Verlag, Opladen, 1994), philosophe allemand qui s'est penché sur la question du nationalisme, il convient de distinguer dans cette pro­blématique Herder/Renan, les notions d'ethnos  et de demos. L'ethnos est un groupe démographique humain, avec une base eth­nique bien clairement profilée. Le demos  est l'ensemble des élec­teurs (donc des habitants de toutes les circonscriptions électorales d'un pays donné), sans qu'il ne soit néces­sai­re­ment tenu compte de leur profil ethnique/anthropologique; ceux-ci peuvent certes exprimer leurs opinions sur le plan politique et institutionnel, mais ils ne peuvent en aucun cas porter atteinte au fait naturel, au factum  qu'est l'ethnos.  Pour Mayer, comme jadis pour Herder, les peuples sont autant d'expressions spécifiques de cette humanité diversifiée voulue par Dieu (Herder est pasteur protestant), autant de façons de l'“être-homme” (het menszijn/Mensch-sein).  Cette affirmation appelle d'autres réflexions d'or­dre philosophique et anthropolo­gique. A leur tour, ces réflexions condui­sent à l'affirmation de prin­cipes politiques pratiques:

 

- Première réflexion: l'homme (l'humanité) est ontologiquement faible. Dans le donné naturel brut, dans sa déréliction, jeté au beau milieu d'un monde souvent hostile, l'homme nu, seul, est désarmé, ne pourrait survivre. Le “petit d'homme” n'a ni la fourrure de l'ours, ni les crocs du tigre, ni la fulgurante rapidité du guépard, ou l'agilité du dauphin ou les muscles puissants des grands singes anthropo­morphes. Pour pal­lier à ces défauts, l'homme a besoin de la tech­nique et de la culture.

 

 

 

- La technique, la fabrication d'outils, l'habilité manuelle lui procu­rent les instruments quotidiens (vête­ments, armes, ustensiles di­vers, récipients, etc.) qui lui assurent sa survie biologique.

 

- La culture, en ce sens, est un ensemble de rites, de traditions, de règles ou d'institutions anthropolo­giques (mariage, famille, etc.) ou politiques (Etat, organisation militaire, judiciaire, etc.), qui permet­tent soit d'orienter les comportements vers le maximum d'efficacité soit de déployer autant de stratégies pos­sibles pour répondre aux innombrables défis que lancent le monde et l'environnement.

 

 

 

Pluriversalité

 

 

 

L'humanité est répandue sur l'ensemble du globe, sous toutes les latitudes et dans tous les climats ou les biosphères; cette répartition humaine est mouvante par l'effet des phénomènes migratoires, la pluralité des modes culturels/institutionnels est dès lors un postu­lat nécessaire, pour ne pas désorienter les hommes, pour leur con­server à tous un fil d'Ariane dans leurs pérégrinations à travers un monde labyrin­thique. Les cultures doivent être maintenues et pro­mues dans leur extrême diversité, de façon à ce que les stratégies de survie restent nombreuses pour affronter les innombrables si­tuations ou contextes aux­quels l'homme est sans cesse confronté. Ce postulat de la diversité nécessaire induit un “pluriversalisme” et réfute les démarches universalistes. Le monde est un plurivers et non un univers. Un monde qui serait géré par une et une seule vi­sion des choses serait un danger pour l'humanité, car cette vision unique, cette pensée unique, éliminerait la possibilité de déployer, ne fût-ce que par imitation, des stratégies mul­tiples éprouvées avec succès dans d'autres Umwelten  que le mien (les explorateurs po­laires européens imitent les Esquimaux, les soldats européens imi­tent en Guyane, au Gabon ou en Birmanie les stratégies de survie des Pygmées dans les forêts vierges africaines, les explorateurs du désert calquent leurs com­portement sur les Bédouins ou les Touaregs, etc.). La pluriversalité est donc bel et bien une nécessité et un avantage pour l'homme, et la volonté perverse de certains cé­nacles, officines ou bureaux d'imposer une “political correctness”, niant cette luxuriante pluriversalité au profit d'une fade universa­lité, est une dangereuse aberration.

 

 

 

Si, en permanence, on peut tester au quotidien des stratégies vitales ethniquement ou biorégionalement profilées, on donne à l'humanité dans son ensemble plus de chances de survie. Dans une telle optique, l'Autre (l'Etranger) est toujours un ensei­gnant, tout comme nous sommes pour lui aussi des enseignants. L'ennemi dans une telle optique est celui, compatriote ou étranger, qui refuse d'entendre et d'écouter l'Autre, d'enseigner ce qu'il sait, d'approfondir ce qu'il est, celui qui impose des modèles abstraits et inféconds par coercition ou par séduction perverse. Car dans un monde régi par le mono-modèle pré­co­ni­sé par les tenants de l'idéologie dominante et par leurs inquisiteurs, une réciprocité fé­conde et bien­veil­lan­te, comme celle que nous souhaitons planétari­ser, ne serait pas possible.

 

 

 

Ces options pour la pluriversalité ou la pluralité doivent se répercu­ter au sein même de la nation. Au sein de sa nation, l'homme public ou politique, qui opte pour la vision herdérienne, plurielle et pluri­verselle, doit, pour demeurer logique avec lui-même, respecter la pluralité qui constitue sa propre nation. Car la nation n'est jamais un monolithe, même quand elle est apparemment homogène ou plus homogène que ses voi­sines. La nation est une communauté complexe et multidimensionnelle, et non un groupe humain simple et unidimensionnel. La complexité et la multidimensionalité per­mettent de réaliser au sein de la nation ce qui se fait dans le monde: tester à chaque instant autant de stratégies vitales diffé­rentes que possible. Le personnel politique pluriversaliste sélec­tionne alors les meilleures stratégies disponibles et les adapte à la situation et aux défis du moment: tel est le véritable pluralisme, et non pas cette pluralité d'options par­tisanes figées que l'on nous suggère aujourd'hui, en nous disant qu'elle est la panacée et l'unique forme de démocratie possible. Un Etat trop centralisé as­sèche ses potentialités: c'est le cas de la France qui tombe en que­nouille sous le poids de ses contradictions mais c'est aussi le cas de la Wallonie ruinée où le PS francophile impose trop unilatéralement ses schémas et ce serait le cas d'une Flandre où seul le CVP aurait le dernier mot. Une vision organique de la nation implique la présence constante d'une pluralité de réseaux d'opinions ou une pluralité de projets, qui doivent avoir pour but, évidemment, de renforcer la co­hésion de la nation, d'y introduire de l'harmonie, d'optimiser son déploiement.

 

 

 

La typologie des nationalismes chez John Breuilly

 

 

 

Dans Nationalism and the State  (Manchester University Press, 2d ed., 1993), John Breuilly nous offre une excellente classification de différents types de nationalismes qui se sont présentés sur la scène mondiale.

 

 

 

Première remarque de Breuilly: le nationalisme peut être porté par des strates très différentes de la so­ciété. Il peut être porté par la noblesse et la “ruling class” (comme en Angleterre), par la classe bourgeoise révolutionnaire (en France, de la Révolution à la Troisème République), par les paysans, par les ouvriers ou par les intellectuels. En Afrique du Sud, en Bulgarie, en Croatie, partielle­ment en Flandre (pendant la révolte paysanne contre la république française en 1796-99), en Irlande ou en Roumanie, les paysans sont porteurs de l'idée nationale. Avec James Connolly en Irlande et avec le péronisme en Argentine, les ouvriers et les syndicats (socialistes ou justicialistes) affirment la souveraineté nationale. Les intellec­tuels jouent un rôle moteur dans l'éclosion du na­tionalisme en Tchèquie, en Finlande, en Flandre, en Ir­lan­de, au Pays Basque et en Catalogne.

 

 

 

1. Dans un contexte où il n'existe pas d'Etats-nations, nous trouvons:

 

- des nationalismes d'unification, comme en Italie, en Allemagne ou en Pologne au XIXième siècle.

 

- des nationalismes de séparation, où les nations tentent de s'affranchir des empires dans lesquels elles sont incluses, comme la Hongrie, la Tchèquie, la Croatie dans l'empire austro-hongrois, ou la Roumanie, la Grèce et la Bulgarie dans l'empire ottoman.

 

La Serbie, par exemple, est séparatiste contre les Ottomans, mais unificatrice dans le contexte yougo­slave à partir de 1918, où elle est dominante. Les Arabes sont séparatistes contre les Turcs pendant la première guerre mondiale, mais unitaires dans leurs revendications nationales ultérieures. On peut éga­lement dire que le nationalisme flamand est tout à la fois séparatiste contre l'Etat belge mais vise l'unification pan-néerlandaise dans l'idée des Grands Pays-Bas, l'unification de Dunkerque à Memel dans l'idée hanséatique et “basse-allemande” (“Aldietse Beweging”) de C. J. Hansen (1833-1910), l'unification de tous les peuples germaniques chez quelques ultras de la collaboration entre 1940 et 1945 (De Vlag, etc.).

 

 

 

Pour les nations qui ne disposent pas d'une pleine souveraineté et sont incluses dans de vastes empires coloniaux, le nationalisme peut revêtir les aspects suivants:

 

a. Etre un nationalisme anti-colonialiste, comme en Inde jusqu'à l'indépendance en 1947 ou comme dans les nations afri­caines avant la grande vague de décolonisation des années 60 (où les sol­dats ghanéens revenus du front de Birmanie et travaillés par les miliants indiens et gandhistes, hostiles à la tutelle britannique, ont joué un rôle primordial).

 

b. Etre un sous-nationalisme dans des Etats issus des par­tages impérialistes décidés en Europe et/ou des adminis­trations coloniales qui en ont résulté. Ce fut le cas du Pa­ki­stan en Inde, ce qui conduira à la partition du sous-continent indien. Ce fut également le cas au Ka­tan­ga dans l'ex-Congo belge, mais cette sécession fut un échec.

 

c. Etre un nationalisme réformiste. Le nationalisme réformiste est un nationalisme qui se rend compte que la souveraineté for­melle de la nation est insuffisante voire inutile, qu'elle ne peut faire valoir clairement ses prérogatives théoriques, vu le retard écono­mique, industriel, institutionnel, militaire et technique que le pays a accumulé au cours de son histoire. Le nationalisme réformiste vise donc à accé­lérer le passage à un stade de développement optimal qui permet de faire face plus efficacement aux im­périalismes qui tentent d'empiéter la souveraineté nationale. Les exemples histo­riques de nationalisme réformiste sont le Japon de l'ère Meiji, la Chine de Sun Ya-Tsen et la Turquie des Jeunes Turcs.

 

 

 

2. Dans un contexte où n'existent que des Etats-nations, où les im­périalismes coloniaux ont théorique­ment disparu et où les empires multinationaux tendent à disparaître, plusieurs types de nationa­lismes peuvent se manifester:

 

a. Les nationalismes d'unification, qui prennent parfois le relais d'un nationalisme anti-colonialiste et sont, à ce titre, séparatistes. Ces na­tionalismes d'unification post-coloniaux sont le panafricanisme après la vague des indépendances dans les années 60. Ou le pana­rabisme, le nationalisme panarabe de Nas­ser.

 

 

 

b. Le nationalisme de réforme en Europe. En Italie, par exemple, le nationalisme démarre dans le gi­ron du libéralisme italien qui est rigoureusement étatiste et centraliste. Il vise à créer en Italie un appareil industriel capable de concurrencer l'Angleterre, la France et l'Allemagne. L'obsession des libéraux italiens est de voir le pays basculer dans le sous-développement et devenir ainsi le jouet des puissances étran­gères. Le fascisme prendra directement le relais de ce libéralisme national: sur le plan philoso­phique, la filia­tion libéralisme/fascisme prend son envol à partir de Hegel pour aboutir à l'interprétation ita­lienne originale de Benedetto Croce et de celui-ci, qui reste libéral et s'oppose au fascisme, à l'actualisme hégé­lien/fasciste de Giovanni Gentile. A cette volonté permanente de modernisation de la société, de l'éco­no­mie et des institutions ita­liennes, s'ajoute l'idéologie du futurisme qui proclame haut et clair ses in­tentions de balayer tous les archaïsmes qui frappent la société italienne d'incapacité. En Allemagne, à partir de Bismarck et de Guillaume II, la volonté de ne pas devenir le jouet de l'Angleterre ou de la France est clai­re­ment affichée: le programme d'industrialisation va bon train, couplé à une vision autarcique et contex­tuelle de l'économie (où les règles du jeu économique doivent favoriser un contexte politique et his­torique précis, sans prétendre à l'universel; cf. les “écoles historiques” en économie et les pratiques pré­conisées par le “socialisme de la chaire”). Les historiens anglais reconnaissent volontiers que les Allemands les ont battus à la fin du XIXième siècle sur le plan des technologies chimiques et que la chimie a été le moteur d'un développement ultra-rapide de l'industrie allemande.

 

 

 

c. Le nationalisme de séparation au sein d'Etats constitués, bi-ethniques ou multiethniques, bi­lingues ou multilingues, se mani­feste dans des contextes de déséquilibres entre les composantes. Le nationalisme de séparation flamand prend actuellement de l'ampleur car le déséquilibre entre les deux modèles d'économie en Belgique (le wallon et le flamand) ne sont pas compatibles au ni­veau fédéral, n'exigent pas les mêmes réponses et les mêmes modu­lations. En effet, une vieille structure économico-industrielle comme la Wallonie, qui correspond à la “première vague” de la société industrielle et a connu de graves difficultés à cause de l'effondrement des conjonctures en Europe, ne peut être gérée par les mêmes principes qu'une Flandre au tissu plus neuf, composé de PME, mais plus fragile face à la grande finance internationale. En Ecosse, les problèmes sont également différents de ceux de l'Angleterre. En Italie du Nord, avec les ligues régiona­listes, les clivages qui opposent les provinces septentrionales à l'Etat fédéral et aux structures sociales complexes (mafias incluses) des régions méridionales sont profonds, mais s'expriment davantage par un populisme séparatiste plutôt que par un nationalisme de culture ou d'Etat, d'ancienne mouture, avec son folklore et ses ri­tuels.

 

 

 

Le besoin vital d'identité selon Kurt Hübner

 

 

 

Sur les plans psychologique, anthropologique et ontologique, l'homme a un besoin vital d'identité, tant au niveau personnel qu'aux niveaux communautaire et politique. Le philosophe allemand contemporain Kurt Hübner (in: Das Nationale. Verdrängtes, Unvermeidliches, Erstrebenswertes, Styria, Graz/Wien/ Köln,1991) résume brillamment en huit points majeurs ce besoin vital d'identité:

 

1. L'identité d'une nation est un postulat anthropologique.

 

2. L'identité nationale repose sur un ensemble structuré de systèmes de règles, qui harmonisent les liens entre les individus et les groupes au sein de la nation.

 

3. Ces systèmes de règles fonctionnent comme des régulateurs et ne doivent pas être définis plus préci­sément, car toute définition serait ici un enfermement conceptuel infécond qui ferait fi des innombrables potentialités de la nation, en tant que fait de vie.

 

4. Ces systèmes nationaux sont instables et connaissent des hautes et des basses conjonctures.

 

5. Cette instabilité exige une adaptation constante, c'est-à-dire une attention constante aux transforma­tions potentielles qui ne cessent de survenir. Dans un tel contexte, le nationaliste est celui qui demeure toujours en état d'alerte, parce qu'il souhaite que la conjoncture reste toujours haute pour le bénéfice de son peuple et est prêt à consacrer volontairement toutes ses énergies personnelles à ce travail quotidien de réception et d'adaptation des défis et des nouveautés.

 

6. Les transformations qu'une nation est appelée à subir ne sont jamais prévisibles. Dans l'appréhension du fait national (das Nationale),  on ne peut donc pas faire appel à une grille de déchiffrement détermi­niste. Le nationalisme est toujours plutôt volontariste, il refuse d'accepter les basses conjonctures ou les dysfonctionnements de la machine étatique ou les imperfections génératrices de déclins et de crises: c'est là la grande différence entre le nationalisme et les autres grandes idéologies des XIXième et XXième siècles, comme le libéralisme, qui accepte les effets pervers de l'économie et les juge inéluctables, ou le marxisme (de moutures sociale-démocrate ou communiste), qui se réclame philosophiquement du déter­minisme positiviste le plus plat et rejette toutes les formes et les manifestations de volontarisme comme des irrationalités dangereuses.

 

7. Le nationalisme ne parle donc jamais de déterminations mais de destin (lot, Schicksal, destiny). La no­tion de destin, à son tour, postule l'adhésion à la raison pratique (voire à des jeux diversifiés de raisons pratiques), plutôt qu'à la raison pure, toujours perçue comme unique en soi. La/les raison(s) pratique(s) appréhende(nt) les imperfections, les chutes de conjoncture, sans jamais chercher à les éluder mais, au contraire, visent à les travailler de multiples façons et à améliorer les situations dans la mesure du pos­si­ble, tandis que la raison pure, en politique, dans le flux de l'histoire, tente de plaquer des principes irréels sur le réel, provoquant à terme des déphasages insurmontables. La manie de la “political correctness” est un avatar médiocre de cette raison pure de kantienne mémoire, appliquée maladroitement et déformée ou­trancièrement par des idéologues a-critiques. Dont les agitations frénétiques provoqueront bien évidem­ment des déphasages catastrophiques selon l'adage: qui veut faire l'ange, fait la bête.

 

8. La nation n'est donc pas une essence figée, comme l'affirment trop souvent les vieilles droites ou les romantismes nationaux étriqués, car tout caractère figé implique une sorte de déterminisme, induit une propension problématique à répéter des formes mortes, à proclamer des discours répétitifs, en porte-à-faux par rapport au réel mouvant et effervescent. Au contraire, la nation doit toujours être perçue comme un mouvement dyna­mique, comme une modulation localisée du destin auquel tous les hommes sont confrontés, comme un mouvement dynamique qu'il n'est jamais simple de définir ou d'enfermer dans une définition trop étroite. Cela ne veut pas dire qu'il faille rejeter sans ménagement l'héritage romantique ou les formes anciennes de nationalisme. Un tel rejet se perçoit dans les gauches qui font toujours abstrac­tion du temps et de l'espace (catégories auxquelles personne ne peut se soustraire) ou dans un parti ex-nationaliste comme la Volksunie flamande où l'on court d'un novisme sans épaisseur à l'autre, en se mo­quant méchamment et sottement des héritages que le nationalisme plus traditionnel aime à cultiver. Le tra­vail des nationalistes romantiques constitue un héritage divers, où s'accumulent des trésors de dé­cou­vertes culturelles, litté­raires et archéologiques. Parmi tous ces éléments, on trouve des matériaux utiles pour promouvoir une dynamique nationale actuelle. La manie du rejet est donc une aberration sup­plé­men­taire du modernisme actuel.

Conclusion + remarques sur la “marche blanche”

 

En résumé, dans notre optique, tout nationalisme doit placer la concrétude “peuple” (Volk) avant l'ab­strac­tion “Etat”. Si l'Etat passe avant le peuple concret, et si cette pratique se proclame “nationaliste”, nous avons affaire à un paradoxe pervers. La priorité accordée à la population concrète dans un conti­nuum historique concret signifie que, dans tous les cas de conflit ou de contestation violente, la vérité ou la solution est à rechercher dans la population elle-même. La “marche blanche” du 20 octobre 1996 à Bru­xelles a montré que cette idée est ancrée dans le fond du subconscient populaire, tant en Flandre qu'en Wallonie, mais qu'elle ne peut pas s'exprimer dans les institutions étatiques belges, ce fatras d'ab­strac­tions dysfonctionnantes et sans avenir positif possible. La “marche blanche” a exprimé un mé­con­ten­tement sans proposer un droit alternatif, clairement exprimé. L'échec de cet étonnant mouve­ment po­pulaire est dû à l'absence, dans la société belge, d'écoles (méta)politiques cohérentes, capables de vivi­fier constamment les legs du passé: seule l'Inde actuelle a donné l'exemple d'un mouvement para­politique actif et efficace, vieux de près d'un siècle, le RSS, think tank  bien drillé se profilant derrière la victoire récente du BJP. Les parents des enfants disparus ou assassinés ont eu tort de répondre à l'invitation du Premier Ministre à la fin de cette journée mémorable du 20 octobre 1996: ils auraient dû refuser de le voir ce jour-là et réclamer, devant la foule innombrable venue les acclamer, la poursuite des grèves sponta­nées et des manifestations populaires contre les palais de justice et poser davantage de condi­tions:

 - exiger au moins le retour inconditionnel du juge Connerotte, la démission de Stranard et Liekendael voire la dissolution de toute la Cour de Cassation,

 

- exiger l'incarcération des magistrats notoirement incompétents et leur jugement dans les deux mois par une cour populaire spéciale,

 

- réclamer que les gendarmes fautifs et/ou négligeants soient traduits devant une cour martiale expé­ditive, com­posée de militaires de réserve, occupant tous une profession indépendante dans la société (méde­cins, chefs d'entreprise, avocats d'affaires, professeurs d'université, gestionnaires de grandes en­tre­pri­ses de pointe), expression d'une souveraineté populaire, d'une créativité professionnelle qui ont le droit de s'exprimer et de juger très sévèrement, avec une rigueur implacable, les fonctionnaires incompé­tents, auxquels on autorise de porter des armes et à qui on accorde des prérogatives ou des passe-droits et qui ne s'en servent pas à bon escient, qui sont assermentés dont parjures quand ils défaillent; de telles négligences sont des crimes graves de trahison à l'encontre de notre peuple;

 

- imposer le rétablissement de la peine de mort pour les crimes contre les enfants et, enfin,

 

- imposer la mise sur pied immédiate d'un comité de salut public composé d'officiers de réserve, de ju­ristes indépendants et de citoyens n'étant ni fonctionnaires de l'Etat ou d'une région ni membres d'un parti (quel qu'il soit); ce comité de salut public aurait été commandé par un lieutenant-drossard (fonction pré­vue par le droit brabançon au XVIIIième siècle pour lutter contre la grande criminalité, notamment les bandes de “chauffeurs” qu'étaient les “bokkenrijders”, avant l'adoption aberrante du droit révolutionnaire et napo­léonien, véhicule d'abstractions perverses et de délires juridiques modernistes); ce comité de sa­lut public et ce lieutenent-drossard auraient eu préséance sur toutes les autres institutions judiciaires et au­raient pu agir à leur guise et procéder à des arrestations rapides, mais uniquement dans le cadre de l'en­quête sur les agissements de Dutroux, menée par le juge Connerotte, légalement désigné au départ (Un comité de salut public ne saurait avoir la prétention de régenter tout le fonctionnement de la société au-delà des compétences concrètes des professionnels, mais seulement de gommer ponctuellement, au plus vite, par une bonne et diligente justice, les anomalies les plus dan­ge­reuses de la société).

 La naïveté des parents et de la foule a été incommensurable et le cynisme abject du pouvoir en place  —qui ne se sou­cie ni des dysfonctionnements ni de la vie des enfants et des humbles—  a pu s'imposer rapidement, au bout de quelques semaines. Sur le plan philosophique et politique, le comité de salut pu­blic aurait eu pour fonction de prouver urbi et orbi  la priorité de l'homme concret sur toutes les structures abstraites, assu­rant ainsi le triomphe d'une idée vivante mais étouffée qui traverse notre peuple. Devant le citoyen simple et honnête, meurtri dans ce qu'il a de plus cher, les autorités doivent toujours plier, que ces autorités soient la gendarmerie, la magistrature ou l'Etat.

 

 

 

Enfin, dernière remarque, le nationalisme, dans ce pays, ne doit pas se contenter de discours idéalistes, de grandiloquences sans objet, de lamentations interminables sur tout ce qui ne va plus, mais travailler à im­poser au pouvoir corrompu  —qui se revendique d'idéologies irréelles ne donnant jamais la priorité aux faits réels marqués par le temps et le lieu—  les ins­truments juridiques qui sanctionneraient cette priorité: p. ex. le referendum et la multiplication des ombud­smen, dans tous les domaines de la fonction publique.

 

 

 

Robert STEUCKERS,

 

Bruxelles, 16 avril 1997.

 

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