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jeudi, 21 juin 2007

Pensamiento de Spengler en la historiografia de América Latina

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El pensamiento de Spengler en la Historiografía de América Latina

M. Cristina Carnevale - UBA

Para Santiago

La memoria es algo más que la cárcel de un pasado infeliz.
Andreas Huyssen

 

Presentación

En este trabajo vamos a indagar sobre uno de los temas que aparecen en la historiografía latinoamericana en el período de entreguerra.  En el marco de un pensamiento sobre la crisis de la sociedad, se desarrolla un respuesta a la crisis que proviene del campo del antipositivismo y que promueve el desarrollo de un pensamiento de neoconservadurismo.  Dentro de éste escriben historia, con notable suceso editorial, varios autores que encontrarán en la morfología spengleriana explicaciones ante las crisis -de todo tipo- que se suceden en América Latina. 

 

En este caso consideramos tres países: Chile, Argentina y Uruguay, en los cuales hemos encontrado historiadores que armándose con el modelo propuesto por Spengler elaboran obras de historia entre 1920-1950.

 

(mas: http://www.accionchilena.cl/Filosofia/pensamiento_de_spengler.htm )

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Tueur à gages économiques

Les confessions d’un tueur à gages économiques

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(IRIB, juin 2007) John Perkins, l’auteur de « confession of an economic hit man » (confessions d’un tueur à gages économique) il décrit, dans son livre comment, en tant que professionnel très bien payé, il a aidé les Etats-Unis à extorquer des milliards de dollars aux pays pauvres à travers le monde en leur prêtant plus d’argent qu’ils ne pouvaient rembourser pour ensuite prendre le contrôle de leurs économies. Il y a 20 ans, Perkins a commencé à écrire un livre intitulé « la Conscience d’un Tueur à gage Economique ».

Perkins écrit, « le livre à l’origine était dédié aux présidents de deux pays, des hommes qui avaient été mes clients et que j’ai respecté et que je tenais en estime - Jaime Roldos, président de l’Equateur, et Omar Torrijos, président du Panama. Les deux sont morts dans des crashs d’avion. Leurs morts n’était pas accidentelles. Ils ont été assassinés parce qu’ils s’opposaient à l’alliance entre les dirigeants des multinationales, les gouvernement et les banques dont l’objectif est de construire l’Empire Global. Nous, les tueurs à gages économiques, n’avons pas réussi à retourner Roldos et Torrijos, alors un autre type de tueurs à gages, les chacals de la CIA, qui étaient toujours dans notre sillage, sont entrés en scène. » John Perkins écrit aussi : « on m’a convaincu de ne pas écrire le livre. Je l’ai commencé quatre fois au cours des vingt dernières années. A chaque fois, ma décision était motivée par des événements mondiaux : l’invasion du Panama par les Etats-Unis en 1980, la première Guerre du Golf persique, la Somalie, et la montée d’Oussama Ben Laden. Cependant, des menaces et des pots de vin m’ont toujours convaincu de m’arrêter. »

Perkins a finalement publié son livre intitulé « Confessions of an economic hit man » [confession d’un tueur à gages économique]. Il est avec nous dans les studios. John Perklins, qui également l’auteur de l’histoire secrète de l’empire américain; a accordée une interview à Democracy Now et tels sont les principaux qu’il a révélé:

“En gros, nous étions formés et notre travail consistait à construire l’empire américain. De créer des situations où le maximum de ressources étaient drainées vers ce pays, vers nos multinationales, notre gouvernement, et nous avons été très efficaces. Nous avons construit le plus grand empire de l’histoire du monde. Et nous l’avons fait au cours des 50 ans qui ont suivi la deuxième guerre mondiale, avec peu de moyens militaires en réalité. En de rares occasions, comme en Irak, les militaires interviennent mais uniquement en dernier recours. Cet empire, contrairement à tout autre empire de l’histoire du monde, a été crée d’abord par la manipulation économique, par la fraude, par la corruption de personnes avec notre mode de vie, et à travers les tueurs à gages économiques. J’en faisais partie. ”

” J’ai été recruté lorsque j’étais encore étudiant dans une école de commerce, à la fin des années 60, par l’Agence de Sécurité Nationale [NSA - acronyme anglais, NDT], la plus grande et la moins connue des agences d’espionnage du pays. A la fin, j’ai travaillé pour des compagnies privées. Le premier tueur à gage économique était Kermit Roosevelt, dans les années 50, le petit-fils de Teddy [président des Etats-Unis - NDT], qui renversa le gouvernement Iranien, un gouvernement démocratiquement élu, le gouvernement de Mossadegh qui avait été désigné « homme de l’année » par le magazine Time. Il a réussi à le faire sans verser de sang - enfin, il y en a eu un peu, mais sans intervention militaire, juste en dépensant des millions de dollars et en remplaçant Mossadegh par le Chah d’Iran. A ce stade, nous avons compris que l’idée d’un tueur à gages économique était une très bonne idée. Nous n’avions plus à nous préoccuper d’un risque de conflit armé avec la Russie en opérant ainsi. Le problème était que Roosevelt était un agent de la CIA. Il était donc un employé du gouvernement. S’il avait été découvert, nous aurions eu de gros ennuis. Cela aurait été très embarrassant. Alors la décision a été prise de faire appel à des organisations comme la CIA et la NSA pour recruter des tueurs à gages économiques comme moi et nous faire travailler pour des sociétés privées, des sociétés de conseil, de construction. Ainsi, si on se faisait prendre, il n’y avait aucun lien avec le gouvernement”

“La compagnie pour laquelle je travaillais s’appelait Chas. T. Main à Boston, Massachusetts. Nous avions environ 2000 employés, et je suis devenu leur économiste en chef. J’avais 50 personnes sous mes ordres. Mais mon véritable job était de conclure des affaires. J’accordais des prêts à des pays, des prêts énormes, qu’ils ne pouvaient pas rembourser. Une des clauses du prêt - disons 1 milliard de dollars pour un pays comme l’Indonésie ou l’Equateur - était que le pays devait retourner 90% du prêt à des compagnies états-uniennes, pour reconstruire des infrastructures, des compagnies comme Halliburton ou Bechtel. Ce sont de grosses compagnies. Ces compagnies ensuite construisaient des réseaux électriques ou des ports ou des autoroutes qui ne servaient qu’aux quelques familles les plus riches de ces pays. Les pauvres de ces pays se retrouvaient en fin de compte avec une dette incroyable qu’ils ne pouvaient absolument pas payer. Un pays aujourd’hui comme l’Equateur consacre 50% de son budget national juste pour rembourser sa dette. Et il ne peut pas le faire. Ainsi nous les tenons à la gorge. Si nous avons besoin de plus de pétrole, nous allons voir l’Equateur et nous leur disons, « Bon, vous ne pouvez pas nous rembourser, alors donnez à nos compagnies les forêts d’Amazonie qui regorgent de pétrole. » C’est ce que nous faisons aujourd’hui et nous détruisons les forêts amazoniennes, obligeant l’Equateur à nous les donner à cause de cette dette. Ainsi, nous accordons ce gros prêt, et la majeure partie revient aux Etats-Unis. Le pays se retrouve avec une dette plus d’énormes intérêts et il devient notre serviteur, notre esclave. C’est un empire. Ca marche comme ça. C’est un énorme empire. Qui a eu beaucoup de succès.”

“Lorsque la NSA m’a recruté, ils m’ont fait passer au détecteur de mensonges pendant une journée entière. Ils ont découvert toutes mes faiblesses et m’ont immédiatement séduit. Ils ont utilisé les drogues les plus puissantes de notre culture, le sexe, le pouvoir et l’argent, pour me soumettre. Je venais d’une très vieille famille de la Nouvelle Angleterre, Calviniste, fortement imprégnée de valeurs morales. Vous savez, je crois que je suis plutôt quelqu’un de bien, et je crois que mon histoire montre réellement comment ce système et ses puissantes drogues comme le sexe, l’argent et le pouvoir peuvent exercer une séduction, parce que j’ai été réellement séduit. Et si je n’avais pas mené moi-même cette vie de tueur à gages économique, je crois que j’aurais eu du mal à croire que quelqu’un puisse faire de telles choses. Et c’est la raison pour laquelle j’ai écrit ce livre, parce que notre pays a vraiment besoin de comprendre. Si les gens de ce pays comprenaient la nature réelle de notre politique étrangère, la nature réelle de notre aide à l’étranger, comment fonctionnent les multinationales, où passe l’argent de nos impôts, je sais qu’ils demanderaient que cela change”

“Omar Torrijos, le président du Panama, avait signé un accord sur le Canal du Panama avec Carter. Vous savez que cet accord n’a été approuvé par le Congrès que par une majorité d’une seule voix. C’était un sujet très controversé. Puis Torrijos est allé de l’avant et a commencé à négocier avec les Japonais la construction d’un nouveau canal. Les Japonais voulaient financer et construire un nouveau canal au Panama. Torrijos leur en a parlé, ce qui n’a pas plus du tout à Bechtel Corporation, dont le président était George Schultz, et son conseiller principal était Casper Weinberger. Lorsque Carter a été viré (et il serait intéressant de raconter comment il a été effectivement viré), lorsqu’il a perdu les élections, et que Reagan est arrivé au pouvoir, Schultz est devenu Secrétaire d’Etat et Weinberger est devenu Secrétaire à la Défense et ils étaient très en colère contre Torrijos. Ils ont essayé de l’amener à renégocier le traité du Canal et de laisser tomber les japonais. Il a platement refusé. C’était un homme de principes. Il avait ses défauts, mais c’était un homme de principes. C’était un homme étonnant. Puis il est mort dans un crash d’avion, un magnétophone relié à une bombe avait été placé dans l’appareil. J’y étais. J’avais travaillé avec lui. Je savais que nous, les tueurs à gages économiques, avions échoué. Je savais que les chacals avaient été appelés. Puis son avion a explosé avec un magnétophone piégé. Il ne fait aucun doute pour moi que c’était un travail de la CIA. De nombreux enquêteurs latino-américains sont arrivés à la même conclusion. Bien sûr, nous n’en avons jamais entendu parler chez nous.”


Article printed from AMIBe: http://be.altermedia.info

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mercredi, 20 juin 2007

Sur le "modèle impérial"...

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Sur le "modèle impérial" pour l'Europe d'aujourd'hui...

Réponse de Robert Steuckers à un étudiant dans le cadre d’un mémoire de fin d’étude (Entretien avec Robert Steuckers).

En ce qui concerne la construction européenne, Alain de Benoist affirme préférer le modèle impérial comme mode de construction politique. Et vous, même, animateur de “Synergies européennes”?

Mon option est également “impériale”. Mais il faut s’entendre sur le mot. Les termes “imperium”, “empire”, “impérial” revêtent dans le langage quotidien des acceptions très différentes et parfois contradictoires. Je tiens tout de suite à dire que, pour moi, le terme “empire” ne signifie nullement ce mixte de militarisme et d’idéologie conquérante que l’on trouve dans les phases décadentes de la République romaine et dans le césarisme qui les a suivies, dans l’empire hellénistique d’Alexandre, dans le bonapartisme napoléonien ou dans l’hitlérisme. Ainsi que dans l’impérialisme économique de l’Angleterre victorienne ou des Etats-Unis après 1945. Pour moi, l’empire idéal est un espace vaste et multiethnique/multiculturel, de dimensions continentales (p. ex. l’Europe), où règne, en droit constitutionnel, le principe de subsi­diarité, donnant à chaque entité territoriale, à chaque communauté linguistique ou ethnique, à chaque classe sociale ou corps de métier, à chaque strate organisée de la société (ordre des médecins, des architectes, des pharmaciens, etc., universités), la liberté de s’auto-administrer en toute autonomie, sans subir des interventions de l’instance hiérarchique la plus élevée ou d’une instance établie dans une capitale lointaine. La subsidiarité valorise la proximité et l’identité des gouvernants et des gouvernés. La théorie de la subsidiarité a été énoncée par des auteurs comme Althusius, Gierke, Riehl, etc. (cf. NdSE n°17). La théorie de la subsidiarité est une option politique très présente dans l’espace géographique de l’Europe catholique et baroque (de la Flandre à la Bavière, l’Italie du Nord, la Hongrie, l’Autriche et la Croatie). Elle est un héritage du Saint-Empire médiéval et baroque.

Deux difficultés surgissent quand on manipule les notions d’empire et de subsidiarité dans l’orbite des nouvelles droites francophones.

Premièrement, Paris et la France ne font pas partie des espaces catholiques et baroques que je viens de mentionner. L’idée d’un empire bienveillant, garantissant le rapprochement systématique des gouvernants et des gouvernés, y est étrangère et y rencontre la plupart du temps une incompréhension inquiétante, bien que de très brillants universitaires français aient abordé avec brio cette question (Alexandre Marc, Guy Héraud, Chantal Millon-Delsol, Stéphane Pierré-Caps, etc. cf. NdSE n°17 & n°29). Ces auteurs constituent pour nous des références essentielles. En dépit de ses efforts méritoires, de Benoist n’a pas pu dissiper l’ambiguité existant entre la notion impériale, romaine et germanique du Saint-Empire et la notion militariste et bonapartiste dominante en France. C’est une ambiguité et une contradiction de plus dans la ND française. Alain de Benoist a toujours vivement regretté le désintérêt en France pour cette notion bienveillante de l’empire, mais a écarté de son entourage tous les hommes qui la défendaient pour s’entourer de personnages bizarres qui ne comprenaient strictement rien du tout à cette vision impériale, pluraliste et plastique de la politique ou qui s’y opposait carrément avec une rage et une obstination féroces (Philippe de Saint-Robert).

En Belgique, où la logique fédéraliste travaille le monde politique depuis des décennies, la logique de la subsidiarité et de la représentation de la societas civilis dans tous ses aspects (syndicats, mutuelles, associations professionnelles) doit présider toute réorientation idéologique. La logique de la subsidiarité et du fédéralisme sont présentes, bien que de façon incohérente et désordonnée, dans la culture politique et dans les réflexes populaires: elles doivent déboucher sur un corpus théorique cohérent puis sur une pratique politique cohérente, appelée à corriger les effets pervers et les dysfonctionnements qui ren­dent problématique la bonne marche de notre société (fédéralisme incomplet, survivances de structures incompatibles avec un fédéralisme cohérent, emprise des partis sur les corps intermédiaires de la société, surplombage des décisions par les états-majors des partis, dérives mafieuses de la partitocratie, verzuiling- pillarisation, etc.). Dans le contexte belge, flamand comme wallon, ainsi que dans tous les contextes issus du Saint-Empire, la reprise mécanique, pure et simple du débat français est impossible: l’égalitarisme-nivelleur a fait moins de ravage en Belgique (et dans le reste du Saint-Empire) qu’en France, les différences qui innervent la société ont subsisté et se sont organisées, hélas le plus souvent selon des schémas inopportuns. Cette organisation des corps intermédaires est une bonne chose en soi: ce qu’il faut corriger, c’est leurs vices de fonctionnement. Telle doit être la tâche politique majeure. La notion d’égalité des pairs (et tous les citoyens sont pairs devant le droit et devant leurs droits et leurs devoirs constitutionnels) ne saurait être battue en brèche par un discours purement idéologique, où l’on absolutise l’attitude anti-égalitaire, jusqu’à l’absurde.

Deuxièmement, affirmer l’idée impériale contre les autres modèles de constitutions ou d’Etats implique un travail au niveau du droit. Une option politique de ce type implique de proposer des modèles susceptibles de fonctionner dans le consensus et sans heurts. De tels modèles existent forcément dans la réalité ou ont existé dans l’histoire, car proposer des modèles inexistants ou purement construits participerait d’une démarche utopique. Il n’y a nulle trace d’un tel travail dans l’histoire de la “nouvelle droite” parisienne. Une des raisons de la rupture entre le GRECE, —instance qui a incarné les premières phases de l’existence de la ND en France,— et “Synergies Européennes”, —qui entend proposer des modèles cohérents pour tous les pays d’Europe à l’heure de l’unification européenne,— réside précisément dans l’absence de modélisations concrétisables de la part du GRECE, où ces matières ont été systématiquement délaissées au profit de nébuleux engouements esthétiques sans grande consistance. A terme, l’UE devra à l’évidence se doter d’une constitution cohérente reposant sur les principes de droit qui régissent

a) la confédération helvétique,
b) les constitutions fédérales allemandes, autrichiennes et belges,
c) les structures de représentation des minorités ethniques (Danois au Schleswig, Sorabes en Lusace, Slovènes en Carinthie, Allemands en Wallonie orientale, etc.), qui devront être généralisées dans toute l’Europe,
d) la conception espagnole d’un Etat asymétrique de communautés autonomes,
e) les principes théoriques qui se profilent derrière la devolution britannique (Ecosse, Pays de Galles),
f) les recherches des fédéralistes européens (Marc, Héraud, MacDougall, Peeters, etc.), que ceux-ci se soient situés à droite ou à gauche sur l’échiquier politique (nous avons le souci de mêler étroitement les applications traditionnelles du principe de subsidiarité et les projets militants et prospectifs du filon proudhonien de la gauche européenne).

Certes, l’exposé de ces doctrines juridiques et constitutionnelles ne suscite pas les enthousiasmes du grand public. Néanmoins, on ne peut pas faire l’impasse sur la question du droit constitutionnel de la future Europe, quand on prétend étudier les ressorts de la civilisation européenne dans le but de la sauver d’un certain naufrage. Je pense qu’il faut marteler et répéter à intervalles réguliers les argumentaires fédéralistes et subsidiaristes et montrer l’excellence des modèles constitutionnels que je viens de mentionner par rapport à ceux qui ont cru bon de se débarrasser des “organismes symbiotiques” et des “corps intermédaires” (cf. Bodin) de la societas civilis (Althusius; cf. NdSE n°17) pour construire fébrilement une version ou une autre de la “Cité géométrique” (Gusdorf). Au seuil du IIIième millénaire, le retour à des formes d’organismes symbiotiques, respectueux des mille et une possibilités de l’homme, n’est possible que par une généralisation des modèles fédéralistes, qui rapprochent les gouvernants des gouvernés. Le discours un peu vague sur la “société civile”, que l’on entend depuis quatre ou cinq ans en France, restera vague et confus s’il n’est pas étayé par un projet fédéraliste. Il n’y a pas d’organisation cohérente et consensuelle de la société civile sans l’adoption d’un modèle fédéral, si possible basé sur des traditions locales ou tiré d’une continuité précise, à la fois juridique et historique (droits coutumiers locaux, formes historiques de représentation, etc.). On ne peut pas, d’un côté, réclamer la défense de la société civile, et plaider de l’autre pour le maintien d’un modèle jacobin ou géométrique de l’Etat. Une telle démarche est généralement une escroquerie de la gauche. Mais on ne peut pas davantage parler des régionalismes en limitant ceux-ci à leurs dimensions culturelles et esthétiques (ou en jouant aux “transgresseurs” et en n’applaudissant que les seules violences civiles ou terroristes des zones à risques en Europe) ou ne suggérant aucun modèle juridique qui permette de sauver globalement (politiquement, économiquement, culturellement, etc.) les différences qui composent et innervent l’Europe.

La revendication “impériale” n’est pas sérieuse si elle n’est pas assortie d’un plaidoyer pour une constitution fédéraliste complexe, cohérente, étayée et plongeant ses racines dans l’histoire. A la droite française d’en tirer les conclusions, c’est-à-dire de s’affirmer pour ce qu’elle est et pour ce qu’elle veut défendre: ou bien la societas civilis avec toutes ses différences symbiotiquement organisées ou bien les institutions dérivées de la Révolution française et du Code Napoléon, ou bien être une démocratie réelle et vivante de facture vieille-européenne ou bien être un “révolutionarisme institutionalisé” (et donc non fondamentalement démocratique)…

Robert STEUCKERS, mai 1998.

mardi, 19 juin 2007

Filosofia y Politica de Spengler

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Filosofía y Política de Spengler

Por Augusto Iglesias (1) - http://www.accionchilena.cl/Filosofia/Filosofiaypolitica-1.htm

Pese a su posición "políticamente correcta", esta crítica del libro de Armando González Rodríguez "Filosofía y Política de Spengler" resulta aleccionadora respecto a la importancia del texto comentado, y permite aclarar ciertos aspectos del pensamiento del maestro de modo general.

Uno de los grandes errores de los que no han leído a Spengler y gustan, sin embargo, citarlo, es el de atribuir a este pensador un cariz pesimista. Para tales escoliastas, la Decadencia de Occidente es libro amasado para nutrir de pronta desilusión a todos los derrotados de nuestra Era. Sin embargo, nada de eso podría comprobarse. Dentro de la teoría spengleriana la Historia se divide en ciclos culturales con el mismo recorrido del fenómeno de la Vida considerado éste en su trayectoria Cósmica. Como la vida orgánica las culturas nacen, se desarrollan, alcanzan la plenitud, maduran y decaen. Esta caída dura hasta finar en su desaparición, como cuerpo individualizado, dentro de la marcha de la humanidad.

Terminado el ciclo —vale decir, sobrevenida la muerte de una Cultura— el tipo de civilización que la había sustentado, desaparece. Esto, no es óbice para que los rastros de su paso por la Historia se aprovechen en cierta medida por otros ciclos culturales; o bien se desechen por éstos, caso de no convenir a la distinta morfología que el siguiente ciclo histórico vaya adoptando en sus nuevas experiencias.

Dedúcese de lo antedicho, que dentro del razonamiento spengleriano no cabe la idea del progreso indefinido. Por otra parte, el término “progreso”, en sí mismo difícil de explicar, sólo puede satisfacer a los ilusos. El valor de palabra clave que le asignan los sociólogos del siglo XIX, metiendo a la fuerza en las acepciones de este vocablo, un sentido de finalidad masiva perseguida por los pueblos en su viejo intento de planificar la marcha de la Humanidad, es, en efecto, de desconcertante improcedencia. Y Spengler, espíritu demasiado analítico para aceptar esa clase de asertos, lo deja pasar sin preocuparse mayor mente de él. Pero aún, dentro de una teoría así de falsa, como la del “progreso indefinido”, un astrónomo, v. gr., también estaría obligado a considerar su inutilidad en el Tiempo si la ajusta a las “líneas largas” de la Historia, pues resulta de evidencia estatuir que un día, en el Futuro, nuestro Planeta, irremisiblemente, deberá también morir...

Spengler es el primer pensador filósofo de la Historia de la Humanidad que considera a ésta con criterio morfológico de creación natural. Si se le tuviera que comparar con algún otro hombre magnífico de la Civilización europea, se nos ocurre que le vendría bien un paralelo con Linneo. Es así como para el tudesco que nos preocupa, las divisiones de la Historia en Antigua, Moderna, Media y Contemporánea, de uso obligado para los estudiantes de ayer y hoy en la mencionada materia, no entra en la síntesis que baraja cuando expone sus puntos de vista.

En la Historia no hay líneas rectas ni círculos concéntricos, sino ciclos culturales de agrupaciones humanas que actúan de acuerdo con sus leyes propias; lo que en última instancia significa que la fenomenología social no obedece a principios absolutos, es decir, universales e invariables, sino todo lo contrario, son de por sí independientes, pues cada ciclo cultural debe enfrentar por sí mismo sus problemas diversos y darle a éstos la solución circunstancial que les corresponde.

En un mundo así de diversificado no puede haber entonces principios invariables ni de valencia general; al contrario, para existir ellos deberán circunscribirse a las culturas respectivas de las cuales proceden. En otras palabras, estos valores no pueden ser sino relativos. Y no es asunto que pueda mirarse con desapego el hecho de que la exposición de la teoría de Spengler efectuada hacia el año 1918, coincida con la época en que Einstein moviliza la preocupación de los más altos pensadores de Europa en torno a las perspectivas generales de su teoría de la relatividad (1).

Nos apresuramos a advertir, sin embargo, que el relativismo de Spengler nada tiene que hacer con el relativismo matemático de Einstein.

Al juntar sus nombres sólo hemos querido señalar su coincidencia en el Tiempo, en el sentido de que ambos leccionan una nueva manera de interpretar fenómenos correlativos dentro del ciclo cultural en que ellos vivían, pero, no obstante, de ámbito filosófico diverso...

Hasta el momento en que Spengler funda su teoría, cuenta ocho culturas; esto es: egipcia, babilónica, china, india, greco- romana, mágica, occidental o fáustica y mexicana. Pero este existir de las culturas antedichas no implica, según él, la supeditación de unas a las otras; inclusive pueden coexistir sin penetrarse, pues cada ciclo cultural tiene características propias, encerradas como quien dice dentro de sus propias murallas y, por lo tanto, impermeables ya sea a las culturas antecedentes ya a las contemporáneas a su particular existencia histórica.

Dedúcese de lo anterior, por lógicas inferencias, que ninguno de los principios rectores de la vida moral del hombre o de los ordenamientos políticos que éste ha construido, pueden considerarse etapas de un proceso evolutivo; sino, al contrario, deben juzgarse como vivencias de carácter aislado e intrascendente que morirán después de cumplido su plazo del mismo modo que muere cuanto vive; porque ese es, fatal e irremisible, el sino de todo...

Ahora bien, de esta sucesión indefinida de “chispazos” —que eso es para nosotros la marcha de la Humanidad— ¿nada trasciende, nada aumenta el acervo hereditario de las generaciones que se suceden?, ¿todo es sólo una cadena de eslabones rotos entre cuya herrumbre la Historia vislumbra pequeñas luces, hijas de una razón cuya sinrazón nos envuelve de amargas conjeturas frente a su vacía realidad?

No; para Spengler hay entre ciclo y ciclo una hendidura o falla que permite cierta fluencia animadora entre el Pasado y el Presente.

Por esta hendidura es por donde se filtra la tónica; vale decir, las “recetas” para hacer o completar un cometido. Pero el Genio, el espíritu de un pueblo, con sus características creadoras en el plano alto de las ideas, permanece incomunicable inclusive en la morfología de su expresión artificiosa.

No hay poeta en el mundo que hoy fuera capaz de construir la Ilíada o la Odisea; y si hubiera alguno que lo intentara, su obra sería un “pastiche”, una imitación o plagio, sin alma, sin palpitaciones de vida, sin realidad cultural presente.

Esta afirmación envuelve, a su vez, otra de mayor calibre de ser, como afirma Spengler, tampoco la obra de arte magna —es decir “inmortal” de acuerdo con nuestra medida del tiempo— podría existir si no es como objeto arqueológico, esto es, como exponente de Museo; pero jamás, en ningún modo, tomando parte en nuestros sentires vitales, en los que mantienen la circulación del común entusiasmo dándole tibieza a las “opiniones” y ‘creencias”, es decir, a las ideas del proceso cultural propio.

Igual cosa podría decirse de la Moral, y, por ende, de todo principio religioso. Cierta inhabilidad congénita haría impracticable un acomodo de los ciclos culturales en un orden de correlaciones recíprocas. Si consideramos este asunto con extrema amplitud, es muy posible que el pensamiento de un islámico presionado por la moral colectiva de su pueblo, se ajuste y coincida en muchos puntos con lo que pueda opinar un puritano escocés sobre una determinada materia; el hecho de que ambos sean humanos los inducirá a pensar en ciertos casos en fórmulas similares y, a veces o muchas veces, en una medida común a toda la especie. Pero en los detalles, en las características que distinguen a un hombre de otro, en la médula misma de esos principios, en cuanto ella se refiere a la conducta individual en sus manifestaciones particulares, la moral del puritano escocés y del musulmán se mantendrán siempre separadas por un abismo, e indiferentes, por lo tanto, a sus mutuas reacciones, porque bien poco los une y mucho los separa, siendo sus idiosincrasias diversas.

Todo esto —opinarán muchos— entra en el terreno de las especulaciones filosóficas, pues nada de lo comentado hasta aquí podría considerarse como afirmación teóricamente irreductible. Al contrario, los asertos spenglerianos hasta aquí citados son, en su esencia, de repetida controversión en la realidad fluyente de los hechos.

Sería ese un razonamiento justo, me parece. No es inseguro que en los extractos vitales aducidos hasta aquí, la posición de Spengler no sea otra, que la de un filósofo en busca de ajustar sus principios al heterogéneo fenómeno de la Historia de la Humanidad. Mas, habría que agregar, en defensa del pensador tudesco, que junto a ese cuerpo de doctrinas, vaticinó él, ateniéndose a su enseñanza, una serie de hechos. Ahora bien, dentro del breve tiempo de su generación no sólo pudieron ver el cumplimiento de éstos sus lectores entusiastas, sino también, quienes habiéndolo leído le negaron por razones particulares —o “partidistas”, en el mejor de los casos— el pan, el agua y la sal...

Vamos a referirnos a esos hechos.

* *

Ha merecido particular hincapié que algunos aspectos de la doctrina spengleriana puedan considerarse como dictatoriales, o más precisamente aún, de filiación nazi.

Burdo error, explotado en forma extensa por demagogos o políticos que no han leído a este Maestro. El juicio de Spengler en este sentido es otro: cree él que los pilares de la democracia no son suficientemente firmes para soportar las sacudidas de lo que Ortega y Gasset, más tarde, llamara la “rebelión de las masas”, sacudimiento concentrado como su mayor fuerza en el ángulo económico, y que mueve en ondas amenazantes a la clase más numerosa del mundo actual, vale decir al proletariado.

La gran bandera de la democracia, la insignia por la cual todos los que creemos en ella moriríamos en su defensa, es la libertad civil. Pero eso no es todo; entre los ideales de la clase formada por los que no pertenecen a ninguna clase —opina Spengler— hállase, asimismo, no sólo el respeto al gran número —respeto que se expresa en los conceptos de igualdad, de derecho innato, y en el principio del sufragio universal— sino, también, la libertad de la opinión pública, sobre todo la de prensa... “Estos son ideales —continúa Spengler. Pero, en realidad, la libertad de la opinión pública requiere la elaboración de dicha opinión, y esto cuesta dinero; la libertad de la prensa requiere la posesión de la prensa, que es cuestión de dinero, y el sufragio universal requiere la propaganda electoral, que permanece en la dependencia de los deseos de quien la costea. Los representantes de las ideas no ven más que un aspecto; los representantes del dinero trabajan con el otro aspecto”.

Las anteriores no son palabras y sólo palabras; son hechos. Eso no quiere decir que otro sistema político pueda eludir estos graves compromisos con los hijos de Mercurio. Cualquier sistema que actualmente los pongo en práctica, forzosamente, por un proceso de evolución regresiva, habrá de virar en redondo a fin de completar el ciclo cultural de su posible desarrollo; y, completado el círculo, llegar, por ende, a la crisis, es decir, al colapso mortal.

En la teoría de estas consideraciones, mirando el panorama de su patria germana, Spengler anuncia, es cierto, el advenimiento de las puntas de lanza nacionalistas, pero no las propugna. La prueba más concluyente de este aserto es que no adhiere al nacismo cuando la crisis se produce, y, por tanto, se cumple su profecía. El no llega a ese anuncio como corifeo, sino a través de un puro trabajo intelectivo, relacionando causas y efectos después de estudiar períodos cíclicos de la Historia Universal en distintos momentos de su desarrollo morfológico. Hecho este ensayo, el filósofo que hay en él proyecta, intuitivamente, en el futuro, el encadenamiento de las series lógicas establecidas en anteriores procesos culturales.

Y aquí necesitamos hacer, de paso, una advertencia. Base de sustentación de las pocas democracias modernas son los Parlamentos, institución que para los pueblos occidentales de la llamada “Civilización Europea”, tuvo su origen en Inglaterra. Sin embargo, los primeros en dudar de la eficacia del sistema parlamentario como mercadería de exportación, fueron los ingleses, y entre ellos un pensador número uno, Edmundo Burke (1728- 1797) con más de un siglo de anterioridad a la Decadencia de Occidente del filósofo de nuestro comento. Enfrentándose a Mirabeau, Burke declara, no sin cierto cinismo: “Nosotros no pedimos nuestras libertades como derechos del hombre sino como derechos de los ingleses”.

Los tiempos han cambiado, es cierto, pero no tanto. Todavía sería el caso de preguntar: ¿Pueden los Parlamentos de hoy soportar hasta el final con victoriosas consecuencias los cambiantes de la obra comunizante?

¡Ojalá que sí! Es duro pensar lo contrario.

Aquí es donde Spengler intuye el advenimiento de los gobiernos fuertes, es decir, de acción enérgica inmediata, en reemplazo de la tramitación o lento desarrollo del proceso legal de uso corriente en los gobiernos parlamentarios.

No nos olvidemos que Spengler se halla observando las peripecias del siglo XIX, en esa etapa de transición de la política europea que desemboca en el siglo que corremos y en el cual hace crisis.

Es, por otra parte, la hora de la bancarrota o más bien dicho de la putrefacción de los partidos políticos en el Viejo Mundo. Marx también la había anunciado al producirse la insurrección proletaria de 1848; y Lenín, en 1917, la comprueba al cercenar sin dificultad la Duma, incapaz, por anquilosis, de mantener su propia dictadura; y menos para metamorfosearse en un sistema democrático. Por eso, de acuerdo con la trayectoria secular de los boyardos, dio paso a una oligarquía si no peor, más exigente o dogmática que la originada en los días tenebrosos de la Horda de Oro.

El hecho —agrade o disguste— es que el mundo en su plenitud esférica se llena, en el primer cuarto de la centuria que vivimos, de una serie, casi uniforme, de autocracias sin freno. Spengler anticipa el aparecimiento del fenómeno; no lo inventa. Los negadores de la realidad no son, por lo general, hombres de ciencia, ni filósofos; esta manera de pensar, es más bien cosa de fanáticos u obsecados. Pero Spengler asegura, además, otro hecho que aún está en camino: niega el tudesco la eficacia gubernamental de las masas; y como esta clase de dictaduras son ejercidas por oligarquías demagógicas que buscan en las mayorías económicamente inferiorizadas, su apoyo y sustento integral, Spengler anuncia, asimismo, el fracaso de esa clase de gobierno.

Los enemigos de este hombre superior, dirán ahora que su posición es anticomunista... Pero tampoco lo es; decir que Spengler fue anticomunista, vale tanto como asegurar su anti democracia. Ni lo uno ni lo otro. El es un observador y nada más que un observador. Frente al fenómeno histórico, estudia, analiza, compara. Luego, con una base cultural inmensa, como pocos hombres de su época lograron tener, intuye vivamente lo que —según sus operaciones mentales— va a ocurrir o está ocurriendo, sin que los estudiosos, sedicentemente llamados así, hubieran previsto o comprobado antes de él.

Todo esto, de acuerdo con la teoría spengleriana, involucra a la vez, como no podría ser de otro modo, un terrible desorden económico; acaso una vorágine mundial, en que el desequilibrio entre la producción y el consumo terminen por aniquilar las fuerzas sustentadoras del convivir jurídico en las naciones civilizadas. En esta pulverización de las unidades estaduales, lo único que podría cohesionar momentáneamente el viejo sentido nacionalista de los hombres, es la guerra. Y por lo tanto, el filósofo anuncia no uno sino varios de estos encuentros dramáticos, que ahora, por tener una concurrencia mundial, podrían considerarse, en cierto modo, cósmicos. Y es así como apenas terminada la Primera Gran Guerra de 1914 - 1918 el filósofo “profetisa” una Segunda, que él no alcanza a ver pues muere el 8 de mayo de 1936, tranquilamente, en su cama de hombre solitario, pero a cuyo alrededor bullían multitudinarias las ideas de miles de hombres de superior categoría que admiraban y comprendían, al mismo tiempo, la profunda veracidad de su genio.

¿Pesimismo? preguntamos de nuevo.

De buena fe habría que escribir una respuesta negativa. Anticipar la visión de hechos para el futuro, y que luego esos hechos ocurran, es cualidad que no puede ser calificada de modo tan somero y vacuo.

* *

Mi intento de dar actualidad a estas notas fue motivado por el libro de Armando González, recién sacado a luz por la Editorial Andrés Bello. Se trata de una obra maciza, quizá uno de los aportes de mayor interés escritos en Hispanoamérica, para dar a conocer con método, claridad y en síntesis de adecuada elocuencia, la Historia de las doctrinas de Oswald Spengler. El recio germano, que hacia el año 1918 moviliza la preocupación de los más altos pensadores de Europa en torno a las perspectivas del porvenir de Occidente, no es de ideas fáciles de digerir. En cuanto empieza a razonar a fin de dar solución a los problemas históricos que él mismo plantea y ambiciosamente cree resolver, comienza a barajar entre secuencias de filósofo y artista tal masa de antecedentes y conocimientos previos, que resulta casi imposible para un lector corriente o buen universitario, seguirlo con provecho y orden. En otras palabras, para leer a Spengler, en su texto original, se precisa de una erudición sólida, que, por su propia extensividad reduce el porcentaje de lectores a una fracción insignificante a mucha distancia del entero.

Sin embargo, las ideas spenglerianas son comprensivas para cualquiera persona de cultura media si el que hace la exposición emplea para ello, un método didáctico concorde con el auditorio.

En Hispanoamérica, esos intentos han sido numerosos. Inclusive, aquí mismo en Chile, Alberto Edwards, cuando comenzó a discutirse entre la gente culta la nueva teoría de la Historia que propugnaba implantar el genial tudesco, dio algunas conferencias tratando de vulgarizar esa teoría. No sé si esas lecciones de Edwards fueron recogidas en volumen, pero sí es seguro que tuvieron éxito, pues recuerdo haber asistido a una de ellas, y su público era numeroso y con una preocupación increíble para aquel tiempo, pues el nombre de Spengler era entonces casi desconocido en nuestro país.

El libro que ahora nos da Armando González, es la excepción en esa lista ya no pequeña de expositores spenglerianos. Para buscarle paralelo habría que hacerlo en nuestro Continente, en la gran República de los Estados de la Unión. Existe en esa literatura, un ensayo muy aplaudido de Edwin Franden Dankin “To Day and Destiny”. No obstante, sin pasión ni parcialidad de ninguna especie, creemos que el libro de González es más didáctico y de mucho más fácil lectura que el de Mr. Dankin.

No solamente en los puntos que hemos esbozado, sino en todos y cada uno de los que enfoca la teoría spengleriana expuesta a lo largo de sus libros básicos y particularmente de los cuatro volúmenes de la Decadencia de Occidente (N.d.E.: se refiere a la edición de ed. Osiris), Armando González lleva al lector como de la mano, aclarándole dudas y formulando las conclusiones a que el texto obliga. Y esto, con extrema acuciosidad, con limpia exposición, y valiéndose de un método didáctico que a cada instante nos revela al intelectual acostumbrado a ejercitar funciones de mentor o guía en los campos de la alta especulación filosófica.

A este propósito, antes de cerrar estas líneas quisiéramos hacer un alcance pertinente. En días pasados un publicista de conocida firma refiriéndose a la sensible ausencia de Ricardo Dávila Silva (Leo Par), echaba en cara a los manes del distinguido humanista su interés por los temas no estrictamente nacionales, englobando en su juicio a todos los que padecen del mismo mal...

“En esta inclinación —decía— de los escritores a los temas de fuera, yo no puedo dejar de ver una especie de alegre suicidio de las horas. ¿Se imagina alguien que en las bibliografías que alguna vez hayan de compaginarse sobre la literatura persa se van a considerar los estudios producidos en la costa del Océano Pacífico por un autor que escribe en español?”

Tal vez el publicista en cuestión al escribir esas palabras no se daba cuenta que con ellas intentaba aniquilar de una sola plumada el glorioso pretérito y, esperamos en Dios, también el futuro glorioso del Humanismo. Porque éste al fin de cuentas, no es otra cosa que eso: interesarse por todo lo que al hombre se refiere, como exigía Terencio.

Por lo tanto, agradecernos, asimismo, al señor González éste su aporte al comento de un libro “extranjero” hecho en el ensayo que acaba de regalarnos. Y por si alguna vez el desaliento llega a entumirle un poco las alas, deseamos traer a su memoria cierta sentencia de Samuel Johnson, inserta en uno de sus ensayos dedicados al hombre de la calle:

“Nothing has more retarded the advancement of learning than the disposition of vulgar minds to ridicule and wilify what they cannot comprehend”

“Nada ha retardo más el desarrollo del saber, que la disposición de las mentes vulgares para ridiculizar y envilecer lo que ellos no pueden comprender”.

Augusto Iglesias

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lundi, 18 juin 2007

Sur l'égalitarisme moderne...

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Sur l'égalitarisme moderne

Réponse de Robert Steuckers à un étudiant dans le cadre d’un mémoire de fin d’étude

Quelle différence entre Nietzsche et Marx quand on se place du point de vue de l’égalitarisme moderne? Pour Marx, l’injustice provoque l’inégalité, pour Alain de Benoist, en ce sens post-nietzschéen, l’injustice s’instaure justement parce que nous vivons dans une ère égalitaire…

(Robert Steuckers, mai 1998) - Votre question s’inscrit dans une problématique d’ordre sémantique. Vous cherchez à y voir clair dans la manipulation tous azimuts de “grands mots” du débat politico-social: justice, liberté, égalité, etc., toutes dévalorisées par les “discours-bâteaux” de la politique politicienne. Essayons ici de clarifier ce débat.

1. Pour Marx, effectivement, l’injustice sociale, la non redistribution harmonieuse des revenus sociaux, la concentration de capitaux en très peu de mains provoquent une inégalité entre les hommes. Il faut donc redistribuer justement, pour que les hommes soient égaux. Ou ils seront égaux quand ils ne seront plus victimes d’aucune injustice d’ordre matériel (bas salaires, exploitation du travail humain, enfants compris, etc.).

2. Pour la tradition dite “inégalitaire” dont s’est réclamé de Benoist au début de sa carrière “métapolitique”, l’injustice, c’est que les individus d’exception ou surdoués ne reçoivent pas tout leur dû dans une société qui vise l’égalité. En ce sens, “égalité” signifie “indifférenciation”. Cette équation est sans doute plausible dans la plupart des cas, mais ne l’est pas toujours. Alain de Benoist craint surtout le nivellement (par le bas).

Ces opinions se développent au niveau de la vulgate, de la doxographie militante.
Pour approfondir le débat, il faut récapituler toute la pensée de Rousseau, son impact sur le socialisme naissant, sur le marxisme et sur les multiples avatars de la gauche contestatrice. Néanmoins, dans le débat actuel, il convient de souligner ce qui suit:

a) Une société équilibrée, consensuelle, harmonieuse, conforme à une tradition crée d’elle-même la justice sociale, elle la génère spontané­ment, elle est travaillé par une logique du partage (des risques et des biens) et, partiellement, du don. Elle évite les clivages générateurs de guerres civiles, dont les inégalités trop flagrantes en matières économiques. La Rome antique nous donne de bons exemples en la matière, et pas seulement dans les réformes des Gracches (auxquelles se réfèrent les marxistes). Les excès de richesses, les accumulations trop flagrantes, les spéculations les plus scandaleuses, l’usure étaient réprimés par des amendes considérables, réinvesties dans les festivités de la ville. On s’amusait a posteriori avec l’argent injustement ou exagérément accumulé. Les amendes levées par les édiles couroules et plébéiennes taxaient ceux qui contrevenaient à la frugalité paradigmatique des Romains et le peuple en tirait profit. L’accumulation exagérée de terres arables ou de terres à pâturages étaient également punie d’amende (multo ou mulcto).

b) La pratique de la justice est donc liée à la structure gentilice et/ou communautaire d’une société.

c) Une structure communautaire admet les différences entre ses citoyens mais condamne les excès (hybris, arrogance, avarice). Cette condamna­tion est surtout morale mais peut revêtir un caractère répressif et coercitif dans le chef des autorités publiques (le multo réclamé par les édiles de la Rome antique).

d) Dans une structure communautaire, il y a une sorte d’égalité entre les pairs. Même si certains pairs ont des droits particuliers ou complémen­taires liés à la fonction qu’ils occupent momentanément. C’est la fonction qui donne des droits complémentaires. Il n’y a nulle trace d’inégalité ontologique. En revanche, il y a inégalité des fonctions sociales.

e) Une structure communautaire développe simultanément une égalité et des inégalités naturelles (spontanées) mais ne cherche pas à créer une égalité artificielle.

f) La question de la justice est revenue sur le tapis dans la pensée politique américaine et occidentale avec le livre de John Rawls (A Theory of Justice, 1979). Le libéralisme idéologique et économique a généré dans la pensée et la pratique sociales occidentales un relativisme culturel et une anomie. Avec ce relativisme et cette anomie, les valeurs cimentantes des sociétés disparaissent. Sans ces valeurs, il n’y a plus de justice sociale, puisque l’autre n’est plus censé incarner des valeurs que je partage aussi ou d’autres valeurs que je trouve éminemment respectables ou qu’il n’y a plus de valeurs crédibles qui me contraignent à respecter la dignité d’autrui. Mais, dans le contexte d’une telle déperdi­tion des valeurs, il n’y a plus de communauté cohérente non plus. La gauche américaine, qui s’est enthousiasmée pour le livre de Rawls, a vou­lu, dans une deuxième vague, restaurer la justice en reconstituant les valeurs cimentantes des communautés naturelles qui composent les Etats et les sociétés politiques. Reconstituer ces valeurs implique forcément un glissement à “droite”, non pas une droite militaire ou autoritaire, mais une droite conservatrice des modèles traditionnels, organiques et sym­biotiques du vivre-en-commun (merry old England, la gaieté française, la liberté germanique dans les cantons suisses, etc.).

g) La contradiction majeure de la “nouvelle droite” française est la suivante: avoir survalorisé les inégalités sans songer à analyser sérieusement le modèle romain (matrice de beaucoup de linéaments de notre pensée politique), avoir survalorisé les différences jusqu’à accepter quelques fois l’hybris, avoir simultanément chanté les vertus de la communauté (au sens de la définition de Tönnies) tout en continuant à développer un discours inégalitaire et faussement élitiste, ne pas avoir vu que ces communautés postulaient une égalité des pairs, avoir confondu l’égalité des pairs et l’égalité-nivellement ou ne pas avoir fait clairement la différence, avoir produit des raisonnements critiques sur l’égalité sans prendre en compte la valeur “fraternité”, etc. D’où l’oscillation de de Benoist face à la pensée de Rousseau: rejet complet au début de sa carrière, adhésion enthousiaste à partir de la fin des années 80 (cf. intervention au colloque du GRECE de 1988). Avec la percée de la pensée communautarienne américaine (cf. Vouloir n°7/NS et Krisis n°16), qui se réfère à la notion de justice théorisée par Rawls, la première théorie néo-droitiste sur l’égalité vole en éclat et n’est plus reprise telle quelle par la nouvelle génération du GRECE.

h) L’égalité militante, leitmotiv qui a structuré les démarches de toutes les pensées politiques dominantes en France, est une égalité qui vise l’arasement, la mise au pas des mentalités et des corps (Foucault: “surveiller et punir”), le quadrillage du territoire, qui agit par le déploiement d’une méthode systématique pour transformer la diversité grouillante de la societas civilis en une “Cité géométrique” (Gusdorf). Dans une telle démarche les communautés et les personnalités sont disciplinées, se voient imposer l’interdiction d’exprimer et leur spontanéité et leur spécificité et leur génie créatif. La volonté de restaurer cette spontanéité, cette spécificité et ce génie créatif passe par un refus des méthodes d’arasement “égalitaires”, mais n’interdisent pas de penser l’égalité en termes d’égalité des pairs et en termes de “phratries” communautaires et de fraternité au sens général (troisième terme de la triade révolutionnaire française, mais laissée pour compte dans quasi toutes les pratiques politiques post-révolutionnaires). La ND française (contrairement à ses pendants allemand et italien) a mal géré cette contradiction entre la première phase de son message (anti-égalitariste obsessionnel) et la seconde phase (néo-rousseauiste, démocratiste organique, communautarienne et citoyenne, intérêt pour la théorie de la justice chez Rawls). Elle est toujours perçue comme anti-égalitariste obsessionnelle dans les sources historiographiques les plus courantes, alors qu’elle développe un discours assez différent depuis environ une douzaine d’années, discours dont les principaux porte-voix sont de Benoist lui-même et Charles Champetier.

Spengler's cultural pessimism today

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History And Decadence: Spengler's Cultural Pessimism Today

Tomislav Sunic

http://home.alphalink.com.au/~radnat/tomsunic/sunic4.html... 

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dimanche, 17 juin 2007

Nacionalismo

Nacionalismo




Conceito,
Teoria,
Organização !


Entendemos o Nacionalismo, não como uma prática política mais, mas como uma forma de estar na vida, um estado de vivência…
Neste contexto, consideramos ser fundamental a clarificação de certos conceitos divulgados por teorias e doutrinas que, pelo mimetismo imposto pela moda e, menos eufemisticamente, pela ignorância, assumem significados que não o são.
O Nacionalismo é, em si mesmo, um conceito com nome próprio que não suporta adjectivações !
Referir um nacionalismo adjectivado (e.g. "nacionalismo revolucionário" ou "nacionalismo liberal") é pretender reduzir um conceito abrangente, incluente de toda uma "nação", a uma mera teorização política a que (quantas vezes…) nem falta a abstrusa designação de esquerda ou direita.
"A fortiori", o termo "nacionalismo" poderá ser identificado pelo nome da Nação a que se refere (e.g. "nacionalismo galego").

Por muito que estremeça o ideário histórico incutido nas populações europeias desde a normalização carolingia, na Europa de hoje um "país" não corresponde necessariamente a uma "nação", pelo contrário, a maioria dos países europeus constituiram-se por amálgama de territórios conquistados, subordinados a um Estado centralizador que se impôs, unificando nações diferenciadas.

1. Filosofia e Conhecimento

Talvez os antigos gregos tivessem razão quando afirmavam que existia uma erudição própria escondida em cada palavra.

Se prestarmos atenção ao vocábulo "filósofo" ("philosophos" em grego), um termo que surge, segundo Ponticus Heraclides (séc. IVº EP), quando Pitágoras recusa a denominação de "sophos" ("sábio") que lhe é atribuida pelo rei de Phlionte (cidade do Peloponeso) e retorquiu afirmando que mais não se considera além de "philo sophos" ("amigo da sabedoria").
Do adjectivo "filósofo", forma-se o substantivo "filosofia" ("philo + sophia"), "amizade pela sabedoria", que reflecte um encaminhamento em direcção à "sabedoria" e se opõe à noção de "possuidor de sabedoria" ("sophos").
A erudição do termo é bem patente no seu significado de "busca" da sabedoria, e de "recusa" (por impossibilidade) de a possuir !

Mas, invariavelmente, o valor erudito das palavras é fagocitado pelo utilitarismo com que se pretende aplica-las, e os vocábulos "filosofia" e "filósofo" sofreram o "habitual" tratamento de aculturação predominante.
No presente, particulariza-se como "filosofia de …" qualquer actuação teorizante nos mais diversos campos específicos, da gramática à política como da arte à lógica. Amarfanha-se, amalgama-se, oprime-se o sentido de "filosofia" com o significado de disciplinas outrora pertencentes ao "corpus philosophicus", mas que se disjuntaram constituindo áreas de estudo especifico.

Com efeito, o "pensamento" grego via na filosofia a "sabedoria", a totalidade do saber da época e um conhecimento aspirando ao universal !
Posteriormente, o "saber" foi-se compartimentando em "saberes" (ciências) enquanto o conhecimento se afirmava como compreensão dos limites e das condições da existência.
Compete pois ao ciêntifico o "saber" que permite o controlo da Natureza, e ao filósofo o "conhecimento" de uma vida acorde com a Natureza !

Se nos restringirmos ao espaço político, referir "filosofia do fascismo", "filosofia do marxismo", "filosofia do liberalismo", etc, não é culturalmente aceitável, pois que fascismo, marxismo, liberalismo, etc, são teorizações de um mesmo conceito filosófico que é a "Política", um conceito que provém de "Politeia" (da raiz grega "pólis", cidade ; em latim "civitas").
A origem do erro reside na assimilação habitual de "política" à "gestão da pólis", confundindo-se o conceito filosófico de "política" com as teorizações que propõem "gestões políticas" diversas.

Para bem compreendermos os âmbitos de acção do "conceptual filosófico" e da "teorização política", devemos ter presente as três realidades sobrepostas que a noção de "polis" engloba :
- um factor social, entendido como uma comunidade autónoma, habitualmente constituida por sinoecismo (1), fortemente estruturada, étnica e culturalmente coesa.
- um espaço, que conecta o "habitat" a um território e ao seu ecosistema.
- um Estado, dotado de poderes de regulação sobre o "espaço" e o "factor social".

Assim que, se o "factor social" e o "espaço" determinam a "Nação" (conceito filosófico), as regras de Estado são do âmbito da teorização política, embora com uma excepção qualitativa relacionada com o substracto cultural das comunidades que constituem o "factor social" da "Nação".
E esse substracto cultural constitui o que os gregos denominavam "agraphoi nomoi", comummente entendido como "leis não escritas" (costumes e tradições).
O que valoriza, na tradição ética grega, os "agraphoi nomoi", não é somente o facto de evitarem a imperfeição técnica das leis escritas ("nomoi"), mas a sua relatividade cultural (2).

Na Esparta e na Atenas clássicas, muito diferentes na teorização política, o mais importante era o conceito filosófico de comunidade de homens livres (noção espartana de "homoioi") que o grego orgulhosamente proclamava.

"Cada um, então, de acordo com sua vontade, pode fulgir... ou calar-se. Pode imaginar-se mais bela igualdade ?"
(palavras deTeseu ao arauto in "Suplicantes" de Eurípides - vv. 426-441)

Se Atenas adopta uma "politeia" teorizada na participação activa dos membros da comunidade ("politai") nos trabalhos do "Boule" (Conselho), do "Helieia" (Tribunal) e da "Ekklesía" (Assembleia), para Esparta a organização da vivência em comunidade dependia substancialmente dos costumes e do definido por alguns poucos princípios reguladores, os famosos ordenamentos ("rethra"), atribuídos a Licurgo (séc. IX ou VIII EP).

Lucius Furius Philus, no diálogo "De Res Publica", escrito por Cicero, defende (Livro III - VIII a XI) a tese de que justiça é coisa social, e não natural, que como tal varia conforme o povo e varia num mesmo povo através do tempo. É o interesse que comanda os homens.
A essa posição, Cícero opõe, por intermédio de Lelius, a lei ética, o conceito filosófico que deve ser o fundamento do Estado :
"Existe uma lei verdadeira, é a recta razão, conforme com a natureza espalhada em todos os seres, sempre de acordo consigo própria, não sujeita a perecer, que nos chama imperiosamente a preencher a nossa função, nos interdiz a fraude e dela nos afasta. Jamais o homem honesto é surdo às suas ordens e proibições; estas não têm acção sobre o perverso.
Nesta lei, nenhuma emenda é permitida, não é lícito revogá-la totalmente ou em parte. Nem o Senado, nem o povo podem dispensar-nos de a ela obedecer (…). Esta lei não é uma em Atenas, outra em Roma, uma hoje, outra amanhã, é uma única e mesma lei que rege todas as nações em todos os tempos (…) quem não obedece a esta lei ignora-se a si mesmo, e, porque ignorou a natureza humana, sofrerá por isso mesmo o maior castigo …"
(Marcus Tullius Cicero (106-43 EP) in "De Res Publica", Livro III, XXII).

No plano doutrinário a filosofia posiciona-se entre o escrito e o não escrito, entre a lei e o costume, consciente de que, pela biologia intrínseca do cérebro humano, uma "hierarquia de domínio" vai estabelecer-se entre os individuos que constituem o "factor social" que constitui a "polis", e que compete à teorização política fundamentar a organização dessa "hierarquia de domínio" no interior da comunidade, da sociedade, ou da Nação, pois esta tenderá a controlar a repartição da totalidade dos recursos (bens e serviços).
Os factores culturais envolventes deverão constituir a linha de conduta que a acção filosófica tem por obrigação impor à teorização política.

2. Teorização Política

Como demonstrou o fundador da antropología política, Pierre Clastres (1934-1977), em "La société contre l'État" (1974), a ligação entre "Política" e "Estado" não é tão evidente como habitualmente se crê, pois existem formas de organização que evitam a aglomeração do "poder" no Estado, competindo à "teoria política" desenvolver a formatação do Estado, com base numa fundamentação cultural estruturada pelos conceitos filosóficos assentes nos valores primevos dos individuos que constituem a Nação.

Parece-nos provada a necessidade de constituir um "corpus philosophicus" fundacional da "teorização política", antes de "desenhar soluções de pormenor" ou, pior ainda, copiar dos alfarrábios soluções "read-made" !

Provindo o termo do grego "theorein", "teoria" significa "contemplar, observar, examinar", e "teoria política" é, como qualquer outra teoria, um quadro de trabalho para compreensão de uma proposta.
Em linguagem corrente, uma teoria é um conjunto de conceitos, fundamentados em teorias precursoras ou em casos reais, conducentes a um resultado especulativo, a uma representação ideal.

Desde a lógica das matemática, diz-nos o primeiro teorema de Kurt Gödel (1931), que (numa teoria) existem enunciados que não são demonstráveis e cuja negação tão pouco é demonstrável !
Se assim é numa ciência exacta como as matemática… na política arriscamos navegar na mais pura virtualidade !
E para que essa virtualidade não se transforme em enunciado dogmático, devemos ter recurso à "fundamentação cultural estruturada pelos conceitos filosóficos".

Se nos fixarmos nas propostas políticas ditas nacionalistas encontraremos a nivel da teorização política "um pouco de quase tudo" !
Desde o fascismo, ao nacional-socialismo, ao nacional-bolchevismo, ao salazarismo (católico-corporativista), ao franquismo (falangista), ao europeismo (nas mais diversas tonalidades), ao monarquismo lusitanista (integralismo), e um longo etc, todos se dizem nacionalistas e afirmam o seu desejo de uma solução política "nacionalista" !

Como Blaise Pascal, façamos um pouco de "ucronia" (3).
Se toda a vontade nacionalista antes referida, chegasse a uma vitória política e, consequentemente ao "controlo do Estado", quantas horas tardariam a lançar-se (mutuamente) à cabeça, as cadeiras do "poder" ?
Como poderia um nacionalismo monárquico aceitar uma solução republicana ? E o nacional-bolchevismo colaborar com os fascistas ?

Perante o que nos demonstra a realidade, as variáveis são tantas (incluindo os "infiltrados" e os "inocentes"), tantas as teorizações políticas, que o "poder teo-democrático" em funções pode "ressonar sem sobresaltos" !

Parece-me óbvio que sem uma "fundamentação cultural" consequente as divagações prosseguirão, cada hipótese continuará a afirmar-se como sendo a mais acertada e, todas (ou quase) continuarão a considerar o "nacionalismo" como uma teoria política mais.

Não, não sou pessimista, mas tão pouco sou optimista ! Esses sentimentos não se coadunam com a análise responsável de um projecto politico.

Temos necessidade de nos elevarmos por em cima da fragmentação teórica do saber político que envolve o nacionalismo.
A filosofia não teoriza a política, mas fundamenta os conceitos necessários à sua expressão, e creio ser já tempo de enquadrar a teoria política nacionalista com o conceito adequado !

Uma das primeiras cacafonias teorizadoras com que deparamos nas páginas "web" e nos "fórum", assumidamente nacionalistas, assim como numa variada literatura existente, é a confusão entre o significado atribuido a certos vocábulos e a sua real significação. Dois dos mais sintomáticos exemplos são, "nação - pátria" e "povo - população".
Confundindo "povo" com "população", dilui-se a noção de etnicidade, uma estrutura fundacional do nacionalismo… Amalgamando "nação" com "pátria", abandonamos decididamente o campo nacionalista pelo patriótico, a visão de futuro pela simbologia do passado !
Nada mais que esclarecer os exemplos apontados e teriamos uma importante redução nos candidatos a nacionalistas.

Outro aspecto, nem o último nem o menos importante, é o enfeudamento a soluções "prontas-a-utilizar", o recurso a teorias aplicadas em periodos históricos recentes e que ainda brilham no imaginário politico de muitos.
Não nego o interesse em conhecer essas experiências, que podem, na devida perspectiva histórica, enriquecer conceitos ou complementar teorizações, mas saibamos distinguir o antigo do velho, o texto lúcido e pertinente da retórica fora de circunstância.

3. Europa e Nacionalismo

Existem posicionamentos que advogam por "pensar Europa já e agora", e outros mais críticos relativamente à oportunidade de optar desde já pela Europa. De entre os primeiros, distinguimos os que creem que uma Nação é algo de perene e que á dado adquirido como parte constituinte da Europa, e outros, bem intencionados, mas que se comportam como borboletas nocturnas encandeadas pelo "farol europeista" !
Desde uma perspectiva analítica também é por demais evidente a actividade de alguns émulos de Fausto que, com propósitos inconfessáveis, exaltam uma Europa alquímica, saida de alguma retorta do Grande Arquitecto, com o evidente objectivo de transmutar a Nação em poltronas de eurodeputado.

Quando Drieu de la Rochelle defendia uma solução europeia, essa solução passava por uma França (culturalmente dominante) aliada a uma pujante Alemanha nacional-socialista, referindo uma Europa conceptualmente fundamentada em valores étnicos e culturais que hoje somente encontramos nas hemerotecas.

Sejamos conscientes de que o denominador comum que têm, na actualidade, os povos de regiões como a Wallonie belga, o Vaud suiço ou o Vale do Ave português, é a sua acelerada perda de identidade ! A rotura drástica e dramática com os laços culturais que os uniam ao seu território. Na Europa de hoje, como na Europa que alguns (consciente ou inconscientemente) pretendem, as Nações desvanecem-se !

Que Europa se pretende ? Uma Europa sem Nações ?
Uma "pátria europeia" habitada por uma população multi-étnica e culturalmente "miscigenada" ?
A Europa financeira dos bancos e das empresas, dos negócios, da usura e dos lucros ?
Não será isso embrulhar o nacionalismo em reluzente papel e oferta-lo a quem pagar mais subsídios ?

Como já o escrevi repetidamente, e em nada altero o afirmado, estou intimamente convencido de que devemos lutar por uma Europa forte, mas, e sem lugar a dúvidas ou tergiversação, étnica e culturalmente coesa.

Que a árvore não nos esconda a floresta ! Se primeiramente não nos constituirmos em Nações autónomas de qualquer poder central e centralizador, em Nações representativas de uma realidade cultural, falar em nacionalismo é uma falácia !
Europa não é, nunca foi uma Nação, mas um conjunto de Nações étnicamente próximas (antes da invasão migratória) e culturalmente compreensíveis.
Pretender, como Lenine, uma Europa de Repúblicas Socialistas, ou uma espécie de Império "envergonhado de o ser", como propõe Jean Thiriart, ou um negócio financeiro montado numa manipulação cultural, estilo União Europeia, ou uma Europa do arquipélago das Curilhas ao dos Açores, e de Instambul a Rabat, não é, seguramente, respeitar as tradições, as "agraphoi nomoi" que são o bastião da nossa cultura !
Provavelmente, os que defendem essas "soluções", pensem (por manifesta ignorância e manipulação) que Carlos Magno foi um grande protector da cultura europeia, tal como tinha sido o Império de Roma ou a evangelização cristã...
E aí não nos encontram ! Porque é um engano, uma burla política, uma falácia…

O projecto da "Nova Ordem Mundial" é criar grandes blocos económicos sem conteúdo cultural !
Nesse sentido se vão formatando a União Europeia, a Mercosul, a Asean e a União Africana.
Posteriormente, será fácil tudo amalgamar num mercado global, num Estado global… dirigido por um governo Mundial !

A afirmação nacionalista é um conceito identitário, não é uma teorização política, nem se engloba no ardil das direitas ou das esquerdas.
E a nossa afirmação nacionalista, com respeito por todas as outras que se manifestem no território europeu, relaciona-se com a defesa da "nossa Cultura", do "nosso Povo" e, consequentemente da "nossa Nação" !
A partir desta base, poderemos participar na compreensão de uma Europa Identitária ! Não num "mercado comum" !

4. Fundamento Conceptual do Nacionalismo

Insistimos em que o trabalho inicial dos nacionalistas é determinar o fundamento conceptual do nacionalismo que provém de nós mesmo, como povo.
Várias áreas devem ser estudadas para que, a partir de conceitos claros e esclarecidos, se possa desenvolver uma "teorização política", uma proposta de organização que nos enquadre como fenómeno nacionalista e nos permita transparecer como Nação.

A História deve ser interpretada como instrumento de aprendizagem que os nossos ancestros nos deixaram, não como um acumular de lendas, de glosas míticas, de milagres fundacionais ou de acasos proféticos.
Uma Nação não nasce por decreto nem por bula papal ! Uma Nação é "um todo coeso", um laço cultural expresso por um povo num contexto territorial.

Que referência cultural se pode deduzir quando se divaga entre as mais variadas concepções de ética, de estética e de religiosidade ?
A que Nação se reporta quem devaneia entre conceitos de "território como parte da Nação" e "território como constituinte de um país" ?
Como seria interessante que, quem se pretende nacionalista, tivesse a consciência de que denominar uma "população" como "povo" não passa de uma afirmação manipulada (ou manipuladora), mas que não altera uma virgula à realidade, à distinção étnica e etológica existente sobre o terreno !

Que pretendemos ?
Fundamentar o conceito "nacionalista" e tentar viver nele e com ele, numa simbiose conseguida, ou continuar a discutir virtualidades, como se estivessemos a dialogar com o coelho de Alice no outro lado do espelho ?

Nacionalismo é a defesa de uma identidade nacional, é um conceito étnico-cultural que pretendemos se expresse através de uma "teoria política" que devemos formular, adequando a sua formatação à realidade que somos e ao futuro que pretendemos.
É a partir da Nação que deveremos pensar a Europa. Não o contrário !

Tenhamos sempre presente as palavras que proferiu, na defesa do "seu" globalismo, o barão Edmond Rothschild à revista "Entreprise", em 18 de Julho de 1970, sobre a constituição do Mercado Comum Europeu, fase que precedeu a actual União Europeia :
"… (como condição) a estrutura que deve desaparecer, o ferrolho que deve saltar, é a nação" ! (4)

Cremos firmemente que, para um futuro consequente, o trabalho dos nacionalistas (em cada Nação) deveria percorrer três etapas fundacionais (eventualmente subdivididas) :
1. Significação Conceptual
- conceitos filosóficos
2. Teorização Política
- estrutura do Estado
3. Organização e Actuação
- prospectiva

Com um razoável consenso nestas premissas, as nações europeias poderão "formatar" uma Europa Identitária !
Senão, o nacionalismo continuará a ser, para uns, um exercício intelectual, para outros, um passatempo e, para alguns… uma actividade (consciente ou não) para que "o ferrolho" se desvaneça de vez !

Despertemos a cultura imanente em cada Nação, interliguemos os conceitos e avancemos no caminho da Europa Identitária…
Como diz o poeta : "… o caminho faz-se andando !".
------------------
(1) Na Antiguidade, o sinoecismo (do grego "sunoikismós", dérivado de "sún", com, e "oikos", casa, ou seja "conjunto de casas") é o acto fundador de uma cidade. Uma reunião de várias aldeias formavam uma vila… uma cidade…

(2) A primeira lembrança que nos vem à memória refere-se ao famoso passo da tragédia de Sófocles, Antígona (450-59), onde desafiando as determinações de Creonte, rei de Tebas, Antígona presta honras fúnebres a Polinices, seu irmão, morto em combate com o seu também irmão, Eteocles.
A jovem princesa justifica seu acto alegando obediência às normas divinas, eternas e intocáveis, superiores, como valor imperativo, à proclamação do rei.

(3) "Ucronia" - História alternativa de um evento particular modificado, imaginado, através do qual o autor estabelece conclusões hipotéticas.
"Se o nariz de Cleópatra tivesse sido mais pequeno, a face da terra teria mudado" (Blaise Pascal in "Pensées", 90).

(4) Sejamos conscientes do enfrentamento entre o nacionalismo, que é garante da identidade de cada povo, e a miscigenação mundialista expressa pelo sistema, aparentemente contraditório, liberal-marxista, cujo objectivo é o total desenraizamento cultural dos povos e a criação de um governo mundial.

 

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G. Faye: Wofür wir kämpfen!

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Wofür wir kämpfen
Von der Notwendigkeit eines Kampfes um die europäische Identität

Noch nie in ihrer langen Geschichte haben die Völker europäischer Abstammung und weißer Rasse eine solche Tragödie wie die derzeitige erlebt. Meine Position erscheint zunächst äußerst pessimistisch, genauer gesagt realistisch, doch ist am Ende etwas tragischer Optimismus zu erkennen.

Zunächst erschreckt vielleicht meine erste These, aber ich denke, sie ist Teil eines nachvollziehbaren Szenarios: Die derzeitige Weltzivilisation (die man »das globale planetarische System« nennen könnte) könnte in weniger als 20 Jahren zusammenbrechen, und zwar aufgrund einer Zahl gewisser dramaturgischer Linien – sich ständig verschlimmernder und den ganzen Planeten betreffender Krisen –, die alle aufeinander zu verlaufen und sich am Bruchpunkt treffen.

Diese Krisen, die sich ständig verstärken, die erstaunlich parallel verlaufen und die untereinander eine Wechselwirkung haben, sind die folgenden:

• Verfall des Ökosystems und Erschütterungen durch klimatische Veränderungen;
• Verletzlichkeit einer globalen Wirtschaft, die zu offen, zu spekulativ und, da vom schnellen Gewinn besessen, zu kurz ausgerichtet ist;
• Erschöpfung der fossilen Energien, der Erze sowie der Ressourcen aus Land- und Fischwirtschaft, die bald nicht mehr in der Lage sein werden, die Gier des Wachstums zu befriedigen und dem Mythos einer unendlichen »Entwicklung« der Weltwirtschaft zu entsprechen;
• Aufstieg von Nationalismen und Terrorismen und wachsende Verbreitung von Nuklearwaffen;
• massenhafte und unkontrollierte Wanderungsbewegungen von Süden nach Norden;
• voraussagbare Feuersbrunst im Nahen Osten;
• allgemeine Offensive des Islam und ein mächtiges Aufeinanderprallen der Kulturen, das zu verhindern unsere Regierungen wegen Zaghaftigkeit nicht in der Lage sein werden;
• dramatische Überalterung und demographischer Niedergang in den reichen Ländern – vor allem bei den Völkern weißer Rasse –, was sich in einer bisher nicht dagewesenen wirtschaftlichen Rezession äußern wird;
• massenhafte und rasche Invasion Europas durch Einwanderer aus der Dritten Welt, die von einer zunehmenden Islamisierung begleitet wird, und, besonders in Frankreich, auf den Beginn eines – das muß so klar benannt werden – ethnischen Bürgerkrieges hinauslaufen wird;
• Zusammenbruch der fundamentalen moralischen und vitalen Werte überall im Westen zugunsten eines kollektiven suizidären Verhaltens;
• Wiederaufkommen unkontrollierbarer Epidemien.

Demographischer Winter und ethnischer Selbstmord

In seiner »Politeia« spricht Aristoteles davon, daß keine Gesellschaft und keine Stadt ohne ein Mindestmaß an ethnischer und kultureller Homogenität bestehen kann. Diese Homogenität ist der Garant für die philia, d.h. für eine allgemeine Verständigung auf gemeinsame Werte. Nun erleiden aber die europäischen Nationen – allen voran Frankreich – noch viel mehr als Nordamerika einen regelrechten Bevölkerungsaustausch: Wir haben es mit einer »Libanisierung« Europas, einem ethnischen Chaos, einer galoppierenden Islamisierung und einer rapiden Afrikanisierung unseres ethnischen Grundschatzes zu tun – ein Phänomen, das in diesen Ausmaßen seit dem Neolithikum (Jung-steinzeit, 5.000 - 2.000 v. d. Ztw.) unbekannt ist und das in den nächsten Jahren zu einer massiven Destabilisierung führen und unseren Kontinent verwandeln wird. Das alles bei nicht sehenwollender Gleichgültigkeit oder zynischer Komplizenschaft der politischen, wirtschaftlichen, intellektuellen und kulturellen »Eliten«.
Ich möchte einige Zahlen nennen: Nach Frankreich kommen jedes Jahr mehr als 300.000 Einwanderer aus der Dritten Welt, von denen die Hälfte in keiner Statistik auftaucht und nur fünf Prozent qualifizierte Arbeiter sind. Es gibt bereits sechs Millionen Moslems in Frankreich; das sind zehn Prozent der Bevölkerung, Tendenz rapide steigend. Es gibt bereits 2.000 Moscheen und ähnliche moslemische Orte des Kultes in Frankreich – mehr als in Marokko. Und es kommen pro Monat 20 hinzu – mit der Zustimmung der katholischen Kirche und der Stadträte. Eine Geburt von Dreien ist die einer moslemischen oder schwarzafrikanischen Frau. Die Fremdstämmigen haben eine doppelt oder dreimal so hohe Geburtenrate wie die »Ureinwohner«. Wenn sich nichts ändert, wird der Islam im Jahre 2020 in Frankreich, aber auch in Belgien, die stärkste Religion darstellen. Bereits heute sind 15 bis 20 % der Bevölkerung nicht mehr von weißer Rasse; bei den Jugendlichen sind es 30 %. In seinem Buch »Das afrikanische Frankreich« kommt der Soziologe und Demograph J.-P. Gourevitch zum Ergebnis, daß im Jahre 2050, wenn nichts getan wird, die Mehrheit der Bevölkerung in Frankreich nord- und schwarzafrikanischer Abstammung sein wird.


Zu all dem kommen der massive Geburtenrückgang und die Überalterung der Europäer von Lissabon bis Moskau. Man kann von einem ethnischen Selbstmord und einem demographischen Winter sprechen. Doch das scheint die europäischen Führer nicht weiter zu interessieren – die Sorge um die Geburtenrate von Weißen gilt als etwas »Faschistisches«. Schon heute – seit dem Jahr 2000 – verlieren Deutschland, Italien, Spanien usw. jährlich Zehntausende von Einwohnern – trotz einer massenhaften Einwanderung von Fremden!

Eine solche Entwicklung kann, rein mathematisch, nur zu einem wirtschaftlichen Zusammenbruch ganz Europas führen, der etwa im Jahre 2015 erfolgen könnte und der nach dem Dominoprinzip Auswirkungen auf die gesamte Welt haben wird.

Bereits Oswald Spengler hatte darauf hingewiesen, daß die weißen Völker von einer Art Gemütskrankheit befallen sein könnten, die ihren Lebenswillen untergräbt. Noch nie haben die Völker der europäischen Geschichte eine solche Tragödie erlebt, die das anthropologische Fundament Europas, aber auch seinen Überlebenswillen und seine sowohl genetische als auch spirituelle Kraft im Kern angreift.

Sollte Konrad Lorenz, als er vom Wärmetod sprach, recht gehabt haben? Könnte es sein, daß die Völker europäischer Abstammung ihren Untergang erleben, ihren »Fall«, und daß sie, wie andere Kulturen vor ihnen, nach einer langen Geschichte, die sie weitestgehend über alle anderen Kulturen hat siegen lassen, Opfer einer Erschöpfung und einer biologischen Überalterung werden?

Manche freuen sich über diesen Zustand, den meisten ist er egal. Aber wir, wir müssen diesen Fatalismus ablehnen, weil unsere Werte keine fatalistischen, sondern voluntaristische sind.

Die suizidäre Umkehrung der Werte

Es gibt ein weiteres untrügliches Zeichen: die krankhafte Umkehrung der Werte, die der Westen (besonders Europa) durchmacht und die seit den 1960er Jahren immer schneller vorangeht. Symptome dafür sind:

• stetige Verschlechterung der Ausbildung der Jugendlichen, sowohl was das Wissen anbelangt als auch die Kenntnis und die allgemeinen Regeln des zivilen Umgangs, was auf eine neue Barbarei und einen Neo-Primitivismus hinauslaufen wird;
• Ethnomasochismus, d.h. für Herkunft, ethnische Identität und Geschichte empfundene Scham- und Schuldgefühle, die zu krankhaften Bußhandlungen führen;
• Xenophilie: Fremdenidolatrie, anders gesagt die systematische Bevorzugung all dessen, was ausländisch ist;
• Homophilie oder Höherstellung der Homosexualität über die Heterosexualität als neues soziales Modell;
• Banalisierung des komfortablen Schwangerschaftsabbruchs;
• dauernde Rechtfertigung der Völkervermischung und Ermutigung zu dieser;
• Niedergang des familiären Prinzips und der Erbschaftsfolge, die lächerlich gemacht oder wie in der Zoologie präsentiert werden;
• Einreißen der Geschlechterunterschiede und Entmännlichung;
• Beeindruckende Zunahme von Betäubungs- und Aufputschmitteln, die von der politischen Kaste, die von diesen profitiert, nur lasch verfolgt wird;
• allgemeiner Egoismus und Narzißmus, paradoxerweise einhergehend mit dem gekünstelten Altruismus der Menschenrechtsreligion und einem heuchlerischen Humanismus;
• Verschwinden des ethnischen Bewußtseins bei unseren Völkern und gleichzeitige Hinnahme des ethnischen Chaos (genannt »multikulturelle Gesellschaft«) als ganz und gar zu akzeptierendem sozialem Umfeld;
• Vergessen und Verächtlichmachung unserer Wurzeln und unserer Traditionen wie auch der Zukunft unserer Kinder zugunsten eines sterilen Gegenwartskultes (Kult der kurzen Sicht);
• pseudo-optimistische Kultur des Festes und des Zusammenlebens, mit der auf ungeschickte Weise die Verzweiflung und die Ohnmächtigkeit einer Endzeit verschleiert wird;
• Verschwinden des ästhetischen Sinnes und des Sinnes für die schöpferische und disziplinierte formale Konstruktion, während sich der künstlerische Abschaum und die Betrügereien von Idioten und Unfähigen durchsetzen;
• krankhafte Häßlichkeit und Vernachlässigung von Bekleidung und Architektur;
• Faszination für den Fernseher und die elektronischen Medien, die das Wort, den Blick, das Gehör, die sinnliche Wahrnehmung und den unmittelbaren Austausch von Gefühlen ersetzen;
• Kult der Jugend und Infantilisierung in Kultur und Bildung;
• Vernichtung des Verlangens, des Erotischen und der natürlichen Sexualität zugunsten kommerzieller Pornographie und einer sexuellen Sprache, deren Paradigma die Vergewaltigung ist;
• die Zelebrierung des Sports als Show – Tagtraum für die verwirrten Massen, die nicht mehr erkennen, worum es wirklich geht (Brot und Spiele);
• unsinnige Lobhudelei des Konsums und der Scheffelei materieller Güter ohne jegliches Wohlbefinden;
• Verschwinden von Dichtkunst und des musikalischen, lyrischen, plastischen und bildnerischen Schöpfertums zugunsten von Täuschungen durch Schwindler;
• Austrocknung und Vergessen der Volkskünste und völkischer Traditionen;
• todesschimmernde Literatur und Filmkunst;
• gleichzeitige Herrschaft von unklarem und schwafelndem Intellektualismus und verarmtem, monopolistischem und jede Meinungsfreiheit erstickendem Einheitsdenken;
• Tod des volkstümlichen Humors und des Lachens zugunsten höhnischen Gekichers;
• Niedergang frischer und echter Gefühle, Verschwinden von Einfachheit und positiver Zukunftsvorhaben bei künstlichem Optimismus in den Reden der Offiziellen;
• Explosion der Kriminalität und der alltäglichen Gewalt, einhergehend mit besorgniserregender seelischer Verletzlichkeit und einer Inflation moraltriefenden Altruismus;
• Nebeneinander von versessenem und rationalisiertem Materialismus und dem Erfolg falscher, pseudo-esoterischer und im Grunde entzauberter Spiritualität.

Man könnte diese traurige Diagnose noch lange fortsetzen. All diese pathologischen Symptome des kulturellen Chaos sind solche einer Zivilisation, die am Ende eines Zyklus angelangt ist. Sie zeigten sich schon in den Dekadenzen untergegangener, von Altersschwäche befallener Völker. Doch sind sie noch nie so stark und allgemein verbreitet gewesen wie heute. Man erinnere sich der Prophezeiungen des indischen Kali Yuga, was das Zeitalter des Eisens, d.h. die endgültige Dekadenz, anbelangt: »Sie werden die Kinder in den Bäuchen der Frauen töten / Männer werden Männer ehelichen und Frauen Frauen / Kühe wird man mit Fleisch füttern / Sie werden Helden und Krieger verlachen und verachten / Könige werden zu Dieben und Diebe zu Königen.«

Keine menschliche Gesellschaft, die in einer solchen Verneinung der Naturgesetze lebt und die eine Zügellosigkeit für alles Widernatürliche und Selbstmörderische, aber eine gnadenlose Intoleranz für alles, was die Identität wieder aufrichten könnte, aufweist, kann einem schnellen Verschwinden entgehen.
Der Islam hat das gut verstanden. Er versucht, sich auf diesem Ruinenfeld als eine Art »Anti-Dekadenz-Wunderpille« durchzusetzen. Aber wir dürfen – im Unterschied zu gewissen wie die Spatzen faszinierten und den Verrat liebenden Pseudo-Identitären – die Lösungen nur in uns selbst suchen und finden.

Positive Utopien

Ich denke, daß bei einem solchen Unternehmen die demnächst stattfindenden und diese »Weltzivilisation«, dieses uns bekannte »System Welt« zum Einbruch bringenden Ereignisse von großer Hilfe sein können. Aus diesem Grunde sollten wir uns mit einer Anzahl von neuen Vorstellungen und Entwürfen vertraut machen. Die erste ist mit dem Begriff »Eurosibirien« benannt. Eurosibirien bedeutet, in einem riesigen, ethnisch homogenen und wirtschaftlich autozentrierten, d.h. sich selbst in den Mittelpunkt stellenden Bundesstaat eine Europäische Union und ein weißes Rußland neu entstehen zu lassen, die – wie ein »riesiger Igel«, um Robert Steuckers zu zitieren – niemanden bedrohen, aber die auch niemanden brauchen. Natürlich steht diese Sicht der Dinge jener von einem multirassischen »Eurasien« gegenüber.

Der zweite Entwurf ist der »autozentrierte Wirtschaftsraum«, der in radikaler Opposition zur derzeitigen freihändlerischen Globalisierung steht und der darauf abzielt, wirtschaftlich autonome Systeme für jede große ethnisch definierte Region des Planeten einzurichten. Der autozentrierte Wirtschaftsraum kommt ohne jegliches Einheitsmodell aus – jede Region folgt ihrem eigenen Rhythmus.
Die dritte Vorstellung verbindet sich mit dem Begriff »Septentrion« – eine poetische Kurzform für »solidarische Verbindung aller Völker europäischer Abstammung als zentrales Ziel«. Auf diese Weise soll gegenüber dem Rest der Welt ein Marmorblock entstehen, der nicht einfach nur etwas Romantisches und Kulturelles, sondern Politisches, d.h. auf konkreten Verträgen basierendes, sein soll.

Edelweiß

Die Ressourcen unserer verwundeten Völker bestehen noch immer, vergleichbar dem Samenkorn, das in der winterlichen Kälte unter dem Schnee und bei Frost am Leben bleibt – wie das Edelweiß. Wir haben das Glück, einer Zivilisation anzugehören, die ihre Gestalt ändern kann und die es noch immer verstanden hat, sich nach schweren Krisen zu regenerieren – wie der Vogel Phönix, der aus seiner Asche aufsteigt. Fliegt Minerva nicht im Dunkel, wenn alles verloren scheint, auf und davon? Von heute an gilt es, sich »die Welt danach« vorzustellen und die Wiedergeburt vorzubereiten. In der Geschichte sind es die aktiv handelnden Minderheiten, die gewinnen. Im Zentrum des europäischen Geistes steht der grundlegende Begriff des Schicksals (das fatum bei den Römern und die moïra bei den Griechen). Das Schicksal ist offen und unvorhersehbar; nichts steht geschrieben, und der Fluß der Geschichte kann seinen Lauf umdrehen. Kein Gott kann Prometheus auf die Knie zwingen. Eingangs seines »Fausts« sagt Goethe, der Bibel widersprechend: »Im Anfang war das Wort? Nein, im Anfang war die Tat.« Ich denke, tatsächlich stehen sowohl das Wort als auch die Tat am Anfang. Man muß sprechen und schreiben, um zu lehren und zu überzeugen, und man muß handeln, um die Dinge voranzutreiben. – Warum kämpfen wir? Nicht so sehr für uns, sondern für das Erbe unserer Vorfahren und für die Zukunft unserer Kinder.

Ich schließe meinen Beitrag mit einem Slogan, denn ich mag Slogans, auch weil die enthirnten Intellektuellen Slogans hassen: »Vom Widerstand zur Rückeroberung, und von der Rückeroberung zur Revolution.« Sind Renaissance und Revolution nicht mehr oder weniger das gleiche?

Der Aufsatz ist der Auszug eines Vortrages des Autors beim diesjährigen Deutschen Kongreß der Gesellschaft für freie Publizistik. Der gesamte Vortrag ist neben anderen im Rahmen des GfP-Reports »Sturm auf Europa – Im Fadenkreuz zwischen Masseneinwanderung und Amerikanisierung« abgedruckt und über den Buchversannd der DS, Postfach 100068, 01571 Riesa, erhältlich. 180 S., Broschur, 10,00 Euro.

Guillaume Faye

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samedi, 16 juin 2007

Evola: Oriente e Occidente

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Archivio della rivista "Orion" (Milano)

Edoardo LONGO :

Julius Evola : Oriente e Occidente

Ref.: Julius Evola, "Oriente e Occidente", La Cueste, Milano 1984, pagg. 232.


Narra un'antica leggenda che Carlo Magno, nel percorrere le contrade del suo Impero, ebbe un giorno a conoscere la singolare figura di un cavaliere detto « Senza-Memoria ».

Costui, uscito di senno, aveva perso completamente coscienza di sé e non ricordava più chi fosse. Il povero disgraziato vagava per le terre dell'Impero e, non appena incontrava un qualunque animale, si fermava, lo fissava ed iniziava ad imitarne il verso credendo, nel suo delirio, di esser proprio l'animale che gli si parava innanzi.

Costui, durante le sue folli peregrinazioni, si aggrego un giorno al seguito dell'Imperatore Carlo e fu cosi che questi lo conobbe e chiese che fosse portato al suo cospetto.

Narrano sempre le leggende che, a quel punto, l'Imperatore guardo il povero demente non con occhi pieni di ira o di disprezzo, bensi di pietà e con un velo di assorta malinconia. Forse Carlo Magno vedeva prefigurarsi nel delirio del Cavaliere Senza-Memoria il destino del proprio Impero che, nei secoli a venire, avrebbe perso il proprio ruolo centrale e la coscienza del proprio destino per divenire schiavo di nuove potenze egèmoniche ne avrebbero rapito -oltre che la potenza- anche l'anima? Forse nella follia di chi non sapeva più quai era la propria identità si celava la metafora del nostro continente, ebbro ormai di i tutte le mode d'oltre oceano e dimentico del proprio modo di essere?

Questo le leggende non lo dicono, ma...

È scorrendo le pagine di Oriente e Occidente, raccolta degli ultimi saggi fino ad oggi inediti di Julius Evola, che questa antica saga mi è tornata alla mente.

Non da oggi la cultura più anticonformista, da destra come da sinistra, si interroga sul destino del nostro continente.

È consolante che, nonostante i continui peana levati in favore dell'American way of life dai detentori del potere culturale, oggi paiono rifiorire i saggi critici verso questa massiccia trasformazione della povera Europa in un satellite (e neppure dei più importanti...) delI « americanosfera ».

Questa antologia evoliana è un segno vigoroso di anticonformismo. I saggi in essa contenuti furono pubblicati (fra il 1950 e il 1960) dalla rivista « East and West », diretta da G. Tucci ed espressione dell' ISMEO (« Istituto di Studi per il Medio ed Estre- mo Oriente »). Pertanto il taglio rigoroso e scientifico si rivolge innanzitutto agli studiosi delle forme culturali tradizionali.

Ma non è solo qui il pregio di quest'opera che ri-sulta interessante anche sotto un ulteriore profilo, come dej resto ci confermano G. Nicoletti e M. Pucciarini, curatori del volume: « Caratteristica di questo insieme di articoli è anche che in essi Evola non è solo teso a mostrare le analogie che sussistono fra Oriente ed Occidente, ma anche e soprattutto a mostrare le differenze, talvolta incolmabili, che esistono fra le diverse tradizioni, e cià al fine di mettere in evidenza quanto sia immaturo e poco realistico un semplice rivolgersi all'Oriente solo allo scopo di traslare, senza adattamenti, il patrimonio tradizionale che è proprio di tale mondo ».

Evola ci tratteggia qui i profili di due mondi - l'Oriente e l'Occidente -che da sempre si sono fronteggiati, forse alla ricerca del senso della propria identità.

Ma, forse, una cosi netta differenza appartiene di più al mondo degli archetipi astratti che non a quello dell'esistenza storica... Ed è proprio (paradossalmente} nel fatto di fornire degli elementi quasi paradigmatici che sta, ad avviso di chi scrive, il pregio maggiore di quest'opera.

Nel quadro di una generale omogeneizzazione egualitaria dei valori che caratterizza questi anni crepuscolari del nostro secolo, la possibilità di tratteggiare delle diverse possibilità di confrontarsi con il mondo (sia pur idealizzandole nelle riduttive categorie di Oriente ed Occidente) è una salutare occasione di riflessione per chi crede in una dimensione plurale, composita ed antiegualitaria dell'esistenza.

Il senso della morte ed il valore della vita; il ruolo della donna; i misteri iniziatici; le differenti consonanze interiori della cultura occidentale ed orientale -nonché le loro sconcertanti linee di affinità -sono solo alcuni dei temi affrontati da Evola in questi articoli.

Non ne vogliamo affrontare qui partitamente l'analisi: per chi già conosce l'opera evoliana sarebbe inutile; per comunicarne agli altri pregi e limiti le poche righe di una recensione sarebbero insufficienti.

Perché in effetti in Oriente e Occidente emerge in chiaroscuro tutta la Weltanschauung evoliana.

Non a caso infatti larghi stralci di questi saggi furono utilizzati dall'autore per comporre « Cavalcare la tigre », libro emblematico per comprendere l’ “eredità” evoliana e tanto citato quanto poco compreso e meditato.

Ed è proprio sul significato oggi dell'opera evoliana, grazie agli spunti offertici a iosa dai libro in esame, che vogliamo spendere le ultime parole di .questa recensione.

Emerge da queste pagine l'impressione (certezza...) di una profonda conoscenza delle archetipe matrici della cultura europea.

È il caso di citare, solo di sfuggita, che Gottfried Benn parlo di « magia » dell'opera evoliana.

Emerge altresi la convinzione che dopo Evola sia necessario andare oltre Evola.

A undici anni dalla sua muorte, viste le vorticose trasformazioni avvenute nel domini della cultura e della politica, è necessario che l'intera opera evoliana venga letta attraverso rinnovati spunti interpretativi, uscendo dalle secche di uno “scolasticismo evoliano » che in questi anni ha ampiamente dimostrato la propria impotenza.

A fuoco dei temi cruciali del dibattito delle idee contemporanee le intuizioni evoliane possono trovare nuovi riscontri, nuove chiavi di lettura, e nuovi esiti culturali e metapolitici.

E lo spettro di divenire noi tutti un po' come il Cavaliere incontrato da Carlo Magno nell'antica leggenda, sarà, forse, anche cosi un po' più allontanato.

Edoardo Longo.

(Ottobre 1985).

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La Teoria Gaia

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 La Hipótesis Gaia afirma que las condiciones de la superficie de la Tierra son reguladas por las actividades de la vida

La Teoría Gaia

Por Alexis López Tapia
1996

http://www.accionchilena.cl/Ecofilosofia/lateoriagaia.htm

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R. Kjellen (1864-1922) (Franç.)

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Robert Steuckers

RUDOLF   KJELLEN 

1864-1922

Né le 13 juin 1864 dans la petite île de Torsoe au milieu du grand lac suédois de Voenern, Kjellen grandit dans une atmosphère tout empreinte de luthérisme. Il s'inscrit à l'Université d'Uppsala, ou le marque l'influence du Professeur Oscar Alin, une des têtes pensantes du mouvement conservateur suédois. En mai 1891, Kjellen est diplômé de sciences politiques et reçoit un poste de professeur à la nouvelle université de Goeteborg. Plus tard, outre les sciences politiques, il y enseigne la géographie. Cette circonstance a permis l'éclosion, chez lui, de cette synthèse entre les sciences politiques et la géographie qu'est la géopolitique. Influencé par le géographe allemand Friedrich Ratzel, il applique ses théories à la réalité suédoise (cf. Inledning till Sveriges geografi, 1900) et infléchit ses cours de sciences politiques à Goeteborg dans un sens géopolitique. En 1904, il visite les Etats-Unis avec ses étudiants et y est frappé par la qualité de l'espace nord-américain, différent et plus démesuré que l'espace européen. En 1905, Kjellen est élu au parlement de Stockholm. Désormais, à sa carrière de chercheur et de professeur, s'ajoute une carrière parallèle d'homme politique. Kjellen lutte pour que l'Union qui unit depuis 1814 la Norvège à la Suède ne se disloque pas. En vain. Le reste de sa carrière politique, il la consacre à lutter contre la bureaucratie et le socialisme et à faire passer des lois sur la démographie, la politique économico-sociale et la défense. De 1909 à 1917, il quitte la Chambre pour siéger au Sénat.

Son intérêt pour le Japon ne fait que croître au cours de ces années; il le visite en même temps que la Chine en 1909. Empruntant le transsibérien, il se rend physiquement compte de l'immensité territoriale sibérienne et centre-asiatique. A Pékin, il constate que les jours de la domination européenne en Chine sont comptés. Comparant ensuite les mentalités chinoise et japonaise, Kjellen écrit dans son journal de voyage: "L'ame du Japon est romantique tandis que celle de la Chine est réaliste-classique; l'ame du Japon est progressiste tandis que celle de la Chine est bureaucratique-conservatrice". De même, le rôle croissant de l'Etat au Japon induit Kjellen à le juger "socialiste" tandis que l'Etat chinois, peu interventionniste dans le domaine social, génère une société qui, en fin de compte, est libérale.

En 1913, alors que s'annonce la première guerre mondiale, Kjellen dresse un bilan des puissances qui entourent la Suède. Conclusion: l'Allemagne est l'alliée naturelle des Suédois, tandis que la Russie est leur adversaire depuis des siècles. Dans les débats qui vont suivre, Kjellen opte pour l'Allemagne. Avec bon nombre de professeurs et de philosophes allemands, il affirme que les idées de solidarité nationale, nées en 1914, refouleront les idées libérales/individualistes/universalistes de 1789. Au slogan révolutionnaire de "liberté, égalité, fraternité", Kjellen et ses homologues allemands opposent une autre triade, nationaliste et patriotique: "ordre, justice, fraternité".

En 1916, il est nommé professeur à Uppsala, à la chaire triplement centenaire de Johan Skytte. Au même moment, ses thèses géopolitiques et ses commentaires de l'actualité connaissent un succès croissant en Allemagne. A Uppsala, Kjellen rédige son ?uvre majeure Staten som livsform (L'Etat comme forme de vie) qui paraît en langue allemande en avril 1917 et connaît immédiatement un grand succès. C'est dans ce livre qu'il forge le terme de "géopolitique". Avant, on parlait, à la suite de Ratzel, de "géographie politique". Quand la guerre prend fin en 1918, Kjellen voit l'émergence de deux puissances planétaires: l'Angleterre et la Russie, "désormais gouvernée par une aristocratie de forme dégénérée, soit une oligarchie" et par une idéologie batarde, hégélienne dans sa forme et rousseauiste dans son contenu. A la même époque paraît un second ouvrage théorique majeur de Kjellen: Undersoekningar till politikens system  (Recherches sur le système de la politique), récapitulatif complet de ses idées en géopolitique. Pendant les quatre dernières années de sa vie, Kjellen visite plusieurs universités allemandes. Souffrant d'une angine de poitrine, il meurt le 14 novembre 1922 à Uppsala. Ses théories ont connu un impact très important en Allemagne, notamment dans l'école de Haushofer, d'Otto Maull, etc. En Suède, son principal disciple a été Edvard Thermaenius et, en Finlande, Ragnar Numelin (1890-1972). 

Les idées de 1914. Une perspective sur l'histoire mondiale(Die Ideen von 1914. Eine weltgeschichtlicher Perspektive), 1915

Cette brochure importante ne nous dévoile pas Kjellen en tant que théoricien de la géopolitique ou des sciences politiques, mais une réflexion générale sur les événements de 1914, que reprendront à leur compte les théoriciens de la géopolitique allemande des années 20 et 30 et les protagonistes de la "Révolution conservatrice". Kjellen base sa démonstration sur deux ouvrages: l'un de Werner Sombart (H?ndler und Helden;  "Les marchands et les héros"), l'autre de Johann Plenge (Der Krieg und die Volkswirtschaft;  "La guerre et l'économie politique"). Avec Sombart, il critique la triade de 1789, "Liberté, égalité, fraternité", instrument idéologique de la "bourgeoisie dégénérée par le commerce". La guerre en cours est davantage qu'une guerre entre puissances antagonistes: elle révèle l'affrontement de deux Weltanschauungen,  celle de 1789 contre celle, nouvelle et innovatrice, de 1914. La France et la Grande-Bretagne défendent par leurs armes les principes politiques (ou plutôt, anti-politiques) de la modernité libérale; l'Allemagne défend les idées nouvelles, nées en 1914 du refus de cette modernité libérale. Pour Kjellen, en 1914 commence le crépuscule des vieilles valeurs. Affirmation qu'il reprend du Danois Fredrik Weis (in Idealernes Sammenbrud;  "L'effondrement des idéaux"), pour qui les carnages du front signalent le crépuscule de l'idéalisme, l'effondrement de toutes les valeurs que la civilisation européenne avait portées au pinacle. Kjellen et Weis constatent l'effondrement de cinq jeux de valeurs fondamentales: 

1) l'idée de paix universelle; 

2) l'idéal humaniste de culture; 

3) l'amour de la patrie, qui, de valeur positive, s'est transformé en haine de la patrie des autres; 

4) l'idée de fraternité internationale portée par la sociale-démocratie; 

5) l'amour chrétien du prochain. 

Ce quintuple effondrement scelle la banqueroute de la civilisation chrétienne, transformée par les apports de 1789. Mais le premier idéologème ruiné par la conflagration de 1914 est en fait le dénominateur commun de tous ces idéaux: le cosmopolitisme, contraint de s'effacer au profit des faits nationaux. Les nationalismes prouvent par la guerre qu'ils sont des réalités incontournables. Leur existence peut provoquer la guerre mais aussi la coopération internationale. L'internationalisme n'exclut pas, aux yeux de Kjellen, l'existence des nations, contrairement au cosmopolitisme. L'internationalisme est une coopération entre entités nationales organiques, tandis que le cosmopolitisme est inorganique, de même que son corollaire, l'individualisme. Ce dernier connaît également la faillite depuis que les hostilités se sont déclenchées. 1914 inaugure l'ère de l'organisation et termine celle de l'anarchie individualiste, commencée en 1789. Désormais, l'individu n'a plus seulement des intérêts privés, il doit servir. Son orgueil stérile est terrassé, ce qui ne veut pas dire que les qualités personnelles/individuelles doivent cesser d'agir: celles qui servent bien l'ordre ou la collectivité demeureront et seront appelées à se renforcer. Romain Rolland a dit, signale Kjellen, que la guerre a dévoilé les faiblesses du socialisme et du christianisme. En effet, les soldats de toutes les puissances belligérantes se réclament de Dieu et non du Christ. Ce Dieu invoqué par les nouveaux guerriers est nationalisé; il est totémique comme Jéhovah aux débuts de l'histoire juive ou comme les dieux paiens (Thor/Wotan). Ce Dieu nationalisé n'est plus le Nazaréen avec son message d'amour. Ce panthéon de dieux uniques nationalisés et antagonistes remplace donc le messie universel. En dépit de cet éclatement du divin, il en reste néanmoins quelque chose de puissant. La paix avait été dangereuse pour Dieu: des hommes politiques avaient inscrit l'irreligion dans les programmes qu'ils s'efforçaient d'appliquer. Et si la guerre suscite l'apparition de dieux nationaux qui sèment la haine entre les peuples, elle déconstruit simultanément les haines intérieures qui opposent les diverses composantes sociales des nations. La guerre a transplanté la haine de l'intérieur vers l'extérieur. La paix sociale, la fraternité, l'entraide, les valeurs fraternelles du christianisme progressent, d'ou l'on peut dire que la guerre a accru dans toute l'Europe l'amour du prochain. En conséquence, ce qui s'effondre, ce sont de pseudo-idéaux, c'est l'armature d'une époque riche en formes mais pauvre en substance, d'une époque qui a voulu évacuer le mystère de l'existence.

Effondrement qui annonce une nouvelle aurore. La guerre est période d'effervescence, de devenir, ou se (re)composent de nouvelles valeurs. La triade de 1789, "Liberté, égalité, fraternité", est solidement ancrée dans le mental des anciennes générations. Il sera difficile de l'en déloger. Les jeunes, en revanche, doivent adhérer à d'autres valeurs et ne plus intérioriser celles de 1789, ce qui interdirait d'appréhender les nouvelles réalités du monde. La liberté, selon l'idéologie de 1789, est l'absence/refus de liens (l'Ungebundenheit, le Fehlen von Fesseln).  Donc la négation la plus pure qui empêche de distinguer le bien et le mal. Certes, explique Kjellen, 1789 a débarrassé l'humanité européenne des liens anachroniques de l'ancien régime (Etat absolu, étiquette sociale, église stérile). Mais après les événements révolutionnaires, l'idée quatre-vingt-neuvarde de liberté s'est figée dans l'abstraction et le dogme. Le processus de dissolution qu'elle a amorcé a fini par tout dissoudre, par devenir synonyme d'anarchie, de libertinisme et de permissivité (Gesetzlosigkeit, Sittenlosigkeit, Zoegellosigkeit).  Il faut méditer l'adage qui veut que la "liberté soit la meilleure des choses pour ceux qui savent s'en servir". La liberté, malheureusement, est laissée aux mains de gens qui ne savent pas s'en servir. D'ou l'impératif de l'heure, c'est l'ordre. C'est empêcher les sociétés de basculer dans l'anarchie permissive et dissolvante. Kjellen est conscient que l'idée d'ordre peut être mal utilisée, tout autant que l'idée de liberté. L'histoire est faite d'un jeu de systole et diastole, d'un rythme sinusoidal ou jouent la liberté et l'ordre. L'idéal suggéré par Kjellen est celui d'un équilibre entre ces deux pôles. Mais l'ordre qui est en train de naître dans les tranchées n'est pas un ordre figé, raide et formel. Il n'est pas un corset extérieur et n'exige pas une obéissance absolue et inconditionnelle. Il est un ordre intérieur qui demande aux hommes de doser leurs passions au bénéfice d'un tout. Kjellen ne nie donc pas le travail positif de l'idée de liberté au XVIIIième siècle mais il en critique la dégénérescence et le déséquilibre. L'idée d'ordre, née en 1914, doit travailler à corriger le déséquilibre provoqué par la liberté devenue permissive au fil des décennies. L'idée d'égalité a mené un combat juste contre les privilèges de l'ancien régime, issus du Moyen Age. Mais son hypertrophie a conduit à un autre déséquilibre: celui qui confine l'humanité dans une moyenne, ou les petits sont agrandis et les grands amoindris par décret. En fait, seuls les grands sont diminués et les petits restent tels quels. L'égalité est donc la "décollation de l'humanité". Kjellen défend l'idée nietzschéenne de surhumanité non parce qu'elle est orgueil mais plutôt parce qu'elle est humilité: elle procède du constat que le type humain moyen actuel est incapable d'accomplir toutes les vertus. Or ces vertus doivent être revivifiées et réincarnées: telle est la marque de la surhumanité qui s'élève au-dessus des moyennes imposées. Kjellen accepte le troisième terme de la triade de 1789, la fraternité, et estime qu'elle sera renforcée par la camaraderie entre soldats. Kjellen soumet ensuite la déclaration des droits de l'homme à une critique sévère: elle conduit au pur subjectivisme, écrit-il, et entrevoit les rapports humains depuis la "perspective de la grenouille". Il s'explique: l'homme quatre-vingt-neuvard, comme l'a démontré Sombart, veut recevoir de la vie et non lui donner ses efforts. Cette envie de recevoir, consignée in nuce  dans la déclaration des droits de l'homme, transforme l'agir humain en vulgaire commercialisme (obtenir un profit d'ordre économique) et en eudémonisme (avoir des satisfactions sensuelles). Depuis le début du XIXième siècle, la France et la Grande-Bretagne véhiculent cette idéologie commercialiste/eudémoniste, enclenchant ainsi le processus d'"anarchicisation" et de permissivité, tandis que la Prusse, puis l'Allemagne, ajoutent à l'idée des droits de l'homme l'idée des devoirs de l'homme, mettant l'accent sur la Pflicht  et l'"impératif catégorique" (Kant). Le mixte germanique de droits et de devoirs hisse l'humanité au-dessus de la "perspective subjectiviste de la grenouille", lui offrant une perspective supra-individuelle, assortie d'une stratégie du don, du sacrifice. L'idée de devoir implique aussitôt la question: "que puis-je donner à la vie, à mon peuple, à mes frères, etc.?". En conclusion, Kjellen explique que 1914 n'est pas la négation pure et simple de 1789; 1914 impulse de nouvelles directions à l'humanité, sans nier la justesse des contestations libertaires de 1789. Il n'est pas question, aux yeux de Kjellen et de Sombart, de rejeter sans plus les notions de liberté et d'égalité mais de refuser leurs avatars exagérés et pervertissants. Entre 1914 et 1789, il n'y a pas antinomie comme il y a antinomie entre l'ancien régime et 1789. Ces deux mondes axiologiques s'excluent totalement. Si l'ancien régime est la thèse, 1789 est son antithèse et la Weltanschauung  libérale qui en découle garde en elle toutes les limites d'une antithèse. Ce libéralisme n'aura donc été qu'antithèse sans jamais être synthèse. 1914 et l'éthique germanique-prussienne du devoir sont, elles, synthèses fructueuses. Or les mondes libéral et d'ancien régime sont également hostiles à cette synthèse car elle les fait disparaître tous deux, en soulignant leur caducité. C'est pourquoi les puissances libérales française et britannique s'allient avec la puissance russe d'ancien régime pour abattre les puissances germaniques, porteuses de la synthèse. La thèse et l'antithèse unissent leurs efforts pour refuser la synthèse. Les partisans de l'oppression et ceux de l'anarchie s'opposent avec un zèle égal à l'ordre, car l'ordre signifie leur fin. Les puissances libérales craignent moins l'absolutisme d'ancien régime car celui-ci est susceptible de s'inverser brusquement en anarchie. A l'ancienne constellation de valeurs de 1789, succédera une nouvelle constellation, celle de 1914, "devoir, ordre, justice" (Pflicht, Ordnung, Gerechtigkeit). 

Les problèmes politiques de la guerre mondiale (Die politischen Probleme des Weltkrieges), 1916

Dans l'introduction à cet ouvrage qui analyse l'état du monde en pleine guerre, Kjellen nous soumet une réflexion sur les cartes géographiques des atlas usuels: ces cartes nous montrent des entités étatiques figées, saisies à un moment précis de leur devenir historique. Or toute puissance peut croître et déborder le cadre que lui assignent les atlas. Au même moment ou croît l'Etat A, l'Etat B peut, lui, décroître et laisser de l'espace en jachère, vide qui appelle les énergies débordantes d'ailleurs. Kjellen en conclut que les proportions entre le sol et la population varient sans cesse. Les cartes politiques reflètent donc des réalités qui, souvent, ne sont plus. La guerre qui a éclaté en aout 1914 est un événement bouleversant, un séisme qui saisit l'individu d'effroi. Cet effroi de l'individu vient du fait que la guerre est une collision entre Etats, c'est-à-dire entre entités qui ont des dimensions quantitatives dépassant la perspective forcément réduite de l'individu. La guerre est un phénomène spécifiquement étatique/politique qui nous force a concevoir l'Etat comme un organisme vivant. La guerre révèle brutalement les véritables intentions, les pulsions vitales, les instincts de l'organisme Etat, alors que la paix les occulte généralement derrière toutes sortes de conventions. Dans la ligne de l'ouvrage qu'il est en train de préparer depuis de longues années (Staten som livsform)  et qui sortira en 1917, Kjellen répète son credo vitaliste: l'Etat n'est pas un schéma constitutionnel variable au gré des élections et des humeurs sociales ni un simple sujet de droit mais un être vivant, une personnalité supra-individuelle, historique et politique. Dans ses commentaires sur les événements de la guerre, Kjellen ne cache pas sa sympathie pour l'Allemagne de Guillaume II, mais souhaite tout de même rester objectif ("Amica Germania sed magis amica veritas"). 
Le livre aborde ensuite les grands problèmes géopolitiques de l'heure. Trois puissances majeures s'y affrontent, avec leur clientèle, des puissances de second ordre. Il y a l'Allemagne (avec ses clients: l'Autriche-Hongrie, la Turquie, la Bulgarie); ensuite l'Angleterre (avec la France, l'Italie, la Belgique et, dans une moindre mesure, le Japon); enfin, la Russie, avec deux minuscules clients, la Serbie et le Monténégro. Trois exigences géopolitiques majeures s'imposent aux Etats et à leurs extensions coloniales: 1) l'étendue du territoire; 2) la liberté de mouvement; 3) la meilleure cohésion territoriale possible. La Russie a extension et cohésion territoriale mais non liberté de mouvement (pas d'accès aux mers chaudes et aux grandes voies de communication océanique). L'Angleterre a extension territoriale et liberté de mouvement mais pas de cohésion territoriale (ses possessions sont éparpillées sur l'ensemble du globe). L'Allemagne n'a ni extension ni liberté de mouvement (la flotte anglaise verrouille l'accès à l'Atlantique dans la Mer du Nord); sa cohésion territoriale est un fait en Europe mais ses colonies ne sont pas soudées en Afrique. Reprenant les idées de son collègue allemand Arthur Dix, Kjellen constate que les tendances de l'époque consistaient, pour les Etats, à se refermer sur eux-mêmes et à souder leur territoire de façon à en faire un tout cohérent. L'Angleterre est ainsi passée d'une politique de la "porte ouverte" à une politique visant l'émergence de zones d'influence fermées, après avoir soudé ses possessions africaines de l'Egypte à l'Afrique du Sud (du Caire au Cap). Elle a tenté ensuite de mettre toute la région sise entre l'Egypte et l'actuel Pakistan sous sa coupe, se heurtant aux projets germano-turcs en Mésopotamie (chemin de fer Berlin-Bagdad-Golfe Persique). L'Allemagne qui n'a ni extension ni liberté de mouvement ni cohésion territoriale sur le plan colonial (quatre colonies éparpillées en Afrique plus la Micronésie dans le Pacifique). Elle a tenté, avec l'Angleterre, de souder ses colonies africaines au détriment des colonies belges et portugaises: un projet qui ne s'est jamais concrétisé. Pour Kjellen, le destin de l'Allemagne n'est ni en Afrique ni dans le Pacifique. Le Reich doit renforcer sa coopération avec la Turquie selon l'axe Elbe-Euphrate, créant une zone d'échanges économiques depuis la Mer du Nord jusqu'au Golfe Persique et à l'Océan Indien, chasse gardée des Britanniques. Les projets germano-turcs en Mésopotamie sont la principale pomme de discorde entre le Reich et l'Angleterre et, en fait, le véritable enjeu de la guerre, menée par Français interposés. La politique anglaise vise à fractionner la diagonale partant de la Mer du Nord pour aboutir au Golfe Persique, en jouant la Russie contre la Turquie et en lui promettant les Dardannelles qu'elle n'a de toute façon pas l'intention de lui donner car une présence russe dans le Bosphore menacerait la route des Indes à hauteur de la Méditerranée orientale.

A ces problèmes géopolitiques, s'ajoutent des problèmes ethnopolitiques: en gros, la question des nationalités. Le but de guerre de l'Entente, c'est de refaire la carte de l'Europe sur base des nationalités. L'Angleterre voit l? le moyen de fractionner la diagonale Mer du Nord-Golfe Persique entre Vienne et Istanboul. Les puissances centrales, elles, réévaluent le rôle de l'Etat agrégateur et annoncent, par la voix de Meinecke, que l'ère des spéculations politiques racisantes est terminée et qu'il convient désormais de faire la synthèse entre le cosmopolitisme du XVIIIième et le nationalisme du XIXième dans une nouvelle forme d'Etat qui serait supranationale et attentive aux nationalités qu'elle englobe. Kjellen, pour sa part, fidèle à ses principes vitalistes et biologisants, estime que tout Etat solide doit être national donc ethniquement et linguistiquement homogène. Le principe des nationalités, lancé dans le débat par l'Entente, fera surgir une "zone critique" entre la frontière linguistique allemande et la frontière de la Russie russe, ce qui englobe les Pays Baltes, la Biélorussie et l'Ukraine. Aux problèmes d'ordres géopolitique et ethnopolitique, il faut ajouter les problèmes socio-politiques. Kjellen aborde les problèmes économiques de l'Allemagne (développement de sa marine, programme du Levant, ligne de chemin de fer Berlin-Bagdad) puis les problèmes de la Russie en matière de politique commerciale (la concurrence entre les paysannats allemand et russe qui empêche la Russie d'exporter ses produits agricoles vers l'Europe). La Russie veut faire sauter le verrou des Dardannelles pour pouvoir exporter sans entraves son blé et ses céréales d'Ukraine, seule manière d'assurer des boni à sa balance commerciale.

Kjellen approuve la politique conservatrice du Ministre britannique Chamberlain qui, en 1903, a évoqué une Commercial Union  autarcisante, protégée par la puissance maritime anglaise. Trois grandes zones se partageraient ainsi le monde: 1) l'Angleterre, avec le Canada, l'Australie et l'Afrique du Sud; 2) l'Allemagne, avec l'Autriche-Hongrie, la Fédération balkanique et la Turquie; 3) la "Panamérique". En Angleterre, la politique est portée par un paradoxe: ce sont les conservateurs qui défendent cette idée de progrès vers l'autarcie impériale qui implique aussi la non intervention dans les autres zones. La gauche, elle, est conservatrice: elle préfère une politique interventionniste bellogène dans les zones des autres. Kjellen explique ce renversement: le projet d'autarcie est peu séduisant sur le plan électoral tandis que celui de la pantarchie (du contrôle total du globe par l'Angleterre) excite la démagogie jingoiste. Chamberlain, en suggérant ses plans d'autarcie impériale, a conscience des faiblesses de l'Empire et du cout énorme de la machine militaire qu'il faut entretenir pour pouvoir dominer le globe.

Viennent ensuite les problèmes d'ordres constitutionnel et culturel. La guerre en cours est également l'affrontement entre deux modèles d'Etat, entre l'idéal politique anglais et l'idéal politique allemand. En Angleterre, l'individu prime l'Etat tandis qu'en Allemagne l'Etat prime l'individu. En Angleterre, l'objet de la culture, c'est de former des caractères; en Allemagne, de produire du savoir. A cela, les Allemands répondent que l'autonomie des caractères forts erre, sur l'espace culturel anglais, dans un monde de conventions figées et figeantes. Anglais et Français prétendent que l'Allemagne est une nation trop jeune pour avoir un style. Les Allemands rétorquent que leur masse de savoir permet un arraisonnement plus précis du monde et que leur culture, en conséquence, a plus de substance que de forme (de style). L'Angleterre forme des gentlemen alignés sur une moyenne, affirment les Allemands, tandis que leur système d'éducation forme des personnalités extrêmement différenciées se référant à une quantité de paramètres hétérogènes. L'Allemagne étant le pays des particularismes persistants, il est normal, écrit Kjellen, qu'elle prône un fédéralisme dans des "cercles" d'Etats apparentés culturellement et liés par des intérêts communs (Schulze-Gaevernitz) ou des "rassemblements organisés de forces ethniques homogènes contre les sphères de domination" (Alfred Weber). L'idée allemande, poursuit Kjellen, c'est le respect de la spécificité des peuples, quelle que soit leur importance numérique. C'est l'égalité en droit des nations à l'intérieur d'une structure politique de niveau supérieur, organisée par une nationalité dominante (comme en Autriche-Hongrie). Kjellen relie cette idée soucieuse du sort des spécificités à l'idée protestante militante du roi suédois Gustave-Adolphe, champion du protestantisme, pour qui "il fallait sauver la tolérance".

Le jeu se joue donc à trois: les Occidentaux, les Russes et les Centraux. Ou, comme il l'avait écrit dans Les idées de 1914, entre l'antithèse, la thèse et la synthèse. La guerre est également l'affrontement entre les idées de Jean-Jacques Rousseau et celles d'Immanuel Kant, entre l'insistance outrancière sur les droits et le sens équilibré des droits et des devoirs. Aux idées de Rousseau s'allient celles de Herbert Spencer, "commercialistes" et "eudémonistes", et celles, réactionnaires de Pobiedonostsev, tuteur des Tsars Alexandre III et Nicolas II. Le pur individualisme et l'oppression du pur absolutisme font cause commune contre l'ordre équilibré des droits et des devoirs, postulé par la philosophie de Kant et la praxis prussienne de l'Etat. 

L'Etat comme forme de vie (Staten som livsform), 1917

Ouvrage principal de l'auteur, ou il utilise pour la première fois le vocable de "géopolitique". Kjellen travaille à l'aide de deux concepts majeurs: la géopolitique proprement dite et la géopolitique spéciale. La géopolitique proprement dite est l'entité géographique simple et naturelle, circonscrite dans des frontières précises. Kjellen analyse les frontières naturelles montagneuses, fluviales, désertiques, marécageuses, forestières, etc. et les frontières culturelles/politiques créées par l'action des hommes. Le territoire naturel des entités politiques peut relever de types différents: types potamiques ou "circonfluviaux" ou "circonmarins". L'une des principales constantes de la géopolitique pratique, c'est la volonté des nations insulaires ou littorales de forger un pays similaire au leur en face de leurs côtes (exemple: la volonté japonaise de créer un Etat mandchou à sa dévotion) et de s'approprier un ensemble de territoires insulaires, de caps ou de bandes territoriales comme relais sur les principales routes maritimes. Kjellen étudie le territoire naturel du point de vue de la production industrielle et agricole et l'organisation politique et administrative. Kjellen souligne l'interaction constante entre la nation, le peuple et le pouvoir politique, interaction qui confère à l'Etat une dimension résolument organique.

Outre la géopolitique proprement dite, Kjellen se préoccupe de la géopolitique spéciale, c'est-à-dire des qualités particulières et circonstantielles de l'espace, qui induisent telle ou telle stratégie politique d'expansion. Kjellen examine ensuite la forme géographique de l'Etat, son apparence territoriale. La forme idéale, pour un Etat, est la forme sphérique comme pour l'Islande ou la France. Les formes longitudinales, comme celles de la Norvège ou de l'Italie, impliquent l'allongement des lignes de communication. Les enclaves, les exclaves et les corridors ont une importance capitale en géopolitique: Kjellen les analyse en détail. Mais de toutes les catégories de la géopolitique, la plus importante est celle de la position. Pour Kjellen, il s'agit non seulement de la position géographique, du voisinage, mais aussi de la position culturelle, agissant sur le monde des communications.

Le système de la géopolitique, selon Kjellen, peut être subdivisé comme suit: 

I. La Nation: objet de la géopolitique 

1. La position de la nation: objet de la topopolitique. 

2. La forme de la nation: objet de la  morphopolitique. 

3. Le territoire de la nation: objet de la  physiopolitique. 

II. L'établissement national: objet de l'écopolitique. 

1. La sphère de l'établissement: objet de  l'emporopolitique. 

2. L'établissement indépendant: objet de  l'autarchipolitique. 

3. L'établissement économique: objet de  l'économipolitique. 

III. Le peuple porteur d'Etat: objet de la démopolitique. 

1. Le peuple en tant que tel: objet de l'ethnopolitique. 

2. Le noyau de la population: objet de la  pléthopolitique. 

3. L'ame du peuple: objet de la psychopolitique. 

IV. La société nationale: objet de la sociopolitique. 

1. La forme de la société: objet de la phylopolitique. 

2. La vie de la société: objet de la biopolitique. 

V. La forme de gouvernement: objet de la cratopolitique. 

1. La forme de l'Etat: objet de la nomopolitique. 

2. La vie de l'Etat: objet de la praxipolitique. 

3. La puissance de l'Etat: objet de l'archopolitique.

La méthode de classification choisie par Kjellen, est de subdiviser chaque objet d'investigation en trois catégories: 1. l'environnement; 2. la forme; 3. le contenu. 

Les grandes puissances et la crise mondiale (Die Grossmaechte und die Weltkrise), 1921

Dernière version de ses études successives sur les grandes puissances, cette édition de 1921 ajoute une réflexion sur les résultats de la première guerre mondiale. L'ouvrage commence par un panorama des grandes puissances: l'Autriche-Hongrie, l'Italie, la France, l'Allemagne, l'Angleterre, les Etats-Unis, la Russie et le Japon. Kjellen en analyse l'ascension, la structure étatique, la population, la société, le régime politique, la politique étrangère et l'économie. Ses analyses des politiques étrangères des grandes puissances, dégageant clairement les grandes lignes de force, gardent aujourd'hui encore une concision opérative tant pour l'historien que pour l'observateur de la scène internationale. 

A la fin de l'ouvrage, Kjellen nous explique quels sont les facteurs qui font qu'une puissance est grande. Ni la superficie ni la population ne sont nécessairement des facteurs multiplicateurs de puissance (Brésil, Chine, Inde). L'entrée du Japon dans le club des grandes puissances prouve par ailleurs que le statut de grand n'est plus réservé aux nations de race blanche et de religion chrétienne. Ensuite, il n'y a aucune forme privilégiée de constitution, de régime politique, qui accorde automatiquement le statut de grande puissance. Il existe des grandes puissances de toutes sortes: césaristes (Russie), parlementaires (Angleterre), centralistes (France), fédéralistes (Etats-Unis), etc. La Grande Guerre a toutefois prouvé qu'une grande puissance ne peut plus se déployer et s'épanouir dans des formes purement anti-démocratiques. Le concept de grande puissance n'est pas un concept mathématique, ethnique ou culturel mais un concept dynamique et physiologique. Certes une grande puissance doit disposer d'une vaste territoire et de masses démographiques importantes, d'un degré de culture élevé et d'une harmonie de son régime politique, mais chacun de ces facteurs pris séparément est insuffisant pour faire accéder une puissance au statut de grand. Pour ce faire, c'est la volonté qui est déterminante. Une grande puissance est donc une volonté servie par des moyens importants. Une volonté qui veut accroître la puissance. Les grandes puissances sont par conséquent des Etats extensifs (Lamprecht), qui se taillent des zones d'influence sur la planète. Ces zones d'influence témoignent du statut de grand. Toutes les grandes puissances se situent dans la zone tempérée de l'hémisphère septentrional, seul climat propre à l'éclosion de fortes volontés. Quand meurt la volonté d'expansion, quand elle cesse de vouloir participer à la compétition, la grande puissance décroît, recule et décède politiquement et culturellement. Elle rejoint en cela les Naturvoelker,  qui ne mettent pas le monde en forme. La Chine est l'exemple classique d'un Etat gigantesque situé dans la zone tempérée, doté d'une population très importante et aux potentialités industrielles immenses qui déchoit au rang de petite puissance parce qu'il fait montre d'un déficit de volonté. Ce sort semble attendre l'Allemagne et la Russie depuis 1918.

Il existe deux types de grandes puissances: les économiques et les militaires. L'Angleterre et les Etats-Unis sont des grandes puissances plutôt économiques, tandis que la Russie et le Japon sont des grandes puissances plutôt militaires. La France et l'Allemagne présentent un mixage des deux catégories. La mer privilégie le commerce et la terre le déploiement de la puissance militaire, créant l'opposition entre nations maritimes et nations continentales. L'Angleterre est purement maritime et la Russie purement continentale, tandis que la France et l'Allemagne sont un mélange de thalassocratie et de puissance continentale. Les Etats-Unis et le Japon transgressent la règle, du fait que les uns disposent d'un continent et que l'autre, insulaire, serait plutôt porté vers l'industrialisme militariste (en Mandchourie). Les grandes puissances maritimes sont souvent des métropoles dominant un ensemble éparpillé de colonies, tandis que les grandes puissances continentales cherchent une expansion territorialement soudée à la métropole. L'Angleterre, les Etats-Unis, la France et l'Allemagne ont choisi l'expansion éparpillée, tandis que la Russie et le Japon (en s'étendant à des zones contigues situées autour de son archipel métropolitain) accroissent leur territoire en conquérant ou soumettant des pays voisins de leur centre.

L'histoire semble prouver que les empires éparpillés sont plus fragiles que les empires continentaux soudés: les exemples de Carthage, de Venise, du Portugal et de la Hollande. L'autarcie, l'auto-suffisance, semble être une condition du statut de grande puissance que remplissent mieux les empires continentaux, surtout depuis que le chemin de fer a accru la mobilité sur terre et lui a conféré la même vitesse que sur mer. Les leçons de la guerre mondiales sont donc les suivantes: la thalassocratie britannique a gagné la bataille, notamment parce qu'elle a fait usage de l'arme du blocus. Mais cette victoire de la puissance maritime ne signifie pas la supériorité de la thalassocratie: une Allemagne plus autarcique aurait mieux résisté et, en fin de compte, ce sont les masses compactes de territoires dominés par l'Angleterre qui ont permis aux Alliés de contrer les Centraux. 

Le facteur déterminant a donc été la Terre, non la Mer. L'idéal est donc de combiner facteurs maritimes et facteurs continentaux.  Faut-il conclure de cette analyse des grandes puissances que les petits Etats sont condamnés par l'histoire à ne plus être que les vassaux des grands? Non, répond Kjellen. Des petits Etats peuvent devenir grand ou le redevenir ou encore se maintenir honorablement sur la scène internationale. Exactement de la même façon que les petits ateliers se sont maintenus face  la concurrence des grandes fabriques. Les forts absorbent très souvent les faibles mais pas toujours. La résistance des faibles passe par la conscience culturelle et la force spirituelle. La pulsion centrifuge est aussi forte que la puissance centripète: l'idéal, une fois de plus, réside dans l'équilibre entre ces deux forces. L'idée de la Société des Nations y pourvoiera sans doute, conclut Kjellen. 
 


 

Bibliographie: 

Pour une bibliographie quasi complète, v. Bertil Haggman, Rudolf Kjellen, Geopolitician, Geographer, Historian and Political Scientist. A Selected Bibliography,  Helsingborg, Center for Research on Geopolitics, 1988 (adresse: Box 1412, S-25.114 Helsingborg, Suède). 

Oeuvres de Rudolf Kjellen: 

Hvad har Sverige vunnit genom unionen med Norge? Ett vøktarerop till svenska folket af Hbg, 1892; Underjordiska inflytelser pa jordytan - Om nivaf?røndringar, jordbøfningar och vulkaniska f?reteelser, 1893; Om den svenska grundlagens anda. Røttspsykologisk unders?kning, 1897; Den sydafrikanska fragan, 1898; Ur anteckningsboken. Tankar och stømningar, 1900; Inledning till Sveriges geografi, 1900; Kunna i var tid diplomati och konsulatvøsen skiljas?, 1903; Stormakterna. Konturer kring samtidens storpolitik, I-II, 1905, I-IV, 1911-1913 (avec nouvelle éd. des tomes I et II); Mellanpartiet. En fraga f?r dagen i svensk politik, 1910; Sveriges jordskalf. Foersoek till en seismik landgeografi, 1910; Sverige och utlandet, 1911; Den stora orienten. Resestudier i oestervøg, 1911; Den ryska faran, 1913; "Peter den stores testamenta". Historisk-politisk studie, 1914; Die Großmaechte der Gegenwart, 1914; Politiska essayer. Studier till dagskroenikan (1907-1913), 1914-1915; Die Ideen von 1914. Eine weltgeschichtliche Perspektive, 1915; Vørldskrigets politiska problem, 1915; Den endogena geografins system, 1915; Hvadan och hvarthøn. Tva f?reløsningar om vørldskrisen, 1915; Politiska handb?cker, I-IV, 1914-1917 (nouvelle éd., 1920); Die politischen Probleme des Weltkrieges, 1916; Staten som livsform, 1917; Studien zur Weltkrise, 1917; Schweden. Eine politische Monographie, 1917; Stormakterna och vørldskrisen, 1920; Grundriss zu einem System der Politik, 1920; Vørldspolitiken i 1911-1919 i periodiska oeversikter, 1920; Die Grossmaechte und die Weltkrise, 1921; Dreibund und Dreiverband. Die diplomatische Vorgeschichte des Weltkriegs, 1921; Der Staat als Lebensform, 1924; Die Grossmaechte vor und nach dem Weltkriege, 1930 (réédition posthume, commentée et complétée par Haushofer, Hassinger, Maull, Obst); Jenseits der Grossmaechte. Ergønzungsband zur Neubearbeitung der Grossmaechte Rudolf Kjellens, 1932 (réédition posthume patronnée par Haushofer); "Autarquìa", in Coronel Augusto B. Rattenbach, Antologia geopolitica, Pleamar, Buenos Aires, 1985. 

Sur Rudolf Kjellen: 

W. Vogel, "Rudol Kjellen und seine Bedeutung f?r die deutsche Staatslehre", in Zeitschrift f?r die gesamte Staatswissenschaft, 1925, 81, pp. 193-241; Otto Haussleiter, "Rudolf Kjelléns empirische Staatslehre und ihre Wurzeln in politischer Geographie und Staatenkunde", in Archiv fuer Sozialwissenschaft und Sozialpolitik, 1925, 54, pp. 157-198; Karl Haushofer, Erich Obst, Hermann Lautensach, Otto Maull, Bausteine der Geopolitik, 1928; Erik Arrhén, Rudolf Kjellén och "unghoegern": Sammanstøllning och diskussion, Stockholm, Seelig, 1933; E. Therm?nius, Geopolitik och politisk geografi, 1937; A. Brusewitz, Fran Svedelius till Kjellén. Nagra drag ur den skytteanska lørostolens senare hist, 1945; Nils Elvander, Rudolf Kjellén och nationalsocialismen, 1956; Mats Kihlberg & Donald Suederlind, Tva studier i svensk konservatism: 1916-1922, Stockholm, Almqvist & Wiksell, 1961; Nils Elvander, Harald Hjørne och konservatismen: Konservativ idédebatt i Sverige, 1865-1922,  Stockholm, Almqvist & Wiksell, 1961; Georg Andrén, "Rudolf Kjellen", in David L. Sills (éd.), International Encyclopedia of the Social Sciences, vol. 8, The Macmillan Company & The Free Press, 1968; Ruth Kjellén-Bj?rkquist, Rudolf Kjellén. En mønniska i tiden kring sekelskiftet, 1970; Bertil Haggman, Rudolf Kjellen. Founder of Geopolitics, Helsingborg, 1988. 

V. aussi: 

Lucien Maury, Le nationalisme suédois et la guerre 1914-1918, Perrin, Paris, 1918; Richard Henning, Geopolitik. Die Lehre vom Staat als Lebewesen, 1931; Otto Maull, Das Wesen der Geopolitik, 1936; Robert Strausz-Hupé, Geopolitics. The Struggle for Space and Power, G.P. Putnam's Sons, New York, 1942; Robert E. Dickinson, The German Lebensraum, Penguin, Harmondsworth, 1943; Adolf Grabowsky, Raum, Staat und Geschichte. Grundlegung der Geopolitik, 1960; Hans-Adolf Jacobsen, Karl Haushofer - Leben und Werk -, 2 vol., Harald Boldt, Boppard am Rhein, 1979; Robert Steuckers, "Panorama théorique de la géopolitique", in Orientations, 12, 1990; Michel Korinman, Quand l'Allemagne pensait le monde. Grandeur et décadence d'une géopolitique, Fayard, Paris, 1990. 
 


 
 
 
Publié dans Vouloir n.9 printemps 1997

05:55 Publié dans Géopolitique, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

vendredi, 15 juin 2007

R. Kjellen (1864-1922) (Esp.)

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Rudolf Kjellen (1864-1922)

Robert Steuckers

Nacido el 13 de Junio de 1864 en la pequeña isla de Torsoe en medio de un gran lago sueco de Voenern, Kjellen crece en una atmósfera totalmente impronta de luteranismo. Se inscribe en la Universidad de Uppsala, donde lo marca la influencia del Profesor Oscar Alin, una de las cabezas pensantes del movimiento conservador sueco. En mayo de 1891, Kjellen es diplomado de ciencias políticas y recibe un puesto de profesor en la nueva universidad de Goeteborg. Más tarde, además de las ciencias políticas, enseña geografía.

Esta circunstancia permitió el surgimiento, de esta síntesis entre las ciencias políticas y la geografía que es geopolítica. Influenciada por el geógrafo alemán Friedrich Ratzel, aplica sus teorías a la realidad sueca (cf. Inledning till Sveriges geografi, 1900) y modifica sus cursos de ciencias políticas en Goeteborg en un sentido geopolítico. En 1904, visita los Estados Unidos con sus alumnos y es golpeado por la calidad del espacio norteamericano, diferente y más desmesurado que el espacio europeo. En 1905, Kjellen es elegido en el parlamento de Estocolmo.

Después, en su carrera de investigador y profesor, se suma una carrera paralela de hombre político. Kjellen lucha para que la Unión que unió desde 1814 a Noruega y a Suecia no se disloque. En vano. El resto de su carrera política, la consagró a luchar contra la burocracia y el socialismo y a aprobar las leyes sobre demografía, la política económico-social y la defensa. De 1909 a 1917, deja la Cámara para ocupar un escaño en el Senado.

Su interés por el Japón no hace más que crecer con el transcurso de estos años; lo visita al mismo tiempo que China en 1909. Prestado del transiberiano, físicamente se da cuenta de la inmensidad territorial siberiana y centro-asiática. En Pekín, constata que los días de dominación europea en China están contados. Comparando en seguida las mentalidades china y japonesa, Kjellen escribe en su diario de viaje: "El alma del Japón es romántica mientras que la de China es realista-clásica; el alma de Japón es progresista mientras que la de China es burocrática-conservadora."

Asimismo, la creciente función del Estado en el Japón induce a Kjellen a sentenciarla "socialista" mientras que el Estado chino, poco intervensionista en el dominio social, genera una sociedad que, a fin de cuentas, es liberal.

En 1913, mientras se anuncia la primera guerra mundial Kjellen formula un balance de potencias que rodean Suecia. Conclusión: Alemania es la aliada natural de los suecos, mientras que rusia es su adversario después de los siglos. En los debates que van a seguir, Kjellen opta por Alemania. Con un buen número de profesores y de filósofos alemanes, afirma que las ideas de solidaridad nacional, nacidas en 1914, rechazan las ideas liberales/individualistas/universalistas de 1789. En el slogan revolucionario de "libertad, igualdad, fraternidad", Kjellen y sus homólogos alemanes se oponen a otra tríade, nacionalista y patriótica: "orden, justicia, fraternidad."

Es nombrado profesor en Uppsala, en la cátedra triplemente centenaria de Johan Skytte. Al mismo tiempo, sus tesis geopolíticas y sus comentarios de la actualidad tienen un creciente éxito en Alemania. En Uppsala, Kjellen redacta su obra maestra Staten som livsform (El Estado como forma de vida) que aparece en alemán en abril de 1917 y tienen inmediatamente un gran éxito. Es en este libro donde inventa el término de "geopolítica". Antes, se hablaba, según Ratzel, de "geografía política".

Cuando la guerra toma fin en 1918, Kjellen ve el surgimiento de dos potencias planetarias: Inglaterra y Rusia, "además gobernada por una aristocracia de forma degenerada, ya sea una oligarquía" y por una ideología bastarda, hegeliana en su forma y rousseauísta en su contenido. En la misma época aparece una segunda obra maestra teórica de Kjellen: Undersoekningar till politikens system (Trabajos sobre el sistema de la política), recapitulación completa de sus ideas en geopolítica.

Durante los cuatro últimos años de su vida, Kjellen visita varias universidades alemana. Sufriendo de una angina de pecho, muere el 14 de noviembre de 1922 en Uppsala. Sus teorías tuvieron un impacto muy importante en Alemania, principalmente en la escuela de Haushofer, de Otto Maull, etc. En Suecia, su principal discípulo fue Edvard Thermaenius y, en Finlandia, Ragnar Numelin (1890- 1972)

LAS IDEAS DE 1914. UNA PERSPECTIVA SOBRE LA HISTORIA MUNDIAL, 1915

Este folleto importante no nos descubre a un Kjellen como teórico de la geopolítica o de las ciencias políticas, sino una reflexión general sobre los hechos de 1914, que tomarán en cuenta los teóricos de la geopolítica alemana de los años 20 y 30 y los protagonistas de la "Revolución conservadora". Kjellen basa su demostración en dos obras: una de Werner Sombart ("los comerciantes y los héroes"), la otra de Johann Plenge ("La guerra y la economía política"). Con Sombart, critica la tríada de 1789, "Libertad, igualdad, fraternidad", instrumento ideológico de la "burguesía degenerada por el comercio." La guerra en curso es mas prejudicial que una guerra entre potencias antagonistas: revela el enfrentamiento de dos Weltanschauungen, la de 1789 contra la nueva e innovadora de 1914.

Francia y Gran Bretala defienden con sus armas los principios políticos (o más bien, anti-políticos) de la modernidad liberal. Para Kjellen, en 1914 comienza el crepúsculo de los antiguos valores. La afirmación que retoma del danés Fredrik Weis ("La caída de los ideales"), para quien las carnicerías del frente señalan el crepúsculo del idealismo, la caída de todos los valores que la civilización europea había llevado al pináculo. Kjellen y Weis constatan la caída cinco juegos de valores fundamentales:

1. la idea de paz universal.

2. el ideal humanista de cultura.

3. el amor a la patria, que, de valor positivo, se ha transformado en odio a la patria de los otros.

4. la idea de fraternidad internacional llevada por la social-democracia;

5. el amor cristiano al prójimo.

Este quíntuple colapso sella la bancarrota de la civilización cristiana, transformada por los aportes de 1789. Pero la primera ideología arruinada por la conflagración de 1914 es de hecho el denominador común de todos estos ideales: el cosmopolita, obligado a ser eliminado en beneficio de los hechos nacionales. Los nacionalismos prueban por la guerra que son realidad inevitables. Su existencia puede provocar la guerra pero también la cooperación internacional. El internacionalismo no excluye, a los ojos de Kjellen, la existencia de las naciones, contrariamente al cosmopolitismo.

El internacionalismo es una cooperación entre las entidades nacionales orgánicas, mientras que el cosmopolitismo es inorgánico, del mismo modo que su corolario, el individualismo. Este último conoce igualmente la quiebra después que las hostilidades se desencadenaron. 1914 inaugura la era de la organización y termina la de la anarquía individualista, iniciada en 1789. Además, el individuo ya no tiene solo intereses privados, debe servir. Su orgullo estéril es derribado, lo que no puede decir que las cualidades personales/individuales deben dejar de aparentarse: las que sirven bien al orden o a la colectividad continuarán y serán llamados a reforzarse. Romain Rolland dijo, señala Kjellen, que la guerra descubrió las deficiencias del socialismo y el cristianismo. En efecto, los soldados de todas las potencias beligerantes se valen de Dios y no de Cristo. Aquel Dios invocado por los nuevos guerreros es nacionalizado; es totémico como Jehová en los principios de la historia judía o como los dioses paganos (Thor/Wotan). Este Dios nacionalizado ya no es el Nazareno con su mensaje de amor. Este panteón de dioses únicos nacionalizados y antagonistas reemplaza así al Mesías universal. A pesar de esta fragmentación de lo divino, queda no obstante algo poderoso. La paz había sido peligrosa para Dios: los hombres políticos habían asentado la irreligión en los programas que se esforzaban por explicar. Y si la guerra suscita la aparición de dioses nacionales que siembran el odio entre las personas, sustituyen simultáneamente a los odios internos que oponen a los diversos componentes sociales de las naciones. La guerra transplantó el odio del interior hacia el exterior.

La paz social, la fraternidad, la ayuda mutua, los valores fraternales del cristianismo progresan, se puede decir que la guerra incrementó en toda Europa el amor por el prójimo. En consecuencia, lo que se derriba, son los seudo-ideales, esta es la armadura de una época rica en formas pero pobre en sustancia, de una época que quiso evacuar el misterio de la existencia.

La caída que anuncia una nueva aurora. La guerra es un periodo de efervescencia, de futuro, o Europa se recompone de nuevos valores. La tríada de 1789, "Libertad, igualdad, fraternidad", está sólidamente anclada en la mente de las antiguas generaciones. Será difícil de expulsarla. Los jóvenes, por el contrario, deben adherir a otros valores y no interiorizarse más en las de 1789, ya que impedirían aprehender las nuevas realidades del mundo. La libertad, según la ideología de 1789, es la ausencia/rechazo de las ataduras. Así la negación más pura que impide distinguir el bien y el mal. Ciertamente, explica Kjellen, 1789 despejó la humanidad europea de los vínculos anacrónicos del antiguo régimen (Estado absoluto, etiqueta social, iglesia estéril). Pero luego de los hechos revolucionarios, la idea del ochenta y nueve de libertad se fijó en la abstracción y en el dogma. El proceso de disolución que inició terminó por disolverlo todo, para convertirse en sinónimo de anarquía, de libertinaje y de permisividad. Hay que meditar el adagio que quiere que la "libertad sea la mejor de las cosas para aquellos que saben servirse de ella. De allí el imperativo de la hora, es el orden. Esto es impedir que las sociedades caigan en la anarquía permisiva y disolvente. Kjellen es consciente que la idea de orden puede ser mal utilizada, tanto como la idea de libertad. La historia está compuesta de una serie de sístole y diástole, de un ritmo sinusoidal donde juegan la libertad y el orden.

El ideal sugerido por Kjellen es el de un equilibrio entre estos dos polos. Pero el orden que está naciendo en las trincheras no es un orden paralizado, austero y formal. No es un corsé exterior y no exige una obediencia absoluta e incondicional.

Es un orden interior que exige a los hombres dosificar sus pasiones en beneficio de un todo. Kjellen no niega así el trabajo positivo de idea de libertad del siglo XIX pero critica la degeneración y el desequilibrio. La idea de orden, nacida en 1914, debe trabajar para corregir el desequilibrio provocado por la libertad convertida en permisiva al final de los decenios. La idea de igualdad ha dirigido a un combate justo contra los privilegiados del antiguo régimen, procedentes de la edad Media.

Pero su hipertropía condujo a otro desequilibrio: el que confina la humanidad en un término medio, o los pequeños son engrandecidos y los grandes aminorados por decreto. De hecho, solo los grandes son disminuidos y los pequeños quedan tal cuales. La igualdad es por tanto "la decapitación de la humanidad". Kjellen defiende la idea nietzcheniana de la sobrehumanidad no por orgullo sino más bien por humildad: procede del balance de que el tipo humano medio actual es incapaz de cumplir todas las virtudes. Ahora bien estas virtudes deben ser revivificadas y reencarnadas: tal es la marca de la sobrehumanidad que se educa por encima de los promedios impuestos. Kjellen acepta el tercer término de la tríada de 1789, la fraternidad, y se estima que será reforzada por la camaradería entre los soldados. Kjellen expone luego la declaración de los derechos del hombre a una crítica severa: conduce al subjetivismo puro, escribe, y entreve las relaciones humanas desde la "perspectiva de la rana".

Explica: el hombre del ochenta y nueve, como lo demostró Sombart, quiere recibir de la vida y no darle sus esfuerzos. Estas ganas de recibir, consignada in nuce en la declaración de los derechos humanos, transforma el actuar humano en vúlgar comercialismo (obtener en beneficio del orden económico) y en eudemonismo (tener satisfacciones sensuales). Desde el principio del siglo XIX, Francia y Gran Bretaña vehiculan esta ideología comercial/eudemonista, poniendo en marcha así el proceso de anarquisación y de permisividad, mientras que Prusia, después de Alemania, agregan a la idea de los derechos del hombre la idea de los deberes del hombre, insistiendo en el Pflicht y el "imperativo categórico" (Kant). El mezcla germánica de derechos y deberes eleva a la humanidad por encima de la "perspectiva subjetivista de la rana", ofreciendo una perspectiva supra-individual, separada de una estrategia de don, de sacrificio. La idea de deber implica inmediatamente la pregunta: "¿qué puedo dar a la vida, a mi pueblo, a mis hermanos, etc.? En conclusión, Kjellen explica que 1914 no es la negación pura y simple de 1789; 1914 impulsa nuevas direcciones a la humanidad, sin negar la precisión de las disputas libertarias de 1789.

No hay problema, a los ojos de Kjellen y de Sombart, para rechazar sin más las nociones de libertad y de igualdad sino rechazar sus avatares exagerados y pervertidos. Entre 1914 y 1789, no existe una antinomia como existe entre el antiguo régimen y 1789. Estos dos mundos axiológicos se prohíben totalmente. Si el antiguo régimen es la tesis, 1789 es su antítesis y la Weltanschauung liberal que deriva vigilancia en ellas todos los límites de una antítesis. Este liberalismo habrá sido entonces solo una antítesis sin nunca ser una síntesis. 1914 y la ética germano-prusa del deber son, síntesis fructuosas. Por lo tanto, los mundos liberal y del antiguo régimen son igualmente hostiles a esta síntesis ya que las hace desaparecer a los dos, recalcando su caducidad. Esto se debe a que las potencias liberales francesa y británica se alían con la potencia rusa del antiguo régimen para derribar las potencias germánicas, portadoras de la síntesis. La tesis y la antítesis unen sus esfuerzos para rechazar la síntesis. Los partidarios de la opresión y los de la anarquía se oponen con un interés similar al orden, porque el orden significa su fin. Las potencias liberales amenazan menos al absolutismo del antiguo régimen porque esta es susceptible de invertirse bruscamente en anarquía. En la antigua constelación de valores de 1789, sucederá una nueva constelación, la de 1914, "deber, orden, justicia".

LOS PROBLEMAS POLÍTICOS DE LA GUERRA MUNDIAL, 1916

En la introducción de esta obra que analiza el estado del mundo en plena guerra, Kjellen nos expone una reflexión sobre los mapas geográficos de los atlas usuales: estos mapas nos muestran entidades estáticas fijas, capturadas en un momento proceso de su futuro histórico. Por tanto toda potencia puede crecer y superar el cuadro que le asignan los atlas. Al mismo tiempo en que crece el Estado A, el Estado B puede, disminuir y dejar el espacio en desierto, vacío que cita las energías desbordantes en otra parte. Kjellen concluye que las proporciones entre el suelo y la población varían sin cesar. Los mapas políticos reflejan así las realidades, que, a menudo, ya no lo son. La guerra que estalló en agosto de 1914 es un hecho conmovedor, un movimiento que atrapa al individuo de espanto. Este temor del individuo proviene del hecho que la guerra es una colisión entre los Estados, es decir, entre las entidades que tienen las dimensiones cuantitativas que sobrepasan la perspectiva fuertemente reducida del individuo. La guerra es un fenómeno específicamente estático/político que nos fuerza a concebir el Estado como un organismo viviente. La guerra revela bruscamente las verdaderas intenciones, los pulsos vitales, los instintos del organismo estado, mientras que la paz las oculta generalmente detrás de todos los tipos de convenciones. En la línea de la obra que está preparando desde hace muchos años y que se publicará en 1917, Kjellen repite su credo vitalista: El Estado no es un esquema constitucional variable a merced de las elecciones y de los humores sociales ni un simple sujeto de derecho sino un ser viviente, una personalidad supra-individual, histórica y política. En sus comentarios sobre los hechos de la guerra, Kjellen no oculta su simpatía por Alemania de Guillermo II, sino que desea sin embargo seguir objetivo. El libre aborda luego los grandes problemas geopolíticos de la hora. Tres potencias mayores se enfrenta, con su clientela, las potencias de segundo orden. Esta Alemania (con sus clientes: Austria-Hungría, Turquía, Bulgaria), luego Inglaterra (con Francia, Italia, Bélgica, y, en una menor medida, el Japón); al final, Rusia, con dos clientes minúsculos, Serbia y Montenegro.

Tres exigencias geopolíticas mayores se imponen a los Estados y a sus extensiones coloniales:

1) la extensión del territorio; 2) la libertad del movimiento, 3) la mejor cohesión territorial posible.

Rusia tiene la extensión y la cohesión territorial pero no la libertad de movimiento (no el acceso a los mares cálidos y a las grandes vías de comunicación oceánica). Inglaterra tiene la extensión territorial y la libertad de movimiento pero no cohesión territorial (sus posesiones están dispersas en el conjunto del globo). Alemania no tiene ni la extensión ni la libertad de movimiento (la flota inglesa bloquea el acceso al Atlántico en el Mar del Norte), su cohesión territorial es un hecho en Europa pero sus colonias no están encadenadas a África. Retomando las ideas de su colega alemán Arthur Dix, Kjellen constata que las tendencias de la época consistían, para los Estados, en encerrarse sobre ellos mismos y juntar su territorio haciendo un todo coherente. Inglaterra es así pasado de una política de la "puerta abierta" a una política que se enfoca en el surgimiento de las zonas de influencia cerradas, luego de haber reunido sus posesiones africanas de Egipto a África del Sur (del Cairo al Cabo). Es tentada luego de situar toda la región entre Egipto y el actual Pakistán bajo su copa, enfrentándose a los proyectos germano-turcos en Mesopotamia (ferrocarril Berlín-Bagdad-Golfo Pérsico). Alemania que no tiene ni la extensión ni la libertad de movimiento ni la cohesión territorial sobre el plano colonial (cuatro colonias dispersas en África más la Micronesia en el Pacífico). Tentó, con Inglaterra, de reunir sus colonias africanas en perjuicio de las colonias belgas y portuguesas: un proyecto que nunca fue concretizado. Para Kjellen, el destino de Alemania no está ni en África ni en el Pacífico. El Reich debe reforzar su cooperación con Turquía según el eje Elba-Eufrates creando una zona de intercambios económicos desde el Mar del Norte hasta el Golfo Pérsico y el Océano Indico, casería conservada de los británicos. Los proyectos germano-turcos en Mesopotamia son la principal manzana de la discordia entre el Reich e Inglaterra y, en efecto, la verdadera problemática de la guerra, dirigida por los Franceses intermediarios. La política inglesa busca fraccionar la diagonal que divide el Mar del Norte para acabar en el Golfo Pérsico, poniendo a Rusia contra Turquía y prometiéndole los Dardanelos que no tiene de todos modos la intención de dárselos ya que una presencia rusa en la Bósfora amenazaría la ruta de las Indias a la altura del Mediterráneo oriental.

A estos problemas geopolíticos, se añaden los problemas etnopolíticos: en líneas generales, la cuestión de las nacionalidades. El objetivo de la guerra de Entente, es rehacer el mapa de Europa sobre la base de las nacionalidades. Inglaterra ve el medio de fraccionar la diagonal Mar del Norte-Golfo Pérsico entre Viena y Estambul.

Los poderes centrales, reevalúan la función del Estado agregado y anunciante, por la voz de Meinecke, que la era de las especulaciones políticas había terminado y que conviene por tanto hacer la síntesis entre el cosmopolitismo del siglo XVIII y el nacionalismo del siglo XIX en una nueva forma de estado que era supranacional y atenta a las nacionalidades que abarca. Kjellen, por su parte, fiel a sus principios vitalistas y biólogos, estima que todo Estado sólido debe ser nacional por tanto étnicamente y lingüísticamente homogéneo. El principio de las nacionalidades, lanzado en el debate por la Entente, hará surgir una "zona crítica" entre la frontera lingüística alemana y la frontera de la Rusia rusa, lo que abarca los Países Bálticos, la Bielorrusia y Ucrania. A los problemas de órdenes geopolítico y etnopolítico, se debe añadir los problemas socio-políticos. Kjellen aborda los problemas económicos de Alemania (desarrollo de su marina, programa de Levant, línea de ferrocarril Berlín-Bagdad) luego los problemas de Rusia en materia de política comercial (la competencia entre el campesinado alemán y ruso que impide a Rusia exportar sus productos agrícolas hacia Europa). Rusia quiere hacer saltar el cerrojo de los Dardanelos para poder exportar sin obstáculos su trigo y sus cereales de Ucrania, única manera de asegurar del resto a su balanza comercial.

Kjellen aprueba la política conservadora del Ministro británico Chamberlain que, en 1903, evocó una Unión Comercial autárquica, protegida por la potencia marítima inglesa. Tres grandes zonas de repartirían así el mundo: 1) Inglaterra, con Canadá, Australia y Africa del Sur, 2) Alemania, con Austria-Hungría, la Federación balcánica y Turquía; 3) la "Panamérica". En Inglaterra, la política es guiada por una paradoja: son los conservadores que defienden esta idea hacia la autarquía imperial que implica también la no intervención en las otras zonas. La derecha, es conservadora: prefiere una política intervensionista en las zonas de otros. Kjellen explica esta caída: el proyecto de autarquía es poco atractivo sobre el plano electoral mientras que el de la pantarquía (del control total del mundo por Inglaterra) estimula la demagogia jingoísta. Chamberlain, sugiriendo sus planes de autarquía imperial, es conciente de las debilidades del Imperio y del enorme costo de la máquina militar que se debe mantener para poder dominar el mundo.

Vienen en seguida los problemas de ordenes constitucionales y culturales. La guerra en curso es igualmente la confrontación entre dos modelos de Estado, entre el ideal político inglés y el ideal político alemán. En Inglaterra, el individuo prima al Estado mientras que en Alemania el Estado prima al individuo. En Inglaterra, el objeto de la cultura, es formar caracteres; en Alemania, producir del saber. A esto, los alemanes responden que la autonomía de los caracteres fuertes se equivocan, sobre el espacio cultural inglés, en un mundo de convenciones fijas y paralizantes.

Los ingleses y franceses afirman que Alemania es una nación muy joven para tener un estilo. Los alemanes replican que su masa de saber permite la inspección de un barco más exacto del mundo y su cultura, en consecuencia, tienen más sustancia que forma (DE ESTILO). Inglaterra forma caballeros alineados en un promedio, afirman los alemanes, mientras que su sistema de educación forma personalidades extremadamente diferenciadas refiriéndose a una cantidad de parámetros heterogéneos. Alemania siendo el país de los particularismos persistentes, es normal, escribe Kjellen, que recomienda un federalismo en los "círculos" de Estados aparentemente culturales y ligados por intereses comunes o "aparentemente" organizados por fuerzas étnicas homogéneas contra las esferas de dominación" (Alfred Weber). La idea alemana, prosigue Kjellen, es el respeto de la especificidad de los pueblos, cualquiera que fuera su importancia numérica. Esta es la igualdad en derecho de las naciones al interior de una estructura política de nivel superior, organizada por una nacionalidad dominante (como en Austria-Hungría). Kjellen conecta esta idea inquieta del tipo de especificidades a la idea protestante militante del rey sueco Gustavo Adolfo, campeón del protestantismo, por el cual "se debía salvar la tolerancia".

El juego entonces se juega de tres: los Occidentales, los rusos y los centrales. O, como lo había escrito en Las ideas de 1914, entre la antitesis, la tesis y la síntesis. La guerra es igualmente el enfrentamiento entre las ideas de Jean-Jacques Rousseau y las de Immanuel Kant, entre la insistencia excesiva sobre los derechos y el sentido equilibrado de los derechos y los deberes. A las ideas de Rousseau se unen las de Herbert Spencer, "comercialistas" y "eudemonistas", y las reaccionarias de Pobiedonostev, tutor de los Zares Alejandro III y Nicolás II. El individualismo puro y la opresión del puro absolutismo hacen causa común contra el orden equilibrado de los derechos y deberes, postulado por la filosofía de Kant y la praxis prusiana del Estado.

EL ESTADO COMO FORMA DE VIDA, 1917

La obra principal del autor, donde él utiliza por primera vez el vocablo de "geopolítica". Kjellen trabaja con la ayuda de dos conceptos mayores: la geopolítica propiamente dicha y la geopolítica especial. La geopolítica propiamente dicha es la entidad geográfica simple y natural, circunscrita en las fronteras precias. Kjellen analiza las fronteras naturales montañosas, fluviales, desérticas, pantanosas, forestales, etc, y las fronteras culturales/políticas creadas por la acción de los hombres. El territorio natural de las entidades políticas pueden pertenecer tipos diferentes: tipos potámicos o "circunfluviales" o "circunmarinos". Una de las principales constantes de la geopolítica práctica, es la voluntad de las naciones insulares o litorales de forjar un país similar al que está frente a sus costas (ejemplo: la voluntad japonesa de crear un Estado manchú en su devoción) y apropiarse un conjunto de territorios insulares, de cabos o de franjas territoriales como paradas en las principales rutas marítimas. Kjellen estudia el territorio natural desde el punto de vista de la producción industrial y agrícola y la organización política y administrativa.

Kjellen subraya la interacción constante entre la nación, el pueblo y el poder político, interacción que confiere al estado una dimensión decididamente orgánica. Además de la geopolítica propiamente dicha, Kjellen se preocupa de la geopolítica especial, es decir de las cualidades particulares y circunstanciales del espacio, que inducen a tal o tal estrategia política de expansión. Kjellen luego examina la forma geográfica del estado, su apariencia territorial. La forma ideal, para un Estado, es la forma esférica como para Islandia o Francia. Las formas longitudinales, como las de Noruega o Italia, implican la extensión de las líneas de comunicación. Los enclaves, las exclaves y los corredores tienen una importancia capital en geopolítica: Kjellen las analiza en detalle. Pero de todas las categorías de la geopolítica, la más importante es la de la posición. Para Kjellen, se trata no solo de la posición geográfica, de la vecindad, sino también de la posición cultural, actuando sobre el mundo de las comunicaciones.

El sistema de la geopolítica, según Kjellen, puede estar dividido como sigue:

I. La Nación: objeto de la geopolítica.

1. La posición de la nación: objeto de la topopolítica.

2. La forma de la nación: objeto de la morfopolítica.

3. El territorio de la nación: objeto de la fisiopolítica.

II. El establecimiento nacional: objeto de la ecopolítica.

1. La esfera del establecimiento: objeto de la emporopolítica.

2. El establecimiento independiente: objeto de la autarquipolítica.

3. El establecimiento económico: objeto de la economipolítica.

III. El pueblo portador del Estado: objeto de la demopolítica.

1. El núcleo de la población: objeto de la pletopolítica.

2. El alma del pueblo: objeto de la psicopolítica.

IV. La sociedad nacional: objeto de la sociopolítica.

1. La forma de la sociedad: objeto de la filopolítica.

2. La vida de la sociedad: objeto de la biopolítica.

V. La forma de gobierno: objeto de la cratopolítica.

1. La forma de Estado: objeto de la nomopolítica.

2. La vida del Estado: objeto de la praxiopolítica.

3. El poder del Estado: objeto de la arcopolítica.

El método de clasificación elegido por Kjellen, es subdividir cada objeto de investigación en tres categorías: 1. medio ambiente; 2. la forma; 3. el contenido.

LOS GRANDES PODERES Y LA CRISIS MUNDIAL, 1921

Ultima versión de sus estudios sucesivos sobre los grandes poderes, esta edición de 1921 añade una reflexión sobre los resultados de la primera guerra mundial. La obra empieza por un panorama de los grandes poderes: Austria-Hungría, Italia, Francia, Alemania, Inglaterra, los Estados Unidos, Rusia y Japón. Kjellen analiza la ascensión, la estructura estática, la población, la sociedad, el régimen político, la política extranjera y la economía. Sus análisis de las políticas extranjeras de los grandes poderes, destacan claramente las grandes líneas de fuerza, incluso actualmente guardan una concisión operativa tanto por el historiador como por el observador de la escena internacional.

Al final de la obra, Kjellen nos explica cuáles son los factores que hacen que una potencia sea grande. Ni la superficie ni la población son necesariamente factores multiplicadores de poder (Brasil, China, India). La entrada del Japón en el club de las grandes potencias prueba por otro lado que el status de grande ya no están reservada a las naciones de raza blanca y de religión cristiana. Por tanto, no existe ninguna forma privilegiada de constitución, de régimen político, que concede automáticamente el status de gran potencia. Existen grandes potencias de todos tipos: cesaristas (Rusia), parlamentarias (Inglaterra), centralistas (Francia), federalistas (Estados Unidos), etc. La Gran Guerra no obstante ha probado que una gran potencia ya no puede desplegarse y florecer en las formas puramente antidemocráticas.

El concepto de gran potencia no es un concepto matemático, étnico o cultural sino un concepto dinámico y fisiológico. Ciertamente, una gran potencia debe disponer de un vasto territorio de masas demográficas importantes, de un grado de cultura elevado y de una armonía de su régimen político, pero cada uno de sus factores tomados por separado es insuficiente para hacer acceder una potencia al estatus de grande.

Para ello, es la voluntad la determinante. Una gran potencia es por tanto la voluntad servida por los medios importantes. Una voluntad que quiera acrecentar el poder. Las grandes potencias son en consecuencia Estados extensivos, que se tallan en zonas de influencia sobre el planeta. Estas zonas de influencia demuestran el status de grande. Todas las grandes potencias se sitúan en la zona temperada del hemisferio septentrional, único clima limpio para el florecimiento de fuertes voluntades. Cuando la voluntad de expansión muere, cesa el hecho de querer participar en la competencia, la gran potencia decrece, retrocede y fallece políticamente y culturalmente. Se reincorpora a este los Naturvoelker, que no ponen el mundo en forma. China es el ejemplo clásico de un Estado gigantesco situado en la zona temperada, dotada de una población muy importantes y a las potencialidades industriales inmensas que pierde los privilegios al rango de la pequeña potencia, ya que muestra un déficit de voluntad. Este tipo parece prever Alemania y Rusia desde 1918.

Existen dos tipos de grandes potencias: las económicas y las militares. Inglaterra y los Estados Unidos son grandes potencias más bien económicas, mientras que Rusia y Japón son grandes potencias más bien militares. Francia y Alemania presentan una mezcla de dos categorías: el mar privilegiado, el comercio y la tierra, el despliegue del poder militar, creando la oposición entre nacionales marítimas y naciones continentales. Inglaterra es puramente marítimo y Rusia puramente continental, mientras que Francia y Alemania son una combinación de talasocracia y de poder continental. Los Estados Unidos y el Japón transgreden la regla, de modo que unos dispongan de un continentes y que el otro, insular, sea llevado más bien hacia el industrialismo militarista (en Manchuria). Las grandes potencias marítimas son con frecuencia metrópolis que dominan a un grupo diseminado de colonias, mientras que las grandes potencias continentes buscan una expansión territorialmente conectada a la metrópolis. Inglaterra, Estados Unidos, Francia y Alemania han elegido la expansión diseminada, mientras que Rusia y el Japón (extendiéndose a zonas contiguas situadas alrededor de su archipiélago metropolitano) incrementan su territorio conquistando o sometiendo países vecinos de su centro.

La historia parece probar que los imperios dispersos son más frágiles que los imperios continentales contiguos: los ejemplos de Cartago, Venecia, Portugal y Holanda. La autarquía, la autosuficiencia, parece ser una condición de estatus de gran poder que representan mejor los imperios continentales, sobretodo desde que el ferrocarril incrementó la movilidad sobre la tierra y le confirió la misma velocidad que en el mar. Las lecciones de las guerras mundiales son por tanto las siguientes: la talasocracia británica ganó la batalla notablemente porque hizo uso del arma del bloqueo. Pero esta victoria de la potencia marítima no significa la superioridad de la talasocracia: una Alemania más autárquica sería mejor resistida y, a fin de cuentas, son las masas compactas de territorios dominados por Inglaterra que han permitido a los Aliados oponerse a los Centrales. El factor determinante por tanto fue la Tierra, no el Mar. El ideal es entonces combinar factores marítimos y factores continentales.

¿Se debe concluir de este análisis de las grandes potencias que los pequeños Estados están condenados por la historia a no ser más que los vasallos de los grandes? No, responde Kjellen. Los pequeños estados pueden convertirse en grandes o volver a convertirse o incluso mantenerse honorablemente en la escena internacional. Exactamente de la misma forma que los pequeños talleres se mantuvieron frente a la competencia de las grandes fábricas. Los fuertes absorben con mucha frecuencia a los débiles pero no siempre. La resistencia de los débiles pasa por la conciencia cultural y la fuerza espiritual. La pulsión centrífuga es tan fuerte como el poder centrípeto: el ideal, una vez más, reside en el equilibrio entre estas dos fuerzas. La idea de la Sociedad de las Naciones la suministrará sin duda, concluye, Kjellen.

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Regard sur le scepticisme

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Regard sur le scepticisme: des Grecs au Grand siècle

Communication de Robert Steuckers au Colloque de SYNERGIES EUROPÉENNES-France, Metz, 26 juin 1999

Le scepticisme est un courant philosophique qui se manifeste tou­jours postérieurement à la domination de grands systèmes con­ceptuels, tout comme il pourrait s’opposer aujourd’hui à une idéologie dominante, à des constellations politiques répétées à la suite d’élec­tions-spectacle, à une vulgate imposée et martelée à satiété par les médias.

Refuser la logique de l’oeil unique

L’étymologie du terme “scepticisme” est intéressante, selon Lambros Couloubaritsis. En grec, nous explique-t-il, skeptomai désigne le regard attentif —appréhendeur et curieux— qui porte vers deux ou plusieurs directions possibles et non pas un regard fixe —fixé une fois pour toutes— ne portant que dans une et une seule direction. Nietzsche a retenu cette leçon: la pluralité des regards est né­ces­saire; il l’exprime notamment dans Généalogie de la morale. Sarah Kofman nous le rappelle et l’explique clairement: Nietzsche refuse la logique de l’oeil unique (cyclopéen), il veut toujours voir autrement. Celui qui dit “raison pure”, “spiritualité absolue”, “connaissance en soi”, n’a qu’un seul oeil, ne jette qu’un seul regard qui ne doit pas avoir de directions (au pluriel!), ne doit pas pivoter sur lui-même, scruter, fouiller l’horizon, changer de perspective. Pour appréhender le monde dans toutes ses facettes, il faut avoir plus d’yeux, autant d’yeux que d’affects, sinon, dit Nietzsche, on châtre l’intelligence (des sceptiques grecs à Nietzsche, la pensée européen­ne opte pour une approche plurilogique).

Dans l’histoire de la philosophie grecque, le scepticisme arrive après trois étapes majeures:

1. Celle de Socrate, qui évoque deux possibilités: l’homme raisonne et choisit la meilleure option de l’alternative.

2. Celle de Platon qui opte pour la dialectique qui débouche sur un seul choix possible.

3. Celle d’Aristote, qui hérite de la dialectique de Platon, évoque une multiplicité de choix, mais où, finalement, un seul choix est le bon.

Pyrrhon d’Elis (365-275), premier exposant du scepticisme grec, estime que cette obligation philosophique de déboucher sur un seul choix constitue une fausse route pour la pensée (“A” ou “Non-A”). Pour Pyrrhon, aucun choix tranché n’est finalement pertinent, car, ainsi, on exclut toujours de sa démarche ou de sa spéculation une multitude de pans du réel. On les ignore. On refuse les potentialités qu’ils recèlent en jachère. Un choix tranché est toujours mutilation du réel pour le père de l’école sceptique. Le risque d’une telle position est l’indécision. L’avantage qu’elle offre, en revanche, est de pouvoir tenir compte d’un maximum de paramètres, et, partant, de ne pas se laisser surprendre par des paquets d’imprévus, de faits de monde que le dogmatique aurait banni de son horizon. Puis de décider en meilleure connaissance de cause.

Pyrrhon d’Elis en Inde

Pyrrhon d’Elis est en quelque sorte l’héritier des sophistes, qui furent les premiers sceptiques, car ils n’accordaient aucune valeur privilé­giée à leur choix, mais optaient pour le choix qui les arrangeaient hic et nunc, sans que ce choix ne revête un statut de vérité. Pyrrhon d’Elis a accompagné Alexandre le Grand jusqu’en Inde. Il a vrai­sem­blablement eu des contacts avec la pensée indienne, plus plastique, plus moulée sur la pluralité intrinsèque du monde. Sa position de ba­se est une méfiance à l’endroit de toute domination de la rhétorique, tout comme notre scepticisme contemporain devrait être une méfian­ce à l’endroit de tout discours et de toute image médiatique.

Ensuite, Pyrrhon se méfie des jugements de valeur, car, en les énon­çant, le penseur, le locuteur, le médiateur ajoute(nt) derechef un pré­dicat à la chose, qui ne lui appartient pas en propre. La chose est dé­cré­tée belle ou laide, juste ou injuste, bonne ou mauvaise, sans que l’on ne puisse fondamentalement prouver qu’elle l’est. La Serbie de Mi­losevic ou l’Irak de Saddam sont décrétés laid(e), injuste et mau­vais(e), sans que ce jugement de valeur, asséné sans interruption, ne puisse être corroboré (dans les médias américains, on parle de “Ro­gue states”, en allemand de “Schurkenstaten”). Pour Pyrrhon, le sage doit suspendre ce type de jugement, pratiquer l’epochè. Un prédicat, aux yeux de Pyrrhon, est toujours subjectif, toujours dérivé de con­ven­tions qui me sont propres, qui sont le propre de mon environne­ment culturel, de mes circonstances, mais qui ne peuvent se greffer sans dégâts sur une réalité autre. L’adjonction de prédicats à la cho­se constitue donc toujours une oblitération. Par le collage de pré­di­cats, le dogmatique affirme qu’une chose possède des attributs, alors qu’elle ne les possède pas en propre. Il nie également, en survalo­ri­sant tel ou tel prédicat, la valeur intrinsèque de toutes les autres qua­lités de la chose (dans les cas aujourd’hui médiatisés de la Serbie et de l’Irak, on focalise l’attention des masses de téléspectateurs ou d’au­diteurs sur une définition plaquée, subjective, arbitraire, fabri­quée, et non pas sur l’histoire plurimillénaire ou pluriséculaire du pays, sur sa configuration géographique ou hydrographique, etc., c’est-à-dire sur les phénomènes réels et concrets qui le constituent). Conclusion: les jugements de valeur ne rendent pas objectivement compte du réel. Le sage doit donc être indifférent à ces jugements de valeur (adiaphoria) et partir du principe de l’équipotence des phéno­mènes, où les phénomènes sont jaugés avec équité.

Regard aigu, vitalisme implicite

Pour l’optique pyrrhonienne, seule la Vie dans son ensemble a du sens. Diogène Laërce dit de Pyrrhon: “Il a pris la vie pour guide”. Le scepticisme est ainsi, non seulement un regard plus aigu porté sur les choses du monde, mais un vitalisme implicite (que nous re­ven­diquons par ailleurs). Le vitalisme pyrrhonien s’oppose à tout dogma­tisme car les dogmatiques ne cessent de disserter sur ce que de­vraient être les choses en soi, sans jamais percevoir tangiblement cet en soi et en oubliant ce qu’est phénoménalement la chose dans ces multiples facettes. Pyrrhon réclame dès lors un retour délibéré à l’ex­périence et à la vie (ce qui nous rappelle la Leiblichkeit de Nietzsche, la corporéité).

Le pari sur la Vie va de paire avec un pari pour le plaisir. Mais celui-ci ne s’obtient que si l’on s’abstrait de tout trouble, de tout tracas inutile, de toute fausse question. L’epochè sert à se débarrasser de ces troubles et tracas; il faut suspendre l’impact qu’ils ont sur nous, car sinon nous nous cassons la tête pour résoudre ou concrétiser des chimères intellectuelles. L’absence de trouble se dit en grec: ataraxia, état d’âme optimal, où l’on se détache des fausses querelles, des problèmes sans objet, etc. Face aux variantes politiciennes de l’idéologie dominante contemporaine, nous proposerions également une ataraxia, tout comme Evola, dans le monde en ruines de notre après-guerre, avait proposé une apolitéia, attitude de l’”homme différencié”. Les querelles au sein de la gauche ou de la droite ne résolvent nullement les problèmes de fond de notre société. Ces disputes entre deuxième gauche et troisième gauche, réalos et fundis chez les Verts allemands, belges ou français, etc. trahissent plutôt des problèmes de personnes et non des problèmes concrets.

Seul un esprit libre sait rire

Alexis Philonenko nous rappelle la leçon qu’a tirée Nietzsche de sa lecture de Pyrrhon et de Sextus Empiricus: “Se taire et rire”. Le philosophos, cuistre à la pensée rigide et démontrée une fois pour toutes, nous dit, en fronçant les sourcils, que l’on ne peut rire des valeurs intangibles, irréductibles, non renversables (des droits de l’homme, de la République, de la communauté occidentale des valeurs ou de l’OTAN, son bras armé, etc.). Pyrrhon et Nietzsche, au contraire, nous enseignent et nous enjoignent à en rire à gorge déployée, car, à travers le rire, souffle le vent de la liberté. Voilà pourquoi seul un esprit libre sait rire.

Pyrrhon était originaire d’Elis, d’où était également venu Hippias, illustre sophiste. Hippias était un empiriste absolu: pour lui, il n’y avait pas d’êtres intelligibles en dehors des manifestations sensibles des objets. Pyrrhon avait rencontré Anaxarque, disciple de l’atomiste Démocrite et de Protagoras, pour qui toute théorie de la perception borne toute réalité à la réalité sensible et à la relation phénoménale; pour Protagoras, il était illusoire de prétendre voir ou saisir la “vraie nature” des choses.

Pyrrhon nous a donc enseigné

- à discerner le noyau d’une chose (sa phénoménalité au-delà de tous les discours construits);

- à admettre qu’on ne peut l’appréhender in extenso, dans toutes ses facettes, et surtout, dans toutes les potentialités qu’elle recèle. La cho­se reste toujours obscure (adhla). Je ne peux donc jamais affir­mer qu’une chose est telle ou telle, mais nous est seulement connue par le truchement de représentations relatives à la situation, aux cir­constances (tropos). Le scepticisme conduit à percevoir la relativité de toute chose.

- à rechercher quel bénéfice, quel avantage, stratégique ou autre, je puis tirer de ce regard que je pose sur la chose qui m’apparaît sans jamais se révéler entièrement? Le scepticisme déploie là une stra­tégie vitale concrète, sereine, libre d’affects incapacitants (apa­thie).

Créons une ataraxie a-médiatique

Les autres figures du scepticisme antique sont

- Timon de Phlionte (320-230), dont le penchant pour la dive amphore était légendaire, provoquant une verve endiablée contre les dogmatiques,

- Aenésidème le Crétois et

- Sextus Empiricus.

Aenésidème énonce une théorie de la diversité irréductible du monde et de la relativité de toutes nos perceptions et sensations, vu que les circonstances et les lieux modifient sans cesse les perspectives. Sex­tus Empiricus (IIième et IIIième siècles ap. J.C.) a vécu en plein effervescence religieuse du Bas-Empire. Il se proclame disciple de Pyrrhon d’Elis et rédige des “esquisses pyrrhoniennes” ou Hypo­typoses pyrrhoniennes. Sextus Empiricus, médecin de son état, explique qu’aucun argument des zélotes religieux n’est valable en soi. Le risque d’une telle position est le conformisme, mais au­jourd’hui un rejet de toutes les lunes médiatiques ne saurait dé­boucher sur le conformisme. Sans cesse, les médias sollicitent artifi­ciellement nos émotions; un scepticisme actualisé doit opposer à ces sollicitations une epochè contemporaine, se fermer à ces discours ineptes, créer une ataraxie a-médiatique.

Les avatars du scepticisme antique nous lèguent une anecdote si­gnificative: en 155 av. J. C., Athènes est condamnée à payer une amende à Rome pour avoir pillé la Cité d’Oropos. Les Athéniens envoient une ambassade à Rome pour plaider leur cause; elle est composée de Carnéade, Critolaos et Diogène de Babylone. Car­néade, philosophe sceptique, montre que la notion de justice est rel­a­tive, que les arguments des uns et des autres peuvent être valables, sont équipotents, qu’en l’occurrence tant les Athéniens que les Romains ont raison. Carnéade applique la règle du doute universel, démontre que les lois sont des conventions entre les hommes qui peuvent être reconduites, discutées, modifiées, etc. Les trois am­bassadeurs athéniens tiennent ensuite salon dans Rome, intro­duisent le scepticisme dans les esprits. Caton l’Ancien, très puissant et influent à cette époque, leur donne raison, fait que l’amende est suspendue mais ordonne que les trois philosophes soient expulsés de Rome. Le scepticisme permet une diplomatie sereine, casse la raison du plus fort (qui n’est pas plus valable que celle du plus faible). Un modèle de négociation, dont auraient pu s’inspirer les Albright et autre Solana, avant de déclencher la dernière guerre du Kossovo.

La postérité du scepticisme est vaste: elle pourrait englober Descartes, Hume, Kant et l’empirisme logique, Popper, etc. Bornons-nous à citer deux figures du XVIième siècle, Erasme et Montaigne, et une du XVIIième, Gassendi.

L’éloge de la folie d’Erasme

La notoriété d’Erasme a franchi les siècles surtout par L’éloge de la folie (Laus Stultitiae) de 1511. La “folie” chez Erasme revêt un double sens:

1) se dégager des tics et manies des philosophes; la “folie” est chez lui la gaité, la joie, l’innocence, l’absence de prétention; elle critique les illusions de la vertu, des cuistres et de la société. Erasme décrit les divers ridicules dans lesquels sombrent les hommes. Erasme prend l’homme tel qu’il est et non pas tel qu’il se prononce dans sa “dignité”, dans les poses et les grimaces sociales qu’il adopte pour se faire valoir. Pour l’auteur de l’Eloge de la folie, l’homme se définit par ce qu’il vit, par les événements qu’il crée ou qu’il subit. Dans les statuts de l’association “Europa”, que nous avons fondée en 1993 à Bruxelles, nous avons introduit le principe de la défense des droits de l’homme, tel qu’il est, dans sa “carnalité” et dans son cadre culturel, dans sa situation spatio-temporelle, et non pas tel que l’ont imaginé de pseudo-philosophes en chambre ou des idéologues fumeux ou des politiciens sans foi ni loi qui manipulent les esprits simples et tirent de ces vilenies toutes sortes de profits sonnants et trébuchants.

2) Mais il y a une deuxième dimension à la “folie” selon Erasme. Pour lui, la “folie du chrétien” consiste à croire sans spéculation, à ne pas vouloir créer une nouvelle religion. Dans Enchiridion militis chrisitani (= Le manuel du militant chrétien; 1504), Erasme accepte le cadre civilisationnel catholique sans chercher à le justifier, car le justifier conduirait à énoncer des théories ou des doctrines réfutables, à engager des discussions sans fin, foncièrement stériles (nous re­trouvons là l’horreur de la discussion pour la discussion qu’éprou­veront plus tard Donoso Cortès et Carl Schmitt). Erasme nous en­seigne à accepter le cadre spatio-temporel, tel qu’il est, sans pour autant sombrer dans le conformisme, car le conformisme, c’est se fa­briquer une “dignité”, se composer un personnage, prendre des po­ses, se donner un “look”, et s’y accrocher ridiculement.

Montaigne, sceptique dans les tourbillons de la vie

En 1576, Montaigne termine la rédaction de son Apologie de Raimond Sebond. Dans quel contexte a-t-il rédigé ce maître-ouvrage des lettres françaises du XVIième siècle? Son père, âgé, mal-voyant, lui avait demandé de traduire les écrits d’un philosophe catalan du XVIiè­me siècle, auteur de la Theologia naturalis sive liber creatu­rarum. Montaigne, par piété filiale, s’est exécuté, mais a ajouté au texte traduit une foule de commentaires, notamment issus de sa lec­ture très attentive du De rerum naturae de Lucrèce et des Hypoty­poses pyrrhoniennes de Sextus Empiricus. Montaigne, contrairement à un préjugé malheureusement assez courant, était un homme actif, en prise directe sur les problèmes de son temps, et non pas un oisif enfermé dans sa tour-bibliothèque. Montaigne était plongé dans les courants tourbillonnants de la vie de son époque mouvementée.

Ses commentaires, en marge de la traduction du livre de Raimond Se­bond, nous enseignent:

- que la raison ne peut rien établir de définitif; elle reflète toujours une étape temporaire de la caducité des choses; les raisonneurs sont malhonnêtes, ils nuisent au bonheur de nos vies; ils sont vaniteux et ridicules. «L’homme qui n’est rien, s’il pense être quelque chose se séduit soi-même et se trompe».

- que les jugements sont toujours marqués d’incertitude, d’où l’inanité des assertions/affirmations qui se veulent éternelles et universelles.

Du point de vue politique, Montaigne nous dit que les lois sont la mer flottante des opinions d’un peuple et d’un prince, qui l’un comme l’autre, changeront un jour d’opinion et d’avis. Montaigne dit ainsi clairement qu’il n’y a pas de lois humaines universelles. Ses ré­flexions nous aident à mieux comprendre l’opposition entre légalité et légitimité (Carl Schmitt) ou entre “pays légal” et “pays réel” (Maurras).

Gassendi: dégager l’homme de ses liens de mille nœuds

Pierre Gassendi (1592-1655), autre philosophe intéressant pour notre propos sur les sceptiques, était chanoine à Digne et professeur à Aix. Il fut le correspondant de Galilée et un critique de l’aristotélisme (qu’il considérait comme un “système”), proche des libertins érudits (mais sans oublier ses devoirs d’ecclésiastiques). Gassendi fut un critique de Descartes. Il publia des travaux sur Epicure et se situa entre le libertinisme et l’orthodoxie religieuse. Pour Gassendi, on ne peut enfermer la liberté de l’esprit dans aucune doctrine. Quatre points majeurs de son œuvre doivent retenir notre attention dans le cadre du présent exposé:

◊ Très vite dans la vie de l’homme, l’esprit est ligoté de mille nœuds, les conventions le retiennent dans ses liens.

◊ La philosophie a pour tâche de nous faire retrouver notre liberté.

◊ Bon nombre de philosophes font fausse route en imposant à l’entendement chaînes et entraves. Ces philosophes sont attachés au râtelier comme du vil bétail (Gassendi anticipe ici les travaux de Simmel, Heidegger, Lukacs et Sartre, tous critiques des conventions et des pesanteurs institutionnelles).

◊ Le spectacle de la nature peut mener à Dieu. L’harmonie de la nature est la simple preuve de l’existence de Dieu. Le regard qui appréhende ce spectacle est un regard pluriel, un regard jeté par mille yeux (et nous revenons à Nietzsche!).

Conclusion

Notre propos était de montrer la trajectoire du scepticisme des Grecs au Grand Siècle. Cependant il serait injuste de terminer abruptement sans au moins citer David Hume, rénovateur de la veine sceptique, en réhabilitant le rôle des sens dans l’appréhension du monde extérieur. Le recours aux sens corrige ou annule dogmes et abstrac­tions. Mais, l’œuvre de Hume recèle un risque: devenir un positivisme trop étriqué. Ou bien, nouvelle lecture, avec sa volonté de faire confiance aux sens, Hume cherche-t-il à pénétrer les mystères du réel? Le débat est ouvert. Il est une interpellation de la modernité. Sûrement l’objet d’un prochain débat de notre atelier philosophique.

Robert STEUCKERS.

Bibliographie :

 Frédéric BRAHAMI, Le scepticisme de Montaigne, PUF, 1997.

 Lambros COULOUBARITSIS, Aux origines de la philosophie européenne. De la pensée archaïque au néoplatonisme, De Boeck/Université, Bruxelles, 1994.

 Manuel de DIÉGUEZ, Rabelais, Seuil, 1960.

 ERASME, Eloge de la folie, Garnier-Flammarion, 1964.

 Hugo FRIEDRICH, Montaigne, Gallimard, 1968 (coll. « Tel », n°87).

 Bernard GROETHUYSEN, Anthropologie philosophique, Gallimard, 1953-80.

 Klaus-Jürgen GRUNDNER, «Michel de Montaigne 1533-1592», in Criticón, Nr. 66, Juli/August 1981.

 Lucien JERPHAGNON, Histoire de la pensée. Antiquité et Moyen Age, Tallandier, 1989.

 Sarah KOFMAN, Nietzsche et la scène philosophique, UGE 10-18, 1979.

 Silvano LONGO, Die Aufdeckung der leiblichen Vernunft bei Friedrich Nietzsche, Königshausen & Naumann, Würzburg, 1987.

 LUCIEN de SAMOSATE, Sectes à vendre, Ed. Mille et Une nuits, 1997. Présentation par Joël GAYRAUD.

 Ian MACLEAN, Montaigne philosophe, PUF, 1996.

 Simone MAZAURIC, Gassendi, Pascal et la querelle du vide, PUF, 1998.

 Daniel MÉNAGER, Présentation des Essais de Montaigne, Larousse, 1965.

 Michel de MONTAIGNE, Apologie de Raimond Sebond, Gallimard, 1962-67. Introduction de Samuel Sylvestre de SACY.

 Bernard MORICHÈRE (sous la direction de), Philosophes et philosophie. Des origines à Leibniz, tome 1, Nathan, 1992.

 Emmanuel NAYA, Rabelais. Une anthropologie humaniste des passions, PUF, 1998.

 Raphaël PANGAUD, Présentation des Essais de Montaigne, Larousse, s.d.

 Brice PARAIN (sous la direction de), Histoire de la philosophie, 1, Orient, Antiquité, Moyen Age, La Pléiade/Gallimard, 1969.

 Alexis PHILONENKO, Nietzsche. Le rire et le tragique, Livre de Poche, coll. Biblio-Essais, 1995.

 Andreas PLATTHAUS, « Prinz Güldenkiel. Montaigne erhält den Ritterschlag », Frankfurter Allgemeine Zeitung, Literaturbeilage, 3. November 1998 (recension de la traduction allemande de Michel de Montaigne de Jean Lacouture, Campus, Frankfurt am Main, 1998).

 Jean-François REVEL, Histoire de la philosophie occidentale. Penseurs grecs et latins, Livre de Poche/Stock, 1968.

 Hélène VÉDRINE, Les philosophies de la renaissance, PUF, 1971.

 Hélène VÉDRINE, Philosophie et magie à la Renaissance, Livre de poche, coll. Biblio-Essais, 1996.

 The Internet Encyclopedia of Philosophy, «Erasmus (1466-1536)», http://www.utm.edu/research/iep/e/erasmus.htm... 

 The Internet Encyclopedia of Philosophy, «Ancient Greek Skepticism», http://www.utm.edu/research/iep/s/skepanci.htm... 

 The Internet Encyclopedia of Philosophy, «Pyrrho (c. 360 - c. 270 BCE.)», http://www.utm/edu/research/iep/p/pyrrho.htm... 

 The Internet Encyclopedia of Philosophy, «Carneades (213-129 BCE.)», http://www.utm.edu/research/iep/c/carneades.htm...



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jeudi, 14 juin 2007

Pour se souvenir de G. K. Chesterton

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Pour se souvenir de G. K. Chesterton

14 juin 1936 : Mort à Londres de Gilbert Keith Chesterton, écrivain et journaliste anglais. Né dans une famille anglicane, où la religion n'avait guère d'importance, il lit dans sa jeunesse les œuvres de Thomas d'Aquin et du Cardinal Newman, épouse une femme dont la famille appartient aux plus conservateurs des Anglicans, les Anglocatholics, puis devient catholique à son tour, car l'esprit anglo-saxon, estimait-il, reposait sur l'arbitraire du subjectivisme, revenait à faire de l'art pour l'art, à rejeter toutes les lois qui donnent socle aux actions humaines, à laisser libre cours à des tempéraments délirants ou anarchiques. Chesterton défend ses positions par des arguments théologiques ou philosophiques solides, mais aussi par l'humour et la moquerie. Sur le plan politique, il commence par être un simple libéral de gauche avec des sympathies pour les socialistes. Mais cette posture lui apparaît bien vite insuffisante, car il voit tout de suite que derrière les vocables pompeux d'humanisme, de justice sociale, etc. se cache une inhumanité foncière, une méchanceté diabolique, une perversité sans nom. Ce libéralisme hisse les mensonges, ses impostures, au rang de dogmes intangibles. Dans une telle perspective, la Tradition, pour Chesterton, n'est pas un musée, que l'on visite de temps à autre par meubler son oisiveté, mais un réceptacle hautement respectable d'orientations fructueuses pour l'âme et pour la vie quotidienne. La Tradition nous donne non seulement les recettes de la sagesse, mais elle nous livre aussi les linéaments permanents de la volonté populaire. Chesterton a répandu sur la tête des bien-pensants libéraux sarcasmes et jets cinglants d'ironie, pour fustiger leur forfanterie. Au-delà d'un catholicisme, compréhensible dans une société anglo-saxonne parce qu'il constitue une position antagoniste, Chesterton nous apprend à rire aux éclats des poncifs qui sous-tendent aujourd'hui la pensée unique et qui sévissaient déjà de son temps (Robert Steuckers).


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Théologie politique américaine

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De la théologie politique américaine

«C’est un paradoxe flagrant de l’histoire de voir comment un nationalisme précis (et particulièrement puissant) se déclare non seulement “prophétique” mais aussi universel, tout en se matérialisant dans de nombreux actes d’expension ou d’interventionnisme». Anders Stephenson*

L’éminent juriste allemand Carl Schmitt a ca­rac­térisé l’idéologie de l’expan­sion­nisme et de l’im­périalisme américains comme une théolo­gie politique, qui est en même temps totali­tai­re, dogmatique et pseudo universaliste, et qui s'in­gé­nie à faire l'équation —avec le zèle et la fer­veur d’un Torquemada— entre l’in­térêt in­ter­national particulier des Etats-Unis et l’in­té­rêt du genre humain.

Hans Morgenthau remarque que l’universa­lis­me est une idéologie qui répond aux besoins de l’impéria­lis­me et de l’expansionnisme. L’ex­pansionnisme est sans cesse en opposition avec l’ordre international dominant et le statu quo existant. L’expansionnisme doit prouver que le statu quo qu’il cherche à vaincre mérite d’être vaincu et que la légitimité morale qui, dans l’esprit de beaucoup, est attachée aux cho­ses telles qu'elles sont, sera finalement ob­ligée de céder face à un principe de plus gran­de moralité, tout en faisant appel à une nou­velle distribution de pouvoir (1). «Jusqu’à pré­sent, vu que les idéologies typiques de l’impé­ria­lisme utilisent des concepts de droit, elles ne peuvent faire référence de manière correcte au droit international positif, c’est-à-dire au droit in­ternational tel qu’il existe aujourd’hui. Dans le do­mai­ne du droit, c’est la doctrine du droit naturel, c’est-à-dire du droit comme il de­vrait être [et non pas tel qu'il est, ndt], qui répond aux besoins idéo­lo­giques de l’im­péria­lisme… Lorsque la politique impé­rialiste expan­sionniste n’est pas dirigée contre un sta­tu quo en particulier, fruit d’une guerre perdue, mais tend à s'accroître à l'appel d'un vide de pou­voir qui invite à la conquête, elle avance tout un arsenal d’idéologies morales / moralisantes qui ont évidem­ment pour corollaire de rem­pla­cer le simple appel à un “droit naturel juste” contre “un droit positif in­juste” par le devoir, inévitable, de conquérir le pays récalcitrant (2).

La doctrine de la “destinée manifeste”

L’objectif principal de l’idéologie impérialiste est de faire l'équation entre les aspirations po­litiques d’une nation précise, d'une part, et les lois morales qui gou­vernent l’univers, d'autre part; nous avons là une idéologie spécifique­ment anglo-saxonne pour habiller les aspi­ra­tions particulières et les actions impérialistes d'un objectif moral, qui correspondrait aux lois de l’univers. Cette idéologie a d'abord été ty­pi­quement britannique, mais elle a été perfec­tion­née et absoluisé par les Etats-Unis. «Le fait que savoir que les nations soient soumises à la loi mo­rale est une chose, mais prétendre sa­voir avec as­surance ce qui est bon et mauvais dans les relations entre les nations, est d’un au­tre ressort. Il y a un mon­de de différence en­tre la croyance que toutes les nations sont sous le couvert du jugement de Dieu, impéné­trable au genre humain, et la conviction blas­phé­matrice que Dieu est toujours de son côté et que ce que cette puissance alliée à Dieu veut pour elle-même ne peut pas connaître l'é­chec, parce que cette volonté est aussi celle de Dieu» (3).

L'exemple d'école d’un tel blasphème se re­trou­ve dans l’assertion du Président McKinley qui affirmait que l’annexion des Philippines (et la série de mas­sacres de civils qui s'ensuivit) était un signe de la providence divine. Cette con­quête et ces massacres avaient été entre­pris après que le président ait reçu un signe de la Providence. L’Amiral Dewey reven­di­quait le fait que la conquête des Philippines était un ga­ge d’approbation divine. «Je devrais dire que la main de Dieu y était pour quelque cho­se» (4).

Les arguments avancés pour justifier la con­quê­te des Philippines se concentraient sur des thèmes re­ligieux. «Ces thèmes s'exprimaient par les mots de­voir et destinée. Selon le pre­mier terme, refuser l’annexion des Philippines au­rait signifié omettre d'ac­complir une obliga­tion divine et solennelle. Selon le second ter­me, l’annexion des Philippines en parti­culier et l’expansion en général étaient inévitables et ir­ré­sistibles» (5); dans cette optique, l’expan­sion­nis­me impérial américain était une “desti­née manifeste” sous le signe de la Providence.

Une doctrine calviniste

La doctrine calviniste devient ainsi une arme idéo­lo­gique pour la guerre d’agression et l’ex­pansion­nis­me. «Les victoires rapides gagnées par les forces américaines ont renforcé les po­si­tions psycholo­gi­ques des impérialistes. L’im­pres­sion de commettre un acte répréhensible ne se renforce que si l’action contestable est suivie de revers. Inversement, la mauvaise cons­cience diminue ipso facto si le projet est exécuté avec brio. L'échec s'interprète comme une punition de la Providence; mais la réus­si­te, telle que la décrit le schéma calviniste, se perçoit comme le signe extérieur d’un état de grâce intérieur… Le «devoir», disait le Pré­si­dent McKinley, «détermine la destinée». Tandis que le devoir signifie que nous avons une obli­gation morale, la destinée signifie que nous al­lons certainement remplir cette obligation, que la capacité à le faire nous est inhérente. Notre histoire a toujours été une histoire ininterrom­pue d'expansion; notre pays était toujours par­­venu autrefois à s'étendre, ainsi il était cer­tain qu'il réus­sirait de la même façon dans le fu­tur. La force d’ex­pansion est un héritage na­tio­nal et “racial”, un be­soin intérieur, irrésis­ti­ble et profond… La Providence a été vraiment in­dulgente envers nous en nous pro­curant des réussites si fructueuses que nous com­met­­trions un péché si nous n’acceptions pas les res­ponsabilités que l’on nous a demandé d’as­sumer» (6).

L’impérialisme américain a développé une puis­­­sante théologie de l'élection. L’idée améri­caine d'élection historique ou providentielle, in­hérente à la doctrine de la Destinée Mani­fes­te, a fait en sorte que Dieu et la géopolitique fu­sionnent en un tout parfaitement instrumen­ta­lisable; la doctrine procure ainsi la «légi­ti­mi­té» à la conquête et l’expansionnisme.

Un charabia moraliste et religieux

Le charabia moral et religieux de la doctrine de la Destinée Manifeste, tellement américain dans son sens primitif profond, est facile à éva­cuer car elle n'est qu'un bric-à-brac idéo­logique. Malgré sa nature de bric-à-brac, cet abominable bricolage est devenu l'assise de la théologie politique et de la politique étrangère américaines. L’expansionnisme impéria­lis­te se voyait élevé au rang d’obligation positive, au rang de devoir. Plus l’expansionnisme était im­pi­toyable, plus on le justifiait par une appro­ba­tion divine. La volonté des impérialistes amé­ricains était d’égaler la volonté de Dieu. L’im­pé­rialisme est de­venu «une vertu dérivée de l’ap­pel de Dieu». Rester en deçà équivalait à «re­jeter la guidance divine». Le Sénateur Al­bert J. Beveridge déclara un jour que «Dieu n’a pas passé son temps pour rien durant un millier d’années à préparer les peuples anglo­pho­nes pour qu'ils ne se livrent à rien d'autre qu'une vaine et ridicule auto-contemplation et au­to-admiration. Non! Il a fait de nous les maî­tres-organisateurs du monde pour établir des systèmes ordonnés là où régnait le chaos. Il a fait de nous des virtuoses de la bonne gou­vernance pour que nous puissions, le cas é­chéant, gérer la politique chez les peuples sau­vages et les peuples séniles» (7).

Pris dans la spirale du destin

Le thème de la destinée était un corollaire du thè­me du devoir. A maintes reprises, on a dé­cla­ré que l’ex­pansion était le résultat d’une «tendance cosmique», que «c’était le destin», que c’était «la logique ine­xorable des événe­ments», etc. La doctrine qui affir­me que l’ex­pan­sion est inévitable a bien sûr été long­temps familière aux Américains; nous savons ô com­bien la Destinée Manifeste a été invoquée au cours du 19ième siècle. Albert Weinberg souli­gne, toutefois, que cette expression prend un nouveau sens dans les années 90. Auparavant, destinée si­gnifiait, dans son sens premier, que l’ex­pansion a­mé­ricaine, quand on le voulait, pou­vait être con­tre­carrée par d'autres qui pou­vaient se mettre en tra­vers de notre chemin. Au cours des années 90, le sens de cette no­tion de “Destinée Manifeste” a lé­gèrement é­vo­lué; elle finit pas vouloir signifier que “les A­méricains ne pouvaient pas, par leur propre volonté, refuser cette expansion”, car ils é­taient pris, qu'ils le veuillent ou non, dans la spi­rale du destin. Nous faisions montre d'une cer­taine réti­cence. Ce n’était pas tout à fait ce que nous voulions faire; c’était ce que nous de­vions faire. Notre politique agressive se vo­yait implicitement définie comme obligatoire, com­me le fruit, non pas de nos propres envies, mais d’un besoin objectif (ou de la volonté de Dieu) (8). La destinée a toujours eu une desti­na­tion, et la destination correspondait à l’ex­pan­sion­nisme géopolitique; ainsi la source de l’impé­ria­lisme américain était le désir de Dieu don­né aux élus pour destinée.

La mythologie politique de la Doctrine de Monroe

Kenneth M. Coleman définit le corollaire politi­que (et géopolitique) de la doctrine de la Des­tinée Manifes­te, soit la doctrine Monroe, com­me une mythologie po­litique : «Une mytholo­gie politique a émergé par­mi les Nord-Amé­ri­cains pour justifier la réalité de leur hégémonie dans les Amériques. La doctrine Mon­roe con­sti­tue un exemple quasi paradigmatique de la création d'un mythe politique accompagnant la création de l’empire américain. Il apparaissait néces­saire, à l'époque, de trouver une sorte de vé­hicule rhétorique par lequel on puisse sug­gé­rer non pas une intention expansionniste, mais une auto-abné­gation… Dès ses débuts, la doctrine Monroe a été un artifice rhétorique con­çu pour réconcilier les valeurs affirmées, c'est-à-dire celles qui évoquent le désin­té­res­se­ment et l'abnégation des Américains, avec leurs intentions expansionnistes réelles qui vi­sent à réaliser leurs intérêts stratégiques et éco­nomiques majeurs. Ainsi la première carac­té­ri­stique dans la définition d'une mythologie po­litique est son actua­lité… L’hégémonie, tout comme l’Empire, postule la création d’une my­tho­logie légitimante… Dans le cas d'un Empire, la mythologie doit faire raisonner les Améri­cains comme suit : «Nous vous dirigeons parce qu’il est dans votre intérêt que ce soit nous qui le fassions»… Dans le cas d'une hégémonie, la my­thologie doit générer la croyance que les re­lations existantes sont bénéfiques aux parte­nai­res et que ceux qui ne les perçoivent pas comme telles sont malavisés ou intrinsèque­ment mauvais...» (9).

Le message normatif de la Doctrine de Monroe

La mythologie politique, qui sous-tend les di­ver­ses formes d'hégémonie, se distingue des au­tres mytho­lo­gies, dans le sens où elle nie l’existence de la do­mination politique et éco­no­mique. Elle est similaire à la mythologie de l’im­périalisme parce qu'elle affirme que les re­la­tions existantes sont justes, appropriées, i­né­vitables, ou défendables de manière sur le plan des normes… La doctrine Monroe ren­fer­me un mes­sa­ge normatif… qui dit que les cau­ses actuelles, dé­fendues par l'Amérique, sont ju­stes, moralement dé­fendables, et en accord avec les plus grands prin­cipes d’un ordre poli­ti­que supérieur à d’autres ordres politiques (10) et que l’impérialisme américain sert un but moral plus élevé, celui de la Destinée Ma­ni­feste laquelle a été préalablement fixée par Dieu lui-même. Kenneth M. Coleman cite Sal­va­dor de Ma­da­riaga qui décrit la nature de la doctrine Monroe selon les termes suivants: «Je sais seulement deux choses à propos de la doc­trine Monroe: l’une est qu’aucun Américain que j’ai rencontré ne sait ce que c’est; l’au­tre est qu’aucun Américain que j’ai rencontré ne consentirait à ce que l'on tergiverse à son pro­pos… J’en conclus que la doctrine Monroe n’est pas une doctrine mais un dogme… pas un seul dogme, mais bien deux, à savoir: le dogme de l’in­faillibilité du Pré­sident américain et le dog­me de l’immaculée con­ception de la politique étrangère américaine» (11).

Les intérêts des Etats-Unis sont les intérêts de l'humanité toute entière

Croire que les Américains sont un peuple choisi par Dieu, pour amorcer une expansion sans fin, était in­hérent tant à la doctrine de la Des­ti­née Manifeste qu'à la doctrine de Monroe. «Le terme qui a servi à prendre ce sens de moral, du moins sur le plan de l’expansion géo­graphique, est celui de “Destinée Ma­ni­fes­te”; il révèle la certitude calviniste avérée : Dieu révélera au monde ceux qui assureront Sa grâ­ce et les rendra prospères». Si les Etats-Unis re­pré­sentent la Terre Promise du Peuple Choisi, alors « il est absolument impossible de concevoir une si­tua­tion dans laquelle les in­té­rêts du genre humain ne sont pas tout à fait iden­tiques à ceux des Etats-Unis. En faisant mon­tre d'une telle présomption, l’oppo­si­tion à la Destinée Manifeste (des Etats-Unis) n’était pas une simple opposition politique —elle ne re­pré­sentait pas une quelconque différence d’o­pinion et se posait plutôt comme une hé­ré­sie, en révolte contre les gens choisis par Dieu lui-même… Si les autorités des Etats-Unis —les autorités choisies par les gens favorisés par Dieu lui-même— étaient en faveur d'u­ne politi­que donnée, alors critiquer la justice ou la mo­­ra­lité de cette politique s'avérait moralement im­possible» (12).

Dans cette optique, il faut se souvenir de la con­clu­sion de Werner Sombart qui disait que «le calvi­nis­me est la victoire du judaïsme sur la chrétienté» et que «l’Amérique est la quin­tessence du judaïsme». L’immoralité politique de la doctrine de la “Destinée Manifeste”, l’ex­pansionnisme géopolitique, sous la for­me d'u­ne conquête de territoires, telle que la re­ven­­dique la doctrine de Monroe, et l’impérialisme économique, tel qu'il se manifeste sous la for­me de la politique des “portes ouvertes” (Open Doors Po­licy), deux options qui ont été fusion­nées par la suite sous la dénomination de “wil­so­nisme” (Doctrine de Wilson), sont en fait des traductions simplistes et mal­veillantes de la vieil­le immoralité talmudique, re­pérable dans l'his­toire.

Carl Schmitt a souligné que la transformation de la doctrine de Monroe, à partir d’un Gross­raum ("grand espace") concret, en un principe universel, c’est-à-dire la “théologisation” d’un im­périalisme américain spécifique et particu­lier, en une doctrine mondialiste universelle, qui doit inéluctablement déboucher sur une puis­sance-monde unique et absolument domi­nante, une “Capital Power”, laquelle “servirait” les intérêts du genre humain. Cette trans­for­ma­tion d'un impérialisme particulier en un mon­­dialisme sans al­ter­native est aussi le com­men­cement de la “théo­lo­gisation” des objectifs politiques étrangers améri­cains (13). Ce pro­ces­sus de “théologisation” a débu­té au cours de la présidence de Théodore Roosevelt, mais le Président Woodrow Wilson fut le premier à élever la doctrine de Monroe au rang d'un prin­cipe mon­dial, à véritablement “mondialiser” une doctrine qui, auparavant, était censée se li­miter au seul hé­misphère occidental, pana­mé­ricain. Dans la moralité calviniste, talmudi­que et axée sur la Prédestination de Woodrow Wilson, l'idée-projet de la domination mondiale de l'Amérique devient la substance même de son plaidoyer pour une doctrine de Monroe à ap­pliquer au monde entier.

L'immoralité foncière de Wilson le “moraliste”

Un cas à mentionner : le slogan américain de la «De­s­tinée Manifeste» a servi à accroître l'ai­re d'ap­pli­cation de la doctrine de Monroe par le biais du prin­cipe de l'autodétermination des peuples qu’a uti­lisé le Président Wilson lors de la Conférence de Paix de Paris (Versailles), pour accroître de fait —et sub­tilement— les sphè­res d'influence anglo-saxonne et pour créer un Cordon Sanitaire autour de l’Alle­ma­gne et de la Russie Soviétique en Europe, un Cordon Sanitaire composé d’Etats tampons. Évi­demment, le Président Wilson, dans son em­pressement à faire va­loir en Europe le droit à l’autodétermination, n’a jamais dénoncé la doc­trine de Monroe qui incarnait, à son épo­que, dans l'hémisphère américain, la né­ga­tion absolue de ce droit qu’il proclamait au bénéfice des petits peuples des anciens môles impé­riaux d'Eu­­rope centrale et orientale. En fait, ce qu’il a vou­lu dire en parlant du droit à l'auto­dé­termination était clairement démontré en 1914 déjà, lorsque l’Améri­que, renversant le gou­vernement élu au Mexique, a bombardé la vil­le mexicaine de Vera Cruz, tuant ain­si des cen­taines de civils. Après le bombardement qui, par la suite, a conduit à la chute du gou­ver­ne­ment mexicain et à l’installation d’un fan­toche à la solde des Etats-Unis, le Président Wil­son, en mettant l’accent sur la soi-disant iden­tité entre la politique américaine et la jus­tice universelle, a convaincu le mon­de que «les Etats-Unis ont renversé le pouvoir mexicain pour rendre service à l'humanité» (14) (sic!). Le Président Wilson croyait sincèrement au rô­­le providentiel, désigné par Dieu, des Etats-U­nis pour diriger le monde.

Aujourd’hui, si l’on regarde la situation de la You­go­slavie, on peut constater qu’une fois en­co­re le prin­cipe pseudo-universel du droit à l’au­todétermination a été utilisé comme un mo­yen idéologique pour ren­verser un statu quo existant, via un règlement fron­talier en Europe, alors que les frontières euro­péennes a­vaient été définitivement reconnues et ac­ceptées comme telles par les Accords d’Hel­sin­ki. De même, ce fameux droit à l'autodéter­mi­nation, in­ven­té jadis par Wilson, a servi à lé­gi­timer les atrocités musulmanes lors de la guer­re en Bosnie d’abord, puis celles, innom­ma­bles, des bandes armées isla­mistes, ter­roristes et mafieuses des Albanais du Ko­sovo; en fait, ces bandes d'irréguliers musulmans sont l’équivalent européen des “Contras” du Ni­cara­gua, armés, entraînés et subsidiés par les Etats-U­nis. L'Europe est désormais traitée de la même ma­nière que les anciennes ré­pu­bliques latino-amé­ri­cai­nes.[ndt : Pire, dans le cas de la Bosnie et du Ko­sovo, les dirigeants des principales puissances euro­péennes ont ap­plaudi et participé à ces horreurs, en po­sant, via les relais médiatiques, les assassins bos­niaques et albanais comme des héros de la li­berté ou des défenseurs des droits de l'hom­me].

Quand l'Allemagne hitlérienne reprenait à son compte les concepts forgés par Wilson

Ironie historique : l’Allemagne nazie avait em­prun­té, en son temps, de nombreux concepts idéo­logiques venus d'Amérique. Ainsi, l’Allema­gne nazie fondait ses requêtes pour réviser le statu quo du Traité de Versailles, d'abord sur le principe d’égalité que le Traité de Versailles avait violé. Les juristes alle­mands ont pris cons­­cience que le droit international en place n’était rien d’autre que l’universalisation de l’hé­gémonie anglo-saxonne, et, partant, la “théo­lo­gi­sation” de l’intérêt national américain en par­ticulier. Ces juristes allemands se sont donc mis à parler d’un nouveau droit interna­tio­nal qui servirait l’intérêt national allemand, comme le droit en place servait les intérêts na­tio­naux américains. Ce nouveau droit, favo­ra­ble aux intérêts allemands, utiliserait égale­ment le concept d'un “nouvel ordre mondial juste” destiné à justifier l’expansionnisme ger­ma­nique et à préparer le renversement du sta­tu quo international, qui s'était établi après la guerre de 14-18.

Les principes de bases de la théologie politique a­mé­ricaine peuvent se résumer comme suit:

◊ a) L’intérêt national des Etats-Unis s'univer­sa­lise dans le but de devenir l’intérêt universel du genre humain ou de la communauté inter­na­tio­nale. Par conséquent, l’expansionnisme im­périaliste américain est alors vu comme un avancement de la race hu­maine, une promo­tion de la démocratie, luttant con­tre le totalita­ris­me, etc. Les intérêts américains, le droit in­ter­national, et la moralité internationale de­vien­nent équivalents. Ce qui sert les intérêts a­mé­ri­cains est posé, avec une incroyable ef­fron­terie, com­me des actes visant ou poursui­vant les desseins de la morale et du droit, dans tous les cas de figure (15).

Délégitimer les intérêts nationaux des autres pays

b) Par conséquent, l’universalisation de l’inté­rêt na­tio­nal américain, sa légitimation transna­tio­nale —u­ne façade allant au-delà de toutes les légitimités concrètes— conduit à délégiti­mer les intérêts natio­naux des autres pays. A travers la doctrine de Mon­roe, les pays latino-américains se voyaient refuser l'ex­pression de leurs intérêts nationaux, du moins ceux qui dif­féraient de ou s'opposaient à l’intérêt na­tio­nal américain. Quoi qu'il en soit, une analyse his­torique objective montre clairement que l’intérêt na­tio­nal authentique des pays latino-a­méricains s'op­po­sent, en règle générale et par nécessité, à l’intérêt national des Etats-Unis. L’effet de la doctrine de Mon­roe était que les pays latino-américains cessent d’exister po­li­tiquement, en devenant des protecto­rats et des nations captives au sens propre du ter­me.

c) Avec le Pacte Briand-Kellog, les Etats-Unis amor­cèrent l'étape suivante dans la globalisa­tion de leur théologie politique. Les guerres me­nées au départ d’intérêts nationaux diffé­rents de ceux des Etats-Unis se voyaient éti­que­tées comme des “guerres d'agression”, tan­dis que les guerres agressives me­nées par les Etats-Unis étaient considérées comme des “guerres justes”. Les réserves émises par les E­tats-Unis quant au Pacte de Kellog revêtent une im­portance particulière : les Etats-Unis se ré­servent le droit d’être seuls juges de ce qui constitue une guer­re d’agression. La doctrine américaine de reconnais­sance et de non-re­con­naissance des Etats est éga­le­ment signifi­ca­tive : les Etats-Unis se réservent le droit d’ê­tre les seuls juges pour décider quel Etat doit être reconnu ou non et quels sont les motifs qui les amènent à reconnaître un Etat ou non. Ces mo­tifs équivalent à l’intérêt national des Etats-Unis. Pour voir à quels dangers et quelle absurdité grotes­que, cette équivalence peut me­ner s'observe dans l’exemple historique de la non-reconnaissance par les Etats-Unis de la Chine après 1949, alors qu'ils re­connaissaient le régime fantoche de Tchang Kai Tchek, qu'ils avaient installé et qu'ils contribuaient à main­te­nir. Les Etats-Unis ont utilisé leur doctrine de non-reconnaissance, bloquant l’admission de la Chi­ne aux Nations Unies, dans le but précis de sa­boter les Nations Unies et aussi pour s’assu­rer, par cet ar­tifice, deux sièges au Conseil de Sé­curité des Na­tions Unies, la Chine de Tchang Kai Tchek leur étant dévotement inféodée.

d) L’utilisation idéologique du concept de guer­re —et les principes de reconnaissance et de non-recon­naissance— mène également à la dés­hu­manisation médiatique des adversaires de l'Amérique : l'ennemi n'est plus un ennemi qui défend à égalité ses inté­rêts nationaux, mais un paria international.

e) La conséquence finale du développement de la théo­logie politique américaine est l’identifi­ca­tion du droit international —le Droit des Na­tions— avec le sy­stème de l’impérialisme amé­ri­cain. La source de ce droit international n'é­tant, dans un tel contexte de "nouvel ordre mondial", plus rien d'autre que la volonté géo­politique et stratégique des Etats-Unis. Un tel "droit international" (?) n’est vraiment plus le Droit des Nations, au sens classique et habi­tuel du terme, mais bien le droit du pays le plus fort, l’in­car­nation de l’hégémonie et de l’ex­pansionnisme amé­ricains. L’intérêt national des Etats-Unis reçoit un sta­tut d'universalité dans le "nouvel ordre mondial" et passe pour re­présenter l’intérêt de la commu­nau­té inter­na­tionale. En outre, les Etats-Unis eux-mê­mes de­viennent un sujet omnipotent et transna­tio­nal, s'universalisent, sans cesser d'être eux-mê­mes et rien qu'eux-mêmes, représentant sans médiation la communauté mondiale tout entière.

Les autres Etats n'existent plus que comme entités non politiques

La théologie politique américaine est incom­pa­tible en soi, non seulement avec le principe de l’égalité des Etats et avec celui de leur souve­rai­neté individuelle, mais aussi avec toute or­ganisation qui se prétend ê­tre une orga­nisa­tion internationale réelle comme les Nations U­nies. Dans le "nouvel ordre mondial", les E­tats ne peuvent exister que comme entités non-po­li­tiques; les prérogatives de toute instance po­li­tique et territoriale concrète et réelle, telle que nous les trouvons énumérées et définies dans et par la ter­mi­nologie de Carl Schmitt, sont réservées uniquement aux Etats-Unis, de même que le droit y afférent, de les exercer. Et une organisation internationale ne peut exister que si elle n'est plus rien d'autre qu'un équivalent fonctionnel de l'Organisation des E­tats A­méricains (OAS), c’est-à-dire qu'une telle organisa­tion internationale ne peut plus être au­tre chose qu'une façade multilatérale pour lé­gitimer le désir hé­gémonique américain. L’hi­sto­rien britannique Ed­ward Hallet Carr re­mar­que, dans son livre, The Twen­ty Years' Crisis - 1919-1939, publié à l’origine en 1939, que, ju­ste un peu avant l’entrée des Etats-Unis dans la première guerre mondiale, dans un dis­cours au Sénat sur les objectifs de la guerre, le Pré­sident Wilson expliquait que les Etats-Unis, ja­dis, a­vaient été «fondés pour le bien de l’hu­ma­nité» (16) (sic!). Wilson affirmait catégori­que­ment: «Ce sont des principes américains, ce sont des politiques amé­ricaines… Ce sont les principes du genre humain et ils doivent pré­dominer» (17). Carr souligne que «les dé­cla­rations de ce personnage viennent es­sen­tiel­lement d’hommes d’Etat anglo-saxons et d'é­cri­vains. Il est vrai, ajoute Carr, que lors­qu’un natio­nal-socialiste important certifiait que «tout ce qui est profitable au peuple al­lemand est juste, tout ce qui fait du mal au peu­ple allemand est mauvais», il pro­posait qua­siment la même équation entre l’intérêt na­tional et le droit universel, équation qui a­vait déjà été établie par Wilson pour les pays de langue an­glaise».

Les deux explications de Carr

Carr a donné deux explications alternatives à ce pro­ces­sus d'universalisation de l’intérêt na­tional particu­lier. La première explication se re­trouve fréquem­ment dans la littérature poli­ti­que des pays continen­taux : elle avance que les peuples de langue anglai­se sont de vieux maîtres dans l’art de concevoir leurs intérêts na­tionaux égoïstes comme l'expression pure et sim­ple du bien général, et que ce genre d’hy­­po­crisie est une particularité spéciale et carac­té­ristique de la façon de penser des Anglo-Sa­xons. La seconde explication était plus sociolo­gi­que : les théo­ries sur la moralité sociale sont tou­jours le pro­duit d’un groupe dominant, qui s’i­dentifie d'emblée à la communauté prise dans son ensemble et qui pos­sède des moyens que ne possèdent pas les groupes ou individus subordonnés pour imposer leur point de vue sur la vie dans la communauté. Les théories de la moralité internationale sont, pour les mê­mes rai­sons et en vertu du même processus, le produit des nations hégémoniques et/ou des groupes de nations dominantes. Durant les cent dernières années, et plus particulièrement de­puis 1918, les nations de lan­gue anglaise ont formé le groupe dominant dans le monde; les théories actuelles de la moralité inter­na­tio­na­le ont été choisies par eux pour perpétuer leur suprématie et se sont généralement d'a­bord ex­primées dans l’idiome qui leur est pro­pre (18).

Le vocabulaire de l'émancipation

Autre aspect important de la théologie politi­que : la pratique de mythifier et d'idéaliser l’ex­pansionnisme américain pour en faire une mo­ralité internationale u­ni­verselle. Quelles sont les caractéristiques de la my­thologie uni­ver­saliste? C’est de transformer la si­gni­fication de la réalité politique classique (ndt : ari­sto­té­li­cienne et nationale-étatique) pour n'en faire qu'une illusion chimérique, de facture répres­sive, et, en conséquence, de neutraliser et de dé­lé­gitimer le langage politico-étatique (natio­nal) ou tout acte de ré­sistance contre l'uni­ver­salisme américain. En d’au­tres termes, la my­tho­logie politique de facture uni­ver­saliste con­siste toujours à confisquer le réel, à l'é­liminer et l'évacuer. Dans ce contexte, le langage ar­­ticulé de l'ère étatique nationale, ou les actes de ré­sistance, affirmés par ceux qui refusent cette logi­que universaliste, offrent peu de ré­sistance, car leur contenu se voit neutralisé par la théologie politique universaliste. Pour pa­raphraser Roland Barthes (19), la théologie politique est expansive; elle s’invente el­le-mê­me sans cesse. Elle tient compte de tout; de tous les aspects des relations internationales, de la di­plomatie, du droit international. Les pays opprimés ne sont rien : ils ne produisent qu'un langage, le cas échéant, celui de leur é­mancipation, or cette éman­cipation a déjà été dé­légitimée à l'avance. L’oppres­seur, en l'oc­cur­rence les Etats-Unis, sont tout, leur langage politico-théologique a été élevé au rang de dog­me. En d’autres termes, dans le cadre de la théo­logie politique, les Etats-Unis ont le droit exclu­sif de produire le méta-langage qui vi­se à pérenniser l’hégémonie américaine. La théo­logie politique, en tant que mythe, nie le caractère empirique de la réa­lité politique; ain­si la résistance à cette théologie hégémonique doit viser à recréer et à émanciper la réalité em­pirique.

Un méta-langage qui accepte pour argent comptant les slogans de la propagande

Durant la marche en avant de l’expansion­nis­me a­mé­ricain, déjà tout entière contenue dans la doctrine de Monroe et dans ses nombreuses extensions, en particulier durant la Guerre Froi­de avec sa justifi­ca­tion idéologique, on pou­vait lire dans des documents tels le NSC-68, qu'une destruction et une idéolo­gi­sation du langage politique devaient s'accomplir et l'ont été. L’histoire de la Guerre Froide a débouché sur le fait que les Américains anglophones sont tom­bés dans le jargon propagandiste de l'ancienne idéo­logie et pratique panaméri­cai­nes, avec sa propen­sion à accepter pour ar­gent comptant les slogans, les simplifications, les mensonges et les clichés pom­peux tels que le "totalitarisme", la "défense de la dé­mo­cra­tie", le "péril rouge", etc.

L’expansionnisme américain et les machina­tions co­lo­niales d’une Amérique perfide ont pré­cisément in­clus de force des sémantèmes nou­veaux dans le lan­gage, des sémantèmes dont Washington avait be­soin pour exprimer ou camoufler vaille que vaille sa sauvagerie, déguisée en universalisme au service du genre humain; l'objectif préventif est de délégitimer toute résistance potentielle et légitimer à l'a­van­ce la conquête et l’hégémonie. Les Etats-Unis ont imposé une subversion planétaire du lan­gage et c'est sur la base de cette gigan­tes­que falsification que l’Améri­que contemporaine a été éduquée.

Un gigantesque mur de mythes

Pour paraphraser George Steiner, les diri­geants de l’Amérique construisent entre l’es­prit américain et la réalité empirique un gigan­tesque "mur de mythes". Au fur et à mesure, les mots ont perdu leur sens ori­ginel et ont acquis les contenus sémantiques propres de la théologie politique universaliste, manipulée par Washington. Le langage est devenu une falsi­fi­cation générale, à tel point qu'il n’est plus ca­pable de saisir ou d’exprimer la vérité. Les mots sont devenus des instruments de men­son­ge et de désinformation, des convoyeurs de fausseté, servant à bétonner l’hégé­monie. «Le langage n’était pas seulement infecté par ces colossales bêtises, il était sommé d'imposer les in­nombrables mensonges [de la propagande]» (20), d’endoctriner et de persuader les Amé­ricains que les nombreux actes visant à mettre des nations entières hors jeu, ainsi que le droit international, que les a­gressions militaires et les crimes de guerre en Co­rée, au Vietnam et, plus récemment, au Panama et en Irak, ont ser­vi la cause des grands principes "hu­manitai­res". La subversion du langage par la théo­logie politique américaine fait en sorte que la vérité empirique ne puisse plus être dite, et érige un mur de silence et de mensonge, qui a pour résultat inat­tendu l’effondrement de la langue anglaise, héritée de l'histoire, au profit du jar­gon panaméricain, pure fabrication récente. Et lorsque la langue « a été pi­quée de menson­ges, seule la vérité la plus crue peut la puri­fier» (21).

Des torrents de parlottes moralisantes

Il est un phénomène américain très étrange que l’on ne retrouve pas en Europe : un Hom­me de Dieu —d’ordinaire un prêtre— qui s’a­vère charlatan. Eh bien, dans l’arène politique, après la fin de la pre­mière guerre mondiale, le Président Wilson était un de ces "Hommes de Dieu" qui voilait l’expansionnis­me américain par des torrents de parlottes morali­santes. Pour Wilson, les Etats-Unis détenaient un rôle, que leur avait dévolu la Providence, celui de di­riger le monde. Le wilsonisme était l’origine et la per­sonnification du totalitarisme améri­cain universa­liste. A présent, dans l’après-Guer­re Froide et l’a­près-Yalta, nous avons af­faire à un nouveau Wilson, un petit Wilson, soit le Président Clinton, qui, à son tour, ré­veil­le le torrent de parlottes moralisantes de son prédécesseur; lui aussi se pose comme "Hom­me de Dieu", et a pris sa place dans la cour­se à l’ex­pan­sionnisme universaliste, de fac­ture néo-wilsonienne, en utilisant la même vieille notion de Destinée Ma­nifeste et la mê­me théologie politique, cette fois sous les ori­peaux du "nouvel ordre mondial". Mais une fois de plus, les concepts de la théologie poli­ti­que universaliste américaine se dévoilent pour ce qu'ils sont : l’opium de la communauté in­ter­na­tio­nale.

Nikolaj-Klaus von KREITOR.

(http://mid.diplomat.ru/wwwb/main/messages/1220.html... ; trad. fr. : LA).

notes :

*Anders Stephenson Manifest Destiny. American expansion and the Empire of Right (Hill and Wang, New-York, 1995).

(1) Hans J. Morgenthau, Politics Among Nations (Alfred A. Knopf, New-York, 1948) p. 64.

(2) Hans J. Morgenthau, Politics Among Nations, ibid., p. 65.

(3) Hans J. Morgenthau, Politics Among Nations, aux édi­tions Stanley Hoffman; Contemporary Theory in Inter­natio­nal Relations (Prentice Hall, Inc, Englewood Cliffs, 1960) p. 61.

(4) Louis A. Coolidge, An Old Fashioned Senator: Orville H. Platt (New-York, 1910) p. 302.

(5) Richard Hofstadter, The Paranoid Style in American Poli­tics (The University of Chicago Press, Chicago, 1965) p. 174.

(6) Richard Hofstadter, ibid. pp. 175, 176, 177.

(7) Claude G. Bowers, Beveridge and the Progressive Era (New-York, 1932), p. 121.

(8) Richard Hofstadter, ibid. p. 177.

(9) Kenneth M. Coleman, The Political Mythology of the Monroe Doctrine:Reflection on the Social Psychology of Domination, pp. 99, 100, 110

(10) M. Coleman, ibid. pp. 97, 103.

(11) M. Coleman, ibid. p. 102. Coleman quotes after Salvado de Madariaga Latin America Between the Eagle and th eBear (Praeger, New-York, 1962) p. 74

(12) Coleman, ibid. pp. 105, 109.

(13) Carl Schmitt, Grossraum gegen Universalismus in Position und Begriffe im Kampf mit Weimar-Genf-Versailles 1923-1939 (Duncker & Humblot, Berlin, 1988) pp. 295-303.

(14) Edward Hallet Carr, The Twenty Year’s Crisis 1919-1939 (Harper Torchbooks, New-York, 1964) p. 78; aussi R.S. Baker Public Papers of Woodrow Wilson: The New Democracy.

(15) Voir sur ce sujet: Kenneth W. Thompson, Toynbee and the Theory of International Poitics, aux editions Hoffman, Contemporary Theory in International Relations, ibid., p. 97.

(16) Editions R. S. Baker, Public Papers of Woodrow Wilson: The New Democracy pp. 318-319.

(17) Edward Hallet Carr, The Twenty Year Crisis, ibid. p. 79; aussi Toynbee, Survey of International Affairs, 1936, p. 319.

(18) Edward Hallet Carr, ibid., pp. 79, 80.

(19) Roland Barthes, Mythologies (Hill and Wang, New-York, 1987) pp. 131, 148, 149.

(20) Georg Steiner, A Reader, (Oxford University Press, New-York, 1984), p. 212.

(21) Georg Steiner, ibid. p. 219.


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mercredi, 13 juin 2007

T. Sunic : Dinamica historica del liberalismo

Dinámica histórica del Liberalismo: del mercado total al Estado total

Tomislav Sunic

El propósito de este texto es examinar críticamente la dinámica histórica del liberalismo y su impacto en las naciones europeas. Este ensayo argumentara a.) que el liberalismo provee hoy un "refugio" ideológico confortable para los miembros de la elite intelectual y dirigente cansados de las disputas ideológicas y teológicas que movieron la política europea durante siglos; b.) que el liberalismo puede converger con el progresismo socialdemócrata en todos los aspectos excepto en el dogma del mercado libre; c.) que el liberalismo crece extendiéndose a todos los aspectos de la vida y a todo el mundo, erosionando gradualmente el sentido de comunidad nacional e histórica que anteriormente había proporcionado al individuo un sentido básico de identidad y de seguridad psicológica. Este texto cuestionara si el liberalismo, pese a su éxito innegable en el plano económico, puede proporcionar un defensa adecuada contra las ideologías no democráticas, o que al provocar ciertas condiciones puede al contrario, inconscientemente estimular su crecimiento. 

Luego de la Segunda Guerra Mundial, el liberalismo y el Marxismo emergieron como las dos ideologías dominantes, como consecuencia de su victoria militar contra su enemigo común, el Fascismo. Esto fue seguido por el conflicto interno entre ambos, en tanto que ambos mantenían que solo su punto de vista y su modelo político era valido, negando tal validez a la tesis de su oponente. Beaud escribe que cuando las ideas liberales y socialistas emergieron, el primero rápidamente se cubrió de cientificismo ("la ley de la oferta y la demanda", "la ley de hierro de los salarios"), mientras que el segundo tendió a degenerar en el misticismo y el sectarismo. [1]

Algunos críticos del liberalismo como el economista francés Francois Perroux, señalaron que según algunos principios liberales extremos, "todo lo que ha sucedido desde el principio de los tiempos puede ser atribuido al capitalismo así como el mundo moderno fue construido por los industriales y mercaderes que consultaban sus cuentas y deseaban aumentar las ganancias."[2] Actitudes subjetivas similares, aunque desde un ángulo ideológico diferente, pueden ser observadas a menudo entre teóricos marxistas, que en sus análisis del capitalismo liberal acuden a juicios de valor colorados por la dialéctica marxista y acompañados por el rechazo de la interpretación liberal de los conceptos de la igualdad y la libertad. "El hecho de que el método dialéctico puede ser utilizado para cada propósito," remarca el filosofo austríaco Alexander Topitsch, "explica la extraordinaria atracción que ha tenido en su diseminación por el mundo, que solo puede ser comparada al éxito propagandístico de la doctrina de los derechos naturales del siglo dieciocho."[3]  No obstante, pese a sus disputas ideológicas, los liberales, neo-liberales, socialistas y "socio-neoliberales" concuerdan, al menos en principio, en tanto que herederos de un racionalismo común en su rechazo de todas las ideologías no-democráticas, especialmente el nacionalismo étnico. A principios de este siglo, Georges Sorel, el teórico francés del anarco-sindicalismo, remarco con ironía que "el intento de protestar contra la ilusión del racionalismo significaba ser considerado inmediatamente como enemigo de la democracia."[4]

El conflicto practico entre las virtudes del liberalismo y el socialismo parece haber llegado a su fin, como lo demuestran algunos de los principales regímenes marxistas que han liberalizado sus economías, aunque el debate ideológico no ha terminado entre los intelectuales. Indudablemente, la popularidad del socialismo marxista ha decaído entre aquellos que han tenido que enfrentar el problema de hacerle funcionar.  En consecuencia, a pesar del hecho de que el apoyo al Marxismo entre los intelectuales occidentales estaba en su cúspide cuando la represión en los países marxistas lo estaba también, hoy parece que el liberalismo ha sido aceptado como un "refugio" para muchos intelectuales, que desilusionados con el fracaso de los países marxistas, sin embargo continúan manteniendo el ethos universalista e igualitarista que el Marxismo compartía con el liberalismo.

Como comenta Francois B. Huyghe, el Estado benefactor aceptado por los liberales ha implementado muchos de los programas socialistas que fracasaron en los países comunistas. [5] Así, el liberalismo económico no solo es popular entre muchos intelectuales ex-izquierdistas (incluyendo numerosos intelectuales de Europa del Este) porque ha dejado resultados económicos tangibles en las naciones occidentales, sino también debido al hecho de que su contraparte socialista ha fracasado en la practica, dejando al modelo liberal como la única alternativa incontestable. "La principal razón por las victorias del liberalismo económico," escribe Kolm, "es el hecho de que todo el funcionamiento erróneo del modelo no-liberal de realización social nos lleva a reconsiderar la realización social alternativa postulada por el liberalismo. Los ejemplos de tales casos abundan en Occidente, como en Oriente, en el Norte y en el Sur." [6] En ausencia de otros modelos exitosos, y en la época de un pronunciado proceso de "despolitización" en toda Europa y Norteamérica, el liberalismo moderno ha resultado ser un modus vivendi común para antiguos enemigos. Pero ¿podemos concluir por consiguiente que el eclipse de otros modelos e ideologías significa el fin de la política e inaugura el inicio de la Era del Liberalismo?

Mucho antes de que el milagro del liberalismo moderno se hiciera obvio, un numero de pensadores habían observado que el liberalismo continuaría teniendo una crisis de legitimidad aunque sus enemigos socialistas y fascistas desapareciesen. [7] En tiempo mas reciente, Serge-Christophe Kolm ha remarcado que el liberalismo y el socialismo no deben ser vistos en oposición dialéctica, sino como complemento uno de otro. Kolm escribe que los ideales del liberalismo y el Marxismo "son casi idénticos dado que ellos están fundados en los valores de la libertad, y coinciden en la aplicación de casi todo, excepto en un tema que es puntual lógicamente, y todavía muy importante en este mundo: el salario, la locación de los individuos y el yo." [8] Algunos han avanzado la hipótesis de que el liberalismo y el socialismo son la cara y la contracara del mismo fenómeno, en tanto que el liberalismo contemporáneo ha logrado, a largo plazo y en una forma no represiva, muchos de aquellos objetivos que el socialismo marxista, empleando métodos represivos, no pudo. Sin embargo, existen algunas diferencias. 

Los ideólogos socialistas no solo temen que la introducción del libre mercado signifique el fin del socialismo, por otro lado el socialismo y el liberalismo difieren fundamentalmente en la definición de la igualdad. Teóricamente, ambos subscriben la igualdad constitucional, legal, política, étnica y social, pero su mayor diferencia esta en sus ideas sobre la distribución de los beneficios económicos, y sus definiciones de la igualdad económica. A diferencia del liberalismo, el socialismo no esta satisfecho con la igualdad política y social, sino que insiste en una distribución igualitaria de los bienes económicos. Marx repetidamente critico la definición liberal de la igualdad de derechos, sobre los que dijo una vez "esta igualdad de derechos es la desigualdad de derechos para los trabajadores. Estos derechos no reconocen la diferencia de clase porque presuntamente todo el mundo es un trabajador como todo el mundo, pero tácitamente reconocen la desigualdad de talentos individuales, y consecuentemente creen que deban darse privilegios según los talentos individuales." [9] Solo en un estado superior de comunismo, luego de que la actual subordinación de los individuos al capital, es decir, después que las diferencias en la repartición de los beneficios económicos hayan desaparecido, los derechos burgueses desaparecerán y la sociedad escribirá en sus fundamentos: "A cada uno según su capacidad, a cada uno según su necesidad." "[10]

A pesar de esas diferencias, se puede decir, en general, que las ideas socialistas siempre han aparecido como satélites y complementos inevitables del liberalismo. Tan pronto como las ideas liberales hicieron sus incursiones en la Europa feudal, el precedente para los apetitos socialistas (unos apetitos que serian muy grandes para ser satisfechos) había sido fijado. Tan pronto como los primeros burgueses aseguraron su posición, liquidando los gremios y las corporaciones feudales y el poder de la aristocracia terrateniente, tuvieron que enfrentarse a los críticos que les acusaban de ahogar las libertades políticas e ignorar la igualdad económica, y de convertir al nuevo campesino desprotegido en un esclavo de la fabrica. En el siglo diecisiete, remarca Lakoff, las ideas burguesas de igualdad y libertad inmediatamente le proporcionaron al cuarto estado (campesinos) una amunición ideológica efectiva, que fue utilizada rápidamente por los numerosos movimientos revolucionarios proto-marxistas.[11] Bajo tales circunstancias de falsa igualdad, no debería sorprendernos que el principal problema para los campesinos era la hipocresía de la burguesía, que exaltaba los derechos a la igualdad en su lucha contra la aristocracia; mientras en el momento en que accedió al poder, prudentemente evito hacer mas declaraciones sobre la igualdad económica. David Thomson remarco con ironía que "muchos de esos que defenderían con su vida los derechos a la libertad y la igualdad (como muchos liberales ingleses y norteamericanos)  no lo harían frente a los ataques al concepto del igualitarismo económico."[12] También, Sorel señalo que en general, el abuso de poder de una aristocracia hereditaria era menos dañino al sentimiento del pueblo que los abusos cometidos por un régimen plutocrático, [13] agregando que "nada arruinaría tanto el respeto a las leyes como el espectáculo de las injusticias cometidas por aventureros, que, con la complicidad de los tribunales, se han hecho tan ricos que pueden comprar a los políticos." [14]

La dinámica de las revoluciones liberales y socialistas se inicio en los siglos dieciocho y diecinueve, una época de gran fermento revolucionario en Europa. La revolución liberal de 1789 en Francia rápidamente abrió el camino para la revolución socialista jacobina de 1792; el "liberal" Condorcet fue suplantado con el "comunista" Babeuf, y el golpe de estado pacifico girondino fue seguido por la avalancha de sangre bajo el terror jacobino y la revuelta de los "sans-culottes."[15] Similarmente cien años después, la Revolución de Febrero en Rusia fue seguida por la revolución de Octubre que sustituyo al socialdemócrata Kerensky con el comunista Lenin. El liberalismo expulso a la antigua aristocracia, liquido las corporaciones de comercio medievales, alieno a los trabajadores, y entonces fue sustituido frecuentemente por el socialismo. Por consiguiente es interesante observar que luego de su competición con su hermano socialista, el liberalismo hoy esta mostrando mejores resultados tanto en el campo económico como ético, mientras que el credo marxista parece estar en su ocaso. Pero, ¿el liberalismo se convertirá en el único modelo aceptable para todos los pueblos de la tierra? ¿Como es posible que el liberalismo, como encarnación del ideal humanitario y del espíritu democrático, haya siempre creado enemigos tanto en la izquierda como en la derecha, aunque por diferentes razones?

Libre Mercado: La "religión" del liberalismo

El liberalismo puede hacer muchos "tratos" ideológicos con otras ideologías, pero en el aspecto donde permanece intransigente es en la promoción del libre mercado y del libre intercambio de bienes y comodidades. Indudablemente, el liberalismo no es una ideología como otras, y además, no tiene el deseo de imponer una visión absoluta y exclusiva del mundo basada en una dicotomía dualista entre el bien y el mal, el proletario y el burgués, y "los elegidos y los no elegidos." Es mas, el ideal liberal no tiene ese telos tan distintivo que es típico del fascismo y del comunismo. A diferencia de otras ideologías, el liberalismo es exceptivo de cualquier concentración de poder, porque ve en la "inflación" de lo político y en el fervor ideológico, los signos del autoritarismo y peor aún, como han argumentado algunos autores, del totalitarismo.[16] El liberalismo parece encajar mejor en una polis secularizada, que Carl Schmitt llamó alternativamente "estado mínimo" (Minimalstaat) o estado neutral.[17] En tal sociedad donde la producción ha sido racionalizada y la interacción humana esta sujeta a una reificación constante, el liberalismo no puede (o no desea) adoptar la misma "voluntad de poder" que caracteriza a las otras ideologías.  Además, es difícil que una sociedad así pueda demandar el sacrifico de sus ciudadanos por los intereses de algún ideal político o religioso.[18]   El libre mercado es visto como un "espacio neutral" (Neutralgebiet), que permite únicamente el conflicto ideológico más minúsculo, que tiene como objetivo superar todos los conflictos políticos, proponiendo que todas las personas son seres racionales cuya búsqueda de la felicidad es sinónimo de la persecución pacifica de su bienestar económico.  En una sociedad liberal e individualista, cada creencia política tarde o temprano es reducida a un "asunto privado" cuyo ultimo arbitro de su veracidad es el individuo. El teórico marxista Jurgen Habermas ha llegado a una conclusión similar, cuando él argumenta que los sistemas liberales modernos han adquirido un carácter negativo: "la política es orientada a la remoción de las disfunciones y riesgos dañinos al sistema; en otras palabras, la política no esta orientada a la implementación de objetivos prácticos, sino a la solución de problemas tecnológicos." [19] El mercado podría así ser visto como una construcción social ideal cuyo principal objetivo es limitar la arena política. Consecuentemente, cada error imaginable en el mercado es explicado como producto del "exceso de política" que impide el libre intercambio de bienes y comodidades. [20]

Una de las frases mas cínicas sobre el liberalismo y el "fetichismo monetario" liberal, no viene de Marx, sino del ideólogo fascista Julius Evola, que una vez escribió: "frente al dilema clásico de elegir entre el dinero o la vida, el burgués paradójicamente respondería lo siguiente: "Toma mi vida, pero ahorra mi dinero." [21]  Pese a su carácter presuntamente agnóstico y apolítico, seria erróneo afirmar que el liberalismo no tiene "raíces religiosas." De hecho, muchos autores han remarcado que la implementación del liberalismo ha sido mas exitosa en aquellas naciones que se han adherido fuertemente al monoteísmo bíblico. A principios de este siglo, el sociólogo alemán Werner Sombart señalo que los postulados económicos y la ética liberal provienen del legalismo judeocristiano, y que los liberales conciben al comercio, el dinero y a la "santa economicidad" ("heilige Wirtschaftlichkeit")  como la vía ideal para lograr la salvación individual espiritual.[22] Mas recientemente, el antropólogo francés Louis Dumont, ha escrito que el individualismo y el economicismo liberal son la transposición secular de creencias judeocristianas, concluyendo que "así como la religión dio nacimiento a una política particular, la política luego engendraría a una cierta economía." [23]

Por consiguiente, escribe Dumont en su libro De Mandeville a Marx, que en la doctrina liberal, la búsqueda individual de la felicidad fue lentamente asociada a la búsqueda del bienestar económico. Él opina que en las sociedades modernas la sustitución del concepto del hombre como ser social por la idea del hombre como individuo fue hecha posible por el judeocristianismo: "fue hecha posible la transición desde un orden social holista (orgánico) a un sistema político organizado por el consenso individual como superestructura en una base económica particular." [24]  En otros términos, la idea de la responsabilidad individual ante Dios, dio nacimiento, luego de un largo periodo de tiempo, al individuo y a la noción de la responsabilidad económica que constituye uno de los ejes del contrato social liberal -- una noción totalmente ausente de las sociedades orgánicas y nacionalistas. [25] Así, Emanuel Rackman argumenta que el judeocristianismo jugo un papel importante en el desarrollo del liberalismo ético en Estados Unidos: "esta fue la única base en la que Thomas Paine pudo fundamentar en sus "Derechos del hombre" el dogma de la Declaración norteamericana de Independencia de que todos los son hombres son creados iguales. Y este dogma es básico en el Judaísmo." [26] Declaraciones parecidas son hechas por Konvitz en Judaism and the American Idea, donde argumenta que la América moderna le debe mucho a las escrituras sagradas hebreas. [27] Feurbach, Sombart, Weber, Troeltsch, y otros han argumentado de forma similar que el judeocristianismo tuvo una influencia considerable en el desarrollo histórico del capitalismo liberal. Por otra parte, sí se considera el reciente éxito económico de los países asiáticos de la costa del Pacifico, cuyo ímpetus expansionista a menudo sobrepasa los logros económicos de las naciones marcadas por el legado judeocristiano, uno no debe igualar el éxito económico únicamente con las formas judeocristianas de la sociedad liberal. 

¿Igualdad de oportunidades económicas o la Oportunidad para ser desigual?

La fuerza del liberalismo y de la economía de mercado reside en el hecho de que el ideal liberal permite, al menos teóricamente, a todas las personas desarrollar sus talentos de la mejor forma que puedan. El mercado ignora toda la jerarquía y diferenciación social, excepto aquellas diferencias que resultan de las transacciones económicas. Los liberales argumentan que todas las personas tienen la misma oportunidad económica, y que consecuentemente, cada individuo, al hacer uso de sus talentos y empeño, determinara su status social. Pero los críticos del liberalismo a menudo señalan que esta forma en si misma  es dependiente de las condiciones bajo las cuales los principios de la "oportunidad económica" pueden tomar lugar. John Schaar afirma que el liberalismo a transformado el espacio social en una área económica, y que tal formula debería entenderse así: "igualdad de oportunidad para todos para desempeñar esos talentos que son valorados altamente por la economía en un tiempo dado." [28] Según la lógica de Schaar, cuando los antojos del mercado determinan que bienes, comodidades o talentos humanos son mas demandados, o mas mercadeables que otros, causa que los individuos que no tienen esos talentos o comodidades experimenten una gran injusticia y un sentimiento de exclusión. "Cada sociedad", Schaar continua, "promueve algunos talentos y rechaza otros. Bajo la doctrina de la igualdad de oportunidades, los hombres que podrán realizarse a si mismos y desempeñar sus habilidades son solo aquellos que hacen lo que la sociedad demanda de ellos." [29]  Esto significa que las sociedades liberales paradójicamente solo funcionaran correctamente cuando sus miembros compartan una cultura (liberal, ciertamente) y unos objetivos en común. Sin embargo, el liberalismo moderno parece querer eliminar las fronteras nacionales y promover la conversión de estados-naciones anteriormente homogéneos en entidades multiétnicas por medio de los desplazamientos migratorios. Así, el potencial para la disgregación e insastifaccion es maximizado por la implementación exitosa de sus principios económicos.

Es mas argumentable decir que el éxito del liberalismo engendra sus propios problemas. Así, como Karl Marx ha notado, en una sociedad donde todo se convierte en una comodidad intercambiable, el hombre gradualmente comenzara a verse a si mismo como otra comodidad intercambiable también. Un individuo medio será cada vez menos capaz de seguir sus propios criterios, valores e intereses personales y mas bien, se enfocara tenazmente en no ser derrotado en la batalla económica, y a estar siempre acoplado con los intereses del mercado. Según Schaar, tal actitud, a largo plazo, puede tener consecuencias catastróficas tanto para el ganador como para el perdedor: "los vencedores empiezan a considerarse a si mismos como superiores a la humanidad común, mientras que los vencidos son forzados a pensar que son menos humanos." [30] Bajo tal presión psicológica causada por una competición económica incesante, y turbados por el temor de que podrían quedar fuera del juego, un numero considerable de personas, cuyos intereses y sensibilidades no son compatibles con las actuales demandas del mercado podrían desarrollar sentimientos de envidia, resentimiento e inferioridad. Muchos entre ellos aceptaran el juego económico, pero muchos, llegaran, poco a poco, a la conclusión de que la forma liberal de la "igualdad" solo aplica en realidad aquellos que son mas exitosos económicamente. Murray Milner, cuyos análisis son paralelos a los de Schaar, observa que bajo esas circunstancias, la doctrina de la igualdad de oportunidades crea una inseguridad psicológica independientemente de cual sea la afluencia material de la sociedad. "Remarcar la igualdad de oportunidades necesariamente hace mas fluida a la estructura del status social y mas ambigua e insegura a la posición del individuo dentro de ella." [31] La lucha sin fin por las riquezas y la seguridad, que parece no tener limites, puede producir resultados negativos, particularmente cuando la sociedad este en camino de sufrir cambios económicos súbitos. Anthony Flew, en forma similar, escribe que "una 'competición' en la que el éxito de todos los competidores es igualmente probable es un juego de azar, no una competición genuina." [32]  Para Milner tal juego económico es impredecible, y "si se extiende indefinidamente, podría llevar al cansancio y al colapso." [33]

Muchos otros autores contemporáneos también argumentan que el mayor desafío para el liberalismo viene del constante incremento del bienestar general logrado por sus éxitos económicos. Recientemente, dos académicos franceses, Julien Freund y Claude Polin han escrito que la sorprendente expansión del liberalismo, que ha resultado en una creciente afluencia general, genera inevitablemente nuevas necesidades económicas y materiales que deben ser satisfechas. Consecuentemente, luego de que la sociedad haya alcanzado un nivel envidiable de crecimiento, la mas ligera crisis económica resulta en una caída perceptible en la calidad de vida, que causa rechazo social y posiblemente movilizaciones y cambios políticos.  

Tomando una posición un poco diferente, Polin remarca que el liberalismo, según la muy valorada doctrina de los "derechos naturales", tiende, a menudo, a definir al hombre como una especie finalizada y completa, que ya no necesita evolucionar, y cuyas necesidades pueden ser predichas racionalmente. Llevado por un deseo inextinguible que hace que él deba actuar en su entorno físico exclusivamente para mejorar sus bienes terrenales, según la ideología liberal él es impulsado a pensar que la única vía posible para realizar la felicidad es poniendo al bienestar material y el individualismo por sobre todo lo demás. [34] De hecho, debido a que la "ideología de las necesidades" se ha convertido en un criterio tácito de progreso en el liberalismo, es argumentable que todas las necesidades materiales de las masas anónimas modernas deben siempre ser "pospuestas", porque nunca serán satisfechas.[35] Es más, toda sociedad que pone una esperanza excesiva en la economía, gradualmente llegara a ver la libertad como una libertad puramente económica y el bien como un bien puramente económico. Así, la "civilización mercantil"  (civilization marchande), como Polin la llama, debe eventualmente convertirse en una civilización hedonista en busca de placer y amor propio. Esos puntos son similares a aquellos mantenidos por Julien Freund, que también vio en el liberalismo la promoción de una sociedad de necesidades imposibles y de deseos insaciables. Él remarca que "la saciedad y superabundancia no son lo mismo que la satisfacción, porque provocan una nueva insatisfacción."[36] En vez de resolver racionalmente todas las necesidades humanas, la sociedad liberal hace aparecer constantemente nuevas necesidades.  Todo sucede, escribe Freund, como si los bien-alimentados necesitarán más que aquéllos que viven en la indigencia. En otras palabras, la abundancia crea una forma diferente de escasez, como si un hombre necesitara de privación e indigencia, "como si el necesitara tener algunas otras necesidades." [37] Uno casi tiene la impresión de que la sociedad liberal deliberadamente provoca nuevas necesidades, generalmente impredecibles, a menudo bizarras. Freund concluye que "mientras mayor sea la racionalización de los medios o de la producción que produzca un incremento en el volumen de los bienes accesibles, mayores serán las necesidades hasta el punto de volverse irracionales." [38]

Esto implica que la dimanica del liberalismo, que continuamente fomenta nuevas necesidades impredecibles, amenaza continuamente los principios filosóficos del mismo racionalismo en el que la sociedad liberal ha construido su legitimidad. En ese aspecto los teóricos socialistas suenan a menudo convincentes cuando argumentan que sí el liberalismo no ha sido capaz de ofrecer la igualdad en la afluencia, al menos el comunismo ofrece la igualdad en la frugalidad!

Conclusión: de la sociedad atomizada al sistema totalitario

El imperialista británico Cecil Rhodes, una vez exclamo: "sí yo pudiera anexaría también los planetas!" De hecho, es una idea muy prometida y bastante digna de los individualistas radicales de Jack London o de los emprendedores de las novelas de  Balzac -- pero ¿puede ser realizada en un mundo en el que la vieja guardia capitalista, como señalo Schumpeter, se ha convertido en una especie en extinción? [39]

Es una incógnita saber cómo el liberalismo realizara su odisea en una sociedad en la que aquellos que son mas exitosos en el plano económico tienen que convivir con aquellos con menos logros económicos, en tanto que sus principios igualitaristas prohiben el desarrollo de un sistema moral que justifique esa jerarquía económica, como aquel que sostuvo la sociedad medieval europea. Aparte de las profecías sobre el ocaso de Occidente, es evidente que es mas fácil crear la igualdad en la miseria económica que la igualdad en la afluencia. Las sociedades socialistas evidencian un grado superior de igualdad en ...la mísera. Pero las sociedades liberales, especialmente en los últimos diez años, han sido enfrentadas por un dilema sin fácil resolución; por un lado, sus esfuerzos para expandir el mercado para crear una economía mas competitiva han causado la marginalización de algún estrato social.  Por otro, sus intentos de crear condiciones mas igualitarias por medio del Estado Benefactor, tienen como consecuencia un desempeño económico mas flojo y el incremento de los controles burocráticos gubernamentales. Como ha sido demostrado antes, la democracia liberal se desvía de la idea de que el "estado neutral" y el libre mercado son presuntamente los mejores obstáculos al avance de las ideologías políticas radicales, y que el comercio, como pensaba Montesqieu, "ablanda los impulsos." Más allá, como resultado del impulso liberal a extender el mercado a nivel planetario, y consecuentemente, a reducir o eliminar todas las formas de proteccionismo nacional contra el flujo de mercancías o de capital, o incluso de mano de obra, el trabajador individual se encuentra en un entorno incomprensible que cambia muy rápido y que es internacional, muy diferente de la sociedad local segura conocida por él en su niñez.

Esta paradoja del liberalismo ha sido descrita muy bien por un lucido observador alemán, el filosofo Max Scheler, que tuvo la oportunidad de observar que el desarrollo errático liberal, primero en la Alemania guillermina y luego en el régimen de Weimar. Él noto que el liberalismo esta condenado a crear enemigos, tanto en el lado derecho como en el izquierdo del espectro político: en la izquierda hace enemigos de aquellos que ven el liberalismo una perversión del dogma de los derechos naturales, y en la derecha, en aquellos que le consideran como una amenaza seria a la sociedad orgánica- comunitaria tradicional. Escribe Scheler "como consecuencia, una gran cantidad de resentimiento aparece en una sociedad como la nuestra, en la cual la igualdad política y otros derechos, es decir, la igualdad social reconocida públicamente, es acompañada de grandes diferencias en poder real, propiedad real y educación real. Una sociedad en la que cada uno tiene el "derecho" a compararse con todos, pese a que en la realidad, el hombre solo puede compararse con nadie."[40] En las sociedades tradicionales según Louis Dumont, esos tipos de razonamientos nunca se desarrollarían en la misma magnitud porque la mayoría de las personas estaban fuertemente arraigadas a sus raíces comunales y al status social que su comunidad les dio. Por ejemplo, India proporciona un caso ejemplar de un país que ha preservado significativamente una comunidad cívica tradicional, al menos en sus pueblos y villas mas pequeñas, a pesar del impacto adverso de su explosión demográfica y del conflicto entre el socialismo gubernamental y el liberalismo del creciente sector industrial de la economía.  A diferencia, en el Occidente mas industrializado, se puede argumentar que la supervivencia del liberalismo moderno depende de su habilidad para "ir mas allá de si mismo" económicamente.

La necesidad de una expansión económica rápida y constante lleva en si las semillas de la dislocación social y cultural, y es esta perdida de "raíces" lo que proporciona el semillero ideal para las ideologías radicales. De hecho ¿como el crecimiento sin control podrá aplacar a los proponentes radicales de los derechos naturales, cuya respuesta típica es que es inadmisible que alguien sea un perdedor y otro un triunfador? Frente a la expansión constante del mercado, el individuo desarraigado y alienado en una sociedad en la que el principal criterio valorativo es la riqueza material, podría tender a sacrificar su libertad por la seguridad económica. No siempre parece convincente que las sociedades liberales sean siempre capaces de sostener el "contrato social" en el que dependen para sobrevivir basándolo en la interdependencia material entre los individuos. La economía podría, a veces, conformar un lazo social fuerte, pero no tiene el poder afectivo emocional (que la vieja nación basada en la familia si tiene) para inducir al sacrificio propio en tiempos de adversidad.

Probablemente, al ligar a los individuos en una interdependencia puramente económica, y al destruir las relaciones mas tradicionales basadas en el parentesco y la comunidad nacional, el liberalismo moderno ha tenido éxito en crear un entorno dónde, en tiempos de adversidad, el individuo económico intentara sobrepujar, ser más listo y superar en estrategia a todos los otros, por consiguiente, preparando el terreno para "el terror del todos contra todos," y para la aparición de nuevos totalitarismos. En otras palabras, el espíritu del totalitarismo nace cuando la actividad económica oscurece todos los otros aspectos de la existencia social, y el "individuo deja de ser un padre, un deportista, un hombre religioso, un amigo, un colega, etc - para convertirse solo en un actor económico."[41] Encogiendo el aspecto espiritual y privilegiando a las actividades económicas, el liberalismo amenaza sus propios principios de libertad, facilitando así enormemente la aparición de las tentaciones totalitarias. Se puede concluir que mientras los valores económicos permanezcan subordinados a los ideales no-económicos, el individuo tiene al menos algún sentido de seguridad independientemente del hecho de que su vida, fuese a menudo, mas miserable económicamente. Con la emergencia subsecuente del mercado anónimo, gobernado por la igualmente anónima mano invisible, en la sociedad anónima, como Hannah Arent alguna vez señalo,  el hombre adquiere un sentimiento de desarraigo y de inseguridad existencial. Por esta razón, las economías liberales modernas del Occidente deben tratar constantemente de asegurar que el milagro económico continúe. En tanto que el éxito económico ha sido convertido en el principal valor moral y los sentimientos comunitarios nacionales han sido tachados de obsoletos, los problemas económicos automáticamente generan una profunda insatisfacción entre aquellos confrontados con la pobreza, que son mas débiles al sentido de "alienación" en el que se ha basado todo el pasado éxito marxista.

Entonces, no se debe excluir la posibilidad de que la sociedad liberal moderna enfrente serias dificultades en algún tiempo futuro al fracasar en ofrecer un crecimiento económico seguro, especialmente, si además continua atomizando deliberadamente a la familia (por ejemplo, reduciendo los matrimonios por medio de un sistema fiscal que favorece el individualismo extremo) y a las comunidades nacionales en beneficio de un único mercado mundial internacional, en conjunto con su acompañante inevitable: el "Hombre internacional." Mientras que cualquier vacilación de la economía mundial, ya bajo presión de la explosión demográfica del Tercer Mundo, podría llevar considerablemente a un resurgir de los totalitarismos de derechas en algunos lugares, es mucho mas probable que en una sociedad internacionalizada el nuevo totalitarismo vendrá de la Izquierda, en la forma de un resurgir del "experimento marxista", que prometería un paraíso económico a una población que ha sido enseñada durante décadas que los valores económicos son los únicos valores que importan.  Precisamente porque los "trabajadores del mundo" se verán a si mismos como un proletariado internacional alienado, tenderán a favorecer al totalitarismo marxista internacional, y no a otros movimientos políticos radicales.

Notas:

  1. Michael Beaud, A History of Capitalism 1500-1980 (Paris: New York: Monthly Review Press, 1983), p. 80. [Back]
  2. Francois Perroux, Le capitalisme (Paris: PUF, 1960), p. 31. [Back]
  3. Ernst Topitsch "Dialektik - politische Wunderwaffe?," Die Grundlage des Spatmarxismus, edited by E. Topitsch, Rudiger Proske, Hans Eysenck et al., (Stuttgart: Verlag Bonn Aktuell GMBH), p. 74. [Back]
  4. Georges Sorel, Les illusions du progres (Paris: Marcel Riviere, 1947), p. 50. [Back]
  5. Francois-Bernard Huyghe, La Soft-ideologie (Paris: Laffont, 1988). See also, Jean Baudrillard, La Gauche divine (Paris: Laffont, 1985). Para una polemica interesante sobre "la traición de los intelectuales ex-comunistas convertidos al liberalismo," ver Guy Hocquenghem, Lettre ouverte a ceux qui sont passes du col Mao au Rotary (Paris: Albin Michel, 1986). [Back]
  6. Serge-Christophe Kolm. Le liberalisme moderne (Paris: PUF, 1984), p. 11. [Back]
  7. Carl Schmitt, Die geistegeschichtliche Lage des heutigen Parlametatarismus (Munchen and Leipzig: Verlag von Duncker and Humblot, 1926), p. 23. [Back]
  8. Kolm, op. cit., p. 96. [Back]
  9. Karl Marx, Kritik des Gothaer Programms (Zurich: Ring Verlag A.G., 1934), p. 10. [Back]
  10. Ibid. , p. 11. [Back]
  11. Sanford Lakoff, "Christianity and Equality," Equality, edited by J. Roland Pennock and J. W. Chapmann, (New York: Atherton Press, 1967), pp. 128-130. [Back]
  12. David Thomson, Equality (Cambridge: University Press, 1949), p. 79. 13. Sorel, op. cit., p. 297. [Back]
  13. Sorel, op. cit., p. 297. [Back]
  14. Loc. cit. [Back]
  15. Theodore von Sosnosky, Die rote Dreifaltikeit (Einsiedeln: Verlaganstalt Benziger and Co., 1931). [Back]
  16. cf. Raymond Aron, Democracy and Totalitarianism (New York: Frederick A. Praeger Publishers, 1969), p. 194 and passim. [Back]
  17. Carl Schmitt, Der Begriff des Politischen (Munchen and Leipzig: Verlag von Duncker and Humblot, 1932), p. 76 and passim. [Back]
  18. Ibid. , p. 36. [Back]
  19. Jurgen Habermas Technik and Wissenschaft als Ideologie (Frankfurt: Suhrkamp Verlag, 1968), p. 77. [Back]
  20. Alain de Benoist, Die entscheidenden Jahre, "In der kaufmannisch-merkantilen Gesellschaftsform geht das Politische ein,"(Tubingen: Grabert Verlag, 1982), p. 34. [Back]
  21. Julius Evola, "Proces de la bourgeoisie," Essais politiques (Paris: edition Pardes, 1988), p. 212. First published in La vita italiana, "Processo alla borghesia," XXV1II, nr. 324 (March 1940): 259-268. [Back]
  22. Werner Sombart, Der Bourgeois, cf. "Die heilige Wirtschaftlichkeit"; (Munchen and Leipzig: Verlag von Duncker and Humblot, 1923), pp. 137-160. [Back]
  23. Louis Dumont, From Mandeville to Marx, The Genesis and Triumph of Economic Ideology (Chicago: The University of Chicago Press, 1977), p.16. [Back]
  24. Ibid., p. 59. [Back]
  25. cf. L. Dumont, Essays on Individualism (Chicago:The University of Chicago Press, 1986). [Back]
  26. Emanuel Rackman, "Judaism and Equality;' Equality, edited by J. Roland Pennock and John W. Chapman (New York: Atherton Press, 1967), p. 155. [Back]
  27. Milton Konvitz, Judaism and the American Idea (Ithaca and London: Cornell University Press, 1978). El jurista aleman Georg Jellinek tambien argumenta en  Die Erklarung der Menschen-and Burgerrechte (Leipzig: Duncker and Humbolt, 1904), p. 46,  que "la idea de establecer legalmente los derechos inalinables, sagrados e inherentes de los individuos no s de origen politico, sino religioso." [Back]
  28. John Schaar, "Equality of Opportunity and Beyond," in Equality, op. cit. , 230. [Back]
  29. Ibid., p. 236. [Back]
  30. Ibid., p. 235. [Back]
  31. Murray Milner, The Illusion of Equality (Washington and London: Jossey-Bass Inc. Publishers, 1972), p. 10. [Back]
  32. Antony Flew, The Politics of Procrustes (New York: Promethean Books, 1981), p. 111. [Back]
  33. Milner, op. cit., p. 11. [Back]
  34. Claude Polin, Le liberalisme, espoir ou peril (Paris: Table ronde, 1984), p. 211. [Back]
  35. Ibid. p. 213. [Back]
  36. Julien Freund, Politique, Impolitique (Paris: ed. Sirey, 1987), p. 336. Also in its entirety, "Theorie des besoins," pp. 319-353. [Back]
  37. Loc. cit. [Back]
  38. Ibid., p. 336-337. [Back]
  39. Joseph Schumpeter, Capitalism, Socialism and Democracy (New York: Harper and Row, 1975), p. 165 and passim. [Back]
  40. Max Scheler, Das Ressentiment im Aufbau der Moralen (Abhandlungen and Aufsazte) (Leipzig: Verlag der weissen Bucher, 1915), p. 58. [Back]
  41. Claude Polin, Le totalitarisme (Paris: PUF, 1982), p.123. See also Guillaume Faye, Contre l'economisme (Paris: ed. le Labyrinthe, 1982). [Back]
  42. Hannah Arendt, The Origins of Totalitarianism (New York: Meridian Book, 1958), p. 478. [Back]
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mardi, 12 juin 2007

Aux origines de l'Europe

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Aux origines de l'Europe

 

Aussi loin que nous remontions dans le passé, nous bai­gnons dans une culture commune à tous les européens. Dé­nommée “Religion Cosmique”, son axe principal est un sy­stème de trois cycles, de trois couleurs puis de trois fonc­tions. Cette religion est à la base d’une conception globale de la société qui s’est transmise d’âge en âge au moyen de my­thes, légendes et contes, voire de données historico-légendaires.

 

CYCLE COSMIQUE ET STRUCTURE SOCIALE

 

Les cycles temporels sont au centre de la vision commune. Le premier cycle est celui de la nuit, du jour, du binôme au­ro­re-crépuscule. L’année est le second cycle composé d’une par­tie diurne, la belle saison, d’une partie nocturne, la ténè­bre hivernale, d’une aurore (le printemps) et d’un crépuscule. Le cycle cosmique est la succession d’une nuit, le chaos, d’une aurore, l’âge d’or, d’un jour et d’un crépuscule qui, à son terme, l’âge sombre, aboutit à une nouvelle nuit.

Les couleurs des trois cieux sont : le blanc du ciel du jour (le blanc est la couleur des nuages) ; le noir du ciel nocturne qui est aussi la couleur de la terre ; le rouge qui renvoie à la notion de coupure : ce qui est coloré en rouge désigne le ciel auroral ou vespéral.

Le ciel du jour qualifie les Dieux souverains qui n’ont aucun pouvoir en dehors du jour et de la belle saison, tels Zeus en Grèce ou Jupiter à Rome. Le ciel nocturne est habité par les Dieux nocturnes et les esprits des morts. Le ciel étoilé des Grecs s’appelle Ouranos et Wotan chez les Germains. Le cré­puscule et l’aurore sont des coupures entre les deux pré­cé­dents. Pour cette raison, le dieu Cronos est castré, et de nom­breuses déesses puis héroïnes représentent les divini­tés du ciel rouge auroral ou vespéral. Leur diversité corres­pond exactement à la situation d’intermédiaire. Les Aurores, d’Aphrodite à la Belle au bois dormant, sont les garantes du retour de l’ordre selon une séquence cohérente: le dieu du jour est rallié par l’Aurore ; le souverain nocturne est évincé ; le jeune Dieu solaire naît.

La société humaine est considérée comme triple. Ses deux premiers composants, le blanc et le rouge, forment la cou­che supérieure. Le blanc est la couleur du principe spirituel sur lequel repose la souveraineté religieuse et magique. Le groupe supérieur, dont la couleur est le blanc, est doté de “ lumineuses” qualités : clarté, bonté, sagesse. Le rouge est la couleur du principe d’ardeur et de passion constitutif de la force et notamment de la force dans les combats. L’union des deux couleurs symbolise l’existence d’une élite sans la­quelle la société ne serait qu’une masse informe. Les trois couleurs des trois cieux sont associées à des principes spiri­tuels et cosmiques qui trouvent leur correspondace dans l’organisation sociale harmonieuse des trois fonctions.

 

LA PRÉOCCUPATION POUR l’HARMONIE, FOND COMMUN DES BONS EUROPEENS

 

La religion cosmique commune se définit aussi comme re­ligion de la vérité, car est vrai ce qui est concordant, bien ajusté. Le retour régulier des saisons, et notamment de la belle saison, est une image de la vérité. L’ajustement correct en tant que définition de la vérité est une caractéristique profonde de la civilisation européenne. C’est en effet l’idée de recherche de la vérité et la préoccupation d’être un bon technicien pour ajuster les cycles, qui a conditionné en Eu­rope l’essor prodigieux de la science et de la technique puis façonné l’espit critique et philosophique. Il n’y a pas de corps de vérités toutes faites, surtout si elles doivent être imposées par un pouvoir politico-idéologique.

 

L’harmonie est une préoccupation quotidienne car il s’agit d’un idéal qui norme le comportement. Le cheminement vers la vérité ainsi que la recherche du comportement conforme à sa position sociale et à ses fonctions se raniment tous les matins au lever du soleil, chaque année pour chasser la ténèbre hivernale, au cours du temps pour lutter contre le chaos. Il nous faut affronter aujourd’hui comme hier le men­son­ge, les mauvais esprits, les forces du néant et notam­ment celles du dissensus. Depuis l’origine des temps, c’est le rôle et la grandeur des hommes d’élite que de restaurer l’har­monie au sein de notre continent.

 

Frédéric VALENTIN.

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lundi, 11 juin 2007

Sur la fête de l'Aurore

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Sur la fête de l’Aurore

 

Il est probable qu'une troisième classe de divinités s’insérait initialement entre celle du ciel diurne et celle du ciel nocturne : les divinités du ciel rouge, auroral et crépusculaire, en particulier les Aurores (1). L'intention d'une fête de l'Aurore a donc une certaine ambiguïté : soit elle vise à encourager l'Aurore contre l'offensive imminente du temps nocturne ; soit à renforcer l'Aurore contre sa propre lassitude.

 

Dans la religion cosmique, l'Aurore est l'intermédiaire obligé entre tous les dieux. Aussi, tantôt elle est une actrice énergique qu'il est très difficile de se concilier, surtout lorsque les rencontres qu'elle agence ont un caractère militaire, tantôt elle est l'objet de sévères disputes entre les deux forces qui la convoitent. En fait, l'Aurore est à la fois une déesse fille, mère et épouse des dieux, notamment ceux du ciel diurne.

 

Hiérogamie

 

Homère, dans le chant 14 de l'Iliade, narre l'union de Zeus et d'Héra sur le sommet du Gargaros. Schéma mythique : la scène se passe au printemps. Le retour du printemps est symbolisé par l'union amoureuse des deux divinités. Le lieu, la montagne, est essentiel. Il existe par exemple une " montagne de l'année ", le Lycabette dont le nom s'explique par le souvenir d'une liaison entre l'année et la montagne. La « montagne » de l’année est celle où se manifeste le retour du soleil : celle dont sortent les « Aurores de l’année ».

 

Le mythe de Vala

 

Selon le Veda, un être mythique, Vala, retient prisonnier dans une caverne les éléments de la création. Vala prospère grâce à cette rétention. Il faut qu'il soit assiégé par un Dieu armé de la parole et accompagné d'un chœur (le récit affirme qu'ils sont sept) pour que, fracturé par la parole, il relâche les biens de la création (2).

 

La caverne de Vala apparaît comme un enclos qui abrite les forces vitales entre deux cycles. Un tel lieu pourrait être connu par les mythologies de plusieurs peuples indo-européens. En Europe du Nord, les éléments qui permettront une vie nouvelle après la destruction du monde, lors du Ragnarök, sont sauvegardés dans le Gimlé. Puisque Vala symbolise l'hibernation de la Création accompagnée de l'affaiblissement de la nature, Vala fracturé c'est l'assurance du retour de la vie, du printemps. Ce retour est représenté par la délivrance des Aurores, les vaches d'abondance.

 

L'Aurore crée une filière

 

Selon les linguistes, il devait exister une formule indo-européenne : " Fendre la montagne par la formule pour faire luire la lumière cachée ". A partir de cette formulation, un réseau d'homologies est établi entre : lumière ; éveil ; vitesse vigueur et courage ; victoire. Parallèlement il existe une homologie entre chanter et luire.

 

L'Aurore, captive de la nuit silencieuse, est accompagnée de bruissements de la nature lorsqu'elle parait. D'où l'association entre l'apparition de la lumière et le bruissement, la rumeur matinale. Par inversion de l'effet et de la cause, le chant (ou bruissement) a délivré l’Aurore des ténèbres.

 

Selon les hymnes védiques à USAS l'Aurore, celle-ci préside au retour de la lumière solaire. En tant que bonne déesse, l'Aurore prodigue elle même ses dons, tout ce qui permet de subsister et d'être heureux. L'Aurore introduit la lumière en tant qu'éclairante, opposée à l'obscurité. Elle ouvre la succession des rites : elle met en rapport les dieux et leurs fidèles. Mais, simultanément, elle ouvre une longue saison avec un contenu incertain, imprévisible. En éclairant, elle éveille les acteurs de la comédie humaine et elle leur propose leur action. Elle ramène à la vue et à la mémoire les fins et les moyens de l'action de chacun, en sorte qu'elle entretient un rapport avec la déesse romaine Fortuna.

 

Rome et Mater Matuta (3)

 

Le jour romain commence à minuit et l'année débute après le solstice d'hiver car il existe une "bonne" obscurité, grosse du soleil, transmettant à l'Aurore l'enfant lumineux en train de naître. L'Aurore est considérée comme la mère adoptive du Soleil : elle le recueille. Ici, nuit et aurore ont en commun une œuvre maternelle. Ces “sœurs” sont des mères collaborantes. Soit elles sont les deux mères d'un même enfant, le Soleil (ou le Feu céleste}; soit l'Aurore prend livraison du fils de la nuit et le soigne à son tour (le Soleil étant remplacé, en Inde, par le Feu des offrandes).

Le service de la déesse se décompose en deux temps.

-           Aux matralia (11 juin), deux actions sont effectuées : Négative, chasser l'obscurité ; positive, recevoir le jeune soleil. Mater Matuta est la protectrice du plus brillant des nouveaux-nés, donc protectrice d'une catégorie de jeunes enfants.

 

-           Deux jours après, les Aurores récalcitrantes ( rôle tenu par des travestis), sont ramenées malgré elles et par ruse, à leur devoir .

Ovide signale que le jour des Matralia, les mères offrent des gâteaux en forme de roue, cuits dans un moule, et de couleur jaune. Cela se réfère à la naissance du soleil.

 

Conclusion

 

L'Aurore est à la fois : la compagne des guerriers (éveil, courage) ; celle des poètes (fendre la montagne par la formule); la porteuse de dons (bienfaits de la lumière opposée aux ténèbres) ; la garante du bon ordre du monde (une fois le souverain nocturne évincé, le jeune Dieu solaire peut naître). Ces multiples aspects sont à intégrer dans la fête de l'Aurore qui demande aussi que l'on choisisse entre la "montagne de l'aurore", ou la "fracture de la caverne" comme rite inaugural.

 

Frédéric VALENTIN.

 

(1) Jean HAUDRY : La religion cosmique des Indo-Européens. Arché,

Les Belles Lettres, 1987.

(2) Patrick MOISSON : Les dieux magiciens dans le Rig-Veda. Archè-Edidit. 1993, p.36 et suivantes.

(3) Georges DUMEZIL : Mythe et Epopée, III, 2°partie : la saison de l'Aurore. Gallimard, 1990.

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dimanche, 10 juin 2007

J. Conrad, voyageur au bout de l'être

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Joseph Conrad, le voyageur au bout de l'être

 

On ne peut évoquer l'aventure en littérature sans se pencher sur le cas Conrad. Mais, avec lui, on s'éloigne radicalement des romans de marins de Stevenson et la seule île au trésor est celle de l'esprit, le trois-mâts, conquérant des sept mers devient le véhicule de la pensée de Conrad et le prétexte pour une aventure introspective.

Joseph Conrad aimait à se définir comme un romancier qui a été capitaine au long cours plutôt que comme un capitaine en retraite écrivant des romans, son expérience de la vie maritime ne constituant en réalité qu'une trame de fond pour une œuvre d'une autre nature. Ainsi, bien que la fiction de son œuvre épouse largement la réalité des événements vécus par lui ou portés à sa connaissance, son récit est avant tout celui de la vie intérieure, des sentiments et des sensations d'une humanité confrontée aux forces naturelles et de ce qui en résulte. Si l'œuvre de Joseph Conrad parcours toutes les mers du globe, la véritable aventure est celle d'une âme mise à nu et de sa place dans le monde, consciente de ses possibilités, rongée par le doute et libre de ses choix. C'est cette dimension de l'homme où la réflexion précède l'action qui est la véritable mesure du « vrai » dans la pensée de Conrad et lui-même sait « qu'un auteur vit dans son œuvre. Il est là, seule réalité d 'un monde fictif; parmi des choses, des événements, des gens imaginaires. En, les décrivant, il ne fait que se décrire lui-même. »

Si la forme de l'œuvre conradienne est une retranscription de son expérience maritime, le fond est imagination pure car « Ce n'est que dans l'imagination des hommes que toute vérité trouve une réelle et indéniable existence. L'imagination, non l'invention, est la maîtresse de l’art comme de la vie ». Et comme : « L'inspiration vient de la terre, qui a un passé, une histoire, un avenir, non du ciel froid et immuable », l'appréhension du monde qui en résulte est soumise à une identité culturelle définie et non à une Raison universellement innée. Donc, si à la lumière de la vie de l'homme s'étire l'ombre de sa pensée, il convient de jeter un regard sur ses origines:

Des origines polonaises et nationales-révolutionnaires

De son vrai nom Teodor Jozef Konrad Korzeniowski, il naît en 1857 à Terechowa, ville polonaise alors sous administration russe, dans une famille catholique et activiste patriote, précision qui serait un pléonasme concernant les Polonais (et les Irlandais) selon Jean Mabire, il est déporté en même temps que ses parents en Sibérie et deviendra orphelin à l'âge de onze ans. Recueilli par un oncle maternel, il s'embarque à dix-sept ans comme matelot à bord d'un voilier. Lié au milieu des activistes carlistes, du nom du prétendant légitimiste à la succession d'Espagne, il s'adonnera à la contrebande d'armes et tirera de cet épisode de sa vie matière à un roman d'inspiration largement autobiographique: La flèche d'or. Après être devenu lieutenant, il obtient la nationalité britannique, retourne pour quelques mois en Pologne où il est accueilli chaleureusement, passe son brevet de capitaine, débarque définitivement après avoir passé une vingtaine d'années sur les mers et devient écrivain. En tant que sujet britannique, Conrad choisira de s'exprimer dans la langue de Shakespeare, choix qui lui imposera une véritable torture intellec­tuel­le pour chaque phrase sortie du néant. Sa carrière littéraire dure une tren­taine d'années environ et il meurt en 1924 et est enterré à Can­torbéry.

Passé directement de l'état de victime dans une société sous admi­nistration étrangère à celui d'acteur dans une civilisation impé­rialiste et colonisatrice, de la solitude contrainte par la suspicion d'é­tat à celle des voyages en mer et surtout de la précarité d'un destin sou­mis à des événements incertains - I'incertitude précaire du mo­ment se révélant souvent être propice au dévoilement des âmes et des comportements - Conrad peut développer une scrupuleuse capacité d'observation du monde des hommes, adoptant le ton d'un relati­vis­me neutre et radical passé à l'aune d'un détachement moral, le dé­ta­chement désignant en fait une réalité aussi étrangère à celle de l'indifférence que peut l'être celle de neutralité à la modération, la tié­deur, l'esprit de conciliation d'un conformisme bien-pensant. C'est sur l'axe qui va du neutre, qui ne s'engage pas, au radical, qui ne tran­sige pas sur l'essentiel, que prend place l'expression de la libre pensée de l'exilé polonais devenu voyageur anglais, se gardant la possibilité de passer de l'un à l'autre au gré des conditions et des difficultés rencontrées.

Une valeur cardinale : la fidélité

Si l'absence d'un véritable engagement envers une quelconque idéologie a permis à certains de ses biographes de dénier à Conrad la possession de la moindre pensée cohérente, tout au plus de quelques vagues opinions, c'est en réalité le scepticisme qui est le point central, la pierre d'achoppement de la perspective conradienne. Mais ce scepticisme, loin d'entraîner l'aigreur et la désespérance est en fait le catalyseur lui permettant de jeter un regard contemplatif sur un « univers conçu comme un pur spectacle » et capable de dépas­ser le réel ou l'apparent pour atteindre le vrai. « Le scepticisme, le tonique des esprits, le tonique de la vie, l'agent de la vérité - la voie de l’art et du salut ». Mais si pour le biographe Albert Guérard, « Une vision moralisante et conservatrice de la vie était pour Conrad une seconde nature et tenait en échec un fort penchant au scepticisme et de forts élans de révolte » ; le scepticisme est également le moyen pour Conrad d'éviter l'écueil des vérités absolues d'une société victorienne mercantile, sûre d'elle-même et dominatrice, et dont les lois sont à l'opposé des convictions de Conrad puisque, comme il le déclare : « Ceux qui me lisent savent ma conviction que le monde, le monde temporel, repose sur quelques idées très simples, si simples qu'elles doivent être aussi vieilles que lui. Il repose notamment, entre autres choses, sur l'idée de fidélité. ». Cette fidélité, qui est la cause de tout engagement durable, mais aussi celle qui lui permet de maintenir un lien avec la tradition des siens et leur combat, comme le marin perdu en mer se cramponne à la bouée de sauvetage, fidélité entière et totale, même si ses compatriotes lui ont souvent reproché son exil volontaire hors de sa patrie d'origine car, pour Conrad, « La fidélité à une tradition particulière persiste à travers les événements d'une existence qui ne lui est pas liée, tout en suivant scrupuleusement le chemin tracé par une impulsion inexplicable » et dans les abords de ce chemin se démarque « Une vue impartiale de l'humanité à tous ses degrés de splendeur et de misère, jointe à un respect particulier pour les droits des non-privilégiés de ce monde, non pour des raisons mystiques, mais par simple solidarité et par un honorable esprit d'entraide, fut le caractère dominant de l'atmos­phè­re intellectuelle et morale des maisons qui abri­tè­rent mon enfance hasardeuse et constitua l’objet d'une con­viction sereine et profonde, durable et cohérente, aussi éloignée que possible de cet huma­nita­risme qui semble seulement l'effet d'un déséquilibre nerveux ou d'une conscience morbide ».

La fidélité et la solidarité, lois fondamentales pour la survie des ma­rins en mer, marquées dans leur cœur plutôt qu'au fronton des capitaineries, sont également nécessaires à l’écrivain en quête de vé­rité et, dans tous les cas, garants contre l'individualisme, l’indé­pen­dance égoïste, l’idée que l'homme serait une unité se suffisant à elle-même mue par des motifs de concurrence, qui donne l'utilitarisme en éthique et le libéralisme en économie (Jacques Berthoud, cf. biblio­graphie).

Le sens de l'honneur

Avec la fidélité et la solidarité, c'est le sens de l'honneur qui est l'un des thèmes majeurs de la pensée de Conrad puisqu'il reviendra à plusieurs reprises parmi les romans les plus importants de l'auteur. Le premier d'entre eux, La folie Almayer est le récit de la déchéance d'un marchand néerlandais promis à un bel avenir mais qui, au fur et à mesure qu'il s'enfonce dans les terres inconnues, se déshonore et devient la risée de tout le comptoir colonial, finit par vendre de la poudre à ceux qui contestent la présence des siens et meurt, seul et dérisoire dans l'attente d'un hypothétique coup du sort censé le mettre en présence d'un trésor. D'honneur perdu, il est encore question dans Lord Jim, I'histoire d'un jeune marin, commandant en second d'un navire rempli de passagers qu'il abandonne lâchement à leur sort et qui se défend des accusations portées contre lui devant Marlow, personnage récurent, probable alter ego de Conrad, solidaire de l'accusé malgré son ironie et sa distanciation.

D'une manière générale, les récits de Conrad sont matières propices à dévoiler toute une galerie de personnages présents pour évoquer toutes les gammes de comportement possible sous ces degrés de latitude et leurs contradictions mutuelles. Par exemple, la fille d'Almayer, métisse indonésienne, incarnation symbolique du choix donné à tous entre une civilisation marchande occidentale rendue pré­caire par la concurrence et celle, tout aussi précaire mais bien plus gratifiante des guerriers (malais en l'occurrence). Mais si le discours de Conrad n'a pas sa place dans le débat sur l'inégalité des races, il réduit à néant également celui sur l'éventuelle supériorité d'une civilisation sur les autres, maladie honteuse de la social-démocratie occidentale et des héritiers universalistes de Jules Ferry, d'autant qu'il est étranger à tout exotisme rousseauiste.

L'homme moderne indifférent et inconséquent

D'ailleurs, chez Conrad, les Européens sont autant guerriers (sans aucun rapport avec le citoyen conscrit, habituelle chair à canons des guerres économiques qui le dépassent) que les Malais peuvent être domestiques, comme en témoigne Tom Lingard, légataire d'Almayer, et, à l'opposé de Chester, marchand invétéré invitant le lord Jim aux promesses de richesse d'une île à guano, le personnage du Dr Stein, véritable entomologiste de choc, explorateur et guerrier capable de se défendre lui et les siens, philosophe à ses heures et initiateur de la réintégration du jeune lieutenant dans son honneur et que certains ont rapproché de la figure de Merlin ou de Prospero. On le voit, le monde issu de l'imaginaire conradien, donc représentation vitale du vrai, est celui des opposés qui réfute le modèle universel d'un monde des contraires forcément manichéens et qui ne peut aboutir qu'à la diabolisation de l'un des éléments par son antagoniste. Chez Con­rad, le choix est toujours possible sans exclusion (le Dr Stein est également commerçant) et va jusqu'aux figures extrêmes repré­sentées dans Au cœur des ténèbres sous les yeux de Marlow par Kurz, guerrier retombé dans le primitivisme et par le directeur du comp­toir congolais, fonctionnaire comptable zélé et déshumanisé. Mais des deux, c'est paradoxalement Kurz qui, au long du récit, garde à l'esprit la prégnance de l'esprit occidental tandis que le directeur, homme pratique et technocratique est transposable dans toutes les civilisations sans que son caractère en soit affecté. Mais si Kurz est coupable de trahir la civilisation européenne en l'aban­don­nant, le directeur est un homme qui a su régresser avec son temps pour devenir le prototype de l'homme moderne indiffé­rent et inconséquent, archétype de la civilisation du Progrès.

L'œuvre du romancier Conrad est donc d'abord celle d'un penseur de l'homme et de ses contradictions. S'il annonce déjà Céline et sa description dans Voyage au bout de la nuit, de la déliquescence de la civilisation européenne sous les tropiques, il demeure fonda­men­tale­ment optimiste en faisant également sienne la vision nietz­schéenne de l’homme, ce ruisseau chargé des alluvions de ses vices et de ses faiblesses cherchant parfois à atteindre à son embouchure la mer de la surhumanité. Mais Conrad n'est ni juge, ni parti et ce qui découle de son œuvre c'est avant tout le choix, celui qui est donné à la plupart de ses personnages et notamment à Marlow, double imaginaire (selon sa propre définition de l’imaginaire) de l'auteur qui, au cours de ses pérégrinations, est amené à observer et à évaluer les hommes et par cet intermédiaire, à faire évoluer son propre caractère pour faire surnager le vaisseau de son propre esprit sur les mers de la contradiction. C'est la garantie de ce choix, qui évite à l'homme de sombrer avec les esprits suffisants et « La troupe vaste de ceux qui manquent complètement d'imagination, de ces êtres au regard vide et aveugle desquels [...] l'univers entier s'évanouit dans un néant total », totalement inaptes à atteindre « notre véritable tâche à nous, les hommes, dont les jours sont comp­tés sur cette terre, lieu d'opinions contradictoires [...] Tâche où le des­tin n'a peut-être rien engagé de nous que notre conscience, douée de voix af in de témoigner véridiquement du miracle visible, de la terreur obsédante, de la passion infinie et de la sérénité sans limite; de la loi suprême et du mystère immuable du spectacle su­blime ».

Frédéric SCHRAMME.

Bibliographie sur Joseph Conrad:

◊ Des souvenirs; récits, Gallimard 1912

◊ La folie Almayer; roman, Gallimard 1919

◊ Lord Jim; roman, Gallimard 1921

◊ Au cœur des ténèbres; nouvelles, Gallimard 1925

◊ La flèche d'or; roman, Gallimard 1918

Jacques Berthoud:

◊ Joseph Conrad: Au cœur de l'œuvre; Criterion 1992.

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samedi, 09 juin 2007

Futuristi e rivoluzione alimentare

I futuristi e la rivoluzione alimentare

http://www.argonline.it/territori/territorio_dieci/futuristi.html

Dall'abolizione della pastasciutta, "assurda religione gastronomica italiana", ai cibi in pillole: le teorie e la storia del Manifesto della cucina futurista

Tutte le avanguardie storiche del Novecento appaiono debitrici verso il Futurismo. Esso è stato il primo movimento a predicare con lucida consapevolezza l'inevitabile necessità di una rivoluzione totale della forma come reazione vitale alla crisi profonda che si stava sviluppando dentro l'epoca. Nel Manifesto Futurista, al punto 6, si legge: "Bisogna che il poeta si prodighi, con ardore, sfarzo e munificenza, per aumentare l'entusiastico fervore degli elementi primordiali".1 Ciò significa, come avviene anche nel Surrealismo o nell'Espressionismo, che è compito dell'artista tuffarsi nella profondità più viscerale del proprio essere, per riportare alla luce quelle antichissime forze primigenie con cui plasmare un nuovo parametro di forma, che vada oltre il pantano della storia e le sue mortifere strutture. Il mondo allora è decostruito e ricostruito da capo, secondo una nuova declinazione della forma che coinvolge tutto. In Democrazia futurista, Marinetti scrive: "L'arte è per noi inseparabile dalla vita. Diventa arte-azione e come tale è sola capace di forza profetica e divinatrice".2 La rivoluzione è dunque totale, invade e modifica ogni aspetto dell'esistenza: l'arte innanzitutto, come luogo privilegiato della fenomenologia dell'essere; ma poi anche la politica, la società e le sue consuetudini, il concetto di corpo e pure, come vedremo nel dettaglio, la cucina e l'alimentazione.

Il 28 Dicembre 1930, nella "Gazzetta del popolo di Torino", appare il Manifesto della cucina futurista, firmato dal solito Marinetti. Il proclama non nasce dal nulla, ma si riallaccia ad una discussione iniziata il 1° Gennaio 1913 con il manifesto Le cubisme culinaire scritto da Apollinaire e pubblicato sulla rivista parigina "Fantasio".3 In esso il poeta esponeva i fondamenti di un nuovo tipo di cucina capace di compiere quella rivoluzione sensoriale che in pittura era stata portata dal cubismo. Sempre nel 1913, in un clima estremamente effervescente, quando di giorno in giorno venivano stilate risme di manifesti, mentre Apollinaire e Marinetti stringevano alleanza sottoscrivendo entrambi L'Antitradizione futurista, nella stessa rivista "Fantasio" appariva l'altro manifesto La cuisine futuriste, ad opera dello chef Jules Maincave. Il cuoco, richiamandosi alle idee artistiche di Marinetti, proponeva alcune soluzioni pratiche per le intuizioni di Apollinaire. Ma lo scoppio della Guerra troncò, insieme a moltissime altre cose, gli sviluppi di questo débat avanguardistico-culinario. Esso verrà ripreso, in maniera decisiva, solo diciassette anni più tardi (nel 1930), allorquando, provocatoriamente, Marinetti decide di ripubblicare il manifesto di Maincave su "La cucina italiana", in quel tempo rivista di punta della gastronomia nazionale.4 Alla provocazione risponde lo scrittore Massimo Bontempelli che, sulle colonne della stessa rivista, propugna il Novecentismo anche a tavola. La bagattella ha una certa eco giornalistica e così Marinetti, da geniale stratega della comunicazione, con ribalderia porta avanti la polemica: in occasione di un pranzo mondano tenutosi in onore del Futurismo, egli annuncia che il suo movimento sta per sovvertire il sistema alimentare. E così è: il 28 Dicembre 1930, come gia detto, viene pubblicato il Manifesto della cucina futurista.

Che cosa asserisce tale manifesto? È fin troppo facile rintracciare in esso gli stilemi più classici del Futurismo. Nell'esordio squilla già la tromba della rivoluzione, dacché vi si legge: "Il Futurismo italiano affronta ancora l'impopolarità con un programma di rinnovamento totale della cucina".5 Parole chiave sono: rinnovamento e impopolarità. Il disprezzo per la tradizione passatista si fonde anche qui con "la voluttà d'esser fischiati",6 di cui già nel 1911 i futuristi si ammantavano in sfregio al tradizionale pubblico teatrale, fatto di "uomini maturi e ricchi, dal cervello naturalmente sprezzante e dalla digestione laboriosissima". Difatti anche qui nel Manifesto della cucina segue subito una clamorosa provocazione: il primo paragrafo è intitolato Contro la pastasciutta. Per prima cosa, nella sua filippica, egli parafrasa il motto di Feuerbach ("Si è quello che si mangia") e scrive che "si sogna e si agisce secondo quello che si beve e si mangia". Ciò postulato, si presenta subito il nocciolo della questione: "Noi Futuristi… prepariamo una agilità di corpi italiani", e poiché "nella probabile conflagrazione futura vincerà il popolo più agile, più scattante", è dunque necessario stabilire "il nutrimento adatto ad una vita sempre più aerea e veloce". Prima di tutto va abolita la pastasciutta, "assurda religione gastronomica italiana". Essa, secondo i Futuristi, è un alimento difficilmente digeribile, che appesantisce e assonna, causando negli uomini "fiacchezza, pessimismo, inattività nostalgica e neutralismo", non adatta quindi ad una razza che vuole farsi più forte. Dopo l'abolizione della pastasciutta Marinetti illustra le altre rivoluzioni da portare a tavola. Secondo la sua prospettiva, la chimica deve impegnarsi nell'inventare cibi in pillole che, distribuite dallo Stato, possano sfamare e nutrire il popolo. In questo modo l'uomo non dovrà più lavorare per procurarsi il cibo. Se a questi traguardi delle scienze chimiche si assomma lo sviluppo prodigioso delle macchine che diventeranno il nuovo "obbediente proletariato", per Marinetti l'uomo in futuro avrà bisogno di lavorare solo due/tre ore al giorno, e potrà così "nobilitare le altre ore col pensiero le arti e la pregustazione di pranzi perfetti".
Ma qual è il pranzo perfetto? Per prima cosa egli suggerisce due specialità: prima Il Carneplastico, assurda vivanda di forma fallica, costituita da un cilindro verticale di carne ripieno di undici qualità di verdure, che poggia su un anello di salsiccia e tre sfere dorate di carne di pollo e coronato da uno spessore di miele; quindi, la vivanda Equatore + Polo Nord che, con una rossa distesa di torli d'uovo su cui si erge una bianca montagna di albume solidificato con spicchi di arancio-sole incastonati e "pezzi di tartufo nero tagliati in forma di aeroplani negri alla conquista dello zenit", evoca la fusione dei due orizzonti antitetici nella simultaneità che abolisce lo spazio. Negli altri punti del suo manifesto, poi, Marinetti afferma che bisogna mangiare con le mani e che vanno abolite le posate, poiché il cibo deve dare "un piacere tattile". Egli auspica inoltre dei "bocconi simultanei che contengano dieci, venti sapori da gustare in pochi attimi" capaci di "riassumere una intera zona di vita".
Siamo di fronte a due cardini dell'estetica futurista: il tattilismo e l'analogia. Al primo Marinetti aveva già dedicato due manifesti, nel 1921 e nel 1924, nei quali si predicava la necessità di riabituarsi a un profondo contatto fisico con la materia, affinché il corpo tornasse a compartecipare dell'energia che circola nell'universo. L'analogia, invece, è uno degli elementi più significativi del pandinamismo vitalistico dei futuristi. Essa, come si legge nel Manifesto tecnico della lettura futurista, è la stretta rete con cui si abbraccia "ciò che vi è di più fuggevole e di più inafferrabile nella materia", e muove dall'"amore profondo che collega le cose distanti".
7

Il Manifesto della cucina futurista suscita subito accese discussioni, che si riflettono su numerosissimi giornali, soprattutto satirici; a destare lo sbigottimento generale è soprattutto la campagna contro la pastasciutta. Nel 1931 addirittura la polemica supera i confini nazionali e trova posto in giornali francesi, inglesi, tedeschi e americani. Tra il 1931 e il 1932 Marinetti tiene numerose conferenze e arriva a riferire le ragioni della sua arte culinaria fino in Turchia e in Romania. Intanto, in tutta Italia, viene organizzata una serie di banchetti futuristi anch'essi ampiamente documentati dalla stampa.8 In seguito a tanto scalpore mondano, nel 1932 esce il libro La cucina futurista, curato da Marinetti e Fillìa, che raccoglie tutto il materiale accumulato in un anno di campagna gastronomica.9 Oltre al manifesto, il volume riporta tutte le cronache giornalistiche dei banchetti futuristi, nuove ricette e istruzioni per perfetti pranzi futuristi e inoltre un "piccolo dizionario della cucina futurista", che chiude il libro, e un racconto inedito, dedicato al rapporto tra eros, plasticità e cibo, che lo apre. Nel capitolo delle ricette, intitolato I pranzi futuristi determinanti, c'è un piccolo paragrafo introduttivo. In esso si torna esplicitamente a insistere sulla relazione tra rivoluzione alimentare e allevamento di una nuova razza.

Posto che il Futurismo negli anni Trenta aveva oramai perso, dopo l'istituzionalizzazione del Fascismo, molto della sua spinta propulsiva, imbolsendosi sia nella produzione artistica che nell'azione culturale, non dobbiamo dimenticare, come già accennato, i propositi totalizzanti insiti nel progetto della avanguardia futurista. Dietro l'idea di una rivoluzione alimentare, che passa attraverso ricette davvero fantasiosissime, di sbalorditivo impatto plastico-visivo, e la geniale e spaccona irrisione delle consuetudini borghesi intorno alla tavola, emerge l'anelito alla manipolazione anche corporale dell'uomo. Il cibo nuovo è conforme alla volontà di creare un uomo nuovo, un uomo metallizzato che nelle nuove forze della meccanicizzazione, divenute orribilmente evidenti fra le trincee della prima guerra mondiale, crede di scorgere il lume divino della sua nuova epoca. Nasce allora una nuova mistica che coinvolge pure le abitudini alimentari.

Marco Benedettelli

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vendredi, 08 juin 2007

Intervista con Marc. Eemans

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Intervista con Marc Eemans, l’ultimo surrealista della scuola di André Breton

Argomentazioni raccolte da K.Logghe e R.Steuckers

All’età di 83 anni, Marc Eemans afferma oggi di essere l’ultimo dei surrealisti. Dopo di lui, si volterà pagina. Il surrealismo sarà definitivamente entrato nella storia. Chi è quest’ultimo dei surrealisti, questo pittore della generazione dei Magritte, Delvaux e Dali, oggi ostracizzato? Qual è stato il suo impatto letterario? Quale influenza Julius Evola ha esercitato su di lui? Questo "brutto anatroccolo" del movimento surrealista getta uno sguardo molto critico sui suoi compari morti. Costoro gliel’avevano fatta pagare per il suo passato "collaborazionista". Recentemente, Ivan Heylen, del giornale Panorama (22/28.8.1989), lo ha intervistato a lungo, abbellendo il suo articolo con un superbo luogo comune che metteva l’accento sulla tumultuosa eterosessualità di Marc Eemans e dei suoi emuli surrealisti. Noi prendiamo il testimone, ma senza dimenticare di interrogarlo sugli artisti che ha conosciuto, sulle grandi correnti artistiche a cui egli è stato a fianco, sui retroscena della sua « collaborazione »...

Il periodo che va dalla sua nascita alla comparsa della sua prima tela, è stato molto importante. Come lo descriverebbe?
 

Sono nato nel 1907 a Termonde (Dendermonde). Mio padre amava le arti e parecchi suoi amici erano pittori. All’età di otto anni, ho imparato a conoscere un lontano parente, scultore e attivista (1): Emiel De Bisschop. Quest’uomo non riuscì mai a niente nella sua vita, ma ciononostante ha rivestito per me un grande significato. È grazie ad Emiel De Bisschop che entrai per la prima volta in contatto con scrittori ed artisti.

Da dove le è venuta la spinta per disegnare e dipingere?

Ho sempre seguito da molto vicino l’attività di artisti. Subito dopo la prima guerra mondiale, conobbi il pittore e barone Frans Courtens. Poi mi recai un giorno in visita dal pittore Eugène Laermans. E poi ancora da molti altri, tra cui un vero amico di mio padre, un illustre sconosciuto, Eugène van Mierloo. Alla sua morte, venni a sapere che egli aveva preso parte alla prima spedizione al Polo Sud, in qualità di reporter-disegnatore. Durante la prima guerra mondiale, visitai una mostra di pittori che godono oggi di una certa notorietà: Felix Deboeck, Victor Servranckx, Jozef Peeters. Alcuni tra di loro non erano a quel tempo astrattisti. Solo qualche anno dopo si ebbe nell’arte moderna il grande boom della pittura astratta. Quando Servranckx organizzò una personale, entrai in contatto con lui e, da allora, egli mi considerò come il suo primo discepolo. Avevo circa quindici anni quando mi misi a dipingere tele astratte. A sedici anni, collaboravo con un foglio d’avanguardia intitolato Sept Arts. Tra gli altri collaboratori, c’era il poeta Pierre Bourgeois, il poeta, pittore e disegnatore Pierre-Louis Flouquet, l'architetto Victor Bourgeois e il mio futuro cognato Paul Werrie (2). Ma l’astratto non mi attirò a lungo. Per me, era troppo facile. Come ho detto un giorno, è un’aberrazione materialista di un mondo in piena decadenza... E’ allora che entra nella mia vita un vecchio attore: Geert van Bruaene.
Lo avevo già incontrato prima ed egli aveva lasciato tracce profonde nella mia immaginazione: egli vi teneva il posto dello zwansbaron, del "Barone Vagabondo". Ma quando lo rividi all’età di quindici anni, egli era diventato il direttore di una piccola galleria d’arte, il "Cabinet Maldoror", dove tutti gli artisti d’avanguardia si riunivano e dove furono esposti i primi espressionisti tedeschi. È con l’intermediazione di van Bruaene che conobbi Paul van Ostaijen (3). Geert van Bruaene meditava i Canti di Maldoror del sedicente Conte di Lautréamont, uno dei principali precursori del surrealismo. È così che divenni surrealista senza saperlo. Grazie, infatti, a van Bruaene. Io passai dall’arte astratta al Surrealismo quando le mie immagini astratte finirono per amalgamarsi a degli oggetti figurativi. A quell’epoca, ero ancora comunista....

Non sembra che al tempo, effettivamente, l'intelligentsia e gli artisti appartenessero alla sinistra? Lei, d’altronde, dipinse una tela superba, rappresentante Lenin e la intitolò "Omaggio al Padre della Rivoluzione"...
Vede, è un fenomeno che si era già prodotto all’epoca della Rivoluzione Francese. I giovani intellettuali, sia in Francia che in Germania, erano tutti sostenitori della Rivoluzione Francese. Ma via via che quella si evolveva o si involveva, quando il terrore prese il sopravvento, etc., essi si tirarono indietro. E poi arrivò Napoleone. Allora svanì tutto l’entusiasmo. Questo fu il caso di Goethe, Schelling, Hegel, Hölderlin... E non dimentichiamo del resto il Beethoven della Sinfonia Eroica, ispirata dalla Rivoluzione francese e inizialmente dedicata a Napoleone, prima che questi divenisse imperatore. Lo stesso fenomeno si è potuto osservare con la rivoluzione russa. Si credeva che stessero per prodursi dei miracoli. Ma non ve ne furono per nulla. In seguito si ebbe l’opposizione di Trotski il quale credeva che la rivoluzione non fosse che agli inizi. Per lui, bisognava dunque andare oltre!

Non è qui la natura rivoluzionaria o non conformista che alberga nel fondo di ogni artista?
Io sono sempre stato un non conformista. Anche sotto il nazismo. Ben prima dell’ultima guerra, ho ammirato il "Fronte Nero" di Otto Strasser. Quest’ultimo era anti-hitleriano perché pensava che Hitler avesse tradito la rivoluzione. Sono sempre stato all’opposizione. Sono sicuro che se i Tedeschi avessero vinto la partita, io me ne sarei andato ad ammuffire in un campo di concentramento. In fondo, come diceva il mio amico Mesens, noi surrealisti non siamo che degli anarchici sentimentali.

Oltre che per la sua pittura, lei è un uomo notevole anche per la grande diversità delle sue letture. Basta nominare gli autori che hanno influenzato la sua opera...
Mi sono sempre interessato di letteratura. All’Athenée (4) a Bruxelles, avevo un curioso professore, un certo Maurits Brants (5), autore, in particolare, di un’antologia per le scuole, intitolata Dicht en Proza. Nella sua aula, egli aveva appeso alla parete delle illustrazioni raffiguranti gli eroi della Canzone dei Nibelunghi. Inoltre, il mio fratello maggiore era wagneriano. È sotto questo doppio influsso che scoprii i miti germanici. Quelle immagini dell’antica Germania sono rimaste incise nella mia memoria e sono esse che in seguito mi distinsero dagli altri surrealisti. Essi non conoscevano niente di tutto questo. André Breton era surrealista da dieci anni quando sentì parlare per la prima volta dei romantici tedeschi, grazie ad una giovane amica alsaziana. Quella pretendeva che ci fossero già stati dei « surrealisti » all’inizio del XIX secolo. Novalis, in particolare. Io avevo scoperto Novalis tramite una traduzione di Maeterlinck che mi aveva passato un amico quando avevo diciassette anni. Quest’amico era il caro René Baert, un ammirevole poeta che fu assassinato dalla « Resistenza » in Germania, poco prima della capitolazione di questa, nel 1945. Feci la sua conoscenza in un piccolo cabaret artistico di Bruxelles chiamato Le Diable au corps. Dopodiché, divenimmo inseparabili in poesia come in politica, diciamo piuttosto in “metapolitica”, perché la Realpolitik non fece mai per noi. La nostra evoluzione dal comunismo al nazional-socialismo derivò in effetti da un certo romanticismo, nel quale l’esaltazione dei miti eterni e della tradizione primordiale, quella di René Guénon e di Julius Evola, svolse un ruolo primario. Diciamo che questa va dal Georges Sorel del Mythe de la Révolution e delle Réflexions sur la violence all'Alfred Rosenberg del Mythe du XXième siècle, passando per Rivolta contro il Mondo moderno di Julius Evola. Il solo libro di René Baert che potrei definire metapolitico s’intitola L'épreuve du feu (Ed. de la Roue Solaire, Bruxelles, 1944) (6). Per il resto, egli è autore di raccolte di poesie e di saggi sulla poesia e sulla pittura. Un pensatore e un poeta da riscoprire. E poi, per ritornare alla mie letture iniziali, quelle della mia gioventù, non posso dimenticare il grande Louis Couperus (7), il simbolista a cui dobbiamo le meravigliose Psyche, Fidessa ed Extase.

Couperus ha esercitato una forte influenza su di lei?
Soprattutto per quel che concerne la lingua. La mia lingua è d’altronde sempre segnata da Couperus. In quanto di Bruxelles, l’olandese ufficiale mi è sempre sembrato un po’ artificiale. Ma questa lingua è quella a cui va tutto il mio amore... Un altro autore di cui divenni amico fu il poeta espressionista fiammingo Paul van Ostaijen. Feci la sua conoscenza tramite Geert van Bruaene. Allora dovevo avere diciotto anni. Durante una conferenza che van Ostaijen tenne in francese a Bruxelles, l'oratore, da poco mio amico che doveva morire alcuni anni dopo a soli trentadue anni, fissò definitivamente la mia attenzione sul rapporto che poteva esserci tra la poesia e la mistica, come egualmente mi parlò di un misticismo senza Dio, tesi o piuttosto tema con il quale egli ritrovava e Nietzsche e André Breton, il "papa del Surrealismo" che allora aveva appena pubblicato il suo Manifesto del Surrealismo.

Nella sua opera non si possono separare, mistica, miti e surrealismo?
No, io sono in qualche modo un surrealista mitico e, in questo, sono forse il surrealista più prossimo ad André Breton. Sono sempre stato all’opposto del surrealismo piccolo-borghese di un Magritte, quel tranquillo signore che, con la bombetta in testa, portava a spasso il suo cagnolino...

Però all’inizio eravate amici. Com’è sopravvenuta la rottura?
Nel 1930. Uno dei nostri amici surrealisti, Camille Goemans, figlio del Segretario permanente della Koninklijke Vlaamse Academie voor Taal en Letterkunde ( = Accademia Reale fiamminga di lingua e di Letteratura), possedeva una galleria d’arte a Parigi. Fece fallimento. Ma in quel momento, aveva un contratto con Magritte, Dali e me. Dopo questo fiasco, Dalì trovò la sua strada grazie a Gala, che, detto tra noi, doveva essere un’autentica megera. Magritte, ritornò a Bruxelles e cadde in miseria. Tutti dicevano: "Quel porco di Goemans! È a causa sua che Magritte è in miseria". È un giudizio che non ho mai accettato. È il lato “sordido” del surrealismo belga. Goemans, divenuto povero come Giobbe per il suo fallimento, fu escluso dai suoi amici surrealisti, ma ritornerà in auge presso di loro dopo essere diventato ricco circa dieci anni più tardi grazie a sua moglie, un’ebrea russa, che fece del “mercato nero” con l’occupante durante gli anni 1940-44. Dopo il fallimento parigino, Goemans ed io avevamo fatto squadra. Fu allora che comparve il secondo manifesto surrealista, in cui Breton scriveva, tra l’altro, che il Surrealismo doveva essere occultato, cioè astenersi da ogni compromesso e da ogni particolarismo intellettuale. Noi prendemmo questa direttiva alla lettera. Aveva già ricevuto entrambe l’influenza dei miti e della mistica germanica. Avevamo fondato, con l’amico Baert, una rivista, Hermès, dedicata allo studio comparativo del misticismo, della poesia e della filosofia. Fu soprattutto un grande successo morale. Ad un certo momento, avemmo tra la nostra redazione, l’autore del libro Rimbaud il veggente, André Rolland de Renéville. Vi era anche un filosofo tedesco anti-nazista, che era emigrato a Parigi ed era divenuto lettore di letteratura tedesca presso Gallimard: Bernard Groethuysen. Per suo tramite, ci assicurammo la collaborazione di altri autori. Egli ci inviava anche dei testi di grandi filosofi all’epoca ancora poco conosciuti: Heidegger, Jaspers e qualche altro. Fummo dunque i primi a pubblicare testi di Heidegger in lingua francese, compresi dei frammenti di Essere e Tempo.
Tra i nostri collaboratori, avevamo uno dei primi traduttori di Heidegger: Henry Corbin (1903-1978) che divenne in seguito uno dei più brillanti iranologhi d'Europa. Quanto al nostro segretario di redazione, egli era il futuro celebre poeta e pittore Henri Michaux. La sua presenza tra di noi fu dovuta al caso. Goemans era uno dei suoi vecchi amici: era stato suo condiscepolo al Collège St. Jan Berchmans. Egli si trovava in una situazione di bisogno. La protettrice di Groethuysen, vedova di uno dei maggiori proprietari dell'Arbed, il consorzio dell’acciaio, ci fece una proposta: se avessimo ingaggiato Michaux come segretario di redazione, ella avrebbe pagato il suo salario mensile più le fatture della rivista. Era una soluzione ideale. È così che oggi posso dire che il celeberrimo Henri Michaux è stato un mio dipendente...

Dunque, grazie a Groethuysen, lei prese conoscenza dell’opera di Heidegger...
Eh sì. A quell’epoca egli iniziava a diventare celebre. In francese, fu Gallimard che pubblicò per primo qualche frammento di Essere e Tempo. Personalmente, non ebbi mai contatti con lui. Dopo la guerra, gli scrissi per chiedergli alcune piccolezze. Avevo letto una sua intervista dove egli diceva che Sartre non era un filosofo, ma che Georges Bataille, lui sì, lo era. Gli chiesi qualche spiegazione su questo argomento e gli ricordai che ero stato uno dei primi editori in lingua francese delle sue opere. Per tutta risposta, egli mi inviò un biglietto con il suo ritratto e queste due parole: "Herzlichen Dank!" (Cordiali ringraziamenti!). Fu la sola risposta di Heidegger...

Lei avrebbe lavorato per l'Ahnenerbe. Come arrivò lì?
Prima della guerra, avevo stretto amicizia con Juliaan Bernaerts, meglio conosciuto nel mondo letterario sotto il nome di Henri Fagne. Egli aveva sposato una tedesca e possedeva una libreria internazionale in Rue Royale a Bruxelles. Io suppongo che questa attività fosse una libreria di propaganda coperta per i servizi di Goebbels o di Rosenberg. Un giorno, Bernaerts mi propose di collaborare ad una nuova casa editrice. Essendo senza lavoro, accettai. Erano le edizioni fiamminghe dell’Ahnenerbe. Noi pubblicammo così una ventina di libri e avevamo piani grandiosi. Pubblicavamo anche un mensile, Hamer, il quale concepiva i Paesi Bassi e la Fiandra come un’unità.

E lei scrisse su questa pubblicazione?
Sì. Sono sempre stato innamorato dell’Olanda e, in quell’epoca, c’era come un muro della vergogna tra la Fiandra e l’Olanda. D’altronde per un Thiois come me, esistono sempre due muri secolari della vergogna: a Nord con i Paesi Bassi; a Sud con la Francia, perché la frontiera naturale delle 17 province storiche si estendeva nel XVI secolo fino alla Somme. La prima capitale della Fiandra fu la città di Arras (Atrecht). Grazie ad Hamer, ho potuto superare questo muro. Divenni l’emissario che si recava regolarmente ad Amsterdam con gli articoli che dovevano comparire su Hamer. Il redattore capo di Hamer-Paesi Bassi coltivava anch’egli delle idee grand’olandesi. Queste trasparivano chiaramente in un’altra rivista, Groot-Nederland, anche della quale egli era direttore. Finché essa continuò ad uscire durante la guerra, vi scrissi degli articoli. Fu così che Urbain van de Voorde (8) partecipò alla costruzione della Grande-Olanda. Egli è d’altronde, autore di un saggio di storia dell’arte olandese, che considera l’arte fiamminga e olandese come un tutt’uno. Io possiedo sempre in manoscritto una traduzione di questo libro, comparso nel 1944 in lingua olandese.
Ma, in fin dei conti, io ero un dissidente in seno al nazional-socialismo! Lei conosce la tesi per cui si voleva costituire un Grande Reich tedesco nel quale la Fiandra non sarebbe stata che una provincia tra le altre. Io mi dissi: "Va bene, ma bisogna lavorare secondo dei principi organici. Prima bisogna che Fiandra ed i Paesi Bassi si fondano e, solo in questo modo noi potremo partecipare al Reich, in quanto indivisibile entità grand’olandese". E per noi, la Grande-Olanda si estende fino alla Somme! Bisogna che io qui ricordi l’esistenza durante l’Occupazione, di una “resistenza thioise" non riconosciuta come tale alla Liberazione". Io ne feci parte con un numero di amici fiamminghi e olandesi, di cui il poeta fiammingo Wies Moens poteva essere considerato come il capofila. Tutti divennero alla fine vittime della "Repressione".

Era qui l’influenza di Joris van Severen?
Non, Van Severen era in realtà un francofono, uno spirito totalmente segnato dalle mode di Parigi. Egli aveva ricevuto un’educazione in francese e, al fronte, durante la prima guerra mondiale, era divenuto “frontista”(9). Quando creò il Verdinaso, egli gettò uno sguardo al di là delle frontiere del piccolo Belgio, in direzione della francia. Egli rivendicava l’annessione della Fiandra francese. Ma da un momento all’altro, doveva essere votata una legge che avrebbe per lui significato delle persecuzioni. È allora che egli diffuse l’idea di una nuova direzione del suo movimento (la famosa "nieuwe marsrichting"). Egli ridivento “piccolo-belga”. E perdette il sostegno del poeta Wies Moens (10), che creò allora un movimento dissidente che si cristallizzò attorno alla sua rivista Dietbrand della quale divenni un fedele collaboratore.

Lei ha collaborato ad una quantità di pubblicazioni, anche durante la seconda guerra mondiale. Lei non ha rievocato che felicitazioni. In quale misura la repressione l’ha segnata?
Per quel che mi riguarda, la repressione non è ancora finita! Io “collaboravo” per guadagnare la mia pagnotta. Bisognava pure che vivessi della mia penna. Io non mi sono mai occupato di politica. Mi interessava solo la cultura, una cultura fondata sulle tradizioni indo-europee. In più, come idealista grand’olandese, io mi trovavo ai margini degli ideali di grande Germania del nazional-socialismo. In quanto artista surrealista, la mia arte era considerata come “degenerata” dalle istituzioni ufficiali del III Reich. Grazie a qualche critico d’arte, noi potemmo tuttavia far credere ai Tedeschi che non c’era « arte degenerata » in Belgio. La nostra arte doveva essere analizzata come un prolungamento del romanticismo tedesco (Hölderlin, Novalis,...), del movimento simbolista (Böcklin, Moreau, Khnopff,...) e dei Pre-raffaelliti inglesi. Per le istituzioni tedesche, gli espressionisti fiamminghi erano dei Heimatkünstler (dei pittori regionali). Del resto, tutti, compreso James Ensor, ma escluso Fritz Van der Berghe, considerato troppo « surrealista » nel suo ultimo periodo, parteciparono a mostre nella Germania nazional-socialista.
Ma dopo la guerra, fui lo stesso epurato con circa quattro anni di carcere. Nell’ottobre del 1944, fui arrestato e, dopo sei o sette mesi, rimesso in libertà provvisoria, con la promessa che la cosa non avrebbe avuto un “seguito”. Nel frattempo, un uditore militare (11) cercava come un avvoltoio di avere il suo processo-spettacolo. I grandi processi dei giornalisti avevano già avuto luogo: quelli del Soir, del Nouveau Journal, di Het Laatste Nieuws,... A qualsiasi costo il nostro uditore voleva il suo processo. E scoprì che non c’era ancora stato il processo del Pays réel (il giornale di Degrelle). I grandi capi del Pays réel erano già stati condannati, cioè fucilati (come Victor Matthijs, capo ad interim del Rex e redattore capo del giornale). L’uditore ebbe dunque il suo processo, ma con delle seconde linee, dei subalterni al banco degli accusati. Io ero il primo delle terze linee, dei sub-subalterni. Fui arrestato una seconda volta, poi condannato. Restai ancora più o meno tre anni in prigione. Non c’era modo di uscirne! Malgrado l’intervento in mio favore di personaggi di grande calibro, tra cui il mio amico francese Jean Paulhan, ex membro della resistenza e il premio Nobel inglese T.S. Eliot, che scrisse nero su bianco nel 1948, che il mio caso non avrebbe dovuto esigere alcun perseguimento. Tutto ciò non servì a nulla. La lettera di Eliot, che deve trovarsi negli archivi della Procura militare, meriterebbe di essere pubblicata, perché condanna in blocco la repressione selvaggia degli intellettuali che non avevano « spezzato la loro penna », cosa che non vuol dire avere commesso “crimini di alto tradimento”. Eliot fu del resto uno dei grandi difensori del suo amico, il poeta Ezra Pound, vittima della giustizia repressiva americana.
Quando espongo, a volte mi si attacca ancora in modo del tutto ingiusto. Così, di recente, ho partecipato ad una mostra a Losanna sulla donna nel Surrealismo. Il giorno dell’apertura, dei surrealisti di sinistra distribuivano volantini che spiegavano al buon popolo che io ero un sinistro compagno di Eichmann e di Barbie! Non ho mai visto una simile abiezione...

Dopo la guerra, lei ha partecipato ai lavori di un gruppo che portava lo strano nome di "Fantasmagie"? Vi si incontravano figure come Aubin Pasque, Pol Le Roy e Serge Hutin...
Sì. Le Roy e Van Wassenhove era stati tutti e due condannati a morte. (12). Dopo la guerra, ad di fuori dell’astratto, non vi era salvezza. Ad Anversa regnava la Hessenhuis: negli anni 50, era il luogo più all’avanguardia d'Europa. Pasque ed io, avevamo dunque deciso di associarci e di ricreare qualche cosa di « anti ». Abbiamo lanciato "Fantasmagie". In origine, non avevamo chiamato il nostro gruppo in questo modo. Non so più per chi esso era il centro. Ma era l’epoca in cui Paul de Vree possedeva una rivista, Tafelronde. Egli non era ancora ultra-modernista e non apprese che più tardi dell’esistenza del faro Paul van Ostaijen. Fino a quel momento, egli era rimasto un piccolo bravo poeta. Naturalmente, egli aveva un po’ collaborato... Credo che egli avesse lavorato per De Vlag (13). Per promuovere il nostro gruppo, egli promise di dedicarci un numero speciale di Tafelronde. Un giorno, mi scrisse una lettera in cui c’era questa domanda: "Che ne è della vostra "Fantasmagie"?". Egli aveva appena trovano il termine. Noi l'abbiamo conservato.

Qual era l’obiettivo di "Fantasmagie"?
Volevamo istituire un’arte pittorica fantastica e magica. Più tardi, abbiamo attratto scrittori e poeti, tra cui Michel de Ghelderode, Jean Ray, Thomas Owen, etc. Ma cosa più importante per me è la creazione nel 1982, in occasione dei miei 75 anni, da parte di un piccolo gruppo di amici, di una Fondazione Marc Eemans il cui obiettivo è lo studio dell’arte e della letteratura idealiste e simboliste. Di un’attività più discreta, ma infinitamente più seria e scientifica rispetto alla "Fantasmagie", questa Fondazione ha creato degli archivi riguardanti l’arte e la letteratura (in via accessoria anche la musica) quando esse toccano il simbolo e il mito, non solo in Belgio ma in Europa e altrove nel mondo, tutto ciò nel senso della Tradizione primordiale.

Lei ha anche fondato il Centrum Studi Evoliani, di cui è il Presidente...
Sì. Per quanto riguarda la filosofia, sono stato influenzato soprattutto da Nietzsche, Heidegger e Julius Evola. Soprattutto dagli ultimi due. Una persona di Gand, Jef Vercauteren, era entrato in contatto con Renato Del Ponte, un amico di Julius Evola. Vercauteren cercava delle persone che s’interessassero alle idee di Julius Evola e fossero disposte a formare un circolo. Egli si rivolse al Professeur Piet Tommissen, che gli comunicò il mio indirizzo. Io ho letto tutte le opere di Evola. Volevo conoscere tutto sul suo conto. Quando mi sono recato a Roma, ho visitato il suo appartamento. Ho discusso con i suoi discepoli. Essi avevano dei contrasti con le persone del gruppo di Del Ponte. Questi sosteneva che essi fossero stati vili e meschini nelle circostanze della morte di Evola. Egli, Del Ponte, aveva avuto il coraggio di trasportare l’urna contenente le ceneri funerarie di Evola in cima al Monte Rosa a 4.000 m. e di seppellirla nelle nevi eterne. Il mio circolo, ahimè, al momento non è più attivo e manca di persone realmente interessate.
In effetti, bisogna ammettere che il pensiero e le teorie di Julius Evola non sono alla portata di qualsiasi militante di destra o di estrema destra. Per accedervi, si deve avere una base filosofica seria. Certo, ci sono stati degli strambi appassionati di occultismo che hanno creduto che Evola parlasse di scienze occulte, perché egli è considerato come un filosofo tradizionalista di destra. Basta leggere il suo libro Maschera e volto dello spiritualismo contemporaneo per rendersi conto fino a che punto Evola è ostile, come il suo maestro René Guénon, a tutto ciò che può essere considerato come teosofia, antroposofia, spiritismo e chi più ne ha più ne metta.
L'opera di base è il suo libro intitolato Rivolta contro il mondo moderno che denuncia tutte le tare della società materialista che è la nostra e della quale il culto della democrazia (di sinistra, beninteso) è l’espressione più caratteristica. Non sto qui a riassumervi la materia di questo libro densa di 500 pagine circa nella sua traduzione francese. E un’autentica filosofia della storia, dal punto di vista della Tradizione, cioè secondo la dottrina delle quattro età e sotto l’angolazione delle teorie indoeuropee. In quanto “ghibellino”, Evola predicava il ritorno al mito dell’Impero, di cui il III Reich di Hitler non era tutto sommato che una caricatura plebea, così fu particolarmente severo nel suo giudizio tanto sul fascismo italiano che sul nazional-socialismo tedesco, perché essi erano, per lui, delle emanazioni tipiche della « quarta età » o Kali-Yuga, l'età oscura, l’età del Lupo, allo stesso titolo del cristianesimo o del comunismo. Evola sognava la restaurazione di un mondo « eroico-uranico occidentale », di un mondo elitario anti-democratico in cui il « regno delle masse », della « società dei consumi » sarebbe stato eliminato. In breve, tutta una grandiosa storia filosofica del mondo il cui grande eroe fu l’Imperatore Federico II di Hohenstaufen (1194-1250), un autentico eroe mitico...

Lei ha incominciato la sua carriera nella stessa epoca di Magritte. Agli inizi, le sue opere erano anche più quotate delle sue....
Sì e nonostante io fossi ancora un giovane galoppino. Magritte si convertì al surrealismo dopo aver dipinto per qualche tempo in stile futurista, poi cubista, etc. A quell’epoca, aveva ventisette anni. Io non ne avevo che diciotto. Questo significa nove anni di differenza. Io avevo più mano. Fu la ragione che lo spinse a mettermi fuori dal gruppo. A volte, quando eravamo ancora amici, egli mi domandava: "Dimmi, come potrei fare questo...?". Ed io rispondevo: "Magritte, vecchio mio, fai così o così...". In seguito, ho potuto scherzosamente dire che ero stato il maestro di Magritte! Durante l’occupazione, potei farlo esonerare dal Servizio Obbligatorio, ma non mi è stato riconoscente. Al contrario!

Com’è che attualmente lei non beneficia della stessa reputazione internazionale di Magritte?
Vede, lui ed io siamo diventati surrealisti nello stesso periodo. Io sono stato celebre quando avevo vent’anni. Lei constaterà la veridicità delle mie affermazioni consultando la rivista Variétés, rivista para-surrealista degli anni 1927-28, dove troverà delle pubblicità per la galleria d’arte L'Epoque, della quale Mesens era il direttore. Lei potrà leggervi: abbiamo sempre pronte opere di ... Segue una lista di tutti i grandi nomi dell’epoca, tra cui il mio. E poi vi fu il formidabile crack di Wall Street nel 1929: l'arte moderna non ebbe più valore dall’oggi al domani. Io caddi nell’oblio. Oggi, la mia arte è apprezzata dagli uni, rifiutata da altri. È una questione di gusto personale. Non dimentichi inoltre che io sono un « epurato », un « incivile », un « cattivo Belga », anche se sono stato in seguito « riabilitato »... Sono stato anche decorato, alcuni anni fa, con l’ « Ordine della Corona » … e della Svastika, aggiungono i miei nemici! In breve, non c’è posto per un “surrealista che non è come gli altri”. Certi pretendono che « si abbia paura di me », mentre io credo piuttosto di avere tutto da temere da quelli che vogliono ridurmi al ruolo poco invidiabile di « artista maledetto ». Ma dal momento che non si può ignorarmi, certi speculano già sulla mia morte!

Note
(1) L'attivismo è il movimento collaboratore in Fiandra durante la I guerra mondiale. Leggere, su questo argomento, Maurits Van Haegendoren, Het aktivisme op de kentering der tijden, Uitgeve-rij De Nederlanden, Antwerpen, 1984.
(2) Paul Werrie era collaboratore del Nouveau Journal, fondato prima della guerra dal critico d’arte Paul Colin. Paul Werrie vi teneva la rubrica "théâtre". Alla radio, egli animava alcuni trasmissioni sportive. Queste attività non politiche gli valsero tuttavia una condanna a morte in contumacia, tanto serena era la giustizia militare... Egli visse per diciott’anni in esilio in Spagna. Egli si stabilì in seguito a Marly-le-Roi, vicino a Parigi, ove risiedeva il suo compagno di sventure e vecchio amico, Robert Poulet. Tutti e due parteciparono attivamente alla redazione di Rivarol e degli Ecrits de Paris.
(3) Paul André van Ostaijen (1896-1928), giovane poeta e saggista fiammingo, nato ad Anversa, legato all’avventura attivista, emigrato politico a Berlino tra il 1918-1920. Fonda la rivista Avontuur, apre una galleria a Bruxelles ma, minato dalla tubercolosi, abbandona e si dedica a scrivere, in un sanatorio. Ispirato da Hugo von Hoffmannsthal e dagli inizi dell’espressionismo tedesco, egli sviluppa un nazionalismo fiammingo di dimensioni universali, che contava sulle grandi idee di umanità e di fraternità. Si volse in seguito verso il dadaismo e il lirismo sperimentale, la poesia pura. Esercita una grande influenza sulla sua generazione.
(4) L'Athenée è l'equivalente belga del liceo in Francia o del Gymnasium in Germania.
(5) Maurits Brants ha in particolare redatto un’opera sugli eroi della letteratura germanica delle origini: Germaansche Helden-leer, A. Siffer, Gent, 1902.
(6) Nella sua opera L'épreuve du feu. A la recherche d'une éthique, René Baert evoca specialmente le opere di Keyserling, Abel Bonnard, Drieu la Rochelle, Montherlant, Nietzsche, Ernst Jünger, etc.
(7) Louis Marie Anne Couperus (1863-1923), scrittore simbolista o0landese, grande viaggiatore, narratore naturalista e psicologico che mette in scena personaggi decadenti, senza volontà e senza forza, in contesti contemporanei o antichi. Prosa di maniera. Couperus ha scritto quattro tipo di romanzo: 1) romanzi familiari contemporanei nella società de l’Aia ; 2) romanzi fantastici e simbolici basati sui miti e le leggende dell’Oriente; 3) romanzi che mettono in scena antichi tiranni; 4) racconti, schizzi e descrizioni di viaggio.
(8) Durante la guerra, Urbain van de Voorde participa alla redazione della rivista olando-fiamminga Groot-Nederland. Durante l’epurazione, egli sfugge ai tribunali ma, come Michel de Ghel-de-rode, è rimosso dalla posizione di funzionario. Dopo questi guai, egli partecipa sin dall’inizio alla redazione di Nieuwe Standaard che riprende rapidamente il suo titolo De Standaard, e diviene il principale quotidiano fiammingo.
(9) Negli anni 20, il frontismo è il movimento politico dei soldati tornati dal fronte e raggruppati nel Frontpartij. Questo movimento si oppone alle politiche militari del Belgio, specialmente alla sua tacita alleanza con la Francia, giudicata atavica nemica del popolo fiammingo, il quale non deve versare una sola goccia del suo sangue per essa. Il movimento si batte per una neutralità assoluta, per dare un’impronta fiamminga all’università di Gand, etc.
(10) Il poeta Wies Moens (1898-1982), attivista durante la I guerra mondiale e studente all’università fiamminga di Gand tra il 1916 e il 1918, sconterà quattro anni tra il 1918 e il 1922 nelle carceri dello Stato belga. Fonda le riviste Pogen (1923-25) e Dietbrand (1933-40). Nel 1945, un tribunale militare lo condanna a morte ma egli riesce a rifugiarsi nei Paesi Bassi per sfuggire ai suoi carnefici. Il è stato uno dei principali rappresentanti dell’espressionismo fiammingo. Sarà legato, all’epoca del Frontpartij, a Joris van Severen, ma romperà con lui per le ragioni che ci spiega Marc. Eemans. Cfr.: Erik Verstraete, Wies Moens, Orion, Brugge, 1973.
(11) I tribunali militari belgi erano presieduti da « uditori » durante l’epurazione. Si parlava ugualmente di "Auditorato militare". Per comprendere l’abominio di questi tribunali, il meccanismo di nomina di giovani giuristi inesperti, di sottufficiali e ufficiali senza conoscenza giuridiche e di ritorno dai campi di prigionia, al posto di giudice, leggere l’opera del Prof. Raymond Derine, Repressie zonder maat of einde? Terug-blik op de collaboratie, repressie en amnes-tiestrijd, Davidsfonds, Leuven, 1978. Il Professeur Derine segnala la definizione del Ministro della Giustizia Pholien, sopraffatto dagli avvenimenti: "Una giustizia da re negri".
(12) Pol Le Roy, poeta, amico di Joris Van Severen, capo della propaganda del Verdinaso, passerà alla SS fiamminga e al governo in esilio in Germania dal settembre 44 al maggio 45. Van Was-senhove, capo distretto del Verdinaso, poi del De Vlag (Deutsch-Vlämische Arbeitsgemeinschaft), a Ypres, viene condannato a morte nel 1945. Sua moglie versa parecchi milioni all’Auditorato militare e ad alcuni « magistrati », salvando così la vita del marito. In carcere, Van Wassenhove impara lo spagnolo e traduce molte poesie. Egli diverrà l’archivista di "Fantasmagie".
(13) De Vlag (= L Bandiera) era l’organo culturale della Deutsch-Vlämische Arbeitsgemeinschaft. Trattava essenzialmente questioni letterarie, artistiche e filosofiche.

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jeudi, 07 juin 2007

Mouvement métapolitique à Vienne (19ième) (II)

Le mouvement métapolitique d'Engelbert Pernerstorfer à Vienne à la fin du 19ième siècle, précurseur de la "révolution conservatrice" (DEUXIEME PARTIE)

Intervention de Robert Steuckers lors de la 9ième Université d'été de l'association «Synergies Eu­ropéennes», Région de Hanovre, août 2001

Les activistes contre l'intellectualisme inerte

Pendant ce temps, les activistes marquent des points. Adler, Pernerstorfer, Friedjung et les frères Braun cherchent à traduire en termes politiques efficaces les idées qu'ils ont cultivées dans les co­lonnes de Die Telyn et dans les cercles de lectures universitaires qu'ils ont animés. Friedjung est sans doute l'homme qui perçoit le plus rapidement le danger de l'“intellectualisme inerte”, des discussions stériles qui ne débouchent sur rien et, surtout, qui ne communiquent pas leur flamme à des catégories plus vastes de la société. C'est pourquoi le groupe décide de s'allier en 1879 à un jeune orateur politi­que fougueux, nationaliste et populiste, Georg von Schö­nerer. Dans un discours électoral de 1875, ce­lui-ci avait réclamé, dans une perspective libérale, progressiste et anti-cléricale, le “maximum de liberté politique pour tous les citoyens”, le bannissement des Jésuites, la reconnaissance de la maçonnerie, la lutte contre la corruption, toutes revendications qui continueront à faire partie du corpus nationaliste ger­manique, à l'exception de l'indulgence pour la franc-maçonnerie. Avant qu'il n'ait pris contact avec les jeunes autour de Pernerstorfer, Schönerer n'avait qu'une vague conscience des problèmes sociaux réels qui affectaient les classes défavorisées en Au­triche.

 

En 1875, alors qu'il était encore un libéral bon teint sur le fond, Schönerer se distinguait toutefois par sa rhétorique, plus musclée, plus scandée, de ton plus acerbe (scharfe Tonart). Cette caractéristique ira cres­cendo, deviendra de plus en plus virulente, fai­sant du coup la célébrité du député fort en gueule. En 1878, en plein Parlement à Vienne, il traite ses collègues députés d'“eunuques de la politique”. En Italie comme en Autriche, voire en Belgique avec Paul Hymans, la critique du statu quo et des lenteurs parlementaires, qui sera le principal cheval de batail­le des nationalismes et des fascismes du 20ième sièc­le, trouve ses racines dans l'aile gauche et populiste du libéralisme.

 

Schönerer, le député ad hoc

 

Lors d'une réunion du Leserverein, Anton Haider (ancêtre de Jörg Haider) lance l'idée que leur cercle de lecture, pour trouver sa traduction dans la sphère politique réelle, a besoin de l'appui d'un député ca­pa­ble de défendre le corpus idéologique de la com­munauté militante étudiante sur les strapontins de la Diète impériale. Pour Anton Haider, les travaux des cercles de lecture sont insuffisants, si un tel appui n'existe pas. Les autres lui répondent qu'il y a pas de député qui corresponde à ce profil. Anton Haider répond : « Il y en a un qui pourrait le devenir… Il s'ap­pelle Schönerer. Il n'est guère connu; il est jeu­ne, élu de fraîche date et n'a pas encore d'orien­tation bien définie, mais je pense qu'il pourra être d'accord avec nous. Je crois que nous campons déjà sur des positions voisines, sans le savoir. Nous de­vrions l'inviter et parler avec lui. Je retiens qu'il est la personne adéquate». C'est ainsi que Georg von Schönerer devint membre du Leseverein. 

 

L'alliance entre ce Schönerer et le Groupe de Per­ner­storfer conduit à une fusion (qui sera passagère mais qui, en dépit des engagements ultérieurs, dif­férents, ne sera pas pour autant reniée) entre les pion­niers du socialisme autrichien et les premiers na­tionalistes pangermanistes. Les deux idéologies sont au départ étroitement mêlées — et même de ma­nière inextricable—  et l'ennemi qu'elles dési­gnent est le libéralisme, qu'elles entendent faire re­culer et disparaître, parce qu'il est un crime contre l'esprit, l'art, la moralité publique et le Bien Com­mun. Cette volonté s'est exprimée dans le fameux «Programme de Linz», résultat du travail politique de Pernerstorfer et de ses amis, plus que de la fa­conde de Schönerer. L'historiographie conformiste n'évoque cette fusion que rarement —et avec réti­cence—  et le mérite de l'avoir exploré correctement revient au Professeur américain William J. McGrath.

 

Du “Deutscher Klub” au Programme de Linz

 

Le Programme de Linz est en réalité le programme du mouvement pangermaniste autrichien, visant un rapprochement avec l'Allemagne de Bismarck, voir l'Anschluß, et un détachement graduel des Alle­mands d'Autriche-Hongrie de l'Empire des Habs­bourg (1). Parmi ceux qui ont forgé ce programme, nous trouvons, outre Pernerstorfer, Friedjung et Adler, le Chevalier von Schönerer et le futur bourg­mestre de Vienne Karl Lueger, populiste et anti­sé­mite. Certes, à cette époque, l'antisémitisme de Schö­nerer et de Lueger n'est pas encore trop vi­rulent et ne choque nullement Adler et Friedjung, tous deux d'origine juive. Ce n'est qu'en 1882, à la suite d'un discours tonitruant de Schönerer, de fac­ture nettement antisémite, que leurs rapports vont se relâcher, puis que leurs voies vont se séparer. Pendant cette période fort effervescente de trois années de fusion entre populistes et socialistes, les cercles universitaires changent de forme, les "as­so­ciations de lecture" de l'Université, réservées aux étudiants, et les "associations de lecture pour uni­versitaires devenus actifs", tel le “Deutscher Klub”, où participent médecins, professeurs, ingénieurs plon­gés dans la vie économique réelle, agissent en parallèle; à celles-ci s'ajoutent une "association pour les écoles allemandes", visant à défendre la langue et la culture allemandes sur les confins de l'empire (Tyrol, Slovénie, Tchéquie, etc.). Ces activités in­ten­ses ont une tonalité plus nationaliste que socialiste, mais d'aucuns, comme Friedjung, Pernerstorfer et Adler, se rendent parfaitement compte qu'il est impossible de créer un parti de masse sur base du nationalisme seul : il faut penser des "passerelles", aus­si nombreuses et diversifiées que possibles, tâ­che à laquelle s'attèleront la métapolitique de Per­nersstorfer et la praxis wagnéro-marxienne d'Adler. Nous y reviendrons.

 

Parallèlement au Programme de Linz, Friedjung avait sorti en 1876 un opuscule, tout aussi programma­tique, sous le titre de Ausgleich mit Ungarn (= “Rè­gle­ment de toutes les questions avec la Hongrie”). Il préconisait une politique générale pour l'Empire, plus nationaliste allemande qu'impériale : 1) sépara­tion définitive entre la partie allemande (la Cisleitha­nie) et la partie hongroise de l'Empire, afin de faire glisser définitivement la Cisleithanie dans le bloc al­le­mand forgé par Bismarck après les guerres contre le Danemark, l'Autriche-Hongrie et la France. 2) L'au­tonomie de la Galicie polonophone, afin de ré­duire le poids des députés polonais catholiques et conservateurs dans le Parlement de Vienne. 3) Im­position de la langue allemande dans toutes les ad­ministrations publiques de la Cisleithanie (2). Pour Fried­jung : «Les Allemands d'Autriche ne doivent ja­mais oublier qu'ils ont été politiquement unis aux au­tres souches germaniques pendant tout le millé­naire qui à précédé 1866 [= date de la défaite de l'Autriche face aux armées de Bismarck]». 4) L'indé­pendance des Etats balkaniques vis-à-vis de la Rus­sie, avec, en compensation pour la Russie, la pro­mes­se autrichienne de ne procéder à aucune con­quête ou annexion dans la péninsule au Sud-Est de l'Eu­rope. 5) Union douanière avec l'Allemagne des Hohenzollern.

 

Le volet socialiste contre le manchestérisme

 

Plus tard, Friedjung ajoutera à ce programme de po­litique extérieure en revendiquant une liberté de pres­se pleine et entière, avec droits de réunion et d'as­sociation. Ensuite, sur le mode des organisations paysannes, venant en aide au petit paysannat, il revendique la création d'associations ouvrières et l'extension du droit de vote à de plus larges strates de la population. Sur le plan fiscal, Friedjung pré­co­nise un allègement général de l'impôt pour les clas­ses modestes, compensé par des taxes plus lourdes sur les produits de luxe et sur les transactions bour­sières. Friedjung réclame aussi une administration plus diligente et une justice moins onéreuse pour les citoyens aux revenus modestes.  Autres revendica­tions : nationalisation des chemins de fer (pour évi­ter toute réédition de l'affaire von Ofenheim), lois ré­glementant le travail dans l'industrie, réduction du pouvoir de l'Eglise, lois pour éviter les fraudes dans les opérations boursières. L'objectif général, idéolo­gi­que, consiste à mettre hors jeu “le libéralisme cos­mopolite, qui ignore les besoins authentiques de la communauté nationale” et dont le noyau idéologique fondamental est “le libre développement” (le “laisser faire, laisser passer”), propre du manchesterisme, “qui a fini par détruire la véritable essence de la na­tion”.

 

En gestation constante au fil des mois, le Pro­gram­me de Linz, dans sa version définitive, est publié dans le numéro du 16 août au 1 septembre 1882 de la revue Deutsche Worte (= Paroles allemandes). Les revendications de Friedjung, et celles des autres protagonistes de l'union entre jeunes socialistes et populistes pangermanistes, y trouvent une formula­tion plus achevée, mais où l'on doit tout de même reconnaître une contradiction : cette version du pro­gramme demande une “défense énergique des in­térêts autrichiens en Méditerranée” (3).

 

Primordialité de l'art

 

Mais la volonté de rédiger un programme, comme ce­lui de Linz, vient essentiellement de Pernerstorfer. Sa volonté était de donner à la politique autrichienne un “contenu allemand”. Pour Pernerstorfer, le grou­pe aura réussi sa mission quand l'assiduité alle­man­de et l'art allemand, sous toutes leurs formes, au­ront compénétré la vie publique autrichienne. L'art re­çoit donc un statut primordial dans la démarche de Pernerstorfer. Sa motivation est principalement es­thétique, car elle est directement inspirée de Richard Wagner et de Friedrich Nietzsche, pour qui il y a uni­té de l'art et de la politique. Cette primordialité de l'art, ensuite, aura une incidence de premier plan sur la tactique et le style du mouvement. Déjà, pour Friedjung, l'art était le “principe viril” et le remède contre l'impuissance et la paralysie de la politique li­bérale (on songe aux propos que tiendront un Ma­ri­net­ti puis un Evola quelques décennies plus tard). Les politiciens deviennent trop prudents, trop timo­rés, ils changent de couleur, ou plutôt, leurs cou­leurs initiales sont rapidement délavées. Par le re­cours aux formes sublimes de l'art, les jeunes géné­ra­tions pourront, en s'initiant à la pensée de Wagner et de Nietzsche, “donner pleine expression à leurs en­thousiasmes”. Friedjung: «Orphée ose entrer a­vec sa lyre dans le règne des enfers uniquement parce qu'il sait que dans ces masses obscures vit une va­gue pulsion endormie, qu'une note juste peut subite­ment réveiller, la transformant en un sentiment vi­brant ». L'art  —et la musique en particulier—  doit donc servir à réveiller les masses.

 

L'art comme ciment  de la communauté nationale

 

Dans un article de 1884 de Deutsche Worte, intitulé significativement “Metapolitik”, Pernerstorfer sou­tient le Prof. Immanuel Hoffmann, un Wagnérien en querelle avec les Bayreuther Blätter, organe officiel de l'orthodoxie wagnérienne, parce qu'il préconise l'in­troduction du plébiscite, que les orthodoxes ju­gent inopportune. Hoffmann : « L'art et la religion ne peuvent exister séparément de la politique… L'art véritable ne peut se déployer, selon la parole du Maî­tre (= Wagner), que sur le terrain d'une éthique authentique, et aucun peuple ne pourra avoir un art et une religion authentiques si sa vie politique re­pose sur le mensonge […] L'erreur historiciste sur laquelle se fonde notre culture actuelle  —erreur qui nous permet de la qualifier de culture du men­son­ge—  est de préférer le parfum des fleurs aux fleurs elles-mêmes, d'apprécier les distillations plutôt que l'essence naturelle de la chose, de croire que les élus du peuple sont plus sages que le peuple lui-même». Pernerstorfer soutient donc Hoffmann dans son plai­doyer pour le plébiscite (la votation référendaire), car il donne plus grande cohésion à la communauté nationale. L'art comme ciment de la communauté na­tionale, le plébiscite comme expression directe de sa volonté sont les deux facettes d'une même réa­lité. La cohésion sociale passe par la participation de tous à la vie spirituelle et intellectuelle de la com­munauté nationale, car il ne s'agit pas seulement “de jouir des biens matériels, car ceux-ci ne sont que les simples instruments pour atteindre des fins plus élevées”. Les biens matériels sont là pour offrir à tout individu la possibilité de participer à l'héritage spirituel de la nation, afin d'être un membre réceptif et créatif du grand corps que doit devenir la com­mu­nauté populaire germanique, ajoutait Pernerstorfer.

 

La fusion communautaire dans le théâtre grec et l'opéra wagnérien

 

Comme dans la Grèce antique, le lieu où cette fusion communautaire nationale devra s'effectuer est le théâ­tre, ainsi que l'avait préconisé le jeune Nietz­sche, en assistant aux drames wagnériens. Pour lui, le noyau d'émergence de la communauté nationale allemande résidait tout entier dans les opéras de Wag­ner, dont le centre de gravité se situe dans l'or­chestre exactement comme il se situait dans le chœur du théâtre grec antique. Dans cette pers­pec­tive, la germanité de la fin du 19ième siècle est la nou­velle hellénité, la restauration de l'hellénité per­due depuis l'antiquité, espérée depuis la renais­san­ce, une hellenité qui ne se contente plus d'être une simple et sèche érudition, mais une hellénité qui re­noue avec le théâtre antique, avec la charge de dio­nysisme que véhiculait la tragédie grecque. Per­ner­storfer : « Wagner avait trouvé chez les Grecs le théâ­tre dans sa pureté idéale et dans tout son su­blime; religion et art y fusionnaient et de cette fu­sion naissait une communauté qui aujourd'hui enco­re, après plus de deux mille ans, reste l'un des plus beaux rêves de l'humanité ». Pernerstorfer rejoint Wag­ner quand il s'agit d'exalter le vif sentiment na­tio­nal qui unissait les Grecs : « Les Grecs se sen­taient comme une seule nation et ont créé une cul­ture unitaire, si bien que l'esprit populaire hellénique se reconnaissait dans la dramaturgie nationale ».

 

Pour les Allemands d'Autriche, le chant jouera le rôle de ciment. Lors de manifestations pangermanistes et socialistes, dont celle, historique, du 5 mars 1883, le chant occupe une place centrale. Les participants, généralement des étudiants contestataires de la po­litique conservatrice du Premier ministre autri­chien Taaffe, s'étaient regroupés sous une immense ban­nière allemande, celle de l'Empire fondé à Versailles par Bismarck. Aucune bannière autrichienne n'était arborée dans la salle. L'orchestre jouait la Marche Im­périale (allemande) et les participants chantaient, tour à tour, l'hymne de bataille de Rienzi, quelques partitions du Tannhäuser et le chant de guerre Wacht am Rhein, très populaire à l'époque, y com­pris en Flandre (4). A la suite de ces préliminaires mu­sicaux et chorégraphiques, Hermann Bahr parle du nationalisme d'inspiration wagnérienne, puis Schö­nerer monte à la tribune, pour terminer un dis­cours exalté, par un tonitruant “Vive notre Bis­marck!”, jugé séditieux par la police, présente dans la salle. La foule se disperse en chantant Wacht am Rhein. Pour Pernerstorfer et ses amis, ce type de ma­nifestation, alliant musique, discours et chants, permet, à terme, de recréer un esprit national, de for­ger une communauté soudée par des émotions par­tagées. Quand une telle communauté sera vrai­ment soudée, quand un maximum de citoyens aura ad­héré à l'idéologie implicite, non rationnelle et tota­lement intuitive, du mouvement, le peuple sera “ré­généré”.

 

Une métapolitique reposant  sur l'élément émotif

 

Le thème central de toute cette effervescence est ef­fectivement la “régénération”, qui naît d'une “ex­plo­sion unitaire de foi politique”. La métapolitique de Per­nerstorfer repose donc entièrement sur l'élément émotif et sur le style tapageur des manifestations po­litiques, sortes de messes wagnériennes, conçues dé­libérément pour répudier la rationalité des libé­raux et des conservateurs. D'un côté, les passions du cœur, le sens de la justice, la rébellion contre la sécheresse, de l'autre, les hommes “aux cœurs ge­lés”. D'un côté, le cœur du peuple réel, de l'autre, les idées abstraites du centralisme, du libéralisme, de la culture (des Philistins), la notion de “légalité con­stitutionnelle”. Dans Deutsche Worte, Perner­stor­fer explicite cette position : « La politique des libé­raux est trop doctrinaire et dépourvue d'idéalisme pour être capable de susciter de véritables émo­tions». Plus tard, dans un numéro ultérieur de la re­vue : «[Eduard Herbst] est le représentant typique d'un style politique cérébral à l'excès : nous n'en­ten­dons pas chez lui ce ton d'animateur, propre d'un sen­ti­ment national viril; il est incapable de dire quoi que ce soit sur les grands problèmes que nous avons à af­fronter ». En bref : qui n'adhère pas pleinement au style hellénique-wagnérien est une lopette, ou, pour paraphraser Schönerer, “un eunuque politique”. Herbst, comme les autres libéraux, les von Plener, Sax et von Bründelsberg, se bornent à ânonner des “vérités familières à n'importe quel écolier sur un ton de grande solennité; [à répéter] des citations d'au­teurs célèbres avec des airs professoraux devant un public révérencieux”.

 

«Vers une organisation de parti »

 

Les blocages qui affectent la société autrichienne de l'époque sont donc dus à un style trop compassé où l'on ne veille qu'à la correction des procédures et non pas à affronter les problèmes réels. Ces mau­vaises habitudes doivent être balayées, pensent Per­nerstorfer et ses amis politiques. Dans cette optique, Pernerstorfer écrit un maître article dans Deutsche Worte, significativement intitulé “Vers une organisa­tion de parti”. La réflexion initiale qui le motive dans la rédaction de cet article important est la suivante : « La conscience et les aspirations nationales ne se commandent pas, ne s'enseignent pas; il n'est pas possible de les introduire dans les strates les plus larges de la population par le truchement des mé­thodes traditionnelles d'éducation ». De même, le fonc­tionnement de toutes les petites sociétés politi­ques libérales, où la discussion feutrée est toujours de mise, ne peut servir de modèle à la constitution d'un futur parti ou mouvement national, s'adressant aux masses. Les discussions raisonnables des nota­bles libéraux sont valables seulement si le vote est cen­sitaire ou réservé à une petite catégorie de cito­yens, votant en toute connaissance de cause, mais en ne tenant compte que de leurs seuls intérêts sec­toriels et limités. Les mouvements de masse de l'a­venir, pense Pernerstorfer, ont besoin d'une petit grou­pe choisi, bien formé, qui décide des objectifs à poursuivre et des tactiques à mettre en œuvre. La grande masse ne peut avoir la lucidité rationnelle de la minorité des censitaires. Pour cette raison, le fonc­­tionnement formel des cercles politiques con­ven­tionnels du libéralisme doit faire place à un fonc­tionnement informel : les idées nationales doivent cir­culer dans toute la population, dans les familles, dans les discussions informelles des citoyens dans les cafés et autres lieux publics. Cibles de cette mé­tapolitique, fonctionnant de manière informelle : les femmes et les jeunes, parce que les unes influencent leurs enfants et leurs maris, et parce que les autres sont les électeurs de l'avenir, à cette époque où les pyramides démographiques ne sont pas encore in­ver­sées. L'infiltration discrète de cercles divers, mê­me a priori hostiles au nationalisme, est une néces­sité impérieuse.

 

Une maïeutique au service de la cause nationale

 

Les membres des cercles nationalistes doivent con­naître les opinions de leurs adversaires, percevoir comment il faut les subvertir, les investir pour en re­tourner la force au profit du nationalisme. Quant aux citoyens sans formation, l'absence de logique dans leurs raisonnements constitue un tremplin métapo­liti­que : dans ce vide, on peut injecter un contenu nou­veau, allant dans le sens du combat qu'on s'est assigné. Pernerstorfer, ensuite, préconise de ne pas attaquer les arguments des adversaires de front : il importe de gagner d'abord leur sympathie, pour en­tamer ensuite un débat fructueux, qui n'est grevé d'au­cun ostracisme de nature personnelle. L'ex­posant de la métapolitique pernerstorfienne se po­se d'emblée comme un homme intéressant et af­fable, qui opère par le biais d'une sorte de maïeutique so­cratique, c'est-à-dire en ne rejetant pas d'emblée les arguments de l'adversaire, en écoutant ses argu­ments puis en induisant la conversation vers les po­sitions de bon sens nationalistes. Chants, théâtre, o­pé­ra, recours aux émotions populaires, aux senti­ments sains du bon peuple, argumentation subtile de type socratique/maïeutique forment le menu de l'ac­tivisme politique à l'ère des masses, selon Per­ner­storfer.

 

Le fair play  qu'il préconisait ne cadrait pas entière­ment avec le ton âpre et violent de Schönerer, qui bascule bien vite dans l'antisémitisme ambiant de la société viennoise et autrichienne. La rupture entre les deux pôles du mouvement pangermaniste et po­puliste se consommera en 1883, à la suite d'un dis­cours extrêmement violent de Schönerer. Mais la que­stion de l'antisémitisme ne se posait pas de la même façon à l'époque qu'aujourd'hui. William J. McGrath se réfère à George Mosse, spécialiste de cette question dans le contexte germanique : pour Mosse, les jeunes activistes métapolitiques juifs de la Vienne des dernières décennies du 19ième siècle entendaient rompre avec un certain judaïsme de leurs pères, qu'ils jugeaient stéréotypé. Ils s'in­sur­geaient contre l'image stéréotypée qui faisait d'office du juif un être exclusivement intellectuel et artificiel, privé de racines et de liens à la nature et, par consé­quent, parfaitement adapté au milieu capitaliste et urbain, que dénonçaient les nationalistes. Les jeunes activistes juifs et pangermanistes estimaient de fait que ce stéréotypage n'était pas faux en soi et qu'il de­vait être dépassé par des efforts de volonté : l'hom­me juif dans la société allemande devait aban­donner cet intellectualisme et cette artificialité sté­ri­le, retrouver des racines et des liens avec la nature au même titre que les Allemands “chrétiens” ou “ar­yens”. C'est cette démarche de libération, esti­maient-ils, qui devait fonder leur identité politique, sans déterminisme matériel ou racial aucun. L'adhé­sion à l'esthétique wagnérienne et nationale, à l'art al­lemand, constitue le fondement volontariste de l'i­dentité politique. Pour l'aile représentée par Schö­nerer, il y a un déterminisme biologique qui sur­plom­be irrémédiablement ce fondement volontariste.

 

Travailler à l'émergence d'un bloc populiste solide

 

Après la rupture avec Schönerer, Adler et Perner­stor­fer évoluent vers un socialisme populaire, non dé­terministe, marqué par Nietzsche et Wagner. Fried­jung opte pour la position des libéraux de gau­che, favorable à l'émancipation des classes laborieu­ses et défavorisées. Adler et Pernerstorfer ne réser­vent pas leur socialisme à la seule classe ouvrière proprement dite, mais l'étendent aux artisans, aux paysans pauvres et à la partie des classes moyen­nes, dont les revenus sont faibles. L'objectif est d'u­nir, en un bloc populiste solide, toutes ces classes vi­vant dans la précarité économique pour qu'elles lut­tent de concert contre le libéralisme autrichien, qui génère une hiérarchie sociale basée sur l'argent et la quantité, et non sur la qualité et le mérite. Ouvriers, paysans, artisans et représentants de la petite classe moyenne doivent communier dans la foi nationaliste, ciment de leur unité, pour lutter de concert contre la dictature sournoise et indirecte de l'argent, quasi in­visible dans les textes de loi ou dans les insti­tu­tions, mais bien présente dans la société et fort lour­de à supporter.

 

La pensée de ce socialisme est organique. Karl Aus­serer, membre du groupe Pernerstorfer, écrit dans la Deutsche Wochenzeitschrift du 16 mars 1884 un article qui exprime parfaitement cette mystique de la nature, présente dans le corpus intellectuel du grou­pe depuis les années du Schottengymnasium. Aus­se­rer : « Sous les tempêtes hivernales, tout obser­vateur attentif prévoit de longue date l'apparition du printemps, le réveil de la nature… Une force élé­mentaire invisible est à l'œuvre dans les profondeurs de la Terre; tout est en germination, tout croît, se remplit de lymphe et de suc vital » (Comment ne pas penser à Henri Bergson ou à Maurice Blondel?).  Ausserer se réclame ensuite du passé médiéval alle­mand, surtout de l'époque ottonienne et de celle des Hohenstaufen. La poésie et la musique médiévales al­lemandes ont été mises en exergue à l'époque par des philologues et des médiévistes tels Victor Scheffel et Julius Wolff. Ausserer : « Ces poètes [du mo­yen âge] ont fait vibrer les cordes de nos cœurs et leurs chants se sont ancrés dans le peuple… Bien vite, à ces chants, s'est associée la mélodie ».

 

Pour un équilibre entre émotions et rationalité

 

Les référentiels et les leitmotive des hommes du grou­pe de Pernerstorfer sont donc doux, empreints de sagesse et de quiétude, en dépit de la nécessité, qu'ils reconnaissent, d'employer des mots durs pour fustiger les “eunuques politiques”. A la suite de la rupture avec Schönerer, le groupe d'Adler et de Per­ner­storfer perçoit le risque de dérive découlant de l'utilisation irraisonnée des “discours âpres” et d'une excitation irréfléchie des émotions populaires. Le 10 mai 1885, Friedjung explique, dans les colonnes de la Deutsche Wochenschrift, que la politique décou­lant des “discours plus âpres” est pleinement justi­fiée, car elle met un terme à une tiédeur politique délétère pour amorcer une ère nouvelle, énergique, où l'esprit national se défend avec virilité, mais cette défense virile de la nation ne doit pas s'accompagner d'une atrophie spirituelle, de limitations qui con­dui­sent à la stupidité. Le 31 mai, dans les colonnes de la même revue, Friedjung écrit : « Le sentiment et l'é­motion ont leur place dans la politique et sans le soutien précieux de ces facultés  —les plus nobles de la nature humaine—  la vie publique dégénère trop souvent en un jeu d'ambitions et en un combat fon­dé uniquement sur les intrigues ». Et il ajoute : « Il faut cependant éviter tout excès de sentimentalisme facile, éviter de se complaire dans les slogans de bas de gamme, vides de sens et trop hauts en cou­leurs».

 

Friedjung, après la rupture de 1883, tente donc de redéfinir le style politique du groupe issu du Schot­ten­gymnasium et du Leserverein. Les appels à l'é­motion doivent recevoir des contrepoids plus ré­flé­chis pour amorcer une stratégie plus vaste, destinée à rameuter l'électorat indécis oscillant entre les libé­raux (de gauche) et les pangermanistes populistes. En 1885, cette nouvelle stratégie porte ses fruits : pas moins de 47 députés représentent la mouvance au Parlement, dont de nouveaux élus comme Per­nerstorfer, Ausserer et Steinwender. Pernerstorfer, financé par son ami Adler, est élu député socialiste de Wiener Neustadt. Il le restera quasiment pour le reste de ses jours.

 

L'apport de Victor Adler au socialisme autrichien et les aveux de Kautsky

 

Victor Adler, qui avait opté plus tôt pour un combat plus socialiste, plus social-démocrate, que ses collè­gues issus du Leserverein, fera une carrière brillante au sein du parti socialiste autrichien, dont il fut l'un des pères fondateurs. Il assurera une transition sans heurt entre le pangermanisme de sa jeunesse et la sociale démocratie de sa maturité. Médecin de pro­fes­sion, on le surnommait dans les quartiers popu­laires de Vienne le “Docteur”. Ses discours avaient une teneur psychanalytique avant la lettre, soit avant la vulgarisation généralisée du freudisme. Il avait retenu les leçons de Theodor Meynert, pro­di­guées à la tribune du Leserverein. Dans un discours prononcé devant une assemblée de socialistes vien­nois en 1901, Adler révèle sa vision thérapeutico-politique : « Le cerveau est un organe répressif et c'est en cela que réside sa supériorité; mais si le cer­veau ne se consacre qu'à la seule répression, il court le risque de ne plus pouvoir activer ses centres moteurs ». Adler fustige les théoriciens rigides, dé­terministes et marxo-matérialistes de la sociale dé­mo­cratie allemande et autrichienne : comme le fera plus tard Henri De Man, Adler vise à créer, au sein du parti socialiste, un équilibre entre politique (ra­tion­nelle) et psychologie (émotive des masses), ce qui revient à prôner un équilibre entre l'émotivité qui impulse l'action politique à la base et la nécessité d'a­voir un cadre doctrinal efficace. Même Karl Kaut­sky, exposant d'un socialisme positiviste et ratio­na­liste, souvent brocardé par les soréliens et les léni­nistes pour sa rigidité et ses modérations, reconnaît la qualité et l'efficacité des positions d'Adler : «[Dans les rangs des nationalistes pangermanistes], il a acquis une formation politique et une capacité de traiter les situations et les hommes, qu'avant lui, les chefs de la sociale démocratie autrichienne n'avaient jamais eue. L'arrivée d'Adler dans leurs rangs a mis fin au règne de l'infantilisme politique ». L'aveu est de taille : cela signifie, si l'on retient ces paroles de Kautsky et qu'on les extrapole, sans pour autant les solliciter outre mesure, qu'un socialisme privé du terreau des pensées énergiques (et énergisantes) de l'élan vital nationaliste, pangermaniste, wagnérien et nietzschéen, sombre quasi automatiquement dans la banalité et l'infantilisme…

 

Le passage au socialisme n'estompe nullement l'élan pangermaniste

 

Dans d'autres passages de l'œuvre ou des mémoires de Kautsky, nous trouvons d'autres évocations élo­gieuses d'Adler : « Autour de lui, il y avait un cercle d'in­tellectuels  —des médecins, des avocats, des com­positeurs, des journalistes—  qui s'intéressaient tous au socialisme et qui étaient très proches de lui. Une seule chose m'éloignait d'eux : le fait qu'ils pro­fes­saient ouvertement des idéaux pangermanistes… [Les membres juifs de ce groupe] étaient de fer­vents nationalistes, beaucoup étaient même chau­vins… Ils ne voulaient rien avoir à faire avec les Habs­bourg et n'exaltaient que les Hohenzollern. Les juifs autrichiens étaient à l'époque les défenseurs les plus passionnés de l'Anschluss, auquel s'opposait clai­re­ment Bismarck ».  Malgré les sentiments po­sitifs qu'il éprouvait à l'égard d'Adler, Kautsky ex­primait souvent son incompréhension face au wag­nérisme et au nietzschéisme qu'il avait hérités de son long passage dans le mouvement pangerma­niste. Devenu à son tour député socialiste, Perner­storfer explique les mobiles qui ont animé sa jeu­nes­se, qu'il ne renie pas, dans les colonnes de Deutsche Worte : « J'ai grandi pendant une période de grande exaltation patriotique, mais, dès ma jeunesse, je me suis intéressé aux idées démocratiques et socia­lis­tes; je pensais que le pangermanisme, tout comme les autres mouvements nationaux dont s'étaient inspirées les guerres de libération contre Napoléon, étaient de nature démocratique ». Quant à Adler, il n'a jamais cessé de lire et de vénérer les corpus lé­gués par Wagner et Nietzsche. Axiome indépassable de sa pensée : la musique créera le sens commu­nau­taire socialiste et national. A ce propos, il écrit : « La musique a le pouvoir de nous guider vers les plus hautes cimes du sentiment, où toutes les parti­cu­larités disparaissent et où notre regard ne ren­contre plus que ce qui est grand et sublime. Le sens le plus élevé de notre solidarité, l'enthousiasme pour la cause sacrée où les masses s'unissent dans la fra­ternité, ne peuvent s'exprimer par des mots : ils doi­vent se chanter ».

 

Un socialisme culturel et non matérialiste

 

Pour Adler, les objectifs du socialisme ne sont donc pas d'ordre matériel, ne visent pas uniquement à a­méliorer le bien-être matériel des masses, à en faire des animaux d'élevage gavés, dociles et domptés, mais surtout à élever leur niveau culturel. Il exprime clairement cette idée dans un article de la revue Gleichheit de 1887 : « La révolution économique a­van­ce inexorablement sur sa voie, en suivant les lois de la mécanique… mais, simultanément, une autre révolution avance dans la conscience de l'humanité, une révolution intellectuelle qui, elle, est le véritable objectif premier des partis prolétariens sociaux dé­mocratiques ». Les militants socialistes sont dès lors des missionnaires, les missionnaires d'une révolution culturelle, éducatrice qui vise l'élévation morale des classes défavorisées. Les historiens du socialisme in­ternational reconnaissent cette spécificité du mes­sa­ge d'Adler; ainsi, l'historien britannique G. D. H. Co­le: «… le mouvement socialiste viennois se distin­guait des autres surtout par les succès qu'il avait rem­portés dans son travail culturel; les socialistes autrichiens, ou du moins les socialistes viennois, sont devenus le groupe prolétarien le plus cultivé et le mieux préparé du monde ». Pernerstorfer est fier du travail réalisé par ses amis et camarades; lors du congrès des socialistes autrichiens de 1894, il les fé­licite et ajoute une phrase capitale, qui prouve net­te­ment que l'idéologie de la table rase, propre des socialistes dégénérés et véreux d'aujourd'hui, n'est pas la sienne : « Tout ce qui forme le patrimoine des civilisations du passé et du présent, tout ce qui est noble, grand et beau, se concentre en vous ».

 

Un socialisme qui table sur le “mythos” plutôt que sur le “logos”

Le socialisme n'a de sens, ajoute McGrath, que s'il pa­tronne une éducation artistique des masses prolé­tariennes. Pour y parvenir, Pernerstorfer sait qu'on ne peut faire table rase des legs de la religion, des sym­boles, des mythes, notamment de ceux qui s'ex­primaient dans le théâtre de la cité grecque antique. Avant d'autres auteurs importants, notamment de la future “révolution conservatrice”, Pernerstorfer affir­me que le socialisme, s'il veut triompher, doit tabler sur le “mythos” plutôt que sur le “logos”. Leitmotiv qui est évidemment d'inspiration wagnérienne et nietzschéenne. Pour lui, un peuple qui ne va plus au théâtre, qui ne dispose plus de théâtres où il peut créer directement ses formes d'expressivité, est un peuple mort-vivant. De même, si le théâtre n'est plus que commémoratif, répétition stérile des mê­mes clichés, il ne peut servir de ciment commu­nau­taire. Bertold Brecht pour la “gauche” officielle du 20ième siècle, Hanns Johst, dans le contexte national-socialiste, ne diront pas autre chose. Quelques cita­tions puisées dans les articles de Pernerstorfer sont révélatrices à cet effet : « L'immense majorité du peu­ple est complètement exclue du théâtre et de l'art en général; la dramaturgie, qui, normalement, est intimement liée à la collectivité nationale tout entière, du fait du caractère religieux de ses origines et de son développement, n'est plus que le privilège d'une strate très restreinte de la population ». «Ja­dis, la nation et le théâtre étaient étroitement liés l'une à l'autre. Ils se développeront à nouveau tous deux lorsque de nouvelles formes de vie, dans la gran­de ère à venir, se montreront capables de réu­ni­fier la nation au niveau culturel le plus élevé, alors naîtra un nouvel art dramatique, qui ne sera en rien inférieur aux plus grandes créations de l'art anti­que». «Seul le socialisme pourra créer en toute cons­cience une situation où il n'y aura plus de res­trictions sociales empêchant les individus d'évoluer totalement… Alors seulement la souveraineté de l'œuvre d'art, dont rêvait Richard Wagner, deviendra réalité ».

 

Socialisme = culture, libéralisme = barbarie

 

Le socialisme est donc au service de l'esthétique, de l'art, et non l'inverse. Il est le contraire du libéra­lis­me, qui crée un monde d'enfer, parce que le beau n'a, pour lui, aucune importance, seules comptent pour lui les plus sinistres abstractions inventées par l'homme : les bilans, les procédures bancaires, l'ar­gent, les accumulations quantitatives, la production d'horribles objets sérialisées, le vacarme d'abomi­na­bles automobiles. Pour satisfaire le culte insensé voué à ces abstractions, on faisait mourir des en­fants, que l'on laissait déchiqueter sous des machi­nes à tisser, comme le montre le film poignant con­sacré, il y a quelques années, à l'œuvre politique du Père Daens. L'artiste, l'historien, le philologue, le phi­losophe, le créateur dérangent, au lieu de les res­pecter et de les choyer, on les condamne à la misère existentielle et morale. L'employé de banque, le comp­table, l'ingénieur commercial, le "manager", le producteur tayloriste sont hissés sur le pavois, payés grassement pour ne rien créer de beau et même pour généraliser toujours davantage l'horreur séria­li­sée qui est leur propre, alors que leurs abjectes et médiocres personnes, par le fait même qu'elles exis­tent, mangent, ch…. et respirent, font chavirer notre civilisation dans un déclin irrémédiable, à l'horizon duquel une misère noire nous attend, une double mi­sère morale et économique, car ce fatras infâme fi­nira par crouler  —sa croissance exponentielle ne pouvant se poursuivre à l'infini. Un vrai socialisme as­pire à une société débarrassée des maniaques de l'accumulation quantitative sans frein, les émules de la crapule marchande von Ofenheim.

 

On ne peut être socialiste qu'avec l'indispensable zeste de wagnérisme et de nietzschéisme

 

L'exemple historique le plus patent qui vient à l'es­prit quand on rappelle ces deux équations, chères à Pernerstorfer et Adler  —“socialisme = esthétique” et “libéralisme = barbarie culturelle”—,  est le sort ad­ve­nu aux créations architecturales de Victor Horta : celui-ci n'était pas encore décédé que les libéraux, élus par le plus vil des esprits mercantiles, faisaient raser à Bruxelles les immeubles qu'il avait érigés. Plus tard, après la seconde guerre mondiale, quand le socialisme avait vraiment perdu ses dernières plu­mes culturelles, qu'il avait sombré dans l'horreur ma­térialiste la plus vulgaire, sa splendide “Maison du Peuple” de la rue Joseph Stevens, près du Sablon, croulait sous les pioches et les bulldozers des démo­lisseurs, malgré les appels et les pétitions lancées dans le monde entier, notamment par le grand ar­chi­tecte finlandais Alvar Aalto. Le socialisme belge, qui avait partagé avec le socialisme autrichien une vo­lonté d'esthétiser la vie publique, perdait bel et bien ses dernières bribes qualitatives : depuis, il n'a ces­sé de sombrer dans la fange la plus abjecte, dans la veulerie, la crapulerie et la corruption. Il est au­jour­d'hui représenté par d'ignobles voyous sans foi ni loi, qui auraient fait honte à des esprits aussi é­le­vés que les fondateurs de la sociale démocratie au­trichienne : Engelbert Pernerstorfer et Victor Adler. Avec eux et avec Horta, nous aurions été socialistes sans arrière-pensées, avec l'indispensable zeste de wagnérisme et de nietzschéisme. Avec la vermine qui prétend représenter le socialisme en Belgique au­jourd'hui, on n'ose plus revendiquer cette étiquet­te. 

 

Pour Adler, la politique est l'art de l'action

 

Victor Adler a bel et bien représenté un socialisme où il y avait équilibre en l'esprit et le cœur, entre l'in­tellect et les passions. Emile Vandervelde, dans l'hommage qui lui rend immédiatement après sa mort, écrit : « Je n'ai jamais connu personne  —et je le répète, personne—  en qui se résumaient si bien toutes les qualités de caractère et d'intelligence, ce qui concourait à former un grand chef politique. Il appréciait les grandes motivations idéales mais ne fermait pas les yeux face à la réalité; il avait une parfaite maîtrise des théories et des faits, faisait mon­tre d'un merveilleux équilibre entre l'esprit et le cœur; il avait un pouvoir magnétique qui lui permet­tait d'entraîner les hommes tout en conservant le calme nécessaire pour les freiner dans leurs mo­ments de colère ». Ces qualités distinguaient Adler de la grande majorité des chefs sociaux-démocrates allemands. Il se désolait de voir combien un Bebel ignorait les ressorts de la psychologie des masses. Ces socialistes allemands étaient des raisonneurs abstraits, des bâtisseurs d'hypothèses rigides. Julius Braunthal observe qu' « Adler n'avait pas la moindre sympathie pour tout ce qui est hypothétique, ab­strait et artificieux… Pour lui, la politique était l'art de l'action, l'art de faire ce qui est nécessaire en des circonstances déterminées ».

 

Adler admirait Jean Jaurès, son style théâtral, sa ca­pa­cité d'enivrer. Comme lui, il entendait, en toute conscience, valoriser l'aspect théâtral de la politique. Plus spécifiquement, écrit McGrath, un examen ap­pro­fondi des techniques utilisées par Adler démontre qu'il était un maître de la symbolique politique. Les exemples que souligne McGrath sont intéressants : le combat mené par Adler et ses amis pour faire du 1 mai la fête des ouvriers, d'une part, la grande ma­nifestation qu'ils ont organisée à Vienne pour obtenir le suffrage universel.

 

Cri d'appel et ligne ondulatoire

 

Pour Adler, la politique fonctionne correctement, fait vraiment bouger les choses si on table sur l'“appel”, le cri d'appel, le Weckruf, qui consiste à réveiller l'énergie vitale assoupie. L'appel du 1 mai passe par le retour à un mythe païen, celui de la célébration du printemps, de la fête qui inaugure le temps de la fertilité et la période des fleurs. Pour Adler, le 1 mai ne doit pas être une journée de revendications bru­tales, mais une journée festive. Adler mêle là tra­di­tions populaires et éléments glanés dans La Nais­san­ce de la Tragédie de Nietzsche.  Le choix de la fête, plutôt que de la manifestation purement revendi­ca­tive, est un choix tactique conscient. Il sait que le par­ti socialiste doit maintenir vive la conscience des iniquités sociales dérivant du mode de scrutin cen­si­taire en vigueur dans l'Autriche de son temps. Mais, en tant que psychologue, il sait aussi que “l'on ne peut maintenir éternellement la lutte à la tempé­ra­tu­re maximale, une température maximale qui n'est pos­sible qu'en certains moments et dans des con­di­tions favorables”. Il serait donc criminel et vain de maintenir une pression constante de type linéaire. Le risque est alors de courir à la catastrophe. Adler ne croit pas à la “ligne droite” mais à la “ligne ondu­la­toire” (Wellenlinie). Il l'explique au congrès socialiste de 1904 : « Toute activité psychique  —et la poli­ti­que est aussi et surtout une activité mentale—  se dé­veloppe selon un rythme ondulatoire. Dans tout mou­vement, il y a des crêtes de vague, mais chacu­ne d'elles est suivie, par nécessité physique, d'un creux, d'une diminution d'intensité qui constitue un moment de pause et prépare une reprise d'intensité dans le mouvement. Aucune activité psychique ne peut se maintenir sur le long terme ou pour toujours à son niveau maximal ». La triple lecture de Scho­pen­hauer, de Wagner et de Nietzsche permet à Adler de mieux saisir la psychologie des masses que ses collègues marxistes conventionnels, qui n'argumen­tent qu'avec des schémas secs, rationalistes ou po­sitivistes. Par conséquent, tout mouvement socialiste qui s'écarte de la pensée en termes de “rythmes on­dulatoires” sombre dans l'apathie ou le ronron po­li­ti­cien. Il n'y a pas de socialisme triomphant qui soit pensable sans apport nietzschéen.

 

La grande manifestation pour le suffrage universel

 

La campagne pour le suffrage universel permet une nouvelle fois à Adler de démontrer l'excellence de ses conceptions. Le Premier ministre hongrois Fejér­va­ry annonce en septembre 1905 que la partie hon­groise de l'Empire adoptera le suffrage universel mas­culin. Aussitôt, en Cisleithanie, les esprits s'é­chauffent et veulent le même statut. Les Tchèques sont en faveur d'une grève générale (prélude à une insurrection?). Adler, plus prudent, opte pour une tac­tique différente. L'émeute n'arrangerait pas les choses : le gouvernement conservateur risquerait de tenter à son tour le coup de force, comme le gou­vernement russe qui vient de mater la révolte de 1905. Adler veut organiser une fête, un Volksfeier­tag. Les ouvriers défileront dans le calme, le silence et la dignité (Würde) devant le Parlement, où l'on dé­bat sur la question du suffrage universel masculin. Ils doivent défiler en famille, vêtus de leurs beaux effets du dimanche. Réclamer le suffrage universel ne se fait pas par des cris, des vociférations, des ba­garres, mais par le faste d'une procession quasi reli­gieuse ou d'un cortège traditionnel, inscrit dans la li­turgie naturelle et agraire qui se profile derrière la li­turgie catholique. 250.000 ouvriers allemands d'Au­tri­che et une centaine de Slovaques de Moravie (en désaccord avec les Tchèques) participeront à cet im­men­se défilé silencieux et digne. L'Arbeiter Zeitung é­crit le lendemain : « Tous, du sympathisant au sim­ple observateur, garderont le souvenir d'un spec­ta­cle sublime (erhabenes Schauspiel) ». L'unité popu­lai­re (et celle du prolétariat) ne naît pas d'une orga­nisation rigide et enrégimentée mais d'une authen­tique communion d'idée et de sentiments. Les ou­vriers autrichiens, en défilant calmement devant le Parlement de Vienne, ont prouvé qu'ils n'étaient pas un troupeau ignare manœuvré par des agitateurs. Cette vision, explique l'organe socialiste, est un “cliché libéral”, propre aux “philistins de l'imposture individualiste”. La classe ouvrière viennoise a fait preuve d'autodiscipline, a démontré sa volonté col­lec­tive qui était, non pas le produit d'une violence destructrice, mais, au contraire, le produit d'un long travail éducatif, métapolitique, sans précédent. Au len­demain de cette gigantesque manifestation cou­ronnée de succès, Victor Adler souligne le contraste entre, d'une part, cette masse puissante par le nom­bre et la discipline et, d'autre part, l'impuissance du Parlement, ou, pour parler comme Maurras, le con­traste entre le pays réel et le pays légal. Adler écrit : « Cette Chambre ne jouit que de peu de crédit dans le peuple… Elle n'est plus en mesure de faire quoi que ce soit de bon, ni même quoi que ce soit de mau­vais : elle est devenue complètement inutile ». L'anti-parlementarisme, dont on a accusé plus tard les fascistes, a des racines socialistes et foncière­ment démocratiques. Du moins en Autriche.

 

Victor Adler traversera les turbulences de la premiè­re guerre mondiale et mourra le 11 novembre 1918. Un jour après sa mort, la République est proclamée. Mais ce n'était pas la république dont il avait rêvé dans sa jeunesse, surtout parce qu'elle s'interdisait de réaliser l'Anschluß, l'union des Allemands d'Autri­che à la “grande patrie germanique”. Ce ne seront plus les socialistes qui militeront pour cette réunion, mais les nationalistes, héritiers directs d'un ancien associé politique d'Adler : le Chevalier von Schöne­rer.

 

Conclusion :

 

◊ Nous avons retracé, en suivant les démonstrations de McGrath et de Battey, l'histoire d'un mouvement politique à la fois identitaire et universel, un mouve­ment qui a clairement fait appel aux racines (Nibe­lungen, poésie et mystères médiévaux, ères des Stau­fer et des Othoniens, etc.), qui a imité des dé­mar­ches identitaristes pionnières telles les Eistedd­fodd gallois, tout en proposant un modèle universel (et non pas universalistes). Tous les peuples ont le de­voir éthique de défendre leurs racines : cette véri­té est universelle, mais ne débouche pas, a fortiori, sur un modèle universaliste arasant, qui se poserait comme unique pour toute la planète. Nous con­sta­tons aussi que si les composantes spécifiques, fondement de l'identité, sont négligées, passent à l'ar­rière-plan ou subissent un processus volontaire d'expurgation, le mouvement bascule dans l'inau­then­tique, dans la répétition stérile de poncifs fonc­tionnels sans âme puis dans le n'importe-quoi et dans la corruption. Ainsi, l'abandon par les forces so­cialistes des linéaments nationalistes, identitaristes, wagnériens et nietzschéens  a conduit le mouvement so­cialiste à l'impasse qu'il connaît aujourd'hui : être un mouvement gestionnaire de la gabegie dominan­te, incapable d'affronter le néo-libéralisme, être un mou­vement qui se contente de survivre ou être un mou­vement anti-démocratique qui oblitère la variété nécessaire des réalités sociales, estime être l'horizon indépassable de l'humanité (dans ce cas, l'horizon n'est guère éloigné…), impose une forme ou une au­tre de “pensée unique”.

 

◊ Le Programme de Linz, la volonté de faire parti­ciper les masses par le théâtre, les manifestations chantées ou les processions comme le Volksfeiertag de Vienne lors de la lutte pour le suffrage universel, sont des mixtes audacieux et efficaces de populisme actif, un vrai socialisme. Sans ces dimensions, le so­cia­lisme est une imposture.

 

◊ Une révolution conservatrice réelle doit se vouloir un retour à cette forme de socialisme, postuler à nou­veau l'usage des “paroles fortes” ou des “paroles âpres”, se remémorer la notion de “cri d'appel” (Weck­ruf)  telle que l'avait forgée Victor Adler, re­mettre à l'honneur la pratique des défilés de masse dans la dignité. Une telle révolution conservatrice se­rait civile, instrumentalisable contre le néo-libéra­lis­me. Personne ne pourrait incriminer une telle i­déo­logie révolutionnaire-conservatrice, puisque l'in­cri­miner équivaudrait à incriminer le mouvement so­cialiste et démocratique (suffrage universel, journée des huit heures), dont se réclame la “correction poli­tique” actuelle, alors que sa rigidité et sa répétitivité sont le déni absolu du fondement identitariste, de la dynamique de base, de ce mouvement dans sa pha­se ascendante. Les champions de la “pensée uni­que”, de la “bien-pensance” (Elizabeth Lévy), de la “political correctness”, rejettent comme “fascistes”, “fascistoïdes” ou “fascistogènes” les éléments qui ont donné au mouvement socialiste et démocratique leur plus forte impulsion, leur dynamique ascen­dan­te. C'est la preuve qu'ils ne sont pas démocratiques, parce que sans ces éléments jugés “fascistes” par les terribles simplificateurs d'aujourd'hui, le mouve­ment démocratique n'aurait jamais connu le succès. L'objectif des champions de la “bien-pensance” est d'éradiquer dans la Cité tout ferment de dynamisme, de clore le bec aux citoyens et d'asseoir définitive­ment la gabegie dominante, d'en faire l'horizon in­dépassable de l'histoire.

 

Robert STEUCKERS.

(Forest/Flotzenberg, Vlotho im Wesergebirge, juillet/août 2001).

 

Notes:

 

◊ 1. La volonté de détacher les Allemands d'Autriche, voire l'ensemble des peuples de Cisleithanie (Tchèques, Italopho­nes du Trentin, Slovènes et Allemands) de la partie de l'Em­pire réunie à la Couronne de Hongrie (Hongrois, Slovaques, Croates) ruine la perspective danubienne de l'histoire alle­mande. Cette idée, tout à la fois folciste, au sens où l'en­ten­dait Herder, et moderne, est en contradiction avec la mis­sion confiée au Traité de Verdun à Louis le Germanique (Lud­wig der Deutscher) en 843. Louis avait reçu la mission de conquérir le cours du Danube pour restaurer l'impérialité romaine dans sa plénitude. Le détenteur du titre de Kaiser, Lothaire (Lothar), avait reçu cette dignité parce qu'il régnait sur les deux fleuves qui avaient donné à Caius Julius, de la gens julia, la dignité de Caesar : le Rhône, le Rhin (et dans une moindre mesure le Pô). Abandonner cette perspective d'un bassin danubien unifié est une négation de l'héritage romain, donc de l'avenir européen. C'est évidemment un point du programme du Groupe Pernerstorfer que nous ne saurions partager.

 

◊ 2. Après que l'Empire austro-hongrois soit devenu “dua­liste” en 1867, on a eu coutume d'appeler Cisleithanie la par­tie occidentale, essentiellement allemande, mais aussi tchè­que, avec pour villes principales Prague, capitale du Ro­yaume de Bohème, et Vienne, capitale de l'Autriche et rési­den­ce de l'Empereur. Le parlement des peuples de Cisleitha­nie siégeait à Vienne. Celui de la Transleithanie à Budape

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mercredi, 06 juin 2007

Banco del Sur: une vision geopolitica

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Banco del Sur: una visión geopolítica

Pasó desapercibido el encuentro de ministros de economía y finanzas de Suramérica en Quito, capital de Ecuador, el día 3 de mayo de 2007. Y pensándolo bien, mejor que los mass media no hayan casi registrado la noticia, pues de lo contrario hubieran surgido cientos de analfabetos culturales locuaces según acertada expresión de Paul Feyerabend (1924-1994) enmerdándolo todo.

El Banco del Sur es una iniciativa promovida por Venezuela, Ecuador, Argentina, Bolivia, Brasil y Paraguay. Grosso modo la intención es crear un banco al servicio de las necesidades de la región suramericana con depósitos de la banca pública. Esto es resistido por los gobiernos de Chile, Perú, Uruguay y Colombia, porque pagaría menor interés que el internacional a sus colocaciones, ya que el Banco del Sur está pensado para otorgar créditos y préstamos más baratos que los que está cobrando la banca internacional y, por ende, pagaría menosinterés.

El conjunto de reservas internacionales que tienen los seis países mencionados en dinero que está depositado en bancos de Estados Unidos y Europa suman 164.000 millones de dólares. Pero se da la paradoja, afirmó el ministro ecuatoriano de economía Ricardo Patiño que “nuestros países tienen todo ese dinero depositado ganando tasas de interés muy bajas, sin embargo, después están pidiendo al Banco Mundial, al Fondo Monetario Internacional y al Banco Internacional de Desarrollo que les ayuden a solucionar sus problemas financieros cuando tenemos un caudal inmenso de ahorros de nuestros países que
pudieran ser utilizados para estos mismos fines sin caer en las condicionamientos “.

El Banco del Sur arrancaría con un capital inicial de 7.000 millones de dólares, la controversia respecto del aporte de los países accionistas impulsores de la idea radica que unos, como Brasil o Paraguay, proponen hacer aportes menores del orden de los 300 millones y otros como Ecuador, Venezuela y Argentina proponen aportes significativos. En una palabra, unos quieren que el Banco del Sur nazca chico y otro piensan en términos de grandeza.

La contradicciones surgen con las declaraciones de Guido Mantega, ministro de hacienda del Brasil, quien sostuvo que:” la prioridad del Banco del sur será financiar proyectos de infraestructura, logística y energía” y recordó que “sólo el Banco de Desarrollo de Brasil tiene 120.000 millones de dólares para financiar al sector productivo de su país, en tanto que el Banco Interamericano de Desarrollo (BID) tiene sólo 100 millones de dólares para toda la región”.

¿Qué pretende entonces la intelligensia brasileña, crear un banco pobre esterilizando otra idea que puede servir para liberarnos, como lo hizo con la Comunidad Suramericana de naciones invitando a Surinam y Guyana, o sea, Holanda e Inglaterra a participar?

Esta idea del Banco del Sur, hay que decirlo con todas las letras la lanzó Chávez y le mostró sus beneficios a Kirchner, quien honesta y cabalmente la aceptó. Brasil se sumó como se suma a todos los intentos de integración suramericana, no por su vocación integradora, sino porque Itamaraty no descansa en su ambición de dominio. Y así, si los proyectos o ideas que se lanzan benefician su política permanente de “extensión al oeste” los apoya, de lo contrario los esteriliza, pero nunca los rechaza, pues su rechazo generaría una resistencia que no tiene porqué crear.

Esto hay que saberlo y nuestros gobiernos hispanoamericanos deberían alguna vez hacerlo notar. Brasil, a través de su cancillería Itamaraty, interpuso, interpone e interpondrá todos los recursos a su alcance para impedir la integración norte-sur o sur-norte de Suramérica, de modo tal que si hay algo que no desea ni quiere es la relación Caracas-Buenos Aires, y el Banco del Sur abona y refuerza esta integración.

Hace ya más de un siglo y a partir de los trabajos de don Tulio Jaguaribe, el padre de Helio Jaguaribe, los gobiernos de Argentina y Venezuela están solicitando al de Brasil avanzar en los trabajos para la integración fluvial del Suramérica sobre todo en la vinculación entre los ríos Paraguay –Guaporé a través del dragado de los ríos Alegre y Aguapey, atravesando la laguna Rebeca y el riacho Barbados y su respuesta siempre ha sido una dilación continuada. Vemos como el Banco del Sur nos llevó a consideraciones que hacen al riñón de la geopolítica suramericana, a tratar de llamar a las cosas por su nombre y a correr el velo de las intenciones ocultas. Mientras tanto los seis países que inicialmente constituirían el Banco del Sur tienen presos 164.000 millones de dólares, en Bancos de USA y Europa, esto es, diez veces más de los créditos que recibimos con
condicionamientos de todo tipo, durante el 2006.

El Banco del Sur si naciera grande se transformaría automáticamente en la expresión financiera de la Unión Suramericana lo que le permitiría negociar como bloque y no aisladamente con los poderes internacionales. La consecuencia natural del un Banco del Sur pensado en términos de grandeza sería la implantación de una moneda única tal como se propuso en la reunión del Mercosur,aquella a la que asistió Nelson Mandela, realizada en Ushuaia en 1999 y dilatada por Brasil sine die.

Finalmente la creación del Banco del Sur, y por eso escribimos sobre él sin ser economistas, no debe verse ni valorarse con visión financiera sino desde una visión geopolítica.

Alberto Buela
(*) CeeS (Centros de estudios estratégicos) – Federación del Papel alberto.buela@gmail.com


Article printed from Altermedia Spain: http://es.altermedia.info

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Mouvement métapolitique à Vienne (19ième) (I)

Le mouvement métapolitique d'Engelbert Pernerstorfer à Vienne à la fin du 19ième siècle, précurseur de la "révolution conservatrice" (PREMIERE PARTIE)

 

Intervention de Robert Steuckers lors de la 9ième Université d'été de l'association «Synergies Eu­ropéennes», Région de Hanovre, août 2001

 

Analyse :

William J. McGRATH, Arte dionisiaca e politica nell'Austria di fine Ottocento, Einaudi Editore, Torino, 1986 (Original anglais : Yale University Press, 1974), ISBN 88-06-59147-9.

Bret BATTEY, The “Pernerstorfer Circle”, http://faculty.washington.edu/vienna/projects/pern/

Sur Siegfried Lipiner : http://www.bautz.de/bbkl/l/lipiner.shtml

Sur Richard von Kralik : http://www.bautz.de/bbkl/k/Kralik.shtml 

Pourquoi avoir choisi cette thématique? Pourquoi avoir ressorti un auteur quasiment oublié? La pre­mière raison qui m'a poussé à opérer ce choix et à vous présenter les initiatives d'Engelbert Perner­storfer c'est justement que le concept de "révolution conservatrice" m'apparaît désormais trop restreint, trop limité, surtout dans le temps. Cinq faisceaux de motivations m'ont amené à réétudier, à partir des recherches de deux Américains, William McGrath et Bret Battey, les activités métapolitiques de la Vienne des trois dernières décennies du 19ième siècle et d'en dégager des idées que l'on peut considérer comme les prémisses —ou comme certaines prémisses—  de la future "révolution conservatrice".

◊ La période choisie par Armin Mohler est limitée: elle va de 1918 à 1932, soit une période de quatorze années, qui est trop particulière, trop marquée par la défaite de 1918, par les clauses du Traité de Versailles de 1919, par les débordements proches de la guerre civile (Putsch de Kapp, intervention des Corps francs à Munich, dans la Ruhr et en Silésie), pour offrir une alternative complète au système pour une période non effervescente. Qui plus est, les ra­cines des idées développées par les principaux pro­tagonistes de la "révolution conservatrice" de 1918 à 1932, plongent dans une antériorité qu'il convient également d'explorer. Cette remarque n'en­lève rien au mérite de Mohler et à l'excellence de son travail encyclopédique. Mon objectif est de don­ner une di­mension temporelle plus profonde à son concept de "révolution conservatrice", ce qu'il en­ten­dait amor­cer lui-même, notamment en accueillant favorable­ment les travaux de Zeev Sternhell.

 

Réflexions sur les vertus soldatiques

 

◊ L'accent de la "révolution conservatrice" après 1918 est tout naturellement mis sur les vertus "sol­datiques" qui ont été cultivées pendant la première guerre mondiale et se sont avérées nécessaires pour éloigner le danger bolchevique des frontières de l'Allemagne en Silésie et dans l'espace des Pays Bal­tes et pour le conjurer à l'intérieur même du Reich, notamment dans la Ruhr, à Berlin et à Munich. La figure du combattant de la Grande Guerre est évo­quée, de manière sublime, dans l'œuvre d'Ernst Jün­ger et dans celle de Schauwecker; la figure du com­battant des Corps Francs dans les ouvrages d'Ernst von Salomon. Dans l'espace idéologique de la "nou­velle droite" française, avant que celle-ci ne titube d'une démission et d'un aggiornamento à l'autre, Do­minique Venner a introduit cette thématique dans un livre à grand tirage : Baltikum. Dans le Reich de la défaite, le combat des Corps-francs. 1918-1923, Robert Laffont, Paris, 1974. Ultérieurement, une ver­sion de ce titre est parue dans “Le Livre de Poche”. Sur le même thème, D. Venner a fait paraître plus ré­cemment : Histoire d'un fascisme allemand. Les Corps-francs du Baltikum. Du Reich de la défaite (1918) à la Nuit des Longs Couteaux (1934), Pyg­ma­lion/Gérard Watelet, Paris, 1996.

 

Déjà lors mon intervention dans un colloque d'o­rien­tation idéologique, tenu dans une auberge de la Lan­de de Lüneburg, au début de l'aventure de «Syner­gies Européennes» en Allemagne, j'avais souligné l'in­térêt politique qu'il y avait de suggérer à nos con­temporains un projet révolutionnaire-conservateur, qui soit général et civil et non plus seulement sol­datique, vu que cet idéal soldatique ne permet plus au­jourd'hui de pénétrer les mentalités des masses, celles-ci n'étant plus du tout pétries de cet idéal, du fait de l'éloignement temporel qui nous sépare désormais, de plus en plus, de cette "période axiale" du 20ième siècle (pour reprendre une expression chè­re à Karl Jaspers, à Armin Mohler et à Raymond Ru­yer). Ce qui n'ôte évidemment rien à l'importance in­­trinsèque et primordiale que revêt une lecture, dans l'adolescence et au début de l'âge adulte, de cette geste héroïque contemporaine, notamment via les livres d'Ernst von Salomon et l'étude de Do­mi­nique Venner.

 

◊ Du fait des impératifs qu'impose la rédaction d'u­ne thèse, comme celle de Mohler, à cause aussi d'un ex­cès d'attention accordé dans certains milieux —cher­chant à continuer la "révolution conserva­tri­ce"—  à l'aspect héroïque de la seule geste solda­ti­que de 1918-1919, la révolution conservatrice his­to­rique, réduite à la période étudiée par Mohler, sem­ble une sorte de météorite qui traverse trop rapi­de­ment le ciel, un phénomène sans antériorité ni pro­fondeur temporelle. En rester à un tel jugement con­duit à une insuffisance doctrinale, à une mutila­tion idéologique, à une coupure incapacitante. En guise de palliatif, le présent exposé a pour objectif premier de conseiller la lecture de travaux universitaires, gé­né­ralement anglo-saxons, comme ceux de William Mc­Grath (réf. infra) sur Vienne, que je vais aborder ici, et de David Clay Large sur Munich, que j'a­bor­derai ultérieurement. William McGrath explore l'épo­que qui va de 1865 à 1914 à Vienne. David Clay Lar­ge analyse les vicissitudes culturelles et politiques qui secouent la vie publique à Munich entre 1890 et 1945 (nous nous bornerons à présenter la période qui va de 1890 à 1920, car c'est elle qui nous ins­truit clairement sur les évolutions idéologiques à l'œu­vre dans la capitale bavaroise).

 

La nostalgie d'une unité idéologique perdue

 

◊ Après la lecture de ces ouvrages anglo-saxons, nous sommes amenés à constater qu'il n'y avait pas de clivage gauche/droite bien tranché avant la prise de Munich par les Corps Francs en 1919. Ce clivage, aujourd'hui réel, est né du choc frontal entre ces vo­lontaires nationalistes et les gardes rouges de la Ré­pu­blique des Conseils; une césure binaire, parfaite­ment tranchée, n'existait pas auparavant. Avant les événements tragiques de Munich (et de Berlin) en 1918 et 1919, les composantes idéologiques, deve­nues antagonistes, ont connu un stade de “fusion” où elles se mêlaient dans des synthèses civiles, non idéologisées comme dans les années 20, 30 et 40 du 20ième siècle. Cette fusion, perceptible dans les dé­bats de Vienne à la fin du 19ième, à Munich de 1890 à 1914 ou à Bruxelles avec des figures comme Victor Horta ou Charles Buls à la même époque, a suscité des nostalgies —nostalgies d'une unité perdue—  que l'on repère dans certains linéaments du comple­xe “national-bolchevique” (autour d'Ernst Niekisch et de ses revues), dans les tentatives de restaurer un esprit communautaire contre la pesanteur des mas­ses dans le socialisme marxiste ou contre l'individua­lisme forcené des libéralismes, dans les rangs du Wan­dervogel ou des mouvements de jeunesse qui ont pris sa succession après 1918, dans le socia­lis­me libertaire préconisé par Gustav Landauer ou, en fi­ligrane, dans l'œuvre de Walter Benjamin, qui a mû­ri, elle aussi, dans le Schwabing de la Bohème lit­téraire munichoise.

 

◊ La saisie en profondeur des racines de notre temps, du contexte idéologique très dense de cette époque qui s'étiolera après la révolution bolchevi­que, la prise du pouvoir par Hitler et la fin de la se­conde guerre mondiale, passe par la nécessité de s'adonner  —et de manière intense—  à des lectures parallèles, ce qui, hélas, n'a jamais été fait dans notre courant de pensée, où trop souvent, les juge­ments à l'emporte-pièce ou le culte des chromos fi­gés n'ont cessé de tenir le haut du pavé. Ces lec­tures parallèles, indispensables à la bonne compré­hension des racines de notre temps, impliquent de lire conjointement

◊ 1. les travaux de Zeev Sternhell et de Steve Ash­heim, tous deux chercheurs de l'école californienne et israélienne,

◊ 2. l'histoire des mouvements artistiques à Bru­xel­les et à Vienne (avec l'accent sur le Jugendstil et la Wiener Sezession),

◊ 3. l'histoire du mouvement pré-raphaëlite en An­gleterre, avec étude de l'œuvre de Ruskin, du “Fa­bian Socialism”, des ouvrages de Matthew Arnold et de Thomas Carlyle et surtout impliquent

◊ 4. d'acquérir une bonne connaissance des produc­tions de la maison d'édition d'Eugen Diederichs à Leip­zig et Iéna, où l'on a traduit et commenté ces œuvres et où l'on a approfondi ces thématiques.

 

Méconnaissance des corpus philosophiques qui sous-tendent la “révolution conservatrice”

 

La première étape dans cette enquête, dans cette historia au sens grec du terme comme nous le rap­pelle Michel Foucault et son exégète française, An­gèle Kremer-Marietti, va nous conduire à Vienne, puis, seconde étape, à Bruxelles, et, troisième et quatrième étapes, à Munich et à Berlin. Car la notion d'enquête, d'historia, est à la base de la méthode ar­chéologique et généalogique que nous ont léguée Wil­helm Dilthey et Friedrich Nietzsche, méthode ar­chéologique/généalogique qui est la marque de l'épi­sté­mologie révolutionnaire-conservatrice. La mécon­nais­sance de ce corpus, chez la plupart des expo­sants naïfs ou prétentieux d'une nouvelle “révolution conservatrice”, conduit à des apories, des quipro­quos ou des “maculatures” sans nom. La “nouvelle droite”, et certains personnages qui l'ont animée, en ont donné le triste exemple pendant plus de trente ans. Personnages qui persistent dans leurs insuf­fi­sances. Et qui nous traitent d'“anarchistes”, à l'idéo­logie “peu claire” ou “peu sûre”, parce que nous re­montons véritablement aux sources, des sources que, curieusement, ils ne veulent pas connaître, sans doute parce qu'elles les obligeraient à sortir de leurs chromos simplistes ou à relativiser leurs posi­tions trop schématiques. Pire : citer Landauer, Ben­jamin et Foucault (même par le biais d'Angèle Kre­mer-Marietti) constitue un crime de “judéophilie” ou de “gauchisme” pour ces esprits bornés, qui osent ériger leurs tristes limites voire leurs obsessions ri­dicules au rang de paradigmes. Reproche d'autant plus infondé que des exposants non juifs, parfaite­ment “aryens”, ont défendu exactement les mêmes thèses ou positions. Ces paradigmes figés sont éri­gés en dogmes fixes, alors que l'objet même de nos préoccupations, la révolution conservatrice et ses antécédents, sont des phénomènes dynamiques, des dynamiques effervescentes, qui ont leur trajectoire; même si les limites de l'idéologie dominante actuelle et des sycophantes qui l'instrumentalisent bloquent ces dynamiques, elles ont encore des impacts, mê­me si ces impacts ne sont plus des flots fougueux d'innovations, mais de minces filets qui ne cessent de filtrer, en dépit de tout : il suffit d'observer les suc­cès de certaines expositions d'Europalia, sur Vien­ne ou sur d'autres villes, pour le constater. Une nostalgie indéracinable, bien qu'inconsciente ou frag­mentaire, continue à attirer les foules vers les productions artistiques ou littéraires de cette épo­que, productions qui forment aussi l'arrière-plan po­li­tique des grands mouvements populaires de la fin du 19ième siècle.

 

La revue “Die Telyn” au Schottengymnasium de Vienne

 

Sortir des impasses de la clique parisienne qui pré­tend réincarner la “révolution conservatrice”, impli­que justement de poser une démarche archéolo­gi­que/généalogique. Et cette démarche, pour le volet vien­nois de notre enquête, aboutit à étudier la tra­jectoire d'un personnage des plus intéressants : En­gel­bert Pernerstorfer. Il débute sa longue carrière po­litique et métapolitique en mars 1867, alors qu'il n'est encore qu'un modeste lycéen, inscrit dans une célèbre école de Vienne, le Schottengymnasium, tenu par des pères bénédictins. A l'origine, cette institution d'enseignement catholique avait été fon­dée par des religieux issus d'Irlande, qui avaient immigré en Europe centrale, sans doute en même temps que les “Oiseaux Migrateurs”, ces mercenai­res irlandais mettant leur épée au service du Saint-Empire contre les ennemis de l'Europe. Engelbert Per­nerstorfer et ses amis du Schottengymnasium fon­dent une revue pour exprimer leurs idées; elle porte le titre de Die Telyn, soit “La Harpe celtique”, clin d'œil, sans doute, à ces bénédictins d'Irlande ve­nus jadis à Vienne, pour accompagner leurs compa­triotes soldats. Mais une autre référence celtique ani­me les jeunes collégiens : la fête de l'Eisteddfodd gal­lois, remise à l'honneur au Pays de Galles à la fin du 18ième siècle, dans le cadre de ce que l'on a com­munément appelé le “Celtic Revival”. L'Eisteddfodd consistait en un festival de musique traditionnelle, avec récitations de poésie, avec chants puisant dans le patrimoine mythologique et national irlandais ou gallois. Le choix de l'instrument de musique symbo­lique de la Verte Eirinn et la référence à l'Eistedd­fodd gallois indique clairement que nos collégiens du Schottengymnasium avaient un projet précis : re­vi­ta­liser la culture populaire, remettre les racines à l'hon­neur à l'instar des celtisants gallois, afin d'ame­ner, à terme, une révolution politique.

 

Nature, patrie, art

 

Dans ce premier groupe autour d'Engelbert Per­nerstorfer, nous trouvons Victor Adler (d'ascendance israélite), Max Gruber et Heinrich Friedjung (égale­ment d'ascendance israélite). Pourquoi Pernerstorfer a-t-il immédiatement barre sur ses condisciples? Par­ce que son père a fait la révolution de 1848. Il est d'ascendance modeste. Il est un homme du peu­ple, alors que les familles des Adler, Gruber et Fried­jung appartiennent à une bourgeoisie aigrie, mé­contente du rythme trop trépident que prennent la révolution industrielle et la modernité. Pour nos qua­tre collégiens, trois valeurs doivent être sauvées, res­taurées et portées au pinacle de la Cité : la na­tu­re, la patrie et l'art. Dans le concret, cela signifie quatre orientations politiques précises : 1) On s'op­po­se aux Habsbourgs, car on est pangermanique, on veut l'unification générale des Allemands ethniques, unification perçue comme un impératif de la nature; 2) On est socialiste, au sens où la révolution de 1848 a anticipé le mouvement socialiste et où la cri­se de l'ordre économique existant postule un chan­ge­ment allant dans le sens d'une redistribution plus juste et d'un dépassement du primat accordé par le libéralisme à l'économie et aux accumulations quan­ti­tatives de tous ordres. Le socialisme de ces lycéens est proche de celui de Ferdinand Lassalle, qui s'en­tendra avec Bismarck. Lassalle veut un socialisme é­tatique, c'est-à-dire un socialisme acceptant les cor­rectifs de l'Etat; 3) On veut se dégager des con­ven­tions sociales, qui sont autant d'étouffoirs à la créa­ti­vité; cette volonté de dégagement vaut autant pour les Catholiques, majoritaires en Autriche, que pour les Juifs ou les Protestants; 4) On veut instau­rer une pédagogie, un système d'éducation, permet­tant à tous d'accéder aux hautes valeurs de la cul­ture, car la culture, les arts et la littérature seront le ciment de la communauté nationale allemande, comme ils ont été le ciment de la conscience natio­nale et ethnique des Gallois.

 

Panthéisme irlandais et Nibelungen

 

Cette quadruple option, prise par notre quatuor de ly­céens viennois, s'explique par la psychologie et par une idiosyncrasie particulière. Sur le plan psycho­lo­gique, leur réaction est, dit McGrath, une réaction de fils contre le monde de leurs pères, en d'autres ter­mes, une révolte juvénile qui anticipe celle du Wan­dervogel berlinois, né en 1896. McGrath ne formule au fond rien de bien original, sacrifie peut-être un peu trop aisément aux manies freudistes améri­cai­nes; pour lui, les pères veulent un monde stable, figé, tandis que les fils, par définition  —ce qui nous lais­se sceptiques—  un monde mouvant, efferves­cent. Sur le plan idiosyncratique, le Schottengymna­sium, par le truchement de ses traditions pédago­giques, a provoqué tous les déclics idéologiques chez notre quatuor de lycéens. Ce refuge de bénédictins irlandais en Autriche véhiculait, volens nolens, une tradition irlando-écossaise, plus panthéiste que ne l'é­taient les scolastiques de l'enseignement catho­lique habituel ailleurs en Europe. Ce panthéisme ir­landais au sein d'un catholicisme continental, plus ra­tionaliste, explique la double référence celtique : à la harpe (la telyn) et aux fêtes de l'Eisteddfodd gal­lois. Deux professeurs ont laissé une empreinte phi­losophique indélébile sur Pernerstorfer et ses jeunes amis, leur ont communiqué les linéaments d'une idéo­logie alternative : Hugo Mareta et Sigismund Gschwan­der. Le niveau de leur enseignement est très élevé, dans toutes les branches, mais le déno­minateur commun du message que communiquent les pères, dénommés “Schotten”, est un ancrage dans le paysage, dans la terre des forêts entourant Vienne et dans le peuple qui véhicule des traditions authentiques, bien plus anciennes que les poncifs du libéralisme du 19ième. Hugo Mareta, germaniste, initie ses élèves à tous les arcanes des Nibelungen et les plonge dans un univers wagnérien.

 

Cette référence constante aux racines et à la nature amène les élèves du Schottengymnasium à perce­voir le libéralisme ambiant comme une crise de ci­vilisation passagère, comme une ère qu'il convient de dépasser. Pour effectuer la transition, il faut pré­pa­rer une élite qui sache renouer avec la tradition an­térieure. Mais cette élite ne devra pas se conten­ter de réminiscences stériles du passé, de répétitions interminables de ce qui a été (et ne sera plus) : elle est appelée, au contraire, à l'action politique con­crète, qui consistera, dans un premier temps, à re­chercher systématiquement des alternatives idéolo­giques à la fausse culture libérale.

 

Du lycée à l'université

 

Le temps du lycée est bref, pour tous les adoles­cents. La deuxième étape dans la trajectoire du grou­pe de Pernerstorfer se déroule à l'Université, où ils fondent, le 2 décembre 1871, le “Leseverein der deutschen Studenten Wiens” (= Cercle de lecture des étudiants allemands de Vienne), puis, dans la fou­lée, la “Burschenschaft Arminia” (la Corporation Ar­minia). Dans leur formulation, les écrits laissés par le Leseverein sont moins radicaux que ceux de Die Te­lyn. Mais leur niveau est forcément plus élevé, les rédacteurs acquérant sans cesse savoir et maturité.

 

Le Prof. McGrath, dans son enquête minutieuse, a retracé l'historique des conférences prononcées à la tribune du Leseverein, ce qui nous permet de mettre en exergue ses idées motrices, telles qu'elles sont apparues au fil du temps. McGrath nous rappelle un débat récurrent sur l'œuvre de Lorenz von Stein, professeur à Vienne jusqu'en 1885. Lorenz von Stein est considéré comme un “conservateur social”, cher­chant à réduire la dépendance des ouvriers, en leur donnant un accès à la propriété et à l'instruction. La dépendance ouvrière s'est accrue après les révolu­tions bourgeoises, française et industrielle : elle est un fruit de la modernité et non pas un héritage de l'Ancien Régime, qui prévoyait des protections diver­ses pour les pauvres, souvent en nature (vivres, jouis­sance de logements individuels ou collectifs, terres de pâturages sur les communs, revenus allo­diaux, droits de récoltes ou de ramassage divers, etc.). Lorenz von Stein critiquait les théories pré-communistes des théoriciens français (notamment Blanqui). Ce communisme, outrancier, ne peut dé­bou­cher que sur l'oppression généralisée et abstraite de tout le peuple et ne permet pas de construire un ordre économique capable de fonctionner sur le long terme. L'alternative, proposée par Lorenz von Stein, est une société organique axée sur le Bien Commun (concept hérité d'Aristote), qui combat l'égoïsme et l'individualisme.

 

Sur le plan pratique, la société organique et la no­tion aristotélicienne de Bien Commun induisent la né­cessité d'améliorer les conditions de vie des ou­vriers et de leur accorder une plus grande mobilité so­ciale, de permettre une circulation des élites plus fluide. Le socialisme ultérieur de Pernerstorfer et d'Ad­ler découle davantage des idées conservatrices et aristotéliciennes de Lorenz von Stein que de Karl Marx. Et, in fine, tout socialisme efficace, tout so­cia­lisme réellement populaire ne fonctionne que sur ba­se d'un héritage organique perceptible, ancien, an­cré dans un tissu social, et non pas sur des innova­tions et des bricolages boiteux, nés de l'esprit de fa­brication (Joseph de Maistre).

 

La référence schopenhauerienne de Karl Rokitansky

 

Le premier maître à penser philosophique du groupe est Arthur Schopenhauer. Dans le curriculum du Le­se­verein, ce sera un docteur en médecine, Karl Ro­kitansky, qui, par le biais de ses conférences, injec­tera les bases d'un schopenhauerisme pratique dans le corpus doctrinal du groupe. Rokitansky part de l'idée de la solidarité générale unissant toute la vie animale. Il énonce, à partir de cette idée tirée d'une lecture de Schopenhauer, une théorie biosociale, cer­tes darwinienne en même temps que schopen­hauerienne, mais solidariste et non pas compétitive. La solidarité, réclamée par Rokitansky, dérive de la no­tion (bouddhiste) de compassion, énoncée dans l'œuvre de Schopenhauer. L'homme doit dépasser les pulsions négatives qui le poussent à agresser ses concitoyens, à l'égard desquels il doit se montrer solidaire, afin de consolider le Bien Commun. Le scho­penhauero-darwinisme de Rokitansky conduit à affirmer un altruisme solidaire, dont le ciment est la culture, qu'il s'agit de défendre et de développer, surtout au sein des masses déshéritées par les pra­tiques du libéralisme.

 

Le conférencier Theodor Meynert, psychiatre, va com­­muniquer aux étudiants du Leseverein un corpus reposant à la fois sur Kant et sur Schopenhauer (un corpus qui sera repris plus tard par Konrad Lorenz). Pour Kant, expliquait Meynert, il existe un moi pri­maire et égoïste et un moi secondaire et abstrait, capable de recul. Ce recul permet la civilisation, in­duit la solidarité réclamée par son collègue Rokitan­sky, mais que Meynert appelle le “mutualisme”, idéo­logie dont la vocation est de réaliser la frater­nité. Nous constatons donc que l'époque connaît deux variantes de darwinisme, le darwinisme libéral axé sur la concurrence et le darwinisme solidariste et mutualiste, axé sur la coopération et l'altruisme, deux vertus politiques qui consolident le Bien Com­mun et rendent les sociétés, qui les pratiquent, plus fortes.

 

Le scandale von Ofenheim

 

Ex cursus : Au moment où les étudiants du Lese­ver­ein planchaient sur les idées de Lorenz von Stein et écoutaient les conférences de Rokitansky et Mey­nert, éclate en Autriche, en 1875, un scandale em­blématique, celui provoqué par les manigances du fi­nancier véreux Victor von Ofenheim. Ce noble dévo­yé avait spéculé sur les chemins de fer en Galicie, ven­du des actions gonflées démesurément, promis des dividendes pharamineux, attiré par ses leurres des milliers de gogos qui ont évidemment été ruinés. Cité en justice par les actionnaires floués, von Ofen­heim entend le Comte Lamezan, véritable aristocrate de robe, prononcer contre lui un réquisitoire sévère. Le Comte Lamezan, proche à certains égards des é­tu­diants du Leseverein, estime que le procès qui se dé­roule est emblématique : il met en exergue la con­tradiction —apparemment insoluble—  qui existe en­tre l'éthique et l'économie. Mais en dépit du bril­lant réquisitoire de Lamezan, von Ofenheim gagne le procès; il déclare, via son avocat, qu'“avec la mora­le, on ne construit pas de chemins de fer”. Les étu­diants, mutualistes, constatent avec énormément d'a­­mertume : «Le système libéral est mauvais, puis­qu'il s'avère incapable de sanctionner des activités aussi immorales». L'avocat de von Ofenheim s'en é­tait tiré par une pirouette, en disant qu'il existait cer­tes des tribunaux terrestres pour sanctionner des délits, mais que seul le tribunal céleste pouvait sanc­tionner l'immoralité.

 

Troisième orateur de marque dans le Leseverein, le philosophe Johannes Volkelt qui proposera aux étu­diants viennois une synthèse entre Kant, Hegel, Scho­penhauer et von Hartmann. Le titre de sa pre­mière conférence indique qu'il part résolument de Kant : “Kants kategorischer Imperativ und die Ge­gen­wart” (= L'impératif catégorique de Kant et les temps présents). Volkelt avait commencé sa con­fé­rence en rappelant que le sujet connaissant (tel que défini par Kant) est instable, vu les limites de ses ca­pacités cognitives. L'homme, sujet connaissant, est jeté dans un monde instable (en ce sens, il préfigure Heidegger). Pour pallier cette instabilité, l'homme doit respecter un code moral extrêmement rigou­reux, qui lui donne les recettes de la survie et de la navigation sur la mer, souvent déchaînée, des cir­con­stances existentielles (plus tard Arnold Gehlen par­lera de "culture", comme système de palliatifs pour consolider la position de l'homme, être fragile quant à ses dons et capacités naturels). L'exigence morale de Kant est terrible. Elle postule de dépouil­ler systématiquement l'agir éthique de tout désir, de toute aversion, de tout affect. L'éthique qui en ré­sulte est certes tranquille, mais elle est le résultat d'une lutte perpétuelle que l'homme a à mener con­tre lui-même. Finalement, ce n'est qu'au terme de cet­te âpre lutte qu'il est capable d'affirmer pour lui-même et pour les autres, une véritable autonomie. L'au­tonomie est atteinte seulement quand tous les affects incapacitants, distrayants, dissipants, sont éli­minés (cette position de Volkelt est à mettre en parallèle avec la théorie de l'“individu absolu” de Ju­lius Evola).

 

Volkelt contre l'amollissement généralisé

 

Au nom de la morale kantienne, Volkelt condamne, devant ses auditeurs du Leseverein, la société con­temporaine, parce qu'elle est axée sur la commodité (la Bequemlichkeit), qui, elle, abandonne par princi­pe toute lutte. Volkelt condamne aussi l'orientation des sciences et des techniques de l'époque, dans le sens où elles conduisent à la facilité, qui ruine et fait disparaître la vigueur et l'indépendance de l'homme, par ailleurs garantes dans la durée de son auto­no­mie. Quand il chavire dans la facilité, l'homme aban­don­ne son trésor le plus sacré : l'autonomie. Le ju­ge­ment de Volkelt est sans appel : “Wir leben in ei­ner Zeit allgemeiner Auspolsterung” (= Nous vivons une époque d'amollissement généralisé) (à lire en pa­rallèle avec Die Perfektion der Technik de Friedrich Georg Jünger). La civilisation moderne, pour Volkelt, conduit donc à la superficialité spirituelle, à la lé­gè­reté et à la futilité, où les idéaux sont bannis, où la moralité n'est plus qu'une simple convention, où l'op­portuniste est roi. L'affaire von Ofenheim l'a clai­rement démontré.

 

L'objet de la métapolitique (et le terme n'est pas anachronique comme nous allons le voir) est de for­ger une nouvelle éthique, contraire diamétral du libéralisme, de jeter les bases d'un nouvel ordre so­cial et de restaurer le Bien Commun. Par consé­quent, il faut remplacer l'individualisme matérialiste des libéraux classiques par une sorte de collecti­vis­me idéaliste, où les salaires et les profits sont pro­portionnels au travail réellement presté, où les hom­mes sont animés par la conscience de faire quelque chose d'utile au Bien Commun, et ne poursuivent pas le but pervers de l'enrichissement personnel.

 

De Kant au binôme Wagner / Nietzsche

 

Par la suite, le Leseverein abandonne progressive­ment le kantisme pour adopter les idées de Wagner et de Nietzsche, surtout celles qui évoquent une “mé­taphysique de l'artiste” (dans le cadre de la “nou­velle droite”, qui n'a jamais évoqué l'œuvre de Pernerstorfer, seul Giorgio Locchi a abordé la rela­tion complexe entre Nietzsche et Wagner).

 

C'est Victor Adler qui, le premier, a introduit Nietz­sche dans le groupe qui participait à la rédaction de Die Telyn. Mais, il s'agissait du premier Nietzsche, pour qui l'art joue un rôle central, constitue la vé­ri­table activité métaphysique. La musique, pour ce pre­mier Nietzsche, exprime une volonté collective non individualiste, elle est l'expression d'une sa­pien­ce, d'une sagesse dionysiaque, présente dans le théâ­tre d'Eschyle et de Sophocle. Pour rappel, chez ce premier Nietzsche, le théâtre grec constitue une communion de l'homme avec sa propre communauté et avec la nature. Dans la dialectique Apollon / Dio­ny­sos, que ses livres sur la tragédie grecque expli­citent, un surplus d'apollinisme conduit à la sclérose (comme à Rome), tandis que l'irruption permanente et ininterrompue du dionysiaque donne force et vitalité à la Cité. La Polis grecque, pour Nietzsche, fusionne ses éléments épars, ses différences de clas­se ou d'origine, dans la communauté mystique du ri­te dionysiaque. Si le flot dionysiaque vient à s'ame­nuiser, la Cité entre en déclin, comme ce fut effecti­vement le cas à partir d'Euripide. Nous assistons alors à l'assèchement des sources organiques, tant et si bien que l'homme de la période hellénistique est devenu trop “théorique”. Le bon fonctionnement de la Cité, hier en Grèce, à l'époque d'Adler et Per­nerstorfer dans le monde germanique, implique de limiter l'extension des formes découlant du logos. L'Allemagne a pour mission de corriger par la musi­que une civilisation qui sombre dans un excès de lo­gos. La musique allemande est l'élément dionysia­que, donc la source vitale, de la culture germanique d'Europe centrale. La fusion communautaire dans la Cité s'opère donc par la voie artistique et non pas par la raison économique.

 

La métaphysique des artistes et des long-voyants

 

Adler, comme Nietzsche, appelle l'avènement d'une “métaphysique de l'artiste” (Artistenmetaphysik). Le surhomme de la métaphysique de l'artiste est celui qui s'est auto-transcendé par la création artistique (lato sensu). Il a généré des formes éternelles, a ainsi dépassé la finitude du physique. Nietzsche é­voque la nécessité de créer des institutions ou des agences capables de promouvoir les activités de ces créateurs de formes. Ces institutions doivent per­mettre de voir plus loin et plus clair, les deux valeurs cardinales d'une réforme profonde de l'enseigne­ment et de la société en général sont la clairvoyance et le sens du long terme. Ceux qui participent à des cercles “long-voyants”, comme ceux d'Adler et de Per­nerstorfer, doivent se former eux-mêmes et pré­parer l'avènement d'êtres géniaux, les aider à faire mûrir leurs œuvres. Cette optique vaut sur le plan artistique et littéraire, mais aussi sur le plan politi­que : il faut faire émerger une capacité de décision, étrangère et différente de l'esprit dominant de l'é­poque (matérialiste, positiviste, économiciste). L'op­tique nietzschéenne de Victor Adler entend maintenir intacte la force, la puissance des passions, généra­trices de formes esthétiques ou de volontés politi­ques au service du Bien Commun (cette intuition du jeune Victor Adler est à mettre en parallèle avec l'œuvre de ce dissident russe, décédé trop tôt en 1992, Lev Goumilev, théoricien de la “passionalité” des peuples jeunes et dynamiques; l'estompement des passions conduisant au déclin irrémédiable).

 

La troisième étape du groupe “Telyn”, dans sa forme initiale, commence le 18 décembre 1878 quand est prononcée la dissolution du Leseverein. Nos jeunes hommes quittent l'Université et se réunissent dans les cafés viennois. Une partie du groupe devient ac­ti­viste politique avec Adler, Pernerstorfer et Fried­jung. Une autre partie décide de s'adonner à l'es­thé­ti­que, avec Lipiner, von Kralik, Wolf et celui qui deviendra le grand compositeur autrichien Gustav Mahler (auquel le père de Victor Adler avait acheté son premier piano). Les esthètes se réunissent au sein du Gralbund (La Ligue du Graal), fondé en 1905, principalement sous l'impulsion de Richard von Kralik. Cette “Ligue du Graal” est in fine d'in­spi­ration catholique, même si elle mêle à son catho­li­cis­me des éléments traditionnels non spécifiquement chré­tiens.

 

Ainsi, les activistes s'entendent autour du “Program­me de Linz”, à la fois socialiste et nationaliste, et dont les éléments “nationalistes” sont surtout portés par Friedjung, d'origine israélite. Friedjung entend défendre la langue allemande et milite pour une diminution, sinon une disparition, des taxes levées dans les classes pauvres. Parallèlement aux efforts d'Adler, Pernerstorfer et Friedjung, Georg von Schö­nerer, socialiste, pangermaniste et antisémite, déve­lop­pera une synthèse plus âpre, plus populiste. Les esthètes se veulent tout à la fois prêtres et poètes, entendent gérer la “passionalité”, la conduire sur des chemins positifs, en faire un ciment de cohésion pour le Bien Commun. Dans ce contexte, Richard von Kralik, dans le cadre du Gralbund, vise à réno­ver la culture européenne par un recours permanent aux idées-forces de l'antiquité, de la germanité, du christianisme médiéval et de la tradition des mystè­res, le tout s'inscrivant naturellement dans le cadre du national-catholicisme autrichien.

 

Richard von Kralik et  les “esthètes pythagoriciens"

 

L'itinéraire de Richard von Kralik est intéressant pour saisir l'évolution des esprits et la synthèse que ceux-ci finissent par proposer dans le cadre de la culture germanique du 19ième siècle. En 1876, deux ans avant d'entrer dans le groupe de Pernerstorfer, von Kralik étudiait à Berlin chez Theodor Mommsen, le spécialiste de la Rome antique à l'époque, et as­sistait aux leçons de Treitschke et de Hermann Grimm. Il est socialiste, milite au parti, dévore l'œu­vre complète de Ferdinand Lassalle, se frotte à l'i­déo­logie marxiste en pleine maturation. En 1878, quand Siegfried Lipiner, ami de Wagner et futur ré­dacteur des Bayreuther Blätter, l'introduit dans le cer­cle de Pernerstorfer, il commence à lire Nietz­sche, s'enthousiasme pour Wagner, de concert avec Gu­stav Mahler. Mais la rupture entre Nietzsche et Wagner créera une importante polarisation dans le groupe : les uns acceptent le wagnérisme mystique de la fin, curieux mixte de Schopenhauer, de théorie musicale et de mystique chrétienne, dont Kralik et Mahler. D'autres suivent les critiques de Nietzsche, estimant que Wagner avait subi une “involution”, et que le complexe idéologique de socialisme chrétien et mystique, assorti d'une option végétarienne (que Wagner déclarait “pythagoricienne”), n'avait aucun avenir, n'était qu'une illusion pseudo-religieuse par­mi bien d'autres.

 

« L'homme fort est en mesure de créer pour lui-même une réalité idéale »

 

Un clivage net commence à séparer les esthètes (py­thagoriciens) des activistes. Les wagnéristes vé­gé­tariens, autour de Kralik, Mahler et Lipiner, con­si­dèrent comme totalement futiles les questions d'or­dre politique. Richard von Kralik justifie ses positions anti-politiques par une révélation, qu'il aurait eue à la suite d'une dépression : il nie désormais l'existen­ce d'une réalité plus parfaite au-delà du monde sen­sible des phénomènes. Face à la crise de son ami, Lipiner écrit à Nietzsche, au philosophe naturaliste, tellurique et mystique Gustav Theodor Fechner et à Paul de Lagarde, pour qu'ils fassent en sorte que Kralik change d'avis. Seul Lagarde répondra. Et ob­tiendra des résultats : Kralik admet à nouveau l'exis­tence d'une sphère idéale transcendant la réalité quotidienne, mais le lien que cette sphère transcen­dante peut entretenir avec notre monde, passe par la médiation de la mythologie et de la symbolique ger­maniques, seules capables de faire miroiter l'idéal caché dans le réel. Mais Kralik refuse toujours la po­litique : «L'homme d'Etat doit savoir que toutes ses luttes ne lui apporteront aucun résultat». Finalement Kralik et Lipiner conviennent qu'aucune alternative valable ne s'offre à l'imperfection du réel; l'homme fort est en mesure de créer pour lui-même une réa­lité idéale. Ces positions, partagées par nos deux hom­mes, conduisent à la création en 1881 de la Sa­gen­gesellschaft (La Société de la Saga). Elle accueil­lera ceux qui, par esthétisme, refusent l'engagement politique, fuient la réalité et la sphère publique pour se consacrer à l'art. Lipiner : «Pour nous, le royau­me des formes n'est pas un monde merveilleux qui existe pour que l'on s'évade de la vie; pour nous, ce monde est la vraie vie, ou, alors, rien n'est rien».

 

Pour un art authentique et unitaire

 

Richard von Kralik décrit l'objectif de la “Société de la Saga”: «L'objectif le plus important me semble le suivant : assurer à notre nation un substrat culturel épique comparable à celui qu'avaient les Grecs, les Indiens et les Perses; par ce projet, nous devons donner une unité à notre héritage de sagas sur les dieux et les héros, comme l'avaient fait Homère, Hé­siode et Ferdawsi» (nous reprenons la transcription de ce nom persan, telle que nous l'a léguée Henry Corbin). Cette volonté de retrouver le noyau com­mun des mythologies indiennes, persanes, grecques et germaniques dérivent d'une lecture de Religion und Kunst de Wagner. La référence à la Perse vient très certainement de Gobineau. La mise en exergue du noyau commun à ces mythologies indo-euro­péen­nes permettra, pensent les membres de la “So­ciété de la Saga”, de créer un “art authentique et unitaire”. Telle est la mission qu'ils se donnent, à la suite des recommandations de leur maître Richard Wagner. Tâche évidemment titanesque. Mais Ri­chard von Kralik ne baissera pas les bras. Succes­si­vement, il s'intéressera aux mystères médiévaux, à la constitution d'un corpus aussi complet que pos­sible des sagas et mythes germaniques, à la quête du mythe faustien dans ses formes originelles, à la poésie de Dante, etc.

 

L'idéal de Kralik est de faire ré-émerger une culture régénérée, inspirée des mythes, capable de com­pren­dre et de faire comprendre, par ses symboles, ce qui transcende les simples phénomènes. Son intérêt pour le mythe de Faust le conduit, para­do­xa­lement, à prendre des positions anti-faustiennes et à vouloir substituer à la culture faustienne, qu'il quali­fie d'aveugle et d'insatiable, une “culture du Graal”, dont Parsifal, héros wagnérien et pur idéaliste (rei­ner Tor), est le symbole. Cette culture du Graal cor­respond évidemment aux derniers idéaux de Wag­ner: mélange de schopenhauerisme, de mystique néo-chrétienne et de compassion bouddhiste.

 

(A SUIVRE DANS NOS EDITIONS QUOTIDIENNES ULTERIEURES).

mardi, 05 juin 2007

Généralisation de l'économie informelle

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La généralisation de l'économie informelle et ses conséquences

Il était banal d’évoquer l’économie informelle dans les pays en développement. La croissan­ce fulgurante de ces pratiques dans les pays dé­veloppés signe la fin de la question sociale au sein des États et le re­tour d’un monde hé­té­rogène. Certains aspects se rapprochent des descriptions de l’historien F. Brau­del qui, dans “Ci­vilisation matérielle, Économie et Ca­pita­lis­me”, distingua la vie matérielle (les activités de production et d’échange de base), la vie é­co­no­mique et le capitalisme. Trois niveaux qui nous rap­prochent de ce que crée la mondiali­sa­tion.

L'informel en tant qu'illégal

Braudel décrivit par exemple certaines activi­tés illé­ga­les : « (A Londres) une population mi­sé­rable voit dé­filer devant elle les richesses des navires qui ac­costent (...) Le brigandage af­freux dont la Tamise est le théâtre (...) s’exer­ce sur toutes les espèces de propriétés commerciales. A ces chapardeurs qui opè­rent par bandes organisées... (s’ajoutent)... les gar­des de nuit, les déchargeurs, les matelots (...), les “alouettes de vase”, “fouilleurs de la ri­vière”» (Brau­del, 1979, Tome II, p.486).

Ces observations rappellent que le rapport à la loi est essentiel dans la dynamique de l’infor­mel. Les économies européennes articulent lé­gal et illégal. Par exemple, un chantier emploie des personnes dé­clarées et non déclarées. Des heures sont officielles et d’autres non. Si ces pra­tiques sont parfois propo­sées par l’emplo­yeur, souvent elles résultent d’une demande des employés eux-mêmes. L’État con­tem­po­rain laisse faire car le juridisme tatillon qui s’est dé­veloppé au cours des trente dernières années per­met d’enrichir certains et d’ap­pau­vrir les autres. La loi et ses applica­tions dépendent désormais de la position des per­sonnes ou des groupes qui commet­tent des illégalités.

Un premier enseignement est que le droit du tra­vail cesse de s’appliquer dans les ac­ti­vi­tés infor­mel­les. Certaines dispositions sont res­pectées (repos heb­domadaire par exem­ple), d’autres non. Ce flou vo­lontaire favorise le clientélisme des groupes do­mi­nants ainsi que la conception patrimoniale du pou­voir lé­gal. La prolifération d’activités informelles si­gni­fie simultanément que la corruption de mem­bres de l’administration se généralise et que des services sont rendus aux hommes po­li­tiques aptes à dé­clen­cher ou non l’action lé­ga­le. L’informel offre enfin une opportunité de spé­culation. Tout ce qui entoure les lieux de tra­fics illégaux perd de sa valeur. Des in­té­rêts privés, en relation avec les autorités publiques, rachètent à bas prix puis obtiennent le netto­yage de la zone pour accroître la valeur des bâ­timents ré­novés.

Un deuxième enseignement est que l’illégal fonc­tion­ne avec la loi du milieu, un code ma­fieux. Les ob­servations récentes établissent qu’il s’agit de plus en plus de codes privés ethni­ques puisque, dans les pays “dévelop­pés”, les nouveaux venus du vaste mon­de se groupent par ethnos.

Le développement des activités et pratiques in­­for­mel­les a un grand avenir puisqu’il ac­com­pagne les transformations dues à la mondia­li­sation.

Relations entre économie formelle et informelle

1 - La délocalisation engendre la sous-traitan­ce et les multiples formes d’emplois : perma­nent, tempo­rai­re, partiel, stages. Le travail “in­dépendant” est le lieu où désormais se che­vauchent les formes légales et non légales d’ac­tivités. La sous-traitance pacifie le climat so­cial de l’entreprise et dissout la question so­ciale traditionnelle, celle qui assimilait le social au monde ouvrier. Dans les périodes de réces­sion, les activités informelles ont moins de dé­bouchés (la de­mande chute) ; elles réduisent leurs commandes, en amont, aux entreprises du secteur légal. Une réces­sion affecte désor­mais simultanément les deux do­mai­nes.

2 - La part des ménages ne percevant que des re­ve­nus légaux ou formels diminue. Le nom­bre de ceux qui mélangent les diverses sor­tes de revenus ou  “spécialisent” l’un de leurs membres dans l’infor­mel croît inexora­ble­ment. Ainsi, toute réduction d’em­plois for­mels entraîne la baisse d’un nombre plus ou moins important d’emplois informels.

Le cercle vicieux à l’œuvre dans les pays “dé­ve­lop­pés” est donc le suivant : l’extension de l’é­conomie informelle incite les politiciens à ac­croître la fiscalité et les prélèvements obliga­toi­res sur l’économie for­melle. Il en résulte une poussée en faveur des délo­calisations et une augmentation des ménages parti­ci­pant à ti­tre de travailleur ou de consommateur au sec­teur informel. Les législations sociales sont de moins en moins utilisées et le poids de l’or­dre ma­fieux s’accentue. Ces réseaux favorisent la corrup­tion. Ainsi se délite l’État et renaît, au ni­veau de la vie matérielle et du capitalisme la lutte entre clans, familles, tribus, ethnies,... La guerre de tous contre tous.

L'informalité : un modèle en extension

L’informalité est un modèle en extension. Il est a­dapté à la croissance des villes et des ban­lieues, là où apparaissent de multiples activités susceptibles de procurer des ressources. Ce pro­cessus favorise l’ordre mafieux, nourrit l’en­richissement des mieux organisés et pro­lé­ta­rise les indépendants. La que­stion sociale est en voie de disparition puisque l’in­formalité dé­fi­nit les populations hétérogènes s’instal­lant dans les villes ; elle affecte maintenant les clas­ses moyennes appauvries par les consé­quen­ces du processus de mondialisation.

Puisque l’illégal et l’informel sont en rapport avec l’hétérogénéité des foules et les transfor­ma­tions dues à l’économie transnationale glo­ba­le, les classes dominantes ont une quiétude assurée. La disparition de tout corps social or­ga­nisé favorise le contrôle et l’exploitation des foules hétéroclites. Le renfor­ce­ment du pouvoir est une conséquence de la crois­san­ce de l’in­for­mel : les groupes dominants ont très bien as­similé cette situation. L’élargissement indé­fi­nie du pouvoir sera vérifiable dans les années à ve­nir. Les secteurs très actifs seront liés au con­trôle so­cial : vidéo-surveillance, écoutes, fi­chage, déla­tion; mais aussi : juges, policiers, gar­diens de pri­son, thérapeutes, assistants so­ciaux, pseudo-experts en sciences sociales. Le retour de l’obscurantisme et de l’inhumanité.

Jean DESSALLE.

Référence : Liane MOZÈRE : Travail au noir, in­for­malité : liberté ou sujétion ?, L’Har­mat­­tan, 147p., 1999.

06:05 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook