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mardi, 15 mars 2016

Que signifie le terme de parti ou mouvement populiste?

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Que signifie le terme de parti ou mouvement populiste?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Dans le langage de la vie politique courante, qualifier un parti ou un mouvement de populiste représente une critique extrêmement grave, voire une disqualification définitive. Ceci s'observe non seulement en Europe mais aux Etats-Unis. La plus grande critique formulée par ceux qu'exaspère la montée apparemment irrésistible de Donald Trump au sein des votes républicains est de dire qu'il s'agit d'un candidat populiste. En Europe, il en est de même.

Tous ceux qui à droite et même à gauche s'opposent aux décisions des majorités politiques, sur quelque sujet que ce soit, sont à un moment ou un autre accusés de populisme. Il ne s'agit pas d'un compliment. Au sens d'un langage politique encore très répandu, l'adjectif n'est pas en effet  flatteur. Il désigne celui qui pour se rendre populaire, flatte les tendances présentées comme les plus basses de l'opinion, les plus incompatibles avec une pratique démocratique consensuelle, respectueuse des différences. Le populisme est confondu alors avec la démagogie. Selon une définition courante, la démagogie désigne une pratique politique dans lequel les dirigeants ou les oppositions « mènent le peuple en le manipulant pour s'attirer ses faveurs, notamment en utilisant un discours flatteur ou appelant aux passions ».

Est alors condamnée comme populiste toute position venant en contradiction avec les choix politiques « officiels », qu'ils inspirent les programmes gouvernementaux ou ceux des multiples intérêts, financiers, économiques ou médiatiques s'exprimant par l'intermédiaire de ces programmes. Le terme permet de refuser toute prise en compte de ce qui pourrait être légitime dans les critiques de la société sous ses formes actuelles, en les présentant comme des dérives populistes.

Les exemples de ce mépris véritable de la discussion démocratique sont nombreux. Ainsi sont généralement qualifiés de populistes les partis dits d'extrême-droite ou d'extrême gauche. Ceci permet d'éviter toute analyse de ce que leurs programmes peut présenter de recevable. Ceci permet surtout d'éviter de rechercher quelles sont les forces généralement peu démocratiques qui s'opposent à certaines des positions ou revendications de ces partis.

Ainsi aujourd'hui sont dits populistes ceux qu'exaspèrent l'enfermement des Etats européens dans une Union qui a toujours été et se révèle de plus en plus manipulée par la superpuissance américaine. Sont dits populistes, d'un bout à l'autre de l'Union européenne, ceux qui demandent plus de protection face à une concurrence dite « libre et sans contraintes » imposée en fait par un grand capital dominé par les Etats-Unis. Sont dits populistes ceux qui veulent défendre les identités nationales ou régionales, à l'encontre d'une culture uniformisante imposée par les objectifs de la consommation de masse.

Migrations

Plus récemment, les Etats ou les groupes sociaux qui veulent résister à des migrations alimentées par les intérêts qui veulent détruire la civilisation européenne sont également qualifiés de populistes, nationalistes et xénophobes. Plutôt que reconnaître la légitimité de leur désir de survie, on les présente alors comme des résurgences de ce que l'Europe avait connu de pire, notamment le nazisme. Au soir du 13 mars où les élections régionales ont permis à l'Alliance pour l'Allemagne (AFD) d'effectuer une percée lors de trois scrutins régionaux dimanche, obtenant de 10% à 23% des voix, les médias conservateurs n'hésitent pas à y voir un retour au national-socialisme. C'est à se demander si la CDU d'Angela Merkel ne souhaiterait pas que l'AFD se radicalise et favorise l'émergence de nouveaux Adolphe Hitler, pour se redonner une légitimité qu'elle est en train de perdre.

Il en est de même en France. Beaucoup d'électeurs n'ont pas de sympathie particulière pour le Front National, mais ce ne sera pas en traitant de populistes des revendications aussi légitimes qu'une prise de distance à l'égard de Bruxelles et qu'un rapprochement avec Moscou que l'on déconsidérera les candidats FN lors de futures élections. Ainsi en ce qui concerne Jean-Luc Mélanchon. Pour le déconsidérer, les hommes politiques de la majorité actuelle qualifient de populistes des propositions qui sont au contraire empreintes d'intelligence et de pertinence. A cette aune, ce sera bientôt tout ce que la France compte encore d'esprits libres et constructifs qui voudront s'affirmer populistes. Nous serons pour notre part fiers d'en être.

 

lundi, 14 mars 2016

«Uberisation» de la politique migratoire?

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«Uberisation» de la politique migratoire?

Dominique Baettig
Médecin, Ancien Conseiller national
Ex: http://www.lesobservateurs.ch
 

Les experts économiques du social- libéralisme moderne préconisent le développement de modèles comme l’application Uber et incitent à créer plus de start-ups à croissance rapide. Ce modèle réclame « plus d’éducation, plus d’immigration, plus de formation de capital, plus d’espace créatif, plus d’espace autorisé par la régulation à être dérégulé afin que les start-ups puissent effectivement s’épanouir en leur sein comme option de croissance économique » (M. Schmidt, Discours devant le DC Tech Incubator 1776, cité par le Monde diplomatique, mars 2016). Le succès du modèle Uber réside surtout dans sa capacité à échapper à la réglementation locale et nationale appliquée à l’industrie des taxis. Dans la même veine, Airbnb autorise prestataires et clients à ignorer les lois de l’hôtellerie conventionnelle, comme Amazon permet à la plupart de ses consommateurs de se soustraire aux taxes sur la valeur ajoutée. Tout ceci permet de favoriser la création d’un stock de travailleurs précaires ou à temps partiel qui sont là pour boucher « les trous » des tâches que ne peuvent pas accomplir les ordinateurs et les machines. Les employés mettent à disposition  leur véhicule privé, leur appartement et acceptent une certaine précarité, renonçant à une couverture assécurologique  (la retraite, les arrêts médicaux sont privatisés et donc laissés à la charge du travailleur) en exerçant un emploi à temps partiel et sur demande. Il est immédiatement évident que ce type d’application va aspirer un grand nombre de migrants qui accepteront sans rechigner ses conditions de travail, de toute manière bien meilleures que celles de l’enfer qu’ils ont quitté.

Les besoins de l’économie privée transnationale

On voit progressivement apparaître, derrière les motivations pseudo humanitaires et les reportages larmoyants, l’utilisation perverse de cette abondante main-d’œuvre qui s’impose et qu’on ne saurait humainement refuser. L’importation de cette main-d’œuvre est assurée par toute une chaîne d’entreprises privées, de l’économie mondialisée qui contourne le contrôle étatique et syndical. Les passeurs qui procurent des documents falsifiés, pratiquent des tarifs de transport très élevés, font payer des surplus et suppléments à la tête du client (gilets de sauvetage, transport en taxi) et mettent à disposition des canots pneumatiques gonflables chinois de qualité médiocre, à usage unique en quelque sorte. Le canot pneumatique qui rend l’âme à proximité de la plage grecque fait partie d’un scénario irrésistible qui impose l’accueil de même que la présence attendrissante d’enfants en bas âge. Les volontaires des O.N.G. et autres militants transgresseurs idéologiques de frontières assurent la maintenance en cours de route et  la transition auprès des autorités qui jouent le jeu (à mauvaise fortune bon cœur !) puisque la destination finale sera bien sûre l’Allemagne ou l’Angleterre. Il serait intéressant de savoir si les gilets de sauvetage et autres canots pneumatiques percés et récupérés par des volontaires ne sont pas recyclés en Chine pour participer à la chaîne permanente du transport de migrants économiques. Les états traversés, comme la Grèce et les pays des Balkans assument l’accueil et la sécurité sachant qu’il est transitoire et que le problème est déplacé plus loin. Les frais sont donc à la charge de l’État et de ses contribuables. Finalement c’est le pays choisi ou désigné comme lieu d’accueil (merci bonne Mère Merkel !) qui se voit contraint de trouver un hébergement, un hôtel, des familles d’accueil. Nous avons effectivement là un modèle de croissance imposée moralement et massive de migration qui contourne les préoccupations écologiques des gens, met en péril niveau de vie et filet social construit patiemment, impose de nouveaux consommateurs, charge les assurances sociales et crée une masse de futurs travailleurs précaires qui contribueront largement à une sous- enchère salariale.

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Privatisation de la croissance économique ?

La politique migratoire échappe à la gestion des Etats, contourne la loi et les règles pour des raisons humanitaires mais se profile aussi au service des nouveaux esclavagistes que peuvent être les start-ups innovantes et ses besoins de travailleurs précaires. Le processus de migration est donc privatisé jusqu’à la passation finale à l’Etat social : une nouvelle variation du thème privatisation des bénéfices et transfert des charges à l’Etat. Et pour détourner l’opinion publique de la prise de conscience de cette dérégulation imposée, on nous amuse avec des initiatives interdisant le voile à l’école ou le port de la burka dans l’espace public, préoccupations anecdotiques et marginales. Ne pas se tromper de cible

Le problème ici n’est pas l’Islam en tant que tel mais la dérégulation massive, imposée par des émotions dramatisées, de l’économie et des mesures protectrices des salariés, de l’agriculture, des petites et moyennes entreprises. La recherche de nouvelles forces de travail à bon marché s’est perfectionnée depuis le temps de l’esclavage et fait largement usage aujourd’hui d’Internet qui met les gens directement en connexion dans le monde entier, de la propagande en boucle à la Hollywood et des besoins des start-ups, sans oublier au passage le travail au noir, les ateliers clandestins contrôlés par la mafia, l’alimentation du réservoir pour la prostitution adulte et enfantine. La solution ne sera pas émotionnelle ou épidermique : elle sera politique, protectionniste avec le respect et le rétablissement de la Loi, le  rétablissement de la souveraineté nationale, de la démocratie directe et le contrôle national des frontières.

Dominique Baettig, 14 mars 2016

11:53 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : économie, néolibéralisme, uberisation, actualité | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Will a Trump Victory Actually Dislodge the Neocons?

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Will a Trump Victory Actually Dislodge the Neocons?

Although I fully share the jubilation of others that Donald Trump may be taking a wrecking ball to the GOP establishment, I don’t hold the view that Trump’s candidacy will reduce neoconservative power. Matthew Richer, Justin Raimondo and other writers whose columns I usually welcome all believe that Trump’s rise as a Republican presidential candidate may help bring down his bogus conservative enemies. The more Trump’s popular support soars, the more the neocons have supposedly turned themselves into paper tigers. The establishment Republicans whom they “advise” have not marginalized Trump; nor have the neocons and their clients been able to elevate as GOP frontrunner someone who serves their purposes. The fact that prominent neocons like Robert Kagan have indicated their willingness to vote for Hillary Clinton instead of a GOP presidential candidate they don’t want, has underscored the emptiness of their opposition to Mrs. Clinton. The neoconservatives’ willingness to abandon the Republican side in the presidential race if they don’t get their way dramatizes their deviousness and arrogance. Presumably others will now abandon these power-hungry careerists and perpetual war mongers.

Unfortunately, I expect none of this to happen. Indeed it would not surprise me if the neocons exhibited the staying power of the Egyptian New Kingdom, which ruled Egypt for five hundred years (1570-1070 BC) despite such occasional setbacks as military defeats. What neoconservative publicists are now doing when they bait and switch, does not seem different from what they did in the past. Prominent neocons have not consistently taken the side of eventually victorious Republican presidential candidates. In 1972 Nathan Glazer, Daniel Bell and other neocon heavyweights backed McGovern against Nixon, yet neocon and Democrat Daniel Moynihan carried great weight in the Nixon administration. In the presidential primaries in 1976 Irving Kristol and most other Republican neocons backed Gerald Ford against Ronald Reagan; nonetheless, after Reagan’s victory in 1980 neoconservatives William Bennett and Eliot Abrams came to play highly visible roles in the Republican administration.

Conceivably even if Robert Kagan and his friends support Hillary Clinton against Trump, they would still remain prominent, well-connected “conservatives.” The neoconservatives’ power and influence do not depend on their willingness to march in lockstep with the GOP. Their power base extends into both parties; and if most neocons are currently identified with the “moderate” wing of the GOP, providing their political ambitions are met and their foreign policy is carried out, other recognizable neocons like William Galston, Kagan’s wife Victoria Nuland, and Ann Applebaum have identified strongly with Democratic administrations. Neoconservatives will not likely cease to be part of the political and journalistic establishment, even if some in their ranks chose to back Hillary against the Donald.

Even less likely, will they cease to be a shaping force in a “conservative movement” that remains mostly under their wing. Since the 1980s neoconservatives have been free to push that movement in their own direction, toward a neo-Wilsonian foreign policy, toward the defense of what they celebrate as a “democratic capitalist welfare state” and toward a gradual acceptance of leftist social positions, as being less vital to “conservatism” than “national defense.” Neoconservatives demand that the government be pro-active in relation to the rest of the world. They and those politicians they train speak of “leading from the front” and place special emphasis on the protection of Israel and continued American intervention in “trouble spots” across the globe.

Neoconservatives have their own characteristic American nationalism, which is based on both energetic involvement in the affairs of other states and calls for further immigration, which now comes mostly from the Third World. Both of these foundational positions are justified on the grounds that American identity rests on a creed, which stresses universal equality. Most anyone from anywhere can join the American nation by adopting the neocons’ preferred creed; and once here these “new Americans, “ it is argued, will become hardy defenders of our propositional nationhood while providing the cheap labor needed for economic growth. Perhaps most importantly, neocons have no trouble attracting corporate donors, who hold their views on immigration and their fervent Zionism. Australian newspaper baron Rupert Murdoch, who finances their media outlets, has been particularly generous to his neoconservative clients but is far from their only benefactor.

The hundreds of millions of dollars that are poured into neoconservative or neoconservative-friendly policy institutes annually are not likely to dry up in the foreseeable future. A meeting just held on Sea Island off the coast of Georgia for the purpose of devising and executing a plan to bring down Trump, included, according to Pat Buchanan, all the usual suspects. Neocon journalist Bill Kristol,, executives of neocon policy institute AEI, and Republican bigwigs and politicians were all conspicuously represented at this gathering of the “conservative “ in-crowd , and gargantuan sums of money were pledged to destroy the reputation of someone whom the attendees hoped to destroy.

If the neocons were falling, certainly they are hiding their descent well. Finally, there seems to be a continuing congruence between the liberal internationalism preached by neoconservatives and such architects of America’s foreign policy as the Council on Foreign Relations. Although the Old Right and libertarians may lament these troublemakers, the neoconservatives do not labor alone in imposing their will. They are the most out-front among those calling for an aggressive American internationalism; and this has been a dominant stance among American foreign policy elites for at least a century.

It is hard to imagine that the neocons will lose these assets because they’ve been branding Trump a fascist or because they’re unwilling to back the GOP presidential candidate, no matter who he or she is. Powerbrokers in their own right, they don’t have to worry about passing litmus tests. They enjoy unbroken control of the “conservative movement,” and benefit from the demonstrable inability of a more genuine Right to displace them. Matthew Richer asks whether Donald Trump’s election would spell “the end of NR’s influence over the conservative movement in America.” The answer is an emphatic no, unless those who distribute the funding for the neoconservative media empire decide to close down this particular fixture. Otherwise Rich Lowry and his buds will go on being funded as agents for disseminating neocon party lines.

Moreover, those featured in NR‘s printed issues and/or on its widely visited website are routinely invited on to Fox-news and contribute to other interlocking neoconservative enterprises. Rich Lowry and Jonah Goldberg will not be thrown out of work, because they dumped toxic waste on Trump. And Max Boot will not lose his position at the WSJ because of his over-the-top tirades against Trump, after having railed non-stop for several weeks against Confederate monuments and Confederate Battle Flags. There is nothing the neocons say when they’re reaching leftward or revealing their leftist colors that the leftist media aren’t also saying, even more stridently. Pointing out the silliness of neoconservative assertions about history or the current age may help us deal with our irritation. It does not mean that we can dissuade those who fund the neoconservatives from giving them more money. They are being kept around not for their wisdom or the elegance of their prose but because they are useful to the powerful and rich.

Finally I should observe that the neocons have done so well in marginalizing their opposition on the right that it seems unlikely, as George Hawley points out in Right-Wing Critics of the Conservative Movement (University of Kansas, 2016), that the balance of power between the two sides is about to change. How exactly will a genuine Right that has not been contaminated by the neocons gain enough influence to replace them? How can such a Right, given its modest circumstances, even compete with the neocons for access to the public and for friends in high places?

The neocons would never yield ground to competitors on the right. Indeed they have fought them so relentlessly, because they view them as nothing less carriers of anti-Semitism and other things that the neocons fear. Further, leftist allies would join the neocons in preventing our side from ever gaining ground. And this kind of alliance has worked well before, e.g., when the neocons made their opposition disappear with an assist from the Left in the 1980s and early 1990s. Although there are isolated journalists like Ann Coulter and Pat Buchanan who resist the neocons from the Right while enjoying prominence, these are the exceptions. Most of those who attack the neocons from the right languish in relative obscurity. Indeed most right-wing critics of the neoconservatives, as Hawley underscores, have been effectively removed from media visibility. This isolation suits the regular Left as it does the Left’s more moderate neoconservative wing.

To those who hope to see the neocons swept from power as Donald Trump and his backers prosper politically, I am offering the sobering message that your expectations are unrealistic. Although the neoconservatives can be challenged from the Right, such a challenge can only work on the media level if the would-be counterforce is as well-equipped as what it’s fighting. Simply saying that the neocons are losing ground or are now in freefall won’t make one’s wish come to pass. Needless to say, I’d be delighted if proven wrong in this matter.

La globalisation est-elle un néo-colonialisme?

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La globalisation est-elle un néo-colonialisme?

Ex: http://www.observatoiredeleurope.com

La mondialisation est un fait. La globalisation est une idéologie. La première se constate. La seconde doit pouvoir être combattue. La première appelle des réponses politiques. La seconde organise l'évacuation du Politique. Derrière le projet de globalisation, il y a l'extension illimitée de l'idéologie techno-marchande à toute la planète, et à tous les domaines de l'existence humaine. Ce n'est pas un seul pays en tant que tel qui le propage, c'est une superclasse mondialisée. Il n'y a pas de complot, seulement des intérêts convergents et parfaitement cupides. Une sorte de super-colonialisme au profit d'un tout petit nombre de bénéficiaires, sur fond de discours sans-frontiériste, faux humanisme et fausse ouverture qui ne dissimule plus les aliénations nouvelles que ce grand déracinement impose à l'humanité presque entière.

Mondiaux contre locaux, Superclasse contre déclassés, Touristes contre vagabonds : la globalisation est-elle un néocolonialisme? 

Dossier préparé par Raphaëlle Lévy

Délocalisations, chômage, immigration, islamisation : la France n’en finit plus de payer pour l’entreprise coloniale lancée par une gauche imprégnée à la fois de l’universalisme des Lumières et les intérêts bourgeois.

En 1885, Jules Ferry n’imaginait sans doute pas la chaîne de drames et de souffrances qu’engendrera, du nord au sud et du sud au nord et pour plusieurs siècles, son fameux : « Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures […] [Remous sur plusieurs bancs à l’extrême gauche] parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont un devoir de civiliser les races inférieures (…) Les colonies sont, pour les pays riches, un placement de capitaux des plus avantageux. Au temps où nous sommes et dans la crise que traversent toutes les industries européennes, la fondation d’une colonie, c’est la création d’un débouché »[1]
La gauche française a heureusement abandonné depuis longtemps sa rhétorique sur les « races inférieures ». Mais ayant troqué la nation et l’idéal de justice sociale contre la foi dans le « Progrès »[2] et son universalisme (désir d’un ordre du monde)  contre la mondialisation (soumission au désordre du monde) elle a aisément recyclé son sans-frontiérisme dans l’économie globale et une certaine interprétation littéraliste des droits de l’homme. 
 
1) Colonisateurs et colonisés 

 « Les classes dirigeantes, qui modèlent l’opinion, sont encore davantage coupées de l’environnement social et écologique : elles ne se déplacent qu’en voiture, vivent dans des circuits de transports – aéroports, quartiers d’affaires, zones résidentielles – qui les mettent à l’abri du contact avec la société. Elles minorent évidemment les problèmes dont elles n’ont qu’une représentation abstraite. Quant à ceux qui sont d’ores et déjà confrontés aux désordres sociaux et écologiques de la crise en cours – pauvres des banlieues [et de nos régions rurales, ndla] occidentales, paysans d’Afrique ou de Chine, employés des maquiladoras[3] américaines, habitants des bidonvilles de partout -, ils n’ont pas voix au chapitre. » constate Hervé Kempf.[4]
 
a)Tutelle idéologique et économique
 
« L’Occident a gagné, il a imposé son modèle ; mais par sa victoire même, il a perdu. Sans doute faudrait-il introduire une distinction entre l’Occident universel, diffus, implicite, qui a investi l’âme de toutes les nations de la terre ; et l’Occident particulier, géographique, politique, ethnique, celui des nations blanches d’Europe et d’Amérique du Nord. C’est ce dernier qui se trouve aujourd’hui dans l’impasse. Non parce que sa civilisation aurait été dépassée par celle des autres, mais parce que les autres ont adopté la sienne, la privant de ce qui faisait jusqu’ici sa spécificité et sa supériorité » explique Amin Maalouf[5].

La mondialisation, largement réalisée par des hommes de la gauche française après 1983 (capitaux, marchandises et individus sans frontières) n’est plus l’expression de la colonisation d’un pays par un autre, d’un continent par un autre, ou d’une race par une autre. Elle ressemble à l’exploitation d’une grande partie de la population du monde du nord comme du sud (tous ceux que le géographe Christophe Guilly appelle « les perdants de la mondialisation ») par une super-classe mondialisée (les « gagnants ») qui impose sa tutelle idéologique et économique aux premiers où qu’ils soient.

En observant sur toute la planète qui sont ces gagnants et les perdants de la globalisation de l’économie et du droit, on voit ainsi apparaître une ligne de fracture elle-aussi transnationale : entre une classe mondialisée et cosmopolite qui contrôle l’essentiel des flux mondiaux de marchandises, de capitaux et d’information, impose ses codes, ses langages et profite de l’ouverture mondialiste, et une humanité (les trois quarts) qui en souffre économiquement, culturellement et socialement – notamment celle du sud contrainte par exemple de quitter ses terres, ses villages, ses traditions pour aller fabriquer à bas coût dans les « ateliers de la sueur » et sans droits, ce que celle du nord, les consommateurs prolétarisés et infantilisés devront absorber en continu, épuisant à leur tour ce qui reste de leur Etat-providence.
 
b) L’universel sans limites 

Cette élite mondialisée contrôle - avec l’aide de l’administration globale : notamment l’OMC, du FMI, de la Banque Mondiale, de la Commission européenne, des Banques centrales, des banques d’affaires, les think-tanks et ONG - la mondialisation de l’économie, de la finance et de l’information, s’y enrichit sans partage, professe et réalise à cette fin l’impératif moral et culturel du capitalisme de consommation : abattre toutes les frontières, limites, distinctions et hiérarchies. L’héritage des Lumières et les principes républicains sont ici convoqués mais atteints de la même maladie du déracinement :
  • la liberté (Rousseau, Kant, Montesquieu) dévoyée en licence (les noces d’Hayek et de Sade),
  • l’égalité (donc la justice) dévoyée en interchangeabilité générale (fin de l’altérité, « l’Homme sans dialectique » : homme/femme, père/fils, maître/élève, bien/mal, décent/indécent, juste/injuste, national/étranger etc.). Voilà le « tout-est-possible » (slogan nihiliste nazi qui, selon Hannah Arendt, a juste démontré que tout peut être détruit) dans sa dangereuse marche créant et entretenant (par le divertissement, la publicité, le marketing)[6] l’insatisfaction permanente et l’infantilisation nécessaires du consommateur.[7] 
  • la fraternité dévoyée en communautarisme « qui est la négation même de l’idée de citoyenneté »[8].
Cette classe dirigeante mondialisée impose partout aux déclassés de la mondialisation ses réformes structurelles, sa morale via sa sélection des droits de l’Homme et sa conception de la démocratie compatibles avec sa mondialisation libérale. Cette tutelle s’opère toutefois à géométrie variable :      
  • Dans les pays en développement : elle impose un messianisme occidental en faveur du tout-marché, de la « bonne gouvernance » démocratique et du respect des droits fondamentaux, avec des accents paternalistes néocoloniaux ;
  • Dans les pays occidentaux : elle s’incline devant des organes non-démocratiques et elle s’incline devant la culture et la religion des derniers arrivés via le communautarisme en renonçant à l’assimilation et invitant au « compromis réciproque » entre culture européenne et culture des immigrés.
Autrement dit : là-bas on pérore, ici on renonce ; là-bas la mission, ici la soumission. Ce sont là deux « fondamentalismes » (« Messianisme » et « Communautarisme », auxquels il ajoute le « Scientisme » de l’économie et de la biologie) qu’Alain Supiot renvoie dos à dos (voir extrait joint).

Dans une interview au Figaro[9], Hervé Juvin[10] critique la prétention universaliste de l’Occident moderne : « C'est le grand débat des Lumières et de la prétention au règne universel de la raison. L'idée que nous, Occidentaux, Européens, Français, Américains, aurions mis en place depuis les Lumières un modèle idéal de vie pour l'humanité, entre la croissance économique et la révolution industrielle, la démocratie et les droits de l'homme. Je ne le crois absolument pas. Je crois que d'autres sociétés qui vivent avec d'autres lois, d'autres mœurs, selon d'autres règles, ont su offrir les conditions du bonheur à leurs habitants. Je ne souscris pas à l'idée selon laquelle notre régime politique, notre musique, notre art, notre culture seraient le point d'aboutissement de l'humanité vers lequel tous les autres peuples devraient converger. Il y a une voie chinoise, une voie hindoue, des voies africaines, qui feront des sociétés équilibrées et heureuses, sûres de leurs identités, différentes de la voie américaine ou de la voie européenne. » 
 
2)La colonisation par le messianisme des droits fondamentaux 

Un droit-de-l’hommisme messianique entend donc étendre à tous les pays occidentaux et aux pays « en développement » une lecture littérale et donc fondamentaliste des droits de l’Homme. Ceux-ci, qui sont pourtant historiquement et géographiquement situés, sont frappés par la maladie du déracinement, qui rend fou ou dépressif tout ce qu’elle déracine : l’économie, la finance, le pouvoir, la religion, le droit, l’individu... Les droits de l’Homme sont ainsi interprétés non plus au regard du cadre référentiel donné, d’une civilisation ou d’une culture particulière, mais au regard de l’individu abstrait, interchangeable, pouvant aller partout et ne venant de nulle part[11].

Cette foi est propagée jusque dans les pays en développement par tous les instruments modernes : médias, sciences sociales, institutions de la mondialisation. 
  • Les sciences sociales et les médias : les « Gender Studies » (études de genre[12]) ont ainsi pris une part prépondérante dans les programmes occidentaux d’aide aux chercheurs africains. Des milliers de Centres de recherche indépendants (les fameux « Think Tanks », près de 5500 recensés, la plupart situés en Amérique du Nord et en Europe de l’Ouest) emploient, assurent la notoriété et gagnent ainsi la fidélité d’universitaires qui dans les pays du tiers monde connaissent un chômage important. Leur action rejoint celle des grandes ONG comme Human Right Watch, Amnesty International ou Transparency International dont les rapports annuels sont toujours attendus. Comme les rapports classant les « performances » économiques des pays pour les mettre en concurrence, ces rapports sont exploités dans les médias champions de la mondialisation des marchés et des droits de l’Homme[13].
  • Les institutions mondiales : les crises d’endettement à répétition des pays en développement sont des moyens de pression puissants pour imposer à ces pays non seulement l’ouverture de leurs économies et de leurs matières premières aux firmes multinationales mais aussi une certaine lecture des droits de l’Homme, dans le cadre des plans de « développement » ou des « prêts d’ajustement structurels » mis en œuvre contre le « sous-développement » par la Banque Mondiale en parallèle à la ligne de crédit du FMI pour assurer l’application des réformes exigées. Les Nations Unies, à travers leurs agences spécialisées ou les organisations sœurs en charge du développement des pays du tiers monde vont introduire des approches des questions de pauvreté, de développement du « capital humain », d’égalité des genres, de lutte contre les discriminations, en phase avec la mondialisation néolibérale.
  • L’exemple de la loi ougandaise sur l’homosexualité sanctionnée par la suspension des aides. En décembre 2013, l’Ouganda a adopté une loi condamnant les relations sexuelles entre personnes du même sexe, le « mariage » homosexuel, parle « d’homosexualité aggravée » pour les viols, les actes sexuels avec des mineurs ou des personnes handicapées, le harcèlement sexuel d’une personne du même sexe, le fait pour une personne porteuse du virus VIH d’avoir un rapport homosexuel. Le projet initial prévoyait la peine de mort pour ce type d’actes mais la loi définitive prévoit « seulement » la prison à vie. Le principe ou la sévérité de la peine peut être critiquable, mais là n’est pas la question. Ce qui est extraordinairement révélateur de la tutelle idéologique et politique des occidentaux, c’est la nature et l’ampleur de leur réaction. Cette loi a été qualifiée d’ « odieuse » par le président américain Obama et d’ « atroce » par son Secrétaire d’État John Kerry, qui l’a comparée aux lois anti-juives de l’Allemagne des années 30. William Hague, le ministre britannique des Affaires étrangères a,  lui,  parlé de loi « profondément affligeante et décevante ». Ingérence caractérisée, ce ne sont encore que des paroles politiques répondant à la parole législative du parlement ougandais. L’ingérence la plus grave sur ce pays africain qui a beaucoup souffert[14], c’est la suspension immédiate par pays riches de leurs programmes d’aide à l’Ouganda : des centaines de millions d’euros gelés par la Suède, la Norvège, le Danemark, les Pays-Bas, la Belgique, la Grande-Bretagne et les États-Unis, ainsi que par la Banque Mondiale qui a suspendu en février 2014 ses prêts en faveur du secteur de la santé ougandais.

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3) La colonisation par l’endettement et la corruption

En 1982, les pays du tiers monde sont pour beaucoup gravement touchés par l’endettement et ne peuvent rembourser les dettes contractées auprès d’autres Etats ou grandes banques internationales. Pour obtenir un rééchelonnement de leur dette extérieure, leurs créditeurs publics et privés leur imposent, via le FMI (siège à Washington et les Etats-Unis en sont le premier actionnaire) qui les représente, des réformes néolibérales sans précédent : suppression des subventions aux produits de base alimentaires ou énergétiques, réduction des dépenses publiques (y compris des services sociaux d’éducation et de santé), augmentation des taux d’intérêt domestiques pour mieux rémunérer l’épargne, privatisation des entreprises publiques les plus rentables.

Des firmes internationales vont alors s’approprier, souvent sous forme de concession et de monopoles, les secteurs les plus juteux : télécommunications, finance et tourisme, non sans avoir versé des pots-de-vin aux dirigeants de l’Etat concerné. L'Afrique aujourd'hui paierait en outre chaque année (en paiement des intérêts sur prêts) au FMI et à la BM cinq fois plus qu'elle ne reçoit d'aides au développement sous forme de prêts etc. Les conséquences sur les niveaux de vie de ces pays seront dramatiques, notamment en Afrique subsaharienne et en Amérique latine (Brésil, Mexique, Argentine, Pérou) ainsi que dans certains pays d’Asie (Philippines, Pakistan, Indonésie, Bangladesh).

Dans la plupart des cas, une grande partie de l'argent prêté à ces pays ne contribue pas au développement mais est retournée aux sociétés étrangères privilégiées et alimenté les réseaux de corruption au nord comme au sud, sous forme de commissions et rétro-commissions. Pour l’essentiel, ces prêts étrangers seraient donc, en fait, des subventions aux sociétés qui sont liées d’intérêt avec les dirigeants de l’État emprunteur. Cette connivence est désignée sous le nom de « corporatocratie ». Les organismes accusés de participer à ce « néo-colonialisme » sont donc la Banque mondiale, mais aussi l’Organisation mondiale du commerce, le G8 et le Forum économique mondial, sans oublier certains « pays riches » à commencer par les États-Unis et ses multinationales.

La position extraordinaire de pouvoir des super-créanciers permet aussi d'exiger de « l'Etat sujet » l'établissement de bases militaires, un vote favorable aux Nations unies, une loyauté politique en général, l'accès à bon marché à d'éventuelles richesses pétrolières et autres ressources naturelles…[15]

Le risque se profile d’une nouvelle grande crise de la dette semblable à celle de 1982 et des fonds d’investissements du nord lorgnent sur les pays (Côte d’Ivoire, Ethiopie, Rwanda, Sénégal par exemple) qui vendent sur les marchés financiers des pays industrialisés des titres de leurs dettes publiques (7 milliards vendus en 2014) promettant un rendement de 6 à 8% même si les risques sont élevés. Or, avec la chute du prix des matières premières (pétrole, argent, cuivre, coton, caoutchouc) les Etats concernés pourront difficilement rembourser leurs créanciers, donc ce sont les populations qui vont encaisser le coup[16] et l’ingérence qui va s’accentuer. 

4) La colonisation par le libre-échange intégral

Le libre-échangisme est un système par lequel « on fait subventionner les riches des pays pauvres par les pauvres des pays riches » expliquait un ancien conseiller économique de M. Thatcher, Allan Walters. On peut se demander vingt ans plus tard si ce n’est pas même un système qui a conduit à la mise à mort lente des classes moyennes des pays développés, accru la pauvreté partout (sauf une partie des paysans chinois) et enrichi une petite minorité mondialisée et barricadée. 

Voilà le grand mensonge de la prétendue « mondialisation » : elle est extrêmement profitable pour une petite caste de gens mobiles, déracinés et intégrés à son fonctionnement et à ses profits (« les mondiaux ») et elle marginalise, affaiblit voire fait souffrir (économiquement, culturellement, socialement, humainement) les trois quarts de la population de la planète (« les locaux »). La richesse est mondiale, les misères sont locales. Tentons un rapide recensement.

a) Les perdants des pays riches

  • Baisse des revenus. Depuis quinze ans, les pays occidentaux ont vu leurs classes moyennes basculer dans les perdants du libre-échange. Leurs revenus ont décroché par rapport aux plus hauts salaires et aux revenus du capital. Selon le Prix Nobel Paul Krugman, le salaire réel médian a chuté de 12% depuis 1973 (aux Etats-Unis). Dans le même temps, celui des 1% les plus riches doublait et que celui des 0,1% des super-riches quintuplait. Pouvoir acheter son alimentation 20% moins cher chez Lidl ou Colruyt ne compense pas la perte d’un salaire…  
  • Désindustrialisation et chômage. Le désastre industriel dans les pays développés est bien visible : -39% de salariés depuis 1999 au Royaume-Uni, -32% aux Etats-Unis, -20% en France et au Portugal, -12% en Espagne. En trente ans, la France a perdu plus de 2 millions d’emplois industriels, son déficit commercial est passé de 4 à 51 milliards (entre 2000 et 2010). Selon le Prix Nobel Maurice Allais, le libre-échange est à lui-seul responsable de 48% des destructions d’emplois[17] auquel il faut, pour la plupart des pays de la zone euro ajouter l’effet conjugué d’une monnaie unique longtemps surévaluée.
  • Délocalisation. De 2006 à 2009, les entreprises du CAC 40 se sont séparées chaque mois de 1900 salariés français et augmenté dans le même temps de 7600 employés à l’étranger, notamment dans les pays émergents où les promesses de développement et le coût du travail sont forcément incomparables.[18]
  • Gagnants et perdants en France. Après « Fractures françaises » (2012) c’est dans « La France périphérique » (2014) que le géographe Christophe Guilly expose son constat des perdants et des gagnants de la mondialisation. « Deux France se font face » et s’opposent sans se comprendre. D’une part, les gagnants de la mondialisation, bien intégrés à l’économie-monde car très qualifiés et investissant les grandes villes, mobiles, qui participent à la création des deux-tiers du PIB national, ou les banlieues intégrées qui ont un potentiel de reconversion assez important. D’autre part, les perdants de la mondialisation, la fameuse “France périphérique”, que l’auteur décrit comme “la France des plans sociaux” c’est-à-dire les populations sédentaires qui subissent directement la mondialisation de par leurs emplois peu qualifiés dans des industries ou des zones rurales en net recul, dont le malaise gagne les petites et moyennes villes. La métropolisation coupe ainsi la France en trois : l’ensemble des métropoles mondialisées et gentrifiées (boboïsées), par le modèle libéral de la société ouverte ; les banlieues ethnicisées, avec leurs valeurs traditionnelles au cœur de la mondialisation libérale ; la France périphérique des catégories populaires d’origine française et d’immigration ancienne. (Voir extrait joint)
Tout à leur démission politique généralisée depuis trente-cinq ans, les gouvernements européens préfèrent une politique de réparation sociale à la marge, malgré les échecs à répétition, plutôt que de changer les règles du jeu, ce qui conduit assurément à l’impasse car les finances de l’Etat et de la protection sociale ne peuvent déjà plus faire face.
 

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b) Les perdants des pays pauvres

La part du revenu mondial actuellement allouée aux pauvres ne cesse de diminuer : 80% de la population mondiale ne possède que 22% de la richesse totale.

L’économiste Jacques Sapir est l’un des rares à avoir tenté[19] un bilan chiffré du libre-échange pour les pays les moins avancés : sur les 22 milliards de dollars prétendument gagnés, il faut soustraire les pertes fiscales liées à la fin des droits de douane (60 milliards) et la réduction drastique des investissements (90 milliards), le bilan est donc plus que négatif en période de transition en tous cas : « La transition économique vers le libre-échange crée toujours des déséquilibres entre l’offre et la demande. L’ajustement prend du temps et les investissements industriels – au moins pendant la période de mutation – sont absents. » explique Sapir. Les paysans des pays pauvres privés soudainement de subventions ne peuvent se qualifier d’un jour à l’autre pour trouver une place à l’usine. De même que les ouvriers des pays riches dont l’usine est délocalisée se requalifient difficilement sur le champ pour être « employables » dans les services.

Les quelques gains de productivité générés par l’extension du libre-échange tombent essentiellement dans les mains du capital et non celles du travail.

Sous l’angle des gains par pays, une étude de la Banque mondiale révèle qu’il y a 517 millions de pauvres en moins depuis 1981 dans les pays pauvres, en fait Chinois pour l’essentiel :
  • 208 millions de Chinois vivent avec moins de 1,25 dollar par jour aujourd’hui contre 835 en 1981, sans que l’on sache toutefois si c’est un effet bénéfique du libre-échange ou de la réforme agraire.
  • Dans tout le reste de l’Asie du Sud, le nombre de pauvres n’a pas reculé : +36 millions de pauvres en Inde depuis 30 ans (rapporté à la population c’est cependant une baisse de 58 à 42%)
  • En Afrique subsaharienne, le nombre de pauvres a bondi de 83% en vingt-cinq ans, sous l’effet conjugué du libre-échange et de l’explosion démographique.
Les pays qui connaissent une vraie croissance depuis soixante ans sont en réalité ceux qui sont les plus protégés : Japon, Corée du Sud et Chine (étude réalisée par Dani Rodrik, Professeur à Harvard). Ainsi la Corée a quadruplé son pouvoir d’achat sans tomber dans l’autarcie mais en plaçant sous protection douanière, subventions et quotas d’importations, le temps que ses savoir-faire arrivent à maturité pour partir à l’assaut du monde (les chantiers navals de Saint-Nazaire sont désormais la propriété du sud-coréen STX)
Au total, le libre-échange mondial aurait permis de sortir de la pauvreté, bon an mal an, 200 à 300 millions de Chinois. On est loin de la « mondialisation heureuse » et triomphante annoncée par les élites économiques, intellectuelles et administratives mondialisées de l’Occident.

c) Les gagnants mondialisés 

La convergence mondiale des niveaux de vie par la globalisation des échanges ne se réalise pas, sauf pour les très riches dont la fortune croît.

Outre la minorité des « gagnants » parce que bien qualifiés, mobiles et intégrés à l’économie-monde (en France, un petit quart de la population, évoqué en a), il y a, au sommet de la hiérarchie des bénéficiaires de la mondialisation, ceux que l’on appelle les « super-riches », pour la plupart américains - 15 sur les 20 premières fortunes mondiales - avec une percée remarquable des super-riches des pays émergents – 17 des 50 premières fortunes mondiales selon Forbes). La fortune totale des 358 premiers milliardaires mondiaux équivaut aux revenus des 2,3 milliards les plus pauvres de la planète[20].
Le patrimoine cumulé des 1% les plus riches du monde dépassera en 2016 celui des 99% restants selon Oxfam[21]

En guise de conclusion : les nécessaires « limites à l’universel »

Extrait de l’interview d’Hervé Juvin (Figaro)[22]

Q : Toutes les civilisations se valent, alors? Il n'y a pas de valeurs transcendantes, pas de droits de l'homme, pas d'universel… L'excision et le mariage forcée des petites filles est de même valeur que la quasi égalité hommes-femmes en Occident?

H.J : On a le droit de défendre un système de valeurs qu'on croit universel. Vous n'allez pas me faire dire que je suis pour la lapidation! Personne évidement ne peut souhaiter être mis en détention sans jugements, être torturé, etc… Mais on ne peut pas ne pas constater les désastres que produit l'imposition par le haut du modèle occidental dans les sociétés traditionnelles. L'universalisme européen et américain n'a abouti qu'à des champs de ruines: en Afrique, en Afghanistan, en Irak, en Libye… Et la folle course en avant du développement menace la survie de l'humanité ; au nom de quoi arracher ces millions d'hommes qui vivaient hors de l'économie du capitalisme, de l'accumulation, dans un équilibre avec la nature, pour les précipiter dans un système qui détruit les biens vitaux et les services gratuits de la nature?

Les motifs humanitaires masquent souvent des ingérences guerrières. Le «droit au développement» masque l'agression impitoyable de l'obligation de se développer, qui a fait des ravages en Asie et en Afrique. Les limites à l'universel ne sont pas seulement morales, mais physiques. La pénétration sans limites d'internet répand dans des populations entières des rêves qu'elles n'auront aucun moyen de satisfaire, à moins de faire exploser la planète. Il est impossible que 9 milliards d'humains vivent comme un Américain moyen. Ne pas se rendre compte de cela, c'est créer les conditions d'une humanité frustrée. Non seulement cet universalisme sème les graines du malheur, mais il est contre-productif: plus il essaie de s'imposer, plus il réveille des particularismes de plus en plus agressifs.
C'est là un point essentiel en géopolitique aujourd'hui: l'agression des modèles universels réveille les logiques de la différence politique. Je cite dans mon livre celui que je considère comme le plus grand ethnologue du XXème siècle Elwin Verrier, pasteur britannique marié avec une fille de la tribu des Muria: au bout de quarante ans passés à côtoyer les tribus indiennes, il a abouti à la conclusion suivante: laissons les vivre comme ils sont, hors du développement économique. Mêlons-nous de ce qui nous regarde: sagesse qui nous éviterait bien des bêtises! »
 
NOTES

[1] Il faut aussi citer Léon Blum : « Nous admettons qu'il peut y avoir non seulement un droit, mais un devoir de ce qu'on appelle les races supérieures, revendiquant quelquefois pour elles un privilège quelque peu indu, d’attirer à elles les races qui ne sont pas parvenues au même degré de culture et de civilisation » (Débat sur le budget des Colonies à la Chambre des députés, 9 juillet 1925)

[2] L’expression « On n’arrête pas le Progrès » semble justifier le renoncement collectif à accompagner le progrès scientifique et technique de tout progrès moral et social. Le progressiste n’est pas libéré mais soumis, non pas volontariste mais fataliste, donc « on n’arrête pas » la mondialisation, ni la roue de l’unification européenne « sans cesse plus étroite », ni le mouvement perpétuel des capitaux, des individus, des objets et des mœurs. Bref le croyant du « sens de l’Histoire » ne croit plus dans aucune forme de « gouvernement des Hommes » et prépare, après la « sortie du religieux » (Gauchet), celle du Politique, donc du peuple, et « l’administration des choses » qu’on n’arrêtera pas. Jusqu’au retour du refoulé et donc des identités, sous des formes peu agréables via l’Islam, le vote FN, le localisme etc. 

[3] Usines d’assemblage situées le long de la frontière mexicaine

[4] Hervé Kempf, « Comment les riches détruisent la planète », Seuil, 2007

[5] Amin Maalouf, « Le dérèglement du monde », Grasset, 2009, où l’essayiste décrit  le « Dérèglement intellectuel, caractérisé par un déchaînement des affirmations identitaires qui rend difficiles toute coexistence harmonieuse et tout véritable débat. Dérèglement économique et financier, qui entraîne la planète entière dans une zone de turbulences aux conséquences imprévisibles, et qui est lui-même le symptôme d’une perturbation de notre système de valeurs. Dérèglement écologique, qui résulte d’une longue pratique de l’irresponsabilité… L’humanité aurait-elle atteint son seuil d’incompétence morale ? » Pour l’auteur, « le dérèglement tient moins à une « guerre de civilisations » qu’à l’épuisement simultané de toutes nos civilisations, et notamment des deux ensembles culturels dont il se réclame lui-même, à savoir l’Occident et le monde arabe. Le premier, peu fidèle à ses propres valeurs ; le second, enfermé dans une impasse historique. »

[6] Père de la propagande et du marketing modernes, Edward Bernays, neveu de Freud réfugié aux Etats-Unis pendant la guerre, lu tant par les concepteurs de la propagande nazie et de la publicité contemporaine, révolutionne la communication de masse en montrant comment s’adresser à l’inconscient des foules, par exemple lorsque pour l’industrie du tabac il persuade les femmes de se mettre à fumer par la formule « Devenez les torches de la liberté ».

[7] Le petit enfant se rêve tout-puissant jusqu’à ce que le parent – ou à défaut plus tard et de manière violente la société et le droit pénal – ne lui pose des limites, comme les berges donnent au fleuve la force d’aller vite et loin, l’empêchant de se perdre en un étendue stagnante et marécageuse. Une société parricide ignore les limites, les berges et par suite la liberté et la justice ; elle produit des individus moins forts, moins libres, moins égaux, moins justes, de pauvres êtres désinstitués, déracinés, désaffiliés, noyés d’objets, d’images et de frustrations. Parce que la fuite éperdue dans l’illimité ne comble jamais la soif d’infini, elle l’en éloigne.

[8] Amin Maalouf, Op.cit

[9] « La fin de la mondialisation et le retour des identités », Le Figaro, 4/7/2014

[10] « La grande séparation, pour une écologie des civilisations », Gallimard, 2014

[11] « Les Droits de l’Homme sont traités comme un nouveau Décalogue, un Texte révélé par les sociétés « développées » aux sociétés « en voie de développement »  et à ne laisser à ces dernières un autre choix que de « combler leur retard » et se convertir à la modernité des droits de l’homme et de l’Economie de marché réunis. C’est un fondamentalisme parce qu’il entend faire prévaloir une interprétation littérale des droits de l’Homme sur toutes les interprétations téléologiques mises en œuvre par les droits nationaux. Ainsi pris à la lettre, les principes d’égalité et de liberté individuelle qui sont à la base des droits de l’Homme peuvent faire l’objet d’interprétations folles. » Alain Supiot, Homo Juridicus, Seuil, 2005

[12] « Pas besoin d’être freudien pour identifier dans le mouvement d’effacement des différences la réalisation collective de la pulsion de mort » disait Philippe Murray

[13] Aux Etats-Unis, nombre d’associations, ONG, instituts, fondations, centres de recherche etc. employant des millions de personnes, ont une vocation internationale sur des régions, pays ou thèmes déterminés : sur 151539 ONG « thématiques », 23968 s’intéressent aux questions de développement et 5691 aux droits de l’Homme, la limite entre les deux thèmes étant poreuse.

[14] Des centaines de milliers de personnes tuées à l’époque du dictateur Amin Dada, soutenu par les Occidentaux, qui se remet aujourd’hui de ses années de lutte contre les terribles exactions de l’Armée de la Résistance du Seigneur (LRA) de Joseph Kohny,

[15]La spirale infernale est décrite par John Perkins dans ses « Confessions of an Economic hitman » (« Confessions d'un assassin financier - Révélations sur la manipulation des économies du monde par les États-Unis ») publié en 2004, livre autobiographique où l’ancien consultant explique que sa tâche de « tueur à gage économique » était est de « justifier et de permettre la conclusion par des États d'énormes prêts internationaux dont l'argent finira, déduction faite des sommes destinées à la corruption des élites locales, sur les comptes en banques de grandes sociétés d'ingénierie et de construction américaines. Les besoins en liquidités ayant été au préalable surévalués par ces consultants, l'État se révèle incapable de payer sa dette et en sujétion vis-à-vis du créancier.Repenti après avoir épousé une Colombienne en 1980, Perkins raconte ces méthodes « mafieuses » auxquelles il aurait participé.

[16] Pour desserrer l’étau économique et stratégique sur l’Afrique, le conseiller spécial de l’ONU Dr. Jeffrey Sachs exige que la dette africaine tout entière (environs 200 milliards de dollars US) soit effacée et recommande même que les nations africaines cessent de payer : « Le temps est venu de mettre fin à cette situation burlesque. Les dettes sont exorbitantes. S’ils refusent d’effacer les dettes je suggérerais l'obstruction ; vous le faites vous-mêmes. L’Afrique devrait dire : 'merci beaucoup mais nous avons besoin de cet argent pour répondre aux besoins des enfants qui meurent en ce moment, alors nous allons utiliser le service du paiement de la dette à des investissements sociaux urgents dans la santé, l’éducation, l'eau potable, le contrôle du SIDA et autres besoins. » Professeur Jeffrey Sachs, directeur du Earth Institute à l'université Columbia et conseiller économique spécial auprès du Secrétaire Général de l'Organisation des Nations unies (ONU).

[17] Maurice Allais, « La Mondialisation. La destruction des emplois et de la croissance : l’évidence empirique » Ed Juglar, 1999

[18] L’Expansion, n°757, « Les entreprises les plus patriotes », 2010

[19] Jacques Sapir, « Le vrai sens du terme. Le libre-échange ou la mise en concurrence entre les Nations », in David Colle (dir), « D’un protectionnisme l’autre. La fin de la mondialisation ? » Rapport Anteios 2009, PUF 2009.

[20]  « Si ces 358 milliardaires les plus riches décidaient de conserver 5 millions de dollars chacun, pour se tirer convenablement d’affaire, et de donner le reste, ils pourraient doubler les revenus annuels de presque la moitié de la population du globe. Et les poules auraient des dents. » (Victor Keegan)

[21] La part du patrimoine mondial détenu par les 1% les plus riches était passée de 44% en 2009 à 48% en 2014, et dépasserait les 50 % en 2016 (…) En 2014, les membres de cette élite internationale possédaient en moyenne 2,7 millions de dollars par adulte. Le reste du cinquième (20%, ndlr) le plus riche de la population possède 46% du patrimoine mondial alors que 80% de la population mondiale ne se partagent que les 5,5% restant .
 
[22] Op.cit
 

Neuro-pirates – Séance de dédicaces de Lucien Cerise à la librairie Facta

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Neuro-pirates – Séance de dédicaces de Lucien Cerise à la librairie Facta

Samedi 26 mars 2016

La librairie Facta recevra Lucien Cerise le samedi 26 mars 2016 de 14h30 à 18h pour une séance de dédicaces de son ouvrage Neuro-pirates, publié aux éditions Kontre Kulture.

L’adresse de la librairie :

Librairie Facta
4 rue de Clichy
75009 Paris

Lucien Cerise sur E&R :

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dimanche, 13 mars 2016

Du paradoxe en politique

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Du paradoxe en politique

Ex: http://iddeurope.org

Au-delà de la diversité culturelle du continent européen, les nations qui le composent sont peu ou prou prisonnières d’un même paradigme. À savoir, une vie politique dominée par deux partis majoritaires, lesquels adhèrent à des conceptions communes dont les principales sont la mondialisation, le libéralisme économique, et la construction européenne sur la base des transferts de souveraineté.

Dans tous ces pays existent des partis en opposition avec l’idéologie dominante. Il s’agit techniquement de partis souverainistes, bien que cette déclinaison soit suffisamment vague pour qu’on puisse y classer aussi bien la gauche radicale que l’extrême-droite. Les mouvements souverainistes sont fréquemment catégorisés comme « populistes ». Le populisme revêt une signification spécifique selon que l’on parle de sciences politiques ou de sociologie électorale.

Pour faire simple, en sciences politiques le populisme peut être considéré comme l’ensemble des revendications politiques citoyennes non-représentées, car elles ne trouvent aucun réceptacle au sein des partis de gouvernement.

En termes de sociologie électorale, le populisme correspond à la remise en cause par les classes populaires des valeurs et des outils de gouvernance défendus par les classes dirigeantes. Dans les circonstances actuelles, le qualificatif de populiste, adressé par les classes dirigeantes au diagnostic critique du paradigme libéral-mondialiste, revêt une connotation péjorative et révélatrice d’un mépris de classe.

Le populisme : émanation des promesses non-tenues

Il n’y a pas de vrai débat entre les partis de gouvernement et les partis d’opposition. C’est justement là où l’anathème populiste trouve son intérêt pour ceux qui l’emploient. Il sert à disqualifier autrui, à balayer la protestation populaire, à considérer l’alternative comme étant démagogique, irresponsable, extrémiste. Avec cela, on escamote le débat de fond sur le modèle de société auquel on pourrait aspirer.

En fait, les partis populistes représentent tout ce que les partis de gouvernement ont abandonné. La gauche populiste incarne un socialisme orthodoxe basé sur la protection des catégories populaires et donc en opposition avec le social-libéralisme qui accepte le principe de déflation salariale au nom de la compétitivité dans une économie mondialisée.

Quant à la droite populiste, elle incarne la vision assimilatrice de la société, par opposition au multiculturalisme auquel la droite de gouvernement a fini par céder. On notera toutefois que dans le cas de la droite, la diversité politique européenne aboutit à des reproches divergents. Ainsi, la droite populiste française reproche à la droite de gouvernement d’avoir abandonné le patriotisme économique et la logique protectionniste, là où la droite populiste anglaise critiquera l’abandon du libéralisme classique au profit de l’hyper-réglementation générée par les normes européennes.

Paradoxe de gauche

La gauche européenne, sous l’égide de la social-démocratie, a renoncé à un électorat ouvrier dont l’intérêt de classe n’était plus convergent avec l’ouverture à la mondialisation. En France, le PS a un socle électoral largement composé de retraités et de fonctionnaires. La perte des ouvriers a poussé le parti à réorienter son offre électorale vers la petite bourgeoisie des métropoles (les fameux bobos), ainsi que vers les immigrés.

De ce choix découle la favorisation de mouvements émancipatoires, tel que le féminisme et l’extension des droits LGBT. De même, son ouverture vers l’électorat d’origine immigrée se manifeste par une islamophilie assumée et un multiculturalisme revendiqué. Cependant, l’islam, comme toutes les grandes religions, induit dans sa déclinaison politique un modèle de société patriarcal. Ainsi, plus cette religion s’épanouie, plus elle se manifeste dans l’espace public, et vient ainsi renforcer la critique des politiques libertaires dont sont issus les mouvements LGBT et féministes.

Notons que la gauche de la gauche possède aussi son propre paradoxe, dans la mesure où elle en appelle au peuple et tente de ressusciter la mythologie ouvrière, alors que les principaux concernés se sont tournés vers le Front National. Tout comme le PS, la gauche radicale célèbre l’immigration comme une chance pour la France. Mais la concurrence mondiale a ruiné l’industrie française, tandis que la gentrification des métropoles a évincé le prolétariat des grandes villes. Le logement social est devenu le seul parc foncier qui lui soit accessible. Ne souhaitant plus cohabiter avec des populations issues de flux migratoires constants et devenir minoritaires sur leur territoire, les ouvriers ont migré à l’écart des villes-monde, modifiant ainsi les implantations démographiques traditionnelles, et bouleversant la géographie politique du même coup. Cette réalité n’échappe pas aux leaders de la gauche radicale, mais cette dernière ne peut pas non plus renoncer à ses inclinations xénophiles, ce qui la condamne à prêcher dans le désert.

Paradoxe de droite

À droite, le bourgeois classique et l’électeur populaire issu du périurbain et de la ruralité ont en commun un rejet de l’immigration et une hostilité de fait envers l’expression du multiculturalisme, bien que ce concept soit soumis à tous les amalgames.

Cependant, économiquement, un monde sépare ces deux catégories. Les classes aisées profitent de la mondialisation et de l’ouverture des frontières. La libéralisation décuple leurs opportunités et les conforte dans leur domination. Pour les classes populaires c’est l’inverse, libéralisation et mondialisation riment avec concurrence déloyale et précarisation.

Ces électorats sont séparés jusque dans leur répartition sur le territoire, puisque la bourgeoisie traditionnelle peuple les métropoles dynamiques et adaptées à la concurrence mondiale, là où les catégories populaires de droite vivent dans des zones de déclin économique, éloignées de la création de richesses, et où le taux de revenu annuel est particulièrement faible.

Les bourgeois et retraités aisés veulent plus d’Europe, ou au moins le maintien de ce qui est acquis. Les classes populaires ne veulent plus d’intégration européenne et souhaitent même revenir sur les fondamentaux de l’UE.

Se pose ainsi pour les partis de droite classiques, tout comme pour les partis de la droite antisystème, la problématique suivante : comment capter sur la base de l’immigration deux électorats diamétralement opposés sur les grandes orientations politiques et institutionnelles de leur pays ?

Quand la communication remplace la politique

L’outil miracle permettant de surmonter ces difficultés existe bel et bien : il s’agit de la synthèse.

La synthèse est ce qui permet de faire cohabiter au sein d’une même famille politique, et à travers une seule personnalité, des courants totalement antagonistes. Elle s’obtient en substituant l’action politique par la communication politique.

L’action politique vise à dire ce que l’on va faire, et à faire ce que l’on a dit. La communication politique consiste à adopter une posture temporaire définie par le contexte politique immédiat et par le public électoral auquel on est confronté. Dans une synthèse, on distribue donc des promesses contradictoires à des corps électoraux dont les intérêts divergent, en sachant très bien que certains seront floués.

Dans le contexte européen actuel, il apparait que la synthèse semble plus aisée à gauche. L’électorat favorable aux mouvements d’émancipation LGBT et/ou féministes incline favorablement vers le modèle de société multiculturaliste, et admet donc l’affirmation de l’islam comme identité du citoyen musulman. Pourtant, l’expansion d’un certain islam, de coloration salafiste, génère des dérives communautaires et des manifestations d’intolérance. Face à ces dérives, nombreux sont les responsables de gauche à fermer les yeux, voire à tolérer l’intolérance, tant qu’elle provient d’un client électoral. Mieux, le fait d’attendre en embuscade que la droite s’empare de ces sujets à des fins de polémiques, ce qui ne manque jamais d’arriver, permet à la gauche de ressouder l’ensemble de son électorat, en invoquant la lutte contre l’islamophobie et la droitisation des esprits.

En France, l’appel à la défense des valeurs républicaines est devenu un élément de langage phare du discours socialiste. Mais l’emploi qui en est fait est un contre-sens, puisque la République, qui symbolise la réunion d’individus divers dans leurs origines et leur culture au sein d’une communauté nationale, est ici invoquée dans un discours global qui exalte les particularismes communautaires.

La synthèse à droite paraît plus malaisée. Si Nicolas Sarkozy est le dernier à l’avoir réussie en 2007, il semble aujourd’hui impossible de rééditer une telle manœuvre, ce en raison de l’hostilité croissante et globale envers l’Europe. Comment bailler à la droite des métropoles l’accentuation de l’intégration européenne, ainsi que la libre-circulation des travailleurs et des marchandises, tout en promettant protection et justice sociale à une droite de la périphérie qui exige le retour de l’État dans l’économie et le rétablissement des frontières ?

La mondialisation a bouleversé le champ politique national en scindant les bases électorales de la gauche et de la droite, ce dans tous les pays, y compris aux États-Unis. Si le clivage gauche-droite est devenu secondaire, il constitue toujours un repère sur l’idée que l’on se fait de la société dans laquelle on souhaite vivre. Chaque camp se trouve ainsi contraint de surmonter les paradoxes nés de la mondialisation et de recoller les différentes pièces de son électorat par le biais de la synthèse. Ce à moins que la nouvelle géographie politique commune à tout l’Occident, opposant la métropole à la périphérie, ne donne naissance à une nouvelle forme d’entité politique, balayant définitivement les fossiles démocratiques que sont le bipartisme, la coalition au centre, et l’alternance unique.

La politique, une affaire de générations

Un trait d’union supplémentaire unit les nations occidentales dans leur diversité, il ne doit pas être sous-estimé car il est un facteur majeur dans le conservatisme politique et institutionnel de ces pays : Il s’agit de la démographie.

Les pays occidentaux ont une démographie faible et de ce fait une population vieillissante. Comparée au dynamisme démographique des autres continents, cette faiblesse dans le renouvellement de la population autochtone occidentale alimente l’idée du déclassement, tandis que les flux migratoires nourrissent la peur instinctive de la disparition de son pays, de sa culture, et au final de soi-même.

Demi-statère_romain_C_des_M.jpgCes considérations sont prégnantes dans les mouvements de droite, aussi bien classiques que populistes, même si ces derniers les assument beaucoup plus aisément, notamment en Grande-Bretagne avec UKIP, en Belgique avec le Parti Populaire, ou en Suède avec les Démocrates Suédois. Le fait de rompre un tel tabou et de rouvrir le débat sur la coexistence des civilisations facilite leur classement à l’extrême-droite. Pourtant, les problématiques issues de la coexistence ne sont pas liées aux pays de l’Europe blanche et chrétienne. Une enquête réalisée par Ipsos en 2011 révèle que ce phénomène touche aussi aux autres continents, il s’agit d’un phénomène inhérent à l’être humain, il est donc universel.

La faible démographie occidentale a également un effet pervers sur le renouvellement des classes politiques et institutionnelles. Par essence, les partis qui occupent le pouvoir représentent les classes dominantes, ils sont donc nécessairement conservateurs, puisque leur objectif est de demeurer en place. Ces mouvements sont largement soutenus par des populations qui, sociologiquement, ont toutes les raisons de vouloir préserver leurs acquis.

En Europe, cette population correspond à celle des baby-boomers, lesquels ont désormais atteint l’âge où leur place dans la société est faite et dont le but est de s’y maintenir. S’ajoute à cela les populations retraitées qui, même lorsqu’elles sont modestes, n’aspirent pas tant au changement qu’au statu quo, sachant par ailleurs que les retraités sont sensibles aux effets de l’inflation, et prisent donc la stabilité politique.

Pour les générations suivantes, l’héritage des baby-boomers consiste essentiellement en l’évocation quasi mythologique d’un âge d’or, les Trente Glorieuses, contrastant avec la crise économique qui a suivi et qui semble s’amplifier, le tout ponctué d’un legs écologique désastreux et d’une dette monstrueuse à supporter. S’ajoute à cela la rancœur devant le peu de perméabilité d’un marché du travail encore dominé par ceux qui ont connu dans leur jeunesse le plein emploi. La classe politique française symbolise cet égoïsme à la perfection. L’amertume est justifiée, mais il n’y a pas d’affrontement entre générations, car pour le jeune d’aujourd’hui le baby-boomer est aussi un parent, ou un grands-parents.

Il est de notoriété publique que les personnes âgées votent en masse et que l’absentéisme est fort chez les jeunes. La colère envers les classes dominantes qui régissent le monde occidental est certaine, les partis populistes montent, le changement semble de plus en plus à portée de main, il se fait entendre, mais il ne vient pas. Tout simplement parce que les forces du conservatisme sont plus fortes encore, même si elles sont silencieuses.

Tant qu’il n’aura pas résolu ses problèmes démographiques, l’Occident semble destiné à s’enfoncer dans un marasme économique et dans une crise existentielle, sans espoir d’une reprise en main par le haut, par le politique. Le paradoxe occidental, c’est de constater son déclin mais de juger néfaste ce qui pourrait y remédier. Une affaire de générations.

Chronique de livre : Philippe Baillet "Le parti de la vie"

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Chronique de livre : Philippe Baillet "Le parti de la vie"

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

Recension: Philippe Baillet, Le parti de la vie ; Clercs et guerriers d’Europe et d’Asie, Akribéia, 2015

2833559705.JPGLe nom de Philippe Baillet ne vous est peut-être pas inconnu : il est le traducteur français de Julius Evola mais également l’auteur de nombre d’articles et de quatre autres livres. Le parti de la vie se compose justement de huit de ses études, certaines déjà publiées, d’autres considérablement enrichies par rapport à leur première version. Deux d’entre elles (sur Yukio Mishima et Giorgio Locchi dont un texte inédit en français se trouve d’ailleurs en annexe) sont inédites.

Ces articles ont été rassemblés à dessein et explorent plusieurs aspects de ce que l’auteur nomme "le parti de la vie". Il le désigne comme suit : « ce vaste mouvement historique européen dont Nietzsche fut tout à la fois le fondateur, le penseur inaugural et, parfois, le poète. Il englobe donc l’œuvre de Nietzsche lui-même et tout ce qui s’inscrit vraiment dans sa postérité, dont notamment le phénomène national-socialiste [et] le fascisme historique ». L’ombre du philosophe au marteau plane donc plus que toute autre sur cet ouvrage.

Dans une préface éclairante, Philippe Baillet explique le but de son livre : donner les traits fondamentaux d’une vision du monde, d’une Weltanschauung, qui, à la suite de Nietzsche, se veut un rejet de ce monde moderne « voué au culte de la marchandise, à la fabrication de l’artifice et à l’attrait pour le difforme ». Face à des Européens affaiblis et perdant peu à peu leurs instincts essentiels, engoncés dans leurs pseudo-valeurs égalitaristes et humanistes, Le parti de la vie se veut un plaidoyer en faveur des éternelles lois de la vie, de la sélection, de la perfection, en un mot : de l’esthétisme.

Fort d’une culture et d’une érudition impressionnantes, l’auteur revient en détail sur plusieurs grandes figures chez qui l’on retrouve des qualités essentielles. L’historien italien du phénomène fasciste Renzo de Felice est par exemple loué, non pour ses opinions politiques mais pour la probité philologique de son œuvre, « signe de grande santé intellectuelle ». Plus loin, c’est Abel Bonnard en tant que « poète de l’ordre » et ennemi acharné de la laideur et de l’individualisme qui voit son œuvre (en particulier Les Modérés datant de 1936) décryptée par Baillet. Celui-ci analyse les aspirations profondes des figures qu’il présente et souligne ce qu’elles peuvent apporter à notre vision du monde. Ainsi Mishima et son « dépassement de l’individualité ». Comme l’indique le sous-titre du Parti de la vie, l’Asie tient une place réelle dans l’ouvrage en ce sens que les enseignements de sa pensée traditionnelle peuvent nous aiguillonner, nous Européens, vers la prise de conscience des impasses de l’intellectualisme. Des similitudes existent et il est souligné par exemple que, chez Lao-Tseu comme chez Nietzsche, on perçoit ce fil directeur qu’est la vitalité, fruit d’une « vision biocentrique de la vie ».

Alors que de nombreux mythes entachent la connaissance et la réelle compréhension du fascisme et du national-socialisme, Philippe Baillet revient sur plusieurs d’entre eux. Il met en lumière bien des faits méconnus ou incompris mais pourtant lourds de sens. La partie de l’ouvrage consacrée à Giorgio Locchi est, à cet égard, révélatrice. Même s’il est oublié aujourd’hui, Locchi demeure une référence fondamentale pour son analyse du phénomène fasciste en Europe. Pour lui, le phénomène fasciste, interprété de manière plus philosophique qu’historique, est « la première manifestation politique d’un phénomène culturel et spirituel : [le]« surhumanisme ». » Fruit d’une vision du monde où le mythe est primordial, on y retrouve, comme chez Nietzsche, cette idée de « sélection voulue, systématique et appliquée ». Par ailleurs, Locchi insiste sur l’origine nietzschéenne du système de valeurs du phénomène fasciste (donc de la Révolution Conservatrice et, par incidence, du National-Socialisme où se retrouve le « même univers de pensée »). Ce système de valeurs basé sur le surhumanisme et l’homme nouveau est singulièrement opposé à celui de l’égalitarisme qui comprend « le christianisme en tant que projet mondain, la démocratie, le libéralisme, le socialisme, le communisme. »

En à peine plus de 200 pages, Philippe Baillet remplit le but assigné à cet ouvrage : fournir des cartouches intellectuelles à notre vision du monde. Son livre est riche et, surtout, il est à méditer en ces temps incertains. Face au spectre des « guerres raciales et civilisationnelles, entrecroisées avec des guerres civiles » qui nous attendent, nous devons impérativement nous préparer avec une doctrine claire nous permettant de nous affirmer en tant qu’héritiers de la tradition européenne. Ce livre nous y aidera.

Rüdiger / C.N.C.

Note du C.N.C.: Toute reproduction éventuelle de ce contenu doit mentionner la source.

 

samedi, 12 mars 2016

Introduction aux nouvelles guerres de l'image

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Introduction aux nouvelles guerres de l'image

par François-Bernard Huyghe

Ex: http://www.huyghe.fr

La guerre de l'image c'est-à-dire l'utilisation d'images pour contribuer à la finalité générale de la guerre - faire céder la volonté politique d'un adversaire - est tout sauf récente. De ce point de vue, utilisée comme arme voire en conjonction avec des armes, elle obéit à des constantes. Ceci vaut pour la guerre au sens strict, celle qui implique la mort collective infligée de façon systématique dans un but politique, mais aussi pour cette "guerre pour les cœurs et les esprits" qu'est la conquête idéologique des territoires mentaux.
Nous proposerons de distinguer trois types, qui se mêlent largement dans la pratique :
- l'image exaltante
- l'image probante
- l'image offensante.

L'image exaltante doit produire de l'enthousiasme, source de combativité et de cohésion. Ainsi, il est bien connu que le "moral", des troupes, des civils ou des militants, est à la fois une ressource à augmenter et un bien à protéger des attaques adverses. Or il se nourrit d'une imagerie commune. L'enthousiasme suppose un mélange variable d'amour (pour notre chef, notre nation, notre cause, nos ancêtres, notre communauté), d'admiration pour ces entités qui nous dépassent, d'identification et de sens la continuité (nous partageons ces sentiments sublimes avec d'autres frères et des ancêtres), mais aussi de colère au moins potentielle contre ceux qui viendraient à offenser les principes ainsi représentés. Un portrait du roi ou du petit père des peuples, un tableau de bataille, ou la photographie de trois GI's dressant le drapeau américain à Iwo Jima en guise de legs à la "mémoire de nos pères" et autres idéalités idéalisées répondent parfaitement à cette définition.

L'image probante se situe dans un autre registre : elle démontre une réalité qui devient facilement preuve à charge (leurs crimes qui expliquent pourquoi nous combattons). La démonstration de l'atrocité ou de la défaite et punition de l'autre fournit, au moins depuis l'invention de la photographie, une source d'inspiration inépuisable.

L'image "rassurante" (oui nos troupes ont belle allure et bon moral, oui, nos camarades étaient effectivement nombreux et mobilisés) n'est certes pas négligeable, mais son impact est souvent moindre. Difficile en ce domaine de rivaliser avec de grandes icônes comme une petite fille courant sous le napalm, par exemple.
L'image probante est toujours un enjeu majeur, d'autant qu'une telle image appelle par nature la citation ou la reprise.

Quant à l'image offensante elle est censée produire un effet d'humiliation qui n'est en rien inconciliable avec son caractère probant (oui, cela s'est bien produit ainsi) ou exaltant (oui, nous nous réjouissons de voir nos adversaires ainsi défaits et notre triomphe affirmé). L'offense résulte du ridicule de l'adversaire (et en ce sens cela inclut le très riche domaine de la caricature), comme de la vision de son abaissement et de sa souffrance (ici la violence par l'image du 11 septembre est insurpassable) mais dans tous les cas il s'agit d'une diminution d'autrui. La notion de ce qui est offensant pour l'autre ou de ce qui peut lui infliger une souffrance psychique est l'objet de débats incessants. Ils portent sur ce qu'il licite de montrer soit, parce que cela donnerait trop de plaisir ou trop d'impact à l'adversaire (par exemple, l'ennemi ou le terroriste serait "trop content" de voir les dégâts qu'il a faits), soit du fait qu'elles touchent au non-représentable (voir la question des photos de la Shoah dont des photos seraient pour certains comme une concession faite aux révisionnistes de rentrer sur le terrain de la preuve par l'image) soit, plus rarement sur le fait que certaines images seraient trop cruelles, qu'elles stigmatiseraient une communauté, qu'elles témoigneraient de trop d'hostilité pour être tolérées. D'où des effets d'abîme et des problèmes d'interprétation. Faut-il filmer les morts du 11 septembre ou ceux de la seconde guerre du Golfe au risque de réjouir les islamistes ou de leur donner des arguments ? Accepter qu'un hebdomadaire français montre des talibans paradant avec les dépouilles de soldats français ?
 

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Et les caricatures de Mahomet ? Qu'est-ce qui les rend intolérables ? Qu'elles enfreignent la prohibition de l'image portant sur le sacré ? Qu'elles fassent à des musulmans une offense que n'éprouveraient pas des catholiques devant une couverture de Charlie hebdo sur le pape et le préservatif ? Qu'elles traduisent une crainte irrationnelle de leurs auteurs (crainte du nom d'islamophobie), crainte dangereuse et contagieuse, donc agressive ? Qu'elles énoncent une thèse implicite et fausse (en transformant le turban du Prophète en bombe on affirme que "tous" le musulmans sont intolérants et violents par nature") ?

Que ces fonctions soient des constantes n'empêche pas que la production et propagation des images bouleverse leurs règles d'utilisation. L'apparition de la photographie dans les conflits a largement été commentée à mesure de son caractère irréfutable présumé (oui, cette scène a bien été présente devant l'objectif, je ne peux en douter). La valeur probante de l'image peut être remise en cause par bien des stratégies réelles ou supposées. Et les arguments qui nourrissent la méfiance à leur égard sont bien connus:

- elle peut être truquée, du caviardage de Trotsky sur les photos argentiques aux trucages numériques de vidéos presque en temps réel.
- elle peut être scénarisée comme l'érection du drapeau à Iwo Jima, produite pour être filmée, constituer un pseudo-événement ....
- elle peut être sortie de son contexte, réinterprétée par un titre ou un commentaire trompeur, remontée si elle est animée, sélectionnée selon une intention
- elle se prête à des lectures contradictoires. Là où l'un voit une bouleversante photo des camps, l'autre s'étonne de l'attitude ou de la morphologie de tel personnage qui lui paraît sentir le trucage. Là où l'un voit la chute des Twin Towers touchée par un avion, l'autre constate l'effondrement d'un édifice qu'il croit physiquement inconciliable avec l'explication "officielle" et se persuade que la preuve que les tours étaient truffées d'explosifs crève les yeux.

- et bien sûr nos codes décidant quelles sont les images licites ou sacrilèges varient énormément : la télévision US tente de cacher les morts (provoqués ou subis par son armée), les vidéos jihadistes se exaltent mort annoncée (testaments de kamikazes), valant martyre (les victimes musulmanes) ou manifestant le châtiment divin (ennemis tués, otages exécutés).

Or le mode de circulation des images ouvre encore davantage le jeu. Celui qui contrôle militairement ou politiquement un territoire en contrôle de moins en moins les flux d'images. Il était déjà bien connu durant la Guerre Froide que le rideau de fer n'arrêtait pas les ondes (celles de radio Free Europe, mais surtout, celles infiniment plus subversives de la télévision ouest-allemande). Il est devenu évident au cours des années 90 que le monopole US des télévisions d'information internationale (voir CNN pendant la première guerre du Golfe) était éphémère. La circulation de l'image sur Internet rend caduque toute tentative de censure totale des images probantes ou offensantes adverses.

 Ce qui ne veut pas dire que des censures partielles soient impossibles (voir la Chine) ni qu'il soit impossible de s'abriter des images de l'autre soit en s'isolant dans sa bulle informationnelle, soit en décrédibilisant les images adverses. Voir les organisations pro-israéliennes démontrant "preuve à l'appui" que les images de victimes civiles de Tsahal ne sont que du "Palywood", un cinéma hollywoodien truqué et posé par des Palestiniens abusant des journalistes européens jobards.

Le-Honzec-Levy-Dictateur.jpgDans les années 60, Mc Luhan écrivait : « Les guerres chaudes du passé se faisaient au moyen d’armes qui abattaient l’ennemi homme par homme. Même les guerres idéologiques consistaient au XVIII° et XIX° siècle à convaincre les individus un par un d’adopter un nouveau point de vue. La persuasion électrique par la photographie, le cinéma et la télévision consiste, au contraire, à plonger des populations tout entières dans une nouvelle imagerie. »

Certes, mais la culture (ou si vous préférez l'idéologie) se venge de la technique en permettant de construire des digues et défenses contre les flux d'images concurrentes, de protéger notre interprétation du conflit et du réel par d'autres images.

Le féminisme, une idéologie dépassée

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Le féminisme, une idéologie dépassée

Ex: http://zentropa.info

Les combats des femmes d’aujourd’hui ne peuvent être ceux des féministes d’hier : les Antigones entendent sortir de l’impasse idéologique du féminisme conventionnel, système mensonger qui détourne les femmes des enjeux réels de notre société. Notre féminité retrouvée et assumée sera notre arme pour construire le monde de demain !

Dans le combat culturel de notre siècle, sortir de l’impasse féministe est une nécessité et une urgence. Le féminisme conventionnel, dont les mots d’ordre n’ont pas changé depuis les années 1950, est une idéologie dépassée incapable de faire face aux enjeux réels de notre temps. Le féminisme d’autrefois était une force de révolte et de contestation contre des normes aberrantes : nous saluons toutes celles qui ont lutté pour rendre leur dignité sociale aux femmes, en les sortant de l’impasse du XIXe siècle bourgeois. Nous sommes les héritières de leurs luttes. Mais notre époque est celle d’une rébellion bien conventionnelle : les institutions féministes sont devenues des tentacules étatiques prônant la liberté du producteur-consommateur. Le féminisme a vécu : il est temps de le dépasser. Pour commencer, abandonnons les combats illusoires.

Refuser les combats illusoires
Les féministes conventionnelles combattent encore et toujours un patriarcat imaginaire, bataillant contre quelques arbres qui cachent la forêt, orientant la société vers des débats contre-productifs, sinon dangereux.


Le débat est-il vraiment celui de la parité dans les conseils d’administration ? Ne serait-ce pas plutôt celui d’une redéfinition de notre système économique basé sur l’exploitation illimitée de nos ressources naturelles et humaines ?


Le débat est-il vraiment celui de la taxe tampon ? Ne serait-ce pas plutôt le moment de nous affranchir de la culture du jetable ? Les tampons sont toxiques et à usage unique, une coupe menstruelle se garde dix ans.


Parlons pilule : le débat est-il vraiment celui de la libre disposition de son corps ? Ne serait-ce pas plutôt celui de se libérer de cette castration chimique supportée par les femmes, de ces hormones de synthèses que l’on achète tous les mois, qui bloquent l’ovulation sous couvert de confort ? Ne serait-ce pas plutôt de se reconnecter à son corps, d’apprendre à reconnaître son cycle et à maîtriser soi-même sa fécondité ?
Le débat est-il vraiment celui du partage du temps dans le congé parental ? Ne serait-ce pas plutôt celui de la redéfinition de la place de la famille dans la société, du rôle primordial de la mère les premiers mois du nourrisson ?


Le combat est-il vraiment celui du Madame ou du Mademoiselle quand des femmes sont agressées dans les rues de Cologne ? Le combat est-il vraiment celui de l’ « égalité réelle » quand 80% des travailleurs du dimanche dans les zones touristiques sont des femmes à temps partiel ? Le combat est-il vraiment de sortir madame Sauvage de prison quand les coupables de violences sont relâchés après deux mois d’incarcération?

Nous pourrions écrire un livre sur ces faux sujets sur lesquels s’escriment les féministes actuelles, jouant ainsi parfaitement le jeu du capitalisme libéral-libertaire ! Ce féminisme déconnecté du réel n’a aucune réponse à apporter aux Françaises.

Retrouver notre féminité
Les mouvements idéologiques des dernières décennies n’ont eu de cesse de déconstruire les rapports hommes/femmes pour mieux atomiser la société, en faisant de la femme un homme comme les autres ou en défendant l’idée de la guerre des sexes. Nous dressons de leurs actions un bilan dévastateur. Ces raisonnements stériles ont gravement impacté les rapports entre les sexes, que les féministes considèrent soit comme une interminable lutte entre oppresseur et opprimé, soit comme une rivalité jalouse. Nous sommes les deux moitiés du même ensemble, aussi indispensables l’un à l’autre que le jour et la nuit ! L’homme et la femme ne s’additionnent pas, ils forment un tout cohérent qui tend vers l’harmonie, ils sont interdépendants et essentiels à la fécondité de l’humanité, dans tous les sens de ce terme. Le nier relève de postures politiques et idéologiques qui minent nos vies quotidiennes et hypothèquent l’avenir.

Nous pensons que la culture s’ancre dans la nature, que les différences sexuelles existent biologiquement et, en s’exprimant, structurent symboliquement la société. Il n’y a pas rupture, mais continuité et interpénétration entre la nature et ses mises en scène culturelles. Vivre pleinement son sexe biologique constitue le meilleur moyen d’en renouveler la construction sociale et d’obtenir des changements en accord avec ce que nous sommes. Tandis qu’affirmer, sans nuance, que le genre n’est qu’une construction culturelle source d’injustices, qu’il convient de supprimer les normes et les repères constitue une erreur fondamentale et destructrice !

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Cette complémentarité des sexes ne doit pas être vécue de manière fixe, avec une liste de tâches « féminines » ou « masculines ». Pour autant, calquer nos comportements sur ceux des hommes est vain. La différence n’est pas synonyme de domination ou de hiérarchie ; un peu d’altérité ne ferait pas de mal dans ce monde de Narcisse !

Construire la société de demain
Nous ne sommes pas les victimes des hommes ou du patriarcat international. Notre combat est ailleurs : nous voulons nous libérer d’une société déshumanisée, qui n’est plus qu’une machine économique sans âme, sans passé ni avenir. Avec la complicité des féministes, les femmes sont les premières consommées et les premières consommatrices de notre « société kleenex ». Nous avons une place essentielle dans cette lutte.
Les Antigones prônent l’autonomie des femmes et leur enracinement dans leurs familles, dans la vie locale, dans la société. Construire l’avenir est notre combat essentiel : nous ne reposons pas seulement sur nous-mêmes, et avons des comptes à rendre à nos héritiers. Alors que le féminisme beauvoirien ose affirmer que la maternité est un fardeau, une discrimination, nous considérons que donner la vie, permettre à demain d’exister, est un bel et bien un privilège. Et nous entendons en user comme tel. Afin de créer le lien entre le passé et l’avenir, de transmettre la mémoire et le sens des choses, la chair et le sang d’une civilisation. Or la maternité est aujourd’hui mise en danger par sa technicisation : GPA, congélation d’ovocyte, demain utérus artificiel, etc. Si la maternité est un moment par nature féminin, il n’est pas la propriété des individus, mais la condition d’existence de l’humanité. Permettre aux femmes de vivre une maternité libre et sereine devrait donc être une préoccupation féministe de premier ordre, au lieu de l’envisager comme une servitude ou un frein à la carrière !

Cela dit, les femmes ne vivent évidemment pas leur fécondité uniquement à travers la maternité, d’autres voies, toutes aussi importantes, demandent encore et toujours à être explorées. Transmettre peut se faire de mille façons et notre féminité, notre nature féconde et créatrice, est une arme dans ce combat. Cela commence par les actes : changeons nos habitudes de vie qui servent le capitalisme de séduction. Obstinément, jour après jour, grain de sable après grain de sable.

Le combat des femmes, c’est ici et maintenant. Dans la rue, les journaux et les livres pour faire entendre nos voix. Au foyer, centre d’où l’on rayonne. Dans les bois, les champs et nos jardins pour nous réapproprier la nature. Loin des systèmes idéologiques, ancrées dans la réalité de nos vies.

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Accord sur les migrants. Naïveté ou mensonge?

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Accord sur les migrants. Naïveté ou mensonge?

par Jean Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Lundi 7 mars, les 28 dirigeants réunis à Bruxelles n'ont pas été jusqu'à entériner le nouveau plan « germano-turc » consistant à renvoyer des Syriens, candidats à l'asile, de Grèce en Turquie. Mais les « principes » de « mesures audacieuses » étudiées dans la plus grande discrétion, la veille, par la chancelière Angela Merkel et le premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, ont été clairement fixés dans une déclaration finale commune.
 
Les dirigeants européens ont toutefois décidé de repousser la formalisation d'un véritable accord aux 17 et 18 mars, lors d'un nouveau conseil « spécial migrants ».Tout laisse penser qu'ilss ne reviendront pas alors sur les termes de l'accord.

La chancelière allemande et le premier ministre turc, avec la bénédiction de la Commission, ont proposé de renvoyer massivement des Syriens déjà présents dans les îles grecques, y compris certains d'entre eux qui y auraient déjà déposé une demande d'asile, vers la Turquie. Puis, sur la base « d'un Syrien admis pour un Syrien expulsé », d'acheminer ceux qui sont dans des camps en Turquie directement vers l'Europe, selon une procédure contrôlée, copilotée par les Nations Unies.

L'ensemble des associations humanitaires s'est élevé contre ces mesures, qualifiées de déportation. Apparemment, elles se trouveront bien, pour des raisons qui sont sans doute plus politiques qu'humanitaires, d'une arrivée en Europe, généralement via la Turquie, de migrants économiques provenant de pays n'ayant rien de particulièrement dictatorial. Quant aux réfugiés politiques, il sera impossible pratiquement de les distinguer non seulement de migrants économiques mais aussi de candidats terroristes infiltrés par Daesh.

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Ce qui surprend davantage est l'affirmation par Berlin et Ankara, confortée par Bruxelles, du fait qu'il sera possible, à la suite de l'accord, de demander à la Turquie de reprendre les migrants et les réfugiés arrivés en Grèce et de les réinstaller chez elle. Les Syriens en situation irrégulière, jusqu'ici tolérés sinon invités en Allemagne, seront aussi réadmis en Turquie. Par ailleurs, on voit mal comment acheminer vers l'Europe , sur la base « d'un Syrien admis pour un Syrien expulsé », les Syriens dotés du statut de réfugié politique et actuellement dans des camps en Turquie.

Résolutions inapplicables

Toutes ces résolutions, qui satisfont peut-être les gouvernements et les opinions, seront en pratique totalement inapplicable. Ceci pour plusieurs raisons:

- Les entrées massives par la mer se poursuivront. Ni Frontex ni l'Otan n'ont reçu mandat pour repousser manu militari, et moins encore détruire, les bateaux de migrants. Or sinon comment les garde-côtes turcs, à
supposer qu'ils le veuillent, et les quelques navires européens, pourront-ils, sur des centaines de kilomètres de côtes découpées, arrêter des embarcations de migrants qui chaque nuit, s'élancent par dizaines à l'assaut de la Grèce? Quant aux départs de Libye, ils ne cesseront pas, bien au contraire. On peut sur les images des sauvetages observer l'utilisation de pneumatiques flambants neufs et de bateaux en bois qui, manifestement, ont été récemment construits. D'où proviennent-ils ?

Les renseignements militaires et les services douaniers européens ont fini par comprendre comment les passeurs libyens disposaient d'une réserve de moyens nautiques pour ainsi dire inépuisable. Concernant les pneumatiques et les moteurs, les tra
fiquants semblent se fournir auprès de plusieurs réseaux très vraisemblablement asiatiques et plus particulièrement chinois. Des conteneurs venus d'Asie utilisent le transport maritime international pour être débarqués, notamment au port libyen de Misrata. Inutile de préciser que la fabrication en grande série et à bas coût de pneumatiques de qualité extrêmement médiocre par des fournisseurs asiatiques permet aux passeurs d'acquérir à très bon marchés des embarcations que les prix extorqués aux migrants permettront vite de récupérer.

Les trafiquants disposent également de bateaux en bois. Dans ce cas, la matière première utilisée pour les construire proviendrait au moins en partie d'Europe du nord.  Les réseaux criminels se fourniraient ainsi en Scandinavie et dans certains autres pays riverains de la Baltique, sous couvert de pseudos besoins, par exemple la construction de maisons. Dans ce cas, le bois transite lui aussi, à l'instar des gonflables produits en grande quantité en Asie, grâce au transport maritime régulier. La Finlande, la Suède et la Norvège, grands producteurs de bois en Europe du nord, ne peuvent pas ignorer ce trafic.

Les entrées par les routes terrestres se poursuivront aussi, malgré les frontières de barbelés mises en place. Celles-ci ne résistent pas à une foule déterminée. Certains gardes frontières, en Macédoine, ont été accusés d'avoir fait épisodiquement usage d'armes à feu. Mais comment pourraient-ils faire autrement, sauf à laisser passivement passer les foules, comme cela se produit partout ailleurs?

- Evoquons un autre problème. Comment espérer contrôler les titres de centaines de milliers de migrants, sans papiers, dotés de papiers illisibles ou munis de faux-papiers fabriqués par milliers en Libye et en Turquie. Et comment assurer l'ordre et un minimum de moyens sanitaires au sein de files d'attente en permanence sur le bord de l'insurrection? Pour ce faire, il faudrait mettre en place des milliers de douaniers ou gendarmes habilités à opérer ces contrôles. Ces effectifs n'existent évidemment pas.

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- Parmi les autres impossibilités que les diplomates, notamment allemands, se refusent à voir, il faudra faire en sorte que des individus et groupes qui ne veulent pas bouger d'un mètre de l'endroit où ils sont installés puissent être contraints à se rendre en Turquie ou à retourner en Syrie. Ce seraient alors des dizaines de milliers de policiers et militaires qu'il faudrait mobiliser, vu la nécessité de se mettre à quatre pour maitriser les récalcitrants Et sur quels moyens de transport les embarquer?

- Un dernier point, tout aussi préoccupant, mais rarement abordé, concerne de qu'il adviendra des migrants regroupés dans les camps prévus en Turquie. Ceux qui accepteront d'y rester seront en proie à tous les maux nés de l'oisiveté, du mauvais état sanitaire et des conflits internes dont les femmes seront les premières victimes. Alors à juste titre les humanitaires pourront parler de véritables camps d'extermination sur le mode nazi.

Félicitations à Erdogan

Il est clair qu' à l'occasion de l'accord du 7 mars, Erdogan a de nouveau fait une très bonne affaire. Il recevra de nouveaux milliards d'euro, fera supprimer la nécessité de visa pour les dizaines de milliers de citoyens turcs voulant se rendre dans l'Union, verra les demandes d'adhésion de la Turquie à l'Union examinées avec une tolérance nouvelle, malgré les massacres de Kurdes et les répressions aux libertés civiles qu'il ne cesse de multiplier.

En considération de cette accumulation d'incohérences et d'impossibilités, sinon de mensonges délibérés, ce ne serait pas faire preuve de conspirationnisme que se demander qui, finalement, mène le jeu. Si nous avions un Donald Trump en Europe, au lieu d'un Donald Tusk, la réponse serait vite apportée.

On observera que le même jour 7 mars, des forces djihadistes qui prolifèrent en Libye ont attaqué la frontière tunisienne à Ben Gardane. Elles ont tenu la ville pendant 24h. Il en est résulté 54 morts. Tunisie-Europe, moyens différents, mêmes objectifs.

08/03/2016

Faut-il envisager un tremblement de terre à Washington?

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Faut-il envisager un tremblement de terre à Washington?

par Jean Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Ceci se produira presqu'à coup sûr lors des élections présidentielles du 8 novembre prochain. La perspective est peu évoquée en Europe. Ce serait une raison de plus pour s'y préparer!

Un certain nombre d'articles expliquent aujourd'hui (cf ceux cités par notre confrère Dedefensa http://www.dedefensa.org/article/et-hillary-dans-tout-ca) que, quel que soit le président élu, le système politique américain actuel ne s'en remettrait pas. Nous employons le terme de président et non celui de présidente, car selon ces observateurs, Hillary Clinton traine avec elle tant de casseroles qu'elle ne pourra faire face aux critiques déchainées de Donald Trump, non plus qu'à celles, plus mesurées mais plus en profondeur, de Bernie Sanders. Elle pourra d'autant moins faire face qu'elle a montré une remarquable inaptitude à s'engager sans mauvaise foi et maladresses faciles à relever dans des débats quelque peu percutants.

donald-trump-history-hair-ss15.jpgExit donc Clinton. Resteront en lice Donald Trump et Bernie Sanders, chacun d'eux pouvant susciter des dizaines de millions de votes favorables. Sanders fera probablement une remontée remarquable au sein du parti démocrate, mais il sera probablement et pour cette raison en butte à l'hostilité de ce qui en Amérique rejette l'idée même de ce que l'on appelle en Europe la social- démocratie, à plus forte raison si elle est orientée à gauche. Sanders aura contre lui tout l'appareil politique des conservateurs et néo-conservateurs, des maîtres de Wall Street et sans doute d'une partie des militaires. L'establishment démocrate préféra perdre les élections que se rallier à lui.

Les fortes sympathie que suscite actuellement Sanders parmi ce que nous appelons à l'européenne les forces de gauche, se reporteront voyant les chances de celui-ci s'amenuiser, vers Donald Trump. Celui-ci sera donc élu à coup sûr, même s'il continue à susciter l'opposition de tout ce que le parti républicain continue à comporter de néo-cons et assimilés. Que fera-t-il alors de ce pouvoir? S'il se révélait un président agressif, interventionniste contrairement à Obama, intelligent fut-il vitupérant, il s'appuierait sur la majorité de l'électorat qu'il aura rassemblée pour mettre en application les plus importantes des idées qu'il aura défendues et qui d'ores et déjà le rendent populaire.

Mais ceci ne pourra pas prendre la forme d'un changement en douceur de l'Amérique. Il s'agira d'un véritable tremblement de terre, avec l'émergence de nombreux groupes d'intérêts jusqu'ici maintenus dans le silence par les institutions actuelles. Ces intérêts pourront être contradictoires. Ils s'affronteront donc, provoquant une partie du tremblement de terre. Mais, avec l'appui de Trump, et dans la ligne qu'il a déjà esquissée, ils pourraient notamment provoquer une refondation complète de la politique étrangère américaine, tant vis à vis de la Russie et du Brics, que vis-à-vis des pays arabes et des migrations dites économiques. Les ennemis de Trump parleront  de capitulation devant Moscou, doublée d'islamophobie et de racisme, mais l'Amérique profonde devrait très probablement le soutenir.

Dans ce cas, le tremblement de terre s'étendra jusqu'à l'Europe. Celle-ci s'est montrée jusqu'à ce jour incapable de définir une politique conforme à ses besoins de survie dans les domaines résumés ci-dessus. Elle a toujours attendu que Washington lui dicte les comportements à suivre, au service de ses propres intérêts. L'élection de novembre ne changera rien à ce rapport de dépendance dont l'Europe paraît ne jamais pouvoir s'émanciper.

La dépendance à l'égard d'une Amérique de Trump obligera les Etats européens, tardivement suivis par les institutions de l'Union européenne, à revoir au mieux de leurs intérêts leurs positions concernant, là encore, les rapports avec la Russie et les Brics, avec les pays arabes et avec les régions du monde qui, si rien n'est fait, détruiront l'Europe, fut-ce à leur corps défendant, par l'exportation prochaine de dizaines de millions de migrants.

vendredi, 11 mars 2016

L'Italia, Roma e il sacro

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Un regard inquiet vers l’Allemagne

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«L’intoxication de la culture du débat»

Un regard inquiet vers l’Allemagne

par Karl Müller

Ex: http://www.horizons-et-debats.ch

En 1952, juste quelques années après la guerre et seulement un an après sa création, la Cour constitutionnelle fédérale allemande a interdit, pour la première fois dans son histoire un parti: la Sozialistische Reichspartei (SRP) [parti socialiste de l’empire]. Ce parti se considérait comme le successeur de la NSDAP [parti d’Hitler]. Quatre ans plus tard, en 1956, fut décidé jusqu’à nos jours, une nouvelle et ultime interdiction de parti, à savoir le Parti communiste allemand (KPD).


La Cour constitutionnelle tenta, par ces deux interdits, à répondre aux dispositions de la toute jeune Loi fondamentale de la République fédérale allemande, dans ses articles sur les partis (Article 21 Lf.), exigeant une démocratie forte: «Les partis qui, d’après leurs buts ou selon le comportement de leurs adhérents, tendent à porter atteinte à l’ordre constitutionnel libéral et démocratique, ou à le renverser, ou à mettre en péril l’existence de la République fédérale d’Allemagne, sont anticonstitutionnels.» Et de continuer: «La Cour constitutionnelle fédérale statue sur la question de l’anti-constitutionnalité.» Notamment cette dernière disposition devait garantir que le reproche de l’anti-constitutionnalité ne devienne pas un instrument de campagne électorale et de diffamation des adversaires politiques et que la question de l’anti-constitutionnalité soit étudiée de façon approfondie au plan juridique.


On sait peu de choses sur la façon dont la Cour constitutionnelle avait défini l’anti-constitutionnalité et notamment la notion de l’ordre constitutionnel libéral et démocratique (FDGO) évoqué dans l’article 21. On ne peut omettre de rappeler cette définition :
«L’Ordre constitutionnel libéral et démocratique dans le sens de l’article 21 II GG est un ordre qui établit, en dehors de toute violence et contrainte, un ordre d’Etat de droit sur la base de l’autodétermination du peuple, selon la volonté de la majorité, dans la liberté et l’égalité. Il faut inclure dans les principes fondamentaux de cet ordre au moins: le respect des droits humains concrétisés dans la Loi fondamentale, notamment le droit de la personne à la vie et au libre épanouissement, le respect de la souveraineté populaire, de la séparation des pouvoirs, de la responsabilité du gouvernement, du respect de la loi de la part de l’administration, de l’indépendance des tribunaux, du principe du multipartisme et de l’égalité de chances pour tous les partis politiques avec le droit constitutionnel de la formation et de l’exercice d’une opposition.» (BVerfGE 2, 1; Leitsatz 2, 12s.)


Malgré cela, on est en Allemagne en passe de placer les opinions et les activités politiques indésirables sous le verdict d’«extrémisme» politique afin de les rendre anticonstitutionnelles. Pendant plusieurs décennies, au cours de la guerre froide, il était opportun de mettre en garde notamment contre l’«extrémisme de gauche» et de mettre cette étiquette sur nombre de mouvements sociaux critiques. Depuis le début des années 90, certains cercles n’ont pas hésité à utiliser cette notion à la suite de l’adhésion de la RDA à l’espace occidental du pays – malgré la situation catastrophique due à cette adhésion, tant sur le plan économique que social, des populations de cette partie du pays – et recommencent depuis quelques années à utiliser la grande menace de l’«extrémisme de droite» concernant les citoyens de la partie orientale de l’Allemagne.


L’ancien président du Bundestag Wolfgang Thierse a exprimé sa suspicion envers la population de l’Est de l’Allemagne. Ce fut le cas après que, dans une ville de l’est de l’Allemagne, une centaine de personnes avaient tenté, en criant «Nous sommes le peuple», d’empêcher les passagers d’un bus de sortir devant un centre d’hébergement pour réfugiés et que, dans une autre ville de la région, un autre centre tout neuf ait été incendié avant qu’il n’ait pu être utilisé. Thierse a su immédiatement qui dénoncer en affirmant que les populations de l’est de l’Allemagne étaient plus «réceptives pour des messages misanthropes» et «moins enracinées dans leurs convictions démocratiques et morales». Cela rappelle les années 90 lorsqu’on tenta d’expliquer des manifestations violentes d’une certaine jeunesse de l’Est par des thèses absurdes qui devaient surtout servir à dénigrer l’éducation et le système scolaire de l’ancienne RDA.

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Les différents points de vue entre l’Est et l’Ouest du pays est illustré par le livre d’un partisan du mouvement PEGIDA (Sebastian Hennig: «Pegida. Spaziergänge über dem Horizont. Eine Chronik» [Une promenade au-dessus de l’horizon. Une chronique]). On peut lire dans la préface: «On ne peut nier: la majorité des manifestants de Pegida sont des personnes ayant déjà été dans la rue en automne 1989. […] L’engagement de Pegida de 2014/2015 n’est pas la suite de la révolution de 1989/90. Mais il y a des ressemblances: en y regardant de près même des ressemblances étonnantes. Nous sommes confrontés à une accumulation de problèmes qu’on ne peut exprimer avec le vocabulaire du système politique au pouvoir. Ceux qui tentèrent de poser ouvertement les questions dérangeantes dans leur propre langage furent rapidement traités de nazis par la presse alignée – ou se présentant comme telle. Cette réaction stupide de la presse a attisé les protestations et a finalement accentué la mobilisation des forces. Le fait de parler d’une ‹manifestation nazie› n’est que le reflet d’une impuissance des responsables politiques, incapables de sortir de leurs idées fixes, ne voulant pas se confronter à la nouvelle réalité. La phrase d’introduction du premier appel de Neues Forum de septembre 1989 reste entièrement d’actualité: ‹Dans notre pays, il semble que la communication entre l’Etat et la population est perturbée›.»


Michael Beleites, auteur de la préface du livre a tout de même été représentant de la Saxe pour les documents de la Stasi pendant 10 ans, de 2000 à 2010. Ne serait-il pas possible qu’un grand nombre des habitants de l’Allemagne de l’Est ait une plus forte sensibilité face aux mensonges et à la tromperie en politique et aux tendances dictatoriales?

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Un collègue de parti de Wolfgang Thierse, le ministre allemand de la Justice Heiko Maas est allé plus loin encore. Il a placé tous ceux qui émettaient des doutes quant à la légitimité de la politique allemande actuelle concernant l’asile et les réfugiés, dans le groupe des «incendiaires spirituels» [geistige Brandstifter]. On ne fit pas même halte devant l’ancien juge de la Cour constitutionnelle Udo Di Fabio, ayant rédigé une expertise juridique pour le gouvernement bavarois, ce qui incita un journal tout à fait conformiste («Kölner Stadt-Anzeiger») d’écrire le 15 février 2016: «La perversion de la culture du débat en est venue à ce que le ministre de la Justice Heiko Maas (SPD) place l’ancien juge de la Cour constitutionnelle Di Fabio dans le groupe des incendiaires spirituels.» Le triste dérapage verbal du politicien de la CDU et commissaire de l’UE Günther Oettinger face à la présidente du parti Alternative für Deutschland (AfD) Frauke Petry, n’a retenu l’attention des médias que brièvement. Normalement, de tels manquements à la dignité d’autrui exigeraient une démission.


Mais une telle perversion de la culture du débat n’est pas due au hasard. Son objectif est la diffamation et l’affaiblissement de la démocratie. Il s’agit d’empêcher une opposition «fondée sur la Constitution et capable de représenter une opposition». En ce basant sur le bon vieux principe «diviser pour régner!». C’est le résultat du fait que la classe politique du pays veut gouverner contre la volonté du peuple et qu’il n’est donc plus possible de lutter avec des arguments. Et cela se passe dans une situation où de lourdes tâches nous attendent. En fait, la politique allemande se trouve, depuis un certain temps déjà, face à une série de crises sérieuses et très réelles. Un coup d’œil attentif dans les journaux le prouve. Mais en réalité, on ne s’efforce pas de trouver des solutions à ces crises, mais bien au contraire de les attiser (sciemment?). Au lieu de chercher avec la population des solutions, auxquelles les gens pourraient faire confiance, on construit des états d’exceptions, on parle d’«absence d’alternatives», on impose de force des solutions, on gouverne contre le peuple – et tout cela avec le soutien des médias, mais aussi avec celui de personnalités et de pays étrangers, voire d’organisations internationales. Une chose est certaine: ce n’est pas ainsi qu’on trouvera des solutions correspondant au bien commun.


Dans son livre «Mit der Ölwaffe zur Weltmacht» [Vers la domination du monde avec l’arme du pétrole] William F. Engdahl a intitulé un chapitre «Le ‹projet Hitler›». Il y décrit les réseaux du monde de la finance des Etats-Unis et de la Grande Bretagne dans les années 20 et 30 du siècle passé, qui mirent tout en œuvre pour affaiblir les démocraties européennes et permettre aux dictateurs de prendre le pouvoir. D’autres ouvrages importants confortent les thèses du livre d’Engdahl. Ce sont entre autres ceux de l’historien anglais Antony C. Sutton «Wallstreet und der Aufstieg Hitlers» [Wallstreet et la montée d’Hitler], de l’historien suisse Walter Hofer paru en 2001 et de l’historien américain Herbert R. Reginbogin «Hitler, der Westen und die Schweiz 1936–1945», ou encore celui paru il y a quelques années de Hermann Ploppa «Hitlers amerikanische Lehrer. Die Eliten der USA als Geburtshelfer des Nationalsozialismus» [Les maîtres américains d’Hitler. Les élites américaines comme accoucheuses du national-socialisme].


Aujourd’hui, même sans l’apparition d’un nouveau Hitler, le danger de la dictature est bien réel, également d’une dictature en Allemagne – cette fois-ci venant d’une autre direction géopolitique et avec d’autres formes de propagande que celle utilisée au cours des 12 années entre 1933 et 1945. Quel autre sens pourrait avoir sinon ce chaos voulu? Faut-il croire que la classe politique allemande voit sa voie vers la démocratie bouchée par l’ignorance et l’arrogance? Ou y aurait-il un plan caché dans tout ça?

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Martin Niemöller, ce théologien évangélique poursuivi par les nazis, nous a transmis la pensée suivante: «Lorsque les nazis ont déporté les communistes, je me suis tu, car je n’étais pas communiste. Lorsqu’ils ont mis en prison les sociaux-démocrates, je me suis tu, car je n’étais pas social-démocrate. Lorsqu’ils s’en prirent aux syndiqués, je me suis tu, car je n’étais pas syndiqué. Lorsqu’ils s’en sont pris à moi, il n’y avait plus personne pour protester.»


Cette pensée n’a-t-elle pas regagné en actualité face à la «perversion de la culture du débat», des tentatives d’exclusion sociale et de dénigrements en Allemagne? 

Une policière décrit la vie quotidienne dans les grandes villes allemandes

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Toujours plus d’espaces de non-droit étatique en Allemagne

Une policière décrit la vie quotidienne dans les grandes villes allemandes

Ex: http://www.horizons-et-debats.ch

rt. En novembre 2013, une lettre de lecteur fit fureur dans la revue Deutsche Polizei. La policière allemande d’origine grecque Tania Kambouri y racontait ouvertement sa vie quotidienne de policière sur le terrain. Elle décrit avec précision les lieux de non-droit qui se sont formés en plein centre de l’Allemagne, essentiellement dans les quartiers musulmans de la région de la Ruhr, à Brême ou à Berlin. En tant que policière, elle se heurte à toujours plus de difficultés dans l’exercice de son travail et en tant que fonctionnaire, elle est de moins en moins respectée. Dans l’accomplissement de son travail, elle n’est plus respectée en tant qu’être humain, très souvent blessée dans sa dignité et cela la touche profondément.


kambouriL._SX312_BO1,204,203,200_.jpgLa lettre de lecteur de Tania Kambouri fut très bien accueillie par ses collègues, ce qui l’incita à décrire ses expériences professionnelles dans un livre intitulé «Deutschland im Blaulicht – Notruf einer Polizistin» [L’Allemagne et les gyrophares – Appel d’urgence d’une policière]. Prenant des situations quotidiennes vécues dans son travail de policière sur le terrain, par exemple les parcages non autorisés, des disputes, des prises aux mains ou des contrôles d’identités, cette femme de 33 ans constate que les règles fondamentales d’un ordre libéral et démocratique sont de moins en moins respectées et cela particulièrement par des groupes de migrants. Ces gens ne reconnaissent pas la police comme représentante de la force publique mais y voient leurs ennemis. De ce fait, les policiers sont de plus en plus empêchés d’accomplir leurs missions et doivent craindre d’être victimes de violences. Il n’est plus question d’imposer le droit. Du coup, on observe des espaces de non-droit dans lesquels ce ne sont plus les lois qui régissent, mais la loi du plus fort.


Tania Kambouri critique les dits «juges de paix» des clans musulmans qui interviennent lors de disputes entre musulmans. Ces personnes ne jugent pas selon les lois allemandes, mais selon leurs propres traditions. Ainsi les structures parallèles se renforcent et l’ordre étatique est remis en question. Jusqu’à présent la politique et la justice ont fermé les yeux. Ainsi, Tania Kambouri exige davantage de soutien politique et juridique pour le travail de la police.

Elle ne se contente toutefois pas de décrire les dysfonctionnements, mais elle en analyse l’origine et soumet des propositions. Ce n’est certes pas par hasard qu’elle s’appuie sur des propositions de la procureure berlinoise Kirsten Heisig,1 malheureusement décédée bien trop jeune. Ce n’est qu’en appliquant avec énergie et conséquence les normes étatiques, à l’aide des moyens mis à disposition par l’Etat de droit, qu’on pourra faire disparaître les structures parallèles. Il faut poser les bases dès le jardin d’enfants. L’apprentissage de la langue allemande et la coopération avec les parents doivent être exigés et sont primordiaux. Les infractions et les délits – même mineurs – doivent être sanctionnés immédiatement pour avoir un effet d’apprentissage et de changement de comportement. Cela exige une coopération étroite entre les divers offices et institutions. La réduction de l’aide sociale doit également être envisagée dans de tels cas. Tout comme Kirsten Heisig, Tania Kambouri établit un rapport entre des sanctions trop faibles ou fixées tardivement et la stabilisation des comportements délinquants.Malgré plusieurs tentatives politiques de la faire plier, Tania Kambouri a tenu bon. Pour elle, seule la Loi fondamentale allemande compte. Selon elle, il va de soi qu’il est possible pour toute personne immigrée d’entreprendre des efforts d’intégration dans le pays, ce qui est le cas pour la grande majorité. La société doit exiger de toute personne voulant rester dans le pays cette capacité d’adaptation et une initiative personnelle. Comme conclusion, l’auteur décrit les difficultés quotidiennes auxquelles se heurte la police dans son travail. Il apparaît que les policiers en Allemagne sont de plus en plus victimes d’injures, voire d’agressions physiques, sans réel soutien de la part de la politique et de la justice. Tania Kambouri exige plus de compréhension et de soutien.    •

1    Kirsten Heisig. Das Ende der Geduld. Konsequent gegen jugendliche Gewalttäter.

ISBN 978 3 451 30204 6

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Démocratie. Les bruissantes abeilles du messianisme démocratique

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Démocratie. Les bruissantes abeilles du messianisme démocratique

Jan Marejko
Philosophe, écrivain, journaliste
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

La démocratie aujourd’hui a pris une dimension messianique. Elle vise en effet à inclure tout et tous dans une grande chaleur « maïdanesque » où toutes les différences, inégalités et préjugés fondront comme neige au soleil. Alors la paix régnera pour les siècles des siècles, c’est sûr ! Et puisque pas un jour ne se passe sans qu’il ne nous soit dit, asséné, susurré, que les démocraties ne se font pas la guerre, une démocratie planétaire, c’est la clé du paradis. C’est simple tout de même ! Portez partout la bonne nouvelle démocratique et les conflits disparaîtront. Si cela n’est pas du messianisme, je rends mon tablier.

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Les États-Unis avec leur messianisme viscéral se sont faits les porteurs de cette bonne nouvelle. L’idée de « manifest destiny » éclose au 19ème siècle est toujours présente dans les profondeurs de cette nation et soutient les efforts de Washington pour répandre partout la démocratie avec le soutien d’environ mille bases militaires dans le monde. Dans la tradition juive puis chrétienne (très présente aujourd’hui dans le nouveau monde) le messie est un homme mais il peut aussi consister en une communauté régénérée car le berger va conduire ses brebis vers de nouveaux pâturages : la société sans classe pour les Russes après 1917, un troisième Reich pour les nazis à partir de 1933, une nation pour les colons américains partis à la conquête de l’Ouest. Tout cela se fond aujourd’hui dans le mythe d’une démocratie universelle. Cet élan vers un autre monde n’est pas nouveau. Déjà au 8ème siècle avant J.-C. Isaïe parlait d’une nouvelle terre et de nouveaux cieux.

Le problème de la démocratie messianique est que maintenant, avec la lutte contre le terrorisme, il faut intégrer des populations en sentiment d’exclusion, parce que ces populations sont des réservoirs potentiels de réseaux djihadistes. C’est donc non seulement vers l’extérieur qu’il faut répandre la démocratie pour éviter les guerres tout en les faisant, mais aussi vers l’intérieur pour lutter contre ce sentiment d’exclusion. Finalement la conquête d’une nouvelle terre et de nouveaux cieux exigera, comme toujours, des guerres ou des croisades. A l’intérieur pour changer les mentalités, à l’extérieur pour éliminer des méchants comme Bachar. Si Donald Trump est élu, la démocratie messianique américaine sera encore plus agressive mais, même sans lui, elle le deviendra.  Comme on vient de voir avec Isaïe, le messianisme est une constante dans l’histoire universelle. Hier, c’était Moscou, avec le Komintern qui voulait exporter la révolution partout dans le monde. Aujourd’hui c’est Washington avec des Starbucks et des drones.

Le pauvre baudet de la démocratie messianique ploie sous les charges : régimes à renverser pour éliminer des menaces à la paix mondiale – inclusion d’individus qui se sentent exclus de la grande course à la consommation, suppression de tout ce qui pourrait stigmatiser telle ou telle partie de la population. Le baudet va donner des coups de sabots : guerre à l’extérieur pour faire advenir une paix planétaire – démocratisation à l’intérieur pour éviter la guerre civile en transformant des terroristes potentiels en d’heureux consommateurs. Les tâches qui attendent les démocrates sont lourdes, mais heureusement nous avons des Brigades de la paix avec succursales à Berne et Genève. Elles vont bientôt monter au front.

Au fait, est-ce le consumérisme que nous voulons propager, ou la démocratie ? J’entends déjà des experts m’expliquer avec PowerPoint que ce ne sont point là des buts incompatibles. Et je vois déjà des comités se réunir dans de beaux hôtels à Davos ou ailleurs pour promouvoir cette compatibilité. Notre monde bruisse nuit et jour de charmantes abeilles tout occupées à faire le miel de notre bonheur par la consommation et des débats citoyens : ONG au-dessus de tout soupçon – comités onusiens ou bruxellois – réseaux sociaux bruissants eux aussi. Il y a tant de grosses et petites bêtes qui nous menacent : les terroristes évidemment, mais aussi les chauffards et puis diverses bactéries contre lesquelles des bataillons de chercheurs sont mobilisés. Il ne s’agit pas seulement de garantir la sécurité des populations mais de les entraîner dans une grande marche vers un avenir radieux.

Les médias, tout occupés au service d’ordre de cette grande marche, font du zèle : ils désignent quotidiennement tout ce qui ne va pas. A tel point qu’on a l’impression, après un TJ, que plus rien ne va. Lorsqu’une grosse bête comme le terrorisme commence à mordre, ils perdent les pédales et font exactement ce que veulent les djihadistes : « produire des effets psychologiques qui sont sans commune mesure avec ses résultats purement physiques » (Raymond Aron).

Bref, c’est la guerre sur tous les fronts ! Au nom de la paix bien sûr !  L’omniprésence du mot de mobilisation est significative : on se mobilise contre le chômage, contre l’exclusion, contre le cancer, pour les droits de l’homme. C’est un peu angoissant car, dans cette mobilisation générale ou, comme disent les Allemands avec plus d’éloquence, dans cette « Kriegsmobilmachung », on perd la paix de vue, comme en 14 dans les tranchées.

Comme le reste, la démocratie s’est globalisée et c’est ce qui la rend messianique. Il serait peut-être temps de se souvenir que tous les mouvements messianiques n’ont pas seulement échoué mais se sont terminés dans des bains de sang ou des exterminations : Massada en 130 de notre ère – shoah et goulag au vingtième siècle. On me dira que les démocrates, avec à leur tête les Américains, sont gentils. Certes, mais hélas les gentils se rassemblent souvent autour d’une guillotine ou d’un camp de concentration. Ils veulent tellement faire le bien de l’humanité qu’on leur pardonne tout au début. Après, on se mord les doigts.

Jan Marejko, 8 mars 2016

Notes : C’est en 65,17-21 qu’on trouve chez Isaïe : « Ainsi parle le Seigneur : Oui, voici : je vais créer un ciel nouveau et une terre nouvelle ». La citation de Raymond Aron se trouve dans Paix et guerre entre les nations, 1962. Le Komintern était l’organisation internationale communiste chargée, « par tous les moyens possibles », de renverser dans le monde entier la bourgeoisie. A l’époque, le califat, c’était un soviet planétaire.

 

jeudi, 10 mars 2016

L’Arabie saoudite met-elle le feu aux poudres pour déclencher une nouvelle guerre au Proche-Orient?

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L’Arabie saoudite met-elle le feu aux poudres pour déclencher une nouvelle guerre au Proche-Orient?

par Andreas Becker

Ex: http://www.horizons-et-debats.ch

Actuellement, l’Arabie saoudite ne s’équipe pas seulement en matériel de guerre, mais semble être en effet avide de mettre le feu aux poudres. Ces derniers jours, des avions de combat saoudiens ont été transférés sur la base aérienne turque d’Incirlik. Ce transfert a eu lieu dans le cadre de la coalition militaire sous la direction des Etats-Unis contre l’Etat islamique (EI), dénommé aujourd’hui de préférence «Daech» par les politiciens et les médias occidentaux. Il faut considérer l’alliance turco-saoudienne contre la Syrie et l’Iran comme une alliance sunnite contre les chiites. Le Liban se montre cependant récalcitrant à la revendication saoudienne d’entrer dans son alliance militaire, comme le montre la lettre ouverte d’un important chrétien maronite adressée récemment au roi saoudien Salman. Lettre préconisant la paix, écrite à la veille d’une nouvelle guerre?

Depuis une semaine, le royaume du désert, riche en pétrole, est le théâtre de manœuvres militaires les plus étendues de son histoire. Y participent des forces armées provenant de 20 Etats différents: L’Arabie saoudite jouit actuellement des revenus des flux financiers investis, ces dernières décennies, dans des Etats arabes et africains. L’opération «Northern Thunder» («Tonnerre du Nord»), entamée il y a dix jours, est supposée durer une semaine encore. Elle ne fut communiquée que le jour initial même, parallèlement avec la menace de Riad, adressée au président Bachar al-Assad, de «le renverser par la force». C’est précisément ainsi que les guerres commencent.


La raison est que la victoire de l’EI contre Assad se fait attendre. Grâce au soutien aérien russe, le gouvernement syrien fut capable de reconquérir finalement certains territoires. Les Russes réussirent, assez rapidement, dans ce que la coalition anti-EI, dirigée par les Etats-Unis, n’atteignit pas une année durant: bloquer l’avancée de l’EI. Il faut pourtant préciser que le successeur d’Al-Qaïda n’est toujours pas vaincu.


L’Arabie saoudite mène déjà une guerre au Yémen contre les rebelles houthis. Le front anti-chiite est pourtant en train de s’élargir, menaçant d’englober un territoire allant de la Méditerranée au golfe Persique, de la frontière turque à la pakistanaise et l’afghane. En se montrant prête, de manière démonstrative, à intervenir militairement dans le conflit du Proche-Orient, Riad dissimule, selon sa propre logique, le fait qu’elle prend elle-même partie au conflit. L’Arabie saoudite a formé une alliance d’intérêts avec les Etats-Unis amis contre les alaouites au pouvoir en Syrie, dont est originaire la famille présidentielle d’Assad et qu’on considère comme faisant partie des chiites. Les raisons pour cette alliance anti-Assad ne sont pas identiques, mais la devise «L’ennemi de mon ennemi est mon ami» suffit pour se mettre d’accord pour déclencher une insurrection contre le gouvernement Assad.


Dans ce but, des clans syriens sunnites furent courtisés. On leur fournit argent et armes et leur assura un soutien logistique. Au début, Washington déclara qu’une «Armée syrienne libre» se battait contre le dictateur Assad et en faveur de la démocratie. Mais l’Armée syrienne libre se révéla, peu après, être en grande partie, des milices islamiques telles que le Front al-Nosra et l’Etat islamique (EI). Ni Riad, ni Washington n’accepte de le reconnaître. On ne parle pourtant presque plus de l’Armée syrienne libre aujourd’hui, mais surtout des meurtres perpétrés par les islamistes et dont les victimes sont avant tout des chrétiens. Pour le moment, il y a une zone d’ombre quant aux gouvernements et institutions qui soutiennent secrètement l’Etat islamique et ses rejetons.

Le Liban, un contre-modèle

Le Liban est le seul Etat du Proche-Orient à population fortement chrétienne. A l’origine, il fut un territoire de protection autonome pour les chrétiens vivant dans l’Empire ottoman et qui face à la répression se retirèrent dans ces terres maritimes et montagnardes. Durant les troubles sanglants du conflit au Proche-Orient, le pays a perdu sa majorité chrétienne. La cohésion et l’existence même du pays sont dues aux chrétiens et à leur foi, base de leur culture. Le Liban est l’exception remarquable d’un pays au Proche-Orient dont tous les différents groupes font partie du gouvernement.


Suite à ces évènements, les chrétiens auraient de bonnes raisons de se montrer, eux aussi, rancuniers. Ils pourraient donc également recourir aux armes, à l’instar des autres groupements religieux, mais ne le font que s’ils y sont contraints. Leur connaissance de l’histoire est bien là mais ils n’éprouvent aucun besoin de revanche.


La raison pour laquelle les chrétiens ne sont plus majoritaires dans ce pays – qui est en réalité le leur – est la fondation de l’Etat d’Israël et l’expulsion des Palestiniens, des musulmans sunnites et des chrétiens du pays. Ne voyant plus, dans un proche avenir, la possibilité de rentrer dans leur pays, l’OLP tenta de faire du Liban leur nouvel Etat. Une partie des Libanais sunnites les soutinrent.


S’en suivit une guerre civile sanglante. La tentative échoua. Le bilan fut catastrophique en vies humaines et en destructions. 27 ans après la fin de la guerre, le Liban est encore loin de bénéficier du niveau de vie qu’il avait auparavant grâce aux chrétiens. De même les Libanais doivent aux chrétiens que leur pays ne soit pas devenu un second Irak, une seconde Syrie, un second Yémen, une seconde Libye.


Tenter de continuer l’analyse des troubles libanais qui dominent les rapports entre les forces anti- et pro-syriennes, anti- et pro-occidentales, anti- et pro-israéliennes etc. dépasserait le cadre prévu et n’apporterait probablement plus de confusion que d’éclaircissement.

La «vengeance» saoudienne

Pour comprendre la situation actuelle, il importe juste de savoir que la Syrie vint en aide aux chrétiens dans la tentative de conquête palestinienne des années 70. Puis, il faut également tenir compte que le nombre de chiites, ayant considérablement augmenté au cours de ces récentes décennies, ces derniers se voient comme les alliés naturels des alaouites syriens.
Les chrétiens du Liban sont reconnaissants envers la Syrie pour leur aide militaire d’alors. Mais précisons également que la majorité des chrétiens libanais ne voulut pas d’un Liban sous protectorat syrien, raison pour laquelle ils soutinrent les Syriens qui se retirèrent en 2005. Cela ne change rien à la connaissance précise dont disposent les chrétiens libanais à propos des conditions de vie de leurs frères de foi chrétienne en Syrie, desquels ils sont souvent proches par des liens parentaux. En effet, ces conditions sont nettement meilleures sous l’alaouite Assad que sous une domination sunnite. Alors que le Hezbollah chiite lutte activement au côté d’Assad en Syrie, les chrétiens libanais se sentent proches des chrétiens syriens.

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Cela explique en partie la réticence du Liban à participer à l’alliance anti-chiite de l’Arabie saoudite orchestrée par les Etats-Unis. La raison principale en est l’autoprotection face à une autre guerre meurtrière et destructive dans laquelle on ne veut pas être impliqué. Un refus qui coûte cher au petit pays. Riad afficha ces jours-ci le catalogue pénal contre le Liban. Le roi Salman exige que le don, fait en 2013 par son prédécesseur le roi Abdallah, de trois milliards de dollars pour le réarmement de l’armée libanaise soit restitué. Cette somme considérable permit à ce petit pays, grâce aux livraisons d’armement de la France, de développer son armée. L’armée commune représente un facteur de stabilité important pour un Etat où combattaient encore il y a à peine plus de 25 ans de nombreuses milices armées.
Le désaccord de Riad s’exprime aussi dans l’avertissement public demandant aux Saoudiens d’éviter le Liban comme lieu de villégiature pour «des raisons de sécurité». Aujourd’hui, Riad est allé encore plus loin et a incité tous les Saoudiens à quitter le Liban. Cette mesure fut reprise par les alliés saoudiens les plus proches dans la région de Golfe, le Bahreïn, les Emirats arabes unis et le Qatar. Les Libanais ne sont pas dupes: cet avertissement est en réalité une exhortation indirecte à réduire les relations économiques avec le Liban. Ce rappel actuel adressé aux citoyens saoudiens correspond au niveau civil en réalité à une mobilisation générale au niveau militaire.


La troisième menace qui ne fut pas exprimée officiellement mais fut très clairement mise en circulation informellement a des conséquences directes et massives: L’Arabie saoudite et les autres Emirats du Golfe pourraient expulser les 400'000 Libanais travaillant dans la région du Golfe. On devine aisément quelles seraient les conséquences de tels agissements pour le Liban, un pays comptant 4,4 millions d’habitants (auxquels s’ajoutent 450'000 réfugiés palestiniens et 1'250'000 réfugiés syriens). Au plus tard depuis l’annonce de cette menace tout Libanais sait que l’Arabie saoudite ne plaisante pas et que ce petit pays au bord de la Méditerranée doit se soumettre. Une quatrième menace complète encore la panoplie des menaces: la rumeur circule que les Etats du Golfe dirigés par des familles sunnites pourraient retirer leur argent des banques libanaises et provoquer ainsi une crise économique et sociale dans le pays.

Le refus libanais

La «vengeance» du roi saoudien Salman apparaît après que le ministre des Affaires étrangères libanais, le chrétien maronite Jebran Bassil du Mouvement patriotique libre, ait refusé par deux fois, lors des récentes rencontres des ministres des Affaires étrangères arabes, d’approuver une résolution anti-iranienne présentée par l’Arabie saoudite et de se soumettre ainsi à l’alliance saoudienne. Le Mouvement patriotique libre forme en politique intérieure le groupe parlementaire minoritaire des chrétiens libanais. Dans le domaine de la politique extérieure, concernant la poudrière du conflit entre sunnites et chiites, menaçant de faire sauter tout le Proche-Orient, la majorité et la minorité chrétienne sont en grande partie d’accord. Un engagement direct du Liban dans une guerre incontrôlable au Proche-Orient serait la fin de la dernière présence chrétienne significative dans la région.


Non seulement dans les cercles musulmans, mais aussi parmi les chrétiens libanais, circule la rumeur qu’Israël ne verrait aucun inconvénient à voir les territoires environnants détruits. Il en serait de même avec les forces occidentales pouvant à la suite d’une guerre faire main-basse sans aucune gêne sur les richesses naturelles du Proche-Orient. Une appréciation qui ne remonte guère le moral dans le pays. Un éminent chrétien du Liban ne veut pas spéculer sur de tels arrière-plans derrière les arrière-plans. Pour lui, les faits qui se trouvent sur la table sont suffisamment graves pour l’inciter à passer à l’action.


Face à cette crise grandissante où l’on peut sentir l’odeur de la poudre jusqu’à Beyrouth, le chrétien maronite Fady Noun, rédacteur en chef suppléant de «L’Orient-Le Jour», le quotidien libanais le plus renommé, a rédigé une Lettre ouverte adressée au roi Salman d’Arabie saoudite. Il y exige le respect mutuel et précise les raisons pour lesquelles le Liban ne peut pas accepter cette alliance, car sinon l’unique modèle permettant de trouver une solution au conflit serait détruit. Noun présente donc au roi saoudien le Liban comme modèle en l’invitant à choisir la paix plutôt que la guerre.    •

Source: www.katholisches.info/2016/02/24/zuendet-saudi-arabien-di...

(Traduction Horizons et débats)

«Il faut bien voir que l’on est là devant un phénomène de civilisation qui interpelle tout le monde, y compris l’Occident. L’Occident athée de la mort de Dieu, de la conquête coloniale, des invasions impériales, de l’inégalité des échanges, du racisme déclaré ou poli et du relativisme éthique. Un relativisme décrit par le philosophe américain Eric Voegelin, qui a réfléchi sur les millénarismes, comme ‹une divinisation de la société par elle-même›.
Comme elle nous manque, en ces jours troublants, cette réflexion vigoureuse sur les rapports civilisationnels qui nous permettrait de jouer notre rôle de médiateurs culturels, de ‹brokers› de la paix et de la vérité. Comme il nous manque aujourd’hui de penser le XXe siècle dont nous héritons. Comme elle nous manque, cette réflexion en profondeur sur l’islam pour comprendre ce qui a rendu possible cette aberration culturelle et politique que l’on nomme ‹Etat islamique›.»

Source: Lettre ouverte de Fady Noun adressée au roi saoudien Salman (extrait)

Comment le monde actuel a privatisé le silence

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Comment le monde actuel a privatisé le silence

Ex: http://www.oragesdacier.info

Les technologies modernes nous sollicitent de plus en plus, et chacun semble s’en réjouir. Or, cela épuise notre faculté de penser et d’agir, estime le philosophe-mécano Matthew B. Crawford.

« Tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne pas savoir demeurer en repos dans une chambre », écrivait déjà Pascal en son temps. Mais que dirait l'auteur des Pensées aujourd'hui, face à nos pauvres esprits sursaturés de stimulus technologiques, confrontés à une explosion de choix et pour lesquels préserver un minimum de concentration s'avère un harassant défi quotidien ? C'est cette crise de l'attention qu'un autre philosophe, cette fois contemporain, s'est attelé à décortiquer.

Matthew B. Crawford est américain, chercheur en philosophie à l'université de Virginie. Il a la particularité d'être également réparateur de motos. De ce parcours de « philosophe mécano », il a tiré un premier livre, Eloge du carburateur. Essai sur le sens et la valeur du travail, best-seller aux Etats-Unis. Il y raconte comment, directeur d'un think tank de Washington où il lui était demandé de résumer vingt-trois très longs articles par jour — « un objectif absurde et impossible, l'idée étant qu'il faut écrire sans comprendre, car comprendre prend trop de temps... » —, il en a claqué la porte pour ouvrir un garage de réparation de motos. Dans ce plaidoyer en faveur du travail manuel, il célèbre la grandeur du « faire », qui éduque et permet d'être en prise directe avec le monde par le biais des objets matériels.

“Notre espace public est colonisé par des technologies qui visent à capter notre attention.”

C'est en assurant la promotion de son best-seller que Crawford a été frappé par ce qu'il appelle « une nouvelle frontière du capitalisme ». « J'ai passé une grande partie de mon temps en voyage, dans les salles d'attente d'aéroports, et j'ai été frappé de voir combien notre espace public est colonisé par des technologies qui visent à capter notre attention. Dans les aéroports, il y a des écrans de pub partout, des haut-parleurs crachent de la musique en permanence. Même les plateaux gris sur lesquels le voyageur doit placer son bagage à main pour passer aux rayons X sont désormais recouverts de publicités... »
 
mbc-world.jpgLe voyageur en classe affaires dispose d'une échappatoire : il peut se réfugier dans les salons privés qui lui sont réservés. « On y propose de jouir du silence comme d'un produit de luxe. Dans le salon "affaires" de Charles-de-Gaulle, pas de télévision, pas de publicité sur les murs, alors que dans le reste de l'aéroport règne la cacophonie habituelle. Il m'est venu cette terrifiante image d'un monde divisé en deux : d'un côté, ceux qui ont droit au silence et à la concentration, qui créent et bénéficient de la reconnaissance de leurs métiers ; de l'autre, ceux qui sont condamnés au bruit et subissent, sans en avoir conscience, les créations publicitaires inventées par ceux-là mêmes qui ont bénéficié du silence... On a beaucoup parlé du déclin de la classe moyenne au cours des dernières décennies ; la concentration croissante de la richesse aux mains d'une élite toujours plus exclusive a sans doute quelque chose à voir avec notre tolérance à l'égard de l'exploitation de plus en plus agressive de nos ressources attentionnelles collectives. »
 
“L’autorégulation est comme un muscle, il s’épuise facilement.”
 
Bref, il en va du monde comme des aéroports : nous avons laissé transformer notre attention en marchandise, ou en « temps de cerveau humain disponible », pour reprendre la formule de Patrick Le Lay, ex-PDG de TF1 ; il nous faut désormais payer pour la retrouver. On peut certes batailler, grâce à une autodiscipline de fer, pour résister à la fragmentation mentale causée par le « multitâche ». Résister par exemple devant notre désir d'aller consulter une énième fois notre boîte mail, notre fil Instagram, tout en écoutant de la musique sur Spotify et en écrivant cet article... « Mais l'autorégulation est comme un muscle, prévient Crawford. Et ce muscle s'épuise facilement. Il est impossible de le solliciter en permanence. L'autodiscipline, comme l'attention, est une ressource dont nous ne disposons qu'en quantité finie. C'est pourquoi nombre d'entre nous se sentent épuisés mentalement. »
 
Illustrations Tom Haugomat pour Télérama
Cela ressemble à une critique classique de l'asservissement moderne par la technologie alliée à la logique marchande. Sauf que Matthew Crawford choisit une autre lecture, bien plus provocatrice. L'épuisement provoqué par le papillonnage moderne, explique-t-il, n'est pas que le résultat de la technologie. Il témoigne d'une crise des valeurs, qui puise ses sources dans notre identité d'individu moderne. Et s'enracine dans les aspirations les plus nobles, les plus raisonnables de l'âge des Lumières. La faute à Descartes, Locke et Kant, qui ont voulu faire de nous des sujets autonomes, capables de nous libérer de l'autorité des autres — il fallait se libérer de l'action manipulatrice des rois et des prêtres. « Ils ont théorisé la personne humaine comme une entité isolée, explique Crawford, totalement indépendante par rapport au monde qui l'entoure. Et aspirant à une forme de responsabilité individuelle radicale. »
 
mbc-carbu.jpgC'était, concède tout de même le philosophe dans sa relecture (radicale, elle aussi) des Lumières, une étape nécessaire, pour se libérer des entraves imposées par des autorités qui, comme disait Kant, maintenaient l'être humain dans un état de « minorité ». Mais les temps ont changé. « La cause actuelle de notre malaise, ce sont les illusions engendrées par un projet d'émancipation qui a fini par dégénérer, celui des Lumières précisément. » Obsédés par cet idéal d'autonomie que nous avons mis au coeur de nos vies, politiques, économiques, technologiques, nous sommes allés trop loin. Nous voilà enchaînés à notre volonté d'émancipation.

“Cette multiplication des choix capte toujours plus notre énergie et notre attention...”
 
« Nous pensons souvent que la liberté équivaut à la capacité à faire des choix ; maximiser cette liberté nécessiterait donc de maximiser toujours plus le nombre de possibilités qui s'offrent à nous, explique Crawford. Alors que c'est précisément cette multiplication qui capte toujours plus notre énergie et notre attention... » Un processus pervers dont nous souffrons autant que nous jouissons, en victimes consentantes. En acceptant de nous laisser distraire par nos smartphones, nous nous épuisons mentalement... tout en affirmant notre plaisir d'être libres et autonomes en toutes circonstances. Vérifier ses e-mails en faisant la queue au cinéma, au feu rouge ou en discutant avec son voisin, c'est clamer sa liberté toute-puissante, face à l'obligation qui nous est faite d'attendre. C'est être « designer » de son monde, comme le répètent à l'envi les forces du marketing.
 
Et c'est s'enfermer, dénonce le philosophe, dans l'idéal autarcique d'un « moi sans attaches qui agit en toute liberté », rationnellement et radicalement responsable de son propre sort. Dans un sens, nous sommes peut-être tous en train de devenir autistes, en cherchant à nous créer une bulle individuelle où il nous serait, enfin, possible de nous recentrer... Bien sûr, faire de Descartes et Kant les seuls responsables de cette captation de l'attention, c'est pousser le bouchon très loin. Mais c'est aussi écrire une philosophie « sur un mode vraiment politique, revendique Crawford, c'est-à-dire polémique, comme le faisaient les penseurs des Lumières que je critique, en réponse à tel ou tel malaise ressenti de façon aiguë à un moment historique donné ». Ce faisant, le philosophe offre une vision alternative, et même quelques clés thérapeutiques, pour reprendre le contrôle sur nos esprits distraits. Pas question pour lui de jeter tablettes et smartphones — ce serait illusoire. Ni de s'en remettre au seul travail « sur soi ».
 
« L'effet combiné de ces efforts d'émancipation et de dérégulation, par les partis de gauche comme de droite, a été d'augmenter le fardeau qui pèse sur l'individu désormais voué à s'autoréguler, constate-t-il. Il suffit de jeter un œil au rayon "développement personnel" d'une librairie : le personnage central du grand récit contemporain est un être soumis à l'impératif de choisir ce qu'il veut être et de mettre en oeuvre cette transformation grâce à sa volonté. Sauf qu'apparemment l'individu contemporain ne s'en sort pas très bien sur ce front, si l'on en juge par des indicateurs comme les taux d'obésité, d'endettement, de divorce, d'addictions y compris technologiques... »
 
illustrations Tom Haugomat pour Télérama
Matthew Crawford préfère, en bon réparateur de motos, appeler à remettre les mains dans le cambouis. Autrement dit à « s'investir dans une activité qui structure notre attention et nous oblige à "sortir" de nous. Le travail manuel, artisanal par exemple, l'apprentissage d'un instrument de musique ou d'une langue étrangère, la pratique du surf [NDLR : Crawford est aussi surfeur] nous contraignent par la concentration que ces activités imposent, par leurs règles internes. Ils nous confrontent aux obstacles et aux frustrations du réel. Ils nous rappellent que nous sommes des êtres "situés", constitués par notre environnement, et que c'est précisément ce qui nous nous permet d'agir et de nous épanouir ». Bref, il s'agit de mettre en place une « écologie de l'attention » qui permette d'aller à la rencontre du monde, tel qu'il est, et de redevenir attentif à soi et aux autres — un véritable antidote au narcissisme et à l'autisme.
 
“Le monde ­actuel privatise le silence qui rend possible l'attention et la concentration”
 
Est-ce aussi un appel à mettre plus de zen ou de « pleine conscience » dans nos vies, comme le faisait déjà un autre auteur-réparateur de motos, l'Américain ­Robert Pirsig dans un roman devenu culte, le Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes ? Non, rétorque Crawford, car l'enjeu n'est pas qu'individuel. Il est foncièrement politique. « L'attention, bien sûr, est la chose la plus personnelle qui soit : en temps normal, nous sommes responsables de notre ­aptitude à la concentration, et c'est nous qui choisissons ce à quoi nous souhaitons prêter attention. Mais l'attention est aussi une ressource, comme l'air que nous respirons, ou l'eau que nous ­buvons. Leur disponibilité généralisée est au fondement de toutes nos activités. De même, le silence, qui rend possible l'attention et la concentration, est ce qui nous permet de penser. Or le monde ­actuel privatise cette ressource, ou la confisque. » La solution ? Faire de l'attention, et du silence, des biens communs. Et revendiquer le droit à « ne pas être interpellé »...
 
Matthew Crawford
Chercheur en philosophie à l'université de Virginie et réparateur de motos 
2010 : Eloge du carburateur. Essai sur le sens et la valeur du travail. Ed. La Découverte

Die geistig Toten

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Die geistig Toten

von Carlos Wefers Verástegui
Ex: http://www.blauenarzisse.de

Der spanische Reaktionär Juan Donoso Cortés (18091853) bemerkte im Zeitalter der Revolutionen wie der Verfall des Glaubens zum Verfall der Wahrheit führt.

Dem Aufbegehren gegen Gott entspricht der Verstandeshochmut, die Emanzipation der Menschheit von Gott bestätigt diese in ihrem eigenen Schöpfertum. Das wiederum erzeugt in ihr den Glauben an sich selbst, an ihre eigene Göttlichkeit. Der Irrtum, nicht nur in Metaphysik und Glauben, wird so mit Notwendigkeit zum ständigen Begleiter einer jeden unabhängigen Vernunft. Die Wahrheit haben die einmal unabhängig, selbständig und hochmütig gewordenen Verstände der Menschen unwiederbringlich verloren und damit einen geistigen Tod herbeigeführt.

Aufklärung führt zu Agnostizismus und geistigem Tod

Die (geistig) Toten sind jedoch nicht mit den Ungebildeten und Idioten gleichzusetzen. Es ist nämlich eine bestimmte Bildungsrichtung, die das geistige Totsein unserer Zeitgenossen verbürgt: die aufklärerische. Diese Bildung gibt sich gern fortschrittlich und kritisch und will zu Mündigkeit und Toleranz erziehen. Gegen den christlichen Glauben ist sie nur vordergründig neutral. Allein die Neutralität gegen den Glauben aber würde von sich aus schon ausreichen, diesen herunterzusetzen und zu zersetzen.

Bei der Neutralität bleibt es niemals. Erklärtes Ziel ist nämlich, den Zweifel, ohne nach seiner Vernunft oder Berechtigung zu fragen, in aller Herzen zu säen. Diese Bildung, die viel eher Verbildung heißen müsste, bringt den Agnostizismus hervor. Mit der Fähigkeit zum Glauben fällt aber auch die Fähigkeit zur Wahrheit überhaupt. Juan Donoso Cortés hat das so dargestellt: „Die Verminderung des Glaubens, die die Verminderung der Wahrheit herbeiführt, führt nicht zwangsläufig zur Verminderung, sondern zur Abirrung des menschlichen Verstandes. Gnädig und zur selben Zeit gerecht, hält Gott den schuldigen Verständen die Wahrheit vor, das Leben [d.h. das physische Leben; C.W.V.] aber hält er ihnen nicht vor. Er verurteilt sie zum Irrtum, zum Tode jedoch verurteilt er sie nicht.“

juan782204097987.jpgDer Tote irrt grundsätzlich

Der (geistig) Tote ist also einem verhängnisvollen Irrtum erlegen, ohne auch nur das Geringste davon zu ahnen. Das springt bei einem Gespräch mit ihm sofort ins Auge: der Tote gibt sich interessiert und beteiligt. Er scheint auf sein Gegenüber einzugehen. Tatsächlich liegt ihm jedoch nichts an alledem. Er will nur sich selbst wiederfinden und dazu noch gut unterhalten sein. Anstatt einer fordernden Aufgabe will er Bestätigung. Aus diesem Grund lässt sich nichts Vernünftiges anfangen mit ihm. Man kann nichts von ihm fordern, nichts von ihm verlangen, man kann ihn nicht in die Pflicht nehmen. Der Tote kann dabei über ein außerordentliches Wissen verfügen und sogar intelligent sein; an zwei entscheidenden Dingen fehlt es ihm jedoch: an der notwendigen Einsicht sowie an der Fähigkeit zur Selbsterkenntnis.

Der Tote ist und bleibt Skeptiker, nicht nur in religiösen Fragen. Fichte hat das wunderbar in seinen „Grundzügen des gegenwärtigen Zeitalters“ dargestellt. Diesem „Zeitalter der vollendeten Sündhaftigkeit“ wird es Fichte zufolge „der Gipfel der Klugheit sein, an allem zu zweifeln und bei keinem Dinge über das Für oder das Wider Partei zu nehmen: in diese Neutralität, diese unbestechbare Gleichgültigkeit für alle Wahrheit wird es die echte und vollkommene Weltweisheit setzen“. Die unerkannte Wahrheit des Skeptizismus ist daher seine Gleichgültigkeit und Selbstgefälligkeit. Beide haben das Privileg, sich allen und allem überlegen dünken zu dürfen. Die gleichgültige, einer geistigen Leichenstarre entsprechenden Störrigkeit und kecke Aufmüpfigkeit wird dabei allzu gern als Unerschütterlichkeit ausgegeben.

Statt Vernunft gibt’s in Wahrheit nur Gefühlspantheismus

Damit auch kein Zweifel darüber besteht, dass der Tote auch wirklich geistig vollkommen hinüber und mausetot ist, ergeht er sich in allerlei Inkonsequenzen. Die wichtigste Inkonsequenz besteht darin, trotz der Skepsis Wahrheiten anzunehmen. Statt Wahrheit gibt es allerdings nur Gefühlsanwandlungen: Gemütszustände, Neigungen, Empfindungen wie Wohlwollen, Beifall, Fürsprache, aber auch ein Organ für all das, was einem „gegen den Strich“ geht. Anstatt Vernunft gibt es beim Toten Gefühlspantheismus. Allein, dass es sich hierbei um Pantheismus handelt, ist wichtig festzuhalten. Der Pantheismus reflektiert nämlich, wie der Philosoph Paul Yorck von Wartenburg unterstrich, keine Gottes-​, sondern eine Weltauffassung. Gefühlsmäßig und somit unvernünftig wird das Ganze dadurch, dass der Gott der Welt – der Mensch, seine Gesellschaft und Geschichte – wesentlich unerkennbar ist. Im Gefühl, nicht in der Ratio, geben sich dann die Hand der Pantheismus und der Agnostizismus. Das Menschenbild ist damit von Grund auf gefälscht und unrichtig.

Wer genau wissen will, ob er es mit einem Toten zu tun hat, braucht nicht erst darauf zu warten, dass dieser ihn zur Weißglut bringt. Er reicht vollkommen aus, sein Verständnis von Wahrheit zu prüfen. Auch ist es sehr ratsam, seine Redlichkeit auf die Probe zu stellen. Zuallerletzt wird dann sein Ehrgefühl unter die Lupe genommen. Jeder, der bei dieser Untersuchung durchfällt, hat für geistig tot zu gelten. Schon bei der Wahrheitsfindung kommt heraus: Niemals kommt der Tote über die Frage des Pilatus hinaus „Was ist Wahrheit?“ Das ist nur natürlich, denn, wer sind sie, die Toten, eigentlich, um über die Wahrheit oder Unwahrheit zu entscheiden?

Schlechte Schauspieler, die den Sokrates spielen

Würden sich die Toten darauf beschränken, nur sich selbst dieser Entscheidung, was Wahrheit ist und was nicht, zu entheben, wären sie weniger lästig. Nun stellen aber die Toten ihrerseits die Forderung: „Du musst es genauso machen wie ich. Wer bist du, der du dich anmaßt, die Wahrheit zu kennen?“ Gegen diese Frage – es ist keine Dummheit, sondern Absurdität! –, die bei allem mitschwingt, was die Toten so von sich geben, kommen selbst Götter nicht an. Zu sehr gefallen sie sich nämlich in der Rolle des sokratischen Fragers.

Dabei halten sie dazu noch die Köstlichkeit ihres Selbsterlebnisses für den Beweis ihrer eigenen Göttlichkeit. Dass sie nur eine Rolle spielen, noch dazu schlecht, ansonsten aber keine kompetenten Jünger von Sokrates sind, zeigt ihr Unmut: werden sie selbst hinterfragt, kommen die üblichen, großen und kleinen Gemeinheiten, die Unkenrufe und die Kindereien. Zum platonischen Dialog als einem Musterbeispiel für eine rationale Erörterung, selbst verschiedenster Argumente und sogar von Gegenpositionen, taugen sie nicht. Auch ist er ihnen verhasst, denn der platonische Dialog soll nicht unterhalten, er dient der Wahrheitsfindung.

juansello_donoso-cortes.jpgDie Wahrheit ist verhasst und muss unmöglich gemacht werden

Die Verhasstheit der Wahrheit ist der Grund, warum tote Menschen sie auf verschiedene Weise unmöglich machen. Dazu bieten sich drei Kunstgriffe an: Verbot, sterile Diskussion und Verneinung. Das interessanteste Wahrheitsvergütungsmittel ist bei weitem die sterile Diskussion: Wird der Toten darauf hingewiesen, wie unzulänglich er selbst und, mit ihm, seine Argumente sind, reagiert er auf eigentümliche Weise: er tut so, als hörte er nicht oder nur sehr schlecht. Das Überhören, Weghören, Durcheinander– und Falschhören ist der Toten täglich Brot.

Eine andere Möglichkeit der Abwehr in der Diskussion ist die von den Toten geübte, besondere Verstehenskunst: das bald gepflegt, bald wild auftretende Missverständnis. Sagt einer z.B. „hüh“, versteht der Tote grundsätzlich „hott“. Wer sich einem Toten gegenüber traut, Allgemeines über die Wahrheit zu sagen, muss in Kauf nehmen, dass dieser kontert: „Das ist deine persönliche Meinung“ bzw. „Das ist deine persönliche Sichtweise“. Will jemand die Unanfechtbarkeit logischer Sätze beweisen, platzt der Tote aus sich heraus: „Das ist Behauptung!“ und „Das muss nicht immer so sein!“ Wer dem Toten gegenüber ausführt: „Dinge, die die Moral und das Zusammenleben betreffen, können nicht von jedermann begriffen werden. Es ist besser, sie der breiten Masse als Dogma vorzuschreiben“, erntet für gewöhnlich Geschrei und Gekeife: der Tote schreit empört Zetermordio – ob der vom autoritären Bösewicht gemeuchelten Demokratie.

Der Rationalismus hat die Leute unfähig für die Wahrheit und somit tot gemacht

Unerreicht in ihrer Klassizität ist die Darstellung von Donoso Cortés in seinem berühmten Essay über den Katholizismus, den Liberalismus und den Sozialismus, in dem er sich mit der pathologischen Unfähigkeit zur Wahrheit des vom Rationalismus verwirrten Menschen beschäftigt. Der in einem fatalen Irrtum gefangene Mensch, dessen Kopf unumkehrbar verworren und verkehrt ist, ist keine philosophisch-​theologische Hypothese, er ist wirklich. Der geistige Tod, aus dem niemand mehr zurückkehrt, ist unlängst Realität von Millionen von Mitmenschen.

Die Gefahr, die von diesen Toten ausgeht, ist nicht zu unterschätzen. Gerade weil die Toten den wenigen wirklich Lebendigen zahlenmäßig überlegen sind, und noch dazu die politischen und Bildungseliten stellen, ist der Katastrophenfall permanent: es ist der Normalfall. Die alte Frage, ob die Welt nicht zum Irrenhaus geworden ist, ist mit „Ja“ zu beantworten. Aber mehr noch als ein Irrenhaus ist es ein Totenreich.

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La Russie, nation d’Europe et non d'Eurasie

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La Russie, nation d’Europe et non d'Eurasie

par Thomas Ferrier

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com

Ma position n’a pas changé d’un iota. La Russie est une nation d’Europe. Or je constate depuis longtemps que deux camps s’opposent à ce sujet, pour des raisons parfois opposées mais paradoxalement souvent identiques, niant à la Russie sa pleine et entière européanité. En Russie même, on oppose traditionnellement les occidentalistes (западники) et les slavophiles (славянофилы), les premiers considérant la Russie comme européenne et même comme « occidentale » et les seconds envisageant la Russie comme une civilisation en tant que telle, autour de la notion de « monde slave ». Ce second courant a désormais pris dans les faits le nom d’eurasisme et a notamment Alexandre Douguine pour chef de file.

eastnta239YhbH1re2do0o1_500.jpgCe dernier semble avoir mal assimilé l’opposition « Europe vs Occident » de la Nouvelle Droite française dont il tenta d’être le représentant en Russie, l’amenant à adopter des positions très ambigües concernant l’islam. On a souvent prêté à Douguine une influence déterminante sur Vladimir Poutine mais ce dernier n’a joué des thèmes eurasistes que pour provoquer une Europe dont il a espéré le soutien pendant longtemps et dont il désespère de la voir se soumettre sans pudeur aux USA en adoptant par ailleurs une politique migratoire et morale absolument suicidaire. Douguine également a apporté un soutien sans mesure aux sécessionnistes du Donbass, ce qui est aussi erroné selon moi que d’apporter un soutien aux supplétifs nationalistes ukrainiens de Soros, car tout ce qui divise l’Europe, et donc l’Ukraine, sert les intérêts géo-stratégiques américains.

La vision américaine de la Russie est celle d’un pays non-européen qu’il convient de repousser en Asie. C’était aussi la vision nazie qui niait au peuple russe son européanité/aryanité jusqu’en 1944 où, la défaite s’annonçant, elle changea radicalement de position en soutenant l’armée Vlassov. C’est la doctrine Brzezinski que les dirigeants polonais et lituaniens notamment suivent aveuglément, agissant en idiots utiles d’une puissance qui soumet l’Europe à son diktat. La vision eurasiste est aussi celle d’un pays bipolaire, d’une civilisation russe en tant que telle, qui serait à la fois européenne et asiatique. Cette vision est celle de ce que je pourrais appeler un « souverainisme russe » qui, tournant le dos à l’Europe, s’oriente vers l’Asie, exactement comme le souverainisme français tend à s’orienter vers l’Afrique.

L’histoire véritable du peuple russe est pourtant tout à fait étrangère à ces conceptions. Le premier peuplement n’est pas slave mais iranophone nomade. L’Ukraine et le sud de la Russie ont été en effet peuplés de haute antiquité par les Proto-Iraniens dont les nomades Cimmériens, Scythes puis Sarmates furent les héritiers et survivances, alors que d’autres Iraniens (futurs Mèdes et Perses) envahirent l’ancienne Elam pour fonder l’Iran moderne. Ces Scythes et Sarmates n’étaient donc pas des Asiatiques mais bien des Européens au sens strict, tout comme leurs descendants du Caucase, les Ossètes ou Alains, mieux connus en Europe occidentale pour avoir envahi la Gaule et l’Hispanie.

Le second peuplement de l’actuelle Russie (d’Europe) fut celui des Slaves, partis du bassin du Pripet en Belarus actuels, et qui peuplèrent non seulement l’Ukraine et la Russie actuelles mais aussi une partie d’Europe Centrale (les Polanes fondèrent ainsi la Pologne tandis que les Serbes envahissaient l’empire byzantin). Ces Slaves formèrent l’essentiel du peuplement russe, influencé au nord par des peuples finno-ougriens, eux aussi européens. A ce peuplement de départ, il faut ajouter plusieurs autres peuples venus d’Europe, notamment les Goths puis les Varègues (Suédois).

C’est par la rencontre entre les Slaves de l’Est (futurs Russes, Ukrainiens et Biélorusses) et les Varègues (Vikings de l’Est, surtout de souche suédoise) que naquit la Rus’ de Kiev, un des grands empires du moyen-âge. La Rus’ (Русь) de Kiev reposait donc sur un système mixte, avec apports germaniques et influences occidentales précoces. Il suffit de songer au mot « roi » en russe qui provient soit du germanique *kuningaz (князь), soit du nom franc Karl/Carolus (король). Sa religion était issue du paganisme slave, mâtiné d’éléments scandinaves, autour notamment du culte de Perun/Thor et de celui de Volos/Odhinn. La mythologie slave en effet est clairement indo-européenne donc européenne, analogue à celle des Baltes, des Germains et des Celtes. De même, les Slaves possédaient l’équivalent des druides celtes, avec leurs « mages (волхвы).

Jusqu’aux invasions mongoles du XIIIème siècle, l’histoire de la Russie ne diffère pas du reste de l’Europe. Les « Russiens » choisirent l’orthodoxie grecque plutôt que le catholicisme latin pour des raisons d’opportunité et de géographie, l’un et l’autre étant par ailleurs européens. Soumise à un joug tatar et musulman de plus de deux siècles, la Russie n’en conservera que quelques termes. Prétendre que cela aurait fait de la Russie un pays eurasiatique serait comme d’affirmer que l’Espagne est eurafricaine. Quant au « despotisme oriental » qu’on prête aux tsars, c’est de toute évidence une exagération occidentale. Même si la Russie a été coupée des évolutions du reste de l’Europe, ses structures comme le servage l’ayant maintenu dans un relatif archaïsme, cela n’en fait pas moins un pays européen. Elle a su rattraper une bonne partie du retard et le communisme l’a maintenu dans un conservatisme sociétal plutôt bénéfique à une époque où le reste de l’Europe semble atteint de sénilité précoce.

La Russie n’est pas occidentale, et d’ailleurs l’Occident même n’existe pas vraiment, car on confond sous ce terme l’Europe et ses (anciennes) colonies de peuplement, émancipées au XIXème siècle pour la plupart. Mais elle n’est pas non plus asiatique. Il ne faudrait pas se tromper en considérant son expansion territoriale en Asie à partir d’Ivan IV en 1588, et notamment sa conquête de la Sibérie, comme ayant changé la nature du peuple russe. Lorsque la Russie s’empare de la Sibérie, c’est au nom de la civilisation européenne, c’est une extension de l’Europe qui s’impose en Asie. Les peuples non-européens de Russie, que ce soit en Russie d’Europe (au sud-est) ou en Russie-Sibérie, ne sont pas des russes, mais des peuples soumis à la Russie. Ils ne changent donc pas la nature de la Russie, tout comme les DOM-TOM ne font pas de la France un pays africain, océanien ou méso-américain.

Occidentalistes et slavophiles s’opposaient donc stérilement. Cette opposition factice rappelle celle entre Renan et Fichte, alors que la conception française de la nation n’était pas moins ethnique en vérité que celle de son voisin germanique. Car la Russie est européenne aussi parce qu’elle est slave et dans cet hiver identitaire elle est même désormais plus européenne que la France. Elle aura certainement un rôle important à jouer dans le relèvement civilisationnel de l’Europe que nous appelons de nos vœux. Il faut également espérer que Poutine restera insensible aux sirènes eurasistes. La marginalisation récente de Douguine laisse penser qu'il n'est pas dupe.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

mercredi, 09 mars 2016

Elections slovaques: à droite toute!

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Elections slovaques: à droite toute!

par Thomas Ferrier

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com

On s’attendait à une victoire de Robert Fico, premier ministre sortant du SMER, parti social-démocrate aux accents nationalistes et anti-migrants. Elle a été au rendez-vous certes mais apparaît davantage comme une victoire à la Pyrrhus. Avec 28.3% des voix, le SMER perd 16 points, ce qui peut s’apparenter à une sérieuse déconvenue, et n’obtient que 49 sièges, loin des 75 sièges requis pour former une majorité. Au moins Robert Fico peut se satisfaire de l’absence d’un grand parti d’opposition.

Les grands gagnants sont les différentes formations de droite nationale dont la division ne fut désastreuse pour aucune. Le Parti National Slovaque (SNS), qui avait été écarté du parlement en 2012 avec 4.6% des voix (< 5%, synonyme d’élimination), renaît littéralement sous la conduite de son nouveau dirigeant Andrej Danko et obtient 8.7% des voix et 15 sièges. L’éviction du Le Pen slovaque, Ian Slota, en 2013, est pour beaucoup dans ce résultat. C’est certes un score inférieur à celui que les sondages pouvaient lui faire espérer. Mais la concurrence fut forte. Ainsi, le LSNS (« Parti du peuple – Notre pays ») de Marian Kotleba, considéré parfois comme néo-fasciste, obtient 8% des voix (contre 1.6% en 2012) et 14 députés. A ces deux partis classique, il faut ajouter le mouvement Sme Rodina (« Nous sommes une famille » du populiste Boris Kollar, qui pendant toute sa campagne a tapé sur les migrants musulmans. Il obtient 6.6% des voix et 11 sièges.

La droite eurosceptique et libérale incarnée par le mouvement Sloboda a Solidarita (« Liberté et solidarité ») s’impose comme deuxième parti du pays avec 12.1% des voix (contre 5.9% en 2012) et 21 sièges. Les autres formations de droite s’en sortent honorablement, à savoir le nouveau venu SIET (5.6% et 11 sièges) et le mouvement OL’ANO (11% des voix et 19 sièges, +2.4 points). Seul les chrétiens démocrates (KDH) échouent de peu et sont éliminés, avec 4.9% des voix (-4 points). Enfin, le Mouvement des Hongrois (SMK/MKP) avec 4% des voix reste à peu près au même niveau qu’en 2012 (-0.26).

Avec une droite nationale réunie à 23.4% des voix, on peut dire que l’opinion publique slovaque s’est radicalisée suite à la crise des migrants. Il s’agissait pour les Slovaques de mettre la barre suffisamment à droite pour donner à Robert Fico des arguments solides pour résister aux pressions de l’Union Européenne. C’est désormais le cas. Même si ce dernier est malgré tout fragilisé et va probablement devoir s’allier avec ces formations ou en tout cas avec une partie d’entre elles. 

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Ces résultats vont encourager ceux qui pensent que soutenir au pouvoir une ligne dure aboutit à décomplexer la population et à ouvrir la porte à des formations beaucoup plus radicales. Le cas hongrois l’indique aussi avec un Jobbik qui est souvent en deuxième position derrière le mouvement de Viktor Orban et ce au détriment de la sociale-démocratie. En revanche, en Tchéquie, depuis l’époque des années 90 où le parti des Républicains inquiétait l’opinion occidentale, aucun mouvement nationaliste n’a émergé, mais la droite tchèque est assez à droite pour l’empêcher.

Le groupe de Visegrad commence désormais à se singulariser par cette montée d’un courant nationaliste et donc potentiellement ou ouvertement eurosceptique, qui est en réalité motivée par une inquiétude croissante des populations face à l’immigration non-européenne et/ou musulmane qui touche l’Europe occidentale. Boris Kollar a notamment fait campagne sur le fait que Bratislava n’ait pas à connaître la situation de Cologne et de Paris. En France, on préfère fermer les yeux, comme ce politologue de BFM-TV expliquant ce matin que la France était le pays d’Europe ayant le moins d’immigrés, ce qui va contre tout sens commun, puisque ne prenant pas en compte les flux antérieurs.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

La décroissance dans un seul pays

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La décroissance dans un seul pays

par Georges FELTIN-TRACOL

 

Interrogé au printemps 2013 par l’organe de presse trostko-bancaire Libération, un certain Vincent Liegey qui se revendique décroissant, déclarait : « Nous voulons une relocalisation ouverte. Il faut produire localement – cela a un sens écologique et humain -, mais garder les frontières ouvertes pour les biens et surtout pour les personnes : voyages et rencontres favorisent le bien-être et la culture (1). » Cette assertion est typique de la mentalité hyper-moderne, nomade et fluide de l’Occidental globalitaire. Son auteur croît s’opposer à la mondialisation en prônant une relocalisation ouverte. Il réalise une chimère, le glocal, et ne comprend pas que le tourisme intercontinental et l’immigration de peuplement empêchent de facto toute véritable relocalisation des activités, des productions, des biens, des investissements et des personnes. Grand naïf politique, le dénommé Liegey ne mentionne pas en plus l’impact écologique désastreux des transports touristiques de masse sur les écosystèmes. Si ses voyages s’effectuaient à pied, en vélo, en train ou à marine à voile, il serait cohérent. En revanche, s’il prend avions et bagnoles, la schizophrénie le guette !

 

Fort heureusement, et n’en déplaise à ce décroissant du samedi soir, les grands flux touristiques internationaux commencent à se tarir  comme le signale le géographe Christophe Guilluy : « Rappelons que le tourisme international, qui n’a cessé de se développer et qui est une ressource économique importante pour bon nombre de pays, ne profite en réalité qu’à la marge aux populations autochtones. Notons par ailleurs que ce secteur économique peut avoir des conséquences particulièrement négatives sur l’environnement (dégradation des milieux naturels, empreinte écologique liée au transport…) et déstructurer les cultures et identités du plus grand nombre, notamment des plus modestes. On le voit, la mobilité des individus atteint aujourd’hui ses limites physiques et écologiques, mais aussi culturelles avec le déplacement de catégories moyennes et supérieures dans des zones souvent précarisées (2). » Dans une courte et charmante nouvelle, le journaliste Marc Dem envisageait la fin du monde moderne. « D’une trentaine d’accidents d’avions de ligne par an, on passa à soixante en un mois. Les appareils privés et les avions militaires furent atteints du même mal. On finit par interdire les vols, et la terre devint plus grande (3). » Limiter les trajets intercontinentaux, surtout s’ils sont commerciaux et touristiques, scandalise à coup sûr les « progressistes » de l’écologie de marché, mais absolument pas le principal théoricien de la décroissance, Serge Latouche, qui annonce une « autre réduction nécessaire : le tourisme de masse. L’âge d’or du consumérisme kilométrique est derrière nous (4) ». Cet universitaire venu du tiers-mondisme rejoint le catholique de tradition Marc Dem, puisqu’il ajoute : « Pour cause de pénurie de pétrole et de dérèglement climatique, voici ce que l’avenir nous promet : toujours moins loin, toujours moins souvent, toujours moins vite et toujours plus cher. À vrai dire, cela ne devient dramatique qu’en raison du vide et du désenchantement qui nous font vivre de plus en plus virtuellement alors que nous voyageons réellement aux dépens de la planète. Il nous faut réapprendre la sagesse des âges passés : goûter la lenteur, apprécier notre territoire (5). »

 

latouche._SX350_BO1,204,203,200_.jpgIl y a par conséquent une béance profonde fondamentale entre un soi-disant décroissant et le père de la décroissance en France. Serge Latouche prévient que « le “ bougisme ”, la manie de se déplacer toujours plus loin, toujours plus vite, toujours plus souvent (et pour toujours moins cher), ce besoin largement artificiel créé par la vie “ surmoderne ”, exacerbé par les médias, sollicité par les agences de voyages, les voyagistes et les tour-opérateurs, doit être revu à la baisse (6) ».

 

En revanche, ces deux catégories de décroissants s’accordent volontiers sur une conception irénique de la décroissance. Serge Latouche garde toujours un réel attachement à la sensibilité progressiste des Lumières. N’affirme-t-il pas que « la décroissance […] entend reprendre à frais nouveaux le programme d’émancipation politique de la modernité en affrontant les difficultés que pose sa réalisation (7) » ? Il confirme que pour lui, « la décroissance reprend de manière renouvelé […] le projet de l’émancipation de l’humanité des Lumières (8) ». Il modère son projet de société décroissante qui « implique certes une remise en question de l’individualisme exacerbé et la reconnaissance de l’héritage du passé, mais pas un retour à des féodalités et à des organisations hiérarchiques (9) ». Comme la très grande majorité des écologistes, il évacue tout concept de puissance et paraît ignorer l’essence du politique qui, selon Julien Freund, s’organise autour des polarités privé – public, commandement – obéissance et ami – ennemi (10).

 

Cette méconnaissance (voire ignorance) fâcheuse se retrouve chez des « écologistes intégraux » d’inspiration chrétienne pour qui « prôner l’écologie humaine, c’est promouvoir une “ éthique de la non-puissance ” (Jacques Ellul) (11) ». L’affirmation prouve une parfaite impolitique qui condamne à moyen terme la pérennité de toute collectivité humaine. Directeur de la thèse de Julien Freund en 1965, Raymond Aron rappelait qu’« il est facile de penser la politique, mais à une condition : en discerner les règles et s’y soumettre (12) », ce que ne font pas les écologistes.

 

georges feltin-tracol,décoissance,écologie,économie,théorie politique,philosophie politique,sciences politiques,politologieIl manque encore à la décroissance tout une dimension politique et stratégique. De nombreux décroissants raisonnent toujours à l’échelle de leur potager dans le « village global » interconnecté alors que la raréfaction croissante des ressources inciterait à envisager au contraire une société fermée, qu’elle soit nationale ou bien continentale dans le cadre de l’« Europe cuirassée » chère à Maurice Bardèche. En effet, « c’est […] bien une société de rupture qu’il faut ambitionner, annonce l’anarcho-royaliste français Rodolphe Crevelle, quitte à mépriser tous les clivages politiques antérieurs, quitte à paraître donquichottesque ou ridicule, ou rêveur, ou utopique… (13) ». Nourris par les traductions anglaises des écrits de l’écologiste radical finlandais Pentti Linkola dans lesquels se conjuguent écologie, décroissance et puissance militaire, Rodolphe Crevelle et son équipe du Lys Noir soutiennent une vision singulière de l’« écolo-décroissance ». « La préservation de l’Homme ancien “ dans un seul pays d’abord ”, ouvre la perspective d’un isolat forteresse assiégé parce que celui-ci constituera le mauvais exemple, le mouton noir du monde, un démenti à la “ fête ” globale planétaire (14). » Certes, « il faut […] convenir que l’autarcie est une question d’échelle. Elle est particulièrement difficile à instaurer dans un petit pays sans diversité économique, elle est plus facile à supporter dans une grande économie diversifiée. Et on peut même affirmer que l’autarcie à l’échelle d’un continent riche peut compter aujourd’hui sur quelques défenseurs (15) ». Ils estiment non sans raison que « la France possède tous les moyens technologiques et humains de l’autarcie. Elle est même pratiquement un des seuls pays au monde à pouvoir organiser volontairement son propre embargo ! (16) ». « L’écologie extrême […] est notre dernière chance de discipline collective et d’argumentation des interdits, insiste Rodolphe Crevelle (17) ».

 

decrplusdeliens.jpgAvec des frontières réhabilitées, sans la moindre porosité et grâce à des gardiens vigilants, dénués de remords, la société fermée décroissante adopterait vite la notion de puissance afin de tenir à distance un voisinage plus qu’avide de s’emparer de ses terres et de ses biens. Elle pratiquerait une nécessaire auto-suffisance tant alimentaire qu’énergétique. Mais cette voie vers l’autarcie salutaire risque de ne pas aboutir si la population n’entreprend pas d’elle-même une révolution culturelle et un renversement complet des consciences. « Outre l’autarcie économique européenne, il faudrait mieux encore parler d’autarcie technique, d’auto-isolement sanitaire; d’un refus de courir plus loin et plus vite vers le précipice, vers le monde de “ science-fiction contemporaine ” qui s’est installé sur toute la planète dans la plus parfaite soumission des gauchistes et des conservateurs (18). » L’auto-subsistance vivrière deviendra un atout considérable en périodes de troubles politiques et socio-économiques. « Tant que la perspective d’un soulèvement populaire signifiera pénurie certaine de soins, de nourriture ou d’énergie, il n’y aura pas de mouvement de masse décidé, prévient le Comité invisible. En d’autres termes : il nous faut reprendre un travail méticuleux d’enquête. Il nous faut aller à la rencontre, dans tous les secteurs, sur tous les territoires où nous habitons, de ceux qui disposent des savoirs techniques stratégiques (19). »

 

« L’autarcie est en effet le seul moyen envisageable pour brider doucement le capitalisme chez soi quand celui-ci devient trop ravageur, trop destructeur de cultures remarquables et de sociabilités anciennes (20). » Pour sa part, Serge Latouche explique que « la société de décroissance implique un solide protectionnisme contre les concurrences sauvages et déloyales, mais aussi une large ouverture sur les “ espaces ” qui adopteront des mesures comparables. Si, comme le disait déjà Michel Torga en 1954, “ l’universel, c’est le local moins les murs ”, on peut réciproquement déduire que le local c’est l’universel avec des frontières, des limites, des zones tampon, des passeurs, des interprètes et des traducteurs (21) ».

 

Provocateur à souhait, Le Lys Noir aime saluer le modèle ruraliste autoritaire des Khmers Rouges. Or, mieux que l’ancien Kampuchéa démocratique, la conciliation réussie d’une relative décroissance à une exigence élevée de puissance politique, militaire et stratégique correspond parfaitement aux principes coréens du nord du Juche et du Songun. Surmont un embargo international draconien, la République démocratique et populaire de Corée s’est invitée d’office aux clubs très fermés des États détenteurs de la force nucléaire et des puissances spatiales (22).

 

Au risque de choquer encore plus les rédacteurs bien-pensants du mensuel La Décroissance, ces rêveurs d’un monde ouvert aux quatre vents, la décroissance n’est-elle pas finalement populiste, voire horresco referens poujadiste ? Admirateur du papetier de Saint-Céré, Rodolphe Crevelle pense qu’« aujourd’hui, Poujade serait peut-être décroissant; il plaiderait une honnête frugalité, la relocalisation, le commerce de proximité, l’agriculture biologique, le bio-carburant, la dénonciation des perversions de la grande distribution, le maintien des services publics en zone rurale, le “ small is beautiful ”, les gîtes ruraux, les maisons de pays et de terroir, la vente directe… (23) ». Nouvelle exagération de sa part ? Pas du tout, surtout si on comprend que « la décroissance est […] simplement une bannière derrière laquelle se regroupent ceux qui ont précédé à une critique radicale du développement et veulent dessiner les contours d’un projet alternatif pour une politique de l’après-développement. Son but est une société où l’on vivra mieux en travaillant et en consommant moins (24) ».

 

smalla2.jpgPour une question d’efficacité, une économie élaborée sur des mesures décroissantes ne peut être que d’échelle nationale ou continentale en étroit lien organique avec les niveaux (bio)régional et local. Il ne faut pas omettre que « le local n’est pas un microcosme fermé, mais un nœud dans un réseau de relations transversales vertueuses et solidaires, en vue d’expérimenter des pratiques de renforcement démocratique (dont les budgets participatifs) qui permettent de résister à la domination libérale (25) ». On réactualise une pratique politique traditionnelle : « L’autorité en haut, les libertés en bas ». Faut-il pour autant valoriser le local ? Non, répond le Comité invisible pour qui le local « est une contraction du global (26) ». Pourquoi cette surprenante défiance ? Par crainte de l’enracinement barrésien ? Par indécrottable altermondialisme ? « Il y a tout à perdre à revendiquer le local contre le global, soutient l’auteur (collectif ?) d’À nos amis. Le local n’est pas la rassurante alternative à la globalisation, mais son produit universel : avant que le monde ne soit globalisé, le lieu où j’habite était seulement mon territoire familier, je ne le connaissais pas comme “ local ”, le local n’est que l’envers du global, son résidu, sa sécrétion, et non ce qui peut le faire éclater (27). »

 

Associée à la crise économique et à l’occupation bankstériste, l’immigration de peuplement de masse en cours va de plus en plus perturber nos vieilles sociétés européennes. « La sombre invasion, constate Crevelle, est bien notre unique et dernière occasion de mouvement collectif brutal… Notre dernière chance de solidification des peuples contre l’État et les marchés… (28) ». Une décroissance identitaire et autarcique comme vecteur de révolution des identités ancestrales enracinées d’Europe, voilà une belle idée explosive !

 

Georges Feltin-Tracol

 

Notes

 

1 : dans Libération, le 23 avril 2013.

 

2 : Christophe Guilluy, La France périphérique. Comment on a sacrifié les classes populaires, Flammarion, 2014, pp. 118 – 119.

 

3 : Marc Dem, « La fin des haricots », dans 70 contes rapides, Les éditions Choc, 1989, p. 52.

 

4 : Serge Latouche, Petit traité de la décroissance sereine, Éditions Mille et Une Nuits, coll. « Les Petits Libres », n° 70, 2010, p. 64.

 

5 : Idem, p. 65.

 

6 : Id., p. 65.

 

7 : Serge Latouche, Vers une société d’abondance frugale. Contresens et controverses sur la décroissance, Éditions Mille et Une Nuits, coll. « Les Petits Libres », n° 76, 2011, p. 72.

 

8 : Idem, p. 82.

 

9 : Id., p. 82.

 

10 : cf. Julien Freund, L’essence du politique, Dalloz, 2004. On a déjà fait part de ces critiques politologiques dans Georges Feltin-Tracol, « Une revue quelque peu limitée », mis en ligne sur Europe Maxima, le 1er novembre 2015, et Georges Feltin-Tracol, « Petit traité de bioconservatisme », mis en ligne sur Europe Maxima, le 28 février 2016.

 

11 : Gaultier Bès (avec Marianne Durano et Axel Nørgaard Rokvam), Nos limites. Pour une écologie intégrale, Le Centurion, 2014, pp. 107 – 108.

 

12 : Raymond Aron, Mémoires, Julliard, 1983, p. 136.

 

13 : Rodolphe Crevelle, Mon cher entre-soi. Écrits politiques d’un activiste, Éditions des Lys noirs, 2014, p. 448.

 

14 : Idem, p. 439.

 

15 : Id., p. 486.

 

16 : Id., p. 489.

 

17 : Id., p. 98.

 

18 : Id.,  p. 453.

 

19 : Comité invisible, À nos amis, La Fabrique, 2014, p. 96.

 

20 : Rodolphe Crevelle, op. cit., p. 485.

 

21 : Serge Latouche, Petit traité de la décroissance sereine, op. cit., p. 76.

 

22 : cf. Georges Feltin-Tracol, « La Corée du Nord au-delà des  clichés », mis en ligne sur Europe Maxima, le 24 janvier 2016.

 

23 : Rodolphe Crevelle, op. cit., p. 16.

 

24 : Serge Latouche, Petit traité de la décroissance sereine, op. cit., p. 22.

 

25 : Idem, p. 77.

 

26 : Comité invisible, op. cit., p. 191.

 

27 : Idem, pp. 190 – 191.

 

28 : Rodolphe Crevelle, op. cit., p. 335.


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Chronique de film : « Les Saisons » de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud

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Chronique de film : « Les Saisons » de Jacques Perrin et Jacques Cluzaud

« Les Saisons » hymne profond de notre longue mémoire forestière

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

Sorti en salles le 27 janvier dernier, « Les Saisons » est le film indispensable pour tous les amoureux de la faune et de la flore forestières européennes, mais aussi pour tous ceux qui se placent dans le droit fil de notre longue mémoire.

Film de Jacques Perrin et de Jacques Cluzaud, « Les Saisons » sort du cadre classique du documentaire animalier pour aller vers le poème visuel et sonore. Retraçant l'évolution de la forêt européenne depuis l'ère glaciaire jusqu'à nos temps actuels, en expliquant par la voix de Jacques Perrin l'apparition des saisons qui marquent depuis des millénaires nos paysages et notre nature.

saisons-jacques-perrin-jerome-cluzaud-affiche-e1453789026543.jpgProcédant par touches impressionnistes, par une beauté visuelle, tout autant que sonore, « Les Saisons » se place dans le sillage de l'émerveillement permanent, de l'apologie de la beauté de notre nature. Grâce à une véritable prouesse technique, nous approchons au plus près des habitants de nos forêts, les voyant naître, grandir, mourir... A tel point que nous nous identifions aux cerfs, loups, lynx, ours, renards, sangliers et autres multiples espèces d'oiseaux qui constituent la diversité de notre faune, autant d'animaux qui font le bonheur des lecteurs de « La Salamandre » et de « La Hulotte ». Sans parler de la beauté des éléments (pluie, neige, vent, orage, aurore, crépuscule, nuit, pleine lune, etc.). Le film réussit également à nous montrer l'apparition des hommes au cœur de cette nature par petites touches comme si nous n'étions pas l'élément central de cette nature, mais l'un des hôtes.

« Les Saisons » est également une réussite car ce film évite le commentaire permanent et la musique sempiternelle, on découvre en effet la multitude de sons et de bruits que font la faune et la flore au cœur de nos forêts. Ce qui rend d'autant plus appréciables les commentaires de Jacques Perrin et les illustrations sonores qui tombent juste à chaque fois.

Ensuite, le film montre le déroulement des saisons par des touches infimes et surtout leur cycle permanent, une véritable leçon qui passe, là-aussi, par la beauté et l'émerveillement.

Il mérite d'être revu plusieurs fois et retrace notre forêt, notre flore et notre faune dans une longue mémoire, y compris celle des hommes qui rappellera aux lecteurs du CNC les œuvres de Dominique Venner, tant pour la chasse et la place symbolique qu'occupe le cerf dans ses œuvres, et même au sein du film, mais surtout pour la longue filiation humaine européenne. En évoquant qui plus est sources et divinités par touches, idem pour l'arrivée des monastères et des défricheurs présentée tout en nuances.

Pour autant « Les Saisons » montre là encore avec finesse comment les hommes ont changé leur rapport à la nature, pour la domestiquer, expliquant à la suite de Descartes que nous voyons désormais les animaux comme utiles ou nuisibles. Pour autant, le film n'oublie pas la poésie des gestes humains au cœur de cette nature.

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La dernière partie du film est proprement étonnante. Montrant des animaux, notamment des oiseaux, au cœur de la boucherie de 14-18, on voit un soldat français cesser son observation pour dessiner un oiseau ; scène qui évoque directement Jünger et ses récits de guerre. Ensuite nous sommes plongés en plein combat avec l'utilisation du gaz moutarde qui décime les animaux sur le front et nous assistons à l'utilisation actuelle de pesticides et insecticides dans les rangs d'arbre qui a pour conséquence la décimation de nos abeilles, ce qui infirme le greenwashing de certains sponsors du film (EDF, Center parcs, etc.). Enfin apparaît une jeune fille entrant avec précaution au cœur d'une forêt pour regarder avec émerveillement une biche et son faon. Là Jacques Perrin nous incite à retrouver notre part sauvage, avec une belle scène sur Paris. Et un énième survol de nos forêts par des oiseaux migrateurs...

Arnaud/CNC

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Le faux "roman vrai" d'un fasciste qui ne l'était pas

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Le faux "roman vrai" d'un fasciste qui ne l'était pas

Francis Bergeron

Article publié dans le n°41 de la revue Synthèse nationale cliquez ici

C’est une impression étrange que de lire la vie d’un homme qu’on a bien connu, ou que l’on croyait avoir bien connu, et d’en découvrir certaines faces cachées. C’est ce qui arrive avec la biographie de Christian Rol, intitulée Le Roman vrai d’un fasciste français. Car le fasciste portraituré s’appelle René Resciniti de Says.

René, « Néné l’élégant », on pouvait le rencontrer sans problème, et presque à tout coup, à la sortie de la messe de Saint-Nicolas du Chardonnet, ou lors de meetings de l’abbé de Nantes à la Mutualité, ou encore à l’occasion de réunions de l’Action française. C’était un « grand arpenteur des trottoirs parisiens », comme l’écrit Grégory Pons dans le numéro de juillet-septembre 2015 de la revue Eléments.

Le premier et principal défaut de ce livre, c’est son titre. En effet René Resciniti était royaliste. Il ne pouvait donc pas être fasciste. Ses idéaux politiques et intellectuels n’étaient pas exactement ceux des militants groupusculaires se réclamant du fascisme. Dans ces années-là, les « fascistes » revendiqués comme tels ou qualifiables de cette étiquette qui, aujourd’hui, est considérée comme une injure, sur le plan légal, étaient rarissimes. Comme ils restent rarissimes actuellement. C’est que le fascisme est une doctrine, née en Italie, d’une scission du Parti socialiste tentée par l’autoritarisme et le patriotisme. René Resciniti se voulait aristocrate, sensible aux 40 rois qui ont fait la France. Et le socialisme lui était totalement étranger. De ce point de vue, un Montebourg, avec son passé socialiste, son culte de l’image (de son image), et son patriotisme économique affiché, répond bien mieux à la vraie définition du fasciste (au sens doctrinal, et non injurieux du terme).

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Mais revenons au militant royaliste Resciniti. Ce surnom « Néné l’élégant », sans doute a-t-il été employé plus tard, car à 20 ou 30 ans, dans ces années soixante-dix (il était né en 1951), il ne passait pas pour un prince de l’élégance. Et comme nous tous, il portait plus souvent le casque que le panama, et maniait plus fréquemment le manche de pioche ou le nunchaku que la canne de golf ou la cravache (sauf pour un usage détourné). Buveur, flambeur, il a traversé son époque en réussissant à ne jamais vraiment travailler.

Beaucoup d’entre nous le considéraient comme un personnage pittoresque, sympathique, aux fortes convictions et au courage physique indiscutable, mais finalement assez peu utile à la cause du trône et de l’autel. Une sorte de parasite, fatigant, à la longue. Car quand il était temps d’aller se coucher, lui voulait continuer à boire, et à parler. Mais encore une fois cette image date de quarante ans ou presque. Puis René eut quelques aventures, en Afrique, et au Liban. Nos routes se sont croisées à Beyrouth, en 1976, l’une de nos dernières rencontres.

Tandis que nous nous embourgeoisions progressivement (mariage, carrière, appartement, enfants, maison de campagne, bateau, ski, estomac, décorations et présidences…), René Resciniti, lui, semblait l’éléments fixe ; l’homme fidèle à ses idéaux de jeunesse. Immuable dans ses convictions – comme la plupart d’entre nous – mais surtout immuable dans son mode de vie.

Une rumeur qui enfle : Curiel, Goldman, c’est lui

rol9066121.jpgL’une de mes dernières rencontres avec lui a été au restaurant Les Ronchons, agréable lieu de rencontre de la « génération Occident ». Je ne me doutais pas qu’il nous quitterait quelques mois plus tard, en avril 2012.

A cette date, la rumeur avait commencé à filtrer sur le fait que les deux crapules staliniennes Henri Curiel et Pierre Goldman, chouchous de l’extrême gauche, magnifiquement liquidés en 1979, avaient été exécutés par René lui-même. Et si j’ai acheté Le Roman vrai d’un fasciste française, c’est en quelque sorte, pour me faire pardonner d’avoir douté de René. En fait le livre nous offre une version plausible de ces deux exécutions (4 mai 1978 et 20 septembre 1979).Et il est possible en effet que René Resciniti de Says (1951-2012) ait été le justicier masqué. Mais en même temps le récit reste imprécis. Le vrai héros est plutôt Pierre Debizet, fort probable commanditaire. Debizet, je l’ai connu, aussi, et interviewé pour Le Choc du mois : patriote intransigeant, gaulliste, malheureusement, mais partisan de l’Algérie française, néanmoins.

Après la lecture de la biographie de René Resciniti, le doute reste entier : fut-il oui ou non, le justicier qui liquida les deux assassins ? Mais le seul fait qu’on puisse se poser la question constitue déjà une sorte de prise de conscience que ce semi-clochard royaliste a été ou aurait pu être un authentique héros de la France française.

Le Roman vrai d’un fasciste français, par Christian Rol, La Manufacture de livres, 2015.

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Against Transcendence: Where Progressive Education Goes Wrong

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Against Transcendence: Where Progressive Education Goes Wrong

Thomas F. Bertonneau

Ex: http://peopleofshambhala.com

Modern education, taking it as an exemplary modern institution, fails, as we have seen, because it rudely repudiates the past and arrogantly proposes only to think forwards without first mastering the prerequisite skill of thinking, and therefore also of understanding, backwards.  The essential fact about thinking backwards is that, before the subject begins his movement towards mastery, he must acquire the requisite tools for doing so on faith; in other words, education being a movement from ignorance to knowledge, it can never justify itself in advance, but requires of the learner the equivalent of discipleship or wagering.  The learner must accept any number of premises and procedural formulas without understanding them, but on the understanding that those who have gone down the path before him have found them necessary and useful.  

My present thesis is related to my previous thesis, which was that “when higher education – or any phase of education – repudiates faith it repudiates its own character as education, the structure of education being identical with the structure of faith.”  I wish now to argue, while continuing the critique of the modern mentality carried out under that earlier thesis, that the structure of reality is the same as the structure of revelation, and when institutions repudiate revelation they repudiate their own raison-d’être, which is to constitute a meaningful human response to reality.

Because modernity rejects faith, it also rejects revelation.  It assigns revelation to the genre of religion, against which, to protect itself from what it regards as a bane, deadly to its reason and secularity, it raises a vehemently guarded cordon sanitaire.  An anecdote will suggest the degree of this vehemence and the glee with which it expresses itself.  The philosophy faculty of the college that employs me annually hosts an endowed lecture the purpose of which is to bring to campus someone currently feted by the philosophical community for his or her outstanding, or at any rate notable, work.  Some few years ago the invitation went to Dr. Eugenie Scott, director of the National Center for Science Education, whose mission entails standing vigilance over any attempt by “Creationists” and “Intelligent Design” advocates, those nemeses of Enlightenment, to infiltrate education.  That particular year, the orator was celebrating the NCSE’s then-recent legal victory (Kitzmiller v. Dover, 2005) against the “Creationist” and “Intelligent Design” menace in Pennsylvania.

In an auditorium before the entire Philosophy faculty, representatives of numerous other faculties, and no small number of enthusiastic undergraduates, the much-anticipated speaker repeatedly earned herself rounds of robust applause for rehearsing in detail two specifics of the legal outcome that the NCSE’s lawsuit had forced.  First, she and the NCSE had gotten a judge (yes, a judge) to decide what science is (applause); second, in consequence of this decision, a library came under compulsion to remove a particular book from the shelves (applause).  The complementary Power-Point presentation to the talk incorporated a graphic component that began as a plain map of the United States across which in sequence little fires began to appear – the Beltane orgies of “Creationism” and “Intelligent Design.”  This digital gimmick also earned an energetic outburst of hand-clapping.

The rule of irony never to explain itself will perhaps not suffer unduly by a temporary suspension, just for one paragraph.  The occasion in honor of the intellectual crusader, sponsored by a faculty of professional rationalists, resembled nothing so much as Revivalist anti-liquor meeting or a Blue-Stocking rally to keep that wicked pool hall out of town.  One half-expected a hysterical penitent to emerge from the audience, throw himself at the good doctor’s feet, and confess out loud that he had once fleetingly felt up the heresy – whereupon might he please receive absolution from “Sister Science” for his sin?  That the audience could not see itself in such a light suggests that its constituent members had descended from intellectual commitment to a set of propositions, whose persuasiveness they would still be willing to debate, to emotive espousal of a Manichaean dispensation that consists only of true-believers in the righteous cause and the great unwashed.  And yet insofar as those who applaud the authorization of judges to decide the scientific validity of claims are, indeed, modern liberals – that is to say, people who participate eagerly in the “deconstruction” of inherited, as they see it, falsehood – then they, themselves, are “Creationists.”

No one, after all, can deconstruct what has not previously been constructed.  Modern liberals are also conformists, unable to resist peer pressure.  On the occasion of the homiletic against “Creationism,” only two people in the auditorium withheld their approbation.

True, the reality in respect of which modern liberals are “Creationists” is the cultural, not the cosmological, reality; but it is precisely the cultural reality that most urgently concerns human beings – who over the millennia of their ongoing survival-experiment have created the webs of meaning that, if they never abrogated the cosmological reality, nevertheless stood in considerable tension with it, acknowledging that reality while enabling their creators to overcome the base elements of their animal nature through experience of the tension.  Modern liberals thus concede that culture is a transfiguring artifact.  They insist at the same time that nature is uncreated or that it is self-creating, but peculiarly they remain extremely reluctant to admit that the uncreated or self-creating nature is non-deconstructable.  They treat nature as though it was the same as culture although of course their theory of culture (“constructivism”) remains defective because it has no anchor in the concept of a self-stabilizing reality.  Modern liberals wish not to acknowledge that the nature, to which culture adapts itself, always by degrees of comparable failure or success, is fixed such that its structure precludes abrogation.  If modern liberals acknowledged that fact, which would entail acknowledging that there is a non-abrogatable, human nature, then their argument that culture is generically so plastic that people may construct it or deconstruct it as they please would become dubious, even untenable.

The uncreated or self-creating, but nevertheless fixed nature, one aspect of which modern liberals celebrate and another aspect of which they elide, has a peculiar relation to the human intelligence that attempts to understand and respond to it.  Either actively or passively that reality makes a demand.  It reveals itself, as it is and what it is, whether or not the apprehending subject-consciousness approves of its quiddity or not; and concerning the subject-consciousness’s approval, in fact, that same external and objective “is-ness” remains cold and oblivious, declaring itself without apology.  Like the river in the Jerome Kern song, it just keeps rollin’ along.  The uncreated or self-creating, but nevertheless fixed nature is thus functionally the equivalent of absolute nonnegotiable revelation, as invoked by religion.  That, incidentally, is how philosophy has seen it – from the Pre-Socratics to the Platonists, and, once again, from the Neo-Platonists and their Christian successors, right up to the incipiently Post-Christian Transcendentalists.  I return to my thesis: That the structure of reality is the same as the structure of revelation, and when institutions repudiate revelation they repudiate their own raison-d’être, which is to constitute a meaningful human response to reality.

51sAaPEUT7L._AC_UL320_SR228,320_.jpgThe philosopher of politics and history Eric Voegelin (1901 – 1985)  argued his impressive original of my own entirely dependent thesis in his massive study of Order and History (begun in 1956, carried forward in five volumes through to the 1980s).  In Volume I of the series, Israel and Revelation, Voegelin began famously by observing the paradox that “the order of history emerges from the history of order”: That is, humanity comes to terms with the world, including itself, forwards, by what Voegelin calls the “symbolization of truth”; but only backwards, historically, will a later society be able to sort out and re-codify the cumulus of symbolizations “adequately,” thereby arriving at an “intelligible structure.”  Voegelin argues, however, that the beginning of the process, where symbolization remains “compact,” and the later discernment of the “intelligible structure,” have the same revelatory, and in context the same entirely valid, character.  Hesiod’s cosmo-theology in his Theogony would thus be as valid an attempt to come into “attunement” with reality as Heraclitus’ Logos of three hundred years later.  That the Logos-philosophy is also an advance over the Theogony, a movement from compactness to articulation, never undoes Hesiod’s achievement

Voegelin sees the human situation as “paradoxical.”  The reality that becomes a phenomenon, literally a shining-forth, for consciousness is, on the one hand, “a datum of experience insofar as it is known to man by virtue of his participation in the mystery of its being”; but it is also “not a datum of experience insofar as it is not given in the manner of an object of the external world but is knowable only from the perspective of participation in it.”

It belongs to Voegelin’s theory that societies form themselves according to a powerful founding vision, each of which constitutes a “leap in being” for consciousness, as it develops along the axis of history.  It so happens that the earliest self-articulating and self-reporting societies, the ones that began to put themselves in evidence at the cusp of the Neolithic and Early Bronze Ages, drew their institutional structure from the powerful impression made by the heavens on human observation.  These are the “cosmological societies,” based on what Voegelin calls “the cosmological myth,” familiar from the examples of Mesopotamia and Egypt but found also in the Far East and in Meso-America.  Voegelin remarks importantly that “the cosmological myth arises in a… number of civilizations without apparent mutual influences.”  Wherever the myth appears and forms the basis of the subsequent society, the experience that gives rise to it is the same, and this generic homogeneity suggests that the experience is objective, not an arbitrary fantasy of some gullible subject.

In Israel and Revelation Voegelin writes, “The cosmological myth… is [a] symbolic form created by societies when they rise above the level of tribal organization.”  But what specifically is the “cosmological myth”?  It is the discovery and the subsequent symbolization of order in the celestial realm, taken as the unavoidable model for a reorganization of life in the human realm.  “When man creates the cosmion [the little cosmos] of political order, he analogically repeats the divine creation of the cosmos.”  More than that, however, as Voegelin explains, “the analogical repetition is not an act of futile imitation.”  Rather, the repetition is creative and arises from the intuition of “participating in the creation of order.”  The repetition is furthermore conditioned by humanity’s “existential limitations.”  Implicit in the emergence of the cosmological societies is the discovery of a human nature which must find “attunement” with cosmic nature.  “Attunement” is necessary because the cosmic reality that reveals itself to emerging consciousness is an inalterable quiddity that makes a demand.  Human nature is also an inalterable quiddity that makes a demand.

According to Voegelin, symbolization even in its early stages is aware of itself, as symbolization.  The symbol-makers consciously attempt to know the directly unknowable by way of analogy; they thus concede that something exists beyond the horizon of empirical knowledge that indubitably is while at the same time remaining a mystery, which men at best can only adumbrate, and yet to which they must maintain orientation.  As Voegelin puts it in his analysis of Mesopotamian myth, “Cosmological symbolization is neither a theory nor an allegory”; but rather “it is the… expression of the participation, experienced as real, of the order of society in the divine being that also orders the cosmos.”  Voegelin remarks that differences in symbolization never bothered the Mesopotamians of the contending city-kingdoms, who were capable of seeing that the other city’s gods were functionally and therefore essentially the same as their own; in the hydraulic empires there existed a noteworthy understanding of symbolic equivalency.  The image of extravagant spoils would have been thoroughly familiar to the Erechites, but the notion of a religious war would have struck them as nonsense.

When in The World of the Polis (1957) Voegelin turns his attention from the Near East, Egypt, and Israel to Hellenic civilization, he discovers a unique “leap in being” beyond the symbolism of cosmological compactness, but he cautions that the Greek insight into the structure of reality must not be characterized as abolishing the older insight.  The “leap in being” is not “progress,” understood in the modern, parochial sense; rather it absorbs the previous insight, without which it could not have sprung into existence.  Voegelin writes, “The philosopher must beware of the fallacy of transforming the consciousness of an unfolding mystery into the gnosis of progress in time” although that is typically what modern thinkers do when they invoke the “ultimacy” of their doctrines, “for such absolutism… involve[s] us in the Gnostic fallacy of declaring the end of history.”  Try to imagine any modern discourse without its Greek vocabulary.  It is impossible.  Modern people, despite their rejection of transcendence, still live in the reality opened up by the Ionian “leap in being,” but they are less and less able to penetrate that reality.

At the dawn of the Hellenic consciousness, which is also the dawn of Western consciousness, Voegelin places “the prophetic singers who experienced man in his immediacy under the gods; who articulated the gulf between the misery of the mortal condition and the glory of memorable deeds, between human blindness and divine wisdom, and who created the paradigms of noble action as guides for men who desired to live by memory.”  Hesiod never arrived at his idea of order by induction, nor did he deduce it syllogistically; he experienced it in the spontaneously self-organizing vision on Helicon that he reports in rich detail in the Invocatio of the Theogony.  That experience enabled Hesiod to find the previously concealed order in the chaotic mass of inherited lore about the world and the gods, to be the organizing voice of which the Muses had nominated him.

The later philosophical development of the Homeric-Hesiodic theo-anthropology, whose earliest manifestation comes with Parmenides and Heraclitus, also originates in intuitions of order that deserve the epithet of prophetic.  Concerning Heraclitus, Voegelin insists on the “deliberateness and radicalism” of his inquiry.  Heraclitus discovered nothing less than a new dimension of human nature, the daimon or soul, the faculty wherewith the subject kens the sophon or wisdom in reality and comes into transcendent communion with the Logos.  The Logos meanwhile is the principle that establishes the Order of Being; and which, one of the surviving fragments says, both does and does not wish to be called by the name of Zeus.  According to Voegelin, while Heraclitus carried on the speculation of the Milesian physicists, and while his book must have included a cosmology, the Heraclitean Being should not be confused with the cosmos, which functions as its signifier in the constitution of the great sign.  The Heraclitean Being is a level of order transcending the cosmos of mere things.

In Voegelin’s view, Heraclitus’ subordination of cosmology to ontology adds up to a towering achievement.  Heraclitus, writes Voegelin, “speaks of the Logos, meaning his discourse; but this Logos is at the same time a sense or meaning, existing from eternity, whether proclaimed by the… literary Logos or not.”  Unless cosmology were animated by the reservoir of meaning that the soul senses as lying beyond the congeries of mere things, its inquiry would be a futile activity; cosmology would be an endeavor of description without orientation or purpose.  In Heraclitus’ vision, Voegelin continues, “the cosmos… is nature in the Milesian sense and, at the same time, it is the manifestation of the invisible, universal divinity; it is a universe given to the senses and, at the same time, the ‘sign’ of the invisible God.”  Two thousand years later, Johannes Kepler sustained the same conviction, as his Mysterium Cosmographicum (1596) attests.  To restate the first part of my thesis: The structure of reality is the same as the structure of revelation

These surveillances permit a re-visitation of the event that I discussed at the beginning of the present essay, the public lecture, sponsored by a university Philosophy faculty, during which the lecturer garnered plaudits for insisting that the cosmos is non-intentional and that those who would impute intentionality to it are destroyers of science whom the law should suppress.  What a descent from Herr Kepler!  What a descent from Heraclitus!  But we must check ourselves.  The guardians of scientific orthodoxy including the vigilant all-sniffing lady-proboscis, not to mention the Philosophy faculty of a state university and many faculty-members from other departments, are all more intelligent, perceptive, and educated than the gnomic Ephesian or his star-gazing spiritual descendant of the Reformation.  They are critical thinkers.  The present, being the culmination of progress, obviously possesses of a type of knowledge unavailable to the benighted ages, whose mentality at whatever degree of articulation modernity has obviated.  Modernity disdains to call this superlative knowledge, held in absolute certainty, truth, because it rejects the concept of truth, but it nevertheless believes what it believes with adamant conviction.

51vG5BZQZxL._SX332_BO1,204,203,200_.jpgThe knowledge which scientistic Puritanism so aggressively publishes, and which the Philosophy faculty so vigorously applauds, is a peculiar but typically modern species of knowledge.  It is less a positive assertion of anything than it is a denial or, better yet, a denunciation of a longstanding prior assertion, and as such its character is largely if not entirely negative.  Such knowledge is not sufficient by itself, offering its theses for impartial examination, but rather it requires a public performance to validate it.  It must sweep up the crowd into a mood of unanimity.  Such a performance, its rationalistic appurtenances notwithstanding, is essentially a cultic ritual: The spokeswoman’s presentation corresponded to an archaic exorcism, whose action banishes the smut of profanation from the boundaries of the community.  And what specific bane fell under banishment?  “Creationism,” according to the organization’s website, “refers to the religious belief in a supernatural deity or force that intervenes, or has intervened, directly in the physical world.”  In sum, matter, in its uncreated purity, must never be contaminated by spirit.  But why should an inversion of the classic Gnosticism, which remains Gnostic for all that it is an inversion, be a requirement?

If the universe had an author, if it were created rather than uncreated, its structure would be authoritative; its order would be that of an intentional and immutable creation whereupon all modern utopian schemes that depend on the premise that nature may be deconstructed and reconstructed however one likes would appear in the fullness of their common petulant impossibility.  The scientistic assault on Transcendence resembles what Voegelin, in The Ecumenic Age (1965), identifies as the Gnostic rebellion against reality.  Because a certain type of mentality responds to any limitation, including the natural limitations, with irrational resentment, the entirety of nature can become an object of rage and vituperation.  The quintessentially modern campaign of de-symbolization is tantamount to the new creation of an illusory but comforting “second reality” in which the limitations inherent in the Order-of-Being disappear and men begin, as they believe, to correct the intolerable structure of reality.  I end by reiterating and slightly modifying the second part of my thesis: When institutions repudiate revelation, which is the same as the Order of Being, they repudiate their own raison-d’être, which is to constitute a meaningful human response to reality.

Thomas F. Bertonneau earned a Ph.D. in Comparative Literature from the University of Califonia at Los Angeles in 1990. He has taught at a variety of institutions, and has been a member of the English Faculty at SUNY Oswego since 2001. He is the author of three books and numerous articles on literature, art, music, religion, anthropology, film, and politics. He is a frequent contributor to Anthropoetics, the ISI quarterlies, and others.

mardi, 08 mars 2016

Weekend Alsace

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16:04 Publié dans Evénement | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : événement, italie, alsace, gastronomie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook