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mardi, 18 février 2020

Macron et la « westlessness » à Munich

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Macron et la « westlessness » à Munich

Ex: http://www.dedefensa.org

 
 

À Munich avait lieu l’annuelle conférence anciennement et poétiquement connue (du temps de la Guerre froide) sous le nom de la Wehrkunde. D’habitude, il s’agit d’un festival de certitudes cliquetantes et de roulages d’épaules des principaux partenaires des USA, le nid de l’atlantisme regroupé en rang et au pli du pantalon autour des envoyés des USA approbateurs, en faveur de la puissance de l’OTAN et du  bloc-BAO en général, du suprémacisme occidental. L’argument pèse son poids, il va du char de combat et des bombes intelligentes aux valeurs de la civilisation et à l’indépassable démocratie occidentale.

Cette fois-ci, ce fut un peu différent. Divers orateurs geignirent considérablement en constatant que les nationalismes des divers membres du bloc-BAO, pimentés d’un zeste de protectionnisme et d’une pincée d’égoïsme isolationniste, compromettaient gravement la cohésion de l’ensemble. La commentatrice de l’excellente gazette-sur-site RT.com, Helen Buyinski, a parfaitement raison de remarquer que les geignards qui ont développé ce thème confondent cause et conséquence, comme à l’habitude. Elle prend le cas des pays européens par rapport à l’UE, mais le cas vaut universellement pour les pays du bloc-BAO, dans tous les comportements de leurs activités, et particulièrement dans celui de l’affirmation d’une suprématie qui n’est plus qu’une vieille coquille vide du passé

« Les pays Européens présents à la Conférence de Munich sur la sécurité qui accusent le “nationalisme” du déclin de l’Occident confondent la cause et l’effet. Ce sont leur caricatures vide et contraignante du « ibéralisme » qui fait fuir les pays européens [du rassemblement institutionnel qu’est l’UE] vers le nationalisme ».

Et Buyinski enchaînent à propos du « Westlessness », néologisme anglo-saxon, ou anglicisme si l’on veut, quasiment intraduisible sinon par une expression vaguement significative mais avec une certaine ambition dialectique, selon l’idée du « moins d’occidentalité », – et qui ferait mieux, pour résumer le propos, d’aller voir du côté de Spengler et de son Déclin de l’Occident… C’est effectivement ce que font les organisateurs de la conférence, qui ont effectivement  suscité cet anglicisme en le présentant comme thème de la conférence en sollicitant la référence spenglerienne, sans doute inspirés par les déclarations audacieusement iconoclastes du président français Macron :

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« Un anglicisme, créé et mis en avant dans le rapport introductif de la Conférence de sécurité de Munich-2020, est présenté non seulement comme le thème de cette conférence, mais également comme la synthèse de la situation actuelle de l’Occident : il s’agit du concept de « westlessness ». Ce terme, analysé en profondeur et avec des références dès le début du rapport présentant la conférence, peut se définir par « un sentiment généralisé de malaise et d’agitation face à l’incertitude croissante quant à l’objectif d’un Occident durable », soit une version modernisée des thèses de l’essai « Le déclin de l’Occident »’ du philosophe conservateur allemand Oswald Spengler (1880-1936).

Le rapport précise ensuite : « Des changements de pouvoir de grande envergure dans le monde et des changements technologiques rapides contribuent à un sentiment d’anxiété et d’agitation. Le monde devient moins occidental. Mais plus important encore, l’Occident lui-même peut aussi devenir moins occidental. C’est ce que nous appelons « Westlessness ».

Là-dessus, les philosophes se sont affrontés, – à savoir le secrétaire d’État Mike Pompeo et le président Macron. Leurs  deux discours semblaient être comme une joute verbale du tac au tac, autour de cette idée antagoniste du « Je suis en déclin, moi non plus ».

« Je suis heureux d’annoncer que la mort de l’alliance transatlantique a été prématurément annoncée. L’Occident est en train de gagner, nous gagnons collectivement et nous le faisons ensemble », a déclaré Mike Pompeo, samedi à la Conférence sur la Sécurité de Munich… […], dans une allusion à peine voilée aux célèbres remarques du président français Emmanuel Macron sur la « mort cérébrale » de l’OTAN.

Les nations « libres » ont tout simplement plus de succès que tout autre modèle qui a été essayé dans l’histoire des civilisations », a-t-il déclaré, en faisant remarquer que les migrants fuient vers l’Europe, et non vers Cuba, et que les gens vont étudier « à Cambridge et non à Caracas » tandis que les entreprises sont ouvertes dans la Silicon Valley et non à Saint-Pétersbourg ».

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Macron est intervenu après Pompeo. Manifestement, il a voulu lui répondre, comme Pompeo avait prétendu répondre à Macron, bref on s’échange quelques petites piques selon les règles du marquis de Queensbury. Entêté, le Français n’a voulu céder en rien à son interlocuteur américaniste, lequel n’était en plus, ou en moins, point de son rang… Le Français l’a fait indirectement, en s’adressant à ses partenaires européens, parce que pour lui la situation des USA n’est pas la même que celle de l’Europe, – belle trouvaille, – parce que l’Europe est dans le même espace continental que la Russie, et pas les USA, – observation judicieuse.

« L’Europe « devient un continent qui ne croit plus en son avenir », a-t-il affirmé, avant de proposer une vision beaucoup moins optimiste du monde occidental.

Il y a en effet un affaiblissement de l’Occident. Il y a 15 ans, nous pensions que nos valeurs étaient des valeurs universelles, qu’elles domineraient toujours le monde, et nous étions dominants en termes de technologie militaire, etc ».

Mais dans le monde d’aujourd’hui, « les valeurs ont changé » et de nouvelles puissances sont apparues, a dit M. Macron, en particulier la Chine et la Russie.

J’entends la défiance de tous nos partenaires [vis-à-vis de la Russie], je ne suis pas fou. Mais il est vrai qu’être défiant et faible à la fois… ce n’est pas une politique, c’est un système complètement inefficace », a insisté Macron. Il a observé qu’il y a toujours « un deuxième choix », ici reprendre le dialogue avec Moscou, – « aujourd’hui nous parlons de moins en moins, les conflits se multiplient et nous ne sommes pas capables de les résoudre ».

C’est toujours le même rythme, la même stratégie du « en même temps » chez Macron, et aussi bien dans sa réflexion stratégique. Ainsi parle-t-il notamment des sanctions antirusses, pour déplorer qu’elles participent au gel d’une situation qui interdit le dialogue tout en coûtant aussi cher, sinon plus cher à l’Eutrope-sanctionneuse, qu’à la Russie-sanctionnée. Et pourtant dit-il subrepticement, mais on retiendra surtout ce coup d’arrêt, et pourtant « je ne propose pas de les lever, je fais juste le constat ».

« Nous avons accumulé les conflits gelés, les systèmes de défiance, des sanctions qui n’ont absolument rien changé en Russie, je ne propose pas du tout de les lever, je fais juste le constat…[…] Nos sanctions et les contre-sanctions nous coûtent aussi cher, à nous Européens, si ce n’est plus, qu’aux Russes ».

Président « en-même-temps », Macron clame haut et fort que les sanctions sont une sottise mais surtout, surtout, – « n’allez pas croire que je propose de cesser cette sottise, je la constate simplement ». Il y a là-dedans, quel que soit le rapport de force que les experts du Quai d’Orsay mesurent avec leur calculette, comme une faiblesse grave de la volonté, une infécondité du caractère.

Curieusement, alors que l’évidence ne manque pas de nous dire que la France a gagné, avec le départ de l’UE du Royaume-Uni, une position stratégique dominante en Europe notamment comme unique puissance nucléaire, il y a comme une étrange pusillanimité, – « je suis le plus fort en Europe, mais n’allez pas croire que je veux me servir de cette position, je la constate simplement ». Non seulement, il n’en fait que le constat sans vouloir en faire un instrument de pression pour ses conceptions, – s’il en a, et dans le bon sens, – mais en plus il se précipite pour expliquer aux Allemands qu’il va faire tout son possible pour leur faire croire qu’il leur donne une sorte de participation dans le constat de cette puissance nucléaire, comme si les Allemands pouvaient s’en croire également les récipiendaires, oubliant cette règle d’or que le nucléaire ne se partage pas, – un seul bouton, un seul doigt.

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Macron pousse le « enmêmetempisme », nouvelle doctrine postmoderne, jusqu’à faire déployer une poignée de soldats français sur les frontières russes des pays baltes, pour convaincre ces importants partenaires stratégiques, à la politique si complètement équilibrée, qu’il faut aussi soutenir la France dans son intérêt quasi-exclusif pour le seul vrai danger, sur sa frontière Sud. (Et sur son Ouest, dito les États-Unis.)… « En même temps », il faut expliquer aux Russes que ce déploiement des forces françaises sur leur frontière occidentale, dans le cadre de l’OTAN lourdement tenu par les américanistes et les amis-polonais, est tout ce qu’il y a de plus amical ; une sorte de main tendue à la Russie, en signe d’amitié si l’on veut.

« En même temps », effectivement et même évidemment, Macron est plus que jamais partisan d’une architecture européenne de sécurité avec la Russie, la recherche d’un développement de « règles du jeu dans un espace partagé ». Pour autant, c’est-à-dire « en même temps », Macron n’est pas un naïf, et on ne la lui fait pas ; il sait tout de la duplicité de la Russie, et il y a même des députés de LaREM à Paris, qui constitue une redoutable escadrilles à cet égard, pour évoquer la Russie à propos du revers stratégique terrible du dévoilement des ébats intimes de Griveaux, – car il y a  du Russe dans l’affaire, comme chacun sait, Piotr Pavlenski, qui est en plus un anti-Poutine, c’est tout dire

« Je pense [dit le président] que la Russie continuera à essayer de déstabiliser, soit [via] des acteurs privés, soit directement des services, soit des « proxies », estimant que Moscou continuerait d’être « un acteur extrêmement agressif » dans ce domaine. « Mais il faut se méfier, il n’y a pas que la Russie, il y a beaucoup d’autres pays », a-t-il déclaré ».

En même temps (suite), « il y a beaucoup d’autres pays »… Lesquels ? demanderont sans doute les Russes, intéressés au moins par politesse.

L’Otan prépare son déploiement au Moyen-Orient élargi

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Stoltenberg s'entretenant avec des militaires irakiens

L’Otan prépare son déploiement au Moyen-Orient élargi

Ex: http://www.zejournal.mobi

En définitive, ce devrait bien être l’Otan qui investira le monde arabe après le retrait du CentCom (Commandement central des États-Unis au Moyen-Orient). L’Allemagne pourrait jouer le rôle de leader au sein de l’Alliance.

Le secrétaire général, Jens Stoltenberg, espère :

  1. déployer l’Alliance en Tunisie et faire durer éternellement la guerre en Libye ;
  2. déployer l’Alliance en Irak et en Jordanie et faire durer éternellement la guerre en Syrie.

Le 1er février 2020, la Turquie s’est soudainement rapprochée de l’Otan dont elle est membre et est entrée en conflit avec la Russie en Syrie. Elle a en outre repris le transfert des jihadistes de Syrie vers la Libye via la Tunisie.

Le 12 février 2020, les ministres de la Défense de l’Otan ont décidé, dans un premier temps, de renforcer leur « mission d’assistance » en Irak bien que le Parlement irakien a exigé le retrait des troupes étrangères.

Jens Stoltenberg prépare ce plan depuis plus de six mois. Ainsi a-t-il conclu des accords secrets avec le roi Abdallah de Jordanie et le ministre tunisien des Affaires étrangères qu’il a longuement reçus à Bruxelles.


- Source : Réseau Voltaire

lundi, 17 février 2020

Michel FOUCHER : Le retour des frontières

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Michel FOUCHER : Le retour des frontières

 
 
 
Le géographe et ambassadeur Michel Foucher présente une vaste réflexion sur "Le retour des frontières", titre d'un ouvrage qu'il a publié chez CNRS éditions (2016). Signalons qu'il vient de publier un remarquable numéro de la Documentation photographique : "Les frontières", CNRS éditions 2020 (n°8133). C'est à cette occasion, et en soutien aux enseignants de spécialité HGGSP que Diploweb met en ligne cette vidéo d'une conférence conduite en 2016, en partenariat avec GEM.
 
Extrait du résumé par Joséphine Boucher pour Diploweb.com Qu’est-ce qu’une frontière ? Lorsqu’elle est internationale, c’est une institution. Bien plus qu’une simple ligne de sable ou une crête de montagne, elle fait l’objet de traités et est soumise à un processus défini, du dépôt du dossier du traité de délimitation aux Nations Unies aux démarcations sur le terrain par des commissions dédiées. Il s’agit donc d’une véritable institution du droit international qui sert à définir et à délimiter le périmètre de l’exercice d’une souveraineté étatique. À la frontière s’exercent de multiples fonctions de souveraineté, juridiques, régaliennes, fiscales, douanières, qu’elles soient réelles ou plus symboliques.
 
C’est l’un des paramètres de l’identité collective et de la citoyenneté, et qui permet au plan symbolique de distinguer le dedans et le dehors, lesquels sont des éléments constitutifs de toute communauté humaine. Il y a là deux aspects fondamentaux de la question de la frontière, à savoir la question des limites et celle de l’attachement, de l’appartenance symbolique à une collectivité.
 
C’est d’ailleurs l’une des difficultés de ce malaise de la construction européenne comme acteur stratégique et politique, suite à ce refus de définition. L’Union européenne n’est en effet pas capable de politique extérieure car elle n’a jamais défini la limite entre le dedans et le dehors, sa seule politique extérieure étant celle de l’élargissement. Après avoir défini ce qui fait une frontière, qu’en est-il désormais du retour des frontières ? Il s’agit en fait d’une nouvelle visibilité de ces tracés, même si, rappelons-le, l’invisibilité n’est pas synonyme d’effacement. À cette étape, il convient de déconstruire les idées fausses qui ont pu être émises sur les frontières.
 
La première est celle du discours d’un monde sans frontières permis par une globalisation néo-libérale. Toute régulation serait un obstacle, la politique et les Etats seraient des freins à la bonne marche de l’économie, et au gouvernement se substituerait la gouvernance, c’est-à-dire gouverner sans politique. Or aujourd’hui, les phénomènes de dé-mondialisation et le retour d’un certain protectionnisme témoignent d’une volonté de se protéger, qui n’est pas forcément, rappelons-le, un cloisonnement. L’autre dérive sur la problématique frontalière était d’assimiler la question des frontières à la barrière, au mur, en particulier anti-migratoire. Il est important de ne pas confondre migrations et frontières.
 
La deuxième partie de cette conférence a été construite pour aborder l’actualité de ces questions de frontières via une chronique et des exemples de diverses régions du monde, afin de repérer à partir de différentes sources ce qu’il s’y passe concrètement, pour en faire une analyse et en tirer des enseignements plus généraux sur la réaffirmation des frontières. (...) Enfin, il convient de s’intéresser plus particulièrement à la problématique du voisinage européen, et ce aussi au-delà des questions migratoires. Aucune autre région du monde n’a un tel environnement stratégique. En effet, en cartographiant précisément les conflits sur la base objective des rapports réguliers de l’ « International Crisis Group », il apparaît que sur les 75 conflits, crises graves et guerres ouvertes répertoriées par l’ONG dans le monde au printemps 2016, 85% se trouvent dans un rayon de 3 à 6 h de vol de Paris. Les questions frontalières jouent de fait à 3 échelles : nationale, infra-nationale et régionale. (...)
 
Pour conclure, ce retour des frontières dans les faits et dans les consciences est une bonne nouvelle, à condition d’en user avec discernement. Si abolir des frontières revient à faire disparaître des Etats, les franchir aisément ne les annule pas. La frontière, invention humaine, est aussi un refuge et une ressource pour qui vit des différences et peut élaborer des micro-stratégies. Le retour des frontières est certes un phénomène avéré aujourd’hui, mais il ne signifie pas pour autant le repli sur soi ; la bonne frontière est la frontière agréée ouverte, et pas le refus du monde ni la négation ultra ou néo-libérale de l’importance symbolique et réelle des frontières. Où placer le curseur entre solidarité et responsabilité ? Entre liberté et sécurité ? Ce sont là de véritables difficultés et questions à se poser actuellement. Donnée politique inscrite dans l’espace, la frontière est donc un sujet véritablement et éminemment politique.
 
Images et montage : Fabien Herbert

Bundesregierung im Krieg gegen die heimische Industrie

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Bundesregierung im Krieg gegen die heimische Industrie

Ex: https://kopp-report.de

»Umweltkiller Auto« und Energiekonzerne, die nicht als lebensnotwendige Versorger der Bevölkerung dargestellt, sondern gezielt als Umweltzerstörer diffamiert werden: Die Reihe deutscher Industriekonzerne, die dem Machterhalt der Bundesregierung geopfert werden, nimmt selbstzerstörerische Ausmaße an.

Mit dem Siegel »Made in Germany« versuchte Großbritannien Ende des 19. Jahrhunderts deutsche Importware als vermeintlich billig und minderwertig zu diskreditieren. Doch der Schuss der Briten ging buchstäblich nach hinten los. Nicht zuletzt dank einem damals noch weitestgehend intakten Bildungssystems und der daraus resultierenden deutschen Ingenieurskunst sowie traditionellen Handwerksbetrieben wurde »Made in Germany« zu einer einzigartigen Erfolgsgeschichte. Dass ausländische Kräfte, wirtschaftliche Konkurrenten und eigentlich befreundete Staaten alle Hebel in Bewegung setzen, um die weltweit führende Exportnation zu schädigen, mag bis zu einem gewissen Grad nachvollziehbar sein – dass deutsche Politiker die eigene Wirtschaft diesen Kräften jedoch widerstandslos ausliefern, ist schlicht ein Skandal.

So setzt bekanntlich die USA europäische Länder und explizit Deutschland massiv unter Druck, damit der chinesische Telekomausrüster Huawei nicht am milliardenschweren 5G-Netzausbau beteiligt wird.

Als Grund wird die US-Administration nicht müde zu betonen, dass der chinesische Großkonzern der Wirtschaftsspionage nicht nur beschuldigt, sondern längst überführt sei.

Der massive Druck geschieht dabei aber nicht etwa aus Sorge um die Sicherheit Deutschlands digitaler Infrastruktur, sondern verfolgt in der Hauptsache das Ziel, den Zuschlag für den sensiblen Digitalausbau an US-Konzerne sicherzustellen.

Spätestens nach den Enthüllungen des Whistleblowers Edward Snowden weiß die ganze Welt, dass US-Geheimdienste nicht nur den gesamten weltweiten Datenverkehr abhören, auswerten und sammeln, sondern dass die Dienste zudem über »Backdoors« bei den großen Techkonzernen verfügen. Zum Teil ist diese Zusammenarbeit zwischen der CIA und dem Silicon Valley sogar offenkundig. »In-Q-Tel« heißt der Risikoinvestment-Arm der CIA. Ganz offen investiert der US-Geheimdienst so in Datenanalyse-Firmen aus dem Silicon Valley. Neben Beteiligungen bei Google und Facebook gerät immer mehr das Geheimdienstinvestment bei der Big-Data-Firma Palantir ins Blickfeld der Öffentlichkeit.

In Amerika werden dadurch bereits Informationen von Militär, Geheimdiensten und aus Polizeidatenbanken miteinander vermischt und zur Aufstandsniederschlagung in Afghanistan und dem Irak, sowie im Kampf gegen den islamistischen Terrorismus und zur Kriminalitätsbekämpfung, eingesetzt. »Gotham« heißt das umstrittene Programm der CIA-Firma. Gotham City ist bekanntlich die Stadt, in welcher der Superheld Batman auf Verbrecherjagd geht. Hier wird ein dystopisches Bild von New York City gezeichnet, einem zukunftspessimistischen Szenario einer in Gewalt, Verbrechen und Korruption untergehenden Gesellschaft. Im 21. Jahrhundert stemmt sich jedoch kein Superheld gegen dieses Untergangsszenario, sondern die CIA mit ihrem Silicon-Valley-Unternehmen Palantir.

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Anstatt mit Muskeln und Kampftechniken werden die Kriege heutzutage mit Terabytes ausgefochten. Mit einer einfach zu bedienenden Suchmaske kann zu jedem einzelnen Knotenpunkt ein eigenes Netzwerk erstellt werden.

Der Firma werden regelrechte Superkräfte nachgesagt: So enthüllte der US-Kriegsreporter Mark Bowden, dass deren Software die Geheimdienste letztlich auf die Spur des seit Jahren untergetauchten Osama Bin Laden geführt habe. Und das Schneeballsystem des Milliardenbetrügers Bernie Madoff soll das Analyseprogramm aus 20-Terabyte-Daten innerhalb weniger Stunden rekonstruiert haben. Das Programm Gotham ist eine riesige Rasterfahndung, die Massendaten aus dem Internet, überwachte Telekommunikation, Kontobewegungen, staatliche Register und Archive sowie Bewegungsprofile analysiert und zusammenführt. Kritiker befürchten, dass die CIA-Investments bei Google und Facebook genau diesem Zweck dienten, nämlich durch die Hintertür Zugriff auf riesige Datenberge zu erlangen und mit Hilfe der Spionage- und Analyseprogramme von Palantir entsprechend auswerten zu können. Bei der Polizei in Hessen wird die Spionage-Software bereits genutzt und Anfang Januar 2020 gab auch die Polizei in Nordrhein-Westfalen bekannt, zukünftig die umstrittene Software einzusetzen. Der anfängliche Auftragswert liegt bei 14 Millionen Euro.

Wirtschaftskrieg gegen Deutschland

Volkswagen, Deutsche Bank und Siemens sind Beispiele, wie mit gezielter Wirtschaftsspionage durch die Amerikaner der deutschen Wirtschaft geschadet wird. Erst werden unzählige Betriebsgeheimnisse wie Patente und Antriebssysteme abgeschöpft, um dann Milliardenstrafen gegen erfolgreiche Konkurrenten auf dem Weltmarkt zu verhängen. Das perfide Gebaren der US-Geheimdienste folgt stets demselben Muster. Auch dies sind Erkenntnisse der Snowden-Enthüllungen über die globale und verdachtsunabhängige Überwachung und Speicherung milliardenfacher Daten auf Vorrat.

51Ur3UtclEL._SX318_BO1,204,203,200_.jpgDurch komplexe Überwachungssoftware wie PRISM, Tempora und XKeyscore werden diese Datenberge sodann von der NSA durchforstet und mit der CIA und anderen Behörden gemeinsam weiter verwertet.

Schließlich kann die NSA, mit illegal beschafften Daten, die Deutsche Bank nicht vor einem New Yorker Gericht auf Milliardensummen verklagen. Und so überlässt die NSA die illegalen Daten dem US-Justizministerium und der US-Börsenaufsichtsbehörde SEC, die dann bei »eigenen« Ermittlungen ganz genau wissen, wo es was zu suchen bzw. zu finden gibt.

Die SEC ist befugt, gegen alle in den USA börsennotierten Unternehmen zu ermitteln.

Zuerst waren die Ermittlungen auf Insiderhandel und Betrug begrenzt, nach 9/11 wurden der Behörde durch den Patriot Act jedoch noch weitreichendere Befugnisse zugesprochen.

Auch hier wurden die erheblichen Kompetenzerweiterungen offiziell mit einer angeblichen Terrorbekämpfung und mit dem Verdacht von Embargo-Verletzungen begründet. Dieses Vorgehen, wie im Fall der Deutschen Bank, ist noch nicht lückenlos bewiesen, aber auch Dr. Gert-René Polli, Gründer des österreichischen Bundesamts für Verfassungsschutz, hält diese These für »allemal plausibel«.

Im Zuge der Finanzkrise um den Handel mit Immobilienkrediten, die zu Paketen geschnürt und weltweit gehandelt und somit verkauft wurden, den sogenannten »mortage-backed securities«, geriet die Deutsche Bank ins Visier der amerikanischen Dienste und Behörden und musste schließlich in den USA eine Geldstrafe in Höhe 11,75 Milliarden Dollar berappen.

Auch weitere US-Sanktionen gegen deutsche Firmen (und gegen Russland) ordnet der Chefvolkswirt der Bremer Landesbank, Folker Hellmeyer, als Teil eines Wirtschaftskrieges gegen Europa und Russland ein. Seine genauen Worte lauten:

»Wir befinden uns mitten in einem Wirtschaftskrieg.«

Während sich die Hiobsbotschaften in der deutschen Wirtschaft wie Meldungen über Massenentlassungen häufen, gerät die deutsche Industrie nicht nur unter massiven Druck globaler Gegenspieler, sondern die Bundesregierung selbst befeuert den Krieg gegen die eigene Industrie. So wurde das einstige Premiumprodukt deutscher Ingenieurskunst – das Automobil –, zuerst durch eine immens aufgeblasene Dieselschmutzkampagne beschädigt und anschließend pauschal als Umweltkiller diffamiert.

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Sonntag, 09.02.2020

L’art contemporain est le soft power planétaire

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L’art contemporain est le soft power planétaire

Par Maximilien Friche 

Ex: http://mauvaisenouvelle.fr


Le manifeste cannibale Dada de Francis Picabia disait en 1924 « L’honneur se vend et s’achète comme le cul. » Aujourd’hui le cynisme ne fait plus scandale, il est la règle qui régit tous nos rapports sociaux et humains. Dans son dernier ouvrage, Nouvelle Géopolitique de l’art contemporain, Aude de Kerros précise : « On ne parle plus de valeur intrinsèque d’une œuvre, mais de cote, d’indice monétaire. » (p8)

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Depuis longtemps maintenant, nous constatons l’arnaque intellectuelle et morale de l’art contemporain. Depuis longtemps, nous dénonçons la convergence des oppressions entre un Etat français dirigiste et une finance internationale globalisante, au profit d’un art unique conceptuel aux messages pseudo subversifs et véritablement progressistes. Depuis peu, nous avons pris conscience que l’art contemporain était devenu un art financier, une simple monnaie. Aude de Kerros nous rappelle d’ailleurs à ce titre que les conseillers financiers recommandent d’avoir dans son portefeuille d’actifs environ 20% d’art. La rentabilité de l’art est estimée à 8%. Aucun risque. Même si c’est moche, même si c’est idiot, et surtout si ce n’est pas de l’art, cela vaut le coup. C’est ce qu’elle appelle l’innocent argent de poche de l’hyperclasse (p13) et c’est aussi bien souvent la possibilité d’un blanchiment de l’argent du crime et du trafic de drogue. C’est surtout, concernant l’art conceptuel, le lieu du délit d’initiés permanent. L’hyperclasse se met d’accord sur la valeur d’une œuvre et l’œuvre a cette valeur. Attribuer un prix est du ready made sur du ready made finalement. C’est de l’art parce qu’on l’a décidé. De la même façon, cela vaut plus ou moins cher parce qu’on le décide.

Toutes ces prises de conscience, nous les devons entre autres à Aude de Kerros au travers de ces divers ouvrages dont L'art caché : Les dissidents de l'art contemporain ; Des révélations inédites sur l'art actuel et L'imposture de l'art contemporain : Une utopie financière. Mais comme le monde est entré dans son ère trotskyste des organisations et que tout change en permanence de peur que l’on ne s’aperçoive de la bêtise de ce qui existe, il faut rester en veille. C’est ce que fait Aude de Kerros en nous expliquant désormais La nouvelle géopolitique de l’art contemporain.

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New-York : seul l’art conceptuel permet d’imposer un arbitraire

Le livre s’ancre dans l’histoire en rappelant la guerre froide et l’invention du soft power américain. Tout est venu de la CIA et de la guerre froide. Le coup de génie a été de récupérer les artistes en les achetant finalement, en les transformant en valeur marchande. « Un artiste de gauche peut librement, par ses œuvres, exprimer ses idées, sa critique de la société, et en même temps être promu, acheté, institutionnalisé. » Nous avons là, en définitif le premier exemple d’« en même temps » machiavélique, bien avant que notre algorithme de président n’en abuse à tour de bras. Une hégémonie américaine a suivi l’effondrement du bloc soviétique. Les USA ont utilisé l’art contemporain comme une arme pour globaliser le monde et effacer les identités culturelles et civilisationnelles. En art, la globalisation impliquerait un processus de « décivilisation » ? Ce n’est pas une conséquence non souhaitée, mais un objectif revendiqué. Nathalie Obadia avoue que l’art contemporain comme soft power, est un outil indispensable à la paix dans le monde et à la concorde universelle. En gommant les civilisations, en standardisant la culture, on supprime selon cette idéologie le risque de guerre et on peut imposer cette autre dictature à visage humain. « New York souhaiterait exercer sans partage son pouvoir de consécration et d’exclusion, bref de décider seul les critères de “l’art contemporain”. Sans identité, sans esthétique, seul l’art conceptuel permet d’imposer un arbitraire. » (p137) Seulement, l’hégémonie passée, certaines civilisations peuvent prouver qu’elles ne sont pas mortes et il faut bien avouer que l’art contemporain s’essouffle, comme une éternelle et gâteuse avant-garde (p15). « La martingale dérision-mépris-sidération-confusion-inversion semble avoir atteint ses limites. » (p258)

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La Russie, la Chine : tant de vie !

Aude de Kerros montre qu’aujourd’hui la géopolitique de l’art contemporain est celle des places pétrolières, des grandes places financières et des Gafam. Pour autant, la géopolitique de l’art tout court, est plus complexe. Ainsi, alors que le marché de l’art contemporain est avant tout un marché de l’offre, la Chine s’inscrit, elle, dans un marché de demande correspondant davantage à un désir anthropologique. Et il faut bien avouer que le carcan conceptuel et froid aurait bien du mal à contenir tant de vie culturelle. De la même façon, en Russie, art contemporain signifie art libre et non uniquement conceptuel. La vie artistique n’y est quasiment pas subventionnée, donc quasiment pas contrôlée, elle est de fait plus créative, plus imprévisible. En Chine, la seule contrainte est la non critique ouverte du gouvernement, ce qui laisse tout de même beaucoup plus de possibilités d’expression artistique qu’en Occident.

Paris au service du soft power américain

« Paris depuis vingt ans ne sert plus sur le marché mondial que de présentoir publicitaire gratuit en offrant ses monuments pour exposer des produits en voie de cotation extrême. » (p57) Notre vocation est donc d’être la tête de gondole de l’art contemporain, la caution culturelle et intellectuelle d’un art qui en est intrinsèquement dépourvu. « La politique d’influence française met en permanence les institutions françaises au service du soft power américain. » Cet alignement officiel de l’Etat, cette soumission à la globalisation, n’a pas détruit l’art en France, il a simplement conduit les artistes à aller peindre dans leurs grottes. Ainsi existe-t-il depuis 1981 un art caché, sorte d’exception française. L’ironie fut que cet art caché français reçut un temps le soutien de la Chine avant que cette dernière utilise la route de la soie, pour mieux ceinturer les échanges et se concentrer sur ses frontières.

L’art contemporain sera multipolaire ou …

Pour Aude de Kerros, l’art contemporain international est devenu total : hybride, commercial, financier, intellectuel, juridique, monétaire, patrimonial, visant le succès populaire mondial, transcendant les cultures et les classes sociales. Le global kitsch et le flashy pop art a pris la tête des blue chips de l’art contemporain, embarquant le peuple dans l’achat de produits dérivés. » (p218) Et aujourd’hui les pays critiques vis-à-vis de cette globalisation qui nie les civilisations sont les anciens pays communistes. Ils se lancent dans la promotion de leur art civilisationnel. En effet, grâce aux œuvres d’art, l’identité des pays qui ont connu la guerre, le totalitarisme se recompose. « Paradoxalement, les arts civilisationnels, mis au ban du globalisme, sont aujourd’hui plus ouverts que l’art contemporain soumis à sa boucle d’asservissement financier. » (p258)

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On peut donc refermer ce livre avec un peu d’optimisme, car, derrière la globalisation, se cache la multiplication des soft power particuliers et enracinés. Qu’attend donc la France pour les rejoindre ? Aujourd’hui, l’art contemporain, l’art conceptuel, admet à ces côtés de l’art pour bénéficier de sa réputation. La peinture que l’on croyait perdue revient de ce double effet des soft power enracinés et d’un épuisement de l’art conceptuel. L’art est devenu un moment de l’art contemporain, pour paraphraser Debord qui savait que dans un monde où tout est faux, le vrai est un moment du faux.

dimanche, 16 février 2020

Mondialisation : le combat perdu d’Emmanuel Macron

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Mondialisation : le combat perdu d’Emmanuel Macron

 
 
par Jean Goychman 
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L’Histoire de l’Humanité n’est jamais figée dans le temps. Le jeu des puissances à la surface de la planète ne s’arrête jamais. Le Monde tel qu’il est apparu à la fin de la seconde guerre mondiale, consacrant l’hyper-puissance des États-Unis d’Amérique est en train de s’estomper et laisse apparaître une nouvelle organisation géopolitique.

Les mondialistes n’ont plus d’avenir

Cette phrase, prononcée par Donald Trump aux Nations Unies l’an passé, en écho du discours qu’Emmanuel Macron venait de tenir, dans le cadre d’une réunion sur le climat, mérite qu’on l’examine. Le cadre était loin d’être neutre, il s’agissait d’un « Sommet Climat » terme consacré à ces grand’messes mondialistes organisées sous l’égide de l’ONU afin de nous rappeler que, comme le disait Simon Linett en 2008 « le réchauffement anthropique est un problème mondial qui ne peut se résoudre qu’au niveau d’un gouvernement mondial.. »

Cette mondialisation a une apparence : celle d’une sécurité et d’une prospérité mondiales qui résulteraient de la généralisation d’un libre-échange planétaire dans lequel il n’existerait plus de raison de déclencher des guerres, le bonheur des peuples étant assuré. Dans la réalité, il s’agissait surtout de donner le pouvoir à une « élite », seule capable aux yeux des promoteurs de cette idée, de diriger le monde en contrôlant les leviers essentiels.

Pour arriver dans ce « paradis terrestre », il fallait progressivement faire disparaître les frontières, mais aussi les peuples et leurs identités culturelles.

La seconde tentative

Après l’échec patent de la Société des Nations, définitivement acté au début de la seconde guerre mondiale, ayant montré que, du point de vue de cette élite, les peuples et surtout la démocratie qui leur donnait le pouvoir politique étaient des obstacles dont il fallait s’affranchir. Après la seconde guerre mondiale et les massacres des populations (y compris civiles) qu’elle avait engendrée, l’heure devenait propice pour installer un pouvoir mondial qui garantirait la paix. L’Organisation des Nations Unies était une première étape. Mais il fallait trouver une sorte « d’appartement témoin » qui ferait la démonstration in situ de ce que pourrait être le monde futur. Particulièrement touchée par deux guerres successives, la population européenne était particulièrement sensible et il suffisait de dénoncer le nationalisme comme responsable des guerres. Le raisonnement était simple. Le nationalisme cause la guerre, faisons disparaître les nations. C’est sur cette base fausse que les théoriciens de l’Europe « intégrée » jetèrent leur dévolu. Pour « enjamber » les nations européennes,  le fédéralisme était l’objectif final, mais nécessitait une approche progressive. Ce fut la « politique des petits pas » chère à Jean Monnet, qui préconisait de multiplier les associations dans tous les domaines des pays européens, et en particulier la France et L’Allemagne. Créée avec l’aide vigilante du Département d’État, l’Allemagne fédérale, composée de « landers » était devenue « facile à manier » pour ces projets, qui étaient tous autant de perte de souveraineté nationale. On assista alors à plusieirs tentatives telles que la création de la CED (défense européenne) ou encore la CECA (charbon et acier) et d’autres moins connues qui échouérent toutes, en raison de l’attachement du peuple français à sa souveraineté. Ce ne fut qu’en 1957, après une gestation difficile, que fut créé le « marché commun » par la signature du Traité de Rome en mars 1957.

De Gaulle entre en scène

En mai 1958, la IVème République vit ses derniers instants le Président Coty se résoud à faire appel « au plus illustre des Français » en appelant le Général de Gaulle. Au début, de Gaulle veut régler en priorité le problème algérien pour se retourner ensuite vers l’Europe ayant « les mains libres ».

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Dollar AMGOT (Allied Military Government of Occupied Territories )

De Gaulle, qui avait suivi de près la construction européenne, avait parfaitement discerné que le but final était une fédéralisation de l’Europe sous le contrôle de « l’ami américain »auquel il s’était opposé dès la Libération. Il avait notamment fait échouer la tentative américaine d’imposer le dollar « AMGOT » à la population française. Cependant, même si l’affaire algérienne est pour lui une priorité, il arrive avec un plan bien arrêté dans sa tête. Il veut doter au plus vite la France de l’arme nucléaire. Bien que lancé sous la IVème République, à laquelle il faut rendre cette justice, le programme nucléaire militaire n’était pas considéré avant de Gaulle comme une priorité. Ce dernier était informé des idées en matière de dissuasion, des réflexions du général Gallois, qui venait de passer en 2ème section. De Gaulle s’en inspira assez largement, cela me fut confirmé par Pierre Clostermann, qui voulût bien m’honorer de son amitié, et qui me raconta la genèse de la force de dissuasion française et les réunions auxquelles il avait assisté.

En 1960, à Reggane, eut lieu la première explosion nucléaire, mettant ainsi notre pays dans le club alors très fermé des pays disposant de l’arme atomique. Pour autant, et malgré les pressions innombrables qui s’exerçaient sur lui, de Gaulle refusa, contrairement aux Anglais, de donner les clés de la force nucléaire française aux Américains. Il justifia cette position en disant que le concept de la dissuasion nucléaire était basé sur une défense « tous azimuts » sans aucune exception. C’est cette position formelle qui a permis à la France d’occuper une place à part sur l’échiquier international en lui donnant une indépendance totale. C’est justement ce dont de Gaulle allait avoir besoin pour proposer, dans le Traité de l’Élysée signé en janvier 1963 par le chancelier Conrad Adenauer, à l ‘Allemagne la protection du bouclier nucléaire français. Il se trouvait alors en opposition frontale avec l’OTAN. La suite est connue, les députés allemands ont préféré la puissance militaire américaine.

La désindustrialisation

De Gaulle disparu, l’Angleterre entra dans l’Europe et fit pencher la balance vers le libéralisme débridé.

Crée en 1973, la « Commission Triatérale » est devenue un des relais majeurs de ce projet. Un article du Monde Diplomatique publié en novembre 2003 sous le titre « Pouvoirs opaques de la Trilatérale » est très explicite. Dans cette nouvelle organisation mondiale, destinée à affirmer la toute-puissance de la finance et des échanges commerciaux. Dans un cadre totalement déréglementé,  les grands perdants ne pouvaient être que les classes moyennes que le capitalisme industriel avait réussi à faire émerger dans les pays occidentaux. Les plus touchées par ces transferts industriels qui faisaient des pays émergents les nouveaux ateliers du monde – en raison de leurs coûts de fabrication  beaucoup plus faibles -, furent naturellement ces classes sociales. Peu enclines à la révolte, elles allaient se servir de leurs bulletins de vote pour manifester leur aversion et la crainte que leur inspirait ce système qui leur avait été imposé, souvent malgré elles.

Autant le capitalisme industrie était distributeur de richesses (Henry Ford construisait des voitures pour les vendre à ses ouvriers), autant le capitalisme financier est concentrateur de ces mêmes richesses dans un petit nombre des mains.

Le divorce et la montée du populisme.

Ce qui faisait la fortune des « élites » ruinait les classes plus « populaires » Les élites devinrent de moins en moins démocratiques et les peuples de plus en plus avides de souveraineté. Les élites mondialistes voulaient la fin des nations, alors que les peuples réclamaient leur protection. De partout, les partis populistes gagnèrent du terrain, élection après élection. En France, cela commença avec le traité destiné a promulguer une constitution européenne. Le score du référendum du 29 mai 2005 fut sans appel. Pourtant, la présence au second tour de l’élection présidentielle de 2002 de Jean Marie Le Pen aurait dû inciter la classe politique française gouvernante à y réfléchir. Sa réponse à l’époque a été de modifier la Constitution pour ne plus avoir à proposer de référendum. Pourtant, le peuple français croyait en l’avenir de l’Europe. Simplement, lorsqu’il pensait Europe, il pensait plutôt à la vision d’une Europe des nations et on se gardait bien de le détromper. Comme disait le cardinal de Retz : « on ne sort de l’ambiguïté qu’à son propre détriment » et il était plus confortable pour nos élites de conserver cette ambiguité. Mais la machine fédérale avançait. L’euro était en vigueur et, au delà des délocalisations d’usine, on vit arriver, autorisés par « l’espace Schengen » les premiers « travailleurs détachés » La crise financière de 2008 et son long cortège de mesures dites « d’austérité » ont suffi pour retirer à nos concitoyens les rares illusions qu’ils conservaient.

Ensuite, ce fut le Brexit, interminable affrontement entre une élite dirigeante acquise à la mondialisation et un peuple britannique qui, après l’avoir expérimenté, n’en voulait plus.

Le coup fatal à la mondialisation : Poutine, Trump et Xi-Jiping

Avec ces trois chefs d’État, est réapparu un système que les mondialistes croyaient avoir éradiqué, celui des intérêts nationaux.Poutine a, le premier, dit clairement qu’il défendrait les intérêts de la Russie et a agi dans ce sens. Trump ne se cache pas de son engouement pour la « doctrine de Monroe » et le retour à l’isolationisme américain. Quant à Xi Jimping, son discours de Davos de 2018 est on ne peut plus clair. En 2049, cent après la révolution communiste chinoise, la Chine sera la première puissance économique et militaire de la planète. On voit donc parfaitement ce qui a justifié le propos de Donald Trump cité au second paragraphe.

La riposte de Emmanuel Macron

Apparemment, notre président se refuse à enterrer la mondialisation. Son idée, qu’il est pratiquement le seul à défendre encore, est celle de l’intégration européenne. Dans son discours devant la dernière promotion de l’École de Guerre, il se félicite de la réduction de notre force de dissuasion nucléaire. Or, le principe élémentaire qui soutend la dissuasion est que, pour être efficace, elle se doive d’être dissuasive. Sa réduction semble donc plutôt contre-productive.

Ensuite, il envisage de s’associer avec d’autres pays européens pour élargir cette force de dissuasion.

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Le Charles de Gaulle et le sous-marin nucléaire Saphir en rade de Toulon en 2004

PATRICK GARDIN/ASSOCIATED PRESS

«Soyons clairs : si une négociation et un traité plus larges (sont) possibles, nous le souhaitons […]. Les Européens doivent être parties prenantes et signataires du prochain traité car il s’agit de notre sol»

Or, ce qu’oublie Emmanuel Macron, c’est qu’une telle décision, qui engage les intérêts vitaux de notre pays, (puisqu’il s’agit de notre défense nationale) ne peut-être décidée par lui seul. Elle concerne l’ensemble du peuple Français, dont le consentement ne peut-être obtenu sans recours à un référendum. Évidemment, il faudrait renégocier certains traités, mais on peut s’attendre, (contrairement au vote du Bundestag de juin 1963 sur le traité de Paris) que les Allemands soient tout à fait d’accord. Dans le climat social actuel, il est quasi-certain que le peuple français répondrait « non » à un tel référendum. Un passage « en force » risque également d’être périlleux et certaines voix se sont d’ores et déjà mobilisées contre ce projet. Notre président devrait pourtant savoir qu’une force dite « de dissuasion », ne peut se concevoir que dans le cadre de la défense d’une nation souveraine qui serait menacée par une puissance étrangère. L’Europe n’étant pas une nation, on ne voit pas qui pourrait menacer l’Europe en tant que telle. La souveraineté européenne n’existe pas, pas plus d’ailleurs que le peuple européen. Pourquoi vouloir à tout prix pousser les feux d’une mondialisation moribonde en allant à marche forcée vers une intégration européenne qui ne peut se faire aujourd’hui qu’à l’encontre de nos intérêts nationaux ?

Encore une fois, Emmanuel Macron devrait méditer  les deux phrases suivantes du général de Gaulle :

«  La seule réalité internationale, ce sont les nations » et « Il n’est pire déformation de l’esprit que de voir les choses non pas telles qu’elles sont mais telles que l’on voudrait qu’elles soient »


- Source : RI

Les recettes néolibérales pour écraser les peuples

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Les recettes néolibérales pour écraser les peuples

Par Nicolas Bonnal

Irak, Iran, Syrie… ubi solitudinem faciunt, pacem appellant – Le bilan mondial occidental résumé par Tacite au temps des bretons : Rafler, massacrer, saccager, c’est ce qu’ils appellent à tort asseoir leur pouvoir. Font-ils d’une terre un désert (ubi solitudinem faciunt) ? Ils diront qu’ils la pacifient (pacem appellant). Actuel, non ?

Raptores orbis, postquam cuncta vastantibus defuere terrae, et mare scrutantur: si locuples hostis est, avari; si pauper, ambitiosi: quos non Oriens, non Occidens, satiaverit. Soli omnium opes atque inopiam pari affectu concupiscunt. Auferre, trucidare, rapere, falsis nominibus imperium; atque, ubi solitudinem faciunt, pacem appellant.

Ces Romains, qui veulent tout, ne trouvent plus de terre à ruiner. Alors, c’est la mer qu’ils fouillent ! Riche, leur ennemi déchaîne leur cupidité, pauvre, il subit leur tyrannie. L’Orient, pas plus que l’Occident, n’a calmé leurs appétits. Ils sont les seuls au monde qui convoitent avec la même passion les terres d’abondance et d’indigence. 7. Rafler, massacrer, saccager, c’est ce qu’ils appellent à tort asseoir leur pouvoir. Font-ils d’une terre un désert ? Ils diront qu’ils la pacifient.

Agricola, XXX, discours du rebelle breton Calgacus.

Certains trouvent que le peuple réagit en France, je trouve moi qu’il réagit peu. C’est du congelé (frozen conflict), dixit la subtile Caitlin Johnstone, qui espérait encore l’an dernier une énième révolution 2.0. Une jacquerie n’est pas une révolution, pas même une rébellion, et elle renforce le pouvoir.

La gauche sociale a disparu, les minoritaires partis populistes sont infiltrés, sous contrôle, tous adorateurs de l’OTAN (voyez Manlio Dinucci). Depuis Thatcher, comme je l’ai montré dans ma Lettre ouverte à la vieille race blanche, le système autoritaire-libéral n’a fait que se renforcer (cruauté, incontestabilité, tartuferie). Et à chaque fois nous avons moins réagi. En France dans le pire des cas on pourrait remplacer l’actuel pion de cour par un autre pion – une pionne – et le tour serait joué. Le système occidental fonctionne, et tout le monde se soumet benoîtement  au modèle américain promu sous Reagan : la révolution conservatrice décrite par Sorman dans les années 80 a très bien marché. La fortune et la morale pour les oligarques ;  la pauvreté, la précarité et les insultes (« raciste, fasciste, inadapté, antisémite, violent, macho », etc.) pour le bon peuple. Monsieur LVMH est ainsi plus riche que dix millions de Français, et il leur fait la morale avec sa presse et ses rebelles défilés de mode.

Il y a dix ans, Lucien Cerise disait déjà :

« L’oligarchie occidentale ne craint qu’une chose : que les peuples qu’elle est en train de martyriser, à commencer par les Grecs et à suivre par nous, se tournent vers des pays non-occidentaux pour y trouver du soutien, d’abord moral et plus si affinités. L’oligarchie craint par-dessus tout que l’on puisse comparer les systèmes de société et que cela soit en défaveur du système dans lequel elle veut nous faire rester. Elle veut que nous aimions notre cage et nous inoculer le syndrome de Stockholm afin que nous aimions notre bourreau. À cette fin, les pays non-occidentaux sont décrits dans les médias comme  » autoritaires « , ou pires encore, des horribles dictatures, où les gens sont malheureux, persécutés, assassinés, les élections truquées, etc. »

arton24817-c4dc0.jpgLucien appelait à une saine réaction populaire, comme disait Pie X dans les prédictions qu’on lui prête. Mais tout cela a fait long feu et les sondages donnent Macron vainqueur aux prochaines élections… Ou Sarkozy. On continuera de tonner contre (Flaubert) puis on fera la queue devant Picard, McDonald,  ou chez le marchand d’or.

Dix ans après, Trump a trahi, la Russie est toujours aussi isolée et sanctionnée, et la Chine est considérée comme un tiers-monde incapable de gérer sa crise médicale. Syrie, Irak, Iran sont ruinés, comme le Venezuela. Les peuples de ces pays-cibles vivent un martyre économique, comme jadis les irakiens, et ceux qui cliquent en leur faveur ne font pas le moindre geste pour les soulager. Les USA peuvent imposer n’importe quoi à l’Europe, et tous les leaders humanitaires, les féminins et les efféminés, sont contents. On a eu une hausse dantesque du coût du logement, trois millions de migrants, des attentats irréels, Notre-Dame, une dizaine de guerres et on a voté pour qui l’on sait en France avec les conséquences mutilantes que l’on sait. Que fabriquent nos grands militants, nos grands révoltés ?

Cerise dressait un tableau déjà triste :

« Balayons devant notre porte et ne cessons jamais de rappeler la triste réalité de l’Occident atlantiste : dictature des banques, démocratie virtuelle, référendums annulés et scrutins trafiqués par diverses méthodes, fiction totale de la  » menace terroriste  » ici, mais soutien au terrorisme ailleurs, kidnappings de milliers d’innocents dans des prisons plus ou moins secrètes où on les torture en douce, épidémies de dépressions, de cancers, de divorces et d’enfants obèses ou hyperactifs, etc. Le multiculturalisme, qui permet de comparer les codes culturels, donc de les critiquer, est l’ennemi frontal de l’oligarchie occidentale car il ouvre sur autre chose que son modèle unique de société ; raison pour laquelle cette oligarchie essaie de remplacer le multiculturalisme et la pluralité des nations souveraines par un seul monde sans frontières où règnerait la monoculture occidentale libérale-libertaire. »

Depuis, on a touché le fond (voyez ce pape ou le déclin arabo-musulman…), et on a creusé encore. La crise de la dette mitonnée par l’élite achèvera de nous mettre au pas. On prendra sur ce qui reste de retraite ou d’épargne pour sauver ce système menacé qui ne fait que se renforcer….

Il faudrait comprendre enfin notre manque de réaction face aux réformes néolibérales et aux razzias écologiques de mille milliards et plus : la vérité simple c’est qu’il faut affamer le peuple, l’abrutir, et le rouer de coups, car dès qu’on lui donne à manger et à voter, il en veut plus. La logique néolibérale vise à de nouveau priver le peuple de tout, même d’air et d’eau (réservés aux riches), pour qu’il ne puisse plus râler.

517P4roYlcL._SX210_.jpgVilliers-de L’Isle-Adam le disait déjà dans ses Contes cruels : « le premier des bienfaits dont nous soyons, positivement, redevables à la Science, est d’avoir placé les choses simples essentielles et « naturelles » de la vie HORS DE LA PORTEE DES PAUVRES. »

Eau, air, logement, travail rétribué, mais aussi bagnole ou liberté : le peuple apprend partout à se passer de tout.

Tout cela était expliqué en 2010 dans ma Lettre ouverte (Editions de Maule, à télécharger gratuitement), bien avant l’actuel résident. Je rappelais que les derniers à résister étaient les « privilégiés », les fonctionnaires en l’occurrence, et ce depuis les années Juppé. Et qu’artisans et paysans avaient depuis longtemps été soumis et anéantis, eux qui résistaient encore du temps du maudit Poujade, quand on ne les avait pas encore ruinés et sidérés. La programmation d’une société désindustrialisée de termites et de serviteurs (servus, l’esclave), asexués arrive à bon terme sous Philippe-Juppé-bis. Reconnaissons que la réaction populaire est insignifiante comparée à celle de novembre 1995.

Le système n’a plus peur du peuple, c’est lui qui fait peur au peuple. Imposer une marionnette embrouillée dans ses fils comme Trump n’a fait que renforcer les maîtres. A coups de migrants, de transition énergétique, de sexophobie orwellienne et de manip’ médiatique en boucle, on vient à bout d’une résistance qui se limite à cliquer, elle qui a perdu tout  « pouvoir tellurique ». C’est Carl Schmitt qui parlait de cette résistance tellurique perdue partout. Voyez ce que deviennent les boliviens ou les vietnamiens qui vont bosser masqués (pollution…) pour Gap.

C’est le triomphe de la guerre hybride et des bombardements culturels qui justifie le reflux militaire américain. La guerre n’est plus nécessaire.

Deux citations de Nietzsche et Tocqueville pour expliquer ce qui se passe. Pourquoi le peuple résistait, pourquoi il ne résiste plus ; pourquoi il se résigne.                                                                                                                      

Nietzsche écrit dans Volonté de puissance (§ 154) :

« A l’arrière-plan de ces débordements, il y a l’explosion d’une répugnance concentrée contre les  » maîtres « , l’instinct profond du bonheur qu’il y aurait rien qu’à se sentir libéré d’une si longue oppression… (C’est généralement le symptôme que les couches inférieures ont été traitées avec trop d’humanité, qu’elles commencent déjà à sentir sur la langue le goût d’un bonheur qui leur est interdit… Ce n’est pas la faim qui engendre les révolutions, c’est le fait que chez le peuple l’appétit vient en mangeant…) »

715-luYXq9L._AC_SY445_.jpgCela c’est quelque chose que les leaders de Davos appliquent. Pas d’humanitarisme, privons le peuple et il se calmera. Il ne s’agit pas de donner plus, comme au cours des Trente Glorieuses, quand on avait une U.R.S.S. un peu plus convaincante que la Russie miniature de Poutine, des syndicats marxistes et des partis communistes. Car si on lui donne, il demandera plus. Faisons-lui peur avec la dette, le climat, le machisme, les attentats, il se soumettra. Trottinette/bicyclette, jeûne et smartphone au programme. Dix mètres carrés pour mille euros. Voyez le film Marie-Francine, de Valérie Lemercier, qui a très bien compris tout cela. Quatre ans plus tard le mouvement social se contente d’empuantir un peu plus Paris, avec sa grève des éboueurs qui ne débouche sur rien.

Tocqueville confirme Nietzsche, dans l’Ancien régime et la révolution (livre troisième, chapitre IV). Le peuple peut exploser dans certains cas, ce qui a contrario prouve qu’il ne réagissait pas dans d’autres :

« Nulle part, au contraire, l’ancien régime ne s’était mieux conservé que le long de la Loire, vers son embouchure, dans les marécages du Poitou et dans les landes de la Bretagne. C’est précisément là que s’alluma et se nourrit le feu de la guerre civile et qu’on résista le plus violemment et le plus longtemps à la Révolution ; de telle sorte qu’on dirait que les Français ont trouvé leur position d’autant plus insupportable qu’elle devenait meilleure. »

En ce moment c’est l’inverse ; les Français trouvent leur position d’autant plus supportable qu’elle devient pire. Ceux qui réagissent fuient sans demander leur compte. Les rares qui râlent dans la rue ne font reculer personne. C’est devenu la Bolivie… 

Tocqueville (Soljenitsyne confirmera avec le tsarisme) ajoute que le régime devenu trop suave et gentil se fait exterminer. A contrario encore celui qui devient dictatorial est encensé, surtout en France où le bourgeois, le catho comme le retraité, adore traditionnellement la poigne, le képi.

Tocqueville, toujours dans son trop oublié Ancien Régime rappelle que le régime de Louis XIV pouvait commettre n’importe quelle monstruosité alors que l’on ne passa rien au mari de Marie-Antoinette :

« Une telle vue étonne ; l’histoire est toute remplie de pareils spectacles. Ce n’est pas toujours en allant de mal en pis que l’on tombe en révolution. Il arrive le plus souvent qu’un peuple qui avait supporté sans se plaindre, et comme s’il ne les sentait pas, les lois les plus accablantes, les rejette violemment dès que le poids s’en allège. Le régime qu’une révolution détruit vaut presque toujours mieux que celui qui l’avait immédiatement précédé, et l’expérience apprend que le moment le plus dangereux pour un mauvais gouvernement est d’ordinaire celui où il commence à se réformer. Il n’y a qu’un grand génie qui puisse sauver un prince qui entreprend de soulager ses sujets après une oppression longue. Le Mal qu’on souffrait patiemment comme inévitable semble insupportable dès qu’on conçoit l’idée de s’y soustraire. Tout ce qu’on ôte alors des abus semble mieux découvrir ce qui en reste et en rend le sentiment plus cuisant : le mal est devenu moindre, il est vrai, mais la sensibilité est plus vive. La féodalité dans toute sa puissance n’avait pas inspiré aux Français autant de haine qu’au moment où elle allait disparaître. Les plus petits coups de l’arbitraire de Louis XVI paraissaient plus difficiles à supporter que tout le despotisme de Louis XIV. Le court emprisonnement de Beaumarchais produisit plus d’émotion dans Paris que les Dragonnades. »

Je ne sais plus quel libertarien disait que tout va bien quand l’Etat a peur de ses citoyens, et pas les citoyens de l’Etat ; nous n’y sommes pas, et la conséquence de tout cela n’est pas la révolte mais la soumission aux bras armés du néolibéralisme étatisé. Je ne répéterai pas la phrase de Céline sur les Français parfaitement enthousiastes à la veille de la plus grosse raclée de leur histoire. Je citerai la chanson de Boris Vian plutôt : « ils cassent le monde… Il en reste assez pour moi. »

NICOLAS BONNAL

Sources :

  • Nietzsche – Volonté de puissance
  • Tocqueville – L’Ancien régime et la révolution
  • Guy Sorman – La révolution conservatrice américaine

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Hegemon américain: le chant des sirènes

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Hegemon américain: le chant des sirènes

 
 
par Pepe Escobar
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Une grande partie de l’Occident libéral considère l’interprétation américaine de la civilisation comme une sorte de loi immuable de la nature. Mais, et si cette interprétation était au bord d’une rupture irréparable ?

Michael Vlahos a exposé que les États-Unis ne sont pas un simple État-nation mais un « leader de système » (un "hegemon") – « une puissance civilisationnelle comme Rome, Byzance et l’Empire ottoman ». Et, faut-il ajouter, la Chine – qu’il n’a pas mentionnée. Un leader de système est « un cadre identitaire universaliste lié à un État. Cette position est utile car les États-Unis possèdent clairement ce cadre identitaire aujourd’hui ».

414CnrU9NyL._SX313_BO1,204,203,200_.jpgDans un essai virulent, Alastair Crooke, notre indéfectible allié issu du renseignement, approfondit la manière dont cette « vision civilisationnelle » a été « déployée avec force à travers le monde » comme une expression inévitable de la Destinée manifeste [1] des Américains : non seulement politiquement – avec tout l’attirail de l’individualisme et du néo-libéralisme occidentaux, mais aussi en combinaison avec « les valeurs du judéo-christianisme ». [2]

Crooke note également à quel point l’élite du pays croit dur comme fer que sa victoire dans la Guerre froide a « affirmé de façon spectaculaire » la supériorité de la vision civilisationnelle américaine.

Eh bien, la tragédie post-moderne – du point de vue des élites américaines – est que cela pourrait bientôt ne plus être le cas. La sordide guerre civile qui fait rage à Washington depuis trois ans – avec le monde entier comme spectateurs stupéfaits – a encore accéléré le malaise.

Souvenons-nous de la Pax Mongolica

Il est inquiétant de constater que la Pax Americana est peut-être condamnée à une existence historique plus courte que la Pax Mongolica – créée après que Gengis Khan, le chef d’une nation nomade, eut entrepris de conquérir le monde.

Genghis a d’abord investi dans une offensive commerciale pour s’emparer des Routes de la Soie, écrasant les Kara-Kitais du Turkestan oriental, conquérant le Khorezm islamique et annexant Boukhara, Samarcande, la Bactriane, le Khorassan et l’Afghanistan. Les Mongols ont atteint la périphérie de Vienne en 1241 et l’Adriatique un an plus tard.

Cette superpuissance de l’époque s’étendait du Pacifique à l’Adriatique. Il est difficile de s’imaginer le choc pour la Chrétienté occidentale. Le pape Grégoire X n’avait qu’une seule idée, qui étaient ces conquérants du monde et pouvaient-ils être christianisés ?

Parallèlement, seule une victoire des Mamelouks égyptiens en Galilée, en 1260, a sauvé l’Islam d’une annexion à la Pax Mongolica.

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La Pax Mongolica – une puissance unique, organisée, efficace et tolérante – a coïncidé historiquement avec l’âge d’or des Routes de la soie. [3] Kubilai Khan – le maître de Marco Polo – voulait être plus chinois que les Chinois. Il voulait prouver que les conquérants nomades, devenus sédentaires, pouvaient apprendre les règles de l’administration, du commerce, de la littérature et même de la navigation.

Pourtant, à la mort de Kubilai Khan, l’empire s’est fragmenté en khanats rivaux. L’Islam en a tiré profit. Tout a changé. Un siècle plus tard, les Mongols de Chine, de Perse, de Russie et d’Asie centrale n’avaient déjà plus rien à voir avec leurs ancêtres cavaliers.

Un saut dans le jeune XXIe siècle montre que l’initiative, historiquement, se trouve à nouveau du côté de la Chine, à travers le Heartland et le Rimland. Les entreprises qui changent le monde et les règles du jeu ne sont plus originaires d’Occident, comme ce fut le cas du XVIe siècle à la fin du XXe siècle.

Malgré tous les vœux pieux pour que le coronavirus fasse dérailler le « siècle chinois », qui sera en fait le siècle eurasiatique, et au milieu du tsunami myope de la diabolisation des nouvelles Routes de la soie, il est toujours facile d’oublier que la mise en œuvre d’une myriade de projets chinois n’a même pas encore commencé.

C’est en 2021 que tous ces corridors et axes de développement continental devraient s’accélérer à travers l’Asie du Sud-Est, l’océan Indien, l’Asie centrale, l’Asie du Sud-Ouest, la Russie et l’Europe, parallèlement à la Route maritime de la soie, qui prépare un véritable collier de perles eurasiennes, de Dalian [en Chine, NdT] jusqu’au Pirée en passant par Trieste, Venise, Gênes, Hambourg et Rotterdam.

Pour la première fois depuis deux millénaires, la Chine est en mesure de combiner le dynamisme de l’expansion politique et économique à la fois sur le plan continental et maritime, ce que l’État n’avait pas connu depuis le court périple expéditionnaire mené par l’amiral Zheng He dans l’océan Indien, au début du XVe siècle. L’Eurasie, dans un passé récent, vivait sous le joug colonial occidental et soviétique. Aujourd’hui, elle passe à la multipolarité – dans une série de permutations complexes et évolutives emmenées par la Russie, la Chine, l’Iran, la Turquie, l’Inde, le Pakistan et le Kazakhstan.

Aucun des acteurs ne se fait d’illusions sur les obsessions du « leader du système » : empêcher l’Eurasie de s’unir sous une seule puissance – ou une coalition telle que le partenariat stratégique Russie-Chine ; veiller à ce que l’Europe reste sous l’hégémonie des États-Unis ; empêcher l’Asie du Sud-Ouest – le « Grand Moyen-Orient », si vous préférez – d’être liée aux puissances eurasiennes ; et empêcher par tous les moyens la Russie-Chine d’avoir un accès facile aux voies maritimes et aux corridors commerciaux.

Le message de l’Iran

Pendant ce temps, un soupçon s’installe : le plan de l’Iran, en écho à la guerre du Donbass de 2014, pourrait consister à aspirer les néocons américains dans un chaudron à la russe, [4] au cas où leur obsession du changement de régime deviendrait encore plus hystérique.

Il existe une possibilité sérieuse pour que, sous pression maximale, Téhéran abandonne définitivement le JCPOA ainsi que le TNP (Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires), invitant ainsi ouvertement une attaque américaine.

En l’état actuel des choses, Téhéran a envoyé deux messages très clairs. La précision de l’attaque de missiles sur la base américaine d’Ayn Al-Asad en Irak, en réponse à l’assassinat ciblé du général de division Qassem Soleimani, signifie qu’aucune base du vaste réseau militaire américain n’est désormais invulnérable.

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Et le brouillard des dénis de non-déni qui entoure la destruction du Battlefield Airborne Communications Node de la CIA (BACN) – essentiellement un nid à espions volant – à Ghazni, en Afghanistan, est également porteur d’un message.

La star de la CIA Mike d’Andrea, connu sous les noms « Ayatollah Mike », le « Croque-mort », le « Prince noir », ou tout ce qui précède à la fois, peut ou non avoir fait partie des victimes. Indépendamment du fait qu’aucune source du gouvernement américain ne confirmera ou ne niera jamais que l’Ayatollah Mike soit mort ou vivant, ou même qu’il existe, le message reste le même : vos soldats et vos espions sont également vulnérables.

Depuis Pearl Harbor, aucune nation n’avait osé prendre de haut le leader du système de façon aussi flagrante que l’a fait l’Iran en Irak. Vlahos a mentionné une chose que j’ai pu constater par moi-même en 2003, à savoir que « les jeunes soldats américains qualifiaient les Irakiens ‘d’Indiens’, comme si la Mésopotamie était le Far West ». La Mésopotamie est l’un des principaux berceaux de la civilisation telle que nous la connaissons. Eh bien, en fin de compte, les 2 000 milliards de dollars dépensés pour bombarder l’Irak en vue d’y apporter la démocratie n’ont pas joué en faveur de la vision civilisationnelle du « leader du système ».

Les sirènes et la dolce vita

Ajoutons maintenant de l’esthétique à notre politique « civilisationnelle ». Chaque fois que je visite Venise – qui est en elle-même un reflet vivant de la fragilité des empires et du déclin de l’Occident – je choisis certaines étapes des Cantos, le chef-d’œuvre d’Ezra Pound.

En décembre dernier, après de nombreuses années, je suis retourné à l’église Santa Maria dei Miracoli, également connue sous le nom de « La boîte à bijoux », qui joue un rôle de premier plan dans les Cantos. En arrivant, j’ai dit à la signora gardienne que j’étais venu pour voir « Les sirènes ». Avec un sourire complice, elle a éclairé mon chemin le long de la nef jusqu’à l’escalier central. Et elles étaient là, sculptées sur des piliers des deux côtés d’un balcon : « des colonnes de cristal, des acanthes, des sirènes sur les chapiteaux », comme on peut le lire dans le Canto 20.

monumento_funebre_al_doge_andrea_vendramin_02.jpgCes sirènes ont été sculptées par Tullio et Antonio Lombardo, fils de Pietro Lombardo, maîtres vénitiens de la fin du XVe et du début du XVIe siècle – « et Tullio Romano a sculpté les sirènes, comme le dit l’ancienne gardienne : de sorte que depuis lors, personne n’a pu en sculpter d’autres pour la boîte à bijoux, Santa Maria dei Miracoli », comme on peut le lire dans le Canto 76.

Pound s’est trompé sur les noms des créateurs des sirènes, mais là n’est pas la question. La question est la façon dont Pound voyait les sirènes comme l’incarnation d’une culture forte – « la perception de tout un âge, d’une accumulation de savoirs et d’une séquence de causes, est entrée dans un assemblage de détails dont il serait impossible de parler en termes de portée », comme l’écrit Pound dans Guide to Kulchur.

Autant que ses chefs-d’œuvre chéris de Giovanni Bellini et Piero della Francesca, Pound a bien compris que ces sirènes étaient l’antithèse de l’usura – « l’art » de prêter de l’argent à des taux d’intérêt exorbitants, qui non seulement prive une culture du meilleur de l’art, comme le décrit Pound, mais qui est aussi l’un des piliers de la financiarisation et de la marchandisation totales de la vie elle-même, un processus que Pound avait brillamment prévu lorsqu’il a écrit dans Hugh Selwyn Mauberley que, « toutes les choses sont en perpétuel changement, a dit le Sage Héraclite ; mais une vulgarité bon marché régnera tout au long de nos jours.” [5]

aff_dolce_vita-1.jpgLa dolce vita aura 60 ans en 2020. Tout comme les sirènes de Pound, le tour de force aujourd’hui légendaire de Fellini à Rome est comme un palimpseste en celluloïd noir et blanc d’une époque révolue, la naissance des Swingin’ Sixties. Marcello (Marcello Mastroianni) et Maddalena (Anouk Aimée), impossiblement cool et chic, apparaissent comme la dernière femme et le dernier homme avant le déluge de « vulgarité bon marché ». À la fin, Fellini nous montre Marcello désespéré par la laideur et, oui, la vulgarité qui s’immiscent dans son magnifique mini-univers – l’esquisse de la culture trash fabriquée et vendue par le ‘leader du système’ qui allait rapidement nous engloutir tous.

Pound était un non-conformiste américain humain, trop humain, au génie classique débridé. Le ‘leader du système’ l’a mal interprété, l’a traité en traître, l’a mis en cage à Pise et l’a envoyé dans un hôpital psychiatrique aux États-Unis. Je me demande encore s’il a pu voir et apprécier La dolce vita dans les années 1960, avant de mourir à Venise en 1972. Après tout, il y avait un petit cinéma à quelques pas de la maison de la rue Querini, où il vivait avec Olga Rudge.

« Marcello ! » Nous sommes encore hantés par le chant de sirène d’Anita Ekberg, debout dans la Fontana di Trevi. Aujourd’hui, toujours otages de la vision civilisationnelle du ‘leader du système’ en déliquescence, nous réussissons à peine à jeter, comme l’a mémorablement écrit TS Eliot, « un demi-regard en arrière, par-dessus notre épaule, vers la terreur primitive ».

Traduction et introduction Entelekheia

Note de la traduction:

[1] Sur la « Destinée manifeste », doctrine fondatrice des USA, voir l’article : Aux origines de l’exceptionnalisme des USA : la « Destinée manifeste »

[2] « les valeurs du judéo-christianisme » : en fait, les valeurs protestantes. Voir à ce sujet Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme (1904-1905), en libre téléchargement ici. 

[3] L’entreprise commerciale historique des « Routes de la soie » (IIe siècle av.J.C. – XIVe siècle après J.C.) s’appelait encore récemment la Route de la soie, au singulier. Mais sa réouverture par Xi Jinping a fait émerger un problème : le public la voyait comme une route unique, de Chine jusqu’au cœur de l’Europe, et non comme ce qu’elle était en réalité, un réseau dense de routes, de relais, de carrefours et de pistes caravanières étendues à partir de Chine sur toute l’Asie centrale, l’Europe centrale et le Moyen-Orient. De sorte que le pluriel a été adopté pour mieux la définir.

[4] Le chaudron à la russe est une tactique militaire qui consiste à prendre l’adversaire en tenaille, puis à l’encercler. Elle a été notamment illustrée par la bataille de Debaltsevo, dans le Donbass ukrainien en 2015, où les armées des Républiques populaires de Donetsk et de Lougansk avaient piégé des centaines de soldats de l’armée de Porochenko dans un chaudron de ce type.

[5] Selon le pré-socratique Héraclite (fin du VIe siècle av. J.-C.), rien n’était immuable, toutes choses étant soumises à des changements continuels. Pour Pound donc, dans le monde à venir qu’il prévoyait au début du XXe siècle, seule la vulgarité bon marché allait être immuable.

Erdogan, un néo-sultan ottoman mal inspiré

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Erdogan, un néo-sultan ottoman mal inspiré

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Il serait temps de cesser de considérer Recep Tayyip Erdogan comme un allié fiable de la Russie, de l'Iran et de la Syrie dans leur lutte contre le terrorisme islamique

Nous avons plusieurs fois observé qu'en envoyant des militaires dans le nord-ouest de la Syrie, dans la région d'Idlib, sous contrôle de l'organisation Hayat Tahrir al Shams qui se veut héritière d'Al Qaida, il comptait y rester après que cette dernière en aurait été chassée.

Comme il se croit héritier de l'Empire ottoman, il rêve de reconstituer ce dernier dans cette partie de la Syrie. Sa légitimité n'aurait pu alors être contestée. Malheureusement les territoires autour d'Alep et d'Idlib avaient été depuis la fin des guerres mondiales attribués à Damas. Aujourd'hui, Bashar al Assad entend en récupérer la propriété. Il dispose contrairement à ce que l'on croit souvent d'une armée efficace et bien armée. Devant celle-ci les détachements turcs ne font pas le poids. Il a donc entrepris de s'y installer après en avoir chassé les islamistes.

La présence turque contrarie bien entendu cet objectif. Bashar al Assad ne s'embarrasse pas de scrupules et a décidé de la combattre, si besoin est militairement. Ses forces ont repris, le 11 février, aux jihadistes le dernier tronçon d'une autoroute clé entre Damas et Alep, dans le nord-ouest de la Syrie. Précédemment, cinq soldats turcs avaient été tués lors de l'attaque d'un poste d'observation turc. Ce terme de poste d'observation est un euphémisme employé par Erdogan pour désigner un début d'installation militaire. Peu après huit militaires turcs ont été tués dans un bombardement d'artillerie syrien autour d'Idlib. Des émissaires russes viennent d'y être envoyés pour calmer le jeu. Mais on peut douter qu'ils soient écoutés.

Vladimir Poutine dispose de suffisamment de moyens de pression sur Bashar al Assad, dont il a restauré le pouvoir, pour l'obliger à éviter les risques d'affrontement avec les Turcs. S'il ne le fait pas, c'est probablement parce qu'il considère que la reconstitution de l'Empire Ottoman dans cette région ne correspond pas aux intérêts politiques de la Russie.

Ces derniers temps, la progression rapide des forces syriennes, appuyées par l'aviation russe et les milices pro-iraniennes, a provoqué l'exode de près de 700 000 personnes au cours des dix dernières semaines, selon les agences humanitaires. Il est compréhensible qu'Erdogan refuse désormais de les accueillir.
 

Sur ce sujet, on pourra consulter un article de Pepe Escobar dans Asiatimes en date du 13 février:
https://www.asiatimes.com/2020/02/article/its-time-to-rec...

Notes

1) A Benghazi, en Libye, comme dans d'autres villes de la région, des images murales apparaissent, présentant Erdogan comme un allié d'Isis. 

2) Selon la Russie (le centre de réconciliation qui est sur place) il n'y a aucun exode de civils vers l'extérieur. Au contraire les civils cherchent à rejoindre les zones sous contrôle du gouvernement officiel.

samedi, 15 février 2020

Jean-François Fiorina s’entretient avec Olivier Zajec

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Jean-François Fiorina s’entretient avec Olivier Zajec

Ex: http://notes-geopolitiques.com

Constamment mise à jour et rééditée, l’Introduction à l’analyse géopolitique d’Olivier Zajec (Le Rocher, 2018), publiée pour la première fois en 2013, est en passe de devenir un classique, et son auteur l’une des figures universitaires marquantes de sa génération.

Très impliqué dans la réflexion stratégique, c’est aussi un pédagogue qui excelle dans l’art de sensibiliser le grand public aux questions complexes, comme l’illustre son superbe album de 2017, Frontières (Chronique Editions).

Il n’en était que plus indiqué pour nous parler de son parcours, de sa vision de la géopolitique, et des évolutions que connaît cette discipline, instrument indispensable, résume-t-il, pour « saisir l’alterité » et comprendre les transformations du monde.

Comment en êtes-vous venu à la géopolitique, puis avez-vous choisi d’orienter votre enseignement vers cette discipline ?

Je suis venu à la géopolitique par l’histoire (maîtrise puis agrégation), avant de choisir la science politique comme enseignant-chercheur, à l’issue de ma thèse.

Plus j’enseigne la géopolitique et les Relations internationales, que ce soit à mes étudiants de master à Lyon 3, ou aux officiers dans les écoles de guerre, en France comme à l’étranger, et plus le socle historique m’apparaît comme indispensable.

En règle générale, les géopoliticiens qui ne se préoccupent que d’économie ou de science politique – pour ne rien dire de ceux qui ont un agenda purement idéologique – ont tendance à privilégier les dynamiques par rapport aux inerties, même inconsciemment.

La géopolitique est l’art de pondérer ces deux forces, en tenant compte des conditionnements culturels et spatiaux.

L’histoire, qui donne l’intuition de la longue durée, de ce qui est « lent à couler, à se transformer », comme l’écrivait Braudel, est donc l’une des ancres référentielles majeures de la géopolitique.

Il n’y a pas d’analyse socio-spatiale utile sans prise en compte de la longue durée.

Pour comprendre notre monde, où s’entremêlent sans cesse passé et présent, mémoires et espoirs, coopération et compétition, peut-être vaut-il mieux lire René Grousset que Robert Kaplan.

Vous avez consacré votre thèse à Nicholas Spykman. Sa pensée ou à tout le moins sa méthode d’analyse sont-elles toujours utiles aujourd’hui ?

63318573_14150726.jpgSpykman est un personnage assez fascinant. De nombreux auteurs de géographie politique le classent parmi les géopoliticiens « matérialistes », uniquement préoccupés de quantification des facteurs de force, en particulier militaires, et obnubilés par les déterminismes liés à la localisation des acteurs étatiques.

Tous les manuels répètent ce topos. C’est malheureusement une perspective complètement faussée, qui montre à quel point l’historiographie des concepts et théories géopolitiques est parfois mal connue en France, malgré les travaux récents de Martin Motte, de Pascal Vénier, de Florian Louis, de Philippe Boulanger et d’autres auteurs.

L’originalité de Spykman réside en premier lieu dans sa formation sociologique, laquelle prend racine dans la thèse de doctorat qu’il consacre à la sociologie de Georg Simmel en 1923, et qui fut lue avec profit dans l’entre-deux guerres par de nombreux sociologues, philosophes et spécialistes de relations internationales, parmi lesquels le jeune Aron, comme je l’ai montré dans une biographie publiée en 2016.

Cette culture sociologique, fondée sur une intégration fonctionnelle des interactions, des distances et du conflit, contribue à faire de Spykman un cas singulier chez les politistes et les « géopoliticiens » de l’entre-deux guerres : « Je suis, répétera-t-il souvent, un théoricien social, l’un de ceux qui adaptent un peu de leur théorie sociale dans le domaine des relations internationales… »

Spykman, en raison de son éducation au regard sociologique, sera de fait l’un des rares pionniers des Relations internationales à penser le mot relations au même titre que le mot international.

C’est extrêmement moderne, presque constructiviste, et cela se passe à la fin des années 1920 !

La géopolitique de ce globe-trotter polyglotte est en réalité une géo-sociologie, une modélisation socio-spatiale qui fait la différence entre l’aspect quantitatif de la force, et l’aspect qualitatif de la puissance.

Son concept de « rimland », par exemple, privilégie l’équilibre à l’opposition. Contrairement à ce que répètent les manuels à ce propos, c’est Mackinder, beaucoup plus que Spykman, qui inspire le containment de la Guerre froide.

Spykman est mort prématurément en 1943. En quoi est-il utile dans le monde multipolaire qui est déjà le nôtre ?

D’abord, par sa méthode. Pour lui, la géostructure demeure bien la plus permanente des réalités de la politique internationale.

Mais il est également le premier, des décennies avant la Critical Geopolitics, à faire reposer sa théorie des Relations internationales sur un socle « social ». C’est d’une géopolitique interstitielle et contextualisée de ce type dont nous avons aujourd’hui besoin, me semble-t-il. La géopolitique n’est pas une « science » déterministe.

C’est une méthode d’approche des conditionnements de la scène internationale.

Elle nous suggère des modèles, plutôt que de nous imposer des lois. C’est cette approche dont Spykman a été le pionnier négligé.

Redécouvrir la géopolitique à travers son regard est extrêmement enrichissant.

Par quels autres auteurs, anciens ou actuels, avez-vous été marqué ?

Bien entendu, en matière de géopolitique, il faut connaître et redécouvrir les « classiques » : Ratzel, Mackinder, Mahan, Haushofer, pour s’apercevoir tout à la fois de la richesse de leur pensée (les Allemands, Ratzel surtout, ont été caricaturés) mais également… de leurs limites. Mahan n’est pas très profond, il a beaucoup emprunté.

Mackinder a un regard qui embrasse les continents et brasse les époques, mais son anglo-centrisme outré lui fait exagérer la dichotomie terre-mer d’une manière excessive.

Les auteurs les plus intéressants, anciens ou nouveaux, sont pour moi ceux qui se situent généralement aux marges de la géopolitique.

Par exemple le sociologue Robert Park et son concept de Human Ecology, l’approche d’économie géographique de l’économiste Paul Krugman, ou le travail pionnier et extrêmement pénétrant réalisé sur les frontières par le géographe Michel Foucher.

Pour la synthèse entre géopolitique et stratégie, Coutau-Bégarie doit être lu et relu, car nul n’est plus clair et synthétique.

Le terme « géopolitique » est aujourd’hui très utilisé, souvent de manière extensive, et parfois abusive. Tout ne se résume pas à la géopolitique. A contrario, certains auteurs considèrent aujourd’hui que la mondialisation, parce qu’elle ôte de l’influence aux Etats, donc relativise l’importance politique du territoire, rend la géopolitique, sinon obsolète, en tout cas moins légitime. Comment vous situez-vous dans ce débat ? Et d’une manière générale, dans quelle(s) direction(s) la géopolitique évolue-t-elle aujourd’hui ?

71skiYG2LXL.jpgL’interdépendance économique est certes une réalité. Elle l’était aussi à la veille de 1914.

Son extension ne vaut nullement garantie d’un futur pacifique. Ainsi que le rappelait Hassner dans une optique tout aronienne, « l’universalité ne saurait faire fi de la pluralité, le cosmopolitique de l’interétatique, donc de la rivalité et du conflit ».

La géopolitique a un bel avenir devant elle, contrairement à certaines théories performatives à obsolescence programmée qui promettent, semble-t-il, de disparaître avec les cohortes les plus idéologisées de la génération du baby-boom.

Les années 1990-2000 ont été marquées par une illusion intellectuelle, parfois fortement polarisée idéologiquement.

Après avoir diagnostiqué la fin de la géographie (O’Brien), de l’histoire (Fukuyama), ou des frontières (Ohmae), les analystes transnationalistes ou libéraux-institutionnalistes semblent aujourd’hui sur la défensive.

Sans sous-estimer la force des phénomènes globaux de convergence normative, il nous faut effectivement constater que, dans la société internationale contemporaine, les dynamiques de différenciation politiques semblent bien progresser au rythme même des dynamiques d’uniformisation technologiques.

Je fais souvent la comparaison avec le processus de mise à feu thermonucléaire, fondé sur la fission-fusion : nous voyons en effet à l’oeuvre dans la géopolitique mondiale une concomitance de la fusion globale (économique, financière et technologique) et des fissions locales (culturelles et identitaires).

La première s’accélère, les autres se multiplient. Mal régulé, ce mélange peut libérer des forces explosives d’une intensité accrue.

Le plus urgent, pour préserver la paix, est sans doute de considérer avec attention les mutations dynamiques de la structure internationale actuelle, en estimant à leur juste poids les agendas politiques et culturels des acteurs qui la polarisent.

Certains auteurs voudraient que le monde à venir ne soient fait que de lieux et d’espaces interconnectés d’où les appartenances auraient quasi-disparu.

C’est une dangereuse illusion, qui sous-estime la centralité renouvelée du politique dans notre monde réticulé où la connexion, je le répète souvent aux étudiants, n’est pas forcément le lien.

Entre le local et le global, il y aura toujours des territoires politiquement appropriés, représentés et défendus par des États.

Ces derniers utiliseront le droit et la technologie comme des instruments et non des fins en soi, de manière à augmenter leur influence et densifier leur puissance, au nom de leur autonomie stratégique et de leur liberté d’action.

C’est la raison pour laquelle la géopolitique est aussi intéressante : interprétative et non explicative, elle permet de tempérer nos projections, en modélisant les conditionnements qui agiront sur les matrices de coopération, de compétition et d’opposition de cette nouvelle scène internationale.

En ce sens, les analyses que l’on pourrait appeler « statophobes » voilent la réalité des relations internationales.

Il y a, me semble-t-il, un immense désir d’État dans le monde. Mais des États réformés. Représentatifs. Respectueux de leurs peuples. Que veulent d’ailleurs ces derniers ?

Une connexion au niveau global qui ne détériore pas le respect de leur identité au niveau local.

L’État, à la charnière du global et du local, est donc consubstantiel à la mondialisation, parce que dans un monde accéléré, on attend de lui qu’il assure la paix et la sécurité sur un territoire, en produisant du commun plutôt que de se soumettre aux seules lois du marché.

Sur ce point de la place des États dans la mondialisation, vous avez parfaitement raison de dire que tout ne se résume pas à la géopolitique. Il faut aussi, entre autres, se tourner vers la théorie des relations internationales.

Comme le rappelle ainsi avec raison Michael Williams, reprenant en cela des avertissements similaires du constructiviste Alexander Wendt, « Il est important de noter que l’État demeure une limite – non la limite de la communauté politique. Reconnaître la centralité continue des acteurs étatiques n’empêche en aucune manière le développement – et l’étude analytique – d’autres formes d’ordres, d’institutions, de solidarités transversales et de transformations par-delà les frontières ».

affolement-monde-beandeau.pngDans son récent essai, L’affolement du monde, Thomas Gomart dit que nous vivons un moment « machiavélien », au sens où l’analyse des rapports de force, qui était passée au second plan à l’ère des grandes conférences sur le désarmement, reprend une importance fondamentale dès lors que les trois principales puissances, Etats-Unis, Russie et Chine, réarment comme jamais. Après avoir contribué à stabiliser le monde, ce que le général Gallois appelait « le pouvoir égalisateur de l’atome » est-il en train de devenir obsolète ?

L’analyse de Thomas Gomart est fondamentalement juste. Il faut également lire les développements qu’il a récemment consacrés à la notion d’intérêt national.

En étant sur une ligne pour l’essentiel complémentaire, j’aurais simplement tendance à dire que le moment que nous vivons est sans doute autant « clausewitzien » que « machiavélien ».

Machiavel raisonne en termes de rapports de force transactionnels. Il faut le compléter avec les aspects interactionnels de la théorie réaliste de la guerre clausewitzienne. Celle-ci ne peut pas être restreinte à la stratégie dite « classique ».

Relire Clausewitz, c’est comprendre l’importance de distinguer, pour reprendre son expression, les genres de guerres dans lesquels s’engagent ou auxquelles se préparent les États, et les relations stratégiques qui en découlent au niveau international.

Ceux qui ont négligé Clausewitz pendant la parenthèse idéaliste des années 1990-2000 ont eu tendance à oublier que De la Guerre était un ouvrage de théorie sociale, fondée non pas sur les seuls rapports de force, mais sur la dialectique des intérêts et des volontés.

Et précisément, la dissuasion nucléaire est une dialectique, avant d’être un rapport de force. Les Français l’ont parfaitement compris avec leur concept de stricte suffisance.

La dissuasion reste plus que jamais pertinente et stabilisatrice dans le monde qui vient. Simplement, elle ne peut pas résoudre tous les problèmes.

Sous la voûte nucléaire qui nous garantit des guerres absolues, un considérable espace de conflits potentiels – y compris de guerres majeures – demeure, qu’il faut anticiper et auxquels il faut se préparer en renforçant l’autonomie stratégique de la France et de l’Europe.

Que peut apporter une culture géopolitique aux futurs managers qui auront à évoluer dans une économie mondialisée ?

Le sens des permanences, qui seul donne l’intelligence des transformations. Et je ne vois pas d’aptitude professionnelle qui soit plus précieuse aujourd’hui.

Que faudrait-il enseigner concrètement aux étudiants en matière de géopolitique ?

Je constate depuis une dizaine d’années, à l’occasion des cours et des conférences que je donne en stratégie, géopolitique ou relations internationales, que le niveau de culture historique, artistique, religieuse et surtout littéraire décroît de manière dramatique. Ce n’est pas un lamento régressif.

C’est un fait brut, massif, inquiétant. Or, il ne peut y avoir de compréhension, d’interprétation, de saisie de ce qui porte l’autre, de ses traumatismes historiques, de ce qui l’attache à un territoire, sans prise en compte de sa matrice spirituelle, de ses modes de représentation du bien et du mal, du beau et du laid, du juste et de l’injuste.

On ne saisit pas la spécificité iranienne sans connaître sa poésie millénaire. Balzac permet toujours de comprendre ce pays déconcertant qu’est la France. Kennan – l’un de mes auteurs préférés – conseillait au Département d’Etat de lire Tchekhov plutôt que les briefs de la CIA pour mieux comprendre les Russes.

Sans les humanités, nous analysons à vide.

9782707178329.jpgDu point de vue des apprentissages, la « géopolitique » n’y fera rien, ni l’économie, ni la « communication ».

Le rejet de la culture générale dans les écoles qui forment les élites françaises est une stupidité sans nom. L’économie, le marketing, sont importants. Mais c’est la culture, pas l’économie, qui nous empêche de nous jeter les uns sur les autres.

La culture n’est pas un produit de nos déterminismes sociaux, elle n’est pas un outil de reproduction de ces derniers, c’est au contraire ce qui permet de leur échapper. Elle est tout ce qui peut parfois paraître inutile de prime abord.

Mais c’est cette culture générale qui donne son prix à une analyse géopolitique, à une dissertation d’économie, à un policy paper de think-tank, parce qu’elle permet de lever le nez des chiffres ou des oracles liés aux taux de croissance, au débit internet, ou au nombre de porte-avions.

Je conseillerais aux étudiants en géopolitique de ne pas utiliser exclusivement les méthodologies instrumentales et quantifiées qu’on leur présente parfois comme plus efficaces, et d’investir aussi dans les outils d’analyse qui permettent d’approfondir l’inquantifiable des vies humaines.

Simone Weil avait saisi cette dimension lorsqu’elle écrivait que « La perte du passé, collective ou individuelle, est la grande tragédie humaine, et nous avons jeté le nôtre comme un enfant déchire une rose. C’est avant tout pour éviter cette perte, concluait-elle, que les peuples résistent désespérément à la conquête. »

Lire cette phrase, la retenir, la méditer, permet de mieux comprendre la raison pour laquelle un petit pays peut résister à un grand pendant si longtemps.

La géopolitique, méthode d’approche multidisciplinaire des Relations internationales, permet de mieux saisir l’altérité.

À condition de l’ouvrir à l’histoire et à la littérature : celles-ci nous fournissent les clés d’un passé qui, en transmettant ce qui fut, nous murmure parfois ce qui sera.

Comment a été reçu votre dernier livre ?

Frontières, paru en 2017, a été bien reçu. Je suis très fier que l’Armée de terre l’ait distingué par le prix « L’Épée ».

Mieux nous comprendrons la nécessité fonctionnelle et indépassable des frontières, moins il y aura de murs dans le monde.

Faire de la géopolitique, c’est également, me semble-t-il, comprendre ce type de paradoxes.

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Pour en savoir plus sur Olivier Zajec:

Olivier Zajec, 43 ans, est maître de conférences en science politique à la faculté de droit de l’université Jean Moulin – Lyon III (EA 4586), où il a fondé et dirige l’Institut d’études de stratégie et de défense (IESD).

Agrégé et docteur en Histoire des relations internationales (Paris-IV Sorbonne), diplômé de l’École Spéciale Militaire de Saint Cyr et de Sciences-Po Paris, il est membre du Conseil scientifique et chef du cours de géopolitique de l’École de Guerre (Paris) depuis 2015.

Conférencier à l’Institut des Hautes Études de la Défense Nationale (IHEDN), à Paris Sorbonne Université Abou Dhabi (PSUAD) et au Centre des Hautes Études Militaires (CHEM), il est chargé de recherches à l’Institut de Stratégie Comparée (ISC, Paris) et directeur adjoint de la revue Stratégique.

En même temps, il collabore régulièrement à diverses publications de défense et de relations internationales : Le Monde diplomatique, Défense et sécurité internationale (DSI), Res Militaris, Conflits, La Revue de Défense nationale.

Il prépare actuellement un ouvrage consacré aux fonctions politiques de la guerre dans les relations internationales.

Olivier Zajec est l’auteur de nombreux articles et de divers ouvrages, dont :

La Mesure de la Force. Traité de stratégie de l’École de Guerre, (avec Martin Motte, Jérôme de Lespinois et Georges-Henri Soutou), Paris, Tallandier, avril 2018 (voir CLES, HS 81, janvier 2019, notre entretien avec Martin Motte) ;

Frontières. Des confins d’autrefois aux murs d’aujourd’hui, Paris, Éditions Chronique, septembre 2017 (Prix « L’Épée » 2018) ;

French Military Operations, dans Hugo Meijer and Marco Wyss (dir.), The Handbook on European Armed Forces, Oxford University Press ;

La formation des élites militaires : un enjeu de politique publique, Stratégique, n° 116, août 2017 ;

Introduction à l’analyse géopolitique. Histoire, outils, méthodes, quatrième édition revue et augmentée, Paris, Éditions du Rocher, septembre 2018 ;

La formation des élites militaires : un enjeu de politique publique, Stratégique, n° 116, août 2017 ;

Hyperconnectivité et souveraineté : les nouveaux paradoxes opérationnels de la puissance aérienne, Défense et sécurité internationale, septembre 2017 ;

Security studies et pensée stratégique française : de la vision globale à la myopie contextuelle, Res Militaris. Revue européenne d’études militaires, hors-série France : opérations récentes, enjeux futurs, décembre 2016 ;

Nicholas J. Spykman, l’invention de la géopolitique américaine, Paris, Presses Universitaires de Paris-Sorbonne, mars 2016 (Prix Albert Thibaudet 2016) ;

Carl von Clausewitz en son temps : die Natur des Mannes, lecture critique de Bruno Colson, Clausewitz, Paris, Perrin, 2016, Stratégique, n° 114, décembre 2016.

Photonis, firme stratégique française, sera rachetée par un concurrent américain

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Photonis, firme stratégique française, sera rachetée par un concurrent américain

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Michel Cabirol est rédacteur en chef Industries et services à La Tribune du monde de la défense, du spatial et de l'aéronautique. Il vient de publier cet article inquiétant que nous reproduisons ici.
 

Photonis bientôt rachetée par un groupe américain

Par Michel Cabirol 

Vendue par le fonds français Ardian, la PME Photonis va très certainement être rachetée par un groupe américain. L'incapacité de la France à protéger ses pépites "offre aux autres puissances la possibilité de nous affaiblir", a rappelé vendredi à l'Ecole de Guerre Emmanuel Macron.

Vendue par le fonds français Ardian, la PME Photonis va-t-elle être passée par pertes et profits par la France et sa base industrielle et technologique de défense (BITD) ? Sauf intervention de l'Etat de dernière minute, le leader mondial dans la conception, le développement et la fabrication de composants destinés à détecter de faibles niveaux de lumière ou de rayonnement, dans les domaines de l'industrie, des sciences, du médical et de la vision nocturne, va finir, faute d'offre française, dans l'escarcelle d'un groupe américain, notamment Teledyne, qui apparaît comme le grand favori. La transaction est évaluée à plus de 400 millions d'euros (soit environ dix fois l'Ebitda).

Ce serait un grave échec pour la France si cette pépite, suivie par le service des affaires industrielles et de l'intelligence économique de la DGA (Direction générale de l'armement), passait sous drapeau américain. Un échec collectif, de Matignon aux ministères des Armées et de l'Economie en passant par la banque publique Bpifrance, étrangement absente sur un tel dossier, ainsi que par les armées incapables de monter au créneau pour défendre ses intérêts opérationnels. Un échec d'autant plus retentissant que le discours de vendredi à l'Ecole de Guerre d'Emmanuel Macron a été clair sur la souveraineté :

"Nous avons fini par penser, dans les années 90 et 2000, que l'Europe était devenue un gros marché, confortable, théâtre d'influence et de prédation à tout-va (...) Funeste erreur ! Nous devons pour ces infrastructures critiques, retrouver, au niveau européen, une vraie politique de souveraineté !", a expliqué vendredi le Chef de l'Etat.

Matignon fait de la gonflette

Edouard Philippe a tenté de rassurer à très bon compte les 17 députés qui s'inquiétaient fin novembre dans un courrier adressé au Premier ministre du sort de Latécoère et Photonis mis en vente. Dans une lettre datée du 8 janvier 2020, dont La Tribune a pris connaissance, il leur annonce "un projet de décret en Conseil d'Etat (qui) a été élaboré afin de renforcer le dispositif de contrôle" des acquisitions de sociétés stratégiques françaises par des groupes étrangers. Mais il n'entrera en vigueur que le 1er juillet. Une date qui a probablement fonctionné comme un chiffon rouge pour d'éventuels repreneurs étrangers et accéléré leur réflexion.

La mise en vigueur du décret arrive bien trop tard pour Latécoère, déjà racheté par le fonds américain Searchlight, et très certainement pour Photonis, en passe d'être avalé par un des trois groupes américains intéressés par cette pépite, qui a décroché en 2019 des contrats de fourniture d'équipements de vision nocturne pour l'armée allemande et suisse (tubes intensificateurs d'image 4G). En clair, la BITD française est complètement démunie face à une nouvelle "prédation". Latécoère et Photonis, sous la "protection" des 17 députés, seront passés sous contrôle étranger avant même l'entrée en vigueur du mécanisme censé les protéger.

Bercy et Brienne incapables de trouver une solution française

Mais que font Bercy et Brienne alertés depuis juin dernier de la vente de Photonis? Le ministère des Armées, qui s'est fortement mobilisé, est très embarrassé par le dossier. Il a poussé sans succès une solution avec Safran et Thales, sollicités pour reprendre Photonis. Puis, le ministère a remué tout le tissu industriel pour trouver une solution française mais... sans plus de succès. Selon nos informations, il existe encore un très léger espoir avec une ébauche de solution française : Safran est prêt à prendre une participation minoritaire aux côtés d'un ou plusieurs partenaires majoritaires.

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C'est là où la banque publique Bpifrance pourrait jouer un rôle de protection de la BITD française à condition qu'elle s'intéresse enfin à ce dossier. Elle a jusqu'ici fait la sourde oreille. Dommage que Bercy n'ait pas insisté pour mettre Bpifrance dans le projet. Pour sa part, le fonds d'investissement français PAI Partners pourrait être partant comme il l'avait été pour la reprise de Souriau en 2019. Enfin, l'Agence de l'innovation de défense (AID) planche sur la constitution d'un fond d'investissement, dont l'ambition est de lever 500 millions d'euros environ. Mais le temps d'y arriver, ce sera bien évidemment trop tard pour sauver le soldat Photonis. Ce fonds, même s'il est beaucoup plus ambitieux que Definvest, pourrait difficilement racheter tout seul Photonis au regard du montant de la transaction. On est donc loin, très loin des propos tenus vendredi par le président à l'Ecole de Guerre :

"La bonne utilisation de ces outils de souveraineté commune nécessite, d'abord et avant tout, bien évidemment des investissements, une politique industrielle, des standards de souveraineté, beaucoup plus forte et ambitieuse mais aussi la construction d'une culture stratégique partagée, car notre incapacité à penser ensemble nos intérêts souverains et à agir ensemble de façon convaincante met chaque jour en cause notre crédibilité en tant qu'Européens. Elle offre aux autres puissances la possibilité de nous diviser, de nous affaiblir".

Une nationalisation ?

Faut-il nationaliser la PME bordelaise, qui contribue à la performance des équipements de défense, et notamment ceux des forces spéciales ? Pourquoi pas en attendant de trouver une solution pérenne. Car depuis 20 ans, Photonis, qui participe au projet de laser mégajoule, fait l'objet d'une surveillance par l'Etat, a officiellement expliqué début janvier le ministère des Armées en réponse à une question du député Les Républicains Patrice Verchère. Ainsi, depuis plus de vingt ans, Photonis a fait l'objet de cessions régulières entre différents fonds d'investissement : Barclays PE, AXA PE, Astorg, et dernièrement Ardian (ex-AXA PE) en 2011.

"Chacune de ces cessions a constitué un risque de prise de contrôle par un acteur étranger et a donc fait l'objet d'une surveillance par l'État, a expliqué le ministère des Armées. Des conditions liées aux autorisations de cession ont ainsi pu être imposées au cas par cas (à titre d'exemple : pérennité des activités, préservation des capacités industrielles, obligation de notifier à l'Etat toute délocalisation en ou hors de France, etc.)".

Dans le cadre de la cession actuelle de Photonis, le ministère des armées "accordera une vigilance toute particulière à ces conditions d'autorisation de cession". Dans l'hypothèse où un acteur étranger souhaiterait prendre le contrôle de Photonis, "une telle opération ferait l'objet d'une demande d'autorisation préalable auprès du ministère de l'économie et des finances. Le dossier serait instruit avec l'ensemble des administrations en charge de la protection des activités de cette société afin de déterminer les conditions de cette autorisation, dont l'Etat contrôlerait ensuite le respect à l'issue de la cession". Mais Photonis, dont le siège social est à Mérignac, serait bradé au profit d'un groupe américain.

 

vendredi, 14 février 2020

Después del Brexit, ¿Rusia como alternativa?

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Después del Brexit, ¿Rusia como alternativa?

  • "¿A ningún dirigente se le ha ocurrido pensar por qué, desde 1992 ninguna consulta sobre Europa ha resultado vencedora? Solo en España, lo que no es casualidad"
  • "Solo se puede entender lo que está pasando en EEUU y en Gran Bretaña partiendo de que el mundo está cambiando de base geopolítica"
  • "EEUU ha intentado convertir a Rusia en una gran potencia adversaria de los pueblos europeos. Es la búsqueda de un enemigo que justifique la existencia de la OTAN"

Enric Juliana es un periodista singular y, en muchos sentidos, diferente. Su estilo consiste en situar el hecho, el dato, la noticia históricamente; intentar ir más allá del día a día y enmarcar lo que ocurre en un contexto más amplio. Hace unos días relacionaba el Brexit con la geopolítica que tiene como referente a Mackinder. No dijo mucho más. He esperado que desarrollara esta idea pero no lo ha hecho. Así que tiro de este hilo sabiendo que, seguramente, el conocido periodista catalán no estará de acuerdo con muchas de las cosas que escribo.

Sir Halford Mackinder (1861-1947) fue un geógrafo notable británico y un político muy influyente. Esta doble condición siempre hay que tenerla en cuenta; intentó conocer la realidad, siempre al servicio de los intereses estratégicos de su país. Si bien no usó nunca el término geopolítica, influyó decisivamente en esta disciplina que unos consideran ciencia y otros un arte político de Estado. En 1904 publicó una conocida conferencia con el título de El pivote geográfico de la historia. En 1919 desarrolló estas ideas en un libro muy importante en su época, llamado Democratic Ideals and Reality. No es fácil explicar en un artículo como este la complejidad, hondura y los supuestos de una concepción geográfica que ha marcado, durante más de un siglo, los debates estratégicos y políticos de un mundo en perpetuo cambio. Quizás esto es lo que más sorprende. La “problemática Mackinder” vuelve una y otra vez, y retorna -precisamente- cuando los teóricos de la globalización consideran que el territorio y la geografía habían perdido su relevancia en las relaciones internacionales.

Para entender bien lo que Mackinder nos sigue diciendo hoy, hay que partir de dos ideas centrales. La primera es la que opone estructuralmente la geopolítica del mundo entre el poder marítimo (talasocracia) y el poder terrestre (telurocracia); esta oposición es sustancial y afecta a las estrategias políticas y militares, y tiene consecuencias en la construcción y desarrollo de los Estados. La segunda se desarrolla ampliamente en el artículo de Mackinder antes citado, tiene que ver con la llegada de una nueva etapa de la geografía-mundo que podríamos llamar post-colombino. Los descubrimientos de Cristóbal Colón marcaron toda una etapa histórico-social de las potencias de Europa (que es una península de Eurasia) que se expandieron mundialmente a través de los océanos convirtiéndose en vastos imperios en colisión permanente. Mackinder considera que esa etapa terminó. El mundo se había cerrado, quedando repartido entre las grandes potencias, con una clara hegemonía del Imperio Británico. La clave -entramos ya en el fondo del debate- es que las potencias talasocráticas habían perdido parte de su ventaja estratégica y que el territorio volvía a ser un elemento central (telurocracia).

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El geógrafo británico identifica un territorio fundamental que llama la isla mundial compuesta por Europa, Asia y África. En su centro, un pivote geográfico que, posteriormente, llamaría Heartland o Corazón continental. De este centro surgen dos grandes líneas, una interna y otra externa. El Heartland ocuparía un amplio espacio de lo que llamamos Siberia y Asia central; es decir, desde el Volga al Yangtze y desde el Himalaya al océano Ártico. La conclusión de Mackinder marca toda una época y es muy conocida. “Cuando nuestros estadistas estén en conversación con el enemigo derrotado, algún alado querubín debería susurrarles, de tiempo en tiempo: quien domina la Europa oriental, controla el corazón continental; quien domina el corazón continental controla la isla mundial; quien domina la isla mundial, controla el mundo”. Una pequeña nota: lo que se está jugando en ese momento (1919) es el nuevo orden pactado en Versalles.

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Volvamos al Brexit. Este mes he publicado en El Viejo Topo un ensayo sobre la salida de Gran Bretaña de la Unión Europea. Me remito a él para otras consideraciones. Una cosa quisiera subrayar: la ferocidad de la clase dirigente y de los medios europeos contra una decisión democrática y legítima, no tiene fácil explicación. Los insultos y desprecios han llegado a límites difícilmente soportables, hasta el punto que se anima a la secesión de Escocia en un momento en el que la cuestión territorial es un problema grave en España. En esto han participado tanto la derecha como la izquierda. ¿A ningún dirigente significativo se le ha ocurrido pensar por qué, desde 1992 (referéndum francés) ninguna consulta sobre Europa ha resultado vencedora? Solo en España, lo que no es casualidad. La falta de autocrítica de la élites europeas el alarmante. La paradoja de todo este debate es que para los europeístas más federalistas la salida de Gran Bretaña tendría que haber sido vivida como una oportunidad. La construcción neoliberal de Europa ha sido justificada, en gran medida, por la presencia de Gran Bretaña; la involución social, el predominio de las libertades comunitarias y la desregulación de los mercados han tenido tradicionalmente como culpable la presencia de unas islas percibidas, más como quinta columna que como constructores leales de un proceso de integración unitario.

Solo se puede entender lo que está pasando en EEUU y en Gran Bretaña partiendo de que el mundo está cambiando de base geopolítica y que nos encontramos (en este mundo cerrado) ante una gran transición que tiene en su centro una enorme redistribución de poder. Para decirlo de otra forma, lo que hemos llamado globalización ha iniciado su fin. No será fácil comprender las mutaciones que estamos viviendo; no será fácil entenderlas y, mucho menos, disponer de una plataforma ideo-política capaz de guiarnos en un mundo que cambia aceleradamente. Lo que está pasando lo tenemos delante de nuestros ojos: una potencia (EEUU) que se niega a aceptar su decadencia, que no está dispuesta a compartir, en nuevas condiciones, su hegemonía mundial y que se enfrenta a una potencia emergente (China) que está obligada a cambiar el orden mundial. Lo diré como ha expresado Kaplan: EEUU no va a aceptar el predominio de una gran potencia en el hemisferio oriental. Lo combatirá por todos los medios y llegará hasta el final. La “trampa de Tucídides” sigue estando presente.

M0208070088X-large.jpgEn este mundo que cambia, los grandes poderes económicos británicos quieren caminar solos; ponen sus intereses estratégicos en el centro y, desde su autonomía, buscarán alianzas con Europa; mejor dicho, con algunos países europeos. Nadie cuestiona sus acuerdos de fondo con los EEUU, y el Reino Unido seguirá en ellos con voz e intereses propios. El otro lado de la cuestión debería suscitar alguna reflexión a los europeístas de andar por casa que hoy nos abruman. El dato más relevante para los hombres y mujeres que estamos en el marco de la UE es que a más integración, menos capacidad de Europa para ser un sujeto autónomo y diferenciado en unas relaciones internacionales donde las grandes potencias están definiendo intereses y marcos de actuación.

Con Mackinder retorna Rusia. Para EEUU el frente europeo es secundario, ellos están ahora en otra cosa: disputarle la hegemonía a China en el Pacífico. La OTAN sirve para este objetivo, subalternizar a una UE sin alma y sin proyecto, dividirla e impedir una asociación duradera con Rusia. La casa común europea fue un proyecto fracasado de unas élites rusas que habían llegado a confiar en una alianza con las democracias occidentales. Putin es hijo de ese fracaso. Tomó nota y sacó las consecuencias estratégicas oportunas. Los EEUU han intentado -y seguirán intentándolo- convertir a Rusia en una gran potencia adversaria de los pueblos europeos. Es la búsqueda de un enemigo que justifique la existencia de la OTAN, la carrera de armamentos y la enemistad entre Alemania y Rusia. La ampliación al Este de la OTAN, la rápida integración de los países ex socialistas en la UE y el rígido alineamiento de estos con el amigo americano es un mismo proceso dirigido, hay que insistir, a impedir cualquier asociación económica y política con Rusia; es decir, con el pivote geográfico mundial o el Heartland continental.

Hace más de 20 años Brzezinski, hablando de los peligros futuros para EEUU escribía lo siguiente: “El escenario potencialmente más peligroso sería el de una gran coalición entre China, Rusia y quizás Irán, una coalición ‘antihegemónica’ unida no por una ideología sino por agravios complementarios. Recordaría, por su escala y por su alcance, a la amenaza que planteó, en determinado momento, el bloque sino-soviético, aunque esta vez China sería probablemente el líder y Rusia el seguidor. Evitar esta contingencia, por más remota que pueda ser, requerirá un despliegue simultáneo de habilidad estratégica estadounidense en los perímetros occidental, oriental, y sur de Eurasia”. El conocido analista geopolítico norteamericano acierta de pleno y es capaz de atisbar el futuro. A la hora de las soluciones, aparece siempre Rimland  o “anillo continental” de Spykman.

Europa y Alemania tienen unas geoeconomías complementarias y podrían tener estrategias geopolíticas convergentes. Hay conflictos (como el de Ucrania) pero serían solucionables en el marco de un acuerdo de asociación económica, energética y política. La condición previa es que Europa tenga un proyecto propio y autónomo en las relaciones internacionales; es decir, que se desenganche de la OTAN, defina sus intereses estratégicos y busque su lugar en un mundo que transita, bajo enormes dificultades, a la multipolaridad. Mi viejo maestro Samir Amín habló hasta el final de un eje París-Berlín-Moscú-Beijing. Mackinder retorna y, con él, Eurasia. La historia, no solo no terminó, sino que comienza de nuevo.

Rééduquer l'homme occidental

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Rééduquer l'homme occidental

Par Mathieu BOCK-CÔTÉ

Ex: https://metainfos.fr

Dans L’Homme surnuméraire, un roman paru en 2018, Patrice Jean a eu l’intuition géniale de mettre en scène un personnage dont le travail consiste à réécrire les classiques de la littérature pour les rendre compatibles avec les valeurs de notre temps. Mais comme c’est trop souvent le cas, le réel vient de dépasser la fiction. Dans certaines maisons d’édition américaine, la tendance est à l’embauche des « sensitivity readers ». Leur rôle ? Réviser les manuscrits pour y traquer les préjugés raciaux ou les stéréotypes de genre et s’assurer d’une représentation positive de la diversité dans le texte publié, qu’il faudrait délivrer de l’emprise du « patriarcat blanc ». Parfaits commissaires politiques, ils lisent les œuvres à partir d’une grille idéologique et distribuent les bons et mauvais points. La littérature doit s’y soumettre ou se démettre.

On peine à ne pas penser à la censure aux temps de l’URSS : là aussi, les textes devaient passer sous les yeux des lecteurs du régime, qui s’assuraient de leur conformité avec l’idéologie officielle. L’art devait contribuer à la célébration du régime, et non en miner les fondements. La mobilisation des intellectuels et des artistes, perçus comme des « ingénieurs des âmes », était jugée nécessaire pour parachever la révolution dans l’imaginaire collectif. De même, aujourd’hui, dans plusieurs pays occidentaux, les subventions publiques dans le domaine de la culture sont attachées à des critères idéologiques explicites – il importe généralement d’assurer la promotion du vivre ensemble et de la diversité, pour le dire avec le jargon autorisé. C’est le retour de la littérature édifiante, au service d’une pédagogie à destination des masses.

Cette surveillance idéologique des productions culturelles est indissociable de la révolution diversitaire qui œuvre à la transformation des mentalités occidentales. On aurait tort de croire qu’elle se limite aux élucubrations théoriques d’universitaires. Elle a pénétré depuis longtemps administrations, entreprises et médias, qui intègrent à leurs activités nombre de « conseillers à la diversité », censés sensibiliser les cadres et les employés à la diversité, tout en les poussant à prendre conscience de leur « privilège blanc », pour mieux le déconstruire. Aucune société occidentale n’est épargnée. Il faudrait faire le décompte des séances de formation dans les milieux de travail pour constater l’étendue de son emprise. Voyons-y une forme de formatage idéologique permanent, pour pressuriser les consciences et assurer leur anesthésie ou leur soumission enthousiaste. Le régime diversitaire transforme la société en camp de rééducation à ciel ouvert.

L’autocritique théâtralisée devient une manière d’afficher sa noblesse morale dans un environnement où la haine du réactionnaire passe pour la forme achevée de l’amour de l’humanité. Mais c’est quand même avec étonnement qu’on a appris dans les pages du Guardian, ces derniers jours, que le marché de la culpabilisation de l’homme blanc, et plus particulièrement, de la femme blanche, était de plus en plus lucratif aux États-Unis. Des activistes « racisées » organisent de coûteux dîners en ville où se rassemblent des femmes blanches de la bonne société qui viennent s’y faire expliquer qu’elles sont racistes et comment ne plus l’être. On marchandise ainsi un sentiment de culpabilité médiatiquement entretenu. Ce désir d’être rééduqué relève de la névrose et témoigne de la destructuration psychique des sociétés occidentales, hantée par la haine de leur expérience historique.

On ne saurait sous-estimer la portée de cette entreprise de rééducation. À terme, il s’agit de faire basculer l’homme occidental dans un monde parallèle. Orwell disait que le propre du totalitarisme consiste à pousser l’homme à admettre que 2 + 2 = 5. De là une campagne de provocation permanente ayant pour vocation de déstabiliser définitivement les consciences et de détruire les repères anthropologiques les plus élémentaires. Même la classe politique s’y met. Quand Emmanuel Macron, selon Valeurs Actuelles, déclare à la présidente des Associations familiales catholiques, lors d’une conversation informelle à l’Élysée : « Votre problème, c’est que vous croyez qu’un père est forcément un mâle », il y participe, sans doute inconsciemment. Toujours, il s’agit de renverser les structures anthropologiques les plus fondamentales et de faire passer pour sot celui qui doute. C’est le règne de l’indifférenciation absolue et de l’interchangeabilité des êtres. Il est tentant d’assimiler ces exemples à des dérives loufoques, devant davantage faire rire qu’inquiéter. À tort. C’est en les pensant ensemble que se révèle l’ambition fondamentale du régime diversitaire : fabriquer un homme nouveau, arraché à sa civilisation, et désirant même la renier de manière ostentatoire, pour se faire enfin pardonner d’exister.

Source : Le Figaro – samedi 8 février 2020

00:48 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rééducation, actualité, politiquement correct | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Les nouveaux paramètres de la guerre économique

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Les nouveaux paramètres de la guerre économique

 
Ex: http://notes-geopolitiques.com

L’entrepreneuriat se transforme au fil des évolutions géopolitiques du monde. Après les Trente Glorieuses, une nouvelle économie s’est développée à la vitesse du numérique, sur fond de mondialisation heureuse.

Les nouveaux échanges devaient répandre partout le capitalisme libéral et le modèle démocratique, associant « fin de l’histoire »  (1) et succès des entreprises. Très vite, le rêve s’est dissipé.

Et ont surgi de nouvelles fractures : antagonisme Nord / Sud, tensions religieuses, crise environnementale, réveil des empires endormis…

Aujourd’hui, c’est l’économie mondiale dans son ensemble qui est devenue le champ des affrontements entre puissances.

Dès lors, comment pour les entreprises se préparer à ces conflits inédits ?

Sur quel mode pratique former leurs dirigeants à la « guerre économique » ?

Au-delà des compétences techniques, n’est-il pas grand temps de donner toute sa place à la géopolitique, de réhabiliter la culture générale, de favoriser l’éclosion de vertus comme la lucidité et l’audace, bref de replacer l’humain au centre de la formation ?…

Entreprendre en temps de guerre… économique

« L’affrontement économique entre les Etats-Unis et la Chine remet en question beaucoup d’idées reçues depuis des décennies dans le monde académique comme dans le monde politique. L’idée d’un marché pacifié et régulé par des institutions internationales a dominé la réflexion sur l’économie mondiale pendant des décennies. Force est de constater que la réalité est tout autre. Les affrontements économiques sont au coeur des enjeux du monde contemporain. »

Ainsi Christian Harbulot, fondateur et directeur de l’Ecole de guerre économique, ouvre-t-il la 3ème édition du Manuel d’intelligence économique (2).

Or, si le monde a vécu un basculement si violent, n’est-il pas temps de former nos élites à cette nouvelle configuration ?

Préfaçant un livre intitulé Former des cadres pour la guerre économique, Christian Harbulot précise sa pensée : « Le monde a changé. Le marché mondial est fracturé en deux mondes, matériel et immatériel ; en plusieurs blocs géoéconomiques de plus en plus agressifs ; en sociétés consuméristes qui divergent sur leur finalité sociétale. Autrement dit, il ne suffit plus d’être un futur patron centré sur le coeur de métier, passionné par les enjeux de l’innovation, affûté sur la connaissance du marché, remarqué par sa maîtrise des questions financières pour développer une entreprise. » (3)

Au coeur de toute formation, on trouve l’humain, confronté à la réalité du monde. Dès lors, quid de sa capacité à l’appréhender dans sa complexité, pour y détecter, sans a priori, tout à la fois les opportunités et les menaces ?

Résumons. Dans un contexte d’économie libérale, la concurrence appartient depuis toujours à la culture entrepreneuriale.

Encadrée par la loi, elle est censée favoriser la satisfaction des clients et la performance des entreprises.

Toute transgression d’une concurrence « claire et loyale » (corruption, monopole, ententes ou cartels, par exemple) est une faute économique sanctionnée par les pouvoirs publics.

Cependant, le processus de mondialisation a fait que la concurrence est passée du registre de la compétition commerciale à celui de la « guerre économique ».

Aujourd’hui, tous les coups sont permis.Les concurrents sont devenus des ennemis.

Dès lors, les entreprises peuvent faire les frais d’affrontements massifs, Etat contre Etat, comme ceux qui opposent actuellement les USA à la Chine ou à l’Iran.

Les armes utilisées sont essentiellement le contrôle des échanges, les droits de douane, la confiscation d’avoirs ou, plus brutale, l’interdiction de tout commerce avec l’Etat visé, diktat qui peut être étendu aux nations tierces, sous la menace de représailles.

L’interdit peut viser un produit ou une marque, (cf. Huawei aux USA), ou s’étendre à la totalité des transactions commerciales avec un Etat, comme l’embargo décidé par Donald Trump contre l’Iran, en mai 2018.

Quand un tel choix est fait par une puissance hégémonique, les entreprises du reste du monde sont sacrifiées.

Ainsi Airbus, Renault, Peugeot et Total, comme leurs sous-traitants, souvent des PME, ont-ils été contraints de renoncer à leurs investissements et à leurs activités en Iran, victimes collatérales d’un conflit dont leur pays d’origine n’est en rien partie prenante.

On comprend dès lors que la compréhension des configurations géopolitiques sans cesse mouvantes soit l’une des clés majeures à disposition des directions pour définir leurs stratégies et décliner leurs modes opératoires.

Mais en réalité, que peut faire une entreprise, même innovante, agile et performante, confrontée à l’arme de dissuasion (ou de destruction…) massive qu’est le principe d’extraterritorialité du droit américain ?

La Société Générale, le Crédit Agricole, BNP Paribas, Total, Alcatel et Technip ont dû accepter de payer des amendes colossales pour éviter de voir leurs activités bannies de tous les échanges internationaux.

Il s’agit bien ici d’une arme de guerre économique contre les entreprises françaises, lesquelles, comme le précisait la DGSI dans une note d’avril 2018, « font l’objet d’attaques ciblées, notamment par le biais de contentieux juridiques, de tentatives de captation d’informations et d’ingérence économique. »

Plus que jamais, il importe donc avant tout de jeter un regard lucide sur le monde et d’en finir avec la candeur qui conduit à l’erreur.

Un certain entrepreneuriat face au déni de réalité

Malheureusement, en France, les exemples de candeur entrepreneuriale ne manquent pas ! Pour s’en convaincre, examinons ces 100 cas d’intelligence économique (4), décortiqués récemment par une promotion d’étudiants sous l’égide de Nicolas Moinet, professeur à l’université de Poitiers, l’une des rares figures de l’intelligence économique dans le monde académique.

On découvre ainsi que l’Union des fabricants de calissons d’Aix est passée à deux doigts de devoir racheter sa propre marque à un industriel chinois aussi malin que cynique !

Ou que Thomson CSF s’est fait souffler en 1994 un important appel d’offres brésilien par l’américain Raytheon après que Bill Clinton en personne ait appelé les décideurs du Brésil pour leur signaler un cas de corruption.

Cet échec français embarrassant a mis en lumière les armes puissantes et discrètes des USA.

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En effet, les informations délictueuses – malheureusement exactes – avaient été « aspirées » par le système d’écoute Echelon, analysées par la NSA et fournies au Président américain.

Quant à l’entreprise française, elle avait été victime tant de ses mauvaises habitudes commerciales que de sa légèreté.

Une variante de ce scénario catastrophe économique s’est rejouée quand Alstom, fleuron industriel et stratégique, a été bradé à l’américain General Electric dans des conditions douteuses (voir note CLES HS83 de mars 2019).

Autre exemple, devenue leader mondial des cartes à puce, la PME Gemplus est passée sous contrôle d’un fonds d’investissement américain qui a nommé à sa tête Alex Mandl, ancien N°2 d’AT&T et administrateur d’In-Q-Tel, société de capital-risque gérée par la CIA !

Alain Juillet réussira à éviter ce « hold-up technologique » et créera Gemalto.

En revanche, la société Activcard, spécialisée dans les logiciels de gestion d’identité n’a pas su rester française : elle est passée avec son savoir-faire et ses brevets, sous contrôle du fonds de pension américain Fidelity, dirigé par Robert Gates, ancien directeur, bis repetita, de la CIA ! (5)

À ces quelques exemples, on mesure la force de frappe régalienne et les avantages concurrentiels extraordinaires dont bénéficient les entrepreneurs américains.

En revanche, note Robert Papin, l’un des premiers Français à avoir saisi cette dimension, « [si] l’économie a intégré le domaine de la guerre […], les Français abordent généralement cette réalité avec une inquiétante naïveté, à l’inverse de leurs concurrents américains, chinois ou britanniques dont la maîtrise dans la captation de données sensibles ou de technologies se nourrit de l’aveuglement de certains de leurs concurrents, au premier rang desquels les Français, dont la candeur est aussi appréciée que les compétences. » (6)

Or la géopolitique intègre bien évidemment la dimension « intelligence culturelle », qui permet de cerner au plus près les différences entre pays en matière de modèle éducationnel ou social, religieux ou philosophique.

Preuve que la culture générale fait partie intégrante du bagage intellectuel du manager, bagage qu’il lui incombe de faire croître et fructifier tout au long de sa vie.

Apprendre un nouvel « art de la guerre » entrepreneurial

On le voit, le nouveau contexte économique mondial a fait évoluer le métier d’entrepreneur par addition de nouveaux besoins en compétences. Mais certains ont raté la marche.

Ainsi, la généralisation du numérique et d’internet ont entraîné des disruptions explosives dans des secteurs entrepreneuriaux solidement établis.

Kodak a disparu faute d’avoir adopté le numérique, BlackBerry et Rank-Xerox pour n’avoir pas adopté les standards internationaux.

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Plus près de nous, Airbnb attaque de plein fouet le secteur hôtelier, Deliveroo la restauration, Uber les transports individuels et Amazon les entreprises de distribution.

Quant aux big data et à l’intelligence artificielle, elles annoncent déjà de prochaines batailles pour des marchés énormes en même temps que stratégiques dans les développements militaires, les activités médicales, les transports, la sécurité et les services.

Ces nouveaux affrontements s’accompagneront de nouvelles formes d’entrepreneuriat, donc de nouvelles qualités et de nouvelles compétences.

Il va de soi que la vigilance, l’intuition et la modestie devant le réel resteront encore longtemps dans l’ADN entrepreneurial.

Mais le courage du « corsaire », capable de s’affranchir des routines, des conforts, des modèles, voire des règles, va certainement devenir un atout dans un monde où la guerre a définitivement envahi l’économie.

Spécialiste en communication, Mathilde Aubinaud évoque ainsi le parcours de quelques entrepreneurs audacieux qui ont fait le pari de la singularité (7).

Mais l’audace peut-elle être un objet d’enseignement dans les écoles de management comme c’est le cas pour la géopolitique ?

Sans doute moins par la théorie que par l’exemple !

De fait, une fois intégré ce paramètre sur un mode théorique, il revient à chaque entrepreneur d’inventer son « art de la guerre », qui sera d’abord un art d’oser, reposant tout à la fois sur l’intelligence des situations, la lucidité, le courage, la capacité à agir et à penser autrement…

Et là encore, c’est le principe de réalité qui doit primer.

A cet égard, il n’est inutile d’écouter ce que ne cesse de marteler Chrsitian Harbulot, fin connaisseur s’il en est de la guerre économique : « La prise en compte de la conflictualité latente entre les puissances, les limites d’exploitation des ressources de la planète, les contraintes posées par la dégradation de l’environnement sont autant de nouveaux paradigmes qui modifient le cadre cognitif de formation des élites. Les futurs chefs d’entreprise ne peuvent faire abstraction de ces nouveaux enjeux en se défaussant sur le pouvoir politique ou sur le corps électoral qui les élit. Désormais, le pilotage d’une entreprise implique une approche lucide de ces questions. Autrement dit, il n’est plus possible de s’engager dans des activités économiques sans chercher à comprendre quel type d’affrontement elles peuvent générer. Apprendre à diriger, c’est aussi apprendre à combattre l’adversité et éventuellement ses ennemis. »  (8)

Décidément, se former à la géopolitique se révèle être incontournable !

Pour en savoir plus :

1566869422_9782130817703_v100.jpgManuel d’intelligence économique, sous la direction de Christian Harbulot (PUF, 2019) ;

Former des cadres pour la guerre économique – L’itinéraire de Robert Papin, par Raphaël Chauvancy, (VA Editions, 2019) ; 100 cas d’intelligence économique, sous la direction de Nicolas Moinet, (VA Editions, 2019) ;

La saga des audacieux, par Mathilde Aubinaud (VA Editions, 2019).

1/ Pour reprendre le titre du livre de l’économiste américain Francis Fukuyama (1989).

2/ Collectif, sous la direction de Christian Harbulot (PUF, 2019).

3/ Former des cadres pour la guerre économique – L’itinéraire de Robert Papin, par Raphaël Chauvancy (VA Editions, 2019), préface de Christian Harbulot.

4/ 100 cas d’intelligence économique, sous la direction de Nicolas Moinet (VA Editions, 2019).

5/ Tous ces exemples sont tirés de l’ouvrage 100 cas d’intelligence économique, op.cit.

6/ Témoignage de Robert Papin, in Former des cadres pour la guerre économique, op. cit.

7/ La saga des audacieux, par Mathilde Aubinaud (VA Editions, 2019).

8/ Former des cadres pour la guerre économique, op.cit., préface de Christian Harbulot.

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Angela Merkel – Die Totengräberin der Demokratie

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Stefan Schubert:

Angela Merkel – Die Totengräberin
der Demokratie

Ex: https://kopp-report.de

Angela Merkel hat in wenigen Tagen drei tragende Säulen eines demokratischen Rechtstaates abgeschafft: Den Willen des Volkes, der durch freie und geheime Wahlen bekundet wird, den Föderalismus der Bundesländer, und das parlamentarische Regierungssystem. Das totalitäre Gebaren der Kanzlerin wurde durch eine Ministerpräsidentenwahl ausgelöst, dessen Abstimmungsergebnis Merkel missfiel.

Angela Merkels politische Agenda dreht sich nur noch um sie selbst und den eigenen Machterhalt. Im Bundestag ist sie allenfalls physisch anwesend, mitreißende Reden an ihr Volk oder gar in Pressekonferenzen, selbst vor regierungskonformen Medien, sind bei ihr absolute Mangelware. Es existieren nur wenige hohe Repräsentanten seit dem Bestehen der Bundesrepublik, die ihre Verachtung gegenüber dem Souverän so arrogant zu Schau stellen wie die ehemalige FDJ-Sekretärin.

Wenn überhaupt jettet die Kanzlerin im Ausland herum, lässt sich beklatschen und mit irgendwelchen Preisen huldigen, während sie unermüdlich deutsche Gelder und Interessen verteilt. Ihre Reisedaten sind entsprechend entlarvend: Merkel spricht vor dem UN-Klimagipfel in New York und vor dem Weltwirtschaftsforum in Davos – das einzige Thema der Kanzlerin: Klima, Klima, Klima.

Um Deutschland sorgt sich diese Kanzlerin seit Jahren nicht mehr, wenn sie es denn je getan hat. Unmotiviert, gleichgültig und abgehoben sind sicherlich noch die harmloseren Adjektive, die ihr politisches Wirken der vergangenen Jahre beschreiben. Die CDU hat Merkel erst inhaltlich entkernt, sozialdemokratisert und jetzt, ganz im Sinne einer grünen Ideologie, auch den Multi-Kulti-Ideologen geopfert.

Wenige Stichworte reichen aus, um die desaströse Bilanz ihrer Kanzlerschaft zu belegen: ein übereilter und planloser Atomausstieg, eine wirtschaftsfeindliche Ausrichtung, die erst die Dieseltechnologie und dann das Automobil als Ganzes zum Feindbild erklärt, eine »Energiewende«, die die Explosion des Strompreises zu verantworten hat, die Abschaffung der Wehrpflicht, das Beibehalten des Doppelpasses, und schließlich die Mutter aller Sünden – die Grenzöffnungen sowie die unkontrollierte Masseneinwanderung aus mehrheitlich muslimischen Herkunftsstaaten. Auf die Destabilisierung der inneren Sicherheit folgt nun die Destabilisierung der politischen Landschaft und der Demokratie im Land.

Wem diese Wortwahl zu drastisch ist, muss sich die Thüringer Vorkommnisse vergegenwärtigen. Ein demokratisch gewählter Landtag wählt mit einer parlamentarischen Mehrheit einen Ministerpräsidenten, so etwas nennt man Demokratie. Dann schaltete sich die Bundeskanzlerin während ihrer Auslandsreise aus Südafrika ein. Kemmerichs Ministerpräsidentenwahl sei »unverzeihlich« und das Ergebnis müsse »rückgängig gemacht werden«. Diese Sprachwahl erinnert an kommunistische Diktaturen, an einen Erich Honecker, aber auf keinen Fall an eine Demokratie im 21. Jahrhundert.

Die AfD hat aus diesem Grund Strafanzeige nach Paragraph 106 Strafgesetzbuch (Nötigung von Mitgliedern eines Verfassungsorgans) gestellt. Da Merkel den CDU-Vorsitz verloren hatte, habe sie diese Äußerungen in ihrer Funktion als Kanzlerin getan und Amtsmissbrauch begangen, so Kritiker. Andere Politiker sprachen in diesem Zusammenhang von einem Putsch der Bundeskanzlerin gegen ein Verfassungsorgan des Landes Thüringen.

Allgegenwärtige Nazi-Diffamierungen anstatt inhaltlicher Debatten

Aus einem Mangel an Argumenten greifen die Eliten gefühlt im Minutentakt zu sich ständig überbietenden Nazi-Vergleichen. So bezeichnete der ZDF-Chefredakteur Frey die demokratische Ministerpräsidentenwahl von Thüringen als einen Weg nach Buchenwald, eines der Konzentrationslager der Nationalsozialisten. Diese Instrumentalisierung von Millionen Opfern für eigene innenpolitische Zwecke belegt einmal mehr den Werteverlust im politischen Berlin.

Wer demokratische Wahlen mit der Vernichtung von Millionen Menschen gleichsetzt, erfüllt den Straftatbestand der Verharmlosung des Holocaust, jedenfalls nach dem Werteempfinden des Autors. Das Gleiche gilt für die inflationäre Diffamierung von politischen Konkurrenten als »Nazi« oder »Faschist«. Die Verlautbarungen der Altparteien und ihren medialen Armen klingen im Jahr 2020, als seien sie von der linksextremen Antifa abgeschrieben worden. Und während die schwarzvermummten Schlägertrupps der Antifa nun den politischen Willen aus Berlin mit Gewalt auf der Straße exekutieren, schließt sich hier wieder der Kreis der Anti-Demokraten.

Angela Merkel hat die CDU/CSU so weit nach links geführt, dass deren politische Vorgaben durch linksterroristische Sturmabteilungen mit Straßenterror durchgesetzt werden. Ein Aufschrei der Zivilgesellschaft bleibt aus. Ebenso wie Gratiskonzerte des Juste Milieu für die Opfer linker Gewalt. Nach der bundesweiten Hetz-Kampagne gegen den 24-Stunden FDP-Ministerpräsidenten Kemmerich folgte eine Gewaltwelle gegen FDP-Mitglieder. Kemmerichs Frau wurde auf offener Straße angespuckt, und selbst vor Morddrohungen gegen seine Kinder, die Polizeischutz erhalten mussten, schreckte der linke Mob nicht zurück. Worte des Bedauerns oder der Anteilnahme erfuhren die Drangsalierten weder von Angela Merkel noch von anderen Berliner Regierungsmitgliedern.

51QqrlGzSxL._SX318_BO1,204,203,200_.jpgPolitische Gewalttäter können und werden dieses Schweigen als Zustimmung und Legitimierung der Gewalt durch den Mainstream werten, solange die Brandanschläge und Gewaltexzesse im Namen der guten Sache begangen werden. Die ständige Drohkulisse durch Nazi-Vergleiche und einer linksextremen, geduldeten Gewalt auf der Straße, wird augenscheinlich ganz offen als Herrschaftsform durch das Merkel-Regime eingesetzt. Die Einheitsparteien der Grenzöffnungen ersticken so den breiten Unmut in der bürgerlichen Mitte und tabuisieren jegliche Kritik und Debatte an den epochalen Fehlentwicklungen im Land.

Das demokratiefeindliche Agieren dieser Protagonisten wird durch die Vierte Gewalt im Staate nicht etwa aufs heftigste kritisiert, sondern beklatscht. Selbst der Aufruf nach »Säuberungen« innerhalb von FDP und CDU wird von diesen Demokratiefeinden öffentlich geteilt. Demokratie scheint von der Antifa über die Altparteien bis zu den Mainstreammedien nur solange erstrebenswert zu sein, wie es die eigene Macht und den Einfluss sichert.

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Stefan Schubert: Die Destabilisierung Deutschlands, 336 Seiten, 22,99 Euro – hier bestellen!

Mittwoch, 12.02.2020

jeudi, 13 février 2020

Macron, de l'incapacité politique au bouclier constitutionnel

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Macron, de l'incapacité politique au bouclier constitutionnel

Par Franck BULEUX

Ex: https://metainfos.fr

Le constat est patent : les troupes de La République en marche (LRM), le mouvement du président Macron ne constituent en rien un vrai parti, de surcroît présidentiel. D’ailleurs, on ne cotise pas à ce « mouvement », on « clique » pour adhérer en exprimant son accord numérique. Il en est d’ailleurs de même pour La France insoumise (LFI), signe de modernité post-démocratique…

L’élection municipale parisienne à venir est emblématique : elle inventorie au moins trois candidats macronistes : l’officiel Benjamin Griveaux, ancien élu socialiste en Saône-et-Loire, Gaspard Gantzer, lui-aussi ancien socialiste proche de l’ancien président Hollande et celui qui se présente, lui-même, comme « surdoué dès son plus jeune âge », Cédric Villani. La capacité de ce dernier à se définir le consacre définitivement comme « macroniste », une équipe de « surdoués ». Paris est symptomatique des déchirures personnelles de LRM mais les divisions ne sont pas seulement concentrées dans la capitale, mais partout en France, les macronistes passent de l’extrême centre à gauche, voire à droite comme la députée de la 2e circonscription de l’Oise, Agnès Thill, qui défile avec la droite française contre la PMA et la GMA et siège maintenant avec les non-inscrits à l’Assemblée nationale. Tout près de Marine Le Pen.

La République en marche, issue d’En Marche !, mouvement créé par Emmanuel Macron, en 2016, pour l’accompagner dans son irrésistible ascension vers le sommet de l’État, n’a aucune colonne vertébrale. Certains macronistes candidatent, aux élections municipales, avec des LR, d’autres seuls, d’autres avec des socialistes…

Édouard Philippe n’est pas soutenu par LR au Havre, mais aucune liste LR ne postule dans la plus grande ville normande (du point de vue de sa population). Cette absence de liste ne vaut-il pas soutien ?

Ce « marais » politique est issu, notamment, des 19 % recueillis par François Bayrou en 2007 (Macron n’en a jamais rassemblés que 24 %, soit 5 points de plus 10 ans après). Ce conglomérat d’électeurs sans attache, de Patrick Sébastien, le seul humoriste à l’époque condamné pour incitation à la haine raciale (sic) aux centristes anti-gaullistes et aux socialistes orphelins de Laurent Fabius (pour lesquels Ségolène Royal paraissait trop réactionnaire). Le « mouvement central » français ou l’extrême centre. On ne le dira jamais assez, l’électorat bigarré de Bayrou a préparé celui de Macron mais, de la même façon, les errements des candidats du Modem (Mouvement démocrate), dès les municipales de 2008, préjugeaient et présageaient les errements des candidats LRM.

Après les actions des Gilets jaunes et ceux des syndicats contre la réforme des retraites, le pouvoir ne tiendrait donc qu’à un fil. Les divisions politiques internes viendraient « couronner » la débâcle ressentie dans la rue. « On vient te chercher chez toi ! » ne manquent pas de scander les opposants au Président depuis 15 mois, s’adressant à ce dernier.

Pas du tout, Emmanuel Macron, comme ses prédécesseurs, profite immanquablement des institutions de la Ve République. La protection du Président ne réside pas dans son autorité personnelle ou dans un improbable charisme mais tout simplement dans la Constitution gaulliste, remaniée par le néo-gaulliste Chirac, grâce à la substitution du septennat par le quinquennat depuis le référendum de l’automne 2000.

Ce n’est pas la vindicte populaire, ni les errements, voire les erreurs politiques qui peuvent mettre en cause le président Macron. Au pire, le fusible Philippe sera démis de son mandat, ce qui lui permettra de préparer sa campagne à la présidence de la région normande (le président actuel, Hervé Morin, malgré de bonnes initiatives, devrait se garder de cette offensive déguisée via la mairie du Havre qu’Édouard Philippe ne souhaite même pas…).

Non, le bouclier de Macron c’est la Constitution. Ce n’est pas en France qu’une procédure de destitution serait possible (sauf pour haute trahison…), en ce sens la France est devenue, au fil de la Ve République, un pays présidentiel. Pour vous en convaincre, vous observerez le taux d’abstention aux élections législatives, qui dépasse 50 %.

En France, le Président peut se couper de toutes et de tous, y compris de ses propres électeurs.

Peut-être est-ce le choix des Français ? Mais dans ce cas, il serait temps de cesser ces campagnes puériles contre le Président et d’attendre, patiemment ou non, le prochain scrutin. Les gesticulations des uns et des autres ne représentent au mieux que de la démagogie, au pire de l’incompétence politique.

Le renouveau de la démocratie française, pour peu que certains le souhaitent, passe, outre par une décentralisation nouvelle des lieux de pouvoir mais aussi par une révision constitutionnelle. C’est à cette double condition que la démocratie retrouvera ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être, un système de représentation populaire fondé sur la proximité entre édiles et représentés.

Le métissage des cultures est-il possible?

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Le métissage des cultures est-il possible?

par Pierre Marcowich

Ex: https://oswald-spengler-le-retour.e-monsite.com

Pour Oswald SPENGLER, les cultures sont des courants de vie organiques, c’est-à-dire un ensemble d’organes par lesquels la vie s’exprime et constitue un processus créateur de formes diverses (peuples, État, nation, religion, langues, droit, art, économie, coutumes, etc.). 

Remarquons, au passage, que, pour Oswald SPENGLER, c’est la culture qui crée le peuple, et non pas le peuple qui crée sa culture, comme il est d’usage de penser. 

Oswald SPENGLER constate que moins la pensée historique connaît ces courants de vie (cultures), plus elle s’acharne à considérer que la vie se trouve dans les relations multiples de ces cultures entre elles, et, par conséquent (et paradoxalement) moins elle comprend ces relations elles-mêmes : 

« Quelle richesse de psychologie dans ces cultures qui s’attirent, se repoussent, se rapprochent, s’étudient, se corrompent, s’entrechoquent ou se sacrifient, soit qu’elle s’admirent ou se combattent en contact immédiat, soit qu’elles vivent isolées en face du monde formel d’une culture défunte, dont le paysage montre encore les ruines. » (1) 

Oswald SPENGLER porte, à mon avis, un regard très perspicace sur les différentes sortes de relations que peuvent avoir les cultures entre elles. Qui d’entre nous, lecteur, je vous le demande, n’a pas lu un ouvrage ou un article répertoriant et décrivant avec minutie les relations commerciales depuis 1.000 ans entre l’Occident et le monde arabe, ou entre le monde arabe et la Chine, dans lequel l’auteur conclue, péremptoire, que ces relations démontrent l’influence réciproque des cultures, sans analyser plus au fond, c’est-à-dire sans tenter de découvrir l’univers intérieur produit dans chaque être par les différentes cultures qui se rencontrent. 

En effet, la pensée historique actuelle ne voit ou ne comprend pas l’univers intérieur des hommes de cultures différentes, nous dit Oswald SPENGLER. Ce sont alors deux mondes aux antipodes l’un de l’autre. Mais l’historien rationaliste et causaliste ne veut voir que les faits bruts avec lesquels il construit une chaîne continue de relations de cause à effet. 

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Oswald SPENGLER nous donne l’explication du comportement de l’historien moderne : 

« À la base de cette mentalité scientifique se trouve l’image grandiose d’une unité de l’histoire humaine, telle qu’elle est apparue un jour aux grands maîtres du gothique. » (2) 

C’est donc, nous dit Oswald SPENGLER, une vision purement occidentale. L’homme occidental veut embrasser le monde entier pour le comprendre. Du coup, il s’élève à la généralisation des êtres humains la plus élevée possible, en ignorant les courants de vie qui sont propres aux cultures.

L’unicité de l’être humain, comme on dit au XXIème siècle, signifie que tous les êtres humains ont le même univers intérieur, le même regard sur le monde, les cultures n’étant qu’un habit superficiel. 

Et Oswald SPENGLER de constater : 

« C’est une dynamique purement faustienne. Aucun homme d’une autre culture ne s’est représenté ainsi l’histoire. » (3) 

En effet, nous dit Oswald SPENGLER, jamais l’esprit grec n’a recherché les effets des unités d’expression communes entre le drame attique et l’art égyptien. Pour l’homme antique, chaque nation menait sa vie propre. 

Qu’on pense également à la notion de gentils  ou d’infidèles (païens) propre à la culture arabe (qu’on la considère au stade juif ou au stade islamique) : pas de salut pour les païens. 

Nous sommes alors, dans ces cultures, en présence d’une ligne de démarcation infranchissable : grecs/barbares, peuple élu(juif)/gentilité (idolâtres), croyants(musulmans)/infidèles (qafir). 

Par contre, pour le christianisme, qui se trouve à la racine de la culture occidentale, le païen ou l’adepte d’une autre religion (musulman, juif, indou) peut toujours mériter le paradis chrétien, même s’il ne devient pas chrétien. 

C’est pourquoi, l’homme d’Occident fait la recherche chaque jour de l’élément spécifique et général de l’être humain. 

Mais pour ce faire, il doit théoriser toute chose pour parvenir, je dirais, au plus grand commun dénominateur général. 

Oswald SPENGLER nous décrit la logique de la pensée historique moderne : 

« On confond l’être avec l’être éveillé, la vie avec ses moyens d’expression […] la pensée théorique voit partout des unités théoriques mouvantes » (4) 

Oswald SPENGLER décrit alors la logique du chercheur faustien (=occidental) en sociologie, en histoire, psychologie, etc. : 

1)   il perçoit un système de formes d’expression (langue, coutumes, État, etc.) ;

2)   il lui donne un nom ;

3)    le nom dégage à ses yeux un réseau de rapports ;

4)   dès lors il croira que le nom est un organisme vivant ayant une fonction constituée de rapports entre des formes d’expression. 

On ne peut qu’admirer la perspicacité d’Oswald SPENGLER pour démonter le système de la plupart de nos théoriciens en sciences humaines, même contemporains, plagiant la méthode scientifique.

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On ne peut pas, non plus, s’empêcher de penser, parmi d’autres, à Claude LEVY-STRAUSS avec son structuralisme, voulant, avec un acharnement inouï, construire un système de rapports de parenté global, applicable à toute l’humanité et à toutes les cultures et réussissant à obtenir que l’on mette à son service un mathématicien pour tenter (en vain) de traduire ce système structuraliste en fonctions mathématiques.

On comprend qu’un de ses laudateurs ait loué Claude LEVY-STRAUSS pour le fait qu’il voyait une égalité totale entre la diversité culturelle (humaine) et la diversité naturelle (végétale ?). On ne peut pas aller plus loin dans la généralisation théorique : le niveau supérieur consiste à intégrer les étoiles. Ce n’est plus seulement une simple spécificité occidentale. Cela devient de l’arrogance, la fameuse hybris occidentale ! 

Un autre exemple pourrait être pris dans la notion d’indo-européen qui représente un système de rapports entre diverses langues situées de l’Inde à l’Europe. À partir de ce système d’expression linguistique, on a créé ex nihilo le « peuple indo-européen » ! 

En réalité, nous dit Oswald SPENGLER, lorsque l’homme occidental découvre une structure étrangère à sa culture (religion, forme étatique, coutumes, etc.), il ignore, en général, ce qui l’a engendré dans l’âme de l’autre. Sa réaction immédiate, consiste à  projeter sa propre âme dans cette forme d’une culture qui lui est étrangère. 

Cette constatation d’Oswald SPENGLER, nous la découvrons quotidiennement dans les articles de journaux ou dans les ouvrages d’« experts » à la mode. Ainsi, cherchant à comprendre (ou plutôt « expliquer ») l’islamisme, ces « experts » considèrent que le monde musulman est divisé entre partisans de la laïcité (les « modernes ») et les intégriste (les « conservateurs »). L’Occidental ne peut même pas comprendre que la notion de « laïcité » ne peut se concevoir en Islam sans remettre en cause la nature même de l’Islam. Un « musulman avec une vision laïque » n’est déjà plus tout-à-fait musulman, me semble-t-il, ou c’est la religion islamique qui a muté, et c’est un autre problème. Il en de même pour la notion de « nation », typiquement occidentale, que l’Occidental tente de coller aux pays musulmans ou autres, et pour bien d’autres points. 

Mais, peut-on objecter, si l’on convertit l’homme de l’autre culture à notre religion, n’est-il pas possible de le transformer en Occidental ? 

La réponse d’Oswald SPENGLER est, sur ce point, formellement négative. 

En effet, selon Oswald SPENGLER, il ne peut pas y avoir de « transhumance psychique » (comme il dit) entre deux individus de culture différentes : 

« Une religion a beau se révéler dans des paroles aussi claires que possible, elle reste parole et l’auditeur y projette son sens intérieur. » (5) Il en est de même au plan artistique, politique, etc. 

Oswald SPENGLER concède tout de même que le don de « transhumance psychique », « très rare et très moderne est réservé à quelques hommes éminemment historiques », parmi lesquels, je me permets de l’ajouter, il se compte certainement, ce qui nous fait de bénéficier de son intéressante et magistrale vision de l’histoire universelle. 

Oswald SPENGLER précise qu’il y a incommunicabilité psychique entre deux cultures différentes que ce soit au niveau artistique ou religieux. Celui qui écoute ne fait qu’y projeter sa propre âme. 

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Mais alors, que penser des influences indubitables que l’on peut constater entre deux cultures étrangères ? le chiffre 0 conçu par la culture indoue et transmis par les Arabes à l’Occident, l’arc en forme de voûte des églises romanes et gothiques empruntée à la culture arabe ? 

Oswald SPENGLER commence par définir ce qu’est une « influence » : 

Pour Oswald SPENGLER, une influence est une activité organique, c’est-à-dire qu’elle est une action exercée par un courant de vie organique, une unité cosmique (vision globale du monde), en l’espèce une culture. 

Par contre, les formes d’expression d’une culture donnée (art, langue, sciences, religion, formes étatiques, etc.) et- qui apparaissent concrètement dans les relations interculturelles, Oswald SPENGLER les définit comme des unités microcosmiques, car une forment un univers particulier, réduit à une sphère spécifique, produit par la culture, courant de vie organique. 

Et Oswald SPENGLER d’observer que, dans les multiples relations interculturelles, « ce ne sont pas les unités microcosmiques qui se déplacent, mais les unités cosmiques qui les choisissent et se les approprient. » (6) 

Autrement dit, lorsqu’un homme de culture A entre en relation avec un homme de culture B, chacun des deux dispose, pour lui-même, une multitude de systèmes d’expression (art, sciences, formes politiques, langues, coutumes, etc.) spécifiques à sa propre cultures. 

Pourtant, tout au long de la relation interculturelle, seuls quelques uns des systèmes d’expression passeront dans l’autre culture. 

En effet, si les influences entre les cultures s’étaient librement donné cours, il n’y aurait depuis longtemps qu’une seule « civilisation » éternelle. Ce n’est pas le cas. 

Lorsque deux hommes de cultures différentes entrent en relation, ce ne sont pas les unités d’expression (art, structures de la parenté, religion, etc.) qui sont actives, c’est, nous dit Oswald SPENGLER, l’homme seul qui est actif. Et l’action de l’un ne peut être intégré dans l’autre de façon vivante que si l’autre la sent dans son propre être. 

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Ainsi, pour Oswald SPENGLER, ce n’est pas le bouddhisme qui a émigré de l’Inde dans la Chine, mais ce sont les Chinois d’une certaine culture (d’une certaine orientation de sentiments) qui ont accueilli le bouddhisme et l’ont transformé en une nouvelle sorte d’expression religieuse.

 En outre, Oswald SPENGLER constate que, au mépris de la théorie de ceux qui prétendre qu’il y a continuité entre les vieilles civilisations et les plus jeunes cultures, ce sont seulement les plus jeunes cultures qui empruntent aux organismes plus âgés un petit nombre d’éléments qu’elles interprètent sans égard à leurs significations originelles (dans la culture plus âgée). 

Pour Oswald SPENGLER, prétendre qu’il y a continuité entre la philosophie grecque et la nôtre, c’est utiliser un « jargon artificiel ». 

En effet, nous dit Oswald SPENGLER, l’interprétation de la philosophie grecque par les Grecs eux-mêmes, puis les Arabes et enfin par les Occidentaux constitue trois interprétations différentes. 

« […] : il n’ y a pas une seule proposition d’Héraclite, de Démocrite, de Platon, qui soit vrai pour nous, si nous ne l’avons pas tout d’abord rectifiée. » (7) 

On ne peut qu’être d’accord avec Oswald SPENGLER, en particulier lorsqu’on pense au destin de la fameuse proposition de PROTAGORAS « L'homme est la mesure de toute chose », qui était la marque d’un relativisme absolu (une sorte de nihilisme de l’homme antique), et à laquelle l’homme occidental déclinant donne spontanément un sens humanitariste, comme on a pu le constater notamment lors des affoulements provoqués par les déplacements de feu le Pape JEAN XXIII dans divers pays, durant lequels cette proposition avaient transformée en slogan sous le regard approbateur des grands médias. 

En outre Oswald SPENGLER pose alors la question que ne se posent pas les philosophes "modernes" : pourquoi certaines influences ne sont pas acceptés ? pourquoi ne montre-t-on que les influences acceptées ? 

En effet, observe Oswald SPENGLER, il est dit que la Renaissance fut entièrement sous l’influence de l’art antique. « mais alors qu’a-t-elle fait » de la forme du temple dorique, de la colonne ionique, de la tectonique des statues, etc. ? 

Pour Oswald SPENGLER, l’acceptation d’une influence, choix inconscient, constitue une exception qui va entraîner une nouvelle interprétation du sens profond de l’apport accepté. 

Oswald SPENGLER donne des exemples concrets de ces nouvelles interprétations dans le christianisme avec ses deux interprétations, sans qu’un seul mot du dogme soit modifié : culture magique (juive, arabe)  et culture faustienne (occidental). 

Ainsi, les premiers conciles chrétiens ressortaient de la conception magique (juive, arabe) où chaque homme est l’expression du pneuma (souflle, esprit) divin. Donc, dans le rassemblement conciliaire, l’idée d’origine était que  la majorité exprime la parole divine, la Vérité immédiate. Ce raisonnement était inintelligible pour l’homme d’Occident qui a fait du Concile un moyen de contrôle du pouvoir spirituel du Pape à l’époque gothique. Puis, dans un mouvement de spiritualisation totale, spécifique à l’esprit occidental, l’infaillibilité papale s’est imposée. 

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On constate la même transformation du sens profond pour le dogme de la résurrection des morts, prise à l’origine au sens propre (résurrection de chair) dans la culture magique (juive), car le pneuma divin a élu domicile dans le corps humain. Cette résurrection de la chair, bien que jamais remise en cause, s’est transformée dans le christianisme occidental, porté à la spiritualisation, en l’immortalité de l’âme humaine. 

Oswald SPENGLER cite également d’autres exemples sur CALVIN et LUTHER dans ouvrage auquel j’invite le lecteur de se reporter. 

Comme le démontre Oswald SPENGLER, la jeune culture occidentale (faustienne), tout en maintenant le dogme ancien, l’a totalement réinterprété dans le sens d’une spiritualisation qui lui convenait, tout en créant de nouveaux dogmes (confession auriculaire) sur la base des Écritures évangéliques dont pas un iota n’aura été modifié depuis la période de la culture magique (juive). 

Pierre Marcowich 

(1)  Oswald SPENGLER, Le Déclin de l’Occident ; Éditions Gallimard, 1948, renouvelé en 1976, Tome II, Chap. I, Origine et paysage, § 12, page 54, alinéa 2 ;  

(2)     Ibidem, § 12, page 54, alinéa 3 ; 

(3)     Ibidem, § 12, page 55, alinéa 1 ; 

(4)     Ibidem, § 12, pages 54 et 55, alinéa 1 ; 

(5)     Ibidem, § 12, pages 55, alinéa 2 ; 

(6)     Ibidem, § 12, pages 56, alinéa 1 ; 

(7)     Ibidem, § 12, pages 57, alinéa 1 ; 

 

mercredi, 12 février 2020

La nouvelle inquisition bien-pensante

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La nouvelle inquisition bien-pensante

par Paul MELUN

Ex: https://metainfos.fr

Outre-Atlantique, des dîners entre femmes blanches sont maintenant organisés pour traquer les préjugés faisant émerger ainsi un antiracisme de la surveillance et de la censure. C’est ce que nous révèlait d’ailleurs dans un article récent Mathieu Bock-Côté que nous venons de publier (https://metainfos.fr/2020/02/10/reeduquer-lhomme-occident... ). Paul Melun traite directement du porblème et craint l’apparition d’un univers orwellien où chaque individu est potentiellement coupable d’un racisme inconscient. C’est pourquoi en complément de l’article précédent, nous mettons ici en ligne son texte. ML.

Si le maccarthysme promettait de traquer les communistes dans les États-Unis d’après-guerre, c’est désormais au nom du progressisme que l’Amérique connaît une chasse aux sorcières d’un nouveau type. Outre-Atlantique, au nom de l’antiracisme, on assiste maintenant à la condamnation immédiate de quiconque contreviendrait aux nouvelles normes établies. Aux États-Unis, d’onéreux dîners (2 500 dollars) permettent à des femmes blanches, de milieux favorisés, souvent démocrates, de comprendre pourquoi elles sont foncièrement racistes, rapporte The Guardian. Au cours de réceptions, supervisées par les deux fondatrices du projet, huit femmes de couleur blanche peuvent échanger des problèmes de racisme dans le pays. Ces dernières doivent comprendre au fil des échanges que malgré leurs bonnes intentions, elles sont inconsciemment racistes et «font partie du problème». Ces dîners rencontrent un certain succès et permettraient aux participantes de faire évoluer leurs mentalités sur la question du racisme.

En 2018 à New-York, le géant du luxe Prada a dû faire face à de virulentes accusations de racisme. En cause, une vitrine de la marque ornée de petites figurines de couleur noire semblant reproduire un «blackface» (considéré par certains antiracistes comme attentatoire à la dignité des Noirs). En très peu de temps, la polémique avait enflé sur les réseaux sociaux, contraignant Prada au retrait immédiat des objets incriminés et à la formulation d’excuses avec volonté d’agir pour la diversité à l’avenir. Le New York Times rapporte que la commission des droits de l’homme de New-York a pu ouvrir une enquête pour violation des lois sur les droits de l’homme. La marque ayant fait montre de sa volonté immédiate de coopérer avec les autorités, un accord a pu être conclu visant à offrir aux personnels des «formations sur l’équité raciale», à nommer un responsable de la diversité au sein de la marque, et à rendre compte tous les six mois de la situation à la commission.

Par ces mesures, l’Amérique du Nord ouvre la voie à un antiracisme de la surveillance et de la censure. Sous l’illusion trompeuse du progressisme et de ses dogmes communément admis, un univers orwellien prend forme en Occident, un monde dans lequel chaque individu est un coupable potentiel. Dans ce futur proche, la bourgeoise de Brooklyn a autant à craindre pour sa réputation que le créateur de mode; s’ils sont dénoncés, ils seront condamnés. Cette nouvelle inquisition promet au XXIe siècle un espace public où les individus seront inquiétés pour ce qu’ils pensent, ce qu’ils disent ou ce qu’ils font, sans même avoir conscience de heurter telle ou telle communauté. Terrifiés à l’idée d’être perçus comme hérétiques, les jeunes Occidentaux sont condamnés à se taire: leur mutisme est la meilleure manière de ne transgresser aucune règle. Dans cette nouvelle société, il suffit de voir quelque part du racisme ou du sexisme pour purger le débat public d’une œuvre d’art, d’un livre ou d’un film. Ce totalitarisme résulte d’une morale incertaine, car sans cesse changeante, déterminée par les nouveaux censeurs présents sur les réseaux sociaux notamment. Dans le même temps, la mise au pilori des contrevenants semble produire l’effet inverse de celui recherché. Car les sociétés occidentales ne s’apaisent pas ; bien au contraire, les tensions s’accroissent.

En France comme ailleurs, les moyens colossaux de l’antiracisme semblent inefficaces face à la montée de la haine et des fractures entre communautés. Cette nouvelle nébuleuse intersectionnelle, figure de proue du progressisme, piétine les valeurs universalistes. Les mêmes qui prétendent combattre les discriminations sont souvent les responsables d’un nouveau fossé culturel et social. Dans l’enseignement supérieur comme dans les associations de lutte contre les discriminations, on isole, on trie et on oppose. Au nom de l’antiracisme, la notion de race fait son grand retour dans le débat citoyen. Certaines réunions sont réservées aux minorités ethniques, et d’autres, pour les purger de leurs préjugés inconscients, aux Blancs ; tandis que des manifestations sont réservées aux femmes pour ne pas subir les oppressions des hommes. Cette nouvelle nébuleuse intersectionnelle, figure de proue du progressisme, piétine les valeurs universalistes qui ont pourtant façonné les grandes démocraties libérales. Les nouveaux antiracistes voient derrière chaque homme blanc un potentiel oppresseur. Le blanc est coupable d’un crime existentiel: celui d’être né dominant. Le résultat est tristement ironique: l’antiracisme réhabilite le racisme.

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Détroit d’Ormuz – Une mission navale européenne…

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Détroit d’Ormuz – Une mission navale européenne…

 
 
par Richard Labévière
Ex: http://www.zejournal.mobi

La dernière provocation américaine d’un soi-disant « plan de paix » israélo-palestinien – qu’il faudrait plutôt qualifier, selon Guillaume Berlat, de « plan de guerre » – ravive les tensions récurrentes dans le Détroit d’Ormuz, véritable couloir stratégique.

Entre Iran et Oman – large de 40 km et long de 63 km – le Détroit voit passer près de 30% du pétrole mondial, ce qui en fait l’un des segments maritimes les plus importants du monde. Principalement dans les eaux territoriales d’Oman, il est organisé en « rails de navigation » empruntés par les supertankers à destination de l’Atlantique, de la mer Rouge et des mers de Chine. L’essentiel des installations pétrolières de la région (raffinage, stockage et transport) borde le golfe dont il est la porte. C’est donc une zone hautement stratégique, qui explique notamment l’importance du budget militaire omanais (10% du PIB, deuxième rang mondial derrière la Corée du Nord). Les intérêts américains dans cet « axe vital du pétrole » sont assurés, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, par la Vème Flotte basée au Bahreïn et appuyés par la base arrière de Diego Garcia[1].

Depuis l’accord conclu le 1er janvier 1975, l’Iran et le sultanat d’Oman assurent – conjointement – la surveillance du libre transit. En réalité, l’essentiel du passage se fait dans la partie omanaise du Détroit, là où se trouvent les eaux les plus profondes et le dispositif de séparation du trafic. Les navires en transit suivent des couloirs de circulation larges de 3 km (l’un dans le sens est-ouest, et l’autre dans le sens ouest-est), séparés par un espace interdit à la navigation sur 3 km. Ces dispositions ont été arrêtées en vertu de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (art. 41-42). Par ailleurs, Oman dispose d’une station radar située à la pointe de la péninsule de Musandam pour le contrôle du trafic.

Enjeux pétroliers

Durant la guerre Irak-Iran (1980 – 1988), le Détroit a été plusieurs fois miné par les Iraniens pour faire pression sur les alliés occidentaux de Saddam Hussein – États-Unis, France, Royaume Uni. Depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, le risque de nouvelles atteintes à la liberté de circulation dans le Détroit ressurgit d’autant que l’Iran dispose, désormais, de missiles de croisière de nouvelle génération. De fait, la géopolitique du Détroit s’est vue modifiée à travers les tentatives de trouver des routes alternatives : les projets de pipeline vers la Turquie pour évacuer la production irakienne vers le nord ; le développement des terminaux sur la côte ouest de l’Arabie saoudite (en mer rouge) ; les plans de contournement via l’Afghanistan et le Pakistan pour charger les pétroliers hors du golfe Persique, quitte à privilégier le pétrole d’Asie centrale au détriment de celui du Golfe ; l’installation par la Chine de bases navales dans l’océan Indien – notamment à Djibouti et à Gwadar au Pakistan, qui pourrait concurrencer le projet de terminal pétrolier américain de Karachi… Ces différentes initiatives traduisent l’intensité de la menace à laquelle s’ajoutent les difficultés de normalisation du terminal de Bassorah (Irak), le plus important de la région.

Les enjeux du Détroit s’étendent aussi à la Turquie, à la Syrie, aux républiques d’Asie centrale – où le Pakistan joue un rôle majeur dans le marchandage énergétique en cours. Ces enjeux expliquent partiellement les excellentes relations que La Russie et la Chine maintiennent avec Téhéran. Les Américains, quant à eux, sont pris au piège. Un rapprochement diplomatique avec l’Iran reste des plus improbables et ils ne peuvent lâcher ni l’Irak, ni l’Afghanistan, ni le Yémen, quand bien même le candidat Trump a promis de faire rentrer ses « Boys » à la maison.

En dépit de cette géopolitique élargie, sinon distendue, il demeure que le Détroit d’Ormuz borde les eaux iraniennes, Téhéran conservant un accès privilégié à cet espace qui demeure un verrou potentiel aux ressources pétrolières les plus importantes du monde. Pour la France, il constitue l’une des charnières de son axe vital Méditerranée/océan Indien à partir duquel notre pays entend élargir et affermir sa grande ambition Indo-Pacifique associant, non seulement l’Inde, mais aussi l’Australie et le Japon.

Eaux tumultueuses

D’une manière générale, les Gardiens de la révolution – qui assurent la surveillance des eaux iraniennes dans le Détroit – sortent régulièrement de leur base militaire du port de Bandar Abbas, avec leurs vedettes rapides (équipées de mitrailleuses, de canons sans recul et de mines dérivantes et mines Ludion[2]) dès qu’un bâtiment militaire croise dans la zone. Plateforme interarmées, le port de Bandar Abbas se situe au niveau du détroit de Clarence, qui la sépare de la grande île de Qeshm par une mangrove naturelle dite « forêt d’Hara », ainsi que des deux îles d’Ormuz et Larak. Malgré l’absence de port naturel, sa localisation géographique en fait l’un des « hubs » portuaires de la zone.

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Le Détroit a été le théâtre de nombreux affrontements, on l’a dit, durant la guerre Irak/Iran (1980 – 1988). Le 18 avril 1988, la frégate américaine USS Samuel B. Roberts est gravement endommagée par une mine iranienne. Les États-Unis, qui soutiennent l’Irak, lancent une opération de représailles sous le nom de code Praying Mantis (mante religieuse). Plusieurs unités navales appuyées par l’aviation embarquée d’un porte-avions, attaquent et détruisent les plates-formes pétrolières iraniennes Sassan et Sirri. Une bataille navale s’ensuit, au cours de laquelle les Iraniens perdent un patrouilleur, une vedette, ainsi que la frégate Sahand. Quatre-vingt-sept militaires iraniens sont tués et plus de trois cents blessés. Cet affrontement est la plus grande bataille navale livrée par les États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale.

L’Iran saisit la Cour internationale de Justice (CIJ) contre les États-Unis pour la destruction de ses deux plates-formes. Dans son arrêt du 6 novembre 2003, la Cour estime que considérant les circonstances, cette destruction ne pouvait pas se justifier au nom de la légitime défense car elle ne répondait pas aux critères de nécessité et de proportionnalité de la légitime défense en droit international. Cependant, elle repousse la demande iranienne d’indemnisation.

Le 3 juillet 1988, un Airbus de la compagnie aérienne Iran Air est abattu au-dessus du détroit d’Ormuz par un tir de missiles provenant du croiseur américain USS Vincennes. La catastrophe fait 290 victimes civiles, dont 66 enfants. Elle est due à une méprise des militaires américains qui ont cru avoir affaire à un avion militaire iranien.

Le 6 janvier 2008, le gouvernement américain annonce que trois de ses navires de guerre, patrouillant dans le détroit d’Ormuz, ont été menacés par des vedettes rapides des Pasdaran iraniens agissant de manière coordonnée. Les vedettes sont parties après les sommations d’usage. Washington dénonce des manœuvres « provocatrices » commanditées par le gouvernement iranien. Le 29 juin 2008, le commandant des Gardiens de la révolution – Mohammad Ali Jafari – déclare que si l’Iran est attaqué par Israël ou les États-Unis, il fermera le détroit d’Ormuz. Le vice-amiral commandant la Vème Flotte américaine réagit en indiquant qu’une telle mesure sera considérée comme un acte de guerre.

Le 27 décembre 2011, dans un contexte de renforcement des sanctions occidentales contre l’Iran – en raison de son programme nucléaire -, le premier vice-président iranien Mohammad Reza Rahimi annonce que son pays peut fermer le détroit d’Ormuz en cas de sanctions visant les exportations iraniennes de pétrole. Survenu le 12 mai 2019 au large du port de Fujaïrah (Émirats Arabes Unis), ce qu’on appelle « l’incident du golfe d’Oman » correspond au sabotage de quatre navires (Pétroliers) naviguant dans le golfe d’Oman.

Paris lance la mission « EMASOH »

Dans ce contexte, en janvier dernier, le Quai d’Orsay a annoncé la création d’une nouvelle mission de surveillance maritime dans le Golfe et le détroit d’Ormuz en partenariat avec plusieurs pays de l’Union Européenne (UE). Baptisée EMASOH (pour European-led Maritime Awareness mission in the Strait Of Hormuz), cette mission a pour objet de garantir la liberté de navigation dans le golfe Persique tout en protégeant les intérêts économiques européens et internationaux. Elle ne vise aucun État particulier et cherche à assurer la stabilité de la zone.

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Considérant que l’instabilité politique de la région porte atteinte à la sécurité de la navigation, des navires et des équipages, les pays engagés estiment que cette situation risque de compromettre les échanges commerciaux et l’approvisionnement énergétique, ce qui est susceptible d’avoir des conséquences économiques dans le monde entier. Communiqué du ministère français des Armées : « les récents événements au Moyen-Orient sont très préoccupants car ils attisent les tensions et accroissent le risque d’un éventuel conflit de grande ampleur, qui aurait des conséquences sur toute la région. Le contexte exige des initiatives de désescalade renforcées pour interrompre la tendance actuelle ».

Cette surveillance maritime sera exercée au travers de moyens aériens et navals et portera sur les activités aériennes et maritimes, civiles et militaires, pour les rendre plus sûres et restaurer la confiance et la sécurité dans la région. Cette mission reste ouverte à la participation de tous les pays désireux de s’investir au profit de la stabilité régionale du Détroit d’Ormuz. Pour l’instant, l’EMASOH réunit : la France, le Danemark, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Grèce, l’Italie et le Portugal. La Belgique a également proposé de fournir des officiers de liaison pour la cellule de coordination installée sur la base française d’Abu Dabi, siège du commandement d’ALINDIEN (Amiral commandant de la zone maritime de l’océan Indien). Le Danemark a été le premier pays à annoncer sa participation : la société danoise Maersk est en effet la première compagnie de transport maritime du monde.

Le déploiement opérationnel se décompose comme suit. La France : la frégate Courbet de la Marine Nationale, qui assure déjà une mission de présence dans la zone, assure le premier mandat de cette mission multilatérale. Le Courbet a souvent été le précurseur d’opérations maritimes de grande ampleur. Il a ainsi été l’un des premiers navires en escorte de l’opération européenne anti-piraterie EUNAVFOR Atalante au large des côtes de Somalie et du Yémen. Le Danemark fournit depuis le lancement de l’opération un ou deux officiers d’état-major au QG d’EMASOH, à l’état-major français d’Abu Dhabi pour une durée de douze mois. À partir de l’automne 2020, elle mettra à disposition une frégate avec 150 personnes et un hélicoptère, pour une durée de quatre mois. « EMASOH constituera un instrument utile de préservation de la liberté de la navigation en garantissant l’existence d’une coordination appropriée et de mécanismes de partage d’informations entre tous les partenaires actifs dans le domaine, notamment l’industrie maritime. De plus, EMASOH a pour objectif d’encourager la désescalade et de compléter les efforts diplomatiques fondamentaux visant à assurer une stabilité accrue et un dialogue régional ouvert dans un contexte critique », souligne le communiqué du ministère danois des affaires étrangères.

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Les Pays-Bas intégreront également une frégate pour un coût de déploiement estimé entre 10 et 15 millions d’euros. « Assurer un passage libre et sûr pour le trafic maritime dans cette zone est expressément dans notre intérêt » détaille Ank Bijleveld-Schouten. En effet, l’une des principales compagnies pétrolières mondiales, Shell, est anglo-néerlandaise. « La frégate de commandement et de défense aérienne Zr. Ms De Ruyter va partir pour la région du Golfe en janvier » indique le communiqué gouvernemental. Elle sera dotée d’un hélicoptère de transport NH90 – équipé pour la surveillance comme pour les évacuations médicales – et renforcée d’officiers d’état-major supplémentaires à bord. La frégate restera jusqu’en juin sur zone, dans le cadre de cette mission EMASOH.

Vu de Téhéran

Évidemment vu de Téhéran, l’initiative française n’est pas forcément accueillie avec des fleurs. Mais dans la mesure où elle ne comporte pas de dimension étatsunienne, Téhéran en profite habilement pour en faire un pion de sa diplomatie dialectique. Un communiqué récent des Gardiens de la révolution souligne que « le Détroit n’est pas la propriété des États-Unis (…) L’intégrité et la souveraineté des eaux nationales iraniennes doivent être respectées, même si celles-ci bordent une zone d’intense trafic international ».

Malgré les dernières péripéties de la tension Washington/Téhéran, l’Iran n’envisage plus un minage du Détroit d’Ormuz qui impacterait directement les intérêts de son allié stratégique chinois. Selon plusieurs experts pétroliers, 65% des flux énergétiques de la Chine transitent par le Détroit d’Ormuz. Aussi Pékin, comme Washington et les autres pays occidentaux, a le plus grand intérêt à surveiller, sinon à participer directement à la stabilité de ce passage maritime. Du reste, le dossier est évoqué par la Chine et l’Iran lors de leurs échanges réguliers sur leurs intérêts communs de défense et de sécurité. A plusieurs reprises, Téhéran a dû rassurer ses interlocuteurs chinois en leur précisant qu’il n’était plus question désormais de miner le détroit, sauf dans le cas d’une crise majeure qui aboutirait à une confrontation directe avec les États-Unis et/ou Israël.

L’autre intérêt de la diplomatie iranienne est de démontrer que la stabilité de cette zone maritime peut être garantie, non seulement sans la participation des États-Unis, mais avec des pays occidentaux ne partageant pas toujours les mêmes intérêts que ceux de Washington. Et ce n’est pas la première fois que Téhéran cherche à dissocier certains pays européens de leur arrimage traditionnel au parrain américain. Si les experts du ministère iranien des Affaires étrangères savent parfaitement que l’exercice a ses limites et, qu’en dernière instance la solidarité des pays membres de l’OTAN finit toujours par prévaloir, ils ne renoncent pas pour autant à chercher à capitaliser toute espèce de nuances ou de différences entre alliés occidentaux.

Sur cet échiquier de finesses et de complexités diplomatiques, la France occupe une position particulière. Même si Nicolas Sarkozy a ramené la France éternelle dans le Commandement intégré de l’Alliance Atlantique en 2008, les dirigeants iraniens ne désespèrent pas de pouvoir réactiver – sur tel ou tel dossier et selon des circonstances toujours différentes – la dimension gaulliste, sinon gaullienne de la politique étrangère française. Malgré la vaine tentative de rencontre entre les présidents américain et iranien – tentée par Emmanuel Macron lors de la dernière Assemblée générale de l’ONU en septembre dernier -, la relation bilatérale Paris/Téhéran demeure sinusoïdale. Vu de Téhéran, Paris a cautionné l’assassinat ciblé du général Qassem Soleimani et n’a pas clairement désavoué le dernier « plan de paix » américain pour le Proche-Orient, considéré en Iran comme la dernière provocation de Donald Trump.

Liberté des mers

En dépit de ces considérations diplomatiques, énergétiques et militaires, l’avenir de la stabilité du Détroit d’Ormuz touche à la liberté de navigation qui est en jeu non seulement dans le golfe Persique, mais aussi en mer de Chine méridionale, dans les mers d’Azov, Méditerranée et d’ailleurs. Partout, il s’agit d’assurer et de garantir la liberté de navigation sur l’ensemble des mers et des océans de la planète. De manière opérationnelle, il s’agit de maintenir une « posture de vigilance à 360 degrés ».

Parce que dans le contexte de la mondialisation contemporaine, « une course à l’armement naval » ne cesse de s’intensifier, souligne le capitaine de vaisseau Hervé Hamelin : « Les nations voulant compter sont désireuses de disposer d’une Marine de dernier cri, pouvant mettre en œuvre tout l’éventail des moyens modernes, du porte-avions au missile de croisière, en passant par les drones »[3]. Il ajoute : « Un avion de chasse décollant d’un porte-avions croisant dans les eaux internationales dispose aujourd’hui d’un rayon d’action de 1 850 kilomètres. S’y ajoute la mise en service de missiles de croisière à bord des frégates et des sous-marins dont la portée est encore plus impressionnante ».

Il est dans cette perspective indispensable d’améliorer la coordination des différents acteurs, au sein des États, entre les États, entre États et organisations internationales, et entre organisations internationales. Et ce, pour promouvoir le développement des normes internationales et de prévenir les menaces identifiées et à venir.

« Dans cette perspective, Téhéran comme Pékin et Moscou ont compris, semble-t-il, que la mission EMASOH ne leur est pas a priori hostile, que cette mission européenne n’est pas au service de Washington mais bien au service de la liberté des mers dans le golfe Persique », explique un ambassadeur de France, « comme pour la mission Atalante pour la lutte contre la piraterie au large de la Somalie, EMASOH peut faire la preuve par l’acte d’un non-alignement opérationnel au service de la paix ».

Notes:

[1] Diego Garcia est un atoll de l’archipel des Chagos, dans le territoire britannique de l’océan Indien. L’île principale de l’atoll – Diego Garcia – abrite une base militaire américaine que le Royaume-Uni lui loue.

[2] Mine « Ludion » : mine dont l’immersion est assurée par un système de contrôle hydrostatique qui la maintient à une profondeur prédéterminée.

[3] Hervé Hamelin : « La liberté des mers » – L’ENA hors les murs – numéro 689, avril 2019.

New-Age et Dev Pers : la pseudo-religion contemporaine

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New-Age et Dev Pers : la pseudo-religion contemporaine

 
Discussion avec Ralf au sujet de l'influence de la pensée New-Age et du Développement personnel dans nos sociétés post-modernes déspiritualisées.
 
 

mardi, 11 février 2020

Frédéric Pierucci et Ali Laïdi sur Alstom, Airbus et la guerre économique

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Frédéric Pierucci et Ali Laïdi sur Alstom, Airbus et la guerre économique

 
 
Frédéric Taddeï reçoit :
- Frédéric Pierucci, ancien haut cadre dirigeant d’Alstom aux Philippines
- Ali Laïdi, politologue #IDI #Taddeï
 
Abonnez-vous à la chaîne YouTube de RT France : https://www.youtube.com/rtenfrancais
 
RT en français : http://rtfrance.tv
 

Expansion du corridor économique Chine-Pakistan (CPEC) - Téhéran veut construire « l’anneau d’or »

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Expansion du corridor économique Chine-Pakistan (CPEC)

Téhéran veut construire «l’anneau d’or»

 
par Andrew Korybko
Ex: https://www.katehon.com

Les processus d’intégration eurasienne menés par l’Initiative la Ceinture et la Route (BRI) sont l’une des caractéristiques des relations internationales contemporaines, et l’Anneau d’Or pourrait éventuellement devenir la pièce maîtresse de ces efforts si la proposition du O-CPEC+ de l’Ambassadeur Hosseini aboutit, surtout si elle est menée en parallèle avec le N-CPEC+.

L’Ambassadeur iranien au Pakistan a partagé ses plans visionnaires pour le CECP+, le néologisme devenu populaire au Pakistan ces temps-ci pour désigner l’expansion du Corridor Économique Chine-Pakistan le long de différents axes géographiques tels que ceux du nord (N-CECP+), de l’ouest (O-CECP+) et du sud (S-CECP+). L’Agence Anadoloude Turquie a fait état de la conférence de l’Ambassadeur Seyyed Mohammad Ali Hosseini à l’Institut d’Études Stratégiques d’Islamabad (IESI) en début de semaine, qui mérite d’être analysée plus en profondeur.

Selon l’Ambassadeur Hosseini, « la mise en place d’un réseau ferroviaire entre Gwadar et Chabahar et sa liaison avec l’Europe et l’Asie Centrale via l’Iran, va entraîner un développement économique majeur dans la région. D’autre part, la construction d’une voie ferrée sur le territoire pakistanais vers la Chine, reliant les deux ports, conduira au développement économique de cette région ». En pratique, cela répondrait à ce que j’ai écrit sur le O-CECP+ dans mon analyse sur CGTN en avril dernier intitulée « Le CECP+ est la clé pour atteindre les objectifs d’intégration régionale ».

Dans cet article, j’ai écrit que « la récente visite du Premier Ministre pakistanais Khan en Iran a vu les deux pays voisins s’entendre pour approfondir leur coopération, qui pourrait vraisemblablement évoluer vers une route commerciale terrestre du O-CECP+ passant par la République Islamique pour rejoindre Islamabad et les partenaires de Pékin en Turquie, qui pourrait être associée à un corridor maritime parallèle reliant le point terminal du CECP de Gwadar aux royaumes du Golfe ».

C’est exactement ce que l’Ambassadeur Hosseini a proposé lors de sa conférence à l’IESI (moins la partie concernant les royaumes du Golfe), qui pourrait révolutionner le rôle géostratégique de l’Iran dans l’ordre mondial multipolaire émergent et, par conséquent, en faire l’un des pays les plus importants de la BRI si elle est mise en œuvre avec succès dans le temps. Cela pourrait avoir des implications économiques importantes, mais aussi politiques.

L’ambassadeur est également cité par l’Agence Anadoloucomme ayant déclaré que « des pays comme l’Iran, le Pakistan, la Turquie, la Russie et la Chine ont le potentiel de former une nouvelle alliance pour un meilleur avenir de la région ». Si la Chine et la Russie évitent le terme « alliance » pour décrire leurs relations étroites avec d’autres pays, l’intention de ses propos est suffisamment claire dans la mesure où il appelle à un partenariat stratégique renforcé entre ces cinq pays. Cela devient une possibilité réaliste entre la Chine, le Pakistan, l’Iran et la Turquie si le O-CECP+ est mené à bien.

Quant à la Russie, elle pourrait être associée à cette proposition ambitieuse de connectivité si le O-CECP+ est élargi pour l’inclure via l’Azerbaïdjan en suivant la voie proposée par le Corridor de Transport International Nord-Sud que ces deux pays, l’Iran et l’Inde, tentent de construire. En outre, la création d’un corridor commercial entre la Russie et le Pakistan via l’Afghanistan et l’Asie Centrale de l’après-guerre (N-CECP+) pourrait grandement contribuer à faire de Moscou une plus grande partie prenante de ce quintet stratégique centré sur le CECP que certains ont appelé « l’Anneau d’Or ».

Les processus d’intégration eurasienne menés par la BRI sont l’une des caractéristiques des relations internationales contemporaines, et l’Anneau d’Or pourrait éventuellement devenir la pièce maîtresse de ces efforts si la proposition de l’Ambassadeur Hosseini du O-CECP+ aboutit, surtout si elle est réalisée en parallèle avec le N-CECP+. Les cinq États piliers de cette vision de la connectivité pourraient être reliés entre eux et aux États qui se trouvent entre eux (Afghanistan, Azerbaïdjan et Républiques d’Asie Centrale) par une multitude de corridors ferroviaires et de transport construits par la Chine.

Par ces moyens, la Chine fonctionnerait comme le moteur de l’intégration eurasienne et lierait plus étroitement tous les pays concernés dans une Communauté de destin partagé. L’interdépendance complexe qui résulterait de cette vision ferait de chaque partie une plus grande partie prenante du succès de l’autre, avec la construction de mégaprojets multilatéraux offrant à leurs citoyens des opportunités économiques sans précédent. L’Anneau d’Or centré sur le CECP renforcerait donc la stabilité du cœur géostratégique de l’Eurasie.

Andrew Korybko

Source : Mondialisation.ca

De la lucha de clases a la lucha de género

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De la lucha de clases a la lucha de género

POR CRISTIAN TABORDA,

para OTRA VOZ RADIO

Ex: https://hernandezarregui.blogspot.com

Decía Marx en la "Ideología Alemana": "las ideas de la clase dominante son las ideas dominantes en cada época [...] por eso, en cuanto dominan como clase y en cuanto determinan todo el ámbito de una época histórica, se comprende que lo hagan en toda su extensión y por tanto, entre otras cosas, también como pensadores, como productores de ideas, que regulen la producción y distribución de las ideas de su tiempo; y que sus ideas sean, por ello mismo, las ideas dominantes de la época".

Cabe preguntarse entonces, en torno a la actualidad, ¿Cuáles son las ideas dominantes de nuestra época? ¿Cuál es la "clase" dominante? ¿Quiénes producen, regulan y distribuyen esas ideas? ¿Cuál es la ideología incuestionable?.

Uno de los principales rasgos de cualquier ideología es no asumirse como tal, se naturaliza y es dado como algo obvio, logra instalarse en el sentido común sin ser cuestionada. La ideología como un conjunto de ideas, nos permite darnos una forma de conocer las cosas, una cosmovisión, teniendo el sesgo de expandir esa forma particular de ver el mundo a la totalidad. Ve el mundo bajo esos lentes. Así lo hicieron el marxismo, el liberalismo y el fascismo durante el siglo pasado, la ideología dominante terminó convirtiéndose en un totalitarismo, las ideologías terminan pensando por el pueblo e instalando el pensamiento único, persiguiendo y eliminando al disidente.

HEGEMONÍA Y GLOBALIZACIÓN

Tras la implosión de la Unión Soviética y la caída del muro de Berlín el liberalismo se alzó triunfal y el dominio de la economía a nivel global mediante un mercado único se impuso por sobre todo, se produjo una neutralización de la política en términos de Carl Schmitt. El marxismo, el liberalismo y las posturas de tercera posición fueron fagocitadas, absorbidas, por el capitalismo financiero y la globalización. La lucha por la distribución del ingreso, los derechos sociales, la libertad, la justicia social y las ideas de familia, patria y religión fueron sustituidas por la lucha de derechos individuales, reivindicación de minorías y la integración cultural en un mundo cosmopolita. La globalización logró su hegemonía pos liberal en base al consenso de los derrotados y la interdependencia económica construida.

Ante la consagración de un capitalismo absoluto el marxismo abandono la lucha de clases y a los trabajadores como sujeto político integrándose al mundo globalizado; el liberalismo se vio absorbido por la gestión tecnocrática y la administración económica dejando de lado los ideales liberales; y los partidos que expresaban los movimientos de tercera posición institucionalizados implementaron políticas neoliberales y discursos progresistas. Acompañaron el proceso de globalización con la reivindicación de minorías, los postulados cosmopolitas de un mundo sin fronteras, descartando sus ideas tradicionales y sometiéndose a la corrección política. Se vieron estas tradiciones filosóficas recicladas ahora en la única ideología viva, la ideología globalista, el "progresismo transnacional" como describe el politólogo estadounidense John Fonte. El pensamiento hegemónico.

EL '68 COMO "REVOLUCIÓN CULTURAL". LA IZQUIERDA POSMODERNA

Pero esta ideología tiene origen un tiempo atrás, donde su expresión histórico-política es el Mayo francés de 1968 un movimiento cultural donde cambia el eje de la izquierda que adopta las ideas provenientes de la “Escuela de Frankfurt”, la cual enfatiza los elementos éticos, subjetivos e individuales de la “teoría crítica”, de forma que ésta se configuraba como una teoría general de la transformación social, espoleada por un deseo de “liberación” comprendida en sentido individual. La “liberación” y la “emancipación” eclipsaban así el objetivo de la revolución y se fundían en el horizonte utópico de una “felicidad” orientada al desarrollo personal. Se partía del individuo, su deseo, el arte y la cultura como forma de expresión política contra el orden establecido, abandonando las viejas premisas socialistas.

Este movimiento tenía una amalgama de pensadores que construían su visión de la realidad y terminarán dando forma a la ideología actual cuyos basamentos se encuentran en la Teoría Queer de Judith Butler. Parte de la "escuela de la sospecha" Nietzsche, Marx, Freud, la "teórica crítica" de Adorno, Marcuse, Horkheimer, el postestructuralismo de Michel Foucault, Gilles Deleuze y Jacques Derrida con su deconstrucción.

LA IDEOLOGÍA DE GÉNERO Y EL RELATIVISMO

Influenciada por todos estos pensadores, de los cuales toma distintos conceptos, y por feministas radicales como Simone de Beauvoir y Monique Wittig, Butler realiza una síntesis que expone en "Deshacer el género" donde sostiene como premisa fundamental que "las categorías hombre y mujer son políticas y no naturales" idea que da soporte a la ideología dominante de esta época. La ideología de género.

Propone al género como una construcción social, diferente al sexo biológico naturalmente dado, donde las mujeres y las "minorías" por su condición de género son oprimidas por una estructura patriarcal machista. Y una heteronormatividad que sanciona a las "disidencias" y sexualidades "no binarias".

La solución ya no sería una revolución social y la lucha de clases como proponía el marxismo, sino la subversión de los valores y la disputa de poder en los espacios públicos por parte de los cuerpos (individuos). La deconstrucción como método de resistencia, tergiversando la propuesta gramática de Derrida.

Esta ideología consecuente con el capitalismo financiero y funcional a la liberación absoluta del individuo que lo desvincula de cualquier lazo histórico, colectivo, trascendente y biológico, que promueve el hedonismo incesante, concluye en el consumismo y el placer sexual como única realización del hombre o la mujer, la liberalización del deseo, la mera satisfacción material, aniquilando toda espiritualidad y naturalidad. El nihilismo de Nietzsche, el deseo de Freud, la descentralización que plantea Deleuze y la idea transgénero de Butler son el resumen de la nueva ideología dominante, de un capitalismo especulativo, que en términos de Hegel, refleja los conceptos de la nueva clase global (global class) en la realidad: Una élite sin Dios, sin patria, consumista y transexual.

LA REVOLUCIÓN ANTROPOLÓGICA

Como plantea Michel Onfray hemos entrado en un nuevo tipo de sociedad totalitaria que destruye la verdad, abole la libertad y niega la naturaleza. Esto es lo que define perfectamente a la ideología de género que promueve una verdadera revolución, una "revolución antropológica", borrando la diferencia biológica de sexos bajo la máscara conceptual del género, eliminando la trascendencia, la idea de Dios y con la dictadura del relativismo que instala la "posverdad" y elimina la distinción entre el bien y el mal, abre las puertas al transhumanismo como una consecuencia lógica de la evolución, el hombre sin límites el "Homo Deus".

Las burguesías industriales de raíz nacional se vieron superadas por el desarrollo económico transnacional ante esta nueva clase global apátrida, que retomó el control de la economía, la oligarquía financiera internacional, la clase dominante representante del capital financiero que se afianzó en su poder económico proveniente del mercado mundial encuentra, hoy, como límites de su expansión política, la soberanía de los territorios, los Estados reguladores y la Iglesia, un obstáculo para instalar el sistema de gobernanza global acorde al mercado único, y que encuentra como otro de sus límites de expansión biológica al humano, a la condición humana.

Teniendo "conciencia para sí" allí radica su necesidad de producir, financiar, distribuir y regular sus ideas, transnacionalistas, transhumanistas y transexuales, para superar las barreras nacionales, los límites humanos impuestos por la moral y una revolución sexual para frenar la reproducción, sobre todo en los países de la periferia, que ve como una explosión demográfica en perjuicio de sus intereses como plasma Henry Kissinger en el informe NSSM 200 (National Security Study Memorandum 200).

EL TOTALITARISMO GLOBALISTA

Medios de comunicación, ONGs y universidades son las "fábricas de subjetividades" que se encargan de reproducir las ideas del poder global y censurar a las disidentes. Podemos ver como estos "aparatos ideológicos del mercado", reformulando el concepto de Althusser, son hoy los promotores del aborto, la subrogación de vientre o el lenguaje "inclusivo" entre otras políticas "progresistas". Un claro ejemplo es la propaganda emanada en series de empresas como Netflix o Disney que promueven la hipersexualizacion o la transexualidad, distintos medios que realizan un bombardeo sistemático de noticias vinculadas al género, femicidios o el hedonismo en redes sociales y televisión, las políticas que fomentan organizaciones como Open Society Foundation o Human Right Watchs, y universidades como la UBA que aceptan el lenguaje "inclusivo" de manera oficial.

En el plano de la censura y marginación basta con ver el poco espacio que tienen quienes difieren al pensamiento políticamente correcto, y si hay lugar, el intento de ridiculización o calificación de "retrógrado", "conservador" o "conspirador" a modo de anular la opinión de quien piense diferente. Más explícito se hace en el espacio público; cuando la intolerancia y el ridículo llega a tal punto de tapar un mural de un bebé en el vientre de su madre y luego el de una mujer embarazada, como los realizados por la artista Lisette Feider en la parte exterior del área de maternidad del hospital Piñero en CABA, estos fueron censurados por ser considerados un acto de "violencia simbólica" y una "provocación". Claramente, expresar mediante el arte la representación de traer una vida al mundo es una provocación para la necropolítica.

Como si fuera poco para instalar su ideología en lo más hondo de la conciencia el globalismo cuenta, siguiendo con conceptos de Pierre Bourdieu, con el Estado, que tiene en su poder el "monopolio de la violencia simbólica". La institucionalización de la ideología de género como credo oficial con el dispositivo legal-represivo en sus manos. Podemos ver a modo de ejemplificación el caso de España con el nuevo Ministerio de la "igualdad" o nuestro país con el Ministerio de "Géneros y diversidad" organismos encargados de la difusión propagandística ideológica de género. Los gobiernos cooptados y bajo presión de organismos supranacionales que representan a la élite financiera se encargan de difundir la ideología dominante mediante la utilización del Estado. Organismos como la ONU, FMI, la Unión Europea o el Banco Mundial que carecen de legitimidad democrática y forman parte de la plutocracia globalista. El totalitarismo financiero que mediante la dictadura del dólar promueve el progresismo cultural y la anarquía comercial.

La ideología de género es utilizada por la oligarquía de tres formas: 1) Como dominación política a través de la corrección política y bajo el disfraz moral de la "diversidad", la "igualdad" y la "inclusión", de esta forma se eleva ante el resto ejerciendo un supremacismo moral; 2) Como disciplinamiento social se impone a través del punitivismo y el normativismo legal promovido por el derecho con "perspectiva de género", terminando con el principio de inocencia ante una acusación mediante la sentencia mediática, y cuando no, por medio del escrache público; 3) Como subordinación cultural, aceptando crédito internacional bajo la condición de implementar políticas de género o antinatalistas como lo hace el Banco Mundial o el FMI, la financiación de organismos para promover políticas públicas en base al lobby LGTB y ONGs que financian el activismo feminista, la aceptación de ideas con origen en los grandes Think Tanks extranjeros, utilizadas como métodos de dominación. Asistimos a una neocolonización, que es ideológica, a una homologación cultural donde el pensamiento se vuelve homogéneo y se borran las diferencias que enriquecen a cada pueblo, subordinados estos a la monocultura mundialista del consumo.

Hoy incuestionable ante el circo mediático que representa al establishment globalista, la ideología del poder se presenta como noble y en defensa de las minorías "oprimidas", quien busque correr el velo y desenmascarar las falacias en las que incurre, informar quienes financian y promueven esas ideas o señalar los medios de comunicación y empresas aliados en el negocio del Capitalismo Gay Friendly, es demonizado y perseguido por la Policía del pensamiento progresista que bajo una supuesta superioridad moral y en nombre de la "inclusión" excluye al que piense diferente, quien se atreva a desafiar la dictadura del relativismo que impone la ideología de género es acusado de "ultraderecha" o "populista", como mínimo, sino es tildado de fascista en nombre del antifascismo. La ideología está consiguiendo consumar el crimen perfecto, como diría Jean Baudrillard, matar la realidad.

EL NUEVO ORDEN SIMBÓLICO

Este nuevo orden simbólico que intenta destruir la tradición, las costumbres y la cultura, se impone con la apropiación de los símbolos nacionales y populares por parte del progresismo para su beneficio político y mediante la neolengua de género, la promoción de los individuos unisex sin distinción de género, la hipersexualizacion de la vida y la feminización de la política. Es la consumación de la batalla cultural librada por la izquierda progresista desde el '68. Al convertirse en la hegemonía político-cultural, ahora está simbología logro consenso por izquierda y por derecha.

El nuevo orden lo impone por izquierda el progresismo con la ideología de género y por derecha el neoliberalismo con la ideología del libre comercio, desde los dos polos determinan un individuo sin familia, cosmopolita, precarizado, de bajo costo, en un mercado único global sin fronteras donde su única libertad es la de consumir. El globalismo tiene como ideal el hombre consumista sin identidad, sin patria y sin sexo. Una No-persona. La propuesta de la clase global radicalizada es la configuración de un nuevo orden mental mediante la psicopolítica y la guerra psicocultural manteniendo el control de las ideas y la desigualdad social, sin alterar el orden material y el statu quo.

A partir de este nuevo orden simbólico el progresismo clasifica la familia tradicional como una "opresión patriarcal", la nación como una idea fascista y ve en la religión una mentira. Desde el peronismo vemos, en todo ello lo contrario, la construcción de un pueblo: unidad, identidad y cultura. La familia, anterior al individuo, como la célula orgánica de toda sociedad es la primera comunidad donde se forman los lazos naturales de solidaridad y amor, en la relación única de madre e hijo. La Nación como conformación de la identidad de un pueblo que fomenta la unidad en un territorio determinado en el cual se realiza la comunidad preservando sus tradiciones y costumbres. La religión como el fundamento de la cultura que determina la moral del pueblo y sus valores de raíz cristiana en nuestro caso. Familia, patria y religión son los pilares de una vida en común que construyen una identidad y una cultura con arraigo en la tradición y las costumbres, son hoy la verdadera resistencia al poder hegemónico.

CULTURA DE LA VIDA

Ante el avance de esta cultura del descarte y colonización ideológica impera fomentar la cultura de la vida y el amor de la familia, reivindicar la patria y la fé en los valores trascendentes, el bien, la verdad y la justicia.

Al desquicio de la ideología de género, el relativismo absoluto y la revolución antropológica oponerle el sentido común. Y el principio que reza: "La realidad es superior a la idea".

Al capitalismo financiero absolutista una economía en beneficio de los pueblos, donde en el centro este el trabajo y no el Dios dinero.

A la lucha de sexos y la disputa de género la máxima que dice: "la unidad prevalece al conflicto". Porque ni el hombre ni la mujer se realizan solos, mucho menos en una comunidad que no se realiza.

By CENTRO DE ESTUDIOS HERNANDEZ ARREGUI en febrero 05, 2020

Le message de Pompeo aux Irakiens : Si vous nous virez, on vous enterrera vivants

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Le message de Pompeo aux Irakiens : Si vous nous virez, on vous enterrera vivants

 
 
par Mike Whitney 
Ex: http://www.zejournal.mobi

L'administration Trump menace de détruire l'économie irakienne en détenant une source essentielle de revenus qui est sous le contrôle de la Réserve fédérale US. Cette menace vient en réponse à la décision unanime du Parlement irakien de mettre fin à l'occupation militaire par Washington, qui dure depuis 17 ans.

Le peuple irakien et ses représentants au parlement sont révoltés par le récent assassinat du plus respecté des généraux iraniens, Qassem Soleimani, qui a été sauvagement pulvérisé par un missile Hellfire sur ordre direct de Donald Trump. Le Premier ministre irakien, Adel Abdul-Mahdi, et les députés qui le soutiennent, estiment que les USA ont violé de manière flagrante la souveraineté de l'Irak en tuant un dignitaire en visite sans obtenir au préalable l'aval du gouvernement. C'est pourquoi le Parlement et le Premier ministre ont demandé à l'administration de respecter la volonté du peuple irakien et de retirer toutes les troupes usaméricaines du pays.

En réponse à la demande du parlement, le président Trump a menacé d'imposer des sanctions économiques draconiennes à l'Irak, le Département d'État publiant dans le même temps une déclaration provocatrice, rejetant catégoriquement les demandes de l'Irak et refusant même d’en discuter. Voici un extrait de cette déclaration :

« L'Amérique est une « force pour le bien » au Moyen-Orient. Nos forces militaires présentes en Irak vont poursuivre leur lutte contre Daech et, comme l'a dit le secrétaire d'État, nous sommes résolus à protéger les Américains, les Irakiens et nos partenaires de la coalition... À l'heure actuelle, toute délégation envoyée en Irak aurait pour rôle de discuter de la meilleure façon de réaffirmer notre partenariat stratégique - pas de discuter du retrait de nos troupes, mais du déploiement juste et approprié de nos forces au Moyen-Orient. …. Il est néanmoins nécessaire qu’une conversation s’engage entre nos gouvernements, non seulement sur les questions de sécurité, mais aussi sur notre partenariat financier, économique et diplomatique. Nous voulons être l’ami et le partenaire d’un Irak souverain, prospère et stable ».

Il serait intéressant de savoir si le « président fantôme » Mike Pompeo a rédigé le communiqué lui-même ou s'il a été assisté par les autres conseillers néoconservateurs du Département d'État. Quoi qu'il en soit, cette directive laconique ne laisse planer aucun doute sur le fait que l'Irak reste la propriété exclusive du gouvernement des USA, qui ne permettra pas que qui que ce soit conteste sa poigne de fer. Quelle que soit la définition qu’on en donne, l'Irak reste une colonie usaméricaine, c'est-à-dire « un pays qui est sous le contrôle politique total ou partiel d'un autre pays et qui est occupé (militairement) par ce pays ».

L’impérieuse réponse de Pompeo montre que, malgré un absurde battage dans les médias occidentaux, l'Irak n'est ni indépendant ni souverain.

Un examen plus attentif du communiqué du Département d'État laisse entrevoir la manière dont Pompeo entend maintenir l'Irak sous la coupe de Washington. Lorsqu'il dit : « Il faut discuter ... de notre partenariat financier, économique et diplomatique », il semble vouloir dire : « Nous n'avons pas l'intention de lancer une nouvelle opération contre-insurrectionnelle coûteuse en Irak. Simplement, nous allons retenir le produit des revenus pétroliers de l'Irak, ce qui mènera le gouvernement à la faillite et plongera le pays dans une nouvelle phase de conflits sectaires ».

Cette nouvelle stratégie, qui revient à du chantage, est étoffée dans plusieurs articles récents qui n'ont suscité que peu d’attention dans les médias. Selon le Wall Street Journal:

"Le Département d'État a prévenu que les USA pourraient fermer l'accès de l'Irak au compte de la banque centrale du pays détenu à la Banque de la Réserve fédérale de New York, une mesure qui pourrait constituer un coup dur pour une économie irakienne déjà chancelante, selon certains responsables....

L'avertissement concernant le compte de la banque centrale irakienne a été transmis par téléphone au Premier ministre irakien mercredi... La Banque de la Réserve fédérale de New York, qui peut geler les comptes en vertu de la loi américaine sur les sanctions ... a déclaré ne pas faire de commentaires sur les titulaires de comptes spécifiques.

« La Réserve fédérale des USA a la mainmise sur l'ensemble de l'économie [irakienne] », a déclaré Shwan Taha, président de la banque d'investissement irakienne Rabee Securities... ("U.S. Warns Iraq It Risks Losing Access to Key Bank Account if Troops Told to Leave", Wall Street Journal)

C'est ainsi que l'administration Trump fait des affaires. Après avoir envahi l'Irak sous de faux prétextes, tué un million de personnes et réduit de vastes étendues du pays à un désert inhabitable, les USA mènent actuellement une politique de « terre brûlée » financière visant à forcer l'Irak à se conformer à leurs diktats. On voit mal comment le Département d'État peut qualifier ce comportement de « force pour le bien », mais c’est peut-être une forme d’humour. En tout cas, le danger pour la fragile économie irakienne est bien réel, comme le montre cet article de l'Agence France-Presse (AFP). En voici un extrait:

« Les responsables irakiens craignent un "effondrement" économique si Washington met à exécution ses menaces de sanctions, notamment en bloquant l'accès à un compte aux USA où Bagdad dépose ses revenus du pétrole, qui alimentent 90% du budget national... »

Le Bureau du Premier ministre a reçu par téléphone cette menace : « Si les troupes américaines sont expulsées, « nous » - les USA - bloquerons votre compte à la Banque fédérale de réserve de New York ». Le compte de la Banque centrale d'Irak auprès de la Fed a été créé en 2003 à la suite de l’invasion usaméricaine qui a renversé l’ex-dictateur Sadam Hussein… En vertu de la résolution 1483 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui levait les cruelles sanctions globales et l'embargo pétrolier imposés à l'Irak après l'invasion du Koweït par Saddam, tous les revenus des ventes de pétrole irakien seraient versés sur ce compte.

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L'Irak est le deuxième producteur de brut de l'OPEP, et plus de 90 % du budget de l'État, qui a atteint 112 milliards de dollars en 2019, provient des revenus pétroliers... À ce jour, les revenus sont versés quotidiennement en dollars sur le compte de la Fed, le solde s'élevant maintenant à environ 35 milliards de dollars, ont déclaré des responsables irakiens à l'AFP... Chaque mois environ, l'Irak transfère de ce compte de 1 à 2 milliards de dollars en espèces pour des transactions officielles et commerciales.

« Nous sommes un pays producteur de pétrole. Ces comptes sont en dollars. En couper l'accès signifie fermer totalement le robinet », a déclaré le premier fonctionnaire irakien... Le second a déclaré que cela signifierait que le gouvernement ne pourrait pas assurer les dépenses quotidiennes ou payer les salaires et que la monnaie irakienne baisserait fortement. « Cela signifierait l'effondrement de l'Irak, a déclaré ce fonctionnaire ». (“Iraq warns of ‘collapse’ if Trump blocks oil money”, Daily Sabah)

Cet article est essentiel pour comprendre la politique usaméricaine en Irak, alors prenons une minute pour le résumer :

1- La richesse de l'Irak est entre les mains de la Fed
Depuis les premiers jours de l'invasion (2003), la Réserve fédérale retient les revenus des recettes pétrolières de l'Irak. Cet argent n'a jamais été directement sous le contrôle du peuple irakien ou de ses représentants élus.

2-Les revenus du pétrole irakien ne bénéficient pas au peuple irakien
L'Irak est actuellement le deuxième producteur de brut de l'OPEP, et plus de 90 % du budget de l'État, qui a atteint 112 milliards de dollars en 2019, provient des revenus du pétrole. Bien que cela semble être une somme importante, il faut noter que les contrats pétroliers de l'Irak ont été établis sous la férule des USA, ce qui signifie que le pétrole irakien n'est pas assez payé, et que les revenus ne sont pas répartis équitablement entre les Irakiens.

3- La Fed est un acteur politique profondément impliqué dans la mise en œuvre de la politique étrangère us-américaine
La Réserve fédérale est un acteur politique qui joue un rôle essentiel dans la diffusion du néolibéralisme. La Fed travaille avec des agents du gouvernement pour empêcher des pays comme l'Irak de contrôler leurs propres richesses ou d'exercer leur propre souveraineté.

4- Le gouvernement irakien reste soumis à l'étreinte mortelle de Washington
L'Irak a actuellement 35 milliards de dollars sur un compte de la Fed dont il ne peut pas disposer, auquel il n'a pas accès et qui ne peut être utilisé pour améliorer la vie du peuple irakien. Au lieu de cela, le gouvernement irakien doit attendre que ses maîtres yankees libèrent l'argent au compte-gouttes ,comme bon leur semble. Maintenant que le Parlement irakien a mis l'Oncle Sam en colère en exigeant que ses troupes quittent le pays, Washington menace de « fermer le robinet », ouvrant ainsi la voie à un effondrement économique suivi de troubles sociaux généralisés.

5-L'Irak doit vendre son pétrole en dollars US
Le pétrole irakien est uniquement libellé en dollars US, ce qui renforce le système pétrodollar, lequel recycle les revenus en dette usaméricaine. Cela contribue à son tour à maintenir la domination du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale, qui est un outil politique utilisé par Washington pour imposer son propre modèle de développement aux pays étrangers.

Ce bref rappel montre que la politique des USA en Irak est un racket éhonté qui ne sert que les intérêts de Washington et de son allié israélien. Il faut toutefois rajouter un item à cette liste : c'est l’incapacité de la politique usaméricaine à aborder le problème des infrastructures détruites ou négligées du pays, de son chômage massif persistant, de la pollution généralisée de son eau potable ou de la pauvreté extrême et désespérante qui frappe une grande partie de la population. (23% de la population irakienne vit en dessous du seuil de pauvreté alors que « plus de la moitié de la population urbaine vit dans des taudis »).

L'électricité n'est disponible qu’environ 8 heures par jour, alors que les températures estivales dépassent souvent les 38 degrés Celsius. 20 % des ménages irakiens boivent une eau dont la qualité est peu sûre, tandis que 65 % doivent utiliser les réseaux publics comme principale source d'eau potable.
Le chômage s'élève à 23% (selon le FMI) alors que le chômage des jeunes atteint 40% (toujours selon le FMI).

Ainsi, alors que les géants du pétrole continuent à engranger des profits florissants sur l'extraction record de pétrole, des millions d'Irakiens vivent au jour le jour dans un environnement de plus en plus précaire et misérable.

Les médias font généralement porter le chapeau au gouvernement pour les problèmes de l'Irak (« mauvaise gestion, inefficacité bureaucratique et corruption »), mais la véritable source des problèmes est l'invasion usaméricaine. Avant l'invasion, l'Irak était un pays relativement sûr et modérément prospère. Aujourd'hui, c'est un État « failli », brisé et dysfonctionnel, qui demeure impuissant, coincé sous la botte de Washington. Il est peu probable que cela change sous l'administration actuelle, qui a déjà exprimé son intention de prolonger l'occupation à perpétuité.

La guerre en Irak est la plus grande catastrophe de notre temps. À part une poignée de Likoudniks [membres du Likoud, parti dominant de la droite israélienne] fanatiques et de compagnies pétrolières géantes, personne n'en a tiré le moindre bénéfice. Une civilisation vieille de 5 000 ans a été sadiquement anéantie sous les bombes pour que Washington et son allié, Israël, puissent redessiner la carte du Moyen-Orient et imposer leur hégémonie sur une région du monde hautement stratégique.

L'auteur, Nir Rosen, a résumé les choses ainsi dans une interview accordée à Democracy Now il y a dix ans :

« Nous avons détruit l'Irak, et nous avons détruit toute la région, et il faut que les US-Américains le sachent ».

Traduit par Jacques Boutard Tlaxcala

lundi, 10 février 2020

Réélections en Thuringe ou quand l'Allemagne n'assume plus le vote populaire

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Réélections en Thuringe ou quand l'Allemagne n'assume plus le vote populaire

 
 
par Karine Bechet-Golovko 
Ex: http://www.zejournal.mobi

Les élections en Allemagne dans le land de Thuringe n'ont pas donné les bons résultats, puisque le président y a été élu, certes avec le soutien de Merkel, mais grâce aux voix de l'AfD, qui a le mauvais goût de n'être pas pro-migrants. Ne vous inquiétez pas, les électeurs seront appelés à voter à nouveau. Et le processus pourra se répéter tant que les "bons" résultats, ne seront décrétés démocratiques par Angela Merkel - car conformes à sa volonté, et non pas parce que faisant suite à des élections libres permettant d'exprimer la volonté populaire. Finalement, lorsque la position de ces élites globalisées sera définitivement inconciliable avec celle des peuples, alors les élections seront déclarées inutiles, et pourront être remplacées par une consultation sur internet, par exemple, au nom de la nouvelle "démocratie numérique". Tellement plus simple et surtout tellement mieux contrôlable. La souveraineté populaire est définitivement dépassée. Nous vivons une époque formidable, une véritable époque de progrès !

Assez naïvement, après avoir passé un bon nombre d'années sur les bancs des facs de droit, après avoir enseigné le droit, notamment constitutionnel, pendant un nombre d'années encore plus important, j'avais acquis, certainement naïvement, la conviction que les élections, sans être parfaites, étaient le moins mauvais moyen permettant l'expression de la volonté populaire. Evidemment, lorsque l'on veut que la volonté populaire s'exprime ...

Tant que les dirigeants dépendent réellement du résultat du vote, ils sont obligés sinon de gouverner entièrement dans l'intérêt du peuple, tout au moins d'en tenir compte. Le vote permet d'envoyer des signaux clairs sur le soutien ou le rejet des politiques menées. Et c'est ce qui s'est passé en Allemagne, où Thomas Kemmerich a été élu à la présidence de la Thuringe, non seulement avec le soutien du parti de Merkel, mais principalement grâce à celui de l'AfD. La réaction de Merkel fut immédiate et sans appel :

Merkel "a dénoncé un "acte impardonnable", estimant que le résultat de cette élection devait être "annulé" "

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Et effectivement, Thomas Kemmerich a déclaré, juste après son élection, démissionner pour provoquer de nouvelles élections :"Nous voulons de nouvelles élections afin de retirer le stigmate du soutien de l'AfD"

Surprenant. L'AfD est un parti "légal", qui défend d'autres positions que celle de Merkel, mais la démocratie se fonde sur le pluralisme. Donc où est le problème ? Le problème est que ce parti n'est pas aligné sur la question de l'immigration, de la politique de porte ouverte menée par Merkel. Or, il a été impossible de le contourner en Thuringe, car les électeurs ont voté pour lui de manière suffisante pour lui donner un rôle important dans l'élection du président de ce land.

Normalement, ce vote aurait dû conduire les dirigeants à repenser la politique migratoire. Cela aurait été la réaction d'une société démocratique, tenant compte de l'opinion des diverses parties de sa société et non pas seulement de la minorité postmoderne radicalisée.

La réaction des politiques au vote fut inverse. Se cachant confortablement derrière le spectre régulièrement dépoussiéré de l'extrême droite des années 30, les électeurs sont, non pas appelés, mais sommés, de voter encore une fois et correctement cette fois-ci.

Le système des élections, comme fondement du pouvoir dans les pays démocratiques est en danger, simplement parce que nos démocraties sont en train de mourir. Un système démocratique implique que les gouvernants représentent la majorité de leur peuple, sans pour autant oublier la minorité. Aujourd'hui, nos élites représentent  non plus la majorité, mais une minorité, qui par ailleurs n'est plus liée aux différents peuples, mais globalisée.

C'est pourquoi les élections, telles que nous les connaissons aujourd'hui, ne peuvent plus leur garantir le pouvoir. A la fois, car sur le fond il est de plus en plus difficile de tromper, malgré le développement de la Novlangue, et parce que les représentants mis en place ne peuvent être réélus, menant une politique impopulaire et antinationale. "Heureusement", le culte numérique et la débilisation grandissante de la population vont permettre de tenter le grand saut, passant d'élections réelles, dont les résultats sont de plus en plus difficilement contrôlables, à une imitation virtuelle, elle parfaitement contrôlable.


- Source : Russie politics