dimanche, 28 septembre 2008
Japon: pour une Commission internationale d'enquête sur les événements du 11 septembre 2001
Pour une Commission d’enquête sur les événements du 11 septembre 2001
Un parlementaire japonais lance une initiative internationale
Entretien avec Yukihisha FUJITA
Propos recueillis par Moritz Schwartz
Yukihisha Fujita demande à ce que soit constituée une Commission internationale, chargée de relancerl ‘enquête sur les attaques terroristes du 11 septembre 2001. Début septembre 2008, ce député japonais se trouvait en Europe, afin de nouer les contacts ad hoc pour constituer cette Commission internationale. Au parlement japonais, il s’efforce de créer une initiative parlementaire, au-delà de toutes les fractions politiques, dans le même but. Le 10 janvier 2008, il a pu faire accepter un débat à la Haute Chambre japonaise sur les événements du 11 septembre 2001, où il a interpellé le Premier ministre et le ministre de la défense. Fujita préside la Commission des Affaires étrangères au Sangiin, la deuxième chambre du Kokkai, l’Assemblée nationale japonaise. Il appartient au “Parti démocratique du Japon” (PDJ), qui est la formation politique la plus forte à la Haute Chambre (40% des représentants) et la deuxième à la Chambre basse (36%). Avant l’année 2005, Fujita représentait son parti à la Chambre basse. Il est né en 1950 à Hitachi sur la plus grande des îles de l’archipel nippon, Honshu.
Q.: Monsieur Fujita, pourquoi voulez-vous absolument raviver la question du 11 septembre 2001?
YF: Parce que le monde est devenu un autre monde à la suite de cet événement: tant la guerre d’Afghanistan que celle d’Irak n’auraient pas été possibles sans lui. Et dans ces deux guerres, des soldats japonais ont été impliqués d’une manière ou d’une autre. Voilà pourquoi nous sommes en droit de savoir: ce que l’on dit sur ces événements, est-ce exact?
Q.: C’est là une question que les hommes politiques allemands ne se posent pas...
YF: Ils devraient le faire.
Q.: Votre homologue allemand, soit le président de la Commission des affaires étrangères du Bundestag, Ruprecht Polenz, n’aurait jamais l’idée d’enquêter sur cette affaire...
YF: C’est dommage car il me semble que les attitudes critiques quant aux événements du 11 septembre 2001 sont nettement plus répandues en Allemagne qu’au Japon. Je constate avec satisfaction que beaucoup d’Allemands s’intéressent à cette question, surtout après toutes les affirmations contradictoires que l’on a énoncées dans cette affaire. Ensuite, ce n’est pas simplement un nombre plus important d’Allemands qui s’y intéressent, l’Allemand moyen, l’homme de la rue, me semble mieux informé sur le sujet que son pendant japonais. Au Japon, on a plutôt tendance à croire la version officielle. Ceux qui tentent d’investiguer plus en profondeur, comme moi, n’ont pas la tâche aisée.
Q.: Quels sont les résultats que vous avez obtenus?
YF: Au départ, je ne voyais rien qui m’aurait induit à mettre en doute la version officielle, mais plus je me suis penché sur ce sujet, plus il m’est apparu évident que cette version officielle des événements du 11 septembre 2001 ne peut être juste. Elle perd sa plausibilité tant elle contient des contradictions.
Q.: Les nombreux arguments des critiques de la version officielle sont connus. Mais pour chacun des points qui ont été critiqués, les autorités ont avancés des explications.
YF: Mais dans la plupart des cas, ils ne sont pas convaincants. Prenez par exemple le trou béant que l’on nous montre dans le bâtiment du Pentagone, qui aurait été touché: ce trou est beaucoup trop petit.
Q.: On dit que ce trou est petit par ce que l’avion qui est tombé là s’était déjà désintégré auparavant...
YF: Honnêtement, cette explication vous convaint-elle?
Q.: Vous n’êtes ni physicien ni technicien. Ne vaudrait-il pas mieux partir du principe que l’explication est compliquée du point de vus de la physique plutôt que d’en déduire immédiatement qu’il y a complot?
YF: Il ne faut pas être physicien pour savoir qu’il est impossible qu’un Boeing 757 soit passé par une béance dont le rayon est plus petit que son fuselage.
Q.: Comment réagissez-vous quand on vous accuse de complotiste, d’énoncer une théorie du complot?
YF: Le président de la Commission d’enquête sur les événements du 11 septembre, l’ancien gouverneur Thomas Kean, a lui-même déploré, à plusieurs reprises, et publiquement, que le gouvernement américain n’a pas mis toutes les informations à sa disposition, alors qu’il en avait besoin. Le rapport officiel fourmille de contradictions. Il y a en plus les contradictions entre les représentants mêmes du gouvernement américain, notamment quand Condoleezza Rice dit: “Personne ne pouvait prévoir une chose pareille” et que, par ailleurs, Donald Rumsfeld concède: “Il y avait beaucoup de signes avant-coureurs”. Ces contradictions ne peuvent être prises pour argent comptant: dans une affaire aussi importante, nous ne pouvons pas continuer notre bonhomme de chemin en considérant qu’elles n’ont aucune importance et passer aux autres points de l’ordre du jour.
Q.: Bon. Quelle est alors votre théorie sur le déroulement réel des événements du 11 septembre 2001?
YF: Mon but n’est pas de fournir une théorie. Il s’agit d’acter que la version officielle n’est pas exacte. Si l’on se hasarde à formuler une théorie nouvelle, on se rend automatiquement vulnérable et la version officielle en profite; en effet, si l’on pose des questions sur les contradictions internes de la version officielle, celle-ci peut riposter en évoquant les éventuelles contradictions de la théorie alternative, ce qui annulle l’effet de celle-ci. Non, ne leur donnons pas l’occasion de biaiser et de louvoyer! Posons des questions et voyons s’ils y répondent de manière crédible.
Q.: D’après vous les réponses données jusqu’ici ne sont pas crédibles.
YF: Au cours de ces dernières années de nombreuses personnalités politiques et des experts —et leur nombre s’élève désormais à quelques milliers— ont émis des doutes ou, du moins, posé des questions critiques. Parmi eux, en Allemagne, l’ancien ministre fédéral de la recherche scientifique, expert ès-études sur les services secrets pour le compte de son parti, la SPD: je veux parler d’Andreas von Bülow; mais il n’est pas le seul, il y a aussi des représentants des deux chambres américaines. Je vous le demande à titre tout-à-fait personnel: est-ce que cela ne vous trouble pas d’apprendre, par exemple,qu’Ernst Welteke, membre de la SPD et président de la “Deutsche Bundesbank” de 1999 à 2004, ait confirmé, lors d’un sommet de la Banque centrale européenne, que quelques jours avant le 11 septembre 2001, des options de vente inhabituelles ont eu lieu, et que le prix de l’or et du pétrole ait également augmenté? Ou, autre exemple, qu’Oussama Ben Laden, jusqu’ici, n’est pas recherché par le FBI pour les attentats du 11 septembre 2001 mais “seulement” pour les attaques perpétrées contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie, comme le trahit clairement le libellé de la liste officielle des personnes recherchées?
Q.: Avant de passer au vote qui devait décider du renouvellement ou non de la participation japonaise à la mission anti-terroriste américaine baptisée “Enduring Freedom”, vous avez, début janvier dans l’enceinte du parlement japonais, procédé, pendant une demie heure, à une présentation de votre point de vue à la Haute Chambre. Comment ont réagi vos collègues?
YF: A ma grande surprise, non seulement j’ai obtenu, et c’est étonnant, beaucoup d’encouragements, mais je n’ai essuyé aucune critique. De surcroît, les encouragement ne venaient pas uniquement de ma propre fraction mais aussi de représentants d’autres partis, dont celui-là même du gouvernement, le PLD. Les encouragements venaient non seulement de la Haute Chambre mais aussi de la Chambre basse. Non seulement de mes collègues de l’Assemblée plenière mais aussi des dirigeants de mon parti! Manifestement, la présentation de mon projet a fait mouche! Il semble bien que cette question ait préoccupé beaucoup de monde.
Q.: En Allemagne, une telle réaction serait difficilement imaginable. Comment expliquez-vous cette différence d’attitude?
YF: Je ne peux donner aucune explication. C’est à vous d’éclairer ma lanterne!
Q.: C’est sans doute parce que vos hypothèses sont dépourvues de tout fondement...
YF: Non, je suppose plutôt que la différence n’est pas si grande, car, n’oubliez pas que malgré tous ces encouragements je demeure le seul et unique parlementaire japonais qui ose poser de telles questions. Je suppose qu’il existe aussi chez vous quelques députés qui me prodigueraient des encouragements. La différence réside sans doute seulement en ceci: chez vous, jusqu’ici, personne n’a encore brisé le silence.
Q.: Vous avez interpellé le premier ministre Yasuo Fukuda et le ministre de la défense Shigeru Ishiba pour leur demander dans quelle mesure le gouvernement nippon avait été informé par les Etats-Unis sur les auteurs des attentats terroristes du 11 septembre 2001 et sur leurs agissements. Avez-vous été satisfaits de leurs réponses?
YF: Non, mais je ne m’attendais pas à recevoir des réponses satisfaisantes. Néanmoins, malgré leur réticense et leur circonspection, on pouvait clairement sentir que le gouvernement japonais avait, en réalité, été fort peu informé sur les événements. Bien que vingt-quatre sujets japonais aient été tués à la suite de ces attentats et que la mort de ces personnes ait motivé l’engagement de nos soldats dans la “lutte contre le terrorisme”, notre gouvernement n’a pas, de lui-même, mené une enquête. Au lieu de cela, le gouvernement se fie exclusivement aux affirmations des Américains, qui présentent force lacunes et contradictions.
Q.: De ce fait, vous considérez que la participation japonaise à la “guerre contre le terrorisme” ne va pas dans le sens des intérêts de votre pays...
YF: Notre intérêt national, c’est de trouver la vérité, afin de savoir à quoi réellement se tenir.
Q.: Vous demandez une nouvelle enquête, qui serait cette fois internationale, sur les événements du 11 septembre 2001. Comment une telle enquête doit-elle s’articuler?
YF: L’idéal serait que l’ONU patronne une telle enquête. Car, quoi qu’il en soit, dégager la vérité sur ces événements serait de son ressort, car les conséquences de ceux-ci marquent et imprègnent la politique internationale d’aujourd’hui. Par exemple, l’assemblée plenière pourrait ordonner que se constitue un comité international d’experts. Ou la Cour de justice internationale pourrait s’emparer de l’affaire. Comme le terrorisme n’est pas une forme de guerre mais relève de la criminalité, la Cour de La Haye pourrait parfaitement être compétente. Ou, autre solution possible, des parlementaires de différents pays décideraient de constituer une Commission internationale d’enquête. Plusieurs solutions sont possibles au départ.
Q.: Pensez-vous réellement et sérieusement que votre proposition a des chances d’aboutir?
YF: Quoi qu’il en soit, une telle Commission aurait davantage de sens que la deuxième commission nationale d’enquête que certains envisagent de mettre sur pied aux Etats-Unis.
Q.: Quelles mesures concrètes entreprenez-vous pour atteindre cet objectif?
YF: Je reviens justement d’un voyage en Europe. J’y ai rencotré diverses personnalités comme, par exemple, Michael Meacher, qui fut jusqu’en 2003, le ministre de l’environnement du gouvernement travailliste de Tony Blair ou encore l’ancien président de l’Etat italien, le chrétien-démocrate Francesco Cossiga.
Q.: Meacher dit que la “guerre contre le terrorisme” est une “tromperie” et Cossiga considère que les attentats du 11 septembre sont l’oeuvre de la CIA et du Mossad...
YF: En outre, j’ai été invité par le député Giulietto Chiesa au Parlement Européen, où nous avons montré le nouveau film “Zero: An Investigation into 9/11” à six autres députés, alors que ce film a été montré dans toute la Russie par la télévision russe. En Allemagne également, j’ai eu contacts et conversations, mais je ne suis pas autorisé à en parler davantage.
Q.: Vous avez rencontré l’ancien président de la “Bundesbank”, Ernst Welteke. Mais avez-vous eu des contacts avec des hommes ou des femmes en Allemagne, qui sont actifs sur la scène politique?
YF: Malheureusement non.
Q.: Malgré ces contacts, vous êtes encore à des années-lumière de la constitution effective de votre nouvelle commission internationale d’enquête.
YF: Mis à part ces efforts sur le plan international, je travaille à Tokyo, avec d’autres collègues du parlement japonais pour que naisse une initiative parlementaire. Il serait bien sûr idéal que nous devenions suffisamment forts pour exiger de nos gouvernements qu’ils adoptent une attitude critique à l’égard de Washington et réclament une enquête sur toutes les questions qui demeurent encore ouvertes.
Q.: Que se passera-t-il si, en fin de compte, vous êtes obligés de constater que la version officielle est toute de même exacte?
YF: Attendons simplement les résultats d’une enquête future et indépendante.
(entretien paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°38/2008 – sept. 2008 – trad. franç. : Robert Steuckers).
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samedi, 27 septembre 2008
Pressions américaines contre l'installation du gazoduc de la Baltique
Pressions américaines contre l’installation du gazoduc de la Baltique
Dans son édition n°39/2008, l’hebdomadaire de Hambourg, “Der Spiegel”, dénonce les pressions indirectes qu’exerce Washington pour saboter l’installation définitive du gazoduc germano-russe de la Baltique. Après l’échec de la tentative téméraire du président géorgien Saakachvili dans le Caucase, dont l’enjeu est la ligne de gazoducs et d’oléoducs Bakou-Tiflis-Ceyhan, les Etats-Unis passent à l’offensive en Mer Baltique, pour torpiller le bon fonctionnement de “North Stream”, sur lequel ils n’exercent aucun contrôle. Ils procèdent de manière indirecte. Soi-disant non officielle. Michael Wood, ambassadeur américain en poste à Stockholm, nommé à ce titre par George Bush junior parce qu’il jouait jadis au golf avec lui et l’accompagnait dans ses randonnées en mountain-bike, vient de publier sous son nom propre un article qui enfreint toutes les règles de la bienséance diplomatique, selon la bonne vieille méthode des néocons, qui revendiquent haut et clair ce style de dérapages. Cet article est paru dans le quotidien suédois “Svenska Dagbladet” et constitue un appel au gouvernement suédois: celui-ci devra vérifier, avec la plus extrême rigueur, si le gazoduc est bien “écologique”, comme prévu, mais ne devra pas se borner à ce seul aspect écologique. Il devra, selon Wood, prendre d’autres facteurs en considération: notamment que ce gazoduc est le fruit d’accords spéciaux entre Allemands et Russes, qu’il est une mise en oeuvre par Moscou de “l’arme de l’énergie” face à laquelle l’Europe doit faire front commun, en refusant bien entendu toutes les séductions qu’elle offre.
Pour une fois, le gouvernement fédéral allemand a réagi clairement: Rüdiger von Fritsch, directeur du département économique du ministère allemand des affaires étrangères, a appelé l’ambassadeur américain en ses bureaux pour lui demander des explications. Le gouvernement fédéral allemand se dit “irrité” devant cette démarche “inhabituelle”. La réponse du diplomate américain à Berlin reflète, elle, une hypocrisie bien habituelle: les Etats-Unis sont “surpris”, paraît-il, des propos de Wood et prétendent que Washington n’a aucune objection à formuler “quant à l’installation de ce gazoduc privé”. Rüdiger von Fritsch, qui n’est évidemment pas dupe, a conservé sa fermeté: un incident comme l’article de Wood ne devra pas se répéter, a-t-il demandé.
Le diplomate von Fritsch n’a pas été le seul à marquer son mécontentement en Allemagne. Eggert Voscherau, représentant de BASF dans le Conseil de supervision du gazoduc “North Stream” incriminé, a déclaré: “Les Américains manifestent désormais ouvertement leur opposition au gazoduc”. Martin Schulz, chef de la fraction sociale-démocrate au Parlement Européen a, lui, déclaré pour sa part que l’article de Wood est une preuve utile et intéressante “pour montrer quelles sont les intentions réelles des Américains: déstabiliser l’Europe”. Notre commentaire: les sociaux-démocrates, jadis, surtout en Belgique, champions de l’alliance atlantiste, vont-ils enfin comprendre, après plus d’un demi siècle, voire un siècle entier, que cette intention américaine a toujours été telle: affaiblir, déstabiliser et détruire l’Europe?
Le ministre allemand des affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier ne minimise pas davantage l’affaire: il part du principe que la teneur menaçante de l’article de Wood révèle bel et bien les intentions réelles de Washington. Les observateurs attentifs ont déjà pu constater que la diplomatie américaine ne cesse plus d’intriguer contre ce gazoduc long de 1200 km entre Wyborg et Greifswald, qui, pensent les Américains, accentuera la dépendance énergétique de l’Europe au profit de la Russie. Argument classique, banal mais fallacieux: en effet, ce n’est pas cette dépendance que craignent finalement les Américains mais, au contraire, la fusion des potentialités européennes et russes, qui détacherait les uns et les autres de toute dépendance à l’endroit des Etats-Unis et des sociétés pétrolières moyen-orientales qu’ils contrôlent.
Cette crainte n’est pas seulement exprimée par Condoleezza Rice mais, plus nettement encore, par le Sénateur de l’Utah, Bob Bennett, qui s’inquiète de voir la Russie se transformer “en un Etat gazier et pétrolier”. Ensuite, le tandem énergétique germano-russe, prétendent les Américains, permet à Poutine et Medvedev d’agir énergiquement dans le Caucase et d’y mettre les manigances américaines, voire turques, en échec et mat. Raison pour laquelle, la diplomatie américaine tente une politique de la zizanie en Europe du Nord en excitant Polonais, Baltes et Suédois contre l’alliance énergétique forgée par Berlin et Moscou. Réactivation du clivage polémique entre “Vieux Européens” et “Nouveaux Européens”, à la différence près que, cette fois, Français, Néerlandais et Britanniques sont ou seront aussi les bénéficiaires du gazoduc contre lequel Washington excite les esprits.
La démarche de déstabilisation de l’Europe est si évidente, cette fois, que même les chrétiens-démocrates allemands, souvent très critiques à l’endroit de la politique russe, protestent. Eckart von Klaeden, porte-paroles de la CDU en matière de politique étrangère: “Il faut bien que les énormes investissements [que nous avons faits en Russie] soient amortis”. Déclaration qui montre bien que la dépendance ne va pas en sens unique, que ce n’est pas seulement l’Europe qui dépend de l’énergie russe mais que, simultanément, la Russie dépend du savoir-faire européen, pour combler le “technological gap” que constataient, triomphants, les auteurs anglo-saxons entre 1917 et 1989, dont Arnold J. Toynbee. La Chancelière Merkel, qui semblait pourtant avoir cédé aux ukases américains après la Guerre du Caucase en août dernier et déplorait une trop grande dépendance européenne face au gaz et au pétrole russes, soutient le projet “North Stream” sans la moindre réticence.
Steinmeier et Merkel se sont rendus en Suède pour plaider la cause du gazoduc, qu’ils définissent comme un “projet stratégique européen”. Les Suédois ont le droit de vérifier la fiabilité écologique de ce gazoduc, mais rien de plus, disent les Allemands. La vérification sera sans doute la plus méticuleuse qu’un gazoduc aura jamais subie. Nous ajouterions que les Américains jouent là sur une vieille inimitié russo-suédoise, qui remonte à Charles XII de Suède, au temps où la Suéde désirait maîtriser “l’axe gothique”, de la Baltique à la Mer Noire, entre Memel et Odessa. La défaite de Charles XII l’a évincée, comme fut aussi évincé le tandem polono-lithuanien. L’axe gothique ne peut plus être maitrisé que par un tandem germano-russe, dans le cadre d’un concert européen cohérent qui rappelle et la Sainte-Alliance de 1815 et l’Alliance des Trois Empereurs au temps de Bismarck.
(résumé de l’article et commentaires de Robert Steuckers; titre de l’article: “Aussenpolitik. Amerikanischer Ausrutscher”, par Ralf Beste & Cordula Meyer, in: “Der Spiegel”, n°39/2008).
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lundi, 22 septembre 2008
Hommage à H. Diwald
Robert STEUCKERS:
Hommage à Hellmut Diwald (1924-1993)
Né le 13 août 1924 dans le pays des Sudètes, plus précisément à Schattau en Moravie méridionale, le professeur Hellmut Diwald a quitté la vie le 26 mai 1993. Fils d'ingénieur, il s'était d'abord destiné à suivre les traces de son père: il suit les cours de l'école polytechnique de Nuremberg et y décroche son premier diplôme. Mais c'est à l'université d'Erlangen qu'il trouvera sa véritable vocation: l'histoire, l'événémentielle et celle des religions et des idées. De 1965 à l'année de sa retraite, il a enseigné l'histoire médiévale et moderne dans l'université qui lui avait donné sa vocation. Auparavant, il avait travaillé sur les archives d'Ernst Ludwig von Gerlach, un homme politique conservateur et chrétien de l'époque de Bismarck, avait rédigé une monographie sur le philosophe Dilthey et publié plusieurs études, notamment sur Ernst Moritz Arndt, père de la conscience nationale allemande (mais qui a eu un grand retentissement en Flandre également, si bien qu'il peut être considéré à Anvers, à Gand et à Bruxelles comme un pater patriae), et sur l'évolution des notions de liberté et de tolérance dans l'histoire occidentale.
Ces premiers travaux scientifiques permettent de comprendre quel homme fut Hellmut Diwald, quelle synthèse il a incarnée dans sa vie intellectuelle et militante: homme de progrès dans le sens où il s'inscrit dans la tradition émancipatrice des Lumières et de la Prusse, il ne conçoit pas pour autant cette émancipation comme un pur refus de tout ancrage historique et politique, mais au contraire, à l'instar du romantique Arndt et du conservateur von Gerlach, comme la défense d'un ancrage précis, naturel, inaliénable, dont l'essence est de générer de la liberté dans le monde et pour le monde. Cet ancrage, ce sont les nations germaniques, nations d'hommes libres qui se rebiffent continuellement contre les dogmes ou les institutions contraignantes, contre les coercitions improductives. Cette notion germanique de l'homme libre a donné la réforme, les lumières pratiques du XVIIIième siècle frédéricien ou joséphien, ou, chez nous, le mythe d'Uilenspiegel. Elle est donc à la base du progressisme idéologique, avant que celui-ci ne deviennent fou sous l'impact de la révolution française et du messianisme marxiste.
Hellmut Diwald doit sa notoriété à un ouvrage paru en 1978: une «histoire des Allemands» inhabituelle, où notre auteur inverse la chronologie en commençant par l'histoire récente pour remonter le cours du temps. Cette originalité n'est pas une simple facétie de professeur. En effet, les historiens allemands de notre après-guerre n'ont cessé de juger l'histoire allemande comme le préliminaire à l'horreur nationale-socialiste. Tous les événements de cette histoire étaient immanquablement jugés à l'aune du national-socialisme, ramenés à l'une ou l'autre de ses facettes. Reductio ad Hitlerum: telle était la manie, lassante, répétitive, morne, de tous les zélotes de la profession qui travaillaient à réaliser une seule obsession: tenir leur peuple à l'écart de l'histoire qui se jouait désormais à Washington ou à Moscou, à Pékin ou à Tel Aviv. Tout retour de l'Allemagne sur la scène de l'histoire réelle aurait signifié, pour ces savants apeurés, le retour d'une tragédie à l'hitlérienne. On peut évidemment comprendre que les Allemands, après deux défaites, aient été échaudés, dégoûtés, rassis. Mais ces sentiments sont justement des sentiments qui ne permettent pas un regard objectif sur les faits historiques. En inversant la chronologie, Diwald se voulait pédagogue: il refusait d'interpréter l'histoire allemande comme une voie à sens unique débouchant inévitablement sur la dictature nationale-socialiste. S'il y a pourtant eu ce national-socialisme au bout de la trajectoire historique germanique, cela ne signifie pas pour autant qu'il ait été une fatalité inévitable. L'histoire allemande recèle d'autres possibles, le peuple allemand recèle en son âme profonde d'autres valeurs. C'est cela que Diwald a voulu mettre en exergue.
Du coup, pris en flagrant délit de non-objectivité, les compères de la profession, ont crié haro sur Diwald: en écrivant son histoire des Allemands, il aurait «banalisé» le national-socialisme, il l'aurait traité comme un fragment d'histoire égal aux autres. Pire: il ne l'aurait pas considéré comme le point final de l'histoire allemande et aurait implicitement déclaré que celle-ci demeurait «ouverte» sur l'avenir. Pendant deux ans, notre historien a subi l'assaut des professionnels de l'insulte et de la délation. Sans changer sa position d'un iota. Meilleure façon, d'ailleurs, de leur signifier le mépris qu'on leur porte. Mesquins, ils ont voulu «vider» Diwald de sa chaire d'Erlangen. Ils n'ont pas obtenu gain de cause et se sont heurtés au ministre de l'enseignement bavarois, Maier, insensible aux cris d'orfraie poussés des délateurs et des hyènes conformistes.
Diwald n'a pas cessé de travailler pendant que ses ombrageux collègues vitupéraient, complotaient, s'excitaient, pétitionnaient. En 1981, avec Sebastian Haffner, un homme de gauche éprouvé et un anti-fasciste au-dessus de tout soupçon, et Wolfgang Venohr, historien et réalisateur d'émissions télévisées, il participe en 1981 à la grande opération de réhabilitation de l'histoire prussienne, dont le point culminant fut une grande exposition à Berlin. Parallèlement à cette série d'initiatives «prussiennes», Diwald travaillait à un sujet qui nous intéresse au plus haut point dans le cadre de notre souci géopolitique: une histoire de la conquête des océans. Deux volumes seront les fruits de cette recherche passionnante: Der Kampf um die Weltmeere (1980) et Die Erben Poseidons. Seemachtpolitik im 20. Jahrhundert (1987). Conclusion de Diwald au bout de ces sept années de travail: l'Allemagne a perdu les deux guerres mondiales sur l'Atlantique, parce que sa diplomatie n'a pas compris le rôle essentiel de la guerre sur mer.
Au cours de toute sa carrière, Diwald, auteur classé arbitrairement à droite à cause de son nationalisme d'émancipation, n'a jamais perdu la réunification allemande de vue. Cet espoir le conduisait à juger très sévèrement tous les ancrages à l'Ouest qu'essayait de se donner la RFA. Chacun de ces ancrages l'éloignait de sa position centre-européenne et des relations privilégiées qu'elle avait eu l'habitude de nouer avec la Russie. Diwald était donc un critique acerbe de la politique du Chancelier Adenauer, dont l'objectif était l'intégration totale de la RFA dans la CEE et dans le binôme franco-allemand. Inlassablement, Diwald a critiqué le refus adénauerien d'accepter les propositions de Staline en 1952: neutralisation de l'Allemagne réunifiée. Ce refus a conduit au gel des positions et condamné la RDA à la stagnation communiste sous la houlette d'apparatchiks pour lesquels le Kremlin n'avait que mépris.
La vie exemplaire de Diwald, clerc au service de sa patrie, nous lègue une grande leçon: l'historien ne peut en aucun cas faire des concessions aux braillards de la politique. Sa mission est d'être clairvoyant en toutes circonstances: dans l'euphorie du triomphe comme dans la misère de la défaite. Pour l'un de ses amis proches, venu lui rendre visite peu de temps après le diagnostic fatidique qui constatait la maladie inéluctable, Diwald a prononcé cette phrase qui fait toute sa grandeur, qui scelle son destin de Prussien qui conserve envers et contre tout le sens du devoir: «Pourvu que je puisse régler toutes les affaires en suspens qui traînent sur mon bureau avant de m'en aller». Hellmut Diwald, merci pour votre travail.
Robert STEUCKERS.
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vendredi, 19 septembre 2008
Jünger et l'Allemagne secrète
Jünger et l'Allemagne secrète
Antonio GIGLIO
La polémique qui s'est déclenchée à propos d'Ernst Jünger, remet à l'avant-plan, une fois de plus, les fantasmes nés de la guerre civile européenne et du passé qui ne passe pas, mais, pire encore, les fantasmes plus insidieux générés par l'incompréhension totale de nos contemporains face à l'histoire politique et culturelle de ce siècle. A Jünger qui est aujourd'hui, à 100 ans, le plus grand écrivain européen vivant, on a reproché d'être, dans le fond, un complice des nazis. Pour clarifier cette question, il nous apparaît opportun de récapituler, depuis le début, l'histoire des activités politiques et culturelles de Jünger, le héros de la Première Guerre mondiale, un des rares soldats de l'armée impériale, avec Rommel, à avoir reçu la plus haute décoration militaire allemande, l'Ordre “Pour le Mérite”. Le thème des premières œuvres littéraires de Jünger est l'expérience de la guerre, dont témoigne notamment son célèbre roman Orages d'acier. Ces livres de guerre lui ont permis de devenir en peu de temps l'un des écrivains les plus lus et les plus fameux de l'Allemagne. En outre, Jünger est rapidement devenu l'un des chefs de file du nouveau nationalisme, suscité par les conditions de paix très dures imposées à l'Allemagne. Il réussit à forger une série de mythes politiques représentant la synthèse ultra-révolutionnaire de tout ce que la droite allemande avait produit à cette époque.
L'écrivain évoluait entre les bureaux d'études de l'armée, les groupes paramilitaires et nationaux-révolutionnaires, et réussissait à fusionner plusieurs projets politiques: celui du philologue Wilamowitz visant la création d'un Etat régi par un Ordre ascétique ou une caste sélectionnée d'hommes de culture et de science, celui de Spengler visant le contrôle et la domination des nouvelles formes technologiques en train de transformer le monde, celui du poète Stefan George chantant une nouvelle aristocratie, celui de Moeller van den Bruck axé sur la nécessité de rénover de fond en comble le “conservatisme” ou plutôt sur la nécessité de lancer une “révolution conservatrice”, formule inventée par le poète Hugo von Hoffmannsthal et traduite par Jünger en termes ultra-nationalistes et guerriers. Pourtant, Jünger, influencé par la furie iconoclaste de Nietzsche, propose à l'époque de détruire totalement la société bourgeoise, ce qui lui permet d'utiliser aussi les mythes politiques de la gauche, dont l'idée bolchévique suggérée par Lénine, soit la mobilisation totale et militaire de l'Etat, utilisée auparavant en Allemagne par le Général Erich Ludendorff; chez Jünger, cette mobilisation totale deviendra la mobilisation totale de tout ce qui est allemand. Enfin, il utilise le mythe du travailleur-soldat, déjà loué par Trotsky; Jünger l'adopte et le propose, transformé par la pensée du philosophe Hugo Fischer. Cette synthèse de Lénine, Trotsky et Fischer deviendra Le Travailleur, au moment même où Jünger est l'allié du national-bolchévique Ernst Niekisch. Il faut encore noter que la pensée philosophique et politique de Heidegger a été profondément influencée par ce célébrissime essai de Jünger, qui moule audacieusement en une puissante unité philosophique la technique, le nihilisme et la volonté de puissance.
Parallèlement, l'écrivain se propose d'unifier tous les mouvements nationalistes allemands; c'est cette intention qui explique sa tentative initialement favorable à Hitler; il suffit de penser à la dédicace rédigée de son livre de 1925, Feuer und Blut (= Feu et Sang) à l'intention du “Führer national” Adolf Hitler, même si l'année précédente, il avait désapprouvé la décision des nazis d'adopter des méthodes légales et craint une trahison nationale-socialiste à l'égard de la pureté des idéaux nationaux-révolutionnaires. Quoi qu'il en soit, en 1927, Hitler propose à Jünger un siège au Parlement, mais l'écrivain ne l'accepte pas parce qu'il refuse le parlementarisme et toute forme de parti. Après 1933, Jünger se retire complètement de la politique parce qu'il est trop élitaire, aristocratique et révolutionnaire pour accepter qu'un mouvement de masse s'accapare de ses idées; par ailleurs, il se sent trop impliqué dans bon nombre d'idées nationalistes pour pouvoir critiquer ouvertement le nouveau régime. En 1939, cependant, Jünger semble vouloir intervenir directement, de manière critique, dans le régime nazi, en publiant son roman Sur les falaises de marbre. Selon un philosophe allemand contemporain, Hans Blumenberg, Jünger a rassemblé dans ce roman toutes les allusions aux événements de l'époque dans un scénario mythique, surtout après l'élimination des opposants à Hitler lors de la “nuit des longs couteaux”, décidant ainsi de n'opposer plus qu'une résistance animée par la pure force de l'esprit. Un spécialiste plus connu du nazisme, George L. Mosse affirme que Jünger, dans ce roman, rejette les idées de sa jeunesse et retourne au protestantisme. En réalité, les choses sont beaucoup plus complexes.
De fait, Jünger, en 1938, dans la seconde version de son livre Le cœur aventureux, fait allusion pour la première fois au mystérieux Ordre des Maurétaniens, une élite mystique de mages savants et guerriers, qui deviendra le protagoniste collectif du roman Sur les falaises de marbre, et, par la suite, de tous les autres romans de l'auteur. En premier lieu, nous devons souligner que Jünger et les révolutionnaires nationalistes de sa génération sont obsédés par le mythe politique d'un Ordre qui régit l'Etat et guide les masses. Les Maurétaniens sont à mi-chemin entre les Templiers et les Chevaliers Teutoniques, ils sont l'incarnation de ce mythe.
Donc, en 1938, Jünger écrit qu'au lieu de rester coincé dans ses chères études, il va s'introduire dans le milieu des Maurétaniens, qu'il définit comme des polytechniciens subalternes du pouvoir, parmi lesquels il nomme Goebbels et Heydrich, un des chefs de la SS. Ce n'est dès lors pas un hasard si Carl Schmitt écrit, dans son journal, que les Maurétaniens sont une allégorie des SS. Jünger, en outre, ajoute textuellement qu'«une équipe sélectionnée des nôtres est au travail dans les lieux secrets du plus secret Thibet». Effectivement, à cette époque, existait une organisation culturelle liée à la SS et dénommé l'Ahnenerbe (= l'Héritage des Ancêtres), qui organisait entre autres choses des expéditions plus ou moins secrètes au Thibet, et était reçue par le Dalaï Lama en personne. Par ailleurs, il faut signaler que cette structure avait été mise sur pied, au départ, par un ami de Jünger, Friedrich Hielscher, le chef spirituel des jeunes nationalistes allemands, avant d'être incluse par Himmler dans les institutions SS. Mais quand paraît le roman-pamphlet Sur les falaises de marbre, certains nazis, ignorant ces faits, réclament la tête de Jünger, qui sera défendu par le “Maurétanien” Goebbels, et ensuite par Hitler lui-même, qui, ne l'oublions pas, avait confessé à Rauschning, stupéfait et attéré, avoir fondé un Ordre mystérieux. Nous sommes donc en présence d'un mystère historiographique et politique du 20ième siècle.
Le roman de Jünger est probablement le témoignagne d'un conflit politique et culturel qui se déroulait à l'intérieur du noyau dirigeant national-socialiste, et aussi, sans doute, à l'intérieur même de cet Ordre mystérieux, pour savoir comment imposer et diriger la politique intérieure et extérieure du IIIième Reich. Jünger, qui plus est, considère que l'un des protagonistes du roman, le Maurétanien Braquemart, est semblable à Goebbels, et que la figure démoniaque et destructive du Forestier peut être ramenée à Staline. Ensuite, en 1940, il attribue la victoire fulgurante des troupes allemandes en France à la Figure du Travailleur, décrite dans son livre Der Arbeiter. En 1942, il fait rééditer son essai sur la mobilisation totale, au moment même où Hitler mobilise totalement et désespérément tout ce qui est allemand. Ce conflit interne entre les Maurétaniens, dans lequel Jünger entendait bel et bien intervenir en publiant son roman-pamphlet, s'est avivé pendant la durée du conflit, à cause des conséquences catastrophiques de la guerre voulue par Hitler et non par les autres membres de l'Ordre des Maurétaniens. Voilà pourquoi Jünger et son ami Hielscher en sont arrivés à comploter contre le Führer: ils voulaient désespérément éviter le destin tragique qui allait frapper l'Allemagne, ou au moins l'atténuer.
Jünger, en effet, fut l'un des organisateurs de la tentative de coup d'Etat du 20 juillet 1944, qui aurait dû avoir lieu après l'attentat contre Hitler. A Paris, où il est officier d'état-major dans le Haut Commandement des troupes d'occupation, centre du complot contre Hitler, Jünger écrit l'essai La Paix qui est, en fait, le texte politique essentiel de ce complot, et dont le manuscrit avait été lu et approuvé par Rommel, le seul officier supérieur capable de mettre un terme à la guerre sur le front occidental et à affronter la guerre civile. Mais le complot échoue, Rommel est contraint au suicide parce qu'il est condamné à mort. Le Maurétanien Hielscher est arrêté à son tour. Jünger semble vouloir nous dire que le Prince Sunmyra, un des auteurs malchanceux de l'attentat contre le Forestier dans le roman-pamphlet, peut être comparé au Colonel von Stauffenberg, l'auteur malchanceux de l'attentat contre Hitler. Claus von Stauffenberg, héros de la “Résistance allemande”, était un disciple de Stefan George, donc un représentant de ces Maurétaniens qui s'étaient donné le devoir de préserver l'Allemagne secrète. Et Hitler ne pouvait pas condamner à mort l'Allemagne secrète, incarnée dans l'œuvre et la personne de Jünger.
Antonio GIGLIO.
(article extrait de l'Italia settimanale, n°13/1995; trad. franç.: Robert Steuckers).
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jeudi, 18 septembre 2008
J. Evola: Jünger et l'irruption de l'élémentaire dans l'espace bourgeois
Julius EVOLA:
Jünger et l'irruption de l'élémentaire dans l'espace bourgeois
Il est visible et il nous paraît évident qu'à travers l'économie se sont réveillées des forces «élémentaires», qui, en de nombreux domaines, échappent au contrôle du bourgeois et, ainsi, deviennent le substrat d'une nouvelle unité, collective cette fois.
Ce constat nous amène effectivement à certains aspects de la crise du monde bourgeois et à les étudier; selon Jünger, il faut tourner notre attention vers quelques traits caractéristiques du bourgeois qui correspondent à son idéal de sécurité commode et d'exclusion de toute force élémentaire hors de sa vie.
Le concept d'élémentaire joue un rôle central dans le livre de Jünger. Comme chez d'autres auteurs allemands, le terme «élémentaire» n'est pas utilisé chez Jünger dans le sens de “primitif”; il désigne bien plutôt les puissances les plus profondes de la réalité qui échappent aux structures intellectuelles et moralistes et qui sont caractérisées par une transcendance, positive ou négative selon l'individu: c'est comme si l'on parlait des forces élémentaires de la nature. Dans le monde intérieur, il existe des puissance qui peuvent faire irruption dans la vie, tant la vie personnelle que la vie collective, en venant d'une strate psychique plus profonde. Quand Jünger parle de l'exclusion de l'élémentaire dans le monde bourgeois, il est évident qu'il s'associe à la polémique développée par plusieurs courants d'idées contemporains, depuis l'irrationalisme, l'intuitionnisme, la religion de la vie (ou vitaliste) jusqu'à la psychanalyse et à l'existentialisme; il s'insurge contre la vision rationaliste-moraliste de l'homme, prédominante hier encore. Mais nous allons voir que la position de Jünger est originale dans ce contexte, car il conçoit des formes actives, lucides, non régressives des rapports de l'homme à l'élémentaire, ce qui le distingue de l'orientation problématique, propre à la grande majorité des courants que nous venons de mentionner.
La préoccupation constante du monde bourgeois est donc «de fermer hermétiquement l'espace vital à tout irruption de l'élémentaire», de «se créer une ceinture de sécurité face à l'élémentaire». De ce fait, la sécurité dans la vie est donc l'exigence de ce monde, que devra consolider et légitimer le culte de la raison: une raison «pour laquelle tout ce qui est élémentaire équivaut à l'absurde et à l'insensé». Inclure l'élémentaire dans l'existence, avec tous les problèmes et les risques que cela peut impliquer, voilà ce qui apparaît inconcevable au bourgeois; pour lui, c'est une aberration qu'il faut prévenir par le truchement de techniques pédagogiques adéquates. Jünger écrit: «Le bourgeois ne se sent jamais assez hardi pour se mesurer au destin en luttant et en s'exposant aux dangers, parce que l'élémentaire réside en dehors de son monde idéal; pour lui, l'élémentaire est l'irrationnel voire l'immoral. Il cherchera donc à le tenir toujours à distance, que celui-ci lui apparaisse sous le mode de la puissance ou de la passion, ou se manifeste dans les forces de la nature, dans le feu, l'eau, la terre ou l'air. De ce point de vue, les grandes villes du début du siècle apparaissaient comme les citadelles de la sécurité, comme le triomphe des murs qui, à ce moment-là, cessaient d'être les murs antiques des enceintes fortifiées et se manifestaient désormais comme pierres, asphalte et vitres encerclant la vie, similaires à la structure des rayons d'une ruche, pénétrant jusqu'à la trame la plus intime de la vie. Dans ce sens, toute conquête de la technique est un triomphe de la commodité et toute apparition de l'élémentaire est régulée par l'économie».
Pour Jünger, le caractère anomal de l'ère bourgeoise ne réside pas tant dans la recherche de la commodité «que dans ce trait spécifique qui s'associe à ces tendances: c'est-à-dire dans le fait que l'élémentaire se présente comme l'absurde et, partant, que les murs d'enceinte de l'ordre bourgeois se présentent simultanément comme les murs d'enceinte de la rationalité». Tel est donc bien le point d'ancrage de la polémique anti-bourgeoise de Jünger. Il distingue bien la rationalité du culte de la raison et conteste l'idée qui veut qu'un ordre et une mise en forme rigoureuse de la vie soient possibles et concevables seulement selon le schéma rationaliste, partant d'une imperméabilisation de l'existence face à l'élémentaire. Parmi les tactiques utilisées par le bourgeois, il y a celle qui consiste à «présenter toute attaque contre le culte de la raison comme une attaque contre la raison en elle-même, afin de pouvoir bannir cette attaque dans l'aire de l'irrationnel». En vérité, toute attaque peut s'identifier à une autre, mais seulement selon la vision bourgeoise, c'est-à-dire seulement sur base de «la conception spécifiquement bourgeoise de la raison, caractérisée par une “inconciliabilité” avec l'élémentaire». Cette antithèse ne peut être retenue comme valide par un nouveau type humain: du reste, cette antithèse est dépassée de fait par des figures «comme, par exemple, celles du croyant, du guerrier, de l'artiste, du navigateur, du chasseur, du travailleur et, aussi, finalement, du délinquant»; pour toutes ces figures, à l'exception de la dernière, le bourgeois nourrit une aversion plus ou moins ouverte, parce que «pour ainsi dire, elles portent déjà à l'intérieur même des cités, par leurs apparences, l'odeur du danger, parce que déjà leur simple présence représentent une instance dirigée contre le culte de la raison».
Mais «pour le guerrier la bataille est un événement dans lequel se réalise un ordre suprême, pour le poète les conflits les plus tragiques sont des situations où le sens de la vie peut se condenser en un mode particulièrement net»; la délinquence elle-même peut être expliquée par une rationalité lucide; quant au croyant, «il participe à la sphère plus vaste d'une vie pleine de signification. Soit par le malheur ou le danger ou le miracle, le destin l'englobe directement dans un tissu d'événements plus puissants. Les dieux aiment se manifester dans les éléments, dans les astres enflammés et dans la foudre, dans les ronces que la flamme ne consume pas». L'élément décisif qu'il s'agit surtout de reconnaître ici est que «l'homme peut demeurer en rapport avec l'élément(aire) sur un plan supérieur ou sur un plan inférieur et qu'en conséquence, multiples sont les plans sur lesquels tant la sécurité que le danger retournent dans l'ordre. Au contraire, dans le bourgeois, on perçoit un homme qui ne reconnaît comme valeur suprême que la sécurité, et détermine sa conduite de vie sur base de cet idéal de sécurité». «Les conditions pour promouvoir cette sécurité, que le progrès cherche à réaliser, sont corollaires de la domination universelle de la raison bourgeoise, laquelle devrait non seulement limiter, mais, en bout de course, détruire, toutes les sources de danger. Et, comme à la lumière de cette raison, le danger est présenté comme étant l'irrationnel, on ôte à celui-ci tout droit de faire partie de la réalité. Il est fort important, dès lors, dans un tel mode de penser, de voir l'absurde dans tout danger: celui-ci semble éliminé dès le moment où, dans le miroir de la raison, il apparait comme une erreur».
«Dans les ordonnancements tant spirituels qu'objectifs du monde bourgeois, on peut constater tout cela», poursuit Jünger. «En grand, on peut le voir dans la tendance à concevoir l'Etat —lequel, normalement, se base pour l'essentiel sur la hiérarchie, en termes de société— comme une forme ayant pour principe fondamental l'égalité et se constituant par le truchement d'un acte de la raison. Cette vision révèle la volonté d'imposer une organisation complexe, un système de sécurité devant ventiler et atténuer toutes les formes de risques, non seulement dans le domaine de la politique intérieure et extérieure, mais aussi dans celui de la vie individuelle, ce qui constitue une tendance à dissoudre le destin par un calcul de probabilités. Cette vision révèle enfin, dans ses multiples et complexes tentatives de ramener la vie de l'âme à des rapports de cause à effet, dans sa volonté de transférer la vie de l'âme du domaine de l'imprévisible à celui du calculable, et puis de l'insérer dans la sphère “éclairée” de la conscience extérieure». Dans tous les domaines, la tendance est d'éviter les conflits et de démontrer leur “évitabilité”. Mais vu que les conflits surviennent malgré tout, pour le bourgeois, «l'important est de démontrer qu'ils sont une erreur que l'éducation et une pédagogie “éclairée” des esprits devront empêcher la répétition».
Mais un tel monde ne serait qu'un monde d'ombres, où l'idéologie des Lumières surévaluerait ses propres forces, en croyant qu'il puisse tenir vraiment debout. En réalité, «le danger est toujours présent; comme un élément de la nature, il cherche continuellement à briser la digue que l'ordre a construit pour l'enserrer; et, par l'effet des lois d'une mathématique occulte mais infaillible, il se fait d'autant plus menaçant et mortel que l'ordre cherche à l'exclure. En fait, le danger veut être non seulement un élément de cet ordre mais, en plus, le principe d'une sécurité supérieure, que jamais le bourgeois ne pourra connaître». En règle générale, si l'on peut exclure l'élémentaire dans un type donné d'existance, cette exclusion «doit être soumise à certaines lois, parce que l'élémentaire n'existe pas seulement dans le monde externe mais est aussi inséparable de la vie de chaque individu». L'homme vit dans l'“élémentarité” dans la mesure où il est un être naturel, un être mu spirituellement par des forces profondes. «Aucun syllogisme ne pourra jamais se substituer au battement du cœur ou à l'activité des reins; il n'existe aucune grandeur qui puisse naître de la seule raison, qui, de temps en temps, doit bien se soumettre aux passions, nobles ou ignobles». Enfin, se référant au monde économique, Jünger note que «s'il est beau le mode par lequel nous nous voyons imposer des calculs, et si l'unique résultat de ceux-ci doit être le bonheur, il restera toujours un résidu qui se soutraira à toute analyse et l'être humain aura le sentiment d'être appauvri, de vivre une désespérance croissante».
Mais l'élémentaire a une double source. «D'une part, il a sa source dans un monde qui est toujours dangereux, comme la mer recèle en elle le danger même quand elle n'est pas troublée par le moindre ventelet. D'autre part, il a d'autres sources dans l'âme humaine, qui a soif de jeu et d'aventure, d'amour et de haine, de triomphe et de chute, qui ressent tant le besoin du risque que de la sécurité; et donc, pour cette âme humaine, un Etat absolument sécurisé apparaît comme un Etat d'incomplétude». En prononçant d'aussi audacieuses paroles, Jünger se réfère implicitement à un type humain différent de celui véhiculé par le monde bourgeois, mais que ce monde génère malgré lui.
La domination des valeurs bourgeoises peut donc se mesurer «à la distance que l'élémentaire semble avoir prise en se retirant de l'existence». Jünger dit “semble”, parce que l'élémentaire se sert de multiples masques et trouve toujours un moyen de se nicher au centre même du monde bourgeois, pour en miner les ordonnancements rationalisants et émerger dès que survient une crise. Par exemple, Jünger rappelle comme déjà dans le passé, sous le signe de la Révolution française, quelles noces cruelles furent celles qui unirent la bourgeoisie et le pouvoir. Le dangereux et l'élémentaire se sont réaffirmés «face aux astuces les plus subtiles par lesquelles on a cherché à les circonvenir; ils s'introduisent de façon imprévue dans les rouages mêmes de ces astuces, en prennent les travestissements, ce qui fait que tout ce qui est civilisation [au sens bourgeois] présente un visage ambigu; nous connaissons tous les rapports qui existent entre les idéaux de fraternité universelle et les gibets, entre les droits de l'homme et les massacres». Non que ce soit le bourgeois lui-même qui veuille imposer de telles circonstances contradictoires: car quand il parle de rationalité et de moralité, il se prend terriblement au sérieux: «tout cela est plutôt un terrible rire sarcastique qu'adresse la nature aux masques se présentant sous le visage de la moralité, une exultation frénétique du sang dirigée contre l'intellect, après que se soit achevé le prélude des beaux discours». En revanche, ce qui mérite d'être remarqué, c'est «le jeu ingénieux des concepts par lequel le bourgeois cherche à faire ressortir ces vertus et à ôter aux mots tout ce qu'ils ont de dur et de nécessaire, afin que transparaisse seulement une moralité que tous sont tenus de reconnaître». Par exemple, cette attitude est bien visible sur le plan international, «quand on cherche à présenter la conquête d'une colonie comme étant une pénétration pacifique ou comme une opération civilisatrice, ou l'incorporation d'une province appartenant à un pays voisin comme un effet de la libre auto-décision des peuples, ou, enfin, les rapines perpétrées par les vainqueurs comme des réparations». Il est évident qu'à ces exemples avancés par Jünger on pourrait facilement ajouter des faits plus récents. Parmi les cas les plus typiques, nous pourrions ajouter les «nouvelles croisades», les tribunaux de vainqueurs, les «aides aux pays sous-développés», etc.
Dans ce même ordre d'idées, est exact ce que dit Jünger quand il relève que c'est justement à l'époque où se sont officiellement et bruyamment propagées les valeurs bourgeoises de “civilisation” que l'on a assisté à des événements que l'on n'aurait plus cru possibles dans un monde éclairé: des phénomènes de violence et de cruauté, de délinquence organisée, de déchaînements d'instincts, de massacres. Tous ces événements représentent «la réduction à l'absurde de l'utopie bourgeoise de la sécurité». En guise de bon exemple, Jünger signale les conséquences qu'a déjà eues le prohibitionnisme aux Etats-Unis: il constitue une tentative moralisatrice, promise par une littérature faite d'utopisme social, et qui semble avoir été conçue comme une mesure de sécurité; elle n'a cependant réussi qu'à attiser des forces élémentaires du plus bas niveau. Ainsi, l'Etat, en suivant rigidement le principe bourgeois, se réfère à des catégories abstraites, rationnelles et moralisantes, et exclut l'élémentaire; mais, en réalité, cet Etat fait en sorte que cet élémentaire s'active en dehors du cadre qu'il installe. «Le moral et le rationnel n'étant pas des liens primordiaux mais seulement des liens propres à l'esprit abstrait, dit Jünger, toute autorité ou tout pouvoir qui veulent se baser sur eux, ne seront qu'autorité ou pouvoir apparents, et, simultanément, la sécurité bourgeoise ne tardera pas à manifester son caractère utopique et éphémère». Il serait bien difficile de contester la réalité de cette dialectique, surtout dans la période qui a suivi la rédaction du Travailleur. C'est effectivement à cette dialectique que se rapportent, d'une part, l'un des facteurs principaux de la crise du monde bourgeois, et, d'autre part, cette autre face, informe, obscure et dangereuse des structures sociétaires modernes, ordonnées et régulées seulement en surface, mais privées tant d'un sens supérieur que de racines dans les strates psychiques les plus profondes.
Déjà au moment de la rédaction du Travailleur, après la première guerre mondiale, il était clair qu'un phénomène analogue de contre-coup allait se produire quand on allait appliquer de tels principes, notamment celui qui se profile derrière le concept bourgeois de liberté abstraite: dans la mesure où l'on reconnaît au principe de la démocratrie nationale une validité universelle, sans opérer la moindre discrimination, on aboutit automatiquement à un état d'anarchie mondiale, suscitant de nouvelles causes de crise au sein de l'ordre ancien, telle la révolte des peuples colonisés et de toutes les forces auxquelles, en Europe et ailleurs, le principe d'auto-détermination des peuples a donné une souveraineté politique même quand il s'agissait de tribus ou de populations, explique Jünger, «dont le nom n'était pas connu de l'histoire politique mais seulement, à la rigueur, des manuels d'ethnologie. Cet état de choses a pour conséquence naturelle la pénétration dans l'espace politique de courants purement élémentaires, de forces appartenant moins à l'histoire qu'à l'histoire naturelle». Aujourd'hui, ce constat est encore plus exact qu'hier.
Pour nous, il est cependant plus important d'examiner la crise du système dans ses aspects spirituels. Jünger parle surtout de formes de défense et de compensation qui se sont déjà manifestées en marge de la société bourgeoise, avec le phénomène du romantisme. «Il y a des périodes où les relations de l'homme avec l'élémentaire se manifestent sous l'aspect de propensions au romantisme, lesquelles constituent déjà en soi un point de fracture. Selon les circonstances cette fracture se fera visible: on se perdra dans le lointain (l'exotique), dans l'ivresse, la folie, la misère ou la mort. Ce sont là toutes des formes de fuite où l'homme isolé, après avoir cherché en vain une voie de sortie dans tout l'espace du monde spirituel ou matériel, met bas les armes. Mais, en tant que telle, la capitulation, peut aussi revêtir les apparences d'une attaque, comme quand un navire de guerre, en sombrant, tire encore une ultime bordée à l'aveuglette».
«Nous avons su reconnaître la valeur de la sentinelle tombée sur sa position perdue, continue Jünger. Nombreuses sont les tragédies auxquelles se lient de grands noms, mais il y a aussi beaucoup de tragédies anonymes, où des groupes entiers, des strates sociales entières, qui subissent une raréfaction de l'air nécessaire à la vie, comme s'ils avaient été pris par un vent de gaz toxiques». Ce que Jünger ajoute ensuite a une base autobiographique et reflète ses propres expériences de jeunesse, dont nous avons déjà eu l'occasion de parler: «Le bourgeois a presque réussi à persuader le cœur aventureux que le danger n'existe pas, qu'une loi économique gouverne le monde et l'histoire. Mais les jeunes gens qui dans la nuit et le brouillard abandonnent la maison de leur père ont le sentiment intime de devoir aller très loin à la recherche du danger, au-delà de l'océan, en Amérique, à la Légion Etrangère, dans des pays où poussent les arbustes qui donnent le poivre. Mais surgissent aussi des figures qui n'auront pas le courage de s'exprimer dans ce langage propre et supérieur, comme celle du poète qui se sent pareil au pétrel dont les ailes puissantes, créées pour la tempête, ne deviennent, hélas, plus qu'un objet de curiosité inopportune dans un milieu étranger, sans vent, ou comme celle du guerrier né, qui semble n'être qu'un bon à rien, parce que la vie du marchand le remplit de dégoût».
Pour Jünger, le point décisif de fracture a eu lieu pendant la première guerre mondiale. «Dans la joie, les volontaires l'ont saluée (écrit Jünger en se souvenant visiblement de ce qu'il a lui-même vécu) parce qu'elle leur procurait un sentiment de libération des cœurs et que, d'un trait, se révélait à eux une vie nouvelle, plus dangereuse. Dans cette joie, se cachait aussi, tapie, une protestation révolutionnaire contre les valeurs anciennes, tombées irrémédiablement en désuétude. A partir de ce moment-là, dans tous les courants de pensée, dans tous les sentiments et dans tous les événements, s'est infusé une couleur nouvelle, élémentaire». L'important, ici, est de voir comment, par la force même des choses, un nouveau mode d'être a commencé à se différencier. Jünger relève aussi le rôle qu'ont joué dans la jeunesse combattante, entraînée dans la complexité de cette guerre, les enthousiasmes, les idéaux et les valeurs du patriotisme conventionnel lié au monde bourgeois. Mais, bien vite, il est apparu clairement que cette guerre réclamait des réserves de forces bien différentes de celles nourries à ces sources bourgeoises: et cette différence est celle qui distingue les sentiments d'enthousiasme des troupes quittant les gares, d'une part, et «leur action entre les cratères, sous le fer et le feu d'une bataille de matériel», d'autre part. Alors, dans cette épreuve du feu, disparait le contexte qui justifiait la protestation romantique. Cette protestation-là, écrit Jünger, «est condamnée au nihilisme, là où elle est fuite, simple polémique contre un monde qui sombre, or en tant que telle, elle reste conditionnée par lui. Elle ne devient force que quand elle donne lieu à un type spécial d'héroïsme». Là s'annonce le thème central du Travailleur: traverser une zone de destruction sans être soi-même détruit. La même expérience aura des effets totalement opposés chez des hommes d'une même génération: «les uns se sont sentis déchirés par elle, les autres ont participé à un vécu jamais expérimenté auparavant, grâce à l'extrême proximité de la mort, avec le feu et le sang». La discordance découle de l'ambigüité d'avoir eu comme uniques béquilles les valeurs bourgeoises qui se basaient sur l'individu et sur l'exclusion de l'élémentaire, et d'avoir été capables de vivre une nouvelle liberté. S'il avait été déchiré, brisé, par la guerre, Jünger aurait pu se référer aux mots qu'Erich Maria Remarque a mis en exergue de son fameux livre A l'Ouest rien de nouveau: «Ce livre ne veut ni accuser ni démontrer une thèse; il veut seulement dire quelle fut une génération, déchirée par la guerre même quand les obus l'ont épargnée». Mais comme Jünger est de ceux qui savent intimement qu'ils ont vécu une expérience unique, il voit en ses compagnons de combat ceux qui anticipativement ont constitué le «type»: c'est-à-dire un homme qui se tient debout parce qu'il veut se rendre capable d'un rapport actif avec l'élémentaire, et, parallèlement, développer des formes supérieures de lucidité, de conscience et de maîtrise de soi, parce qu'il veut se dés-individualiser et accepter un réalisme absolu, parce qu'il connaît le plaisir des prestations absolues, de la plénitude maximale de l'action, assortie d'un minimum de “pourquoi?” et de “dans quel but?”. C'est là que «les lignes de la force pure et celles de la mathématique se rencontrent»; dans l'aire d'une conscience accrue, «il est possible de potentialiser les moyens et les énergies premières de la vie, dans un sens inattendu, jamais encore expérimenté».
«Dans les centres occultes de la force, par laquelle on domine la sphère de la mort, on rencontre une humanité nouvelle, qui se forme par le biais d'exigences nouvelles», écrit Jünger. «Dans un tel paysage, on ne peut plus apercevoir l'individu qu'avec beaucoup de difficultés; le feu a calciné tout ce qui n'a pas un caractère objectif». Les processus en plein développement sont tels que toute tentative de la raccorder encore au romantisme et à l'idéalisme de l'individu finissent par sombrer irrémédiablement dans l'absurde. Pour dépasser victorieusement «quelques centaines de mètres où règne la mort mécanique», on n'a nul besoin des valeurs abstraites, morales ou spirituelles, de la libre volonté, de la culture, de l'enthousiasme ou de l'ivresse aveugle qui méprise le danger. Pour cela, il faut une énergie nouvelle et précise, tandis que «la force combattive du milieu dans son ensemble assume un caractère moins individuel que fonctionnel». En outre, on découvre des correspondances entre le point de destruction et l'apogée spirituelle d'une existence; c'est là que se déchaînent les prémisses de la personne absolue. Les rapports avec la mort se transforment et «la destruction peut surprendre l'homme singulier dans ces instants précieux où on lui demande un maximum d'engagement vital et spirituel». Alors, «à la fin, on peut aussi reconnaître la liberté la plus élevée». Tout cela devient, finalement, un part naturelle, voulue d'avance, d'un nouveau style de vie. Finalement se présentent «des figures d'une suprême discipline du cœur et des nerfs, indices d'une froideur quasi métallique, extrême et lucide, où la conscience héroïque se montre capable d'utiliser le corps comme un pur instrument, en lui imposant une série d'actions complexes, au-delà de l'instinct de conservation. Entre les flammes d'un avion touché, dans les chambres d'air d'un submersible qui coule, on accomplit encore un travail qui, au sens propre, transcende la sphère de la vie et dont jamais aucun communiqué ne signalera». Les deux termes qui s'unissent dans ce «type» sont donc l'élémentaire en acte, en soi et en dehors de soi, d'une part, et la discipline, l'extrême rationalité, l'extrême objectivité, c'est-à-dire un contrôle abstrait et absolu de l'activation totale de son être propre, d'autre part.
C'est ainsi, d'après Jünger, que déjà au cours de la première guerre mondiale, s'annonçait l'avènement d'une nouvelle «forme intérieure», et nous avons déjà eu l'occasion de dire qu'en elle, il voyait ce qui allait devenir décisif pour l'humanité en devenir, c'est-à-dire les culminations exceptionnelles, à l'image des extériorisations guerrières. La crise finale du monde bourgeois et de toutes les valeurs anciennes, pour Jünger, découle de la civilisation de la technique et de la machine, et de toutes les formes d'élémentarité qui leur sont consubstantielles. Et substantiellement identique serait le type d'homme qui, spirituellement, n'est pas le vaincu mais le vainqueur, que ce soit sur les champs de bataille modernes ou dans un monde absolument technicisé. Substantiellement identique serait le type de dépassement et de formation intérieure qui serait requis dans les deux cas. C'est ainsi que s'ébauche la figure de l'homme que Jünger nomme le “Travailleur”, qu'une continuité idéale unirait «au soldat vrai, invaincu, de la Grande Guerre».
Julius EVOLA.
(Chapitre extrait de L'«Operaio» nel pensiero di Ernst Jünger, éd. Volpe, Rome, 1974; trad. franç.: Robert Steuckers).
Julius EVOLA
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mercredi, 17 septembre 2008
E. Jünger: 70 s'efface, IV
70 s'efface, IV
Karlheinz SCHAUDER
Il a largement dépassé le grand âge de Goethe: Ernst Jünger, le Patriarche de Wilflingen, vient de fêter ses 100 ans le 29 mars 1995. L'écrivain se sent comme l'Ahasver de la légende et s'étonne d'avoir atteint cet âge après toutes ses “tribulations”. Lui, l'auteur d'une œuvre exemplaire dans la littérature contemporaine, respectée par ses adversaires, remarque, à ce propos: «Depuis des années, l'âge avance, se place à l'avant-scène, se mue en une qualité que je n'avais pas prévue. Je suis frappé, comme toujours, par le nombre impressionnant de perspectives différentes par lesquelles je suis passé, depuis que je suis capable de penser. Cela a l'avantage de donner plus de poids à mes assertions, mais je n'en suis pas responsable».
Cette phrase se trouve dans le quatrième volume des Journaux qu'écrit Jünger depuis son 70ième anniversaire sous le titre de Siebzig verweht, traduit en français par Soixante-dix s'efface. Ce quatrième volume constitue, une fois de plus, une collection impressionnante de notules personnelles, rédigées entre janvier 1986 et décembre 1990. Avec les sens toujours en éveil, avec une force expressive intacte, Jünger enregistre ainsi toutes ses rencontres et ses conversations, ses lectures et ses réflexions. Une fois de plus, on est fasciné de voir comment cet écrivain et ce contemporain parvient à tirer l'essentiel d'une journée, à y goûter: «Parmi mes bonnes œuvres, il y a le fait que j'incite beaucoup de mes contemporains à tenir un journal. Quelle qu'en soit la teneur, il demeurera une prestation qui aura une valeur personnelle et documentaire. Ensuite, cette rédaction satisfait une pulsion: notre cheminement est balisé. Le sacré peut advenir; l'homme est seul avec lui-même. Il est bon qu'un Journal commence tôt dans la vie; mieux: qu'il se poursuive jusqu'à la fin, jusqu'à proximité de la mort».
En ce siècle, quelques écrivains et philosophes ont choisi d'écrire des notes quotidiennes, pour refléter leur temps et transmettre une pensée vraiment vivante. Ce sont particulièrement Léon Bloy et André Gide, Julien Green et Paul Léautaud qui ont veillé à ce que le Journal ne soit pas une simple habitude privée, mais un genre littéraire, permettant de communiquer des impressions ou des idées, créant un espace où l'on peut raconter et rêver. Chez Ernst Jünger également, les notes quotidiennes occupent une place essentielle dans l'œuvre complète. Lorsqu'il écrit ses Journaux, il ne néglige pas les autres formes de création littéraire, mais hisse tout simplement ses notes au rang d'une forme littéraire significative.
Dans ses notes de voyage et ses souvenirs, ses anecdotes et ses considérations, il s'exprime tout à la fois comme écrivain et comme penseur. Cette démarche n'autorise aucune dissipation ni aucun bavardage, comme c'est parfois le cas chez Thomas Mann. Les notes sont séparées par des dates ou des astérisques; souvent pendant plusieurs jours, voire pendant toute une semaine, on ne trouve rien. Sans nul doute, Jünger stylise et rédige ces notes pour qu'elles soient publiées ultérieurement. Il choisit et sélectionne celles qui lui paraissent les plus significatives, les plus chargées de sens, les plus précieuses. Ce qu'il veut communiquer est dit avec précision et concision. Certes, ces qualités-là ôtent quelque lambeaux de spontanéité et d'authenticité à l'écriture immédiate. La construction des phrases est objective et distanciée, souvent certains thèmes s'y répètent, ou un ton docte s'y insinue.
Les impressions de l'environnement le plus proche, du paysage des alentours de Wilflingen occupent un vaste espace dans ces annotations. Le très vieil écrivain vit intensément au rythme de la nature, note les observations qu'il glâne dans son jardin ou au cours de ses promenades. Il consigne les transformations saisonnières que subissent plantes et animaux, s'occupe d'ornithologie et de botanique, et surtout d'entomologie. Jünger est d'ailleurs devenu un entomologiste célèbre qui s'est fait un nom dans l'univers scientifique, si bien que quelques espèces portent son nom. C'est avec joie qu'il commente les envois d'insectes que des amis du monde entier lui expédient. C'est pour se livrer aux «chasses subtiles» que le nonagénaire entreprend encore de longs voyages vers les pays exotiques: en Malaisie par exemple où il a pu observer la comète de Halley qu'il avait vu pour la première fois il y a 76 ans avec ses parents, ses frères et ses sœurs; enfin, à Sumatra, dans les Seychelles et à l'Ile Maurice.
L'envie de voyager de l'écrivain, sa curiosité envers le monde, sont demeurées intactes. Sans cesse, il prend des vacances en compagnie de sa femme Liselotte, qu'il appelle affectueusement «Petit Taureau», et séjourne dans les pays européens, où il visite les bouquinistes et flâne dans les musées. Ou il circule en France, est reçu par les Chevaliers du Taste-Vin, visite en compagnie de Rolf Hochhuth les grottes de Lascaux et revient, en bout de course, dans l'appartement de Paris. L'octroi de prix ou de doctorats honoris causa le conduit à Palerme, à Rome ou à Bilbao, ce qui lui rappelle de nombreux souvenirs, ravive en lui des impressions anciennes. Jünger rencontre à Berne ou à Munich des amis et des collègues, participe aux jubilés et aux fêtes villageoises de Wilflingen. Dans la gestion quasi ménagère de son œuvre, Jünger consigne dans ses Journaux le meilleur de son courrier et les messages de remerciement. En dépit de tous les honneurs qu'on lui accorde, il conserve une distance par rapport à la gloire: «Les étapes de la gloire et leur mi-temps: depuis le moment où l'on arrive dans le dictionnaire jusqu'au moment où on en est radié. Un chapitre en soi: le rapport entre la gloire et l'après-gloire, riche en déceptions et en surprises, sans intérêt pour la personne concernée».
Outre les impressions de voyage, l'auteur honore les moments qu'il a vécu avec ses contemporains et ses compagnons de route: il nous évoque ainsi une visite du dramaturge allemand Heiner Müller, une virée avec Ionesco, une correspondance avec Wolf Jobst Siedler ou avec Rainer Hackel, d'anciennes rencontres avec Ernst Niekisch et Ernst von Salomon, des souvenirs d'Alfred Kubin et de Valeriu Marcu. Le nonagénaire relit ses anciennes lettres, se souvient de son père, de sa première femme, se rappelle avec chagrin de son frère Friedrich Georg, qui, lui aussi, fut un grand écrivain, et avec douleur de son fils Ernstel, tombé au champ d'honneur en Italie pendant la seconde guerre mondiale. Quand Jünger rumine tous ses souvenirs douloureux, il ne pense presque jamais à sa propre mort, mais surtout à la présence des disparus. Les défunts sont tout particulièrement présents dans les rêves du vieil homme.
Jünger accorde aux rêves une grande importance: ce n'est d'ailleurs pas un hasard si ce quatrième volume de Soixante-Dix s'efface commence et se termine par la description d'un rêve. Dans un cas précis, Jünger raconte pendant quatorze pages en détails et avec minutie une de ses visions nocturnes. A côté du monde bizarre des rêves, il nous décrit une manifestation de l'inconscient, qu'il désigne comme “troisième voie”. Les Journaux offrent ainsi matière à réflechir pour les psychanalystes. Pour les jeux et joutes d'idées pendant l'éveil, la lecture est indispensable; on ne peut y renoncer et Jünger écrit: «Même si la journée d'hier a été fatigante, j'ai encore lu, la nuit tombée, quelques pages du Journal de Renard. Je ne peux imaginer un jour sans lecture et je me demande souvent si, au fond, je n'ai pas vécu la vie d'un lecteur. Le monde des livres serait ainsi le monde réel, et le vécu n'en serait que la confirmation —et cet espoir serait toujours déçu. Ce qui pourrait avoir pour effet que les auteurs présentent la matière sur un plan supérieur et que cette matière s'inscrusterait mieux que le tissu des hasards biographiques. Nous ne voyons que le dos du gobelin. Voilà pourquoi je m'y retrouve mieux dans un bon roman que dans ma propre biographie».
Jünger se préoccupe ensuite, dans ce quatrième volume de Soixante-Dix s'efface, des célèbres cas juridiques de Pitaval, se penche encore sur Montaigne, Léon Bloy et Léautaud, relit les œuvres de Tourgueniev, Dostoïevski et Tolstoï. Il note encore le texte d'antiques sagesses d'Egypte, des proverbes chinois dans ses chroniques quotidiennes et fait référence à des versets de l'Ancien et du Nouveau Testament. Pour ce qui concerne la littérature contemporaine, il a été séduit par un roman de Gabriel Garcia Márquez et sait apprécier les poèmes de Helena Paz, la fille d'Octavio Paz.
En guise d'anticipation à la publication prochaine de sa correspondance, Jünger reprend de nombreux extraits de lettres dans son Journal. Il cite des parties de lettres qui lui ont été adressées, note des salutations originales issues de cartes postales, nous révèle des réponses à ses traducteurs Henri Plard et Pierre Morel, qu'il consulte toujours en cas de litige. Avec des remarques bien étayées, il commente la préface qu'a rédigée Julien Hervier pour l'édition française du Travailleur, ou il reproduit le texte d'un interview téléphoné qu'il a accordé au Figaro. Il nous parle du travail qu'il a effectué dans le texte des Ciseaux, où il tente de nous léguer une théodicée, et introduit dans son Journal un passage qu'il a ôté du texte définitif. Il s'occupe de subtilités grammaticales et stylistiques avec une telle intensité que cette précision lui apparaît comme un phénomène de vieillissement! Autrement, il n'a que de petits tracas, constate-t-il: le principal, c'est qu'ils ne se répercutent pas sur sa prose.
En tant qu'anarque —c'est ainsi qu'il s'“auto-désigne”— il a l'impression de vivre davantage dans les livres que dans “notre misérable réalité”. Les rencontres immédiates avec la réalité, avec les événements politiques et culturels, sont quasiment absentes de cette partie du Journal, elles ne sont pas transposées dans l'écriture. Ainsi, les visites répétées à Wilflingen du Chancelier fédéral et du Président Mitterrand ou du Premier Ministre espagnol Gonzales. Ainsi, ses vols en hélicoptère vers Bonn, à l'invitation du Chancelier ou sa participation aux fêtes du jubilé du Traité d'amitié franco-allemand à Paris. Quand on a dépassé 100 ans, les événements du jour n'ont plus trop d'importance, car on a déjà vécu tout et le contraire de tout. Pourtant, deux événements l'ont touché: la fête en l'honneur de son 95ième anniversaire dans le Neuer Schloß de Stuttgart et le nuit de la réunification allemande en novembre 1989.
Le Journal de Jünger n'est nullement un “journal intime”, qui, en première instance, sert à exprimer les sentiments du moi qui écrit. Tout, dans les notices de ce Journal, semble être parfaitement maîtrisé, soupesé; la prose admirablement ciselée de ce monologue mis en écriture montre que le Journal de Jünger, en fait, est un moyen de prendre distance et non pas de rester trop proche du vécu. Il s'agit des visions et des expériences d'un homme qui, sans mélancolie, se meut dans la sphère du très grand âge, avec froideur, comme s'il n'était pas concerné. La propre vie et la propre œuvre de l'auteur lui servent à relier et à rapprocher les événements immédiats et lointains, le proche et l'éloigné, le rêve et l'imprimé. Les remarques philosophiques, culturelles, sociologiques et critiques de Jünger, les idées qu'il exprime sur l'histoire et la civilisation ne sont nullement des plaintes pessimistes. Il se borne à enregistrer les évolutions et les bouleversements, il décrit la destruction de la nature due à l'avancée de la technique. Sur notre situation globale, il écrit: «Ce que notre situation a de particulier et peut-être d'unique, c'est que nous sommes plongés non pas seulement dans une révolution mondiale mais aussi et surtout dans une révolution tellurique. Ainsi culmine la résistance qui s'oppose tant à l'artiste qu'au philosophe. Leur œuvre sera soit insuffisante soit provisoire. L'insuffisant sera détruit par les événements, mais le provisoire pourra se révéler si significatif que les événements ne le rattraperont pas».
Malgré des observations contrariantes et des détails effrayants, Jünger cherche la loi secrète, l'ordre caché, qui régit tout cela. Qu'il formule des observations sur une couleur ou sur une spirale, qu'il examine un insecte ou décrit une floraison, il s'efforcera toujours de déchiffrer l'«écriture imagée immédiate», de se rapprocher de la plénitude et de l'harmonie du tout cosmique. Il demeure animé par une volonté inconditionnelle de sens et ne se montrera jamais prêt à abandonner la foi en ce sens. Un jour, il s'est demandé: «Qu'est-ce qui est le plus important pour un écrivain? La redécouverte de l'impassable dans le temps passé: l'Etre dans l'existence».
Pour Jünger, l'écrivain est une personne morale qui s'est extraite de la quotidienneté sociale, qui, par la force de son imagination, peut reconnaître les rapports entre les choses. Ce quatrième volume de Soixante-Dix s'efface est lui aussi un outil idéal et sublime pour pénétrer, avec son «regard stéréoscopique», dans le monde pour le révéler, pour pénétrer dans sa pensée qui est un “voir” dans l'espace et dans les profondeurs. Cette collection de notices et de témoignages, de souvenirs et de lettres est un document littéraire de tout premier rang, une chambre aux trésors où l'on trouve les plans et les analyses les plus fines sur notre temps. Une lecture indispensable, captivante, fécondante.
Karlheinz SCHAUDER.
(recension tirée de Criticón, n°146/1995; adresse: Criticón Verlag, Knöbelstrasse 36/0, D-80.538 München; abonnement: DM 64; étudiants: DM 42; trad. franç. : Robert Steuckers).
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lundi, 15 septembre 2008
Klages e la mistica del primordiale
La mistica del primordiale
Credeva che l’Amore, forza cosmica ancestrale, fosse impersonale e assoluto. Che vagasse nell’etere, come un’energia che proveniva dai mondi della creazione. Klages non era un visionario. O almeno, non solo. Era un filosofo-poeta contro l’epoca moderna. Nella società della tecnica vedeva la negazione della vera identità dell’uomo, che secondo lui proveniva dalle leggi primitive dell’esistenza, da ciò che lui chiamava anima. Anima è l’origine, è il segreto della vita, è il sigillo che ogni uomo e ogni popolo si porta dietro come un simbolo. Anima è la fusione con la natura, è la voce silenziosa degli avi, che non sappiamo più percepire. Tipico dell’epoca moderna è il voler andare contro l’anima, il voler costruire ideali artificiali, rapporti sociali falsi, utopie ingannatrici. Contro la purezza originaria della vita e contro l’armonia primordiale degli uomini e delle cose è sorto un giorno quel vizio assurdo che è lo spirito, cioè la ragione, l’intelletto razionalista. Energia distruttrice delle radici cosmiche dell’uomo, lo spirito ha in ogni epoca edificato imposture: tra queste, la coscienza repressiva invece dell’anima libera, la volontà tirannica invece della libertà senza limiti di spazio, la storia invece del tempo senza tempo.
Si capisce subito che in Klages rintoccano alcune eco di Nietzsche: la celebrazione delle origini e delle radici, la nostalgia di un’epoca mitica - quella dei “Pelasgi” - in cui gli uomini erano potenze dell’universo prive di angosce e paure, padroni di se stessi e dei propri istinti sovrani.
Nostalgia per l’epoca in cui sorsero i miti delle antiche civiltà, quando l’intuito, l’inconscio e le percezioni sensitive non erano ancora stati repressi dalle armi di distruzione della perversa intelligenza: il concetto, il giudizio, il criticismo. Quella era la vera vita: liberazione degli istinti e delle sensazioni, senza complessi, senza colpe, senza nessuna idea del “peccato”. Questo dell’uomo razionalista è invece il trionfo dell’anti-vita artificiale, che crea i mostri della tecnica e del progresso materiale.
La vita come estasi. Se l’uomo fosse in grado di tornare alla magia dell’origine, potrebbe sbarazzarsi di tutti i fardelli angosciosi che impone la schiavitù della modernità, che ha robotizzato i cervelli e isterilito le anime. La libera psiche è Eros, amore cosmico, distacco romantico dai vuoti interessi terreni. Nel suo libro famoso Dell’Eros cosmogonico, risalente al 1922, Klages celebrò l’Amore totale, il magnete che attrae magicamente due poli anche lontani tra loro, al di là della semplice sessualità, come un moto unitario di natura e un legame di sangue: “Il compimento consiste nel destarsi dell’anima, ed il destarsi dell’anima è contemplazione, ma essa contempla la realtà delle immagini originarie; le immagini originarie sono anime del passato che appaiono; per apparire esse hanno bisogno del legame con il sangue di chi è ancora vivo ed ha ancora un corpo”. In questo “mistico sposalizio” tra anima e “demone generatore” si compie, alla maniera platonica, secondo Klages, la trasformazione del semplice uomo in uomo assoluto, cosmico.
Klages amava la cultura romantica, che pensava per simboli, e che assegnava ai sentimenti il primo posto nella scala dei valori. Ma amava anche Goethe, la sua ricerca dei fenomeni originari come manifestazione del divino. Goethe era poeta, romanziere, scienziato. Ma uno scienziato che credeva ai fenomeni intuitivi, alla magia che è in natura. Ad esempio, il suo romanzo sulle Affinità elettive - in cui rappresentò il caso di una gravidanza condizionata dalla forza psichica del pensiero d’amore, al di là delle normali leggi biologiche - piacque moltissimo a Klages, che giunse a considerare Goethe come un maestro di sapienza inconscia, un poeta delle possibilità magnetiche della psiche umana. Non dunque il solare, l’olimpico genio che siamo abituati a conoscere, ma una sorta di mago indagatore dei segreti dell’anima e dei poteri occulti racchiusi nelle energie di Madre Natura.
Ritroviamo questi temi nella recente traduzione italiana di un piccolo libro di Klages del 1932, Goethe come esploratore dell’anima (editore Mimesis), in cui Goethe diventa quasi un sacerdote neo-pagano. Egli, studiando ad esempio la metamorfosi delle piante, in realtà aveva penetrato il mondo delle segrete potenze primordiali: i mutamenti, le polarità, i magnetismi. Klages, con mentalità irrazionale e religiosa, vede dunque nel genio di Goethe non semplicemente un grande poeta o un grande romanziere, ma un uomo capace di avvicinarsi al cuore divino della vita. Scienziato mistico e non razionalista, Goethe diventa agli occhi di Klages il massimo profeta di un ritorno alla natura e alle sue leggi di attrazione tra simili e di differenziazione universale. Klages amò la natura, fu un “ecologista” ante-litteram, ma non così profano e banale come i “verdi” del nostro tempo materialista. Nel suo capolavoro del 1929, Lo spirito come avversario dell’anima - un tomo di oltre mille pagine che fece epoca - Klages scrisse che “chi distrugge il volto della terra, uccide il cuore della terra e priva della loro ’sede’ le potenze che ora si sono dileguate nell’etere”.
Gli dèi sono fuggiti dal mondo perché l’uomo ha profanato la terra e desacralizzato la natura. Ma attenzione: tutto questo non era soltanto letteratura. Era molto di più. Nella rivalutazione dell’irrazionale e dell’inconscio c’era una guerra dichiarata al mondo razionalista, indifferenziato, democratico, ateo, materialista. Giampiero Moretti ha scritto che nell’idea di Klages di coniugare Goethe con Nietzsche c’era inciso il destino dell’Europa, “forse fin dai suoi primi albori, ad esempio, fin dal momento in cui le figure del guerriero e del sacerdote-poeta presero due strade diverse, spesso in lotta tra loro”.
Ora tutto è più chiaro. Molto oltre la mediocrità della new-age attuale, e con tanta profondità culturale in più, Klages fece parte di quella ribellione tradizionalista al mondo moderno che fu pensata in Europa come un’arma di difesa della terra, del sangue, dell’istinto, dell’origine mitica, del simbolo ancestrale, dell’identità mistica di popoli e gruppi umani. Una cultura politicamente vinta e dispersa. Ma non abbastanza da non lasciarci immaginare che possa presto o tardi riemergere, proprio come una di quelle occulte leggi della vita studiate da Goethe.
* * *
LUDWIG KLAGES: L’IRRAZIONALISMO INNANZI TUTTO
Nato a Hannover nel 1872, filosofo, psicologo e grafologo, Klages visse e insegnò a Monaco, dove conobbe Stefan George - il maggior poeta tedesco dell’epoca - entrando nel George-Kreis, il famoso sodalizio di cui facevano parte molti intellettuali di valore (tra gli altri, Bertram, Wolfskehl, Kantorowicz, Gundolf). Collaborò alla prestigiosa rivista di George “Blätter für die Kunst“, alla cui ideologia romantico-estetizzante si formarono intere generazioni di giovani tedeschi. Nel 1899 formò un suo gruppo culturale, i Kosmiker, vicino alle idee dell’antichista Johann Jakob Bachofen e di Alfred Schuler, il visionario studioso di Nietzsche e di Roma antica. Distaccatosi nel 1904 da George, Klages fondò il “Seminario di Psicodiagnostica”, che gli dette la notorietà. Il senso ideologico di questo ambiente consisteva nel recupero dei valori “dionisiaci” e tellurici, con una rivalutazione dell’irrazionalismo e degli aspetti esoterici della vita e della persona umana. Autore prolifico e originale, durante il Terzo Reich fu nominato Senatore dell’Accademia Tedesca di Monaco ma, a partire dal 1938, rimase appartato per l’inimicizia che gli portarono Alfred Rosenberg e i seguaci dell’ideologia volontarista e virilmente eroica, egemone all’interno della cultura nazionalsocialista. Epurato nel 1945, morì nei pressi di Zurigo nel 1956. Tra le sue opere tradotte in italiano: L’anima e lo spirito (Bompiani, Milano 1940); Dell’Eros cosmogonico (Multhipla, Milano 1979); Perizie grafologiche su casi illustri (Adelphi, Milano 1994); Stefan George, in S.George-L.Klages, L’anima e la forma (Fazi, Lucca 1995); L’uomo e la terra (Mimesis, Milano 1998). Di prossima pubblicazione è la riedizione de I Pelasgi presso le Edizioni Herrenhaus di Seregno. Si tratta di un capitolo dell’opera principale di Klages, Der Geist als Wiedersacher der Seele (Lo spirito come avversario dell’anima), mai tradotta in italiano.
Tratto da Linea del 21.III.2004.
Luca Leonello Rimbotti
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dimanche, 14 septembre 2008
Il volto ambiguo della Rivoluzione Conservatrice tedesca
Il volto ambiguo della Rivoluzione Conservatrice tedesca
La Rivoluzione Conservatrice - fenomeno essenzialmente tedesco, ma non solo - era un bacino di idee, un laboratorio, in cui vennero ad infusione tutti quegli ideali che da una parte rifiutavano il progressismo illuministico dell’Occidente, mentre dall’altra propugnavano il dinamismo di una rivoluzione in grande stile: ma nel senso di un re-volvere, di un ritornare alla tradizione nazionale, all’ordine dei valori naturali, all’eroismo, alla comunità di popolo, all’idea che la vita è tragica ma anche magnifica lotta.
Tra il 1918 e il 1932, questi ideali ebbero decine di sostenitori di alto spessore intellettuale, lungo un ventaglio di variazioni ideologiche molto ampio: dalla piccola minoranza di quanti vedevano nel bolscevismo l’alba di una nuova concezione comunitaria, alla grande maggioranza di coloro che invece si battevano per l’estrema affermazione del destino europeo nell’era della tecnica di massa, mantenendo intatte, anzi rilanciandole in modo rivoluzionario, le qualità tradizionali legate alle origini del popolo: identità, storia, stirpe, terra-patria, cultura. Tra questi ultimi, di gran lunga i più importanti, figuravano personaggi del calibro di Jünger, Schmitt, Moeller van den Bruck, Heidegger, Spengler, Thomas Mann, Sombart, Benn, Scheler, Klages, e molti altri. In quella caotica Sodoma che era la Repubblica di Weimar - dove la crisi del Reich fu letta come la crisi dell’intero Occidente liberale - tutti questi ingegni avevano un denominatore comune: impegnare la lotta per opporsi al disfacimento della civiltà europea, restaurando l’ordine tradizionale su basi moderne, attraverso la rivoluzione. Malauguratamente, nessuno di loro fu mai un politico. E pochi ebbero anche solo cultura politica. Quest’assenza di sensiblerie fu il motivo per cui, al momento giusto, spesso la storia non venne riconosciuta. E, tra i più famosi, solo alcuni capirono che il destino non sempre può avere il volto da noi immaginato nel silenzio dei nostri studi, ma che alle volte appare all’improvviso, parlando il linguaggio semplice e brutale degli eventi.
Scrivevano di una Germania da restaurare nella sua potenza, favoleggiavano di un tipo d’uomo eroico e coraggioso, metallico, che avrebbe dominato il nichilismo dell’epoca moderna; descrivevano la civilizzazione occidentale come il più grande dei mali, il progresso come un dèmone, il capitalismo come una lebbra di usurai, l’egualitarismo e il comunismo come incubi primitivi … e riandavano alle radici del germanesimo, alle fonti dell’identità. Armato di Nietzsche e di antichi miti dionisiaci, c’era persino chi riaccendeva i fuochi di quelle notti primordiali in cui era nato l’uomo europeo… Eppure, quando tutto questo prese vita sotto le loro finestre, quando i miti e le invocazioni assunsero la forma di uomini, di un partito, di una volontà politica, di una voce, quando “l’uomo d’acciaio” descritto nei libri bussava alla loro porta nelle forme stilizzate della politica, molti sguardi si distolsero, molte orecchie cominciarono a non sentirci più… La vecchia sindrome del sognatore, che non vuol essere disturbato neppure dal proprio sogno che si anima… La Rivoluzione Conservatrice tedesca espresse spesso la tragica cecità di molti suoi epigoni dinanzi al prender forma di non poche delle loro costruzioni teoriche.
Non vollero riconoscere il suono di una campana, i cui rintocchi uscivano in gran parte dai loro stessi libri. Allora, improvvisamente, tutto diventò troppo “demagogico”, troppo “plebeo”. L’intellettuale volle lasciare la militanza, la lotta vera, a quanti accettarono di sporcarsi le mani con i fatti. Alcune derive del Nazionalsocialismo si possono anche storicamente ascrivere alla renitenza di intellettuali e ideologhi, che non parteciparono alla “lotta per i valori” e che, dopo aver lungamente predicato, nel momento dell’azione si appartarono in un piccolo mondo fatto di romanzi e divagazioni. Mentalità da club: “esilio interno” o piuttosto diserzione davanti ai propri stessi ideali? Eppure, un certo spazio critico dovette esistere, poi, anche tra le maglie del regime totalitario, se gli storici riportano di serrate lotte ideologiche intestine durante il Terzo Reich, di polemiche, di divergenze di vedute: Rosenberg non la pensava certo come Klages; Heidegger e Krieck erano avversari politici attestati su sponde lontane… Prendiamo Jünger. Ancora nel 1932, aveva parlato del Dominio, della Gerarchia delle Forme, della Sapienza degli Avi, del Guerriero, del Realismo Eroico, della Forza Primigenia, del Soldato Politico, della “Massa che vede riaffermata la propria esistenza dal Singolo dotato di Grandezza”… Ricordiamo di passata che Jünger negli anni venti collaborò, oltre che con le più note testate del nazionalismo radicale, anche col Völkischer Beobachter, il quotidiano nazionalsocialista e che nel 1923 inviò a Hitler una copia del suo libro Tempeste d’acciaio, con tanto di dedica… Alla luce dei fatti, è forse giunto il momento di considerare quelle proclamazioni solo come buoni esercizi letterari? Nell’infuriare della lotta vera per il Dominio che si ingaggiò di lì a poco, durante gli anni decisivi della Seconda guerra mondiale, noi troviamo Jünger non già nella trincea dove era stato da giovane, ma ai tavoli dei caffè parigini. Qui lo vediamo intento ad irridere Hitler nel segreto del proprio diario, sulle cui paginette si dilettava a chiamarlo col nomignolo di Knièbolo: un po’ poco. Tutto questo fu “fronda” esoterica o immiserimento del talento ideologico? Storico esempio di altèra dissidenza aristocratica o patetico esaurimento di un antico coraggio di militanza?
E uno Spengler? Anch’egli, dopo aver vaticinato il riarmo del germanesimo e della civiltà bianca, non appena questi postulati ebbero il contorno di un partito politico, che pareva proprio prenderli sul serio, oppose uno sdegnoso distacco. E Gottfried Benn? Dopo aver cantato i destini dell’”uomo superiore che tragicamente combatte”, dopo aver celebrato la “buona razza” dell’uomo tedesco che ha “il sentimento della terra nativa”, come vide che tutto questo diventava uno Stato, una legge, una politica, lasciò cadere la penna…
Ma la Rivoluzione Conservatrice, per la verità, non fu solo questo. Fu anche il socialismo di Moeller, l’antieconomicismo di Sombart, l’idea nazionale e popolare di Heidegger, il filosofo-contadino vicino alle SA. In effetti, la gran parte degli affiliati ai diversi schieramenti rivoluzionario-conservatori confluì nella NSDAP, contribuendo non poco a solidificarne il pensiero politico e, in alcuni casi, diventandone uomini di punta: da Baeumler a Krieck. Secondo Ernst Nolte - il maggiore storico tedesco - la Rivoluzione Conservatrice ebbe l’occasione di essere più una rivoluzione che non una conservazione, soltanto perché si incrociò con la via politica nazionalsocialista: un partito di massa, una moderna propaganda, un capo carismatico in grado di puntare al potere. Tutte cose che ai teorici mancavano. “Non fu il nazionalsocialismo - si è chiesto Nolte -, in quanto negazione della Rivoluzione francese e di quella bolscevico-comunista, una contro-Rivoluzione tanto rivoluzionaria, quanto la Rivoluzione conservatrice non potrà mai essere?”.
Dopo tutto, come ha affermato il più esperto studioso di questi argomenti, Armin Mohler, “il nazionalsocialismo resta pur sempre un tentativo di realizzazione politica delle premesse culturali presenti nella Rivoluzione conservatrice”. Il tentativo postumo di sganciare la RC dalla NSDAP è obiettivamente antistorico: provate a sommare i temi ideologici dei vari movimenti nazional-popolari dell’epoca weimariana, ed avrete l’ideologia nazionalsocialista.
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Tratto da Linea del 25 luglio 2004.
Luca Leonello Rimbotti
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samedi, 13 septembre 2008
Comprendere il radicalismo nazionalista di Ernst Jünger
Comprendere il radicalismo nazionalista di Ernst Jünger
La pubblicazione del terzo e ultimo volume degli Scritti politici e di guerra di Ernst Jünger, relativi agli anni 1929-1933, da parte della Libreria Editrice Goriziana, ci permette di mettere a posto, una volta per tutte, la controversa questione del nazionalismo dello scrittore tedesco e dei suoi rapporti con il Nazionalsocialismo. Se, già nel 1923, Jünger aveva scritto parole di apprezzamento per Hitler, cui aveva anche inviato una copia con dedica autografa del suo celebre volume Im Stahlgewittern, e se in quel medesimo periodo aveva anche collaborato al quotidiano della NSDAP Völkischer Beobachter, diretto da Alfred Rosenberg, negli anni a seguire i suoi rapporti con il Partito nazionalsocialista diventeranno più complessi. Ma mai di rottura. Anzi, di cameratesca solidarietà. A volte di critica su questo o quel punto, ma condotta sempre all’interno della galassia nazionalista e con i toni amichevoli del consapevole alleato di lotta.
Uno dei motivi contingenti dell’incomprensione tra alcuni ambienti nazionalisti e NSDAP fu alla fine degli anni venti la situazione dei contadini. Specialmente nella regione settentrionale dello Schleswig-Holstein, a seguito delle misure punitive dei trattati di pace, fortemente penalizzanti l’economia tedesca nel suo complesso, ed anche a seguito della crisi economica, si era avuto il progressivo collasso del ceto rurale, sempre più gravemente scivolato nel gorgo del debito, nella crisi produttiva e nella perdita crescente della piccola proprietà. Da questa situazione era andata prendendo forza una forma di protesta, gestita dalla potente Landvolkbewegung, il movimento contadino a forti tinte nazionaliste ed antisemite che, dal 1928, si rese protagonista anche di alcuni attentati dinamitardi contro la sede del Reichstag. Era una protesta nei confronti dello Stato e del governo, incapaci di garantire agli agricoltori quei sussidi e quelle protezioni dalla concorrenza estera, senza i quali l’economia agricola andava incontro alla rovina. Il movimento contadino trovò immediata sponda negli ambienti nazionalisti. Jünger stesso ne giustificò il terrorismo, prendendo le distanze da Hitler che, invece, pur alleato della protesta, condannò apertamente il ricorso alla violenza. Cosa che non impedì, di lì a poco, che l’intero movimento contadino confluisse nel Partito nazionalsocialista, costituendone anzi uno dei punti di forza sia politici che ideologici: basta pensare al ruolo svolto da Walther Darré.
Condannando la stampa borghese, compattamente ostile ai contadini del Nord, Jünger scrisse frasi pesanti: “È in atto un terrore mediatico di gran lunga più considerevole del terrore generato da qualsiasi bomba”. E condannò ugualmente il moderatismo di Hitler che, come tutti sanno, dopo il Putsch del 1923 era molto attento a marciare lungo i binari della legalità, operando, per tutto il periodo del Kampfzeit, cioè della lotta per il potere, come l’inflessibile elemento moderato che doveva sedare le spinte radicali della sua ala sinistra.
Jünger rimproverava Hitler anche di non essere abbastanza deciso a prendere le distanze da Hugenberg – il capo del Partito Nazionaltedesco – e da tutti gli ambienti reazionari e borghesi. Il fatto sorprendente, che esce a chiare lettere dai suoi scritti di questo periodo, è dunque che Jünger criticava la NSDAP non da “destra”, come si era abituati a pensare e come farà in seguito, bensì da “sinistra”. Ma, in ogni caso, si trattava pur sempre di critiche che non mettevano mai in discussione la consapevolezza che nazionalisti e nazionalsocialisti appartenevano al medesimo schieramento, con i medesimi ideali e i medesimi obiettivi. Si trattava, però, di arrivare al potere non con intermediazioni moderate o conservatrici, ma radicali. Parola di Jünger: “Le risoluzioni prese nell’ambito del partito nazionalsocialista – scrisse su “Wiederstand” dell’ottobre 1929 - non hanno affatto un’importanza esclusiva per questo partito. Dal momento, infatti, che esso attualmente rappresenta l’arma più forte e temibile della volontà nazionale, ogni sua azione o rinuncia andrà necessariamente a colpire tutte le forze che vogliono contribuire all’affermazione di questa volontà in Germania […] ma come ci si può assumere la responsabilità di suscitare la parvenza di un fronte comune con forze la cui vicinanza è intollerabile per un partito intitolato ai lavoratori tedeschi?”.
Domande che, certo, saranno suonate musica alle orecchie delle SA o di un Goebbels, e che non rappresentavano affatto le posizioni del nazionalismo conservatore, ma di quel nazionalismo radicale cui Jünger si era avvicinato tramite Ernst Niekisch, cui lo scrittore era stato presentato dal filosofo Alfred Baeumler. Ma Jünger venne presto accontentato: se si pensa alla rottura, voluta da Hitler, del “fronte di Harzburg” del 1931 – cioè l’alleanza tattica del Nazionalsocialismo con il nazionalismo conservatore, del tipo dello Stahlhelm –, oppure alla liquidazione di tutti gli ambienti conservatori dopo la presa del potere, o alla “purga” del 1934 (che non colpì solo la “sinistra” di Roehm, ma anche la “destra” di Schleicher), se pensiamo poi a come Hitler stesso pose brutalmente fine nel 1944 al conservatorismo junker – e all’esistenza storica della loro casta -, dovremmo riportarne la sensazione che Jünger avesse di che compiacersi dell’operato di Hitler. La storia vuole, invece, che proprio nella lotta di vertice dei conservatori contro il Nazionalsocialismo, Jünger si trovasse – beninteso, in accorta retroguardia - non dalla parte della “sinistra”, bensì della “destra”. Enigmi dell’aristocraticismo…
Jünger era apertamente a-partitico: “rinunciamo a qualsiasi appartenenza partitica…”, aveva scritto, e concepiva romanticamente il nazionalismo come un insieme di centri di lotta, sperando di “veder crescere tutti questi legami in maniera possente, serrata e unitaria, così da raggiungere le dimensioni necessarie al grande confronto…”. La storia ha dimostrato che, in Germania, il nazionalismo di partito non aveva la capacità di crescere fino al punto di diventare egemone. Nei primi anni trenta era chiaro che né Hugenberg né Seldte né tantomeno Niekisch sarebbero andati lontano. Figurarsi semplici ambienti sparsi. Vi andò invece Hitler, ma per vie politiche e non romantiche, e unificando per l’appunto tutti quei movimenti – da quello dei giovani, la Jugendbewegung, a quello contadino sopra ricordato – che, pur essendo nazionalisti, non erano reazionari, ma anzi rivoluzionari.
Questo, Jünger non lo comprese mai. Non comprese l’identità di un movimento che trovò troppo conservatore nel ’29 e troppo rivoluzionario dal ’33 in poi… mentre la storiografia ha largamente dimostrato – da Nolte a Kershaw – che fu entrambe le cose contemporaneamente, dal 1923 al 1945. Gli amichevoli rimproveri di Jünger agli “amici del partito nazionalsocialista” miravano a scuoterne ciò che allo scrittore pareva eccessiva moderazione, ma che invece, semplicemente, era accortezza politica. Riferendosi ai movimenti nazionalisti intransigenti, Jünger formulò un’esortazione: “speriamo anche che il nazionalsocialismo, anziché combattere quelle forze, ne accetti e riconosca la parentela di fondo”. La parentela di fondo: questa esplicita definizione la dedichiamo a quanti, anche recentemente, non solo hanno negato ogni effusione jüngeriana nei confronti del Nazionalsocialismo, ma persino una sua ideologia nazionalista… E infine leggiamo l’auspicio rivoluzionario: “Al nazionalsocialismo – scrisse nel 1929 Jünger, in pagine che certo provocheranno terribile sconcerto nei suoi attuali ammiratori letterari – auguriamo di cuore la vittoria: conosciamo le sue forze migliori, dal cui entusiasmo trae sostegno e della cui volontà di sacrificio può al di là di ogni dubbio menare vanto. Sappiamo anche, però, che esso potrà combattere per vincere se le sue armi saranno forgiate nel più puro dei metalli, e se rinuncerà al supporto dei fragili resti di un’epoca passata”. Possiamo ribadire che, in questo, Jünger venne accontentato di brutto. I “fragili resti” non solo vennero ignorati, ma proprio distrutti. Il “realismo eroico” propugnato da Jünger altro non era che un radicalismo nazionalista privo di connotati politici. Il suo programma era semplicemente la Germania: “Vogliamo una Germania esattamente com’è”, scrisse nel marzo 1930. Egli conosceva solo un fine, “l’eterna realtà di un Reich che, in questo Paese, non mancò mai di entusiasmare la gioventù”. E un solo progetto: “Qui non c’è niente da augurarsi, allora, vi è piuttosto il rigoroso riconoscimento di un dovere, che trova ora espressione: allora come oggi, essere tedeschi significa essere in lotta”. La differenza tra il nazionalismo di Jünger e il Nazionalsocialismo è insomma la stessa differenza che corre tra il pensiero di un’associazione combattentistica e l’ideologia di un partito rivoluzionario, inteso a ribaltare i rapporti di forza tra le classi e tra le nazioni. Ma il milieu culturale, le aspettative ideali, i fini nazionali, appaiono fratelli: tali, comunque, da non giustificare i continui tentativi di sottrarre Jünger al suo mondo, volendolo ridurre ad agnostico e compassato letterato fine a se stesso.
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Tratto da Linea del 29 maggio 2005.
Luca Leonello Rimbotti
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vendredi, 12 septembre 2008
Hermann Hesse: Le jeu des perles de verre
Laurent SCHANG :
HERMANN HESSE (1877-1962): «Le jeu des perles de verre»
Essai de biographie du Magister Ludi Joseph Valet accompagné de ses écrits posthumes
Mis en chantier à l'avènement du IIIième Reich mais édité dans sa version finale en 1943, Le jeu des perles de verre est de l'aveu même de Hermann Hesse le chef-d'œuvre de sa carrière d'écrivain.
Situé à une époque mal définie, estimée à 2500 ans après J.C., «2000 ans après la fondation de l'Ordre de Saint-Benoît et postérieurement à la mort de Pie XV», dans un monde utopique, la Castalie, province pédagogiaque réservée au seul talent et à l'expression élitiste du savoir, le “jeu des perles de verre” est la pierre philosophale qui ouvre l'humanité à un nouveau champ de perception. Alignement de perles multicolores sur un boulier rustique, le Jeu consiste en un système élaboré de combinaisons savantes maniées par une caste d'élus, synthèse suprême des arts et des sciences dont les clefs sont autant d'ouvertures à la catharsis et l'intégration dans le “Grand Tout” chanté par Hermann Hesse. Du monde castalien il dira: «Je n'eus pas besoin de l'inventer ni de le construire: sans que je m'en rendisse compte, il était préfiguré en moi depuis longtemps. Et du même coup j'avais trouvé ce que je cherchais: un lieu où respirer librement» (correspondance-lettre à Rudolf Pannwitz, 1955).
A travers le personnage central du roman, Joseph Valet, Hermann Hesse invite le lecteur à le suivre dans son initiation de jeune promu aux plus hautes responsabilités de l'Ordre, jusque son accession à la dernière marche: Maître du Jeu des Perles de Verre. Doté des meilleures dispositions, brillant intellectuel, humaniste raisonné, désintéressé et charismatique, Valet, au terme de sa progression dans les échelons castaliens, se détournera pourtant du pouvoir suprême pour ne plus se consacrer qu'à la méditation solitaire en simple précepteur.
Le jeu des perles de verre est l'occasion pour Hermann Hesse de rappeler les principes essentiels de sa conception de la place de l'Homme dans l'univers, qui le rapproche incontestablement des Ernst Jünger et autres Knut Hamsun, à savoir l'inopérance du pur intellect, le primat de l'âme et de l'irrationnel, la critique de toute collectivité et de l'étatisation des sociétés, l'éternel dilemme nature/culture. Sa quête de la réconciliation du piétisme mystique de son enfance et du rationalisme éclairé de l'Aufklärung s'effectuant sous les auspices des textes bouddhiques, de Lao Tse et de Nietzsche.
Un “Tolstoï” allemand?
Considéré par ses contemporains comme le Tolstoï allemand, précurseur de Kerouac et des écologistes, admiré de Mann, Gide et Rolland, Hermann Hesse, rebelle aristocrate et solitaire retiré dans le Tessin suisse dès avant 1914, a laissé à la postérité une œuvre dense, riche, à l'écriture musicale et au style ciselé où court de pages en pages la critique fondamentale de la société moderne qu'exprime avec le plus d'acuité le renforcement jusque dans les structures sociales les plus privées de la prégnance de l'Etat. De sa méfiance envers une démocratie, «cet Etat inconsistant, vide d'esprit et issu du vide et de l'épuisement qui ont suivi la guerre mondiale», dont il ne perçoit la déviance totalitaire —à l'instar de son compatriote Ernst von Salomon— qu'en tant que son expression la plus aboutie, prendra progressivement forme la Castalie.
Mais l'exemplarité du Jeu ne provient pas tant de son alternative que de la profonde sincérité de Hesse, qui dans son scepticisme rigoureux, se défie de son propre idéalisme et conserve à l'égard de sa création une position distante, n'omettant pas, après exposition des qualités de l'institution de Celle-les-Bois, d'en mentionner les tares inhérentes à tout corps administrativement constitué, mécanique bureaucratique parfaitement huilée qui, fonctionnant en roue libre, court le risque fatal de s'enliser dans sa routine scientifique, poussiéreuse et déshumanisante.
Moins sombre que George Orwell et Aldous Huxley mais davantage perspicace que Thomas More, Hesse, en orientaliste distingué, ne sépare jamais le yin du yang. Son Jeu des perles de verre vient ainsi parachever une vie de labeur littéraire où perce une image originale de la société occidentale, pour laquelle ses mots ne sont jamais assez durs: «La “société”, laquelle n'a plus qu'un semblant d'existence depuis que notre humanité s'est ou bien transformée en une masse uniforme et sans visage, ou bien fragmentée en des milliers d'individus isolés que rien ne rattache plus les uns aux autres, .sauf la peur de l'avenir et le regret du passé».
“Réfractaire au “tu dois”» selon la formule de Linda Lê, lecteur de Schopenhauer, Dostoïevski mais aussi Spengler, Klages ou encore Keyserling, le chemin vers les étoiles de Hermann Hesse est celui de la quête de toute une vie d'une spiritualité différente, éloignée de tous les dogmes incapacitants, ultime résonance d'un Age d'Or oublié. «...Je n'accorde qu'une place restreinte au temporel dans le compartiment supérieur de mes pensées», «il m'est impossible de vivre sans témoigner de la vénération à quelque chose, sans consacrer ma vie à un dieu», «Je n'ai jamais vécu sans religion et ne pourrais vivre un seul jour sans religion mais je m'en suis tiré pendant toute ma vie sans Eglise» (Mein Glaube).
Apoliteia
De nature rebelle, sa détestation de la bourgeoise Allemagne wilhelminienne le confirme dans sa soif de solitude et sa conscience d'artiste, si magistralement rendues dans sa nouvelle Le Choucas, extraite du recueil Souvenirs d'un Européen, où l'oiseau n'est autre que son double animalier: «Il vivait seul, n'appartenait à aucune communauté, n'obeissait à aucune coutume, à aucun ordre, à aucune loi (...) Bouffon pour les uns, obscur avertissement pour les autres (...)». Imprégné de l'idée du cycle naturel et cosmique, il se fait prophète, un demi-siecle avant Guénon et Evola, du Kali-Yuga, équivalent indien de l'Apocalypse dont il pressent tous les signes annonciateurs dans la décadence de l'Occident. En 1926, Hesse, répondant à une sollicitation de l'Ostwart-Jahrbuch, leur écrit: «J'estime que notre tâche est de consommer notre ruine et non pas de proposer pour modèles des œuvres et des discours dans lesquels nous tenterions de sauver quelque reste de la culture agonisante (...). Notre devoir est de disparaître dans les profondeurs, de nous en remettre à la nécessité et non pas d'en tirer des commentaires ingénieux. La façon dont Nietzsche, des dizaines d'années avant tous, a suivi le rude et solitaire chemin de l'abîme constitue un véritable exploit».
Apoliteia convaincu, opposant au titre d'“écrivain engagé” alors si abondamment représenté de par l'Europe (citons pour l'exemple Mann, Drieu, Malraux, Aragon, Shaw et Brecht) celui d'“auteur dégagé”, c'est dans le Moyen-Age, un Moyen-Age enchanteur et mythologique, et l'Orient, un Orient de lecture et de méditation, que Hesse puise l'essence de son art, et son attitude, toute de hauteur d'esprit et d'humilité, pourrait se résumer par ce livre de Romain Rolland: Au-dessus de la mêlée.
Ses ouvrages, du premier, Peter Camenzind, écrit en 1903, évocation de la communion intime de l'homme et de la nature accueillante une fois libérée du poids de la civilisation, à Siddharta en 1922, où Hesse expose toute sa passion pour l'hindouisme, sont un pas supplémentaire franchi dans l'élaboration progressive de sa foi profonde et intime. Anticipant sur le personnalisme d'Emmanuel Mounier, Hesse, dans une lettre envoyée à un admirateur, précise: «Chacun de vous doit tirer au clair la nature de sa propre personnalité, de ses dons, de ses possibilités et de ses particularités, il doit consacrer sa vie à se perfectionner moralement et à devenir ce qu'il est. Si nous accomplissons cette tâche, nous servons en même temps la cause de l'humanité (...) l'“indiviclualisme”, si souvent décrié, devient le serviteur de la communauté et perd le caractère odieux de l'égoïsme». Son roman le plus fameux, Le Loup des Steppes (l927), tirera toute sa substance de cette profession de foi.
Sollicité de toutes parts, collaborant a moultes revues littéraires, partageant son temps entre l'écriture et la peinture, c'est dans l'art et la culture que Hesse discernera finalement la dernière, et peut-être la seule trace de Dieu sur Terre, expression la plus pure et parfaite de la part de génie qui réside en tout homme, dès lors que celui-ci est à même de se développer en harmonie avec l'Univers, Alpha et Omega de son maître-roman, Le Jeu des perles de verre.
Laurent SCHANG.
indices bibliographiques:
- Le Jeu des Perles de Verre, Calmann-Lévy, 1996.
- Lettres (1900-1962), Calmann-Lévy, 1981.
- Souvenirs d'un Européen, Livre de Poche, 1994.
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mercredi, 10 septembre 2008
Sur Rudolf Pannwitz
Robert STEUCKERS:
Rudolf Pannwitz: «mort de la terre»,
Imperium Europæum et conservation créatrice
L'idéalisme du philosophe et poète allemand Rudolf Pannwitz constitue pour l'essentiel une rupture avec les idéaux positivistes de la «Belle Epoque»: il rejette l'Etat, le mercantilisme, la révolution, l'argent, le capitalisme et le lucre. Pourquoi? Parce que le concours de toutes ces forces négatives conduit à la “mort de la Terre”. Devant ce pandemonium, l'homme du XXième siècle, écrit Pannwitz, doit poser l'“acte salvateur”, qui consiste à ne plus penser à son seul profit, à prendre conscience du danger que court son âme, à se rendre compte que l'histoire, en tant que jeu funeste, est toute relative, à vouer un culte mystique au Tout, au Cosmos.
Comment ce faisceau d'idéaux essentiellement poétiques a-t-il pu générer une idée d'Europe, surtout s'il rejette explicitement l'histoire? Et sur quels principes repose donc cette idée an-historique d'Europe? Elle repose sur une mystique et une pratique “telluriques”, où la Terre est le réceptacle du sacré, voire le Tabernacle du sacré. Ensuite, sur une critique de l'argent qui, par sa nature intrinsèquement vagabonde, arrache hommes et choses à la Terre, à leur lieu, m'arrache en tant que personne à mon lieu, au lieu où des forces qui me dépassent m'ont placé pour y jouer un rôle, y accomplir une mission.
Cette critique de l'argent vagabond s'accompagne d'un plaidoyer pour l'autarcie à tous les niveaux: domestique, communal, régional, impérial. Cette mystique tellurique et ce rejet radical du pan-vagabondage que généralise l'argent conduit à une vision pacifique de la politique et de l'Europe, qui est tout à la fois anti-nationaliste et napoléonienne, parce que l'aventure militaire napoléonienne a, par une sorte de ruse de l'histoire, éliminé de vieux antagonismes inter-européens, donc créer les conditions d'un imperium pacifique en Europe. Aux nationalismes qu'il juge bellogènes, Pannwitz oppose une vision continentale européenne pacifique et mystico-tellurique, opposée aux pratiques anglaises du libre-échangisme et du “divide ut impera” et au nationalisme allemand, auquel il reproche d'être né au moment où la Prusse se met au service de l'Angleterre pour combattre le projet continental napoléonien. Pannwitz, pourtant très allemand dans son tellurisme, reproche à la pensée allemande en général, de facture kantienne ou hégélienne, d'absoluiser les concepts, tout comme la Prusse a hissé au rang d'absolus les démarches de ses fonctionnaires et de ses administrateurs.
Selon Pannwitz, la renaissance culturelle de l'Europe passe nécessairement par une revalorisation des plus beaux legs du passé: l'Imperium Europæum sera cette Europe tournée vers la Beauté; il adviendra, pense Pannwitz, après la Grande Guerre civile européenne de 1914-18, où s'est perpétré le plus grand forfait de l'histoire des hommes: «le viol du corps sacré de la Terre».
L'Imperium Europæum ne pourra pas être un empire monolithique où habiterait l'union monstrueuse du vagabondage de l'argent (héritage anglais) et de la rigidité conceptuelle (héritage prussien). Cet Imperium Europæum sera pluri-perspectiviste: c'est là une voie que Pannwitz sait difficile, mais que l'Europe pourra suivre parce qu'elle est chargée d'histoire, parce qu'elle a accumulé un patrimoine culturel inégalé et incomparable. Cet Imperium Europæum sera écologique car il sera «le lieu d'accomplissement parfait du culte de la Terre, le champ où s'épanouit le pouvoir créateur de l'Homme et où se totalisent les plus hautes réalisations, dans la mesure et l'équilibre, au service de l'Homme. Cette Europe-là n'est pas essentiellement une puissance temporelle; elle est, la “balance de l'Olympe”».
La notion-clef de l'œuvre de Pannwitz est celle de “Terre” (Die Erde). Si la “Terre” est signe d'anti-transcendance chez Nietzsche, d'idylle dans la nature virginale, elle est aussi —et sur ce point Pannwitz insiste très fort— géopolitique substantielle. Quand on décrypte la vision critique de Pannwitz sur l'histoire européenne de son temps, on constate qu'il admet: 1) que l'Allemagne se soit dotée d'une flotte, sous la double action de l'Amiral Tirpitz et de l'Empereur Guillaume II, car cette flotte était destinée à protéger l'Europe du “mobilisme” économique et monétaire anglais (et américain) et n'était pas a priori un instrument de domination; 2) l'Europe est une “Terre de culture” qui en aucun cas ne peut être dominée par la Mer (ou par une puissance qui tire sa force d'une domination de l'espace maritime) ou par ses anciennes colonies qui procéderaient ainsi à une Gegenkolonisation. On comprend tout de suite que les Etats-Unis sont directement visés quand Pannwitz dénonce cette “contre-colonisation”; 3) les thalassocraties sont un danger sinon le danger car a) elles développent des pratiques politiques et économiques qui vident le sol de ses substances; b) elles imposent une fluidité qui dissoud les valeurs; c) elles sont des puissances du “non-être”, qui justement dissolvent l'Etre dans des relations et des relativités (remarques qui ont profondément influencé le Carl Schmitt de l'après-guerre qui écrivait dans son journal —édité sous le titre de Glossarium— que tout nos livres deviennent désormais des Logbücher, car le monde n'est plus terre mais océan, sans point d'ancrage possible, où tout quiconque arrête de se mouvoir coule); d) sous la domination des thalassocraties, tout devient “fonction” et même “fonctions de fonctionnement”; dans un tel contexte, les hommes sont constamment invités à fuir hors des concrétudes tangibles de la Terre.
Chez Pannwitz, comme chez le Schmitt d'après-guerre, la Terre est substance, gravité, intensité et cristallisation. L'Eau (et la mer) sont mobilités dissolvantes. “Continent”, dans cette géopolitique substantielle, signifie “substance” et l'Europe espérée par Pannwitz est la forme politique du culte de la Terre, elle est la dépositaire des cultures, issues de la glèbe, comme par définition et par force des choses toute culture est issue d'une glèbe.
L'état de l'Europe, à la suite de deux guerres mondiales ayant sanctionné la victoire de la Mer et de la mobilité incessante, postule une thérapie. Qui, bien entendu, est simultanément une démarche politique. Cette thérapie suggérée par Pannwitz demande: 1) de rétablir à tous niveaux le primat de la culture sur l'économie; 2) de promouvoir l'édification intérieure des hommes concrets (par une démarche qui s'appelle l'Einkehr, le retour à soi, à sa propre intériorité); 3) de lancer un appel à la “Guerre Sainte des Vivants” pour empêcher l'avènement de “Postumus”, figure emblématique de celui qui fuit l'histoire (réhabilitée par Pannwitz après 1945), qui capitule devant l'Autre (l'Américain), qui se résigne; 4) de donner enfin une forme à l'Homme qui, sans forme, se perd dans l'expansion conquérante et dans l'hyper-cinétisme de cette mobilité introduite puis imposée par les thalassocraties; sans forme, rappelle Pannwitz, l'homme se perd aussi dans les dédales d'une vie intérieure devenue incohérente (en ce sens notre poète-philosophe annonçait l'avènement d'un certain “New Age”).
Humanité et nationalisme
Pannwitz ne place aucun espoir dans l'«Humanité», c'est-à-dire dans une humanité qui serait homogénéisée à la suite d'un long processus d'unification mêlant coercition et eudémonisme. Il ne place pas davantage d'espoir dans un nationalisme qui signifierait repli sur soi, enfermement et répétition du même pour les mêmes. Le seul “nationalisme” qui trouve quelque grâce à ses yeux est celui de De Gaulle. Pour guérir l'Europe (et le monde) de ses maux, il faut créer des espaces de civilisation impériaux; la version européenne de cet espace de civilisation est l'«Imperium Europæum». Pour y parvenir, les élites vivant sur cet espace doivent pratiquer l'Einkehr, c'est-à-dire procéder à une «conservation créatrice»; de quoi s'agit-il? D'un plongeon dans le soi le plus profond, d'un retour aux racines. Les nations, les ethnies doivent aller au tréfond d'elles-mêmes. Car elles vont y découvrir des formes particulières, incomparables, intransmissibles, du sacré. Elles cultiveront ce sacré, offriront les créations de cette culture du sacré à leurs voisins, recevront celles que ceux-ci auront ciselées; les uns et les autres accepteront ces facettes diverses d'un même sacré fondamental, opèreront des “greffes goethéennes” pour obtenir en bout de parcours une Oberkultur der Kulturen.
Pannwitz était hostile au national-socialisme, héritier de ces formes de nationalisme allemand qu'il n'aimait pas. Mais il est resté discret sous le IIIième Reich. Il reprochait surtout au national-socialisme de ne pas être clair, d'être un fourre-tout idéologico-politique destiné surtout à acquérir des voix et à se maintenir au pouvoir. En 1933, Pannwitz quitte l'Académie Prussienne comme Ernst Jünger. Il choisit l'exil dans une splendide île dalmate, où il restera pendant toute la seconde guerre mondiale, sans subir aucune pression, ni des autorités occupantes italiennes, ni du nouveau pouvoir croate ni de l'administration militaire allemande; en 1948, il s'installe en Suisse. Pendant cet exil adriatique, il n'a pas formulé de critique charpentée du national-socialisme car, écrivait-il à l'un de ses nombreux correspondants, ce serait “perdre son temps”. En fait, en dépit de l'extrême cohérence de sa dialectique terre-mer, Pannwitz a été totalement incohérent quand il a jugé la politique européenne depuis son île dalmate. Il accumulait les contradictions quand il parlait de l'Angleterre puis des Etats-Unis dont il espérait la victoire contre les armes allemandes: par exemple, en pleine crise tchécoslovaque, il écrit que les Tchèques doivent s'appuyer sur les Anglais, mais à partir de septembre 1939, il répète que les Français sont “fous” de faire la politique des Anglais. Pourquoi les Tchèques auraient-ils été raisonnables de faire ce que les Français auraient eu la “folie” de faire quelques mois plus tard?
Il n'empêche: la dialectique terre-mer, que l'on retrouve solidement étayée dans l'œuvre de Carl Schmitt, demeure une matière de réflexion importante pour tous les européistes. De même, la nécessité de recourir aux tréfonds de soi-même, de pratiquer l'Einkehr.
Robert STEUCKERS.
(extrait d'une conférence prononcée lors de la 3ième université d'été de la FACE, juillet 1995).
Bibliographie:
- Rudolf PANNWITZ, Die Krisis der europäischen Kultur, Verlag Hans Carl, Nürnberg, 1947.
- Alfred GUTH, Rudolf Pannwitz. Un Européen, penseur et poète allemand en quête de totalité (1881-1969), Klincksieck, Paris, 1973.
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dimanche, 07 septembre 2008
Hommage à Peter Schmitz
Archives/Jeunes d'Europe: Texte de 1996
Hommage à Peter Schmitz
Peter Schmitz était un garçon formidable, calme et doux, déterminé et sûr de son engagement. Quiétude et détermination, voilà les deux qualités que Schmitz reflétait d'emblée. Il nous avait rendu visite deux fois lors de séminaires du comité de rédaction de Vouloir et Orientations, qui se tenaient chaque année en Flandre, avant que nous ne joignions nos efforts à ceux de la FACE, pour organiser nos universités d'été estivales. Thierry Mudry, Christiane Pigacé, nos camarades marseillais de Libération païenne et plus tard de l'équipe de Muninn, Ralf Van den Haute du magazine Europe-Nouvelles, Eric Van den Broele, Rein Staveaux, les jeunes du mouvement “De Vrijbuiter”, les Burschenschafter viennois, Alessandra Colla, Marco Battarra et moi-même conservons un souvenir ému de celui qui avait rendu justice au mouvement des Artamanen en leur consacrant une thèse de doctorat. C'est en son souvenir, notamment, que nous voudrions activer l'initiative “Jeune d'Europe”. La responsable allemande de ce projet, Beate-Sophie Grunske, rend ici à Peter Schmitz l'hommage qu'il mérite et nous reproduisons la recension qu'avait consacré à son livre l'historien Jan Creve, créateur du mouvement de jeunesse libertaire, régionaliste et écologiste flamand “De Vrijbuiter” (Robert Steuckers).
Il y a un an environ, notre ami Peter Schmitz est mort inopinément dans un accident d'auto. Beaucoup d'entre nous l'avaient connu sous son nom de randonneur, “Wieland”. Dans tout le mouvement de jeunesse allemand, Peter Schmitz avait acquis une popularité bien partagée grâce à son livre Die Artamanen, Landarbeit und Siedlung bündischer Jugend in Deutschland 1924-1935.
C'est en 1985 que sa thèse sur le mouvement des Artamanen est publiée sous forme de livre. Quand Schmitz a abordé cette thématique, une véritable mutation s'est emparée de sa personne, a modifié la trajectoire de sa vie. Mais, indépendemment de cette sorte de transfiguration personnelle, sa thèse est très importante car elle constitue une contribution à l'histoire du mouvement de jeunesse allemand à équidistance entre la rigueur scientifique, la distance que cellle-ci implique et l'intérêt et l'enthousiasme que cette thématique peut susciter chez le chercheur.
Les Artamanen constituaient en effet un courant particulier au sein du mouvement de jeunesse allemand de l'époque de Weimar, dont la pensée et les idées motrices étaient pour une bonne part dérivées de la matrice dite “völkisch” (folciste). “Folciste”, cela signifiait pour une ligue comme celle des Artamanen, focalisée comme l'indique le titre du livre de Schmitz sur le travail rural et sur la colonisation de terres en friche, un péhnomène typiquement urbain, dans des villes où l'on cultive justement la nostalgie de la vie à la campagne et des rythmes immuables de l'existence paysanne. Les jeunes citadins, en cette époque de crise, constataient qu'ils ne devaient plus espérer une embauche dans l'industrie ou dans le secteur tertiaire, en dépit des aptitudes professionnelles qu'ils avaient acquises; une fraction d'entre eux a donc décidé de se consacrer entièrement à l'agriculture, non pas dans l'espoir de faire fortune, mais justement pour vivre en conformité avec leurs idéaux folcistes.
L'intention des Artamanen était aussi nationaliste et anti-capitaliste: les associations de propriétaires terriens faisaient venir des travailleurs agricoles et saisonniers polonais dans les provinces orientales de l'Allemagne (Poméranie, Brandebourg, Silésie), ce qui donnait à ses Polonais le droit de revendiquer le sol qu'ils cultivaient. Dans leur logique folciste, les Polonais et les Artamanen disaient: le sol appartient à celui qui le cultive. Ensuite, à l'instar de tout le mouvement de jeunesse de l'époque, les Artamanen souhaitaient lancer un pont entre, d'une part, les citadins aliénés, ignorant l'essentiel que sont le travail et la production agricoles pour la vie d'une nation, et, d'autre part, les populations rurales qui conservaient tout naturellement les linéaments d'une culture paysanne germanique pluri-séculaire, des coutumes fondamentales dans le patrimoine de la nation et surtout les réflexes communautaires de la vie villageoise.
Dans leur majeure partie, les travaux agricoles entrepris par les Artamanen étaient ponctuels et temporaires: ils exécutaient des tâches saisonnières de mars à décembre. A une époque où le chômage était omniprésent et où l'Etat n'assurait pas le minimum vital parce qu'il ne le pouvait plus, l'Artambund devenait automatiquement le lieu où la jeunesse idéaliste se retrouvait, où ces jeunes condamnés au chômage recevaient une aide en échange d'une activité productive: ils bénéficiaient d'un logement et de la nourriture et/ou d'un salaire modeste correspondant à celui des travailleurs saisonniers polonais. L'égalité de traitement entre les Artamanen, aux mobiles idéalistes, et les travailleurs polonais a conduit à des conflits avec les propriétaires terriens car ceux-ci refusaient les revendications des Artamanen qui exigeaient un minimum de partenariat social. Résultat de ce conflit: les Artamanen établissent leurs propres communautés agricoles, où ils pouvaient pleinement vivre l'idéal du “Nous” communautaire, le fameux Wir-Gefühl, typique du mouvement de jeunesse.
Comme toutes les autres ligues de jeunesse, l'Artambund a été dissous après la prise du pouvoir par les nationaux-socialistes. Ses idées sont récupérées et reprises dans le cadre du “Service Rural” de la Hitlerjugend. Après 1945, les Artamanen ne ressuscitent pas, car la jeunesse prend malheureusement une toute autre attitude face à des valeurs telles l'altruisme, le sens du service et de la camaraderie; ensuite, les conditions de la vie agricole sont complètement bouleversées. Les régions où se trouvaient avant-guerre les latifundia allemandes sont sous administration polonaise.
Au début des années 80, Peter Schmitz, fils d'un médecin de Duisburg dans la Ruhr, commence à s'intéresser à ce mouvement et en fait l'objet de son travail de fin d'études. C'est donc en rédigeant une thèse sur les Artamanen qu'il termine son cycle d'ingénieur agricole à la Haute Ecole de Kassel. La rédaction de cette thèse a été pour lui un tournant important dans son existence: il a eu l'occasion, au cours de son enquête, de rencontrer d'anciens Artamanen ainsi que tous ceux qui les avaient côtoyés. Peter Schmitz a pu ressentir tout l'enthousiasme qui les avait animés lors de leur engagement dans les années 20. Il reste quelque chose de cet enthousiasme dans les ligues de jeunesse actuelles, ce qui a décidé Schmitz à s'engager à son tour et à participer à cette longue aventure.
Via un ami de son père, Peter Schmitz prend connaissance du «Wandervogel Deutscher Bund» et, dès la fin de ses études, au milieu des années 80, il s'engage dans le mouvement de jeunesse, à un âge où la plupart des Wandervögel mettent un terme à leur vie de randonneurs, fondent une famille et amorcent une carrière professionnelle. Avec Holger Hölting, «Chancelier» de la Ligue, il co-dirige le mouvement «DeutschWandervogel». Très vite, les deux hommes font une excellente équipe. Schmitz préférait rester à l'arrière-plan, s'occuper des questions logistiques et des tâches de rédaction, tandis que Hölting prenait en charge la direction concrète du mouvement. Cela ne signifie pas que Schmitz restait confiné dans son bureau et que la vie du mouvement se déroulait sans lui. Schmitz, pourtant un garçon très calme, aimait les imprévus et les fantaisies qui émaillent la vie de tout mouvement de jeunesse. C'est ainsi qu'une expédition prévue pour le Sud-Tyrol n'est jamais arrivée à son lieu de destination mais... dans un camp du mouvement français «Europe Jeunesse» près de Lyon!
Très souvent, Schmitz aiguillait les expéditions vers les camps des groupes amis à l'étranger, notamment ceux du mouvement “Vrijbuiter” en Flandre ou d'Europe Jeunesse en France. C'est au cours d'un de ces camps que Schmitz a rencontré l'amour, en la charmante personne d'une jeune Flamande, Anne. Au printemps 1990, le couple se marie et s'installe à proximité de Kassel, où Schmitz travaille dans le domaine de la protection du patrimoine hydrographique, pour le Land de Hesse. La vie professionnelle commençait, mais Schmitz n'abandonnait pas ses idéaux: on pense qu'il continuait à conceptualiser une forme nouvelle de colonisation communautaire, parfaitement réalisable dans les conditions actuelles. Il en avait déjà parlé dans son livre, mais trop vaguement. Schmitz, à la veille de sa mort, était devenu un ingénieur agronome expérimenté, fort d'un double savoir: il connaissait l'arrière-plan idéologique du rêve néo-paysan des ligues de jeunesse et il connaissait les paramètres scientifiques et écologiques de l'agriculture. Cependant, les projets écologiques du Land de Hesse ne lui convenaient pas. Il décida, avec la complicité d'un entrepreneur privé, de travailler dans un projet de recyclage que quelques communes voulaient lancer en guise d'alternative au système dit du “point vert”.
Avant que Peter Schmitz n'ait pu se donner entièrement à ce projet nouveau, un accident d'auto met fin à ses jours, au printemps 1995. Anne lui donne une fille quelques mois plus tard.
Son livre sur les Artamanen est devenu un véritable manuel pour comprendre toutes les questions relatives à cette colonisation agricole intérieure, telle que l'a pratiquée le mouvement de jeunesse allemand. Voilà pourquoi Peter Schmitz restera vivant dans le souvenir de ses amis et camarades, de tous ceux qui ont le bonheur et l'honneur de le connaître.
Beate-Sophie GRUNSKE.
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samedi, 06 septembre 2008
La lezione di K. Haushofer e la discreta presenza di G. Tucci nel dibattito geopolitico
Giuseppe Tucci
LA LEZIONE DI KARL HAUSHOFER E LA DISCRETA PRESENZA DI GIUSEPPE TUCCI NEL DIBATTITO GEOPOLITICO DEGLI ANNI TRENTA
di Tiberio Graziani
Karl Haushofer, Italia, Germania, Giappone, a cura di Carlo Terracciano, Edizioni all'Insegna del Veltro, Parma 2004; pag. 34 + tavola illustrata a colori, Euro 5
Con la pubblicazione del testo di una conferenza del geopolitico tedesco Karl Haushofer1, dedicata alle affinità culturali tra l’Italia, la Germania e il Giappone, viene inaugurata, a cura delle Edizioni all’insegna del Veltro, la collana “Quaderni di Geopolitica”.
La conferenza “Analogie di sviluppo politico e culturale in Italia, Germania e Giappone“ venne tenuta dal professore tedesco, su invito del grande orientalista e tibetologo italiano Giuseppe Tucci2, il 12 marzo 1937, a Roma, presso l’Istituto per il Medio ed Estremo Oriente (ISMEO) 3.
Essa si inserisce, storicamente, come peraltro puntualmente evidenziato dal curatore del Quaderno, Carlo Terracciano, nel contesto delle attività culturali volte a informare e sensibilizzare l’intellighenzia italiana sulle opportunità e necessità, nonché problematicità, sottese all’accordo politico-militare relativo all’asse Roma-Berlino, siglato tra Italia e Germania il 24 ottobre 1936, e a quello antikomintern firmato, nello stesso periodo, tra Germania e Giappone. Ma testimonia soprattutto un aspetto, ancora poco esplorato dagli storici della cultura e della politica estera italiana, quello delle attività dell’ISMEO, ed in particolare del suo fondatore e vicepresidente, Giuseppe Tucci - originale ed inascoltato assertore dell’unità geopolitica dell’Eurasia4 - orientate alla promozione di una visione culturale, geopoliticamente fondante, dei rapporti tra l’Europa e il continente asiatico.
Un’impostazione, quella del Tucci, che si contraddistingue per essere non solo puramente culturale, accademica e, occasionalmente, di supporto alla nuova politica dell’appena nato impero italiano, ma per operare una sorta di svecchiamento, sia in ambito culturale che politico, dell’ancora persistente mentalità piccolo nazionalista sabauda che, nel solco della prassi colonialista italiana dei primi del Novecento, tentava di condizionare il nuovo corso impresso dal governo di Mussolini alla politica estera. A questo riguardo è utile riportare l’acuta osservazione di Alessandro Grossato che, sulla base di una lunga e profonda consuetudine con l’opera di G. Tucci, ritiene il fondatore dell’ISMEO un vero e proprio eurasiatista ed afferma che l’espressione “Eurasia, un continente” veniva intesa dall’orientalista marchigiano in un’accezione “soprattutto culturale, volendo [con essa] sottolineare le grandi identità di fondo fra civiltà solo in apparenza così distanti nello spazio e nella mentalità”5.
Il convincimento di Tucci sulla culturale identità di fondo delle civiltà eurasiane suppone un’adesione, da parte dello studioso italiano, a quel sistema di pensiero che interpreta le singole culture quali autonome ed autoconsistenti manifestazioni storiche di un unico sapere primordiale e ad esso le riconduce al fine di coglierne gli aspetti autenticamente fondativi. Il ricondurre le varie espressioni culturali ad un’unica tradizione primordiale si traduce, sul piano della ricerca storica e dell’analisi geopolitica, in un procedimento comparativo, che Haushofer, (inconsapevolmente e) magistralmente, adotta e utilizza in questa breve conferenza dedicata a individuare le analogie tra l’Italia, la Germania e il Giappone. Haushofer, pur basandosi su criteri oggettivi e “scientifici”, quali sono quelli della geopolitica, sorprendentemente6, perviene agli stessi risultati cui sembra essere giunto Tucci. Il geopolitico tedesco, infatti, nella sintetica e veloce conclusione di questa conferenza, si augura che “Possa questo modo di vedere i popoli [l’essersi cioè egli adoperato, nella sua prolusione, a porre in piena luce le armonie e le analogie che possono facilitare la comprensione reciproca dei grandi popoli tedesco, italiano e giapponese] superare qualunque tempesta d’odio di razza e di classe, soprattutto tra i sostegni del futuro.”
Certo, chi è abituato a sentir parlare di Haushofer come un rappresentante del cieco e rozzo pangermanesimo, o del cosiddetto imperialismo germanico, rimarrà stupito nel leggere questa frase appena citata.
Sarà proprio il fallimento della naturale alleanza eurasiatica, preconizzata negli anni Trenta dagli Haushofer, dai Tucci e dai Konoe7, a far precipitare i popoli e le nazioni dell’intero globo in una tempesta di cui ancora, dopo oltre sessanta anni, non si intravede la fine e che, anzi, è continuamente alimentata dall’odierna politica neocolonialista dei governi di Washington e Londra e dai propagandisti dello scontro di civiltà.
Il procedimento comparativo adottato da Haushofer lungi dall’appiattire le differenze tra i popoli presi in considerazione e dallo svilirne le appartenenze etniche, in virtù della generica appartenenza al genere umano e secondo la triste e riduttiva visione individualista, valorizza armonicamente, al contrario, le affinità e le differenze, e le riconduce ad un’analoga condivisione, pur con sensibilità diverse, di valori che potremmo definire ad un tempo etici ed estetici, cioè “nobili”. Essi si esprimono, nella visione haushoferiana, sia per il Giappone, sia per la Germania, l’Italia e la Russia in una loro precisa funzione geopolitica, quella di concorrere all’unificazione della massa continentale e di difenderne pertanto il limes, al fine di poter sviluppare armonicamente le potenzialità delle popolazioni che vi abitano. Si contrappongono dunque alle “invasioni” degli uomini del mare, del commercio, della morale individualistica, del lusso e del consumo, ai predatori delle risorse naturali.
Il testo di Haushofer si contraddistingue per la sua chiarezza e semplicità, ed in questo senso rappresenta un documento didattico di rilevante importanza per gli studiosi di geopolitica. Da scienziato della geopolitica, egli evidenzia gli elementi geografici che hanno influito sulla storia e sulla politica dei tre popoli in esame, soffermandosi brevemente sulla analoga formazione delle cellule regionali avvenuta in Germania e in Giappone, e sulla fondazione di Roma, Berlino e Tokyo, città fondate originariamente sul confine nordest delle loro regioni, e “debitrici di una parte del loro splendore alla circostanza che la loro posizione di margine, in origine coloniale, si rivelò più tardi favorevolissima agli scambi ed ebbe funzione di ponte. Il flavus Tiberis, l’originaria valle di congiunzione dell’Oder coll’Elba, e il Kwanto col ponte Nihon provvedono alle città rispettive una posizione similmente favorevole e sono loro debitrici di analoga protezione.” Ma accanto ai dettami del determinismo geopolitico, Haushofer sottolinea le affinità culturali tra Italia, Germania e Giappone, che nota soprattutto nel “ghibellin fuggiasco” Dante Alighieri, araldo dell’idea imperiale, in Chikafusa8, un altro grande fuggiasco nonché impareggiabile autore del Jinnoshiki, e nei Minnesaenger tedeschi “fedeli all’Imperatore e al popolo”. Altre affinità colte da Haushofer sono quella tra lo spirito della Cavalleria occidentale e il Bushido giapponese e quella dei comportamenti tra coloro che egli chiama gli eroi fondatori del risorgimento nazionale: Ota Nobunaga, Sickingen-Wallestein, Cesare Borgia.
Haushofer sostiene che si possa parlare anche per il Giappone, come per l’Italia e la Germania di un periodo romanico, gotico, rinascimentale, barocco, di un rococò, di un romanticismo e financo di uno stile impero.
Un termine che ricorre spesso negli scritti Haushofer è quello di “destino”. E’ forse nel sintagma “destino comune” che si esprimono più compiutamente le affinità di popoli (apparentemente) tanto diversi sul piano culturale e etnicamente differenti su quello fisico. La coscienza di un destino comune dei popoli e delle nazioni che vivono nel “paesaggio” eurasiatico è la sola arma che abbiamo per sconfiggere la civilizzazione occidentalistica e talassocratica dei predoni del XXI secolo.
1) Karl Haushofer (Monaco, 27 agosto 1869 – Berlino, 10 marzo 1946), fondatore della rivista Zeitschrift für Geopolitik ed autore di numerose opere di geopolitica, fu assertore dell’unità geopolitica della massa continentale eurasiatica. Demonizzato come ideologo del cosiddetto espansionismo hitleriano, fu invece autenticamente antimperialista. Secondo lo studioso belga Robert Steuckers, “la geopolitica di Haushofer era essenzialmente anti-imperialista, nel senso che essa si opponeva agli intrighi di dominio delle potenze talassocratiche anglosassoni. Queste ultime impedivano l’armonioso sviluppo dei popoli da loro sottomessi e dividevano inutilmente i continenti”. In traduzione italiana è disponibile l’opera di Haushofer Il Giappone costruisce il suo impero, a cura di Carlo Terracciano, Edizioni all’insegna del Veltro, Parma, 1999.
2) Giuseppe Tucci (Macerata, 5 giugno 1894 - San Polo dei Cavalieri (Tivoli), 5 aprile 1984) ritenuto il più grande orientalista italiano del Novecento, e fra i massimi tibetologi a livello internazionale, nel 1930 diviene docente di lingua e letteratura cinese all'Università di Napoli, e nel 1932 insegna religione e filosofia dell'Estremo Oriente all'Ateneo di Roma. Nel 1933 fonda l'Istituto italiano per il Medio ed Estremo Oriente. “L'attenzione rivolta anche agli aspetti politico-economici è documentata, oltre che dalle numerose pubblicazioni dell'Istituto come i periodici Bollettino dell'Istituto italiano per il Medio ed Estremo Oriente (1935) e Asiatica (1936-1943), dallo specifico interesse di Tucci per la geopolitica dell'Asia in un periodo cruciale della sua storia, e dalla sua amicizia personale con Karl Haushofer, che invita a tenere importanti conferenze su questa materia. Tucci concentra i suoi viaggi di ricerca nella vasta regione himalayana, quale naturale crocevia storico fra tutte le diverse culture dell'Asia, raccogliendo sistematicamente materiale archeologico, artistico, letterario, di documentazione storica e altro. Risultati eccezionali vengono così ottenuti dalle sue lunghe spedizioni in Tibet fra il 1929 e il 1948, anno in cui l'Is.M.E.O. riprende in pieno la sua attività postbellica sotto la sua diretta presidenza, destinata a durare fino al 1978. Tra il 1950 e il 1955 egli organizza nuove spedizioni in Nepal, seguite dalle campagne archeologiche in Pakistan ('56), in Afghanistan nel ('57) ed in Iran ('59). Sempre nel 1950 avvia il prestigioso periodico in lingua inglese East and West, e nel 1957 fonda il Museo Nazionale di Arte Orientale di Roma. Tra i suoi numerosi ed importanti scritti ricorderemo solamente, sia i sette volumi di Indo-tibetica (Accademia d'Italia, 1932-1942) che i due di Tibetan Painted Scrolls (Libreria dello Stato, 1949) per la loro ampiezza documentaria, e la Storia della filosofia indiana (Laterza, 1957) per la sua portata innovativa, specie per quanto riguarda la logica indiana. Ma Giuseppe Tucci ci ha soprattutto trasmesso la sua appassionata ed intelligente dimostrazione dell'unità culturale dell'Eurasia, e una lucida consapevolezza del fatto che, giunti come siamo ad un capolinea della storia, essa dovrà tradursi anche in un'effettiva unità geopolitica.” (Alessandro Grossato, Giuseppe Tucci in http://www.ideazione.com/settimanale/78-20-12-2002/78tucc...).
3) L’Istituto per il Medio ed Estremo Oriente venne fondato nel 1933 su iniziativa del tibetologo Giuseppe Tucci e di Giovanni Gentile, che ne assunsero rispettivamente la vicepresidenza e la presidenza, con lo scopo di “promuovere e sviluppare i rapporti culturali fra l'Italia e i paesi dell'Asia Centrale, Meridionale ed Orientale ed altresì di attendere all'esame dei problemi economici interessanti i Paesi medesimi”.
Nel 1995 l’Ismeo è stato accorpato all’Istituto Italo Africano (IIA) dando origine all’Istituto Italiano per l’Africa e l’Oriente (IsIAO), che ne ha raccolto l’eredità e gli scopi culturali nonché la prestigiosa biblioteca.
4) Confronta Alessandro Grossato, Il libro dei simboli. Metamorfosi dell’umano tra Oriente e Occidente Mondatori, 1999.
5) A. Grossato, op. cit. p.10
6) Haushofer venne invitato dall’ISMEO per una seconda conferenza, che si tenne il 6 marzo 1941. Il testo della conferenza “Lo sviluppo dell’ideale imperiale nipponico” è, attualmente, in corso di stampa per le Edizioni all’insegna del Veltro.
7) “Il leader degli Eurasiani giapponesi era il principe Konoe, uno dei politici più in vista del Giappone d’anteguerra, primo ministro dal 1937 al 1939 e dal 1940 al 1941; ministro di Stato nel 1939; membro di gabinetto nel 1945 del principe Hikasikuni (gabinetto che firmò la capitolazione e fu, pressoché interamente, arrestato dagli Americani). Konoe era sostenitore della maggiore integrazione possibile con la Cina, dell’unione con la Germania ed era un risoluto avversario della guerra contro l’Unione Sovietica (il patto di non aggressione fu firmato quando egli era primo ministro). Konoe odiava gli Americani e si suicidò nell’autunno del 1945 alla vigilia del suo arresto. Ancora oggi, egli gode di una grande notorietà in Giappone e la sua personalità suscita sempre rispetto.” (da una lettera del nippologo russo Vassili Molodiakov al geopolitico e filosofo Alexander Dughin, pubblicata in Elementy, n.3 - http://www.asslimes.com/documenti/mondialismo/giappone.htm).
8) Kitabatake Chikafusa (1293-1354), nell’opera classica (Jinnoshiki) del pensiero politico giapponese, fissava, in coerenza con la tradizione shintoista, i principi di legittimità della discendenza imperiale
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mardi, 02 septembre 2008
A. J. Langbehn: le prophète solitaire de la simplicité
August Julius Langbehn: le prophète solitaire de la simplicité
Hommage à l'Allemand qui aimait Rembrandt à l'occasion du 90ième anniversaire de sa mort
Dans les années 90 du siècle passé, la bourgeoisie cultivée allemande, la Bildungsbürgertum, a été saisie par un malaise culturel, qui s'était lentement insinué dans les esprits à partir de la fondation du IIième Reich et avait atteint son point culminant dans l'atmosphère “fin-de-siècle” vers 1900. Dans cette époque de désorientement culturel où l'on recherchait de nouvelles voies, un nouveau livre est paru avec un titre tout aussi prophétique que mystérieux: Rembrandt als Erzieher - Vom einen Deutschen (= Rembrandt comme éducateur. Par un Allemand). L'auteur restait en effet anonyme. Mais son livre deviendra vite l'un des plus gros succès de librairie du siècle. Edité pour la première fois en 1890, il connaîtra 43 éditions rien que dans les trois années suivantes.
L'auteur, August Julius Langbehn, est pratiquement tombé dans l'oubli aujourd'hui. Né en 1851 dans le Nord du Slesvig/Schleswig dans la famille d'un vice-recteur de Gymnasium, Langbehn sombra vite dans la détresse matérielle après la mort prématurée de son père, ce qui ne l'empêcha pas, à terme, de s'inscrire dans les universités de Kiel et de Munich dès 1869, où il termina des études de philologie et de science naturelle. Après un long voyage en Italie, il se tourna finalement vers l'archéologie des premiers âges de la Grèce antique. Il termine ces études en 1880 et rédige un mémoire. Pendant et après ses études, qui ont duré dix ans, Langbehn a vécu une existence nomade, instable et très précaire. Mais jamais il n'a exercé de profession parallèle; pendant longtemps, il n'a vécu que de petites publications ou des dons de quelques mécènes comme le peintre Wilhelm Leibl et Hans Thoma.
Le livre Rembrandt als Erzieher est le reflet de la conception que Langbehn se faisait de la vie. En plein milieu d'un siècle scientifique, perclus de positivisme et de modernité, d'un siècle qui voit émerger partout des mégapoles où croît démesurément l'importance de l'économie et du capital, Langbehn voulait annoncer et préfigurer une ère nouvelle placée sous l'enseigne de cet esprit prémoderne que fut l'idéalisme, un esprit qu'il espérait capable de propulser dans l'avenir le meilleur de la culture allemande. En écrivant ce livre, Langbehn était l'un des premiers en Allemagne à affirmer ouvertement, dans un langage clair, ce qu'une grande partie des bourgeois cultivés allemands ressentait confusément. Langbehn écrivait ainsi avec ses propres mots —et portés par d'autres intentions— ce qu'avant lui Nietzsche et Paul de Lagarde avaient exprimé dans leurs critiques de la culture européenne: à l'effondrement du système des valeurs qui avait dominé jusque là, il fallait répondre par un retour conscient aux valeurs spécifiques de son propre peuple. Pour Langbehn, outre le retour aux sources de la paysannerie allemande, il fallait aussi s'adonner totalement à l'art. Un art véritable, pensait-il, ne pouvait émerger et s'amplifier qu'au départ de cette force intacte du paysannat allemand, non encore appauvri dans ses instincts. C'est la raison pour laquelle les attaques critiques de Langbehn contre la culture dominante concernaient en première instance le scientisme. Par haine contre toutes les formes d'intellectualisme, il avait déchiré son propre diplôme de doctorat et l'avait renvoyé chez le doyen de l'université de Munich, afin d'être rayé de la liste des diplômés. A une culture trop savante et trop compilatoire, il opposait la simplicité comme “médicament pour les maux du présent”.
Bien que Langbehn se soit considéré comme un aristocrate, il était un défenseur véhément de la “communauté populaire” (Volksgemeinschaft). Très tôt, il souleva la question sociale et voulut dépasser les clivages entre classes. Peu sensible aux contradictions, il réclamait l'avènement d'un Ständestaat et un retour de l'aristocratie au pouvoir, de façon “à ce que chacun puisse conserver sa dignité à sa place et faire valoir sa personnalité”, et “se soumettre volontairement à ceux qui sont au-dessus de lui”.
Le catholicisme d'un éternel enfant
A juste titre, on a reproché à Langbehn d'avoir produit un mauvais livre à l'écriture trop pathétique, un livre illisible véhiculant dans ses idées beaucoup trop de contradictions: une “rhapsodie d'irrationalisme” (Fritz Stern). D'autres en revanche le nommaient un “visionnaire”, un “homme à la quête de Dieu” ou un “héraut dans le désert”. C'est un fait: pendant toute sa vie, Langbehn a cherché. Issu d'un foyer au protestantisme strict, il se convertit en 1900 au catholicisme, dans l'espoir d'y trouver l'“holicité originelle perdue”. A ce propos, il a dit: “J'ai toujours été enfant et c'est en tant qu'enfant que je me sens attiré par la nature maternelle de l'église catholique”. C'est justement parce que le nationalisme et l'idée grande-allemande chez Langbehn ont pris ultérieurement des formes plus catholiques et que sa critique de la culture dominante s'en ressentait, que les nationaux-socialistes ont pris leurs distances par rapport à son œuvre. Son ouvrage principal, Rembrandt als Erzieher, a encore connu une édition en 1943 —sans doute parce qu'il avait des connotations antisémites— mais depuis longtemps déjà la diffusion de ses ouvrages ne recevait plus aucun soutien.
Mais c'est essentiellement dans le mouvement de jeunesse que l'influence de Langbehn a duré le plus longtemps sans fléchir. Le fondateur du mouvement Wandervogel, Karl Fischer, le pédagogue et réformateur Ludwig Gurlitt, de même que Hans Blüher, étaient des disciples de Langbehn. Après la mort de Langbehn lors de son voyage à Rosenheim en 1907, il fut, selon ses vœux, enterré dans le village de Puch, près de Fürstenfeldbruck, sous un tilleul qui avait servi de toit à Sainte-Edigna au moyen-âge. Les garçons et les filles du mouvement de jeunesse ont fait de cette tombe un lieu de pélérinage. Ils voulaient honorer le “Rembrandtdeutscher” et se souvenir de lui.
Frank LISSON.
(texte paru dans Junge Freiheit, n°18/1997; trad. franç.: Robert Steuckers).
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dimanche, 31 août 2008
La "Mensur"
La Mensur
autore: Ella Loescher
categoria: --vario
inserito il: 2006-09-17
Grazie al gentile permesso dell'autrice, la Sig.na Ella Loescher, redattrice del sito Scherma Online, pubblichiamo il seguente excursus su una tradizione squisitamente germanica quale la "mensur", o per dirla all'italiana: "mensura".
Introduzione
La Mensur non è nè una disciplina sportiva nè un duello, tuttavia ha qualcosa in comune con entrambi: è un duello rituale in cui i due avversari devono rispettare una distanza fissa, cioè una misura, o Mensur, rimanendo fermi evitando il retrocedere vile; l'arma, la spada da Mensur, viene tenuta al di sopra della testa e puntata verso il viso dell'avversario.
I tagli vanno suturati senza uso di anestetico. Le parti del corpo minacciate, in particolare occhi, naso, orecchie, collo, insomma tutte le parti superiori del corpo sono protette da monocoli in ferro con un'appendice che protegge il naso, da gorgiere, bendaggi, corsetti, cinture di cuoio o di tela imbottita.
La Mensur pretende norme rigorose
Come in tutti gli sport da combattimento, non deve esistere nessuna antipatia o rivalità personale, anzi una certa fiducia nella relazione fra i contendenti è necessaria.
La Mensur non conosce vincitori o perdenti; più importante di una "vittoria" è la partecipazione diretta. La prestazione di ogni schermitore partecipante viene valutata indipendentemente dalla prestazione del suo avversario: è una dimostrazione di coraggio, di autocontrollo, di responsabilità, non di tecnica schermistica.
La Mensur è una lotta fra due di uomini, e si tratta solo di questo, in cui i partecipanti devono superare il timore di possibili ferite, che è l'obiettivo reale della Mensur.
Contrariamente al duello non si cerca di provocare una morte per avere "soddisfazione" in seguito a violazioni "dell'onore": tutto questo è giuridicamente vietato e molto lontano dal senso delle Mensuren che oggi possono essere combattute soltanto a condizione di escludere ferite serie o mortali.
Alcune critiche vedono una similarità della Mensur con un comportamento autolesionistico, ma mi viene ribattuto da uno studente universitario di una confraternita che la pratica, che nella Mensur non ci si ferisce da soli bensì è l'avversario che colpisce. Non capisco chi ci rimprovera. Diversamente da quella parte di uomini timorosa delle cure chirurgiche e con stati e relazioni emozionali inquietanti, noi impariamo a controllare la paura e a mantenere il pieno autocontrollo dei conflitti interiori, ad acquisire fiducia in noi stessi e nei compagni. Ci alleniamo praticamente tutti i giorni, per stimolare l'attitudine a batterci.
Lo scopo della Mensur è dunque sempre stato quello di essere un aiuto importante e doveroso per la formazione della personalità, poichè il partecipante deve prepararsi con cura e autodisciplina a battersi con le proprie forze; l'affrontare con calma una situazione pericolosa superando timori rafforza allo stesso tempo la coesione delle comunità.
A sostegno di questo, alcuni tenaci sostenitori della Mensur vorrebbero che i contendenti, per misurare maggiormente il proprio sangue freddo, non si conoscessero e non appartenessero alla stessa corporazione. Per altri la Mensur, ritornando al suo scopo, non dovrebbe avere una partecipazione volontaria, ma obbligatoria e più allargata.
Infine, qualcuno critica la tradizionale esclusione delle donne.
Sta di fatto che in Germania, pur non essendo un fattore determinante, l'aver praticato la Mensur giocava e pare possa ancora giocare a favore di un candidato alla dirigenza d'azienda.
L'inizio
Prima del 1514 il porto d'armi era un privilegio concesso soltanto ai soldati e all'aristocrazia; gli studenti, costretti a spostarsi spesso in viaggi d'istruzione da uno stato all'altro, da un'universitè all'altra, non avevano nessuno strumento per difendere la loro incolumità. In quell'anno, Massimiliano I d'Asburgo (imperatore del Sacro Romano Impero) concesse anche ad essi il porto d'armi, che rappresentava per l'epoca la carta d'identità di una elevata posizione sociale.
Le armi piè utilizzate inizialmente furono pugnali e "rapire" o daghe; successivamente si preferirono le armi spagnole e italiane, più maneggevoli. Il privilegio d'arma era legato strettamente ad un codice d'onore sociale: i signori pretendevano rispetto non soltanto dalle bande di ladri che incontravano lungo la via, ma esigevano che nessuno dubitasse del loro rango.
Presso gli studenti universitari dell'epoca andò formandosi via via la consapevolezza del loro stato sociale basata sull'uso di una propria lingua (il latino), su norme proprie di comportamento e sull'uso di abiti speciali di propri colori che portò a voler difendere la loro libertà di studio, la gioia di vivere e la difesa del loro mondo e dei cittadini.
Per gli studenti il porto d'armi e i duelli studenteschi di scherma diventarono presto un elemento indispensabile della vita universitaria.
Particolarmente brutali furono i duelli universitari che aumentavano selvaggiamente in tempi di guerra, specie nelle guerre di Riforma e nella guerra dei Trent'anni.
Numerosi furono i divieti delle università al "duello selvaggio" - ovviamente con scarso successo -: in ordine cronologico lo Statuto di Erfurt, la decisione del rettore di Heidelberger, l'Editto di Wittenberg sul duello, il Mandato sul duello di Jena.
Allora le autorità universitarie, inascoltate, provarono ad orientare il combattimento studentesco verso l'uso di regole con la speranza di ridurre, attraverso una migliore formazione, il numero dei feriti. Fu così che l'arte del combattere diventò nel corso del tempo una disciplina universitaria peculiare.
Accanto ai maestri di equitazione e di danza, molte università richiesero maestri di scherma: ad esempio, è documentata l'assunzione di maestri di scherma presso l'Università di Jena nel 1550, a Rostock nel 1560.
Danzare, cavalcare e duellare erano dunque esercitazioni universitarie precorritrici dello sport universitario attuale.
Nel frattempo alcuni maestri di scherma fondarono proprie associazioni sviluppando presto tecniche di combattimento comuni.
La necessità di regole
Nel suo autobiografico "Dichtung und Wahrheit", Johann Wolfgang Goethe descrive le sue lezioni di scherma prima a Francoforte e, dal settembre 1765, a Lipsia, dove si era spostato per dedicarsi allo studio del Diritto.
In un primo tempo lui e i suoi amici si esercitarono con armi di legno (bastoni); successivamente passarono alle armi d'acciaio munite di un guardamano "a canestro", e le lezioni si fecero più animate e divertenti. In seguito Goethe continuò a tirare di scherma ma non diventò mai un abile spadaccino.
Nuovo impulso verso una regolarizzazione del duello fu nel secolo XIX la codificazione di regole da parte delle università - un primo tentativo vero e proprio lo troviamo nel "Mandato sul duello" di Jena del 1684 - che stabilivano fra l'altro la necessità di una giusta causa, la presenza di secondi e arbitri e la condanna per crimine se le regole non venivano osservate.
Le dispute furono organizzate da delegati in luoghi convenuti e sempre piè disciplinate ottenendo, si sperava, una fermezza di carattere attraverso l'osservanza delle regole, considerata ben più importante del reale risultato schermistico.
Benchè il "duello selvaggio" fosse stato vietato severamente e disapprovato per i feriti e i morti che procurava, godette comunque di una certa accettazione sociale da parte di chi riteneva che uno studente potesse difendere con l'arma non soltanto la vita, ma anche il suo "onore".
Per quanto riguarda le armi da combattimento, gli studenti continuarono a utilizzare prevalentemente le "dagen" fino al XVIII secolo (anche se sono citati combattimenti con bastoni e fruste), che adottarono come elemento fisso dell'uniforme o dell'abito una volta divenuti persone autorevoli.
Circa i vari nomi attribuiti alle armi, in documenti fra cui uno statuto universitario, si trovano riferimenti riguardanti rispettivamente "Galanteriedegen" e "gladius consuetus".
Il termine "Raufdegen" venne utilizzato spontaneamente per indicare l'arma appuntita degli studenti facili alla "Rauferei", allo scontro, qui chiamato anche "duello selvaggio".
La facilità e la continuità con cui avvenivano questi scontri portarono man mano alla creazione di armi apposite con guardia ampia e lame più corte, aguzze, triangolari e prive di affilatura il cui obiettivo era infilzare l'avversario. Modifiche successive, che variavano in base alle aree geografiche, portarono all'uso generalizzato di un'arma corta con la guardia "a canestro" di dimensioni assai ridotte quindi poco protettiva, la punta smussata per evitare facili perforazioni e la lama affilatissima.
Furono questi i cambiamenti che portarono allo sviluppo delle "Mensurwaffen", armi da Mensur.
Nel frattempo, per impedire il dilagare del "duello selvaggio" fra studenti, nelle città degli stati tedeschi e dell'Impero Austro-ungarico venne vietato il porto d'armi, la cui concessione rimase invariata solo nel caso di viaggi extraurbani.
Tali innovazioni portarono a stabilire norme di comportamento (Komment) riservate agli studenti universitari delle varie confraternite locali.
Queste nuove leggi scritte per gli studenti delle rispettive università furono una prima forma di regolamento amministrativo studentesco.
L'evoluzione
All'inizio del XIX secolo, le università tedesche adottarono un codice di comportamento con priorità diverse di regione in regione.
Nella stesura venne considerato tra l'altro che...
malgrado fra gli studenti di teologia questi scontri godessero di grande popolarità, era sentita l'esigenza di rendere le cicatrici meno visibili per non rischiare la fine della carriera universitaria.
Ci si sofferma a riflettere sull'elevato pericolo di vita causato dalla Mensur; gli ultimi decessi avvennero a Jena e a Monaco negli anni 1840, l'ultimo scontro mortale fu nel 1860.
A Tèbingen, nel 1831, la Mensur era considerata una rappresentazione romantica tipica dell'epoca Biedermeier, tutta sentimentalismi e arcadiche situazioni rusticane.
I regolamenti erano differenti, tuttavia simili nei punti importanti come al giorno d'oggi, da università ad università.
Ecco alcuni esempi:
uno scontro durava anche dodici riprese;
uno scontro poteva concludersi in un quarto d'ora;
con un colpo inferto, lo scontro poteva essere interrotto;
un colpo andava a segno anche se la lama segnava soltanto gli abiti;
il piede posteriore doveva restare fermo;
lo scontro finiva per scadenza del termine, perchè si indietreggiava per paura, per ferimento con perdita di sangue;
la ferita doveva avere una certa dimensione;
ci si poteva servire di protezioni: un cappello simile al tipico copricapo universitario che, per gli studenti di teologia, era munito di un'ampia visiera più in là sostituito da occhiali senza lenti;
una sciarpa per salvare il collo e la carotide;
un guanto di cuoio (l'altra mano era fissata dietro i pantaloni), una fascia di seta per proteggere il braccio.
L'appartenenza a confraternite studentesche non era determinante per combattere.
Alcuni studenti lasciarono l'università senza mostrare un solo segno provocato da armi aguzze, perfettamente in linea col modo generale di pensare dell'epoca che poneva la rispettabilità al centro.
Tuttavia, relazioni contemporanee a quel periodo dicono che gli schermitori che raggiunsero l'obiettivo della Mensur ottennero un buon ritorno d'immagine non soltanto negli ambienti di studenti, ma anche in altre parti della popolazione.
Il Pastore Franz O. Goettinger parlò di atteggiamento nobile degli studenti che salvaguardavano la loro parola d'onore; del resto, era proprio la difesa dell'onore come segno esteriore del valore individuale che ci si aspettava da essi, secondo lo spirito del tempo.
Ancora oggi una valutazione della Mensur non riguarda solo gli aspetti tecnici come la qualità e la complessità dei colpi, ma giudica la consistenza di valori come l'onore e l'amicizia e caratteristiche individuali quali la personalità e il carattere. Un'eliminazione dovuta, per esempio, al solo ritrarsi istintivo del capo, è temuta ancora oggi più di una ferita fisica. Per riacquistare nuovamente credito lo schermitore "pusillanime" deve affrontare nuove Mensur. Nei casi più gravi di "vigliaccheria" viene ancora oggi radiato dalla Corporazione.
Tuttora sono due le forme di Mensur che prevalgono: quella tra due privati in cui le regole vengono stabilite attraverso un contratto personale; quella tra più confraternite, in cui le regole vengono stabilite dai delegati e dove i migliori combattono per tutti.
Ad esempio, l'immagine qui a fianco rappresenta una Mensur nei dintorni di Tubinga intorno al 1831, in cui i contendenti usano armi con il guardamano "a canestro".
Dal nazismo ad oggi
Si potrebbe pensare che chiunque praticasse la Mensur fosse attratto dall'ideologia di Hitler: no.
I nazisti, d'altra parte, non tolleravano le associazioni ben strutturate, quindi anche le confraternite studentesche erano combattute come possibili forze nemiche. Alcune di esse si adattarono ben presto alle regole imposte dal regime, una parte invece volle mantenere una posizione autonoma e intransigente, che portò ben presto ad accese rivalità fra gli studenti.
L'irremovibilitè dei "puristi" della Mensur che volevano mantenere la propria indipendenza dal nazismo li portò però all'isolamento.
Nel frattempo Hitler decretò che i tedeschi dovevano saper combattere per salvaguardare il proprio onore; a tutti gli studenti nazionalsocialisti tedeschi fu vietato praticare la Mensur e fu reso obbligatorio l'apprendimento della scherma; ben presto fiorirono circoli che la insegnavano, le Mensurwaffen furono escluse.
In quel clima, chi continuò a praticare la Mensur lo fece segretamente e con un gesto di sfida, accrescendone talora il fascino.
Dopo la Seconda Guerra Mondiale il combattimento della Mensur si è mantenuto segreto senza regole giuridiche.
Nel 1951, alcune requisizioni di armi da Mensur a due corporazioni studentesche di Goettingen da parte della polizia locale, hanno portato all'istituzione di un processo.
Il 19 dicembre dello stesso anno il Tribunale di Goettingen ha dichiarato che la Mensur non è un duello con armi mortali e che inferire una lesione corporale col consenso delle due parti come nella Mensur non è punibile e non è immorale.
La Corte Federale di Giustizia ha confermato il giudizio il 29 gennaio 1953 (Goettinger Mensurenprozess).
Per evitare l'incriminazione è dunque chiaro che:
- non bisogna combattere una Mensur per difendere l'onore
- si devono osservare regole e protezioni che escludano ferite mortali.
La situazione giuridica della Mensur è resa sorprendentemente simile ad altri sport da combattimento!
Nel 1954 il Tribunale Amministrativo di Hannover ha riportato l'attenzione sulla Mensur in seguito alla denuncia di due corporazioni studentesche (Corps Hannoverania Hannovre, Corps Teutonia Berlino): ad uno studente che si era dichiarato favorevole alla Mensur era stata rifiutata l'iscrizione alla Libera Università di Berlino. Questa decisione è stata revocata il 24 ottobre 1958 dal Tribunale Amministrativo Federale (BVerwGE 7/287).
La motivazione di salvaguardare il proprio onore sfidandosi alla Mensur non è più considerata valida dal 8 aprile 1953, quando i rappresentanti di alcune corporazioni studentesche (Kèsener Senioren-Convents-Verband, Weinheimer Senioren-Convent, Deutsche Burschenschaft e Coburger Convent) hanno promesso formalmente davanti all'allora Presidente della Repubblica Theodor Heuss che la natura del duello studentesco apparteneva definitivamente al passato.
L'ultima crisi della Mensur ha avuto il suo apice nel 1968, anche se i prodromi si erano avvertiti fin dai primi anni sessanta. In quegli anni di rinnovamenti sociali e culturali, le tradizioni avevano poco peso e così anche nella Mensur si è avvertita la necessità di qualche cambiamento. Nelle confraternite il combattimento è diventato facoltativo, le protezioni si sono parzialmente rinnovate ed estese talora anche alla mandibola inferiore.
Negli anni settanta alcune confraternite che volevano eliminare completamente il combattimento studentesco si sono sciolte, ma dagli anni ottanta si assiste ad un incremento d'interesse verso di esso, tanto che nel 2005 le confraternite che rendono la Mensur obbligatoria sono numericamente stabili.
Ella Loescher
http://blog.schermaonline.com/kasher/
schermaonline@libero.it
articolo originariamente pubblicato su www.schermaonline.com
Bibliografia:
Martin Biastoch, Duell und Mensur im Kaiserreich, SH-Verlag, Vierow 1995
Egon Eis, Duell, Geschichte und Geschichten des Zweikampfs, K. Desch Verlag, Mènchen 1971
Michael Gierens S.J., Ehre, Duell und Mensur, Darstellung und Begrèndung der christlich-ethischen Anschauungen èber Ehre und Ehrenschutz, Duell und Mensur auf Grund einer Synthese historischer, biblischer, juristischer, kanonistischer und philosophischer Erkenntnisse, Akademischen Bonifatius-Einigung, Congregazione curatrice della vita religiosa dello studente cattolico, Paderborn 1928
Jonathan Green, Armed and Courtegous, Financial Times magazine, 3. Januar 2004
Links
http://www.swordhistory.com
http://www.prager-arminia.de
http://www.die-corps.de
http://www.slesvigia-niedersachsen.de
http://www.jonathan-green.com
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jeudi, 28 août 2008
Brève note sur Heimito von Doderer
Brève note sur Heimito von Doderer
Né le 5 septembre 1896, sous le nom de Franz Carl Heimito, Chevalier von Doderer, à Hadersdorf-Weidlingau et mort à Vienne le 23 décembre 1966, Heimito von Doderer fut un écrivain autrichien, fils d'un architecte et entrepreneur de travaux de construction. Il a servi comme aspirant dans un régiment de dragons pendant la première guerre mondiale. Il a été prisonnier pendant quatre ans en Russie [ndt: plus exactement, en Sibérie]. En 1920, il revient en Autriche, où il étudie l'histoire à Vienne, notamment sous la férule du Chevalier Heinrich von Srbik [ndt: et obtient son diplôme en 1925]. Sous la forte influence d'Albert Paris Gütersloh, il tente de s'initier au difficile métier d'écrivain. Il a commencé, ainsi, mais sans grand succès, par publier des poèmes, de brèves nouvelles et des romans. En 1933, il adhère à la NSDAP, qui est interdite en Autriche à l'époque, mais la quitte en 1938. Cette année-là, il accède enfin à une plus vaste notoriété grâce au roman Ein Mord den jeder begeht. En 1940, après sa conversion, il est accepté au sein de l'Eglise catholique. Pendant la seconde guerre mondiale, il sert en tant qu'officier de la force aérienne. Finalement, il acquiert la gloire par la publication de deux grands romans à thématique sociale, Die Strudlhofstiege (1951) et Die Dämonen (1956).
La prose de Doderer se caractérise par une langue imagée, totalement inédite. Une série de motifs revient sans cesse dans son écriture, dont une critique systématique du progrès technique et de la civilisation moderne des grandes métropoles; Doderer rejette aussi tous les linéaments de l'ère des masses, qui empêchent, dit-il, le déploiement optimal de l'individualité personnelle. Il écrit, à ce propos: «Celui qui appartient aux "masses", a d'ores et déjà perdu la liberté et peut s'installer où il veut».
Une adhésion à la plénitude complète du réel
[ndt: Le style littéraire de Doderer est largement influencé par Marcel Proust et Robert Musil, dans la mesure où, tout entier, il part, lui aussi, à la "recherche du temps perdu"; chez lui, cette recherche vise à retrouver les innombrables fractions de bonheur de l'Autriche-Hongrie d'avant 1914, en replongeant dans l'histoire sociale des hommes et des familles. Pour Doderer, le chaos de la société moderne exprime la crise de l'universalité, raison pour laquelle la tâche de l'écrivain doit être d'esquisser une nouvelle universalité, qui n'est évidemment pas un universalisme idéologique à côté d'autres universalismes idéologiques, mais une adhésion à la plénitude complète du réel, comme on l'éprouvait généralement sans détours dans l'ancien empire danubien austro-hongrois. L'homme universel n'est pas un modèle abstrait, taillé sur mesure une fois pour toutes, mais un être qui se manifeste sous des "variations multiples". En revanche, plongé dans le carcan étroit d'une "réalité seconde", faite de restrictions mutilantes de nature idéologique, il perd et son universalité et ses variations pour n'être plus qu'un instrument au service des pires barbaries politisées de l'histoire. Heimito von Doderer dénonce l'idiotie immanente de toutes les positions doctrinaires, quelles qu'elles soient. En cela, Doderer est disciple de Hoffmansthal, qui disait: «L'idiotie, comme l'indique l'étymologie de ce mot étranger, n'est rien d'autre que l'auto-limitation de l'homme par lui-même». Une telle posture implique de revaloriser les communautés humaines, avec leurs échelles variables de formes sociales et de classes, contre l'uniformité grise des sociétés totalitaires, plaide simultanément pour une restauration des qualités humaines contre les affres de la quantité (Musil, Guénon). Universalité, variété et qualité impliquent de ce fait de respecter et de conserver le jeu des interpénétrations créatrices entre les éléments contradictoires du réel prolixe pour unir l'esprit conservateur et l'esprit émancipateur dans une quête permanente de la "totalité" (Ganzheit) ou, comme on le dit plus justement aujourd'hui en philosophie, l'"holicité" - RS].
Dans les ouvrages de Doderer, nous trouvons donc trois concepts centraux, présentés sous des facettes diverses: celui d'"aperception" (Apperzeption), celui de "seconde réalité" (zweite Wirklichkeit) et celui du "devenir-homme" (Menschwerdung). Celui qui refuse de percevoir la réalité (telle qu'elle est), c'est-à-dire la réalité première, dit Doderer, fait éclore en lui, justement par ce refus de l'aperception, une seconde réalité, sous la forme d'une représentation fixiste (fixe Vorstellung) ou d'une idée-corset ou idée-cangue (Zwangsidee), ce qui correspond à une image du donné viciée par l'idéologie. Doderer considère que l'Etat totalitaire constitue une "seconde réalité" de ce type, de même que ces volontés révolutionnaires et fébriles de vouloir tout changer, que le primat accordé névrotiquement à la politique, que les complexes d'ordre sexuel, que les névroses et que l'attachement forcené à certains systèmes et ordres.
La vie telle qu'elle est
Une bonne partie des personnages de l'univers romanesque de Doderer sont en lutte contre les formes de "seconde réalité". Les dépasser n'est possible que par un processus de "devenir-homme", soit par le fait que l'homme revient ainsi à sa véritable destination, en s'ouvrant, de manière inconditionnelle, à la première réalité, la seule vraie, qui, pour Doderer, est la vie civile naturelle, sans fard et sans excitations artificielles. Dans ce contexte, Doderer se réclame "de la vie telle qu'elle est" et nous enjoint de l'accepter. Il faut dès lors se détourner des fixismes idéologiques —qu'il désigne comme les "hémorroïdes de l'esprit"— des convictions et des idéaux qui sont soi-disant sublimes, pour s'adonner à l'aperception pleine et entière du réel. Cette aperception est essentiellement conservante —ici, Doderer articule clairement sa position— car celui qui adopte cette position ne souhaite pas voir modifier ce qu'il aime réceptionner par "aperception" et se trouve autour de lui. Raison pour laquelle Doderer dit: «L'attitude fondamentale de l'homme apercevant est conservatrice».
Dr. Ulrich E. ZELLENBERG.
(extrait de "Lexikon des Konservatismus" - Caspar v. Schrenck-Notzing /Hrsg. - Leopold Stocker Verlag, Graz, 1996 - ISBN 3-7020-0760-1; trad. franç.: Robert Steuckers).
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dimanche, 24 août 2008
Société "Thulé": mythe, légende et réalité
La société Thule: légende, mythe et réalité
Il n'y a pas une organisation qui a autant fait spéculer et autant alimenter les imaginations fertiles que la “Thule-Gesellschaft”. Selon leur provenance politique ou idéologique, les auteurs, qui en traitent, disent tantôt qu'elle est un ordre occulte, une secte, tantôt qu'elle a été l'avant-garde intellectuelle, voire le moteur secret qui téléguidait en coulisses la marche en avant de la NSDAP hitlérienne. La littérature consacrée à cette organisation est désormais assez importante, mais, malgré cette ampleur relative, on peut dire que le mystère et/ou le flou qui entourent cette organisation défunte n'ont pas été dissipés. Les affects des auteurs (favorables ou défavorables) oblitèrent encore et toujours la recherche sur cette question et empêchent tout jugement serein.
Detlev Rose, auteur du livre Legende, Mythos und Wirklichkeit der Thule-Gesellschaft, peut revendiquer, pour lui-même, d'avoir enfin comblé, de manière convaincante, une lacune dans l'historiographie contemporaine relative à ces questions. Son écriture est analytique et précise, ses jugements sur les faits sont prudents, on ne peut pas lui reprocher de prendre parti ou de fantasmer.
Pour ce que l'on allait appeler plus tard la “Société Thule”, un homme revêt une importance capitale: Theodor Fritsch, que l'on décrit généralement comme “le principal antisémite allemand avant Hitler”. Il fait irruption sur la scène politico-intellectuelle de son pays à une époque que Detlev Rose décrit comme “le début d'un tournant stratégique définitif” pour le mouvement nationaliste et folciste (völkisch) en Allemagne. Concrètement, Rose désigne l'année 1912, où les sociaux-démocrates deviennent la faction la plus forte du Reichstag et où les premiers symptômes d'une grave crise internationale pointent à l'horizon. Cette époque est celle où l'Allemagne se sent menacée et encerclée par les puissances voisines.
“Un puissant mouvement extra-parlementaire”
Cette constellation crée un climat propice à l'éclosion de toutes sortes de théories du complot, qui ont dès lors connu une haute conjoncture. Du point de vue folciste (völkisch), ce sont surtout les francs-maçons et les juifs qui auraient soi-disant comploté contre l'Allemagne. Fritsch, dans ce contexte, était un élément moteur de l'antisémitisme. Son objectif était d'établir l'antisémitisme comme “un puissant mouvement extra-parlementaire”. Il voulait réformer la société allemande en se basant sur les données raciales. Concrètement, cela signifiait que les Juifs ne pouvaient plus avoir de place dans la vie publique allemande. La pensée de Fritsch était influencée par les théories biologiques sur les races, notamment celles que propageait le philosophe Houston Stewart Chamberlain.
Logique avec lui-même, Fritsch a tenté de rassembler en un seul mouvement tous les activistes antisémites. Ce projet, le maître ès-étalonnage Hermann Pohl de Magdebourg le réalisera. L'objectif principal du programme du Germanen-Orde (L'Ordre des Germains), qu'il avait fondé, était de surveiller et de combattre les Juifs en Allemagne. Seules des “natures germaniques” pouvaient être acceptées comme membres au sein de cet Ordre, c'est-à-dire des hommes et des femmes que la nature avait pourvu d'yeux bleus et de cheveux blonds. La situation de l'Ordre est vite devenue problématique pendant la première guerre mondiale, lorsque la moitié des membres sont mobilisés et envoyés à la guerre. L'Ordre a connu dès 1914 de sérieuses difficultés financières. Le Grand-Maître Pohl, vu cette situation financière déplorable, subit des critiques de plus en plus sévères et finit par être démis de ses fonctions.
Glauer, alias “Sebottendorf”
Pohl réagit à cette exclusion en provoquant une scission dans l'Ordre. A cette époque, survient un homme qui se fera un nom en tant que président et fondateur de la Société Thule: Rudolf von Sebottendorf, né Adam Glauer (1875-1945). La place nous manque, dans le cadre de ce bref article, pour évoquer toutes les vicissitudes de la vie mouvementée de cet homme. En résumé: Sebottendorf se met à déployer un zèle étonnant dans ses activités au bénéfice de l'aile demeurée fidèle à Pohl dans le Germanen-Orde. Cette aile acquiert dès lors une importance sans cesse croissante.
A la fin de la première guerre mondiale, la situation devient critique: la révolution spartakiste provoque une hémorragie de membres. Dans cette situation, Sebottendorf décide, pour des raisons de camouflage, de prendre le nom de “Société Thule”. L'emblème de cette “nouvelle” société est une croix gammée aux branches arrondies avec épée.
Pour l'extérieur, on essayait de donner l'impression que la société existait uniquement pour favoriser des recherches scientifiques sur l'histoire allemande et pour promouvoir de toutes manières jugées opportunes le peuple allemand (la race germanique) en tant que tel. En réalité, cette Société Thule se concevait comme le fer de lance d'une contre-révolution, qui, aux yeux de ses membres, s'avérait nécessaire, car la situation sociale et politique, dans l'Allemagne vaincue de 1918 et 1919, s'éloignait de jour en jour des objectifs jadis fixés par le Germanen-Orde.
Quand le publiciste israélite Kurt Eisner devient Premier Ministre de Bavière pour le compte de l'USPD (les sociaux-démocrates radicaux qui s'étaient désolidarisés de la SPD), et cherche à fusionner système parlementaire classique et républicanisme des conseils de facture bolchevique, en coulisses, la faction des “ennemis du peuple”, appartenant à la Société Thule, semblaient prendre le contrôle de la situation. En effet, les efforts de la société pour abattre la république des conseils de Munich avaient été considérables; sa stratégie n'était toutefois pas la “terreur à objectif précis”, comme le constate Rose. Malgré toutes les suppositions qui ont été énoncées, rien de clair ne peut être dit sur la participation éventuelle de la Société Thulé dans l'attentat qui a coûté la vie à Kurt Eisner.
Une fois la république des conseils de Munich abattue, la Société Thule semble effectivement avoir atteint son objectif, accomplie la mission qu'elle s'était donnée, et ne s'occupe plus que d'activités fort modestes. Ce qui permet d'affirmer que le développement ultérieur du national-socialisme ne lui doit vraiment pas grand chose et que ce mouvement politique a suivi sa logique et ses dynamiques propres, sans la tutelle d'une société à vocation ésotérique.
Une signification marginale
Dès lors, pour en arriver au cœur de la problématique et du “mythe” qui s'y accroche, posons la question: quel rôle cette Société a-t-elle joué en tant qu'élément précurseur du national-socialisme? Rose nous brosse un tableau bien moins coloré et fantasmagorique que celui que nous font miroiter les interprétations habituelles (ndlr: néo-nazies exaltées ou anti-fascistes tourmentées par de nouvelles théories du complot) . Il constate: «Nous ne pouvons parler ni d'une idéologie unitaire ni d'une Weltanschauung originale dans le cas de la Société Thule». Pour Rose, la Société Thule ne revêt qu'une signification marginale dans le processus général d'émergence du national-socialisme.
A propos de la Société Thule, on ne peut nullement parler d'une “influence téléguidée, dûment planifiée, aux objectifs précis, visant à piloter la NSDAP”. Bon nombre d'auteurs se sont laissé piéger par Sebottendorf, qui a donné trop d'importance à la Société Thule dans son livre Bevor Hitler kam (= Avant que Hitler n'arrive). Sebottendorf, notamment, exagère et extrapole en écrivant que certains membres en vue de la NSDAP, comme Rudolf Hess ou Hans Frank, étaient membres de la Société Thule.
Les élucubrations de Rauschning
Rose a également abordé la question cruciale des racines soi-disant occultes du national-socialisme; évoquons rapidement ses arguments: avec des phrases claires, Detlev Rose écrit que les cent conversations que Hermann Rauschning aurait, paraît-il, eues avec Hitler, ne sont que des élucubrations, notamment quand Rauschning parle des “tendances occultistes” de Hitler («Hitler aurait été l'instrument de “forces mystérieuses”»). Pourtant, ces conversations, vraisemblablement fausses, ont été décrites par l'historien Theodor Schieder, décédé en 1984, comme des “documents attestant de sources indubitables et de grande valeur”. A la lumière des recherches de Rose, on peut dire désormais que Schieder a malheureusement répandu et consolidé, par son autorité, une “grossière falsification de l'histoire”.
Tentons une synthèse: l'écriture claire et précise de Rose, qui évite toute jactance et toute grandiloquence, rend son livre indispensable pour tous ceux qui veulent jeter un regard critique ou s'informer sur les racines soi-disant occultes ou ésotériques du national-socialisme.
Michael WIESBERG.
(article paru dans Junge Freiheit, n°3/1995; trad. franç.: Robert Steuckers).
Detlev ROSE, Die Thule-Gesellschaft. Legende, Mythos, Wirklichkeit, Grabert Verlag, Tübingen, 1994, 224 pages, DM 32.
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samedi, 23 août 2008
G. Schröder sur la Guerre du Caucase et les relations euro-russes
L’ex-Chancelier Gerhard Schröder sur la Guerre du Caucase et les relations euro-russes
Résumé de l’entretien qu’il a accordé au “Spiegel”, n°34/2008
Q.: Monsieur Schröder, qui est responsable de la guerre dans le Caucase?
GSch: Le conflit possède sans nul doute ses racines historiques, car ila déjà connu plusieurs expressions au cours de l’histoire. Mais l’élément déchencheur dans les hostilités actuelles est l’entrée des troupes géorgiennes en Ossétie du Sud. Voilà ce qu’il ne faut pas chercher à dissimuler.
Voilà la première réponse de l’ancien Chancelier fédéral Schröder aux journalistes du “Spiegel”, cette semaine. Le ton est donné. Il est vif, succinct, dépourvu d’ambigüités. Schröder rappelle également dans cet entretien, plusieurs vérités bonnes à entendre et qui recèlent bien des similitudes avec notre discours, que nous tenons depuis bientôt trois décennies:
- qu’il n’a jamais jugé intelligente la politique de Washington de faire encadrer l’armée géorgienne par des conseillers militaires américains;
- qu’il est bizarre que ces conseillers n’ait pas eu vent des projets russes; “ils sont soit dénués de qualités professionnelles ou alors ils ont été trompés sur toute la ligne”, ajoute-t-il;
- qu’il ne faut pas oublier que le déploiement de fusées américaines en Pologne et en Tchéquie a hérissé les Russes; ndlr: imagine-t-on l’effet qu’aurait fait l’installation de fusées en Géorgie?
- que l’Occident a commis des erreurs très graves dans sa politique à l’endroit de la Russie.
- qu’il ne partage pas l’idée répandue en Occident d’un “danger russe” et que la perception de la Russie à l’Ouest n’a pas grand chose à voir avec la réalité;
- qu’il existe une dépendance mutuelle entre l’Ouest (du moins l’Europe de l’Ouest, ndlr) et la Russie; qu’il n’y a pas un seul problème global qui puisse être réglé sans le concours de la Russie; qu’il n’y a pas moyen, en Europe de l’Ouest, de se passer du pétrole et du gaz russes et, en Russie, de se passer des commandes européennes;
- qu’il n’y a aucune raison d’abandonner le principe du “partenariat stratégique” germano-russe pour satisfaire la politique de Saakachvili;
- qu’il n’y aura pas de retour au “status quo ante” en Abkhazie et en Ossétie du Sud, non pas parce la Russie y a pratiqué, contre Saakachvili, une politique du “gros bâton”, mais parce que la population ne le veut pas;
- qu’il ne souhaite pas l’envoi de soldats allemands en Géorgie pour une mission de pacification;
- que Merkel et Steinmeier ont eu raison de ne pas s’enthousiasmer, de manifester leur scepticisme, lors du sommet de l’OTAN en avril dernier à Bucarest, face à la candidature géorgienne, contrairement à l’avis des Américains et de certains pays est-européens;
- que si la Géorgie avait fait partie de l’OTAN, l’Allemagne et l’Europe entière se seraient retrouvées aux côtés d’un aventurier politique (“ein Hasardeur”);
- que l’Ukraine et la Géorgie doivent d’abord régler leurs problèmes intérieurs avant de songer à rejoindre des regroupements d’Etats comme l’OTAN ou l’UE;
- que le coup de force de Saakachvili aura eu au moins l’effet bénéfique de postposer pendant plusieurs années au moins l’adhésion effective de la Géorgie à l’OTAN;
- qu’il ne partage pas les propos tenus, lors des événements de Géorgie, par le secrétaire général de l’OTAN;
- qu’il n’est pas un “Géorgien” dans le sens où le veut la déclaration du candidat républicain à la présidence des Etats-Unis, McCain, qui avait proclamé: “Nous sommes tous des Géorgiens!”;
- qu’après avoir lu les dernières tirades du belliciste néocon Robert Kagan à propos de l’entrée des troupes russes en Ossétie du Sud, évoquant un “tournant dans l’histoire” et “le retour des conflits entre grandes puissances pour raisons territoriales”, il reste profondément perplexe; que Kagan appartenait déjà au club de “ces messieurs” (sic) qui ont poussé à la guerre en Irak, guerre dont les conséquences ne sont intéressantes ni pour l’Amérique ni pour l’Europe; et que, par conséquent, personne ne doit plus écouter les “bons conseils” de ce Kagan;
- que la fin de la domination unipolaire de l’Amérique approche (allusion à son récent essai publié par l’hedomadaire “Die Zeit” de Hambourg); que les démocrates autour d’Obama s’en rendent compte, comme d’ailleurs tous les républicains raisonnables; que l’Amérique est contrainte d’accepter la multipolarité dans le monde, qu’il n’y a plus moyen désormais d’agir sur le monde autrement qu’en termes de multipolarité; que les républicains devront se soumettre à cette évidence et agir en cherchant des alliés et en tenant compte de l’avis des instances internationales (ndlr: contrairement à l’équipe de Bush jr.); sinon, l’Amérique gagnera sans doute encore des guerres mais perdra toujours la paix; en clair, Schröder annonce la faillite de l’option néocon;
- que l’unification des esprits en Europe, sur le plan de la politique extérieure, a connu un réel ressac depuis 2005 (ndlr: c’est-à-dire depuis la disparition factuelle de l’Axe Paris-Berlin-Moscou), notamment à cause de l’intégration de nouveaux Etats (ndlr : agités par une certaine russophobie);
- que l’Europe ne jouera un rôle sur l’échiquier international, entre l’Amérique et l’Asie, que si elle développe des relations étroites avec la Russie et les maintient sur le long terme; qu’en ce sens, lui Schröder, perçoit la Russie comme partie intégrante de l’Europe plutôt que comme partie intégrante de toute autre constellation;
- que l’équipe dirigeante de la Russie actuelle pense de la même façon mais que sa marge de manoeuvre est plus grande: la Russie peut jouer une carte asiatique mais non l’Europe;
- qu’il s’insurge contre toute diabolisation de la Russie dans les médias; que ni le “Spiegel” ni les autres organes de presse en Allemagne et en Europe ne doivent participer à la diffusion d’informations erronées voire carrément fausses (ndlr: c’est-à-dire, pour nous, à ne pas reproduire les clichés des agences du soft power américain);
- qu’il est le président du comité des actionnaires de “Nord Stream” (le complexe des oléoducs et gazoducs amenant vers la Baltique les hydrocarbures de Russie); que ce complexe est géré par un ensemble d’entreprises allemandes, néerlandaises et russes dont l’objectif est de construire un réseau de gazoducs et d’oléoducs sous la Baltique pour approvisionner l’Europe et l’Allemagne parce que cet approvisionnement garantit le bon fonctionnement de nos économies, donc de nos sociétés.
Des propos qui ont le mérite de la clarté. Et auxquels nous n’avons rien à ajouter! Puisque c’est ce que nous avons toujours dit, depuis la création des revues “Orientations” (1980) et “Vouloir” (1983), “Nouvelles de Synergies Européennes” (1994) et “Au fil de l’épée” (1999), dont le relais est repris, entre autres, par ce blog (2007).
(résumé de Robert Steuckers).
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mardi, 19 août 2008
L'Union Soviétique et l'économie allemande dans l'entre-deux-guerres
ORIENTATIONS (Bruxelles) - Juillet 1988
L'Union soviétique et l'économie allemande dans l'entre-deux-guerres
Recension: Rolf-Dieter MÜLLER, Das Tor zur Weltmacht.. Die Bedeutung der Sowjetunion für die deutsche Wirtschafts- und Rüstungspolitik zwischen den Weltkriegen, Harald Boldt Verlag, Boppard am Rhein, 1984, 420 S., DM 54.
L'époque qui s'étend de la révolution russe d'octobre 1917 à la signature du pacte germano-soviétique entre Hitler et Staline est l'une des plus passionnantes et des plus riches de l'histoire contemporaine. Les relations germano-soviétiques tissées pendant ces vingt années ont été le plus souvent étudiées sous l'angle de la diplomatie ou alors les historiens ont cherché à cerner l'importance que revêtait l'accord d'août 1939 dans les stratégies personnelles de Hitler ou de Staline. Ont été dès lors négligés les aspects économiques et la politique d'armement. Le travail de Müller vise à combler cette lacune, en explorant méthodiquement les archives de l'époque et en tentant de cerner les constantes de la politique allemande envers la Russie, constantes où se mêlent étroitement les ambitions impériales et les intérêts économiques. Ces constantes se sont appliquées jusqu'au 22 juin 1941, date à laquelle les armées allemandes entrent en Russie. L'objectif de ce travail d'investigation minutieux, c'est aussi d'éclairer le présent sur les éventualités d'une future politique allemande à l'Est. Müller démontre ainsi que le tandem germano-russe a pris le pas sur les projets pan-européens élaborés à l'Ouest entre 1925 et 1932 et que l'Allemagne a gardé une stricte neutralité dans le conflit anglo-russe de 1927, attitude qui favorisait la Russie. Müller étudie ensuite les variations de la politique russe du régime national-socialiste, d'abord allié à la Pologne de Pilsudski et spéculant sur un démembrement de la Russie avec l'appui de l'Angleterre et du Japon, puis lié économiquement à la Russie, laquelle ne devient plus une zone d'exploitation potentielle mais un espace détenu par un allié tacite où l'on achète des matières premières. En 1941, c'est la première option qui reprend le dessus, mais sans l'alliance anglaise. Une somme capitale pour comprendre les mécanismes d'une politique qui a déterminé l'histoire européenne.(Robert STEUCKERS).
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vendredi, 15 août 2008
Ideologische Grundlagen für das egalitäre Weltbild und die differentialistische Alternative
Robert Steuckers
(Text im Jahre 1991 verfasst)
Die ideologischen Grundlagen für das egalitäre Weltbild der westlichen Gesellschaften und die differentialistische Alternative.
Eine Analyse historischer und zeitgenössischer Philosophien
Jede vorindustrielle Gesellschaft ist ursprünglich ein Gewebe von mehr oder weniger autonomen und bäuerlichen Gemeinschaften, die zur Nahrungsfreiheit tendieren. Der Geograph und Ethnolog Friedrich Ratzel (1844-1904) und der Soziolog Gustav Ratzenhofer (1842-1904), die alle beiden die Grundlagen der Soziologie und der Völkerkunde festgelegt haben, stellen fest, daß die menschlichen Gemeinschaften sich langsam stabilisieren, wenn sie das Stadium des Nomadismus verlassen, sich ein Boden aneignen und diesen mit ihrem spezifischen Genie prägen. Für Ratzel (s. Völkerkunde, 3 Bände, 1885/1888), die moralisch hochwertige und patriarchalisch-kriegerische Kultur des Nomadismus weicht allmählich vor der moralisch schwächeren, vorstädtischen und matriarchalisch-bäuerlichen Kultur der Seßhaftigkeit. Für Ratzenhofer, kommt die Kulturstufe erst nach die Eroberung von unordentlichen, nomadisierenden, auf einem bestimmten Raum zerstreuten oder durch allerlei Katastrophen sozial zerstörten Haufen durch eine «starke Rasse», die die Besiegten dominiert.
Dieser Prozeß der Dominanz erlaubt nach Ratzenhofer und Gumplowicz die Entfaltung der Kultur. Aber sowohl für Ratzel als für Ratzenhofer, d.h. sowohl in der Prozeß des unkriegerischen Seßhaft-Werdens als in der Kulturwerdung durch Eroberung, wirkt der Faktor Zeit als Identitätsschaffend. Landwirtschaft und Dominanz führen zur Schaffung von Identitäten, die nicht notwendigerweise ewig und immer Wandlungsprozeßen ausgesetzt sind.
Diese Identitäten wirken vielfältig und kulturproduzierend. Jede dieser Identitäten entspricht einem Boden, passt sich einen spezifischen Ort an. Diese Vision von Ratzel impliziert kein geschlossenes Weltbild: es gibt Identitätskerne und -randzonen; diese letzten untergehen fruchtbare spezifische Mischungen, die sich später als eigenständige Kulturen erweisen. Die Geschichte ist also ein unendliches Spiel von positiven und kulturschaffenden Differenzierungen innerhalb Identitätskerne. Wenn man das Beispiel Deutschlands nimmt, gibt es selbsverständlich eine Vielfalt von ortsverbundenen Schattierungen innerhalb des deutschen Volkes selbst: Nordseedeutsche (mit Holländern und Skandinaven verbunden), Alpendeutsche (mit Lombarden, Veneten, Slowenen, Welschschweizern verbunden), ostdeutsche Landwirte (die Kontakte zu Westslawen und Balten unterhalten), Rheindeutsche (die über die Elsaß Kontakte mit Lothringern und anderen Gallo-Romanen bzw. Franzosen unterhalten), uzw. Der gleiche Prozeß läßt sich in den romanischen und slawischen Ländern beobachten. Die Differenzierungen sind geographisch bedingt, so daß es unmöglich ist, ihre konkrete Resultate (d.h. die ethnischen Identitäten) philosophisch zu verleugnen, entweder durch die kritiklose Affirmation einer hypothetischen Rassenreinheit oder durch die ebenso kritiklose Affirmation einer durch wahllose Mischung vereinheitlichen Welt. Beide Affirmationen negieren den unentrinnbaren Faktor "Erde", Quelle stetiger preziser Wandlungen. Die Affirmation der Rassenreinheit negiert die manchmal kulturreichen Mischungen der Identitätsrandzonen weil die Affirmation der Weltmischungseuphorie alle möglichen differenzierten und kulturschaffenden Wandlungen prinzipiell ablehnt.
Diese dynamischen und autonomen Gemeinschaften sind Hindernisse für alle willkürlich-zentralisierenden Gewalten. Um Kontrolle üben zu können, sollten die zentralisierenden Gewalten die Nahrungsfreiheit der freien menschlichen Gemeinschaften auslöschen. Historische Beispiele eines solchen Prozeßes fehlen nicht: Karl der Große erobert Sachsenland und gibt seinen Gefolgsleuten die Allmenden der Sachsen als persönliche Lehen. Die Allmende der Gemeinschaft wird so der persönlichen Feod des karolingischen Herrn. Die nächsten Generationen können also die Lebensquelle Boden nicht mehr richtig umverteilen, so daß ein Prozeß der Re-Nomadisierung entsteht. Junge Norddeutsche müssen durch Not und Mangel an Boden gezwungen ihre Heimat verlassen, kinderlose Mönchen werden, Söldner für fränkische Könige oder für den römischen Papst werden, sich als Sklaven für die Bagdader Kalifen verkaufen, usw. Alle sozialen Unruhen des Mittelalters sind Folgen dieser Feodalisierung. Die neuen historischen Forschungen legen eben den Akzent auf diese Enteignung der Bevölkerung. So z. B. der russische Historiker Porschnew, die Franzosen Bercé, Walter, Bois und Luxardo, der Deutscher Schibel (1).
Die bäuerlichen Gemeinschaften füssten auf die Unveräußerlichkeit des Bodens. Der Boden war Eigentum der Gemeinschaft, d.h. sowohl der zeitgenössischen Generationen als der Verstorbenen und der Künftigen. Die Feodalisierung durch die karolingische Enteignungspraxis, die Einführung des spätrömischen Rechtes (von Flavius Justitianus kodifiziert) und des Kirchenrechtes (Codex juris canonici) hatte als Resultat, daß der Boden veräußerlich geworden ist, was die Lebenssicherheit der Bevölkerung in Gefahr bringt. So sind auch die Grundlagen der Identität erschüttert. Diese kann sich in der Präkarität nicht optimal entfalten.
Hauptaufgabe der Identitätsbewußten Kräfte der europäischen Geschichte wurde also, diese Präkarität zu beseitigen, damit die geistigen Kräfte sich entfalten können. Die blutigen Etappen dieses Kampfes lässen sich makaber aufzählen: Westfälische Bauerrevolte in 1193, die Revolte der Stedinger in 1234, die Bauernrevolten des XV. Jahrhunderts (Deutschland, Böhmen, England), der große deutsche Bauerkrieg (1525/26), die Aufhebung der niederländischen Städte gegen den spanisch-absolutistischen Joch, die gleichzeitige Revolte der Spanier und Katalanen gegen die königlichen Beamten, die französischen und normandischen Aufhebungen der sog. Croquants und Nouveaux Croquants im XVI. Jahrhundert. Alle diese blutig niedergemetzelten Aufhebungen wollten das alte ureuropäische Recht mit dem Prinzip der Unveräußerlichkeit des Bodens wieder einführen.
Wenn während und besonders am Ende des Mittelalters die Figur des Bürgers sich auf der Vorszene hebt, bedeutet das keineswegs das Verschwinden des impliziten Individualismus des hier obenerwähnten spätrömischen Rechtes. Die Städte waren am Anfang Zufluchtsort für besitzlose Bauern. Dort konnten sie innerhalb neuer städtischer Gemeinschaften bzw. Zünfte arbeiten und ihre eventuell angeborene Genie gelten lassen. Zur gleichen Zeit schwärmten aber in diesen mittelalterlichen Städten Spekulanten aller Art, die bald mit den Fürsten Front gegen die Zünfte und die ländliche Bevölkerung machen. Statt dem Willkür des Feodalismus einen Riegel zu setzen, verstärkt diese Spekulantenkaste noch straffer den impliziten Individualismus in Europa. Max Hildebert Boehme schreibt, daß das germanische Rechtsempfinden die Gesellschaft pluralistisch fasst, so daß die verschiedene Körperschaften, aus denen jede bestimmte Gesellschaft besteht, von einer konkreten Autonomie genießen (2). Aber «bereits gegen Ende des Mittelalters setzt sich das etatistische Gegenbewung spätrömischer Prägung durch. Die Fürstengeschlechter richten mit Hilfe der geldspendenden Spekulanten eine absolute Herrschaft im Staate auf, die im allgemeinen in der Richtung einer Straffung der Staatsgewalt und einer Schrumpfung gesellschaftlicher Autonomie wirkt. Nicht im "finstern Mittelalter", sondern in der "aufgeklärten" Neuzeit verfallen weite Teile des Volkes in drückende Leibeigenschaft, und auch der religiöse Befreiungskampf der reformatoren hat zunächst nur einen verstärkten Gewissensdruck des Staates zur Folge. Namentlich im Umkreis des spanischen und französischen Einflusses entwickelt sich zwischen Staat und Volk eine polare Gegensätzlichkeit und scharfe Spannung, die sich dann vor allem in der französischen Revolution entlädt. Durch sie erhält zwar der Gedanke der absoluten Fürstenherrschaft, keineswegs aber die Staatsgewalt selber den entscheidenden Stoß. Das eigentliche Opfer dieser Entwicklung ist die korporative Volksfreiheit, die Volksautonomie, die durch den grundsätzlichen Individualismus und Unitarismus (bzw. Zentralismus) des romanischen Denkens zutiefst in Frage gestellt wird. Das Volk macht sich —ganz im Sinne der Theorie von Rousseau— nicht autonom, sondern souverän. Es sichert einen staatsfreien Raum den Menschenrechten im Sinne des neuzeitlichen Individualismus und nicht den Gesellschafts- und Körperschaftsrechten» (M.H. Boehm, op. cit., S. 32-33).
In einem solchen historischen Kontext, heißt Freiheit angepaßte ortsverbundene bzw. konkrete Sozialitäten schaffen, genauso wie die erste städtische Gemeinschaften Europas, neue konkrete Sozialitäten gegenüber der karolingisch-feudalen Entwurzelung waren. Der Brüsseler Historiker Alphonse Wauters in seinem wichtigen Buch Les libertés communales (Brüssel, 1878) (3) erklärt wie die mittelalterlichen Kommunen Orte der volksverbundenen Kreativität waren. Seine historische Entdeckungen und seine Analyse der Quellen ergänzen glänzend die Theorien des Volkhaften und Volklichen bei Max Hildebert Böhm (4). Die Entstehung der mittelalterlichen Kommunen entspricht die Entstehung einer institutionsschaffenden Freiheit, die der kürzlich verstorbene deutsche Professor Bernard Willms, in Anlehnung an Hobbes, als die Grundfreiheit des Menschen als politisches Wesen theorisiert hatte (5). Wenn die menschliche Grund- und Urfreiheit darin besteht, Institutionen bzw. institutionnelle Begrenzungen zu schaffen, dann ist sie eben konkrete Freiheit. Abstrakt und steril bleibt aber eine absolute konzipierte Freiheit, weil diese dann unproduzierend/unfruchtbar inmitten eines dschungelhaften «Naturzustandes» bleibt. In einem solchen von Hobbes meisterhaft theorisierten dschungelhaften Naturzustand kann die Freiheit sich eben nicht entfalten, weil alle ihre Freiheit absolut gelten lassen wollen. Jede raum- bzw. ortsverbundene Gemeinschaft produziert also seine bedingte aber nur so mögliche Freiheit, damit die positiv-nützlich-notwendigen Eigenschaften der Gemeinschaft sich optimal entfalten können.
Das Denken von Hobbes entsteht in einem Europa, das alle religiösen Stützen verloren hat und mit den harten nackten Fakten der Freiheit und des durch Bürgerkriegen wiedergekommenen Naturzustandes konfrontiert wurde. Die Illusion der mittelalterlichen theologischen Zeitalter war verschwunden. Aber der Mensch liebt die Illusionen, so billig diese sein könnten. Die großen illusionslosen Denker des 17. Jahrhunderts (Hobbes, Balthasar Gracian, Pascal, Galilei, Giordano Bruno) haben künftig nicht viele Schüler gehabt. Eine neue Illusion —die Aufklärung— ist gekommen, um den Europäern eine grenzenlose d. h. abstrakte Freiheit zu versprechen. Die aufklärerische Denkweise ist insofern pervers, daß sie alle Institutionen als irrational gegründet ablehnt bzw. kritisiert. Wenn diese Denkweise mittlerweile metapolitisch Fortschritte macht, können die Institutionen nicht mehr optimal funktionnieren. Einige Anhänger der aufklärerischen Denkweise meinen manchmal richtig, daß die Institutionen, die unter der Kritik der Auklärer untergehen, schon im voraus morsch sind. Aber die Aufklärung ist allzuoft nur Kritik und schafft deshalb nicht die Bedingungen einer Rekonstruktion neuer Institutionen nach dem Verschwinden der alten und morschen Institutionen. So kentert die ganze europäische Ideologie in den Schablonen der Abstraktheit und der Unfruchtbarkeit. Pedagogisch gesehen ist also die aufklärerische Denkweise nicht für den Menschen als civis, als zoon politikon geeignet. Da die ganze Philosophiegeschichte seit Aristoteles den Menschen primär als zoon politikon, als politisches Wesen, betrachtet, kann man sich wohl fragen, ob die aufklärerische Besessenheit noch eigentlich über ihre üblichen Phrasen menschlich ist.
Die Anhänger der Aufklärungsideologie behaupten, ihre philosophische Grundlagen haben dazu beigetragen, die freiheitlichen Institutionen der französischen Revolution zu schaffen. Alle wertfreien Historiker sind aber der Meinung, daß nach zwanzig Jahre aufklärerischer Regime Frankreich definitv geschwächt wurde. Die Aufhebung des Zünftwesens durch die Gesetze von Le Chapelier in 1791 ohne entsprechende Einführung eines preußisch-ähnlichen allgemeinen Erziehungswesens hat zu einer kompletten Desorganisation der konkreten Sozialität Frankreichs geführt und damit in den folgenden Jahrzehnten zu einem gewerblichen Rückzug, die noch heute deutliche Spuren hinterläßt. Die Bauernschaft wurden wie bekannt nicht gespart. Besonders im Westen des Landes wollten die Bauern ihr uraltes Gemeinwesen bewahren, d.h. frei über ihr eigenes Schicksal entscheiden. Dieser ortsverbundener Wille paßten die grenzenlosen bzw. universellen Prinzipien der Aufklärung nicht. So entschieden sich an die Macht gekommene Pariser Intellektuellen aufklärerischer Prägung für eine «Entvölkerungsstrategie» in den aufständischen Gebieten der Bretagne, der Vendée und des Anjous. Etwa 300.000 unschuldige Dorfbewohner (Erwachsene und Kinder beider Geschlechter) dieser westfranzösischen Region wurden so einfach massakriert. Konkrete ortsverbundene Menschen hatten sich gegen Abstrakte Ideen rebelliert.
In den von den Revolutionsarmeen eroberten germanischen Gebieten —die südlichen Niederlanden und Rheinland— gibt es am Anfang eine wahre Begeisterung für die Revolutionsideen. Tatsächlich verkünden der französische General Dumouriez und seine Freunde, die in Jemappes (Hennegau) die kaiserlichen Armeen besiegen und kurz danach ihren Eintritt in Brüssel machen, daß künftig die Gemeindeversammlungen ihre Bürgermeister und deren Berater direkt für einen Jahr wählen wurden. Dieser Wahlmodus wird generell in Flandern, Brabant und Rheinland akzeptiert. Aber die Pariser Behörden führen dieses rein demokratisches Prinzip nicht ein. Die Convention entscheidet sich, für die Benennung der Bürgermeister ohne Wahl. Entscheidungsort dieser Benennung: Paris, Hauptstadt der triumphierenden politischen Aufklärung! Dumouriez, ein ehrlicher Mann, nimmt Abschied und flüchtet nach Preussen. Verlooy, ein Schüler Herders, der inzwischen Bürgermeister von Brüssel geworden war, verlässt auch seine Heimat. Viele deutschen Intellektuellen aus dem Rheinlande, unter denen Görres, folgen dem gleichen Pfad. Diese Revolutionsbefürwörter sind sehr schnell Revolutionsfeinde geworden, eben weil die Revolution alle Ortsverbundenheit ablehnte. Die Einführung des hier oben erwähnten Wahlmodus hätte die diversen und differenzierten Wirklichkeiten Europas die Möglichkeit gegeben, sich gelten zu lassen. Ein solcher Wahlmodus rechnet mit den unentbehrlichen Faktoren Raum und Zeit. Jeder Ort hat seine eigene Dynamik. Was hier gilt, gilt nicht notwendigerweise dort. Hier ist der Boden sandig und karg, hier gibt es kaum Verkehr und dort ist der Boden fruchtbar und fett und die Nähe eines Flußes verschnellt den Verkehr. Die Bedürfnisse der verschiedenen Orte sind deshalb grundverschieden und brauchen konsequenterweise eine angepaßte Modulierung. Der am Anfang des Revolutionsprozeßes vorgeschlagene Wahlmodus war eben eine solche Modulierung. Die deutsche Bewegung mit Arndt und Freiherrn von Stein, die südniederländisch-belgischen Traditionalisten-Demokraten (Die zwei Generationen von Rechtsanwälten der Familien Raepsaet aus Gent und Dumortier aus Tournai/Doornik) wurden während der Restauration —die eben nichts restauriert— die energischen Vorkämpfer eines solchen angepaßten Wahlmodus.
Die Aufklärung wurde auch schon von Kant —dem kühnsten Denker der Aufklärung aber auch zur gleichen Zeit demjenigen, der die Unzulänglichkeiten der Aufklärung am scharfsten gesehen hat— als zu mechanistisch beurteilt. In seiner Kritik der Urteilskraft (1790), unterscheidet Kant die Naturprodukte und die Kunstprodukte. Die Naturprodukte sind keine Produkte eines willkürlichen Willens. Nur Kunstprodukte sind Produkte eines Willens, der sich außerhalb des Produktes selbst befindet. Naturprodukte sind simultan Ursache und Wirkung ihrer selben. Die aufklärerisch-mechanizistischen Denkweise betrachtete die Staaten und Nationen als Uhrwerke, die von dem Wille oder der Laune eines außerlichen Souveräns bzw. Fürsten abhingen. Die Aufklärung ist also nicht demokratisch. Ihre politische Modalität ist die der aufgeklärten Despotie. Die französische Revolution und besonders die Convention übernehmen bloß diese Modalität ohne Achtung für was Kant die innerliche bildende Kraft eines Naturprodukte genannt hat. Die Nationen und Völker sind eben Naturprodukte, die von einer innerlichen bildenden Kraft beseelt sind. Der von Dumouriez, Verlooy und Görres suggerierte Wahlmodus implizierte eben eine Achtung für diese innerliche bildende Kraft, die von Ort zu Ort und Zeit zu Zeit variiert. Die aufklärerische Convention ist diesen unersetzlichen Kräften gegenüber taub und blind geblieben. Der romantische Protest in Deutschland ist politisch betrachtet ein Wille, diese Kraft freie Bahn wiederzugeben und zu gestalten bzw. organisieren. Aus dieser Perspektive gesehen, gestaltet die Aufklärung nicht: sie ist unfruchtbar und autoritär im schlechtsten Sinne des Wortes. Das anti-autoritäre Pathos der zeitgenössischen Aufklärung ist deshalb bloße Tarnung, ist auch der Spur eines schlechten Gewissens. Wenn sie bis zur letzten Konsequenz durchgeführt wird, bringt sie die Menschheit in einer neuen Naturzustand, wo eine moderne Fassung des Nomadismus herrscht. Die aktuelle Beispiele der Melting-Pot-Gesellschaft in den Vereinigten Staaten, der Unsicherheit der Pariser Vorstädten und des Hooliganismus in Großbritanien zeugen dafür.
Wenn man von diesen Fakten bewußt ist, was sollte man tun? Eine geortete Gemeinschaft zu organisieren heißt heute eine Sozialpolitik neuer Art vorzuschlagen, da die herrschenden Systeme eben zu einem erneuten Naturzustand tendieren. Produkt der Aufklärung ist nämlich die Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen. Diese Déclaration ist eine Mischung von aufklärerischem Gedankengut und allgemeingültigen Prinzipien. Da kürzlich bekannte französische Historiker wie Jean-Joël Brégeon und Reynald Sécher die Perversität der politischen (conventionnel) Aufklärung erörtet haben, dadurch daß sie die Logik der Entvölkerung hervorgehebt haben, brauchen wir hier nicht die aufklärerische Elemente zu analysieren sondern nur die Allgemeingültigen. Diese schaffen die feudalen Reste aus dem Weg. Und das bedeutet konkret, daß jeder Bürger wieder das Recht hat, das Seine zu genießen als Mitglied einer Gemeinschaft. Als Mitlglied einer Gemeinschaft hätte er ein Allod bekommen und die Gesamtgemeinschaft hätte wieder seine Allmende als Lebenssicherheit haben müssen. Die Convention hat alle kirchliche und aristokratische Güter den reichen Parvenüs verkauft, ohne eine soziale Umverteilung einzuleiten! Damit konfiziert die undemokratische Revolution dem Volke seine Nahrungsfreiheit. Die feudalen Herren werden durch miserablen Parvenüs ersetzt. Darum hat Proudhon vom Eigentum als Diebstal geredet. Der Sozialismus des 19. Jahrhundert, bevor er oligarchisiert wurde (s. Roberto Michels), hat nur eine Teilumverteilung verursacht. Der Kommunismus verstaatlicht alles, was am Ende bedeutet, daß nur die Parteifunktionäre Eigentümer werden.
Die heutige Diskussion über das garantierte Grundeinkommen (Opielka in D.; Gorz in F.) in linken non-konformistischen Kreisen wäre eine Lösung, besonders wenn man dazu ein Wahlsystem schweizerisches Modell hinzufügt. Aber solange die Gruppierungen der Linken noch von aufklärerisch-autoritären Ideen verseucht bleiben, ist diese Lösung nicht möglich. Ein garantierte Grundeinkommen an jedem Bürger als Ersatz der Allmende wäre nur möglich in Europa, solange die Bürgerschaft begrenzt gewährt wird. Die Linke kann also nicht konkret das garantierte Grundeinkommen vorschlagen und zur gleichen Zeit die Asylantenflut bejahen. Diese letzte wurde bloß dieses Grundeinkommen lächerlich und jammerlich reduzieren, sodaß die jahrhundertelange Entfremdung doch erhalten bleibt. Um jeder Bürger das Seine zu geben, muß man notwendigerweise und arithmetischerweise den Zugang zur ortsgebundenen Bürgerschaft beschränken. Wie Reinhold Oberlercher es sagte, die Freizügigkeit ist wohl eine der Todsünde der Aufklärung, da sie die Lösung der sozialen Frage unmöglich macht. Hier auch sind Schranken notwendig um eine konkrete Aktion durchführen zu können und auch um überhaupt Politik treiben zu können.
Das garantierte Grundeinkommen muß minimal bleiben, damit man nicht davon leben kann, aber damit man trotzdem etwas zum Überleben hat im Ernstfall, wie in vorfeudaler Zeit unsere Bauern ihren Allod hatten. Die Einführung eines garantierten Grundeinkommen ist durchaus möglich, da unsere Staaten dann keine Arbeitslosigkeitszulagen zahlen werden und auch keine Verwaltung dieser Arbeitslosigkeit finanzieren müssen. Durch eine angepaßte Steuerpolitik kann dann der Staat ohne Mühe die Gelder bei denen, die es nicht nötig haben, wieder einkassieren. Diese Regulierung verlangt auch keinen Abbau der sozialen Sicherheit, wie die neo-liberale Welle es vorgeschlagen hatte.
André Gorz, französischer Befürworter des garantierten Grundeinkommens, fügt hinzu, daß dieses Einkommen es für viele Leute ermöglichen würde, andere nicht gewinnbringende Aktivitäten zu leisten, z. B. ökologische sinnvolle Aktivitäten oder die Bildung von Netzen für Kinderversorgung, die dann einfach und problemlos privatisiert werden könnten. Die Bürger werden dann spontan mehr Zeit haben, für lebenswichtige Sachen: die ökologische Nische sauberer halten und ihre Kinder versorgen. Die sozialen Kosten der Verschmutzung und der psychologischen Amoklaufen bei Kindern sind erheblich höher als was ein allgemein garantierten Grundeinkommens dem Staate kosten wurde.
Mit dem garantierten Grundeinkommen als Recht des Bürgers in einer begrenzt gehaltenen Gemeinschaft, sind die Gefahren der Aufklärung, dieser Religiosität der Schrankenlosigkeit, nicht gebannt und ausgeschloßen. Der durch Kredit gefördete Konsum würde die Gelder des garantierten Grundeinkommens rasch aufsaugen. Deshalb muß der Staat als Organisationsinstrument der Sozialität Gesetze einführen, damit Kredite nicht wahllos gewährt werden, besonders an Leuten die diese nur für Konsum benutzen. Solch Gesetze wollte zwei oder drei Jahre her der wallonische Minister Busquin einführen. Sein Projekt ist von den Banken und konservativ-bornierten Politikern torpediert worden.
Die Grundlagen des egalitären Denkens liegen also in der «Entgemeinschaftungspraxis» des Feudalismus und in dem mechanizistischen Denkmuster der Aufklärung, und nicht notwendigerweise im Gedankengut der sozialistischen Tradition, eben wenn die linken Gruppierungen einen egalitären Diskurs entwickelt haben, die Ungleicheiten schafft. Egalitarismus im Sinne des Verfassers bedeutet selbstverständlich nicht Gleicheit der Chancen. Das ist eben, was er verallgemeinen will. Egalitarismus ist eher diese gefährliche Ablehnung aller differenzierenden Ortsverbundenheiten, die Zeit und Raum ständig produzieren. Wenn alle Räume der Erde gleichgeschaltet und gezwungen unter den gleichen Mustern ent-organisiert werden, dann ist Chancengleicheit eben unmöglich, da diese nur in einem raum- und zeitlich bedingten Rahmen erreicht werden kann. Der Mensch, als begrenztes Wesen, kann nur Verantwortung für etwas Begrenztes übernehmen. Da der Mensch kein Gott bzw. kein allmächtiges Wesen ist, kann er nur teilmächtig handeln. Der Mensch kann also nur in einem begrenzten Raum und, da er sterblich ist, in einer begrenzten Zeit handeln und nicht universell. Universell denken und handeln wollen heißt deshalb unverantwortlich weilk ortlos denken und handeln. Die große Ideen der Brüderschaft, der Caritas, der Menschenrechte können nur von Menschen in begrenzten Räumen verwirklicht werden. Diese großen Ideen sind nur konkret möglich, wenn man sie im nahen Ort wo man bei Geburt geworfen worden ist und nur da —um die Sprache des alemanischen Philosophen Martin Heidegger nachzuahmen— zu verwirklichen versucht. Dieser Ort bleibt für Jeden Sprungbrett in der nahen oder fernen Welt. Die sockellosen Ideologien, sei es die ortfremde Religion im Frühmittelalter oder die gewollt ortlose Aufklärung, verpassen die Möglichkeit, etwas von der ideellen Caritas oder der ideellen Chancengleicheit zu verwirklichen.
Fazit: die differentialistische Alternative verlangt Verantwortung für den Mitmenschen im Ort wo man bei Geburt geworfen worden ist und Aufmerksamkeit für die Geräusche der Welt. Gewiß keine Sackgasse, da die Möglichkeiten dieser Welt unendlich sind, nur wenn man die schöne bunte Welt nicht mit herzlosen Schablonen gleichschalten will.
Die multikulturelle Gesellschaft kann dadurch nicht fließend funktionnieren, da sie nämlich eine Gesellschaft und keine Gemeinschaft ist. Harmonie kommt immer nur relativ und mit der Zeit und nicht wenn ständig neue Menschenwellen unordentlich strömen. Der langfristige Prozeß der «Vergemeinschaftung» ist in solchen Umständen unmöglich. Sobald einige Schichten in einer bestimmten Gemeinschaft assimiliert bzw. «vergemeinschaftet» sind, warten noch unruhige und ungeduldige Schichten auf diese versprochene Assimilation, die nur mit langer Zeit zu erreichen ist. Manche Ideologe und Politiker meinen, daß mit einer formellen und verschnellten Einbürgerung eine Lösung zu finden ist. Das ist eine aufklärerische Illusion, die keine Rechnung mit dem äußerst wichtigen Faktor Zeit rechnet. Notwendig wäre, die Substanz der Gesetzgebungen in Europa, die nur die Staatsbürgerschaft nach Fristen von 20 bis 30 Jahren gewährten, mit Aufmerksamkeit zu studieren. Diese Gesetzgebungen waren orts- und zeitbewußt. Die Wiedergeburt Europas braucht keine großen und pompösen Phrasen. Nur ein sachliches, ruhiges Orts- und Zeitsbewußtssein.
Fußnoten:
(1) Boris Porchnev (franz. Schreibweise für «Porschnew»), Les soulèvements populaires en France au XVIIième siècle, Paris, Flammarion, 1972; Gérard Walter, Histoire des Paysans de France, Paris, Flammarion, 1963; Paul Bois, Paysans de l'Ouest, Paris, Flammarion, 1971; Yves-Marie Bercé, Révoltes et révolutions dans l'Europe moderne, XVIième-XVIIIième siècle, Paris, PUF, 1980; Hervé Luxardo, Les Paysans. Les républiques villageoises, 10ième-19ième siècles, Paris, Aubier, 1981; Karl-Ludwig Schibel, Das alte Recht auf die neue Gesellschaft. Zur Sozialgeschichte der Kommune seit dem Mittelalter, Sendler, Frankfurt a.M., 1985.
(2) Max Hildebert Boehm, Das eigenständige Volk, 1923.
(3) Alphonse Wauters, Les libertés communales. Essai sur leur origine et leurs premiers développements en Belgique, dans le Nord de la France et sur les bords du Rhin, Brüssel, 1878 (reprint: Brüssel, 1968).
(4) Für Max Hildebert Boehm ist das Völkische die biologische Grundlage des Volkes; das Volkhafte ist die soziale Grundlage des Volkes und das Volkliche ist die synthetische Gesamtgrundlage aller konstitutiven Elemente des Volkes.
(5) Bernard Willms, s. Idealismus und Nation, 1986; ders., Thomas Hobbes. Das Reich des Leviathan, 1987.
Kurze Biographie:
Robert STEUCKERS
Geboren am 8. Januar 1956 in Ukkel-bei-Brüssel. Verheiratet. Hat einen Sohn: Cedrik (1988). Hat Germanistik und Anglistik studiert. Diplomübersetzer ILMH (Brüssel). Diplomarbeit über den Begriff «Ideologie» bei Ernst Topitsch. 1981: Redaktionssekretär von Nouvelle Ecole (Paris). Gründet die Zeitschriften Orientations (1982) und Vouloir (1983). Leitet sein eigenes Übersetzungsbüro in Brüssel seit 1985. Wissenschaftlicher Mitarbeiter des «Presses Universitaires de France» seit 1990. Ständiger Mitarbeiter der Zeitschriften Nouvelle Ecole (Paris), Dissident (Gent), Trasgressioni (Florenz), Diorama Letterario (Florenz), Elementi (Finale Emilia), Nationalisme et République (La Roche d'Anthéron), Elemente (Kassel), The Scorpion (London/Köln). Mitglied der Abteilung «Studien und Forschungen» des «Groupement de Recherches et d'Etudes sur la Culture Européenne» (Paris).
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jeudi, 14 août 2008
Essai de typologie des extrémismes
Essai de typologie des extrémismes
Uwe BACKES, Politischer Extremismus in demokratischen Verfassungsstaaten. Elemente einer normativen Rahmentheorie, Westdeutscher Verlag, Opladen, 1989, 385 S., DM 52, ISBN 3-531-11946-X.
Né en 1960, docteur en sciences politiques, enseignant à l'Université de Bayreuth, Uwe Backes s'est imposé comme l'un des principaux analystes de l'extrémisme politique en Europe. Son ouvrage de base, qui permet de rénover entièrement l'approche scientifique des phénomènes d'extrémisme, commence par une critique des méthodes conventionnelles de recherche en ce domaine. Celles-ci partaient généralement d'a priori idéologiques, 68 oblige, opéraient une confusion permanente des concepts, retraçaient des généalogies lacunaires, transposaient dans le présent des concepts qui ne valaient que pour des phénomènes du passé, manipulaient des schémas interprétatifs monocausaux et refusaient trop souvent de recourir à des fertilisations croisées entre les recherches posées dans divers pays (le «provincialisme scientifique»). L'auteur passe ensuite à une phénoménologie générale des extrémismes politiques.
A «gauche», il distingue un filon communiste et un filon anarchiste. Dans le filon communiste, il met les subdivisions suivantes en exergue: marxisme, léninisme, stalinisme, trotskisme, maoïsme, communisme de gauche (luxembourgisme et conseillisme), nouvelle gauche et eurocommunisme. Dans le filon anarchiste, il distingue la zone de flou entre l'anarcho-communisme et l'anarcho-libéralisme, l'anarcho-syndicalisme et l'anarchisme pragmatique.
A «droite», espace du «conservatisme antidémocratique», il distingue quatre filons: 1) le monarchisme; 2) le nationalisme; 3) le conservatisme révolutionnaire et le fascisme; 4) la xénophobie et le racisme. Dans le filon nationaliste, le plus diversifié des quatre, Uwe Backes repère les tendances suivantes: l'insistance sur la notion de communauté (communauté culturelle, idéologique et raciale), le binôme ethnocentrisme/ethnopluralisme, le séparatisme (il entend les mouvements régionalistes, y compris ceux qui recourent à la violence) et le populisme (avec une analyse du caractère populiste mâtiné d'ethnocentrisme repérable dans le discours de Le Pen).
Dans un quatrième chapitre, Uwe Backes dresse une typologie des modes d'organisation extrémistes; il y a les cercles de théoriciens, les associations traditionalistes, les activistes isolés, les sectes politiques, les groupes terroristes, les mouvements rassembleurs et les partis de cadres. Enfin, dans un cinquième chapitre, Backes procède à une analyse critique des caractéristiques majeures des doctrines extrémistes; elles prétendent toutes détenir les clefs de l'absolu, tant dans leurs phases offensives que dans leurs phases défensives. Elles reposent sur un dogmatisme; elles visent une utopie ou rejettent catégoriquement le principe utopique. Backes examine ensuite les stéréotypes de l'ami et de l'ennemi qu'elles génèrent. Il nous parle des théories de la conspiration —souvent motrices dans l'aire des extrémismes— du fanatisme et de l'activisme.
Au départ de tous ces éléments, il est possible de formuler une théorie complexe et complète de l'extrémisme et d'appliquer à chacun des phénomènes particuliers une grille d'analyse objective (Robert Steuckers).
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jeudi, 07 août 2008
Révolution conservatrice et "fondamentalisme esthétique"
Révolution conservatrice et "fondamentalisme esthétique"
Qu'est-ce que le “fondamentalisme esthétique”? Il convient de répondre d'emblée à cette question, pour comprendre ce que l'on entend par là. Le “fondamentalisme esthétique”, d'après Stefan Breuer, est une attitude d'opposition contre la culture et la technique modernes, c'est une critique pure et dure de la civilisation. En ce sens, il est part intégrante d'une tradition intellectuelle qui n'a pas cessé d'être active depuis le romantisme jusqu'aux critiques contemporaines du “pan-technicisme”. Le “fondamentalisme esthétique” a connu son apogée entre 1890 et 1910. Dans son livre consacré à ce filon de l'histoire intellectuelle allemande, Breuer aborde surtout les auteurs de cette époque.
Au centre de son enquête figurent essentiellement le poète Stefan George et sa revue Blätter für die Kunst. Ensuite, il aborde d'autres personnalités importantes et d'autres cercles de la fin du XIXième et du début du XXième: Hugo von Hofmannsthal, les “Cosmiques”, le philosophe-écologue Ludwig Klages, le “théoricien de la sagesse” Georg Simmel et l'“anti-roi” par rapport à George, Rudolf Borchardt, pour n'en citer que quelques-uns. Breuer analyse la personnalité des “maîtres” et des “disciplnes” et examine les structures de domination qui en découlent, de même que l'impact extérieur de ces groupes.
Au centre de cette enquête, nous trouvons un questionnement sur la signification politique de ces poètes et penseurs. Breuer lui-même souligne qu'il serait faux de voir dans ce “fondamentalisme esthétique” un courant parallèle à la “révolution conservatrice”. Hugo von Hofmannsthal a certes forgé le concept de “révolution conservatrice”, mais il entendait par là un “conservatisme culturel” dirigé contre la civilisation moderne, c'est-à-dire quelque chose “de totalement différent du néo-nationalisme qui opérait sous la même étiquette” et qui “rien que pour mener jusqu'au bout sa politique d'expansion devait exploiter à fond les atouts de la civilisation moderne” (p. 5). Les “esthètes fondamentaux” de ce conservatisme n'ont dès lors pas été en 1914 des adeptes du patriotisme belliciste, car des “esprits pertinents comme George ou Klages ne se sont jamais fait d'illusion: cette guerre allait être menée avec les moyens de la civilisation et même dans le cas d'une victoire improbable de l'Allemagne, la question fondamentale n'aurait pas reçu de réponse décisive: que faire de la civilisation et de ses effets dans notre pays même...?” (p. 212).
Nous avons donc affaire à des esthètes conservateurs, dont l'hostilité à la modernité doit éveiller l'attention des écologistes. La vision du monde de Klages représente en effet un fondamentalisme écologique radical et tout-à-fait pur, souligne Breuer: «Pour Klages, les choses étaient claires: les sciences exactes, et l'idée de “progrès” qui en dérivait, dépendaient étroitement d'un ordre économique centré sur l'argent et le capital... Comme en témoignent ses écrits posthumes, c'est dans son œuvre que, longtemps avant que n'existe le cercle de George, Klages s'était intensément préoccupé des relations entre le christianisme, le capitalisme et le rationalisme; c'est également dans cette œuvre de Klages que le désavantage majeur des Allemands, leur “barbarité” (Barbarentum), a été inversé en une positivité” (pp. 196 et ss.).
La pire des barbarités n'était pas pour ces esthètes fondamentaux l'“arriération culturelle” mais la sur-exploitation moderne du monde: c'est la raison pour laquelle les cercles tournant autour des personnalités de George et de Klages ont salué l'“instinctuel” et le “tellurique” comme les qualités essentielles des Allemands, tandis que le protestantisme et le prussianisme étaient radicalement dévalorisés au titre d'expressions de la modernité rationaliste. George, en se référant à Max Weber, soulignait qu'il existait un lien étroit entre le protestantisme et le capitalisme: «Partout où la forme protestante du christianisme trouve accès, elle capitalise, industrialise et modernise les peuples» (p. 200).
Il m'apparait particulièrement intéressant de suivre la tentative de Breuer de classer ces penseurs et poètes dans le paysage politique de la première moitié du XXième siècle: «Le fondamentalisme esthétique, empiriquement parlant, comme le montre l'exemple de la “république des poètes” de Bavière en 1919, peut parfaitement se manifester sous une forme de “gauche”. Mais nous voyons alors éclore une tension entre les orientations universalistes-éthiques et les orientations esthétiques, où les premières finissent par avoir le dessus, si bien que les formes de gauche sont le plus souvent des formes de transition, tandis que la qualité spécifiquement esthétique et a-éthique postule une attitude particulariste, laquelle, traduite en option politique, révèle une affinité avec la droite politique» (p. 226).
Breuer examine de ce fait les intersections possibles entre le fondamentalisme esthétique et les prémisses de droite de la “révolution conservatrice”, du nationalisme et du national-socialisme. Mais dans l'enquête de Breuer manque (ndlr: comme d'habitude serait-on tenté de dire...) la référence aux diverses formes du fédéralisme qui, au début du XXième siècle, n'était nullement un phénomène marginal en Allemagne du Sud. La “version populaire” de l'esthétisme des cercles conservateurs, le “Heimatkunst” (l'art du terroir), cultivait de fortes sympathies pour ce fédéralisme. Ni George ni Hofmannsthal n'ont été actifs dans les mouvements régionalistes, mais ce non-engagement ne constitue pas une preuve, car ils ne se sont pas engagés davantage dans les formations nationalistes.
Ensuite, on peut affirmer sans se tromper que leur vision du monde était en opposition très nette avec celle de la “révolution conservatrice”. Quand Ernst Jünger manifestait une ivresse de technophilie et quand Moeller van den Bruck, dans le but de construire une Allemagne puissante, acceptait sans hésitation et sans a priori des phénomènes tels la croissance exponentielle de la population, les mégapoles, l'industrie et le prolétariat, “dans les cercles du fondamentalisme esthétique, ces phénomènes étaient jugés purement et simplement comme les expressions du ‘contre-monde‘” (p. 230).
En bref: «L'objectif (de la révolution conservatrice) était de voir éclore une autre modernité ou plutôt une modernité autre» (p. 230). Tandis que les fondamentalistes esthétiques exigeaient la “négation totale de la modernité”, allant jusqu'à postuler, avec Borchardt, “de réduire en poussière les mégapoles allemandes”.
Dans cette hostilité de principe contre toutes les manifestations et les phénomènes de la modernité, nous trouvons, clairement exprimée, la différence qui oppose ce fondamentalisme esthétique au national-socialisme, car, écrit Breuer, “le national-socialisme se distingue du fondamentalisme esthétique par le fait qu'il accepte pleinement l'esprit du temps. Le national-socialisme ne procède pas, comme l'ont répété sur le mode du moulin à prière tibétain Thomas Mann et Georges Lukacs, d'une vulgarisation de l'anti-rationalisme ou de l'irrationalisme, mais, bien au contraire, d'une vulgarisation du rationalisme; il ne nie pas fondamentalement la modernité, mais ne la nie que sectoriellement” (p. 237).
Ce constat posé par Breuer est très important: il campe clairement les véritables clivages politiques de notre époque contemporaine, où nous avons, d'un côté, des progressistes et des rationalistes de droite et de gauche et, de l'autre, des conservateurs. Raison pour laquelle les “esthètes” peuvent être considérés non pas comme les précurseurs des bruns, mais comme les précurseurs des verts. “Avec le national-socialisme, nous avons un mouvement qui accède au pouvoir, en poursuivant en bien des points celui du XIXième siècle, dont les adeptes voulaient frapper George à mort et faisaient de cette intention l'une de leurs missions les plus urgentes. Ce mouvement comprenait les goûts artistiques petits-bourgeois de Hitler et, plus encore, sa conception positiviste des sciences, son enthousiasme pour la technique moderne et, en tout premier lieu, son obsession pour les idées d'eugénisme et d'hygiène raciale” (p. 233).
En même temps, cette critique fondamentale du progressisme chez les “esthètes” les distinguent des pires manifestations que l'on observe dans le camp conservateur, notamment cette propension à croire que la technique, le rationalisme et la politique de puissance ne sont pas mauvais en soi, mais qu'il importe qu'ils tombent dans de bonnes mains (c'est-à-dire dans des mains allemandes).
Ce qui rapproche les esthètes des fascistes, pense Breuer, “c'est la grande valorisation de la dimension charismatique” (p. 238). Mais les preuves qu'il avance pour soutenir ce point de vue laissent à désirer et son argumentation est nébuleuse. Elle semble cadrer avec cette douteuse tradition intellectuelle qui fait miroiter à l'horizon une “ligne” au-delà de laquelle se situerait le “malheur”, le “mal”, l'“innommable”. Type de raisonnement que les scientifiques feraient bien d'oublier...
La conclusion de Breuer, toutefois, est pertinente: le fondamentalisme esthétique est effectivement le concept qui s'oppose le plus “purement” et le plus radicalement à toutes les tendances progressistes, cherchant à imposer la modernisation (p. 241). Breuer admet qu'à une époque comme la nôtre où la crise écologique est d'une indéniable évidence, où les ressources se raréfient, où le prix à payer pour survivre est de plus en plus élevé, pour maintenir à flot cette foi déraisonnable dans les progrès techniques et autres, l'idée progressiste se grève de lourds paradoxes. Raison pour laquelle, nous devons reconnaître que les œuvres de Klages, George et Hofmannsthal “ont reconnu bien avant le mouvement écologiste les dangers que recelait cette idée” (p. 242).
Heinz-Siegfried STRELOW.
(article paru dans Ökologie, n°1/1997; trad. franç.: Robert Steuckers).
Stefan BREUER, Ästhetischer Fundamentalismus. Stefan George und der deutsche Antimodernismus, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, Darmstadt, 1995.
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mercredi, 06 août 2008
Bernd Rabehl: 70 ans !
Bärbel RICHTER:
Hommage à Bernd Rabehl pour ses 70 ans !
Les conformistes de gauche disent de lui qu’il est un rénégat mais une seule chose le rebutait essentiellement: la partialité et le sectarisme dans lesquels se complaisaient volontairement tant de militants au siècle des idéologies. Bernd Rabehl s’est toujours frayé un chemin entre les contradictions du monde politique, entre les blocs idéologiques, soutenu en cette errance par un esprit de joueur inné. Ce goût de l’errance et du jeu lui est venu carrément dès le berceau. En 1944, en pleine guerre, sa mère demande le divorce. Son père, adjudant d’état-major dans les services médicaux de l’armée et féru de jeux de hasard, s’installe à l’Ouest après la guerre. Son ex-femme et ses enfants restent à l’Est, à Rathenow dans le Brandebourg. Cette décision du père marquera durablement l’itinéraire politique de Bernd Rabehl. Mais les impressions les plus marquantes de son enfance sont évidemment les bombardements nocturnes, les hurlements de sirènes et les signaux de la BBC, car sa mère écoutait en secret les “émetteurs ennemis”.
Le goût et le talent pour le théâtre de la politique, il les a acquis fort tôt, encouragé par ses professeurs. En 1948 déjà, quand beaucoup d’autres jeunes allemands de la zone soviétique refusaient de s’y engager, il adhère à la FDJ (le mouvement de jeunesse du régime). Il devient membre d’un groupe théâtral d’agitprop communiste et s’y taille une réputation de bon acteur. En 1949, il est présent lors de la cérémonie du 8 mai au cimetière militaire soviétique de Rathenow: le garçonnet de 11 ans est debout face aux formations d’honneur de l’armée rouge et des délégations du parti et des “comités d’entreprise”, ainsi que des “masses populaires” présentes bon gré mal gré. Il récite des poèmes d’Erich Weinert ou de Johannes R. Becher. Il chante dans le choeur “Karl-Marx”. C’est là qu’il apprendra l’hymne légendaire de la révolution bourgeoise, “Die Gedanken sind frei” (“Les idées sont libres”). Ce chant est resté depuis lors son chant favori.
En 1952, quand tous avaient finalement adhéré à la FDJ et renoncé à la confirmation chrétienne au profit de la “Jugendweihe” (“L’initiation de la jeunesse”), lui, las de tant de conformisme, par défi, opte pour la confirmation. Le prêtre luthérien explique au jeune confirmé que le Christ avait été un “combattant de la liberté”. Son choix n’eut aucune conséquence: personne ne lui en tint rigueur.
Le 17 juin 1953, lors du soulèvement des ouvriers berlinois contre le régime pro-soviétique, il apprend, sur les barricades, à connaître des communistes et des socialistes oppositionnels. Un camarade de classe disparaît pour dix ans dans un pénitencier car il avait été impliqué dans l’assassinat d’un espion de la STASI, connu de tous dans la ville. Rabehl, lui, arrache le portrait de Staline qui ornait sa classe. Après que le soulèvement populaire eut été écrasé, le socialisme du régime n’eut plus d’attrait pour lui. Plus tard, il suivit à la radio, captivé, les récits de l’insurrection hongroise et des grèves générales polonaises de 1956.
Enfant d’ouvrier —sa mère travaille dans une équipe de nettoyage— il peut achever ses études secondaires à l’ “Oberschule”. Pour sa composition de maturité (“Abitur”), il est libre de choisir le thème; il décide de parler de “la mort” et écrit une variation sur Walter Ulbricht et la mort de la RDA. Conséquence: le secrétaire du parti convoque l’ensemble des élèves de dernière année dans le grand auditorium de l’école. Il exige que Rabehl fasse son auto-critique. Mais au lieu de se rétracter, il dénie une fois de plus tout avenir à la RDA. Silence de mort dans la salle. La sanction est toutefois modérée: on ne lui donne pas son diplôme de fin de secondaire; il doit redoubler sa classe puis “faire ses preuves dans la production”. C’est là qu’il rencontre les anciens meneurs de la grève générale du 17 juin 1953. On lui interdit alors de s’inscrire en histoire et il ne reçoit l’autorisation de n’étudier que l’agronomie à la “Humboldt-Universität” de Berlin-Est. Quatre semaines après, il franchit la ligne de démarcation et s’installe à Berlin-Ouest.
L’édification du Mur de Berlin, en 1961, hérisse ce jeune homme qui, lui, avait encore eu le temps de franchir la ligne sans devoir essuyer de coups de feu. De nombreux jeunes, dont Rudi Dutschke, qu’il ne connaissait pas encore à l’époque, marchent vers le Mur pour protester. Lorsqu’ils tentent, avec un piolet, de jeter bas le Mur, la police militaire américaine intervient et disperse les jeunes manifestants.
Pendant l’automne de l’année 1961, Rabehl entame des études de sociologie, de philosophie et d’histoire d’Europe orientale à la “Freie Universität” de Berlin. Parmi ses professeurs, il y avait bon nombre de communistes dissidents, dont Otto Stammer; bien vite, Rabehl et Rudi Dutschke prennent contact avec la “Subversive Aktion”, qui gravitait autour de Dieter Kunzelmann. Leur but? Démasquer le caractère autoritaire et non démocratique de l’Etat et de la société par des provocations bien ciblées. En 1965, le groupe rejoint le SDS (les étudiants de la gauche extra-parlementaire), où il constituera la principale fraction. Dans les années cruciales de 1967 et 1968, Rabehl appartient au comité dirigeant du SDS.
Après l’attentat contre Dutschke en avril 1968, Rabehl tentera de maintenir le mouvement dans le sens où Dutschke l’avait voulu. Ce sera l’échec. L’opposition extra-parlementaire (APO) se délite et se fractionne en sectes et groupuscules; une partie des militants “se militarisent”. Quant à Rabehl, il entame sa carrière d’enseignant universitaire.
Trente ans après, en 1998, d’anciens militants du SDS se réunissent à l’occasion d’un symposium et fixent leur ligne pour l’avenir: s’immerger dans la coalition socialiste-libérale, sous prétexte que c’est “une nécessité”. Rabehl n’admet pas cette démarche. Il choisit une fois de plus un chemin de traverse, une voie ardue, et commence à évoquer la dimension “nationale-révolutionnaire” de 68, que Dutschke et lui incarnaient tout particulièrement. Il prononce un exposé dans ce sens devant les étudiants nationaux-conservateurs de la Corporation “Danubia” de Munich. Rabehl venait alors de franchir le pas qui le mènera là où il se trouve aujourd’hui: dans l’espace de la dissidence la plus osée, en restant conséquent avec sa logique subversive et révolutionnaire mais en suscitant l’incompréhension de beaucoup. Rabehl n’a jamais été un rénégat: bien plutôt un dialecticien pragmatique. Le discours tenu à la Danubia de Munich, et la plupart de ses exposés, articles et essais prononcés ou publiés depuis 1998, se situent pourtant dans le même esprit que celui de la “Subversive Aktion”: ils ne dénoncent peut-être plus les mêmes ennemis qu’hier mais concentrent le tir sur les “camarades” de jadis qui se sont alignés sur l’une ou l’autre fraction de l’établissement.
Le 30 juillet 2008, Bernd Rabehl fêtera ses 70 ans. Ad multos annos!
Bärbel RICHTER.
(article paru dans “Junge Freiheit”, Berlin, n°31-32/2008; trad. franç.: Robert Steuckers).
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samedi, 26 juillet 2008
Note sur Wilhelm Stapel
Note sur Wilhelm Stapel
Né le 27 octobre 1882 à Calbe dans l'Altmark et décédé le 1 juin 1954 à Hambourg, Wilhelm Stapel était un écrivain politique, issu d'une famille de la petite classe moyenne. Après avoir achevé des études de bibliothécaire et avoir passé son "Abitur" (équivalent allemand du "bac"), il fréquente les universités de Göttingen, Munich et Berlin et obtient ses titres grâce à un travail en histoire de l'art. Au départ, vu ses orientations politiques, il semble être attiré par le libéralisme, mais un libéralisme de facture spécifique: celui que défendait en Allemagne Friedrich Naumann. Son idée du nécessaire équilibre entre "nation" et "société" le conduit à rencontrer Ferdinand Avenarius et son "Dürer-Bund" (sa "Fédération Dürer") en 1911. Un an plus tard, Stapel devient rédacteur de la revue de cette fédération, Der Kunstwart. Il a conservé cette fonction jusqu'en 1917. A la suite d'une querelle avec Avenarius, Stapel réalise un vœu ancien, celui de passer à une activité pratique; c'est ainsi qu'il prend la direction du "Hamburger Volksheim" (le "Foyer du Peuple de Hambourg"), qui se consacrait à l'éducation de jeunes issus de milieux ouvriers.
A ce moment-là de son existence, Stapel avait déjà entretenu de longs contacts avec le "Deutschnationaler Handlungsgehilfenverband" ("L'Association Nationale Allemande des Employés de Commerce"), et plus particulièrement avec sa direction, regroupée autour de M. Habermann et de Ch. Krauss, qui cherchaient un rédacteur en chef pour la nouvelle revue de leur association, Deutsches Volkstum. A l'automne 1919, Stapel quitte son emploi auprès du Volksheim et prend en mains l'édition de Deutsches Volkstum (à partir d'avril 1926, il partagera cette fonction avec A. E. Günther). Stapel transforme cette revue en un des organes de pointe de la tendance révolutionnaire-conservatrice. Il s'était détaché de ses anciennes conceptions libérales sous la pression des faits: la guerre d'abord, les événements de l'après-guerre ensuite. Comme la plupart des Jungkonservativen (Jeunes-Conservateurs), son attitude face à la nouvelle république a d'abord été assez élastique. Il était fort éloigné de l'idée de restauration, car il espérait, au début, que la révolution aurait un effet cathartique sur la nation. La révolution devait aider à organiser le futur "Etat du peuple" (Volksstaat) dans le sens d'un "socialisme allemand". Dans un premier temps, Stapel sera déçu par la rudesse des clauses du Traité de Versailles, puis par la nature incolore de la nouvelle classe politique. Cette déception le conduit à une opposition fondamentale.
Bon nombre de ses démarches conceptuelles visent, dans les années 20, à développer une critique de la démocratie "occidentale" et "formelle", qui devait être remplacée par une démocratie "nationale" et "organique". D'une manière différente des autres Jungkonservativen, Stapel a tenté, à plusieurs reprises, de proposer des esquisses systématiques appelées à fonder une telle démocratie. Au centre de ses démarches, se plaçaient l'idée d'une constitution présidentialiste, le projet d'un droit de vote différencié et hiérarchisé et d'une représentation corporative. Pendant la crise de la République de Weimar, Stapel a cru, un moment, que les "Volkskonservativen" (les "conservateurs populaires") allaient se montrer capables, notamment avec l'aide de Brüning (qui soutenait la revue Deutsches Volkstum), de réaliser ce programme. Mais, rapidement, il s'est aperçu que les Volkskonservativen n'avaient pas un ancrage suffisant dans les masses. Ce constat a ensuite amené Stapel à se rapprocher prudemment des nationaux-socialistes. Comme beaucoup de Jungkonservativen, il croyait aussi pouvoir utiliser la base du mouvement de Hitler pour concrétiser ses propres projets; même dans les premiers temps de la domination nationale-socialiste, il ne cessait d'interpréter le régime dans le sens de ses propres idées.
On trouve une explication aux illusions de Stapel surtout dans son ouvrage principal, paru en 1932 et intitulé Der christliche Staatsmann ("De l'homme d'Etat chrétien"), avec, pour sous-titre "Eine Theologie des Nationalismus" ("Une théologie du nationalisme"). Tout ce texte est marqué par une tonalité apocalyptique et est entièrement porté par un espoir de rédemption intérieure. Stapel, dans ce livre, développe la vision d'un futur "Imperium Teutonicum", appelé à remodeler le continent européen, tout en faisant valoir ses propres principes spirituels. Il y affirme que les Allemands ont une mission particulière, découlant de leur "Nomos", qui les contraint à apporter au monde un ordre nouveau. Cette conception, qui permet à l'évidence une analogie avec la revendication d'élection d'Israël, explique aussi pourquoi Stapel s'est montré hostile au judaïsme. Dans les Juifs et leur "Nomos", il percevait un adversaire métaphysique de la germanité, et, au fond, le seul adversaire digne d'être pris au sérieux. Mais Stapel n'était pas "biologisant": pendant longtemps, il n'a pas mis en doute qu'un Juif pouvait passer au "Nomos" germanique, mais, malgré cela, il a défendu dès les années 20 la ségrégation entre les deux peuples.
Le nationalisme de Stapel, et son anti-judaïsme, ont fait qu'il a cru, encore dans les années 30, que l'Etat national-socialiste allait se transformer dans le sens qu'il préconisait, celui de l'idéologie "volkskonservativ". C'est ainsi qu'il a défendu l'intégrité de Hitler et manifesté sa sympathie pour les "Chrétiens allemands". Cela lui a valu de rompre non seulement avec une bomme partie du lectorat de Deutsches Volkstum, mais aussi avec des amis de combat de longue date comme H. Asmussen, K. B. Ritter et W. Stählin. Ce n'est qu'après les pressions d'Alfred Rosenberg et du journal Das Schwarze Korps que Stapel a compris, progressivement, qu'il avait succombé à une erreur. La tentative de son ancien protégé, W. Frank, de lui procurer un poste, où il aurait pu exercer une influence, auprès de l'"Institut pour l'Histoire de la Nouvelle Allemagne " (Reichsinstitut für die Geschichte des neuen Deutschlands), a échoué, après que Stapel ait certes insisté pour que les Juifs soient séparés des Allemands, mais sans accepter pour autant qu'ils perdent leurs droits de citoyens ni qu'ils soient placés sous un statut de minorisation matérielle. Le pogrom du 9 novembre 1938 lui a appris définitivement qu'une telle option s'avérait désormais impossible. A cette époque-là, il s'était déjà retiré de toute vie publique, en partie volontairement, en partie sous la contrainte. A la fin de l'année 1938, il abandonne la publication de Deutsches Volkstum (la revue paraîtra par la suite mais sans mention d'éditeur et sous le titre de Monatsschrift für das deutsche Geistesleben, soit "Mensuel pour la vie intellectuelle allemande").
Sa position est devenue plus critique encore lors de la crise des Sudètes et au moment où s'est déclenchée la seconde guerre mondiale: il s'aperçoit, non seulement qu'il s'est trompé personnellement, mais que le système politique dans son ensemble vient d'emprunter une voie fatale, qui, dans tous les cas de figure, conduira au déclin de l'Allemagne. Par l'intermédiaire de Habermann, qui avait des relations étroites avec C. F. Goerdeler, il entre en contact en 1943 avec certains cercles de la résistance anti-hitlérienne. Beck aurait estimé que le livre de Stapel, paru en 1941 et intitulé Drei Stände ("Trois états"), était capital pour la reconstruction de l'Allemagne. Mais ce lien avec la résistance allemande n'a pas servi Stapel après la guerre, même si J. Kaiser et Th. Heuss avaient tous deux signé pour lui des attestations garantissant sa parfaite honorabilité. On a limité de manière drastique après la guerre ses possibilités de publier. Pour s'adresser à un public relativement large, il n'a pu, après 1945, qu'utiliser le "Deutsches Pfarrerblatt" ("Journal des pasteurs allemands"), qu'éditait son ami K. B. Ritter.
Son dernier livre Über das Christentum ("Sur le christianisme"), paru en 1951, constitue un bilan somme toute résigné, montrant, une fois de plus, que la pensée de Stapel était profondément marquée par la théologie et le luthérianisme.
Dr. Karlheinz WEISSMANN.
(entrée parue dans: Caspar von SCHRENCK-NOTZING (Hrsg.), Lexikon des Konservatismus, L. Stocker, Graz, 1996, ISBN 3-7020-0760-1; trad. franç.: Robert Steuckers).
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vendredi, 25 juillet 2008
Sur Karl Anton Rohan
Note sur le Prince Karl Anton Rohan, catholique, fédéraliste, européiste et national-socialiste
Né le 9 septembre 1898 à Albrechtsberg et décédé le 17 mars 1975 à Salzbourg, le Prince Karl Anton Rohan fut un écrivain et un propagandiste de l'idée européenne. Jeune aristocrate, ce sont les traditions "noires et jaunes" (c'est-à-dire impériales) de la vieille Autriche des familles de la toute haute noblesse qui le fascinent, lui, issu, côté paternel, d'une famille illustre originaire de Bretagne et, côté maternel, de la Maison des Auersperg. Il a grandi à Sichrow dans le Nord-est de la Bohème. Marqué par la guerre de 1914, par les expériences de la révolution bolchevique à l'Est et de l'effondrement de la monarchie pluriethnique, Rohan décide d'œuvrer pour que se comprennent les différentes élites nationales d'Europe, pour qu'elles puissent se rapprocher et faire front commun contre le bolchevisme et le libéralisme.
Après la fondation d'un "Kulturbund" à Vienne en 1922, Rohan s'efforcera, en suivant un conseil de J. Redlich, de prendre des contacts avec la France victorieuse. Après la fondation d'un "comité français" au début de l'année 1923, se constitue à Paris en 1924 une "Fédération des Unions Intellectuelles". Son objectif était de favoriser un rassemblement européen, Grande-Bretagne et Russie comprises sur le plan culturel. Dans chaque pays, la société et les forces de l'esprit devaient se rassembler au-delà des clivages usuels entre nations, classes, races, appartenances politiques et confessionnelles. Sur base de l'autonomie des nations, lesquelles constituaient les piliers porteurs, et sur base des structures étatiques, devant constituer les chapiteaux, des "Etats-Unis d'Europe" devaient émerger, comme grande coupole surplombant la diversité européenne.
Rohan considérait que le catholicisme sous-tendait le grand œcoumène spirituel de l'Europe. Il défendait l'idée d'un "Abendland", d'un "Ponant", qu'il opposait à l'idée de "Paneurope" de son compatriote Richard Coudenhove-Kalergi. Jusqu'en 1934, le Kulturbund de Rohan est resté intact et des filiales ont émergé dans presque toutes les capitales européennes.
Aux colloques annuels impulsés par Rohan (Paris en 1924, Milan en 1925, Vienne en 1926, Heidelberg et Francfort en 1927, Prague en 1928, Barcelone en 1929, Cracovie en 1930, Zurich en 1932 et Budapest en 1934), de 25 à 300 personnes ont pris part. Les nombreuses conférences et allocutions de ces colloques, fournies par les groupes de chaque pays, duraient parfois pendant toute une semaine. Elles ont été organisées en Autriche jusqu'en 1938. Dans ce pays, ces initiatives du Kulturbund recevaient surtout le soutien du Comte P. von Thun-Hohenstein, d'Ignaz Seipel et de Hugo von Hofmannsthal, qui a inauguré le colloque de Vienne en 1926 et l'a présidé. Les principaux représentants français de ce courant étaient Ch. Hayet, Paul Valéry, P. Langevin et Paul Painlevé. En Italie, c'était surtout des représentants universitaires et intellectuels du courant fasciste qui participaient à ces initiatives. Côté allemand, on a surtout remarqué la présence d'Alfred Weber, A. Bergsträsser, L. Curtius, Lilly von Schnitzler, le Comte Hermann von Keyserling, R. von Kühlmann et d'importants industriels comme G. von Schnitzler, R. Bosch, O. Wolff, R. Merton, E. Mayrisch et F. von Mendelssohn.
Rohan peut être considéré comme l'un des principaux représentants catholiques et centre-européens de la "Révolution conservatrice"; il jette les bases de ses idées sur le papier dans une brochure programmatique intitulée Europa et publiée en 1923/24. C'est lui également qui lance la publication Europäische Revue, qu'il a ensuite éditée de 1925 à 1936. Depuis 1923, Rohan était véritablement fasciné par le fascisme italien. A partir de 1933, il va sympathiser avec les nationaux-socialistes allemands, mais sans abandonner l'idée d'une autonomie de l'Autriche et en soulignant la nécessité du rôle dirigeant de cette Autriche dans le Sud-est de l'Europe. A partir de 1935, il deviendra membre de la NSDAP et des SA. En 1938, après l' Anschluß, Rohan prend en charge le département des affaires extérieures dans le gouvernement local national-socialiste autrichien, dirigé par J. Leopold. En 1937, il s'était fait le propagandiste d'une alliance entre un catholicisme rénové et le national-socialisme contre le bolchevisme et le libéralisme, alliance qui devait consacrer ses efforts à éviter une nouvelle guerre mondiale. Beau-fils d'un homme politique hongrois, le Comte A. Apponyi, il travaille intensément à partir de 1934 à organiser une coopération entre l'Autriche, l'Allemagne et la Hongrie.
Après avoir dû fuir devant l'avance de l'armée rouge en 1945, Rohan est emprisonné pendant deux ans par les Américains. Après sa libération, Rohan ne pourra plus jamais participer à des activités publiques, sauf à quelques activités occasionnelles des associations de réfugiés du Pays des Sudètes, qui lui accorderont un prix de littérature en 1974.
L'importance de Rohan réside dans ses efforts, commencés immédiatement avant la première guerre mondiale, pour unir l'Europe sur base de ses Etats nationaux. Très consciemment, Rohan a placé au centre de son idée européenne l'unité des expériences historiques et culturelles de l'Est, du Centre et de l'Ouest de l'Europe. Cette unité se retrouvait également dans l'idée de "Reich", dans la monarchie pluriethnique des Habsbourgs et dans l'universalisme catholique de l'idée d'Occident ("Abendland", que nous traduirions plus volontiers par "Ponant", ndt). Les besoins d'ordre culturel, spirituel, religieux et éthique devaient être respectés et valorisés au-delà de l'économie et de la politique (politicienne). Cet aristocrate, solitaire et original, que fut Rohan, était ancré dans les obligations de son environnement social élitiste et exclusif tout en demeurant parfaitement ouvert aux courants modernes de son époque. En sa personne, Rohan incarnait tout à la fois la vieille Autriche, l'Allemand et l'Européen de souche française.
Dr. Guido MÜLLER.
(entrée parue dans: Caspar von SCHRENCK-NOTZING (Hrsg.), Lexikon des Konservatismus, L. Stocker, Graz, 1996, ISBN 3-7020-0760-1; trad. franç.: Robert Steuckers).
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