Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 12 juillet 2018

Sommet de l’OTAN et sommet Trump/Poutine : que faut-il en penser ?

belgaimage-117923754-full.jpg

Sommet de l’OTAN et sommet Trump/Poutine : que faut-il en penser ?

Par Robert Steuckers

Script de l'entretien d'aujourd'hui, 11 juillet 2018, accordé à Channel 5 (Moscou), sous la houlette d'Alexandra Lusnikova

Le sommet de l’OTAN qui se tient aujourd’hui, 11 juillet 2018, et se poursuivra demain à Bruxelles, aura pour point principal à son ordre du jour la volonté affichée par Donald Trump d’obtenir de ses partenaires, plutôt de ses vassaux, européens ce qu’il appelle un « Fair Share », c’est-à-dire une participation financière accrue des petites puissances européennes dans le budget de l’OTAN. Pour Trump, les pays européens consacrent trop d’argent au « welfare » et pas assez à leurs armées. C’est une antienne que l’on entend depuis belle lurette de la part de tous les ténors américains de l’atlantisme. Ceux-ci veulent que tous les pays européens consacrent au moins 2% de leur PNB à la chose militaire. Les Etats-Unis, engagés sur de multiples fronts de belligérance, consacrent 3,58% de leur PIB à leurs dépenses militaires. En Europe, la Grèce (qui craint surtout son voisin turc et doit sécuriser les îles de l’archipel égéen), le Royaume-Uni, la Pologne, l’Estonie et la Roumanie dépassent ces 2% exigés par Trump. La France consacre 1,79% à ses forces armées ; l’Allemagne 1,22%. Evidemment, ces 1,22% du PIB allemand sont largement supérieurs aux 2% consacrés par des pays moins riches. Malgré les 3,58% dépensés par les Etats-Unis,  précisons toutefois que ce budget, certes énorme, est en constante diminution depuis quelques années.

L’exigence américaine se heurte à plusieurs réalités : d’abord, les Etats-Unis ont sans cesse, depuis la création de l’OTAN, empêché les pays européens de développer leurs aviations militaires, en mettant des bâtons dans les roues de Dassault, de Saab, de Fiat, etc. et en interdisant la renaissance des usines aéronautiques allemandes. Si l’Europe avait reçu de son « suzerain » le droit de développer ses propres usines aéronautiques, ses budgets militaires, même réduits en apparence, auraient permis de consolider sérieusement ses armées, tout en créant des emplois de qualité sur le marché du travail ; ensuite, certains chiffres parlent pour eux-mêmes : si l’on additionne les budgets militaires des principales puissances européennes de l’OTAN (Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Espagne), ceux-ci dépassent de loin le budget de la Russie, posée comme « ennemi majeur ». Le bugdet de l’OTAN, Etats-Unis compris, est donc pharamineux.

Bon nombre de voix estiment que cette problématique de « Fair Share » est le rideau de fumée qui masque le problème réel: celui de la guerre commerciale larvée entre l’Europe et les Etats-Unis. Le but réel de Trump et du « Deep State » américain est de réduire les importations européennes (et chinoises) vers les Etats-Unis. Le but de Trump, louable pour un Président des Etats-Unis, est de remettre l’industrie américaine sur pied, de manière à débarrasser la société américaine des affres qu’a laissées la désindustrialisation du pays. Pour Trump, mais aussi pour ses prédécesseurs, l’UE imposerait des barrières, en dépit de ses crédos néolibéraux, qui empêcheraient les Etats-Unis d’exporter sans freins leurs produits finis en Europe, comme ils le faisaient dans les deux décennies qui ont immédiatement suivi la seconde guerre mondiale. L’UE est un problème pour l’élite financière américaine, tout simplement parce qu’elle est largement (bien qu’incomplètement) autarcique. Trump estime que, dans les relations commerciales bilatérales, les pertes américaines, par manque à gagner, s'élèveraient à 151 milliards de dollars. Le déficit commercial entre l’UE et les Etats-Unis serait actuellement de 91 milliards de dollars, au détriment de Washington.

Autre point à l’agenda : les efforts qui vont devoir, selon l’OTAN, être déployés pour que la Géorgie puisse adhérer le plus rapidement possible à l’Alliance Atlantique. Dans l’ordre du jour du sommet d’aujourd’hui et de demain, ici à Bruxelles, la question géorgienne est évidemment le thème le plus intéressant à analyser. La stratégie habituelle des puissances maritimes, l’Angleterre au 19ième siècle et puis les Etats-Unis qui prennent son relais, est de contrôler les bras de mer ou les mers intérieures qui s’enfoncent le plus profondément à l’intérieur de la masse continentale eurasienne et africaine. L’historien des stratégies navales anglaises depuis le 17ième siècle, l’Amiral américain Mahan, s’intéressait déjà à la maîtrise de la Méditerranée où l’US Navy avait commis sa première intervention contre les pirates de Tripolitaine à la fin du 18ième siècle. Halford John Mackinder retrace aussi, dans ses principaux traités de géopolitique, l’histoire de la maîtrise anglaise de la Méditerranée. Dans le cadre des accords Sykes-Picot et de la Déclaration Balfour, les Anglais protestants, en imaginant être un « peuple biblique », accordent, contre l’avis de leurs compatriotes et contemporains conservateurs, un foyer en Palestine pour les émigrants de confession mosaïque. Le but, que reconnaissait pleinement le penseur sioniste Max Nordau, était de faire de cette entité juive la gardienne surarmée du Canal de Suez au bénéfice de l’Empire britannique et de créer un Etat-tampon entre l’Egypte et l’actuelle Turquie afin que l’Empire ottoman ne se ressoude jamais. Les guerres récentes dans le Golfe Persique participent d’une même stratégie de contrôle des mers intérieures. Aujourd’hui, les événements d’Ukraine et la volonté d’inclure la Géorgie dans le dispositif de l’OTAN, visent à parachever l’œuvre de Sykes et de Balfour en installant, cette fois au fond de la Mer Noire, un Etat, militairement consolidé, à la disposition des thalassocraties. Le fond du Golfe Persique, le fond de la Méditerranée et le fond de la Mer Noire seraient ainsi tous contrôlés au bénéfice de la politique globale atlantiste, contrôle qui serait encore renforcé par quelques nouvelles bases dans la Caspienne. Je pense vraiment que ce point à l’ordre du jour est bien plus important que les débats autour du « Fair Share » et de la balance commerciale déficitaire des Etats-Unis.

Le sommet Trump-Poutine

D’après maints observateurs, le sommet prochain entre Trump et Poutine à Helsinki en Finlande aurait pour objet principal de laisser la Syrie à la Russie, après les succès de l’armée régulière syrienne sur le terrain. Reste à savoir si la Syrie, laissée à Assad, sera une Syrie tronquée ou une Syrie entière, dans ses frontières d’avant l’horrible guerre civile qu’elle a subi depuis 2011. L’objectif des Etats-Unis et d’Israël semble être de vouloir tenir l’Iran, et son satellite le Hizbollah, hors de Syrie. Poutine, apparemment, y consentirai et offre d’ores et déjà une alternative à l’Iran qui, depuis les premiers empires perses de l’antiquité, souhaite obtenir une façade sur la Méditerranée, directement ou indirectement par tribus ou mouvements religieux interposés. Poutine offre à l’Iran la possibilité d’emprunter une voie par la Caspienne (d’où l’intérêt récent des Américains à avoir des bases dans cette mer intérieure et fermée), la Volga, le Canal Volga/Don, le Don (par Rostov), la Mer d’Azov, l’isthme de Crimée et la Mer Noire. L’Iran préfère évidemment la voie directe vers la Méditerranée, celle qui passe par la Syrie et la partie chiite de l’Irak. Mais si l’Iran doit renoncer à son fer de lance qu’est le Hizbollah, les Etats-Unis devraient renoncer, en toute réciprocité, à soutenir des mouvements protestataires, souvent farfelus, en Iran.

map_river_route.JPG

Deuxième condition, pour que l’éviction hors de Syrie de l’Iran soit crédible, il faudrait aussi expurger définitivement la Syrie de toutes les séquelles du djihadisme salafiste ou wahhabite. Or, on observe, ces derniers mois, que ces forces djihadistes sont alimentés voire instruites au départ de la base américaine d’al-Tanf sur la frontière syro-irakienne. Question à l’ordre du jour : les Etats-Unis vont-ils quitter cette base terrestre entre la Méditerranée et le Golfe Persique ou y rester, en tolérant des poches de résistance djihadiste qu’ils alimenteront au gré de leurs intérêts ?

L’objectif des Russes, dans le cadre syrien, est de sauver la viabilité économique du pays, de rouvrir les grands axes de communication et de soustraire définitivement ceux-ci à toute forme de guerre de basse intensité (low intensity warfare), à toute stratégie lawrencienne modernisée. Pour y parvenir, Poutine et Lavrov suggèreront sans nul doute le rétablissement d’une Syrie souveraine dans ses frontières de 2011, ce qui implique de purger le pays de toutes les formes de djihadisme, portées par les « Frères Musulmans » ou par Daesh et de prier la Turquie d’évacuer les zones qu’elle occupe au Nord du pays, le long de sa frontière. Le Hizbollah, lui, a toujours promis d’évacuer les territoires syriens où il est présent, dès que les forces djihadistes sunnito-wahhabites en auront été éliminées.

Force est de constater que le projet russe correspond certes aux intérêts traditionnels de la Russie, tsariste, soviétique ou poutinienne, mais aussi aux intérêts des puissances ouest-européennes comme la France et l’Italie et même à une puissance germano-centrée ou austro-centrée qui aurait retrouvé sa pleine souveraineté dans le centre de la presqu’île européenne.

Le volet géorgien du sommet de l’OTAN et les futurs échanges sur la Syrie et la présence iranienne en Syrie, entre Trump et Poutine, me paraissent les enjeux les plus intéressants de l’actualité qui se fait et se fera, aujourd’hui et demain, ici à Bruxelles.

Robert Steuckers, Bruxelles, 11 juillet 2018.

jeudi, 05 juillet 2018

Nouvelles Routes de la Soie : Russes et Chinois construisent la voie maritime arctique vers l’Europe

arctiquevoie.jpg

Nouvelles Routes de la Soie : Russes et Chinois construisent la voie maritime arctique vers l’Europe

Moscou/Beijing : On le sait : les tensions s’accumulent entre la Chine, qui gagne en puissance, et ses concurrents américains, étrangers à l’espace asiatique. Ces tensions sont particulièrement fortes dans la Mer de Chine du Sud. Chinois et Américains s’y livrent une bataille propagandiste toujours plus virulente.

Mais le site de la confrontation sino-américaine le plus important pourrait être demain le gigantesque littoral au Nord de la masse continentale eurasienne. En effet, les Chinois et les Russes travaillent à créer en cette zone une nouvelle voie conduisant de l’Asie extrême-orientale vers l’Europe, un tracé complémentaire aux fameuses « Routes de la Soie » que la Chine entend promouvoir, à grand renforts d’investissements depuis quelques années. La voie arctique serait la route commerciale la plus rapide et la plus sûre entre l’Extrême-Orient et l’Extrême-Occident européen. Comparons ce tracé avec la route maritime principale actuelle entre la Chine et l’Europe, qui passe par le Détroit de Malacca et le Canal de Suez et prend 35 jours : la route arctique, elle, serait plus courte de 6500 km, ferait gagner énormément de temps, au moins deux semaines.

akademik-lomonosov_0902BC018A01653379.jpg

De surcroît, la voie maritime arctique aurait l’avantage de permettre l’exploitation des énormes réserves de matières premières de la plate-forme continentale face aux côtes russes. Il y a quelques semaines, la Russie a envoyé l’Akademik Lomonossov, la première centrale nucléaire flottante, dans l’Arctique, au départ de Mourmansk avec, pour destination, la presqu’île des Tchouktches, où elle jettera l’ancre dans le port de Pewel. A partir de ces installations portuaires, la station énergétique flottante pourra fournir de l’énergie à ces régions éloignées de tout et à des plates-formes pétrolières.

L’Arctique est très riche en énergies fossiles. Les scientifiques américains estiment qu’un cinquième des réserves de pétrole du monde s’y trouve, de même qu’un quart des ressources en gaz naturel. Il y a là-bas, en plus, d’énormes réserves d’or, d’argent et de terres rares.

Récemment, le Président russe Vladimir Poutine a accompagné une délégation chinoise lors d’une visite à un chantier de gaz de schiste sur la presqu’île sibérienne de Iamal, où les Chinois sont partie prenante. Poutine a exhorté ses hôtes : « La Route de la Soie est arrivée dans le Grand Nord. Raccordons-là à la voie maritime arctique et, alors, nous aurons ce dont nous avons besoin ».

La Chine, entre-temps, vient de publier un livre blanc sur l’exploitation future de l’Arctique, où l’on peut lire que Beijing souhaite, « avec le concours d’autres Etats » (mais il est évident qu’il s’agit surtout de la Russie), ouvrir des voies maritimes dans la région arctique et de créer ainsi une « Route de la Soie polaire ».

Il va de soi que les activités arctiques des deux grandes puissances eurasiennes suscitent l’hostilité de Washington. L’ancienne vice-ministre des affaires étrangères américaine, Paula Dobriansky, a demandé avec insistance à l’OTAN de renforcer ses positions dans l’Arctique. Les Etats-Unis, conseille-t-elle vivement, devraient mettre sur pied une infrastructure militaire dans la Grand Nord, comprenant un quartier général. Car les Etats-Unis doivent montrer qui est le « véritable chef d’orchestre dans l’OTAN et dans le reste du monde ». Les Etats-Unis ne doivent plier devant rien ni personne et doivent imposer leur domination économique et politique contre tous. Une nouvelle zone de turbulences et de conflits vient de voir le jour.

Ex : http://www.zuerst.de

 

vendredi, 25 mai 2018

Hat die «Allianz» Russland-Türkei eine Zukunft?

ggg.jpg

Hat die «Allianz» Russland-Türkei eine Zukunft?

Ex: http://stategische-studien.com 

Byzanz dürfte 660 v. Chr. durch griechische Dorier als Byzantion gegründet worden sein. Der römische Kaiser Konstantin liess nach sechs Jahren Bau über dem ursprünglichen Byzantion seine Stadt am 11. Mai 330 n.Chr., die später als Konstantinopel seinen Namen erhielt, als Hauptstadt des römischen Reichs konsekrieren. Zu diesem Zeitpunkt war der Kaiser 58 Jahre alt. Konstantin hatte eine neue Metropolis an der Meeresenge, die Asien von Europa trennt, errichten lassen. Nach der Aufteilung des Römischen Reiches 395 n.Chr. wurde die Stadt zur Hauptstadt des oströmischen Reiches. Später wurde dieses Teilreich als byzantinisches Reich bezeichnet.[1] Obwohl ab dem 7. Jahrhundert in Byzanz das Griechische das Latein als Hof- und Verwaltungssprache immer mehr verdrängte, bezeichneten sich die Bewohner der Stadt bis zu ihrer Eroberung durch die Osmanen 1453 immer noch als Römer (Rhomäer).

Immer wieder wurde Konstantinopel während Jahrhunderten durch fremde Völker belagert. Nur zweimal gelang eine Eroberung der Stadt. Die ersten, die eine Eroberung dieser geostrategischen Drehscheibe versuchten, waren die Goten 378 n. Chr.[2]. Es folgte 626 die Belagerung von Konstantinopel durch den Sassaniden Chosro II., dem Herrscher über das neupersische Reich.[3]. Als Folge dieses «letzten grossen Krieges der Antike» waren am Ende beide Reiche ausgeblutet. 636 konnten die arabischen Heere nach der Schlacht von Yarmuk Syrien erobern.[4] 640 folgte die arabische Eroberung von Ägypten und 647 von Nordafrika.[5] Byzanz konnte noch Anatolien, sowie Gebiete auf dem Balkan und in Italien bewahren. 674-78 belagerten die Araber zum ersten Mal Konstantinopel. Durch den Einsatz des griechischen Feuerswurden die arabischen Seestreitkräfte vernichtet.[6] Zu dieser Zeit war das Sassanidenreich bereits durch die Arabererobert worden. 717 folgte die zweite Belagerung Konstantinopels durch die Araber. Wiederum wurde das griechische Feuer eingesetzt. Die Provinzarmeen der Themen waren bei der Abwehr der Araber sehr erfolgreich.[7] Nach dem Sturz der Dynastie der Omayyaden 750 war das Reich durch Angriffe der Araber nicht mehr gefährdet.[8]

Nach der Schlacht von Mantzikert, 1071, verlor Byzanz beinahe ganz Anatolien an die türkischen Seldschuken.[9]Gleichzeitig wurde das Reich durch normannische Abenteurer aus Sizilien und Italien verdrängt. Diese eroberten unter ihrem Anführer Robert Guiscard 1081 auch Illyrien. Nach verlustreichen Kämpfen mussten sich die Normannen unter dem Sohn von Guiscard, Bohemund, nach Italien zurückziehen. Als das Ritterheer des ersten Kreuzzuges 1096 in Byzanz eintraf, war einer der Anführer der Kreuzfahrer der Normanne Bohemund.[10] Sehr bald kam es zu Spannungen zwischen den Kreuzfahrern und Byzanz. 1204 hetzte Venedig, ein früherer Alliierte von Byzanz, die Teilnehmer am vierten Kreuzzug gegen Konstantinopel auf. Im April dieses Jahres wurde die grösste Stadt der Christenheit nach ihrer Eroberung durch die Kreuzfahrer während drei Tagen geplündert und gebrandschatzt.[11] Venedig und seine Alliierten gründeten das kurzlebige Lateinische Kaiserreich. Gleichzeitig entstanden drei byzantinische Nachfolgestaaten, die den Kreuzfahrern Widerstand leisteten.

1261 konnte Michael VIII. Palaiologos (1259-82), Herrscher über das byzantinische Nachfolgereich Nikäa, Konstantinopel zurückerobern.[12] Seine Dynastie konnte während zwei Jahrhunderten über ein Reich herrschen, zu dem Griechenland, Teile von Kleinasien und des Balkans gehörten.[13] Durch dieses kleine Territorium konnten aber nicht genügend Ressourcen für den Unterhalt einer wirkungsvollen Streitmacht generiert werden. Der Sieg von Timur in der Schlacht von Ankara von 1402 verhalf Konstantinopel zu einer Atempause. Schlussendlich eroberte der osmanische Sultan Mehmet II. (1444-46/1451-81) am 29. Mai 1453 dank seinen genuesischen Geschützen und seiner Übermacht von 80’000 Muslimen gegenüber den 7’000 Verteidigern die Stadt. Während 1’000 Jahren hatte Byzanz eine hohe militärische Professionalität bewiesen[14] und während Jahrhunderten Europa vor einer islamischen Eroberung geschützt und bewahrt. Als Dank dafür wurde das Reich der Rhomäer in seinem Abwehrkampf gegen die Osmanen am Ende durch das christliche Abendland im Stich gelassen.

Eines der wichtigsten Ereignisse in der Geschichte von Byzanz war die Taufe des Grossfürsten von Kiew, Wladimir I. der Grosse (980-1015), Nachkomme des Waräger Rjurik (als Rus bezeichnet) 987 nach dem orthodoxen Ritus.[15] Ein Grund für diese Taufe war die Hilfe von Wladimir bei der Rekrutierung von Skandinaviern für die Waräger-Garde des byzantinischen Kaisers. Diese Taufe wurde durch den Vertrag von 1046 und die Heiraten zwischen den beiden Herrschaftshäusern besiegelt.[16] Nachdem die Rus früher mehrmals versucht hatten Byzanz zu erobern, wurden die Beziehungen zwischen den beiden Reichen immer freundschaftlicher. Die heutigen Gebiete von Russland, Serbien, die Ukraine, Belarus, Rumänien und Bulgarien übernahmen Tradition, Kultur und den orthodoxen Glauben von Byzanz.[17]

Nach dem Fall von Konstantinopel bezeichnete der russische Mönch Filofei (Filotheos) in einer Schrift an die russischen Grossfürsten Moskau als das dritte Rom.[18] Im ersten Rom würden Häretiker herrschen und das zweite Rom, Konstantinopel, sei durch die Ungläubigen erobert worden. Dieses Konzept übernahm der Herrscher über Moskau, Grossfürst Ivan IV. (1534-1584). Ivan IV. liess sich 1547 als Nachfolger der byzantinischen Kaiser zum Zar krönen.[19] Die Legimitation dazu konnte er auch mit seinem Grossvater, Ivan III. (1462-1505), begründen, der mit Zoë Palaiologos, Nichte des letzten byzantinischen Kaisers, verheiratet gewesen war.[20] Ivan IV. war nun der einzige freie orthodoxe Herrscher. Seine Religion bestimmte die Kreuzzüge Russlands gegen das katholische Königreich Polen-Litauen, der Feind im Westen, Schweden, das Tartaren-Kanat von Kazan und das osmanische Reich. Ziel der Kriege gegen das osmanische Reich war die Befreiung der Balkan-Völker und Konstantinopels vom türkischen Joch.[21]

Ab dem 16.Jahrhundert wurde Russland in den orthodoxen Kirchen als Erbe von Konstantinopel und der Zar von Russland als Wächter über die gesamte orthodoxe Welt anerkannt.[22] Die russische Kirche war von einer siegreichen Mission gegen die muslimischen Ungläubigen und über die katholische Gegnerschaft überzeugt.[23] Russland hatte den byzantinischen Thron zu bewahren. Von dieser Mission und dem Kreuzzug waren alle Zaren bis und mit der Romanow-Dynastie überzeugt. Die verschiedenen Kriege des russischen Imperiums gegen das osmanische Reich, die vom 18. Jahrhundert bis zum ersten Weltkrieg dauerten, belegen dies.[24] Diese Mission dürfte grundsätzlich auch die Aussenpolitik von Wladimir Putin bestimmen.

Zur Durchsetzung ihrer Interessen in Syrien verfolgen Russland und die Türkei seit 2017 eine Art «Allianz». Syrien soll durch diese gemeinsame «Allianz», zusammen mit der Islamischen Republik Iran,  befriedet werden. Wladimir Putin dürfte dabei auch das Ziel verfolgen, die Türkei aus dem westlichen Bündnis NATO herauszubrechen. Der türkische Machthaber Erdogan dürfte seinem Machtstreben im Mittleren Osten frönen und von der Wiedererrichtung des osmanischen Reichs träumen. Auf dem Hintergrund der während Jahrhunderten verfolgten russischen Machtansprüche und der Kriege gegen die Osmanen erscheint diese «Allianz» als widernatürlich. Das Endziel von Russland könnte nach wie vor die «Befreiung» von Konstantinopel von den muslimischen Ungläubigen sein.

 

[1] Decker, M.J., The Byzantine Art of War, Westholme Publishing, Yardley, Pennsylvania, 2013, P,1.

[2] Decker, M.J., P. 13.

[3] Decker, M.J., P. 15-18.

[4] Decker, M.J., P. 21.

[5] Decker, M.J., P. 21.

[6] Decker, M.J., P. 22.

[7] Decker, M.J., P. 24.

[8] Decker, M.J., P. 24.

[9] Decker, M.J., P. 32/33.

[10] Decker, M.J., P. 36.

[11] Decker, M.J. P. 37.

[12] Decker, M.J., P. 37.

[13] Decker, M.J., P. 40.

[14] Decker, M.J., P. 40.

[15] Decker, M.J., P. 30.

[16] Obolensky, D., The Relations between Byzantium and Russia (11th-15th Century), Oxford University, Updated 02 July 2001, P. 2.

[17] Obolensky, D., P. 4ff.

[18] Laats, A., The Concept of the Third Rome and its Political Implications, P. 98.

[19] Laats, A., P. 104.

[20] Laats, A., P. 104.

[21] Laats, A. P. 105.

[22] Laats, A., P. 106.

[23] Laats, A., P. 108.

[24] Laats, A., P. 112.

 

mardi, 22 mai 2018

L’Eurasie tiraillée entre guerre et paix

lanneau-dasie-centrale.jpg

L’Eurasie tiraillée entre guerre et paix

Pepe Escobar

Ex: http://www.zejournal.mobi

Deux sommets récents, la poignée de mains transfrontalière des présidents Kim et Moon, qui a surpris le monde entier, et la promenade de santé amicale sur les berges du lac à Wuhan entre les présidents Xi et Modi, ont pu donner l’impression que le processus d’intégration eurasiatique est entré dans une phase plus calme. Or, cela n’est pas vraiment le cas. Ce serait plutôt un retour à la confrontation : comme on pouvait s’y attendre, la mise en pratique de l’accord sur le nucléaire iranien, connu sous l’acronyme disgracieux de JCPOA (en français l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien), est au cœur du problème. Fidèles au processus lent de leur projet d’intégration eurasiatique, la Russie et la Chine sont les plus fidèles soutiens de l’Iran.

La Chine est le premier partenaire commercial de l’Iran, en particulier grâce au volume des ses importations énergétiques. L’Iran, de son côté, est un importateur net de denrées alimentaires. La Russie entend couvrir cette demande alimentaire.

Les sociétés pétrolières chinoises aident au développement des immenses champs pétrolifères de Yadaravan, dans le nord des champs pétrolifères d’Azadegan. La CNPC (China National Petroleum Corporation) a acquis 30% des parts du projet pour exploiter South Pars, le plus grand gisement de gaz naturel au monde. Un contrat de 3 milliards de dollars a été signé pour remettre à niveau les raffineries pétrolières iraniennes, dont un contrat entre Sinopec et la NIOC (National Iranian Oil Company) pour agrandir l’ancienne raffinerie d’Abadan.

Lors d’une visite d’État célèbre effectuée en 2015 juste après la signature de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, le président Xi Jinping a annoncé un projet ambitieux de multiplier par dix le commerce bilatéral entre les deux pays à hauteur de 600 milliards de dollars dans la prochaine décennie.

L’Iran est au cœur du dispositif de Pékin des Nouvelles Routes de la soie (aussi appelé «  Une ceinture, Une route »). Un de ses projets d’infrastructures majeur est une ligne ferroviaire à grande vitesse de 926 kilomètres reliant Téhéran à Mashhad ; la Chine a alloué un prêt de 1,6 milliards de dollars à ce qui fut le premier projet en Iran bénéficiant du soutien d’un pays étranger après la signature de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien.

De folles conversations à Bruxelles font état de l’impossibilité qu’ont les banques européennes de financer des projets en Iran, à cause des féroces sanctions imprévisibles imposées par Washington, dont l’obsession pour l’Iran n’est plus à démontrer. Cette paralysie européenne a ouvert la voix à la CITIC (China International Trust Investment Corporation) pour débloquer plus de 15 milliards de dollars en crédits disponibles pour ces projets.

La Banque pour l’exportation et l’importation de Chine (placée sous la tutelle directe du Conseil des affaires de l’État) a jusqu’à présent financé 26 projets en Iran, de la construction d’autoroutes, à l’extraction minière en passant par la production d’acier, pour un montant de 8,5 milliards de dollars US en prêts. SinoSure (une compagnie d’assurance pour les entités qui prêtent des fonds à l’export, l’équivalent en Chine de la COFACE française) a quant à elle signé un protocole d’accord pour assister les sociétés chinoises qui investissent dans des projets d’infrastructures en Iran.

La société d’État chinoise National Machinery Industry Corp. a signé un contrat de 845 millions de dollars pour construire une ligne ferroviaire de 410 kilomètres dans l’ouest de l’Iran reliant Téhéran à Hamedan et Sanandaj.

Des rumeurs persistantes font état du fait que la Chine pourrait à long terme remplacer l’Inde en manque de fonds propres dans le développement du port stratégique de Chabahar, sur la mer d’Arabie, qui est le point de départ suggéré pour une mini route de la Soie indienne reliant l’Inde à l’Afghanistan, et contournant le Pakistan.

Ainsi, au milieu de cette tornade de contrats, Beijing ne cache pas son mécontentement vis-à-vis de l’attention portée par le Ministère de la Justice américain à la société chinoise Huawei, principalement à cause des fortes ventes de téléphones mobiles d’entrée de gamme qu’elle enregistre sur le marché iranien.

C’est chic de voler en Sukhoï

La Russie réplique, et dépasse même l’offensive commerciale chinoise en Iran.
Habituellement très lente dans ses décisions d’acquisitions d’avions américains ou européens, la compagnie aérienne Aseman Airlines a décidé d’acquérir 20 Sukhoï SuperJet 100, tandis qu’Iran Air Tours, une filiale d’Iran Air, en a commandé une autre vingtaine. Les deux commandes, d’un montant de plus de deux milliards de dollars, ont été scellées la semaine dernière lors de l’édition 2018 du Eurasia Airshow, organisé à Antalya en Turquie, sous la supervision du vice-ministre russe à l’Industrie et au Commerce, Oleg Bocharov.

L’Iran et la Russie sont tous deux les cibles des sanctions américaines. Malgré des différends historiques, les deux nations se rapprochent de plus en plus. Téhéran peut apporter une profondeur stratégique à la présence russe en Asie du sud-ouest. Et Moscou est un soutien inconditionnel de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, qui est au cœur du problème. Le partenariat entre Moscou et Téhéran prend en tous points la même direction que le partenariat stratégique développé entre Moscou et Beijing.

Selon Alexander Novak, le ministre de l’Énergie de la Russie, le contrat « pétrole contre nourriture » passé en 2014 entre Moscou et Téhéran est entré en vigueur, avec un achat quotidien de 100,000 barils de brut iranien par la Russie.

La Russie et l’Iran coordonnent étroitement leurs politiques énergétiques. Six accords ont été signés pour collaborer sur des achats stratégiques dans le domaine de l’énergie, d’un montant total de trente milliards de dollars. Selon l’assistant du président Poutine, Iouri Ouchakov, l’investissement de la Russie dans le développement des gisements de pétrole et de gaz naturel iraniens pourrait atteindre 50 milliards de dollars.

L’Iran va officialiser sa participation à l’initiative russe d’Union économique eurasiatique avant la fin de l’année. Et grâce au soutien vigoureux de la Russie, l’Iran deviendra en 2019 un membre à part entière de l’Organisation de coopération de Shanghai.

L’Iran est coupable parce que nous l’avons décrété

Mettons ceci en perspective avec la politique iranienne de l’administration Trump.

À peine confirmé dans sa fonction de Ministre des affaires étrangères, le premier voyage à l’étranger de Mike Pompeo en Arabie saoudite et en Israël est dans les fait un partage d’information avec ses alliés de la décision de Trump du retrait imminent des États-Unis de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, prévu pour le 12 mai. Cela, dans les faits, implique l’application de toute une série de nouvelles sanctions des États-Unis à l’encontre de l’Iran.

Riyad, par l’intermédiaire du «  chouchou du Capitole », le prince Mohammed ben Salmane (MBS), sera tout entière dans le camp anti-Iran. Parallèlement, MBS ne relâchera pas son blocus raté sur la Qatar, même si l’administration Trump pourrait le lui demander, ni le désastre humanitaire qui résulte de son invasion du Yémen.

Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y aura aucun front commun du Conseil de coopération des États arabes du Golfe contre l’Iran. Le Qatar, Oman et le Koweït considèrent un tel front comme contre-productif. Cela laisse l’Arabie saoudite, les Émirats, et le vassal à peine déguisé et largement inutile de l’Arabie saoudite, Bahreïn.

Sur le front européen, le président Macron s’est autoproclamé Roi d’Europe officieux, se vendant à Trump comme l’exécuteur pressenti des restriction sur le programme de missiles balistiques de l’Iran, et celui qui intimera l’ordre à l’Iran de se tenir à l’écart de la Syrie, de l’Irak et du Yémen.

Macron a établi un parallèle direct et manifestement absurde entre le fait que Téhéran ait démantelé son programme d’enrichissement de l’uranium (y compris la destruction de ses stocks d’uranium enrichi à moins de 20%) et le fait que la France serait le porte-flingue ayant aidé Bagdad et Damas à écraser Daech et les autres entrepreneurs du djihad salafiste.

Il n’est pas étonnant que Téhéran, tout comme Moscou et Beijing, établissent un parallèle entre les énormes contrats d’armement entre les États-Unis et Riyad, ainsi que les importants investissements de MBS en Occident, et les tentatives de Washington et Paris de renégocier l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien.

Le porte-parole de Poutine, Dmitry Peskov, est catégorique : l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien est le résultat de négociations ardues entre sept protagonistes pendant plusieurs années. « La question est de savoir s’il est encore possible d’atteindre un tel succès dans le contexte actuel ? ».

Certainement pas

La rumeur a commencé à circuler à Moscou, Beijing, et même Bruxelles, que l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien irrite Trump car il est, dans les faits, un accord multilatéral qui ne met pas en avant la primauté des intérêts américains, qui plus est qui a été négocié par l’administration Obama.

Le pivot vers l’Asie opéré par l’administration Obama, dont le succès reposait largement sur le règlement du dossier du nucléaire iranien, a eu pour conséquence le déclenchement d’une série d’événements géopolitiques accidentels.

Les factions néo-conservatrices à Washington ne pourront jamais accepter une normalisation des relations entre l’Iran et l’Occident. Malgré cela, non seulement l’Iran fait des affaires avec l’Europe, mais se rapproche de ses partenaires eurasiatiques.

Jeter de l’huile sur le feu de la crise nord-coréenne pour tenter de provoquer Pékin a finalement mené au sommet Kim-Moon qui a désarmé la clique belliqueuse qui poussait au bombardement de la Corée du Nord. Sans compter que la Corée du Nord, même avant que ne se tienne le sommet Kim-Moon, suit attentivement les évolutions de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien.

En résumé, le partenariat sino-russe ne tolèrera pas la renégociation de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, pour un certain nombre de raisons.

Sur la question des missiles balistiques, la priorité de Moscou est de vendre ses batteries de missiles S-300 et S-400 à Téhéran, sans tenir compte des sanctions américaines.

L’alliance Russie-Chine pourrait accepter une extension de la «  clause crépusculaire » décennale [une clause de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien qui rend caduque cet accord au bout de dix ans, et que les néoconservateurs critiquent car elle donnerait à Téhéran la possibilité de ne rien faire pendant une décennie jusqu’à ce que cet accord arrive à terme, NdT], même s’ils ne forceront pas l’Iran à accepter cette renégociation.

Sur la question syrienne, Damas est considérée comme un allié indispensable à la fois pour Moscou et Beijing. La Chine investira dans la reconstruction de la Syrie, et dans sa transformation en nœud central de la portion sud-ouest asiatique des Nouvelles routes de la Soie. Ainsi, la rhétorique «  Assad doit partir » est malvenue. L’alliance Russie-Chine considère Damas comme un acteur essentiel de la lutte contres tous les divers entrepreneurs du djihad salafiste qui pourraient être tentés de revenir et de semer le chaos en Tchétchénie et au Xinjiang.

Il y a une semaine, lors d’une réunion ministérielle de l’Organisation de coopération de Shanghai, l’alliance Russie-Chine a communiqué une déclaration conjointe soutenant l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien.

C’est donc bien un autre des piliers fondamentaux de l’intégration eurasiatique que l’administration Trump cherche à dynamiter.

Traduction : Le Saker Francophone

vendredi, 18 mai 2018

Will EU Block China Economic Silk Road?

map-china-rail-mos_112414052931.jpg

Will EU Block China Economic Silk Road?

By F. William Engdahl

Ex: http://www.williamengdahl.com 

In the clearest sign to date, EU Ambassadors to Beijing have just released a document critical of China’s vast Belt, Road Initiative or New Economic Silk Road infrastructure project. All EU ambassadors excepting Hungary signed off on the paper in a declaration of growing EU opposition to what is arguably the most promising economic project in the past century if not more. The move fits conveniently with the recent Trump Administration targeting of China technology trade as tensions grow .

Twenty-seven of the 28 EU ambassadors to China have just signed a report sharply critical of China’s BRI development. Ironically, as if the EU states or their companies did not do the same, the report attacks China for using the BRI to hamper free trade and put Chinese companies at an advantage. The document claims that the Chinese New Economic Silk Road project, unveiled by Xi Jinping in 2013, “runs counter to the EU agenda for liberalizing trade and pushes the balance of power in favor of subsidized Chinese companies.”

Two Models of Global Development

Chinese President Xi Jinping first proposed what today is the Belt, Road Initiative, today the most ambitious infrastructure project in modern history, at a university in Kazakhstan five years ago in 2013. Despite repeated efforts by Beijing to enlist the European Union as a whole and individual EU member states, the majority to date have remained cool or distant with the exception of Hungary, Greece and several eastern EU countries. When China officially launched the project and held an international conference in Beijing in May 2017, it was largely boycotted by EU heads of state. Germany’s Merkel sent her economics minister who accused the Chinese of lack of commitments to social and environmental sustainability and transparency in procurement.

Now 27 of 28 EU ambassadors in Beijing have signed a statement suspiciously similar to that of the German position. According to the German business daily, Handelsblatt, the EU ambassadors’ declaration states that the China BRI “runs counter to the EU agenda for liberalizing trade and pushes the balance of power in favor of subsidized Chinese companies.” Hungary was the only country refusing to sign.

The latest EU statement, soon to be followed by a long critical report on the new Silk Road from the EU Commission in Brussels, fits very much the agenda of the Trump Administration in its latest trade tariffs against Chinese goods that alleges that Chinese companies force US partners to share technology in return for projects in China.

Moreover, the EU Commission has just released a long report on China in connection with new EU anti-dumping rules. The report declares that the fact that China is a state-directed economy with state-owned enterprises engaging in the construction of the Belt Road Initiative is in effect “the problem.” China answers that her economy is in the “primary stage of socialism”, has a “socialist market economy” and views the state-owned economy as the “leading force” of national development. The targeting of China’s state enterprises and of its state-directed economic model is a direct attack on her very economic model. Beijing is not about to scrap that we can be sure.

The latest stance of EU member states, led by Germany and Macron’s France, is an attempt to pressure China into adhering to the 2013 World Bank document, China 2030. There, as we noted in an earlier analysis, it declared that China must complete radical market reforms, to follow the failed Western “free market” model implemented in the West since the 1970’s with disastrous consequences for employment and stability. China 2030 states, “It is imperative that China … develop a market-based system with sound foundations…while a vigorous private sector plays the more important role of driving growth.” The report, cosigned then by the Chinese Finance Ministry and State Council, further declared that “China’s strategy toward the world will need to be governed by a few key principles: open markets, fairness and equity, mutually beneficial cooperation, global inclusiveness and sustainable development.”

As Xi Jinping established his presidency and domination of the Party after 2013, China issued a quite different document that is integral to the BRI project of President Xi. This document, China 2025: Made in China, calls for China to emerge from its initial stage as an economy assembling technologies for Apple or GM or other Western multinationals under license, to become self-sufficient in its own technology. The dramatic success of China mobile phone company Huawei to rival Apple or Samsung is a case in point. Under China 2025 the goal is to develop the next transformation from that of a cheap-labor assembly economy to an exporter of Made in China products across the board from shipbuilding in context of the Maritime Silk Road to advanced aircraft to Artificial Intelligence and space technologies.

Refusal to Constructively Engage

By its recent critical actions, the EU Commission and most EU states are, while not slamming the door shut on what is developing as one of the few positive growth spots outside military spending in the world today, doing everything to lessen the engagement of EU states in the BRI.

For its part, China and Chinese state companies are investing in modernizing and developing deep water ports to handle the new Silk Road trade flows more efficiently. China’s State Oceanic Administration (SOA) is responsible for developing the so-called “blue economy” maritime ports and shipping infrastructure, the “belt” in Belt and Road. Last year China’s marine industries, exploitation of ocean resources and services such as tourism and container and other transport, generated the equivalent of more than $1 trillion turnover. Little wonder that China sees investment in ocean shipping and ports a high priority

Sea lane shipping via the Malacca Strait and Suez is at present China’s life line for trade to EU states and vulnerable to potential US interdiction in event of a serious clash. Today twenty-five percent of world trade passes through the Malacca Strait. Creation of a network of new ports independent of that vulnerable passage is one aim of the BRI

The Piraeus Example

China’s Maritime Silk Road envisions directing state investment into key sectors such as acquisition of port management agreements, investment in modernized container ports and related infrastructure in select EU states.

At present the most developed example is the Greek port of Piraeus, operated under an agreement with the Chinese state company, COSCO, as port operator. Modernization and more than €1.5 billion investment from China has dramatically increased the port’s importance. In 2016 Piraeus’s container traffic grew by over 14 percent and COSCO plans to turn Piraeus into the fifth largest European port for container traffic. Before COSCO, it was not even in the EU top 15 in 2007. In 2016 COSCO bought 51% of Piraeus Port Authority for €280 million, and now owns 66%. Last year Piraeus Port, COSCO and Shanghai Port Authority, China’s largest container port, signed a joint agreement to further boost trade and efficiency at Piraeus. Greek Deputy Economy Minister Stergios Pitsiorlas said at the time, “The agreement means that huge quantities of goods will be transported to Piraeus from Shanghai.”

silk.jpg

As the economically-troubled Greek economy produces few products China needs, China has encouraged growth of a mainstay of Greece’s economy, tourism trade with China. This year an estimated 200,000 Chinese tourists will visit Greece and spend billions there. As Piraeus is also a port for luxury cruise liners, Chinese cruise operators are servicing that as well. China company Fosun International, engaged in modernizing the former site of Athens Airport into one of the biggest real-estate projects in Europe, is also interested in investing in Greek tourism. Significantly, they own a share in Thomas Cook Group and are designing holiday packages aimed at the huge China tourist market. Fosun sees 1.5 million Chinese tourists in Greece in the next five years and is investing to accommodate at least a fair share.

Piraeus is only one part of China’s larger maritime strategy. Today Chinese ships handle a mere 25% of Chinese ocean container shipping. Part of the Made in China 2025 transformation is to increase that by investing in state-of-the-art commercial shipbuilding modernization. China’s State Oceanic Administration and the NDRC national development council have defined select industries in the port and shipbuilding sector as “strategic.” This means they get priority in receiving state support. Areas include upgrading fisheries, shipbuilding, and offshore oil and gas technologies and technologies for exploitation of deep sea resources. Further areas of priority in the current 5-year China state plan include developing a modern maritime services industry with coastal and sea tourism, public transport, and maritime finance. All these will benefit from the BRI Silk Road.

This is the heart of the present Xi Jinping transformation of China from a cheap labor screwdriver assembly economy to an increasingly self-reliant producer of its own high-technology products. This is what the ongoing Trump Section 301 and other trade war measures target. This is what the EU is increasingly trying to block. China is determined to develop and create new markets for its goods as well as new sources of imports. This is the essence of the Belt and Road Initiative.

Why import oil platforms from US companies if China can make them itself? Why charter Maersk or other EU shipping companies to carry Chinese goods to the EU market if China can do the same in their own ships? Isn’t the “free market,” so much touted since the 1970’s in the West, supposed to be about competition? In 2016 the Central Committee of China’s Communist Party and the State Council adopted the “Innovation Driven Development Strategy”, adopted in 2016 by the Central Committee and the State Council. According to this China intends to become an “innovative country” by 2020, to move into the top tier of innovative countries by 2030-35, and attain global leadership by 2050. This is what China 2025 is all about and why Washington and the EU Commission are alarmed. They have a plan. We in the West have so-called free markets.

Rather than take the Chinese strategy as a challenge to be better, they attack. For certain EU interests, free market works fine when they dominate the market. If someone comes along and does it one better, that is “unfair,” and they demand a “level playing field” as if the world economy was some kind of cricket field.

Silk Road Fund

One of the most amusing charges by EU countries against China and their state-guided economic model—a model not too different in essence by the way from the model used by Japan after the war or by South Korea– is that EU critics attack the funding practices of the China Silk Road Fund. A report by the German government has criticized the fact that Chinese state banks give some 80% of their loans for the BRI projects to Chinese companies.

The Silk Road Fund is a Chinese state fund established three years ago with $40 billion initial capital to finance select projects in Eurasia of the BRI or Silk Road. It is not to be confused with the separate Asian Infrastructure Investment Bank. Among its various projects to date are construction of a Mombasa–Nairobi Standard Gauge Railway; investment in the Karot Hydropower Project and other hydropower projects in Pakistan as part of the China-Pakistan Economic Corridor; or a share of Yamal LNG project in Russia.

The fact that a Chinese state-controlled fund, investing funds resulting from the hard work of Chinese people to produce real goods and services, decided to use its state funds to benefit Chinese companies is hardly surprising. The real issue is that the European Union as a group or the individual states so far have boycotted full engagement with what could be the locomotive of economic recovery for the entire EU. They could easily create their own versions of China’s Silk Road Fund, under whatever name, to give subsidized state-guaranteed credits to German or other EU companies for projects along the BRI, along the model of Germany’s Marshall Plan bank, KfW, which was used effectively in rebuilding communist East Germany after 1990. This it seems they do not want. So they boycott Chinafor lack of “transparency” instead.

These examples are useful to illustrate what is going on and how ineffective the EU “free market” model is against a coordinated state development strategy. It is time to rethink how France, Germany, and other EU member states rebuilt after World War II. The state played an essential role.

F. William Engdahl is strategic risk consultant and lecturer, he holds a degree in politics from Princeton University and is a best-selling author on oil and geopolitics, exclusively for the online magazine “New Eastern Outlook”

dimanche, 22 avril 2018

« FONDEMENTS DE LA GÉOPOLITIQUE: LE FUTUR GÉOPOLITIQUE DE LA RUSSIE »

Duginddddddddd.jpg

COMPTE RENDU ANALYTIQUE:

« FONDEMENTS DE LA GÉOPOLITIQUE: LE FUTUR GÉOPOLITIQUE DE LA RUSSIE »

 
Ex: https://www.geopolitica.ru

Philosophe, professeur, politologue, sociologue, idéologue, Aleksandr Dougine aime brouiller les pistes. Dans ses « Fondements de géopolitiques », somme de 600 pages paru en 1997, il revient sur un siècle de théorie géopolitique et propose une analyse programmatique de ce que devrait être l’orientation stratégique russe dans une perspective résolument « néo-eurasiste ». Il concerne ainsi plus de 13 chapitres non seulement à la Russie, mais aux pays constituant sa périphérie immédiate, destinés dans l’optique de Dougine à faire partie d’un bloc eurasiatique sous influence russe. Ces thèses, appuyées sur une lecture manichéenne du monde inspirée entre autre de Carl Schmitt, font l’objet de vives inquiétudes occidentales depuis l’annexion de la Crimée et le conflit à l’Est de l’Ukraine.

LA RUSSIE, SON ESPACE ET L’EURASIE SELON DOUGINE

L’homme, décrit dans les médias russes comme « l’idéologue du néo-eurasisme » 1, adhère très tôt à des courants extrémistes marginaux, dès la fin des années 80, telle l’organisation russe anti-sémite, Pamyat 2 créée dans l’illégalité en 1984 puis médiatisée durant la Glasnost à l’occasion de manifestations dénonçant le complot juif international et le sionisme. Dougine est également membre du cercle secret Yuzhinsky 3, crée dans les années 1960, composé d’intellectuels versés dans le mysticisme, le paganisme et le fascisme. Au gré des bouleversements politiques de la Russie de l’après-URSS et de ses relations avec l’appareil politique et le milieu intellectuel, Alexandre Dougine enrichit son discours initialement nationaliste et développe une version d’extrême droite d’une idéologie présente depuis le XIXème siècle dans le paysage intellectuel russe, l’eurasisme. Ce néo-eurasisme consiste “à s’appuyer sur une commune conception de l’identité russe et de son destin impérial : les peuples vivant sur le territoire de l’entité eurasienne appartiennent à une seule et même communauté de destin, leur unité est fondée sur l’alliance turko-slave ainsi que sur le rejet de l’Occident » selon la définition proposée par Marlène Laruelle 4.

Dans l’ouvrage de Dougine, l’idée d’un destin propre au peuple russe se taille la part du lion.

La théorie géopolitique de Dougine, novatrice selon son auteur, puise pourtant ses sources dans l’histoire intellectuelle européenne et russe du 19ème et du 20ème siècle. Il convient de souligner que la géopolitique russe ne s’est pas fondée sur les sciences politiques, géographiques ou stratégiques mais sur l’histoire et principalement la philosophie 5 d’où la prédominance dans l’ouvrage d’Alexandre Dougine et bien d’autres, de concepts tels que les « facteurs de civilisations » (présents chez Danilevski et plus tard chez Spengler dans «Le Déclin de l’Occident»). 

L’idée impériale, sous une forme messianique, civilisatrice ou communiste, a donc toujours été profondément ancrée dans la pensée russe

Dans l’ouvrage de Dougine, l’idée d’un destin propre au peuple russe s’y taille la part du lion. Cette « spécificité russe » a été pensée dès le début du XIXème par ceux qui à l’époque de la Russie tsariste se qualifiaient de « slavophiles ». Opposés à l’idée, défendue par les intellectuels « occidentalistes », selon laquelle l’imitation de l’Occident serait un facteur de progrès, les slavophiles, issus de différentes disciplines, ont cherché à démontrer que la Russie a une trajectoire historico-politique propre, qu’en raison de sa dimension eurasiatique et de sa proximité avec l’univers de la steppe on ne peut la comprendre à l’aide des grilles d’analyse purement occidentales. Cette spécificité russe, d’aucuns comme Lev Gumilev 6 l’ont expliquée par des facteurs naturalistes ; d’autres comme Alexandre Panarin 7 privilégient l’explication culturaliste. Ainsi, en raison de ses filiations idéologiques complexes et de ses nombreux référents culturels, l’eurasisme peut simultanément prendre la forme d’une philosophie, une conception du monde, une politique ou une doctrine. Le néo-eurasisme de Dougine en reprenant cette tradition – qui a pu prendre souvent la forme d’une pensée de la « troisième voie » entre occidentalisme et slavophilie, comme le rappelle Jeffrey Mankoff 8– et en la mâtinant d’une idéologie décadentiste aux accents fascistes l’amène à ses conclusions les plus extrêmes, justifiant comme nous allons le voir une stratégie géopolitique d’influence à peine voilée.

russieeurasie-A.jpg

LA RUSSIE ET SON ESPACE SELON DOUGINE

« Rassembler l’Empire »

Elaboré dans le contexte de détresse sociale et économique post-soviétique qu’à connu la Russie dans les années 1990 9 le courant néo-eurasiste d’Alexandre Dougine reprend à son compte l’idéologie impérialiste russe du 19ème siècle pour « rassembler un nouvel Empire : l’Eurasie » « ni nation-état, ni pouvoir régional » (p.96) car « la Fédération de Russie n’est pas un Etat russe 10 …n’est pas un Etat historique, ses frontières sont aléatoires, ses marqueurs culturels vagues» (p.103).

Rappelons ici que la Russie n’a connu de puissance internationale que sous la forme « impériale » : tsariste ou soviétique et qu’il est difficilement concevable, chez de nombreux penseurs russes, d’imaginer une autre forme de rayonnement ou de « participation à la civilisation » (p.112) autrement que sous cette forme. L’idée impériale, sous une forme messianique, civilisatrice ou communiste, a donc toujours été profondément ancrée dans la pensée russe, et ce dès le début de l’expansion de la Moscovie, au XVIème siècle à travers le territoire eurasiatique.

Poutine et son entourage savent qu’il y a à l’Ouest une tradition séculaire de russophobie qu’il s’agirait de mettre à profit

Or la légitimité impériale ne pouvant plus, dans le contexte qui voit la publication du texte de Dougine, reposer sur une « mission civilisatrice », l’auteur reprend la conception de l’État, organisme vivant, développée par l’ethnographe et géographe allemand Friedrich Ratzel et théoricien du « Lebensraum »11. (p.19) L’éclatement politique et territorial de l’Union Soviétique pousse une partie de la population, notamment ses franges les plus paupérisées et radicalisées, à penser la Russie comme « démembrée » de son espace et de son peuple, telle que l’Allemagne ou la Hongrie de l’entre-deux guerre ont pu le faire. Ce démembrement, cet éclatement est pour Dougine à mettre au compte d’une absence criante de vision géopolitique de la part des dirigeants soviétiques depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et particulièrement en 1989, lorsque « personne parmi les dirigeants soviétiques n’était capable d’expliquer avec cohérence la logique de la politique étrangère traditionnelle eut pour résultat la destruction de l’organisme géant qu’est l’Eurasie ». L’Union Soviétique « pour ne pas avoir pris en considération les travaux de ses patriotes russes les plus exigeants, les plus éclairés » (p.57) se serait retrouvée, comme l’Allemagne d’après-guerre, « dépossédée d’une grande partie de son espace et avec une influence internationale proche du néant. ».

L’eurasisme pragmatique et conservateur de Vladimir Poutine ne s’accorde pas avec le radicalisme de Dougine

Ce jugement extrêmement sévère se couple d’un appel à « rassembler l’Empire », qui s’appuie sur une vision du monde bipolaire inspirée de Mackinder 12. Cette vision d’un affrontement de longue durée entre la Russie continentale et le bloc occidental thalassocratique, fondé sur une « dualité planétaire » (p.54) opposant la tellurocratie, le « Nomos » de la Terre (Carl Schmitt) 13 l’Eurasie, le « Heartland » (Mackinder) d’un côté et la thalassocratie, le pouvoir maritime, le monde anglo-saxon, la « civilisation du commerce » de l’autre, trouve son prolongement direct dans une politique d’expansionnisme vers les pays situés à l’Ouest et au Sud de la Russie. Dougine voit par exemple l’Asie Centrale et le Caucase comme des régions où les relations internationales et la diplomatie doivent être développées afin de contrer le séparatisme, produit de la stratégie thalassocratique (USA, Royaume Uni et leurs alliés).

geopolrus.jpg

« Le futur est au Nord »

La zone arctique du Nord du continent eurasien, hautement stratégique sur le plan énergétique, économique et logistique, représente une zone clé pour la géopolitique eurasiatique. Elle est en effet partagée par cinq autres pays appartenant au bloc « thalassocratique » (entre autres, les Etats-Unis, le Canada), qui entretiennent des convoitises à son sujet, et dont il s’agit de la protéger.

LE REDÉCOUPAGE DE L’EUROPE CENTRALE

Dans la pensée géopolitique de Dougine, le « cordon sanitaire » formé par les états indépendants d’Europe orientale et médiane tel qu’il fut conçu par les puissances thalassocratiques n’a plus lieu d’être et représente un obstacle à la réalisation du projet impérial eurasiatique. « Fait de petites nations et Etats belliqueux et historiquement irresponsables, aux prétentions européennes nombreuses et servilement dépendants de l’Ouest thalassocratique » (p.212), le cordon sanitaire doit évoluer « partout où il existe des facteurs de liens avec l’Eurasie, ou l’orthodoxie, ou une conscience slave, ou la présence d’une population russe ou historiquement proche. » (p.212).Une complète redistribution géopolitique (« et non l’annexion d’un pays ») est prévue pour l’Europe orientale, et se tradurait par « l’établissement d’une fédération d’Etats ou groupes d’Etats dont l’orientation géopolitique serait néanmoins unique ». Ainsi, Dougine, recompose l’Europe du centre par secteurs, afin de créer une zone de coopération et de partenariat stratégique, « de Vladivostok à Berlin » reprenant l’expression de Jean Thiriart 14, et dont la « Nouvelle Allemagne prussienne » serait au centre.

etrus.jpg

Le secteur Nord

Le secteur Nord serait centré sur une « Nouvelle Allemagne prussienne », qui prendrait sous sa protection l’ensemble des régions de culture catholique et protestante situées en Europe du Nord-Est. Elle serait composée des régions baltiques et de la Scandinavie, structurées autour de la région historique prussienne autour de Kaliningrad et de Berlin, reliés entre eux par une identité ethnique, culturelle et géographique commune. Dougine s’interroge également sur le problème polono-lithuanien (en raison de leur religion catholique et de leur géopolitique thalassocratique) lequel pourrait présenter un obstacle majeur à la « réorganisation » du Nord. Pour lui l’unique façon de le régler serait de soutenir l’orientation non-catholique de certaines populations (minorités ethniques, communauté orthodoxe et protestante ou sociaux-démocrates). (p.214). De même, le secteur uniate -l’église dite « gréco-orthodoxe », issue de l’allégeance à Rome d’une partie des églises de rite orthodoxe situées dans le sud-est de la Pologne et l’Ouest de l’Ukraine et de la Biélorussie actuelles- ferait partie de ce nouvel espace germano-centré, indépendant de Moscou mais dans lequel la Russie jouerait un rôle de facilitateur.

Le secteur sud

Le secteur sud (Bélarussie, centre de l’Ukraine, Moldavie, Roumanie, Serbie et Bulgarie) en raison de la prédominence des populations slaves et du christianisme orthodoxe, appartient selon Dougine à la « sphère civilisationnelle russe ». De ce fait, Moscou ne pourrait « déléguer ces régions à l’Allemagne » (p.217) et y exercerait toute son influence. Lorsque Dougine évoque l’Ukraine comme « Etat indépendant avec des ambitions territoriales », c’est pour mieux souligner le « grand danger pour toute l’Eurasie » que celles-ci représenteraient. Selon lui l’Ukraine doit de ce fait rester, géopolitiquement, sous la stricte projection de Moscou. Concernant la Crimée, il est intéressant de noter que Dougine n’est pas favorable à son rattachement à la Russie, qui pourrait « susciter une réaction négative ».

LA « DOCTRINE » DOUGINE : UN SOFT POWER À MULTIPLES FACETTES

Une influence faible sur le pouvoir actuel et sur la population russe

Si Dougine a entretenu des liens avec le pouvoir, il en rapidement été écarté par la suite. Conseiller du président de la Douma G. Seleznev en 1998, il crée son parti politique en 2001, Evrazija, rallié à Vladimir Poutine 15. L’eurasisme pragmatique et conservateur 16 de Vladimir Poutine, tourné vers le développement des échanges commerciaux et diplomatiques avec l’Asie tout en s’étant écarté de l’Ouest, ne s’accorde pas avec le radicalisme de Dougine, En le renvoyant de la chaire de sociologie qu’il occupait à l’Université de Moscou, le pouvoir a montré qu’il ne tolérait pas les propos extrémistes et l’appel au meurtre proférés par Dougine contre “les personnes en Ukraine qui devraient être tuées, tuées, tuées » à la suite des événements de 2014. La presse nationale généraliste russe s’épanche peu sur l’homme, même si l’on note le succès de certains articles écrits à son sujet en français et traduits en russe 17

Dans la pensée géopolitique de Dougine, le « cordon sanitaire » formé par les états indépendants d’Europe orientale et médiane n’a plus lieu d’être

dugeur.jpg

Ses ouvrages ne figurent pas au palmarès des meilleures ventes en librairie 18 même si les récents ouvrages de Dougine sont en vente dans les principaux points de vente des grandes villes, « Les Fondations de Géopolitique » semble l’ouvrage le plus difficile à obtenir 19. Dans une étude Eurobroadmap 20, effectuée en 2015, il apparaît que les étudiants russes, supposés représenter une nouvelle génération plus éclairée et informée que celle de leurs parents, restent peu sensibles à la notion d’Eurasie, selon les définitions proposées par le néo-eurasisme. Les théories de Dougine semblent séduire principalement une frange extrémiste, supra-nationaliste russe, que l’on peut comparer aux mouvements actuels ultra-nationalistes en Europe centrale et occidentale. L’Organisation de la Jeunesse Eurasiste 21 créée en 2005 dans le cadre du Mouvement International Eurasiste, qui lui même se situe dans le sillage du parti Evrazija, reprend toutes les caractéristiques des milices fascistes para-militaires de l’entre-deux guerres : symboles, slogans, camps d’entraînement dispersés sur tout le territoire russe avec cours de géopolitique, préparation physique pour des « actions dans les conditions urbaines » 22 etc.

Un élément rassembleur interne

Bien qu’extrémiste et de ce fait, mise à l’écart des instances dirigeantes, la « doctrine Dougine », mélange de propagande anti-occidentale, de mythes historiques et de messianisme sacré s’inscrit dans le conservatisme du pouvoir et peut être rassembleur d’éléments minoritaires potentiellement «déstabilisants » pour la cohésion nationale  : les régions sensibles, les musulmans, les extrémistes et les nostalgiques de l’URSS, notamment parmi les militaires appartenant à la génération soviétique… Notons de plus que l’orientation résolument conservatrice, notamment sur les questions de société, de la doctrine de Dougine, ainsi que ses accents anti-individualistes et organicistes la rendent efficace auprès d’ une frange à la fois traditionnaliste et extrémiste de la population russe.

dugliv.pngUNE CONTRIBUTION

AU « РУССКИЙ МИР 23»

DANS L’ EUROPE DU CENTRE

 

En mettant l’accent sur la spécificité slavo-orthodoxe des pays d’Europe du centre-est, le néo-eurasisme rejoint  sur de nombreux points l’idéologie nationaliste qui imbue aujourd’hui le discours politique ambiant au sein de ces états. Ainsi est-ce le cas pour la Serbie : Dougine peut y  apparaître comme un allié dans les courants radicaux extrémistes, n’hésitant pas à se réapproprier leur nationalisme exalté et doloriste. Des expressions telles que « la Serbie est une civilisation de la douleur »24, servent à raviver le sentiment d’une grandeur perdue (commun à l’eurasisme russe et au nationalisme grand-serbe) ainsi que les tensions liées au conflit encore en cours de résolution pour les Serbes du Kosovo et de la Republika Srpska, en Bosnie. Dougine revitalise par là même un  soft power » russe présent depuis le XIXème siècle en Serbie, afin de contre balancer l’investissement croissant des américains dans les médias et l’économie serbes 25.

On peut toutefois douter de la compatibilité, sur le long terme, de l’idéologie néo-eurasiste et du nationalisme serbe. Les velléités panslavistes de Dougine se sont révélées d’une manière éclatante lorsqu’en en visite à Belgrade, au mois de juin 2017, il a prononcé les mots suivants, lors d’une conférence de presse: 26 « Le Kosovo, c’est la Serbie et la Serbie, c’est la Russie ». 27 Mais ce risque a été bien pris en compte, en effet, puisque la dernière partie de la phrase a été supprimée sur toutes les vidéos relatant l’événement, entre le 5 septembre, date de la première visualisation pour cet article et le 15 septembre 2017. Au mois de juin, l’Organisation du Mouvement International eurasiste de Dougine a annoncé sa collaboration avec la Faculté de politique et de sécurité internationale de l’Université Nikola Tesla, en Serbie, et l’organisation de cours portant sur « la quatrième théorie politique».28 et la géopolitique balkanique, avec une influence néo-eurasiste.

Un épouvantail à l’Ouest

Restaurer la position de la Russie sur la scène internationale, projeter une image de puissance et d’influence à l’ouest reste une priorité pour le pouvoir. Dès lors, autoriser la véhémence et la provocation d’Alexandre Dougine, bien que dans un cadre limité à l’intérieur de la Russie, peut provoquer des réactions en Europe occidentale en suscitant la crainte et la confusion, mais aussi en ouvrant un débat poussant la Russie sur le devant de la scène. En effet Poutine et son entourage savent qu’il y a à l’Ouest une tradition séculaire de russophobie qu’il s’agirait de mettre à profit, en poussant jusqu’à ses conclusions extrêmes le postulat selon lequel la « voie russe », résolument eurasiste et traditionnaliste ne peut s’envisager que dans le rejet d’un monde unipolaire dominé par les valeurs occidentales stigmatisées comme « décadentes »Screenshot 2017-08-24 23.44.37

Partager :

  1. Komsomolskaïa Pravda, Kommersant, Novaïa Gazeta, Lenta.ru, РБК, Snob.ru, Diplomat.ru, etc…
  2.  Henri Duquenne, « Les mouvements extrémistes en Russie », Le Courrier des pays de l’Est 2007/2 (n° 1060), p. 70-86,
  3. Marlène Laruelle, « The Iuzhinskii Circle: Far-Right Metaphysics in the Soviet Underground and Its Legacy Today”, Russian Review, 2015
  4. Marlène Laruelle, Le Nouveau Nationalisme russe, Cahiers du monde russe, 2010
  5. Oleg Serebrian, La Russie à la Croisée des Chemins, l’Harmattan, 2016
  6. Lev Gumilev (1912-1992) eurasiste naturaliste «fonde le devenir eurasien sur une ethnogenèse russe » – p.79 Alexandra Goujon,  « Martine LaruelleLa Quête d’une Identité Impériale : Le néo-eurasisme dans la Russie Contemporaine, Petra, 2007 » Presses de Sciences Po, 2008
  7. Alexandre Panarin (1940-2003) eurasiste culturalise «rejette le nationalisme ethnique mais s’appuie sur une définition civilisationniste et religieuse d’une Eurasie qui peut prendre la forme d’un empire en raison de sa diversité culturelle et qui doit permettre la fusion de l’orthodoxie et de l’islam » p.100-102 – Alexandra Goujon, « Martine LaruelleLa Quête d’une Identité Impériale : Le néo-eurasisme dans la Russie Contemporaine, Petra, 2007 » Presses de Sciences Po, 2008
  8. Jeffrey Mankoff, RussianForeign Policy : The Return of Great Power Politics, 2009
  9. François Benaroya, « La transition russe ou la redécouverte de la complexité du marché, L’Economie Politique, 2006
  10. Dougine fait ici référence à l’Empire russe et non à l’ethnie
  11. « Lebensraum » ou la théorie de l’espace vital (1901) repose sur l’idée que l’Allemagne doit reconstituer son espace, privé d’empire colonial. Cette théorie sera suivie par la politique extérieure du IIIème Reich, en conquérant de nouveaux espaces pour le peuple allemand (aussi pour des raisons économiques) en Europe, dans les pays limitrophes. 
  12. La théorie du Heartland de Mackinder (1904) oppose la puissance maritime (Rimland : Etats-Unis, Royaume Uni et Occident) à la puissance continentale (Heartland). Ce schéma de perception de « forteresse assiégée » sera celui des Soviétiques et des néo-eurasistes aujourd’hui.
  13.  Dans le « Le Nomos de la Terre » (1950) Carl Schmitt montre que l’existence de l’ordre ne peut être sans enracinement, le rapport à la terre étant le fondement de toute société 
  14. Jean Thiriart, géopoliticien belge, pro-fasciste dans les années 1940, considérait l’Union Soviétique comme le dernier bastion de la civilisation en Europe face au consumérisme américain
  15. Martine Laruelle, « « Dédoublement » d’une idéologie ? Deux partis eurasistes en Russie » Outre-Terre 2003, p. 229
  16. Paradorn Rangsimaporn, «Interpretations of Eurasianism : Justifying Russia’s Role in East Asia », Central Asia Studies,2006
  17. Article paru dans le Nouvel Observateur le 3 mai 2014, « Le Raspoutine de Poutine » par Vincent Jauvert. Cet article traduit en russe a été lu par plus de 4000 personnes et « liké » par 2000. En comparaison, la vidéo youtube (en russe) du cours « Fondements de Géopolitique » de Dougine à l’Université de Moscou a été vue par 1200 personnes.
  18. Le site russe pro-books.ru/raiting destiné aux professionnels de l’édition publie les meilleures ventes de livres d’un échantillon de 11 librairies de Moscou, St Petersbourg et les sites de vente en ligne.
  19. Alexandre Dougine possède sa propre maison d’édition, Artogaia.
  20. Enquête Eurobroadmap effectuée en 2015 et analysée par Belgeo, revue belge de géographie www.belgeo.revues.org
  21. Site de l’organisation www.rossia3.ru et page détaillée des actions, congrès, camps www.ru.wikipedia.org/wiki/Евразийский_союз_молодёжи...
  22. “Ouverture d’un camp de l’Organisation de la Jeunesse Eurasiste dans l’oblast de Vladimir » (« Во Владимирской области открылься лагерь Евраийского Союза Молодежи») www.regnum.ru, 26/08/2006
  23. Fondation Russkiy Mir (Monde Russe) créée en 2007 pour la sauvegarde de la langue russe mais principalement un concept de « rayonnement » culturel, linguistique, religieux et aujourd’hui civilisationnel, que l’on peut dater de l’époque soviétique, sous d’autres appellations.
  24. http://so-l.ru/news/show/aleksandr_dugin_serbiya_civiliza...
  25.  « The growing influence of global media in the region » 29/06/2016 mediaobservatory.net
  26. www.news-front.info/2017/06/30/aleksandr-dugin-na-vidovdan-...
  27. Cette phrase prononcée à la 13ème minute de la conférence, visualisée le 5 septembre, sur youtube, a été modifiée par la suite en supprimant la partie « la Serbie, c’est la Russie ».
  28. wwnews-front.info/2017/06/30/aleksandr-dugin-na-vidovdan-v-belgrade-serby-na-kosovom-pole-znali-odnu-istinu-chto-serbiya-vechnaya-strana/

vendredi, 20 avril 2018

Eric de la Maisonneuve: Les Routes de la Soie

seidenstrasse.jpg

Eric de la Maisonneuve:

Les Routes de la Soie

Le général Eric de la Maisonneuve, spécialiste de la Chine, évoque pour nous l'histoire des routes de la Soie de la Préhistoire aux projets de Xi Jinping.
 

dimanche, 25 mars 2018

Jean Parvulesco et la Géopolitique transcendantale

JP-da2vg.jpg

Jean Parvulesco et la Géopolitique transcendantale

par Laurent James

Ex: http://parousia-parousia.blogspot.com

Le Comité Jean Parvulesco a l’honneur d’être l’un des organisateurs de ce colloque de Chisinau (Moldavie).

Ce Comité a été fondé par les descendants de Jean Parvulesco, Constantin et Stanislas (co-auteurs du texte de cette intervention) en date du 12 novembre 2016 à Câmpulung-Muscel, en Roumanie, non loin de Pitești, lieu de naissance de l’écrivain Jean Parvulesco (et jumelée avec Chișinău). Un service religieux orthodoxe fut alors célébré en l'église princière du Monastère de Negru Voda, commémorant le décès de Jean Parvulesco survenu le 21 novembre 2010, à l’intention à la fois du repos de son âme, de l’unité de l’Eglise et de la plus grande Europe. Une réunion fut ensuite tenue sur le thème : "Les racines spirituelles de la grande Europe eurasiatique".
(Une publication de ces allocutions est présentement en cours, il est possible d'en commander un exemplaire sur le lien suivant : https://www.lepotcommun.fr/pot/0u22zl5r ).

manifeste-de-chisinc3a0u-realiser-la-grande-europe-sf071701-1400x457.jpg

Ce thème a été la ligne de fond de toute sa pensée, aussi bien poétique que géopolitique, affirmée au cours de ses nombreux textes et ouvrages, dont certains sont actuellement en cours de traduction en langues roumaine et russe.

Il est parfois difficile pour nombre d’entre nous d’établir un lien direct entre la spiritualité et la politique. On se souvient que Charles Péguy craignait que « la mystique soit dévorée par la politique à laquelle elle a donné naissance ». Or, il est fort possible que nous nous trouvions aujourd’hui à une époque si particulière que ce soit au contraire la politique qui donne naissance à la mystique, et afin précisément de pouvoir être dévorée par celle-ci.

Ou, dit autrement : les événements politiques majeurs de notre temps sont tous concernés directement par la spiritualité, et de plus en plus, car la politique se débarrasse aujourd’hui complètement de l’idéologie pour entrer tête la première dans la géopolitique. Et, comme l’écrivait Jean Parvulesco en 2005 : « C’est la géopolitique en tant qu’expérience gnostique abyssale de l’histoire qui en pose les buts ultimes, et tend en avant les ultimes raisons eschatologiques en action ». Ou alors, de manière encore plus claire : « La géopolitique transcendantale est, en effet, une mystique révolutionnaire en action ».

Deux événements très importants eurent lieu en Europe durant la même période que la fondation du Comité Jean Parvulesco en fin d’année dernière, deux événements politiques absolument opposés l’un à l’autre.

L’élection de M. Igor Dodon à la présidence de la Moldavie d’une part, et la transformation du Régiment Azov en parti politique à Kiev, le 14 octobre 2016, d’autre part. Une dénommée « Marche de la Nation » menée par Azov, Praviy Sektor, C14 et d'autres formations nationalistes  a alors réuni plusieurs milliers de personnes dans les rues de la capitale ukrainienne.

Ces deux événements témoignent de la présence réelle, dans le champ politique européen, de deux pôles spirituels absolument opposés entre eux, deux ennemis irréconciliables dont la lutte sans merci se tient depuis les origines de l’humanité.

D’abord un pôle continental anti-atlantiste, régi par la volonté d’unification de destin des peuples eurasiatiques, porté par une foi vivante et agissante, catholique à l’ouest et orthodoxe à l’est, un pôle d’obédience christique et mariale pour lequel Jean Parvulesco a combattu durant sa vie entière.

Et puis, en face, un pôle violemment nationaliste, en réalité dépendant intégralement des forces atlantistes.

eurasiemicheldragon.jpgLes discours tenus publiquement par les dirigeants du Corps National, la branche politique du mouvement Azov, évoquent ouvertement une volonté d’en finir avec l’Eglise et toutes ses valeurs. Les textes théoriques et publics des intellectuels d’Azov, tels que Olena Semenyaka, coordinatrice du projet « Reconquista Azov » et membre du service de presse du Parti, mettent en avant une conception gnostique et anti-cosmique du monde basée sur le rejet absolu de l’idée messianique chrétienne au service intégral des Dieux des profondeurs. Ils estiment que le monde moderne, qu’ils prétendent combattre sans merci, est symboliquement incarné par le christianisme. Différentes modalités de la Voie de la Main Gauche sont proposées dans ses textes afin de faire intégrer la musique Black Metal et ses valeurs « nationalistes et chthoniennes » dans l’espace politique de l’assemblée de Kiev. Ces modalités peuvent être (je cite) : l’athéisme radical et nihiliste, l’occultisme, le satanisme théiste, et les cultes païens archaïques reliés à l’« aryano-luciférianisme ».

Je rajoute que le 17 mars 2017, un Manifeste politique national pan-ukrainien a été signé à la Maison des professeurs à Kiev entre les responsables des forces nationalistes les plus importantes du pays. Parmi les vingt points du Manifeste se trouve ceux-ci : « Reconnaître la fédération de Russie comme un pays agresseur à tous les niveaux de la diplomatie internationale. » ; « Reconnaître juridiquement certaines zones des régions de Donetsk et Louhansk comme des territoires occupés et développer un véritable plan pour libérer la Crimée et le Donbass de leurs occupants. Procéder immédiatement à la mise en œuvre d’actions concrètes allant de la reconnaissance militaire et du sabotage à la guerre économique et de l’information. » ; « Assurer à la langue ukrainienne le statut de langue d’État unique. ». Le texte de ce véritable manifeste de guerre ouverte a été déclamé par le chanteur du célèbre groupe de rock gothique ukrainien Komu Vnyz.

Il faut bien comprendre que ces mouvements ne se déclarent pas anti-eurasistes, dans la mesure où ils estiment être les seuls véritables pan-européens, revendiquant l’héritage de la Révolution Conservatrice. C’est la vieille tradition bien connue de l’inversion des paramètres : le vrai soleil c’est la lune, l’enfer est la porte du paradis, etc.

Nous comprenons donc aisément que ces deux pôles politiques très récemment inscrits dans l’espace européen sont la face visible de deux pôles spirituels antagonistes : le premier pôle est christique, ecclésial et favorable à la notion d’Empire comme serviteur du Christ, basé sur un faisceau d'alliances pacifiques entre souverainetés européennes et une synergie économique au service de l'homme, un Empire de la Paix ; le second pôle peut également être favorable à l’Empire mais avec une finalité toute différente, c’est l’Empire du Dragon détourné du Christ et résolument hors de l’Eglise, un pôle nationaliste par idolâtrie et ouvertement luciférien.

pendu-1.pngLes ramifications françaises du luciférianisme sont également très importantes, et elles ne sont pas près de faiblir depuis que la carte du Tarot « Le Pendu » vient d’être élue président de la République, l’envoyé des profondeurs parrainé par le maître Barack Obama.

On évoque toujours, à juste titre, la Révolution française, mais ces événements sont également la prolongation directe de la Révolution américaine, dont les Pères fondateurs n’étaient absolument pas chrétiens. Thomas Paine, qui en fut l’inspirateur, publia après celle-ci « The Age of Reason » qui constitue une des plus violentes attaques jamais écrites contre la Bible et les Evangiles. Il y dénonce la conception virginale du Christ, et écrit des phrases comme :

« Ce n’est pas un Dieu, juste et bon, mais un diable, sous le nom de Dieu, que la Bible décrit ».

« Un bon maître d’école est plus utile qu’une centaine de prêtres ».

« Le Vatican est un poignard au cœur de l’Italie ».

ou encore des professions de foi progressistes comme : « La nature humaine n’est pas vicieuse d'elle-même ».

Une véritable littérature de Pendu par les pieds, d’homme à l’envers.

andreiev.jpgUn écrivain russe encore trop peu connu en France a donné des prédictions qui correspondent tout à fait à notre monde contemporain. Il s’agit de Daniel Andreiev, qui prévoit dans son ouvrage « Roza Mira » (La Rose du Monde), écrit en prison sous Staline et parfois comparé à la Divine Comédie, la transformation des Etats nationaux en machines infernales, en centrales de production d’énergie négative.

Le seul avantage de notre époque repose sur le fait que la visibilité politique de ces deux pôles spirituels (l’un christique et l’autre luciférien) soit d’une clarté absolue. Néanmoins, la dernière chance pour certains est de tenter d’introduire la confusion et de mélanger ces deux pôles, ou plutôt de les inverser, et ceci au seul bénéfice du mal, bien entendu. L’inversion des paramètres dont je parlais à l’instant.

Il y a le détournement en Ukraine du principe de la Révolution Conservatrice par des nationalistes autoproclamés lucifériens. Et puis, en ce moment même, a lieu en France une tentative de récupération de Jean Parvulesco au service intégral de la puissance des ténèbres, essayant d’inverser sa pensée et de le faire passer pour un membre de la secte des Adorateurs du Serpent, c’est-à-dire un contempteur des religions assimilées à des égrégores dégénérés et des vampires psychiques, un ennemi absolu des trois monothéismes vus comme des trahisons de la spiritualité première, un opposant radical au processus de la création démiurgique et un gnostique fidèle de Lilith l’avorteuse.

Rose_du_Monde.jpgNotre grand écrivain catholique, notre grand visionnaire de l’Empire Eurasiatique du Saint-Esprit a écrit de nombreux textes très clairs sur toutes ces questions, et notamment deux que l’on peut trouver dans « Le Retour des Grands Temps ». Il pressentait sans doute déjà, de son vivant, l’éventualité d’une telle malversation.

Il est beaucoup plus simple d’attendre qu’un écrivain soit mort pour lui faire dire le contraire de ce qu’il a toujours dit.

La notion d’Empire défendue tout au long de sa vie par Jean Parvulesco ne doit pas être confondue avec la volonté d’hégémonie politique au service d’un seul pays.

D’abord, il livre un appel à ce que (je cite) « les uns et les autres nous trouvions comment revenir à la vision contre-révolutionnaire de l’Empereur Mystique, le grand Alexandre Ier, et de la Sainte Alliance des Trois Empires chrétiens, l’Empire d’Allemagne, l’Empire d’Autriche et l’Empire Russe, ce qui revient à prévoir à terme l’intégration du catholicisme et de l’orthodoxie en une seule instance impériale de présence et de témoignage de vie au sein d’une même et seule structure impériale d’Eglise ».

N’oublions pas que Guillaume II, qui se considérait lui-même comme l’Empereur de l’Atlantique, appelait son cousin Nicolas II, l’Empereur du Pacifique.

« Ainsi les actuelles retrouvailles nuptiales de la Russie et de l’Europe vont-elles devoir imposer le retour du sacré vivant au sein de la communauté impériale grand-continentale », écrivait encore Jean Parvulesco.

L’Empire est la structure naturelle de toute organisation communautaire. Il est basé sur le principe de subsidiarité : tout ce qui peut être réglé politiquement par la base doit être réglé par la base.

Ce sont les communautés naturelles qui régissent elles-mêmes leur propre organisation, l’économie de leur territoire.

Le principe de l’Empire est celui de l’unité suprême au sommet, et de l’hétérogénéité à la base.

On retrouve le principe spirituel de la monarchie, liée à une logique organique de la vie des peuples, et qui fait qu’un empire est naturellement lié à la notion de civilisation.

Le philosophe catholique et anti-communiste Jean Daujat a parfaitement décrit la manière dont les corporations de métiers des XIIè et XIIIè siècles en France furent codifiés par Saint Louis, mais pas organisés ni dirigés par celui-ci. « Ce qui couronnait tout l’intense mouvement de la vie sociale du XIIIè siècle était l’inspiration chrétienne de la politique mise au service du règne du Christ dans l’ordre temporel dont les souverains se considéraient comme les ministres », écrit-il. Et encore : « Tous les rois de France, en étant sacrés à Reims, s’engageaient à préserver le peuple contre toutes rapines et iniquités. »

Des événements historiques tels que la querelle des Investitures puis, bien plus tard, le Traité de Westphalie, ont engendré la dislocation des Empires, et conséquemment de leurs spiritualités, puis l’avènement des nations athées et orgueilleuses qui se sont toutes mises à guerroyer les unes contre les autres. Au seul bénéfice intégral de la puissance financière régnant sur le chaos.

stHRRDN.jpgPersonne ni aucun peuple ne doit être identifié ni s’identifier lui-même au pouvoir impérial. Le pouvoir impérial n’est pas l’attribut d’une nation, mais un attribut divin prêté et repris au souverain. Et il a pour seule fin le service des communautés.

Aucun pays européen, aucune nation européenne n’a hérité de l’Empire de Rome. C’est l’Eglise elle-même qui en a hérité, comme l’a bien expliqué Soloviev dans son ouvrage « La Russie et l’Eglise Universelle », où il écrit les phrases suivantes :

« Les grandes puissances du monde ancien n’ont fait que passer dans l’histoire : Rome seule vit toujours. La roche du Capitole fut consacrée par la pierre biblique, et l’empire romain se transforma en la grande montagne qui, dans la vision prophétique, était née de cette pierre. Et la pierre elle-même, que peut-elle signifier, sinon le pouvoir monarchique de celui qui fut appelé Pierre par excellence et sur qui l’Église Universelle — cette montagne de Dieu — fut fondée ? »

L’Eglise est une et indivisible, à la fois catholique (universelle dans l’espace) et orthodoxe (permanente dans le temps). 

L’Empire et l’Eglise sont donc indissolublement liées l’un à l’autre.

C’est ce que démontre avec superbe Dante dans son De Monarchia.

Je terminerai ma courte allocution en citant une phrase très significative de Jean Parvulesco, extraite d’une conférence donnée à Neuilly le 20 décembre 1994, titrée « La signification suprahistorique du massacre des Romanov ». Cette phrase permettra d’effectuer une ouverture à la fois sur nos origines les plus lointaines et sur la thématique précise de notre colloque.

« Ainsi que l’observait Guido Giannettini dans un de ses essais géopolitiques d’avant-garde, pour la première fois depuis des temps indéfinis, depuis la fin même, peut-être, du néolithique, les hommes d’un même sang et appartenant à la même vision fondamentale de l’être et du monde, à une même civilisation profonde, se retrouvent à nouveau ensemble, prêts à intégrer l’ancienne unité de leur prédestination commune, de l’Atlantique au Pacifique. »

https://www.geopolitica.ru/fr/studio/jean-parvulesco-et-l...

http://www.estica.eu/article/jean-parvulesco-si-geopoliti...

http://flux.md/opinii/jean-parvulesco-si-geopolitica-tran...

mercredi, 21 mars 2018

EURASISME & TRADITION - La pensée d'Alexandre Douguine

conferlille.jpg

EURASISME & TRADITION
La pensée d'Alexandre Douguine

Samedi 31 mars 2018 – Conférence de Christian Bouchet

A l’occasion de la sortie du nouveau livre de l’intellectuel russe Alexandre Douguine, l’équipe d’E&R Lille accueillera son éditeur, Christian Bouchet,  le samedi 31 mars 2018 à 15h00 pour une conférence intitulée « Eurasisme et tradition, la pensée d’Alexandre Douguine ».

Réservations : reservation.erlille@outlook.fr

samedi, 17 mars 2018

Russia and the Rise of a New Era

dessinpoutine.jpg

Russia and the Rise of a New Era

by Kerry Bolton
Ex: https://www.blackhousepublishing.com

The Asia-Pacific region has become the focus for the USA, China and Russia. Australia and New Zealand have sought to create an alignment with both the USA and China, while recently there have been trade overtures between Russia and New Zealand. Antipodeans might find themselves caught between super-power rivalries while our political and business elite cannot see beyond trade and economic relations, which are always secondary forces in the playing out of history.

Perceptive Australians and New Zealanders are fortunate in having in New Dawn a medium that looks at history from breadth and depth. Hence, New Dawn has long viewed Russia as the place where great historical forces will unfold.

Despite the misgivings of some Russian patriots, Vladimir Putin has emerged as a new Russian strong-man. New Dawn saw the possibilities for Russia under Putin at the earliest days of his political ascent. For one commentator in New Dawn, the rise of Putin had mystical implications that could impact on the world in an epochal way: Putin’s inauguration as Prime Minister on 9 August 1999 occurred during the week of the solar eclipse and the planetary alignment of the Grand Cross, ‘a highly auspicious astrological event… traditionally held to be the end of an epoch’.[1]

MULTIPOLAR VS. UNIPOLAR WORLD

As New Dawn also reported at an early stage of Putin’s assumption to power, the new leader had no intention of continuing a process that had begun with Gorbachev: the integration of Russia into a world political and economic system, with its concomitant cultural degradation. New Dawn reported Venezuelan President Hugo Chavez predicting that the 21st century would be a multipolar world. What some important elements in US governing circles call the ‘new American century’[2] would be nothing of the kind, despite their increasingly aggressive efforts. Chavez, a leader of rare statesmanship, believed that this would be a century of power blocs.[3] Putin’s Russia has pursued the building of a ‘multipolar’ world.

Multipolarity is a doctrine that permeates much of the academic and ruling elite of Russia. Its most well-known proponent is Dr Alexander Dugin, who heads the Centre for Conservative Studies, Sociology Department, at Moscow State University.[4] What Chavez was referring to as unified continental power blocs, Dugin refers to as ‘vectors’. I have elsewhere outlined Dugin’s doctrine, with a focus on how this might apply to Australasia,[5] although I do not see why Australia (and presumably New Zealand) should come under a ‘vector’ that is focused either on the USA or China, and believe that Dugin is being overly generous towards those two hegemonistic powers. More preferable is the vision of Dugin’s precursor, Jean Thiriart, a Belgian revolutionary geopolitical theorist who saw Euro-Russia (or ‘Euro-Soviet’, since the USSR was still intact) in alliance with a Latin American bloc (the vision had been promoted by his friend Juan Peron, and is still promoted by Bolivarian Venezuela), in opposition to US global ambitions.[6]

ADmulti.jpgAs for Dugin’s influence in Russia, two antagonistic academics lament of him: ‘The growing interest among political scientists and other observers in Dugin and his activities is the result of his recent evolution from a little-known marginal radical right-winger to a notable and seemingly influential figure within Russia’s mainstream’.[7]

Dugin calls his geopolitical concept ‘Eurasianism’, writing of this:

‘In the broad sense the Eurasian Idea and even the Eurasian concept do not strictly correspond to the geopolitical boundaries of the Eurasian continent. The Eurasian Idea is a global-scale strategy that acknowledges the objectivity of globalisation and the termination of nation-states, but at the same time offers a different scenario of globalisation, which entails no unipolar world or united global government. Instead it offers several global zones (poles). The Eurasian Idea is an alternative or multipolar version of globalisation, but globalisation is the currently fundamental world process that is deciding the main vector of modern history’.[8]

Hence, Dugin agrees that the days of petty states are numbered and were a manifestation of a phase of history. Dugin postulates therefore something beyond petty-statism, imperialism or globalism, power blocs based on organic geopolitical realties, although details should remain open to question. Such geopolitical thinking is very much to the fore in Russia, among the highest echelons of academia and politics. Putin’s Russia, like Stalin’s Russia, is problematic in regard to the ‘new world order’ that the globalists confidently thought would emerge under the interregnum of Gorbachev and Yeltsin. Like Stalin, who scotched globalist plans for a ‘new world order’ in the aftermath of World War II, Putin is an upstart in globalist eyes.

VLADIMIR PUTIN

One of the numerous globalist NGO’s directed at Russia, The Jamestown Foundation[9], offered several opinions in regard to the direction of Russia with Putin’s re-election in 2011. A major concern is whether Putin’s anti-American expressions during the elections were based on electoral rhetoric in drumming up Russians against an external enemy, or a genuinely held perception of the USA as intrinsically inimical to Russia. Certainly Putin would be naïve if he regards the USA as anything other than being committed to the subordination of Russia to economic predation and cultural decay. The USA has been the home-base for the destruction of Russia as a world power since Stalin’s rejection of the USA’s vision of the post-war world in 1945,[10] inaugurating the ‘Cold War’. The very fact of the existence of The Jamestown Foundation, among a gaggle of other NGOs whose board members often have close connections with US governmental agencies, including the military and intelligence,[11] indicates this.

Douguine-VP.jpgCiting a report from Chattham House by James Nixey, entitled ‘Russia’s Geopolitical Compass’, Nixey points to four ‘geostrategic axes for Russia: the West, Russia’s many ‘souths’ – the Black Sea region and the Islamic world – Russia’s Far East and the Arctic North’. Nixey states that Russia no longer views the ‘West’[12]as all-powerful, and that Obama’s post-Bush so-called ‘Reset’ policy for rapprochement with Russia is ‘losing direction’. What is particularly interesting is that Nixey agrees with Sinologist Bobo Lo, Senior Research Fellow at the Centre for European Reform in London, who states ‘that Russia’s relations with China are nothing more than an “alliance of convenience” by which Russia seeks to leverage influence with the West to gain acceptance. In this context, China is only a “geopolitical counterweight to the West.”’[13]

This issue of Sino-Russian relations is vitally important, especially to Australians and New Zealanders, who have hitched their wagons to China’s star that is one day going to implode and fall.[14]

There are those both on the ‘fringes’ of politics and in influential positions who see Russia as an ally rather than as a threat to Europe, a united Europe. France having more than the usual number of geopolitical realists, has included a strong Russophile element that looked to Russia, including during its Soviet days, as a counterweight to US hegemony contrary to the propaganda of the Soviet bogeyman poised to ravish the Occident. One probably most immediately recalls the call of President Charles de Gaulle for a united Europe ‘from the Atlantic to the Urals’. The Jamestown Foundation’s article cites a view offered by Marc Rousset, a French historian and political analyst and author of La nouvelle Europe: Paris-Berlin-Moscou [The New Europe: Paris-Berlin-Moscow] (2009):

MR-ne.jpg‘According to Rousset, Putin would bring “bravery, foresight and pragmatism” to Russian policy in the interest of creating a geopolitical order from the Atlantic to Vladivostok. Rousset emphasized that Putin is a European from St. Petersburg working toward closer ties among Russia, Ukraine and Belarus. His conception of a Eurasian union had the possibility of creating an imperial order to rival that of the American empire and the emerging new orders in China and India[15] (Rossiiskaia Gazeta, March 6). Rousset was quoted in November of last year as seeing the emergence of an axis of Paris, Berlin and Moscow being the answer to the present crisis in the Eurozone and the means to restore Europe’s position as a major player in the international system (Rossiiskaia Gazeta, November 17, 2011). Sergei Karganov answered that line of thought in December of last year by calling on Russia to turn away from Europe and make its future with a dynamic Asia-Pacific region led by China (Rossiiskaia Gazeta, December 28, 2011)’.[16]

Rousset’s ideal is in my opinion the preferred. While Sergei Karganov[17] is in accord with the Dugin conception of ‘Eurasianism’ vis-à-vis Russia’s place with China in Asia, Dugin also sees Russia in alliance with united Europe, and her historical relationship with ‘Hindustan’.[18] Historically a Sino-Russian alliance is an aberration, as indicated by other geopolitical analysts such as Bobo Lo. Putin hopes to play the China card, a policy that the USA pursued during the 1970s against the USSR. However, there are more scenarios for geopolitical discord between Russia and China than what there ever have been and possibly ever will be between the much-hyped supposed rivalry between China and the USA. The deployment of the Russian military in the Far East indicates Putin’s realism on the issue.[19] Hopefully such manoeuvres are more reflective of Russian aims than Karganov’s ideal of a Sino-Russian partnership for the control of the Asia-Pacific region, a conception that seems more akin to Trilateralism.[20]

DUGIN’S ANALYSIS

Indicating the seriousness with which Alexander Dugin is taken by Russia’s friends and enemies alike, Kipp comments of Dugin’s reaction to the re-election of Putin:

‘In the aftermath of Putin’s election, Aleksandr Dugin, the chief ideologue of anti-Western Eurasianism, stated that Putin stood at a moment of strategic choice: embrace the liberalism and Westernism of Russia’s bourgeois elite or the nationalism of the Russian common folk – historically the victims of the corruption of Russia’s liberal elite, which champions Russia’s subservience to the West. Dugin wrote that by promoting a Eurasian Union, Putin had already spoken the word that defined his choice. This was the path to national revival and to an economy based upon the reconstruction of Russia’s defense sector. Dugin states: “Both sides want reforms from Putin but they desire direct opposites. The elites want democratization, modernization, liberalization and growing closer to the West. The people want the national idea, a firm hand, a strengthening of sovereignty, a great power state, paternalism and social justice.” This choice for Putin comes at a particularly critical moment, according to Dugin. The hegemony of the US and its allies is being tested in an emerging multi-polar world. The immediate challengers are Syria and Iran. But once those two states have been defeated by military intervention, Russia itself will have to face the threat of such intervention. “…after the prepared attacks on Syria and Iran, the logical next target will be Russia. Of course, Russia will not survive such a confrontation with the West alone’.[21]

However, China remains the thorny question among those who seek a revived Russia, with Dugin and his movement seeing China as a crucial ally,[22] while others see China as a future rival.[23]

THE ASSAULT ON RUSSIA

For those who see Russia and China as natural allies in a bloc that can thwart US-led globalisation, it might be instructive to consider Washington and Wall Street’s attitudes towards both over the decades. While some ‘neocon’ elements in the USA raise their voices against China’s aims, Rockefeller, Soros and others of the globalist elite have maintained a pro-China attitude. Globalist foreign policy luminaries such as Henry Kissinger and Zbigniew Brzezinski have seen Russia as the USA’s perennial obstacle to world hegemony while their attitudes towards China have been more generous, Rockefeller Trilateralism and Soros globalism seeing China as an essential partner in a ‘new world order’.[24] One might also consider the immense efforts of the USA to ‘contain’ Russia from the days of Stalin to the present,[25] and a comparative lack of action regarding China’s ambitions. Elsewhere I have written on this:

russiaeagle.jpg

‘The Rockefeller dynasty has led the pro-China policy for decades. The “Pacific Asian Group” of David Rockefeller’s Trilateral Commission includes representatives from China. However, Rockefeller interests in China go back well prior to the Trilateral Commission, to the Asia Society. The Asia Center New York office states that John D. Rockefeller III founded the Society in 1956…[26]

US actions against Putin’s Russia remain as determined as those against the USSR during the Cold War. Dr Paul Craig Roberts, US Assistant Secretary of the Treasury under the Reagan Administration, has written of the subversion against Russia:

‘The Russian government has finally caught on that its political opposition is being financed by the US taxpayer-funded National Endowment for Democracy and other CIA/State Department fronts in an attempt to subvert the Russian government and install an American puppet state in the geographically largest country on earth, the one country with a nuclear arsenal sufficient to deter Washington’s aggression’.[27]

Roberts was referring to an Act passed by the Duma requiring the registration of NGOs receiving foreign funds, similar to the requirements of US laws that have long been in place. Roberts continued:

‘The Washington-funded Russian political opposition masquerades behind “human rights” and says it works to “open Russia.” What the disloyal and treasonous Washington-funded Russian “political opposition” means by “open Russia” is to open Russia for brainwashing by Western propaganda, to open Russia to economic plunder by the West, and to open Russia to having its domestic and foreign policies determined by Washington’.[28]

Globalists are aiming to deconstruct Russia as they did the USSR. Fortunately, Putin is no Gorbachev. His ambition seems to be that of leading a strong Russia, as distinct from Mikhail Gorbacehv’s ambition to become a globalist celebrity posturing on the world stage. When on his 80th birthday in 2011 Hollywood stars hosted a ‘gala celebration’ at the Royal Albert Hall, London, ABC News commented that the ‘movie stars, singers and politicians’ who turned out for the show, ‘underlined the celebrity status Mr Gorbachev enjoys in the West, where he is widely perceived as the man who freed Eastern Europe from Soviet rule and ended the Cold War’.[29] On the occasion of his birthday Gorbachev delivered what might be construed as an ultimatum to Putin on behalf of the globalist elite, ‘advising’ him ‘against running for a third term as president and warning about the dangers of Arab-style social revolt’.[30] As is now clear, those ‘Arab social revolts’, like the ‘colour revolutions’ in the former Soviet states, were stage-managed by the globalist NGOs.

octopususaim.pngThe globalist think tanks are blatant in their intentions. The Council on Foreign Relations (CFR), opines that ‘Russia is heading in the wrong direction’.[31] One of the CFR recommendations is to interfere with the Russian political process, urging US Congress to fund opposition movements by increased funding for the Freedom Support Act, in this instance referring specifically to the 2007-2008 presidential elections.[32] Authors of the CFR report include Mark F Brzezinski, who served on the National Security Council as an adviser on Russian and Eurasian affairs under Clinton, as his father Zbigniew served in the Carter Administration; Antonia W Bouis, founding executive director of the Soros Foundations; James A Harmon, senior advisor to the Rothschild Group, et al. US ruling circles have a messianic mission to create a world revolution, and it is no surprise that the ideological foundations of the US ‘world revolution’ were developed by Russophobic Trotskyites during the Cold War.[33] The task of publicly announcing the post-Soviet world revolution was allotted to President George W Bush. Speaking before the National Endowment for Democracy in 2003, Bush stated that the war on Iraq was a continuation of a ‘world democratic revolution’ that started in the Soviet bloc: ‘The revolution under former president Ronald Reagan freed the people of Soviet-dominated Europe, he declared, and is destined now to liberate the Middle East as well’.[34]

Gorbachev had prepared the deconstruction of the Soviet bloc in 1988, when he announced to the United Nations General Assembly a reversal of Soviet policy: Russia would not come to the defence of Warsaw Pact regimes in the event of revolt. Immediately after he met President Reagan and President-elect George Bush.[35]

The subverting of post-Soviet Russia has proceeded no less vigorously. Carl Gershman, president of the National Endowment for Democracy (NED), remarked that the Solidarity movement in Poland was created the year following Gorbachev’s UN speech, and set in motion the dismantling of the Soviet bloc, which he termed ‘a new concept of incremental democratic enlargement’, which NED calls ‘cross-border work’.[36] This had its origins ‘in a conference that was sponsored by the Polish-Czech-Slovak Solidarity Foundation in Wroclaw in early November of 1989’.[37] This movement continues to the present, Gershman stating:

‘And so cross-border work was born, and it has continued to expand ever since. The Polish-Czech-Slovak Solidarity Foundation went from providing support for desktop publishing in the Czech Republic and Slovakia to providing similar aid in Ukraine and Belarus, and today it works in Russia, Moldova, the Caucasus and Central Asia. Other Polish groups also engage in cross-border work, from the Foundation for Education for Democracy, an outgrowth of the Solidarity Teachers Union which provides training in civic education for teachers and NGO leaders throughout the former Soviet Union, to the East European Democratic Center which supports local media in Ukraine and Central Asia’.[38]

Just prior to Gorbachev’s warning to Putin about not standing for re-election, Gershman had commented that:

‘…Putin may be in control in Russia, but he has lost the support of the political elite which fears that his return to the presidency will usher in a period of Brezhnev-like stagnation and continued economic and societal decline… International groups should be prepared to provide whatever assistance is needed and desired by local actors. Areas of support would include party development and election administration and monitoring, strengthening civil society and independent media, and making available the expertise of specialists in such fields as constitutionalism and electoral law as well as the experience of participants in earlier transitions’.[39]

It was an unequivocal call to overthrow Putin.

RUSSIA AND THE NEW WORLD ORDER

Putin has embraced ‘Eruasianism’ as the alternative to a ‘new world order’ based around US hegemony. In a major foreign policy article in 2012 Putin outlined the main premises: Putin stated that Russian would be guided by her own interests first, based on Russia’s strength, and would not be dictated to by outsiders. While Putin uses the term ‘new world order’, it is one that is antithetical to the globalist version. He questions the US missiles being placed on Russia’s borders, and the continuing belligerence of NATO, stating that ‘The Americans have become obsessed with the idea of becoming absolutely invulnerable’.[40] Importantly, Putin is fully aware that globalist agendas are being imposed behind the faced of ‘human rights’, and criticises the selectivity by which this morality is applied:

vp-porte.jpg

‘The recent series of armed conflicts started under the pretext of humanitarian aims is undermining the time-honored principle of state sovereignty, creating a moral and legal void in the practice of international relations’.[41]

Putin refers to the ‘Arab Spring’, noting outside inference in a ‘domestic conflict’. ‘The revolting slaughter of Muammar Gaddafi… was primeval’, Putin states, and the Libyan scenario should not be permitted in Syria. He adds of the ‘regime changes,’

‘It appears that with the Arab Spring countries, as with Iraq, Russian companies are losing their decades-long positions in local commercial markets and are being deprived of large commercial contracts. The niches thus vacated are being filled by the economic operatives of the states that had a hand in the change of the ruling regime’. One could reasonably conclude that tragic events have been encouraged to a certain extent by someone’s interest in a re-division of the commercial market rather than a concern for human rights. [42]

Putin sees Russia developing her historic relations with the Arab states, despite the ‘regime changes’. He also points out the political uses that are being made of social media which played such a significant role in mobilising and agitating masses during the ‘Arab Spring’, and indeed in the ‘colour revolutions’ on Russia’s doorstep.[43] Putin also acknowledges the subversive role of the NGO’s not least of whose actions are being directed against Russia, stating: ‘…the activities of “pseudo-NGOs” and other agencies that try to destabilize other countries with outside support are unacceptable’. He remarks on the failure of US and NATO intervention in Afghanistan and mentions Russia’s historic relationship there.[44]

While Russia is seen as having an important role in the Asia-Pacific region, and Putin puts stress on alignment with a strong China he also declares:

‘Russia is an inalienable and organic part of Greater Europe and European civilization. Our citizens think of themselves as Europeans. We are by no means indifferent to developments in united Europe. That is why Russia proposes moving toward the creation of a common economic and human space from the Atlantic to the Pacific Ocean – a community referred by Russian experts to as “the Union of Europe,” which will strengthen Russia’s potential and position in its economic pivot toward the “new Asia.”’[45]

Putin refers to an exciting new vision of a bloc expanding form ‘Lisbon to Vladivostok’. He sees Russia’s acceptance to membership of the World Trade Organisation as ‘symbolic’, while having defended Russian’s interests. With Russia looking at the Asia-Pacific region, will she be a nexus between this region and Europe, or will she enter the region as a junior partner with China? Some geopolitical analysts are referring to a new geopolitical bloc, challenging both the USA and China, as Eurosiberia[46] rather than Eurasia.

SU-57-1.jpg

SYRIA: PIVOTAL ROADBLOCK IN THE GLOBALIST AGENDA

Now the world looks on again in confusion and fear as the USA extends its dialectical strategy of ‘controlled crises’ over one of the few remaining redoubts of independence: Syria. Again the lines of opposition are drawn between Russia and the USA in a geopolitical struggle for world conquest. Syria in fact has long been viewed as the major obstacle to globalist ambitions: moreso even than Libya, Iraq or Iran. In 1996 the Study Group for a New Israeli Strategy Toward 2000, established by the Institute for Advanced Strategic Studies, Jerusalem, issued a paper titled A Clean Break. The think tank included people who would become influential in the Bush Administration, such as Richard Perle, Douglas Feith and David Wurmser. The major obstacle was Syria, and the major aim was to ‘roll back Syria’, and to ‘foil Syria’s regional ambitions’. Even the recommendation of removing Saddam – ‘an important Israeli strategic objective in its own right’ – was seen as a step towards Syria.[47]

The 1996 paper recommends a propaganda offensive against Syria, along the lines of that employed against Saddam, and indeed against everyone who is an obstacle to the ‘new world order’ and/or Israel, suggesting that the ‘move to contain Syria’ be justified by ‘drawing attention to its weapons of mass destruction’.[48] The report suggests ‘securing tribal alliances with Arab tribes that cross into Syrian territory and are hostile to the Syrian ruling elite’. They suggest the weaning of Shia rebels against Syria.[49]

The plan of attack against Syria has been long in the making. Arab regimes have recently fallen like dominoes as a prelude to the elimination of Syria and Iran. The Clean Break recommends the use of Cold War type rhetoric in smearing Syria. We can see the plan unfolding before our eyes. The ‘weapons of mass destruction’ charade used to justify the US bombing of Syria takes the from of alleged chemical attacks on Syrian ‘civilians’, with a compliant media showing lurid pictures of suffering children, but usually with the comment that the reports are ‘unconfirmed’. The US assurances of ‘proof’ sound as unconvincing to the critical observer as the ‘evidence’ against Saddam. Sure enough, reports have come out that US-backed rebels have committed the chemical attacks as a means of securing a US assault on the Bashar al-Assad government. Two Western veteran journalists, while captives of the Free Syria Army, overheard their captors – including a FSA general – discussing the chemical weapons attack rebels had launched in Damascus as a means of provoking Western intervention.[50]

In an act of statesmanship, Putin pre-empted President Obama’s determination to bomb Syria by suggesting that Syria place its chemical weapons stockpiles for disposal with the United Nations; a plan that Syria has accepted.

Russian-Army-768x445-1-696x403.jpg

Putin sees the offensive against Syria in world historical terms in determining what type of world is being moulded. While Russian ships face US and some French and British ships, he has rebuked Obama’s statements – like those of US presidents before him – that the USA has ‘an exceptional role’. In his appeal to the American people published in the New York Times, Putin questions the USA’s strategy stating that, ‘It is alarming that military intervention in internal conflicts in foreign countries has become commonplace for the United States’. Condemning the basis of the new world order’ that is being imposed with US weaponry, Putin writes that having studied Obama’s recent address:

…I would rather disagree with a case he made on American exceptionalism, stating that the United States’ policy is ‘what makes America different. It’s what makes us exceptional’. It is extremely dangerous to encourage people to see themselves as exceptional, whatever the motivation. There are big countries and small countries, rich and poor, those with long democratic traditions and those still finding their way to democracy. Their policies differ, too. We are all different, but when we ask for the Lord’s blessings, we must not forget that God created us equal.[51]

PUTIN STEERS A STRAIGHT COURSE

Putin has maintained his ideological position, and reiterated Russia’s determination to maintain her sovereignty and identity in the face of globalisation. Putin’s course for Russia was unequivocally stated in a September 2013 speech at a Government-backed plenary session of the Valdai Club, which included foreign dignitaries and Russian luminaries from politics, academia and media. Putin has declared himself a traditionalist and a nationalist who will not countenance interference in Russia’s interests.

To Putin, tradition and Christianity are the foundations of Russia’s independence, while the globalists seek to impose over the world a nihilistic creed where the fluctuating needs of the market place are the cultural basis of a ‘new world order’, Putin stating: ‘Without the values at the core of Christianity and other world religions, without moral norms that have been shaped over millennia, people will inevitably lose their human dignity’.[52] This indicates a Perennial Traditionalist approach whereby Putin refers to the core values shared by ‘Christianity and other world religions’, ‘against the modern world’[53] of the ‘Euro-Atlantic countries [where] any traditional identity, … including sexual identity, is rejected’.

Putin stated that while every nation needs its technical strength , at the basis of all is ‘spiritual, cultural and national self-determination’ without which ‘it is impossible to move forward’. ‘[T]he main thing that will determine success is the quality of citizens, the quality of society: their intellectual, spiritual and moral strength’. Putin rejects the economic determinism of the modern era, stating:

file-20170727-8501-i09zwz.jpg

After all, in the end economic growth, prosperity and geopolitical influence are all derived from societal conditions. They depend on whether the citizens of a given country consider themselves a nation, to what extent they identify with their own history, values and traditions, and whether they are united by common goals and responsibilities. In this sense, the question of finding and strengthening national identity really is fundamental for Russia.

Putin pointed to the threat posed to Russian identity by ‘objective pressures stemming from globalisation’, as well as the blows to Russia inflicted by the attempts to erect a market economy, which it might be added, was sought by internal oligarchs and outside plutocrats; attempts that are ongoing. Putin moreover points to the lack of national identity serving these interests:

In addition, the lack of a national idea stemming from a national identity profited the quasi-colonial element of the elite – those determined to steal and remove capital, and who did not link their future to that of the country, the place where they earned their money.

What the globalists and oligarchs wish to impose on Russia from the outside cannot form an identity, which must arise from Russian roots, and not as a foreign import in the interests of commerce:

Practice has shown that a new national idea does not simply appear, nor does it develop according to market rules. A spontaneously constructed state and society does not work, and neither does mechanically copying other countries’ experiences. Such primitive borrowing and attempts to civilize Russia from abroad were not accepted by an absolute majority of our people. This is because the desire for independence and sovereignty in spiritual, ideological and foreign policy spheres is an integral part of our national character. Incidentally, such approaches have often failed in other nations too. The time when ready-made lifestyle models could be installed in foreign states like computer programmes has passed.

‘Russia’s sovereignty, independence and territorial integrity are unconditional’, states Putin. He has called for unity among all factions, above ethnic separatism and urges an ideological dialogue among political factions.

Putin also recognises that what is today called the ‘West’, with the USA as the ‘leader of the Western world’, as the media and US State Department constantly remind us, shows little evidence of any vestige of its traditional foundations:

Another serious challenge to Russia’s identity is linked to events taking place in the world. Here there are both foreign policy and moral aspects. We can see how many of the Euro-Atlantic countries are actually rejecting their roots, including the Christian values that constitute the basis of Western civilisation. They are denying moral principles and all traditional identities: national, cultural, religious and even sexual.

EURASIA2-master675.jpg

In this demise of Western values, Putin attacks ‘political correctness’, where religion has become an embarrassment, and Christian holidays are, for example, changed or eliminated in case a minority takes offence. This nihilism is being exported over the world and will result in a ‘profound demographic and moral crisis’, resulting the in ‘degradation’ of humanity. While multiculturalism is problematic for many states in Europe, Russia has always been multiethnic and this diversity should be encouraged in forging local identities, but within the context of a Russian state-civilisation. As will be apparent to the Russian leadership, the agitation of ethnic and religious separatism is a significant means by which the globalists undermine target nations, while paradoxically their own societies fall to pieces around them.[54]

Simultaneous with the moral and religious decline is the attempt to impose a ‘standardised, unipolar world’ where nations become defunct, rejecting the ‘God-given diversity’ of the world in favour of ‘vassals’. Above this, Putin is promoting a ‘Eurasian Union’, a geopolitical bloc that will enable the states of the region to withstand globalisation.

Putin’s Valdai speech shows that he has a fully developed world-view on which to base Russia’s future course. It also indicates that while Putin might have his faults (and I can’t think of what they might be offhand) he is the only actual statesmanin the world today, and has established Russia as the most likely axis of a new Civilisation and a new era. As history shows, once a civilisation succumbs to internal decay and often thereafter outside invasion, another civilisation assumes its place on the world state, created by a people who have retained their vigour and have not succumbed to moral rot. Western Civilisation reached its cycle of decay several centuries ago.

As Putin has pointed out, there is not much left that is traditionally Western. Today’s ‘Western’ zombie, animated by money, spreads its contagion over the world, as has no other civilization before it, as part of a deliberate world-mission, pointed out approvingly by such ‘neo-con’ strategists as Ralph Peters, who cites the USA’s cultural contamination of the world as a tactical manoeuvre.[55] Putin understands the forces that are swirling about the world like no other state leader; moreover not only understands the process, but overtly battles it like a modern-day ksatriya. Only in Russia are we witnessing the emergence of a new Civilisation fulfilling the Russian messianic mission that has long been written of by Russia’s sages. Only in Russia are we seeing the creation of a Traditionalist monolith standing against the forces of the Kali Yuga.

Kerry Bolton

Notes

[1] Viacheslav N Lutsenko, ‘Who are you Mr Putin?’, New Dawn, September-October 2001, p. 86.

[2] For example, as in the name of the neocon globalist think-tank, ‘Project for a New American Century’, http://www.newamericancentury.org/

[3] Susan Bryce, ‘Russia vs. the New World Order’, New Dawn, January-February 2001, p. 25.

[4] http://konservatizm.org/

[5] K R Bolton, ‘An ANZAC-Indo-Russian Alliance? Geopolitical Alternatives for New Zealand and Australian’, India Quarterly, Vol. 66, No. 2 (2010), pp. 183-201.

Also: K R Bolton, Geopolitics of the Indo-Pacific: Emerging Conflicts, New Alliances(London: Black House Publishing, 2013).

[6] Jean Thiriart interview with Gene H Hogberg, Part 5, http://home.alphalink.com.au/~radnat/thiriart/interview5....

[7] Anton Shekhovtsov, and Andreas Umland, ‘Is Aleksandr Dugin a Traditionalist? ‘Neo-Eurasianism’ and Perennial Philosophy’, The Russian Review, October, 2009, pp. 662–78.

[8] A Dugin, The Eurasian Idea, 2009.

[9] The Jamestown Foundation, ‘Mission’, http://www.jamestown.org/aboutus/

[10] K R Bolton, ‘Origins of the Cold War: How Stalin Foiled a New World Order’, 31 May 2010, http://www.foreignpolicyjournal.com/2010/05/31/origins-of...

K R Bolton, Stalin: the Enduring Legacy (London: Black House Publishing, 2012), pp. 125-139.

[11] See for example The Jamestown Foundation’s board members: ‘Board Members’, http://www.jamestown.org/aboutus/boardmembers/

[12] ‘The West’ is a misnomer, more accurately termed the ‘post-West’ under plutocratic control, as any notion of Western Culture has long since been smothered by Mammon.

[13] Jacob W Kipp, ‘The Elections are over and Putin won: whither Russia?’, 30 March 2012, http://www.jamestown.org/programs/edm/single/?tx_ttnews[t...

[14] K R Bolton, ‘Russia and China: an approaching conflict?’, Journal of Social, Political and Economic Studies, Vol. 34, no. 2, Summer 2009.

K R Bolton, ‘Aircraft Deployment in Russian Far East: Sign of Looming conflict?, Foreign Policy Journal, 27 May 2011, http://www.foreignpolicyjournal.com/2011/05/27/aircraft-d...

K R Bolton, ‘Sino-Soviet-US relations and the 1969 nuclear threat’, Foreign Policy Journal, 17 May 2010, http://www.foreignpolicyjournal.com/2010/05/17/sino-sovie...

K R Bolton, Geopolitics of the Indo-Pacific, op. cit.

[15] There need be no rivalry between Russia and India, but rather the continuation of the historical alignment between them.

[16] Jacob W Kipp. op. cit.

[17] Interestingly, Sergei Karganov, founder of the think tank, the Council for Foreign and Defense Policy, has been a member of the Rockefeller-founded globalist think tank, the Trilateral Commission since 1998, and a member of the International Advisory Board of the Council on Foreign Relations, 1995-2005; http://karaganov.ru/en/pages/biography

[18] K R Bolton, ‘An ANZAC-Indo-Russian Alliance’, op. cit.

[19] K R Bolton, ‘Aircraft Deployment is Russian Far East: Sign of Looming conflict?, op. cit.

[20] On Trilateralism see: The Trilateral Commission. ‘About the Organization: Purpose’, http://www.trilateral.org/about.htm

K R Bolton, ‘ANZAC-Indo-Russian Alliance…’, op. cit., ‘Asia-Pacific bloc pushed by USA, global business’.

[21] Jacob W Kipp, op. cit.

[22] Aleksandr Dugin, Argumenty i Fakty, March 14, 2012, cited by Kipp. Ibid.

[23] See: K R Bolton, ‘Russia and China: an approaching conflict?’, op. cit.

[24] Paul Joseph Watson, ‘Billionaire globalist warns Americans against resisting new global financial system, Soros: China Will Lead New World Order’, Prison Planet.com, October 28, 2009

[25] For a study on how Stalin set Russia on a course inimical to world plutocracy which has continued under Putin, with only the Gorbachev and Yeltsin interregna intervening, see: K R Bolton, Stalin : the Enduring Legacy, op. cit.

[26] K R Bolton, ‘Aircraft deployment in Russian Far East’…, op. cit.

[27] Paul Craig Roberts, ‘War on all fronts’, Foreign Policy Journal, 19 July 2012, http://www.foreignpolicyjournal.com/2012/07/19/war-on-all...

[28] Ibid.

[29] Reuters, ABC News, ‘Stars honour Gorbachev at gala birthday bash’, March 31, 2011, http://www.abc.net.au/news/stories/2011/03/31/3178823.htm).

[30] H Klaiman, “Peres attends Gorbachev’s birthday bash in London,” March 31, 2011, http://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-4050192,00.html

[31] Jack Kemp, et al, Russia’s Wrong Direction: What the United States Can and Should Do, Independent Task Force Report no. 57 (New York: Council on Foreign Relations, 2006) xi. The publication can be downloaded at: http://www.cfr.org/publication/9997/

[32] Ibid.

[33] K R Bolton, ‘America’s “World Revolution”: Neo-Trotskyist Foundations of US foreign policy’, Foreign Policy Journal, 3 May 2010, http://www.foreignpolicyjournal.com/2010/05/03/americas-w...

[34] Fred Barbash, ‘Bush: Iraq Part of “Global Democratic Revolution”: Liberation of Middle East Portrayed as Continuation of Reagan’s Policies’, Washington Post, 6 November 6, 2003.

[35] Dr. Svetlana Savranskaya and Thomas Blanton (ed.) ‘Previously Secret Documents from Soviet and U.S. Files n the 1988 Summit in New York, 20 Years Later’, National Security Archive Electronic Briefing Book No. 261, December 8, 2008.

[36] C Gershman, “Giving Solidarity to the world,” Georgetown University, May 19, 2009, http://www.ned.org/about/board/meet-our-president/archive...

[37] Ibid.

[38] Ibid.

[39] Carl Gershman, ‘The Fourth Wave: Where the Middle East revolts fit in the history of democratization – and how we can support them’, 14 March 2011, http://www.tnr.com/article/world/85143/middle-east-revolt...

[40] Vladimir Putin, ‘Russia and the changing world’, RiaNovosti, 27 February 2012, http://en.rian.ru/world/20120227/171547818.html

[41] Ibid.

[42] Ibid.

[43] See also: K R Bolton, ‘Twitters of the World Revolution: The Digital New-New Left’, Foreign Policy Journal, 28 February 2011, http://www.foreignpolicyjournal.com/2011/02/28/twitterers...

Also: K R Bolton, Revolution from Above, op. cit., pp. 235-240.

[44] V Putin, op. cit.

[45] Ibid.

[46] Guillaume Faye, ‘The New Concept of “Eurosiberia”’, Counter-Currents Publishing, http://www.counter-currents.com/2010/08/faye-on-eurosiber...

[47] A Clean Break, Study Group for a New Israeli Strategy Toward 2000, 1996, http://www.informationclearinghouse.info/article1438.htm

[48] Ibid., ‘Securing the Northern Border’.

[49] Ibid., ‘Moving to a Traditional Balance of Power Strategy’.

[50] ‘Journalist and writer held hostage for five months in Syria “overheard captors conversation blaming rebels for chemical attacks”’, Mail Online, 12 September 2013, http://www.dailymail.co.uk/news/article-2418378/Syrian-ho...

[51] Vladimir V Putin, ‘A Plea for Caution from Russia’, New York Times, 11 September 2013, http://www.nytimes.com/2013/09/12/opinion/putin-plea-for-...

[52] Putin at Valdai conference, Valdai Club, 19 September 2013, http://valdaiclub.com/valdai_club/62642.html

A significant proportion of the speech can be read at: http://therearenosunglasses.wordpress.com/2013/09/22/puti...

[53] To paraphrase the Traditionalist philosopher Julius Evola, Against the Modern World (Vermont: Inner Traditions International, 1995 [1969]).

[54] See K R Bolton, Babel Inc. (Black House Publications, 2013).

[55] Ralph Peters, ‘Constant Conflict ‘, Parameters, US Army War College Quarterly May 12, 1997, http://www.informationclearinghouse.info/article3011.htm

L’eurasisme ou le retour du sacré en géopolitique

Il existe, qui plus est, chez Douguine une dimension eschatologique qui le distingue de tous les nationalistes pan-européistes qui l’ont précédé (l’on pense, par exemple, à Jean Thiriard[1] et à sa Grande Europe islando-touranienne). Conjuguée à un goût très prononcé pour la géopolitique, cette approche confère à ses analyses une originalité parfois déroutante, mais jamais inféconde pour qui adopte, finalement, le point de vue quasi homérique d’un monde écartelé entre la propension prométhéenne des mortels et les plus contrariés desseins des dieux. C’est dire, en d’autres termes, que la dialectique de l’ordre et du chaos irrigue la pensée eurasiste de Douguine qui apparaît alors comme une véritable herméneutique permettant d’exhumer cette primordiale et ancienne complémentarité – que le monde moderne a artificiellement dissociée – du sacré et du profane et, partant, de mettre à jour « la vraie spiritualité, la pensée supra-rationnelle, le logos divin, la capacité à voir à travers le monde son âme secrète [2] » (p. 400).

On saisit mieux ce présupposé fondamental dans la philosophie douguinienne – directement inspiré du schéma structuraliste propre à la tradition indo-européenne – si l’on se penche, précisément, sur son terreau naturel, la géopolitique. Le processus de désacralisation de la géopolitique a conduit à une laïcisation de cette dernière qui l’a coupé de sa source hiérophanique, la géographie sacrée. Néanmoins, Douguine n’hyperbolise pas cette ligne de fracture, puisque, d’une part, « la géopolitique se tient à une place intermédiaire entre la science traditionnelle (la géographie sacrée) et la science profane » (p. 382), d’autre part, « les deux sciences convergent dans la description des lois fondamentales de l’image géographique des civilisations » (p. 394). Les rapports entre les deux sciences sont d’autant moins inexistants que « même dans notre monde anti-sacré, à un niveau inconscient, les archétypes de la géographie sacrée ont presque toujours été préservés dans leur intégrité, et se réveillent dans les moments les plus importants et les plus critiques des cataclysmes sociaux » (p. 390).

agios_dimitrios.jpg

Douguine ne perd pas de vue sa quête de la Tradition primordiale dans la mesure où elle constitue ce qu’il y a véritablement de caché dans un monde dominé par le matérialisme, l’hédonisme et l’accumulation capitalistique illimitée, soit le nouvel ordre mondial, ou encore le mondialisme – dans son acception à la fois technico-cybernéticienne et transhumaniste, sinon post-humaniste. Ainsi, par exemple, au « Nord riche » ne doit-on pas opposer le « Sud pauvre », mais bien le « Nord pauvre […], idéal sacré du retour aux sources nordiques de la civilisation. Ce Nord est ‘‘pauvre’’ parce qu’il est basé sur l’ascétisme total, sur la dévotion radicale envers les plus hautes valeurs de la Tradition, sur le mépris complet du matériel par amour du spirituel » (p. 415). Quant au « Sud pauvre », il doit nécessairement former une alliance avec ce « Nord pauvre ». De ce renversement du monde surgira un chaos nécessairement porteur d’ordre, celui de la Tradition originelle, attendue, toutefois, que cette « cette voie [n’ira] pas de la géographie sacrée à la géopolitique mais au contraire, de la géopolitique à la géographie sacrée » (p. 418).

À cette aune, l’islam que Douguine estime « directement relié à la Tradition [3] » (p. 543), représente, à ses yeux un fait géopolitique majeur pouvant conduire au sacré d’une géographie islamique traditionnelle. Il prend soin, malgré tout, d’opérer la distinction entre le salafisme, « pur islam » selon ses zélateurs et l’islam traditionnel qui « représente l’immense majorité des musulmans modernes ». Selon Douguine, la métaphysique salafiste est d’essence eschatologique ce qui la rend incommunicable au chiisme, « très similaire au traditionalisme » et au soufisme ésotériste. Il y voit la clé d’une concorde anti-occidentale fondée sur la reviviscence de la Tradition, à l’expresse condition, précise-t-il, que chacun suive sa tradition : « à un niveau purement individuel, le choix est possible, mais voir les Russes se convertir en masse à l’islam me répugne, car ils cherchent le pouvoir en dehors d’eux-mêmes et en dehors de leur tradition, et ils sont donc infirmes, faibles et lâches » (p. 544).

La prétendue « islamophilie » de notre penseur est appendue au paradigme inoxydable de la nordicité hyperboréenne que la géopolitique moderne a recouvert d’un monceau de colifichets. Sous la tectonique physique et démographique des continents, les méta-continents archétypaux de la géographie sacrée révèlent l’intemporalité de la Tradition qui explique que « quand les hommes du Sud restent en harmonie avec les hommes du Nord, c’est-à-dire quand ils reconnaissent l’autorité et la supériorité typologique (et non raciale !) de ceux-ci, l’harmonie règne parmi les civilisations. Lorsqu’ils revendiquent la suprématie à cause de leur relation archétypale avec la réalité, alors surgit un type culturel dévié, qui peut être globalement défini par l’adoration des idoles, le fétichisme ou le paganisme (au sens négatif, péjoratif de ce mot) » (p. 401).

En somme, aujourd’hui vivons-nous sous l’empire du fétichisme de la marchandise qui s’oppose, dans une lutte de préséance, à l’impérialisme du paganisme islamique. Point de Tradition, ni de traditions…

Pour le Front de la Tradition, Alexandre Douguine (Ars Magna).

douguine-ouvrage-208x300.jpgAlexandre Douguine, Pour le Front de la Tradition, Ars Magna, collection « Heartland », 34 euros

Notes

[1] Sur cette figure fascinante du nationalisme européen, on renverra à Yannick Sauveur et à son « Qui Suis-Je ? » éponyme publié chez Pardès en 2016 ainsi qu’à Le prophète de la grande Europe, Jean Thiriart, ouvrage rassemblant articles et entretiens depuis longtemps introuvables, publié chez Ars Magna (2018).

[2] Autant de qualités idiosyncrasiques qu’il attribue à l’homme du Nord, lesquelles se retrouvent selon lui « chez les Indiens d’Amérique du Nord et chez les anciens Slaves, chez les fondateurs de la civilisation chinoise et chez les indigènes du Pacifique, chez les Allemands blonds et chez les chamans noirs d’Afrique de l’Ouest, chez les Aztèques à peau rouge et chez les Mongols aux pommettes saillantes », tous ces peuples possédant le « mythe de ‘‘l’homme solaire’’ ».

[3] Sans que la Tradition ne se résume à l’islam.

dimanche, 11 mars 2018

Diète annuelle du Congrès du peuple chinois : le programme du ministre des affaires étrangères Wang Yi

wang-yi.jpg

Diète annuelle du Congrès du peuple chinois : le programme du ministre des affaires étrangères Wang Yi

Beijing. Lors de la Diète annuelle du Conrès du peuple chinois, le ministre des affaires étrangères Wang Yi a mis en exergue l’importance du projet stratégique de la « nouvelle Route de la Soie ». Il a souligné, par la même occasion, que la Chine construisait ainsi un nouvel ordre mondial. Littéralement, Wang Yi a dit : « Nous voulons créer un type nouveau de relations internationales ».

Toutefois, la participation de pays tiers au projet de la « nouvelle Route de la Soie », comme le veut Beijing, ne se fera pas gratuitement. Les participants doivent accepter les termes d’une « déclaration d’intention ». Plus de 80 pays ont déjà signé cette convention dont plusieurs pays d’Europe de l’Est. Les diplomates occidentaux considèrent que ce document pose problème car il exige que « soient respectés les intérêts fondamentaux de la Chine », comme le montre avec plus de précisions une ébauche présentée à l’agence de presse « dpa ». Beijing entend faire valoir ses intérêts, non seulement en Mer de Chine du Sud, mais aussi envers Taïwan, jugé rebelle. Les Etats, qui signent la convention, s’obligent simultanément à soutenir la Chine aux Nations Unies.

Les diplomates occidentaux jugent inacceptables les clauses qui précisent que la coopération avec la Chine doit être « pragmatique » : c’est le terme qu’utilisent les Chinois, dans leur langage particulier, pour éliminer l’épineuse question des droits de l’homme.

Devant le Congrès du peuple, le ministre des affaires étrangères Wang Yi a prôné la détente et a assuré que tous les pays auraient droit au chapitre dans l’initiative chinoise de la « nouvelle Route de la Soie » car aucun pays ne dominerait le processus seul ». Il a ajouté : « Tous ceux qui ne jugent pas avec deux poids deux mesures verront la Chine non comme une menace mais comme un pays qui offre d’innombrables possibilités ».

(article traduit de http://www.zuerst.de ).

 

vendredi, 02 mars 2018

Troisième Rome: de Dostoïevski à Jean Parvulesco

CBS-james.jpg

Réservation obligatoire: cercledubonsens@hotmail.com

mardi, 27 février 2018

Iran and India: Belt and Road by Another Name

indiairan.jpg

Iran and India: Belt and Road by Another Name

Don’t tell the Iran hawks in D.C., isolating Iran won’t work.  Iranian President Hassan Rouhani met with his Indian counterpart Narendra Modi this week and the two signed a multitude of agreements.

The most important of which is India’s leasing of part of the Iranian port of Chabahar on the Gulf of Oman.  This deal further strengthens India’s ability to access central Asian markets while bypassing the Pakistani port at Gwadar, now under renovation by China as part of CPEC – China Pakistan Economic Corridor.

CPEC is part of China’s far bigger One Belt, One Road Initiative (OBOR), its ambitious plan to link the Far East with Western Europe and everyone else in between.  OBOR has dozens of moving parts with its current focus on upgrading the transport infrastructure of India’s rival Pakistan while Russia works with Iran on upgrading its rail lines across its vast central plateaus as well as those moving south into Iran.

India is investing in Iran’s rails starting at Chabahar and moving north.

iran-india-rail.png

Just Part of the Much-Needed Rail Upgrade Iran Needs to Connect it to India

Chabahar has long been a development goal for Russia, Iran and India.  The North-South Transport Corridor (NSTC) was put on paper way back when Putin first took office (2002). And various parts of it have been completed.  The full rail route linking Chabahar into the rest of Iran’s rail network, however, has not been completed.

The first leg, to the eastern city of Zahedan is complete and the next leg will take it to Mashhad, near the Turkmenistan border.  These two cities are crucial to India finding ways into Central Asia while not looking like they are partaking in OBOR.

Also, from Zahedan, work can now start on the 160+ mile line to Zaranj, Afghanistan.

The recent deal between Iran and India for engines and railcars to run on this line underscores these developments.  So, today’s announcements are the next logical step.

The U.S. Spectre

As these rail projects get completed the geopolitical imperatives for the U.S. and it’s anti-Iranian echo chamber become more actute.  India, especially under Modi, has been trying to walk a fine line between doing what is obviously in its long-term best interest, deepening its ties with Iran, while doing so without incurring the wrath of Washington D.C.

India is trapped between Iran to the west and China to the east when it comes to the U.S.’s central Asian policy of sowing chaos to keep everyone down, otherwise known as the Brzezinski Doctrine.

India has to choose its own path towards central Asian integration while nominally rejecting OBOR. It was one of the few countries to not send a high-ranking government official to last year’s massive OBOR Conference along with the U.S.

So, it virtue signals that it won’t work with China and Pakistan.  It’s easy to do since these are both open wounds on a number of fronts.  While at the same time making multi-billion investments into Iran’s infrastructure to open up freight trade and energy supply for itself.

All of which, by the way, materially helps both China’s and Pakistan’s ambitions int the region.

So much of the NTSC’s slow development can be traced to the patchwork of economic sanctions placed on both Russia and Iran by the U.S. over the past ten years.  These have forced countries and companies to invest capital inefficiently to avoid running afoul of the U.S.

The current deals signed by Rouhani and Modi will be paid for directly in Indian rupees.  This is to ensure that the money can actually be used in case President Trump decertifies the JCPOA and slaps new sanctions on Iran, kicking it, again, out of the SWIFT international payment system.

Given the currency instability in Iran, getting hold of rupees is a win.  But, looking at the rupee as a relatively ‘hard’ currency should tell you just how difficult it was for Iran to function without access to SWIFT from 2012 to 2015.

Remember, that without India paying for Iranian oil in everything from washing machines to gold (laundered through Turkish banks), Iran would not have survived that period.

Don’t kid yourself.  The U.S. doesn’t want to see these projects move forward.  Any completed infrastructure linking Iran more fully into the fabric of central Asia is another step towards an economy independent of Western banking influences.

This is the real reason that Israel and Trump want to decertify the Iran nuclear deal.  An economically untethered Iran is something no one in Washington and Tel Aviv wants.

The Fallacy of Control

The reason(s) for this stem from the mistaken belief that the way to ensure Iran’s society evolves the right way, i.e. how we want them to, is to destabilize the theocracy and allow a new government which we have more control over to flourish.

It doesn’t matter that this never works. Punishment of enemies is a dominant neoconservative trait.

When the truth is that the opposite approach is far more likely to produce an Iran less hostile to both Israel and the U.S.  Rouhani is the closest thing to a free-market reformer Iran has produced since the 1979 revolution.  Putting the country on a stronger economic footing is what will loosen the strings of the theocracy.

We’re already seeing that.  Rouhani’s re-election came against record voter turnout and gave him a 57% mandate over a candidate explicitly backed by the mullahs.

That said, there is no magic bullet for solving Iran’s economic problems, which are legion, after years of war both physical and economic.  Inflation is down to just 10%, but unemployment is at depression levels.  It will simply take time.

The recent protests started as purely economic in nature as the people’s patience with Rouhani’s reforms are wearing thin, not because they aren’t for the most part moving things in the right direction, but because they aren’t happening fast enough.

And you can thank U.S. and Israeli policy for that.  Trump’s ‘will-he/won’t-he’ approach to the JCPOA, the open hostility of his administration has the intended effect of retarding investment.

The country’s current economic problems come from a woeful lack of infrastructure thanks to the U.S.’s starving it of outside investment capital for the past seven years alongside a currency collapse.

With the JCPOA in place the investment capital is now just beginning to make its way into the country.  It’s taken nearly three years for the fear of U.S. reprisal to wear off sufficiently to allow significant deals to be reached, like these.

Last summer President Trump began making noise over the JCPOA and John McCain pushed through the sanctions bill that nominally targeted Russia, but actually targeted impending European investment into Iran’s oil and gas sectors.

It didn’t and France’s Total still signed a $4+ billion exploration deal with Iran.  European majors are lined up to do business with Iran but the sanctions bill is stopping them.  And Trump is too much of a mercantilist to see the effects.  Iran is evil and blocking them is good for our oil companies.

Full Stop.

Don’t forget last year’s announcement of a new Iran to India gas pipeline, in a deal facilitated by Russia’s Gazprom to ensure a part of India’s future energy needs.  This was a pipeline project delayed for nearly two decades as the U.S. (and Hillary Clinton) tried to bring gas down from Turkmenistan, the TAPI pipeline, and cut Iran out of the picture.

Both countries have not benefitted from this mutually-beneficial energy trade for more than fifteen years because of U.S. meddling.

indiairanministers.jpg

India’s Future Is Iran’s

What this summit between Modi and Rouhani ultimately means is that despite all attempts at intimidation and control, self-interest always wins.  There are too many good reasons for India and Iran to be allies economically.

And despite our increased military presence in both Afghanistan and Syria beyond all rationality, designed to surround and pressure Iran into submission, in the end it won’t work.  India imports 60% of its energy needs.

And while the two countries have been sparring over particulars in developing the important Farzad-B gas field in the Persian Gulf, Rouhani and Modi seem to have created a framework where the two can get a deal done.

On Farzad-B, [Indian Oil Minister] Pradhan said both sides agreed to reove “all the bottlenecks on capex, return (on indina investments) and timeline. We have decided today to reopen and re-engage on all three issues again.”

The oil deal appears to be the most crucial breakthrough since India had reduced Iranian crude imports by a quarter in retaliation for, what officials described as, Iran’s flip-flop over sealing a deal over Farzad-B.

Those words came after Iran cut a better deal for oil exports to India, up to 500,000 more barrels per day, more than doubling 2017’s 370,000 barrels per day.

If Rouhani’s visit can nail down these deals and build further trust between the two countries, he will have moved the ball way down the field for Iran as it pertains to its improving regional relationships with Russia, Turkey and even China.

Because, by getting India to help stabilize Iran’s energy industry and build its transport infrastructure in the east it’s assisting Russia and China’s goals of opening up the former Soviet ‘Stans as well as give them more leverage to craft a security deal in Afghanistan between the Kabul government and the amenable parts of the Taliban.

mercredi, 21 février 2018

L’Autriche se branche sur la “nouvelle route de la Soie”: la voie ferrée russe à large écartement arrivera jusqu’à Vienne

HSok-BSB.jpg

L’Autriche se branche sur la “nouvelle route de la Soie”: la voie ferrée russe à large écartement arrivera jusqu’à Vienne

Vienne/Moscou – A l’ombre des sanctions de l’UE contre la Russie, le nouveau gouvernement autrichien opte pour une politique originale et prouve par là sa vision à long terme. Le ministre autrichien des communications, Hofer (FPÖ) négocie avec son homologue russe Sokolov la prolongation d’une voie ferrée à large écartement. Celle-ci permettra de relier l’Autriche au Transibérien et, via celui-ci, à la Chine. La petite république alpine aura ainsi accès à la « nouvelle route de la Soie », pour l’essentiel promue par la Chine.

Les négociations entre Hofer et Sokolov indiquent qu’il y a désormais un rapprochement politique entre Vienne et Moscou, en dépit des sanctions systématiques qu’impose l’UE à la Russie, sanctions que l’on critique avec véhémence en Autriche depuis quelques années déjà.

Concrètement, il s’agit de réaliser des plans qui sont dans les tiroirs depuis plusieurs années, notamment celui visant à prolonger jusqu’à Vienne la voie à large écartement du Transibérien qui arrive en Europe dans l’Est de la Slovaquie. Le projet envisage la construction d’une gare à conteneurs pour les frets arrivant d’Asie en Europe. Elle se situerait soit à Parndorf ou près du Kittsee dans le Burgenland.

Le ministère autrichien des communications prépare d’ores et déjà l’étape suivante : calculer et choisir le modèle économique et financier approprié pour ce projet estimé à 6,5 milliards d’euros. Après cette mise au point, les consultations commenceront avec les pays partenaires ; ensuite, on mettra cette politique au diapason avec la Commission européenne et on entamera tous les processus nécessaires pour obtenir les autorisations requises.

Article paru sur: http://www.zuerst.de  

dimanche, 04 février 2018

Pékin appelle l'Europe à combattre l’unilatéralisme

La Chine a demandé aux pays européens, dont l’Allemagne, de ne pas se contenter de « mots » face à l’unilatéralisme commercial et de prendre des mesures concrètes.

Le porte-parole du ministère chinois du Commerce Gao Feng, cité par l’IRNA, a souligné que les Européens ne devaient pas dresser d’obstacles aux investissements chinois dans leurs pays.

Dans une interview à Pékin, ce responsable chinois a affirmé que l’Allemagne, l’Italie et la France avaient rédigé des règlements qui leur permettraient d’entraver l’accès des sociétés chinoises à leurs marchés ainsi que l’achat par pékin de biens européens.

« Lors du Forum économique de Davos en Suisse, c’étaient les mêmes dirigeants européens, dont les Allemands, qui avaient annoncé que l’unilatéralisme commercial n’était pas le choix du futur et qu’il fallait le combattre », a-t-il ajouté.

« Bien que les investissements chinois en Allemagne aient augmenté tout au long de ces dernières années, ils sont encore dans la phase initiale et les tergiversations de Berlin et d’autres chancelleries européennes bloqueront le développement des relations et des investissements bilatéraux », a précisé le diplomate chinois.

D’après M. Feng, les investissements chinois en Allemagne ont atteint les 2 milliards 270 millions de dollars, un chiffre rudimentaire par rapport à l’ensemble des investissements effectués en Allemagne, ce qui ne constitue pas une menace.

« Pékin encouragera encore les entreprises chinoises à investir dans l’Union européenne, tout en espérant que les Européens leur accordent une attitude juste et équitable », a-t-il affirmé.

Depuis des années, la Chine s’est engagée à faire évoluer son modèle de croissance économique vers un modèle axé sur la consommation, les services et l’innovation. Les chiffres montrent que ces efforts portent leurs fruits.

lundi, 29 janvier 2018

Les cinq leçons de Carl Schmitt pour la Russie

schmitt_russie.jpg

Les cinq leçons de Carl Schmitt pour la Russie

par Alexandre Douguine

Ex: https://www.geopolica.ru

Extrait de The Conservative Revolution (Moscou, Arktogaïa, 1994), The Russian Thing Vol. 1 (2001), et de The Philosophy of War (2004). – Article écrit en 1991, publié pour la première fois dans le journal Nash Sovremennik en 1992.

Le fameux juriste allemand Carl Schmitt est considéré comme un classique du droit moderne. Certains l’appellent le « Machiavel moderne » à cause de son absence de moralisme sentimental et de rhétorique humaniste dans son analyse de la réalité politique. Carl Schmitt pensait que, pour déterminer les questions juridiques, il faut avant tout donner une description claire et réaliste des processus politiques et sociaux et s’abstenir d’utopisme, de vœux pieux, et d’impératifs et de dogmes a priori. Aujourd’hui, l’héritage intellectuel et légal de Carl Schmitt est un élément nécessaire de l’enseignement juridique dans les universités occidentales. Pour la Russie aussi, la créativité de Schmitt est d’un intérêt et d’une importance particuliers parce qu’il s’intéressait aux situations critiques de la vie politique moderne. Indubitablement, son analyse de la loi et du contexte politique de la légalité peut nous aider à comprendre plus clairement et plus profondément ce qui se passe exactement dans notre société et en Russie.

Leçon #1 : la politique au-dessus de tout

Le principe majeur de la philosophie schmittienne de la loi était l’idée de la primauté inconditionnelle des principes politiques sur les critères de l’existence sociale. C’est la politique qui organisait et prédéterminait la stratégie des facteurs économiques internes et leur pression croissante dans le monde moderne. Schmitt explique cela de la manière suivante : « Le fait que les contradictions économiques sont maintenant devenues des contradictions politiques … ne fait que montrer que, comme toute autre activité humaine, l’économie parcourt une voie qui mène inévitablement à une expression politique » [1]. La signification de cette allégation employée par Schmitt, comprise comme un solide argument historique et sociologique, revient en fin de compte à ce qu’on pourrait définir comme une théorie de l’« idéalisme historique collectif ». Dans cette théorie, le sujet n’est pas l’individu ni les lois économiques développant la substance, mais un peuple concret, historiquement et socialement défini qui maintient, avec sa volonté dynamique particulière – dotée de sa propre loi – son existence socioéconomique, son unité qualitative, et la continuité organique et spirituelle de ses traditions sous des formes différentes et à des époques différentes. D’après Schmitt, le domaine politique représente l’incarnation de la volonté du peuple exprimée sous diverses formes reliées aux niveaux juridique, économique et sociopolitique.

Une telle définition de la politique est en opposition avec les modèles mécanistes et universalistes de la structure sociétale qui ont dominé la jurisprudence et la philosophie juridique occidentales depuis l’époque des Lumières. Le domaine politique de Schmitt est directement associé à deux facteurs que les doctrines mécanistes ont tendance à ignorer : les spécificités historiques d’un peuple doté d’une qualité particulière de volonté, et la particularité historique d’une société, d’un Etat, d’une tradition et d’un passé particuliers qui, d’après Schmitt, se concentrent dans leur manifestation politique. Ainsi, l’affirmation par Schmitt de la primauté de la politique introduisait dans la philosophie juridique et la science politique des caractéristiques qualitatives et organiques qui ne sont manifestement pas incluses dans les schémas unidimensionnels des « progressistes », qu’ils soient du genre libéral-capitaliste ou du genre marxiste-socialiste.

La théorie de Schmitt considérait donc la politique comme un phénomène « organique » enraciné dans le « sol ».

La Russie et le peuple russe ont besoin d’une telle compréhension de la politique pour bien gouverner leur propre destinée et éviter de devenir une fois de plus, comme il y a sept décennies, les otages d’une idéologie réductionniste antinationale ignorant la volonté du peuple, son passé, son unité qualitative, et la signification spirituelle de sa voie historique.

Leçon #2 : qu’il y ait toujours des ennemis ; qu’il y ait toujours des amis

Dans son livre Le concept du Politique, Carl Schmitt exprime une vérité extraordinairement importante : « Un peuple existe politiquement seulement s’il forme une communauté politique indépendante et s’oppose à d’autres communautés politiques pour préserver sa propre compréhension de sa communauté spécifique ». Bien que ce point de vue soit en désaccord complet avec la démagogie humaniste caractéristique des théories marxiste et libérale-démocratique, toute l’histoire du monde, incluant l’histoire réelle (pas l’histoire officielle) des Etats marxistes et libéraux-démocratiques, montre que ce fait se vérifie dans la pratique, même si la conscience utopique post-Lumières est incapable de le reconnaître. En réalité, la division politique entre « nous » et « eux » existe dans tous les régimes politiques et dans toutes les nations. Sans cette distinction, pas un seul Etat, pas un seul peuple et pas une seule nation ne pourraient préserver leur propre identité, suivre leur propre voie et avoir leur propre histoire.

Analysant sobrement l’affirmation démagogique de l’antihumanisme, de l’« inhumanité » d’une telle opposition, et de la division entre « nous » et « eux », Carl Schmitt note : « Si on commence à agir au nom de toute l’humanité, au nom de l’humanisme abstrait, en pratique cela signifie que cet acteur refuse toute qualité humaine à tous les adversaires possibles, se déclarant ainsi comme étant au-delà de l’humanité et au-delà de la loi, et donc menace potentiellement d’une guerre qui serait menée jusqu’aux limites les plus terrifiantes et les plus inhumaines ». D’une manière frappante, ces lignes furent écrites en 1934, longtemps avant l’invasion terroriste du Panama ou le bombardement de l’Irak par les Américains. De plus, le Goulag et ses victimes n’étaient pas encore très connus en Occident. Vu sous cet angle, ce n’est pas la reconnaissance réaliste des spécificités qualitatives de l’existence politique d’un peuple, présupposant toujours une division entre « nous » et « eux », qui conduit aux conséquences les plus terrifiantes, mais plutôt l’effort vers une universalisation totale et pour faire entrer les nations et les Etats dans les cellules des idées utopiques d’une « humanité unie et uniforme » dépourvue de toutes différences organiques ou historiques.

41SyAtkwoQL._SX322_BO1,204,203,200_.jpgCommençant par ces conditions préalables, Carl Schmitt développa la théorie de la « guerre totale » et de la « guerre limitée » dénommée « guerre de forme », où la guerre totale est la conséquence de l’idéologie universaliste utopique qui nie les différences culturelles, historiques, étatiques et nationales naturelles entre les peuples. Une telle guerre représente en fait une menace de destruction pour toute l’humanité. Selon Carl Schmitt, l’humanisme extrémiste est la voie directe vers une telle guerre qui entraînerait l’implication non seulement des militaires mais aussi des populations civiles dans un conflit. Ceci est en fin de compte le danger le plus terrible. D’un autre coté, les « guerres de forme » sont inévitables du fait des différences entre les peuples et entre leurs cultures indestructibles. Les « guerres de forme » impliquent la participation de soldats professionnels, et peuvent être régulées par les règles légales définies de l’Europe qui portaient jadis le nom de Jus Publicum Europeum (Loi Commune Européenne). Par conséquent, de telles guerres représentent un moindre mal dont la reconnaissance théorique de leur inévitabilité peut protéger les peuples à l’avance contre un conflit « totalisé » et une « guerre totale ». A ce sujet, on peut citer le fameux paradoxe établi par Chigalev dans Les Possédés de Dostoïevski, qui dit : « En partant de la liberté absolue, j’arrive à l’esclavage absolu ». En paraphrasant cette vérité et en l’appliquant aux idées de Carl Schmitt, on peut dire que les partisans de l’humanisme radical « partent de la paix totale et arrivent à la guerre totale ». Après mûre réflexion, nous pouvons voir l’application de la remarque de Chigalev dans toute l’histoire soviétique. Si les avertissements de Carl Schmitt ne sont pas pris en compte, il sera beaucoup plus difficile de comprendre leur véracité, parce qu’il ne restera plus personne pour attester qu’il avait raison – il ne restera plus rien de l’humanité.

Passons maintenant au stade final de la distinction entre « nous » et « eux », celui des « ennemis » et des « amis ». Schmitt pensait que la centralité de cette paire est valable pour l’existence politique d’une nation, puisque c’est par ce choix que se décide un profond problème existentiel. Julien Freud, un disciple de Schmitt, formula cette thèse de la manière suivante : « La dualité ennemi-ami donne à la politique une dimension existentielle puisque la possibilité théoriquement impliquée de la guerre soulève le problème et le choix de la vie et de la mort dans ce cadre » [2].

Le juriste et le politicien, jugeant en termes d’« ennemi » et d’« ami » avec une claire conscience de la signification de ce choix, opèrent ainsi avec les mêmes catégories existentielles qui donnent aux décisions, aux actions et aux déclarations les qualités de réalité, de responsabilité et de sérieux dont manquent toutes les abstractions humanistes, transformant ainsi le drame de la vie et de la mort en une guerre dans un décor chimérique à une seule dimension. Une terrible illustration de cette guerre fut la couverture du conflit irakien par les médias occidentaux. Les Américains suivirent la mort des femmes, des enfants et des vieillards irakiens à la télévision comme s’ils regardaient des jeux vidéo du genre Guerre des Etoiles. Les idées du Nouvel Ordre Mondial, dont les fondements furent posés durant cette guerre, sont les manifestations suprêmes de la nature terrible et dramatique des événements lorsqu’ils sont privés de tout contenu existentiel.

La paire « ennemi »/« ami » est une nécessité à la fois externe et interne pour l’existence d’une société politiquement complète, et devrait être froidement acceptée et consciente. Sinon, tout le monde peut devenir un « ennemi » et personne n’est un « ami ». Tel est l’impératif politique de l’histoire.

Leçon #3 : La politique des «circonstances exceptionnelles» et la Décision

L’un des plus brillants aspects des idées de Carl Schmitt était le principe des « circonstances exceptionnelles » (Ernstfall en allemand, littéralement « cas d’urgence ») élevé au rang d’une catégorie politico-juridique. D’après Schmitt, les normes juridiques décrivent seulement une réalité sociopolitique normale s’écoulant uniformément et continuellement, sans interruptions. C’est seulement dans de telles situations purement normales que le concept de la « loi » telle qu’elle est comprise par les juristes s’applique pleinement. Il existe bien sûr des règlementations pour les « situations exceptionnelles », mais ces réglementations sont le plus souvent déterminées sur la base de critères dérivés d’une situation politique normale. La jurisprudence, d’après Schmitt, tend à absolutiser les critères d’une situation normale lorsqu’on considère l’histoire de la société comme un processus uniforme légalement constitué. L’expression la plus complète de ce point de vue est la « pure théorie de la loi » de Kelsen. Carl Schmitt, cependant, voit cette absolutisation d’une « approche légale » et du « règne de la loi » [= « Etat de droit »] comme un mécanisme tout aussi utopique et comme un universalisme naïf produit par les Lumières avec ses mythes rationalistes. Derrière l’absolutisation de la loi se dissimule une tentative de « mettre fin à l’histoire » et de la priver de son motif passionné créatif, de son contenu politique, et de ses peuples historiques. Sur la base de cette analyse, Carl Schmitt postule une théorie particulière des « circonstances exceptionnelles » ou Ernstfall.

L’Ernstfall est le moment où une décision politique est prise dans une situation qui ne peut plus être régulée par des normes légales conventionnelles. La prise de décision dans des circonstances exceptionnelles implique la convergence d’un certain nombre de facteurs organiques divers reliés à la tradition, au passé historique, aux constantes culturelles, ainsi qu’aux expressions spontanées, aux efforts héroïques, aux impulsions passionnées, et à la manifestation soudaine des énergies existentielles profondes. La Vraie Décision (le terme même de « décision » était un concept clé de la doctrine légale de Schmitt) est prise précisément dans une circonstance où les normes légales et sociales sont « interrompues » et où celles qui décrivent le cours naturel des processus politiques et qui commencent à agir dans le cas d’une « situation d’urgence » ou d’une « catastrophe sociopolitique » ne sont plus applicables. « Circonstances exceptionnelles » ne signifie pas seulement une catastrophe, mais le positionnement d’un peuple et de son organisme politique devant un problème, faisant appel à l’essence historique d’un peuple, à son noyau, et à sa nature secrète qui fait de ce peuple ce qu’il est. Par conséquent, la Décision politiquement prise dans une telle situation est une expression spontanée de la volonté profonde du peuple répondant à un défi global, existentiel ou historique (ici on peut comparer les vues de Schmitt à celles de Spengler, Toynbee et d’autres révolutionnaires-conservateurs avec lesquels Carl Schmitt avait des liens personnels).

Dans l’école juridique française, les adeptes de Carl Schmitt ont développé le terme spécial de « décisionnisme », à partir du mot français décision (allemand Entscheidung). Le décisionnisme met l’accent sur les « circonstances exceptionnelles », puisque c’est dans ce cas que la nation ou le peuple actualise son passé et détermine son avenir dans une dramatique concentration du moment présent où trois caractéristiques qualitatives du temps fusionnent, à savoir le pouvoir de la source d’où est issu ce peuple dans l’histoire, la volonté du peuple de faire face à l’avenir et d’affirmer le moment précis où le « Moi » éternel est révélé et où le peuple prend entièrement la responsabilité dans ses mains, et l’identité elle-même.

En développant sa théorie de l’Ernstfall et de l’Entscheidung, Carl Schmitt montra aussi que l’affirmation de toutes les normes juridiques et sociales survient précisément durant de telles périodes de « circonstances exceptionnelles » et qu’elle est primordialement basée sur une décision à la fois spontanée et prédéterminée. Le moment intermittent de l’expression singulière de la volonté porte plus tard sur la base des normes constantes qui existent jusqu’à l’émergence de nouvelles « circonstances exceptionnelles ». Cela illustre en fait parfaitement la contradiction inhérente aux idées des partisans radicaux du « règne de la loi » : ils ignorent consciemment ou inconsciemment le fait que l’appel à la nécessité d’établir le « règne de la loi » est lui-même une décision basée précisément sur la volonté politique d’un groupe donné. En un sens, cet impératif est avancé arbitrairement et pas comme une sorte de nécessité fatale et inévitable. Par conséquent, l’acceptation ou le refus du « règne de la loi » et en général l’acceptation ou le refus de tel ou tel modèle légal doit coïncider avec la volonté du peuple ou de l’Etat particulier auquel est adressée la proposition ou l’expression de volonté. Les partisans du « règne de la loi » tentent implicitement de créer ou d’utiliser les « circonstances exceptionnelles » pour mettre en œuvre leur concept, mais le caractère insidieux d’une telle approche et l’hypocrisie et l’incohérence de cette méthode peuvent tout naturellement provoquer une réaction populaire, dont le résultat pourrait très bien apparaître comme une autre décision alternative. De plus, il est d’autant plus probable que cette décision conduirait à l’établissement d’une réalité légale différente de celle recherchée par les universalistes.

51XZ6ZEG2JL._SX195_.jpgLe concept de la Décision au sens supra-légal ainsi que la nature même de la Décision elle-même s’accordent avec la théorie du « pouvoir direct » et du « pouvoir indirect » (potestas directa et potestas indirecta). Dans le contexte spécifique de Schmitt, la Décision est prise non seulement dans les instances du « pouvoir direct » (le pouvoir des rois, des empereurs, des présidents, etc.) mais aussi dans les conditions du « pouvoir indirect », dont des exemples peuvent être les organisations religieuses, culturelles ou idéologiques qui influencent l’histoire d’un peuple et d’un Etat, certes pas aussi clairement que les décisions des gouvernants mais qui opèrent néanmoins d’une manière beaucoup plus profonde et formidable. Schmitt pense donc que le « pouvoir indirect » n’est pas toujours négatif, mais d’un autre coté il ne fait qu’une allusion implicite au fait qu’une décision contraire à la volonté du peuple est le plus souvent adoptée et mise en œuvre par de tels moyens de « pouvoir indirect ». Dans son livre Théologie politique et dans sa suite Théologie politique II, il examine la logique du fonctionnement de ces deux types d’autorité dans les Etats et les nations.

La théorie des « circonstances exceptionnelles » et le thème de la Décision (Entscheidung) associé à cette théorie sont d’une importance capitale pour nous aujourd’hui, puisque c’est précisément à un tel moment dans l’histoire de notre peuple et de notre Etat que nous nous trouvons, et les « circonstances exceptionnelles » sont devenues l’état naturel de la nation – et non seulement l’avenir politique de notre peuple mais aussi la compréhension et la confirmation essentielle de notre passé dépendent maintenant de la Décision. Si la volonté du peuple s’affirme et que le choix national du peuple dans ce moment dramatique peut clairement définir qui est « nous » et « eux », identifier les amis et les ennemis, et arracher une auto-affirmation politique à l’histoire, alors la Décision de l’Etat russe et du peuple russe sera sa propre décision existentielle historique qui placera un sceau de loyauté sur des millénaires de « construction du peuple » et de « construction de l’empire ». Cela signifie que notre avenir sera russe. Si d’autres prennent la décision, à savoir les partisans de l’« approche humaine commune », de l’« universalisme » et de l’« égalitarisme », qui depuis la mort du marxisme représentent les seuls héritiers directs de l’idéologie utopique et mécaniste des Lumières, alors non seulement le futur ne sera pas russe mais il sera « seulement humain » et donc il n’y aura « pas de futur » (du point de vue de l’être du peuple, de l’Etat et de la nation). Notre passé perdra tout son sens et les drames de la grande histoire russe se transformeront en une farce stupide sur la voie du mondialisme et du nivellement culturel complet au profit d’une « humanité universelle », c’est-à-dire l’« enfer de la réalité légale absolue ».

Leçon #4 : Les impératifs d’un Grand Espace

Carl Schmitt s’intéressa aussi à l’aspect géopolitique des questions sociales. La plus importante de ses idées dans ce domaine est la notion de « Grand Espace » (Grossraum) qui attira plus tard l’attention de nombreux économistes, juristes, géopoliticiens et stratèges européens. La signification conceptuelle du « Grand Espace » dans la perspective analytique de Carl Schmitt se trouve dans la délimitation des régions géographiques à l’intérieur desquelles les variantes de la manifestation politique des peuples et des Etats spécifiques inclus dans cette région peuvent être conjointes pour accomplir une généralisation harmonieuse et cohérente exprimée dans une « Grande Union Géopolitique ». Le point de départ de Schmitt était la question de la Doctrine Monroe américaine impliquant l’intégration économique et stratégique des puissances américaines dans les limites naturelles du Nouveau Monde. Etant donné que l’Eurasie représente un conglomérat beaucoup plus divers d’ethnies, d’Etats et de cultures, Schmitt postulait qu’il fallait donc parler non tant de l’intégration continentale totale que de l’établissement de plusieurs grandes entités géopolitiques, chacune devant être gouvernée par un super-Etat flexible. Ceci est assez analogue au Jus Publicum Europeaum ou à la Sainte Alliance proposée à l’Europe par l’empereur russe Alexandre 1er.

D’après Carl Schmitt, un « Grand Espace » organisé en une structure politique flexible de type impérial et fédéral équilibrerait les diverses volontés nationales, ethniques et étatiques et jouerait le rôle d’une sorte d’arbitre impartial ou de régulateur des conflits locaux possibles, les « guerres de forme ». Schmitt soulignait que les « Grands Espaces », pour pouvoir être des formations organiques et naturelles, doivent nécessairement représenter des territoires terrestres, c’est-à-dire des entités tellurocratiques, des masses continentales. Dans son fameux livre Le Nomos de la Terre, il traça l’histoire de macro-entités politiques continentales, la voie de leur intégration, et la logique de leur établissement graduel en tant qu’empires. Carl Schmitt remarquait que parallèlement à l’existence de constantes spirituelles dans le destin d’un peuple, c’est-à-dire des constantes incarnant l’essence spirituelle d’un peuple, il existait aussi des constantes géopolitiques des « Grands Espaces » qui gravitent vers une nouvelle restauration avec des intervalles de plusieurs siècles ou même de millénaires. Dans ce sens, les macro-entités géopolitiques sont stables quand leur principe intégrateur n’est pas rigide ni recréé abstraitement, mais flexible, organique, et en accord avec la Décision des peuples, avec leur volonté, et avec leur énergie passionnée capable de les impliquer dans un bloc tellurocratique unifié avec leurs voisins culturels, géopolitiques ou étatiques.

La doctrine des « Grands Espaces » (Grossraum) fut établie par Carl Schmitt non seulement comme une analyse des tendances historiques dans l’histoire du continent, mais aussi comme un projet pour l’unification future que Schmitt considérait non seulement comme possible, mais désirable et même nécessaire en un certain sens. Julien Freund résuma les idées de Schmitt sur le futur Grossraum dans les termes suivants : « L’organisation de ce nouvel espace ne requerra aucune compétence scientifique, ni de préparation culturelle ou technique dans la mesure où elle surgira en résultat d’une volonté politique, dont l’ethos transforme l’apparence de la loi internationale. Dès que ce ‘Grand Espace’ sera unifié, la chose la plus importante sera la force de son ‘rayonnement’ » [3].

9782081228733-fr-300.jpgAinsi, l’idée schmittienne du « Grand Espace » possède aussi une dimension spontanée, existentielle et volitionnelle, tout comme le sujet fondamental de l’histoire selon lui, c’est-à-dire le peuple en tant qu’unité politique. Tout comme les géopoliticiens Mackinder et Kjellen, Schmitt opposait les empires thalassocratiques (la Phénicie, l’Angleterre, les Etats-Unis, etc.) aux empires tellurocratiques (l’empire romain, l’empire austro-hongrois, l’empire russe, etc.). Dans cette perspective, l’organisation harmonieuse et organique d’un espace n’est possible que pour les empires tellurocratiques, et la Loi Continentale ne peut être appliquée qu’à eux. La thalassocratie, sortant des limites de son Ile et initiant une expansion navale, entre en conflit avec les tellurocraties et, en accord avec la logique géopolitique, commence à miner diplomatiquement, économiquement et militairement les fondements des « Grands Espaces » continentaux. Ainsi, dans la perspective des « Grands Espaces » continentaux, Schmitt revient une fois de plus aux concepts des paires ennemis/amis et nous/eux, mais cette fois-ci à un niveau planétaire. La volonté des empires continentaux, les « Grands Espaces », se révèle dans la confrontation entre les macro-intérêts continentaux et les macro-intérêts maritimes. La « Mer » défie ainsi la « Terre », et en répondant à ce défi, la « Terre » revient le plus souvent à sa conscience de soi continentale profonde.

Comme remarque additionnelle, nous illustrerons la théorie du Grossraum avec deux exemples. A la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe, le territoire américain était divisé entre plusieurs pays du Vieux Monde. Le Far West, la Louisiane appartenaient aux Espagnols et plus tard aux Français ; le Sud appartenait au Mexique ; le Nord à l’Angleterre, etc. Dans cette situation, l’Europe représentait une puissance tellurocratique pour les Américains, empêchant l’unification géopolitique et stratégique du Nouveau Monde sur les plans militaire, économique et diplomatique. Après que les Américains aient obtenu l’indépendance, ils commencèrent graduellement à imposer de plus en plus agressivement leur volonté géopolitique au Vieux Monde, ce qui conduisit logiquement à l’affaiblissement de l’unité continentale du « Grand Espace » européen. Par conséquent, dans l’histoire géopolitique des « Grands Espaces », il n’y a pas de puissances absolument tellurocratiques ou absolument thalassocratiques. Les rôles peuvent changer, mais la logique continentale demeure constante.

En résumant la théorie schmittienne des « Grands Espaces » et en l’appliquant à la situation de la Russie d’aujourd’hui, nous pouvons dire que la séparation et la désintégration du « Grand Espace » autrefois nommé URSS contredit la logique continentale de l’Eurasie, puisque les peuples habitant nos terres ont perdu l’opportunité de faire appel à l’arbitrage de la superpuissance [soviétique] capable de réguler ou d’empêcher les conflits potentiels et réels. Mais d’un autre coté, le rejet de la démagogie marxiste excessivement rigide et inflexible au niveau de l’idéologie d’Etat peut conduire et conduira à une restauration spontanée et passionnée du Bloc Eurasien Oriental, puisqu’une telle reconstruction est en accord avec toutes les ethnies indigènes organiques de l’espace impérial russe. De plus, il est très probable que la restauration d’un Empire Fédéral, d’un « Grand Espace » englobant la partie orientale du continent, entraînerait au moyen de son « rayonnement de puissance » l’adhésion de ces territoires additionnels qui sont en train de perdre rapidement leur identité ethnique et étatique dans la situation géopolitique critique et artificielle prévalant depuis l’effondrement de l’URSS. D’autre part, la pensée continentale du génial juriste allemand nous permet de distinguer entre « nous » et « eux » au niveau continental.

La conscience de la confrontation naturelle et dans une certaine mesure inévitable entre les puissances tellurocratiques et thalassocratiques offre aux partisans et aux créateurs d’un nouveau Grand Espace une compréhension claire de l’« ennemi » auquel font face l’Europe, la Russie et l’Asie, c’est-à-dire les Etats-Unis d’Amérique avec leur alliée insulaire thalassocratique, l’Angleterre. En quittant le macro-niveau planétaire et en revenant au niveau de la structure sociale de l’Etat russe, il s’ensuit donc que la question devrait être posée : un lobby thalassocratique caché ne se trouve-t-il pas derrière le désir d’influencer la Décision russe des problèmes dans un sens « universaliste » qui peut exercer son influence par un pouvoir à la fois « direct » et « indirect » ?

Leçon #5 : La « paix militante » et la téléologie du Partisan

A la fin de sa vie (il mourut le 7 avril 1985), Carl Schmitt accorda une attention particulière à la possibilité d’une issue négative de l’histoire. Cette issue négative de l’histoire est en effet tout à fait possible si les doctrines irréalistes des humanistes radicaux, des universalistes, des utopistes et des partisans des « valeurs communes universelles », centrées sur le gigantesque potentiel symbolique de la puissance thalassocratique que sont les USA, parviennent à une domination globale et deviennent le fondement idéologique d’une nouvelle dictature mondiale – la dictature d’une « utopie mécaniste ». Schmitt pensait que le cours de l’histoire moderne se dirigeait inévitablement vers ce qu’il nommait la « guerre totale ».

Selon Schmitt, la logique de la « totalisation » des relations planétaires au niveau stratégique, militaire et diplomatique se base sur les points-clés suivants. A partir d’un certain moment de l’histoire, ou plus précisément à l'époque de la Révolution française et de l’Indépendance des Etats-Unis d’Amérique, commença un éloignement fatal vis-à-vis des constantes historiques, juridiques, nationales et géopolitiques qui garantissaient auparavant l'harmonie organique sur la planète et qui servaient le « Nomos de la Terre ».

Sur le plan juridique, un concept quantitatif artificiel et atomique, celui des « droits individuels » (qui devint plus tard la fameuse théorie des « droits de l'homme »), commença à se développer et remplaça le concept organique des « droits des peuples », des « droits de l’Etat », etc. Selon Schmitt, l’élévation de l’individu et du facteur individuel isolé de sa nation, de sa tradition, de sa culture, de sa profession, de sa famille, etc., au niveau d’une catégorie juridique autonome signifie le début du « déclin de la loi » et sa transformation en une chimère égalitaire utopique, s’opposant aux lois organiques de l’histoire des peuples et des Etats, des régimes, des territoires et des unions.

Au niveau national, les principes organiques impériaux et fédéraux ont fini par être remplacés par deux conceptions opposées mais tout aussi artificielles : l’idée jacobine de l’« Etat-nation » et la théorie communiste de la disparition complète de l’Etat et du début de l'internationalisme total. Les empires qui avaient préservé des vestiges de structures organiques traditionnelles, comme l’Autriche-Hongrie, l’empire ottoman, l’empire russe, etc., furent rapidement détruits sous l’influence de facteurs externes aussi bien qu’internes. Enfin, au niveau géopolitique, le facteur thalassocratique s’intensifia à un tel degré qu’une profonde déstabilisation des relations juridiques entre les « Grands Espaces » eut lieu. Notons que Schmitt considérait la « Mer » comme un espace beaucoup plus difficile à délimiter et à ordonner juridiquement que celui de la « Terre ».

La diffusion mondiale de la dysharmonie juridique et géopolitique fut accompagnée par la déviation progressive des conceptions politico-idéologiques dominantes vis-à-vis de la réalité, et par le fait qu’elles devinrent de plus en plus chimériques, illusoires et en fin de compte hypocrites. Plus on parlait de « monde universel », plus les guerres et les conflits devenaient terribles. Plus les slogans devenaient « humains », plus la réalité sociale devenait inhumaine. C’est ce processus que Carl Schmitt nomma le début de la « paix militante », c’est-à-dire un état où il n’y a plus ni guerre ni paix au sens traditionnel. Aujourd’hui la « totalisation » menaçante contre laquelle Carl Schmitt nous avait mis en garde a fini par prendre le nom de « mondialisme ». La « paix militante » a reçu son expression complète dans la théorie du Nouvel Ordre Mondial américain qui dans son mouvement vers la « paix totale » conduit clairement la planète vers une nouvelle « guerre totale ».

Carl Schmitt pensait que la conquête de l’espace était le plus important événement géopolitique symbolisant un degré supplémentaire d’éloignement vis-à-vis de la mise en ordre légitime de l’espace, puisque le cosmos est encore plus difficilement « organisable » que l’espace maritime. Schmitt pensait que le développement de l’aviation était aussi un pas de plus vers la « totalisation » de la guerre, l’exploration spatiale étant le début du processus de la « totalisation » illégitime finale.

Parallèlement à l’évolution fatale de la planète vers une telle monstruosité maritime, aérienne et même spatiale, Carl Schmitt, qui s’intéressait toujours à des catégories plus globales (dont la plus petite était « l’unité politique du peuple »), en vint à être attiré par une nouvelle figure dans l’histoire, la figure du « Partisan ». Carl Schmitt y consacra son dernier livre, La théorie du Partisan. Schmitt vit dans ce petit combattant contre des forces bien plus puissantes une sorte de symbole de la dernière résistance de la tellurocratie et de ses derniers défenseurs.

Le partisan est indubitablement une figure moderne. Comme d’autres types politiques modernes, il est séparé de la tradition et il vit en-dehors du Jus Publicum. Dans son combat, le Partisan brise toutes les règles de la guerre. Il n’est pas un soldat, mais un civil utilisant des méthodes terroristes qui, en-dehors du temps de guerre, seraient assimilées à des actes criminels gravissimes apparentés au terrorisme. Cependant, d’après Schmitt, c’est le Partisan qui incarne la « fidélité à la Terre ». Le Partisan est, pour le dire simplement, une réponse légitime au défi illégitime masqué de la « loi » moderne.

0 bXwKHvaAXdbQ1z3o.jpg

Le caractère extraordinaire de la situation et l’intensification constante de la « paix militante » (ou « guerre pacifiste », ce qui revient au même) inspirent le petit défenseur du sol, de l’histoire, du peuple et de la nation, et constituent la source de sa justification paradoxale. L’efficacité stratégique du Partisan et de ses méthodes est, d’après Schmitt, la compensation paradoxale du début de la « guerre totale » contre un « ennemi total ». C’est peut-être cette leçon de Carl Schmitt, qui s’inspirait lui-même beaucoup de l’histoire russe, de la stratégie militaire russe, et de la doctrine politique russe, incluant des analyses des œuvres de Lénine et Staline, qui est la plus intimement compréhensible pour les Russes. Le Partisan est un personnage intégral de l’histoire russe, qui apparaît toujours quand la volonté du pouvoir russe et la volonté profonde du peuple russe lui-même prennent des directions divergentes.

Dans l’histoire russe, les troubles et la guerre de partisans ont toujours eu un caractère compensatoire purement politique, visant à corriger le cours de l’histoire nationale quand le pouvoir politique se sépare du peuple. En Russie, les partisans gagnèrent les guerres que le gouvernement perdait, renversèrent les systèmes économiques étrangers à la tradition russe, et corrigèrent les erreurs géopolitiques de ses dirigeants. Les Russes ont toujours su déceler le moment où l’illégitimité ou l’injustice organique s’incarne dans une doctrine s’exprimant à travers tel ou tel personnage. En un sens, la Russie est un gigantesque Empire Partisan, agissant en-dehors de la loi et conduit par la grande intuition de la Terre, du Continent, ce « Grand, très Grand Espace » qui est le territoire historique de notre peuple.

Et à présent, alors que le gouffre entre la volonté de la nation et la volonté de l’establishment en Russie (qui représente exclusivement « le règne de la loi » en accord avec le modèle universaliste) s’élargit dangereusement et que le vent de la thalassocratie impose de plus en plus la « paix militante » dans le pays et devient graduellement une forme de « guerre totale », c’est peut être cette figure du Partisan russe qui nous montrera la voie de l’Avenir Russe au moyen d’une forme extrême de résistance, par la transgression des limites artificielles et des normes légales qui ne sont pas en accord avec les canons véritables de la Loi Russe.

Une assimilation plus complète de la cinquième leçon de Carl Schmitt signifie l’application de la Pratique Sacrée de la défense de la Terre.

Remarques finales

Enfin, la sixième leçon non formulée de Carl Schmitt pourrait être un exemple de ce que la figure de la Nouvelle Droite européenne, Alain de Benoist, nommait l’« imagination politique » ou la « créativité idéologique ». Le génie du juriste allemand réside dans le fait que non seulement il sentit les « lignes de force » de l’histoire mais aussi qu’il entendit la voix mystérieuse du monde des essences, même si celui-ci est souvent caché sous les phénomènes vides et fades du monde moderne complexe et dynamique. Nous les Russes devrions prendre exemple sur la rigueur germanique et transformer nos institutions lourdaudes et surévaluées en formules intellectuelles claires, en projets idéologiques clairs, et en théories convaincantes et impérieuses.

Aujourd’hui, c’est d’autant plus nécessaire que nous vivons dans des « circonstances exceptionnelles », au seuil d’une Décision si importante que notre nation n’en a peut-être jamais connue de telle auparavant. La vraie élite nationale n’a pas le droit de laisser son peuple sans une idéologie qui doit exprimer non seulement ce qu’il ressent et pense, mais aussi ce qu’il ne ressent pas et ne pense pas, et même ce qu’il a nourri secrètement en lui-même et pieusement vénéré pendant des millénaires.

Si nous n’armons pas idéologiquement l’Etat, un Etat que nos adversaires pourraient temporairement nous arracher, alors nous devons forcément et sans faille armer idéologiquement le Partisan Russe qui se réveille aujourd’hui pour accomplir sa mission continentale dans ce que sont maintenant les Riga et Vilnius en cours d’« anglicisation », le Caucase en train de s’« obscurcir », l’Asie Centrale en train de « jaunir », l’Ukraine en train de se « poloniser », et la Tatarie « aux yeux noirs ».

La Russie est un Grand Espace dont la Grande Idée est portée par son peuple sur son gigantesque sol eurasien continental. Si un génie allemand sert notre Réveil, alors les Teutons auront mérité une place privilégiée parmi les « amis de la Grande Russie » et deviendront « les nôtres », ils deviendront des « Asiates », des « Huns » et des « Scythes » comme nous, des autochtones de la Grande Forêt et des Grandes Steppes.

Notes

[1] Carl Schmitt, Der Begriff des Politischen, p. 127

[2] Julien Freund, « Les lignes de force de la pensée politique de Carl Schmitt », Nouvelle Ecole No. 44.

[3] Ibid.

samedi, 20 janvier 2018

‘Make Trade, Not War’ is China’s daring plan in the Middle East

china-proposed-belt-road-initiative.jpg

‘Make Trade, Not War’ is China’s daring plan in the Middle East

Under the Belt and Road Initiative, Beijing aims to connect western China to the eastern Mediterranean

by Pepe Escobar

Ex: http://www.atimes.com

China’s “Go West” strategy was brought into sharp focus at a forum in Shanghai last weekend. Billed as the Belt and Road Initiative: Towards Greater Cooperation between China and the Middle East, it highlighted key aspects of Beijing’s wider plan.

The New Silk Roads, or the Belt and Road Initiative, involve six key economic corridors, connecting Asia, the Middle East, North Africa and Europe. One, in particular, extends through the Middle East to North Africa. This is where the Belt and Road meets MENA or the Middle East and North Africa.

Of course, Beijing’s massive economic project goes way beyond merely exporting China’s excess production capacity. That is part of the plan, along with building selected industrial bases in MENA countries by using technical and production expertise from the world’s second-largest economy.

Again, this is will connect western China to the eastern Mediterranean. It will mean developing a corridor through projects such as the Red Med railway. There are also plans to expand ports, such as Oman’s Duqm, as well as substantial investment in Turkey.  

A look at the numbers tells a significant part of the story. In 2010, China-Arab trade was worth US$145 billion. By 2014, it had reached $250 billion and rising. China is now the largest exporter to assorted MENA nations, while MENA accounts for 40% of Beijing’s oil imports.

The next stage surrounding energy will be the implementation of a maze of LNG, or liquefied natural gas, pipelines, power grids, power plants and even green projects, sprouting up across the new Silk Road corridors and transit routes.      

According to the Asian Development Bank, the myriad of Belt and Road infrastructure projects for the next 15 years could hit a staggering $26 trillion. Other less grandiose figures come in at $8 trillion during the next two decades.

The ongoing internationalization of the yuan will be key in the process as will the role of the Asia Infrastructure Investment Bank (AIIB).

aiib_8.jpg

Naturally, there will be challenges. Belt and Road Initiative projects will have to create local jobs, navigate complex public and private partnerships along with intractable geopolitical wobbles.

Enseng Ho, a professor from the Asia Research Institute at the National University of Singapore, is one of an army of researchers studying how historical links will play an important role in this new configuration.

An excellent example is the city of Yiwu in Zhejiang province. This has become a mecca for merchant pilgrims from Syria or east Africa and has profited the region, according to the Zhejiang provincial government.

In a wider Middle East context, Beijing’s aim is to harness, discipline and profit from what can be considered an Industrialization 2.0 process. The aim is to help oil producers, such as Saudi Arabia and the rest of the Gulf states, diversify away from crude.

There is also reconstruction projections elsewhere, with China deeply involved in the commercial renaissance of post-war Syria. 

As well as investing in its own future energy security, Beijing is keen to put together other long-term strategic investments. Remixing the centuries-old Chinese trade connections with the Islamic world fits into the Globalization 2.0 concept President Xi Jinping rolled out at last year’s World Economic Forum in the Swiss ski resort of Davos.

 

But then, Beijing’s strategy is to avoid a geopolitical collision in the Middle East. Its aim is to: Make Trade, Not War.

From the United States’ point of view, the National Security Strategy document highlighted how China and Russia are trying to shape a new geopolitical environment in the region, which contrasts sharply from Washington’s aims and interests.

It pointed out that while Russia is trying to advance its position as the leading political and military power broker, China is pushing ahead with a “win, win” economic policy. In 2016, that was spelt out in Beijing’s first Arab Policy paper, with its emphasis on bilateral trade cooperation, joint development projects and military exchanges.

Since geopolitical wobbles are never far below the surface in the Middle East, China has even suggested it would be willing to act as a mediator between intractable rivals Iran and Saudi Arabia.

Indeed, diplomacy is a key card for Beijing, according to Zhao Tingyang, a noted philosopher, at the Chinese Academy of Social Sciences.

In his 2006 paper, entitled Rethinking Empire from a Chinese Concept “All-Under-Heaven”, Zhao argued that the country show follow a principle of harmony based loosely on the Confucian notion of “all under heaven” or Tianxia in Mandarin.

Confucius, one would imagine, would be pleased by the Belt and Road Initiative. You could call it: “Make Trade, Not War All Under Heaven.”   

Peut-être bientôt une lune de miel entre l'Inde et l'Iran

II-ldm.jpg

Peut-être bientôt une lune de miel entre l'Inde et l'Iran

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

L'excellent chroniqueur politique et ancien diplomate indien MK Bhadrakumar, a signalé dans un article du 14/01/2018, référencé ci-dessous, un phénomène qui a été généralement ignoré des milieux politiques et médias « occidentaux »: l'existence de projets discrets de coopération entre ce que l'on pourrait juger être deux soeurs ennemies, l'Inde et l'Iran.

Tout apparemment paraît les séparer. Au plan politique, on connait l'attraction croissante qu'exercent les Etats-Unis sur l'Inde et plus particulièrement sur son Président, Modi. L'Iran pour sa part a résolument pris la tête du bloc dit chiite dont la Russie est très proche. Par ailleurs, inutile de rappeler que leurs religions dominantes n'éprouvent pas, c'est le moins que l'on puisse dire, de grandes complicités.

Dans un interview du 12 janvier, le ministre iranien des Transports  Abbas Akhoundi et son homologue indien Nitin Gadkari ont pourtant révélé s'être mis d'accord sur un contrat de 2 milliards de dollars concernant la construction d'une ligne de chemin de fer joignant les deux villes iraniennes de Chabahar (port) et Zahedan. Par ailleurs la fabrication de 200 locomotives pour trains de marchandises a été décidée. Celles-ci seront construites à la fois en Iran et en Inde. Enfin les deux pays fabriqueront des éléments de voies pour les chemins de fer iraniens.

Les deux gouvernements considèrent que le développement du port de Chabahar, situé à l'est de l'Iran, permettra d'ouvrir à l'Inde une voie alternative pour ses exportations vers l'Afghanistan et la Russie. Un séminaire irano-indien a discuté à cet égard d'une zone franche et de corridors de transit.

L'OBOR

Il faut retenir de ces décisions que l'exemple donné par la Chine du rôle essentiel des liaisons de transports entre les pays traversé par l'OBOR, ou Nouvelle Route de la Soie, est repris par d'autres pays asiatiques. Ces infrastructures permettront de donner une cohérence économique mais finalement aussi politique à de vastes régions encore séparées par de nombreuses différences, sinon des conflits.

La démarche est toute différente de celle des Etats-Unis qui proposent, comme à l'Inde actuellement, d'acquérir des matériels d'armement américains et de signer les accords de coopération militaire correspondants. Ceux-ci ne peuvent qu'attiser des conflits latents et générer un désordre dont Washington espère profiter pour rétablir une influence déclinante. A une moindre échelle, la leçon devrait aussi être retenue par Israël.

Référence

Why Gadkari is perfect interlocutor for Iran 
http://blogs.rediff.com/mkbhadrakumar/author/bhadrakumara...

 

jeudi, 28 décembre 2017

L’Europe et la finalité spirituelle de l’Empire

Emblem_of_the_Palaiologos_dynasty.jpg

Les entretiens de Métamag :

L’Europe et la finalité spirituelle de l’Empire

Entretien de Boris Nad (Serbie) avec Robert Steuckers (Belgique)

Traduction de l’espagnol et de l’anglais par Michel Lhomme.

Pour son intérêt incontestable, nous offrons pour Noël aux lecteurs de Métamag un cadeau avec cette traduction inédite d’un entretien d’un penseur de la Nouvelle Droite belge, Robert Steuckers. Nous avions connu cet entretien (avec coupures) en espagnol dans La Tribune du Pays basque puis nous nous sommes rendus compte qu’il avait été réalisé à l’origine en anglais à Bruxelles. Sont réunies ici les deux versions, ce qui donnera au lecteur français le texte complet. Ce sont les idées et l’esprit critique d’où qu’ils soient qui nous importe et les revues Orientations et Vouloir resteront toujours  comme le signe de notre éveil géopolitique. Nous poursuivons avec cette exclusivité Métamag, (entretien complet disponible en français) notre tour d’horizon européen. A cette occasion nous demandons à nos lecteurs francophones de l’étranger de nous aider à élargir internationalement le réseau de nos correspondants pour y publier comme nous le faisons depuis quelque temps avec nos Carnets d’Outre-Rhin des chroniques régulières d’actualité. Nous demandons donc aux bonnes volontés  de contacter le secrétariat de la rédaction. 

Boris Nad est un écrivain serbe, auteur de TheReturn of Myth, Il dirige un site internet. 

Michel Lhomme.

Boris Nad : L’Union européenne, en réalité tout le continent européen, se retrouve aujourd’hui dans une crise profonde. L’impression est que cette crise apparaît d’abord comme le résultat d’une crise des idées. Les idéologies politiques et même celles du libéralisme sont partout critiquées, jugées obsolètes et anachroniques. Et nous pouvons en dire autant de toutes les idées du panorama politique contemporain. Partagez-vous cette impression ?


Robert Steuckers: La première réflexion qui me vient d’abord à l’esprit, c’est celle des articles de Moeller van den Bruck des années vingt. Tous les peuples qui ont adopté et prisé le libéralisme finissent par mourir au bout de quelques décennies parce qu’ils n’ont plus d’immunité organique, ils l’ont perdue. Par conséquent, notons que le libéralisme est d’abord une maladie avant d’être une simple mentalité. Le libéralisme et le modernisme se ressemblent parce qu’ils refusent tous deux d’accepter et de reconnaître les permanences dans la politique de la Cité. Au 17ème siècle, vous aviez encore un certain niveau en philosophie et en littérature qui permettait la Querelle des Anciens et des Modernes, querelle qui revêtit plusieurs aspects, certains d’entre eux pouvant même être considérés comme positifs. A cette époque, il n’y eut jamais de connexion étymologique entre le «modernisme » et le terme français de « mode » c’est-à-dire la « tendance », «être dans le vent », toujours en transition, nomade, mobile, changeant à volonté. Or quand vous considérez que tout ce qui est politique renvoie à des « modes », vous en arrivez forcément à décoller de la réalité qui est, elle, faite d’espace et tissée par le temps. Toutes les nécessités qui dérivent de l’acceptation des limites qu’impliquent l’espace et le temps sont maintenant perçues par les Modernes comme des fardeaux dont on devrait vite se débarrasser. Et, même aujourd’hui,vous ne devez pas seulement vous efforcer de vous en débarrasser mais aussi essayer d’y échapper complètement en les transformant afin de devenir artificiel,virtuel et toujours dans le mouvement, en marche. C’est l’essence même du libéralisme.

Nonobstant, même si le libéralisme trouve ses racines au dix-septième et dix-huitième siècle, il n’a jamais été, du moins jusqu’après la bataille de Waterloo de 1815, un mouvement politique puissant car les conservateurs ou les démocrates chrétiens dans une premier temps, le mouvement socialiste dans les décennies suivantes tempéreront ce déni libéral des réalités spatiales et des permanences. Les partis libéraux officiels, étant en réalité plus libéraux-conservateurs que libéraux proprement dit au sens anglo-saxon du terme, étaient quantitativement plus minoritaires que les deux autres grandes familles politiques européennes et du coup, l’esprit apolitique qui était le fondement de cette idéologie se heurta aux idées des démocrates-chrétiens (malgré la doctrine de l’Eglise) et à celles des sociaux-démocrates (en dépit de leur marxisme édulcoré). Puis, c’est vrai petit à petit, les conservateurs, les démocrates-chrétiens et les sociaux-démocrates reprendront nombre d’idées du libéralisme de base.

qNQE606I.jpgLa France fut partiellement épargnée par ce mouvement en raison du caudillisme introduit par De Gaulle en 1958 après la déroute de la Quatrième République, qui était justement intrinsèquement libérale. La personnalité du Général-Président put contenir les Libéraux et la majeure partie d’entre eux se replièrent dans l’ombre non sans phagocyter les partis politiques de sorte que ce ne fut qu’un court répit comme nous le verrons.

Et puis, en 1945, l’Europe était détruite par la guerre. Il lui fallu un petit plus qu’une décennie pour se reconstruire en particulier en Allemagne. Mais dès que les horreurs furent oubliées, l’Europe retrouva de nouveau la puissance économique. La France des années 60, en devenant membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, réclama plus d’indépendance pour l’Ouest. Pour les États-Unis, c’était le moment opportun pour riposter et injecter une plus forte dose de poison libéral dans la classe politique française. Les États-Unis ont une idéologie reposant en fait sur les méthodes d’empoisonnement pour contaminer le monde. Ce n’est pas simplement une idéologie de la table rase, comme celle des Lumières comme on en trouve en Europe de l’Ouest mais c’est surtout une idéologie caractérisée parce rejet puritain de base de tout l’héritage médiéval européen, rejet qui fut soutenu durant les premières décennies du dix-huitième siècle en particulier parle mouvement déiste et les Whigs. Les colons américains développèrent ainsi l’idée d’une mission à accomplir dans le monde qui combinait fanatisme puritain et libéralisme éclairé, une mission apparemment plus souple mais en réalité pas moins radicale dans sa haine contre toutes les traditions ancestrales et les institutions.Ces principes radicaux sous-jacents s’adaptèrent très vite à l’esprit du temps des années 50 et 60 par des officines de pensées dirigées au final par l’OSS (leBureau des Études Stratégiques). Ce dernier fomenta en sous-main la rébellion perverse de Mai 68 qui frappa l’Allemagne aussi bien que la France. Ces deux pays purent encore résister dans les années 70 mais leurs sociétés civiles avaient déjà été contaminées par le bacille qui érodera petit à petit leurs assises psychologiques traditionnelles, leurs mœurs.

fu.jpgUne seconde vague libérale devait alors être déclenchée pour asséner aux sociétés occidentales agonisantes et à leur corps politique malade le dernier souffle. Après l’idéologie de Mai 68, plus ou moins dérivée de l’École de Francfort, une nouvelle arme sera forgée pour détruire l’Europe (et en partie, le reste du monde), une arme encore plus efficace. Cette arme sera l’infâme thatchérisme néolibéral. A la fin des années soixante-dix, le néo-libéralisme (qu’il soit thatchérien ou reaganien) était donc célébré partout comme la nouvelle libération idéologique qui permettait de nous débarrasser enfin de l’État. Ni les démocrates-chrétiens ni les sociaux-démocrates ne purent loyalement résister à la tentation même s’ils rappelaient parfois à leurs partisans que la Doctrine de l’Eglise (basée sur Thomas d’Aquin et Aristote) ou l’interventionnisme socialiste traditionnel était totalement hostile à un libéralisme débridé. Les économistes devinrent alors plus importants que les politiciens. Nous entrons dans ce qu’on appela alors la « fin de l’Histoire », le règne absolu du marché. Pire, le système des partis où les démocrates-chrétiens et les sociaux-démocrates s’étaient péniblement hissés, empêcha toute critique rationnelle ou la possibilité d’un quelconque changement, en bloquant le processus démocratique que les réformistes chrétiens ou socialistes prétendaient orgueilleusement incarner à eux tous seuls. L’Europe est effectivement maintenant dans une sombre impasse et paraît incapable d’échapper au libéralisme de Mai 68 aussi bien qu’au néo-libéralisme.Ces forces de transformation semblent incapables de rassembler suffisamment de votes pour pouvoir obtenir un changement de pouvoir effectif. Nous devons prendre aussi en compte le fait que les forces du système ont été au pouvoir depuis maintenant plus de soixante-dix ans et que par conséquent, elles occupent littéralement les institutions à tous les niveaux par la nomination de fonctionnaires officiels qui ne pourront pas être remplacés instantanément en cas d’irruption soudaine d’une nouvelle légitimité populaire. Les défis risquent en tout cas de lancer les nouveaux parvenus dans des domaines qu’ils seront bien incapables de maîtriser.

L’Europe est, comme vous le dites, dans une impasse, une voie sans issue.L’Union européenne a été frappée par une crise politique,économique et migratoire. Puis est apparue la vague de terrorisme. Les partis politiques et les institutions européennes semblent aujourd’hui paralysés. Jusqu’à présent, l’intégration européenne était menacée par des mouvements dit eurosceptiques. Il semble qu’aujourd’hui nous sommes au début d’une vague de sécessionnisme, comme celle de la Catalogne, qui secoue de nombreux pays européens. Quelle est votre opinion là-dessus ?

Certains services secrets outre-Atlantique ont pour finalité politique l’affaiblissement de l’Europe par des attaques régulières non militaires, typiques de la « guerre dite de Quatrième Génération ». Les stratagèmes économiques, les manipulations boursières, sont les tours habituels utilisés par ceux dont l’objectif principal est d’empêcher l’Europe de se développer pleinement, de trouver une meilleure autonomie dans toutes ses affaires politiques et militaires, d’atteindre un niveau de bien-être élevé permettant une recherche développement optimale, en développant de solides relations d’affaires avec la Russie et la Chine. Par conséquent, pour eux, l’Europe doit constamment être touchée, secouée, affectée par toutes sortes de problèmes. Certains donc dans l’ombre s’en chargent.

1995 Hongrie04.jpg

La France de Chirac en fut le meilleur exemple, par delà les opérations psychologiques bien connues comme le furent les «révolutions de couleur». La France est encore une puissance nucléaire, mais elle ne peut plus développer cette capacité au-delà d’un certain niveau. Pourquoi ? En 1995, lorsque les expériences nucléaires reprirent dans l’océan Pacifique, en Polynésie, Greenpeace, en tant que mouvement pseudo-écologiste a tout essayé et tout fait pour les torpiller. Sur le territoire français, les grèves paralysèrent le pays, grèves orchestrées par un syndicat socialiste qui avait été anti-communiste dans les années 50 et avait reçu le soutien de l’OSS, le Bureau des Services Stratégiques américains. Les sociaux-démocrates et les syndicalistes socialistes avaient en effet reçu discrètement un soutien atlantiste, un soutien souvent oublié aujourd’hui. En novembre 2005, pour se débarrasser de Chirac, qui avait soutenu en 2003 une alliance fantomatique entre Paris, Berlin et Moscou lors de l’invasion de Bush en Irak, les militants des communautés immigrées africaines, des banlieues grises de Paris, lancèrent une série d’émeutes violentes. Tous dans la rue après un incident mineur qui avait causé accidentellement deux morts dans l’enceinte d’un poste électrique. Finalement, les émeutes se propagèrent à de nombreuses villes comme Lyon et Lille. La France, dans sa situation actuelle, est totalement incapable de rétablir la loi et l’ordre une fois que les émeutes se sont propagées dans plus de trois ou quatre grandes agglomérations. Les émeutes ont donc duré assez longtemps permettant la promotion d’un petit politicien auparavant bien obscur, Nicolas Sarkozy, qui promit d’éliminer les émeutiers dans les banlieues mais qui, une fois au pouvoir, ne fera absolument rien.

Charles Rivkin, ambassadeur des États-Unis en France, est très précisément le théoricien de ces opérations de « guerre de quatrième génération » dont l’objectif fut d’encourager là les communautés immigrées contre la loi et l’ordre en France. Cette stratégie vicieuse n’est possible en France que depuis dix ou douze ans parce qu’aucun autre pays européen ne compte autant d’immigrés parmi sa population. La crise des réfugiés qui a frappé l’Allemagne en 2015 est sans doute le prochain chapitre de la triste histoire de cette submersion programmée et de cette neutralisation stratégique de l’Europe.

koelner_bahnhofsvorplatz.jpg

L’Allemagne devra demain faire face aux mêmes communautés violentes que la France d’hier. Le but est évidemment d’affaiblir le pays qui prospère industriellement en raison des excellentes relations commerciales qu’il entretient avec l’Eurasie en général. L’objectif des services secrets britanniques et américains a ainsi toujours été d’éviter tout lien entre l’Allemagne et la Russie. Ainsi, l’Allemagne se trouve aujourd’hui affaiblie par la masse critique des millions de faux réfugiés, masse qui va très rapidement faire s’effondrer les systèmes de sécurité sociale, qui a de plus toujours été la spécificité originale des modèles sociaux allemands (qu’ils soient bismarckiens, nationaux-socialistes, démocrates-chrétiens ou sociaux-démocrates). La déstabilisation complète des sociétés industrielles européennes (Suède, France, Allemagne, Italie et partiellement des Pays-Bas) entraîne donc des changements sociaux et politiques qui prennent parfois la forme de soi-disant «mouvements populistes», mouvements que les médias qualifient alors frénétiquement d’«extrême droite», ou de «néo-fascistes», en vue d’enrayer leur développement. Jusqu’à présent, ces mouvements n’ont pu obtenir une partie importante du pouvoir, puisque les partis conventionnels ont infiltré toutes les institutions (presse, médias, justice, banques, etc.).

Catalonia-referendum-2017-Spain-Catalan-independence-vote-police-raid-search-1067503.jpg

L’Espagne, qui est un pays plus pauvre n’attire pas particulièrement les immigrés et ne les attirera pas car les avantages matériels qui leur sont octroyés sont moins intéressants qu’ailleurs. Aussi,le seul levier possible pour lancer une opération de « guerre de quatrième génération » en Espagne, contre le pays fut d’activer le micro-nationalisme catalan. Si la Catalogne se sépare, l’une des régions les plus industrialisées de l’Espagne historique quittera une communauté politique qui existe depuis 1469 et le mariage d’Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon. Oui,cela signifierait un sérieux revers pour l’Espagne, qui est déjà bien fragile, et qui devra alors dépendre de pays voisins, d’une France par exemple déstabilisée ou d’une Allemagne qui doit faire face maintenant à son propre problème de réfugiés et à l’érosion de son système de sécurité sociale. Cette érosion conduira fatalement à une insatisfaction générale en Allemagne, à un rejet des partis politiques conventionnels et sans doute, à la poursuite de l’ascension du seul parti réellement dissident actuellement, l’AfD avec lequel Merkel ne peut construire une majorité idéologiquement cohérente pour son prochain gouvernement.

Ma position est donc de dire que tous ces problèmes qui mettent actuellement en péril l’avenir de l’Europe ne se sont pas produits par une pure coïncidence.Tous me paraissent liés entre eux même si, en disant cela, je serais inévitablement accusé de manipuler une «causalité diabolique» ou d’adhérer à des «théories du complot».

Cependant, je ne considère pas le Diable comme un être surnaturel, j’utilise simplement le mot comme une image facile pour stigmatiser les vraies forces et les puissances cachées qui tentent de façonner le monde en fonction de leurs propres intérêts. Or sur cet échiquier, les Européens ne peuvent pas à la fois détecter l’ennemi et défendre leurs propres intérêts.

RS-EEcover.jpgEn 2016, vous publiez en anglais votre livre The European Enterprise: Geopolitical Essays. Vous y explorez brillamment les fondements historiques, culturels et spirituels des grands empires européens,à savoir le début du Reich, qui n’est pas du tout l’équivalent pour vous du mot français « nation » et vous estimez que le développement naturel de l’Europe a été entravé ou détourné par la « civilisation occidentale ». Vous accordez aussi une attention toute particulière dans ce livre au « thème russe », à l’espace russe et au concept d’Eurasie. Pourquoi cet espace est-il nécessaire à l’ère de la mondialisation et alors que les États-Unis tentent d’imposer leur hégémonie mondiale ou de « globaliser » leur propre modèle politique et économique ?


En fait, j’ai exploré et continuerai d’explorer le passé européen car l’amnésie est la pire maladie qu’un corps politique puisse souffrir.On ne peut penser à l’Europe sans penser simultanément à la notion d’Empire et à la soi-disant «forme romaine» de celui-ci. Carl Schmitt était bien conscient d’être l’héritier de la«forme romaine», qu’elle soit païenne, impériale ou catholique, héritée de la «nation allemande ». Actuellement, personne ne nie l’importance de Schmitt dans le domaine de la théorie politique. Certains cercles de la nouvelle gauche américaine, comme ceux de la revue Telos ont même encouragé la lecture de ses œuvres outre-Atlantique au-delà de ce qu’auraient pu en rêver les rares étudiants allemands des travaux de Schmitt. L’Empire romain était situé géographiquement et hydrographiquement entre la mer Méditerranée et le Danube: la « Mer du Milieu » assurait la communication entre la Vallée du Rhône et l’Egypte, entre la Grèce et l’Hispanie tandis que les méandres du Danube reliaient le sud de l’Allemagne à la mer Noire et au-delà à cette zone pontique de la Colchide et de la Perse légendaire, plus tard mythifiée par l’Ordre équestre de la Toison d’Or,créé par Philippe, duc de Bourgogne en 1430. Après la chute de l’Empire romain, il y eut la fameuse « translatio imperii adFrancos », le transfert de puissance aux Francs et plus tard, après la bataille de Lechfeld en 955 une « translatio imperii ad Germanos », une translation de puissance aux Germains. La partie centrale de l’Europe devint ainsi le noyau de l’Empire, centré désormais sur le Rhin, le Rhône et le Pô.

athosdrap.jpgL’axe du Danube a été coupé au niveau des « Portes de Fer », par delà lesquelles la zone byzantine s’étendait vers l’Est. L’Empire byzantin était l’héritier direct de l’Empire romain: là, la légitimité n’y fut jamais contestée. La communauté du mont Athos est un centre spirituel qui a pleinement été reconnu tout récemment par le président russe Vladimir Poutine.L’Empire romain-germanique (plus tard austro-hongrois),l’Empire russe comme héritier de Byzance et la communauté religieuse du Mont Athos partagent les mêmes symboles, celui du drapeau d’or avec un aigle bicéphale noir, vestige d’un vieux culte traditionnel perse où les oiseaux assuraient le lien entre la Terre et le Ciel, entre les hommes et les Dieux. L’aigle est l’oiseau le plus majestueux qui vole dans les hauteurs les plus élevées du ciel, et il est devenu évidemment le symbole de la dimension sacrée de l’Empire. Ainsi vivre dans les cadres territoriaux d’un Empire signifie d’abord accomplir une tâche spirituelle: établir sur la Terre une harmonie semblable à celle qui gouverne l’ordre céleste. La colombe qui symbolise l’Esprit Saint dans la tradition chrétienne avait en fait la même tâche symbolique que l’aigle dans la tradition impériale: sécuriser le lien entre le royaume ouranien (l’Uranus grec et la Varuna védique) et la Terre (Gaïa).

crouzetbischv.png

En tant que membre d’un Empire, je suis bien obligé de consacrer toute ma vie à essayer d’atteindre la perfection de l’ordre apparemment si parfait des orbes célestes. C’est un devoir ascétique et militaire présenté par l’archange Michel, une figure également dérivée des êtres hommes et oiseaux de la mythologie perse que les Hébreux ramenèrent de leur captivité à Babylone. L’empereur Charles Quint a essayé d’incarner l’idéal de cette chevalerie malgré les petits péchés humains qu’il commit sciemment durant sa vie, certes il demeura pécheur mais comme tout un chacun et consacrera au contraire tous ses efforts à maintenir l’Empire en vie, à en faire un mur contre la décomposition, ce qui est précisément la tâche du « katechon » selon Carl Schmitt.Personne mieux que le Français Denis Crouzet n’a décrit d’ailleurs cette tension perpétuelle et intérieure que l’Empereur vivait dans son merveilleux livre, Charles Quint. Empereur d’une fin des temps, publié aux Editions Odile Jacob en 2016 .

Je relis encore et encore ce livre très dense parce qu’il m’aide à clarifier ma vision du monde impériale et à mieux comprendre ce que Schmitt voulait dire quand il considérait l’Église et l’Empire comme des forces «katechoniques ». Ce chapitre est loin d’être fermé. Ainsi, Crouzet explique dans son livre que la Réforme allemande et européenne voulait « précipiter » les choses, aspirant à expérimenter en même temps et avec violence l’« eschaton », la fin du monde. Cette théologie de la précipitation est le premier signe extérieur du modernisme.Luther, d’une manière plutôt modérée,et les autres acteurs de la Réforme, d’une manière extrême, souhaitaient la fin du monde (la fin d’une continuité historique) qu’ils considéraient comme profondément infecté par le mal. Charles Quint, explique Crouzet, avait, lui, une attitude impériale de « katechon » (de résistance, d’endiguement). En tant qu’empereur et serviteur de Dieu sur Terre, il se devait d’arrêter le processus de l’« eschaton » pour préserver ses sujets des afflictions de la décadence.

iconoclchromo.jpgAprès Luther, les éléments puritains extrémistes de la Réforme du nord de la France, des Pays-Bas, de Münster et de Grande-Bretagne feront en sorte que cette « théologie de la précipitation » soit encore plus virulente, dans l’Angleterre anglicane mais aussi dans le « royaume protestant » des Treize Colonies d’Amérique du Nord, comme en témoignent les événements tragiques de l’époque: la décapitation du roi Charles Ier due à la révolution puritaine de Cromwell. Cette façon de voir l’histoire comme une malédiction profonde a été transmise aux Pères fondateurs des futurs États-Unis. Avec la tradition déiste en Angleterre et la tradition politique Whig en Grande-Bretagne et en Amérique du Nord, cette « théologie de la précipitation » se rationalisera perfidement en se donnant un vernis progressiste, celui des Lumières qui culminera dans le plan du président Wilson visant à purger le monde du mal. La « philosophie de la précipitation » (et non la « théologie ») des philosophes français conduira à une eschatologie politique laïque sous l’ombre tutélaire de la guillotine, sous laquelle tous ceux qui soi-disant freinaient le processus devaient périr préventivement et avoir la tête coupée. Après Wilson, plusieurs diplomates américains vont forger des principes qui empêchent que la souveraineté en propre des États puisses’exprimer par le biais de projets programmatiques avec ou sans guerres.

Depuis l’effondrement du système soviétique, la « théologie de la précipitation », déguisée de manière rationnelle, redeviendra une fois de plus absurde.On en connaît déjà les résultats: la catastrophe dans les Balkans, l’impasse en Irak, une guerre interminable en Syrie et en Afghanistan. La « théologie de la précipitation», caractéristique du monde occidental, du monde dirigé par l’hémisphère occidental, par la « coalition » ou par les royaumes d’Europe de l’Ouest ou d’Europe centrale, n’offre aucune solution viable aux problèmes qui se posent au monde inévitablement imparfait puisque placé sous les yeux d’Uranos ou la tutelle des Cieux. Les vues de Charles Quint au contraire consistaient à ralentir le processus et à diriger des opérations militaires modérées contre les rebelles. C’était de toute façon la meilleure posture à tenir.

Vue-generale-destruction-mosquee-Omeyyades-22-juillet-2017-Alep-Syrie_0_1399_865.jpg

Dans les années 1990, j’ai découvert aussi que la Chine et de nombreux autres pays asiatiques développaient une autre façon d’harmoniser les relations internationales, excluant, entre autres, le principe post-wilsonien d’intervenir violemment dans les affaires des autres pays. C’est le principe adopté non seulement par la Chine de Xi Ping aujourd’hui mais aussi par Poutine et Lavrov. L’alternative chinoise exclut, par exemple, la politique de « changement de régime » qui a plongé l’Irak et la Syrie dans d’atroces guerres civiles que les précédents régimes baasistes avaient sagement éviter, quoiqu’ils étaient sans pitié. Mais n’est-il pas préférable d’avoir un régime « katechon » implacable, bien qu’imparfait, que de voir des centaines de milliers d’innocents tués dans des attaques insensées, des bombardements ou des massacres talibans ou salafistes ? La « théologie de la précipitation » des États-Unis post-puritains, néo-wilsoniens et des musulmans salafistes a créé le chaos dans des pays qui d’une certaine façon avant eux étaient tranquilles. D’ailleurs, Luther lui-même n’avait-il pas averti ses contemporains que le Diable pouvait user du langage théologique(ou d’une « novlangue ») pour tromper le peuple ?

Merezhkovsky.jpgAinsi, la Russie est importante dans cette trame générale d’une interprétation historique du « katechon » car elle est l’antidote à « la folie eschatologique ». La Russie est l’héritière de Byzance mais aussi l’héritière directe de la « Forme romaine ». Elle était considérée comme le bastion du conservatisme avant 1917, même si ce conservatisme fut fossilisé par Konstantin Pobiedonostsev comme a pu l'observer Dmitri Merejkovsky qui rejetta par la suite tous les aspects démoniaques de la révolution russe. La Russie n'a pas expérimenté le même traumatisme que l'Europe au 16ème siècle avec la Réforme et les guerres de religion, les destructions perpétrées par les iconoclastes; elle a ensuite été préservée des sottes philosophies déistes des Whigs anglais ou des folies des Lumières françaises du 18ème siècle. Cela ne veut pas dire, comme l'entend la vulgate occidentaliste, que la Russie est un pays arriéré: Catherine II était une impératrice animée par l'idéologie des Lumières, mais des Lumières dites "despotiques" et, par voie de conséquence, pragmatiques et constructives. Elle fit de la Russie une grande puissance. Alexandre I était animé par des idées religieuses traditionnelles et apaisantes, que nous devrions réétudier attentivement aujourd'hui, surtout après le désastre syrien. Alexandre II a modernisé le pays à grande vitesse à la fin du 19ème siècle et a pu éliminer tous les handicaps imposés à la Russie après le Traité de Paris de 1856 qui mit fin à la guerre de Crimée. En fin de compte, la Russie, à la notable exception des premières décennies du régime bolchevique, semble avoir été immunisée contre la toxicité dangereuse que constitue la "théologie de la précipitation".

Finalement les hommes d'Etat et les diplomates russes ont été davantage inspirés par le style byzantin de développer des stratégies lentes de joueurs d'échecs plutôt que par cette précipitation qui veut des vengeances immédiates ou commet des agressions délibérées. Ce style byzantin et la notion chinoise et confucéenne de l'harmonie peuvent nous servir aujourd'hui comme modèles alternatifs et pragmatiques dans un monde occidental précipité dans la confusion générée par les médias propagandistes qui ne cessent de véhiculer une forme ou une autre, moderniste et post-puritaine, de la "théologie de la précipitation". Par voie de conséquence, l'idée eurasiste, pourvu qu'elle s'aligne sur les idées "katechoniques" et rétives à toute précipitation théologique, telles celles qui animaient Charles-Quint dans la gestion de son Empire avant d'affronter les Ottomans, est la seule réelle alternative dans un monde qui, autrement, serait géré et perverti par une superpuissance qui aurait pour seuls principes ceux qui excitaient jadis les adeptes les plus fous de la "théologie de la précipitation", dont les "Founding Fathers".

J'ajouterais que toute théologie ou idéologie de la précipitation ne s'exprime pas nécessairement par toutes sortes de fadaises et de prêches millénaristes et pseudo-religieux pareils à ceux qui sont débités par exemple en Amérique latine mais peuvent tout aussi bien s'exprimer à la façon d'un fondamentalisme économique comme l'est la folie néolibérale qui afflige l'Amérique et l'Europe depuis la fin des années 1970. Ensuite, tout puritanisme, dans ses excès de pudibonderie, peut s'inverser complètement, se muer en son contraire diamétral, basculer dans la débauche postmoderniste, ce qui explique que les millénaristes, les femens, les "pussy rioters", les salafistes, les banksters néolibéraux, les détenteurs des grands médias, les fauteurs de révolutions colorées, etc. suivent tous, en dépit de leurs différences de déguisements, le même programme de "guerre de quatrième génération" sur l'échiquier international. Le but est de détruire tous les barrages érigés par la civilisation et que doivent défendre les figures katechoniques ou les "Spoudaios" aristotéliciens. Nous devons nous définir nous-mêmes comme les humbles serviteurs du Kathechon contre les manigances prétentieuses et malsaines des "précipitateurs". Cela signifie qu'il faut, dans tous les cas de figure, servir les pouvoirs impériaux et lutter contre tous les pouvoirs qui ont été pervertis par les théologies ou les idéologies de la précipitation. Aujourd'hui, cela signifie opter pour une voie eurasiste et rejeter toute voie atlantiste.

Q.: Vous soutenez l'Eurasisme. Cela vous distingue clairement de ceux qui ont opté pour des positions nationalistes fortes ou de nombreux penseurs ou pseudo-penseurs qui se disent de droite. Votre pensée géopolitique est, comme vous le dites vous-mêmes, une réponse aux idées formulées par le stratégiste américain Brzezinski mais elle est aussi profondément enracinées dans la tradition européenne. Pouvez-vous nous expliquer brièvement quelle est votre conception de la géopolitique?

OH-russie.jpgA.: Vous pouvez bien entendu me compter parmi les soutiens d'u néo-eurasisme mais les racines de mon propre eurasisme sont peut-être assez différentes de celles généralement attribuées à l'eurasisme traditionnel ou au nouvel eurasisme russe. Quoi qu'il en soit, ces perspectives différentes ne se heurtent pas comme si elles étaient antagonistes; bien au contraire, elles se complètent parfaitement afin de promouvoir une résistance mondiale anti-système. Ce qui est important quand on veut développer un mouvement eurasiste fort, c'est d'avoir simultanément une large vision de l'histoire de chaque composante politique et historique des vastes territoires de l'Europe et de l'Asie et de se donner pour tâche d'étudier cette histoire bigarrée en y recherchant des convergences et non en cherchant à raviver des antagonismes. Cette méthode avait déjà été préconisée par le Prof. Otto Hoetzsch dans les années 1920 et 1930 pour l'Europe occidentale et la Russie.

Voilà pourquoi le premier pas à franchir serait de trouver, aussi loin que possible en amont dans l'histoire, des convergences entre les puissances ouest-européennes et la Russie en tant qu'entité territoriale eurasienne. Pierre le Grand, comme vous le savez, à relier la Russie à l'Europe en ouvrant une fenêtre sur la Mer Baltique, ce qui a malheureusement conduit à une sale guerre avec la Suède au début du 18ème siècle. Mais après les vicissitudes de la Guerre de Sept Ans (1756-1763), la France, l'Autriche et la Russie sont devenues des alliées et le territoire de ces trois royaume et empires s'étendait de l'Atlantique au Pacifique, ce qui en faisait une alliance eurasienne de facto. Leibniz, qui n'était pas qu'un philosophe et un mathématicien mais aussi un diplomate et un conseiller politique, était méfiant à l'égard de la Russie dans un premier temps, parce qu'elle était une nouvelle puissance qui bouleversait l'échiquier européen et pouvait s'avérer un "nouveau khanat mongol" ou une "Tartarie" menaçante. Dans un second temps, il percevait la Russie du Tsar Pierre et ses développement comme bénéfiques: pour Leibniz, la gigantesque Russie devenait le lien territorial nécessaire pour permettre les communications entre l'Europe et les deux grands espaces civilisationnels qu'étaient à l'époque la Chine et l'Inde, dont le niveau de civilisation était nettement plus élevé que celui de l'Europe des 17ème et 18ème siècles, comme l'expliquent des historiens contemporains comme Ian Matthew Morris au Royaume-Uni (in: Why the West Rules – For Now…) et l'Indien Pankaj Mishra qui enseigne en Angleterre (in: From the Ruins of the Empire and Begegnungen mit China und seinen Nachbarn).

PM-anger.JPG

Quoique Pankaj Mishra se présente comme le typique idéologue tiers-mondiste affichant clairement son ressentiment contre l’Occident, et plus spécialement contre la vielle domination coloniale britannique. Durant la courte période où la France, l’Autriche et la Russie furent des alliés, un eurasisme avant la lettre fut en quelque sorte initié par la mise en place d’une puissante flotte française développée pour venger l’humiliante défaite de Louis XV au Canada et en Inde. Durant la Guerre de Sept ans, l’exploration de l’Océan Pacifique par les capitaines de mer russes et français, les efforts communs de l’Autriche et de la Russie pour libérer les Balkans et la côte nord de la Mer Noire du joug ottoman, avec, pour résultat, la conquête de la Crimée qui permis d'installer la première grande base navale russe dans l’aire pontique.

OB-HL.jpgLa flotte française qui battit en 1783 l’Angleterre en Amérique du Nord permit la complète indépendance des États-Unis. La Russie put alors conquérir l’Alaska, établir un comptoir en Californie et envisager une alliance hispano-russe dans le Nouveau Monde. Les marins russes purent accoster dans les îles Hawaii et les offrir à leur Tsar. A leur niveau, les expéditions françaises dans le Pacifique furent fructueuses et personne n’oubliera jamais que Louis XVI quelques minutes avant de monter les marches qui le conduisirent à l’échafaud, demanda des nouvelles de La Pérouse, qui s’était perdu en explorant les eaux du Pacifique. Ce premier dessein eurasien avant la lettre fut torpillé par les Révolutionnaires français payés et excités par les Anglais et les services secrets de Pitt, comme le raconte bien l’historien Olivier Blanc dans Les Hommes de Londres, histoire secrète de la Terreur, livre publié en 1989. Pitt voulait effectivement se débarrasser d’un régime qui en promouvant le développement d’une flotte pourrait entraîner le développement d’une politique internationale française concurrente de l’Angleterre.

Le deuxième projet eurasien avant la lettre fut la très brève « Sainte Alliance » ou« Pentarchie » créée après le Traité de Vienne en 1814. Elle permit l’indépendance de la Grèce mais échoua avec celle de la Belgique quand l’Angleterre et la France aidèrent à dissoudre les Provinces unies du Pays-Bas.Puis, la « Sainte Alliance » s’écroula définitivement quand la guerre de Crimée commença puisqu’on vit alors deux puissances occidentales de la Pentarchies’affronter côte à côte contre la Russie. Un mouvement anti-occidental se diffusa alors largement en Russie et ses idées de base se retrouvent clairement exposées dans le livre politique de Dostoïevski, Journal d’un écrivain écrit après son exil sibérien et la guerre russo-turque de 1877-78. Ainsi, l’Ouest complote sans arrêt contre la Russie et la Russie doit se défendre elle-même contre ces tentatives constantes d’éroder son pouvoir et sa stabilité intérieure.

Mais aujourd’hui, l’Eurasie revient en force

Deux livres importants ont été publiés ces dernières années qui pourraient être les livres de chevet de tous ceux qui sont animés par l’idée eurasienne : celui du Prof. Christopher I. Beckwith, Empires of the Silk Road – A History of Central Eurasia from the Bronze Age to the Present (2009)

 et l’autre de Peter Frankopan, The Silk Roads – A New History of the World (2015).

les-routes-de-la-soie.jpg

L’ouvrage de Beckwith (non traduit en français) nous présente le panorama le plus complet de l’histoire de l’Eurasie : j’ai conservé dans ma tête l’essentiel des idées de ses chapitres captivants et premièrement le fait que dans un passé finalement très proche les tribus de cavaliers indo-iraniens inventèrent des formes d’organisation qui déterminèrent tous les schémas d’organisation future des royaumes et des empires de la route de la Soie. Ensuite, dans un second temps, Beckwith démontre que les temps et les idéologies modernes détruisirent complètement les réalisations sublimes des royaumes d’Asie centrale. Aussi un nouvel eurasisme aura-t-il la grande tâche de restaurer l’esprit qui permit cet extraordinaire achèvement culturel à travers les âges. Le Professeur Beckwith maîtrise une bonne douzaine de langues modernes et anciennes ou qui ont été parlées en Asie centrale, il possède une formidable connaissance de la région qui lui permet de comprendre plus minutieusement les vieux textes et surtout d’en saisir l’esprit qui permit la prospérité des royaumes et des empires.

Le livre de Peter Frankopan  est plus factuel, moins dense mais il permet aussi de critiquer l’attitude arrogante de l’Occident en particulier contre l’Iran. Les chapitres de ce livre dédiés à la vieille Perse et à l’Iran moderne permettrait à nos diplomates d’acquérir de bonnes bases pour engager une coopération nouvelle avec l’Iran, à condition bien sûr, que les Européens abandonnent et renoncent totalement aux lignes directrices dictées par l’OTAN et les ♫4tats-Unis. Ainsi, l’eurasisme vous contraint-il à étudier avec plus d’attention précisément l’Histoire plutôt que les politiques menées actuellement par l’Occident dans le monde. Les faits ne peuvent être ignorés ou simplement balayés parce qu’ils n’entreraient pas dans les schèmes de l’interprétation superficielle des Lumières. Les puissances occidentales s’en sont pris couramment à ces faits en provoquant en même temps sur le terrain une concaténation de catastrophes. De fait, l’acceptation intellectuelle de l’excellence du passé et du présent de l’Asie et des traditions d’Asie centrale et la volonté de pacifier cet immense territoire qui git entre l’Europe occidentale et la Chine nous conduit à dénoncer le projet de Brezinski qui consiste à vouloir finalement porter une guerre permanente dans la région (exactement comme Trotski avait théorisé en son temps la « révolution permanente »). D’ailleurs tous les néoconservateurs sont d’anciens trotskistes ! Nous nous devons de favoriser ce projet chinois de la Nouvelle route de la Soie, du One Belt, One Road , le plus sérieux de tous les projets en cours du vingt-et-unième siècle.
 
Aujourd’hui, les États-Unis eux-mêmes traversent une crise profonde. Trump et le Trumpisme n’en sont certainement pas la cause mais les conséquences. D’un autre côté, avec la montée de la Russie et de la Chine, la situation géopolitique du monde a  changé, le monde n’en a plus pour longtemps à être unipolaire. Hal Brands dans ses notes aux conférences Bloomberg a souligné que la politique étrangère américaine avait atteint ses limites et même son point historique critique, que le projet de la mondialisation de son modèle politique présente des failles, que le seul but des États-Unis dans le futur sera néanmoins de défendre l’ordre libéral. En d’autres termes, le temps de l’hégémonie américaine approche de sa fin, et les événements du Proche-Orient, de Syrie en particulier parlent plutôt en sa faveur ?
 
Ce n’est pas une remarque qui lui est propre mais un constat général amplement partagé par tous ceux qui réfléchissent un peu. La crise des États-Unis qui se déroule actuellement peut s’expliquer par l’inadéquation de la base idéologique et religieuse de son « État profond » devant la pluralité des visions du monde actuelles ou potentielles. Ce mélange de puritanisme, de déisme et de wilsonisme qui a fait la force incroyable des États-Unis durant le vingtième siècle, cette base puritaine du protestantisme radical, vu aussi en Hollande ou dans l’histoire britannique au temps des iconoclastes de Cromwell ne sont plus efficients. La mentalité de ces protestants radicaux se résumait à un rejet sauvage des héritages du passé et à une volonté d’éradiquer tout ce qui était jugé « impur » ou appartenant à un « mauvais passé » soit exactement les mêmes positions que développent actuellement les Wahhabites au Moyen-Orient.

Si vous partagez de telles vues, vous vous lancez effectivement dans une guerre éternelle contre le monde entier. Mais cette guerre est à la longue pratiquement impossible à terminer sur le long terme. Des résistances émergeront fatalement et quelques pays ou des aires de civilisation apparaîtront toujours, se lèveront comme des barrages, comme des résistances surtout si ces aires ont assez de pouvoir ou d’espace pour empêcher l’invasion c’est-à-dire si elles peuvent offrir une « masse » suffisante, comme l’écrivait Elias Canetti, pour résister sur le long terme. Même si l’Afghanistan fut une « masse » capable de résister, elle ne put empêcher l’invasion. Mais la Russie et la Chine peuvent réellement ensemble offrir cette « masse ». La lutte sera néanmoins rude puisqu’on constate que l’Amérique latine, par exemple, membre pourtant des Brics a plus ou moins été obligée dernièrement de se rendre ou de changer de position. Le Venezuela subit une « révolution de couleur » qui risque de le ramener bientôt dans le giron du soit disant pré-carré américain.

Seal_of_the_United_States_Africa_Command.svg.pngDans un futur proche, les États-Unis essaieront à tout prix de conserver leur domination sur l’Europe de l’Ouest (même si d’un autre côté, ils tentent aussi de la fragiliser encore plus par les vagues migratoires incontrôlées et les initiatives de Soros), ils feront aussi tout pour asseoir leur domination sur l’Amérique latine et plus particulièrement sur l’Afrique, où ils développent une nouvelle forme d’impérialisme original à travers l’AFRICOM, une structure de commandement conçue justement pour endiguer les Chinois et faire sortir les Français de leur Françafrique tout en enjoignant à ces derniers de participer au processus militaire de leur propre neutralisation ! Nonobstant, cette politique internationale est condamnée à l’échec parce que l’ubiquité du contrôle total qu’elle suppose demeure impossible à tenir sur la base de seulement 350 millions de contribuables.

Ainsi, une «masse » a bien été utilisée jusqu’à la fin des années 90 et elle a permis à la superpuissance Atlantique de lancer de grands programmes de recherche militaire et civile, programmes qui furent réellement profitables à l’Amérique à tous les niveaux et sur un temps suffisamment court pour consolider réellement le pouvoir militaire de Washington et lui permettre d’être toujours devant ses opposants. Mais 350 millions de consommateurs et de contribuables ne sont plus suffisants maintenant pour soutenir une telle compétition.

Le projet d’une Big Society qui aurait pu donner aux citoyens américains un système de sécurité sociale comme en Europe fut réduit à néant par la guerre du Vietnam. Les reaganomics ultralibérales ruinèrent les banlieues industrielles comme Detroit. Progressivement, la société américaine est devenue instable, les conflits raciaux et l’omniprésent problème de la drogue rendent la situation de plus en plus compliquée. Ces deux questions mises ensemble peuvent d’ailleurs nous faire croire que les initiatives de Soros en Europe visent à créer délibérément une situation similaire de guerre civile en Europe et même en pire de sorte que les nations européennes ne pourront jamais remettre en question l’ancienne superpuissance de l’Ouest. La question de la drogue est un très sérieuse problème si vous gardez à l’esprit que les drogues furent introduites dans les années 60 par les forces spéciales de la CIA présentes au Laos et en Birmanie. Les forces spéciales américaines autorisèrent les opposants chinois à semer leurs graines de pavot dans la perspective de pouvoir financer des insurrections nationalistes en Chine maoïste.
 

TdO-ECH18709117_1.jpg

Les services secrets soutenaient ainsi le trafic de drogue parce qu’il permettrait de financer indirectement la guerre du Vietnam que de son côté, le Congrès désapprouvait par des votes de budget hostiles. Drogues, conflits domestiques sans solution dans des zones de mixité raciale et mesures néolibérales extrêmes de l’économie de Reagan furent catastrophiques pour la désagrégation interne de l’Etat américain et ce sont toutes ces dépenses qui laissent aujourd’hui l’Amérique exsangue, créant en plus chez elle une culture de camé, (une Junk culture ) dont ils ne peuvent même plus aujourd’hui se passer. Les pays qui seront demain forts seront ceux qui résisteront à cette culture de et qui en la rejetant auront du ressort moral. Toutes les autres périront lentement.
 
Vous avez appris le russe et vous étudiez toujours la culture russe. En outre, dans vos recherches, vous accordez une attention particulière aux traditions et aux groupes ethniques de l’Europe de l’Est. Par exemple, les Scythes, le groupe ethnique indo-européen qui habitait la steppe eurasienne, au sud de la Russie, qui est extrêmement important dans l’ethnogenèse des Slaves. Les cultures slaves, y compris les Serbes et les Slaves des Balkans, n’ont effectivement malheureusement pas été suffisamment étudiées en Europe occidentale. Avez-vous l’impression que le patrimoine slave est non seulement méconnu, mais qu’il est aussi systématiquement réprimé et sous-estimé en Europe occidentale?

Hélas, je n’ai jamais correctement appris le russe, mais il est vrai que quand j’étais adolescent, mes amis et moi avons été séduits par l’histoire russe et fascinés par la conquête de la Sibérie, de l’Oural à l’Océan Pacifique. Lorsque j’ai commencé à publier mes œuvres au début des années 1980, j’étais profondément influencé par une tendance culturelle et politique allemande qui avait émergé quelques années auparavant. Cette tendance avait pris en compte les éléments nationalistes des mouvements de gauche depuis le 19ème siècle et aussi toutes les traditions diplomatiques qui avaient favorisé une alliance entre l’Allemagne et la Russie (puis l’Union Soviétique). Les Allemands, mais aussi les peuples du Bénélux, étaient choqués et meurtris que l’armée américaine ait déployé des missiles meurtriers en Europe centrale, forçant les Soviétiques à faire de même pour qu’en cas de guerre, l’Europe centrale soit bombardée de manière fatale. Personne ne pouvait accepter une telle politique et le résultat en fut la naissance du mouvement pacifiste neutraliste qui dura jusqu’à la chute du mur de Berlin et qui permit à l’époque d’incroyables convergences entre les groupes de gauche et les groupes conservateurs ou nationalistes.

Dans le cadre de ce mouvement, nous commençons à traduire ou résumer des textes ou des débats allemands pour montrer que l’histoire aurait pu être différente et que la volonté d’analyser le passé avec des yeux différents pourraient nous ouvrir aussi d’autres perspectives pour un avenir distinct. Nous n’avons pas réduit notre recherche aux seules questions allemandes, mais l’avons ensuite élargie pour voir les choses d’un point de vue encore plus «européen». Je réalisais effectivement que l’Histoire avait été réduite à l’histoire de l’Europe occidentale, ce qui était un réductionnisme intellectuellement inacceptable que je pus détecter assez tôt en lisant des livres sur les pays d’Europe de l’Est, en rédigeant un mémoire à la fin de mes études secondaires.

Mes amis et moi, nous ne réduisions pas nos lectures à l’histoire contemporaine, mais nous les étendions aussi à l’histoire médiévale et ancienne.

slavescànte.jpgEt c’est ainsi que nous fûmes attirés par les Scythes, surtout après avoir lu un livre de l’historien français Francis Conte où il nous rappelait que les origines de nombreux peuples slaves remontaient non seulement aux tribus slaves mais aussi aux cavaliers Sarmates, y compris ceux qui les avaient nourris auparavant, la cavalerie des légions romaines.

L’élément Sarmate n’est pas seulement important pour les peuples slaves, mais aussi pour l’Occident, qui a essayé d’éliminer ce patrimoine de la mémoire collective. Les historiens britanniques, avec l’aide de leurs collègues polonais, admettent maintenant que les cavaliers Sarmates sont à l’origine des mythes arthuriens celtiques, puisque la cavalerie romaine en Grande-Bretagne occupée était composée majoritairement et principalement de cavaliers Sarmates. L’historien allemand Reinhard Schmoeckel a émis l’hypothèse que même les Mérovingiens, dont descend Chlodowegh (Clovis pour les Français), faisaient partie des Sarmates et n’étaient pas purement germaniques.

En Espagne, les historiens admettent facilement que parmi les Wisigoths et les Souabes qui ont envahi la péninsule, les tribus germaniques étaient accompagnées d’Alains, un peuple de cavaliers de la Caspienne et du Caucase. Les traditions qu’ils ont rapporté en Espagne sont à l’origine des ordres de chevalerie qui ont beaucoup aidé à mener la Reconquête. Comme vous le dites, tout cela a été bien négligé, mais maintenant les choses sont en train de changer. Dans mon bref essai sur les auteurs géopolitiques à Berlin entre les deux guerres mondiales, je me souviens d’un pauvre professeur sympathisant qui avait tenté d’élaborer une nouvelle historiographie européenne en tenant compte de ces éléments orientaux, mais dont la collection impressionnante de documents fut complètement détruite par les bombardements durant la bataille de Berlin en 1945. Son nom était Otto Hoetzsch. C’était un philologue slave, traducteur officiel (en particulier lors des négociations du traité de Rapallo de 1922) et historien de la Russie. Il en a appelé à une historiographie européenne commune qui soulignerait les similitudes plutôt que les différences qui conduisirent aux conflits catastrophiques tels que les guerres germano-russes du XXe siècle. J’ai écrit que nous devons tous suivre ses traces. Je suppose qu’en tant que serbe, vous serez d’accord !

jeudi, 21 décembre 2017

Amerika moet weg uit het Midden-Oosten

ADou-Moscou.jpg

Amerika moet weg uit het Midden-Oosten

SAMEN MET TURKIJE EN IRAN WIL RUSLAND DE WERELD HERTEKENEN

‘Amerika moet weg uit het Midden-Oosten’

Alexander Doegin wordt wel eens de huisideoloog van Poetin genoemd. Hij droomt van een nieuwe wereld. Waar Turkije en Iran het Midden-Oosten beheersen en Europa geen vazal van de Verenigde Staten meer is. ‘Vergeet dat liberalisme. Daag ons uit met jullie eigen waarden.’

Van onze redactrice in Nederland Corry Hancké

De Russische filosoof Alexander Doegin was zaterdag in Amsterdam voor de jaarlijkse Nexus Conferentie. Een dag later vertelt hij over de clash die hij daar met de Franse filosoof Bernard-Henri Lévy had. De twee mannen zijn elkaars tegenpolen.

‘Hij is alles wat ik niet ben. Lévy verdedigt de imperialistische ideologie van het Westen en vecht tegen de opkomende multipolaire wereld. Alles wat ik bewonder, keurt hij af. Alles waarvoor hij staat, vind ik fout. Het was een echte clash van ideeën. Het was boeiend, want we vertrekken allebei vanuit de idee van een eeuwenoude oorlog tussen beschavingen: de oorlog tussen Sparta en Athene of tussen Rome en Carthago. Een oorlog tussen een landmacht en een zeemacht.’

‘De landmacht – en dat is een land als Rusland, staat voor een onveranderlijke, collectieve identiteit. De zeemacht ziet constante verandering, globalisering en vooruitgang als hoogste goed. Ze probeert iedereen te bevrijden van een collectieve identiteit, omdat die onderdrukkend zou zijn.

Maar dat liberalisme loopt ten einde. Het eindigt in decadentie en een complete loskoppeling van de natuurlijke wetten. Geslachtsbepaling of het uitstellen van de dood door artificiële intelligentie, zijn een ontkenning van de menselijke waarden. Je krijgt immortaliteit voor de prijs van
menselijkheid.’

Welke waarden zijn belangrijk voor een landmogendheid?

‘Een landmacht baseert zich op het concept van eeuwigheid. Het gaat om identiteit, het is een sacrale houding tegenover de natuur, de wereld en God. In die visie is God belangrijker dan de mens, hiërarchie is beter dan gelijkheid, traditie en identiteit zijn belangrijker dan verandering en grensverlegging. Eigenlijk is de afwezigheid van verandering de meest positieve waarde. Je probeert dezelfde te zijn als je voorouders en je conserveert hun manier van leven.’
‘De geest van de moderne mens is zo beïnvloed door de zeemogendheid dat hij de landwaarden als archaïsch, negatief beschouwt. Maar als je vanuit de waarden van een landmacht kijkt, dan zie je dat vooruitgang leidt tot decadentie, immoraliteit en verlies van waardigheid. Het verlies van de collectieve identiteit is nihilisme.’
‘Men probeert ons tegenwoordig te vertellen dat de weg naar een zeemogendheid de enige mogelijke is. Maar dat klopt niet, het is een keuze. Landen als Rusland, China, Turkije, Iran of zelfs India kunnen kiezen voor identiteit in plaats van voor liberalisme, vooruitgang, bevrijding,... De hegemonie van de westerse waarden is niet onaantastbaar. De geschiedenis ligt open.’

Rusland zoekt toenadering tot Turkije. De Turkse president Erdogan deelt jullie ‘landwaarden’?

‘Correct, hij moet kiezen tussen een Euraziatische en westerse identiteit. Ik had mijn bedenkingen bij hem, maar nadat hij de Gülenpartij heeft opzijgezet, komt hij steeds dichter bij die Euroaziatische kernwaarden en neemt hij steeds meer afstand van het Westen.’

Helpt u hem daarbij?

‘Ja, ik help de Turken om te kiezen voor het Eurazianisme. Mijn boek is in Turkije vertaald en het biedt aan de militairen een ander denkkader. Tevoren kenden ze alleen het Navo-Atlantisch denkkader, waarin hen werd geleerd hoe ze tegen Rusland moeten vechten. In mijn handleiding leg ik uit dat Turkije kan kiezen en ook tegen de VS kan vechten. Vroeger, als je als Turk niet tevreden was met de rol van de Amerikanen in de regio, zoals hoe ze de Koerden naar onafhankelijkheid helpen, dan had je geen keuze, want je had maar één denkkader.’
‘Iran staat voor dezelfde keuze. Dat land zag Rusland altijd als de oude vijand, maar toen mijn boeken er werden vertaald, ontdekten de Iraniërs dat er parallellen bestaan tussen het Euroazianisme en hun visie op de samenleving. Dat sloeg een brug tussen Rusland, Turkije en Iran. Die metafysische brug leidt uiteindelijk naar concrete politieke actie.’
Ze heeft alvast de situatie in Syrië doen kantelen. Rusland en Turkije gingen samenwerken en samen gaven ze de Syrische president al-Assad de mogelijkheid om de burgeroorlog in zijn land te winnen. ‘Dat klopt, Syrië was de laatste dominosteen die viel.’

Begon het toen in 2015 een Russische piloot boven Turkije werd neergeschoten?

‘Ik heb toen hard gewerkt om een confrontatie tussen Turkije en Rusland te vermijden en om de banden tussen beide landen aan te halen. Niet omdat ik pro-Turks ben, neen, ik ben Russisch-orthodox. Maar ik ben tegen de Amerikaans hegemonie.’
‘Die samenwerking heeft ook geleid tot de deal tussen Irak en de Iraanse generaal Soeleimani, waardoor het opstandige Kirkoek weer in handen van Irak kwam. Dat was de tweede grote overwinning die we hebben behaald in de multipolaire wereld.’

Die nieuwe samenwerking verandert de situatie in het Midden-Oosten grondig.

‘Ja, maar daar zijn tientallen jaren aan voorafgegaan. Na de val van de Sovjetunie hebben we met een aantal Russische patriotten een Euraziatische visie ontwikkeld, gebaseerd op de “landwaarden”. Die visie zijn we aan het uitdragen en we werken aan een alliantie met Turkije en Iran. Het was een lange weg. Poetins politiek is de finalisatie van die ideeën.’ 

De strijd in Syrië was het eerste kantelpunt. Wat wordt de volgende stap?

‘Amerika moet weg uit het Midden-Oosten. Eerst zullen we aandacht geven aan de heropbouw van Syrië en Irak. We hebben een militaire overwinning behaald, nu moet de politieke volgen. We moeten de territoriale eenheid bewaren, we moeten uitzoeken wat we aan de Koerden kunnen bieden. Ze zijn door het Westen in de steek gelaten en nu kan Rusland een oplossing voor de Koerden zoeken. We zullen hen geen nieuwe staat laten bouwen, want niet iedereen is daar voorstander van. Islamitische Staat moet verdwijnen, dat is duidelijk. En de invloed van de Saudi’s moet worden gestopt. De oorlog in Jemen moet worden beëindigd. Daar kunnen we, tegen de Saudi’s in, de sjiieten helpen.’

U wil de Verenigde Staten weg uit het Midden-Oosten. De huidige Amerikaanse president Trump is sowieso minder geïnteresseerd in buitenlands beleid. Het kan dus voor de Russen niet zo moeilijk zijn om de Amerikanen te verdrijven?

‘Het is iets gemakkelijker dan vroeger. Trump zegt dat hij een non-interventionist is. Hij zou natuurlijk afstand kunnen nemen van die belofte, zoals hij wel vaker heeft gedaan. Maar hij heeft binnenlandse problemen. Dat hij die maar eerst oplost. Wij willen vrede, we willen een wereld die vrij is van de Verenigde Staten en van zijn zogenaamde democratie. Laat Eurazië en Europa met rust. Europa moet niet bang zijn, wij gaan dat niet inpalmen.’

En Oekraïne dan?

‘Oekraïne is deels Europees deels Russisch. Het is een nieuwe staat, die de keuze had als België te worden, een land met twee entiteiten. Maar het westelijke deel van Oekraïne wilde het hele land domineren, in naam van de democratie en de mensenrechten, alhoewel er ook fascisten bij waren.
Daarom is het oostelijk gedeelte in opstand gekomen en die opstand hebben wij gesteund. Wij zijn dus geen dreiging voor Europa, wij zijn geen dreiging voor West-Oekraïne. Dat is voor ons een legitiem deel van Oost-Europa.’
‘Het is boeiend: je ziet in Oost-Europa steeds meer landen die toenadering tot ons zoeken. Ik merk dat landen als Polen of Hongarije zich afvragen of Europa wel zo’n ideale wereld is. De Polen denken dat democratisering en vooruitgang hun katholieke identiteit vernietigen. De beweging die de nadruk legt op de Poolse identiteit groeit, ik krijg er steeds meer aanhangers. Hetzelfde voor Hongarije. Daar vraagt men zich af wat het beste is: hun identiteit laten vernietigen door Europa of ze te behouden, met onze steun. Voor hen is de EU een culturele bedreiging. Wij daarentegen dringen ons niet op, zij hebben gewoon de keuze.’
‘Aangezien wij Europa niet bedreigen, hebben de Europeanen een kans om over hun identiteit na te denken. Ze hebben gezien welke chaos de Amerikaanse zeemogendheid veroorzaakt. Europa heeft een kans om zich te bezinnen. Ik droom van een sterk, onafhankelijk Europa dat zijn eigen logica hanteert en dat misschien tegen ons is. En toch verkies ik dat, want dat zou betekenen dat Europa opnieuw waardigheid heeft en niet langer de vazal van de Verenigde Staten is. Wees de ander die het verschil maakt. Nu? met al dat liberalisme, zijn jullie dat niet. Daag ons uit met jullie eigen
waarden.’

lundi, 18 décembre 2017

« Dans les démocraties libérales, tout est fake news » : entretien avec Alexandre Douguine

AD-portrbig1.jpg

« Dans les démocraties libérales, tout est fake news » : entretien avec Alexandre Douguine

Entretien accordé par Alexandre Douguine aux hebdomadaire Knack (version néerlandaise) et Le Vif à Bruxelles

Propos recueillis par Jeroen Zuallaert

Ex: http://zejournal.mobi

 
Auteur : Jeroen Zuallaert | Editeur : Walt | Lundi, 18 Déc. 2017 - 11h04

« Vous prononcez le mot démocratie comme s’il était sacré. Vous trouvez certainement que les antidémocrates ne sont pas humains ! » Notre confrère de Knack s’est entretenu avec Alexandre Douguine, le prophète autoproclamé de Vladimir Poutine qui rêve d’un empire eurasien où il n’y a pas de place pour les journalistes.

Alexandre Douguine n’est pas l’idéologue maison de Vladimir Poutine. « Ou du moins pas littéralement », admet-il. « À l’heure actuelle, je n’occupe pas de position officielle au sein de l’appareil d’État. Je n’ai pas de ligne directe avec Poutine, je ne l’ai même jamais rencontré. Mais j’ai mes façons de communiquer ».

Pourtant, le terme « idéologue maison » n’est pas mal choisi, estime Douguine. « Si vous comparez mes théories et mes écrits à mon travail, vous pouvez uniquement en conclure que Poutine a suivi pratiquement toutes mes propositions politiques. Il a resserré les liens avec l’Iran et la Turquie et il a annexé la Crimée, ce que je lui recommande depuis des années. Il mise sur les normes et les valeurs traditionnelles. Il a fondé l’Union eurasienne, qui doit constituer la base d’un empire eurasien. Il y a dix ans, j’étais à Washington pour un débat, et on m’a introduit en ces termes : "Ne regardez pas la position de monsieur Douguine, regardez ses écrits et comparez-les aux actes de Poutine". C’est tout à fait ça ».

En Russie, Douguine est surtout populaire dans les cercles militaires, où la lecture de sa Quatrième théorie politique est obligatoire pour les futurs officiers. Cette théorie succède à trois idéologies politiques – le libéralisme, le communisme et le fascisme – qui d’après lui ont perdu leur légitimité. La quatrième théorie politique doit combiner les éléments des trois théories précédentes, même si Douguine semble surtout détester la démocratie libérale. La quatrième théorie politique doit devenir l’idéologie dominante en Eurasie, une alliance géopolitique entre la Russie et l’Europe, qui, tout comme dans 1984 de George Orwell, doit endiguer ce qu’il appelle l’impérialisme américain.

Vous avez qualifié l’investiture de Trump de « l’une des meilleures journées de votre vie ». Êtes-vous toujours de cet avis ?

Alexandre Douguine : Je pouvais à peine en croire mes oreilles ! Pour moi, l’élection de Trump est la preuve que le peuple américain est toujours en vie. Je suis très heureux de l’avènement du trumpisme, même si aujourd’hui il est pris en otage par le Deep State (l’État dans l’État, NLDR). Aujourd’hui, Trump se trouve dans la camisole de force des globalistes américains, on dirait un personnage de Vol au-dessus d’un nid de coucou. Et pourtant, rien que son élection a été une gifle énorme pour l’interventionnisme américain. Grâce à lui, l’Amérique n’est plus le centre de la globalisation. Même s’il n’arrive qu’à implémenter un centième de ce qu’il a promis, ce serait un soutien incroyable pour le projet eurasien.

Assistons-nous à la fin du libéralisme ?

Ce n’est certainement pas encore la fin, mais les aspects négatifs du libéralisme se manifestent de plus en plus clairement. C’est une sorte de fascisme libéral qui considère tout le monde qui ne possède pas au moins un iPhone 6 comme moins humain. La modernité se voit elle-même comme un objectif final, alors que pour les traditionalistes c’est un choix. Heureusement, de plus en plus de personnes comprennent que le libéralisme est fondamentalement une erreur.

Quelle est pour vous l’erreur du libéralisme ?

Il a privé l’homme de toute forme d’identité collective. La religion, les valeurs traditionnelles, la hiérarchie, la conscience nationale : il faut s’en débarrasser. Tout devient optionnel : on peut choisir sa religion, sa nation, et aujourd’hui même son sexe.

Les transgenres sont tout de même une réalité...

Au contraire, c’est l’idéologie pure. L’homme invente ces concepts et la réalité s’y adapte. Les transgenres et l’homosexualité sont une idéologie politique, ils sont le dernier stade du libéralisme.

L’homosexualité a toujours existé, non ?

C’est de la propagande politique pure qui impose des normes de manière totalitaire à la société.

Dans une démocratie libérale, personne n’est contraint à être homosexuel, non ?

À partir du moment où on autorise quelque chose, la norme change. Au fond, les normes sont une sorte de schéma qu’il faut suivre, et si vous tolérez autre chose que la norme, vous en faites automatiquement une nouvelle norme. Si vous autorisez l’homosexualité, vous détruisez la société hétérosexuelle, parce que vous lui enlevez une forme d’identité collective. L’objectif ultime du libéralisme, c’est d’éliminer l’humanité : vous donnez le choix aux gens de poursuivre leur vie comme un cyborg, ou comme un animal.

Il n’y a tout de même personne qui propose ça sincèrement ?

Nous devons comprendre que le libéralisme est un produit de la modernité. Les concepts tels que le racisme, l’esclavage et le totalitarisme sont des concepts européens nés dans la modernité. Quand le libéralisme était encore contraire au fascisme et au communisme, on aurait dit un système antitotalitaire. Mais à présent qu’il n’y a plus de grands ennemis idéologiques, le libéralisme montre son vrai visage. Les idéologues tels que George Soros et Karl Popper divisent le monde en deux groupes : les sociétés ouvertes et fermées. Tout comme les communistes divisaient le monde en capitalistes et prolétaires et les nazis faisaient la distinction entre les ariens et les non-ariens, ils divisent le monde en progressistes – les bons – et les conservateurs – les mauvais.

Cela ne rime à rien, non ? Dans une démocratie libérale, les conservateurs ont tout à fait le droit d’avoir des idées conservatrices.

Dans une démocratie libérale, seuls les conservateurs libéraux sont les bienvenus. Ceux qui ne le sont pas sont immédiatement marginalisés et criminalisés. Les gens comme moi, qui préconisent une démocratie non libérale, sont immédiatement traités de fascistes et de stalinistes. Nous sommes les nouveaux juifs et ouvriers du goulag. Votre société soi-disant ouverte n’accepte que les partisans de la société ouverte.

AD-book4PTH.jpgMais les partis conservateurs sont tout de même autorisés dans les sociétés occidentales ?

Le débat est mené uniquement parmi les partisans du libéralisme. On peut être libéral de droite et libéral de gauche. On peut être libéral d’extrême droite ou libéral d’extrême gauche. Mais il est impossible d’être non libéral.

Considérez-vous le Front national comme un parti libéral ?

Le FN est un parti libéral d’extrême droite, car il est pour la république et la démocratie. Mais même lui est diabolisé et conspué parce qu’il n’est pas assez libéral.

N’est-il pas normal que les opposants politiques se critiquent entre eux ? Le FN peut tout de même simplement participer aux élections.

Mais ses adeptes sont diabolisés, ce sont des parias ! La même chose vaut pour les personnes qui soutiennent Trump. Si vous êtes dans un café à New York et vous dites que vous avez voté Trump, vous risquez de vous prendre une gifle.

Si vous êtes dans un café à Moscou et vous dites que vous détestez Poutine, vous risquez aussi de vous prendre une gifle.

Je ne suis pas d’accord avec cette analogie. En Russie, on peut parfaitement être anti-Poutine. Le seul moment où nous défendons Poutine, c’est quand nous sommes confrontés aux haïsseurs de l’extérieur. C’est une forme de solidarité russe collective.

Selon votre interprétation, l’Eurasie est-elle une démocratie ?

Vous prononcez le mot démocratie comme s’il était sacré. Vous trouvez certainement que les antidémocrates ne sont pas humains !

C’est une simple question. Votre interprétation de l’Eurasie est-elle démocratique ?

Ah, c’est quoi démocratique ? Disons-le ainsi : pour moi, l’Eurasie ne doit pas être non démocratique. Le taux démocratique de l’Eurasie dépend de ce que décide la société.

N’est-il pas logique qu’une telle décision découle d’un processus démocratique ?

Je trouve qu’une société doit pouvoir décider d’être régie par un monarque ou un dictateur. Le résultat d’une telle décision ne doit pas forcément être une démocratie. La seule véritable décision démocratique en Russie a été prise à l’époque du Zemski Sobor, l’assemblée russe qui a élu le premier tsar des Romanov au 17e siècle. Nous avons choisi un monarque, et nous en avons toujours été contents.

Que se passe-t-il si une société change d’avis ?

Tant qu’il n’y a pas de révolution, il y a un accord tacite qui légitime l’autorité du régime. Les libéraux veulent mettre fin à l’histoire et imposer leur idéologie à tout le monde alors que l’histoire politique est ouverte : la démocratie n’est pas une valeur universelle incontestable que le monde entier n’a qu’à accepter.

Ne trouvez-vous pas problématique que la Russie n’ait pas d’élections impartiales ?

Nos élections sont absolument impartiales, car chez nous elles ne servent pas à amener un nouveau régime au pouvoir. En tant que société, nous sommes plus ou moins contents de Poutine. Alors peu importe le pourcentage exact de gens qui votent pour lui.

Pourtant, vous êtes régulièrement critique vis-à-vis de Poutine ?

Je trouve qu’il ne fait pas ce qu’il a à faire, mais cela ne signifie pas que je ne trouve pas qu’il soit le seul leader légitime possible de la Russie. L’esprit russe fonctionne à plusieurs niveaux. Pour nous, la contradiction n’est pas inacceptable.

Quelle est votre principale critique envers Poutine ?

Je lui reproche d’avoir créé un système où il soit le seul individu capable de prendre une décision. En soi, c’est mieux que le chaos total, mais c’est instable. Poutine se comporte comme s’il était immortel. Malheureusement, il ne l’est pas.

AD-manif.jpg

Vous plaidez en faveur d’une dynastie Poutine.

C’est impossible, car pour cela il faut les institutions, et pour fonder ces institutions il faut formuler les principes de votre vision de la société. Il ne le fait pas. Le plus grand problème de Poutine, c’est qu’il n’a pas d’idéologie. C’est un leader génial qui a transformé un pays qui se désagrégeait en puissance souveraine. Aujourd’hui, chacun doit deviner ce qu’il signifie par « démocratie », « tradition », « religion » ou « modernisation ». Et celui qui devine mal, est puni. En 2014, j’ai été éjecté de l’université parce que j’ai critiqué sa politique étrangère. Mais je me suis résigné, je ne m’intéresse pas à ma carrière.

Êtes-vous content de la politique étrangère de Poutine ?

Je la trouve généralement équilibrée. Sa plus grande erreur c’est de ne pas avoir poursuivi la libération de l’Est de l’Ukraine. Il aurait pu pénétrer beaucoup plus loin en Ukraine. On savait à l’avance qu’il y aurait des sanctions économiques. Aujourd’hui, nous payons un prix lourd pour un produit relativement limité.

Voyez-vous un successeur possible ?

Dans le système de Poutine, il n’y a pas de place pour un successeur. Il craint de nommer un héritier qui soit aussi fort que lui, parce qu’il pourrait l’éclipser. Il était impossible de trouver un meilleur dirigeant que lui, mais nous en avons trouvé de pires. Entre 2008 et 2012, Dmitri Medvedev a pratiquement détruit le système, et il est toujours Premier ministre. C’est un danger que Poutine manipule : si vous ne me soutenez pas, je mets le monstre libéral sur le trône, et notre stratégie au Moyen-Orient tombe à l’eau. Rien n’a été réglé formellement. Le problème, c’est que Poutine parie sur deux systèmes : il est tant eurasianiste que libéral. Dans le paradigme économique, il trouve le libéralisme nettement plus important. Il devrait faire un testament où il explique son idée à son héritier.

Vous souhaitez que Poutine détermine à quel point la Russie peut être occidentale.

(hoche la tête) Il doit traduire son intuition individuelle en une doctrine destinée à sécuriser l’ordre futur. Il n’a tout simplement pas d’idéologie déclarée, et cela devient de plus en plus problématique. Chaque Russe sent que cette approche hyper individuelle de Poutine représente un risque énorme. La propagande à la télévision russe devient de plus en plus stupide. Les talk-shows politiques sur Pervyj Kanal (la principale chaîne publique, NLDR) sont carrément stupides. Les présentateurs sont une bande de libéraux qui se font passer pour des conservateurs par considérations financières. C’est une espèce de jeu : si Poutine change d’avis, il faut changer toute la machine de propagande. Là, ils invitent en permanence les mêmes idiots américains et ukrainiens pour faire passer l’Occident pour stupide. Ce n’est plus convaincant. Comprenez-moi bien : l’Occident est mauvais, mais nous devons au moins prendre la peine de l’étudier.

Ne craignez-vous pas que pour beaucoup de Russes les libertés occidentales paraissent attrayantes ?

Les Russes sont plus constants que vous ne le pensez. Dans les années nonante, les Russes ont été séduits par le libéralisme, mais ils ont rapidement senti la réalité amère. Nous ne devons pas craindre les Russes et leur présenter une caricature de la réalité à laquelle personne ne croit. C’est pourquoi je trouve la télévision russe actuelle aussi répugnante.

Cette critique vaut-elle également pour Russia Today et Sputnik ?

C’est tout à fait différent. RT et Sputnik font parfaitement leur travail. Ils promeuvent une alternative à l’agenda libéral globaliste. Ils élargissent l’opinion démocratique. Nous nous défendons uniquement contre l’élargissement agressif de la société moderne. L’Occident devrait accepter que la forme de société libérale soit optionnelle.

Ne trouvez-vous pas problématique que des médias comme Russia Today et Sputnik inventent tout le temps des événements ?

Les médias mentent en permanence. Tout est fake news. On ne peut approcher la réalité de manière neutre. L’esprit humain fonctionne toujours avec de l’information pro-cédée. Si vous cherchez la vérité, je vous conseille de devenir philosophe : vous aurez une vie intéressante. Celui qui travaille dans les médias est par définition un menteur.

De quelle façon est-ce que je mens, monsieur Douguine ?

Vous mentez parce que vous faites passer une réalité codée définie par la société, par les détenteurs de pouvoir qui contrôlent les médias. Antonio Gramsci dirait : vous mentez parce que vous avez conclu un pacte historique avec le capitalisme. Tout est idéologique, dit le marxisme, et l’idéologie est une fausse conscience : un mensonge pur.

AD-putin.jpgMais il y a les faits, tout de même ? Si demain Moscou lâche une bombe sur Bruxelles, et j’écris que Moscou a lâché une bombe sur Bruxelles, ce n’est pas un mensonge ?

(ricane) D’abord et avant tout, vous ne pourrez rien écrire si cela arrive. Vous serez mort.

Mettons que je survive.

Même alors, il vous faut recueillir des informations et vérifier les sources. Qui paiera votre billet pour accéder aux ruines ? Comment allez-vous prouver que Moscou est derrière les bombardements et non Oussama ben Laden ? Aujourd’hui, il n’est même pas clair qui étaient les auteurs du 11 Septembre ! D’abord, c’étaient les Saoudiens, mais à présent le président Trump a suggéré qu’il fallait une nouvelle enquête. Pourquoi est-ce nécessaire ? Parce que tout est fake news.

Vous êtes sérieux là ?

Dans notre société, on ne peut jamais être vraiment sûr que l’avion avec lequel Moscou a soi-disant lâché la bombe ait été détourné au dernier moment par des musulmans. Vous connaissez le film Conspiracy Theory ?

Non.

C’est un film extrêmement intéressant dont le personnage principal voit des complots partout, et qui est traité de fou. Mais finalement, il s’avère qu’il est le seul à avoir eu raison depuis le début.

Mais c’est de la fiction, non ?

Non, c’est le paradigme de la réalité. Nous vivons dans une réalité virtuelle du fake news. Le journalisme aussi est un produit typique de la modernité. La vérité est difficile à trouver, et pour la trouver nous devons éliminer le journalisme.

Vous voulez supprimer le journalisme ?

Il y a des sociétés sans journalisme qui ne sont pas pires que la société occidentale. En même temps je réalise que les mensonges peuvent être diffusés de millions de façons. Nous cherchons tout au plus la sécurité, la tolérance, le confort, et peut-être un peu de justice sociale. Le libéralisme ne s’occupe que d’efficacité et d’accélération, et plus de la recherche de la vérité.

L’autoritarisme s’intéresse encore beaucoup moins à la vérité.

Au contraire, dans l’autoritarisme il y a encore un choix. Le totalitarisme, la théocratie, la société de castes : dans les systèmes autoritaires, nous avons le choix entre plusieurs mensonges, ce qui est nettement plus agréable. En démocratie libérale, il n’y a qu’un mensonge à croire : l’assertion que la démocratie est la moins pire de toutes les formes de gouvernement. (réfléchit) Vous savez, le mal est surtout en nous. Nous mettons trop d’espoir et de confiance en la technologie épistémologique. Par exemple, je suis très préoccupé par la confiance aveugle des sociétés en les réseaux sociaux.

Vous aussi vous êtes un fervent utilisateur des réseaux sociaux.

J’essaie de transformer le poison en remède.

La Russie utilise les réseaux sociaux pour influencer les élections étrangères.

(ricane) Je crains que vous nous surestimiez. Oui, la Russie essaie de s’armer contre les attaques technologiques de l’Occident, mais nous n’y parvenons guère. Au fond, c’est une réaction à la guerre en réseau américaine des années nonante. Il vous faudra encore un peu de patience. Notre cyberprogramme n’en est qu’à ses balbutiements, et on nous accuse déjà d’avoir piraté les élections !


- Source : Le Vif (Belgique)

vendredi, 15 décembre 2017

L'Allemagne, la France et l'Eurasie

eurasie-relief-et-milieux-natur.jpg

L'Allemagne, la France et l'Eurasie

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Dans une Allemagne ou Angela Merkel semble avoir perdu sa capacité à rassembler les différents partis politiques, il est intéressant de constater la montée en influence de Sigmar Gabriel, actuel ministre des Affaires Etrangères et membre influent du SPD, Parti social-démocrate (voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Sigmar_Gabriel).

Ceci est d'autant plus important que Sigmar Gabriel défend des perspectives très intéressantes dans le domaine international. Elles concernent tout autant la France que l'Allemagne. Ainsi, dans un discours-programme sur la politique étrangère, le 5 décembre, il paru prendre acte de la perte d'influence des Etats-Unis en Europe. Mais loin de la regretter, il s'est est quasiment réjoui. Il y voit une occasion pour l'Allemagne de réaffirmer ses ambitions géopolitiques. Il parlait devant des diplomates et experts de haut rang rassemblés dans le cadre du Forum Berlinois sur la politique étrangère organisé par l'influente Fondation Körber 1).

Certains pourraient craindre en France que le concept de Grande Allemagne qui était sous-jacent à son discours corresponde à celui d'Europe allemande. En effet, pour lui, il n'est pas question d'envisager d'une façon ou d'une autre le retrait de l'Union européenne. Cependant, même s'il ne l'a pas dit, obligé à la réserve diplomatique, il considère que l'Allemagne n'a rien à gagner dans l'Europe actuelle, largement au service des intérêts américains, tant économiques omni-présents à Bruxelles que politico-militaires fondamentalement anti-russes au sein de l'Otan.

Par contre, si l'on peut dire les choses d'une façon un peu brutale que Sigmar Gabriel ne voudrait certainement exprimer officiellement, il ambitionne une Europe franco-allemande, ou plutôt alémano-française. Avec réalisme, il admet que si l'Allemagne dispose d'une puissance économique et financière infiniment supérieure à celle de la France, celle-ci aura longtemps, car ces choses ne s'improvisent pas, la supériorité d'une force armée polyvalente, de solides industries de défense et de capacités de déploiement incomparables dans un certain nombre de théâtres mondiaux.

On peut penser qu'aujourd'hui Emmanuel Macron, par divers qualités que nous n'examineront pas ici, est beaucoup plus rassurant pour l'Allemagne que ses prédécesseurs. Macron lui-même avait déjà montré son attrait pour une Europe franco-allemande, mais le moins que l'on puisse dire est qu'Angela Merkel ne l'avait pas encouragé dans cette voie. Les ouvertures d'un Sigmar Gabriel, même si celui-ci ne dispose encore que de pouvoirs limités au sein de l'actuelle ou de la future Grande Coalition, ne pourront que l'intéresser.

Une stratégie eurasiatique

Au plan international, Sigmar Gabriel, dans son discours, s'est radicalement démarqué de ce que l'on pourrait appeler la stratégie américaine de ses prédécesseurs, visant à faire de l'Allemagne le meilleure élève d'une classe européenne dont Washington resterait toujours le magister. Il a expliqué, pour la première fois en Allemagne, dans une instance aussi influente que le Forum Berlinois, qu'il portait un intérêt considérable au grand projet de la Chine, dont nous avons souvent discuté ici, relatif à l'OBOR, “One Belt One Road” ou “nouvelle Route de la Soie”). Il y voit une initiative très prometteuse pour intégrer les politiques économiques, géopolitiques et géostratégiques des nombreux pays qui seront ainsi reliés.

Certes la Chine, responsable de l'initiative, entend en rester le moteur, mais en aucun cas elle ne paraît viser à le faire à son seul profit, non plus qu'à celui de la Russie, son alliée indéfectible. Il a expliqué que «  Nous, en Occident, pourrions être à juste titre critiqués pour n'avoir conçu aucune stratégie comparable ». Il semble y voir, non seulement pour l'Allemagne, mais pour une Europe alémano-française, une occasion irremplaçable permettant de s'intégrer à la construction d'un grand ensemble eurasiatique en gestation. Celui-ci deviendrait sans discussions la première puissance mondiale à tous égards – peut-être la seule puissance capable d'assurer la survie du monde face aux multiples crises qui se préparent.

Il serait inadmissible que la France ne voit pas les enjeux et tarde encore, comme elle le fait actuellement, à rejoindre le grand ensemble eurasiatique qui se mettra d'autant plus vite en place qu'une Allemagne sous la direction d'un Sigmar Gabriel, déciderait sans attendre d'en exploiter les opportunités.

1) Voir
* https://www.deutschland.de/fr/topic/politique/forum-berli...
* https://www.koerber-stiftung.de/en/berlin-foreign-policy-...

dimanche, 26 novembre 2017

European Union, Euro-skepticism, Western Civilization, Eurasianism and Slavic World

eagle.jpg

European Union, Euro-skepticism, Western Civilization, Eurasianism and Slavic World

Boris Nad (Serbia) interviews Robert Steuckers (Brussels)

Q.: The European Union, in fact the entire European continent, is in a deep crisis today. The impression is that this crisis is primarily the result of a crisis of ideas. Political ideologies, and first of all liberalism, are deplored, obsolete, anachronistic. We can also say the same for other parts of the political spectrum. Do you share this impression?

A.: Well, the first idea that comes in my mind is one derived from Moeller van den Bruck’s articles in the Twenties : the people that have adopted and assimilated liberalism die after some decades because they will have lost their organic stamina. Liberalism is thus a disease before being a mere mentality. Liberalism and modernism are akin because both refuse to accept permanencies in the political City. In the 17th century, you had on philosophical and literary level the so-called quarrel between the Ancients and the Moderns, which took several aspects, some of them may well be considered retrospectively as positive but nevertheless there is an etymological connection between “modernism” and the French word “mode”, i. e. fashion, “mode” being always transitory and can be changed at will. When you consider all things political as mere “modes”, you thrive to escape the very pressure of reality which is made of time and space. All necessities, derived from the acceptance of the limits implied by time or space, are perceived by the Moderns as burdens that you should get rid of. Today you don’t even have to try to get rid of them but to wipe them out thoroughly or to transform them so that they acquire a new fully artificial and therefore transitory dimension. This is the essence of liberalism. But even if liberalism has its roots in the 17th and 18th centuries, it has never been, at least after the Battle of Waterloo in 1815, a powerful political movement, the conservative or Christian democratic in a first period, the socialist movement in later decades could temper liberalism’s rejection of realities and permanencies. Even if the official liberal parties, being more liberal-conservative than liberal in the Anglo-Saxon meaning of the word, were rather quantitatively weaker than the two other main political families in Europe, the anti-political spirit that was indeed the fundament of its core ideology could ran into the thoughts of the Christian democrats (despite the Church doctrine) and of the social-democrats (despite their watered down Marxism). Gradually the conservative, the Christian democrats and the social-democrats took over most of the ideas of basic liberalism.

Berlin_rubble_1945_dbloc_sa.gif

France was partially spared because it had a “caudillist” leadership introduced by De Gaulle in 1958 after the collapse of the 4th Republic, that was genuinely liberal. The personality of the President could prevent the liberals and the main parties to phagocytize the political body. But this was only a respite as we’ll see. In 1945, Europe was destroyed by the war. It took a bit more than a decade to recover, especially in Germany. But once the horrors cleared, Europe could reach economic power again. France in the Sixties, being a permanent member of the Security Council of the United Nations, could claim more independence within the West. For the United States, it was time to inject a new and stronger dose of liberal poison into the European political bodies. The United States has as ideology all the poisons needed to contaminate the world, i. e. not only the reality denying Enlightenment you find in Western Europe but also the basic puritanical denegation of the medieval European heritage, a denegation that was sweetened during the first decades of the 18th century by the deist movement and the Whigs. The American colonists developed the sense of a mission in the world that combined puritanical fanaticism and enlightened liberalism, apparently softer but nevertheless radical in its hate against inherited traditions and institutions.

affiche_07.jpgThe more radical underlying principles were adapted to the Zeitgeist of the Fifties and the Sixties by think tanks lead ultimately by the OSS (“Office of Strategic Studies”). This created the perverse corpus of May 68 that was launched into Germany and France. Both countries could resist in the Seventies although their societies were all the same contaminated by the bacillus that was eroding gradually their traditional psychological assets.  A second wave had to be prepared to give all the Western societies the last blow to let their political bodies crumble down. Next to the May 68 ideology, more or less derived from the Frankfurt School, a new weapon was forged to destroy Europe (and partly the rest of the world) more efficiently. This weapon was the infamous Thatcherite neoliberalism. At the very end of the Seventies, neoliberalism (be it Thatcherism or Reaganomics) was celebrated as a new liberation ideology that was about to get rid of the political State-centered praxis. Neither the Christian democrats nor the social-democrats were able to resist staunchly and to remember their supporters that the Church doctrine (based on Thomas Aquino and Aristoteles) or the interventionist socialist tradition were genuinely hostile to such an unbridled liberalism. Economics became more important than politics. We entered at that very moment the so-called post-history where no marks were still to be found. Even worse, the corrupt “partitocratic” system, in which Christian democrats and social-democrats were painfully muddling through, prevented any rational reaction and any challenge from new parties, blocking the democratic process they so vehemently pretend to incarnate alone.

Europe is now in a blind alley and seems unable to escape the liberalism of May 68 as well as neoliberalism as new challenging forces seems unable to gather enough votes to get into power effectively. You have to take into account that the conventional forces have been in power since almost 70 years and have literally occupied all the institutions by nominating officers at all levels, who couldn’t be replaced instantaneously by new really efficient people. Challengers risk launching newcomers into realms they are unable to master.  

Q.: Europe is, as you say, in a blind street. The European Union has been hit by a political, economic, immigrant crisis ... Then a wave of terrorism followed. European political bodies and institutions seem paralyzed. So far, European integration was threatened by so-called Euro-skeptical movements. It seems that today we are at the beginning of a wave of secessionism, like the one in Catalonia, which shakes many European countries. What is your relationship to that?

A.: Some secret services beyond the Atlantic have as a policy to weaken Europe by regular non military attacks typical of the so-called “Fourth Generation Warfare”. Economic stratagems, stock exchange manipulations are the usual tricks used by those whose main aim is to prevent Europe to develop fully, to find a better autonomy in all political and military matters, to reach a quite high welfare enabling rewarding R&D, to develop a strong commercial relationship with both Russia and China. Therefore Europe should constantly be undermined by all kind of troubles. Chirac’s France was the best example, beyond the well-known psy-ops that the “color revolutions” are. France is still a nuclear power but cannot develop this capacity beyond a certain level: in 1995, when experiments where performed in the Pacific Ocean, Greenpeace, as a pseudo-ecological movement tried to torpedo them. But on French territory, strikes paralyzed the country, orchestrated by a socialist trade union that had been anti-communist in the Fifties and had received support by the OSS. Social-democrats and socialist trade-unionists had secretly an Atlanticist support what’s often forgotten nowadays.

To get rid of Chirac, who had supported a phantom alliance between Paris, Berlin and Moscow at the time of the 2003 Bush’ invasion of Iraq, the activists among the African migrants communities in the dreary suburbs near Paris launched a series of violent riots in November 2005 after a first minor incident that caused accidentally two deadly casualties. Eventually the riots extended to other cities like Lyon and Lille.

carteemeutes.jpgAs the New Right writer Guillaume Faye had previously told it: France in the present-day situation is totally unable to reestablish law and order when riots spread in more than three or four big urban areas. The riots lasted the time needed to promote a new previously obscure petty politician, Nicolas Sarközy, who promised to wipe out the troublemakers in the suburbs and did of course absolutely nothing once in power. Charles Rivkin, US ambassador in France is the theorist of this “4th Generation Warfare” operations aiming at exciting migrant communities against law and order in France (see: http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2011/03/21/t... ). This vicious strategy was only possible in France ten or twelve years ago as no other European country had such a huge amount of migrants among its population. The refugee crisis that hit Germany in 2015 is a next chapter in the sad story of Europe’s submersion and neutralization. Germany has now to face the same violent communities as France did and does. The purpose is evidently to weaken the country that is thriving industrially due to the excellent commercial links it has with Eurasia in general. The aim of the British and American secret services has always been to prevent any German-Russian connection. Now Germany is weakened by the critical mass of the million fake refugees that will rapidly let collapse the social security system that has always been the peculiar mark of German social systems (be they Bismarckian, national-socialist, Christian-democratic or social-democratic).

refugeesgermany.jpg

The complete destabilization of the European industrial societies (Sweden, France, Germany, Italy and partially the Low Countries) lead to social and political shifts that sometimes take the shape of so-called “populist movements” that the media frantically label as “extreme rightist” or “neo-fascist”, in order to stop their development. Till now they have been unable to get a serious share of power, the conventional parties having infiltrated all institutions (press, media, justice, banks, etc.). In Spain, which is a poorer country that doesn’t attract the migrants as the given material advantages are less interesting, the only possible lever to launch a “4th Generation Warfare” operation against the country was the Catalan micro-nationalism. If Catalonia secedes, one of the most industrialized provinces of historical Spain will leave a commonwealth that exists since the marriage of Isabella of Castile and Ferdinando of Aragon in 1469. This would mean a serious setback for Spain, which is already fragile, and would have to depend from the neighboring countries, i. e. from an also destabilized France and a Germany that has to cope with its refugee problem and with an erosion of its social security system, leading to general dissatisfaction, to a rejection of the conventional political parties and eventually to a further development of the challenging AfD-party, whereby Merkel becomes unable to build an ideologically coherent majority for her next government.

My position is to say that all this problems currently jeopardizing Europe’s future have not occurred by pure coincidence. They are all linked together even if, by saying that, I’ll inevitably be accused of manipulating a “diabolical causality” or to adhere to “plot theories”. But I don’t see the Devil here as a supernatural being but I simply use the word as an easy image to stigmatize real forces and endeavors that try to shape the world according to their own interests. But on this same chessboard, the Europeans are unable to spot the enemy and to define their own interests.

RS-EEb.jpgQ.: In 2016, you published the book The European Enterprise: Geopolitical Essays. It explores the historical, cultural and spiritual foundations of the main European empires, i.e. the Reich principle, which is not equivalent to "nation" (If I understand it well), you consider that the natural development of Europe has been hampered or avoided by the "Western civilization". You pay special attention to the "Russian theme" - the Russian space and the concept of Eurasia. Why is it necessary in the era of globalization or attempts by the United States to impose itself as a world hegemon, or to "globalize" its own political and economic model?

A.: Indeed I’ve explored and I’ll continue to explore the European past as amnesia is the worst illness a political body can suffer of. You cannot think Europe without thinking simultaneously the notion of Empire and the so-called “Roman form”. Carl Schmitt was very conscious of being the heir of the “Roman form”, be it heathen/imperial or Catholic or inherited by the “German Nation”. No one is currently denying the importance of Schmitt in the realm of political theory. Some circles of the American New Left, like the “Telos Press”, have even promoted his works in the New World beyond all the hopes the few German students of Schmitt’s works had ever dreamt of. The Roman Empire was geographically and hydrographically based on the Mediterranean Sea and the Danube River: the “Middle Sea” assuring communication between the Rhone Valley and Egypt, between Greece and Hispania, etc. and the Danube link between Southern Germany and the Black Sea and beyond this Pontic Area the legendary Colchis and Persia what will later be mythologized by the Chivalry Order of the Golden Fleece created by Philip, Duke of Burgundy in 1430.  

consequences-of-breaking-the-law-5.jpg

After the fall of the Roman Empire, there was the well-known “translatio imperii ad Francos” and later, after the Battle of Lechfeld in 955, a “translatio imperii ad Germanos”. The central part of Europe became so the core of the Empire, being centered now on the Rhine, the Rhone and the Po. The Danube axis was cut at the level of the “Iron Gates” beyond which the Byzantine area extended far to the East. The Byzantine Empire was the direct heir of the Roman Empire: there the legitimacy was never disputed. The Mount Athos community is a spiritual center that has recently be fully recognized by the Russian President Putin. The Roman-German Empire (later Austrian-Hungarian), the Russian Empire as heir of Byzantium and the Mount Athos religious community partake the same symbols of a golden flag with a black double-headed eagle, remnant of a very old Persian traditional cult where birds assured the link between Earth and Heavens, between men and the gods. The eagle being the most majestic bird flying to the highest heights in the sky, it became obviously the symbol of the sacred dimension of Empire.

archange.jpgLiving within the territorial frames of an Empire means to fulfill a spiritual task: to establish on Earth a similar harmony as the one displayed by the celestial order. The dove symbolizing the Holy Spirit in Christian tradition has indeed the same symbolic task as the eagle in imperial tradition: assuring the link between the Uranic realm (Greek Uranus/Vedic Varuna) and the Earth (Gaia). As the subject of an Empire, I’m compelled to dedicate all my life trying to reach the perfection of the apparently perfect order of the celestial bodies. It’s an ascetic and military duty featured by the archangel Michael, also a figure derived from the man/bird beings of the Persian mythology that the Hebrews brought back from their Babylonian captivity. Emperor Charles V tried to incarnate this Chivalry’s ideal despite the petty human sins he consciously committed during his life. He remained truly human, a sinner, and dedicated all his efforts to keep the Empire alive, to make of it a dam against decay, which is the task of the “katechon” according to Carl Schmitt. No one better than the Frenchman Denis Crouzet has described this perpetual tension the Emperor lived in his marvelous book, Charles Quint, Empereur d’une fin des temps, Odile Jacob, Paris, 2016. I’m reading this very thick book over and over again which will help me to precise my imperial world view and to understand better what Schmitt meant when he considered Church and Empire as ‘katechonical” forces. This chapter is far from being closed.

CrouzetCHV.jpgCrouzet explains in his book that the German and European Reformation wanted to “precipitate” things, aspiring at the same time to experiment lively the “eschaton”, the end of the world. This precipitation theology is the very first outward sign of modernism. Luther in a quite moderate way and the other actors of Reformation in an extreme way wanted the end of a world (of a historical continuity) they considered as profoundly infected by evil. Charles V, explains Crouzet, has an imperial and “katechonical” attitude. As an Emperor and a servant of God on Earth, he has to slow down the “eschaton” process to preserve his subjects from the afflictions of decay.

After Luther the extreme puritanical elements of Reformation in Northern France, Holland, Münster and Britain will render this “precipitation theology” even more impatient, even again Anglican England and Anglican rule in the Thirteen Colonies of Northern America, as tragic events testify it like the beheading of King Charles I due to Cromwell puritanical revolution. This way of seeing history as a deep malediction has been inherited by the Founding Fathers in the future United States. With the deist tradition in England and in the Whig political tradition both in Britain and Northern America, this “precipitation theology” will be skillfully rationalized and given an enlightened varnish that will culminate in President Wilson’s design to purge the world of evil. The “precipitation philosophy” (and not “theology”) of French philosophers will lead to a secular political eschatology under the shadow of the guillotine, under which all those who were supposed to slow the process had to perish preventively. After Wilson, several American diplomats will coin principles preventing the very sovereignty of States to express itself by launching all kind of pro-active projects with or without wars. Since the collapse of the Soviet system, the rationally disguised “precipitation theology” will once again run amuck. You know the results: catastrophe in the Balkans, stalemate in Iraq, endless war in Syria and Afghanistan. “Precipitation theology” as feature of the Western world, of the world lead by the Western hemisphere or by the realms West of Western Europe or of Central Europe, offers no valuable solution to the problems that inevitably occur in the imperfect world under the perfect Uranic Heavens. The views of Charles V consisted in slowing down the process and in leading moderate military operations against the rebels. It was a better stance anyway. 

In the Nineties, I discovered that China and many other Asian countries developed an alternative way to harmonize international relations, excluding among other things the post-Wilsonian principle of intervening violently in other countries’ affairs. This is the principle adopted not only by Xi Ping’s China today but also by Putin and Lavrov. The Chinese alternative excludes for instance the policy of “regime change” that has thrown Iraq and Syria in these atrocious civil wars the previous Baathist regimes could wisely but nevertheless ruthlessly avoid. But isn’t it better to have a ruthless “katechonical” although imperfect regime than to see hundreds of thousands innocent people killed in senseless attacks, bombing, shelling or Taliban/Salafist slaughters? The “precipitation theology” of post-puritanical/neo-Wilsonian America and of Salafist Muslims has created chaos in otherwise seemly calm countries. Didn’t Luther himself warn his contemporaries that the Devil was able to use the theological speak (or “newspeak”) to dupe the people?

Russia is important in this general frame of a “katechonical” interpretation of history as an antidote to the “crazy eschatological” one. Russia is heir of Byzantium also direct heir of the “Roman form”. It was considered as the stronghold of conservatism before 1917, even if this conservatism was fossilized by Konstantin Pobedonostsev as Dmitri Merezhkovski, who rejected later all the aspects of the Soviet revolution, could observe. Russia hasn’t experiment the traumatic 16th century Reformation and its contemporary iconoclast rage and was later preserved from the silliest deist or frenchified philosophy of the 18th century. This doesn’t mean that Russia was a backward country: Catharina II was a female enlightened despot that has made of Russia a great power; Alexander I had traditional and appeasing ideas on religion, that we should study attentively now after the Syrian disaster; Alexander II modernized the country at full speed at the end of the 19th century and could wipe out the disadvantages Russia had inherited from the 1856 Paris Treaty after the Crimean War, etc. But Russia, except during the first decennia of the Bolshevik regime, seems to have remained immune to the dangerous toxicity of “precipitation theology”.

The Byzantine style of developing chess-like strategies instead of looking for immediate retaliation or aggression has finally inspired Russian diplomats and statesmen. Byzantine style and Chinese Confucian harmony can serve nowadays as practical alternative models in a Western world confused by media propaganda which has ceaselessly conveyed a modernist post-puritanical form or another of “precipitation theology”. Therefore the Eurasian idea, provided it conveys this “katechonical” precipitation-less ideas similar to those Charles V wanted to apply in his Empire before confronting the Ottomans, is the real alternative to a world that would otherwise be ruled and perverted by a superpower that draws his principles from the craziest adepts of the former “precipitation theology” of its own “Founding Fathers”.

chevbouc.jpgI could add that a “precipitation theology or ideology” doesn’t express itself by all sorts of millennial pseudo-religious babbling claptrap like the one which is predicated for instance in Latin America but can also act as an economic fundamentalism like the neoliberal craze that affects America and Europe since the end of the Seventies. Puritanism can also quite often be reversed in its diametral contrary i. e. postmodernist debauch what explains that millennials, femens, pussy rioters, Salafists, neoliberal “banksters”, media moguls, color revolutionists, etc. follows on the international chessboard the same “4th Generation Warfare” agenda. Aim is to destroy all the dams civilization has set to serve the “Katechon” or the Aristotelian  “Spoudaios”. We must define ourselves as the humble servants of the Katechon against the pretentious designs of the “precipitators”. This means serving the imperial powers and fighting the powers that are perverted by the “precipitators”. Or having a Eurasian option and not an Atlanticist one.

Q.: You are a supporter of Eurasianism. It clearly separates you from those who share the hard-line nationalist positions and many thinkers, or alleged thinkers from the right. Your geopolitical thought is, as you say, a response to the thought of the American strategist of Brzezinski and is deeply rooted in European tradition. Can you basically explain your geopolitical conception?

A.: You could indeed count me among the supporters of a neo-Eurasianism but the roots of my own Eurasianism are perhaps quite different than those attributed to traditional or new Russian Eurasianism; nevertheless these different perspectives do not collide as antagonisms; on the contrary they could perfectly complete each other to promote a worldwide anti-system resistance movement. The most important thing if you want to develop a strong Eurasianist movement is to have simultaneously a wide vision on the history of each political historical component of the combined territory of Europe and Asia and to give oneself for task to study it by looking for convergences and not for enmities. This had already been suggested by Prof. Otto Hoetzsch in the Twenties and Thirties for West Europe and Russia. Therefore one first step would be to find as far back as possible in history a convergence between West European powers and Russia as a Eurasian entity. Peter the Great, as you know, connected Russia to Europe by opening a window on the Baltic Sea, leading unfortunately to a vicious war with Sweden at the beginning of the 18th century. But after the vicissitudes of the Seven Years’ War (1756-1763), France, Austria and Russia were allies and the territory of their realms extended from the Atlantic to the Pacific, being de facto a Eurasian alliance. Leibniz, who was not only a philosopher and a mathematician but also a diplomat and a political adviser was in a first step quite distrustful in front of Russia as a new power because it could have been a new “Mongol Khanate” or a “Tartary” threatening Europe. In a second step, seeing with benevolence the development of Peter’s Russia, he started to perceive gigantic Russia as the necessary territorial link that would enable communications between Europe and the two old civilizational spaces that were at his time China and India, that had a quite higher level of civilization than Europe at that time, as present-day historians remember it, like Ian Matthew Morris in Britain (in: Why the West Rules – For Now…) and the Indian teaching in England, Pankaj Mishra (in: From the Ruins of the Empire and Begegnungen mit China und seinen Nachbarn). Pankaj Mishra is a typical Third World ideologist displaying some sort of resentment against the West, more specifically against the former British rule in India. 

During the short period when France, Austria and Russia were allies important Eurasian designs avant la lettre were initiated: the development of a strong French fleet in order to avenge the disastrous defeats of Louis XV in Canada and India during the Seven Years’ War, the exploration of the Pacific Ocean by Russian and French sea captains, the common efforts of Austria and Russia to liberate the Balkans and the Northern coast of the Black Sea with Crimea as the main territorial asset enabling to settle a first important Russian navy base in the Pontic area. The French fleet defeated the English in Northern America in 1783 which made possible the complete independence of the United States (!). Russia could conquer Alaska, build a stronghold in California and contemplate a strong Russian-Spanish alliance in the New World. Russian sailors could land in the Hawaii Islands and claim them for their Czar. The French explorations in the Pacific were on many levels very fruitful and one should never forget that Louis XVI some few minutes before going up the stairs of the scaffold where he was to be guillotined asked news of La Pérouse, who had been lost while exploring the Northern shores of the Pacific. This first Eurasian design avant la lettre was torpedoed by the French revolutionists paid and excited by the English and Pitt’s secret services according to the historian Olivier Blanc (in: Les Hommes de Londres, histoire secrète de la Terreur, 1989). Pitt wanted to get rid of a regime that promoted the development of a fleet and had outlined the guidelines of French world politics.

dostoWrDi.jpgThe second Eurasian project avant la lettre was the very short-lived “Holy Alliance” or “Pentarchy” created in the aftermath of the Treaty of Vienna in 1814. It allowed the independence of Greece but failed after the independence of Belgium when England and France helped to destroy the United Kingdom of the Netherlands. The “Holy Alliance” definitively crumbled down when the Crimea War started as two Western powers of the “Pentarchy” clashed with Russia. The Anti-Western affect spread widely in Russia and the core ideas of it are clearly outlined in Dostoyevsky’s main political book,  A Writer’s Diary, written after his Siberian exile and the Russian-Turkish War of 1877-78. The West permanently plots against Russia and Russia has to defend itself against these constant endeavors to erode its power and its domestic stability.

But now back to Eurasia: two important books have been published in recent years that should be the bedside books of all those who are animated by the Eurasist idea:  Prof. Christopher I. Beckwith’s Empires of the Silk Road – A History of Central Eurasia from the Bronze Age to the Present (2009) and Peter Frankopan’s The Silk Roads – A New History of the World (2015). Beckwith’s book is the most complete panorama of Eurasian history: the core ideas from his captivating chapters I now constantly keep in mind are first the fact that in a very far past Indo-Iranian horsemen tribes coined sets of rules that determined all the future organization schemes of kingdoms and empires on the Silk Road; second, Beckwith states that modern times and modern ideologies ruined completely the sublime accomplishments of the Central Asian realms throughout the ages. A new Eurasianism should then have as main task to restore the spirit that allowed these extraordinary achievements. Prof. Beckwith masters a good dozen of ancient and modern languages spoken or having been spoken in Central Asia, a tremendous wide knowledge that enables him to understand more thoroughly the old texts and the very spirit that enhanced the thriving of kingdoms and empires.  

PFsilk.jpgPeter Frankopan’s book is more factual but also enables to criticize the Western arrogant attitude namely in Iran. The chapters in his book dedicated to old Persia and modern Iran would allow diplomats to settle bases for a renewed cooperation between European powers and Iran, provided, of course, that Europeans really would abandon the guidelines dictated by NATO and the United States. Eurasianism compels you to study history more thoroughly than the present-day Western way of leading policies in the world. Facts shouldn’t be ignored or disregarded simply because they don’t fit into the schemes of the superficial interpretation of the Enlightenment the Western powers are currently handling, provoking at the same time a concatenation of catastrophes.

Indeed the intellectual acceptation of the excellence of past and present Asian or Central Asian traditions and the will to pacify the immense territory between Western Europe and China lead us to dismiss the Brzezinski project of launching a permanent war (as an updating of the Trotskite project of “permanent revolution” that the neocons partook in a “former life”) and to favor the Chinese “One Belt, One Road” project, which is the only serious project for the 21st century.

Q.: The United States itself today is undergoing a difficult and comprehensive crisis. Trump and trumpism are certainly not the cause but the consequences. On the other hand, with the rise of Russia and China, the geopolitical situation in the world has changed, the world is no longer unipolar. Hal Brands for liberal Bloomberg notes that US foreign policy has reached its historic critical point, that the project of globalization of its political model faces failure, that the main goal of the US in the future will be to defend the „world's liberal order“. In other words, the time of American hegemony is nearing its end, and the events in the Middle East, in Syria, as it seems, speak in favor...

A.: This is not a question of yours but a general statement that easily be shared by alternative minds. The crisis the United States are undergoing nowadays can be explained by the inadequacy of the religious/ideological core of its „deep state“ in front of the plurality of actual or potential world views that could be as efficient as the mix of religious puritanism, deism and wilsonism that gave the United States an incredible strength during the 20th century. The puritanical core of radical protestantism, as seen in Dutch or British history at the time of the iconoclasts or Cromwell’s Roundheads. The attitude of these radicals is a savage rejection of past heritages and a will to eradicate everything that’s judged „impure“ or „belonging“ to a „bad past“, exactly along the same lines the Wahhabites are currently working in the Near East. If you share such views you start indeed an eternal war against the entire world. But this is practically impossible on the long run. Resistances emerge permanently and some countries or civilizational areas can always be considered as breakwaters, especially as they have enough power or space to avoid invasion, i. e. if they can offer a sufficient „mass“, as Elias Canetti once wrote, to resist on the long term. Even Afghanistan is a „mass“ able to resist but of course not to reverse the trend. Russia and China can together offer such a „mass“ but the struggle will nevertheless be hard as the Latin American part of the BRICS has more or less be compelled to surrender or to weaken its position. Venezuela undergoes a „color revolution“ that risks to bring it back in the so-called backyard of the United States.

In the near future, the United States will as a consequence try to keep its domination on Western Europe (even if on the other hand they try to weaken it through uncontrolled migrations and Soros initiatives), on Latin America and especially on Africa, where they develop a new form of imperialism through the AFRICOM command structure to counter the Chinese and to kick the French out of their „Françafrique“, while wooing them to participate in the process of their own neutralization! Nevertheless this policy is due to fail as such an ubiquitous control is impossible on the basis of a mass of 350 millions taxpayers.  Such a „mass“ has been useful till the end of the 1990s as it allowed the Atlantic superpower to launch military and civilian R&D programs that could be made profitable on all levels in a sufficiently short term to build up the real hardpower of Washington and to be always ahead of their opponents. But 350 millions consumers and taxpayers are now no longer sufficient to sustain the competition.

Detroit-Théâtre-Effondré.jpg

Detroit's crumbled down theatre

The project of a „Big Society“, which would have given the American citizens a social security system as in Europe, has been hampered by the Vietnam war. The Reaganomics ruined huge urban areas such as Detroit. At the end of the line, American society has become steadily unstable, the racial issues and the ubiquitous drug problem making both the situation even more complicated: these two issues may let us conclude that the Soros initiatives aim deliberately at creating an even worse racial situation in Europe so that European nations couldn’t be able to challenge the former main superpower of the West and that the drug problem is in a certain sense a serious backlash if you keep in mind that drugs were introduced in the 1960s due to special CIA ops in Laos and Burma where Chinese opponents were cultivating the weeds in order to finance potential nationalist insurrections in Maoist China. The secret services’ support to drug smugglers allowed indirectly a financing of the Vietnam war that Congress would never have voted. Drugs, unsolved domestic conflicts in race mixed areas and neoliberal Reaganomics were and are all expediencies that have left behind significant marks in the American society and, above all, created a junk culture they cannot get rid of anymore. The countries that will be strong enough to resist to the effects of this junk culture and to reject it will be resilient. The other ones will perish slowly.    

Q.: You learn Russian and studied Russian culture. Also, in your research, you have paid special attention to the traditions and ethnos of the East of Europe. For example, to Scythians, the indo-European ethnicity that inhabited the Eurasian steppe, south of Russia, and is extremely important in the ethnogenesis of the Slavs. Slavic cultures, including the Serbian and the Slavs of Balkans, unfortunately, have not been sufficiently studied in the West of Europe. Do you have the impression that the Slavic heritage is not only not well known, but also systematically suppressed and underestimated in Western Europe?

A.: I never learned Russian properly but it’s true that as teenagers my friends and I were seduced by Russian history and fascinated by the conquest of Siberia from the Urals to the Pacific Ocean. When I started to publish my journals at the beginning of the 1980s, I was deeply influenced by a German cultural and political trend that had emerged a couple of years before. This trend took into account the nationalist elements of the left-wing movements since the 19th century and also all the diplomatic traditions that had favored an alliance between Germany and Russia (or the Soviet Union). The Germans, but also the people in the Low Countries, were upset because the US Army had deployed deadly missiles in Central Europe, compelling the Soviets to do the same so that in case of war Central Europe would have been definitively nuked. No one could accept such a policy and the result of that was the birth of the pacifist neutralist movement that lasted till the fall of the Berlin Wall and that allowed incredible convergences between left-wing and conservative or nationalist groups.

In the frame of this movement, we started to translate or summarize German texts or debates in order to show that history could have been different and that the will to analyze the past with other eyes could open perspectives for a different future. We didn’t reduce our research to German questions but broaden it in order to see things from an “All-European” point of view. We stated of course that history had been reduced to Western European history, what was an intellectually unacceptable reductionism that I could spot very early by reading some books on East European countries while writing down an end paper at the end of my secondary school studies. My friends and I didn’t reduce our readings to contemporary history but widen them to medieval and ancient history. So we were attracted by the Scythians, namely after having read a book of the French historian Arthur Conte, where he reminded us that many Slavic people trace back their origins not only from Slavic tribes but also from Sarmatians knights, including those who had formerly built up the cavalry of the Roman Legions.

sarmatescav.jpg

The Sarmatian element is not only important for Slavic people but also for the West that has tried to wipe out this heritage from the collective memory. Nevertheless, British historians, with the help of Polish colleagues, admit now that Sarmatian Knights are at the origin of the Celtic Arthurian myths, as the Roman cavalry in Roman Britain was partly or mainly composed of Sarmatian Knights.

RSch-D.jpgThe German historian Reinhard Schmoeckel hypothezises that even the Merovingians, from whom Chlodowegh (Clovis for the French) descended, were partly Sarmatian and not purely Germanic. In Spain, historians admit that among the Visigoths and the Sueves that invaded the peninsula as Germanic tribes were accompanied by Alans, a horsemen people from the Caspian and Caucasus area. The traditions they brought to Spain are at the origin of the chivalry orders that helped a lot to perform the Reconquista. As you say, all that has been neglected but now things are changing. In my short essay on the geopoliticians in Berlin between both world wars, I remember a poor sympathetic professor who tried to coin a new historiography in Europe taking the Eastern elements into accounts but whose impressive collection of documents were completely destroyed during the battle for Berlin in 1945. His name was Otto Hoetzsch. He was a Slavic philologist, a translator (namely during the negotiations of the Rapallo Treaty, 1922) and a historian of Russia: he pleaded for a common European historiography stressing the convergences and not the differences leading to catastrophic conflicts like the German-Russian wars of the 20th century. I wrote that we all have to walk in his footsteps. I suppose you agree.

lundi, 25 septembre 2017

L'Iran désormais puissance dominante au Moyen-Orient

iranenvironnement.jpg

L'Iran désormais puissance dominante au Moyen-Orient

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

On le soupçonnait depuis longtemps, beaucoup comme la Russie en seront plutôt satisfaits, Mais pour Israël, si le pays ne change pas de politique, et pour les Etats-Unis, il s'agira d'une sorte de catastrophe.
Le média iranien Teherantimes, que l'on devrait mieux connaître en France, vient d'annoncer l'essai réussi par l'Iran d'un missile balistique de moyenne portée, capable d'atteindre des cibles distantes de 2000 km et d'emporter différentes têtes 1) .

Ceci devrait changer significativement le rapport de force au Moyen-Orient. Les 45.000 soldats américains déployés dans la zone, ainsi que tous les alliés des Etats-Unis, y compris en premier lieu Israël, sont désormais à portée.

Cette annonce survient quelques jours après les agressions verbales de Donald Trump à l'ONU, ainsi que sa volonté d'imposer à Téhéran de nouvelles sanctions. Celles-ci seraient décidées au prétexte que l'Iran n'aurait pas respecté l'accord dit nucléaire par lequel elle s'engageait à ne pas développer d'armes atomiques. Or tous les observateurs internationaux affirment au contraire qu'il n'en est rien. Cependant, si de nouvelles « sanctions » unilatérales étaient décidées, le Président Hassan Rouhani a précisé à son retour de New York que toutes les options en matière de riposte seraient envisageables.

Plus récemment, il a déclaré que si la nation iranienne avait toujours recherché la paix et la sécurité, elle continuerait à défendre les peuples yéménite syrien et palestinien, « que cela plaise ou non ». Peu après le commandant de la Garde Révolutionnaire le général Mohammad Ali Jafari a été plus explicite. Selon lui, les Etats-Unis, avec le discours de Trump, ayant montré toute leur hostilité, devaient désormais s'attendre à des réactions douloureuses pour eux dans tous les domaines, y compris militaires, a-t-il laissé entendre.

focus-pays-iran-9-638.jpg

Il est évident que Téhéran est loin d'avoir encore mis au point des armes atomiques et des missiles représentant une menace sérieuse. A cet égard en Asie la Corée du Nord dispose d'une avance considérable. Cependant l'Iran a déployé plus de 100.000 hommes sur le terrain. Il s'agit de contingents chiites endurcis, capables d'affronter les faibles effectifs des pays sunnites, notamment l'Arabie saoudite, susceptibles de leur être opposées. En cas encore improbable d'une bataille conventionnelle avec Israël, celui-ci, malgré la puissance de ses armements, aurait fort à faire.

La Syrie et son allié la Russie devraient-ils s'inquiéter de voir l'Iran en passe de devenir une puissance dominante dans la région. En principe non, puisque Bashar al Assad et Moscou se sont mis d'accord depuis des mois pour constituer avec Téhéran un « pont » chiite qui contrebalancerait les pétro-dollars des pays sunnites et l'influence américaine. On peut penser par ailleurs que l'Iran a bien compris que la Russie était désormais décidée à maintenir ses implantations militaires en Syrie et réagirait à toute éventuelle menace iranienne. Celle-ci serait hautement improbable du fait qu'au contraire l'Iran a concédé à l'aviation russe l'accès à l'une de ses bases aériennes.

Ce sont par contre les Kurdes et leur apparente volonté de constituer au nord de l'Irak l'amorce d'un véritable Kurdistan indépendant qui devraient prendre l'avertissement iranien au sérieux. Ce projet a jusqu'ici été soutenu par Washington et Tel-Aviv dans le but d'en faire ce qui pourrait être un instrument régional permettant de lutter contre l'influence iranienne. Or déjà combattu par la Turquie, ce projet ne résistera pas à un rejet par l'Iran. Les Kurdes devraient faire bien attention à leurs futures décisions, quels que soient les résultats de futur référendum, s'il a lieu. Même si leurs valeureux peshmergas ont pu être appréciés ces derniers mois dans la lutte contre l'Etat Islamique, ils ne feraient pas long feu devant un rejet général. Mais ce point ne peut être examiné ici. La question kurde mériteraient bien d'autres articles.

Les Européens qui pour leur part sont en train d'investir de façon importante et dans de nombreux domaines en Iran ne devraient voir aucun inconvénient à la mise en place d'une Iran puissance dominante au Moyen-Orient. Même si celle-ci devait dorénavant disposer d'une capacité de « deterrence » militaire importante.

1) http://www.tehrantimes.com/news/417036/Iran-successfully-tests-new-2000km-range-missile