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jeudi, 16 septembre 2010

L'influence atlantiste en Allemagne et en Russie

L'influence atlantiste en Allemagne et en Russie

Par Michel Drac

 Ex: http://fortune.fdesouche.com/

Par commodité, nous réputerons ici que l’ensemble USA/Grande-Bretagne/Israël constitue une entité capable d’agir de façon coordonnée sur le plan géopolitique. Nous appellerons cette entité : l’Empire.

Cet Empire est confronté à son déclin. Sa réaction est maintenant visible. Confronté à un défi géostratégique qu’il ne parvient pas à relever, celui de la Chine ; confronté encore à la volonté manifeste de la Russie de se poser en acteur géostratégique de premier plan, à nouveau ; confronté, enfin, au risque de voir l’Europe échapper à son assujettissement, l’Empire a choisi de combattre, pour l’instant, en usant de stratégies d’influence. L’attaque sur l’Iran, pour l’instant toujours, n’a pas eu lieu. La guerre ouverte n’est pas, à ce stade, l’option choisie par les dirigeants de l’Anglosphère (et de son annexe israélienne).

Cela peut changer du jour au lendemain, bien sûr.

Mais jusqu’ici, l’influence semble bel et bien la stratégie privilégiée. Elle prend la forme d’une entreprise de cooptation sélective des élites des puissances que l’Empire doit ou conserver en sujétion (l’Allemagne et la France, pour faire court), ou tenir en respect (la Russie).

Le point sur la question.

*

En France, la promotion de Dominique Strauss-Kahn par les médias dominants est si grossière qu’elle risque de devenir franchement contre-productive. DSK (qui, rappelons-le, a explicitement avoué qu’il était entré en politique « pour défendre Israël ») est par exemple promu via des sondages de commande par Libération (quotidien désormais possédé par la famille Rothschild). Le plan apparaît cousu de fil blanc : il s’agit de remplacer un atlantiste « de droite » (Sarkozy) par un atlantiste « de gauche » (DSK). Plan si cousu de fil blanc, au demeurant, que la probabilité de le voir échouer semble désormais assez grande. La présidentielle 2012 s’avère risquée pour les atlantistes…

Bref, on n’épiloguera pas.

Intéressons-nous plutôt à l’Allemagne. Inutile de disserter longuement sur la situation française, elle est bien connue de nos lecteurs. Il n’en va pas de même de l’évolution outre-Rhin, qui pourtant, elle aussi, révèle une très nette accentuation de l’emprise atlantiste sur les élites.

Quelques points de repère pour commencer.

Angela Merkel a été propulsée à la chancellerie par les milieux atlantistes. Cela s’est fait en deux temps.

Tout d’abord, à la fin des années 1990, avec l’affaire de la « caisse noire » de la CDU. Walther Leisler Kiep (WLK), trésorier de la CDU et accessoirement homme fort de la fondation Atlantik Brücke (en gros, l’équivalent allemand de notre French American Foundation) avait reçu une forte somme d’argent d’un marchand d’armes. Ce fut l’occasion d’entraîner Helmut Kohl, et surtout ses hommes liges, dans un vaste scandale, où fut mis à jour le système de financement occulte de la droite d’affaire allemande. Wolfgang Schaüble (WS), jusque là pressenti comme le successeur naturel de Kohl, en paya le prix – et c’est ainsi que Merkel se retrouva à la tête de la CDU. Il est probable que sous les remous provoqués à la surface par cette opération mains propres, une lutte d’influence féroce se joua à ce moment-là, au sein de la droite d’affaires allemande. On ignore, à ce stade, les détails de cette lutte, mais on sait en tout cas qu’avec Merkel, les milieux atlantistes sauvaient au moins l’essentiel : leur capacité d’influence décisive au sommet de l’appareil.

En 2002, le leader de la campagne CDU/CSU était Edmund Stoiber, homme politique bavarois (le détail a son importance, la CSU bavaroise étant traditionnellement moins atlantiste que la CDU de l’Allemagne du nord). Il perdit de justesse les élections, après une campagne où les choix de la grande presse, pour une fois, ne fut pas particulièrement net en faveur de la droite d’affaires (un choix de la grande presse à peu près aussi clair, à vrai dire, que les positions alambiquées de Stoiber sur la guerre d’Irak…).

La route était désormais dégagée pour Merkel, qui bénéficia, elle, en 2005, d’un soutien total de la part des médias – et remporta donc les élections. Ainsi alla la carrière de celle que les médias présentent comme « la femme la plus puissante d’Europe », et que les esprits mal intentionnés voient plutôt comme la soubrette du capital germano-américain.

Cependant, comme toujours, rien n’est simple. La très forte culture du consensus qui caractérise les élites allemandes fait qu’il pratiquement impossible de rattacher un politicien quelconque à un « camp » stable et bien défini, au regard d’un problème donné. En fait, si l’on excepte les situations où ils s’organisent collectivement pour incuber deux lignes le temps que l’histoire décide à leur place laquelle était la bonne, les politiciens allemands ont pour habitude de prendre des positions molles et flexibles, et de gérer en interne leurs débats, portes closes. La population s’en accommode majoritairement, l’ambiguïté consensuelle étant, là-bas, un mode de fonctionnement collectif très prisé.

Bref, on ne peut pas présenter Merkel comme une atlantiste inflexible, même si elle a, en 2003, pris position plutôt en faveur de la guerre d’Irak. Disons qu’elle est plus atlantiste que la moyenne des politiciens de son camp, eux-mêmes très atlantistes – mais cela peut changer, tout dépend des circonstances.

Or, justement, depuis quelques temps, cela a tendance à changer. Depuis la crise de 2007, Merkel semble, d’une manière générale, agir comme un poids mort, qui retarde et affaiblit la remise en cause du lien transatlantique – mais qui ne fait plus grand-chose pour le promouvoir franchement. La nuance n’a pas échappé aux observateurs attentifs.

Fondamentalement, Merkel est une opportuniste. Elle incarne au fond les qualités et les défauts des femmes en politique : elle sait remarquablement bien naviguer en fonction du vent – mais justement, quand il faut faire vent contraire, elle n’est pas à son aise. Et aujourd’hui, pour être atlantiste, au sein de la droite d’affaires allemande, il faut affronter un vent de face modéré, mais bien présent. Cette physicienne de formation, auteur d’un mémoire sur l’effet des hautes pressions dans la combinaison des molécules, est sans doute plus prompte à tenir un rôle de coordinatrice qu’à imposer ses vues brutalement. Dans le contexte actuel, il n’est donc pas certain qu’elle soit encore « l’homme » de la situation, pour ses sponsors atlantistes eux-mêmes confrontés à une situation très tendue, où le temps leur manque, et où chaque erreur peut se payer cash.

En 2007, Merkel s’est rendue en Chine, et a pris position pour un renforcement des relations commerciales sino-allemandes. Elle y a, certes, souligné que la Chine devait « jouer le jeu » du commerce international, mais concrètement, il s’agissait bel et bien de poursuivre l’ancrage de l’économie allemande dans la sphère de croissance constituée par l’Asie émergente, avec laquelle le patronat d’Outre-Rhin a trouvé un modus vivendi original (intégration logistique, l’Allemagne se réservant les activités à forte intensité technologique et capitalistique).

La suite l’a d’ailleurs très bien montré :


(source)

Commentaire : alors qu’entre 2007 et 2010, le commerce extérieur allemand régressait fortement (comme l’ensemble du commerce international), les relations germano-chinoises sont restées pratiquement constantes. Bien entendu, s’agissant de l’année 2010, le chiffre est une projection.

On remarquera qu’entre 2005 et 2010, les exportations allemandes vers les USA ont, quant à elles, baissé de 25 % environ (estimation).

Toute atlantiste qu’elle soit, Merkel ne peut tout simplement rien contre une dynamique économique de fond – le recul des USA, la montée en puissance de la Chine. Pour l’instant, les USA ont réussi à limiter leur décrochage – le financement d’une fausse reprise, en trompe l’œil et par le déficit budgétaire, ayant temporairement maintenu à flots le marché US. Mais on voit bien que si cette « reprise » craque (ce qu’elle fera certainement), l’Allemagne pourrait assez vite se retrouver avec la Chine comme premier client et premier fournisseur – ce qui imposera sans doute de revoir fondamentalement l’orientation économique globale du pays, et donc sa géostratégie.

Moins cruciales sur le strict plan économique, les relations germano-russes sont peut-être encore plus sensibles que les relations sino-allemandes en termes stratégiques. Et là encore, Merkel, tout en conservant un parfait atlantisme de façade, n’a finalement rien fait pour endiguer sérieusement le développement des relations commerciales bilatérales (peut-elle, d’ailleurs, faire quoi que ce soit ?).

Evolution en millions d’euros du commerce germano-russe (document allemand)

L’analyse de l’Ost Europa-Institut précise : « Le commerce extérieur germano-russe se développe indépendamment des changements politiques intérieurs ».

Non seulement le commerce allemand en Russie n’a pas régressé sous Merkel (en fait, il a progressé plus vite que sous Schröder !), mais en outre, les investissements allemands en Russie, il est vrai initialement fort modestes, ont littéralement explosé :

(Investissements directs allemands en Russie, en millions d’euros, même source – la progression est impressionnante, de sorte que, même si en 2007 les investissements allemands en Russie ne représentaient encore que 5 % des investissements allemands à l’étranger, la Russie commence à devenir un moteur de développement très significatif pour l’Allemagne).

Ces trois dernières années, l’évolution s’est poursuivie si l’on ramène le commerce germano-russe à l’évolution globale du commerce extérieur allemand (marquée, comme partout sur la planète, par une très forte chute). Pour les dernières données disponibles sur le web (2008 et une partie de 2009), le poids de la Russie dans le commerce extérieur allemand continue de croître, à un rythme de l’ordre de +10% par an. La crise russe a sans doute endigué momentanément cette tendance, mais la dynamique d’ensemble n’est pas brisée.

Nul doute dans ces conditions que dans les cercles atlantistes, la cote de popularité de Frau Merkel est aujourd’hui assez loin du zénith atteint en 2003. Si le développement des relations germano-russes s’accompagnait d’une « démocratisation » de la Russie (c’est-à-dire de son occidentalisation), la démarche aurait probablement l’appui des USA. Mais ce n’est pas ici de cela qu’il s’agit ; on dirait plutôt que l’Allemagne a de moins en moins d’intérêts communs avec l’Ouest, et de plus en plus avec l’Eurasie. Et cela, ça ne doit pas plaire à Washington.

On relèvera donc avec intérêt que, depuis quelques temps, les milieux atlantistes semblent investir beaucoup sur un politicien totalement inconnu en France, mais doté en Allemagne d’une influence certaine : Friedrich Merz.

Un personnage haut en couleur, dont le portrait mérite le détour, tant il est révélateur. C’est lui qui va nous servir de « fil rouge » pour analyser, à travers un exemple assez croustillant, les stratégies d’influence de l’Empire en Allemagne.

Merz est avocat d’affaires. Sa notice Wikipédia nous apprend qu’il fut membre de l’association des étudiants catholiques, qu’il a été employé au début de sa carrière par l’industrie chimique, comme juriste, et qu’il fut tour à tour député européen et député au Bundestag (la CDU/CSU le positionna très bien au sein du comité des finances). Plutôt dans le sillage de Schaüble au début des années 2000, il survécut à la victoire de Merkel, et conserva l’essentiel de ses attributions au parlement. Il en profita pour enfourcher deux principaux chevaux de bataille : la libéralisation tous azimuts (réforme fiscale) et la critique du « passéisme » des musulmans immigrés en Allemagne. Bref, un politicien libéral néoconservateur bon teint.

Mais il y a aussi ce que Wikipédia ne dit pas. Par exemple, que depuis 2004, tout en poursuivant une carrière politique, Merz a travaillé pour « Mayer, Brown, Rove & Maw », une firme américano-britanico-mondialisée, en charge, entre autres, de la défense juridique de la compagnie « Hudson Advisors ». C’est intéressant, parce que cette compagnie racheta la banque IKB, après sa faillite en 2007, dans des conditions plus que douteuses (achat pour 150 millions d’euros, en échange d’une garantie gouvernementale de 600 millions d’euros). L’affaire a fait grand bruit Outre-Rhin, où un collectif des investisseurs spoliés s’est même constitué.

Plus croustillant encore, Merz, dont l’agenda semble indéfiniment extensible, a trouvé le temps, en 2005, de conseiller la banque Rothschild en Allemagne, au moment où un de ses fonds d’investissement, TCI (« the children investment ») attaquait la bourse allemande (pour dissuader le président de la Deutsche Börse de prendre le contrôle du London Stock Exchange). On remarquera ici, toujours pour le côté croustillant de l’affaire, que TCI fut officiellement constitué pour aider au développement des pays du tiers-monde via le microcrédit (comme si un hedge fund pouvait être une œuvre caritative !). Et que ce fonds spéculatif est en réalité connu pour pratiquer fréquemment de très agressives spéculations à la baisse, pratiquement assimilables à des manipulations de cours. TCI peut compter, pour appuyer sa démarche, sur la complicité des agences de notation, d’où sa forte profitabilité. Voilà pour les œuvres caritatives de monsieur Merz.

Sans doute parce qu’après ces affaires successives, un véritable concert de casseroles se faisait entendre derrière lui dans les couloirs du Bundestag, Merz ne s’est pas présenté aux élections de 2009, se mettant en quelque sorte « en retrait » de la vie politique officielle. Cela ne l’a pas empêché de continuer à faire avancer les affaires de ses mandants.

Merz, en quittant le Bundestag, devint président de la fondation Atlantik Brücke. Or, ces dernières semaines, on a assisté, au sommet de l’organigramme de cette fondation, à un curieux ballet. Friedrich Merz a été violemment attaqué par WLK (voir ci-dessus), au motif que Merz entraînait la fondation dans un conflit avec Merkel. Merz a en effet rédigé récemment un livre avec une figure du SPD (1), et ce serait la raison de l’ire de WLK – même si on subodore que ce n’est là qu’un prétexte, et qu’il s’agit ici de bien autre chose que d’un vulgaire bouquin.

WLK est président d’honneur de la fondation Atlantik Brücke depuis sa condamnation suite à l’affaire de la caisse noire de la CDU (une sorte de récompense pour avoir porté le chapeau, probablement). Président d’honneur, mais doté d’une influence plus qu’honorifique, il est parvenu, dans un premier temps, à obtenir l’éviction de Merz.

Mais dans un deuxième temps, celui-ci a regroupé ses soutiens, et finalement triomphé. Et cela n’est pas tout à fait anodin.

Un journaliste d’investigation allemand, Jürgen Elsässer, a eu la curiosité de regarder qui, au sein de la fondation Atlantik Brücke, avait soutenu WLK ou Merz. Et il s’est aperçu de quelque chose d’assez révélateur (2) : en substance, ce sont les représentants de la partie allemande de l’axe germano-américain qui ont soutenu WLK (la grande industrie), tandis que les représentants de la partie sous dominance capitalistique américaine (par exemple le rédacteur en chef de Bild Zeitung) appuyèrent Merz, lequel bénéficia dans l’ensemble du soutien de la grande presse (3). A l’intérieur de la fondation Atlantik Brücke, il y a donc eu reprise en main par les agents d’influence américains, au détriment de leurs associés plus soucieux des intérêts proprement allemands.

En somme, il se pourrait bien qu’avec l’affaire Merz, les milieux atlantistes aient envoyé un message à Merkel : n’oublie pas qui t’a fait roi. Une épée de Damoclès surmonte désormais la tête de Frau Merkel. A elle de ne pas se tromper à l’avenir. Le sacrifice de WLK et le sauvetage de Merz ressemblent bigrement à un avertissement adressé, par les milieux atlantistes, à des élites allemandes de moins en moins enclines à coupler leur économie à une Amérique qui leur a certes beaucoup rapporté par le passé, tant que les USA s’endettaient, mais qui risque maintenant de se transformer en fardeau, puisqu’ils sont ruinés.

*

Nous sommes moins bien renseignés sur la Russie que sur l’Allemagne. Il faut bien dire que le Kremlin n’est pas précisément réputé pour sa transparence…

Décidément, la Russie restera toujours la Russie. Pour qui voit les choses de loin, aujourd’hui, il y a, à Moscou, un Grand Tsar (Poutine), un héritier ambitieux (Medvedev) et des boyards comploteurs (les oligarques). Le Tsar a le soutien du peuple, l’héritier est obligé de s’appuyer sur les boyards pour acquérir de l’influence, et les agents étrangers naviguent entre les factions rivales dans une ambiance de cour byzantine. Le Grand Souverain parviendra-t-il à déjouer les complots des boyards pour sauver la Sainte Russie ? – Telle est la question. Il ne manque plus qu’un moine mystique dans la pénombre, et on se croirait dans un roman historique !

Bref, trêve de plaisanteries.

Essayons, armés du peu d’informations dont nous disposons, de démêler l’écheveau de la vie politique russe (la vraie, celle qui se joue dans les coulisses). Nous verrons que la Russie reste la Russie, mais que les choses sont, tout de même, un peu plus compliquées que dans un film d’Eisenstein.

Petit rappel du paysage russe, pour commencer.

Dans les années 1990, après l’écroulement de l’URSS, quelques dizaines d’oligarques se sont littéralement partagé les dépouilles de l’économie russe. C’est probablement le plus grand pillage de tous les temps, en tout cas la plus formidable disparition de valeurs jamais vue en temps de paix. De véritables colosses industriels ou miniers ont été bradés par Eltsine à ses « amis », c’est-à-dire, en fait, ses financiers.

En reprenant le pays, en 2000, Poutine fit preuve de pragmatisme. Conscient des rapports de force, il n’a pas attaqué frontalement les oligarques. Il s’est contenté de leur fixer les règles du jeu : ils eurent le droit de conserver leurs propriétés, même mal acquises, à une condition, les mettre au service de la grandeur et de la puissance de la Russie. L’officialisation de cette position s’est faite en deux temps : d’abord, dès son entrée en fonction, Poutine signa un décret qui exemptait Eltsine et son entourage de toute enquête sur leurs malversations (sans doute était-ce le prix à payer pour entrer en fonction) ; ensuite, ayant rassuré, il punit. Il disposait pour cela d’une force d’appoint décisive : le soutien des réseaux ex-KGB, bien décidés à restaurer la « verticale du pouvoir » (en d’autres termes : en finir avec l’anarchie destructrice des années Eltsine).

Mikhaïl Khodorkovski est alors le président du géant pétrolier Ioukos, qu’il a acquis pour une somme dérisoire par rapport à sa valeur réelle (à peu près 1,25 % d’après des estimations sérieuses). Il envisage de revendre l’entreprise à un groupe occidental. Poutine s’y oppose, mais Khodorkovski persiste – il vient de transmettre ses parts au financier britannique Jacob Rothschild. Cette fois, l’oligarque a passé une ligne rouge : il est arrêté et condamné à huit ans de prison. Le message est simple : tant que vous obéissez à Poutine, on ne vous demande pas de compte sur la période Eltsine. Mais si vous désobéissez, vous aurez l’insigne honneur de participer avec enthousiasme à la colonisation de la Sibérie (Khodorkovski est, aux dernières nouvelles, à l’isolement dans une colonie pénitentiaire située sur un gisement d’uranium à ciel ouvert – Elie Wiesel a d’ailleurs lancé une campagne pour essayer de le sortir de là – on lui souhaite bonne chance).

La plupart des oligarques se sont accommodés de la méthode Poutine. D’abord parce qu’ils n’avaient pas envie de finir à l’isolement sur un gisement d’uranium, ensuite parce qu’au fond, ils savent bien que la « verticale du pouvoir » est indispensable en Russie.

Parmi les oligarques qui se rallièrent à Poutine (Roman Abramovitch, Pavel Fedoulev, Vladimir Potanine…), le plus important était sans doute Anatoli Tchoubaïs. Retenons ce nom, ce sera notre « fil rouge » pour décoder l’influence atlantiste en Russie.

Les milieux d’affaires occidentaux ont toléré mise en place du système Poutine parce qu’ils n’avaient tout simplement pas le choix. Ils ont bien tenté de financer des partis libéraux, avec Gary Kasparov en figure de proue, mais le libéralisme est, en Russie, assimilé à l’ère Eltsine, de sorte qu’il culmine à 5 % des votes. En réalité, il est complètement impossible de réaliser, en Russie, une « révolution colorée » à la Soros (comme celle qui fut tentée et, provisoirement, réussie en Ukraine), parce qu’à part Moscou et Saint-Pétersbourg (et encore), le pays est totalement imperméable au projet libéral anglo-saxon. Comme il n’est pas non plus envisageable d’attaquer militairement la Russie, dès lors que le Kremlin est unifié et déterminé, les acteurs sous influence occidentale ne peuvent jouer qu’un rôle subalterne.

Mais les données du problème changent dès lors que le Kremlin n’est plus unifié. La rupture apparente du tandem Poutine-Medvedev offre donc, depuis quelques mois, de nouvelles possibilités d’action aux « occidentaux ».

L’homme à suivre en premier lieu est, sans doute, notre « fil rouge » : Anatoli Tchoubaïs. Surnommé « le père de tous les oligarques », c’est de toute manière un personnage-clef. C’est lui qui organisa, en grande partie, la privatisation-pillage des années 90. C’est encore lui, aujourd’hui, dont l’influence grandit au sein du cercle Medvedev – du moins dans la mesure où nous sommes informés correctement des évolutions au sein d’une direction moscovite fort peu transparente.

Tchoubaïs fait partie des milieux économiques qui souhaitent orienter la Russie vers les technologies de pointe, en particulier l’informatique civile et les nanotechnologies, pour diversifier une économie trop dépendantes des exportations de matières premières – ce en quoi il n’a pas forcément tort. Il est surprenant qu’un pays à la pointe de la recherche militaire (développement des systèmes laser anti-détection sur les avions de chasse, sous-marins nucléaires ultra-furtifs de quatrième génération, chasseur T-50 de cinquième génération, comparable au F-22 américain) ne soit capable d’exporter que des matières premières… et des armes.

Or, on a pu constater, ces dernières semaines, que Medvedev semblait s’approprier le projet « high tech » de Tchoubaïs. En mai 2010, dans un discours au comité pour la modernisation de l’économie russe, il a pris position en faveur du développement accéléré des technologies de l’information et de la communication. On remarquera ici, au passage, que ce choix impliquerait le développement d’une plus forte intégration entre l’économie russe et le leader dans ce domaine, leader qui reste (au moins pour ce qui relève du software) les Etats-Unis – et impliquerait, en contrepoids, un moindre investissement dans le projet industriel classique qui sous-tend évidemment le commerce germano-russe.

En filigrane, on doit peut-être ici discerner un axe Tchoubaïs-Medvedev, le premier « vendant » au second l’intégration de la Russie dans l’économie occidentale, sur un pied d’égalité, le second s’empressant de croire à la promesse (pourtant bien nébuleuse) du premier, afin de se doter d’un soutien de poids, dans la perspective d’un face-à-face avec Poutine aux élections prochaines. La communication très « occidentalisante » adoptée par Medvedev ces derniers temps (rencontre avec Bono, le leader de U2, etc.) laisse penser que c’est le cas.

Si cette analyse est correcte, alors il semble bien que Tchoubaïs ait décidé de miser sur Medvedev en vue d’accroître le pouvoir des oligarques – une intrigue de palais, au sein des tout petits milieux pétersbourgeois qui trustent les postes de responsabilité à Moscou, depuis dix ans (Tchoubaïs, Poutine et Medvedev sont tous trois issus de la « suite » d’Anatoli Sobtchak, ex-maire de Saint-Pétersbourg). Mais peut-être est-ce, aussi, un peu plus qu’une intrigue de palais… Dans quelle mesure Tchoubaïs agit-il ici sur ordre des occidentaux ? Bien malin qui pourrait répondre à cette question. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est que son influence joue en faveur d’un retour de l’Occident en Russie.

Poutine, l’homme de l’alliance chinoise, contre Medvedev, l’homme de l’OTAN ? Sans aller jusque là, force est de constater que les lignes de communication respectives des deux hommes, à ce stade, laissent penser qu’un véritable affrontement se prépare. D’un côté, Medvedev, l’ex-fan de hard rock, partisan de l’inscription de la Russie dans l’univers occidental (virtualisme, nouvelles technologies). En face, Poutine, l’homme de la Russie profonde, partisan d’une politique de puissance et champion de la lutte anti-corruption (récent discours très dur, sur ce sujet, pour dénoncer les dérives de la bureaucratie au niveau local – purges en perspective ?).

Poutine est fort de son bilan (la gestion de la crise financière de 2008 a été remarquable, la dévaluation du rouble a permis une relance rapide). Medvedev, lui, entend communiquer sur un retour du rêve occidental.

Medvedev propose implicitement à la Russie de capitaliser sur son statut de puissance retrouvé (symbole fort : pour la première fois, en 2009, les ventes d’armes russes ont dépassé celles des USA en Amérique Latine). Dans la logique Medvedev, il s’agit, à présent que le siège semble brisé (axe économique germano-russe en construction, Ukraine à nouveau sous contrôle, présence marquée en Asie Centrale, abandon du projet antimissiles US en Europe de l’est) d’encaisser les dividendes : principalement, obtenir le soutien de l’Occident pour une intégration accélérée dans l’OMC (4), et de manière plus générale une place honorable dans l’ordre économique international. Le président russe peut compter, pour déployer cette communication, sur le soutien d’une partie des médias. Et il dispose, il ne faut pas s’y tromper, d’arguments réels : pour diversifier son économie, la Russie a besoin d’importer du savoir-faire occidental, comme la Chine l’a fait ces dernières décennies – et cela, c’est un fait.

Poutine, de son côté, a déjà fait donner ses propres réseaux (l’appareil d’Etat, principalement) pour contrebattre la ligne de communication Medvedev. En filigrane, derrière ces discours pro-Poutine, on devine une mise en garde : le « rêve occidental » n’est qu’un leurre. Le siège n’est pas définitivement brisé, il est trop tôt pour encaisser les dividendes. L’influence anglo-saxonne continue, partout où elle le peut, de contrecarrer le retour de la Russie (en Asie centrale, en Europe de l’est, mais aussi, désormais, en Amérique Latine). Les livraisons d’armements OTAN à la Géorgie se poursuivent. Comment attendre quoi que ce soit de l’Occident, dans ces conditions ?

Ce qui rend ce heurt apparent très difficile à analyser, c’est qu’il est impossible, en Russie, de séparer les prises de position des deux hommes du consensus latent des élites qui les soutiennent. Or, ces élites sont caractérisées par une opacité extrême, et une stabilité sous-jacente qu’on n’imagine pas en Occident. Détail révélateur, c’est la même plume qui rédige aujourd’hui les discours de Medvedev, rédigeait hier ceux de Poutine, et avant-hier ceux de Eltsine. En fait, il faut bien garder en tête, ici, que nous pouvons avoir l’impression d’un clivage Poutine / Medvedev, et que cependant, dans la réalité, dans la coulisse, il y a consensus pour négocier un accord avant la prochaine élection présidentielle. Tout ce qu’on peut dire à ce stade de solide et sérieux, c’est que la marge de manoeuvre de Medvedev, jusque là presque nulle, semble croître, et que des influences pro-US très fortes se manifestent désormais au niveau des classes dirigeantes russes.

Medvedev n’est pas l’homme qui fera basculer la Russie dans l’atlantisme, c’est plus compliqué que cela. Il faut toujours se souvenir que Poutine voulait initialement se lier avec les USA, et que c’est Washington, au départ, qui a refusé sa proposition de partenariat, il y a dix ans. En Russie, rien n’est simple, tout est possible.

*

Derrière l’affaire Merz en Allemagne et le cas Tchoubaïs en Russie, une isomorphie : un Empire en train de perdre la maîtrise de la mondialisation qu’il impulse, et qui, pour retarder et si possible annuler les conséquences de son déclin dans l’économie réelle, pour contrôler les élites rivales et maîtriser leurs choix, mise sur la cooptation sélective au sein de ces élites.

Plutôt que la « révolution colorée » méthode Soros, et (pour l’instant) aux antipodes de la brutalité néoconservatrice, on retrouve là le schéma d’influence proposé par Z. Brzezinski, l’éminence grise de Barack Obama.

Quelques citations de son ouvrage principal, « Le Grand Echiquier » (5) :

« Par définition, les empires sont des entités politiques instables, parce que les unités subordonnées préfèrent, presque toujours, acquérir une plus grande autonomie. Et presque toujours, les contre-élites gérant ces unités s’emploient à accroître leur autonomie. » (citation que Z.B. tire de l’universitaire Donald Puchala.)

« Pour l’Amérique, l’enjeu géopolitique principal est l’Eurasie. Depuis cinq siècles, les puissances et les peuples de ce continent ont dominé les relations internationales. Aujourd’hui, c’est une puissance extérieure [l’Amérique] qui prévaut en Eurasie. Et sa primauté globale dépend étroitement de sa capacité à conserver cette position. »

« Tous les rivaux politiques et/ou économiques des Etats-Unis sont situés en Eurasie. Leur puissance cumulée dépasse de loin celle de l’Amérique. Heureusement pour cette dernière, le continent est trop vaste pour réaliser son unité politique. »

« Si l’espace central de l’Eurasie [la Russie] peut être attiré dans l’orbite de l’ouest [l’Europe], où les Etats-Unis sont prépondérants, […] et si l’Est [Chine-Japon] ne réalise pas son unité de sorte que l’Amérique se trouve expulsée de ses bases insulaires, cette dernière conservera une position prépondérante. »

« L’arme nucléaire a réduit, dans des proportions fantastiques, l’usage de la guerre comme prolongement de la politique. […] Ainsi les manœuvres, la diplomatie, la formation de coalitions, la cooptation et l’utilisation de tous les avantages politiques sont désormais les clefs du succès dans l’exercice du pouvoir géostratégique. »

« Dans la terminologie abrupte des empires du passé, les trois grands impératifs géostratégiques se résumeraient ainsi : éviter les collusions entre vassaux et les tenir dans l’état de dépendance que justifie leur sécurité ; cultiver la docilité des sujets protégés ; empêcher les barbares de former des alliances offensives. »

« La France et l’Allemagne sont assez puissantes pour avoir une influence régionale au-delà de leur voisinage immédiat. […] De plus en plus, l’Allemagne prend conscience des atouts qu’elle a en propre. […] Du fait de sa situation géographique, l’Allemagne n’exclut pas la possibilité d’accords bilatéraux avec la Russie. »

« La Russie a de hautes ambitions géopolitiques qu’elle exprime de plus en plus ouvertement. Dès qu’elle aura recouvré ses forces, l’ensemble de ses voisins, à l’est et à l’ouest, devront compter avec son influence. »

« Un scénario présenterait un grand danger potentiel : la naissance d’une grande coalition entre la Chine, la Russie et peut-être l’Iran. »

« On peut s’inquiéter d’un échec du processus [d’unification européenne] et de ses conséquences […] pour la place de l’Amérique sur le continent. […] La Russie et l’Allemagne pourraient tirer parti de cette nouvelle situation et se lancer dans des initiatives visant à satisfaire leurs propres aspirations géopolitiques. »

Ce paragraphe, très important dans le contexte actuel, signifie que Brzezinski souhaite dans une certaine mesure le développement des liens germano-russes, mais seulement si l’Allemagne est, via l’Union Européenne codirigée avec une France capable de maintenir une forme de parité, ancrée dans un monde atlantique lui-même sous leadership américain. Brzezinski parle, pour décrire l’Europe qu’il souhaite, de « tête de pont de la démocratie » (en clair : de l’Amérique). Et donc, une situation, où la France serait trop faible pour maintenir cette parité, modifierait fondamentalement l’attitude des USA à l’égard de la question germano-russe – surtout si, dans le même temps, l’Amérique est si affaiblie qu’elle n’a plus les moyens de faire clairement percevoir son leadership global.

Nous avons confirmation de cette lecture plus loin : « A long terme, la France est un partenaire indispensable pour arrimer définitivement l’Allemagne à l’Europe. […] Voilà pourquoi, encore, l’Amérique ne saurait choisir entre la France et l’Allemagne. »

En clair : aussi longtemps que l’Europe s’unifie sous la tutelle américaine, l’Allemagne doit être poussée à étendre sa zone d’influence vers l’est. Mais si ce nouveau Drang nach Osten devait déboucher sur la définition d’un axe Berlin-Moscou émancipé de la tutelle US, alors il faudrait que les USA donnent les moyens à la France de rééquilibrer l’Europe. Ce point est, évidemment, pour nous, Français, d’une grande importance. Nous allons peut-être avoir, enfin, la possibilité de desserrer l’étau de l’alliance germano-américaine.

*

De tout ceci, en attendant, on peut tirer une conclusion simple s’agissant de l’Empire : nous assistons probablement, derrière l’affaire Merz et le cas Tchoubaïs, au déploiement d’une vaste stratégie US, dont la finalité est d’empêcher que la « tête de pont de la démocratie » se mue, en éclatant, en tête de pont de l’économie eurasiatique.

Profondément affaiblie par la crise économique, l’Amérique perd la maîtrise de la mondialisation. Si, comme on peut le penser, sa « reprise » en trompe-l’œil, financée par le déficit budgétaire, implose dans les deux ans qui viennent, la balance pourrait commencer à peser de plus en plus nettement en faveur de la Chine, y compris au sein des classes dirigeantes européennes – et allemandes en premier lieu. Une situation qui pourrait entraîner, à long terme, la constitution d’une économie eurasiatique dynamique et partiellement intégrée, dont l’Amérique, déclassée, ne serait plus qu’une périphérie.

Le troisième impératif de Brzezinski, « empêcher les barbares de former des alliances offensives », ne serait alors plus garanti, puisque le premier, « éviter les collusions entre vassaux », aurait volé en éclat. Il y a treize ans, dans « Le Grand Echiquier », Brzezinski écrivait, en substance, que pour conduire à terme le projet mondialiste dans de bonnes conditions, il fallait que l’hégémonie US soit maintenue encore pendant une génération – il est de plus en plus évident que cette condition sera peu aisée à remplir. Le fond du problème est évident, il suffit de relire « Le Grand Echiquier » pour le comprendre : la montée en puissance de la Chine va beaucoup plus vite que ce qui avait été anticipé par Brzezinski.

Peu capables de s’opposer à cette dynamique économique de fond, les milieux atlantistes ont, de toute évidence, choisi pour l’instant de jouer sur les armes d’influence recommandées par Brzezinski : « les manœuvres, la diplomatie, la cooptation ».

Sur ce dernier point, il écrit, dans « Le Grand Echiquier » : « Deux étapes fondamentales sont donc nécessaires. Premièrement, identifier les Etats géopolitiquement dynamiques qui ont le potentiel de créer un basculement important en terme de distribution internationale du pouvoir, et décrypter les objectifs poursuivis par leurs élites politiques, et les conséquences éventuelles. Deuxièmement, mettre en oeuvre des politiques US pour les compenser, coopter, et/ou contrôler. »

Compenser : Medvedev contre Poutine, la fondation Atlantik Brücke contre une partie du haut patronat allemand. Coopter : Merz. Contrôler : Tchoubaïs.

Si la démarche échoue, il ne restera plus à l’Empire qu’à choisir entre la défaite et la guerre.

—————————

Notes :

(1) « Ce qu’il faut faire maintenant : l’Allemagne 2.0 », coécrit avec un ancien politicien SPD, « de gauche », Wolfgang Clement. L’étiquette « gauche » ne doit pas ici abuser le lecteur. Ce monsieur Clement, maintenant retiré de la vie politique, siège à de nombreux conseils de surveillance – sans doute une récompense pour avoir conduit une bonne partie des réformes social-libérales de l’ère Schröder.

(2) Source : « Est-ce que les cercles anglo-américains préparent une rocade du pouvoir en Allemagne ? », Jürgen Elsässer Blog

(3) Par exemple, la Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ, l’équivalent allemand du Figaro) a publié, en mai 2010, un article présentant les critiques de WLK comme « peut-être » infondées, et « peut-être » motivées par de vulgaires considérations financières : « Bataille boueuse ».

Cet article a été écrit par un monsieur Majid Sattar, d’origine irakienne, qui a fait ses études aux USA.

(4) Il est utile, pour comprendre le positionnement de Medvedev, de se souvenir que lorsqu’il discute avec les Américains de l’Iran, par exemple, c’est entre deux séances de travail sur l’admission de la Russie à l’OMC.

(5) Le texte de Brzezinski est entouré de circonlocutions et formules obligées visant à nous présenter son projet comme l’expression d’une hégémonie américaine « bienveillante », destinée à conduire le monde vers la paix universelle et la démocratie. J’épargnerai au lecteur de subir ici ces formules hypocrites, pour mettre plutôt en exergue les passages qui traduisent, selon toute probabilité, la pensée profonde de l’auteur : défendre un Empire inégalitaire et prédateur, pour les meilleurs intérêts de ses classes dirigeantes corrompues.

(6) Ce texte a été rédigé avec l’aide bénévole de l’ami Fritz et d’oncle Vania, que l’auteur tient à remercier tout en respectant leur anonymat.

Scriptoblog

mercredi, 15 septembre 2010

Bloc continental, Lumière du Nord, Endkampf et Imperium Magnum

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

 

Bloc continental, Lumière du Nord, Endkampf et Imperium Magnum

 

Une lettre de Jean PARVULESCO

 

 

Le 16 mai 1991.

 

parvulesco.jpgCher Robert Steuckers,

 

je ne pense pas qu'il me faille le cacher, et bien moins encore vous le cacher à vous, c'est en quelque sorte la réception de votre dernier envoi, celui-ci ayant donc eu à accomplir, en l'occurrence, une mission pour ainsi dire pro­videntielle, envoi comprenant les revues Vou­loir janvier-février 1991 et Orientations été 1990 et hiver 1990-1991, cette dernière axée sur la grande bataille géopolitique finale ac­tuellement en cours et sur le concept hau­shoférien fondamental du Kontinentalblock, qui a brusquement cristallisé ma décision de rejoindre à nouveau, à titre personnel et quoi qu'il en fût, la Ligne de Front du combat à la fois tragique et total dont nous autres nous portons encore et toujours en nous la prédes­tination abyssale, le feu secrètement inextin­guible et le Nom Prohibé, qui n'en finit plus d'être celui de l'Honneur s'appelant Fidélité. Ainsi, tout rentre à nouveau dans la zone de l'attention suprême.

 

(1) Je le tiens pour une évidence aussi tran­chante qu'inconditionnelle, l'histoire mondiale et juqu'à l'histoire ontologique du monde ap­prochent aujourd'hui vertigineusement de la ligne d'un non-retour final, cette ligne de fron­tière et d'engouffrement vers laquelle se trou­ve aujourd'hui fatidiquement emporté, et com­me aspiré en avant n'étant autre que celle de l'au­to-consommation apocalyptique des temps, ce que la pensée traditionnelle in­dien­ne appelle Mahapralaya, la «Grande Dis­solution».

 

Mais, d'autre part, si, à présent, le cycle final des grands cycles à leur fin va devoir lui-même connaître, catastrophiquement, sa pro­pre fin, il n'est pas moins certain qu'au delà de l'inéluctable déjà en marche d'autres temps viendront, porteurs d'un monde autre et d'horizons historiques entièrement, incon­cevablement autres.

 

(2) Ceux de la grande lumière du Nord, ceux de l'ancienne Nordlicht ne l'ignorent pas, et ne l'ont jamais ignoré: au-delà de l'ensemble de toutes ces catastrophes terminales, catas­trophes que la tradition nordique secrète a prévues et sans cesse annoncées, nous allons à présent vers le Renversement des Pôles, vers le mystérieux Paravrti  tantrique projeté sur ses dimensions cosmiques ultimes, nous nous apprêtons à connaître le retour de l'A­xe Polaire vers son élévation transgalac­tique des origines, élévation héroïque et di­vine, intacte et, de par cela même, régénérée et ré­générante, renouvelante et salvatrice en ter­mes de libération totale et de recommen­ce­ment total.

 

«Je rappelle aussi que la dernière des grandes catastrophes eut pour conséquence le bascu­lement de l'axe des pôles. Ce fut comme un gigantesque coup de balai cosmique pour net­toyer la terre trop polluée. L'Atlantide ne con­naître plus jamais l'éternel printemps de l'âge d'or», écrit Bernard Delafosse dans son roman prophétique, paru en 1990 chez Guy Tréda­niel, Des vies de lumière.

 

«A une certaine époque, l'axe de la terre s'est déplacé, et ce choc a dû disloquer l'ensemble de sa surface, provoquer des dévastations ir­rémédiables», lit-on aussi dans l'extraor­di­nai­re roman de l'Australien Earle Cox, La Sphè­re d'Or, paru en 1925 et repris par Néo en 1987.

 

Lorsque survint le cataclysme du Renverse­ment des Pôles, la race habitant alors la terre avait atteint, d'après la Sphère d'Or, «les plus hauts sommets que l'humanité puisse at­tein­dre», entendons que l'humanité puisse at­teindre en se dépassant elle-même, en s'é­le­vant aux stades ultimes d'une suprême sur­humanité.

 

Or, à ce moment-là tout comme aujourd'hui  —la spirale ascendante du devenir cosmogo­nique retrouve les mêmes situations d'être, les mêmes états ontologiques, à des niveaux de plus en plus élevés, de plus en plus pa­ro­xystiques, de plus en plus sombrement tra­giques­­—  le seul problème salvateur appa­rais­sait donc comme étant, toujours en sui­vant la Sphère d'Or, celui de «transmettre le flam­beau d'une race mourante à celle qui n'était pas encore née».

 

(3) Aussi le prochain retour des fondations oc­cultes de ce monde à la conscience originale d'une race suprahumaine, préontologique­ment identique à elle-même et redevenant ainsi, encore une fois, surpuissante et même toute-puissante, se trouvera-t-il posé dans les termes mêmes du projet révolutionnare abys­salement encore et toujours présent, vivant et agissant dans les profondeurs du sang de cette race et de son immémoire transcendan­tale, et sur la ligne de confrontation de toutes les grandes batailles métapolitiques à venir ce seront donc les dénominations visionnaires de cette race, les concepts de sa propre géopoli­tique transcendantale en action, qui décide­ront du sens des recommencements à venir et de leur histoire encore, en ces temps, pour nous, in-prépensable (in-prépensable prove­nant, ici, du concept heideggerien d'unvor­denk­lich).

 

Qui dira et qui, de par ce dire même, fera ain­si émerger à nouveau des profondeurs océa­niques de la «grande histoire», pour les im­poser révolutionnairement à son cours fi­nal, les concepts géopolitiques d'avant-garde de sa propre vision de l'histoire et du monde, dé­ci­dera, ce faisant, de l'histoire du monde et du monde de l'histoire à sa fin.

 

Ainsi les grandes batailles décisives pour la domination finale du monde seront-elles, dé­sormais et jusqu'à la fin, des batailles conçues et définies exclusivement en termes de géo­politique totale, en termes de géopolitique im­périale au double niveau planétaire et cos­mique, «galactique».

 

La domination finale du monde n'est désor­mais plus rien d'autre que le fait impérial de sa définition géopolitique ultime, le monde et son histoire appartiennent désormais à qui parviendra à en donner, à en imposer la der­nière définition géopolitique totale.

 

(4) Les concepts géopolitiques ultimes que je propose donc pour la prochaine instruction ré­volutionnaire impériale de la géopolitique agis­sante de ce monde et de son histoire à sa fin sont les suivants:

 

- Le concept d'Endkampf, interpellant et ré­gissant le mystère déflagrationnel de la ba­taille finale pour la domination totale du mon­de et de l'histoire du monde à sa fin.

 

- Le concept révolutionnaire de Nordlicht, qui en appelle à la lumière originale de l'être, à la conscience polaire de soi-même et du monde, conscience à la fois fondamentale et fondationnelle des nouveaux recommence­ments du monde et de cette nouvelle histoire du monde par le truchement de laquelle ses propres recommencements se trouvent à nou­veau posés, et posés, très précisément, par nous-mêmes, en termes de géopolitique totale, en termes de «géopolitique transcendentale».

 

- Recommencements de l'histoire du monde qui, posés, ainsi, en termes de géopolitique to­tale, aboutissent révolutionnairement à l'exi­gence de la mise en être immédiate, de la mi­se en histoire directe du concept polaire, du concept métahistorique suprême de l'Impe­rium Magnum.

 

Ainsi allons-nous rejoindre et découvrir, dans les chemins de nos plus proches combats à venir, le concept géopolitique révolutionnaire immédiat de la Fédération européenne et grand-continentale du futur Empire Eu­ra­sia­tique, de l'Imperium Magnum pré­on­tologiquement toujours présent dans la cons­cience abyssale de notre race, dans l'enso­leillement préontologique polaire de la Nord­licht.

 

- Enfin, si j'avançais aussi, en citant Moeller van den Bruck et les conclusions de son essai visionnaire Das Dritte Reich  où il dit qu'il n'y a qu'un seul Reich  comme il n'y a qu'une seule Eglise, il apparaîtra que le signe apoca­lyptique des profondeurs, annonçant et met­tant en branle l'irrévocabilité ontologique, l'immaculée conception du recommencement métahistorique polaire et impérial de la fin de l'actuelle histoire du monde, sera le signe de l'avènement d'une nouvelle religion propre à la race héroïque et divine qui assumera, qui assume déjà, souterrainement, dans son être, dans son sang transcendantal, dans ses plus secrets destins désormais à l'œuvre, le pas­sage en continuité au-delà des abîmes de sa propre fin et de la fin du monde, de son his­toire à sa fin et au-delà de sa fin.

 

- A l'heure de son passage à l'histoire, le concept géopolitique ultime qui est celui d'Im­perium Magnum  recouvrant le projet de la Fédération européenne grand-continen­ta­le du futur Empire Eurasia­tique, exi­ge­ra que sa mise en processus ins­titue un corps spécial de protection idéolo­gique et de com­mandement, une comman­derie européen­ne grand-continentale, occulte à ses dé­buts, se dissimulant derrière ses propres struc­tures géopolitiques de pré­sence et d'ac­tion extérieures, mais appelée à se dévoiler historiquement et politiquement à mesure que va s'accomplir sa tâche impériale en avant.

 

En assumant, quant à moi, toutes mes res­ponsabilités avouables et autres, et je dirais même les autres surtout, j'ai donc pris sur moi de procéder, sans plus attendre, à la ré­activation confidentielle des Groupes Géo­politiques ayant déjà été mis directe­ment en piste, à l'intérieur de l'appareil sou­terrain gaulliste faisant suite à 1968, de re­prendre la publication, dans un cercle res­treint, de la lettre confidentielle De l'At­lantique au Pacifique, d'envisager l'instal­lation sociale immédiate de l'Institut de Re­cherches Métastratégiques Spé­ciales «At­lantis» (IRMSA), ainsi que d'un certain nom­bre d'autres instances activistes.

 

Ce qui s'est ainsi mis en marche, j'en ai pris l'engagement sans faille, ne s'arrêtera plus. Je ferai tout ce qui doit être fait.

 

je vous prie de recevoir, cher Robert Steu­ckers, mon meilleur salut de camarade,

 

Jean PARVULESCO.

mardi, 14 septembre 2010

Marc Rousset: la nouvelle Europe Paris-Berlin-Moscou

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Marc Rousset:

"La Nouvelle Europe Paris-Berlin-Moscou"

Ed. Godefroy de Bouillon

 Présentation de l'éditeur

Sommes-nous des citoyens transatlantiques ou des citoyens paneuropéens ? Pourquoi les Européens devraient-ils s' insérer dans un quelconque Commonwealth du XXIe siècle piloté par Washington ? L Europe ne va pas de Washington à Bruxelles, mais de Brest à Vladivostok. La Russie est européenne par ses vingt-cinq millions de morts qui ont scellé pendant les deux dernières guerres mondiales le destin de l' Europe. Si le catholicisme et l'orthodoxie sont les deux poumons de l'Eglise, ils sont aussi ceux de l Europe. Le contrôle de la Sibérie sera l enjeu stratégique du XXIe siècle entre la Grande Europe et la Chine. La Russie est à la fois l'Hinterland , le Far East de l' Europe par ses grands espaces et un avant-poste par rapport à la Chine et à l' Islam de l Asie centrale. Dans ces régions, l' Européen, c' est le Russe. L objectif ultime à atteindre serait la constitution d un arc boréal paneuropéen de nations qui intégrerait le monde slave et orthodoxe. Il se concrétiserait par le rapprochement entre l' Europe carolingienne, capitale Strasbourg, et la Russie, seule alliance bipolaire capable d arrimer efficacement sur le Rhin et la Moskova cette nouvelle Grande Europe. L ' avenir de l' Europe n' est donc pas dans une Union européenne qui gonfle démesurément, jusqu à en perdre son identité, mais dans la création de deux alliances ouest et est européennes qui s équilibrent mutuellement et rivalisent amicalement.

Biographie de l'auteur

Marc Rousset, diplômé H.E.C, Docteur ès Sciences Economiques, MBA Columbia University, AMP Harvard Business School, a occupé pendant 20 ans des fonctions de Directeur Général dans les groupes Aventis, Carrefour et Veolia. Il est l auteur de Pour le Renouveau de l Entreprise (préface de Raymond Barre, aux Editions Albatros, 1987), de la Nouvelle Europe de Charlemagne (préface d Alain Peyrefitte, aux Editions Economica, 1995, Prix de l Académie des Sciences Morales et Politiques) et des Euroricains (préface d Yvon Gattaz de l Institut aux Editions Godefroy de Bouillon, 2001).
 
Et, pour alimenter la polémique, ces observations:
 
"J’ai reçu certaines remarques à propos de mon commentaire de ce livre (*), qui montrent bien que le sujet traité par Marc Rousset  fait débat.

D’abord sur la nécessité d’une entité européenne, indépendante des Etats-Unis d’Amérique et plus proche de la Russie.

Pour Marc Rousset, s’il ne se constitue pas un « noyau carolingien » de 160 millions d’hommes, les nations européennes disparaîtront dans un monde où l’Amérique atteindra 500 millions d’hommes et la Chine 1,3 milliard d’habitants. Cette entité a à la fois vocation et intérêt à se rapprocher de la Russie, pour être en quelque sorte l’hinterland européen de ce pays qui lutte pour sa survie alors qu’il demeure le plus solide rempart de la civilisation européenne.

Sans doute l’auteur ne confond-il pas, dans son analyse, et je me dois de le signaler, ce rapprochement avec une soumission du genre de celle que l’Europe actuelle témoigne aux Etats-Unis. Mais plutôt y voit-il une alliance fondée sur la continentalité, la culture commune, les intérêts convergents.

De même, certains regrettent que ne soit pas détaillée plus avant la thèse de Marc Rousset sur la nécessité d’une langue commune, pour contrer l’anglo-américain actuellement dominant. Pour l’auteur, elle a toujours été nécessaire depuis l’origine des grandes entités et il rappelle avec justesse qu’en Europe ce fut, un moment, le français. Si les Européens n’adoptent pas un langage commun, leurs Etats, dont par exemple la France, ne pourront se défendre contre la contagion actuelle et deviendront à terme des « Louisiane » : l’espéranto devrait, à défaut du français, jouer ce rôle.

Je fais donc ces mises au point par souci d’objectivité.

Mais je persiste et signe : Avons-nous besoin de grands ensembles, constitués de pays qui ont de grandes différences de mœurs et de cultures lesquels sont façonnés par l’Histoire de chacun d’eux et nos intérêts économiques sont-ils toujours convergents ? De solides alliances militaires entre nations libres et souveraines, par exemple sur le modèle du traité de Washington pour l’Otan (quand elle servait à quelque chose), de bons accords commerciaux et de libre-échange ne suffisent-ils pas à assurer la paix et la prospérité aux citoyens de ces nations qui devraient rester indépendantes et n’épouser aucune querelle étrangère ?

Certes, la Russie n’est plus l’Union soviétique et Marc Rousset à raison de le dire. Certes, le bon sens devrait suffire à comprendre que nous avons plus d’affinités avec ce pays chrétien continental dont l’histoire est longue et riche. Mais la réalité est souvent cruelle et la prudence demeure de mise lorsqu’il s’agit de la liberté fondamentale des nations.

Mais le débat est ouvert, grâce à cet ouvrage qui est un vrai pavé dans la mare de la pensée politiquement conforme".

Pierre Millan

samedi, 11 septembre 2010

Géopolitique et heurs et malheurs de la défense européenne

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2003 

GEOPOLITIQUE et HEURS ET MALHEURS DE LA DEFENSE EUROPEENNE

 

« L’Europe ne pourra être un des pôles d’un monde redevenu multipolaire si elle n’est pas en mesure de définir une politique étrangère qui lui soit propre, de mettre en place une défense européenne, et de maîtriser son approvisionnement énergétique ».

                                                               Henri de Grossouvre (Défense Nationale –février 2003).

 

Malgré des avancées, le projet de défense européenne demeure frileux et insuffisant et ne se caractérise que par son « irritante lenteur ». Nous osons cependant croire (comme nous l’avions écrit- Cf NDSE N°14-1995) qu’un jour ce processus débouchera sur une authentique défense de l’Europe.

Mais certains thèmes devront être définitivement clarifiés. Ainsi en est-il évidemment des relations transatlantiques. Mais il faudra auparavant que le lien qui unit défense et politique soit réaffirmé et que la nature conflictuelle des relations internationales devienne un credo pour les décideurs européens qui, semble-t-il, ne croiraient « plus en la possibilité d’utiliser la force armée pour résoudre un quelconque problème politique » (Fareed Zakaria, commentateur américain). Au delà c’est la question des limites de l’espace européen qui devra être abordée ainsi que celle de la « définition de l’Ennemi ». Si ces thèmes devaient demeurer éternellement dans les brumes, ne doutons pas que la défense européenne reste un « objet militaire non identifié ».

 

AMER CONSTAT

 

                « Il ne fait plus de doute aujourd’hui que cette défense européenne se fera, mais elle ne fera rien ». Ce constat pessimiste mais clairvoyant d’un chroniqueur d’un grand quotidien français traduit malheureusement la réalité. Près de quinze ans après la chute du mur de Berlin, bifurcation historique s’il en fut, l’Europe de la défense est toujours dans l’attente. Mais comment pourrait-il en être autrement alors même que l’Europe politique est toujours en gestation ?[1]

 

En 1989, après l’effondrement du monde communiste et la re-connexion géographique du continent, nous avions pensé que l’Europe, devenue UNE, pouvait œuvrer à une géopolitique grand-continentale européenne (version contemporaine du Kontinentalblock haushoférien), retrouver sa géographie et son histoire, rivaliser à nouveau avec les autres grandes puissances[2] sur la scène internationale.

 

Les années ont passé. Certes l’Europe n’est pas restée passive. Mais en ce qui concerne la Politique Etrangère et de Défense Commune (PEDC)- nous savons depuis Raymond Aron et son ouvrage célèbre Paix et guerre entre les nations que diplomatie et défense sont indissociables - malgré des avancées prometteuses, la pusillanimité des interventions est inversement proportionnelle au volontarisme des accords.

 

Dans le camp adverse; « l’Autre »[3], Etats-Unis bien sûr, mais également d’autres puissances comme la Chine, l’Inde, la Russie et des entités non-étatiques, dépourvues de « citoyenneté internationale » (terrorisme, monde islamique …) entendent bien avoir leur place sur l’échiquier mondial. Tous ces acteurs ont déployé une grande activité géopolitique et stratégique, confirmant avec acuité que les croyances iréniques de fin de guerre froide ont volé en éclat. La « mondialisation heureuse » n’est pas le paradis annoncé. La théorie de « la fin de l’Histoire » chère à Francis Fukuyama, projet orwellien en gestation,  n’est pas l’avenir de l’humanité. La logique de puissance et de prédation perdure.

 

L’Europe a donc plus que jamais intérêt à édifier une politique étrangère et de défense commune. Mais il faut établir un constat : au-delà de certaines avancées non négligeables, un déficit et un retard diplomatico-stratégique chronique subsistent. Tous les analystes de l’actualité internationale s’accordent sur un fait : politiquement, géopolitiquement, militairement, l’Europe n’existe pas. Aucun mole de puissance ne s’est constitué. La division des européens (savamment cultivée par l’Ile Amérique) et leur attitude face à l’intervention américaine en Irak (mars 2003) en aura été une nouvelle illustration flagrante. Le baroud d’honneur courageux d’un président de la république française n’aura cependant pas modifié les visées guerrières de la thalassocratie américaine qui n’a cure des revendications du « vieux continent ». D’ailleurs le prétendu souci de légalité internationale de Jacques Chirac dissimule mal sa disposition à suivre les Etats-Unis une fois les apparences sauvées.

                Un véritable défi est lancé à l’Europe. Mais à force de sommets et de déclarations d’intention non suivis d’effet, repoussant toujours plus loin les réalisations concrètes, l’on se demande si un jour les décideurs européens accoucheront d’autre chose que d’un fœtus débile.

 

Cependant comme l’écrivait Jacques Bainville :« Il y a toujours des raison d’espérer. Si l’on avait pas cette confiance, ce ne serait même pas la peine d’avoir des enfants ». Nous ferons nôtre cette espérance

 

LA DEFENSE DE L’EUROPE, UNE IDEE RECENTE, PONCTUEE DE NOMBEUX ECHECS.

 

DEFENSE D’HIER

 

                L’idée d’une défense européenne institutionnalisée, pensée et voulue comme telle, dotée de moyens d’agir au service du continent, est très récente.

Aussi loin que nous puissions remonter dans l’histoire du continent européen, ce n’est qu’épisodiquement et face à un Ennemi circonstancié que des alliances se sont constituées. Les guerres Médiques en constituent sans doute le premier exemple. Pour la première fois des Européens, les Grecs (même si à l’époque la Grèce ne peut en rien être rapprochée d’un monde européen en genèse), ont su s’unir contre un envahisseur avec la conscience d’appartenir à une civilisation commune qui transcendait les divisions et les rivalités des Cités. Les guerres Médiques représentent dans la mémoire des Européens, le premier fait de résistance à une puissance extra-européenne et « restent le synecdoque de l’agression de la civilisation européenne par la barbarie orientale ».

La résistance gallo-romaine face à l’envahisseur hunnique (batailles des champs Catalauniques en 451 où combattaient pourtant majoritairement dans chaque camp des germaniques. En fait la mort d’Attila un an plus tard mit réellement fin au conflit), le conflit entre Héraclius, empereur d’Orient et Khosroès, Roi des rois (début 7ème siècle), « première grande guerre de religion », la bataille de Poitiers (732), la bataille navale de Lépante contre la flotte ottomane en 1571 (victoire militaire et maritime hautement symbolique), la résistance de Vienne face aux Turcs (1683), la grande figure du Prince Eugène de Savoie grâce auquel la Sainte Alliance put stopper l’expansionnisme ottoman (fin 17ème), constituent autant d’exemples où à un moment donné de leur histoire, des nations et des princes d’Europe ont su unir des forces armées face à un ennemi commun. Constatons que l’existence d’un Ennemi commun aura contribué à chaque fois à fédérer les énergies pour défendre la « Polis Europe ».

 

Quant aux diverses expériences impériales d’union du continent, si certaines ont avantageusement réussi à faire combattre sous les mêmes enseignes, aigles ou drapeaux des européens de maintes nations, d’autres, essentiellement martiales et idéologiques ont montré leurs limites et ne sont pas étrangères au recul de notre continent sur la scène internationale. Cette page doit être définitivement tournée (« victimisme » et nostalgie doivent être rejetés).

 

Osons croire que le processus mis en œuvre après la seconde guerre mondiale, chaotique et hésitant, soit porteur d’un autre avenir et qu’il enfantera d’autre chose qu’une simple zone d’échanges livrée aux appétits des marchands et des financiers. S’il s’agit d’un véritable projet géo-politique, alors il aura besoin d’être protégé de l’hostilité et de la convoitise des Autres. L’idée de lui adjoindre une défense est donc une nécessité. Cette idée a suscité bien des tentatives et des aléas. Mais plus d’un demi siècle après sa fondation l’Union des pays d’Europe ne possède toujours pas d’outil de défense crédible. Retracer l’histoire de ces différents projets nous amènera à poser des questions existentielles auxquelles les « importants » européens ne veulent pas répondre et auxquelles pourtant il faudra trouver une réponse.

 

…ET D’AUJOURD’HUI

 

Du traité de Dunkerque (1947) au traité de Bruxelles (1948), de la CED (1954) au plan Foucher (1962)et à l’UEO (rapidement entrée en léthargie du fait de la création de l’OTAN, l’UEO a disparu en tant qu’organisation opérationnelle au début de l’année 1991, après avoir transféré certaines de ses capacités à l’UE), les projets avortés furent multiples.

L’existence d’une Alliance Atlantique omniprésente et d’un allié américain qui embrassait pour mieux étreindre ne laissait de toute façon que peu de marges aux velléités européennes. Dans le même temps, en dehors de la volonté gaulliste, les européens ont largement et toujours recherché la protection américaine (sans jamais savoir jusqu’où cette dernière serait allée en cas de conflit. A priori l’automaticité prévue se serait sans doute faite attendre).

Ce n’est en définitive qu’avec le traité de Maastricht (1992) que s’est instauré un processus visant à mettre en œuvre une Politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Confirmée par le traité d’Amsterdam (1997) la PESC a suscité depuis nombre de désillusions.

Pourtant le sommet franco-britannique de St Malo (novembre 1998) avait laissé penser qu’un infléchissement significatif s’était produit. Lors de ce dernier sommet les deux pays avaient en effet affirmé la nécessité pour l’Europe de se doter d’une capacité militaire : « l’Union Européenne doit avoir une capacité autonome d’action, appuyée sur des forces militaires crédibles, avec les moyens de les utiliser et en étant prête à le faire afin de répondre aux crises internationales ».

 

De nouvelles étapes devaient ensuite être franchies. En juin 1999 (conseil européen de Cologne) et en décembre 1999 (Conseil Européen d’Helsinki) ) furent entérinées (puis approuvées au Conseil Européen de Nice en décembre 2000) des décisions aux perspectives intéressantes qui ont fait dire lors du sommet de Laeken en décembre 2001 que l’Union était « opérationnelle » :

- création à l’horizon 2003 d’une force de réaction rapide (FRR) de 60 000 hommes - ce qui laisse rêveur au regard de la puissance économique et démographique de notre continent –déployable dans un délai de soixante jours pour une durée minimum d’un an (en décembre 2002 lors du conseil de Copenhague l’objectif semble avoir été modifié en y ajoutant un élément de réaction rapide -moins de à 60 jours- aptitude aux missions humanitaires et évacuation des ressortissants).

Complétée par des capacités civiles, cette force doit pouvoir être contrôlée et dirigée par l’UE grâce à trois nouvelles institutions politico-militaires, créees au sein du Conseil de l’UE :

-un Comité politique et de sécurité (COPS)

-un état-major européen

-un comité militaire.

Viennent compléter le dispositif : un Ministre des Affaires étrangères et de la Défense » (pour l’heure il s’agit de Javier Solana, ancien secrétaire général de l’Otan, qui, tentant d’élaborer récemment une « doctrine de sécurité » pour l’UE, n’a fait que reprendre à son compte les priorités de la Maison Blanche et sa doctrine d’action préventive ! aucune confiance ne doit être accordée à ce vilain personnage) et une stratégie aérienne avec Galileo (système spatial d’aide à la navigation utilisant des satellites) destiné à pallier les insuffisances du GPS (Global positioning System, système américain de navigation par satellites) et du Glonass russe (malheureusement outre les problèmes techniques et l’impréparation des pays européens l’opposition des USA est flagrante). Galiléo pourrait bien « n’être qu’une ligne Maginot de plus sans véritable volonté d’émancipation sur les enjeux de l’Europe/puissance ».

L’optimisme pourrait donc être de mise. Il demande pourtant à être tempéré.

Les ambitions « militaires » affichées trouvent en effet rapidement leurs limites. Contenues dans le spectre des missions dites de Petersberg (humanitaires, évacuation de ressortissants menacés, maintien ou rétablissement de la paix), elles évacuent le second volet, pourtant primordial, celui de la défense proprement dite (prévention des agressions et réponse à une agression) et ne font pas de l’Europe un « acteur stratégique ».

Ainsi les diverses actions menées par des contingents européens (Kosovo, Afghanistan) ne traduisent pas la mise en œuvre d’une stratégie globale au service d’une vision géo-politique. Comme le soulignait un sénateur (comme quoi la haute assemblée réserve parfois d’heureuses surprises !) « il me semble que ces missions de Petersberg devraient être accessoires si nous voulons vraiment disposer d’une armée », et d’insister : »Allons-nous avoir une armée essentiellement de guerre ou essentiellement axée sur les missions de Petersberg ? ».

 

Réponse en l’occurrence très politiquement incorrecte et courageuse d’un général : « Monsieur le sénateur, ce sont les hommes politiques qui sont responsables de cette situation. Depuis la fin de la guerre froide, aucun homme politique, de droite ou de gauche, n’a voulu répondre à la question : « une armée, pour quoi faire ?, et les missions de Petersberg dissimulent lamentablement ce manque de clarté. Le problème se pose au niveau de l’Europe, où il est nécessaire que nous disposions d’hommes et de femmes politiques ayant suffisamment de vision stratégique et de conviction pour bâtir, non pas l’Europe de la défense, mais la défense de l’Europe ».

 

A l’aube de l’année 2003, censée inaugurer l’opérationnalité[4] de la FRR, la « défense européenne » demeure donc toujours intégrée dans l’épure stratégique américaine, via l’OTAN. Or de nombreux analystes internationaux soulignent combien cette organisation n’est que l’interprète des intérêts américains et leur redéploiement sur le continent européen. Qui peut être encore assez naïf (ou alors franchement collabo !) pour croire que cette organisation ait un jour été conçue pour défendre les intérêts européens[5]. Nous reviendrons sur cette organisation au cours de notre exposé mais les événements récents ont démontré que l’Otan n’est plus qu’une « boîte à outils » dans laquelle les Américains espèrent venir puiser quand bon leur semble.

 

Quant à l’Europe de l’armement, maillon essentiel de l’indépendance stratégique de l’Europe, ses retards ne sont pas plus encourageants. Si le principe a été entériné il demeure toutefois l’apanage des Etats et demeure exclu du champ communautaire (art.296 du traité d’Amsterdam). Se construisant de manière pragmatique à travers l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAR) créée en 1996, elle a favorisé plusieurs initiatives ( Eurocopter et surtout le mariage franco-allemand d’Aérospatial/Matra avec l’Espagnol Dasa en décembre 1997, lui-même renforcé par l’accord cadre de Farnborough en juin 2000[6]. Au delà, face à la concurrence américaine (les américains n’ont pas hésité à proposer aux Européens leurs avions Loockeed devant les difficultés de lancement de l’Airbus A-400 M) si les Européens n’établissent pas des besoins matériels identiques, ne coordonnent pas leur politique budgétaire ni de leur politique d’achat et n’élaborent pas de processus d’intégration des décisions, ils ne favoriseront pas l’industrie européenne d’armement et par ricochet fragiliseront l’Europe de la défense.

 

En définitive les avancées demeurent minces et ne se traduisent par aucune réactivité par rapport aux événement internationaux. L’Europe n’a rien à dire et ne peut opposer à la vision du monde de la thalassocratie américaine aucune autre vision. Il serait temps que le projet d’Union Européenne s’affiche clairement comme un projet géo-politique suis generis et qu’il se libère d’une « américanôlatrie » sclérosante et incapacitante l’empêchant d’advenir à la puissance.

 

LA NECESSITE D’UNE REPONSE POLITIQUE

                Aux origines de la PESC, l’absence de vision politique

 

En fait dès ses origines la PEDC a souffert d’un lourd handicap, celui de ne reposer sur aucun consensus définissant un « concept stratégique » répondant lui-même à une vision géo-politique susceptible de la guider. La PECD a été lancée selon « une approche dite « bottom-up », c’est à dire d’une évolution à petits pas. Cette méthode d’intégration s’est traduit avant tout par un processus de rejet de l’utilisation des rapports et outils de puissance et à une dépolitisation du projet européen ».

L’absence d’autonomie politique et stratégique européenne vis à vis des Etats-Unis, fruit du contexte particulier de la guerre froide, a largement déterminé les évolutions ultérieures de la construction européenne et apparaît, en grande partie, à l’origine du développement insuffisant des relations extérieures de l’UE, auquel la PESC et la PESD sont maintenant censées remédier.

Le refus de développer des structures politico-militaires proprement européennes, sans doute à l’origine de la construction relativement insatisfaisante de l’UE, a de plus conduit à une réticence de la plupart des Etats membres envers toute forme de gestion commune des affaires de sécurité et de défense, instaurant ainsi une césure politique, idéologique et psychologique entre l’Europe et la puissance.

 

Cette posture de l’Union Européenne, stratégiquement et géopolitiquement confortable mais paresseuse, si elle peut trouver des explications (éloignement de la menace, désaffection pour tout ce qui touche au militaire et à la guerre, absence d’Ennemi désigné, jeu des Etats-Unis, vision apaisante des relations internationales…), n’en demeure pas moins calamiteuse et dangereuse. Elle n’est ni le fait des stratèges et des militaires européens (ce qui ne doit pas occulter leurs responsabilités). La faiblesse du projet géo-politique européen, la « volonté d’impuissance » (Pascal Boniface) des décideurs européens sont les premiers responsables des « heurts et malheurs » de la défense européenne.

 

Du rapport du politique et du militaire

 

Tout homme politique et tout militaire avisé sait que le politique préexiste à tout acte de guerre et demeure une prérogative régalienne. C’est une fois les objectifs politiques fixés que les stratèges interviennent. Dans son principe la célèbre formule de Clausewitz « la guerre n’est rien d’autre que la continuation de la politique par d’autres moyens » rappelle cette évidence : le militaire demeure dans la dépendance du politique.

PESC (Politique Etrangère et de Sécurité Commune), I.D.E (Identité de Défense Européenne), défense européenne…ne dérogent pas à la règle. L’ensemble est conditionné par le projet politique et géopolitique de l’Union Europeénne (UE).

Or, globalement, ce projet géo-politique dont, on ose le croire, l’UE est en substance dépositaire, demeure encore inconsistant. Sa formulation qui n’a pris forme qu’en 1992 (traité de Maastricht) n’« enchante »[7] pas les Européens.

 

Abstrait, mercantile et fondé sur la nature non-conflictuelle des rapports internationaux, il véhicule un vague ethos universel dont la Charte des Droits fondamentaux de l’UE est l’illustration. En vérité il n’est ni mobilisateur ni fédérateur, aucun « Nous » n’y est défini. Sa faiblesse intrinsèque provient du fait que l’UE n’y est aucunement pensé comme « nouvelle unité de sens et de puissance » ni envisagée comme nouvelle « zone dure » dans le « pluriversum étatique ». Sur le plan international cela se traduit par un nanisme politique et géo-politique de l’UE.

Cela a des conséquences sur le projet de défense européenne. Sans vision géopolitique bien établie, les stratèges demeurent dépourvus de grille de lecture.

 

…QUI PASSE PAR LA RESOLUTION DE DEUX QUESTIONS PRIMORDIALES

 

 

Pour ce faire, deux notions essentielles et existentielles, éminemment politiques mais constamment écartées de tout débat, se doivent d’être éclairées : l’espace (ligne de front, jusqu’où défendre l’Europe ?), et l’Ennemi et/ou l’Ami (discrimination du Soi et du Non-soi, défendre l’Europe contre qui ?). Le général P.M. Galois écrivait « pour qu’une armée ait un sens, il faut qu’elle ait une terre à défendre, des frontières à protéger et qu’elle ait un ennemi qui la menace ».Ces notions constituent les fondements de toute politique de défense. Au delà c’est tout le projet d’Union Européenne qui pourrait prendre sens. De projet marchand il deviendrait projet politique et pourrait secréter ce sentiment d’appartenance communautaire sans lequel aucune défense n’est viable.

 

Notions dépassées, dira-t-on. Au contraire affirmerons-nous sans crainte. Notions politiques primordiales et existentielles non exclusives, elles constituent à nos yeux, malgré les modifications sur la scène internationale (éloignement de la menace directe, hypothèses de conflits limités, guerres asymétriques, apparitions de nouvelles menaces, mafias, flux migratoires incontrôlés…), l’essence et les fondements de toute politique de défense, quelle qu’en soit la dimension, nationale ou continentale.

 

Si ces notions ne devaient jamais être abordées au fond, ni clairement définies et débattues et donc demeurer sans réponse, n’espérons pas qu’un jour, un jeune européen trouve des raisons de mourir ou de vivre (elles ont toujours été les mêmes) pour défendre une terre et un/des peuples qu’il devra percevoir comme patrie et comme partie de lui-même.

 

L’Europe, jusqu’où ? La question des frontières de l’Europe.

 

Ce thème demeure éminemment actuel. La récente polémique autour de l’élargissement de l’Europe à la Turquie a rappelé que l’Europe n’est pas un continent extensible à l’infini.

L’espace est tout et sans lui le débat serait vide de sens. L’époque contemporaine ne nous démentira pas : maints conflits ont l’espace comme enjeu. En outre, pour le combattant, la défense de la terre des siens, de sa Cité, demeure l’essence de sa fonction. Les murs de la Cité demeurent ses repères.

Malheureusement les frontières du « sanctuaire européen », le premier cercle des « intérêts vitaux » définis par Lucien Poirier, laissent place au doute. Anachronisme d’une situation que celle où l’on envisage de construire une défense européenne alors qu’aucune limite territoriale n’a été fixée.

L’on sait combien une frontière est avant tout politique donc toujours susceptible d’être remise en cause. Le regretté Général von Lohausen[8] écrivait « l’Europe existera là jusqu’où elle désirera se défendre ». Pourtant certaines réalités géographiques ou historiques, des recouvrements ethno-culturels permettent d’imaginer, un « limes » européen.

Chose certaine, au nord comme au sud et à l’ouest, la géographie de l’Europe se dessine naturellement. L’Islande et les pays scandinaves au nord, l’Atlantique à l’ouest, la Méditerranée au sud (sachant que la frontière au sud se défend sur le territoire de l’Afrique du nord, véritable marche de l’Empire) constituent des limites intangibles.

C’est à l’est et au sud-est que la ligne de front pose problème. La Russie, pays continent ambivalent, est-elle européenne ou non ? Si elle l’est, cela repousse jusqu’au fleuve Amour (frontière avec la Chine) et à l’océan Pacifique (depuis la prise de possession des immensités sibériennes par les Cosaques) les limites du continent. Mais comment ne pas imaginer que les fils des Varègues ne soient pas un jour associés étroitement au projet européen.?[9]

Pour l’heure un certain réalisme nous amènera à faire nôtre les considérations très constructives d’un Pierre Biarnès[10] : « les frontières de l’Europe devront se fixer un jour ou l’autre de façon définitive entre les pays baltes et la Biélorussie, entre la Pologne et l’Ukraine, entre la Roumanie et la Moldavie, entre la Grèce et la Turquie et s’arrêter au nord de la Méditerranée ».

Le débat sur les frontières européennes devra être clos rapidement. Il faut cesser de cultiver la confusion en voulant inclure des espaces culturellement trop différents (Turquie, Maroc…)qui nous achemineront vers l’incohérence géographique et civilisationnelle et qui déconcertent les bons européens qui habitent en terre d’Europe.

Les décideurs européens ne pourront passer outre. Ne pas y répondre comporte le risque de retarder inexorablement la mise en forme d’une défense européenne à vocation première de défense du territoire européen, actuellement non menacé (mais certaines zones, certains territoires ne sont-ils pas déjà aux mains d’envahisseurs que les cerveaux conquis de certains politiques laissent pénétrer dans nos pays), et de voir le combattant (du stratège au soldat) européen demeurer sans horizon, sans repère concret. Ce n’est qu’à partir d’un espace devenu lisible, visible et cohérent que pourra être définie une authentique géo-politique de l’Union Européenne, ouverte sur le monde et non eurocentrée (nous savons que l’Europe se défend bien au-delà de ces/ses frontières) et une politique de défense crédible qui pourra s’imposer aux Autres. Faudra-t-il se résigner à n’avoir qu’à défendre un «puzzle artificiel, sans énergie et sans âme… » ? Aucun stratège ne pourra s’y résigner.

 

Mais poser une limite territoriale, c’est également déterminer qu’en deçà de ces limites le Même commence et qu’au-delà c’est le règne de l’Autre. A ce point de réflexion nous aborderons le second concept focal de toute pensée stratégique, la relation d’hostilité. Cet Autre, ce Non-Soi, constitue qu’on le veuille ou non cet Ennemi, au moins potentiel, dont l’intérêt premier est de permettre la perception de la collectivité mais aussi de contribuer à renforcer le sentiment d’appartenance. Ce concept doit lui aussi être géré par l’autorité politique. Carl Schmitt affirmait que « la désignation de l’Ennemi est l’acte politique par excellence ».

 

L’Europe, contre qui ? La distinction Ami-Ennemi.

 

Pour ceux ignorants de l’œuvre du grand politologue Carl Schmitt, nous précisons que l’Ennemi évoqué dans ces lignes n’a rien à voir avec l’«Axe du Mal » de Bush Junior et de son manichéisme biblique. Son messianisme religieux et théologique, à l’origine de tant de croisades assassines pour la démocratie et le libre échange, relève de la paranoïa et non du politique (ce qui n’exclut pas les buts politiques de la guerre entreprise par les USA).

En second lieu nous préciserons également que désigner l’Ennemi ne relève en rien d’une idéologie bellogène et ne prédispose pas plus à  la guerre (possible mais non inéluctable) que les idéologies qui se voulaient et se veulent pacifistes et qui depuis des siècles n’en finissent pas de déclarer la guerre au monde entier dans l’espoir de le modifier et de le conformer à leur vision du monde et à leurs intérêts.

En humble mais attentif lecteur de Carl Schmitt et de Julien Freund[11], nous préciserons donc qu’il s’agit de l’Ennemi public (l’hostis des Romains) et qu’il n’implique aucune haine personnelle. Il est « l’étranger hostile, antagoniste, celui qui unit intention hostile et capacité de nuisance, militaire ou autre ». Définir l’Ennemi, c’est « constater que depuis que les hommes font de la politique, ils se regroupent entre amis au sein d’une communauté déterminée… et qu’ils essaient de préserver leur identité contre d’éventuelles menaces » (J.Freund).

« Tout regroupement géopolitique doit impliquer une relation d’hostilité au moins potentielle vis à vis de puissances étrangères » écrivait Freund. Encore faut-il que les raisons de l’union soient réellement politiques et que la reconnaissance des « antagonismes » (Max Weber) ait été admise.

Malheureusement l’une des carences de la construction de l’UE c’est d’avoir évacué le politique. Le projet peut même être qualifié d’impolitique ( ie que l’éventualité de la confrontation n’est pas réellement envisagée). La virtualité de l’Ennemi n’est pas prise en compte. Or c’est à travers le politique que la reconnaissance de l’ennemi prend forme.

La désignation de l’Ennemi constitue sans aucun doute un des axiomes et un des principes d’action qui fonde toute stratégie et définit son esprit. Connexion intime et éternelle du militaire et du politique il est temps que les politiques européens prennent en compte les situations conflictuelles contemporaines et à venir (inconcevables aujourd’hui mais plausibles dans vingt ou trente ans) et proposent aux stratèges européens un projet géo-politique capable de mobiliser leur intelligence et leur soif d’œuvrer à la grandeur et à la défense de la grande patrie européenne en devenir.

La puissante répugnance et la couardise des politiques face à la violence armée doit être oubliée.

« Aucun regroupement géopolitique digne de ce nom ne s’est construit sans savoir avec qui ni contre qui. Il n’y a pas d’union sans exclusion, donc sans rapport virtuel Ami/Ennemi entre ceux qui sont admissibles ou admis dans l’union et ceux qui ne le sont pas » (n’en fut-il pas ainsi des USA qui au 19ème avec la doctrine Monroe désignèrent les Etats Européens comme l’Ennemi.

Les proclamations incantatoires n’y feront rien. « Personne n’est jamais assez naïf pour penser qu’un pays n’aura pas d’ennemi parce qu’il ne veut pas en avoir ».Tout se règle facilement dès lors qu’on exclut l’Ennemi. Mais celui-ci ne dort pas. Contrairement à la générosité humanitaire, l’humanité n’a pas que des bons cotés le désir n’est pas la réalité ».

L’Union Européenne essentiellement animée par des idéaux pacifistes, ne se connaît pas et/ou ne veut pas se connaître d’Ennemi et encore moins en désigner. Se refusant à cette attitude responsable (ce qui n’empêche pas d’être désigné comme tel par d’Autres) l’on peut juger à quels sommets d’immobilisme géopolitique et stratégique cela nous a conduit.

 

Sans distinction Ami-Ennemi, sans perception de l’Ennemi, aucune collectivité ne peut exister politiquement ni se situer par rapport à l’Autre. C. Schmitt écrivait même que « l’aptitude à distinguer l’Ami et l’Ennemi est ce qui qualifie politiquement un peuple . Désigner l’Ennemi c’est en effet pouvoir se poser dans l’espace (jusqu’où existons-nous ?) et dans l’Etre (qui sommes-nous ?). C’est à travers ces concepts que se forme l’identité collective sans laquelle aucune politique de défense ne peut advenir.

 

Dans un monde à la haute conflictualité, l’hostilité se porte bien. Si l’identification de l’Ennemi ne peut être univoque (puisqu’il peut être religieux, économique, culturel, territorial … mais souvent tout à la fois), il peut être cependant identifié et désigné.

 

A l’aune du XXIème siècle l’Ennemi de l’Europe, comme de tous ceux désireux de vivre dans un monde divers, demeure représenté par « toutes les forces tendant à un universalisme du monde unipolaire centralement dominé face à la pluralité des « grands espaces » équilibrés ». Les forces de l’hostis sont donc perceptibles dans la figure de puissances ou d’organisations hostiles à notre grande œuvre de reconstruction de l’espace grand-européen. C’est contre toutes les formes d’hostilité à ce projet que les volontés européennes doivent être tournées. Quant aux stratèges, enfin délivrés de la mollesse et de l’irresponsabilité des politiques, ils sauront proposer des stratégies adaptées. Leur compétence est grande, leur courage exemplaire, leur désir de servir toujours vivace, ne les décevons pas. Sur le front extérieur comme sur le front intérieur ils sauront mettre en œuvre le meilleur d’eux-mêmes, mettre à profit l’enseignement de haut niveau que l’on sait leur donner et enfin se débarrasser de la paralysie doctrinale, du stratégiquement correct, appris dans les états-majors otanesques. Aux politiques de désigner les buts à atteindre et l’Ennemi à combattre.

 

Notre propos serait incomplet si un thème n’était pas abordé. Comment évoquer l’idée de défense européenne sans s’intéresser à l’Otan et au nécessaire repositionnement de l’Europe par rapport aux Etats-Unis.

Nous ne cesserons de rappeler combien l’Ile Amérique ne partage pas les intérêts de d’Europe. N’ayant jamais cessé d’entraver toute oeuvre de réunification européenne depuis plus d’un siècle, les Etats-Unis via l’Otan constituent sans aucun doute l’une des figures de l’Ennemi de l’Europe.

 

 

 REVISITER LA RELATION AVEC LES ETATS-UNIS.

 

Nous avons toujours regretté qu’après l’implosion du pacte de Varsovie (1992) les pays de l’Alliance atlantique n’aient pas décidé l’auto-dissolution de l’Otan Nous continuons à penser qu’il est insupportable de conserver le traité de Washington qui fonde l’Otan tel qu’il a été conçu en 1949 (modifié 1954). Un traité est fait pour un objectif ( en l’occurrence assurer la sécurité de la partie ouest de l’Europe contre un supposé envahisseur soviétique). Du jour où cet objectif avait disparu le traité devenait caduc. Rien de cela ne s’est produit.

Bien au contraire, soucieux de pérenniser une organisation qui avait largement servi à mettre sous tutelle le projet européen, les Etats-Unis, toujours guidés par la préservation de leurs impératifs géopolitiques, ont donné un nouveau souffle à l’Otan. Conçue à l’origine pour assurer la défense collective des signataires de l’Alliance, l’Otan s’est donc progressivement transformée en un système de sécurité collective.

« Transatlantique par définition, méditerranéenne par Etats-Unis interposés, moyenne-orientale par son rôle implicite dans le conflit du Golfe, l’Otan est devenue paneuropéenne et asiatique, concurrençant ouvertement les institutions européennes et contournant l’OSCE »[12]. Ainsi présentée par Thierry Garcin, l’Otan apparaît comme un instrument inséparable de la volonté de puissance américaine.

En fait c’est dès 1991 que les Etats-Unis ont travaillé à la rémanence de l’OTAN en développant le concept de « communauté atlantique » de Vancouver à Vladivostok (création du Conseil de coopération Nord-Atlantique -CCNA).

Lancés dans un véritable « Drang nach Osten », les Etats-Unis, désireux de border au plus près les frontières de la Russie (politique de nouveau containment), ont mis en place le « Partenariat pour la paix » en 1994. Puis pour ménager la Russie « l’Acte fondateur Russie-OTAN » (1997). Puis vint l’élargissement de 1999 à la Hongrie, la Pologne et la République tchèque. Lors du sommet de Prague de novembre 2002, la reconfiguration de l’Alliance a continué et s’est orientée vers « un élargissement robuste …de la mer Baltique à l’Adriatique et à la mer Noire ». Ainsi les trois  Pays Baltes, la Slovaquie, la Slovénie, la Roumanie et la Bulgarie rejoindront-ils l’Otan d’ici 2004 tandis que déjà l’Albanie, la Croatie et la Macédoine frappent à la porte en participant au plan d’action pour l’adhésion (MAP : Membership Action Plan). Washington, via l’Otan étend son influence, multiplie ses bases de projection, prépare ses accès à la mer Noire et à la mer Caspienne (maîtrise de l’ancienne route de la soie). Outre ces élargissements le sommet de Prague a constitué une étape décisive vers la transformation des membres européens de l’Alliance atlantique…en auxiliaires des forces armées états-uniennes dans leur entreprise d’expansion impériale planétaire.

Les Américains ont donc donné une nouvelle impulsion à l’Otan pour en faire une organisation politique et militaire au service de la lutte contre le terrorisme, une sorte de « boîte à outils » (concept tool box américain) où ils puiseront (la mission définissant la coalition). L’Alliance militaire multinationale sous commandement intégré devient un vaste forum politique susceptible de fournir des coalitions de circonstances (coalition of the willing) pour des opérations de rétablissement de la paix par la force armée, dans la zone eurasiatique, ou en dehors. L’Otan est désormais globalisée et se voit attribuée de nouvelles missions.

Outre ces grandes manœuvres qui dament le pion à toutes les initiatives européennes ( les Américains ont même projeté de créer une force de réaction rapide- Nato Response Force- ouvertement rivale de la Force Européenne de réaction Rapide), une nouvelle doctrine stratégique est venue chapoter l’organisation.

Cette mutation stratégique, opérée depuis le sommet de Rome de novembre 1991, tend à faire de l’Otan, alliance défensive, une organisation dite de « sécurité », c’est à dire interventionniste. Son périmètre initial n’est plus respecté (art VI du traité de 1949 comme ne couvrant que les pays membres , les territoires sous leur juridiction et leurs forces « dans la région de l ‘Atlantique nord au nord du tropique du Cancer ») et ses missions étendues à la lutte contre le terrorisme et la prolifération des ADM. Ajouté à cela le concept de « préemption » qui inclut non seulement l’utilisation de moyens diplomatiques et économiques pour prévenir l’apparition de nouvelles menaces terroristes…mais également l’utilisation de frappes militaires préventives.

Cette doctrine est l’exemple même de l’unilatéralisme, en ce qu’elle suppose qu’il est légitime pour un Etat de prendre des mesures pour se prémunir contre ce qu’il a considéré –de son propre chef-comme une menace potentielle à sa sécurité nationale , sans consultation préalable d’autres Etats ou d’organisations multilatérales. Elle ouvre la porte à tous les abus et à la guerre totale.

Relayés par son secrétaire général qui affirmait « L’Otan va devenir le centre de coordination et de préparation d’une action militaire multinationale (…) contre le terrorisme et d’autres menaces nouvelles », les Etats-Unis entendent bien demeurer ancrés dans l’Ancien Monde. Cette présence leur permet de se projeter en Asie et au Moyen-Orient, elle contribue à garantir l’accès aux « économies et sociétés ouvertes de l’Ancien Monde où les marchés d’armement alliés ne sont pas le moindre des enjeux. Enfin, l’implantation des radars sur des territoires européens (GB et Danemark) est essentielle au déploiement du futur bouclier spatial américain (Missile Defense).

L’absence de volonté des gouvernements et opinions publiques d’Europe occidentale de s’opposer au leadership usaïque ne pourra qu’encourager les Etats d’Europe centrale et orientale à contracter une « assurance » auprès de l’hegemon nord-américain.

L’Alliance atlantique n’est plus « une vache sacrée » (Rudolf Sharping, ministre allemand de la défense).

Plus que jamais l’absence de volonté politique et de volonté de puissance des Européens empêche la remise en cause du leadership usaïque et bloque toute mise en œuvre d’une politique de défense européenne. Dans ce dispositif stratégique et géopolitique où la place des Européens est réduite à la fourniture de chair à canon, il serait temps que les décideurs européens comprennent que « le monde n’est pas un Eden kantien et que c’est en osant la puissance que l’on pèse sur la définition des grands équilibres planétaires ».

Chaque jour les Etats-Unis nous démontrent que le réalisme géo-politique et la logique de puissance, les intérêts nationaux, la lutte pour les matières premières, constituent les fondements des relations internationales. Sans agir avec autant de cynisme pour un but méprisable, véritable néocolonialisme économique et culturel, du moins pourrions-nous nous convaincre que la scène internationale est autre chose qu’une scène idyllique où la « brebis dormira entre les pattes du lion ».

 

 

POUR MIEUX DONNER SENS A L’ETRE EUROPE » OU QUELQUES RAISONS DE MOURIR POUR L’EUROPE

 

L’évocation de ces thèmes, de notre point de vue primordiaux, n’est certes pas exclusive (le déficit démographique devient en effet de plus en plus dramatique pour l’Europe). Il n’en demeure pas moins qu’ils constituent des points de débat fondamentaux de toute réflexion sur le devenir politico-militaire européen. Ils peuvent permettre l’élaboration de l’« l’Etre-Europe », fondement d’une unité collective pan-européenne fondatrice du grand espace européen auquel nous aspirons. Ce dernier ne pourra apparaître qu’en posant des frontières et en s’affirmant face à d’autres regroupements continentaux ayant leur propre vue du monde. Il entrera en crise tant qu’aucune démarcation n’aura été mise en place et tant qu’aucun Ennemi n’aura été désigné.

L’Europe politique et a fortiori l’Europe de la défense ne sauraient évacuer ces questions sans se fragiliser et au fond ne pas donner des raisons de vivre et de mourir à ses peuples. C’est en faisant le choix du politique, en pensant en termes de continent, en renouant avec l’audace de la puissance que l’Europe se donnera ces raisons.

Au-delà et bien sûr c’est à un réenchantement de l’Europe que nous devons également travailler. Thucydide écrivait : «  La force de la Cité n’est pas dans l’épaisseur de ses murailles, ni dans le nombre de ses vaisseaux, mais dans le cœur de ses habitants ». Mais là comme toujours ce sont les poètes qui trouveront la réponse.

 

Pour conclure j’évoquerais un événement qui m’est apparu comme porteur de grande espérance. Le 16 juillet 2002 s’est déroulé à Coëtquidan, la Conférence des Ecoles et Académies militaires de l’Union européenne. Elle réunissait de jeunes élèves officiers (20-25 ans) de 14 pays de l’Union européenne. J’ose y voir la réunion des meilleurs fils d’Europe, libérés des carcans idéologiques et des pesanteurs historiques d’hier, prêts à constituer les nouveaux cadres de cette « armée européenne » au service des intérêts d’une Europe puissante et indépendante, enracinée dans son illustre passé mais tournée intensément vers le XXII siècle, désireuse de marcher à nouveau sur les chemins de ce que Nietszche appelait la « grande histoire ». S’il devait y avoir un jour une école d’officiers européens (mais également de sous-officiers) formés dans des académies et écoles militaires européennes capables de leur inculquer un savoir militaire, historique, géographique…européen de haut niveau, ce qu’il faudra bien un jour mettre en œuvre), que le site de Coëtquidan soit choisi ne serait pas pour nous déplaire (mais bien d’autres sites sont tout autant envisageables). Situé non loin de l’envoûtante forêt de Brocéliande, elle est un des « nemetons » de l’imaginaire européen. Comment ces jeunes cadres militaires pourraient-ils ne pas œuvrer à défendre la terre d’Europe, guidés par Merlin, Arthur, Lancelot et autres preux européens, en quête de nouveaux exploits pour plaire à leurs dames et à leurs souverains mais également à leurs peuples.

 

« Moi je dis qu’il faut faire l’Europe, déclarait en 1949, le Général De Gaulle, avec pour base un accord entre Français et Allemands. Une fois l’Europe faite sur ces bases, alors, on pourra se tourner vers la Russie. Alors on pourra essayer, une bonne fois pour toutes, de faire l’Europe tout entière avec la Russie, dut-elle changer de régime. Voilà les programmes des vrais Européens. Voilà le mien ». Voilà le nôtre.

 

                Et puis comme l écrit l »historien Mi chel Rouche à propos de Clovis : « cette montée d’un homme qui trouve des solutions dans les pires situations sont probablement les preuves que le tohu-bohu accouche toujours d’une nouvelle création, que l’idéal méprise les rapports de force économiques et sociaux. Quand tout est perdu, rien n’est perdu : il suffit d’un homme qui croit ».

 

                                                                                                              Lucien Favre – Septembre 2003.



[1] Le projet de constitution européenne élaboré par la Convention pour l’Avenir de l’Europe, présidée par Valéry Giscard d’Estaing, remettra-t-il en cause cet immobilisme ? Osons l’espérer.

[2] Le terme de puissance est envisagée ici dans son acception classique, définie par Raymond Aron comme « la capacité d’une unité politique d’imposer sa volonté aux autres unités ».

[3] L’Autre (ou une coalition d’Autres) que le politique et stratèges privilégient et introduisent comme un facteur déterminant dans leurs analyses et computations, en un moment de l’Histoire et dans une configuration donnée du système international.

[4] Cela signifiant au mieux la possibilité d’entreprendre les moins exigeantes des missions de Petersberg et ceci en 2003( !), année qui a été retenue comme devant marquer le début d’un possible déploiement de la Force de Réaction Rapide.

[5] A Washington le projet d’Identité Européenne de Défense est considéré comme une aimable virtualité, une incongruité au regard de la planification atlantiste qu’ont toujours appliqué les communautés puis l’UE. Pour l’Amérique l’Otan doit rester une organisation d’alliés souverains où le processus européen de décision n’est pas détaché du processus de décision plus large de l’Alliance.

[6] Accord signé entre les britanniques, français, allemands, italiens, espagnols et suédois établissant des mesures concrètes visant à faciliter la restructuration et le fonctionnement de l’industrie européenne de défense.

[7] Par référence à l’ouvrage de Marcel Gaucher Le désenchantement du monde- Ed Gallimard. Nous prenons acte cependant de la volonté de M. Giscard d’Estaing d’œuvrer pour une « Europe puissance », attachée à son autonomie et à ses frontières             .

[8] Auteur de l’ouvrage incontournable Les Empires et la puissance aux Ed du Labyrinthe.

[9] Une association étroite n’est pas une union. D’où l’intérêt de ne pas morceler l’ancien empire russe pour en faire un pôle réel de puissance, associé étroitement à l’UE. N’aspirons-nous pas à monde pluripolaire ?

[10] Pour l’Empire du monde – Revue française de géopolitique - Ellipses 2003.

[11] Son ouvrage fondamental L’essence du politique paru chez Sirey doit bientôt être réédité chez Dalloz. A lire également Politique et impolitique chez Sirey également.

[12] Thierry Garcin-Les grandes questions internationales depuis la chute du mur de Berlin- Economica.

Géopolitique et heurs et malheurs de la défense européenne

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2003 

GEOPOLITIQUE et HEURS ET MALHEURS DE LA DEFENSE EUROPEENNE

 

« L’Europe ne pourra être un des pôles d’un monde redevenu multipolaire si elle n’est pas en mesure de définir une politique étrangère qui lui soit propre, de mettre en place une défense européenne, et de maîtriser son approvisionnement énergétique ».

                                                               Henri de Grossouvre (Défense Nationale –février 2003).

 

Malgré des avancées, le projet de défense européenne demeure frileux et insuffisant et ne se caractérise que par son « irritante lenteur ». Nous osons cependant croire (comme nous l’avions écrit- Cf NDSE N°14-1995) qu’un jour ce processus débouchera sur une authentique défense de l’Europe.

Mais certains thèmes devront être définitivement clarifiés. Ainsi en est-il évidemment des relations transatlantiques. Mais il faudra auparavant que le lien qui unit défense et politique soit réaffirmé et que la nature conflictuelle des relations internationales devienne un credo pour les décideurs européens qui, semble-t-il, ne croiraient « plus en la possibilité d’utiliser la force armée pour résoudre un quelconque problème politique » (Fareed Zakaria, commentateur américain). Au delà c’est la question des limites de l’espace européen qui devra être abordée ainsi que celle de la « définition de l’Ennemi ». Si ces thèmes devaient demeurer éternellement dans les brumes, ne doutons pas que la défense européenne reste un « objet militaire non identifié ».

 

AMER CONSTAT

 

                « Il ne fait plus de doute aujourd’hui que cette défense européenne se fera, mais elle ne fera rien ». Ce constat pessimiste mais clairvoyant d’un chroniqueur d’un grand quotidien français traduit malheureusement la réalité. Près de quinze ans après la chute du mur de Berlin, bifurcation historique s’il en fut, l’Europe de la défense est toujours dans l’attente. Mais comment pourrait-il en être autrement alors même que l’Europe politique est toujours en gestation ?[1]

 

En 1989, après l’effondrement du monde communiste et la re-connexion géographique du continent, nous avions pensé que l’Europe, devenue UNE, pouvait œuvrer à une géopolitique grand-continentale européenne (version contemporaine du Kontinentalblock haushoférien), retrouver sa géographie et son histoire, rivaliser à nouveau avec les autres grandes puissances[2] sur la scène internationale.

 

Les années ont passé. Certes l’Europe n’est pas restée passive. Mais en ce qui concerne la Politique Etrangère et de Défense Commune (PEDC)- nous savons depuis Raymond Aron et son ouvrage célèbre Paix et guerre entre les nations que diplomatie et défense sont indissociables - malgré des avancées prometteuses, la pusillanimité des interventions est inversement proportionnelle au volontarisme des accords.

 

Dans le camp adverse; « l’Autre »[3], Etats-Unis bien sûr, mais également d’autres puissances comme la Chine, l’Inde, la Russie et des entités non-étatiques, dépourvues de « citoyenneté internationale » (terrorisme, monde islamique …) entendent bien avoir leur place sur l’échiquier mondial. Tous ces acteurs ont déployé une grande activité géopolitique et stratégique, confirmant avec acuité que les croyances iréniques de fin de guerre froide ont volé en éclat. La « mondialisation heureuse » n’est pas le paradis annoncé. La théorie de « la fin de l’Histoire » chère à Francis Fukuyama, projet orwellien en gestation,  n’est pas l’avenir de l’humanité. La logique de puissance et de prédation perdure.

 

L’Europe a donc plus que jamais intérêt à édifier une politique étrangère et de défense commune. Mais il faut établir un constat : au-delà de certaines avancées non négligeables, un déficit et un retard diplomatico-stratégique chronique subsistent. Tous les analystes de l’actualité internationale s’accordent sur un fait : politiquement, géopolitiquement, militairement, l’Europe n’existe pas. Aucun mole de puissance ne s’est constitué. La division des européens (savamment cultivée par l’Ile Amérique) et leur attitude face à l’intervention américaine en Irak (mars 2003) en aura été une nouvelle illustration flagrante. Le baroud d’honneur courageux d’un président de la république française n’aura cependant pas modifié les visées guerrières de la thalassocratie américaine qui n’a cure des revendications du « vieux continent ». D’ailleurs le prétendu souci de légalité internationale de Jacques Chirac dissimule mal sa disposition à suivre les Etats-Unis une fois les apparences sauvées.

                Un véritable défi est lancé à l’Europe. Mais à force de sommets et de déclarations d’intention non suivis d’effet, repoussant toujours plus loin les réalisations concrètes, l’on se demande si un jour les décideurs européens accoucheront d’autre chose que d’un fœtus débile.

 

Cependant comme l’écrivait Jacques Bainville :« Il y a toujours des raison d’espérer. Si l’on avait pas cette confiance, ce ne serait même pas la peine d’avoir des enfants ». Nous ferons nôtre cette espérance

 

LA DEFENSE DE L’EUROPE, UNE IDEE RECENTE, PONCTUEE DE NOMBEUX ECHECS.

 

DEFENSE D’HIER

 

                L’idée d’une défense européenne institutionnalisée, pensée et voulue comme telle, dotée de moyens d’agir au service du continent, est très récente.

Aussi loin que nous puissions remonter dans l’histoire du continent européen, ce n’est qu’épisodiquement et face à un Ennemi circonstancié que des alliances se sont constituées. Les guerres Médiques en constituent sans doute le premier exemple. Pour la première fois des Européens, les Grecs (même si à l’époque la Grèce ne peut en rien être rapprochée d’un monde européen en genèse), ont su s’unir contre un envahisseur avec la conscience d’appartenir à une civilisation commune qui transcendait les divisions et les rivalités des Cités. Les guerres Médiques représentent dans la mémoire des Européens, le premier fait de résistance à une puissance extra-européenne et « restent le synecdoque de l’agression de la civilisation européenne par la barbarie orientale ».

La résistance gallo-romaine face à l’envahisseur hunnique (batailles des champs Catalauniques en 451 où combattaient pourtant majoritairement dans chaque camp des germaniques. En fait la mort d’Attila un an plus tard mit réellement fin au conflit), le conflit entre Héraclius, empereur d’Orient et Khosroès, Roi des rois (début 7ème siècle), « première grande guerre de religion », la bataille de Poitiers (732), la bataille navale de Lépante contre la flotte ottomane en 1571 (victoire militaire et maritime hautement symbolique), la résistance de Vienne face aux Turcs (1683), la grande figure du Prince Eugène de Savoie grâce auquel la Sainte Alliance put stopper l’expansionnisme ottoman (fin 17ème), constituent autant d’exemples où à un moment donné de leur histoire, des nations et des princes d’Europe ont su unir des forces armées face à un ennemi commun. Constatons que l’existence d’un Ennemi commun aura contribué à chaque fois à fédérer les énergies pour défendre la « Polis Europe ».

 

Quant aux diverses expériences impériales d’union du continent, si certaines ont avantageusement réussi à faire combattre sous les mêmes enseignes, aigles ou drapeaux des européens de maintes nations, d’autres, essentiellement martiales et idéologiques ont montré leurs limites et ne sont pas étrangères au recul de notre continent sur la scène internationale. Cette page doit être définitivement tournée (« victimisme » et nostalgie doivent être rejetés).

 

Osons croire que le processus mis en œuvre après la seconde guerre mondiale, chaotique et hésitant, soit porteur d’un autre avenir et qu’il enfantera d’autre chose qu’une simple zone d’échanges livrée aux appétits des marchands et des financiers. S’il s’agit d’un véritable projet géo-politique, alors il aura besoin d’être protégé de l’hostilité et de la convoitise des Autres. L’idée de lui adjoindre une défense est donc une nécessité. Cette idée a suscité bien des tentatives et des aléas. Mais plus d’un demi siècle après sa fondation l’Union des pays d’Europe ne possède toujours pas d’outil de défense crédible. Retracer l’histoire de ces différents projets nous amènera à poser des questions existentielles auxquelles les « importants » européens ne veulent pas répondre et auxquelles pourtant il faudra trouver une réponse.

 

…ET D’AUJOURD’HUI

 

Du traité de Dunkerque (1947) au traité de Bruxelles (1948), de la CED (1954) au plan Foucher (1962)et à l’UEO (rapidement entrée en léthargie du fait de la création de l’OTAN, l’UEO a disparu en tant qu’organisation opérationnelle au début de l’année 1991, après avoir transféré certaines de ses capacités à l’UE), les projets avortés furent multiples.

L’existence d’une Alliance Atlantique omniprésente et d’un allié américain qui embrassait pour mieux étreindre ne laissait de toute façon que peu de marges aux velléités européennes. Dans le même temps, en dehors de la volonté gaulliste, les européens ont largement et toujours recherché la protection américaine (sans jamais savoir jusqu’où cette dernière serait allée en cas de conflit. A priori l’automaticité prévue se serait sans doute faite attendre).

Ce n’est en définitive qu’avec le traité de Maastricht (1992) que s’est instauré un processus visant à mettre en œuvre une Politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Confirmée par le traité d’Amsterdam (1997) la PESC a suscité depuis nombre de désillusions.

Pourtant le sommet franco-britannique de St Malo (novembre 1998) avait laissé penser qu’un infléchissement significatif s’était produit. Lors de ce dernier sommet les deux pays avaient en effet affirmé la nécessité pour l’Europe de se doter d’une capacité militaire : « l’Union Européenne doit avoir une capacité autonome d’action, appuyée sur des forces militaires crédibles, avec les moyens de les utiliser et en étant prête à le faire afin de répondre aux crises internationales ».

 

De nouvelles étapes devaient ensuite être franchies. En juin 1999 (conseil européen de Cologne) et en décembre 1999 (Conseil Européen d’Helsinki) ) furent entérinées (puis approuvées au Conseil Européen de Nice en décembre 2000) des décisions aux perspectives intéressantes qui ont fait dire lors du sommet de Laeken en décembre 2001 que l’Union était « opérationnelle » :

- création à l’horizon 2003 d’une force de réaction rapide (FRR) de 60 000 hommes - ce qui laisse rêveur au regard de la puissance économique et démographique de notre continent –déployable dans un délai de soixante jours pour une durée minimum d’un an (en décembre 2002 lors du conseil de Copenhague l’objectif semble avoir été modifié en y ajoutant un élément de réaction rapide -moins de à 60 jours- aptitude aux missions humanitaires et évacuation des ressortissants).

Complétée par des capacités civiles, cette force doit pouvoir être contrôlée et dirigée par l’UE grâce à trois nouvelles institutions politico-militaires, créees au sein du Conseil de l’UE :

-un Comité politique et de sécurité (COPS)

-un état-major européen

-un comité militaire.

Viennent compléter le dispositif : un Ministre des Affaires étrangères et de la Défense » (pour l’heure il s’agit de Javier Solana, ancien secrétaire général de l’Otan, qui, tentant d’élaborer récemment une « doctrine de sécurité » pour l’UE, n’a fait que reprendre à son compte les priorités de la Maison Blanche et sa doctrine d’action préventive ! aucune confiance ne doit être accordée à ce vilain personnage) et une stratégie aérienne avec Galileo (système spatial d’aide à la navigation utilisant des satellites) destiné à pallier les insuffisances du GPS (Global positioning System, système américain de navigation par satellites) et du Glonass russe (malheureusement outre les problèmes techniques et l’impréparation des pays européens l’opposition des USA est flagrante). Galiléo pourrait bien « n’être qu’une ligne Maginot de plus sans véritable volonté d’émancipation sur les enjeux de l’Europe/puissance ».

L’optimisme pourrait donc être de mise. Il demande pourtant à être tempéré.

Les ambitions « militaires » affichées trouvent en effet rapidement leurs limites. Contenues dans le spectre des missions dites de Petersberg (humanitaires, évacuation de ressortissants menacés, maintien ou rétablissement de la paix), elles évacuent le second volet, pourtant primordial, celui de la défense proprement dite (prévention des agressions et réponse à une agression) et ne font pas de l’Europe un « acteur stratégique ».

Ainsi les diverses actions menées par des contingents européens (Kosovo, Afghanistan) ne traduisent pas la mise en œuvre d’une stratégie globale au service d’une vision géo-politique. Comme le soulignait un sénateur (comme quoi la haute assemblée réserve parfois d’heureuses surprises !) « il me semble que ces missions de Petersberg devraient être accessoires si nous voulons vraiment disposer d’une armée », et d’insister : »Allons-nous avoir une armée essentiellement de guerre ou essentiellement axée sur les missions de Petersberg ? ».

 

Réponse en l’occurrence très politiquement incorrecte et courageuse d’un général : « Monsieur le sénateur, ce sont les hommes politiques qui sont responsables de cette situation. Depuis la fin de la guerre froide, aucun homme politique, de droite ou de gauche, n’a voulu répondre à la question : « une armée, pour quoi faire ?, et les missions de Petersberg dissimulent lamentablement ce manque de clarté. Le problème se pose au niveau de l’Europe, où il est nécessaire que nous disposions d’hommes et de femmes politiques ayant suffisamment de vision stratégique et de conviction pour bâtir, non pas l’Europe de la défense, mais la défense de l’Europe ».

 

A l’aube de l’année 2003, censée inaugurer l’opérationnalité[4] de la FRR, la « défense européenne » demeure donc toujours intégrée dans l’épure stratégique américaine, via l’OTAN. Or de nombreux analystes internationaux soulignent combien cette organisation n’est que l’interprète des intérêts américains et leur redéploiement sur le continent européen. Qui peut être encore assez naïf (ou alors franchement collabo !) pour croire que cette organisation ait un jour été conçue pour défendre les intérêts européens[5]. Nous reviendrons sur cette organisation au cours de notre exposé mais les événements récents ont démontré que l’Otan n’est plus qu’une « boîte à outils » dans laquelle les Américains espèrent venir puiser quand bon leur semble.

 

Quant à l’Europe de l’armement, maillon essentiel de l’indépendance stratégique de l’Europe, ses retards ne sont pas plus encourageants. Si le principe a été entériné il demeure toutefois l’apanage des Etats et demeure exclu du champ communautaire (art.296 du traité d’Amsterdam). Se construisant de manière pragmatique à travers l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAR) créée en 1996, elle a favorisé plusieurs initiatives ( Eurocopter et surtout le mariage franco-allemand d’Aérospatial/Matra avec l’Espagnol Dasa en décembre 1997, lui-même renforcé par l’accord cadre de Farnborough en juin 2000[6]. Au delà, face à la concurrence américaine (les américains n’ont pas hésité à proposer aux Européens leurs avions Loockeed devant les difficultés de lancement de l’Airbus A-400 M) si les Européens n’établissent pas des besoins matériels identiques, ne coordonnent pas leur politique budgétaire ni de leur politique d’achat et n’élaborent pas de processus d’intégration des décisions, ils ne favoriseront pas l’industrie européenne d’armement et par ricochet fragiliseront l’Europe de la défense.

 

En définitive les avancées demeurent minces et ne se traduisent par aucune réactivité par rapport aux événement internationaux. L’Europe n’a rien à dire et ne peut opposer à la vision du monde de la thalassocratie américaine aucune autre vision. Il serait temps que le projet d’Union Européenne s’affiche clairement comme un projet géo-politique suis generis et qu’il se libère d’une « américanôlatrie » sclérosante et incapacitante l’empêchant d’advenir à la puissance.

 

LA NECESSITE D’UNE REPONSE POLITIQUE

                Aux origines de la PESC, l’absence de vision politique

 

En fait dès ses origines la PEDC a souffert d’un lourd handicap, celui de ne reposer sur aucun consensus définissant un « concept stratégique » répondant lui-même à une vision géo-politique susceptible de la guider. La PECD a été lancée selon « une approche dite « bottom-up », c’est à dire d’une évolution à petits pas. Cette méthode d’intégration s’est traduit avant tout par un processus de rejet de l’utilisation des rapports et outils de puissance et à une dépolitisation du projet européen ».

L’absence d’autonomie politique et stratégique européenne vis à vis des Etats-Unis, fruit du contexte particulier de la guerre froide, a largement déterminé les évolutions ultérieures de la construction européenne et apparaît, en grande partie, à l’origine du développement insuffisant des relations extérieures de l’UE, auquel la PESC et la PESD sont maintenant censées remédier.

Le refus de développer des structures politico-militaires proprement européennes, sans doute à l’origine de la construction relativement insatisfaisante de l’UE, a de plus conduit à une réticence de la plupart des Etats membres envers toute forme de gestion commune des affaires de sécurité et de défense, instaurant ainsi une césure politique, idéologique et psychologique entre l’Europe et la puissance.

 

Cette posture de l’Union Européenne, stratégiquement et géopolitiquement confortable mais paresseuse, si elle peut trouver des explications (éloignement de la menace, désaffection pour tout ce qui touche au militaire et à la guerre, absence d’Ennemi désigné, jeu des Etats-Unis, vision apaisante des relations internationales…), n’en demeure pas moins calamiteuse et dangereuse. Elle n’est ni le fait des stratèges et des militaires européens (ce qui ne doit pas occulter leurs responsabilités). La faiblesse du projet géo-politique européen, la « volonté d’impuissance » (Pascal Boniface) des décideurs européens sont les premiers responsables des « heurts et malheurs » de la défense européenne.

 

Du rapport du politique et du militaire

 

Tout homme politique et tout militaire avisé sait que le politique préexiste à tout acte de guerre et demeure une prérogative régalienne. C’est une fois les objectifs politiques fixés que les stratèges interviennent. Dans son principe la célèbre formule de Clausewitz « la guerre n’est rien d’autre que la continuation de la politique par d’autres moyens » rappelle cette évidence : le militaire demeure dans la dépendance du politique.

PESC (Politique Etrangère et de Sécurité Commune), I.D.E (Identité de Défense Européenne), défense européenne…ne dérogent pas à la règle. L’ensemble est conditionné par le projet politique et géopolitique de l’Union Europeénne (UE).

Or, globalement, ce projet géo-politique dont, on ose le croire, l’UE est en substance dépositaire, demeure encore inconsistant. Sa formulation qui n’a pris forme qu’en 1992 (traité de Maastricht) n’« enchante »[7] pas les Européens.

 

Abstrait, mercantile et fondé sur la nature non-conflictuelle des rapports internationaux, il véhicule un vague ethos universel dont la Charte des Droits fondamentaux de l’UE est l’illustration. En vérité il n’est ni mobilisateur ni fédérateur, aucun « Nous » n’y est défini. Sa faiblesse intrinsèque provient du fait que l’UE n’y est aucunement pensé comme « nouvelle unité de sens et de puissance » ni envisagée comme nouvelle « zone dure » dans le « pluriversum étatique ». Sur le plan international cela se traduit par un nanisme politique et géo-politique de l’UE.

Cela a des conséquences sur le projet de défense européenne. Sans vision géopolitique bien établie, les stratèges demeurent dépourvus de grille de lecture.

 

…QUI PASSE PAR LA RESOLUTION DE DEUX QUESTIONS PRIMORDIALES

 

 

Pour ce faire, deux notions essentielles et existentielles, éminemment politiques mais constamment écartées de tout débat, se doivent d’être éclairées : l’espace (ligne de front, jusqu’où défendre l’Europe ?), et l’Ennemi et/ou l’Ami (discrimination du Soi et du Non-soi, défendre l’Europe contre qui ?). Le général P.M. Galois écrivait « pour qu’une armée ait un sens, il faut qu’elle ait une terre à défendre, des frontières à protéger et qu’elle ait un ennemi qui la menace ».Ces notions constituent les fondements de toute politique de défense. Au delà c’est tout le projet d’Union Européenne qui pourrait prendre sens. De projet marchand il deviendrait projet politique et pourrait secréter ce sentiment d’appartenance communautaire sans lequel aucune défense n’est viable.

 

Notions dépassées, dira-t-on. Au contraire affirmerons-nous sans crainte. Notions politiques primordiales et existentielles non exclusives, elles constituent à nos yeux, malgré les modifications sur la scène internationale (éloignement de la menace directe, hypothèses de conflits limités, guerres asymétriques, apparitions de nouvelles menaces, mafias, flux migratoires incontrôlés…), l’essence et les fondements de toute politique de défense, quelle qu’en soit la dimension, nationale ou continentale.

 

Si ces notions ne devaient jamais être abordées au fond, ni clairement définies et débattues et donc demeurer sans réponse, n’espérons pas qu’un jour, un jeune européen trouve des raisons de mourir ou de vivre (elles ont toujours été les mêmes) pour défendre une terre et un/des peuples qu’il devra percevoir comme patrie et comme partie de lui-même.

 

L’Europe, jusqu’où ? La question des frontières de l’Europe.

 

Ce thème demeure éminemment actuel. La récente polémique autour de l’élargissement de l’Europe à la Turquie a rappelé que l’Europe n’est pas un continent extensible à l’infini.

L’espace est tout et sans lui le débat serait vide de sens. L’époque contemporaine ne nous démentira pas : maints conflits ont l’espace comme enjeu. En outre, pour le combattant, la défense de la terre des siens, de sa Cité, demeure l’essence de sa fonction. Les murs de la Cité demeurent ses repères.

Malheureusement les frontières du « sanctuaire européen », le premier cercle des « intérêts vitaux » définis par Lucien Poirier, laissent place au doute. Anachronisme d’une situation que celle où l’on envisage de construire une défense européenne alors qu’aucune limite territoriale n’a été fixée.

L’on sait combien une frontière est avant tout politique donc toujours susceptible d’être remise en cause. Le regretté Général von Lohausen[8] écrivait « l’Europe existera là jusqu’où elle désirera se défendre ». Pourtant certaines réalités géographiques ou historiques, des recouvrements ethno-culturels permettent d’imaginer, un « limes » européen.

Chose certaine, au nord comme au sud et à l’ouest, la géographie de l’Europe se dessine naturellement. L’Islande et les pays scandinaves au nord, l’Atlantique à l’ouest, la Méditerranée au sud (sachant que la frontière au sud se défend sur le territoire de l’Afrique du nord, véritable marche de l’Empire) constituent des limites intangibles.

C’est à l’est et au sud-est que la ligne de front pose problème. La Russie, pays continent ambivalent, est-elle européenne ou non ? Si elle l’est, cela repousse jusqu’au fleuve Amour (frontière avec la Chine) et à l’océan Pacifique (depuis la prise de possession des immensités sibériennes par les Cosaques) les limites du continent. Mais comment ne pas imaginer que les fils des Varègues ne soient pas un jour associés étroitement au projet européen.?[9]

Pour l’heure un certain réalisme nous amènera à faire nôtre les considérations très constructives d’un Pierre Biarnès[10] : « les frontières de l’Europe devront se fixer un jour ou l’autre de façon définitive entre les pays baltes et la Biélorussie, entre la Pologne et l’Ukraine, entre la Roumanie et la Moldavie, entre la Grèce et la Turquie et s’arrêter au nord de la Méditerranée ».

Le débat sur les frontières européennes devra être clos rapidement. Il faut cesser de cultiver la confusion en voulant inclure des espaces culturellement trop différents (Turquie, Maroc…)qui nous achemineront vers l’incohérence géographique et civilisationnelle et qui déconcertent les bons européens qui habitent en terre d’Europe.

Les décideurs européens ne pourront passer outre. Ne pas y répondre comporte le risque de retarder inexorablement la mise en forme d’une défense européenne à vocation première de défense du territoire européen, actuellement non menacé (mais certaines zones, certains territoires ne sont-ils pas déjà aux mains d’envahisseurs que les cerveaux conquis de certains politiques laissent pénétrer dans nos pays), et de voir le combattant (du stratège au soldat) européen demeurer sans horizon, sans repère concret. Ce n’est qu’à partir d’un espace devenu lisible, visible et cohérent que pourra être définie une authentique géo-politique de l’Union Européenne, ouverte sur le monde et non eurocentrée (nous savons que l’Europe se défend bien au-delà de ces/ses frontières) et une politique de défense crédible qui pourra s’imposer aux Autres. Faudra-t-il se résigner à n’avoir qu’à défendre un «puzzle artificiel, sans énergie et sans âme… » ? Aucun stratège ne pourra s’y résigner.

 

Mais poser une limite territoriale, c’est également déterminer qu’en deçà de ces limites le Même commence et qu’au-delà c’est le règne de l’Autre. A ce point de réflexion nous aborderons le second concept focal de toute pensée stratégique, la relation d’hostilité. Cet Autre, ce Non-Soi, constitue qu’on le veuille ou non cet Ennemi, au moins potentiel, dont l’intérêt premier est de permettre la perception de la collectivité mais aussi de contribuer à renforcer le sentiment d’appartenance. Ce concept doit lui aussi être géré par l’autorité politique. Carl Schmitt affirmait que « la désignation de l’Ennemi est l’acte politique par excellence ».

 

L’Europe, contre qui ? La distinction Ami-Ennemi.

 

Pour ceux ignorants de l’œuvre du grand politologue Carl Schmitt, nous précisons que l’Ennemi évoqué dans ces lignes n’a rien à voir avec l’«Axe du Mal » de Bush Junior et de son manichéisme biblique. Son messianisme religieux et théologique, à l’origine de tant de croisades assassines pour la démocratie et le libre échange, relève de la paranoïa et non du politique (ce qui n’exclut pas les buts politiques de la guerre entreprise par les USA).

En second lieu nous préciserons également que désigner l’Ennemi ne relève en rien d’une idéologie bellogène et ne prédispose pas plus à  la guerre (possible mais non inéluctable) que les idéologies qui se voulaient et se veulent pacifistes et qui depuis des siècles n’en finissent pas de déclarer la guerre au monde entier dans l’espoir de le modifier et de le conformer à leur vision du monde et à leurs intérêts.

En humble mais attentif lecteur de Carl Schmitt et de Julien Freund[11], nous préciserons donc qu’il s’agit de l’Ennemi public (l’hostis des Romains) et qu’il n’implique aucune haine personnelle. Il est « l’étranger hostile, antagoniste, celui qui unit intention hostile et capacité de nuisance, militaire ou autre ». Définir l’Ennemi, c’est « constater que depuis que les hommes font de la politique, ils se regroupent entre amis au sein d’une communauté déterminée… et qu’ils essaient de préserver leur identité contre d’éventuelles menaces » (J.Freund).

« Tout regroupement géopolitique doit impliquer une relation d’hostilité au moins potentielle vis à vis de puissances étrangères » écrivait Freund. Encore faut-il que les raisons de l’union soient réellement politiques et que la reconnaissance des « antagonismes » (Max Weber) ait été admise.

Malheureusement l’une des carences de la construction de l’UE c’est d’avoir évacué le politique. Le projet peut même être qualifié d’impolitique ( ie que l’éventualité de la confrontation n’est pas réellement envisagée). La virtualité de l’Ennemi n’est pas prise en compte. Or c’est à travers le politique que la reconnaissance de l’ennemi prend forme.

La désignation de l’Ennemi constitue sans aucun doute un des axiomes et un des principes d’action qui fonde toute stratégie et définit son esprit. Connexion intime et éternelle du militaire et du politique il est temps que les politiques européens prennent en compte les situations conflictuelles contemporaines et à venir (inconcevables aujourd’hui mais plausibles dans vingt ou trente ans) et proposent aux stratèges européens un projet géo-politique capable de mobiliser leur intelligence et leur soif d’œuvrer à la grandeur et à la défense de la grande patrie européenne en devenir.

La puissante répugnance et la couardise des politiques face à la violence armée doit être oubliée.

« Aucun regroupement géopolitique digne de ce nom ne s’est construit sans savoir avec qui ni contre qui. Il n’y a pas d’union sans exclusion, donc sans rapport virtuel Ami/Ennemi entre ceux qui sont admissibles ou admis dans l’union et ceux qui ne le sont pas » (n’en fut-il pas ainsi des USA qui au 19ème avec la doctrine Monroe désignèrent les Etats Européens comme l’Ennemi.

Les proclamations incantatoires n’y feront rien. « Personne n’est jamais assez naïf pour penser qu’un pays n’aura pas d’ennemi parce qu’il ne veut pas en avoir ».Tout se règle facilement dès lors qu’on exclut l’Ennemi. Mais celui-ci ne dort pas. Contrairement à la générosité humanitaire, l’humanité n’a pas que des bons cotés le désir n’est pas la réalité ».

L’Union Européenne essentiellement animée par des idéaux pacifistes, ne se connaît pas et/ou ne veut pas se connaître d’Ennemi et encore moins en désigner. Se refusant à cette attitude responsable (ce qui n’empêche pas d’être désigné comme tel par d’Autres) l’on peut juger à quels sommets d’immobilisme géopolitique et stratégique cela nous a conduit.

 

Sans distinction Ami-Ennemi, sans perception de l’Ennemi, aucune collectivité ne peut exister politiquement ni se situer par rapport à l’Autre. C. Schmitt écrivait même que « l’aptitude à distinguer l’Ami et l’Ennemi est ce qui qualifie politiquement un peuple . Désigner l’Ennemi c’est en effet pouvoir se poser dans l’espace (jusqu’où existons-nous ?) et dans l’Etre (qui sommes-nous ?). C’est à travers ces concepts que se forme l’identité collective sans laquelle aucune politique de défense ne peut advenir.

 

Dans un monde à la haute conflictualité, l’hostilité se porte bien. Si l’identification de l’Ennemi ne peut être univoque (puisqu’il peut être religieux, économique, culturel, territorial … mais souvent tout à la fois), il peut être cependant identifié et désigné.

 

A l’aune du XXIème siècle l’Ennemi de l’Europe, comme de tous ceux désireux de vivre dans un monde divers, demeure représenté par « toutes les forces tendant à un universalisme du monde unipolaire centralement dominé face à la pluralité des « grands espaces » équilibrés ». Les forces de l’hostis sont donc perceptibles dans la figure de puissances ou d’organisations hostiles à notre grande œuvre de reconstruction de l’espace grand-européen. C’est contre toutes les formes d’hostilité à ce projet que les volontés européennes doivent être tournées. Quant aux stratèges, enfin délivrés de la mollesse et de l’irresponsabilité des politiques, ils sauront proposer des stratégies adaptées. Leur compétence est grande, leur courage exemplaire, leur désir de servir toujours vivace, ne les décevons pas. Sur le front extérieur comme sur le front intérieur ils sauront mettre en œuvre le meilleur d’eux-mêmes, mettre à profit l’enseignement de haut niveau que l’on sait leur donner et enfin se débarrasser de la paralysie doctrinale, du stratégiquement correct, appris dans les états-majors otanesques. Aux politiques de désigner les buts à atteindre et l’Ennemi à combattre.

 

Notre propos serait incomplet si un thème n’était pas abordé. Comment évoquer l’idée de défense européenne sans s’intéresser à l’Otan et au nécessaire repositionnement de l’Europe par rapport aux Etats-Unis.

Nous ne cesserons de rappeler combien l’Ile Amérique ne partage pas les intérêts de d’Europe. N’ayant jamais cessé d’entraver toute oeuvre de réunification européenne depuis plus d’un siècle, les Etats-Unis via l’Otan constituent sans aucun doute l’une des figures de l’Ennemi de l’Europe.

 

 

 REVISITER LA RELATION AVEC LES ETATS-UNIS.

 

Nous avons toujours regretté qu’après l’implosion du pacte de Varsovie (1992) les pays de l’Alliance atlantique n’aient pas décidé l’auto-dissolution de l’Otan Nous continuons à penser qu’il est insupportable de conserver le traité de Washington qui fonde l’Otan tel qu’il a été conçu en 1949 (modifié 1954). Un traité est fait pour un objectif ( en l’occurrence assurer la sécurité de la partie ouest de l’Europe contre un supposé envahisseur soviétique). Du jour où cet objectif avait disparu le traité devenait caduc. Rien de cela ne s’est produit.

Bien au contraire, soucieux de pérenniser une organisation qui avait largement servi à mettre sous tutelle le projet européen, les Etats-Unis, toujours guidés par la préservation de leurs impératifs géopolitiques, ont donné un nouveau souffle à l’Otan. Conçue à l’origine pour assurer la défense collective des signataires de l’Alliance, l’Otan s’est donc progressivement transformée en un système de sécurité collective.

« Transatlantique par définition, méditerranéenne par Etats-Unis interposés, moyenne-orientale par son rôle implicite dans le conflit du Golfe, l’Otan est devenue paneuropéenne et asiatique, concurrençant ouvertement les institutions européennes et contournant l’OSCE »[12]. Ainsi présentée par Thierry Garcin, l’Otan apparaît comme un instrument inséparable de la volonté de puissance américaine.

En fait c’est dès 1991 que les Etats-Unis ont travaillé à la rémanence de l’OTAN en développant le concept de « communauté atlantique » de Vancouver à Vladivostok (création du Conseil de coopération Nord-Atlantique -CCNA).

Lancés dans un véritable « Drang nach Osten », les Etats-Unis, désireux de border au plus près les frontières de la Russie (politique de nouveau containment), ont mis en place le « Partenariat pour la paix » en 1994. Puis pour ménager la Russie « l’Acte fondateur Russie-OTAN » (1997). Puis vint l’élargissement de 1999 à la Hongrie, la Pologne et la République tchèque. Lors du sommet de Prague de novembre 2002, la reconfiguration de l’Alliance a continué et s’est orientée vers « un élargissement robuste …de la mer Baltique à l’Adriatique et à la mer Noire ». Ainsi les trois  Pays Baltes, la Slovaquie, la Slovénie, la Roumanie et la Bulgarie rejoindront-ils l’Otan d’ici 2004 tandis que déjà l’Albanie, la Croatie et la Macédoine frappent à la porte en participant au plan d’action pour l’adhésion (MAP : Membership Action Plan). Washington, via l’Otan étend son influence, multiplie ses bases de projection, prépare ses accès à la mer Noire et à la mer Caspienne (maîtrise de l’ancienne route de la soie). Outre ces élargissements le sommet de Prague a constitué une étape décisive vers la transformation des membres européens de l’Alliance atlantique…en auxiliaires des forces armées états-uniennes dans leur entreprise d’expansion impériale planétaire.

Les Américains ont donc donné une nouvelle impulsion à l’Otan pour en faire une organisation politique et militaire au service de la lutte contre le terrorisme, une sorte de « boîte à outils » (concept tool box américain) où ils puiseront (la mission définissant la coalition). L’Alliance militaire multinationale sous commandement intégré devient un vaste forum politique susceptible de fournir des coalitions de circonstances (coalition of the willing) pour des opérations de rétablissement de la paix par la force armée, dans la zone eurasiatique, ou en dehors. L’Otan est désormais globalisée et se voit attribuée de nouvelles missions.

Outre ces grandes manœuvres qui dament le pion à toutes les initiatives européennes ( les Américains ont même projeté de créer une force de réaction rapide- Nato Response Force- ouvertement rivale de la Force Européenne de réaction Rapide), une nouvelle doctrine stratégique est venue chapoter l’organisation.

Cette mutation stratégique, opérée depuis le sommet de Rome de novembre 1991, tend à faire de l’Otan, alliance défensive, une organisation dite de « sécurité », c’est à dire interventionniste. Son périmètre initial n’est plus respecté (art VI du traité de 1949 comme ne couvrant que les pays membres , les territoires sous leur juridiction et leurs forces « dans la région de l ‘Atlantique nord au nord du tropique du Cancer ») et ses missions étendues à la lutte contre le terrorisme et la prolifération des ADM. Ajouté à cela le concept de « préemption » qui inclut non seulement l’utilisation de moyens diplomatiques et économiques pour prévenir l’apparition de nouvelles menaces terroristes…mais également l’utilisation de frappes militaires préventives.

Cette doctrine est l’exemple même de l’unilatéralisme, en ce qu’elle suppose qu’il est légitime pour un Etat de prendre des mesures pour se prémunir contre ce qu’il a considéré –de son propre chef-comme une menace potentielle à sa sécurité nationale , sans consultation préalable d’autres Etats ou d’organisations multilatérales. Elle ouvre la porte à tous les abus et à la guerre totale.

Relayés par son secrétaire général qui affirmait « L’Otan va devenir le centre de coordination et de préparation d’une action militaire multinationale (…) contre le terrorisme et d’autres menaces nouvelles », les Etats-Unis entendent bien demeurer ancrés dans l’Ancien Monde. Cette présence leur permet de se projeter en Asie et au Moyen-Orient, elle contribue à garantir l’accès aux « économies et sociétés ouvertes de l’Ancien Monde où les marchés d’armement alliés ne sont pas le moindre des enjeux. Enfin, l’implantation des radars sur des territoires européens (GB et Danemark) est essentielle au déploiement du futur bouclier spatial américain (Missile Defense).

L’absence de volonté des gouvernements et opinions publiques d’Europe occidentale de s’opposer au leadership usaïque ne pourra qu’encourager les Etats d’Europe centrale et orientale à contracter une « assurance » auprès de l’hegemon nord-américain.

L’Alliance atlantique n’est plus « une vache sacrée » (Rudolf Sharping, ministre allemand de la défense).

Plus que jamais l’absence de volonté politique et de volonté de puissance des Européens empêche la remise en cause du leadership usaïque et bloque toute mise en œuvre d’une politique de défense européenne. Dans ce dispositif stratégique et géopolitique où la place des Européens est réduite à la fourniture de chair à canon, il serait temps que les décideurs européens comprennent que « le monde n’est pas un Eden kantien et que c’est en osant la puissance que l’on pèse sur la définition des grands équilibres planétaires ».

Chaque jour les Etats-Unis nous démontrent que le réalisme géo-politique et la logique de puissance, les intérêts nationaux, la lutte pour les matières premières, constituent les fondements des relations internationales. Sans agir avec autant de cynisme pour un but méprisable, véritable néocolonialisme économique et culturel, du moins pourrions-nous nous convaincre que la scène internationale est autre chose qu’une scène idyllique où la « brebis dormira entre les pattes du lion ».

 

 

POUR MIEUX DONNER SENS A L’ETRE EUROPE » OU QUELQUES RAISONS DE MOURIR POUR L’EUROPE

 

L’évocation de ces thèmes, de notre point de vue primordiaux, n’est certes pas exclusive (le déficit démographique devient en effet de plus en plus dramatique pour l’Europe). Il n’en demeure pas moins qu’ils constituent des points de débat fondamentaux de toute réflexion sur le devenir politico-militaire européen. Ils peuvent permettre l’élaboration de l’« l’Etre-Europe », fondement d’une unité collective pan-européenne fondatrice du grand espace européen auquel nous aspirons. Ce dernier ne pourra apparaître qu’en posant des frontières et en s’affirmant face à d’autres regroupements continentaux ayant leur propre vue du monde. Il entrera en crise tant qu’aucune démarcation n’aura été mise en place et tant qu’aucun Ennemi n’aura été désigné.

L’Europe politique et a fortiori l’Europe de la défense ne sauraient évacuer ces questions sans se fragiliser et au fond ne pas donner des raisons de vivre et de mourir à ses peuples. C’est en faisant le choix du politique, en pensant en termes de continent, en renouant avec l’audace de la puissance que l’Europe se donnera ces raisons.

Au-delà et bien sûr c’est à un réenchantement de l’Europe que nous devons également travailler. Thucydide écrivait : «  La force de la Cité n’est pas dans l’épaisseur de ses murailles, ni dans le nombre de ses vaisseaux, mais dans le cœur de ses habitants ». Mais là comme toujours ce sont les poètes qui trouveront la réponse.

 

Pour conclure j’évoquerais un événement qui m’est apparu comme porteur de grande espérance. Le 16 juillet 2002 s’est déroulé à Coëtquidan, la Conférence des Ecoles et Académies militaires de l’Union européenne. Elle réunissait de jeunes élèves officiers (20-25 ans) de 14 pays de l’Union européenne. J’ose y voir la réunion des meilleurs fils d’Europe, libérés des carcans idéologiques et des pesanteurs historiques d’hier, prêts à constituer les nouveaux cadres de cette « armée européenne » au service des intérêts d’une Europe puissante et indépendante, enracinée dans son illustre passé mais tournée intensément vers le XXII siècle, désireuse de marcher à nouveau sur les chemins de ce que Nietszche appelait la « grande histoire ». S’il devait y avoir un jour une école d’officiers européens (mais également de sous-officiers) formés dans des académies et écoles militaires européennes capables de leur inculquer un savoir militaire, historique, géographique…européen de haut niveau, ce qu’il faudra bien un jour mettre en œuvre), que le site de Coëtquidan soit choisi ne serait pas pour nous déplaire (mais bien d’autres sites sont tout autant envisageables). Situé non loin de l’envoûtante forêt de Brocéliande, elle est un des « nemetons » de l’imaginaire européen. Comment ces jeunes cadres militaires pourraient-ils ne pas œuvrer à défendre la terre d’Europe, guidés par Merlin, Arthur, Lancelot et autres preux européens, en quête de nouveaux exploits pour plaire à leurs dames et à leurs souverains mais également à leurs peuples.

 

« Moi je dis qu’il faut faire l’Europe, déclarait en 1949, le Général De Gaulle, avec pour base un accord entre Français et Allemands. Une fois l’Europe faite sur ces bases, alors, on pourra se tourner vers la Russie. Alors on pourra essayer, une bonne fois pour toutes, de faire l’Europe tout entière avec la Russie, dut-elle changer de régime. Voilà les programmes des vrais Européens. Voilà le mien ». Voilà le nôtre.

 

                Et puis comme l écrit l »historien Mi chel Rouche à propos de Clovis : « cette montée d’un homme qui trouve des solutions dans les pires situations sont probablement les preuves que le tohu-bohu accouche toujours d’une nouvelle création, que l’idéal méprise les rapports de force économiques et sociaux. Quand tout est perdu, rien n’est perdu : il suffit d’un homme qui croit ».

 

                                                                                                              Lucien Favre – Septembre 2003.



[1] Le projet de constitution européenne élaboré par la Convention pour l’Avenir de l’Europe, présidée par Valéry Giscard d’Estaing, remettra-t-il en cause cet immobilisme ? Osons l’espérer.

[2] Le terme de puissance est envisagée ici dans son acception classique, définie par Raymond Aron comme « la capacité d’une unité politique d’imposer sa volonté aux autres unités ».

[3] L’Autre (ou une coalition d’Autres) que le politique et stratèges privilégient et introduisent comme un facteur déterminant dans leurs analyses et computations, en un moment de l’Histoire et dans une configuration donnée du système international.

[4] Cela signifiant au mieux la possibilité d’entreprendre les moins exigeantes des missions de Petersberg et ceci en 2003( !), année qui a été retenue comme devant marquer le début d’un possible déploiement de la Force de Réaction Rapide.

[5] A Washington le projet d’Identité Européenne de Défense est considéré comme une aimable virtualité, une incongruité au regard de la planification atlantiste qu’ont toujours appliqué les communautés puis l’UE. Pour l’Amérique l’Otan doit rester une organisation d’alliés souverains où le processus européen de décision n’est pas détaché du processus de décision plus large de l’Alliance.

[6] Accord signé entre les britanniques, français, allemands, italiens, espagnols et suédois établissant des mesures concrètes visant à faciliter la restructuration et le fonctionnement de l’industrie européenne de défense.

[7] Par référence à l’ouvrage de Marcel Gaucher Le désenchantement du monde- Ed Gallimard. Nous prenons acte cependant de la volonté de M. Giscard d’Estaing d’œuvrer pour une « Europe puissance », attachée à son autonomie et à ses frontières             .

[8] Auteur de l’ouvrage incontournable Les Empires et la puissance aux Ed du Labyrinthe.

[9] Une association étroite n’est pas une union. D’où l’intérêt de ne pas morceler l’ancien empire russe pour en faire un pôle réel de puissance, associé étroitement à l’UE. N’aspirons-nous pas à monde pluripolaire ?

[10] Pour l’Empire du monde – Revue française de géopolitique - Ellipses 2003.

[11] Son ouvrage fondamental L’essence du politique paru chez Sirey doit bientôt être réédité chez Dalloz. A lire également Politique et impolitique chez Sirey également.

[12] Thierry Garcin-Les grandes questions internationales depuis la chute du mur de Berlin- Economica.

vendredi, 10 septembre 2010

Sur la situation actuelle de la Russie (2005)

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2005

 

Sur la situation actuelle de la Russie

Extrait d’une allocution de Robert Steuckers à la Tribune de “Terre & Peuple-Lorraine”, à Nancy, le 26 novembre 2005

 

La situation actuelle de la Russie est assez aisément définissable: cette superpuissance européenne en recul dramatique fait face, depuis la fin de l’ère Gorbatchev, à trois offensives de guerre indirecte; 1) elle subit une stratégie d’encerclement; 2) elle subit une deuxième stratégie, qui vise son morcellement; 3) elle subit un processus de subversion intérieure qui mine ses capacités de résister aux défis du monde extérieur.

 

◊1. La stratégie d’encerclement est clairement perceptible: à la périphérie du territoire de l’actuelle Fédération de Russie, sur des zones qui firent partie de l’empire des Tsars et de l’ex-URSS ou qui en furent des glacis, nous voyons, depuis la fin de l’ère Gorbatchev, se constituer une zone de turbulences permanentes. Cette zone comprend le Caucase, l’Asie centrale, l’Ukraine et, potentiellement, dans une éventuelle offensive ennemie ultérieure, le bassin de la Kama, avec une agitation programmée à l’extérieur des Tatars et des Bachkirs, regroupés dans des “républiques” autonomes de la Fédération (les investissements étrangers dans ces régions sont d’ores et déjà bien plus élevés que dans le reste de la Fédération). Après les glacis conquis depuis Pierre le Grand, on programme, à Washington, l’émergence d’un islam très septentrional, sur le site même des khanats tatars terrassés jadis par Ivan le Terrible. Après l’encerclement de l’ancien empire russe et soviétique, viendra peut-être l’encerclement du tremplin moscovite, du  noyau premier de cet empire. Cette stratégie d’encerclement prend le relais de la stratégie d’endiguement, qui fut celle préconisée par Mackinder et ses successeurs, dont Lord Curzon, contre la Russie de Nicolas II et contre l’Union Soviétique de Lénine à Gorbatchev.

 

◊2. La stratégie du morcellement de l’espace russe, dont nous parlait Alexandre Douguine lors de ses récentes interventions à Anvers (11 nov. 2005) et à Bruxelles (12 nov. 2005) découle très logiquement de la stratégie d’encerclement , qui, notamment, vise à agiter les peuples ou les ethnies ou les communautés religieuses ou mafieuses de la “zone des turbulences permanentes” de façon à les détacher de l’espace impérial russe défunt et de l’espace spirituel de la “civilisation russe” (Douguine), concept dynamique que l’on comparera utilement à la notion de “civilisation iranienne” qu’évoquait le dernier Shah d’Iran dans le plaidoyer pro domo qu’il adressait à l’histoire (cf. Mohammad Reza Pahlavi, Réponse à l’histoire, Albin Michel, 1979). L’espace de la “civilisation russe” a connu son extension maximale avec l’URSS de Brejnev, avec, en prime, une “Wachstumspitze” (une “pointe avancée”) en Afghanistan. Malheureusement, la période de cette extension maximale n’était pas marquée par une grandeur traditionnelle, comme sous certains tsars ou comparable à ce que le Shah entendait par “civilisation iranienne”, mais par une idéologie froide, mécaniciste et guindée, peu susceptible de susciter les adhésions, de gagner la bataille planétaire au niveau de ce que les Américains, avec Joseph Nye, appellent aujourd’hui le “soft power”, soit le pouvoir culturel.

 

◊3. La stratégie de subversion vise plusieurs objectifs, déjà implicites dans les deux stratégies que nous venons d’évoquer: 1) imposer à la Russie un idéal démocratique importé, fabriqué de toutes pièces, comparable à celui que véhiculait la “révolution orange” en Ukraine l’an dernier. 2) contrôler les médias russes et suggérer un “way of life” de type américano-occidental, irréalisable pour la grande masse du peuple russe. 3) gagner en Russie une bataille métapolitique en faisant jouer le prestige du “soft power” occidental. Cette stratégie de subversion est portée par diverses officines téléguidées depuis les Etats-Unis et financées par des réseaux capitalistes internationaux. Nous avons là, pêle-mêle, la Freedom House, l’International Republican Institute, le National Endownment for Democracy, la Fondation Soros, le National Democratic Institute, l’Open Society Institute (dont bon nombre de subdivisions et de départementssont consacrés aux Balkans, à l’Ukraine et à la Biélorussie), etc. Le concours de toutes ces fondations, avec l’aide des grandes agences médiatiques internationales, a contribué à mettre sur pied des mouvements comme Otpor en Serbie (pour renverser Milosevic), comme Pora en Ukraine (avec la révolution orange de la belle Ioulia), comme Kmara en Géorgie pour faire triompher un candidat qui accepterait l’inféodation complète du pays à l’OTAN, ou comme la révolution des tulipes au Kirghizistan et, enfin, comme une révolution qui, elle, contrairement aux autres, a du mal à démarrer, parce que la leçon a été apprise: je veux parler ici de l’agitation, timide et jugulée, du mouvement “Subr” (= “Bison”) en Biélorussie. L’hebdomadaire allemand Der Spiegel, dans un article de longue haleine publié en deux volets, explicitait le mode de fonctionnement de cette vaste entreprise de subversion, à têtes multiples telle l’hydre de la mythologie grecque. Les enquêteurs de cet hebdomadaire de Hambourg nous apprenaient comment se déroulait effectivement la formation des personnages principaux de cette vaste entreprise. Le Spiegel nous rappelle, fort utilement, que l’essentiel de cette formation se trouve consigné dans un film de Peter Ackerman, intitulé “Bringing Down a Dictator” (= Faire tomber un dictateur). Le titre dévoile clairement les intentions des auteurs: faire tomber, non pas véritablement des dictateurs, mais des leaders politiques qui déplaisent à l’Amérique ou qui ne veulent pas s’aligner sur les diktats du néo-libéralisme. En juin 2005, les jeunes recrutés dans les pays à subvertir et engagés dans ces entreprises de subversion destinées à de larges franges de la zone des turbulences, se sont réunis en Albanie pour mettre au point les nouveaux aspects de la stratégie et planifier l’avenir de leurs activités.

 

Pour résumer, l’objectif des Etats-Unis, héritiers de la stratégie anglo-saxonne mise au point par Mahan, Mackinder et Lea dans la première décennie du 20ième siècle, est 1) d’encercler la Russie selon les thèses géopolitiques et géostratégiques des géopolitologues Lea et Mackinder; 2) de morceler et satelliser la zone de tubulences et, ensuite, dans une phase ultérieure, le reste de la Fédération russe selon la stratégie de balkanisation mise au point par Lord Curzon à partir du Traité de Versailles de 1919; effectivement, après la révolution bolchevique et la guerre civile entre Rouges et Blancs, Lord Curzon souhaitait créer ou faire émerger un maximum d’Etats tampons, dépendants et économiquement précaires, entre l’Allemagne de Weimar et la nouvelle URSS. Cette stratégie visait à appuyer la Pologne, avec le concours de la France, sans que cette Pologne instrumentalisée ne puisse développer une industrie autonome et viable, tout en étant obligée de consacrer 39% de son budget à l’entretien d’une armée. Selon le Colonel russe Morozov, ce stratagème a été ressorti du placard dans les années 90, dans la mesure où l’armée polonaise a augmenté ses effectifs dans l’OTAN tandis que la Bundeswehr allemande a été réduite (aux mêmes effectifs que la nouvelle armée polonaise) et que l’armée russe connaît un ressac épouvantable, faute de budgets substantiels. Aujourd’hui, la réactualisation des projets de morcellement à la Curzon, est perceptible dans le Caucase et en Asie centrale, non seulement contre la Russie mais aussi contre l’Iran. Enfin, 3) de subvertir la Russie par tous les moyens que peut fournir un “soft power” dominant. En gros, il s’agit de provoquer en Russie un soulèvement orchestré par les médias contre Poutine sur le modèle de ce qui s’est passé en Ukraine fin 2004.

 

Double pari: sur le pantouranisme, sur l’islamisme saoudien

 

C’est dans ce cadre qu’il faut analyser le double pari des stratèges américains de ces trois dernières décennies : le pari sur le monde turc/turcophone et le pari sur la carte musulmane wahhabite saoudienne. Le pari sur le monde turc était bien clairement exprimé sous Clinton, un Président sous lequel les trois stratégies énumérées dans la première partir de cet exposé ont été mises en oeuvre. De surcroît, pour injecter dans la région un soft power puissant mais inféodé aux agences américaines, on prévoyait le lancement d’un satellite de télécommunication afin de créer une chaîne unique turcophone, dans une langue turque unifiée et standardisée, capable de diffuser un message bien orchestré en Asie centrale jusqu’aux confins de la Chine.

 

Le pari sur les réseaux wahhabites saoudiens remonte à l’époque où il fallait recruter des hommes de main contre les troupes soviétiques présentes en Afghanistan. Des combattants de la foi musulmane, les mudjahiddins, s’engageaient dans des formations militaires bien entraînées pour appuyer les Pachtouns hostiles à la présence russe. Parmi eux, un certain Oussama Ben Laden, qui financera et appuyera les “talibans”.

 

Le pari sur le monde turc était un pari plus homogène et plus cohérent, en fin de compte, plus “impérial” que “nomade”, dans la mesure où l’empire ottoman, héritier de bon nombre d’institutions impériales de la Perse sassanide et de la romanité greco-byzantine, possédait les structures organisées d’un empire tandis que l’islam wahhabite garde toutes les caractéristiques des tribus de la péninsule arabique, qui ont eu l’enthousiasme de bousculer les empires byzantin et perse moribonds mais non l’endurance de gérer ces territoires civilisés et urbanisés sur le long terme. Mais le pari sur le monde turc, du temps de Clinton, n’était pas un néo-byzantinisme ou un néo-ottomanisme. Il pariait bien plutôt sur une idéologie nouvelle, datant du 20ième siècle, qui posait la Turquie comme l’avant-garde des peuples mobiles, pasteurs, nomades et cavaliers du Touran, d’Asie centrale. Cette idéologie est le panturquisme ou le pantouranisme. Elle a servi un objectif anti-communiste et anti-soviétique, depuis le temps de l’Allemagne nazie jusqu’aux Etats-Unis de Clinton, où la Turquie était posée tout à la fois comme cette avant-garde pantouranienne en direction de l’Ouest et comme l’avant-garde de l’OTAN dans la zone  sensible de la Mer Noire.

 

Pantouranisme: un lien millénaire avec les peuples turcs d’Asie centrale

 

Le pantouranisme est une idéologie diffuse, grandiloquente, qui ne peut trouver aucune concrétisation sans un appui extérieur, sans l’aide d’une puissance étrangère dominant les mers et possédant une solide infrastructure industrielle. L’idéologie pantouranienne a toujours été latente dans l’histoire turque, mais elle n’a été théorisée, de façon complète, que dans les années 20 du 20ième siècle, à la suite et sur le modèle des idéologies pangermanistes et panslavistes. Elle est portée par un argument historique valable du point de vue turc: c’est en effet toujours un apport turc (turkmène, tatar ou ouzbek) venu d’Asie centrale qui a permis à l’Empire ottoman de renforcer ses armées et de mener des opérations en Europe et au Moyen-Orient, contre la Sainte-Ligue, l’Autriche-Hongrie ou l’Empire perse. Quelques exemples: le calife de Bagdad fait appel aux troupes turques de Toghrul Bey venues du fonds de la steppe pour rétablir l’ordre dans le califat arabe en déliquescence; les Seldjouks, qui arrivent au 11ième  siècle et battent les Byzantins à Manzikert en 1071, viennent eux aussi d’Asie centrale; les derniers Grecs de Trébizonde doivent finir par céder face aux masses rurales de l’arrière-pays, entièrement composées de pasteurs turkmènes, alliés des Ottomans; à Vienne en 1683, l’armée ottomane est appuyée par des colonnes volantes de cavaliers-raiders tatars et turkmènes qui rançonnent, pillent et saccagent la Hongrie, la Slovaquie et de vastes régions d’Autriche. Les peuples turcs d’Asie centrale ont constitué la réserve démographique et militaire de l’empire ottoman.

 

Dans les années 20 et 30 du 20ième siècle, le pantouranisme est l’idéologie de quelques savants turcologues; elle ne connait pas de traduction politique; elle est à ce titre désincarnée mais d’autant plus virulente  sur le plan intellectuel. En 1942, quand le sort des armes paraît favorable au Troisième Reich et que les services de celui-ci encouragent les peuples non russes à déserter le service de Staline, le pantouranisme, qui veut profiter de cette aubaine, gagne des adeptes et sort de la discrétion. Un certain Turkes, qui deviendra le leader des “Loups Gris” nationalistes, fait partie de ceux qui réclament une alliance rapide avec l’Allemagne pour participer au démantèlement de l’Union Soviétique jugée trop vite moribonde, parce qu’elle n’a pas encore reçu, via l’Iran occupé, un matériel moderne  venu des Etats-Unis. Le mouvement des “Loups Gris”, intéressant à plus d’un titre et bien structuré, s’alignera sur des positions panturques pures et laïques jusqu’en 1965, année où il fera une sorte d’aggiornamento et admettra un “islamisme” offensif, à condition qu’il soit dirigé par des éléments turcs. Aujourd’hui, ce mouvement, qui a connu la répression du régime, est partagé: ainsi, il ne veut pas d’une adhésion turque à l’Europe, car, prétend-il, une immersion de l’Etat turc dans l’UE conduirait à lui faire perdre toute “turcicité”. Il me paraît dès lors important de ne pas confondre trois strates idéologiques présente en Turquie actuellement: le kémalisme, l’idéologie nationaliste des Loups Gris et le pantouranisme, dans son orientation libérale et pro-occidentale.

 

Diverses idéologies turques

 

En effet, le kémalisme voulait et veut encore (dans la mesure où il domine) aligner la Turquie sur l’Europe, l’européaniser sur les plans intellectuels et spirituels sans pour autant la christianiser.  Dans ce but, Kemal Ataturk développe un mythe “hittite”. Pour lui, la Turquie est l’héritière de l’empire hittite, peuple indo-européen venu de l’espace danubien pour s’élancer vers le Proche-Orient et se heurter à l’Egypte. C’est la raison pour laquelle il crée un musée hittite à Ankara et encourage les fouilles pour redécouvrir cette civilisation à la charnière de la proto-histoire et de l’histoire. L’idéologie des Loups Gris, qui se dénomment eux-mêmes les “idéalistes”, est panturquiste mais ses avatars ont parfois admis l’islamisation et ont refusé, récemment, l’adhésion à l’UE, que préconiserait tout néo-kémalisme fidèle à ses options de base. Les libéraux et les sociaux-démocrates turcs (pour autant que ces labels idéologiques aient une signification en dehors de l’Europe occidentale) sont souvent à la fois panturcs et pro-américains, anti-arabes, anti-russes et pro-UE.

 

Après la défaite électorale des démocrates américains et l’avènement de Bush à la présidence, la stratégie américaine s’est quelque peu modifiée. L’alliance qui domine est surtout wahhabite-puritaine; elle mise sur un islamisme simplifié et offensif plus exportable et, en théorie, détaché des appartenances ethniques. L’objectif est de fabriquer une idéologie mobilisatrice d’éléments agressifs pour réaliser le projet d’un “Grand Moyen Orient” intégré, servant de débouché pour une industrie américaine toujours en quête de clients. Ce “Grand Moyen Orient” a l’atout d’avoir une démographie en hausse, ce qui permet de prévoir d’importantes plus-values (l’iranologue français Bernard Hourcade, dans une étude très fouillée, constate toutefois le ressac démographique de l’Iran, en dépit de l’idéologie natalisme du pouvoir islamique; cf. B.  Hourcade, Iran. Nouvelles identités d’une république, Ed. Belin/Documentation Française, 2002).

 

L’alliance wahhabite-puritaine recouvre aussi  —c’est l’évidence même—  une alliance économique axée sur le pétrole (saoudien et texan). Avec Bush, c’est une stratégie plus pétrolière que historico-politique qui s’installe, et qui bouleverse certaines traditions diplomatiques américaines, notamment celles qu’avaient déployées les démocrates et les conservateurs classiques (que l’on ne confondra pas avec les néo-conservateurs actuels). Cette nouvelle stratégie pétrolière ne satisfait pas les rêves turcs. Qui, eux, visent essentiellement à récupérer le pétrole de Mossoul. En effet, la Turquie, de Mustafa Kemal à aujourd’hui, est un Etat aux ressources énergétiques rares, insuffisantes pour satisfaire les besoins toujours plus pressants d’une population en croissance rapide. Les nappes pétrolifères de l’Est du pays, dans le Kurdistan montagnard en ébullition, à proximité de la frontière irakienne, sont insuffisantes mais nécessaires, ce qui explique aussi la hantise et la phobie du régime turc pour toute idée d’une émancipation nationale kurde pouvant aboutir à une sécession. Les départements autour de ces quelques puits de pétrole sont tous sous le statut d’état d’exception, notamment la région de Batman où se situe la principale raffinerie de pétrole turc. Pour Ankara, la fidélité à l’alliance américaine devait à terme trouver une récompense: recevoir une certaine indépendance énergétique, par le biais de revendications  territoriales issues d’une idéologie panturquiste ou néo-ottomane, soit en annexant le Kurdistan irakien, soit en forgeant une alliance avec l’Azerbaïdjan, Etat turcophone mais iranisé, soit en recevant toutes sortes d’avantages dans l’exploitation du pétrole de la région caspienne, du moins dans ses parties turcophones. La stratégie pétrolière de Bush vise, elle, à concentrer un maximum de ressources en hydrocarbures entre les mains de ceux qui, au Texas comme dans la péninsule arabique, en possèdent déjà beaucoup. La Turquie, comme personne d’autre, n’est invitée au partage. Dans de telles conditions, la Turquie ne peut espérer récupérer Mossoul.

 

“Hürriyet” et la question kurde

 

Récemment, le principal quotidien turc, “Hürriyet”, suggère indirectement une paix aux Kurdes, dans la mesure où il dit ne plus craindre ouvertement la création d’un Kurdistan indépendant dans le nord de l’Irak. Pour “Hürriyet”, désormais, le Kurdistan indépendant du nord de l’Irak pourrait parfaitement cohabiter avec un Kurdistan autonome sur le territoire de la république turque, à condition que s’instaure une sorte de marché commun turco-kurde, dont la principale source d’énergie serait ce pétrole tant convoité de Mossoul. C’est la première fois qu’un quotidien turc, de l’importance de “Hürriyet”, ose évoquer l’idée d’un Kurdistan autonome. L’objectif de ce nouvel engouement kurde est à l’évidence de récupérer le pétrole de Mossoul, cédé à contre-coeur par la Turquie en 1923, et d’empêcher les Chiites irakiens, alliés des Etats-Unis, de faire main base sur l’ensemble des ressources en hydrocarbures de l’Irak dépecé. Le vent est en train de tourner en Turquie et Bush, contrairement à Clinton, n’a pas carressé son allié turc dans le sens du poil. Une négligence qui pourrait être lourde de conséquence.

 

L’alliance entre Washington et les Wahhabites est un fait, malgré les rideaux de fumée médiatiques, évoquant une guerre des civilisations entre un Occident dominé par l’Amérique et un monde arabo-musulman travaillé par l’idéologie de Ben Laden. Posé comme l’ennemi  public n°1 sur la planète entière après les attentats de New York en septembre 2001, Oussama Ben Laden reste curieusement introuvable, ce qui permet de faire de sa personne le croquemitaine universel, se profilant derrière tous les attentats sordides qui ensanglantent la planète. Ben Laden est sans doute le modèle tout trouvé pour des musulmans déboussolés dans les grandes banlieues sinistres où l’on parque les immigrés en Occident, mais il est loin de représenter tout l’islam. Son islam n’est pas celui de l’Iran, qui choisit d’autres alliances stratégiques, avec la Chine ou avec la Russie. Son islam n’est pas non plus celui de l’islam russophile d’Asie centrale, qui, même s’il est fortement battu en brèche depuis l’effondrement du soviétisme, ne souhaite pas se voir inféodé à un “Grand Moyen Orient”, entièrement sous la tutelle des trusts américains. Il existe non pas un islam mais des islams comme le disait très justement le géopolitologue français Yves Lacoste. Les islamismes radicaux, qui se proclament bruyamment anti-américains, font souvent le jeu de Washington et peuvent, le cas échéant, être considérés comme des créations des services spéciaux, servant de leviers à des opérations de guerre indirecte.

 

L’islamisme : un levier de déstabilisation permanente

 

Bon nombre de ces islams radicaux sont effectivement des leviers pour créer du désordre partout. C’est le cas en France pour briser et affaiblir l’une des principales puissances de l’axe potentiel unissant Paris, Berlin et Moscou. C’est le cas dans le sud de la Thaïlande, déstabilisé par sa minorité musulmane. Ce sera demain le cas en Inde, un pays qui se développe plus lentement et plus sûrement que la Chine, déjà dans le collimateur de Washington.

 

Pour ce qui concerne la Russie, l’alliance Washington-Ankara permettait  aux Etats-Unis d’occuper l’Anatolie, base de départ de la conquête ottomane des Balkans, dont la façade orientale, avec la Bulgarie et la Roumanie, était inféodée, à partir de 1945, à la puissance soviétique; de se trouver proche du Caucase que les Allemands n’avaient pas pu conquérir en 1941-42 et de tenir en échec les puissances arabes du Proche-Orient et l’Egypte, alors alliées de l’URSS. Aujourd’hui, la Turquie sert de base arrière aux terroristes tchétchènes et d’alliée des Azeris. Seule la question de Mossoul a jeté un froid sur les relations turco-américaines et permis un rapprochement avec la Russie. L’alliance entre Washington et les wahhabites permet d’instrumentaliser des islamistes dans le conflit tchétchène et ailleurs en Asie centrale, voire de trouver des sources de financement pour remettre l’Albanie anti-serbe sur les rails.

 

Le panturquisme et l’islamisme wahhabite sont des leviers, tout comme la Fondation Soros, et toutes les fondations de même nature, pour parfaire ce que les géopolitologues anglo-saxons ont nommé le “Grand Jeu”, qui est, hier comme aujourd’hui, la volonté de contenir ou de détruire la puissance impériale russe.

 

Robert STEUCKERS,

Forest-Flotzenberg/Nancy, 26 novembre 2005.

lundi, 06 septembre 2010

Zuma wirbt in China um Aufnahme in die BRIC-Gruppe

Der Nächste bitte: Südafrikas Präsident Jacob Zuma wirbt in China um Aufnahme in die BRIC-Gruppe

Wang Xin Long

Ex: http://info.kopp-verlag.de/

 

Der südafrikanische Präsident, Jacob Zuma, besuchte diese Woche Peking, seine letzte Station auf der Reise zu den BRIC-Staaten Brasilien, Russland, Indien und China. Zuma, der mit einer 300 Personen starken Wirtschaftsdelegation und einer seiner Frauen angereist war, wurde in Peking mit vollen militärischen Ehren begrüßt.

 

 

Zuma besucht China, um die wirtschaftlichen Beziehungen zwischen den beiden Ländern weiter auszubauen und für mehr chinesische Investitionen in Südafrika zu werben. Die Gespräche waren für beide Seiten erfolgreich, und bereits am Dienstag hatte man ein dutzend Kooperationsverträge unterzeichnet. Die angestrebten Kooperationen umfassen den Finanzmarkt, Versicherungen, Infrastrukturprojekte und die Telekommunikation. Außerdem greift die chinesische Entwicklungsbank dem südafrikanischen Mobilfunkdienstleister Cell C mit einem Kredit in Höhe von umgerechnet rund 240 Millionen Euro unter die Arme.

Darüber hinaus hat Jacob Zuma erneut sein Anliegen vorgetragen, Südafrika in der BRIC-Gruppe unterbringen zu wollen. Das Land sei reif für eine Aufnahme, sagte er in mehreren Interviews. Das Anliegen als solches ist zwar verständlich, denn immerhin handelt es sich bei den BRIC-Staaten um die größten volkswirtschaftlichen Potenziale der nächsten zehn bis 15 Jahre. Aber woher Zuma die Idee hat, dass Südafrika in diesen Club der wohlhabenden Nationen hineinpasst, ist manchen Kommentatoren schleierhaft.

In der Tat, Südafrika wirbt nicht erst seit gestern um Aufnahme in die BRIC-Gruppe, und man lässt keine Gelegenheit aus, bei den BRIC-Teilnehmern auf sich aufmerksam zu machen. Zuma bereist die Teilnehmerländer oft, und unterstreicht jedes Mal seine Vision von einer Teilnahme Südafrikas. Auch beim diesjährigen Sankt Petersburger Wirtschaftsforum (SPIEF) war Südafrika durch seinen Botschafter in Russland und den Geschäftsführer der Standard Bank, der größten südafrikanischen Bankengruppe vertreten

Zuma scheint zuversichtlich, dass seine Lobbyarbeit erfolgreich sein wird, und er den angestrebten Sprung in den Kreis der BRIC-Staaten schafft. Ein wenig überrascht ist man über das beharrliche Ansinnen des südafrikanischen Präsidenten an einigen Orten aber schon. Denn letztendlich bedarf es einer Aufnahme unter der BRIC-Doktrin einer gesunden Volkswirtschaft mit beträchtlichem Potenzial in bestimmten auserwählten Wirtschaftssektoren – und diese Potenziale müssen vom Begründer der Doktrin, der Goldman Sachs, auch als solche identifiziert werden können. Jacob Zuma wäre also gut beraten, einmal bei Jim O’Neill, dem Chef der Abteilung Globale Forschung bei Goldman Sachs nachzufragen, wie man denn dort über die Aufnahme Südafrikas denkt.

Ob der erst diese Woche von der chinesischen Entwicklungsbank erteilte Kredit an den angeschlagenen südafrikanischen Mobilfunker Cell C in Höhe von umgerechnet rund 240 Millionen Euro bei Goldman Sachs die nötige Euphorie und ausreichend Vertrauen in die Wirtschaftspotenziale Südafrikas hervorgerufen hat, ist fraglich.

 

samedi, 28 août 2010

Dall'unipolarità alla multipolarità

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Dall’unipolarità alla multipolarità

di Carlos Pereyra Mele

Fonte: eurasia [scheda fonte]

La geopolitica (scienza maledetta sin dalla II Guerra Mondiale), rinasce a partire dagli anni settanta, quando la politica internazionale si trasforma dal modello che si fondava nello scontro ideologico (capitalismo versus comunismo), poiché in quegli anni gli USA stabiliscono buoni rapporti con la Cina comunista di Mao, a quello in cui si dà inizio a una nuova fase nella geopolitica moderna. Ma fondamentalmente è a partire dallo schieramento capeggiato dagli USA contro l’ex URSS che la geopolitica si dispiega con tutta la sua potenzialità, trasformando gli Stati Uniti nella prima repubblica imperiale moderna e anche nell’iperpotenza militare che impone la globalizzazione per raggiungere il controllo planetario; per questa ragione uno dei suoi più dotati geopolitici, Henry Kissinger, affermò che “in realtà, la globalizzazione è un altro nome con il quale si esercita il ruolo dominante degli Stati Uniti”.

Quest’idea di controllo planetario, come più volte ribadito, si affida sull’appoggio mitico del destino manifesto dai dirigenti americani e dalle grandi corporazioni che integrano il modello, e che cerca di piegare la resistenza sollevata da regioni e stati nazionali per imporre un controllo all’espansione del modello economico capitalista neoliberale. Il modello che si è voluto fornire è un sistema di espansione economico vulnerabile che deve essere protetto militarmente nelle sue infrastrutture. Questo modello ha fornito un sistema militarmente unipolare (gli USA come grande potenza), e culturalmente ed economicamente multipolare (USA, UE, Giappone) che è riuscito a dividere in due correnti l’America latina, soprattutto a seguito dell’attuazione della globalizzazione asimmetrica. Anche se fondamentalmente trova sempre maggiore resistenza nel cuore del continente asiatico e, nonostante l’immenso sforzo messo in pratica dall’iperpotenza per imporsi totalmente, dopo una decade questo modello non ha avuto successo e ciò sta creandogli nuove sfide e condizioni che mettono in crisi quella politica dal destino manifesto.

Dopo il sistema bipolare (dal 1945 al 1991), è iniziata una nuova era geopolitica, quella del “momento unipolare”, nella quale gli Stati Uniti rappresentavano “l’iperpotenza” (“hyperpuissance”, secondo la definizione del ministro francese Hubert Védrine).

Ad ogni modo, il nuovo sistema unipolare avrebbe avuto una vita breve e si è esaurito agli inizi del secolo XXI, quando la Russia ricompare come sfidante strategica nelle faccende globali e, allo stesso tempo, Cina e India, i due giganti asiatici, si affacciano come potenze economiche e strategiche. A livello globale, dobbiamo anche prendere in considerazione il peso crescente rappresentato da alcune nazioni dell’America latina, come il Brasile, l’Argentina e il Venezuela. Gli importanti rapporti che intrattengono questi paesi con la Cina, la Russia e l’Iran, sembrano acquisire valore strategico e prefigurano un nuovo sistema multipolare, i cui principali pilastri si possono considerare costituiti da Eurasia e dall’America latina sudamericana.

Ma stiamo vivendo anche un nuovo momento in cui la supremazia imposta dal cosiddetto mondo occidentale sin dalla rivoluzione industriale, cessa di rappresentare l’asse portante dello sviluppo e della cultura del mondo moderno per ridefinirsi in nuovi equilibri con paesi e culture molto diversi da quelli dominati negli ultimi duecento anni (e che concerne anche la nostra storia, soprattutto adesso che stiamo festeggiando il Bicentenario).

Il grande cambiamento s’imposta in rapporto alla partecipazione e allo sviluppo dell’Asia, in particolar modo di Cina, India e Russia, i quali rispettivamente sono passati ad avere un PIL pro capite da 419 a 6800 dollari, 16 volte in più, da 643 a 3500 dollari, 5 volte in più, in Russia si è arrivati a 13173 e in Brasile si è passati da 3744 a 9080, quasi tre volte in più. Il potere economico tendenzialmente va accompagnato verso la regionalizzazione, il che rende più dinamici e danno maggiore potere agli emergenti che capeggiano questi processi. Gli scambi interregionali si accelerano e si attivano in Asia Orientale, passando negli ultimi anni da un 40% a un 60%, lo stesso sta accadendo con l’aumento delle possibilità di sviluppo nella regione sudamericana, di là dalle asimmetrie esistenti, come nel caso del Mercosur.

Autorevoli analisti economici prevedono che, nonostante la crisi mondiale e se questa non produce maggiori danni di quelli che ha prodotto fino a ora, nella cosiddetta triade (USA, UE, Giappone), la partecipazione nel prodotto lordo mondiale da parte delle regioni emergenti sarà nel periodo 2020-2025 di circa il 60%, spettandogli all’Asia il 45% di questo incremento.

Questo aumento della potenzialità economica e dello sviluppo sarà accompagnato da una maggiore autonomia politica.

Per questa ragione, il secolo XXI si caratterizzerà come un secolo decentralizzato e con molte zone di potere decisionale.

Questa realtà la nascosero molti studiosi di rapporti esteri, perché “occidentali”. E ancora adesso continuano a confondere i nostri popoli con informazione falsa, mediante i mezzi di comunicazione che sono proprietà di quel sistema di alleanze. L’iperpotenza americana deve negoziare con attori che prima non prendeva in considerazione o al massimo li considerava marginalmente. E questo non è poco.

Ricordiamo che questa dinamica del nuovo ordine in gestazione la stiamo sostenendo sin dall’anno 2001, e quelli che hanno partecipato nelle nostre conferenze, riunioni e seminari possono confermare ciò.

Con una globalizzazione severamente aggravata dall’unilateralismo degli Stati Uniti, nel 2001 sostenevamo una divisione del mondo schematicamente diviso in 4 livelli:

  1. Livello superiore. Supremazia assoluta (o quasi) degli USA.
  2. Livello a elevata autodeterminazione, dove si trovano solo l’Unione Europea e il Giappone.
  3. Livello di resistenza. Lì stanno la Cina, l’India e la Russia, le quali posseggono la capacità di limitare l’interferenza della globalizzazione nel loro territorio. Vale a dire, hanno autodeterminazione interna, ma molto limitata autodeterminazione esterna.
  4. Livello di dipendenza. Tutti gli altri paesi.

Dopo il 1991 non c’è stato nessun altro tipo di negoziati tra le “potenze vittoriose”, come accadde alla fine della II Guerra Mondiale. Neanche ci fu “accordo di pace”, i nuovi rapporti politici ed economici sanciti tra le grandi potenze – e tra queste e il resto del mondo- da allora si stanno definendo in forma lenta, conflittuale, basati nel “caso per caso”. Gli Stati Uniti continuarono ad applicare le tesi Nicolas Spykman, per controllare ciò che lui definì il Rimland – principale oggetto della strategia per il governo mondiale -, il quale è pensato per il controllo dell’Europa occidentale, Medio Oriente, la Penisola arabica, Iran, Turchia, India e Pakistan, il Sudest asiatico, parte della Cina, Corea, Giappone e la parte costiera della Russia orientale. E, all’interno di questo quadro di controllo geopolitico “ha luogo” l’11 settembre (attentato alle torri gemelle), per mezzo del quale gli USA portano avanti la denominata “guerra infinita” contro i paesi che unilateralmente dichiara “Stati canaglia” con il suo famoso “asse del male” e con questa giustificazione mette in moto la parte finale del processo di dominio planetario che i suoi ideologi ed esecutori militari avevano pianificato sin dalla caduta dell’URSS (si vedano i documenti americani di Santa Fe per capire meglio questo modello).

Quello che in realtà si volle imporre fu una versione aggiornata del vecchio modello globalizzatore della rivoluzione industriale della fine del secolo XIX, nel quale il mondo si divise in centri dominanti (paesi sviluppati) e periferici (colonie dipendenti).

Ma il progetto non poté rendersi del tutto operativo nella sua totalità e la grande notizia è che l’attuale mutazione sta mettendo fine a una struttura storica di quasi duecento anni di dominazione da parte dell’occidente e con essa non è in crisi il modello capitalista, bensì tutto il sistema munito di strutture e di organizzazioni che si sono imposte dopo il trionfo degli USA nella II Guerra Mondiale (ONU, FMI, BM, OSA nel nostro caso specificamente latinoamericano, ecc.)

Attualmente, il sistema mondo 2010 si sta ridefinendo nella seguente maniera:

  1. Livello superiore. Supremazia non più assoluta degli USA.
  2. Livello a elevata autodeterminazione, dove si collocano l’Unione Europea, il Giappone, la Cina e la Russia.
  3. Livello di resistenza. In esso si collocano l’India, il Sudafrica e il Brasile (che cerca di irrobustire tutto un suo sistema regionale del quale l’Argentina rappresenta il nucleo forte dell’integrazione con strutture come: Gruppo di Rio, Mercosur, UNASUR, Consiglio di Difesa Sudamericano, Banco del Sud, ecc.), le quali consentono di avere una capacità di limitazione dell’interferenza globalizzatrice nel proprio territorio. Vale la pena ricordare che il livello di resistenza significa: autodeterminazione interna e con limitata autodeterminazione esterna).
  4. Livello di dipendenza. Tutti gli altri paesi.

Queste sono le tendenze geopolitiche del 2010, il come si definirà questo modello di sistema mondo lo vedremo tra qualche anno, il grande dubbio che rimane in sospeso è se gli attuali detentori dell’egemonia militare non tenteranno d’imporre il loro modello di controllo planetario di tipo bellico, perché se così fosse, l’umanità starebbe sull’orlo dell’estinzione in un olocausto nucleare.

I grandi mutamenti sono un’enorme sfida che devono affrontare gli attori politici e sociali d’America e, in particolar modo, quelli del nostro paese che si trovano davanti a un’alternativa molto forte, perché da questi esigono un livello di cooperazione pressante per evitare il trionfo dell’irrazionalità. Evidenziando che queste nuove circostanze danno al nostro continente la possibilità, vera e concreta, di ridefinire il nostro ruolo a livello globale e di non partecipare nuovamente come invitati di pietra nel ridisegnare il mondo, giacché siamo alla presenza di un mondo che racchiuderà molti centri di potere e la logica ci dovrebbe obbligare a pensare in grande, cioè in termini di regione e di continente per uscire dallo stadio di dipendenza periferica che ci aveva assegnato il sistema di globalizzazione avviato dagli USA. Dobbiamo ricordare, come lo abbiamo più volte detto, che il mondo che abbiamo conosciuto negli ultimi duecento anni si sta modificando nelle sue strutture basiche, paradigmi e miti, tanto nazionali, regionali e continentali, e ciò ci richiede una nuova insubordinazione che getti le fondamenta in questo Bicentenario.

Testo presentato alla Conferenza del III Seminario di Geopolitica organizzato dal Settore Cultura della Provincia di Córdoba il 12 agosto 2010.

Fonti:

La Insoburdinación Fundante, del Dott. Marcelo Gullo.

Le monde Diplomatique, edición latinoamericana.

Rivista EURASIA, del Dott. Tiberio Graziani.

Pensamiento de Ruptura, del Dott. Alberto Buela.

Diccionario Latinoamericano de geopolítica y Seguridad del Dott. Miguel Barrios y Carlos Pereyra Mele.

(trad di V. Paglione)

http://licpereyramele.blogspot.com/

* Carlos Pereyra Mele, politologo argentino e membro del  Centro de Estudios Estratégicos Suramericanos, collabora con la rivista “Eurasia”.


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samedi, 21 août 2010

L'idée touranienne dans la stratégie américaine

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2001

 

 

L'idée touranienne dans la stratégie américaine

 

Le régime turc est autorisé à se maintenir en lisière de l'Eu­rope et dans l'OTAN, malgré ses dimensions "non démo­cra­ti­ques", parce ce pays reçoit en priorité l'appui des Etats-U­nis, qui savent que le militarisme turc pourra leur être très utile si le "Grand Jeu" reprend au beau milieu de l'espace eurasiatique. Cette coïncidence d'intérêts entre militaires turcs et stratégie générale des Etats-Unis incite les uns et les autres à redonner vigueur au "panturquisme", qui porte quelques fois un autre nom : celui de "pantouranisme" ou de "touranisme". C'est le rêve et le projet d'un "empire grand-turc", même s'il doit rester informel, qui s'étendrait de l'Adriatique (en Bosnie) à la Chine (en englobant le Xin­jian ou "Turkestan oriental" ou "Turkestan chinois") (1). Cet empire grand-turc rêvé prendrait le relais de l'Empire otto­man défunt. Le projet touranien a été formulé jadis par le dernier ministre de la guerre de cet empire ottoman, Enver Pacha, tombé au combat face aux troupes soviétiques en com­mandant des indépendantistes turcophones d'Asie cen­tra­le. La "Touranie" centre asiatique n'a jamais fait partie de l'Empire ottoman, sauf quelques bribes territoriales dans les marches; néanmoins, il y a toujours eu des liens entre les khanats des peuples turcs d'Asie centrale et l'Empire ot­to­man, qui y recrutait des hommes pour ses armées. Si la li­gnée d'Osman s'était éteinte, celle des khans de Crimée, de la maison de Giraj, dont l'ancêtre était le Grand Khan des Mongols, Gengis Khan (2), serait alors devenue, comme prévu, la dynastie dirigeante de l'Empire Ottoman (3). 

 

Face au projet touranien, Atatürk adoptait plutôt une posi­tion de rejet, mais c'était très vraisemblablement par tac­ti­que (4), car il devait justifier sa politique face à l'Occident et condamner, pour cette raison, le génocide perpétré par les gouvernements jeunes-turques contre les Arméniens. En­suite, dès que le régime soviétique s'est consolidé, il n'au­rait pas été réaliste de persister sur des positions pan­tou­raniennes. Pourtant, en 1942, quand les troupes alle­man­des pénètrent profondément à l'intérieur du territoire so­viétique, le panturquisme, longtemps refoulé, revient très vite à la surface. Mais, vu la constellation internatio­nale, le gouvernement turc a dû officiellement juger cer­tains activistes pantouraniens, comme le fameux Alparslan Türkesch, pour "activités racistes"; en effet, les Britan­ni­ques (et non pas l'Allemagne nationale-socialiste) avaient, selon leurs bonnes habitudes et sans circonlocutions inu­ti­les, menacé d'occuper la Turquie et Staline, lui, était passé à l'acte en déportant en Sibérie les Tatars de Crimée, alliés poten­tiels d'une coalition germano-turque.

 

Perspective touranienne

et "grande turcophonie"

 

Après l'effondrement de l'URSS, la perspective touranienne (5) est bien trop séduisante pour les Etats-Unis, héritiers du système de domination britannique, pour qu'ils la négli­gent. Mises à part les républiques caucasiennes, la majorité écrasante de la population des Etats indépendants dans la partie méridionale de l'ex-Union Soviétique sont de souche turque, sauf les Tadjiks qui sont de souche persane. Qui plus est, de nombreux peuples au sein même de la Fé­dé­ra­tion de Russie appartiennent à cette "grande turcophonie": leur taux de natalité est très élevé, comme par exemple chez les Tatars, qui ont obtenu le statut d'une république quasi indépendante, ou chez les Tchétchènes, qui combat­tent pour obtenir un statut équivalent. Les "pantouraniens" de Turquie ne sont pas encore très conscients du fait que les Yakoutes de Sibérie nord-orientale, face à l'Etat amé­ri­cain d'Alaska, relèvent, eux aussi, au sens large, de la tur­co­phonie.

 

Si l'on parvient à unir ces peuples qui, tous ensemble, comp­tent quelque 120 millions de ressortissants, ou, si on par­vient à les orienter vers la Turquie et son puissant allié, les Etats-Unis, à long terme, les dimensions de la Russie pourraient bien redevenir celles, fort réduites, qu'elle avait au temps d'Ivan le Terrible (6). En jouant la carte azérie (l'A­zerbaïdjan), ethnie qui fournit la majorité du cadre mi­li­taire de l'Iran, on pourrait soit opérer une partition de l'I­ran soit imposer à ce pays un régime de type kémaliste, indirectement contrôlé par les Turcs. Certains pantoura­niens turcs, à l'imagination débordante, pourraient même rêver d'un nouvel Empire Moghol, entité démantelée en son temps par les Britanniques et qui sanctionnait la domina­tion turque sur l'Inde et dont l'héritier actuel est le Pa­ki­stan.

 

Le "Parti du Mouvement National" (MHP), issu des "Loups Gris" de Türkesch, se réclame très nettement du touranis­me; lors des dernières élections pour le parlement turc, ce parti a obtenu 18,1%, sous la houlette de son président, Dev­let Bahceli et est devenu ainsi le deuxième parti du pays. Il participe au gouvernement actuel du pays, dans une coalition avec le social-démocrate Ecevit, permettant ainsi à certaines idées panturques ou à des sentiments de même acabit, d'exercer une influence évidente dans la so­ciété turque. C'est comme si l'Allemagne était gouvernée par une coalition SPD/NPD, avec Schroeder pour chancelier et Horst Mahler comme vice-chancelier et ministre des af­faires extérieures! […].

 

Une Asie centrale "kémalisée"?

 

Dans un tel contexte, le kémalisme comme régime a toutes ses chances dans les républiques touraniennes de l'ex-Union Soviétique. Les post-communistes, qui gouvernent ces E­tats, gardent leur distance vis-à-vis de l'Islam militant et veu­lent le tenir en échec sur les plans politique et institu­tionnel. Mais l'arsenal du pouvoir mis en œuvre là-bas peut rapidement basculer, le cas échéant, dans une démocratie truquée. Jusqu'à présent, ces Etats et leurs régimes se sont orientés sur les concepts du soviétisme libéralisé et, mis à part l'Azerbaïdjan, choisissent encore de s'appuyer plutôt sur la Russie que sur la Turquie (8), malgré l'engagement à grande échelle de Washington et d'Ankara dans les sociétés pétrolières et dans la politique linguistique (introduction d'un alphabet latin modifié (7), adaptation des langues turques au turc de Turquie. Comme l'Occident exige la li­berté d'opinion et le pluralisme, ces éléments de "bonne gouvernance" sont introduits graduellement par les gouver­ne­ments de ces pays, ce qui constitue une démocratisation sous contrôle des services secrets selon la notion de peres­troïka héritée de l'Union Soviétique (9).

 

Cela revient à construire les "villages à la Potemkine" de la dé­mocratie (10), dont le mode de fonctionnement concret est difficile à comprendre de l'extérieur. Tant que les diffé­rents partis et organes de presse demeurent sous le contrô­le des services secrets, on n'aura pas besoin d'interdire des formations politiques en Asie centrale (contrairement à ce qui se passe en Allemagne fédérale!). Mieux: on ira jusqu'à soutenir le "pluralisme" par des subsides en provenance des services secrets, car cela facilitera l'exercice du pouvoir par les régimes post-communistes établis, selon le bon vieux principe de "Divide et impera", mais l'Occident aura l'im­pression que la démocratie est en marche dans la ré­gion.

 

Avec Peter Scholl-Latour, on peut se poser la question: «Pen­dant combien de temps l'Occident  —principalement le Congrès américain et le Conseil de l'Europe—  va-t-il culti­ver le caprice d'imposer un parlementarisme, qui soit le cal­que parfait de Westminster, dans cette région perdue du monde, où le despotisme est et reste la règle cardinale de tout pouvoir? ». Ce jeu factice de pseudo-partis et de pseu­do-majorités ne peut conduire qu'à discréditer un système, qui ne s'est avéré viable qu'en Occident et qui y est incon­tour­nable. Le pluralisme politique et la liberté d'opinion ne sont pas des "valeurs" qui se développeront de manière op­timale en Asie centrale. Même le Président Askar Akaïev du Kirghizistan, considéré en Europe comme étant "relative­ment libéral", a fait prolonger et bétonner arbitrairement son mandat par le biais d'un référendum impératif. Nous avons donc affaire à de purs rituels pro-occidentaux, à un libéralisme d'illusionniste, pure poudre aux yeux, et les mis­sionnaires de cette belle sotériologie éclairée, venus d'Oc­cident, finiront un jour ou l'autre par apparaître pour ce qu'ils sont: des maquignons et des hypocrites (11).

 

Va-t-on vers une

islamisation de l'extrémisme libéral?

 

Comme la pseudo-démocratie à vernis occidental court tout droit vers le discrédit et qu'elle correspond aux intérêts américains, tout en ménageant ceux de la Russie (du moins dans l'immédiat…), c'est un tiers qui se renforcera, celui dont on veut couper l'herbe sous les pieds : l'islamisme. Com­me le kémalisme connaît aussi l'échec au niveau des par­tis politiques, parce que la laïcisation forcée qu'il a prô­née n'a pas fonctionné, la perspective touranienne conduit ipso facto à réclamer une ré-islamisation de la Turquie, mais une ré-islamisation compatible avec la doctrine kéma­liste de l'occidentalisation (12); de cette façon, le kéma­lis­me pourra, à moyen terme, prendre en charge les régimes post-communistes de la "Touranie".

La synthèse turco-islamique ("Türk-islam sentezi") est un nou­vel élément doctrinal, sur lequel travaillent depuis long­temps déjà les idéologues du panturquisme (13), avec de bonnes chances de connaître le succès : si l'on compta­bi­lise les voix du DSP et du CHP, on obtient à peu de choses près le nombre des adeptes de l'alévisme; ceux-ci se veu­lent les représentants d'un Islam turc, posé comme distinct du sunnisme, considéré comme "arabe", et du chiisme, con­sidéré comme "persan" (14). Dans cette constellation poli­tique et religieuse, il faut ajouter aux adeptes de l'alé­visme, l'extrême-droite turque et une partie des islamistes (15). Ces deux composantes du paysage politique turc é­taient prêtes à adopter une telle synthèse, celle d'un Islam turc, voir à avaliser sans problème une islamisation du ké­malisme, qui aurait pu, en cas de démocratisation, con­duire à une indigénisation de facto de l'extrémisme libéral.

 

Universalisme islamique

et Etats nationaux

 

En s'efforçant de créer une religion turque basée sur la ma­xime "2500 ans de turcicité, 1000 ans d'islam et (seule­ment) 150 ans d'occidentalisation", un dilemme se révèle : ce­lui d'une démocratisation dans le cadre d'un islam qui reste en dernière instance théocratique. L'établissement de la démocratie dans tout contexte islamique s'avère fort difficile, parce que la conception islamique de l'Etat im­plique une négation complète de l'Etat national (16). Or cette instance, qu'on le veuille ou non, a été la grande pré­misse et une des conditions premières dans l'éclosion de la démocratie occidentale (en dépit de ce que peuvent penser les idéologues allemands au service de la police politique, qui marinent dans les contradictions de leur esprit para-théocratique, glosant à l'infini sur les "valeurs" de la démo­cratie occidentale). Dans l'optique de l'islam stricto sensu, en principe, tous les Etats existants en terre d'islam sont illégitimes et peuvent à la rigueur être considérés comme des instances purement provisoires. Ils n'acquièrent légiti­mité au regard des puristes que s'ils se désignent eux-mê­mes comme bases de départ du futur Etat islamique qui, en théorie, ne peut être qu'unique. 

 

Dans le christianisme, le conflit entre la revendication universaliste de la religion et les exigences particularistes de la politique "mondaine" (immanente) se résout par la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Dans le christianisme oriental (orthodoxie), la séparation de l'Eglise et de l'Etat n'a pas été poussée aussi loin, ce qui est une caracté­ristique découlant tout droit de la forme de domination propre au système ottoman, que l'on appelle le "système des millets", où les chefs d'Eglise, notamment le Patriarche de Constantinople, sont considérés comme des "chefs de peuple". De ce fait, le principe de l'"église nationale" con­stitue la solution dans cette aire byzantine et orthodoxe. Dans l'aire islamique, nous retrouvons cette logique, qui, en Occident, a conduit à la démocratie, telle qu'on la connaît aujourd'hui. Cette démocratie a pu s'organiser dans un es­pace particulier et circonscrit, via l'instance "Etat national". Donc dans l'aire islamique, réaliser la démocratie passe né­cessairement par le postulat de créer une religion natio­nale. On retrouve une logique similaire dans le judaïsme, lui aussi apparenté à l'Islam, où le sionisme a été le moteur d'une démocratisation nationaliste, qui a finalement con­duit à la création de l'Etat d'Israël. Cependant, dans l'aire islamique, une religion nationale de ce type, qui pourrait concerner tous les Etats musulmans, ne pourrait pas se con­tenter d'être une simple religion civile, comme en Occident et notamment en RFA, où la religion civile repose sur un reniement moralisateur du passé, organisé par l'Etat lui-mê­me; elle devrait avoir tous les éléments d'une véritable religion (17), pouvant se déclarer "islamique", même si d'au­tres refusent de la considérer comme telle.

 

 

L'alévisme turc,

religiosité de type gnostique

 

Dans les doctrines de l'alévisme turc (18), nous avons affai­re à une religion de type gnostique, car son noyau évoque la théorie des émanations, selon laquelle tous les étants sont issus de Dieu, vers lequels ils vont ensuite s'efforcer de retourner. Dieu a créé les hommes comme êtres corporels (phy­siques) (19), afin de se reconnaître lui-même dans sa création. Après le "retour" dans l'immense cycle ontolo­gi­que, toutes les formes, produites par l'émanation, retour­nent à Dieu et se dissolvent en lui (20), ce qui lui permet de gagner en quelque sorte une plus-value d'auto-connais­sance. La capacité qu'a l'homme de reconnaître Dieu at­teste de la nature divine de l'homme. Par extrapolation, on aboutit quelques fois à une divinisation de l'homme, deve­nant de la sorte un être parfait (où l'homme devient un dieu sur la Terre), et, dans la logique de l'alévisme turc, le Turc devient ainsi le plus parfait des êtres parfaits. L'hom­me a parfaitement la liberté d'être athée, car l'athéisme con­stitue une possibilité de connaître Dieu (21), car la con­nais­sance de Dieu, dans cette optique, équivaut à une con­naissance de soi-même.

 

Par conséquent, les lois islamiques, y compris les règles de la prière, ne sont pas reconnues et, à leur place, on installe les anciennes règles sociales pré-islamiques des peuples turcs, ce qui revient à mettre sur pied une religion ethni­que turque, compénétrée d'éléments chamaniques venus d'Asie centrale. Dans une telle optique, Mohammed et Ali, qui, au titre d'émanation est pied sur pied d'égalité avec lui, sont perçus comme des êtres angéliques préexistants, devenus hommes.  Le Coran n'a plus qu'une importance de moin­dre rang, car, disent les gnostiques turcs, par sa chute dans une forme somatique d'existence, le Prophète a subi une perte de savoir, le ramenant au niveau de la simple con­naissance humaine. Tous les éléments d'arabité en vien­nent à être rejetés, pour être remplacés par des éléments turcs.

 

Ordre des Janissaires, alévisme

et indigénisme turc

 

Si l'on ôte de l'idéologie d'Atatürk tout le vernis libéral (extrême libéral), on perçoit alors clairement que le fonda­teur de la Turquie moderne —même s'il n'en était pas entiè­rement conscient lui-même—  était effectivement un Alé­vite, donc en quelque sorte un indigéniste turc (on le voit dans ses réformes : égalité de l'homme et de la femme, in­terdiction du voile, autorisation de consommer de l'alcool, suppression de l'alphabet et de la langue arabes, etc.). Ce programme ne peut évidemment pas se transposer sans heurts dans d'autres Etats islamiques. En Turquie, ces ré­for­mes ont pu s'appliquer plus aisément dans la majorité sun­nite du pays sous le prétexte qu'elles étaient une occi­dentalisation et non pas une transposition politique des critères propres de l'alévisme. La suppression du califat sun­nite par Atatürk en 1924 peut s'interpréter comme une ven­geance pour la liquidation de l'ordre des janissaires par l'Etat ottoman en 1826. Les janissaires constituaient la prin­cipale troupe d'élite de l'Empire ottoman; sur le plan re­ligieux, elle était inspirée par l'Ordre alévite des Bekta­chis , lui aussi interdit en 1827 (22). Les intellectuels de l'Armée et les nationalistes d'inspiration alévite reprochent à cette interdiction d'avoir empêché la turquisation des Albanais, très influencés par le bektachisme, à l'ère du ré­veil des nationalités. Les nationalistes alévites constituent l'épine dorsale du mouvement des Jeunes Turcs qui arrivent au pouvoir en 1908. Ces événements et cette importante cardinale du bektachisme alévite explique pourquoi la Tur­quie actuelle et les Etats-Unis (23) accordent tant d'impor­tance à l'Albanie dans les Balkans, au point de les soutenir contre les Européens.

L'idéal de "Touran" vise

à poursuivre la marche de l'histoire

 

La religion quasi étatique dérivée directement des doctri­nes alévites pourrait sous-tendre un processus de démocra­ti­sation dans l'aire culturelle musulmane (24), mais elle ne serait acceptée ni par les Sunnites ni par les Chiites. Ceux-ci n'hésiteraient pas une seconde à déclarer la "guerre sain­te" aux Alévites. On peut penser que les prémisses de cet Is­lam turco-alévite pourrait, par un effet de miroir, se re­trou­ver dans le contexte iranien, où les Perses se réfère­raient à leur culture pré-islamique (ou forgeraient à leur tour un islam qui tiendrait compte de cette culture). Une tel­le démarche, en Iran, prendrait pour base l'épopée na­tio­nale du Shahnameh (le "Livre des Rois"). Aujourd'hui, on observe un certain retour à cette iranisme, par nature non islamique, ce qui s'explique sans doute par une certaine dé­ception face aux résultats de la révolution islamique. Mais le nouvel iranisme diffus d'aujourd'hui se plait à souligner toutes les différences opposant les Perses aux Turcs, alliés des Etats-Unis. Enfin, dans l'iranisme actuel, on perçoit en fi­ligrane une trace du principe fondamental du zoro­as­tris­me, c'est-à-dire la partition du monde en un règne du Bien et un règne du Mal, un règne de la "Lumière" et un règne de l'"Obscurité", compénétrant entièrement l'épopée nationale des Perses. Cela se répercute dans l'opposition qui y est dé­cri­te entre l'Empire d'"Iran" et l'Empire du "Touran". « L'Iran étant la patrie hautement civilisée des Aryens, tandis que le Touran obscur est le lieu où se rassemblent tous les peu­ples barbares de la steppe, venus des profondeurs de l'Asie centrale, pour assiéger la race des seigneurs de souche in­do-européenne » (25).

 

La fin de l'histoire occidentale

 

Peut importe ce que les faits établiront concrètement dans le futur : dés aujourd'hui, on peut dire que la perspective tou­ranienne permet d'aller dans le sens des intérêts amé­ri­cains au cas où le "Grand Jeu" se réactiverait et aurait à nou­veau pour enjeu la domination du continent eurasia­ti­que, prochain "champ de bataille du futur" (26). Parce qu'ils bénéficient du soutien des Etats-Unis, les Etats riverains et touraniens de la Mer Caspienne équipent leurs flottes de guerre pour affirmer leurs droits de souveraineté sur cette mer intérieure face à la Russie et à l'Iran. Le tracé de ces frontières maritimes est important pour déterminer dans l'avenir proche à qui appartiendront les immenses réserves de pétrole et de gaz naturel. Le risque de guerre qui en découle montre l'immoralité de la politique d'occidentalisa­tion, dont parle Huntington (27). Celui-ci nous évoque les moyens qui devront irrémédiablement se mettre en œuvre pour concrétiser une telle politique : ces moyens montrent que la conséquence nécessaire de l'universalisme est l'im­pé­­rialisme, mais que, dans le contexte actuel qui nous pré­occupe, l'Occident n'a plus la volonté nécessaire de l'impo­ser par lui-même (mis à part le fait que cet impérialisme con­tredirait les "principes" occidentaux…). L'universalisme oc­ci­dental, qui cherche à s'imposer par la contrainte, ne peut déboucher que sur le désordre, car les moyens mis en œuvre libèreraient des forces religieuses, philosophiques et démographiques qu'il est incapable de contrôler et de com­pren­dre. Cette libération de forces pourra conduire à tout, sauf à la "fin de l'histoire". Mais cette fin de l'histoire sera effectivement une fin pour la civilisation qui pense que cet­te fin est déjà arrivée. «Les sociétés qui partent du prin­ci­pe que leur histoire est arrivée à sa fin sont habituel­le­ment des sociétés dont l'histoire sera interprétée comme étant déjà sur la voie du déclin » (28).

 

On peut émettre de sérieux doute quant à la réalisation ef­fective de la "perspective touranienne" ou d'une issue con­crète aux conflits qu'elle serait susceptible de déclencher dans l'espace centra-asiatique quadrillé jadis par l'interna­tionalisme stalinien qui a imposé des frontières artificiel­les, reprises telles quelles par le nouvel ordre libéral, qui ne parle pas d'"internationalisme", comme les Staliniens, mais de "multiculturalisme". Ce multiculturalisme ne veut pas de frontières, alors que ce système de frontières est une nécessité pour arbitrer les conflits potentiels de cette ré­gion à hauts risques. Renoncer aux frontières utiles re­vient à attendre une orgie de sang et d'horreur, qui sera d'au­tant plus corsée qu'elle aura une dimension métaphy­si­que (29). C'est une sombre perspective pour nous Euro­péens, mais, pour les Turcs, elle implique la survie, quoi qu'il arrive, à l'horizon de la fin de l'histoire, que ce soit en préservant leur alliance privilégiée avec les Etats-Unis ou en entrant en conflit avec eux, remplaçant l'URSS comme dé­tenteurs de la "Terre du Milieu", nécessairement opposés aux maîtres de la Mer.

Josef SCHÜSSLBURNER.

(extrait d'un article paru dans Staatsbriefe, n°9-10/2001).

Notes :

(1)     Cf. «Waffen und Fundamentalismus. Die muslimischen Separa­tisten im Nordwesten Chinas erhalten zulauf», Frankfurter Allgemeine Zeitung, 29.3.1999.

(2)     Plus tard, un nombre plus élevé de tribus mongoles se sont pro­­gressivement "turquisées"; le terme "Moghol" le rappelle, par exemple, car il signifie "mongol" en persan; c'est un sou­venir des origines mongoles des familles dominantes, alors qu'en fin de compte, il s'agit d'une domination turque sur l'In­de.

(3)     F. Gabrieli, Mohammed in Europa - 1300 Jahre Geschichte, Kunst, Kultur, 1997, p. 143.

(4)     La position d'Atatürk était purement tactique, en effet, si l'on se rappelle que les principaux responsables du génocide sont devenus les meilleurs piliers du régime kémaliste; cf. W. Gust, Der Völkermord an den Armeniern, 1993, pp. 288 et ss.

(5)     Cf. «Stetig präsent. Das Engagement der Türkei in einem unsi­cher werdenden Mittelasien», Frankfurter Allgemeine Zei­tung, 4.10.1999.

(6)     La Russie reconnaît effectivement cette problématique; cf. «Mos­kau will eine Allianz gegen Russland nicht hinnehmen. Ankara der Verbreitung pantürkischer Vorstellung bezichtigt - Ab­schluß des Gipfels (der Staatschefs von Aserbaidschan, Ka­sachstan, Kyrgystan, Usbekistan und Turkmnistan) in Istanbul» (!), Frankfurter Allgmeine Zeitung, 20.10.1994.

(7)     Vu le caractère "irréversible" de la candidature de la Turquie à l'UE, la CDU et le Frankfurter Allgemeine Zeitung espèrent que l'ancien bourgmestre d'Istanbul fondera un parti islamique sur le modèle de la CDU (cf. «Im Zeichen der Glühbirne - Die neu­ge­gründete islamische Partei in der Türkei könnte erfolgreich sein - Diesen Erfolg will jedoch das kemalistische Regime nicht zulassen», Frankfurter Allgemeine Zeitung, 16.8.1991, p. 12; cf. également: «Neues Verfahren gegen Erdogan», Frankfurter Allgemeine Zeitung, 22.8.2001, p. 8.

(8)     A ce sujet, cf. «Ein U für ein Y. Schriftwechsel in Aserbaid­schan von kyrillischen zu lateinischen Buchstaben; "…die durch den Wechsel der Schrift zu erwartende engere Anbindung an die Türkei sei von Vorteil für das Land, weil dadurch auch ein wirtschaftlicher Aufschwung zu erwarten sei», Frankfurter All­gemeine Zeitung, 2.8.2001, p. 10.

(9)     Pourtant la distance s'amplifie, cf. «Staatschefs der GUS reden ü­ber regionale Sicherheit; "… herrschen indes Zweifel am Sinn und Zweck der GUS, deren Staaten sich in den vergangenen Jahren auseinanderentwickelt haben», Frankfurter Allge­mei­ne Zeitung, 2.8.2001, p. 6.

(10)   Malheureusement, il n'existe aucune présentation systéma­ti­que de ce concept de "pseudo-démocratisation" téléguidée par les services secrets; on trouve cependant quelques allusions chez A. Zinoviev, Katastroïka, L'Age d'Homme, Lausanne. Par ail­leurs, des allusions similaires se retrouvent dans A. Golit­syn, New Lies for Old, 1984, livre dont nous recommandons la lecture car l'auteur, sur base de sa bonne connaissance du sys­tème soviétique de domination, a parfaitement pu prévoir la mon­tée de la perestroïka.

(11)   Voir le titre de chapitre, p. 109, dans le livre de Peter Scholl-La­tour, Das Schlachtfeld der Zukunft. Zwischen Kaukasus und Pamir, 1998. 

(12)   Ibidem, pp. 151 et ss.

(13)   Cf. «Türkisierung  des Islam? Eine alte Idee wird in Ankara neu aufgelegt», Frankfurter Allgemeine Zeitung, 4.9.1998.

(14)   Références dans U. Steinbach, Geschichte der Türken, 2000, p. 111.

(15)   Dans ce contexte, il convient de citer le nom du prédicateur iti­né­rant Fethullah Gülen, toutefois soupçonné par les kéma­listes, cf. Frankfurter Allgemeine Zeitung, 15.4.1998.

(16)   C'est ce que souligne à juste titre Huntington, pp. 281 et sui­vantes de l'édition de poche allemande de son livre Der Kampf der Kulturen. Die Neugestaltung der Weltpolitik im 21. Jahr­hundert, 1996.

(17)   Il existe une étape intermédiaire entre une religion civile em­preinte de dogmatisme, comme cette "révision moralisante et permanente du passé" qui s'exerce en RFA, et une véritable religion d'Etat: c'est le concept du "panchasilla", qui est à la fois politique et religieux, propre au régime indonésien, qui permet à l'Etat d'énoncer des dogmes religieux, comme celui d'un monothéisme abstrait, ce qui oblige la minorité bouddhis­te d'interpréter l'idée de nirvana dans un sens théiste, ce qui pré­pare en fait son islamisation (voir notre note 20).

(18)   On en trouve une bonne présentation chez Anton J. Dierl, Ge­schichte und Lehre des anatolischen Alevismus-Bektasismus, 1998, voir en particulier pp. 29 et ss.

(19)   L'accent mis sur le corps et sur les besoins du corps, y compris l'autorisation de boire de l'alcool, a rendu les Alévites sus­pects, comme jadis les Pauliciens et les Bogomils, dont la spiritualité est sous-jacente à l'islam européen dans les Bal­kans. On peut hésiter à qualifier cette religiosité de "gnosti­que". Toutefois la construction théologique générale possède les caractéristiques du gnosticisme, car son lien avec l'islam ap­paraît plutôt fortuit (en effet, les doctrines gnostiques peu­vent recevoir aisément une formulation chrétienne ou boud­dhis­te, comme l'atteste le manichéisme).

(20)   Cette conception peut provenir du temps où la majeure partie des peuples turcs était encore bouddhiste : à l'évidence, il s'a­git ici d'une interprétation théiste du nirvana; on peut suppo­ser qu'elle ait continué à exister au niveau de la mémoire, mê­me après la conversion à l'islam de ces Turcs bouddhistes d'A­sie centrale et d'Inde, même si cette théorie n'est pas satis­fai­sante pour expliquer le principe du karma tout en niant l'exis­tence de l'âme.

(21)   On peut y reconnaître des influences venues de l'hindouisme ; la vision de Dieu comme créateur, conservateur et destructeur du monde rappelle la doctrine trifonctionnelle (Trimurti) de l'hin­douisme; quant à savoir si les cercles ésotériques de l'alé­visme turc croient à la transmigration des âmes  —comme les Dru­ses, mais qui se réfèrent à d'autres traditions, on peut sim­ple­ment le supposer. Les Alaouites de Syrie le pensent, mais les Alévites turcs ne veulent rien avoir à faire avec les Alaoui­tes qui dominent le système politique en Syrie, comme, en fin de compte, aucun Turc s'estimant authentiquement turc ne veut rien avoir à faire avec les Arabes!

(22)   L'orthodoxie sunnite n'a pas pu reprendre en charge cette fonc­tion, car elle s'opposait à la conversion forcée des Chré­tiens (jusqu'en 1700, les janissaires se recrutaient parmi les garçons chrétiens enlevés à leurs familles); cette orthodoxie ne pouvait accepter qu'un musulman soit l'esclave d'un chré­tien (ce que les janissaires étaient formellement en dépit de leur conversion forcée); ce devrait être un avertissement à ceux qui pensent que les Alévites sont des "libéraux" que l'on pourrait soutenir contre l'orthodoxie islamique.

(23)   Cf. «Das Doppelspiel der Amerikaner : Unter den Europäern wächst die Irritation über das zwielichtige Agieren Washing­tons auf dem Balkan : Als Paten der UÇK sind die USA mitver­ant­wortlich für die Zuspitzung des Konflikts zwischen Albanern und Slawo-Mazedoniern», Der Spiegel, n°31/2001, p. 100.

(24)   Il faut tenir compte du fait que l'Islam, actuellement, se trou­ve à une période de son histoire qui correspond à celle de la Ré­forme en Europe : à cette époque-là en Europe, la démo­cra­tisation ne pouvait se comprendre que comme une théocra­tisation - l'Iran actuel correspond ainsi au pouvoir instauré par Calvin à Genève (et aux théocraties équivalentes installées en Nouvelle-Angleterre). Il faudrait en outre accorder une plus grande importance à la phénoménologie culturelle que nous a léguée un Oswald Spengler; celui-ci , avec une précision toute allemande, a approfondi la théorie de l'anakyklosis (doctrine des cycles ascendants) de Polybe. Pour les collaborateurs des ser­vices de sûreté allemands, Spengler et Polybe seraient au­tomatiquement classés comme des "ennemis de la consti­tu­tion", car ni l'un ni l'autre n'auraient cru, aujourd'hui, à l'é­ternité du système de la RFA actuelle, que tous les historiens contemporains sont sommés de ne jamais relativiser!

(25)   Cf. le résumé final dans le livre de Peter Scholl-Latour, op. cit., p. 294.

(26)   Comme le dit bien le titre du livre de Peter Scholl-Latour, op. cit.

(27)   Ibidem, p. 511.

(28)   Comme le dit à juste titre Samuel Huntington, op. cit. , p. 495.

(29)   Exactement comme le dit le titre de chapitre en page 151 du li­vre de Peter Scholl-Latour, op. cit.

 

jeudi, 19 août 2010

Iran: les Etats-Unis préoccupés par les investissements chinois

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Ferdinando CALDA :

 

Iran : les Etats-Unis préoccupés par les investissements chinois

 

Les rapports commerciaux sino-iraniens et russo-iraniens risquent d’annuler l’effet des sanctions américaines

 

Le maillage des sanctions infligées à l’Iran par les Etats-Unis et la « communauté internationale » n’est pas étanche, ce qui fait enrager les bellicistes américains et donne matière à penser aux Israéliens, qui, en attendant, fourbissent leurs armes pour toute intervention militaire éventuelle.

 

Vendredi 30 juillet 2010, la Chine, à son tour et après la Russie, a critiqué la décision de l’UE d’imposer de nouvelles sanctions unilatérales contre l’Iran, sanctions qui s’ajoutent à celles déjà votées par l’ONU. « La Chine désapprouve les sanctions décidées unilatéralement par l’UE à l’encontre de l’Iran. Nous espérons que les parties intéressées continueront dans l’avenir à opter pour la voie diplomatique afin de chercher à résoudre de manière appropriée les différends, par le biais de discussions et de négociations », a déclaré Jiang Yu, le porte-paroles du ministère chinois des affaires étrangères.

 

Dans le sillage des décisions prises ces jours-ci par les Etats-Unis, en effet, l’Union Européenne ainsi que le Canada et l’Australie ont adopté une série de sanctions unilatérales sans précédent contre l’Iran, sanctions qui frappent surtout le secteur énergétique du pays. Le ministre iranien des affaires étrangères, Manouchehr Mottaki, a souligné que cette décision, une fois de plus, démontre que « l’Europe est sous l’influence des Etats-Unis dans toutes ses décisions de politiques extérieures ».

 

Plus grave : ces mesures restrictives prises récemment par l’UE déplaisent fortement à la Russie et à la Chine qui, à la tribune de l’ONU, avaient demandé d’éviter toutes sanctions « paralysantes » contre la République Islamique d’Iran, particulièrement dans le secteur énergétique, lequel constitue le véritable talon d’Achille de Téhéran. Tant Moscou que Beijing entretiennent des rapports commerciaux avec l’Iran et n’ont aucune intention d’y renoncer. La position prise par les Russes et les Chinois préoccupe fortement la Maison Blanche, vu qu’elle ébranle considérablement toutes les tentatives entreprises pour isoler l’Iran.

 

« Le fait que Beijing fasse des affaires avec Téhéran est pour nous un motif de grande préoccupation », confirme Robert Einhom, conseiller spécial du département d’Etat américain pour la non prolifération et le contrôle des armements.

 

Ce fonctionnaire américain a par ailleurs annoncé qu’une délégation américaine se rendra en Chine très bientôt, ainsi qu’au Japon (qui, lui aussi, au cours de ces derniers mois, a entamé une collaboration avec l’Iran pour la construction de centrales nucléaires antisismiques). Cette délégation se rendra également en Corée du Sud et dans les Emirats arabes du Golfe car ces Etats exportent énormément vers l’Iran. Le but de la délégation est évidemment de faire accepter par toutes ces puissances les sanctions contre l’Iran décidées par Washingto (ndt : et entérinées benoîtement par ses satellites).

 

Plus particulièrement, cette délégation aura pour tâche de rappeler à Beijing que les nouvelles sanctions approuvées par les Etats-Unis, l’Union Européenne, le Canada et l’Australie impliquent que toutes les entreprises étrangères qui coopèreront avec le secteur énergétique iranien seront également sanctionnées. Or, actuellement, les entreprises chinoises, auxquelles la délégation américaine fait implicitement référence, sont en train d’investir de « manière agressive » dans ce secteur-là et non dans d’autres.

 

Du reste, le pétrole et le gaz iraniens  —qui pourraient arriver en Chine via le Pakistan, après qu’Islamabad ait noué d’importants accords en ce sens avec Téhéran—  représentent un enjeu important pour une Chine en croissance continue, de plus en plus demanderesse en matières énergétiques.

 

« Les Chinois prétendent avoir des exigences importantes en matière de sécurité », explique Einhom, qui, toutefois, invite Beijing « à revoir ses priorités ».

 

Entretemps, la République Islamique d’Iran cherche de nouvelles collaborations pour échapper aux sanctions et à l’étranglement voulu par Washington. Ces dernières semaines, le vice-ministre iranien des pétroles, Javad Oji, a eu une longue entrevue avec une délégation irakienne afin de préparer un accord sur l’exportation de gaz iranien vers l’Irak. Les Iraniens espèrent qu’il y aura très bientôt un gazoduc partant d’Iran pour aboutir en Irak qui, ultérieurement, pourra être étendu au territoire syrien et, de là, aboutir à la Méditerranée et servir à l’alimentation énergétique de l’Europe.

 

Ferdinando CALDA (f.calda@rinascita.eu ).

(article tiré de « Rinascita », Rome, 31 juillet/1 août 2010 ; http://www.rinascita.eu/ ).

 

 

 

 

mercredi, 18 août 2010

Les Etats-Unis modifient leur stratégie en Afghanistan

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Bernhard TOMASCHITZ :

 

Les Etats-Unis modifient leur stratégie en Afghanistan

 

A partir de 2014, le gouvernement afghan devra lui-même assurer la sécurité sur son propre territoire. Cette intention a été confirmée au Président Hamid Karzai fin juillet 2010, lors de la Conférence internationale sur l’Afghanistan, tenue à Kaboul. Dès l’été 2011, les premières troupes américaines quitteront le pays, ce qui, d’après les paroles d’Hillary Clinton, ministre américaine des affaires étrangères, constituera « le commencement d’une phase nouvelle de notre engagement et non sa fin ». En fin de compte, les Etats-Unis entendent participer, après le retrait de leurs troupes, à la formation des forces afghanes de sécurité.

 

Le Président américain Barack Obama cherche ainsi à se débarrasser du vieux fardeau afghan, hérité de son prédécesseur George W. Bush, juste avant les présidentielles de 2012. Mais derrière les plans de retrait hors d’Afghanistan, que l’on concocte aux Etats-Unis, se profile le constat que la guerre dans ce pays, qui dure maintenant depuis neuf ans, ne pourra pas être gagnée. A cela s’ajoute le coût très élevé de cette guerre, qui se chiffre à quelque 100 milliards de dollars par an. Une telle somme ne peut plus raisonnablement s’inscrire désormais dans le budget américain, solidement ébranlé. Richard N. Haass, Président du très influent « Council of Foreign Relations » (CFR) tire la conclusion : « Nous devons reconnaître que cette guerre a été un choix et non pas une nécessité ». Il y a surtout que le coût militaire de l’entreprise est trop élevé, dans la mesure où elle mobilise des ressources qui, du coup, manquent en d’autres points chauds. Haass cite, dans ce contexte, l’Iran et la Corée du Nord, deux Etats étiquetés « Etats voyous », qui se trouvent depuis longtemps déjà dans le collimateur de Washington.

 

Si les Etats-Unis se retirent du théâtre opérationnel de l’Hindou Kouch, l’Afghanistan, ébranlé par la guerre, n’évoluera pas pour autant vers des temps moins incertains. Ensuite et surtout, les Etats-Unis ne disposent pas de moyens adéquats pour trancher le nœud gordien afghan, constitué d’un entrelacs très compliqué de combattants talibans, de divisions ethniques et de structures claniques traditionnelles. Il y a ensuite le voisin pakistanais, disposant d’armes nucléaires, qui est tout aussi instable que l’Afghanistan. Rien que ce facteur-là interdit aux Etats-Unis de laisser s’enliser l’Afghanistan dans un chaos total. D’après Haass, « les deux objectifs des Etats-Unis devraient être les suivants : empêcher qu’Al Qaeda ne se redonne un havre sécurisé dans les montagnes afghanes et faire en sorte que l’Afghanistan ne mine pas la sécurité du Pakistan ». C’est pourquoi, malgré le retrait annoncé, on peut être certain que des troupes américaines demeureront en permanence en Afghanistan, fort probablement en vertu d’un accord bilatéral qui sera signé entre Washington et Kaboul. Les Américains, finalement, n’ont que fort peu confiance en les capacités du Président afghan Karzai, homme corrompu, qui, au cours des années qui viennent de s’écouler, n’a pu assurer sa réélection que par une tricherie de grande envergure.

 

La situation en Afghanistan et aussi en Irak indique aujourd’hui qu’il y a changement de stratégie à Washington, comme l’atteste les nouvelles démarches des affaires étrangères américaines. Hier, nous avions les « guerres préventives » pour généraliser sur la planète entière les principes de la « démocratie libérale » ; les cénacles et les « boîtes à penser » des néo-conservateurs les avaient théorisées. Aujourd’hui, nous assistons à un retour à la Doctrine Nixon. Richard Nixon, Président des Etats-Unis de 1969 à 1974, après le désastre du Vietnam, avait parié, surtout en Asie, sur le renforcement des économies des pays alliés et sur le soutien militaire à leur apporter. Aujourd’hui, le ministre de la défense américain Robert Gates déclare « qu’il est peu vraisemblable que les Etats-Unis répètent bientôt un engagement de l’ampleur de celui d’Afghanistan ou d’Irak, pour provoquer un changement de régime et pour construire un Etat sous la mitraille ». Mais parce que le pays doit faire face à toutes sortes de menaces, en premier lieu celle du terrorisme, l’efficacité et la crédibilité des Etats-Unis doivent demeurées intactes aux yeux du monde. Ces réalités stratégiques exigent, dit Gates, que le gouvernement de Washington améliore ses capacités à consolider les atouts de ses partenaires. Il faudra donc, poursuit-il, « aider d’autres Etats à se défendre eux-mêmes et, si besoin s’en faut, de lutter aux côtés des forces armées américaines, dans la mesure où nous aurons préparé leurs équipements, veillé à leur formation et apporté d’autres formes d’assistance à la sécurité ».  Gates justifie aussi le changement de stratégie comme suit : l’histoire récente a montré que les Etats-Unis ne sont pas prêts de manière adéquate à affronter des dangers nouveaux et imprévus émanant surtout d’Etats dits « faillis ».

 

L’Afghanistan recevra donc une « assistance à la sécurité », mais on peut douter qu’elle enregistrera le succès escompté. Toutefois la nouvelle stratégie américaine nous montre que Washington n’est pas vraiment prêt à renoncer à ses visées hégémoniques. En effet, l’armement d’alliés et de partenaires, en lieu et place de l’envoi de troupes propres, offre un grand avantage : les moyens peuvent être utilisés de manière beaucoup plus diversifiée. En fin de compte, il y a, dispersés sur l’ensemble du globe, bon nombre de pays qui peuvent être mobilisés pour faire valoir les intérêts américains. Exemples : la Colombie, pour tenir en échec le Président vénézuélien Hugo Chavez, ennemi des Etats-Unis ; ou les petits émirats du Golfe Persique pour constituer un avant-poste menaçant face à l’Iran. Comme l’exprime le ministre des affaires étrangères Gates : « Trouver la manière d’améliorer la situation qu’adoptera ensuite le gouvernement américain pour réaliser cette tâche décisive, tel est désormais le but majeur de notre politique nationale ».

 

Bernhard TOMASCHITZ.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°30/2010 ; http://www.zurzeit.de/ ).

lundi, 16 août 2010

Schritt für Schritt in den nächsten (kalten) Krieg. Die USA planen militärische Dauerpräsenz in den Gewässern vor China

Schritt für Schritt in den nächsten (kalten) Krieg. Die USA planen militärische Dauerpräsenz in den Gewässern vor China

Wang Xin Long

in: http://info.kopp-verlag.de/

 

Das amerikanisch-südkoreanische Seemanöver im Ostchinesischen Meer rund um die Koreanische Halbinsel ist letzte Woche zu Ende gegangen. Die Weltgemeinschaft ist also dem Ernstfall gerade noch einmal entkommen. Was sich wie Panikmache liest, ist aber leider bittere Wirklichkeit. Die Nationen der Region haben über die letzten vier Tage und Nächte den Atem angehalten – und das Militär machte Überstunden in Bereitschaft. Die Welt war nur einen Wimpernschlag von einer militärischen, möglicherweise sogar atomaren Auseinandersetzung entfernt.

 

 

 

Unfälle passieren, weil Menschen fehlbar sind, weil sie Fehleinschätzungen machen oder eine Sekunde lang nicht aufpassen. In der letzten Woche befanden sich mehr als 8.000 Soldaten, bewaffnet mit neuester Kriegstechnologie, an der Grenze zu Nordkorea, um dort einen Krieg zu führen – wenn auch nur als Simulation. Es haben also 8.000 Menschen über vier Tage und Nächte hinweg mit dem Finger am Abzug ein »Signal« nach Nordkorea gesendet. Wenn nur einem der 8.000 am Manöver beteiligten Soldaten ein menschliches Versagen (welcher Art auch immer) unterlaufen wäre, hätte sich Nordkorea zu einem Gegenschlag genötigt gesehen – und diesen auch ausgeführt, hierüber darf kein Zweifel bestehen.

Das ganze Szenario erinnert irgendwie an einen Kindergarten, in dem die Bandenchefs »ihr« Territorium verteidigen. Es werden Linien in den Sand gezogen, diese Linien werden irgendwann übertreten, und am Ende gibt es Tränen.

In Bezug auf die aktuelle Situation ist es nun einmal leider so, dass aus einer kleinen fehlgeleiteten Rakete oder der falsch berechneten Position eines Kriegsschiffes sich schnell eine Situation hätte hochschaukeln können, mit allerschlimmsten Folgen für die Menschen weltweit. Die Liste der potenziellen Auslöser kann beliebig weitergeführt werden – und das macht die Gefahr nur noch greifbarer, und den Konflikt wahrscheinlicher. Aber es ist ja nun »zum Glück« nichts passiert. Schade ist nur, dass die Menschheit mittlerweile auf das Glück angewiesen ist, denn die Vernunft scheint sich aus verschiedenen Winkeln der Welt bereits verabschiedet zu haben.

 

Und Glück wird die Menschheit weiterhin brauchen; eine ganze Menge sogar, denn die USA planen eine Dauerpräsenz in der Region, mit weiteren Manövern und Tausenden von Soldaten. Die Nordkoreaner haben auf diese Ankündigung bereits reagiert und bekannt gegeben, dass man sich vor diesen »Bedrohungen« nicht fürchtet und jederzeit gewillt ist, mit voller Härte zurückzuschlagen. Die USA quittieren solche Ankündigungen mit der Aussage, man sei lediglich an der militärischen Übung interessiert und wolle auf keinen Fall provozieren. Aber wenn dem tatsächlich so ist, warum muss diese Übung dann nur einen Steinwurf von jener Grenze stattfinden, deren Verletzung einen Weltkrieg auslösen könnte? Ist das nicht ein zu hoher Preis für so ein wenig »militärische Übung«?

Es ist in der Tat ein hoher Preis, der gezahlt werden muss. Die Frage ist nur: von wem? Denn bei den asiatischen Nachbarn machen sich die Südkoreaner durch das Spiel mit dem Feuer nicht gerade beliebt. Insbesondere die Volksrepublik China, die ja gleichfalls Adressat der amerikanisch-südkoreanischen »Signale« ist, wird diese Provokation so schnell nicht vergessen.

Denn in Wahrheit geht es den USA nämlich um mehr als nur ein paar militärische Übungen und »Signale«. Es geht – wieder einmal – um die geopolitischen Interessen der Amerikaner. Diese Interessen hat die amerikanische Außenministerin, Hillary Clinton, bei der letzte Woche stattgefundenen ASEAN-Konferenz (Association of Southeast Asian Nations, deutsch: Verbund der Südostasiatischen Nationen) unverblümt zu Protokoll gegeben.

Clinton sprach ganz offen über die »nationalen Interessen« der USA im Südchinesischen Meer (nicht zu verwechseln mit dem Ostchinesischen Meer, in dem die Manöver der letzten Woche stattfanden). Die Außenministerin stellte darüber hinaus fest, dass die dortigen Souveränitäts-verhältnisse nicht geklärt seien. Das ist politischer Sprengstoff, und die Tragweite dieser Aussage darf nicht unterschätzt werden. Denn die »Besitzverhältnisse« im Südchinesischen Meer sind – vorsichtig ausgedrückt – problembehaftet. Dies liegt in der Tatsache begründet, dass die Anrainerstaaten unterschiedliche Ansprüche aus der eigenen geografischen Lage ableiten.

Somit haben die USA, hier in Person ihrer Außenministerin, wieder einmal Öl in ein Feuer gegossen, welches schnell eine ganze Region in Brand stecken könnte. Und warum? Ganz einfach: wegen der »nationalen Interessen« der USA! Denn aus den angeblich ungeklärten Hoheitsverhältnissen leiten die USA das Recht – nein, die Pflicht! – ab, sich in der Region zu engagieren. Als Friedensstifter sozusagen.

Die Worte Clintons zielen darauf ab, einen über viele Jahre hinweg erfolgreich geführten Friedensprozess aufzulösen, um die nötige Volatilität in der Region zu schüren. Denn die Anrainerstaaten des Südchinesischen Meeres haben eine gemeinsame Erklärung unterzeichnet, welche die Hoheitsansprüche und Nutzungsrechte vor Ort regelt, um den Frieden und die Kooperation in der Region zu sichern. Es handelt sich hierbei um die Declaration on the Conduct of Parties in the South China Sea (DOC), die im Rahmen des ASEAN-Forums ausgehandelt wurde und seit 2002 in Kraft ist.

Die Erklärung als solche geht eindeutig auf die Initiative der Volksrepublik China zurück, und die Tatsache, dass alle Anrainerstaaten die Erklärung unterzeichneten, ist ein Verdienst unermüdlicher Diplomatie. Oberstes Ziel war es, der Region die nötige Stabilität zu geben. Dass die angestrebte Stabilität nun gewährleistet ist, ist den Amerikanern zwar bekannt – aber offensichtlich egal. Aus einer stabilen Region ist nun einmal aus Sicht der USA kein geopolitischer oder wirtschaftlicher Nutzen zu ziehen.

 

Einen ganz besonderen Schliff bekommt die Angelegenheit durch die Aussage Clintons, die Anrainererklärung sei nicht bindend, denn die Regeln des Seerechtsübereinkommens der Vereinten Nationen (United Nations Convention on the Law of the Sea, UNCLOS) seien bei Fragen zu den Hoheitsrechten anzuwenden. Mit anderen Worten: Die USA sprechen den souveränen Anrainerstaaten einer ganzen Region die Fähigkeit ab, eigene nationale Interessen in multilateralen Verträgen zu regeln. Stattdessen verlangen die Amerikaner im Rahmen des internationalen Rechts, die Würfel zu Gunsten der USA neu zu rollen. Hervorzuheben ist, dass die USA dieses Seerechtsübereinkommen selbst nie ratifiziert haben, weil man durch diese Erklärung die eigenen Interessen und Souveränität gefährdet sieht.

Dank der »Friedensinitiative« der USA wird das Südchinesische Meer nun also zum geopolitischen Brennpunkt. Sehen wir also weiter zu, wie unsere Freunde aus »Fernwest« die Welt in Fernost zu befrieden gedenken.

 

 

vendredi, 13 août 2010

La geopolitica en la Italia republicana

LA GEOPOLÍTICA EN LA ITALIA REPUBLICANA

 

por Tiberio Graziani *

 

Un país con soberanía limitada

 

            A pesar de su enviadiable posición geográfica y de los carácteres que constituyen su estructura morfológica, en la actualidad, Italia no posee una doctrina geopolítica.

            Esto se debe principalmente a los tres siguientes aspectos: a) la afiliación de Italia en la esfera de influencia americana (el así llamado sistema occidental); b) la profunda crisis de la identidad nacional; c) la escasa cultura geopolítica de su clase dirigente.

            El primer aspecto, además de limitar la soberanía del Estado italiano en múltiples ámbitos, desde el militar al de la política exterior, tanto para citar algunos de aquellos más relevantes bajo el apecto geopolítico, condiciona la política y la economía interna, la elección estratégica por lo que concierne el tema de la energía, investigación tecnológica y realización de grandes infraestructuras y, no por último, incluso llega a vincular las políticas nacionales de contraste a la criminalidad organizada. La Italia republicana, por causa de las notorias consecuencias del tratado de paz de 1947 y también en virtud de la ambigüedad ideológica de su dictamen constitucional, según el cual la soberanía pertenecería a una entidad socioeconómica y cultural, por otra parte variable y vagamente homogénea, el pueblo, y no a un sujeto político bien definido como es el Estado (1), ha seguido la regla áurea del “realismo colaboracionista o claudicador”, es decir, el de renunciar a la responsabilidad de dirigir el proprio destino (2). Semejante abdicación ubica a Italia en la condición de “subordinación pasiva” y ata sus elecciones estratégicas a “la buena voluntad del Estado subordinador” (3).

            El segundo aspecto invalida uno de los factores necesarios para la definición de una doctrina política coherente. La crisis de la identidad italiana se debe a causas complejas que remontan a la fracasada combinación de las varias ideologías nacionales (la de inspiración católica, monárquica, liberal, socialista o laico-masónica) que han apoyado el proceso de unificación de Italia, la edificación del Estado unitario y, luego de la paréntesis fascista, la realizaciٖón del actual orden republicano. Además, la crisis de la identidad nacional se debe también a la mal digerida experiencia fascista y al trauma de la derrota sufrida durante la guerra. La retórica romántica del Estado-Nación, el mito de la Nación y, sucesivamente, los de la Resistencia y de la “liberación”, seguramente non han ofrecido un buen servicio a los intereses de Italia, quien, después de ciento cincuenta años de su unificación, aún está en busca de su propia identidad nacional.

            Finalmente, el tercer aspecto que por motivos históricos en parte se puede relacionar a los anteriores,  no permite situar la cuestión de las directrices geopolíticas de Italia entre las prioridades de la agenda nacional.

            No obstante, una especie de geopolítica – o bien una política exterior esencialmente basada en la colocación geográfica – correspondiente a los intereses nacionales y por lo tanto excéntrica con respecto a las indicaciones estadounidenses, exclusivamente dirigida para asegurarle a Washington la hegemonía en el Mediterráneo, se ha hallado siempre presente en las alternas vicisitudes de la República italiana. En particular, el interés de hombres del gobierno como Moro, Andreotti, Craxi, así como de importantes commis d’État como Mattei, orientado a los países de África del Norte y a los del Cercano y Medio Oriente, si bien limitado a las relaciones “de amistosa vecindad” y de “coprosperidad”, estaba decididamente acorde no sólo con la posición geográfica de Italia en el Mediterráneo, sino que también era funcional sea a una potencial, futura y deseable emancipación de la Italia democrática del amparo norteamericano, sea del papel regional que Roma habría podido ejercer también en el ámbito del rígido sistema bipolar. Tales iniciativas habrían podido constituir la base para definir las líneas estratégicas de lo que el argentino, Marcelo Gullo, ha denominado, en el ámbito del estudio de la construcción del poder de las naciones, “realismo liberacionista” para permitir a Italia transitar desde la “subordinación pasiva” a la “subordinación activa”, un estadio decisivo para conseguir algunos espacios de autonomía en la competición internacional.

            El fracaso de la modesta política mediterránea de la Italia repubblicana hay que atribuirlo, además de las interferencias norteamericanas, también a la naturaleza ocasional con la cual ha sido ejercida y a la actitud contraria y obstativa de los grupos de presión internos más filoamericanos y prosionistas. Con la conclusión del bipolarismo y de la así llamada Primera república, las iniciativas arriba expuestas, orientadas a conseguir una aun limitada autonomía de la política exterior italiana, literalmente se han desvanecido.

            Actualmente Italia, en calidad de país euromediterráneo subordinado a los intereses americanos, se halla en una situación muy delicada, puesto que además de sufrir, en cuanto miembro de la Unión Europea y de la OTAN, las tensiones entre Usa y Rusia presentes en Europa continental, particularmente en aquella centroriental (véase la cuestión polaca por lo que respecta la “seguridad”, o bien aquella energética), sufre sobre todo las repercusiones de las políticas cercano y mediorientales  de Washington. Además, el sometimiento de Italia a los Estados Unidos que – vale la pena corroborarlo- se expresa a través de un evidente límite de la soberanía del Estado italiano, exalta los carácteres de fragilidad típicos de las áreas peninsulares (tensión entre la parte continental, aun limitada por lo que concierne Italia y aquella más específicamente peninsular e insular), aumenta los empujes centrífugos, hasta hacer dificultosa la gestión de la normal administración del Estado.

            Ocupada militarmente por los Estados Unidos, - en el ámbito de la “alianza” atlántica- con más de cien bases (4), desprovista de recursos energéticos adecuados, económicamente frágil y socialmente instable por la continua erosión del ya agonizante “estado social”, Italia no posee niveles de libertad tales que le permitan valorizar su potencial geopolítico y geoestratégico en sus naturales directrices representadas por el Mediterráneo y por el área adriática-balcánica-danubiana, sino en el contexto de las estrategias de allende el atlántico con exclusivo beneficio para los intereses extranacionales y extracontinentales.

            Las oportunidades que posee Italia para alcanzar un propio rol geopolítico resultan ser, por lo tanto, externas a la voluntad de Roma; éstas radican en la recaída que la actual evolución del escenario mundial – a esta altura multipolar- produce en la cuenca mediterránea y en el área continental europea. De hecho, los grandes trastornos geoplíticos en acto, principalmente determinados por Rusia podrían exaltar la función estratégica de Italia en el Mediterráneo precisamente en el ámbito del orden y de la consolidación del nuevo sistema multipolar  y de la potencial integración eurasiática.

            De hecho, hay que tener presente que la estructuración de este nuevo sistema geopolítico multipolar pasa, por obvias razones, a través del proceso de desarticulación o de reorganización de aquel de tipo “occidental” bajo control norteamericano, a partir de sus periferias. Estas últimas están compuestas, considerando la masa euroafroasiática, por la península europea, por la cuenca mediterránea y por el arco insular japonés.

 

Rusia y Turquía: los dos polos geopolíticos

 

            Las recientes transformaciones del cuadro geopolítico global han producido algunos factores que podrían facilitar la “desvinculación” de gran parte de los países que constituyen el llamado sistema occidental bajo tutela del “amigo americano”. Esto, potencialmente pondría a Roma en la posición de activar una propia doctrina geopolítica en coherencia con el nuevo contexto mundial.

            Es notorio que la reafirmación de Rusia a nivel mundial y el protagonismo de China y de India han provocado un reajuste de las relaciones entre las mayores potencias y ha sentado las premisas para la constitución de un nuevo orden que excluye las relaciones de fuerza de carácter militar, y que se basa en unidades geopolíticas continentales de interés estratégico. Tales cambios también se registran en la parte meridional del hemisferio oriental, el que fue el patio trasero de los EE.UU, donde las relaciones de Brasil, Argentina y Venezuela con las potencias eurasiticas arriba mencionadas han aportado nuevo impulso a las hipótesis de la unidad continental suramericana. Por lo que concierne el área mediterránea, el principal de estos nuevos factores geopolíticos está representado por la inversión de tendencia fijada por Ankara en sus últimas políticas cercano y mediorientales. La ruptura con Washington y Tel Aviv de parte de Ankara podría asumir, a corto plazo, un alcance geopolítico de largo alcance con el fin de constituir un espacio geopolítico eurasiático integrado, puesto que representa un primer acto concreto a través del cual se hace posible desencadenar el proceso de desarticulación (o de limitación) del sistema occidental a partir de la cuenca mediterranea.

            Dadas las condiciones actuales, los polos geopolíticos - acerca de los cuales una Italia relamente intencionada a emanciparse de la tutela norteamericana debería hacer hincapié- están representados precisamente por Turquía y Rusia. Un alineamiento de Roma a las indicaciones turcas sobre el tema de política cercano oriental dotaría a Italia del necesario prestigio, pesadamente obcecado por sus avasalladoras relaciones con Washington, para imprimir un sentido geopolítico a la fatigada política de cooperación que desde hace años la Farnesina mantiene con el margen sur del Mediterráneo y el Cercano Oriente. Además, la pondría junto (y gracias a ello) al aliado turco, en la situación, si bien no de denuncia del pacto atlántico, por lo menos en aquella necesaria de renegociar  el oneroso y humillante empeño en el seno de la Alianza, y, simultanemanete, para plantear la reconversión de las bases militares controladas por la OTAN en bases útiles para la seguridad del Mediterráneo. Italia y Turquía, junto a los demás países costeños del Mediterráneo, podrían en ese caso realizar un sistema de defensa integrado siguiendo el ejemplo de la Organización del Tratatdo de la Seguridad Colectiva (OTSC).

            Para ejercer esta “exit strategy” del vínculo americano, sintéticamente esbozada en los párrafos anteriores, Roma encontraría un apoyo valedero, además de parte de Ankara, también de Tripoli, Damasco y Teheran y, lógicamente, de Moscú. Por otra parte esta última apoyaría con certeza a Roma en su salida de la órbita norteamericana, favoreciendo su natural proyección geopolítica en la directriz adriática-balcanica-danubiana en el marco, obviamente, de una alianza italo-turco-rusa edificada bajo intereses comunes en el así llamado Mediterráneo alargado (es decir, constituido por los mares Mediterráneo, Negro y Caspio).

 

* Eurasia. Rivista di Studi Geopolitici

direzione@eurasia-rivista.org

www.eurasia-rivista.org

 

 

Notas

 

1.      Por lo que concierne el estudio de la génesis del primer artículo de la Constitución y, en particular, el segundo apartado (La soberanía pertenece al pueblo, quien la ejerce en las formas y en los límites de la Constitución), y además por la falta de un artículo específico de la Constitución dedicado al Estado y a la soberanía, como lo deseaba Dossetti, véase Maurizio Fioravanti, Constitución y pueblo soberano, Il Mulino, Bologna, 2004, p.11 y pp. 91-98.

2.      Marcelo Gullo, La insubordinación fundante, Editorial Biblos, Buenos aires, 2008, pp. 26-27.

3.      Marcelo Gullo, ibid.

4.      Fabrizio Di Ernesto, Portaerei Italia. Sessant’anni di Nato nel nostro Paese, Fuoco Edizioni, Roma, 2009.

 

(Trad. di V. Paglione)

jeudi, 05 août 2010

L'Allemagne et la Chine renforcent leur partenariat stratégique

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Andrea PERRONE :

 

L’Allemagne et la Chine renforcent leur partenariat stratégique

 

Berlin et Beijing relancent leurs rapports commerciaux, économiques et politiques

Jiabao heureux des nouveaux rapports avec l’UE

 

La Chancelière allemande Angela Merkel est arrivée à Beijing vers la mi-juillet 2010, après avoir rencontré le Président russe Dmitri Medvedev à Yekaterinenbourg, pour une visite qui pourrait contribuer à la naissance d’un vaste partenariat stratégique entre les deux pays : la Chine, en effet, est le premier partenaire commercial de l’Allemagne en Asie et l’Allemagne est le principal partenaire commercial européen pour la Chine ; le volume des échanges se chiffre à quelque 105,73 milliards de dollars en 2009, pour 2010, le chiffre pourrait être beaucoup plus élevé. L’Allemagne et la Chine vont donc relancer leurs relations bilatérales, qui reposeront sur « de nouvelles bases », comme l’a déclaré Mme Merkel, à la fin des entretiens qu’elle a eus à Beijing avec le premier ministre chinois Wen Jiabao. Pour résumer le parcours entrepris depuis quelque temps par les deux puissances économiques, un communiqué de vingt-huit points a été distribué, illustrant le travail fait en commun dans les secteurs de l’économie, des sciences et de la culture. Nous avons donc affaire à une véritable syntonie et à un grand pas en avant dans les relations germano-chinoises, qui envisagent notamment une coopération élargie dans la lutte contre les changements climatiques. Ce projet a été confirmé par une déclaration de Wen Jiabao qui, en s’adressant à ses interlocuteurs allemands, a rappelé : « Nous sommes embarqués sur le même navire ». Le ministre allemand de l’environnement, Norbert Roettgen, vient de signer un accord pour renforcer le travail commun entrepris par la Chine et l’Allemagne dans les secteurs de la politique énergétique et écologique. Pour l’automne, Allemands et Chinois ont prévu une réunion d’experts des deux pays pour discuter de la lutte contre les effets négatifs du changement climatique.

 

Les différends qui avaient opposé les deux pays semblent avoir été surmontés: ils étaient survenus en 2007 lorsque la Chancellerie allemande avait reçu le Dalaï Lama, chef spirituel des Tibétains. Le premier ministre Jiabao a tenu à préciser que l’Europe constitue la destination préférée des investissements chinois à l’extérieur. “Il est de bonne notoriété que la Chine possède d’abondantes réserves de devises étrangères”, a poursuivi le premier ministre chinois lors d’une conférence de presse, tenue après les entretiens qu’il avait eus pendant deux heures avec Mme Merkel. “En qualité de responsable et d’investisseur sur le long terme, la Chine adhère au principe de toujours détenir un portefeuille diversifié. Le marché européen est et restera l’un des marchés clefs pour les investissements chinois”, a-t-il ajouté. Le premier ministre chinois a rappelé que la Chine a offert une aide quand certains pays européens ont été frappés par une crise de la dette publique, ce qui a renforcé les relations amicales entre la Chine et l’Europe.

 

Les accords commerciaux qui ont été conclus entre les deux pays sont très importants. La firme Daimler, géant automobile allemand qui possède la marque Mercedes-Benz, et le producteur de camions chinois Beiqi Foton Motor ont signé un projet commun pour constituer une « joint venture » dans le secteur des poids lourds. La « joint venture » Daimler/Foton, où chacun des signataires détient une quantité égale de parts, produira des autocars et des autobus dont la technologie aura été développée chez Daimler (surtout en ce qui concerne les moteurs Diesel). Les véhicules seront vendus soit en Chine soit à l’étranger, en particulier en Asie. Le groupe allemand n’a pas donné jusqu’ici de détails sur son engagement dans cette initiative mais des sources gouvernementales à Berlin ont révélé que les deux entreprises associées ont consenti un investissement total de 800 millions d’euros.

 

Toujours au cours de la conférence de presse tenue conjointement avec Mme Merkel, Jiabao a précisé que « la Chine poursuivra sa politique de rapprochement économique et continue à avoir confiance en l’Europe, malgré la crise financière qui l’a frappée » ; il faut souligner que ces paroles du premier ministre chinois constituent « un signal important de confiance en l’euro de la part de la Chine ». Pour ce qui concerne l’économie du géant asiatique, Jiabao a dit bien clairement que le gouvernement chinois « maintiendra une continuité dans sa politique et mettra en acte une politique fiscale active et une politique monétaire permissive à bon escient ». Sur la crise des dettes publiques en Europe, Jiabao semble pourtant trop optimiste, en rappelant que la Chine « a toujours tendu la main » dans les moments difficiles et s’est déclaré « convaincu qu’avec un dur labeur en commun au sein de la communauté internationale, l’Europe surmontera certainement ses difficultés ». Jiabao a ensuite répété sa satisfaction de voir l’Allemagne intercéder pour la Chine au sein de l’UE et reconnaître la valeur de l’économie de marché en Chine, se félicitant, par la même occasion, que l’Allemagne, moteur de l’économie européenne, joue un rôle actif dans le renforcement des relations entre la Chine et l’UE.

 

Andrea PERRONE ( a.perrone@rinascita.eu ).

(texte paru dans « Rinascita », Rome, 17 juillet 2010 ; http://www.rinascita.eu/ ).   

 

lundi, 02 août 2010

L'antagonisme Chine/Etats-Unis sur le continent africain

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Federico DAL CORTIVO:

 

L’antagonisme Chine/Etats-Unis sur le continent africain

 

Avec la création de l’AFRICOM, la thalassocratie américaine veut transformer le Continent noir en une arrière-cour de Washington !

 

Les Etats-Unis, sous « l’Administration Bush », n’ont plus cessé de considérer l’Afrique comme un futur « espace vital », destiné à fournir des matières premières, dont du pétrole, indispensables pour l’économie américaine qui est constamment à la recherche de nouveaux territoires à exploiter sans vergogne, aujourd’hui plus que jamais, vu l’actuelle crise économique et le recul de l’hégémonie américaine sur l’Amérique latine, son arrière-cour traditionnelle. Mais la volonté de Washington d’étendre son influence en Afrique a aussi pour objectif de s’opposer à la pénétration chinoise sur ce continent, qui se montre de plus en plus importante. Beijing entretient des rapports commerciaux étroits et de grande ampleur avec de nombreux pays africains, rapports qui, eux aussi, s’avèrent de plus en plus nécessaire pour une économie chinoise en pleine croissance.

 

Dans le passé, la présence militaire américaine s’était manifestée en Afrique via l’ « US European Command » qui prenait sous son aile tous les pays africains ; ensuite cette compétence fut transférée au « Strike Command », devenu en 1971 le « Readiness Command » et puis, successivement, au « CentCom » et au « Pacific Command ». Il a fallu attendre 2007 pour que le Pentagone annonce la création d’un commandement tout entier consacré à l’Afrique seule.

 

La création de ce nouveau commandement a permis de définir clairement les nouvelles structures militaires qui expriment la volonté bien déterminée de Washington de renforcer considérablement sa présence militaire et de se doter, en Afrique, de capacités de riposte rapide.

 

Placé sous le commandement du Général William E. « Kip » Ward, l’Africom comprend toutes les armes formant traditionnellement les forces armées : l’armée de terre, la marine, l’aviation et les Marines, dont les postes de commandement se situent actuellement en Italie, à Vicenza (US Army Africa Setaf), à Naples (US Navy Africa), et en Allemagne, à Ramstein (US Air Force Africa), à Boeblingen (US Marine Corps Africa) et à Stuttgart (Special Operation Command Africa) ; enfin, à ces postes installés en Italie et en Allemagne, s’ajoute le Camp Lemonier à Djibouti en Afrique orientale, où se trouve également le « Combined Joint Task Force – Horn of Africa ». Le Pentagone examine actuellement la possibilité de mettre à la disposition de l’Africom d’autres forces, afin d’accroître sa vitesse opérationnelle : 1000 Marines aéroportables, capables d’être déployés rapidement sur divers théâtres d’opération. Toujours sous le prétexte de la « lutte contre le terrorisme international », Washington a renforcé ses liens militaires et diplomatiques avec plusieurs Etats africains, en suivant, dans cette optique, trois lignes directrices principales : la diplomatie, la chose militaire et le développement. Ce dernier sert, comme d’habitude, à lier l’Etat en question au modèle économique américain, afin d’un faire un vassal, pompeusement baptisé « allié ».

 

Aux côtés du Général Ward, on trouvera l’ambassadeur Anthony Holmes afin de mieux coordonner les rapports entre pays africains et, par conséquent, de s’assurer une mainmise toujours plus forte sur le Continent noir, considéré dorénavant comme « stratégique ». Tout cela correspond bel et bien à ce que l’on peut lire dans le « Quadrennial Defence Review » de février 2010, qui prévoit une augmentation des dépenses militaires de 2%, avec une somme totale allouée de 708 milliards de dollars pour 2011 (y compris les 160 milliards de dollars prévus pour les guerres d’Irak et d’Afghanistan). Pour 2010, l’Africom pourra s’attendre à recevoir 278 millions de dollars pour les opérations et 263 autres millions de dollars pour la logistique, le développement de nouvelles structures et d’autres moyens divers.

 

La machine de guerre américaine s’apprête aussi à débarquer en force en Afrique, où elle avait déjà, à intervalles réguliers, organisé des manœuvres militaires communes avec le Mali, le Nigéria, le Maroc et le Sénégal.

 

Les raisons géopolitiques, qui président à ce nouveau projet africain des Etats-Unis, doivent être recherchées dans le poids de plus en plus lourd que pèse Beijing en Afrique, grâce à une politique de non ingérence dans les affaires intérieures des pays concernés, à la différence de la pratique américaine qui a toujours préféré contrôler étroitement les « gouvernements amis » et les manipuler à loisir.

 

Après avoir adopté le « socialisme de marché », en tant que version revue et corrigée du communisme, la Chine s’est affirmée avec force sur la scène internationale, mue par l’impératif d’acquérir matières énergétiques en grandes quantités et à bon prix. On se rappellera les bonnes relations qu’entretient Beijing avec certains pays d’Amérique latine, surtout le Venezuela et le Brésil ; ces relations se déroulent de manière paritaire, mode de travail qui ne trouble en aucune façon le cours nouveau qu’a emprunté ce continent sud-américain, comme on peut le constater en observant les accords pris entre certains de ces pays d’Amérique ibérique, d’une part, et la Russie, l’Inde, l’Iran et l’Afrique du Sud, d’autre part.

 

Cependant la partie la plus importante se joue en Afrique où d’immenses richesses minières et pétrolières sont encore disponibles. Le Dragon chinois est présent sur place, avec des investissements dépassant les 20 milliards de dollars pour la réalisation d’infrastructures importantes comme des ponts, des centrales électriques et des routes.

 

Les rapports entre la Chine, d’une part, l’Angola et le Soudan, d’autre part, sont optimaux ; d’autres accords ont été conclu avec l’Algérie et l’Egypte, où 150 entreprises chinoises se sont implantées. En Afrique du Sud, les Chinois ont acquis la « Standard Bank », principale banque de ce pays riche en minerais, dont l’or et le diamant.

 

Au Soudan, la découverte de riches gisements de pétrole a attiré l’attention de la « China Petroleum Company », ce qui fait que 8% du pétrole consommé en Chine vient désormais de ce pays africain. En Algérie, la « China Petroleum & Chemical Corporation » et la « China National Petroleum » ont pris en main la gestion des puits les plus importants. A la liste, on peut ajouter le Nigéria, troisième fournisseur africain de pétrole à la Chine ; ensuite, le Sénégal, la Tchad, la Guinée, qui possèdent aussi  des gisements de pétrole, et le Cameroun, où l’on trouve et du gaz naturel et du pétrole.

 

Aujourd’hui donc, force est de constater que les fronts sur lesquels sont déployées les forces armées des Etats-Unis augmentent en nombre au lieu de diminuer ; dans un tel contexte, la thalassocratie américaine ne peut rien faire d’autre que de mettre la main sur les ressources du « Tiers Monde » (comme il était convenu de l’appeler). Pour y parvenir, Washington doit déployer de plus en plus de troupes, d’avions et de navires aux quatre coins du globe. Ces efforts ne laissent pas indifférents les Américains eux-mêmes car, pour réaliser cette politique d’omniprésence, la Défense engloutit des sommes gigantesques : il suffit d’analyser les chiffres ; entre 2001 et 2011, le bilan du Pentagone a augmenté de 40% et, si nous prenons en compte également les frais engendrés par les guerres, nous arrivons au chiffre de 70%. Nous sommes dont dans un état de guerre permanente, même si cette guerre n’a jamais été déclarée ; en effet, 400.000 hommes de l’armée américaine sont déployés sur les divers théâtres opérationnels de tous les continents. On le voit : de Bush à Obama, il n’y a eu aucun changement.

 

Federico DAL CORTIVO.

(article paru dans « Rinascita », Rome, 13 juillet 2010 ; http://www.rinascita.eu/ ).

 

 

US-Raketen in der Umgabung Chinas stationiert

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US-Raketen in der Umgebung Chinas stationiert

F. William Engdahl / ex: http://info.kopp-verlag.de/

 

Das Pentagon stationiert verstärkt U-Boot-gestützte Marschflugkörper an der Peripherie Chinas – denn die wachsende wirtschaftliche Macht Chinas stellt mittlerweile den Status der bankrotten und industriell maroden USA als einziger Supermacht ernsthaft in Frage. Die Raketen sind Teil des breiter angelegten Versuchs der USA, China in Schranken zu halten. Dem Bemühen wird jedoch kaum Erfolg beschieden sein.

 

 

Ohne großes Aufheben hat die US-Marine in den vergangenen Tagen vier U-Boote der Ohio-Klasse auf den Weg geschickt, wie sie die in der Zeit des Kalten Krieges – damals mit Trident-Atomraketen bestückt – zum Einsatz gekommen waren. Heute sind diese U-Boote mit je 154 Tomahawk-Marschflugkörpern ausgerüstet, die Ziele in einer Entfernung von 1000 Meilen treffen können.

Ende Juni hat die US-Navy die U.S.S. Ohio in die Subic Bay auf den Philippinen entsandt. Gleichzeitig traf die U.S.S. Michigan in der südkoreanischen Hafenstadt Pusan ein, während die U.S.S. Florida auf dem gemeinsamen britisch-amerikanischen Marinestützpunkt Diego Garcia im Indischen Ozean auftauchte. Insgesamt sind zurzeit 462 neue Tomahawks in der Umgebung von China stationiert. »Es gab die Entscheidung, unsere Streitmacht im Pazifik zu verstärken,« so Bonnie Glaser, China-Expertin am Center for Strategic and International Studies in Washington.

Letzten Monat hatte die Navy angekündigt, erstmals würden sämtliche mit Tomahawks bestückten U-Boote gleichzeitig ihre jeweiligen Heimathäfen verlassen. Der Marineeinsatz ist Teil der Pentagon-Strategie, das Schwergewicht der Präsenz vom Atlantik zum Pazifik zu verschieben. Die US-Navy hat etwa 4 Milliarden Dollar aufgewendet, um die U-Boote von den Trident-Raketen auf die Tomahawk-Marschflugkörper umzurüsten und Platz für die jeweils 60 Soldaten der Sondereinheiten zu schaffen, die verdeckt weltweit operieren.

Als eindeutiges Signal an Peking, wer beide Weltmeere beherrscht, laufen zurzeit zwei große gemeinsame Manöver der USA und der Alliierten in der Region, nämlich zunächst das »Rim of the Pacific«-Manöver vor Hawaii, das größte multinationale Marinemanöver dieses Jahres. Zusätzlich hat gerade vor Singapur das CARAT-2010-Manöver begonnen, an dem insgesamt 73 Schiffe aus den USA, Singapur, Bangladesh, Brunei, Kambodscha, Indonesien, Malaysia, den Philippinen und Thailand beteiligt sind.

China nimmt an keinem der beiden Manöver teil. Die Ankunft der Tomahawks »ist Teil einer größeren Anstrengung, unsere Schlagkraft in der Region zu erhöhen«, erklärte ein China-Experte der Washingtoner Denkfabrik CSIS. »Wir signalisieren damit, dass niemand unsere Entschlossenheit unterschätzen sollte, die Machtbalance in der Region aufrecht zu erhalten, was auch viele der Länder dort von uns erwarten.«

 

dimanche, 01 août 2010

Deutschland bald im Rohstoff-Krieg?

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Deutschland bald im Rohstoff-Krieg?

Udo Schulze / ex: http://info.kopp-verlag.de/

 

Hinter den Kulissen der europäischen Alltagspolitik zeichnen Experten in den »Think Tanks« (zu Deutsch etwa: Denkfabriken) von Ministerien und Regierungen ein düsteres Zukunftsbild. Dabei geht es allerdings weder um Umweltkatastrophen noch um die beängstigende Altersentwicklung der Bevölkerung. Was die Polit-Strategen befürchten, ist eine zunehmende Rohstoffknappheit in Europa, der mit eigenen Mitteln kaum begegnet werden kann. Als stärkste Industrienation der EU ist Deutschland von der fatalen Entwicklung besonders betroffen. Müssen wir deswegen bald Kriege um Rohstoffe führen?


 


 

 

 

 

Nach einem Bericht der »Financial Times« benötigen die Staaten der EU tagtäglich 14 Rohstoffe, die im Boden dieser Länder nicht oder nicht ausreichend vorkommen und deswegen eingeführt werden müssen. Deutschland braucht vor allem Gallium, Neodym, Indium und Germanium zur Herstellung von Lasertechnik, zur Produktion von Photovoltaik und Brennstoffzellen. Doch diese Stoffe lagern zum größten Teil in Russland, China und afrikanischen Ländern. Allesamt Staaten, die mit diesen reichen Bodenschätzen nicht nur Geschäfte, sondern auch knallharte Politik machen. Ihr Vorteil: Sie verfügen nicht nur über die begehrten Stoffe, sondern sind auch von geostrategischer Bedeutung. Nach Schätzungen des Bundeswirtschaftsministeriums wird sich die Nachfrage nach den Rohmaterialien innerhalb der nächsten 20 Jahre verdreifachen. Damit, so glauben Experten, könne es schnell zu militärischen Konflikten kommen, da Staaten außerhalb der EU an den knapper werdenden Schätzen ebenfalls teilhaben wollen. Hinzu kommt die relative militärische Schwäche Europas.

Deswegen hat die Bundesregierung inzwischen mit der »Deutschen Rohstoffagentur« in Hannover ein Instrument geschaffen, das Wege zum kostengünstigen Zugriff auf Rohstoffe in aller Welt erarbeiten soll. Hauptansprechpartner in diesem Kampf um die Schätze der Erde sind die Chinesen, die sich ihrer Rolle sehr bewußt sind und bereits Ausfuhrquoten und Ausfuhrzölle für eigene Rohstoffe erhoben haben, um den Aufbau der heimischen Industrie zu sichern. Nach einem Bericht des »Handelsblatt« vom vergangenen Monat droht den Europäern eine Niederlage im Wettrennen um die Stoffe. Während die USA sich ihre Ansprüche in Afghanisatan sicherten und die Chinesen in Afrika tätig würden, hinke Europa hinterher, heißt es. Aus diesem Grund ging Berlin jüngst zum Angriff über und verklagte zusammen mit anderen EU-Staaten China bei der Welthandelsorganisation WTO, damit die Exportbeschränkungen aus dem Reich der Mitte aufhören.

Gleichzeitig ist man auf der Suche nach strategichen Partnern in aller Welt. So verhandelt die EU mit der Afrikanischen Union darüber, freien Zugang zu den Rohstoffen des Kontinents zu bekommen. Im Gegenzug soll es Entwicklungshilfe geben, auch in Form von Aus- und Weiterbildung der Fachkräfte vor Ort. Ob dabei das Engagement der Nehmerländer in den Bereichen Menschenrechte und Anti-Korruption auf der Strecke bleibt, ist abzuwarten. Den deutschen Industrieverbänden jedenfalls reichen die Initiativen der Politik nicht. Sie befürchten für die nahe Zukunft eine erhebliche »Rohstofflücke«, nicht nur bei den Bodenschätzen. Laut »Handelsblatt« erwartet Ulrich Grillo vom Verband der deutschen Industrie demnächst auch eine Versorgungslücke bei Metallschrotten.

Sollte es in Zukunft zu bewaffneten Konflikten um Rohstoffe kommen, wird der Europäischen Union der Preis für ihre momentane Unterstützung der USA im Irak und in Afghanistan präsentiert werden. Während sie zur Sicherung der amerikanischen Ansprüche in den Krieg gezogen ist, reichen ihre militärischen Kräfte kaum aus, um eine weitere Konfrontation durchzustehen. Auf Hilfe durch die USA kann wohl kaum gerechnet werden. Denn wie fasste der CDU-Politiker und ehemalige Staatssekretär im Bundesverteidigungsministerium, Friedbert Pflüger, die Situation in der Zeitschrift »Internationale Politik« kürzlich doch zusammen: »Nationalismus, Kolonialismus und Imperialismus des 19. Jahrhunderts kehren zurück.«

 

samedi, 31 juillet 2010

Die neue geopolitische Bedeutung von Lubmin

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Die neue geopolitische Bedeutung von Lubmin

F. William Engdahl / ex: http://info.kopp-verlag.de/

 

In der Nachkriegsgeschichte der Bundesrepublik verschwinden die deutschen Bundeskanzler zumeist in der Versenkung, sobald sie politische Ziele verfolgen, die zu stark von Washingtons globalen Absichten abweichen. Im Fall von Gerhard Schröder gab es gleich zwei unverzeihliche »Sünden«. Die erste war 2003 sein offener Widerstand gegen die Irak-Invasion. Die zweite, strategisch sehr viel schwerwiegendere, war seine Verhandlung mit Putin über den Bau einer neuen großen, direkt von Russland nach Deutschland führenden Erdgas-Pipeline, die das Hoheitsgebiet des damals feindlich gesinnten Polen umgehen sollte. Heute hat der erste Abschnitt dieser »Nord-Stream«-Gaspipeline das Ostseebad Lubmin in Mecklenburg-Vorpommern erreicht. Lubmin wird damit zu einem geopolitischen Dreh- und Angelpunkt für Europa und Russland.

 

 

 

Tatsächlich verdankte Gerhard Schröder seinen Posten dem stillen, aber nachdrücklichen Rückhalt durch US-Präsident Clinton, der nach Angaben unserer Quellen in der deutschen SPD verlangt hatte, eine rot-grüne Koalition müsse im Fall ihrer Wahl 1999 einen Krieg gegen Serbien unterstützen. Washington wollte ein Ende der Ära Helmut Kohl. Doch 2005 verhielt sich Schröder nach Washingtons Geschmack viel zu »deutsch«, deshalb soll sich die Regierung Bush vordringlich darum bemüht haben, einen möglichen Amtsnachfolger aufzubauen.

Seine letzte Amtshandlung als Bundeskanzler war die Genehmigung der riesigen Gaspipeline Nord Stream, die von der russischen Hafenstadt Vyborg nahe der finnischen Grenze nach Lubmin verläuft. Sofort nach dem Ausscheiden aus dem Amt des Bundeskanzlers wurde Schröder Vorsitzender des Aktionärsausschusses der Nord Stream AG, einem Joint Venture des staatlichen russischen Energiekonzerns Gazprom und den deutschen Unternehmen E.ON Ruhrgas und BASF-Wintershall. Er verstärkte in der Folgezeit auch seine öffentlich geäußerte Kritik an der US-Außenpolitik, beispielsweise beschuldigte er den US-Marionettenstaat Georgien, 2008 den Krieg gegen Südossetien begonnen zu haben.

2006 verglich der polnische Außenminister Radoslaw Sikorski, ein enger Vertrauter Washingtons und bekennender Neokonservativer, das Nord-Stream-Konsortium mit dem 1939 geschlossenen Pakt zwischen den Nazis und der Sowjetunion. Seit dem Zusammenbruch der Sowjetunion ist die Politik Washingtons darauf gerichtet, Polen als Keil zu benutzen, um eine engere wirtschaftliche und politische russisch-deutsche Zusammenarbeit zu verhindern. Das ist auch der Grund für die Entscheidung, in Polen amerikanische Raketenabwehrsysteme und jetzt auch Patriot-Raketen zu stationieren, die gegen Russland gerichtet sind.

Trotz vehementen politischen Widerstands aus Polen und anderen Ländern erreichte Schröders Nord-Stream-Projekt in diesem Monat das erste wichtige Ziel, als der erste der beiden Rohrstränge plangemäß in Lubmin das Festland erreichte. Wenn später in diesem Monat auch der zweite Rohrstrang an Land gezogen wird und die Pipeline 2011 den Betrieb aufnimmt, dann wird sie die größte unterseeisch verlaufende Pipeline der Welt sein, die jährlich 55 Milliarden Kubikmeter Gas quer durch Europa transportiert. Die unterseeische Route verläuft durch die Hoheitsgewässer und Wirtschaftszonen Finnlands, Schwedens, Dänemarks und Deutschlands, sie umgeht das Gebiet Polens und der baltischen Staaten Estland, Lettland und Litauen.

Von der Übernahmestation Lubmin aus wird die OPAL-Anbindungsleitung 470 km durch Mecklenburg-Vorpommern, Brandenburg und Sachsen bis zur tschechischen Grenze verlaufen. Andere westliche Pipelinerouten werden russisches Gas über eine bestehende Pipeline nach Holland, Frankreich und Großbritannien transportieren, was die Energie-Bindungen zwischen der EU und Russland erheblich stärken wird – eine Entwicklung, die Washington ein Dorn im Auge ist. Die französische GDF Suez, ehemals Gaz de France, hat gerade neun Prozent der Anteile an der Nord Stream AG gekauft, der niederländische Gasinfrastrukturkonzern N.V. Nederlands Gasunie besitzt ebenfalls neun Prozent. Das Projekt ist also in der EU gut verankert – eine große geopolitische Leistung der Regierung Putin-Medwedew angesichts starken Widerstands der USA. Nord Stream verfügt zurzeit über zwei langfristige Verträge über die Lieferung von Erdgas an Dänemark, Frankreich, Belgien, die Niederlande und Deutschland.

Die Gazprom verfolgt noch ein zweites großes Pipeline-Projekt, die South Stream, über die Gas von der russischen Schwarzmeerküste unter dem Schwarzen Meer hindurch nach Bulgarien und weiter nach Italien transportiert werden soll. Washington hat auf die EU-Länder und die Türkei erheblichen Druck ausgeübt, eine alternative Gaspipeline, die Nabucco, zu bauen, die Russland umgehen würde. Bisher findet Nabucco in der EU jedoch wenig Unterstützung, es gibt auch nicht genügend Gas, um die Pipeline zu füllen. Aus geopolitischer Sicht würde die Fertigstellung von South Stream die Länder der EU und Russland stärker zusammenschweißen – ein geopolitischer Albtraum für Washington. Seit Ende des Zweiten Weltkriegs war die Politik der USA darauf gerichtet, Westeuropa zu beherrschen, darum wurde zunächst der Kalte Krieg mit der Sowjetunion angefacht und nach 1990 die NATO-Osterweiterung bis an die Grenzen Russlands betrieben. Ein zunehmend unabhängiges Europa, das sich gen Osten statt über den Atlantik orientiert, bedeutet eine empfindliche Niederlage für die fortgesetzte Herrschaft der »einzigen Supermacht« USA. Damit wird das idyllische Seebad Lubmin im Nordosten Deutschlands de facto zu einem wichtigen Dreh- und Angelpunkt des geopolitischen Dramas zwischen Washington und Eurasien – ob sich die Einwohner dessen bewusst sind oder nicht.

 

vendredi, 30 juillet 2010

Obama fianziert Israel-Gegner: Amerikanische Steuergelder für die Gaddafi=Stiftung

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Obama finanziert Israel-Gegner: Amerikanische Steuergelder für die Gaddafi-Stiftung

Udo Ulfkotte / ex: http://info.kopp-verlag.de/

 

Die libysche Gaddafi-Stiftung organisiert derzeit eine libysche Schiffs-»Hilfslieferung« für den Gaza-Streifen. Diese libysche Stiftung wird finanziell unter anderem vom amerikanischen Präsidenten Barack Hussein Obama unterstützt. Der hatte der umstrittenen islamischen Organisation der Diktatoren-Familie 200.000 Dollar überweisen lassen. Und es ist nicht die einzige obskure libysche »Stiftung«, die Präsident Obama seit seinem Wahlsieg mit amerikanischen Steuergeldern gefördert hat.

 

 

 

Die libysche Gaddafi-Stiftung ist auf den ersten Blick eine streng islamische Wohltätigkeitsorganisation. Sie wurde 1997 von Saif Gaddafi, einem Sohn des libyschen Diktators gegründet, und spielt heute bei Verhandlungen mit islamischen Terroristen aus der Sicht westlicher Staaten eine wichtigere Rolle als das libysche Außenministerium. So war es die Gaddafi-Stiftung, die vor zehn Jahren mit den streng islamischen philippinischen Abu-Sayyaf-Terroristen die Freilassung der Göttinger Familie Wallert aus islamischer Geiselhaft verhandelte. Die Bundesregierung soll das Lösegeld damals direkt an die Gaddafi-Stiftung gezahlt haben. Offiziell wird das alles bis heute dementiert.

Wenn es um Gespräche mit islamischen Terroristen oder Terrorunterstützern geht, dann ist die Gaddafi-Stiftung häufig in der Nähe. So auch im letzten Jahr. Da hatten die Libyer aus »humanitären« Gründen die Freilassung des libyschen Lockerbie-Bombers Abdel Baset Megrahi aus einem Gefängnis in Großbritannien vermittelt. Der libysche Terrorist, der bei dem Bombenanschlag auf die PanAm-Maschine im Dezember 1988 mit Plastiksprengstoff 259 Menschen getötet hatte, war angeblich unheilbar an Krebs erkrankt und hatte nur noch wenige Tage zu leben. In Libyen wurde er dann von der Gaddafi-Familie nach seiner Rückkehr wie ein Volksheld gefeiert. Die Libyer hatten den berauschenden Empfang für den Terroristen der Weltöffentlichkeit mit einer angeblichen »beduinischen Volkssitte« erklärt. Wenig später wurde bekannt, dass die entsprechenden Atteste über den angeblich unmittelbar bevorstehenden Tod des libyschen Terroristen von den Libyern gekauft worden waren. Der Terrorist Abdel Baset Megrahi lebt heute fröhlich, und von der Gaddafi-Familie umsorgt, in Libyen. Es war Saif Gaddafi, Gründer der Gaddafi-Stiftung, der sich höchstpersönlich liebreizend um das Wohl des Terroristen kümmerte.

Die umstrittene Gaddafi-Stiftung hat unlängst ein unter moldawischer Flagge fahrendes Schiff gechartert und »Al Amal« getauft. Das arabische Wort bedeutet übersetzt »Hoffnung«. Es sollte eigentlich die von Israel über Gaza verhängte Blockade brechen.

Am 31. Mai hatten israelische Elitesoldaten eine andere Hilfsflotte für Gaza gestoppt und auf dem türkischen Schiff »Mavi Marmara« neun Aktivisten getötet. Nach einem internationalen Proteststurm wurde die Blockade des Gaza-Streifens zwar deutlich gelockert, Israel will aber keinesfalls, dass Waffen in das von der Hamas kontrollierte Gebiet eingeschmuggelt werden können.

 

An Bord der »Al Amal« befinden sich jetzt neben zwölf Besatzungsmitgliedern auch 15 pro-palästinensische Aktivisten – und Reporter des arabischen Senders Al Jazeera. Libyen hatte in der Vergangenheit PLO-Terroristen ausgebildet und ihre Terroranschläge finanziert. Doch das von Libyen organisierte Schiff wird wohl nicht in Gaza in einen Hafen einlaufen. Der Frachter lief nach Angaben der griechischen Küstenwache am Samstag vom griechischen Hafen Lavrion aus und soll nach Gesprächen mit den Israelis nun den ägyptischen Hafen El Arisch im Norden der Sinai-Halbinsel anlaufen. Die Fahrt soll etwa drei Tage dauern. Von Ägypten aus sollen die Hilfsgüter in den nahe gelegenen Gazastreifen gebracht werden.

Das wird dann wohl nicht nur die libysche Gaddafi-Stiftung freuen. Denn hinter dieser steht nicht nur Saif Gaddafi, der Sohn des libyschen Diktators, sondern als Unterstützer und Mäzen eben auch der amerikanische Staatspräsident Barack Hussein Obama. Der hatte der Gaddafi-Stiftung Ende 2009 immerhin 200.000 Dollar überweisen lassen. Und die Gaddafi-Tochter Aischa bekam weitere 200.000 Dollar für ihre Stiftung »Wa Attassimou«. Sie haben von dieser Organisation noch nie etwas gehört? Es ist jene umstrittene Stiftung, die sich wie keine andere Gruppe für die Freilassung von Muntazer al-Zaidi einsetzte. Muntazer al-Zaidi ist ein irakischer Journalist, der international bekannt wurde, als er in einer Pressekonferenz am 14. Dezember 2008 den damaligen amerikanischen Präsidenten George W. Bush bei einer Pressekonferenz mit zwei Schuhen bewarf. Er wurde im Irak inhaftiert. Und die libysche Stiftung hat dann seine Freilassung vermittelt und ihn als Helden der Araber gefeiert.

US-Präsident Barak Hussein Obama hat das alles großzügig mit amerikanischen Steuergeldern honorieren lassen. Neben den 400.000 US-Dollar Steuergeldern für die beiden obskuren libyschen Stiftungen bekam das ölreiche Wüstenland jetzt auch noch 2,1 Millionen US-Dollar Entwicklungshilfe.

Abgeordnete der Republikaner hatten Obama vergeblich daran zu hindern versucht, amerikanische Steuergelder an die berüchtigten Gaddafi-Stiftungen zu überweisen. So hatte der republikanische Kongressabgeordnete Mark Steven Kirk im vergangenen Jahr folgenden Brief an Präsident Obama verfasst und ihn darum gebeten, die umstrittenen libyschen Stiftungen nicht mit amerikanischen Steuergeldern zu finanzieren, vergeblich:


 

President Barack Obama


 

The White House


 

1600 Pennsylvania Ave, NW


 

Washington, D.C.


 

Dear Mr. President:


 

Earlier today, Libyan leader Muammar el-Qaddafi stood before the United Nations General Assembly and called the U.N. Security Council a "Terror Council." Qaddafi went on to suggest the State of Israel was behind the assassination of President John F. Kennedy and that the H1N1 flu might be a military or corporate weapon.

Last month, when Scotland freed Abel Baset Megrahi, the only man convicted in the bombing of Pan Am Flight 103, Qaddafi greeted him with a hero's welcome. As you know, Megrahi was accompanied back to Libya by Qaddafi's son, Saif, who was involved in the negotiations for Megrahi's release.

At the time, you expressed your disappointment over Megrahi's release and called it a mistake. Attorney General Holder said, "There is simply no justification for releasing this convicted terrorist whose actions took the lives of 270 individuals, including 189 Americans."

That is why, as a member of the House Appropriations Subcommittee on State-Foreign Operations, I was disturbed by a congressional notification dated September 15, 2009 (enclosed), informing our Committee of the State Department's intent to provide $200,000 to Saif Qaddafi's foundation and another $200,000 to an organization run by Muammar Qaddafi's daughter, Aisha.

Just weeks after the Qaddafi family celebrated the return of a terrorist responsible for the murders of 189 Americans, the U.S. taxpayer should not be asked to reward them with $400,000. For the sake of the victims' families who have endured so much pain these last few weeks, I ask you to withdraw your Administration's request.


 

Sincerely,

Mark Steven Kirk

Member of Congress

 

mercredi, 28 juillet 2010

Stecken von der NATO gedeckte Drogenkriege hinter der jüngsten Instabilität in Kirgisistan?

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Stecken von der NATO gedeckte Drogenkriege hinter der jüngsten Instabilität in Kirgisistan?

F. William Engdahl / ex: http://info-kopp.verlag.de/

 

Angeblich stehen die jüngsten ethnischen Zusammenstöße in Kirgisistan in Verbindung mit Drogenkriegen zwischen rivalisierenden ethnischen Gruppen. Bei den gewalttätigen Auseinandersetzungen im Süden der ehemals sowjetischen zentralasiatischen Republik Kirgisistan sind vermutlich Tausende ums Leben gekommen.

 

 

 

In der südwestlichen Stadt Osch, der ethnischen Machtbasis des gestürzten kirgisischen Präsidenten und Drogenbosses Kurmanbek Bakijew, war es Ende vergangenen Monats zu Kämpfen zwischen ethnischen usbekischen und kirgisischen Gruppen gekommen. Wenn es dabei tatsächlich um Drogen ging, dann würde dies in das in meinen früheren Beiträgen beschriebene geopolitische Szenario passen, wonach die NATO und Washington versuchen, vermittels des afghanischen Heroinhandels Chaos und Instabilität zu verbreiten. Mit Taliban oder Terrorismus hat das nichts zu tun, sondern vielmehr mit Washingtons geopolitischem Plan, China, Russland und indirekt Westeuropa, besonders Deutschland, unter seine Herrschaft zu unterwerfen.

Die Gewalt, die am 11. Juni in Bakijews Heimatbasis Osch ausbrach, wirkt sich unmittelbar auf das strategische Fergana-Tal aus, der Heimat des Islamic Movement of Uzbekistan (IMU), einer Gruppe, die, wie ich in der Serie Warum Afghanistan darlege, eigentlich nichts weiter ist als eine als islamische Kämpfer verkleidete Drogenbande. Es wird vermutet, dass die CIA und andere westliche Geheimdienste verdeckt die IMU unterstützen, um über dieses Vehikel die NATO-Präsenz in der geopolitisch strategischen Region auszudehnen.

Zahlreichen Berichten zufolge hat die Familie Bakijews, des ehemaligen Präsidenten von Washingtons Gnaden, der 2005 durch die von den USA unterstützte »Tulpen-Revolution« an die Macht gekommen war, den lukrativen Heroinhandel von Afghanistan nach Russland und Westeuropa beherrscht. Als er im Frühjahr dieses Jahres durch einen sehr komplexen Putsch der Opposition gestürzt wurde, hinterließ er ein Machtvakuum im Drogengeschäft, das andere Banden nun anscheinend mit Gewalt ausfüllen wollten.

 

Opium-Geopolitik

Klar ist, dass die Massaker von Osch weitreichende geopolitische Konsequenzen haben werden. Washington fordert eine UN-»Friedenstruppe« für das Land – ganz im Sinne des längerfristigen Plans, die militärische Präsenz der NATO in der Region des Fergana-Tals und in Afghanistan zu rechtfertigen.

Wie aus UN-Berichten hervorgeht, ist die militärische Präsenz der USA seit der US-Invasion in Afghanistan im Jahr 2001 – angeblich mit dem Ziel, Osama bin Landen zu fangen – mit einer beispiellosen Ausweitung der afghanischen Opiumproduktion einhergegangen. Heute stammen 93 Prozent des weltweit gehandelten Heroins aus afghanischem Opium. Als die USA vor neun Jahren in das Land einmarschierten, hatten die Taliban die Opiumproduktion fast völlig ausgerottet. Erst kürzlich hat Botschafter Richard Holbrooke, der amerikanische Sondergesandte für Afghanistan, angekündigt, die USA würden den (völlig erfolglosen, ist man versucht zu sagen) Versuch einstellen, das Opium auszurotten, da dieses, wie er sagte, die kleinen Bauern von den USA »entfremden« würde. Wir mir afghanische Quellen versichern, hat die fortgesetzte Truppenpräsenz der USA und der NATO schon heute die Mehrheit der Menschen in Afghanistan entfremdet.

Tatsächlich besteht die US-Politik im Krieg, sowohl unter dem vor wenigen Tagen entlassenen Stanley McChrystal als auch unter dem neuen US-Befehlshaber General Petraeus aus Counter Insurgency (Aufstandsbekämpfung), COIN, oder wie ich in meinem Aufsatz Warum Afghanistan? Teil II: Washingtons Kriegsstrategie in Zentralasien beschreibe, aus »friedenssichernden Maßnahmen«, d.h. der Strategie, Krieg und Instabilität zu verbreiten, um die verstärkte NATO-Präsenz gegenüber der Welt als »Friedenssicherung« in der Region zu rechtfertigen. Das Pentagon strebt die Vorherrschaft im wichtigen zentralasiatischen Raum an, um auf diesem Weg China, Russland, Zentralasien und den Iran beherrschen zu können. Wie schon bei der CIA und den US-Streitkräften während des Vietnamkriegs Anfang der 1970er Jahre, so wird auch hier der illegale Drogenhandel zum geopolitischen Werkzeug, um Terror und Instabilität zu verbreiten und einen Vorwand für die verstärkte US-Truppenpräsenz zu schaffen, um »die Lage zu stabilisieren«.

Die Invasion des Westens nach Afghanistan im Jahr 2001 hat das Land einerseits zu einer nicht versiegenden Quelle für den weltweiten Drogenhandel und andererseits zum Ausgangspunkt um sich greifender Instabilität gemacht. Momentan erfasst diese den gesamten post-sowjetischen zentralasiatischen Raum, der Putsch in Kirgisistan und das Massaker von Osch waren nur einzelne Szenen eines größeren Dramas. Zu den vorrangigen Zielen des afghanisch-kirgisischen Drogenhandels zählt Russland; nach Berichten gut platzierter asiatischer Quellen wird das Heroin aus Afghanistan und amerikanischem militärischen Schutz über den amerikanischen Luftwaffenstützpunkt Manas in Kirgisistan nach Russland geflogen und geht über Kosovo weiter an westeuropäische Drogenhändler.

Der Chef der Russischen Drogenbekämpfungsbehörde Viktor Iwanow hat kürzlich erklärt: »Die vorliegenden Beweise sprechen eindeutig dafür, dass die frühere kirgisische Führung den Drogenhandel im Lande unter ihrer Kontrolle hatte, was anderen Drogenbaronen ein Dorn im Auge war, die sich um ihren Anteil am Gewinn betrogen fühlten. «

Laut Iwanow sind vermutlich bis zu 500 Drogenlabors in Afghanistan an der Produktion von Drogen beteiligt, die dann nach Russland verschickt werden. Im vergangenen Jahr haben die russischen Behörden den USA eine Liste von »Marken« übergeben, die auf Labors in Afghanistan hindeuteten. »Diese... Labors haben Drogen auf russisches Hoheitsgebiet geliefert«, so Iwanow. Russland ist seit der amerikanischen Besetzung von Kabul ein vornehmliches geopolitisches Ziel des Heroinflusses aus Afghanistan. Nach Angaben der russischen Drogenbekämpfungsbehörde fordert afghanisches Opium Jahr für Jahr das Leben von ca. 30.000 Menschen in Russland. Insgesamt wird die Zahl der Todesopfer durch afghanisches Heroin in den letzten zehn Jahren auf 250.000 bis 300.000 geschätzt.

Antonio Maria Costa, der Direktor des UN-Büros für Drogen- und Verbrechensbekämpfung, bezeichnet die Lage im afghanischen Drogengeschäft als »totalen Sturm, bei dem sich Drogen- und kriminelle Aktivität mit einem Aufstand verbinden. « Der Drogenhandel, der jahrelang auf das Grenzgebiet zwischen Afghanistan und Pakistan beschränkt gewesen war, breitet sich nun über ganz Zentralasien aus. Wie Costa warnt, wäre ohne drastisches Einschreiten ein Großteil Eurasiens mit seinen großen Energiereserven verloren, das Epizentrum der Instabilität verschöbe sich von Afghanistan nach Zentralasien. Genau das ist nun zufällig die Strategie des Pentagon. Die scheinbar konfuse US-Politik dient auch als Deckmantel, unter dem die Entsendung weiterer NATO-Truppen und die Ausweitung des Konflikts gerechtfertigt werden.

Russland schlägt vor, eine Gemeinsame Sicherheits-Organisation in Khorog, der Hauptstadt der Autonomen Provinz Gorno-Badachschan in Tadschikistan, einzurichten, von der aus eine berüchtigte Drogenroute nach Norden verläuft. Bislang haben sich Washington und die NATO zu diesem Vorschlag nicht geäußert.

 

Ahmed Wali Karzai gilt als Boss des afghanischen Heroinhandels

Zurzeit besteht der offizielle Plan der USA darin, die Verantwortung für die Drogenbekämpfungsmaßnahmen der afghanischen Verwaltung zu übertragen, wobei westliche Vertreter inoffiziell zugeben, dass die afghanische Regierung eigentlich völlig funktionsunfähig ist. Der Bruder des afghanischen Präsidenten Hamid Karzai, der Gouverneur der größten Opiumprovinz Helmland, ist laut New York Times der Drogenboss Afghanistans und erhält Geld von der CIA.

Aufgrund der strategischen Lage Afghanistans erlaubt es die militärische Präsenz der USA und der NATO, gleichzeitig Druck auf Russland, China und die wichtigen Ölexporteure Iran, Saudi-Arabien, Irak sowie die Atommacht Pakistan auszuüben. NATO-Militärstützpunkte in Afghanistan können ohne Schwierigkeiten in eine Kampagne gegen den Iran eingebunden werden. Der russische Präsident Medwedew hat soeben die russische »Strategie zur Drogenbekämpfung bis 2020« unterzeichnet, in der die Bildung eines Sicherheitsgürtels um Afghanistan herum gefordert wird, um so den Nachschub von Opiaten aus dem Land zu stoppen. Es bestehen wenig Chancen, dass sich die NATO oder Washington an einer solchen Strategie beteiligen. Ihr Ziel ist dem russischen entgegengesetzt: sie wollen die militärische Dominanz der NATO in ganz Zentralasien. Für Petraeus bedeutet Opium dabei nur eine wichtige strategische Waffe. Deutsche und andere NATO-Soldaten setzen ihr Leben aufs Spiel oder sterben gar für den Schutz dieser Opiumrouten.

 

dimanche, 11 juillet 2010

Le Traité du Trianon fut une catastrophe pour l'Europe entière!

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Le Traité du Trianon fut une catastrophe pour l’Europe entière!

 

 

Entretien avec Gabor Vona, président du parti “Jobbik” sur les conséquences du Traité du Trianon et sur la situation des minorités hongroises en Europe centrale

 

Q. : Monsieur Vona, il y a 90 ans, les puissances signaient le traité du Trianon. Quelles sont les conséquences de ce Traité sur la Hongrie actuelle ?

 

GV : Laissez-moi d’abord vous expliquer la terminologie de cette question épineuse : d’après moi, tout traité est le suite logique de négociations ; or ce qui s’est passé après la seconde guerre mondiale dans le château du Trianon à Versailles relève du diktat et non de négociations ; les ennemis de la Hongrie ont décidé du sort de notre pays en tablant sur des mensonges, des chiffres falsifiés et de faux rapports. L’Europe centrale, et avec elle le Royaume de Hongrie tout particulièrement, a été morcelée par la faute d’une coalition de superpuissances à courtes vues et par un groupe d’Etats avides, calculateurs et frustrés, que nous connaissons depuis sous le nom de « Petite Entente ».

 

Pour les Hongrois, le Traité du Trianon est synonyme d’une tentative de liquider purement et simplement le peuple hongrois. La perte de régions stratégiquement, culturellement et économiquement importantes et de leurs habitants signifie une perte démographique, culturelle et économique qui se ressent encore aujourd’hui dans notre pays, pour ne rien dire des dommages d’ordres psychologique et spirituel que le Traité du Trianon à infligé à notre conscience collective.

 

Mais les résultats du traité du Trianon n’ont pas été une tragédie que pour les seuls Hongrois : ce fut une tragédie pour l’Europe entière. Parce que le Traité du Trianon et les autres diktats imposés par les vainqueurs dans la région parisienne ont déstabilisé l’Europe centrale et orientale et ont été la cause de conflits non encore résolus dans la région. Tant l’effondrement général de l’ex-Yougoslavie dans la violence que la séparation pacifique de la Tchécoslovaquie en deux entités étatiques prouvent que les assises de ce Traité du Trianon étaient insensées.

 

Q. : La Hongrie a perdu plus des deux tiers de son territoire et plus de trois millions de Hongrois ont été placés sous l’autorité d’Etats voisins. Dans quelle mesure cette tragédie nationale a-t-elle transformé la mentalité des Hongrois ?

 

GV : Immédiatement après la tragédie que fut le Traité du Trianon, la Hongrie est parvenue à se consolider très rapidement pendant l’ère chrétienne-conservatrice de l’Amiral Miklos Horthy. L’ère Horthy a permis de libérer des énergies positives pour le bien de la nation hongroise : en un laps de temps très bref, la Hongrie a réussi à reconstruire ses infrastructures, son industrie, son armée et ses forces de police. Le régime de Horthy jeta les bases d’une économie saine et efficace, soutenue par l’une des monnaies les plus stables d’Europe. Ce régime mit également sur pied un système éducatif solide et apte à soutenir la concurrence. La vie culturelle était florissante. Sous Horthy, la Hongrie avait une élite nationale impressionnante et bien formée, qui poursuivait un objectif : réviser les clauses du diktat injuste du Trianon et qui était prête à défendre les minorité ethniques magyares au-delà des nouvelles frontières de l’Etat hongrois résiduaire en menant une diplomatie offensive et même, s’il le fallait, en faisant appel aux forces armées. L’objectif déclaré, réunifier la nation, a pu être atteint, du moins partiellement. Mais depuis cette époque, nous, Hongrois, n’avons plus d’élite nationale. Pendant les cinq décennies de communisme, nous avions une élite d’obédience internationaliste et, aujourd’hui, nous avons une élite qui croit à l’idéologie de la globalisation. Aucune de ces élites n’a été ou n’est capable ou désireuse de défendre les intérêts nationaux. Il faut ajouter que ces « élites » ont eu la pire influence qui soit sur la mentalité actuelle du peuple hongrois.

 

Q : Récemment, le Parlement hongrois a décidé de faire passer une loi sur la « double citoyenneté » et cela a conduit à des tensions avec la Slovaquie. Comprenez-vous les critiques émises par les Slovaques ?

 

GV : Non. Mais je ne crois pas qu’il s’agit, en ce cas précis, d’une mécompréhension du problème. la Slovaquie, en effet, se comporte comme un adolescent frustré, qui approche de ses vingt ans, développe un complexe d’infériorité et réagit de manière disproportionnée face à une loi qui est entièrement au diapason de ce que demandent le droit des gens, les conventions réglementant les droits de l’homme et les principes du Conseil de l’Europe. Il y a quelques semaines, des élections ont eu lieu en Slovaquie et, comme vous l’aurez appris, la rhétorique anti-hongroise s’y est révélée capable de rapporter le maximum de voix. Ce n’est dès lors pas un miracle qu’aucun parti slovaque n’a pu se soustraire à ce chœur anti-hongrois…

 

Q. : Plus d’un demi million de Hongrois ethniques vivent en Slovaquie où, l’an passé, le Parlement a fait passer la loi dite « de protection de la langue slovaque ». Dans quelle mesure celle loi discrimine-t-elle les Hongrois ? Pouvez-vous nous expliquer quelle est la situation de la minorité hongroise en Slovaquie ?

 

GV : La loi sur la langue slovaque a pour noyau que tous les citoyens, pour toutes les questions administratives, ne peuvent utiliser que la seule langue slovaque ; ensuite toute infraction à cette loi est passible de sanctions sévères, imposées par l’Etat. Comme les Hongrois sont la seule minorité importante en Slovaquie, il est clair que cette loi vise principalement les Hongrois ethniques. Cette loi correspond parfaitement à la rhétorique anti-hongroise récurrente et aux pratiques législatives habituelles du gouvernement slovaque. Pour comprendre l’absurdité de cette loi, il faut savoir que la majorité des Hongrois ethniques (près de 10% de la population) vit dans le sud de la Slovaquie dans une région bien délimitée. Dans cette région, on rencontre très souvent des villes ou des villages entièrement hongrois où tous parlent hongrois, y compris les fonctionnaires de l’hôtel de ville ou de l’administration municipale, de la poste ou de la police. Par cette loi, un Hongrois ethnique est désormais contraint d’utiliser la langue slovaque pour s’adresser à un autre Hongrois ethnique qui, lui, travaille, dans un bureau de poste de village où, plus que probablement, tous les clients de la journée parlent hongrois. Tout cela se passe au 21ième siècle, dans l’Union Européenne, avec l’accord tacite de l’UE…

 

Q. : L’UE garde le silence sur le traitement infligé aux Hongrois ethniques de Slovaquie. Ce comportement est-il objectif ?

 

GV : Parmi les plus importantes demandes formulées au moment où la Hongrie adhérait à l’UE, il y avait celle qui réclamait de celle-ci qu’elle ne tolèrerait pas les discriminations infligées aux Hongrois ethniques. Ensuite, il y avait une demande plus claire encore : l’UE devait accepter la disparition éventuelle de certaines frontières, de façon à ce qu’un peuple puisse, le cas échéant, se réunifier. Nous avons beaucoup entendu parler des « valeurs communes » de l’Europe, lesquelles rejetaient les discriminations et les politiques de deux poids deux mesures, pratiquées sur la base de la race ou de l’ethnie. Maintenant, nous entendons très peu d’échos de ces « valeurs », censées être contraignantes. L’Europe se tait lorsque des Hongrois ethniques sont molestés parce qu’ils parlent leur langue maternelle, lorsque des supporters du club de football de Dunaszerdahely sont attaqués brutalement par la police ou quand une loi discriminante se voit ratifiée par le Parlement slovaque.

 

Q. : Et quelle est la situation des minorités hongroises en Roumanie, en Serbie et en Ukraine ?

 

GV : Dans chacun de ces pays, la situation est différente, relève d’une histoire et d’un contexte différents. Toutefois, entre tous ces pays, un point commun : la volonté du gouvernement en place de contraindre les minorités hongroises, qui vivent sur leur territoire, à s’assimiler.

 

Q. : Jusqu’en 1921, le Burgenland, aujourd’hui autrichien, appartenait à la Hongrie. Pourquoi n’y a-t-il pas de tensions entre l’Autriche et la Hongrie au sujet de ce territoire ? Est-ce dû à la « communauté de destin » partagée par les vaincus de la première guerre mondiale ?

 

GV : Vaincus ? Pour ce qui concerne le Burgenland, l’Autriche appartient plutôt au camp des vainqueurs, puisqu’elle a reçu un territoire auparavant hongrois. Du point de vue hongrois, cela paraît étrange d’avoir perdu un territoire au profit de l’Autriche, après que nous ayons combattu côte à côte pendant une guerre. Je pense que la raison pour laquelle le Burgenland ne constitue pas un objet de tension entre nos deux Etats, c’est que l’Autriche ne considère pas la minorité hongroise comme un danger pour l’unité du peuple et de l’Etat. Malheureusement, l’hostilité aux Hongrois ethniques que l’on perçoit en Slovaquie, en Roumanie, en Serbie et en Ukraine est largement répandue.

 

Q. : Dans l’UE les frontières entre Etats perdent de jour en jour plus d’importance. L’UE ne pourrait-elle pas édulcorer les conséquences du Diktat du Trianon ?

 

GV : Non. La rhétorique de l’UE et de ses partisans ressemble très fort aux professions de foi internationalistes des communistes. Le socialisme, bien qu’axé sur une autre logique utopique, cherche, lui aussi, à annihiler l’Etat national. Si l’UE pouvait constituer une solution, alors les relations entre la Hongrie et ses voisins, également membres de l’UE, devraient sans cesse s’améliorer. Mais nos expériences indiquent exactement le contraire…

 

Q. : Pensez-vous que soient possibles une révision du Diktat du Trianon et une réunification des territoires peuplés de Hongrois dans les Etats limitrophes de la Hongrie actuelle avec celle-ci ?

 

GV : Pour que cela advienne, il faut que la Hongrie se dote d’abord d’une véritable élite nationale, au service des intérêts du peuple. C’est là une condition incontournable pour la renaissance spirituelle de notre pays.

 

(entretien paru dans « zur Zeit », Vienne, n°24/2010 ; propos recueillis par Bernhard Tomaschitz).

samedi, 10 juillet 2010

Le démembrement de la Hongrie - Le Diktat du Trianon et sa révision partielle

 

Erich KÖRNER-LAKATOS :

 

Le démembrement de la Hongrie

 

Le Diktat du Trianon et sa révision partielle

 

Après la défaite de Mohacs en 1526 contre les Turcs, le Traité du Trianon est la seconde grande catastrophe subie par le peuple magyar. Le 4 juin 1920, le ministre plénipotentiaire hongrois Agoston Bénard et l’envoyé Alfred Drasche-Lazar signent, dans les salles du château de plaisance du Trianon les actes du traité fatidique pour la Hongrie. En guise de protestation contre ce Diktat imposé par les vainqueurs, les deux hommes ont signé debout. Car la délégation de Budapest avec, à sa tête, le Comte Albert Apponyi, subit en fait le même sort que les Autrichiens guidés par Karl Renner : tous ses arguments, sans exception, n’ont aucun impact. A la suite de ces vaines tentatives de négociations, les délégués hongrois sont contraints de signer le texte formulé et imposé par les vainqueurs.

 

Toute la Hongrie met les drapeaux en berne. Plus des deux tiers du territoire de l’Etat hongrois doivent être cédés, avec 60% de ses citoyens d’avant-guerre qui deviennent en un tournemain des étrangers, parmi lesquels trois millions de Magyars ethniques. La Transylvanie, la Batschka et le Banat, les « Hautes Terres » (c’est-à-dire la Slovaquie) et l’accès à la mer par Fiume : tout est perdu. Même la Pologne, amie par tradition, reçoit quelques lambeaux de sol hongrois dans les Tatras. De plus, le Royaume de Croatie tout entier, avec ses 52.541 km2, est arraché à la Hongrie, alors qu’il était lié à elle par le biais d’une union personnelle depuis le 12ème siècle et où, selon le recensement de 1910, vivaient 105.948 Hongrois. La Croatie, bon gré mal gré, devient partie intégrante du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes. « Nem, nem, soha ! » (« Non, non, jamais » !), entend-on de toutes parts. Les uns, en songeant au rude traitement parfois infligé aux composantes ethniques non magyares avant 1914, veulent réviser le Traité du Trianon de manière minimaliste en réclamant que les régions peuplées de Magyars reviennent à la mère patrie ; les autres, plus radicaux, lancent le mot d’ordre « Mindent vissza ! » (« Tout doit revenir ! ») et réclament le statu quo ante.

 

Par le biais du Protocole de Venise et du référendum contesté dans la région d’Ödenburg, Budapest parvient en décembre 1921 à obtenir une révision très modeste du Diktat : les territoires retournés ont une superficie de 292 km2, où vivent 50.023 citoyens. A la suite d’une décision de la Commission des Frontières de l’Entente, quelques villages le long de la rivière Pinka (Nahring, Schilding, Kroatisch-Schützen, Pernau et Grossdorf) retournent sous souveraineté hongroise : en tout 67 km2. A ces villages, il faut ajouter Prostrum et Bleigraben.

 

En juin 1927, le pays entre en ébullition car le quotidien londonien « Daily Mail », dans son édition du 21 juin, fait paraître un article titré « Hungary’s Place in the Sun » (« La place de la Hongrie sous le soleil »). L’auteur de cet article n’est rien moins que le magnat de la presse Lord Rothermere, dont le nom civil est Harold Sidney Harmsworth. Ce Lord Rothermere réclame une révision du Diktat du Trianon sur base ethnique-nationale. A Budapest, les optimistes pensent qu’il s’agit d’une initiative des affaires étrangères britanniques, ce qui s’avère bien rapidement un vœu pieux. Malgré cela, des centaines de milliers de personnes exultent quand Lors Rothermere vient en Hongrie pour visiter le pays. Certes, le Lord reste loyal à l’égard de la Hongrie, sponsorise le vol transocéanique entre Budapest et le New Foundland en juillet 1931, quatre ans après le vol en solitaire de Charles Lindbergh. L’appareil porte sur ses ailes une inscription, « Justice for Hungary »,  et traverse l’Atlantique en moins de quatorze heures.

 

Mais, à ce moment-là, il n’est pas question de songer à modifier les frontières imposées par le Traité du Trianon. En pratique, la Hongrie est presque entièrement encerclée par les puissances de la « Petite Entente », l’alliance militaire entre Prague, Belgrade et Bucarest. Il faut attendre 1938 pour que la situation se modifie. En août, le Régent du Royaume, Horthy, est à Kiel en tant que dernier Commandeur de la Marine de guerre impériale et royale austro-hongroise ; il y est l’invité d’honneur d’Adolf Hitler à l’occasion du lancement du croiseur lourd « Prince Eugène » (Prinz Eugen). On en arrive à parler de la Tchécoslovaquie mais, à la grande déception de son hôte allemand, le Régent Horthy préconise une solution pacifique à la question.

 

Lors des Accords de Munich, Mussolini jette dans les débats la questions des revendications polonaises (le territoire de Teschen) et hongroises sur la Tchécoslovaquie, ce qui débouche sur le premier Arbitrage de Vienne du 2 novembre 1938, qui accorde à la Hongrie une bande territoriale le long de la frontière hungaro-slovaque. Acclamé par la foule, le Régent, chevauchant un destrier blanc, entre dans la petite ville de Kaschau, accompagné de Lord Rothermere. En mars 1939, la Tchéquie résiduaire s’effondre et les troupes de la Honvéd (l’armée nationale hongroise) occupent l’Ukraine subcarpathique jusqu’à la frontière polonaise.

 

Un autre ardent désir des Hongrois se voit exaucé, du moins partiellement, par le second arbitrage de Vienne : le retour de la partie septentrionale de la Transylvanie avec l’enclave des Szekler (13.200 km2 avec un demi million d’habitants, dont 91% de langue hongroise). Cette région se trouve sur les flancs des Carpates orientales. Le 30 août 1940, lorsque la carte des nouveaux changements de frontières est présentée dans les salons du Château du Belvédère à Vienne, le ministre roumain des affaires étrangères Mihail Manoilescu s’effondre, terrassé par une crise cardiaque.

 

L’étape suivante (la dernière) a lieu en avril 1941. A la suite de la campagne militaire menée contre la Yougoslavie, les troupes de la Honvéd entrent dans la plupart des régions de la Batschka, peuplée de Hongrois. L’armée hongroise occupe également l’île de Mur entre les rivières Drave et Mur, au nord de Varajdin. Le Banat occidental (la partie orientale de cette région avait été attribuée à la Roumanie par le Traité du Trianon), avec ses 640.000 habitants, dont un bon nombre d’Allemands ethniques (*), ne revient pas à la Hongrie malgré l’aval de Berlin, parce que la Roumanie, elle aussi, avait exigé des compensations. Pour éviter une confrontation pour la maîtrise de cette région, celle-ci restera sous administration militaire allemande pendant la durée du conflit, une situation qui ne satisfaisait aucun des protagonistes.

 

Avec le soutien allemand, la Hongrie a pu récupéré, en deux ans et demi, un ensemble de territoires de 80.000 km2 en tout, avec cinq millions d’habitants dont plus de deux millions de Magyars, vivant, depuis l’application des clauses du Traité du Trianon, sous domination étrangère. Mais les tensions entre voisins demeurent : des tirs sporadiques éclatent le long de la frontière roumaine pendant l’été 1941. La Slovaquie, à son tour, demande des compensations territoriales ou le retour de certaines terres à la souveraineté slovaque. La Croatie veut récupérer l’île de Mur. Bratislava essaye même de raviver la « Petite Entente » mais Ribbentrop parvient à apaiser les partenaires de l’Allemagne et de l’Axe. Mais la joie d’avoir récupéré les territoires perdus à la suite du Diktat du Trianon ne durera guère. A la fin de l’année 1944, les armées soviétiques déferlent sur la Hongrie, alliée à l’Allemagne. Le traité de paix du 10 février 1947, signé à Paris dans le Palais du Luxembourg, les vainqueurs réimposent le statu quo d’avant la guerre. Pire : la Hongrie doit céder trois villages supplémentaires à la république tchécoslovaque de Benes.

 

Erich KÖRNER-LAKATOS.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°24/2010 ; http://www.zurzeit.at/ ).

 

Note :

(*) Ainsi que des Lorrains et des Luxembourgeois thiois et wallons, installés là-bas à la suite des invasions françaises du 17ème siècle qui ont saccagé et ruiné la Lorraine et la Franche-Comté, « génocidant » littéralement ces provinces et forçant, comme dans le Palatinat rhénan, les populations à fuir. Dans certaines zones, ce sont les deux tiers de la population qui est purement et simplement massacrée ou qui doit fuir. On trouvera des Lorrains dans la région de Rome, où ils ont été invités à assécher les fameux marais pontins et y ont péri de malaria et de typhus. Les Franc-Comtois, dont les villages et les fermes ont été incendiés par la soldatesque française et par les mercenaires suédois au service du Roi-Soleil, se retrouveront en Suisse et surtout au Val d’Aoste. La romanité impériale a subi de terribles sévices que l’historiographie française officielle a gommé des mémoires. Une historiographie, aujourd’hui « républicaine », qui donne des leçons à autrui mais dissimule des pratiques génocidaires inavouées et particulièrement écœurantes.

 

 

 

mardi, 06 juillet 2010

La Turquie tourne le dos à l'Occident

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Bernhard TOMASCHITZ:

La Turquie tourne le dos à l’Occident

L’amitié étroite entre la Turquie et Israël est un fait politique qui relève désormais du passé. Ankara envisage des sanctions contre l’Etat sioniste à la suite de l’attaque israélienne contre la flotille de la paix qui faisait route vers Gaza. Si Israël refuse de satisfaire à l’exigence turque de mettre en oeuvre une commission d’enquête internationale, le gouvernement turc songe à réduire voire à rompre les relations diplomatiques et les coopérations économiques et militaires. De même, la résistance turque au sein du Conseil de sécurité de l’ONU contre tout raffermissement des sanctions contre l’Iran a conduit à un refroidissement considérable du climat entre Ankara, d’une part, Jérusalem et Washington, d’autre part. Président de la commission de politique étrangère du Parlement turc, Murat Mercan explique ce soutien apporté à Téhéran: “La Turquie a des liens historiques, culturels et religieux d’une grande profondeur temporelle avec l’Iran. En d’autres mots: les Iraniens sont non seulement nos voisins mais aussi nos amis et nos frères”.

A Washington, la nouvelle orientation de la Turquie vers la Syrie et vers l’Iran (deux “Etats voyous selon les Etats-Unis) suscite une vigilance toute particulière. Car, en fin de compte, la Turquie est un allié particulièrement important des Etats-Unis pour assurer la pacification de l’Irak. Parce que le gouvernement turc a décidé de ne pas participer aux sanctions, Robert Gates, le ministre américain des affaires étrangères, s’est déclaré “déçu”. Gates avait toutefois une explication toute faite: c’est l’UE qui est responsable de cet état de choses, vu le gel des négociations entre l’Europe et la Turquie en vue de l’adhésion de ce pays à l’Union. Les Etats-Unis mettent une fois de plus la pression sur l’Union européenne pour qu’elle accepte le plus rapidement possible la Turquie en son sein. Et cette pression ira croissant pour autant qu’Ankara n’exagère pas dans son soutien à Téhéran. Au Congrès américain, nous entendons désormais des voix qui réclament une attitude de plus grande fermeté à l’encontre d’Ankara: “Il y aura un prix à payer si la Turquie maintient son attitude actuelle et se rapproche davantage de l’Iran, tout en se montrant hostile à Israël”, a menacé le Républicain Mike Pence. Quant à la Démocrate Shelley Berkley, elle s’est adressé aux Turcs en ces termes: “Ils ne méritent pas de devenir membres de l’UE, tant qu’ils ne commencent pas à se comporter comme les peuples européens et tant qu’ils ne cessent pas d’imiter l’Iran”.

Désormais, la Turquie tourne donc ses regards vers le Proche Orient. Mais l’adoption de cette politique n’est pas vraiment une surprise. De fait, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan et son parti gouvernemental, l’AKP de tendance islamiste, se sentent plus proches du monde musulman que des Etats-Unis ou de l’Europe. A ce sentiment d’affinité s’ajoute le concept de “profondeur stratégique”, élaboré dès 2001 par l’actuel ministre turc des affaires étrangères, Ahmed Davutoglu. Selon ce concept, la Turquie doit retrouver sa propre “identité historique et géographique”, démarche où l’Empire ottoman constitue la principale référence. Davutoglu considère son pays, la Turquie, comme un “Etat clef”, situé sur le point de rencontre de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique car, en effet, la Turquie est tout à la fois partie des Balkans, du Caucase, de l’espace pontique (Mer Noire), du Proche Orient et de l’espace maritime du bassin oriental de la Méditerranée, ce qui implique, ipso facto, qu’elle doit s’efforcer d’entretenir un “rapport équilibré avec tous les acteurs globaux et régionaux”.

Cette notion de “rapport équilibré” est très visible dans les relations qu’entretient aujourd’hui la Turquie avec la Syrie. Ces relations se sont remarquablement détendues, depuis que la Turquie essaye de jouer un rôle médiateur dans le conflit israélo-syrien. Avant ce travail de médiation, on évoquait fort souvent une possible “guerre pour l’eau” entre les deux pays redevenus amis, parce que la Turquie contrôlait le cours supérieur de l’Euphrate.

Quant à la “profondeur stratégique”, elle constitue le pendant en politique étrangère de l’islamisation de la Turquie en politique intérieure. La notion de “profondeur stratégique” et l’islamisation constituent deux modes de rupture avec le kémalisme, idéologie déterminante de la Turquie depuis la fondation de la République en 1923. Heinz Kramer, politologue oeuvrant à la “Stiftung Wissenschaft und Politik” de Berlin (“Fondation Science et Politique”), évoque, dans l’une de ses études, la rupture fondamentale que cette idée de “profondeur stratégique” apporte dans la praxis turque en politique étrangère: “La domination mentale exercée jusqu’ici par l’exclusivité de l’orientation pro-occidentale, considérée comme l’un des piliers de l’identité républicaine en gestation, se trouve relativisée. La Turquie, dans cette perspective, ne se perçoit plus comme un Etat en marge du système européen mais comme le centre d’une ‘région spécifique’, pour l’ordre de laquelle Ankara doit assumer une responsabilité ou une co-responsabilité politique”.

Conséquence de cette nouvelle vision en politique étrangère et de cette nouvelle conscience politique: la Turquie essaye de se positionner comme un acteur plus déterminant qu’un simple pays assurant le transport d’énergie. En juillet 2009, la Turquie a signé l’accord sanctionnant la construction du gazoduc Nabucco qui devra acheminer le gaz naturel de la région caspienne ou de l’Iran vers l’Europe centrale: cette signature est un véritable coup de maître politique. Morton Abramowitz et Henri J. Barkey, tous deux actifs pour les “boîtes à penser” américaines, écrivent à ce propos dans la très influente revue “Foreign Affairs”: “Le gazoduc Nabucco sera-t-il un jour construit? On demeure dans l’incertitude. Tant le coût de son installation que la question de savoir s’il y aura suffisamment de gaz naturel à disposition pour le remplir, sont des éléments qui restent à élucider (...). Mais le projet de gazoduc a d’ores et déjà augmenté l’influence de la Turquie aux yeux des pays de l’UE, animés par une perpétuelle fringale d’énergie”. Avec la clef énergétique, la Turquie pourrait bien s’ouvrir la porte de l’UE.

Bernhard TOMASCHITZ.

(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°25-26/2010; trad. franç.: Robert Steuckers).

 

dimanche, 04 juillet 2010

Le élites di Washington sono molto préoccupate per i nuovi blocchi anti-egemonici

Le élites di Whashington sono molto preoccupate per i nuovi blocchi anti-egemonici

di Pepe Escobar - Salvador Lopez Arnal

Fonte: Come Don Chisciotte [scheda fonte]





Lentamente ma energicamente il popolo del Sud si organizza e si prepara politicamente non solo per frenare l'imperialismo militarista e bellicista degli Stati Uniti ma anche per mettere fine all'ipocrisia dell'abuso di dominazione neo-coloniale da parte delle potenze industriali europee, con le loro addormentate società civili. Frenare le ingiustizie a cui sono sottomessi numerosi popoli in pieno ventunesimo secolo, rispetto e mutua reciprocità sono i nuovi dogmi. In questa intervista, il nostro collega Pepe Escobar analizza il modo in cui alcuni paesi emergenti, come il Brasile, la Turchia o l'India, stanno organizzando una nuova era di relazioni armoniche e rispettose fra i popoli.

Domanda: in un recente articolo pubblicato da Asia Times Online [1], tradotto da Sinfo Fernández di Rebelión, lei parlava della dominatrice. Mi permetta di complimentarmi per la sua trovata terminologica. Perché lei crede che la Segreteria di Stato statunitense (Hillary Clinton) si adatti bene a questo termine? Non sono migliorate le forme di politica estera degli Stati Uniti nell'amministrazione Obama?

Pepe Escobar: Hillary è una dominatrice nel senso che è capace di soggiogare tutto il Consiglio di Sicurezza dell'ONU invece di ammettere il fallimento della sua diplomazia. Forse lo ha imparato con Bill... O forse sono tutti masochisti.

No, non è così. La ragione principale è che la Cina e la Russia si lasciarono dominare. Cina e Russia decisero che era meglio lasciare la stridula Hillary dominare il palco per qualche giorno, e lavorare in silenzio per raggiungere il loro obiettivo: porre sanzioni con il massimo sentore “light” su Teherán. Per ciò che riguarda l'Iran, gli Stati Uniti sono ciechi, lo vedono tutto rosso. Lo stesso può dirsi in relazione a Israele, lo vedono tutto bianco celestiale.

Domanda: il nodo centrale del suo recente articolo – «Irán, Sun Tzu y la dominatrix» [2] [
Traduzione Comedonchisciotte N.d.r] – è l'accordo fra le diplomazie di Brasile, Turchia e Iran sul tema dello sviluppo nucleare di quest'ultimo Paese. In cosa consiste questo accordo?

Pepe Escobar: è essenzialmente lo stesso accordo proposto dagli stessi statunitensi nell'ottobre del 2009. La differenza sta nel fatto che, secondo la proposta del 2009, l'arricchimento dell'uranio si realizzava in Francia e in Russia e ora, attraverso l'accordo, si effettuerà in Turchia.

La differenza fondamentale è nel metodo. Turchia e Brasile si sono comportate con diplomazia, senza polemiche e rispettando le ragioni iraniane. Altro dettaglio fondamentale: tutto quello che hanno fatto era già stato discusso in dettaglio a Washington. Quando è stato presentato un risultato concreto, quando è stato raggiunto l'accordo con l'Iran, Washington, mi permetta la metafora bellica, ha sparato loro un colpo nelle costole.


Domanda: non è una novità nella diplomazia internazionale che Brasile e Turchia, due paesi non contrapposti agli Stati Uniti, si mettano in gioco in questa faccenda? Perché lei crede che abbiano scommesso su questa strategia autonoma? Cosa vincerebbero? L'Iran non è forse lontano, molto lontano, dal Brasile?

Pepe Escobar: ogni Paese ha i suoi motivi per espandere la propria mappa geopolitica. La Turchia si vuole proiettare come attore eccezionale, che conta davvero in Medio Oriente. Ne consegue una politica diciamo post-Ottomana, organizzata dal Ministro delle Relazioni Estere, il professor Ahmet Davutoglu.

Anche il Brasile, con una politica molto intelligente di Lula e del suo ministro Celso Amorim, vuole posizionarsi come mediatore onesto nel Medio Oriente. Il Brasile fa parte della BRIC (Brasile, Russia, India, Cina) che secondo me è attualmente il vero contro-potere all'egemonia unilaterale degli Stati Uniti. Se circa due settimane fa ha discusso formalmente a Brasilia la sua adesione, la Turchia sarebbe parte del gruppo, il quale sarebbe quindi chiamato BRICT. Questa è la nuova realtà nella geopolitica globale. E, senza dubbio, le vecchie élites di Washington sono diventate livide.

Domanda: non sembra, come lei stesso segnalava, che l'accordo abbia suscitato entusiasmo nella Segreteria di Stato né nei governi europei. Perché? Vorrebbero che la strada diplomatica fallisca per proseguire con le loro sanzioni e condurci ad uno scenario bellico? Se è così, cosa guadagnerebbero con esso? Non ci sarebbero troppi fronti aperti allo stesso tempo?

Pepe Escobar: dalla prospettiva della politica interna degli Stati Uniti, quello che interessa a Washington è cambiare il regime. Ci sono almeno tre tendenze in lizza. I “realisti” e la sinistra del Partito Democratico che sono a favore del dialogo; l'ala del Pentagono e dei servizi di intelligence vogliono almeno delle sanzioni, e i repubblicani, i neocolonialisti, le lobby di Israele e la sezione Full Spectrum Dominance del Pentagono vogliono un cambio di regime sia come sia, inclusa la strada militare, se fosse necessario.

I governi europei sono cagnolini da compagnia di Bush o di Obama. Non servono a niente. Ci sono voci autorevoli in alcune capitali europee e a Bruxelles. Sanno che l'Europa ha bisogno del petrolio e del gas iraniano per non essere ostaggi di Gazprom. Ma sono una minoranza.

Domanda: lei crede che il Governo iraniano aspiri, oltre le sue dichiarazioni, a possedere un armamento nucleare? Per farsi rispettare? Per piegare Israele? Per attaccarla? Pakistan nucleare, India nucleare, Israele nucleare, Iran nucleare. Tutta questa zona non diventerebbe un'autentica polveriera?

Pepe Escobar: sono stato molte volte in Iran e mi sono convinto di quanto segue: il regime iraniano può causare rabbia ma non è un sistema suicida. Il leader supremo, in diverse occasioni, ha annunciato una fatwa affermando che l'arma nucleare è “non-islamica”. Le Guardie Rivoluzionarie supervisionano il programma nucleare iraniano, senza dubbio, ma sanno molto bene che le ispezioni e il controllo della IAEA, Agenzia Internazionale dell'Energia Atomica, sono molto seri. Se punteranno a sviluppare una bomba atomica rudimentale, saranno scoperti e denunciati immediatamente.

Di fatto, l'Iran non ha bisogno di alcuna bomba atomica come elemento di dissuasione. Gli basta un arsenale militare high-tech, di tecnologia sempre più avanzata. L'unica soluzione giusta sarebbe una denuclearizzazione totale del Medio Oriente che Israele, ovviamente, con i suoi più di duecento missili nucleari, non accetterà e mai rispetterà.

Domanda: che ruolo gioca la Russia in questa situazione? Lei ricordava che l'impianto nucleare di Bushehr fu costruito dalla Russia, che lì si stanno si stanno svolgendo le ultime prove e che probabilmente si inaugurerà quest'estate.

Pepe Escobar: Bushehr deve essere inaugurata in agosto, dopo molti ritardi. Per la Russia l'Iran è un cliente privilegiato in termini nucleari e degli armamenti. Ai russi interessa che l'Iran continui in questo modo, che la situazione non cambi. Non vogliono l'Iran come potere nucleare militare. È una relazione con molti nodi, ma soprattutto commerciale.

Domanda: nel suo articolo lei cita il vecchio generale e stratega Sun Tzu. Ricorda un aforisma del filosofo cinese: “lascia che il tuo nemico commetta i suoi errori e non correggerli”. Lei afferma che Cina e Russia, maestri strateghi quali sono, stanno applicando questa massima rispetto agli Stati Uniti. Che errori stanno commettendo gli USA? Sono tanto goffi i suoi strateghi? Non hanno per caso letto Sun Tzu?

Pepe Escobar: tutti gli statunitensi ben educati nelle università hanno letto Sun Tzu. Altra cosa è saperlo applicare. Cina e Russia, in una strategia comune ai BRIC, si accordarono per lasciare gli Stati Uniti con l'illusione di condurre le sanzioni, nello stesso tempo in cui lavorarono e lavorano per minarle al massimo e approvare in ultima istanza un pacchetto di sanzioni molto “light”. Russia e Cina vogliono stabilità in Iran con il beneficio delle loro importanti relazioni commerciali. Nel caso della Cina, tenga in conto che l'Iran è un grande fornitore di gas e questo riguarda la massima sicurezza nazionale.

Domanda: siamo, lei riassume, in una situazione in cui sul tavolo dell'Agenzia Internazionale dell'Energia Atomica c'è un accordo di interscambio approvato dall'Iran, mentre nelle Nazioni Unite è in marcia un'offensiva di sanzioni contro l'Iran. Lei si domanda di chi si dovrebbe fidare la “comunità internazionale”. Io le domando: di chi si dovrebbe fidare la “comunità internazionale”?

Pepe Escobar: la vera “comunità internazionale”, i BRIC, i paesi del G-20, le 118 nazioni in sviluppo del Movimento dei non-allineati, insomma, tutto il mondo in sviluppo, sta con Brasile, Turchia e la loro diplomazia di non-opposizione. Solo gli Stati Uniti vogliono sanzioni e i suoi patetici, ideologici cani da compagnia europei.

Domanda: lei afferma anche che l'architettura della sicurezza globale, “vigilata da un pugno di temibili guardiani occidentali auto-nominati”, è in coma. L'Occidente “atlantista” affonda come il Titanic. Non esagera? Non confonde i suoi desideri con la realtà? Non c'è il pericolo reale che l'affondamento distrugga quasi tutto prima di affondare definitivamente?

Pepe Escobar: io ero già di fronte, con l'orrore di tutto il mondo, come per ora poter almeno credere nella possibilità di un nuovo ordine, delineato soprattutto dal G-20 e dai paesi del BRICT. Inclusa la T finale.

Il futuro economico è dell'Asia e il futuro politico è dell'Asia e delle grandi nazioni in via di sviluppo. È chiaro che le élites atlantiste rinunciano al loro potere solo dopo aver visto i propri cadaveri distesi per terra. Il Pentagono continuerà con la sua dottrina di guerra infinita. Però prima o poi non avrà come pagarla. Non nego che sia una possibilità che gli USA, in un futuro prossimo, sotto l'amministrazione di un pazzo repubblicano di estrema destra, entri in un periodo di guerra allucinata, sconvolta. Se così fosse, sarà senza dubbio la sua caduta, la caduta del nuovo Impero Romano.

Domanda: quale forte lobby degli USA è a favore della guerra infinita a cui si è appena riferito? Chi sostenta e finanzia questa lobby?

Pepe Escobar: La guerra infinita è la logica della Full Spectrum Dominance, la dottrina ufficiale del Pentagono, che include “l’encirclement” di Cina e Russia, la convinzione che questi paesi non possano emergere come ficcanaso e competitori degli USA, e inoltre fare tutti gli sforzi per controllare o almeno vigilare Eurasia. È la dottrina del Dr. Strangelove [3], però è anche la mentalità dei dirigenti militari statunitensi e della maggioranza del suo establishment. Il complesso industrial-militare non ha bisogno dell'economia civile per sostentarsi. Ha in elenco un'enorme quantità di politici e tutte le grandi corporazioni.

Domanda: lei parla della dottrina del Dr. Zbigniew “conquisteremo l'Eurasia”. Un'altra trovata, mi permetta un altro complimento. Il vecchio assessore alla sicurezza nazionale, lei segnala, sottolineò che “per la prima volta in tutta la storia umana, l'umanità si è svegliata politicamente -questa è una nuova e totale realtà- , una cosa mai successa prima”. Secondo lei è così? Che parte dell'umanità addormentata si è svegliata?

Pepe Escobar: per le élites statunitensi il dato essenziale è che Asia, America Latina e Africa stanno intervenendo politicamente nel mondo in un modo impensabile durante il colonialismo e che la decolonizzazione è, per loro, un incubo senza fine. Come dominare chi ora sa come comportarsi per non essere dominato di nuovo? È una domanda basilare.

Domanda: Washington, profondamente unilaterale, lei segnala, non esita a puntare l'indice fino al più vicino dei suoi amici. Perché? Sono per caso l'incarnazione dell'Asse del Male? Può essere raggiunta l'egemonia con procedimenti così poco gentili? Fino a quando?

Pepe Escobar: Non si può sottovalutare la crisi statunitense. È totale: economica, morale, culturale e politica. Ed anche militare perché furono distrutti in Iraq e sono al limite di un’umiliante sconfitta totale in Afganistan. Il nuovo secolo americano morì già nel 2001. L'11 settembre, oggi, si può interpretare come un messaggio apocalittico di fine.

Domanda: ma qual è uno degli attori principali della politica statunitense nel Vicino Oriente? Israele è addormentato? Quali sono i piani dei bulli di Gaza? [4]

Pepe Escobar: Israele si è convertito in quello che io chiamo “briccone” [birbante, o stato villano]. Sparta paranoica, etno-razzista, che ha la responsabilità della macchia profonda dell'apartheid. Israele sarà ogni volta più isolata dal mondo reale, protetta solo dagli USA, di cui è uno Stato-cliente. E il suo incubo, come se si trattasse di un film horror hollywoodiano, sarà il ritorno di ciò che è stato represso: la storia gli farà pagare per tutto l'orrore che ha perpetrato e continua a perpetrare contro i palestinesi.

Domanda: che opinione ha dell'azione di Israele dello scorso 30 maggio? Che senso può avere un attacco a dei pacifisti solidali con Gaza?

Pepe Escobar: fa parte della stessa logica di sempre. Abbiamo sempre ragione; quelli che sono contro le nostre politiche sono terroristi o antisemiti. Ora Israele è nella fase di difendere l'indifendibile: il blocco di Gaza.

È chiaro che ora tutto il mondo lo sa e non lo potrà più ingannare con le sue bugie, la Palestina sarà l'eterno Vietnam di Israele. Ma dubito, come nel caso degli Stati Uniti, che questa volta siano capaci di imparare la lezione.

Pepe Escobar [foto accanto al titolo N.d.r.], analista geopolitico. È autore di «Globalistan: How the Gbalizad World is Dissolving into Liquid War» (Nimble Books, 2007) e di «Red Zone Blues: a shapshot of Baghdad during the surge». Recentemente ha pubblicato «Obama does Globalistan» (Nimble Books, 2009), un libro che merita di essere tradotto (in spagnolo) con urgenza.

NOTE

[1] Fonte:
http://www.atimes.com/atimes/Middle...

[2]
http://www.rebelion.org/noticia.php..., 27 maggio 2010.

[3] Il film di S. Kubrick il cui titolo in italiano è “il Dottor Stranamore”, uno dei film preferiti di Manuel Sacristán.

[4] La domanda è stata formulata prima dell'attacco alla Flotilla della libertà e solidarietà. L'intervista termina con una domanda sull'attacco. “La Palestina sarà l'eterno Vietnam di Israele”, afferma Escobar.

Titolo originale: ""LA GUERRA INFINITA ES LA LÓGICA DE LA DOCTRINA OFICIAL DEL PENTÁGONO”"

Fonte: www.rebelion.org
Link: http://www.rebelion.org/noticia.php?id=107156
04.05.2010

Traduzione per www.comedonchisciotte.org a cura di GABRIELLA REHO
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[Truppe statunitensi sparse per il mondo nel tentativo di ottenere una dominazione militare, oltre che economica. Il caso iracheno è esemplare. Si tratta di un’invasione per il petrolio, con il pretesto di difendersi da possibili armi nucleari che non sono mai state trovate.]

samedi, 03 juillet 2010

La collocazione geopolitica dell'Iran

La collocazione geopolitica dell’Iran

di Daniele Scalea

Fonte: eurasia [scheda fonte]

 

Quella che segue è la trascrizione dell’intervento di Daniele Scalea, redattore di “Eurasia” e autore de La sfida totale (Fuoco, Roma 2010), al convegno “L’Iran e la stabilità del Medio Oriente”, tenutosi a Trieste giovedì 3 giugno 2010 presso l’Hotel Letterario Victoria e co-organizzato dall’Associazione Culturale “Strade d’Europa” e da “Eurasia – Rivista di studi geopolitici”.
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Le immagini sono le stesse che, proiettate nella sala, hanno accompagnato l’intervento originale.


 

Quest’intervento è composto da due parti distinte. La prima, e principale, sarà un inquadramento generale dell’Iràn nel contesto geopolitico globale e in particolare eurasiatico. La seconda affronterà invece il problema delle ultime e contestate elezioni presidenziali nella Repubblica Islamica.

Cominciamo dalla prima parte e, dunque, dalla collocazione geopolitica dell’Iràn.


 

Questa mappa, ripresa da un volume del geografo britannico Halford John Mackinder, mostra come i geopolitici classici, in particolare quelli anglosassoni, vedessero il mondo. La geopolitica classica centra la propria attenzione sul continente eurasiatico: infatti, in Eurasia si trovano la maggior parte delle terre emerse, della popolazione umana, delle risorse; e sempre in Eurasia sono sorte le principali civiltà della storia.

Il mondo è diviso in tre fasce, che dipartono concentriche proprio dal centro dell’Eurasia. Qui si trova la “area perno” (Pivot area) o “terra-cuore” (Heartland), la cui caratteristica è di essere impermeabile alla potenza marittima. Non ha infatti sbocchi sul mare (se si eccettua l’Artico, che non garantisce però collegamenti col resto del mondo), né vi è collegata neppure per via fluviale, in quanto i principali corsi d’acqua della regione sfociano nell’Artico o in mari chiusi. Nella Terra-cuore, pertanto, la potenza continentale non è contrastata da quella marittima.

La Terra-cuore è avviluppata da una seconda fascia, la “mezzaluna interna” (Inner Crescent), che percorre tutto il margine continentale eurasiatico dall’Europa Occidentale alla Cina, passando per Vicino e Medio Oriente e Asia Meridionale: per tale ragione è detta anche “terra-margine” (Rimland). Qui la potenza continentale e quella marittima tendono a controbilanciarsi l’un l’altra.

Infine, al di fuori dell’Eurasia, si staglia la terza ed ultima fascia, la “mezzaluna esterna” (Outer Crescent), che comprende le Americhe, l’Africa, l’Oceania e pure Gran Bretagna e Giappone. Essa è la sede naturale della potenza marittima, dove quella continentale non può minacciarla.

Secondo Mackinder, che scriveva all’inizio del Novecento, l’avvento della ferrovia avrebbe neutralizzato la superiore mobilità del trasporto marittimo, riequilibrando la situazione a favore della potenza tellurica (continentale, terrestre). John Spykman, mezzo secolo più tardi, ridimensionò il peso delle strade ferrate, sostenendo che la potenza talassica (marittima) manteneva il proprio vantaggio: la Terra-cuore è sì imprendibile per la talassocrazia (l’egemone sui mari), ma non può minacciare quest’ultima senza prima occupare la Terra-margine. Compito della talassocrazia – che in quegli anni, proprio come oggi, erano gli USA – è precludere il Rimland alla potenza continentale (allora l’URSS).


 

La strategia del contenimento, durante la Guerra Fredda, s’accorda con la visione del mondo della geopolitica classica. Contro un avversario che occupava l’Heartland (il riferimento è ovviamente all’URSS), gli USA talassocratici hanno messo in funzione un dispositivo che mantenesse sotto controllo il Rimland, impedendo a Mosca di raggiungere le coste continentali e proiettarsi sui mari. In tale dispositivo rientrano la NATO in Europa Occidentale, la CENTO nel Vicino e Medio Oriente, la SEATO in Asia Sudorientale e l’alleanza con Corea del Sud e Giappone (e in un secondo momento anche con la Cina) in Estremo Oriente.


 

Della CENTO, o Patto di Baghdad, faceva parte anche l’Iràn, oltre a Turchia, Iràq, Pakistan e Gran Bretagna (in qualità di ex padrone coloniale). Dalla cartina è facile individuare nella CENTO un anello della catena di contenimento che corre lungo tutto il Rimland.


 

Questa cartina mostra, semplificando un po’ la situazione, quelli che erano gli schieramenti nei primi decenni della contrapposizione bipolare in Vicino Oriente. Se Egitto, Siria e Iràq si erano avvicinati all’URSS, nella regione gli USA poggiavano sulla triade di potenze non arabe: Israele, Turchia e Iràn.


 

La Rivoluzione Islamica del 1979 pone fine all’alleanza tra Iràn e USA, pur senza portare Tehrān nel campo sovietico. Ciò rafforza il peso dei due perni superstiti, Turchia e Israele, ed anche il maggiore appoggio che Washington garantisce ai due paesi, ed in particolare a Tel Aviv. Dal canto loro tutti i paesi arabi, ad eccezione di Siria, Iràq e Yemen del Sud, seguendo il voltafaccia egiziano prendono più o meno tiepidamente posizione per gli Stati Uniti d’America, disperando della possibilità che l’appoggio sovietico possa apportare loro grossi benefici. Preferiscono puntare sull’avvicinamento a Washington, sperando che ciò possa spezzare la “relazione speciale” tra la Casa Bianca e Tel Aviv, e quindi ricevere una più equa mediazione nei confronti dello Stato ebraico. Speranza che rimarrà delusa.


 

Quest’immagine, ripresa da The Grand Chessboard di Zbigniew Brzezinski, mostra la visione del continente eurasiatico da parte degli eredi della geopolitica classica nordamericana. La Federazione Russa continua a mantenere una posizione centrale, pur ristretta rispetto all’epoca sovietica, mentre la Terra-margine è divisa in tre settori. Per ognuno di essi Brzezinski suggerisce una politica regionale a Washington.

A Occidente – ossia in Europa – si trova quella che Brzezinski definisce “la testa di ponte democratica”, ossia il pied-à-terre della talassocrazia nordamericana in Eurasia. L’integrazione europea pone una sfida agli USA: se dovesse fallire restituendo un’Europa frammentata e litigiosa, o se al contrario dovesse avere grosso successo creando un’Unione Europea monolitica e strategicamente autonoma, in entrambi i casi la presenza statunitense nella regione sarebbe messa in discussione. La soluzione prospettata da Brzezinski è quella di mettersi a capo dell’integrazione europea e dirigerla in modo che non leda gl’interessi nordamericani: esattamente quanto successo, con l’espansione della NATO a precedere ed indirizzare quella dell’UE, che ha demandato la propria sicurezza e guida strategica al capoalleanza d’oltreoceano.

A Oriente gli USA hanno ulteriori basi avanzate, in Giappone e Corea, che debbono mantenere ad ogni costo. Ma Brzezinski, memore di una delle mosse che ha deciso la Guerra Fredda, consiglia pure di coltivare i rapporti con la Cina, che potrebbe diventare per gli USA una seconda testa di ponte in Eurasia, pendant dell’Europa a oriente.

Infine c’è il Meridione, corrispondente al Vicino e Medio Oriente, dal Mediterraneo all’India.


 

In quest’area, Brzezinski ritiene che gli alleati naturali, anche se sovente involontari, della geostrategia statunitense siano Turchia e Iràn. Coi loro intenti panturanici la prima e panislamici la seconda, si proiettano nel Caucaso e nell’Asia Centrale controbilanciando l’influenza russa e frustrandone il tentativo di riconquistare quelle regioni alla propria area d’influenza. Questi “interessi competitivi” tra Turchia, Iràn e Russia, individuati da Brzezinski, corrispondono più alla situazione degli anni ’90 che a quella del decennio appena trascorso, in cui i tre paesi hanno privilegiato la soluzione “cooperativa” su quella “competitiva”.


 

Spostiamoci ora dal quadro propriamente geostrategico a quello energetico. La cartina schematizza la situazione dell’energia in Eurasia, individuando quattro regioni importatrici (Europa, Asia Orientale, Asia Meridionale e Asia Sudorientale) e quattro regioni esportatrici (Russia, Asia Centrale, Iràn, Vicino Oriente). Le quattro regioni produttrici potrebbero sostanzialmente ridursi a due: l’Asia Centrale non ha sbocchi sul mare, dipende dai paesi circostanti per lo smercio delle sue risorse, ed in particolare dalla Federazione Russa in ragione della rete d’oleodotti e gasdotti retaggio d’epoca sovietica; l’Iràn invece esporta molto meno del suo potenziale, come vedremo tra poco. Rimangono dunque la Russia e il Vicino Oriente, ma quest’ultimo è diviso in una pluralità di nazioni, spesso politicamente, economicamente e socialmente fragili. Ecco perché la Russia può essere individuata come la maggiore potenza energetica del continente eurasiatico (e del mondo).


 

Quest’immagine mostra come la rete delle condotte energetiche esistenti faccia perno sul territorio della Federazione Russa. In particolare, l’Asia Centrale dipende quasi totalmente da Mosca per l’esportazione dei propri idrocarburi verso l’Europa.


 

Gli USA hanno cercato d’inserirsi nella connessione Asia Centrale-Russia-Europa. Essa, infatti, crea un rapporto di interdipendenza tra i tre soggetti. In particolare, Mosca ne riceve importanti leve strategiche nei confronti dei paesi europei e centroasiatici. Il piano di Washington consiste nel creare nuove rotte energetiche dall’Asia Centrale all’Europa che scavalchino la Russia. Il primo importante progetto in tale direzione è stato l’oleodotto Bakù-Tblisi-Ceyhan. Aperto nel 2006, ha avuto un effetto meno dirompente di quanto s’attendessero gli Statunitensi: esso ha infatti raccolto il petrolio azero, ma solo in maniera marginale quello dei paesi centroasiatici.


 

Negli ultimi anni il gas naturale ha acquisito un’importanza crescente nel paniere energetico, e per questo i progetti più recenti si sono concentrati proprio sul trasporto del “oro blu”. Gli USA hanno rilanciato con l’ambizioso progetto del Nabucco che, partendo dalla Turchia, dovrebbe giungere fino in Austria, rappresentando un canale alternativo al transito sul territorio russo. Mosca non è però rimasta a guardare: i Russi hanno già avviato la costruzione del Nord Stream e si preparano a lanciare quella del South Stream; i due gasdotti, passando rispettivamente sotto il Baltico e il Mar Nero, scavalcheranno l’Europa Orientale (che ha creato diversi problemi al transito di gas russo) ed accresceranno sensibilmente il volume delle forniture russe all’Europa Occidentale.


 

Il Nabucco ha un grave punto debole: l’incertezza riguardo i bacini d’approvvigionamento da cui dovrebbe trarre il gas per l’Europa. A parte il gas azero, è probabile che lo riceverà dall’Egitto e dall’Iràq. Tuttavia, ciò potrebbe essere insufficiente rispetto alle ambizioni per cui verrà creato. Inoltre, il suo palese scopo geopolitico è sottrarre gas centroasiatico, ed in particolare turkmeno, al transito per la Russia. Ma il gas turkmeno ha sole due vie per poter arrivare a Erzurum: un ipotetico gasdotto transcaspico (cui s’oppongono due nazioni rivierasche – Russia e Iràn – e sulla cui possibilità di realizzazione tecnica permangono numerosi dubbi), oppure un transito sul territorio iraniano.


 

Ma il ruolo dell’Iràn rispetto al Nabucco potrebbe non essere soltanto quello d’un semplice canale di transito del gas turkmeno. Il paese persiano è già un grande esportatore di petrolio, ma potenzialità ancora maggiori le mostra rispetto al gas naturale, avendo riserve provate che sono le seconde più vaste al mondo. E sebbene sia il quinto maggiore produttore mondiale di gas, l’Iràn è a malapena il ventinovesimo esportatore. Ciò perché gran parte del gas prodotto viene consumato all’interno. Questa è una delle principali motivazioni del programma nucleare iraniano: soddisfare il fabbisogno energetico interno col nucleare, e liberare ingenti quantità di gas per l’esportazione. Esportazione che potrebbe passare proprio per il Nabucco, se si verificasse una distensione col Patto Atlantico.


 

Anche per scongiurare quest’eventualità, la Russia si è prodigata a sponsorizzare il progettato gasdotto Iràn-Pakistan-India. Rivolgendo verso oriente il gas iraniano, Mosca s’assicura di rimanere la principale ed imprescindibile fornitrice energetica dell’Europa. Tehrān e Islamabad hanno già avviato la costruzione dei rispettivi tratti, mentre Nuova Dehli, complici anche le pressioni di Washington, è ancora titubante. I Pakistani hanno offerto ai Cinesi di prendere il posto degl’Indiani; per ora Pechino non ha né accettato né rifiutato.


 


In questa fase il Vicino Oriente sembra stia vivendo una nuova polarizzazione. Rispetto a quella della Guerra Fredda, il ruolo degli attori strategici esterni è inferiore rispetto a quello dei paesi locali, ma non per questo trascurabile. L’ascesa dell’Iràn intimorisce molti paesi arabi, in particolare quelli del Golfo, che assieme a Giordania e Egitto hanno ormai concluso un’alleanza “inconfessata” con Israele, ovviamente benedetta dagli USA. L’Iràn, oltre all’alleato siriano e ad un paio di paesi in bilico (Iràq e Libano) sembra poter contare anche sulla Turchia: un paese che possiede proprie ambizioni di egemonia regionale, ma in questa fase ha scelto la cooperazione con l’Iràn. Questo secondo blocco coltiva buoni rapporti con la Russia e la Cina.


 


Passiamo quindi alla seconda parte di quest’esposizione, che concerne le elezioni presidenziali iraniane del 2009. In particolare, si cercherà di capire se davvero esse siano state viziate da brogli decisivi, ovvero se la vittoria di Ahmadinejad possa considerarsi sostanzialmente genuina. Ci si appoggerà alle risultanze d’una mia ricerca più particolareggiata, di cui riporterò solo alcuni dati più significativi tralasciando i calcoli intermedi ed altre argomentazioni accessorie – che si potranno comunque leggere consultando la ricerca stessa, che sarà citata in conclusione.


 


Questi sono i contestati risultati ufficiali delle elezioni. La prima cosa che balza all’occhio sono gli oltre 11 milioni di voti di scarto tra Ahmadinejad ed il secondo classificato, Musavì. In un paese in cui ogni seggio vede presenta osservatori indipendenti e dei vari candidati (compresi quelli sconfitti: in particolare, Musavì aveva più osservatori di Ahmadinejad) appare estremamente improbabile se non impossibile pensare ad una manomissione tanto massiccia delle schede già nei seggi. Non a caso, gli stessi oppositori di Ahmadinejad che hanno denunciato i presunti brogli propendono sempre per la tesi che i risultati siano stati semplicemente riscritti a tavolino dalle autorità. Anche se il riconteggio parziale delle schede in alcune delle circoscrizioni dai risultati più controversi ha confermato le risultanze iniziali, l’ipotesi dei brogli ha mantenuto ampio credito in tutto il mondo.


 


Eppure i risultati delle elezioni erano in linea con quanto predetto dalla maggior parte degli osservatori e dei sondaggi. Pur non fidandosi dei sondaggi d’opinione iraniani, ce n’è uno, molto significativo, che è stato realizzato con tutti i crismi di scientificità da tre importanti organizzazioni statunitensi: il centro Terror Free Tomorrow (non sospettabile d’essere benevolo verso Ahmadinejad, avendo tra i suoi consiglieri anche il senatore John McCain), il prestigioso istituto New America Foundation e la ditta di ricerche di mercato KA, tra i leaders mondiali del settore. Questo sondaggio, pur registrando un alto numero d’indecisi, mostrava una propensione di voto verso Ahmadinejad relativamente più alta, rispetto aMusavì, di quella effettivamente registratasi alle elezioni.


 


C’è un altro dato molto significativo. Se si sostituisse Musavì del 2009 col candidato Rafsanjani che nel 2005 sfidò Ahmadinejad al ballottaggio, si scoprirebbe che i risultati delle ultime due elezioni presidenziali in Iràn sono quasi coincidenti. Si tenga presente che nel 2005 in Iràn governava Khatamì, che alle ultime elezioni ha sostenuto Musavì, proprio come Rafsanjani.


 


Secondo taluni commentatori, una “prova” di brogli sistematici alle elezioni del 2009 sarebbe l’eccessiva uniformità di voto da provincia a provincia. L’evidenza aritmetica, tuttavia, mostra che il voto del 2009 è stato più difforme localmente rispetto a quello del 2005 (che, ricordiamo, si è svolto sotto un governo “riformista”, retto dagli attuali avversari politici di Ahmadinejad).


 


La difformità locale del voto in Iràn nel 2009 è nettamente superiore a quella registratasi, ad esempio, alle elezioni italiane del 2008 – che però non per questo sono state tacciate d’invalidità.


 


Alì Ansari, ricercatore della londinese Chatham House, ha individuato 10 province (su un totale di 30) in cui i voti ottenuti da Ahmadinejad sarebbero improbabili rispetto ai risultati del 2005. Ansari, al pari di molti sostenitori della tesi dei brogli, adotta sempre come metro di confronto il primo turno del 2005. Ciò è scorretto, poiché il quadro politico era completamente differente. Innanzitutto, nel 2005 non c’era un presidente uscente candidato – che invece nel 2009 era proprio Ahmadinejad – e perciò la contesa appariva più plurale: nel 2005 ben cinque candidati superarono il 10% dei voti al primo turno. La situazione registratasi nel 2009, con soli 4 candidati e la netta polarizzazione di voti sui due principali, richiama palesemente il secondo turno e non il primo del 2005. Rifacendo i calcoli di Ansari basandosi appunto su un raffronto col ballottaggio del 2005, e riconoscendo a Ahmadinejad il 61,75% dei nuovi votanti (ossia la percentuale che ottenne nel 2005), si nota che in 2 delle 10 province Ahmadinejad è addirittura in calo. In altre 4 ha incrementi percentuali inferiori al 10%; solo in 4 i suoi voti sono aumentati di più del 10%, con un picco in Lorestan del 17,72%. Vanno qui fatte due precisazioni: i voti guadagnati in queste 4 province, anche volendo ammettere che siano tutti fraudolenti, ammontano a poco più di mezzo milione, a fronte d’uno scarto complessivo su Musavì d’oltre 11 milioni di voti. In secondo luogo, non è scontato che incrementi anche così significativi non possano essere genuini. Riprendendo il confronto col caso italiano, si può osservare che – ad esempio – i partiti del Centro-destra (compreso l’UDC, che nel frattempo aveva abbandonato la coalizione) nella circoscrizione “Campania 1” ebbero un incremento percentuale dei consensi pari a quasi il 10% in soli due anni (dal 2006 al 2008). I flussi elettorali esistono, e non sono necessariamente indice di brogli diffusi.


 


Queste sono le indicazioni per chi volesse approfondire i temi qui trattati, o conoscere le fonti delle affermazioni appena fatte.


 


Per un quadro generale della politica internazionale odierna e recente, si rimanda al libro, da poco edito per i tipi di Fuoco Edizioni, La sfida totale. Equilibri e strategie nel grande gioco delle potenze mondiali.


* Daniele Scalea, redattore di “Eurasia”, è autore de La sfida totale. Equilibri e strategie nel grande gioco delle potenze mondiali (Fuoco, Roma 2010).