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jeudi, 29 avril 2021

Un canal sur le Bosphore et un nouveau pacte avec les États-Unis. Le pari d'Erdogan

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Un canal sur le Bosphore et un nouveau pacte avec les États-Unis. Le pari d'Erdogan

par Lorenzo Vita

Ex : https://www.destra.it/

Ces dernières semaines n'ont pas été comme les autres pour la Turquie. Elles ont commencé par un raid policier impliquant des amiraux à la retraite, les plus importants du pays, accusés de fomenter un coup d'État, et se sont terminées par le "sofa-gate" d'Ankara, pour se conclure avec les propos de Mario Draghi contre Recep Tayyip Erdogan, défini comme un "dictateur" par le Premier ministre italien. Les trois épisodes semblent complètement indépendants, du moins en apparence. Qu'est-ce qui peut unir dix amiraux accusés d'avoir signé un document faisant craindre un coup d'État avec une conférence de presse du Premier ministre italien au Palazzo Chigi? Tout indiquerait qu'il s'agit de deux dossiers totalement distincts. Pourtant, il existe un fil conducteur: une fine ligne rouge qui relie Ankara à Rome en passant par Istanbul et Tripoli et qui révèle l'un des rapports de force les plus complexes de la Méditerranée.

Commençons par les arrestations impliquant d'anciens amiraux turcs, dont le créateur de la politique maritime dite de ‘’Mavi Vatan’’, Cem Gurdeniz. Tout part d'une déclaration dans laquelle 104 personnalités liées à la marine et au monde nationaliste critiquent sévèrement l'idée du canal d'Istanbul (projet pharaonique de création d'une voie navigable parallèle au Bosphore) et l'hypothèse de quitter l'accord de Montreux de 1936. Les mandats d'arrêt visant des officiers de marine à la retraite sont le résultat d'un soupçon: selon Erdogan et la justice turque, la lettre signée par les soldats qui ne sont plus en service est très similaire à certains documents signés en même temps que les coups d'État qui ont marqué l’histoire récente de la Turquie. Mais l'accusation cache aussi un autre signal: non seulement un bloc, nationaliste et laïc, qui conteste le ‘’Kanal Istanbul’’ et la sortie des accords de Montreux est arrêté, mais la Russie et les Etats-Unis - c'est-à-dire les deux puissances impliquées dans le Bosphore - ont démontrés que la possibilité d'exclure le canal de la Convention de 1936 est une hypothèse réelle. Tellement réelle que ceux qui condamnent amèrement cette hypothèse sont considérés comme dangereux, quitte à arrêter un homme qui a façonné la doctrine navale turque actuelle.

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La Russie n'aime pas du tout l'idée que la Turquie quitte les accords de Montreux. Vladimir Poutine a appelé Erdogan précisément pour exprimer le point de vue russe sur la nécessité de maintenir l'accord en vie en évitant d'altérer le régime de transit dans le détroit turc. Le président turc a voulu éviter de revenir sur le sujet, en disant que pour l'instant la sortie n'est pas en discussion, mais il est clair que l'attention du Kremlin est un signe de ce qui peut arriver du point de vue international. Car si Moscou a tout intérêt à éviter que l'équilibre de la mer Noire ne soit rompu, le point suscite beaucoup de curiosité à Washington: d'autant qu'il intervient dans un contexte d'escalade impliquant l'Ukraine et la côte sud de la Russie.

Les États-Unis seraient très intéressés par un canal qui serait exclu de cette convention signée à l'époque d'Atatürk et de la première Union soviétique. La convention restreint non seulement le passage des navires militaires des pays non riverains de la mer Noire, mais aussi leur stationnement, qui est limité à un maximum de 21 jours. Si la Turquie décidait de renégocier les termes du traité ou d'exclure le canal de cette convention, cela donnerait à Washington la possibilité de libérer un point d'étranglement fondamental, de donner libre cours à la liberté de navigation et à l'idée de militariser outrancièrement la mer Noire. Et Erdogan le sait très bien, car en utilisant cette offre et en arrêtant les plus hauts responsables et stratèges anti-américains, le message envoyé à l'Amérique est très clair.

Le rapprochement tant espéré d'Erdogan avec les États-Unis passe manifestement aussi par la Libye. Et c'est là que l'Italie entre en jeu. Il est clair que la Turquie ne quittera pas la Tripolitaine aussi facilement. Elle a envoyé des drones, des armes, des navires, des mercenaires de Syrie et des conseillers militaires: elle ne quittera guère le terrain sans obtenir des garanties pour le maintien du contrôle de Tripoli et de Misurata et de ses principales bases en Libye. Mais cela signifie qu'il faudra nécessairement un placet américain minimum. Aussi parce que la Turquie a déjà montré qu'elle savait très bien traiter avec la Russie, qui est présente en Cyrénaïque, tout en restant formellement dans l'OTAN. L'offre de ‘’Kanal Istanbul’’ peut sembler irréfléchie et presque utopique, mais il est clair qu'à l'heure actuelle, Erdogan doit faire comprendre aux États-Unis qu'ils peuvent à nouveau compter sur la Turquie. Une nécessité telle que le gouvernement turc dépoussière le dossier des Ouïghours en Chine, si cher à l'Amérique mais avec le risque d'irriter le puissant partenaire chinois.

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Ce jeu turc complique évidemment beaucoup les démarches de ceux qui se considèrent comme les meilleurs alliés des États-Unis en Méditerranée, à savoir les Italiens. Draghi a confirmé à plusieurs reprises que sa ligne politique est pro-européenne et atlantiste. Le cas de Biot est en ce sens exemplaire. Mais il est clair que dans le jeu de la Libye et du Levant, la Turquie a beaucoup plus d'armes à montrer à Joe Biden. Le président américain n'apprécie certainement pas Erdogan, mais l'hypothèse d'un retour d'Ankara dans le giron de l'OTAN et d'une rupture de l'axe avec Moscou ne peut être prise à la légère. D'autant plus que nous avons vu comment Biden considère la Russie et la Chine.

C'est pourquoi les propos de Draghi sur Erdogan prennent un sens très différent: la "gaffe" du premier ministre n'est évidemment pas liée au fauteuil refusé à Ursula von der Leyen, mais sert beaucoup plus pragmatiquement à tracer une ligne rouge entre les modus operandi italien et turc. Pour Draghi, il est impossible de comparer les deux pays, au point qu'il considère Erdogan comme un dictateur avec lequel il faut collaborer. Un concept décidément en contradiction avec le fait que la Turquie est non seulement un important partenaire italien mais aussi un allié au sein de l'OTAN. Cette sortie après le voyage à Tripoli et après la rencontre avec le nouveau Premier ministre libyen et le Premier ministre grec Mitsotakis indique également un signal de l'Italie: pour le Palazzo Chigi, Rome est le véritable point de référence de Washington en Méditerranée.

mercredi, 28 avril 2021

Les patriotes arméniens attaquent l'OTAN

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Les patriotes arméniens attaquent l'OTAN

Grigory Trofimchuk

Ex : http://www.elespiadigital.com/

Les militants arméniens sont de plus en plus convaincus que l'Occident et ses institutions situées sur le territoire du pays sont responsables de tous leurs problèmes. Selon des chercheurs indépendants, il y a eu plus de deux cents organisations pro-occidentales de ce type qui se sont installées en Arménie au cours de ces dernières années. Pour une république relativement petite, c'est un chiffre colossal, d'autant plus qu'il est étayé par l'un des pourcentages les plus élevés de personnels affectés à l'ambassade des États-Unis en Arménie par rapport au nombre de ses citoyens. Cette question a été discutée à plusieurs reprises lors de conférences à Moscou, avec la participation de l'ambassadeur arménien.

Le pic de patience de ces citoyens commence à déborder, car l'"armée" des adhérents occidentaux n'a rien fait pour améliorer la vie réelle dans le pays d'accueil, tout en menant des activités à caractère occulte, inaccessibles au contrôle public, avec la référence standard à la nécessité de "développer la démocratie". Dans le même temps, les accusations contre la Russie et l'OTSC proviennent apparemment du même réseau, œuvrant à affaiblir davantage l'Arménie.

Récemment, la haine civile croissante a conduit à une attaque en rue contre l'ancien directeur du centre d'information de l'OTAN en Arménie, Ara Tadevosyan. Les militants n'ont même pas été gênés par l'épidémie de coronavirus et ont pu reconnaître Tadevosyan comme un passant apparemment ordinaire, marchant avec un masque médical dans le centre-ville d'Erevan. Peut-être Tadevosyan devra-t-il désormais toujours porter un masque, se cacher du public, même après la disparition du virus.

C'est un précédent. Il est évident que les citoyens patriotes d'Arménie ne veulent plus tolérer la coopération de l'Arménie avec l'Occident sous quelque forme que ce soit, y compris les nouvelles guerres que les structures occidentales préparent pour cet État. Malgré la fermeture récente de ce centre d'information et la dissolution de son personnel, l'OTAN continue de se renforcer le long des frontières de l'Arménie, s'étant considérablement renforcée dans cette région depuis 1991, ce qui provoque des protestations émotionnelles et spontanées de la population.

Apparemment, Ara Tadevosyan, qui a brandi une affiche à la demande des patriotes, demandant à l'OTAN de ne pas s'approcher de l'Arménie - "OTAN, ne t'approche pas de l'Arménie !", "OTAN, rentre chez toi !". - n'est que le début des actions anti-occidentales de masse. Les Arméniens, qui sont des patriotes, ne demandent pas encore à Tadevosyan et à ses amis de quitter l'Arménie pour toujours et de vivre à l'Ouest qu'ils aiment tant, mais une telle évolution est tout à fait possible.

Mais aujourd'hui, il est plus important de comprendre dans quelle mesure le Centre d'information de l'OTAN, qui était actif jusqu'à récemment en Arménie, a été impliqué dans le développement de la déstabilisation de la situation politico-militaire dans la région, qui a finalement conduit à ce qu'on appelle la deuxième guerre du Karabakh. Ces questions devraient être posées au même activiste pro-occidental Are Tadevosyan, peut-être dans le cadre d'une conférence de presse spéciale, afin que la position politique croissante de la véritable "rue" arménienne ne ressemble pas à un banal règlement de comptes. Et il s'agit d'une "rue" arménienne naissante complètement différente, significativement différente, de celle qui a porté Nikol Pashinyan au pouvoir au printemps 2018.

Le centre d'information de l'OTAN a été ouvert à Erevan en 2007, à la veille de 2008, lorsque la guerre d'Ossétie du Sud a éclaté dans le Caucase du Sud. On peut considérer cette ouverture comme une simple coïncidence, mais les faits et les dates concordent, dans une séquence stricte. Les objectifs de l'institution inaugurée étaient extrêmement nobles: on supposait que le "grand peuple arménien" serait mieux informé des tâches de l'Alliance de l'Atlantique Nord et de ses partenaires, l'un des principaux à l'époque, dans une région qui se transformait rapidement en une autre Géorgie. Le statut réel de ces centres visait à inclure l'Arménie dans le "nuage" entourant l'OTAN sur la base d'accords bilatéraux avec les pays qui n'étaient pas membres de ce bloc politico-militaire et ne pouvaient guère l'être.

Quelques années plus tard, en 2011, avec la participation active d'Ara Tadevosyan lui-même, un programme de formation sur "l'OTAN en tant qu'élément du système de sécurité occidental" a été lancé dans le cadre de la "Semaine de l'OTAN en Arménie". C'est-à-dire que, même à ce moment-là, ont été lancés les processus qui détruisent l'Arménie aujourd'hui, avec des "flèches" tirées vers Moscou, c'est-à-dire des ‘’flèches’’ visant à faire croire en la responsabilité russe dans les désordres de la région. Dans le même temps, M. Tadevoyasyan a lui-même déclaré que le projet était de "nature pilote".

Et aujourd'hui, dix ans plus tard, le pilote "Tadevosyan" a reçu une réponse inévitable de ses compatriotes reconnaissants. Et ce n'est que le premier round.

Corne de l'Afrique, comment la Turquie a pris le relais de l'Italie

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Corne de l'Afrique, comment la Turquie a pris le relais de l'Italie

Emanuel Pietrobon

Ex: https://it.insideover.com/

Les Ottomans sont (une fois de plus) entrés dans le continent noir, où ils ont construit et/ou construisent des avant-postes depuis les ports arabes bordant la Méditerranée jusqu'au Sahel et depuis les terres ensanglantées de la Corne de l'Afrique jusqu'au Cap de Bonne Espérance, et ils y sont arrivés avec un objectif précis: rester et éventuellement prospérer et s'étendre aux dépens des autres, ou plutôt aux dépens des puissances usées, épuisées et séniles comme l'Italie et le Portugal.

Rares sont les nations d'Afrique subsaharienne qui n'ont pas été touchées par le nouveau pivot géostratégique du programme étranger de la présidence Erdogan qui, minutieusement étudié et mis en œuvre avec le même soin, a permis à la Turquie de pénétrer dans la zone à accès restreint connue sous le nom de ‘’Françafrique’’, d'atterrir à l'extrémité sud du continent, de s'étendre dans l'ancien espace colonial portugais et de prendre le relais de l'Italie dans la Corne de l'Afrique.

La Turquie en Somalie

L'opinion publique italienne, mais aussi une bonne partie de notre classe politique, ont réalisé qu'ils avaient "perdu" l'Afrique de l'Est au moment de l'enlèvement de la coopérante Silvia Romano, libérée après dix-huit mois d'emprisonnement grâce à l'intervention in extremis des services secrets turcs - qui ont profité (à juste titre) de l'occasion pour maximiser le profit en termes d'image. En réalité, ce territoire de l'Afrique orientale qui parle italien n'a pas été "perdu", il a été cédé, c'est-à-dire qu'il a fait l'objet d'un transfert de propriété en faveur de la Turquie.

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Nos services secrets ont directement testé la caducité de leur réseau d'espionnage dans la Corne de l'Afrique, car ils ont été contraints de déléguer la question Romano à leurs homologues turcs, car ils étaient dans l'impossibilité d'établir un dialogue constructif avec les ravisseurs de l'organisation terroriste Al Shabaab, mais les secteurs dans lesquels l'Italie a subi un sérieux revers sont innombrables et variés.

Les destins de l'Italie et de la Somalie semblent s'être séparés après une union qui a débuté à la fin du 19ème siècle. Les raisons de la fin de ce long mariage sont doubles: la négligence avec laquelle nous avons traité cette nation africaine dans l'ère de l'après-guerre froide et le dynamisme concomitant de la Turquie, dont l’adrénaline est boostée. Une combinaison mortelle, même silencieuse, qui, en moins de trente ans, a conduit à la quasi-expulsion du Bel Paese de la Corne de l'Afrique, témoin impuissant d'événements similaires entre l'Éthiopie et l'Érythrée.

La Somalie est une nation que l'Italie a littéralement baptisée - le nom lui a été donné par l'explorateur Luigi Robecchi Bricchetti - et pour laquelle elle a dépensé 270 millions d'euros au cours des vingt dernières années en coopération pour le développement et le renforcement des institutions, sur fond d'engagement constant en termes de présence militaire à des fins humanitaires. En Somalie donc, la Turquie a incroyablement réussi l'entreprise de se faire une place au détriment de l’ancienne forteresse italienne consolidée et préexistante.

Ici, dans ce poumon de la Corne de l'Afrique et extrême périphérie de la Méditerranée élargie, la Turquie a commencé à investir massivement et intensivement depuis 2011, année d'une grave famine, érodant en une décennie plus d'un siècle de primauté italienne. Les chiffres et les faits, illustrés précédemment par notre analyste Paolo Mauri, peuvent expliquer ce que les mots ne réussissent que partiellement: plus de deux millions de dollars par mois investis dans la reconstruction rien qu'en 2016, l'aéroport de Mogadiscio construit avec de l'argent turc, la capitale devenant le siège de la "plus grande ambassade turque sur le continent africain" et l'ouverture de la base militaire et de l'académie de Turksom en 2017 - la plus grande installation de ce type d'Ankara à l'étranger, couvrant une superficie de 400 hectares et abritant en permanence un millier de personnes, y compris des soldats et des étudiants.

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Les points ci-dessus doivent être flanqués, à titre informatif, de données sur les échanges commerciaux - passés de 187,3 millions de dollars à près de 251 millions de 2018 à 2019 -, les investissements - plus de cent millions de dollars au cours de la dernière décennie - et la pénétration dans les infrastructures stratégiques - l'aéroport international et le port de Mogadiscio sont gérés par des entreprises turques.

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Enfin, et ce n'est pas le moins important, la Sublime Porte exploite ici aussi les instrumenta regni testés avec succès ailleurs, notamment entre les Balkans et l'Asie centrale, tels que la coopération humanitaire, la religion (construction de mosquées), la culture, la télévision (exportation de feuilletons) et les bourses d'études. Pour la seule année universitaire 2019-20, par exemple, quatre-vingt-dix-huit bourses ont été accordées pour permettre à des jeunes méritants d'origine somalienne d'étudier dans une université turque. Et puis l'année dernière, un dynamisme absolu du côté turc en termes d'envoi d'aide humanitaire et sanitaire sur le terrain dans le but de contrer et de contenir la pandémie.

En Éthiopie et en Érythrée

La Turquie est liée à l'Éthiopie par une association aussi importante que celle qui la lie à la Somalie. Présent sur place avec un montant total d'investissements de deux milliards et cinq cents millions de dollars, Ankara est le deuxième investisseur étranger à Addis-Abeba - Pékin est en première position - et tente de profiter des tensions avec Asmara et Juba pour se faire accréditer comme médiateur de la paix dans la Corne de l'Afrique.

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Les chiffres, encore une fois, sont la meilleure façon de comprendre la profondeur, l'étendue et la taille de la présence turque en Éthiopie: sur les six milliards de dollars investis par les entreprises turques en Afrique subsaharienne ces dernières années, deux milliards cinq cents millions ont été localisés ici, et les entreprises anatoliennes qui y opèrent sont passées de trois en 2005 à deux cents en 2021.

Le destin de l'Italie est-il scellé dans la Corne de l'Afrique? Peut-être. Beaucoup dépendra de la manière dont notre classe politique décidera d'agir, soit en continuant à s'appuyer sur des outils dont elle ne peut tirer profit, comme la coopération au développement, les missions humanitaires et le commerce, soit en optant pour le début d'un jeu à risque dans lequel il faudra jouer aux côtés de toutes ces puissances, comme l'Égypte, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, qui voient et perçoivent avec une hostilité ouverte la transformation de la Corne en une province de la Turquie.

AfD goes East (interview with German politician Petr Bystron)

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AfD goes East (interview with German politician Petr Bystron)

Ex: https://katehon.com/en/

Tim Kirby: So first question: what brings you to Moscow?

Mr. Bystron:  Oh well, it’s a working visit. I’m on the head of the parliamentarian group of the Alternative for Germany in the German parliament so foreign policy is my job. Every year at least one time, I am in Moscow. This year we did this visit together with Dr. Alice Weidel, who is the head of our group in the Bundestag. And we visited a couple of our friends here in Russia.

Tim: It's pretty much almost a media staple that they always see the relations between Russia and Europe are bad. I think maybe the evidence for that would be that there are sanctions between Russia and Europe, things have been a little bit off. But what's the core reason what's the real problem? Why are relations bad?

Mr. Bystron:  Well this is a big deal for us and it was also a big topic for in all our talks. We met Mr. Slutsky and the Duma, we met Mr. Tjapkin and the foreign ministry and a lot of other people. Of course this is like one of the main topic, why is it so? Obviously, there are there are powers which are interested in that the relationships between Germany and Russia especially but also between Europe and Russia are getting worse. We see it since 2014 with the Ukrainian crisis and then of course it followed it with Crimea and so on and so on. Now with we say Scripali, Navalny and so on.

Tim: Well it's interesting! Because you kind of say that with a smile. You almost acknowledge that this this whole situation with Navalny and Scripali is kind of silly. Does it seem silly?

Mr. Bystron:  Of course it's silly. Because I can see it from the other side, you know. We are in the parliament and we see always how fast and uncritical certain things are communicated through the whole media landscape in Germany. And it was the same with Skripali, it was the same with Navalny. There is no thinking about and at the beginning there was nothing like “Oh let's investigate, let's wait how where is the true?” But the true is from the beginning defined and it is just communicated through. And therefore I’m smiling about it and this is a strong difference to other cases in other countries. It's always specifically against Russia. But see what happened with Mr. Khashoggi and the embassy?

Tim: So your colleagues in Germany, I'll call them colleagues depending whether you see them as colleagues or enemies that's up to you, but the people you're with, who are with you - sort of in the German government, who don't like Russia - is it a matter that they have this sort of deep-seeded fear or dislike of Russia, that every bit of news from Russia they believe it? Or are they just sort of typical bureaucrats or they get a piece of paper and it says that “Putin poisoned the Navalny and this is bad” - I have to believe this because I got the piece of paper that says it's bad? So are they just mindless bureaucrats or is it something personal?

Mr. Bystron:  It's a mixture. You know for a really a long period of time the Soviet Union was really “The Enemy”, and it was the “Empire Of The Evil”. But then in the 90s it turned around completely. And you can follow it even in the Hollywood movies you know. It was a period of time when a Russian policemen were side by side with the with the US policemen. They were working together in New York and so on. Not promoting movies but you know it is and it was the whole period. Before it was Rambo against the Russian and then it was Red Heat. So it changed. And the Russians were no enemies anymore, they were friends. And now it's slowly coming back to Rambo and it’s docking on the synapses in the people's brains you know. Now the people are triggering the same pictures of “the evil Russia”. So this is this is the psychological background. Of course there are there are people that are even politicians who are doing this on purpose. They are not interesting in good relations with Russia. And what surprises me a lot, you know, is that German politicians were saying “we are against Nordstream-2” for example. This is totally a US position. I don't blame the USA you know. If the USA say “our geopolitical, our strategical targets are that we don't want the cooperation between Russia and Germany” - that's fine you know. This is they say it frankly they do it. This is their position. But what I don't understand when German politicians say this, because it's not good for Germany.

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Tim: Not so much. Interesting how that works out. One thing about defying Washington then is we can sit here and talk about that and we can maybe get into these ideas that there's sort of conspiracy theories that it's really Washington pulling all the strings, but then how does your party get seats? Because you guys try to fight these mystery forces?

Mr. Bystron:  Well this is a good question that I’m asking every day myself. And it was a very special situation in 2013 when I would say the system allowed unknown professor Bernd Lucke to enter during a period of five or six weeks еvery big TV show in German television, political TV show and get an audience of five, six, seven million and spread his news. And in this period of time, those five, six weeks seventeen thousand people entered a party which didn't exist. It was just an idea. This professor Lucke said “I have a party.” There was nothing, and then seventeen and a half thousand people entered and said, “I identify myself with the content and ideas this guy is saying on public television”. So and there we were, in this party, and they let us to run for elections. We did quite well and became the most successful party in the postwar history. We entered every parliament we have in Germany, and in each state in the Bundestag of the European parliament. Around 2016 there were public polls, which said 35 percent of the German population could imagine to vote for this party. With 35 - 36 percent in Germany, you can get chancellor. From this point we become “Nazis” or “extremely right wing” - you know and so on and so on and this is incredible. If you imagine that we are a party where a lot of foreigners like me. I’m from Czechoslovakia, I’ve got political asylum in Germany and we have many colleagues who are coming from Russia, from Romania, who just got German passport, and they are not Germans by birth. We have also a lot of voters from foreigners who are voting for us and just imagine how what kind of nonsense it is to say this is a “Nazi party where foreigners are giving votes to foreigners because they are not this is incredible.

Tim: Well some crazy things do happen in politics. I mean look at Kiev, but that's another story…

Mr. Bystron:  This is a funny story because in Kiev, the real Nazis are in Kiev. Nobody cares in Germany and nobody cares in in the EU. In the EU, there are real Nazis supporting the regime change. Nobody was talking about that. Maybe there are good and bad Nazis?

Tim: The ones that go against Russia I think are the good ones? I think that that's overall what unites them, but let's get into this: I’m kind of curious so when we talk about this whole Nordstream and energy deals between Europe and Moscow because it's always through Germany. People always talk about Berlin and Moscow having this deal, but you know, when it snows in Hungary — it snows in the Czech Republic. Why it is such a big thing to send gas from Moscow to Berlin?

Mr. Bystron:  I really don't know, because we have already since the 70’s. There is a pipeline, you know, and it was a deal between western Germany and the former Soviet Union, and it worked perfectly. Despite that we had the Iron Curtain, the Soviet Union was always a reliable partner delivering. This is also a funny thing: we have quite every winter the media brings the news “Oh, now there is a winter. It's dangerous because the Russians maybe will not deliver the gas”. And I think, “Okay, why should they do it, because they want to sell something, you know. We have the money and they want our money. Why should they stop the delivering the gas to us”? It’s complete nonsense.

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Tim: I guess maybe the idea would be to sort of scare you into controlling you, to make you agree to something? Because if you threaten someone so do this or else, that's the threat. So what would be the “do this”?

Mr. Bystron:  Exactly, it's just reasoning the people and creating an image of Russians that they are not a reliable partner, that they would like to stop the delivery of gas, and this is what you asked before. If they are normal people, why do they react as they react? Because you have permanent propaganda like this or permanent news like this, so it works. And if they repeating and repeating it. There is a saying, “if you if you repeat a lie thousand times it becomes true.”

Tim: Now in Russia there's this belief that in the 1800s, so long long ago, the Tsars were very confident that things were going to go well with Germany because Germany was becoming a rising power. This is the whole Bismarck era and that it looked like the continental Europe would be mostly controlled by Germany. But there was a lot of sort of inter-marriages and interrelations between the Russian aristocracy and the German aristocracy, so everyone Russia thought “this is gonna be great. There's not gonna be any more wars, we're gonna be able make agreements with these guys, they're gonna control everything it'll be real easy. We'll sort of split the world with the Germans”. Well, that didn't happen. With World War I Germany and Russia fought and it was really, really bad, I think for both sides. World War II was really bad for both sides, especially the German side. The cold war probably didn't help. So one thing is in Germany why is no one sort of woken up to the possibility that maybe conflict with Russia has really shot Germany in the foot at least twice, maybe more?

Mr. Bystron:  Well I would go even more years back, maybe two thousand years back to the Roman Empire. You remember what happened when the Roman Empire split to the western and the eastern part? From the west, the western part developed to the Holy Roman Empire of the German nation and the eastern – to Byzantine. It is the heritage on which Russia is standing. There are not many people that know that the word “Tsar” comes from “Caesar”. So what I want to say is that Russia and Germany — those are just like Yin and Yang those are two parts which belong together. They’ve just been separated but they have common roots. And in my view Russia is the eastern part of Europe historically seen. So and what we want as a party and what many people want is that those two parts come together again and that they work together again and that they even profit both from this from this alliance.

Tim: You've had the opportunity to talk to a lot of Russian politicians. You've probably had the opportunity to talk to a lot of American politicians. Do foreign people really understand Germany? Or do someone understand it more or less or is Germany still a bit of a mystery the outside?

Mr. Bystron:  Germany is a total mystery. At first, many people outside of Germany have a picture of Germany as it was in the 90s maybe and they don't realize that the country changed totally getting worse. We have a really heavy problem with democracy inside the country. Just an example: we are the biggest opposition party in the German parliament but our politicians get beaten on the street quite to death.

Tim: By whom?

Mr. Bystron:  By left extremists, by Antifa. And the point is these Antifa groups are not just coming out from nowhere. They are there for years and years and many of them have established legal formations that are donated by the state. So they're getting public money and the same people who are then beating the opposition.

Tim: Now are you talking about a protest where there are two sides and the sides fight? Or are you talking about like someone hunting down a politician, finding out where they live, watching their daily routine and then picking a day and getting them right? You talked about that?

Mr. Bystron:  Of course! It happened to me! It happened to me. It wasn’t an attack on my person, but it was an attack on my car, on my house. They sprayed my house, they crashed my car and but it was exactly as you described. There were two Antifa people in the street in the morning, in the day they just checked out where I live. I was going with my six-year-old son to school, and they saw where we live. At night, they did the attack. The next morning, the whole way from my home to the school of my son, it was labeled with Antifa stickers like “we know where you are, we know where your son is going to school”. But I had also I had been physically attacked on the street by Antifas. This is nothing unusual - it goes to thousands and thousands, and this is not everything. You know, people are losing their jobs in Germany just because they are engaging in themselves in the opposition party. People are even losing their jobs just because they meet with our boss. There is a case that went public. Professor Mending was just having a lunch in a restaurant with professor Meuthen, who is the boss of our party. Somebody saw them and the professor Mending lost his job in the television and public television. They said “no you're meeting you're meeting this guy. He was doing his job, and this is nothing unusual people losing their jobs nowadays just because they are in the opposition.

Tim: Well proving the motivations of why someone's fired can be hard, but with physical attacks… what do the police do? Or for some reason the cases just disappear? Why don't the police react to these things, these attacks?

Mr. Bystron:  Well this is a good question because the police is always investigating. It is a special part of the police — it's the «Stadtschutz», so they really know their opponents. I have an interesting experience because when it happened to me. This police task force come and they ask me “Have you seen something you can tell us?” And I said “yes I saw. I saw two suspects in the street in the morning”. They are not living here in the area I am going every morning there — so I know the people there. And they are obviously from Antifa, they look like this and I described them I said “There was a girl she had the blue hairs I don't know her”. Then I described the guy because I knew him already from the demonstrations. You know, I described him and the policeman said, “oh I know who it is,” so they know their you know suspects uh-huh of course when I know them just from speaking in public and seeing them as an anti-demonstration. This is always the same bench. So the police of course they know them. They investigate but I didn't got any results.

Tim: Gotcha. Oh that's really depressing, that's really really rough.

Mr. Bystron:  It continues, now this is a very hot topic. We have a secret service, domestic secret service, which is which is used to suppress the opposition. It was publicly announced that the secret service will take this political party under of observation, because we are supposed to be extremists. Isn’t that funny? The only thing is that we say we would like that the government is following the rules and the laws. And we are saying the government is breaking the laws! And they say “Wow they are extremists”.

Tim: Gotcha. What’s the one thing that maybe Germany could actually stand to learn from Russian culture or history or the way Russians do things?

Mr. Bystron:  There are many things that the Germans could learn from the Russians. And there are many things the Russians could learn from the Germans. I mean I would say just talk to each other just meet each other just relax, don't paint any pictures of enemies on the walls. And we will be fine all together.

Tim: Well thank you very much for being with us that was great.

samedi, 24 avril 2021

Activité diplomatique intense en Russie et en Turquie en avril au sujet de l'Afghanistan

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Activité diplomatique intense en Russie et en Turquie en avril au sujet de l'Afghanistan

Gaston Pardo

Ex : http://www.elespiadigital.com/index.php/noticias/geoestra...

Le président américain Joe Biden a annoncé que l'intervention militaire américaine en Afghanistan prendra fin le 11 septembre 2021 et que le dernier soldat américain quittera le pays plusieurs semaines avant le 20e anniversaire de l'invasion et de la conquête de ce pays d'Asie centrale par les États-Unis, le 7 octobre 2001.

Biden est le troisième président américain à s'être engagé à mettre fin à la guerre en Afghanistan. Même si les quelque 3500 derniers soldats quittaient le pays, des milliers d'agents de la CIA, de mercenaires et de troupes paramilitaires continueraient à soutenir le gouvernement du président Ashraf Ghani.

Mais l'annonce de Biden offre l'occasion de faire le point sur la plus longue guerre de l'histoire des États-Unis, qui a apporté des souffrances indicibles au peuple afghan, gaspillé de vastes ressources aux dépens d'une société américaine trompée sur les véritables motifs de l'invasion.

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Le World Socialist Web Site révèle que 100.000 Afghans sont morts dans la guerre, selon les comptes officiels, ce qui est sans doute un chiffre incomplet. Les États-Unis ont mené cette guerre en recourant aux méthodes de la "contre-insurrection", c'est-à-dire à la terreur: bombardement de fêtes de mariage et d'hôpitaux, assassinats par drones, enlèvements et torture. Dans l'une des atrocités ultimes de la guerre, en 2015, un avion américain a mené une attaque d'une demi-heure contre un hôpital de Médecins sans frontières à Kunduz, en Afghanistan, tuant 42 personnes.

La Turquie accueillera à Istanbul, en avril 2021, une nouvelle conférence sur le processus de paix entre le gouvernement afghan et les talibans, avec la participation des Nations unies et de pays tels que les États-Unis et la Russie. Ce processus n'implique pas que Doha, la capitale du Qatar, cesse d'être le centre des négociations de paix, a expliqué le ministre turc des affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, dans une interview accordée à l'agence de presse étatique Anatolia. L'omniprésence des officiels turcs dans toutes les réunions est révélatrice du poids de la géostratégie de leur pays dans l'issue régionale qui ne concerne que les peuples du Turkestan.

La coexistence de deux scénarios qui auraient été inacceptables par le passé est en vue. Alors que l'influence du livre de Zbigniew Brzezinski Le grand échiquier prévaut encore dans la géostratégie américaine, qui consacre le droit de la géopolitique américaine au Moyen-Orient, le rôle dominant de la Turquie croît dans un projet transcendantal pour l'Islam ottoman qui inclut dans un premier temps l'ensemble du Turkestan est admis.

Turkestan oriental et occidental

Le Turkestan est une région historique d'Asie centrale située entre la mer Caspienne et le désert de Gobi, peuplée principalement de peuples turcs occupant une superficie de plus de 5 millions de km2 en Europe orientale et en Asie.

Le Turkestan oriental, également connu sous le nom de Sinkiang ou d'Uyghuristan, est un terme politique aux significations multiples selon le contexte et l'usage. Le terme a été inventé par des turcologues russes comme Nikita Bichurin au XIXe siècle pour remplacer le terme Turkestan chinois, qui désignait le bassin du Tarim dans la partie sud-ouest de la province de Sinkiang de la dynastie des rois, indique Wikipedia.

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Au début du XXe siècle, les séparatistes ouïghours et leurs partisans ont utilisé le Turkestan oriental (ou "Uyghurestan") pour désigner l'ensemble du Sinkiang ou un futur État indépendant dans l'actuelle région autonome ouïghoure du Sinkiang (dont la capitale serait Urumchi). Ils rejettent le nom "Sinkiang" (Xinjiang) en raison de la résonance probablement chinoise qu'il reflète, et préfèrent "Turkestan oriental" pour souligner le lien avec les autres groupes turcs de l'ouest.

Turkestan occidental

Le Turkestan occidental ou Turkestan russe (en russe, Русский Туркестан, Russkiy Turkestan), était un territoire appartenant aujourd'hui au Kazakhstan, au Kirghizistan, au Tadjikistan, au Turkménistan, à l'Ouzbékistan, et faisait autrefois partie de l'Empire russe. C'était un territoire de 3.076.628 km², avec 7.721.684 habitants (1897).

Annexion à l'Empire russe

L'Empire russe, après les conquêtes d'Astrakhan et d'Orenbourg, a tenté à plusieurs reprises de prendre le pouvoir dans les steppes du sud. Après l'échec de l'expédition militaire contre le khanat de Khiva en 1717, au cours de laquelle Aleksandr Bekovitsj-Tsjerkasski et tous les membres de l'expédition ont été tués ou vendus comme esclaves, les Russes ont attendu plus d'un siècle avant de s'intéresser à nouveau à la région. Le Turkestan était sous le contrôle de l'Empire russe depuis le début du 18e siècle.

Un joli butin

La région de la mer Caspienne, à laquelle l'Afghanistan offre un accès stratégique, contient environ 270 milliards de barils de pétrole, soit à peu près 20 % des réserves prouvées du monde. Il contient également 665 trillions de pieds cubes de gaz naturel, soit environ un huitième des réserves mondiales de gaz.

L'intervention américaine en Afghanistan n'a pas commencé en 2001, mais en juillet 1979, lorsque l'administration Carter a décidé d'aider les forces qui combattaient le gouvernement soutenu par les Soviétiques, dans le but, comme l'a dit le conseiller à la sécurité nationale Zbigniew Brzezinski, de "donner à l'URSS sa guerre du Vietnam".

Après l'invasion soviétique en décembre 1979, la CIA a collaboré avec le Pakistan et l'Arabie saoudite pour recruter des "fondamentalistes" islamiques afin qu'ils se rendent en Afghanistan et y mènent une guérilla. C'est grâce à cette opération qu'Oussama ben Laden a pu se rendre en Afghanistan et que l'agence a activé Al-Qaïda sans sa présence.

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De même, les talibans sont le produit des armes et de l'entraînement pakistanais, du financement saoudien et du soutien politique des États-Unis. Bien que le groupe fondamentaliste ait vu le jour dans des camps de réfugiés au Pakistan sous la forme d'une sorte de "fascisme clérical", sous-produit de décennies de guerre et d'oppression, l'administration Clinton a approuvé sa capture en 1995-1996 comme la meilleure chance de rétablir la "stabilité".

La géopolitique du gaz naturel méditerranéen

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La géopolitique du gaz naturel méditerranéen

Joseph W. Micallef

Ex : https://katehon.com/ru/

Au cours des deux dernières décennies, une série de découvertes majeures de gaz naturel en Méditerranée orientale a eu un impact profond sur les relations internationales dans la région. Plus important encore, les preuves géologiques suggèrent que ces découvertes ne représentent qu'une petite partie de la richesse en hydrocarbures de la Méditerranée, ce qui pourrait modifier considérablement la géopolitique de la région.

La mer Méditerranée s'est formée il y a environ 30 millions d'années lorsque la plaque continentale africaine est entrée en collision avec la plaque eurasienne. Les deux plaques entrent toujours en collision, ce qui explique pourquoi la région est si sujette à l'activité sismique et volcanique.

Techniquement, la mer Méditerranée est un golfe de l'océan Atlantique. Le détroit de Gibraltar, large de huit miles, relie la mer Méditerranée à l'océan Atlantique. En plus d'être une voie navigable, le détroit a une autre fonction importante : il permet l'entrée des eaux de l'Atlantique dans la mer Méditerranée.

L'évaporation entraîne une perte d'environ six pieds (2 m) d'eau par an dans la mer Méditerranée. Les apports de la mer Noire et des rivières entourant la Méditerranée, ainsi que les précipitations, représentent environ deux pieds (70 cm) de cette perte. Le déficit restant est comblé par les apports d'eaux atlantiques. Sans cet apport, la Méditerranée serait en grande partie asséchée en moins d'un millénaire - une longue période selon les normes de l'histoire humaine, mais pas même un instant d'un point de vue géologique.

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La collision permanente entre les plaques africaine et eurasienne a parfois bloqué le détroit de Gibraltar, entraînant un cycle de vidange et de remplissage. On pense que la Méditerranée s'est asséchée des dizaines de fois au cours de son histoire, pour se remplir à nouveau lorsque les eaux de l'Atlantique revenaient. La Méditerranée s'est remplie pour la dernière fois il y a environ cinq millions d'années.

Le résultat de ces forces tectoniques est une géologie complexe de huit sous-bassins différents avec des roches sédimentaires métamorphosées de grès, de calcaire et de schiste, des carbonates marins et des couches denses d'évaporite. L'ensemble de ces éléments crée des conditions idéales pour l'émergence de gisements de pétrole et de gaz.

Hydrocarbures dans la mer Méditerranée

Bien que tous les pays d'Afrique du Nord qui entourent la rive sud de la mer Méditerranée soient des producteurs d'hydrocarbures, la région méditerranéenne est très peu explorée. Les estimations du potentiel en hydrocarbures de la région vont de réserves de la taille de la mer du Nord - pouvant contenir jusqu'à 50 milliards de barils de pétrole, ou PB, et jusqu'à 500 trillions de pieds-cubes, ou TCF, de gaz naturel. Ce dernier chiffre est à peu près comparable aux réserves continentales américaines.

À ce jour, des découvertes majeures ont été faites dans le delta du Nil et le bassin levantin. Ce dernier couvre une vaste zone au nord et à l'est du delta du Nil - jusqu'au sud de Chypre - et s'étend jusqu'à la côte orientale de la mer Méditerranée. Selon l'U.S. Geological Survey, ces deux régions possèdent à elles seules des réserves de gaz naturel estimées à 345 TCF pieds-cubes et plus de deux milliards de barils de pétrole.

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La découverte du champ de Noa (1999) et du champ de Marie B (2000), tous deux de taille relativement modeste, a marqué le début d'une série de découvertes majeures de gaz: "Tamar" et "Tamar SW" (Israël/2009/11 TCF), "Leviathan" (Israël/2010/21,5 TCF), "Aphrodite" (Chypre/2011/4,5 TCF), "Zohr" (Égypte/2015/30 TCF), "Calypso" (Chypre/2018/6-8 TCF) et "Glaucus" (Chypre/2019/5- 8 TCF). Ensemble, ces six champs contiennent plus de 80 pieds/cubes de gaz naturel. Étant donné que le bassin levantin n'a pas été entièrement exploré, et qu'il existe sept autres bassins sédimentaires dans la mer Méditerranée qui sont encore moins explorés, une estimation de 500 pieds cubes de gaz peut être trop conservatrice.

Les découvertes israéliennes et chypriotes ont été faites dans l'un des dépôts de grès que l'on trouve largement dans toute la Méditerranée. La découverte égyptienne a été faite dans des carbonates similaires aux structures récifales carbonatées qui abritent de nombreux champs pétroliers terrestres de la Libye. Les dépôts de calcaire et de schiste denses, tels que la roche mère pétrolière exploitée économiquement par les producteurs de pétrole américains, sont également largement présents en Méditerranée et peuvent représenter une autre réserve potentielle d'hydrocarbures.

De plus, au moins dans le bassin levantin, l'analyse chimique du gaz naturel découvert suggère qu'il pourrait même y avoir des dépôts plus profonds de gaz biogène et abiogène. Il n'y a pratiquement pas eu de forage offshore ultra-profond dans la région méditerranéenne. En bref, le potentiel en hydrocarbures de la Méditerranée pourrait être de plusieurs ordres de grandeur supérieur à ce que les estimations les plus optimistes suggèrent.

Géopolitique méditerranéenne et gaz naturel

La découverte d'importants gisements de gaz naturel en Méditerranée orientale a déjà eu des répercussions géopolitiques de grande ampleur. Si ces découvertes se poursuivent et que le potentiel en hydrocarbures de la région se confirme, les conséquences seront encore plus dramatiques.

Les découvertes de Leviathan et de Tamir ont fait passer Israël d'un statut d'importateur net d'hydrocarbures à celui d'exportateur net. De même, le champ de Zohr, lorsqu'il sera pleinement développé, fera de l'Égypte un exportateur net de gaz. La découverte du gaz levantin a également conduit à une relation de travail étroite et à un réchauffement marqué des relations d'Israël avec la Grèce et Chypre. Historiquement, ces deux pays ont été du côté des autorités palestiniennes et ont souvent eu des frictions avec le gouvernement israélien.

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Pour Jérusalem, l'exportation du gaz israélien vers ses voisins et la possibilité de s'engager dans l'exploration gazière dans d'autres parties de la Méditerranée pourraient lui donner un poids diplomatique important et conduire à une amélioration des relations avec nombre de ses voisins méditerranéens ainsi qu'à un accès à l'exportation vers les marchés de la région MENA.

Les découvertes majeures de gaz dans les parties concernées du bassin du Levant pourraient également revitaliser des États en faillite comme le Liban et la Syrie. D'autre part, la perspective d'un afflux massif d'hydrocarbures pourrait également être un catalyseur de la violence sectaire.

L'Égypte dispose d'une certaine capacité d'exportation de gaz naturel liquéfié, ou GNL, et Chypre est en train de construire une capacité d'exportation de GNL supplémentaire. Mais les gazoducs sont le moyen le plus économique et le meilleur pour se connecter à l'infrastructure gazière existante de l'Europe. L'Union européenne consomme environ 16,6 trillions de pieds cubes de gaz par an ; elle est le débouché logique des exportations de gaz naturel de la région. Actuellement, l'UE reçoit 40 % de son gaz de Russie, 30 % de sources nationales et 25 % de Norvège/mer du Nord. Le reste provient d'importations de GNL en provenance de gisements nord-africains. La production de gaz de la mer du Nord et la production nationale de gaz diminuant rapidement, la Russie est sur le point d'augmenter considérablement sa part des importations de gaz en Europe.

En 2019, Chypre, l'Égypte, la France, la Grèce, Israël, l'Italie, la Jordanie et l'Autorité palestinienne ont organisé le Forum du gaz de la Méditerranée orientale, ou FGME. La FEM est une organisation intergouvernementale basée au Caire chargée d'accroître les exportations de gaz naturel de la région. L'organisation joue également un rôle de premier plan dans la recherche d'un consensus sur les pipelines vers l'Europe qui répondront le mieux à ses besoins. Les États-Unis et l'UE ont un statut d'observateur au sein du FME.

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L'Italie a joué un rôle important, mais généralement peu visible, dans le développement des réserves de gaz de la mer Méditerranée. ENI, l'entreprise publique italienne du secteur de l'énergie, est l'opérateur du champ gazier de Zohr en Égypte. Il est probable que la plupart des exportations de gaz méditerranéen passeront par l'Italie pour se connecter au reste du réseau gazier européen. L'Italie s'est également fortement impliquée dans la prospection d'hydrocarbures en Afrique du Nord, notamment au large de la Libye, une région qu'ENI connaît bien et dont le potentiel en hydrocarbures est pratiquement inexploité.

Il manque clairement à EMGF deux pays qui pourraient être affectés de manière significative par le développement du gaz naturel méditerranéen: la Turquie et la Russie.

La consommation de gaz en Turquie a triplé au cours des deux dernières décennies et continue de croître rapidement. Toutefois, le pays ne peut satisfaire qu'environ 1 % de ses besoins à partir de sources nationales. Environ la moitié du gaz turc provient de Russie, 18% d'Iran, 11% d'Azerbaïdjan et le reste de diverses sources.

Il est relativement facile d'augmenter les importations de gaz russe d'Ankara, mais cette dernière craint également une dépendance excessive vis-à-vis de Moscou pour ses besoins énergétiques. L'Asie centrale, l'Iran et l'Irak disposent d'importantes réserves de gaz naturel, mais des pipelines supplémentaires seraient probablement nécessaires pour les exploiter. La route Mer Caspienne-Azerbaïdjan-Géorgie est la plus fiable politiquement, mais elle nécessite de franchir un terrain extrêmement accidenté.

En outre, la Turquie pense qu'elle peut obtenir un effet de levier diplomatique et économique important en se positionnant comme une plaque tournante énergétique entre l'Europe, la Russie et l'Asie centrale. Il existe plus d'une demi-douzaine de gazoducs qui acheminent le gaz de la Russie et de l'Asie centrale vers la Turquie et, de là, vers l'Europe.

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Ankara a proposé un gazoduc israélo-turc pour transporter le gaz du bassin du Levant vers la Turquie. Compte tenu de la demande croissante d'énergie et de la proximité, la Turquie est le marché logique pour le gaz de la Méditerranée orientale. Toutefois, ni Israël, ni l'Égypte, ni Chypre - trois pays avec lesquels Ankara entretient des relations diplomatiques particulièrement difficiles - n'ont soutenu cette idée. Au lieu de cela, ils ont proposé le gazoduc Est-Med pour acheminer le gaz vers la Grèce et le connecter ensuite à l'Italie et au reste du réseau gazier européen via le gazoduc transadriatique.

Le président turc Recep Tayyip Erdoğan s'est dit préoccupé par le fait que le rôle de la Turquie en tant que plaque tournante énergétique pourrait être compromis si des volumes importants de gaz méditerranéen étaient acheminés vers l'Europe. C'est pourquoi il insiste sur le fait qu'il sera impossible d'exploiter pleinement les réserves de gaz de la Méditerranée orientale sans la participation de la Turquie.

La Turquie n'est pas signataire de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer ou UNCLOS. Par conséquent, elle ne reconnaît pas les zones économiques exclusives stipulées par l'UNCLOS pour les pays maritimes. En outre, Ankara ne reconnaît pas la légitimité de la République de Chypre et sa revendication des eaux territoriales qui l'entourent. En outre, le gouvernement turc estime que les îles, telles que les îles grecques de la mer Égée, ne devraient pas avoir droit à des zones économiques exclusives et que les revendications des grands États maritimes devraient primer sur celles des petites îles.

En outre, Ankara n'a cessé de promouvoir le concept de "patrie bleue" (Mavi Vatan) ces dernières années. Ce terme est un acronyme désignant la revendication d'Ankara selon laquelle le traité de Sèvres de 1920, qui a mis fin aux hostilités entre l'Empire ottoman et les puissances alliées, a injustement privé la Turquie d'un grand nombre de ses îles historiques et de ses possessions maritimes en mer Égée et en Méditerranée orientale. Le rétablissement de ces possessions permettrait à la Turquie de prendre le contrôle de 178 000 miles carrés supplémentaires de la mer Méditerranée.

La Turquie mène une politique étrangère de plus en plus agressive en Méditerranée orientale. Elle a envoyé des navires de forage escortés par des navires de la marine turque dans les eaux revendiquées par Chypre et, dans un cas, pour forer des champs qui ont déjà été loués par le gouvernement chypriote à des compagnies pétrolières étrangères.

En novembre 2019, la Turquie a conclu un accord avec le gouvernement d'entente nationale (GNA) de Tripoli en vertu duquel elle fournirait des troupes et des armes au GNA en échange de possibilités d'investir dans le secteur pétrolier libyen. Dans le cadre de cet accord, Ankara et la PNC ont convenu de délimiter les eaux territoriales entre les deux pays le long d'une diagonale allant de Derna à la frontière égyptienne dans l'est de la Libye, et traversant l'angle sud-ouest de l'Anatolie, de Marmaris à Antalya, entre la Libye et la Turquie. La région traverse la zone économique exclusive de la Grèce, comme le stipule l'UNCLOS.

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L'accord a été condamné par de nombreux pays méditerranéens ainsi que par les États-Unis et l'Union européenne. Le parlement libyen de Tripoli a refusé de le ratifier. Le 27 janvier 2021, le mémorandum turc-GNA sur les zones maritimes a été annulé par la cour d'appel d'Al Bayda en Libye. Néanmoins, le gouvernement turc continue d'insister sur le fait que l'accord représente une démarcation valide des eaux contrôlées par la Turquie.

L'agressivité de la Turquie à l'égard de ses voisins méditerranéens a entraîné une détérioration de ses relations avec l'UE, en particulier avec la France, et pourrait conduire à un nouvel isolement diplomatique pour Ankara.

Il ne fait aucun doute que le développement des champs gaziers du Levant sera plus facile avec la coopération turque. Cependant, Israël, Chypre et l'Égypte ont résisté aux tentatives de la Turquie de s'engager dans le développement de ces champs gaziers. La Turquie a laissé entendre qu'elle bloquerait la pose de l'oléoduc Est-Med et qu'elle pourrait envoyer des forces militaires à cet effet. Un tel comportement ne fera qu'isoler la Turquie et risque de provoquer une confrontation avec l'UE et peut-être même avec les États-Unis.

Jusqu'à présent, la Russie a joué un rôle mineur dans le développement des champs de gaz dans le bassin du Levant. Les entreprises publiques russes du secteur de l'énergie ont proposé de contribuer au financement du développement des gisements de gaz chypriotes, mais n'ont pas été impliquées dans ce dossier.

Malgré l'importance des découvertes de gaz en Méditerranée, elles font pâle figure par rapport à la consommation de gaz de l'UE et aux exportations russes. L'UE consomme environ 16 pieds cubes de gaz naturel par an, dont environ 40 % proviennent de Russie. Les champs gaziers du bassin du Levant représentent un approvisionnement de cinq ans pour l'UE et de douze ans pour les importations russes.

La Russie s'attend à ce que ses importations de gaz vers l'UE augmentent à mesure que la production de gaz à terre de la mer du Nord et des champs européens diminue. Le principal défi pour les plans russes est soit une augmentation des exportations de GNL vers l'Europe depuis les États-Unis ou le golfe Persique, soit une augmentation significative des approvisionnements en gaz depuis le bassin méditerranéen. Si d'autres bassins sédimentaires méditerranéens présentent la même géologie que le bassin du Levant, la région pourrait être à l'aube d'une augmentation prolongée de la production de gaz naturel.

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Dans le cadre de sa politique de "sécurité de l'approvisionnement énergétique", l'UE s'est inquiétée de la diversification de ses sources d'énergie pour éviter de devenir dépendante du gaz russe. Cette politique limitera la croissance des exportations de gaz russe et est également susceptible de faire baisser les prix, quelle que soit l'évolution de l'exploitation des gisements de gaz en mer Méditerranée.

Il existe des problèmes politiques qu'il faudra surmonter. Une grande partie de la rive sud de la Méditerranée est politiquement instable. La Libye est toujours en état de guerre civile. La Tunisie et l'Algérie pourraient bien s'unir aussi. De nombreuses frontières maritimes n'ont pas été entièrement délimitées, notamment les eaux autour de la Libye et certaines parties de la côte balkanique de l'Adriatique. La France et l'Espagne appliquent actuellement un moratoire sur l'exploitation des hydrocarbures offshore en Méditerranée, mais la perspective de découvertes majeures de gaz pourrait bien entraîner un changement. La politique étrangère et énergétique de la Turquie en Méditerranée orientale déstabilise potentiellement la région et pourrait provoquer une confrontation avec un ou plusieurs de ses voisins maritimes.

Deux autres acteurs majeurs possibles dans la région sont les États-Unis et la Chine. Jusqu'à présent, tous deux ont joué un rôle secondaire. Sous l'administration Trump, les États-Unis ont poussé l'UE à utiliser le GNL américain plutôt que le gaz russe. Compte tenu de sa politique climatique, il est peu probable que l'administration Biden fasse une promotion agressive des exportations de GNL. Les États-Unis soutiennent le développement des ressources en hydrocarbures dans l'est de la Méditerranée, car ils y voient un moyen de renforcer économiquement Israël et l'Égypte - deux alliés importants des États-Unis dans la région - même si le gaz méditerranéen entre en concurrence avec les exportations américaines de GNL.

La Chine n'a pas été directement impliquée dans le développement des ressources gazières méditerranéennes. Les réserves de gaz en Asie centrale et au Moyen-Orient sont plus proches de la Chine et plus faciles à obtenir et à transporter. Dans le cadre de l'initiative "Une ceinture, une route", les entreprises publiques chinoises ont investi massivement dans des projets d'infrastructure dans la région méditerranéenne. Ces projets comprennent un large éventail d'investissements dans des installations portuaires et des projets industriels dans toute la Méditerranée.

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Plus précisément, le Shanghai International Port Group a obtenu un contrat de gestion de 25 ans pour le port de Haïfa, tandis que China Harbour Engineering construit un nouveau terminal portuaire à Ashdod, en Israël. Le conglomérat maritime chinois COSCO a acquis une participation de 51 % dans Noatum Port Holdings, qui possède à son tour des terminaux à conteneurs à Bilbao et Valence, en Espagne, entre autres. Elle a également acquis une participation de 67 % dans le port grec du Pirée et, avec Qingdao Port International, a investi dans le terminal à conteneurs de Vado Ligure en Italie. Euro-Asia Oceangate a acquis une participation de 64,5 % dans le terminal Kumport à Ambarli, à l'embouchure du détroit du Bosphore sur la mer Noire. Ensemble, ces investissements s'élèvent à environ trois milliards d'euros.

Le gaz méditerranéen atteindra probablement les marchés européens par le biais de gazoducs, mais l'exploitation des ressources gazières de la région à l'échelle de la mer Méditerranée entraînera une augmentation spectaculaire de la capacité portuaire et des installations industrielles. L'exploitation des six principaux champs gaziers du bassin du Levant coûtera entre 20 et 25 milliards de dollars. Un boom gazier à travers la Méditerranée pourrait entraîner plus de 100 milliards de dollars de nouveaux investissements énergétiques dans la région.

Le boom du gaz naturel en Méditerranée est réel. Reste à savoir si les autres bassins sédimentaires de la région seront tout aussi prolifiques. Si tel est le cas, la Méditerranée pourrait bien devenir un important fournisseur de gaz naturel pour l'Europe, au détriment des exportations de gaz de la Russie et, dans une moindre mesure, des projets d'exportation de GNL des États-Unis.

Une telle évolution ferait s'effondrer les flux d'hydrocarbures géants vers des pays méditerranéens plus petits comme Chypre, Malte, l'Albanie ou la Croatie. Elle pourrait également contribuer à la reconstruction d'États en déliquescence tels que le Liban et la Syrie. Cela conduirait à de nouveaux alignements et coalitions, mais risquerait aussi de provoquer des conflits entre les pays assez chanceux pour boire à la corne d'abondance - et ceux qui n'ont pas de grands gisements de gaz naturel.

La richesse en hydrocarbures est une arme à double tranchant qui peut provoquer une augmentation des conflits sociaux dans les États à faible gouvernance, notamment ceux de la côte nord-africaine.

La Turquie présente un défi particulier. Dans le cas d'Ankara, la découverte de gaz naturel a stimulé une politique étrangère déjà de plus en plus revancharde et pourrait conduire à une attitude plus conflictuelle entre la Turquie et ses voisins maritimes.

En clair, le boom gazier en Méditerranée créera de nombreuses opportunités économiques, mais aussi de nouveaux risques pour la stabilité de la région.

vendredi, 23 avril 2021

Etats-Unis/Russie : un conflit pour l’Europe

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Etats-Unis/Russie : un conflit pour l’Europe

Par Gabriele Melchiorre

SOURCE : https://www.rivistaspiral.org/usa-russia-un-conflitto-per-leuropa/

Ces derniers jours, les États-Unis, sous la nouvelle administration démocrate, ont lancé une série de sanctions et de mesures contre leur ennemi/ami historique: la Russie. Tout a commencé par une déclaration provocante du président Biden qui, lors d'une interview le 17 mars (1), a déclaré qu'il pensait que Vladimir Poutine était un ‘’meurtrier’’, réitérant en même temps ses soupçons que l'ancien pays soviétique avait d'une manière ou d'une autre interféré dans les élections américaines de novembre dernier. La réponse russe à cette provocation ne s'est pas fait attendre et le Kremlin a convoqué l'ambassadeur américain à Moscou pour comprendre la direction que prendraient désormais les relations entre les deux pays. C'est à partir de là qu'a commencé une escalade de nouvelles provocations diplomatiques, qui ont conduit ces derniers jours à l'expulsion de dix diplomates russes des États-Unis, de trois de la Pologne (l’un des principaux alliés des États-Unis en Europe), à l'émission de nouvelles sanctions (2) et à la déclaration de l'état d'urgence par le gouvernement américain.

Le président américain a probablement jeté un coup d'œil aux cartes de son adversaire, voyant dans les récentes activités du gouvernement de la Fédération de Russie une future atteinte à la sécurité nationale, allant jusqu'à émettre un décret de saisie des avoirs de toute personne ayant eu le moindre lien avec l'État rival (3), suivi d'un déploiement plus conséquent de troupes le long de la frontière ukrainienne, tant par la Russie que par l'OTAN (4).

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Mais quels sont exactement les intérêts des États-Unis dans la poursuite de cette sorte de guerre froide du troisième millénaire? La réponse n'est à chercher ni à Washington ni à Moscou, mais à Berlin. Plus précisément encore dans les profondeurs de la mer Baltique, car c'est là que le Nord Stream 2 est en train de se construire. Il s'agit du doublement du gazoduc Nord Stream déjà achevé en 2012 qui, en traversant la mer qui baigne les côtes du nord de l'Europe, alimente l'Allemagne en précieux combustible.

Depuis l'administration Trump, les États-Unis ont exprimé leur désapprobation à l'égard de ce projet, considéré comme un projet géopolitique russe et une occasion d'approfondir les relations entre le pays eurasien et l'Allemagne (et à travers elle l'Union européenne). Mais alors que la politique "America First" du magnat voulait se tenir à l'écart des questions européennes, l'axe franco-allemand mis en place par Macron et Merkel a profité de l'occasion pour entamer un processus d'"autonomie" par rapport aux États-Unis ; or le président Biden a de nouveau tourné son regard vers le vieux continent, le considérant de toute évidence trop important pour qu'on lui lâche la bride. Dans cette optique, le premier point à l'ordre du jour était précisément d'entraver la construction du gazoduc, ou plutôt de limiter au maximum les conséquences de ce projet, qui aurait fait pencher la balance du côté de la Russie. La Maison Blanche a ensuite publié, le 18 mars, un communiqué de presse indiquant que toutes les entités, étatiques et privées, russes et allemandes, impliquées dans le projet de pipeline pourraient faire l'objet de sanctions (5). La faction atlantiste allemande ne s'est pas fait attendre et s'est immédiatement montrée fidèle à son maître: le parti des Verts, deuxième parti national aux élections européennes, a pris la tête de la bataille contre le Nord Stream 2, obtenant le soutien des États-Unis et de l'influent électorat écologiste. Et le 13 avril, un appel visant à bloquer indéfiniment les travaux à l'intérieur des sites de construction de l'oléoduc a été envoyé au tribunal administratif de Hambourg. La requête demande aux autorités d'arrêter la construction pour des raisons de protection de l'écosystème régional (6).

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En plus de la question du NS2, la nouvelle est tombée: 500 soldats supplémentaires viendront s'ajouter aux 36.000 déjà présents en Allemagne (7). Trump, en raison des tensions qui se sont créées avec la chancelière allemande concernant les dépenses liées au maintien des bases de l'OTAN, a procédé au retrait d'un tiers des troupes du territoire de la république fédérale et au démantèlement de deux bases militaires. Avec l'arrivée de nouveaux soldats, il est facile de comprendre que le plan a été annulé.

Pourtant, malgré les enjeux évidents, la diplomatie européenne n'a pas encore pris les devants et aucune déclaration particulière n'a été faite, pas même lors de la rencontre entre Macron, Merkel et le président ukrainien Zelensky à Paris, où une proposition prudente a été faite pour commencer la désescalade (8). L'invitation européenne semble avoir été ignorée à la fois par Biden et Poutine. Lundi, a annoncé M. Borrel, il y aura une réunion entre les ministres des affaires étrangères de tous les pays de l'Union où la question de l'Ukraine sera abordée. C'est à partir de là que l'on comprendra la position et le poids de l'Europe sur la question.

En bref, la nouvelle guerre froide entre les États-Unis et la Russie, plus qu'une expression de la rivalité entre les deux pays, semble être un avertissement pour l'Europe et le reste du monde : l'Amérique est de retour et n'a pas l'intention d’abandonner ses atouts en Europe. Il faudra voir si les pro-européens allemands et français se permettront de reprendre ce fil d'autonomie qu'ils avaient réussi à gagner sous l'administration Trump. Il est encore trop tôt pour faire des prédictions sûres mais une chose est certaine: tôt ou tard, il faudra compter avec la question atlantiste.

Gabriele Melchiorre.

jeudi, 22 avril 2021

Ukraine et nouvelle guerre froide

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Ukraine et nouvelle guerre froide

par Irnerio Seminatore

Ex: http://www.ieri.be/fr/publications/wp/2021/avril/ukraine-...

Les tensions entretenues par les États-Unis et l'Otan en Ukraine, en soutien du bellicisme de Kiev et du but déclaré de cette dernière de remettre en cause l'autonomie des provinces séparatistes de Donetsk et Lougansk, dans la tentative d'unifier un pays historiquement divisé entre deux pôles d'influence, l'Europe et la Russie, sont susceptibles de provoquer une escalade aux incertitudes multiples. Les répercussions conflictuelles de cette aventure n'épargneront pas l'Europe, subalterne et impuissante et suivront un clivage qui va des pays baltes à la Mer Noire et du Caucase à la Turquie et à la Syrie. Elles remettront à l'ordre du jour un conflit, dont l'aspect principal n'est plus celui de 2014, "partition européenne ou partition du pays", mais la confirmation d'une forme d'instabilité régionale à précarité permanente.

L'explication des tensions dans le Donbass, ainsi que de la "Nouvelle Guerre Froide", trouvent leurs raisons d'être dans les élargissements continus de l'Otan, à proximité des frontières de la Russie et dans la modification de l'équilibre global des forces entre les États-Unis, la Russie et la Chine à l'ère de la multipolarité. Ce déséquilibre se traduit par une remise en cause de la dissuasion et par la nouvelle doctrine américaine d'emploi de l'arme nucléaire à des fins tactiques, mais ayant des répercussions stratégiques d'ordre général Le débat qu'elle suscite et les adaptations qu'elle exige, remettent en discussion la centralité de l’atome, ainsi que l'équilibre stratégique sur lequel ils reposaient. Par conséquent la distribution des alliances s'effectue en fonction d'un choix systémique et d'une géopolitique planétaire, qui discrimine entre puissances du Hearthland et puissances du Rimland, puissances du"statu-quo" et puissances révisionnistes, pions géostratégiques (Arménie et Azerbaïdjan-Turquie) et pays-pivots (Iran,Turquie), opérant par bonds et croisements, entre arcs de crise et axes de rapprochement. Dans l'échiquier du grand Moyen Orient l'axe chiite Téhéran-Bagdad-Damas-Beyrouth, débouchant sur la Méditerranée, sera le premier à intéresser la Russie et, par ricochet, la Chine, les États-Unis et Israël. La redistribution des alliances qui en découle, oriente l'identification de l'adversaire de la part de l'Occident, en la Russie,au moyen d'une triple campagne, d'isolement, de sanctions et d'information, par une flagrante inversion des responsabilités.

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Du point de vue historique, l'aggravation de la sécurité européenne consacre l'échec des politiques de voisinage de l'UE (PEV) à l'Est et les instabilités des pays issus de l’écroulement de l'URSS, ou de "l'étranger proche" (Bélarus, Caucase, Asie centrale). Elle dévoile la subordination politico-stratégique aux États-Unis et à l'Otan d'une Union, dont la vacuité politique et intellectuelle semble se résumer aux querelles personnelles et protocolaires (le Sofagate), échappant aux demandes de sécurité et d'autorité des populations et à l'oubli des vulnérabilités géopolitiques des Nations et des États.

Au niveau du système international la vassalité européenne a deux sources principales et permanentes, la protection nucléaire de l'Amérique et la stabilité régionale assurée par celle-ci tout au long de la bipolarité. Ainsi la culture de défense hégémonique, qui porte les États-Unis à une projection de puissance dangereuse, frôle la provocation, en Europe (Pays-baltes, Pologne, Bélarus et Ukraine..), au Grand Moyen Orient (Syrie, Turquie, Iran et Irak) et en Asie (Taïwan et région de l'Indo-Pacifique).

En ce sens les tensions et le conflit potentiel vis à vis de la Russie, par Ukraine interposée, font partie d'une tentative de désarticulation de la continuité géopolitique de l'Europe vers l'Asie (Brzezinski) et de la Chine vers la région de l'Indo-Pacifique. Cette fracturation du monde comporte de multiples facteurs d'incertitude et de multiples formes de vassalité entre les divers pays, et principalement, en Europe, entre les pays d'obédience et d'influence atlantique stricte (GB, Pays nordiques, Hollande, Belgique, Pays baltes et Pologne) et les pays du doute et de la résistance (France, Italie,Allemagne etc) vis à vis du Leader de bloc. Dans une sorte de jeu d'échec planétaire la région des Balkans, de la Mer Noire, de la Caspienne, du plateau turque, du Golfe, de l'Iran, de l'Inde, d'Indonésie, du Japon et d’Australie fait partie des zones à hégémonie disputée et demeure sujette à l'influence grandissante de la realpolitik chinoise (Hong-Kong et Taïwan).

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Les césures au sein de l'Ukraine: le vote Ianukovitch en 2010

C'est dans ce cadre que se tissent et se resserrent les nouvelles alliances et se précisent les enjeux stratégiques et les clivages de civilisation. C'est encore dans ce cadre que se partagent ou se disputent les anciens héritages et les vieilles allégeances. Les raisons qui, selon l'ancien conseiller de Reagan à l'économie, Paul Claig Roberts ont poussé à la deuxième guerre mondiale, le remplacement de la Grande Bretagne par les États-Unis, pourraient jouer le même effet d’entraînement vers la troisième, concernant la substitution de la vieille Union Soviétique par le duopole Russie et Chine. Dans cette perspective de glissement vers une confrontation inter-étatique de haute intensité, la "nouvelle guerre froide" ne serait qu'un prélude du conflit qui se prépare et, parallèlement une dilation pour la réconfiguration générale du système, qui passe par une "guerre limitée" et locale, mais peut se poursuivre par une "guerre illimitée".

L’Ukraine, baromètre des relations entre Washington et Moscou ?

En revenant aux tensions entre Kiev, le Donbass, la Russie et l'Occident, l’Ukraine est elle devenue le baromètre des relations entre Moscou et Washington? L’Ukraine a exclut vendredi 16 avril, toute possibilité d'une offensive militaire contre les séparatistes des républiques autoproclamées de Donetsk et Lougansk. Au vue des déclarations officielles, le Général Rouslan Khomtchak, commandant en chef des forces armées ukrainiennes a confirmé que "La libération par la force des territoires occupés temporairement conduira inévitablement à de nombreuses pertes civiles et militaires, ce qui est inacceptable pour l'Ukraine". Dans un communiqué ultérieur il a soutenu l'idée d'une solution "politique et diplomatique", pour récupérer les territoire perdus. A la veille de l'exercice de l'Otan, "Defender Europe", le plus important depuis la Guerre froide, prévu pour le printemps 2021, dans 16 aires différentes du continent et concentré principalement dans les régions des Balkans, de la Mer Noire et de la Baltique, avec la participation de 28.000 hommes et pour la durée de trois mois, Moscou a déclaré qu'une offensive ukainienne dans le Dombass, signerait la fin de l’État ukrainien. Pourquoi ce conflit, qui dure désormais depuis sept ans et qui ne se déroule pas entre Philadelphie et le lac du Michigan , pousse à une intervention "musclé"de Joe Biden, depuis la Maison Blanche, se déclarant favorable à des sanctions contre la Russie? Et pourquoi, côté européen, Zelensky s'empresse d'obtenir le soutien de deux États-membres du quatuor "Format Normandie", la France et l'Allemagne, signataires des accords de Minsk 2, concernant le règlement des contentieux russo-ukrainiens de 2014? S' il s'agit du "Syndrome Sakaachvili" de 2008, quelles sont les voies des scénarios possibles ?

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Face à la dissymétrie des forces, les trois hypothèses prévisibles, "percée russe en profondeur et occupation durable du territoire", "flambée de violence élevée, mais de courte durée, suivie d'un règlement politique rapide", "retour au calme et fin du conflit", la première serait coûteuse, la deuxième aléatoire et la troisième plus payante, car elle permettrait d'influer sur la politique intérieure ukrainienne et de bloquer l'adhésion de l’Ukraine à l'Otan. Cette hypothèse ne pourrait pas faire l'économie d'une négociation et d'une entente avec les USA. Joe Biden est à son Rubicon: "Hic Rhodus, Hic salta!"

Guerres visibles, invisibles, dissuasives et hybrides,

à l'épreuve de la guerre d’Ukraine et du modèle de guerre de Clausewitz

Avec du recul, les tensions et le conflit potentiel entretenus en Ukraine depuis 2014 nous forcent à revenir sur la relation entre guerre et politique et sur le retour, aux yeux de l'Occident, de la figure de l'ennemi, se définissant par l’incompatibilité de principes et de projets politiques, qui président à l'action de guerre. Le modèle de conflit westphalien, fondé sur la soumission de la guerre au but défini par l'intelligence personnifiée de l’État, était fondé sur l'étonnante trinité, de l'entendement pur (gouvernement), de la libre activité de l'âme (armée ou chef de guerre) et de l'impulsion naturelle aveugle (peuple). Ce modèle, qui imposait des limites à la guerre, a vu l'éclatement de son unité et nous force aujourd’hui à des réflexions indispensables sur les réalités du conflit en cours à l'est de l’Ukraine. Il s'agit d'une guerre classée comme "hybride" et caractérisée par une inversion de la relation entre guerres visibles (soumettre) et guerres invisibles, cachées ou secrètes (contrôler). Elle conduit à la décomposition du lien clausewitzien entre objectifs civils et militaires et donc à une multiplicité des formes d'affrontement. Au pluralisme des acteurs civils et militaires, légaux et illégaux, la pensée stratégique lui assigne des modes d'actions divers, qui dans le cas de l’Ukraine, maintiennent le seuil de la réponse au dessous du conflit (inter-étatique). Ce dernier fonctionne comme une couverture arrière et visible du champ d'affrontement entre acteurs de la scène internationale, plus vaste et plus profond, qui se manifeste sur le terrain des combats locaux, comme la "ruse" du tiers non engagé, la Russie. L'action de terrain dispose ainsi, par paradoxe, d'une couverture visible (mouvements de troupes et réserves importantes, prêtes à intervenir, au delà d'une "ligne rouge" politique), qui acquièrent une valeur dissuasive ou de réplique défensive. Cette couverture (ou ruse) interdit l'accès au conflit d'autres acteurs tiers, l'Otan ou les États-Unis, étrangers aux engagements en cours. Ce jeu des parties assigne une position favorable à la force belligérante et irrégulière de Donetsk et Lougansk, en position de défense, selon le principe de l'art de la guerre pour lequel : "Qui tient la défense (ou la ruse), tient l'attaque, et qui tient l'attaque (ou l'initiative) tient la victoire !" Kiev apparaît ainsi vulnérable et fautive, comme les forces de soutien venues de l'Ouest. placées dans l’impossibilité d'atteindre leur but, celui d'une percée, d'une guerre d'embrasement et, au final, d'un rapprochement aux frontières de la Russie.

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Sous l'unité d'un même concept de guerre retrouverions nous l'unité d'un même concept d'ennemi? Celui schmittien de l'hostis (ennemi public), qui aboutissait à la conception de la guerre comme duel ou guerre discriminatoire, sous l'effet des conceptions universalistes et "utopiques", étendues à un ordre global. La guerre-discriminatoire (adoptée contre l'Allemagne nazie et aujourd'hui contre la Russie poutinienne) comporte la criminalisation de l'ennemi, dans le but de l'éradiquer, en autocrate et en coupable de tueur d'opposants (Navalny), rabaissé au rang de criminel. La figure de l'ennemi change également de statut et présente la puissance hostile (Russie) en figure éversive de l'ordre international, par rapport à celle d'un acteur local, menacé et souverain (Ukraïne). Le processus de criminalisation de la politique étrangère et mondiale s'achève ainsi dans la tentative d'inverser les paradigmes politiques existants sous la surface accidentée de la géopolitique mondiale. En effet, le refus d’accepter la subordination euro-atlantique, dans le cadre de l'Otan, ne s'accompagne pas de l'esquisse d'un projet européen de sécurité. Or, la vraie question, qui n'a pas été posée et demeure pourtant capitale, est de savoir qui joue, de nos jours, en Europe le rôle du perturbateur et s'il y a encore un espace pour la stabilité et la négociation.

Dans le cas de la Russie poutinienne l'Occident est il en présence d'une ré-incarnation de la figure schimittienne et radicale de l'ennemi existentiel, à nier en sa totalité, ou non plutôt en face d'une puissance révisionniste, qui définit son rôle en termes de rapports de forces et peut jouer tour à tour, selon les cas et les situations, avec les autres puissances de la scène internationale, à l'antagoniste déterminé et principiel, à l'adversaire militaire aguéri et au partenaire diplomatique, calculateur et implacable ? Dans le cas de l'Ukraïne l'objectif historique d'Hégémon demeure toujours celui, esquissé par Brzezinski, d'éviter la constitution d'une logique et d'un bloc continental eurasiens, le Heartland, rivalisant avec les États-Unis et aujourd'hui avec la Chine. Pour rappel, l'évolution planétaire du monde, depuis l'effondrement de l'Union Soviétique a comporté une déterritorialisation des sociétés, dépourvues de frontières et la soumission du monde à la logique des flux, ou, en définitive, à la logique des marchés et de la mer. Au même temps l'élargissement de l'Union européenne et de l'Otan vers les grands espaces d'Asie a substitué le principe d'ordre des relations internationales, fondé sur l'universalisme abstrait du droit international public, par celui de la discrimination de l'ami et de l'ennemi et par le retour aux rapports de force du réalisme classique, dont la Russie est l'une des héritières et une maîtresse incontestée.

Bruxelles, 21 avril 2021

mardi, 20 avril 2021

Non, le soldat Ryan n'a pas sauvé les Afghans

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Non, le soldat Ryan n'a pas sauvé les Afghans

par Fulvio Scaglione

Source : Fulvio Scaglione & https://www.ariannaeditrice.it/
 
L'Afghanistan, le retrait et la honte
 
Joe Biden a annoncé le retrait des troupes américaines (3000 hommes) et, par conséquent, des troupes de l'OTAN (7000 hommes) d'Afghanistan. Et il a choisi une date suggestive, le 11 septembre, le jour des tours jumelles, pour parachever le retrait. Inutile de s'appesantir sur le fait que, là aussi, le nouveau président suit les traces de son prédécesseur, ne prenant que quelques mois de marge de manœuvre en plus:il programme ce retrait pour septembre non pas pour mai, comme l'avait suggéré Donald Trump. Deux autres faits importent davantage, que M. Biden a lui-même soulignés, du moins partiellement. La première, c'est que cette guerre de vingt ans a été un échec colossal. Les États-Unis ont dépensé à eux seuls deux trillions de dollars (deux mille milliards) pour la mener à bien, une somme qui aurait pu être utilisée pour prendre l'Afghanistan et le rendre à nouveau neuf. Pour la combattre, 3541 soldats internationaux sont morts, près de  000 soldats afghans, des dizaines de milliers de guérilleros et, surtout, environ 200.000 civils qui, selon les statistiques les plus crédibles, ont été tués à 40% par ceux qui étaient venus de l'autre bout du monde (y compris d'Italie, ndlr) pour les libérer.
 
Et quel est le résultat ? Selon toute vraisemblance, nous assisterons d'ici quelques mois à une répétition de la guerre civile des années 90, car les talibans sont réapparus bien renforcés, au point de pouvoir s'asseoir à la table des négociations de paix en tant qu'interlocuteurs faisant autorité. Il est clair qu'ils ont des plans très très différents pour l'avenir de l'Afghanistan de ceux qui, avec plus ou moins de succès, gouvernent dans l'ombre des canons de l'OTAN. Et selon toute probabilité, ce seront les talibans qui l'emporteront, forts du consensus grâce auquel, surtout dans les campagnes, ils n'ont jamais perdu. Comme dans un jeu de l'oie pervers, nous allons donc revenir presque exactement au point de départ. Vingt ans et 300.000 morts plus tard.
 
L'autre fait, incroyable si l'on s'éloigne de la vision américano-centrée qui a dominé pendant des décennies, est que ce retrait est la réplique d'autres retraits. Celui du Vietnam, par exemple. Ou celle, beaucoup plus proche de nous, de l'Irak, décrétée en 2011 par Barack Obama, qui avait Biden comme adjoint à la Maison Blanche. En Irak, nous savons comment cela s'est passé. George Bush Jr. et Tony Blair ont inventé un tas de mensonges sur les armes de destruction massive pour mener leur guerre coloniale. Ils ont ainsi produit une vague de violence et de destruction responsable de nombreux massacres (environ 15.000 soldats de différentes nationalités, des soldats et des contractants irakiens sont morts, au moins 30.000 soldats de l'armée de Saddam Hussein, au moins 50.000 insurgés et un nombre de civils que personne n'a pu ou voulu préciser, mais qui se chiffre en centaines de milliers de personnes), de la déstabilisation de toute une région et de ces ressentiments qui, plus tard, ont ouvert la voie à Al-Qaïda et à Isis.
 
Et pourtant, à chaque fois, on aboutit à un retrait plus ou moins retentissant, dont on parle comme d'un mérite, d'un geste astucieux, et non comme de la conséquence inévitable d'un formidable entêtement et d'une impitoyable politique. Je me  trouvais en Afghanistan en 2001, lorsque cette folie qui a duré vingt ans a commencé. Je suivais l'avancée de l'Alliance du Nord et il était clair à un kilomètre à la ronde qu'il s'agissait d'une fausse guerre, gagnée d'avance en achetant le consentement des tribus contre les talibans. Comme toujours, l'achat de la victoire n'a pas été difficile. Acheter la paix, en revanche, s'est avéré impossible. Vous verrez, dans vingt ans, ils feront la même chose avec la Syrie. Et ils diront les mêmes choses qu'aujourd'hui.

lundi, 19 avril 2021

La guerre des sanctions américano-russes: symbolique, substantielle ou stratégique?

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La guerre des sanctions américano-russes: symbolique, substantielle ou stratégique?

Par Andrew Korybko

Ex : http://oneworld.press/

L'intensification récente de la "guerre des sanctions" entre les États-Unis et la Russie a amené de nombreux observateurs à se demander si cette escalade est symbolique, substantielle ou stratégique.

L'imposition par les États-Unis, la semaine dernière, des sanctions les plus sévères contre la Russie depuis plusieurs années a incité la grande puissance eurasienne à réagir de la même manière. Reuters a publié une fiche d'information pratique sur les premières mesures prises par les États-Unis, tandis que Sputnik en a publié une sur les mesures prises par la Russie, toutes deux devant être consultées par les lecteurs qui ne sont pas parfaitement au courant de ce qui vient de se passer. Les États-Unis ont réagi très négativement à la réponse de la Russie en la considérant comme une "escalade", alors qu'il s'agissait essentiellement d'une mesure de réciprocité. Moscou a également laissé entendre qu'elle avait quelques autres tours dans son sac en matière de sanctions si Washington décidait d'aller plus loin. Il reste donc à voir ce qui va suivre, mais c'est le moment idéal pour réfléchir aux événements de la semaine dernière afin de déterminer s'ils sont symboliques, substantiels ou stratégiques.

Pour résumer, les États-Unis ont sanctionné la monnaie et la dette russes, les entreprises technologiques, les organes d'information et les fonctionnaires, tout en expulsant dix diplomates russes. La Russie a répondu en expulsant un nombre équivalent de diplomates américains, en publiant une liste de plusieurs responsables américains interdits de séjour dans le pays, en imposant des restrictions sur les pratiques d'embauche des missions diplomatiques américaines et sur les déplacements de ses diplomates, et en promettant de contrecarrer tous les efforts d'ingérence soutenus par les États-Unis en Russie. Les mesures américaines ont été prises sous le prétexte infondé d'accusations de piratage et d'ingérence de la part de la Russie, tandis que les mesures russes ont été promulguées par pure autodéfense. Les États-Unis visent à stigmatiser les entreprises russes, leur économie et les médias amis, tandis que la Russie entend dénoncer l'ingérence américaine dans le pays.

On peut affirmer que les deux séries de mesures sont symboliques, substantielles et stratégiques. Les Américains ont réagi à une guerre de l'information armée (symbolique), ont ciblé des éléments de l'économie russe (substantiel) et ont intensifié la campagne de "pression maximale" contre Moscou (stratégique). La Russie, quant à elle, a répondu en expulsant des diplomates américains et en publiant la liste des fonctionnaires qui ont été bannis (symbolique), en restreignant les activités diplomatiques américaines (substantiel) et en rendant ainsi plus difficile l'ingérence des États-Unis dans les affaires intérieures de la Russie (stratégique). Fondamentalement, les actions des États-Unis sont offensives tandis que celles de la Russie sont défensives, et les deux tentent d'obtenir des avantages stratégiques sur l'autre en termes de dynamique respective de leur compétition (les États-Unis agissant contre la Russie pour la déstabiliser tandis que la Russie riposte pour se protéger).

Contrairement à la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, aucune des deux parties ne peut vraiment infliger de dommages importants à l'autre puisque leurs pays n'ont jamais été "couplés" au départ pour se "découpler" au présent d'une manière qui pourrait être mutuellement préjudiciable. Cette observation présente des avantages et des inconvénients pour chaque partie. Le côté "positif" des choses est que les mouvements de chaque partie ont très peu de chances de provoquer l'autre à nuire de manière significative à ses intérêts, tandis que le côté "négatif" est que cela signifie que chaque partie peut au moins en théorie poursuivre ses mouvements sans relâche, en fonction de sa volonté politique de le faire, car il est peu probable que la réponse de son homologue l'affecte de manière négative. Évidemment, les déterminations "positives" et "négatives" sont relatives et, aux yeux des plus audacieux, dépendent également de leurs intentions, de leurs idéologies et d'autres facteurs de ce type qui diffèrent entre eux.

En gardant cela à l'esprit, il convient d'évaluer les chances de réussite de chaque stratégie respective. Celle des États-Unis n'aura de conséquences que si Washington a la volonté politique d'imposer des "sanctions secondaires" contre ceux qui achètent la monnaie et la dette russes, ce qui reste à voir. Toutefois, même dans ce scénario, la réponse russe pourrait consister, comme on peut s'y attendre, à se rapprocher de la Chine sur ces fronts, ce qui accélérerait leur grande convergence stratégique et renforcerait la "Ligue de justice" nouvellement formée entre ces deux grandes puissances au sein de la multipolarité réelle de notre monde. Quant aux chances de réussite de la stratégie défensive de la Russie, elles sont bien meilleures puisque les mesures prises par Moscou limiteront considérablement la capacité de Washington à s'ingérer dans ses affaires intérieures. C'est pourquoi il est prévu que les États-Unis perdent leur "guerre des sanctions" contre la Russie, même s'ils présentent leur échec comme un succès.

Par Andrew Korybko,

Analyste politique américain

Le grand jeu de la Turquie anime la géopolitique de la Méditerranée élargie

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Le grand jeu de la Turquie anime la géopolitique de la Méditerranée élargie

Par Luca Colaninno Albenzio

Ex : http://osservatorioglobalizzazione.it/

En 1911, l'Italie de Giolitti est entrée de force dans le ‘’bac à sable’’ libyen pour y secouer l'homme malade de l'Europe, mais les "alliés" loyaux de la Triple-Entente en ont récolté les fruits. En fait, en 1916, au plus fort de la Grande Guerre, avec l'accord secret Sikes-Picot, la France et la Grande-Bretagne se sont partagé le Moyen-Orient ottoman.

C'est une triste consolation de savoir que Mark Sikes, le principal inventeur et promoteur de la division géométrique des États du Moyen-Orient, dessinée et créée avec un crayon et une équerre, a été frappé par la terrible vengeance de Foscolo, qui s'est inévitablement abattue sur les anti-italiens. En effet, il est mort de la grippe espagnole en 1919. Quelle méchanceté!

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Plus de cent ans plus tard, les "alliés", silencieusement impatients dans l'ombre, voudraient que l'Italie s’occupe à nouveau l'arbre turc.

Le chaos libyen, causé par les "alliés", et l'irénisme pro-Erdogan creux, condescendant et invertébré de certains politiciens de la péninsule, risquent d'être étouffants à terme pour les intérêts italiens.

Les États-Unis, dans le conflit entre la Grèce et la Turquie, tous deux pays de l'OTAN, ont appliqué et appliquent la doctrine Luns, selon laquelle la solidarité de l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord sur l'aide mutuelle en cas d'agression n'est pas déclenchée, puisque les menaces ne viennent pas de l'extérieur, mais des pays membres [1].

Toutefois, dans les contrastes entre l'Italie et la France, la doctrine Luns [2] a également été écartée. En bombardant la Libye, qui n'est pas vraiment l'Italie mais constitue son arrière-cour, sur la base de raisons ‘’démocratiques’’ spécieuses, en 2012, les États-Unis se sont tenus aux côtés de la France et de la Grande-Bretagne et, face à la menace de détruire à la première attaque les installations pétrolières de l'ENI, une entreprise tierce et étrangère, les Américains ont été impassibles, tout comme ils ont ignoré les crimes des dictateurs parfois sanguinaires de la Françafrique.

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Pourquoi Blinken ne prononce-t-il pas un mot sur la situation des droits de l'homme en Turquie ?

Pourquoi la féministe Hillary Clinton n'aborde-t-elle pas la question des droits des femmes en Turquie ?

Pourquoi la Maison Blanche oublie-t-elle, sans même se le faire rappeler, que 8 % de la population américaine a des ancêtres italiens ?

Le fait d'avoir apporté une contribution essentielle à la victoire dans la guerre froide grâce au déploiement des euro-missiles Pershing et Cruise n'a pas aidé l'Italie.

On doit en déduire qu'à l'est d'Otrante nos "alliés" appliquent la doctrine de Luns, mais qu'à l'ouest celle-ci est interprétée en faveur de nos ‘’amis’’.

Avec des "alliés" de ce genre, il n'est pas nécessaire d'être contre qui que ce soit: ils se chargeront d'être anti-italiens, puisqu'ils ne considèrent rien ou presque de l'Italie, sinon à travers les stéréotypes les plus banals.

Tout ce que l'Italie doit faire, c'est agir pour protéger ses propres intérêts. C'est toutefois un jeu mortel [3].

Traitons l'analyse d'un scénario, peut-être le plus extrême.

L'Italie devrait, avec ou sans la ceinture proconsulaire de la Méditerranée, se réveiller du sommeil dans lequel les catégories tutélaires disparues de la guerre froide l’ont plongée, et agir, si nécessaire, même avec tous les instruments des relations internationales, en adoptant les précautions nécessaires.

Il n'y a pas d'autres pays qui puissent agir au moment propice.

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L'initiative européenne d'intervention (IEI), également pour le mérite d'un certain gouvernement italien en narcolepsie sur les thèmes de la politique étrangère, n'est guère plus qu'un fantôme peint en bleu, rouge et blanc.

Les navires français ont battu en retraite face aux navires turcs au large de Chypre et dans le golfe de Syrte. Marianne ne veut pas soutenir l'effort du premier coup, mais s'il y a des fruits à cueillir, on peut compter sur elle pour être une présence attentive et volontaire.

Même les navires italiens se sont comportés de manière inqualifiable en présence des navires turcs.

La Grèce est trop petite et trop déterminée à se défendre contre l'agression turque dans la mer Égée, dont les gisements d'hydrocarbures risquent d'être enflammés par les étincelles d'Erdogan, qui a jusqu'à présent eu les yeux plus gros que le ventre et n'en a pas payé le prix.

L'Albanie et la Libye accueillent, surtout en raison de l'insensibilité politique italienne, d'importantes présences militaires turques.

L'Allemagne est un mystère qui se tient entre le chantage de la Turquie et la solidarité européenne, à laquelle elle ne croit d'abord pas.

La Syrie pro-russe a des affaires inachevées avec la Turquie, qui occupe une longue bande de sa frontière, avec l'approbation de Poutine, mais pas d'Assad.

La Russie est l'autre membre de l'alliance russo-turque, contre-nature, oscillante et instable. Si, pour une raison ou une autre, l'OTAN se suicidait grâce à l'indifférence américaine ou si la Turquie s'en retirait, l'ours russe serait prêt à sortir de sa tanière et à en profiter pour s'étendre vers l'est et le sud, mais cela impliquerait l'intervention ultérieure des États-Unis, accompagnés du chien britannique, pour freiner son expansion.

La Chine lointaine, présente en force à Djibouti, serait un entrant tardif dans la mêlée.

Il est peu probable que les Saoudiens, les Égyptiens et les Émiriens y participent, à moins qu'ils ne soient directement impliqués.

Israël et l'Iran devraient être tenus à l'écart des contrastes : ils seraient des éléments de complication supplémentaires qui ne laisseraient pas indifférent.

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Les importantes minorités turques, opprimées par le nationalisme d'Ankara, pourraient être décisives pour réduire la taille de la Turquie.

Le problème se poserait de contrôler les détroits du Bosphore et des Dardanelles. Il serait inévitable de les confier à la Grèce, car il n'y aurait pas d'autres gardiens possibles.

Que feraient les Américains, les Russes, les Chinois, les Français, les Britanniques, les Italiens, les Syriens, les Grecs, les Kurdes, les Arméniens et les Turcs à la même table ? Ils se battraient pour imposer leur propre paix.

Le Talleyrand de l'occasion s'en prendrait aux autres.

Certaines conférences sont à éviter. L'histoire enseigne à l'Italie qu'ils sont des pièges utiles pour être trompés.

Il est plus avantageux de se concentrer de manière réaliste sur les fruits à récolter.

Demandons-nous toutefois si l'Italie dispose d'une classe politique propre, capable de mettre en œuvre un projet lucide de Relations internationales, sans commettre d'erreurs, d'imprudences et de facilités ?

Les Russes ont comme ministre des affaires étrangères Lavrov, qui, dès qu'il a senti le brûlé avec les Turcs, est allé en Egypte, adversaire de la Turquie, pour installer la Russie sur le détroit de Suez, déjà présente sur la mer Rouge.

Non satisfait de son succès, il s'est rendu en Iran pour fournir aux Iraniens, au mépris des sanctions occidentales, ce dont ils ont besoin pour être puissants.

Les États-Unis ont la plus grande administration étrangère du monde, mais ils ont eu des secrétaires d'État comme Hillary Clinton et des présidents comme Barak Obama parmi les co-auteurs irresponsables du gâchis libyen. On se souviendra d'eux comme de crédules fake news téléguidées sur la Libye et de préjugés sur l'Italie.

Le ministre turc des affaires étrangères, Cavusoglu, est une personnalité politique très respectée qui, à l'unisson avec Erdogan, poursuit avec assurance le même dessein politique expansionniste. Et qui est là à Rome ?

Notes :

1] Article 5 : Les Parties conviennent qu'une attaque armée contre une ou plusieurs d'entre elles en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque directe contre toutes, et conviennent en conséquence que si une telle attaque se produit, chacune d'entre elles, dans l'exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l'art. 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant immédiatement, individuellement et de concert avec les autres parties, telle action qu'elle jugera nécessaire, y compris l'emploi de la force armée, pour rétablir et maintenir la sécurité dans la région de l'Atlantique Nord. Toute attaque armée de ce type et toutes les mesures prises en conséquence seront immédiatement portées à l'attention du Conseil de sécurité. Ces mesures prendront fin lorsque le Conseil de sécurité aura pris les mesures nécessaires pour rétablir et maintenir la paix et la sécurité internationales.

2] La doctrine Luns tient son nom du Secrétaire général de l'OTAN, Joseph Luns, qui l'a élaborée en 1974 en réponse à la demande grecque d'intervention contre la Turquie en raison de l'invasion de Chypre.

3] Sur ce point, voir Aldo Giannuli, La Turchia di Erdogan, dans https://www.youtube.com/watch?v=f3DfFeO-HPI.

vendredi, 16 avril 2021

Kazakhstan : les États-Unis sont-ils derrière les provocations anti-chinoises ?

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Kazakhstan: les États-Unis sont-ils derrière les provocations anti-chinoises?

Sebastian Gross

Ex : https://xportal.pl/

Les manifestations organisées au Kazakhstan fin mars 2021 contre l'expansion économique chinoise (vous pouvez en savoir plus ici : https://xportal.pl/?p=38905 ) ont donné lieu à de nombreuses spéculations quant à l'identité du bénéficiaire final de ces protestations motivées par la sinophobie. En analysant le volume des investissements étrangers dans la plus grande république d'Asie centrale, on peut arriver à une conclusion inattendue: ce sont les États-Unis qui s'intéressent à la divergence sociopolitique entre le Kazakhstan et la Chine. Comme le disait le gangster américain Al-Capone: « Rien de personnel, c'est juste du business ».

Commençons par les chiffres. Selon le ministère de l'économie du Kazakhstan, les principaux investisseurs dans l'économie de cette ancienne république soviétique au cours des seize dernières années sont trois pays occidentaux: les Pays-Bas, les États-Unis et la Suisse. La Chine occupe la quatrième place en termes d'investissements (la Russie n'est qu'en cinquième position). Quant aux Pays-Bas et à la Suisse, il est clair qu'il s'agit de projets communs de sociétés multinationales qui ne sont "enregistrées" que dans les pays européens mentionnés. À titre de comparaison: les Pays-Bas ont investi 218,6 milliards de dollars au Kazakhstan, tandis que la Chine n'a investi que 19,5 milliards de dollars. Toutefois, examinons les investissements des États-Unis.

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Astana, capitale du Kazkhstan.

La plus grande entreprise à capitaux étrangers au Kazakhstan est la compagnie pétrolière Tengizchevroil, fondée par Chevron (USA), qui détient 50 % des parts, et ExxonMobil (USA), qui détient à son tour 25 % des parts. Il y a un mois, le magazine américain Forbes (1) expliquait que Chevron avait l'intention d'investir 22 milliards de dollars dans le projet Tengiz au Kazakhstan. L'empreinte américaine est également visible dans Karachaganak Petroleum Operating B.V. sous la forme d'une participation de 18 % de Chevron.

La production de cigarettes est la deuxième industrie la plus rentable au Kazakhstan après l'industrie pétrolière. Cette industrie est également dominée par les compagnies de tabac américaines, qui ont organisé des co-entreprises au Kazakhstan: Japan Tobacco International Kazakhstan, Philip Morris Kazakhstan et British American Tobacco Kazakhstan Trading.

Il est clair que la Chine est loin d'être à la hauteur de ce filon pétrolier du Kazakhstan. Pékin s'est contenté de petits investissements dans le développement et l'infrastructure de l'industrie minière et de transformation, dans l'ingénierie mécanique et les entreprises chimiques. En fait, toutes ces industries sont actuellement un terrain trop difficile pour les États-Unis. Le calcul des Américains est simple: semer les ferments de la sinophobie dans la société kazakhe, puis s'inquiéter de "l'occupation chinoise", exprimer des sentiments chaleureux à l'égard du "peuple kazakh épris de liberté" et enfin proposer de mettre le Kazakhstan sous protection. Et ce que signifie l'étreinte chaude et sulfureuse des "partenaires américains" est une chose connue de première main chez nous en Pologne, par exemple.

Cependant, l'initiateur des rassemblements anti-chinois, Zhanbolat Mamay, du Parti démocratique du Kazakhstan (opposition), ne compte pas baisser les bras. Après l'action de protestation, il a écrit un appel révolutionnaire sur Facebook (2): "La lutte continue! Nous ne permettrons pas la substitution de notre patrie!". L'opposant a noté que "les autorités ont tellement peur" qu'elles ont même coupé l'Internet à Almaty.

"Cela signifie que l'esprit du pays ne s'est pas éteint, nous sommes prêts à nous battre!" - il a continué à faire un appel émotionnel aux personnes qui pensent comme lui. "Nous ne restons pas assis à la maison quand le pays est en danger! Nous devons continuer à lutter contre l'expansion chinoise. Bien sûr, le problème ne peut être résolu par une seule protestation. Ce n'est qu'un des premiers pas vers une grande bataille. Il faut sauver notre pays, notre gouvernement doit revenir à la raison car il est endetté auprès de la Chine et met en péril notre indépendance !"

Tout cela signifie seulement que la lutte américano-chinoise pour les ressources dans ce pays le plus riche en minéraux d'Asie centrale sera permanente. La question intéressante, bien sûr, est de savoir s'il y a une place pour la souveraineté du Kazakhstan dans cette bataille.

***

« Solidarité kazakh » : la résistance à l'expansion chinoise s'accroît en Asie centrale

Au Kazakhstan, la plus grande république d'Asie centrale, un rassemblement contre l'expansion chinoise a eu lieu. L'action de protestation s’est déroulée le 27 mars 2021 à Almaty. Elle a été initiée par un politicien de l'opposition, Zhanbolat Mamay, du Parti démocratique du Kazakhstan. Sur sa page sur Facebook [1], l'opposant prévient :

"Les autorités ne diffusent pas trop d'informations sur les 56 usines chinoises au Kazakhstan. À l'avenir, cela deviendra une menace majeure pour l'indépendance de notre pays. La Chine ne donnera pas des milliards de dollars gratuitement. Ce n'est que le début de l'expansion économique et démographique. Les usines chinoises ne sont pas construites pour les travailleurs du Kazakhstan".

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Zhanbolat Mamay.

À titre d'exemple, Zhanbolat Mamay a cité les pays africains, où une expansion chinoise similaire s'est déjà révélée être un poison pour la souveraineté des républiques du continent noir. "La Chine a investi des centaines de milliards de dollars dans ces pays. En conséquence, les gouvernements africains sont totalement dépendants de Pékin. Ils y ont même ouvert leurs bases militaires ".

Expliquer que depuis 2017 seulement, dans la République est-africaine de Djibouti, a été rendue opérationnelle la première base étrangère de la marine chinoise. Toutefois, selon des sources ouvertes, l'intérêt de la Chine est également lié aux infrastructures d'autres ports militaires dans des pays africains tels que l'Angola (port de Lobitu), le Kenya (Lamu et Mombasa), le Mozambique (Beira et Maputo), la Tanzanie (Bagamoyo) et l'Érythrée (Massawa). La plupart de ces ports sont déjà utilisés par les navires d'approvisionnement chinois.

Il est difficile de contester la logique qui sous-tend les déclarations de l'homme politique d'opposition kazakh. Tout en appelant à un rassemblement anti-chinois, il pose également de bonnes questions: "Croyez-vous que le Kazakhstan, qui enverrait ses cadres dans la lointaine Afrique, en dépensant des dizaines de milliards de dollars, ne s'ingérerait pas dans l'économie, la politique et les affaires intérieures de son peuple ?".

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Toutefois, les sinophobes kazakhs ont aussi leurs adversaires, qui font valoir que, premièrement, l'Afrique est très éloignée et que, deuxièmement, les relations économiques entre le Kazakhstan et la Chine sont mutuellement bénéfiques, ce qui est lié au chiffre d'affaires commercial en constante augmentation. Cependant, les partisans du Parti démocrate ont un contre-argument fort, arguant d'une sorte d'"agression cachée" de la part de Pékin. Ils font référence aux "camps de concentration du Xinjiang", dont le nom officiel en Chine est "camps de rééducation", par lesquels sont passés des dizaines de milliers de Kazakhs vivant dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang en RPC.

"La population du Xinjiang n'est pas inférieure à celle du Kazakhstan. Cela signifie que Pékin transforme l'ensemble de l'État en un camp de concentration. Comment peut-on rester assis et regarder ça ? Lorsqu'il s'agit d'intérêts nationaux, nous devons tous être unis et solidaires. Nous avons besoin d'un parti de résistance pour arrêter l'expansion chinoise. Si nous ne prononçons même pas un mot pour l'instant, quand allons-nous enfin élever la voix? Combien de temps allons-nous rester sous la couette sans nous inquiéter pour chacun d'entre nous?" Force est de constater que les propos tenus par l'opposant kazakh sont similaires à ceux de l'époque de ‘’Solidarité’’ en Pologne, si l'on remplace "Chinois" par "Soviétiques".

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Outre les appels lancés sur les réseaux sociaux, les opposants à l'influence chinoise organisent des manifestations dans les rues des grandes villes kazakhes. Certes, la police n'a pas encore supprimé la propagande d'agitation, mais il faut se souvenir que Zhanbolat Mamay a été arrêté pendant trois jours en février 2021. Pour des appels similaires à un rassemblement illégal. On peut s'attendre à ce que, cette fois, les autorités kazakhes neutralisent l'opposant, ce qui, bien entendu, ne résoudra pas le problème global de la domination économique de la Chine sur le Kazakhstan voisin.

Sebastian Gross pour Xportal.pl

[1] https://www.facebook.com/zhanbolat.mamay/posts/3963018753740950

Guerre pour les eaux du Nil

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Guerre pour les eaux du Nil

Elshakasha Mahmoud Abdalkawi

Ex : https://www.geopolitica.ru/

En 2011, l'Éthiopie a annoncé son intention de construire un barrage sur les rives du Nil bleu, appelé barrage Heidasi, à 20-40 km de la frontière soudanaise, d'une capacité d'environ 16,5 milliards de mètres cubes. Il a été confié à l'entreprise italienne Salini par une commande directe, et a été nommé Projet X, mais le nom a rapidement été changé en ‘’Grand barrage du millénaire’’. La pose de la première pierre a eu lieu le 2 avril 2011, puis le nom a été changé pour la troisième fois le même mois pour devenir le barrage ‘’Great Ethiopian Renaissance Dam’’.

Le principal objectif du barrage est de produire de l'électricité pour compenser la grave pénurie d'énergie en Éthiopie, ainsi que d'exporter de l'électricité vers les pays voisins. Le barrage devrait être la plus grande centrale hydroélectrique d'Afrique et la septième au monde, avec une capacité prévue de 6,45 GW.

Le remplissage du réservoir a commencé en juillet 2020 et sa réalisation devrait prendre entre 5 et 15 ans, en fonction des conditions hydrologiques pendant la période de remplissage et également en fonction des accords qui seront signés entre l'Égypte, l'Éthiopie et le Soudan.

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Historiquement, les pays du bassin du Nil étaient autrefois des colonies de pays étrangers, puis ils ont acquis leur indépendance, et les premiers accords sur le partage des eaux du Nil ont été conclus en 1902 à Addis-Abeba entre la Grande-Bretagne en tant que représentant de l'Égypte et du Soudan, d’une part, et l'Éthiopie, d’autre part ; ils stipulaient qu'aucun projet ne devait être établi sur le Nil Bleu ou le lac Tana et la rivière Sobat.

Puis, en 1929, un autre accord a vu le jour, qui prévoyait la reconnaissance par les pays du bassin égyptien de leur part acquise des eaux du Nil, et que l'Égypte avait le droit de s'opposer aux entreprises éventuellement envisagées si ces pays lançaient de nouveaux projets sur le fleuve et ses affluents. Cet accord a été conclu entre l'Égypte et le Royaume-Uni, qui représentait le Kenya, la Tanzanie, le Soudan et l'Ouganda, pour réglementer le bénéfice que l'Égypte tire du lac Victoria. 7,7% des entrées sont allées au Soudan et 92,3% à l'Egypte.

Sous le règne de l'empereur éthiopien Hailé Sélassié, l'American Bureau of Reclamation a déterminé l'emplacement définitif du barrage de la Renaissance éthiopienne sur les rives du Nil Bleu de 1956 à 1964, mais en raison d'un coup d'État militaire en 1974, le projet a été arrêté.

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Le projet a été officiellement annoncé le 31 mars 2011, et le Premier ministre éthiopien Meles Zenawi a posé la première pierre du projet le 2 avril 2011.

L'Égypte, située à plus de 2 500 km du barrage, s'est opposée à sa construction car elle estime qu'il réduira sa part des eaux du Nil.

Le barrage est préjudiciable au Soudan et à l'Égypte. L'Égypte craint l'épuisement de l'eau compte tenu de la période de remplissage du réservoir et du processus d'évaporation de l'eau.

La taille du réservoir est équivalente au débit annuel du Nil à la frontière entre le Soudan et l'Égypte (65,5 milliards de mètres cubes). Cette perte risque de s'étendre aux pays en aval d'ici quelques années. Selon les rapports, entre 11 et 19 milliards de mètres cubes d'eau pourraient être perdus chaque année lorsque le réservoir sera rempli, ce qui entraînerait une perte de revenus pour deux millions d'agriculteurs pendant le remplissage du réservoir. Il affecterait également l'approvisionnement en électricité de l'Égypte de 25 à 40 % pendant la construction du barrage.

Le barrage de la Grande Renaissance éthiopienne pourrait également provoquer une baisse irréversible du niveau d'eau du lac Nasser si les flux étaient déplacées vers l'Éthiopie. Cela permettrait de réduire l'évaporation actuelle de plus de 10 milliards de mètres cubes par an. Elle réduirait également la capacité du barrage d'Assouan à produire de l'énergie hydroélectrique à hauteur de 100 mégawatts perdus en raison d'une baisse de trois mètres du niveau d'eau dans le barrage. Le barrage permettrait de conserver le limon qui alimente les sols agricoles de la vallée du Nil en Égypte et au Soudan.

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Mais d'un autre côté, pour l'Éthiopie, comme le Nil Bleu est un fleuve saisonnier, le barrage réduira les flux, y compris sur 40 km à l'intérieur de l'Éthiopie. D'une part, le barrage réduira les flux et est bénéfique dans la mesure où il protège les établissements humains des dommages qu’ils pourraient provoquer. Le barrage peut également servir de pont sur le Nil Bleu.

Le 23 mars 2015, lors d'un sommet trilatéral des présidents égyptien, éthiopien et soudanais à Khartoum, le président égyptien Abdel Fattah Al-Sisi, son homologue soudanais Omar el-Béchir et le Premier ministre éthiopien Haile Desaleny ont signé un document déclarant les principes de la construction du barrage Renaissance.

L'accord comprenait un document contenant dix principes à adopter par les trois pays pour le barrage Renaissance.

Ces dix principes comprennent la coopération, le développement et l'intégration économiques, l'engagement à ne pas causer de dommages significatifs à un pays, l'utilisation équitable et juste de l'eau, la coopération pour le premier remplissage du réservoir du barrage et son exploitation annuelle, le principe de la confiance, le principe du partage des informations et des données, le principe de la sécurité du barrage, le principe du respect, de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'État, le principe du règlement pacifique des différends et la mise en place d'un mécanisme de coordination permanent.

Le projet de barrage est une source de tension entre les trois pays depuis la pose de la première pierre en avril 2011. Il a été construit sur les rives du Nil dans le nord-ouest de l'Éthiopie, près de la frontière avec le Soudan. Il pourrait devenir la plus grande centrale hydroélectrique d'Afrique, avec une capacité de production d'environ 6 500 mégawatts.

L'Éthiopie fait pression pour poursuivre son projet de remplissage du barrage l'été prochain, malgré les protestations de l'Égypte et du Soudan. Le Caire et Khartoum exigent en effet la signature préalable d'un accord qui protégerait leurs ressources en eau. Addis-Abeba a annoncé en juillet 2020 qu'elle avait achevé la première phase de son projet de 4,9 milliards de mètres cubes, permettant ainsi de tester les deux premières pompes du barrage.

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L'Éthiopie estime que l'énergie hydroélectrique produite par le barrage sera vitale pour répondre aux besoins énergétiques de ses 110 millions d'habitants. Le président du pays, Ahmed Abi, espère que le projet permettra une percée en matière de développement et nie que son intention soit de nuire à l'Égypte. Il explique : "Je veux que nos frères égyptiens et soudanais comprennent que nous ne faisons pas cela...". Nous avons besoin d'une lampe. La lumière ne leur fera pas de mal, mais elle se répandra sur eux."

Quant à l'Égypte, elle considère le projet de barrage comme une menace, car elle dépend depuis toujours du Nil, qui lui fournit environ 97 % de son eau d'irrigation et de son eau potable. Le Soudan, quant à lui, craint que ses propres barrages ne soient endommagés si l'Éthiopie remplit complètement le barrage.

Bien sûr, l'Égypte et le Soudan voient l'affaire d'une manière qui contredit l'approche éthiopienne, à commencer par le cadre général dans lequel les trois pays négocient. L'Égypte et le Soudan demandent l'inclusion des États-Unis et de l'Union européenne ainsi que des Nations unies dans l'Union africaine qui parraine les négociations, ce qu'Addis-Abeba rejette.

L'Éthiopie estime que "les problèmes africains peuvent être résolus par les Africains eux-mêmes". Nous respectons la sagesse africaine et les négociations en cours sous les auspices de l'Union africaine aboutiront", a déclaré une porte-parole du ministère des affaires étrangères d'Addis-Abeba. De son côté, le ministère égyptien des affaires étrangères a estimé qu'"une telle position montre une fois de plus le manque de volonté politique de l'Éthiopie de négocier de bonne foi."

Sur la chaîne égyptienne Echo Al Balad, le journaliste Ahmed Moussa a vivement critiqué le blocage des négociations et a estimé que l'Égypte payait le prix de "ce qui s'est passé en 2011" en raison de la situation du pays à l'époque, notant qu'Addis-Abeba avait profité de la situation de l'époque pour lancer la construction d'un barrage. Moussa estime que l'Éthiopie a "choisi le moment" aujourd'hui pour faire avancer son projet car l'Égypte est "préoccupée par ses problèmes internes".

La poursuite de cette crise menace la stabilité de la région, surtout avec la rhétorique croissante que l'Égypte et le Soudan ont commencé à tenir en raison de leur frustration face à l'"intransigeance" de l'Éthiopie. Le président égyptien Abdel Fattah Al-Sisi s'est montré sévère dans ses commentaires, mardi, sur l'évolution du dossier.

Al-Sisi a dit : "Nous ne menaçons personne, mais personne ne peut prendre une goutte d'eau de l'Égypte [...]. Sinon, la région connaîtra un état d'instabilité que personne ne peut imaginer." "Violer l’état de choses actuel consiste à franchir une ligne rouge, et notre réponse aura une incidence sur la stabilité de toute la région".

Mais il a souligné que "les négociations sont le choix par lequel nous avons commencé, et toute action militaire serait inappropriée et aurait des conséquences qui s'étendraient sur de nombreuses années, car les gens n'oublient pas cela. Le Soudan, qui est également en conflit frontalier avec l'Éthiopie, a accueilli les Égyptiens pour un exercice conjoint des forces aériennes qui s'est terminé samedi ».

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Les inquiétudes concernant les relations égypto-éthiopiennes ont été exacerbées par la tentative d'assassinat du défunt président égyptien Mohamed Hosni Moubarak dans la capitale éthiopienne Addis-Abeba, alors qu'il s'apprêtait à assister au sommet africain de 1995.

Malgré cela, l'Égypte tient à se coordonner avec les pays du bassin du Nil sur les projets qu'ils mettront en place, car ces projets pourraient affecter la part d'eau de l'Égypte. L'Égypte cherche à sécuriser les sources d'énergie sur le Nil (Haut barrage) pour assurer son développement industriel, agricole et autre. Le Nil est l'une des sources les plus importantes de développement en Égypte, et la stabilité du Nil signifie la stabilité et la sécurité de l'Égypte, car l'eau est une ressource stratégique pour l'Égypte. Le prochain conflit sera celui de l'eau.

Cependant, compte tenu de la situation actuelle dans la Corne de l'Afrique, qui est actuellement secouée de conflits et de tensions, il ne semble pas que le monde puisse actuellement tolérer l'éclatement d'un conflit armé dans la région, ce qui peut augmenter les chances des négociations malgré sa volatilité.

Les trois pays, l'Égypte, le Soudan et l'Éthiopie, ont négocié âprement pendant dix ans sans parvenir à un accord sur le remplissage et l'exploitation du barrage. Alors que l'Éthiopie estime que le barrage est essentiel à son développement économique, l'Égypte et le Soudan le considèrent comme une menace vitale, car la première tire 90 % de son eau d'irrigation et de son eau potable du Nil.

Cette crise pourrait "s'éterniser", car il n'y a pas de sortie possible dans l'immédiat. Les trois pays devraient se tourner vers les intérêts futurs de leurs peuples pour réussir les négociations.

jeudi, 15 avril 2021

Les États-Unis renforcent leur présence en Mongolie

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Les États-Unis renforcent leur présence en Mongolie

Par Vladimir Odintsov

Ex : https://geopol.pt/2021/04/15/

Ces dernières années, la Mongolie a fait l'objet d'une attention croissante dans le cadre d'une stratégie américaine globale et multiforme visant à dominer le continent eurasien. Dans une certaine mesure, cela est dû à la quantité colossale de ressources naturelles et d'opportunités économiques dont dispose ce pays du centre de l’Asie, qui présentent un intérêt indéniable pour les milieux industriels et commerciaux américains. Toutefois, cela est encore davantage lié aux intentions de Washington d'utiliser la "patrie ancestrale de Gengis Khan" pour s'opposer à la Russie et à la République populaire de Chine (RPC), en mettant l'accent sur la "séparation" du peuple mongol, étant donné la présence en Chine de la Mongolie intérieure, une région autonome très étendue. De plus, la Mongolie a une longue frontière avec la Russie.

Selon les experts, les Américains sont clairement déterminés à établir des liens bilatéraux avec Ulan Bator et à inclure la Mongolie parmi leurs alliés les plus proches (avec Singapour, Taïwan et la Nouvelle-Zélande) dans la région indo-pacifique. Les analystes pensent que l'idée de coopérer avec Oulan-Bator est devenue particulièrement pertinente pour les États-Unis à la lumière de leurs relations tendues avec la Russie et la Chine ces dernières années.

En termes de volume total d'investissements directs étrangers (IDE) en Mongolie, les États-Unis occupent la sixième place (3,3 %), derrière la Chine et le Japon mais devant la Russie. Dans une large mesure, les investisseurs américains s'intéressent à l'industrie minière mongole, notamment à l'exploitation du plus grand gisement de charbon, Tavan Tolgoi. Bien que les investisseurs américains considèrent la Mongolie comme l'un des marchés les plus prometteurs d'Asie de l'Est, leurs activités d'investissement dans ce pays sont entravées par une bureaucratie lourde et inefficace, des niveaux élevés de corruption et des conflits financiers récurrents causés par le "nationalisme des ressources" mongol.

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Récemment, dans les discours des hommes politiques américains, on entend de plus en plus des paroles comme suit : "la fierté des États-Unis d'être le troisième voisin de la Mongolie". À ce sujet, les États-Unis font référence à un concept qui est apparu dans le vocabulaire des politiciens mongols après la révolution du début des années 1990. Géographiquement, la Mongolie ne partage ses frontières qu'avec deux pays, la Russie et la Chine, mais Oulan-Bator a déclaré à plusieurs reprises qu'aujourd'hui, elle n'avait pas l'intention de réserver tous ses contacts politico-militaires et économiques uniquement à ces deux États. C'est pourquoi la Mongolie est considérée comme un troisième voisin des pays avec lesquels la république entretient les relations les plus étroites, en citant notamment les États-Unis, le Japon, la Corée du Sud, l'Australie et les pays de l'UE, avec lesquels la Mongolie espère équilibrer l'influence russe et chinoise dans la région.

Le vecteur de l'expansion par Washington de ses sphères d'influence en Asie est visible depuis longtemps. En 2011, la représentante du parti démocrate Hillary Clinton, alors secrétaire d'État, a annoncé que la présence des États-Unis en Asie était une condition préalable au maintien du leadership mondial américain, car c'est en Asie que "la majeure partie de l'histoire du XXIe siècle sera écrite." Le principal adversaire de Washington dans la région reste aujourd'hui la Chine, qui apparaît dans les documents doctrinaux américains comme l'une des principales menaces.

Dans le document de sécurité nationale américain Strategic Framework for Engineering and Technology récemment déclassifié par la Maison Blanche et adopté en 2018, la Mongolie est considérée, avec le Japon, la République de Corée et Taïwan, comme l'un des principaux partenaires pour contenir "l'agression économique" de la Chine en participant à divers projets américains. L'une des expressions de cette politique a été l'allocation de 350 millions de dollars à Oulan-Bator pour moderniser le système d'approvisionnement en eau de la capitale, qui est devenu le plus gros investissement américain unique dans la région. Toutefois, Washington cherche systématiquement à souligner que la nature gratuite de l'aide américaine est censée se comparer favorablement aux programmes d'infrastructure de la Chine, qui impliquent en règle générale la mise en place de prêts liés.

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Afin d'accroître la présence américaine en Mongolie en 2019, l'USAID a repris son travail, qui a annoncé début 2021 le financement de deux programmes de promotion du développement agricole pour un montant de 4,3 millions de dollars.

Avec la participation active de l'USAID, on a assisté récemment à une expansion dynamique des activités de nombreuses ONG en Mongolie, dont beaucoup ont été créées dans diverses domaines pour "étendre la démocratie". Ainsi, selon le ministère mongol de la Justice et de l'Intérieur, en 2019, plus de 20.000 ONG étaient officiellement enregistrées dans ce pays (et ce pour une population de trois millions d’âmes!), dont la plupart sont financées par l'étranger. Par exemple, les militants de l'ONG Mongolian Youth Union mettent en œuvre un projet selon lequel les hommes politiques mongols sont placés sur une liste noire ou blanche en fonction de leur degré de corruption. Mais en même temps, il s'avère que les médias coordonnent ces listes avec les dirigeants des structures américaines telles que le Peace Corps et l'USAID! On comprend maintenant pourquoi les hommes politiques mongols considérés comme "pro-russes" sont principalement inclus dans la liste dite "noire". En étant placés sur une telle liste "noire", ils ont déjà peu de chances d'être inclus dans le nombre de membres du parlement mongol...

Un autre exemple est le travail actif en Mongolie d’une autre ONG, qui œuvre avec les politiciens locaux (principalement avec les parlementaires) et leur circonscription ; cette ONG dépend de l'Institut républicain international (IRI), qui, en 2016, a été interdit en Russie en raison d'une ingérence flagrante dans les affaires intérieures des pays. Cette ONG organise régulièrement des voyages aux États-Unis pour des législateurs mongols et d'autres dirigeants politiques mongols de premier plan, ce qui pourrait raisonnablement être considéré comme un acte de corruption.

En outre, avec le soutien actif de l'ambassade des États-Unis en Mongolie, de la Fondation Soros, d'une secte religieuse telle que l'Église adventiste du septième jour, un certain nombre d'autres organisations opèrent aujourd'hui. À en juger par les états financiers, la Mongolie n'est pas épargnée, notamment par les structures américaines qui se font passer pour des ONG et agissent pour promouvoir la "démocratie à l'américaine". Compte tenu de ses chiffres importants pour une population modeste de trois millions d'habitants, la Mongolie aurait dû devenir depuis longtemps "un bastion mondial de la démocratie et de la prospérité", ce qui n'est toutefois pas clairement visible... Elle aurait dû atteindre les buts et objectifs qui lui ont été fixés, notamment dans le cadre de la confrontation avec la Russie et la Chine.

Afin d'éviter de devenir complètement contrôlée par l'influence étrangère, la Mongolie aurait dû adopter depuis longtemps une loi "sur les agents étrangers", comme l'ont d'ailleurs fait les États-Unis eux-mêmes, qui ont adopté la FARA (Foreign Agents Registration Act) dès 1938. D'ailleurs, non seulement aux États-Unis mais aussi dans de nombreux autres pays, les activités avec participation étrangère sont strictement contrôlées, notamment en Grande-Bretagne, en Israël, en Inde, en Allemagne et dans d'autres pays qui s'occupent de manière responsable de leur sécurité et de leur souveraineté politique.

En 2018, l'aspect militaire s'est ajouté à l'aspect politique et économique de la stratégie américaine envers la Mongolie. Oulan-Bator est désormais considéré comme un partenaire régional majeur de l'Initiative mondiale pour les opérations de paix, qui vise, comme son nom l’indique, à soutenir les opérations de maintien de la paix. La coopération entre les États-Unis et la Mongolie se met ainsi en place dans le cadre des opérations de maintien de la paix des Nations unies en Afrique et de l'OTAN en Afghanistan.

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Dans le cadre du programme de partenariat d'État américain, le personnel technique et d'ingénierie a renforcé la coopération entre la Garde de l'Alaska et l'armée mongole, notamment lors des exercices internationaux "In Search for Khan" et "Gobi Wolf" qui ont lieu chaque année en Mongolie.

L'attention croissante que Washington porte à la Mongolie et à ses relations avec ses deux voisins naturels, la Russie et la Chine, est démontrée par ce qui s'est passé en janvier de cette année: l'élargissement du personnel de l'ambassade des États-Unis à Oulan-Bator à 12 diplomates à la fois, dont 4 sont des spécialistes de la Russie et de la Chine. Deux autres employés de l'USAID sont arrivés en Mongolie l'été dernier.

Par conséquent, les habitants de la Mongolie ne devront pas se détendre dans les mois à venir, surtout à la veille des prochaines élections présidentielles mongoles qui se tiendront dans le pays au cours de l'été et pour lesquelles les États-Unis ont déjà commencé à préparer activement leur intervention, et pas seulement par le biais de l'option déjà testée consistant à utiliser les ONG et les médias contrôlés.

Source : New Eastern Outlook

De strijd om het Hartland

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De strijd om het Hartland

“Wie over Oost-Europa regeert, regeert over het Hartland; wie over het Hartland regeert, regeert over het Wereldeiland; wie over het Wereldeiland regeert, regeert de wereld.” – Halford John Mackinder, “De geografische spil van de geschiedenis”

Het Hartland

De Engelse geograaf John Halford MacKinder (1861-1947) defnieerde het “Hartland” als het gebied dat grofweg was gelegen tussen rivieren de Wolga en de Yangtze. Het Hartland vormde volgens MacKinder de kern van het “Wereldeiland”, dat gevormd werd door de continenten Europa, Azië en Afrika. Op dit Wereldeiland bevonden zich het merendeel van de grondstoffen die noodzakelijk waren geweest voor de industriële revoluties van de negentiende eeuw. MackKinder vormde zijn theorieën op het moment dat Groot-Brittannië op het hoogtepunt van haar koloniale macht was, en aanzag in de continentale machten die controle zouden kunnen verwerven over dit Hartland een mogelijke tegenstrever. Dankzij scheepvaart en kolonialisme was het Britse Rijk immers het machtigste imperium ter wereld geworden, maar technologie had in de negentiende eeuw een stevige vaart vooruit genomen en de connectiviteit van Eurazië door middel van spoorwegen zou van de landmacht die er controle over verwierf een zeer geduchte concurrent maken van de Angelsaksische maritieme macht.

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Het Britse imperium is ondertussen al lang over zijn hoogtepunt heen, maar maritieme macht in de vorm van megacontainers en vliegdekschepen bleef ook na de Tweede Wereldoorlog de ruggengraat vormen van het Atlantische strategische en economische blok, geleid door de Verenigde Staten van Amerika. Vanaf de jaren ‘90 werd deze maritieme geografische hoofdstructuur een van de voornaamste drijfveren van de globalisering. De schrik voor de onmetelijke landmassa van het Hartland bleef er over de jaren heen evenwel inzitten. De Duitse geopoliticus Haushofer volgde het idee van MacKinder maar maakte van de bedreiging een deugd. Maar de Duitsers slaagden er niet in hun geopolitieke Drang nach Osten in duurzame resultaten om te zetten en met de nederlaag van Nazi-Duitsland werd de Sovjet-Unie, en daarmee ook haar nationaalcommunistische ideologie, de onbetwiste heer en meester over het Hartland. Vanaf 1946 was de strategie van containment van het Westen, voor het eerst als zodanig gedefinieerd door de Amerikaanse diplomaat George F. Kennan, er dan ook op gericht om het Hartland binnen haar eigen natuurlijke begrenzingen te houden. De wereldwijde geopolitieke aspiraties van dit “Oostblok” -een combinatie van Russisch messianisme en marxistisch universalisme- zorgden voor verschillende uitzaaiingen in de Derde Wereld, maar de tegenstelling tussen continentale en maritieme macht bleef niettemin gedurende de twintigste eeuw grotendeels gehandhaafd. Door een ingebouwde vorm van inertie implodeerde de Sovjet-Unie onder haar eigen gewicht in 1991, maar de schrik voor het continent bleef erin zitten. Daarom schoof het Westen in de loop van de daaropvolgende decennia haar oostgrenzen dan ook zoveel mogelijk op naar het Hartland, als een koloniserende en extraherende macht, die de voormalige Oostbloklanden van Centraal-Europa als wingewest voor goedkope arbeid en afzetmarkt voor tweedehandsproducten ging gebruiken. De verrassende herrijzenis van Rusland in de laatste twintig jaar en de versnelde opkomst van China zorgden echter voor een kentering in dit model. Het bestaande Westerse liberaal-kapitalistische model van globalisering en neoliberalisering werd op de proef gesteld en de culturele tegenstellingen binnen de Westerse samenlevingen namen toe. De grootmachten op het Wereldeiland vertegenwoordigden in toenemende mate een alternatief geopolitieke en ideologisch model, dat de heersende verhoudingen op fundamentele wijze is gaan uitdagen.

Instabiliteit in de post-Sovjetruimte

Het afgelopen jaar werd gekenmerkt door een opvallende mate van instabiliteit in dit Eurazische hartland. Niet geheel toevallig vond dit alles plaats in het jaar voorafgaand aan de Amerikaanse presidentsverkiezingen, waarbij een einde kwam aan de atypische regeringsperiode van Donald Trump. Tot de meest in het oog springende zaken behoorden wellicht de betogingen in Wit-Rusland in de late zomer en het najaar, waarover wij al eerder uitgebreid berichtten op deze blog. De impopulair geworden autocraat Loekashenko zag zich geconfronteerd met massale protesten, bijgewoond door tienduizenden betogers, na een betwistte verkiezingsoverwinning in augustus 2020. Na een laatste opflakkering in november zijn de grote betogingen evenwel stilletjes aan uitgedoofd. Maar al even markant was de “vergiftiging” van de door de westerse media tot “liberale oppositieleider” gekroonde onderzoeksjournalist Aleksej Navalny in Rusland zelf, gevolgd door zijn gehypete terugkeer begin dit jaar en de “golf” van protesten die vervolgens in verschillende Russische steden plaatsvond van Vladivostok tot Kaliningrad. In tegenstelling tot Wit-Rusland volgden hier geen maanden onlusten. De opkomstcijfers vielen reeds in de eerste week sterk tegen (volgens de organisatoren in Moskou een 40 000-tal man, maar vermoedelijk eerder rond de 20 000) en de aantallen liepen al vanaf de tweede week terug, waarna de oppositiebeweging er uiteindelijk zelf de stekker uit trok. Koning winter kreeg de schuld toegeschoven, maar zoals Felix Light beargumenteert in The New Statesmen, is het zeer onwaarschijnlijk dat de protesten ook maar enige impact zullen hebben indien ze zouden wederkeren in september, het moment van de nieuwe Doemaverkiezingen.

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De Russische dissident Alexei Navalny leidt een demonstratie ter nagedachtenis van Boris Nemtsov in het centrum van Moskou op 29 februari 2020. (Foto door Kirill KUDRYAVTSEV / AFP)

Maar daartoe bleef het tumult in de post-Sovjetsfeer niet beperkt. In Moldavië nam de pro-Europese en pro-Westerse presidentskandidate Maïa Sandu het in november op tegen de als pro-Russisch gepercipieerde Igor Dodon. Zij won dankzij de steun van de diasporastemmen, maar ook omdat een derde kandidaat, Renato Usatîi, de burgemeester van Bălți, zijn steun in de tweede ronde uitsprak voor Sandu. Usatîi is nochtans zelf woonachtig in Rusland en wordt tot het persoonlijke entourage van Vladimir Poetin gerekend, maar stond tevens bekend als een stevig criticus van Dodon, die hij van meerdere corrupte praktijken beschuldigde. De overwinning van Sandu leidt er niettemin toe dat liberale krachten in het Westen het draagvlak voor euro-atlantische integratie in Moldavië nu sterk overschatten. Ten eerste woont een groot deel van haar electoraat ondertussen al lang zelf in het Westen, en niet in Moldavië. Ten tweede haalden Dodon en Usatîi tijdens de eerste ronde samen meer dan 50% van de stemmen, diasporastemmen meegeteld. Hun geopolitieke oriëntatie is op het oosten gericht, maar een deel van het electoraat van de laatste heeft uit persoonlijk antagonisme tussen de beide kandidaten zijn stem dus achter de tegenkandidate gegooid. Zoals het evenwel vaak snel kan keren in voormalige Oostbloklanden, hebben Dodon en Usatîi ondertussen de onderlinge verschillen opzijgezet en binden ze de strijd aan met Sandu, wiens liberale PAS-partij ondertussen nog steeds enkel over een parlementaire minderheid kan beschikken.

In Oekraïne kan de desillusie over de Maidan-revolutie van 2014 ondertussen niet groter zijn. In 2019 dook het land nu officieel onder Moldavië door in de statistieken als armste land van Europa. Van euro-atlantische integratie is tot nu toe maar weinig terecht gekomen. Alle grootse woorden en beloften ten spijt, eenmaal het Oekraïense volk zich voor de juiste geopolitieke kar had laten spannen, verdampten de beloofde investeringen -met uitzondering van de militaire- als sneeuw voor de zon. Maar goed, het is #Kyivnotkiev natuurlijk – een kwestie van prioriteiten te stellen. Het is des te opmerkelijker hoe liberale griezels, die in het Westen als eersten op de barricaden staan om te ontkennen dat natievorming ook maar iets anders kan zijn dan een patriarchaal hyperconstruct, op de eerste rij staan om eer te betuigen aan “de Oekraïense natie” want dat is “so much more a European country”. More European dan Mordor, zullen we maar denken. We zullen bij Zannekinbond de laatsten zijn om de soevereiniteit en legitimiteit van een Oekraïense (Volks)republiek, met haar complexe en geheel eigen culturele, etnische en historische achtergronden, te ontkennen. Niet voor niets werd na de val van het tsarendom een aparte Oekraïense Sovjetrepubliek gecreëerd. Binnen een gedeelde Eurazische ruimte, zijn Rusland en Oekraïne twee aparte, onderscheiden naties, die na de implosie van de Sovjet-Unie hun eigen proces van moderne natievorming hebben ondergaan. Maar de onderlinge culturele verwantschappen, de gedeelde historische wortels alsmede de gemeenschappelijke belangen glashard ontkennen ten gunste van een handvol neoliberale mooipraters in Brussel, was zonder meer de meest rampzalige beslissing die een volk in het afgelopen decennium heeft gemaakt. Een volk dat tenslotte in de eerste plaats komaf wou maken met een oligarchie, maar er gewoon een andere voor in de plaats heeft gekregen. De absurde decommunisatie- en taalwetten van Poroshenko en Zelyninsky zijn holle praatjes die geen economische gaatjes hebben gevuld. Het neerhalen van standbeelden, het veranderen van straatnamen en uiteindelijk ook het verbannen van Russisch, niet alleen in officiële communicatie van de overheid en het onderwijs maar ook in de winkels en straten, hebben het leven van de Oekraïners niet verbeterd maar een derde van de bevolking (de Krim en de Donbas niet eens meegerekend) veroordeeld tot een bestaan als tweederangsburgers. Tegen die achtergrond is het niet verwonderlijk dat de pro-Russische en socialistische OPZZh in de peilingen tot de populairste partij is uitgegroeid. In Kyiv reageert het regime van de aanvankelijk nochtans als pragmatisch bekendstaande Zelyninsky nu met repressie en het bannen van Russischtalige televisiestations en sociale media-accounts. En met het recente heropvoeren van de vijandelijkheden langs de frontlinie in Donbass, een bevroren conflict dat zes jaar lang beperkt bleef tot het occasioneel uitwisselen van vijandelijkheden door sluipschutters, lijkt een Russisch-Oekraïense oorlog voor het eerst sinds jaren weer tot de mogelijkheden te behoren. Nochtans houdt het merendeel van de Oekraïense bevolking er zelfs volgens de peilingen van Levada een positieve mening over Rusland op na, en staat nog slechts een kwart van de bevolking negatief tegenover hun oosterburen.

De oorlog in Donbass, een sluipend conflict dat op het punt staat herop te flakkeren: deze bekroonde film uit 2018 schets het dagelijkse leven van een Servische sluipschutter als vrijwilliger in de Volksrepubliek van Donetsk

Ook in Kyrgyzistan was het afgelopen jaar onrustig. Politieke onrust bracht de nationalist Jarapov aan de macht. Maar zoals zelfs de door het Westen gefinancierde destabilisatie-agentschap Atlantic Council onlangs tot haar grote ongenoegen moest constateren, bracht dit geen breuk tot stand in de relaties tot Moskou. Het Kyrgizische culturele patrimonium staat niet per definitie op gespannen voet met de Russische beschavingssfeer, waarmee de vloer wordt aangeveegd met de platitude dat etnisch-Turkische wortels per definitie moeten botsen met het Eurazisme vanwege  “banden met Erdogan”. En ook Georgië mag aan het rijtje toegevoegd worden. Ten tijde van president Mikheil Saakashvilli en de oorlog om Zuid-Ossetië liep het land Oekraïne ver vooruit als Trojaans paard van het Westen in de Kaukasus en de post-Sovjetsfeer, maar die tijden lijken voorbij nu de partij Kartuli ocneba – Demok’rat’iuli Sakartvelo steeds nadrukkelijker een illiberale en pro-Russische agenda lijkt door te voeren. De arrestatie op 23 februari van  Nika Melia, voorzitter van de door Saakashvilli gestichtte pro-Eurpese en pro-Atlantische ENM-partij, deed The Washington Post alvast dramatisch koppen: “The West has just lost Georgia!” Nog een ander spanningsveld, in de meer zuidelijke Kaukasus, werd gevormd door de oorlog in Nagorno-Karabach tussen Armenië en Azerbeidjan, waar niet alleen een decennia-oud conflict tussen Kaukasische etniciteiten heropflakkerde, maar ook de geopolitieke spanning tussen diverse Eurazische polariteiten en culturele invloedssferen onder hoogspanning kwam te staan (Rusland, Turkije en Iran). Hoewel het op Turkije georiënteerde Azerbeidjan hier als militaire overwinnaar kwam, en Armenië voorlopig als grote verliezer, kwam de diplomatieke overwinning aan Rusland toe. Opvallend was de totale afwezigheid van zowel de NATO als de EU. Hier besteden we in een later artikel op deze blog meer aandacht aan.

Daar waar het Westen het voorbije jaar dus geteisterd werd door cultuuroorlogen, lijkt het Oosten voornamelijk nog steeds in de ban van klassieke liberale kleurenrevoluties, gecentreerd rond het concept van stereotype economische en burgerlijke “vrijheden” – in essentie nog steeds dezelfde als uit de tijd van ‘glasnost’ en ‘perestroika’- ondanks bepaalde pogingen in de Westerse media om aan één en ander ook een cultureel ‘woke’ tintje mee te geven. Een hybride uitsmijter hiervan kunnen we vinden in Polen, waar de markant strenge abortuswetten, die in het najaar werden uitgevaardigd door de diep-katholieke PiS-regering, tamelijk grootschalige vrouwenstakingen uitlokten en het relatief wijdverbreide fenomeen van de “LGBTQ-vrije zones” op het platteland tot weliswaar veel kleinschaliger manifestaties hebben geleid, die niettemin disproportioneel werden uitvergroot in de Westerse media. Een voormalig Oostblokland als Polen is te blank en tegelijk niet “wit” genoeg voor een beweging als Black Lives Matter. Hoewel een economische tijger naar Oost-Europese normen, is het nog steeds erg moeilijk om een natie van in camouflagejassen en Adidasbroeken gehulde bouwvakkers, loodgieters, truckchauffeurs en tomatenplukkers, die in het Westen de jobs komen uitvoeren die de hipstermigranten van de derde generatie er niet willen doen, te belasten met ook maar enig privilege, zeker als die natie zich ook nog eens beschouwd als de permanente onderdeur van de geschiedenis. Het is een slachtofferrol waar menig “transvrouw-van-kleur” nog een puntje aan zou kunnen zuigen. Er zijn in feite noemenswaardige gemeenschappen (excuseer, communities) van “mensen-van-kleur” in Polen, behalve enkele duizenden islamitische Lipka-Tataren, al eeuwen vergroeid met de Poolse bodem waar ze onbreekbare eden van trouw hebben gezworen aan de natie. Het valt trouwens maar zeer te betwijfelen dat zij zich zichzelf als “mensen-van-kleur” zouden definiëren, ook al is een bepaald etnisch gerelateerd fenotype bij Turkische Tataren uiteraard nooit ver weg. Maar een andere huidskleur betekent nog niet “van kleur”, want dat laatste is een uitgesproken liberaal en Westers concept. Dus gooit men het maar over de religieuze boeg, en het feit dat de “Vierde Republiek” een ontegensprekelijke neiging vertoont om terug te grijpen naar ultramontaanse waarden in combinatie met socialistische recepten maakt haar tot een dankbaar doelwit voor ziedende neoliberalen die sociale roofbouw graag als social justice verpakken. En daar is heden ten dage natuurlijk enkel maar een regenbooglintje voor nodig.

LGBTQ-vrije zones in Polen: Oost versus West in ‘the war on woke’ (Bron: RT)

Het faillissement van de kleurenrevoluties

Eén ding staat vast. Het begin van het huidige decennium zal gekenmerkt worden als het jaar waarin de kleurenrevolutie naar het Westen kwam, in de eerste plaats al in zijn ‘woke’ formaat, met de Black Lives Matter-beweging die stormenderhand het grootkapitaal en de entertainmentindustrie – sinds de jaren ’50 toch zeker één van de steunpilaren van het “Vrije Westen” – overnam. Anderzijds was er de conservatieve, “rechtse” variant, die uitmondde in de bestorming van het Capitool. Hoewel dit niet heeft geleid tot een succesvolle coup d’état zal het moeilijk blijken om de beelden van de krioelende mensenmassa of de daaropvolgende zwaar gefortificeerde straten van Washington naar aanleiding van de inwijding van de nieuwe preesident van het netvlies gebrand te krijgen. We moeten een en ander natuurlijk niet overdrijven. Tenslotte was dit het land waar indertijd in volle Koude Oorlog een president op straat op klaarlichte dag werd doodgeschoten. Een gelijkaardig incident had men zich aan de andere kant van het IJzeren Gordijn niet kunnen voorstellen, maar dat heeft de VS er niet van weerhouden om de Koude Oorlog uiteindelijk te winnen. Niettemin behoort tot de existentiële kern van het Westen dat het sinds het debacle van de Vietnamoorlog werkelijk alles onder controle heeft, van drones en precisiebombardementen tot spionagesatellieten en deep ops. Zelfs hallucinante beelden zoals die van 9/11 konden daar nauwelijks een knauw aan geven, hoewel de impact toch aanzienlijk was. Maar de revanchistische campagnes binnen het kader van een Vierde Wereldoorlog (naar Constanzo Preve) tegen de “schurkenstaten” van het Midden-Oosten, met het salafisme en wahabisme als een te verpletteren Derde Wereldideologie die het oude communisme en Arabisch nationalisme in die contreien had vervangen, zorgde eerder voor een steroïdeninjectie dan voor imagoschade. Maar afgelopen decennium zakte de constructie dan toch langzaam in elkaar. Economische zeepbellen spatten uiteen en interne culturele tegenstellingen speelden steeds scherper op. Dat Amerika tevergeefs probeert te vervellen tot een nieuwe emanatie van zichzelf en dat niet lijkt te kunnen doen zonder een belangrijk deel van haar eigen bevolking tegen zich te keren, levert het Westerse samenlevingsmodel, tot voor kort het “minst slechte van alle modellen”, onherstelbare imagoschade op.

Tegelijkertijd wordt tien jaar na datum de miserabele balans van de Arabische Lente, waar hijgende journalisten en politici in het westen zo sterk hun zinnen op hadden gezet, meer dan duidelijk. In geen enkel land heeft zij tot vooruitgang geleid. Libië ligt in puin en Syrië probeert zich te herstellen van een jarenlange verwoestende burgeroorlog. In Egypte is de autocratie onder al-Sissi er eerder op vooruitgegaan dan achteruit, en zelfs in Tunesië – lange tijd aanzien als het enige land waar de Arabische Lente min of meer het verhoopte liberale resultaat had opgeleverd – neemt de sociale onrust toe en tekenen zich nieuwe grote demonstraties af op straat. Tegelijk wordt duidelijk dat het succes van de kleurenrevolutieformule zelfs in de initiële fase niet meer gegarandeerd blijkt. Een herhaling van Maidan heeft zich in Wit-Rusland niet voorgedaan, ondanks het feit dat de oppositie over een initieel momentum leek te beschikken. Gefingeerde opiniepeilingen ten spijt, lijken het met name de bemoeienissen van de EU te zijn geweest die het draagvlak snel hebben doen afkalven. Het protest dat in eerste instantie anti-autocratisch was liet zich niet binnen een ideologisch liberaal keurslijf wringen en doofde tenslotte uit, temeer daar het Kremlin het zekere voor het onzekere nam door in te zetten op een voorlopig status quo en haar eigen oppositiekandidaten – tevens de meest populaire – vooralsnog niet als martelaren naar voor heeft geschoven. Ook in Hong Kong lijkt de oppositie ondanks de zogenaamd massale protesten van de Paraplubeweging nu voorgoed te zijn uitgeschakeld. Over het Britse idee om dan maar gratis paspoorten te gaan uitdelen aan de inwoners van Hong Kong, wordt niet meer gepraat. En Navalny’s heilige martelaarsmissie in Rusland is gecrashed voor die goed en wel van de grond is gekomen. 

Nord Stream 2

Tegen de achtergrond van dit alles nadert de Nord Stream 2-pijpleiding haar voltooiing. Het betreft een gasleiding doorheen de Oostzee die Duitsland van Russisch gas moet voorzien. Het verdrag over de leiding werd in 2005 getekend door toenmalig Bondskanselier Schröder en Vladimir Poetin. Na voltooiing van een eerste pijpleiding tekenden een aantal grote partners op de Europese energiemarkt samen met Gazprom een contract voor de aanleg van een tweede leiding. Gazprom kreeg een belang van 51% in het project, Engie 9% en E.ON, BASF, OMV en Royal Dutch Shell telkens 10%. Na bezwaren van de rechtsconservatieve Poolse PiS-regering onder Lech Kaczyński, die een te grote Russische dominantie op de energiemarkt vreesde, trokken de overige partners zich als aandeelhouders terug in 2016, maar hielpen wel nog met de financiering. Gazprom zette alleen door. Vorig jaar moest nog 147 km aan pijpleiding worden aangelegd. Het afronden van de leiding gaat echter gepaard met pesterijen en sancties. De Poolse mededingingsautoriteit legde aan Gazprom een boete op van 6,5 miljard euro, die overigens door de Russen aangevochten wordt. In januari 2021 werd de arrestatie van Navalny door de VS aangegrepen om nieuwe sancties op te leggen, nadat de Atlantische grootmacht reeds eerder had geprobeerd om het project door middel van sancties te treffen. Iedere toenadering tussen Duitsland en Rusland, reeds ten tijde van MacKinder de twee voornaamste concurrenten van het Angelsaksische imperium op het Wereldeiland, zijn Amerika duidelijk een doorn in het oog. Tot op de dag van vandaag blijft onduidelijk of Nord Stream 2 nog wel zal afraken. De regering van de nieuwe president zet in ieder geval alles op alles om haar NAVO-bondgenoot op andere gedachten te brengen. Het is natuurlijk licht bevreemdend om te constateren hoe vier jaar geleden alle media-schijnwerpers inzoomden op de ‘historisch slechte relaties’ binnen het Westerse bondgenootschap, focussend op identitaire en virtuele epifenomenen zoals handdrukken, gender en al dan niet vermeende lichaamstaal, maar nu volledig uitdoven nu de Verenigde staten opnieuw teruggrijpen op dezelfde brutale chantagemiddelen als onder de regering van Barack Obama.

Westerse sancties en Oosterse allianties

Maar het is duidelijk dat het ultieme wapen van het Westen, namelijk dat van de economische sancties, uitgeput is aan het raken. Een strategische toenadering van Rusland en China is het gevolg, waarbij ook een zekere integratie van de economische belangen valt waar te nemen. Dit is des te ironischer omdat een van de keerpunten in de Koude Oorlog in feite werd gevormd door het tegen elkaar uitspelen van Moskou en Beijing door de Amerikanen, en dit ten laatste vanaf 1972. Hierdoor verliezen de economische sancties aan efficiëntie, bijkomende sancties tegen Rusland treffen eigenlijk bijna niemand meer want de financiële belangen liggen al lang niet meer in het Westen. Het Belt & Road initiatief van de Chinezen maakt de nachtmerrie van MacKinder daarenboven bijzonder tastbaar: een toenemende interconnectiviteit van het Eurazische continent zorgt voor nieuwe ontwikkelingen en vitaliteit die juist de essentie van het Hartland vormen (zoals Poetin het in 2012 uitdrukte: de Chinese wind in Russische zeilen vangen). Een toenemende onafhankelijkheid van de levenslijnen van het globalitaire kapitalistische systeem, zoals de dedollarizatie, het bannen van de geopolitiek gekleurde en ideologisch liberale Amerikaanse sociale media en de loskoppeling van de Westerse betaalsystemen staan op het programma. Geen wonder dat Westen alles uit de kast haalt in een finaal offensief op het Hartland om de toenemende multipolartiteit zoveel mogelijk in te dijken. Nu de Verenigde Staten onder Biden definitief hun globalistische agenda combineren met het Amerikaanse exceptionalisme, staan alle verhoudingen opnieuw op scherp. Maar het is al lang niet meer vanzelfsprekend dat het Westen hierbij aan de “juiste kant van de geschiedenis” staat.

mercredi, 14 avril 2021

Gouvernance globale et guerre civile mondiale

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Gouvernance globale et guerre civile mondiale

Par Pierre-Antoine Plaquevent

Auteur de « Soros et la société ouverte, métapolitique du globalisme » aux éditions « cultures et racines ».

Ex: https://strategika.fr/2021/04/14/

Au vu de la tension croissante entre USA et Chine/Russie, la toile bruisse de rumeurs de guerre et beaucoup se posent légitimement la question de savoir si une guerre mondiale ouverte pourrait suivre la séquence du Covid commencée fin 2019. Tenter de répondre à cette question nécessite d’aborder cette problématique complexe sous trois aspects principaux : politique, géopolitique et stratégique. Trois niveaux d’analyse qui peuvent permettre de sonder quelles sont les ruptures en cours susceptibles ou non d’entraîner une fracturation de l’ordre mondial et ainsi conduire à une guerre ouverte entre les faces occidentale et orientale de la gouvernance mondiale.

I – Sur la forme politique de l’ordre mondial actuel

Pour qu’ait lieu une guerre mondiale, il faudrait que se produise une fracture systémique au sein de la gouvernance globale. Cette gouvernance constitue un ordre mondial doté de divers niveaux d’intégration et d’interaction qui varient selon la capacité d’influence et de puissance des acteurs de différents types qui la constituent.

Parmi ces acteurs on trouve principalement :

  • les institutions et instances internationales juridiques, militaires ou économiques du type : ONU, OMS, OMC, FMI, CIJ, CPI, UE, OTAN, COE, G20, UEE, ALENA etc. ;
  • les firmes multinationales les plus puissantes (GAFAM et autres) ;
  • les fondations et organisations non gouvernementales influentes (du type Bill & Melinda Gates Foundation, Forum économique mondial, Open Society Foundations, fondation Rockefeller, fondation Ford etc.) ;
  • les États (environ deux cents).

Ces derniers, issus de la continuité et de la légitimité historique, constituent théoriquement le cadre normatif et même symbolique du système contemporain des relations internationales. Dans l’esprit des populations, ils continuent toujours d’incarner la souveraineté et la légitimité politique ; dans les faits, ils sont absorbés par les instances supra ou para-étatiques et en deviennent toujours plus subsidiaires.

Comme le Covid-19 est venu le rappeler aux peuples, les États apparaissent toujours plus dépendants d’instances de prises de décision qui échappent au regard du grand public ou que ce dernier peine à discerner. Dans le langage de la gouvernance mondiale, s’interroger sur les instances réelles de prise de décision relève du « complotisme ».

Dans les faits, l’ensemble de ces institutions non élues para ou supra-étatiques, se chargent de fixer les grands objectifs stratégiques de la gouvernance mondiale : lutte contre le réchauffement climatique, intégration cosmopolitique, planification écologique mondiale, planification sanitaire planétaire, décarbonation de l’industrie, décroissance démographique, imposition de l’agenda gender/LGBTI etc. Ces institutions et leurs bailleurs de fonds privés (type Gates, Rockefeller, Soros etc.) ont à cœur de développer le « multilatéralisme inclusif » et le juridisme institutionnel afin de réduire toujours plus le champ d’action des États et leur capacité de décision autonome.

Première rupture : quel léviathan pour freiner la stasis globale ?

Nous pensons qu’une première rupture interne à l’ordre mondial actuel tient justement au rôle que la gouvernance mondiale assigne aux États et jusqu’où ces derniers sont prêts à être absorbés en son sein. Car, à mesure que les États-nations abandonnent, transfèrent ou diluent leurs prérogatives régaliennes vers les institutions macro-régionales (type UE) ou mondiale de la gouvernance globale, ces États abandonnent aussi en retour leur monopole de la violence légitime[1]. Ils voient dès lors cette violence se répandre en retour au sein des sociétés dont ils ont théoriquement la charge et la responsabilité.

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À mesure que progresse l’intégration cosmopolitique promue par les instances et les décideurs de la gouvernance globale, dans le même temps, l’ordre politique international se dilue toujours plus en une forme de guerre civile mondialisée à sa base, au niveau des États-nations menacées d’éclatement. Le Léviathan stato-national ne remplit plus son rôle de frein à la guerre latente de tous contre tous et les tendances centrifuges s’accélèrent alors en son sein jusqu’à atteindre une situation critique proche de la rupture[2]. Les sociétaires ne se sentant plus protégés de la mondialisation par l’État à qui ils ont délégué la légitimité et la souveraineté politique, chacun se sent alors libre de rompre le contrat social et rentre de manière plus ou moins consciente en sédition avec l’État central devenu dès lors une menace à éviter au lieu d’un protecteur.

Une forme d’« unité et scission »[3] de l’ordre géopolitique mondial apparait et tend à s’universaliser : convergence des États à leur sommet en direction de l’intégration cosmopolitique, fracturation et émiettement à leur base. C’est au niveau de la base des sociétés occidentales que les transformations de l’ordre mondial en cours exercent les pressions les plus violentes et les plus difficiles à supporter. C’est selon nous aussi pour freiner cette tendance à la parcellisation et à la fragmentation que quasiment TOUS les États (sauf rares exceptions type Suède ou Belarus[4]) ont appliqués avec zèle les mesures sanitaires d’exception depuis un an. Dans un contexte de rétraction globale de l’économie mondialisée, ces mesures sont venues geler la plupart des antagonismes sociaux en cours dans le monde avant l’irruption du Covid-19. On citera entre autres : les Gilets jaunes en France, les nombreux mouvements de contestation en Amérique latine courant 2019[5], les soulèvements de masse à Hong-Kong face à la Chine, l’opposition civique croissante contre Erdogan à Istanbul etc. Avec des niveaux d’intensité différents et affectant indistinctement des régimes libéraux ou illibéraux, la contagion d’une contestation politique internationale fut freinée l’an dernier par les mesures sanitaires planétaires d’exception et tous les régimes politiques fragilisés par des tensions internes ont accueillis avec soulagement cette mi-temps politique bienvenue. Un couvercle sanitaire mondial a ainsi été déposé sur le feu des révoltes en cours mais pour combien de temps ?

Cette stasis mondialisée rampante peut déboucher à terme sur une rupture plus profonde au sein du système des relations internationales. Rupture entre la gouvernance globale et les États qui refuseraient de poursuivre le processus de délitement de leur souveraineté et de leur légitimité. Une dilution de l’ordre stato-national qui génère un appauvrissement de la population et subséquemment une montée du chaos social qui menace physiquement le personnel politique des gouvernements des États-nations. Un personnel politique en première ligne face à la colère populaire comme l’a montré la sainte colère des Gilets jaunes en France ou plus récemment l’attaque du Capitole aux USA.

Ce processus de transfert des fonctions essentielles des États-nations vers des instances politiques et juridiques supranationales constitue la tendance politique axiale de notre époque ; c’est elle qui est la cause première de la plupart des problématiques politiques contemporaines. Avec l’élection de Trump en 2016, ce processus de dilution accélérée des États (ou de leurs restes) commença de se gripper sérieusement en Occident. Les États-Unis n’acceptant pas de subir à la suite de l’Europe une égalisation économique en cours avec le troisième pilier géoéconomique de la gouvernance mondiale : la Chine. Toute la présidence de Trump fut ainsi marquée par ce clivage entre une gouvernance mondiale en crise et un État américain qui en avait été jusqu’ici le fer de lance et le bras armé tant que cette gouvernance globale allait de pair avec un leadership géoéconomique mondial favorable aux États-Unis.

C’est ce programme de révision interne de la gouvernance mondiale par l’administration Trump qu’avait exposé le précédent secrétaire d’État américain, Michael R. Pompeo en 2018 lors d’une allocution prononcée au sein du German Marshall Fund of the United States, allocutiondans laquelle M. Pompeo exposait les grands axes de la politique étrangère de l’administration Trump et appelait à aider les USA à construire un « nouvel ordre libéral »[6] afin de « Rétablir le rôle de l’État-nation dans l’ordre libéral international »[7].

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Suite à la séquence politique de 2020 (Covid + opération Black Lives Matter + fraude électorale) qui a conduit au vol de l’élection américaine, la menace d’une Amérique en rupture avec la gouvernance mondiale est actuellement écartée. Dès lors cette friction entre gouvernance mondiale et États qui refusent de concéder plus de leur souveraineté ressurgit face à la Chine et à la Russie. Deux États complètement intégrés aux institutions internationales et à l’ordre mondial mais qui posent un problème structurel à la gouvernance globale de par le rôle central que continue d’y jouer l’État en tant que stratège et organisateur principal du développement politique et économique du pays.

C’est autour de ce rôle stratégique central de l’État que la ligne de tension entre la face occidentale et orientale de la gouvernance mondiale va se durcir toujours plus.

Alors que la Chine est très  influente au sein des institutions internationales, elle n’entend pas soumettre son État-parti à ces institutions internationales qu’elle utilise par ailleurs pour démultiplier son influence et sans lesquelles elle n’aurait pas pu atteindre ce niveau actuel de puissance et d’influence. En témoignent les difficultés récurrentes que rencontrent les scientifiques de l’OMS chargés d’enquêter en Chine sur les origines du Covid-19. La Chine exerçant un rôle politique prépondérant au sein de l’OMS [8].

Comme au XXème siècle face à l’Union Soviétique, si l’idéal internationaliste du libéralisme cosmopolitique est théoriquement le même que celui du Parti communiste chinois, la ligne de confrontation entre ces deux systèmes se manifeste essentiellement autour du rôle que doit jouer l’État national au sein de la gouvernance mondiale. Pour les libéraux-globalistes, l’État-nation doit être subsidiaire des instances globales et d’un possible futur gouvernement mondial en gestation. Pour les tenants d’une forme de stato-globalisme nationalisé, l’État, bien qu’intégré au sein des institutions internationales, reste au centre de toutes les perspectives stratégiques de développement et demeure l’instance souveraine ultime détentrice du monopole de la décision politique.

L’enjeu principal de la tension actuelle entre Occident / Eurasie (Chine-Russie) au sein de la gouvernance mondiale nous semble relever de cette friction entre deux niveaux différents de souveraineté et de légitimité politique au sein de l’ordre international : Léviathan stato-national continental vs Léviathan mondial post-national.

Il s’agit en dernière instance de définir quelle sera la forme et le rôle que devra prendre et assumer le Léviathan au XXIème siècle : sera-t-il essentiellement national, continental, mondial ? Hybride ? Une question que presse la stasis globalisée qui ronge l’ordre international contemporain.

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II – Sur la forme géoéconomique de l’ordre mondial contemporain

Pour décrire l’ordre mondial sur lequel s’exerce cette gouvernance mondiale polymorphe que nous avons précédemment décrit, on pourrait ici employer les catégories forgées par l’économiste marxiste Immanuel Wallerstein en les adaptant. Ce dernier décrit un système géoéconomique planétaire réparti en trois grandes zones :

  • Une zone centrale : la sphère Occidentale (Amérique du nord et ses alliés stratégiques – type Taïwan ou Japon, Royaume-Uni, Canada, Australie, Union Européenne, Israël etc.). Le « nord riche » mais aussi le nord « stratégique », au sens d’un ensemble géo-économique international doté d’une orientation géostratégique commune malgré des frictions internes. Un ensemble qui constitue encore la locomotive géopolitique de l’ordre mondial contemporain. C’est aussi la zone où le capitalisme est toujours moins encadré par les États et monopolisés par les firmes multinationales qui elles-mêmes cherchent à diluer toujours plus les États ou à les absorber.  
  • Une zone en transition ou émergente (ou « la semi-périphérie », incluant les grands pays connaissant un développement vers le capitalisme : la Chine, l’Inde, le Brésil, certains pays de la zone Pacifique, ainsi que la Russie, qui par inertie préserve son important potentiel stratégique, économique et énergétique – cf. Pour une théorie du monde multipolaire, Alexandre Douguine). Zone en transition entre capitalisme d’État autoritaire et libéralisme globalisé.
  • Un monde périphérique (les « pays pauvres du Sud », la périphérie). Monde qui recèle certaines des ressources et matières premières stratégiques pour les puissances de la zone centrale et de la zone périphérique

L’intégration politique renforcée de la gouvernance mondiale vient brouiller toujours plus cette représentation quelque peu schématique (comme toute représentation). Par exemple des poches toujours plus larges de la zone émergente voire même de la zone périphérique se retrouvent au cœur de la zone centrale et inversement.

Malgré tout, cette division du monde décrit d’une manière assez fonctionnelle la répartition géo-économique mondiale actuelle.

La zone centrale rentre en contact avec la zone émergente et la zone périphérique au niveau de l’Amérique centrale, de l’Europe Orientale, de l’Afrique du Nord, du Moyen-Orient, de l’Asie du Sud-Est. Autant de territoires où se déroulent certaines des « crises » les plus sanglantes de notre temps.

Au niveau de la géographie politique, la masse continentale nord-américaine constitue la masse principale de la zone centrale et l’Union européenne son prolongement sur les côtes Ouest de l’Eurasie.

Les deux cœurs stratégiques de la sphère occidentale que sont le Royaume Uni et les USA ont toujours conçu et compris l’Europe et l’Eurasie comme une continuité d’empires continentaux et de puissances géopolitiques essentiellement terrestres, rivales de sa puissance maritime internationalisée.

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Seconde rupture : l’intégration économique du « rimland » eurasiatique

Les stratèges impériaux anglo-américains ont toujours considéré l’Eurasie comme un tout, un continuum géopolitique qu’il faut appréhender dans son ensemble (Europe + Asie dans leur intégralité) afin de pouvoir le maitriser.

Leur plus grande crainte a toujours été qu’une puissance d’Eurasie ne devienne assez forte et influente pour réussir à relier et unifier entre eux les territoires économiquement les plus avancés et les plus dynamiques d’Eurasie. Territoires riches qui sont pour la plupart situés sur les zones côtières de la masse continentale eurasiatique. Unifier et intégrer économiquement cette zone que l’un des pères de la géopolitique américaine, Nicholas J. Spykman (1893-1943), désignait sous le nom de Rimland (ou « inner crescent, croissant intérieur eurasiatique) : vaste ceinture littorale bi-continentale composée de l’Europe de l’Ouest, du Moyen-Orient, et de l’Extrême-Orient. Pour Spykman, la clef de voute du contrôle du système-monde passe par le contrôle du Rimland.

Influencé par les travaux du géographe britannique Halford J. Mackinder, Spykman reprendra la géographie politique proposé par Mackinder mais déplacera la clef de voute du contrôle de l’Eurasie du Heartland vers le Rimland, sur les côtes riches de l’ « île du monde » eurasiatique : « Spykman nuance le grandiose schéma d’opposition terre-mer induit par la centralité géohistorique du Heartland de Mackinder, et préfère souligner le danger qu’une unification des rimlands peut représenter pour les États-Unis : géostratégiquement “encerclés”, ces derniers se retrouveraient confrontés à un Titan combinant force terrestre et maritime, capable de projeter sa puissance par-delà les océans Atlantique ou Pacifique. À terme, prévient Spykman, Washington ne pourrait que perdre un tel face-à-face, si celui-ci devait dégénérer en conflit. En conséquence, le fil rouge de la politique de sécurité américaine se déduit de lui-même : combattre résolument toute tentative d’hégémonie dans les territoires correspondant à ce que l’on pourrait qualifier d’Eurasie “utile”. » [10]

On connait la célèbre formule de Mackinder qui affirmait en son temps que : « Qui contrôle l’Europe de l’Est domine le Heartland ; qui domine le Heartland domine l’Île mondiale ; qui domine l’Île mondiale domine le monde. » [11]

Spykman reprendra cette formule et la modifiera ainsi : « Qui contrôle le rimland gouverne l’Eurasie. Qui gouverne l’Eurasie contrôle les destinées du monde. »[12], marquant ainsi la centralité des bandes côtières eurasiatiques en tant que territoires stratégiques pour le contrôle et la stabilité (du point de vue américain) de l’ordre mondial.

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Le Rimland eurasiatique chez Spykman – source : https://www.councilpacificaffairs.org/news-media/ou-lon-r...

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L’encerclement de l’Eurasie – source de l’auteur tiré de Americas Strategy In World Politics, Nicholas John Spykman, 1942

Spykman soulignera aussi avec force la nécessité stratégique vitale pour les États-Unis de s’impliquer en Eurasie afin d’éviter l’encerclement par les puissances dynamiques du Rimland eurasiatique : « Les États-Unis doivent admettre, une nouvelle fois et de manière définitive, que la constellation de puissances en Europe et en Asie est une perpétuelle source de préoccupation, que ce soit en temps de guerre ou de paix. »[13]

Animé d’un idéalisme cosmopolitique qui affirme la nécessité pour les puissances « libérales » de savoir employer le réalisme politique et stratégique, Nicholas Spykman identifiait en outre les bases de la puissance d’un État autour de dix éléments stratégiques clefs :

« Selon Spykman, les éléments qui font la puissance d’un État sont :

1) La superficie du territoire

2) La nature des frontières

3) Le volume de la population

4) L’absence ou la présence de matières premières

5) Le développement économique ou technologique

6) La force financière

7) L’homogénéité ethnique

8) Le degré d’intégration sociale

9) La stabilité politique

10) L’esprit national » [14]

Caractéristiques que la Chine possède précisément toujours plus à mesure qu’elles s’étiolent en Occident.

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Spykman.

Zbigniew Brzezinski (1928-2017) qui fut l’un des plus influents stratèges de la puissance américaine de la fin du XXème siècle[15], reprendra et développera l’idée de la centralité de l’enjeu eurasiatique dont il fera un axe de ses vues dans son célèbre traité de géostratégie Le Grand Échiquier, paru en 1997. Le grand échiquier c’est précisément l’Eurasie, là où se joue le destin et la forme de l’ordre mondial. Territoire stratégique qui recèle les principales ressources de la planète et dont le contrôle s’avère fondamental pour les États-Unis :

« (…) La façon dont les États-Unis « gèrent » l’Eurasie est d’une importance cruciale. Le plus grand continent à la surface du globe en est aussi l’axe géopolitique. Toute puissance qui le contrôle, contrôle par là même deux des trois régions les plus développées et les plus productives. (…) On dénombre environ 75 % de la population mondiale en Eurasie, ainsi que la plus grande partie des richesses physiques, sous forme d’entreprises ou de gisements de matières premières. L’addition des produits nationaux bruts du continent compte pour quelque 60 % du total mondial. Les trois quarts des ressources énergétiques connues y sont concentrées. Là aussi se sont développé la plupart des États politiquement dynamiques et capables d’initiatives. Derrière les États-Unis, les six économies les plus prospères et les six plus gros budgets de la défense s’y trouvent, ainsi que tous les pays détenteurs de l’arme nucléaire (les « officiels » comme les « présumés », à une exception près dans chaque cas). Parmi les États qui aspirent à détenir une hégémonie régionale et à exercer une influence planétaire, les deux plus peuplés sont situés, en Eurasie. Tous les rivaux politiques ou économiques des Etats-Unis aussi. Leur puissance cumulée dépasse de loin celle de l’Amérique. Heureusement pour cette dernière. Le continent est trop vaste pour réaliser son unité politique. » [16]

À l’époque où il écrivait ces lignes, la Russie était marquée par une instabilité structurelle et la Chine n’était pas encore devenue la puissance économique actuelle mais Brzezinski anticipait déjà la manière dont cette dernière risquait à terme de bouleverser l’ordre géopolitique établi :

« (…) Aujourd’hui, c’est une puissance extérieure qui prévaut en Eurasie. Et sa primauté globale dépend étroitement de sa capacité à conserver cette position. À l’évidence, cette situation n’aura qu’un temps. Mais de sa durée et de son issue dépendent non seulement le bien-être des États-Unis, mais aussi plus généralement la paix dans le monde.

(…) Un scénario présenterait un grand danger potentiel : la naissance d’une grande coalition entre la Chine, la Russie et peut-être l’Iran (…). Similaire par son envergure et sa portée au bloc sino-soviétique, elle serait cette fois dirigée par la Chine. Afin d’éviter cette éventualité, aujourd’hui peu probable, les États-Unis devront déployer toute leur habileté géostratégique sur une bonne partie du périmètre de l’Eurasie, et au moins, à l’ouest, à l’est et au sud. » [17]

Désormais première puissance économique mondiale[18] devant les États-Unis, la Chine peut parvenir à stabiliser l’échiquier eurasiatique et tenter de sanctuariser ses positions acquises au sein du périlleux système international actuel.

Or, l’intégration économique du rimland eurasiatique de la Chine à l’Europe fait partie des objectifs stratégiques de la Chine pour le XXIème siècle au travers des fameuses « nouvelles routes de la soie ».

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Le « bloc » sino-soviétique de l’époque de la fin de la guerre froide et ses trois fronts stratégiques. A l’époque le système socialiste sous ses formes concurrentes russe et chinoise occupait la majeure partie de la masse eurasiatique, contenant le système capitaliste sur une partie du rimland eurasiatique. Une alliance russo-chinoise contemporaine sous les traits d’un capitalisme dirigé high-tech sino-russe représente un vrai défi d’intégration pour l’ordre mondial. Source : Le grand échiquier, Zbigniew Brzezinski, 1997

Le projet OBOR et l’intégration économique continentale

Officiellement dénommé « One Belt, One Road » (OBOR) ou aussi BRI (Belt and Road Initiative), le projet des nouvelles routes de la soie a pour ambition de s’étendre du Pacifique jusqu’à la mer Baltique et inclut 64 pays asiatiques, moyen-orientaux, africains et européens[19]. Doté d’un budget de 800 à 1 000 milliards de dollars[20] (cinq à six fois le budget du plan Marshall), ce projet pourrait permettre à la Chine de réaliser le grand objectif stratégique du Parti communiste chinois : l’intégration économique du continent eurasiatique et d’une partie de l’Afrique à l’horizon 2049, date anniversaire de la fondation de la République Populaire de Chine. Une intégration économique qui déplacerait le centre des affaires mondiales de l’Occident vers l’Eurasie mais une Eurasie pilotée par la Chine et non par l’Europe ou la Russie.

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C’est autour du projet chinois BRI (Belt and Road Initiative) que se manifeste toujours plus la ligne de tension principale au sein de la gouvernance mondiale.

Tension qui pourrait conduire à terme à :

Cela de l’aveu même de certains stratèges influents de la gouvernance mondiale tels qu’Henry Kissinger, George Soros ou Klaus Schwab. Ces derniers diffèrent par ailleurs entre eux quant à l’attitude que doit adopter la gouvernance mondiale face à la montée de la Chine. Pour Soros elle doit être empêchée, pour Kissinger elle doit être contenue et pour Schwab elle doit être appuyée et encadrée. L’un des acteurs privés les plus influents au sein de la gouvernance mondiale, Bill Gates, a quant à lui déjà semé des graines de son empire philanthropique en Chine au travers du China Global Philanthropy Institute auquel il a versé 10 millions de dollars depuis sa création en 2015 [21].

La croissance de la Chine au sein de la gouvernance mondiale se déploient ainsi simultanément sous la forme de l’intégration et de la tension. Du point de vue de l’État chinois, des frictions (au sens que Clausewitz donne à ce terme) se manifestent et viennent freiner l’ascension de la Chine au sein du système-monde.

La Chine qui poursuit des objectifs de contrôle cyberpolitique et biopolitique total de sa population, ne représente pas une alternative de fond face aux tendances totalitaires vers lesquelles évolue actuellement le globalisme politique. Mais la politique d’intégration économique de l’Eurasie et de l’Afrique poursuivie actuellement par la Chine au travers du réseau BRI (Belt and Road Initiative) représente une forme de globalisme économique qui vient concurrencer les intérêts des puissances majeures déjà installées en tête de la gouvernance mondiale.

Cette intégration économique accélérée de l’Eurasie portée par la Chine ainsi que le rôle joué par l’État chinois comme centre d’orientation et de protection des intérêts stratégiques vitaux chinois, nous semblent constituer les deux causes majeures de la tension actuelle entre la Chine et les puissances installées qui dominent encore la forme actuelle de la gouvernance mondiale. 

Si dans l’esprit des architectes de la gouvernance mondiale favorables à la Chine comme Klaus Schwab[22], l’Occident et l’Orient géopolitique mondial doivent à terme se rejoindre et se compléter, la pierre d’achoppement sur laquelle vient buter l’idéal cosmocratique nous apparaît être ici le rôle que le système politique chinois assigne à l’État, à l’armée et au Parti communiste qui les contrôle. Rôle que la gouvernance mondiale dans sa version occidentale entend faire jouer aux multinationales et au secteur privé.

Au stade actuel de son évolution, le globalisme économique planétarisée rencontre un concurrent structurel qui prend la forme du capitalisme dirigé chinois et russe.

III – Guerre civile mondiale et guerre hors limites

Evoquer la question d’une possible guerre ouverte entre les puissances eurasiatiques russe et chinoise et la sphère occidentale ne peut se faire sans interroger la nature même que revêt la guerre à notre époque.

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Peu de temps après la parution du Grand échiquier de Zbigniew Brzezinski, paraissait un livre de stratégie intitulé La Guerre hors limites. Co-écrit par les stratégistes militaires chinois Qiao Liang et Wang Xiangsui[23], cet ouvrage essentiel interrogeait la nature et les mutations de la conflictualité contemporaine. Pour les auteurs, les moyens employés pour mener les guerres contemporaines débordent désormais les limites assignées au phénomène guerrier par l’analyse polémologique traditionnelle. Un phénomène que les deux auteurs commentaient ainsi en 1999 :

« Quand se fera jour la tendance en faveur du recul, consenti avec joie, face à l’emploi de la force armée pour résoudre les conflits, la guerre renaîtra sous une autre forme et dans une autre arène pour devenir un instrument d’une énorme puissance entre les mains de tous ceux qui entretiennent le désir de dominer d’autres pays ou régions. En ce sens, c’est une raison pour nous d’affirmer que l’attaque financière de George Soros contre l’Asie orientale, l’attaque terroriste d’Oussama Ben Laden contre l’ambassade américaine, l’attaque au gaz du métro de Tokyo par les disciples de la secte Aum, et le chaos causé par Morris Jr. et ses pareils sur Internet, où le degré de destruction n’est en rien inférieure à celui d’une guerre, représentent une demi-guerre, une quasi-guerre et une sous-guerre, c’est-à-dire, la forme embryonnaire d’un nouveau type de guerre. » [24]

Une analyse qui nous aide à identifier une tendance qui n’a fait que se renforcer depuis la rédaction de La guerre hors limites. Le refus, voire l’impossibilité, d’employer la force armée directe entre puissances nucléaires rivales ainsi que la nécessité de respecter une narration « démocratique » pour les belligérants, conduisent à des mutations inédites des moyens polémologiques mais surtout dissolvent les limites entre la guerre et la paix, entre le temps de la guerre et celui de la paix, entre la sphère civile et la sphère militaire. Dès lors les guerres entre puissances se font désormais avant tout par des moyens de subversion furtifs et dissimulés qui instrumentalisent des secteurs de la société autrefois épargnés ou moins mobilisés lors des situations de conflit. On citera ici entre autres exemples : les mobilisations des sociétés civiles au travers des « révolutions colorés » et des mouvements type Black Lives Matter[25], les mobilisations des populations en difficulté économique employées comme « arme de migration de masse »[26], les questions sanitaires (le Covid comme moyen de transformation politique et social[27]) etc. Et quand les conflits nécessitent l’emploi de la force armée directe, les moyens employés sont alors ceux de la guerre de partisans du type des « brigades internationales » islamistes employées en Syrie contre l’État syrien par l’ensemble des forces régionales et mondiales qui souhaitaient sa chute.

Le conflit syrien nous offre un cas emblématique, voire archétypal de la nouvelle norme polémologique contemporaine : une guerre qui n’a jamais été déclarée ; menée par des puissances employant principalement des supplétifs étrangers ;  troupes mercenaires ou idéologiquement motivées présentées au monde par les mass-médias dominants comme des dissidents du régime en place ; un État légitime présenté comme l’agresseur et son dirigeant comme un criminel contre l’humanité par les ONG sorosiennes du type Human Rights Watch, organisations qui exercent elles-mêmes une action d’influence centrale auprès des institutions internationales.

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La répartition des rôles entre les grandes puissances occidentales et eurasiatiques fut aussi très significative durant toute l’évolution du conflit syrien. Des puissances qui sont intervenues dans le conflit selon leurs intérêts régionaux respectifs sans jamais aller jusqu’à la rupture et conservant toujours le lien diplomatique et politique nécessaire malgré les opérations militaires et les accrochages en cours sur le terrain.

Le cas syrien mais aussi l’ensemble des crises récentes qui ne « dérapent » jamais vers la guerre ouverte entre les grandes puissances qui y sont impliquées, semblent nous indiquer que les affrontements contemporains devraient plutôt être perçus comme des luttes internes au sein d’un ordre mondial intégré mais un ordre travaillé par des contradictions internes et qui cherchent à parvenir à une forme plus aboutie, plutôt qu’aux prolégomènes d’une rupture complète en son sein.

Au-delà des discours et des accrochages indirects, dans les faits tous les acteurs majeurs du choc contemporain des puissances semblent être d’accord sur une norme commune : la gouvernance globale est inéluctable mais chacun cherche logiquement à l’orienter stratégiquement dans le sens des intérêts.

Ainsi, comme nous l’écrivions il y a deux ans lors du dernier forum géopolitique de Chisinau : « À mesure que la société ouverte dissout l’ordre normal des relations internationales en le parasitant de l’intérieur via les instances supra-étatiques et transnationales, s’installe alors une forme de guerre civile universelle dont les flammes ne cessent d’éclairer l’actualité. En témoignent les conflits contemporains qui sont de moins en moins des guerres inter-étatiques déclarées mais des conflits asymétriques et hybrides où s’affrontent les « partisans » et les pirates d’une société liquide universelle au sein de théâtres des opérations toujours plus flous, brutaux et non conventionnels. Dans l’esprit mondialiste, ces guerres sont les prolégomènes et le processus nécessaires vers une fin prochaine des antagonismes internationaux. »[28]

Ce qui est à craindre, selon nous, relève plutôt du durcissement en cours de la gouvernance globale vers une forme de dictature planétaire qui chercherait ainsi à freiner les tendances centrifuges trop nombreuses en son sein. Dévoiement totalitaire en cours depuis plusieurs années et qui a franchi une étape décisive à la faveur des mesures sanitaires mondiales :

« À mesure que progresse le cosmopolitisme et son millénarisme anti-étatique[29], progresse de concert la guerre civile mondiale. Pour freiner cette tendance inéluctable et de manière similaire au communisme des origines, l’idéal d’une fin de l’Etat et d’une parousie post-politique aboutira de fait au retour d’un arbitraire plus violent que ce qu’aucun Etat n’aura jamais infligé à ses citoyens dans l’Histoire. Si les Etats-nations sont défaits, émergera alors un Léviathan mondial d’une brutalité inédite et sans frein. »[30]

Une tendance qui va là encore renforcer la concurrence entre la gouvernance mondiale et les léviathans continentaux russe et chinois. Gouvernance mondiale qui use des méthodes de contrôle politique indirecte sous prétexte sanitaire (biopolitique) pour accroître ses prérogatives là les États-nations lui sont subordonnés (principalement la sphère occidentale : UE, USA, Israël etc). Les léviathans continentaux russe et chinois continuent quant à eux d’exercer, voire de renforcer leur monopole étatique, y compris en imitant à leur échelle les normes biopolitiques en cours et en les adaptant. Léviathans continentaux qui seuls possèdent la masse, la puissance et pour l’instant la population nécessaire, pour tenter de garder leur monopole de souveraineté politique et leur intégrité territoriale (toujours menacée sur leurs bords ou leur étranger proche : Xinjiang, Ukraine etc) au sein de la gouvernance mondiale.

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Antonio Guterres.

À ce titre il est intéressant de rappeler ici une intervention de l’actuel Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, durant la cérémonie de l’Assemblée générale marquant le soixante-quinzième anniversaire des Nations Unies, le 21 septembre 2020. A. Guterres y a exposé que le monde « n’a pas besoin d’un gouvernement mondial mais bien d’une gouvernance mondiale améliorée maintenant que la COVID-19 a mis à nu ses fragilités »[31]. Comme pour faire taire les suspicions en la matière après une année d’autoritarisme politico-sanitaire mondial, l’actuel secrétaire des Nations unies (et ancien président de l’Internationale socialiste[32]) a tenu à préciser que :

« Personne ne souhaite de gouvernement mondial – mais nous devons œuvrer de concert pour améliorer la gouvernance mondiale.  Dans un monde interconnecté, nous avons besoin d’un multilatéralisme en réseau, dans lequel la famille des Nations Unies, les institutions financières internationales, les organisations régionales, les blocs commerciaux et d’autres collaborent plus étroitement et plus efficacement. (…) Un multilatéralisme qui soit inclusif et s’appuie sur la société civile, les villes, les entreprises, les collectivités et, de plus en plus, sur la jeunesse. » [33]

On voit ici précisément exposée la dilution progressive de la souveraineté des États que nous avons déjà évoquée sous couvert de l’habituel « multilatéralisme inclusif ». Un multilatéralisme qui fut justement le thème principal de l’intervention du président chinois Xi Jinping au cours de son intervention lors de l’édition virtuelle de l’agenda du Forum économique mondial (FEM) qui se tenait en janvier dernier, peu avant l’éclatement de la crise au Myanmar. Intitulé : « Que le flambeau du multilatéralisme éclaire la marche en avant de l’humanité », le discours de Xi Jinping fut qualifié d’historique par le président du FEM, Klaus Schwab, qui salua le multilatéralisme chinois et la poursuite par la Chine des grands objectifs stratégiques de la gouvernance mondiale : lutte contre le réchauffement climatique, intégration cosmopolitique, décarbonation de l’industrie etc [34].

Le plus grand danger pour l’ordre mondial actuel semble ainsi plutôt relever de l’implosion et de la démolition contrôlée des sociétés que de leur explosion comme au XXème siècle.

Guerre hors-limites et guerre nucléaire ouverte

Pour qu’une rupture systémique se produise actuellement au sein de la gouvernance mondiale et vienne ruiner tous les efforts successifs entrepris depuis des décennies vers l’intégration cosmopolitique, il faudrait que les intérêts stratégiques ou économiques vitaux de l’un des acteurs géoéconomiques principaux de cette gouvernance se trouvent directement menacés. Il faudrait que les incendies perpétuellement allumés sur les lignes de rupture de la tectonique géopolitique contemporaine entre Eurasie et Occident, de l’Ukraine à la Birmanie, en viennent à menacer les centres stratégiques des puissances chinoises et russes et plus seulement leur périphérie. Il faudrait que l’une des puissances principales qui forment l’architecture de l’ordre mondial actuel se décide à rompre cet état de guerre civile mondiale froide perpétuelle et se lance dans un aventurisme guerrier aux conséquences difficilement calculable en termes de coût humain et matériel.

Il faudrait que l’emploi des vecteurs indirects propres à la guerre hors limites contemporaines que nous avons déjà évoqués, s’avèrent incapables de maintenir les intérêts vitaux des acteurs principaux de la gouvernance mondiale et que le statu quo stratégique actuel entre puissances dominantes en vienne alors à être brisé.

Un statu quo qui semble pour l’instant privilégier la pression exercée vers le bas, sur les populations, que vers le haut, c’est-à-dire entre les États et les sommets stratégiques de la gouvernance globale.

Pour autant, un scénario de rupture régionale qui pourrait dégénérer n’est pas à écarter ainsi que le rappelaient les membres du Centre de Réflexion Interarmées (CRI). Ces derniers dénonçaient en juin dernier, l’actuelle stratégie nucléaire US-OTAN qui constitue pour eux un danger pour l’Europe et « un concept qui marque un retour à la guerre froide »[35]. Ils s’alarmaient aussi d’une possible normalisation de l’emploi de l’arme nucléaire de théâtre (ou tactique) dans la doctrine nucléaire américaine contemporaine[36]. Arme nucléaire tactique qui pourrait être employée sur un théâtre d’opération d’Europe orientale face à la Russie.

L’emploi d’armes nucléaires tactiques de théâtre qui aboutiraient par escalade à l’emploi d’armes nucléaires anti-cités est une hypothèse de travail qui a conduit des chercheurs de l’université de Princeton à simuler un conflit entre USA et Russie, conflit qui dégênerait en une guerre nucléaire totale. Un scénario qui aboutirait d’après cette simulation à environ 90 millions de morts, principalement sur le territoire européen. Une projection qui apparaît manquer de rigueur pour certains analystes : l’agresseur étant bien entendu la Russie et surtout les réactions des puissances nucléaires européennes que sont la Grande-Bretagne et la France n’étant pas vraiment prises en considération. Pour autant il est significatif que de telles recherches soient menées sur la base d’éléments dont certains semblent assez réalistes [37].

Une autre hypothèse de rupture pouvant conduire à un embrasement de l’ordre mondial reste celle d’un acteur géopolitique « irrationnel » qui viendrait bousculer les rapports de force et les équilibres précaires existants. C’est une possibilité que nous avons déjà évoquée à propos d’Israël dans notre livre Soros et la société ouverte. Il s’agit de l’option « Samson » que se réserverait une partie de l’appareil militaire et politique israélien :

« Samson est ce héros hébreu connu pour avoir fait s’effondrer sur lui-même et ses assaillants un temple de Philistins, cela au moment où il se sentait acculé par un trop grand nombre d’ennemis. Une idée qui remonterait aux années 60 d’après le journaliste américain Seymour Hersh, auteur en 1991 d’un livre sur l’histoire de l’arme atomique israélienne : « The Samson Option: Israel’s Nuclear Arsenal and American Foreign Policy ». L’historien militaire Martin Levi Van Creveld évoquera a son tour cette « doctrine » militaire de dernier recours :

« Nous possédons plusieurs centaines d’ogives atomiques et de missiles et pouvons les lancer sur des cibles dans toutes les directions, peut-être même contre Rome. La plupart des capitales européennes sont des cibles pour notre force aérienne. Permettez-moi de citer le général Moshe Dayan : “Israël doit être comme un chien fou, trop dangereux pour être embêté” Je considère tout cela comme désespéré à ce stade. Nous devrons essayer d’empêcher les choses d’en arriver là, si cela est possible. Nos forces armées, cependant, ne sont pas la trentième force au monde mais plutôt la deuxième ou la troisième. Nous avons la capacité de faire tomber le monde avec nous. Et je peux vous assurer que cela arrivera avant qu’Israël ne disparaisse » [38]

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Une option militaire qui peut apparaître tellement extrême qu’elle semble en devenir irréaliste, mais qui s’inscrit en fait dans le temps long des représentations bibliques, comme en témoigne cette vision du prophète Zacharie : « Voici la plaie dont l’éternel frappera tous les peuples qui auront combattu contre Jérusalem : leur chair tombera en pourriture tandis qu’ils seront sur leurs pieds, leurs yeux tomberont en pourriture dans leurs orbites, et leur langue tombera en pourriture dans leur bouche. » [39]

Comme nous l’avons régulièrement exposé, nous pensons que les acteurs de la puissance sont en dernière analyse guidés même de manière inconsciente par des représentations et des conceptions politiques qui découlent généralement de concepts et de notions religieuses sécularisées. C’est le domaine de la théopolitique qu’a longuement étudié en son temps Carl Schmitt [40].

En définitive, la forme que prendra l’ordre mondial dépendra aussi des idéologies et visions du monde qui sous-tendent les prises de décision des acteurs géopolitiques qui le forment. En dernier instance et comme toujours dans l’Histoire, ce sera la responsabilité humaine qui devra trancher et déterminer la forme future de cet ordre mondial actuellement en gestation. Et comme disait Karl Marx : « les hommes font l’Histoire, mais ils ne savent pas l’Histoire qu’ils font ».

Pierre-Antoine Plaquevent – avril 2021


[1] Cf. la notion de Max Weber : Monopol legitimer physischer Gewaltsamkeit

[2] Cf. Thomas Hobbes, Le Leviathan, chapitre XXX : De la fonction du Représentant souverain, 1651.

« La fonction du souverain, qu’il soit monarque ou une assemblée, consiste dans la fin pour laquelle le pouvoir souverain lui a été confié, à savoir procurer au peuple la sécurité, fonction à laquelle il est obligé par la loi de nature, et il est obligé d’en rendre compte à Dieu, l’auteur de cette loi, et à personne d’autre. » Voir aussi : L’abolition de l’État de droit et la renaissance de la violence politique – Youssef Hindi
https://strategika.fr/2021/04/12/labolition-de-letat-de-d...

[3] Cf. Soros et la société ouverte : métapolitique du globalisme (édition augmentée), Pierre-Antoine Plaquevent, éditions Culture et Racines, 2020 https://www.cultureetracines.com/essais/5-soros-et-la-soc...

[4] Rappelons que d’après le président biélorusse Alexandre Lukachenko, la Banque Mondiale aurait proposé au Bélarus un financement 940 millions de dollars si l’État y appliquait le même type de mesures sanitaires et sociales qu’en Europe occidentale : quarantaine, isolement, couvre-feu etc. « Nous ne danserons sur la musique de personne » avait commenté le président biélorusse au sujet de ces révélations. Voir ici : https://www.belta.by/president/view/net-bolshej-tsennosti... ou ici  https://www.geopolintel.fr/article2383.html

[5] Amérique latine : où en sont les mouvements de contestation ?

https://www.lefigaro.fr/international/amerique-latine-ou-...

mardi, 13 avril 2021

S’attendre à la prochaine grande guerre: Riyadh contre Bagdad

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S’attendre à la prochaine grande guerre: Riyadh contre Bagdad

Damir Nazarov

Ex : https://www.geopolitica.ru

Alors que la communauté mondiale est occupée à "résoudre" les crises en Libye et au Yémen et à mener des "espèces de simili-négociations" sur la Syrie, un autre conflit majeur, mais tout à fait attendu, mûrit dans le labyrinthe du Moyen-Orient. Ses origines remontent à l'agression de Saddam contre la République islamique d’Iran, mais après l'émergence de DAESH, il est devenu évident que nous pourrions très bientôt assister au début d'une confrontation directe entre les protagonistes. Nous évoquons ici une lutte potentielle entre l'Arabie saoudite et l'Irak (du moins sa partie pro-iranienne). Saddam et ISIS* (vous pouvez mettre un signe égal ici) sont depuis quelque temps la principale force de frappe des impérialistes contre Téhéran, mais malgré l'influence majeure des élites anglo-saxonnes, on ne peut ignorer l'énorme contribution(1) de la plus grande autocratie de la péninsule arabique au potentiel de combat des agresseurs du Baathisme*. Le subtil enchevêtrement entre pétrodollars et idéologie (arabisme, takfirisme) a fait l'affaire.

La première vague de "réveil islamique" a déclenché un mouvement tectonique dans la région et a mis à nu les anciennes contradictions antagonistes entre les partisans de la révolution islamique, d'une part, et les dictatures pro-occidentales, d'autre part. Ainsi, en 2012, les services de renseignement saoudiens avaient accusé le Conseil suprême de la révolution islamique d'Irak de fournir des armes aux révolutionnaires des zones chiites d'Arabie saoudite. C'est précisément en raison des nouvelles réalités, dans lesquelles la République islamique est devenue le premier allié des peuples rebelles de l'Oumma et les Saoudiens le premier ennemi intérieur (le sionisme est l'ennemi extérieur numéro un, après tout), que Riyad a commencé à agir directement contre la RII, ce qui a directement affecté l'Irak. Par exemple, en 2013, la milice irakienne Jaish al Mukhtar a tiré des roquettes sur les Saoudiens en représailles à une attaque terroriste contre l'ambassade d'Iran à Beyrouth.

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Mais l'année 2019 a marqué un certain tournant, les services de renseignement américains signalant que les Irakiens ont attaqué les Saoudiens pour la première fois d'une ‘’nouvelle manière’’ (2). L'ombre du soupçon s'est abattue sur la Brigade du Hezbollah. Que cela soit vrai ou non n'a aucune importance, car il est devenu évident que l'"ancien" conflit est entré dans une nouvelle phase. Cette année encore, nous avons pu assister à un échange de coups. Le 21 janvier, les services spéciaux saoudiens, sous couvert d'ISIS, ont organisé une attaque à Bagdad, et deux jours plus tard, la ‘’Brigade de la vraie promesse’’ a utilisé un drone pour attaquer le palais royal.

L'omniprésence des Américains dans la région a également permis d'établir un lien entre l'organisation nouvellement fondée et le Hezbollah irakien. Acte de terreur, contre-attaque de guérilla, nous serons probablement témoins, encore et encore, d'un acte de terreur des Saoudiens et d'actions de guérilla de représailles des Irakiens qui illustrent qui est le guerrier et qui est le terroriste dans cette guerre.

Il est difficile de prédire à quelle faction de la Résistance islamique appartiennent les groupes qui attaquent la dictature saoudienne, mais sur un point, les Américains ont sans doute raison, le corps du Hezbollah d'Irak a vraiment des capacités énormes. Avec le soutien de la RABD et de l'IRGC, la ‘’Brigade du Hezbollah’’ a réussi à construire son propre "État profond" et à poursuivre son développement avec succès sur divers fronts. Dans ce contexte, il convient d'ajouter que les "partisans irakiens de Wilayat al-Faqih" ont établi des relations solides avec diverses forces politiques islamiques dans le pays, ce qui témoigne de leur crédibilité personnelle et de leur capacité à être des tacticiens flexibles.

Conclusion : peut-on encore affirmer qu'une nouvelle guerre à grande échelle nous attend ? Certainement oui (3), toute la question est celle du timing. Une guerre au plein sens du terme entre les éléments clés des deux alliances (4) est à prévoir dans un avenir proche, mais la "guerre froide" locale, utilisant des tactiques de sabotage, bat déjà son plein et trouve son origine dans l'intervention de Washington en Irak. Personnellement, je suis sûr que l'aventure yéménite n'aura absolument aucun effet sur les ambitions de la cour saoudienne. Il ne s'agit même pas ici de "folie politique", mais plutôt de "continuer la politique par d'autres moyens". Car ce n'est qu'une question de temps avant que l'Irak ne devienne "islamo-révolutionnaire", après quoi la présence des colonialistes commencera à reculer de manière accélérée, et leur départ imminent affectera certainement les marionnettes pro-occidentales de la région. Mais ce qui effraie le plus la Maison des Saoud, c'est qu'un État jeune et ambitieux, doté d'une nouvelle idéologie, émerge à côté d'une autocratie décrépite, Etat jeune qui a bien l'intention d'exporter des idées révolutionnaires. Riyad comprend que, dans ce scénario, le "nouvel Irak" ne se limitera manifestement pas à soutenir les enclaves chiites de l'Arabie saoudite; l'essentiel de l'aide ira aux forces sunnites et salafistes locales qui s'opposent au régime.

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En décrivant le régime saoudien au pouvoir comme un agresseur intransigeant, on peut se référer aux conclusions du camp du "Grand Satan". En 2019, le Washington Post a décrit Mohammad bin Salman (MBS) comme le "nouveau Saddam". Et si l'on compare les années 80 à notre époque, on constate effectivement de nombreuses similitudes. Le régime de Saddam, profitant du soutien des grandes puissances mondiales des deux camps de l'époque, a attaqué la jeune république révolutionnaire, et n'a pas caché la raison de l'agression - en pointant du doigt l'idéologie islamique de la révolution. Aujourd'hui en Irak, avec quelques réserves, mais il y a bien un "changement révolutionnaire", symbolisé par Hashad al-Shaabi et ses alliés. Le renforcement du facteur islamique dans un pays voisin, n'est-il pas une raison pour tenter une intervention visant à détruire l'institution de pouvoir nouvellement apparue et indépendante ? Une analogie avec le comportement de l'Irak baasiste à la fin du XXe siècle s'impose.

Le "Saddam saoudien" a déjà déclenché un massacre contre la Révolution (événements au Yémen), en échouant lamentablement, mais il faut savoir que le prince héritier n'est qu'un des nombreux intrigants ambitieux qui ne manqueront pas de saisir l'occasion pour éteindre la lumière d'un "nouveau soulèvement" ou déclencher une autre guerre au nom de leurs propres intérêts et d'une tentative de plaire au sionisme. En particulier lorsque les ressources pro-occidentales brossent le tableau d'un "Irak faible" avec une abondance de problèmes internes, le désir d'organiser une "guerre victorieuse éclair" est multiplié. La faiblesse de l'appareil d'État, gangrené par la corruption et protégé par les Américains, les tendances séparatistes au Kurdistan et à Anbar, la lutte à l'intérieur du camp chiite (Sistani, laïcs, chiraziens contre l'Iran), tous ces éléments présentent à première vue une perspective assez favorable à une nouvelle aventure saoudienne, surtout avec le soutien actif du sionisme et des États-Unis, mais Riyad se rend-il compte des conséquences évidentes ? Probablement pas, et l'histoire du Yémen en est la preuve.

Les Américains sont déjà activement engagés dans le développement de scénarios pour une future guerre entre les Saoudiens et l'Irak. Ainsi, The Economist, citant des "responsables irakiens", parle d'une prétendue "milice armée de 1400 missiles qui se rassemble près de la frontière avec l'Arabie saoudite". N'est-ce pas une remise en jeu provocante ?

Le soutien de Riyad aux Takfiris a été symbolisé par les propos du prince Saoud al-Faisal, alors ministre des Affaires étrangères, qui a déclaré au secrétaire d'État John Kerry à l'automne 2014: "ISIS est notre réponse à votre soutien au parti Dawa'a".

 

  • (1) Ce soutien se poursuit à ce jour, même en termes de logistique, les Saoudiens fournissent aux Takfiris tout ce dont ils ont besoin. Exemple avec les voitures, les Saoudiens en ont fourni à DAESH depuis début 2014 jusqu'à aujourd'hui.
  • (2) Signifie le rôle important du corps du Hezbollah dans le cadre de la force de mobilisation populaire irakienne.
  • (3) "La guerre ne peut être évitée, elle ne peut être que retardée - à l'avantage de votre ennemi", Nicolo Machiavelli.
  • (4) Il s'agit ici de la confrontation entre le bloc pro-américain, où les Saoudiens jouent un rôle majeur, et le bloc pro-iranien, pour lequel l'Irak est le principal maillon de l'Axe de la Résistance.

DAESH (ISIS) - interdit dans la Fédération de Russie.

Sur la présence militaire mondiale des États-Unis

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Sur la présence militaire mondiale des États-Unis

Leonid Savin

Ex : https://www.geopolitica.ru/

De la présence physique aux opérations sophistiquées sur Internet, telles sont les tâches du Pentagone dans un avenir proche.

Le mois de mars dernier a été assez fructueux pour la communauté militaro-politique américaine en termes de doctrines et de stratégies de toutes sortes. Nous avons déjà noté qu'au début du mois de mars, la Maison Blanche a lancé la publication du manuel temporaire de sécurité nationale aux Etats-Unis.

Et le 16 mars, l'armée américaine a publié la nouvelle stratégie Army Multi-Domain Transformation. Prêt à gagner dans la compétition et le conflit.

Elle aussi présente un intérêt considérable. Ce document parle d'étendre la présence des forces terrestres américaines dans le monde. Il note que "dans la région indo-pacifique, 24 des 29 chefs d'armée sont des officiers de l'armée de terre, et sur les 30 États membres de l'OTAN, 22 ont des chefs d'armée issus de leurs armées respectives. En raison de cette affinité professionnelle, l'armée américaine peut jouer un rôle considérable dans le soutien des objectifs inter-agences des États-Unis dans une approche pangouvernementale." Ce principe du "soft power" au sein du "hard power" est utilisé depuis longtemps par l'armée américaine pour attirer des partenaires d'autres pays dans sa sphère d'influence.

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Le Général McConville.

Le commandant de l'armée américaine, le général McConville, commentant la nouvelle stratégie, a noté que les méthodes de guerre non militaires étaient désormais très demandées. Selon lui, "la compétition narrative est une bataille mondiale constante pour les cœurs et les esprits de nombreux publics différents dans de nombreux pays différents. C'est une lutte pour raconter l'histoire de l'Amérique et pour embellir sa réputation lorsque des adversaires tentent de la salir et de la désinformer. Tout ce que l'armée fait, et qui n'est pas un secret, contribue à la réputation nationale, bonne ou mauvaise, souligne le journal. Les actions insensibles ou contraires à l'éthique qui complètent la mission aujourd'hui peuvent causer des dommages durables à la réputation que toutes les autres unités devront gérer à l'avenir ‘’.

Il explique que la concurrence directe et indirecte est directement déterminée par la volonté des États-Unis de passer ou non à l'utilisation de la force armée. En substance, la concurrence "directe" est tout cas où les politiciens sont prêts à voir des troupes américaines tuer des ressortissants étrangers. La concurrence indirecte, en revanche, signifie que l'utilisation de la force létale par les États-Unis n'est pas à l'ordre du jour, bien que des hostilités ouvertes par des alliés, des partenaires et des mandataires soient tout à fait possibles. Ainsi, la fourniture de missiles Stinger aux insurgés afghans contre l'URSS était un conflit indirect, même malgré les pertes en vies humaines, alors que le déploiement d'une brigade de combat sur le territoire d'un allié menacé est un conflit direct car le potentiel d'un affrontement entre les forces américaines et étrangères existe.

Il y a clairement une allusion à la manière dont les États-Unis devraient se comporter vis-à-vis de la Chine (y compris le soutien à Taïwan) ainsi que de la Russie et de l'Iran.

Le document évoque également la manière d'attirer dans son camp les pays qui entretiennent de bonnes relations avec des adversaires potentiels.

Elle précise que "les plus courantes de ces [situations] sont les nombreux cas où les États-Unis et un adversaire ont une relation ou une présence durable. C'est l'une des différences significatives entre la compétition actuelle entre grandes puissances et la guerre froide. Aujourd'hui, même certains des alliés les plus proches et les plus anciens des États-Unis entretiennent des relations importantes avec des adversaires.

Les débats au sein des gouvernements de certains de nos alliés les plus proches sur la question de savoir s'il faut donner la priorité à la sécurité et aux liens avec les États-Unis ou à l'économie et à la Chine ou à l'infrastructure des technologies de l'information sont des exemples de la façon dont la concurrence indirecte se produit presque partout.

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Dans un pays donné, les deux grandes puissances procéderont à des échanges entre les guerres, fourniront une assistance technique, accueilleront des étudiants pour l'éducation et la formation militaires, renforceront les capacités des forces de sécurité, vendront des équipements ou achèteront des biens et des services à la population locale... Le partenaire est heureux d'envoyer des étudiants dans les collèges militaires des deux grandes puissances ou d'acheter des équipements aux deux."

Et pour finalement attirer des partenaires de leur côté, l'armée américaine suggère de saper la réputation des pays désignés comme concurrents. "Une bonne réputation est un atout stratégique. La concurrence narrative se traduit par la montée et la chute de la réputation d'un pays, fondée sur les perceptions communes de sa force, de sa fiabilité et de sa détermination. La compétition narrative est continue, ouverte et plus large que tout événement ou action unique. Il s'agit d'un lien qui relie de multiples instances subordonnées de concurrence sur des questions spécifiques en un tout cohérent.

La concurrence narrative est soutenue et cumulative ; la réputation des États-Unis s'accumule avec le temps. Malgré cette force, la concurrence narrative va assez loin. Les États-Unis peuvent jouir d'une réputation mondiale exceptionnelle, mais ne pas être en mesure de rivaliser efficacement sur une question particulière parce qu'ils n'ont pas établi de relation, n'ont pas de présence ou ne disposent tout simplement pas des capacités appropriées à la situation."

Des actions asymétriques sont également censées être menées, en se concentrant sur l'image existante des États-Unis en tant que protecteur de la démocratie.

"Dans la mesure où les systèmes et valeurs démocratiques ouverts désavantagent les États-Unis dans ce qu'on appelle parfois la guerre politique, ces mêmes caractéristiques font des États-Unis un partenaire plus attrayant. Si un adversaire utilise la concurrence dans le cadre d'un conflit armé par des moyens tels que le harcèlement des pêcheurs dans les zones contestées ou la conduite de campagnes de désinformation, la meilleure réponse pour les forces armées peut être d'essayer de répondre de manière non symétrique par une forme d'agression de ce type. Les actions agressives d'un adversaire créent la possibilité d'une réponse asymétrique dans laquelle l'allié ou le partenaire menacé cherche à approfondir sa coopération avec les États-Unis."

Et l'idée maîtresse de ce genre de nouveaux documents est confirmée verbalement par d'autres hauts responsables militaires au niveau officiel...

Lors d'une audience du Sénat américain le 25 mars 2021, le sous-secrétaire à la défense pour les opérations spéciales et les conflits de faible intensité, Christopher Meyer, a déclaré que "les forces d'opérations spéciales ont fait des progrès dans l'adaptation de leurs capacités aux défis de la concurrence avec les grandes puissances que sont la Chine et la Russie."

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Le Général Richard Clarke.

Le général Richard Clarke, qui commande directement les forces d'opérations spéciales (FOS) du Pentagone, a indiqué que cinq mille combattants des forces spéciales se trouvent dans 62 pays. Ils mènent des actions conjointes avec des partenaires d'autres pays, des travaux inter-agences sur la détection des réseaux transrégionaux, la prévention des actes terroristes, la surveillance des transactions financières, etc. À l'avenir, pour contrer la Chine et la Russie, les FDS joueront un rôle central. Il s'agira de "mener des opérations psychologiques, de faire participer activement les ressortissants étrangers à la recherche, de contrer et de combattre la propagande hostile et la désinformation."

Il a été dit qu'"en 2021, nous présenterons nos premiers partenaires à l'étranger et créerons des relations inter-agences... Enfin, nous sommes reconnaissants pour la gamme d'autorités accordées par le Congrès qui permettent au FSD d'avoir un impact énorme sur divers groupes de mission. Les opérations menées au titre de l'article 127e du 10 USC (CT) offrent la souplesse nécessaire pour appliquer les opérations de lutte contre le terrorisme à d'autres zones inaccessibles ou contestées, et les opérations menées au titre de l'article 1202 du FY18 NDAA (guerre irrégulière) sont nécessaires pour appliquer les capacités CCO afin d'identifier les acteurs malveillants et de leur imposer des coûts. En outre, les autorités en vertu de l'article 127f du 10 USC (renseignement/contre-espionnage) et de l'article 1057 de la NDAA de l'année fiscale 20 (formation opérationnelle secrète) ont modifié les règles de dépenses, ce qui permet d'appliquer les capacités de CCO avec plus d'efficacité et de transparence."

Cela signifie que les législateurs américains ont donné leur feu vert pour étendre la portée de toutes sortes d'opérations secrètes visant à violer la souveraineté d'autres nations. Et la lutte contre la propagande signifie un large arsenal d'opérations d'information allant du dénigrement de l'image de la Russie sur la scène internationale à l'introduction de bots et de trolls dans l'activité en ligne.

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Le Général Paul Nakasone.

La transformation numérique et l'introduction de l'intelligence artificielle sont également à l'ordre du jour pour les forces spéciales américaines. Le chef du Cyber Command, le général Paul Nakasone, s'est également exprimé devant le Sénat ce jour-là. Il a déclaré : "La Russie est un cyber-adversaire sophistiqué. Elle a démontré sa capacité à mener de puissantes campagnes d'influence en utilisant les médias sociaux. Moscou mène des opérations efficaces de cyber-espionnage et d'autres opérations et a intégré les cyber-activités dans sa stratégie militaire et nationale. Malgré l'exposition publique et les accusations des cyber-acteurs russes, la Russie reste concentrée sur le façonnement du récit mondial et l'exploitation des réseaux et des cyber-systèmes américains."

Nakasone a présenté le vaste programme de son agence pour 2021.

Compte tenu de cette préparation à une action militaire active des États-Unis et de leur partialité à l'égard d'autres pays, il y a peu d'espoir de normalisation des relations entre la Russie et les États-Unis.

Élections législatives en Bulgarie – Avril 2021

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Élections législatives en Bulgarie – Avril 2021

Enric Ravello Barber

Ex : https://www.enricravellobarber.eu/2021/04/

Le parti conservateur GERB a de nouveau remporté les élections bulgares de la semaine dernière avec 25,7% des voix. La deuxième place revient au jeune parti ITN (There is such a people) dirigé par un célèbre chanteur et présentateur de télévision, qui s’affiche ‘’anti-corruption’’ et nie ouvertement le COVID-19,  Slavi Tritonov. Il constitue la grande surprise des élections qui, avec ses 16,2% des voix, laisse les sociaux-démocrates du BSP en troisième position avec 15%. Le quatrième parti est le DPS, un parti libéral de l'importante minorité turque, qui obtient 11,9% des voix.

Malgré la victoire électorale, les résultats ne sont pas bons pour le GERB gouvernemental qui perd 8 points par rapport aux 33,7% réalisés en 2017. Le panorama post-électoral laisse l'actuel président Boiko Borissov dans une situation très compliquée pour pouvoir former un gouvernement. Slavi Tritonov - le vainqueur moral des élections - a annoncé qu'il n'entrerait dans aucune coalition.

Il est peu probable que les sociaux-démocrates rejoignent une quelconque coalition gouvernementale avec le GERB, car il leur est très difficile de le faire.

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Slavi Tritonov.

Le GERB a formé un gouvernement avec les nationalistes du VMRO (Organisation révolutionnaire macédonienne interieure - Mouvement national bulgare), qui ont perdu leurs 12 députés et sont désormais exclus de la Chambre car ils n'ont pas atteint les 4% nécessaires pour obtenir une représentation (3,64% ; ils avaient eu 9,07% en 2017). Le gouvernement avait le soutien parlementaire d'une autre formation nationaliste, Volya, qui, avec 2,2% (7% en 2017), perd également toute représentation. Deux autres candidatures nationalistes se présentaient aux élections: Revival, avec 2,2%, et Ataka, qui comptait auparavant trois députés européens, avec 0,49% des voix. La désunion nationaliste et l'incapacité à présenter une liste unique, les a laissés hors du Parlement. Ils auraient certainement obtenu des sièges s'ils avaient présenté une liste unique, bien qu'ils auraient eu moins de députés qu'en 2017 en raison de l'effet de la candidature de Tritonov.

Les négociations pour former un gouvernement seront longues, et personne n'exclut de nouvelles élections, sinon le gouvernement sera faible pour affronter les quatre prochaines années avec stabilité.

dimanche, 11 avril 2021

La géopolitique et la géostratégie de l'Iran

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Ronald Lasecki :

La géopolitique et la géostratégie de l'Iran

Ex: https://xportal.pl/?p=38885

L'assassinat du général iranien Kasem Suleimani et du commandant de la milice chiite irakienne Kataib Hezbollah, Abu-Mahdi al-Mohandes, par les Américains à Bagdad le 3 janvier 2020, et la forte augmentation de la tension qui s'en est suivie dans les relations entre Washington et Téhéran, ont à nouveau tourné l'attention du monde vers l'Iran.

Une forteresse rocheuse naturelle

C'est le pays le plus grand et le plus peuplé de la région, avec une superficie de 1.648.000 km², ce qui en fait le 19e plus grand pays du monde, et une population de 83 millions d'habitants, ce qui en fait le 17e plus grand pays du monde [1]. À titre de comparaison, l'Irak voisin a une superficie de seulement 438.000 km² et une population de 40 millions d'habitants [2], tandis que l'Afghanistan, au nord-est, a une superficie de 652.000 km² et une population de 34 millions d'habitants. L'Iran est donc une fois et demie plus grand que l'Irak et l'Afghanistan réunis, et sa population est plus importante que les populations combinées de ses deux petits voisins. Si une carte de l'Iran était superposée à une carte de l'Europe, elle serait plus grande que toute l'Europe occidentale: Péninsule ibérique, France, Benelux et Allemagne [3].

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La deuxième caractéristique du pays réside dans ses frontières géopolitiques naturelles: à l'ouest se trouve la chaîne de montagnes du Zagros, composée de plusieurs chaînes parallèles, qui s'étend sur 1600 km. et se raccordant au nord aux montagnes kurdes et au Taurus arménien; au nord se trouve la chaîne d'Elburn; à la frontière avec la plaine touranienne, au nord-est se trouve la chaîne de Kopet-Dag, qui fait partie des montagnes turkmènes (Khorosan); à la frontière avec l'Afghanistan se trouvent de nombreuses chaînes des montagnes afghanes centrales qui convergent vers l'est en direction de l'Hindu Kush ; au sud se trouvent les montagnes Suleiman qui s'étendent vers le sud; sur la côte du golfe d'Oman se trouvent des montagnes peu élevées (jusqu'à 2500 m. d'altitude - Monts Mekran) [4]. Toutes ces chaînes forment une forteresse rocheuse naturelle, extrêmement difficile à conquérir de l'extérieur.

La longueur totale des frontières de l'Iran est de 8640 km, dont 566 km sur la frontière avec la Turquie, naturellement fortifiée par des montagnes, 756 km sur la frontière, également sécurisée, avec l'Azerbaïdjan, et 45 km sur la frontière avec l'Arménie [5]. L'expansion nord-ouest de l'Iran se heurte non seulement à des obstacles politiques relatifs sous la forme des centres de pouvoir turcs et russes, mais aussi à des obstacles géographiques et climatiques objectifs sous la forme de chaînes de montagnes difficiles à franchir. La frontière avec le Turkménistan, longue de 1190 km, cache de l'autre côté le désert aride et sablonneux de Karakoum. D'une longueur totale de 1843,9 km. D’autres montagnes couvrent les frontières de l'Iran avec l'Afghanistan et le Pakistan ; ici, l'expansion de part et d'autre est découragée par le terrain et l'aridité des terres des deux côtés de la frontière.

La frontière maritime septentrionale de l'Iran s'étend sur 843 km et comprend la côte de la mer Caspienne, dont les monts Elbours sont séparés par l'étroite plaine de la Transcaspienne (ce relief a été exploité par les pêcheurs du 18e siècle). La Russie a conquis temporairement les provinces perses de Mazanderan et d'Astrabad durant les années 1723-1732 [6]). Le littoral sud est de 2106 km de long et s'étend sur le golfe Persique, le golfe d'Oman et le détroit d'Ormuz. Au rétrécissement formé par ce dernier se trouve le port le plus important d'Iran dans la ville de Bandar Abbas. Il s'agit d'un point stratégiquement sensible et, en l'absence d'autres ports importants, l'Iran ne peut aspirer à être une puissance maritime, restant avant tout une puissance terrestre.

Frontière entre l'Irak et l'Iran

Les conditions géopolitiques les plus favorables à l'expansion de l'Iran sont créées par les 1608 km de la longue frontière de ce pays avec l'Irak. Les montagnes kurdes mentionnées ci-dessus disparaissent du côté irakien de la frontière, au sud du Kurdistan irakien. Du côté iranien s'élève la chaîne des Zagros, qui fait office de mur défensif (plus de 4 000 m d'altitude), tandis que du côté irakien s'étend la plaine plate et fertile de la Mésopotamie. En combinant son propre potentiel démographique avec le potentiel économique de la plaine mésopotamienne, avec les conditions qui lui donnent un avantage territorial et démographique significatif sur l'Irak, l'Iran serait en mesure d'atteindre la position d'une superpuissance. Le déroulement de la guerre Irak-Iran de 1980-1988 indique que, malgré la supériorité technique et la meilleure organisation des habitants des plaines, les tentatives d'attaque de la forteresse naturelle iranienne, entourée de chaînes de montagnes, s'avèrent trop difficiles pour eux.

56e854cb58d3d3d4ae550cb30c672c10.jpgLes racines du conflit Irak-Iran remontent à un passé lointain, lorsqu'en 1847, la frontière terrestre séparant les deux pays a été tracée de manière inexacte. Dans les années 1950 et 1960, l'objet du litige était le mouillage de Khoramshahr et l'île d'Abadan, revendiqués par l’Irak, qui exigeait que les navires iraniens soient escortés par des pilotes irakiens. En avril 1969, Bagdad s'est déclaré propriétaire du fleuve Shatt al-Arab et a interdit aux navires étrangers d'y pénétrer. Cette déclaration n'a pas été acceptée par l'Iran, qui a envoyé des navires de guerre pour protéger ses propres navires. Le différend a été temporairement réglé par l'accord de compromis signé à Alger en 1975.

Les plans opérationnels de l'armée irakienne dans la guerre contre l'Iran, qui a débuté le 22 septembre 1980 par une attaque aérienne de l'Irak sur les positions iraniennes, prévoyaient la destruction de l'armée iranienne dans un délai de 10 à 14 jours et la prise des zones contestées du Khuzestan et de certaines parties de la province d'Ilam, après quoi Téhéran devait proposer des pourparlers au cours desquels il était prévu de négocier un traité de paix favorable à l'Irak. L'objectif de l'armée de l'air irakienne dans les premières semaines de la guerre était de prendre le contrôle de l'air, de détruire les bases aériennes iraniennes, de bombarder les zones de dislocation des forces terrestres iraniennes, ainsi que les installations industrielles de Téhéran, Abadan, Kermanshah et Ispahan, et les installations minières et de pompage de l'île de Khark. Malgré la réalisation de 100 à 150 vols de combat par jour jusqu'à la fin du mois de septembre, les Irakiens n'ont pas réussi à atteindre ces objectifs en raison, notamment, d'une mauvaise reconnaissance de l'emplacement des installations et de leurs défenses et de l'inexpérience des pilotes dans la destruction d'installations terrestres relativement petites et souvent cachées. À la fin du mois de décembre 1980, l'offensive terrestre irakienne s'est également effondrée, rencontrant initialement une résistance relativement faible de la part des volontaires, de la police, des unités de gendarmerie et d'un petit nombre d'unités d'artillerie défendant des nœuds de communication et des emplacements particuliers, mais entravée par les conditions naturelles sous la forme d'un terrain montagneux et d'un climat rigoureux [7].

Une exception au type de frontière Irak-Iran décrit ci-dessus est la province iranienne du Khuzestan, qui s'étend sur une longueur de 200 km, avec le fleuve Shatt el-Arab, qui est le débouché commun de l'Euphrate et du Tigre dans le golfe Persique. Le Khuzestan est une région de plaines et de marécages, donc bien qu'elle soit située sur le versant occidental des monts Zagros, elle est parfaitement adaptée à la défense contre d'éventuels agresseurs venant de l'ouest, et elle a effectivement joué ce rôle lors de la lutte contre l'agression irakienne dans les années 1980. Cependant, la province est habitée par des Arabes de souche organisés selon des modes de loyauté essentiellement claniques, plutôt que persanes, ce qui, dans le passé, avait déjà été un facteur de déstabilisation du pouvoir iranien sur place.

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A la fin du 19e siècle, le Khuzestan était surtout connu pour ses vols et ses enlèvements. Les fonctionnaires de la cour impériale des Qajars ne venaient que rarement dans ses steppes sauvages et toujours sous escorte militaire. Le Khuzestan était dirigé par le cheikh Khazal de Muhamrah, qui tirait ses revenus de la collecte de tributs auprès des caravanes commerciales. La Perse confie toutefois l'administration des douanes aux Belges, ce qui incite le cheikh à demander un protectorat à Londres en 1898. L'ambassadeur britannique de l'époque à Téhéran, Sir Mortimer Durand, a donné une réponse évasive, ne voulant pas fâcher le Shah. Au même moment, cependant, le voyageur australien William Knox D'Arcy découvre des gisements de pétrole au Khuzestan et obtient du Shah une concession pour leur exploitation exclusive. Dans cette situation, un autre ambassadeur britannique, Sir Arthur Hardinge, a fait en sorte que le Khuzestan soit placé sous protectorat britannique en 1909. En contrepartie, les tribus subordonnées au cheikh Khazal ont promis de ne pas attaquer les installations de l'Anglo-Persian Oil Company et de ne pas kidnapper le personnel en charge du forage.

La situation n'a été renversée qu'après la révolution nationaliste de 1921, par le futur Shah Reza, lorsqu'en 1924 le Khuzestan a été contrôlé par des garnisons de l'armée iranienne et que le Sheikh Khazal a été amené à Téhéran sous bonne garde. Cependant, cela n'a pas diminué l'influence de l'Anglo-Persian Oil Company (rebaptisée Anglo-Iranian Oil Company en 1933), qui a même maintenu sa propre force de police à Abadan. Cet état de fait a duré jusqu'en 1951, lorsque le pétrole iranien a été nationalisé par le Premier ministre Mohammad Mossadegh, qui a été renversé deux ans plus tard par un coup d'État organisé par les Américains. La reconquête définitive du Khuzestan par les Iraniens n'a eu lieu qu'après la révolution de 1979. Ce fait revêt une grande importance pour l'Iran, puisque 85% du pétrole et du gaz produits par le pays proviennent de cette région [8].

La Mésopotamie, clé de la puissance de l'Iran

Jusqu'au développement de la navigation océanique, les routes les plus importantes reliant l'Inde et la Méditerranée passaient par l'Iran. Les monts Zagros, habités par les Perses, constituent en fait un pont terrestre entre l'Asie occidentale et la péninsule indienne. Cependant, il s'agit d'une route ardue en raison du terrain montagneux défavorable. Il est extrêmement coûteux de développer des infrastructures et de l'industrie sur les pentes de ces montagnes. Le transport de matériel et de troupes à plus grande échelle est impossible. Ce sont les raisons pour lesquelles les tentatives successives d'occupation de l'Iran par des forces extérieures ont échoué. Mais c'est aussi un facteur déterminant de l'efficacité relativement faible de l'économie iranienne et de la pauvreté relative de sa population: le PIB/personne mesuré en termes de pouvoir d'achat était en 2019 de 17.600 dollars, ce qui plaçait l'Iran au 95e rang mondial [9]. Le marché du pétrole et du gaz protège l'Iran d'une dégradation économique complète, mais ne constitue pas une source de ressources suffisante pour sortir le pays de la pauvreté. La situation est exacerbée par les sanctions imposées par les États-Unis depuis l'automne 2018 et l'embargo absolu imposé en mai 2019 par Washington sur les importations de pétrole iranien.

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Enfin, la dernière conséquence de la forme spécifique de l'espace iranien est la difficulté stratégique de lancer des attaques à partir de celui-ci vers les plaines à l'ouest; les difficultés de transport dans les chaînes de Zagros limitent les options non seulement des forces d'invasion extérieures potentielles mais aussi des Iraniens eux-mêmes. Afin d'étendre son influence en Irak, Téhéran doit faire appel aux acteurs nationaux manifestant des sympathies pro-iraniennes dans le pays. Lorsque l'Iran a combattu le gouvernement irakien politiquement intégré dans les années 80, il n'a rien gagné, malgré de lourdes pertes. Positionné contre un Irak post-Saddam après 2003, avec une majorité chiite tournée vers Téhéran, il est rapidement devenu un acteur majeur et a eu accès à des ressources pour poursuivre son expansion dans la région. Un facteur clé de la géostratégie iranienne est donc de gagner des alliés dans les basses terres fertiles de la Mésopotamie, ce qui est actuellement facilité par la proximité religieuse des chiites des deux côtés de la frontière Iran-Irak.

Pendant la guerre de 1980-1988, la stratégie de l'Iran était dictée par sa géopolitique: la guerre devait être résiliente et préventive du point de vue iranien; l'offensive irakienne devait être contenue dans des positions fortement défendues dans les monts Zagros, à la périphérie des villes d'Abadan, de Khoramshahr, d'Alwaz, de Dezful, de Shushtar, de Musian et de Mehran, pour ensuite vaincre l'agresseur dans une contre-offensive et déplacer les hostilités en territoire irakien. Après une pause de trois semaines dans les hostilités, l'Iran lance une attaque contre les positions irakiennes en janvier 1981, débloquant (au prix de lourdes pertes) la liaison avec Abadan qui avait été perdue à l'automne. En septembre de la même année, l'offensive "Thamil ul Aimma" est menée. Le 22 mars 1982, l'Iran a mené avec succès l'opération "Fath", qui a permis de libérer environ 2000 km² du territoire iranien de l'occupation irakienne. Une autre offensive iranienne réussie, "Quds", a débuté le 30 avril 1982 et a permis de reprendre Khoramshahr, de libérer de l'occupation irakienne 5000 km² supplémentaires de territoire iranien dans le Khuzestan, et de repousser définitivement l'agresseur au-delà des frontières de l'Iran.

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La partie iranienne a eu moins de succès dans ses tentatives d'introduire des opérations militaires en territoire irakien: en 1988, Téhéran avait mené 23 opérations offensives, au cours desquelles les Iraniens n'ont pas réussi à percer les défenses très efficaces des forces irakiennes bien équipées sur la ligne défensive fortifiée créée par l'Irak. Les plus importantes de ces offensives ont été: l'opération "Ramadan béni" visant à s'emparer de Bassora et à couper l'Irak du golfe Persique. (13 juillet-5 août 1982), au cours de laquelle la partie iranienne a perdu 18.000 soldats, 220 chars et 133 véhicules de transport, ce qui a permis de déplacer la ligne de front de 7 km seulement vers l'ouest; l'offensive "Badr" visait à couper Bassora du reste de l'Irak (mars 1985) ; dans cette opération, l'Iran a perdu 15.000 à 30.000 tués et blessés; l'offensive "Wal-Fajr 8" visant à capturer le port d'Al-Faw et la base navale d'Umm-Kasr (février-mars 1986) qui s'est soldée par un demi-succès avec la prise du port d'Al-Faw et d'une partie de la péninsule du même nom. Malgré le fait que l'Iran ait engagé des forces importantes en hommes et en matériel, il n'a pas réussi dans deux offensives ultérieures, "Karbala" et "Fath"(mai 1986-décembre 1987), à provoquer l'effondrement militaire de l'Irak, qui, lors de sa propre offensive en avril-juin 1988 a repris la péninsule d'Al-Faw aux Iraniens, et a repoussé leurs troupes de la région de Bassora, Madjun, Zubaidat et Mehran [10]. Le 20 août 1988, une trêve est signée, et le 10 février 1991, après que l'Irak ait fait des concessions sous la pression de l'ONU en réponse à l'attaque irakienne contre le Koweït le 2 août 1990, un traité de paix est signé rétablissant le statu quo ante bellum [11].

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Volontaires afghans pendant la guerre Iran/Irak.

La guerre Irak-Iran est donc un exemple rare de conflit qui s'est soldé par une défaite relative des deux parties: l'Irak a échoué sur le plan stratégique, l'Iran sur le plan tactique. Le bilan du conflit pour l'Iran comprend un million de victimes (dont 300.000 morts), un coût de 645 milliards d'euros avec, en sus, la ruine des infrastructures et de l'économie [12]. Le conflit a mis en évidence l'importance de la chaîne de montagnes du Zagros: d'une part, l'impossibilité pour le pouvoir en place en Mésopotamie de vaincre le pouvoir perse, et d'autre part, l'insuffisance du potentiel du pouvoir perse issu de la ceinture de peuplement Zagros-Elburs pour soumettre la Mésopotamie seul avec un soutien insuffisant des forces locales.

La direction de l'est

Si l'on considère la géographie de l'Iran, il faut enfin mentionner brièvement les régions situées à l'est de la principale ceinture de peuplement de Zagros-Elburs: ce sont des régions inhospitalières et parmi les moins accueillantes pour l'homme. Les zones de plaine sont principalement le Grand désert de sel à l'est de Téhéran et de Koum, et le désert du Dasht-e Lut qui s'étend vers le Baloutchistan. La surface du premier, comme son nom l'indique, est une couche de sel mélangée à une épaisse couche de poussière (désert de salpêtre). Ce dernier est un désert de type sableux. Des températures de 70°C y ont été enregistrées et c'est l'un des endroits les plus secs et les plus chauds du monde. Les deux déserts sont inhabités et inhabitables. Les chaînes de montagnes arides environnantes entre les villes de Yazd et de Karman sont les régions dans lesquelles les reliques religieuses de Mazda ont finalement été repoussées après des siècles d'islamisation de l'Iran [13].

Les déserts des hauts plateaux iraniens sont de vastes plaines avec des couches sédimentaires horizontales résistantes au dégel et altérées, de type conglomérat. Les chaînes de montagnes Elburn, Kopet-Dag, les montagnes centrales d’Iran et les montagnes du Tabask, entourant le Grand Désert de Sel, et les chaînes de montagnes Kuh-e Behan (au sud-ouest) et les montagne de l’Est iranien (au nord-est) entourant le Dasht-e Lut empêchent l'entrée de masses d'air humide, ce qui détermine des précipitations extrêmement faibles (60-100 mm) et des températures de l'air très élevées en même temps. Le climat des deux déserts est de type continental subtropical. Presque toute l'année, le ciel est sans nuage, l'air est sec, en été il y a une grande chaleur, des brouillards secs et des tempêtes de poussière. Dans la partie centrale des deux déserts, on trouve des bandes de sables barchan qui, dans le cas du Dash-e Lut (où leur étendue est plus grande), se déplacent si rapidement qu'elles provoquent l'enfouissement des installations humaines: puits, postes d'eau, terres cultivées et structures. La végétation naturelle est très rare et se limite à de petits buissons de tamaris et à deux ou trois espèces de marais salants [14].

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Dasht i-Lut.

Dans ce contexte, l'activité limitée de l'Iran dans l'est et le nord-est n'est pas surprenante: son épisode le plus notable était de nature réactive et se limitait à une augmentation temporaire de la tension dans les relations entre Téhéran et Kaboul - il s'agissait de la réaction de l'Iran au meurtre de dix diplomates iraniens et d'un correspondant de l'IRNA par les Talibans lors de l'assaut du consulat iranien à Mazar-i-Sharif en septembre 1998. L'Iran a alors mobilisé 70.000 soldats à la frontière avec l'Afghanistan et l'indignation générale en Iran a laissé entrevoir la possibilité d'une nouvelle escalade des tensions [15]. Les négociations sur la libération des otages iraniens ont été pilotées depuis Téhéran par le général K. Suleimani, qui a également participé à la préparation des plans stratégiques pour une éventuelle guerre contre l'Afghanistan. À cette époque, le général Suleimani était également chargé d'assurer la sécurité de la frontière orientale du pays, où passent les routes de la contrebande de drogue en provenance d'Afghanistan [16].

L'activité la plus récente de Téhéran en Afghanistan et au Pakistan s'est limitée à la mobilisation de volontaires chiites dans ces pays pour combattre en Syrie. Dans le cas de l'Afghanistan, ils sont appelés "Fatemjun" et sont recrutés parmi les Khazars chiites et les réfugiés afghans en Iran. La tradition de l'implication de Fatemjun aux côtés de Téhéran remonte aux années de la guerre Irak-Iran. Beaucoup moins nombreux sont les volontaires chiites du Pakistan appelés "Zajnabjum". Ces deux catégories de volontaires ne reçoivent qu'une formation militaire de base dispensée par l'Iran ou le Hezbollah, qui dure généralement de 20 à 45 jours [17] et leurs pertes humaines dans la guerre en Syrie ont été très élevées [18].

Principes et instruments de la stratégie de l'Iran

La portée des activités de l'Iran à l'ouest, en Irak, est beaucoup plus large. La percée s'est produite avec l'agression américaine contre l'Irak le 19 mars 2003, qui a conduit, trois semaines plus tard, à la chute de Saddam Hussein - un objectif que l'Iran n'avait pas réussi à atteindre pendant la guerre de huit ans avec l'Irak en 1980-1988. En quelques mois, l'Iran a mis en œuvre une stratégie d'actions hybrides visant à augmenter le coût de l'occupation yankee de l'Irak et à façonner sa scène politique dans le sens d'une complémentarité avec les intérêts de Téhéran. La stratégie de l'Iran a tenu compte de sa faible puissance militaire et de sa faible efficacité dans un conflit conventionnel à grande échelle, en se concentrant sur les opérations asymétriques et en évitant les affrontements avec des concurrents plus forts. Cette stratégie a apporté à Téhéran un succès sans précédent et, en 2011, lorsque l'occupation américaine de l'Irak a officiellement pris fin, elle a élevé son statut international à celui d'une puissance régionale internationalement reconnue.

La base doctrinale de l'interventionnisme iranien au nom du chiisme, de l'islam en tant que tel, ainsi que la reconnaissance de "l'indépendance, de la liberté et du règne de la justice et de la vérité" comme droit de "tous les peuples du monde" et le soutien à "la lutte des combattants de la liberté contre les oppresseurs dans tous les coins du globe" sont contenus dans la Constitution de la République islamique d'Iran du 3. décembre 1979 (Préambule, article 3 (Objectifs de l'État), article 152 (Principes de la politique étrangère), article 154 (Indépendance, soutien à la lutte juste) et article 155 (Asile) [19]. Une autre source est le "Règlement général des forces armées de l'Iran" de 1992 qui fait référence à la fois au facteur géostratégique sous la forme du terrain de l'Iran ainsi qu'au rôle des forces armées conventionnelles (notamment les forces disposant de missiles) et à l'importance du moral sous la forme de l'énergie islamique révolutionnaire. L'armée de la République islamique d'Iran (Artesh-e Jomuri-ye Islami-je Iran, en abrégé Artesh) et le Corps des gardiens de la révolution islamique (Sepah-e Pasdaran-e Enghelab-e Islami, connu sous son acronyme anglais IRGC) [20] doivent être à la base de la mise en œuvre de la stratégie militaire de l'Iran.

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L'IRGC, fondé le 22 avril 1979 sur ordre de l'Ayatollah Ruhollah Khomeini (1902-1989), joue un rôle particulier dans la mise en œuvre de la stratégie militaire de l'Iran. L'article 150 de la Constitution iranienne lui confie la tâche de "défendre la Révolution et ses réalisations" [21]. Elle compte 190.000 soldats (dont: forces terrestres – 150.000, marine – 20.000, armée de l'air – 15.000, force Quds – 5.000) et 450.000 réservistes sous la forme de la milice Basij [22]. Une unité spéciale au sein de l'IRGC est la Force Quds (Force de Jérusalem), dont la tâche décrite par l'ayatollah Ali Khamenei en 1990 est "d'établir des cellules populaires du Hezbollah dans le monde entier", tandis que le commandant de l'IRGC, le général Mohammad Ali Jafari, a déclaré en 2016 que "la mission de la Force Quds est une mission extraterritoriale visant à aider les mouvements islamiques, à étendre la Révolution islamique et à renforcer la résistance et l'endurance des peuples qui souffrent dans le monde et des personnes qui ont besoin d'aide dans des pays comme le Liban, la Syrie et l'Irak"[23]. Le premier commandant de la force Quds était le général de brigade Ahmad Vahidi, remplacé par le général K. Suleimani vers 1998 [24]. Pendant la période où il commandait les Quds, la formation a établi une vingtaine de camps d'entraînement rien qu'en Iran, ainsi que des centres similaires au Liban et probablement au Soudan [25].

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Le point de référence de la force Quds est l'"axe de la résistance", formé par des acteurs étatiques et non étatiques soutenus par l'Iran dans la région du Moyen-Orient: la Syrie sous Bachar el-Assad, le Hezbollah libanais (45.000 combattants), les milices chiites en Irak (75.000 à 145.000 combattants actifs dans plus de 35 milices), les Houthis au Yémen (10.000 à 30.000. combattants), l'opposition au Bahreïn [26] et les organisations palestiniennes (sunnites) Hamas (25.000 combattants), Jihad islamique palestinien (8.000 combattants) et Front populaire de libération de la Palestine - Commandement général (800 combattants) [27]. Cependant, l'importance de l'Iran s'accroît également en Afrique, où ses alliés comprennent le Mouvement islamique chiite du Nigeria, qui est persécuté par les autorités sunnites d'Abuja et est dirigé par le cheikh Ibrahim Zakzaky [28].

Le théâtre d'opérations irakien après 2003

Cependant, le domaine clé de la stratégie politique de l'Iran après 2003 est devenu l'Irak voisin. En gagnant de l'influence en Irak, Téhéran se construit une profondeur stratégique et un canal d'influence sur des entités telles que le Kurdistan, la Jordanie, le Koweït et l'Arabie saoudite. La stratégie de l'Iran en Irak consiste essentiellement à gagner des alliés parmi la majorité chiite locale. Bien que la plupart des chiites irakiens n'aient aucun penchant pour le khomeinisme, un nombre important de leurs militants ont reçu une formation en Iran, ont trouvé refuge en Iran par le passé ou ont bénéficié de l'aide de Téhéran.

imasciri.jpgLe premier allié chronologique de l'Iran a été le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (SCIRI), fondé dès 1982, dont le bras armé est devenu le Corps Badr, rebaptisé ensuite Organisation Badr, qui est devenu à son tour indépendant du SCIRI. Badr était initialement composé de prisonniers de guerre chiites de la guerre Irak/Iran et, plus tard, également de réfugiés politiques chiites de l'Irak de Saddam. Après 2003, il s'agissait déjà d'un groupe bien formé, idéologiquement mûr et discipliné, dont le chef Hadi al-Ameri prônait des liens étroits entre les chiites irakiens et l'Iran. D'autres organisations similaires comprennent Asaib Ahl al-Haq sous la direction de Quais al-Khazali, Kataib Sajid al-Szuhada sous la direction d'Abu Mustafa al-Szaibani, et Kataib Hezbollah sous le commandement du commandant Jamal Jafar Mohammad al-Ibrahimi (également connu sous le nom d'Abu Mahdi al-Mohandes [30]), qui a été assassiné en même temps que K. Suleimani.

Après les succès de l'offensive de l'ISIS en Irak en juin 2014, Bagdad, sous la pression de Téhéran, a lancé le programme des forces de mobilisation populaire (également connu sous le nom d'unités de mobilisation populaire, al-Hashd al-Shabi), dans le cadre duquel les milices qui combattent l’ISIS reçoivent des salaires versés par les autorités irakiennes, sont approvisionnées en armes à leurs frais et agissent officiellement comme des organes de l'État. La base idéologique des activités d'al-Hashd al-Shabi a été fournie par la fatwa du grand ayatollah Ali al-Sistani, également émise en juin 2014. En décembre 2016, les milices al-Hashd al-Shabi ont été officiellement intégrées aux forces armées irakiennes et, depuis mars 2018, elles ont droit aux mêmes privilèges que les autres fonctionnaires du ministère irakien de la Défense.

Moqtada al-Sadr speaks during a news conference in Najaf, Iraq May 17, 2018. REUTERSA OK.jpg

Muktada as-Sadr.

La souveraineté officielle de Bagdad n'a que peu d'influence sur les loyautés et les orientations politiques réelles des différentes milices; certaines reconnaissent la souveraineté du Grand Ayatollah Ali al-Sistani, d'autres celle de Muktada as-Sadr, et d'autres encore sont fidèles à l'Iran. Les milices opèrent dans toutes les muhafazahs d'Irak, à l'exception de la région du Kurdistan irakien. La plupart de leurs combattants sont des Arabes chiites, mais il y a aussi des Arabes sunnites, des Turkmènes et même des chrétiens. Le catalyseur de l'importance de l'Iran dans al-Hashd al-Shabi a été l'assassinat par les Américains, le 3 janvier 2020, d’Abu Mahdi al-Mohandes, officiellement commandant adjoint de cette formation et également commandant de la milice Kataib Hezbollah. Né en 1954, il a passé la majeure partie de sa vie adulte en tant que réfugié politique en Iran et parle couramment le farsi en plus de l'arabe. Faleh al-Fajad, le commandant nominal d'al-Hachd al-Shabi de 2014 à 2018, n'a jamais exercé une influence ou une autorité similaire à celle d'Abou Mahdi al-Mohandes et a été démis de son poste purement symbolique par le président Haider al-Abadi en septembre 2018. Depuis lors, le poste de commandant d'al-Hashd al-Shabi est resté vacant, tandis qu'Abu Mahdi al-Mohandes est resté jusqu'à sa mort leur plus haut officier hiérarchique, responsable notamment de la logistique, de l'approvisionnement, du personnel administratif et de la politique générale de la milice.

Les alliés irakiens de Téhéran

Sa milice Kataib Hezbollah appartient à la catégorie des milices les plus proches de l'Iran qui s'orientent vers Téhéran pour des raisons idéologiques: reconnaître le principe chiite de la "vigilance" des interprètes de la loi islamique (oulémas) sur les fidèles (Velâyat-e Faqih). Pour eux, la lutte contre ISIS fait partie d'un combat plus large contre les Anglo-Saxons infidèles et les États sunnites traîtres qui les servent. La République islamique d'Iran est le fer de lance de cette lutte et le maillon le plus important de l'Axe de la Résistance. Le Kataib Hezbollah se décrit comme une "force de résistance" et souligne ouvertement ses liens avec l'Iran et sa participation aux attaques contre les occupants américains de l'Irak et leurs collaborateurs. La milice dissidente Kataib Sajid al-Szuhada du Hezbollah, dirigée par Abu Ali al-Walaija et al-Szaibani. Les raisons de la scission entre les deux formations ne sont pas claires ; selon A. A. al-Walaija, cependant, elles n'étaient pas de nature idéologique [31]. Kataib Sajid al-Shahada est avant tout un groupe armé, et dans une moindre mesure un groupe politique, se décrivant comme un "parti de résistance soutenu par la République islamique d'Iran" [32]. Pour les milices qui entrent dans la catégorie des alliés idéologiques de l'Iran, rompre les liens avec Téhéran nécessiterait une réinterprétation radicale de leur propre identité et de leur sens de l'action de leur part, cela semble donc peu probable, et les entités de cette catégorie figurent parmi les alliés les plus fiables de Téhéran en Irak.

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La deuxième catégorie peut être décrite comme des "alliés politiques", partageant les idées du khomeinisme en principe, mais soulignant en même temps leur identité irakienne et essayant d'adapter le khomeinisme au contexte irakien. Cette catégorie comprend l'organisation Badr, qui fonctionne à la fois comme une milice armée et comme l'un des acteurs les plus importants de la scène politique irakienne. Le chef de l'organisation, Hadi al-Ameri, a occupé le poste de ministre des Transports de la République d'Irak de 2010 à 2014, tandis que l'influent ministère de l'Intérieur et la formation de la police fédérale placée sous son autorité sont devenus un secteur de l'administration centrale dont la gestion a été officieusement confiée à des membres de l'organisation Badr. Parmi les militants de l'Organisation Badr figuraient le ministre de l'Intérieur Mohammad al-Ghabban et son successeur de 2017-2018 Kasim al-Araji. L'organisation Badr est sans doute la plus grande entité au sein d'al-Hashd al-Shabi, représentant également un niveau relativement élevé de professionnalisme et de compétence technologique. Ses dirigeants et cadres ne se présentent pas comme des exécutants de la volonté de Téhéran, mais comme des Irakiens qui tentent d'adapter les idées de la révolution islamique iranienne aux conditions locales.

Dans la catégorie des alliés politiques de Téhéran figure également Asaib Ahl al-Haq, initialement fidèle à Muktada as-Sadr mais qui a rompu avec lui à la suite de divergences idéologiques entre M. as-Sadr et son chef Quais al-Khazali. Asaib Ahl al-Haq est armé et entraîné par l'Iran et le Hezbollah libanais dans au moins trois camps d'entraînement en Iran. L'argent, les armes et les équipements destinés à Asaib Ahl al-Haq sont introduits clandestinement à travers la frontière Iran/Irak dans le cadre du programme "Groupes spéciaux" mis en œuvre par la force Quds depuis 2005. Depuis le retrait des troupes américaines d'Irak en 2011, Asaib Ahl al-Haq a été présent sur la scène politique irakienne et ses représentants siègent au parlement irakien. L'identité du groupe a évolué, passant du nationalisme irakien de la ligne de Muktada as-Sadr à l'idée transnationale de l'Axe de la résistance promue par Téhéran, comme en témoigne la participation des combattants de la milice aux combats en Syrie et la visite de Quaisem al-Khazali à la frontière syro-israëlienne en Palestine en décembre 2017.

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Emblème de Saraja Ashura.

Le cas de la milice Saraja Ashura affiliée au Conseil suprême islamique d'Irak (ISCI) est légèrement différent. Il semble s'éloigner de la rhétorique révolutionnaire de Téhéran, tandis que son ancien dirigeant Ammar al-Hakim a rompu avec l'ISCI, se présentant aux élections parlementaires de 2018 dans le cadre du ‘’Mouvement de la sagesse nationale’’ nouvellement lancé. Cependant, le groupe partage toujours une plateforme religieuse avec l'Iran sous la forme d'une version chiite de l'Islam, le fait de ses liens de longue date avec Téhéran et peut-être sa dépendance matérielle toujours existante vis-à-vis de l'Iran jouent également leur rôle. Ces trois facteurs font qu'il est difficile, et certainement lent, pour l'ISCI de s'écarter de la ligne politique de Téhéran.

La troisième catégorie d'alliés de l'Iran parmi les milices irakiennes est constituée d'entités que l'on pourrait qualifier d'"opportunistes". Il s'agit de milices qui ont été formées sous l'inspiration de l'Iran en 2012-2013 pour combattre en Syrie, puis en juin 2014 ont été intégrées à l’al-Hashd al-Shabi et ont combattu dans son cadre, également sous le commandement iranien de facto, contre ISIS à l'intérieur de l'Irak. Ces organisations n'ont aucune influence politique indépendante en Irak, elles doivent tout à la partie iranienne. S'il n'y avait pas l'Iran, elles n'existeraient probablement pas. Leurs dirigeants font montre d’un faible niveau intellectuel et n'ont très probablement aucune éducation formelle derrière eux. Le niveau intellectuel et moral des militants de base, souvent recrutés dans les couches inférieures de la société irakienne, est encore plus bas. C'est cette catégorie de milices qui est responsable des abus de guerre de la part des opposants à ISIS en 2014-2015. Des milices telles que Jund al-Imam, Saraja al-Chorasani et Harakat al-Nujaba, par exemple, qui a été formé en tant que groupe dissident d'Asaib Ahl al-Haq et dirigé par Akram al-Kaabi - un ancien commandant de l'armée du Mahdi et d'Asaib Ahl al-Haq - appartiennent à cette catégorie. Ils affichent tous haut et fort leur loyauté envers l'Iran et son guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, mais cette loyauté n'est pas profondément idéologique ou intellectuelle, et la dépendance matérielle et fonctionnelle vis-à-vis de l'Iran joue probablement un rôle clé. Si l'aide iranienne devait être interrompue, ces groupes pourraient chercher un nouveau mécène.

Le dernier groupe d'alliés de Téhéran au sein d'al-Hashd al Shabi sont des alliés qui partagent des objectifs ad hoc avec l'Iran. C'est le cas de la milice sunnite Liwa Salahaddin (51e brigade) qui opère dans la partie nord de la muhafaza de Salahaddin (près de la région de Badji, où se trouvent les plus riches champs pétrolifères d'Irak) sous le commandement de Jazan al-Jaburi. Il utilise des armes et des renseignements fournis par l’Iran, ce qui lui permet de dépasser le cercle religieux chiite et de gagner des alliés parmi les sunnites d'Irak également. Le recrutement d'Asaib Ahl al-Haq au sein de la tribu arabe sunnite des Karawi dans la Mojaza nord de Dijala a une base similaire. Cela permet à l’Iran d'élargir son cercle d'influence politique, tandis que les Karawi gagnent un soutien matériel et une légitimité politique en tant qu'entité liée à l’al-Hashd al-Shabi. L'Iran étend également son influence sur les groupes chiites non affiliés: les membres de l'administration des mosquées Imam Ali et Imam Hussein de Nadjaf et de Karbala, politiquement affiliés à l'Ayatollah A. al-Sistani, par décision d'A. M. al-Muhandis, bénéficient d'une formation militaire organisée en Irak par des vétérans de l'Organisation Badr.

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al-Hashd al-Shabi.

En dehors du système al-Hashd al-Shabi, l'espace d'influence de l'Iran est constitué des secteurs de l'administration irakienne contrôlés par les membres de l'Organisation Badr et d'autres réémigrants d'Iran. Il s'agit de la police fédérale, de l'unité d'intervention d'urgence du ministère de l'intérieur, de la 5e division et de la 8e division de l'armée irakienne, ainsi que des services de sécurité et de la bureaucratie du ministère de l'intérieur. L'influence iranienne dans l'administration irakienne facilite l'accès aux ressources matérielles et aux informations ainsi que le fonctionnement des milices pro-iraniennes au sein d'al-Hashd al-Shabi, et paralyse le développement éventuel d'un nationalisme irakien à orientation anti-iranienne dans des segments clés de l'appareil institutionnel de l'État irakien.

Pendant les combats contre ISIS en 2014, l'Iran a également fourni un soutien militaire tactique aux forces peshmergas - notamment dans les zones contrôlées par l'Union patriotique du Kurdistan (UPK). Ce soutien comprenait la fourniture d'armes, de munitions, d'équipements militaires, la présence de conseillers militaires iraniens et même d'unités d'artillerie iraniennes. Pour l’Iran, il s'agissait d'éloigner la menace d'ISIS des régions situées le long de la frontière entre l'Irak et l'Iran, de diversifier le soutien aux Kurdes et de réduire ainsi leur dépendance à l'égard des États-Unis, ainsi que de réduire l'opposition kurde à la présence des milices pro-iraniennes al-Hashd al-Shabi dans les "territoires contestés" dont le gouvernement central irakien et le gouvernement régional kurde (GRK) revendiquent le contrôle.

Les infrastructures des bases militaires déjà existantes de l'armée irakienne sont utilisées comme bases logistiques et centres de soutien pour al-Hashd al-Shabi, ce qui permet aux alliés de l'Iran non seulement d'avoir accès aux infrastructures irakiennes mais aussi de compliquer politiquement d'éventuelles frappes américaines contre les centres de dislocation de ces milices. Dans le même temps, la plupart des bases utilisées par al-Hashd al-Shabi sont situées dans des zones religieusement ou ethniquement mixtes, ou dans des régions dominées par les Arabes sunnites.

Une mesure de l'importance des milices chiites en Irak peut être observée dans les résultats de deux élections parlementaires consécutives, en 2014 et 2018. En 2014, la coalition de l'État de droit du Premier ministre Nouri al-Maliki l'a emporté (24 %), l'alliance Al-Muwatim dirigée par A. al-Hakim est arrivée en deuxième position (7,5 %) et le bloc sadriste Al-Ahrar en troisième position (7 %). En 2018, la coalition Sajrun de M. as-Sadr l'a emporté (14,3 %), tandis que la deuxième place est revenue à la coalition Fatah (13 %) formée par les forces pro-iraniennes, devant l'alliance Nasr du Premier ministre Haider al-Abadi (10,9 %). Les participations parlementaires de l'Organisation Badr n'ont pas augmenté par rapport à 2014, tandis que le nombre de parlementaires d'Asaib Ahl al-Haq a augmenté. Si l'on ajoute à cela le succès électoral des sadristes qui utilisent une rhétorique anti-oligarchique similaire, cela indique une augmentation des attitudes de contestation dans la société irakienne et une augmentation de l'électorat protestataire.

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Lors des élections de 2018, sur les 329 sièges du Conseil des représentants [33], les partis affiliés à al-Hashd al-Shabi ont remporté un total de 101 sièges (Sajrun - 54, Organisation Badr - 22, Asaib Ahl al-Haq - 15, autres milices liées à l'Iran - 10), tandis que la Coalition pour l'État de droit a remporté 25 sièges, l'Alliance Nasr - 42 sièges, les partis kurdes - 56 sièges, les partis sunnites - 60 sièges, et tous les autres partis - 100 sièges. En incluant le sadriste Sajrun[34], les partis chiites favorables à l'Iran disposent ainsi de la représentation parlementaire la plus nombreuse.

Le meurtre du général K. Suleimani et du commandant A. M. al-Mohandes le 3 janvier 2020 a porté un coup sévère à la politique étrangère de l'Iran, car les deux hommes assassinés représentaient une ancienne génération de militants, formée pendant la guerre Irak-Iran et l'exil politique irakien en Iran. Ces expériences ont rapproché les militants irakiens et iraniens et ont créé des liens personnels uniques entre eux. A. M. al-Mohandes a ainsi pu être le pilier de l'influence de l'Iran auprès de son voisin occidental, tandis que le général K. Suleimani a été l'architecte de toute la politique moyen-orientale de Téhéran. Les nouveaux militants, comme le remplaçant du général K. Suleimani au poste de commandant de la force Quds, le général Esmail Ghaani, auront plus de mal à maintenir ce type de lien spécifique avec la partie irakienne.

La stratégie hybride de l'Iran

Les succès géopolitiques de Téhéran après 2003 ont été rendus possibles par la mise en œuvre habile d'une stratégie hybride, évitant l'engagement de forces propres importantes et donc une surcharge stratégique, et évitant la confrontation frontale avec des adversaires plus puissants. Cette stratégie comprenait la création, l'armement, le financement, l'entraînement, le transport et la reconnaissance d'un certain nombre de milices chiites (et parfois sunnites) capables de combattre simultanément plusieurs adversaires de l’Iran sur des théâtres de guerre distincts. L'Iran a ainsi acquis la capacité de mener (par des intermédiaires) plusieurs guerres simultanément. Le nombre d'alliés de l'Iran au Moyen-Orient après 2011 a atteint les 200.000 combattants. Le degré de contrôle de Téhéran sur ces alliés et la forme de son soutien dépendaient des caractéristiques des alliés eux-mêmes, notamment de leur niveau de sophistication technologique et organisationnelle, et des exigences d'un théâtre d'opérations donné - plus élevé dans le cas des milices syriennes et des milices irakiennes dont il est question ici, et plus faible dans le cas des Houthis yéménites et du Hezbollah libanais. L'Iran a également réussi à gagner des segments de la communauté arabe sunnite (mouvements palestiniens, certaines milices irakiennes), ouvrant ainsi une brèche dans la solidarité nationaliste traditionnelle entre Arabes et Perses, et dans la solidarité confessionnelle entre Sunnites et Chiites.

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L'Iran engage des officiers supérieurs de la force Quds en tant que conseillers dans des conflits individuels; il fournit un soutien logistique, matériel et cybernétique à ses alliés; et forme des milices dans sa sphère d'influence à la fois sur son propre territoire et sur le terrain pour améliorer leur valeur idéologique ainsi que leur efficacité et leur sophistication technologique; il engage de petits groupes de spécialistes de la Force Quds et du Corps des gardiens de la révolution islamique dans des conflits spécifiques; elle fournit des armements avancés d'un type adapté aux exigences d'un théâtre d'opérations donné - technologie du renseignement, drones de combat (UAV), technologie des missiles avancés, pénétrateurs formés par explosion (EFP), bateaux explosifs télécommandés; elle forme des forces alliées selon le modèle du Hezbollah libanais [35].

L'implication de l'Iran et l'expansion de son influence sont devenues possibles dans les conditions suivantes: la désorganisation de l'État au sein duquel l'expansion de l'influence a lieu et la désorganisation des forces existantes en son sein qui sont disposées à contrer la politique de Téhéran; l'existence d'une communauté chiite qui se perçoit comme menacée dans son existence et qui s'oriente donc vers le soutien d'acteurs extérieurs; l'existence d'une voie de transport permettant à l'Iran de fournir à ses alliés des armes, du matériel et des ressources humaines, et d'acheminer vers son territoire des combattants qui suivent un entraînement ultérieur; l'absence d'acteurs capables et désireux de contrer la politique de Téhéran, et donc l'absence des fameuses "lignes rouges" marquant les limites de l'influence de l'Iran.

Stratégie multidirectionnelle et large pour l'Irak

Parmi les théâtres d'opérations dans lesquels l'Iran est engagé, l'Irak est le plus important. La situation en Irak peut avoir un impact décisif sur la stabilité et la sécurité internes de l'Iran, comme l'illustrent à la fois la guerre Irak-Iran de 1980-1988 et l'offensive d'ISIS de juin 2014 dans le nord de l'Irak. L'Irak est également le couloir de transport nécessaire pour que l'Iran reste connecté à son allié syrien et au Hezbollah libanais. Comme nous l'avons noté au début, l'Irak, qui est plus petit et moins peuplé que son voisin oriental, est plus densément peuplé et situé dans des zones de plaine plus propices à l'agriculture. La participation éventuelle de l'Iran à la reconstruction de l'Irak après la guerre et l'établissement de liens économiques étroits avec ce pays élargiraient la base économique iranienne au niveau nécessaire pour maintenir la position de l'Iran en tant que superpuissance et hégémon régional. Pour engager les capacités de l'Irak en fonction de ses besoins, l'Iran a toutefois besoin d'alliés sur le terrain qui lui sont favorables et partagent son orientation, sans lesquels son potentiel de mobilisation de sa puissance est insuffisant pour guider les politiques de Bagdad.

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Depuis le renversement de Saddam Hussein par les Américains en 2003, l'Iran a donc profondément pénétré la communauté chiite irakienne et, dans une moindre mesure, d'autres acteurs en Irak, dans le but de façonner la politique interne et l'orientation stratégique du pays dans une direction conforme à ses exigences en matière de sécurité. Les principaux objectifs de Téhéran en Irak restent le retrait des Américains et l'influence sur le processus de formation de l'État irakien. À cette fin, l'Iran a investi des ressources importantes dans un certain nombre de groupes politiques et militaires souvent rivaux en Irak.

La communauté chiite irakienne est si hétérogène sur le plan interne (par exemple, les sadristes nationalistes contre les milices khomeinistes, l'organisation Badr systémique contre l'Asaib Ahl al-Haq anti-systémique) qu'il sera impossible dans un avenir prévisible de l'organiser en une formule politique et militaire unifiée sur le modèle du Hezbollah libanais. Au lieu de cela, Téhéran gagne à ses propres fins les rivalités politiques au sein du système politique irakien et du conglomérat d'acteurs divers qui le favorisent. L'Iran influence le processus décisionnel irakien non pas en dictant des solutions, mais en établissant des relations amicales avec tous ses participants réels et potentiels, afin qu'aucun acteur obtenant un avantage en Irak ne soit hostile à l'Iran ou à ses intérêts clés.

L'Iran se construit une position de protecteur des décideurs plutôt que de décideur, acceptant la rivalité des différentes milices dans sa sphère d'influence et des camps politiques au-dessus d'elles - tant qu'elle ne se transforme pas en conflit au sein du camp pro-iranien, ce qui pourrait miner l'influence de Téhéran en tant que telle. L'Iran agit en Irak comme un courtier en puissance et un médiateur des différends, et non comme un souverain politique ou un hégémon. La politique de Téhéran en Irak consiste à créer et à laisser ouvertes autant d'options que possible, et non à essayer d'imposer des solutions et une orientation politique qui pourraient conduire à un conflit concluant dans lequel l'Iran et ses alliés pourraient échouer.

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La constitution par l'Iran d'un vaste portefeuille politique en Irak immunise Téhéran contre les changements de la conjoncture politique chez son voisin occidental et rend presque impossible pour Téhéran de porter un coup fatal aux Iraniens dans la politique irakienne. Dans des conditions où l'Iran entretient des relations amicales et exerce une influence d'intensité variable sur une grande partie des participants rivaux du système politique irakien, le coup porté par un acteur tiers à une faction soutenue par l'Iran renforce automatiquement d'autres factions - également soutenues par l'Iran. La tentative des Américains de jouer le mécontentement populaire en Irak contre l'influence iranienne s'est surtout retournée contre eux: lors des élections législatives de 2018, le soutien à l'Organisation Badr pro-iranienne, considérée comme une force de l'establishment, a diminué, mais le soutien à l'Asaib Ahl al-Haq pro-iranien, également considéré comme anti-establishment, a augmenté dans le même temps.

L'objectif à long terme de la politique iranienne est de coordonner les activités et l'alignement politique des différentes milices irakiennes qui lui sont favorables. Suite aux assassinats du général K. Sulemnani et de A. M. al-Mohandes le 3 janvier 2020, l'Iran a pris plusieurs initiatives, une série de réunions ont eu lieu à Beyrouth et à Kum du 9 au 13 janvier entre les militants des unités pro-iraniennes d'al-Hashd al-Shabi afin de surmonter leurs différences, d'empêcher la désorganisation d'al-Hashd al-Shabi après la mort de leurs fondateurs K. Suleimani et A. M. al-Mohandes, et de créer un mouvement de résistance uni contre la présence politique et militaire américaine en Irak. Les chefs des milices irakiennes ont commencé à parler de "groupes de résistance internationaux", de "régiments de résistance internationaux" et d'un "front de résistance irakien". Le nationaliste chiite irakien rival M. as-Sadr et le sympathisant iranien H. al-Ameri ont uni leurs forces pour l'adoption par le Conseil des représentants, le 5 janvier, d'une résolution demandant le départ des troupes américaines d'Irak. Le 14 janvier, M. as-Sadr a également annoncé une marche anti-Yankee à Bagdad le 24 janvier, co-organisée par la milice pro-iranienne al-Hashd al-Shabi, qu'il avait jusqu'ici traitée avec dédain. Avant même sa mort, le général K. Suleimani travaillait à la création d'une autre milice pro-iranienne: Saraya Imam al-Hussein al-Istishhadiya [36]. Ainsi, il semble que l'assassinat de K. Suleimani et de A. M. al-Mohandes par les Yankees puisse s'avérer être un facteur catalysant le rapprochement mutuel des milices au sein d'al-Hashd al-Shabi et consolidant l'opposition à l'occupation américaine de l'Irak.

Les défis de la stratégie de l'Iran

Un défi immédiat pour la politique irakienne de Téhéran a été l'assassinat par les Américains de ses principaux architectes, le général K. Suleimani et Abu Madi al-Mohandis. Avec le temps, la disparition, due à l'âge, de l'activité des militants suivants, qui ont construit leur conscience et leur identité politiques en exil en Iran pendant la guerre de 1980-1988 et dans les années suivantes de la dictature de Saddam Hussein, prendra de l'importance. Pour la jeune génération de militants irakiens, l'aide iranienne ne joue plus le rôle d'une expérience de vie formatrice comme c'était le cas pour les militants plus âgés.

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L'avenir des milices irakiennes pro-iraniennes est également une question qui doit être abordée. Leur existence même semble être assurée, en raison de la présence continue en Irak des troupes américaines d'occupation et des satellites de Washington (dont, malheureusement, la Pologne) et des troupes turques. L'environnement politique de l'Irak reste également caractérisé par un haut niveau d'incertitude - une flambée de conflits sectaires ou politico-sociaux est possible (comme les manifestations anti-gouvernementales soutenues par les États-Unis qui reviennent depuis l'été 2018), l'avenir du Kurdistan irakien reste une question ouverte, les épigones de Daesh restent actifs. La zone de friction, en revanche, sera la place des milices dans la structure politique irakienne: en l'état actuel des choses, l'existence de milices influencées ou parfois directement contrôlées par l'Iran prive l'Irak du monopole de la violence sur son propre territoire national, qui est l'un des attributs fondamentaux de tout État. L'Irak, qui finance al-Hash al-Shabi sur son propre budget, pourrait s'efforcer à l'avenir de placer les milices sous son contrôle plus étroit.

Les limites de la base financière et économique de l’Iran peuvent s'avérer une difficulté pour étendre davantage l'influence de la superpuissance iranienne. Si l'Iran s'engage sur les théâtres d'opérations où il dispose d'une présence minimale en termes de ressources humaines, il engage également d'importantes ressources financières à son échelle - sous forme de transferts en espèces, de fournitures pétrolières, d'armes et d'équipements militaires provenant de ses propres stocks. Les dépenses comprennent la rémunération et l'entraînement de milliers de combattants et le coût d'exploitation des avions militaires iraniens et des compagnies aériennes civiles utilisées pour le transport des fournitures et du matériel. Les dépenses engagées pour soutenir les alliés en Syrie, en Irak et au Yémen sont estimées à 16 milliards de dollars au cours des huit dernières années. Indépendamment de cela, l'Iran transfère 700 millions de dollars par an pour soutenir le Hezbollah libanais et plusieurs millions de dollars pour soutenir les organisations palestiniennes. Le volume de l'aide iranienne à la Syrie en 2011 a été un record pour l'aide étrangère jamais accordée dans l'histoire de l'Iran à ce jour. L'ONU a estimé en 2015 l'aide annuelle de l'Iran à la Syrie à 6 milliards de dollars. Selon le FMI, l'Iran a accordé à la Syrie un prêt de 1,9 milliard d'euros en 2013. En 2014, 3 milliards d'euros ; en 2015, 0,97 milliard d'euros. En outre, l'Iran fournissait à la Syrie 60.000 barils de pétrole par jour [37].

Un autre obstacle à la politique de superpuissance de l'Iran s'avère être l'insuffisance de sophistication technologique de ses propres moyens militaires. Ce constat s'impose au vu de la faiblesse et du retard technologique de l'Artesh et de l'IRGC dans des domaines tels que l'aviation [38] et les missiles [39], ainsi que de l'absence d'armes nucléaires propres à l'Iran [40]. Cette faiblesse est devenue apparente dans les conditions révélées par les printemps arabes et de l'implication croissante de l'Iran en Syrie. Dans la première phase des événements, la force Quds s'est avérée trop faible pour vaincre les appareils de sécurité des États arabes sunnites de la région du Golfe, et l'Iran n'est pas parvenu à déclencher une rébellion durable au sein des populations chiites de ces pays, y compris au Bahreïn, qui a fait l'objet d'efforts particuliers de la part de Téhéran.

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Dans la deuxième phase, celle de la guerre civile en Syrie, la situation fut similaire, malgré des succès partiels comme la libération de Quasyr en mai 2013 (qui a débloqué la connexion avec la vallée de la Bekaa au Liban, foyer du Hezbollah, débloqué aussi la connexion entre Damas et la côte méditerranéenne de la Syrie, foyer des partisans de B. al-Assad, et bloqué Homs, foyer de l'opposition).Cette deuxième phase s'est révélée être un puits sans fond pour l'Iran. Selon des sources iraniennes, en 2015, 18 officiers supérieurs de l'IRGC et au moins 400 volontaires iraniens et afghans étaient tombés en Syrie. En août de la même année, les forces gouvernementales syriennes ne contrôlaient plus qu'un sixième du pays. Les Iraniens qui combattent à leurs côtés, dirigés par le général K. Suleimani (il a personnellement commandé une partie des forces syriennes et libanaises lors de la bataille de Quasyr), manquent d'appui en aviation de combat, d'artillerie avancée, de systèmes de coordination des missiles et de forces spéciales expérimentées. La fortune n'a été inversée que lorsque la Russie a rejoint la guerre le 30 septembre 2015.

Un pouvoir post-moderne

Les stratégies de Téhéran vis-à-vis de l'Irak et de l'ensemble du Moyen-Orient ont pour point de départ la prise de conscience par l'élite iranienne de la faiblesse objective de son État et de son incapacité à imposer directement sa volonté à d'autres entités. Au lieu de structures verticales de subordination hiérarchique, l'Iran met en place des structures de réseau horizontales. L'Iran est une puissance postmoderne, qui greffe des réplicateurs politiques autonomes, souvent auto-originaires et auto-répliquants en divers points de l'espace environnant, adaptant ses propres idées de la révolution islamique et de l'axe de la résistance aux conditions locales. Le réseau dynamique iranien est une structure asymétrique, hétérogène, flexible, polymorphe et polycentrique. Téhéran joue habilement de l'indétermination, de la relativité et de la nébuleuse de la réalité postmoderne et de son "devenir" sujets/objets (la frontière entre le sujet et l'objet politique est floue dans la postmodernité). Comprendre le phénomène des succès de la politique iranienne actuelle est possible avec une compréhension à la fois des lois de la géopolitique et, surtout, de la structure et de la nature de la réalité postmoderne (l'ontologie de la postmodernité). L'appareil de la philosophie postmoderne et de la géopolitique devrait donc être utilisé pour analyser et interpréter la politique iranienne.

Ronald Lasecki

(article publié dans le trimestriel Polityka Polska)

Notes:

[1]https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbo... (10.01.2020).

[2]https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbo... (10.01.2020).

[3]The Geopolitics of Iran: Holding the Center of a Mountain Fortress, https://worldview.stratfor.com/article/geopolitics-iran-h... (10.02.2020).

[4]J. Makowski, Geografia fizyczna świata, Wydawnictwo Naukowe PWN, Warszawa 2007, s. 138.

[5] Toutes les données sur la longueur des frontières de l'Iran: Iran Statistical Yearbook 2016-2017 (1395), s. 55.

[6]L. Bazylow, P. Wieczorkiewicz, Historia Rosji, Zakład Narodowy im. Ossolińskich – Wydawnictwo, Wrocław-Warszawa-Kraków 2005, s. 143, 157.

[7]J. Modrzejewska-Leśniewska, Walka o hegemonię w rejonie Zatoki Perskiej. Wojna iracko-irańska (1980-1988), [w:] A. Bartnicki (red.), Zarys dziejów Afryki i Azji 1869-1996. Historia konfliktów, Wydawnictwo „Książka i Wiedza”, Warszawa 1996, s. 438-440, 443-445.

[8]Por. W. Giełżyński, Byłem gościem Chomeiniego, Książka i Wiedza 1981, s. 175-182.

[9]https://www.imf.org/external/pubs/ft/weo/2019/02/weodata/...= (18.01.2020).

[10]J. Modrzejewska-Leśniewska, dz. cyt., s. 441, 445-447.

[11]J. Kukułka, Historia stosunków międzynarodowych 1945-2000, Wydawnictwo Naukowe SCHOLAR, Warszawa 2003, s. 412.

[12]Iran’s Networks of Influence in the Middle EastChapter One: Tehran’s Strategic Intent, https://www.iiss.org/publications/strategic-dossiers/iran... (11.02.2020).

[13]Por. T. Margul, Jak umierały religie. Szkice z tanatologii religii, Warszawa 1983, s. 249-250.

[14]M. P. Pietrow, Pustynie kuli ziemskiej, Państwowe Wydawnictwo Naukowe, Warszawa 1976, s. 41-46.

[15]Douglas Jehl, For Death of Its Diplomats Iran Vows Blood for Blood, https://www.nytimes.com/1998/09/12/world/for-death-of-its... (11.02.2020). J. Kukułka pisze o 200 tys. zmobilizowanych. Zob. J. Kukułka, dz. cyt., s. 809-810.

[16]Iran’s Networks…, art. cyt. (11.02.2020).

[17]Iran Military Power. Ensuring Regime Survival and Securing Regional Dominance, Defence Intelligence Agency 2019, s. 61 – ramka Shia Foreign Fighters.

[18]Ibid. (11.02.2020).

[19] Citations de la Constitution de la République islamique d'Iran: http://www.servat.unibe.ch/icl/ir00000_.html (11.02.2020).

[20]Por. S. R. Ward, The Continuing Evolution of Iran’s Military Doctrine, „Middle East Journal” t. 59 nr 4 (jesień 2005), s. 559-576, por. także P. Bracken, Pożar na Wschodzie. Narodziny azjatyckiej potęgi militarnej i drugi wiek nuklearny, Bertelsmann Media Sp. z o.o., Warszawa 2000.

[21]http://www.servat.unibe.ch/icl/ir00000_.html (11.02.2020).

[22]Iran Military Power… s. 11.

[23] Les deux devis: Iran’s Networks… (art.cyt.).

[24] K. Suleimani est né en mars 1957 dans une famille de paysans du sud-est de l'Iran. À l'âge de 13 ans, il a été contraint de quitter la maison familiale et de chercher un moyen de subsistance. Il a trouvé un emploi à l'institution locale de gestion de l'eau à Kerman. Il n'a pas participé à la révolution de 1979, mais pendant la guerre contre l'Irak, il était chargé de fournir de l'eau aux soldats combattant sur le front. En raison de lourdes pertes du côté iranien, il a été redéployé sur le champ de bataille. Malgré l'absence d'éducation et de formation militaire formelle, il a fait preuve de courage et de talents militaires, ce qui a déclenché la suite de sa carrière et ses promotions - d'abord dans l'armée, puis dans les services spéciaux.

[25]Ibid.

[26]Iran Military Power…, s. 15 – ramka „Axis of Resistence”.

[27]Ibid., s. 59-63.

[28]H. S. Tangaza, Islamic Movement in Nigeria: The Iranian Inspired Shia Group, https://www.bbc.com/news/world-africa-49175639 (11.02.2020).

[29]M. Alami, Hezbollah Allegedly training Nigerian Shiites to expand Influence in West Africa, https://www.mei.edu/publications/hezbollah-allegedly-trai... (11.02.2020).

[30]Iran’s Network… (art. cyt)., (11.02-2020).

[31]Iran’s Network of Influence Chapter Four: Iraq,https://www.iiss.org/publications/strategic-dossiers/iran... (12.02.2020).

[32]Ibid.

[33]Zgodnie w Konstytucją z 15. października 2005 r. parlament Iraku jest jednoizbowy.

[34] Cependant, il faut garder à l'esprit les gestes de Muktada as-Sadr indiquant sa volonté de se démarquer du concept iranien de l'Axe de la Résistance au profit du nationalisme irakien : en juillet 2017. M. as-Sadr s'est rendu en Arabie saoudite, en décembre 2017 il a appelé à la dissolution des milices armées.

[35]Iran’s Networks of Influence in the Middle EastChapter One: Tehran’s Strategic Intent, (art. cyt.) (12.02.2020).

[36]K. Lawlor, Warning Intelligence Update:Iran Increases Pressure on U.S. Forces in Iraq, http://www.understandingwar.org/backgrounder/warning-inte... (12.02.2020).

[37]Ibid.

[38]Zob. Iran Military Power…(dz cyt.), s. 64-71.

[39] Ibid, s. 30-31, 43-47.

[40]Ibid, s. 19-21.

 

 

Erdogan a confirmé la décision de principe de la Turquie de ne pas reconnaître "l'annexion de la Crimée"

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Erdogan a confirmé la décision de principe de la Turquie de ne pas reconnaître "l'annexion de la Crimée"

Ex: https://katehon.com/ru/news/

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré samedi que, lors de ses entretiens avec son homologue ukrainien Vladimir Zelensky à Istanbul, il a confirmé la décision d'Ankara de ne pas reconnaître "l'annexion de la Crimée". Le dirigeant turc a tenu ces propos lors d'une conférence de presse diffusée par la chaîne de télévision TRT.

"Nous défendons l'intégrité territoriale et la souveraineté de l'Ukraine. Nous avons confirmé notre décision de principe de ne pas reconnaître l'annexion de la Crimée. Nous avons déclaré que nous soutenons l'initiative de l'Ukraine sous la forme de la "Plate-forme Crimée", qui vise à rapprocher les vues de la communauté internationale sur la Crimée. Nous espérons que cette initiative aura des résultats positifs pour tous les peuples de Crimée, y compris les Tatars de Crimée, et pour l'Ukraine", a déclaré M. Erdogan.

En outre, Erdogan a déclaré que la Turquie et l'Ukraine avaient des projets communs dans la construction de logements et de mosquées pour les "Tatars de Crimée qui nous sont apparentés."

"En ce qui concerne le projet de construction de logements, nous venons de faire le premier pas concret. Nous espérons également progresser dans le projet de bâtir une mosquée dans un avenir proche", a ajouté le président de la république.

Il a également noté que la Turquie et l'Ukraine ont convenu de poursuivre leur partenariat stratégique.

La Turquie considère que son objectif est d'assurer la sécurité et la tranquillité dans la mer Noire, a déclaré M. Erdogan.

Il a affirmé que la coopération entre la Turquie et l'Ukraine dans le domaine de la défense n'est pas dirigée contre une tierce partie.

"Nous avons commencé de nouvelles consultations selon la règle 2+2 (discussions entre les ministres des affaires étrangères et les ministres de la défense des deux pays), de cette façon nous renforçons la coordination entre nos pays. Notre coopération dans le domaine de la défense n'est en aucun cas une initiative contre des pays tiers", a déclaré le président turc.

Fin mars, des unités de l'AFU ont effectué des exercices au-dessus de la mer Noire, au large des côtes de la région de Kherson, où elles se sont entraînées à l'utilisation d'avions de reconnaissance sans pilote du type Bayraktar TB2, de fabrication turque.

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En 2019, l'Ukraine a acheté et testé le Bayraktar TB2, qui devrait être équipé de bombes aériennes MAM-L de haute précision fabriquées par la société turque Roketsan. Vadym Nozdrya, directeur général de l'entreprise publique Ukrspetseksport, a déclaré en octobre 2020 que Kiev était intéressé par la production conjointe du Bayraktar TB2 en Ukraine et que l'armée ukrainienne prévoyait d'acheter 48 de ces appareils pour une production conjointe, qui devrait être réalisée au chantier naval "Ocean" à Nikolaev.

Source : TASS

vendredi, 09 avril 2021

Yémen : La Guerre Perdue de l'Arabie Saoudite ?

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Café Noir N.18:

Yémen: La Guerre Perdue de l'Arabie Saoudite?

Café Noir – Un Autre Regard sur le Monde.
Émission du Vendredi 09 avril 2021 avec Pierre Le Vigan & Gilbert Dawed.
 
Guerre Civile, Guerre Internationale, Islamisme, Houthi, Nationalisme Arabe, Marxisme Léninisme, Iran, etc.
 

Quo vadis Erdogan? Quo vadis Turquie?

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Quo vadis Erdogan? Quo vadis Turquie?

Irnerio Seminatore

L'affront à l'Europe pour la gifle diplomatique infligée à Mme von der Leyen est un bluff protocolaire sans fondement. Erdogan a appliqué avec froideur la règle bien connue du: «Ubi major, minor cessat». Selon les règles, il y a un seul représentant officiel de l'Union, le Président du Conseil Européen, ayant rang de Chef d’État et, comme tel, du droit de préséance dans les relations extérieures. En tant que Cheffe de l'exécutif, Mme von der Leyen a eu le traitement conforme au protocole. Où est il le problème? L'Ego de Madame est il supérieur aux institutions des 27? Le droit de préséance est il fondé sur les mérites que la présidente de la Commission a acquis dans la gestion catastrophique de la pandémie du Covid 19? Si l'unité de l'Europe s'imposera de l'extérieur, comme le remarqua avec lucidité Z. Brzezinski dans « le Grand Échiquier », vu l'essoufflement de l'idée et de l'idéal d'origine, sa prise en charge sera le lot d'un appareil bureaucratique lourd et éloigné de l'adhésion populaire. Dans ces conditions l'atout de cet élan nécessaire pourra-t-il venir d'un protocole institutionnel trahi, par l'abandon de la part de l'UE, de toute conception de l'histoire, de la puissance et de l'aliment démocratique du pouvoir? Sur ce plan la Turquie est le seul pays au monde qui occupe militairement, à Chypre, une portion de l'espace européen, qui opère par chantage vis à vis de l'Union Européenne, la menaçant d'ouvrir les vannes à grande échelle de l'immigration, contre l'extorsion de 6 milliard d'euros pour leur entretien au termes d'un pacte migratoire d'un effroyable cynisme; qui a soutenu le Djihad islamique militairement et tactiquement, qui n'hésite pas à modifier les équilibres politiques et territoriaux entre l’Azerbaïdjan et l'Arménie, et entre le Maréchal K.Haftar et le Gouvernement de Tripoli en Libye. C'est encore le pouvoir étatico-confessionnel qui aida militairement la Bosnie-Herzégovine au courant des guerres balkaniques et pendant la dissolution de la vieille Yougoslavie et ça a été l'aide de la Turquie, en soutien du Kosovo contre la Serbie et celle du Djihad contre les kurdes et les azéris, qui ont fait plier sans honneur les socio-démocrates européens. Erdogan est le « trouble jeu » de la Méditerranée dans ses prospections pétrolières en eaux territoriales grecques, qui joue au double jeu au sein de l'Otan, en achetant des systèmes d'armes à la Russie et en abattant des avions russes par des accidents « involontaires ». La Turquie c'est encore le pays, en mesure de déstabiliser irréversiblement l'Union Européenne, par le poids représentatifs qu'elle aurait au sein du Conseil Européen, dépassant le poids de l'Allemagne et c'est son orientation islamique et son sunnisme militant, qui représentent l'antagonisme historique des États-chrétiens de jadis, qui ferait d'elle le fossoyeur de l'empire de la « norme » d'Occident, après avoir été l'héritier de Mehemmet, fossoyeur de Byzance et de l'empire romain romain d'Orient. Quel sera le positionnement de la Turquie dans le scénario d'une nouvelle « guerre froide », technologique et stratégique et des défis globaux entre la Chine et les États-Unis?

Le monde d'aujourd'hui, multipolaire et planétaire, est fragmenté e difficile à gérer et tend à créer des tensions excentriques, qui défient tout à la fois la puissance établie et la puissance émergente. La réponse de Joe Biden, par la voie de Richard Haass et de Charles Kuchpchan du « Council on Forein Relations » a été un test classique du dialogue stratégique entre le grandes puissances. Ce modèle est celui du Congrès de Vienne, mais dans l'absense d'un pouvoir dominant et d'un principe de légitimité commun et partagé. Or, dans le contraste entre la nouvelle alliance des technocraties-démocratiques contre les technocraties-autocratiques, promues dans le but historique de donner de la stabilité au système, assuré jusqu’ici par les États-Unis, puissance prépondérante, l'avantage comparatif des États-Unis reste celui des alliances. « Quid boni » de l'association de la Turquie, comme facteur d'incertitude et de dissolution? Puisque la configuration des deux alliances dépendra de la qualité des associés et de la confiance qu'ils inspirent, quel message de politique globale Charles Michel et Mme U. von der Leyen sont ils aller proposer à Erdogan et symétriquement Borrel à Lavrov, dans la compétition qui se dessine et quel mélange entre légitimité et intérêts géopolitiques, qui rende « compatible » et donc viable, la participation de la Turquie à la coopération/confrontation du XXIème siècle? Le grand tribunal de l'histoire pourra-t-il convertir les condamnations à mort par pendaison, en démissions forcée de leurs fonctions, pour haute trahison de l'Europe, à Mme Merkel et à Mme von der Leyen?

(Ci-joint le texte "L'Union européenne, La Turquie et l'Eurasie" publié sur la "Revue Générale" belge N.11/12 de Décembre 2014)

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L'UNION EUROPÉENNE, LA TURQUIE ET L'EURASIE

Analyse géopolitique des deux hypothèses adhésion ou « partenariat privilégié » ?

Les relations entre l'Europe et la Turquie sont inscrites dans une géopolitique eurasienne, caractérisée par une triple métamorphose: de la géographie, de la puissance et des équilibres stratégiques. La première transformation concerne la masse continentale la plus importante du monde, celle de l'Eurasie, cœur géopolitique de l'Histoire ; la deuxième, le rôle accru des espaces océaniques ; la troisième, la stabilité stratégique qui, après la période de la bipolarité se commue en son contraire, l'instabilité, le déséquilibre et la fragmentation politique.

En revenant à la première transformation, celle-ci a pour objet le changement des paradigmes géopolitiques structurants qui imposent une nouvelle lecture du système international et donc un nouveau rapport entre le « Rimland » et le « Heartland ». Ce changement est fondamental. En effet dans le cadre de cette lecture, l'Europe et la Turquie appartiennent à des configurations géopolitiques distinctes : la Turquie fait partie du « Heartland », le « pivot des terres » ou encore « pivot géographique de l'Histoire » et l'Europe au « Rimland » planétaire, l'anneau des terres, qui va de la péninsule de Kamtchaka au Golfe Persique. Il en découle que la Turquie et l'Europe constituent deux entités géographiques aux projections diverses et que leurs stratégies sont déliées l'une de l'autre. Après l'effondrement de l'Empire soviétique, la Turquie retrouve son « espace vital » dans la masse centrale des continents, le « pivot des terres » où elle redécouvre ses sources linguistiques et son Histoire profonde, autrement dit, l'idéologisation du passé et les origines de l'Empire Ottoman. Selon cette lecture l'Europe se caractérise comme isthme occidental de l'Asie ou « Rimland » eurasien, car elle fait partie intégrante du « Rimland » planétaire, valorisé par le système maritime mondial et l'unité des océans. Le « Rimland » eurasien est dominé par les débouchés maritimes, le régime des eaux et les échanges par la voie des océans.

Pour les Etats européens de la bordure Atlantique après la fin des années 1990, le « paradigme géopolitique » dominant devient l'Eurasie à la place de l'Europe, qui fut le théâtre central du conflit Est-Ouest. Ainsi, le vieux pivot géographique du monde de Halford J. Mackinder se déplace vers le « pivot des mers », le « sealand » inter-océanique de l'Océan indien.

Dans ces nouvelles conditions, la politique d'élargissement de l'UE comme politique de stabilisation à la marge de la péninsule eurasienne perd de sa pertinence et montre sa précarité historique. Elle perd de son sens originel, qui était fondé sur une perspective d'intégration de l'Europe de l'Est et de la Russie. La politique d'élargissement à de nouveaux pays impose comme une loi du gouvernement politique, un noyau restreint de direction politique et d'abandon de toute politique de dilution du pouvoir.
Sous cet angle sont à adopter les alliances permanentes, les partenariats privilégiés et les coalitions ad hoc. Ces choix géopolitiques mettent en exergue la fragilité institutionnelle et politique de la construction européenne. En effet, les constantes géographiques et les legs de l'Histoire imposent aux fédérations en gestation l'impératif d'un pouvoir fort, sous peine de se dissoudre. L'UE doit éviter les dilutions successives aux marges extérieures du continent car elle doit contrer les déséquilibres qui en découlent à l'intérieur. Re-conceptualiser les paradigmes structurants du système international actuel c'est faire œuvre de lucidité politique, d'intuition stratégique et de perspective historique.

Ainsi vis-à-vis de la Turquie, l'approche en termes de « partenariat privilégié » découle de préoccupations réalistes, de souci d'autonomie et de convergence d'intérêts. La vocation géopolitique de la Turquie est continentale et consiste à renouer avec son passé. Son premier objectif demeure une politique de stabilisation autour de la Mer Noire, du Caucase du Sud, de la Mer Caspienne et de l'Asie Centrale, et cela en accord avec l'Union Européenne. En revanche, l'approche globale de l'Europe s'inscrit dans une perspective à trois volets, intercontinental, océanique et identitaire :

- La perspective intercontinentale inclut l'espace eurasien et la dimension africaine ;

- La perspective inter-océanique se définit par un réseau de bases, d'escales et de points clés maritimes, découlant des accords avec les pays d'Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP), qui font de l'Europe, ancienne puissance coloniale, un acteur géostratégique mondial ;

- La perspective d'ordre identitaire pousse à la distinction entre l'Europe et l'Amérique et donc à la définition politique et culturelle de deux Occidents, un Occident européen et un Occident américain.

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Or re-conceptualiser la politique d'élargissement et de voisinage, c'est tout d'abord reformuler les paradigmes structurants de l'ordre international, ce qui implique l'identification du pivot stratégique de la planète et de l'acteur ou des acteurs qui se disputent son contrôle. Cette reconfiguration permet de définir les régions décisives de rivalité mondiale et a au-delà, les grands enjeux qui ont scandé les affrontements décisifs de l'humanité. Au XXIème siècle la bataille décisive pour l'Hégémonie et pour le leadership mondial se fera en Eurasie, entre la puissance extérieure du cœur géopolitique du monde et l'acteur prééminent de la masse continentale dominante. Elle se fera sur le front marginal des continents (façades subcontinentales et péninsulaires) et de ce fait sur les rivages, les littoraux et les routes maritimes intercontinentales du « Rimland » mondial. C'est la raison pour laquelle l'Europe, pour définir une stratégie unitaire dans le monde, devra valoriser prioritairement l'approche inter-océanique (Océans Atlantique, Pacifique et Indien) et insérer le projet d'Union des pays riverains de la Méditerranée, du Proche et Moyen-Orient et du Golfe, dans une perspective continentale (Mer Noire, Caucase du Sud et Asie Centrale). La Turquie et le plateau iranien font partie de cette deuxième perspective, principalement continentale. Pour l'Europe occidentale et pour la Turquie, la géopolitique décisive se précisera par le choix que la première fera de sa relation historique avec la Fédération de Russie. Ce choix de long terme est historique et sera largement déterminé par trois acteurs essentiels, l'Allemagne, les Etats-Unis et la Chine.

A la périphérie occidentale des bouleversements de l'échiquier eurasien, l'Europe et la Turquie font la politique de leur géographie. La Turquie accroît son influence vers les terres d'Asie Centrale et en direction du Golfe et exerce un équilibre de pouvoir entre la Russie, pivot de l'Eurasie et l'Océan Indien, cœur des masses océaniques. Dans le Caucase, elle influe sur le containment de la Russie et de l'Iran. En Méditerranée et dans le Golfe, elle est serrée entre Israël et l'Egypte, qui a renoué avec Moscou. Dans cette même région, les Kurdes, alliés d’Israël, effectuent une percée militaire vers les puits de pétrole et repoussent l'embrasement du Califat et de l'Etat islamique, qui s'élargit à ses portes.

Si la bipolarité avait enfermé l’Europe dans la partie occidentale du continent, la nouvelle phase de l’histoire restitue à l’Europe son passé et sa diversité lointains. L’élargissement de l’UE et ses perspectives lui permettent de prendre à revers les puissances terrestres euroasiatiques par l’étendue de la projection des forces que justifie sa puissance navale et péninsulaire. Cette projection est rendue possible par l’accès aux zones côtières de la Méditerranée, de la mer Noire et de la Caspienne, et à celle du Golfe, à l’océan Indien et à l’Asie du Sud.. En survol et sur l'échiquier eurasien, l'Europe est un joueur incomplet et imparfait tandis que les Etats-Unis sont un arbitre global, un pivot géopolitique clé et un acteur dominant. 

Les limites de l'Europe et les capacités d'absorption de l'UE

Pour ce qui est des « frontières extérieures » de l’Europe, elles sont devenues un sujet d’actualité et d’interrogation institutionnelle, à partir de la décision du Conseil du 17 décembre 2004 d’ouvrir les négociations d’adhésion avec la Turquie.
La crainte d’une Union qui ne connaît plus de limites, ni à l’Est ni au Sud-Est du continent exige la définition d’un cadre organisateur général des relations extérieures de l’UE. Ainsi, deux dimensions problématiques sont concernées, une, de nature institutionnelle et, l’autre, de nature sécuritaire.

- La première est liée aux « capacités d’absorption » de l’Union Européenne, et concerne le poids et l’équilibre institutionnel au sein du Conseil des ministres de l’Union, mais aussi les capacités budgétaires et les politiques de solidarité et de cohésion.
- La deuxième se réfère aux relations de proximité, les Balkans occidentaux, zone à très forte instabilité politique et à haut potentiel de conflits et à la présence de ressources et de revendications territoriales, aiguisant les crises latentes ou gelées.

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La réorganisation des partenariats actifs des pays du Sud/Sud-Est de l’Europe constitue la base de lancement de la part de l'UE d'un « pacte de stabilité du Caucase du Sud et de la grande mer Noire », comme concept organisateur et cadre géopolitique de la réorientation régionale en matière de sécurité.

Ainsi un meilleur accès aux ressources énergétiques de l’Asie Centrale influencera le vent de libéralisation et de pluralisme politique des pays ex-soviétiques. Dans la logique de leur intérêts bien compris, cela devrait favoriser le retour de l’Europe dans le « grand jeu » qui est mené en Asie Centrale et dans la bordure des « Balkans eurasiens »1, par les États-Unis, la Chine, le Pakistan et l’Inde.

Cette réorientation du processus d’élargissement comporte une transformation de l’équation stratégique, du Caucase à l’Asie centrale et du Heartland, au golfe Persique, incluant la Turquie. 

Projection de l’UE vers le Caucase et l’Asie centrale

La projection de l’Union Européenne et de la Turquie vers le Caucase et l’Asie centrale pourrait répondre à une série d’objectifs :
- fixer les limites de l’UE, donc des demandes d’adhésion recevables ;
- faire de l’Europe un partenaire influent dans une politique mondiale redéfinie ;
- favoriser le dialogue et la planification, par l’identification des défis à affronter collectivement (détérioration de l’environnement, surpopulation, fanatismes, pandémies, catastrophes naturelles) ;
- fixer un agenda de sécurité planétaire pour le XXIe siècle, 

L'Union Européenne, les Etats-Unis et la Turquie

L'objectif commun de l'UE et des États-Unis dans le monde est la gestion d'un système maîtrisable et d'une structure de coopération géopolitique qui s'oppose à l'anarchie – exigeant une coopération étroite et un partage des responsabilités. Au-delà de la région euro-atlantique qui trouve ses frontières géographiques dans les tracés de la géopolitique russe établie au XVIIIème siècle, la disparité et le pluralisme des intérêts et des valeurs ne permettent pas l'intime association du leadership cooptatif et d'une hégémonie démocratique, propre à l'espace euro-atlantique.

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Ces considérations expliquent la non-recevabilité de la demande d'adhésion de la Turquie à l'UE. La Turquie appartient à l'extérieur de ce tracé continental, ce qui lui impose une politique étrangère et de sécurité dictée par sa position de carrefour à la croisée de trois continents.

La géopolitique du plateau turc dictée par la fonction de jonction eurasienne interdit une vision stratégique commune à l'Europe, mais justifie en revanche celle d'un « partenariat privilégié » aux contenus et formes variables.

La Turquie entre intégration et conflit

La Turquie est placée à mi-chemin entre deux espaces, d'intégration et de pacification relatives propres de l'Europe Occidentale et de revendications d'autonomie et d'indépendance, circonscrits par la région du Moyen et Proche Orient, du Golfe et de la Méditerranée Orientale.

La géopolitique suggère à la Turquie une stratégie eurasienne, enracinée dans son Histoire.

En revanche, l'Europe occidentale est poussée à concevoir une stratégie globale de projection de puissance en tant que péninsule de la masse continentale.

Peut-il y avoir, dans cette antinomie, un avenir commun entre l'UE et la Turquie transcendant les déterminismes de la géographie et la crise des négociations bilatérales, depuis l'acceptation du statut de candidat à l'adhésion en 1999 ? Sur quels sujets, de politique intérieure et internationale, peuvent-ils se reporter leurs objectifs communs ? Sur quelles conceptions de la sécurité, régionale et mondiale et sur quels vulnérabilités et défis ? Y a-t-il une convergence lisible en matière de régime politique, ou même en matière de croissance et de conception de la relance économique, sur lesquelles divergent par ailleurs les deux principaux pays européens, la France et l'Allemagne ?

L'ambiguïté stratégique de l'UE

Les ambiguïtés européennes inhérentes aux « limites » de l'Europe sont une cause de tension de l'UE avec la Russie, à propos des pays du Partenariat Oriental et avec la Turquie, en ce qui concerne le Sud-Est du continent. Ces ambiguïtés posent un premier problème, consistant à savoir si les États-Unis, la Russie et la Chine sont prêts à reconnaître à l'Europe un rôle de parité et donc de partenariat. Il faudrait évidemment, pour se voir reconnaître un tel rôle, que l´Europe retrouve une vitalité démographique et économique qui lui font défaut et se dote des moyens, y compris militaires, de ses ambitions (sans oublier le fameux numéro de téléphone réclamé par M. Kissinger !)

En deuxième lieu, il s'agit de savoir si l'Europe aura à l'avenir une identité propre sur le plan politique et militaire, avant de poursuivre les élargissements qui disloquent son centre de gravité politique.

Enfin, il s'agira de voir si l'UE pourra s'accommoder des conceptions françaises concernant la distribution des pouvoirs au sein des institutions transatlantiques ou à l'inverse, si elle se pliera au leadership allemand, soutenu par les États-Unis.

Les conséquences régionales de la crise ukrainienne

Les querelles continentales sur les issues de la crise ukrainienne, le rôle de négociateur incontournable de la part de l'Allemagne vis-à-vis de la Russie et la présence ultime des États-Unis sur le continent, dans la Mer Noire et dans la Caspienne, influent sur la nature des relations entre l'UE et la Turquie.

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La nouvelle centralité de l'Allemagne en Europe après l'effondrement de la bipolarité, ne lui requiert plus d'être le rempart historique contre l'Est, exercé pendant la longue période médiévale et poursuivi jusqu'en 1945, rôle qui lui a attribué sur le continent la fonction conjointe de créateur d'ordre et d'hégémon.

Comme l'a récemment déclaré Henry Kissinger, ancien Secrétaire d'Etat américain, « l'Allemagne est condamnée à prendre plus de responsabilités » dans les affaires du monde »2. Elle s'affirme sur la scène diplomatique et devient la clé de l'entrée des pays des Balkans occidentaux dans l'Union (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Kosovo, Macédoine, Monténégro, Serbie), jouant également l'intermédiaire entre V. Poutine et P. Porochenko.
Ainsi, la crise ukrainienne pose le problème de l'équilibre continental avec la Russie et donc les différentes perspectives d'équilibre euro-russe, au vue des deux lectures nationales de la stratégie européenne, française et allemande.

En effet, l'adhésion de la Turquie à l'UE perturberait non seulement les relations franco-allemandes en Europe, mais également les relations bilatérales franco- et germano-russes, influant directement sur les ambitions européennes dans leur ensemble, autrement dit sur le projet d'Union comme dessein d'ordre politique continental.

Le projet européen et les tensions extérieures

Par ailleurs, le projet européen, bien que soutenu par une dynamique historique et politique propre, comporte trois tensions extérieures : une venant de la Russie, la deuxième de l'Amérique et la troisième du Moyen-Orient, du Golfe et de la Méditerranée. L’Europe ne pourra se réaliser sous l'égide exclusive de l'Allemagne, ni sur une hostilité ou une nouvelle coalition contre elle, car ces dilemmes imposeraient des choix difficiles aux États-Unis et porteraient atteinte aux ambitions de la France sur la spécificité de son rôle international.

La Turquie, la « question russe » et le déséquilibre stratégique dans le Sud-Est du continent

Ainsi la crise ukrainienne et l'annexion de la Crimée ont remis à l'ordre du jour la « question russe » (appelée autrefois la « question d'Orient ») et donc le contrôle de la Mer Noire et des détroits du Bosphore, bref le rôle de la Turquie et celui antinomique des États-Unis sur la porte d'accès occidentale à l'Eurasie, où se joue le sort du monde.

La déstabilisation de l'Ukraine représente une distorsion géopolitique dont les répercussions en Méditerranée orientale ne tarderont pas à se faire sentir.

Il serait hasardeux voire erroné de soutenir que l'UE comme ensemble post-national pourrait trouver un rééquilibrage avec l'adhésion de la Turquie et dans une implication conséquente dans la zone de turbulence du Proche et Moyen-Orient et du Golfe.

L'Europe, la Turquie, la Russie, les États-Unis et l'Eurasie

Une partie délicate se joue entre l'Europe, les États-Unis et la Russie, depuis la chute de l'Union Soviétique, pour le contrôle de l'Eurasie. Cette partie concerne tout aussi bien des acteurs pivots régionaux comme l'Ukraine, l'Azerbaïdjan, la Turquie et l'Iran, que des acteurs géostratégiques de taille : la Russie, l'Inde, le Japon et l'Indonésie.

Le rôle d'arbitre de ce « jeu » est assuré par les États-Unis, puissance extérieure au grand échiquier de l'Eurasie, qui essaient de réduire l'influence de la Russie par la constitution d'un axe Tachkent – Bakou, Tiblissi – Kiev, et d'un corridor énergétique Bakou – Ceyhan permettant l'exportation d'hydrocarbures de la Mer Caspienne, par l'évitement du transit à travers la Russie.

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La politique de l'UE vis-à-vis de la demande d'adhésion de la Turquie a consisté à repousser son entrée dans l'Union, car l'adhésion ferait de celle-ci un joueur équivalent à l'Allemagne en termes de représentation, de décision et de souveraineté partagée au sein du Conseil et de Parlement Européens3. Cela bouleverserait la logique profonde de l'Union, dont le projet de réconciliation concerne des États européens et repose sur une communauté d'origine, la chrétienté et l'héritage de Rome (primauté du droit, équilibre des pouvoirs et séparation augustinienne du spirituel et du politique), tradition reprise ensuite par le Saint-Empire Romain Germanique. Cette adhésion serait porteuse d'un double paradoxe : elle ferait d'un État extra-européen un des États les plus importants de l'Union et de la « communitas christiana », une communauté  musulmane de confession sunnite et islamo-conservatrice, provoquant un changement stratégique fondamental vis-à-vis du reste du monde.

L'entrée de la Turquie dans l'UE aurait également pour effet de rabaisser le rôle de la France et d'associer l'Europe à un partenariat cooptatif avec l'Amérique, renforçant le pouvoir de celle-ci pour toute entreprise d'influence et de domination extérieure à caractère global.

En termes géopolitiques, la Turquie est inscrite dans l'espace des « Balkans eurasiens », aux problèmes ethniques et culturels d'une très grande complexité. Ces problèmes ont été aggravés en Ukraine, Syrie, Iran, dans le Golfe, en Afghanistan et en Asie Centrale dans le but d'affaiblir la Russie, par une politique de roll back et au sein de l'Union Européenne, par l’absence d'un stratégie internationale lisible. Cet affaiblissement de l'UE demeure sans solution immédiate dans la région qui va de la Géorgie à la Moldavie, Transnistrie et Roumanie, et s'ajoute comme frein stratégique et financier à l'adhésion de la République turque. A ses portes, l'éventuel Etat du Kurdistan représente un danger pour la stabilité politique du gouvernement islamo-conservateur et pour la cohésion nationale turque. L'ouverture vers les Etats arabes, consécutive à la « rupture » diplomatique du Ministre des Affaires Etrangères, A. Davutoglu, et résumée par la formule « zéro ennemi» (2000) a inversé la politique nationaliste antérieure.

Dans ces conditions, les revirements de la politique étrangère de la Turquie ne peuvent figurer comme des éléments de stabilisation régionale, particulièrement nécessaire, après les révoltes arabes et le tournant pris par celles-ci en Syrie, Irak et Egypte.

Les dirigeants turcs n'ont pas pris la mesure des changements intervenus dans le monde et en particulier au Grand Moyen-Orient, au Golfe, en Méditerranée et en Afrique sub-saharienne. Ce n'est plus l'Etat-nation, post-colonial, faible, vulnérable ou en déliquescence, qui demeure la structure de régulation d'ensembles sociaux disparates mais les religions radicalisées et la violence obscurantiste des petites sociétés prémodernes, djihadistes ou guerrières, affirmant leurs souverainetés par le Califat, le nihilisme et le chaos. Dans ces conditions, les dirigeants turcs ont appris qu'il n'y a plus d'interlocuteurs fiables, identifiés et légitimes avec qui négocier.

Les États-Unis et le Grand Echiquier

Les États-Unis, sortis gagnants de la Guerre Froide, maîtrisent de moins en moins

- un système international devenu non seulement multipolaire mais polycentrique et

- les zones de non-droit.

Ils ont besoin de réassurer leurs alliés de l'OTAN pour dissiper les doutes du déclin et de l'incapacité du Président Obama à jouer le rôle de leader de l'Occident. L'exercice de cette nouvelle version de l'Empire, déterritorialisé et en réseau, a cependant besoin de se déployer dans l'espace physique et de gouverner des hommes, selon les régimes politiques qui correspondent à leurs traditions anciennes, étrangères à l'idée d'Europe et à celles d’État et de démocratie.

Ainsi, la première contradiction de la gouvernance mondiale est qu'elle ne peut s'exercer ni dans le cadre de la démocratie représentative, ni dans le respect des convictions des minorités religieuses et donc dans les formes de la laïcité occidentale. En effet, le rejet de la séparation augustinienne du domaine temporel et spirituel, que l'intégrisme djihadiste exècre et combat, impose l'apostasie et la fidélité à une seule divinité, au prix de massacres et de barbaries d'un autre âge et donc l'obéissance aveugle à un seul régime : celui du Califat, qui désinstitutionnalise l’État-moderne, issu du Traité de Westphalie (1648).

L'UE et les trois options de politique étrangère de la Turquie

Si, comme le remarque avec lucidité Z. Brzezinski dans Le Grand Echiquier, « l'unification européenne apparaît de plus en plus comme un processus qui s'impose de l'extérieur et pas comme un idéal auquel on croit » et si l'idée européenne a été prise en charge par un appareil bureaucratique lourd et éloigné de l'adhésion populaire, de telle sorte que l'Union Européenne donne l'impression d'un conglomérat de soLciétés affectées par un malaise social chronique, quelle impulsion la Turquie peut-elle donner à un organisme qui a perdu son élan intérieur ?

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A la chute de l'empire soviétique dans les années 1990, la Turquie, qui est l'un des pivots géopolitiques clés de l'Eurasie et dispose d'atouts dépassant les conditionnalités léguées par la géographie, a tenté de redéfinir son identité et sa cohésion nationales.

Parmi les trois options qui se sont offertes à sa classe dirigeante:
- l'adhésion à l'Union Européenne, dans le but de devenir un État occidental laïc et moderne, suivant en cela l'héritage d'Atatürk ;

- l'orientation islamiste modérée, prétendant à une conciliation entre Islam et démocratie et ayant comme corrélat l'ouverture vers les autres pays arabes de la région dans le but de créer une zone de stabilité dans la région, cette option s'est traduite par une rupture stratégique. Cette option « zéro ennemi » (de Davutoglu 2000) s'est traduite par une rupture stratégique, prenant la forme d'un appui à l'opposition islamiste de Bashar Al-Assad, soutenu par la Russie et l'Iran et balayant les ambitions de stabilité régionale, mise à mal par les crises successives des pays arabes ;

- le néo-nationalisme, suggéré par la grande histoire ottomane, lui faisant découvrir une nouvelle mission envers les peuples turcophones et musulmans de la Mer Caspienne et de l'Asie Centrale.

Ces trois orientations, aux axes stratégiques divergents, ont introduit une série d'incertitudes dans la politique étrangère de la Turquie. En effet, elles l'ont engluée :
- dans les conflits ethniques et religieux qui minent la région, cumulant les difficultés et provoquant l'exode de populations Kurdo- turques (soit 20 % de la population à l'Est du pays). Ces derniers réclament l'indépendance nationale dans une lutte qui les engage à côté des Kurdes irakiens et syriens.

- dans des aventures contre-productives en Méditerranée, avec l'épisode de la flottille de militants pro-palestiniens envoyée à Gaza dans le but de rompre le blocus israélien, ce qui a eu pour effet de rapprocher Israël des Kurdes, de la Grèce et de Chypre.
dans le refus d'aider à la résolution du conflit gelé avec l'Azerbaïdjan, ce qui a poussé l'Arménie à rejoindre le projet eurasiatique de Moscou.

Dans un contexte international en pleine métamorphose, l'hostilité de l'Iran à l'égard des États-Unis et de l'Occident a incité Téhéran à adopter une politique plus accommodante vis-à-vis du Kremlin, autre adversaire historique, tandis que la politique étrangère de la Turquie, leader potentiel d'une communauté turcophone eurasienne imprécise et mal définie, s'est tournée vers l'Asie Centrale.

Propositions pour un « Partenariat Privilégié » entre l'UE et la Turquie

L'idée d'adopter un « partenariat privilégié » comme entente stratégique réfléchie entre l'UE et la Turquie est fondée sur série d'évidences ayant pour base de nouveaux paradigmes:
- l'Eurasie à la place de l'Europe
- l'anarchie internationale au lieu de l'intégration
- la définition des intérêts vitaux et donc une politique de sécurité et de défense au lieu de l'idéologisation des valeurs (la démocratie et les droits de l'Homme)
- le passage probable d'une « logique de négociation » permanente » entre Etats européens à une phase d'équilibres de compétition ou de chacun pour soi.

Si la tâche principale de l’UE a été le développement étendu de la stabilité internationale qui constitue le cadre conceptuel de l’intégration du continent le prolongement de cette responsabilité dans la région du plateau turc, du Caucase du Sud et de la grande mer Noire, lui permet d’atteindre un niveau de responsabilités politiques qui dépassent la sphère régionale et atteignent la stabilité mondiale.

En particulier, dans la zone visée aucun des grands partenaires régionaux n’a les moyens, ni dispose d’un consensus stratégique lui permettant de prétendre à la prééminence régionale.

La signature de partenariats privilégiés et actifs, avec les pays ayant choisi le régime qui assure au mieux leur vocation au changement politique et à l’ouverture internationale, est la seule solution compatible avec le maintien du projet européen et la préservation de son message. C’est à partir de cette perspective commune à l'UE et à la Turquie et guère d’une dangereuse dilution de l’Europe, que peut s'établir une entente stratégique.

Au niveau du système international, la gestion des relations extérieures et les retournements des situations imposent à l’UE d’avoir une personnalité politique forte, une structure de décision efficace et des « limites extérieures » qui ne demeurent une source de perceptions erronées. Ceci exige une vision réaliste du monde, car la coexistence de la paix et de la guerre est toujours immanente, la dialectique des antagonismes toujours à l’œuvre et la conscience de l’hétérogénéité du monde toujours là, pour prouver que les individus et les peuples n’obéissent pas aux mêmes conceptions du juste et de l’injuste, de démocratie et de liberté et que la diversité des régimes politiques et des corps sociaux engendre différents types d’inégalités, d’inimitiés et de conflits et avec ceux-ci des génocides et des guerres.

Notes

1 Les « Balkans eurasiens » constituent, selon Brzezinski, une mosaïque ethnique, le cœur d’une vaste « zone de pouvoir vacant » et d’instabilité interne. Ils regroupent neuf pays : le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, l’Azerbaïdjan, l’Arménie, la Géorgie et l’Afghanistan. On peut y inclure la Turquie et l’Iran (voir carte en annexe).

2 Extrait du journal Le Monde 26 août 2014

jeudi, 08 avril 2021

Lavrov et le racisme anti-blanc aux Etats-Unis

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Lavrov et le racisme anti-blanc aux Etats-Unis

Ex: https://www.dedefensa.org/article/lavrov-denonce-le-racisme-antiblanc-aux-usa

Lavrov et la Russie aggravent leur cas : ils soulignent le racisme anti-blanc aux USA et en occident. C’est d’autant plus amusant que les ricains et leurs parons comptent sur les russes pour détruire les rares survivants blancs en Europe après la guerre qu’on va leur livrer !  Paul Joseph Watson : « Le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, observe qu’il y a une recrudescence de “l’agression contre les blancs” aux USA et que cela nuit aux efforts de lutte contre le racisme. »

« Le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, observe qu’il y a une recrudescence de “l’agression contre les blancs” aux USA et que cela nuit aux efforts de lutte contre le racisme. Lavrov a fait ces commentaires lors d'une interview avec des politologues diffusée à la télévision nationale.
» “Nous avons été les pionniers du mouvement de promotion de l’égalité des droits des personnes de toute couleur de peau”, a déclaré M. Lavrov, ajoutant que “tout le monde veut se débarrasser du racisme”.
» Cependant, il a souligné combien il était important « de ne pas passer à l'autre extrême que nous avons vu lors des événements type-‘BLM’ (Black Lives Matter) et des agressions contre les personnes blanches, les citoyens américains blancs.”
» Lavrov a également insisté sur le fait que des forces au sein des États-Unis tentaient de répandre une “révolution culturelle” dans le monde entier en tentant d’imposer de force la “diversité” dans tous les domaines et de toutes les façons.
» “Hollywood est maintenant aussi en train de changer ses règles pour que tout reflète la diversité de la société moderne”, a-t-il dit, qualifiant cela de “forme de censure”.
» “J’ai vu des Noirs jouer dans les comédies de Shakespeare. Simplement, j’ignore quand on se décidera à faire jouer un Othello blanc”, a déclaré Lavrov.
» “Vous voyez que c’est absurde. Le politiquement correct poussé jusqu’à l’absurde conduira à des effets extrêmement malfaisants”, a-t-il conclu. »
» Comme nous l’avons souligné précédemment, après chaque fusillade de masse, journalistes et gauchistes accusent les Blancs avant même que l’auteur n’ait été identifié.
» Dans le cas de la fusillade du supermarché de Boulder, cela s’est retourné contre eux massivement après qu’il a été révélé que le tireur était un immigrant islamiste du Moyen-Orient.
» Après la fusillade d’Atlanta, qui visait des salons de massage, les médias ont une fois de plus déclenché l’hystérie du “suprémacisme blanc”, bien que les autorités n’aient trouvé absolument aucune preuve que l’attaque était motivée par la race.
» Cela a conduit Damon Young, collaborateur du New York Times, à affirmer que “la blanchité est une pandémie” et que “la seule façon de l’arrêter est de la localiser, de l’isoler, de l’extraire et de la tuer”.
» “Il n’a pas été renvoyé de son poste à ‘The Root’ et le ‘New York Times’ a refusé de le condamner, – de telles proclamations sont ce pour quoi ils le paient !” écrit Chris Menahan.
» Ce récit, en plus de la Critical Race Theory, qui enseigne que tous les problèmes des États-Unis sont la faute des Blancs, a clairement créé une atmosphère où la haine raciale dirigée vers les Blancs n'est pas seulement tolérée, elle est ouvertement encouragée. 

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Cette intervention du ministre Lavrov nous paraît importante, considérée de plusieurs points de vue et concernant plusieurs domaines. Cette importance, pour la séquence “historique et morale” en, cpours depuis la fin de la Guerre Froide. (Et surtout depuis l’attaque 9/11.)

• On a l’habitude, – c’est presque un rite, – d’insulter la Russie (et la Chine, même traitement) pour des événements intérieurs, dont une proportion plus que respectable et certainement majoritaire sont outrageusement amplifiées sinon purement et simplement fabriquées par les services adéquats des accusateurs, pour des faits attentant aux droits des gens, aux droits des minorités surtout “genrées”, aux devoirs et vertus démocratiques, aux faits de corruption, etc. L’ingérence du bloc-BAO est considérée de ce point de vue comme une sorte de devoir de bienpensance, comme on allait à la messe aux beaux temps passés des colonies. Mais une “ingérence”, – car c’en est bien une dans le cas qui nous occupe, – , dans les affaires intérieures des USA, et sur des faits aussi précis, et concernant des actes consacrés par la bienpensance, – que ce soit les ‘Black Lives Matter’ et leurs performances démonstratrices-de-rue et financières-globales, ou la “diversité” qu’Hollywood impose à ses productions et à ses acteurs.es [oups] comme autant d’actes de “censure” [selon Lavrov], – une telle ingérence constitue une démarche exceptionnelle de la part d’une puissance comme la Russie.

• C’est d’autant plus exceptionnel que la politique de la Russie post-Guerre Froide, et surtout dans l’ère Poutine, a jusqu’à il y a peu considéré comme sacré le devoir de non-ingérence. S’il y a eu des exceptions durant ces 3-4 dernières années, elles venaient de Poutine, et souvent sous une forme diplomatique ou indirecte, et passant en général par l’ironie, lors des conférences de presse-marathon que donne annuellement le président russe. Cette fois, cela vient d’un ministre certes très important et très connu ; paradoxalement, le fait d’une critique venue d’un rang inférieur à celui de Poutine mais faisant partie du gouvernement donne une ampleur plus grande à l’acte. Cela signifie que l’ingérence n’est plus exceptionnelle (du fait de Poutine) mais devient un fait courant de la politique russe et de son gouvernement, et cela est d’autant plus important que Lavrov est un poids lourd du gouvernement, très connu à l’extérieur.

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• Tout cela prend bien entendu d’autant plus d’importance encore, et apparaissant encore plus comme une politique de gouvernement et non plus un acte exceptionnel du président, que le domaine abordé par Lavrov n’est pas celui qu’il considère habituellement de sa compétence. C’est donc bien délibérément affirmé comme un acte de gouvernement en général ; il y a donc la déclaration de Lavrov elle-même, et ce qu’elle signifie de la politique du gouvernement russe. Normalement, si notre analyse est bonne, on devrait désormais en attendre pas mal et à faire sonner nos oreilles, de la part des Russes, dans ce domaine de nos ébats sociétaux-progressistes et wokenistes ; et le wokenisme devenant ainsi un enjeu majeur de la Grande Crise d’Effondrement du Système (de la Modernité), position qu’il mérite d’ailleurs amplement.

• L’objet de la critique est lui aussi peu ordinaire, sinon extraordinaire par rapport au catéchisme du bloc-BAO : ingérence dans les affaires intérieures de la “nation exceptionnelle”, critique d’un mouvement qui s’affiche comme le parangon de la bienpensance dans le bloc-BAO, dans le fait de l’antiracisme wokeniste, enfin la dénonciation sans précédent de l’existence d’un “racisme antiblanc”. (Il y a nombre de pays dans le bloc-BAO où la notion même de “racisme antiblanc” est considérée comme un constat inacceptable, voire très-punissable.) Lavrov démasque le simulacre de l’antiracisme-wokeniste et affirme pour la condamner bien entendu l’existence de cette nouvelle sorte de racisme ; critique d’autant plus acerbe qu’il n’hésite pas à ridiculiser les abus de ces comportements, jusqu’à évoquer l’occurrence d’un “Othello blanc” selon la logique contradictoire de la démarche. (Cela dû être déjà fait in illo tempore et certainement la tête des coupables, même trépassés, est-elle mise à prix. Et voilà que Lavrov en remet !)

• Un aspect singulier de la critique pourrait prétendre à réduire son aspect d’ingérence mais en fait lui donne une dimension d’importance considérable qui aggrave l’importance de la crise ainsi dénoncée : c’est l’aspect international que Lavrov donne potentiellement à ce mouvement. Il qualifie donc le wokenisme de “révolution culturelle” à résonnance maoïste pas si lointaine, et dénonce son but explicite de s’étendre “au monde entier” (d’ores et déjà évident au travers de différentes situations, européennes notamment).

• D’autre part, cette intervention exceptionnelle de Lavrov ne devrait rapidement plus être considérée comme telle pour entrer dans l’arsenal dialectique courant de la communication russe. Elle ne fait que confirmer ce que les Russes ont identifié comme une nouvelle forme de guerre que les USA/le bloc-BAO lancent contre la Russie et les autres puissances rétives à cette ligne postmoderne/wokeniste, et certainement le type d’agression contre laquelle la Russie devra se défendre. On pense évidemment à la “guerre mentale”, ou “guerre des âmes”, dont on a déjà parlé. Lavrov lui-même, il faut le rappeler, en avait débusqué les premiers signes cliniques, ce qui montre qu’il était prédestiné dans cet intérêt pour des affaires qui semblent en apparence très éloignées de son domaine, – “affaires étranges” plutôt qu’“affaires étrangères”.

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• S’ils font ainsi la publicité de leurs analyses et de leur position devant un crise sociétale qui déchire le bloc-BAO, – et ils le feront car ils savent l’importance de la communication, – les Russes vont renforcer leur position d’influence en s’imposant plus que jamais de facto comme les défenseurs de la Tradition autant que des traditions. Cela devrait poser des problèmes délicats à nombre d’acteurs qui ont pris des positions politiques et stratégiques antirusse mais qui se trouvent également très nuancés sinon hostiles dans leurs conceptions par la poussée de la “révolution culturelle”, rayonnante de jeunesse et d’inventivité sous la direction de Joe Biden. (On est obligé de penser d’abord à la Pologne ; on pense également aux populistes et aux “petits Blancs” plus ou moins trumpistes aux USA, cultivés en général dans l’antirussisme et qui trouvent en la Russie un allié de poids contre le wokenisme qui les menace.) Les “intelligentsias” américanistes-occidentalistes elles-mêmes devront résoudre quelques équations complexes, y compris un Mélenchon qui n’a jamais dissimulé une certaine estime pour la Russie (on l’applaudit bien fort) en même temps qu’il a laissé prendre à son mouvement une position pro-indigéniste/wokeniste qui le met très près de tout ce que dénonce Lavrov.

Source: https://www.dedefensa.org/article/lavrov-denonce-le-racisme-antiblanc-aux-usa

L'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN : contre la Russie, les USA sont prêts à sacrifier l'Europe

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L'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN : contre la Russie, les USA sont prêts à sacrifier l'Europe

par Karine Bechet-Golovko

Ex: http://russiepolitics.blogspot.com/2021/04/

Les Etats-Unis déclarent soutenir l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN, alors qu'un conflit militaire est actif sur son territoire et que la question territoriale est discutée par la communauté internationale. De son côté, la Russie prévient que ce pas, non seulement ne réglerait pas la question du Donbass, mais compliquerait encore plus la situation. Finalement, n'est-ce pas le but de ce conflit, n'est-ce pas là le rôle dévolu à l'Ukraine, comme à tous ces pays qui vendent leur souveraineté ? A savoir, devenir un jouet entre des mains, qui l'utiliseront jusqu'à ce qu'il soit cassé. Alors, un autre fera l'affaire. Les pays européens devraient en tirer - d'urgence - les conséquences, avant que d'être mis à la poubelle de l'histoire. Car quel est leur intérêt dans cette folle aventure ?

Depuis le Maïdan, l'Ukraine ne cesse de déclarer son voeu le plus cher d'entrer dans l'OTAN, d'en être un membre actif, véritable à part entière, allant jusqu'à l'absurde. Mais sérieusement, comment un Gouvernement digne de ce nom peut déclarer dans une loi, en 2016, que l'entrée dans l'OTAN est le but principal de la politique nationale ? Comment peut-on s'abaisser au point de même inscrire dans la Constitution ukrainienne en 2019, que le pays va vers une intégration dans l'Union européenne et dans l'OTAN ? Comment peut-on se prostituer à ce point, ouvertement, sans états d'âme, sans sursaut de dignité ? Comment peut-on imposer à son peuple la soumission, l'instrumentalisation, finalement la mise en esclavage au profit d'autres intérêts ?

Depuis, les missions de l'OTAN se sont parfaitement et ouvertement implantées en Ukraine, forment l'armée ukrainienne, qui va ainsi plus efficacement pouvoir tuer des civils à l'Est de son pays. Et ainsi, l'Ukraine permet de maintenir une tension extrême avec la Russie, qu'elle a déjà payée de la perte de la Crimée, qui sans le Maïdan serait toujours ukrainienne, et à ce rythme-là, elle peut conduire la Russie à intégrer le Donbass pour sauver les populations promises à un génocide annoncé, alors que la Russie ne cesse d'en appeler aux Accords de Minsk, selon lesquels le Donbass est et doit rester ukrainien.

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Mais lorsqu'un pays joue un jeu qui le dépasse, qu'il ne maîtrise pas, il paie le prix qui lui est imposé par ses maîtres, ceux-là mêmes qui l'on autorisé à entrouvrir la porte de la cour des grands, et cela lui a déjà coûté tellement cher que s'arrêter en cours de route n'est plus possible.

Et le conflit dans le Donbass continue, se renforce maintenant que l'armée ukrainienne a été "formée" par l'OTAN. Et les "va-t'en-guerre", grisés par l'opération fulgurante dans le Haut-Karabakh, d'espérer  répéter l'histoire avec le Donbass. Ils n'ont certainement pas tiré la leçon des aventures géorgiennes, elles aussi en deux temps, qui se sont soldées par une défaite pour eux - la seconde fois, la Russie étant intervenue. Et la Russie, même si elle ne veut pas entrer dans un conflit armé à ses frontières, même s'il est impensable pour elle d'initier un conflit militaire, elle ne pourra laisser massacrer le Donbass, que ce génocide soit commis sous drapeau ukrainien ou derrière l'oriflamme de l'OTAN, elle n'aura d'autre choix que d'intervenir. Les pays membre de l'OTAN devraient réfléchir et se demander quels sont réellement leurs intérêts nationaux dans la région, car ce sont leurs hommes qu'ils peuvent envoyer mourir pour ces intérêts ...

Depuis le temps que l'Ukraine se prépare à entrer dans l'OTAN, depuis le temps que l'OTAN la fait attendre, patienter, la caressant de temps en temps, avant de l'utiliser, puis de la faire à nouveau attendre, la situation pourrait-elle vraiment changer ? Tout dépend de la volonté politique.

Les Etats-Unis déclarent soutenir l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN, car ils soutiennent son "intégrité territoriale", mais la décision doit être prise par les membres de l'OTAN. Traduire : les Etats-Unis veulent continuer à développer le conflit en Ukraine dans le combat contre la Russie, mais c'est aux pays membre de l'OTAN, bien travaillés en avance par la construction de la figure de l'ennemi, de prendre la responsabilité collective de la montée d'un cran du conflit avec la Russie et du risque d'un affrontement direct. Bien loin des Etats-Unis, ce conflit peut engloutir ce qu'il reste de l'Europe.

De son côté, Zelensky, parfaitement briefé, déclare estimer que seule une entrée de l'Ukraine dans l'OTAN permettrait de mettre fin au conflit dans le Donbass.

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Pourquoi ? Parce que la Russie est censée trembler de peur devant l'Occident conquérant dans la fantasmagorie globaliste ... Une fantasmagorie refroidie par une déclaration immédiate du porte-parole du Kremlin. D'une part, Dmitri Peskov prévient que ce genre de décision ne peut se prendre sans l'appui de son peuple, or la population de l'Est du pays est majoritairement opposée à l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN. Cette démarche ne va donc pas, évidemment, calmer la situation intérieure du pays. D'autre part, le ministère russe des affaires étrangères a rappelé que les provocations par l'armée ukrainienne ne cessent d'augmenter sur la ligne de front, mettant en danger les populations civiles, notamment les citoyens russes du Donbass et que la Russie est prête à défendre sa sécurité, quel que soit le scénario. Comme l'a également souligné Peskov et sans entrer dans les détails, la sécurité du pays et des citoyens russes reste la priorité et de l'Etat et du Président personnellement.

Pendant que le discours ne cesse de s'envenimer, des vidéos de témoins sont apparues dans les réseaux sociaux, montrant des blindés de l'OTAN entrant en Ukraine par la Pologne et se dirigeant vers la ligne de front. Cela s'ajoute à l'accumulation de l'artillerie, de l'infanterie, de l'aviation, etc ukrainienne et des "conseillers de l'OTAN" aux frontières du Donbass (voir en détail l'état des lieux par E. Castel ici). En mars 2021, le regroupement des forces ukrainienne et leurs mouvements étaient à peu près celui-ci :

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Et comme l'a déclaré aujourd'hui le dirigeant de la république de Donetsk, dans sa conférence de presse diffusée dans l'émission politique 60 minutes, Denys Pouchiline, "en cas d'attaque de l'armée ukrainienne, les forces du Donbass ne s'arrêteront pas à la frontière des anciennes régions de Donetsk et Lugansk.".