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jeudi, 28 mai 2020

Bâtir le futur sans nier le passé

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Bâtir le futur sans nier le passé

par Yohann Sparfell

Ex: http://www.in-limine.eu

Le monde est aujourd’hui secoué par de terribles soubresauts. Ceux-ci, à la première lecture, apparaissent comme issus de rivalités inter-ethniques et inter-confessionnels. Ils se traduisent essentiellement par des conflits armés. Mais ceux-ci ne sont en réalité que les expressions ultimes de rivalités qui s’accroissent du fait de contestations territoriales, de concurrences autours des ressources en matières premières ou en eau, de positions stratégiques, ou de luttes d’influences. Rivalités à partir desquelles se cristallisent la plupart du temps les facteurs d’appartenance ethnique et/ou religieux.

Sans nier que ces rivalités puissent avoir leur source dans une histoire faite de rapports inter-civilisationnels ou inter-ethniques compliqués, il s’agit aujourd’hui de comprendre que celles-ci trouvent à être instrumentalisées essentiellement par, non pas essentiellement une grande puissance que pourrait être les États-Unis ou la Chine, ou encore la Russie, l’Inde ou l’UE, mais par ce que l’on nomme l’ « Empire britannique », désignant par là le pouvoir financier mondialiste actuel qui a imposé sa propre souveraineté sur les émissions monétaires du monde entier. Lui seul a encore aujourd’hui intérêt à générer le chaos où bon lui semble en fonction des intérêts de la dynamique globaliste qu’il porte vers une Gouvernance mondiale totalitaire.

Dans ce jeu de dupes où certaines formes de replis sur des supposés fondamentaux religieux ou ethniques rentrent par le fait dans cette dynamique – bien souvent en ayant la volonté d’y parer – c’est toute possibilité d’établir une entente et des compromis – par la compréhension mutuelle des problématiques des uns et des autres – qui se voient ainsi être mis en péril. Or, le monde actuel n’est plus celui, technologiquement et psychologiquement parlant, du passé, et il est aujourd’hui nécessaire de tenir compte d’un contexte complexe au sein duquel tout débordement pourrait conduire à de sombres et fatals conséquences pour l’humanité toute entière. Les desseins morbides de l’oligarchie actuelle nous font marcher de plus en plus vite et dangereusement sur la corde raide au-dessus du vide : rien de ce qu’ils projettent ne peut être tenu pour acquis au nom d’une quelconque supériorité de quelque ordre que ce soit, les enjeux étant devenus trop importants et risqués. Et ils sont d’autant plus risqués que l’on prend conscience que l’humanité, dans toute sa complexité, ne peut se réduire, au regard du cours de son histoire, à des formules mathématiques, statistiques ou autres. Il ne faut pas oublier que l’ingénierie sociale, employée allègrement par certaines factions du pouvoir mondialiste, pour autant qu’elle soit essentiellement expérimentale, n’en est pas moins, par le fait, une science approximative nécessitant en permanence une remise en cause de certains de ses présupposés étant donné qu’il ne sera jamais possible d’intégrer la globalité des facteurs humains dans un projet de modélisation de ses visées de modifications sociales. Peut intervenir à tout moment un facteur imprévu qui alors aura toute latitude à déboussoler tout l’édifice de remodelage de sociétés entières. Et ceci jusqu’à engendrer de plus ample destruction pouvant aboutir à mettre la vie sur terre en danger, suite, par exemple, à un conflit nucléaire.

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Face à cette tendance fort dangereuse menée par des hommes en proie à une avidité illimitée, il devient plus que temps de mettre en place certaines conditions devant amener à promouvoir un véritable dialogue des cultures et des civilisations. Nous vivons une époque cruciale à cet égard, et il faut bien mesurer l’importance d’une prise de conscience de l’état actuel d’une part, et d’autre part de la nécessité impérieuse d’y apporter des solutions visant à détendre les relations et entreprendre une compréhension mutuelle des intérêts de chacun, ainsi que - sinon surtout - de ses propres craintes vis-à-vis de ceux qui l’entourent. En d’autres termes, il devient plus qu’urgent que s’amorce une dynamique visant à prévenir, ou du moins à ralentir et même affaiblir les tendances actuelles à s’enferrer dans des identités fantasmées conduisant fort souvent à des formes de fondamentalisme. Il faudra par conséquent valoriser les échanges tant culturels que spirituels et bien sûr économiques, mais par dessus tout, il s’avérera indispensable, si nous ne voulons pas sombrer dans une guerre de tous contre tous à l’échelle mondiale, prendre conscience des besoins fondamentaux de l’autre, dont le respect pour la forme par laquelle s’exprime sa personnalité est peut-être l’un des principaux.

Promouvoir les échanges et la compréhension mutuelle, soit, mais chaque nation cherche avant toute chose, parce que la légitimité des États à cet égard est en jeu, de satisfaire aux besoins fondamentaux de sa population et de son économie. Comme nous l’avons indiqué, les conflits sont surtout le fait d’une concurrence effrénée par rapport à des ressources et, tout aussi important, par rapport à un accès à certaines positions stratégiques, comme l’accès aux mers par exemple, ou à des passages terrestres ou maritimes fondamentaux pour les possibilités futures de croissances et d’efficacité de défense. Les conflits s’exacerbent en ce nom, et sont malignement exploités et amplifiés par de plus grandes puissances afin de pouvoir imposer leurs propres agendas aux plus faibles nations. Et en outre, aujourd’hui, comme nous l’avons noté, la dynamique mondialiste portée par la Finance internationale amplifie encore plus ce phénomène de relations internationales dans le sens souhaité d’une imposition globale d’une structure conflictuelle mondiale permanente pour les intérêts d’un capitalisme qui tend à accroître l’exploitation généralisée des ressources, y compris, si ce n’est surtout, humaines. Et l’élément par lequel l’oligarchie espère y parvenir, c’est de saper toute souveraineté des États afin de pouvoir prescrire en toute quiétude les conditions nouvelles, à l’échelle mondiale, d’une société globalisée où la concurrence et la compétition seront élevées en seules vraies valeurs, tout en détruisant parallèlement la notion de Bien commun.

Le Bien commun, justement, doit pouvoir être remis à l’honneur dans un combat pour lequel prime le bien être de tous et la liberté pour chacun – dans le sens des possibilités accordées à chacun à ce qu’il puisse faire grâce de son assentiment à honorer sa singulière participation au Bien commun. À l’anti-thèse de l’exploitation généralisée des survivants et de l’annihilation programmée des autres, soit d’un rapport gagnant-perdant, nous devrons imposer des relations gagnant-gagnant, et ce à l’échelle d’une humanité qui tend inévitablement à s’unifier. Certaines choses qui ont pris de l’ascendant de nos jours sont effectivement irréversibles, et elles le sont d’autant plus que l’homme postmoderne accroît son emprise technologique sur le monde, et sur lui-même. Il faudra bien savoir l’accepter tout en faisant l’effort indispensable aujourd’hui de pouvoir dominer le progrès technologique – dominer étant se placer au-delà afin de pouvoir le mettre à son véritable service - en faveur de valeurs humanistes et au travers d’un attachement primordial accordé à la personne humaine et à la richesse de sa diversité dans son unité. Les intérêts de chacune des nations doit pouvoir s’imbriquer au sein des relations internationales sans qu’elle est à y perdre ni son âme ni ses intérêts particuliers. L’accroissement des flux d’échanges, tant économiques que culturels, doit pouvoir permettre à ce que s’accroisse simultanément une compréhension mutuelle. Donc, il faudra faire en sorte que nous puissions libérer raisonnablement ces échanges et, en amont, les conditions par lesquelles elles pourront s’engager dans un voie prometteuse, des interférences d’une volonté malsaine hégémonique qui ne sait que considérer le monde et sa diversité en faveur d’un durcissement altitudinal de son pouvoir autocratique.

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À cet égard, le projet mené par la Chine des Nouvelles Routes de la Soie – ou Belt and Road Initiative (BRI) – pourrait éventuellement être très prometteur car susceptible de reposer essentiellement sur ces principes de respect des différences et de recherche de codéveloppement. Effectivement, ce codéveloppement ne saurait devenir viable à long terme que s’il respecte chacune des visions du monde par laquelle chaque peuple et communauté pourra librement, et de par son propre entendement, se connecter au maillage mondiale des voie de communication terrestres et maritimes portées par ce projet, étendu à ce que certains appelent un « Pont mondial ». Cette condition est effectivement indispensable à la viabilité de ce projet international, car il se doit de rester justement inter-national, et non globaliste c’est-à-dire intégré dans une dynamique d’effacement progressif des nations et de leur souveraineté ainsi que, simultanément, d’élaboration d’une sorte de « communauté humaine mondialisée », standardisée à l’avantage d’une Gouvernance mondiale du capitalisme financier hégémonique et totalitaire.

Œuvrer pour une coopération au niveau international et mondial dans l’objectif de construire un futur où pourra librement se déployer la création et se développer l’innovation humaines ne signifie donc nullement passer outre les impondérables de la nature humaine. La personne humaine ne peut réellement s’épanouir que dans le cadre de ses communautés, locale, régionale, nationale et au-delà, civilisationnelle. C’est au sein de celles-ci, et ce uniquement en regard de ce qu’elle peut être à même de parcourir concrètement de son entendement et de sa raison en compagnie de ceux avec lesquels elle partage la même vision, qu’elle peut au mieux définir une légitimité à ses propres actes, à l’aune de l’héritage et des intérêts communautaires qui les meuvent. Toute coopération est donc une rencontre entre des intérêts et des héritages toujours à un moment donné divergents mais qu’il faudra bien, pour l’élaboration d’un Bien commun d’ordre supérieur, articuler entre eux de façon à ce que chaque communauté y trouve avantage et enthousiasme au-delà de ses propres limites culturelles et de ses intérêts plus étroits. C’est un enjeu de taille et jamais acquis définitivement. Cela demande un effort perpétuel de maintenir une réciprocité gagnant-gagnant, du point de vue des intérêts, par exemple économiques, mais surtout une réciprocité raison-contre-raison du point de vue cette fois des héritages respectifs. Et cela parce qu’il s’avère indispensable en notre époque cruciale de faire comprendre tout l’enjeu au niveau de l’humanité toute entière de réussir à dépasser nos divergences les plus aiguës et de pouvoir faire participer positivement nos différentes cultures à une vision d’avenir vers de grands projets mobilisateurs et, peut-on espérer, annonciateurs de paix et de progrès dans le respect universel de la personne humaine, comme des êtres non-humains qui l’entourent.

La meilleure façon de ne pas s’opposer à l’autre est de s’affirmer soi-même. Cela est une leçon que devrait apprendre l’humanité au-delà de ses différences culturelles et spirituelles. Et le seul moyen réellement efficace et pérenne d’y parvenir est de ne point nier son héritage, tout ce qu’a pu léguer le passé au travers d’une diversité de cultures et de trésors de spiritualité, mais au contraire de s’y appuyer en les transcendant. Ces cultures et spiritualités, comme autant de possibilités qu’ont imaginés les hommes afin d’exprimer leur rapport à l’être et à la vie, doivent être les socles à partir desquels nous pourrons envisager des échanges qui seront primordialement culturels et spirituels avant que de n’être qu’économiques. Il s’agit de donner une priorité à ce qui, seul, est l’instrument de l’affirmation humaine : sa vision du monde au regard de toute la diversité des « climats » par lesquels elle a su se nuancer. Une forme d’être, liée à un héritage, à un « climat » particulier, et dans la mesure où la culture en est véritablement une parce qu’elle s’inscrit dans la dynamique de l’identité1, est ce à partir de quoi l’homme peut se donner les moyens et le désir sain de tendre vers l’universel. Lorsque l’on a rien à échanger que du matériel et des rêveries par lesquelles l’on tend à confondre la Réalité avec ses propres idéaux, l’on ne tend jamais la main vers l’autre afin d’approcher de l’universel et, un tant soit peu, de la Vérité. On s’enferre dans ses propres croyances et l’on désire par dessus tout les imposer aux autres. L’homme doit apprendre que les nuances forment un seul et même tableau, mais que sans ces nuances, il ne peut y avoir de message universel à transmettre via ce tableau. Il doit apprendre que sa culture, source de sa souveraineté et singulière parmi tant d’autres, est un moyen lui appartenant en propre d’exprimer cet universel à condition qu’au lieu d’exclure les autres, il l’affirme au milieu des autres. À partir de la diversité des communautés humaines, la subsidiarité jusqu’au niveau de la multipolarité civilisationnelle et, au-delà, de la coopération mondiale, peut donc devenir un formidable outils permettant que l’homme puisse progresser vers la conscience spirituelle de l’unique Réalité qui est Universalité.

Yohann Sparfell.

1 Chose que nous avons détaillé dans notre ouvrage Res Publica Europae, éditions Ars Magna, Nantes, décembre 2019 : https://www.editions-ars-magna.com/index.php?route=produc...

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Machtprobe in der Karibik: Eskaliert der Streit um iranische Öllieferungen an Venezuela?

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Torsten Groß:

Machtprobe in der Karibik: Eskaliert der Streit um iranische Öllieferungen an Venezuela?

Ex: https://kopp-report.de

Während die Corona-Pandemie weiterhin die Schlagzeilen der Medien beherrscht, zieht in der Karibik weitgehend unbemerkt von der Öffentlichkeit eine Krise herauf, die einen gefährlichen internationalen Konflikt heraufbeschwören könnte. Seit Ende April befinden sich fünf iranische Tankschiffe, die 1,5 Millionen Barrel Benzin geladen haben sollen, auf dem Weg nach Venezuela. Sie werden dort voraussichtlich Ende Mai/Anfang Juni eintreffen. Besonders pikant: Die USA haben sowohl gegen den Iran als auch gegen Venezuela umfangreiche Wirtschaftssanktionen verhängt.

Während sich der Boykott im Falle des Iran gegen das Atomprogramm des Landes richtet, soll der wirtschaftliche Druck auf Venezuela zum Sturz des sozialistischen Regimes von Staatspräsident Nicolás Maduro beitragen, dem überdies vorgeworfen wird, den Rauschgiftschmuggel in die Vereinigten Staaten zu fördern. An seine Stelle soll bis zu Neuwahlen eine Übergangsregierung unter Parlamentspräsident Juan Guaidó treten, der sich im Januar 2019 selbst zum Interimspräsidenten Venezuelas erklärte und in dieser Funktion von 54 Staaten anerkannt wird, darunter auch Deutschland und die Europäische Union.

Wegen Misswirtschaft, Korruption und der US-Sanktionen befindet sich Venezuela in einer schweren Wirtschaftskrise. Die Corona-Pandemie hat die Lage in dem südamerikanischen Land noch verschärft.

Obwohl Venezuela mit geschätzten 48 Milliarden Tonnen über die größten Erdölreserven der Welt verfügt, herrscht dort eine gravierende Benzinknappheit. Die Ernte verrottet auf den Feldern, weil es zu wenig Kraftstoff für Landmaschinen und Lastwagen gibt. Der Grund für diesen Mangel sind fehlende Raffineriekapazitäten, um das reichlich vorhandene Öl zu verarbeiten. Venezuela ist deshalb dringend auf Treibstofflieferungen aus dem Ausland angewiesen, die aber wegen des harten US-Embargos nicht ins Land gelangen. Deshalb hilft nun das Mullah-Regime in Teheran aus, das mit der sozialistischen Regierung in Caracas bereits seit 20 Jahren freundschaftliche Beziehungen unterhält.

Washington hat den Iran vor der Lieferung an Venezuela, die neben Benzin auch diverse Chemikalien und technische Ausrüstung umfasst, eindringlich gewarnt und Marineeinheiten in der Region zusammengezogen, die zum Einsatz kommen könnten, um die iranischen Tanker aufzuhalten. Die venezolanische Regierung hat ihrerseits Kriegsschiffe und Kampfflugzeuge zum Schutz der Tanker entsandt. Sie sollen die Schiffe nach Erreichen der ausschließlichen Wirtschaftszone Venezuelas eskortieren, die sich über ein Seegebiet von 200 Meilen vor der Küste erstreckt. Der erste Tanker, die »Fortune«, hat die venezolanischen Hoheitsgewässer vor zwei Tagen erreicht, was vom sozialistischen Maduro-Regime propagandistisch als Erfolg gefeiert wird. Die anderen Transporter sollen in den nächsten Tagen folgen. Bislang hat die US-Marine nicht eingegriffen, um das Embargo militärisch durchzusetzen. Bei dieser Zurückhaltung muss es nicht bleiben.

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Die Szenerie erinnert ein Stück weit an die Kuba-Krise des Jahres 1962. Damals war es US-Präsident John F. Kennedy, der eine Seeblockade gegen Kuba verhängte, um weitere Waffenlieferungen aus der UdSSR zu unterbinden und den Abzug atomar bestückter sowjetischer Mittelstreckenraketen zu erzwingen, die kurz zuvor auf der karibischen Zuckerinsel stationiert worden waren und das amerikanische Festland bedrohten. Moskau beugte sich damals dem Druck Washingtons und ließ die Frachter kurz vor Erreichen des Sperrgebiets abdrehen. Eine militärische Konfrontation der Supermächte, die wahrscheinlich zu einem nuklear geführten Weltkrieg geführt hätte, konnten so mit viel Glück in letzter Sekunde verhindert werden. Ob es auch diesmal gelingt, einen bewaffneten Konflikt zu vermeiden, in den Russland und China als Verbündete Venezuelas und des Iran hineingezogen werden könnten, ist offen.

In einer offiziellen Dringlichkeitsmitteilung an die Vereinten Nationen beklagt die Regierung Maduro die als »illegal« bezeichnete »Drohung des bevorstehenden Einsatzes militärischer Gewalt durch die Vereinigten Staaten.« Zeitgleich warnte Irans Staatspräsident Hassan Rouhani Washington davor, die Benzinlieferung an Venezuela zu behindern. »Falls die Amerikaner unseren Öltankern in der Karibik Probleme bereiten sollten, dann werden auch wir ihnen Probleme bereiten«, so Rouhani. Das Mullah-Regime in Teheran könnte als Reaktion auf militärische Maßnahmen der US-Marine gegen die Treibstofflieferungen an Venezuela amerikanische Stützpunkte im Nahen und Mittleren Osten attackieren bzw. die Tankschifffahrt im Persischen Golf etwa durch die Sperrung der Straße von Hormus unterbrechen, einer Meerenge von nur 55 Kilometern Breite, durch die etwa 40 Prozent des weltweiten Ölbedarfs transportiert werden. Eine Blockade dieses Nadelöhrs würde die westlichen Industriestaaten empfindlich treffen und die coronabedingte Wirtschaftskrise erheblich verschärfen.

US-Präsident Donald Trump ist in einer schwierigen Situation: Würde er die Marine anweisen, die iranischen Tanker auf ihrem Weg nach Venezuela zu stoppen, um die von den Vereinigten Staaten einseitig verhängten Sanktionen gegen die Maduro-Regierung durchzusetzen, dürfte das zu militärischen Racheakten des Iran führen, was den Konflikt eskalierte und im Extremfall zu einem größeren Krieg unter Beteiligung weiterer Mächte ausarten könnte. Einen solchen Konflikt aber kann sich Trump im Präsidentschaftswahljahr 2020 kaum leisten, zumal auch die Vereinigten Staaten durch die Corona-Pandemie wirtschaftlich geschwächt sind. Lässt es Washington aber zu, dass die iranischen Schiffe Venezuela erreichen und ihre Fracht löschen, bedeutete das einen Gesichtsverlust für Amerika. Die politische und militärische Autorität der Supermacht USA wäre in Frage gestellt. Auch das kann sich Trump nicht leisten, weder in den Augen der Weltöffentlichkeit noch der eigenen Wählerschaft.

Beobachter mutmaßen, dass die Vereinigten Staaten alternative Wege beschreiten könnten, um den Iran für seine Unterstützung Venezuelas abzustrafen. Medienberichten zufolge ist der iranische Hafen, aus dem die Tanker in Richtung Südamerika ausgelaufen sind, kürzlich durch einen Hackerangriff lahmgelegt worden. Hinter dieser Attacke soll das mit den USA verbündete Israel stecken. Weitere subversive Aktionen gegen den Iran könnten folgen. Eine militärische Option ist damit aber nicht vom Tisch, selbst wenn die US-Marine die fünf iranischen Schiffe passieren lassen sollte. Denn die importierten Treibstoffvorräte werden Experten zufolge nur zwei bis drei Wochen reichen, um den Bedarf Venezuelas zu decken. Nachschub dürfte also schon bald vonnöten sein.

51ww7rK3EyL.jpgSollte der Iran eine weitere Tanker-Flottille auf die Reise nach Südamerika schicken, könnten die Vereinigten Staaten ihre bisherige Zurückhaltung aufgeben und die Schiffe mit militärischer Gewalt an der Weiterfahrt hindern.

Eine bewaffnete Eskalation des Streits um die iranischen Lieferungen an Venezuela würde eine gefährliche internationale Krise heraufbeschwören und die ohnehin angespannte geopolitische Lage weiter verschärfen – und das mitten in der Corona-Pandemie.

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La pratique de l’encerclement cognitif par les ONG

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La pratique de l’encerclement cognitif par les ONG

par Maddy Erlanger

Ex: https://infoguerre.fr

Ces dernières décennies, les thématiques liées à la protection de l’environnement, la préservation du patrimoine commun qu’est la terre, le développement durable etc. ont pris une place prépondérante dans les débats au niveau mondial. Toutefois, bien que ces questions soient prônées de manière consensuelle, les enjeux économiques et financiers autour sont tels que les résolutions qui en découlent se heurtent aux intérêts de grands groupes et lobbying et peinent ainsi à se concrétiser. Dès lors, on assiste à l’émergence de nouveaux acteurs, notamment les ONG et organismes de défense. Leur rôle : ramener les grandes marques et entreprises au respect des valeurs qu’elles prônent via les rapports de force, les attaques informationnelles, la participation au capital, de nouveaux leviers d’influence.

Le ciblage des entreprises

La tactique de l’encerclement cognitif a donné aux acteurs de société civile la capacité de déstabiliser des entreprises en les attaquant sur un terrain informationnel qui n’était pas leur cœur de métier. L’encerclement cognitif du faible se décompose le plus souvent de la manière suivante : des campagnes de dénonciation d’un problème (prises de parole publiques, manifestations, séances de happening), relayées sur les réseaux sociaux, utilisation des médias comme caisses de résonance, poursuites judiciaires, procès et propagande si l’issue est favorable.

La montée en puissance des ONG de défense des droits de l’homme, des animaux et de la protection de l’environnement résulte en partie de ce mode opératoire. A titre illustratif, citons le cas d’école l’affaire relative au projet de tramway de Jérusalem ayant opposé les entreprises françaises Véolia et Alstom à l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) et l’Organisation de Libération de la Palestine. Après de grandes campagnes informationnelles, ces dernières allant en justice pour réclamer l’annulation du contrat passé par ces deux sociétés actionnaires à raison de 25% dans le Consortium israélien City Pass. Le motif invoqué  porte à la fois sur « la violation des conventions internationales et le renforcement de l’occupation de Jérusalem Ouest par Israël » à travers ce projet.

Le procès a eu lieu en 2006. Il connaitra de nombreux rebondissements ainsi que des dommages collatéraux pour les entreprises ciblées, avant de connaître son épilogue en 2013. Selon les attendus du jugement, les accords internationaux évoqués créent certes des obligations entre les Etats, mais ne sauraient prévaloir dans les rapports entre sociétés privées. Au nom du rappel de ce principe, les deux ONG furent condamnées à verser la somme 30.000 € aux entreprises incriminées à titre de frais encourus. Si, dans ce procès, les rapports de force ont joué contre les détracteurs, les répercussions ne s’arrêteront guère au seul cadre de cette affaire. De façon directe ou indirecte, ce procès engendra une véritable guerre économique contre les deux entreprises françaises. Alors que Véolia postulait pour le renouvellement d’un contrat relatif à la gestion du métro de Stockholm, la firme française sera la cible d’attaques informationnelles de la part de Diakonia, une ONG suédoise qui lui fera le contrat. L’onde de choc a continué de se propager à telle enseigne que Véolia a été exclue de son portefeuille de fond de pension par son partenaire financier néerlandais ASN Bank. Le même traitement a été réservé à Alstom, lui aussi exclu du fond AP7.

La participation au capital : l’autre cheval de Troie des ONG

L’apparition des fonds activistes est à l’initiative de quelques ONG dotées de moyens financiers et médiatiques non négligeables. Ces nouveaux investisseurs qui s’invitent sur l’échiquier des affaires attirent, de plus en plus, l’attention sur le concept d’ « entreprises éthiquement et socialement responsables », tout en mettant l’accent sur une question fondamentale de l’entreprise : la cohérence. Au risque de susciter des bouleversements profonds pouvant avoir des impacts économiques et financiers considérables, ils exigent plus de transparence entre les discours éthiques et les actes.

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En effet, le canal d’émergence de cet activisme sociétal est sa participation au capital des entreprises visées. Profitant de la crise économique généralisée, ces nouveaux acteurs ont tôt fait d’acquérir des actions dans de nombreuses sociétés cotées et ont ainsi acquis le droit à la parole lors des assemblées générales. Exploitant ces tribunes qui leur sont offertes, ils somment les entreprises sur la prise en compte au quotidien des critères E, S et G dits extra-financiers. Ces critères concernant les questions environnementales, sociales, de gestion de ces groupes.

L’entrisme dans assemblées d’actionnaires

Les ONG qui initié cette forme d’interventionnisme sont parmi les plus rompus aux débats institutionnels à l’image d’Amnesty International notamment sa branche américaine. Avec un fond d’investissement de 15 000 dollars vers la fin de l’année 2006, elle s’est empressée d’entrer au capital de plusieurs grandes entreprises telles que Chevron Texaco, Dow Chemical, Nortel Networks, Ivanhoe Mines etc. Dow Chemical et Yahoo en USA ont été les premiers à essuyer les reproches de l’ONG Amnesty International lors de leur assemblée générale annuelle. Les griefs notamment sur  des cas d’abus et de violations de certaines règles internationales relatives aux questions de l’environnement ou des droits de l’homme. De façon pratique, faire reconnaître à Dow Chemical sa responsabilité dans la pollution générée par l’explosion de l’usine de l’Union Carbide à Bhopal en Inde par Union Carbide en 1984 ; un drame ayant occasionné près de 15 000 morts.

Bien que Dow Chemical ne soit devenue actionnaire et propriétaire de Union Carbide qu’en 1991, Amnesty International tentera un retro sur cette question épineuse 23 ans plus tard pour attirer l’attention de l’opinion publique sur le manque de cohérence entre les valeurs prônées par l’entreprise et son passé. Dans la même perspective, il faut préciser que l’Association américaine de défense des animaux (PETA) a mis en œuvre la même stratégie d’acquisition de parts pour entrer au capital de grandes marques telles que Ralph Lauren, Burberry, Gucci, Yves-Saint-Laurent, etc. Cette politique de cheval de Troie a permis à l’ONG d’obtenir la possibilité de prise de parole lors des assemblées générales de ces entreprises afin de faire passer ses valeurs. Il est utile de préciser que ces nouveaux leviers employés par ces ONG sont facilités par leur notoriété auprès du grand public ainsi que leur capacité à faire du tapage médiatique. Toutefois, bien que ces stratégies revêtent l’aspect revendicatif de valeurs sociales, elles ne sont pas moins de véritables guerres économiques qui pourraient facilement profiter à la concurrence.

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La crise du covid-19 est-elle un nouveau nouveau champ d’action pour les ONG ?

Dans les retombées possibles de l’épidémie liée au covid-19, la question de la responsabilité de la Chine peut générer de nouvelles polémiques sur les failles de ce pays dans le domaine de la santé. De multiples sujets restent en suspens :

  • Les origines du virus et l’incapacité du régime communiste à y faire face.
  • Les défaillances récurrentes du modèle sanitaire chinois.
  • Les économies parallèles de contrefaçon de médicaments et de fabrication de faux-médicaments.
  • La question de la transplantation illégale d’organes (provenant de prisonniers dits de conscience qui n’ont pas donné l’autorisation pour ce prélèvement) est aussi un des sujets sensibles d’un débat initié depuis une vingtaine d’années dans certains pays anglo-saxons.

La tension croissante entre les Etats-Unis d’Amérique et la Chine peut accentuer la résonance de ces polémiques encore très peu relayées par la société civile européenne. La montée en puissance de ces débats « éthiques » peut mettre en difficulté des entreprises qui font un gros chiffre d’affaires avec la Chine. La déstabilisation de la firme américaine Nike mise en accusation à cause du travail pour enfants dans son réseau de sous-traitance, est un cas d’école qui peut se reproduire.  A titre d’exemple prévisible, des membres de la société civile peuvent demander à des firmes occidentales de prendre position sur le scandale de la pratique de la transplantation d’organes. Le silence, l’omission ou la fuite en avant ne seront pas des postures solides pour les directions de la communication de ces firmes qui devront justifier leur absence de prise de conscience à l’égard d’un tel crime devant l’opinion publique internationale.

Maddy Erlanger.

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mercredi, 27 mai 2020

Entretien avec Arnaud Bordes : « Nous errons sur une errance »

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Entretien avec Arnaud Bordes : « Nous errons sur une errance »

Ex: https://rebellion-sre.fr

Arnaud Bordes, romancier et éditeur avec Alexipharmaque, nous livre son analyse à rebours du confinement.

R/ Quel est ton regard sur la période que nous venons de traverser ? Cela t’inspire dans ton écriture ?

L’impression, bien sûr, d’être dans un livre de Foucault.

Qui remarquait que le développement (ou le simple exercice) de l’Etat passait systématiquement par une affirmation sanitaire : l’enfermement, l’orthopédie généralisée, la maîtrise des corps… etc., tout cela se confondant avec le contrôle des classes dangereuses, elles-mêmes expressément confondues avec les classes laborieuses.

Et qui remarquait aussi que moins un Etat était étendu, ou s’il demeurait des espaces d’illégalités, plus il avait tendance à exercer sa violence, pour compenser, ou pour la justifier. Serait-ce ce que nous avons vécu ? L’Etat a-t-il estimé qu’il était temps de se faire à nouveau valoir, de faire une démonstration ? La crise sanitaire, donc, comme il se doit, en aura été le prétexte et le moyen.

franceeat.gifEt cela s’est en définitive très bien passé. D’une manière générale, on ne s’est pas plaint du confinement : soit donc d’un trop d’Etat. Si on s’est plaint de quelque chose, c’est du manque de masques : soit donc d’un manque d’Etat.

Mais cela n’a pas inspiré mon écriture.

R/ Le développement du contrôle numérique et de l’ingénierie sociale prouve que le système sait très bien se défendre. Quels sont ses points faibles pour toi ?

J’ai tendance à croire que l’Etat se défend moins qu’il ne fait que se développer selon sa propre dynamique (celle-ci deviendrait-elle systémique, excroissante, ubuesque). Il me semble que Hobbes considère l’Etat comme une « personne artificielle ». Aussi on peut penser que l’ingénierie (et la technique) lui seront sans doute avantageuses – et qu’elles en seraient l’essor.

Dès qu’institué, il n’y a peut-être pas de limite à l’Etat. En tant que « personne artificielle » sa seule limite serait son exact contraire : l’état de nature. Etat de nature avec lequel – avec les aléas duquel – nous avons rompu en instituant justement l’Etat, auquel nous avons délégué notre puissance et auquel nous demandons aussi « le soulagement de notre fragilité ». En retour, nous sommes autant de personnes artificielles. Et si on manifeste, il semblerait, à nouveau, qu’on manifeste non pas contre trop mais contre moins d’Etat : délocalisation, concurrence, marché, rentabilité etc. : autant en quelque sorte de laisser-faire, de renvois à une façon d’état de nature. On manifeste moins pour quelque liberté que pour la préservation d’un niveau de vie.

Il n’y a peut-être de liberté que selon et pour l’Etat : l’Etat ne la garantit que pour lui-même (« à l’intérieur par les lois, à l’extérieur par les guerres »). Autrement, elle est optionnelle. Et s’il y a, disons, des espaces de liberté, ils sont moins acquis que tolérés et momentanés.

R/ Les sociétés complexes sont plus fragiles pour toi ?

C’est fort possible, puisque, par principe, plus un système est complexe, plus son entropie est élevée.

Cependant, la seule chose que l’on puisse constater ce sont des turbulences, des catastrophes, de grandes tribulations, alternées de relèvements.

Est-ce à dire alors que notre complexité n’est pas si grande, n’est (encore) que relative, et que son entropie l’est autant ? Ou, au contraire, que notre complexité est telle qu’on pourrait dire qu’elle en est fractale : récurrente, elle se reproduit, se réplique, selon son propre motif, à l’intérieur d’elle-même, quoi qu’il en soit.

Ce n’est qu’une hypothèse.

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R/ Que réveille pour toi l’omniprésence de l’écologie dans le discours ultra-moderne ?

C’est là justement toute l’ambiguïté ou le paradoxe. Au nom de la défense de ce qui lui est contraire, l’Etat, le système, s’organisent davantage et s’augmentent. (A moins que ce ne soit également une manière de faire coïncider l’arbitraire de l’Etat avec l’arbitraire de la nature.)

Dès le 17e siècle, avec l’expansion de l’Etat moderne et de la modernité marchande, on a procédé à la mise en tableaux de toute chose. L’écologie en est probablement une des émanations. Tableaux qui ne sont pas bien sûr des images mais des rapports sociaux et de productions (autrement dit un spectacle), des descriptions comptables : faite de quantités, de classements, de normes, de taxinomies, de statistiques, de prédictions : autant, donc et à nouveau, de moyens de contrôle, qui à leur tour en induisent d’autres : contrôle des comportements, des attitudes, à quoi s’ajoutent des catégories morales : l’écologie serait le sanitaire et l’hygiène aux dimensions de la mondialisation. Une biocratie ?

Spectacle qui passe aussi par l’organisation des loisirs : on se met au vert, dominicalement ou pour les vacances, ou le jardinage ; ou pour le sport, voire même pour le doux frisson de l’aventure, en sachant qu’on pourra, après, se doucher et retrouver l’eau chaude de la civilisation, et pourquoi pas en écrire des livres et passer à la télé. (C’est d’ailleurs peut-être cela l’aventure, un luxe ; un luxe de personnes artificielles, qu’on peut se permettre quand en effet les risques de la nature sont limités. Avant, on n’allait pas l’aventure, on allait à la conquête : de richesses, de territoires – territoires qu’on s’empressait d’ailleurs de cartographier, soit donc d’étatiser…)

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Cela dit, et autrement, l’écologie relève aussi d’une croyance. Celle que le monde est fait pour nous et que nous sommes faits pour lui. On peut le croire, certes. Mais rien ne nous y oblige. On peut alors penser comme Montaigne que « nous sommes là par hasard » ; là sur une planète qui, comme l’indique son étymologie, n’a d’autre qualité que d’errer, au hasard. Nous errons sur une errance.

Et puis la nature se soucie-t-elle que nous soyons ou pas vertueux, ou que nous la respections ? D’autant qu’elle semble très capable de s’anéantir elle-même, avec ou sans notre concours. Pourquoi ? Parce qu’elle-même n’aurait pas de finalité particulière, ni ne serait intangible, ni nécessaire, qu’elle ne serait qu’un phénomène parmi d’autres, dans l’espace et le temps. Pascal disait : « J’ai grand peur que cette nature ne soit elle-même qu’une première coutume, comme la coutume est une seconde nature. »

R/ La collapsologie est pour toi un courant de pensée pertinent ?

On a l’impression qu’il ne pourrait y avoir d’effondrement que lié à l’activité à l’humaine. Pourquoi pas. Mais, assurément, la nature semble y suffire, aléatoire et chaotique, où ordre et désordre interagissent et coïncident, où l’un est un moment (plus ou moins long) de l’autre, indifféremment. Rapportés au temps géologique, nous ne sommes rien. Et moins encore à l’échelle cosmique, où il semblerait que la vie soit moins la règle que l’exception : je pense au grand filtre : cette suite de barrières (autant d’aléas) qui nuit à l’émergence de la vie.

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Nikolaï Kardachev.

On peut tenter un raisonnement par l’absurde. L’échelle de Kardachev classe les civilisations – une fois supposé que les barrières ont été franchies – en fonction de leur consommation d’énergie (cela impliquant qu’il n’y a de développement civilisationnel qu’en relation avec l’énergie et sa captation – c’est important) : civilisation de type I – capable de capter l’énergie d’une planète ; civilisation de type II – capable de de capter l’énergie d’une étoile ; civilisation de type III – capable de capter l’énergie d’une galaxie. Y aura-t-il alors une collapsologie dans une civilisation de type II ? Qui prétendrait qu’il n’est ni vertueux ni sobre de passer au niveau III et qu’il faudrait revenir au type I ? Et puis où commence et s’arrête la sobriété : à la machine à laver le linge, au lavoir ? Ou seuls sont vertueux les bords de la rivière ?

R/ Quelles furent tes lectures et écoutes du confinement ?

J’ai repris mes chers naturalistes (qui, nous sommes bien d’accord, parlent de tout sauf de la nature) : Zola, Léon Hennique, Paul Alexis… Ou, autrement, Albert 't Serstevens, Kenneth Roberts, Graham Greene, ou encore les Mémoires du Capitan Alonso de Contreras.

J’ai réécouté du vieux shoegaze : Chapterhouse, Drop Nineteens, Lush…

A lire :

Arnaud Bordes, Le Magasin des accessoires, Auda Isarn.

Livre disponible pour 16 euros auprès des Éditions Auda Isarn ( CREA – BP 80432, 31004 Toulouse cedex 6).

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Quel type de société envisager après l'actuelle pandémie ?

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Quel type de société envisager après l'actuelle pandémie ?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

L'actuelle pandémie due au virus Covid 19 a provoqué partout dans le monde et dans tous les médias une très grande quantité de réactions et de commentaires.

Même si le nombre des personnes contaminées et le nombre des décès enregistrés à ce jour semblent inférieurs à ceux d'une grippe saisonnière, le phénomène entraîne une inquiétude générale, pour ne pas parler d'une véritable peur.

Cette peur est accrue par le fait que les médecins épidémiologues considèrent de plus en plus que l'extinction probable de l'épidémie, ou sa perte de virulence, ne doit pas rassurer. D'autres pandémies, analogues ou plus meurtrières, pourraient dans les prochaines années surgir brutalement. Il faudrait s'y préparer. Or l'expérience actuelle montre que rien d'efficace ne pourra être fait dans ce sens sans un changement profond de l'ordre économique et politique.

Il semble ainsi de plus en plus que les sociétés modernes, dominées par la recherche d'un profit à court terme, soient incapables d'envisager les investissements sur plusieurs années nécessaires pour réagir efficacement à de futures épidémies. Ainsi ces dernières semaines, le secteur hospitalier, dans les rares Etats qui en disposaient, a été très vite et durablement débordé par l'afflux de patients gravement atteints nécessitant une hospitalisation.

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Or depuis plusieurs années déjà, la consigne donnée par les gouvernements se disant soucieux d'alléger la charge de la dette publique avait été de diminuer les dépenses de fonctionnement des hôpitaux publics, notamment en rémunérant de moins en moins bien les personnels de santé. Par ailleurs il avait été décidé de réduire le nombre et la qualité des équipements immobiliers et sanitaires en service, si bien que les hôpitaux se sont révélés trop peu nombreux et mal équipés. Il a été nécessaire dans certains cas de ne pas admettre les patients âgés ou souffrant d'autres pathologies nécessitant des interventions.

Inutile d'ajouter que la plus grande partie des sociétés contemporaines appartiennent à des pays dits défavorisés, autrement dit ayant le plus grand mal à assurer pour la plus grande partie de leurs population les services élémentaires en matière de logement et d'alimentation dont disposent les pays favorisés. Leur capacité de résistance aux épidémies est ainsi bien moindre. Certains souvent d'ailleurs ne disposent pas de l'appareil statistique nécessaire pour comptabiliser le nombre des personnes infectées ou celui des décès.

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Il conviendrait donc d'augmenter le plus vite possible les capacité du secteur hospitalier public. Mais ceci ne pourrait se faire sans réduire en conséquence d'autres dépenses publiques, car augmenter les charges fiscales se heurterait vite à un refus général. Par ailleurs, emprunter faute de disponibilités sans perspectives de remboursement ne serait tolérable qu'à court terme.

Les épidémies provoqueront également dans l'ensemble des économies une diminution brutale des capacités de production disponibles. La plupart des entreprises, grandes ou petites, devront en particulier faire face à la diminution subite de leurs ressources humains. Celle-ci résultera soit de la mort de certains de leurs salariés, soit plus généralement de mesures dites de confinement empêchant les ateliers de fonctionner avec le personnel habituel et plus encore les empêchant de poursuivre les échanges et coopérations qui étaient devenus indispensables dans la plupart des processus de fabrication et de vente.

Par ailleurs, ces situations rendront encore plus évidentes les inégalités profondes existant actuellement entre les salariés et les petites entreprises indépendantes, sans mentionner les retraités, alors que beaucoup de grandes entreprises et de banques réussiront à échapper au partage des sacrifices nécessaires.Elles profiteront au contraire de la crise pour accumuler des bénéfices qu'elles abriteront dans les paradis fiscaux. C'est le cas actuellement des grandes entreprises pharmaceutiques généralement anglo-saxonnes, dites « big pharma ». Mais ces inégalités se retrouveront dans tous les domaines touchés par les futures épidémies. Inévitablement, ceux que l'on nomme les « milliardaires » s'enrichiront alors que les autres citoyens s'appauvriront.

Une autre difficulté apparaîtra, concernant le domaine politique et géopolitique. Sous prétexte de répondre rapidement aux difficultés évoquées ci-dessus, un nombre croissant d'Etats se doteront d'administrations et de procédures actuellement considérées en Europe occidentale comme autoritaires, voire dictatoriales. Une étroite minorité de dirigeants en bénéficieront. La plus grande majorité des citoyens se penseront obligés de les accepter et de voir ainsi leurs libertés de plus en plus réduites au prétexte de bien commun. On retrouvera ainsi d'une certaine façon ce qui s'était produit lors des deux dernières guerres mondiales, où les pouvoirs de l'armée et de la police avaient été considérablement accrus afin de désarmer les résistances populaires, aussi fondées que celles-ci aient pu être.

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Il serait donc souhaitable que dès aujourd'hui, un nombre important de représentants des partis politiques et des associations se disant soucieux de préserver la démocratie commencent à envisager et mettre en débat les moyens de faire face à ces difficultés. Même si comme souhaitable de nouvelles pandémies n'apparaissaient pas, le travail ne serait pas inutile.

Note:

Pour en savoir plus sur Big pharma, voyez 

https://blogs.mediapart.fr/laurent-mucchielli/blog/060520...

08:46 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, pandémie, covid-19, coronavirus, épidémie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Armer manipulierter Orwell

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Armer manipulierter Orwell

von Viktor Timtschenko

Ex: https://www.compact-online.de

George Orwell hat ein Buch über Nationalismus geschrieben, verstand ihn aber in  unorthodoxer Weise. Dennoch versuchen politisch-korrekte Intellektuelle ihn für linksgrünen Globalismus zu vereinnahmen. Viktor Timtschenko hat ebenfalls ein Buch über Nationalismus geschrieben, und verteidigt den berühmten Kollegen gegen seine Fehldeuter.

Gottbegnadete Menschen dürfen das. Sie dürfen einen Vogel „Tisch“ nennen und schreiben: „Ein Tisch sitzt auf dem Baum“. Und sie dürfen ein Vogel-Buch „Über Tische“ nennen. So ist es mit dem erstmals auf Deutsch erschienenen Buch von George Orwell „Über Nationalismus“.

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Nationalismus ist nicht gleich Nationalismus

Zugegeben: Von Anfang an klärt der berühmte englische Autor („Farm der Tiere“, „1984“) den Leser über die „Vogel-Tisch-Problematik“ auf: Er hat sich „für die Bezeichnung ‚Nationalismus‘ entschieden, aber wir werden gleich sehen, dass ich dieses Wort nicht im üblichen Sinne verwende“. Allerdings! Was ist unter dem Nationalismus in diesem 1945 geschriebenen Artikel gemeint? Orwell hüllt sich nicht in Metaphysik: „Der Nationalismus im erweiterten Sinne, wie ich ihn verwende, umfasst Bewegungen und Neigungen, wie (jetzt aufpassen! – V. T.) den Kommunismus, den politischen Katholizismus, den Zionismus, den Antisemitismus, den Trotzkismus und den Pazifismus.“ Was hat das mit dem „konventionellen Nationalismus“ zu tun?

Da Orwell nicht ohne Grund vermutet, dass der Leser etwas irritiert sein könnte, nennt er „auf der Hand liegende Beispiele“ des von ihm neu definierten Nationalismus: „Das Judentum, der Islam, das Christentum, das Proletariat und die weiße Rasse sind allesamt Gegenstand leidenschaftlicher nationalistischer Empfindungen.“ Und fügt hinzu: „Ein Nationalist ist jemand, der einzig und allein – oder überwiegend – in Kategorien konkurrierenden Prestiges denkt.“ Und die Nationalisten eifern nicht um die Belange einer Nation, sondern einer „eigenen Machteinheit“ – Sekte, Organisation, Gruppe von Gleichgesinnten oder beispielsweise der Partei der „Sozialisten, deren Nationalismus die Form des Klassenhasses annimmt“.

Also hat ein Nationalist, wie Orwell ihn definiert, nicht unbedingt etwas mit Nation und Rasse am Hut. Das ist einfach ein engstirniger indoktrinierter Mensch, der blind(wütig) seine „Sache“ verteidigt, keine Argumente wahrnimmt und in schwarz-weiß-Kategorien denkt – und diese Doktrinen können religiöser, politischer, aber auch ethnischer Natur sein. Das Pamphlet „Über Nationalismus“ ist eine Invektive gegen Sturheit und Besessenheit, gegen Obsession und Rechthaberei. Das ist ein Text nicht über die Politik, sondern über die „Geisteshaltung“, über die „Emotion“, wie Orwell selbst erklärt oder „eine Mentalität, eine zum Habitus gewordene Ideologie“, wie Gustav Seibt in der Süddeutschen schreibt.

Durchaus aktuell. Aber wie!

An dieser Stelle darf nicht vergessen werden, dass Orwell den Essay eigentlich über die damalige Geisteshaltung der britischen Intelligenzija schreibt – und manche Kunstschaffende (exemplarisch Gilbert Keith Chesterton – der mit den Krimis um Pater Brown – , sowie Evelyn Waugh und T. S. Eliot) kriegen ihr Fett weg: „Die bei der Intelligenzija vorherrschende Form von Nationalismus (wir erinnern uns, wie breit er den Begriff gefasst hat – V. T.) ist selbstverständlich der Kommunismus“, den Orwell nicht auf die Mitglieder der Kommunistischen Partei begrenzt, sondern alle „Russlandfreunde“, was zu diesem Zeitpunkt Stalinfreunde bedeutete, einbezieht.

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Schonungslos deckt Orwell die Fälschungen auf, die diese, von ihren Ideen besessenen, Propagandisten produzieren. Fakten werden von ihnen unterdrückt, „Zitate aus dem Kontext gerissen und so bearbeitet, dass sich ihr Inhalt verändert. Ereignisse, die, so das Gefühl, nie hätten stattfinden sollen, bleiben unerwähnt und werden letztlich geleugnet.“ Ein Beispiel: „1917 ließ Tschiang Kai Schek Hunderte Kommunisten bei lebendigem Leib verbrühen, und doch wurde er innerhalb von zehn Jahren zu einem Heroen der Linken. Die Neuordnung der Weltpolitik hatte ihn ins antifaschistische Lager befördert, und so hatte man das Gefühl, das Verbrühen der Kommunisten ‚zähle nicht‘ oder sei vielleicht nie geschehen“, berichtet der Literat.

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Eric Blair_(George Orwell) from his Metropolitan Police file.
Foto: The National Archives UK / No restrictions. Wikimedia, CC0

Also, „so das Gefühl“: „Lückenpresse“ und Haltungsjournalismus gab es schon damals auf der britischen Insel! Es gibt auch andere recht aktuelle Bezüge in dem vor 75 Jahren geschriebenen Text. Als einer der Formen des Nationalismus beschreibt Orwell die Anglophobie der englischen „Intellektuellen“: „Innerhalb der Intelligenzija ist eine spöttische und dezent feindselige Haltung gegenüber Großbritannien mehr oder weniger Pflicht.“ Etwas später schwappt diese Haltung auch nach Deutschland über, es erklingt nun „dezent“ „Deutschland verrecke!“ und „Bomber Harris“, der – unter anderem – 1945 Dresden in Schutt und Asche legte, wird mit Applaudissement bedacht.

Was ist das für ein perverses Phänomen, dass die Menschen ihr eigenes Land hassen, welche Geistesverfassung besitzen sie? Orwell aus dem Jahr 1945: „Natürlich wollten englische Linksintellektuelle nicht wirklich, dass die Deutschen oder die Japaner den Krieg gewannen, aber viele von ihnen zogen einfach einen Kick daraus, wenn sie sahen, wie ihr eigenes Land gedemütigt wurde.“ Der Unterschied zu Deutschland ist schon gut sichtbar: Die von Orwell beschriebenen Hasser saßen damals nicht in der britischen Regierung. Deutlich beschreibt der Schriftsteller und Zeitzeuge die Wendehälsigkeit, „Bigotterie“ solcher linken „Nationalisten“: „Auf dem europäischen Kontinent rekrutieren sich faschistische Bewegungen überwiegend aus Kommunisten – in den nächsten Jahren läuft die Sache möglicherweise in die entgegengesetzte Richtung.“  Meinte er, dass aus Faschisten „Anti-Faschisten“ werden? Läuft!

Die Ikone wird instrumentalisiert

Warum publiziert Mainstream den alten Orwell’schen Essay gerade jetzt? Die Frage ist leicht beantwortet: Weil der Nationalismus auf dem Vormarsch ist. Politische Parteien, die die Interessen ihrer eigenen Völker und nicht die Interessen der anderen Völker und globaler Konzerne in den Vordergrund stellen (exemplarisch „Amerika zuerst!“), gewinnen an Zuspruch. Die AfD in Deutschland, Lega in Italien, Viktor Orban in Ungarn, der Nationalisten in Belgien, Dänemark, Estland, Finnland, Schweden, Frankreich, Polen, Slowakei verbuchen Erfolge. Großbritannien ist aus dem EU-Imperium raus. In den USA, in Russland, China, Pakistan, Indonesien, Kambodscha, Indien, Südkorea, Japan, in der Türkei sind Nationalisten an der Macht.

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Daher bekommt der linksgrüne Mainstream kalte Füße. Woher die Stärkung des Nationalismus kommt, möchten sie nicht ehrlich beantworten oder vermögen es nicht. Einziger Ausweg: man sucht (auch in historischen Mottenkisten) nach Prominenz, die sagt (oder sagen sollte): Nationalismus ist eine ga-a-a-nz böse Sache.

So kommen sie auf Orwell, einen der bedeutendsten Schriftsteller der Weltliteratur. Da sich die Herausgeber der Antiquiertheit des Textes bewusst sind, versehen sie die nicht einmal 40 Buchseiten des originalen Orwell mit einem opulenten Nachwort des Soziologen Armin Nassehi. Mit vielen Verrenkungen macht er dabei eine gute Figur und, wie der NDR-Rezensent Alexander Solloch bemerkt, schafft es immerhin „in einem leicht aktualisierungsneurotischen Abschnitt, den Nationalismus, von dem Orwell einst sprach, mit den heutigen ‚Klimaprotesten‘ (und mit Brexit! – V. T.) in Verbindung zu bringen.“
Das ist der Publikationsgrund Nummer zwei.

Der Mainstream, sowohl der politische als auch der mediale (samt Armin Nassehi), schwört auf die „sozialistischen Ansichten“ Orwells. Das stimmt nur so weit: Orwell war Sozialromantiker, ein Sozialträumer, der an irgendeinen „Sozialismus“ glaubte, der in der Realität gar nicht existierte (und nicht existiert). Was gab es da? Es gab den von Orwell rigoros abgelehnten Sozialismus Stalin’scher Prägung in der Sowjetunion, wo Millionen (politische) Häftlinge den Belomor-Kanal und Eisenbahnlinien in Sibirien bauten, es gab in Palästina sozialistische Kibbuzim, die unter Verzicht auf das Nötigste das Paradies auf Erden zu erschuften suchten. Beide „Projekte“ sind bitterböse gescheitert. Aber was Orwell nicht erleben konnte, war der Pol-Pot-Sozialismus der Roten Khmer in Kambodscha – mit Millionen Toten, der Sozialismus in China mit Freiheiten à la Platz des Himmlischen Friedens, der Sozialismus der Entbehrungen in ganz Osteuropa, in Nordkorea und auf Kuba. (Fortsetzung des Artikels unter dem Werbebanner)

Aber geniale Autoren, wie Orwell einer war, sind auch deshalb genial, weil sie in ihren Werken nicht ideologisch geblendet sind. Die Logik der Erzählung an sich, die erschaffenen Charaktere führen den Autor oft zu literarischen Erkenntnissen, die seinen eigenen Überzeugungen diametral gegenüberstehen. Einen ähnlichen „permanenten Kampf des Autors mit dem Helden“ bemerkt Literaturwissenschaftler Jakow Sundelowitsch auch bei Fjodor Dostojewskij. Der Autor Orwell glaubt an seinen romantisierten „Sozialismus“, die Gestalten, die aus seiner Feder kommen, entlarven aber das unmenschliche Wesen dieser politischen Ideologie. Deshalb heißt totalitäre Herrschaft in „1984“ – „Engsoz“, englischer Sozialismus.

Ein Beispiel von dem „ersehnten Sozialismus“ gibt Orwell in der „Grammatik des (sozialistischen – V. T.) Neusprechs“: „Das Wort frei gab es zwar im Neusprech noch, aber es konnte nur in Sätzen wie ‚Dieser Hund ist frei von Flöhen‘, oder ‚Dieses Feld ist frei von Unkraut‘ angewandt werden. In seinem alten Sinn von ‚politisch frei‘ oder ‚geistig frei‘ konnte es nicht gebraucht werden, da es diese politische oder geistige Freiheit nicht einmal mehr als Begriff gab und infolgedessen auch keine Bezeichnung dafür vorhanden war.“

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Orwell als Apologet des Sozialismus? Keineswegs! Eher entschiedener Gegner des Überwachungsstaates, der Meinungsmanipulationen, political correctness und der gendersensiblen Sprache. Die beabsichtigte Schmähung des Nationalismus durch einen überzeugten „Sozialisten“ ist mit der Veröffentlichung des Buches „Über Nationalismus“ also weit daneben gegangen. Daraus wurde ein Schuss ins eigene linke Bein. Die Versuche vieler Rezensenten, Orwell umzuinterpretieren (indem man das Orwell’sche Verständnis für „seinen“ Nationalismus einfach weglässt) und aus dem Text einen Strick für den modernen Nationalismus zu drehen, sind kläglich gescheitert. Der Text ist aktuell, der Text ist brisant, und zwar nicht, weil er die Liebe zur Nation anprangert, sondern weil er den heutigen verlogenen politischen Eliten einen Spiegel vor ihre Fratzen hält.

Orwell, George: Über Nationalismus, dtv Verlagsgesellschaft mbH, München, 2020.

Des ZAD ("Zones à Défendre") aux BAD ("Bases Autonomes Durables")

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Des ZAD ("Zones à Défendre") aux BAD ("Bases Autonomes Durables")

par Georges FELTIN-TRACOL

Vers 2005 – 2010 apparurent en Europe occidentale d’étranges initiales : ZAD signifiant « zone à défendre ». Des écologistes radicaux, des altermondialistes et des gauchistes libertaires détournèrent les « zones d’aménagement différé », s’opposèrent aux programmes de construction d’infrastructures routières, agricoles ou portuaires, s’y installèrent et y développèrent toute une vie militant alternative. On en recensa en 2016 plus d’une centaine dans l’Hexagone dont les plus connues concernaient Civens (barrage d’irrigation), Roybon (parc d’attraction touristique), et, bien sûr, Notre-Dame-des-Landes (aéroport). La ZAD bretonne fut démantelée au début de 2018. Dans le Val de Suse en Italie, une ZAD très active guerroie contre la réalisation de la ligne à grande vitesse Lyon – Turin.

hakimbey.jpgLa ZAD applique dans les faits la TAZ (zone temporaire autonome) pensée par le libertaire étatsunien Hakim Bey (photo). Pseudonyme de Peter Lamborn Wilson, historien passionné par la piraterie (1), Hakim Bey prend en exemple pertinent les navires pirates et la vie sociale des flibustiers de l’île de la Tortue. Pirates et boucaniers « étaient des “ bandits sociaux ”, bien que leurs communautés de base ne soient pas des sociétés paysannes traditionnelles, mais des “ utopies ” créées ex nihilo sur des terres inconnues, des enclaves de liberté totale occupant des espaces vides sur la carte (2) ». Le projet de TAZ contribue à la fluidité d’un univers mouvant, « liquide » et fluctuant. Le théoricien n’hésite pas à comparer la famille et la bande en valorisant cette dernière. « La famille est fermée par la génétique, par la possession par l’homme de la femme et des enfants, par la totalité hiérarchique de la société agraire/industrielle. La bande est ouverte – certes pas à tous, mais par affinités électives, aux initiés liés par le pacte d’amour. La bande n’appartient pas à une hiérarchie plus grande, mais fait plutôt partie d’une structure horizontale de coutumes, de familles élargies, d’alliance et de contrat, d’affinités spirituelles etc. (3) »

Autonomie sur le terrain

Influencé par le soufisme, les écrits de René Guénon et du « disciple » iranien de Frithjof Schuon, Seyyed Hossein Nasr, Hakim Bey imagine la TAZ en « campement d’ontologistes de la guérilla : frappez et fuyez (4) ». Ainsi la conçoit-il « comme une insurrection sans engagement direct contre l’État, une opération de guérilla qui libère une zone (de terrain, de temps, d’imagination), puis se dissout, avant que l’État ne l’écrase, pour se réformer ailleurs dans le temps ou l’espace (5) ». Son éloge du mode de vie « pirate » fait penser à l’exaltation de l’Althing islandaise par le libertarien étatsunien David Friedman et la croyance – fallacieuse – d’une société sans État (6). Hakim Bey vante sa flexibilité et sa brièveté parce qu’elle « occupe un lieu temporaire, mais actuel dans le temps et dans l’espace. Toutefois, elle doit être aussi clairement “ localisée ” sur le Web, qui est d’une nature différente, virtuel et non actuel, instantané et non immédiat (7) ».

album-cover-large-38073.jpgCe manque volontaire de stabilité indispose bien des militants qui ne comprennent pas l’intérêt immédiat d’une action ponctuelle. Son succès repose sur « la défense […] “ l’invisibilité ” – qui est un art martial -, et l’« invulnérabilité » – qui est un art occulte dans les arts martiaux (8) ». Pour le géographe Philippe Pelletier, « l’occupation des places publiques par les mouvements de contestation montre une volonté de réappropriation collective de l’espace. Les zones à défendre ou les zones d’autonomie temporaire, le Rojava libertaire ou encore le Chiapas zapatiste recèlent une dimension territoriale évidente, même passagère ou fragile, qui n’est pas contradictoire avec un fonctionnement en réseau élargi, via Internet ou le téléphone portable (9) ». Que dire alors de l’occupation, des semaines durant, des ronds-points par les « Gilets jaunes » ? Aurait-elle été une réalisation utopique inachevée ? Une ZAD embryonnaire ou une TAZ inaboutie ? Or, nonobstant la volatilité du monde, l’impératif territorial subsiste, ce qui rapproche paradoxalement le ZADiste du partisan décrit par Carl Schmitt. Ce sont des combattants politiques, au contraire du pirate profondément apolitique. « Ce critère conceptuel, le caractère politique, a (dans l’ordre inverse) la même structure que chez le pirate du droit de guerre maritime, dont le concept inclut le caractère non politique de son activité néfaste, qui vise le vol et le gain privé. Il y a dans le pirate, selon le mot des juristes, l’animus furandi (10). » Le ZADiste ou le TAZiste s’apparente au guérillero « qui combat en s’alignant sur une politique (11) ».

L’instabilité inhérente à la TAZ incite ses prometteurs les plus hardis à passer à une autre forme d’action, les ZAD, c’est-à-dire des territoires assortis d’une vie communautaire effective, de nouvelles tentatives de sociabilité, voire un regain de convivialité, d’où des essais de micro-communes informelles dont la plus connue s’est trouvée à Tarnac. Supposé proche de cette « libre commune » corrézienne persécutée par le Régime, le Comité invisible encourage « non un retour à la terre, mais un retour sur terre. Ce qui fait la force de frappe des insurrections, leur capacité à durablement ravager l’infrastructure de l’adversaire, c’est justement leur niveau d’auto-organisation de la vie commune (12) ».

Cette suite d’un opuscule, L’insurrection qui vient (13), qui inquiéta les autorités, le Comité invisible prépare une décennie d’avance l’armature théorique de certains Gilets Jaunes, à savoir « repenser l’idée de révolution comme pure destitution (14) ». Il avance assez empiriquement que « l’insurrection est d’abord le fait de ceux qui ne sont rien, de ceux qui traînent dans les cafés, dans les rues, dans la vie, à la fac, sur Internet. Elle agrège tout l’élément flottant, plébéien puis petit-bourgeois, que secrète à l’excès l’ininterrompue désagrégation du social. Tout ce qui était réputé marginal, dépassé ou sans avenir, revient au centre (15) ». N’anticipe-t-il pas une radiographie sociologique précise des « Gilets jaunes » ?

Bâtir sur un socle solide ne signifie pas exalter l’enracinement. Le Comité invisible prévient au contraire que si le local « est une contradiction du global (16) », « il y a tout à perdre à revendiquer le local contre le global. Le local n’est pas la rassurante alternative à la globalisation, mais son produit universel : avant que le monde ne soit globalisé, le lieu où j’habite était seulement mon territoire familier, je ne le connaissais pas comme “ local ”. Le local n’est que l’envers du global, son résidu, sa sécrétion, et non ce qui peut le faire éclater (17) ». D’où une interrogation existentielle : « Comment s’arracher à présent à l’attraction du local ? (18) »

Hakim Bey remarque que « les “ communautés isolées ” – du moins celles qui ont préservé leur identité jusqu’au vingtième siècle – refusent constamment d’être absorbées par la culture dominante ou par la “ sous-culture ” noire, au sein de laquelle les sociologues modernes préfèrent les ravager (19) ». S’il ne mentionne pas les Amish, il évoque avec sympathie les Maroons des Antilles et des Guyanes, les enfants d’esclaves noirs en fuite qui épousèrent des Amérindiennes, les tribus métissées telles les Ben Ishmael, voire les Ramapaughs du Nord du New Jersey que Jean Raspail relate dans son Journal Peau-Rouge (20) sous le nom impropre des Jacksons White.

L’alternative commune

71c6pxdRUeL.jpgForce est de constituer qu’à travers ses écrits, le Comité invisible ne privilégie pas le communautarisme. Certes, il mentionne le cluster qui « ne s’impose pas, il émerge sur un territoire à partir d’une “ communauté ” (21) », mais d’une façon presque providentielle. Il aurait pu s’intéresser au maître-livre d’Alexandre P. Prokhorov (22) qui valorise du point de vue russe cette notion-clé qui valorise des groupes autosuffisants composés d’unités homogènes. Le Comité invisible préfère, pour sa part, la commune à qui il donne une nouvelle acception puisqu’elle « revient au moment même où l’État et la bourgeoisie s’effacent comme forces historiques (23) ». Loin d’adhérer à la TAZ, il envisage la commune comme « le pacte de se confronter ensemble au monde. C’est compter sur ses propres forces comme source de sa liberté. Ce n’est pas une entité qui est visée là : c’est une qualité de lien et une façon d’être au monde (24) ». Un esprit suspicieux pourrait y voir un appel sous-jacent et implicite à l’autarcie et à l’entre-soi. En définissant ce qu’il entend par « liberté », le Comité invisible rejoint par bien des détours l’aristocratisme d’un Michel-Georges Micberth (25). « Être libre et être lié, écrit le Comité invisible, c’est une seule et même chose. Je suis libre parce que je suis lié, parce que je participe d’une réalité plus vaste que moi. Les enfants des citoyens, dans la Rome antique, c’étaient des liberi : c’était, au travers d’eux, Rome qui grandissait (26) ». Le Comité invisible se réfère même à « la démocratie athénienne [qui] est une démocratie hoplitique. On y est citoyen parce que l’on y est soldat; d’où l’exclusion des femmes et des esclaves (27) ». Cette solidarité quasi-organique d’ordre militaire assure à l’ensemble une cohésion réelle. On retrouve cette perception « solidariste » chez les penseurs territorialistes des bio-régions (28). Au Moyen Âge, « ce qui fait la commune, alors, c’est le serment mutuel prêté par les habitants d’une ville ou d’une campagne de se tenir ensemble. Dans le chaos du XIe siècle en France, la commune, c’est se jurer assistance, s’engager à se soucier les uns des autres et à se défendre contre tout oppresseur. C’est littéralement une conjuratio (29) ». Ne s’agit-il pas une forme plus large du clan ou de la tribu ? Le Comité invisible se prononce à l’heure des « nouvelles tribus postmodernes » pour le recours à la commune.

Il s’affranchit des logiques propres aux TAZ et aux autres ZAD. « Il faut aller à la rencontre, note-t-il. Et discerner, dans la complexité des mouvements, les communes amies, les alliances possibles, les conflits nécessaires. Selon une logique de la stratégie, et non de la dialectique (30). » Il estime que c’est par le biais de la commune que se réveillera le peuple. On oublie aujourd’hui que « “ populaire ” vient du latin populor, “ ravager, dévaster ” (31) ». Un peuple (dans son acception socio-politique – demos et plebs) en colère peut tout briser sur son passage; sa violence, légitime et donc justifiée, fonde le monde. « Le conflit est l’étoffe même de ce qui est (32) », explique le très héraclitéen Comité invisible pour qui « la guerre n’est pas le carnage, mais la logique qui préside au contact de puissances hétérogènes. Elle se livre partout, sous des forces innombrables, et le plus souvent par des moyens pacifiques. S’il y a une multiplicité de mondes, s’il y a une irréductible pluralité de formes de vie, alors la guerre est la loi de leur co-existence sur cette terre (33) ». Ce plurivers cher à Carl Schmitt repose sur « l’histoire et le politique, c’est-à-dire avec la possibilité du conflit, c’est-à-dire avec la vie, la vie vivante (34) ».

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Démolition d'une ZAD.

Susciter des communes sur le dépassement pratique des TAZ et des ZAD revient à accepter la sécession politique, économique et psychologique. « Faire sécession, c’est habiter un territoire, assumer notre configuration située du monde, notre façon d’y demeurer, la forme de vie et les vérités qui nous portent, et depuis là entrer en conflit ou en complicité (35). » Au risque de l’affrontement, la sécession s’opère en trois temps : d’abord la prise de conscience, puis la pratique courante de l’incivisme, et, enfin, la partition physique. Se battre relève aussi du contentement. On se plaît à scander des slogans hostiles au Régime et à cogner les gars d’en face, un petit sourire en coin malgré les gaz lacrymogènes et les coups de matraque (ou de poing)… L’orgasme guette près d’Aphrodite et d’Arès. « Ceux qui participent à l’insurrection notent invariablement son caractère furtif, souligne Hakim Bey, même au beau milieu de la lutte armée, du danger et du risque (36). » Pierre Drieu La Rochelle et Ernst Jünger rapportent dans leurs œuvres respectives cette excitation qui se même à une plénitude intérieure juste avant de monter à l’assaut de la tranchée ennemie. « La libération se réalise dans la lutte – c’est l’essence de la “ victoire sur soi ” de Nietzsche (37). »

Hors les expériences pirates vécues au XVIIe siècle, Hakim Bey fait l’éloge de la Régence du Carnaro (1919 – 1920) de Gabriele D’Annunzio à Fiume. « Bien que Fiume n’ait pas le sérieux de l’Ukraine libre (38) ou de Barcelone, elle nous en apprend probablement plus sur certains aspects de notre recherche. C’était, d’une certaine manière, la dernière des utopies pirates (ou le seul exemple moderne) – et peut-être même la toute première TAZ moderne (39). » Il a raison. Fiume fut en effet un point nodal majeur de convergence momentanée des libertaires, des nationalistes, des révolutionnaires et des syndicalistes (40).

Des cas tangibles

À l’instar de Jure George Vujic, le ZADiste, Hakim Bey et le Comité invisible comprennent que « ce que redoute le système, c’est le groupe, la communauté d’idéaux et de valeurs vertébrantes et stabilisatrices, déterminées et structurées, la communauté de rupture radicale avec les fondements de la société contemporaine : le matérialisme et le financialisme oligarchique, la consommation et l’hyper-individualisme, valeurs que partagent aussi bien la gauche libérale que la droite conservatrice (41) ». Les ZADistes et les TAZistes ne sont cependant pas les seuls à penser et à vivre selon un cadre communautaire.

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En raison de l’exode rural et la déprise socio-économique des campagnes, la France et l’Europe recensent un nombre croissant de fermes, de hameaux et de villages abandonnés. Ces bâtiments peuvent devenir des bases arrières militantes. Dans Villages musulmans. Le projet, le Marocain Mohamed Zacharia Chifa appelle ses coreligionnaires à « quitter nos villes natales qui s’opposent à toute vie pleine et saine de l’islam et nous regrouper dans un lieu qui serait favorable. Nous devons établir des villages musulmans (42) ». Le Figaro enquête sur ce phénomène d’implantation des islamistes dans les campagnes françaises et européennes. L’iman Chifa a, par exemple, incité cinq familles pratiquantes à se domicilier à Châteauneuf-sur-Cher, une bourgade de 1 500 habitants dans le Berry. Il se justifie par une hypersensibilité chimique multiple. Répondant à Eugénie Bastié par interphone, il constate que « d’un côté les gens n’aiment pas les musulmans, ils nous persécutent, de l’autre, on a des campagnes françaises en voie de désertification, alors, allons là-bas, habiter des fermes et cultiver la terre ! (42) ». La journaliste remarque que « la communauté, dont la plupart des membres ne travaille pas, vit dans des lotissements HLM essentiellement d’allocations sociales (43) ». Pourtant, ajoute Christophe Cornevin, « ce phénomène d’hijra (exil) à la campagne est d’autant plus préoccupant qu’il aurait tendance à se propager (44) ». Une famille convertie d’une quinzaine de personnes, originaires de l’Ain, déménage dans un village drômois de 2 000 habitants. En 2013 – 2014, Marjevols en Lozère a accueilli quatre familles salafistes ! Hormis Le Figaro, quelques sites de titres nationaux et la presse locale, peu de médiats s’en sont émus. En revanche, quel tintamarre orchestré autour de la présence dans un village occitan des Brigandes (45) !

En Allemagne, « depuis quelques années, le NPD et d’autres groupes d’extrême droite, tels les “ Kameradschaften ”, investissent de plus en plus dans l’immobilier. Le phénomène touche aussi bien Berlin que Munich, mais concerne désormais essentiellement les zones rurales, en particulier la Saxe, la Thuringe, le Mecklembourg – Poméranie-Occidentale et la Bavière. Les bâtiments acquis servent de lieu de réunion et de formation. […] Les militants d’extrême droite se procurent ainsi des espaces à partir desquels ils peuvent continuer à militer en toute tranquillité. […] Anklam, en Mecklembourg – Poméranie-Occidentale en est un bon exemple. Le NPD y est en bonne voie de parvenir à ses fins : faire de cette petite ville un État dans l’État. La commune compte désormais un “ bureau d’accueil des citoyens ”, une “ bibliothèque du peuple ” et une salle de fitness. Le tout solidement aux mains de l’extrême droite (46) ».

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Victimes expiatoires du régime de 1949, les patriotes identitaires allemands développent un instinct de survie communautaire. En-dehors du NPD, les plus avancés dans ce projet de survie territoriale demeurent les völkische Siedler (colons folcistes) ou « néo-artamans ». Ces bio-conservateurs ethno-identitaires organisent chaque jour une écologie radicale, à savoir « circuits économiques locaux, production de biogaz et parcs éoliens, critique de l’agriculture industrielle et des manipulations génétiques, refus de la mondialisation (47) ». Principalement présents au Mecklembourg – Poméranie-Occidentale où, malgré les menaces répétées de la part du Régime pseudo-allemand et les intimidations médiatiques, ces colons d’un nouveau genre, BADistes qui s’ignorent mais qui « sont considérés comme des citoyens paisibles et travailleurs, des producteurs bio engagés qui organisent des expositions d’art et d’artisanat local (48) », constituent des sociétés parallèles effectives. Ils démontrent in vivo dans un contexte difficile et de répression la viabilité de la BAD (Base autonome durable) théorisée par Michel Drac et Piero San Giorgio.

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L’une des premières BAD remonte à 1991 en Afrique du Sud avec Orania. Son fondateur, Carel Boshoff, gendre du Premier ministre Hendrik Verwoerd, visionnaire assassiné de l’auto-détermination de tous les peuples d’Afrique australe (49), souhaitait en faire le noyau fondateur du Volkstaat, l’État afrikaner surgi de l’éclatement et de l’effondrement de la mirifique « nation arc-en-ciel ». Ce bourg d’un millier d’habitants dispose d’une autonomie énergétique, avec de nombreux panneaux solaires, et alimentaire grâce à une agriculture écologique performante. Sur le plan institutionnel, Orania n’est qu’une simple municipalité sud-africaine. La réalité du pouvoir revient en réalité au conseil d’administration de sept membres, responsables d’une compagnie de 400 actionnaires obligatoirement propriétaires de leur maison ou d’un terrain. Orania se veut comme un havre de paix pour les fermiers blancs victimes de la criminalité galopante due au multiculturalisme ambiant (50).

Un Moyen Âge à la Mad Max ?

71310248_10219353513846795_5578470679876993024_O.jpegIl importe de connaître ces quelques cas concrets, car « cette démarche communautaire, pronostique Jure George Vujic, sous-entend bien entendu le réaménagement culturel de l’Europe dans le cadre d’un ensemble organique coordonnant une pluralité de communautés charnelles autogérées, respectueux de l’hétérogénéité sociale culturelle et ethnique (51) ». Ce sentiment de retrouver une osmose communautaire n’est pas propre aux milieux de gauche. Piliers de la revue d’écologie intégrale chrétienne Limite, Gautier Bec, son épouse Marianne Murano et leurs enfants ont déménagé de Dreux, lieu par excellence de la société multiraciale multiconflictuelle, pour rejoindre d’autres familles écolo-chrétiennes dans un hameau de La Bénisson-Dieu aux confins de la Bourgogne, du Forez et du Beaujolais dans le département de la Loire. Ils ne sont pas seuls. En Bourgogne et dans le Bourbonnais existent des communautés populaires enracinées de sensibilité païenne. Sans la citer nommément, on peut penser à cette association bourguignonne qui depuis dix ans se prépare à prendre le relais d’un système qui, chaque année, vacille un peu plus sur ses fondations. Elle entend assurer un regroupement communautaire ainsi que de favoriser ce préalable indispensable à leur redressement moral et physique qu’est le réenracinement identitaire des Européens. Cette communauté arrive à relayer assez régulièrement les offres d’emploi, de reprises de commerces et les annonces immobilières de notre secteur afin de permettre aux personnes intéressées qui souhaiteraient la rejoindre d’y trouver les conditions favorables pour le faire.

Ces groupes sympathiques et dynamiques imitent plus ou moins bien les darbystes (chrétiens évangéliques) installés sur le plateau du Vivarais – Lignon entre Ardèche et Haute-Loire. « L’expérience du groupe, c’est l’expérience d’une désintoxication culturelle radicale, assène encore Jure George Vujic : rejet de la camisole consumériste, de la lobotomie médiatique, de la boulimie télévisuelle, rejet de l’usure et du Diktat bancaire, l’intoxication narcissique de Facebook, mais aussi l’expérience du volontarisme actif : promotion de foyers, de micro-contre-sociétés déconnectées du marché et des mécanismes institutionnels mais toujours proches du peuple, à la manière des “ focos culturels ” guévariens, pratiques distributives, solidaristes et anti-usurières, occupation et transformation des logements inhabités en relogements sociaux, occupation de l’espace rural, défense et occupation des espaces publics contre sa marchandisation, promotion d’une culture populaire de solidarité. Il s’agit de reconstruire le tissu organique et collectif des espaces de solidarités, des corps intermédiaires pluriels, des liens communautaires qui ont été détruits par le rouleau compresseur et uniformisateur du marché. Et c’est la raison pour laquelle cette contre-culture devra constituer une force alternative de proposition et de refondation en mettant en avant les expériences sociales et les modèles économiques hétérodoxes (52). » Pour ce fervent défenseur de la cause française albo-européenne d’inspiration catholique traditionnelle Julien Langella, « nous voulons vivre et travailler au pays, comme les occupants du Larzac dans les années soixante-dix. Mais pour cela, il nous faut un ordre nouveau garanti par un État indépendant des partis et des castes médiatico-financières. Nous voulons le Larzac + l’ordre. Nous voulons l’écofascisme ou la mort (53) ».

arton26820-62585.jpgParce que « nous refusons d’avaliser le caractère instable, précaire, fugace, flexible, versatile et temporaire du vécu construit par le marché, s’élèvent Serge Ayoub, Michel Drac (photo) et Marion Thibault. Nous refusons la mobilité constante parce qu’elle n’est pas dans notre nature (54) », la BAD « devient une base de reconquête (55) », celle qui rend « la sécession nécessaire (56) ». « Espace de sécurité (57) », la BAD « s’éloigne du Système pour reconstruire l’Humain hors du Système (58) » avant de contre-attaquer. « Il faut prendre appui sur le chaos généré par le mondialisme néo-libéral pour construire une alternative au modèle mondialiste et néo-libéral (59). » En dissidents conséquents, « nous ne disons pas : contre le système. Nous disons hors du système (60) ». Comment ? En multipliant partout dès à présent des BAD. « Sur les ruines de l’État bourgeois dépassé par les forces du Marché, sur les décombres de l’État socialiste avalé par la technocratie, nous ne voulons pas seulement construire un troisième type d’État. Nous voulons, parce que c’est possible et nécessaire, fonder avant tout une contre-société (61). » Cela présuppose un état d’esprit incivique, rebelle et réfractaire, et d’user d’une forme basse d’insoumission au quotidien. Par exemple, on accouche à domicile en prétextant une arrivée trop rapide du bébé, la longueur du trajet et la limitation de la vitesse sur les routes départementales; « l’école à la maison et l’apprentissage de l’artisanat, comme l’absentéisme scolaire, ont pour effet d’échapper à la prison de l’école (62) ». Et si les forces du désordre légal sur injonction d’une justice dépravée ou d’un rectorat dégénéré veulent enlever les enfants de leurs familles afin de les expédier dans les bagnes scolaires de la « Ripoublique », l’opposition, y compris physique, deviendra une véritable possibilité. Telles les banlieues de l’immigration aujourd’hui contrôlées par les vendeurs de drogue et la délinquance organisée, tout un immeuble, tout un pâté de maison, toute une rue, tout un quartier, tout un village, toute une contrée riposteront à la tentative d’enlèvement.

Vers la rupture territoriale

« Nous appelons à la grève générale soutenable (63). » Cela implique bien en amont la mise en place d’« une économie de la dissidence, [d’]un réseau d’entreprises de réseau, organisée non en vue du profit mais en vue de l’édification de la force, elle-même mise au service de l’esprit. Insérer notre tradition à l’intérieur du système libéral, pour le dévorer de l’intérieur (64) ». Dans cette perspective séparatiste de l’intérieur puisque venant des autochtones eux-mêmes, « l’ancienne lutte des classes sera transformée en coopération des classes productives contre le Capital prédateur (65) ». Y compris par la violence ? Oui, la violence ne fait d’ailleurs pas peur aux ZADistes, aux TAZistes et aux BADistes. Ces derniers incarnent les soréliens du XXIe siècle. « La TAZ implique une certaine sauvagerie, une évolution du domestique au sauvage, un “ retour ” qui est aussi une avancée. Elle implique également un “ yoga ” du chaos, un projet d’organisation plus “ raffinée ” (de la conscience ou simplement de la vie), que l’on approche en “ surfant la vague du chaos ”, du dynamisme complexe (66). » N’oublions jamais que « l’histoire, pour nous, n’est que le prétexte pour l’affirmation et la réalisation des êtres d’exception, qui ne demandent que la fidélité et un honneur froid, par pure nécessité, et non pas par gloire (67) ».

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Les principes de la BAD sont « “ Stabilité, souveraineté, pérennité ”. Ou encore, “ Enracinement, autonomie, permanence ” (68) ». C’est une démarche explicitement localiste, identitaire, protectionniste, enracinée et évolutionnaire. Sans chercher à verser dans une nostalgie stérile réactionnaire, « la refondation culturelle supposera de renouer avec une authentique vision radicalement anti-progressiste de l’histoire (69) ». Incitons au contraire à balancer un Progrès ringard dans le précipice. Le cœur de la BAD est politique ou, plus exactement, polémologique. C’est l’étape qui précède la levée des milices d’auto-défense. Peut-être inspiré par les écrits du Suisse Bernard Wicht (70), l’ancien volontaire français au Liban au début de la guerre civile, Emmanuel Albach, explique que « les milices ont ce rôle noble et crucial de suppléer militairement à l’absence ou à la démission d’un État. Former une milice n’est pas un comportement antidémocratique, c’est au contraire la base de la démocratie, son point d’appui, parfois son acte de naissance (71) ». Il estime même avec raison que « ceux qui se sont réjouis de l’avènement des réseaux sociaux et des communautés qui s’y distinguent et s’y ancrent, ou qui applaudissent à l’uberisation de l’économie – autre forme d’une atomisation des responsabilités et d’une fragmentation des structures – ne pourront pas honnêtement se désespérer de l’apparition des milices si d’aventure cela devait arriver, alors qu’elles en sont l’émanation logique (72) ». Dans le domaine militaire, la BAD n’accepte ni la conscription, ni l’armée professionnelle. Le maintien de sa cohésion interne passe par un service militaire de milice, car « la milice, affirme Emmanuel Albach, c’est le sursaut d’un peuple qui ne veut pas mourir alors que l’État l’a abandonné et qui court aux armes. Volontaires, tous sans exception, ils se battent purement pour le peuple et le sol, pas pour la paye – encore moins pour la carrière ou pour la gloire, eux dont aucune décoration officielle ne va jamais récompenser la bravoure ou le sacrifice (73) ».

La BAD tendra ensuite vers une forme organisationnelle plus ambitieuse. Le philosophe du bio-pouvoir Michel Foucault parle des hétérotopies, des localisation physique de l’utopie qui sont des espaces concrets d’hébergement de l’imaginaire, comme une cabane d’enfant ou un théâtre, utilisés aussi pour la mise à l’écart, comme les maisons de retraite, les asiles ou les cimetières. La BAD s’orientera, pour sa part, vers l’autochtonotopie, la « terre des autochtones conscients ». « Être non conformiste de nos jours, ce serait refuser un certain ordre naturel des choses qui constitue le fondement de la pensée dominante, et autour duquel s’articule l’ordre public qui lui-même se confond avec la vérité officielle. À l’inverse, il s’agit de proclamer la pluralité générale des productions humaines, des mœurs, des idéaux, des règles morales, des tendances esthétiques, comme autant de valeurs et de formes humaines (74). » Les BAD réintroduisent à la racine, dès la maison et la famille (l’oïkos), un ordre concret (cum crescere, à savoir ce qui « croît avec »). Outre la prise en compte des modalités climatiques, forestières et hydriques, de tels essais sont dès à présents possibles en France en choisissant avec soin sa commune d’implantation à partir des résultats aux différents scrutins des candidats de droite nationale et radicale. Plus leurs résultats seront élevés, plus la BAD recevra un accueil favorable à la condition qu’elle reste pendant plusieurs années discrète sur le plan médiatique et n’attire pas l’attention des antifa.

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L’association culturelle identitaire et sociale Terra Nostra loue un local au milieu du bourg de Larajasse, une commune de 2 000 habitants dans les Monts du Lyonnais. Les antifa locaux, souvent chiens renifleurs de la police, s’indignent de cette présence auprès de la municipalité sans étiquette. Le maire du patelin, un certain Fabrice Bouchut, souhaite résilier le bail de location par la voie judiciaire. Se prendrait-il pour le seigneur du coin ? Son premier adjoint, Jean-Michel Calvi, tient des propos discriminatoires : « Ce qu’on veut, c’est qu’ils s’en aillent vite. » Aurait-il la même impertinence si le préfet lui imposait des clandestins sans papiers ou bien une salle de shoot ? Complotiste à souhait, le communiqué officiel de la mairie vaut son pesant de caramels mous en accusant cette association dynamique de constituer « une menace importante pour la jeunesse et toute la population (75) ». Ce comportement geignard et agressif, typiquement « ripoublicain », laisse pantois. À la présidentielle de 2017, Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan y obtenaient au premier tour 41,53 %. La municipalité cherche-t-elle vraiment à exclure la représentation juvénile d’une forte minorité. La démocratie ne doit-elle pas défendre les minorités selon Daniel Cohn-Bendit ? Les édiles braveraient-ils saint Dany ? Malgré les inévitables avanies, les BAD, puis plus tard les autochtonotopies, constitueront des points d’ancrage, de sauvetage et de ralliement dans les dissociétés hexagonale et occidentale en désintégration avancée.

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Jack Donavan.

Qu’elles soient urbaines ou rurales, ces sites identitaires formeront des pôles essentiels de résistance. En 2016 aux États-Unis, on recensait plus de 1 200 « communautés intentionnelles », souvent hippies et auto-gérées. L’essayiste étatsunien masculiniste et « androphile » Jack Donovan appartient lui-même à l’une de ces communautés intentionnelles, qu’il appelle dans Un ciel sans aigles, une « Fraternité », soit une sorte de Männerbund nord-américaine, « Les Loups du Vinland » (76).

« Il faut aller jusqu’aux périphéries de nos habitudes partisanes, soutient Julien Langella, et s’engager partout (77) ». Y compris en imitant parfois le camp adverse ? Oui, sans le moindre complexe. L’ultra-gauche, les libertaires et les ZADistes ne se doutaient pas que leurs travaux, théoriques et pratiques, alimenteraient les entreprises enracinées et subversives des Albo-Européens les plus déterminés (78).

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : cf. Peter Lamborn Wilson, Utopies pirates. Corsaires maures et Renegados d’Europe, Éditions de l’Éclat, 2017.

2 : Hakim Bey, T.A.Z. Zone autonome temporaire, Éditions de l’Éclat, 2007, p. 45.

3 : Idem, p. 19, souligné par l’auteur.

4 : Id., p. 15.

5 : Id., pp. 13 – 14, souligné par l’auteur.

6 : cf. David Friedman, Vers une société sans État, Les Belles Lettres, 1992.

7 : Hakim Bey, op. cit., p. 28, souligné par l’auteur.

8 : Id., p. 15.

9 : Philippe Pelletier, « Les territoires de l’imaginaire libertaire », dans Libération du 1er octobre 2015.

10 : Carl Schmitt, La notion de politique. Théorie du partisan, Flammarion, coll. « Champs », 1992, p. 218.

11 : Idem.

12 : Comité invisible, À nos amis, La fabrique éditions, 2014, p. 89, souligné par l’auteur.

CI-amis.jpg13 : Comité invisible, L’insurrection qui vient, La fabrique éditions, 2007.

14 : Comité invisible, À nos amis, op. cit., p. 74, souligné par l’auteur.

15 : Idem, pp. 41 – 42.

16 : Id., p. 191.

17 : Id., pp. 190 – 191.

18 : Id., p. 229, souligné par l’auteur.

19 : Hakim Bey, op. cit., pp. 50 – 51.

20 : Jean Raspail, Journal peau-rouge. Mes libres voyages dans les réserves indiennes des États-Unis d’Amérique, Atelier Fol’Fer, coll. « Go West », 2011.

21 : Comité invisible, À nos amis, op. cit., p. 178.

22 : Alexandre P. Prokhorov, Le modèle russe de gouvernance, avant-propos d’Alexandre Privalov, préface à l’édition française de Pierre Traimond, Le Cherche Midi, coll. « Documents », 2011.

23 : Comité invisible, À nos amis, op. cit., p. 200.

24 : Idem, pp. 201 – 202, souligné par l’auteur.

25 : sur Michel-Georges Micberth (1945 – 2013), chef de file de la Nouvelle Droite française (NDF) (rien à voir avec la ND gréciste), fondée en 1973 dans la clandestinité au château d’Igny dans le Cher, et incarnation contemporaine de l’« anarchisme de droite », cf. entre autres son essai co-écrit avec François Richard, Révolution droitiste, Jupilles, 1980, et de François Richard, Micberth anarchiste de droite, Comédit, 1992.

26 : Comité invisible, À nos amis, op. cit., p. 129, souligné par l’auteur.

27 : Idem, pp. 137 – 138, souligné par l’auteur.

28 : Sur le concept de biorégions, cf. selon l’angle décroissant, Serge Latouche, Petit traité de la décroissance sereine, Mille et une nuits, 2008; et d’un point de vue cosmopolite et gauchisant, Mathias Rollot, Les territoires du vivant. Un manifeste biorégionaliste, François Bourin, 2018, et Kirkpatrick Sale, L’art d’habiter la Terre. La vision biorégionale, Wildproject, 2020.

29 : Comité invisible, À nos amis, op. cit., p. 201, souligné par l’auteur.

30 : Idem, p. 232. On voit dans cette assertion polémologique la forte influence qu’exerce Guy Debord, auteur d’un jeu de stratégie, sur le rédacteur collectif.

31 : Id., p. 54.

32 : Id., p. 140.

33 : Id.

34 : Id., p. 195.

35 : Id., pp. 186 – 187, souligné par l’auteur.

36 : Hakim Bey, op. cit., p. 21.

37 : Idem, p. 73, souligné par l’auteur.

38 : cf. Nestor Makhno, Mémoires et écrits 1917 – 1932, présenté par Alexandre Skirda, Éditions Ivrea, 2009.

51rzXvFpEIL._SX331_BO1,204,203,200_.jpg39 : Hakim Bey, op. cit., p. 59, souligné par l’auteur.

40 : Sur l’aventure de Fiume, cf. Claudia Salaris, À la fête de la révolution. Artistes et libertaires avec D’Annunzio à Fiume, Éditions du Rocher, coll. « Démocratie ou totalitarisme », 2006; Enrico Serventi Longhi, Alceste De Ambris l’anti-Mussolini. L’utopie concrète d’un révolutionnaire syndicaliste, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2019; Olivier Tosseri, La folie D’Annunzio. L’épopée de Fiume (1919 – 1920), Buchet – Chastel, 2019.

41 : Jure George Vujic, Nous n’attendrons plus les barbares. Culture et Résistance au XXIe siècle, Kontre Kulture, 2015, p. 149.

42 : cité par Christophe Cornevin, « Les fondamentalistes des champs », dans Le Figaro du 20 février 2015.

43 : Eugénie Bastié, « À Châteauneuf-sur-Cher, chez Chifa, l’imam reclus », dans Le Figaro, op. cit.

44 : Christophe Cornevin, art. cit.

45 : cf. Le Clan des Brigands, Manifeste des clans du futur, Barka éditions, sans date.

46 : Jan Heidtmann, « L’extrême droite s’enracine dans l’immobilier », dans Süddeutsche Zeitung du 29 mai 2015, repris dans Courrier International du 11 au 17 juin 2015, c’est nous qui soulignons.

47 : Edith Kresta, « Les écolos d’extrême droite battent les campagnes », dans Die Tageszeitung du 15 janvier 2017, repris dans Courrier International du 20 au 26 avril 2017.

48 : Idem.

49 : cf. Pierre-Olivier Sabalot, Verwoerd, le prophète assassiné, Éditions du Camas, 2009.

50 : voir avec toutes les précautions d’usage, Alain Léauthier, « Afrique du Sud Orania. L’Afrique black, blanc, Boers », dans Marianne du 21 au 27 août 2015, pp. 42 – 46.

51 : Jure George Vujic, op. cit., p. 161.

52 : Idem, pp. 149 – 150.

53 : Julien Langella, « Contre la bétonisation, le Larzac + l’ordre ! », dans Présent du 16 mai 2019.

51RULe8+c6L._SX350_BO1,204,203,200_.jpg54 : Serge Ayoub, Michel Drac et Marion Thibaud, G5G. Une déclaration de guerre, Éditions du Pont d’Arcole, 2012, p. 26, souligné par les auteurs.

55 : Idem, p. 36, souligné par les auteurs.

56 : Id., p. 66.

57 : Id., p. 21.

58 : Id., p. 19.

59 : Id., p. 71.

60 : Id., p. 82, souligné par les auteurs.

61 : Id., p. 69, souligné par les auteurs.

62 : Hakim Bey, op. cit., p. 64.

63 : Serge Ayoub, Michel Drac et Marion Thibaud, op. cit., p. 15.

64 : Idem, p. 77, souligné par les auteurs.

65 : Id., p. 89, souligné par les auteurs.

66 : Hakim Bey, op. cit., pp. 73 – 74, souligné par l’auteur.

67 : Jure George Vujic, op. cit., p. 131.

68 : Serge Ayoub, Michel Drac et Marion Thibaud, op. cit., p. 27.

69 : Jure George Vujic, op. cit., p. 129.

70 : De Bernard Wicht, on peut consulter L’idée de milice et le modèle suisse dans la pensée de Machiavel, L’Âge d’Homme, 1995, Une nouvelle Guerre de Trente Ans ? Réflexion et hypothèse sur la crise actuelle, Le Polémarque, 2012, Europe Mad Max demain ? Retour à la défense citoyenne, Favre, 2013, avec Alain Baeriswyl, Citoyen-soldat 2.0. Mode d’emploi,Éditions Astrée, 2017.

71 : Emmanuel Albach, « Quand les milices sauvent la nation », dans Présent du 18 juin 2019.

72 : Idem.

73 : Id., souligné par nous.

74 : Jure George Vujic, op. cit., pp. 104 – 105.

75 : dans Le Pays du 27 février 2020.

76 : cf. Jack Donovan, La voie virile suivi de « No man’s Land », préface de Piero San Giorgio, Le retour aux sources, 2014; Un ciel sans aigles, Le retour aux sources, 2017; Devenir un barbare, préface de Piero San Giorgio, Le retour aux sources, 2018.

77 : Julien Langella, « LMPT, Gilets jaunes, zadistes. Tous en colère, tous ensemble ? », dans Présent du 5 octobre 2019.

78 : Il faut saluer le formidable travail précurseur de l’anarcho-royaliste Rodolphe Crevelle et de ses remarquables périodiques, imprimés et numériques, dont Le Lys noir, qui célèbrent l’indispensable entre-soi et le retour à la terre.

mardi, 26 mai 2020

Die konservative Gegenrevolution

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Die konservative Gegenrevolution

Der Kulturkampf der Begriffe

Wir erleben einen Kulturkampf der Begriffe. Zwei konträre Milieus ringen um die Definitionsmacht, um die Macht über unsere Worte, unsere Begriffe, unser Denken. Wer seine Vorstellung nicht mehr aussprechen darf, dessen Denken wird in der Öffentlichkeit nicht mehr begriffen.

Das kulturmarxistisch geprägte linke Lager hat sich die Massenmedien angeeignet, vor allem die öffentlich-rechtlichen.  Jede parteipolitische Absonderung linker Herkunft wird dort begierig aufgenommen und verbreitet, zum Beispiel Phrasen wie Gerechtigkeitslücke, neue Armut oder Klimaleugner.  Man ist durch linksradikale Politologen bis in die Herzkammer der Demokratie vorgestoßen, den Verfassungsschutz. Begriffe wie Umvolkung oder Bevölkerungsaustausch stehen unter Verdacht.

Worte und Begriffe beschreiben, wie ein Mensch Wirklichkeit erlebt. Das bürgerlich-konservative Lager ist mehrheitlich ahnungslos oder überrascht. Es läßt sich einen Begriff nach dem anderen wegnehmen und mit ihm seinen Anspruch, soziale Wirklichkeit zu gestalten. Weggenommen wird ein Begriff durch Tabuisierung. Sie kann auf vielen Ebenen erreicht werden.

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Wer seine Worte und Begriffe nicht mehr sprechen darf, dessen Denken entleert sich. Er wird gefesselt an die verbalen Vorgaben seiner Beherrscher.
Das phantastische Gemälde von Alen Kopera (2017) kann als Allegorie darauf verstanden werden, daß unsere Redefreiheit immer weiter eingeschränkt wird.

Der in der CSU geprägte Begriff Asyltourismus beschreibt eine konkrete Beobachtung. Er bringt ein bestimmtes Geschehen auf den Begriff. Das dahinter stehende Denken wird angegriffen, indem erst medial gegen den Begriff gehetzt wird. Später wird er zum „Unwort“ erklärt, schließlich tabuisiert. Wer ihn noch benutzt, stellt sich ins „gesellschaftliche Abseits“. Es ist das Abseits derselben  ehrenwerten Gesellschaft, die 1968 ihren Marsch durch die demokratischen Institutionen begonnen hatte, jetzt in den Chefsesseln sitzt und so intolerant ist wie je eine geistig totalitäre Bewegung vor ihr.

Die Ultima ratio der Tabuisierung ist das Strafrecht. Wer zum Beispiel die Volkswirtschaft mit einem Organismus vergleicht und das Wort Sozialschmarotzer auf eine in Deutschland lebende Bevölkerungsgruppe anwendet, kann wegen Volksverhetzung angeklagt werden.

Die neomarxistische Linke setzte schon früh auf das

„Entwenden“ und die Umdeutung von Begriffen, um über den Moment der dadurch ausgelösten Entfremdung eine neue Sicht auf gesellschaftliche Zusammenhänge herbeizuführen. Der antiautoritäre Flügel des SDS setzte es 1966 in der Plakataktion „Erhard und die Bonner Parteien unterstützen Mord“ ein. Er übertrug den Strafrechtsbegriff auf Regierungshandeln und provozierte damit die Öffentlichkeit und den SDS.

Anonymus, Magie der Träume. Was die 68-er Bewegung heute bedeutet, taz 5.4.2018.

Kulturrevolution …

Worte, Vorstellungen, Veranstaltungen und Institutionen wurden von der Linken in ihrem revolutionären Sinne „umfunktioniert.“ Dabei handelten sie in guter sozialistischer Tradition. Stalin hatte sie begründet und Hitler nachgeahmt. In einer Presseanweisung vom 22.10.1936 hieß es aus dem Reichspropagandaministerium:

„Es muß immer wieder festgestellt werden, daß in der deutschen Presse noch Nachrichten und Schilderungen erscheinen, die geradezu von einer selbstmörderischen Objektivität triefen und in keiner Weise verantwortet werden können. Man will keine Zeitungsgestaltung im alten liberalistischen Sinne, sondern will, daß jede Zeitung mit den Grundsätzen des nationalsozialistischen Staatsaufbaues in eine Linie gebracht wird. So ist es untragbar, wenn Sowjetgrößen, die Juden sind, als Arbeiter bezeichnet werden.“[1]

Der Begriff Arbeiter löste nämlich eine positive Assoziation aus, weil sich die Nationalsozialistische deutsche Arbeiterpartei selbst ausdrücklich als eine Partei der Arbeiter verstand. Diese durften keinesfalls mit etwas Negativem in Verbindung gebracht werden, Arbeiter waren sakrosankt, und Juden so zu bezeichnen tabu.

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Wie George Orwell erkannte, geht es immer um die Veränderung der beim Hören eines Worten hervorgerufenen Assoziationen. Viele herkömmliche Worte und Begriffe wurden in ihrem Sinn und Bedeutungszusammenhang durch eine Art staatlich kontrolliertem „Neusprech“ „unmerklich verändert“, wodurch sie „die meisten ihnen sonst anhaftenden Gedankenverbindungen verloren.“[2]

Dieser Zusammenhänge ist sich der Linksextremismus stets bewußt geblieben:

Wie Ludwig Wittgenstein uns lehrt, sind Wörter keine Fenster zur Welt, sondern Wörter konstruieren Welt, sie strukturieren unsere Gefühle, unsere Sinne, unsere Selbst- und Fremdwahrnehmung. »Denn, wie wir sprechen, entscheidet darüber, wer wir sind«“, bemerkt Robert Habeck in seinem lesenswerten Essay ‘Wer wir sein könnten’. In der Politik folgt der Sprache das Handeln.[3]

Bruno Heidlberger, Konservative Kulturkritik und die Politik der Spaltung. Über Hypermoral und sprachliche Verwirrspiele. 18.2.2020.

Seine Herrschaft stützt sich darum wesentlich auf die Macht über die Massenmedien. In ihnen haben die Systemveränderer von 1968 ihr Eldorado gefunden. Sie lassen sich zum Beispiel beraten von Elisabeth Wehling, die der ARD 2017 ein Framing-Manual schrieb. Ein Studienschwerpunkt der Linguistin und Soziologin Wehling war die nationalsozialistische Propaganda. Sie hat viel aus ihr gelernt. Es geht um die unterschwellige Beeinflussung der Massen. Sie sollen in ihrem Denken und Fühlen stramm auf sozialistischen Kurs gebracht werden.

Die ARD-Beraterin denkt kollektivistisch. Während einer Liberaler seufzen würde, dem Staat Steuern zu zahlen, denkt Wehling vom Kollektiv her. Sie empfiehlt, wir sollten nicht mehr davon sprechen, dem Staat „Steuern zu zahlen“, sondern „Beiträge leisten“. Es bezieht sich nämlich immer „auf ein Kollektiv“, gemeinsam zu etwas „beizutragen.“ Die

„Semantik des durch zahlen erweckten Frames impliziert keine kollektive Unternehmung, sondern schlicht eine Transaktion zwischen Käufer und Verkäufer. Der Frame impliziert weder eine Gemeinschaft und Verbundenheit, noch ein kollektives Handlungsziel. Wendet man das Konzept nun auf den Staat an, so läßt es ihn als eine von den Bürgern getrennte Entität erscheinen.“

Elisabeth Wehling, Politisches Framing, Wie eine Nation sich ihr Denken einredet – und daraus Politik macht, 2018, S.105, 107.

Der „kollektive Handlungszweck“ werde ausgeblendet.[4]

… und Gegenrevolution

Ausgerechnet alt-68er Linke wie Heidlberger, die selbst die traditionellen Werte und Begriffe umfunktioniert hatten, jammern heute über Konservative, die ihnen die Methoden abgeguckt haben und gegen sie wenden. Die 68er-Kulturrevolution hatte eine kulturmarxistische Umpolung aller Begriffe unternommen. Die schon laufende konservative Gegenrevolution entreißt sie ihnen wieder. Heidlberger polemisiert vergebens gegen von Konservativen verwandte Begriffe:

Unehrliche Politik beginnt immer mit der Sprache. Dann verwandelt sie sich in Propaganda. Sie wirkt wie eine fremde Invasion und schleicht sich in unser Gemüt, in unsere Gespräche, in unsere Gedanken und zerstört deren Klarheit. Oft ist es eine oft gehörte Erzählung, die den Tatsachen scheinbar Sinn verleiht, so beispielsweise die Erzählungen vom „Volks-Tod“, der „Einwanderung“ in die Sozialsysteme, dem „Unrechtsstaat“, von „Klimareligion“, „grüner Verbotspartei“, „Öko-Faschismus“, dem „links-rot-grün-versifften 68er-Deutschland“ oder der „Hypermoral“.

Bruno Heidlberger, am angegebenen Ort.

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Ja, mit Propandasprache, die sich ins Gemüt schleicht, kennen Alt68-er sich gut aus: sie haben sie zwar nicht erfunden, aber übernommen. Gegen das Demokratieverständnis des Grundgesetzes hatten 68er das sozialistische, kollektivistische Erbe von Marx, Engels, Lenin, Stalin und Mao gewandt. Die Grundwerte der Freiheit und der Demokratie verstanden sie nur im Rahmen ihrer Ideologie. Sie hielten unsere Demokratie für ein kapitalistisch-faschistisches Syndrom. Darum handelten sie nach der Devise:

„Jede Strategie der Überwindung eines Herrschaftssystems muß mit seiner De­le­gitimierung beginnen. Hauptwaffe ist der Tabubruch. Er ist der erste Schritt zur nötigen Umwertung der Werte. Diese beginnt mit dem gezielten Lächerlich­ma­chen der gegnerischen Ideologeme, soweit diese nicht angeeig­net und umge­polt werden können wie z.B. das Demokratieprinzip.“

Klaus Kunze, Wege aus der Systemkrise, in: Andreas Molau, Opposition für Deutschland, 1995, 202 ff. (216).

Das meinte der zum Kanzler gewählte Willy Brandt, mit Demokratie fange man jetzt erst richtig an. An die Stelle früherer geistiger Freiheit ist seitdem ein rabiat verteidigter linker Konformismus und Egalitarismus getreten. Mit kollektivistischem Moralismus werden die Bastionen der zu Rang und Würden aufgestiegenen Alt-68er und ihrer Epigonen verteidigt.

Die Usurpierung von Begriffen durch die 68-er Kulturrevolution und ihr moralistischer Mißbrauch gehören zu den ausgefeilten Herrschaftstechniken des Sozialismus seit der Revolution von 1789 und der Oktoberevolution von 1917. Ihr kann nur mit verbaler Subversion begegnet werden. Diese ist eine Abwehrwaffe in dem Kulturkampf, den der Linksextremismus seit 50 Jahren gegen die bürgerliche Gesellschaft und ihre konservativen Denker führt.

Deren Aufgabe ist ein intellektueller Gegenentwurf, der den alten Begriffen wieder ihren ursprünglichen Sinn verleihen wird. Altlinke Kader haben in den Medien, der Politik und den Gesellschaftswissenschaften unermeßlichen Flurschaden angerichtet und mit den alten Begriffen auch alte Gewißheiten zerstört: sozialistische Heilsgewißheit trat anstelle der Gewißheit dessen, was zwischenmenschlich immer gilt. Heute gilt es, aus dessen Trümmern eine Zukunft zu schaffen, deren Erhaltung sich lohnt.


[1] Walter Hagemann, Publizistik im 3. Reich, Hamburg 1948, S.32, hier zit. nach Poliakov / Wulf, S.440.

[2] George Orwell (1950 / 1984), S.277.

[3] Bruno Heidlberger 18.2.2020.

[4] Wehling (2018), S.105, 107.

Alain Juillet: Premières leçons de la crise du Covid-19

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Alain Juillet: Premières leçons de la crise du Covid-19

 
Dans ce nouvel épisode de La Source, Alain Juillet revient sur la crise du Covid-19 qui a frappé le monde ces dernières semaines. Selon l'ancien haut responsable à l'Intelligence économique, «c’est toute une chaine décisionnelle médicale, administrative et politique qui est responsable du fiasco». Selon lui, nos dirigeants ont péché par excès de confiance et «il n’a été tenu aucun compte des études prospectives françaises et étrangères et même des livres blancs de la défense nationale qui annonçaient comme risque majeur une pandémie par virus». Alain Juillet se penche également sur la crise économique qui suivra la crise sanitaire et pense «qu'en dépit des largesses actuelles l’Etat ne pourra plus être l’Etat providence que nous avons connu​». La crise «va s’accompagner inévitablement de faillites d’entreprises de toutes tailles avec les problèmes d’emploi qui en découlent dans un environnement qui va être inflationniste».
 
 
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Analyse stratégique de la pandémie avec Slobodan Despot

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Analyse stratégique de la pandémie avec Slobodan Despot

 
Slobodan Despot est éditeur, traducteur, romancier et photographe. Il est le fondateur et directeur du magazine par e-mail l’Antipresse, qui paraît chaque dimanche matin depuis 234 semaines. Slobodan Despot s’intéresse en particulier à la relation entre l’être humain et l’environnement technologique qu’il a lui-même créé, notamment dans les domaines de la santé, de l’alimentation et de la connaissance.
 
 
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Robert Steuckers: Peut-on définir une géopolitique du coronavirus ?

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Peut-on définir une géopolitique du coronavirus ?

Par Robert Steuckers

Première remarque : rien n’est clair dans les discours médiatiques, majoritairement téléguidés depuis les officines américaines. Les contradictions se succèdent et se superposent : ce virus est-il naturel (une variante plus pernicieuse de la grippe saisonnière) ou s’est-il échappé volontairement ou involontairement d’un laboratoire chinois ? La pratique du confinement est-elle utile ou totalement inutile comme semble le prouver l’expérience suédoise ? Sur cette pandémie, d’autres projets semblent se greffer : celui de pouvoir à terme contrôler davantage les masses humaines agglutinées dans les grandes mégapoles ; celui d’une vaccination planétaire qui profiterait largement aux instances de la « Big Pharma », hypothèse apparemment confirmée par les déclarations antérieures et actuelles de Bill Gates ; une telle vaccination généralisée permettrait en outre de faire main basse sur les fonds accumulés par les politiques sociales, socialistes et keynésiennes, des pays industrialisés d’Europe. Par ailleurs, l’impréparation des Etats et les cafouillages dans les commandes et distributions de masques sanitaires, la querelle sur les médicaments en France avec comme principal protagoniste le Dr. Didier Raoult préconisant un traitement simple à la chloroquine, la très récente hypothèse contestant la validité des traitements choisis pour enrayer la maladie, l’abus fatal dans la distribution de Rivotril dans les maisons de soins et de retraite, plaident en faveur de l’hypothèse (complotiste ?) d’une mise en scène planétaire, visant à créer et à amplifier la panique : dans ce sens, le système politico-médiatique, dominé et stipendié par la haute finance, les lobbies pharmaceutiques et les GAFA,  jouerait bien son rôle dans le scénario qui lui aurait été dicté, celui de préparer les masses à accepter vaccins, confinement et autres mesures policières inouïes et inédites, même dans les régimes considérés comme les plus répressifs. La chaîne de télévision française LCI vient pourtant de révéler que les taux élevés de létalité et de contagiosité du virus ont été considérablement exagérés suite aux discours alarmistes et apocalyptiques des représentants de l’OMS. Le confinement, contre lequel les opinions publiques allemande et néerlandaise se rebiffent avec véhémence, a donc été totalement inutile ou prétexte à mettre au point des techniques de contrôle policier inédites, imitées de celles en place dans les futures (mais très prochaines) « smart cities » chinoises, parmi lesquels on citera surtout les techniques de reconnaissance faciale. Quelles que soient les hypothèses qui l’on peut formuler sur les effets, réels ou fabriqués, de la pandémie actuelle, force est d’admettre que les bouleversements en cours sur l’échiquier politique international, surtout eurasien, ne seront nullement stoppés par la pandémie : bien au contraire, les officines des stratégistes préparent activement le monde qui suivra la crise du virus. Cette pandémie  permet à l’évidence de camoufler un ensemble de glissements bénéfiques à l’hegemon, en dépit des faiblesses que celui-ci semble montrer, dans son recul industriel, dans la déliquescence de sa société ou dans les défaillances de son système de santé. La vigilance de tous ceux qui souhaitent voir reculer l’emprise souvent étouffante de cet hegemon est donc de mise.

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D’abord, la zone des turbulences conflictuelles majeures semble glisser des complexes ukraino-syrien et irakien vers la Mer de Chine du Sud. L’ennemi principal de l’hegemon semble devenir la Chine, très clairement, alors que depuis 1972, la Chine avait d’abord été l’allié de revers contre l’URSS, avant de devenir un partenaire économique majeur permettant de mettre en oeuvre la pratique néolibérale de la délocalisation vers les zones asiatiques à main-d’œuvre bon marché. La Chine, dans le complexe que certains géopolitologues nommaient la « Chinamérique », était l’atelier de l’économie réelle, productrice de biens concrets, tandis que l’hegemon se réservait les services et pratiquait désormais une économie virtuelle et spéculatrice, qu’il entendait décrire comme entièrement suffisante alors que la crise actuelle démontre ses insuffisances criantes : l’on ne peut pas se passer de l’économie réelle assortie d’une bonne dose « politique » de planification ou de régulation. Les puissances moyennes d’Europe, inféodées à l’américanosphère, ont imité cette funeste pratique inaugurée par l’hegemon dès le moment où la Chine, bien que « communiste » sur le plan idéologique, était devenue son alliée de revers contre la Russie soviétique. Dans ce contexte, l’Europe a progressivement abandonné ses pratiques planistes ou ce que Michel Albert avait appelé le « capitalisme (patrimonial) rhénan » : c’est l’Allemagne qui s’auto-déconstruit, décrite par Thilo Sarrazin, ou la France qui se suicide, explicitée par Eric Zemmour. La crise du coronavirus a prouvé notamment que la France, et même l’Allemagne, ne produisaient plus de petits biens de consommation élémentaires en quantités suffisantes, comme les masques sanitaires, désormais manufacturés dans les pays à main d’œuvre meilleur marché. Toutes les erreurs du néolibéralisme délocalisateur sont apparues au grand jour, sur fond de crise économique larvée depuis l’automne 2008.

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La Chine a accumulé une masse colossale de devises après avoir accepté ce rôle d’atelier planétaire. L’atelier planétaire devait cependant sécuriser les voies de communication maritimes et terrestres pour acheminer ces produits finis vers leurs lieux de destination, en Europe comme en Afrique ou en Amérique du Sud. Quand la Chine était un allié de revers de l’américanosphère au temps de la guerre froide, et même pendant une ou deux décennies après la fin de ce conflit virtuel, elle n’avait aucune vocation maritime et ses tâches continentales/telluriques se limitaient à consolider ses franges frontalières en Mandchourie, sa frontière avec la Mongolie extérieure et la zone de l’ex-Turkestan chinois, qui avait été sous influence soviétique au temps de la grande misère chinoise. Cette zone, jadis convoitée par Staline, est le Sin-Kiang actuel, peuplé d’une minorité autochtone ouïghour.  La Chine pratiquait ainsi une politique de « containment », d’endiguement, qui servait aussi (et surtout) les intérêts des Etats-Unis. Une paix tacite s’était alors installée sur le front maritime taïwanais et les deux Chines envisageaient même une réconciliation lato sensu, pouvant peut-être mener à une réunification rapide, semblable à la réunification allemande. Le Parti communiste chinois et le Kuo-Min Tang taïwanais auraient pu aplanir leurs différends au nom d’une idéologique planiste et productiviste efficace.

La nécessité impérieuse de sécuriser les voies maritimes au large des littoraux chinois eux-mêmes, dans l’ensemble de la Mer de Chine du Sud et jusqu’au goulot d’étranglement qu’est Singapour, a changé progressivement la donne. Les nouvelles menées chinoises en Mer de Chine du Sud impliquaient, à une étape ultérieure et tout-à-fait prévisible, de se projeter très loin au-delà de Singapour vers l’Inde (qui, elle, visait à asseoir sa souveraineté sur des portions de plus en plus vastes de l’Océan Indien) puis vers la péninsule arabique et la Mer Rouge pour arriver jusqu’en Méditerranée : bref, une réactualisation de la politique de l’Empereur Ming qui avait d’abord soutenu les expéditions de l’Amiral Zheng He au 15ème siècle avant de cesser tout appui à cette politique océanique pour se concentrer sur la rentabilisation hydraulique, très coûteuse, de la Chine continentale. Xi Jiping, explique le grand géopolitologue sinophile et eurasiste Pepe Escobar, dans un article récent, ne semble pas vouloir répéter l’erreur strictement continentaliste pour laquelle l’Empereur Yong Le avait fini par opter.

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En effet, le projet gigantesque de la Chine actuelle est de créer sur la grande masse continentale eurasiatique, de nouvelles routes de la soie terrestres et, simultanément, d’ouvrir des voies maritimes vers l’Océan Indien, la Mer Rouge et la Méditerranée, en tablant sur un lien terrestre partant de Chine continentale vers le port pakistanais de Gwadar, puis d’ouvrir, avec le concours de la Russie, une seconde route de la soie maritime à travers l’Arctique en direction de Hambourg, Rotterdam et Anvers. Ce projet colossal et eurasien constitue un défi majeur à l’hegemon qui entend poursuivre la politique exclusivement thalassocratique et endiguante de feu l’Empire britannique et, partant, de saboter toutes les initiatives visant à développer les communications terrestres, par voies ferrées (comme le Transsibérien de 1904) ou par voies fluviales, qui pourraient relativiser ou minimiser l’importance des communications océaniques (les « Highways of Empire »). Les Chinois se montrent davantage disciples de Friedrich List, économiste du développement, que de Karl Marx. List était d’ailleurs l’un des grands inspirateurs de Sun Ya Tsen, dont l’objectif était de sortir la Chine du « siècle de la honte ». Les Etats-Unis, pour contrer ce projet de grande envergure, suggèrent déjà une alternative, également « listienne », en pleine crise du coronavirus : bloquer la Chine devant Singapour et suggérer à la Russie l’exploitation des voies terrestres et ferroviaires de Sibérie, voire la route de l’Arctique, qui seraient à coupler, via la construction d’un pont sur le Détroit de Bering, à des voies similaires sur le continent nord-américain. Ce qui permettrait de contrôler aussi l’espace désigné comme le « Greater Middle East », englobant des républiques musulmanes ex-soviétiques et placé sous le commandement stratégique de l’USCENTCOM, toujours appuyé efficacement par la possession de la petite île de Diego Garcia, porte-avion insubmersible au beau milieu de l’Océan Indien. Sans plus aucune projection valide vers la Méditerranée et l’Asie centrale, la Russie ne conserverait que son rôle de « pont » entre l’Europe, la Chine, dont la seule politique maritime tolérée serait alors limitée à la seule Mer de Chine du Sud, d’une part, et le Continent nord-américain, d’autre part. Le plan final de la nouvelle politique du Deep State serait alors : de contenir les velléités maritimes de la Chine, d’englober la Russie dans un projet sibérien/arctique où la Chine n’interviendrait plus, contrôler le Greater Middle East, sans que ni la Chine ni la Russie ne puissent en rien contrôler cet espace et ce marché.

L’irruption soudaine du coronavirus et la culpabilité de la pandémie, que les caucus du Deep State attribuent à la Chine et au laboratoire de Wuhan pour les besoins de la propagande, permet de déployer toutes les stratégies et tactiques pour endiguer la Chine dans les eaux du Pacifique et à ne lui laisser le contrôle direct que des eaux à proximité de son littoral, sans qu’il ne lui soit permis, bien sûr, de satelliser les Philippines et avec, en plus, un Vietnam consolidé par des aides américaines, comme menace permanente sur son flanc sud. Le site « Asia Times », basé en Thaïlande, rappelait, ces jours-ci, que l’Etat islamique marquait des points aux Philippines, au grand dam du président philippin Rodrigo Duterte, fâché avec l’hegemon et partisan d’un rapprochement avec la Chine : bref, le scénario habituel…

022316ed-0034.jpgPepe Escobar esquisse les grandes lignes des deux premières sessions du 13ème Congrès national du peuple, dont la troisième session devait se tenir le 5 mars 2020 mais a été postposée à cause de la crise du coronavirus. On peut d’ores et déjà imaginer que la Chine acceptera la légère récession dont elle sera la victime et fera connaître les mesures d’austérité qu’elle sera appelée à prendre. Pour Escobar, les conclusions de ce 13ème Congrès apporteront une réponse aux plans concoctés par les Etats-Unis et couchés sur le papier par le Lieutenant-Général H. R. McMaster (photo). Ce militaire du Pentagone décrit une Chine constituant trois menaces pour le « monde libre » avec : 1) Le programme « Made in China 2025 » visant le développement des nouvelles technologies, notamment autour de la firme Huawei et du développement de la 5G, indispensable pour créer les « smart cities » de l’avenir et où la Chine, en toute apparence, s’est dotée d’une bonne longueur d’avance ; 2) avec le programme des « routes de la soie », par lequel les Chinois se créent une clientèle d’Etats, dont le Pakistan, et réorganisent la masse continentale eurasienne ; 3) avec la fusion « militaire/civile », coagulation des idées de Clausewitz et de List, où, via la téléphonie mobile, la Chine s’avèrera capable de développer de larges réseaux d’espionnage et des capacités de cyber-attaques. Début mai 2020, Washington refuse de livrer des composantes à Huawei ; la Chine rétorque en plaçant Apple, Qualcomm et Cisco sur une « liste d’entreprises non fiables » et menace de ne plus acheter d’avions civils de fabrication américaine. Le tout, et Escobar n’en parle pas dans son article récent, dans un contexte où la Chine dispose de 95% des réserves de terres rares. Ces réserves lui ont permis, jusqu’ici, de marquer des points dans le développement des nouvelles technologies, dont la 5G et la téléphonie mobile, objets du principal ressentiment américain à l’égard de Pékin. Pour affronter l’avance chinoise en ce domaine, l’hegemon doit trouver d’autres sources d’approvisionnement en terres rares : d’où la proposition indirecte de Trump d’acheter le Groenland au royaume de Danemark, formulée l’automne dernier et reformulée en pleine crise du coronavirus. La Chine est présente dans l’Arctique, sous le couvert d’une série de sociétés d’exploitation minière dans une zone hautement stratégique : le passage dit « GIUK » (Greenland-Iceland-United Kingdom) a été d’une extrême importance pendant la seconde guerre mondiale et pendant la guerre froide. L’ensemble de l’espace arctique le redevient, et de manière accrue, vu les ressources qu’il recèle, dont les terres rares que cherchent à s’approprier les Etats-Unis, et vu le passage arctique, libéré des glaces par les brise-glaces russes à propulsion nucléaire, qui deviendra une route plus courte et plus sécurisée entre l’Europe et l’Extrême-Orient, entre le complexe portuaire Anvers/Amsterdam/Hambourg et les ports chinois, japonais et coréens. L’hegemon a donc un double intérêt dans ses projets groenlandais qu’il est en train d’articuler : s’installer et profiter des atouts géologiques du Groenland, saboter l’exploitation de la route arctique. La crise du coronavirus cache cette problématique géopolitique et géoéconomique qui concerne l’Europe au tout premier plan ! 

Revenons au 13ème Congrès national du Peuple de mai 2020 : il prévoit en priorité le développement des régions occidentales (Sinkiang et Tibet), un renforcement des liens avec les républiques ex-soviétiques qui ont une frontière avec ces régions, et, entre autres choses, la construction de ports en eaux profondes, une politique écologique accentuée basée sur le « charbon propre ». Le problème est que l’initiative des routes de la soie (« Belt & Road Initiative ») arrive en queue des priorités nouvelles, ce qui constitue en soi un recul navrant.

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L’hegemon semble lâcher quelque peu la pression en Ukraine, en Syrie et en Irak mais l’Iran demeure un ennemi à éliminer ou, du moins, à faire imploser à coups de sanctions. La rigueur des mesures répressives de l’hegemon s’amplifie pendant que les Européens se focalisent sur les effets du Covid-19, alors qu’ils avaient réclamé récemment un relâchement des sanctions et inventé une ruse pour contourner l’embargo américain qui ne va pas du tout dans le sens de leurs intérêts commerciaux et géopolitiques. L’Iran reste une cible majeure, en dépit de la centralité de son territoire dans la zone dévolue à l’USCENTCOM ou « Greater Middle East » : pour contrôler cet espace, qui fut jadis celui de la « civilisation iranienne », Washington cherche à en faire imploser le centre. La raison de ce tenace ostracisme anti-iranien, particulièrement agressif, tient à deux raisons essentielles : l’une relève d’une stratégie très ancienne, l’autre est déterminée par l’existence même de la plus-value pétrolière que l’Iran peut utiliser pour asseoir une hégémonie régionale et limitée. La stratégie très ancienne, articulée aujourd’hui par les Etats-Unis, vise à interdire à toute puissance s’exerçant au départ du territoire de l’Empire parthe antique de déboucher sur la côte orientale de la Méditerranée. Les Etats-Unis, en effet, se posent, avec l’historien-géopolitologue Edward Luttwak comme les héritiers des empires romains, byzantins et ottomans au Levant et en Mésopotamie. La politique romaine, depuis Trajan jusqu’à l’effondrement des Byzantins dans la région suite aux coups des armées musulmanes, après la mort du Prophète, était de maintenir les Perses éloignés de la Méditerranée et de la Mésopotamie. La crise du coronavirus permet, à l’abri des feux de rampe médiatiques, de diaboliser davantage encore le Hizbollah au Liban, ce parti chiite étant une antenne iranienne sur les rivages de la Méditerranée orientale alors qu’il est aussi un rempart solide contre l’ennemi islamiste-sunnite officiel (mais qui est un allié réel), représenté par l’EIIL, et de permettre à Netanyahu et à son nouveau gouvernement composite et hétéroclite d’annexer la Cisjordanie, en réduisant quasiment à néant les reliquae reliquarum laissés à l’autorité palestinienne, désormais affaiblie et décrédibilisée. Avec pour arrière-plan le chaos indescriptible qui persiste entre la Syrie et l’Irak, l’hegemon consolide l’Etat sioniste, en fait qualifiable de « judéo-hérodien » dans le sens ou les rois Hérode étaient des pions des Romains, pour faire de la Judée-Palestine une barrière infranchissable contre toute pénétration perse. L’Europe, obnubilée par l’invisible et peut-être fictif coronavirus, n’observe que d’un œil très discret cette mutation problématique à l’œuvre dans la Méditerranée orientale. L’autre pion de Washington dans la région est l’Arabie Saoudite, dont la politique a été quelque peu bousculée au cours de ces derniers mois, sans que l’on puisse dire que la donne créée sur le pont du bâtiment USS Quincy en 1945 par le Roi Ibn Séoud et le Président Roosevelt ait été fondamentalement altérée, comme le montre très bien l’appui occidental à la politique belliciste et génocidaire que pratiquent les Saoudiens au Yémen, où interviennent des mercenaires colombiens et érythréens, en plein crise du coronavirus : dans cette région hautement stratégique, l’hegemon et ses alliés avancent des pions tandis que les médias occupent les opinions publiques de l’américanosphère avec les histoires effrayantes d’un coronavirus qui ne disparaîtrait pas avec les chaleurs estivales et reviendrait à la charge dès les premiers frimas de l’automne. L’écrivain palestinien Said K. Aburish a rappelé, dans des ouvrages qui ne sont pratiquement jamais cités dans les polémiques tournant autour du conflit israélo-palestinien, le rôle toujours pro-occidental des Saoudiens, alliés tacites du projet sioniste depuis la première guerre mondiale, projet imaginé par ce bibliste protestant que fut Sykes.  

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La plus-value que peut constituer le pétrole iranien pour la République islamique, comme elle l’était jadis pour le Shah, pourrait servir un pôle économique euro-iranien, sans aucunement léser la Russie, ce que n’a jamais admis l’hegemon, qui souhaite ne voir aucune intervention (pacifique) européenne ou russe ou même indienne et chinoise dans ce cœur territorial du « Greater Middle East » qu’il se réserve en toute exclusivité pour un coup de poker prochain, afin d’en faire un territoire à « économie pénétrée » avec une démographie plus exponentielle que dans le reste du monde (bien que l’Iran connaisse une certaine stagnation des naissances). Le « Greater Middle East » est non seulement une réserve d’hydrocarbures mais un espace où subsistent les gigantesques cotonnades de l’ex-URSS, qui intéressent l’industrie textile américaine.

Trump  -en dépit des promesses électorales et des espoirs qu’il avait suscités chez des millions de naïfs, qui croyaient qu’il allait vaincre tout seul le Deep State totalement formaté par les cénacles « néocons »-  n’a pas empêché le recrutement de néocons d’une génération nouvelle dans les arcanes de son gouvernement et au sein du ministère américain des affaires étrangères : ainsi, pour le Moyen Orient, Simone Ledeen, fille du néo-conservateur musclé Michael Ledeen, donnera dans l’avenir les contours de la politique américaine dans cette région de grandes turbulences. Elle est l’auteur, avec son père, d’un ouvrage intitulé How We Can Win the Global War, où l’Amérique est campée comme un empire du Bien, débonnaire mais assiégé par un certain nombre d’ennemis pernicieux dont l’Iran serait le principal instigateur, le centre du complot anti-américain dans le monde. Cette nouvelle promotion d’une dame néo-conservatrice de la plus pure eau, en place dans les rouages de la politique étrangère néo-conservatrice depuis 2003, s’est effectuée pendant la période de la crise du coronavirus.    

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Enfin, la crise planétaire du coronavirus camoufle les manœuvres actuelles de l’hegemon dans son propre hémisphère, cherchant à ruiner la dimension quadricontinentale qu’auraient pu revêtir les BRICS quand le Brésil en faisait partie et quand l’Argentine s’en rapprochait. Aujourd’hui, en pleine crise du Covid-19, les Etats-Unis démultiplient les pressions contre le Venezuela, s’agitent dans les Caraïbes où ils déploient leur flotte, s’insurgent contre l’escorte des pétroliers iraniens par la marine de la RII, alors que rien, en droit international, ne pourrait incriminer les relations commerciales bilatérales entre deux pays boycottés par les Etats-Unis et, à leur suite, par l’ensemble de américano sphère. Au même moment, Trump, que l’on a élu pour contrer les menées du Deep State mais qui les favorise désormais d’une manière qui est la sienne propre, déclare se retirer du Traité « Ciel Ouvert »/ »Open Skies », qui permettait aux signataires de surveiller leurs mouvements militaires réciproques, dans un souci de transparence et de pacification. Avec le retrait américain du traité sur le programme nucléaire iranien, nous avons les prémisses d’une nouvelle guerre froide, prémisses que déplore la Russie mais qui, en Europe occidentale, sont délibérément effacées des préoccupations des masses, affolées par la progression, réelle ou imaginaire, du coronavirus, collées à leurs écrans pour comptabiliser les morts, préoccupées par l’achat de masques ou de gels hydro-alcooliques ou espérant le lancement d’un vaccin sur le marché pharmaceutique. Pendant ces agitations prosaïques, générées par le soft power et les techniques de la guerre de quatrième dimension, les pions américains de la nouvelle guerre froide sont avancés, ancrés dans le réel stratégique.

La crise n’a donc nullement gelé les dynamiques de la géopolitique mondiale, elle les a camouflées aux regards des masses ; elle a permis d’inonder les médias de nouvelles alarmantes plus ou moins artificielles, tandis que les protagonistes de la « grande politique » fourbissaient leurs arsenaux et mettaient au point les stratégies à appliquer dès la troisième décennie du 21ème siècle.

Robert Steuckers.

lundi, 25 mai 2020

Entretien avec Pierre Le Vigan sur le confinement

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Entretien avec Pierre Le Vigan sur le confinement

Club du mercredi Nancy

1 - Quelles sont les conséquences du confinement sur la perception de l’espace et du temps ?

clubmercredi.jpgD’une manière générale, en période normale, nous pouvons nous déplacer librement à l’intérieur de l’espace mais pas à l’intérieur du temps. Telle est notre condition d’hommes. Le confinement est d’abord un phénomène spatial. Avec le rétrécissement de l’espace, les jours se ressemblent. Le confinement nous met à nu. D’autant qu’il  se fait bien sur fond, au minimum, d’inquiétude, voire de phobie, ou d’angoisse. Antonin Artaud dit : « L’épidémie fait tomber les masques ». Ainsi, l’angoisse nous fait attendre tout de suite un médicament, à la fois totalement efficace et (surtout) définitivement efficace. Dans l’idéal : un vaccin.

Avec le confinement, nous sommes obligés d’habiter chez nous, dans tous les sens du terme. Alors que ce n’est pas le cas quand nous nous déplaçons tout le temps, et quand nous « sortons beaucoup ». Quand on dit d’une femme qu’elle « sort beaucoup », cela veut dire qu’elle ne dort pas souvent chez elle, mais chez un compagnon de lit. Le confinement tend à mettre fin à cela.

Le confinement nous fait vivre dans un éternel présent. Notre rapport au futur est complétement modifié. Le futur ne dépend plus de nous, mais d’une date, qui tombera d’en haut, d’un possible déconfinement, du reste partiel, et réversible. Nous fantasmons sur l’après confinement, alors que nous ne prétendions pas être si heureux il y a quelques mois.

Avec le confinement, on a du temps et même trop de temps. Surtout, le temps devient homogène. Il perd par là sa signification. Le temps intérieur, c’est ce que Bergson appelait la durée. C’est le temps qui nous est propre. Le temps n’est plus ce qui mesure les écarts entre deux actions, ou deux moments d’une action, mais le temps est alors une matière qui s’écoule comme le dentifrice qui sort d’un tube. Pour que le temps nous soit propre il faut qu’il soit singulier, marqué  par une attente qui est la nôtre, et rien que la nôtre, par des affects, par une humeur, par des ressentis, qui nous appartiennent en propre. 

2 – Quelles sont les conséquences psychologiques du confinement ?

Il y a eu chez beaucoup un sentiment de sidération. Il était « stupéfiant » d’en arriver là. Chez beaucoup, un sentiment de peur s’est ajouté : un virus invisible, volatile à 1 mètre, à 2 mètres, a 10 mètres même, ont dit certains « experts » à propos des joggers ? L’information surabondante, pas toujours fausse, mais à interpréter, à mettre en perspective, ce qui demande un travail, a beaucoup ajouté à un sentiment de désorientation, à une perte de repères. D’autant que la population était disponible, et même trop disponible, compte tenu du chômage de masse s’étant abattu sur une bonne part des salariés et des actifs. Les pouvoirs publics ont bien entendu ajouté le maximum d’éléments anxiogènes pour tétaniser la population.  Information pas toujours fausse, mais tronquée et inutilement précise (le nombre de morts égrené quotidiennement par la Direction générale de la santé. L’isolement, l’ennui, l’inquiétude face à la difficulté de communiquer « en vrai », face à la perte de revenus pour beaucoup, ont créée un état mental proche du stress posttraumatique. En outre, la première période de confinement était, de tout évidence destinée à se prolonger, d’où l’absence de maitrise du calendrier, ce qui a rajouté une angoisse supplémentaire. Ce n’est qu’avec la conférence de Macron mi avril qu’un horizon de déconfinement est apparu, fut-il partiel, fixé au 11 mai. C’est alors, le 16 avril, que Macron eut une formule de bon sens, tellement était forte la pression d’une partie de l’opinion publique vers un retour au réel. Cette phrase était : « Ce confinement tue à petit feu notre économie, et il ne servirait à rien de mourir guéri ».

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Les annonces délirantes de pseudo experts sur un risque probable de 500.000 morts dans un pays comme la France (qui compte 600.000 morts par an, il eut donc s’agit d’un quasi doublement) ont créé un climat parfois proche de la paranoïa. Il en a été de même des perspectives, qui ont pris la forme de menaces des autorités, notamment du ministre de l’intérieur, de confinement prolongé d’un an, voire jusqu’en 2022, de reconfinement à prévoir en cas de recrudescence de la pandémie, et encore – ce qui n’est pas le moindre motif de stress, au sens fort, un sursaut de l’instinct de liberté – de flicage généralisé (traçage) de tous par l’Etat et les opérateurs de téléphonie et d’internet, main dans la main, etc.

3 – Que pensez-vous des conseils sur le confinement comme occasion pour se recentrer sur soi ?  

Nous sommes déjà dans une époque où l’on se replie sur soi et son petit « moi », avec les fantasmes de « développement personnel », d’écoute de son « moi intérieur ». En fait, il n’y a pas de moi sans les autres, pas de moi sans lien social.

4 - Le confinement est-il une leçon d’humilité et en quoi ?

9782953938753.jpgPlutôt que d’humilité, je parlerais de sobriété. Notre vie quotidienne se fige. Nous faisons l’apprentissage d’une certaine impuissance. Beaucoup de problèmes en suspens ne peuvent pas être résolus, le temps se ralentit, alors que pourtant c’est dans l’espace que nous sommes confinés. La vie intellectuelle se ralentit aussi, la poste marche mal, Amazon lui-même ne livre plus, nous ne pouvons accéder à des livres que nous espérions avoir sous le coude, et dés lors, nous apprenons à faire avec ce que nous avons, qui s’avère toujours plus riche que ce que nous croyions. Même pour les bricoleurs, la vie est difficile, les magasins sont fermés, la dimension de conseils, les contacts humains, les échanges, la flânerie – le propre du monde urbain – est supprimée. Pour tout un chacun, l’horizon se rétrécit, même pour des choses aussi banales que pour les courses, puisque intervient le critère « de première nécessité », ce qui exclut les achats culturels et les livres bien entendu, et amène à des contrôles indécents de sacs de provision que nous n’avions pas vu depuis les fameuses « heures les plus sombres de notre histoire ». Un climat de délation s’installe parfois, qui évoque aussi l’Occupation et la Libération, et leurs vengeances sordides, du temps où « les Français ne s’aimaient pas », comme disait Georges Pompidou. Enfin, le rayon de déplacement d’abord fixé à 2 km a tout de suite été réduit à 1 km, avec interdiction d’accéder aux parcs, jardins, bords de fleuve, et autres mesures inutiles, vexatoires, stupides et liberticides. Au-delà de la peur objective du Covid, il se répand une lourdeur, voire une angoisse sourde, c’est-à-dire une peur sans objet, qu’avait évoquée Kierkegaard. Le fond de l’homme remonte à la surface. Cela ne rend pas forcément plus lucide, ni plus bienveillant, mais cela rend plus fragile. Il y a des choses qu’il vaut mieux laisser au fond des âmes. Rappelons-nous la formule de Nietzsche : « Les Grecs étaient superficiels. Par profondeur. »  

Par contre, l’un des aspects positifs du confinement est qu’il nous amène à penser à nos proches, surtout ceux isolés dans des institutions spécialisées, et à réaliser qu’il faudrait justement  faire sortir les plus âgés d’entre nous des EPHAD, en remettant les personnes âgées dans la cité, au milieu des autres générations, ce qui suppose une société de confiance, vaste programme incompatible avec le monde libéral de libre circulation des capitaux, des biens et des hommes et de fluidité générale de tout et tous.

5 – Y-a-t-il un philosophe qui ait particulièrement pensé le confinement ?  (Sur Descartes et Leibniz)

1312541-René_Descartes_à_sa_table_de_travail.jpgIl y a Descartes dans sa chambre et devant son poêle. « Je demeurais tout un jour seul, enfermé dans mon poêle, où j’avais tout le loisir de m’entretenir de mes pensée » (Discours de la méthode). Il s’isole, se met en robe de chambre, et se donne comme mot d’ordre de repartir à  zéro quant à toutes ses certitudes. "Il me semble", dit Descartes, "que ce n’est point avec des yeux endormis que je regarde ce papier ; que cette tête que je remue n’est point assoupie ; que c’est avec dessein et de propos délibéré que j’étends cette main, et que je la sens…" Et pourtant, poursuit-il, combien de fois, "m’est-il arrivé de songer la nuit, que j’étais en ce lieu, que j’étais habillé, que j’étais auprès du feu"… alors que j’étais "tout nu dans mon lit ?" C’est du solipsisme : Descartes considère que la seule réalité stable c’est qu’il est un sujet pensant. Et il en arrive à « je pense, donc je suis ». On commence par le doute, avec Descartes, et le doute mène à l’empirisme, et l’empirisme mène à la certitude du moi, et de là, on reconstruit tout. Mais si « je suis, j’existe » ? Je suis quel existant ?  Qu’est-ce que je suis ?

Au sentiment d’inutilité du au désoeuvrement, Montaigne, de son côté, répond : (vous dites n’avoir rien fait ?) «Quoi, n’avez-vous pas vécu? C’est non seulement la fondamentale, mais la plus illustre de vos occupations. Avez-vous su méditer et manier votre vie? Vous avez fait la plus grande besogne de toutes. Notre grand et glorieux chef-d’œuvre, c’est de vivre à propos.»

*

Beaucoup plus profonde est l’analyse que nous pouvons tirer de Leibniz à propos du confinement. La monade est l’élément essentiel de la philosophie de Leibniz. Chaque monade est sans porte ni fenêtre. Elle est donc enfermée chez elle. La monade se confine. Mais il y a des liens entre les monades. Il y a un système qui les fait tenir ensemble. Quelle est la forme actuelle de ce système ? Qu’est-ce qui nous fait tenir ensemble en ce moment, en période de confinement ? C’est internet. Notre connexion internet,  c’est l’équivalent de l’harmonie préétablie chez Leibniz. Cette harmonie est Dieu tel qu’il nous apparait. C’est Dieu tel que nous le voyons. Et quand nous ne le voyons pas, c’est à dire quand nous doutons de cette harmonie, qui ne nous parait pas évidente, en temps de guerre par exemple, c’est encore Dieu qui l’a voulu. Car cette harmonie n’est pas une perfection aux yeux de l’homme, mais elle est bien une perception selon Dieu. C’est le meilleur des mondes possibles. Et si internet sort renforcé du confinement suite à la crise du coronavirus, c’est bien la preuve qu’internet est notre nouveau Dieu, que rien ne saurait affaiblir. Internet est donc la forme postmoderne de l’harmonie préétablie, dont l’électricité – la fée électricité – était la forme moderne.  Comme il est Dieu, notre internet ne doit pas souffrir d’imperfections trop manifestes. Il doit apparaitre sans aspérités, lisse, débarrassé des « contenus haineux », c’est-à-dire polémiques. La seule haine souhaitée est celle qui doit nous dresser contre le « repli nationaliste » ou  la « lèpre populiste ». Chaque point d’internet, chaque point du réseau a ceci de commun avec les monades d’être connecté avec la totalité, et d’être à la fois émetteur et récepteur, et relais de transmission.

Ce qui est important dans la théorie de Leibniz, c’est que les monades n’agissent jamais l’une sur l’autre.  Aucune n’est non plus la cause de l’autre, ou la cause d’un changement chez l’autre. Internet, ou plus précisément les géants d’internet, voudraient que nous fonctionnions de la même façon. Mais heureusement, l’homme reste un grain de sable que le système ne peut éliminer. Des réseaux se sont formés et se forment. Ils échappent à la logique d’ensemble du système, et ce système lui-même n’est pas homogène. Il est poreux. Des éléments y entrent, des éléments en sortent. Rien n’est jamais joué d’avance. C’est le jeu du monde contre la fixité.

Dans le système de Leibniz, chaque monade reflète tout l’univers, comme dans la théorie des fractales. Emile Boutroux écrit à propos de la Monadologie de Leibniz : « Dieu a, dés l’origine, réglé toutes les monades sans exception de manière qu’à chaque perception distincte de l’une d’elles correspondent en toutes les autres des perceptions confuses, et réciproquement, de telle sorte que chaque monade soit représentative de tout l’univers, à son point de vue ». Chaque point nous dit donc ce qu’est le réseau, mais chaque point n’a de sens que parce qu’il est en réseau. Il y a induction. De la monade, on peut déduire le système.

Chaque monade reflète donc le monde, mais elle ne peut transformer le monde. L’harmonie universelle de Leibniz a pris comme nom, après lui, la « main invisible » du marché d’Adam Smith, puis la « concurrence libre et non faussée » de la secte technocratique de Bruxelles, qui a édifié une nouvelle « prison des peuples », et des mondialistes plus généralement.

Le confinement réalise un projet radical d’harmonie universelle autoritaire, mettant l’homme dans la dépendance totale des réseaux internet, de la géolocalisation minute par minute, et donnant à la méga-machine du pouvoir une visibilité sur nos vies dont elle rêvait sans oser l’envisager aussi efficace et sophistiquée. Il est heureux que des résistances aient, peu ou prou, et provisoirement, mis quelques bornes, fragiles, à ces tentatives de mettre nos vies dans une transparence totale, via internet, vis-à-vis des pouvoirs, devenus de véritables biopouvoirs.

A cet égard, un des spectacles réjouissants dans le confinement a été l’investissement sauvage de terrains de sport par des jeunes.  C’est le soulèvement de la vie.  On ne peut pas déplorer une délinquance issue d’une partie de la jeunesse si on ne lui permet pas de dépenser son énergie de façon positive.  

6 – Qu’est-ce que nous dit, de son côté, Blaise Pascal ?

Pascal.jpgLe divertissement, selon Pascal, nous console en même temps qu’il témoigne de notre misère. Que dit Pascal ? « J’ai dit souvent que le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre ». Il parle du va et vient entre excitation et ennui. « Ainsi s’écoule toute la vie : on cherche le repos en combattant quelques obstacles, et  si on les a surmontés, le repos devient insupportable par l’ennui qu’il engendre. Il faut en sortir et mendier le tumulte ».  Cette oscillation, c’est le fruit de notre condition « faible et mortelle ».

Pascal réfléchit sur la façon dont nous pouvons vivre en étant face à nous-mêmes. Il craint que nous nous jetions de façon excessive dans le divertissement car nous sommes faibles. « Coeurs creux et plein d’ordures », écrit–il à propos des hommes. Evidemment, le confinement nous enlève à notre bougisme et à son illusion. Il a quelque vertu en ce sens, si nous savons y faire face. Il nous laisse à la nudité de nous-mêmes et à la nudité du monde. Nudité de l’homme, nudité du monde, il ne reste à l’homme qu’une troisième dimension, qui peut nous sauver, Dieu.

On n’est pas obligé de suivre Pascal. Le monde ne me parait pas seulement ce qui se voit sur une carte du monde. Le monde n’est pas à deux dimensions. Il est déjà à trois dimensions. Cette troisième dimension n’est pas forcément le Dieu de Pascal, ou plutôt, elle le précède, c’est le mystère du monde, c’est le divin du monde, c’est l’épaisseur du monde. Le monde est le lieu même du divin, et le divin n’est pas hors du monde : voilà la querelle que nous pouvons avoir, et sans doute devons avoir, avec Pascal.  

S’il y a des limites physiques à la consommation de la terre, à son arraisonnement comme réservoir d’énergies, qui sont limitées, par contre, la terre comme cosmos, le monde comme phusis, est illimité sous le registre des mythes et de l’énergie vitale. Energie en grec se dit energeia et veut dire acte, et être en acte est ce qui caractérise le dieu, tandis que la puissance (dunamis) est ce qui attend d’être actualisé. Le monde est une puissance que nous pouvons mettre en acte de manière infinie. Car la puissance n’est pas démonie matérielle, elle est l’infini poétique. Poïesis veut dire « faire, créer » en grec.

7 – On raconte que Kant sortait très peu. Ne pratiquait-il pas un auto-confinement, ce qui veut dire qu’il lui trouvait quelque vertu ? A-t-il des choses à nous dire du confinement ? 

Kant n’aura modifié le trajet de sa promenade quotidienne que deux fois, dit-on, pour s’acheter un livre de Rousseau, et à l’annonce de la prise de la Bastille, preuve d’un fort ébranlement du pouvoir interprété comme début de la Révolution française.

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Le confinement de Kant doit être vu sous un autre angle que celui, anecdotique, du mode de vie de ce philosophe. Kant connaitra un déconfinement mental à la lecture de David Hume. Le scepticisme est en effet la conséquence de l’empirisme (l‘inverse, l’empirisme comme conséquence du scepticisme peut aussi être vrai).

S’il n’y a pas de lois de la raison, il n’y a que des répétitions que nous montre l’expérience, mais elles n’indiquent pas l’existence de lois, elles ne sont peut-être que de simples coïncidences. Kant conclut de son analyse de Hume que la raison ne doit pas être dogmatique, qu’elle doit savoir limiter le champ de ses certitudes. Il faut donc opérer une critique de la raison pure, car la pure raison a des limites strictes. C’est ainsi que l’on détermine  le champ de pertinence de la raison, qui est limité.

La raison ne soit pas sortir de son domaine, qui est celui des jugements a priori, tautologiques et de quelques jugements synthétiques, géométriques et mathématiques. La raison doit donc restée confinée.  Elle ne doit pas, notamment, se promener sur les territoires de la métaphysique (qu’est-ce que l’âme, qu’est-ce que dieu, qu’est-ce que le monde ?).

Les jugements ou vérités a priori, qui relèvent de la raison, sont analytiques. Cela veut dire qu’ils n’ajoutent rien au point de départ. Exemple : « Tous les corps sont étendus » (c’est la définition même d’un corps). Il y a toutefois quelques jugements a priori qui sont synthétiques, c’est-à-dire qui ajoutent quelque chose de plus à l’énoncé de départ. C’est le cas des jugements ou vérités mathématiques : 5 +3 = 8. Huit n’est pas compris dans l’énoncé de départ. C’est le cas de la remarque comme quoi la somme des angles d’un triangle est égale à deux angles droits, soit un angle de 180° ou angle plat (ou ligne droite, ou absence d’angle).

Les jugements synthétiques a priori sont mathématiques ou épistémologiques, ils sont a priori en ce sens qu’ils n’ont pas besoin d’être vérifiés par l’expérience. Un exemple de jugement synthétique a priori est, en épistémologie, le jugement : « Tout ce qui arrive a une cause ». Ces jugements ne portent jamais sur dieu, l’âme, le monde, et l’expérience, et les jugements synthétiques a posteriori ne portent pas non plus là-dessus. Sur ces sujets, dieu, l’âme, le monde, on ne peut donc rien dire, ce qui n’empêche pas de croire, et d’avoir raison de croire, mais pour des raisons qui relèvent de la raison pratique.  

8 – Voyez-vous des leçons à tirer d’autres philosophes quant au confinement ?  Sénèque, Rousseau, Schopenhauer, Michel Foucault ?

1b9499731f0cfbb7e7f5f5b826330424_XL.jpgSénèque, dans La Tranquillité de l’âme, parle de l’homme « qui ne supporte pas d’être chez soi, entre les murs de sa chambre, (…) abandonné à soi-même. De là cet ennui, ce dégoût de soi, ce tourbillon de l’âme qui ne se fixe jamais nulle part (…). De là cet état d’esprit qui conduit les hommes à détester le loisir et à se plaindre de n’avoir rien à faire » (entretien 47 et 62). Alain Finkielkraut faisait une remarque analogue en préparant un entretien au début du confinement. C’est ce que Cassien le Romain et Evagre le Pontique, Pères de l’Eglise, appelleront l’acédie. A-kédia : privation de quiétude. Le sage se caractérise selon Sénèque par la « persévérance dans le rien faire » (Lettre à Lucilius, 63-64). Pas sûr qu’une telle recette, anti-prométhéenne et plus encore a-sociale, soit entendable aujourd’hui. Elle n’est du reste peut-être pas souhaitable.

Rousseau, de son côté, relate une expérience personnelle. Il est confiné à Gènes suite à une épidémie, la peste de Messine. Il écrit : « Seul, je n’ai jamais connu l’ennui (…) Mon imagination remplit tous les vides » (Les Confessions, II, 12).  Il faut quand même savoir que, à Gènes, dans son lazaret, se promenant dans le cimetière protestant, Rousseau avait une vue sur la mer. C’est bon pour le moral.

On ne peut passer sous silence Schopenhauer qui, dans les Parerga (suppléments), série d’essais philosophiques, évoque le dilemme du porc-épic. Seul, il s’ennuie. En groupe, il se pique à ses congénères. Comme les porcs-épics, les humains ont besoin de société mais… qui s’y frotte s’y pique. « On n’a pas arrêté de chercher à me mettre des bâtons dans les roues… » dit Didier Raoult.  Il ajoute : « Je suis nietzschéen. L’adversité me rend plus fort ». Schopenhauer, pessimiste radial, dit de son côté : « les hommes se groupent », mais c’est « pour s’ennuyer en commun ».  « Se suffire à soi-même, poursuit Schopenhauer, voilà certainement la condition la plus favorable pour notre bonheur » (Aphorismes sur la sagesse dans la vie, 1851).

Disons encore deux mots d’un autre philosophe, Michel Foucault, dont une bonne partie de l’œuvre concerne l’enfermement. Il souligne que les mesures consécutives aux pestes réalisent l’idéal d’une cité  parfaite. « Hiérarchie, surveillance, regard, écriture » (il n’y avait pas internet et le téléphone) : la ville est « immobilisée dans le fonctionnement d’un pouvoir extensif qui porte de façon distincte sur tous les corps individuels » (Surveiller et punir).  La peste, et d’une manière générale les épidémies sont l’occasion de la mise en place d’un pouvoir ultra-disciplinaire, de façon à se rapprocher le plus possible d’un modèle théorique parfait du point de vue du pouvoir.

Après la crise des Gilets jaunes et la peur qui s’est emparé du pouvoir, la pandémie  du Covid-19, du niveau de la grippe de Hong Kong (plus de 30 000 morts en 1969 pour la France) a été une occasion inespérée, voire un prétexte pour mettre en place un contrôle sans précédent du peuple de France, au cours d’un stage grandeur nature d’accoutumance à la soumission, sans parler du (mauvais) spectacle de mensonges et d’abêtissement donné par le pouvoir.

 

Manifestations en Espagne: une révolution conservatrice en marche?

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Manifestations en Espagne: une révolution conservatrice en marche?

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Par Juanma BADENAS

(traduction de l’espagnol Michel LHOMME)

La transgression, la modernité et la révolution sont maintenant de droite mais selon l’auteur, il ne s’agit pas seulement d’un phénomène esthétique mais aussi politique car il trouve ses racines dans la révolution conservatrice allemande d’il y a un siècle et ce qui se passe en Espagne depuis quelques jours en serait un signe positif. ML.

Il y a quelques jours, j’ai lu un article publié par un site internet concurrent intitulé « La révolte des enfants bien » (https://www.elespanol.com/opinion/columnas/20200516/revue... ) et il semblerait que certaines personnes en veulent ou sont agacés de voir qu’il y a des gens qui manifestent et descendent dans les rues en brouhaha de klaxons ou de casseroles, comme si finalement le droit de manifester n’était que le privilège exclusif des « progressistes ». Les participants de ces manifestations spontanées scandent des appels à la liberté, appellent à la démission du gouvernement, agitent des drapeaux espagnols mais, et c’est ce qu’on leur reproche, on ne les entend pas réclamer des avantages économiques ou quelque chose dans le genre. Alors de manière irrespectueuse et pour les dénigrer, on parle de la « révolution du club de golf », de la « révolte de la cuillère d’argent » ou de la « mutinerie du sac Louis Vuitton » (https://metainfos.fr/2020/05/24/casseroles-et-klaxons-nom...). 

Le prix Nobel de littérature Thomas Mann n’est pas seulement connu pour avoir écrit des romans célèbres comme Mort à Venise (que l’on a tant cité pendant la pandémie), mais aussi certains essais et articles, dont Russian Anthology, publiés en 1921. Dans ce dernier, l’écrivain allemand a été le premier à créer l’expression Konservative Revolution, « révolution conservatrice » qui a donné son nom à un mouvement politique qui s’est développé en Allemagne au cours des premières décennies du XXe siècle et s’est terminé brutalement avec l’arrivée du nazisme. Il s’agit d’un mouvement intellectuellement puissant auquel participent d’autres auteurs notables comme Ernst Jünger, Carl Schmitt, Hugo von Hofmannsthal et Edgard Julius Jung (assassiné par la Gestapo, en juillet 1934, lors de la «Nuit des couteaux»). Ils se sont tous inspirés des travaux d’un autre auteur allemand bien connu, Oswald Spengler et son œuvre magistrale, Le déclin de l’Occident. Le futurisme, dirigé par Filippo Marinetti, poète italien, dont le manifeste fut publié par Le Figaro en 1909, peut être incorporé dans ce mouvement, de telle sorte que nombreux sont ceux qui réalisèrent alors, pour la première fois, que le moderne, l’avant-garde, le révolutionnaire pouvait être de droite .

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Deux idées principales peuvent être détectées dans cette révolution conservatrice : la palingénésie ou l’esprit de régénération dont, selon ces auteurs, l’Europe avait besoin; et la juxtaposition de la tradition avec la technique. 

Bien qu’il puisse sembler qu’il s’agit de deux points de vue très éloignés, c’est peut-être la même motivation qui a poussé ces intellectuels européens, à manifester à l’époque comme ceux qui maintenant réclament la liberté et agitent les drapeaux dans les rues d’Espagne. Comme la révolution conservatrice allemande, les manifestants espagnols sont animés d’un esprit de régénération nationale (et démocratique). Ils savent que le gouvernement a profité de l’état d’urgence sanitaire irrégulier pour imposer son histoire et son discours, et même de manière oppressive, suspendant des droits fondamentaux qui n’ont rien à voir avec la maîtrise d’une épidémie. Le simple discours pseudo-juridique (et légal) qui essaie de la justifier, est un leurre absolu et en même temps un symptôme de plus du besoin de régénération technico-démocratique dont notre société a besoin. Les Espagnols, comme ces Allemands et ces Italiens contestataires [surprenante au passage la soumission en silence des Français; NdT ] exigent également la restauration de la science et de la technique (y compris juridique) sur la politique, car seules les deux premières sont des garanties de sauver des vies et marquent un progrès social, par rapport à l’emprisonnement, la mort et l’appauvrissement des politiques.

Les conservateurs espagnols ont du mal à manifester

Bien que chaque jour il y en ait de plus en plus qui descendent dans la rue, il apparut difficile au départ pour les conservateurs espagnols de manifester et cela pour plusieurs raisons.

La première est que le politiquement correct est une fabrique de lâches. Nous sommes sous l’influence de cette maladie sociale pernicieuse depuis plusieurs décennies, aussi dangereuse pour la gangrène nationale qu’une pandémie, et qui affecte non seulement la gauche, mais aussi et très fortement la droite. 

La seconde concerne les fondements moraux de la pensée de droite, parmi lesquels l’autorité, la loyauté et la défense du capital moral de la nation. Les conservateurs doivent toujours alors faire beaucoup d’efforts pour se rebeller contre l’autorité de leurs dirigeants. Cela va à l’encontre de leur base morale, ancrée, comme je l’ai dit, dans le principe d’autorité. Tout comme la gauche se méfie de la police et, surtout, de la garde civile, considérant qu’il s’agit d’organes répressifs, la droite éprouve de la sympathie pour le corps et les forces de sécurité, car ils sont censés servir l’intérêt général de la nation et la renforcer. [En France, ces sont ces stupides réclamations que l’on attend régulièrement devant les forces de l’ordre : « les flics, la police avec nous ! »].  

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Il semble à certains conservateurs que critiquer le gouvernement, même pour d’énormes erreurs et négligences, pourrait être interprété comme un manque de loyauté envers le groupe et pourrait nuire à la communauté nationale. Les droitiers se soucient beaucoup de la nation et de sa considération, à l’intérieur et à l’extérieur du territoire; quelque chose qui est bien sûr le moindre des soucis des gens de gauche. Même si ce qui est arrivé en Espagne est dû à d’énormes erreurs et négligences, le critiquer pourrait être interprété comme un manque de loyauté envers le groupe et pourrait nuire à la communauté nationale.

A l’inverse, cela ne coûte rien aux faux « progressistes », bien au contraire (c’est même dans leurs gènes), d’attaquer et de se rebeller contre l’autorité de gouvernements qui ne sont pas de gauche, parce qu’ils ne croient pas à ce principe et ne ressentent pas la moindre culpabilité pour avoir trahi la loyauté de la nation à laquelle ils appartiennent. En réalité, ils se considèrent comme des citoyens du monde et les rédempteurs de l’oppression internationale. Un  « progressise » se montrera toujours propice à faire preuve de solidarité avec la cause d’un réfugié ou d’un immigrant illégal plutôt qu’avec son malheureux voisin du septième, à l’égard duquel il n’a aucun scrupule à démontrer sa supposée supériorité morale, surtout dans le cas où il serait de droite ou du centre ce qui pour lui est à peu près la même chose ! Pendant le confinement, nous n’avons vu aucune ONG d’aide internationale ne s’est convertie pour créer une banque alimentaire pour les citoyens espagnols, tandis que toutes les Cáritas et autres organisations traditionnelles ont intensifié leur aide sociale aux illégaux.

À ce qui précède, nous devons ajouter une autre question qui n’est pas anodine. Jean Delumeau, dans son œuvre La peur en Occident, entre autres, décrit comment les pandémies et la peste ont été reçues par les citoyens européens entre le 14e et le 18e siècle. L’enfermement des populations (dans les villes et villages, pour la plupart murés et aux entrées et sorties étroites et contrôlées) a provoqué la panique des voisins qui, faute de moyens ou ne l’ayant pas connu à temps, ont été piégés. Dans ces villes, vingt, trente et même quarante pour cent des habitants d’origine ont fini par mourir. Les témoignages documentés de l’époque mettent en évidence deux types d’attitude face à la peur engendrée par la peste: la lâcheté de la majorité, par rapport au courage et à même à l’héroïsme de certains citoyens, très peu nombreux.

À l’heure actuelle du bilan du confinement, la deuxième attitude s’est avérée elle-aussi très rare, mise à part celle des médecins, des infirmières, des aides-soignants, des forces de l’ordre et de l’armée qui méritent une mention spéciale, ainsi que certains bénévoles, qui ont mis leur vie en danger pour sauver les autres. Comme, par exemple, les moines capucins qui ont assisté avec dévouement – contrairement à d’autres ordres religieux qui ont préféré fuir – le peuple de Paris lors de la peste qui s’est développée entre 1580 et 1581. Le gouvernement sait de quoi je parle, et c’est pourquoi, il continuera de faire appel à  » l’union de tous », ce qui équivaut à exiger la loyauté des citoyens.  Quant aux gauchistes espagnols, le gouvernement les tient par l’idéologie et aussi mauvais qu’il soit, ces gauchards ne verront jamais rien et ne le critiqueront jamais ! Les idéologies, comme le soulignait Jean-François Revel, rendent impossible tout jugement objectif. Ainsi, le gouvernement espagnol en profite et en appelle à la tradition de loyauté et d’autorité des « droitiers » pour éviter la révolte.

Cependant, les citoyens qui ne sont pas de gauche doivent ouvrir les yeux. L’autre partie est en effet aveuglée: l’idéologie l’emporte sur la Constitution. La loyauté envers la nation ne doit pas nécessairement coïncider avec l’adhésion à son gouvernement, surtout s’il s’agit d’un gouvernement inepte qui abuse également des normes juridiques pour imposer une politique autoritaire. Le moment est venu de renoncer aux attitudes compromettantes. Une nouvelle morale est en train de naître. Nous commençons à l’avoir dans nos esprits. Les masques doivent tomber et pour paraphraser Marinetti, « le courage, l’audace et la rébellion seront des éléments essentiels de la nouvelle poésie ». C’est une vraie révolution qui alors peut-être se prépare….

SOURCE : https://elmanifiesto.com/
 

Le mémoriel russe doit rester pacifique

Se souvenir des blessures dont la patrie a souffert, ne pas oublier les drames qui l’ont marquée et qui font partie de son histoire est parfaitement compréhensible et naturel, d’autant que ces moments douloureux ont souvent contribué à forger son unité. Quoi de plus normal également, que ceux qui en furent les martyrs, les héros, soient honorés. Mais tout ceci doit rester dans le cadre national et ne pas se transformer en haine contre l’autre.

Des atrocités, les guerres en regorgent. Elles résultent souvent d’ambitions, nationales, mais parfois personnelles. Aucun des camps qui s’affrontent ne peut prétendre se parer du blanc-manteau de l’innocence. Au nom de valeurs trop fréquemment hypothétiques, elles voient les peuples s’écharper allégrement. L’apogée dans l’horreur revenant certainement à la seconde guerre mondiale, où l’inhumanité a atteint son paroxysme.

Malgré tout ce qui rapproche les peuples européens, les difficultés à s’unir, pour contrebalancer les deux grandes puissances dominatrices et celles qui commencent à émerger, sont difficiles à dépasser. Il en va ainsi avec la Russie, pourtant nécessaire à la grande Europe, qui nous hisserait au premier rang mondial.

Cette immense entité serait sécurisante et avantageuse pour les deux parties, l’Union européenne et la Russie. Ce n’est pas en exhumant les contentieux d’une histoire, même récente, que l’on y parviendra. Laissons le temps poursuivre son œuvre d’apaisement. Les cicatrices seront toujours présentes, mais elles doivent surtout nous rappeler que la coopération et la paix doivent seules nous inspirer.

La Russie peut-être amère, face à une Europe qui n’a pas su, pour certains de ses membres pas voulu, saisir l’occasion d’engager une saine et féconde coopération.

Pour notre part, nous avons souvent dénoncé l’attitude malveillante de certaines initiatives européennes. Le Partenariat Oriental illustre ce comportement.

Particulièrement cynique et provocateur, à travers toutes les dispositions, politiques, sécuritaires et économiques, il nuit à la Russie. De même, nous nous sommes élevés contre les sanctions démesurées, prises lors de l’annexion de la Crimée.

Tout bien considéré, elles sont loin d’être justifiées, cette région étant historiquement, linguistiquement, culturellement, russe. Quelle curiosité cet empressement à châtier ce pays, alors que ces mêmes censeurs sont totalement passifs, face aux annexions absolument arbitraires, commises par d’autres nations dans le monde. Cela étant, la dernière initiative prise par la Russie, concernant la Finlande, est pour le moins inappropriée.

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N’extirpons pas de la mémoire des faits douloureux ou glorieux, capables de faire ressurgir du tréfonds de l’être, des sentiments de revanche. Posons-nous la question de savoir si les batailles mémorielles qu’ils vont alimenter sont nécessaires pour laver des affronts.

L’intérêt des nations ne s’identifie pas forcément à celui de ses dirigeants. En ouvrant une enquête pénale contre la Finlande, sous le chef d’accusation de génocide, la Russie ne favorise guère le bon voisinage.

Les faits reprochés, des crimes commis par les troupes d’occupation finlandaises entre 1941 et 1942 en Carélie, ne soulèvent aucun doute. Cependant, les termes de l’accusation, par les graves implications qui peuvent en résulter, nous semblent excessifs. Que la Russie désire explorer ce passé lancinant, pour en connaître toutes les facettes, rien de plus naturel. Les historiens dont c’est la vocation et la compétence peuvent mener ces recherches, en toute honnêteté et au seul profit de l’histoire.

Contrairement à la majorité des autres pays de la région, qui à l’instar de la Pologne, entretiennent une suspicion chargée d’agressivité à l’égard de la Russie, la Finlande est plutôt placide. Malgré les incursions de l’aviation russe dans son espace aérien, elle a des rapports apaisés. La Finlande a fait preuve de bonne volonté.

Elle a privilégié une mitoyenneté profitable et toujours recherché le dialogue. L’attitude de la Russie n’en est que plus déroutante et interrogative. Enjeu des rivalités territoriales russo-finlandaises, la Carélie est une région martyre, qui n’a pas été épargnée lors de la seconde guerre mondiale. Durant cette période, l’armée finlandaise a commis des meurtres en Carélie orientale, qui sont connus et qu’elle a reconnus. Au-delà du problème soulevé, les drames qui ont ravagé cette région n’honorent ni la Finlande, ni la Russie.

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Le président Urho Kekkonen, ancien des Corps francs anticommunistes finlandais et artisan d'une paix durable avec l'URSS.

Dans le passé, Le Président Vladimir Poutine nous avait habitués à une autre approche de ce type de question. À Varsovie, en avril 2010 et alors qu’en 2008 la Pologne avait signé l’accord sur le bouclier antimissile, il a déclaré, concernant le massacre de Katyn « Un crime ne peut être justifié d’aucune manière », ajoutant « Nous n’avons pas le pouvoir de changer le passé, mais nous pouvons rétablir la vérité et la justice historique. »

Enfin, rejetant tout impérialisme : « Dans l’Europe du XXIe siècle, il n’y a pas d’alternative à un bon voisinage entre la Pologne et la Russie. »

C’est ce langage que nous aimerions voir adopter à l’égard de la Finlande qui, contrairement à la Pologne, a constamment manifesté son désir d’entretenir des rapports pacifiés. La construction de la grande Europe doit emprunter les chemins de la conciliation.

Il est logique que la Russie, comme toutes les nations, recherche la vérité sur les événements qui l’ont affectée. Mais cette quête doit seulement concourir à construire son histoire.

Guerre froide « 2.0 » : le coronavirus n’est qu’un prétexte

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Guerre froide « 2.0 » : le coronavirus n’est qu’un prétexte

Éditorial d'Éric Denécé (revue de presse : Centre Français de Recherche sur le Renseignement – mai 2020)*

Ex: https://cf2r.org

Un nouvel ordre mondial, organisé autour d’une nouvelle rivalité stratégique Etats-Unis/Chine structurant les relations internationales, pourrait bien enfin s’esquisser, trente ans après la chute de l’URSS et la fin de la Guerre froide.

L’épidémie du coronavirus a déclenché une crise sanitaire et une crise économique. Elle va également marquer une rupture géopolitique dont les premiers signes sont déjà visibles. Cette rupture se fonde sur deux éléments : l’un faux, l’autre vrai.

Mensonges et provocations américains

La fausse raison de cette évolution internationale majeure est la soi-disant responsabilité chinoise dans la diffusion de la pandémie.

Depuis plusieurs semaines, le Président américain a, à plusieurs reprises, accusé la Chine d’être responsable de la propagation du coronavirus dans le monde. Donald Trump a déclaré, le 30 avril, que le virus proviendrait d’un laboratoire de Wuhan[1]. Les failles de sécurité du laboratoire P4 sont l’occasion au passage, d’égratigner la France. Il a également menacé Pékin de représailles. Le 6 mai 2020, il a déclaré que l’épidémie actuelle, partie de Chine, est la « pire attaque de l’histoire contre les États-Unis, encore pire que Pearl Harbor ou les attentats du 11 septembre 2001 ». Trump a de nouveau critiqué Pékin pour avoir laissé le virus quitter le pays et considère que la Chine constitue « la menace géopolitique la plus importante pour les Etats-Unis pour le siècle à venir ».

Le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, n’a pas pris de gants non plus pour faire monter d’un cran supplémentaire l’escalade verbale à l’encontre de Pékin[2]. « Il existe des preuves immenses que c’est de là que c’est parti », a déclaré le secrétaire d’Etat sur la chaîne ABC, à propos de l’Institut de virologie de Wuhan. « Ce n’est pas la première fois que la Chine met ainsi le monde en danger à cause de laboratoires ne respectant pas les normes », a-t-il ajouté. Il a également dénoncé le manque de coopération des responsables chinois afin de faire la lumière sur l’origine exacte de la pandémie : « Ils continuent d’empêcher l’accès aux Occidentaux, aux meilleurs médecins », a-t-il dit sur ABC. « Il faut que nous puissions aller là-bas. Nous n’avons toujours pas les échantillons du virus dont nous avons besoin ».

Le secrétaire d’État a déclaré que le gouvernement Chinois avait fait tout ce qu’il pouvait « pour s’assurer que le monde ne soit pas informé en temps opportun » sur le virus. Il a déclaré à ABC que le Parti communiste chinois s’était engagé dans un « effort classique de désinformation communiste » en faisant taire les professionnels de la santé et en muselant les journalistes pour limiter la diffusion d’informations sur le virus.

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Ces attaques ont été appuyées par diverses productions gouvernementales falsifiant également la réalité dans le même sens, afin de donner corps à la réalité que la Maison-Blanche souhaite diffuser et imposer.

Selon l’Associated Press, un rapport de quatre pages du Département de la sécurité intérieure (DHS) accuse le Chine de n’avoir pas divulgué des informations sur le virus afin de mieux préparer sa réponse à la pandémie. Ce document indique que Pékin a diminué ses exportations et accru ses importations de fournitures médicales en janvier, ce qui incite le DHS à conclure « avec une certitude de 95% » que ces changements dans les importations de produits médicaux ne sont pas normaux.

De même, un rapport affirmant être une production des Five Eyes[3] – ce qui a été démenti -, publié par le Daily Star[4] britannique, avance que la Chine a sciemment détruit des preuves sur l’origine du coronavirus. Selon le journal, le document de quinze pages indique que le gouvernement chinois a fait taire ou « disparaître » les médecins s’étant exprimé sur le sujet, et a refusé de partager des échantillons avec la communauté scientifique internationale. Le dossier également affirme que le virus a été divulgué à l’Institut de virologie de Wuhan fin 2019. 

L’analyse des services de renseignement

Les déclarations du président et de son secrétaire d’Etat sont contredites par l’analyse des services de renseignement américains. Ces derniers ont annoncé être parvenus à la conclusion que le Covid-19 n’avait pas été créé ou modifié génétiquement par l’homme. Toutefois, ils ne disposent pas d’informations suffisantes « pour déterminer si l’épidémie a commencé par un contact avec des animaux infectés ou si elle a été le résultat d’un accident de laboratoire à Wuhan ».

Les informations partagées entre les services de renseignement des Five Eyes les conduisent à conclure qu’il est “hautement improbable” que l’épidémie de coronavirus se soit propagée à la suite d’un accident dans un laboratoire, mais plutôt sur un marché chinois. « Il est très probable qu’elle se soit produite naturellement et que l’infection humaine soit due à une interaction naturelle entre l’homme et l’animal » [5].

En France, l’hebdomadaire Valeurs actuelles rapporte que de nombreuses sources qu’il a interrogées fin avril dans les services de renseignement français (spécialistes du contre-espionnage ou des armes chimiques et bactériologiques) sur l’origine du coronavirus, ont l’absolue certitude que ce n’est pas une fuite du laboratoire P4. « Toutes les souches analysées montrent qu’elles n’ont pas été modifiées humainement. La souche est bien animale, elle a été transmise à l’homme sans qu’on sache encore exactement pourquoi. Elle ne vient pas d’une fausse manipulation ou d’une fuite ».

Le rédacteur en chef de la revue médicale The Lancet est également intervenu pour réfuter les allégations fallacieuses des autorités américaines. L’attribution à une origine humaine du virus est écartée par tous les virologues sérieux. Il a insisté sur l’intérêt des publications chinoises en la matière, riches en données.

Toutefois, les attaques mensongères de l’administration américaine n’exonèrent pas les autorités chinoises d’un certain nombre d’erreurs et de dissimulations.

Erreurs et responsabilités de la Chine

Indéniablement, les autorités chinoises – dans un premier temps à Wuhan et dans un second temps à Pékin – ont tardé à réagir et à communiquer, voire ont eu tendance à minimiser l’épidémie. Pour cette raison, Pekin fait l’objet de nombreuses critiques internationales. Mais concédons-là qu’il est facile de juger après coup. Cette épidémie est nouvelle et sa rapidité de diffusion semblait difficile à anticiper.

201405-COUV.jpgToutefois, après avoir initialement dissimulé la gravité de l’épidémie, face aux soupçons, au lieu de jouer la carte de la transparence, le gouvernement chinois a déchaîné sa propagande contre ceux qui osaient critiquer sa version officielle et n’a pas hésité à faire la leçon à aux pays occidentaux sur leur propre gestion de l’épidémie. Cette attitude a braqué contre la Chine la majorité des Etats occidentaux et des voix se sont élevées pour réclamer une enquête de l’Organisation mondiale de la santé sur l’origine du virus, ce qu’a refusé Pékin, de même qu’il a refusé de participer aux financements lors des réunions de donateurs pour lutter mondialement contre l’épidémie.

En revanche, la Chine s’est attachée à fournir une aide à de nombreux pays dans un cadre systématiquement bilatéral, cherchant par ce biais à donner une image de puissance « aidante », mais sans parvenir à tromper personne sur le jeu d’influence se cachant derrière cette manœuvre. En agissant ainsi, la Chine s’est attirée des critiques redoublées.

Ainsi, l’hostilité au régime chinois a atteint un niveau sans précédent depuis la répression sanglante du mouvement étudiant de Tiananmen en 1989 et pourrait avoir de lourdes conséquences diplomatiques. Les pressions dont la Chine fait l’objet n’émanent pas uniquement des Etats-Unis. Elles sont exercées aussi par l’Australie, le Japon, les pays d’Asie et l’Union européenne. Tous demandent des comptes tant les éléments s’accumulent prouvant que le régime chinois a dissimulé, au départ, l’étendue de l’épidémie.

Réalité de la menace chinoise

Toutefois, la véritable raison de la virulence de la réaction américaine contre la Chine est ailleurs. Et elle est double. D’une part, Washington ne cesse de s’inquiéter depuis plusieurs années de la montée en puissance de ce nouvel adversaire stratégique en passe de remettre en cause son leadership ; d’autre part, afin de relancer leur économie, de relocaliser une part de leur production industrielle et de consolider autour d‘eux le camp occidental, les Etats-Unis ont besoin d’une nouvelle Guerre froide.

Si une partie des arguments employés par Washington contre Pékin sont fallacieux, force est de constater qu’il y a de très nombreuses raisons de s’inquiéter sérieusement du développement continu de la puissance chinoise depuis la fin de la Guerre froide.

– La Chine est devenue l’usine du monde en matière d’informatique, d’électronique, de médicaments, de textile, etc. Si tout le monde en avait conscience, la crise récente via les pratiques de confinement et l’interruption des transports internationaux a permis au monde occidental de mesurer à quel point il était dépendant de Pékin. Les délocalisations à outrance vers la Chine et les pays à faible coût de main d’œuvre ont profondément affaibli la résilience de nos économies et de nos systèmes de santé, ce qui n’est pas acceptable et doit être corrigé. La crise a également permis de mesurer la flexibilité, l’efficacité et la réactivité industrielle de la Chine, ce dont l’Occident n’est plus capable.

– Depuis de nombreuses années, la Chine, dans la cadre de son projet des Nouvelles routes de la soie, s’implante dans le monde entier, par des investissements massifs dans les infrastructures – ne reculant jamais devant la corruption des autorités locales – et via le rachat de très nombreuses entreprises, y compris au sein de l’Union européenne. Ces nombreuses acquisitions d’entreprises occidentales laissent entrevoir une stratégie insidieuse de prise de contrôle de nos actifs économiques, donc d’une nouvelle dépendance.

– Les progrès réalisés – voire l’avance prise – en matière technologique par les Chinois – résultat de leur volonté, de leurs capacités financières, humaines et technologiques – notamment en matière militaire (5G, missiles hypersoniques, porte-avions, satellites, lanceurs, etc.) ne cesse d’impressionner et engendre une vraie préoccupation en matière de sécurité.

– La puissance militaire chinoise ne cesse en effet de se développer[6] et l’épidémie de Covid-19 n’a pas ralenti le rythme d’équipement des forces armées en nouveaux matériels offensifs : courant avril, un navire d’assaut amphibie (type 075) est entré en service et deux nouveaux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) (type 094) ont été mis à l’eau, donnant à la marine chinoise une véritable capacité de dissuasion océanique, ce qui n’était pas le cas avec les submersibles précédents (type 092). Par ailleurs, une autre classe de SNLE (type 096), encore plus moderne, capable d’embarquer un nouveau missile balistique de 10 000 km de portée, est en cours de développement. A noter également que les manoeuvres autour de Taïwan se sont poursuivies, de même que celles en mer de Chine méridionale.

– Les services de renseignement chinois se montrent particulièrement agressifs partout dans le monde occidental, tant par leurs actions de cyberespionnage que par le développement de leurs infrastructures clandestines et leurs tentatives de recrutement d’agents.

– Pékin continue à étouffer la vie démocratique sur son territoire et a profité de la crise pour remettre Hong-Kong au pas. La Chine ne supporte plus l’exception hongkongaise, tant sur le plan politique qu’économique. En effet, l’ex-colonie britannique joue un rôle essentiel comme porte d’entrée et de sortie pour les capitaux chinois. La bourse de Hong-Kong accueille les plus grandes entreprises chinoises, et nombre des familles les plus riches y ont une partie de leur fortune. Pékin a procédé à un coup de force discret, passant outre son engagement de non-ingérence dans les affaires intérieures de Hong-Kong[7] et a arrêté une quinzaine de leaders pro-démocratie.

N’oublions pas, par ailleurs, que la Chine occupe toujours, en contravention avec le droit international de la mer, des îlots de mer de Chine méridionale – dont certains conquis par la force sur ses voisins – sur lesquels elle a construit d’importantes installations militaires[8].

– Surtout, rappelons que la République populaire de Chine n’est pas une démocratie et que son peuple n’y exprime jamais son point de vue librement à travers des élections, qu’il ne bénéficie pas d’un état de droit ou d’une presse libre. Le pays reste sous le contrôle étroit du Parti communiste, lui-même aux mains d’un véritable autocrate et de sa clique d’affidés. Si les Etats-Unis doivent être critiqués depuis trois décennies pour leur politique étrangère unilatérale aux effets parfois dévastateurs (Irak, « révolutions » arabes, etc.), il serait encore plus inquiétant pour la paix et la sécurité mondiales que la puissance dominante soit un Etat totalitaire ne pouvant être remis en cause par des élections, une opposition interne ou un mouvement citoyen.

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La stratégie américaine : relancer une guerre froide

La crise engendrée par l’épidémie de Covid-19 est donc le prétexte qu’ont choisi les Américains pour attaquer Pékin et contrecarrer ou ralentir le développement de sa puissance économique et militaire.

Depuis fin avril, outre-Atlantique, articles de presse, témoignages de spécialistes et déclarations d’autorités se multiplient, avançant que Pékin est responsable et qu’il doit payer. Le ton ne cesse de se durcir et les menaces de prendre forme.

Ce thème va à n’en pas douter occuper dans les mois qui viennent une part croissante de l’actualité internationale, car les élections américaines approchent et que ce thème est une aubaine pour Donald Trump, comme pour l’Intelligence Community ; les deux pourraient bien ainsi se réconcilier sur le dos de Pékin.

Les sanctions contre la Chine

Depuis le début de la pandémie, Donald Trump s’en est pris à la Chine, l’accusant d’avoir considérablement affaibli l’économie américaine. C’est donc en ce domaine qu’il a décidé en premier lieu de réagir. Le président américain a déclaré que de nouveaux tarifs sur les importations chinoises seraient la “punition ultime” pour les déclarations erronées de Pékin sur l’épidémie de coronavirus.

Trump a qualifié les tarifs de “meilleur outil de négociation” et a insisté sur le fait que les droits que son administration avait imposés jusqu’à présent, ont obligé la Chine à conclure un accord commercial avec Washington. Il a également menacé de résilier cet accord si la Chine n’achetait pas de marchandises aux États-Unis comme cela avait prévu, voire de procéder à l’annulation des avoirs chinois investis dans la dette américaine. Donald Trump a également récemment évoqué la possibilité de demander à Pékin de payer des milliards de dollars de réparations pour les dommages causés par l’épidémie.

Pression sur les Alliés

Parallèlement, les Américains accroissent la pression sur leurs alliés européens, tentés par l’adoption de la 5G chinoise où déjà engagés dans son déploiement.

A l’occasion du sommet de l’OTAN, à Londres, en décembre 2019, les Européens, ont assuré Washington de leur engagement à « garantir la sécurité de leurs communications, y compris la 5G, conscients de la nécessité de recourir à des systèmes sécurisés et résilients. » Or, en dépit des recommandations de l’OTAN et des pressions américaines, le gouvernement britannique a autorisé, en janvier, l’opérateur chinois Huawei à mettre en place des réseaux de télécommunication 5G au Royaume-Uni.

Pour Washington, « Huawei comme les autres entreprises technologiques chinoises soutenues par l’État, sont des chevaux de Troie pour l’espionnage chinois », a déclaré Mike Pompeo, lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, en février 2020.

En conséquence, Washington a laissé entendre, début mai, que ses moyens de collecte de renseignements électroniques actuellement basés au Royaume-Uni, pourraient être redéployés dans un autre pays européen ayant choisi de ne pas adopter la 5G chinoise. De plus, les Américains laissent planer une menace concernant l’avenir de la base de Menwith Hill, pièce maitresse du réseau Echelon, où ils disposent d’une station terrestre de communication par satellite et d’installations d’interception exploitées en coopération avec les Britanniques. The Telegraph prête même à la Maison-Blanche l’idée de retirer jusqu’à 10 000 militaires américains du Royaume-Uni[9].

Le nouveau concept stratégique de l’OTAN

Le ciblage de la Chine permet par ailleurs à Washington de préparer les états-majors et les opinions publiques occidentales à la réactualisation du concept stratégique de l’OTAN, en cours de préparation. Le fait de désigner Pekin comme l’adversaire potentiel principal devrait être accepté par les Etats membres sous l’effet du choc de la pandémie et de ses conséquences. En revanche, le fait d’inscrire également la Russie comme autre menace majeure contre l’Alliance atlantique serait une double erreur. D’une part, car Moscou n’est en rien une menace, contre l’Europe. Il est important de ne pas se laisser influencer par l’obsession antirusse des élites américaines. Rappelons à ce titre les propos pertinents du document du Cercle de réflexion interarmées (CRI) à l’approche des prochains exercices militaires aux frontières de la Russie : « organiser des manœuvres de l’OTAN, au XXIe siècle, sous le nez de Moscou, plus de 30 ans après la chute de l’URSS, comme si le Pacte de Varsovie existait encore, est une erreur politique, confinant à la provocation irresponsable ». Pour la France, « y participer révèle un suivisme aveugle, signifiant une préoccupante perte de notre indépendance stratégique »[10].

D’autre part, une telle décision aurait pour effet de jeter Moscou dans les bras de la Chine, ce qui aurait des conséquences désastreuses. Malheureusement, de nombreux éléments laissent craindre le pire, les Américains – si personne ne leur tient tête sur ce point – en sont tout à fait capables, confirmant leur penchant à jouer les apprentis-sorciers… dont les créations se retournent généralement contre eux.

Cibler la Chine peut avoir un intérêt stratégique pour revitaliser l’Alliance occidentale et il est très probable que tous ses membres y adhèrent, car cela a du sens sur les plans stratégique et économique. Un « élargissement » de l’OTAN à certains ex-pays de l’OTASE[11] partageant cette analyse de la menace, ainsi qu’au Japon et à la Corée du Sud, pourrait même être envisageable. En revanche, cibler la Russie serait contre-productif et ferait du continent européen un nouveau théâtre de Guerre froide, sans raison valable. Il est essentiel que nous ne nous trompions pas d’adversaire et que les Européens infléchissent le concept stratégique de l’OTAN.

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La crise du coronavirus est une aubaine stratégique pour les États-Unis. Elle leur offre l’opportunité de se recréer un adversaire stratégique à la hauteur de leurs besoins. Une adversité majeure est pour eux indispensable afin de conserver leur leadership, relancer leur économie et consolider autour d’eux le camp occidental.

Observer les Américains falsifier une nouvelle fois la réalité pour réaffirmer leur leadership n’est guère rassurant mais pas surprenant. Les voir relancer une stratégie de tension, voire une nouvelle guerre froide, non plus. Cependant, en l’occurrence, leur décision est loin d’être infondée.

Jusqu’à la récente crise sanitaire, l’idée que le monde pourrait entrer dans une nouvelle ère d’affrontement semblait saugrenue ; les avoirs financiers des Etats-Unis et de la Chine semblaient si étroitement liés et leurs économies interdépendantes que l’hypothèse d’un conflit apparaissait peu probable[12].

Désormais, tous les signes annonciateurs d’une nouvelle ère géopolitique et d’une nouvelle guerre froide – dont les modalités seront en partie différentes de la précédente – sont là. La rivalité stratégique sino-américaine devrait désormais régir les relations internationales des prochaines décennies sur les plans militaire, économique, financier, technologique et idéologique. Il convient de s’y préparer.

Notes :

[1] https://www.teletrader.com/trump-saw-evidence-virus-origi...

[2] https://thehill.com/policy/healthcare/public-global-healt...

[3] Alliance des agences de renseignement des Etats-Unis, du Royaume-Uni, du Canada, d’Australie et de Nouvelle-Zélande.

[4] https://www.dailystar.co.uk/news/world-news/top-secret-mi...

[5] https://www.cnn.com/2020/05/04/politics/coronavirus-intel...

[6] Cependant le différentiel des budgets reste énorme : 649 milliards de dollars et 3,2% du PIB pour les Etats-Unis ; 250 milliards de dollars et 1,9% du PIB pour la Chine (SIPRI, 2018).

[7] Principe inscrit dans l’article 22 de la Basic Law reconnue par la Chine.

[8] Cf. Eric Denécé, Géostratégie de la mer de Chine méridionale, L’Harmattan, Paris 1999.

[9] http://www.opex360.com/2020/05/07/les-etats-unis-pourraie...

[10] https://www.capital.fr/economie-politique/il-faut-se-libe...

[11] Organisation du traité de l’Asie du Sud-Est. Alliance militaire anticommuniste, pendant de l’OTAN pour la zone Asie/Pacifique, ayant regroupé de 1954 à 1977, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Pakistan, les Philippines et la Thaïlande.

[12] La décision Washington de mettre fin aux investissements des fonds de pension américains en Chine, de limiter les détentions chinoises d’obligations du Trésor et de déclencher une nouvelle guerre des monnaies va rapidement mettre un terme aux liens financiers qui unissaient les deux économies.

*Source : Cf2R

dimanche, 24 mai 2020

Philippe Boulanger, La Géographie, reine des batailles

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Philippe Boulanger, La Géographie, reine des batailles

par Yann-Loic André

Ex: http://www.lelitteraire.com

La géo­gra­phie, savoir stra­té­gique pour le militaire

La géo­gra­phie est-elle tou­jours la « reine des batailles » ? À l’heure de l’intelligence arti­fi­cielle et de la course tech­no­lo­gique, il pour­rait être ques­tion de l’inutilité de l’approche géo­gra­phique dans la démarche mili­taire. En réa­lité, cette science connaît un renou­veau sans égal depuis la Pre­mière Guerre mon­diale, encore plus évident avec les nou­veaux outils numé­riques dans les opé­ra­tions en cours.

Tous les états-majors des armées modernes la redé­couvrent et la déve­loppent comme un savoir stra­té­gique, réac­tif et pragmatique.

Profes­seur de géo­gra­phie à l’Université de la Sor­bonne, Phi­lippe Bou­lan­ger est spé­cia­liste de la géo­gra­phie his­to­rique, mili­taire, stra­té­gique, poli­tique et géo­po­li­tique. Il livre ici son der­nier ouvrage en date, après la paru­tion d’autres publi­ca­tions remar­quées, dont Géo­gra­phie mili­taire et géos­tra­té­gie : enjeux et crises du monde contem­po­rain, chez A. Colin en 2015.

L’ouvrage s’organise en sept cha­pitres et en trois temps, pour appor­ter une réponse à l’usage de la géo­gra­phie par les mili­taires. Le pre­mier temps aborde le besoin de géo­gra­phie mili­taire : l’invention de cette approche par et pour le mili­taire, les champs de la connais­sance géo­gra­phique pour gagner la guerre… puis la paix. Il tend à com­prendre com­ment la géo­gra­phie mili­taire s’est construite comme un savoir prag­ma­tique, effi­cace et incon­tour­nable, prin­ci­pa­le­ment depuis le XIXe siècle.

Le deuxième temps met en lumière ce qui carac­té­rise le plus la géo­gra­phie mili­taire opé­ra­tion­nelle : la rela­tion entre les milieux géo­gra­phiques et les opé­ra­tions mili­taires. Le rai­son­ne­ment mili­taire a sou­vent construit le savoir aca­dé­mique, tout comme il s’est ins­piré de la géo­gra­phie uni­ver­si­taire : ce sont sou­vent les mêmes méthodes, les mêmes démarches intel­lec­tuelles qui sont appli­quées à l’activité mili­taire. Les échelles géo­gra­phiques (géo­tac­tique, géo­pé­ra­tion­nelle, géos­tra­té­gique) témoignent ainsi de cette rela­tion.

Mais les doc­trines et les outils uti­li­sés montrent aussi des spé­ci­fi­ci­tés opé­ra­tion­nelles qui sont propres à la géo­gra­phie mili­taire. La notion de milieu natu­rel, par exemple, appa­raît comme fon­da­men­tale dans la manœuvre, comme le révèlent les récentes opé­ra­tions en milieu fores­tier, déser­tique ou mon­ta­gneux. Celle d’environnement humain, qui fait appel à la connais­sance de la géo­gra­phie humaine, est pro­ba­ble­ment la plus dyna­mique depuis les années 2000. La redé­cou­verte de la connais­sance de l’Autre dans les armées, dans le contexte des guerres de contre-insurrection, appa­raît comme une approche cen­trale dans les opé­ra­tions contemporaines.

Enfin, le troi­sième est celui du renou­veau de la géo­gra­phie mili­taire, dont les contours sont évo­lu­tifs. La ques­tion de l’interconnexion des milieux dans les opé­ra­tions, le renou­vel­le­ment de la géo­gra­phie mili­taire par l’information géo­spa­tiale, la révo­lu­tion de la géo­gra­phie numé­rique dans les armées sont autant de sec­teurs, cepen­dant non exclu­sifs, d’une géo­gra­phie mili­taire réac­tive et, plus que jamais, au centre d’un savoir à haute valeur ajou­tée.
Les deux der­niers cha­pitres, « Geo­spa­tial Intel­li­gence » et « La Révo­lu­tion de la géo­gra­phie his­to­rique et mili­taire », font le point sur des ques­tions fondamentales.

L’ouvrage se com­plète d’un « glos­saire » qui déve­loppe et explique cer­tains termes, et ce qu’ils recouvrent, notam­ment en anglais ; il pré­sente aussi une rapide liste des abré­via­tions, tou­jours utile lorsqu’il s’agit d’un lan­gage de spé­cia­listes, des notes rela­tives à chaque cha­pitre, et sur­tout une biblio­gra­phie par cha­pitre, ce qui per­met d’approfondir les ques­tions sou­le­vées par cette étude.

Il s’agit ici d’un ouvrage fon­da­men­tal et de haut niveau, tant pour les spé­cia­listes de géo­po­li­tique que pour les militaires.

Yann-Loic Andre

Phi­lippe Bou­lan­ger, La Géo­gra­phie, reine des batailles, Perrin/Ministère des Armées, 2020, 368 p. — 23,00 €.

Nietzsche et l'Histoire, Nietzsche dans l'Histoire

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Nietzsche et l'Histoire, Nietzsche dans l'Histoire

"La Grande H.", Dorian Astor

 
fn-cons.jpgL'histoire est indispensable pour comprendre le présent : assurément... et voilà un lieu commun somme toute rassurant. Mais quelle(s) histoire(s), faite(s) par qui, et comment ? Y-a-t-il une manière neutre d'aborder le passé, ou plus recommandable que d'autres qui seraient trop orientées ou militantes ? Les historiens peuvent-ils s'ériger en arbitres des usages du passé – en particulier de ses usages ou instrumentalisations politiques ? Le savoir et l'érudition sont-ils en mesure de dire le dernier mot sur ce qui a eu lieu, et quelles seraient les conséquences de cette prétention ? La pensée d'un philosophe du XIXe siècle, Friedrich Nietzsche (1844-1900), peut aider à poser ces problèmes très actuels. En 1874, dans sa deuxième "Considération inactuelle", intitulée "De l'utilité et des inconvénients de l'histoire pour la vie", Nietzsche mettait en évidence les enjeux cruciaux de la "science historique" et de notre rapport au passé.
 
Pour en parler, "La grande H." a sollicité Dorian Astor, philosophe, germaniste et spécialiste de Nietzsche.
 
Motion design Jaques Muller, montage Bérénice Sevestre.
Une émission de Julien Théry.
 
** Pour en savoir plus
– D. Astor, Nietzsche, Biographies Gallimard, 2011
– D. Astor, Nietzsche. La détresse du présent, Folio, 2014
– D. Astor, Dictionnaire Nietzsche, Robert Laffont, 2017
– G. Colli, Après Nietzsche, trad. fr. L'éclat, 1987, rééd. 2000.
– G. Deleuze, Nietzsche, PUF, 1965, rééd. 1999
– G. Deleuze, Nietzsche et la philosophie, PUF, 4e éd. 1974
– M. Foucault, « Nietzsche, la généalogie, l'histoire », dans Hommage à Jean Hippolyte, PUF, 1971, p. 145-172, téléchargeable en ligne : https://www.unil.ch/files/live/sites/...
– M. Montinari, Friedrich Nietzsche, trad. fr. PUF, 2001.
– M. Perrot (dir.), L'impossible prison, Le Seuil, 1980
– Ainsi parlait Zarathoustra, livre 1 lu par Michael Lonsdale : https://youtu.be/MlvHSb_0IiE

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Mai 68 et l’attaque contre la personnalité autoritaire

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Mai 68 et l’attaque contre la personnalité autoritaire

Par Pierre-Antoine Plaquevent

ex: https://strategika.fr

Pierre-Antoine Plaquevent est auteur et analyste politique. Ses travaux portent plus particulièrement sur les domaines du soft power et de l’infoguerre ainsi que sur ceux de la philosophie politique, de la géopolitique et de l’étude comparée des religions et des idéologies. Ses articles sont régulièrement repris par des sites d’analyse et de prospective ainsi que par les principaux médias de la réinformation francophone. Depuis janvier 2020, Pierre-Antoine Plaquevent est à l’initiative de la création de Strategika dont il est le directeur de publication. Il est par ailleurs le créateur du portail métapolitique les-non-alignés.fr, pionnier de la réinfosphère depuis sa création en 2010.

Nous publions en exclusivité pour Strategika une série d’articles issus de l’étude de Pierre-Antoine Plaquevent intitulée “La société ouverte contre la France”. Un essai politique inédit qui vient compléter la seconde édition de SOROS et la société ouverte, métapolitique du globalisme (éd. Culture & Racines, 2020) .

28782.jpgL’année 1968 sera marquée par un enchaînement de révoltes partout sur le globe : dans le camp occidental, des États-Unis au Japon, en passant par la France ou l’Italie mais aussi dans certains pays du pacte de Varsovie, comme en Pologne ou en Tchécoslovaquie. L’ensemble de l’ordre du monde bipolaire capital-communiste issu de Yalta et du tribunal de Nuremberg allait être ainsi traversé dans un même élan par une série de révoltes marquées par le choc des générations. Pourtant, l’irruption soudaine de cette contestation étudiante internationale n’était pas le fruit du hasard mais bien celui d’un long travail d’incubation intellectuel et politique commencé il y a plusieurs décennies et qui connaîtrait son paroxysme dans les années d’après-guerre. Comme si des forces trop longtemps contenues et désormais sans frein se frayaient maintenant un chemin vers la surface et chercher à tout emporter avec l’éclatante et audacieuse énergie de la jeunesse. Les forces de l’ « Eros » déchaînées, chères aux théoriciens du freudo-marxisme.

J’ai déjà traité dans un chapitre dédié de mon étude des liens existants entre l’idéologie et les objectifs de la « société ouverte » avec le courant du marxisme culturel (ou « freudo-marxisme »). Une appellation qui désigne le courant des penseurs politiques de la « nouvelle gauche », adeptes de la « théorie critique » issue des idées des intellectuels de l’Ecole de Francfort et apparentés (Horkheimer, Lukàcs, Adorno, Marcuse, Reich etc). Pour ce courant intellectuel et politique, il s’agissait de « réviser » le marxisme et de substituer au concept marxiste d’ « exploitation » celui d’ « aliénation » afin de « libérer l’homme de l’aliénation : dans le quotidien, dans la famille, dans les relations sexuelles et dans les relations avec autrui ».[1] Du concept originel de lutte de classe et d’une volonté d’amélioration légitime du sort social des classes ouvrières, les théoriciens de la nouvelle gauche glissaient vers une volonté de libérer l’humanité contemporaine de tous cadres normatifs considérés comme autant de verrous d’une société patriarcale jugée autoritaire et potentiellement totalitaire.

On retrouvera ces thématiques en mai 1968 sous la forme des slogans bien connus du type : « il est interdit d’interdire », « jouir sans entraves » etc. Pour les tenants du marxisme culturel, le « Socialisme réel » était lui aussi devenu un autoritarisme sous sa forme soviétique, il fallait dès lors s’appuyer sur de nouvelles forces sociales aptes à remplacer la classe ouvrière considérée désormais comme réactionnaire dans son désir d’accéder aux biens de la société de consommation et se contentant d’une simple amélioration de ses conditions de vie. Les « nouveaux prolétaires » de cette nouvelle gauche seront donc désormais les « jeunes », les femmes (selon la vision féministe de la femme), les minorités (religieuses, ethniques, sexuelles etc) voire même les drogués, les aliénés mentaux etc. Chacun de ces groupes divisés en autant de sous-catégories considérées comme opprimées par le patriarcat blanc et devant entrer en lutte ouverte contre celui-ci. On verra aussi cette contestation étudiante des années 60 se heurter aux partis communistes historiques jugés réactionnaires car considérés comme trop staliniens, autoritaires, hiérarchisés et encore trop attachés à une certaine forme de patriotisme populaire.

C’est cette matrice idéologique de la déconstruction qui allait constituer la véritable inspiratrice des différents mouvements étudiants de l’année 1968 : « L’anti-autoritarisme fut le thème le plus original et le plus propre au mouvement soixante-huitard : il caractérise en particulier les premières phases du mouvement étudiant et le différencie profondément de tant d’autres mouvements qui le précédèrent où le suivirent. L’anti-autoritarisme fut la première vraie bannière du mouvement de jeunesse, qui lança cette flèche depuis l’Université vers tous les domaines de la société. »[2]

Le freudo-marxisme culturel contre la personnalité autoritaire

Cette thématique de l’anti-autoritarisme trouvait l’une de ses sources les plus siginificatives dans l’étude collective que nous avons déjà évoqué, intitulée La Personnalité autoritaire[3]. Une étude de psychologie sociale menée aux États-Unis par l’Institut de Recherche Sociale (IRS) – nom officiel de la fameuse Ecole de Francfort – et qui fut éditée en 1950 par l’American Jewish Committee. L’objet de cette étude, menée sous la direction de Theodor Adorno, était d’analyser les ressorts psychologiques et sociaux qui ont permis l’émergence du fascisme au XXe siècle. Un outil qui allait servir dès les années cinquante, durant la Guerre froide, face au stalinisme, mais aussi pour contrer l’émergence de tout autoritarisme en Occident et aux Etats-Unis. C’est en grande partie de cette étude que l’on doit l’amalgame constant entre toute forme de conservatisme ou de nationalisme – voire de simple attachement aux standards classiques de la vie en société – avec la courte parenthèse du national-socialisme et du Fascisme. Pour Max Horkheimer ou Theodor Adorno c’est en fait l’ensemble de l’histoire chrétienne qui conduit à l’antisémitisme et au Fascisme selon un raisonnement spécieux qui voudrait que l’auto-répression sexuelle induite par la morale chrétienne entraînerait chez les individus chrétiens une compensation et un défoulement (au sens freudien) qui déboucherait nécessairement sur l’antisémitisme et le Fascisme.[4]

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Un Fascisme par ailleurs fantasmé et bien éloigné de sa forme historique réelle mais qui constitue une forme d’archétype intemporel de l’ennemi protéiforme et toujours renaissant des « ennemis de la société ouverte ». Citons ici Adorno qui expliquait : « en nous concentrant sur le fasciste potentiel, nous n’avons pas l’intention d’affirmer que d’autres modèles de personnalité et d’idéologie ne pourraient pas être étudiés avec profit de la même manière. Néanmoins, notre opinion est qu’aucun courant politico-social ne représente une plus grave menace pour nos valeurs et nos institutions traditionnelles que le fascisme, et que la connaissance des forces de la personnalité qui favorisent son acceptation peut, en dernière analyse, se révéler utile pour le combattre. »[5]

Cette enquête – qui prit la forme d’un questionnaire soumis à plus de 2000 sujets américains – se donnait comme but de « comprendre ce qui influence un individu dans son adhésion au fascisme et comment le déceler chez un individu qui ne dira jamais ouvertement cette adhésion, et qui ne la ressent même pas clairement lui-même » [6]. L’étude sur la personnalité autoritaire se présentait de la manière suivante : « une liste de propositions est soumise aux sujets de l’enquête, auxquelles ils doivent donner leur accord ou leur désapprobation. Mélangées dans la liste, les propositions sont liées à des thèmes psychosociologiques. Ces thèmes sont par exemple le conventionnalisme, la soumission à l’autorité, l’agressivité autoritaire, l’anti-intraception, la superstition et la stéréotypie, le rapport à la sexualité, etc. En fonction des réponses « d’accord » ou « pas d’accord », les penchants autoritaires et anti-démocratiques sont notés et classés sur une échelle F, comme fascisme. Cette échelle F est elle-même construite et enrichie par d’autres échelles : A-S comme antisémitisme, CPE comme conservatisme politico-économique et E comme ethnocentrisme. »[7]

9782081494114.jpgRelire aujourd’hui les Études sur la personnalité autoritaire de Theodor W. Adorno et de l’Institut de Recherche Social se révèle très instructif pour comprendre d’où provient une grande partie du mal-être et de la mauvaise conscience qui mine l’Occident contemporain. On y découvre l’application méthodique et clinique de penseurs politiques engagés qui se sont arrogés le droit de déterminer ce qui est moral ou non, non seulement dans l’Histoire et la culture de l’Occident mais jusque dans l’inconscient supposé des populations occidentales afin de l’en extirper comme par un acte psycho-chirurgical.

Comme le disait Adorno lui-même : « La tâche est comparable à celle de l’élimination de la névrose, de la délinquance ou du nationalisme du monde. Ils sont le produit de l’organisation globale de la société et ne peuvent être changés seulement si cette société est changée. »[8]

Dès lors, si le nationalisme est une maladie mentale, il en découle logiquement que les nationalistes sont des malades mentaux qu’il faut soigner. La psychiatrisation de toute pensée attachée au fait national vient de là, elle a fait le chemin que l’on sait jusqu’à nos jours. Elle est l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête de toutes les formes de patriotisme ou de souverainisme.

Extrait de La société ouverte contre la France, supplément à la seconde édition de Soros contre la société ouverte, métapolitique du globalisme aux éditions « Culture et Racines ».


[1] Ingrid Gilcher-Holthey, « La contribution des intellectuels de la Nouvelle Gauche à la définition du sens de Mai 68 », in G. Dreyfus-Armand, R. Frank, M.-F. Levy et M. Zancarini-Fournel (dir.), Les Années 68 […], p. 89-98.

[2] « La théorie critique de l’école de Francfort et le mouvement des années 1968 : un rapport complexe » – Stephano Petrucciani – Actuel Marx 2010/2 (n° 48) – PUF. https://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2010-2-page-138....

[3] Theodor W. Adorno, Études sur la personnalité autoritaire (traduit de l’anglais par Hélène Frappat), Allia, Paris, 2007 (1re éd. en anglais 1950), 435 p.

[4] Kevin B. MacDonald, The Culture of Critique : An Evolutionary Analysis of Jewish Involvement in Twentieth-Century Intellectual and Political Movements, Praeger, 1998

[5] Ibidem

[6] https://www.franceculture.fr/emissions/deux-minutes-papillon/adorno-etudes-sur-lapersonnalite-autoritaire

[7] Julien Bordier, « À propos de la personnalité autoritaire », Variations, 12 | 2008 http://variations.revues.org/246

[8] Theodor W. Adorno, Études sur la personnalité autoritaire (traduit de l’anglais par Hélène Frappat), Allia, Paris, 2007 (1re éd. en anglais 1950), 435 p.

How the British Empire Created and Killed George Orwell

 
Martin Sieff
Ex: https://www.strategic-culture.org
 

The British Broadcasting Corporation (BBC), happily amplified by the Public Broadcasting System (PBS) in the United States which carries its World News, continues to pump out its regular dreck about the alleged economic chaos in Russia and the imagined miserable state of the Russian people.

It is all lies of course. Patrick Armstrong‘s authoritative regular updates including his reports on this website are a necessary corrective to such crude propaganda.

9789352662197_p0_v1_s550x406.jpgBut amid all their countless fiascoes and failures in every other field (including the highest per capita death rate from COVID-19 in Europe, and one of the highest in the world) the British remain world leaders at managing global Fake News. As long as the tone remains restrained and dignified, literally any slander will be swallowed by the credulous and every foul scandal and shame can be confidently covered up.

None of this would have surprised the late, great George Orwell. It is fashionable these days to endlessly trot him out as a zombie (dead but alleged to be living – so that he cannot set the record straight himself) critic of Russia and all the other global news outlets outside the control of the New York and London plutocracies. And it is certainly true, that Orwell, whose hatred and fear of communism was very real, served before his death as an informer to MI-5, British domestic security.

But it was not the Soviet Union, Stalin’s show trials or his experiences with the Trotskyite POUM group in Barcelona and Catalonia during the Spanish Civil War that “made Orwell Orwell” as the Anglo-America Conventional Wisdom Narrative has it. It was his visceral loathing of the British Empire – compounded during World War II by his work for the BBC which he eventually gave up in disgust.

And it was his BBC experiences that gave Orwell the model for his unforgettable Ministry of Truth in his great classic “1984.”

George Orwell had worked in one of the greatest of all world centers of Fake News. And he knew it.

More profoundly, the great secret of George Orwell’s life has been hiding in plain sight for 70 years since he died. Orwell became a sadistic torturer in the service of the British Empire during his years in Burma, modern Myanmar. And as a fundamentally decent man, he was so disgusted by what he had done that he spent the rest of his life not just atoning but slowly and willfully committing suicide before his heartbreakingly premature death while still in his 40s.

81+J0d0FB8L.jpgThe first important breakthrough in this fundamental reassessment of Orwell comes from one of the best books on him. “Finding George Orwell in Burma” was published in 2005 and written by “Emma Larkin”, a pseudonym for an outstanding American journalist in Asia whose identity I have long suspected to be an old friend and deeply respected colleague, and whose continued anonymity I respect.

“Larkin” took the trouble to travel widely in Burma during its repressive military dictatorship and her superb research reveals crucial truths about Orwell. According to his own writings and his deeply autobiographical novel “Burmese Days” Orwell loathed all his time as a British colonial policeman in Burma, modern Myanmar. The impression he systematically gives in that novel and in his classic essay “Shooting an Elephant” is of a bitterly lonely, alienated, deeply unhappy man, despised and even loathed by his fellow British colonialists throughout society and a ludicrous failure at his job.

This was not, however, the reality that “Larkin” uncovered. All surviving witnesses agreed that Orwell – Eric Blair as he then still was – remained held in high regard during his years in the colonial police service. He was a senior and efficient officer. Indeed it was precisely his knowledge of crime, vice, murder and the general underside of human society during his police colonial service while still in his 20s that gave him the street smarts, experience, and moral authority to see through all the countless lies of right and left, of American capitalists and British imperialists as well as European totalitarians for the rest of his life.

The second revelation to throw light on what Orwell had to do in those years comes from one of the most famous and horrifying scenes in “1984.” Indeed, almost nothing even in the memoirs of Nazi death camp survivors has anything like it: That is the scene where “O’Brien”, the secret police officer tortures the “hero” (if he can be called that) Winston Smith by locking his face to a cage in which a starving rat is ready to pounce and devour him if it is opened.

I remember thinking, when I was first exposed to the power of “1984” at my outstanding Northern Irish school, “What kind of mind could invent something as horrific as that?”) The answer was so obvious that I like everyone else missed it entirely.

Orwell did not “invent” or “come up” with the idea as a fictional plot device: It was just a routine interrogation technique used by the British colonial police in Burma, modern Myanmar. Orwell never “brilliantly” invented such a diabolical technique of torture as a literary device. He did not have to imagine it. It was routinely employed by himself and his colleagues. That was how and why the British Empire worked so well for so long. They knew what they were doing. And what they did was not nice at all.

A final step in my enlightenment about Orwell, whose writings I have revered all my life – and still do – was provided by our alarmingly brilliant elder daughter about a decade ago when she too was given “1984” to read as part of her school curriculum. Discussing it with her one day, I made some casual obvious remark that Orwell was in the novel as Winston Smith.

My American-raised teenager then naturally corrected me. “No, Dad, ” she said. “Orwell isn’t Winston, or he’s not just Winston. He’s O’Brien too. O’Brien actually likes Winston. He doesn’t want to torture him. He even admires him. But he does it because it’s his duty.”

She was right, of course.

But how could Orwell the great enemy of tyranny, lies and torture so identify with and understand so well the torturer? It was because he himself had been one.

“Emma Larkin’s” great book brings out that Orwell as a senior colonial police officer in the 1920s was a leading figure in a ruthless war waged by the British imperial authorities against drug and human trafficking crime cartels every bit as vicious and ruthless as those in modern Ukraine, Columbia and Mexico today. It was a “war on terror” where anything and everything was permitted to “get the job done.”

51pSghEsMsL._SX305_BO1,204,203,200_.jpgThe young Eric Blair was so disgusted by the experience that when he returned home he abandoned the respectable middle class life style he had always enjoyed and became, not just an idealistic socialist as many in those days did, but a penniless, starving tramp. He even abandoned his name and very identity. He suffered a radical personality collapse: He killed Eric Blair. He became George Orwell.

Orwell’s early famous book “Down and Out in London and Paris” is a testament to how much he literally tortured and humiliated himself in those first years back from Burma. And for the rest of his life.

He ate miserably badly, was skinny and ravaged by tuberculosis and other health problems, smoked heavily and denied himself any decent medical care. His appearance was always abominable. His friend, the writer Malcolm Muggeridge speculated that Orwell wanted to remake himself as a caricature of a tramp.

The truth clearly was that Orwell never forgave himself for what he did as a young agent of empire in Burma. Even his literally suicidal decision to go to the most primitive, cold, wet and poverty-stricken corner of creation in a remote island off Scotland to finish “1984” in isolation before he died was consistent with the merciless punishments he had inflicted on himself all his life since leaving Burma.

The conclusion is clear: For all the intensity of George Orwell’s experiences in Spain, his passion for truth and integrity, his hatred of the abuse of power did not originate from his experiences in the Spanish Civil War. They all flowed directly from his own actions as an agent of the British Empire in Burma in the 1920s: Just as his creation of the Ministry of Truth flowed directly from his experience of working in the Belly of the Beast of the BBC in the early 1940s.

George Orwell spent more than 20 years slowly committing suicide because of the terrible crimes he committed as a torturer for the British Empire in Burma. We can therefore have no doubt what his horror and disgust would be at what the CIA did under President George W. Bush in its “Global War on Terror.” Also, Orwell would identify at once and without hesitation the real fake news flowing out of New York, Atlanta, Washington and London today, just as he did in the 1930s and 1940s.

Let us therefore reclaim and embrace The Real George Orwell: The cause of fighting to prevent a Third World War depends on it.

samedi, 23 mai 2020

Mort d’un samouraï d’occident : un anniversaire que peu de gens honoreront

Le billet d’Eric de Verdelhan

Ex: https://liguedumidi.com

« Nous devons être intellectuels et violents »

(Charles Maurras).

 

Il y a des hommes qui vous marquent pour la vie. Dominique Venner était de ceux-là.

Il n’était pas de mes amis. Nous ne nous sommes vus qu’une fois, à Paris, à l’occasion d’une dédicace d’un de ses livres. Et nous n’avons eu que deux ou trois échanges épistolaires, pas plus.

Il s’est tiré une balle dans la tête, le 21 mai 2013, en la cathédrale Notre Dame de Paris.

Qui était Venner, finalement peu connu du grand public jusqu’à son suicide ?

Il est l’auteur de plusieurs livres d’histoire sur la période allant de 1914 à 1945, notamment sur la révolution russe, les corps-francs de la Baltique, la collaboration et la Résistance en France pendant la seconde guerre mondiale. Mais il était également un spécialiste, mondialement reconnu, des armes à feu sur lesquelles il a écrit des dizaines d’ouvrages qui font référence.

-31054.jpgJ’ai d’abord découvert Venner, l’expert en armement, avant de m’intéresser à son parcours politique et intellectuel. Pourtant « quel roman que (sa) vie ! » comme aurait dit Napoléon.

Il est le fils de Charles Venner, architecte, membre du Parti Populaire Français de Jacques Doriot. Dominique Venner étudie au collège Bossuet à Paris, à l’Oakland’s College, puis à l’Ecole Supérieure des Arts Modernes. C’est durant cette scolarité pseudo « artistique » qu’il abandonne la foi chrétienne et rejette définitivement le Catholicisme.

À 17 ans, épris d’aventure, « pour fuir l’ennui de la famille et du lycée », il s’engage à l’école militaire de Rouffach. Une école créée par « le Roy Jean » de Lattre de Tassigny, à la Libération.

Volontaire pour aller se battre en Algérie, il est sous-officier dans un bataillon de Chasseurs et combat le FLN dans les montagnes proches de la frontière tunisienne jusqu’en octobre 1956. Cette guerre, qui lui vaudra la Croix du Combattant, a énormément compté dans ses engagements futurs.

À son retour en Métropole, pour lutter contre le soutien du Parti Communiste au FLN, il s’engage en politique. Il entre au mouvement « Jeune Nation », et, à la suite de l’insurrection de Budapest, prend part à la mise à sac du siège du PCF, le 7 novembre 1956.

En 1958, il participe avec Pierre Sidos à la fondation de l’éphémère « Parti Nationaliste », et adhère également au « Mouvement populaire du 13 Mai » du général Chassin.

Après le putsch des généraux d’avril 1961, il bascule dans l’OAS-Métro ce qui lui vaudra 18 mois d’isolement à la prison de la Santé. Libéré à l’automne 1962, il écrit un manifeste intitulé « Pour une critique positive » — souvent comparé depuis au « Que faire ? » de Lénine et longtemps considéré comme un texte fondateur par toute une fraction de la droite nationaliste —, dans lequel, prenant acte de l’échec du putsch et du fossé existant entre « nationaux » et « nationalistes », il préconise la création d’une Organisation Nationaliste Révolutionnaire, « destinée au combat… une, monolithique et hiérarchisée, formée par le groupement de tous les militants acquis au nationalisme, dévoués et disciplinés ».

26258861._SX318_.jpgAyant étudié Marx et Lénine, il analyse le Communisme, qu’il combat depuis toujours, non seulement comme un programme politique, mais aussi comme une organisation que les militants nationalistes doivent imiter en se structurant intellectuellement.

Il s’inspire également des luttes anticolonialistes et développe l’idée que les mouvements nationalistes européens doivent adopter la rhétorique des mouvements d’indépendance nationale.

Très critique envers le Christianisme – c’est là, et uniquement là, que nos vues divergent – Venner prône une réhabilitation des traditions païennes et des identités, une défense des cultures face au melting-pot, et une valorisation élitiste de la force et de l’héroïsme.

En janvier 1963, il fonde, puis dirige, le journal et le mouvement « Europe-Action » — ainsi que les Éditions Saint-Just, au service du mouvement — qui rassemble, autour de convictions nationalistes et européistes, des membres de la « Fédération des étudiants nationalistes », des rescapés de l’OAS-Métro, et d’anciens intellectuels collaborationnistes.

En 1968, il contribue — sous le pseudonyme de Julien Lebel — à la fondation du Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne (GRECE), avant de créer avec Thierry Maulnier, la même année, l’Institut d’études occidentales. Il lui adjoint, en 1970, la revue « Cité-Liberté » : « entreprise à la fois parallèle, concurrente et ouverte vis-à-vis du GRECE », rassemblant de nombreux intellectuels (Robert Aron, Pierre Debray-Ritzen, Thomas Molnar, Jules Monnerot, Jules Romains, Louis Rougier, Raymond Ruyer, Paul Sérant, etc.) autour de l’anticommunisme, la lutte contre « la subversion mentale » et pour « les valeurs occidentales ».

md30163773156.jpgAprès plusieurs colloques et sept numéros de « Cité-Liberté », l’institut se saborde en 1971.

La période de militantisme politique de Dominique Venner prend fin à cette époque, et c’est bien dommage car il incarnait un Nationalisme fort, moralement et intellectuellement.

Personnellement, j’ai découvert le militant en 1971, quand… il avait cessé de militer.

En 1971, il embrasse alors une carrière d’écrivain et d’historien. Son travail sur la résistance et la collaboration est remarquable car il a le mérite de remettre les pendules à l’heure.

Son « Histoire de l’armée rouge » a obtenu un prix de l’Académie française en 1981.

En 1995, c’est son ami François de Grossouvre (ancien résistant, spécialiste des services secrets, ami et conseiller de François Mitterrand), qui lui suggère d’écrire ce qui sera, à mon humble avis, son meilleur livre : « Histoire critique de la Résistance ». Ce livre insiste sur la forte présence d’éléments issus de la droite nationaliste au sein de la Résistance et dévoile l’importance du rôle de la « Résistance maréchaliste ». Après avoir fondé la revue « Enquête sur l’histoire », il crée en 2002, le bimestriel « La Nouvelle Revue d’Histoire » dans lequel écrivent des plumes remarquables comme Bernard Lugan, Jean Tulard, Aymeric Chauprade, Alain Decaux, ou Jacqueline de Romilly. Il anime également le « Libre journal des historiens » sur « Radio Courtoisie ».

Une mort de Samouraï: Dominique Venner a voulu théâtraliser sa fin de vie. Son ouvrage testamentaire s’intitule « Un samouraï d’Occident ». La couverture est illustrée par une estampe de Dürer: « Le Chevalier, la Mort et le Diable ».

Le 21 mai 2013, vers 16 heures, Dominique Venner se donne la mort par arme à feu — il a choisi un vieux pistolet belge à un coup — devant l’autel de la cathédrale Notre-Dame de Paris, qui devra être évacuée. Il aurait laissé une lettre à destination des enquêteurs.

Venner_Das-rebellische-Herz.pngCertains ont aussitôt parlé du « geste d’un déséquilibré ». Il n’en est rien : dans une lettre envoyée à ses amis de « Radio Courtoisie » et à Robert Ménard, qui la publiera dans « Boulevard Voltaire », il explique « croire nécessaire… devant des périls immenses pour sa patrie française et européenne…de se sacrifier pour rompre la léthargie qui nous accable ». Il déclare « offrir ce qui lui reste de vie dans une intention de protestation et de fondation ».

Concernant le lieu – bien mal choisi – de son suicide, il indique « choisir un lieu hautement symbolique, la cathédrale Notre-Dame de Paris qu’il respecte et admire, elle qui fut édifiée par le génie de ses aïeux… » Dans un texte publié quelques heures auparavant sur son blog, il avait appelé à des actions « spectaculaires et symboliques pour ébranler les somnolences », expliquant que « nous entrons dans un temps où les paroles doivent être authentifiées par des actes ». Il y écrit que les manifestants contre le mariage homosexuel ne peuvent ignorer « la réalité de l’immigration afro-maghrébine… » Le péril étant selon lui « le grand remplacement de la population de la France et de l’Europe ». Dès l’annonce de son suicide, plusieurs personnalités lui ont rendu hommage.

Marine Le Pen écrit sur Twitter : « Tout notre respect à Dominique Venner dont le dernier geste, éminemment politique, aura été de tenter de réveiller le peuple de France ». Bruno Gollnisch parle d’un « intellectuel extrêmement brillant » qui s’est donné la mort pour exprimer « une protestation contre la décadence de notre société ». En dehors de sa famille politique, quelques personnalités saluent son caractère. Benoît Rayski écrit : « Aucune des idées de Dominique Venner n’était mienne. Mais l’homme peut parfois échapper par son courage et sa noblesse à la gangue idéologique qui lui tient lieu d’armure ». Un hommage public lui est rendu le 31 mai 2013 à Paris.

Je n’y étais pas, hélas, car je partais pour un long voyage. Je me suis contenté d’envoyer sa dernière lettre, par mail, à mes amis. Dans ma mouvance idéologique – la droite catholique traditionaliste – on a fortement critiqué son geste.

L’Eglise condamne le suicide, et puis, un sacrilège à Notre Dame de Paris, c’était assurément impardonnable. Personnellement, sans doute parce que j’ai admiré l’homme, je ne condamne pas cette mort de Samouraï : Dominique Venner a choisi le jour de sa sortie après une vie de rectitude morale et de combat. Il ne voulait pas connaître le « grand remplacement » et considérait que le mariage de gens du même sexe était une abjection, un signe supplémentaire de la dégénérescence de notre civilisation. Il était droit, digne et il voyait juste. Alors, dispensons-nous de commentaires contre quelqu’un qui a si bien défendu, par les armes puis par les écrits, la France éternelle !

Monsieur Venner, j’espère que, malgré votre geste, vous êtes au paradis des justes.

Vous étiez athée (ou agnostique ?). Tant pis, depuis ce jour de mai 2013, il m’arrive souvent de penser à vous et même, parfois, de prier pour vous.

Dois-je ajouter, sans la moindre volonté de provocation, que je me sens plus proche de vous que du satrape, islamophile et pro-migrants, qui occupe le trône de Saint Pierre au Vatican.

Vous avez rejoint le Panthéon des gens qui me sont chers. Je vous devais bien un hommage !

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Entretien avec Juan Asensio : « Je demande à la littérature ce que tout lecteur conséquent devrait lui demander : je lui demande de nous dessiller le regard »

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Entretien avec Juan Asensio :

« Je demande à la littérature ce que tout lecteur conséquent devrait lui demander : je lui demande de nous dessiller le regard »

Ex: https://rebellion-sre.fr

Juan Asensio est critique littéraire et essayiste. Contributeur pour de nombreuses revues, il est le créateur du blog « Stalker » qui entreprend la « dissection du cadavre de la littérature ».

R/ Quelles furent les lectures qui vous ont accompagné durant le confinement ?

Juan Asensio/ Les mêmes que celles qui m’accompagnent, et je prends au pied de la lettre cette image à laquelle on ne prête pas suffisamment attention à force de l’employer, depuis des mois voire des années, car l’expérience du confinement n’a rien d’une parenthèse enchantée – maudite pour d’autres on s’en doute – ouverte dans une riante étendue temporelle nous conduisant vers de radieux lendemains.

9698621.jpgVous aurez peut-être remarqué que tous les idiots de France et de Navarre, et Dieu sait comme ils sont nombreux, nous répètent en boucle que, demain, rien ne sera plus jamais comme avant, alors bien évidemment que, demain, ce sera encore pire qu’hier : plus de pollution, plus de consommation, plus de saccage, puisqu’il faudra en somme reprendre, en mettant les bouchées doubles, là où cette regrettable pandémie nous a stoppés net. Au rebours de ces pseudo-analyses, c’est la société occidentale techno-marchande dans son ensemble qui depuis bien des lustres est passée en mode de confinement, et même qu’elle est résolument, de plus en plus implacablement confinée. Pour le dire sur les brisées de Carl Schmitt commenté par Giorgio Agamben, l’état d’exception est devenu la norme : flicage à tous les niveaux, dans les rues et sur les autoroutes virtuelles, prépondérance des discours des « sachants » au détriment des « apprenants » voire des ignorants que nous sommes tous plus ou moins devenus, démonstration quotidienne bien que décomplexée et même parfaitement méprisante de l’incompétence criminelle de nos gouvernements et relais étatiques, individus infantilisés par l’obligation de respecter protocoles sanitaires et gestes barrières, dématérialisation accentuée, triomphe de la novlangue managériale étendue à toutes les sphères de la société et, d’abord, au monde de la santé au sens le plus large, pandémie de la non-parole journalistique s’alimentant de ses propres discours bien davantage que de la réalité, etc..

130372.jpgNon, la période dite de confinement n’a rien de vraiment très original, avouons-le même si, comme je l’ai dit, elle a pu faire figure, aussi étrange que fragile, d’un courte, trop courte parenthèse ayant ralenti l’avancée inexorable de la Machine, et permettre à la nature, durant un battement de sa paupière en plexiglass, de se rappeler à notre bon souvenir, sans l’aspect tragique et vengeur qu’illustre Arthur Machen dans une remarquable nouvelle intitulée La Terreur.

Ces lectures, pour en revenir à votre question, sont donc graves, comme elles l’ont été avant l’explosion de la pandémie et comme elles le furent depuis que je découvris le visage de l’horreur, celui de l’injustice avec un Bloy, un Bernanos, un Conrad ou un Dostoïevski : récits post-apocalyptiques, témoignages romanesques ou directs d’effondrements plus ou moins rapides mais tous certains de la société mais aussi, donc, bien sûr, retour aux textes des auteurs que j’ai nommés et d’une petite poignée d’autres grands qui n’ont jamais estimé qu’il fallait écrire pour rire ou plutôt ricaner mais, bien au contraire, pour servir l’idée qu’ils se faisaient de la littérature et avertir leurs lecteurs de l’irrévocable destruction du monde et de l’humain. Banalité supplémentaire : il apparaît que toute grande œuvre littéraire a une indiscutable portée morale et même dans certains cas que j’ai tenté d’évoquer sur mon blog, Stalker, une portée apocalyptique voire eschatologique certaine.

R/ Quelle place a l’œuvre de George Steiner, décédé en février 2020, dans votre réflexion ? Pensez-vous, comme lui, que la seule certitude humaine est que l’homme sera toujours obligé d’affronter le Mal ?

La découverte de l’œuvre de George Steiner a été une bouffée d’air, comme le fut, bien des années plus tard, celle de Maurice G. Dantec, bien sûr avec des différences flagrantes d’approche entre le romancier et l’essayiste qui, cependant, n’auront cessé de tourner autour de la question du Mal. Je les ai lus l’un comme l’autre, à fond je crois et j’ai même consacré un livre aux textes du premier, qui aura eu pour première vertu de me faire découvrir ou redécouvrir bien des auteurs desquels il s’est inspiré, sans forcément exprimer clairement sa ou ses dettes. George Steiner n’a finalement d’intérêt que parce qu’il est un excellent passeur, une sorte de facteur comme lui-même le reconnaissait, entre le véritable écrivain ou philosophe et le lecteur. Lire Steiner, c’est donc bien lire ou relire Celan ou Benjamin, bien d’autres encore puisque son œuvre, si œuvre il y a, n’aura été que de commentaires, à l’exception de telle ou telle rare incursion dans le domaine romanesque, par exemple avec Le Transport de A. H.

Ce n’est du reste pas à moi de penser comme George Steiner car, en fait, penser que l’homme sera toujours obligé d’affronter le Mal est une banalité parfaitement intégrée par n’importe quel adolescent point trop paresseux pour, dès son jeune âge, s’être plongé dans les textes d’un Georges Bataille par exemple, ou s’être jeté corps et âme, comme le font toujours les jeunes personnes lorsqu’elles lisent (et comme elles devraient continuer de le faire une fois devenues adultes) dans les plus puissants textes romanesques, d’un Dostoïevski ou d’un Conrad déjà cités, mais aussi d’un Faulkner ou d’un Lowry. Tous les grands ont été confrontés à cette question et la qualité de leur œuvre se jauge, principalement je crois, à leur façon de la figurer dans leurs œuvres, tout au long d’une vie harassante d’écriture.

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R/ George Steiner a longtemps échangé avec Pierre Boutang. Comment ce dialogue a enrichi les deux œuvres ?

Pour répondre à cette question pour le moins complexe, il faut se reporter à leur volume de passionnants dialogues sur la figure d’Antigone et la question, justement, du Mal. Pour résumer, je pense que Boutang a éveillé Steiner à une forme de « coruscance », si je puis dire, de la pensée s’enfonçant dans d’infinis dédales d’érudition et de fulgurances dépassant cette dernière, alors que l’auteur de Réelles présences a sans aucun doute éloigné l’auteur de l’Ontologie du secret du vieil antisémitisme d’État cultivé par le maurrassisme, du moins sa frange la plus dure, et même si, bien sûr, Pierre Boutang n’a à vrai dire eu besoin de personne pour assez vite comprendre l’importance eschatologique que revêtit la création d’Israël. Cependant, il ne faut pas se tromper je crois sur le sens de cette amitié car je pense que c’est bien davantage Steiner qui admirait Boutang que l’inverse ; ce n’est là qu’une intuition qui aurait probablement été contredite si l’auteur du Purgatoire avait vécu plus longtemps.

R/ La critique littéraire est aussi un exercice philosophique. Lors de « l’affaire Matzneff » vous avez justement fait remarquer que la littérature ne pouvait pas être un absolu au-dessus du Bien et du Mal. Pour vous, elle n’est donc pas supérieure à tout jugement moral?

51ZqJ1yiMBL.jpgRoberto Bolaño n’a eu de cesse de s’interroger sur cette question aussi fameuse que délicate, répondant de multiples façons dans presque chacune de ses œuvres, jusqu’à l’œuvre au noir que fut 2666. Résumons l’ensemble de ces réponses apportées par le biais d’ingénieuses figurations littéraires du Mal en affirmant que, pour le grand écrivain chilien comme pour d’autres romanciers, la plus grande œuvre d’art jamais ne saurait se bâtir sur des pleurs et des grincements de dents, encore moins sur du sang.

Vous m’objecterez les exemples rebattus d’un Sade ou d’un Céline mais avouez alors que nous sommes là, avec ces œuvres réellement torrentielles et prodigieuses dans leur violence et l’exacerbation d’une esthétique foncièrement grimaçante et pessimiste, à quelques années-lumière des mignonnes petites confessions satisfaites que Gabriel Matzneff aura réussi à faire passer pour des œuvres littéraires dignes de ce nom auprès d’un public assez hétéroclite pour avoir donné l’impression d’une unanimité quant à son talent supposé. Relisant ces derniers jours Les Grands Cimetières sous la lune de Bernanos, je suis tombé sur ce jugement implacable qui pourrait tomber sur les épaules fragiles et les reins débordant de vigueur de Gabriel Matzneff : « Que nous importe le vieux Tibère pataugeant dans sa baignoire et tendant à la bouche des nouveau-nés le lambeau par quoi, jadis, il fut un homme ? ». Tout est dit je crois, sur Matzneff et ses semblables, ainsi, plus largement, que sur tant de poseurs se prenant pour des écrivains alors, qu’au mieux, ils n’auront été que de passables portraitistes de la seule personne qui aura eu à leurs yeux le moindre intérêt : la leur bien sûr.

R/ Que demander à la littérature aujourd’hui ? Du rêve ou du sérieux ?

Je crois que le rêve, y compris dans sa version la plus dégradée qui est le divertissement, est amplement figuré par la production dite littéraire actuelle : vous aurez ainsi infiniment plus de chance de trouver la collection complète des nullités d’une Pancol, d’un Beigbeder, d’une Angot, d’une Coulon, d’une Slimani ou d’un Moix et d’une multitude criarde de nains et mégères, en entrant dans une librairie, que de trouver dans ses rayons Ernst Jünger, Günther Anders ou Jaime Semprun !

Je demande à la littérature ce que tout lecteur conséquent devrait lui demander : je lui demande de nous dessiller le regard, une tâche qui répugne de plus en plus à la navrante production française actuelle devenue divertissement insipide et, si nous ne voulons décidément pas ouvrir nos yeux, de nous forcer à le faire. Je doute fort qu’elle en soit encore capable, car tout ou presque lui manque : le sang, une colonne vertébrale, la volonté, le goût du risque, l’attirance pour l’exploration des gouffres, la main en visière sur un horizon qui ne soit pas seulement celui de son nombril.

A lire :

Le site le Stalker : http://www.juanasensio.com/about.html

Juan Asensio, La Critique meurt jeune, Le Rocher, 2006. (Essais sur Scholem, Steiner, Dantec, Bernanos, Bloy, Dick, Broch, Faulkner, Tarkovski, Boutang, Conrad, Dostoïevski, etc.).

Le temps des livres est passé, Ovadia, 2019.

 

Retrait unilatéral américain du traité «Ciel ouvert»

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Retrait unilatéral américain du traité «Ciel ouvert»

Ex: https://echelledejacob.blogspot.com

Les Etats-Unis se retirent du traité «Ciel ouvert» («Open Skies» en anglais) qui vise à rendre plus transparentes les restrictions d'armements des pays signataires : c'est ce qu'a annoncé le 21 mai le locataire de la Maison Blanche, Donald Trump. En cause ? «La Russie n'a pas respecté le traité», a accusé le président américain, ajoutant : «Donc tant qu'ils ne le respecteront pas, nous nous retirerons.»


Les Etats-Unis avaient accusé à plusieurs reprises Moscou de violer ce traité. Le ministre américain de la Défense Mark Esper avait ainsi assuré début mars lors d'une audition au Congrès : «Ça fait des années qu'ils trichent».
 
«Un coup porté au fondement de la sécurité européenne», pour Moscou

Les accusations américaines invoquées pour justifier ce retrait sont «absolument infondé[es]», selon Vladimir Ermakov, directeur du département de la non-prolifération et de la maîtrise des armements au sein du ministère russe des Affaires étrangères, cité par l'agence Tass. Selon le haut responsable, ce n'est pas la première fois que les Etats-Unis présentent la Russie comme fautive de quelque violation afin de justifier leur retrait d'accords sur la limitation des armements. «Nous sommes prêts pour une coopération d'égal-à-égal avec les Etats-Unis. Toutes les questions ont été réglées de manière adéquate dans le cadre du traité [Ciel ouvert]», fait-il également valoir.

Moscou, en outre, voit d'un mauvais œil ce retrait américain : «Le retrait des Etats-Unis de ce traité signifie non seulement un coup porté aux fondements de la sécurité européenne mais aussi aux instruments de la sécurité militaire existants et aux intérêts essentiels de sécurité des alliés mêmes des Etats-Unis», estime le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Alexandre Grouchko. «Ce n'est pas un traité bilatéral, mais multilatéral. Et une décision si brusque affectera les intérêts de tous les participants sans exception», a-t-il regretté.

Le traité «Ciel ouvert», entré en vigueur en 2002, permet aux 34 pays signataires des accords de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, de survoler les uns des autres pour vérifier leurs mouvements militaires et les mesures de limitation des armements des uns et des autres.

Selon l'agence Reuters, les alliés des Etats-Unis au sein de l'OTAN – mais aussi d'autres pays tels que l'Ukraine – avaient pressé Washington de rester dans le traité, et cette décision de Donald Trump pourrait être source de tensions au sein de l'alliance militaire atlantique. En tout état de cause, les ambassadeur des pays membres de l'OTAN ont été convoqués le 22 mai pour une réunion d'urgence à ce sujet, selon l'AFP. 
 

Quand on reparle d'Ayn Rand aux Etats-Unis !

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Quand on reparle d'Ayn Rand aux Etats-Unis !

Par Bernard PLOUVIER

« La morale de pitié est une morale de décadence »

Leitmotiv nietzschéen des années 1887-1888

Juste à la fin de la Seconde Guerre mondiale, une romancière et scénariste d’Hollywood, connue dans les universités américaines pour ses romans réservés à une élite intellectuelle et publiés sous le pseudonyme d’Ayn Rand, voulut se muer en philosophe.

Son double but était de lutter contre le marxisme et de féminiser l’enseignement du très misogyne Friedrich Nietzsche. Elle introduisit sa note personnelle, mélange de cynisme, d’individualisme forcené et d’anarchie morale, le tout servant à justifier l’opposition de la dame à tout ce qui lui déplaisait.

Née Alissia Zinovieva Rosenbaum en 1905, c’était la fille d’un riche pharmacien juif, implanté à Saint-Pétersbourg, ruiné par la Révolution bolchevique. Émigrée aux USA, elle y professera un mépris antisoviétique témoignant de sa grande intelligence. Mais, si elle a pu devenir, durant les années vingt, une étudiante d’université en Ukraine soviétisée, en dépit de son origine bourgeoise, c’est qu’elle avait adhéré de façon enthousiaste au marxisme-léninisme… il serait bon que ses bio-hagiographes y consacrent au moins un chapitre.

La rusée diplômée obtient un visa pour les USA en 1926. C’est donc qu’elle a promis d’espionner pour le Guépéou et qu’elle laisse des otages familiaux en URSS. Elle rompt avec les ignobles de Moscou et de Kiev et s’installe aux USA (New York et Hollywood). Elle y convole, devenant l’épouse d’un Frank O’Connor, passé aux oubliettes de la petite histoire.

L’auteure calme son angoisse existentielle de virago dominatrice, guère heureuse en ménage et pas trop heureuse non plus avec son amant, en fumant énormément, imitant en cela son congénère Sigismond-« Sigmund » Freud.

513qozEITLL.jpgSa vie bascule durant les années 1945-60, où elle devient une philosophe à la mode, soutenue par quantité de financiers et de littérateurs juifs, cyniques et conquérants. Durant les années 1960, un parent de l’épouse de son amant, Leonard Peikoff, anime le Mouvement objectiviste, à la gloire de la Dame.

De 1950 à 1980, se multiplient les revues à brève durée de vie diffusant ses idées, dont les articles sont presque tous rédigés par des Juifs des deux sexes. Les admirateurs d’Ayn Rand ressemblent à ceux de Freud en ce sens qu’ils sont divisés en différentes chapelles, toutes dirigées par un grand-prêtre adoubé par la Diva. Elle meurt en 1982 et son école subit un passage à vide jusqu’au renouveau des années 2000, où triomphe l’ultra-capitalisme.

Quel est donc l’enseignement de la dame ? Assez éloignée de bien des idées nietzschéennes, elle paraphrase en réalité un contestataire d’Arthur Schopenhauer : « Max Stirner », authentique génie – ce qui ne signifie nullement qu’il ait été bienfaisant – et raté social, mort en 1856.

Johann-Caspar Schmidt, plus connu sous le pseudonyme de « Max Stirner », fut le vrai nihiliste moral du XIXe siècle. Dans son maître livre de 1845, L’Unique et sa propriété, il commence par démolir fort intelligemment la sanctification des idées générales et la glorification des théories fumeuses, affirmant, ce qui est fort juste, que l’homme, par sa complexité, se situe bien au-dessus d’elles… cela n’est guère original et rappelle les thèses du franciscain Guillaume d’Ockham (mort en 1347) qui avait scandalisé les universitaires de son époque, en s’opposant aux catégories d’Aristote, qu’il considérait comme des généralisations abusives – il les nommait des Universaux, estimant qu’il n’existe que des cas singuliers. De « Stirner », on peut retenir la nécessité du tri, volontairement effectué par tout individu intelligent, dans les conventions morales de son époque.

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L’originalité de « Stirner » vient de sa conclusion : il nie la notion d’intérêt collectif, au profit du culte du moi. « Il n’est rien au-dessus de Moi… Je ne reconnais d’autre source du Droit que Moi-même… Devenez des égoïstes. Que chacun de vous devienne un Moi tout-puissant » (l’abus des majuscules figure dans le texte de « Stirner »… c’est un tic rédactionnel que Nietzsche reprendra durant les années 1880-88, quand sa paranoïa virera au délire).

C’était une réponse à l’un des essais majeurs d’Arthur Schopenhauer : Le fondement de la morale, paru en 1840 (Über die Grundlage der Moral). Un an après la mort du grandiose Arthur survenue en 1860, ses admirateurs ont fusionné l’essai avec celui paru en 1839 : La Liberté de la volonté humaine, et l’ensemble fut édité maintes fois depuis 1861 sous le titre : Les deux problèmes fondamentaux de l’éthique

Dans le court essai de 1840, Schopenhauer classait les deux archétypes humains selon leur motivation principale : l’égoïsme et la joie de nuire versus l’altruisme et la pitié. Tout était dit, en peu de pages, et l’on s’étonne que depuis 150 ans l’on continue d’accumuler, sans grand intérêt pour le lecteur, les publications à orientation religieuse ou philosophique consacrées aux principes moraux.

Certes, il faut compléter et moduler ce jugement. Un individu varie de comportement selon l’humeur du moment, l’occasion ou encore l’ambiance générale de l’opinion publique façonnée par les media. Mais il est indéniable que, depuis toujours, les humains, tous sexes et âges confondus, s’agitent en oscillant d’un pôle à l’autre, et les grands initiés de la foi ou les demi-dieux de la réflexion philosophique n’y ont rien changé, la génétique de chaque individu faisant presque tout.

Reprenant un thème voltairien, Schopenhauer considère les actes d’authentique altruisme comme étant seuls des actes moraux, car dénués d’égoïsme. La pitié est indispensable à la vie en société, car « la souffrance est le fond de toute vie » (c’était l’un des leitmotiv de son pavé Le monde comme volonté et représentation, de 1818). La véritable volonté de l’être humain, et ce qui fait sa noblesse, est le refus de céder devant la souffrance ; c’est grâce à cette volonté que la souffrance, physique ou morale, trouve sa justification métaphysique.

L’athée Schopenhauer se moque de la rhétorique chrétienne d’Augustin (dans Les confessions), où l’on prétend qu’il n’existe aucun mal, si grand fût-il, que la divinité ne puisse en faire jaillir un bien. Pour le grand Arthur, c’est l’homme qui, par sa noblesse, peut seul combattre le mal. L’altruisme est la volonté de lutter, gratuitement autant qu’efficacement, contre la souffrance d’autrui.

« Stirner » écrit en 1845 que l’altruiste n’est qu’un égoïste qui cherche un plaisir d’esthète dans la satisfaction procurée à autrui… il décrivait avec plus d’un siècle d’avance le Charity business des canailles d’affaires, parfois doublées de crapules sexuelles. Il est possible que le ratage intégral de sa carrière socio-professionnelle ait déterminé le cynisme de « Stirner », repris et amplifié par le Nietzsche des années 1880 et suivantes.

Ecce_Homo.gif« Je reproche aux miséricordieux de manquer facilement de pudeur, de délicatesse, de ne pas savoir garder les distances. La compassion prend trop vite l’odeur de la populace. Surmonter la pitié, c’est une vertu aristocratique » (Nietzsche, Ecce Homo, de 1888). La compassion est une « valeur amorale » et la charité – le don gratuit, sans espoir de réciprocité – une « morale d’esclaves »… une autre analyse en ferait plutôt une valeur de Seigneur moral ! « Les horreurs de la réalité sont infiniment plus nécessaires que ce petit bonheur qu’on appelle “la bonté” », cette bonté que Friedrich, solitaire, aigri par son insuccès en terres germaniques, assimile à un hédonisme moral (même source). Il fait de la magnanimité une « vengeance sublimée »… alors qu’elle est surtout une forme subtile de mépris.

« Périsse les faibles et les ratés : premier principe de notre amour pour les hommes. Et qu’on les aide à disparaître… S’il m’est démontré que la dureté, la cruauté, la ruse, la témérité, la pugnacité sont de nature à augmenter la vitalité de l’homme, je dirais oui au mal et au péché » (L’Antéchrist, 1888).

L’éthique nietzschéenne a un but très différent de « l’éthique de l’Humanité supérieure » vantée par notre auteure Ayn Rand. L’antimorale chrétienne de Friedrich est fondée sur l’honneur et sur le sacrifice du bonheur que s’impose le héros au profit d’un but lointain : l’éclosion de la surhumanité, cette surespèce, forte et belle, physiquement et intellectuellement plus douée, mais aussi plus rude, dégagée de toute sensiblerie. « Il est des problèmes plus élevés que ceux du plaisir, de la souffrance et de la pitié. Toute philosophie qui s’arrête là est une naïveté » (in Par-delà bien et mal, de 1885-1886). « L’homme a tant à faire pour lui-même que, chaque fois qu’il agit pour autrui, il se rend coupable de grave négligence » (in Volonté de Puissance)… ou l’altruisme envisagé comme un gaspillage de temps et d’énergie.

Volonté de Puissance est une œuvre composée après la mort de Nietzsche par sa sœur et d’autres admirateurs à partir d’études, de fragments disjoints et d’aphorismes, datés de 1882 à janvier 1889, et publiée en 1901, augmentée en 1906. En 1886, Nietzsche voulait ajouter en sous-titre : Essai d’une transmutation de toutes les valeurs. On peut la considérer comme la quintessence de la pensée nietzschéenne – et dans ce cas, cette pensée est pré-hitlérienne, qu’on le veuille ou non – ou comme une « trahison » de son œuvre par Elisabeth Förster-Nietzsche… ce qui s’apparente à un pieux mensonge de précieux ridicules de la philosophie.

Comme à l’accoutumée, Sigismond-« Sigmund » Freud – un bourgeois solidement établi, empêtré dans les problèmes sexuels, les siens et ceux de sa famille de pédophiles incestueux (voir notre livre sur Freud de 2016) – erre totalement avec son surmoi, qui n’aurait pour but que de réprimer les deux pulsions élémentaires qui font le charme et l’originalité de sa pensée : le plaisir (qui, selon lui, est essentiellement sexuel) et le jeu avec la mort (Freud, 1920). Avec cette conception réductrice de la surconscience, on crée peut-être la variété la plus célèbre de la supercherie psychanalytique, mais le fondement éthique est bien mince.

000733146.jpgDans son Malaise dans la civilisation (texte de 1930), le gourou de Vienne, alors en perte de vitesse, étant très contesté par ses concurrents et ses ex-élèves, écrit l’une des perles dont il a le secret : « Tout renoncement à une pulsion devient une source d’énergie pour la conscience », alors qu’elle ne fait généralement qu’alimenter la puissance d’une autre pulsion. Ne pas reprendre du gâteau fut une source d’intime satisfaction pour le stoïcien romain ; ne pas violer une jolie femme restera toujours une source d’honneur pour un homme.

Il ne s’agit d’ailleurs pas de renoncement en valeur absolue, mais d’une hiérarchie des valeurs, adaptée à la surconscience de chacun et au code de lois de la société. C’est ce que ne feront jamais le psychopathe, authentique immature du sens éthique, attaché à la jouissance immédiate, compulsive, de son désir du moment, ni le sociopathe, dépourvu totalement de sens éthique, obnubilé par la joie de révéler sa formidable capacité de nuisance et de malfaisance à un maximum de contemporains… ce qui ressemble quelque peu aux théories de « Stirner » et « Rand ».

Un admirateur anti-individualiste de Schopenhauer et de Nietzsche, devenu un expert – très discuté de nos jours – de l’analyse des comportements sociaux a dit : « L’homme moyen ne voit pas, dans son époque, ce qui affecte la collectivité. Il n’aperçoit généralement que ce qui le gêne lui-même. Les contemporains n’ont que très rarement une conscience exacte de la décadence morale ou politique de leur époque, du moins tant que cette décadence n’envahit pas le domaine de l’économie et de l’emploi » (Adolf Hitler, discours public du 10 mai 1935, in réédition de 2014).

Et cette lutte contre le risque de décadence était d’actualité aux USA de la fin de 1945, une fois éteints les lampions de la victoire. La forme de décadence la plus immédiatement visible s’appelait le marxisme.

L’ultra-capitalisme, qui a détruit les valeurs de notre Occident depuis les années 1980, a été vanté, à ce moment crucial, par Ayn Rand. Cette virago, aussi dynamique qu’intelligente, a fondé un lobby prônant le « capitalisme objectif », implanté dans la citadelle judéo-capitaliste par excellence : New York.

9780452011175.jpgSe réclamant officiellement de « l’objectivité », la dame a fourni à ses lecteurs des analyses très « subjectives » de tout ce qu’elle a traité. Plutôt que les rhapsodies très lyriques de la romancière-philosophe, c’est le pavé de Leonard Peikoff (1991) qui explique le mieux les concepts assez rudimentaires de la dame, qui a tenté d’amalgamer le cynisme de « Stirner » et le délire mégalomaniaque du Nietzsche de ses dernières années d’éveil cérébral aux théories sommaires des économistes ultralibéraux des XVIIIe et XIXe siècles.

La dame a vanté les mérites de l’exploitation acharnée du travail d’autrui, libérée de toute entrave d’État. Les « managers » (chefs d’entreprise) devaient être débarrassés de tout contrôle gouvernemental, étant libres de négocier salaires et retraites, d’engager ou de licencier à leur guise… et les homosexuels ou les communistes étaient alors des cibles du patronat US, à l’égal des fainéants ou des incapables. En 1999, soit en pleine euphorie globalo-mondialiste, les postes US émirent un timbre à son effigie.

L’éthique de Dame « Rand » se réduit à « un égoïsme rationnel » – ou rationalisé, comme l’on voudra. Le monde doit être dirigé par les « humains supérieurs » et, dans cette catégorie, les femmes ont autant de droits que leurs mâles. Le féminisme de « Rand » ne devient une conception égalitariste qu’au sein de la caste des surdoués en intelligence et en énergie… et surtout pas des surdoués de la compassion ou de la pitié.

On conçoit que cette part de la doctrine « Rand » ait été mise à mal par la niaiserie écolo-tiers-mondiste du Charity business, lorsque des canailles d’affaires ou des crapules sexuelles ont tenté de se refaire une réputation en investissant une faible partie de leur fortune dans des libéralités fort médiatisées.

Arrivent la pandémie de coronavirus, baptisé Covid-19, et la catastrophe économique induite par le « confinement », imposé par l’OMS à la quasi-totalité des politiciens de la planète, sur recommandation intéressée des dictateurs chinois. Flambent aussitôt un peu partout, les doctrines prônant le splendide isolement, l’égoïsme national, voire l’égoïsme individuel envisagés comme autant de principes pragmatiques et rationnels… et l’on reparle de Dame « Rand ».

51G3CULpLLL._SX328_BO1,204,203,200_.jpgChaque être humain est libre de butiner là où il trouve son bien, libre également de crier Au génie !, libre de vouloir faire partager son admiration. Toutefois, nier toute valeur à la compassion et repousser l’altruisme et la pitié, au profit de l’individualisme forcené ou d’un darwinisme social quelque peu absurde, ce sont de curieuses attitudes, peu enthousiasmantes.

Le darwinisme social devient pure stupidité, quand il débouche sur un égoïsme de caste. Après tout, il naît des surdoués et des êtres de grande conscience éthique – hélas l’un ne va pas souvent de pair avec l’autre – dans toutes les races et ethnies, chez les riches comme chez les va-nu-pieds.

L’individualisme et l’hédonisme sont des objectifs de vie médiocres. Il serait peut-être temps d’en revenir aux grandes aventures collectives, en évitant bien sûr les écueils d’un passé proche.

Aux jeunes, il serait peut-être souhaitable d’enseigner l’essentiel de la philosophie de Schopenhauer, plutôt que la doctrine d’un « Stirner », les écrits de la phase de délire paranoïaque de Nietzsche ou les thèses de ce bas-bleu désabusé de « Rand »-Rosenbaum-O’Connor, apologiste de l’utilitarisme forcené envisagé comme source d’éthique.

Pour terminer sur une note extrêmement polémique, on dira que le féminisme, dans tous ses avatars, fut LA catastrophe intellectuelle et morale de l’occident au XXe siècle

Indications bibliographiques:

S. Freud : Essais de psychanalyse, Payot, 1970 (première édition allemande de 1920)

S. Freud : Malaise dans la civilisation, P.U.F., 1973 (texte de 1930 ; première édition en langue anglaise en 1961)

A. Hitler : Principes d’action, Déterna, 2014 (première édition française de 1936)

F. Nietzsche : Par-delà bien et mal. Prélude d’une philosophie de l’avenir, Gallimard, 1971 (texte de 1885-1886)

F. Nietzsche : Contribution à la généalogie de la morale, Union Générale d’Éditions, 1974 (texte de 1887)

F. Nietzsche : Ecce Homo. Comment on devient ce qu’on est, Mercure de France, 1909 (texte de 1888)

F. Nietzsche : Le crépuscule des idoles ou comment on philosophe à coups de marteau et autres textes (dont L’Antéchrist et Le cas Wagner), Mercure de France, 1952 (Ce sont les

ultimes œuvres achevées de l’auteur, écrites en 1888 ; première édition française en 1899)

F. Nietzsche : La Volonté de Puissance, éditions du Trident, 1989

L. Peikoff : Objectivism : the philosophy of Ayn Rand, Penguin Books, New York, 1991 (pour les insomniaques et les supporters inconditionnels, on signale que Leonard Peikoff, exécuteur testamentaire de dame « Rand », a édité en 1997, chez Penguin, un pavé de près de 700 pages des Lettres du sujet de son admiration)

31+ycSh4BkL._AC_UY218_ML3_.jpgB. Plouvier : Le dérangement du monde ou des erreurs et des hommes, L’Æncre, 2016

« A. Rand » : La vertu d’égoïsme, Les Belles Lettres, 1993 (c’est un recueil très partiel des textes réunis en 1964 aux USA ; la version française a expurgé plus de la moitié de la version nord-américaine, se débarrassant des petits essais les plus cyniques et arrogants)

A. Schopenhauer : Le fondement de la morale, Alcan, 1888 (première édition allemande de 1840)

« M. Stirner »-J. C. Schmidt : L’unique et sa propriété, L’Âge d’Homme, Lausanne, 1972 (première édition allemande de 1845)

vendredi, 22 mai 2020

Dorian Astor - Le Dionysos de Nietzsche

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Dorian Astor - Le Dionysos de Nietzsche

 
Interview de Dorian Astor sur le Dionysos de Nietzsche, de La Naissance de la Tragédie (1872) à Ecce Homo (1888). Dorian Astor a écrit une biographie de Nietzsche (2011), un essai sur Nietzsche (La Détresse du Présent, 2014), a dirigé le dictionnaire Nietzsche (2017), a coordonné un ouvrage collectif sur Nietzsche (Pourquoi nous sommes nietzschéens, 2016), et collabore à la direction des oeuvres complètes de Nietzsche dans la collection de la Pléiade (tome 2 publié en 2019), et écrit nombre d'articles sur le "philosophe au marteau".
 

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L’oligarchie occidentale face à la Chine: le déclin ou la guerre ?

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L’oligarchie occidentale face à la Chine: le déclin ou la guerre ?

par Antonin Campana

Ex: http://www.autochtonisme.com

L’oligarchie est un corps social parasitoïde. Un parasitoïde est un organisme qui se développe à l’intérieur d’un autre organisme mais qui, au contraire de nombreux parasites, tue inévitablement celui-ci au cours de son développement, ou à la fin de son développement (cf. Wikipédia).

L’oligarchie occidentale parasite les pays occidentaux. Elle a profité de leur développement démographique, économique, technologique, scientifique, financier et militaire pour détourner à son profit une partie de plus en plus importante des produits de ce développement. La victoire des Alliés en 1945 a incontestablement été la victoire de l’oligarchie. A partir de cette date, elle contrôlera, sans opposition notable, tous les gouvernements occidentaux, toutes les opinions occidentales, toute l’économie et la finance occidentales, ainsi que tout le maillage industriel des pays occidentaux. Globalement, vers 1980-1990, l'oligarchie a atteint l’enrichissement maximum qu’elle pouvait espérer.

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Cependant, afin de poursuivre son développement, le parasitoïde avait encore une carte à jouer. Puisqu’en raison de ses résistances, le salariat occidental était difficilement compressible, la solution consistait à s’en passer. L’oligarchie a donc actionné les gouvernements occidentaux pour que ceux-ci mettent fin au contrôle des capitaux et ferment les yeux sur la délocalisation des industries, ainsi rendue possible.  A partir de la fin des années 1980, tous les pays occidentaux, sauf l’Allemagne, ont vu leur tissu industriel s’évaporer, et les pays sous-développés, comme la Chine, ont vu jaillir un tissu industriel clé en main, avec mode d’emploi. C’était magique.

C’était magique, simple… et lucratif. Le plan oligarchique était en effet bien ficelé. Les Chinois fabriqueraient des produits pour le compte des oligarques et, pour pouvoir les acheter, les Occidentaux feraient des dettes auprès des mêmes oligarques. En fait, le jeu consistait à échanger des biens réels contre de la monnaie sans valeur. Dans un premier temps, tout le monde était gagnant. Les Chinois profitaient d’un transfert technologique inespéré. Et les occidentaux pouvaient se payer des téléviseurs pour presque rien. De plus, ils disposaient d’une planche à billet magique qui leur permettait de tout acheter, tout le temps. L’industrie ? Un archaïsme disaient-ils. Seule la recherche-développement avait de l’intérêt, ainsi que le tertiaire, et bien sûr la force militaire (pour calmer ceux qui n’acceptaient pas le nouvel ordre mondial et la monnaie magique). C’est ainsi que l’économie du monde occidental est devenue une économie de service, avec des toiletteurs pour chiens, des avocats, des publicitaires, des journalistes et bien sûr des militaires.    

Ce n’est pas la première fois qu’une telle configuration se présente dans l’histoire. L’Espagne du Siècle d’or a déjà tenté l’expérience. Cela s’est très mal terminé, pour elle. Petit retour en arrière qui prouve que les oligarques sont des abrutis incultes.

Après la prise de Grenade (1492), la paix revient dans la péninsule ibérique. Le territoire se réunifie sous les Rois Catholiques. L’Etat se réorganise et perçoit des ressources régulières. L’économie se redresse. L’artisanat prospère. La démographie augmente tout au long du XVIe siècle. En Castille, la population double presque. Des innovations importantes, comme la boussole, les portulans, l’astrolabe ou le gouvernail d’étambot, vont permettre à l’Espagne de bâtir un empire planétaire à partir de 1492. L’Espagne restaurée du XVIe siècle a le dynamisme de l’Europe du XIXe.

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Une des motivations des découvertes espagnoles est probablement la « soif de l’or ». L’expansion économique du Royaume a besoin de numéraire et d’or pour les échanges internationaux. Les Espagnols commencent par grappiller et troquer l’or auprès des Indiens, puis à pratiquer l’orpaillage et l’exploitation minière. La phase de l’or se termine vers 1550. Vient ensuite la phase de l’argent qui apparaît vers 1521-1530 mais dont la production explosera véritablement vers 1554, avec la mise en exploitation de la mine de Potosi (1545). Les métaux précieux affluent donc en Espagne par bateaux entiers. Les conséquences ne se font pas attendre.

En effet, l’Espagne achète avec son or des produits manufacturés venus de toute l’Europe. La population commence à mépriser le travail manuel, alors que la surveillance de l’Empire demande de plus en plus de soldats, d’administrateurs et de fonctionnaires. Les campagnes se dépeuplent et l’agriculture décline. L’industrie est devenue inutile : la majeure partie des marchandises et des produits finis, payée avec l’argent facile venu des Amériques, arrive par terre et par mer de l’étranger : outillage, quincaillerie, textile, mercerie, produits de luxe….  Rapidement, l’Espagne manque de techniciens, d’artisans, de paysans. Elle accumule les retards techniques. Elle doit donc faire appel à des étrangers : des Allemands pour l’imprimerie, des Français pour la passementerie, des Flamands pour la draperie. Nunez de Castro écrira en 1658 : « les étrangers fabriquent ce que consomme la capitale, et ce seul fait démontre que toutes les nations font travailler leurs ouvriers pour Madrid, dont la seigneurie s’étend sur toutes les autres capitales, puisque toutes la servent, et elle ne sert personne » (Solo Madrid es Corte). Cela ne vous rappelle rien ?

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Faire fabriquer par d’autres ce que nous consommons : ce système a fonctionné hier, tout comme il fonctionne aujourd’hui.  Il a fonctionné hier… jusqu’au jour où la production de métaux précieux en Amérique a commencé  à décliner. A partir de 1620, les arrivages de métaux précieux diminuent, le déclin du commerce avec l’Amérique s’amorce et le Trésor royal connaît des déficits. Les indicateurs démographiques, agricoles et monétaires (inflation) se détériorent. L’Espagne ne parvient plus à payer son train de vie, les « autres capitales » cessent de travailler pour Madrid. Mais l’industrie de Madrid est ruinée et l’Espagne, qui entre alors dans une longue « décadence », a raté son entrée économique dans la modernité. Elle ne s’en relèvera jamais vraiment. Le traité des Pyrénées de 1659 sanctionne sa défaite militaire, elle qui avait la première armée du monde, et sa relégation au niveau d’une puissance européenne de second ordre, elle qui était la plus grande puissance mondiale. 

Il n’est pas bon qu’une richesse soit artificielle. Menés par leur oligarchie, les occidentaux ont fait comme les Espagnols du XVIe siècle. A ceci près qu’ils n’ont pas tiré leur richesse des mines de Potosi mais d’artifices bancaires et de la planche à billet. Comme eux, ils ont bradé leur industrie, déconsidéré le travail manuel et fait fabriquer par d’autres les produits dont ils avaient besoin. Comme eux, ils ont perdu le savoir nécessaire  pour fabriquer les choses les plus simples, comme des masques en papier. Comme eux, ils ont des armées puissantes, mais qui reposent sur du vent, car ils ne fabriquent plus leurs armes. Comme Nunez de Castro, ils étalent leur suffisance, car au fond d’eux, ils pensent que des navires chargés d’or leur viendront toujours.

Tout a une fin, heureusement. Il me semble que l’humeur des Chinois a changé ces derniers mois et notamment depuis ce fichu coronavirus (qui leur sert de prétexte ?). Il se pourrait donc, peut-être, qu’à partir de maintenant (et si ce n’est maintenant, cela ne saurait tarder), il se pourrait donc que les Chinois ne se contentent plus d’une monnaie dupliquée à la photocopieuse, en tous cas non adossée à une économie réelle, et qu’ils considèrent que les transferts de technologies sont désormais suffisants pour leur permettre de mettre fin à un marché humiliant qui leur rappelle les traités inégaux du XIXe siècle. Imaginez quel sera le cataclysme, le jour (peut-être déjà là) où les Chinois ne voudront plus échanger des produits manufacturés contre du papier ? Que pourrons-nous leur donner en échange : nos monuments, nos ports, nos aéroports, notre liberté peut-être ?  

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Et l’oligarchie dans tout ça ? L’oligarchie est forte de la puissance de nos pays. Si les pays occidentaux s’effondrent, c’est la puissance de l’oligarchie occidentale qui s’effondre avec eux. Et c’est l’oligarchie communiste chinoise qui s’impose ! Aussi voit-on les larbins de « notre » oligarchie (les Macron, les Le Maire, les Trump…) envisager dans l’urgence des « relocalisations ». Mais on ne recompose pas un tissu industriel d’un claquement de doigt. Les Chinois (les Chinois !) ont mis plus de quarante ans pour construire le leur, avec notre aide qui plus est ! Il est trop tard.

Revenons à l’Espagne. Nous avons dit qu’elle avait la première armée du monde. Comme les Etats-Unis aujourd’hui. Qu’a fait l’Espagne pour tenter d’enrayer son déclin ? Elle a misé sur son armée et sa flotte, pour défendre son empire, pour contrôler ses routes stratégiques, pour protéger ses routes commerciales.  Mais quelle est l’efficacité à moyen terme d’une armée qui n’est pas adossée à une industrie puissante ? Actuellement, les Etats-Unis misent tout sur leur armée. C’est la dernière chose qu’il leur reste. Mais quelle peut être la solidité d’une armée moderne qui ne peut plus fabriquer un missile ou un char sans faire venir des pièces de l’étranger ? Si vous voulez connaître le destin des Etats-Unis et de l’Europe, étudiez l’histoire d’Espagne.

L’oligarchie occidentale acceptera-t-elle son déclin ou fera-t-elle la guerre comme le fit l’Espagne ? Souvenez-vous, pour assurer son développement, un parasitoïde tue inévitablement l’organisme qu’il parasite. L’histoire nous apprend d’autre part que l’oligarchie a toujours profité des guerres (ici s’arrête donc notre analogie avec l’Espagne. La noblesse espagnole, lorsqu’elle a choisi la guerre, a toujours été la première à s’exposer. Cela s’appelle l’Honneur. L’oligarchie, quant à elle, ne provoque jamais une guerre avant d’avoir rejoint ses bunkers souterrains). Donc, peut-on supposer, l’oligarchie occidentale utilisera tous les outils à sa disposition pour conserver son hégémonie. Elle pense, et c’est malheureux, et c’est faux, que l’armée des Etats-Unis est un merveilleux outil, un outil magique qui, en dernier recours, réglera son problème d’hégémonie sur le monde. Elle ignore que la Chine a déjà ses Grand Condé et ses Turenne. Tant pis pour elle, mais pauvre de nous !

Antonin Campana