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mardi, 15 octobre 2024

Chesterton et la conspiration fantastique (1908)

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Chesterton et la conspiration fantastique (1908)

Nicolas Bonnal

Je suis très heureux de préfacer Chesterton traduit en ukrainien par ma femme. C’est un beau cadeau qu’elle fait au public ukrainien car le livre de Chesterton est un des plus importants pour comprendre le monde moderne. En outre, je peux ainsi me corriger. Dans mon livre sur « les grands écrivains et la théorie de la conspiration », j’ai été incapable de consacrer un chapitre à Chesterton et à son Nommé Jeudi, un des livres les plus fantastiques et compliqués du monde.

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Pourtant, cela parle bien crânement d’une conspiration, et de la conspiration mondialiste et capitaliste, appuyée par les intellectuels dégénérés, conspiration à laquelle nous assistons maintenant et qui provient d’Occident, en particulier des pays anglo-saxons, à la fois élitistes et nihilistes, capitalistes et progressistes. Sont-ils le siège ou la source de cette subversion ? C’est un autre problème...

L’originalité de Chesterton est qu’il décrit une lutte menée par un homme étonnant, un poète réactionnaire. Présenter son personnage comme un « réac » et comme un poète, c’est déjà phénoménal, au sens étymologique. Cette lutte n’est pas chrétienne du reste : on est dans un registre cauchemardesque, fantastique, et on doute de toutes les réalités, on se demande même s’il y en a une, s’il y en eut une, si le destin de l’homme n’est pas de chuter de cauchemar en cauchemar, comme Alice dans son puits de sciences incertaines. « Gabriel Syme n’était pas simplement un policier déguisé en poète : c’était vraiment un poète qui s’était fait détective. Il n’y avait pas trace d’hypocrisie dans sa haine de l’anarchie. Il était un de ceux que la stupéfiante folie de la plupart des révolutionnaires amène à un conservatisme excessif. Ce n’était pas la tradition qui l’y avait amené. Son amour des convenances avait été spontané et soudain. Il tenait pour l’ordre établi par rébellion contre la rébellion. »

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Chesterton commet l’irréparable : il représente son héros comme un homme de droite, attaché sinon à des valeurs traditionnelles, sinon au monde qui existe et que nos milliardaires (cf. Guénon dans Le Règne de la Quantité) veulent dissoudre. On est à l’époque déjà fameuse des 300 qui dirigent le monde, 300 dont a parlé le président d’AEG Rathenau (qui était aussi essayiste) et qui allaient encadrer un siècle durant la désintégration de l’Occident/agent oxydant et la mondialisation totalitaire qui émerge définitivement avec le règne informatique (Chesterton parle comme Thoreau ou Dostoïevski du télégraphe et du chemin de fer – voyez Walden ou même L’Idiot). Mais la Geste chevaleresque de Syme sera limitée : « Entouré qu’il était depuis son enfance par toutes les formes possibles de la révolte, il était fatal que Gabriel se révoltât aussi contre quelque chose ou en faveur de quelque chose. C’est ce qu’il fit en faveur du bon sens, ou du sens commun. Mais il avait dans ses veines trop de sang fanatique pour que sa conception du sens commun fût tout à fait sensée. »

Le monde ne serait-il passez réel pour être sauvé des conspirateurs ?

Très intéressant Syme va se retrouver avec des policiers politiques, des agents secrets comme on dit (Chesterton avait-il prévu l’extension du pouvoir étatique ?) qui ont noyauté l’organisation de Dimanche, le milliardaire surhumain et nietzschéen, modèle de Blofeld qui tient l’Organisation. Et cette police est intellectuelle.

« — Être des vôtres ! demanda Syme, et pour quoi ?

— Je vais vous dire… Voici la situation. Depuis longtemps le chef de notre Division, l’un des plus fameux détectives d’Europe, estime qu’une conspiration intellectuelle, purement intellectuelle [souligné par nous, NB], ne tardera pas à menacer l’existence même de la civilisation : la Science et l’Art ont entrepris une silencieuse croisade contre la Famille et l’État. C’est pourquoi il a créé un corps spécial de ‘’policemen-philosophes’’. Leur rôle est de surveiller les initiateurs de cette conspiration, de les surveiller non seulement par les moyens dont nous disposons pour réprimer les crimes, mais de les surveiller et de les combattre aussi par la polémique, par la controverse. Je suis, pour mon compte, un démocrate, et je sais très bien quel est, dans le peuple, le niveau normal du courage et de la vertu. Mais il serait peu prudent de confier à des ‘’policemen’’ ordinaires des recherches qui constituent une chasse aux hérésies. »

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En réalité, Chesterton reconnaît implicitement ici le génie du Moyen Age : on chassait les idées et les œuvres car elles allaient détruire la société !  La démocratie libérale occidentale aura tout laissé faire : voir la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques à Paris. La mission de l’art est de bousiller la société et l’art – et la religion.

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Tolstoï le remarque dans son excellent et réactionnaire essai sur l’art publié à la même époque. Il accuse Wagner, les poètes français, les écrivains symbolistes, la peinture impressionniste et postérieure : on est déjà dans un monde bousillé et c’est en cela que le jeune Chesterton rejoint le Maître (qui a quarante-six ans de plus que lui). Le monde va devenir fantastique et expressionniste, presque au sens cinématographique (Jeudi est d’ailleurs un roman cinématographique, très visuel, schématique et dialogué) ; si on ne l’a pas plus adapté, c’est à cause de son contenu trop politiquement incorrect. Hitchcock a adapté « Les Trente-neuf marches » de John Buchan, mais en les mutilant. 

*

La vision de Chesterton (la police noyautant la communauté terroriste) deviendra une constatation chez Guy Debord : « Mais l’ambition la plus haute du spectaculaire intégré, c’est encore que les agents secrets deviennent des révolutionnaires, et que les révolutionnaires deviennent des agents secrets (Commentaires). »

Le mystérieux homme en bleu explique à Syme le rôle subtil de la police intellectuelle (nouvelle inquisition, mais en position de faiblesse cette fois, socialement et politiquement, et même spirituellement, car le monde terrestre n’est objectivement plus chrétien, il est livré aux forces).  « — Le rôle du ‘’policeman philosophe’’, répondit l’homme en bleu, exige plus de hardiesse et de subtilité que celui du détective vulgaire. Celui-ci va dans les cabarets borgnes arrêter les voleurs. Nous nous rendons aux ‘’thés artistiques’’ pour y dénicher les pessimistes. Le détective vulgaire découvre, en consultant un grand livre, qu’un crime a été commis. Nous, nous diagnostiquons, en lisant un recueil de sonnets, qu’un crime va être commis. Notre mission est de monter jusqu’aux origines de ces épouvantables pensées qui inspirent le fanatisme intellectuel et finissent par pousser les hommes au crime intellectuel. »

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Chose importante, Syme [le nommé Jeudi] va comprendre que les anarchistes, les rebelles, les destructeurs ne sont pas les pauvres (aucune peur de l’égalitarisme chez Chesterton, qui est un populiste forcené, un admirateur éperdu de l’homme de la rue) mais les riches et les privilégiés. Dans Le Talon de fer toujours publié à la même époque, Jack London dénonce l’intervention des milliardaires humanitaires qui veulent faire le bien à n’importe quel prix. Et le petit romancier Gustave Le Rouge dénonce la conspiration des milliardaires américains dans un triple volume. On est à l’époque ou Bernanos dénonce « le trust des trusts » qui va bouffer le monde, mélange de Black Rock et de Google. Mais ce trust, et tous les grands écrivains le savent, fusionne avec l’Etat. Il est inepte déjà d’opposer socialisme et libéralisme. Les deux ne font plus qu’un depuis longtemps.

Chesterton (c’est un écrivain maudit, voyez l’idiot et hideux texte de Christopher Hitchens contre lui) va donc taper sur élites conspiratrices et misanthropes : « — Vous n’êtes pas assez démocrate, répondit le policeman, mais vous aviez raison de dire, tout à l’heure, que nous traitons trop brutalement les criminels pauvres. Je vous assure que le métier, s’il se réduisait à persécuter les désespérés et les ignorants, me dégoûterait. Mais notre nouveau mouvement est tout autre chose. Nous donnons un démenti catégorique à cette théorie des snobs anglais selon laquelle les illettrés sont les criminels les plus dangereux. »

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Chesterton en rejoint presque Rousseau et le légendaire et génial Discours sur les sciences et les arts. Mais comme on sait, Dostoïevski (Les Possédés) ou Oscar Wilde (toujours à la même époque, dans Dorian Gray bien sûr) ont pris la mesure de cette élite riche et cultivée, exotique et dégénérée qui va prendre le pouvoir en Europe puis ailleurs (voyez le film Eyes Wide Shut de Kubrick et son inspirateur Schnitzler). L’élite est pire que le malfaiteur moyen, que Nietzsche célèbre après Dostoïevski, et qui orne de sa haute et solide présence les prisons. Chesterton rappelle : « Nous nous souvenons des princes empoisonneurs de la Renaissance. Nous prétendons que le criminel dangereux par excellence, c’est le criminel bien élevé. Nous prétendons que le plus dangereux des criminels, aujourd’hui, c’est le philosophe moderne, affranchi de toutes les lois. Comparés à lui, le voleur et le bigame sont des gens d’une parfaite moralité. Combien mon cœur les lui préfère ! Ils ne nient pas l’essentiel idéal de l’homme. Tout leur tort est de ne pas savoir le chercher où il est. Le voleur respecte la propriété ; c’est pour la respecter mieux encore qu’il désire devenir propriétaire. Le philosophe déteste la propriété en soi : il veut détruire l’idée même de la propriété individuelle. Le bigame respecte le mariage, et c’est pourquoi il se soumet aux formalités, cérémonies et rites de la bigamie. Le philosophe méprise le mariage en soi. »

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Chesterton ajoute avec humour comme pour mieux prouver son point de vue. « L’assassin même respecte la vie humaine : c’est pour se procurer une vie plus intense qu’il supprime son semblable. Le philosophe hait la vie, la vie en soi ; il la hait en lui-même comme en autrui. »

Syme découvre alors la menace ‘’bolchévique’’ si l’on veut. Il y a des philosophes qui veulent tout SUPPRIMER. Suppression, destruction et déconstruction (l’ami Le Vigan a travaillé là-dessus). « — Comme cela est vrai ! s’écria Syme en battant des mains. C’est ce que j’ai pensé dès mon enfance ; mais je n’étais pas parvenu à formuler l’antithèse verbale. Oui, tout méchant qu’il soit, le criminel ordinaire est du moins, pour ainsi dire, conditionnellement un brave homme. Il suffirait qu’un certain obstacle — disons un oncle riche — fût écarté pour qu’il acceptât l’univers tel qu’il est et louât Dieu. C’est un réformateur ; ce n’est pas un anarchiste. Il veut réparer l’édifice, il ne veut pas le démolir. Mais le mauvais philosophe ne se propose pas de modifier : il veut anéantir. »

Et la société moderne pas très maligne se contente de pourchasser le pauvre, comme le remarque Céline au début du Voyage (au bout de la nuit c’est-à-dire au bout de l’Occident). Etre pauvre est une indignité. La police chasse donc le pauvre et laisse le riche pessimiste ou sataniste détruire le monde à sa guise avec ses agents politiques ou bureaucratiques. Syme déclare avec flamme (c’est un héros plus passionné qu’intelligent, sinon il serait à son tour DANGEREUX…) : « Oui, la société moderne a gardé de la police ce qui en est vraiment oppressif et honteux. Elle traque la misère, elle espionne l’infortune. Elle renonce à cette œuvre autrement utile et noble : le châtiment des traîtres puissants dans l’État, des hérésiarques puissants dans l’Église. Les modernes nient qu’on ait le droit de punir les hérétiques. Je me demande, moi, si nous avons le droit de punir qui que ce soit qui ne l’est pas. »

*

Augustin Cochin avait parlé, pour la Révolution Française, du cercle intérieur. Ce sont eux qui commandent les trusts, les gouvernements, les organisations internationales. Citons-le… « La société fondée, il est fatal qu’un cercle intérieur se forme qui la dirige à son insu. Où la liberté règne, c’est la machine qui gouverne. Ainsi se forme d’elle-même, au sein de la grande société, une autre plus petite, mais plus active et plus unie, qui n’aura pas de peine à diriger la grande à son insu. Elle se compose des plus ardents, des plus assidus, des mieux au fait de la cuisine des votes. »

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Cochin  explique comment la cabale fonctionne, deux siècles après Molière. Il serait à relire celui-là avec ses hypocrites, ses dévots, ses bourgeois gentilshommes, ses malades imaginaires, ses fils de famille efféminés, ses femmes savantes et ses précieuses si ridicules… « Chaque fois que la société s’assemble, nous dit Cochin, ils se sont assemblés le matin, ont vu leurs amis, arrêté leur plan, donné leur mot d’ordre, excité les tièdes, pesé sur les timides. Comme leur entente date de loin, ils tiennent en main toutes les bonnes cartes. Ils ont maté le bureau, écarté les gêneurs, fixé la date et l’ordre du jour. »

Dans le monde de Chesterton c’est la même chose :

« — Ne la cherchez pas, expliqua le policeman, dans ces explosions de dynamite qui se produisent au hasard, en Russie ou en Irlande, actes de gens sans doute mal inspirés, mais réellement opprimés. Le vaste mouvement dont je parle est philosophique, et l’on y distingue un cercle intérieur et un cercle extérieur. On pourrait même désigner le cercle extérieur par le mot ‘’laïc’’ et le cercle intérieur par le mot ‘’sacerdotal’’. Je préfère ces deux étiquettes, plus claires : section des innocents et section des criminels. »

On précise qui sont les innocents (on dirait « idiots utiles ») : « Les premiers, les plus nombreux, sont de simples anarchistes, des gens convaincus que les lois et les formules ont détruit le bonheur de l’humanité. Ils croient que les sinistres effets de la perversité sont produits par le système précisément qui admet la notion de la perversité. Ils ne croient pas que le crime engendre la peine : ils croient que la peine engendre le crime. Pour eux, le séducteur, après avoir séduit sept femmes, serait aussi irréprochable que les fleurs du printemps. Selon eux, le pickpocket aurait l’impression d’être d’une exquise bonté. Voilà ma section des Innocents. »

Après, il y a un cercle intérieur comme chez Cochin. « — Naturellement, ces gens-là parlent de l’heureux temps qui s’annonce, d’un avenir paradisiaque d’une humanité délivrée du joug de la vertu et du vice, etc. Ceux du cercle intérieur, du cercle sacerdotal, tiennent le même langage. » Raymond Abellio parla plus tard de « communisme sacerdotal ». Une communauté d’esprits supérieurs et tout-puissants (Davos toujours) établie en Suisse, et qui conspire contre la masse du troupeau animal détesté. Chesterton les a vus : « Eux aussi, devant les foules délirantes, parlent de félicité future, de délivrance finale. Mais, dans leur bouche — et ici le policeman baissa la voix — ces mots ont un sens épouvantable. Car ils ne se font pas d’illusions ; ils sont trop intelligents pour croire que l’homme, en ce monde, puisse jamais être tout à fait libéré du péché originel et de la lutte. »

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Mais le but de ces hommes n’est pas le transhumain ou le surhumain (de qui se fout-on  avec ces notions ?), le but de ces hommes, c’est la mort. « Ils pensent à la mort. Quand ils parlent de la délivrance finale de l’humanité, ils pensent au suicide de l’humanité. Quand ils parlent d’un paradis sans mal et sans bien, ils pensent à la tombe. Ils n’ont que deux buts : détruire les autres hommes, puis se détruire eux-mêmes. » Le but suprême est la destruction : « C’est pourquoi ils lancent des bombes au lieu de tirer des coups de revolver. La foule des Innocents est désappointée parce que la bombe n’a pas tué le roi, mais les Grands-Prêtres se réjouissent, parce que la bombe a tué quelqu’un. »

Puis Syme, qui n’avait pas tout compris, va enfin tout comprendre :

«  — Quoi ! Que voulez-vous dire ? s’écria Syme. Il est impossible qu’ils aient un tel empire sur le monde réel. Il n’y a pas beaucoup d’anarchistes parmi les travailleurs, et, s’il y en avait, de simples bandes de révoltés n’auraient pas aisément raison des armées modernes, de la police moderne.

— De simples bandes ! releva Ratcliff avec mépris. Vous parlez des foules et des travailleurs comme s’il pouvait être question d’eux ici. Vous partagez cette illusion idiote que le triomphe de l’anarchie, s’il s’accomplit, sera l’œuvre des pauvres. Pourquoi ? Les pauvres ont été, parfois, des rebelles ; des anarchistes, jamais. Ils sont plus intéressés que personne à l’existence d’un gouvernement régulier quelconque. Le sort du pauvre se confond avec le sort du pays. Le sort du riche n’y est pas lié. Le riche n’a qu’à monter sur son yacht et à se faire conduire dans la Nouvelle-Guinée. Les pauvres ont protesté parfois, quand on les gouvernait mal. Les riches ont toujours protesté contre le gouvernement, quel qu’il fût. Les aristocrates furent toujours des anarchistes ; les guerres féodales en témoignent. » On répète pour les plus distraits : « Les pauvres sont plus intéressés que personne à l’existence d’un gouvernement régulier quelconque. Le sort du pauvre se confond avec le sort du pays. Le sort du riche n’y est pas lié… »

La lutte contre la féodalité ou contre les hérésies chic fut aussi une donnée médiévale. Mais aboutir à la monarchie absolue (Dostoïevski pourfend Louis XIV) ou à la démocratie totalitaire de Jouvenel n’est pas un cadeau non plus. Sur cette barbarie intérieure et intellectuelle, fille du modernisme et de la Révolution Française, Dostoïevski écrivait dans Les Possédés : « Le précepteur qui se moque avec les enfants de leur dieu et de leur berceau, est des nôtres. L’avocat qui défend un assassin bien élevé en prouvant qu’il était plus instruit que ses victimes et que, pour se procurer de l’argent, il ne pouvait pas ne pas tuer, est des nôtres. Les écoliers qui, pour éprouver une sensation, tuent un paysan, sont des nôtres. Les jurés qui acquittent systématiquement tous les criminels sont des nôtres. Le procureur qui, au tribunal, tremble de ne pas se montrer assez libéral, est des nôtres. Parmi les administrateurs, parmi les gens de lettres un très grand nombre sont des nôtres, et ils ne le savent pas eux-mêmes ! D’un côté, l’obéissance des écoliers et des imbéciles a atteint son apogée ; chez les professeurs, la vésicule biliaire a crevé ; partout une vanité démesurée, un appétit bestial, inouï... Savez-vous combien nous devrons rien qu’aux théories en vogue ? Quand j’ai quitté la Russie, la thèse de Littré qui assimile le crime à une folie faisait fureur ; je reviens, et déjà le crime n’est plus une folie, c’est le bon sens même, presque un devoir, à tout le moins une noble protestation… »

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Voici pour le fond idéologique donc : Chesterton est un « populiste réac », un « déplorable » qui a peur de la racaille riche totalitaire et globaliste. Mais il y a le fond formel. Ici, on est chez Goya, ou chez Kubin (auteur du similaire roman L’Autre côté – 1909 - et dessinateur cauchemardesque) dans Un nomme Jeudi ; le monde devient fantastique, la réalité devient hallucinatoire (penser à notre changement climatique et aux extraordinaires phénomènes météo dont nous saoulent les médias) : « Mais toujours il retombait sous l’empire d’un symbolisme fantastique. Chacun de ces personnages paraissait situé à l’extrême frontière des choses, de même que leur théorie était à l’extrême frontière de la pensée. Il savait que chacun de ces hommes se tenait pour ainsi dire au point extrême de quelque route sauvage de la pensée. »

Puis vient cette page extraordinaire qui fascina tant Borges (voir son texte un peu mince sur Chesterton dans ses Nouvelles Inquisitions) : « — Un homme, songeait Syme, qui marcherait toujours vers l’ouest jusqu’au bout du monde, finirait sans doute par trouver quelque chose, par exemple un arbre, qui serait à la fois plus et moins qu’un arbre, soit un arbre possédé par des esprits. Et, de même, en allant toujours vers l’est, jusqu’au bout du monde, il rencontrerait une certaine chose qui ne serait pas non plus tout à fait cette chose même, une tour peut-être, dont l’architecture déjà serait un péché. » On est dans le « globe détraqué » d’Hamlet ou du roi Lear. Les visions de Syme deviennent surréalistes et dignes de Goya (penser aux peintures noires) : « C’est ainsi que les membres du Conseil, avec leurs silhouettes violentes et incompréhensibles, étaient pour Syme de vivantes visions de l’abîme, et se détachaient sur un horizon ultime. En eux les deux bouts du monde se rejoignaient. »

Dimanche – le nommé Dimanche est le président de la société secrète, du reste pas si secrète et au vrai aveuglante plus que secrète –,  lui, revêt une dimension religieuse (parodie du Christ ou même de l’Antéchrist – on ne fait plus la différence et c’est inquiétant, car il est question de vin, de tablée, de repas…) et surnaturelle. Comme chez Nietzsche le mot de surhomme apparaît : « Ils auraient salué en lui le Surhomme. Et, en effet, si le Surhomme est concevable, Dimanche lui ressemblait beaucoup, avec son énergie capable d’ébranler la terre dans un moment de distraction. C’était une statue de pierre en mouvement. Oui, cet être aux plans vastes, trop visibles pour être vus, au visage trop ouvert, trop explicite pour qu’on le comprît, pouvait faire penser qu’il y avait là plus qu’un homme. »

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La prodigieuse condition physique, la vitalité de Dimanche évoque ces supérieurs inconnus dont le patron Samuel Mathers de la Golden Dawn (l’Aube dorée, société secrète britannique) parla un jour. Amusante description des agapes de ces drôles de disciples : « Les anarchistes mangeaient en causant, et jusque dans leur manière de manger se révélait le caractère de chacun. Le docteur Bull et le marquis chipotaient avec négligence les meilleurs morceaux, du faisan froid, du pâté de Strasbourg. Le secrétaire était végétarien, et discutait de bombes et de meurtres tout en absorbant une tomate crue, arrosée d’un verre d’eau tiède. »

*

Comme on sait, il y a beaucoup de duels dans Jeudi (qui a vécu par l’épée…), et ces duels prennent donnent et reflètent aussi une dimension non naturelle :  « Pour un moment, le ciel de Syme se chargea de nouveau de noires terreurs monstrueuses : le marquis avait un charme. Cette nouvelle peur spirituelle était quelque chose de plus épouvantable que ce monde renversé dans lequel le paralytique lui avait donné la chasse. Le professeur n’était qu’un lutin. Cet homme-ci était un diable — peut-être le Diable ! En tout cas, il y avait cela de certain que, par trois fois, une épée l’avait atteint, vainement. » Ce monde renversé, dit-il.

Le cauchemar peut provenir du désespoir de ces policiers infiltrés (dans l’organisation) et défaits : le Mal triomphe sur toute la terre. L’ubiquité est une marque de l’Antéchrist comme on sait (voir Gougenot des Mousseaux, le RP Castellani ou bien sûr Mgr Gaume) ; comme dans Le Roi Lear le désordre politique et métapolitique produit le chaos climatique et le désordre cosmique (voir aussi la fameuse tirade de Titania dans Le Songe d’une nuit d’été. Nous sommes une fois de plus chez William Shakespeare). Allez, on redonne la parole à Chesterton : « Nous ne sommes pas des bouffons ; nous sommes des hommes qui luttons dans des conditions désespérées contre une vaste conspiration. Une société secrète d’anarchistes nous poursuit comme des lapins. Il ne s’agit pas de ces pauvres fous qui, poussés par la philosophie allemande ou par la faim, jettent de temps en temps une bombe ; il s’agit d’une riche, fanatique et puissante Église : l’Église du Pessimisme occidental, qui s’est proposé comme une tâche sacrée la destruction de l’humanité comme d’une vermine. Ces misérables nous traquent, et vous pouvez juger de l’ardeur de leur poursuite par les déguisements dont vous voyez que nous avons dû nous affubler et pour lesquels je vous présente nos excuses, et par des folies comme celles dont vous êtes victimes. »

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Plus prosaïquement, pour Chesterton, Dimanche est aussi, parfois, seulement un businessman qui a acheté tout le monde (vers 2020, on sent que tout cela est revenu…) : « Je vous le dis, il a acheté tous les trusts, il a capté tous les câbles, il a le contrôle de tous les réseaux de chemins de fer et en particulier de celui-ci, continua Ratcliff en désignant d’un doigt tremblant la petite gare. C’est lui qui a tout mis en mouvement. À son ordre, la moitié du monde est prête à se lever. Il n’y avait peut-être que cinq hommes qui fussent capables de lui résister, et ce vieux Diable a réussi à les faire entrer dans son Conseil, afin qu’ils perdissent leur temps à s’épier les uns les autres ! ».

Intéressante, cette paralysie des forces du Bien : « Nous avons agi comme des idiots, et c’est lui qui nous a frappés d’idiotie ! ». On en revient à Goya et à l’expressionnisme visuel : « Ratcliff portait-il un masque ? Y avait-il quelqu’un qui portât un masque ? Y avait-il quelqu’un seulement ? Ce bois enchanté, où les hommes devenaient tantôt blancs, tantôt noirs, où leurs figures apparaissaient tout à coup en pleine lumière pour tout à coup s’effacer dans la nuit, ce chaos de clair-obscur après la pleine clarté de la plaine semblait à Syme un parfait symbole du monde où il vivait depuis trois jours, de ce monde impossible où les gens enlevaient leurs lunettes, leur barbe, leur nez, pour se transformer en de nouveaux personnages. »

L’atmosphère délétère et fantastique confine au cauchemar.

« Presque toute la ville était déjà plongée dans l’ombre, bien que le soleil n’eût pas encore disparu de l’horizon. Tout ce qu’il touchait du bout de ses rayons se colorait d’or ardent, et ces derniers feux du couchant étaient aigus et minces comme des projections de lumière artificielle dans un théâtre. L’auto, atteinte par ces clartés, brillait comme un char enflammé. » Et Chesterton de citer la mystérieuse Dunciade de Pope (c’est La guerre des sots, une sature d’Alexander Pope) qui enthousiasme McLuhan et sa Galaxie Gutenberg. « — Peut-être, répondit le professeur, d’un air distrait ; puis il ajouta de sa voix rêveuse : comment est-ce donc, la fin de la Dunciade ? Vous rappelez-vous ?… ‘’Tout s’éteint, le feu de la nation comme celui du citoyen. Il ne reste ni le flambeau de l’homme ni l’éclair de Dieu. Voyez, ton noir Empire, Chaos, est restauré. La lumière s’évanouit devant ta parole qui ne crée pas. Ta main, grand Anarque, laisse tomber le rideau et la nuit universelle engloutit tout !’’ » 

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La Dunciade inspirera Macluhan et l’Anarque, la prestigieuse figure de Jünger dans ses incomparables Falaises de marbre. Résumons-là scolairement : « Le poème célèbre la déesse Dullness (« bêtise » en français) et décrit le labeur de ses agents, qui s'emploient à répandre la décadence, l'imbécillité et l'absence de goût à travers le royaume de Grande-Bretagne ». Voilà le produit, dit McLuhan, de deux siècles de typographie. Après, on devine carrément un blob [un organisme sans tête], pour reprendre une expression désormais fameuse : « Après un long silence, la Chose se mit à remuer, et j’eus l’impression que ses mouvements étaient déterminés par quelque secrète maladie. Cela oscillait comme une gelée vivante, répugnante. Cela me rappelait ce que j’avais lu sur ces matières ignobles qui sont à l’origine de la vie, les protoplasmes, au fond de la mer. On eût dit un corps au moment de la dissolution suprême, alors qu’il est le plus informe et le plus ignoble, et je trouvais quelque consolation à penser que le monstre était malheureux ». Syme, toujours aussi décidé, désire alors de renverser le monde, de le voir DE FACE : « — Écoutez-moi ! s’écria Syme avec une énergie extraordinaire : je vais vous dire le secret du monde ! C’est que nous n’en avons vu que le derrière. Nous voyons tout par-derrière, et tout nous paraît brutal. Ceci n’est pas un arbre, mais le dos d’un arbre ; cela n’est pas un nuage, mais le dos d’un nuage ! Ne comprenez-vous pas que tout nous tourne le dos et nous cache un visage ? Si seulement nous pouvions passer de l’autre côté et voir de face ! »

Le roman mystérieux de la conspiration mondialiste se termine ainsi : « L’un après l’autre, les pèlerins gravirent le remblai et, comme ils s’asseyaient dans leurs étranges sièges, ils furent salués par un tonnerre d’applaudissements : les danseurs leur faisaient une royale ovation ; les coupes s’entrechoquaient, on brandissait des torches, des chapeaux à plumes volaient dans l’air. Les hommes à qui ces trônes étaient réservés, étaient des hommes couronnés d’exceptionnels lauriers. Mais le trône central restait vide ».

On ne rajoutera rien.

NB

L'avenir du Hezbollah

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L'avenir du Hezbollah

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/il-futuro-di-hezbollah/

Hachem Safieddine, éphémère successeur de Nasrallah à la tête du Hezbollah, serait mort. Le conditionnel est de rigueur car l'armée israélienne ne confirme pas encore la nouvelle, pourtant officiellement donnée par Netanyahou.  Mais ce n'est que prudence et probablement une question d'heures.

Ce qui est certain, c'est que l'offensive israélienne au Liban se poursuit. Elle s'intensifie même. Et il ne s'agit plus, désormais, d'une simple opération à distance, avec l'utilisation massive de l'aviation. En effet, des unités militaires israéliennes ont pénétré profondément dans le sud du Liban. Elles se sont heurtées, hier, à une résistance apparemment très forte. Au point que celles qui sont arrivées près d'une base de la FINUL, où se trouvent également des troupes italiennes, auraient été repoussées par une contre-attaque chiite. Miliciens chiites qui, même sans Nasrallah et, probablement, sans Safieddine, semblent encore bien déterminés, et surtout capables de se battre pour défendre leur territoire.

La supériorité militaire d'Israël est, bien sûr, incontestable. Et surtout sa maîtrise du ciel, qui lui permet de pilonner le sud de Beyrouth, considéré comme la base politique et opérationnelle du Hezbollah.

Mais cette supériorité, et ce pilonnage, n'ont évidemment pas suffi à anéantir l'organisation chiite. Celle-ci continue de faire preuve de vitalité et, surtout, de structuration. Confirmant les inquiétudes des commandants militaires israéliens.

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De fait, Israël se voit contraint d'entrer en force au Sud-Liban. Pour écraser la résistance du Hezbollah, mais en s'exposant à de grands risques. En effet, les services de renseignement israéliens ont toujours prévenu le gouvernement de Netanyahou que le Hezbollah est, en termes militaires, la force la mieux structurée, la mieux armée et la mieux organisée de tout le monde arabe voisin.

Et le Hezbollah, malgré tout, réagit. Il lance des centaines de missiles sur Haïfa et, surtout, oppose une résistance ferme et organisée à l'entrée de l'armée israélienne au Liban.

Et ce, malgré le moment sans doute difficile de l'absence d'un leadership clair. A tel point que seul Naim Qassem, qui a toujours été considéré comme une figure terne et secondaire, est encore en mesure de s'exprimer.

Toutefois, si l'offensive israélienne n'aboutit pas rapidement aux résultats escomptés, il est presque inévitable qu'une nouvelle direction forte émerge des rangs du Hezbollah. Et certainement plus jeune, comme certains signes le laissent déjà entrevoir. Le fait que la résistance du mouvement se poursuive avec acharnement, malgré l'élimination de ses dirigeants, n'est pas le moindre de ces signes.

L'attaque israélienne a certes permis d'obtenir certains résultats. L'impression est que le Hezbollah a pris conscience qu'il a perdu du terrain, et c'est pour cette raison qu'il cherche un soutien auprès d'Amal, l'autre mouvement chiite libanais, jusqu'à présent traité avec condescendance. Et largement marginalisé. Mais justement, Amal est lié au gouvernement de Beyrouth. Un gouvernement fragile, sans poids, certes... mais qui peut être utile au Hezbollah en ce moment.

Ce qui implique toutefois de prendre ses distances avec le Hamas et ce qui se passe dans la bande de Gaza. Une cause, à l'époque pleinement épousée par Nasrallah, mais aujourd'hui trop difficile à soutenir pour un Hezbollah contraint à la défensive.

Et bien sûr, Téhéran le soutient.

Les ayatollahs ont probablement décidé que la guerre de Gaza était déjà perdue. Et puis, il faut tenir compte du fait que le Hamas, bien qu'allié, est un mouvement fondamentaliste sunnite. Il ne fait donc pas partie de l'orbe chiite dont l'Iran a la direction et, en grande partie, le commandement.

Aux portes de la guerre finale

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Aux portes de la guerre finale

Carlos X. Blanco

L'Europe se trouve au bord d'une guerre dévastatrice. Les voies menant à une solution négociée se ferment, les principaux acteurs sont roués et des scénarios irréversibles sont évoqués.

La situation en Europe occidentale est particulièrement tragique : la quasi-totalité de sa population vit sous un dôme de granit, comme dans la célèbre grotte de Platon. Soumis aux « ombres » projetées sur eux par les stratèges de la guerre psychologique et de la propagande officielle, les Européens ignorent les projets qui se forgent au moins depuis cinq ans.

Quels projets ? Une augmentation du recrutement obligatoire est attendue dans tous les pays, ainsi qu’une augmentation significative des armes de toutes sortes. Il est très possible que des investissements soient réalisés dans des camps de prisonniers pour héberger des « ennemis » (Russes et russophiles) et que des changements législatifs soient introduits visant à censurer les informations sur la guerre et la réalité concernant la Fédération de Russie.

La population européenne est endoctrinée depuis de nombreuses décennies et sa capacité à réagir est douteuse ; ces derniers temps, il y a eu une combinaison de deux processus qui, selon la terminologie du philosophe marxiste Costanzo Preve, pourraient être décrits comme suit :

  1. 1) Imposition de la « mondialisation ». À proprement parler, ce mot ne signifie pas, comme le voulaient ses mentors, la création d’une civilisation mondiale unique, mais plutôt l’imposition du système américain comme mode de vie . Telle est la thèse de Preve que je partage pleinement, compte tenu des événements survenus tout au long du 21ème siècle.
  2. 2) L'imposition de ce que le penseur italien a appelé « religion holocaustique », ce qui, à la lumière du génocide actuel commis par l'entité sioniste contre les Palestiniens, les Libanais, les chrétiens orientaux, etc., ne pourrait être plus précis.

Sur la base, indéniable, de l'horrible génocide nazi commis contre des millions d'Hébreux (mais aussi de Slaves, de Tsiganes, etc.), les États-Unis ont tenté de créer une sorte de religion civile universelle à travers laquelle l'histoire de l'humanité est indéchiffrable et inexplicable sans l’Holocauste juif, au-delà de l’holocauste des Philippins commis par les Yankees eux-mêmes, au-delà de l’holocauste contre les Indiens commis par les Britanniques, au-delà du génocide des Arméniens commis par les Turcs, etc. La religion « holocaustique » donnerait une couverture et une supériorité morale aux sionistes, tellement de couverture et à un tel degré que les sionistes eux-mêmes auraient à jamais carte blanche, un brevet de marque, pour répéter les atrocités du national-socialisme, et seraient même investi d’une autorité exécutive, judiciaire et législative au niveau international, dépassant les frontières et les souverainetés nationales. D’où la peur mortelle de presque tout le monde, depuis des décennies, face à l’accusation d’antisémitisme. Jusqu’au génocide actuel, très peu de gens en Occident osaient dire du mal d’Israël.

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La vérité est qu’avant la création de l’Entité sioniste en 1948, par des colons installés par violence dans le territoire précédemment occupé par les Palestiniens, musulmans et chrétiens, ce n’est qu’un développement logique (et ontologique, en termes hégéliens) consubstantiel à cette Grande Entité sioniste que sont les États-Unis depuis le 19ème siècle. Les livres à succès de Francisco J. Fernández-Cruz Sequera constituent une véritable encyclopédie pour l'étude des origines du sionisme anglo-américain et pour la compréhension d'un fait évident : le fait qu'il n'est pas nécessaire d'être confessionnel ou racialement juif pour être un fanatique sioniste. Beaucoup de ceux qui se disent chrétiens, de différentes « confessions » – catholiques, dans une moindre mesure – sont des sionistes furieux et occupent des positions de pouvoir décisives dans l’Empire d’Occident. L’État d’Israël, successeur flagrant du suprémacisme nazi, qui intronise un prétendu peuple et lui accorde le droit d’exterminer et de piller d’autres peuples considérés comme de « simples animaux », était une création anglo-américaine et doit être pleinement compris dans le cadre géopolitique et économique, tout comme l’exige la science marxiste.

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Le capitalisme dans sa version tardive et occidentale est clairement dans une phase d’épuisement. C’est un capitalisme de moins en moins productif, qui met à mal les fondements mêmes de sa reproduction. C'est le capitalisme, comme nous l'enseigne Lazzarato, basé sur la dette et la financiarisation . Le « cœur » de ce monstre qui se mutile les pieds, les États-Unis, sont le pays le plus endetté du monde. Son endettement diabolique consiste à créer un complot ou une toile d’araignée financière dans laquelle tous les États qui y tombent doivent également s’endetter. Mais ils s’endettent de manière subordonnée ; leurs dettes relativement faibles (par rapport à la taille et au poids économique moindres des États), bien qu'elles soient toujours croissantes, servent doublement à se subordonner au plus grand créancier, le Yankee (puisque celui qui doit de l'argent n'est plus souverain), à la fois et en même temps, ils servent à financer la propre dette des Américains. Ceux qui doivent le plus au monde ne donnent pas l’exemple et, loin de là, comme le font les drogués et les toxicomanes, ils cherchent de nouveaux compagnons pour l’habitude vicieuse de l’endettement, qu’ils subjuguent et imposent.

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La crise financière de 2008 a révélé ce que certains avaient vu bien auparavant, peut-être depuis la crise pétrolière des années 1970. L’Occident est une bulle, pompeuse, gigantesque, mais au moindre contact, elle éclate. Mais il n’éclatera pas de manière inoffensive, comme des bulles de savon, mais il le fera de manière effrayante, peut-être de manière thermonucléaire .

Depuis 2008, le monde a pu constater que la financiarisation de l’économie et du système gouverné par les accros de la dette (FMI, BM, WEF, OCDE…) est littéralement génocidaire et non viable. Les peuples d’Europe occidentale, étonnés, ont pu assister au spectacle de voir comment des magnats de la finance et des hommes politiques ont mis la main à nos poches dans le but flagrant et criminel d’« aider » des entités qui nous avaient auparavant escroqués, mettant des pays entiers en faillite. Le crime est ici récompensé. Mais les peuples d’Europe occidentale n’ont pas compris alors que tout un modèle de domination yankee sur cette partie du monde était en train d’échouer. Ils n’ont pas reconnu la fin de deux processus idéologiques et économiques que Preve avait détectés avec beaucoup de succès : la fin de la mondialisation et la fin de la religion holocaustique .

Preve était un penseur très hégélien et savait bien que le cours même des événements explique rétroactivement les précédents et jette sur eux une lumière qui n'était pas disponible au moment de son expérience actuelle. La chouette d'Athéna prend son envol au crépuscule, et maintenant, en cette sombre nuit européenne, certains d'entre nous peuvent voir ce qui s'est passé.

Un . Des modèles capitalistes et même socialistes (Chine) sont apparus, totalement alternatifs au mode capitaliste financiarisé, ce que l'économie orthodoxe, qu'elle soit occidentale ou marxiste, n'avait pas prévu. Une nouvelle économie productive, contrôlée par l'État et des systèmes de représentation populaire non partitocratiques, même si des partis politiques existent (en Russie, en Chine, en Iran). En revanche, l’économie occidentale perd ses bases productives et est complètement dominée par une maigre oligarchie financière, déconnectée de la réalité (et en économie, la réalité s’appelle Production).

Faute de véritables antennes, les « Trois Grands », fonds d’investissement charognards, se livrent à un travail purement prédateur et parasitaire. Ils sont l’équivalent moderne de la piraterie: tandis que les secteurs productifs de la société tentent de survivre grâce à la création de richesse, les « corsaires financiers » la détruisent, mais ne le font plus par simple interception dans la production de valeur ou dans l’échange. mais par l'éradication de la base économique elle-même.

Deux . Le mythe de la supériorité morale, technologique et militaire de l’Empire d’Occident s’effondre.

Personne ne croit à la supériorité morale de la superpuissance yankee, qui viole toutes les normes du droit international, qu’elle cherche à remplacer par un « ordre international fondé sur des règles », mais qui est changeant et arbitraire. Quiconque n'est pas un vassal, qui n'est pas corrompu, qui ne fait pas le jeu du sionisme belliciste et impérialiste et qui en profite, ne peut croire que les États-Unis sont un gendarme armé qui patrouille sur la planète, rétablissant la démocratie et les droits de l'homme partout où ils se trouvent. Personne qui connaît l’histoire ne peut croire que la Pax Americana n’était rien d’autre qu’un impérialisme du dollar et un néocolonialisme exercés, selon des normes différentes, dans le reste du monde, y compris chez ses partenaires et amis.

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En termes de technologie, il est évident que les Américains – et que dire de leurs fidèles caniches européens – sont à la traîne par rapport aux pays asiatiques, et notamment à la République populaire de Chine. Visiter une grande ville chinoise, c'est voyager vers le futur, visiter une ville nord-américaine, c'est contempler la crasse et la décadence. Puisque l’ économie financiarisée et turbocapitaliste est incapable de planification à long terme et est complètement aveugle à la société, pour le système lui-même, la société « n’existe pas » sauf en tant que champ d’extraction ou de dépossession à des fins de prédation, dès lors les infrastructures de base ainsi que de recherche, le développement et l'innovation (R+D+I) et la connaissance elle-même finissent par être des détails ou des tracas. Au contraire, un capitalisme planifié ou un socialisme de marché, également planifiés (ce dernier étant le cas chinois), impliquent une planification du développement, des réajustements sociaux et équitables, des investissements dans le bien-être mondial, des investissements à long terme, qui aboutissent finalement à des résultats scientifiques et technologiques, à l'excellence et à des normes éducatives élevées.

La faiblesse morale, cognitive et technologique de l’Empire d’Occident ne peut que s’exprimer, par suite, sous la forme d’une faiblesse militaire.

De nombreux indices confortent la supériorité militaire de la Fédération de Russie. On parle beaucoup de leur potentiel hypersonique, mais on oublie souvent un sujet crucial à long terme : les Russes savent se battre. Ils ont une expérience longue, extrêmement vaste et tragique des combats menés pour leur propre survie. La Russie a vaincu le national-socialisme et elle l’a fait en défendant sa patrie, au prix de millions de morts. Ces chiffres ne peuvent être comparés à ceux de l'Empire Yankee, dont les soldats morts au Vietnam, en Afghanistan ou dans d'autres guerres l'ont fait en suivant des slogans impérialistes, en tombant dans des pays où personne ne les avait appelés, en attaquant des peuples et des régimes très étrangers et lointains. où aucun soldat américain n’aurait dû mettre le nez là-dedans. L’Empire d’Occident sait très bien tuer du haut du ciel, et l’une des extensions de son hydre, l’Entité sioniste, est efficace lorsqu’il s’agit de tuer des femmes et des enfants, mais dans le combat terrestre, dans le corps à corps, qui implique la prise de villes et le contrôle effectif - et non terroriste - d'un territoire, les soldats hébreux, comme les Yankees, se sont montrés très peu efficace.

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Le spectacle des hélicoptères américains s’enfuyant au dernier moment, saisissant par les cheveux les espions, les soldats et les « collaborateurs » yankees du Vietnam ou d’Afghanistan, est quelque chose que le monde a déjà vu à maintes reprises. A côté de l'image de bulldozers sionistes détruisant des maisons palestiniennes habitées, avec des gens à l'intérieur.

La soi-disant « mondialisation » a échoué. L' American way of life n’est plus exportable. Dans la mesure où le monde devient « dédollarisé » et dans la mesure où des niveaux élevés de consommation et d’accès à la technologie sont possibles sur la base de valeurs et de visions du monde complètement différentes de celles des Yankees, le monopole et les actions nord-américains ne peuvent que disparaître. L’alternative yankee, avec ou sans Trump , sera de persévérer dans son statut de méga-État terroriste, d’agir -encore plus !- comme une sorte d'Israël géant. Ils poseront des bombes à gauche et à droite: en Espagne, nous le savons bien, depuis l’affaire du « Maine », et la guerre de 1898 jusqu’à l’assassinat de Carrero, en 1973, sans entrer dans l’analyse des massacres plus récents. Ils créeront de vastes camps de concentration et d’extermination et feront pression sur les élites pro-européennes afin de transformer leurs colonies en plates-formes agressives contre la Russie. Il y aura beaucoup de morts et de destructions, mais il est clair qu’il n’y aura plus d’« américanisation » du monde.

Quant à l'Entité sioniste: sa taille territoriale (à peine celle d'une petite région espagnole), ses dimensions démographiques (les citoyens israéliens pourraient tenir dans une capitale provinciale), ses possibilités de guerre en dehors du « Big Brother » yankee, etc. , tout cela est insignifiant. Ils continuent d'être un cancer terroriste, à peine plus, un État artificiel et une grande base militaire de l'Empire d'Occident, des États-Unis et de l'OTAN, uniquement parce que le monde arabo-musulman n'est pas uni, et ils continuent d'exister parce qu'il n'y a pas grand-chose. Ils subissent un rejet plus large, tentant de nier leur existence même, rejet qui s’est traduit par des sanctions, des blocus et d’autres mouvements qui finiront par couper les liens avec sa base d’approvisionnement, l’Empire d’Occident. À l’heure actuelle, c’est un avortement: ce n’est pas viable. Leur folie « talmudique », comme l’appelle Pepe Escobar, n’est possible que parce que les fous rendent un service très profitable au capitalisme financiarisé et décadent, dont l’usure, le vieux travers de l'usure, met les griffes sur une grande partie des peuples de la terre. Ces fanatiques crachent tellement contre le vent et ouvrent tellement de boîtes de Pandore que le jour viendra où ils fuiront la queue entre les jambes, cachant leur passeport israélien, le brûlant, pour récupérer leur nationalité d'origine, qu'elle soit européenne ou américaine, principalement. Le sionisme a été condamné internationalement comme du suprémacisme, un héritage direct du national-socialisme qui s'est montré si cruel envers certains parents et grands-parents de ceux qui dirigent aujourd'hui le groupe terroriste le plus important et le plus impuni au monde, l'État d'Israël.

Il faut laisser de côté « l’Occident ». Nous sommes les enfants de nos nations et peuples respectifs. Si l’Europe doit être unie, qu’elle le soit sous la protection de Charlemagne, de Charles-Quint, et non sous la construction diabolique et prédatrice du capitalisme financiarisé . Il n’y a pas de « choc des civilisations ». Mais Huntington , comme Spengler ou Douguine, avait au moins raison lorsqu'il nous disait : il y a encore des civilisations. Et celles-ci subsistent, organisées ou protégées par un pôle de pouvoir, un État impérial-régional (jamais mondial) qui soutient un mode de vie particulier, spécifique. Les Européens, tout comme les Hispaniques, ont un autre mode de vie. Nous ne sommes pas des Yankees, nous ne sommes pas des Occidentaux et nous ne sommes pas de Sion. Comme les Russes, les Indiens, les Chinois, les Arabes ou les Africains… nous sommes des peuples qui ont le droit de retracer notre histoire. Il y a de la place pour tout le monde, et nous, Européens, gagnerons à nouveau le respect des autres peuples si nous le faisons. manifestons désormais notre rejet de la guerre, du génocide et de l'exploitation de l'autre.

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lundi, 14 octobre 2024

"Si Moscou gagne en Ukraine, l'Europe renaît". La théorie du Français Todd qui effraie les larbins européens

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"Si Moscou gagne en Ukraine, l'Europe renaît". La théorie du Français Todd qui effraie les larbins européens

Augusto Grandi

Source: https://electomagazine.it/se-mosca-vince-in-ucraina-leuro...

Les Français, toujours les Français. A rebours de la célèbre référence transalpine aux Italiens, toujours les Italiens, il est inévitable de se résigner à l'idée qu'au moins dans l'Hexagone une once d'espace est encore accordée à la liberté de pensée. Annulée dans la quasi-totalité de l'Europe démocratique et tolérante, elle survit encore dans l'édition française. Ainsi Emmanuel Todd a écrit et publié chez Gallimard un livre - La défaite de l'Occident - dans lequel il affirme que si l'Ukraine perd la guerre contre la Russie, ce n'est pas seulement Moscou qui gagnera, mais surtout toute l'Europe.

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Le livre a été traduit en Italie par Fazi sous le même titre. Il a immédiatement déclenché une controverse, qui s'est rapidement apaisée car, pour le politiquement correct italien, il est préférable de fermer les yeux sur tout ce qui dérange. Tout d'abord en matière de politique étrangère. Car Todd affirme que la défaite de la bande à Zelensky, au service des intérêts de Washington, permettra à l'Europe de se défaire du joug américain et de construire réellement une unité politique et culturelle européenne indépendante.

Une prédiction peut-être trop optimiste quant aux capacités et au désir de liberté des Européens. Ce qui a valu à Todd l'inévitable accusation d'être pro-Poutine. Toutefois, il convient de rappeler que l'historien et anthropologue avait écrit un essai en 1976 dans lequel il indiquait le calendrier et les modalités de l'effondrement de l'URSS qui devait survenir 13 ans plus tard. Aujourd'hui, Todd souligne que les sanctions contre Moscou ont beaucoup plus pénalisé l'Europe, alors que la Russie est paradoxalement devenue plus forte. Mais Moscou a aussi des limites, à commencer par sa dénatalité, qui rendent absurdes les craintes d'expansion vers l'ouest. Mais les craintes induites servent à maintenir la soumission à Washington.

Or, si les analyses géopolitiques agacent la droite fluide italienne et l'opposition pro-US, la partie du livre consacrée au changement de la société européenne agace surtout la gauche intello. Le renoncement au sacré, le triomphe du nihilisme, la folie transgenre. Autant d'aspects qui valent à Todd l'hostilité des grands journaux français qui, comme leurs homologues italiens, continuent de perdre des lecteurs.

En théorie, Todd pourrait être adopté par la culture de la droite fluide italienne. Après tout, il se déclare antifasciste et donc parfaitement aligné sur le nouveau cours. Mais en France, il est publié par Gallimard qui, parmi l'infinité d'auteurs sous contrat, avait aussi Céline dont il réédite les textes. Une présence trop inconfortable pour les abjurateurs sans dignité à la queue basse.

Orbán critique la politique économique de l'UE: «Une voie suicidaire»!

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Orbán critique la politique économique de l'UE: «Une voie suicidaire»!

Budapest . La Hongrie du chef du gouvernement Viktor Orbán ne suit pas seulement sa propre voie en matière de politique ukrainienne et d'orientation axiologique. Les idées directrices en matière de politique économique divergent également et assez nettement. Orbán l'a clairement montré dans une interview dans laquelle il a vivement critiqué l'orientation actuelle de la politique économique de l'UE. Pour lui, l'Europe est sur une « voie suicidaire », car elle réagit aux défis économiques et à la montée de l'Asie en formant des blocs. Cette évolution rappelle la guerre froide, la situation actuelle sur le plan économique est similaire et pourrait avoir des conséquences similaires, a déclaré Orbán.

Selon lui, tous les économistes européens les plus compétents s'accordent à dire que le blocage de l'économie mondiale est une grave erreur. Les hommes politiques qui misent sur une division de l'économie mondiale en blocs conduisent l'économie européenne et la population sur la mauvaise voie, a déclaré Orbán. Il a mis en garde contre le fait que les développements actuels pourraient conduire à une nouvelle division de l'économie mondiale - en une sphère économique occidentale et une sphère économique orientale. La pression qui en résultera obligera de nombreux pays à décider à quel bloc ils veulent appartenir.

Dans ce contexte, Orbán a clairement indiqué que la Hongrie aspirait à une « neutralité économique » afin d'échapper à la pression des deux blocs mondiaux. « La Hongrie ne peut adhérer à aucun bloc ni à aucun bloc économique », a déclaré Orbán. L'objectif de la Hongrie est d'entretenir des relations commerciales et économiques vivantes et fortes aussi bien avec le bloc économique occidental qu'avec le bloc économique oriental, a-t-il ajouté. (mü)

(Texte paru sur Zu erst, 13/10/2024).

Notes sur la pensée (Alexandre Douguine)

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Notes sur la pensée

par Alexandre Douguine

(2019)

Tout le monde "pense“ qu'il peut penser et que ce qu'il fait normalement s'appelle ”penser". Il s'agit là d'une idée fausse.

Ceux qui possèdent une certaine culture de la pensée et sont capables d'auto-réflexion entrent (espérons-le consciemment et de manière responsable) dans des processus de circulation pratiquement mécaniques à travers certaines écoles, trajectoires et systèmes. Ils y résident en suivant les principales règles et les canons sémantiques. Au mieux, ils peuvent modifier, ajouter, corriger ou amender quelque chose dans ce système, mais certainement rien de fondamental. C'est ainsi que les thèses vous apprennent à « penser » - c'est-à-dire, bien sûr, lorsqu'elles sont conçues et rédigées de manière honnête, approfondie et indépendante. Mais cela ne veut pas dire « penser ». Il s'agit d'une étape préparatoire, parfois importante, mais loin de l'objectif final. De plus, elle ne conduit pas nécessairement à la réflexion. Dans de nombreux cas, elle peut même devenir un obstacle à la naissance de la pensée. Par ailleurs, il est possible de penser sans elle.

Le premier cas est associé exclusivement à ceux qui, d'une manière ou d'une autre, ont consciemment consacré leur vie à la science, à la culture et à tout ce qui s'y rapporte. Ce sont les « programmeurs » de la pensée et parfois les hackers.

Le second cas comprend tous les autres. Ils n'ont pas de moment conscient d'entrée dans un environnement intellectuel organisé et structuré. Ils ignorent d'où ils viennent, ce qui se passe dans leur tête et comment elle est organisée. Ce sont les usagers ordinaires de la pensée, qui utilisent des programmes tout faits sans s'interroger sur leurs algorithmes. On entend ici par « pensée » des fragments de déductions aléatoires, des connaissances et des formules dispersées et non systématisées dont l'origine reste inconnue (pour ce « penseur »), le libre recyclage de calculs rationnels, le tout continuellement attaqué par le faisceau envahissant de l'inconscient, qui donne à la pensée un caractère sinistre et saturé de corporéité. Ce dernier aspect a fait l'objet de la psychanalyse, pour laquelle le processus même de la pensée est une projection du jeu des forces corporelles irrationnelles à peine recouvertes d'un pseudo-rationalisme. La subjectivité est ici une combinaison aléatoire de complexes solidement établis dans l'enfance et qui restent fondamentalement inchangés. En d'autres termes, tout ce qu'une personne « pense » tout au long de sa vie n'est qu'une histoire détaillée et durable de douleur et d'anamnèse.

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Le second cas - celui de la conscience banale - n'est pas du tout une pensée, mais le résidu d'une machinerie corporelle. Le premier est un acte d'appartenance à un système supérieur, mais aussi complètement aliéné, dans lequel il n'y a pas de subjectivité en vue. On peut en voir un indice dans la reconnaissance par les humanistes que leurs discours et tous les discours qu'ils entendent sont des citations. Le postmodernisme pousse cette réflexion jusqu'à l'absurde et en fait une nouvelle maladie mentale qui converge avec l'idiotie de la conscience banale.

On peut bien sûr proposer des variables mixtes, comme le « semi-intellectuel » ou la « semi-personne » (le consommateur), mais cela n'aboutit à rien de nouveau : juste un idiot avancé ou un intellectuel mentalement retardé. L'aliénation reste inchangée. Nous sommes en dehors de la pensée. Nous ne pensons pas, mais nous participons à un processus mécanique aliéné - certains plus clairement, d'autres plus vaguement.

Où se trouve la pensée ? Sur un autre plan. La pensée naît et se manifeste dans une dimension complètement différente. Par rapport à ce que nous faisons lorsque (nous semble-t-il) nous « pensons », il s'agit de quelque chose de radicalement différent. L'expérience de la pensée signifie l'effondrement de tout ce que nous considérons normalement comme tel. La pensée ne peut commencer que lorsque ce que nous prenons pour de la pensée est terminé. Le délire quotidien et les « citations académiques » intellectuelles sont des obstacles à la naissance de la pensée. Ils doivent être abolis. La pensée naît au moment de la folie ou de l'absurdité, lorsque la rotation des mécanismes de la conscience quotidienne et scientifique est soudainement interrompue. Face à la mort, cela semble bien. Mais pas pour tout le monde. La pseudo-pensée nous protège sûrement de la mort en se barricadant contre la possibilité même d'en faire l'expérience avec d'innombrables instances, peurs, calculs, projets et espoirs (pour les médecins, les miracles, la police, le bon sens, la science et la « lumière au bout du tunnel »). Tout est sujet à la mort, mais la mort est le lot des élus. La mort est étroitement liée à la pensée. La pensée ne naît que face à la mort. Ce qui naît librement et horriblement face à la mort, lorsque tout ce que nous avions comme « pensée » a été détruit, c'est la vraie pensée. Ce n'est qu'à ce moment-là que la subjectivité se révèle, après s'être dissoute dans les champs aliénés d'une conscience floue.

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Penser demande un effort colossal, surhumain, pour dépasser le seuil fondamental.

Penser est incroyablement difficile. C'est un exploit. En même temps, c'est une illumination transformatrice. Il ne s'agit pas seulement d'une pensée particulière et sublime, mais de la pensée tout court, de la pensée en tant que telle - on pourrait même dire de « n'importe quelle » pensée, compte tenu de la racine du mot « amour » (en russe : liubov) dans le mot « n'importe quel » (en russe : liubaia). La pensée n'est pas la création de systèmes ou de doctrines, qui sont des conséquences et ne sont pas nécessairement obligatoires. L'aspect principal de la pensée n'est pas ses résultats et ses manifestations, mais la pensée elle-même, son être. La pensée change de manière irréversible quiconque l'a approchée au moins une fois. La pensée nous donne un premier aperçu de celui qui pense, c'est-à-dire du sujet. Mais ce n'est pas nous. C'est l'autre radical en nous. Quelqu'un de caché à l'intérieur. Penser, c'est présenter la possibilité de sortir de l'obscurité intérieure pour entrer dans la lumière intérieure.

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Multipolarité et sagesse traditionnelle

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Multipolarité et sagesse traditionnelle

Prof. Dr. h.c. Hei Sing Tso

Le concept de multipolarité d'Alexander Douguine est une idée formidable. La multipolarité représente à la fois une tendance et une stratégie. Les civilisations vont remplacer les nations dans la géopolitique. L'Europe, la Russie, la Chine, l'Iran, etc. représentent des forces qui forment un équilibre contre les Anglo-Saxons et les mondialistes. Dans un monde multipolaire, la stratégie et la tactique peuvent être tirées de la sagesse ancienne de différentes civilisations. Pendant la période des Royaumes combattants dans la Chine antique (474-221 av. J.-C.) (1), il existait une ancienne école de pensée diplomatique dont le fondateur est un penseur mystérieux connu sous le nom de Guiguzi. C'était un érudit universel, un scientifique et un praticien. Même Oswald Spengler ne tarissait pas d'éloges sur la sagesse de Guiguzi. La pensée de Guiguzi est issue du Yijing (2) (également appelé I Ching), également appelé « Livre des mutations ». Il est le père du stratagème traditionnel chinois, également appelé Moulüe, qui, selon moi, peut contribuer à la construction d'une véritable multipolarité aux yeux du professeur Douguine.

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Il y a peu d'idées clés dans la pensée de Guiguzi. La première est que la psychologie est supérieure aux armes physiques. Contrairement au système des nations, la guerre des idées et la psychologie de masse sont essentielles à la multipolarité. Les anglo-saxons et les mondialistes aspirent toujours au modernisme, au postmodernisme, au transhumanisme et à la pensée progressiste. Pour pouvoir y répondre de manière adéquate, les civilisations multipolaires devraient revenir à leurs traditions et à leurs valeurs conservatrices. Pour y parvenir, il faudrait créer un front uni de la pensée entre la Russie, l'Europe, la Chine et d'autres, en mettant l'accent sur les valeurs traditionnelles et la sagesse. Ces civilisations peuvent apprendre les unes des autres par le dialogue, ce qui a pour effet de les renforcer. Le christianisme orthodoxe, le taoïsme et la pensée de Rumi (3) ont peut-être des points communs qui invitent à des études comparatives.

Selon Guiguzi, la cosmologie englobe le monde physique. Par conséquent, nous ne devrions pas seulement nous intéresser aux choses visibles comme l'économie, la technologie et la matière, mais aussi considérer l'univers invisible lorsque nous réfléchissons à l'art de gouverner et à la stratégie. Cela s'inscrit dans la lignée de la sagesse traditionnelle des civilisations d'Eurasie. Des penseurs comme Goethe, Oswald Spengler, Carl Gustav Jung, Nostradamus, les philosophes russes et même les théoriciens de l'ennéagramme adoptent une approche similaire. Savoir comment relier la nature invisible aux affaires humaines peut devenir une clé de la lutte dans l'ère multipolaire à venir. Les « rationalistes » établis en Occident affirment que ces courants sont des formes de « pseudo-science ». En fait, les entreprises pharmaceutiques qui dominent le marché rejettent la médecine traditionnelle chinoise par crainte de la concurrence.

Troisièmement, Guiguzi a affirmé que l'art métaphysique peut battre le pouvoir brut. L'art signifie stratagèmes, art d'État, tactique, etc. Tout cela peut être déduit de la métaphysique. Pour la sagesse chinoise, la métaphysique signifie « Tao ». Par conséquent, la stratégie et la politique devraient viser l'accomplissement des objectifs supérieurs de la métaphysique dans différentes civilisations. Comparé au pouvoir brut, l'art géopolitique de la métaphysique porte avec lui le poids de la moralité, de la richesse et de la créativité. La diplomatie ubuntu en Afrique n'en est qu'un exemple.

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Les enseignements de Guiguzi contiennent de nombreux stratagèmes et astuces qui ne peuvent pas tous être énumérés dans ce court article. Parmi ses 72 stratagèmes, l'un d'entre eux mérite toutefois d'être mentionné, connu sous le titre « repousser l'ancien pour mettre en valeur le nouveau ». Cela signifie que nous utilisons les vieilles choses de manière nouvelle. Les gens ont tendance à abandonner facilement les choses, même en politique, en particulier lors de réformes et de révolutions. C'est la règle en science et en technologie. Guiguzi nous apprend que les vieilles choses, y compris les idées, peuvent être très utiles si on les adapte habilement. En 2022, une vieille femme ukrainienne brandissait un drapeau rouge soviétique. Même si l'Union soviétique n'existe plus, personne ne s'attend à ce qu'elle soit encore très utile sur le champ de bataille.

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Lorsque des photos de cette femme ont été publiées sur Internet où on l'appelait « Babushka Z », cela a eu un effet psychologique sur certains Ukrainiens concernant leur lien avec la Russie.

Dans la multipolarité à venir, la sagesse ancienne jouera un rôle très important en nous fournissant une théorie et une stratégie pour les défis futurs.

Notes:

(1) Durant cette période, il y avait de nombreux seigneurs qui régnaient sur différents royaumes, bien qu'il y ait eu une monarchie centrale.

(2) Le Yijing est l'un des plus anciens textes classiques de la Chine antique. La version originale comprenait des symboles appelés hexagrammes, qui consistaient en une combinaison de deux unités, le yin et le yang. Le Yijing a influencé toute la pensée publique et ses concepts, comme le confucianisme et le taoïsme, ainsi que des sujets ésotériques comme le feng shui et même la médecine traditionnelle et les arts martiaux.

(3) Jalāl al-Dīn Muḥammad Rūmī (en persan : جلالالدین محمّد رومی) ou simplement Rumi (né le 30 septembre 1207 - décédé le 17 décembre 1273) est un poète du 13ème siècle, érudit islamique et mystique soufi.

Traduit de l'anglais par Alexander Markovics

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Le professeur Dr. h.c. Hei Sing Tso est le Président de l'École de stratagème de Guiguzi, Hong Kong, Chine.

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dimanche, 13 octobre 2024

Hugo et Nietzsche face au rétrécissement des hommes

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Hugo et Nietzsche face au rétrécissement des hommes

Nicolas Bonnal

On a découvert Quatre-vingt-treize grâce au texte d’un camarade espagnol ; et cette sensationnelle tirade du vrai héros du film (sic), le marquis de Lantenac. Tout cela nous rappelle que Victor Hugo est un des plus grands génies du monde, et que l’homme qui rit, qui a inspiré le Joker de Batman (pas moins) est le roman préféré d’Ayn Rand et de tous ceux qui rêvent d’histoire fantastique et expressionniste (revoir le Jeudi de Chesterton et découvrir l’adaptation sensationnelle de Paul Léni, aux temps héroïques du cinéma muet). 

Lantenac annonce l’essentiel : la France va devenir petite.

« Ce n’est pas la question. La question est ceci : être un grand royaume ; être la vieille France, être ce pays d’arrangement magnifique, où l’on considère premièrement la personne sacrée des monarques, seigneurs absolus de l’État, puis les princes, puis les officiers de la couronne, pour les armes sur terre et sur mer, pour l’artillerie, direction et surintendance des finances. Ensuite il y a la justice souveraine et subalterne, suivie du maniement des gabelles et recettes générales, et enfin la police du royaume dans ses trois ordres. »

C’est la fin d’un ordre organique et de la France européenne :

« Voilà qui était beau et noblement ordonné ; vous l’avez détruit. Vous avez détruit les provinces, comme de lamentables ignorants que vous êtes, sans même vous douter de ce que c’était que les provinces. Le génie de la France est composé du génie même du continent, et chacune des provinces de France représentait une vertu de l’Europe ; la franchise de l’Allemagne était en Picardie, la générosité de la Suède en Champagne, l’industrie de la Hollande en Bourgogne, l’activité de la Pologne en Languedoc, la gravité de l’Espagne en Gascogne, la sagesse de l’Italie en Provence, la subtilité de la Grèce en Normandie, la fidélité de la Suisse en Dauphiné. Vous ne saviez rien de tout cela ; vous avez cassé, brisé, fracassé, démoli, et vous avez été tranquillement des bêtes brutes. Ah ! vous ne voulez plus avoir de nobles ! Eh bien, vous n’en aurez plus. Faites-en votre deuil. »

La fin des nobles va précipiter la fin du pays. On relira mes textes sur Bonald et on admirera la plume de Hugo qui, quoiqu’ennemi de l’Ancien Régime, laisse vivre et enfler une telle parole (Stendhal lui regrette déjà l’Ancien Régime vers 1840, voir Lucien Leuwen) :

« Vous n’aurez plus de paladins, vous n’aurez plus de héros. Bonsoir les grandeurs anciennes. Trouvez-moi un d’Assas à présent ! Vous avez tous peur pour votre peau. Vous n’aurez plus les chevaliers de Fontenoy qui saluaient avant de tuer, vous n’aurez plus les combattants en bas de soie du siège de Lérida ; vous n’aurez plus de ces fières journées militaires où les panaches passaient comme des météores ; vous êtes un peuple fini ; vous subirez ce viol, l’invasion ; si Alaric II revient, il ne trouvera plus en face de lui Clovis ; si Abdérame revient, il ne trouvera plus en face de lui Charles Martel ; si les Saxons reviennent, ils ne trouveront plus devant eux Pépin ; vous n’aurez plus Agnadel, Rocroy, Lens, Staffarde, Nerwinde, Steinkerque, la Marsaille, Raucoux, Lawfeld, Mahon ; vous n’aurez plus Marignan avec François Ier ; vous n’aurez plus Bouvines avec Philippe Auguste faisant prisonnier, d’une main, Renaud, comte de Boulogne, et de l’autre, Ferrand, comte de Flandre. Vous aurez Azincourt, mais vous n’aurez plus pour s’y faire tuer, enveloppé de son drapeau, le sieur de Bacqueville, le grand porte-oriflamme ! Allez ! allez ! faites ! Soyez les hommes nouveaux. »

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J’aime cette idée que cet homme nouveau, c’est surtout un homme qui se laisse envahir sans réagir : 1814, 1815, 1870, 1914, 1940, et depuis les années soixante c’est un même un homme qui se laisse remplacer en se croisant les doigts.

Le Maître poursuit :

« Devenez petits !

Le marquis fit un moment silence, et repartit :

– Mais laissez-nous grands. Tuez les rois, tuez les nobles, tuez les prêtres, abattez, ruinez, massacrez, foulez tout aux pieds, mettez les maximes antiques sous le talon de vos bottes, piétinez le trône, trépignez l’autel, écrasez Dieu, dansez dessus ! C’est votre affaire. Vous êtes des traîtres et des lâches, incapables de dévouement et de sacrifice. J’ai dit. Maintenant faites-moi guillotiner, monsieur le vicomte. J’ai l’honneur d’être votre très humble…. »

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Remercions Hugo et relisons Zarathoustra alors sur ce dernier homme qui rapetisse tout :

« Malheur ! Les temps sont proches où l’homme ne mettra plus d’étoile au monde. Malheur ! Les temps sont proches du plus méprisable des hommes, qui ne sait plus se mépriser lui-même. Voici ! Je vous montre le dernier homme. « Amour ? Création ? Désir ? Étoile ? Qu’est cela ? » – Ainsi demande le dernier homme et il cligne de l’œil. La terre sera alors devenue plus petite, et sur elle sautillera le dernier homme, qui rapetisse tout. Sa race est indestructible comme celle du puceron ; le dernier homme vit le plus longtemps. « Nous avons inventé le bonheur, » – disent les derniers hommes, et ils clignent de l’œil. Ils ont abandonné les contrées où il était dur de vivre : car on a besoin de chaleur. On aime encore son voisin et l’on se frotte à lui : car on a besoin de chaleur. »

La réalité sera supportée ou ignorée grâce aux drogues :

« Un peu de poison de-ci de-là, pour se procurer des rêves agréables. Et beaucoup de poisons enfin, pour mourir agréablement. On travaille encore, car le travail est une distraction. Mais l’on veille à ce que la distraction ne débilite point. On ne devient plus ni pauvre ni riche : ce sont deux choses trop pénibles. Qui voudrait encore gouverner ? Qui voudrait obéir encore ? Ce sont deux choses trop pénibles. Point de berger et un seul troupeau ! Chacun veut la même chose, tous sont égaux : qui a d’autres sentiments va de son plein gré dans la maison des fous. « Autrefois tout le monde était fou, » – disent ceux qui sont les plus fins, et ils clignent de l’œil. »

Dans un autre passage admirable Nietzsche écrit – toujours sur cet homme petit qui rapetisse tout :

« Et un jour il aperçut une rangée de maisons nouvelles ; alors il s’étonna et il dit : Que signifient ces maisons ? En vérité, nulle grande âme ne les a bâties en symbole d’elle-même ! Un enfant stupide les aurait-il tirées de sa boîte à jouets ? Alors qu’un autre enfant les remette dans la boîte ! Et ces chambres et ces mansardes : des hommes peuvent-ils en sortir et y entrer ? Elles me semblent faites pour des poupées empanachées de soie, ou pour des petits chats gourmands qui aiment à se laisser manger. Et Zarathoustra s’arrêta et réfléchit. Enfin il dit avec tristesse : Tout est devenu plus petit ! Je vois partout des portes plus basses : celui qui est de mon espèce peut encore y passer, mais – il faut qu’il se courbe ! Oh ! quand retournerai-je dans ma patrie où je ne serai plus forcé de me courber – de me courber devant les petits ! » – Et Zarathoustra soupira et regarda dans le lointain. »

Sources:

https://www.dedefensa.org/article/visite-aux-morts-pour-l...

https://www.dedefensa.org/article/le-vicomte-de-bonald-et...

https://www.dedefensa.org/article/le-vicomte-de-bonald-et...

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Sur le Bestiaire de Rome d'Alfredo Cattabiani

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Sur le Bestiaire de Rome d'Alfredo Cattabiani

Giovanni Sessa

Source: https://www.paginefilosofali.it/sul-bestiario-di-roma-di-alfredo-cattabiani-giovanni-sessa/

Alfredo Cattabiani, décédé en 2003, était un intellectuel de grande valeur, trop vite oublié par le milieu culturel auquel il appartenait. À travers ses œuvres et, surtout, sous la direction de maisons d'édition comme Dell'Albero, Borla et Rusconi (dont le catalogue a d'ailleurs été réédité par la suite par Adelphi de Calasso), Cattabiani a exercé une pédagogie obstinément traditionnelle. Un de ses livres d'une valeur incontestable, Bestiario di Roma (Bestiaire de Rome), publié par Iduna (sur commande: associazione.iduna@gmail.com, pp. 392, euro 25.00), est récemment paru en librairie. Dans ces pages, très denses en termes de contenu, l'auteur introduit le lecteur à la compréhension du sens profond de Rome et de sa mission. Il le fait en décodant et en clarifiant le sens du bestiaire symbolique que les visiteurs de la Ville éternelle ne peuvent manquer de remarquer dans les frises des palais nobles, dans les temples antiques qui ont survécu ou sur les façades des églises de la Renaissance et du Baroque : « Un bestiaire luxuriant sculpté ou peint peuple le sous-sol et les rues de cette ville à la beauté opulente [...] un labyrinthe babylonien dans le temps » (p. 7). Le volume est enrichi d'un remarquable appareil d'illustrations et de photographies qui facilitent la compréhension du récit.

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L'extraordinaire patrimoine de la Sagesse traditionnelle est gardé par les effigies animales du bestiaire sacré: pour l'élucider, l'auteur guide le lecteur à travers une exégèse érudite des mythes et des légendes, captivante et engageante sur le plan de la narration. La plume de Cattabiani est légère et rend immédiatement intelligibles, même pour le néophyte, des questions symboliques et théologiques complexes. Pour s'introduire astucieusement dans l'univers idéal de la Tradition, il faut partir d'un postulat général : le cosmos est théophanie. Chaque chose, entité ou animal est un symbole, l'incarnation d'une potestas divine : « Chaque animal [...] a évoqué à l'imagination humaine des vices et des vertus, des états psychologiques et spirituels, des dieux et des démons » (p. 7), dans une polysémie de significations qui, dans l'histoire de Rome, a connu des stratifications successives.

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Dans la Ville éternelle, en termes urbains, architecturaux et picturaux, la religiosité classique antique est flanquée de basiliques chrétiennes. Ce qui saute aux yeux dès que l'on pénètre dans le « labyrinthe » Rome-Amor, c'est la glorification du cosmos et de ses énergies. Le serpent, par exemple, est un animal qui a progressivement pris la valeur d'une icône céleste et d'une présence ténébreuse, faisant finalement allusion à la vie qui renaît à chaque printemps. C'est pourquoi Cattabiani, dans son analyse du bestiaire romain, utilise la méthode comparative qui, de temps en temps, remet en question le mythe, la théologie et les contingences historiques. Il consacre également un chapitre très intéressant à l'héraldique, car « les armoiries nobles se réfèrent à un code emblématique qui ne correspond que partiellement à celui des anciens bestiaires » (p. 8). L'exégèse des abeilles des Barberini ainsi que celle des dragons et des aigles des Borghèse est particulièrement intéressante.

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L'idée de beauté, entendue au sens traditionnel, échappe à la réduction à laquelle les nouveaux philistins l'ont condamnée : elle est la substance de la vie, en ce sens que « l'harmonie ne peut susciter autour d'elle d'autres harmonies, même sociales » (p. 9). La beauté a un caractère éducatif, c'est un paradigme civil. L'incipit du volume porte en son centre le symbole par excellence de la romanité, la Louve.

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Abordant les mythes fondateurs de l'Urbe, Cattabiani montre que le loup est l'animal totémique de Rome : « Les Étrusques vénéraient en effet un dieu des enfers représenté avec une tête de loup » (p. 14), dont les traits s'apparentent à Soranus, en l'honneur duquel des rites de purification se déroulaient sur le mont Soratte. Ces puissances divines, comme le précise Kerényi, avaient également des traits uraniques, étant représentées comme des types divins syntoniques de l'Apollon grec, avec arc et bouc à la main. Les Luperci étaient aussi ceux qui, lors du passage de l'hiver au printemps, célébraient un rituel symbolisant la refondation de la vie cosmique et sociale. Le Palatin, dans l'Antiquité, était appelé Ruma, le sein qui infuse la vie, dans une optique de géographie sacrée très évidente. Les mêmes noms, Romulus et Remus, renvoient étymologiquement à Ruma, la mamelle de la louve. L'appartenance à Dionysos et Apollon est encore confirmée par le fait que le figuier ruminal, sous lequel le panier des jumeaux s'est échoué le long du Tibre, était consacré au dieu de l'enthousiasme. À Rome, d'ailleurs, les lupe étaient appelées les prostituées sacrées, incarnant la force de reconnexion de l'éros.

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Parmi les nombreux animaux du Bestiaire de Rome, arrêtons-nous aussi brièvement sur le papillon. Platon, dans le Phèdre, soutenait que ce gracieux insecte faisait allusion aux ailes de l'âme qui, en vertu du processus anamnestique, aspirait à se réunir avec les réalités idéales. Ainsi, « Psyché, conservée au musée du Capitole, [...] est une figure féminine avec des ailes de papillon » (p. 110). Psyché-papillon vit en intimité avec la force céleste, aimée par le divin et tendue anagogiquement dans un iter qui l'élève au Bien-Belle. Dante, dans la Commedia, est conscient de ce contexte lorsqu'il écrit : « Vous ne vous rendez pas compte que nous sommes des vers/ Nés pour former le papillon angélique/ Qui vole vers la justice sans écran ?

Le Bestiaire de Rome est le gardien de l'héritage spirituel et intellectuel de la Tradition. Aujourd'hui, il n'est pas visible en raison de la pauvreté du temps présent, mais il est toujours en vigueur dans le temps. Cattabiani invite le lecteur à le réactualiser. Un héritage essentiel, à prendre au sérieux.

 

Une majorité d'Allemands souhaite que le chancelier Scholz reprenne les pourparlers avec Poutine pour mettre fin à la guerre en Ukraine

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Une majorité d'Allemands souhaite que le chancelier Scholz reprenne les pourparlers avec Poutine pour mettre fin à la guerre en Ukraine

Selon un nouveau sondage, près de 6 Allemands sur 10 souhaitent que M. Scholz prenne le téléphone avec M. Poutine et facilite les pourparlers de paix avant le sommet du G20 qui se tiendra le mois prochain à Rio de Janeiro.

Par Thomas Brooke

Source: https://rmx.news/article/majority-of-germans-want-chancellor-scholz-to-renew-talks-with-putin-on-ending-war-in-ukraine/

Une majorité d'Allemands est favorable à ce que le chancelier Olaf Scholz reprenne la communication directe avec le président russe Vladimir Poutine, après près de deux ans de silence entre les deux dirigeants.

Selon un sondage YouGov réalisé pour le compte de l'Agence de presse allemande, 59% des personnes interrogées soutiennent l'idée d'une conversation téléphonique entre Scholz et Poutine, tandis que 26% s'y opposent et que 15% n'ont pas exprimé d'opinion.

Les Allemands de l'Est sont particulièrement enthousiastes à l'idée d'un retour au dialogue avec Moscou: 68% des personnes interrogées soutiennent cette idée, contre 19% qui s'y opposent.

La dernière conversation téléphonique entre les deux dirigeants remonte au 2 décembre 2022, bien que M. Scholz insiste sur le fait que la communication entre les deux administrations s'est poursuivie sans conversation directe avec le président russe.

Zeit Online a rapporté des spéculations selon lesquelles un autre appel téléphonique pourrait avoir lieu avant le sommet du G20 à Rio de Janeiro le mois prochain.

Le mois dernier, le chancelier Olaf Scholz a exprimé sa volonté de rouvrir les pourparlers de paix avec M. Poutine, déclarant qu'il appellerait le président russe au moment opportun pour faciliter les négociations visant à mettre fin à la guerre en Ukraine.

« Je pense que le moment est venu de discuter de la manière dont nous pouvons sortir de cette situation de guerre et parvenir à la paix plus rapidement qu'il n'y paraît actuellement », a déclaré M. Scholz à l'époque.

« Il y aura certainement une autre conférence de paix, et le président [ukrainien] Volodymyr Zelensky et moi-même sommes d'accord pour dire qu'elle doit également inclure la Russie », a-t-il ajouté.

Scholz doit rencontrer M. Zelensky à Berlin ce vendredi. Il s'agit de la troisième rencontre de ce type entre les deux dirigeants en l'espace de cinq semaines, alors que les efforts se multiplient pour trouver une solution au conflit actuel.

Une telle démarche est préconisée par d'autres dirigeants européens depuis un certain temps, notamment par le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, qui appelle depuis longtemps à un cessez-le-feu immédiat et à des pourparlers de paix, alors que les États-Unis et l'Union européenne continuent de financer les opérations militaires à Kiev.

L'opinion publique allemande est toutefois divisée sur la manière dont tout règlement futur entre la Russie et l'Ukraine devrait être mis en œuvre, 39% des Allemands étant opposés à ce que l'Ukraine cède une quelconque partie de son territoire à la Russie et 45% étant favorables à une forme de compromis territorial.

Pendant ce temps, la guerre se poursuit et la stratégie militaire souhaitée par l'Ukraine, qui consiste à utiliser des missiles à longue portée fournis par les alliés occidentaux, est également vivement contestée en Allemagne.

Si 42% des personnes interrogées sont favorables à l'autorisation donnée à Kiev d'utiliser de telles armes pour frapper la Russie, 43% y sont opposées, craignant que cette décision n'entraîne une nouvelle escalade du conflit et n'entraîne l'OTAN encore plus loin dans la guerre.

L'Allemagne s'est jusqu'à présent abstenue de livrer des armes de longue portée à l'Ukraine, s'attirant les critiques des pro-ukrainiens aux États-Unis, au Royaume-Uni et en France, qui étaient plus disposés à livrer des missiles.

Un avenir réservé

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Un avenir réservé

par Georges Feltin-Tracol

Début septembre, une fois la période des vacances estivales achevée, la SNCF (Société nationale des chemins de fer français) a décidé de pénaliser par de lourdes amendes tout client en cas de surcharge de bagage. La mesure s’inspire des compagnies aériennes qui limitent de manière draconienne le volume maximal à transporter. Désormais, les TGV et les Intercités n’acceptent plus que deux valises de taille moyenne et un petit bagage à main pour chaque voyageur. Les contrôleurs vérifieront, car ils reçoivent sur toutes les amendes dressées une rétribution au pourcentage. On comprend mieux pourquoi cette catégorie professionnelle réclame toujours plus de personnel afin de garantir une meilleure sécurité à bord. Cette revendication est une déplorable plaisanterie de la part des syndiqués de la CGT et de SUD-Rail, organisations qui terrorisent l’économie et qui dénoncent sans cesse toute mesurette répressive à l’encontre de la racaille…

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Il faut cependant reconnaître que bien des contrôleurs s’affligent des aberrations manifestes de leur entreprise. De nombreuses gares en campagne ne possèdent plus de guichet ou ne disposent que d’un automate peu maniable. En outre, il devient impossible de prendre un billet sur Internet au dernier moment, car le TER (Train Express Régional – l’équivalent du Transilien en Île-de-France) affiche complet, ce qui est faux. À tout voyageur sans billet de bonne foi, les contrôleurs regrettent d’appliquer le prix du trajet avec une majoration. Leurs appareils ne sont pas prévus pour s’adapter aux situations particulières. Ubu côtoie Kafka.

Longtemps entreprise – modèle du savoir-faire français, la SNCF n’est plus que l’ombre d’elle-même, victime des politiques libérales en matière de transports sous les injonctions des bouffons eurocratiques de Bruxelles et de la mainmise syndicale CGT - SUD. Elle souffre par ailleurs de la présidence désastreuse de Guillaume Pépy de 2015 à 2019 après un premier mandat entre 2008 et 2014. Ce bureaucrate l’a transformée en EasyJet terrestre guère fiable. Les gestionnaires à œillères de la compagnie ferroviaire ne cherchent qu’à fermer les petites lignes comme le réclament aussi les fumeux experts de l’IFRAP (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques) qui rêvent de tout privatiser.

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La réouverture des trains de nuit aurait pu s’apparenter à une relance audacieuse de l’ambition ferroviaire si le public ne s’en détournait pas pour des motifs de temps de parcours trop longs et des conditions matérielles plus ou moins sommaires. Le train demeure un excellent facteur d’aménagement du territoire tant à l’échelle régionale qu’aux échelles française et continentale. À quand donc des lignes à grande vitesse entre Lisbonne et Varsovie, voire Minsk et Moscou, en passant par Madrid, Paris, Bruxelles et Berlin ?

Plus prosaïquement, cet été, une polémique concerna le TER qui dépend en partie des conseils régionaux, organisateurs de leurs lignes en concertation avec la SNCF. Suivant l’exemple en cours depuis juillet 2022 en région Normandie présidée par le centriste Hervé Morin, la région Grand-Est du macroniste de droite molle Franck Leroy, président entre autres du conseil d'administration de l’AFIT France (Agence de financement des infrastructures de transport de France) a mis en place une réservation gratuite obligatoire sur les lignes Paris – Troyes - Mulhouse et Paris – Châlons - Strasbourg. Il faut s’empresser de préciser que, pour l’instant, 25 % des places restent accessibles sans réservation. On peut imaginer qu’à moyen terme, ce système rigide deviendra payant au même titre que les TGV et les Intercités.

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À l’instar du Transilien, le TER contribue au transport quotidien, en particulier pour les migrants pendulaires. En géographie sociale, une mobilité pendulaire désigne le déplacement journalier aller – retour entre son domicile et son lieu de travail, peu importe la manière de se déplacer (train, voiture, tramway, métro, bus). Sait-on qu’en dehors de la région parisienne, la ligne de train la plus fréquentée de France se trouve en Auvergne – Rhône-Alpes entre Lyon et Saint-Étienne ?

La justification fallacieuse de la réservation obligatoire en TER serait la nécessité de mieux répartir l’affluence aux heures pleines. Faudrait-il se rendre au bureau ou dans sa boutique à 9 h, voire à 10 h ? Il y a trente ans, un établissement scolaire avait dû changer ses horaires de cours afin que les élèves internes puissent rentrer chez eux en fin de semaine à un horaire décent. La SNCF a toujours eu une attitude imbue d’elle-même. Ses ingénieurs ne sont-ils pas à l’origine du sabotage de l’aérotrain de Jean Bertin au profit du TGV ?

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Après ce précédent en TER, pourquoi ne pas l’étendre à l’accès aux bus, au métro et au tram afin de mieux maîtriser, là encore, l’afflux intermittent des usagers, surtout aux heures d’ouverture et de fermeture des bureaux ? Cette scandaleuse nouveauté se réalise au moment où le contrôle automobile, à savoir la surveillance par caméra thermique du covoiturage, atteint son paroxysme. À l’époque de l’hystérie covidienne, seuls les titulaires du sinistre pass sanitaire pouvaient monter à bord des TGV et des Intercités. En revanche, l’accès en TER ne nécessitait pas cet Ausweis. Ainsi pouvait-on traverser l’Hexagone sous apartheid vaccinal assez librement malgré une durée plus longue et de nombreuses correspondances. Avec la réservation en TER, il sera impossible de parcourir le pays. En outre, la réservation en TER marque la fin de l’anonymat en train. Déjà, au début de l’été 2004, la SNCF avait contraint ses clients à étiqueter leurs bagages. En 2022, toujours en lutte contre l’oubli des bagages, la SNCF a tenté de convaincre la moitié récalcitrante de ses voyageurs à étiqueter les bagages en leur proposant des étiquettes dotées de QR - code. On distribue une étiquette en plastique avec un QR - code en gare. Une fois scannée sur le smartphone, elle  dirige automatiquement l’usager vers un site Internet dédié où il indique ses nom, adresse et numéro de téléphone. Pis, depuis le mois de mai 2019, l’achat de billets de train exige de donner son identité personnelle, son adrel, son numéro de téléphone et sa date de naissance.

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Dans son roman dystopique, Et c'est ainsi que nous vivrons (2023), Douglas Kennedy décrit dans un avenir proche l’éclatement de son pays natal en deux entités étatiques rivales: la Confédération chrétienne fondamentaliste qui accorde le port d’arme à ses citoyens, et la République, un régime progressiste wokiste dont tous les habitants sont pucés et donc surveillés par les autorités. Si le puçage de la population est aussi évoqué par la rédaction de Red Team dans le premier ouvrage d’anticipation militaire commandé par le ministère français des Armées, imposer une puce à toute la population risquerait de déclencher des révoltes populaires. Certes, il y aura toujours des malades mentaux qui se feront volontiers pucer. Mais cette mesure liberticide hautement visible détruirait l’actuel récit officiel autour des droits de l’homme, des femmes et des autres.

Le 22 août dernier, l’association Régions de France démentait toute possibilité de généraliser la réservation en TER, y voyant un débat absurde. En fait, la généralisation de la réservation obligatoire à tous les modes de transport public, y compris pour l’auto-partage motorisé, passera par une application informatique indolore à télécharger sur le téléphone intelligent que possède tout un chacun (ou presque !). Il faut corréler cette proposition avec la suppression progressive de l’argent physique (les espèces) ainsi qu’au plan dément d’identité numérique envisagé par les hiérarques pseudo-européens, préfiguration du futur crédit social. Dans ce dessein machiavélique, le train joue un rôle essentiel. Il y a plusieurs années, le slogan d’une savoureuse publicité affirmait : « Laissez-vous prendre par le train ». Cette annonce a certainement ravi les habitants du Marais parisien. Très vite arrêtée, cette campagne fut cependant visionnaire puisque les usagers le sont aujourd’hui à travers la réservation obligatoire en TER. L’avenir sera une succession de moments réservés payants.            

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 128, mis en ligne le 9 octobre 2024 sur Radio Méridien Zéro.

samedi, 12 octobre 2024

Booth Tarkington: un romancier contre le monde moderne

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Booth Tarkington: un romancier contre le monde moderne

Nicolas Bonnal

C’est un très grand romancier oublié. Un américain nostalgique de sa grande et blonde Amérique de pionniers, à la manière de Madison Grant et de Scott Fitzgerald (voir le début de Gatsby et mon livre sur Trump, réédité par Philippe Randa). On l’a oublié sciemment là-bas et il ne nous est resté que grâce à Orson Welles et à sa mystérieuse splendeur des Amberson, hymne aux anciens temps et aux vieilles familles.

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C’est l’Americana, ce genre, ce pilier culturel plutôt, si américain qui a nourri de merveilleuses comédies musicales comme Easter Parade (avec Fred et Judy) ou Meet me in Saint-Louis (quand on voit ce que c’est devenu…). On a cette sensation aussi au début aussi de Birth of a nation (qui aurait dû s’appeler Death of a nation) quand le seul et unique génie du cinéma (« il m’a tout appris », dira Eisenstein) filme le vieux monde colonial ; « quaint », dit-il et ce vieux mot se retrouve dans notre accointance (lisez l’admirable et si habile livre de Cerquiglini sur cette « langue anglaise qui n’existe pas »).

On se croirait parfois en relisant la Magnificence des Amberson dans le Guépard ou dans l’Igitur de Mallarmé parfois. Projet bucolique et libertarien détourné, l’Amérique est devenu le monstre que l’on sait vers la fin du dix-neuvième siècle, sans l’avoir voulu. Sa guerre civile l’aura détruite comme la France. Et donc en ploutocratie on ne consultait déjà plus le local, surtout « anglo-saxon ». Il était là pour être remplacé ce saxon, plumé, envoyé à la guerre, l’Américain. La campagne ratée de Trump montre ce qu’est devenue cette plèbe de déplorables : sacrifiée par ses élites hostiles depuis le début du vingtième siècle, élites devenues folles depuis Bush et Obama, il ne lui reste qu’à couler, en s’accrochant à un énième vain messie.

Tarkington tape sur la bagnole à l’âge où Mirbeau la célèbre dans un roman routier. La bagnole c’est l’ontologie du monde moderne. On l’écoute :

« Il y eut un nouveau silence; le Major consterné fixait son petit-fils. Mais Eugène se mit à rire joyeusement.

- Je ne suis pas sûr qu’il ait tort à propos des automobiles, dit-il. En dépit de toute leur vitesse, elles ne seront peut-être qu'un pas en arrière dans la civilisation. J'entends la civilisation spirituelle. Ajouteront-elles à la beauté du monde, à la vie de l'âme? Je ne le crois pas. Mais elles sont là; elles transforment nos vies plus profondément que nous pourrions le supposer. Elles transformeront la guerre, et elles transformeront la paix. Je pense que l'esprit humain lui-même changera, à cause d'elles. Comment? Je n'en sais rien. Mais le changement extérieur n'ira pas sans un changement intérieur; ici, George a peut-être raison: ce changement intérieur nous sera défavorable. Qui sait? Dans vingt ou trente ans je pourrais n'avoir plus le droit de défendre ma voiture sans cheval, et déclarer moi-même: «Son inventeur a fait un beau gâchis ! »

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La bagnole va remplacer et effacer l’Amérique ancienne qui est la vraie Amérique. Comme la télévision et internet plus tard qui vont l’achever. Le grand remplacement des paysages accompagne celui des cerveaux.

« La benzine et l’électricité opéraient des miracles: Eugène avait vu juste. »

Puis Tarkington (raison pour laquelle il est chassé des manuels et des mémoires) attaque comme Grant ou Stoddard les migrants européens, à qui Tocqueville tord aussi le coup dans sa Démocratie.

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Tocqueville donc, page 276, dans une note explosive et soigneusement ignorée :

« L’Amérique n’a point encore de capitale, mais elle a déjà de très grandes villes. Philadelphie comptait, en 1830, 161,000 habitants, et New-York 202,000. Le bas peuple qui habite ces vastes cités forme une populace plus dangereuse que celle même d’Europe. Elle se compose d’abord de nègres affranchis, que la loi et l’opinion condamnent à un état de dégradation et de misère héréditaires. On rencontre aussi dans son sein une multitude d’Européens que le malheur et l’inconduite poussent chaque jour sur les rivages du Nouveau-Monde ; ces hommes apportent aux États-Unis nos plus grands vices, et ils n’ont aucun des intérêts qui pourraient en combattre l’influence. Habitant le pays sans en être citoyens, ils sont prêts à tirer parti de toutes les passions qui l’agitent : aussi avons-nous vu depuis quelque temps des émeutes sérieuses éclater à Philadelphie et à New-York. De pareils désordres sont inconnus dans le reste du pays, qui ne s’en inquiète point, parce que la population des villes n’a exercé jusqu’à présent aucun pouvoir ni aucune influence sur celle des campagnes. »

On reprend Tarkington qui sera soigneusement ignoré par Orson Welles, et pour cause (cf. Hitchcock qui sabote le début des Trente-neuf marches de Buchan, expliquant pourtant les raisons cabalistiques et cryptées de la guerre allemande contre la Russie…) :

« Mais le plus grand changement s'observait parmi les habitants mêmes. Les descendants des pionniers étaient petit à petit submergés par le flot des nouveaux venus et s'identifiaient si bien à lui qu'on ne les y distinguait plus. Comme à Boston, comme à Broadway, la vieille race perdit son caractère propre, et de tous ceux qui nommaient la ville «chez eux»). »

L’Amérique ne sera plus la même (voir mon texte sur Walt Whitman qui le perçoit instantanément au lendemain de la guerre de Sécession) :

« Un tiers à peine y était nés. Il y eut un quartier allemand, un quartier juif, un quartier nègre, appelé Bucktown; et des colonies italiennes, et hongroises, et roumaines, et grecques.

Les émigrants eux-mêmes ne formaient pas le gros noyau de la population; non; mais bien les descendants prospères des émigrants. Des gens plus avides d'argent et de travail bien rétribué que de liberté et de démocratie. Un nouvel habitant de la ville du Midland - en fait un nouvel Américain - naissait lentement.

Un nouvel esprit civique régnait. Un esprit idéaliste, exprimé par des milliers de jeunes hommes qui «faisaient des affaires» en ville. Ils étaient optimistes au point d'en être belliqueux!- et arboraient une devise: «Enfoncez sans heurter»… »

Le vieil Amberson médite (il est superbe dans le film de Welles) :

« George Amberson se livrait volontiers à de telles conjectures, et les autres l'approuvaient, mais ils se trompaient. Le Major était engagé dans des pensées plus profondes. Aucun des plans qu'il avait dressés jadis pour mener à bien une affaire ne se pouvait comparer au plan qui l'absorbait à présent tout entier, car il se préparait à entrer dans ce grand pays Inconnu où il n'était même pas sûr d'être reconnu comme un Amberson. »

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Une petite pointe supplémentaire contre certains nouveaux venus :

« Il retrouvait des yeux allemands sous des fronts américains; il retrouvait des yeux irlandais et des yeux napolitains, des yeux romains et des yeux toscans, des yeux de Lombardie et de Savoie, des yeux hongrois, et balkaniques et scandinaves - tous dotés d'un regard américain. Il vit des Juifs qui avaient été des Juifs allemands, des Juifs qui avaient été des Juifs russes, des Juifs qui avaient été des Juifs polonais, mais qui n’étaient plus ni Allemands, ni Russes, ni Polonais.

Et tous ces gens portaient des traces de saleté à cause de la fumée et de la suie suspendues dans l'air, Sous un ciel bas au niveau des premiers gratte-ciel, et tous paraissaient pressés… »

Pour ceux qui se demandent ce qu’Orson Welles allait faire dans cette galère, relire mon texte sur ce grand homme devenu politiquement incorrect avec l’âge : la vraie révolte contre ce monde passe par la réaction.

Source:

https://www.institutcoppet.org/wp-content/uploads/2012/01...

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https://francephi.com/livre/donald-trump-le-candidat-du-c...

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https://francephi.com/livre/lage-dor-de-la-comedie-musica...

https://www.dedefensa.org/article/orson-welles-et-sa-fonc...

https://www.dedefensa.org/article/walt-whitman-et-la-maud...

Le néo-paganisme et la nature satanique de la science moderne

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Le néo-paganisme et la nature satanique de la science moderne

Par Alexander Douguine

Alexandre Douguine explore les origines du concept de « paganisme », qu'il oppose au christianisme, et affirme que le matérialisme moderne et la vision scientifique du monde, bien plus destructeurs que le paganisme, ont ouvert la voie à une résurgence des forces spirituelles obscures sous la forme du néo-paganisme et d'autres idéologies.

Le concept de « païen » trouve son origine dans l'Ancien Testament. En russe, les « nations » étaient appelées « langues » (языки). Chez les Juifs de l'Antiquité, le terme « am » (עם) était utilisé pour se décrire, tandis que « goy » (גוי) désignait les autres nations. Les Juifs étaient considérés comme un seul peuple (l'élu), alors qu'il existait de nombreuses « langues », d'autres nations. Les Juifs adoraient un seul Dieu et pensaient que toutes les autres nations (« langues ») adoraient de nombreux dieux. C'est ainsi que le terme « langue » (goy) a été associé aux polythéistes et aux idolâtres (en grec, le mot correspondant était spécifiquement ειδολολάτρης). Le terme latin correspondant était gentilis, de gēns, qui signifie « peuple », « clans » ou « nations ».

Ce sens a été adopté par les chrétiens, le contraste n'étant plus entre les juifs et tous les autres, mais entre les nations chrétiennes, qui représentaient l'Église du Christ et la « nation sainte », unifiée (ὁ ἱερὸς λαὸς), et les nations et cultures adorant de nombreux dieux. Ces dernières étaient appelées « païens ». En fait, les nations chrétiennes elles-mêmes étaient autrefois « païennes » avant d'accepter le Christ. Les nations qui n'ont pas accepté le Christ et qui ont continué à adorer de nombreux dieux (ειδολολάτρης) étaient toujours appelées « païennes ».

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Epicure.

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Le monde antique n'a pratiquement jamais connu l'athéisme au sens moderne du terme et ne pouvait guère imaginer comment il était possible de ne rien adorer du tout. Seuls quelques philosophes excentriques, comme Démocrite et Épicure en Grèce ou les Charvaka-Lokayata en Inde (ainsi que d'autres mouvements Nastika comme le premier bouddhisme Hinayana), ont proposé l'hypothèse particulière et étrange (pour l'esprit commun) que « Dieu n'existe pas ». Il s'agissait d'une position ultra-marginale. Il est intéressant de noter que dans le Talmud, le terme « épicuriens » est utilisé à la fois pour désigner les « athées » et les « païens».

Mais il y a une nuance. Il ne fait aucun doute que les cultures non juives, non chrétiennes (et non islamiques) avaient leur propre compréhension et interprétation de leurs traditions. Nombre d'entre elles étaient convaincues qu'elles adoraient également le Dieu unique et que les autres figures sacrées n'en étaient que des aspects personnifiés. Platon, et surtout les néoplatoniciens, plaçaient l'Unique au-dessus de tout. Les Pères cappadociens ont cité des preuves de l'existence des « Hypsistariens » (de θεὸς ὕψιστος - Dieu très haut), des non-Juifs qui adoraient le Dieu unique avec insistance. Parfois, les historiens des religions introduisent le concept intermédiaire d'« hénothéisme » (littéralement « culte d'un seul dieu ») - entre le monothéisme (culte d'un Dieu exclusif) et le polythéisme (culte de plusieurs dieux).

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L'Advaita Vedanta indien met précisément en évidence ce type d'approche non dualiste. Même le dualisme explicite du zoroastrisme conduit en fin de compte au triomphe d'un seul Dieu, le Dieu de la lumière, bien que ce « monothéisme » soit ici dynamique et eschatologique. Deux principes opèrent dans l'histoire et, dans les dernières époques, c'est le principe obscur qui l'emporte. Mais seulement temporairement, jusqu'au triomphe absolu de la Lumière.

Les traditions préchrétiennes et non chrétiennes, à l'exception des religions abrahamiques reconnues comme monothéistes (islam et judaïsme), sont généralement qualifiées de « païennes » et de « polythéistes ». Il s'agit là d'une certaine approximation et d'un regard extérieur sur elles. Qu'elles soient monothéistes ou non, ces traditions restent sacrées et reposent sur la croyance en quelque chose de « spirituel », dépassant nettement le domaine matériel. À travers leurs figures (« idoles »), elles s'adressent à des principes, des puissances et des esprits incorporels et immatériels. L'idée qu'ils vénèrent des « objets de bois sans âme » est une notion naïve et très polémique. Le fait est que le christianisme décrit strictement et clairement les structures du monde spirituel et affirme une distinction entre les esprits - angéliques et démoniaques. Les puissances angéliques sont fidèles au Christ et protègent donc les chrétiens et l'Église. Il en va de même pour la foule des saints, dont les vrais chrétiens vénèrent les images avec respect.

Cependant, il est absurde pour les chrétiens de dénoncer le « paganisme » en se basant sur la science matérialiste, qui ne reconnaît rien au-delà de la matière. Le matérialisme, qui fleurit aujourd'hui dans notre société et qui est inculqué aux enfants dès leur plus jeune âge, est bien plus bas et plus vulgaire que le paganisme. Il ne reconnaît aucun monde spirituel, se moque du sacré et désenchante le monde. C'est du cynisme grossier, de l'athéisme militant, de l'ignorance. Et voici la partie la plus intéressante : tout en critiquant à juste titre le paganisme, les chrétiens modernes sont étrangement tolérants à l'égard du matérialisme, de l'atomisme et de la vision scientifique du monde fondée sur un athéisme déclaratif ou une hérésie monstrueuse (comme l'unitarisme de Newton). Le temple païen nous effraie à juste titre, mais un manuel de physique de CM2 ou la théorie de Darwin sur l'origine des espèces nous laissent indifférents.

Cependant, il est absurde pour les chrétiens de dénoncer le « paganisme » en se basant sur la science matérialiste, qui ne reconnaît rien au-delà de la matière. Le matérialisme, qui fleurit aujourd'hui dans notre société et qui est inculqué aux enfants dès leur plus jeune âge, est bien plus bas et plus vulgaire que le paganisme. Il ne reconnaît aucun monde spirituel, se moque du sacré et désenchante le monde. C'est du cynisme grossier, de l'athéisme militant, de l'ignorance. Et voici la partie la plus intéressante : tout en critiquant à juste titre le paganisme, les chrétiens modernes sont étrangement tolérants à l'égard du matérialisme, de l'atomisme et de la vision scientifique du monde fondée sur un athéisme déclaratif ou une hérésie monstrueuse (comme l'unitarisme de Newton). Le temple païen nous effraie à juste titre, mais un manuel de physique de CM2 ou la théorie de Darwin sur l'origine des espèces nous laissent indifférents.

C'est un peu étrange. Si l'on veut défendre la vision chrétienne du monde, il faut le faire de manière cohérente. La guerre actuelle avec l'Occident (qui est anti-chrétien, athée, matérialiste et satanique) est beaucoup plus facile à expliquer pour les chrétiens que pour les « païens ». Il s'agit d'une guerre de la fin des temps, où le katechon lutte contre l'antikeimenos, le « fils de la perdition », en essayant de retarder la venue de l'Antéchrist.

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De plus, les « néo-païens » modernes ne sont pas des représentants de la tradition pré-chrétienne ou de cultures sacrées non-chrétiennes. Aujourd'hui, il s'agit d'un simulacre insensé, basé sur des siècles d'incompréhension et de reconstruction d'une caricature grotesque. C'est comme si l'on essayait de devenir « fasciste » après avoir regardé Dix-sept moments de printemps. Le cas de l'Ukraine me vient à l'esprit. La vérité du « néo-paganisme » est qu'après l'ère du matérialisme, l'humanité entre dans une ère post-matérialiste, où les armées d'esprits obscurs, nommées dans la Bible « hordes de Gog et Magog », envahissent le monde pour posséder une humanité affaiblie dans son esprit et détachée des fondements chrétiens salvateurs.

Cette invasion peut se produire par le biais de cultes inventés et de rituels délirants, de perversions institutionnalisées, de la culture postmoderne et de l'art. Mais elle est précédée par le travail colossal de la civilisation moderne qui a déraciné la vision chrétienne du monde des sociétés et l'a remplacée par un matérialisme athée. Le « néo-paganisme » est une forme de possession, mais la vision scientifique du monde est bien plus toxique. De plus, le satanisme contemporain, y compris le « néo-paganisme » mais pas seulement, est devenu possible précisément grâce aux efforts massifs du matérialisme philosophique, scientifique et quotidien. C'est quelque chose qu'il faut garder à l'esprit.

19:03 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, satanisme, néopaganisme, alexandre douguine | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Pourquoi l'Occident veut-il détruire la Russie?

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Pourquoi l'Occident veut-il détruire la Russie?

Leonid Savin

Dans le conflit actuel, l'Occident collectif suit la voie du suicide

Jean Luc Schaffhauser, ancien membre de la commission des affaires étrangères et de la défense et de la sécurité au Parlement européen, a récemment publié une série d'articles sur la nécessité de faire la paix avec la Russie.

Il a d'ailleurs accusé l'UE de faire deux poids deux mesures à l'égard de la Russie et d'autres pays avant même l'entrée en vigueur de l'accord de stabilisation et d'association. Il a également critiqué l'approche du Parlement européen en raison de ses décisions extrêmement injustes sur le référendum en Crimée.

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Dans la présente série, M. Schaffhauser tente de comprendre les véritables raisons pour lesquelles l'Occident est entré en confrontation avec Moscou, et l'Ukraine n'est qu'une des conséquences de cette étrange politique.

Il observe à juste titre que la rupture de l'axe continental (Berlin-Moscou-Pékin) par le coup d'État en Ukraine et le soutien ultérieur au régime de Kiev, «visant à maintenir l'Europe dans la sphère américaine pour un moment....», a conduit, pour dire les choses avec modération, à un conflit entre l'Europe et Moscou, et, pour le moins, à une situation paradoxale ». La Russie s'appuyant sur la Chine pour contrer le bloc de l'OTAN, l'Occident a perdu son allié chrétien et conservateur. Schaffhauser aborde souvent le thème de la puissance croissante de la Chine, reprochant à l'Occident et aux États-Unis d'avoir permis à Pékin d'atteindre son niveau actuel grâce à l'adhésion à l'OMC. Il observe que la Chine a également souffert de l'agression occidentale à une époque, et que l'Occident a ignoré ces faits historiques, croyant naïvement que la Chine deviendrait « libérale » après un certain temps et que l'Occident serait capable de l'absorber.

Cependant, la Chine savait que tôt ou tard, elle serait confrontée à l'Occident, et le communisme n'y est qu'une coquille extérieure. La véritable force motrice est le nationalisme. Et la Chine n'allait pas sacrifier ses intérêts à l'Occident libéral, qui a toujours cherché à la détruire, bien que la Chine ait pu capitaliser sur sa politique de développement national.

Mais il ne s'agit pas seulement d'unir les intérêts et les valeurs de la Russie et de la Chine. Le comportement même de l'Occident après l'Opération militaire spéciale (OMS) et les événements de la bande de Gaza il y a un an ont révélé toutes les contradictions internes de l'Occident libéral, qui paraissait auparavant uni.

Et pour le reste du monde, c'est-à-dire l'écrasante majorité des États et des peuples de la planète, l'Occident « libéral » est devenu « illibéral ». En outre, le conflit avec l'Occident a dépassé la composante économique de la supériorité et a pris une coloration eschatologique - il s'agit d'une lutte contre le Grand Satan, avec une menace existentielle pour toute l'humanité en raison de ses guerres, y compris des expériences avec des souches de coron avirus qui ressemblent à une nouvelle tentative de mettre le monde sous son contrôle par le biais d'un eugénisme breveté.

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Schaffhauser poursuit en notant que si « les intérêts de l'État profond sont en conflit avec ceux des États-Unis et du peuple américain et conduisent à notre destruction programmée, c'est parce qu'ils sont en fin de compte asservis à ces forces idéologiques et antidémocratiques qui poursuivent d'autres objectifs ». Si l'Occident se suicide en agissant toujours contre ses propres intérêts et ceux de nos pays et de ses peuples, il ne le fait pas de manière démocratique, mais avec ses considérations idéologiques libérales contre la politique démocratique, qui sera toujours pour la survie ou simplement pour le bien des peuples ».

Il estime que « depuis le 11 septembre, la machine libérale s'est emballée, alors que ni le peuple américain ni nos homologues européens n'ont jamais été véritablement consultés sur toutes ces guerres qui se déroulent sous nos yeux et qui, qu'on le veuille ou non, sont en train de nous détruire et, à terme, de détruire l'humanité tout entière ».

En fait, ce désengagement a commencé plus tôt. Comme le souligne Matt Wolfson, il existe deux types de libéralisme : le libéralisme classique et le libéralisme managérial. « Quelque part entre 1933 et 1969, le libéralisme managérial a supplanté le libéralisme classique qui avait dominé auparavant. Cela a donné lieu à notre mécontentement actuel, qui est une révolte non pas contre le libéralisme en tant que tel, mais contre l'une de ses versions ratées ».

Cette situation a entraîné un grave déclin de la politique publique américaine et, par sa dégradation, s'est propagée au reste de l'Occident. Ce processus a finalement abouti à la création d'une « coalition de haine, de faiblesse arrogante et d'arrogance - ces trois qualités sont toujours en harmonie chez les êtres humains - conduisant à la folie de nos chefs d'État européens, qui sont comme des enfants jouant à la guerre, mais avec des armes de destruction massive ». C'est le chemin de la fin.

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Schaffhauser, préfigurant l'effondrement futur de l'Occident, cite la prophétie d'Ezéchiel, qui parle des peuples qui ignorent Dieu : « Parce que ton cœur est orgueilleux, et que tu as dit : « Je suis Dieu, et je suis assis sur le trône de Dieu dans le cœur de la mer, tandis que tu es un homme et non Dieu » ; et tu as arrangé ton cœur comme si c'était le cœur de Dieu.... Voici donc que j'amène contre toi des étrangers, les plus puissants des peuples ; ils briseront leurs épées contre la beauté de ta sagesse, et ils souilleront ta beauté... Dis-tu encore devant ceux qui te tuent : Je suis Dieu, alors que tu es un homme, et non Dieu, entre les mains de ceux qui te tuent ? (Ezéchiel 28:2,7,9). Mais on peut aussi voir dans cette affirmation une allusion aux flux migratoires des musulmans qui ont inondé l'Europe occidentale.

En fin de compte, Schaffhauser conclut que la véritable cause de la guerre de l'Occident contre la Russie est le libéralisme sous la forme dans laquelle il a muté au cours des dernières décennies aux États-Unis.

« Le libéralisme, par le biais du subjectivisme, du relativisme et du sécularisme, fait perdre aux gens leur sens de la réalité en matière de politique intérieure et étrangère, ce qui conduit au nihilisme. Le libéralisme est hégémonique par nature parce qu'il ne défend qu'un seul point de vue, ce qui l'amène à faire la guerre pour s'éclairer, d'où le nihilisme. Le libéralisme est avide parce qu'il organise la société autour de l'argent ; il en résulte un chaos interne et externe parce qu'il élimine l'amour, l'amitié et le don gratuit qui constituent la société nationale et internationale - ce qui conduit au nihilisme. Le libéralisme est un nihilisme qui détruit les autres et se détruit lui-même ».

Dans cette logique, la Russie devrait être détruite pour ce qu'elle est, parce qu'elle s'oppose au libéralisme et au nihilisme. Probablement parce qu'elle a connu ces deux bouleversements au vingtième siècle et qu'elle en connaît le prix.

Et elle semble souhaiter la victoire de la Russie dans cette guerre qui dépasse largement les frontières de l'Ukraine. Une victoire non seulement pour la Russie, mais pour toutes les forces saines qui résistent à l'hégémonie occidentale, car «le libéralisme déclenche toutes sortes de crises médicales et financières contre son propre peuple et contre d'autres peuples afin d'asseoir sa domination interne et externe. Ce processus n'aboutira qu'à une guerre entre son néant et son Être. Le libéralisme occidental est intrinsèquement satanique, c'est le Satan de la fin des temps».

Mais seule la Russie apparaît comme une arche de salut où, selon Schaffhauser, la sagesse et l'amour chrétiens ont été préservés.

vendredi, 11 octobre 2024

L'évaluation fallacieuse de la manipulation des masses par Adorno

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L'évaluation fallacieuse de la manipulation des masses par Adorno

Troy Southgate

Source: https://troysouthgate.substack.com/p/adornos-fallacious-evaluation-of?publication_id=2706601&post_id=150103341&isFreemail=true&r=jgt70&triedRedirect=true

À la lumière d'événements relativement récents survenus aux États-Unis, je trouve curieux que Theodor W. Adorno (1903-1969), alors qu'il tentait de rassembler des informations sur les caractéristiques psychologiques des personnes les plus prédisposées à accepter les idées fascistes, soit arrivé à la conclusion que la manipulation des masses conduisait à la « régression » de l'humanité. Malgré mon opposition à toute forme de coercition et de contrôle des masses, je ne suis pas du tout d'accord avec l'analyse d'Adorno.

Le mot « régression » désigne plus ou moins un retour à un état antérieur ou moins développé, mais l'histoire nous apprend que la manipulation perpétrée à l'échelle que l'on trouve dans l'Italie fasciste, dans la Chine de Mao ou, de facto, dans la société occidentale contemporaine, est en fait progressiste et pas du tout régressive. Pour qu'une société « régresse », elle doit certainement subir un retour aux origines, mais les sociétés de masse d'aujourd'hui, dans lesquelles un grand nombre de personnes sont contrôlées par une petite élite, ne sont guère plus qu'un simple point de repère sur le radar des millénaires humains et sont donc inextricablement liées à l'évolution linéaire de la civilisation elle-même. La manipulation de masse, en d'autres termes, est pratiquée par les empires et les États-nations et utilisée pour contrôler et influencer de larges populations ; ce n'est pas une caractéristique des sociétés dites primitives.

Soit dit en passant, un élément très révélateur des efforts de l'École de Francfort pour collecter de telles données est que si, entre 1929 et 1931, le groupe avait tenté d'évaluer le potentiel de révolution marxiste parmi les travailleurs allemands, en 1947, ses penseurs en exil faisaient pratiquement la même chose pour le compte de l'Université de Californie. À cette époque, Adorno et ses collègues - qui avaient passé la guerre à aider le gouvernement américain dans sa campagne contre Hitler - avaient complètement rejeté les notions de révolution et de lutte des classes, ce qui remet sans aucun doute en question leurs véritables motivations.

 

Mircea Eliade et notre deuxième chute 

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Mircea Eliade et notre deuxième chute 

Nicolas Bonnal

Point n’est besoin d’épiloguer sur la disparition piteuse et générale du christianisme («pas dans un boum, dans un pleurnichement», écrivait déjà Eliot dans son poème repris par Coppola dans Apocalypse) et le déclin général des religions. L’Occident ne décline pas à la sauce Spengler, il est tout bonnement crevé, et le reste du monde décline  encore plus sûrement. Le «monde des machines» de Bernanos sera venu à bout de tout le monde.

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Dans le Sacré et le profane, Eliade explique notre deuxième chute.

« Mais l'homme moderne qui se sent et se prétend areligieux dispose encore de toute une mythologie camouflée et de nombreux ritualismes dégradés. Comme nous l’avions mentionné, les réjouissances accompagnent la Nouvelle Année où l'installation dans une maison neuve présentent, laïcisée, la structure d'un rituel de renouvellement. On constate le même phénomène à l'occasion des fêtes et des réjouissances accompagnant le mariage ou la naissance d'un enfant, l’obtention d'un nouvel emploi, une promotion sociale, etc. »

Cet homme dégradé qui a frappé tous les penseurs traditionnels (voyez mon recueil) avait encore des compensations – toujours plus maigres :

« Tout un ouvrage serait à écrire sur les mythes de l'homme moderne, sur les mythologies camouflées dans les spectacles qu'il chérit, dans les livres qu'il lit. Le cinéma, cette « usine des rêves », reprend et utilise d'innombrables motifs mythiques : la lutte entre le Héros et le Monstre, les combats et les épreuves initiatiques, les figures et les images exemplaire (la « Jeune Fille », le « Héros », le paysage paradisiaque, I' « Enfer », etc.).

Même la lecture comporte une fonction mythologique : non seulement parce qu'elle remplace le récit des mythes dans les sociétés archaïques et la littérature orale, vivante encore dans les communautés rurales de l’Europe, mais surtout parce que la lecture procure à l'homme moderne une « sortie du Temps » comparable à celle effectuée par les mythes. »

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Le culte de la peur du virus et le culte sacerdotal du vaccin et des experts nous aura montré que nous restons religieusement conditionnés mais pour le pire. Eliade :

« La grande majorité des «sans-religion» ne sont pas proprement parler libérés des comportements religieux des théologies et des mythologies. »

Comme Chesterton (« depuis que l’homme ne croit plus en Dieu il croit en tout »), avant lui Eliade voit que l’on recycle la religion facilement :

« Mais ce n'est pas uniquement dans les « petites religions » ou dans les mystiques politiques que l’on retrouve des comportements religieux camouflés ou dégénérés : on les reconnaît également dans des mouvements qui se proclament franchement laïques, voire antireligieux. Ainsi, dans le nudisme ou dans les mouvements pour la liberté sexuelle absolue, idéologies où l'on peut déchiffrer les traces de la « nostalgie du Paradis », le désir de réintégrer l’état édénique d'avant la chute, lors que le péché n'existait pas et qu'il n'y avait pas rupture entre les béatitudes de la chair et la conscience. »

Même le culte du héros subsistait avec la guerre, mais on se souvient du texte de Saint-Exupéry sur la fin de l’aviation (que dirait-il des drones…) :

« Il est intéressant encore de constater combien les scénarios initiatiques persistent dans nombre d'actions et de gestes de l’homme areligieux de nos jours. Nous laissons de côté, bien entendu, les situations où survit, dégradé, un certain type d'initiation: par exemple, la guerre, et en premier lieu les combats individuels (surtout des aviateurs), exploits qui comportent des « épreuves »> homologables à celles des initiations militaires traditionnelles, même si, de nos jours, les combattants ne se prennent plus compte de la signification profonde de leur « épreuves » et ne profitent guère de leur portée initiatique… »

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On garde des comportements :

« En somme, la majorité des hommes « sans-religion » partagent encore des pseudo-religions et des mythologies dégradées. Ce qui n'a rien pour nous étonner, du moment que l'homme profane est le descendant de I'homo religiosus et ne peut pas annuler sa propre histoire, c'est-à-dire les comportements de ses ancêtres religieux, qui l'ont constitué tel qu'il est aujourd'hui.»

Mais finalement on arrive à la deuxième chute (même à la troisième on dirait…) avec l’effondrement des cultes, la sous-culture intellectuelle, le tourisme comme aventure (les bronzés…) et la liquidation du sens commun : comme disait magnifiquement Mgr Gaume :

« De toutes ces grandes réalités, vous n’avez qu’une connaissance vague, confuse, sèche et stérile. Vous avez des yeux, et vous ne voyez pas ; des oreilles, et vous n’entendez pas ; une volonté, et vous ne voulez pas. Fruit du don d’entendement, le sens chrétien, ce sixième sens de l’homme baptisé, vous manque.

 Il manque à la plupart des hommes d’aujourd’hui et à un trop grand de nombre de femmes. Il manque aux familles, il manque à la société, il manque aux gouvernants et aux gouvernés, il manque au monde actuel. »

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La deuxième – ou la troisième – chute ? C’est quand « dans le plus profond de son être on n’a le souvenir de rien ». Eliade :

« La non-religion équivaut à une nouvelle« chute » de l'homme : l’homme areligieux aurait perdu la capacité de vivre consciemment la religion et donc de la comprendre et de l’assumer ; mais, dans le plus profond de son être, il en garde encore le souvenir, de même qu'après la première « chute », et bien que spirituellement aveuglé, son ancêtre, l'homme primordial, Adam, avait conservé assez d'intelligence pour lui permettre de retrouver les traces de Dieu visibles dans le Monde. Après la première « chute », la religiosité était tombée au niveau de la conscience déchirée: après la deuxième, elle est tombée plus bas encore, dans les tréfonds de l’inconscient : elle a été « oubliée ». Ici s'arrêtent les considérations de l'historien des religions.

Ici aussi commence la problématique propre au philosophe, au psychologue, voire au théologien. »

Et comme on en citait un, de théologien :

« Monde de prétendues lumières et de prétendu progrès, il ne reste pour toi qu’un dernier vœu à former, c’est que l’Esprit d’intelligence te soit donné de nouveau et te montre à nu l’abîme inévitable, vers lequel te conduit à grands pas l’Esprit de ténèbres, redevenu, en punition de ton orgueil, ton guide et ton maître. »

Sources:

https://lesakerfrancophone.fr/monseigneur-gaume-et-le-car...

https://www.amazon.fr/Sacr%C3%A9-Profane-Mircea-Eliade/dp...

https://www.amazon.fr/grands-auteurs-traditionnels-Contre...

 

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Directive de Douguine: «Le conflit au Moyen-Orient est le début d'une grande guerre»

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Directive de Douguine: «Le conflit au Moyen-Orient est le début d'une grande guerre»

Alexandre Douguine

Alexandre Douguine affirme que l'escalade du conflit au Moyen-Orient marque le début d'une grande guerre mondiale, l'Iran et ses alliés affrontant Israël et l'hégémonie occidentale, ouvrant ainsi un deuxième front après l'Ukraine.

Les frappes de missiles de l'Iran sur Israël sont une étape naturelle pour la République islamique d'Iran. Il s'agit d'une réponse aux actions antérieures d'Israël contre le Hezbollah libanais, notamment l'assassinat de son chef, le cheikh Sayyed Hassan Nasrallah, et du chef politique du Hamas, Ismail Haniyeh (tué à Téhéran), ainsi qu'au génocide de civils à Gaza.

Il est difficile de dire si les centaines de missiles iraniens ont atteint leurs cibles car, comme dans tous les conflits militaires, les deux parties ont tendance à cacher la situation réelle. Toutefois, force est de constater que la guerre au Moyen-Orient, que de nombreux experts prédisaient inévitable, est déjà devenue une réalité. Un « deuxième front » dans la confrontation entre le monde multipolaire émergent et l'hégémonie occidentale est désormais ouvert. Le premier front est l'Ukraine, le second est le Moyen-Orient.

Pendant longtemps, après l'invasion israélienne de Gaza et le début du génocide de masse contre les civils, le Hezbollah a hésité à entrer directement en guerre. L'Iran a également retardé toute action sérieuse, tentant de trouver un terrain d'entente avec l'Occident par l'intermédiaire de son nouveau président. Cependant, le guide suprême, l'ayatollah Khamenei, a décidé de lancer une attaque massive de missiles sur Israël.

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L'escalade a franchi une nouvelle étape. Les troupes israéliennes ont envahi le sud du Liban. Le bombardement de Beyrouth et de l'ensemble du territoire libanais est devenu la norme. Un autre front s'ouvrira sans aucun doute pour Israël en Syrie. Je pense également que l'Irak sera de plus en plus entraîné dans la coalition anti-israélienne, étant donné que la population et le gouvernement irakiens sont majoritairement chiites. On peut donc considérer que la Grande Guerre au Moyen-Orient est en cours.

Mais quel est l'équilibre des forces dans cette guerre ? Il est clair qu'Israël dispose d'un avantage technologique considérable. Tant que la technologie décide de tout, Israël reste le camp le plus fort du conflit, même par rapport au Hezbollah et à l'Iran, qui sont bien armés. Oui, les dirigeants du Hezbollah ont été éliminés. Oui, il a subi d'énormes pertes à la suite d'opérations de renseignement israéliennes. Oui, l'Occident soutient Israël.

Néanmoins, nous ne devons pas sous-estimer l'immense supériorité numérique des forces de l'Axe de la Résistance sur Israël. Lorsque la situation en Israël atteindra un point de rupture avec la population palestinienne (plus de deux millions de Palestiniens en Israël même, plus de quatre millions dans les deux territoires palestiniens), la situation deviendra critique.

Bien sûr, l'Occident peut aider Israël à intercepter les missiles et à lancer des frappes. Mais que faire de cette « mer d'Arabes » qui a subi un génocide à Gaza et qui est systématiquement et cyniquement détruite par Israël sur son territoire, en violation de toutes les normes de la guerre ? Je pense que nous sommes proches d'une véritable explosion de colère arabe contre Israël, qui ne pourra pas être contenue très longtemps.

Progressivement, cette guerre prendra un caractère encore plus large. Et il faut dire que cette situation profite au Premier ministre israélien Netanyahou. Lui et son cabinet d'extrême droite, qui comprend des ministres de la faction sioniste religieuse radicale, tels que Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir, ont pour objectif eschatologique de créer le « Grand Israël ». Le gouvernement de M. Netanyahou part du principe qu'il a un « crédit messianique », croyant que l'arrivée du « Machia'h » (le messie juif, roi des Juifs qui soumettra toutes les nations au peuple juif, mais qui est perçu comme l'Antéchrist ou Dajjal par les Chrétiens et les Musulmans) est proche.

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Ainsi, la guerre contre les Arabes est considérée comme sacrée par les sionistes religieux, adeptes du rabbin Kook et de Dov Ber Levi Soloveitchik, qui, au milieu du 20ème siècle, ont béni la saisie des terres arabes en vue de la création du « Grand Israël », ou par des rabbins modernes comme Dov Lior, qui défendent des points de vue similaires. Son point culminant devrait être la destruction de la mosquée Al-Aqsa sur le mont du Temple à Jérusalem et le début de la construction du troisième Temple, où le Machia'h juif doit régner. Dans le même temps, on assiste à une mobilisation eschatologique de la population islamique de la région, en particulier des chiites.

La situation ne peut donc que s'intensifier. Les sionistes religieux pensent qu'ils peuvent hâter la venue de leur Machia'h par des actions radicales et agressives, une nouvelle guerre du Kippour. Bien qu'une partie importante de la population israélienne soit laïque et n'y croit pas, elle organise des manifestations de masse contre Netanyahou, demandant : « Nous vivions bien dans une société démocratique, et soudain il y a cette guerre étrange et terrifiante », blâmant Netanyahou pour ce qui se passe.

Cependant, dans le monde islamique, il existe également une position forte en faveur de l'escalade, les chiites étant les plus préparés à un scénario eschatologique. Israël, le régime sioniste, est considéré comme le serviteur du Dajjal (Antéchrist), qui doit être combattu. Pour la plupart des musulmans ordinaires, il s'agit simplement d'une guerre pour la survie, une guerre ethnique. À Gaza, Israël procède à un nettoyage ethnique, tuant des dizaines, voire des centaines de milliers de Palestiniens pacifiques.

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Il est difficile de prédire comment les événements vont se dérouler. Il est clair que pour l'administration Biden, il s'agit d'une situation très désagréable, qui détourne l'attention de l'Ukraine, dont le soutien est rapidement devenu secondaire. Il s'agit également d'un coup dur pour l'économie mondiale, car l'Iran pourrait bloquer le détroit d'Ormuz à tout moment, ce qui affecterait les routes commerciales vitales. À cela s'ajoute l'activité des Houthis pro-iraniens au Yémen, en mer Rouge et en mer d'Arabie, et même dans l'océan Indien. Cela représente un scénario sombre pour l'administration américaine actuelle, tout en créant une opportunité pour Trump, un partisan du sionisme religieux et un apologiste de Netanyahou.

En raison de l'escalade au Moyen-Orient, le monde entier est ébranlé. C'est la principale conséquence du début de la Grande Guerre.

Mais quelle position la Russie doit-elle adopter dans cette situation? Il s'agit bien sûr d'une question très délicate. D'une part, Israël n'est pas notre ennemi. D'autre part, l'Iran, les Houthis yéménites, le Hezbollah, les Syriens de Bachar el-Assad et les chiites irakiens sont nos amis et nos alliés stratégiques.

Nos partenaires stratégiques, qui ont largement soutenu la Russie dans sa confrontation avec l'Occident au sujet de l'Ukraine, sont désormais des ennemis farouches (jusqu'à la mort) d'un pays avec lequel la Russie entretient des relations neutres. Mais si l'on considère que derrière Israël se tient l'Occident mondialiste - les mêmes forces qui soutiennent nos ennemis directs en Ukraine, la junte de Kiev - un modèle géopolitique très complexe se dessine. Les dirigeants russes sont donc confrontés à un dilemme.

D'une part, nous semblons nous diriger vers un soutien total aux forces de l'axe de la résistance dans leur lutte, non pas tant contre Israël lui-même, mais contre l'Occident collectif qui le soutient. D'autre part, Poutine (bien que dans une moindre mesure que Trump) se sent proche des politiques de droite de Netanyahou, de son désir d'un État plus fort et de sa défense des valeurs traditionnelles (pour les Juifs). Cependant, cette politique israélienne n'est pas suffisamment proche pour que nous allions à l'encontre de nos propres intérêts géopolitiques.

Nous constatons que la position du ministère russe des affaires étrangères et du Kremlin tend à soutenir l'Iran, les chiites, les Palestiniens, les Libanais, les Yéménites et les Irakiens, et à s'opposer ouvertement à l'Occident global. Mais à un moment donné, nous devrons également prendre position à l'égard d'Israël. Nous ne pouvons pas oublier que certains sionistes de droite en Russie ont soutenu Moscou dans le conflit ukrainien. Il s'agit également d'un facteur important. Mais l'emportera-t-il sur notre alliance géopolitique avec les forces de l'Axe de la Résistance ? La question reste ouverte. À mon avis, l'attitude de la Russie à l'égard d'Israël sera considérablement réévaluée, ce qui entraînera un refroidissement notable des relations.

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Harris contre Trump avec les États-Unis ciblant l'Eurasie

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Harris contre Trump avec les États-Unis ciblant l'Eurasie

« Le rêve de la 'fin de l'histoire' de Fukuyama ayant disparu, la guerre, le réarmement et la confrontation entre les grandes puissances sont de retour. Et les États-Unis réaffirment leurs priorités stratégiques en opposition aux puissances eurasiennes ».

par Gianni Marocco

Source: https://www.barbadillo.it/115872-focus-2-harris-vs-trump-...

De la doctrine Monroe à la domination du Pacifique et de l'Atlantique, poursuivie, sur la base d'une option géopolitique discutable, par l'administration de Franklin D. Roosevelt, à la fin des années 1930, avec un territoire métropolitain encore inattaquable par les armes de l'époque, telle est lasituation historique. Même si les intérêts vitaux des États-Unis n'étaient pas menacés (comme en 1917) par l'Allemagne ou le Japon, qui ne voulaient/pouvaient pas « asservir le monde » (une absurdité encore affirmée) et avec une majorité neutraliste et isolationniste à l'intérieur du pays. Jusqu'à l'attaque japonaise « cyniquement provoquée » sur Pearl Harbor en décembre 41, exaspérant Tokyo et ignorant même les avertissements des services de renseignement. Cette thalassocratie (du grec « mer » et « puissance »), domination navale et commerciale, déjà britannique jusqu'en 1918, puis « héritée » par l'ancienne colonie, s'exerçait, aussi idéologiquement, sur de grands espaces maritimes et les territoires qui les bordent.

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Il y eut ensuite la doctrine Truman (mars 1947) pour soutenir les pays attaqués par le communisme, comme la Grèce, alors en pleine guerre civile. Churchill avait évoqué le « rideau de fer » un an plus tôt. Heureusement qu'en Italie, c'est le pape Pie XII qui a fait perdre les élections d'avril 1948 au Front démocratique populaire (hégémonisé par les communistes staliniens), en mobilisant les curés et l'Action catholique, et non la DC de De Gasperi, ni même les accords de Yalta... Puis vinrent les tentatives américaines de retour en arrière, l'OTAN en 1949, le Pacte de Varsovie, la guerre froide, la Corée, le Vietnam, la doctrine de sécurité nationale pour l'Amérique latine, après 1962 et la crise des missiles de Cuba (assortie d'une formation militaire pour les « pays amis » à l'École des Amériques de Panama), la guerre du Golfe, la doctrine de la guerre préventive de Bush Jr. après le 11 septembre 2001, la guerre d'Irak, l'invasion de l'Afghanistan, les contractants, la lutte contre le terrorisme islamique, les assassinats « ciblés », etc.

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La documentation sur le sujet est vaste, il suffit de naviguer un peu sur le web. Deux textes en italien me semblent dignes d'être mentionnés ici : Phil Kelly, Saggi scelti di geopolitica classica. Dai nuovi heartland alle guerre dell'acqua (Callive, 2023) et La geopolitica anglosassone : dalle origini ai nostri giorni (Guerini, 2023) de Federico Bordonaro. Kelly est professeur de sciences politiques à l'Emporia State University (Kansas), membre du Forum Mackinder et théoricien de la géopolitique classique.

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Federico Bordonaro est professeur de géopolitique et d'histoire de l'Europe de l'Est à l'université Webster de Vienne et à l'université Sapienza de Rome, spécialiste des questions de sécurité européenne et de la pensée géopolitique.

Je transcris ci-dessous, à partir de « Analisi Difesa », La geopolitica anglosassone, article d'Alberto Cossu (30 septembre 2023), une critique de l'ouvrage précité, stimulant et original, de Bordonaro :

Le rêve de la « fin de l'histoire » de Fukuyama ayant disparu, la guerre, le réarmement et la confrontation entre les grandes puissances sont de retour. Et les Etats-Unis réaffirment leurs priorités stratégiques face aux puissances eurasiatiques, Russie et Chine, dans la lignée de la géopolitique classique. Une stratégie fondée sur la nécessité pour la puissance maritime de dominer l'espace terrestre entre l'Allemagne et la Russie et leurs mers fermées, la Baltique et la mer Noire. L'objectif est d'affaiblir la puissance russe et d'isoler la Chine, et d'empêcher la constitution d'un agrégat de puissance capable de défier la puissance américaine ».

Le rôle des États-Unis (le camp des dems in primis) se caractérise par certains piliers de la politique étrangère :

« Le leadership mondial, la défense et la promotion de l'ordre libéral international, la prévention de l'émergence de puissances hégémoniques en Eurasie. Une puissance qui dominerait l'Eurasie exercerait une influence énorme. L'Eurasie n'a pas la capacité de créer son propre ordre capable d'empêcher l'émergence d'un hégémon régional. Par conséquent, l'Eurasie a besoin de l'aide de pays extérieurs pour empêcher l'émergence d'autocraties ou de déséquilibres de pouvoir ».

Cette logique est reprise dans le document de stratégie de sécurité nationale de 2022 :

« Les États-Unis sont une puissance aux intérêts mondiaux. Nous sommes forts dans une région si nous pouvons maintenir un engagement affirmé dans une autre. Si une zone régionale sombre dans le chaos ou est dominée par une puissance hostile, cela affecte négativement nos intérêts ».

Il s'agit de la mise en œuvre des postulats de la géopolitique classique, dérivés de la célèbre théorie du Heartland de Halford J. Mackinder, élaborée dans The Geographical Pivot of History (= Le pivot géographique de l'histoire), 25 janvier 1904. Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller à la sécurité de Jimmy Carter, dans The Grand Chessboard : American Primacy and Its Geostrategic Imperatives (1997), a théorisé le fait que sans le contrôle de l'Ukraine, la Russie perdrait son rôle de puissance européenne. Pour affaiblir la Russie, il faudrait la combattre en Ukraine. Le conflit russo-ukrainien offre, pour Bordonaro, des clés d'interprétation autres que l'attribution habituelle de toute responsabilité à l'impérialisme russe.

(Sources: https://www.analisidifesa.it/2023/09/la-geopolitica-anglossasone ; https://www.vision-gt.eu/institute)

Il sera bon de ne pas oublier que l'administration Biden-Harris, en choisissant l'option "proxy war", en immolant des Ukrainiens (depuis le Vietnam, les Américains ne veulent plus être des soldats combattants et mourir pour l'"Arsenal"), en humiliant à nouveau l'Allemagne avec la main lourde des vainqueurs de 1945, n'a pas pris la seule voie possible. Je suis convaincu qu'avec Trump il n'y aurait pas eu de conflit armé. Moscou était déjà entourée de pays de l'OTAN: cela valait-il la peine de la « donner » à Pékin (ainsi qu'aux BRICS+ restants) ? Pour débiliter l'Europe occidentale, pas moins que la Russie, comme l'a montré l'affaire Nord Stream ? Forte myopie des partenaires, soumis à tous les diktats US-OTAN-Bruxelles : de simples associations d'obséquieux à qui l'on peut soutirer de l'argent ? Aujourd'hui et pour l'interminable reconstruction de l'Ukraine ?

Tel est, dans ses grandes lignes, l'arrière-plan américain commun aux deux challengers. Et l'heure est grave. L'Italie, avec plus d'une centaine de bases US-OTAN sur son territoire, héritage de la défaite de 1943, dont au moins deux - Ghedi (Bs) et Aviano (Pn) - équipées d'engins atomiques, serait une cible quasi obligée en cas de conflit nucléaire. Voulons-nous courir ce risque énorme au nom des intérêts égoïstes d'autrui ?

jeudi, 10 octobre 2024

Le gouvernement fédéral allemand parle de récession…

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Le gouvernement fédéral allemand parle de récession…

Selon des nouvelles colportées par les médias, le gouvernement fédéral allemand corrige ses prévisions conjoncturelles pour 2024 à la baisse et nettement. Le ministre des affaires économiques Robert Habeck prévoit un recul de 0,2%.

Par Patrick Poppel, Expert au « Zentrum für geostrategische Studien »

Au cours du dernier weekend, on a appris que le gouvernement fédéral allemand s’attend, pour 2024, et pour une deuxième année consécutive, à un ressac de l’économie nationale.

Le gouvernement fédéral, d’après le rapport établi par un journal, a corrigé ses pronostics conjoncturels et s’attend, pour 2024, à une deuxième année de récession. Le ministère des affaires économiques estime entretemps que l’économie allemande reculera cette année de 0,2%. L’année passée, l’économie de l’Allemagne avait déjà reculé de 0,3%. Les principaux instituts de recherches, eux aussi, avaient déjà révisé à la baisse leurs prévisions pour l’économie allemande. Dans leur dernier rapport d’expertise sur le gouvernement, daté de cet automne, les économistes partaient du principe que le PIB chuterait de 0,1%, donc un ressac pour la deuxième année consécutive. Ce « diagnostic communautaire », comme on le nomme généralement, sert de base au gouvernement fédéral pour formuler ses nouvelles projections d’octobre, lesquelles, à leur tour, servent de fondement pour l’estimation des recettes fiscales.

D’après le Süddeutscher Zeitung, le ministre des affaires économiques Robert Habeck est plus optimiste pour les deux années à venir. Il estime que l’économie surmontera lentement ses faiblesses conjoncturelles et retrouvera du dynamisme. Pour 2025, il compte sur une augmentation du PIB de 1,1%. En 2026, l’augmentation, dit-il, sera de 1,6%. Il fait dès lors appel à tous les responsables dans les Länder de la Fédération et aussi aux membres de la CDU et de la CSU qui détiennent des postes de gouvernance, de participer à l’effort : « Tous, vous devez contribuer à une revitalisation de la situation économique ». En même temps, Habeck a dit que la mise en œuvre de l’initiative de croissance postulait des mesures complémentaires. « La vérité m’oblige à dire que nous aurons besoin de plus ». Les principaux instituts de recherches sont plus pessimistes quant à l’avenir que le gouvernement fédéral. Ils ont révisé à la baisse leurs prévisions pour 2025, de 1,4% à 0,8%. Pour 2026, ils comptent sur une croissance de 1,3%. La branche automobile, surtout, recevra moins de commandes, dit Marcus Bollig, directeur de l’union de l’industrie automobile. « Actuellement, la situation dans l’industrie automobile est certes très tendue. Cela tient du fait que nous avons des conditions-cadres en Europe qui ne sont pas concurrentielles en tous les aspects ». Des prix élevés pour l’énergie, des impôts élevés, un retard en matières digitales. Les problèmes ont été décrits à de nombreuses reprises en Allemagne. La branche industrielle la plus en vue en Allemagne, c’est-à-dire l’industrie automobile, sert d’exemple pour tout ce qui doit nous donner des soucis dans l’avenir, des soucis pour les défis que nous lance la nécessité de transformer. Les chiffres de la production sont mauvais : nous en sommes à moins 10% par rapport à 2019, l’année avant la crise. Dans dix ans, plus aucune voiture nouvelle à moteur à explosion ne sera autorisée à circuler en Europe. Mais, à l’heure actuelle, les ventes de voitures électriques allemandes sont mauvaises. Les entreprises chinoises, elles, vont de l’avant.

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Et, dans le domaine de la conduite autonome, les producteurs allemands doivent faire des progrès, insiste Markus Schäfer, membre du conseil d’administration de Mercedes-Benz : « Les concurrences chinoise et américaine avancent leurs pions de manière très agressive ». Mercedes-Benz investit beaucoup dans les véhicules autonomes du futur.  Mais la concurrence aussi. La branche automobile allemande veut, dans ce domaine et au niveau de la recherche et du développement, coopérer davantage. A la mi-juillet, le gouvernement fédéral s’est mis d’accord pour lancer une initiative de croissance de grande ampleur, comprenant 49 mesures à prendre ; le gouvernement espère qu’elles donneront une impulsion tangible au potentiel productif allemand. Mais l’espoir en une forte croissance s’est toutefois évanoui. D’après l’Institut Ifo, le moral dans le commerce de détail s’est détérioré ces derniers temps et, pour cette année-ci, il ne faut s’attendre à aucune évolution positive dans les dépenses privées des consommateurs.

Le journal suisse Neue Zürcher Zeitung (NZZ) prévoit une augmentation constante du prix du pétrole, en cas d’escalade dans le conflit entre Israël et l’Iran, augmentation que ressentira « le monde dans son ensemble ». Les prix du pétrole ont toutefois déjà augmenté de manière significative. Les prix croissants de l’énergie font que le prix de la plupart des produits augmente très vite, ce qui fait que l’inflation croît. L’augmentation des prix de l’énergie en Allemagne conduira très probablement à une nouvelle crise inflationniste. Le problème en soi ne relève pas tellement des 4% de la production de pétrole mondiale que fournit l’Iran car cela pourrait être compensé. Mais si l’Iran, lors d’éventuelles opérations militaires, en viendrait à bloquer le Détroit d’Hormuz, alors l’économie mondiale devra faire face à des terribles conséquences. Cela pourrait faire monter le prix du pétrole à plus de 100 dollars le baril. Le détroit où le Golfe Persique rejoint le Golfe d’Oman est comme le chas d’une aiguille par où doit immanquablement passer le commerce mondial du pétrole. Les répercussions d’une telle éventualité sur l’industrie allemande, déjà considérablement malmenée, seraient dès lors catastrophiques. Beaucoup d’Allemands ont cessé de faire confiance aux responsables politiques de leur pays et ne croient plus que le gouvernement réagira à ces vicissitudes de manière compétente, pour sauver l’économie. Les bonnes années de l’industrie allemande appartiennent dorénavant au passé : beaucoup d’Allemands l’ont bien compris. Et bien que l’Allemagne sombre dans la récession, le gouvernement continue d’envoyer de l’argent en Ukraine. D’après les données révélées par le Kieler Institut für Weltwirtschaft, la France n’a envoyé que 540 millions d’euros d’aide militaire, tandis que l’Allemagne, elle, a donné 17,1 milliards. Ces sommes manquent désormais en d’autres secteurs. L’Allemagne vit en plein scénario de déclin, c’est le moins que l’on puisse dire face à de telles vicissitudes. Mais si l’Allemagne, en tant que moteur économique de l’Europe,entre en déclin, elle entraînera bien d’autres Etats dans sa chute.

OTAN, instrument de contrôle du rimland européen et de ses industries militaires

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OTAN, instrument de contrôle du rimland européen et de ses industries militaires

Robert Steuckers

On le sait, mais on ne le répétera jamais assez, la stratégie générale des Etats-Unis, puissance de grande dimension qui a l’avantage supplémentaire d’être « bi-océanique », à la fois atlantique et pacifique, est de contrôler les littoraux européen et asiatique qui lui font face, afin qu’aucun môle de puissance n’y émerge qui pourrait damer le pion à Washington. On sait aussi, tout en l’oubliant bien vite dès que l’on délaisse de rares lectures ou que l’on quitte des séminaires occasionnels, que la géopolitique des thalassocraties anglo-saxonnes est basée sur les travaux de Halford John Mackinder, de Homer Lea et de Nicholas Spykman. Si Mackinder s’inquiétait de l’inaccessibilité du Heartland russe et de l’efficacité des moyens de communication qu’il organisait sur son territoire (en l’occurrence le Transibérien), Spykman modifiera quelque peu l’approche, à la suite des résultats militaires et stratégiques emportés avec le concours du Heartland, pourtant posé comme l’ennemi principal dans la décennie qui précéda immédiatement la première guerre mondiale. Pour Spykman, ce qui compte pour asseoir la puissance américaine, c’est le contrôle des rimlands donc des littoraux européens et asiatiques bordant le bloc sino-soviétique entre 1948 (année du « coup de Prague ») et 1972 (année où s’est forgée l’alliance tacite entre Pékin et Washington suite aux tractations diplomatiques de Kissinger).

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L’OTAN, le Pacte de Bagdad ou CENTO (Irak, Turquie, Iran, Pakistan, Royaume-Uni – les Etats-Unis y adhèreront plus tard) et l’OTASE (Pakistan, pays de l’Asie du Sud-Est, Australie, Nouvelle-Zélande, France), ont été créés après la seconde guerre mondiale, dans le cadre du nouvel affrontement que fut la guerre froide, et sont donc des instruments (et non des alliances entre partenaires égaux) servant à consolider et pérenniser la géopolitique de Spykman, celle qui préconise de tenir les « rimlands » à tout prix en endiguant toute avancée réelle ou présumée du Heartland en direction des océans atlantique, indien et pacifique. On parlait aussi de « pactomanie » américaine, soit la fabrication d’alliances hétéroclites en vue d’endiguer la Russie ou la Chine. Le Pacte de Bagdad éclate suite à la prise du pouvoir par les baathistes irakiens en 1959. L’OTASE sera dissoute en 1977, suite à de nombreuses défections, dont celle du Laos devenu neutre, du Pakistan qui ne s’était pas senti soutenu dans ses guerres contre l’Inde, de la France gaullienne qui entendait suivre une voie originale. Enfin, le retrait américain du Vietnam montra la fragilité de cette construction.

De tous les instruments visant le contrôle des « rimlands » européens et asiatiques, seul l’OTAN subsiste, prouvant par cette survie que seul le contrôle de l’Europe, concurrente potentielle, et l’endiguement de la Russie comptent. Que la seule politique véritablement voulue et mise en œuvre par les Etats-Unis est l’abaissement de l’Europe, est d’empêcher toute coopération germano-russe : le front qui s’étend aujourd’hui, à l’heure où ces lignes sont écrites, de l’Arctique, en passant par la Baltique et la Mer noire, à la Méditerranée orientale et au Golfe Persique le prouve clairement. Il s’agit de bloquer les communications terrestres entre une Europe dont le centre géographique est l’Allemagne et dont l’atelier le plus densément industrieux est également ce pays avec, en plus, la « banane carolingienne » et son prolongement dans la plaine du Pô. Nous avons désormais un blocage au niveau des gazoducs sabotés dans la Baltique, un blocage au niveau des bassins du Don et de la Volga (reliés entre eux par le Canal Lénine). Le projet de créer un corridor économique international Nord-Sud (INSTC), entre Bombay et l’Arctique est entravé. Le projet, pourtant suggéré par les Américains eux-mêmes, de créer une dynamique autour d’un axe de communications partant de l’Inde vers les Emirats et l’Arabie Saoudite, puis vers la Jordanie et Israël, pour rejoindre les ports européens de Grèce et d’Italie, est annulé par le conflit entre le Hamas et l’Etat hébreu qui n’a certainement pas éclaté par hasard, en ce moment précis, sans l’aval tacite, secret, voire sans une intervention sous « faux drapeau » de Washington. Le Hamas, avant le 7 octobre 2023, n’était pas réputé insigne dans l’art de former des virtuoses du parapente. L’approvisionnement de l’Europe en énergie est bloqué en Mer Baltique, sera bloqué très prochainement en Ukraine (dont les gazoducs ne fourniront plus rien à la Hongrie, l’Autriche, la Slovaquie dans les prochains mois), sera vraisemblablement bloqué en Turquie et est désormais bloqué par l’impossibilité de développer l’exploitation des gisements gaziers du Levant, vu la crise israélo-palestinienne dont les retombées seront palpables sur le long terme, voire le très long terme. L’OTAN, de par sa nature d’instrument américain, constitue donc la pire des nuisances pour l’Europe.

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L’OTAN ne permet aucune forme d’indépendance nationale : si d’aucuns l’avaient bien compris en France dès les années 60, d’autres en Europe en étaient aussi conscients, tant dans les marginalités idéologico-politiques que dans les ministères. Des filons neutralistes animaient les théâtres politiques partout en Europe, souvent inféodés ou téléguidés par les forces de gauche vues d’un bon œil dans l’espace soviétique. Mais, même aux moments les plus tendus de la guerre froide, un espace neutre existait entre les deux blocs, plus précisément entre l’OTAN et le Pacte de Varsovie, avec la Finlande, la Suède, la Suisse, l’Autriche, la Yougoslavie, sans oublier à l’extrême-Occident du continent l’Irlande, libérée du joug britannique suite à un très long combat culturel, politique et révolutionnaire. Après la disparition du Rideau de Fer et du Mur de Berlin, voire dès les premières manifestations du dégel ou dès la proclamation de ce que l’on appelait la « coexistence pacifique », il aurait fallu élargir cet espace. Cela n’a pas été fait. Parce que nous n’avions pas le personnel politique adéquat. Parce que ces incompétents politiques ont coopté de plus incompétents qu’eux ou ont accepté, dans les centres du pouvoir, la présence de chevaux de Troie, notamment les Young Global Leaders. Nous en payons tous les conséquences aujourd’hui et le siècle qui s’annonce apportera des déboires encore plus pesants aux peuples européens.

Si vis pacem, para bellum. Si tu veux la paix, prépare la guerre. Cet adage romain, propre aussi de tout Etat clausewitzien, implique de mobiliser l’intelligence nationale, les ingénieurs du peuple indigène, dans la mise au point d’armements efficaces et dissuasifs. Cette nature clausewitzienne et cet esprit de mobilisation dicté par l’esprit de survie et de continuité (historique), les peuples européens les ont perdus définitivement au fil du temps, depuis les années du Plan Marshall, censé redresser l’Europe après la seconde guerre mondiale. Le contrôle américain du « rimland » implique également, voire avant tout, de contrôler ses approvisionnements militaires et ses industries de l’armement. Ce fut fait dès le départ : les armées françaises ont absorbé les surplus de l’armée américaine, les Belges ont eu droit aux surplus de l’armée britannique, dont des Spitfire pourris. L’OTAN sert donc d’abord à fourguer du matériel militaire américain, souvent ancien parfois nouveau, aux pays membres, surtout des avions.

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Ce fut emblématique lors du fameux « marché du siècle » de 1975. Les Américains parviennent à imposer, envers et contre toutes considérations d’ordre technique, le YF-16 aux forces aériennes belges, néerlandaises, danoises et norvégiennes, au détriment des appareils Mirages F-1 français et Saab Viggen suédois. Le même scénario s’est répété en 2018, lorsque le gouvernement de Charles Michel opte en Belgique pour le F-35 américain, considéré comme peu fiable et peu modernisable, contre le Rafale français et l’Eurofighter Typhoon. Ces deux coups de maître dans l’élimination de concurrents européens plus valables ont été largement médiatisés, surtout dans les années 1970. Cependant, d’autres opérations du même type ont été bien plus bénéfiques aux Américains, tout en étant passées sous silence dans les médias aux ordres. En mai 2003, la petite revue que j’animais avec Robert Keil, Au fil de l’épée/Arcana Imperii, publiait une série d’articles traduits de l’hebdomadaire berlinois Junge Freiheit sur la prise de contrôle, par les Américains, des grands consortiums européens de l’industrie militaire.

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Dans ce dossier, qu’il conviendrait de relire, le journaliste allemand Alexander Griesbach traitait du groupe Carlyle, fondé en 1987 par David Rubinstein ; c’était une filiale d’United Defence, disposant de capitaux énormes, visant à « faire de la guerre un moteur permanent de conjoncture ». Ce groupe fut ensuite animé par Frank Carlucci, ancien ministre de la défense sous Reagan, ami du belliciste Donald Rumsfeld et de James Baker, ministre des affaires étrangères de Bush-le-père. Parmi les conseillers les plus éminents de Carlyle, nous trouvions John Major, ex-premier ministre britannique et Bush-le-père lui-même. Le lobby néoconservateur, belliciste, tient en Carlyle son instrument commercial. Et les promoteurs de Carlyle y trouvent une source non négligeable de plantureux revenus. Entre 1990 et 2000, au moment où le cycle des guerres néoconservatrices/néolibérales a commencé (pour ne plus jamais s’arrêter), les dividendes de Carlyle s’élevaient à une moyenne de 34% par an. Faire advenir la « fin de l’histoire », pérenniser l’unipolarité américaine selon Francis Fukuyama, rapporte gros.

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Mais comment éliminer les concurrents potentiels du Vieux Continent ? En les absorbant. La première absorption s’est faite en Italie. Elle concernait Fiat Avio, le département de Fiat qui produisait des avions. L’offre américaine était alléchante et permettait à Fiat de consolider sa branche automobile qui battait un peu de l’aile. Simple transaction commerciale ? Non. Les raisons militaires étaient évidentes : Fiat Avio produisait des éléments important pour l’Eurofighter et pour l’avion transporteur Airbus A400, sans oublier les propulseurs de fusée pour le programme Ariane de l’ESA. Deuxième absorption envisagée : MTU Aero Engines de Munich en Bavière. Cette entreprise allemande fournit également des éléments pour l’Eurofighter et pour l’Airbus A400. Dans ce même dossier d’Au fil de l’épée, le Général allemand Franz Ferdinand Lanz, qui fut directeur du département « Armements et Technologie » de la Bundeswehr, déplore, dans un entretien très révélateur, bien d’autres achats conduisant à l’américanisation des entreprises européennes d’armement et, partant, à la mise hors jeu de l’Europe sur le plan militaire : United Defence a racheté Bofors, la firme suédoise des systèmes d’armement ; la « Bank One », elle, reprend le constructeur allemand de sous-marins HDW ; General Dynamics prend le contrôle de Santa Barbara Blindados, vieille entreprise d’Etat espagnole produisant notamment les chars allemands Leopard 2-E. Les composantes de ce blindé seront dès lors incluses dans le char américain M-1 Abrams. Le Général Lanz s’exprime sans détours : « Toute armée dépendant d’une industrie militaire étrangère est une armée de deuxième classe ».

Depuis les premières années du 21ème siècle, l’industrie militaire européenne est donc passée sous contrôle américain, y compris en Suède, pays alors neutre, non encore inféodé à l’OTAN. On comprendra dès lors aisément que l’affaire ukrainienne, où les Européens ont été invités à donner leurs matériels à l’armée de Zelensky, contribuera ultérieurement à engraisser les entreprises américaines proprement dites et les entreprises européennes que contrôlent des fonds d’investissement américains, tels le « Carlyle Group », dirigés par les figures les plus emblématiques du bellicisme néoconservateur. Les Etats européens devront se rééquiper, ce qui sera tout bénéfice pour les producteurs d’armes… qui ne sont plus européens ou ne le sont plus qu’en apparence. L’exemple du surarmement de la Pologne est très significatif sur ce plan : l’Etat polonais préfère le matériel américain et sud-coréen (les chars K-1, copie de l’Abrams américain de Genral Dynamics !), tout en nouant des relations étroites avec le Royaume-Uni, qui n’est plus dans l’UE, dans le cadre d’un « Partenariat 2030 », où la Pologne devient l’ « épée continentale » des Britanniques et des Américains sur le continent européen, face à la Biélorussie et la Russie. Position nouvelle qui oblige, bien entendu, à surarmer les divisions polonaises. Dans le même temps, la vieille idée de l’Intermarium, chère au Général Pilsudsky avant 1939, est réactivée pour devenir la ligne de front de l’OTAN, tout en englobant l’ensemble du territoire ukrainien. Le voyage de Biden à Varsovie en février 2023 confirme ce rôle de la Pologne et le nouvel engouement atlantiste pour l’Intermarium.

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Sur le flanc asiatique de la nouvelle grande guerre contre l’illibéralisme russe et chinois, les Américains tentent de réactiver l’OTASE, défunte depuis 1977, en lançant l’AUKUS, alliance entre l’Australie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, trois composantes des « Five Eyes ». La France a été le dindon de la farce, en dépit de son retour dans le giron de l’OTAN grâce à Sarkozy : l’Australie avait prévu d’acheter huit sous-marins à propulsion nucléaire pour un total de 56 milliards de dollars. En dernière minute, la commande est annulée. La France perd le marché. Elle proteste mais les choses en restent là… A l’analyse, elle n’est pas la seule puissance européenne lésée : l’Italie, par l’intermédiaire de sa firme navale Fincantieri devait vendre neuf frégates ultra-performantes, sans autres équivalentes sur le marché mondial, à l’Australie. La commande est également annulée au bénéfice d’une firme britannique. L’Europe, y compris les puissances membres de l’OTAN depuis sa fondation, est délibérément exclue du Pacifique. Comme dans la fable d’Orwell, tous les animaux, pardon les alliés, sont égaux mais certains sont plus égaux que d’autres.

En Méditerranée orientale, la France avait réussi à vendre des Rafale à l’Egypte, qui avait accueilli ses premières livraisons puis, subitement, est arrivé un veto américain, reposant, une fois de plus, sur des arguties juridiques, prétextant qu’une puce électronique du Rafale ne correspondait pas à la norme ITAR (International Traffic Arms Regulations). Dassault prenait une nouvelle baffe en pleine figure après les affaires des YF-16 et des F-35.

On pourrait allonger cet article indéfiniment, on pourrait entrer dans les détails financiers et techniques de chacun de ces dossiers mais l’essentiel n’est pas là. La leçon à tirer de cette situation et de la répétition des coups bas des Américains contre l’Europe, c’est, effectivement, que l’Europe est l’ennemi principal de Washington sur l’échiquier planétaire et non la Russie, la Chine, l’Iran ou le Venezuela. Pour éliminer cet ennemi majeur, posé officiellement comme « allié », il faut lui couper ses voies de communication, l’enclaver comme il l’était avant 1492, quand il était assiégé par les Ottomans sans connaître le Nouveau Monde, il faut le couper de ses sources d’énergie, il faut créer des zones de turbulences à ses frontières, en Libye, dans le Donbass, en Méditerranée orientale, il faut rendre ses sociétés composites donc ingérables en y important des populations étrangères à son humus, il faut contrôler ses industries de l’armement. Et surtout, lui imposer des créatures impolitiques, formées (ou plutôt déformées) dans des instituts d’outre-Atlantique, des Young Global Leaders comme en Espagne, en France, en Italie, en Finlande et ailleurs pour qu’ils fassent une politique diamétralement opposées aux intérêts de leurs nations. Et ainsi les condamner à la mort politique, à la stagnation, à l’implosion.

Fait à Forest-Flotzenberg, novembre 2023.

 

Artyom Zhoga, un guerrier envoyé au cœur du foyer libéral et occidentaliste

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Artyom Zhoga, un guerrier envoyé au cœur du foyer libéral et occidentaliste

par Valery Korovin

Source: https://telegra.ph/Artyom-Zhoga-%C3%A8-un-guerriero-al-ce... 

Artyom Zhoga, héros de la Russie, ancien commandant du bataillon Sparta et président du parlement de la DNR, a été nommé envoyé présidentiel dans le district fédéral de l'Oural. C'est lui qui a demandé à Vladimir Poutine de le nommer pour l'élection du chef de l'État en 2024, et ce dernier a accepté.

Le nouvel envoyé emmènera ses assistants personnels avec lui dans l'Oural, mais il a promis de prendre des décisions en matière de personnel après avoir fait connaissance avec l'équipe actuelle du district fédéral de l'Oural. Il entend profiter de l'expérience des députés du Donbass et de tous ceux qui ont été personnellement impliqués dans l'opération militaire spéciale.

- Dans l'Oural, certains ont frémi. Les chaînes d'information politique et les porte-parole craignent qu'Artyom Zhoga « mette à genoux la ville libérale d'Ekaterinbourg » en réprimant durement les manifestations et en renforçant la censure sur les médias locaux, écrit l'édition régionale 66.RU.

- Poutine commence à mettre en œuvre la stratégie qu'il avait déjà annoncée dans son discours présidentiel, à savoir la rotation des élites en utilisant du personnel qui est passé par l'Opération militaire spéciale. Il s'agit de personnes ayant une vision complètement différente des choses, qui comprennent parfaitement qui est un ami et qui est un ennemi.

Contrairement à la cohorte bureaucratique actuelle issue des années 2000, du temps de Sourkov, où la frontière entre les siens et les autres était totalement floue, toute l'élite étant constituée de libéraux ouverts ou latents qui ne font que singer les changements patriotiques de la position du président. C'est précisément la « sixième colonne » dont parle Douguine, qui professe en réalité des opinions pro-occidentales en interne.

Ces personnes ne peuvent pas lutter contre les libéraux, parce qu'elles sont mentalement plus proches d'eux et idéologiquement plus en phase avec leurs opinions que ce qu'elles sont obligées de dire, en suivant le cours patriotique du président. Donc, on aura beau nommer des fonctionnaires du Kremlin, on aura beau battre le même jeu, il n'y aura pas de résultat, car c'est la même cohorte libérale. D'où l'arrêt total des efforts patriotiques du président jusqu'à présent.

Bien qu'il exprime des opinions patriotiques, eurasiennes et conservatrices depuis plus d'une décennie, rien ne change dans le pays. C'est précisément à cause du sabotage des élites actuelles. C'est pourquoi Poutine a décidé, à juste titre, de commencer à faire tourner ce personnel au détriment de ceux qui ont vécu la guerre et pour qui le patriotisme est une position existentielle, et non une figure de rhétorique ou un hommage à la mode, et qui sont prompts à réagir, capables de prendre des décisions et d'agir avec fermeté et efficacité. C'est de ce type de personnel dont le Président a besoin aujourd'hui.

- Une révolution du personnel est-elle en cours ?

- Il est évident qu'il est impossible de remplacer d'un seul coup tous les fonctionnaires par des anciens de l'Opération militaire spéciale. Cela conduirait à l'effondrement de la gouvernance.

Nous avons besoin d'expérience pour comprendre comment fonctionne la machine étatique. Mais en même temps, la concentration de nouveaux personnels - patriotes, combattants, idéologues - doit être assez élevée. Sinon, le système les assimilera ou les rejettera. Un Zhoga au centre du foyer du libéralisme et de l'occidentalisme en Russie est certes un guerrier, mais il ne pourra pas mettre en œuvre une approche systémique.

Zhoga pourra effectuer une mission de reconnaissance, une sortie ponctuelle, une sorte d'opération spéciale. Mais la résolution systémique des problèmes nécessite une équipe à part entière. Et les autres positions doivent disposer du même personnel. Ainsi, ils pourront tenir la tête de pont jusqu'à l'arrivée des renforts - d'autres cadres patriotes. Sinon, tout se passera comme dans le cas du gérant de magasin Kholmanskikh, que Poutine a nommé son envoyé, mais qui a été complètement écrasé par le système et n'a rien pu faire de ce qu'il a dit, parce qu'il était lié par les règles du jeu du système.

Zhoga pourra mener une ou deux batailles seul, mais le système l'écrasera ensuite. C'est pourquoi cette tête de pont doit être consolidée, renforcée. Mais ce n'est qu'un des points où la rotation est nécessaire. De nombreuses structures clés, cruciales pour l'État, sont effrayantes à approcher.  Je pense que même le président a peur de s'y rendre. C'est une structure complètement destructrice, remplie de vieux libéraux, des types de Sourkov et même du personnel d'Eltsine. Il est impossible de les faire sortir de là.

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- Artyom Zhoga devra donc devenir quelque chose comme Malyuta Skuratov....

- Malyuta Skuratov n'est rien s'il ne s'appuie pas sur l'oprichnina, sur des milliers d'idéalistes motivés et prêts à se sacrifier. D'ailleurs, en 2005, l'Union eurasienne de la jeunesse a proposé de créer une oprichnina traditionaliste pour écraser les ennemis de la Russie de l'intérieur. Les initiatives idéologiques ont été profanées, ridiculisées, rejetées avec une ironie postmoderne et balancées à la poubelle. Il a fallu 20 ans au président pour résoudre ce problème urgent. Et ce, grâce à l'opération militaire spéciale.

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Le soufisme est-il soluble dans la cafetière occidentale?

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Le soufisme est-il soluble dans la cafetière occidentale?

Claude Bourrinet

Séduit par le soufisme (at-taṣawwuf), plus particulièrement par le courant qu’on appelle sobre, en opposition avec un autre, plus exubérant, j’ai consacré plusieurs mois à étudier les aspects philosophiques, théologiques, mystiques et historiques de cette tradition musulmane. A vrai dire, ayant lu quelque peu certains ouvrages de Henry Corbin, et, comme tout honnête homme curieux de savoir, je n’ignorais pas les bases de cette spiritualité, ni le nom de sages illustres, qui l’ont illustrés depuis mille ans à peu près.

On sait par ailleurs qu’outre le partage que j’ai rappelé entre deux sortes de soufismes, la réalité dans le temps et dans l’espace de cette approche du divin est d’une complexité vertigineuse, d’autant plus qu’elle s’entremêle avec les deux courants religieux qui s’opposent au sein de l’islam, le sunnisme et le shî’isme, ce dernier étant divisé en shiites duodécimains et en ismaéliens. Et je passe sur d’innombrables autres courants, certains nourris des spécificités de territoires riches en mémoire ascétique et mystique, que l’immense empire musulman a plus ou moins intégrées. Un exemple est celui d’un théosophe comme Sohrawardi, dont l’empreinte a été si importante dans l’histoire de la mystique musulmane. On sait qu’il était persan, et qu’il avait renoué avec la sagesse de l’ancienne perse, de Zarathoustra en particulier. Pour ce qui est du shî’isme, les ulémas ont critiqué sévèrement le soufisme en tant que tel, au nom de l’eschatologie imamologique, mais, dans la pratique, de nombreux traits appartiennent à l’un et à l’autre.

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Quoi qu’il en soit, sans me demander si je devais me convertir à l’islam (qui est, bien entendu complètement différent que ce que les médias et ses détracteurs veulent dire de lui, et qui n’est suggéré que par l’ignorance et l’hostilité, voire le racisme pur et simple), je m’en suis tenu à quelques points, qui rappellent René Guénon :

- D’abord, le soufisme a sauvegardé – puisque c’est sa base existentielle – la dimension ésotérique (je vous passe les termes en arabe), tandis que le christianisme l’avait abandonné, s’en tenant, comme le sunnisme « légaliste », à la dimension exotérique, rituelle, morale et dogmatique (que le soufisme ne rejette pas, évidemment).

- Ensuite, l’on y trouve, presque à l’état pur, des traits caractéristique de voies mystiques appartenant à des sphères religieuses différentes, comme certains courants chrétiens – surtout dans le monde orthodoxe, comme l'hésychasme, mais aussi, jusqu’à Ignace de Loyola, dans le catholicisme, dans certaines traditions bouddhistes, comme le zazen, ou même dans ce que l’on sait du paganisme, dans le chamanisme, par exemple. En soi, ces remarques doivent porter à appréhender cette galaxie mystique avec ouverture et tolérance, tout en n’oubliant pas les particularités qui démarquent.

- Last but not least (car on pourrait trouver encore maints visages attirants dans le soufisme), c’est la valeur, la profondeur des œuvres des grands saints de cette spiritualité qui, indépendamment de l’engagement (pourtant essentiel) dans le culte, ou la foi, donnent le désir d’aller plus avant. Un Ibn’Arabî est un continent à lui seul.

Toutefois, on ne peut pas ne pas se poser la question de la pratique. Ceux qui ont fréquenté un tant soit peu le monde de la spiritualité, à moins d’être un intellectuel perdu dans ses nuages, n’ignorent pas que la véritable connaissance de Dieu (s’il se peut), du moins l’approche du Divin, doit engager tout l’être, le corps, l’âme, l’esprit, et pas seulement l’intellect. Or, c’est là que le bât blesse. En effet, la religion en  tant que message, mais aussi comme sa face secrète ou plus intime, sont toujours nées d’une terre, d’une civilisation – même si l’on concède qu’il existe d’innombrables ponts entre les grands ensembles où les hommes vivent et meurent. Il est fort à parier que l’attirance pour le soufisme procède d’une curiosité exotique pour l’altérité, telle qu’on la retrouve aussi dans le bouddhisme occidental.

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A ce propos, je vais faire une digression. Il y a quarante ans, j’avais été très séduit par le zen, et je m’étais intégré à l’antenne nordiste (Lille) de l’association zen international. On m’avait très vite intronisé moine, au bout d’une ou deux semaines (avantage par rapport au monachisme chrétien, où il est nécessaire de patienter pendant au moins une année!). D’une certain côté, peut-être à l’encontre de ce qu’espéraient sans doute mes interlocuteurs, ce n’était certes pas une « facilité » qui me réjouissait particulièrement, moi qui étais à la recherche du feu et du fer, en tout cas de la bagarre (avec soi-même). D’un coup, sans même avoir tiré un coup de feu, j’étais propulsé dans le rang des sous-off. ! Malgré tout, les séances de zazen n’étaient pas sans charme: le son cristallin de la clochette, l’odeur sensuelle et enivrante – quoique soporifique – de l’encens, nos bures de moines bouddhistes, nos déambulations de somnambules…

Mais quand les deux dames qui animaient ce culte me conseillèrent, pour m’habituer à plier mes jambes en position de lotus, je me mis vraiment à douter. En effet, elles me dirent qu’il me fallait d’abord rabattre une jambe, pour l’accoutumer, puis l'autre, puis les deux, en … regardant la télévision ! Pour le coup, mon indignation atteignit la stratosphère ! Moi qui voulais justement échapper à la laideur et à la bêtise du monde moderne ! Et, elles aussi, elles se gavaient de télé ! Et elles aggravèrent leur cas, à mes yeux, en rajoutant une balourdise, que je ne pus digérer. Elles me contèrent qu’elle étaient passées au bouddhisme par haine de la hiérarchisation de l’Église. Jadis, elles étaient très engagées dans le christianisme, mais seulement voilà, il y avait les curés, les évêques, les cardinaux et… le pape. Pour ma part, moi qui ai un tempérament assez militaire, je n’ai jamais perçu dans l’obéissance un quelconque obstacle à la quête religieuse. Au contraire. Probablement n’avaient-elle pas lu les nombreux récits qui décrivent la vie dans les monastères bouddhistes japonais, où l’obéissance à l’abbé, ou au maître, est encore plus féroce que dans notre Occident, qui s’est amolli. Pour finir, l’estocade vint d’un dépliant que je reçus, et qui faisait de la « réclame » pour le zen. On croyait appâter le client en produisant cette phrase, qui dansa devant mes yeux comme une muleta devant le taureau : « Si vous vous sentez mal dans votre corps et dans votre esprit, retrouvez le bien-être avec le zen ! » Le « bien-être » ! Et pourquoi pas l’orgasme ?

Bref, j’ai pris conscience, de façon pour ainsi dire charnelle, du moins existentielle, de ce qu’était le bouddhisme occidental, qui n’a rien à voir avec le courant très ardu, qui s’est développé en extrême Orient. Un occidental serait-il capable d’endurer ce qu’un Japonais est capable de supporter physiquement ? En outre, pour un Oriental, l’ego est perçu différemment qu’en Occident. On peut dire ce que l’on veut, en répétant la doxa bouddhiste, dans la réalité, le moi existe, et continue à peser, chez les petits bourgeois qui croient d’adonner à cette spiritualité. Regimber contre la hiérarchie en tant que telle, n’est-ce pas là l’une de ses manifestations ? J’ai peur que ce qui attire irrésistiblement les adeptes de ces spiritualités mal comprise, c’est tout simplement un certain quiétisme. Je sais qu’il faudrait développer ce point. Toujours est-il que j’ai remarqué un point commun entre le zen que j’ai connu, et l’association soufie dont j’ai trouvé la trace sur le web, et dont l’animateur est un excellent essayiste : les femmes y sont massivement majoritaires.

Plus profondément, c’est la possibilité d’emprunter une religion exogène, dans un cadre civilisationnel, social, psychologique, comportemental, etc. différent, et même parfois opposé à la civilisation qui l’a engendrée, qui est en jeu. Certes, le christianisme vient du judaïsme. Mais il s’est hellénisé très vite, et son ancrage en Europe lui a apporté des éléments structurels, tant intellectuels que « folkloriques », « légendaires », qui l’ont transformé au point qu’il a pu paraître un habit idoine pour notre être historique. Quoi qu’on fasse, que l’on croie ou nom, on reste chrétien, peut-être catholique. Cela ne signifie pas, une fois de plus, qu’on ne trouve dans le trésor spirituel légué par les grands saints et penseurs soufis une sagesse qui peut nourrir notre quête. Et que le christianisme, du moins en Occident, soit plutôt en fin de vie ! Quant à moi, en ce moment, je suis plutôt accueillant à toutes les religions, et toutes les sagesses. Mais je ne suis pas un saint.

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mercredi, 09 octobre 2024

Sortie du système d'asile de l'UE: Pays-Bas, Hongrie - quand l'Autriche suivra-t-elle?

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Sortie du système d'asile de l'UE: Pays-Bas, Hongrie - quand l'Autriche suivra-t-elle?

Depuis 2015, plus de huit millions de demandes d'asile ont été déposées dans l'UE.

Source: https://unzensuriert.at/283370-ausstieg-aus-eu-asylsystem-niederlande-ungarn-wann-folgt-oesterreich/?pk_campaign=Unzensuriert-Infobrief

Après les Pays-Bas, c'est au tour de la Hongrie d'annoncer son intention de sortir du système d'asile de l'UE. Des voix s'élèvent désormais pour demander que l'Autriche se retire également de ce système.

Depuis hier, lundi, on sait que la Hongrie demande elle aussi, dans une lettre adressée à la Commission européenne, la possibilité de se retirer des règles européennes en matière d'asile. Le ministre hongrois des Affaires européennes, János Bóka, explique dans sa lettre qu'il souhaite suivre l'exemple des Pays-Bas. La Hongrie est convaincue que le renforcement du contrôle national de l'immigration est désormais le seul moyen d'atteindre ces objectifs et d'endiguer l'immigration illégale, qui représente un risque pour la sécurité.

Un signal important en provenance des Pays-Bas

Auparavant, les Pays-Bas avaient demandé à la Commission européenne de procéder à un tel retrait. Geert Wilders, qui siège pour la première fois au gouvernement avec son Parti pour la liberté (PVV), a parlé d'un signal important, « qu'un vent nouveau souffle sur les Pays-Bas ». Les deux pays auront-ils du succès avec leurs vœux ? En règle générale, une telle exception doit être approuvée par l'ensemble des 27 Etats membres de l'UE.

Le système d'asile de l'UE est complètement dépassé

Néanmoins, le chef de la délégation FPÖ au sein de l'UE, Harald Vilimsky, exige désormais que l'Autriche se retire du système d'asile. Il a déclaré dans un communiqué:

Le système d'asile de l'UE est complètement dépassé et inutilisable depuis longtemps pour faire face à l'immigration de masse qui abuse du droit d'asile. C'est pourquoi l'Autriche devrait suivre l'exemple des Pays-Bas et de la Hongrie et demander l'abandon de ce système d'asile.

Plus de huit millions de demandes d'asile

Depuis 2015, plus de huit millions de demandes d'asile ont été déposées dans l'UE. Peu importe de quelles régions du monde viennent les demandeurs d'asile et combien de pays tiers sûrs ils ont dû traverser, pays où ils auraient pu trouver une protection. Cela doit enfin cesser - « d'autant plus que nous savons depuis longtemps que plus de la moitié d'entre eux n'ont aucun droit à la protection, même selon les règles généreuses de l'UE», a déclaré Vilimsky. Au vu de cet échec persistant du système, il n'est pas étonnant que de plus en plus de pays veuillent se retirer.

Les États perdent leur souveraineté

Un Etat qui ne peut plus déterminer quelles personnes et combien de personnes séjournent sur son territoire a perdu des parties essentielles de sa souveraineté et donc de sa légitimité, a déclaré le député européen de la FPÖ.

État-civilisation, grand espace et multipolarité dans la pensée de la République populaire de Chine chez Zhao Tingyang et Zhang Weiwei

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État-civilisation, grand espace et multipolarité dans la pensée de la République populaire de Chine chez Zhao Tingyang et Zhang Weiwei

Alexander Markovics

« Il existe de nombreuses civilisations - la civilisation occidentale en est un exemple - mais la Chine est le seul État-civilisation. Elle est définie par son histoire extraordinairement longue et aussi par ses immenses dimensions et diversité géographiques et démographiques. Les implications qui en découlent sont importantes: l'unité est sa première priorité, la pluralité la condition de son existence (c'est pour cette raison que la Chine a pu offrir à Hong Kong la formule « un pays, deux systèmes », étrangère à l'État-nation».

(Martin Jacques, Quand la Chine dirige le monde, La fin du monde occidental et la naissance d'un nouvel ordre mondial, 2009).

La situation : la Chine - l'éternel ennemi de l'Occident ?

Si l'on observe les reportages occidentaux sur la Chine, on s'aperçoit rapidement que la majorité des observateurs américains et européens de l'Empire du Milieu ne sont pas portés par le désir d'une véritable compréhension de la civilisation chinoise, mais qu'à l'instar des reportages sur la Russie, la volonté de diaboliser et de cataloguer la République populaire de Chine prédomine. Pour ce faire, on utilise d'une part le topos datant de l'époque de la guerre froide du « danger rouge » ou du « danger jaune » (en cas d'anticommunisme chauvin, on mélange volontiers les deux), notamment de la part des élites néoconservatrices aux Etats-Unis. Ce terme est également utilisé par une grande partie de l'establishment du parti républicain américain, ainsi que par Donald Trump, qui voient en la Chine leur principal ennemi (géopolitique) et brandissent le spectre d'une future puissance mondiale unique, Pékin.

D'autre part, on parle généralement du prétendu danger que représente la simple existence d'un « système totalitaire à Pékin » pour les soi-disant « démocraties libres » de l'Occident, comme le fait l'Open Society Foundation de George Soros et d'autres représentants de la « société ouverte » (lire : du mondialisme), ce qui ravive l'image datant du 19ème siècle de l'opposition entre la « civilisation occidentale » et la « barbarie orientale », qui a notamment servi à justifier le colonialisme. Les deux parties ont en commun de vouloir défendre l'« ordre unipolaire » de l'Occident, basé sur des 'valeurs', contre l'ordre mondial multipolaire naissant, qui se construit sous la direction de la Russie et de la Chine, en collaboration avec l'Iran, l'Inde et de nombreux États d'Afrique et d'Amérique latine, notamment dans le cadre des pays BRICS.

Et pour y parvenir, ils visent à ancrer dans l'esprit des Américains et des Européens une image ennemie de la Chine qui rendrait impossible une future coopération pacifique entre l'Allemagne et l'Europe et l'Est de l'Eurasie.

Si cela peut paraître logique du point de vue des représentants militants d'une bourgeoisie matérialiste transatlantique vivant volontiers sous la domination des États-Unis et du programme philosophique du postmodernisme et de la mondialisation libérale, il est tout à fait absurde pour les patriotes allemands et européens qui aspirent à une Allemagne et à une Europe souveraines, spirituellement renouvelées et renouant avec leur tradition pré-moderne dans un monde multipolaire, de poursuivre dans cette voie.

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Mais pour être en mesure de formuler une relation alternative entre l'Europe et la Chine du point de vue européen, il est d'abord nécessaire de comprendre la Chine. Pour ce faire, je voudrais présenter l'image que la Chine a d'elle-même à travers deux de ses philosophes contemporains les plus importants, qui sont également de plus en plus reconnus dans le monde: Zhao Tingyang et Zhang Weiwei. Mon choix s'est porté sur ces deux penseurs, qui sont de plus en plus écoutés en Occident, car d'une part Zhao explique des concepts importants de la civilisation sino-confucéenne qui se répercutent encore aujourd'hui dans la pensée chinoise et d'autre part Zhang, qui, lui, nous explique l'État chinois moderne. En outre, les deux penseurs deviennent de plus en plus une partie active du discours intellectuel sur la construction d'un monde multipolaire, comme en témoigne par exemple l'intervention de Zhang Weiwei au Forum de la multipolarité à Moscou le 26 février 2024, ainsi que sa confrontation publique avec l'un des principaux idéologues du libéralisme occidental Francis Fukuyama, mais aussi la discussion qu'il a eue avec le philosophe russe Alexander Douguine.

Alors que l'idée du « choc des civilisations » et de la défense de l'hégémonie occidentale prévaut encore en Occident, ces deux penseurs s'inscrivent dans la tradition de l'ancien président iranien Mohammad Khatami qui, en réponse à ce dernier, a appelé à un « dialogue des civilisations » qui s'exprime aujourd'hui dans l'ordre mondial multipolaire en cours de formation. Il devrait être intéressant pour les lecteurs allemands de constater que les penseurs de la Révolution conservatrice tels que Carl Schmitt et Martin Heidegger sont de plus en plus reçus en Chine, alors que ces penseurs sont méprisés dans leur pays d'origine, même à droite de l'idéologie bourgeoise et libérale.

Zhao Tingyang - Tianxia, Tout sous un même ciel

La Chine est-elle, comme les Etats-Unis, une puissance expansionniste et missionnaire qui veut imposer son système de gouvernance et de valeurs au monde entier ? Quel rôle joue l'héritage de la philosophie confucéenne dans la politique étrangère actuelle de la Chine ? Le philosophe Zhao Tingyang, né en 1961 dans le Guangdong, en Chine, se penche sur ces questions importantes également pour l'Europe. Dans son ouvrage Tous sous un même ciel, paru en 2020 en traduction allemande, il fait appel au concept de tianxia : la vision de la coexistence de dix mille peuples vivant en paix sous un même ciel.

Il établit ainsi une distinction importante dans la définition du politique entre l'Occident et la Chine: alors que dans la tradition occidentale, la politique est déterminée par la définition de l'ami et de l'ennemi - et bien sûr de l'ennemi principal - dans la tradition chinoise, la question de la coopération et de la manière de transformer un ennemi en ami domine. Comment puis-je coopérer le plus efficacement possible avec mon voisin ? Comment est-il possible d'unir les oppositions les plus diverses sous une même direction ? L'objectif final est un monde pacifique, harmonieux et prospère. C'est ainsi que naît dans la pensée de Zhao l'idée d'une autre politique mondiale, par opposition au moment unipolaire de l'Occident et de la mondialisation: en effet, alors que le « nouvel ordre mondial » proclamé par les néoconservateurs est essentiellement une forme de chaos créé par les États-Unis et leurs vassaux pour maintenir leur propre hégémonie, il propose la création d'une instance au-dessus des États-nations, dans le sens d'un ordre mondial qui, tel un cosmos, rend possible la coopération pacifique des différents membres.

La tragédie de la politique internationale du point de vue chinois: non pas des États défaillants, mais un monde défaillant

Car la véritable tragédie de la politique internationale, selon Zhao, réside dans le fait que tous les États savent certes que la sécurité et la coopération sont importantes, mais que personne ne veut s'attaquer à la politique mondiale nécessaire à cet effet, car les intérêts hégémoniques des différents États prévalent. Par conséquent, le véritable problème ne réside pas dans l'échec des États, mais dans l'échec du monde.

Zhao Tingyang estime que cela n'est pas possible avec les États-nations modernes de type occidental, car l'État-nation est une entité qui découle de l'individu. Celui-ci ne se définit pas par son aspiration à la coopération, mais par le conflit, bref, le citoyen devenu État, qui n'est orienté que vers la maximisation de son propre profit et non vers le bien-être de la communauté. La mondialisation menée par l'État-nation bourgeois occidental n'est donc rien d'autre que la diffusion conflictuelle de valeurs et de concepts individualistes tels que les droits de l'homme. En conséquence, l'Occident s'efforce, tel un virus, de répandre son ordre politique libéral sur l'ensemble du globe et d'infecter ainsi le plus grand nombre possible d'États et de personnes. En effet, une politique étrangère inter-nationale, qui met l'accent sur les relations entre les États-nations et non sur la coexistence des peuples et des civilisations, serait nécessairement toujours en contradiction avec une politique globale.

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Une politique globale plutôt qu'inter-nationale: le clan remplace l'individu

Zhao Tingyang s'y oppose intellectuellement: il remplace l'individu par le clan, conformément à la tradition sino-confucéenne. En conséquence, il suit une perspective spécifique au groupe qui, dans le cadre d'une ontologie coexistentielle, rend possible un cycle bénéfique de l'existence lorsque des interdépendances nécessaires et non fortuites apparaissent entre les différentes existences. En partant du clan comme unité de base de la coexistence, sa coexistence doit être élevée, étape par étape, à un niveau supérieur de coexistence, pour créer à la fin l'harmonie du « tout sous le ciel ». Cela doit permettre non seulement de résoudre les conflits entre les différentes civilisations - le choc des civilisations de Huntington - mais aussi de faire face à la puissance destructrice de la haute technologie. On pense au transhumanisme. Mais cela ne sera possible que si les États et les peuples parviennent à s'entendre sur un nouveau système mondial qui ne place pas la concurrence mais la coopération au centre.

Selon Zhao Tingyang, la question décisive de l'inclusion du monde est celle de la possibilité d'une communication stable et basée sur la confiance. Sinon, les médias, le capital financier et la haute technologie risquent de kidnapper peu à peu tous les États du monde dans le cadre de la mondialisation. Seule l'idée du tianxia permet selon lui de protéger un monde communautaire contre le danger d'une dictature mondiale d'un genre nouveau.

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Zhang Weiwei - penseur de l'État civilisationnel

L'État-nation est-il la mesure de toute chose ? Le politologue et philosophe chinois Zhang Weiwei s'oppose à cette idée encore très répandue en Europe. Sa réponse : l'avenir n'appartient pas à l'État-nation, mais à l'État civilisationnel. Celui-ci coïncide, sur le plan intellectuel, avec la conception de Carl Schmitt d'un grand espace réunissant différents peuples ayant une histoire commune et une volonté politique. Mais qu'est-ce exactement qu'un tel État civilisationnel et qu'est-ce qui le distingue de l'État-nation né dans le sillage du traité de Westphalie ? Le professeur chinois de relations internationales à l'université Fudan de Shanghai pense connaître les réponses à ces questions. Né en 1957, Zhang Weiwei a travaillé à partir de 1980 pour d'importants fonctionnaires de la République populaire de Chine, comme par exemple le réformateur de l'État chinois Deng Xiaoping, en tant que traducteur vers l'anglais. Marqué par de nombreux séjours aux États-Unis et en Europe, le professeur a mis en évidence les différences entre le système occidental de libéralisme et la démocratie populaire chinoise. Il s'oppose à l'idée largement répandue en Occident selon laquelle la Chine a connu une croissance économique rapide uniquement parce qu'elle a adopté les théories occidentales de l'économie de marché et qu'elle fera tôt ou tard partie du monde occidental en raison de la croissance de sa classe moyenne.

Civilisation et État moderne : la propre voie de la Chine vers la modernité

Au lieu de cela, il défend l'hypothèse que la Chine suit une voie de modernisation totalement différente de celle de l'Occident, car l'adoption du système occidental plongerait la Chine dans le chaos et lui ferait subir un sort similaire à celui de la Yougoslavie. Il voit la réponse aux défis de la modernité dans le modèle de l'État civilisateur. L'État civilisateur chinois se compose de la civilisation la plus ancienne du monde et d'un État moderne particulièrement grand. La Chine ne se compose pas seulement de plus de 56 ethnies officielles, mais représente historiquement l'amalgame de centaines d'États en un seul État au cours de son histoire millénaire. Cela mettrait en évidence la caractéristique particulière de synthèse de la civilisation sinique, comme l'a démontré l'union de l'État-civilisation avec l'État moderne. Parmi les caractéristiques uniques de la civilisation sino-confucéenne de la Chine, il cite l'existence d'un niveau de direction unifié, qui est une caractéristique de l'État chinois depuis la première unification de la Chine en 221 avant J.C. La deuxième caractéristique importante de la Chine est pour lui la méritocratie (société de performance), qui conduit à une sélection permanente dans la direction du pays et s'oppose ainsi à un déclin des dirigeants politiques comme aux États-Unis - il cite Joe Biden et Donald Trump comme exemples négatifs de dirigeants politiques, car ils seraient bien en dessous des normes chinoises pour un membre du gouvernement. Pour devenir un membre permanent du Politburo en République populaire de Chine, par exemple, il faut avoir dirigé auparavant une province du pays et donc jusqu'à plusieurs centaines de millions de personnes.

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L'État-civilisation, un avenir possible pour l'Europe

Comme le philosophe pakistanais Ejaz Akram l'a constaté lors de la discussion avec Zhang Weiwei et Alexander Douguine, l'État-civilisation se caractérise par le fait qu'il incarne une cosmologie propre. Ainsi, chaque État est un monde à part, qui ne prétend pas à l'universalité, mais seulement à l'affirmation de sa propre spécificité. Ces différentes cosmologies sont en même temps en mesure d'entrer en dialogue les unes avec les autres. Ainsi, l'État-civilisation est une condition préalable au monde multipolaire. La logique de la lutte « de tous contre tous » propre à l'État-nation disparaît, le conflit n'étant plus qu'une possibilité de coexistence parmi d'autres.

L'Europe aussi peut devenir un tel État-civilisation - à condition qu'elle renonce à la caractéristique décisive de l'anti-civilisation occidentale (dans le sens où elle se déclare depuis le siècle des Lumières la seule vraie civilisation), à savoir qu'elle prétend représenter la seule civilisation vraie et possible. Alors que les dirigeants européens actuels, comme Emmanuel Macron, ne joueraient qu'opportunément avec l'idée d'une civilisation européenne, car ils ont l'impression que l'État-nation n'a plus la force de perdurer, l'État civilisationnel peut effectivement être une option pour l'Europe afin de collaborer à un monde multipolaire.

L'État civilisationnel comme possibilité future pour l'Allemagne et l'Europe et comme voie vers la multipolarité

Au cours des dernières décennies, la Chine a surtout appris de l'Occident avec beaucoup de succès, non seulement en modifiant massivement son propre système de gouvernement au plus tard depuis 1978, mais aussi en intégrant, du moins en grande partie, les idées occidentales du marxisme et de l'économie de marché à sa propre tradition. De ce fait, la Chine est devenue le deuxième État-civilisation / espace culturel avec la Russie - Vladimir Poutine a également revendiqué lors du forum Valdai en 2013 que la Russie était un État-civilisation - et a réussi à dépasser l'Occident dans de nombreux domaines de la prospérité économique et du développement technologique importants pour lui. Si nous regardons l'histoire européenne, nous y trouvons également l'État-civilisation, capable d'unir et de synthétiser les différences - par exemple dans l'Empire romain jusqu'en 1453, mais aussi dans le Saint Empire romain germanique jusqu'en 1806 - qui a été progressivement remplacé par l'État national dans le cadre de la modernité à partir des 17ème/18ème siècles. Certes, l'Union européenne présente elle aussi certaines caractéristiques d'un État-civilisation, mais celles-ci sont contrecarrées par l'idéologie politique du libéralisme (prétention à la validité universelle de l'idéologie des droits de l'homme, échange de population, destruction de sa propre tradition au nom du progrès) et étouffées dans l'œuf par manque de souveraineté géopolitique.

Au vu des développements actuels et notamment de la montée en puissance de la Chine, il est donc logique que nous, Allemands et Européens, nous intéressions de près au système et à la civilisation de la Chine. Nous devons le faire, non pas pour devenir nous-mêmes des communistes aux caractéristiques chinoises, mais pour mieux comprendre la Chine et voir quelles idées et caractéristiques peuvent être utiles à l'éveil patriotique de l'Europe et à la défense de sa civilisation.   

Les théories et les idées de Zhao Tingyang et de Zhang Weiwei peuvent constituer une première approche à cet égard, même si la critique de l'universalisme occidental chez eux, la concentration sur la propre civilisation ainsi que le concept d'État-civilisation semblent mériter d'être discutés. Une focalisation des Européens sur leur propre civilisation, dans le sens du respect et de la reconnaissance de leurs propres limites, peut nous aider à faire revivre notre propre tradition et à surmonter l'hybris (post)moderne de l'absence de frontières. Le concept d'État-civilisation peut nous servir, en tant que développement de l'idée de grand espace de Schmitt, à repenser l'idée d'empire, le fédéralisme et la subsidiarité dans le contexte européen, afin de repenser et de renforcer la place de l'Europe dans le monde multipolaire.  

Notre-Dame de Paris: le nouveau caprice du petit Macron

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Notre-Dame de Paris: le nouveau caprice du petit Macron

 « C’est plus dur de réinventer un modèle quand tout n’a pas été détruit »

(Emmanuel Macron)

La « classe internationale »

Macron prononçait cette phrase citée en exergue en se frottant l’index et le pouce comme s’il était en train de palper un tissu ou de compter une liasse de billets ; ça me rappelle son camarade de jeux, le petit Sarkozy, qui, lorsqu’on lui avait demandé ce qu’il allait faire de sa vie après sa carrière politique, avait répondu de la manière inélégante qui est sa marque de fabrique: "Pour l'instant, je fais président, mais un jour j'irai faire du fric » (Nouvel Obs, 14 juillet 2013)

Quel noble projet, quelle touchante perspective, quel idéal élevé ! On dit qu’un peuple a les dirigeants qu’il mérite…

De la même façon fort vulgaire – je fais référence au geste qui accompagnait ses paroles-, Macron avait donc eu ces mots à propos de l’hôpital ; et, ma foi, sur ce plan-là, je dois reconnaître qu’il est presque arrivé au résultat qu’il s’était fixé : l’hôpital et toute la filière de la santé en France est à l’agonie ; clap-clap !

J’ai repris cette affirmation du Président Macron car on peut l’appliquer à quantité de domaines où il s’est attaché à mettre en place, ou à finaliser, le processus de destruction de la France et où il se permet d’intervenir en son nom personnel même lorsqu’il n’est pas habilité à le faire, à moins de décréter que nous ne sommes plus en régime démocratique et que, dans cette perspective, tout lui est permis.

Ainsi, pour la rénovation de Notre-Dame-de-Paris après le terrible incendie dont la cathédrale la plus célèbre au monde a été victime.

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Le Titanic et Notre Dame de Paris

Nous ne reviendrons que très rapidement sur les circonstances de ce tragique événement qui a bouleversé le monde entier et dont on parlera encore pendant des dizaines d’années (si Dieu ou le futur accordent ce laps de temps à notre civilisation bien mal en point), de la même manière qu’on se souvient encore de nos jours du naufrage du Titanic ; je n’évoque pas par hasard le naufrage du plus grand bateau du monde à l’époque où il fut lancé sur les océans ; le Titanic a coulé un 15 avril (1907), de même que l’incendie de Notre-Dame s’est produit un 15 avril (2019), la glace et le feu, l’eau et la terre, l’œuvre du Titan et l’œuvre de Dieu, c’est un message symbolique que chacun interprètera comme il l’entend. Nous pouvons aussi évoquer la magnifique chanson de Jacques Brel qui fait naviguer les cathédrales [1] [2]

On se souviendra qu’au lendemain de cette terrible journée, le Président français et son Premier ministre, visitant le site dévasté, se retenaient de pouffer de rire ; quel que soit le motif de leur hilarité, cette attitude dénotait le peu de respect que ces histrions manifestent à l’égard de l’un des monuments les plus emblématiques de notre pays.

Est-ce un hasard si, concernant cet incendie, il existe un autre élément troublant que nous avait fait remarquer notre ami Paul-Georges Sansonetti, à savoir que « Notre-Dame a pris feu exactement 666 jours après l’élection d’une majorité présidentielle favorable à l’idée d’une déconstruction de l’Histoire de France (élections législatives du 18 juin 2017). » Et Paul-Georges Sansonetti rajoutait : « C’est comme si l’embrasement de ce chef-d’œuvre répondait tragiquement à l’indifférence des Français quant à leur mémoire collective [3] ».

Est-ce vraiment un hasard, ou bien ces « 666 » jours ne sont-ils pas exactement et symboliquement calculés pour que l’incendie de Notre-Dame se déclare ? L’avalanche de symboles que les satanistes nous ont imposée avec l’Eurovision et les cérémonies d’ouverture et de fermeture des Jeux Olympiques ne va pas à l’encontre d’une telle hypothèse.

Et la phrase en exergue de cet article, phrase prononcée par Macron, prend ici tout son sens : déconstruction et destruction sont les maîtres-mots de l’idéologie macroniste.

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La France, le pays des bisounours

Je disais que je n’allais pas m’attarder sur les circonstances et les causes de l’accident ; je voudrais juste rappeler que, dans toutes ces grandes catastrophes où elles ne sont pas bien établies, il est de coutume pour les procureurs chargés de l’enquête de déclarer, de préférence avant même qu’elle soit ouverte, que « l’hypothèse d’un acte volontaire doit être écartée » ; c’est un extrait du communiqué du procureur Rémy Heitz le soir de l’incendie qui poursuit : « aucun élément ne permet d’accréditer l’hypothèse d’une origine criminelle » et rajoute que l’enquête s’oriente vers la piste « d'un dysfonctionnement du système électrique ou celle d'un départ de feu occasionné par une cigarette mal éteinte ».

On sait le crédit que l’on doit accorder à cette affirmation bien hâtive, sachant que de véritables experts ont souligné que « l'incendie n'a pas pu partir d'un court-circuit, d'un simple incident ponctuel. Il faut une vraie charge calorifique au départ pour lancer un tel sinistre. Le chêne est un bois particulièrement résistant [4] »

On se souvient de l’affaire AZF, cette usine dont l’explosion avait entraîné la mort de 31 personnes et où 2500 avaient été blessées. Trois jours après la catastrophe, le procureur de la République, Michel Bréard, déclarait sentencieusement que la piste de l’accident était privilégiée « à plus de 90% ».

On nomme ensuite, habituellement, une commission qui mettra des années à donner ses conclusions, ce qui n’intéressera plus personne et ce qui est, in fine, le but recherché.

Merveilleux  pays que la France, pays de bisounours où rien ne peut être malveillant !

Donc, pour ne pas déroger à la tradition, l’enquête concernant les causes de l’incendie de Notre-Dame-de-Paris est toujours en cours ; depuis 5 ans ! Nous espérons, pour le portefeuille des contribuables, que les Sherlock Holmes dilettantes de notre si belle République (bananière) française ont d’autres enquêtes à résoudre en même temps, pour les occuper, et qu’ils sont payés au forfait…

Entre temps, le général Georgelin, chef d’Etat-major des armées de 2006 à 2010, chargé par Macron de superviser les travaux de reconstruction de Notre-Dame, a « passé l’arme à gauche » dans de curieuses circonstances ; je n’ai pas pu m’empêcher d’employer cette expression fort peu usitée de nos jours mais qui correspond si bien à la situation.

Curieuses circonstances ? Imaginez un homme de 75 ans qui connaît parfaitement, par sa carrière professionnelle, les règles de sécurité et qui se pique, en milieu d’après-midi, d’effectuer, seul, une randonnée en haute montagne (2650 m d’altitude) ! Son corps a été retrouvé par le peloton de gendarmerie de haute montagne et son décès a été daté officiellement du 18 août 2023. « Un représentant du parquet a précisé que la piste accidentelle était privilégiée. Une enquête a été ouverte, selon la même source. »

Air connu.

C’est Philippe Jost qui a succédé au général Georgelin, nommé par décret du président de la République du 9 septembre 2023. Depuis 2019, il remplissait les fonctions de directeur général délégué de l’établissement public Notre-Dame de Paris. 

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Macron La Gaffe entre en scène

On se rappelle que Macron voulait déjà remplacer en 2019, juste après l’incendie, la flèche de Notre-Dame contre l’avis, notamment, de Philippe Villeneuve, l’architecte en chef des monuments historiques chargé de la reconstruction de l’édifice médiéval et que le zélé serviteur de Macron, feu le général Georgelin, lui avait enjoint, le 13 novembre 2019, de « fermer sa gueule », dans le plus pur style macronien qui se distingue par un langage peu châtié (on se souvient du fameux « les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder » de Macron, petite phrase prononcée le 4 janvier 2022 à l’encontre d’une partie du peuple français).

Au mois d’octobre, Philippe Villeneuve « avait d’ailleurs eu une formule aussi claire qu’expéditive : ʺLe futur, c’est soit je restaure à l’identique, et ça sera moi, soit on fait une flèche contemporaine, et ça sera un autre.ʺ L’architecte en chef des monuments historiques avait justifié sa position en référence à la Charte de Venise (signée par la France, NDLR) établie en 1964 ʺqui impose que l’on restaure les monuments historiques [à l’identique] dans le dernier état connu » (Le Monde, 15 novembre 2019).

Finalement, la flèche a été restaurée dans les règles de l’art et cette restauration a unanimement été saluée par la Commission nationale du Patrimoine et de l’Architecture et par tous les professionnels et les associations chargées de faire respecter le riche patrimoine français (En tout cas, celui qui est resté debout après le passage des vandales révolutionnaires de 1789 et suiv.).

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Rappelons que la flèche du XIIIe siècle avait été détruite par ces barbares en même temps qu’ils saccageaient les statues de la galerie des Rois et du portail. Rappelons aussi que c’est grâce à Victor-Hugo et à son livre éponyme dédié à Notre-Dame-de-Paris que le monument n’a pas été purement et simplement démoli comme il en était question après le passage, en 1831, d’émeutiers antiroyalistes qui ont dévasté ce qu’il en restait à l’intérieur.

L’ambition de Macron est à peu près similaire à celle de ces iconoclastes : il veut laisser une trace de son passage dans l’Histoire, même si c’est pour être aussi célèbre que Robespierre, Néron ou Caligula.

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Aussi, son obstination (on te met à la porte, mais tu rentres par la fenêtre) va se porter sur une autre composante de la cathédrale, les vitraux commandés par le restaurateur de Notre -Dame, Viollet-le-Duc, réalisés entre 1855 et 1865.

« Lors de sa visite sur le chantier le 8 décembre dernier, à un an jour pour jour de la réouverture, Emmanuel Macron a annoncé le lancement d’un concours pour réaliser des vitraux contemporains, afin de « marquer du XXIe siècle » la restauration. Quelques jours auparavant, Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Paris, lui avait confirmé son « souhait » de voir l’État commander « une série de six vitraux pour les chapelles latérales sud de la nef ». La ministre de la Culture, Rachida Dati, a, depuis, enclenché (début mars) le processus de remplacement de ces six ensembles vitraux de Viollet-le-Duc. Malgré une pétition qui rassemble pas loin de 150.000 signataires opposés à ces créations contemporaines. » (Le Parisien, 28 mars 2024). On connaît l’intérêt de Rachida Dati pour le patrimoine … marocain ! (voir notre article précédent : Rachida Dati, « une chance pour la France », ou pour le Maroc ?)

On connaît aussi l’obsession des dignitaires de l’Eglise à vouloir absolument intégrer la « modernité » (comprendre le progressisme, l’évolutionnisme, l’air du temps, la mode) dans la doctrine et dans tous les esprits, rouages, faits et gestes de la religion catholique et de leurs ouailles, aux dépens de la tradition et du patrimoine.

« Marc Chauveau, frère dominicain, historien de l’art et membre du comité de sélection, insiste sur la nécessité de ne pas avoir peur de faire “trop moderne ». Adeline Suard, La Maison de Marie-Claire, le 03/03/2024.

Président de la République, ministres, généraux, archevêque… sont en totale illégalité à vouloir s’immiscer dans cette reconstruction !

Tous ces gens qui sont en charge de la gestion de l’Etat (Président, ministres, généraux ou autres hauts fonctionnaires) ou qui font partie de la hiérarchie ecclésiastique, qu’on penserait informés étant donné leur fonction, n’oublient qu’un détail, mais de poids : le processus de réhabilitation des monuments historiques comporte des règles qui les excluent formellement, les uns comme les autres, de toute participation à des décisions concernant cette réhabilitation et se retrouvent alors dans une situation d’illégalité, ce processus défini par la Charte de Venise n’acceptant dans ces délibérations que les professionnels (architectes, commissions de sauvegarde du patrimoine, historiens de l’art, etc.)

L’avocat Fabrice Di Vizio l’a opportunément souligné [5] : « Depuis la loi de 1905 (article 4), c’est l’Etat qui est chargé de l’entretien et de la restauration des cathédrales [par l’unique intervention et décision des professionnels du secteur, NDLR] ; le diocèse a un rôle qui n’est que consultatif et c’est le recteur de la cathédrale qui peut choisir le mobilier liturgique ». Les rôles et les attributions sont bien définies.

L’historien d’art, Didier Rikner [6], directeur de la revue La Tribune de l’art, a lancé une pétition demandant tout simplement le respect de la loi interdisant de modifier un élément ancien du patrimoine qui n’a pas été endommagé, et classé Monument historique, comme c’est le cas pour les vitraux de Notre-Dame de Paris ; cette pétition a recueilli déjà 150.000 signatures[7] :

« Quel est le sens de restituer le dernier état historique connu de la cathédrale (avant le 15 avril 2019), celui de Viollet-le-Duc, pour priver l’édifice d’un élément essentiel voulu par celui-ci ? Comment peut-on justifier de restaurer des vitraux qui ont survécu à la catastrophe pour aussitôt les enlever ? Qui a donné mandat au chef de l’État d’altérer une cathédrale qui ne lui appartient pas en propre, mais à tous ? Les vitraux contemporains ont toute leur place dans l’architecture ancienne lorsque ceux d’origine ont disparu. Ils n’ont pas vocation à remplacer des œuvres qui existent déjà […]

Emmanuel Macron veut poser la marque du XXIe siècle sur Notre-Dame de Paris. Un peu de modestie serait peut-être préférable. Nous ne serons pas assez cruels pour rappeler que cette marque existe déjà : l’incendie. Un incendie certes accidentel, mais pour lequel il a été abondamment démontré que l’État, avant et pendant sa présidence, porte de lourdes responsabilités. » (Notamment en raison du désengagement financier et moral de l’Etat tenu de faire procéder à sa charge, donc à la nôtre, aux travaux nécessaires à leur pérennité et à leur sécurité. NDLR)

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Quant au mobilier de la cathédrale et à sa disposition, ces éléments ont donc été choisis par le clergé local. Choix étrange ! car il nous paraît que la configuration ressemble, peu ou prou, à celle d’un temple maçonnique. Plus rien ne nous étonne.

Pierre-Emile Blairon

Notes:

[1] https://www.facebook.com/watch/?v=1455230598623191

[2] https://www.youtube.com/watch?v=q1CPps6qggw

[3] Pierre-Emile Blairon, L’Iceberg, la tradition primordiale contre le Titanisme, p.25, éditions du Lore, 2021.

[4] https://www.batiactu.com/edito/notre-dame-apres-incendie-rien-n-est-fini-selon-ex-56147.php

[5] https://www.youtube.com/watch?v=X2ak5dhVvM0

[6] https://www.youtube.com/watch?v=Nhim7X3UKQU

[7] https://www.change.org/p/conservons-%C3%A0-notre-dame-de-paris-les-vitraux-de-viollet-le-duc