Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 30 mai 2016

Trois conférences de Lucien Cerise dans le Grand Est

Cerise_conf_01-0eda0.jpg

Trois conférences de Lucien Cerise dans le Grand Est

E&R Franche-Comté et E&R Alsace recevront Lucien Cerise à Vesoul, Mulhouse et Strasbourg respectivement les 10, 11 et 12 juin 2016 pour trois conférences distinctes.

Réservations

Les réservations sont obligatoires. Merci de communiquer votre nom ainsi que le nombre de personnes aux adresses mail ci-dessous.

Conférence à Vesoul le 10 juin 2016 à 20h

Thème : Prendre le pouvoir
Adresse de réservation : conference.er.vesoul@gmail.com

Conférence à Mulhouse le 11 juin 2016 à 20h

Thème : Le fil conducteur de la géopolitique depuis le XIXe siècle
Adresse de réservation : conference.er.mulhouse@gmail.com

Conférence à Strasbourg le 12 juin 2016 à 16h

Thème : Opérations psychologiques et reality-building
Adresse de réservation : conference.er.strasbourg@gmail.com

Entrée : 5 euros.

Le lieu exact vous sera envoyé par courriel le jour de la conférence.

La bande-annonce :

dimanche, 29 mai 2016

Conférence de Guillaume Faye en Provence le 13 mai 2016

Faye.png

Vidéo d’une conférence de Guillaume Faye en Provence le 13 mai 2016

Voici la vidéo d’une conférence de Guillaume Faye organisée par l’association Le Castellaras, le 13 mai 2016 à Nice.

Pour écouter cette conférence, rehaussée d'une magnifique introduction par le Président de l'association-hôte:

http://www.gfaye.com/video-dune-conference-de-guillaume-f...

Plus d’informations sur cette assocation: http://associations.nice.fr/-Le-Castellaras-.html

La géopolitique: doctrines et praxis

La géopolitique: doctrines et praxis

Entretien avec Pascal Gauchon


Entretien du Cercle Henri Lagrange avec Pascal Gauchon (géopolitologue, professeur d'histoire, de géographie et de géopolitique en classe cube à Ipesup, directeur de la collection Major aux Presses Universitaires de France, directeur de la revue trimestrielle "Conflits")

Thèmes abordés :

0:32 - définition de la géopolitique
3:31 - géopolitique et géostratégie
5:03 - Machiavel et Clausewitz, deux pères de la géopolitique
9:47 - les écoles de géopolitique anglo-saxonne et allemande
12:38 - l'école française de géopolitique
16:23 - les géopoliticiens qui ont influencé Pascal Gauchon
20:54 - les notions clés de la géopolitique
25:32 - chaque nation est-elle porteuse d'une vision géopolitique propre et permanente?
30:55 - les critères déterminants de la construction d'une unité géopolitique
33:31 - les limites du matérialisme économique en analyse géopolitique
40:26 - les principales forces à l’œuvre dans la géopolitique mondiale contemporaine
47:26 - développement des entités déterritorialisées et obsolescence des États
50:03 - raisons de l'improbabilité de cette obsolescence
53:05 - les États-Unis pourraient-ils renouer avec leur tradition isolationniste?
58:35 - la pérennité de l'hégémonie américaine face à la montée en puissance des BRICS
1:03:01 - la Russie : une nation oscillant entre occidentalisme et panslavisme
1:06:19 - la reconfiguration de la carte moyen-orientale
1:10:16 - la construction européenne est-elle fondamentalement anti-géopolitique?
1:15:46 - avantages et inconvénients d'un monde multipolaire

pascal gauchon,géopolitique,définition,théorie politique,philosophie politique,sciences politiques,politologie

La tyrannie mondialiste et le totalitarisme démocratique

zino15674270.jpg

La tyrannie mondialiste et le totalitarisme démocratique

Conversation avec Alexandre Zinoviev philosophe, logicien,
sociologue,
et écrivain dissident soviétique.

Entretien réalisé par Victor Loupan à Munich, en juin 1999,
quelques jours avant le retour définitif d’Alexandre Zinoviev en Russie ; extrait de « La grande rupture », aux éditions l’Âge d’Homme.

Ex: http://www.actionroyaliste.fr

Victor Loupan : Avec quels sentiments rentrez-vous après un exil aussi long ?

Alexandre Zinoviev : Avec celui d’avoir quitté une puissance respectée, forte, crainte même, et de retrouver un pays vaincu, en ruines. Contrairement à d’autres, je n’aurais jamais quitté l’URSS, si on m’avait laissé le choix. L’émigration a été une vraie punition pour moi.

V. L. : On vous a pourtant reçu à bras ouverts !

A. Z. : C’est vrai. Mais malgré l’accueil triomphal et le succès mondial de mes livres, je me suis toujours senti étranger ici.

zinoli2221069363.JPGV. L. : Depuis la chute du communisme, c’est le système occidental qui est devenu votre principal objet d’étude et de critique. Pourquoi ?

A. Z. : Parce que ce que j’avais dit est arrivé : la chute du communisme s’est transformée en chute de la Russie. La Russie et le communisme étaient devenus une seule et même chose.

V. L. : La lutte contre le communisme aurait donc masqué une volonté d’élimination de la Russie ?

A. Z. : Absolument. La catastrophe russe a été voulue et programmée ici, en Occident. Je le dis, car j’ai été, à une certaine époque, un initié. J’ai lu des documents, participé à des études qui, sous prétexte de combattre une idéologie, préparaient la mort de la Russie. Et cela m’est devenu insupportable au point où je ne peux plus vivre dans le camp de ceux qui détruisent mon pays et mon peuple. L’Occident n’est pas une chose étrangère pour moi, mais c’est une puissance ennemie.

V. L. : Seriez-vous devenu un patriote ?

A. Z. : Le patriotisme, ce n’est pas mon problème. J’ai reçu une éducation internationaliste et je lui reste fidèle. Je ne peux d’ailleurs pas dire si j’aime ou non la Russie et les Russes. Mais j’appartiens à ce peuple et à ce pays. J’en fais partie. Les malheurs actuels de mon peuple sont tels, que je ne peux continuer à les contempler de loin. La brutalité de la mondialisation met en évidence des choses inacceptables.

V. L. : Les dissidents soviétiques parlaient pourtant comme si leur patrie était la démocratie et leur peuple les droits de l’homme. Maintenant que cette manière de voir est dominante en Occident, vous semblez la combattre. N’est-ce pas contradictoire ?

A. Z. : Pendant la guerre froide, la démocratie était une arme dirigée contre le totalitarisme communiste, mais elle avait l’avantage d’exister. On voit d’ailleurs aujourd’hui que l’époque de la guerre froide a été un point culminant de l’histoire de l’Occident. Un bien être sans pareil, de vraies libertés, un extraordinaire progrès social, d’énormes découvertes scientifiques et techniques, tout y était ! Mais, l’Occident se modifiait aussi presqu’imperceptiblement. L’intégration timide des pays développés, commencée alors, constituait en fait les prémices de la mondialisation de l’économie et de la globalisation du pouvoir auxquels nous assistons aujourd’hui. Une intégration peut être généreuse et positive si elle répond, par exemple, au désir légitime des nations-soeurs de s’unir. Mais celle-ci a, dès le départ, été pensée en termes de structures verticales, dominées par un pouvoir supranational. Sans le succès de la contre-révolution russe, il n’aurait pu se lancer dans la mondialisation.

V. L. : Le rôle de Gorbatchev n’a donc pas été positif ?

A. Z. : Je ne pense pas en ces termes-là. Contrairement à l’idée communément admise, le communisme soviétique ne s’est pas effondré pour des raisons internes. Sa chute est la plus grande victoire de l’histoire de l’Occident ! Victoire colossale qui, je le répète, permet l’instauration d’un pouvoir planétaire. Mais la fin du communisme a aussi marqué la fin de la démocratie. Notre époque n’est pas que post-communiste, elle est aussi post-démocratique. Nous assistons aujourd’hui à l’instauration du totalitarisme démocratique ou, si vous préférez, de la démocratie totalitaire.

zinolié.jpgV. L. : N’est-ce pas un peu absurde ?

A. Z. : Pas du tout. La démocratie sous-entend le pluralisme. Et le pluralisme suppose l’opposition d’au moins deux forces plus ou moins égale ; forces qui se combattent et s’influencent en même temps. Il y avait, à l’époque de la guerre froide, une démocratie mondiale, un pluralisme global au sein duquel coexistaient le système capitaliste, le système communiste et même une structure plus vague mais néanmoins vivante, les non-alignés. Le totalitarisme soviétique était sensible aux critiques venant de l’Occident. L’Occident subissait lui aussi l’influence de l’URSS, par l’intermédiaire notamment de ses propres partis communistes. Aujourd’hui, nous vivons dans un monde dominé par une force unique, par une idéologie unique, par un parti unique mondialiste. La constitution de ce dernier a débuté, elle aussi, à l’époque de la guerre froide, quand des superstructures transnationales ont progressivement commencé à se constituer sous les formes les plus diverses : sociétés commerciales, bancaires, politiques, médiatiques. Malgré leurs différents secteurs d’activités, ces forces étaient unies par leur nature supranationale. Avec la chute du communisme, elles se sont retrouvées aux commandes du monde. Les pays occidentaux sont donc dominateurs, mais aussi dominés, puisqu’ils perdent progressivement leur souveraineté au profit de ce que j’appelle la « suprasociété ». Suprasociété planétaire, constituée d’entreprises commerciales et d’organismes non-commerciaux, dont les zones d’influence dépassent les nations. Les pays occidentaux sont soumis, comme les autres, au contrôle de ces structures supranationales. Or, la souveraineté des nations était, elle aussi, une partie constituante du pluralisme et donc de la démocratie, à l’échelle de la planète. Le pouvoir dominant actuel écrase les états souverains. L’intégration de l’Europe qui se déroule sous nos yeux, provoque elle aussi la disparition du pluralisme au sein de ce nouveau conglomérat, au profit d’un pouvoir supranational.

V. L. : Mais ne pensez-vous pas que la France ou l’Allemagne continuent à être des pays démocratiques ?

A. Z. : Les pays occidentaux ont connu une vraie démocratie à l’époque de la guerre froide. Les partis politiques avaient de vraies divergences idéologiques et des programmes politiques différents. Les organes de presse avaient des différences marquées, eux aussi. Tout cela influençait la vie des gens, contribuait à leur bien-être. C’est bien fini. Parce que le capitalisme démocratique et prospère, celui des lois sociales et des garanties d’emploi devait beaucoup à l’épouvantail communiste. L’attaque massive contre les droits sociaux à l’Ouest a commencé avec la chute du communisme à l’Est. Aujourd’hui, les socialistes au pouvoir dans la plupart des pays d’Europe, mènent une politique de démantèlement social qui détruit tout ce qu’il y avait de socialiste justement dans les pays capitalistes. Il n’existe plus, en Occident, de force politique capable de défendre les humbles. L’existence des partis politiques est purement formelle. Leurs différences s’estompent chaque jour davantage. La guerre des Balkans était tout sauf démocratique. Elle a pourtant été menée par des socialistes, historiquement opposés à ce genre d’aventures. Les écologistes, eux aussi au pouvoir dans plusieurs pays, ont applaudi au désastre écologique provoqué par les bombardements de l’OTAN. Ils ont même osé affirmer que les bombes à uranium appauvri n’étaient pas dangereuses alors que les soldats qui les chargent portent des combinaisons spéciales. La démocratie tend donc aussi à disparaître de l’organisation sociale occidentale. Le totalitarisme financier a soumis les pouvoirs politiques. Le totalitarisme financier est froid. Il ne connaît ni la pitié ni les sentiments. Les dictatures politiques sont pitoyables en comparaison avec la dictature financière. Une certaine résistance était possible au sein des dictatures les plus dures. Aucune révolte n’est possible contre la banque.

V. L. : Et la révolution ?

A. Z. : Le totalitarisme démocratique et la dictature financière excluent la révolution sociale.

V. L. : Pourquoi ?

A. Z. : Parce qu’ils combinent la brutalité militaire toute puissante et l’étranglement financier planétaire. Toutes les révolutions ont bénéficié de soutien venu de l’étranger. C’est désormais impossible, par absence de pays souverains. De plus, la classe ouvrière a été remplacée au bas de l’échelle sociale, par la classe des chômeurs. Or que veulent les chômeurs ? Un emploi. Ils sont donc, contrairement à la classe ouvrière du passé, dans une situation de faiblesse.

V. L. : Les systèmes totalitaires avaient tous une idéologie. Quelle est celle de cette nouvelle société que vous appelez post-démocratique ?

A. Z. : Les théoriciens et les politiciens occidentaux les plus influents considèrent que nous sommes entrés dans une époque post-idéologique. Parce qu’ils sous-entendent par « idéologie » le communisme, le fascisme, le nazisme, etc. En réalité, l’idéologie, la supraidéologie du monde occidental, développée au cours des cinquante dernières années, est bien plus forte que le communisme ou le national-socialisme. Le citoyen occidental en est bien plus abruti que ne l’était le soviétique moyen par la propagande communiste. Dans le domaine idéologique, l’idée importe moins que les mécanismes de sa diffusion. Or la puissance des médias occidentaux est, par exemple, incomparablement plus grande que celle, énorme pourtant, du Vatican au sommet de son pouvoir. Et ce n’est pas tout : le cinéma, la littérature, la philosophie, tous les moyens d’influence et de diffusion de la culture au sens large vont dans le même sens. A la moindre impulsion, ceux qui travaillent dans ces domaines réagissent avec un unanimisme qui laisse penser à des ordres venant d’une source de pouvoir unique. Il suffit que la décision de stigmatiser un Karadzic, un Milosevic ou un autre soit prise pour qu’une machine de propagande planétaire se mette en branle contre ces gens, sans grande importance. Et alors qu’il faudrait juger les politiciens et les généraux de l’OTAN parce qu’ils ont enfreint toutes les lois existantes, l’écrasante majorité des citoyens occidentaux est persuadée que la guerre contre la Serbie était juste et bonne. L’idéologie occidentale combine et fait converger les idées en fonction des besoins. L’une d’entre elles est que les valeurs et le mode de vie occidentaux sont supérieurs à d’autres. Alors que pour la plupart des peuples de la planète ces valeurs sont mortelles. Essayez donc de convaincre les Américains que la Russie en meurt. Vous n’y arriverez jamais. Ils continueront à affirmer que les valeurs occidentales sont universelles, appliquant ainsi l’un des principes fondamentaux du dogmatisme idéologique. Les théoriciens, les médias et les politiciens occidentaux sont absolument persuadés de la supériorité de leur système. C’est cela qui leur permet de l’imposer au monde avec bonne conscience. L’homme occidental, porteur de ces valeurs supérieures est donc un nouveau surhomme. Le terme est tabou, mais cela revient au même. Tout cela mériterait d’être étudié scientifiquement. Mais la recherche scientifique dans certains domaines sociologiques et historiques est devenue difficile. Un scientifique qui voudrait se pencher sur les mécanismes du totalitarisme démocratique aurait à faire face aux plus grandes difficultés. On en ferait d’ailleurs un paria. Par contre, ceux dont le travail sert l’idéologie dominante, croulent sous les dotations et les éditeurs comme les médias se les disputent. Je l’ai observé en tant que chercheur et professeur des universités.

V. L. : Mais cette « supraidéologie » ne propage-t-elle pas aussi la tolérance et le respect ?

A. Z. : Quand vous écoutez les élites occidentales, tout est pur, généreux, respectueux de la personne humaine. Ce faisant, elles appliquent une règle classique de la propagande : masquer la réalité par le discours. Car il suffit d’allumer la télévision, d’aller au cinéma, d’ouvrir les livres à succès, d’écouter la musique la plus diffusée, pour se rendre compte que ce qui est propagé en réalité c’est le culte du sexe, de la violence et de l’argent. Le discours noble et généreux est donc destiné à masquer ces trois piliers – il y en a d’autres – de la démocratie totalitaire.

V. L. : Mais que faites-vous des droits de l’homme ? Ne sont-ils pas respectés en Occident bien plus qu’ailleurs ?

A. Z. : L’idée des droits de l’homme est désormais soumise elle aussi à une pression croissante. L’idée, purement idéologique, selon laquelle ils seraient innés et inaltérables ne résisterait même pas à un début d’examen rigoureux. Je suis prêt à soumettre l’idéologie occidentale à l’analyse scientifique, exactement comme je l’ai fait pour le communisme. Ce sera peut-être un peu long pour un entretien.

zinoli3.jpgV. L. : N’a-t-elle pas une idée maîtresse ?

A. Z. : C’est le mondialisme, la globalisation. Autrement dit : la domination mondiale. Et comme cette idée est assez antipathique, on la masque sous le discours plus vague et généreux d’unification planétaire, de transformation du monde en un tout intégré. C’est le vieux masque idéologique soviétique ; celui de l’amitié entre les peuples, « amitié » destinée à couvrir l’expansionnisme. En réalité, l’Occident procède actuellement à un changement de structure à l’échelle planétaire. D’un côté, la société occidentale domine le monde de la tête et des épaules et de l’autre, elle s’organise elle-même verticalement, avec le pouvoir supranational au sommet de la pyramide.

V. L. : Un gouvernement mondial ?

A. Z. : Si vous voulez.

V. L. : Croire cela n’est-ce-pas être un peu victime du fantasme du complot ?

A. Z. : Quel complot ? Il n’y a aucun complot. Le gouvernement mondial est dirigé par les gouverneurs des structures supranationales commerciales, financières et politiques connues de tous. Selon mes calculs, une cinquantaine de millions de personnes fait déjà partie de cette suprasociété qui dirige le monde. Les États-Unis en sont la métropole. Les pays d’Europe occidentale et certains anciens « dragons » asiatiques, la base. Les autres sont dominés suivant une dure gradation économico-financière. Ça, c’est la réalité. La propagande, elle, prétend qu’un gouvernement mondial contrôlé par un parlement mondial serait souhaitable, car le monde est une vaste fraternité. Ce ne sont là que des balivernes destinées aux populations.

V. L. : Le Parlement européen aussi ?

A. Z. : Non, car le Parlement européen existe. Mais il serait naïf de croire que l’union de l’Europe s’est faite parce que les gouvernements des pays concernés l’ont décidé gentiment. L’Union européenne est un instrument de destruction des souverainetés nationales. Elle fait partie des projets élaborés par les organismes supranationaux.

V. L. : La Communauté européenne a changé de nom après la destruction de l’Union soviétique. Elle s’est appelée Union européenne, comme pour la remplacer. Après tout, il y avait d’autres noms possibles. Aussi, ses dirigeants s’appellent-ils « commissaires », comme les Bolcheviks. Ils sont à la tête d’une « Commission », comme les Bolcheviks. Le dernier président a été « élu » tout en étant candidat unique.

A. Z. : Il ne faut pas oublier que des lois régissent l’organisation sociale. Organiser un million d’hommes c’est une chose, dix millions c’en est une autre, cent millions, c’est bien plus compliqué encore. Organiser cinq cent millions est une tâche immense. Il faut créer de nouveaux organismes de direction, former des gens qui vont les administrer, les faire fonctionner. C’est indispensable. Or l’Union soviétique est, en effet, un exemple classique de conglomérat multinational coiffé d’une structure dirigeante supranationale. L’Union européenne veut faire mieux que l’Union soviétique ! C’est légitime. J’ai déjà été frappé, il y a vingt ans, de voir à quel point les soi-disant tares du système soviétique étaient amplifiées en Occident.

V. L. : Par exemple ?

A. Z. : La planification ! L’économie occidentale est infiniment plus planifiée que ne l’a jamais été l’économie soviétique. La bureaucratie ! En Union Soviétique 10 % à 12 % de la population active travaillaient dans la direction et l’administration du pays. Aux États Unis, ils sont entre 16 % et 20 %. C’est pourtant l’URSS qui était critiquée pour son économie planifiée et la lourdeur de son appareil bureaucratique ! Le Comité central du PCUS employait deux mille personnes. L’ensemble de l’appareil du Parti communiste soviétique était constitué de 150000 salariés. Vous trouverez aujourd’hui même, en Occident, des dizaines voire des centaines d’entreprises bancaires et industrielles qui emploient un nombre bien plus élevé de gens. L’appareil bureaucratique du Parti communiste soviétique était pitoyable en comparaison avec ceux des grandes multinationales. L’URSS était en réalité un pays sous-administré. Les fonctionnaires de l’administration auraient dû être deux à trois fois plus nombreux. L’Union européenne le sait, et en tient compte. L’intégration est impossible sans la création d’un très important appareil administratif.

V. L. : Ce que vous dites est contraire aux idées libérales, affichées par les dirigeants européens. Pensez-vous que leur libéralisme est de façade ?

A. Z. : L’administration a tendance à croître énormément. Cette croissance est dangereuse, pour elle-même. Elle le sait. Comme tout organisme, elle trouve ses propres antidotes pour continuer à prospérer. L’initiative privée en est un. La morale publique et privée, un autre. Ce faisant, le pouvoir lutte en quelque sorte contre ses tendances à l’auto-déstabilisation. Il a donc inventé le libéralisme pour contrebalancer ses propres lourdeurs. Et le libéralisme a joué, en effet, un rôle historique considérable. Mais il serait absurde d’être libéral aujourd’hui. La société libérale n’existe plus. Sa doctrine est totalement dépassée à une époque de concentrations capitalistiques sans pareil dans l’histoire. Les mouvements d’énormes masses financières ne tiennent compte ni des intérêts des États ni de ceux des peuples, peuples composés d’individus. Le libéralisme sous-entend l’initiative personnelle et le risque financier personnel. Or, rien ne se fait aujourd’hui sans l’argent des banques. Ces banques, de moins en moins nombreuses d’ailleurs, mènent une politique dictatoriale, dirigiste par nature. Les propriétaires sont à leur merci, puisque tout est soumis au crédit et donc au contrôle des puissances financières. L’importance des individus, fondement du libéralisme, se réduit de jour en jour. Peu importe aujourd’hui qui dirige telle ou telle entreprise ; ou tel ou tel pays d’ailleurs. Bush ou Clinton, Kohl ou Schröder, Chirac ou Jospin, quelle importance ? Ils mènent et mèneront la même politique.

V. L. : Les totalitarismes du XXe siècle ont été extrêmement violents. On ne peut dire la même chose de la démocratie occidentale.

A. Z. : Ce ne sont pas les méthodes, ce sont les résultats qui importent. Un exemple ? L’URSS a perdu vingt million d’hommes et subi des destructions considérables, en combattant l’Allemagne nazie. Pendant la guerre froide, guerre sans bombes ni canons pourtant, ses pertes, sur tous les plans, ont été bien plus considérables ! La durée de vie des Russes a chuté de dix ans dans les dix dernières années. La mortalité dépasse la natalité de manière catastrophique. Deux millions d’enfants ne dorment pas à la maison. Cinq millions d’enfants en âge d’étudier ne vont pas à l’école. Il y a douze millions de drogués recensés. L’alcoolisme s’est généralisé. 70 % des jeunes ne sont pas aptes au service militaire à cause de leur état physique. Ce sont là des conséquences directes de la défaite dans la guerre froide, défaite suivie par l’occidentalisation. Si cela continue, la population du pays descendra rapidement de cent-cinquante à cent, puis à cinquante millions d’habitants. Le totalitarisme démocratique surpassera tous ceux qui l’ont précédé.

V. L. : En violence ?

A. Z. : La drogue, la malnutrition, le sida sont plus efficaces que la violence guerrière. Quoique, après la guerre froide dont la force de destruction a été colossale, l’Occident vient d’inventer la « guerre pacifique ». L’Irak et la Yougoslavie sont deux exemples de réponse disproportionnée et de punition collective, que l’appareil de propagande se charge d’habiller en « juste cause » ou en « guerre humanitaire ». L’exercice de la violence par les victimes contre elles-mêmes est une autre technique prisée. La contre-révolution russe de 1985 en est un exemple. Mais en faisant la guerre à la Yougoslavie, les pays d’Europe occidentale l’ont faite aussi à eux-mêmes.

V. L. : Selon vous, la guerre contre la Serbie était aussi une guerre contre l’Europe ?

A. Z. : Absolument. Il existe, au sein de l’Europe, des forces capables de lui imposer d’agir contre elle-même. La Serbie a été choisie, parce qu’elle résistait au rouleau compresseur mondialiste. La Russie pourrait être la prochaine sur la liste. Avant la Chine.

zinoli4.jpgV. L. : Malgré son arsenal nucléaire ?

A. Z. : L’arsenal nucléaire russe est énorme mais dépassé. De plus, les Russes sont moralement prêts à être conquis. A l’instar de leurs aïeux qui se rendaient par millions dans l’espoir de vivre mieux sous Hitler que sous Staline, ils souhaitent même cette conquête, dans le même espoir fou de vivre mieux. C’est une victoire idéologique de l’Occident. Seul un lavage de cerveau peut obliger quelqu’un à voir comme positive la violence faite à soi-même. Le développement des mass-media permet des manipulations auxquelles ni Hitler ni Staline ne pouvaient rêver. Si demain, pour des raisons « X », le pouvoir supranational décidait que, tout compte fait, les Albanais posent plus de problèmes que les Serbes, la machine de propagande changerait immédiatement de direction, avec la même bonne conscience. Et les populations suivraient, car elles sont désormais habituées à suivre. Je le répète : on peut tout justifier idéologiquement. L’idéologie des droits de l’homme ne fait pas exception. Partant de là, je pense que le XXIe siècle dépassera en horreur tout ce que l’humanité a connu jusqu’ici. Songez seulement au futur combat contre le communisme chinois. Pour vaincre un pays aussi peuplé, ce n’est ni dix ni vingt mais peut-être cinq cent millions d’individus qu’il faudra éliminer. Avec le développement que connaît actuellement la machine de propagande ce chiffre est tout à fait atteignable. Au nom de la liberté et des droits de l’homme, évidemment. A moins qu’une nouvelle cause, non moins noble, sorte de quelque institution spécialisée en relations publiques.

V. L. : Ne pensez-vous pas que les hommes et les femmes peuvent avoir des opinions, voter, sanctionner par le vote ?

A. Z. : D’abord les gens votent déjà peu et voteront de moins en moins. Quant à l’opinion publique occidentale, elle est désormais conditionnée par les médias. Il n’y a qu’à voir le oui massif à la guerre du Kosovo. Songez donc à la guerre d’Espagne ! Les volontaires arrivaient du monde entier pour combattre dans un camp comme dans l’autre. Souvenez-vous de la guerre du Vietnam. Les gens sont désormais si conditionnés qu’ils ne réagissent plus que dans le sens voulu par l’appareil de propagande.

V. L. : L’URSS et la Yougoslavie étaient les pays les plus multiethniques du monde et pourtant ils ont été détruits. Voyez-vous un lien entre la destruction des pays multiethniques d’un côté et la propagande de la multiethnicité de l’autre ?

A. Z. : Le totalitarisme soviétique avait créé une vraie société multinationale et multiethnique. Ce sont les démocraties occidentales qui ont fait des efforts de propagande surhumains, à l’époque de la guerre froide, pour réveiller les nationalismes. Parce qu’elles voyaient dans l’éclatement de l’URSS le meilleur moyen de la détruire. Le même mécanisme a fonctionné en Yougoslavie. L’Allemagne a toujours voulu la mort de la Yougoslavie. Unie, elle aurait été plus difficile à vaincre. Le système occidental consiste à diviser pour mieux imposer sa loi à toutes les parties à la fois, et s’ériger en juge suprême. Il n’y a pas de raison pour qu’il ne soit pas appliqué à la Chine. Elle pourrait être divisée, en dizaines d’États.

V. L. : La Chine et l’Inde ont protesté de concert contre les bombardements de la Yougoslavie. Pourraient-elles éventuellement constituer un pôle de résistance ? Deux milliards d’individus, ce n’est pas rien !

A. Z. : La puissance militaire et les capacités techniques de l’Occident sont sans commune mesure avec les moyens de ces deux pays.

V. L. : Parce que les performances du matériel de guerre américain en Yougoslavie vous ont impressionné ?

A. Z. : Ce n’est pas le problème. Si la décision avait été prise, la Serbie aurait cessé d’exister en quelques heures. Les dirigeants du Nouvel ordre mondial ont apparemment choisi la stratégie de la violence permanente. Les conflits locaux vont se succéder pour être arrêtés par la machine de « guerre pacifique » que nous venons de voir à l’oeuvre. Cela peut, en effet, être une technique de management planétaire. L’Occident contrôle la majeure partie des ressources naturelles mondiales. Ses ressources intellectuelles sont des millions de fois supérieures à celles du reste de la planète. C’est cette écrasante supériorité qui détermine sa domination technique, artistique, médiatique, informatique, scientifique dont découlent toutes les autres formes de domination. Tout serait simple s’il suffisait de conquérir le monde. Mais il faut encore le diriger. C’est cette question fondamentale que les Américains essaient maintenant de résoudre. C’est cela qui rend « incompréhensibles » certaines actions de la « communauté internationale ». Pourquoi Saddam est-il toujours là ? Pourquoi Karadzic n’est-il toujours pas arrêté ? Voyez-vous, à l’époque du Christ, nous étions peut-être cent millions sur l’ensemble du globe. Aujourd’hui, le Nigeria compte presqu’autant d’habitants ! Le milliard d’Occidentaux et assimilés va diriger le reste du monde. Mais ce milliard devra être dirigé à son tour. Il faudra probablement deux cent millions de personnes pour diriger le monde occidental. Il faut les sélectionner, les former. Voilà pourquoi la Chine est condamnée à l’échec dans sa lutte contre l’hégémonie occidentale. Ce pays sous-administré n’a ni les capacités économiques ni les ressources intellectuelles pour mettre en place un appareil de direction efficace, composé de quelque trois cent millions d’individus. Seul l’Occident est capable de résoudre les problèmes de management à l’échelle de la planète. Cela se met déjà en place. Les centaines de milliers d’Occidentaux se trouvant dans les anciens pays communistes, en Russie par exemple, occupent dans leur écrasante majorité des postes de direction. La démocratie totalitaire sera aussi une démocratie coloniale.

V. L. : Pour Marx, la colonisation était civilisatrice. Pourquoi ne le serait-elle pas à nouveau ?

A. Z. : Pourquoi pas, en effet ? Mais pas pour tout le monde. Quel est l’apport des Indiens d’Amérique à la civilisation ? Il est presque nul, car ils ont été exterminés, écrasés. Voyez maintenant l’apport des Russes ! L’Occident se méfiait d’ailleurs moins de la puissance militaire soviétique que de son potentiel intellectuel, artistique, sportif. Parce qu’il dénotait une extraordinaire vitalité. Or c’est la première chose à détruire chez un ennemi. Et c’est ce qui a été fait. La science russe dépend aujourd’hui des financements américains. Et elle est dans un état pitoyable, car ces derniers n’ont aucun intérêt à financer des concurrents. Ils préfèrent faire travailler les savants russes aux USA. Le cinéma soviétique a été lui aussi détruit et remplacé par le cinéma américain. En littérature, c’est la même chose. La domination mondiale s’exprime, avant tout, par le diktat intellectuel ou culturel si vous préférez. Voilà pourquoi les Américains s’acharnent, depuis des décennies, à baisser le niveau culturel et intellectuel du monde : ils veulent le ramener au leur pour pouvoir exercer ce diktat.

zinovievxxx.jpgV. L. : Mais cette domination, ne serait-elle pas, après tout, un bien pour l’humanité ?

A. Z. : Ceux qui vivront dans dix générations pourront effectivement dire que les choses se sont faites pour le bien de l’humanité, autrement dit pour leur bien à eux. Mais qu’en est-il du Russe ou du Français qui vit aujourd’hui ? Peut-il se réjouir s’il sait que l’avenir de son peuple pourrait être celui des Indiens d’Amérique ? Le terme d’Humanité est une abstraction. Dans la vie réelle il y a des Russes, des Français, des Serbes, etc. Or si les choses continuent comme elles sont parties, les peuples qui ont fait notre civilisation, je pense avant tout aux peuples latins, vont progressivement disparaître. L’Europe occidentale est submergée par une marée d’étrangers. Nous n’en avons pas encore parlé, mais ce n’est ni le fruit du hasard, ni celui de mouvements prétendument incontrôlables. Le but est de créer en Europe une situation semblable à celle des États-Unis. Savoir que l’humanité va être heureuse, mais sans Français, ne devrait pas tellement réjouir les Français actuels. Après tout, laisser sur terre un nombre limité de gens qui vivraient comme au Paradis, pourrait être un projet rationnel. Ceux-là penseraient d’ailleurs sûrement que leur bonheur est l’aboutissement de la marche de l’histoire. Non, il n’est de vie que celle que nous et les nôtres vivons aujourd’hui.

V. L. : Le système soviétique était inefficace. Les sociétés totalitaires sont-elles toutes condamnées à l’inefficacité ?

A. Z. : Qu’est-ce que l’efficacité ? Aux États-Unis, les sommes dépensées pour maigrir dépassent le budget de la Russie. Et pourtant le nombre des gros augmente. Il y a des dizaines d’exemples de cet ordre.

V. L. : Peut-on dire que l’Occident vit actuellement une radicalisation qui porte les germes de sa propre destruction ?

A. Z. : Le nazisme a été détruit dans une guerre totale. Le système soviétique était jeune et vigoureux. Il aurait continué à vivre s’il n’avait pas été combattu de l’extérieur. Les systèmes sociaux ne s’autodétruisent pas. Seule une force extérieure peut anéantir un système social. Comme seul un obstacle peut empêcher une boule de rouler. Je pourrais le démontrer comme on démontre un théorème. Actuellement, nous sommes dominés par un pays disposant d’une supériorité économique et militaire écrasante. Le Nouvel ordre mondial se veut unipolaire. Si le gouvernement supranational y parvenait, n’ayant aucun ennemi extérieur, ce système social unique pourrait exister jusqu’à la fin des temps. Un homme seul peut être détruit par ses propres maladies. Mais un groupe, même restreint, aura déjà tendance à se survivre par la reproduction. Imaginez un système social composé de milliards d’individus ! Ses possibilités de repérer et d’arrêter les phénomènes autodestructeurs seront infinies. Le processus d’uniformisation du monde ne peut être arrêté dans l’avenir prévisible. Car le totalitarisme démocratique est la dernière phase de l’évolution de la société occidentale, évolution commencée à la Renaissance.

Sur l'affaire Hasanbegovic

zlatko-hasanbegovic-croatia-740x431.jpg

Sur l'affaire Hasanbegovic
 
Voir : 

http://www.polemia.com/jeune-membre-de-lue-la-croatie-toujours-diabolisee/

En réaction à la pétition publiée par "Libération" (23 mai 2016) :

http://www.liberation.fr/debats/2016/05/23/en-croatie-un-...

http://www.egam.eu/zlatko-hasanbegovic-fr/  (liste complète des signataires)
 
Voir aussi l'interview de Hasanbegovic dans "Le Monde" :

http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/05/25/accuse-de-revisionnisme-un-ministre-croate-denonce-une-guerre-culturelle_4926352_3214.html

 

Histoire, mémoire, identité

conrmb.php.jpg

Histoire, mémoire, identité

Par Philippe Conrad

Ex: http://institut-iliade.com

Intervention de Philippe Conrad, directeur de La Nouvelle Revue d’Histoire, au Cercle Afl Okkat, Strasbourg le 11 mai 2016.

Depuis plusieurs mois, les tenants de la déconstruction généralisée ont ouvert un nouveau front en bénéficiant pour cela, ce qui n’est guère une surprise, d’un large soutien du quotidien du soir dit « de référence ». Le Monde du 26 septembre nous a en effet proposé une double page d’entretien avec Patrick Boucheron, historien médiéviste récemment doté d’une chaire au Collège de France. Le titre de l’entretien – La recherche de l’identité est contraire à l’idée même d’histoire – est en lui même tout un programme. L’intéressé nous dit en effet contester « que l’on attende de l’histoire qu’elle réassure notre identité »,  ne pas croire « aux formes anciennes du magistère de l’histoire », il dénonce « la passion des continuités »,  rejette « l’injonction faite aux historiens de nous rassurer sur l’ancienneté, la consistance et la clôture de notre identité. » Face à « ce poison contemporain », « il convient de refuser tout net toute compromission avec le projet idéologique qui prétend emprisonner la société dans la nostalgie d’un passé mythifié. ». Il conviendrait donc de se mobiliser contre « les apôtres de l’identité nationale », contre « le piège identitaire »,  contre « cette théologie de l’inéluctable ».

De tels propos s’inscrivent dans l’offensive idéologique d’envergure de remise en cause de la transmission de l’histoire traditionnelle, notamment dans sa dimension « nationale ». Une remise en cause jugée inéluctable et souhaitable par ses thuriféraires, dans la mesure où la mondialisation en cours doit permettre de dépasser les frontières, de fabriquer un « citoyen global », un individu hors-sol coupé de ses racines et de tous les éléments susceptibles de garantir son inscription dans la longue durée historique. Dans la guerre sémantique à laquelle nous sommes confrontés, le vocabulaire utilisé est révélateur. Il est question de formes « anciennes » du magistère de l’histoire, de la « passion » des continuités, de « l’injonction » faite aux historiens de « rassurer », de « poison » contemporain. Il convient d’écarter toute « compromission » avec le projet « idéologique » qui « emprisonne » la société dans la « nostalgie » d’un passé « mythifié »…

Il est aisé de renverser la charge et de pointer justement le « projet idéologique » porté par les tenant d’un mondialisme droit de l’hommiste issu du messianisme démocratique à la mode wilsonienne et de ses divers avatars, une vision identique dans sa nature profonde aux défunts « lendemains qui chantent » contemporains du communisme en sa phase triomphante. Il s’agit en effet dans ce cas « d’emprisonner la société dans l’espérance obligatoire d’un  avenir « mythifié », celui de l’Humanité indifférenciée et nomade rêvée par Jacques Attali, celui d’un monde où la France se verrait réduite à la fonction d’hôtel de passage dans le Grand Tout planétaire issu d’une mondialisation économique présentée comme fatalement heureuse…

Ce que l’on constate à l’inverse, c’est la permanence des identités « nationales » forgées au fil des siècles, dans des conditions très différentes d’un pays à l’autre. Même si les nations contemporaines se sont formées plus ou moins tardivement, au travers du modèle politique que nous connaissons, elles ont constitué et constituent toujours le cadre le plus adéquat à l’organisation des sociétés humaines. C’est avant tout à travers l’histoire de leur pays que les hommes appréhendent le passé et se trouvent en mesure de lui donner un sens. C’est dans ce cadre singulier qu’ils peuvent se doter d’un destin collectif dépassant les individus atomisés rêvés par les prophètes du mondialisme libéral (épithète bien discutable dans la mesure où cette vision obligatoirement planétaire de l’avenir n’a plus grand chose à voir avec la liberté). On doit donc mesurer aujourd’hui plus que jamais l’importance de l’enjeu que représente la transmission d’une mémoire fondée sur la perception d’un patrimoine commun, celui que Marc Bloch résumait quand il évoquait à propos de la France  « le sacre de Reims et la Fête de la Fédération ».

On ne peut que remarquer, dans l’offensive idéologique en cours, la place accordée à la déconstruction du « roman » national. Ce terme de « roman », préféré à celui de « récit » à l’évidence plus pertinent, doit contribuer à la disqualification d’une histoire élémentaire qui, fondée certes sur une imagerie et un téléologie discutables nous conduit de Vercingétorix à De Gaulle, n’en est pas moins bien venue pour fournir les repères indispensables à la construction d’une mémoire commune elle-même nécessaire à l’affirmation d’une identité particulière, fondée sur les permanences ethniques, la langue, la perception d’un passé partagé, l’inscription dans la durée d’un ensemble de croyances, de coutumes, d’images et de représentations qui constituent le socle d’un « vivre ensemble » authentique, loin des caricatures véhiculées aujourd’hui par le clergé médiatique bien pensant.

L’entreprise de déconstruction du « roman national » n’est pas nouvelle. Il y a déjà près d’un demi-siècle, Paul Veyne mettait en cause les grilles de lecture et les éléments de langage qui fondaient jusque là les approches historiennes, avant d’être relayé un peu plus tard par Suzanne Citron et par les apôtres des diverses « repentances » devenues la clé des représentations d’un passé voué à l’exécration. L’histoire quantitative – qui privilégiait la longue durée, l’économique et le social relativisait largement l’histoire événementielle réduite à « l’histoire-batailles » – a également joué son rôle même si le dernier ouvrage de Fernand Braudel portait finalement sur « l’identité de la France »… Il était devenu en tout cas obligatoire de donner la primauté à la société par rapport à la nation ou à l’Etat, d’oublier le peuple majoritaire au profit des « minorités » fatalement opprimées.

La déconstruction en question s’inscrit dans une perspective « gramscienne » de mise en œuvre d’une révolution culturelle d’envergure, indispensable à l’avènement de « l’homme nouveau », qui n’est plus celui du socialisme auquel aspirait le penseur et militant italien mais celui de la « mondialisation heureuse » imaginée par les oligarchies transnationales aujourd’hui dominantes. George Orwell l’avait déjà annoncé dans son 1984 : « Qui a le contrôle du présent a le contrôle du passé. Qui a le contrôle du passé a le contrôle de l’avenir… »

Jules_Michelet.jpgLongtemps « école des princes » selon Michelet, l’histoire et devenue, au XIXème siècle, à la faveur de l’émancipation progressive des masses populaires, le bien commun de toute la nation. C’est la défaite de 1870, dans le moment qui voit Ernest Renan nous donner sa Réforme intellectuelle et morale que les républicains victorieux introduisent dans l’enseignement primaire l’histoire et la géographie et l’on sait le succès remporté alors par le manuel dû à Ernest Lavisse, maître d’oeuvre par ailleurs d’une impressionnante Histoire de France en quarante volumes, appelée à demeurer une référence savante pendant des décennies. En couverture du Petit Lavisse, l’auteur s’adressait en ces termes à ses jeunes lecteurs : « Enfant, tu dois aimer la France parce que la nature l’a faite belle et parce que son histoire l’a faite grande. » La fin visée par l’histoire ainsi enseignée était l’unité nationale, l’affirmation de la durée inscrite elle même dans la continuité reliant la France monarchique à la nouvelle France républicaine, le rappel de l’humiliation de 1871… L’histoire devait alors contribuer à la formation d’une conscience civique et nationale en un temps où selon Pierre Nora, « l’instituteur et l’officier étaient les deux piliers jumeaux de la Patrie… »

Le terrible choc de la première guerre mondiale va ébranler le consensus très large entourant jusque là l’enseignement de l’histoire. L’instituteur pacifiste des années vingt remplace celui des années 1880 souvent affilié à la Ligue des patriotes, au temps où étaient organisés les « bataillons scolaires » de Paul Bert. En 1924, certains affirment ainsi au congrès du syndicat des instituteurs que « pour avoir la Paix, définitive, il faut cesser d’enseigner l’histoire »… Dès 1919, Lucien Febvre qui sera bientôt avec Marc Bloch le fondateur des Annales, prévient, au nom des professeurs de l’Université de Strasbourg, que « nous ne sommes pas les missionnaires d’un évangile national officiel. » Quand naissent en 1929 les Annales, leur sous-titre, Economies, sociétés, civilisations, a valeur de programme. On privilégie désormais l’histoire économique et sociale, celle des mentalités, celle du temps long. On promeut l’histoire quantitative et les structures sont privilégiées au détriment des événements. L’histoire politique n’apparaît plus que comme une superstructure aléatoire et secondaire qui ne peut rendre compte du jeu des forces profondes qui commande l’évolution des sociétés humaines. Cette vision des choses atteint son apogée avec La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II de Fernand Braudel, publiée en 1949. Le grand public va découvrir cette nouvelle lecture du passé avec le succès médiatique et éditorial remporté au cours des années 1970 par la « nouvelle Histoire », après que la Grammaire des civilisations  de Braudel a fourni la matière d’un manuel de classes terminales au cours de la décennie précédente. La réforme Haby qui affecte l’enseignement secondaire en 1975 vise, dans le domaine de l’histoire, à transmettre, à travers le collège et le lycée ces nouvelles lectures. Le cadre national est largement évacué, de même que le souci d’une chronologie rigoureuse, au profit d’approches « transversales » et « thématiques ». Dans le même temps, les méthodes dites « actives » se substituent au cours « magistral » jugé anachronique, l’élève devant désormais « construire lui-même son savoir » à partir de l’étude de documents. Réduite à la portion congrue et laissée au caprice des instituteurs dans le primaire où elle se limite à des « activités » plus ou moins ludiques faisant table rase de toute continuité, devenue « discipline d’éveil » au collège, l’histoire vise à distraire plutôt qu’à transmettre un savoir solide et cohérent. Les années post-soixante- huitardes et leur pédagogisme envahissant, le triomphe du pacifisme et le soupçon pesant sut toute autorité étatique, enfin l’européisme béat qui s’impose alors contribuent à aggraver encore les choses.

decaux60562.jpgUne première réaction intervient en octobre 1979, avec l’appel lancé par Alain Decaux dans le Figaro-Magazine. Très largement relayé, il rencontre un immense écho et fait largement consensus. Le futur académicien dénonçait l’effondrement des savoirs alors constaté et l’ensemble de la classe politique, bien consciente de l’adhésion que rencontrait son propos, se reconnut dans sa démarche. On vit ainsi Jean-Pierre Chevènement, devenu en 1984 ministre de l’Education nationale, réintroduire vigoureusement à l’école primaire l’enseignement de l’histoire.

Trente ans plus tard, l’incohérence et la faiblesse des programmes officiels, le vide abyssal des manuels et la concurrence que font les « mémoires » à l’histoire sont à l’origine d’un paysage largement dévasté. On privilégie les « mémoires » des minorités jugées opprimées ou victimes. La seconde guerre mondiale est réduite pour beaucoup aux persécutions et aux massacres de masse dont les Juifs ont été les victimes du fait de l’hitlérisme. D’autres mémoires, celle des anciens peuples colonisés, celle des Africains dont les ancêtres ont subi jadis l’esclavage sont ainsi entrées en concurrence victimaire. A l’inverse, la mémoire de la Révolution française, en bien comme en mal, ou le souvenir de la Commune de 1871 semblent avoir disparu des écrans…

L’utopie de la création en cours d’un « citoyen du monde » a remplacé celle de l’avénement rédempteur du prolétariat et comme cette utopie implique « l’intégration » réussie des minorités, il convient de faire une place privilégiée à leurs mémoires. Il faut également donner à l’histoire enseignée la dimension planétaire nécessaire, d’où l’importance inédite accordée à la Chine des Han, à l’Inde des Gupta et aux empires africains du Mali ou du Monomotapa, au détriment des séquences  « classiques » de l’histoire de la France ou de l’Europe. A noter que l’Egypte ancienne fait également les frais de la globalisation jugée nécessaire.

Alors que tendent à s’imposer les repentances post-coloniales et post-esclavagistes (cette dernière oubliant que ce sont les Européens qui ont mis fin à la traite.), le déni de la nation et de la pluralité des civilisations s’impose. Rien de nouveau sous le soleil car l’histoire enseignée est toujours le reflet de l’état du monde du moment et des rapports de force qui le commandent. L’histoire nationale républicaine des hommes de la IIIème République n’était pas d’une parfaite impartialité… La présentation de l’URSS dans les manuels de géographie des années 1960 a aujourd’hui de quoi faire sourire et il en ira sans doute de même bientôt à propos d’autres questions. Le manuel Malet Isaac, tout excellent qu’il fût, transmettait une lecture « républicaine » de l’histoire qui était loin d’être neutre, et la « nouvelle histoire » braudélienne s’inscrivait dans une vision mondialo-américaine propre à l’après seconde guerre mondiale, une histoire privilégiant l’économique au détriment du politique et justifiant la disparition à venir de frontières nationales bientôt anachroniques. Le mondialisme qui constitue aujourd’hui la toile de fond idéologique de notre enseignement correspond à un projet porté par l’Occident américano-libéral, face au monde multipolaire en cours de formation et il n’est guère surprenant que Samuel Huntington et son Choc des civilisations aient subi les foudres de la police de la pensée.

Pierre Chaunu.jpgUn enseignement et une transmission solides de l’histoire demeurent à l’évidence indispensables. Elle est en effet un bouclier contre le mensonge qui demeure l’instrument politique que l’on sait : Chateaubriand l’a superbement résumé : « L’historien paraît, chargé de la vengeance des peuples. C’est en vain que Néron prospère, Tacite est déjà né dans l’Empire. » L’histoire est aussi une irremplaçable école de discernement. Au lendemain de la première guerre mondiale, Jacques Bainville annonçait, dans ses Conséquences politiques de la paix, les drames à venir et, dès 1972, Pierre Chaunu prophétisait, dans sa Peste blanche, la crise démographique. Contre le déterminisme de l’école des Annales, l’histoire est le domaine de l’imprévu et de  l’inattendu, de l’attentat de Sarajevo à la chute de l’URSS et elle remet à leur place bien des déterminismes supposés « scientifiques ». L’Histoire préserve aussi de l’utopie en ce qu’elle retient tous les faits que, dans son Discours sur l’origine de l’inégalité, Jean-Jacques Rousseau écartait d’emblée. La connaissance du passé entretient aussi la vertu d’admiration propre à la reconnaissance de modèles et l’œuvre de Plutarque fut, de ce point de vue l’école des élites européennes des XVIIème et XVIIIème siècles. L’histoire est aussi la critique du présent et permet d’échapper à l’aveuglement que s’efforcent d’établir les diverses propagandes partisanes. Elle a forgé, au rythme des épreuves endurées et du souvenir des grandes choses accomplies ensemble, le caractère particulier de chaque nation , fondé ainsi la philia qui lie entre eux les membres de la Cité. La connaissance de l’histoire prépare enfin aux épreuves et fournit aux peuples les capacités de résilience nécessaires. Elle indique la voie des redressements, ceux que connut la France au XVème siècle avec l’épopée johannique et ses suites, avec Henri IV qui rétablit la concorde civile après trente ans de guerres religieuses, en 1944 et en 1958 après l’effondrement accablant de 1940 et la décomposition de la IVème République. Au delà de l’homo consumans et de l’homo festivus si bien décrit par le regretté Philippe Murray, l’histoire nous apprend enfin ce que nous sommes, les héritiers d’un passé fait d’épreuves et de grandeurs et les porteurs, dans le temps, d’un avenir que nous devons souhaiter à la hauteur de ce qui nous a précédés.

Il faut pour cela déjouer les manipulations qui ont cours aujourd’hui, un travail auquel s’est attelé avec bonheur Jean Sevillia qui a stigmatisé « l’historiquement correct ». Celui-ci correspond aux strates idéologiques successivement dominantes. Celles-ci peuvent donner aux événements des interprétations novatrices mais, en se prétendant exclusives, elles en arrivent à une déliquescence fatale, il en fut ainsi de la lecture de la Révolution française, entre les interprétations de l’historiographie marxiste chère à Albert Soboul et à ses épigones et le renouvellement opéré par un François Furet. La manipulation s’appuie aussi sur l’anachronisme qui consiste à juger d’un épisode du passé en fonction d’une grille d’interprétation qui nous est étroitement contemporaine. L‘histoire de l’expansion coloniale ou de l’esclavage, quand elle se veulent porteuses de jugements moraux, tombent dans cette ornière. Le manichéisme élémentaire qui prévaut dans la sphère journalistique quand il s’agit de traiter des années quarante – « les plus sombres de notre histoire » selon l’incantation convenue – constitue un autre moyen d’utiliser le passé à des fins qui n’ont rien de scientifique. L’amnésie sélective ou la contestation de certains événements jugés aujourd’hui gênants – de la bataille de Poitiers gagnée par Charles Martel au baptême de Clovis fondant les « racines chrétiennes » de la France – font également partie de l’arsenal des falsificateurs. A l’inverse c’est une hypermnésie qui cherche à s’imposer à propos des crimes des régimes totalitaires du XXème siècle ou d’épisodes tels que celui des mutineries de 1917 ou de la torture durant la guerre d’ Algérie. La police de la pensée veille et verrouille. Olivier Pétré-Grenouilleau en a fait l’amère expérience quand la horde des indignés conduits par Christine Taubira a prétendu lancer contre lui l’accusation d’apologie de crimes contre l’humanité parce qu’il avait simplement rappelé que la traite musulmane et l’esclavage interne au monde africain avaient été plus importants en durée et en nombre de victimes que la traite atlantique organisée pendant trois siècles par les Européens qui y mirent eux-mêmes un terme. Sylvain Gouguenheim fut lui même ostracisé pour avoir montré, dans son Aristote au Mont Saint Michel, que l’Europe médiévale n’avait pas attendu les traductions des auteurs arabes pour redécouvrir le Stagirite…

Le terrain est, on le voit, bien miné mais la résistance est en marche. L’enseignement de l’histoire est aujourd’hui, sauf en de trop rares exceptions, un champ de ruines mais la demande sociale a rarement été aussi forte. L’extraordinaire sursaut mémoriel observé à propos du centenaire de la première guerre mondiale est là pour le prouver. En d’autres domaines, l’histoire militaire, celle du Moyen Age, l’archéologie, la généalogie,   l’histoire napoléonienne, l’intérêt pour les reconstitutions et le quotidien de nos ancêtres, celui, grandissant, porté au patrimoine sous toutes ses formes, le succès d’émissions télévisées avancées aux heures de grande écoute, le maintien d’une production historique satisfaisante sur le plan éditorial, dans un secteur par ailleurs sinistré, sont autant de signes encourageants. Le succès des commémorations, en 1987 de l’avènement capétien, en 1989 de la Révolution (dans ce cas, pas forcément dans le sens espéré par ses promoteurs). en 1993 pour le bicentenaire de l’insurrection vendéenne confirment cette tendance lourde et doit nous encourager à écarter tout catastrophisme excessif. Une part importante de la société civile a en effet pris conscience, au niveau des familles, des désastres en cours depuis plusieurs décennies et la réaction est là. Elle profite aussi du retour identitaire très fort qui s’oppose partout aux effets catastrophiques du projet mondialiste, notamment sur le plan culturel. Contre le « village global » unifié par la technique et par le sabir angloïde, contre la pseudo-Europe de Bruxelles qui s’accommode très bien d’être privée d’histoire, notamment de ses racines chrétiennes (il ne faut pas décourager les masses de futurs immigrants en attente de l’autre côté de la Méditerranée), le combat engagé est une lutte de longue haleine qui doit mobiliser les esprits et les énergies, dans les salles de classe où officient encore d’authentiques professeurs, dans les familles demeurées attachées à la transmission du savoir et de la culture, dans les associations… Des exemples récents nous montrent que ce combat est porteur d’avenir. Libérée de soixante-dix ans d’un régime communiste censé « faire table rase du passé », la Russie a retrouvé tous ses fondamentaux historiques et culturels, une condition nécessaire à la reconstitution de sa puissance. Plus près de nous, le peuple suisse sanctionne régulièrement dans les urnes le « politiquement correct » que tente de lui imposer l’oligarchie transnationale et il en va de même du peuple hongrois, bien décidé à ignorer les diktats de Bruxelles ou de Berlin et les leçons de morale qui lui sont prodiguées.

Il ne tient qu’aux Français de se retrouver, au delà de clivages devenus obsolètes, dans la reconquête de leur identité devenue incertaine.

Philippe Conrad

00:05 Publié dans Actualité, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe conrad, histoire, mémoire, identité | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 28 mai 2016

Pour un État Européen

dusssdefault.jpg

Pour un État Européen

Interview de Gérard Dussouy

Ex: http://lesocle.hautetfort.com

A l’occasion de la sortie prochaine d’une critique positive de Contre l’Europe de Bruxelles, Fonder un État européen, nous avons interviewé son auteur le professeur Gérard Dussouy. Partisan d’un État européen supranational, Gérard Dussouy revient pour le SOCLE sur les raisons qui le poussent à appeler au dépassement de l’État-nation tel que nous le connaissons aujourd’hui. C’est également l’occasion pour lui de nous livrer son analyse de l’actualité géopolitique (TAFTA, crise ukrainienne) et de rappeler, comme Dominique Venner qui a réalisé la préface de son ouvrage, que le destin des Européens se joue ici et maintenant.

Le SOCLE: Quels sont selon vous les points fondamentaux rendant l’émergence d’un État européen absolument nécessaire pour assurer la pérennité de l’Europe et des Européens ?

Gérard Dussouy: La mondialisation coïncide avec la fin du cycle des États-nations européens qui avait commencé avec les traités de Westphalie de 1648. La victoire des États-Unis, en 1945, avait déjà sonné l’heure des États-continent, et elle indiquait que l’Histoire ne s’écrirait plus, désormais, en Europe. Depuis lors, le déclassement géopolitique des États européens est démontré à l’occasion de chaque crise internationale.

Dans le nouveau monde, recentré sur le Pacifique, c’est-à-dire sur le face à face sino-américain, et qui est un monde régenté par les grandes compagnies financières et industrielles, les gouvernements européens n’ont plus aucune prise sur les réalités. Quand ils ne sont pas résignés ou consentants, ils sont désarmés. Ils sont débordés par les flux de toutes natures qui accompagnent la mondialisation. Les plus importants étant les flux migratoires parce qu’ils annoncent des déplacements massifs de population, à cause des déséquilibres démographiques et des effets du changement climatique.

Il est donc fondamental, vital, que les Européens changent d’échelle politique, en même temps que leur vision du monde, pour répondre aux exigences de la nouvelle donne mondiale. Il est impératif qu’ils se rassemblent et se donnent un pouvoir politique commun, et unique, afin que celui-ci puisse arrêter des stratégies qui soient efficaces, parce que disposant de vraies ressources, susceptibles de relever tous les défis.

Toute la démarche européiste peut finalement se justifier par la notion de souveraineté et de son intrication avec celle de puissance. Que répondre à ceux qui présentent le Japon et la Corée comme des pays souverains sans pour autant être des États-continents comme le sont la Chine, les États-Unis, la Russie ?

Le Japon et la Corée sont présentés comme des États souverains parce que ce sont des puissances économiques respectables. Mais ils le sont au même titre que l’Allemagne, c’est-à-dire qu’ils ne disposent que d’une souveraineté limitée (comme le disait Brejnev en son temps, quand il parlait de celle des pays satellites de l’Urss). Une souveraineté limitée au seul champ économique, et encore à la condition de ne pas menacer la domination du dollar, ou de contester l’ordre établi.

Quand, à la fin du 20ème siècle, le yen fut trop menaçant, il en coûta une grosse récession au Japon. Aujourd’hui, celui-ci est « coincé », diplomatiquement, entre les États-Unis et la Chine, et sa « marge de souveraineté » est bien étroite. Il est obligé de choisir entre l’un des deux.

yen.jpg

La constitution d’un État européen serait l’occasion de pouvoir faire du protectionnisme à une échelle efficiente. Difficile en effet pour une nation européenne de supporter les mesures de rétorsions des géants économiques (États comme multinationales) auxquels elle s’attaquerait. Aux regards de la réalité économico-industrielle de notre continent, quelle devraient être selon vous les axes majeurs de cette politique protectionniste ?

Le protectionnisme, comme le libre-échange d’ailleurs, n’est pas affaire de principe. La vraie question est celle de la position structurelle d’une économie dans le système économique mondial. Quand une économie est dominante, quand elle dispose d’une avance technique, comme ce fut le cas de l’Angleterre, puis des États-Unis et dans une certaine mesure de l’Allemagne, les règles internationales importent assez peu, bien que l’expérience montre que le libre-échange lui est plutôt favorable. Si toutes les économies européennes étaient au même seuil d’efficacité et de profitabilité que l’industrie allemande (différentes branches de cette industrie ont pu se permettre, ces jours-ci, alors que la rigueur règne partout ailleurs en Europe, d’accorder une hausse des salaires de 4,5% sur 21 mois !), elles ne connaitraient pas les problèmes qu’elles ont à cause de la concurrence internationale.

L’enjeu pour les Européens est donc moins de choisir entre le protectionnisme et le libre-échange, que de renforcer et d’harmoniser leurs productions économiques, et de retrouver l’avance technologique qui fût la leur, grâce à la concentration des efforts sur la recherche. Néanmoins, le multilatéralisme libre-échangiste ne saurait être l’alpha et l’oméga du système économique mondial. Il est réfutable de plusieurs points de vue. Quand il s’agit de protéger des activités manufacturières, et même de provoquer leur retour, contre la concurrence infondée, en raison des différences des niveaux de développement, des pays à bas salaires. Quant il convient de faire respecter des normes sanitaires, alimentaires, et autres qui garantissent la santé des populations. Quand il s’agit encore de défendre des spécificités patrimoniales ou culturelles. Enfin, la maîtrise du devenir et l’autonomie de la décision en économie impliquent la levée, et à fortiori l’évitement, des dépendances lourdes en matière d’énergie, de financement, et parfois de technologie. D’où l’importance du partenariat (ou de l’intégration) de la Russie, d’une place financière européenne de niveau mondial, et de grands pôles de recherche intégrés.

Vous insistez d’ailleurs sur la nécessaire restauration de la puissance publique face aux multinationales. Comment un État européen s’y prendrait-il pour permettre cette réaffirmation du rôle pivot de l’État ?

Il faut comprendre que la création de l’État européen ne saurait être idéologiquement neutre, c’est-à-dire sans effet sur la conception même des relations internationales. En soi, par les perspectives qu’elle ouvrirait et par l’assurance qu’elle donnerait, sa puissance est un facteur décisif du changement systémique, du changement dans toutes ses dimensions.

Or, si l’État européen est une nécessité géopolitique et diplomatique, imposée par les jeux de la puissance à l’échelle planétaire, il est aussi l’instrument qui doit permettre aux Européens d’exercer leur choix de société, de préserver leurs façons de vivre, contre l’hégémonisme sociétal, américain aujourd’hui, asiatique ou tout autre demain.

La restauration de la puissance publique est nécessaire si l’on ne veut pas que l’espace économique européen continue à être le « terrain vague » des financiers et des grandes compagnies. Impossible à l’échelle des États actuels, cette restauration est à la portée d’un État qui pourrait, par exemple, interdire un marché de plus de 500 millions de consommateurs aux sociétés qui ne respecteraient pas les normes qu’il édicterait. Depuis toujours, il faut le rappeler, les entreprises qui ont voulu accéder au grand marché américain ont du en passer par là.

L’encadrement du libéralisme n’implique pas un retour à une forme quelconque de socialisme, mais relève des prérogatives d’une puissance publique dont l’une des missions est la régulation de la vie sociale et économique et de veiller au maintien d’une relative cohésion sociale. Une autre est de combattre la corruption qui est un fléau quasi structurel des économies modernes. Cela suppose une fonction publique irréprochable.

Dans votre ouvrage « Contre l’Europe de Bruxelles, Fonder un État europée »n vous appelez à terme à l’union de l’Europe et de la Russie. Plaidez-vous pour un État euro-sibérien ou cette union prendrait à vos yeux une autre forme ?

Dans l’idéal, je suis partisan d’un État Euro-sibérien, ou, pour éviter les confusions, européen tout court. La frontière ouralienne, celle qui séparerait l’Europe de l’Asie, est parfaitement artificielle, et la Sibérie est russe depuis le 17ème siècle. Ensuite, la « partie utile » de la Russie est à l’ouest, et la dissymétrie de l’espace russo-sibérien pose un grave problème géopolitique. Il n’est susceptible d’être réduit qu’à la suite d’investissements et d’implantations d’Européens. Le gouvernement actuel, pourtant peu suspect de brader les intérêts du pays, est contraint à faire des concessions aux Chinois, compromettantes pour l’avenir, pour palier au vide humain de la Sibérie. Néanmoins, il faut tenir compte des réalités économiques, politiques, et culturelles, et l’intégration de la Russie pourrait être graduelle, passer par les différents stades d’un partenariat privilégié.

Legion-etrangere-c-est-quoi.jpg

Que pensez-vous de l’idée d’utiliser la Légion Étrangère comme embryon d’une future armée européenne ? De par son excellence et sa capacité à former des soldats issus de cultures et de langues différentes, n’est-elle pas tout indiquée pour cela ?

C’est une idée que je partage pleinement, et que j’avais d’ailleurs évoquée dans mon premier livre (Quelle géopolitique au 21ème siècle ?). Je n’y suis pas revenu dans celui sur l’État européen, parce que je n’ai pas voulu m’engager dans la lourde analyse prospective des institutions. Mais, je la crois très pertinente à une époque où les armées sont avant tout des armées de métier, et qu’il faudra, compte tenu des structures démographiques vieillissantes, recruter dans toute l’Europe pour disposer de troupes suffisantes. En outre, la création d’une Légion (désormais européenne) pourrait coexister quelques temps avec des contingents nationaux.

L’autre avantage, à mon sens primordial, de cette Légion Européenne est qu’elle servirait de « laboratoire » à l’usage d’une langue commune, parce qu’il est évident qu’au sein d’une armée, le commandement ne peut se faire que dans un seul langage.

Vous évoquez dans votre ouvrage (paru en 2013) les taux directeurs quasi-nuls des banques centrales. Or, nous en sommes aujourd’hui à des taux d’intérêts négatifs. Quelles seront selon vous les conséquences à long et moyen-terme de cette stratégie ?

Les taux d’intérêt négatifs, ou quasi nuls, sont la marque d’une fuite en avant des économies occidentales qui, en émettant des quantités inconsidérées de monnaie (la FED d’abord, la BCE ensuite), entendent stimuler l’investissement et plus encore maintenir la consommation en favorisant l’emprunt, et par conséquent l’endettement. En même temps, cette politique de l’argent facile est un moyen pour les institutions financières, auprès desquelles les banques centrales se financent elles-mêmes, de les « fidéliser » dans la perspective d’une remontée des taux qui engendrerait alors de grands bénéfices. Dans les deux cas, le pari repose sur le retour d’une croissance suffisamment forte pour que les débiteurs puissent faire face à leurs obligations et pour que les taux remontent en raison d’une réduction des masses monétaires qui suivrait une reprise et les nouveaux besoins financiers qu’elle présuppose.

Il est difficile de se prononcer sur ce pari. La vie économique n’est pas aussi rationnelle qu’on le croit souvent. Les élections présidentielles américaines sont une inconnue de taille qui pourrait avoir ses effets inattendus et brusques. Cependant, la tendance lourde chez les économistes prévisionnistes table plutôt sur une stagnation longue de la croissance mondiale. Que-va-t-il alors advenir des dettes cumulées des uns et des autres ? Des affrontements monétaires ne sont pas, non plus, à écarter, compte tenu des réserves d’or effectuées par la Chine, la Russie, et les États-Unis eux-mêmes. Une seule chose est certaine : les gouvernements européens ne se sont pas donné les moyens de faire face aux fluctuations de l’économie mondiale.

De nombreux dirigeants (Obama et Merkel en tête) souhaitent voir aboutir les négociations relatives au TAFTA dans les prochains mois. Comment analysez-vous ce traité et les conditions dans lesquelles il est négocié ? Quels seront les conséquences pour l’Europe ?

Le monde actuel n’est pas, contrairement à ce que propage la vulgate journalistique en matière de relations internationales, un monde multipolaire, et encore moins équipolaire. La Russie n’est, et ne restera, qu’une puissance régionale, le Brésil est perclus par ses luttes oligarchiques internes, et l’Inde est loin d’avoir atteint son firmament géopolitique.

Le monde est donc entré dans une transition hégémonique, dans laquelle les USA font tout pour conserver leur posture face à l’ascension irrésistible de la Chine, candidate à l’empire mondial. Pour cela, il leur faut resserrer autour d’eux, et contrôler au mieux, l’Occident. Les traités de libre-échange qu’ils s’évertuent à faire signer ont cet objectif de rendre leurs « alliés » les plus dépendants possible sur les plans commerciaux et sociétaux (on peut à juste titre parler d’hégémonisme sociétal) en leur imposant leurs normes de vie. A l’occasion, les « partenaires » européens serviront d’exutoire à toute la production bas de gamme américaine, en particulier dans le domaine agro-alimentaire.

Une prise de conscience de cette stratégie maléfique semble se faire jour en Europe, et, de fait, les négociations sur le TAFTA piétinent. Mais, comme toujours, l’absence d’une véritable opinion européenne et de forces partisanes paneuropéennes organisées limite l’impact de l’opposition. On peut néanmoins espérer que les problèmes qui assaillent les gouvernements européens, le désarroi qui les gagne, et éventuellement, une crise britannique à la suite du Brexit, effectif ou encore une fois négocié en fausse sortie, éviteront aux Européens de passer un peu plus encore sous la coupe du capitalisme anglo-américain.

tafta-non-600x435.jpg

La crise migratoire à laquelle l’Europe est aujourd’hui confrontée n’est qu’un « avant-goût » de ce qui nous attend et ce, pour des raisons démographiques évidentes que vous développez dans votre livre. Comment voyez-vous son évolution à court et moyen-terme ? Quelle réponse l’Europe devrait apporter à cette crise ?

Si l’on considère les déséquilibres démographiques régionaux (spécialement celui qui court le long de la ligne qui va depuis la Méditerranée occidentale jusqu’à l’Asie centrale) qui s’aggravent au fil du temps, il est évident que la crise migratoire qui affecte l’Europe ne fait que commencer. Comme le développement ne sera pas au rendez-vous dans de vastes espaces de l’Afrique, du Moyen-Orient et de l’Asie occidentale, et que leurs populations seront largement affectées par le changement climatique, la situation va devenir incontrôlable. Dans les prochaines décennies, l’Europe pourrait connaître des événements qui ne seront pas sans rappeler ceux qu’elle a connus lors des grandes invasions, à la fin des empires romain et carolingien. Mais il est possible aussi que, moins brutalement, sa partie ouest passe dans la sphère d’influence musulmane, à la suite des transferts de population qui y modifient peu à peu les rapports inter communautaires et consécutivement aux nouveaux rapports de dépendance financière établis avec les pays pétroliers.

Dès lors, il est impératif que les flux migratoires vers l’Europe soient interrompus, et que celle-ci organise, en priorité, la défense et l’imperméabilité de son flanc sud. D’ores et déjà, des troupes européennes auraient du être déployées à la frontière avec la Turquie, et un barrage naval hermétique installé en Méditerranée.

armee-ukrainienne-ukraine-russie_5007931.jpg

Quelle est votre position sur la « question ukrainienne » ?

La « question ukrainienne » que j’aborde dans la version italienne de mon livre, parue cette année, est une « querelle d’Européens » comme il ne devrait plus en exister. Et que je ne souhaite pas voir se multiplier avec la montée des populismes nationalistes. Elle me rappelle trop la guerre serbo-croate pour Vukovar. C’est le genre de conflit qui ne profite à personne, sauf aux États-Unis, puisqu’il leur a permis d’ouvrir un fossé entre l’Union européenne et la Russie. Résultats : l’Ukraine est dans la crise et le chaos ; la Russie a récupéré, à juste titre, la Crimée, mais souffre des sanctions économiques prises par les Européens qui se pénalisent eux-mêmes en limitant leur commerce avec elle. Il faut en sortir au plus vite en revenant à ce qui aurait du être fait depuis le début. A savoir : aménager l’adhésion de l’Ukraine à l’UE, mais surtout pas à l’Otan, tout en négociant un grand partenariat avec la Russie, en parallèle. Et, le rattachement de la Crimée à la Russie étant entériné, régler la question de la minorité russe du Donbass, soit en faisant de l’Ukraine une fédération, soit en rectifiant la frontière russo-ukrainienne. Mais, tout cela n’est envisageable qu’en rompant avec la logique de la Guerre-froide, entretenue par les États-Unis, en même temps qu’avec celle des nationalismes, dans une perspective de sécurité et de prospérité paneuropéenne.

Comment analysez-vous le cas islandais ?

Avec une réelle admiration par rapport au redressement opéré et à la pratique de la démocratie qui, dans ce pays, n’est pas un vain mot. Il est vrai qu’il s’agit d’une « cité », parfaitement homogène et responsable d’elle-même, et dotée de ressources non négligeables. Il n’est pas sûr que la modèle soit transposable, et à plus grande échelle. Néanmoins, il n’est pas impossible de s’en rapprocher grâce au fédéralisme et à la promotion de la démocratie locale et créative.

Comment évaluez-vous le rôle de la France en Europe aujourd’hui ? Pourra-t-elle un jour surmonter son attachement à la notion d’État-nation et retrouver son rôle de moteur de l’Europe ?

La France d’aujourd’hui est un pays affaibli, voir un pays faible, qui aura beaucoup de mal à retrouver un rôle moteur, et cela même dans une Europe qui se limiterait à n’être qu’un « concert de nations ». Elle n’a pas réussi à se débarrasser de tous ses archaïsmes politiques et administratifs qui pénalisent son économie et, trop souvent, l’empêchent de tirer avantage de ses innovations. Ses partis politiques, sauf peut-être les écologistes (mais qu’est-ce-que cela signifie ?) sont des partis jacobins qui ne peuvent pas comprendre que la pérennisation de la nation française passe par son inclusion dans un État suffisamment puissant pour la protéger, elle et toutes les autres nations européennes. Un État multinational auquel la France pourrait apporter tout son savoir faire, puisqu’elle est à l’origine de l’État moderne.

Voyez-vous aujourd’hui en France et en Europe des initiatives politiques et citoyennes européistes prometteuses ?

Il faut être réaliste, c’est non quand on considère ce qui existe en politique. Les partis de gouvernement sont taraudés par le contexte électoral national et le carriérisme. Quant aux mouvements dits populistes, ils sont dans la protestation systématique, et dans la nostalgie, nationale pour ceux de droite, révolutionnariste et messianique, pour ceux de gauche. Leurs réponses sont complètement inadaptées aux réalités du 21ème siècle.

Le discours européiste n’est tenu que par un petit nombre de personnalités qui ont de grandes difficultés à le faire entendre, mais qui ont pris des initiatives. Il faut être conscient qu’il est pénalisé par sa rationalité face à un débat politique primaire, immédiat, qui n’est qu’un échange de slogans et qui se moque des concepts et des modèles susceptibles de structurer une vraie réflexion politique.

Toutefois, la nécessité fait loi, comme on dit. Des choses se mettent peu à peu en place, et des thématiques européistes émergent, telles que la dénonciation du retournement des valeurs occidentales contre les intérêts des Européens, ou comme le besoin de mettre sur pied des fronts communs européens, susceptibles de se transformer en fondations, face à différents défis, notamment celui du monde musulman. Plus le contexte deviendra tendu, plus l’écoute sera grande, même si le premier réflexe aura été la tentation du sauve qui peut et de la dispersion. Il suffirait qu’un homme de pouvoir prenne à son compte le discours européiste pour que le processus s’accélère.

dominique-venner_2498359.jpg

Dominique Venner a réalisé la préface de votre ouvrage. Quels étaient vos vues communes sur l’Europe ? Quel regard portez-vous sur le dernier geste de l’historien. A-t-il éveillé en vous un plus fort désir d’engagement comme ce fut le cas pour Aymeric Chauprade ?

Pour dire la vérité, bien que je n’aie jamais douté de la foi européenne de D.V., affirmée depuis l’existence de la revue « Europe-Action », j’ai été surpris par la force de son adhésion à ma thèse de l’État européen, telle qu’il l’a si élogieusement exprimée dans sa préface à mon livre.

Je ne le pensais pas, conceptuellement parlant, aussi proche de moi. Au point qu’il fasse siennes toutes les conséquences que je tire de la situation de l’Europe, et qu’il adhère au moyen (l’État européen) de la surmonter, que je préconise. Pour cette raison, mais c’est personnel et peut-être égoïste, j’ai tendance à regretter son geste, parce que nous aurions pu, ensemble, réfléchir à tout cela.

Quant à la portée générale de son sacrifice, admirable en soi, j’espère qu’il ne sera pas inutile et qu’il aura réveillé des esprits, parce ce que je crains que dans la société d’aujourd’hui, médiatisée à outrance comme elle l’est et faite d’un mélange de voyeurisme et d’indifférence, il n’ait pas été apprécié à sa juste valeur par tout le monde.

La convergence des catastrophes à venir provoquera, tout du moins l’espérez-vous, une prise de conscience généralisée chez les Européens. Cette sortie de « dormition », pour reprendre un terme cher à Dominique Venner, passera également par un grand ressourcement (que ce soit en amont ou en aval de ce réveil). Quels sont selon vous les sources auxquelles les Européens devront s’abreuver pour refaire à nouveau fleurir leur identité ? Que pensez-vous d’initiatives comme celles de l’Institut ILIADE, dont le but est de permettre ce grand ressourcement et qui a récemment organisé un colloque sur le thème de l’identité européenne et de la menace migratoire ?

Ma crainte, mais j’espère me tromper, est que le concept de « dormition » de D.V. soit trop optimiste, dans la mesure où il laisse supposer un réveil après un endormissement passager. Je redoute, en effet, que les Européens soient résignés à leur déclin et à leur effacement, et qu’ils aient admis que leur temps est révolu. Et qu’ils se soient eux-mêmes convaincus qu’il était normal et logique (ils ont tellement à se faire pardonner !) qu’ils se dissolvent dans une Humanité enfin réunie !

Face à cette parousie mortelle, résultat d’un endoctrinement religieux ou idéologique inhérent à la métaphysique occidentale, il est difficile de lutter sur le plan intellectuel et moral. Je crains qu’Il ne reste guère qu’à compter sur la matérialité des faits historiques qui seuls peuvent provoquer un réveil, un dégrisement, en soumettant les Européens à des épreuves dont ils ont perdu la mémoire ou dont ils ne peuvent imaginer le retour, à cause de leurs a-priori sur le sens de l’histoire, sur la force des valeurs (les leurs, bien entendu), etc. En effet, on a compris, depuis Hobbes, que la peur est le sentiment humain le plus propice à la mobilisation politique, et grâce à Machiavel, on sait aussi que c’est dans les périodes les plus troublées que les hommes de caractère sont écoutés.

Un renouveau reste possible, mais il ne peut se concevoir sans un très fort mental, sans l’entretien de la longue mémoire en relation avec le culte des ancêtres auxquels nous devons notre civilisation. Cette mémoire est le poteau indicateur de notre avenir, parce qu’elle nous rappelle que ce sont les hommes, en particulier les Européens qui ont tout inventé, qui font le monde. Et personne d’autre. Dans cette perspective, ce que l’ILIADE a entrepris est essentiel. Mais, il y a lieu d’intensifier le lien passé-présent en inférant de ce que nous avons en mémoire un projet d’ensemble européen, cohérent et actualisé, qui permette de sauver l’avenir.

Source

"Eloge du populisme" de Vincent Coussedière

vcoussefault.jpg

"Eloge du populisme" de Vincent Coussedière

Dr Bernard Plouvier,

Auteur, essayiste

Ex: http://metamag.fr

L’auteur est un philosophe qui vient de passer le cap de la cinquantaine et récidive en 2016 avec un second livre sur le sujet (Le retour du peuple. An 1, paru au Cerf).

elogedupopulisme.jpgDeux remarques préliminaires paraissent nécessaires au lecteur qui veut aborder la prose, de style parfait, dégagé de toute fioriture académique, de l’auteur… qui est l’un des rares penseurs politiques français du moment à être intéressant et original.

Qu’est-ce que l’élite d’un peuple ? Si l’on préfère formuler autrement la question : un élu, fût-il appelé à de très hautes fonctions, est-il obligatoirement doté du courage et du caractère, voire simplement de l’intelligence indispensables au gouvernant ? La notion « d’élite politique » est, en soi, risible. Jamais la politique ne devrait être une profession, mais une fonction temporairement exercée par un individu ayant fait preuve d’une remarquable efficacité dans son activité professionnelle. La politique n’est pas un métier : ce devrait être l’un des fondements de la mentalité populiste.

Qui gouverne en Occident depuis le début des années 1980 ? Et de façon opposée, quel type d’homme gouverne en Russie et en Chine débarrassées de l’immondice communiste (ou marxiste, au gré de chacun… encore qu’il existe des clowns pour prétendre que la pure doctrine de  Karl Marx n’ait jamais été appliquée, ce qui est entièrement faux : elle l’a été en Russie, de 1919 à 1921, et ‘’Lénine’’ a eu recours à la Nouvelle Économie Politique pour éviter l’implosion de l’URSS) ?

Après avoir répondu à ces deux questions, le lecteur peut aborder le premier livre de l’auteur qui s’intéresse au vide politique (et à celui non moins profond du discours politique) dans la France, des années Mitterrand à nos tristes jours. M. Coussedière a parfaitement compris que c’est Mitterrand qui a sciemment lancé la Nation française dans l’économie globale et la mondialisation politique, raciale et pseudo-culturelle (alors qu’à l’époque, Helmut Schmidt hésitait à y lancer l’Allemagne de l’Ouest, comme le prouve la prose de Jacques Attali, cf. Verbatim-I).

Le monde occidental actuel est celui du consumérisme, de l’hédonisme, de la niaiserie : le triomphe de l’individualisme et du très court terme. Ce n’est nullement de façon innocente que les maîtres encouragent la multiplication des langues exotiques dans les pays où ils contraignent les autochtones à se laisser envahir, ainsi que la déstructuration des langues à diffusion quasi-universelle : l’anglais devient le basic english, voire l’immonde bafouillage des blogs débiles du Net.

La définition du populisme par l’auteur est parfaitement exacte : c’est la réaction d’un peuple qui se sent trahi ou abandonné par la caste dirigeante, inepte, inapte et/ou corrompue. C’est une aspiration à renouveler le fonctionnement du couple Nation-État… « une errance », tant que le peuple n’a pas trouvé son chef ou lorsqu’il se laisse prendre aux rets d’un oiseleur, tel le démagogue Sarkozy – exemple pris par l’auteur.

La démagogie n’a jamais été que l’art de faire croire à un peuple qu’il pouvait obtenir (presque) tout, sans effort notable. Seuls les plus modernes des populistes ont soutenu le contraire, exigeant énormément d’efforts pour surmonter une énorme détresse morale, ce qui est bien plus grave qu’une crise économique : tels Mustafa Kemal ‘’Atatürk’’, le Mussolini des années 1920, ou Raoul Perón. De nos jours, partout en Occident, les autochtones ressentent une angoisse de ce type, associant désillusions et déréliction, sensation de péril imminent et surtout la tristesse spécifique de la fin d’une ère historique.

À dire vrai, Sarkozy avait de bonnes idées, mais il n’a jamais osé les appliquer, pour l’excellente raison que, parvenu à l’Élysée, il a dû jouer son rôle de pion, de sous-ordre des titulaires actuels du Pouvoir dans les États de style de vie occidental : les maîtres du jeu économique. Les « gouvernants sont devenus des administrateurs » (les guillemets indiquent des citations de l’œuvre)… plus exactement des gérants de la globalo-mondialisation, pratiquant, à l’instar de leurs spéculateurs de maîtres, la technique du pilotage sans visibilité.

Une critique que l’on pourrait faire à l’auteur est de n’avoir pas donné sa définition personnelle du mot Nation et de s’être contenté de celles d’autrui. Or, le problème sémantique devient un choix crucial de nos jours, aussi bien en Amérique du Nord qu’en Europe occidentale et danubienne : faut-il ou non faire intervenir la notion d’origine raciale dans l’acception du mot Nation… pour certains, l’étymologie le commande, comme le simple bon sens.

Si un peuple – soit un groupe de citoyens enregistrés par l’état-civil – n’a pas d’identité propre et s’avère composite par les religions (suprême facteur de désunion), les usages (par exemple culinaires), voire la langue (combien d’immigrés ne font pas l’effort d’apprendre la langue du pays où ils viennent résider ?), la Nation est définie par des origines continentales et une histoire communes, des lois et des usages communs, soit des valeurs identitaires. L’auteur a raison : le populisme n’est pas obligatoirement corrélé au nationalisme.

Le populisme est la volonté d’un peuple d’être « gouverné selon son intérêt ». C’est le besoin de voir correctement géré le Bien commun (cher à Platon, Aristote, Hobbes etc.), c’est la nécessité de créer les meilleures conditions pour la génération à venir, en se souvenant que les prévisions d’expert à long terme s’avèrent constamment fausses.

Le populisme, c’est l’espoir pour un peuple de renaître, de recommencer une vie commune sur de nouvelles fondations. Le populisme, ce n’est nullement l’utopie égalitaire (c’est, au contraire, le Leitmotiv des propagandes démagogiques). Le populisme, c’est se vouer à une grande aventure collective, à la fois politique, économique, sociale et culturelle… soit l’inverse de l’actuel individualisme stéréotypé, de l’individu standardisé.

Car le grand art de nos maîtres est de faire réagir de façon similaire l’Européen et le Nord-Américain, l’Africain ou l’Asiatique évolués. Léon XIII l’avait prévu, dès la fin des années 1890, comme divers sociologues, tels Gabriel Tarde cher à l’auteur ou l’inusable Gustave Le Bon.

C’est en cela que la mondialisation sous-culturelle et politique réalise le pire des totalitarismes : on impose une pensée unique, sans violence excessive, par le seul effet de la répétition ad nauseam d’une propagande niaise et optimiste, chez des êtres gavés de jouissances matérielles et de petits bonheurs. Hannah Arendt n’a donné qu’une définition très partielle du phénomène totalitaire, pour s’être limitée aux seuls cas marxiste et nazi. Le totalitarisme est le fait de prendre l’être humain dans sa globalité : travail, vie de relation et surtout croyances et pensée, le tout pour uniformiser l’expression de l’opinion publique. La violence n’est nullement nécessaire : au Moyen Âge, l’espoir du paradis et la peur des infernales souffrances éternelles suffisaient à imposer une croyance commune aux Européens.

On peut ne pas être d’accord avec l’auteur dans sa longue digression sur le gauchisme des années 1968 sq. – l’auteur était trop jeune pour avoir vécu cette époque de profonde hypocrisie et d’énorme malhonnêteté intellectuelle. Les ex-gauchistes de 1968 sq. se sont parfaitement intégrés au consumérisme mondialiste (l’exemple de Cohn-Bendit est particulièrement démonstratif). Le populisme n’a rien à voir avec ces fumistes.

De même, il est faux de considérer que la vichyssoise « révolution nationale livrait le pays à l’occupation allemande » : c’était un essai de technocratie, elle-même réactionnelle aux excès opposés d’une finance trop attirée par la spéculation boursière et monétaire et de la surenchère démagogique du Front populaire (dont les réformes furent à la fois très incomplètes et abominablement coûteuses). La société des années 1950 sq. – qui a fait le lit de la Ve République gaullienne, morte en 1969 – est directement issue des réformes proposées par le brain-trust qui entourait le maréchal Pétain puis l’amiral Darlan.

Mais on ne peut qu’abonder dans le sens de l’ultime comparaison de l’auteur : être populiste en nos jours de toute puissance de la globalo-mondialisation, c’est faire acte de Résistance, comme certains l’ont fait, avec panache, dès 1940.  Finalement, ne pourrait-on pas imaginer que toute la question se résume à une simple équation : Populisme = Démocratie véritable… soit le gouvernement POUR le peuple et non plus le gouvernement pour défendre les privilèges de la caste politicienne ?

Ce très bon ouvrage n’est pas un livre d’historien : il ne faut pas y chercher une référence aux populismes antiques (Pisistrate, les Gracques ou Jules César), médiévaux, modernes ou contemporains. C’est l’œuvre d’un penseur, à la fois philosophe et sociologue, qui – heureuse surprise – n’est ni un raseur, ni un fumiste. C’est une œuvre utile, car – chose exceptionnelle – elle fait réfléchir le lecteur, qu’il soit ou non en phase avec telle ou telle option de l’auteur. La clarté d’expression sert une pensée originale et honnête sur un sujet brûlant d’actualité, non seulement européenne, mais aussi dans toutes les parties du monde où la globalo-mondialisation exerce ses charmes vénéneux.

Vincent Coussedière, Éloge du populisme, Élya Éditions, collection Voies Nouvelles, 168 pages, 16€. (2012).

Du même auteur, Le retour du peuple, an 1, Éditions du Cerf, 272 pages, 19 € ( mars 2016).

Extraits de la revue de presse de Pierre Bérard

papers208708_7e6607d601_b.jpg

Extraits de la revue de presse de Pierre Bérard

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Au sommaire :

Michel Pastoureau historien de l'héraldique, des couleurs et du bestiaire montre ici comment l'Église a récupéré et détourné un grand nombre de légendes originellement païennes pour les mettre au service de sa foi. Ici, l'image du dragon dans une émission de 1998. D'autres séquences consacrées aux animaux emblématiques de l'ancien imaginaire européen peuvent être écoutées à partir du site indiqué (seconde référence) comme celle consacrée à l'ours, animal révéré en Europe par la tradition orale et symbole guerrier que les chrétiens ont choisi de ridiculiser et de diaboliser  lui préférant le lion de Juda comme "roi des animaux".
 
 
 
• L'historien Nicolas Lebourg (spécialiste de "l'extrême droite") à propos de l'invitation de Black M à Verdun : "nos dirigeants ne comprennent rien au passé ni au présent". 
 
http://www.slate.fr/story/118129/black-m-commemoration-ve...
 
• Pour Elisabeth Lévy, directrice de la rédaction de Causeur, l'affaire Black M révèle ce paradoxe que ses défenseurs antiracistes sont obsédés par le racialisme. En effet si parmi les détracteurs du rappeur tous se référaient aux paroles de ses chansons, aucun ne s'en est pris à sa couleur de peau, en revanche tous ceux qui ont justifié sa présence à Verdun n'ont voulu voir exclusivement en lui qu'un Noir, donc une victime. "Etre traité de facho, ça fait maintenant rigoler tout le monde" conclue-t-elle.
 
 
• Pascal Bruckner pour qui la gauche qui a perdu le magistère de la pensée et n'a d'autres ressources que de qualifier les déviants de "réactionnaires" plaide pour une "réac pride". Plus sérieusement il discrédite l'antifascisme en vigueur en montrant qu'il s'agit d'une stratégie du Komintern afin de délégitimer ses adversaires au nom d'un autre totalitarisme. Revenant sur l'affaire Black M, il déclare justement que "l'industrie du divertissement n'a pas à se réapproprier l'intégralité de notre histoire" et célèbre le symbolique dont Poutine et Assad ne méconnaissent pas l'importance comme ils l'ont montré à Palmyre en y organisant un "magnifique concert" après la libération de la ville. "Convertir le tragique en festif est le péché originel de la gauche depuis Mitterrand" ajoute-t-il. Opérant une fâcheuse confusion entre "radicalité" et "extrémisme" il semble craindre la jonction des casseurs chauffés à blanc et des djihadistes rétrogrades laissant peser sur notre pays le cauchemar de nouveaux attentats qui seraient le fait de cette collaboration. Malheureusement celui qui signait le 14 mai 2003 un tribune libre dans Le Monde intitulé "La faute" n'a pas changé. La faute était celle de la France de Chirac qui avait refusé de s'enrôler dans la croisade irakienne pour, nous faisons-on accroire, abattre un pays qui développait un redoutable programme d'armes de destruction massive. C'était le temps où Bruckner chantait les louanges de George Bush et de Tony Blair. Il s'affiche aujourd'hui en pourfendeur du terrorisme qui n'est que la résultante des expéditions guerrières de l'Occident. Inconséquence ? Bruckner en libéral conséquent fait l'éloge de Macron, coqueluche des médias de connivence, et le compare à Guizot puisqu'il entend réconcilier, comme Bruckner lui-même, les Français avec l'argent. L'argent auquel Bruckner vient de consacrer un essai  dans lequel il loue ses vertus, "une récompense autant qu'une grâce", condamne la décroissance de Serge Latouche "éloge de la dèche" et prend la défense du tourisme sexuel et de la marchandisation des individus. Bref de bonnes et de très mauvaises choses, comme toujours chez ceux qui se revendiquent du conservatisme libéral sans s'apercevoir qu'ils manient là le plus préoccupant des oxymores.
 
 
• Sur le site Idiocratie un faire-part de décès sur le mouvement des "nuit-au-boutisme". On ne s'en plaindra pas tant cette énième métamorphose du gauchisme institutionnel est demeurée enkystée dans les paradigmes pavloviens et séniles des années soixante-dix. RIP...
 
 
• Dans son émission hebdomadaire I-Média (sur Tv-LibertésJean-Yves Le Gallou aborde successivement la victoire politique et culturelle de la réinfosphère que constitue l'affaire Black M;  la déprogrammation de Ce soir ou jamais de Frédéric Taddei, seul espace de relatif pluralisme à France-télévision, que les prescripteurs remplaceront par Yann Barthés entérinant ainsi la manipulation et l'intoxication en lieu et place de la réflexion. La banalisation de la censure sur les réseaux sociaux grâce à un algorithme qui occulterait les contenus "conservateurs" sur FaceBook. Enfin la dernière rubrique consacrée au bobard concerne l'odieux fantasme de l'infiltration de terroristes parmi les "réfugiés".
 
 
• Sur la quasi suppression de l'émission de Frédéric Taddeï, l'avis ci-dessous de l'OJIM.
 
 
• Ingrid Riocreux est agrégée de lettres et docteur de l'université Paris-Sorbonne. Elle est interrogée ici par Claude Chollet, directeur de l'Observatoire des journaliste et de l'information médiatique (OJIM) à propos de son livre La langue des médias (éditions de L'artilleur) où citant de nombreux exemples, elle décrypte le discours dominant des journalistes qui se montrent prescripteurs des préjugés des "élites", fabriquant ainsi le consentement du peuple en le rééduquant. Entretien pétillant d'intelligence critique.
 
 
• Dans leur émission du dimanche 22 mai 2016 Alain Finkielkraut et Elisabeth Lévy reviennent excellemment sur l'affaire Black M. "Il faut être tombé dans une paresse définitive pour oser encore employer l'adjectif nauséabond... Et en matière d'antiracisme la routine tient lieu de vigilance et le réflexe a remplacé la réflexion" déclare Finkielkraut à propos d'Audrey Azoulay, ministre de la culture. Sur les violences anti-policières il proclame " au bout du bout de la longue déchéance de l'antifascisme il y a l'esprit et la pratique du pogrome". Il cite également Michéa en bonne part et Trotski en mauvaise.
 
 
• La désinformation made in USA par les spin doctors. François-Bernard Huygue se livre à une très bonne mise au point adossée à son expérience de spécialiste de médiologie. Texte datant du 23/06/2011 qui n'a rien perdu de son actualité.
 
 
• Pour Jean Paul Basquiast animateur du site Europe Solidaire le Tafta n'est pas mort car il survivra au prix de quelques arrangements cosmétiques sous la forme du Ceta, accord de libre-échange avec le Canada.
 
 
• En conclusion du colloque tenu par la Fondation pour une Europe des Nations et des Libertés (FENL) le 16 mai, Hervé Juvin dans sa brillante intervention conclusive explique comment l'Union Européenne en est venue de l'ouverture à l'interdépendance puis de celle-ci à la dépendance pour aboutir in fine à la soumission à la finance anglo-saxonne. Il rappelle les mots du général Wesley Clark, grand ordonnateur du bombardement des Serbes en 1999, qui disait explicitement : "ma mission est de détruire l'unité des nations européennes". Il s'en prend vigoureusement au TAFTA, "enterrement de première classe pour nos démocraties", plaide pour le "nationalisme libéral" politique libérale à l'intérieur mais adossée à un protectionnisme rigoureux, prend comme exemple la politique de de Gaulle et de Poutine. Selon lui, il faut travailler au monde de l'après dollar afin de s'échapper de la soumission aux seuls intérêts nationaux américains et retrouver par le politique la voie de l'indépendance et du non-alignement. Enfin, il instruit le procès des droits de l'homme, c'est à dire de la mystique individualiste, et propose de réintroduire dans nos codes le droit des collectivités humaines à défendre leur identité. 
 
 
• On peut retrouver Hervé Juvin chaque soir sur Tv-Libertés. Ici ses émissions de la semaine du 9 au 15, puis du 16 au 20 mai.
 
 
 
• "Les gens ne savent pas dans quelle structure institutionnelle ils vivent" et Frédéric Rouvillois, professeur de droit constitutionnel, en répondant aux questions de Gilbert Collard se montre incapable de définir la République, tout simplement parce qu'elle obéit à des caractéristiques plurivoques. La logorrhée autours du signifiant "République" ne suffit pas à lui conférer un signifié défini et stable. Intéressante discussion sur un concept piégé auquel personne ne s'accorde à donner la même valeur.
 
 
• Jean-Yves Le Gallou s'adresse aux Européens afin qu'ils sortent d'une culpabilité qui les ronge de l'intérieur (vidéo, première référence). Texte de cette brève allocution (seconde référence).
 
 
 
• Victime d'une hystérique campagne de presse européenne à l'annonce de sa nomination comme ministre de la culture du nouveau gouvernement croate, l'intellectuel musulman Zlatko Hasanbegovic répond dans un entretien au Monde. Il y affiche crânement son intérêts pour les travaux d'Alain de Benoist "l'un des plus grands intellectuels français" à propos duquel les malheureux lecteurs du Monde doivent tout ignorer s'ils sont exclusivement accrochés à la lecture de ce qui fut le quotidien de référence.
 
 
• Plutôt que de se plaindre des ravages bien réels de la novlangue ne vaut-il pas mieux s'en gausser ? C'est le  parti pris par Eloïse Lenesley à propos du "sans-abrisme" d'Emmanuel Cosse, récente trouvaille néologique des simili-écolo.
 
 
• Pour Laetitia Strauch-Bonard qui vient de publier Vous avez dit conservateur (Cerf) la "pédagogie" que l'on nous sert sans cesse ne serait elle qu'une nouvelle forme de l'autorité. Ou le symbole d'une impuissance bavarde ?
 
 
• Chantal Delsol, membre de l'académie des science morales et politiques et élève de Julien Freund, est une philosophe catholique qui se veut partisane des Lumières de Kant et non de celles de Robespierre. Elle  se définit comme conservatrice et libérale dans la lignée des lumières écossaises et américaine. Elle publie La haine du monde aux Éditions du Cerf, livre dans lequel elle propose de substituer au clivage traditionnel gauche/droite un nouveau clivage, plus récent selon elle, entre les "démiurges" qui entendent arracher l'homme à ses particularismes, à ses attaches familiales, religieuses et nationales, et les "jardiniers" qui veulent maintenir les enracinements. Le but du jardinier n'est pas de créer un monde nouveau, écrit-elle, mais de parfaire le monde tel qu'il est. Elle est interrogée ici par Martial Bild pour Tv-Libertés, à qui elle confie son intérêt pour Éléments, revue très intelligente dit-elle.
 
 
• Bernard Mazin donne sur Polémia les réflexions que lui inspirent les livres de Paul-françois Paoli Quand la gauche agonise et de Chantal Delsol La haine du monde.
 
 
• Pour le professeur Gilles-Éric Séralini les OGM sont des éponges à herbicides. Professeur en biologie moléculaire à l'université de Caen, il avait fait l'objet d'une attaque en règle de tous les lobbies qui vivent du transgénique. Son étude intitulée "toxicité à long terme d'un herbicide Roundup et d'un maïs tolérant au Roundup génétiquement modifié" a reçu un écho planétaire et grâce à lui le Centre international contre le cancer a classé en mars 2015 l'herbicide phare de la multinationale Monsanto au rang d'agent probablement cancérogène. Il évoque ici les multiples fraudes "scientifiques" organisées par l'industrie des OGM pour démontrer l'innocuité des produits qu'elle fabrique.
 
 
• Sur le blog Guerres et conflits une bonne critique de la réédition chez Gallimard du Questionnaire d'Ernst von Salomon.
 
 
• Évoquant pour Boulevard Voltaire les fractures qui divisent la gauche Xavier Raufer déclare dans une interview  : "Il y a une tendance forte d'islamo-gauchistes, de gens qui forment aujourd'hui clairement le parti de l'étranger, qui sont couchés devant les islamistes ... qui pensent que l'avenir du monde et celui de la France se situent là. Qui fait couler le sang en France depuis 2012 ? Ce n'est pas vraiment l'ultra-droite..." (Vidéo).
 
 
• Caroline Galactéros sur son blog affirme que l'embolie qui s'est emparée de l'Union européenne trouve son origine dans sa fondation même; elle n'est en effet qu'un projet américain qui s'est constitué dans le cadre de la Guerre froide (première référence). Dans un autre texte publié par Le Point elle constate que le président François Hollande a sombré dans une sorte d'auto-hypnose et qu'il est incapable de s'imaginer l'exaspération de toutes les couches de la population française que suscite son impolitique. Prenant à juste titre comme exemple notre action en Syrie, elle montre les mensonges sur lesquels elle s'est bâtie et annonce la fin désastreuse sur laquelle elle ne manquera pas de se conclure (seconde référence).
 
 
 
• L'homme qui semble chuchoter à l'oreille de Marine Le Pen saisit l'occasion de l'échec du candidat "d'extrême droite" autrichien (comme le serine les médias de grand chemin tout esbaudis à l'annonce de cette divine surprise) pour jouer le spin doctor à vrai dire assez judicieux du Front national. Jacques Sapir pense qu'un programme cohérent et répondant aux aspirations de la majorité de la population peut seul permettre de briser le plafond de verre sous lequel les partis de l'oligarchie entendent maintenir les velléités du mouvement "populiste". Ses conseils politiques et sociaux évoquent, sans en faire pour autant la question centrale, la préservation de "ce qui fait l'identité française"...
 
 
• Une autre compréhension de ce défi est livrée par le Bulletin de réinformation de Radio Courtoisie livrée par Novopress. Ici, en revanche, l'identité apparait comme le problème essentiel que devront résoudre les mouvements populistes s'ils entendent s'approcher du pouvoir et le conquérir.
 
 
• Le Comptoir interviewe deux penseurs impertinents, Carl Cederström et André Spicer qui viennent de publier aux éditions de L'Échappée un ouvrage sur Le syndrome du bien-être qui frappe nos sociétés. Pour eux l'objectif du néolibéralisme est d'individualiser les problèmes collectifs, c'est à dire de les dépolitiser.
 
 
• Dans un article paru en mai-juin 2014 et que le site de la revue Rébellion met en ligne, David L'Epée dessine à grands traits les principaux aspects du nationalisme russe à l'époque soviétique et post-soviétique concentrant essentiellement son analyse sur deux personnage clés, Alexandre Douguine et Edouard Limonov.
 

Les guerres de genre de Hillary Clinton

HillaryGenderCard.jpg

Les guerres de genre de Hillary Clinton

Ex: http://zejournal.mobi

Est-ce que les hommes qui votent pour H. Clinton vont finir en enfer ? Je n’en suis pas sûr. Nous savons que les femmes qui votent pour un candidat mâle y ont une place réservée, comme l’a prophétisé la vieille juive féministe Madeleine Albright, car elle est bien placée pour y entrer. Non seulement cette dame a l’air d’une créature sortie tout droit de l’enfer, mais en outre elle y siège de plein droit, pour avoir justifié le meurtre d’un demi-million d’enfants irakiens, parmi d’autres hauts faits. Mais alors qu’est-ce qui attend les hommes qui franchissent la barrière du sexe? Personnellement je ne les condamnerais pas. Cela  ferait du tort à Mm. Trump et Sanders, parce que les hommes n’ont pas de schéma « gender » en tête. Les hommes votent pour la cause qu’ils préfèrent, et ils détestent qu’on insinue que leur vote soit déterminé par ce qu’ils sont, et non par ce qu’ils pensent.

Les « minorités visibles » agissent selon ce qu’elles sont ; ce qui les  rend prévisibles et faciles à manipuler. H. Clinton a obtenu 90% du vote noir au Mississippi, un  résultat embarrassant pour Kim Jong Un de Corée du Nord. Les juifs ont donné 70% de leurs bulletins de vote à Obama, et le donnent à n’importe quel candidat à la présidence qui se réclame des Démocrates. Ce sont les politiques identitaires qui rendent possibles de tels scores ; et c’est précisément ce pour quoi elles ont été inventées et mises en circulation, avant toute autre raison. Vous n’avez quand même pas cru que les grands opérateurs se soucient le moins du monde des femmes, des noirs, des gays, des mères célibataires latinos, ou des jeunes désorientés qui risqueraient de se tromper de WC ?

La cause des minorités visibles a été inventée et mise en circulation pour des raisons techniques, parce que premièrement elles permettent d’occuper l’esprit des gens avec des absurdités triviales, deuxièmement elles permettent aux instigateurs de se draper dans le manteau de la justice, et troisièmement elles rendent les élections encore plus lisses et prévisibles que le choix du successeur du roi des Saoud ou de la reine d’Angleterre.

hillgendgtL._SX331_BO1,204,203,200_.jpgCes manœuvres visent leur ennemi principal, l’homme pensant. La masculinité est devenue un gros mot, selon un sondage qui révèle que seuls 2% des garçons anglais se considèrent comme « complètement mâles ». L’incarnation de la juste colère contre l’Occident, Poutine le Téméraire, est décrit comme un « macho », raison suffisante pour pousser au changement de régime en Russie. Dans un remake de Ghostbusters, les courageux guerriers contre les esprits du mal sont tout-féminin (une femme noire corpulente: voilà la formule encore plus politiquement correcte) tandis que l’homme blanc aspire à un poste de secrétaire pour la troupe. Dans un un univers culturel plus large, écrit Isabel Hardman, les hommes figurent dans les publicités comme des gens sans espoir, des bouffons gras tenant une bière dans une main et une paire de pinces pour barbecue dans l’autre, alors que les femmes vous font les yeux doux, et ont la main mise sur toutes choses, la maison, la voiture, la famille. Dans ce monde de masculinité en déroute, la victoire de Mrs. Clinton et la guerre qui s’en suivra sont inévitables.

Inévitablement, à moins que l’homme pensant américain retrouve ses esprits et sa place d’honneur dans cette société. Le commandement par les femmes n’est pas nouveau, et cela n’a jamais été une bonne chose. A l’aube de la civilisation, le culte féminin de Cybèle avait conduit à des castrations massives de jeunes hommes. Les cheffes menaient à la guerre et aux troubles encore plus vite que les chefs mâles. En Israël, notre dirigeante la plus célèbre, Golda Meir, est celle qui a nous a menés à la guerre sanglante d’octobre 1973. Et c’est Margaret Thatcher qui avait lancé la marine britannique contre les Argentins, et avait livré une guerre cruelle contre les mineurs britanniques.

Depuis Elisabeth I° d’Angleterre jusqu’à Catherine de Russie, les reines ont généralement poussé à la guerre. Frau Merkel a attiré les réfugiés pour l’invasion de son pays. Hillary Clinton a déjà quelques guerres derrière elle : elle a soutenu la guerre pour le Kossovo qui est devenu une base pour Daech en plein cœur de l’Europe. Sa guerre en Libye a installé une autre base de Daech sur le continent africain, et envoyé des vagues de réfugiés en Europe; et elle a remis ça en Syrie. Peut-être qu’elle serait plus indiquée pour se faire nommer au Caliphat voulu par Daech, plutôt que pour la présidence US.

Le dernier écrit de Jeffrey Stacey sur le site du Council for Foreign Affairs ne laisse pas de place au  doute : Clinton veut la guerre, et ses acolytes, comme Stacey, approuvent cette orientation. Obama est trop timide, pour eux, et Trump est le nouvel Hitler parce que (vous ne devinerez jamais) il ne veut pas faire la guerre aux Russes. Certains hommes, comme Stacey, sont nés pour servir Cybèle.

Le lien entre l’activisme juif et le féminisme violent est devenu plus évident que jamais, à l’occasion de la campagne électorale. Subterfuge juif classique, ils envoient une femme provoquer l’homme, et ensuite ils l’accusent de manquer à ses devoirs chevaleresques. Les activistes juives provoquent Trump et ceux qui le soutiennent (voir le cas de Julia Ioffe) juste pour arriver à la conclusion souhaitée : « que se passera-t-il si Donald Trump  est élu ? » Julia Ioffe a répondu : « nous avons vu comment il pousse ses supporteurs à attaquer les médias, ce qu’il mijote c’est de changer les lois contre la diffamation pour pouvoir poursuivre plus facilement les journalistes. » Le harcèlement supposé de la part des supporteurs de Trump n’est pas directement lié au candidat, admet le journal. Mais il a  fomenté une culture de la violence dans ses meetings, en encourageant ses fans à riposter contre ceux qui lui manifestent de l’hostilité »

Les Russes acceptent la menace clintonienne avec un fatalisme tranquille. Vladimir Poutine et son peuple sont décidés à rester  les maîtres du bras de fer des nations. Cela ne mène pas  forcément à la collision, parce qu’il y a de la place pour tout le monde, à moins que les autres veuillent la collision, comme le souhaite Clinton apparemment. La solution est entre les mains des Américains, des hommes américains : est-ce qu’ils retrouveront leur estime d’eux-mêmes et enverront la Clinton écrire ses mémoires et faire des conférences pour les banquiers, ou bien l’enverront-ils à la Maison Blanche pour se condamner eux-mêmes au rôle de courtisans dans la société?

Les femmes sont formidables et ce sont des créatures adorables ; les hommes recherchent leur amour, et s’inclinent devant elles avec admiration. Mais elle ne valent rien comme dirigeants. Les reines barbares étaient connues pour leur cruauté, y compris contre leurs « sœurs » à l’occasion. Hillary Clinton est capable  de les surpasser toutes, parce que la guerre qu’elle est capable de déclencher surpassera les guerres d’autrefois. La guerre nucléaire avec la Russie et la Chine ou contre celle-ci sera la dernière page de l’histoire de l’humanité telle que nous la connaissons ; et d’ailleurs, c’en sera fini aussi des guerres de « genre ».

Traduction : Maria Poumier

Julius Evola ou la mystique du détachement

jev.jpg

Julius Evola ou la mystique du détachement

par

À mi-chemin entre le métaphysicien et le samouraï, Julius Evola a élaboré une vision de la politique et de la Tradition qui l’éloigne de la plupart des théoriciens politiques et des tenants du traditionalisme. Son approche repose sur un principe intangible : se détacher du monde tel qu’il est.

À l’âge de vingt-trois ans, alors qu’il est décidé à mettre fin « librement » à ses jours, à la façon des philosophes Otto Weininger et Carlo Michelstaedter, Julius Evola a une illumination en lisant un texte du Majjhima Nikaya : « Celui qui prend l’extinction comme extinction, qui pense l’extinction, qui pense à l’extinction, qui pense ‘L’extinction est mienne’ et se réjouit de l’extinction, celui-là, je le dis, ne connaît pas l’extinction. » Evola comprend que la liberté par laquelle il désire en finir est encore un lien, une ignorance opposée à la vraie liberté. Dès lors, il sent naître en lui une « fermeté capable de résister à toute crise » existentielle et, plus largement, à la crise du monde moderne.

Julius Evola soumettra ainsi ses connaissances et expériences, si diverses, à cette seule discipline : le détachement ferme. Lorsqu’il sera victime d’un bombardement à Vienne, qui lui causera une lésion partielle et une paralysie des membres inférieurs, il ne se sentira pas particulièrement touché par cette incapacité physique, son activité spirituelle et intellectuelle n’en étant en aucune façon compromise. Il manifestera également très tôt une insensibilité, voire une certaine froideur d’âme, envers la manière de vivre de ses contemporains. Son souci de considérer les arts, la philosophie, la politique, le sacré, malgré son détachement intérieur, s’expliquent par ce qu’il appelle son « équation personnelle » : une impulsion, dès sa prime jeunesse, vers la transcendance ; et une disposition de kshatriya, terme hindou désignant un type humain « guerrier », enclin à l’action et à l’affirmation, par opposition au brahmâna, type sacerdotal ou contemplatif. Ces deux tendances détermineront entièrement Evola dans son rapport au monde.

De l’Individu absolu à la Tradition

jev$_35.JPGOn retrouve nettement dans ses écrits l’influence de trois philosophes : Carlo Michelstaedter, sur la question de l’autonomie de l’être (Phénoménologie de l’Individu Absolu) ; Otto Weininger, sur sa lecture de la déviation matriarcale de la spiritualité (Révolte contre le monde moderne) ; et enfin Friedrich Nietzsche, dans sa vision antibourgeoise de l’homme différencié (Chevaucher le tigre).

Si Evola naît dans une famille catholique et bourgeoise, il en rejette rapidement ces deux aspects. Le catholicisme, moral et sentimental, lui semble étranger à une véritable sacralité et une haute ascèse, loin de l’idéal « viril et aristocratique » du bouddhisme aryen. Son mépris de la vie bourgeoise lui fait refuser une chaire universitaire.

En marge de l’existentialisme, Evola développe une phénoménologie complexe de l’Individu absolu. Introduction philosophique à un monde non philosophique, il s’agit d’un retour à l’être transpersonnel, « sous le signe de la liberté réelle et de la puissance ». Selon Evola, la philosophie, qui culmine dans l’idéalisme transcendantal, fait inévitablement banqueroute dans l’idéalisme magique. Son idée consiste donc à penser à un développement qui, sans retomber dans la philosophie, fait franchir un pas, le dernier pas, à la spéculation occidentale. La théorie de l’Individu absolu est une sorte d’existentialisme positif. L’homme n’y est pas brisé par sa situation métaphysique.

Après un intérêt vif pour le tantrisme et le paganisme, Julius Evola découvre l’œuvre de René Guénon. Si son équation personnelle l’éloigne de l’orientation essentiellement intellectuelle de Guénon, il comprend néanmoins l’intérêt d’une critique cartésienne du monde moderne, le monde anormal, et la contre-partie positive de cette critique : le monde normal au sens supérieur, celui de la Tradition. Le monde de la Tradition, dont les différentes traditions particulières pré-modernes sont des émanations, des reflets ou des adaptations, désigne la civilisation organique, hiérarchisée, où toutes les activités humaines sont orientées vers le haut, avec à sa tête une élite qui incarne l’autorité légitime et impersonnelle. Dès lors, Evola cherche non seulement à concilier l’idée de l’Individu absolu, « sans lois, destructeur de tout lien », avec l’idée de Tradition, qui lui semble opposée ; mais aussi à recourir davantage dans son œuvre à l’idée de mythologie, à travers l’origine nordique, hyperboréenne, de la Tradition primordiale.

jev815b580768e60befa324a4.jpgEvola emprunte à Johann Jakob Bachofen sa lecture de la morphologie des civilisations, en rejetant l’aspect évolutionniste, y préférant la thèse involutive de Guénon. Tout au long de l’histoire connue, on a assisté à une altération du monde de la Tradition, avec notamment la dissociation entre autorité spirituelle et pouvoir temporel, inséparables aux origines. La civilisation, à l’origine, est patriarcale, héroïque, solaire, olympienne, virile ; elle se détériore sous les influences altératrices de la civilisation matriarcale, lunaire, tellurique, chtonienne, et aboutit à l’âge sombre, au kali-yuga.

De la révolte à l’apoliteia

Pour Evola, l’idée de Tradition est, surtout au sein du monde moderne, proprement révolutionnaire. S’il a d’abord vu dans le fascisme et le national-socialisme de possibles moyens d’expression des valeurs de la Tradition hyperboréenne, il ne ménage guère ses critiques envers les deux tendances. Dans un ouvrage au titre amusant, Le fascisme vu de droite, il ira même jusqu’à leur reprocher, outre leur nationalisme étriqué et leur racisme biologique, leur culte typiquement plébéien du travail. Après un procès dans lequel on l’accuse d’être le maître à penser de mouvements activistes néo-fascistes, Evola, relaxé, rédige un ouvrage dans lequel il transpose politiquement les idées de la Tradition. Son objectif est de promouvoir la formation d’un rassemblement de Droite authentique (au sens spirituel, pas uniquement politique), par rattachement aux principes contre-révolutionnaires. Cependant, malgré la bonne réception de l’ouvrage au sein de la droite radicale, Evola ne croit plus en la solution politique.

jevTIUL320_SR226,320_.jpgSon ouvrage Chevaucher le tigre est un bilan de ses expériences, et un constat de réalisme ferme : rien ne peut être fait, ni artistiquement, ni religieusement, ni politiquement, pour provoquer un bouleversement positif au sein du monde moderne. Le seul horizon, c’est le chaos. Ce livre s’adresse aux hommes différenciés, ceux qui n’appartiennent pas intérieurement au monde moderne, qui sont de l’autre civilisation. Selon une image extrême-orientale, « si l’on réussit à chevaucher un tigre, on l’empêche de se jeter sur vous et, […] en outre, si l’on ne descend pas, si l’on maintient la prise, il se peut que l’on ait, à la fin, raison de lui. » Evola s’adresse aux « convives de pierre », aux Individus absolus, ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas se détacher du monde actuel, et qui sont prêts à y vivre « sous les formes les plus paroxystiques ». Evola y examine, sous formes d’orientations existentielles, les possibilités d’émancipation totale de l’être par la mise en confrontation avec les processus destructeurs du monde moderne.

Mais surtout, on retrouve là, comme magnifiée, la constante du cheminement spirituel et intellectuel de Julius Evola, le détachement, expression parfaite de son équation personnelle : inclination à l’action, détachement affectif. Pour Evola, l’homme différencié doit faire ce qui doit être fait, de façon impersonnelle, sans égard pour la victoire ou la défaite d’une action, sans le souci d’être approuvé ou désapprouvé. Une « action sans désir ». Dans Chevaucher le tigre, Evola recourt au principe d’apoliteia, « l’irrévocable distance intérieure à l’égard de la société moderne et de ses valeurs ». Le refus du « moindre lien spirituel ou moral » avec elle. Avant d’être un penseur de la Tradition et un théoricien politique, Julius Evola est avant tout un apôtre de la mystique du détachement.

vendredi, 27 mai 2016

SINERGIAS IDENTITARIAS

portada-steuckers-sinergias-web-400x560.jpg

SINERGIAS IDENTITARIAS

Autor: Robert Steuckers

 

Editorial Eas, de Eos, en griego antiguo Ἠώς Êós o Έως Eos, era la diosa de la ‘aurora’, aquella que salía de su hogar al borde del océano que rodeaba el mundo para anunciar a su hermano Helios. El nombre «Eos», cognado del latín Aurora y del sánscrito védico Ushas.

Somos una editorial joven y dinámica con una amplia variedad temática que abarcaría desde la poesía, pasando por la historia y llegando a temas actualidad y política.

Nos destacamos por la controversia dentro de las temáticas que englobamos, así como por fomentar y animar a las nuevas plumas tanto ensayistas como literarias que puedan surgir.

Contamos con plumas como las de José Vicente Pascual, Jorge Verstrynge, Dr. Felipe Botaya, Dr. Alexander Dugin, Adrian Salbuchi, Juan Pablo Vitali, Dr. Laureano Luna, Dr. Dan Roodt, Manuel Vallejo, Troy Southgate, Dr. Kerry Bolton, Eduard Alcántara, José Luis Ontiveros, Sergio Fritz Roa, Francisco J. Fernández-Cruz entre otros.

Nuestras principales temáticas se dividen en las siguientes colecciones:

APOLO: en la que trataremos la poesía y la literatura.

ARES: tal y como su propio nombre indica, hace referencia a la guerra, en ella primará la temática de historia bélica.

KHRÓNOS: en esta colección se abordarán temáticas de tiempo presente y pasado, pero con repercusión en la actualidad.

HESPÉRIDES: haciendo referencia al jardín y no a las mélides, bautizamos con este nombre la colección que tratará la tradición en su evoque filosófico y alquímico así como la filosofía del despertar.

Esperamos que nuestras publicaciones sean del agrado de nuestros lectores y que animen a un mayor fomento y difusión de la cultura, puesto que como decía Émile Henriot “la cultura es aquello que permanece en un hombre cuando lo ha olvidado todo”.

Métaphysique et politique, en France au XXIème siècle

métagetimage.php.jpg

Métaphysique et politique, en France au XXIème siècle

Ce texte a d’abord été conçu comme une réponse à une attaque un peu basse d’un éditeur parisien. Il est maintenant publié pour lui-même.

Le monde contemporain, un ensemble d’A-Patries

Une courte ontologie du devenir de l’Europe

La patrie

Sommes nous tous devenus des apatrides ? La question, formulée ainsi, semble à première vue provocatrice, en effet, une large majorité d’individus se revendique toujours d’une patrie, qu’elle soit charnelle, spirituelle ou incarnée par une nation. Pourtant la question de l’appartenance à une patrie n’a jamais été autant d’actualité, notamment en France et en Europe. Homère, déjà, se préoccupait de la question, « il n’est point de terre plus douce que sa propre patrie ». Etymologiquement la patrie est « le pays des pères », non du père, mais des pères. Donc d’une lignée. Ce que confirment les traductions de « patrie », en anglais avec « Father-Land », ou bien en allemand avec « Vater-Land ». La patrie est un territoire auquel on attache une notion de tradition et d’héritage, une filiation multi-générationnelle. On peut donner plusieurs significations au mot « père ». Selon la définition courante c’est un substantif qui fait référence à la notion de « paternité », il s’agit soit du parent biologique, soit du parent social, de sexe masculin. Ce peut être aussi une image à caractère symbolique : « dieu le père », « petit père des peuples », qui caractérise néanmoins toujours le lien d’ascendance filiale. Homère, en indiquant que notre propre patrie est toujours la plus douce, transmettait l’idée que c’est en se plaçant dans le sillage de ses pères, qu’on se tient dans la conformité de son « être », qu’on est à sa « place ». Un proverbe arabe dit sensiblement la même chose, en attachant à la « patrie » une notion d’exclusivité : « Mieux vaut une maison en ruines qu’un Palais en commun ».

Ce que dit Homère peut s’envisager très directement ; cultiver la terre qui a appartenu à ses pères est la continuation du travail de l’enracinement, de la poursuite d’une œuvre qui se conjugue au singulier de l’être et au pluriel de la patrie. On peut aussi l’étendre ; cette patrie prend la forme d’un legs spirituel, une terre imagée, racine de l’arbre de la pensée, féconde pour l’esprit, c’est l’endroit duquel peut s’opérer la création, comme la graine de blé en germant produira un épi. Etre, c’est à dire se comprendre en tant qu’homme parmi les hommes, c’est retourner à la patrie, accéder à son essence propre, ainsi que le chantait le poète allemand Hölderlin. Cette patrie matérielle et spirituelle, n’est pas une négation de l’ensemble des hommes, mais bien au contraire la compréhension que c’est en admettant son altérité propre que l’on est un homme au milieu des autres ; donc à même de nouer des liens avec ce qui nous est étranger et de participer au destin historique du monde. En sortant de sa patrie, un homme est exclu de sa condition propre et de l’histoire. L’apatride est exilé de son être, orphelin de sa réalité. Martin Heidegger parlait de l’absence de patrie comme d’ « un signe de l’oubli de l’être ».

Pendant des millénaires, la patrie a été l’élément constitutif de toutes les identités et des institutions qui les ont incarnées : Etats-nations, empires et autres territoires libres. Nous naissons, et nous ne sommes pas seuls, nous ne sommes pas lancés nus dans le monde, nous nous inscrivons dans une tradition. C’est ce lien qui fait les hommes, il n’y a pas un homme mais des hommes, dont les êtres vivent dans des maisons différentes, constitutives des besoins que leur imposent leurs conditions d’existence ; voilà ce que sont les patries, les foyers des êtres. Sur tous les continents se sont créés, par un long processus historique, des modalités d’existences conformes aux hommes qui les ont habités ; en retour des civilisations consubstantiellement connectées à ces habitats sont apparues avec les cultures, les religions et les mythes liés. Des pensées spécifiques ont émergé et chaque fils a hérité de son père, les habitudes de sa patrie. La patrie étant en un sens la famille élargie.

gramscisssss.jpgLa patrie unique marxiste

Antonio Gramsci l’avait tout à fait entendu : « ce n’est pas dans la lutte des classes que la gauche révolutionnaire arrivera au pouvoir mais par le biais d’une activité culturelle et en éradiquant par tous les moyens appropriés les notions de patrie, de famille et de religion, piliers de la civilisation occidentale. L’immigration sans limites est aujourd’hui le moyen le plus sûr, le plus puissant et le plus efficace de parvenir à nos fins ». Il démontre que la réponse conceptuelle, posée par le problème marxiste d’atteindre la « fin de l’histoire », consiste en l’éradication de tous les fondements essentiels et instinctifs de ce qui fonde nos êtres, soit les données de base de tous les groupes et civilisations humains depuis l’aube de l’humanité. Un tel degré de sophistication intellectuelle (qui est, ironiquement, la conséquence de l’évolution de la pensée occidentale, patrie spirituelle d’Antonio Gramsci) implique la destruction des assises de la civilisation, afin de créer un humanisme qui ne soit pensé que par l’homme et non pour les hommes. Ce qu’on appelle humanisme de nos jours, n’est en réalité qu’un anthropocentrisme dévoyé qui exclut l’homme de la nature et en retour l’exile de lui-même. N’oublions pas le rapport immanent des hommes à la nature, ce qui implique de protéger notre environnement culturel. L’ordre de la raison ne doit pas exclure la pensée imagée et méditative de notre civilisation, le mythe participant pleinement à notre aventure historique, culturelle et sociale.

Nous sommes en vérité produits de notre devenir collectif mémoriel, et non de pures constructions intellectuelles pouvant à loisir devenir homme quand on nait femme, ou bien Egyptien quand on nait Mexicain. Antonio Gramsci dans la logique propre à son idéologie, ne peut finalement pas imaginer qu’il existe une pluralité d’hommes, chacun inscrits dans des « patries ». Ou s’il le conçoit, cela lui apparaît comme un élément à déconstruire, le dernier et le premier ferment de l’historicité du monde.

Il envisage pour cela une double manœuvre stratégique : d’abord provoquer le déracinement d’individus vers d’autres terres (ceux qui émigrent ne sont plus apparentés à la terre de leurs pères, ils sont orphelins de leurs patries), puis par un effet mécanique déstabiliser la patrie d’accueil, qui ne se reconnaît plus d’une origine commune, d’un seul tenant.

Aujourd’hui une partie des stratégies de guerre asymétrique théorisées par le penseur italien ont matérialisé leurs effets, elles l’ont cependant été partiellement en dépit de ses idéaux. En effet, le marxisme a échoué dans sa tentative de sortir les hommes de l’histoire pour créer un homme nouveau, l’objectivisme rationnel libéral a eu le plus de résultats en la matière. Ce système est l’homme debout portant le monde sur les larges épaules de la raison, représenté par la statue d’Atlas qui fait face au « Rockfeller Center » dans la ville de New-York aux Etats-Unis. Un positivisme chasse l’autre. L’un est beaucoup plus hypocrite et pernicieux que l’autre. Alors qu’Antonio Gramsci souhaitait la destruction des patries pour instaurer un être collectif qui soit en partage à tous – dans une optique égalitariste forcenée -, l’autre n’envisage l’être que dans ses manifestations individuelles, déconnecté de toute ascendance ou descendance.

ayn-rand-stamp-picture2.jpgL’objectivisation de l’homme

La philosophe russo-américaine Ayn Rand a fui le communisme soviétique pendant sa jeunesse, elle fut une apatride. Son sort l’a logiquement amenée à développer une vision du monde rejetant toutes les idées d’identification collectives, c’est à dire le communisme qui est une identification collective universelle réfutant le fait qu’il y ait pluralité d’hommes – au profit d’un homme unique- ; mais aussi les notions de filiation et de tradition qui ouvrent les hommes à leur altérité et donc à l’allégeance familiale puis patriotique. Bien que sa pensée n’ait eu qu’une maigre portée intellectuelle – car frappée du sceau de son ressentiment subjectif, et soit en outre peu étudiée dans les sphères universitaires-, elle est devenue une source majeure d’influence pour les penseurs « libéraux » de toutes obédiences (Ronald Reagan ou Hilary Clinton figurent au rang de ses admirateurs).

Son constat est le suivant : « ma philosophie conçoit essentiellement l’Homme comme un être héroïque dont l’éthique de vie est la poursuite de son propre bonheur, la réalisation de soi son activité la plus noble, et la Raison son seul absolu. ». En soi cette citation ne paraît pas malfaisante, tout homme aspire au bonheur et à sa réalisation personnelle. C’est ce qui n’est pas explicitement dit, qui a, comme toujours, de l’intérêt. Ayn Rand ne reconnaît à l’homme que des droits, il n’a aucun devoir. Souverain, son être ne se dévoile pas à l’aune de particularités héréditaires mais uniquement selon la raison, il est par nature orphelin de père et de mère. C’est un homme indifférencié, sans aucune attache, jouissant, consommant. Il n’y a plus d’hommes qui agissent dans un devenir commun à partir d’éléments qu’ils ont en partage, chaque homme est absolument sa propre patrie. Au projet marxiste de la suppression des patries pour une patrie unique, universelle, et collective, l’objectivisme rationnel répond par la suppression de toutes les patries collectives en atomisant celles-ci en chaque individu. Les hommes dans leurs singularités propres – c’est à dire en ce que leurs individualités procèdent d’un fonds historique concordant à leurs parentèles -, sont niés au profit d’hommes nouveaux jetés sans généalogies historiques tels les Adam et Eve d’un humanisme dévoyé. Pas mieux que des golems qui n’auraient pas la conscience de leurs êtres. Donc si l’homme n’a pas d’origine, pourquoi conserver les patries, les institutions, la culture ? L’homme hors-sol – qu’il soit une fiction marxiste, libérale ou même ultra-nationaliste – est un pur nihilisme. Ce n’est pas une vie héroïque, le héros se glorifie d’accomplissements personnels en lien avec la transmission, et s’il n’agit que pour lui, il transgresse. La transgression n’existe que par les normes, supprimez-les et la civilisation est privée de sa capacité régénératrice. Cette logique développée à l’extrême conduit donc à un totalitarisme ; les hommes sont privés d’origines, de transmission et même de la capacité à transgresser l’ordre moral, car celui-ci n’existe plus.

jean-baudrillard-first-session.jpgJean Baudrillard trouva dans « La Société de Consommation », une exacte définition pour l’horizon de l’homme contemporain : « homo oeconomicus ». Il précise cette notion comme « fossile humain de l’âge d’or, né à l’ère moderne de l’heureuse conjonction de la Nature Humaine et des Droits de l’Homme, est doué d’un intense principe de rationalité formelle qui le porte : 1- A rechercher sans l’ombre d’une hésitation son propre bonheur ; 2- A donner sa préférence aux objets qui lui donneront le maximum de satisfactions. Tout le discours, profane ou savant, sur la consommation, est articulé sur cette séquence qui est celle, mythologique, d’un conte : un Homme, « doué » de besoins qui le « portent » vers des objets qui lui « donnent » satisfaction. Comme l’homme n’est jamais satisfait (on le lui reproche d’ailleurs), la même histoire recommence indéfiniment, avec l’évidence défunte des vieilles fables ».

Le sociologue français conceptualise un homme de besoins, un homme qui a le « droit » de « satisfaire » à ses besoins. Les « besoins » dont il s’agit, ne sont pas d’ordre naturel comme manger ou dormir à l’abri, mais bien des « besoins » d’ordre symbolique et répondant à des critères de confort annexe ou à l’hédonisme ludique. Le besoin de confort ne s’arrête jamais, pourquoi faire la vaisselle à la main quand on peut avoir un lave-vaisselle, pourquoi utiliser un paquebot quand on peut se déplacer en avion, c’est parfaitement normal et un cycle qu’il ne convient pas d’arrêter. Le besoin de confort découle du besoin naturel, le confort matériel ne doit cependant pas occulter que les hommes ont besoin du confort mental. Le bien être émotionnel est d’une importance équivalente au bien-être matériel.

La volonté ludique est elle aussi infinie, l’homme est un animal joueur tout autant que rationnel, il voudra sans cesse s’amuser et découvrir. C’est dans sa nature, ce qui est plus problématique c’est qu’on en arrive à fabriquer des pseudos-besoins fictionnels, qui s’accompagnent de l’obsolescence programmée des objets de consommation. Il est normal que nous satisfassions nos besoins ludiques, que nous nous dotions d’objets modernes pour communiquer, les téléphones mobiles multi-tâches sont de formidables inventions du génie humain, est-il néanmoins nécessaire pour Apple d’en sortir un nouveau tous les 6 mois qui n’apporte quasiment rien au précèdent ? Non. Ainsi nous devenons pulsionnels, nous entretenons une addiction au fait de posséder de nouveaux objets. Et tout participe à oublier nos semblables, car nous sommes plongés dans la recherche du bonheur individuel, sans frontières, instantané. Donc allergiques à la frustration, au long cours. Pourquoi déconseiller à un migrant de se déraciner, de s’éloigner de sa patrie, quand il est à la recherche de son bonheur personnel ? Après tout il ne cherche qu’à satisfaire son bien-être                                    .

Les dangers que cet homme objectivement rationalisé pose sont clairement identifiables. La « gauche révolutionnaire » fabrique une fourmi rouge sans capacité à l’examen critique, frère ou sœur de tous, et fils ou fille de personne (très éloigné néanmoins du romantique anarchiste évoqué dans la chanson du Creedence Clearwater Revival appelée Fortunate Son puis reprise sous le titre Fils de Personne par Johnny Halliday). Les néo-libéraux ont, quant à eux, pour idée de l’homme, un être sans attache, mu par son seul plaisir, il n’est l’obligé de quiconque si ce n’est son bon vouloir, s’il doit tout détruire sur son passage, pourquoi s’en priverait-il ? Après tout, seule la satisfaction immédiate de ses désirs est objectivement valable. Il en est ainsi du personnage Gordon Gecko dans le film Wall Street d’Oliver Stone ou de n’importe quel rappeur « girls, guns and money ». Tant qu’il a matériellement « réussi », il a accompli sa destinée. Un mafieux qui ne se fait pas attraper par la patrouille pourrait être un modèle d’accomplissement personnel, surtout s’il a migré et renié son père. Et puis tant qu’à raisonner par l’absurde, tout devrait être permis, surtout le suicide – uniquement motivé par des considérations individuelles, opposé au suicide altruiste et protestataire –, quel plus bel exemple d’égoïsme rationnel que celui-ci.

Michel-Houellebecq.-Extension-du-domaine-de-la-lutte.gifLe monde de la technique, une critique qui ne saurait être totale

Les nouvelles doctrines « techno-culturelles » peuvent être qualifiées de mythes modernes : promesse du bonheur matériel et terrestre par l’avènement d’un homme universel dont la seule allégeance soit le marché. Ces doctrines sont occidentales et européennes, elles ont enfanté par dérivation la plupart des systèmes politiques dits modernes. Les deux guerres mondiales ont frappé l’Europe de plein fouet, elles sont le résultat d’une accélération paroxystique de la volonté d’efficience scientifique ; l’homme purement prométhéen a voulu tout contrôler ce qui l’a mené aux catastrophes du stalinisme ou de l’hitlérisme. De nos jours, ces volontés de contrôle n’ont pas été abandonnées, elles ont muté sous une forme en apparence plus aimable. La notion de « dignité humaine » et des droits universels et arbitraires, n’engage aucun devoir en retour. Notre utopie contemporaine s’articule autour d’une foi totale dans le progrès qui permettrait l’accomplissement social de l’homme libre de tout et sans entraves, pour tous et par tous. Cela est bien entendu une foi athée et non démontrable in fine, Michel Houellebecq le décrit de façon tragi-comique dans son roman « L’extension du Domaine de la Lutte », en effet la compétition amoureuse est plus terrible qu’elle ne l’a jamais été, certains n’ont pas leur lot et les tensions augmentent dans une société libérale, en outre il est impossible de collectiviser l’amour, la lutte des classes amoureuses est donc perdue d’avance pour les timides et les sous-doués du contact humain.

Entendons bien que cette critique de la modernité ne peut ni ne doit être totale. Les profits objectifs de l’horizon prométhéen de la pensée européenne sont bien réels, que ce soit dans les domaines de la santé, de la haute-technologie ou de la conquête spatiale. Personne ne veut retourner à la marine à voile et aux lampes à huile pour reprendre le mot du général de Gaulle durant les événements de mai 1968. Cependant tous ces profits techniques ne doivent pas nous faire oublier notre âme, et le progrès pour les hommes doit s’accompagner d’une réflexion sur la place qu’ils occupent. Notre imaginaire historique et pragmatique ne doit pas nous occulter le rapport à la nature, aux vivants et aux morts, c’est à dire à notre filiation, aux raisons qui font que nous sommes ici sur cette terre. Nous serions de biens mauvais enfants, si nous dilapidions le patrimoine familial.

Ce n’est pas un retour de l’archaïque par réaction aux excès technocratiques que nous devons souhaiter, pas plus une réémergence de l’irrationalité pure qui ne serait qu’une faillite intellectuelle et spirituelle. S’opposer à l’arraisonnement de la nature et des hommes par l’homme, ne signifie pas vouloir liquider la rationalité mais plutôt rééquilibrer notre savoir-être collectif vers plus d’éléments d’identification commune, vers plus de poésie aussi, l’état dionysiaque précédant toujours l’état apollinien. De la même façon, l’Europe ne doit pas se confondre avec son cousin étatsunien, mais retrouver sa nature propre qui n’est pas la même, en refusant son eschatologie messianique qui signerait son arrêt de mort. L’objectif est de perpétuer le progrès, de ne pas le mettre en danger par la démesure philosophique qui l’accompagne. Il faut penser au pourquoi de l’énergie nucléaire tout autant qu’au comment.

Il ne s’agit pas d’un pur conservatisme, rétif à tout changement, ou à toute évolution vers la « modernité », mais d’une réflexion qui tend à tempérer le progrès par un peu plus de conservation. A se transformer sans forcer, sans exagérer, sans tomber dans une fuite en avant vers le post-humain, à ne pas oublier les hommes qui sommeillent en nous. L’homme contemporain est pour utiliser une expression triviale « la tête dans le guidon », il travaille, il n’a pas le temps de réfléchir à ce qu’il « est », on ne le lui demande pas. Il ne convient donc pas de regarder dans le rétroviseur, ou de fantasmer une époque révolue, mais plutôt de se soucier de l’avenir en s’appuyant sur la mémoire de la civilisation qui est née sur les sols européens, et notamment en France.

comanb86c8fc5ff808c138acc5c69.jpgLa définition américaine de la patrie, création ex nihilo

Les Etats-Unis se sont bâtis avec l’apport de migrants déracinés, par choix pour la plupart, religieux ou matériel, par désespoir économique ou politique pour d’autres, et enfin par force pour ce qui concerne les esclaves et leurs descendants. Ces exilés ont quitté leur terre pour s’accomplir matériellement et atteindre au bonheur individuel (exception faite des esclaves africains), quand souvent ils ne le pouvaient pas dans leurs patries originelles, à l’instar d’Ayn Rand. Voici ce qu’en dit Alexis de Tocqueville dans « De la Démocratie en Amérique » « Des hommes sacrifient à une opinion religieuse leurs amis, leur famille et leur patrie : on peut les croire absorbés dans la poursuite de ce bien intellectuel qu’ils sont venus acheter à si haut prix. On les voit cependant rechercher d’une ardeur presque égale les richesses matérielles et les jouissances morales, le ciel dans l’autre monde, et le bien être et la liberté dans celui-ci. ». Le fait est qu’on ne construit pas une nation sans avoir au préalable établi un mythe commun, une identité partagée. Afin de fédérer ces migrants devenus apatrides par choix ou par force, il a fallu construire des valeurs nouvelles qui seraient le ciment de l’identité étasunienne. Est venue au monde la première patrie constituée uniquement de déracinés, une fédération d’apatrides, fait inédit dans l’histoire des hommes. A lire ce qui précède, on s’imaginerait volontiers que l’Amérique était un continent inoccupé par l’homme. Tel n’était pourtant pas le cas. Des autochtones habitaient ces terres depuis fort longtemps, une multitude de patries nourries d’un imaginaire collectif principalement animiste. Ils ont été détruits, leurs cultures sont aujourd’hui quasiment disparues. Il s’agissait des indiens, Comanches, Iroquois et autres Sioux, auxquels on a nié une nature humaine puis on leur a interdit (ou presque) de se nommer, d’exister en leur être. Ca ne vous rappelle rien ?

La civilisation américaine est aujourd’hui la principale puissance mondiale (certes, le monde assiste à un retour de l’histoire et à une nouvelle multi-polarisation des puissances, mais qui exporte ainsi partout sa culture par le soft power en dehors des Etats-Unis ? Personne.), leur modèle est la référence, y compris et surtout chez nous, en Europe. Les deux mamelles mythiques de sa conception sont : les sectes protestantes et la liberté d’entreprendre. Le Nouveau Monde, un monde d’aventuriers à l’ambition démesurée animés par une foi absolue dans le progrès. Imaginer la création d’une patrie ex nihilo est tout de même un rêve extraordinaire, Prométhée lui-même n’y eut songé. Les pilgrims du Mayflower n’aimaient pas leur patrie européenne, ils voulaient une nouvelle patrie tirant sa source de la nôtre mais foncièrement différente et qui corresponde à leur idéologie. C’est à dire la foi en un homme nouveau, biblique mais rationnel, cherchant le salut sur terre et dans les cieux avant tout par la réussite financière. Non l’Europe n’est pas l’Amérique, ce n’est pas un continent dont la culture est la résultante d’une volonté, mais tout au contraire d’un enracinement de populations de très longue mémoire, qui remonte au fond des âges préhistoriques, aux luttes entre les nomades issus de l’âge paléolithique et les premiers sédentaires de l’âge néolithique. Nos mythes se confondent et s’entremêlent, sont des permanences entre les différentes périodes de notre histoire. Importer le modèle de l’homme nouveau en Europe, c’est faire des Européens, les indiens de demain.

wdmd567_001.jpg

La France et l’Europe contemporaines : des « a-patries »

Ce qui nous intéresse au premier chef est la situation contemporaine de la France et de sa civilisation commune aux autres européens, soit notre patrie. Menacée, sous respiration artificielle, elle ne survit que dans les restes épars de mémoire de ses habitants qui ont fait l’effort d’étudier cet héritage historique et spirituel, qui leur est refusé. Alain Finkielkraut parle d’ « identité malheureuse », dans son récent et lucide ouvrage ; il faudrait plutôt parler de multiples identités perdues. La génération Y – les petits enfants de la moitié hédoniste de mai 1968, virtuellement interconnectés H 24 et premiers jalons concrets de la reconfiguration du monde – est la première génération entièrement constituée d’apatrides ; ses membres n’ont rien ou presque en commun à partager, ni culturellement, ni ethniquement, ni idéologiquement, ils ne sont pas en mesure de fournir les mythes communs propres à faire jaillir une identité nouvelle sur laquelle bâtir une patrie ex nihilo. Rien ne se créé sur une terre infertile, une civilisation ne se bâtit pas avec Walt Disney et Mac Donald pour seuls absolus collectifs.

Une historicité ne se décrète pas, elle est le fruit d’une lente progression de la pensée. On peut parfois et sous certaines conditions « adopter » l’ami, le faire rentrer dans la patrie, pour cela il doit inconditionnellement s’inscrire dans la filiation collective. C’est un déchirement, une souffrance qui exige beaucoup, quitter sa famille pour en intégrer une nouvelle n’est jamais un acte banal. Voilà ce que provoque l’immigration massive à l’échelle historique du devenir des hommes, ce n’est pas un phénomène banal. Le déracinement est pénible à supporter pour le migrant, qui doit s’exiler de lui même et de sa terre, mais peut-on exiger de lui qu’il se dépouille totalement de ce qui constitue son être ? En retour, la patrie accueillante ne sait comment assimiler à son devenir collectif, celui à qui a été léguée une autre histoire. Rendre possible cet homme nouveau implique de désintégrer nos esprits, de déstructurer tous les héritages, toutes les patries.

S’interroger sur son histoire, par l’introspection, peut paraître aux yeux des esprits chagrins, comme un signe de décadence d’une société moribonde. C’est peu ou prou l’idée qu’a développé Emil Cioran dans son œuvre. Il n’a pas tort, mais tout espoir n’est pas perdu. Une société moribonde n’est pas morte, elle est malade, toujours en état de se rétablir. L’Europe a subi un extraordinaire changement de population en un peu plus de 50 ans, et particulièrement la France consécutivement au démantèlement de son empire colonial. Elle compte aujourd’hui des millions d’hommes issus de cultures extra-européennes. Cette immigration massive ne va pas sans conséquences douloureuses, notamment sur le plan identitaire, tant pour les arrivants et leurs descendants, que pour les autochtones. Il ne faut pas hésiter à formuler les problèmes brutalement et sans précautions oratoires, sous peine de déformer le réel par la pression des diktats sémantiques de l’Empire du Bien et de la « moraline » ambiante. Antonio Gramsci, communiste internationaliste, aurait argumenté simplement ; il aurait pu dire que ce projet le satisfaisait car il avait en horreur les patries, la civilisation occidentale n’ayant toujours été qu’un système de domination d’une classe sur les autres. Lui, aurait avoué très directement ne pas se satisfaire du legs laissé par nos pères. Son projet n’eut pas laissé d’ambiguïté, il eut été limpide, facile à décrypter. Nous aurions pu y répondre favorablement, ou non. Notre état de fait est plus hypocrite, car il assimile notre pays la France, à une nation universelle, de même que l’Europe dans son incarnation de l’Union Européenne n’admet pas d’identité collective historique, pour mieux – mal – inclure le migrant. Le migrant ne s’intègre donc pas dans une patrie, il s’inclut par addition à un ensemble d’individualités, car il n’y a plus vraiment de patrie en Europe. Il reforme alors sa patrie ici sans avoir le souci de s’assimiler à notre culture, dont personne ne fait la promotion.

Nul n’a été consulté, appelé à voter dans l’optique de cette reconstruction radicale des cultures et des histoires, jamais il n’y eu de référendum sur la question. Personne n’a même pris la peine d’essayer de rendre intelligibles ces visées, voire même de nous en informer. Pourtant nous savons d’instinct et très distinctement ce que nous sommes, seul le droit de nous nommer nous est ôté. Les mots manquent à nos maux. La transformation des hommes en l’homme universel, animal rationnel, n’a jamais été spontanée, produit d’un consensus populaire ; mais bien au contraire une action mécanique de longue haleine, notamment par l’éducation des enfants. L’ancien ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, en convenait récemment dans son ouvrage, « La révolution Française n’est pas terminée », en affirmant qu’il fallait que l’école arrache les enfants à tous les déterminismes sociaux, culturels, ethniques et religieux pour en faire des individus hors sol.

ngd63.big.jpgLe moraliste colombien Nicolas Gomez-Davila indiquait fort justement que « L’ennemi d’une civilisation n’est pas tant son adversaire externe, que son étiolement interne ». On entend parler ici ou là, d’ennemis de l’intérieur, de « nouvel ordre mondial », quand assurément la situation présente n’est que l’écoulement final de la pensée propre à la métaphysique christiano-européenne laïcisée, poussée dans ses retranchements. Selon le sophiste Gorgias, on peut dire que « rien n’existe », aujourd’hui nous nous auto-persuadons que nous n’avons jamais existé, que nous venons au monde ex nihilo, sans parents, sans patries. Les raisonnements et les compromissions nous font justifier ce qui est pourtant une évidence : l’instinct collectif. Nous sommes invités à oublier nos êtres pour devenir un tout, mais comment faire un tout d’individus qui ne partagent rien ?

Cet oubli de nous-mêmes permettrait d’inclure ces flux de peuples venus du sud et de l’est. La solution d’inviter l’ « autre » à rentrer dans le devenir historique que la France et l’Europe ont en partage, est effectivement l’une des possibilités offertes par les traditions historiques sur lesquelles se base notre civilisation. Le philosophe Isocrate le disait explicitement : « Qu’on appelle Grecs plutôt les gens qui participent de notre éducation que ceux qui ont la même origine que nous ». Les grecs se voyaient, comme toutes les autres civilisations, intrinsèquement supérieurs, mais estimaient que certains pouvaient assimiler leur culture, par la maîtrise de leur langue, de leur philosophie, de leurs sciences. La France a aujourd’hui une ambition similaire. Mais ne nous y trompons pas, l’exigence des grecs était grande, l’on ne pouvait pas facilement être adopté par cette patrie, un tel cas restait une exception (en outre cette conception de la citoyenneté prônée par Isocrate n’était nullement majoritaire parmi tous les grecs, comme la plupart des peuples du monde ils pratiquaient très largement le droit du sang). Et surtout, les grecs n’ont jamais remis en question la notion de patrie telle que la décrivait Homère. La France, et l’Union Européenne, ont désormais une estime de leur civilisation supérieure encore à celle que les grecs ne s’en faisaient de la leur. Une telle arrogance est proche de l’inconscience : hybris du moderne ! En effet, nous pensons aujourd’hui, que sans examen spécifique préalable, nous pouvons faire de l’étranger un membre permanent de la Cité sans requérir de devoirs de sa part, cela étant aussi valable pour tous ses enfants à naître, et la descendance de sa descendance… Alors qu’au départ ce néo « enfant de la patrie » qui aura légué cet héritage à tous les autres, ne satisfaisait pas forcément aux conditions d’intégration propres à en faire un membre à part entièrement de nos patries européennes. Sûrs que nous sommes de la force de nos lois, sûrs que nous sommes que tout homme est semblable à un autre et qu’il ne sera nullement différent des natifs ; qui finalement n’existent pas, car tout homme est une patrie en propre et n’a à se reconnaître d’aucune filiation ou tradition spécifique. « Rien n’existe », tout est identique, par-delà le bien et le mal ils ne resteront que l’homo oeconomicus universel et son éthique de l’égoïsme (ou de l’autisme, c’est selon). Un homme qui se consumera à force de consommer et de se consommer.

L’Occident se sent prêt à dominer intégralement le monde, il ne lui reste qu’à gommer ces étrangetés, ces altérités qui pourraient venir contredire la pax economica. Alors il s’attache à faire de l’homme une variable d’ajustement ; à lui de se transformer, d’oublier ses pères pour pleinement entrer dans l’âge cybernétique, ce Prométhée, ce voleur de feu oubliera la poésie, le langage premier, il oubliera ce qu’il est. Le progrès a permis pour la première fois dans l’histoire, la domination quasi complète des hommes sur la nature, voici le règne de l’utile, de l’exploitable, y compris et surtout de l’homme par lui même. L’être s’efface et devient machine ; l’objectivisme, le moment où l’homme n’est plus rien d’autre qu’une pensée efficiente, oublieuse de son essence. Alors pourquoi se rappeler qu’il existe une patrie spirituelle et physique, elle n’est plus utile, elle est même un fardeau pour la croissance qui ne doit jamais s’interrompre. Un homme doit pouvoir être mobile, à lui il n’y a pas de terre plus douce qu’une autre, le monde est son terrain de jeu. C’est l’hyper-nomade que décrit Jacques Attali. Le petit migrant africain, le riche financier de la City, ne sont rien de plus que des lignes statistiques, des voyageurs qui s’installent dans des hôtels pour les plus riches et des campings bidonvilles pour les plus miséreux.

En opposition logique à ces phénomènes de déracinement et de suppression des imaginaires collectifs ethno-culturels, on assiste à ce que le sociologue Michel Maffesoli appelle « le réenchantement du monde », notion qu’il explicite dans l’ouvrage éponyme. Partant de la pensée de Martin Heidegger du « souci de l’être », l’universitaire précise la notion comme « non pas la recherche d’une substance précise : Dieu, l’Etat, l’institution, mais quelque chose de bien plus indéfini, à savoir une adhésion, quelque peu animale, à la vie dans toute son ambivalence, bon-heurs et mal-heurs mêlés », et conclut que le phénomène des bandes de jeunes et de l’atomisation du corps social en diverses tribus réunies par centre d’intérêts ethniques, culturels ou religieux est une réponse à la morale universellement applicable à tous, au calcul raisonné de la société technique et utilitaire. S’installent une pluralité d’esthétiques allant de concert avec une multitude d’éthiques tribales, conformément à l’adage qui veut que le beau détermine le bien, et non l’inverse. Ces micros tribus post modernes s’inscrivent pour partie en faux de l’éthique de l’égoïsme libéral-libertaire car elles s’appliquent à des collectifs, les hommes étant grégaires par nature. Elles contredisent pareillement les idéaux collectivistes en raison de leur caractère multiple.

mima-0be5d507-b93.jpgMichel Maffesoli voit dans la réapparition de groupes fermés et indifférents à la morale dominante l’émergence d’une société de frères androgynes, un monde indifférencié où l’homme souffre d’une crise d’identité. Disons-le tout net, il a raison. Mais doit-on s’en réjouir ? Est-ce ainsi que les hommes pourront retrouver leur être et l’équilibre nécessaire entre leur part prométhéenne d’accomplissement matériel et leur impératif spirituel ? Non et non. Ce ne saurait être que temporaire, oui, les réseaux sociaux permettent par exemple la réapparition des « affinités électives », et l’éveil de consciences assoupies par le retour du groupe, et donc de « génies collectifs » dispersés ; mais, cela n’est qu’une réaction factice qui maintient en état de léthargie la possibilité d’une réappropriation des histoires permanentes par l’intermédiaire d’histoires évanescentes fonction des modes. Ces états de nos êtres, ces espaces d’autonomie, répondent à la logique marchande, ils sont une soupape de sécurité. Rien de plus.

La conjonction de l’universalisme du bien basé sur une morale immanente et rationnelle et de la souveraineté en propre de chaque homme sur lui-même, sans devoirs collectifs vis à vis de notre civilisation historique, a créé une Europe faite de tribus animées par des intérêts hédonistes et égoïstes. L’immigration massive complexifie grandement ce problème, voici la tribu de l’islam, la tribu des sub-Sahariens, la tribu des Chinois. Chacun soucieux de leurs êtres en propres et de leurs patries charnelles. S’ajoutent les tribus particulières fondées sur des affinités, certaines prêtent à sourire, tribu des pratiquants du sado-masochisme, tribu des sportifs extrêmes, d’autres réclament des droits spécifiques à leur minorité, tribu des homosexuels ou tribu des intersexuels. Ce que le père de la psychanalyse, Sigmund Freud, appelait « le narcissisme des petites différences ». La seule « tribu » qui n’a pas droit de Cité est celle des autochtones, de ceux qui ont reçu le legs spirituel de leur terre, pour ce qui concerne la France ils s’appellent « français de souche », « français d’ascendance européenne »… Ils n’ont pas le droit de se nommer ou d’obtenir des droits spécifiques, ils ne sont rien, ils ne se représentent pas, et tout est fait pour qu’ils oublient leur histoire. Tout est fait pour les désarmer de tous leurs instincts, jusqu’au plus élémentaires d’entre eux : l’instinct de survie. Les français d’Europe n’appartenant pas à une micro tribu sont toujours majoritaires, mais pour combien de temps encore ?

En effet, leurs gouvernants suppriment méthodiquement la notion de patrie, on tente d’intégrer, d’assimiler, d’inclure des hommes venus d’autres patries, lesquels s’organisent en lobbies communautaires. Triple schizophrénie de notre état contemporain. Pour ce faire la pensée au pouvoir a décidé de dénier à notre être son existence, et explique dans un même mouvement aux nouvellement admis dans la citoyenneté qu’ils sont identiques dans leur différence. Prenons un exemple concret, un algérien qui se marie à une française deviendra légalement français par acquisition de la nationalité, il sera considéré comme un « enfant de la patrie ». Cette même patrie, cet attachement filial que partout on s’entête à vider de sa substance. Mais lui, saura très bien d’où il vient, qu’elles sont sa culture, sa patrie, ses origines. Il arrive avec la maison de son être, son bagage d’appartenance identitaire, et il y a fort à parier qu’il la transmettra à ses enfants. Tant sa religion que ses mythes fondateurs deviendront par la suite la propriété de sa parentèle, écartelée entre plusieurs identités, deux patries difficilement conciliables et l’absence de patrie qui filtre à travers la narration de la pensée unique. Ils n’auront pas pour eux une douce terre, un sillon à creuser lentement.

Le discours dominant contradictoire sur la fin des patries

Afin de remédier à cette situation délicate – pour ne pas dire explosive – les gouvernants de tous les pays d’Europe (et en particulier ceux de la France) ont décidé unilatéralement de séparer notre civilisation de sa substance, d’en faire une coquille vide à même d’assimiler en son sein tous les contraires. Le tout en préservant des patries fictives, qui ne transmettent plus rien hormis un ensemble de « valeurs humanistes » vide de sens – qui ne suscitent aucune adhésion sincère -, le tout chapeauté par l’Organisation des Nations Unies, oups pardon, l’Union Européenne. Fini le sacral pour l’Europe. Kaput, sacrifié sur l’autel de la raison.

norman-1506-a.jpgLa vie ne se résume pas à l’économie, un homme venu d’une culture fort différente de la nôtre ne peut pas s’agréger ainsi par le simple fait qu’il est un travailleur. Les maîtres du calcul objectif, qu’ils soient hauts fonctionnaires ou doctes professeurs d’économie, viennent avec leurs savants schémas nous expliquer qu’il faut une force de travail nouvelle, que ces arrivants consomment, « font marcher les affaires ». A leur suite, tel démographe nous explique que les flux migratoires sont irréversibles, que le continent européen ne fait plus d’enfants, que pour compenser cette baisse nous devons faire appel au surplus de naissances du tiers monde. Et puis nous aurions tout à nous faire pardonner, nous serions le mal ontologique en l’homme, nous devrions nous oublier. Tirer notre révérence, en silence et fléchissant la nuque faire place aux damnés de la terre éternels, les descendants de colonisés, pour reprendre le philosophe maoïste Alain Badiou. Problème, ceux-ci n’ont que faire de nos calculs, ils viennent ici mais n’ont pas oublié leurs patries, et après tout quel droit moral avons-nous de leur imposer d’oublier leurs ethnies, leurs cultures ?

Chacun a droit à sa patrie mentale, à croire en sa chair. Ils se doivent bien entendu de respecter nos us et coutumes, mais je comprends leurs sentiments contrastés. Il est difficile pour un Algérien, un Congolais ou un Chinois de s’identifier à l’Iliade et l’Odyssée, à la Chanson de Roland, ou à Jeanne d’Arc. Le roman de notre civilisation échappe à la plus grande part d’entre eux. Leurs relations à l’espace, au temps, aux femmes sont différentes des nôtres. Un principe souffrant toujours exception, l’on pourra toujours trouver un africain pleinement assimilé, amateur de philosophie grecque et à l’âme purement européenne. Une nationalité s’hérite par le sang, elle peut aussi se mériter par le sang versé au combat ou des faits exceptionnels, le simple fait de maîtriser une langue et d’avoir un emploi dans un pays ne pourra jamais faire d’une personne un citoyen à part entière, un national. La loi vient acter une fiction mentale. Si j’émigre au Japon, que j’y travaille et que je parle la langue, ça ne fera pas de moi un Japonais, aucunement, il me faudrait faire beaucoup plus, et au bout du compte peut être que mes enfants deviendraient pleinement Japonais au terme d’un long et difficile chemin. Il faut une communauté d’esprit pour unifier les éléments d’une patrie, ce n’est aucunement une doctrine « ethniciste ». C’est supposer que quand des différences existent, culturelles, ethniques ou religieuses, il faut pouvoir les surpasser et ceci est très complexe, n’est pas donné à tout le monde et nécessite un véritable effort à consentir par l’arrivant, de celui qui voudrait être intégré et pleinement assimilé à la patrie. D’autant plus que la structure de valeurs symboliques n’existe plus et qu’il y a une arrivée constante et importante de nouveaux migrants.

L’immigration intra-européenne, d’Italiens ou de Polonais, est incomparable à l’immigration extra-continentale. D’autres européens partagent l’essentiel avec les français, le fait religieux, l’ethnie, les mythes partagés, une conception de la vie cyclique basée sur le rythme des saisons, le grand corpus de la philosophie. Cet ensemble d’éléments d’identification a grandement facilité leur intégration, à tel point qu’aujourd’hui on ne peut les distinguer des autres français, et c’est bien normal car tout concourait – en dépit de particularités mineures – à leur pleine incorporation. Une foule d’italiens devant la Basilique Saint-Denis ne donnerait pas la même impression que le voisinage immédiat composé en grande majorité d’immigrés ou de leurs descendants non européens que l’on trouve à proximité de ce monument majeur de l’histoire de France, comme on peut le constater quotidiennement. Nos dirigeants devraient d’ailleurs s’astreindre à s’y rendre, le réel pourrait les frapper de plein fouet. La réalité de l’immigration n’est pas le fait d’avoir un japonais bien élevé et un riche marchand d’art allemand dans son quartier, ce que certains parmi nous, vivant dans une tour d’ivoire ne saisissent pas, ils nous dirigent bien souvent. Il faut comprendre, que certains pans entiers du territoire national, – lequel territoire est normalement l’héritage des enfants de la patrie, donc d’une filiation au long cours -, sont entièrement « dés-européanisés » ou pour parler plus simplement « défrancisés », c’est à dire sans plus un seul « français de souche », hors quelques pauvres hères qui n’ont pas les moyens de partir et sont livrés à l’abandon, devant s’assimiler sur leur propre sol à des cultures foncièrement différentes de la leur. Chaque année le seul territoire français connaît la pénétration de 200 à 250 000 extra européens, quand déjà des enfants d’immigrés de 4ème génération ne se sont absolument pas assimilés. Personne ne veut voir l’ampleur du phénomène qui est tout autant destructeur pour la France et les européens de France que pour ces arrivants déracinés. Le peuple ne peut pas lutter, il est tenu par toutes les raisons objectives évoquées plus haut, lesquelles raisons le tiennent prisonnier en dehors de son être.

wurst8d58219.jpgConclusion et prospective

La France et l’Europe sont au bord du précipice, prêtes à être enterrés dans le caveau des civilisations disparues. Afin d’imaginer un devenir qui ne soit pas synonyme de la fin de la transmission de notre histoire multimillénaire, nous devons faire le bilan critique des universalismes qui ont fait la preuve de leur échec à intégrer des populations antagonistes dans un même ensemble, et imaginer les conditions d’un ré-enracinement de tous dans la patrie qui convient. Ce ré-enracinement ne doit pas résulter de micros tribus concurrentielles, mais être le fait du peuple qui a reçu en héritage de ses pères la terre où est née notre civilisation.

Une personne humaine ne doit pas être prise isolément comme un tout séparé de toutes racines, mais au contraire doit s’envisager dans ses particularismes pour être intégrée à l’aventure collective des hommes. Notre civilisation n’a que peu de choix avant de sombrer dans les conflits ethniques et religieux ou le total oubli d’elle-même qui entrainerait sa mort.

En effet, le réel chaque jour nous rappelle les profondes divisions au sein des populations qui habitent les territoires français et européens. Des jeunes originaires de pays extra-européens ne se sentant pas français et encore moins européens, soucieux de retrouver leurs patries charnelles, s’engagent au djihad armé en Syrie, accompagnés d’européens autochtones perdus et convertis à l’Islam. Ils nous frappent sur notre propre sol, qui est aussi en partie le leur. Cette jeunesse en perte de repères nourrit le besoin impérieux de retrouver une partie de son être, elle le fait mal, de façon désordonnée et nihiliste. Les nations européennes ne sont plus que des fictions juridiques, elles n’incarnent plus des patries, elles n’ont plus à cœur la conservation et la transmission de leurs histoires. Pourquoi un descendant d’immigré d’une autre origine ethnique qu’européenne s’assimilerait à une nation qui n’a plus de patrie, qui est oublieuse de sa civilisation, qui ne représente rien si ce n’est le « bonheur matériel » et la « dignité humaine » ?

Avant tout, il faut arrêter l’hypocrisie et comprendre que nous sommes face à l’urgence, le plus grand trouble qu’ait connu notre continent dans son histoire et au moins désigner le problème identitaire comme il se doit : franchement. Les possibilités de sortie de l’impasse identitaire contemporaine ne sont pas nombreuses. Dans un monde en constante transformation, nous devons aussi proposer d’autres possibilités de transformation ou de re-transformation, en assumant le progrès mais en méditant le devenir de nos êtres à l’aune de la mémoire historique.

Gabriel Robin – Secrétaire général

Merci à un lecteur intelligent, habitant en Belgique, que je ne suis pas en droit de citer nommément. Je n’ai pas pu reprendre ses réflexions, mais elles contribueront à nourrir de futures publications.

Pirinçci, Kubitschek und Elsässer in Magdeburg

COMPACT-Live: Pirinçci, Kubitschek und Elsässer in Magdeburg

Akif Pirincci hat wieder zugeschlagen. Mit seinem neuesten Buch „Umvolkung. Wie die Deutschen still und leise ausgetauscht werden“ rechnet er erneut mit dem Bereicherungswahn ab – natürlich auch per COMPACT. Am 19. Mai stand Pirincci bei COMPACT Live in Magdeburg auf den Bühne, gemeinsam mit Götz Kubitschek (Sezession) und COMPACT-Chefredakteur Jürgen Elsässer.

Längst gehört der mutige Pirincci zu den Verfemten des Merkelregimes. So wie viele andere Autoren, die die Wahrheit aussprachen. Die wichtigsten Fälle finden Sie im COMPACT Spezial Nr. 9 "Zensur in der BRD - Die schwarze Liste der verbotenen Autoren".

Mehr unter https://www.compact-shop.de/

La Table Ronde, cet agréable refuge où régnait un climat d'improvisation ingénue

 
nim013199-1_1.jpgAu lancement de la Table Ronde, « agréable refuge où régnait un climat d’improvisation ingénue » dixit Michel Déon, la revue alors dirigée par François Mauriac collectionne quelques plumes illustres, et pour le moins hétérogènes : Albert Camus, Thierry Maulnier, Raymond Aron... mais c’est surtout Roger Nimier, Jacques Laurent, Antoine Blondin et Michel Déon qui se distinguent de leurs aînés par leur zéro de conduite. Nimier, tout d’abord, qui à 23 ans publie Les Épées, et poursuit deux ans plus tard en 1950 avec Perfide, Le Grand d’Espagne et Le Hussard bleu sa chronique d’une jeunesse désabusée. Proie du mal du siècle, Nimier donne dans l’impertinence. A l’heure où tout le monde se découvre résistant, Sanders, héros du Hussard bleu, dit s’être engagé dans la résistance « par manque d’imagination » avant de rejoindre la Milice parce qu’il y trouve « des garçons énergiques, plein de muscles et d’idéal »... après tout, « les anglais allaient gagner la guerre. Le bleu marine me va bien au teint. Les voyages forment la jeunesse. Ma foi, je suis resté ». Tout Nimier tient dans cette phrase, ironie et dandysme. Et dans ses formules lapidaires semées à la Table Ronde, qui inciteront au peu Mauriac à foutre le camp de la revue, du genre : « le silence de Monsieur Camus, dans le silence universel, n’aurait rien de très remarquable, si le même écrivain ne s’élevait pas, avec éloquence, en faveur des nègres, des palestiniens ou des jaunes », avant de conclure, au sujet d’une éventuelle guerre : « nous ne la ferons pas avec les épaules de M. Sartre, ni avec les poumons de M. Camus »... qui était atteint de tuberculose. 
 

roger-nimier-def.jpg

 
Jacques Laurent n’est pas mal non plus. C’est un peu la figure martiale des « Hussards ». C’est lui qui déclare la guerre à Jean-Paul Sartre en 1950 et met un point d’honneur à « démilitantiser » la littérature. Si vis pacem para bellum. Jacques Laurent fonde en 1952 La Parisienne, « revue de caprice et d’humeur », et part à l’assaut des Temps modernes. Le premier numéro résume bien l’ambition : 
La défaite que la littérature a subie aura été une courte victoire du politique. Le politique n’a pas tué la littérature. Il l’a engagée comme décoratrice. Il a recouru à elle pour orner son salon avant de l’ouvrir au public (...). La Parisienne se propose d’effectuer ce qu’on appelle en termes administratifs un dégagement des cadres (...). Elle ne souhaite servir rien d’autre que la littérature. Autrement dit, cette revue n’est pas un cours du soir habile. Elle vise à plaire. 
 

jacques-le-pugiliste.jpg

 
L’opposition à la politique est bien là. Mais l’apolitisme recherché dans cet art de plaire – plutôt delectare que docere en somme – est encore et malgré tout politique. Pas seulement parce que rhétorique et politique sont les deux faces d’une même médaille, mais parce que l’affirmation de la primauté de la littérature sur la politique, l’idée de sa gratuité et de son irresponsabilité – la thématique de « l’innocence du roman » surgie à la Libération – fondent un engagement aux antipodes du paradigme sartrien. A bien des égards, d’ailleurs, les romans de Jacques Laurent peuvent se lire comme des manuels d’antimarxisme, plus précisément d’anti-hégélianisme. Laurent a en horreur cette dialectique conflictuelle que ressassent tous les philosophes de l’après-guerre. Ce qu’il défend là, c’est une vision de l’histoire dominée par le règne de l’aléatoire et du contingent. On le voit chez ses héros, qui flottent à côté d’éléments dont ils ne peuvent être tenus responsables : ils ne font pas le monde, ils le subissent. Face au règne de la volonté rationnelle et souveraine, Jacques Laurent veut rétablir dans les conduites des hommes un espace de jeu et d’aléatoire. Ainsi Faypoul, le héros du Dormeur debout, déclare : « Mon livre est un anti-Hegel. Celui-ci avait prétendu, comme Bossuet, éliminer le hasard et les contingences et, comme Platon, transformer l’histoire en un reflet des idées, or mon expérience et mon tempérament m’ont entraîné à considérer comme essentiels les accidents de parcours et à substituer le délire à la raison ». On voit toute l’empreinte des pères fondateurs de la droite littéraire : l’histoire n’est pas le produit de la volonté humaine, mais la résultante de processus naturels ou divins. Contingence contre dialectique. Tempérament contre volonté. Providentialisme contre rationalisme. Un providentialisme, d’ailleurs, qui reste peut-être la marque distinctive de la droite littéraire depuis plus de deux siècles. Et Nimier de résumer : « Les hommes font leur destin, mais ils ne le sauront jamais, ce qui revient à ne rien faire ». Reste donc à l’Homme d’expérimenter sa liberté par la gratuité du geste, l’exaltation de la vie, la célébration du moi, dans un ordre du monde où demeure « la bonne chance ». 
 
Pierre Poucet, Les Hussards, cavaliers des arts et des lettres
 

deon408-11e0-948f-d63c23523df8.jpg

Science fiction begins with Bulwer-Lytton's attack on egalitarianism

edward-bulwer-lytton-1a.jpg

The First Dystopia

Science fiction begins with Bulwer-Lytton's attack on egalitarianism

Science fiction has flooded television and Hollywood in recent decades. Our pop culture has been completely saturated by it—and it has often played a key role in our cultural and political commentary. Films and novels such as Christopher Nolan’s The Dark Knight or Suzanne Collins’s The Hunger Games touch upon issues ranging from the War on Terror to the Occupy Wall Street movement.

Yet while left-leaning science-fiction writers and directors tend to be explicit in their political allegiances, we rarely see a display of right-wing credentials in the genre. This may be understandable, given the entrenched liberal culture of Hollywood. But considering the roots of science fiction, such silence is unfortunate. After all, one of science fiction’s founding fathers was a 19th-century conservative named Edward Bulwer-Lytton.

vrilrwjZGSIL._AC_UL320_SR214,320_.jpgAn eminent novelist, playwright, poet, and politician in Victorian Britain, Bulwer-Lytton has been largely neglected since his death in 1873. People remember the phrases he coined—such as “it was a dark and stormy night” or “the pen is mightier than the sword”—but not the man himself. His single contribution to the science-fiction genre, The Coming Race, came in the twilight of his life after an already long and prestigious career. But then, there really was no “science-fiction genre” when The Coming Race appeared, which is what makes this book remarkable—it prefigures many of the themes that have since come to define a rather large part of our popular culture.

In the 1830s, early in his career, Bulwer-Lytton was a Radical novelist and dandy of aristocratic birth, prone to bouts of melancholia, with a strong penchant for Byron. Along with his friend Benjamin Disraeli, also a Radical novelist at the time, Bulwer-Lytton enjoyed the glamour and gossip of London high society. He wrote several novels about English society—from Pelham, which recounted the life of a society dandy and aspiring politician, to the criminal underbelly portrayed in his Newgate novels, which recounted the adventures of highwaymen and murderers. This eye for Britain’s social and cultural life was a defining feature of Bulwer-Lytton’s style and work.

Following the death of his mother in 1843, Bulwer-Lytton inherited the family title and estate. It gave him a new purpose and responsibility: the dandy of the 1830s was gone. By the 1840s, he had become a moderate Whig and a serious Victorian gentleman. Bulwer-Lytton was a committed protectionist, however, and grew increasingly disillusioned with his fellow Whigs. He eventually joined the Conservative Party in 1852, a defection facilitated by his friendship with Disraeli. This was a counterintuitive move for a rising star in Parliament: for the next two decades, the Conservatives would languish in opposition, with only brief attempts at governing. During these years, Bulwer-Lytton was Disraeli’s ally in the House of Commons.

By 1871, Bulwer-Lytton was an aged, deaf, and increasingly sick man. Years of political opposition had prevented him from ascending to the heights of political office. The world was also a very different place: as a young man Bulwer-Lytton had fought tooth and nail to prevent the rise of free trade and the growth of democracy, both of which he saw as destructive forces and vehicles for class warfare. But both had come to pass with repeal of the Corn Laws in 1846 and the Second Reform Act in 1867. Britain was no longer an exclusively agricultural, Anglican, and hierarchical society, but rather an increasingly industrialized, pluralistic, and democratic one.

Vril_The_Power_of_the_Coming_Race.jpgIt would have been easy for Bulwer-Lytton to resign himself to the fact that the political battles which had defined so much of his life were lost. Instead he published The Coming Race, anonymously, in 1871. The novel addressed new dangers he feared would await Britain through the allegorical story of a subterranean master race called the Vril-ya, whose strange abilities were made possible by the immense power of an energy source called Vril. This mysterious substance is likened to electricity or an “atmospheric magnetism” which has attained “unity in natural energic agencies.” It can influence all forms of matter by providing a power source for machinery, healing physical ailments, establishing telepathic communication, and destroying entire cities.

The novel proved incredibly popular, selling through five editions by January 1872. In retrospect we can see The Coming Race as a progenitor of the science-fiction genre, but Bulwer-Lytton was drawing upon numerous other genres he had already experimented with. He was well versed in such subjects of popular fascination as the occult and macabre, as well as the growing late Victorian obsession—shared by Sir Arthur Conan Doyle—with clairvoyance and the afterlife.

Where The Coming Race displays its innovative spirit, however, is in Bulwer-Lytton’s use of satire to blend the occult with the scientific, prophesying the dangers of utopian faith in egalitarian doctrine and technological advancement.

The year before The Coming Race was published, France had descended into chaos in the wake of the Franco-Prussian War—which witnessed the birth of the Paris Commune that inspired Karl Marx’s line about the  “dictatorship of the proletariat.” Not for the first or last time, an Englishman would look upon an episode of political violence in France and feel compelled to speak out against the dangers of misguided utopianism. For Bulwer-Lytton, the new radical doctrine threatening Western civilization in 1871 was egalitarianism.

In The Coming Race, Bulwer-Lytton chooses to tell his anti-egalitarian satire through a nameless narrator: a young gentleman from an unspecified time and place in 19th-century America, who falls down a mineshaft and discovers the Vril-ya. At first this might appear to be a counterintuitive choice of protagonist for a British aristocrat in the twilight of his life. But therein lies the interesting twist.

The narrator is as much the subject of anti-egalitarian criticism as he is the voice for anti-egalitarian commentary. Bulwer-Lytton’s dripping disdain for democracy is evident from the very beginning as the narrator recalls how his father “once ran for Congress, but was signally defeated by his tailor.” Bulwer-Lytton was baffled by liberal intellectuals’ support for democracy, which was in his view a highly anti-intellectual system. It is perhaps for this reason that he robbed his narrator of his sense of superiority by having him judged a barbarian by the Vril-ya, despite his heroic presentation of American democracy.

vril867218-M.jpgEgalitarian doctrine is embodied in the Vril-ya. Their society enjoys absolute equality of class and between sexes. Theirs appears to be a utopia in which crime, disease, and conflict do not exist. Leftist writers have conceived of such places in science fiction for decades, with Gene Roddenberry’s Star Trek being the most prominent example of recent times. This progressive spirit has been elevated to theological heights by the Vril-ya, who base their religion on the “conviction of a future state, more felicitous and more perfect than the present.” But the narrator soon discovers that this serene paradise is in fact one of the most civilized hellscapes to grace science fiction.

The society produced by absolute equality of outcome is ultimately sterile and monotonous, as it has traded away individuality for the common good. There is no state coercion of any kind; instead, convention and custom govern the lives of the Vril-ya thanks to their ability to self-discipline their behavior through the aid of Vril. All the Vril-ya put the common good before all other considerations, thus producing an authoritarian order in which a single magistrate rules, albeit with no formal coercive power, and citizens abide by the motto “No happiness without order, no order without authority, no authority without unity.” Language such as this calls to mind the totalitarian dystopias of George Orwell’s 1984 or Alan Moore’s V for Vendetta. Individuality and the unequal distinctions that arise from it are actively repudiated by the Vril-ya, rooted in the belief that greed for status, privilege, and fame could only lead to conflict and poverty.

Having once admired utilitarian social reformers in the 1830s, Bulwer-Lytton was aware of the many utopian arguments that claimed the state could change people’s habits, and thus their character, through measures such as public education or teetotalism. The Vril-ya represent this approach in excelsis. With Vril supplying all needs, no one indulges in alcoholic intoxication, adulterous love, devouring meat, hunting animals, or rude language. The Vril-ya’s rational morality is utterly divorced from human emotion or animal instincts—at the cost of all artistic endeavor and spiritual expression. Blandness and mediocrity define their way of life. Without competition, there is no opportunity for greatness to emerge. Bulwer-Lytton’s narrator even goes so far as to say that if you took the finest human beings from Western civilization and placed them among the Vril-ya, “in less than a year they would either die of ennui, or attempt some revolution.” Egalitarianism is portrayed as a doctrine that can only destroy all the particularities, idiosyncrasies, and joyfulness of human existence.

vrilPompeii-C1.jpgThe Coming Race’s contribution to science fiction is obvious in its exploration of technological advancement and its effects on society. Vril is not just an agent for modeling social and political life; it is a means of technological salvation. Bulwer-Lytton’s narrator likens Vril to electricity, but Vril’s abilities will remind modern readers of technologies that came after Bulwer-Lytton’s time—specifically, Vril has the ability to “reduce to ashes within a space of time too short for me to venture to specify it, a capital twice as vast as London.” As a result, this “mutually assured destruction” led to centuries of peace among the underground peoples, allowing the Vril-ya to develop and for nations to fragment into tribal communities tied together by mutual consent instead of state-sanctioned coercion. Unwittingly, Bulwer-Lytton managed to prophesy the nuclear age.

In what has come to be a hallmark of science fiction, Bulwer-Lytton considered the dehumanizing impact that technological advancement might have on society, prefiguring authors such as H.G. Wells, who used Gothic imagery to describe the subterranean Morlocks, or Orwell and Aldous Huxley, who both crafted technocratic dystopias. These early pioneers were certainly aware of The Coming Race, and, by accident or design, they echoed the themes explored by Bulwer-Lytton.

vrilzanoni cover.jpgThe Vril-ya center their lives around machinery and scientific advancement, with no consideration for the soul or emotion. They augment themselves with mechanical wings for personal transportation, which calls to mind later ideas of cyborgs and transhumanism. This notion that every technological leap robs some part of our humanity has become a recurring theme in science fiction, so much so that it has become cliché—yet in many ways, it started with Bulwer-Lytton.

There is much in The Coming Race still worthwhile for a modern reader. Through the eyes of the author, this vain old English aristocrat, we can witness the passing of an age and the foreshadowing of a new one of industrialized warfare and utopian crusades. Despite its occasionally turgid prose, The Coming Race offers a gripping story that entices the reader to consider the implications of the Vril-ya’s civilization. In writing this book, Bulwer-Lytton was lamenting the loss of the England he grew up in—but also giving warning to those like us, who would face this future defined by egalitarianism and technology, threatened by the reckless pursuit of utopian bliss. 

David A. Cowan was an American Conservative editorial assistant last fall.

Is Jonah Goldberg Right About Fascism?

gottpaulb626e6785062374d45b25cc6e7f.jpg

Is Jonah Goldberg Right About Fascism?

By

At the recent Scholars’ Conference (sponsored by the L von M Institute) I asserted that while anti-New Deal commentators between the two wars were not entirely wrong in their analysis of fascism, current attempts to identify fascism with the Left are rarely more than GOP rhetoric.  Since this point may have puzzled my listeners, it may be helpful to explain what my statement meant. My clarification may be all the more necessary since I said roughly the same thing on Tom Woods’s radio program, without going into details. In the 1930s and 1940s, such critics of the New Deal and FDR’s liberal internationalism as John T. Flynn, Albert J. Nock, Garet Garrett and Frank Chodorov were fond of associating the politics of the American government with European fascism. This criticism went back to the 1930s and in the case of Flynn, was originally aimed at the Italian fascist regime. Flynn and his followers feared that fascism, which like the New Deal offered a halfway house between capitalism and socialism, was more insidious for the West than Communism:  “A man could support publicly and with vehemence this system of the Planned Economy without incurring the odium of being too much of a radical for a polite and practical society.” Fascism with its “Planned Capitalism,” insisted Flynn, was the “direct opposite of liberalism.” (Flynn in this passage was using the word liberal in its true historical sense.) This newly conceived regime was “an attempt, somewhere between Communism and capitalism, to organize a stable society and to do it by setting up a state equipped with massive powers over the lives and fortunes of its citizens.”

The Roosevelt Myth_Flynn.jpgFlynn’s still highly readable The Roosevelt Myth includes accurate, well-phrased observations, however much they may overestimate the staying power of the fascist model. But in his assumption that the fascist state would have long-term appeal, Flynn was hardly alone. In 1933, FDR and his Brain Truster Rexford Tugwell thought that fascism would be here to stay, and as late as 1940, James Burnham viewed it as one of the several forms of the modern administrative state —and possibly the most successful form that it would assume in the course of the twentieth century.

I should also indicate at this point what Flynn and his confreres never said. They did not claim that fascists were leftists, at a time when New Dealers and the editorial board of the very leftist New Republic imagined that Mussolini was their ideological ally. Critics of the New Deal who discerned overlaps between Mussolini and FDR pointed to a shared managerial style of rule. They viewed fascist Italy and welfare-state America as related threats to a liberal society, and the fact that FDR in the early and mid-1930s, before Mussolini’s sudden about-face and alliance with Nazi Germany, expressed admiration for his Italian counterpart, seemed to prove the validity of Flynn’s comparison.  I would not hold it against Flynn, Garrett, and Nock that they failed to anticipate my own arguments about Italian fascism. From their historical position, they may not have seen this development as a make-believe revolutionary movement, which came to power largely as a check on the revolutionary Left.

This was not obvious to most American observers in the 1930s, who may have been more likely to have noticed the political resemblances between fascist Italy and New Deal America. The extensive labor legislation introduced in America in the 1930s looked at least on paper like the “Labor Charter” introduced by Mussolini’s government in 1926. The pump-priming efforts undertaken by both governments to deal with the Great Depression were noticeably similar. Nor was there any reason in the early or mid- 1930s or perhaps even later for an intelligent foreign observer to think that fascism would soon be on its way out. By the early 1930s, there was a “fascist international” that sought to compete with the Communist movement for support throughout the world.  Italian fascist journalists were then taking the side of indigenous populations against English colonialism. (The Italian fascist government generally viewed England as their main rival; however between 1933 and 1936 Mussolini’s hostility was transferred temporarily to Nazi Germany.)

godwinslaw.jpgWhile New Deal critics tried to understand fascism in their time, today’s GOP propagandists do not try to understand anything about this interwar movement. They make their living by labeling the Democrats “fascists” and then identifying fascism and the Democrats with the Left.  Jonah Goldberg’s best-selling pseudo-scholarship Liberal Fascism (2007) may be the most popular example of this propaganda technique but (alas) Goldberg’s nonsense is far from the worst of its genre. In researching my monograph, I unearthed so many abuses of the “f” word by GOP publicists and conservatism, inc., that I finally gave up cataloging them. I also discovered that no one (except perhaps for old-fashioned Habsburg monarchists) really believes that “fascism” was or is a leftist movement. When neocons start screaming about “Islamofascism,” I doubt that they’re suggesting that Muslim terrorists and multicultural Americans are ideological soulmates.

By this point fascism is not an ideological reference point but the verbal equivalent of a chair that one throws at one’s enemy’s head. Just a few minutes ago, I found this substantiated when neoconservative luminary Robert Kagan announced that “Trump will bring fascism to America.” Finally, I can’t believe that anyone but a total idiot would imagine that American affirmative action programs (when enforced by Democrats but supposedly not Republicans) resemble Hitler’s exclusion of Jews from professions and from German citizenship during the 1930s. When I encountered this comparison in Goldberg’s turgid screed, I remember saying to myself I hope he’s joking or simply lying to sell books to Dittoheads. Any other reason for his lunatic statements is too scary to consider.

In any case, I get exasperated by those who try to trace Goldberg’s opinions back to Flynn and other anti-New Deal critics of fascism. Contrary to what is suggested in the introductory chapter of Fascism: Career of a Concept Goldberg and his fellow-publicists in the GOP establishment are not offering an interpretation of fascism that goes back to the interwar American Right. These specialists in PR have never thought seriously about the “f” word and happily run together Italian fascism, German Nazis, Hillary Clinton and whatever else the GOP establishment is currently running against.  By contrast, Flynn and others of his time and persuasion were better-informed analysts. Their critical commentaries on the “fascist revolution” and its relation to the New Deal are still worth revisiting.

00:05 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paul gottfried, fascisme, histoire, états-unis | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

jeudi, 26 mai 2016

Défaite sur le fil du candidat FPÖ Norbert Hofer

bundes2PHOWWW00449.jpg

Défaite sur le fil du candidat FPÖ Norbert Hofer

Les raisons d’un échec

par Thomas Ferrier

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com

Les résultats.

Avec 49.7% des voix contre 50.3% pour l’écologiste Alexander Van der Bellen, Norbert Hofer (FPÖ) a échoué de peu aux élections présidentielles autrichiennes, alors que tout indiquait qu’il serait élu avec une certaine avance. Il est victime notamment du vote des électeurs par correspondance, ceux-ci ayant donné 61.7% des voix à Van der Bellen contre 38.3% à Hofer. Par ailleurs, 40% seulement des femmes autrichiennes ont donné leur voix au candidat FPÖ.

La victoire de Van der Bellen s’explique par un excellent report de voix venus de tous les partis, et notamment de près de 50% des électeurs de droite (ÖVP) et une plus grande mobilisation des abstentionnistes. Dans ces conditions, malgré une progression de 14.6 points entre les deux tours, Hofer échoue, certes de peu.

Le nouvel élu, particulièrement fade et pourtant sans relais sur le terrain, a bénéficié d’abord d’un vote de rejet (47% de ses électeurs ont voté pour lui par crainte du FPÖ) et ensuite d’un vote systémique, par l’effet anxiogène des pressions internationales et de la propagande médiatique. En effet, aucune célébrité ou presque n’a apporté un soutien public au FPÖ, même s’il n’y a pas eu de campagne diabolisatrice analogue à 2002 en France.

oesterreich.jpg



Les raisons profondes.

Il y a des raisons plus profondes à cet échec et celles-ci dépassent le cadre national de cette élection et existe dans les autres pays d’Europe. Ce phénomène touche aussi bien le FN que l’AFD. Les femmes, électorat plutôt conservateur par nature, ce pourquoi la France républicaine avait tant rechigné à leur accorder le droit de vote, et les retraités, sont en effet rétifs au discours de « repli » que peut incarner à sa manière le FPÖ. Enfin, il ne faudrait pas oublier le poids croissant des minorités d'importation, le candidat Van der Bellen ayant même proposé des affiches en allemand et turc.

bundes.jpgMême si ce dernier sur les questions européennes est beaucoup plus mesuré que son partenaire français de Strasbourg (FN), il suscite une crainte d’ordre irrationnel encouragée par les media. Le discours anti-€ et anti-UE fait peur à ceux qui réussissent socialement ou se sentent protégés par des « acquis sociaux ». Si 86% des ouvriers ont voté FPÖ, très peu de cadres ont en revanche fait ce choix.

Le FPÖ est nazifié dans la presse internationale, alors que rien ne le justifie objectivement. Il n’a pas été plus composé d’anciens nazis que l’ÖVP ou le SPÖ et Kurt Waldheim n’était pas non plus un FPÖ. Si le FDP allemand, qui avait connu au départ une évolution semblable, est sur une ligne très différente, ce n’était pas le cas dans les années 60. Schönhuber lui-même était un ancien membre des sociaux-démocrates (SPD).

Enfin, le programme de Hofer était ambitieux et a froissé les conservateurs de tous poils. Il voulait donner à la fonction de président autrichien la plénitude de ses droits. Il était prêt à s’opposer aux quota de migrants à Bruxelles ou à l’adhésion de la Turquie. Cela a pu aussi alimenter les craintes de nombreux électeurs. Ils ont préféré un président potiche, comme ses prédecesseurs, et ce sera en effet le cas.

L’idée d’un président FPÖ avec un chancelier FPÖ (Strache) sponsorisé par lui, représentant un cumul potentiel de pouvoirs, a effrayé certains au moment du vote. Pourtant cette crainte relève du fantasme. Les véritables dangers sont de nature identitaire et à défaut d’y parer efficacement, le FPÖ aurait au moins pu limiter la casse et décourager des réfugiés potentiels de faire halte en Autriche.

Les enseignements de cette élection, comme ceux du second tour des élections régionales en France, c’est qu’un programme anti-européen est anxiogène, que l’idée d’un « repli » crée une peur économique, mais que malgré tout la crise identitaire amène presque un électeur sur deux à soutenir le FPÖ en Autriche.

Une force politique qui associerait résistance identitaire et cadre européen d’action serait invulnérable, sous réserve de réussir à créer les conditions d’émergence requises.

Le FPÖ ne doit donc pas écouter les sirènes du « marinisme » et doit au contraire jouer une partition mesurée associant identité autrichienne et identité européenne. Ce sont là les clés de son éventuel succès futur. Et c’est ainsi qu’il sera aussi utile à tous les autres Européens, afin de lancer le signal de la reconquête, et au lieu d’un repli national sur des conceptions frileuses, bâtir les assises de la Grande Europe.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

Vers un crash économique mondial?

crash0130907_SBD001.jpg

Vers un crash économique mondial?

par Guillaume Faye

Ex: http://www.gfaye.com

Les économistes classiques distinguent deux niveaux de crise : la récession et la dépression, la première étant passagère (une grippe), la seconde étant plus grave (une pneumonie), comme la crise de 1929. Il existe un troisième niveau, jamais envisagé, à tort, par les économistes officiels : le crash, comparable à un cancer. Mortel. Le dernier en date eut lieu au début du Ve siècle avec l’effondrement de l’Empire romain d’Occident. Il aura fallu près de mille ans pour s’en remettre. Voici quels sont les facteurs de déclenchement possibles de l’ apocalypse économique.

  1. Un mécanisme spéculatif international fondé sur des robots numériques et déconnecté de l’économie réelle.  

Le spéculateur va du fonds de pension au petit épargnant en passant par les banques et autres institutions financières, avec aussi les fonds souverains et les important investisseurs privés. Les bourses ne dépendent plus des ordres concrets des détenteurs d’actions mais les ordres d’achats et de ventes, instantanés, sont définis par des algorithmes informatiques, simplement contrôlés, mais non décidés intelligemment, par des ”financiers” rivés à leurs écrans. Ce sont les milliers de robots interconnectés qui décident de vendre, d’acheter, d’emprunter, de prêter. De gigantesques flux d’argent, hors contrôle et totalement virtuels innervent la planète à une vitesse et avec une instantanéité phénoménales. Cela n’a aucun rapport avec l’économie réelle et peut créer des bulles explosives. Le terme d’ « économie de casino », créé par le prix Nobel d’économie Maurice Allais s’applique aujourd’hui bien plus que de son temps. 

  1. Un système bancaire international opaque et adepte de pratiques dangereuses.

Blanchiment d’argent sale, aide aux fraudes fiscales, prêts pourris… La prudence et l’honnêteté de beaucoup de banques (pas toutes évidemment !) dans tous les pays du monde peuvent être mises en cause. Il en va de même pour les compagnies d’assurance. Les banques des deux premières économies mondiales (États–Unis et Chine) sont particulièrement adeptes de créances douteuses et de pratiques risquées et opaques. L’absence de réorganisation du système bancaire international après l’alerte de 2008–2009 est inquiétante parce que le niveau des créances et d’opérations dangereuses ne cesse d’augmenter.

  1. Un endettement structurel de tous les acteurs économiques mondiaux, publics et privés.

La dette, comme un virus, est au cœur du fonctionnement de l’économie internationale : endettement croissant des États, des entreprises et des particuliers. Cette situation, jamais vue auparavant, est intenable à moyen terme. Si tout le monde emprunte plus qu’il ne peut rembourser, le système s’effondre. Parce que l’ensemble de l’économie mondiale dépense plus qu’il ne produit. Si l’État français est endetté à hauteur de presque 100% du PIB, en hausse constante, l’État chinois l’est à 230% du PIB contre 130% en 2008. Les chemins de fer chinois (China Railway Corp) sont endettés à hauteur de 557 milliards d’euros, plus que la Grèce (311 milliards) !

Pour l’instant, tout tourne mais ça ne durera pas. De plus, le vieillissement des populations occidentales, de la Chine et du Japon va considérablement alourdir la dette globale, du fait des dépenses de santé et de dépendance, si des économies drastiques ne sont pas accomplies par ailleurs par les États. (étude de S&P Global Ratings, mai 2016). L’éclatement de la bulle d’endettement mondial peut provoquer un ”effondrement systémique” : faute de pouvoir être remboursées, la plupart des institutions financières mondiales font faillite. Et entrainent dans leur chute une majorité des acteurs économiques qui sont totalement liés les uns aux autres. C’est le fameux effet domino.

Obama-Wall-Street.jpg

  1. Une Union européenne plombée par la France socialiste, homme malade de l’Europe

Contrairement à ce que prétendent certains (au FN, etc.), ce n’est pas l’UE, aussi imparfaite soit-elle, qui plombe l’économie française mais le système socio-économique français, d’inspiration marxiste, qui se plombe lui-même… et qui menace toute la zone Euro. Pour l’économiste Nicolas Baverez, la France risque l’ «  implosion » et peut entrainer dans sa chute la zone Euro, ce qui provoquerait une récession mondiale. « Le grand écart entre les deux principales économies de la zone euro (France et Allemagne) est insoutenable à terme ». Les dirigeants français ont toujours « refusé toute réforme d’un modèle économique et social suicidaire ». Si la droite revient au pouvoir en 2017, il est très peu probable qu’elle ait le courage d’accomplir un tournant majeur, en dépit des promesses de chevaux de retour candidats à la primaire. On les connaît…

De plus, indépendamment du cas français, l’UE est menacée de dislocation du fait d’autres causes structurelles : elle constitue un ensemble mal organisé, économiquement et financièrement mal géré, sans frontières, sans politique commerciale extérieure. La France entrainera d’autant plus facilement l’Europe dans son naufrage que cette dernière est déjà un navire qui prend l’eau.   

  1. Les migrations massives et le choc avec l’islam

Ces deux facteurs, qui menacent l’Europe (surtout) et l’Amérique du Nord, sont lourds de conséquences économiques. Une colonisation de peuplement par des populations en grande majorité musulmanes et globalement (qu’ils soient migrants récents ou nés ici) d’un niveau très inférieur aux populations autochtones en déclin démographique dramatique, va être la source d’énormes troubles. Ils s’ajouteront aux causes ethniques et démographiques d’un effondrement économique global et prendront probablement la forme d’une guerre civile, d’abord en France. Cette dernière sera un facteur d’accélération d’un crash économique qui affectera toute l’Europe et, par effet de dominos, le monde entier.     

Quelques signes avant–coureurs de l’effondrement

Tout d’abord le cours de l’or explose : +18% depuis le 1er janvier 2016. C’est une valeur refuge, un placement improductif. 1.290 tonnes d’or ont été négociées depuis cette date, soit 25% de plus qu’en 2015.Chiffre énorme. Le repli sur l’or est de très mauvais augure, il traduit un pessimisme profond, l’attente d’une catastrophe économique.

Ensuite, sur la côte Ouest américaine, paradis des start–up et de l’économie numérique, les investissements ont chuté de 25% au premier trimestre 2016. La Silicon Valley, temple et thermomètre de la ”nouvelle économie”, est en grande difficulté financière. C’est la première fois depuis sa création, voici trente ans. Enfin, les fonds financiers européens et américains ont, depuis quelques mois, retiré 90 milliards de dollars des marchés des actions pour les reporter sur… l’achat d’or. N’oublions pas non plus l’inquiétante récession du Brésil : un PIB en chute de 3,8% en 2015 et probablement autant en 2016 selon le FMI.

L’optimisme forcé, assez irrationnel, sur la ”nouvelle économie numérique”, avec le big data, la blockchain, l’impression 3D, le ”transhumanisme”, etc. qui préfigureraient une ”troisième révolution industrielle” et un nouveau paradigme (et paradis) économique mondial, relève probablement de l’utopie et de l’auto persuasion. Et de la croyance aux miracles.

Les conséquences d’un crash économique mondial

En Europe, un effondrement du niveau de vie d’environ 50% est parfaitement possible, avec le retour de nombreux pays à une économie de subsistance, à la suite d’un déclin géant de tous les échanges et investissements. Certains diront que tout cela sera positif en créant un terrible chaos qui remettra les pendules à l’heure et provoquera par contrecoup un effet révolutionnaire de renaissance.   

Un tel crash pourrait peut-être stopper et inverser les flux migratoires en Europe. On ne sait pas, nous verrons bien. On ne peut pas prévoir les conséquences exactes d’événements qui, eux pourtant, sont prévisibles. Il faut simplement se préparer au pire qui peut aussi être le meilleur.

cr1337.jpg

Lettre ouverte de Tomislav Sunic à M. Laurent Joffrin, rédacteur en chef de Libération (Paris)

tomsun915_3373345024469298778_o-e1454783535331.jpg

Lettre ouverte de Tomislav Sunic à M. Laurent Joffrin, rédacteur en chef de Libération (Paris)

Nous publions cette lettre de Tomislav Sunic à la rédaction de Libération pour la raison suivante: cette gazette parisienne a l'art de publier des articles injurieux, moralisants, ineptes sur les réalités politiques de TOUS les autres pays européens, sous prétexte que ces réalités ne s'alignent pas sur les fantasmes malsains des gauches françaises, dont la caractéristique principale est le déni du réel, assorti d'une crapulerie de plus en plus manifeste. Cette attitude est inacceptable, dans le chef de Libération comme dans celui d'autres gazettes parisiennes. Il serait bon que de toutes les régions d'Europe, de protestations s'élèvent, véhémentes, pour que cette volonté de tout homogénéiser, que ce mépris d'autrui, que cette arrogance fondée sur l'ignorance crasse du monde et des faits, soient systématiquement fustigés, dénoncés et surtout moqués.

Le 24 mai, 2106

M. Laurent Joffrin, Rédacteur en chef, Libération

Objet : « En Croatie, un révisionniste ministre de la Culture » Le 23 mai 2016 http://www.liberation.fr/debats/2016/05/23/en-croatie-un-revisionniste-ministre-de-la-culture_1454623

Monsieur,

Chaque fois qu'un commentaire paraît dans les médias étrangers au sujet du nouveau gouvernement croate et surtout de son nouveau ministre de la Culture, M. Zlatko  Hasanbegovic, on doit s’armer contre un déluge d’amalgames.  Les termes diabolisateurs tels que « extrême droite », « droite extrême »,  « oustachis-fascistes »,  semblent toujours bien coller à la Croatie. La langue de bois qui était de rigueur chez les anciens scribes yougo-communistes semble être dorénavant reprise par les bien-pensants français qui l’emploient à volonté à l’encontre de tous ceux qui s’écartent un tant soit peu de l’historiographie officielle, ou bien qui expriment des doutes sur la vulgate libéralo-multiculturelle, prescrite par l’Union Européenne.     

Pour sa part et afin de mériter son certificat de bon élève démocratique, la Croatie est censée se vautrer éternellement dans le déni de soi et les mea culpa historiques. Quelles sont concrètement les sources auxquelles puise Libération quand il nous suggère que  « d’après les estimations les plus fiables, au moins 83 000 personnes ont été assassinées dans le camp (oustachi) de concentration et d’extermination de Jasenovac ».  On croit rêver en lisant les propos de Libération, vu que d’après le gouvernent serbe, ce chiffre victimaire, adopté volens nolens par le gouvernement croate, s’élève à neuf fois plus en Serbie !  Alors Libération semble tomber lui- même,  soit dans le guet-apens du révisionnisme, soit dans le mensonge ordinaire.

Vos correspondants auraient pu ajouter, ne serait-ce que par souci d’objectivité, qu’en grande partie, l'administration de la Croatie actuelle, les médias et  l’enseignement supérieur, regorgent encore de nombreux ex-communistes et de leur progéniture post-yougoslave. Autrefois, ils faisaient les pèlerinages de Moscou et de Belgrade et maintenant, leurs lieux saints sont devenus Washington et Bruxelles. Pour des raisons d’honnêteté minimum, on aurait peut-être pu ajouter aussi un mot ou deux sur l'anniversaire des massacres de centaines de milliers de civils croates et allemands de souche par les communistes de Josip Broz Tito, en mai-juin 1945… Un nombre important de ses sbires communistes, bien que séniles, sont encore bien vivants en Croatie d'aujourd’hui. Au lieu de perdre son temps sur la montée de la prétendue bête immonde de l’extrême droite oustachie-révisionniste en Croatie, on ferait mieux de se focaliser davantage sur l'héritage catastrophique de l'ancien  chouchou de l'Occident, à savoir l'ex-Yougoslavie communiste et multiculturelle.

Cordialement,

Tomislav SUNIC

(écrivain)

Croatie, Zagreb

L’erreur stratégique d’Hillary Clinton

hillary-angrydddd.jpg

L’erreur stratégique d’Hillary Clinton

par Pierre Toullec

Ex: http://www.katehon.com

Tout au long des élections américaines de 2016, retrouvez chaque vendredi l’analyse de Pierre Toullec, spécialiste de la politique américaine, en exclusivité pour Breizh Info ! L’occasion de mieux comprendre les enjeux et les contours d’élections américaines finalement assez mal expliquées par la majorité de la presse subventionnée – sponsor démocrate de longue date. L’occasion également d’apprendre ce qui pourrait changer pour nous, Européens, suite à l’élection d’un nouveau président de l’autre côté de l’Atlantique.

L’erreur stratégique de Hillary Clinton

La division au sein du Parti républicain reste profonde et dangereuse pour son avenir et pour les élections de novembre 2016. Cependant, une opportunité de conserver la mainmise sur le pouvoir au Congrès pourrait se présenter. A droite, les deux derniers adversaires de Donald Trump, le sénateur Ted Cruz et le gouverneur John Kasich, ont abandonné la course suite à la victoire du milliardaire dans l’Indiana. Le processus de nomination chaotique qui a duré des mois est terminé et le Parti républicain sera donc représenté par Donald Trump aux élections présidentielles.

Dans le même temps, la primaire démocrate qui, au contraire,  s’était déroulée de manière relativement paisible, avec une bonne entente entre Hillary Clinton et Bernie Sanders, prend un tournant violent, à la fois dans le langage mais aussi physiquement !

Cette évolution est liée au fait que Clinton ne parvient pas à vaincre Sanders. Au cours des mois de février et mars, l’ex-première dame a accumulé les victoires principalement dans le Sud, avec des marges impressionnantes, comme en Caroline du Sud (78 % des voix), en Louisiane (71 % des voix) ou encore au Mississippi (82,6 % des voix).  Etant donné la répartition à la proportionnelle des délégués au sein des primaires démocrates, pour les observateurs politiques, ces victoires auraient dû lui permettre de prendre une forte avance sur son adversaire. C’était bien le cas : les délégués engrangés durant les votes du Sud ont apporté à Hillary Clinton une telle avance qu’elle se considéra très tôt comme la gagnante et que désormais les Démocrates devaient se réunir derrière sa candidature.

Ses victoires dans cette partie des Etats-Unis ont été liées à des facteurs spécifiques au Sud. Hillary Clinton est populaire auprès des minorités, notamment noires, qui sont présentes en grand nombre dans ces Etats et y représentent la majorité des électeurs démocrates. De plus, son époux était gouverneur de l’Arkansas, un Etat au cœur du Sud et fut un président particulièrement apprécié de la communauté afro-américaine pour ses politiques de discrimination positive. Enfin, dès le début de la campagne, Hillary Clinton s’est orientée comme héritière naturelle des années Obama, un pari gagnant pour s’assurer le soutien des minorités.

Ainsi à la mi-mars, la candidate était donnée déjà gagnante. Son adversaire ne s’est pas résigné. Au contraire, Bernie Sanders a utilisé l’argument des victoires de Clinton dans le Sud pour affirmer qu’elle n’est qu’une candidate « régionale » incapable de gagner dans le reste du pays. Il n’avait d’ailleurs pas essayé de la combattre dans ces Etats, préférant se concentrer dans des territoires plus favorables. Il semble que les faits lui aient donné raison : depuis le 15 mars, le sénateur Sanders accumule les victoires et rattrape progressivement son retard.


L’état de la primaire démocrate A l’exception de l’Oklahoma, il est clair sur cette carte que Hillary Clinton est parvenue à remporter l’intégralité des Etats du « Sud ». Cependant, depuis que ces Etats ont fini de voter, à quelques exceptions, les victoires se sont faites rares dans le reste du pays
L’enthousiasme de Clinton a joué contre elle. Sûre de sa victoire, elle a commencé dès la mi-mars à se détourner de la primaire démocrate pour se préparer à l’élection nationale de novembre contre le futur candidat républicain. L’argent et l’organisation ont commencé à manquer pour les primaires qui ont suivi du fait de cette réorientation stratégique. Comme en 2008, Hillary Clinton a fait l’erreur de penser avoir gagné alors que le match n’était pas terminé.

La conséquence de cette erreur est particulièrement grave dans cette élection. En effet, il est désormais certain qu’aucun des deux candidats n’aura suffisamment de délégués pour remporter la primaire le de la convention nationale de juillet. Hillary Clinton conserve un avantage car elle a le soutien de la majorité des super-délégués, mais ces derniers peuvent changer d’avis à tout moment, en particulier s’ils voient que le vent tourne définitivement en faveur de Bernie Sanders.

*Les Super-délégués démocrates sont les cadres et les élus du parti. Ils sont libres de leur vote le jour de la convention nationale. La majorité d’entre eux s’est engagée à soutenir Hillary Clinton mais ils sont libres de changer d’avis jusqu’à la convention démocrate qui se tiendra du 25 au 28 juillet 2016. En 2008, une majorité de super-délégués s’était engagée à soutenir Hillary Clinton au début de la campagne mais a décidé d’élire Barack Obama alors que Clinton avait 300.000 voix d’avance sur lui dans la primaire.


*Les Super-délégués démocrates sont les cadres et les élus du parti. Ils sont libres de leur vote le jour de la convention nationale. La majorité d’entre eux s’est engagée à soutenir Hillary Clinton mais ils sont libres de changer d’avis jusqu’à la convention démocrate qui se tiendra du 25 au 28 juillet 2016. En 2008, une majorité de super-délégués s’était engagée à soutenir Hillary Clinton au début de la campagne mais a décidé d’élire Barack Obama alors que Clinton avait 300.000 voix d’avance sur lui dans la primaire.

hillary_lead_color_revolution.jpg


Le sénateur a été clairement sous-estimé par les dirigeants du parti. Les super-délégués sont désignés parce qu’ils représentent le Parti démocrate à un poste d’élu à l’échelle nationale ou locale. Or, la vague « Bernie Sanders » ne s’est pas faite uniquement sur les délégués à remporter. Ces victoires lui ont permis de placer ses fidèles à des postes stratégiques voire à la direction des partis locaux dans plusieurs Etats. Cette situation change la donne car elle menace directement les super-délégués : ceux qui soutiennent Clinton alors que leur Etat a voté pour Bernie Sanders pourraient se voir éjectés du parti lors des primaires pour le Congrès et les postes d’élus représentant le parti démocrate. Si Bernie Sanders continue d’accumuler les victoires, de plus en plus de super-délégués pourraient se voir forcés de modifier leur soutien pour garantir leur poste.

Le danger de l’enthousiasme féminin

L’une des plus grandes forces derrière la candidature de Hillary Clinton, au-delà du soutien des minorités, vient du soutien féminin. De très nombreuses femmes soutiennent et votent pour Hillary car elles veulent garantir l’élection de la première femme présidente des Etats-Unis, ou au moins la première nomination d’une femme à la tête d’un des deux grands partis américains. Il est clair que cet enthousiasme lui a permis de gagner plusieurs votes. Aujourd’hui, la campagne de Clinton se retrouve face à une difficulté particulièrement délicate à gérer : des milliers de femmes veulent être élues déléguées pour se rendre à la convention de juillet et voter pour elle lors de cet événement. La conséquence première est que la campagne de Clinton se retrouve débordée par le travail de sélection des délégués car il y a beaucoup trop de candidats, et particulièrement de candidates.

Sur le principe, un tel enthousiasme est généralement bénéfique lors d’une élection. Le problème central est qu’il est lié ici au genre de la candidate et non à ses idées ou à ses propositions. Actuellement, la campagne de Clinton a beaucoup de mal à sélectionner ses futurs délégués à cause de cet afflux massif de candidates. Autrement dit, sa campagne n’est pas en mesure de faire une sélection solide sur les délégués qui la soutiennent. Ceci signifie que de nombreuses femmes (notamment) seront présentes à la convention pour voter pour elle, mais ces délégués peuvent partager les idées de Bernie Sanders. Même si Hillary Clinton parvient à être nominée par la convention, nombre de ses propres supporters pourraient alors voter contre ses idées et faire valider un programme politique en désaccord avec le programme de Hillary Clinton, et pire, pourrait donner les clefs du parti démocrate aux proches de Bernie Sanders, mettant en péril une potentielle présidence Clinton qui pourrait se retrouver avec le parti qui l’a élue hostile à sa gouvernance !

La division démocrate : l’opportunité gagnante pour Donald Trump ?

Enfin, Hillary Clinton peut tout à fait remporter la nomination et garantir ainsi la victoire de Donald Trump. Au début de la campagne, la candidate a souffert dans plusieurs Etats de la présence du milliardaire car plusieurs dizaines de milliers de ses soutiens sont allés voter dans la primaire républicaine en faveur de Trump. Malgré cela, les sondages donnaient Clinton largement vainqueur contre le candidat républicain.

Depuis, alors que le ton a commencé à monter entre les deux adversaires démocrates, de plus en plus d’électeurs de Bernie Sanders s’engagent dans un mouvement « Never Hillary » semblable à celui que des républicains continuent de monter contre Donald Trump.

La tension est si forte entre les deux camps que de plus en plus de soutiens de Bernie Sanders affirment aujourd’hui être prêts à voter pour Donald Trump si Hillary représente le parti démocrate. Ceci était impensable il y a encore quelques mois, mais il y a de nombreuses similarités entre les candidatures des deux hommes. Certes leurs programmes diffèrent, mais ils ont tous les deux construit leur discours autour d’un message « anti-Washington », « anti-élites » et « anti-Wall Street ». Cette image d’outsiders qu’ils partagent favorise fortement le candidat républicain.

Cette évolution ne s’observe pas seulement dans les intentions de votes et dans les sondages. Les conventions des différents Etats deviennent de plus en plus chaotiques, avec des violences verbales et physiques ! La convention démocrate du Nevada qui s’est tenue au cours du week-end dernier a vu des militants des deux bords s’insulter, se menacer de mort et envoyer sur les militants adverses des projectiles, principalement des chaises et des bouteilles en verre ! Les soutiens de Bernie Sanders ont accusé la direction du parti démocrate du Nevada de violer les règles des votes de désignation des délégués et de favoriser Hillary Clinton. Ce mercredi, sur CNN, le directeur de campagne de Bernie Sanders lui-même a accusé la direction du Parti démocrate de truquer les conventions d’Etats et certains votes pour garantir la victoire de Clinton.

En réaction, de plus en plus de soutiens de Bernie Sanders rejoignent les rangs des « Démocrates pour Trump ». Ce mouvement s’est vu notamment dans l’évolution rapide dans les sondages. Donald Trump a toujours du mal à regrouper son camp et nombre d’électeurs républicains se tournent vers le parti libéral ou sont en recherche d’un autre candidat à présenter sous l’étiquette « conservateur ». Cependant, sa victoire désormais garantie lui a permis de voir l’opposition de droite à sa candidature diminuer.

hill50mglUb2m1slqt1mo1_1280.jpg

Mais le plus fort mouvement observable au cours des dernières semaines est la rapide augmentation du nombre de démocrates pro-Sanders qui se disent prêts à voter pour Trump si Hillary Clinton remporte la nomination ! Le mouvement devient tellement important que la direction de la campagne de Sanders travaille à renverser la tendance. La menace est si forte que Bernie Sanders lui-même est intervenu pour dire à ses électeurs que s’il perd la primaire, il ne faut pas qu’ils aillent voter pour Trump mais bien qu’ils votent pour Hillary Clinton. Pour la première fois depuis très longtemps, deux sondages (Fox News et Rasmussen) ont donné Donald Trump gagnant en cas de duel contre Hillary Clinton, notamment grâce aux soutiens de Bernie Sanders.

Mais la division des démocrates ne va pas que dans un sens. Les supporters de Hillary Clinton aussi commencent à se détourner de Bernie Sanders. Dans deux sondages, en cas de duel Trump – Sanders, le même mouvement apparait. Une forte partie de l’électorat de Hillary Clinton commence à exprimer son refus de voter pour Sanders et préférer voter pour Trump, donnant ces deux candidats au coude à coude.

Depuis le début de la semaine, les événements s’aggravent entre les deux camps. Le parti démocrate du Nevada a officiellement déposé une plainte auprès du parti national le lundi 16 mai demandant la condamnation publique de la campagne de Bernie Sanders, un mouvement qui n’a pas manqué d’attiser la colère des militants du sénateur du Vermont. Le lendemain, la présidente du parti démocrate, Debbie Wasserman Schultz, a exprimé par le biais d’un communiqué de presse son inquiétude face à la montée des tensions internes au parti. Sa direction doit dans les prochains jours organiser une rencontre entre les dirigeants des campagnes de Clinton et Sanders pour tenter d’apaiser la situation.

Il y a seulement quelques semaines, les démocrates étaient impatients de voir la nomination de Donald Trump du côté républicain, pariant sur le fait que sa victoire en juillet aurait garanti la victoire démocrate en novembre. L’erreur stratégique de Hillary Clinton en mars a créé une division d’une violence non vue au sein du parti démocrate depuis la primaire de 1968. Cette erreur pourrait bien donner sur un plateau la présidence des Etats-Unis à Donald Trump, comme ce fut le cas pour Richard Nixon cette année-là.

Retrouvez les articles précédents :

1 – L’Iowa et Ted Cruz (5 février 2016) (http://www.breizh-info.com/2016/02/05/usa-iowa-retour-sur...)

2 – Le New Hampshire et Donald Trump (12 février 2016) (http://www.breizh-info.com/2016/02/12/new-hampshire-retou...)

3 – Le décès du juge Scalia (19 février 2016) (http://www.breizh-info.com/2016/02/19/elections-usa-les-c...)

4 – L’ascension de Donald Trump (26 février 2016) (http://www.breizh-info.com/2016/02/26/39697/etats-unis-do...)

5 – Qui a réellement gagné le Super-Tuesday du 1er mars ? (4 mars 2016) (http://www.breizh-info.com/2016/03/04/40056/elections-ame...)

6 – La convention républicaine de 2016 : l’arrivée d’une crise politique majeure ? (11 mars 2016) (http://www.breizh-info.com/2016/03/11/40308/elections-ame...)

7 – La primaire républicaine : une course à deux ou à trois ? (18 mars 2016) (http://www.breizh-info.com/2016/03/18/40559/etats-unis-la...)

8 – Les conséquences des attentats du 22 mars sur les élections américaines (25 mars 2016) (http://www.breizh-info.com/2016/03/25/40896/consequences-...)

9 – 2016 : la compétition des impopulaires ? (2 avril 2016) (http://www.breizh-info.com/2016/04/02/41152/elections-ame...)

10 – Le 5 avril 2016 : un tournant dans les primaires ? (8 avril 2016) (http://www.breizh-info.com/2016/04/08/41594/usa-5-avril-2...)

11 – L’Etat de New York : la surprise (22 avril 2016) (http://www.breizh-info.com/2016/04/22/42453/elections-usa...)

12 – Donald Trump : la victoire au bout des doigts ? (29 avril 2016) (http://www.breizh-info.com/2016/04/29/42803/elections-ame...)

Crédit photo : DR + flickr
[cc] Breizh-info.com, 2016 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine

Vérité pour les oustachis

Croatia-Surging-Right_Horo-965x543.jpg

Vérité pour les oustachis

par Georges FELTIN-TRACOL

 

La grasse presse française, britannique, belge, allemande en tremble déjà d’effroi. Après la Hongrie du national-conservateur Viktor Orban, la Pologne des patriotes sociaux de Beata Szydlo et Jaroslaw Kaczynski, la Slovaquie du social-démocrate nationaliste Robert Fico, la Croatie serait en passe de rejoindre le club de plus en plus recherché des « démocraties illibérales »… La chaîne franco-allemande Arte s’inquiète que le nouveau gouvernement HDZ (les nationaux-conservateurs artisans de l’indépendance en 1991) accroisse son contrôle sur les médiats publics (attitude bien sûr impensable en France où les chaînes publiques versent tous les jours dans l’ultra-nationalisme le plus outrancier). Pis, le nouveau ministre de la Culture, l’historien Zlatko Hasanbegovic, envisagerait de réhabiliter – horresco referens – les oustachis et leur chef, le Poglavnik Ante Pavelic. Les Bo-Bo dans leurs lofts huppés ne s’en remettent pas tant ils sont angoissés, indignés et traumatisés par ces nouvelles. Le nouveau livre de Christophe Dolbeau risque d’aggraver leur dépression.

 

Démolir une histoire officielle mensongère

 

Amoureux de l’histoire, du peuple et de la nation croates, Christophe Dolbeau y dénonce la « légende noire » de l’Oustacha, cette « Organisation révolutionnaire croate des oustachis ». Outre une alliance avec l’Axe préjudiciable à la cause nationale croate depuis 1945, la Croatie oustachie de 1941 à 1945 garde une très mauvaise réputation. Il faut dire que « seuls maîtres des lieux à partir de 1945, les communistes en ont écrit l’histoire à leur convenance et il convient de considérer ce récit avec la plus grande circonspection (p. 375) ». En effet, « grâce aux efforts conjugués des propagandes serbe et communiste, les crimes les plus abominables leur sont attribués et le monde entier est régulièrement appelé à les vilipender en chœur. Tout cela est faux et relève, bien entendu, d’un gigantesque montagne. Le premier objectif de cette manœuvre est de disqualifier durablement le nationalisme et même le simple patriotisme croate afin de laisser le champ libre aux projets yougoslaves; le deuxième est de susciter a contrario un élan de sympathie pour le “ pauvre petit peuple serbe ” et d’occulter les méfaits de ses dirigeants; le troisième, enfin, est de justifier les actes des partisans communistes qui ont “ heureusement ” terrassé la “ bête immonde ” (p. 371) ».

 

Faut-il ensuite vraiment s’étonner que, « décrit comme un être brutal et pervers, commandant d’une main de fer une sombre association de tueurs à la solde du fascisme – les oustachis -, Ante Pavelic fut dès lors rangé au nombre des disciples les plus glauques d’Adolf Hitler. Par la suite, on appliqua la même recette à “ l’État indépendant croate ” (1941 – 1945), dépeint à l’envi comme un enfer pire que le Reich lui-même (p. 7) » ? Plus grave, « dans l’entreprise de diabolisation qui vise l’État indépendant croate, la réputation cauchemardesque des camps de détention de cet État joue un rôle capital (p. 375) ». L’auteur ne rédige pourtant pas une apologie : il conserve son objectivité. La Croatie se trouvait en guerre et les exactions à l’encontre des civils étaient inévitables.

 

Toutefois, il s’interroge sur l’inégalité de traitement historique entre les atrocités oustachies, régulièrement condamnées par les autorités officielles croates, et la tragédie, qu’il qualifie de démocide, de Bleiburg en mai 1945 du nom d’une bourgade autrichienne. Entre 600 000 et un million de Croates de tout âge et de toute condition sociale y furent massacrés par les partisans communistes de Tito. Par ailleurs, les zélées troupes britanniques remirent aux Yougoslaves tous leurs prisonniers croates dont rares furent les survivants. En Croatie, la répression fut aussi implacable. Christophe Dolbeau rapporte qu’« au moins 200 000 Croates trouveront effectivement la mort dans ces funestes colonnes qui traversent à pied la Yougoslavie : la mort par épuisement, par la faim, la soif, le typhus, et la mort brutale de la main de gardiens fanatisés (p. 324) ». Tout le territoire croate se couvre de fosses communes et de camps communistes d’exécutions de masse.

 

L’extermination programmée des élites croates

 

Sur ce sujet bien précis, l’Occident refuse la moindre repentance. Estimant que de futures découvertes archivistiques révéleront l’identité des ultimes donneurs d’ordres, l’auteur incrimine le Britannique Anthony Eden comme « LE grand instigateur de la tragédie (p. 331) ». Bleiburg et la sanglante épuration en Croatie représentent « près de trente fois Katyn ! Ce démocide, il faut le savoir, n’a pas été le fait d’individus incontrôlés, mais bien le fruit d’une politique délibérée. On a parlé d’un ordre formel de Tito à ses généraux et aux chefs de l’OZNA, et l’on a remarqué la parfaite organisation technique des bourreaux (pp. 325 – 326) ». « D’une brutalité inouïe, cette grande purge cause dans la société croate un traumatisme profond, d’autant plus qu’elle s’accompagne de l’émigration massive et définitive de ceux qui parviennent à passer à travers les mailles du filet (pp. 353 – 354). » L’auteur insiste sur ce nettoyage socio-ethnique : « Au démocide aveugle et massif qu’incarnent bien Bleiburg et les marches de la mort s’ajoute un crime encore plus pervers, celui que le professeur Nathaniel Weyl a baptisé aristocide et qui consiste à priver délibérément une nation de son potentiel intellectuel, spirituel, technique et culturel (pp. 342 – 344) ». Résultat, « la Croatie mettra près de vingt-cinq ans à se doter d’une nouvelle élite digne de ce nom, puis encore vingt ans à émerger définitivement du cauchemar yougo-communiste ! (p. 355) ».

 

ustK83887_1.jpgAvant même d’aborder ces sanglants faits historiques occultés par une histoire officielle qui s’apparente de plus en plus à un ensemble de dogmes officiels incontestables sous peine d’excommunication civile et judiciaire, Christophe Dolbeau prouve que l’Oustacha, Ante Pavelic et l’État indépendant croate demeurent les victimes d’une virulente et intense désinformation. Éléments en pointe de la résistance croate à l’entreprise démente, centralisatrice et unificatrice de la dynastie usurpatrice serbe des Karageorgevic, les oustachis coopèrent avec les nationalistes macédoniens de l’ORIM (Organisation révolutionnaire intérieure macédonienne) et combattent les tchetnik royalistes panserbes de Draja Mihaïlovic qui bénéficient parfois de l’assistance matérielle des Italiens, toujours méfiants à l’égard d’une Croatie indépendante qui contrarient leurs ambitions balkaniques. Zagreb tente d’atténuer les litiges territoriaux et frontaliers avec Rome en s’érigeant en royaume offert à un membre de la Maison royale italienne de Savoie, le duc Aymon de Spolète, devenu Tomislav II. Mais le souverain abdique le 12 octobre 1943…

 

Les relations germano-croates sont aussi difficiles, car Hitler, à l’origine, soutenait l’unité de la Yougoslavie. Les services britanniques à Belgrade renversent le gouvernement pro-allemand, ce qui aboutit à l’intervention militaire des armées allemandes, italiennes, hongroises et bulgares en « Slavie du Sud » et favorise par contrecoup inopiné l’indépendance croate. Alignée de fait sur Berlin, le jeune État croate s’en distingue néanmoins, dans le traitement de ses minorités religieuses et nationales.

 

Les oustachis et leurs minorités ethno-religieuses

 

Ainsi, les oustachis ont-ils la réputation d’être des antisémites carabinés. Or, « issu d’un parti qui avait toujours compté de nombreux Juifs dans ses rangs, soulage Christophe Dolbeau, Ante Pavelic n’était absolument pas antisémite : sa femme était d’ailleurs d’ascendance partiellement juive, ce qui était également le cas des épouses de plusieurs de ses proches collaborateurs. L’Oustacha ne recrutait pas sur des critères raciaux et plusieurs de ses cadres étaient juifs. Lorsque l’État croate adopta des lois antijuives, il fut précisé que n’étaient pas visés les Juifs convertis ni les conjoints de chrétiens; on institua par ailleurs un statut d’Aryen d’honneur qui permit de mettre à l’abri nombre de serviteurs de la cause nationale et de citoyens éminents (pp. 382 – 383) ». Ne versaient-ils pas alors dans la haine anti-orthodoxe et la serbophobie ? En fait, « dans le domaine militaire […], l’armée régulière croate possédait un grand nombre de généraux orthodoxes, la milice oustachie quelques officiers supérieurs de cette confession, et, à partir de juin 1942, il y eut même dans les troupes neuf bataillons du génie à recrutement orthodoxe (pp. 387 – 388) ». « Le gouvernement avait dans ses rangs un ministre orthodoxe (Sava Besarovic) (p. 387). » Mieux encore, « le 3 avril 1942, Ante Pavelic suscite la naissance d’une Église orthodoxe croate, indépendante du patriarcat serbe. Placée sous l’autorité du métropolite Germogen et destinée à moyen terme à se rattacher au patriarcat œcuménique de Constantinople, cette Église fut dotée de statuts directement inspirés de ceux de l’Église orthodoxe serbe (p. 387) ». Une autre minorité est pleinement intégrée dans le nouveau cadre étatique : les musulmans de Bosnie. Ante Pavelic n’affirme-t-il pas que « les musulmans croates sont la moelle épinière du peuple croate (p. 50) » ? Maints mahométans accèdent à la vice-présidence du gouvernement, à la tête de ministères régaliens, à la présidence de la Cour suprême, ou au commandement d’unités militaires. « Le Poglavnik prend la peine de consulter le Reis-ul-ulema, les tribunaux de la charia retrouvent un statut officiel (décret du 30 juin 1941), le salaire des imams est pris en charge par l’État (décret du 25 mai 1944), et le gouvernement s’engage à subventionner plusieurs institutions emblématiques comme le conseil des ulémas (Ulema Medzlis), les écoles primaires et les écoles coraniques (pp. 51 – 52). » L’actuel ministre de la Culture, Zlatko Hasanbegovic, est d’ailleurs de confession musulmane.

 

Soutien français et résistance armée après-guerre

 

Véridique histoire des oustachis mentionne les quelques rares amis de la cause croate tels l’avocat français Georges Desbons qui déclarait que « la Croatie est ma seconde patrie (p. 293, note 17) ». Radié du Barreau quand il défendait avec fougue les Macédoniens auteurs de l’attentat de Marseille en 1934, cet anti-munichois convaincu fut un éphémère ambassadeur de l’État français à Zagreb. Christophe Dolbeau ne se contente pas d’expliquer la Seconde Guerre mondiale en Croatie. Il traite aussi de l’après-guerre pour les oustachis rescapés. Présente en Europe occidentale et, surtout, aux Amériques, l’émigration croate se montre combative et se donne successivement un Comité national croate, puis un Mouvement de libération croate, affiliés à la Ligue anti-communiste mondiale et au Bloc antibolchevique des nations.

 

dolbeau.jpg

 

En Yougoslavie même persiste jusqu’en 1949 – 1950, une farouche résistance nationaliste anti-communiste. « En Bosnie-Herzégovine, où le relief se prête parfaitement à la guérilla, les skripari se montrent particulièrement actifs (pp. 358 – 360). » Agissent enfin à l’étranger quelques groupes armés comme la Fraternité des croisés croates qui organise des attentats dans la décennie 1960, ou la Fraternité révolutionnaire croate qui détourne un avion en 1976 sur la ligne New York – Chicago.

 

Fort riche en révélations historiques assorties d’un grand nombre de sources, ce bel essai n’évoque toutefois pas l’héritage de l’Oustacha en Croatie depuis 1991, ni le parcours du Père de l’indépendance, Franjo Tudjman. Devenu historien et dissident, cet ancien communiste comprit au cours de ses recherches l’ampleur du démocide croate. L’ouvrage de Christophe Dolbeau rétablit la stricte vérité historique d’un mouvement et d’une nation, guère connus des Français. L’histoire en sort grandie.

 

Georges Feltin-Tracol

 

• Christophe Dolbeau, Véridique histoire des oustachis, Éditions Akribeia (45/3, route de Vourles, F – 69230 Saint-Genis-Laval), 2015, 419 p., 27 €, à commander aussi sur le site : http://www.akribeia.fr/.


Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

URL to article: http://www.europemaxima.com/?p=4914

 

Autopsie d’une société libérale

Autopsie_d_une_societe_liberale-c7740.png

Autopsie d’une société libérale

Conférence de Michel Drac et Maurice Gendre à Nantes

L’équipe d’E&R Pays de la Loire recevra Michel Drac et Maurice Gendre à Nantes le samedi 4 juin 2016 à 14 h pour une conférence intitulée « Autopsie d’une société libérale ».

Cette rencontre se déclinera en deux interventions distinctes :

- « L’épuisement des ressources humaines » par Michel Drac
- « Du sérieux au sensationnel, analyse du phénomène Trump » par Maurice Gendre

Réservations : conference.nantes@outlook.fr

Entrée : 7 euros.

00:05 Publié dans Evénement | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : événement, nantes, bretagne, pays de la loire, libéralisme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mercredi, 25 mai 2016

«Never Say Anything – NSA»: nouveau roman de Michael Lüders, spécialiste du Proche-Orient

michael-lueders_900x510.jpg

Des abîmes d’horreurs présents dans la réalité

«Never Say Anything – NSA»: nouveau roman de Michael Lüders, spécialiste du Proche-Orient

Ex: http://www.horizons-et-debats.ch

mk/wvb. Depuis qu’Edward Snowden a placé sur Internet une grande quantité de documents relatifs aux services secrets américains et s’est réfugié en Russie, les esprits les plus simples comprennent qu’il existe un stockage de données en attente, que toute transaction financière est enregistrée, tout comme les données des déplacements en avion et d’autres données personnelles. Celles-ci peuvent être utilisées, même sans bases législatives, n’importe où et par n’importe qui lorsque quelqu’un l’estime nécessaire.


Les flux de réfugiés venant du Proche-Orient et d’Afrique, mis en scène par les médias, nous rappellent quotidiennement que la guerre, en tant que moyen politique, est devenue monnaie courante. Nous pouvons fermer les yeux, détourner notre regard ou bien, si cela n’est plus possible, nous demander comment agir nous-mêmes face à cette misère.


NSA-9783406688928_cover-192.jpgDans son roman «Never say anything – NSA», Michael Lüders nous montre magistralement que nous aussi, nous vivons dans ce monde et que chacun d’entre nous porte une responsabilité envers l’histoire et les générations futures.


Sophie, la principale figure de son roman, est témoin en tant que journaliste, et à deux doigts près victime d’un massacre perpétré dans un village marocain. Ayant eu la vie sauve, elle se met à rechercher les causes de cette attaque brutale et découvre d’explosives relations de pouvoir géopolitiques. Lorsqu’elle tente de publier ses recherches dans son journal, elle se retrouve sous une douche écossaise: les médias mondiaux lui accordent la plus grande attention, mais lorsque l’affaire prend une tournure dangereuse les dirigeants de la rédaction, orientés vers les Etats-Unis, tentent de faire disparaître l’affaire en obligeant Sophie à lâcher ce sujet.

Lüders démontre par cet exemple à quel point les médias sont manipulés, combien on s’efforce de faire plier les journalistes sur une certaine ligne politique et combien ils sont mis à l’écart s’ils tentent de s’en tenir à la vérité. Mais Sophie ne se laisse pas intimider, elle cherche et trouve une voie pour continuer ses recherches et pour les publier, malgré le boycott des médias alignés. L’affaire prend de l’ampleur et devient de plus en plus dangereuse pour Sophie. Elle est poursuivie, il se passe des «accidents» bizarres, elle devient la cible d’activités et d’attaques des services secrets.


Wer-den-Wind-saeht-Cover-9783406677496_larger.jpgMichael Lüders, en tant que spécialiste du Proche-Orient présente ces informations spécifiques sous forme de roman. Ces faits n’auraient probablement jamais pu être publiés sous forme d’un travail journalistique. Il profite de ses connaissances en matière de style littéraire, ce qui permet au lecteur de s’identifier avec Sophie. Il ressent comme elle et souffre avec elle, surtout parce que Sophie reste fidèle à sa volonté et à son devoir journalistique de découvrir la vérité. Cela donne de l’espoir, quels que soient les abîmes bien réels relatés dans le roman: tant qu’il y aura des gens comme Sophie et d’autres qui lui viennent en aide dans les pires situations, le monde ne sera pas perdu. Cela nonobstant tous les raffinements des techniques de surveillance et d’espionnage utilisés à poursuivre Sophie pour la faire tomber et s’en débarrasser.


Le lecteur retient son souffle en lisant le récit clair et réaliste de Lüders démontrant ce qui est techniquement possible aujourd’hui. Après la lecture de ce roman, personne ne pourras plus affirmer qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter de cette surveillance étatique et des services secrets, aussi longtemps qu’on à rien à se reprocher. Ce que Lüders découvre touche à la substance même et à la liberté personnelle de tous citoyens et les citoyennes. Cela d’autant plus que le roman se déroule pour l’essentiel à Berlin, c’est-à-dire dans un environnement qui nous est proche, et non pas quelque part au fin fond du monde.


Dès lors que le lecteur prend conscience qu’il est la cible d’une surveillance totale au travers de son téléphone portable ou de son ordinateur, il comprend qu’il ne peut éviter ce qui vient d’être décrit, qu’il est en plein dedans, et qu’il doit réagir. Il comprend qu’il ne pourra plus fermer les yeux, malgré toute la propagande déversée sur lui.


Ce livre exige du lecteur de trouver lui-même des solutions, des solutions pour sortir de la logique de la guerre. Il suggère même une sortie possible: ne serait-ce pas imaginable de collaborer pacifiquement avec ceux que nous combattons, dans le domaine économique, par des sanctions et des armes? Ne serait-ce pas concevable de s’intéresser dans ce sens à l’Est? Le message du livre est clair, si l’on continue comme jusqu’à présent, nous finirons dans une impasse totale.


En bref, ce livre vaut la peine d’être lu, il oblige le lecteur à prendre position, à refuser de détourner son regard et il est véritablement passionnant.    •

Michael Lüders. Never say anything – NSA. C.H.Beck, Munich 2016. ISBN 973-3-406-68892-8

« La Grande-Bretagne court le risque d’un embrasement racial et religieux » avertit Trevor Phillips

trevor-49c6-a9c6-60fd480277cf-2060x1236.jpeg

« La Grande-Bretagne court le risque d’un embrasement racial et religieux » avertit Trevor Phillips

par Patrick Neuville

Ex: http://reinformation.tv

Trevor Phillips, célèbre écrivain et homme de télévision britannique d’origine guyanaise et d’orientation travailliste. 

Trevor Phillips, célèbre écrivain et homme de télévision britannique d’origine guyanaise et d’orientation travailliste, affirme dans un document d’une centaine de pages publié par le think-tank Civitas que la Grande-Bretagne se dirige, tel un somnambule, vers une catastrophe en raison de l’immigration de masse.
 
Dans une attaque saisissante contre des décennies de multiculturalisme officiel et de politique de la diversité, le fondateur – pourtant ! – de la Commission sur l’Egalité et les Droits de l’Homme (sorte de HALDE à la mode britannique) tire le signal d’alarme. Il n’hésite pas à faire référence au célèbre discours outre-Manche de l’ancien député conservateur des années 1960 Enoch Powell, qui avertissait le peuple des conséquences de l’immigration en parlant de « fleuves de sang ». Il compare les élus politiques, les médias et l’élite passée par l’université à l’empereur Néron qui pouvait chanter tandis que Rome brûlait.
L’embrasement racial et religieux, un risque réel si la liberté d’expression n’est pas rétablie

Des « marmonnements inquiétants au pub ou devant le portail des écoles » à propos des étrangers pourraient être, selon Phillips, le signe avant-coureur d’une réaction vive qui semblait impossible à beaucoup, en raison d’une intégration supposée relativement efficace jusqu’à présent. Il avertit que l’arrivée de groupes de musulmans, en particulier, qui opposent « une résistance active au processus traditionnel d’intégration », menace les fondations de la démocratie elle-même. Il dénonce une sorte de « super-diversité », en rupture avec l’immigration du passé. Il explique que la race ne concerne plus seulement « une affaire de Blanc ou Noir » mais une fracture entre la majorité et des gens ayant d’autres « valeurs et comportements ».
 
Fermer les yeux ne fera que « dresser les communautés les unes contre les autres, banaliser les agressions sexistes, laisser s’effondrer des libertés civiles chèrement acquises et miner la démocratie libérale qui a servi ce pays si bien pendant si longtemps » insiste Trevor Phillips. « Ce qui dérange le plus le public, ajoute-t-il, c’est l’apparition de noms non-anglais sur les enseignes des magasins, l’étrange décision de ne plus servir que des menus hallal dans les écoles, les preuves de corruption dans des équipes municipales dirigées par tel ou tel groupe ethnique… De telles annonces provoquent des murmures… qui viennent amplifier le vent du sentiment anti-immigration. »

Comme en son temps Enoch Powell, Trevor Phillips tire la sonnette d’alarme en Grande-Bretagne

Enoch_Powell_4_Allan_Warren.jpgPhillips explique que depuis le discours d’Enoch Powell en 1968 qui valut à celui-ci sa mise à l’écart de la politique, tout le monde a retenu la leçon : « Adopter toutes les stratégies possibles pour ne pas parler de race, d’ethnicité (et plus tard de religion et de foi), sauf de manière anodine et plate. »
 
Citant les scandales d’exploitation sexuelle d’enfants à Rotherham et Rochdale et les agressions sexuelles de Cologne, ainsi que les précédents en Suède, il appelle à un débat franc et ouvert sur la possibilité d’un lien entre les viols et l’origine culturelle de leurs auteurs. L’omerta avait empêché que les criminels ne soient désignés et arrêtés ; des milliers de mineurs en ont fait les frais.

Patrick Neuville