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mercredi, 13 mai 2015

Réflexions générales sur le concept d’ « Eurasie »

 

 
 
Robert Steuckers :
Réflexions générales sur le concept d’ « Eurasie »
 
 
Conférence préparée pour une rencontre eurasiste à Marseille, le 12 juillet 2014, présentée lors des « Rencontres eurasistes » de Bruxelles, le 18 octobre 2014
 
Quand on parle d’eurasisme actuellement, on a tendance à y voir une sorte d’ersatz des idéologies défuntes, qui devrait incessamment en prendre le relais, comme le voulaient par ailleurs les eurasistes des années 20 et 30, dont les démarches ont été analysées avec minutie par le Professeur Marlène Laruelle (1). Celle-ci démontre le caractère éminemment russe de la démarche eurasiste des années 20 et 30. Par conséquent, si l’Europe, le sous-continent indien, la Chine et d’autres puissances d’Asie centrale ou d’Asie orientale adoptent une stratégie « eurasienne » ou « eurasiste », le concept d’un eurasisme nouveau, conforme aux aspirations de l’Europe ou de ces autres puissances petites ou grandes, doit certes garder son noyau théorique russe, vu la qualité des arguments développés par les eurasistes de l’émigration russe de Berlin, Prague, Bruxelles et Paris entre 1920 et 1940 mais il doit aussi être élargi pour en faire la pratique naturelle des puissances du BRICS et donner corps à la géopolitique pragmatique suggérée à tous par le président kazakh Nazarbaïev, qui assure aujourd’hui les destinées de l’Etat le plus central de la masse continentale eurasienne, du « Heartland » tel qu’il fut théorisé par Sir Halford John Mackinder en 1904. 
 
Les Chinois et les Japonais (la filière géopolitique « mandchoue » de l’école dite de Tokyo, inspirée par les thèses grandes-continentales de Karl Haushofer) apporteront certainement leur pierre au nouvel édifice et la tâche de futures « rencontres eurasistes » pourraient fort bien être d’illustrer et de commenter des travaux réalisés à l’autre extrémité de la masse continentale eurasienne car la raison pragmatique nous induit tout naturellement à penser que l’avenir de l’Extrême-Orient aurait bien sûr tout à gagner d’un apaisement des tensions récentes entre la Chine et le Japon et à une réactivation des projets d’une grande « sphère de coprospérité est-asiatique » (Daitoa Kyoeiken), théorisés immédiatement avant la seconde guerre mondiale par le Prince Konoe, par le ministre japonais des affaires étrangères Matsuoka Yosuke et par le géopolitologue Sato Hiroshi (qui parlait également d’une « sphère de coprospérité des mers du Sud ») (2). Sato Hiroshi se réclamait de Haushofer dans la mesure où celui-ci estimait dans ses écrits que le Japon avait pour mission historique de contrôler les espaces de la « zone des moussons », dont la géopolitique américaine d’aujourd’hui reparle d’ailleurs avec grande précision, formulant un projet de contrôle serré de cette zone au départ de bases situées dans l’Océan Indien pour que Washington hérite définitivement, ou du moins durablement, des atouts que possédait l’Empire britannique jusqu’en 1947, année où les deux puissances rivales du sous-continent indien ont acquis leur indépendance (3).
 
De Krymski a Beckwith
Pour nous Européens de l’Extrême-Occident de la masse continentale eurasienne, une théorie eurasiste n’est possible qu’à la condition d’intégrer dans toute démarche politique ou diplomatique future et « eurasienne » le fait archéologique et linguistique indo-européen, comme l’admettait aussi un historien russe pré-eurasiste mais indo-européanisant du 19ème siècle, Agafangel Efrimovitch Krymski (1871-1942). En effet, avant la ruée des cosaques du Tsar vers le Pacifique, à partir de la fin du 16ème siècle, les peuples européens n’ont connu de projection vers le centre de la masse eurasienne qu’à l’époque de la conquête de ces vastes espaces steppiques par des peuples cavaliers proto-iraniens, comme le démontre avec une remarquable érudition le Professeur Christopher I. Beckwith (4) qui voit l’idéal politico-religieux le plus emblématique des peuples d’Eurasie formulé implicitement dès l’époque axiale de cette première migration vers le centre de l’Asie, vers les hauts plateaux iraniens puis vers la Chine (au-delà de la Dzoungarie), migration portée par des guerriers montés sur chars, aventureux, regroupés en « comitatus » autour d’un « prince » énergique, fondateur de structures politiques solides, figure charismatique qu’il faut imiter et reproduire sans cesse pour la gloire du peuple ou de la lignée dont on est issu. Pour Beckwith, l’idée eurasienne, l’idée seule capable de donner vigueur aux « empires de la Route de la soie » et des périphéries que Mackinder nommaient les « rimlands », est directement issue de ces premières vagues de la diaspora indo-européenne en Asie centrale, en Iran (y compris dans le royaume moyen-oriental de Mitanni) et au-delà de l’Indus dans le sous-continent indien, sous l’impulsion de la caste des kshatryas.
 
Pour Beckwith, ce modèle est certes d’origine européenne, se manifeste pour la première fois chez ces Proto-Iraniens, mais il a été repris successivement par tous les fondateurs d’empires de cette très vaste région, qu’ils aient été européens, huns, turcs, mongols, mandchous, etc. Tout théoricien ouest-européen d’un eurasisme nouveau doit donc intégrer ce fait protohistorique de la diaspora indo-européenne (ou proto-iranienne) dans ses réflexions (géo)-politiques, savoir qu’elle a un droit d’aînesse sur le plan axiologique, les ressacs qui ont suivi cette première expansion proto-iranienne, à partir des invasions hunniques ayant acculé l’Europe dans le cul-de-sac de la péninsule européenne, entre Mer Noire et Atlantique (res nullius à l’époque).
 
L’Europe-cul-de-sac
Aucune perspective géopolitique valable ne peut vouloir ce statut médiocre d’isolé en cul-de-sac, où semblent aujourd’hui se complaire les eurocrates, animés par des idéologies boiteuses, amnésiques, méprisables qui font dire à l’écrivain russe contemporain Edouard Limonov que l’Europe occidentale est devenue un « Grand Hospice ». Déjà au 12ème siècle, l’érudit anglais Guillaume de Malmesbury justifiait les Croisades non pas par le désir pathologique de faire la guerre à ses voisins mais de sortir de ce cul-de-sac pour récupérer les ports d’accès aux routes de la soie, pour ne pas mariner dans un isolement qui conduit à l’implosion, ce que confirme par ailleurs la grande spécialiste allemande contemporaine de l’histoire d’Arménie, Tessa Hofmann (5), quand elle évoque les royaumes arméniens de Cilicie aux 13ème et 14ème siècles. Après avoir reçu l’amical aval du grand Empereur Frédéric I Barberousse, ceux-ci branchaient, via les éléments croisés qui structuraient et protégeaient la région, l’Europe occidentale du moyen-âge sur le commerce d’Asie, première tentative de rompre l’encerclement, l’enclavement, qui étouffait l’Europe en occupant durablement la région d’Antioche, en tenant à distance les éléments seldjouks qui prétendaient couper les communications. Les Arméniens du « Comté d’Edesse » ont initié les caravaniers italiens aux routes de la Soie : c’est au départ des ports ciliciens, aux mains des Arméniens et des Croisés, que Nicola et Marco Polo entreprendront leurs voyages vers les immensités asiatiques ou vers la Cour du Grand Khan.
 
« Shatterbelt » et « gateway regions »
 
Quand on se complait dans l’idée médiocre d’une « Europe-cul-de-sac », on pose les limites orientales de l’Europe, limites purement théoriques, totalement dépourvues de pertinence, sur les Monts Oural alors que le sommet le plus élevé de cette chaine de collines est de 1600 m, exactement comme le Chasseral dans le Jura suisse. Entre l’Europe proprement dite, celle de l’espace civilisationnel médiéval, et les autres espaces impériaux d’Asie, de Perse et d’Inde, se situe un « shatterbelt » de zones mixtes, de zones de transit que le géopolitologue américain contemporain Saul B. Cohen (6) nomme également les « gateway regions » ou les « gateway states » : la Cilicie arménienne du temps des Croisades était une porte d’accès au « gateway » géant qu’est la Route de la soie ; l’Ukraine d’aujourd’hui est une autre « gateway region » et c’est, par la force des choses, une zone de fortes turbulences géopolitiques, tout comme le Nord de la Syrie et tout l’espace bouleversé par les forces de l’EIIL, un espace qui est bel et bien le correspondant actuel et l’extension vers la Perse de la Cilicie des 13 et 14ème siècles, mais un espace cette fois bouleversé de fond en comble, au point de ne plus pouvoir jouer pleinement son rôle de « gateway ». Début 2015, les observateurs les plus pertinents des effervescences en gestation pronostiquent d’ores et déjà de nouvelles zones de turbulence en Moldavie et au Turkménistan voire un affaiblissement programmé de l’Europe par une variante nouvelle des  « révolutions de couleur », sous la forme d’une confrontation entre populations autochtones (opérations PEGIDA en Allemagne et « Je suis Charlie » en France) et immigrés musulmans qui grèvera dangereusement les budgets des Etats et fragiliseront l’euro, suite à la crise grecque et à la victoire probable de l’extrême-gauche hellénique.
 
Cette brûlante actualité doit nous obliger à signaler les débuts d’une constante de l’histoire : les cavaliers proto-iraniens de la protohistoire, et leurs successeurs scythes ou alains, ont lié le vaste « shatterbelt » entre l’Europe et l’Inde, entre l’Europe et la Chine. Cette réalisation n’a suscité que nostalgies : l’Empire romain voulait rétablir la liaison avec l’Inde et la Chine, on le sait désormais comme le prouve l’importance de certains ports antiques en Mer Rouge, le site caravanier transarabique de Pétra en Jordanie ou les campagnes des empereurs romains en Mésopotamie. L’histoire des vagues successives de peuples cavaliers indo-européens vers l’Inde et la Chine devrait donc relever d’un savoir indispensable, digne complément des anciennes « humanités » (sabotées par des politiciens veules et criminels), nécessaire noyau d’une future paedia renaissanciste, dont les jalons ont été posés par Iaroslav Lebedynsky, auteur de monographies précises sur chacun des peuples cavaliers de la grande « gateway region » steppique entre Europe et Chine.
 
Attila pénètre dans la trouée pannonienne
 
Les momies du Tarim (7), comme les démonstrations du Prof. Christopher I. Beckwith, et les analyses grammaticales et sémantiques de la langue tokharienne, parlée par les ressortissants de ce peuple dont proviennent les momies, prouvent l’influence prépondérante de ces peuples cavaliers, charistes et tisserands sur le développement initial de la civilisation chinoise. Ces peuples, descendants des Proto-Iraniens, ainsi que les Tokhariens et apparentés, garderont une maîtrise complète de l’espace steppique eurasien dont la qualité stratégique est celle d’un « shatterbelt » selon Cohen, jusqu’en + /- 200 av. J. C. A ce moment-là une confédération de peuples nomades hunniques, qui reprend à son compte le haut degré d’organisation sociale des Proto-Iraniens et de leurs descendants, que l’on peut dire inspirés par les valeurs insignes et fondatrices du proto-zoroastrisme, provoque, par ses coups de butoir, le reflux des Indo-Européens en Asie centrale. Leurs successeurs huns se heurteront au barrage des empires : la Chine tient le coup, Rome s’effondre dès que les cavaliers du chef Attila pénètrent dans la trouée pannonienne, le territoire de l’actuelle Hongrie, point central et névralgique du dispositif impérial romain sur l’axe fluvial danubien. Le choc survenu en Pannonie provoque l’effondrement de l’Empire romain, y compris en Méditerranée. Celle-ci, bien que d’importance cardinale, ne suffisait pas pour en conserver la cohérence et l’unité.
 
 
Les tenants d’une vision scolaire et étriquée de l’histoire antique de Rome considèrent que celle-ci est une civilisation exclusivement « méditerranéenne », axée sur ce que Mussolini, pétri de nostalgie romaine, appelait la « Mare Nostrum ». Rome, on l’oublie trop souvent, était également une civilisation rhénane-mosellane autour de Trêves et de Cologne. Elle se déployait également le long de l’axe danubien. Donc le long de deux voies de circulation posées sur un axe Ouest-Est, la Méditerranée et le Danube, lequel était toutefois partiellement interrompu à hauteur des « portes de fer » (sur l’actuelle frontière serbo-roumaine) ou « cataractes de l’Ister ». Tout empire, qu’il soit perse, romain ou chinois, est aussi un réseau de communications : Rome, et par conséquence, l’Europe, reposait dans l’antiquité 1) sur les voies maritimes méditerranéennes dès que Caïus Julius reçoit le titre de « Caesar » pour avoir vaincu les pirates de la Méditerranée (son premier triomphe) ; 2) sur les voies de communications terrestres que furent les routes romaines ; 3) sur les voies fluviales au départ de la rive occidentale du Rhin et de la rive méridionale du Danube. L’impérialité romaine en Europe est donc la maîtrise de ces trois modes de communications que la restauration impériale pippinide/carolingienne voudra remettre en état de fonctionnement après la déchéance des derniers Mérovingiens : l’effondrement du Bas Empire avait été suivi d’une désagrégation du système des routes romaines, si bien que seules les communications par voies d’eau permettaient encore le transport de masse.
 
Le partage de Verdun de 843
 
On ne répétera jamais assez que le fameux partage de Verdun de 843 partage en fait des systèmes fluviaux entre les héritiers du fils de Charlemagne : à la Francie occidentale, les bassins de la Somme, de la Seine, de la Loire et de la Garonne, soit ce que les historiens et cartographes appellent désormais l’ « espace gallique » ; à la Lotharingie centrale, dévolue à l’aîné Lothaire et détentrice de la titulature impériale, les bassins de la Meuse, du Rhin, du Rhône et du Pô ; à la Francie orientale, dévolue au jeune et vigoureux Louis, les bassins fluviaux parallèles de la grande plaine nord-européenne et le devoir de reconquérir le Danube sur toute sa longueur, jusqu’à la Mer Noire, accès à la mythique Colchide des Argonautes et porte de la Perse. Louis établit ses capitales à Francfort sur le Main, entre la Rhénanie urbanisée et le reste de son royaume, et à Ratisbonne (Regensburg) sur le Danube, afin, justement, de se projeter vers l’aval du grand fleuve central. Ce partage de Verdun était sage et la mort prématurée de Lothaire donnera au jeune Louis la titulature impériale, après quelques vicissitudes guerrières, soit le double « espace lotharingien et germanique », au détriment de Charles le Chauve, roi de la Francie occidentale, dont les successeurs n’auront de cesse de vouloir usurper l’héritage de Lothaire, en le grignotant pendant près de dix siècles, arrêtant sa fringale territoriale par l’annexion illégitime de la Savoie en 1861 et ne laissant comme lambeaux intacts qu’une Belgique écervelée et amnésique, un Luxembourg comme coffre-fort, une Hollande isolée au nord du Rhin et de la Meuse et aliénée mentalement par un calvinisme anti-impérial (bien décrit par le philosophe allemand Christoph Steding), une Italie padanienne prospère mais liée à l’Adriatique et à la zone alpine, une Suisse, dont le territoire romand s’étend entre l’arrière-pays jurassien au sud de Bâle et Genève, là où les fleuves commencent seulement à être navigables, rendant cette Suisse au-delà de Bâle et de Genève inintéressante, contrairement au réseau routier de la Franche-Comté, pour les impérialistes galliques ou ouest-franciens, à partir de Philippe le Bel et de Louis XI. Les querelles innombrables et incessantes qui ont suivi la mort du malheureux Lothaire vont donc déterminer pendant plus de mille ans l’histoire de la péninsule occidentale de la masse territoriale eurasienne et l’empêcher de faire le grand bon en avant pour récupérer en Asie centrale son droit d’aînesse, héritage des « comitati » rassemblés autour de princes cavaliers énergiques, une quinzaine de siècles avant notre ère. 
 
 
Toynbee et la Bithynie
 
L’objectif des sages qui ont présidé à l’élaboration du Traité de Verdun était donc de laisser le bassin danubien au plus jeune et au plus vigoureux des héritiers du fils de Charlemagne, pour qu’il puisse faire face aux Hongrois et réorganiser le Danube jusqu’à son delta, afin d’y restaurer une impérialité « romaine », portée cette fois par les Francs et/ou les Germains. Le but était d’atteindre la Mer Noire et de renouer avec un système de communications permettant de commercer avec les Byzantins et les Perses voire avec tous les peuples qui vivaient au-delà de cette Perse mythique, de cet Orient qui avait été « indo-européen » avant d’être récemment islamisé. La Mer Noire, mer intérieure, est, pour les Européens de l’Ouest, la porte vers l’Eurasie, tout comme elle est, pour les Russes, un accès potentiel à la Méditerranée orientale, nécessité que postule leur volonté d’être tout à la fois les héritiers de la civilisation grecque (qui fut un Axe nord-sud, pontique/est-méditerranéen, dont le Bosphore était un goulot d’étranglement en position centrale) et de l’impérialité byzantine. Arnold Toynbee, qui a animé le « Royal Institute of International Affairs », instance compilant une immense documentation et téléguidant l’action des diplomates et stratégistes britanniques, était byzantinologue : pour lui, la civilisation grecque, posée comme matrice de la civilisation européenne (ce qui n’est que partiellement vrai à nos yeux !), est une civilisation qui lie l’espace aride du bout de la péninsule balkanique baignée par l’Egée mais tire ses substances vitales, son blé, son bois, de la maîtrise de l’espace pontique. Il n’y a pas de civilisation grecque sans les ressources de la Crimée, qui passent par le Bosphore. Autour de ce Bosphore, plus particulièrement en Bithynie, écrit Toynbee, se trouve un territoire qui, si on le domine durablement, donne tout à la fois la clef de la Méditerranée, l’accès aux routes de la soie ou à la « gateway region » de Scythie (l’actuelle Ukraine !), permet aussi l’accès à la Perse par la Colchide transcaucasienne, etc. Rome hérite de cette puissance en conquérant la Bithynie : elle sera, immédiatement après César, maîtresse du Danube, de la Crimée et de l’espace pontique et entrera en conflit avec l’Empire perse qui, lui, cherchera à se projeter vers la Méditerranée orientale : Byzance, puis l’Empire ottoman, hériteront de ce clivage Rome/Perse. Et l’adversaire ottoman de l’Europe entre le 14ème et le 18ème siècle a acquis sa puissance et sa force d’expansion immédiatement après avoir consolidé ses positions en Bithynie, ce qui lui a permis de conquérir l’Anatolie occidentale et une bonne partie des Balkans, avant même la chute de Constantinople. 
 

 

Charlemagne, incarnation d’une impérialité devenue romano-germanique, ne s’opposait nullement à Byzance, à l’Empire romain d’Orient, dirigé par le Basileus : le modèle qui le fascine, et qu’il adoptera pour embellir sa capitale d’Aix-la-Chapelle, sera précisément byzantin. Le Dom d’Aix-la-Chapelle, édifié sur un plan octogonal, reflète une splendeur byzantine, surtout depuis sa restauration récente. Charlemagne respectait donc le droit d’aînesse de l’Empire romain d’Orient et visait à lier territorialement son Empire franc à celui du Basileus. Pour y parvenir, il fallait dégager la trouée pannonienne au niveau de la puszta hongroise et rétablir le contact avec les Byzantins à hauteur des « portes de fer ». Pour réaliser un tel projet impérial, il fallait creuser une voie d’eau entre le Main et le Danube, entre le bassin rhénan dont les eaux se jettent dans la Mer du Nord et le bassin danubien, dont les eaux coulent vers la Mer Noire. En 793, Charlemagne ordonne le creusement d’un canal, que l’on appellera la fosse caroline ou fossa carolina ou Karlsgraben. Elle servira pendant un temps assez long au cours du haut moyen-âge, avant de s’enliser et de décourager les marchands vu la difficulté que constituait le système des biefs élémentaires de l’époque, mais elle s’avèrera utile dans les opérations logistiques, d’abord pour mettre un terme définitif à la domination des Avars sous Charlemagne, ensuite pour repousser les envahisseurs magyars, définitivement battus par Othon I en 955 à Lechfeld, permettant l’établissement définitif du Saint Empire Romain de la Nation germanique. Il y a à nouveau impérialité en Europe, à partir de la victoire d’Othon, parce qu’il n’y a plus de blocage hostile, porté par un élément quelconque niant ou ignorant l’héritage romain, en Pannonie.
 
Restaurer l’Empire par la maîtrise de la Pannonie
L’objectif stratégique de Charlemagne à Othon I a bel et bien été la maîtrise du Danube et de la plaine pannonienne car, dès que ce plan se réalise, il y a alors retour automatique à une impérialité à la romaine puisque Rome entretenait de nombreuses légions en Hongrie actuelle, dont les bains chauds de Budapest sont un souvenir remarquable, au même titre que ceux d’Aix-la-Chapelle. Autre preuve de restauration impériale : l’impérialité romaine était l’alliance de la sédentarité latine et de la mobilité cavalière (et eurasienne !) des foederati iazyges et roxolans (étudiés par Lebedynsky), dont les humanités un peu figées de nos curricula scolaires d’antan ne nous parlaient pas encore. Rome en effet, comme Athènes jadis avec sa police scythe, tablait sur le concours de cavaliers aguerris issus de la steppe : on les appelle surtout des Sarmates dans les sources classiques mais les unités qui servaient en Pannonie portaient les noms tribaux de Iazyges et de Roxolans. Ces cavaliers expérimentés étaient chargés de protéger cette trouée pannonienne contre les attaques des Daces ou des tribus germaniques comme les Quades ou les Marcomans. 
 
Par la conversion des Hongrois, la Pannonie, après la victoire d’Othon I, retrouve une garnison permanente de cavaliers de la steppe, de cavaliers eurasiens, qui promettent fidélité à l’Europe (à la « chrétienté » dans le langage médiéval), de toujours se ranger du côté de celle-ci et d’interdire à toute invasion venue de la steppe de bouleverser encore l’ordre néo-romain. Les Hongrois ont toujours tenu cette promesse, en laissant passer les Croisés, en luttant héroïquement contre les Turcs aux 15ème et 16ème siècles, en se sacrifiant deux fois dans les rues de Budapest en 1945 (pour protéger Vienne) et en 1956. Aujourd’hui toutefois, le parti nationaliste hongrois Jobbik, dégoûté sans nul doute par la veulerie et l’impéritie criminelle des cliques eurocratiques (qui cultivent avec une obstination pathologique le déni de toute romanité donc de toute européanité vraie et héritée), parie pour un eurasisme pantouranien, renouant avec quelques antécédents : les idées pantouraniennes des transfuges hongrois, devenus généraux dans l’armée ottomane, après la révolte de 1847-1848 matée par les Autrichiens ; les visions du turcologue judéo-hongrois Armin Vambéry, théoricien d’un pantouranisme dont les Hongrois de l’Empire des Habsbourgs seraient partie prenante, tout comme pour son homologue et coreligionnaire judéo-lorrain David Léon Cahun ; l’idéologie pantouranienne du géographe Pal Teleki (1879-1941, suicidé), futur ministre des affaires étrangères et premier ministre anglophile du gouvernement Horthy avant la deuxième guerre mondiale. Il semble que ce pantouranisme hongrois d’avant le néo-nationalisme actuel du mouvement Jobbik ait été une manœuvre occidentale, franco-britannique, pour disloquer l’Empire des Habsbourgs, ruiner tout nouveau tandem austro-hongrois ou germano-hongrois et balkaniser la Mitteleuropa, comme l’a fait le Traité de Versailles de 1919.  
 
 
Des Sicambres à Parzival
 
L’impérialité romaine puis l’impérialité othonienne recèlent donc toutes deux une dimension eurasienne, non retenues par les humanités édulcorées et figées ad usum Delphini ou par certains eurasistes russes des années 20 et 30 qui fustigeaient la civilisation « romano-germanique » en la décrétant imperméable à tout dynamisme d’origine eurasienne ou fondamentalement étrangère à la civilisation byzantine. Les éléments scythes puis sarmates ont été déterminants dans le façonnage du mental germanique, dépositaire de la titulature impériale, comme le note bien le Prof. Beckwith. Par ailleurs, de nouvelles études tendent à prouver que les éléments sicambres de la confédération franque, originaires de Cologne et de sa région et dont sont issus les Mérovingiens, avaient des origines sarmates (8), tout comme les mythes arthuriens, faussement dits « celtiques », en Britannia. Les idéaux sarmates, ceux du « comitatus » proto-iranien selon Beckwith, serviront, tout comme le « fottowat » musulman imprégné de traditions persanes (Saladin !) et non arabes, à faire éclore, dans le sillage des Croisades, le noyau dur de la civilisation européenne médiévale, c’est-à-dire les ordres de chevalerie, exprimée notamment par le mythe de Parzival (Perceval chez Chrétien de Troyes) dans l’œuvre de Wolfram von Eschenbach, qui s’inspire des mythes arthuriens, considérés aujourd’hui comme relevant du sarmatisme romain, et les introduit en Germanie continentale. Perceval est le frère en esprit du Perse Feirefiz, dont la mère est de « peau brune ». Le mythe forgé par Wolfram von Eschenbach vise à ramener au souvenir des chevaliers la tradition cavalière, chevaleresque du « comitatus » proto-iranien (et eurasien) partagée par l’impérialité germanique et l’impérialité kurde ou persane, tout en constatant une différenciation d’ordre racial. 
 
Revenons à l’époque carolingienne. Si l’objectif de Charlemagne et de ses successeurs compétents était de restaurer la communication sur le Danube, de déboucher en Mer Noire et de relier l’Ouest et l’Est à hauteur du Bosphore byzantin, à la même époque, des éléments européens non romanisés, très éloignés du monde romain et méditerranéen, entreprennent une percée plus à l’Est : les Vikings scandinaves et les Varègues suédois, dont la plaque tournante stratégique et commerciale a été le port de Haithabu, atteignent la Volga et le comptoir de Bolgar et restaurent de la sorte un commerce eurasien en prise tout à la fois sur la Volga qui mène à la Caspienne et de la Caspienne à la Perse et de la Perse à Bagdad et sur les routes de la Soie menant vers le centre de la masse continentale eurasienne et vers la Chine.  
 
 
Limes danubien et axe gothique
 
Rome était certes, depuis l’issue des guerres puniques, une puissance méditerranéenne mais elle était présente aussi sur la rive occidentale du Rhin, avec des villes comme Trêves, Cologne, Bonn, Mayence, Arlon, Tongres, Metz, Strasbourg, et sur la rive méridionale du Danube avec Castra Regina (Regensburg/Ratisbonne), Vindobona (Vienne), Aquincum (Budapest) et Colonia Singidunum (Belgrade). Plus loin, au-delà des « portes de fer », en province de Moesia Inferior, avec Novae (Svishtov), Durostorum (Silistra), etc. Jean de Brem, dans son Testament d’un Européen, d’inspiration romanisante et byzantinisante (les eurasistes russes les plus sourcilleux ne pourront nous reprocher cette lecture…), rappelle l’évacuation des régions aujourd’hui bavaroises et le remplacement de la population celte romanisée ou de souche italienne par les nouveaux venus, les Bajuwaren germaniques. Face à ce limes du delta hollandais jusqu’à celui du Danube, se regroupent une masse d’Européens non romanisés, les Germains, principalement, et leurs alliés, issus de peuples divers. Ils occupent la rive orientale du Rhin et la rive septentrionale du Danube et, surtout sous l’impulsion des Goths, maîtrisent, à l’époque du Bas-Empire ce qu’il conviendra ultérieurement d’appeler l’ « axe gothique », soit la ligne qui va de la Mer Baltique à la Mer Noire, jusqu’à la Volga. Il s’agit de l’extension d’une culture dite de Wielbark, surgie sur les rives de la Baltique, à l’embouchure de la Vistule, suite à une occupation de populations venues de l’actuelle Gothie suédoise et de l’île de Gotland, pour s’étendre au 3ème siècle jusqu’au delta du Danube et jusqu’à l’embouchure du Dniestr, sous le nom de culture de Tcherniakov. 

 

 
Portées par les Goths, préalablement issus de la Suède actuelle, les cultures de Wielbark et de Tcherniakov contribuent au « membrage » territorial de l’Europe en dehors de l’orbe romaine. La juxtaposition conflictuelle de ces deux blocs, dont le premier est avéré, ancré dans l’histoire antique, et l’autre en gestation, va créer au-delà de l’espace romanisé un barrage gothique dans le « shatterbelt » ukrainien, sarmatisé après avoir été dominé par les Scythes, et une sarmatisation partielle de l’élément goth, créant, de ce fait, une fusion germano-eurasienne féconde et relativement homogène, qui ne sera que de brève durée et n’aura pas le temps de se cristalliser : en 369, les Huns ­ -qui ont soumis les Alains, autre peuple cavalier indo-européen dont descendent les actuels Ossètes-, franchissent le Don, limite fluviale du pouvoir d’Ermanarich, roi wisigoth. Le verrou gothique du « shatterbelt » steppique ukrainien a sauté : les Huns seront rapidement sur le Danube et sur le Rhin. Rome vacille puis s’effondre. L’Empire finira par disparaître car sans verrou gothique et sans verrou romain, il n’y a pas d’impérialité possible en Europe.
 
La présence tatar/mongole empêche tout membrage de l’axe gothique
 
Mais si les Huns et les Alains ont indubitablement repris à leur compte l’idéal du « comitatus » des cavaliers proto-iraniens, leur pouvoir sur les peuples est éphémère, sans doute à cause d’une hypertrophie impériale, les cavaliers hunniques et leurs alliés contraints s’étant trop éloignés de l’espace premier de leur rassemblement. Plus tard, les Avars ont pris leur relais dans la plaine pannonienne, ont parfois été les alliés des Byzantins et ont influencé tous les peuples slaves et germaniques du bassin danubien, de la zone anciennement dace des Carpathes et de la Bohème. Ils seront progressivement éliminés par les Pippinides et les Carolingiens. Les Magyars seront battus par Othon I. De même, les Mongols et les Tatars, présents en Russie et en Ukraine de 1235 à 1480, n’exigent qu’allégeance et tribut sans occuper réellement le terrain. L’Europe a failli tomber à la même époque car les hordes mongoles arrivent sur la Vistule et battent les armées impériales et polonaises à Liegnitz en Silésie et atteignent l’Adriatique après avoir battu les Hongrois puis les Croates. La mort du Grand Khan Ögödei oblige les Mongols, respectueux de leurs coutumes, de retourner vers leurs bases de départ pour participer à l’élection d’un nouveau chef suprême. Le joug tatar, comme l’appellent les Russes, après s’être imposé de 1235 à 1480, a empêché un nouveau « membrage » territorial sur l’ancien « axe gothique », détruit en sa période de gestation par la première invasion hunnique, annihilé une seconde fois quand s’écroule la Russie kiévienne, expression d’une fusion varèguo-slave. Le choc avec les hordes tataro-mongoles, pourtant peu nombreuses, a brisé le « membrage » en gestation du binôme Varègues/Slaves sur l’axe baltique/pontique, tourné vers Byzance, donc vers l’espace pontique, le Bosphore, l’Egée et le bassin oriental de la Méditerranée et capable, comme le diront plus tard Catherine II de toutes les Russie et son ministre Potemkin, de souder une civilisation néo-hellénique, rajeunie par les éléments slaves, baltes et germaniques. Ce projet n’a jamais pu être réalisé. L’Europe reste alors enclavée, elle fait du sur-place ou ne réussit que de petites opérations ponctuelles de « désenclavement » (9), dont aucune n’a une réelle ampleur, confirmant le constat de Guillaume de Malmesbury : l’Europe est un sous-continent assiégé, battu en brèche par des ennemis acharnés. Son expansion future n’est pas due à sa malignité, à un désir sauvage de dominer autrui mais à une nécessité de se désenclaver, d’échapper à des étaux mortels, mis en œuvre eux, par des adversaires qui n’ont ni nos scrupules ni un souci de l’ « Autre » comme on le dit aujourd’hui, suite aux réflexions du philosophe Levinas.
 
Un seul objectif : se désenclaver !
 
Pour le Prof. Jean-Michel Sallmann, l’histoire de l’Europe est constitué d’une série de tentatives, d’abord timides ensuite grandioses, de désenclavement.  1) Les Croisades seront une première tentative de sortir de l’étau imposé par les Seldjoukides et leurs successeurs après leur victoire contre les Byzantins à Manzikert en 1071. L’appel d’Urbain II (alias Eudes de Châtillon) aux Francs à Clermont-Ferrand le 27 novembre 1095 demande, suite aux appels du Basileus Alexis I, de libérer la « Romania », soit l’espace jadis romain, d’une « race étrangère », mais non pas une race au sens ethnologique du terme (concept biologisant et darwinien inconnu à l’époque). Par « race », Urbain II et ses contemporains entendent un ensemble uni par une même idée et une même fidélité à l’Empire ou à ce qui demeure de cet Empire dans les esprits (comme l’explique parfaitement Jean de Brem dans son Testament d’un Européen). Finalement, ces expéditions vers le Levant furent un échec géopolitique dès la fin du 13ème siècle, sauf qu’elles permirent une deuxième forme de désenclavement, celle amorcée en parallèle à ces Croisades, soit 2) le développement des entreprises commerciales italiennes, essentiellement génoises et vénitiennes, lesquelles s’implantent en Crimée (en Tauride) pour se brancher sur les routes de la Soie du nord, grâce à une tolérance mongole pour le commerce que n’auront plus les Tatars de Crimée et d’Ukraine quand ils chercheront la protection des Turcs contre les Russes dans cette « gateway region ». Là aussi, les Italiens seront évincés du commerce centre-asiatique, au bénéfice d’un autre commerce, transatlantique celui-là, que domineront durablement des puissances atlantiques désormais liées aux Amériques. Il faudra attendre l’entrée en Crimée des troupes de Catherine II de Russie pour restaurer potentiellement un commerce liant le reste de l’Europe à l’Asie centrale, et au-delà de ses immensités territoriales, de ses déserts et de ses massifs montagneux (Altaï, Himalaya), à la Chine et à l’Inde, deux « marchés » plus accessibles au commerce maritime, plus rapide et moins onéreux, dominé par les Anglais.
 
Trois tentatives de faire sauter les verrous tatar et ottoman
 
Il y aura trois tentatives majeures pour faire sauter les verrous tatar et/ou ottoman : une offensive russe, une volonté portugaise de contourner l’Afrique et la longue guerre mené par l’Espagne pour maîtriser toute la Méditerranée. Sous l’impulsion de marchands anglais, qui se souvenaient vraisemblablement des initiatives scandinaves entre les 9ème et 12ème siècles, le Tsar Ivan le Terrible voudra rétablir sous son autorité un ensemble territorial partant de la Mer Blanche pour aboutir à la Caspienne, à Astrakhan, tout en rassemblant les terres que baigne la Volga au profit de son empire qui se pose comme l’héritier de Byzance, éliminée par le Sultan Mehmet II en 1453. Il y réussira mais sans rouvrir les routes commerciales de Marco Polo, à cause du maintien d’une présence tatar sous la protection de la Sublime Porte ottomane en Ukraine actuelle, en une zone pleinement qualifiable de « gateway area ». En compensation, l’œuvre géopolitique d’Ivan le Terrible rouvre la voie sibérienne aux cosaques, qui atteindront le Pacifique après un siècle de chevauchées. L’action géopolitique ante litteram d’Ivan le Terrible amorce le reflux tatar/mongol mais renforce simultanément la volonté de résistance ottomane qui, paradoxalement et en dépit de la volonté russe de devenir la « Troisième Rome », adopte les stratégies byzantines « antilatines » et « anticatholiques » en Méditerranée, en Mer Noire et dans le bassin danubien, autant d’actualisations des stratégies jadis préconisées par Justinien et ses généraux. Il y a eu fusion entre la géopolitique byzantine et la géopolitique ottomane dès la prise de Constantinople : le fameux film turc à grand spectacle relatant l’œuvre militaire de Mehmet II met en scène des Grecs pro-ottomans.

 

 
La tentative portugaise est plus grandiose. Sous l’impulsion du Prince Henri le Navigateur (1394-1460), Anglais du clan des Lancastre par sa mère, une école s’établit à Sagres au Portugal qui compile le savoir géographique disponible à l’époque, attirant à elle des savants de toutes origines. Dès l’âge de vingt ans, l’Infant Henri obtient de son père Jean I qu’il lance une campagne contre les pirates maures de Ceuta. La conquête de ce nid de pirates barbaresques permet de découvrir que la richesse des royaumes maures de l’actuel Maroc et de l’Andalousie musulmane provenait des richesses africaines, dont l’or de l’actuel Ghana, ramenées par les caravanes transsahariennes. Tout en préconisant un harcèlement systématique de la côte marocaine afin de contrer toute contre-offensive maure, Henri conçoit alors le projet de lancer des expéditions maritimes par cabotage le long des côtes atlantiques de l’Afrique pour contourner ces pistes caravanières et pour assurer un transport plus rapide et quantitativement plus important au bénéfice du Portugal. Les recherches de l’école géographique de Sagres permettent d’amorcer le désenclavement de l’Europe via les côtes africaines et via les immensités océaniques de l’Atlantique :   en 1419-1420, les explorateurs Joao Gonçalves Zarco et Tristao Vaz Teixeira découvrent Madère ; en 1427, Diego de Silves découvre les Açores ; en 1434, Gil Eanes franchit le Cap Bojador ; en 1444, année de la bataille fatidique de Varna contre les Ottomans, Nuno Tristao arrive jusqu’à l’embouchure du fleuve Sénégal ; après la mort de l’Infant Henri, Rui de Sequiera arrive au Bénin en 1472 puis, entre 1482 et 1486, Diego Cam atteint l’embouchure du fleuve Congo et pousse jusqu’aux côtes de l’actuelle Namibie. Entre 1487 et 1488, Bartolomeu Dias double le Cap de Bonne Espérance. En 1498, Vasco de Gama arrive à Calicut en Inde. La route vers le sous-continent indien, vers les épices et vers les régions du monde que les Romains aspiraient à explorer, est enfin accessible aux Européens, qui viennent de réussir à se désenclaver, grâce à l’impulsion première de l’Infant Henri, grâce au travail intellectuel de l’école de Sagres. L’ère de la suprématie européenne commence. 

 

 

L’Espagne ne cherchera pas à contourner la masse continentale africaine, projet qu’elle estime sans doute démesuré, et envisage de maîtriser d’abord les deux bassins de la Méditerranée, contre les Ottomans et les Barbaresques, puis de donner, à terme, des coups de bélier sur les côtes orientales de la Grande Bleue afin de rouvrir les voies classiques du commerce eurasien au départ des ports syriens et d’Alexandrie. Cette aventure –le rêve alexandrin de Charles-Quint et de Philippe II-  avait commencé dès les 13ème et 14ème siècles par les conquêtes aragonaises des îles (Baléares, Sardaigne, Sicile, Italie du Sud et parties du Péloponnèse grec). En 1565, Philippe II prend Malte. La prise de Chypre par les Ottomans ne sera pas compensée par la victoire de Lépante en 1571. Les projets espagnols de désenclaver l’Europe par le « fond » de la Méditerranée n’aboutiront pas, en partie à cause de l’alliance entre les monarques français et l’ennemi ottoman, exemple flagrant de trahison civilisationnelle, à l’origine du déclin irrémédiable de l’Europe aujourd’hui et explication au tropisme musulmaniste de la « République » maçonnique et laïcarde, en dépit d’une incompatibilité de cette idéologie stupide et vulgaire avec toute position religieuse de grande profondeur temporelle, quelle qu’elle soit. L’Espagne se tournera alors vers l’exploitation des Amériques et gardera ses conquêtes dans le Nouveau Monde jusqu’au début du 19ème siècle.
 
Cette rétrospective sur les tentatives européennes de désenclaver notre sous-continent nous montre que les conflits sont permanents et que les zones-clefs de la géostratégie peuvent redevenir, après les périodes plus ou moins longues d’apaisement, des enjeux déclencheurs de nouveaux conflits chauds. Les confrontations pour maîtriser ces zones-clefs sont donc des permanences de l’histoire qu’aucune idéologie iréniste, qu’aucun discours pacifiste, ne peuvent effacer ou rendre caduques. Nous avons vu que le conflit franco-allemand de 1870 à 1945 (ou à 1963, lors de la rencontre De Gaulle/Adenauer qui scelle la nouvelle amitié franco-allemande) a été un conflit pour la maîtrise de l’espace dit « lotharingien » puis pour le Danube et surtout le Pô, parce que les rois de France voulaient une fenêtre sur l’Adriatique pour avoir accès justement au commerce que tentait de rétablir Venise. Au-delà de cet enjeu des guerres d’Italie, de la conquête de la Franche-Comté (« El camino espanol ») par Louis XIV et des campagnes de Napoléon III en Lombardie au 19ème siècle, ces guerres incessantes visaient aussi, quelque part, à établir des têtes de pont est-méditerranéennes ou pontiques pour accéder aux routes de la soie : les croisades françaises visent à prendre Alexandrie, de même que le commerce italien qui entend également conserver et consolider ses avantageux avant-postes en Crimée, jusqu’au moment où les Tatars, oublieux des sagesses de leurs khans antérieurs, s’allieront aux Ottomans qui verrouilleront tous les accès méditerranéens et pontiques au commerce eurasien pour ne laisser aux Européens que les routes ouvertes par les Portugais ou l’exploitation du Nouveau Monde.
 
Le projet ? Ré-enclaver l’Europe !
 
Aujourd’hui, le Levant est ravagé par les miliciens de l’EIIL jusqu’en Mésopotamie, empêchant du même coup tout développement de la région au profit d’une synergie eurasienne. La « gateway region » ukrainienne est bloquée au niveau du Donbass par une guerre permanente que l’on voudra maintenir et entretenir sur la très longue durée, afin d’installer un « abcès de fixation » purulent qui aura pour double fonction d’entraver l’acheminement d’hydrocarbures russes vers l’Ouest et de fragiliser l’Ukraine, privée ainsi de ses régions industrielles et mise à charge d’une Union Européenne déjà financièrement exsangue. La Crimée va bientôt être coincée entre ce Donbass bloqué par une guerre interne aux conséquences imprévisibles et une Moldavie/Transnistrie que l’on s’apprête, dans certains cénacles de stratégistes d’Outre-Atlantique, à porter en ébullition pour imposer un nouveau verrou qui parachèvera le ré-enclavement de l’Europe, ennemi principal de Washington. A ces deux foyers de turbulences sur le « gateway » ukrainien et à l’implosion du Levant et de l’Irak, s’ajoutent la réactivation probable des conflits tchétchène et daghestanais, du conflit russo-géorgien, de manière à créer des blocages de longue durée non seulement de part et d’autre de la Crimée, mais aussi entre l’espace maritime pontique et la Caspienne. Par ailleurs, au départ d’un Afghanistan abandonné par les soldats de la coalition atlantiste, des djihadistes, que l’on posera comme « incontrôlables », s’infiltreront au Turkménistan pour bloquer les communications au-delà de la Caspienne. L’ancienne route maritime portugaise, dans l’Océan indien, le long des côtes de l’Afrique orientale, est, elle, partiellement interrompue en une zone océanique importante, au large de la Somalie par la piraterie que l’on combat soi-disant avec les flottes ultra-modernes de l’OTAN mais qui fait preuve d’une résilience finalement fort suspecte, tant et si bien que deux verrous y sont présents implicitement : entre Madagascar et la côte orientale de l’Afrique, au niveau du Kenya, et à la sortie de la Mer Rouge. On le voit : l’ennemi, c’est l’Europe qu’il faut ré-enclaver et qu’il faut faire imploser de l’intérieur en la livrant en permanence à des politiciens écervelés et en y déversant constamment des populations hétérogènes et inassimilables, débarquant à Lampedusa et sur les îles de l’Egée grecque. Toutes les avancées de l’Europe hors de son enclavement médiéval sont rendues nulles et non avenues par les stratégistes américains, héritiers des thèses et projets de Brzezinski.
 
Un chaos « néo-mongol » en Asie centrale ?
 
L’objectif essentiel des volontés européennes de désenclaver notre sous-continent était de renouer des relations commerciales avec l’Inde et la Chine, qui, à elles deux, faisaient au total au moins 35% du commerce mondial jusqu’au milieu du 19ème siècle. Dans l’Océan Indien, qui devient une « route de la soie » maritime et remplace les voies terrestres, les Britanniques prendront le relais des Portugais et des Hollandais mais excluront le reste de l’Europe : la France de Louis XV est chassée des Indes, la compagnie d’Ostende au service de l’Empereur d’Autriche est également sabotée, tandis que la Russie avance ses pions en Asie centrale, menaçant à terme les Indes anglaises. La maîtrise russe de la « terre du milieu » (avant que le géographe Halford John Mackinder ne forge le concept en 1904) s’oppose à la maîtrise britannique de l’« océan du milieu », en une confrontation binaire Terre/Mer que soulignera notamment Carl Schmitt. Cette dialectique induit la notion de « Grand Jeu », où le protagoniste russe cherche, au 19ème siècle, surtout sous Alexandre II, à parachever l’œuvre d’Ivan le Terrible en « rassemblant les terres » au sud de ses conquêtes antérieures de Sibérie septentrionale, région très inhospitalière où ne passait aucune « route de la soie ». En poussant vers la Perse et vers les terres islamisées et iranisées des Turkménistan et Ouzbékistan actuels, la Russie tsariste s’emparait de plusieurs tracés des anciennes routes de la soie, reliant notamment les villes de Samarkand, de Merv et de Boukhara. Un embranchement de ce réseau de voies terrestres partait vers l’Inde sur le chemin emprunté jadis par les conquérants perses et afghans de la vallée du Gange : à Londres, on imaginait déjà que les cosaques du Tsar allaient s’élancer sur les mêmes pistes et arriver à Bénarès et à Calcutta. Simultanément, surtout après le complètement du chemin de fer transsibérien jusqu’à Vladivostok et Kharbin en Mandchourie, les Russes s’emparent de l’espace où s’étaient rassemblées, vers 200 avant notre ère, les premières coalitions hunniques et mongoles qui avaient éliminé d’Asie centrale les royaumes indo-européens, tokhariens ou autres, avant de disloquer l’Empire gothique en gestation en Ukraine et, par suite, l’Empire romain. La conquête russe de cet antique espace de rassemblement hunno-mongol rend impossible, jusqu’à nos jours, toute nouvelle dislocation, par coups de butoir hunniques ou mongols, de cet immense espace réunifié cette fois par les Tsars –et non plus par des khans mongols qui ont trop souvent souhaité le vide et la « désurbanisation » totale en ces terres immenses entre la Mandchourie et l’Ukraine. Les Tsars, eux, font œuvre « romaine » en construisant des voies de communications, telles les tracés du chemin de fer transsibérien, et en jalonnant ce tracé de nouveaux centres urbains. Raison pour laquelle certains observateurs n’ont pas hésité à qualifier la volonté américaine de bouleverser l’Asie centrale, parfois par djihadismes interposés, de « néo-mongolisme », vu qu’elle a parfois souhaité un chaos généralisé et durable, afin d’affaiblir les empires périphériques, russe ou chinois. Serait dès lors « néo-mongole » la stratégie de bouleverser le Turkménistan et peut-être aussi l’Ouzbékistan (plus lié à l’Organisation de Shanghaï) par des nouveaux talibans venus d’un Afghanistan laissé volontairement dans le chaos le plus absolu, après le départ des troupes américaines qui ont, bien évidemment, subtilement préparé ce désordre artificiel… sans en avoir l’air et surtout contrairement aux intentions proclamées par les médias. Le Turkménistan détient d’immenses réserves d’hydrocarbures, exportables vers l’Europe, qui cherche des alternatives à une trop grande dépendance russe : le projet de bouleverser la paix intérieure dont jouit encore ce pays, sous prétexte que son pouvoir présidentiel serait trop « fort », et donc pas assez « démocratique » au regard des innombrables ONG américaines, n’est pas seulement un projet antirusse mais avant tout un projet antieuropéen, qui vise à freiner encore davantage l’approvisionnement en hydrocarbures de notre sous-continent. 
 
Accès à la Mer Rouge
 
Il faudra cependant attendre 1783 pour que Catherine II, Impératrice de toutes les Russies, reprenne la Crimée aux Tatars inféodés aux Ottomans. Du coup, la Russie, auparavant éloignée de tout littoral utile, bénéficie du tremplin pontique de l’antique civilisation hellénique et des comptoirs génois et vénitiens, mais en l’articulant forcément dans une direction nord-sud. Ce nouvel état de choses menace la puissance devenue quasi globale de l’Angleterre depuis la guerre de Sept Ans, où elle a évincé la France des Indes et du Canada. Albion craint une pression permanente et dangereuse sur la future artère méditerranéenne qu’elle compte bien ouvrir en s’emparant de l’Egypte et en creusant un canal entre la Méditerranée et la Mer Rouge pour réactiver le commerce avec l’Inde que les Romains entretenaient au départ des ports égyptiens de Bérénice et de Myos-Hormus en direction du Yémen et du Gujerat indien. Le bassin oriental de la Méditerranée et l’accès à la Mer Rouge doivent dès lors demeurer sous contrôle anglais et sans aucune pression venue d’ailleurs en Europe : ni d’une Autriche qui se découvrirait une vocation adriatique, égéenne et est-méditerranéenne ni d’une Russie qui se projetterait de l’espace pontique vers Alexandrie et la vallée du Nil ni d’une France révolutionnaire ou bonapartiste qui s’installerait en Egypte, à l’ombre des pyramides « d’où quarante siècles la contempleraient » ni d’une France de la Restauration qui appuierait trop généreusement Mehmet Ali. Parce que sa puissance globale en gestation postule de conserver le sous-continent indien et de maîtriser l’Océan du Milieu, soit l’Océan Indien, l’Angleterre des Pitt et de leurs successeurs doit être la seule puissance capable de contrôler le corridor Méditerranée à son profit, à l’exclusion de toutes les autres puissances européennes. L’installation des Russes en Crimée est donc un casus belli potentiel, tout comme la campagne d’Egypte de Bonaparte sera considérée comme un danger mortel pour le dispositif anglais entre la métropole britannique et les possessions indiennes.
 
L’eurasisme informel du 18ème siècle
 
En effet, entre la fin de la guerre de Sept Ans et la Révolution française, surtout sous le règne de Louis XVI, une sorte d’unité stratégique eurasienne existe, même si, au départ, elle était encore privée de la mobilité qu’offrent les flottes. Louis XVI fait la paix avec l’Autriche de Marie-Thérèse et de Joseph II ; l’Autriche est alliée des Russes contre les Ottomans dans le bassin danubien et en Mer Noire. L’Europe connaît un bond en avant en tous domaines, vu la neutralisation de l’ennemi ottoman pluriséculaire, puis les explorations maritimes, favorisées par Louis XVI, par la Tsarine et ses successeurs, vont bon train (10) : les puissances de cette alliance informelle se dotent, après la Guerre de Sept Ans, de flottes capables d’exercer la pression que craignent les Pitt à Londres. Aujourd’hui, cette tradition européenne et eurasienne, au sens de cette alliance informelle du 18ème siècle, est reprise par Don Sixto Enrique de Borbon, héritier, pour les légitimistes carlistes, de la Couronne d’Espagne (11) et non pas seulement par des nostalgiques marginalisés d’une forme ou d’une autre de « national-bolchevisme ». Après la parenthèse des guerres contre la Révolution française et l’Empire napoléonien, l’Europe, cette fois avec l’Angleterre, cherchera à restaurer cet espace pacifié de l’Atlantique au Pacifique par la mise en œuvre d’un nouveau système, celui de la Sainte-Alliance, née lors du Congrès de Vienne de 1814 que l’historien allemand contemporain Eberhard Straub considère comme un exemple de sagesse politique, dans la mesure où son système de sécurité collective a procuré un siècle de paix à l’Europe, qui a pu ainsi s’imposer au monde tout en conservant sa diversité (12).
 
La Doctrine de Monroe
 
L’alliance franco-austro-russe du 18ème siècle, bien qu’informelle, et la Sainte-Alliance du Congrès de Vienne ont été des espaces eurasiens unis, stratégiquement unifiés. Ils ont toutefois été de courte durée. La Révolution française, que quelques historiens français comme Olivier Blanc (13) considèrent comme une fabrication des services de Pitt, bouleverse l’équilibre européen en déployant une idéologie délirante et déstabilisatrice qui a ruiné toute coopération harmonieuse entre la France, l’Autriche et la Russie. Blanc a exploré les archives de manière méticuleuse pour étayer ses thèses. Au départ de son travail, on peut avancer l’hypothèse que les services de Pitt visaient à faire exploser la France de Louis XVI qui misait sur le développement d’une flotte capable d’intervenir en tous points du globe, d’une flotte qui avait battu les Anglais à Yorktown en 1783. L’objectif de Pitt était aussi de saboter les efforts austro-russes contre l’Empire ottoman pour éviter cette double pression sur le Bosphore et la Méditerranée orientale et pour obliger les Autrichiens à affronter les hordes révolutionnaires française aux Pays-Bas méridionaux et en Rhénanie. Il s’agissait de générer le chaos dans toute l’Europe pour éviter une alliance paneuropéenne ou la domination du sous-continent par une puissance trop hégémonique. D’où, pour Straub, la phobie de Metternich et des congressistes viennois pour les théories dites « démocratiques », plus ou moins dérivées des idées révolutionnaires françaises, parce qu’on les devinait génératrices d’un chaos sans fin.
 
Dans une première phase, qui a duré une bonne douzaine d’années, le bloc européen de la Sainte-Alliance suscite les craintes d’une puissance émergente, viscéralement hostile à la vieille Europe au nom d’un fondamentalisme protestant et bibliste, camouflé derrière un rationalisme et un « déisme » de façade et de circonstances, détaché de tout héritage historique concret : les Etats-Unis d’Amérique. Ceux-ci craignaient que les puissances européennes ne portent assistance à l’Espagne confrontée aux nouveaux nationalismes démocratiques des populations indigènes et créoles des vice-royaumes du Nouveau Monde. En 1823, en réaction au danger potentiel que représentait la Sainte-Alliance eurasienne, le Président James Monroe énonce sa célèbre doctrine de « l’Amérique aux Américains », forgeant de la sorte une politique qui deviendra constante : celle du refus de toute ingérence européenne dans le Nouveau Monde. Les Etats-Unis ne craignaient pas seulement un éventuel secours porté à l’Espagne ruinée et désormais incapable de se réaffirmer dans les Amériques : ils craignaient aussi et surtout la présence russe en Alaska et en Californie, voire aussi la possible alliance entre Russes et Espagnols sur la côte pacifique de l’Amérique du Nord, qui aurait verrouillé la marche en avant des Etats-Unis vers la bi-océanité, clef de leur future puissance globale. On oublie souvent de mentionner que Monroe, quand il a énoncé sa doctrine, avait l’aval plus ou moins secret de la Grande-Bretagne qui, elle aussi et en dépit de la guerre qui venait de l’opposer aux jeunes Etats-Unis en 1812, ne désirait pas voir d’autres puissances européennes intervenir dans les Amériques, où elle cherchait à contrôler seule certains marchés, notamment en Argentine. La Doctrine de Monroe sera complétée par le « corollaire Roosevelt » après la guerre hispano-américaine de 1898, qui arrache à l’Espagne Cuba et les Philippines, un corollaire qui stipule que toute politique que les Etats-Unis pourraient considérer comme contraire à leurs intérêts serait traitée comme un acte d’agression. C’est ce « corollaire Roosevelt » qui justifie encore et toujours aujourd’hui les interventions américaines dans le monde, ainsi que l’espionnage des réseaux ECHELON et Prism (l’affaire Snowden) dirigé essentiellement contre l’Europe. Le « corollaire Roosevelt » est interprété de manière très vaste : le développement optimal d’une technologie quelconque, mais surtout aéronautique ou spatiale, même dans un pays « allié », est considéré comme une agression contre les intérêts des firmes concurrentes américaines donc contre l’intérêt des Etats-Unis en tant que puissance.
 
Crise grecque et question d’Orient
 
La cohérence eurasienne de la Sainte-Alliance sera, nous l’avons dit, de courte durée. Ce seront principalement les deux puissances occidentales, la France et la Grande-Bretagne, qui la saborderont progressivement. Les premières lézardes à l’édifice eurasien, que fut la Sainte-Alliance, ont été : le soutien aux Grecs révoltés contre la Sublime Porte ; l’indépendance belge ; la Guerre de Crimée, qui sanctionne la rupture entre un Occident colonial, qui n’est plus centré sur l’Europe même (14), et un « Orient » centre-européen et russe, toujours fidèle à l’esprit premier de la Sainte-Alliance ; l’intervention anglo-française en Chine, lors des guerres dites de l’opium. Eberhard Straub montre que cette Sainte-Alliance, soucieuse de maintenir l’Europe en état de stabilité durable, garantissait l’intégrité de l’Empire ottoman. La révolte grecque et le mouvement des Philhellènes (dont Lord Byron) induisent trois puissances de la Sainte-Alliance à rompre avec l’idéal metternichien et antirévolutionnaire de stabilité européenne : l’objectif n’est pas tant de sauver les Grecs du joug ottoman, car on ne s’était jamais fort soucié d’eux, mais d’obtenir des concessions, des bases pour prendre Constantinople et se projeter vers la Méditerranée (les Russes) ou pour s’installer dans la capitale ottomane et verrouiller le Bosphore pour éviter justement cette projection russe vers Chypre, l’Egée et l’Egypte. Metternich voit dans ce soutien, purement tactique, une amorce de « balkanisation » de l’Europe, une balkanisation qui ne serait pas tant territoriale que mentale : les Européens cesseraient de poursuivre ensemble, dans la cohérence, des politiques stabilisantes communes, qui constitueraient l’essence même du nouvel ordre équilibré voulu par les congressistes de Vienne. Le Tsar Nicolas I voulait toutefois un partage des dépouilles ottomanes, où chaque bénéficiaire trouverait son intérêt mais les deux puissances occidentales, qui agissaient davantage dans les intérêts des Ottomans que dans ceux des Russes, ont refusé cet expédient qui aurait pu, finalement, sauver la cohérence de la Sainte-Alliance. Anglais et Français, rappelle Straub, se méfiaient du résultat à long terme d’un accord général qui affaiblirait définitivement l’Empire ottoman qui n’aurait alors plus eu d’autre solution que de demander son inféodation à l’Empire russe, exactement comme aujourd’hui, la Turquie d’Erdogan et de Davutoglu joue sur deux tableaux, sur l’Occident et sur la Russie, dans l’espoir de se hisser au rang d’une puissance régionale incontournable. Metternich, face à la première crise grecque des années 20 du 19ème siècle qui déclenche ce que l’on a appelé la « question d’Orient », accuse Lord Palmerston d’être un « tyran » dans la mesure où c’est l’Angleterre qui mène une politique égoïste, contraire aux intérêts du continent dans son ensemble. L’objectif anglais, lui, était de contrôler la Méditerranée sans aucune possibilité d’être contrecarré par une autre puissance européenne, quitte à soutenir toute sorte de mouvements séditieux de nature révolutionnaire (selon Metternich), comme aujourd’hui une politique comparable se déploie en Syrie afin qu’aucun môle de puissance régionale, alliée à la Russie ou à une autre puissance européenne, qui se montrerait challengeuse, ne puisse émerger.
 
Indépendance belge et Guerre de Crimée
 
Deuxième lézarde dans l’édifice de la Sainte-Alliance : l’indépendance belge. Une fois de plus, c’est l’Angleterre qui craint le développement du Royaume-Uni des Pays-Bas, disposant d’une flotte hollandaise de haute qualité, d’une industrie textile en Flandre (la Lys autour de Courtrai et Wijnegem) et en Wallonie (vallée de la Vesdre), d’un binôme charbon/acier à Mons, Charleroi et Liège, d’une présence en Insulinde à la charnière de l’Océan Indien et du Pacifique, d’anciennes colonies en Afrique du Sud (colonie du Cap) et dans l’île Maurice qui auraient pu revenir dans le giron néerlandais et surtout d’une aura dans une Allemagne du Nord qui parle des dialectes très proches du néerlandais. Ce Royaume-Uni des Pays-Bas aurait parfaitement pu attirer à lui, plutôt que la Prusse, les régions d’Allemagne du Nord. Pour briser ce môle germanique continental potentiel en face de ses côtes, à une nuit de navigation du cœur de Londres, jadis incendiée par la flotte de l’Amiral de Ruyter lors des guerres anglo-hollandaises du 17ème siècle, il fallait lui faire subir une sécession définitive, affaiblissant les deux lambeaux subsistants. 
 
Troisième lézarde, encore plus profonde : la Guerre de Crimée. Après le soutien français apporté en 1839-1840 au khédive d’Egypte, Mehmet Ali, en révolte contre la Sublime Porte, les deux puissances occidentales, la France et l’Angleterre, se muent en protectrices de l’Empire ottoman pour contenir la Russie au nord du Bosphore. Bismarck reste neutre, de même que la Belgique de Léopold I, qui est un ancien officier de l’armée du Tsar Alexandre. Cette intervention franco-anglaise en Mer Noire vise l’endiguement de la Russie, le maintien d’un Empire ottoman désarticulé, affaibli, incapable d’autonomie et à la merci des pressions occidentales qui entendent garder les mains complètement libres en Méditerranée orientale et en Egypte. Elle génère également l’anti-occidentalisme russe, comme l’attestent d’ailleurs le Journal d’un écrivain de Dostoïevski et les souvenirs de Tolstoï, officier combattant sur le front de Crimée. La Guerre de Crimée provoque donc une rupture profonde entre l’Ouest et la Russie qui alimentera toutes les idéologies antioccidentales qui germeront ultérieurement, qu’elles aient été de facture slavophile ou eurasiste et que cet eurasisme ait été tsariste ou communiste (stalinien). 
 
 
La ruine de la Chine des Qing
 
Parallèlement à ces trois lézardes –question grecque, révolution belge et Guerre de Crimée-  les deux puissances occidentales participent à la ruine de la Chine, présente dans le Sinkiang (le « Turkestan chinois ») et au Tibet, deux composantes importantes du puzzle centre-asiatique à l’époque de gloire des routes de la soie. La première guerre de l’opium, menée par l’Angleterre contre le Céleste Empire, se déclenche parce que le protectionnisme chinois, porté par une bureaucratie bien organisée, barre l’accès au commerce que les Anglais voudraient illimité. Le protectionnisme des empereurs Qing crée un déséquilibre commercial en défaveur des Anglais qui importent plus de marchandises chinoises qu’ils n’en exportent vers le Céleste Empire. Obligés de payer en lingots d’argent, métal précieux qu’ils ne possèdent pas en grandes quantités, les Anglais, pour importer leur thé, vendent de l’opium indien contre l’argent qu’ils ont préalablement cédé pour obtenir le breuvage traditionnel des après-midi londoniens. Ils inversent alors le déséquilibre commercial : l’Empereur, en envoyant son haut fonctionnaire zélé Lin Zexu, riposte en interdisant les fumeries d’opium, en confisquant les ballots de drogue et en imposant de sévères restrictions. Ces mesures entraînent l’intervention britannique et la première guerre de l’opium (1839-1842) qui s’achève par le Traité de Nankin, où la Grande-Bretagne obtient pleine satisfaction. La seconde guerre de l’opium (1856-1860) se déclenche immédiatement après la Guerre de Crimée, sous prétexte d’un non respect des clauses du Traité de Nankin de 1842. La France, alliée de l’Angleterre, participe à la curée et, en 1860, cette guerre se solde par la prise de Pékin et le pillage du Palais d’été. La Chine est contrainte d’accepter les stipulations de la Convention de Pékin (1860), qui reprennent les clauses humiliantes des traités précédents. Cette défaite entame considérablement le prestige des empereurs Qing : la Chine, auparavant superpuissance économique, déchoit en un pays déficitaire, rétif à la modernisation technique, et en une nation esclave de la consommation d’opium. La situation déplait à de larges strates de la population chinoise, ce qui aboutit à la révolte dite des Taiping, qui éclate dès 1851. Le pouvoir central mettra quinze ans à mater ce soulèvement, dirigé par un certain Hong Ziuquan, qui se prenait pour le frère de sang de Jésus-Christ (15). 
 
 
Dislocation de l’Empire des Qing
 
L’affaiblissement du pouvoir impérial permet aux Britanniques de progresser en Birmanie, ancien Etat tributaire de la Chine, et aux Français de s’emparer de l’Annam et de tout le Vietnam dans les années 80 du 19ème siècle. Les maoïstes s’inspireront de cette révolte des Taiping, 80 ou 90 ans plus tard, car elle prêchait un certain égalitarisme et rejetait les hiérarchies politiques traditionnelles, qui venaient de prouver leur incompétence à maintenir la Chine dans son statut de grande puissance impériale. Simultanément, vu le discrédit dans lequel le pouvoir Qing était tombé, d’autres révoltes secouent la Chine au même moment, risquant de précipiter l’Empire dans un chaos indescriptible où s’affrontent des entités rivales. La révolte des Taiping constitue sans doute la guerre civile la plus meurtrière de l’histoire : de vingt à trente millions de morts. La Chine en ressort démographiquement affaiblie. Elle passe de 410 millions d’habitants en 1851 à 350 millions en 1873 (16). Indépendamment des ravages cruels que cette révolte a fait subir à la Chine, elle servira, en dépit d’une inspiration chrétienne bizarre donc non chinoise, non autochtone, de modèle aux nationalismes futurs et au maoïsme (qui est un nationalisme chinois à la sauce communiste). L’idéologie des nationalismes et communismes chinois, irréductibles à leurs modèles européens car sinisés en profondeur, a pour socle principal un refus des « traités inégaux », pareils à ceux imposés par les Britanniques suite aux deux guerres de l’opium, ce qui induit aujourd’hui, alors que la Chine se redresse et reprend la place prépondérante qu’elle détenait jadis dans l’économie mondiale, une volonté de laisser à chaque entité politique le droit de déterminer librement ses choix, sans que ceux-ci ne soient oblitérés par des idéologies universalistes (17), imposées par des puissances hégémoniques occidentales et contraires aux principes du mos majorum à la chinoise, c’est-à-dire du culte des ancêtres, et à la sage notion de perpétuation des schémas connus qu’il convient de ne pas modifier, au nom d’un équilibre et d’une harmonie issus d’une méditation des pensées taoïstes. Les Taiping, en s’inspirant d’une interprétation très biscornue des évangiles, n’avaient pas opté pour un « schéma connu », confucéen ou taoïste, parce que les schémas connus, à leurs yeux, avaient justement déchu et précipité la Chine dans une incapacité à saisir les clefs de la puissance moderne, elles, bien instrumentalisées par l’ennemi britannique. Après la longue guerre civile, l’Impératrice régente Cixi lancera timidement la Chine sur la voie d’une modernisation technologique insuffisante, selon un rythme trop lent, jugeront plus tard les révolutionnaires du Kuomintang du Dr. Sun Ya Tsen, qui proclameront la république en 1912.
 
L’extraversion des deux puissances occidentales s’est traduit, tout au long du 19ème siècle, par des interventions répétées sur des théâtres non européens, par un désintérêt croissant et par un mépris affiché pour les autres puissances européennes non extraverties (selon la terminologie adoptée par Constantin Frantz), dont elles n’ont jamais tenu compte des besoins et des aspirations. Elles n’ont eu de cesse de camoufler leur mépris derrière des discours ronflants, idéologiques ou moralisants, avec l’appui d’une presse haineuse déversant des flots de logorrhées bellicistes ou dépréciatives contre les Russes, par exemple, ou contre les Allemands et les Autrichiens, considérés comme des « barbares » grossiers, incultes parce que ne partageant pas les schémas révolutionnaires, jacobins ou manchesteriens. Cette attitude, en ruinant la pentarchie de la Sainte-Alliance, a provoqué quantité de déséquilibres stratégiques en Europe, comme l’avait prévu Frantz, ce qui a conduit à l’explosion d’août 1914. Et à la fin de l’excellence européenne.
 
De la dangerosité perverse des modernités
 
Toutefois, aux yeux du Prof. Beckwith, les modernisations/centralisations, par l’action des communistes, affecteront les grandes entités politiques de la masse continentale eurasiatique, surtout la Chine et la Russie maitresses des vastes régions de l’Asie centrale, où des syncrétismes séduisants avaient été forgés par des cultures aujourd’hui disparues. Ces modernisations vont éradiquer la diversité linguistique et religieuse, les synthèses fécondes qui ont innervé la région, laissant derrière elles un désert culturel, que les postcommunismes actuels ne parviennent pas à combler, surtout que la planète entière subit, depuis la chute du Mur de Berlin, un tropisme « néolibéral » préoccupant, bien plus incapable de restaurer les assises des vieilles cultures centre-asiatiques que ne l’étaient les communismes dans leurs diverses moutures. Beckwith conclut à la dangerosité perverse des modernités. L’explorateur italien Giuseppe Tucci (1894-1984), polyglotte et orientaliste, est sans nul doute celui qui nous a, de la manière la plus didactique, dressé un tableau des religions syncrétiques de cette Asie centrale et du Tibet (18) : un dossier à ouvrir afin de parfaire le long travail de restauration qu’il faudra bien entreprendre pour guérir l’humanité des maux de la modernité et des faux traditionalismes qu’elle génère dans son sillage pour perpétrer par procuration, par succession ininterrompue d’opérations « fausse bannière », son œuvre de destruction et de mort, comme le montre l’instrumentalisation du fondamentalisme des salafistes et des wahhabites, dont les pauvres schémas n’arrivent pas à la cheville des anciens syncrétismes, à dominante musulmane, nés et morts à Samarkand et à Boukhhara.
 
Pour sortir la Chine de la misère où l’avaient plongé les guerres de l’opium et les pressions britanniques, le premier mouvement républicain, le Kuo Mintang du Dr. Sun Yatsen, s’inspirera indirectement, après sa prise du pouvoir en 1911-1912, des thèses de l’Allemand Friedrich List, qui entendaient généraliser un développement intérieur, c’est-à-dire un colonialisme intérieur et non pas tourné vers l’extérieur et vers les périphéries non européennes. List a inspiré le développement des communications par canaux et voies de chemin de fer en Allemagne (projet concret visant à réaliser le testament politique du Roi Frédéric II de Prusse) et en Belgique (à l’invitation de Léopold I). Sollicité comme « expert ès-développement » avant la lettre, il a également influencé l’organisation territoriale des Etats-Unis dans la première moitié du 19ème siècle, préconisant, notamment, de relier la région des grands lacs, fertile en céréales, à l’Atlantique par un système de canaux, donnant ainsi le coup d’envoi à la puissance agricole que sont demeurés les Etats-Unis depuis lors, dont la meilleur arme, selon Eagleburger, assistant de Kissinger et conseiller de Nixon, est la surproduction de denrées alimentaires (« Food is the best weapon in our arsenal »). Plus tard, List a été considéré comme le théoricien du développement autonome et de l’indépendance économique nationale ou continentale, surtout dans les pays du dit « tiers monde » qui venaient d’accéder à l’indépendance. Il avait des disciples chinois, dont le dernier en date est assurément Deng Xiaoping, promoteur de la Chine post-maoïste. Dans la France gaullienne, l’économiste François Perroux se plaçait dans son sillage et plaidait en faveur d’une indépendance semi-autarcique que d’autres, comme André Grjébine, moderniseront dans le cadre européen, sans obtenir l’oreille des eurocrates.
 
Kang Youwei et Liang Qichao
 
Les idées de List vont bien entendu inspirer les précurseurs chinois du mouvement national et républicain du Kuo Mintang. Dans un ouvrage largement distribué dans les pays anglo-saxons et en Allemagne, l’historien indien du développement  Pankaj Mishra (19), qui enseigne en Angleterre, rappelle le travail patient des hauts mandarins chinois qui ne voulaient pas voir leur patrie impériale sombrer dans un marasme définitif. Parmi eux, Liang Qichao et son maître Kang Youwei. Tous deux entendaient imiter le mouvement Meiji japonais, moderniser et généraliser l’enseignement, les structures de l’Etat et les forces armées. Ils se heurteront à une forte résistance des éléments passéistes. Les nationalistes étatistes du Kuo Mintang et les communistes de Mao seront tous deux, à leur manière, les héritiers de cette volonté modernisatrice de Liang Qichao et Kang Youwei, pionniers du renouveau chinois, inspirés par l’ère Meiji japonaise, dès la fin du 19ème siècle. Les idées de Liang Qichao et de Kang Youwei sont néanmoins pétries de confucianisme, catalogue de principes inébranlables dont ils ne se déferont jamais, alors que la tentation des premiers nationalistes du Kuo Mintang était de rejeter l’héritage confucéen comme responsable du retard et des défaites chinoises. De même, en dépit des discours communistes lors de la « longue marche » et de la prise du pouvoir, en dépit de la révolution culturelle maoïste des années 60 du 20ème siècle, mise ultérieurement sur le dos de la « Bande des quatre » (dont la veuve de Mao), le confucianisme n’a cessé d’irriguer la pensée politique chinoise dans sa volonté de récupérer son statut de grand empire historique : il a marqué les avatars du Kuo Mintang dans la gestion de l’île de Formose, devenue la « Chine nationaliste » ; il a marqué tout aussi profondément la gestion communiste de la Chine continentale. Il a accompagné le pays dans sa marche hors du premier carcan communiste pour le faire évoluer vers le système original qui, aujourd’hui, lui a redonné une puissance incontournable, bien qu’elle soit, in fine, plus quantitative que qualitative, car calquée sur le modèle occidental et social-darwiniste, comme l’avait d’ailleurs prévu un disciple de Kang Youwei, fasciné par le social-darwinisme occidental à la fin du 19ème siècle, Tan Sitong, décapité sur ordre de l’Impératrice douairière en 1898, suite à l’éviction de l’héritier réformiste du trône chinois, Guangxu. Celui-ci avait reçu, sans les formalités inutiles de la vieille étiquette impériale, Liang Qichao, Kang Youwei et Tan Sitong pour faire passer, sur le mode accéléré, des réformes modernisatrices, bien que toujours confucéennes dans leur esprit, suite à l’écrasante défaite subie par la Chine face aux armées japonaises en 1895 : l’expérience a duré exactement 103 jours, explique Pankaj Mishra, avant d’être brutalement réprimée par Cixi, appuyée par le vieux mandarinat et les partisans obtus des vieilles structures vermoulues de la dynastie Qing. Il ne restait plus que la voie nationaliste et républicaine, antimandchoue, celle d’un bouleversement radical comme le voulait Sun Yatsen. Elle aboutira en 1911-1912.
 
Rigidités mentales de l’occidentalisme et du fondamentalisme
 
En dépit du sort tragique du malheureux Tan Sitong  -qui avait délibérément choisi le martyr, parce qu’un homme insigne, disait-il, devait accepter la mort pour assurer le triomphe final de ses idées qui ne voulaient que le bien public-  le mélange éclectique de pensées pragmatiques confucéennes et d’idées occidentales, libérales, nationalistes ou communistes, procure à la Chine contemporaine une pensée politique finalement plus souple que l’actuelle panacée occidentale où dominent, en dépit des paroles en apparence « progressistes », des rigidités mentales dérivées des calvinisme et puritanisme fondamentalistes, alliés au wahhabisme et au salafisme dans le monde musulman. De telles pensées refusent obstinément les syncrétismes et les éclectismes idéologiques et philosophiques qui, au cours de l’histoire, ont apporté l’harmonie aux empires et aux Etats. Ce sont des schémas para-théologiques fondamentalistes qui se profilent derrière les idéologies figées que professe l’Occident et qui contribue à son ressac. Elles se présentent sous des couleurs politiques différentes, tout en partageant en filigrane les mêmes postulats fondamentalistes, souvent déguisés en « progressismes », en pseudo-avatars de l’idéologie des « Lumières » : c’est tantôt ce que l’on appelait justement le « libéralisme doctrinaire » au 19ème siècle, revenu à l’avant-plan, suite à Thatcher et Reagan, sous le nom de « néo-libéralisme », tantôt le marxisme non marxien (car Marx ne répétait pas des schémas figés et irréalistes comme ses piètres disciples), tantôt le discours sur les droits de l’homme, où ceux-ci servent de référence au prêchi-prêcha du « politiquement correct » et d’instruments de subversion maniés par les services américains pour bouleverser les Etats qui résistent à leur hégémonie ou entendent garder des barrières quelconques pour préserver leurs outils industriels nationaux. Via une quantité d’ONG, ces idéologies figées et répétitives servent d’instruments dans une lutte sans répit contre les syncrétismes féconds dans les mondes arabe, turc ou orthodoxe. Le monde asiatique avait réagi contre cette instrumentalisation du discours sur les droits de l’homme dès le début des années 90, où les diverses doctrines de Clinton avaient imposé ce discours comme référentiel unique et non critiquable. Au fil du temps, ce référentiel, soustrait à toute critique, est devenu le socle inamovible du « politiquement correct », débouchant sur ce que Georges Orwell avait défini comme le « goodthink ». L’alliance paradoxale du « politiquement correct » et des fondamentalismes télé-évangéliques, chrétiens-sionistes ou salafistes a conduit la planète au blocage actuel, au chaos qui agite le « rimland » géopolitique de la Libye aux frontières de l’Iran et au Pakistan, à la confusion totale qui marque les esprits en Occident, où la caste politique est désormais incapable de distinguer ce qui peut consolider le Bien public de ce qui le disloque et le ruine. 
 
Ce chaos sur les « rimlands » méditerranéens, moyen-orientaux ou musulmans, de la frontière tunisienne à l’Indus est né de la volonté de l’hegemon américain. Au départ d’un soutien à apporter aux mudjahiddins afghans contre les protecteurs soviétiques d’un régime laïque à Kaboul, Zbigniew Brzezinski voulait se servir du levier islamiste pour finir par contrôler la Route de la Soie dans l’Asie centrale musulmane, soviétique jusqu’à la dislocation de l’URSS. Le fondamentalisme islamiste était alors un pur instrument et on n’imaginait pas à Washington que des éléments de ce golem à têtes multiples pourraient un jour devenir incontrôlables et poursuivre un agenda non dicté par une tierce puissance ou se montrer indisciplinés et commettre des actions non souhaitées par leurs commanditaires de départ. En 2012, Brzezinski lui-même constate l’échec de son projet stratégique (20) mais, malgré cet aveu, bien étayé, Washington a réactivé en 2013-2014 la stratégie qu’il préconisait en Ukraine. 
 
 
De la position centrale de l’Iran
 
Sur fond de quel autre projet, cette réactivation des projets initiaux de Brzezinski sur la « gateway region » ukrainienne  s’est-elle déployée ? Le projet de contrôler la Route de la Soie centre-asiatique est, simultanément, un projet d’unir politiquement, sous la férule d’un hégémonisme américain, la zone d’intervention virtuelle de l’USCENTCOM, le commandement militaire américain au centre de la masse continentale eurasiatique. L’espace géographique dévolu à l’USCENTCOM a pour centre l’Iran. Dans un premier temps, les Etats-Unis visaient à annuler le pouvoir d’attraction que ce centre iranien pouvait éventuellement déployer dans sa périphérie, de l’Egypte à l’Inde. Le rayonnement de la « civilisation iranienne » était un projet du Shah qui était parvenu à faire la paix avec les Saoudiens (annulant de la sorte l’antagonisme chiites/sunnites revenu à l’avant-plan pour ravager le Proche et le Moyen Orient aujourd’hui), à soutenir financièrement l’Afghanistan voisin, à tisser des liens féconds avec l’Inde, à forger des accords industriels et énergétiques avec l’Europe et à pactiser dans un projet gazier avec l’URSS de Brejnev. Il fallait briser ce rayonnement iranien sur le « rimland » de l’Océan Indien et le nouveau tandem pétrolier irano-saoudien. Le Shah, bien qu’officiellement « allié », devait dès lors être éliminé : on lui a balancé la révolution de Khomeiny pour ruiner ses projets et affaiblir ses partenaires européens qui venaient de vivre les Trente Glorieuses. Mais le golem Khomeiny s’est avéré récalcitrant et les projets atomiques, que l’ayatollah ne souhaitait pas développer (il avait lancé une « fatwa » contre les armes atomiques), ont été repris par Ahmadinedjad, figure diabolisée à souhait par le pouvoir médiatique américain sur la planète. L’Iran était décrété « Etat voyou ». Son pouvoir d’attraction n’était pas entièrement éliminé mais sérieusement limité. Cependant, l’Iran, de par sa centralité sur le territoire dévolu à l’USCENTCOM ou au « Greater Middle East », est incontournable. L’intervention en Afghanistan n’a apporté aucun autre résultat que le chaos au bout de quatorze ans. Onze ans de présence américaine en Irak se solde par un déchaînement de violence encore plus spectaculaire. D’où certains stratégistes envisagent une autre stratégie (21) : ôter à l’Iran le statut d’ « Etat voyou » et en refaire un allié afin de dominer le centre même de l’espace du « Plus grand Moyen Orient ». Cette stratégie, d’abord complètement isolée dans un « paysage idéologique américain » dominé par le bellicisme intransigeant des « néo-conservateurs » faisant chorus autour des deux présidents Bush, est désormais envisagée comme une solution possible par davantage de stratégistes, sans nul doute parce que les clivages religieux du Moyen Orient se sont avérés plus résilients que prévus. Les différences entre chiites et sunnites avaient été considérées comme superficielles, comme des enfantillages archaïques appelés à disparaître. La suite des événements a prouvé le contraire : les peuples du Moyen Orient tiennent à leurs religions et ne veulent pas se noyer dans l’océan des hommes sans substance et sans qualités que génère le libéralisme occidental. En Irak, le pouvoir chiite, mis en place par les Américains suite à l’élimination du nationaliste arabe sunnite Saddam Hussein, se sent plus proche de la « civilisation iranienne », dominée par l’islam chiite, que du wahhabisme sunnite saoudien, qui soutient désormais des forces djihadistes sunnites en Irak, pour éviter une extension géopolitique indirecte des « Perses », par chiites irakiens interposés, alors que, pourtant, ces chiites irakiens avaient été hissés au pouvoir par les Américains, alliés des Saoudiens : une contradiction majeure des stratégistes d’Outre-Atlantique qui aura des répercussions inattendues et catastrophiques. De même, l’Afghanistan, de langue iranienne (indo-européenne), où les Pachtounes dominants sont sunnites et où la minorité asiatique persophone des Hazaras est chiite, n’est toujours pas pacifié : les bases arrières pakistanaises des talibans, d’abord alliés puis ennemis, plongent le Pakistan dans le chaos ; l’Iran, lui, reste stable dans un environnement totalement bouleversé. L’élection de Hassan Rohani en 2013 a facilité l’apaisement mais le jeu demeure complexe et les relations irano-américaines ambigües, surtout parce qu’un alignement sur les BRICS pourrait s’avérer tout aussi intéressant pour l’Iran qu’un retour dans le système atlantiste global visant l’endiguement permanent de la Russie et de la Chine. Israël, qui a bénéficié jusqu’ici du statut de seul allié privilégié des Etats-Unis, craint le rapprochement irano-américain qui relativiserait considérablement sa position au Proche et au Moyen Orient où son ennemi le plus tenace reste le Hezbollah chiite libanais, iranophile par une sorte de nouvelle convergence panchiite, peu perceptible sur l’échiquier régional avant l’intervention américaine en Irak. Le regard à porter sur une éventuelle position rétrogradée d’Israël doit tenir compte d’une mutation notable : la tradition juive avait toujours été de s’allier avec les Perses contre les puissances venues de l’Ouest (les Romains puis les Byzantins), dans le souvenir du Cyrus de la Bible, expliquant aussi le patriotisme des juifs d’Iran ; Netanyahu, lui, pratique une politique juive « hérodienne », favorable à la puissance hégémonique venue de l’Ouest, en l’occurrence les Etats-Unis, qui prennent le relais d’une Angleterre que les ancêtres idéologiques du Likoud, son parti, avait soit combattue au nom de l’anticolonialisme soit favorisée au nom d’une alliance contre le fascisme et le nazisme.
 
De la stratégie eurasienne d’Obama
 
Dans ce contexte trouble et bouleversé, quelle est donc la stratégie eurasienne d’Obama ? Quels en sont les contours et les visées ?
 
 Obama vise, semble-t-il, à contrôler la Mer Noire, à réaliser à son profit les clauses du Traité de Paris de 1856 : arracher la Mer Noire à toute forme d’hégémonisme russe. L’objectif d’Obama est de contrôler ou d’empêcher l’utilisation maximale des gazoducs et oléoducs « South Stream » ; cette politique, une fois de plus, vise davantage l’Europe, premier concurrent des Etats-Unis et « ennemi métaphysique » dans la mesure où c’est l’Allemagne qui en est le centre névralgique et que tout retour de l’Allemagne à l’avant-plan sur l’échiquier politique et économique international, surtout par le biais d’un tandem énergétique germano-russe, est la hantise des anciens trotskistes devenus « néo-conservateurs » et bellicistes à tous crins car leur idéologie est inspirée in fine par les puritanismes les plus échevelés, ennemis de toute forme de diplomatie harmonieuse et d’équilibres syncrétiques.
 
2)     Le contrôle de la Mer Noire implique un retour des Etats-Unis et de l’OTAN en Géorgie et en Azerbaïdjan, en exploitant les ressources de l’allié turc, exactement comme au temps de la Guerre de Crimée.
 
3)     Ce projet de domination de l’espace pontique implique aussi d’aider financièrement l’Arménie à se désenclaver, alors qu’elle est un allié-clef de la Russie et, accessoirement, de l’Iran dans le Caucase.
 
4)     Même si cela n’apparaît pas directement aujourd’hui, ce faisceau de stratégies dans l’espace pontique doit aussi compter sur une réactivation de la subversion wahhabite en Tchétchénie et au Daghestan, de façon, cette fois, à interrompre potentiellement le transit des hydrocarbures non plus seulement à hauteur du Donbass ukrainien mais cette fois dans l’espace transcaucasien, entre la Mer Noire et la Caspienne. Nous aurions affaire, si cette stratégie finit par s’inscrire dans les faits, à une double interruption des flux énergétiques en direction de l’Europe. 
 
5)     La visée finale de cette stratégie pontique de l’ « administration » Obama est bien sûr d’affaiblir l’Europe, puisque la Russie vend alors ses hydrocarbures ailleurs en Asie, à des clients que les Etats-Unis ne peuvent guère influencer. Pour les Russes, la partie est nulle. Le North Stream achemine le gaz vers l’Allemagne, à l’abri de toute subversion dans l’espace pontique, mais le reste de l’Europe orientale et centrale est affaibli par le fonctionnement déficitaire du système South Stream, ce qui implique ipso facto un affaiblissement du centre germanique de l’Europe et une balkanisation es volontés européennes, mutatis mutandis, comme le craignait Metternich. 
 
6)     Au-delà de cet affaiblissement de l’Europe toute entière, la stratégie américaine actuelle semble vouloir joindre l’espace pontique à l’espace iranien, justement en agissant dans le Caucase, en Géorgie (l’antique Colchide), en Azerbaïdjan, en Arménie et sur le flanc septentrional de la chaîne montagneuse caucasienne. De la Roumanie à l’Afghanistan, nous verrions alors se reconstituer le verrou d’endiguement, rêvé par tous les stratégistes anglo-saxons depuis Pitt. Simultanément, ce verrou géopolitique sur le rimland qui courrait d’Ouest en Est serait doublé d’un verrou placé sur un axe nord-sud et couperait l’Europe, ennemi principal, de ses approvisionnements russes et caucasiens, ou ne tolérerait qu’un approvisionnement qui passerait par un contrôle turc, tandis que les hydrocarbures iraniens seraient déviés vers d’autres Etats clients. 
 
7)     Autre facette de cette stratégie entre Danube et Indus (sur l’antique territoire de l’Empire macédonien d’Alexandre le Grand) : centrer autour de l’Iran, redevenu ami, dépouillé de son statut infâmant d’ « Etat voyou », les territoires placés, de manière informelle et virtuelle, dans l’orbite de l’USCENTCOM ; simultanément, pour couper l’Europe et la Chine voire l’Inde d’autres approvisionnements en matières premières diverses et indispensables, puis pour prendre solidement pied en Afrique, en développant l’AFRICOM.
 
8)     La Chine ne doit pas seulement être contenue en Afrique, où elle a déployé une diplomatie sans imposer de contraintes idéologiques comme le fait l’Occident, mais aussi ailleurs, surtout dans le Pacifique. Il faut empêcher, mais ce sera difficile, son approvisionnement optimal en hydrocarbures, comme cela avait été pratiqué contre le Japon en 1940-1941. Pour parvenir à endiguer la Chine, on réhabilite l’OTASE, équivalent en Asie orientale de l’OTAN. On cherche à embrigader la Thaïlande et le Vietnam dans une politique d’endiguement et à empêcher la Birmanie (le Myanmar) de faire aboutir dans ses ports les terminaux pétroliers et gaziers de la Chine dans le Golfe du Bengale.
 
Cette politique internationale belligène d’Obama, qui n’est jamais qu’un avatar logique des stratégies guerrières pensées par les néoconservateurs avant ses mandats, a suscité, on s’en doute, la riposte « eurasienne » de la Russie et de la Chine :
 
1)     Les gazoducs sibériens acheminent désormais une bonne partie du pétrole et du gaz russes vers la Chine et non plus vers l’Europe, en passant par l’Ukraine secouée par des troubles civils, fabriqués par les ONG américaines.
 
2)     Remplacer le dollar par d’autres devises pour les échanges internationaux.
 
3)     Inclure l’Iran dans l’Organisation de Shanghai donc dans le groupe BRICS.
 
Cette priorité, qui consiste, en fin de compte, à contrôler tout le rimland de la Grèce à la Mer de Chine du Sud, est handicapée par le chaos persistant qui bouleverse le Proche Orient et la Mésopotamie irakienne. Ce chaos empêche l’organisation optimale, pourtant promise, d’un « Plus Grand Moyen Orient ». Ces désordres sanglants ne peuvent constituer un modèle séduisant. D’autres acteurs, en apparence alliés des Etats-Unis, poursuivent d’autres projets, comme le Qatar ou l’Arabie Saoudite qui ne se soucient guère de l’établissement d’un « Greater Middle East » et donnent la priorité à l’élimination de toutes les factions musulmanes qui ne s’alignent pas sur les canons rigoristes du wahhabisme saoudien. Cette priorité induit un état de guerre permanent de tous contre tous qui n’autorise aucune installation d’un pouvoir solide, syncrétique et pacificateur. Du coup, des voix s’élèvent pour dire « qu’il manque un Saddam » (22), corroborant ainsi les paroles prophétiques prononcées par le Raïs vaincu et écrasé au pied de la potence… L’Irak, disait-il, en cet instant fatidique, « était plongé dans un enfer ». Le baathisme, même sous la poigne très rude des militaires irakiens, était un système plus efficace, plus générateur d’ordre et de paix civile, que le chaos installé depuis l’invasion américaine. De même, Bachar El-Assad apparaît comme un allié potentiel contre les débordements incontrôlables de l’EIIL, en dépit des diabolisations qu’il a subies dans les médias au début de la guerre civile syrienne. La stratégie consistant à armer des factieux déséquilibrés ou d’anciens vaincus de guerres civiles antérieures ou des minorités religieuses et/ou ethniques ou des politiciens falots et véreux aspirant à s’emparer d’un pouvoir qu’ils ne pourraient pas tenir avec leurs seules forces s’avère un fiasco : il aurait mieux valu préconiser un développement harmonieux à la chinoise.
 
L’harmonie confucéenne, idéologie chinoise, asiatique, confucéenne ou bouddhiste recèle plus de possibles féconds que les fondamentalismes puritains américains ou wahhabites saoudiens. Et quand le fanatisme puritain se camoufle derrière une interprétation facile, médiatisable et caricaturale de l’idéologie des droits de l’homme, qui confine à l’hystérie avec Carter, Bill et Hillary Clinton ou encore Bernard-Henri Lévy, le chaos s’installe et l’enfer (pavé de bonnes intentions) descend sur terre comme en Libye, en Syrie, en Irak ou dans le Donbass. Les droits de l’homme, dans leur application, disaient déjà les Chinois au début des années 90 du 20ème siècle, doivent être tempérés par les messages pacificateurs des religions traditionnelles, surtout le confucianisme qui prêche l’harmonie. Qui dit religion apaisante dit automatiquement capacité à forger des syncrétismes harmonieux et féconds, comme le voulait le Shah avec son idée de « civilisation iranienne » qui est parvenu à signer une paix avec le roi Fayçal d’Arabie Saoudite, réduisant à néant, dans les années 70 du 20ème siècle, le contentieux pluriséculaire entre Chiites et Sunnites. Autre syncrétisme pacificateur : les baathismes syrien et irakien qui, bien que devenus ennemis, ont chacun procuré la paix intérieure à leurs pays respectifs. Quant au kémalisme, reposant sur le syncrétisme alaouite turc et sur l’appareil militaire (hostile aux fondamentalismes et aux terribles simplifications des zélotes religieux), il offrait, finalement, une plus large marge de manœuvre à la Turquie et ses dernières manifestations, avant la mise au pas fondamentaliste perpétrée par Erdogan, avaient fait montre de velléités eurasistes, liées idéologiquement à ses positions parfois pantouraniennes, plus conformes à la position pontique de la Turquie, réduite sur le plan territorial suite aux clauses du Traité de Lausanne de 1923 et dépouillée des ressources énergétiques de l’actuel Kurdistan irakien (gisements de Kirkouk et de Mossoul). 
 
L’alliance entre les puritains de Boston (avec leurs avatars télé-évangélistes, chrétiens-sionistes et autres), les trotskistes de la côte est, mués en néoconservateurs pour qui la notion trotskiste de « révolution permanente » s’est transformée en pratique de la « guerre permanente », et les wahhabites djihadistes saoudiens qui ont plongé la Libye, la Syrie et l’Irak dans le chaos, est une alliance que l’on peut sereinement qualifier de calamiteuse, vu l’absence de résultats acceptables au regard de la simple bienséance. Face à elle, l’eurasisme est donc un antidote où entrent en jeu les valeurs asiatiques, bouddhistes et confucéennes non dérivées du tronc abrahamique et les volontés syncrétiques des grands khans mongols dont Marco Polo fut un conseiller pendant dix-sept ans. A ce corpus de religions asiatiques et à cette volonté de syncrétisme s’ajoutent les idéaux équilibrants et apaisants que nous lègue Aristote, avec son idée de « nomos » de la terre, reprise au 20ème siècle par Carl Schmitt. Il ne s’agit nullement d’un « nomos » figé, comme pourrait nous le faire croire l’aristotélisme scolastique ou la pratique metternichienne en marge de la Sainte-Alliance, mais d’un « nomos » dynamique, que le philosophe Heidegger, sous l’impulsion du futur archévêque de Fribourg Conrad Gröber, a exploré, prouvant que les concepts grecs étaient plus « fluides », plus souples, que ne l’avaient imaginé les scolastiques : ceux-ci, prêtaient le flanc aux critiques, souvent antireligieux, qui percevaient l’aristotélisme des « Anciens » comme une charpente trop rigide, rejetée par les « Modernes ». Confucianisme chinois et aristotélisme tablant sur un « nomos » irrigué de concepts fluides impliquent la mise en œuvre d’une diplomatie planétaire diamétralement différente de la pratique occidentale dominante aujourd’hui et opposée à l’anti-diplomatie du néoconservateur Robert Kagan à l’époque du fameux Axe Paris-Berlin-Moscou de 2003 quand l’Europe et la Russie se sont opposées, de concert mais hélas trop brièvement, au bellicisme américain en Irak. Cet axe éphémère était une réactualisation de l’alliance implicite franco-austro-russe du 18ème siècle, flanquée des bonnes politiques maritimes du Roi Louis XVI et de la Tsarine Catherine. 
 
La réémergence d’un Axe Paris-Berlin-Moscou, difficile à raviver depuis la trahison du gaullisme par Sarkozy et Hollande, renoue avec les meilleurs traditions du siècle des Lumières, où les Lumières n’étaient pas réduites aux piètres schémas vociférés par un Bernard-Henri Lévy. Il s’agissait de neutraliser le cycle infernal des guerres mondiales et des guerres permanentes commencé avec la Guerre de Sept Ans en 1756 (23). L’eurasisme est donc cette réponse nécessaire et équilibrante à des forces génératrices de désordres criminels et destructeurs.
 
Robert Steuckers, octobre 2014 (rédaction finale, janvier 2015). 
 
Notes :
 
(1) Marlène LARUELLE, L’idéologie eurasiste russe ou comment penser l’empire, L’Harmattan, Paris, 1999.
(2) Christian W. SPANG, Karl Haushofer und Japan – Die Rezeption seiner geopolitischen Theorien in der deutschen und japanischen Politik, Iudicium Verlag, München, 2013.
(3) Robert KAPLAN, Monsoon – The Indian Ocean and the Future of American Power, Random House, New York, 2011.
(4) Christopher I. BECKWITH, Empires of the Silk Road – A History of Central Eurasia from the Bronze Age to the Present, Princeton University Press, Princeton, 2009.
(5) Tessa HOFMANN, Annäherung an Armenien – Geschichte und Gegenwart, Verlag C. H. Beck, München, 1997-2006.
(6) Sur Saul B. Cohen, cf. David CRIEKEMANS, Geopolitiek – ‘Geografisch geweten’ van de buitenlandse politiek ?, Garant, Antwerpen/Apeldoorn, 2007.
(7)   J. P. MALLORY & Victor H. MAIR, The Tarim Mummies. Ancient China and the Mystery of the Earliest Peoples from the West, Thames & Hudson, London, 2000.

(8) Reinhard SCHMOECKEL, Die Indoeuropäer - Aufbruch aus der Vorgeschichte, Verlag Bublies, Schnellbach, s.d.

 (9) Jean-Michel SALLMANN, Le grand désenclavement du monde – 1200-1600, Payot, Paris, 2011.
(10) Pour comprendre la volonté russe de se projeter vers le Pacifique, lire: Owen MATTHEWS, Glorious Misadventures – Nikolai Rezanov and the Dream of a Russian America, London, Bloomsbury, 2013-2014.
(12) Eberhard STRAUB, Der Wiener Kongress – Das grosse Fest und die Neuordnung Europas, Stuttgart, Klett-Cotta, 2014.
(13) Olivier BLANC, Les hommes de Londres – Histoire secrète de la Terreur, Paris, Albin Michel, 1989.
(14) Cf. notre article consacré à Constantin Frantz : in Jean-François MATTEI, Les Œuvres philosophiques (deux tomes), volume III de l'Encyclopédie philosophique universelle, Paris, PUF, 1992.
(16) John KING FAIRBANK, The Great Chinese Revolution 1800-1985, 1986, p. 81.
(17) Robert STEUCKERS, “Les amendements chinois au nouvel ordre mondial”, sur http://robertsteuckers.blogspot.be/2014/04/les-amendements-chinois-au-nouvel-ordre.html
(18) Giuseppe TUCCI, Les religions du Tibet et de la Mongolie, Payot, 1973.
(19) Pankaj MISHRA, Aus den Ruinen des Empires – Die Revolte gegen den Westen und der Wiederaufstieg Asiens, S. Fischer, Frankfurt a. M., 2013.
(20) Robert STEUCKERS, « Etonnantes révisions chez les grands stratégistes américains », cf. http://robertsteuckers.blogspot.be/2013/08/etonnantes-revisions-chez-les-grands.html
(21) Robert BAER, Iran – l’irrésistible ascension, J.C. Lattès, Paris, 2008; Trita PARSI, Treacherous Alliance – The Secret Dealings of Israel, Iran, and the U.S., Yale University Press, 2007; Barbara SLAVIN, Bitter Friends, Bosom Enemies – Iran, the U.S., and the Twisted Path to Confrontation, St. Martins Press, New York, 2007.
(22) Wayne MADSEN, “Missing Saddam”, cf. http://euro-synergies.hautetfort.com/apps/search/?s=missing+saddam
(23) Robert STEUCKERS, “Historical Reflections on the Notion of “World War””, cf. http://robertsteuckers.blogspot.be/2014/02/historical-reflections-on-notion-of.html

mardi, 12 mai 2015

Rassegna Stampa (12-V-2015)

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Rassegna Stampa (12-V-2015)

  • Terra promessa
    di Piero Cammerinesi [12/05/2015]
    Fonte: Il giornale del Ribelle

La Macedonia sarà un’altra Majdan

La Macedonia sarà un’altra Majdan

Dovrebbe essere interesse primario del nostro governo fornire tutto l'aiuto possibile al premier Gruevski per garantire la stabilità del territorio macedone. Se, come il nordafrica, anche i balcani precipitano nel caos, l'Italia in primis, ma l'Europa tutta, si troverà circondata da guerre guerreggiate.
 
 
 
Ex: http://www.lintellettualedissidente.it 
 

Macedoine-municipalites-map.gifSoros, Nuland e la loro felice compagnia stanno cercando in ogni modo di mettere a ferro e fuoco la Repubblica di Macedonia. I loro burattini all’ interno del territorio macedone, ovvero l’attuale leader dell’ opposizione nonchè presidente del partito social democratico Zoran Zaev, insieme al vecchio presidente macedone Branko Cervenkovski, stanno però fallendo una mossa dopo l’altra. Non è servito a nulla comprare giornali locali, fare centinaia di siti internet uniti ad una propaganda pressante sui siti web, non è servito neppure possedere le televisioni “24 Vesti” o “Telma”, il popolo Macedone è ben informato e sta eroicamente resistendo, tenendo bene a mente i fatti ucraini di piazza Majdan. Nonostante abbia un PIL di poco più di 10 miliardi di dollari, nulla se paragonato ad esempio al denaro gestito dai grandi fondi d’investimento internazionali come i 4000 miliardi di Blackrock, l’attuale presidente Gruevski sta lottando con onestà e coraggio per evitare lo scenario peggiore, resistendo ad ogni tipo di attacco, come ad esempio l’accusa di aver spiato 20000 macedoni, in realtà operazione orchestrata dalla CIA come ha ammesso in un incontro privato, segretamente ripreso, proprio Zoran Zaev.  I motivi  per cui la Macedonia è sotto attacco sono: il ruolo di anello debole dei paesi balcanici per la costruzione del gasdotto Turkish stream – Balkan stream e oltretutto la pace nei balcani favorirebbe la messa in atto della “nuova via della seta cinese” collegando commercialmente il porto greco del Pireo all’ Ungheria, dunque al cuore dell europa attraverso Macedonia e Serbia.

Ma gli squali della grande finanza non si arrendono così facilmente e stanno puntando tutto sulla manifestazione del 17 maggio. Lo scopo dei manifestanti sarà quello di rimanere in piazza con le tende per giorni, replicando il copione delle altre rivolte colorate o delle primavere arabe. L’atmosfera viene riscaldata dai recentissimi eventi di Kumanovo, dove 80 uomini armati si sono scontrati con la polizia causando diversi feriti e 8 morti tra le forze di sicurezza. La stampa occidentale e l’opposizione macedone hanno subito accusato il governo di aver orchestrato tutto. In realtà si è trattata di un operazione eterodiretta, quei guerriglieri provenivano certamente dal Kosovo e fanno parte di quei mercenari a basso costo che l’intelligence del west tiene sempre pronti all’ attacco come dei cani da combattimento. Il governo Serbo si è subito dimostrato attento ed ha mandato proprie forze armate al confine con la Macedonia per evitare il diffondersi della violenza. Gruevski avrà la capacità di resistere, si spera riuscendo ad evitare scenari da guerra civile. Anche il governo albanese ha oggi esortato le comunità albanesi della Macedonia a non restare in piazza. Ma il governo macedone non può essere abbandonato da noi europei.Dovrebbe essere interesse primario del nostro governo fornire tutto l’aiuto possibile al premier Gruevski per garantire la stabilità del territorio macedone. Se, come il nordafrica, anche i balcani precipitano nel caos, l’Italia in primis, ma l’Europa tutta, si troverà circondata da guerre guerreggiate.

 

La CIA déclenche une attaque sous faux drapeau en Macédoine

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La CIA déclenche une attaque sous faux drapeau en Macédoine pour contrer le projet gazier russo-grec

par Yann de Kerguezec
Ex: http://breizatao.com

Alors que la Russie vient de nouer un partenariat énergétique stratégique avec la Turquie et la Grèce pour un gazoduc commun devant rejoindre la Serbie, la Hongrie, l’Autriche et l’Italie. La CIA a réagi en déclenchant une agitation islamo-nationaliste albanaise depuis le Kosovo en Macédoine. Un exemple caricatural de l’alliance stratégique islamo-atlantiste en Europe.

Alternative au projet South Stream

De la même façon que la Russie achemine son gaz en Allemagne via le gazoduc “North Stream” (“Courant Nord”), Moscou entend garantir son partenariat avec l’Union Européenne en développant un projet analogue pour l’Europe méridionale et centrale, “South Stream” (“Courant Sud”) tout en contournant l’Ukraine.

Les USA, soucieux de briser une alliance stratégique euro-russe afin de s’assurer de la domination mondiale au détriment des Européens et des Russes, tentent en effet de créer un “cordon sanitaire” tourné contre Moscou partant des états baltes jusqu’à la Mer Noire, Ukraine incluse. D’où le coup d’état mené à Kiev par la CIA dans ce pays en février 2014.

Suite à cet événement, Washington a obtenu l’abandon du soutien bulgare au projet “South Stream” qui devait voir le jour :

 

Vladimir Poutine, actant de la soumission de la Bulgarie aux USA, annonçait formellement, début décembre 2014, l’abandon du projet “South Stream” (source) :

“Comme nous n’avons toujours pas reçu la permission de la Bulgarie, nous pensons que dans la situation actuelle la Russie ne peut pas poursuivre la réalisation de ce projet”.

Accord russo-turco-grec

La Turquie ambitionnait de faire transiter du gaz d’Asie Centrale et d’Orient –  en concertation avec les USA – sur son territoire vers l’Europe dans le cadre du projet de gazoduc “Nabucco”. Ce concurrent direct au projet “South Stream” a été progressivement abandonné et Moscou vient d’offrir à Ankara une alternative : le “Turkish Stream”.

Ce gazoduc permettra de livrer, dès 2016, la Turquie en gaz à un prix revu à la baisse par Gazprom (source). Avec l’arrivée d’Alexis Tsipras au pouvoir à Athènes, le nouveau gouvernement grec est à la recherche de toutes les opportunités économiques possibles.

Moscou a profité de ce changement politique pour proposer aux Grecs l’extension du projet turco-russe à la Grèce. Ce qu’a rapidement accepté le gouvernement d’extrême-gauche. Cet accord entre la Russie et la Grèce avait été salué par l’Allemagne, Berlin s’opposant de plus en plus fermement à l’ingérence américaine dans les affaires euro-russes (source).

La Macédoine en ligne de mire de la CIA

Avec la création de ce “Turkish Stream”, la Russie dispose d’une alternative au South Stream pour l’acheminement de son gaz vers l’Italie, la Serbie et la Hongrie. Aussi, les efforts américains en Ukraine et en Bulgarie pour couper l’accès du gaz russe au marché européen sont-ils sérieusement menacés d’échec.

Cette perspective d’un accord entre la Grèce et la Russie fait littéralement paniquer Washington qui a envoyé il y a deux jours un émissaire à Athènes pour exiger de la Grèce qu’elle abandonne son partenariat avec Moscou (source). Le ministre de l’Energie grec a redit la volonté de la Grèce de maintenir son projet de participation au projet russe.

Mais pour réaliser le “Balkans Stream”, alternative au “South Stream”, il faut que la Russie puisse faire transiter le gazoduc conjoint par la Macédoine.

Agitation albano-islamiste fomentée par la CIA

La CIA a donc décidé d’agiter ses fidèles vassaux de la mafia albanaise. Ainsi, une attaque menée depuis le Kosovo, un non-état où est située une des plus grandes bases américaines en Europe (Camp Bondsteel), a frappé le territoire macédonien au non d’un séparatisme albanais sur les frontières de l’actuelle Macédoine. Après avoir tué 22 personnes, les assaillants se sont ensuite repliés vers leur base arrière, protégés par les forces de l’OTAN.

Le but de la manoeuvre est clair : faire échec à l’alternative d’acheminement de gaz russe en Europe en menaçant de guerre indirectes les autorités macédoniennes susceptibles de rejoindre l’accord entre Russes, Grecs et Turcs.

En guise de hors d’oeuvre, les Macédoniens ont vu une résurgence récente de l’action des musulmans albanais sur leur territoire. D’abord une action contre 4 policiers s’était déroulée fin avril (source).

Le but est bien sûr de mener une guerre non-conventionnelle identique à celle menée en Syrie par les USA et leurs vassaux,  en agitant leurs alliés musulmans locaux.

Dans le même temps, des provocations multiples de la part des ultranationalistes musulmans d’Albanie ont visé la Serbie, comme l’annonce faite en avril d’une annexion “inéluctable” du Kosovo par Tirana (source). Une façon indirecte pour Washington de faire chanter Belgrade, au cas où le gouvernement serbe accepterait de faire transiter le gaz russe vers l’Europe centrale, Hongrie et Autriche notamment.

Révolution colorée en Macédoine

En parallèle, l’OTAN et les USA pourraient tenter de créer une crise politique visant à mettre au pouvoir un gouvernement fantoche, sur le modèle ukrainien, afin de contrecarrer le projet russe établi en concertation avec les Serbes, les Grecs et les Hongrois.


- Source : Yann de Kerguezec

Entretien avec Alexandre del Valle et David Engels

Pourquoi l'Occident gagnerait à cesser de vouloir exporter son modèle

Ex: http://www.atlantico.fr

Entretien avec Alexandre del Valle et David Engels

L'idéal occidental consistant à vouloir exporter -parfois par la force- ses valeurs démocratiques et morales, considérées comme supérieures, est remis en question depuis plusieurs décennies.

Atlantico : Alors que la crise ukrainienne continue et ce malgré les échecs de l'Union européenne, l'idéal occidental consistant à exporter les valeurs démocratiques est remis en question. D'où sont partis les premiers foyers de résistance, et aujourd'hui qui sont les plus grands opposants au modèle occidental ?

Alexandre del Valle : Les premiers foyers de résistance sont partis des expériences anti-coloniales et même, avant, de l’ex-Union soviétique qui portait un projet global de lutte contre "l’impérialisme" occidental et les sociétés libéral-démocratiques. Mais les anti-colonialistes anti-occidentaux - qui ont combattu le modèle occidental et la domination des coloniale européenne – et les marxistes soviétiques s’inspiraient encore de références occidentalo-européennes (marxisme-léniniste ; nationalisme, socialisme, etc).

Après la chute de l’ex-URSS, on a assisté à une mutation dans l’anti-impérialisme et dans le tiersmondisme, car la lutte contre la domination occidentale ne s’est plus faite au nom d’idées européennes, mais au nom d’une exigence de "seconde décolonisation". Je m’explique : si jadis les anti-colonisateurs luttaient physiquement contre les dominateurs européens au nom de valeurs et idéologies progressistes ou subversives d’origine européenne, à partir de la fin de la Guerre froide, l’idéologie marxiste-léniniste et le vieil anti-impérialisme de gauche ont perdu leur "sponsor" russe post-soviétique et ont dû chercher d’autres sources idéologiques dans leur lutte contre l’Occident. C’est alors que dans le monde arabe et même musulman, le nationalisme kémaliste et progressiste ou le nationalisme arabe anti-impérialiste ont été détrônés par l’islamisme. Celui-ci s’est présenté comme la seule formule réellement susceptible de se débarrasser de la domination occidentale d’un point de vue politique, idéologique et spirituel.

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Le nationalisme laïc a donc peu a peu été remplacé par une formule "national-islamiste" supposée plus "indigène". Dans nos banlieues, on a observé aussi les conséquences de cette véritable lame de fond identitaire et géopolitique mondiale : l’identité nationale des pays d’accueil européens et même l’identité nationale d’origine des parents d’immigrés musulmans ont été détrônées par une nouvelle identité transnationale islamique, "muslim", à la fois capable de répondre à un besoin d’indigénisme, à un rejet (à la mode) de tout ce qui ressemble à l’Occident-blanc-judéo-chrétien, et d’être en phase avec la mondialisation, elle-aussi transnationale. Cela ne veut pas dire que la mondialisation a supprimé l’identité, mais que le double phénomène de mondialisation marchande et de fin du monde bipolaire ont fait ressurgir les appartenances identitaires de type civilisationnelles.

Dans ce contexte, et durant ces années 1990 marquées par des embargos et guerres "humanitaires" livrés au nom du "droit d’ingérence" et des droits de l’homme contre des pays souverains jugés "non occidentaux" ou "ennemis de l’Occident" (Serbie-Yougoslavie ; Irak de Saddam, Syrie, Iran, Cuba, Libye, Afghanistan, etc), nos valeurs universelles comme l’humanisme, les droits de l’Homme, la laïcité et la démocratie ont été grandement discréditées car associées à des entreprises "impérialistes". La demande d’islamisme, d’indigénisme, d’identité "locale", de "désoccidentalisation" est depuis observée partout, de l’Amérique latine avec les mouvements amérindiens indigénistes anti-occidentaux (Bolivie, Equador, Perou, Vénézuela, Chiapas, etc), à l’Asie (Singapour, Malaisie, Indonésie, Chine, etc), sans oublier les sociétés islamiques. Cette "seconde décolonisation" ne concerne pas seulement des dictatures "anti-impérialistes" tiersmondistes socialistes, comme Cuba et le Vénézuéla "bolivariste", ou staliniennes, comme la Corée du Nord, mais aussi des pays en phase avec la mondialisation marchande et la modernité technologique, comme Singapour, qui prône un modèle "confucéen" autoritaire, la Malaisie, marquée par "l’asiatisme islamique" du vieux leader Mahatir, sans oublier la Chine post-maoiste qui allie le capitalisme mercantiliste, le nationalisme, le néo-confucianisme et le marxisme dans le cadre d’une stratégie globale de lutte asymétrique contre l’Occident et ses valeurs au nom d’un ordre multipolaire.

David Engels : Tout d’abord, insistons sur le fait que ces valeurs "universalistes" ne sont pas le propre de la culture occidentale, mais un phénomène typique pour la phase terminale de toute civilisation historique. Marquées par la lassitude, le multiculturalisme, la remise en question de soi et une certaine désillusion, toutes les civilisations développent graduellement un cadre de vie basé sur des valeurs essentiellement cosmopolites, rationalistes, individualistes et désincarnées. Pensez à la société multiculturelle de la Rome impériale, au Caire des Fatimides ou au Xi’an des Han : vous trouverez partout le même type de valeurs, peut-être pas dans les mots, mais dans les faits. Ainsi, la "démocratie" à l’occidentale n’a de véritablement démocratique que le nom, et désigne désormais un croisement entre oligarchie et technocratie. Le respect des droits de l’homme, au lieu de se fonder sur une véritable définition humaniste de l’homme et de sa dignité spirituelle, a engendré une notion de droit entièrement chosifiée exaltant l’individu au détriment de la communauté. La "liberté", finalement, s’est muée en libéralisme et a mené au capitalisme ultralibéral dont le continent paie les frais en ce moment même.

La résistance à cette situation a des racines très diverses, venant à l’origine tantôt de gauche (par l’opposition à l’exploitation du travailleur), tantôt de droite (par l’opposition à la destruction de nos valeurs culturelles), et tantôt de la part des peuples non-européens (par l’opposition à l’impérialisme économique ou politique). Cette dispersion idéologique ne facilite pas la tâche à ceux qui s’opposent au système, d’autant plus que le décalage entre l’idéal abstrait des valeurs universalistes et leur réalisation concrète dans la vie quotidienne est habilement exploité par ses défenseurs. Ainsi, qui s’oppose aux dérives technocratiques est décrié comme "anti-démocratique", celui qui critique l’individualisme outrancier est fustigé de "réactionnaire", et celui qui se lève contre l’ultra-libéralisme est libellé "nationaliste", etc. À l’extérieur, parmi les opposants les plus importants au modèle "universaliste" occidental, on notera évidemment tout d’abord l’islam fondamentaliste, dont toute la genèse et la diffusion sont beaucoup moins des phénomènes inhérents à la dynamique du monde musulman qu’à celle du monde occidental lui-même ; le modèle dictatorial chinois, essentiellement basé sur la volonté acharnée de retrouver le statut perdu de puissance mondiale d’abord par la voie économique, puis politique ; et finalement l’État russe, rejetant les dérives idéologiques et économiques de l’Occident afin de légitimer son propre régime autoritaire.

Les populations migrantes qui cherchent aujourd'hui à atteindre les côtes européennes sont-elles toujours attirées par les valeurs occidentales d'égalité et d'accueil ou sont-elles poussées par d'autres motivations ?

Alexandre del Valle : Une minorité de ces migrants, légaux ou illégaux (notamment les militants laïques des droits de l’homme, les chrétiens persécutés fuyant la christianophobie, et les libéraux persécutés en pays musulman ou dans les dictatures africaines ou asiatiques), est réellement attirée par nos valeurs qui représentent pour eux une voie de salut et un idéal. Il faudrait d’ailleurs selon moi enfin définir une stratégie globale "d’immigration choisie" visant à privilégier le plus possible l’accueil des personnes qui viendraient chez nous par amour de nos valeurs. Il est d’ailleurs regrettable qu’à l’époque des sondages, de l’intelligence artificielle et du neuromarketing, nos politiques n’ont rien d’autre à répondre qu’il est impossible de "trier" donc de choisir qui peut venir chez nous. Aux termes d’une funeste confusion, l’idée même de sélection est assimilée aujourd’hui une forme de "discrimination" et de "racisme". Ce "démographiquement correct", fondée sur une vision immigrationniste de principe et sur l’idée que l’accueil sans limites des migrants illégaux ou légaux a conduit nos élites terrifiées par la bienpensance médiatique à subir une immigration incontrôlée puis à abdiquer toute politique d’assimilation, elle aussi jugée "discriminatoire"…

 

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En revanche, on ne peut nier qu’une grande part des migrants, légaux ou clandestins, issue d’Afrique noire, des pays arabes, de Turquie ou d’Asie, ne vient pas chez nous parce par amour de nos valeurs, mais simplement par esprit de survie ou par opportunisme économique (appel d’air des aides sociales et rêve d’Eldorado européen). Cette lapalissade n’en est pas moins impossible à énoncer aujourd’hui sans être stigmatisé, tant le lobby immigrationniste radical a réussi à criminaliser les termes réalistes de ce débat pourtant vital pour notre avenir collectif. En fait, c’est toute la conception européenne et française du droit d’asile, de la gestion des frontières, puis nos politiques d’intégration et d’immigration qui doivent être repensées de façon à la fois réaliste et à l’aune des intérêts bien compris de nos concitoyens puis de nos capacités d’intégration sociales et économiques.

David Engels : C’est une question complexe dont la réponse définitive ne pourrait être donnée que par les statistiques ; et malheureusement, vu la nature de plus en plus délicate de la discussion sur l’immigration, les chiffres s’y rapportant sont de plus en plus difficilement accessibles ou ne sont même plus prélevés. Néanmoins, je crois que les raisons qui poussent la majorité des populations migrantes à se déplacer en Europe sont essentiellement d’ordre matériel : il ne s’agit que rarement d’une population cultivée et prospère qui est simplement à la recherche de plus de démocratie et de liberté, mais plutôt d’une population vivant dans la misère économique et l’oppression politique et prête à se rendre n’importe où pour autant que cela leur assure à la fois la survie et la sécurité. Évidemment, il va de soi que la misère et l’oppression dont souffraient ces immigrés chez eux sont souvent causées (ou accompagnées) par une situation politique marquée par la corruption, la persécution, l’autoritarisme et l’incompétence, de manière à ce que motivation humanitaire et motivation politique deviennent inséparables.

Toutefois, si l’on examine le comportement de beaucoup de migrants après leur arrivée dans leur société d’accueil, il semble que la volonté de s’assimiler et d’adopter les valeurs occidentales disparaisse de plus en plus. Au contraire, l’oppression de la femme, la soumission à l’autorité religieuse, le choix d’activités économiques opérant souvent en dehors de la légalité et une attitude très revendicatrice face à l’État et à la société d’accueil en général suggèrent que l’enthousiasme pour les valeurs de la société d’accueil n’a dû être que bien rarement la motivation principale de l’immigration. Et notre société actuelle, au lieu de faciliter l’intégration, exalte une "tolérance" sans restriction face à l’"autre" et, tout en se vautrant littéralement dans le rejet de sa propre identité culturelle en raison de ses nombreux "crimes", en appelle à la "compréhension" des "spécificités culturelles" des étrangers ...

Quel prix l'Occident paie-t-il pour cette résistance à ses valeurs ? Le terrorisme ?

Alexandre del Valle : Le terrorisme islamiste de type salafiste-djihadiste que nous connaissons depuis des décennies - et qui a de plus en plus tendance à se "démocratiser" à travers les cas de "loups soi-disant solitaires" à la Merah ou à la Ghlam – n’est selon moi que la partie immergée la plus tragique de ce vaste phénomène qu’est la "seconde décolonisation" antioccidentale. Celui-ci passe en effet aussi par le rejet des valeurs universelles des droits de l’homme, perçues comme une "arrogance néo-impériale". On retrouve ce phénomène aussi en Turquie, à travers la voie apparemment "douce" - mais non moins anti-occidentale (sur le plan philosophique) - du nationalisme islamiste du président-néo-sultan Erdogan, qui démantèle progressivement la laïcité kémaliste, issue de l’idéologie occidentale, donc "apostate".

Pour les islamistes turcs qui votent en faveur d’Erdogan, lutter contre les idées laïques d’Atatürk, père de la Turquie moderne face aux envahisseurs européens vainqueurs de la première guerre mondiale, est la nouvelle façon de lutter pour l’indépendance de la Nation turque. Face à l’apostat Mustapha Kémal Atatürk, qui a aboli le Califat et supprimé la Charià’, l’AKP au pouvoir prépare le rétablissement informel du Califat sunnite pendant que Da’ech le rétablit concrètement…

Le rejet de l’influence des idées occidentales se traduit aussi par une nouvelle façon de concevoir la démocratie elle-même : l’Iran khomeinyste et les Frères musulmans portent un modèle de "démocratie islamique" différent du modèle individualiste et matérialiste-laïque occidental ; de même, la Russie, l’Egypte d’Al-Sissi ou le Venézuéla proposent un modèle de "démocratie contrôlée" ou "souveraine". Quant à la Chine, elle explique sans complexe que la démocratie n’est pas le meilleur modèle puisqu’il conduit à l’anarchie et au chaos… La Chine maoïste-capitaliste montre qu’un pays dictatorial peut briguer le statut de première puissance tout en rejetant la démocratie libérale. Pour les nations du nouveau monde multipolaire, l’universalité des droits de l’homme n’est qu’un cache-sexe de "l’arrogance occidentale". A ce titre, la globalisation, pas toujours si "heureuse" que ne l’estiment les mondialistes, n’est en fait qu’un champ de déploiement de puissances, d’échanges et de concurrences au sein d’un monde de plus en plus multipolaire et de moins en moins occidental.

David Engels : Certes, le terrorisme est l’une des voies les plus spectaculaires par lesquelles s’exprime l’opposition à l’universalisme ultra-libéral. Mais ce n’est que le pic de l’iceberg, car il y a bien pire.

D’un côté, pensons à la transformation de plus en plus accélérée de notre propre société par l’immigration de masse et par la redistribution de la fortune. Ces deux phénomènes risquent non seulement de cliver de plus en plus nos sociétés de manière politique, mais aussi de provoquer, à la longue, la disparition pure et simple du modèle de vie occidental. Déjà maintenant, la ville de taille moyenne, peuplée dans sa large majorité d’Européens de souche, animée essentiellement par l’activité de la classe moyenne et ayant comme principaux constituants sociaux des familles nucléaires, a pour ainsi dire disparu suite à l’immigration, la paupérisation, la désindustrialisation et la destruction de la famille traditionnelle. Il ne s’agit que d’une question de temps avant que n’éclatent de violentes luttes motivées à la fois par la haine communautaire et le ressentiment économique.

Et d’un autre côté, notre mécompréhension totale du monde non-européen et notre volonté missionnaire d’exporter ces mêmes valeurs universalistes ainsi que le modèle politique et économique qui les sous-tend a profondément déstabilisé nos États voisins, déjà largement animés par des ressentiments post-coloniaux. Ainsi, parce que les médias nous montraient nuit et jour des foules promenant des bannières où figuraient des mots comme "liberté", "démocratie" ou "égalité", nous avons accueilli avec empressement la déstabilisation du Maghreb, du Moyen Orient, de grandes parties de l’Afrique et de l’Ukraine ; puis, une fois ces pays sombrés dans l’anarchie et un grand nombre de ces prétendus combattants pour la "liberté" identifiés comme fondamentalistes et radicaux, nous avons simplement fermé les yeux et attendu que quelqu’un intervienne, idéalement les États-Unis, que nous aurions pu, du même coup, critiquer pour leur interventionnisme. Le résultat : de la Tunisie en passant par la Libye, l’Égypte, le Soudan, la Palestine, la Syrie, l’Iraq, l’Iran, le Caucase, l’Ukraine et la Russie (et j’en passe), nous sommes entourés d’États qui non seulement ont un piètre avis de notre crédibilité politique et morale, mais qui, de manière largement justifiée, attribuent leurs malheurs actuels au dilettantisme, à la lâcheté et à l’hypocrisie de notre politique extérieure.

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Que perdrait l'Occident à renoncer à étendre ses valeurs au monde ? Que pourrait-il y gagner?

Alexandre del Valle : Les pays d’Occident ne pourront relever ces défis du monde en voie de multipolarisation et de désoccidentalisation idéologique qu’en renouant avec la realpolitik et en effectuant un recentrage autour de leurs intérêts géocivilisationnels bien compris. Cela ne signifie aucunement un "repli" sur soi, comme l’insinuent les partisans de l’utopie du Village Global et de "Mc World", mais qu’au lieu de tenter sans succès aucun d’exporter nos valeurs chez les autres à coups d’embargos et de "bombardements humanitaires", nous ferions mieux de défendre chez nous ces mêmes valeurs universelles qui ne sont pas forcément celles d’autres nations.

Avant de vouloir démocratiser l’Egypte, la Syrie, la Tunisie, le Yémen ou la Libye, lors des révolutions arabes, ou jadis l’Irak lors des deux guerres de 1990 et 2003, sans oublier l’Ukraine et la Géorgie depuis les années 2000 avec les "révolutions  de couleur" appuyées par l’Occident pour affaiblir la Russie dans son ‘étranger proche’, les dirigeants occidentaux seraient bien inspirés de défendre chez eux la démocratie affaiblie par l’incurie des politiques irresponsables, la laïcité menacée par le communautarisme et l’islamisme, et bien sûr leurs frontières, mises en danger non pas par la République islamique iranienne, Da’ech, la Chine, l’Irak de Saddam, Kadhafi, ou la Russie de Poutine, mais par des politiques de court terme de renonciation au principe de souveraineté. Mais les partisans d’une conception assimilationniste de l’intégration ont été habilement discrédités et soumis à la reductio ad hitlerum par les nouveaux inquisiteurs du "cosmopolitiquement correct". Je décrits les armes rhétoriques et procédés de manipulation-désinformation de ces derniers dans mon ouvrage Le Complexe occidental, petit traité de déculpabilisation (Toucan).  

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Il y a tout de même une bonne nouvelle dans le constat apparemment pessimiste de l’émergence d’un monde multipolaire de moins en moins d’accord avec l’universalisme arrogant de l’Occident ex-colonial: si l’avenir est au retour de la Realpolitik et à l’apparition de pôles géopolitiques autonomes défendant leurs intérêts de façon décomplexée (monde sino-confucéen, Inde ; Russie OCS-CEI ; Occident ; monde arabo-musulman sunnite et pôle chiite pro-iranien ; Amérique latine néo-indigéniste, Sud est asiatique, etc), alors les nations occidentales confrontées à une adversité déclarée et multiforme se sentiront elles-aussi de plus en plus autorisées à défendre leurs propres intérêts de façon décomplexées. Ainsi, de même que la christianophobie planétaire (qui menace les chrétiens, de la Chine au Nigéria en passant par l’Irak, la Syrie, la Libye ou l’Inde et tout récemment jusque dans nos banlieues) va pousser les Européens désenchantés à redevenir fiers de leur identité, de même, la montée d’une haine anti-occidentale planétaire va conduire de nombreux Occidentaux à se décomplexer.

Immanquablement, nombre d’Occidentaux qui constatent le rejet de notre modèle partout où nous l’avons imposé par les "guerres humanitaires" à la BHL-Kouchner et qui déplorent les conséquences de l’échec de l’intégration dans nombre de nos banlieues vont exiger de plus en plus dans l’avenir que nos politiques défendent nos intérêts chez nous au lieu de l’exporter sans succès aucun ailleurs. Le recentrage civilisationnel et géopolitique que je prône dans le "complexe occidental" va se faire naturellement et logiquement.

David Engels : Je ne peux parler ici que de l’Europe, non pas des États-Unis. Le problème réside dans l’ambiguïté propre à notre "universalisme", car les valeurs qui le caractérisent se manifestent essentiellement, dans la réalité, par la création d’une structure économique basée sur le modèle de la croissance et de la spéculation et qui a donc besoin d’expansion pour perdurer. Ainsi, l’ultra-libéralisme doit impérativement tenter de transformer l’ensemble de la terre habitée en zone de libre-échange afin d’assurer un maximum de mobilité et donc un maximum de rentabilité pour la production, la vente et, surtout, la spéculation. Cela implique aussi l’exportation d’un modèle politique encourageant et protégeant ce système économique et remplaçant donc obligatoirement toute expression immédiate de la volonté populaire par un régime oligarchique et technocratique, empêchant tout phénomène d’opposition par l’exaltation de l’individualisme et de l’égoïsme, et déconstruisant tous les réseaux de solidarité comme les régions, nations, religions et civilisations par l’affaiblissement des États et la promotion de grands mouvements de population par l’immigration. Dès lors, il est impossible de changer de politique extérieure sans changer de système intérieur, et il est logique qu’un tel changement de système s’accompagnerait tout d’abord par l’ostracisation économique et politique d’une telle Europe par les autres puissances "universalistes".

Quelles seraient les conséquences de cette nouvelle donne sur l'équilibre des puissances ?

Alexandre del Valle : Les pays européens et les Etats-Unis vont devoir tirer les leçons du passé. Ils seront tôt ou tard obligés d’accepter un nouvel ordre international multipolaire fondé sur l’équilibre des puissances et donc le respect de la souveraineté et de la différence de chaque pôle géo-civilisationnel composant ce nouvel échiquier planétaire. Cela devra inciter tôt ou tard à rééquilibrer la répartition des pouvoirs au niveau global en fonction des nouveaux rapports de force géopolitiques et économiques : l’Inde, l’Afrique du Sud, le Nigeria et le Brésil devront intégrer le club décideur privilégié qu’est le Conseil de Sécurité permanent des Nations Unies.

Les Etats Unis devront accepter que le dollar soit concurrencé par les puissances européennes et asiatiques. Le FMI et d’autres instances mondiales conçues par les Occidentaux seront réformées et adaptées. L’Otan devra être adaptée à la réalité qu’est la disparition de la menace soviétique marxiste planétaire. Elle devra prendre acte et traduire dans les décisions stratégiques le fait que la Russie poutinienne n’est plus un empire soviétique à prétention mondiale mais une nation souveraine décidée à ne pas être affaiblie ennuyée dans son étranger proche".

Je pense que l’acceptation de cet ordre multipolaire sera la seule façon d’empêcher le spectre d’un "choc multipolaire global". Comme l’a bien montré Vilfredo Pareto, face à une évolution des rapports de force, soit on accepte et l’on accompagne une nécessaire "circulation des élites", donc on partage un peu le gâteau avec les autres, ne serait-ce que pour conjurer une révolte convulsive, soit on s’y refuse et la réalité des nouveaux rapports de force fera accéder ces nouvelles élites au pouvoir plus tard mais de façon plus violente…

David Engels : Je ne crois pas que l’Europe, en refusant de continuer dans sa voie actuelle consistant à jouer à la fois l’apôtre de la démocratie tout en accélérant systématiquement la libéralisation et donc la paupérisation de la population mondiale, doive abandonner toute prétention à faire de la politique extérieure ; tout au contraire. Mais cette politique extérieure future devrait tout d’abord être basée sur le sain respect du bien-être de notre continent : il est tout simplement absurde que l’Europe continue à payer de l’aide au développement à la Chine, comme c’est toujours le cas maintenant, et finance donc la mise en place d’industries qui supplantent systématiquement les nôtres !

De plus, si l’Europe veut être prise au sérieux par le reste du monde, elle devrait enfin se déclarer loyale à son propre modèle culturel et le protéger partout où il est en danger au lieu de se comporter comme un genre d’avatar des Nations Unies. Un exemple : les États arabes financent massivement la construction de nouvelles mosquées et d’instituts de recherche partout dans le monde européen, mais les Européens eux-mêmes, insistant sur leur laïcité, regardent sans ciller l’éradication du christianisme partout dans le Proche-Orient !

Et finalement, l’Europe devrait penser enfin à ses nécessités stratégiques et donc, au lieu de s’isoler de partout juste pour conserver l’appui des lointains États-Unis, se souvenir des liens culturels et économiques qui l’unissent à la Russie, tenter de créer une zone de sécurité de l’autre côté de la Méditerranée et développer une position amicale claire face aux tentatives de la Chine de s’approprier de plus en plus l’espace de l’Asie Centrale.

 

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Ceci est d’autant plus urgent que le résultat de l’actuel mélange entre lâcheté et hypocrisie est l’émergence de régimes de plus en plus totalitaires et ethniquement et culturellement de plus en plus homogènes partout à nos frontières, alors que l’Europe elle-même devient un ensemble multiculturel de plus en plus rapiécé et sans aucune cohérence ou solidarité interne. Avec cette politique, il est inévitable que nous devenions, tôt ou tard, le champ de bataille des conflits entre les grands groupements culturels et idéologiques qui s’affermissent de jour en jour et que nous soyons donc déchirés de l’intérieur, tout comme le fut l’Allemagne de l’époque de la Guerre des Trente Ans. Cessons enfin de vouloir européaniser le monde afin d’au moins empêcher la mondialisation et donc la dissolution de l’Europe !

Un tel scénario est-il seulement possible ? Quand bien même l'Occident voudrait se désengager, le pourrait-il ?

Alexandre del Valle : Oui. L’Occident peut se désengager. Je vous donne trois exemples de cette faisabilité qui ne signifierait pas une perte d’intérêts: 1/ la Libye : les 3 puissances occidentales bélligérantes qui ont attaqué la Libye en 2011, détruit l’Etat et fait tuer Kadhafi ont-elles remporté et gagné quelque chose ? NON. Kadhafi était bien plus enclin à composer avec les grandes compagnies et les gouvernements de ces pays avant sa chute que ne le font les clans qui se partagent le nouveau pouvoir révolutionnaire depuis la chute du Guide libyen. 2/: la Russie : Moscou est-il plus ouvert qu’avant  aux investissements des compagnies pétrolières occidentales et aux biens et services américains et européens depuis que nous avons soutenu ses ennemis géorgiens et ukrainiens puis fait entrer dans l’OTAN ou dans l’UE la Pologne, les Pays baltes foncièrement revanchards-anti-russes? La réponse est également non. L’Occident voit maintenant la Russie humiliée et revancharde se jeter dans les bras de la Chine qui rêve de bouter les Américains hors de la Mer de Chine, de Corée du Sud, du Japon, des Philippines et de Taïwan... 3/ L’Irak est il plus "pro-occidental" depuis 2003 (renversement du régime nationaliste laïque de Saddam Hussein) qu’avant ? Trois fois non, car la République islamique iranienne chiite et l’islamisme radical sunnite de Da’ech sont les grands vainqueurs. Tous deux combattent l’Occident dans ses intérêts et ses valeurs profondes. Et le pétrole n’est pas plus facilement exploité par les compagnies occidentales qu’avant.

L’Occident pourrait donc écouter Pareto : organiser la circulation des élites mondiales avant qu’elles ne se rebellent toutes contre lui ; composer avec des modèles alternatifs ou opposés du point de vue idéologique, mais capables de trouver des terrains d’ententes économiques et géopolitiques. L’Inde demeure par exemple un pays Non-Aligné, mais nous avons trouvé maints point d’ententes avec ce pays, tout comme nous le faisons déjà avec des pays comme la Turquie ou l’Indonésie ou la Malaisie. On peut avoir des modèles fort différents et s’entendre si chacun accepte que l’autre soit différent. L’Occident a tout à gagner à accepter le monde multipolaire tel qu’il est, sauf à se préparer à faire la guerre à tous de façon continuelle, ce qui a déjà montré ses limites, puisque les Occidentaux ne peuvent plus assurer le services après vente de leurs guerres aériennes contre-pruductives (Kosovo, Afghanistan, Irak, Libye, et même Mali).

En revanche, il est clair que si l’Occident cesse de donner des leçons de morale au reste du monde, s’il cesse de discréditer ses valeurs en intervenant dans les affaires des autres, personne ne lui reprochera de défendre ses intérêts idéologiques, économiques, sécuritaires et identitaires chez lui. Finalement, lorsque des nations non-démocratiques qui persécutent leurs minorités ou la liberté d’expression chez elles nous donnent des leçons de morale en termes de lutte contre l’"islamophobie" ou le "racisme", ces pays bien plus intolérants que nous à la christianophobie et la judéophobie décomplexées ne font que retourner contre nous et nos valeurs universalistes notre propre discours moralisateur. Si nous cessons de nous mêler de leurs affaires et si nous cessons de professer un droitsdelhommisme ambivalent, souvent cache-sexe d’un néo-colonialisme idéologique, alors ils n’auront plus de prises sur nous. Et chacun pourra respecter la différence de l’autre. Bref, des nations occidentales décomplexées, plus souverainistes et moins universalistes seront plus respectées par les nouveaux acteurs du monde multipolaire dont ils partageront en fait le souci de la défense de l’intérêt national. Car l’Etat-nation est en pleine renaissance et la mondialisation marchande, qui ne l’a pas tué et que les Occidentaux ont confondue avec leur utopie universaliste, n’est qu’un champ d’action, de concurrence et de mise en relation des Nations.

David Engels : Possible, oui. Mais non sans une réforme fondamentale, peut-être même un écroulement préalable du système actuel. Les Européens seront-ils prêts à payer un tel prix afin de rétablir une véritable solidarité entre citoyens et à transformer l’Europe en un bloc politique fier de sa culture et prêt à renoncer en partie au luxe importé à grands frais afin de devenir économiquement autarcique ? Pas encore, je crois. Mais, dans un certain sens, je suis "optimiste" : tous les indicateurs nous montrent que le système actuel va, du moins en Europe, vers sa perte, et que le prochain crash n’est plus très loin. C’est peut-être à ce moment que les citoyens se réveilleront et se solidariseront afin de construire une nouvelle Europe construite à la fois autour du respect de notre propre passé et de la lutte intransigeante contre l’exploitation sociale.

*A lire aussi : Alexandre del Valle, "Le complexe occidental, petit traité de déculpabilisation", 2015, Editions du Toucan.

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http://www.atlantico.fr/decryptage/pourquoi-occident-gagnerait-cesser-vouloir-exporter-modele-david-engels-alexandre-del-valle-2133335.html#7V1fcsO5KSROEWcE.99

GRANDE BRETAGNE: ENCORE UNE DÉFAITE JOUISSIVE DE LA SONDOCRATIE

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GRANDE BRETAGNE: ENCORE UNE DÉFAITE JOUISSIVE DE LA SONDOCRATIE
 
Lire et relire les analyses de la grosse presse

Jean Bonnevey
Ex: http://metamag.fr
 
Depuis  des  jours et ce matin encore dans le Figaro, alors que par les médias audiovisuels, on connaissait les résultats, on nous a expliqué tout le contraire du réel ? C’en était fini du bipartisme. La Grande Bretagne éclatée entre petits partis allait  devenir ingouvernable.

Patatras tout faux, sondeurs et analysés ridiculisés….. Une fois de plus.

«Après les experts, sondagiers, politiciens, journaleux et tout le reste, l’élection est finalement entre les mains des gens les plus intelligents de tous : les électeurs». C’est par ce tweet que le gourou de la com de David Cameron, Jim Messina, a lancé la soirée électorale. Et il ne s’est pas trompé : l’électeur a réservé à tous les spécialistes politiques et à tous les sondeurs la plus grande surprise.

Le parti conservateur de David Cameron a remporté les élections législatives de jeudi, avec au moins 326 sièges, ce qui lui assure la majorité absolue. «Je vais maintenant former un gouvernement conservateur de majorité», a-t-il annoncé, cinq ans après les élections de 2010 où les Tories avaient eu besoin des libéraux-démocrates pour gouverner. Les travaillistes étaient très loin, distancés à 232 sièges. Le Labour a été laminé en Ecosse, où les indépendantistes du SNP ont raflé 56 des 59 sièges de députés en jeu dans leur région autonome, jusqu'ici considérée comme un fief travailliste inexpugnable. 

Le Labour est d'abord et avant tout victime du tsunami nationaliste qui a déferlé sur l'Ecosse, le SNP décuplant presque sa représentation à la Chambre des Communes. Le compteur des libéraux-démocrates, alliés des conservateurs dans le gouvernement sortant, restait quant à lui bloqué à 8 députés, contre 56 préalablement. Nigel Farage, le chef de file du parti europhobe Ukip, battu à South Thanet, a été le premier à démissionner, suivi peu après par le leader libéral-démocrate Nick Clegg, 48 ans, qui a jeté l'éponge au sortir d'une nuit «dévastatrice», selon sa propre expression. Enfin, le patron des travaillistes Ed Miliband, a suivi le même chemin, en endossant «l'entière responsabilité de la défaite».

Ed Miliband est le fils de deux Polonais juifs, Marion Kozak et Ralph Miliband, marxiste né à Bruxelles. Son père a fui la Belgique au cours de la Seconde Guerre mondiale et sa mère la Pologne sous l'ère communiste. Il est le frère de David Miliband, homme politique et ancien ministre, également membre du Labour. Il est athée et souhaitait être le premier Premier ministre britannique juif.

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Les tactiques de campagne alarmistes des Tories promettant l’apocalypse pour l’économie dans le cas de l’avènement d’un gouvernement travailliste dépensier et d’un SNP partisan de la dislocation de l’Union ont, semble-t-il, convaincu l’électeur, qui continuera d’avaler pendant cinq ans sa potion d’austérité et aura son mot à dire sur un maintien ou non dans l’Union Européenne.

Une des promesses de campagne de David Cameron était la tenue d’un référendum dans les deux ans à venir sur le maintien ou non de la Grande-Bretagne dans l’Union européenne. Dans un premier temps, en juin, lors du sommet européen, David Cameron exposera clairement ses exigences pour récupérer plus d’autonomie auprès de Bruxelles. Patrick Dunleavy, politologue à la LSE, l'appelle «le référendum Brexit», en référence au risque d'une sortie britannique du groupe des 28. Selon lui, David Cameron qui plaide en faveur d'une renégociation des liens de son pays avec l'ensemble qu'il a rejoint en 1975 -au moment où l'Europe était un marché commun et non un projet politique- sera tenté «d'avancer le scrutin à l'an prochain». Afin de crever l'abcès. C'est que son parti a eu une fâcheuse tendance à se déchirer sur l'Union Européenne ces dernières décennies.

Mais l’autre enseignement est pour le FN. Le Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP), qui prône la sortie de l'Union européenne devrait certes confirmer son statut de troisième parti du royaume en voix mais devra se contenter d'un seul siège. Quand un parti de  gouvernement se positionne sur un discours contestataire, aidé par le mode  de scrutin, il rafle la mise. A bonne entendeur et bonne entendeuse salut!

lundi, 11 mai 2015

Le Groupe État islamique en Ukraine

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Le Groupe État islamique en Ukraine: les États-Unis lâchent leurs « agents du chaos » en Eurasie

Auteur : Mahdi Darius Nazemroaya
Traduction Julie Lévesque
Ex: http://zejournal.mobi

Le soi-disant État islamique en Irak et en Syrie (EI) ou Daech est-il actif dans l’Ukraine post-Euromaïdan? On ne peut répondre exactement à cette question. Autrement dit, la réponse est à la fois oui et non.

Cela dit, qu’est-ce que Daech? Il s’agit d’un groupe peu structuré de milices, tout comme son prédécesseur Al-Qaïda. Son réseau comprend des groupes originaires du Caucase, lesquels se battent en Syrie et en Irak. Ceux-ci sont maintenant en Ukraine et l’utilise comme tremplin vers l’Europe.

Les Agents du chaos et la guerre pour l’Eurasie

Les conflits en Ukraine, en Syrie, en Irak, en Libye et au Yémen sont tous des fronts de la guerre multidimensionnelle menée par les États-Unis et leurs alliés. Cette guerre vise à encercler l’Eurasie et la Chine, l’Iran et la Russie sont les principaux objectifs.

Les États-Unis veulent également conquérir ces pays dans l’ordre suivant : d’abord l’Iran, suivi de la Russie et enfin la Chine comme dernière partie de l’ensemble que compose cette « Triple-Entente eurasienne ». Ce n’est pas une coïncidence si les conflits en Ukraine, en Syrie, en Irak, en Libye et au Yémen sont près des frontières de l’Iran et de la Russie, puisque Téhéran et Moscou sont les premiers objectifs à long terme de Washington.

Les conflits en Ukraine, en Syrie, en Irak, en Libye et au Yémen sont liés au même titre que les forces violentes, racistes, xénophobes et religieuses déchaînées pour agir comme « agents du chaos ». Ce n’est pas une simple coïncidence si le 10 septembre, 2014, Newsweek publiait un article titré « Des combattants volontaires nationalistes ukrainiens commettent des crimes de guerre rappelant l’États islamique ». Qu’elles le sachent ou non, ces forces déviantes, qu’il s’agisse des milices ultranationalistes Pravy Sektor en Ukraine ou des coupeurs de tête Al-Nosra et Daech, servent toutes un même maître. Ces agents du chaos créent différentes vagues de « chaos constructif » afin d’empêcher l’intégration eurasienne et un ordre mondial libre de diktats étasuniens.

Le « chaos constructif » déclenché en Eurasie finira par faire des ravages en Inde. Si New Delhi pense qu’on le laissera tranquille, il se trompe. Les mêmes agents du chaos le tourmenteront aussi. L’Inde constitue elle aussi une cible, tout comme la Chine, l’Iran et la Russie.

Étrange alliance entre Daech et les ultranationalistes ukrainiens

Que des liens ténus existent entre les divers agents du chaos ne devrait surprendre personne. Ces agents servent le même maître et ils ont les mêmes ennemis, dont l’un est la Fédération de Russie.

C’est dans ce contexte que Marcin Mamon a signalé la connexion de Dasech avec l’Ukraine. Il explique même que certains combattants du Caucase sentent qu’ils ont une dette envers les Ukrainiens comme Alexander Muzychko.

Mamon est un cinéaste et documentariste polonais ayant produit un certain nombre de documentaires sur la Tchétchénie, comme The Smell of Paradise (L’Odeur du paradis, 2005) avec Mariusz Pilis, pour le programme Storyville de la British Broadcasting Corporation. Il est également ouvertement sympathique à la cause des séparatistes tchétchènes contre la Russie dans le Caucase du Nord.

Les voyages de Mamon en Afghanistan et son interaction avec les combattants séparatistes tchétchènes ont amené le cinéaste polonais à avoir des contacts avec Daech en Syrie et en Turquie. Cela l’a incroyablement conduit vers une nouvelle voie : l’Ukraine.

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« À ce moment là, je ne savais même pas qui j’allais rencontrer. Je savais seulement que Khalid, mon contact en Turquie avec l’État islamique, m’avait dit que ses “frères” étaient en Ukraine et que je pouvais leur faire confiance », écrit-il à propos de sa rencontre dans une « rue pleine de nids-de-poule à Kiev, à l’est du fleuve Dniepr, dans une zone connue sous le nom de « Rive gauche ». Dans un article précédent, Mamon explique que ces soi-disant « ”frères” sont des membres de l’EI et d’autres organisations islamiques clandestines, [présentes] sur tous les continents et dans presque tous les pays, y compris désormais en Ukraine ». Il explique également que « Khalid, qui utilise un pseudonyme, dirige une branche clandestine de l’État islamique à Istanbul. Il est venu de Syrie pour aider à contrôler le flot de volontaires qui arrivent en Turquie de partout dans le monde et veulent se joindre au djihad mondial. Il voulait alors me mettre en contact avec Ruslan, un “frère” luttant avec les musulmans en Ukraine ».

Les ultranationalistes ukrainiens comme Muzychko sont également devenus des « frères » et ont été acceptés dans ce réseau. Mamon explique que les combattants tchétchènes l’ont accepté « même s’il ne s’est’ jamais converti à l’islam » et que « Muzyczko et d’autres volontaires ukrainiens s’étaient joints aux combattants tchétchènes et avaient participé à la première guerre tchétchène contre la Russie, [où ils avaient] commandé un groupe d’Ukrainiens bénévoles appelé Viking, lesquels ont combattu sous les ordres du célèbre chef militant tchétchène Chamil Bassaïev ».

Pourquoi l’EI est-il au service de bataillons privés en Ukraine?

Que faut-il comprendre lorsque des séparatistes tchétchènes et le réseau transnational de « frères » liés à l’EI sont recrutés ou utilisés pour remplir les rangs des milices privées utilisées par des oligarques ukrainiens? C’est une question très importante qui démontre par ailleurs clairement comment ces éléments sont des agents du chaos.

Marcin Mamon a voyagé en Ukraine pour rencontrer le combattant tchétchène Isa Munaïev. Il explique ainsi ses antécédents : « Même avant son arrivée en Ukraine, Munaïev était bien connu. Il a lutté contre les forces russes dans les deux guerres de Tchétchénie. Dans la seconde, il était le commandant à Grozny. Après la prise de la capitale tchétchène par les forces russes entre 1999 et 2000, Munaïev et ses hommes se sont réfugiés dans les montagnes, d’où il a combattu jusqu’en 2005, lorsqu’il a été grièvement blessé et est allé suivre un traitement en Europe. Munaïev a vécu au Danemark jusqu’en 2014. Puis, la guerre a éclaté en Ukraine et il a décidé qu’il était temps de se battre à nouveau contre les Russes. »

Ce qui précède est un passage important, car il illustre la façon dont les États-Unis et l’UE ont soutenu les militants qui luttent contre la Russie. Aux États-Unis comme dans l’UE, le refuge que le Danemark a donné à Isa Munaïev n’est pas remis en cause, alors que l’appui allégué de Moscou aux soldats des Républiques populaires de Donetsk et Lougansk est considéré comme criminel. Pourquoi le deux poids deux mesures? Pourquoi est-il acceptable que les États-Unis, l’UE et l’OTAN soutiennent des mouvements séparatistes et des milices dans d’autres parties du monde, chose que l’on interdit aux autres pays qui sont critiqués lorsqu’ils font de même?

« Un homme plus âgé portant une veste en cuir m’a présenté à Munaïev. « Notre bon frère Khalid a recommandé cet homme, dit-il. (Khalid est aujourd’hui l’un des leaders les plus importants de l’État islamique. Khalid et Munaïev se sont connus durant les années passées à lutter ensemble en Tchétchénie) », explique Marcin Mamon sur les liens entre les séparatistes tchétchènes et Daech.

Munaïev est venu en Ukraine pour établir « un bataillon privé qui se multiplierait par la suite en plusieurs dizaines de bataillons privés qui ont surgi pour se battre aux côtés du gouvernement ukrainien et fonctionnent séparément de l’armée ». Sa milice, le bataillon Djokhar Doudaïev, porte le nom du président séparatiste de Tchétchénie.

Gidsland Schotland

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Gidsland Schotland

Hopelijk breekt het regionalistische succes de linkse geesten open

door Tom Garcia
Ex: http://www.doorbraak.be

Het resultaat van de Britse verkiezingen is vooral een duidelijke les voor links.

De conservatieve Tories van David Cameron hebben de verkiezingen in het Verenigd Koninkrijk gewonnen. De vraag is echter hoe verenigd dat koninkrijk nog wel is. Cameron beloofde immers al meer autonomie voor de deelstaten als hij verkozen zou worden, wellicht heeft dit hem ook extra stemmen opgeleverd. Maar het duidelijkste signaal komt van de tweede grootste deelstaat, Schotland.

Na het referendum over onafhankelijkheid in september, dat maar nipt in het voordeel van de nee-stemmers uitdraaide, haalt de links-nationalistische partij SNP nu niet gewoon een absolute meerderheid in Schotland, maar sleept ze zowat àlle Schotse zetels in de wacht. De voorzitster van de partij, Nicola Sturgeon, vatte het als volgt samen: ‘Schotland heeft duidelijk gekozen voor meer Schotland en minder besparen.’

De grote verliezers zijn de eurosceptische UKIP, de Liberal Democrats, maar vooral de traditioneel linkse Labour. Deze laatsten hebben zich vooral mispakt aan het sterke regionalistische gevoel dat in Schotland (en andere Britse regio’s) leeft. Bij het Schotse referendum vormden ze zelfs één front met de ‘aartsvijand’ de Conservatives om het nee-kamp te steunen.

Links moet herbronnen

Eén ding is dus duidelijk: klassiek links krijgt ook in Groot-Brittannië klappen. De zogenaamde ‘derde weg’ waarbij de sociaaldemocratie de vrije markt in de armen nam, is een doodlopende straat gebleken. Het socialistische ‘internationalisme’ werd overvleugeld en overschaduwd door de globalisering. De gewone man blijft achter met het gevoel een speelbal te zijn in de handen van het internationale grootkapitaal. En ook politiek lijken de belangrijke beslissingen ver boven zijn hoofd bedisseld en genomen te worden.

De drang en wil om het heft weer in eigen handen te nemen, groeit gestaag en uit zich op verschillende manieren: via regionalistische partijen, burgerbewegingen en dergelijke. En telkens holt de klassieke sociaaldemocratie achter de feiten aan. Dat is zowat in alle Europese landen zo: Labour in het VK, PSOE in Spanje, PS in Frankrijk, PASOK in Griekenland, de sp.a in Vlaanderen.

Wat opvalt, is dat in zowat al die landen het ‘antwoord’ uit linkse hoek komt. Een links dat in regionalisme een antwoord ziet op de groeiende macht van supranationale instellingen, grote holdings en financiële mastodonten. Een links dat complexloos kiest voor de eigen gemeenschap, wat iets totaal anders is dan het eigen volk. Regionalisme heeft helemaal niks te maken met etniciteit of afkomst, maar alles met gemeenschapsvorming.

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En in Vlaanderen?

In Vlaanderen zit het nationalisme vast in een rechtsconservatieve partij en een etnocentrische partij. Van gemeenschapsvormend regionalisme is dus geen sprake. Op de één of andere manier lijkt het enige antwoord te moeten komen van het definiëren en tegen elkaar opzetten van bevolkingsgroepen waarbij de eerste stap telkens van de ander moet komen, waardoor iedereen blijft stilstaan natuurlijk.

Er is nochtans ruimte voor een linkse, regionalistische mobilisatie. Een beweging, vereniging, partij, wat dan ook voor mensen van eender welk pluimage die graag de handen in elkaar willen slaan om aan een sterke gemeenschap te bouwen. Die niet tégen maar vóór zijn.

Kan dat dan niet binnen België? In theorie wel. In theorie kan je zelfs van de wereld één grote gelukkige familie maken. Maar in de praktijk blijkt, zoals in alle families overigens, dat de leden van die familie niet allemaal dezelfde noden en wensen hebben en al zeker niet op hetzelfde moment. Er ís ontegensprekelijk een verschil tussen Vlamingen en Walen en dat heeft niets met de mensen an sich te maken. Natuurlijk hebben Walen en Vlamingen dezelfde basisbehoeften, maar er is meer onder de zon. Economisch, bijvoorbeeld, zijn beide regio’s helemaal anders geëvolueerd: Wallonië als overwegend industrieel gebied, Vlaanderen meer ambachtelijk. De sociale strijd heeft daardoor ook verschillende accenten gekend en bijgevolg zijn beide regio’s ook politiek heel anders gekleurd. Dat is niet goed of niet slecht, dat is gewoon zo.

Denk gerust links en Vlaams

Wil dat dan zeggen dat we ons in ons eigen kleine wereldje moeten terugtrekken? Helemaal niet. Regio’s kunnen ook niet op zichzelf bestaan. Interactie en samenwerking met andere regio’s zal er altijd zijn en moeten zijn. Maar die interactie kan alleen verrijkend zijn als elke regio sterk staat en bijvoorbeeld niet compleet afhankelijk is van een andere regio of een groter geheel. Zelf zo sterk mogelijk staan om het geheel zo sterk mogelijk te maken. Wat kan daar mis mee zijn?

Concreet: de Schotse ‘nationalisten’ van SNP streven inderdaad naar een onafhankelijk Schotland. Maar dan een Schotland met een sterke sociale zekerheid, een Schotland waar iedereen welkom is en dat iedereen de beste kansen op een menswaardig leven wil bieden. Een Schotland dat gelooft in een gezonde leefomgeving en sterk en kwalitatief onderwijs. Een Schotland dat graag in de eerste plaats zijn gemeenschap ziet genieten van de winsten die het genereert. Een Schotland dat zo een sterkere gemeenschap kan bouwen, die op haar beurt een versterking voor andere gemeenschappen vormt.

Wat is er bekrompen of kortzichtig aan hetzelfde te willen voor Vlaanderen?

dimanche, 10 mai 2015

Großbritannien im Umbruch

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Großbritannien im Umbruch

von Johannes Konstantin Poensgen

Ex: http://www.blauenarzisse.de

Die Folgen der britischen Unterhaus-​Wahlen sind noch denkbar unklar. Die alte britische Parteienlandschaft könnte danach weniger dank der UKIP, sondern aufgrund von Schottlands Linksnationalisten zerfallen.

Wenn heute Abend alle Stimmen ausgezählt sind, wird nichts entschieden sein. Das ist ungewöhnlich in dem Land mit dem konsequentesten Mehrheitswahlrecht der Welt. Normalerweise sorgt es dafür, dass nur die beiden größten Parteien – seit einem Jahrhundert die „Tories“, heute repräsentiert in der „Conservative Party“ und die sozialdemokratische „Labour“ – eine bedeutende Zahl von Parlamentssitzen gewinnen können.

Indem es kleinere Parteien von der Macht ausschließt, hat das Mehrheitswahlrecht dem Vereinigten Königreich seit der „Glorious Revolution“ von 1688 im Ganzen betrachtet stabile Regierungsverhältnisse beschert.

Schottische Linksnationalisten drängen nach oben

Inzwischen erlebt Britannien jedoch einen Umbruch seines Parteiensystems. Der reicht noch weit über jene Krise hinaus, an deren Ende die konservativen „Whigs“ durch die Labour Party ersetzt, dass de facto existierende Zweiparteiensystem aber auf diese Weise wiederhergestellt wurde. Bei den aktuellen Wahlen ist die absolute Mehrheit einer Partei – erreicht bei 326 der insgesamt 650 Sitze – sehr unwahrscheinlich. Eine Regierungskoalition ist aber auch nicht in Sicht.

Das sichtbare Erdbeben dieser Wahl steht bereits fest. Die „Scottish National Party“ (SNP) schlägt in den schottischen Umfragen alle anderen Bewerber um Längen aus dem Feld. Nur reichlich ein halbes Jahr nach der knapp verlorenen Abstimmung um die schottische Unabhängigkeit wird die linksnationale Partei fast sämtliche Sitze in ihrer Heimat abräumen. Von Labour, der traditionell dominierenden Partei in Schottland, fühlen sich die meisten Schotten nicht mehr repräsentiert. Sie wird nur noch als Teil eines abgehobenen Westminster-​Klüngels angesehen. Die Attraktivität der SNP beruht aber auch darauf, dass sie noch großzügigere Sozialleistungen verspricht als Labour – und nach Möglichkeit das Vereinigte Königreich dafür aufkommen soll.

Regional– und Minderheitenparteien sind in Westminster, dem Sitz des britischen Parlaments, ganz normal. Wenngleich das Mehrheitswahlrecht sehr hohe Schranken für inhaltliche Oppositionsparteien wie etwa die UKIP errichtet, so fördert es die Vertreter regionaler Interessen. Diese dürfen eine Handvoll Vertreter nach Westminster schicken und sind ansonsten ohne Belang. Die SNP jedoch reitet auf der Welle einer massiven Unzufriedenheit der Schotten mit dem gesamten Londoner Establishment. Hier geht es um alle 59 Sitze, die Schottland im House of Commons zu vergeben hat. Die SNP wird aller Wahrscheinlichkeit nach über 50 davon gewinnen.

Vor allem Labour hat Angst vor der SNP

Das schadet zunächst der Labour Party, die Schottland seit Jahrzehnten dominiert und mit der die SNP inhaltlich viele Gemeinsamkeiten hat. Das Bündnisangebot der SNP-​Vorsitzenden Nicola Sturgeon an Labour wurde von dessen Vorsitzenden Ed Miliband aber zurecht als unheilvolles Danaergeschenk abgewiesen. Die Schotten wollen eine Minderheitsregierung der Labour Party unterstützen, nicht als Koalitionspartner, aber von Gesetzesvorlage zu Gesetzesvorlage. Dabei besteht das Ziel der SNP vor allem darin, möglichst viele Transferzahlungen für Schottland herauszuschlagen, wenn es nicht doch noch gelingen sollte die Unabhängigkeit wieder auf die Tagesordnung zu setzen.

Sich zur Geisel einer Separatistenpartei zu machen, die zudem unter nationaler Selbstbestimmung in etwa dasselbe versteht wie Alexis Tsipras, nämlich auf anderer Leute Kosten zu leben, und auch noch die Labour-​Wähler stiehlt, ist für Miliband keine angenehme Vorstellung. Er hat bereits jede Zusammenarbeit ausgeschlossen.

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Neuwahlen? Minderheitsregierung?

Eher will er die Briten erneut an die Urne schicken, in der wagen Hoffnung, dass sich die Anziehungskraft der SNP irgendwie mit der Zeit abnutzt. Sollte sich jedoch diese Partei dauerhaft als Vertreterin Schottlands etablieren, verlöre Labour eine wichtige Hochburg. Eine Alleinregierung von Labour wäre damit für die Zukunft ausgeschlossen und regelmäßige Koalitionen mit der in England äußerst unpopulären SNP sind auch nicht möglich. Das Bündnis SNP-​Labour ist allerdings die einzige realistische Koalition. Sollte Miliband sich nach der Wahl nicht doch umentscheiden und den gewaltigen Vertrauensverlust in Kauf nehmen, bliebe außer Neuwahlen nur eine Minderheitsregierung.

Das sähe folgendermaßen aus: Der britische Premierminister wird verfahrenstechnisch betrachtet nicht vom Parlament gewählt, sondern vom Monarchen ernannt. Der einmal ernannte Premier braucht dann aber die Unterstützung des House of Commons für die Thronrede des Monarchen, in der das Regierungsprogramm niedergelegt ist. Queen Elisabeth soll diese Rede am 27. Mai halten. Um Premier zu werden bzw. zu bleiben, werden der amtierende Premierminister und Vorsitzende der „Conservative Party“ David Cameron und Miliband also die Stimmen der diversen Kleinparteien einsammeln müssen. Diese werden sich das natürlich etwas kosten lassen. Doch die verabschiedete Thronrede wäre dann nur der Anfang des Spießrutenlauf. Bei jeder Gesetzesvorlage, die nicht auch von der großen Oppositionspartei getragen wird, wird dieses Spiel von vorne beginnen. Fünf Jahreshaushalte wird die neue Regierung auf diese Weise durchbringen müssen.

Symptom einer gesamteuropäischen Umwälzung

Bleibt diese unselige Situation wenigstens auf die nächsten fünf Jahre beschränkt? Nein, das ist kein Betriebsunfall. Diese Wahlen sind nur das Symptom einer Umwälzung, die ganz Europa im Griff hat. Es entlädt sich eine diffuse Frustration über das Establishment. Das Kartell der etablierten Parteien wird von vielen nur noch als inzestuöser Klüngel wahrgenommen. Problemlösungskompetenz spricht man ihm nicht mehr zu, oft genug wird ihm auch schon der Wille zur Problemlösung abgesprochen. Wo sich ein Kanal findet, dem Unmut Luft zu machen, wird dieser genutzt.

In Schottland ist dieser Unmut durch die Kombination einer regionalen Separatistenbewegung mit den Besonderheiten des britischen Wahlrechts nur besonders wirksam geworden. Im restlichen Britannien fordert inzwischen die „UK Independence Party“ (UKIP) die etablierten Parteien heraus. Sie wird bei dieser Wahl zwar nur wenige Sitze gewinnen. Doch durch ihr Erstarken sah sich Cameron bereits zu dem Wahlversprechen genötigt, 2017 ein Referendum über den Verbleib in der Europäischen Union abzuhalten. Aber auch Labour steht seitens dieser Richtung unter Druck. In vielen Wahlkreisen Nordenglands, jener Gegend, in der die Labour Party die Vergewaltigung tausender weißer Mädchen durch Migrantengangs über anderthalb Jahrzehnte lang beaufsichtigte, ist UKIP bereits die zweitstärkste Kraft.

Die Entwicklung in Britannien folgt einem Muster des Vertrauensverlustes der politischen Klasse, der neue ungewohnte Bewegungen nach oben spülen kann. Die akute politische Situation in Britannien hängt stark mit den dortigen Umständen zusammen. Im Kern folgt ganz Europa diesem Trend. Eines nicht all zu fernen Tages werden die jetzigen Oppositionsbewegungen vor der Frage stehen, was sie mit der errungenen Macht anfangen wollen. Mit etwas Glück wird dann etwas Ausgegoreneres auf der Tagesordnung stehen als der nationale Sozialismus der griechischen Linkspartei „Syriza“ oder der SNP.

Sancties tegen Rusland treffen centraal Azië hard

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Door: Henk Jurgens

Ex: http://www.doorbraak.be

Sancties tegen Rusland treffen centraal Azië hard

De Centraal-Aziatische republieken lijden zwaar onder het Europees embargo van Russische producten.

In Rusland werken miljoenen gastarbeiders uit de voormalige Sovjetrepublieken. Velen van hen zijn er illegaal. Allen sturen ze geld naar hun families thuis, veel geld. Volgens de Wereldbank hangt 21% van de Armeense economie, 31,5% van de economie van Kirgizië, 42% van de Tadzjiekse en 12% van de Oezbeekse economie af van deze geldzendingen. Veel van de arme gezinnen op het platteland zijn hiervan volledig afhankelijk.

Volgens The Guardian werken er 2,4 miljoen Oezbeken in Rusland. Zes tot zevenhonderdduizend zijn legaal, de anderen leven zonder geldige papieren. Oezbekistan heeft ongeveer 29 miljoen inwoners. The Moscow Times berichtte dat er in 2014 meer dan 200 000 illegale Tadzjieken door de Russen de grens zijn overgezet. Er wordt geschat dat er nog ruim een miljoen Tadzjieken in Rusland leven. Tadzjikistan heeft acht miljoen inwoners.

De exacte cijfers over de gastarbeiders zijn onbekend. Zoals overal op de wereld doen ook de gastarbeiders het werk dat de autochtonen niet willen doen. En nu het economisch slechter gaat als gevolg van de lage olieprijs en de sancties verdringen de Russen de gastarbeiders weer uit hun slecht betaald, ongeschoold werk. In het eerste kwartaal van 2015 is de Russische economie al met 2% gekrompen. De centrale bank van Rusland voorziet voor het jaar 2015 een economische krimp van 4%. Begin dit jaar heeft de Russische regering wetgeving afgekondigd waardoor het moeilijker wordt voor gastarbeiders van buiten de EEU om een verblijfsvergunning te krijgen. De EEU, de Euraziatische Economische Unie, is door Rusland opgericht om een vrijhandelszone tussen de voormalige Sovjetrepublieken, vergelijkbaar met die van de EU, te krijgen. Kazachstan, Wit-Rusland, Armenië en Kirgizië zijn lid, Oezbekistan en Tadzjikistan niet. Immigranten van buiten de EEU moeten voor ze een verblijfsvergunning krijgen eerst inburgeringcursussen volgen en examens afleggen in de Russische taal en de Russische geschiedenis. Verder betalen ze drie keer zoveel voor een werkvergunning in Moskou dan immigranten uit de EEU. In 2010 werkten 72% van de Tadzjiekse gastarbeiders in Moskou.


Als gevolg van de sancties tegen Rusland en de lage olieprijs is de Russische roebel gedevalueerd. Het naar huis gestuurde geld is daardoor minder waard. Niet alleen is er voor de gastarbeiders minder werk, hun inkomen daalde ook dramatisch. De Wereldbank verwacht dat ze in 2015 voor 10 miljard USD minder naar huis kunnen sturen. Volgens The Economist overweegt een kwart van de gastarbeiders om weer naar huis te gaan, maar thuis is er geen werk. De vrees voor sociale onrust als gevolg van werkloosheid en armoede is bij de politieke elite van de thuislanden groot.

Een land als Tadzjikistan staat onder grote politieke druk vanuit Moskou om lid van de EEU te worden. Door de devaluaties van de roebel is de somoni, de Tadzjiekse munt, ten opzichte van de roebel 35% meer waard geworden. De export naar Rusland staat daardoor onder grote druk.
Ook Oezbekistan overweegt, volgens The Diplomat, zich bij de EEU aan te sluiten. Het land was een belangrijke partner voor de Verenigde Staten tijdens hun oorlog in Afghanistan maar nu Amerika zich uit Afghanistan terug trekt vervalt de noodzaak hun bevoorrading via Oezbekistan te laten lopen.


Kirgizië is inmiddels tot de EEU toegetreden. Het is een klein, arm land met 5,5 miljoen inwoners. Volgens The Diplomat controleert Rusland de economie van Kirgizistan. Buiten de Vallei van Fergana, de vallei tussen Kirgizië, Oezbekistan en Tadzjikistan, met zijn vruchtbare landbouwgronden is er weinig economische activiteit. Alleen de toeristenindustrie is een beetje in opkomst zoals ik tijdens mijn verjaardag in 2009 in Bishkek, de hoofdstad, heb mogen ervaren.

Net als in Turkmenistan en Oezbekistan hangt ook de export van de Kazachse olie en gas af van Russische pijpleidingen. Kazachstan heeft nauwe economische banden met Rusland. In 2013 bedroeg de Russische export naar Kazachstan 17,7 miljard USD en de Kazachse export naar Rusland $5,8 miljard. Afgelopen jaar is de handel met Rusland echter met 20% afgenomen. Het land heeft vooral veel last van goedkope Russische producten die de markt overspoelen. In februari vroegen ondernemers de regering de import van een aantal Russische producten, waaronder auto's, voedsel en fruit drastisch te beperken. Goedkope Russische producten verdringen de Kazachse. De Tenge, de Kazachse munt, is het afgelopen jaar met 20% ten opzichte van de US dollar gedevalueerd maar de roebel devalueerde nog veel meer. Een roebel was in juni 2014 nog 5,44 tenge waard, begin 2015 was dit gedaald tot 3 tenge.

Het Amerikaanse ratingbureau Standard & Poor verwacht dat het bruto nationaal product van Kazachstan in 2015 met 1,5% zal dalen. Dit komt voornamelijk door de lage olieprijzen. Ruim 20% van het bnp en ruim 60% van de export komt voor rekening van de olie- en gasindustrie. De Kazachse begroting gaat uit van een olieprijs van 80 USD per vat. Op het ogenblik ligt dit rond de $60. Het land zit dan ook door de sancties tegen Rusland en de lage olie- en gasprijs op de wereldmarkt in grote economische problemen. Het is dan ook geen wonder dat president Nazarbaev samen met Lukashenko, de president van Wit-Rusland, er alles aan doet om de burgeroorlog in de Oekraïne te beëindigen en daardoor de sancties tegen Rusland te laten opheffen. Afgelopen december sloot hij een contract met Kiev om Kazachse steenkool aan Oekraïne te gaan leveren. Ook de Minsk-akkoorden die min of meer tot een staakt-het-vuren in Oost Oekraïne hebben geleid zijn na bemiddeling van de beide presidenten tot stand gekomen.

Er zijn berichten dat ook ambassadeurs van de Europese Unie met Russische parlementariërs gaan praten over een mogelijke beëindiging van de sancties. Om de burgeroorlog in de Oekraïne definitief te beëindigen is een dialoog met Rusland noodzakelijk. Ook de NAVO-top die jarenlang in het geheim met de Russische militairen in gesprek was moet weer met de Russen gaan praten. Het is onverantwoord dat deze discussies zijn stil gevallen.
Natuurlijk moeten de Russen zich uiteindelijk uit Oost-Oekraïne terug trekken, maar dat geldt ook voor de ruim duizend Amerikaanse trainers en waarnemers die het leger van Kiev 'adviseren'.


Voor de arme gezinnen op het platteland van Centraal-Azië is beëindiging van de sancties tegen Rusland op kort termijn noodzakelijk.

 

Egipto, Grecia y Chipre crean un frente unido contra la Turquía de Erdogan

Ex: http://www.elespiadigital.com

Por segunda vez en seis meses los líderes de Egipto, Grecia y Chipre (la parte greco-chipriota) se han reunido la pasada semana en Nicosia, la capital chipriota, con el fin de crear una coalición antiturca en Oriente Medio y el Este del Mediterráneo. Ellos también discutieron la situación en Palestina, la explotación de las reservas de gas y la lucha contra el terrorismo.

La cumbre tripartita -a la que acudió el presidente egipcio, Abdel Fattah al Sisi, el de Chipre, Nicos Anastasiades, y el primer ministro griego, Alexis Tsipras- discutió temas de tipo económico, político y de seguridad y tuvo lugar dentro del marco dirigido a crear un frente unido contra Turquía en un momento en el que este último país hace gala de una actitud expansionista y de agresión contra sus vecinos.

En relación al terrorismo la cumbre discutió los asuntos regionales, en especial el crecimiento del EI y sus actividades en la región del Mediterráneo, desde el Norte del Sinaí hasta las costas de Libia. Sisi dijo que el EI supone una amenaza directa a Egipto, y Grecia y Chipre mostraron también su preocupación por las actividades del grupo terrorista en el Mediterráneo. Grecia señaló que Turquía permite al EI cruzar su territorio, sin ningún obstáculo, para dirigirse a Siria e Iraq.

En el tema de Palestina, los participantes llamaron a una reanudación de las negociaciones de paz con vistas al establecimiento de un estado palestino con su capital en Jerusalén Este. La declaración final de la cumbre también subrayó que “Egipto hará esfuerzos para lograr un acuerdo de cese el fuego a largo plazo en la Franja de Gaza”.

Cooperación contra Turquía

Por su parte, los tres líderes han acordado ejercer un contrapeso al impacto negativo de las políticas turcas en la región y, sobre todo, su apoyo al terrorismo. Ellos mostraron la necesidad de colaborar en este sentido para alcanzar la estabilidad en la región a la vez que promueven los intereses económicos de los tres países.

Existe también una disputa histórica en lo que respecta a la ocupación del Norte de Chipre por Turquía desde hace 40 años. Grecia está preocupada por las aspiraciones expansionistas del presidente turco, Recep Tayyip Erdogan, y su respaldo a las organizaciones terroristas. Egipto, por su parte, ve a Turquía como una amenaza a la estabilidad por su apoyo al grupo de los Hermanos Musulmanes.

Grecia y Chipre están considerados como los mayores apoyos de Sisi en la Unión Europea y han trabajado para impedir la imposición de sanciones contra el Egipto de Sisi tras el derrocamiento de Mohammed Mursi y de los Hermanos Musulmanes.

samedi, 09 mai 2015

Élections en Angleterre: que des bonnes nouvelles?

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Élections en Angleterre: que des bonnes nouvelles?
 
Malgré trois millions de suffrages pour UKIP – ce qui n’est pas rien –, les eurosceptiques anglais sont pour le moment rayés de la carte électorale.
 
Journaliste, écrivain
Nicolas Gauthier est auteur avec Philippe Randa des Acteurs de la comédie politique. 29 € À commander en ligne sur francephi.com.
Ex: http://www.bvoltaire.fr
 

Quand on voit les fortunes abandonnées en sondages et enquêtes d’opinion par les hommes politiques, on se dit parfois qu’ils gagneraient à lâcher quelque menue monnaie à la diseuse de bonne aventure du coin de la rue. Ainsi, les travaillistes anglais, il y a quelques jours donnés par les organismes sondagiers pour grands vainqueurs des élections législatives de ce jeudi dernier, viennent-ils de se faire rétamer dans les grandes largeurs par les conservateurs.

Ce qui, à l’heure où ces lignes sont rédigées, nous donne à peu près cette configuration : conservateurs à un siège de la majorité absolue, travaillistes à la ramasse et forte poussée des indépendantistes écossais. En queue de peloton, les libéraux-démocrates, éternelle “troisième force”, sont aux pâquerettes et ne pourront manifestement pas réintégrer le prochain gouvernement. UKIP, le parti anti-européen de Nigel Farage, devrait se contenter d’un ou deux élus. Quant aux autres, écologistes, unionistes d’Irlande du Nord et divers-on-ne-sait-trop-quoi, c’est la capitulation en rase campagne ; même s’il est un fait que là-bas, le scrutin n’est guère favorable aux formations politiques les plus modestes.

Contrairement aux coutumes françaises, où nos leaders politiques, malgré des échecs à répétition, ont une indéniable tendance à ne jamais vouloir quitter le bateau, toutes dents accrochées au bastingage, Ed Miliband, leader du Parti travailliste, envisagerait d’illico donner sa démission. Ce qui n’est évidemment pas le cas de son adversaire, le conservateur David Cameron, prêt à rempiler pour un nouveau mandat.

Est-ce un triomphe pour autant ? Un sauvetage momentané, ou une sorte de victoire en trompe-l’œil, plutôt. En effet, malgré trois millions de suffrages pour UKIP – ce qui n’est pas rien –, les eurosceptiques anglais sont pour le moment rayés de la carte électorale. Quant à la défaite de Miliband, elle est simplement due au triomphe des nationalistes écossais, terre traditionnellement acquise aux travaillistes, ce qui a, de fait, torpillé leur parti d’origine, plus efficacement qu’un U-Boot. D’où les déclarations tout en demi-teintes de David Cameron – « C’est un avenir plus brillant pour tout le monde », a-t-il tweeté –, mais déclarations qui n’ont rien de rodomontades. Bref, il constate mais ne plastronne pas.

britainelec.jpgIl plastronne d’ailleurs d’autant moins qu’il a promis, d’ici 2017, un référendum sur la sortie de l’Angleterre du magma européen. Tiendra-t-il ses promesses ? On murmure que certains politiciens persisteraient à honorer cette obscène habitude… Mais là, il lui faudra compter avec les voix de Nigel Farage. Et celles des nationalistes écossais. Et, surtout, avec les menaces de la City qui menace de se délocaliser – tel Renault délocalisant une vulgaire usine Logan en Roumanie- ses activités dans ce no man’s land allant du Liechtenstein aux Îles Caïman tout en passant par Singapour.

À échéance de deux ans, nous pourrions donc bien voir un Royaume-Uni coupé en deux ; les Écossais indépendantistes pèsent actuellement plus de 45 % dans leurs urnes locales : première bonne nouvelle. Et une Angleterre larguée de l’Europe, de ce “Vieux monde” qu’ils aiment tant à railler et qu’ils ont, de longue date, empêché de devenir puissance politique mondiale, préférant le réduire à un banal marché commun : deuxième bonne nouvelle.

La troisième bonne nouvelle, c’est que tout ceci pourrait advenir plus tôt que prévu. Youpi.

Aveuglement européen devant les offensives des pays du Golfe

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Aveuglement européen devant les offensives des pays du Golfe

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Le pouvoir en France se réjouit du fait que François Hollande ait été l'«invité d'honneur» du sommet du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Ce serait le premier chef d'Etat occidental à bénéficier de cet « honneur », ce dont Barack Obama, jusque là l'allié le plus fidèle des dits pays du Golfe, n'a jamais pu faire.
 
Pourquoi cette défaveur momentanée des Etats-Unis? Parce que ceux-ci négocient un accord avec l'Iran sur le nucléaire. Parce que, également, les intérêts américains dans le Golfe ne recoupent pas nécessairement ceux de certains des Etats du Conseil de Coopération. François Hollande ne souffre pas de ces handicaps. Il s'est montré l'héritier le plus fidèle de la politique américaine des années précédentes. Il a même à plusieurs occasions endossé les aspects les plus extrémistes de cette politique, contre Bashar al Assad notamment. Il peut par ailleurs jouer un rôle utile d'intermédiaire entre les pays du Golfe et l'Union européenne, notamment lorsque celle-ci manifeste des inquiétudes en matière de droits de l'Homme ou de liberté de la concurrence.

Bien évidemment, les services rendus par la France aux monarchies pétrolières justifient quelques contreparties. C'est le cas notamment du contrat Rafale au Qatar, qui pourrait être suivi d'un contrat du même ordre en provenance de l'Arabie saoudite. Pour que la France ne se fasse pas d'illusions cependant, le Qatar et ses alliées du Golfe n'ont pas tardé à présenter la contre-partie attendue de ce modeste avantage, notamment l'ouverture de lignes aériennes supplémentaires pour Qatar-Airways, au détriment immédiat du groupe Air-France/Lufthansa. Ce dernier vient de rappeler qu'il risque de ne pas s'en relever. Déjà en difficulté, il pourra ne pas résister à la concurrence des compagnies du Golfe. Concernant Air France, en s'installant dans des aéroports régionaux français, les avions qataris risquent de détourner le trafic vers le hub de Doha, au détriment de Paris. Air France sera sans doute obligé de revoir le nombre de ses vols, entrainant les pertes d'emplois en conséquence.

Les Émirats arabes unis, qui sont, eux aussi, intéressés par des avions de combat, pourraient faire la même demande auprès des autorités françaises pour leur compagnie aérienne Etihad. L'Etat, bien que participant au capital d'Air France, ne fera pas pourtant la moindre objection.

On ne fait pas les comptes

Cette affaire a mis en évidence une situation défavorable à l'Europe que nul gouvernement n'ignorait mais que tous acceptent car on ne discute pas avec des Etats arabes riches des milliards que nous leurs versons indirectement par notre insatiable appétit de pétrole, au lieu de rechercher avec plus de détermination des énergies de substitution. Aucune autorité ne fait le bilan de ce que rapportent aux Européens les cadeaux de certains Etats du Golfe, en contrepartie des coûts actuels et futurs des pertes de souveraineté qu'ils leur consentent. Concernant les compagnies aériennes, ainsi, l'Europe qui continue à afficher haut et fort sa volonté de faire régner en son sein une concurrence libre et non faussée, ferme les yeux sur la concurrence déloyale des compagnies du Golfe, qui touchent de la part de leur gouvernement des subventions estimées à plus de 40 milliards de dollars pour ces dernières années.

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Ces subventions permettent, entre autres, à ces compagnies d'acquérir les dernières générations d'avions, d'y offrir des services aux passagers sans égal et bien évidemment de travailler à perte aussi longtemps que nécessaire pour éliminer la concurrence. Elles peuvent aussi, plus directement acheter purement et simplement des compagnies européennes en difficulté, comme ce fut récemment le cas d'Alitalia rachetée agressivement par la compagnie d'Abou Dhabi Etihad. Si les Etats européens ne réagissent pas pour imposer, y compris au sein de la Commission européenne, un néo-protectionnismedans les secteurs stratégiques, ce sera bientôt aussi le sort d'Air France et de Lufhansa. Le passager européens naïf croira continuer à voler sous les couleurs européennes, sans s'apercevoir qu'il sert dorénavant les intérêts d'ennemis déterminés de l'Europe.

Les autres secteurs stratégiques

La cas des compagnies aériennes n'est que la façade aujourd'hui visible de l'entrée, concurrence libre et non faussée oblige, des capitaux pétro-arabes dans de nombreuses entreprises et services publics européens. Certains de ceux-ci ne sont pas considérés comme stratégiques (comme en ce qui concerne le Musée du Louvre...encore que...), mais d'autres le sont évidemment, comme en ce qui concerne les industries de technologies avancées, travaillant ou non pour la défense.

Or les capitaux du Golfe ne se bornent pas à rester dans le rôle de « sleeping partners » ou partenaires dormant, uniquement soucieux de récupérer quelques profits. Ils participent directement à une conquête de l'Europe, non seulement économique mais politique. Celle-ci se fait bien évidemment en premier lieu au détriment des travailleurs et des représentations politiques européennes. Le lobbying exercé par les représentants occultes de ces capitaux arabe s'exerce en permanence et influence dorénavant toutes les décisions, tant des Etats nationaux que de la Commission européenne. Mais personne n'en parle.

Qui connait dans nos démocraties l'influence sur les décisions diplomatiques et économiques du prince saoudien multi-milliardaire Al Waleed bin Talal bin Abdulaziz al Saud. Soyez certains qu'il ne se borne pas à investir dans les casinos. L'avenir de l'Europe repose dorénavant en partie entre ses mains et celles de ses semblables.

Jean Paul Baquiast

vendredi, 08 mai 2015

L'Islande, fer de lance de l'Europe boréale?

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L’Islande, fer de lance de l’Europe boréale?
 
Europe boréale : avec ces deux mots, Jean-Marie Le Pen ne retournait pas seulement aux « fondamentaux » du parti, mais aussi aux mythes de fondation européens.
 
Écrivain, journaliste
Ex: http://www.bvoltaire.fr
 

L’historien Nicolas Lebourg ne s’y est pas trompé en décelant que « le passage peut-être le plus important (pour le Front national] de l’article est celui où le président d’honneur du parti parle d’“Europe boréale”. » Il faisait référence au fameux entretien que Jean-Marie Le Pen a accordé à Rivarol le 9 avril dernier.

Europe boréale : avec ces deux mots, Jean-Marie Le Pen ne retournait pas seulement aux « fondamentaux » du parti, mais aussi aux mythes de fondation européens.

L’adjectif « boréal » vient du grec boreas, le vent du Nord. D’où l’Hyperborée, continent mythique « au-delà du vent du Nord », où le dieu grec Apollon partait se ressourcer, juché sur son char tiré par des cygnes blancs. L’Hyperborée représente le socle légendaire, immuable, de la Tradition primordiale dont sont issues toutes les grandes civilisations, selon les philosophes Julius Evola et René Guénon, continent immense désormais enfoui en partie sous les glaces, qui englobait la totalité de l’Europe (y compris la Russie) et de l’Arctique.

L’Islande, « Terre de glace », est un petit pays de 320.000 habitants où le peuple détient réellement le pouvoir, notamment par référendum. Du coup, après la crise bancaire de 2008, où on a vu les banques régner sur l’Europe (logique « démocratique » ?), ce petit peuple a décidé, lui, de réagir avec bon sens et de mettre en prison les responsables de la crise : les banquiers. Dans la foulée, les Islandais ont dévalué leur monnaie, décidé de ne pas adhérer à l’Union européenne et projettent de quitter l’OTAN.

Les Islandais sont-ils pour autant acculés à la misère ? Refuse-t-on de commercer avec eux ? Pas du tout, leur économie est florissante : 4,2 % de croissance et un taux de chômage de 3 % ! L’Islande est le pays le moins pollué du monde et se trouve à la quatrième place des pays les plus sûrs du monde. Enfin, et c’est ici symbolique, le peuple a décidé par référendum de construire un temple dédié à la religion native païenne, l’Ásatrú, à la place… d’une mosquée.

Plus au sud, un autre petit pays est déstabilisé par l’Ordre mondial, représenté par les États-Unis, l’Union européenne (véritable ennemie de l’Europe des peuples), l’OTAN et leurs alliés islamiques : il s’agit de l’Ukraine, berceau du plus grand pays du monde, la Russie, qui, lui aussi, fait partie de l’Europe boréale. L’Ukraine est aussi en partie le berceau des Indo-Européens avec la civilisation des Kourganes. La plus grande crainte des mondialistes serait de voir réunies l’Europe de l’Est et celle de l’Ouest. C’est pourquoi, déjà, avec la création du Kosovo, ils avaient implanté au cœur de l’Europe un État islamique et mafieux.

La philosophe Chantal Delsol voit la prochaine guerre opposer les « partisans de l’émancipation et ceux de l’enracinement dont la Russie prendrait la tête ». Verra-t-on, comme dans le film Excalibur, sortir des glaces l’épée du Grand Monarque qui viendra rétablir l’Europe des origines ?

Une américanisation de plus en plus poussée

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LA TRAHISON DE LA DROITE FRANÇAISE
 
Une américanisation de plus en plus poussée

Alexandre Latsa
Ex: http://metamag.fr

Beaucoup d’encre a coulé sur la volonté de l’ex/futur patron de la droite française de transformer l’UMP en « Républicains », à quelques mois d’une élection primaire qui devrait vraisemblablement se tenir début 2016.


Il est vrai, le nom UMP (qui signifiait d'abord Union pour la majorité présidentielle, avant de devenir l'Union pour un mouvement populaire) est devenu de plus en plus lourd à porter. Après une défaite électorale inexcusable en 2012, après la pitoyable élection interne de 2012 au cours de laquelle « deux abrutis » (dixit Nicolas Sarkozy) avaient maladroitement tenté de se mettre sur orbite en vue de la présidentielle de 2017, c'est l'affaire Bygmalion qui allait achever de ternir l'image du premier parti de droite français, en ajoutant au mensonge et à la tricherie les magouilles financières.


Pour sortir de l'impasse dans laquelle la droite s'est elle-même fourvoyée, sans pouvoir cette fois accuser le parti socialiste, il fallait trouver une solution. L'urgence se fait d'autant plus sentir qu'avec la poussée électorale continue du Front National, les cadres de la droite UMP, les futurs Républicains, sont de plus en plus écartelés entre les souhaits de leurs électeurs et la discipline morale et politique que leur impose l'appartenance à l'oligarchie nationale.


Retour de la France vers les valeurs traditionnelles et le patriotisme


De retour à la direction de l'UMP, bien que poursuivi par les affaires, Nicolas Sarkozy semble s'être transformé en Janus français de la politique. Tantôt il joue le centre pour ne laisser aucun espace au tandem Juppé/Fillon, tantôt il doit occuper son aile droite afin de pouvoir bénéficier d'un potentiel de report de voix qui lui permettrait de l'emporter comme en 2007, grâce aux voix de l'extrême-droite.


En matière de politique internationale, Nicolas Sarkozy semble être frappé par le même virus que Jacques Attali, virus que certains membres de l'UMP comme Alain Juppé nomment « russophilie » ou que certains journalistes qualifient de « tentation de Moscou ». Il faut cependant noter que la droite française n'est pas devenue russophile en totalité, puisque Bruno Le Maire par exemple, personnalité de l'aile droite de l'UMP, paraît opposé à tout compromis avec la Russie en affirmant que: « Vladimir Poutine ne comprend que le rapport de force et la fermeté » (sic).


Quoi qu'il en soit, Nicolas Sarkozy, bien qu'il semble prétendre à concourir pour la présidence française, ne s'est pas privé d'un clin d'œil à la culture américaine en « américanisant » le nom du parti qu'il espère mener au pouvoir. Ce tropisme maladif qui frappe la droite française est sans doute la plus belle réussite d'un demi-siècle de soft-power politique américain au sein des élites françaises.


am5366130_p.pngLes prises de position non hostiles à la Russie de certains leaders politiques francais ne peuvent cependant modifier l'ADN de la grande majorité de la droite française d'aujourd'hui. Tendance qui va voir la tenue d'une primaire 100% endogène en 2016, sans aucun parti ou tendance ni souverainiste, ni gaulliste.


Les politiciens qui dirigent la droite sont soit convertis au libéralisme dominateur, soit au libertarisme progressiste qui est en contradiction avec les valeurs sociétales traditionnelles françaises. Quant au reste, il est membre conscient ou inconscient du dispositif américain dans l'Hexagone. En effet, environ 25% de nos députés sont membres du groupe d'amitié France-Amérique. Dans ce groupe relativement discret qui est dirigé, c'est tout un symbole, par Louis Giscard d'Estaing, fils de l'ancien président français Valéry Giscard d'Estaing, on trouve un bon nombre de députés de droite, en compagnie de députés socialistes.

Cette américanisation, loin d'être toujours discrète, est un état de fait que le président russe, lors de sa dernière séance de questions réponses, a commenté sur le ton de la plaisanterie: à la question de savoir s'il avait des discussions géopolitiques fréquentes avec ses homologues européens, il a répondu en souriant qu'il « est difficile de parler à des gens qui chuchotent même chez eux de peur des écoutes américaines. Et ceci n'est pas une blague, je ne plaisante pas ».


Du reste, c'est précisément en Russie que la droite française pourrait trouver le modèle qui lui manque pour prendre, et surtout conserver, le pouvoir sur la longue durée. La Russie, régime politique présidentiel fortement inspiré par la 5ème république française, est en effet dirigée par un bloc politique allant du centre à la droite de la droite, mais avec un chef de l'Etat qui se fait visiblement une certaine idée de la Russie, une idée souverainiste.
Les grandes lignes directrices de la gouvernance russe, ses valeurs suprêmes en quelques sortes, sont définies sans ambiguïté. On y trouve entre autres la souveraineté, le patriotisme, le conservatisme moral et sociétal, la nécessité d'un Etat fort et la conscience des Intérêts supérieurs du pays.


Des valeurs suprêmes qui font cruellement défaut à la France d'aujourd'hui, mais que nos dirigeants, durant 15 siècles d'histoire monarchique puis républicaine jusqu'à mai 1968, avaient pourtant défendues sans relâche.


Source

mercredi, 06 mai 2015

Une coalition sino-russo-iranienne opposée à l’Otan débute-t-elle à Moscou?

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Une coalition sino-russo-iranienne opposée à l’Otan débute-t-elle à Moscou?

La Conférence de Moscou sur la sécurité internationale, en avril, a été une occasion de faire savoir aux Etats-Unis et à l’OTAN que d’autres puissances mondiales ne les laisseront pas faire comme ils l’entendent.

Le thème portait sur les efforts communs de la Chine, de l’Inde, de la Russie et de l’Iran contre l’expansion de l’OTAN, renforcés par des projets de pourparlers militaires tripartites entre Pékin, Moscou et Téhéran.

Des ministres de la Défense et des responsables militaires venus du monde entier se sont réunis le 16 avril au Radisson Royal ou Hotel Ukraina, l’une des plus belles réalisations de l’architecture soviétique à Moscou, connue comme l’une des Sept sœurs construites à l’époque de Joseph Staline.

L’événement de deux jours, organisé par le ministère russe de la Défense était la quatrième édition de la Conférence annuelle de Moscou sur la sécurité internationale (CMSI/MCIS).

Des civils et des militaires de plus de soixante-dix pays, y compris des membres de l’OTAN, y ont assisté. A part la Grèce, toutefois, les ministres de la Défense des pays de l’OTAN n’ont pas participé à la conférence.

Contrairement à l’année dernière, les organisateurs de la CMSI n’ont pas transmis d’invitation à l’Ukraine pour la conférence de 2015. Selon le vice-ministre russe de la Défense Anatoly Antonov, «à ce niveau d’antagonisme brutal dans l’information par rapport à la crise dans le sud-est de l’Ukraine, nous avons décidé de ne pas envenimer la situation à la conférence et, à ce stade, nous avons pris la décision de ne pas inviter nos collègues ukrainiens à l’événement.»

A titre personnel, le sujet m’intéresse, j’ai suivi ce genre de conférences pendant des années, parce qu’il en émane souvent des déclarations importantes sur les politiques étrangères et de sécurité. Cette année, j’étais désireux d’assister à l’ouverture de cette conférence particulière sur la sécurité. A part le fait qu’elle avait lieu à un moment où le paysage géopolitique du globe est en train de changer rapidement, depuis que l’ambassade russe au Canada m’avait demandé en 2014 si j’étais intéressé à assister à la CMSI IV, j’étais curieux de voir ce que cette conférence produirait.

Le reste du monde parle: à l’écoute des problèmes de sécurité non euro-atlantiques

La Conférence de Moscou est l’équivalent russe de la Conférence de Munich sur la sécurité qui se tient à l’hôtel Bayerischer Hof en Allemagne. Il y a cependant des différences essentielles entre les deux événements.

Alors que la Conférence sur la sécurité de Munich est organisée autour de la sécurité euro-atlantique et considère la sécurité globale du point de vue atlantiste de l’OTAN, la CMSI représente une perspective mondiale beaucoup plus large et diversifiée. Elle représente les problèmes de sécurité du reste du monde non euro-atlantique, en particulier le Moyen-Orient et l’Asie-Pacifique. Mais qui vont de l’Argentine, de l’Inde et du Vietnam à l’Egypte et à l’Afrique du Sud.  La conférence a réuni à l’hôtel Ukraina tout un éventail de grands et petits joueurs à la table, dont les voix et les intérêts en matière de sécurité, d’une manière ou d’une autre, sont par ailleurs sapés et ignorés à Munich par les dirigeants de l’OTAN et des Etats-Unis.

Le ministre russe de la Défense Sergey Shoigu, qui a un rang d’officier équivalent à celui d’un général quatre étoiles dans la plupart des pays de l’OTAN, a ouvert la conférence. Assis près de Shoigu, le ministre des Affaires étrangères Sergey Lavrov a aussi pris la parole, et d’autres responsables de haut rang. Tous ont parlé du bellicisme tous azimuts de Washington, qui a recouru aux révolutions de couleur, comme l’Euro-Maïdan à Kiev et la Révolution des roses en Géorgie pour obtenir un changement de régime. Shoigu a cité le Venezuela et la région administrative spéciale chinoise de Hong Kong comme exemples de révolutions de couleur qui ont échoué.

Le ministre des Affaires étrangères Lavrov a rappelé que les possibilités d’un dangereux conflit mondial allaient croissant en raison de l’absence de préoccupation, de la part des Etats-Unis et de l’OTAN, pour la sécurité des autres et l’absence de dialogue constructif. Dans son argumentation, Lavrov a cité le président américain Franklin Roosevelt, qui a dit:

«Il n’y a pas de juste milieu ici. Nous aurons à prendre la responsabilité de la collaboration mondiale, ou nous aurons à porter la responsabilité d’un autre conflit mondial «Je crois qu’ils ont formulé l’une des principales leçons du conflit mondial le plus dévastateur de l’Histoire: il est seulement possible de relever les défis communs et de préserver la paix par des efforts collectifs, basés sur le respect des intérêts légitimes de tous les partenaires » , a-t-il expliqué à propos de ce que les dirigeants mondiaux avaient appris de la Seconde Guerre mondiale.

Shoigu a eu plus de dix réunions bilatérales avec les différents ministres et responsables de la Défense qui sont venus à Moscou pour la CMSI. Lors d’une réunion avec le ministre serbe de la Défense Bratislav Gasic, Shoigu a dit que Moscou considère Belgrade comme un partenaire fiable en termes de coopération militaire.

Russie

De g. à dr.: Sergei Lavrov, ministre des Affaires étrangères, Sergei Shoigu, ministre de la Défense, Nikolai Patrushev, secrétaire au Conseil de sécurité et Valery Gerasimov, chef de l’état-major général, participant à la 4e Conférence de Moscou sur la sécurité (RIA Novosti / Iliya Pitalev)

Une coalition sino-russo-iranienne: le cauchemar de Washington

Le mythe que la Russie est isolée sur le plan international a de nouveau été démoli pendant la conférence, qui a aussi débouché sur quelques annonces importantes.

Le ministre kazakh de la Défense Imangali Tasmagambetov et Shoigu ont annoncé que la mise en œuvre d’un système de défense aérienne commun entre le Kazakhstan et la Russie a commencé. Cela n’indique pas seulement l’intégration de l’espace aérien de l’Organisation du traité de sécurité collective, cela définit aussi une tendance. Cela a été le prélude à d’autres annonces contre le bouclier de défense antimissile de l’OTAN.

La déclaration la plus vigoureuse est venue du ministre iranien de la Défense Hossein Dehghan. Le brigadier-général Dehghan a dit que l’Iran voulait que la Chine, l’Inde et la Russie s’unissent pour s’opposer conjointement à l’expansion à l’est de l’OTAN et à la menace à leur sécurité collective que constitue le projet de bouclier antimissile de l’Alliance.

Lors d’une réunion avec le ministre chinois des Affaires étrangères Chang Wanquan, Shoigu a souligné que les liens militaires de Moscou avec Beijing étaient sa «priorité absolue». Dans une autre rencontre bilatérale, les gros bonnets de la défense iraniens et russes ont confirmé que leur coopération sera une des pierres angulaires d’un nouvel ordre multipolaire et que Moscou et Téhéran étaient en harmonie quant à leur approche stratégique des Etats-Unis.

Après la rencontre de Hossein Dehghan et la délégation iranienne avec leurs homologues russes, il a été annoncé qu’un sommet tripartite se tiendrait entre Beijing, Moscou et Téhéran. L’idée a été avalisée ensuite par la délégation chinoise.

Le contexte géopolitique change et il n’est pas favorable aux intérêts états-uniens. Non seulement l’Union économique eurasienne a été formée par l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan et la Russie au cœur post-soviétique de l’Eurasie, mais Pékin, Moscou et Téhéran – la Triple entente eurasienne – sont entrés dans un long processus de rapprochement politique, stratégique, économique, diplomatique et militaire.

L’harmonie et l’intégration eurasiennes contestent la position des Etats-Unis sur leur perchoir occidental et leur statut de tête de pont en Europe, et même incitent les alliés des Etats-Unis à agir de manière plus indépendante. C’est l’un des thèmes centraux examinés dans mon livre The Globalization of NATO [La mondialisation de l’OTAN].

L’ancien grand ponte états-unien de la sécurité Zbigniew Brzezinski a mis en garde les élites américaines contre la formation d’une coalition eurasienne «qui pourrait éventuellement chercher à contester la primauté de l’Amérique». Selon Brzezinski, une telle alliance eurasienne pourrait naître d’une «coalition sino-russo-iranienne» avec Beijing pour centre.

«Pour les stratèges chinois, face à la coalition trilatérale de l’Amérique, de l’Europe et du Japon, la riposte géopolitique la plus efficace pourrait bien être de tenter et de façonner une triple alliance qui leur soit propre, liant la Chine à l’Iran dans la région golfe Persique/Moyen-Orient et avec la Russie dans la région de l’ancienne Union soviétique», avertit Brzezinski.

«Dans l’évaluation des futures options de la Chine, il faut aussi considérer la possibilité qu’une Chine florissante économiquement et confiante en elle politiquement – mais qui se sent exclue du système mondial et qui décide de devenir à la fois l’avocat et le leader des Etats démunis dans le monde –  décide d’opposer non seulement une doctrine claire mais aussi un puissant défi géopolitique au monde trilatéral dominant», explique-t-il.

C’est plus ou moins la piste que les Chinois sont en train de suivre. Le ministre Wanquan a carrément dit à la CMSI qu’un ordre mondial équitable était nécessaire.

La menace pour les Etats-Unis est qu’une coalition sino-russo-iranienne puisse, selon les propres mots de Brzezinski, «être un aimant puissant pour les autres Etats mécontents du statu quo».

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Un soldat pendant un exercice impliquant les systèmes de missiles sol-air S-300/SA sur le terrain d’entraînement d’Ashuluk, dans la région  d’Astrakhan (RIA Novosti / Pavel Lisitsyn)

Contrer le bouclier anti-missile des Etats-Unis et de l’OTAN en Eurasie

Washington érige un nouveau Rideau de fer autour de la Chine, de l’Iran, de la Russie et de leurs alliés au moyen de l’infrastructure de missiles des Etats-Unis et de l’OTAN.

L’objectif du Pentagone est de neutraliser toutes les ripostes défensives de la Russie et des autres puissances eurasiennes à une attaque de missiles balistiques US, qui pourrait inclure une première frappe nucléaire. Washington ne veut pas permettre à la Russie ou à d’autres d’être capables d’une seconde frappe ou, en d’autres termes, ne veut pas permettre à la Russie ou à d’autres d’être en mesure de riposter à une attaque par le Pentagone.

En 2011, il a été rapporté que le vice-Premier ministre Dmitri Rogozine, qui était alors envoyé de Moscou auprès de l’OTAN, se rendrait à Téhéran pour parler du projet de bouclier antimissile de l’OTAN. Divers articles ont été publiés, y compris par le Tehran Times, affirmant que les gouvernements de Russie, d’Iran et de Chine projetaient de créer un bouclier antimissile commun pour contrer les Etats-Unis et l’OTAN. Rogozine, toutefois, a réfuté ces articles. Il a dit que cette défense antimissile était discutée entre le Kremlin et ses alliés militaires dans le cadre de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC).

L’idée de coopération dans la défense entre la Chine, l’Iran et la Russie, contre le bouclier antimissile de l’OTAN est restée d’actualité depuis 2011. Dès lors, l’Iran s’est rapproché pour devenir un observateur dans l’OTSC, comme l’Afghanistan et la Serbie. Beijing, Moscou et Téhéran se sont rapprochés aussi en raison de problèmes comme la Syrie, l’Euro-Maïdan et le pivot vers l’Asie du Pentagone. L’appel de Hossein Dehghan à une approche collective par la Chine, l’Inde, l’Iran et la Russie contre le bouclier antimissile et l’expansion de l’OTAN, couplé aux annonces faites à la CMSI sur des pourparlers militaires tripartites entre la Chine, l’Iran et la Russie, vont aussi dans ce sens.

Les systèmes de défense aérienne russes S-300 et S-400 sont en cours de déploiement dans toute l’Eurasie, depuis l’Arménie et la Biélorussie jusqu’au Kamchatka, dans le cadre d’une contre-manœuvre au nouveau Rideau de fer.  Ces systèmes de défense aérienne rendent beaucoup plus difficiles les objectifs de Washington de neutraliser toute possibilité de réaction ou de seconde frappe.

Même les responsables de l’OTAN et le Pentagone, qui se sont référés aux S-300 comme le système SA-20, l’admettent. « Nous l’avons étudié nous sommes formés pour le contrer depuis des années. Nous n’en avons pas peur, mais nous respectons le S-300 pour ce qu’il est: un système de missiles très mobile, précis et mortel », a écrit le colonel de l’US Air Force Clint Hinote pour le Conseil des relations étrangères basé à Washington.

Bien qu’il y ait eu des spéculations sur le fait que la vente des systèmes S-300 à l’Iran serait le point de départ d’un pactole provenant de Téhéran dû aux ventes internationales d’armes, résultat des négociations de Lausanne, et que Moscou cherche à avoir un avantage concurrentiel dans la réouverture du marché iranien, en réalité la situation et les motivations sont très différentes. Même si Téhéran achète différentes quantités de matériel militaire à la Russie et à d’autres sources étrangères, il a une politique d’autosuffisance militaire et fabrique principalement ses propres armes. Toute une série de matériel militaire – allant des chars d’assaut, missiles, avions de combat, détecteurs de radar, fusils et drones, hélicoptères, torpilles, obus de mortier, navires de guerre et sous-marins – est fabriqué à l’intérieur de l’Iran. L’armée iranienne soutient même que leur système de défense aérienne Bavar-373 est plus ou moins l’équivalent du S-300.

La livraison par Moscou du paquet de S-300 à Téhéran est plus qu’une simple affaire commerciale. Elle est destinée à sceller la coopération militaire russo-iranienne et à renforcer la coopération eurasienne contre l’encerclement du bouclier anti-missiles de Washington. C’est un pas de plus dans la création d’un réseau de défense aérienne eurasienne contre la menace que font peser les missiles des Etats-Unis et de l’OTAN sur des pays qui osent ne pas s’agenouiller devant Washington.

Par Mahdi Darius Nazemroaya –  23 avril 2015

Mahdi Darius Nazemroaya est sociologue, un auteur primé et un analyste géopolitique.

Article original : http://rt.com/op-edge/252469-moscow-conference-international-security-nato/

Traduit de l’anglais par Diane Gilliard

URL de cet article : http://arretsurinfo.ch/une-coalition-sino-russo-iranienne-opposee-a-lotan-debute-t-elle-a-moscou/

Immigration: Entretien de Alimuddin Usmani avec Petr Mach député européen tchèque

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Immigration: Entretien de Alimuddin Usmani avec Petr Mach député européen tchèque

Alimuddin Usmani
Journaliste indépendant, Genève
Ex: http://www.lesobservateurs.ch
Alimuddin Usmani : Le nombre de réfugiés en Méditerranée augmente à une vitesse phénoménale. Quelle en est selon-vous la principale raison?

Petr Mach : Les raisons principales sont évidemment les guerres civiles en Libye et en Syrie.

Alimuddin Usmani : Pensez-vous qu'il soit possible de stopper cet afflux de masse?

Petr Mach : Lorsque les guerres civiles et le chaos en Libye et en Syrie prendront fin alors cette vague de réfugiés s'arrêtera.

Alimuddin Usmani : De nombreux réfugiés possèdent un niveau d'instruction faible, ils ne s''intègrent pas facilement au marché du travail et dépendent des aides sociales. Ils préfèrent aller en Suède ou en Allemagne plutôt qu'en République tchèque qui a accueilli seulement 0,2% des réfugiés de l'UE. Comment expliquez-vous que la République tchèque parvienne pour l'instant à dissuader la plupart des demandeurs d'asile?

Petr Mach : Ils reçoivent une aide sociale généreuse en Suède. Certains réfugiés ont déjà de la famille installée sur place et il y a de larges communautés immigrées, notamment musulmanes en Suède. La République tchèque n'offre pas des aides sociales aussi élevées et sa minorité musulmane est quasiment inexistante, c'est pour cela qu'il y a peu de réfugiés qui cherchent à venir en République tchèque.

Alimuddin Usmani : Parmi les mesures annoncées par Bruxelles pour faire face à cet afflux de réfugiés figure un projet pilote qui stipule que 5000 personnes seront accueillies, réparties sur l’ensemble du territoire européen. Les demandes d'asile pour l'année 2014 en République tchèque se sont élevées à 1000 environ, essentiellement de la part de l'Ukraine, du Vietnam ou de la Syrie. La Suède, dont la population est moins élevée que la République tchèque, a recueilli environ 78000 demandes d'asile, surtout des Erythréens et des Syriens. Ne craignez-vous pas que l'UE contraigne la République tchèque à accueillir plus de réfugiés à l'avenir?

Petr Mach : En République tchèque vivent de nombreux ressortissants Ukrainiens, Vietnamiens, Moldaves et Russes. Il n'est pas nécessaire qu'ils demandent l'asile car ils peuvent recevoir un permis de séjour permanent. La République tchèque n'a pas de problème avec ces étrangers. Ils travaillent et leur intégration dans la société se passe bien. La société tchèque ne veut pas en revanche que l'Union européenne lui impose des quotas. Il ne serait également pas juste de réinstaller un réfugié en République tchèque alors qu'il cherchait à s'établir en Allemagne.

Alimuddin Usmani : L'Australie installe ses réfugiés dans des îles du Pacifique ou bien au Cambodge. Le Premier ministre Abott a conseillé l'Europe de suivre son exemple. Qu'en pensez-vous?

Petr Mach : L'Italie possède des camps de réfugiés à Lampedusa et en Sicile. Mais leur capacité d'accueil est insuffisante. L'Italie devrait avoir de la place pour les réfugiés clandestins en attendant qu'un pays membre puisse leur accorder l'asile. Un tel endroit pourrait être situé soit sur le territoire de l'UE, soit sur le territoire d'un pays avec lequel il serait conclu un accord.

Alimuddin Usmani : En 2011 vous avez exprimé votre opposition à l'égard de l'intervention militaire de l'OTAN en Libye. Les réfugiés partent essentiellement de la Libye car l'Etat ne fonctionne pas. Les dirigeants de l'UE étaient majoritairement favorable à cette intervention. Pensez-vous qu'ils s'attendaient à une telle situation?

Petr Mach : J'étais effectivement contre l'attaque en Libye. Il n'est pas possible de renverser un régime puis de laisser le pays s'installer dans le chaos. Je ne comprends pas à quoi s'attendaient des politiciens comme Sarkozy et Obama.

Alimuddin Usmani, le 23 avril 2015

mardi, 05 mai 2015

Insécurité, islamisme : du déni de réalité à l’orchestration de la peur, la nouvelle stratégie de l'oligarchie

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Insécurité, islamisme: du déni de réalité à l’orchestration de la peur, la nouvelle stratégie de l'oligarchie

par Michel Geoffroy

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à l'utilisation de l'insécurité et de la peur par l'oligarchie pour consolider son pouvoir... Une analyse qui recoupe celle d'Eric Werner dans son essai L'avant-guerre civile récemment réédité chez Xénia.

La novlangue au service du déni d’insécurité

Face à l’augmentation de la délinquance, conséquence de l’idéologie laxiste qu’elle a mise en œuvre, l’oligarchie a d’abord inventé dans les années 1980 le fameux sentiment d’insécurité, une sorte de phobie d’extrême droite qui faisait, selon elle, voir la réalité sous un jour trop sombre. Elle a aussi inventé le concept d’incivilités qui permettait de banaliser la progression des délits, notamment ceux imputables aux jeunes issus de l’immigration.

On nous a ainsi expliqué, par exemple, qu’il était traditionnel de brûler des voitures à la Saint-Sylvestre. Car chaque fait divers se trouvait dépeint sous des couleurs les plus lénifiantes possibles : on nous présentait les délits voire les crimes comme incompréhensibles car intervenant toujours jusque-là dans des quartiers populaires mais tranquilles ou sans histoire (*). On ne comprenait donc pas le coup de folie qui avait pu saisir les auteurs de ces actes : sans doute parce qu’un banal vol de sac à main, une drague ou une bagarre par balles avait mal tourné. Bref, ce n’était pas vraiment la faute de ces individus bien connus des services de police, mais plutôt le fait de victimes de la malchance, du chômage et de la discrimination.

La novlangue au service du déni d’islamisme

L’apparition de délits commis par des personnes se réclamant de l’islam a subi le même traitement politico-médiatique. On a ainsi assisté à la négation systématique du caractère islamiste de ces agissements, comme par exemple lors des attaques commises en France à la Noël 2014.

L’oligarchie a donc mis l’accent sur le caractère isolé de ces loups solitaires, victimes d’une autoradicalisation pathologique. Même si ensuite on découvrait que leurs proches faisaient l’objet de poursuites ou que des filières avaient été démantelées !

Ou bien on les présentait comme des individus au comportement incompréhensible ou incohérent, comme par exemple dans le cas du profanateur du cimetière de Castres. Ou bien encore des individus dérangés, ce qui permettait d’ôter toute signification autre que médicale à leurs actes. On a même été jusqu’à nous présenter l’auteur musulman d’un attentat à l’arme automatique en Belgique comme un amateur d’armes !

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Pas d’amalgame

Dans le souci de ne pas faire d’amalgame avec l’islam on a aussi beaucoup insisté sur le fait que ces criminels n’étaient pas de vrais bons musulmans, ou bien des convertis de fraîche date, donc connaissant mal leur nouvelle religion. On nous a dit aussi que finalement les victimes étaient… les musulmans eux-mêmes dont l’image risquait de pâtir de ces agissements.

Ce type d’argumentaire est largement répandu en Europe. On se souvient, par exemple, de ce que déclarait le premier ministre anglais à la suite de l’assassinat horrible d’un militaire décapité en pleine rue : « Ce n’était pas seulement une attaque contre la Grande-Bretagne et le mode de vie britannique. C’était aussi une trahison de l’islam et des communautés musulmanes qui apportent tant à notre pays. Rien dans l’islam ne justifie un tel acte épouvantable » (**).

Le même discours a été entendu en France.

Le déni de la cathophobie

On a aussi systématiquement nié le caractère antichrétien de certains délits ou agressions.

Ainsi, pour nos médias les églises ou les cimetières chrétiens ne sont jamais profanés, à la différence des sépultures juives ou musulmanes. Ils sont seulement dégradés ou à la rigueur vandalisés.

Pour la même raison on n’a mis l’accent que sur les actes antimusulmans ou antijuifs : une façon de dénier toute réalité aux actes antichrétiens et à l’existence d’un racisme antifrançais ou antiblanc que, curieusement, la justice n’arrive jamais à identifier.

Enfin, les médias nous ont beaucoup parlé du fait religieux en général (cf. notamment la dernière enquête sur le fait religieux dans l’entreprise) : une manière de cacher la progression des revendications musulmanes.

Bref, l’oligarchie a mobilisé la novlangue et tout le puissant appareil médiatique au service du déni de réalité.

Une nouvelle stratégie

Cette stratégie a cependant fait long feu en 2015.

Certes, l’oligarchie reste attachée à la ligne pas d’amalgame, dans le souci de ne pas se couper de l’électorat musulman d’ici 2017. Les différents plans contre le racisme et l’islamophobie remplissent la même fonction séductrice.

Mais il n’empêche que la réalité est plus forte que la novlangue. La progression de la délinquance ne peut plus être cachée par les services de police et de gendarmerie, pas plus que celle de la violence islamiste.

L’oligarchie a donc progressivement décidé de changer de stratégie en 2015 : de passer du déni de réalité à l’orchestration de la peur. Pour plusieurs raisons.

Le déni n’est plus crédible

D’abord parce que la situation lui échappe de plus en plus.

Derrière les annonces périodiques relatives aux coups de filets, aux attentats miraculeusement déjoués, censés démontrer l’efficience de nos forces de l’ordre, ou relatives à l’inflexion prétendue des statistiques de délinquance, l’actualité migratoire ou criminelle, en France ou à l’étranger, rend de moins en moins crédible la stratégie du déni. Et l’EI se charge de son côté de la démentir.

Mais surtout l’oligarchie a compris qu’elle avait tout à gagner à orchestrer la peur.

Opération Je suis Charlie

L’opération Charlie Hebdo autour des attentats de janvier 2015 marque le coup d’envoi de la nouvelle stratégie du pouvoir.

Car du jour au lendemain on ne nous parle plus de loups solitaires ou d’actes incompréhensibles : désormais on ne nous parle plus que de filières djihadistes, d’attentats terroristes commandités de l’étranger, de caches d’armes et de complices. La langue officielle et médiatique se délie comme par enchantement. Et les incendiaires d’hier revêtent la tenue des pompiers.

Dans un premier temps l’opération Charlie Hebdo tente de rejouer la séquence du président de la République chef de guerre et de l’union nationale contre le terrorisme : ce sera la marche républicaine censée remettre en selle un pouvoir à l’impopularité abyssale et destinée aussi à créer un nouveau cordon sanitaire contre la progression du Front national, pour le plus grand profit de l’UMPS.

Cette tentative a cependant échoué : l’image de marque du gouvernement socialiste retombe aujourd’hui progressivement à son niveau d’avant le 11 janvier. Et le Front national est devenu en nombre de voix le premier parti de France lors des élections départementales.

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De nouveaux leviers d’action

Le déni de réalité avait l’inconvénient de priver l’oligarchie de prétextes : s’il n’y a pas de péril sécuritaire ou islamiste, il n’y a pas de raison d’agir contre. Reconnaître, au contraire, la réalité permet de réclamer de nouveaux moyens d’action.

Le prétexte de la lutte contre le terrorisme permet ainsi de faire passer la loi sur le renseignement qui a pour objectif réel de censurer Internet et de mettre en place une surveillance généralisée de la population. Comme partout ailleurs en Occident. Par ce biais, les dispositifs liberticides de surveillance mondiale des communications dénoncés par les lanceurs d’alerte américains se trouvent aussi légitimés. Coup double pour l’oligarchie !

Bien entendu, comme l’a indiqué ingénument le ministre de l’Intérieur lors du débat sur la loi sur le renseignement, cette surveillance portera sur la détection des discours de haine, également imputés aux milieux identitaires, par exemple.

La liberté de censurer désormais reconnue

L’effet « Je suis Charlie » a permis, en faisant croire que les islamistes visaient la liberté d’expression, de renforcer la chape du politiquement correct antiraciste et contre l’islamophobie en France.

La prétendue liberté d’expression sert à promouvoir la liberté de censurer en toute bonne conscience puisqu’il s’agit de garantir le vivre ensemble ou les valeurs de la République – et, par exemple dans le cadre du nouveau plan de lutte contre le racisme, de remettre en cause ouvertement les protections offertes par la loi sur la liberté de la presse de 1881.

Vive la peur !

L’oligarchie a finalement très bien compris le caractère contre-productif de la stratégie du déni de réalité. Elle sait maintenant que plus les citoyens ont peur pour leur sécurité, leur emploi ou leurs économies, moins ils peuvent se mobiliser sur d’autres causes, a fortiori s’agissant des autochtones vieillissants. D’ailleurs, il n’y a aujourd’hui que la communauté asiatique, identitaire et dynamique, qui manifeste contre l’insécurité en France ! Les vieux Européens n’osent rien dire.

Et il suffit de regarder les télévisions pour se rendre compte que l’on programme consciemment partout la mise en scène de la peur et de la violence : aux actualités sanglantes s’ajoutent les séries policières, les histoires de juges, de femmes-flics ou de femmes harcelées, les affaires criminelles, sans oublier les émissions édifiantes montrant nos forces de l’ordre en pleine action contre la délinquance. Sans parler des militaires qui patrouillent désormais dans les rues.

La peur soutenait déjà un fructueux commerce sécuritaire. Elle devient aujourd’hui un puissant moyen de sidération des autochtones à qui l’on apprend ainsi très tôt à raser les murs.

Rien de tel pour mâter le populisme en Europe et consolider le Système !

Michel Geoffroy (Polémia, 27 avril 2015)

Notes :

(*)     Ex. : « Sid Ahmed Ghlam, étudiant sans histoires et terroriste amateur », Le Monde du 24 avril 2015.
(**)   LeMonde.fr du 23 mai 2013.

La Turchia presidia il mar di Levante e costruisce una portaerei

A distanza di quarant’anni l’isola di Cipro rimane spezzata tra due mondi, quello greco del sud e quello turco del nord. Tra le due repubbliche (la prima riconosciuta dalla comunità internazionale, la seconda solo da Ankara) corre una zona cuscinetto lunga 180 chilometri che separa il territorio. Una separazione che non può colmare o risolvere decenni d’odio, diffidenza e rancori.

A Cipro tutto rimane sospeso. In una tregua precaria. Ciclicamente le due parti annunciano negoziati e incontri, ma regolarmente tutto finisce in baruffa e l’ingarbugliata situazione isolana resta ancor più intricata. A peggiorare, se possibile, vi è poi, da qualche anno, la questione degli immensi giacimenti offshore — subito dai greci ribattezzati Afrodite, mentre gli israeliani hanno preferito nomi più crudi come Leviathan e Karish (squalo)… — scoperti nel mar di Levante, tra l’isola e la costa asiatica. Una partita complicata quanto strategica che vede coinvolti più attori: Israele, l’Egitto, il Libano, la Siria, i palestinesi di Gaza e le due entità cipriote.

Lo scorso autunno Erdogan — grande protettore dei ciprioti del Nord — ha spedito una propria nave di ricerca davanti alle coste settentrionali dell’isola. Immediata la reazione di Atene — custode, ormai scalcinata ma attenta, dei diritti della repubblica ufficiale — che ha immediatamente protestato in tutte le sedi europee. Indifferente ai turbamenti ellenici, il governo neo ottomano di Ankara ha rilanciato inviando nelle acque contestate le proprie navi da guerra per un’esercitazione militare che ha sfiorato a più riprese la nave di perforazione italiana Saipem 10000.

Alcun risultato è sortito neppure dalla risoluzione di condanna dell’Unione Europea (effetto Mogherini?) dello scorso 13 novembre: la Turchia ha annunciato che proseguirà le sue ricerche e ha rivendicato per se e il satellite cipriota un ampliamento deciso delle reciproche zone economiche marine.

A confermare ulteriormente le ambizioni marittime di Ankara (e le mire energetiche), il consiglio di sicurezza nazionale turco ha deciso di trasformare radicalmente il progetto della nave anfibia in costruzione nei cantieri Sedef: l’unità diverrà una vera e propria portaerei (sviluppando il concetto dell’ammiraglia spagnola Juan Carlos, nella foto) e verrà equipaggiata per imbarcare velivoli F35b. La consegna è prevista per il 2019. Il mar di Levante si fa burrascoso.

lundi, 04 mai 2015

Presseschau - Mai 2015

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Presseschau
Mai 2015
 
 

De la grande pitié du latin (et du grec) dans les collèges de France

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De la grande pitié du latin (et du grec) dans les collèges de France

 
Francis Richard
Resp. Ressources humaines

Madame Najat Vallaud-Belkacem, Ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche vient de concocter une réforme du collège applicable en France dès 2016. Aux termes de cette réforme, l'enseignement du latin et du grec pourraient bien disparaître, contrairement à ce qu'affirme une ministre outragée par la seule pensée que l'on puisse en douter.

Pourquoi le latin et le grec pourraient-ils disparaître?

Parce que la théorie de leur maintien apparent et facultatif ne résistera vraisemblablement pas à la pratique.

Quelle est la situation actuelle?

Aujourd'hui quelque 20% des collégiens choisissent l'option latin à la fin de la sixième. Ils font son apprentissage à raison de deux heures par semaine en cinquième et de trois heures par semaine en quatrième et troisième. Au-delà, pendant les trois années de lycée, ils ne sont plus qu'environ 5% à poursuivre cet apprentissage - ce qui est bien regrettable. Quant à l'option grec, elle n'est possible qu'à partir de la troisième et seuls 2% des collégiens la prennent. Ne parlons pas de ceux qui continuent cette option au lycée.

Que prévoit la réforme des collèges?

Premier volet: la réforme prévoit que, pendant les cours de français, il soit fait place aux "éléments fondamentaux des apports du latin et du grec à la langue française", une initiation tout au plus suivant les propres termes de la ministre...

Deuxième volet: la réforme prévoit que soient créés huit EPI, enseignements pratiques interdisciplinaires, dont six d'entre eux seront choisis et proposés aux élèves par le chef d'établissement:

- Monde économique et professionnel

- Culture et création artistique

- Information, communication, citoyenneté

- Corps, santé, sécurité

- Sciences et société

- Développement durable

- Langues et cultures étrangères/régionales

- Langues et cultures de l'Antiquité

C'est dans ce dernier EPI que le latin et le grec se nicheraient, mais, comme le nom l'indique déjà, ils ne seraient pas à proprement parler enseignés... si cet EPI existe seulement dans l'établissement fréquenté.

Troisième volet: pour les irréductibles qui voudraient absolument faire du latin et du grec, un "enseignement de complément" pourrait leur être dispensé à raison d'une heure en cinquième et de deux heures en quatrième et troisième, si le chef d'établissement le veut bien, ou, plutôt, le peut, puisqu'il n'est pas prévu de grille horaire ni de financement pour cet enseignement... Et pour cause: la ministre n'a ajouté ce troisième volet qu'à la dernière minute, devant la levée de boucliers suscitée par sa réforme...

En résumé, l'intention proclamée est de donner accès à tous au latin et au grec, le latin et le grec pour tous en quelque sorte. Mais, comme ce n'est pas possible, on n'en donnera à tous que des miettes et on donnera, en réalité, à ceux qui, aujourd'hui, optent pour le latin (et le grec), moins de temps, voire pas du tout.

Il est indéniable pourtant:

- que la maîtrise de la langue française passe par la connaissance des langues qui l'ont précédée et fondée, le latin et le grec, pour une grande part;

- que, jadis, lorsqu'on apprenait le français, le latin et le grec, on disait que l'on faisait ses humanités, c'est-à-dire que l'on se formait à l'esprit critique et à l'esprit humaniste, qui sont souvent aujourd'hui portés disparus dans la France contemporaine;

- que ces enseignements du grec et du latin sont, à l'heure actuelle, déjà mal en point, parce que le réflexe formaté est de les considérer comme des langues mortes, donc inutiles; et l'on se trompe lourdement, comme le disait naguère Jacqueline de Romilly.

Prenons mon modeste cas personnel: naturellement inapte aux sciences et techniques, c'est à la formation intellectuelle et la logique que m'a données le latin pendant sept ans, de la sixième à la terminale, dans un collège religieux puis au Lycée Henri IV de Paris, que je dois d'être devenu ingénieur diplômé de l'École Polytechnique Fédérale de Lausanne...

Francis Richard, 29 avril 2015

Publication commune Lesobservateurs.ch et Le blog de Francis Richard

dimanche, 03 mai 2015

Cette France américaine qui se renie et nous détruit

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Cette France américaine qui se renie et nous détruit

Auteur : Karine Bechet-Golovko
Ex: http://zejournal.mobi

Président de la République et ministres de droite ou de gauche issus des programmes franco-américains, franc-maçonnerie dans les rang de l'Assemblée et du Gouvernement qui défend "sa" conception républicaine, d'autant plus fortement que la "mondialisation républicaine" se trouve, par hasard et par accident ralentie ... On se croirait dans un mauvais film d'espionnage. L'on est simplement dans la France moderne et contemporaine. Cette France qui n'est plus française, qui en a même semble-t-il honte, comme d'un parent pauvre que l'on veut cacher. Et l'on comprend beaucoup mieux pourquoi la politique menée par les élites, de droite comme de gauche, ne défend pas les intérêts de notre pays.

Comme le processus de destruction de ce qui reste de l'identité française allait bien, la construction européenne aidant, l'on n'entendait pas trop les membres de la franc-maçonnerie française, il n'était pas nécessaire de faire du bruit. La multiplication des conflits au Moyen Orient, la crise économique et financière importée en Europe de celle des subprimes aux Etats Unis, les printemps arabes sanglants et destructurant, ont jeté vers les pays européens une foule de population aux aboies. Une foule que les pays européens ne peuvent assumer, surtout en période de crise et parce que de toute manière il n'est pas possible pour l'Europe, sauf à se détruire, d'ingérer tout le malheur du monde. C'est une politique irresponsable et inefficace, notamment pour les pays en conflits concernés. Or, maintenant que la tension monte, l'on voit se réactiver les réseaux. Cela est d'autant plus facile lorsqu'ils sont au Gouvernement, dans le sens direct du terme. Comme l'écrit le Figaro, sans en être pour le moins choqué :

"En mai 2012, le GODF, traditionnellement orienté à gauche, a vu d'un bon œil la victoire de François Hollande et l'arrivée de frères au gouvernement, qu'il s'agisse de Manuel Valls, qui a fréquenté les loges durant huit ans, de Jean-Yves Le Drian, Victorin Lurel, Frédéric Cuvillier ou Jérôme Cahuzac - ce dernier étant finalement suspendu du GODF après le mensonge avoué sur son compte bancaire à l'étranger. De plus, la charte de la laïcité et les projets d'enseignement de « morale laïque » mis en avant par le ministre de l'Education nationale Vincent Peillon, qui n'est pas initié, ont séduit les frères du GODF."

Et si l'on se demandait pourquoi des lois impopulaires passaient, sans qu'un réel débat social ait eu lieu sur des questions aussi importantes que le mariage pour tous ou la laïcité, c'est parce que, en plus du Gouvernement, les rangs de l'Assemblée sont également pris d'assaut. Volonté affichée ouvertement par le Grand Maître José Gulino dès 2012. Et ça marche.

"Le GODF a aussi repris fin 2012 le contrôle de la Fraternelle parlementaire (Frapar), en faisant élire l'un des siens, le député socialiste du Nord Christian Bataille à la tête de cette amicale des francs-maçons de l'Assemblée nationale et du Sénat. Celle-ci compte plus de 400 membres, dont 150 élus, soit 15 % du total des parlementaires. Christian Bataille sait s'y prendre pour pousser ses pions : il a déjà présidé la Frapar et il professe une foi de charbonnier dans les valeurs maçonniques. Celles-ci le conduisent à se transformer en avocat de causes aussi controversées que la lutte contre les langues régionales, au nom du jacobinisme, et en faveur de l'exploration des gaz de schiste, au nom de la science. Cette première offensive liée au retour de la gauche au pouvoir a produit quelques résultats, que ce soit pour promouvoir le mariage pour tous, défendre les réformes fiscales ou contrer la récupération du thème de la laïcité par l'extrême droite."

Ainsi, la Fraternelle parlementaire, qui rassemble des députés et des sénateurs s'est largement emparée du thème de prédilection de la laïcité. L'on comprend mieux pourquoi aujourd'hui elle se traduit en montée de la haine pure et simple contre le christianisme, cette religion qui a le malheur d'avoir posé les bases de la société française.

 

tpe.jpgPour compléter le tableau, en restant dans la même ligne idéologique, l'on voit également l'affermissement des intérêts américains dans la gouvernance française. En 1981, la French American Foundation créé le programme Young Leader, financé par AIG, Lazard et Footprint consultants. Sorte de version moderne, plus neutre, moins marquée et connue dans la société que la franc-maçonnerie. Aujourd'hui, il comprend plus de 400 dirigeants issus de la haute fonction publique, du monde de l'entreprise, des médias, de la recherche et même de l'armée. Chaque année 20 français et américains sont sélectionnés. En 2014, Alain Juppé, lui même ancien Young leader, a organisé le séminaire à Bordeaux pour la promotion 2014 avec des anciens comme le directeur général d'Alcatel Lucent Michel Combes, par exemple.

La formation 2014 comprend :

French Young Leaders

Gwenhaël Le Boulay, Partner and Managing Director au Boston Consulting Group
Nicolas Escoulan, Directeur de la Rédaction d'Europe 1
Frank Gervais, Président-Directeur Général de Thalys International Dr Pierre-Antoine Gourraud, PhD MPH, Professeur Assistant en charge de la médecine digitale translationnelle, Faculté de Médecine, Département de Neurologie de l'Université de Californie à San Francisco
Fatima Hadj, Associate Director à Standard & Poor's
Cyril Kammoun, Managing Partner and CEO d'Aforge Degroof Finance
Julia Minkowski, Associée du Cabinet Temime et Associés
Le Lieutenant-Colonel Jean de Monicault, Rédacteur du Chef d'Etat-Major des Armées en charge des affaires stratégiques au Ministère de la Défense
Alexis Morel, Directeur de la Stratégie de Thales
Abdel Malek Riad, Conseiller économique du Président de l'Assemblée Nationale
Lubomira Rochet, Chief Digital Officer et membre du Comité Exécutif de L'Oréal
Alexandre Zapolsky, Fondateur et Président de Linagora

American Young Leaders

Elizabeth Askren, Freelance Conductor (Théâtre du Châtelet, Théâtre de St Quentin), Cultural Attaché, Fondation des Etats-Unis
Major Jordan Baker, Defense Policy Advisor, United States Mission to NATO
Emma Fuerst Frelinghuysen, Senior Director, Private Brands, FreshDirect
Guy Mounier, Chief Executive Officer, CustomerMatrix
Anna « Anya » Neistat, Associate Director, Program/Emergencies, Human Rights Watch
Reshma Saujani, Chief Executive Officer and Founder, Girls Who Code
Dana Stroul, Senior Professional Staff member, Middle East and North Africa, U.S. Senate Foreign Relations Committee
Joseph « Jay » Truesdale, Chief of Staff, U.S. Embassy, Islamabad

Dans cette France américaine, on retrouve des hommes et des femmes, de droite comme de gauche, cela n'a plus strictement aucune importance, formés à composer avec l'intérêt national. Car il y a semble-t-il plus important. Et ils détiennent les rênes du pouvoir. Comme l'écrit très justement Atlantico :

"Exit Alain Juppé, Valérie Pécresse, Nathalie Kosciusko-Morizet, Laurent Wauquiez, Jeannette Bougrab... Place à François Hollande, Pierre Moscovici, Arnaud Montebourg, Marisol Touraine, Najat Vallaud-Belkacem, Aquilino Morelle (plume du Président), etc. « Enfin des têtes nouvelles ! » entend-t-on ici ou là. Nouvelles ? Tout est relatif, quand on sait décrypter la liste ci-dessus : en fait, tous ces « Young Leaders » de l'UMP ont laissé la place à des « Young Leaders » du Parti socialiste.

Car François Hollande et Pierre Moscovici depuis 1996, Marisol Touraine et Aquilino Morelle depuis 1998, Arnaud Montebourg depuis 2000 et Najat Vallaud-Belkacem depuis 2006, sont tous des « Young Leaders »."

Et la notion de clan joue directement lors de la composition des équipes gouvernantes, même si l'information n'est manifestement pas trop diffusée en France :

"sur les 8 socialistes sélectionnés comme Young Leaders depuis François Hollande en 1996, 6 sont rentrés dans son gouvernement.

(Ne restent sur la touche, pour le moment, que Bruno Le Roux, qualifié par beaucoup de « ministrable », et Olivier Ferrand, l'ambitieux président du think-tank Terra Nova ayant permis l'élection de François Hollande aux élections primaires ; deux candidats impatients de rejoindre leurs camarades Young Leaders au gouvernement). Beau tir groupé, comme s'en enorgueillit à juste titre le site américain (« The French-American Foundation is proud to have five Young Leader in the cabinet of President François Hollande, himself a Young Leader in 1996”), tandis que le site français n'en dit pas un mot. "

Comme le souligne très justement A. Latsa, même si quelques hommes politiques de droite sont favorables à de bons rapports avec la Russie, la plupart sont focalisés sur un axe exclusivement américano-centré :

"En effet, environ 25% de nos députés sont membres du groupe d'amitié France-Amérique. Dans ce groupe relativement discret qui est dirigé, c'est tout un symbole, par Louis Giscard d'Estaing, fils de l'ancien président français Valery Giscard d'Estaing, on trouve un bon nombre de députés de droite, en compagnie de députés socialistes."

Trois conclusions principales en découlent toutes seules, logiquement.

Sur le plan de la politique intérieure, on comprend mieux les sources de cette dissociation croissante entre les élites et la population. Fossé qui oblige à une radicalisation des élites, d'une minorité dirigeante, qui doit, pour faire imposer ses points de vues, discréditer ceux des autres. Autrement dit, il ne peut plus y avoir de pluralisme d'idées, car il n'y a plus de respect de l'autre. Par exemple, celui qui défend la famille traditionnelle est un extrémiste, et l'on ne parle pas avec les extrémistes.

Lorsque le pluralisme d'idées est mis à bas, il ne peut y avoir de pluralisme politique, car les différents partis politiques doivent justement représenter et défendre des visions différentes de la société. Ce qui est inconcevable aujourd'hui. "L'autre politique" est hors du champ démocratique, donc hors du champ du débat politique. Pour autant, il est tout autant inconcevable de déclarer l'instauration du parti unique, car la politique serait morte. La France ne peut pas encore l'accepter, s'enterrer vivante tant qu'il reste un souffle, donc il faut maintenir les apparences. Et pour maintenir les apparences, il faut maintenir une alternance entre des personnes, qui ont été plus ou moins canalisées et formatées au préalables pour ne pas prendre de risques. Le changement de visage, s'interroger sur Cécilia et ensuite passer à Valérie, permet de donner l'impression d'un changement politique. Et l'essentiel est préservé : le cap, lui, est gardé.

Enfin, il en découle que la politique étrangère française ne peut être, dans ce contexte, autre chose que ce qu'elle est. La France ne peut que soutenir, contre toute logique, contre ses valeurs et son histoire, les sanctions contre la Russie parce qu'un Gouvernement d'extrême droite massacre sa propre population civile sur les terres d'Ukraine. Parce que la France et l'UE se moquent de l'Ukraine et de sa population comme de leur première liquette. La France ne peut qu'aller vers une ratification du traité transatlantique TTIP qui lui retire sa souveraineté économique, notamment. La France ne peut que se dissoudre dans une Union européenne qui détruit ce qui reste de culture européenne. La France ne peut avoir de politique étrangère, elle ne peut qu'être un pays aligné ou satellite, selon la terminologie préférée.

Dans ce contexte, la France américaine ne peut que trahir la France.

Loi sur le renseignement: surveiller et punir de Fouché à Cazeneuve

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Loi sur le renseignement: surveiller et punir de Fouché à Cazeneuve

La loi sur le renseignement voulue par le gouvernement suscite la méfiance d’une partie de la société civile qui craint une atteinte grave aux libertés du citoyen. Elle relance l’éternel et légitime débat sur l’équilibre, souvent menacé, entre sécurité nationale et libertés publiques. Ce projet législatif s’inscrit dans une longue tradition de contrôle et de surveillance administrative du pouvoir sur la société. Ce processus répressif a commencé, sous sa forme moderne, il y a deux siècles, par la volonté d’un homme : Joseph Fouché, le sombre génie policier du Consulat et de l’Empire.

Après les attentats terroristes du mois de janvier à Paris, le gouvernement souhaite répondre avec la plus grande fermeté à la menace djihadiste et à ses réseaux. Pour satisfaire une opinion publique avide de fermeté, le gouvernement de Manuel Valls prépare une loi qui pose question à bien des égards. Le pouvoir socialiste, dont la communication est pleine de diatribes contre les ennemis de la République, brise son idéal démocratique au nom d’une menace diffuse, bien que réelle, contre la nation et les intérêts de l’État. La décision du président de la République de faire appel au Conseil Constitutionnel ne semble pas calmer les opposants à ce projet. L’inquiétude de certaines associations, de juristes et des professionnels du web est grande, comme en témoigne l’opérateur internet Mozilla Firefox : « Cette disposition oblige les entreprises à permettre une surveillance gouvernementale de l’activité en ligne de tous leurs utilisateurs à la recherche d’un ensemble obscur de motifs comportementaux suspects. » Certains hébergeurs d’internet évoquent même l’idée d’exiler leurs activités hors de France contre cette mesure qu’ils jugent liberticide.

La République is watching you

Ainsi, le gouvernement, au nom de « l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et de la défense nationale » et de « la prévention du terrorisme » mais également des « intérêts majeurs de la politique étrangère », souhaite mettre en place un système de surveillance étroite d’internet. Techniquement, cette mesure se concrétiserait par la mise en place de « boîtes noires » surveillant les métadonnées capables de repérer les projets terroristes. Pour adoucir ce que beaucoup considèrent comme un abus d’autorité, la loi met en place certains contre-pouvoirs et crée ainsi une Commission de contrôle. Ce contrôle sera confié à une nouvelle autorité administrative censée être indépendante, la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), composée de magistrats, de députés et d’experts techniques.

Pour le politologue Thomas Guénolé, vigie républicaine du moment et instigateur d’une pétition qui a déjà recueilli plus de cent mille signatures, ces mesures de protection des libertés fondamentales ne sont qu’illusoires : « Nous dénonçons les contre-vérités du gouvernement sur la fameuse « commission de contrôle » censée protéger les citoyens des abus de surveillance. D’une part, en amont, l’avis de cette commission est consultatif : seul le Premier ministre est décideur. D’autre part, si cette commission n’a pas le temps de se prononcer sous trois jours, elle est automatiquement réputée être d’accord. Enfin, en aval, un citoyen aura besoin de prouver « un intérêt direct et personnel » pour saisir cette commission (ou ensuite, le Conseil d’État) : comment diable le pourrait-il, concernant des opérations secrètes ? Bref, en fait de garde-fous, ce sont des chimères. »

Face à l’hydre terroriste, la balance entre les partisans du tout répressif et les trop angéliques associations de défense des droits de l’homme semble pencher du côté de l’autoritarisme. Ce projet de loi ranime le vieux débat des limites de l’autorité de l’État sur les libertés publiques, un débat au cœur de le politique française depuis près de deux siècles. C’est lors de la naissance de l’État moderne que s’est forgée la capacité du pouvoir à assurer son autorité et son contrôle sur l’ensemble du territoire et des citoyens. Joseph Fouché, ministre de Napoléon Bonaparte, et père de la police moderne, a tenu un rôle fondateur dans cette évolution du pouvoir. D’une police encore embryonnaire issue de l’Ancien Régime et des premières années de la Révolution, il a tissé au début du XIXe siècle une toile de surveillance et de répression sur la société française.

Le contrôle des citoyens

À cette époque, l’ennemi du pouvoir bonapartiste n’a pas l’apparence du djihadiste cagoulé mais celle de l’activiste royaliste et de l’ancien jacobin, acteurs des principaux réseaux factieux du pays. Pour les combattre, Fouché, tout nouveau ministre du Premier Consul Bonaparte, s’appuie alors sur la loi du 17 février 1800 qui crée les préfets et les commissaires de police dans les villes de moins de cinq mille habitants. Il rationalise la police et le contrôle des citoyens par la collecte de données brutes sur les sujets les plus variés : population carcérale, vagabondage, réfractaires au service militaire, revenus des citoyens… Il rend obligatoire l’utilisation du passeport et contrôle ainsi les déplacements sur l’ensemble du territoire. Son ministère n’est pas qu’un outil de répression, il est également une agence de collecte de renseignements statistiques sur la société française.

Fouché_Joseph_Duke_of_Otranto.jpgPour Fouché, pas de bonne police et de régime stable sans une connaissance approfondie de la société permettant de renseigner l’État sur les atteintes sécuritaires à ses intérêts. Mais pour le ministre de la police de Napoléon Bonaparte, de telles pratiques n’entrent pas en contradiction avec l’idéal démocratique, au contraire : « Il ne faut pas croire qu’une police établie par ces vues puisse inspirer des alarmes à la liberté individuelle, au contraire, elle lui donnerait une nouvelle garantie et une puissance plus pure et plus sûre d’elle-même. » La surveillance administrative du pays devient une des attributions du gouvernement et sera au cœur des attributions de l’État moderne ; une surveillance et un contrôle de l’État qui seront les futurs outils des régimes totalitaires du XXe siècle.

La question du juste équilibre entre autorité et liberté est donc essentielle pour toute forme de pouvoir. Benjamin Constant, esprit libéral et opposant à Napoléon, mettait déjà en garde les gouvernements contre tous risques d’abus de pouvoir : « Toutes les fois que vous donnez à un homme une vocation spéciale, il aime mieux faire plus que moins. Ceux qui sont chargés d’arrêter les vagabonds sur les grandes routes sont tentés de chercher querelle à tous les voyageurs. Quand les espions n’ont rien découvert, ils inventent. Il suffit de créer dans un pays un ministère qui surveille les conspirateurs, pour qu’on entende parler sans cesse de conspirations. » Une mise en garde qui conserve toute sa force aujourd’hui.

samedi, 02 mai 2015

Jupe longue et communautarisme

Jupe longue et communautarisme
 
À Charleville-Mézières, une collégienne de 15 ans se voit interdire l’accès au lycée tant qu’elle ne porte pas… une jupe plus courte.
 
Écrivain, journaliste, juriste
Ex: http://www.bvoltaire.fr
 

jupe1.jpgÀ Charleville-Mézières, une collégienne de 15 ans se voit interdire l’accès au lycée tant qu’elle ne porte pas… une jupe plus courte. Sa jupe est, en effet, jugée trop longue par les autorités scolaires et trop « provocante » du point de vue du signe de son appartenance à une religion. On comprend qu’il ne s’agit pas du bouddhisme mais de l’islam. Il va falloir être pédagogue parce qu’il ne faudrait sans doute pas non plus que sa jupe soit… trop courte.

Pour le coup, cette décision assez ridicule, qui pourrait toucher une jeune fille catholique portant au cou une croix « trop » grosse (à partir de combien de centimètres ?) laisse perplexe. Et pour la kippa, on fait comment ? Combien de cm de diamètre ? On attend un décret ? Si c’est cela, l’assimilationnisme, comment ne pas prendre ses distances ? De tels faits aboutissent à remettre sur le devant de la scène des idées les conceptions communautaristes.

Qu’est-ce que le communautarisme ? C’est l’idée que les hommes doivent être considérés avant tout comme membres de communautés. C’est un constat que l’on peut largement partager. Mais le terme a pris un sens spécifique. C’est devenu une approche particulière des questions d’immigration. Que veulent les communautaristes ? Ils veulent renforcer le traitement en communautés des immigrés. Renvoyés à leurs origines, à leur culture, à leur culte, ceux-ci seraient (c’est l’espérance des communautaristes) moins déstabilisés par l’immigration. Les pouvoirs publics traiteraient avec les représentants des diverses communautés. La persistance de chacun dans sa culture serait encouragée.

jupe2.jpgQuelle est la logique du communautarisme ? C’est celle du développement séparé (apartheid, au sens précis du terme). Ne faisons pas de mauvais procès aux communautaristes : c’est, pour beaucoup de ceux-ci, un développement séparé sans suprémacisme blanc. À part cela, leur logique, c’est celle de l’endogamie. C’est la logique du repli sur soi, sur « sa » communauté d’origine. C’est un individualisme à l’échelle du groupe. L’appartenance devient dépendance absolue au groupe et à ses habitus, fussent-ils aussi inadmissibles sur notre sol que l’excision.

Le communautarisme, c’est oublier que l’immigration nécessite un saut culturel. À un moment donné, il faut bien se projeter vers et dans le pays d’accueil et sa culture. Pas forcément, bien sûr, en se privant de jupe longue – et c’est toute l’absurdité de l’affaire de Charleville-Mézières. La position des autorités dans ce dernier cas, c’est la position laïciste extrême et stupide. Mais d’une façon ou d’une autre, l’immigré doit faire un pas vers la France. Par l’amour de la langue française, par exemple. Appelons cela l’assimilation intelligente. La dernière fois que j’ai vu quelqu’un lire de la littérature classique dans un lieu public, c’était une jeune femme noire lisant Racine dans un café. Comme quoi… l’assimilation, cela peut marcher.

Le communautarisme n’est pas l’assimilation intelligente. C’est, par exemple, la proposition systématique de repas sans porc, ou d’horaires de piscine non mixtes pour que les hommes ne soient pas « mélangés » avec les femmes. Ce communautarisme se retourne alors contre la communauté qui concilie le mieux l’ouverture vers un universel d’une part, les particularités et les enracinements d’autre part. Cette communauté, c’est la communauté nationale, celle qui englobe et dépasse les communautés religieuses, ethniques, de classe. Vive la nation ! Nul besoin d’être jacobin pour lancer ce cri.

vendredi, 01 mai 2015

Putin, der Westen und die Ostukraine

Veranstaltung:

thfasbender_2.jpgSämtliche Veranstaltungen finden in der Bibliothek des Konservatismus, Fasanenstraße 4, 10623 Berlin (Charlottenburg) statt. Anmeldung erforderlich.

Anmeldungen, wenn nicht anders angegeben, bitte per E-Mail an veranstaltungen@fkbf.de oder per Fax an 030-315 17 37 21.

Es werden keine individuellen Anmeldebestätigungen versandt. Sofern Sie keine gegenteilige Nachricht von uns erhalten, gilt Ihre Anmeldung als bestätigt.

 

 

 

Montag, 11. Mai, 19 Uhr: Vortrag mit Diskussion

Thomas Fasbender, Moskau

Freiheit statt Demokratie – Putin, der Westen und die Ostukraine

Eindrucksvoll schildert Thomas Fasbender in seinem Buch „Freiheit statt Demokratie“, wie anders Rußland ist. Anders als die westeuropäischen Vorurteile glauben machen und anders als das westeuropäische Ideal einer zeitgemäßen Demokratie.

Sein Fazit: Rußland will den Weg des Westens nicht gehen, und Rußland wird ihn nicht gehen. Und das beileibe nicht wegen seines Präsidenten. Der russische Mensch hat sein eigenes Verständnis von Freiheit, und das verträgt sich nicht mit der europäischen Verliebtheit in Vernunft- und Gesetzestreue.

thfass.jpgIm Ukraine-Konflikt haben sich zwei geschlossene Logikkreise herausgeschält. Der Westen sieht in der Ukraine den endgültigen Aufbruch zu Freiheit und Demokratie; Rußland sieht eine Putschregierung unter Beteiligung von Faschisten. Der Westen bezeichnet den Anschluß der Krim als völkerrechtswidrige Annexion; Rußland bezeichnet die Unabhängigkeit des Kosovo als völkerrechtswidrige Sezession. Beide Seiten bezeichnen die Argumente der jeweils anderen als haltlos. Das Ganze spielt zudem vor dem Hintergrund des ersten weltanschaulichen Konflikts  in Europa seit dem Ende des Kommunismus. Spätestens 2013 haben sich die russischen Eliten offen von dem säkularen, individualistischen Weltbild der westlichen Demokratien distanziert. Darin werden sie von der überwiegenden Mehrheit der russischen Gesellschaft unterstützt.

Dr. Thomas Fasbender, Publizist und Kaufmann, in Hamburg aufgewachsen, lebt seit 1992 in Moskau. Der promovierte Philosoph ist Journalist, Unternehmer und Blogger. 2014 ist im Manuscriptum Verlag sein Buch „Freiheit statt Demokratie. Rußlands Weg und die Illusionen des Westens“ erschienen.