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dimanche, 15 juillet 2018

Investissements le long des nouvelles routes de la Soie : l’Allemagne et la Chine signent 22 traités !

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Investissements le long des nouvelles routes de la Soie : l’Allemagne et la Chine signent 22 traités commerciaux !

Berlin – Malgré l’indécrottable obsession occidentaliste et atlantiste des dirigeants politiques de la République fédérale d’Allemagne, les relations économiques inter-eurasiatiques s’intensifient, en marge des querelles sous-jacentes qui troublent les relations transatlantiques. Suite à sa visite lors de la rencontre dite « 16 + 1 », à Sofia, capitale de la Bulgarie, le Président chinois Li Kequiang s’est rendu à Berlin, où il a plaidé pour une imbrication économique plus étroite entre Européens et Chinois. A cette occasion, plusieurs traités économiques germano-chinois ont été signé pour un valeur totale de 20 milliards d’euros.

Le but de ces pourparlers communs était de discuter des mauvaises conditions dans lesquelles évoluait le commerce internationale suite aux dernières sanctions douanières américaines. Tant la Chancelière Merkel que son hôte venu de Chine ont plaidé en faveur d’un commerce libre, libéré de toute entrave. Li a déclaré : « Nous sommes en faveur du commerce libre, du multilatéralisme ».

Beijing, ces derniers jours, a réagi face aux sanctions douanières américaines en imposant des taxes spéciales sur les produits américains importés en Chine.

En marge de ces consultations germano-chinoises, vingt-deux traités gouvernementaux et économiques ont été signés. Le principal de ces traités porte sur la construction d’une usine pour piles cellulaires destinées aux automobiles électriques et qui s’établira à Erfurt en Thuringe. Le producteur chinois CATL veut y investir, dans un premier temps, plusieurs centaines de millions. Le premier gros client pour ces piles est BMW. Le constructeur automobile bavarois veut faire construire des piles à Erfurt et en acheté pour 1,5 milliards d’euros. Merkel a aussitôt déclaré : « C’est un grand jour pour la Thuringe » mais elle a déploré, dans la foulée, que la Chine avait acquis une avance indubitable en ce domaine. "Si nous avions pu les produire par nous-mêmes, je n’aurais pas été triste ".

En Chine, désormais, plus de 5000 entreprises allemandes se sont installées. Le Chine est, depuis deux ans, le principal partenaire commercial de l’Allemagne.

Ex : http://www.zuerst.de

 

jeudi, 12 juillet 2018

Sommet de l’OTAN et sommet Trump/Poutine : que faut-il en penser ?

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Sommet de l’OTAN et sommet Trump/Poutine : que faut-il en penser ?

Par Robert Steuckers

Script de l'entretien d'aujourd'hui, 11 juillet 2018, accordé à Channel 5 (Moscou), sous la houlette d'Alexandra Lusnikova

Le sommet de l’OTAN qui se tient aujourd’hui, 11 juillet 2018, et se poursuivra demain à Bruxelles, aura pour point principal à son ordre du jour la volonté affichée par Donald Trump d’obtenir de ses partenaires, plutôt de ses vassaux, européens ce qu’il appelle un « Fair Share », c’est-à-dire une participation financière accrue des petites puissances européennes dans le budget de l’OTAN. Pour Trump, les pays européens consacrent trop d’argent au « welfare » et pas assez à leurs armées. C’est une antienne que l’on entend depuis belle lurette de la part de tous les ténors américains de l’atlantisme. Ceux-ci veulent que tous les pays européens consacrent au moins 2% de leur PNB à la chose militaire. Les Etats-Unis, engagés sur de multiples fronts de belligérance, consacrent 3,58% de leur PIB à leurs dépenses militaires. En Europe, la Grèce (qui craint surtout son voisin turc et doit sécuriser les îles de l’archipel égéen), le Royaume-Uni, la Pologne, l’Estonie et la Roumanie dépassent ces 2% exigés par Trump. La France consacre 1,79% à ses forces armées ; l’Allemagne 1,22%. Evidemment, ces 1,22% du PIB allemand sont largement supérieurs aux 2% consacrés par des pays moins riches. Malgré les 3,58% dépensés par les Etats-Unis,  précisons toutefois que ce budget, certes énorme, est en constante diminution depuis quelques années.

L’exigence américaine se heurte à plusieurs réalités : d’abord, les Etats-Unis ont sans cesse, depuis la création de l’OTAN, empêché les pays européens de développer leurs aviations militaires, en mettant des bâtons dans les roues de Dassault, de Saab, de Fiat, etc. et en interdisant la renaissance des usines aéronautiques allemandes. Si l’Europe avait reçu de son « suzerain » le droit de développer ses propres usines aéronautiques, ses budgets militaires, même réduits en apparence, auraient permis de consolider sérieusement ses armées, tout en créant des emplois de qualité sur le marché du travail ; ensuite, certains chiffres parlent pour eux-mêmes : si l’on additionne les budgets militaires des principales puissances européennes de l’OTAN (Royaume-Uni, France, Allemagne, Italie, Espagne), ceux-ci dépassent de loin le budget de la Russie, posée comme « ennemi majeur ». Le bugdet de l’OTAN, Etats-Unis compris, est donc pharamineux.

Bon nombre de voix estiment que cette problématique de « Fair Share » est le rideau de fumée qui masque le problème réel: celui de la guerre commerciale larvée entre l’Europe et les Etats-Unis. Le but réel de Trump et du « Deep State » américain est de réduire les importations européennes (et chinoises) vers les Etats-Unis. Le but de Trump, louable pour un Président des Etats-Unis, est de remettre l’industrie américaine sur pied, de manière à débarrasser la société américaine des affres qu’a laissées la désindustrialisation du pays. Pour Trump, mais aussi pour ses prédécesseurs, l’UE imposerait des barrières, en dépit de ses crédos néolibéraux, qui empêcheraient les Etats-Unis d’exporter sans freins leurs produits finis en Europe, comme ils le faisaient dans les deux décennies qui ont immédiatement suivi la seconde guerre mondiale. L’UE est un problème pour l’élite financière américaine, tout simplement parce qu’elle est largement (bien qu’incomplètement) autarcique. Trump estime que, dans les relations commerciales bilatérales, les pertes américaines, par manque à gagner, s'élèveraient à 151 milliards de dollars. Le déficit commercial entre l’UE et les Etats-Unis serait actuellement de 91 milliards de dollars, au détriment de Washington.

Autre point à l’agenda : les efforts qui vont devoir, selon l’OTAN, être déployés pour que la Géorgie puisse adhérer le plus rapidement possible à l’Alliance Atlantique. Dans l’ordre du jour du sommet d’aujourd’hui et de demain, ici à Bruxelles, la question géorgienne est évidemment le thème le plus intéressant à analyser. La stratégie habituelle des puissances maritimes, l’Angleterre au 19ième siècle et puis les Etats-Unis qui prennent son relais, est de contrôler les bras de mer ou les mers intérieures qui s’enfoncent le plus profondément à l’intérieur de la masse continentale eurasienne et africaine. L’historien des stratégies navales anglaises depuis le 17ième siècle, l’Amiral américain Mahan, s’intéressait déjà à la maîtrise de la Méditerranée où l’US Navy avait commis sa première intervention contre les pirates de Tripolitaine à la fin du 18ième siècle. Halford John Mackinder retrace aussi, dans ses principaux traités de géopolitique, l’histoire de la maîtrise anglaise de la Méditerranée. Dans le cadre des accords Sykes-Picot et de la Déclaration Balfour, les Anglais protestants, en imaginant être un « peuple biblique », accordent, contre l’avis de leurs compatriotes et contemporains conservateurs, un foyer en Palestine pour les émigrants de confession mosaïque. Le but, que reconnaissait pleinement le penseur sioniste Max Nordau, était de faire de cette entité juive la gardienne surarmée du Canal de Suez au bénéfice de l’Empire britannique et de créer un Etat-tampon entre l’Egypte et l’actuelle Turquie afin que l’Empire ottoman ne se ressoude jamais. Les guerres récentes dans le Golfe Persique participent d’une même stratégie de contrôle des mers intérieures. Aujourd’hui, les événements d’Ukraine et la volonté d’inclure la Géorgie dans le dispositif de l’OTAN, visent à parachever l’œuvre de Sykes et de Balfour en installant, cette fois au fond de la Mer Noire, un Etat, militairement consolidé, à la disposition des thalassocraties. Le fond du Golfe Persique, le fond de la Méditerranée et le fond de la Mer Noire seraient ainsi tous contrôlés au bénéfice de la politique globale atlantiste, contrôle qui serait encore renforcé par quelques nouvelles bases dans la Caspienne. Je pense vraiment que ce point à l’ordre du jour est bien plus important que les débats autour du « Fair Share » et de la balance commerciale déficitaire des Etats-Unis.

Le sommet Trump-Poutine

D’après maints observateurs, le sommet prochain entre Trump et Poutine à Helsinki en Finlande aurait pour objet principal de laisser la Syrie à la Russie, après les succès de l’armée régulière syrienne sur le terrain. Reste à savoir si la Syrie, laissée à Assad, sera une Syrie tronquée ou une Syrie entière, dans ses frontières d’avant l’horrible guerre civile qu’elle a subi depuis 2011. L’objectif des Etats-Unis et d’Israël semble être de vouloir tenir l’Iran, et son satellite le Hizbollah, hors de Syrie. Poutine, apparemment, y consentirai et offre d’ores et déjà une alternative à l’Iran qui, depuis les premiers empires perses de l’antiquité, souhaite obtenir une façade sur la Méditerranée, directement ou indirectement par tribus ou mouvements religieux interposés. Poutine offre à l’Iran la possibilité d’emprunter une voie par la Caspienne (d’où l’intérêt récent des Américains à avoir des bases dans cette mer intérieure et fermée), la Volga, le Canal Volga/Don, le Don (par Rostov), la Mer d’Azov, l’isthme de Crimée et la Mer Noire. L’Iran préfère évidemment la voie directe vers la Méditerranée, celle qui passe par la Syrie et la partie chiite de l’Irak. Mais si l’Iran doit renoncer à son fer de lance qu’est le Hizbollah, les Etats-Unis devraient renoncer, en toute réciprocité, à soutenir des mouvements protestataires, souvent farfelus, en Iran.

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Deuxième condition, pour que l’éviction hors de Syrie de l’Iran soit crédible, il faudrait aussi expurger définitivement la Syrie de toutes les séquelles du djihadisme salafiste ou wahhabite. Or, on observe, ces derniers mois, que ces forces djihadistes sont alimentés voire instruites au départ de la base américaine d’al-Tanf sur la frontière syro-irakienne. Question à l’ordre du jour : les Etats-Unis vont-ils quitter cette base terrestre entre la Méditerranée et le Golfe Persique ou y rester, en tolérant des poches de résistance djihadiste qu’ils alimenteront au gré de leurs intérêts ?

L’objectif des Russes, dans le cadre syrien, est de sauver la viabilité économique du pays, de rouvrir les grands axes de communication et de soustraire définitivement ceux-ci à toute forme de guerre de basse intensité (low intensity warfare), à toute stratégie lawrencienne modernisée. Pour y parvenir, Poutine et Lavrov suggèreront sans nul doute le rétablissement d’une Syrie souveraine dans ses frontières de 2011, ce qui implique de purger le pays de toutes les formes de djihadisme, portées par les « Frères Musulmans » ou par Daesh et de prier la Turquie d’évacuer les zones qu’elle occupe au Nord du pays, le long de sa frontière. Le Hizbollah, lui, a toujours promis d’évacuer les territoires syriens où il est présent, dès que les forces djihadistes sunnito-wahhabites en auront été éliminées.

Force est de constater que le projet russe correspond certes aux intérêts traditionnels de la Russie, tsariste, soviétique ou poutinienne, mais aussi aux intérêts des puissances ouest-européennes comme la France et l’Italie et même à une puissance germano-centrée ou austro-centrée qui aurait retrouvé sa pleine souveraineté dans le centre de la presqu’île européenne.

Le volet géorgien du sommet de l’OTAN et les futurs échanges sur la Syrie et la présence iranienne en Syrie, entre Trump et Poutine, me paraissent les enjeux les plus intéressants de l’actualité qui se fait et se fera, aujourd’hui et demain, ici à Bruxelles.

Robert Steuckers, Bruxelles, 11 juillet 2018.

jeudi, 05 juillet 2018

Nouvelles Routes de la Soie : Russes et Chinois construisent la voie maritime arctique vers l’Europe

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Nouvelles Routes de la Soie : Russes et Chinois construisent la voie maritime arctique vers l’Europe

Moscou/Beijing : On le sait : les tensions s’accumulent entre la Chine, qui gagne en puissance, et ses concurrents américains, étrangers à l’espace asiatique. Ces tensions sont particulièrement fortes dans la Mer de Chine du Sud. Chinois et Américains s’y livrent une bataille propagandiste toujours plus virulente.

Mais le site de la confrontation sino-américaine le plus important pourrait être demain le gigantesque littoral au Nord de la masse continentale eurasienne. En effet, les Chinois et les Russes travaillent à créer en cette zone une nouvelle voie conduisant de l’Asie extrême-orientale vers l’Europe, un tracé complémentaire aux fameuses « Routes de la Soie » que la Chine entend promouvoir, à grand renforts d’investissements depuis quelques années. La voie arctique serait la route commerciale la plus rapide et la plus sûre entre l’Extrême-Orient et l’Extrême-Occident européen. Comparons ce tracé avec la route maritime principale actuelle entre la Chine et l’Europe, qui passe par le Détroit de Malacca et le Canal de Suez et prend 35 jours : la route arctique, elle, serait plus courte de 6500 km, ferait gagner énormément de temps, au moins deux semaines.

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De surcroît, la voie maritime arctique aurait l’avantage de permettre l’exploitation des énormes réserves de matières premières de la plate-forme continentale face aux côtes russes. Il y a quelques semaines, la Russie a envoyé l’Akademik Lomonossov, la première centrale nucléaire flottante, dans l’Arctique, au départ de Mourmansk avec, pour destination, la presqu’île des Tchouktches, où elle jettera l’ancre dans le port de Pewel. A partir de ces installations portuaires, la station énergétique flottante pourra fournir de l’énergie à ces régions éloignées de tout et à des plates-formes pétrolières.

L’Arctique est très riche en énergies fossiles. Les scientifiques américains estiment qu’un cinquième des réserves de pétrole du monde s’y trouve, de même qu’un quart des ressources en gaz naturel. Il y a là-bas, en plus, d’énormes réserves d’or, d’argent et de terres rares.

Récemment, le Président russe Vladimir Poutine a accompagné une délégation chinoise lors d’une visite à un chantier de gaz de schiste sur la presqu’île sibérienne de Iamal, où les Chinois sont partie prenante. Poutine a exhorté ses hôtes : « La Route de la Soie est arrivée dans le Grand Nord. Raccordons-là à la voie maritime arctique et, alors, nous aurons ce dont nous avons besoin ».

La Chine, entre-temps, vient de publier un livre blanc sur l’exploitation future de l’Arctique, où l’on peut lire que Beijing souhaite, « avec le concours d’autres Etats » (mais il est évident qu’il s’agit surtout de la Russie), ouvrir des voies maritimes dans la région arctique et de créer ainsi une « Route de la Soie polaire ».

Il va de soi que les activités arctiques des deux grandes puissances eurasiennes suscitent l’hostilité de Washington. L’ancienne vice-ministre des affaires étrangères américaine, Paula Dobriansky, a demandé avec insistance à l’OTAN de renforcer ses positions dans l’Arctique. Les Etats-Unis, conseille-t-elle vivement, devraient mettre sur pied une infrastructure militaire dans la Grand Nord, comprenant un quartier général. Car les Etats-Unis doivent montrer qui est le « véritable chef d’orchestre dans l’OTAN et dans le reste du monde ». Les Etats-Unis ne doivent plier devant rien ni personne et doivent imposer leur domination économique et politique contre tous. Une nouvelle zone de turbulences et de conflits vient de voir le jour.

Ex : http://www.zuerst.de

 

vendredi, 25 mai 2018

Hat die «Allianz» Russland-Türkei eine Zukunft?

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Hat die «Allianz» Russland-Türkei eine Zukunft?

Ex: http://stategische-studien.com 

Byzanz dürfte 660 v. Chr. durch griechische Dorier als Byzantion gegründet worden sein. Der römische Kaiser Konstantin liess nach sechs Jahren Bau über dem ursprünglichen Byzantion seine Stadt am 11. Mai 330 n.Chr., die später als Konstantinopel seinen Namen erhielt, als Hauptstadt des römischen Reichs konsekrieren. Zu diesem Zeitpunkt war der Kaiser 58 Jahre alt. Konstantin hatte eine neue Metropolis an der Meeresenge, die Asien von Europa trennt, errichten lassen. Nach der Aufteilung des Römischen Reiches 395 n.Chr. wurde die Stadt zur Hauptstadt des oströmischen Reiches. Später wurde dieses Teilreich als byzantinisches Reich bezeichnet.[1] Obwohl ab dem 7. Jahrhundert in Byzanz das Griechische das Latein als Hof- und Verwaltungssprache immer mehr verdrängte, bezeichneten sich die Bewohner der Stadt bis zu ihrer Eroberung durch die Osmanen 1453 immer noch als Römer (Rhomäer).

Immer wieder wurde Konstantinopel während Jahrhunderten durch fremde Völker belagert. Nur zweimal gelang eine Eroberung der Stadt. Die ersten, die eine Eroberung dieser geostrategischen Drehscheibe versuchten, waren die Goten 378 n. Chr.[2]. Es folgte 626 die Belagerung von Konstantinopel durch den Sassaniden Chosro II., dem Herrscher über das neupersische Reich.[3]. Als Folge dieses «letzten grossen Krieges der Antike» waren am Ende beide Reiche ausgeblutet. 636 konnten die arabischen Heere nach der Schlacht von Yarmuk Syrien erobern.[4] 640 folgte die arabische Eroberung von Ägypten und 647 von Nordafrika.[5] Byzanz konnte noch Anatolien, sowie Gebiete auf dem Balkan und in Italien bewahren. 674-78 belagerten die Araber zum ersten Mal Konstantinopel. Durch den Einsatz des griechischen Feuerswurden die arabischen Seestreitkräfte vernichtet.[6] Zu dieser Zeit war das Sassanidenreich bereits durch die Arabererobert worden. 717 folgte die zweite Belagerung Konstantinopels durch die Araber. Wiederum wurde das griechische Feuer eingesetzt. Die Provinzarmeen der Themen waren bei der Abwehr der Araber sehr erfolgreich.[7] Nach dem Sturz der Dynastie der Omayyaden 750 war das Reich durch Angriffe der Araber nicht mehr gefährdet.[8]

Nach der Schlacht von Mantzikert, 1071, verlor Byzanz beinahe ganz Anatolien an die türkischen Seldschuken.[9]Gleichzeitig wurde das Reich durch normannische Abenteurer aus Sizilien und Italien verdrängt. Diese eroberten unter ihrem Anführer Robert Guiscard 1081 auch Illyrien. Nach verlustreichen Kämpfen mussten sich die Normannen unter dem Sohn von Guiscard, Bohemund, nach Italien zurückziehen. Als das Ritterheer des ersten Kreuzzuges 1096 in Byzanz eintraf, war einer der Anführer der Kreuzfahrer der Normanne Bohemund.[10] Sehr bald kam es zu Spannungen zwischen den Kreuzfahrern und Byzanz. 1204 hetzte Venedig, ein früherer Alliierte von Byzanz, die Teilnehmer am vierten Kreuzzug gegen Konstantinopel auf. Im April dieses Jahres wurde die grösste Stadt der Christenheit nach ihrer Eroberung durch die Kreuzfahrer während drei Tagen geplündert und gebrandschatzt.[11] Venedig und seine Alliierten gründeten das kurzlebige Lateinische Kaiserreich. Gleichzeitig entstanden drei byzantinische Nachfolgestaaten, die den Kreuzfahrern Widerstand leisteten.

1261 konnte Michael VIII. Palaiologos (1259-82), Herrscher über das byzantinische Nachfolgereich Nikäa, Konstantinopel zurückerobern.[12] Seine Dynastie konnte während zwei Jahrhunderten über ein Reich herrschen, zu dem Griechenland, Teile von Kleinasien und des Balkans gehörten.[13] Durch dieses kleine Territorium konnten aber nicht genügend Ressourcen für den Unterhalt einer wirkungsvollen Streitmacht generiert werden. Der Sieg von Timur in der Schlacht von Ankara von 1402 verhalf Konstantinopel zu einer Atempause. Schlussendlich eroberte der osmanische Sultan Mehmet II. (1444-46/1451-81) am 29. Mai 1453 dank seinen genuesischen Geschützen und seiner Übermacht von 80’000 Muslimen gegenüber den 7’000 Verteidigern die Stadt. Während 1’000 Jahren hatte Byzanz eine hohe militärische Professionalität bewiesen[14] und während Jahrhunderten Europa vor einer islamischen Eroberung geschützt und bewahrt. Als Dank dafür wurde das Reich der Rhomäer in seinem Abwehrkampf gegen die Osmanen am Ende durch das christliche Abendland im Stich gelassen.

Eines der wichtigsten Ereignisse in der Geschichte von Byzanz war die Taufe des Grossfürsten von Kiew, Wladimir I. der Grosse (980-1015), Nachkomme des Waräger Rjurik (als Rus bezeichnet) 987 nach dem orthodoxen Ritus.[15] Ein Grund für diese Taufe war die Hilfe von Wladimir bei der Rekrutierung von Skandinaviern für die Waräger-Garde des byzantinischen Kaisers. Diese Taufe wurde durch den Vertrag von 1046 und die Heiraten zwischen den beiden Herrschaftshäusern besiegelt.[16] Nachdem die Rus früher mehrmals versucht hatten Byzanz zu erobern, wurden die Beziehungen zwischen den beiden Reichen immer freundschaftlicher. Die heutigen Gebiete von Russland, Serbien, die Ukraine, Belarus, Rumänien und Bulgarien übernahmen Tradition, Kultur und den orthodoxen Glauben von Byzanz.[17]

Nach dem Fall von Konstantinopel bezeichnete der russische Mönch Filofei (Filotheos) in einer Schrift an die russischen Grossfürsten Moskau als das dritte Rom.[18] Im ersten Rom würden Häretiker herrschen und das zweite Rom, Konstantinopel, sei durch die Ungläubigen erobert worden. Dieses Konzept übernahm der Herrscher über Moskau, Grossfürst Ivan IV. (1534-1584). Ivan IV. liess sich 1547 als Nachfolger der byzantinischen Kaiser zum Zar krönen.[19] Die Legimitation dazu konnte er auch mit seinem Grossvater, Ivan III. (1462-1505), begründen, der mit Zoë Palaiologos, Nichte des letzten byzantinischen Kaisers, verheiratet gewesen war.[20] Ivan IV. war nun der einzige freie orthodoxe Herrscher. Seine Religion bestimmte die Kreuzzüge Russlands gegen das katholische Königreich Polen-Litauen, der Feind im Westen, Schweden, das Tartaren-Kanat von Kazan und das osmanische Reich. Ziel der Kriege gegen das osmanische Reich war die Befreiung der Balkan-Völker und Konstantinopels vom türkischen Joch.[21]

Ab dem 16.Jahrhundert wurde Russland in den orthodoxen Kirchen als Erbe von Konstantinopel und der Zar von Russland als Wächter über die gesamte orthodoxe Welt anerkannt.[22] Die russische Kirche war von einer siegreichen Mission gegen die muslimischen Ungläubigen und über die katholische Gegnerschaft überzeugt.[23] Russland hatte den byzantinischen Thron zu bewahren. Von dieser Mission und dem Kreuzzug waren alle Zaren bis und mit der Romanow-Dynastie überzeugt. Die verschiedenen Kriege des russischen Imperiums gegen das osmanische Reich, die vom 18. Jahrhundert bis zum ersten Weltkrieg dauerten, belegen dies.[24] Diese Mission dürfte grundsätzlich auch die Aussenpolitik von Wladimir Putin bestimmen.

Zur Durchsetzung ihrer Interessen in Syrien verfolgen Russland und die Türkei seit 2017 eine Art «Allianz». Syrien soll durch diese gemeinsame «Allianz», zusammen mit der Islamischen Republik Iran,  befriedet werden. Wladimir Putin dürfte dabei auch das Ziel verfolgen, die Türkei aus dem westlichen Bündnis NATO herauszubrechen. Der türkische Machthaber Erdogan dürfte seinem Machtstreben im Mittleren Osten frönen und von der Wiedererrichtung des osmanischen Reichs träumen. Auf dem Hintergrund der während Jahrhunderten verfolgten russischen Machtansprüche und der Kriege gegen die Osmanen erscheint diese «Allianz» als widernatürlich. Das Endziel von Russland könnte nach wie vor die «Befreiung» von Konstantinopel von den muslimischen Ungläubigen sein.

 

[1] Decker, M.J., The Byzantine Art of War, Westholme Publishing, Yardley, Pennsylvania, 2013, P,1.

[2] Decker, M.J., P. 13.

[3] Decker, M.J., P. 15-18.

[4] Decker, M.J., P. 21.

[5] Decker, M.J., P. 21.

[6] Decker, M.J., P. 22.

[7] Decker, M.J., P. 24.

[8] Decker, M.J., P. 24.

[9] Decker, M.J., P. 32/33.

[10] Decker, M.J., P. 36.

[11] Decker, M.J. P. 37.

[12] Decker, M.J., P. 37.

[13] Decker, M.J., P. 40.

[14] Decker, M.J., P. 40.

[15] Decker, M.J., P. 30.

[16] Obolensky, D., The Relations between Byzantium and Russia (11th-15th Century), Oxford University, Updated 02 July 2001, P. 2.

[17] Obolensky, D., P. 4ff.

[18] Laats, A., The Concept of the Third Rome and its Political Implications, P. 98.

[19] Laats, A., P. 104.

[20] Laats, A., P. 104.

[21] Laats, A. P. 105.

[22] Laats, A., P. 106.

[23] Laats, A., P. 108.

[24] Laats, A., P. 112.

 

mardi, 22 mai 2018

L’Eurasie tiraillée entre guerre et paix

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L’Eurasie tiraillée entre guerre et paix

Pepe Escobar

Ex: http://www.zejournal.mobi

Deux sommets récents, la poignée de mains transfrontalière des présidents Kim et Moon, qui a surpris le monde entier, et la promenade de santé amicale sur les berges du lac à Wuhan entre les présidents Xi et Modi, ont pu donner l’impression que le processus d’intégration eurasiatique est entré dans une phase plus calme. Or, cela n’est pas vraiment le cas. Ce serait plutôt un retour à la confrontation : comme on pouvait s’y attendre, la mise en pratique de l’accord sur le nucléaire iranien, connu sous l’acronyme disgracieux de JCPOA (en français l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien), est au cœur du problème. Fidèles au processus lent de leur projet d’intégration eurasiatique, la Russie et la Chine sont les plus fidèles soutiens de l’Iran.

La Chine est le premier partenaire commercial de l’Iran, en particulier grâce au volume des ses importations énergétiques. L’Iran, de son côté, est un importateur net de denrées alimentaires. La Russie entend couvrir cette demande alimentaire.

Les sociétés pétrolières chinoises aident au développement des immenses champs pétrolifères de Yadaravan, dans le nord des champs pétrolifères d’Azadegan. La CNPC (China National Petroleum Corporation) a acquis 30% des parts du projet pour exploiter South Pars, le plus grand gisement de gaz naturel au monde. Un contrat de 3 milliards de dollars a été signé pour remettre à niveau les raffineries pétrolières iraniennes, dont un contrat entre Sinopec et la NIOC (National Iranian Oil Company) pour agrandir l’ancienne raffinerie d’Abadan.

Lors d’une visite d’État célèbre effectuée en 2015 juste après la signature de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, le président Xi Jinping a annoncé un projet ambitieux de multiplier par dix le commerce bilatéral entre les deux pays à hauteur de 600 milliards de dollars dans la prochaine décennie.

L’Iran est au cœur du dispositif de Pékin des Nouvelles Routes de la soie (aussi appelé «  Une ceinture, Une route »). Un de ses projets d’infrastructures majeur est une ligne ferroviaire à grande vitesse de 926 kilomètres reliant Téhéran à Mashhad ; la Chine a alloué un prêt de 1,6 milliards de dollars à ce qui fut le premier projet en Iran bénéficiant du soutien d’un pays étranger après la signature de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien.

De folles conversations à Bruxelles font état de l’impossibilité qu’ont les banques européennes de financer des projets en Iran, à cause des féroces sanctions imprévisibles imposées par Washington, dont l’obsession pour l’Iran n’est plus à démontrer. Cette paralysie européenne a ouvert la voix à la CITIC (China International Trust Investment Corporation) pour débloquer plus de 15 milliards de dollars en crédits disponibles pour ces projets.

La Banque pour l’exportation et l’importation de Chine (placée sous la tutelle directe du Conseil des affaires de l’État) a jusqu’à présent financé 26 projets en Iran, de la construction d’autoroutes, à l’extraction minière en passant par la production d’acier, pour un montant de 8,5 milliards de dollars US en prêts. SinoSure (une compagnie d’assurance pour les entités qui prêtent des fonds à l’export, l’équivalent en Chine de la COFACE française) a quant à elle signé un protocole d’accord pour assister les sociétés chinoises qui investissent dans des projets d’infrastructures en Iran.

La société d’État chinoise National Machinery Industry Corp. a signé un contrat de 845 millions de dollars pour construire une ligne ferroviaire de 410 kilomètres dans l’ouest de l’Iran reliant Téhéran à Hamedan et Sanandaj.

Des rumeurs persistantes font état du fait que la Chine pourrait à long terme remplacer l’Inde en manque de fonds propres dans le développement du port stratégique de Chabahar, sur la mer d’Arabie, qui est le point de départ suggéré pour une mini route de la Soie indienne reliant l’Inde à l’Afghanistan, et contournant le Pakistan.

Ainsi, au milieu de cette tornade de contrats, Beijing ne cache pas son mécontentement vis-à-vis de l’attention portée par le Ministère de la Justice américain à la société chinoise Huawei, principalement à cause des fortes ventes de téléphones mobiles d’entrée de gamme qu’elle enregistre sur le marché iranien.

C’est chic de voler en Sukhoï

La Russie réplique, et dépasse même l’offensive commerciale chinoise en Iran.
Habituellement très lente dans ses décisions d’acquisitions d’avions américains ou européens, la compagnie aérienne Aseman Airlines a décidé d’acquérir 20 Sukhoï SuperJet 100, tandis qu’Iran Air Tours, une filiale d’Iran Air, en a commandé une autre vingtaine. Les deux commandes, d’un montant de plus de deux milliards de dollars, ont été scellées la semaine dernière lors de l’édition 2018 du Eurasia Airshow, organisé à Antalya en Turquie, sous la supervision du vice-ministre russe à l’Industrie et au Commerce, Oleg Bocharov.

L’Iran et la Russie sont tous deux les cibles des sanctions américaines. Malgré des différends historiques, les deux nations se rapprochent de plus en plus. Téhéran peut apporter une profondeur stratégique à la présence russe en Asie du sud-ouest. Et Moscou est un soutien inconditionnel de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, qui est au cœur du problème. Le partenariat entre Moscou et Téhéran prend en tous points la même direction que le partenariat stratégique développé entre Moscou et Beijing.

Selon Alexander Novak, le ministre de l’Énergie de la Russie, le contrat « pétrole contre nourriture » passé en 2014 entre Moscou et Téhéran est entré en vigueur, avec un achat quotidien de 100,000 barils de brut iranien par la Russie.

La Russie et l’Iran coordonnent étroitement leurs politiques énergétiques. Six accords ont été signés pour collaborer sur des achats stratégiques dans le domaine de l’énergie, d’un montant total de trente milliards de dollars. Selon l’assistant du président Poutine, Iouri Ouchakov, l’investissement de la Russie dans le développement des gisements de pétrole et de gaz naturel iraniens pourrait atteindre 50 milliards de dollars.

L’Iran va officialiser sa participation à l’initiative russe d’Union économique eurasiatique avant la fin de l’année. Et grâce au soutien vigoureux de la Russie, l’Iran deviendra en 2019 un membre à part entière de l’Organisation de coopération de Shanghai.

L’Iran est coupable parce que nous l’avons décrété

Mettons ceci en perspective avec la politique iranienne de l’administration Trump.

À peine confirmé dans sa fonction de Ministre des affaires étrangères, le premier voyage à l’étranger de Mike Pompeo en Arabie saoudite et en Israël est dans les fait un partage d’information avec ses alliés de la décision de Trump du retrait imminent des États-Unis de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, prévu pour le 12 mai. Cela, dans les faits, implique l’application de toute une série de nouvelles sanctions des États-Unis à l’encontre de l’Iran.

Riyad, par l’intermédiaire du «  chouchou du Capitole », le prince Mohammed ben Salmane (MBS), sera tout entière dans le camp anti-Iran. Parallèlement, MBS ne relâchera pas son blocus raté sur la Qatar, même si l’administration Trump pourrait le lui demander, ni le désastre humanitaire qui résulte de son invasion du Yémen.

Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y aura aucun front commun du Conseil de coopération des États arabes du Golfe contre l’Iran. Le Qatar, Oman et le Koweït considèrent un tel front comme contre-productif. Cela laisse l’Arabie saoudite, les Émirats, et le vassal à peine déguisé et largement inutile de l’Arabie saoudite, Bahreïn.

Sur le front européen, le président Macron s’est autoproclamé Roi d’Europe officieux, se vendant à Trump comme l’exécuteur pressenti des restriction sur le programme de missiles balistiques de l’Iran, et celui qui intimera l’ordre à l’Iran de se tenir à l’écart de la Syrie, de l’Irak et du Yémen.

Macron a établi un parallèle direct et manifestement absurde entre le fait que Téhéran ait démantelé son programme d’enrichissement de l’uranium (y compris la destruction de ses stocks d’uranium enrichi à moins de 20%) et le fait que la France serait le porte-flingue ayant aidé Bagdad et Damas à écraser Daech et les autres entrepreneurs du djihad salafiste.

Il n’est pas étonnant que Téhéran, tout comme Moscou et Beijing, établissent un parallèle entre les énormes contrats d’armement entre les États-Unis et Riyad, ainsi que les importants investissements de MBS en Occident, et les tentatives de Washington et Paris de renégocier l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien.

Le porte-parole de Poutine, Dmitry Peskov, est catégorique : l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien est le résultat de négociations ardues entre sept protagonistes pendant plusieurs années. « La question est de savoir s’il est encore possible d’atteindre un tel succès dans le contexte actuel ? ».

Certainement pas

La rumeur a commencé à circuler à Moscou, Beijing, et même Bruxelles, que l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien irrite Trump car il est, dans les faits, un accord multilatéral qui ne met pas en avant la primauté des intérêts américains, qui plus est qui a été négocié par l’administration Obama.

Le pivot vers l’Asie opéré par l’administration Obama, dont le succès reposait largement sur le règlement du dossier du nucléaire iranien, a eu pour conséquence le déclenchement d’une série d’événements géopolitiques accidentels.

Les factions néo-conservatrices à Washington ne pourront jamais accepter une normalisation des relations entre l’Iran et l’Occident. Malgré cela, non seulement l’Iran fait des affaires avec l’Europe, mais se rapproche de ses partenaires eurasiatiques.

Jeter de l’huile sur le feu de la crise nord-coréenne pour tenter de provoquer Pékin a finalement mené au sommet Kim-Moon qui a désarmé la clique belliqueuse qui poussait au bombardement de la Corée du Nord. Sans compter que la Corée du Nord, même avant que ne se tienne le sommet Kim-Moon, suit attentivement les évolutions de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien.

En résumé, le partenariat sino-russe ne tolèrera pas la renégociation de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien, pour un certain nombre de raisons.

Sur la question des missiles balistiques, la priorité de Moscou est de vendre ses batteries de missiles S-300 et S-400 à Téhéran, sans tenir compte des sanctions américaines.

L’alliance Russie-Chine pourrait accepter une extension de la «  clause crépusculaire » décennale [une clause de l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien qui rend caduque cet accord au bout de dix ans, et que les néoconservateurs critiquent car elle donnerait à Téhéran la possibilité de ne rien faire pendant une décennie jusqu’à ce que cet accord arrive à terme, NdT], même s’ils ne forceront pas l’Iran à accepter cette renégociation.

Sur la question syrienne, Damas est considérée comme un allié indispensable à la fois pour Moscou et Beijing. La Chine investira dans la reconstruction de la Syrie, et dans sa transformation en nœud central de la portion sud-ouest asiatique des Nouvelles routes de la Soie. Ainsi, la rhétorique «  Assad doit partir » est malvenue. L’alliance Russie-Chine considère Damas comme un acteur essentiel de la lutte contres tous les divers entrepreneurs du djihad salafiste qui pourraient être tentés de revenir et de semer le chaos en Tchétchénie et au Xinjiang.

Il y a une semaine, lors d’une réunion ministérielle de l’Organisation de coopération de Shanghai, l’alliance Russie-Chine a communiqué une déclaration conjointe soutenant l’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien.

C’est donc bien un autre des piliers fondamentaux de l’intégration eurasiatique que l’administration Trump cherche à dynamiter.

Traduction : Le Saker Francophone

vendredi, 18 mai 2018

Will EU Block China Economic Silk Road?

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Will EU Block China Economic Silk Road?

By F. William Engdahl

Ex: http://www.williamengdahl.com 

In the clearest sign to date, EU Ambassadors to Beijing have just released a document critical of China’s vast Belt, Road Initiative or New Economic Silk Road infrastructure project. All EU ambassadors excepting Hungary signed off on the paper in a declaration of growing EU opposition to what is arguably the most promising economic project in the past century if not more. The move fits conveniently with the recent Trump Administration targeting of China technology trade as tensions grow .

Twenty-seven of the 28 EU ambassadors to China have just signed a report sharply critical of China’s BRI development. Ironically, as if the EU states or their companies did not do the same, the report attacks China for using the BRI to hamper free trade and put Chinese companies at an advantage. The document claims that the Chinese New Economic Silk Road project, unveiled by Xi Jinping in 2013, “runs counter to the EU agenda for liberalizing trade and pushes the balance of power in favor of subsidized Chinese companies.”

Two Models of Global Development

Chinese President Xi Jinping first proposed what today is the Belt, Road Initiative, today the most ambitious infrastructure project in modern history, at a university in Kazakhstan five years ago in 2013. Despite repeated efforts by Beijing to enlist the European Union as a whole and individual EU member states, the majority to date have remained cool or distant with the exception of Hungary, Greece and several eastern EU countries. When China officially launched the project and held an international conference in Beijing in May 2017, it was largely boycotted by EU heads of state. Germany’s Merkel sent her economics minister who accused the Chinese of lack of commitments to social and environmental sustainability and transparency in procurement.

Now 27 of 28 EU ambassadors in Beijing have signed a statement suspiciously similar to that of the German position. According to the German business daily, Handelsblatt, the EU ambassadors’ declaration states that the China BRI “runs counter to the EU agenda for liberalizing trade and pushes the balance of power in favor of subsidized Chinese companies.” Hungary was the only country refusing to sign.

The latest EU statement, soon to be followed by a long critical report on the new Silk Road from the EU Commission in Brussels, fits very much the agenda of the Trump Administration in its latest trade tariffs against Chinese goods that alleges that Chinese companies force US partners to share technology in return for projects in China.

Moreover, the EU Commission has just released a long report on China in connection with new EU anti-dumping rules. The report declares that the fact that China is a state-directed economy with state-owned enterprises engaging in the construction of the Belt Road Initiative is in effect “the problem.” China answers that her economy is in the “primary stage of socialism”, has a “socialist market economy” and views the state-owned economy as the “leading force” of national development. The targeting of China’s state enterprises and of its state-directed economic model is a direct attack on her very economic model. Beijing is not about to scrap that we can be sure.

The latest stance of EU member states, led by Germany and Macron’s France, is an attempt to pressure China into adhering to the 2013 World Bank document, China 2030. There, as we noted in an earlier analysis, it declared that China must complete radical market reforms, to follow the failed Western “free market” model implemented in the West since the 1970’s with disastrous consequences for employment and stability. China 2030 states, “It is imperative that China … develop a market-based system with sound foundations…while a vigorous private sector plays the more important role of driving growth.” The report, cosigned then by the Chinese Finance Ministry and State Council, further declared that “China’s strategy toward the world will need to be governed by a few key principles: open markets, fairness and equity, mutually beneficial cooperation, global inclusiveness and sustainable development.”

As Xi Jinping established his presidency and domination of the Party after 2013, China issued a quite different document that is integral to the BRI project of President Xi. This document, China 2025: Made in China, calls for China to emerge from its initial stage as an economy assembling technologies for Apple or GM or other Western multinationals under license, to become self-sufficient in its own technology. The dramatic success of China mobile phone company Huawei to rival Apple or Samsung is a case in point. Under China 2025 the goal is to develop the next transformation from that of a cheap-labor assembly economy to an exporter of Made in China products across the board from shipbuilding in context of the Maritime Silk Road to advanced aircraft to Artificial Intelligence and space technologies.

Refusal to Constructively Engage

By its recent critical actions, the EU Commission and most EU states are, while not slamming the door shut on what is developing as one of the few positive growth spots outside military spending in the world today, doing everything to lessen the engagement of EU states in the BRI.

For its part, China and Chinese state companies are investing in modernizing and developing deep water ports to handle the new Silk Road trade flows more efficiently. China’s State Oceanic Administration (SOA) is responsible for developing the so-called “blue economy” maritime ports and shipping infrastructure, the “belt” in Belt and Road. Last year China’s marine industries, exploitation of ocean resources and services such as tourism and container and other transport, generated the equivalent of more than $1 trillion turnover. Little wonder that China sees investment in ocean shipping and ports a high priority

Sea lane shipping via the Malacca Strait and Suez is at present China’s life line for trade to EU states and vulnerable to potential US interdiction in event of a serious clash. Today twenty-five percent of world trade passes through the Malacca Strait. Creation of a network of new ports independent of that vulnerable passage is one aim of the BRI

The Piraeus Example

China’s Maritime Silk Road envisions directing state investment into key sectors such as acquisition of port management agreements, investment in modernized container ports and related infrastructure in select EU states.

At present the most developed example is the Greek port of Piraeus, operated under an agreement with the Chinese state company, COSCO, as port operator. Modernization and more than €1.5 billion investment from China has dramatically increased the port’s importance. In 2016 Piraeus’s container traffic grew by over 14 percent and COSCO plans to turn Piraeus into the fifth largest European port for container traffic. Before COSCO, it was not even in the EU top 15 in 2007. In 2016 COSCO bought 51% of Piraeus Port Authority for €280 million, and now owns 66%. Last year Piraeus Port, COSCO and Shanghai Port Authority, China’s largest container port, signed a joint agreement to further boost trade and efficiency at Piraeus. Greek Deputy Economy Minister Stergios Pitsiorlas said at the time, “The agreement means that huge quantities of goods will be transported to Piraeus from Shanghai.”

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As the economically-troubled Greek economy produces few products China needs, China has encouraged growth of a mainstay of Greece’s economy, tourism trade with China. This year an estimated 200,000 Chinese tourists will visit Greece and spend billions there. As Piraeus is also a port for luxury cruise liners, Chinese cruise operators are servicing that as well. China company Fosun International, engaged in modernizing the former site of Athens Airport into one of the biggest real-estate projects in Europe, is also interested in investing in Greek tourism. Significantly, they own a share in Thomas Cook Group and are designing holiday packages aimed at the huge China tourist market. Fosun sees 1.5 million Chinese tourists in Greece in the next five years and is investing to accommodate at least a fair share.

Piraeus is only one part of China’s larger maritime strategy. Today Chinese ships handle a mere 25% of Chinese ocean container shipping. Part of the Made in China 2025 transformation is to increase that by investing in state-of-the-art commercial shipbuilding modernization. China’s State Oceanic Administration and the NDRC national development council have defined select industries in the port and shipbuilding sector as “strategic.” This means they get priority in receiving state support. Areas include upgrading fisheries, shipbuilding, and offshore oil and gas technologies and technologies for exploitation of deep sea resources. Further areas of priority in the current 5-year China state plan include developing a modern maritime services industry with coastal and sea tourism, public transport, and maritime finance. All these will benefit from the BRI Silk Road.

This is the heart of the present Xi Jinping transformation of China from a cheap labor screwdriver assembly economy to an increasingly self-reliant producer of its own high-technology products. This is what the ongoing Trump Section 301 and other trade war measures target. This is what the EU is increasingly trying to block. China is determined to develop and create new markets for its goods as well as new sources of imports. This is the essence of the Belt and Road Initiative.

Why import oil platforms from US companies if China can make them itself? Why charter Maersk or other EU shipping companies to carry Chinese goods to the EU market if China can do the same in their own ships? Isn’t the “free market,” so much touted since the 1970’s in the West, supposed to be about competition? In 2016 the Central Committee of China’s Communist Party and the State Council adopted the “Innovation Driven Development Strategy”, adopted in 2016 by the Central Committee and the State Council. According to this China intends to become an “innovative country” by 2020, to move into the top tier of innovative countries by 2030-35, and attain global leadership by 2050. This is what China 2025 is all about and why Washington and the EU Commission are alarmed. They have a plan. We in the West have so-called free markets.

Rather than take the Chinese strategy as a challenge to be better, they attack. For certain EU interests, free market works fine when they dominate the market. If someone comes along and does it one better, that is “unfair,” and they demand a “level playing field” as if the world economy was some kind of cricket field.

Silk Road Fund

One of the most amusing charges by EU countries against China and their state-guided economic model—a model not too different in essence by the way from the model used by Japan after the war or by South Korea– is that EU critics attack the funding practices of the China Silk Road Fund. A report by the German government has criticized the fact that Chinese state banks give some 80% of their loans for the BRI projects to Chinese companies.

The Silk Road Fund is a Chinese state fund established three years ago with $40 billion initial capital to finance select projects in Eurasia of the BRI or Silk Road. It is not to be confused with the separate Asian Infrastructure Investment Bank. Among its various projects to date are construction of a Mombasa–Nairobi Standard Gauge Railway; investment in the Karot Hydropower Project and other hydropower projects in Pakistan as part of the China-Pakistan Economic Corridor; or a share of Yamal LNG project in Russia.

The fact that a Chinese state-controlled fund, investing funds resulting from the hard work of Chinese people to produce real goods and services, decided to use its state funds to benefit Chinese companies is hardly surprising. The real issue is that the European Union as a group or the individual states so far have boycotted full engagement with what could be the locomotive of economic recovery for the entire EU. They could easily create their own versions of China’s Silk Road Fund, under whatever name, to give subsidized state-guaranteed credits to German or other EU companies for projects along the BRI, along the model of Germany’s Marshall Plan bank, KfW, which was used effectively in rebuilding communist East Germany after 1990. This it seems they do not want. So they boycott Chinafor lack of “transparency” instead.

These examples are useful to illustrate what is going on and how ineffective the EU “free market” model is against a coordinated state development strategy. It is time to rethink how France, Germany, and other EU member states rebuilt after World War II. The state played an essential role.

F. William Engdahl is strategic risk consultant and lecturer, he holds a degree in politics from Princeton University and is a best-selling author on oil and geopolitics, exclusively for the online magazine “New Eastern Outlook”

dimanche, 13 mai 2018

Manuel Ochsenreiter »Russland, USA, Europa. Souveränität und Hegemonie«

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Manuel Ochsenreiter »Russland, USA, Europa. Souveränität und Hegemonie«

 
Manuel Ochsenreiter spricht über die geopolitischen Zusammenhängen in Bezug auf Syrien aber auch beispielsweise die Ukraine und die USA und wie diese in deutsche und europäische Politik hineinreichen. Besonders brisant war dies vor den in der Nacht zuvor durchgeführten, völkerrechtswidrigen aber folgenlos bleibenden Luftschlägen der USA und deren Verbündeten gegen Syrien und dessen Machthaber Assad.
 
Weiterführende Informationen:
staatspolitik.de
sezession.de
antaios.de
 

dimanche, 22 avril 2018

« FONDEMENTS DE LA GÉOPOLITIQUE: LE FUTUR GÉOPOLITIQUE DE LA RUSSIE »

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COMPTE RENDU ANALYTIQUE:

« FONDEMENTS DE LA GÉOPOLITIQUE: LE FUTUR GÉOPOLITIQUE DE LA RUSSIE »

 
Ex: https://www.geopolitica.ru

Philosophe, professeur, politologue, sociologue, idéologue, Aleksandr Dougine aime brouiller les pistes. Dans ses « Fondements de géopolitiques », somme de 600 pages paru en 1997, il revient sur un siècle de théorie géopolitique et propose une analyse programmatique de ce que devrait être l’orientation stratégique russe dans une perspective résolument « néo-eurasiste ». Il concerne ainsi plus de 13 chapitres non seulement à la Russie, mais aux pays constituant sa périphérie immédiate, destinés dans l’optique de Dougine à faire partie d’un bloc eurasiatique sous influence russe. Ces thèses, appuyées sur une lecture manichéenne du monde inspirée entre autre de Carl Schmitt, font l’objet de vives inquiétudes occidentales depuis l’annexion de la Crimée et le conflit à l’Est de l’Ukraine.

LA RUSSIE, SON ESPACE ET L’EURASIE SELON DOUGINE

L’homme, décrit dans les médias russes comme « l’idéologue du néo-eurasisme » 1, adhère très tôt à des courants extrémistes marginaux, dès la fin des années 80, telle l’organisation russe anti-sémite, Pamyat 2 créée dans l’illégalité en 1984 puis médiatisée durant la Glasnost à l’occasion de manifestations dénonçant le complot juif international et le sionisme. Dougine est également membre du cercle secret Yuzhinsky 3, crée dans les années 1960, composé d’intellectuels versés dans le mysticisme, le paganisme et le fascisme. Au gré des bouleversements politiques de la Russie de l’après-URSS et de ses relations avec l’appareil politique et le milieu intellectuel, Alexandre Dougine enrichit son discours initialement nationaliste et développe une version d’extrême droite d’une idéologie présente depuis le XIXème siècle dans le paysage intellectuel russe, l’eurasisme. Ce néo-eurasisme consiste “à s’appuyer sur une commune conception de l’identité russe et de son destin impérial : les peuples vivant sur le territoire de l’entité eurasienne appartiennent à une seule et même communauté de destin, leur unité est fondée sur l’alliance turko-slave ainsi que sur le rejet de l’Occident » selon la définition proposée par Marlène Laruelle 4.

Dans l’ouvrage de Dougine, l’idée d’un destin propre au peuple russe se taille la part du lion.

La théorie géopolitique de Dougine, novatrice selon son auteur, puise pourtant ses sources dans l’histoire intellectuelle européenne et russe du 19ème et du 20ème siècle. Il convient de souligner que la géopolitique russe ne s’est pas fondée sur les sciences politiques, géographiques ou stratégiques mais sur l’histoire et principalement la philosophie 5 d’où la prédominance dans l’ouvrage d’Alexandre Dougine et bien d’autres, de concepts tels que les « facteurs de civilisations » (présents chez Danilevski et plus tard chez Spengler dans «Le Déclin de l’Occident»). 

L’idée impériale, sous une forme messianique, civilisatrice ou communiste, a donc toujours été profondément ancrée dans la pensée russe

Dans l’ouvrage de Dougine, l’idée d’un destin propre au peuple russe s’y taille la part du lion. Cette « spécificité russe » a été pensée dès le début du XIXème par ceux qui à l’époque de la Russie tsariste se qualifiaient de « slavophiles ». Opposés à l’idée, défendue par les intellectuels « occidentalistes », selon laquelle l’imitation de l’Occident serait un facteur de progrès, les slavophiles, issus de différentes disciplines, ont cherché à démontrer que la Russie a une trajectoire historico-politique propre, qu’en raison de sa dimension eurasiatique et de sa proximité avec l’univers de la steppe on ne peut la comprendre à l’aide des grilles d’analyse purement occidentales. Cette spécificité russe, d’aucuns comme Lev Gumilev 6 l’ont expliquée par des facteurs naturalistes ; d’autres comme Alexandre Panarin 7 privilégient l’explication culturaliste. Ainsi, en raison de ses filiations idéologiques complexes et de ses nombreux référents culturels, l’eurasisme peut simultanément prendre la forme d’une philosophie, une conception du monde, une politique ou une doctrine. Le néo-eurasisme de Dougine en reprenant cette tradition – qui a pu prendre souvent la forme d’une pensée de la « troisième voie » entre occidentalisme et slavophilie, comme le rappelle Jeffrey Mankoff 8– et en la mâtinant d’une idéologie décadentiste aux accents fascistes l’amène à ses conclusions les plus extrêmes, justifiant comme nous allons le voir une stratégie géopolitique d’influence à peine voilée.

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LA RUSSIE ET SON ESPACE SELON DOUGINE

« Rassembler l’Empire »

Elaboré dans le contexte de détresse sociale et économique post-soviétique qu’à connu la Russie dans les années 1990 9 le courant néo-eurasiste d’Alexandre Dougine reprend à son compte l’idéologie impérialiste russe du 19ème siècle pour « rassembler un nouvel Empire : l’Eurasie » « ni nation-état, ni pouvoir régional » (p.96) car « la Fédération de Russie n’est pas un Etat russe 10 …n’est pas un Etat historique, ses frontières sont aléatoires, ses marqueurs culturels vagues» (p.103).

Rappelons ici que la Russie n’a connu de puissance internationale que sous la forme « impériale » : tsariste ou soviétique et qu’il est difficilement concevable, chez de nombreux penseurs russes, d’imaginer une autre forme de rayonnement ou de « participation à la civilisation » (p.112) autrement que sous cette forme. L’idée impériale, sous une forme messianique, civilisatrice ou communiste, a donc toujours été profondément ancrée dans la pensée russe, et ce dès le début de l’expansion de la Moscovie, au XVIème siècle à travers le territoire eurasiatique.

Poutine et son entourage savent qu’il y a à l’Ouest une tradition séculaire de russophobie qu’il s’agirait de mettre à profit

Or la légitimité impériale ne pouvant plus, dans le contexte qui voit la publication du texte de Dougine, reposer sur une « mission civilisatrice », l’auteur reprend la conception de l’État, organisme vivant, développée par l’ethnographe et géographe allemand Friedrich Ratzel et théoricien du « Lebensraum »11. (p.19) L’éclatement politique et territorial de l’Union Soviétique pousse une partie de la population, notamment ses franges les plus paupérisées et radicalisées, à penser la Russie comme « démembrée » de son espace et de son peuple, telle que l’Allemagne ou la Hongrie de l’entre-deux guerre ont pu le faire. Ce démembrement, cet éclatement est pour Dougine à mettre au compte d’une absence criante de vision géopolitique de la part des dirigeants soviétiques depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et particulièrement en 1989, lorsque « personne parmi les dirigeants soviétiques n’était capable d’expliquer avec cohérence la logique de la politique étrangère traditionnelle eut pour résultat la destruction de l’organisme géant qu’est l’Eurasie ». L’Union Soviétique « pour ne pas avoir pris en considération les travaux de ses patriotes russes les plus exigeants, les plus éclairés » (p.57) se serait retrouvée, comme l’Allemagne d’après-guerre, « dépossédée d’une grande partie de son espace et avec une influence internationale proche du néant. ».

L’eurasisme pragmatique et conservateur de Vladimir Poutine ne s’accorde pas avec le radicalisme de Dougine

Ce jugement extrêmement sévère se couple d’un appel à « rassembler l’Empire », qui s’appuie sur une vision du monde bipolaire inspirée de Mackinder 12. Cette vision d’un affrontement de longue durée entre la Russie continentale et le bloc occidental thalassocratique, fondé sur une « dualité planétaire » (p.54) opposant la tellurocratie, le « Nomos » de la Terre (Carl Schmitt) 13 l’Eurasie, le « Heartland » (Mackinder) d’un côté et la thalassocratie, le pouvoir maritime, le monde anglo-saxon, la « civilisation du commerce » de l’autre, trouve son prolongement direct dans une politique d’expansionnisme vers les pays situés à l’Ouest et au Sud de la Russie. Dougine voit par exemple l’Asie Centrale et le Caucase comme des régions où les relations internationales et la diplomatie doivent être développées afin de contrer le séparatisme, produit de la stratégie thalassocratique (USA, Royaume Uni et leurs alliés).

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« Le futur est au Nord »

La zone arctique du Nord du continent eurasien, hautement stratégique sur le plan énergétique, économique et logistique, représente une zone clé pour la géopolitique eurasiatique. Elle est en effet partagée par cinq autres pays appartenant au bloc « thalassocratique » (entre autres, les Etats-Unis, le Canada), qui entretiennent des convoitises à son sujet, et dont il s’agit de la protéger.

LE REDÉCOUPAGE DE L’EUROPE CENTRALE

Dans la pensée géopolitique de Dougine, le « cordon sanitaire » formé par les états indépendants d’Europe orientale et médiane tel qu’il fut conçu par les puissances thalassocratiques n’a plus lieu d’être et représente un obstacle à la réalisation du projet impérial eurasiatique. « Fait de petites nations et Etats belliqueux et historiquement irresponsables, aux prétentions européennes nombreuses et servilement dépendants de l’Ouest thalassocratique » (p.212), le cordon sanitaire doit évoluer « partout où il existe des facteurs de liens avec l’Eurasie, ou l’orthodoxie, ou une conscience slave, ou la présence d’une population russe ou historiquement proche. » (p.212).Une complète redistribution géopolitique (« et non l’annexion d’un pays ») est prévue pour l’Europe orientale, et se tradurait par « l’établissement d’une fédération d’Etats ou groupes d’Etats dont l’orientation géopolitique serait néanmoins unique ». Ainsi, Dougine, recompose l’Europe du centre par secteurs, afin de créer une zone de coopération et de partenariat stratégique, « de Vladivostok à Berlin » reprenant l’expression de Jean Thiriart 14, et dont la « Nouvelle Allemagne prussienne » serait au centre.

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Le secteur Nord

Le secteur Nord serait centré sur une « Nouvelle Allemagne prussienne », qui prendrait sous sa protection l’ensemble des régions de culture catholique et protestante situées en Europe du Nord-Est. Elle serait composée des régions baltiques et de la Scandinavie, structurées autour de la région historique prussienne autour de Kaliningrad et de Berlin, reliés entre eux par une identité ethnique, culturelle et géographique commune. Dougine s’interroge également sur le problème polono-lithuanien (en raison de leur religion catholique et de leur géopolitique thalassocratique) lequel pourrait présenter un obstacle majeur à la « réorganisation » du Nord. Pour lui l’unique façon de le régler serait de soutenir l’orientation non-catholique de certaines populations (minorités ethniques, communauté orthodoxe et protestante ou sociaux-démocrates). (p.214). De même, le secteur uniate -l’église dite « gréco-orthodoxe », issue de l’allégeance à Rome d’une partie des églises de rite orthodoxe situées dans le sud-est de la Pologne et l’Ouest de l’Ukraine et de la Biélorussie actuelles- ferait partie de ce nouvel espace germano-centré, indépendant de Moscou mais dans lequel la Russie jouerait un rôle de facilitateur.

Le secteur sud

Le secteur sud (Bélarussie, centre de l’Ukraine, Moldavie, Roumanie, Serbie et Bulgarie) en raison de la prédominence des populations slaves et du christianisme orthodoxe, appartient selon Dougine à la « sphère civilisationnelle russe ». De ce fait, Moscou ne pourrait « déléguer ces régions à l’Allemagne » (p.217) et y exercerait toute son influence. Lorsque Dougine évoque l’Ukraine comme « Etat indépendant avec des ambitions territoriales », c’est pour mieux souligner le « grand danger pour toute l’Eurasie » que celles-ci représenteraient. Selon lui l’Ukraine doit de ce fait rester, géopolitiquement, sous la stricte projection de Moscou. Concernant la Crimée, il est intéressant de noter que Dougine n’est pas favorable à son rattachement à la Russie, qui pourrait « susciter une réaction négative ».

LA « DOCTRINE » DOUGINE : UN SOFT POWER À MULTIPLES FACETTES

Une influence faible sur le pouvoir actuel et sur la population russe

Si Dougine a entretenu des liens avec le pouvoir, il en rapidement été écarté par la suite. Conseiller du président de la Douma G. Seleznev en 1998, il crée son parti politique en 2001, Evrazija, rallié à Vladimir Poutine 15. L’eurasisme pragmatique et conservateur 16 de Vladimir Poutine, tourné vers le développement des échanges commerciaux et diplomatiques avec l’Asie tout en s’étant écarté de l’Ouest, ne s’accorde pas avec le radicalisme de Dougine, En le renvoyant de la chaire de sociologie qu’il occupait à l’Université de Moscou, le pouvoir a montré qu’il ne tolérait pas les propos extrémistes et l’appel au meurtre proférés par Dougine contre “les personnes en Ukraine qui devraient être tuées, tuées, tuées » à la suite des événements de 2014. La presse nationale généraliste russe s’épanche peu sur l’homme, même si l’on note le succès de certains articles écrits à son sujet en français et traduits en russe 17

Dans la pensée géopolitique de Dougine, le « cordon sanitaire » formé par les états indépendants d’Europe orientale et médiane n’a plus lieu d’être

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Ses ouvrages ne figurent pas au palmarès des meilleures ventes en librairie 18 même si les récents ouvrages de Dougine sont en vente dans les principaux points de vente des grandes villes, « Les Fondations de Géopolitique » semble l’ouvrage le plus difficile à obtenir 19. Dans une étude Eurobroadmap 20, effectuée en 2015, il apparaît que les étudiants russes, supposés représenter une nouvelle génération plus éclairée et informée que celle de leurs parents, restent peu sensibles à la notion d’Eurasie, selon les définitions proposées par le néo-eurasisme. Les théories de Dougine semblent séduire principalement une frange extrémiste, supra-nationaliste russe, que l’on peut comparer aux mouvements actuels ultra-nationalistes en Europe centrale et occidentale. L’Organisation de la Jeunesse Eurasiste 21 créée en 2005 dans le cadre du Mouvement International Eurasiste, qui lui même se situe dans le sillage du parti Evrazija, reprend toutes les caractéristiques des milices fascistes para-militaires de l’entre-deux guerres : symboles, slogans, camps d’entraînement dispersés sur tout le territoire russe avec cours de géopolitique, préparation physique pour des « actions dans les conditions urbaines » 22 etc.

Un élément rassembleur interne

Bien qu’extrémiste et de ce fait, mise à l’écart des instances dirigeantes, la « doctrine Dougine », mélange de propagande anti-occidentale, de mythes historiques et de messianisme sacré s’inscrit dans le conservatisme du pouvoir et peut être rassembleur d’éléments minoritaires potentiellement «déstabilisants » pour la cohésion nationale  : les régions sensibles, les musulmans, les extrémistes et les nostalgiques de l’URSS, notamment parmi les militaires appartenant à la génération soviétique… Notons de plus que l’orientation résolument conservatrice, notamment sur les questions de société, de la doctrine de Dougine, ainsi que ses accents anti-individualistes et organicistes la rendent efficace auprès d’ une frange à la fois traditionnaliste et extrémiste de la population russe.

dugliv.pngUNE CONTRIBUTION

AU « РУССКИЙ МИР 23»

DANS L’ EUROPE DU CENTRE

 

En mettant l’accent sur la spécificité slavo-orthodoxe des pays d’Europe du centre-est, le néo-eurasisme rejoint  sur de nombreux points l’idéologie nationaliste qui imbue aujourd’hui le discours politique ambiant au sein de ces états. Ainsi est-ce le cas pour la Serbie : Dougine peut y  apparaître comme un allié dans les courants radicaux extrémistes, n’hésitant pas à se réapproprier leur nationalisme exalté et doloriste. Des expressions telles que « la Serbie est une civilisation de la douleur »24, servent à raviver le sentiment d’une grandeur perdue (commun à l’eurasisme russe et au nationalisme grand-serbe) ainsi que les tensions liées au conflit encore en cours de résolution pour les Serbes du Kosovo et de la Republika Srpska, en Bosnie. Dougine revitalise par là même un  soft power » russe présent depuis le XIXème siècle en Serbie, afin de contre balancer l’investissement croissant des américains dans les médias et l’économie serbes 25.

On peut toutefois douter de la compatibilité, sur le long terme, de l’idéologie néo-eurasiste et du nationalisme serbe. Les velléités panslavistes de Dougine se sont révélées d’une manière éclatante lorsqu’en en visite à Belgrade, au mois de juin 2017, il a prononcé les mots suivants, lors d’une conférence de presse: 26 « Le Kosovo, c’est la Serbie et la Serbie, c’est la Russie ». 27 Mais ce risque a été bien pris en compte, en effet, puisque la dernière partie de la phrase a été supprimée sur toutes les vidéos relatant l’événement, entre le 5 septembre, date de la première visualisation pour cet article et le 15 septembre 2017. Au mois de juin, l’Organisation du Mouvement International eurasiste de Dougine a annoncé sa collaboration avec la Faculté de politique et de sécurité internationale de l’Université Nikola Tesla, en Serbie, et l’organisation de cours portant sur « la quatrième théorie politique».28 et la géopolitique balkanique, avec une influence néo-eurasiste.

Un épouvantail à l’Ouest

Restaurer la position de la Russie sur la scène internationale, projeter une image de puissance et d’influence à l’ouest reste une priorité pour le pouvoir. Dès lors, autoriser la véhémence et la provocation d’Alexandre Dougine, bien que dans un cadre limité à l’intérieur de la Russie, peut provoquer des réactions en Europe occidentale en suscitant la crainte et la confusion, mais aussi en ouvrant un débat poussant la Russie sur le devant de la scène. En effet Poutine et son entourage savent qu’il y a à l’Ouest une tradition séculaire de russophobie qu’il s’agirait de mettre à profit, en poussant jusqu’à ses conclusions extrêmes le postulat selon lequel la « voie russe », résolument eurasiste et traditionnaliste ne peut s’envisager que dans le rejet d’un monde unipolaire dominé par les valeurs occidentales stigmatisées comme « décadentes »Screenshot 2017-08-24 23.44.37

Partager :

  1. Komsomolskaïa Pravda, Kommersant, Novaïa Gazeta, Lenta.ru, РБК, Snob.ru, Diplomat.ru, etc…
  2.  Henri Duquenne, « Les mouvements extrémistes en Russie », Le Courrier des pays de l’Est 2007/2 (n° 1060), p. 70-86,
  3. Marlène Laruelle, « The Iuzhinskii Circle: Far-Right Metaphysics in the Soviet Underground and Its Legacy Today”, Russian Review, 2015
  4. Marlène Laruelle, Le Nouveau Nationalisme russe, Cahiers du monde russe, 2010
  5. Oleg Serebrian, La Russie à la Croisée des Chemins, l’Harmattan, 2016
  6. Lev Gumilev (1912-1992) eurasiste naturaliste «fonde le devenir eurasien sur une ethnogenèse russe » – p.79 Alexandra Goujon,  « Martine LaruelleLa Quête d’une Identité Impériale : Le néo-eurasisme dans la Russie Contemporaine, Petra, 2007 » Presses de Sciences Po, 2008
  7. Alexandre Panarin (1940-2003) eurasiste culturalise «rejette le nationalisme ethnique mais s’appuie sur une définition civilisationniste et religieuse d’une Eurasie qui peut prendre la forme d’un empire en raison de sa diversité culturelle et qui doit permettre la fusion de l’orthodoxie et de l’islam » p.100-102 – Alexandra Goujon, « Martine LaruelleLa Quête d’une Identité Impériale : Le néo-eurasisme dans la Russie Contemporaine, Petra, 2007 » Presses de Sciences Po, 2008
  8. Jeffrey Mankoff, RussianForeign Policy : The Return of Great Power Politics, 2009
  9. François Benaroya, « La transition russe ou la redécouverte de la complexité du marché, L’Economie Politique, 2006
  10. Dougine fait ici référence à l’Empire russe et non à l’ethnie
  11. « Lebensraum » ou la théorie de l’espace vital (1901) repose sur l’idée que l’Allemagne doit reconstituer son espace, privé d’empire colonial. Cette théorie sera suivie par la politique extérieure du IIIème Reich, en conquérant de nouveaux espaces pour le peuple allemand (aussi pour des raisons économiques) en Europe, dans les pays limitrophes. 
  12. La théorie du Heartland de Mackinder (1904) oppose la puissance maritime (Rimland : Etats-Unis, Royaume Uni et Occident) à la puissance continentale (Heartland). Ce schéma de perception de « forteresse assiégée » sera celui des Soviétiques et des néo-eurasistes aujourd’hui.
  13.  Dans le « Le Nomos de la Terre » (1950) Carl Schmitt montre que l’existence de l’ordre ne peut être sans enracinement, le rapport à la terre étant le fondement de toute société 
  14. Jean Thiriart, géopoliticien belge, pro-fasciste dans les années 1940, considérait l’Union Soviétique comme le dernier bastion de la civilisation en Europe face au consumérisme américain
  15. Martine Laruelle, « « Dédoublement » d’une idéologie ? Deux partis eurasistes en Russie » Outre-Terre 2003, p. 229
  16. Paradorn Rangsimaporn, «Interpretations of Eurasianism : Justifying Russia’s Role in East Asia », Central Asia Studies,2006
  17. Article paru dans le Nouvel Observateur le 3 mai 2014, « Le Raspoutine de Poutine » par Vincent Jauvert. Cet article traduit en russe a été lu par plus de 4000 personnes et « liké » par 2000. En comparaison, la vidéo youtube (en russe) du cours « Fondements de Géopolitique » de Dougine à l’Université de Moscou a été vue par 1200 personnes.
  18. Le site russe pro-books.ru/raiting destiné aux professionnels de l’édition publie les meilleures ventes de livres d’un échantillon de 11 librairies de Moscou, St Petersbourg et les sites de vente en ligne.
  19. Alexandre Dougine possède sa propre maison d’édition, Artogaia.
  20. Enquête Eurobroadmap effectuée en 2015 et analysée par Belgeo, revue belge de géographie www.belgeo.revues.org
  21. Site de l’organisation www.rossia3.ru et page détaillée des actions, congrès, camps www.ru.wikipedia.org/wiki/Евразийский_союз_молодёжи...
  22. “Ouverture d’un camp de l’Organisation de la Jeunesse Eurasiste dans l’oblast de Vladimir » (« Во Владимирской области открылься лагерь Евраийского Союза Молодежи») www.regnum.ru, 26/08/2006
  23. Fondation Russkiy Mir (Monde Russe) créée en 2007 pour la sauvegarde de la langue russe mais principalement un concept de « rayonnement » culturel, linguistique, religieux et aujourd’hui civilisationnel, que l’on peut dater de l’époque soviétique, sous d’autres appellations.
  24. http://so-l.ru/news/show/aleksandr_dugin_serbiya_civiliza...
  25.  « The growing influence of global media in the region » 29/06/2016 mediaobservatory.net
  26. www.news-front.info/2017/06/30/aleksandr-dugin-na-vidovdan-...
  27. Cette phrase prononcée à la 13ème minute de la conférence, visualisée le 5 septembre, sur youtube, a été modifiée par la suite en supprimant la partie « la Serbie, c’est la Russie ».
  28. wwnews-front.info/2017/06/30/aleksandr-dugin-na-vidovdan-v-belgrade-serby-na-kosovom-pole-znali-odnu-istinu-chto-serbiya-vechnaya-strana/

vendredi, 20 avril 2018

Eric de la Maisonneuve: Les Routes de la Soie

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Eric de la Maisonneuve:

Les Routes de la Soie

Le général Eric de la Maisonneuve, spécialiste de la Chine, évoque pour nous l'histoire des routes de la Soie de la Préhistoire aux projets de Xi Jinping.
 

mercredi, 21 mars 2018

EURASISME & TRADITION - La pensée d'Alexandre Douguine

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EURASISME & TRADITION
La pensée d'Alexandre Douguine

Samedi 31 mars 2018 – Conférence de Christian Bouchet

A l’occasion de la sortie du nouveau livre de l’intellectuel russe Alexandre Douguine, l’équipe d’E&R Lille accueillera son éditeur, Christian Bouchet,  le samedi 31 mars 2018 à 15h00 pour une conférence intitulée « Eurasisme et tradition, la pensée d’Alexandre Douguine ».

Réservations : reservation.erlille@outlook.fr

samedi, 17 mars 2018

Russia and the Rise of a New Era

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Russia and the Rise of a New Era

by Kerry Bolton
Ex: https://www.blackhousepublishing.com

The Asia-Pacific region has become the focus for the USA, China and Russia. Australia and New Zealand have sought to create an alignment with both the USA and China, while recently there have been trade overtures between Russia and New Zealand. Antipodeans might find themselves caught between super-power rivalries while our political and business elite cannot see beyond trade and economic relations, which are always secondary forces in the playing out of history.

Perceptive Australians and New Zealanders are fortunate in having in New Dawn a medium that looks at history from breadth and depth. Hence, New Dawn has long viewed Russia as the place where great historical forces will unfold.

Despite the misgivings of some Russian patriots, Vladimir Putin has emerged as a new Russian strong-man. New Dawn saw the possibilities for Russia under Putin at the earliest days of his political ascent. For one commentator in New Dawn, the rise of Putin had mystical implications that could impact on the world in an epochal way: Putin’s inauguration as Prime Minister on 9 August 1999 occurred during the week of the solar eclipse and the planetary alignment of the Grand Cross, ‘a highly auspicious astrological event… traditionally held to be the end of an epoch’.[1]

MULTIPOLAR VS. UNIPOLAR WORLD

As New Dawn also reported at an early stage of Putin’s assumption to power, the new leader had no intention of continuing a process that had begun with Gorbachev: the integration of Russia into a world political and economic system, with its concomitant cultural degradation. New Dawn reported Venezuelan President Hugo Chavez predicting that the 21st century would be a multipolar world. What some important elements in US governing circles call the ‘new American century’[2] would be nothing of the kind, despite their increasingly aggressive efforts. Chavez, a leader of rare statesmanship, believed that this would be a century of power blocs.[3] Putin’s Russia has pursued the building of a ‘multipolar’ world.

Multipolarity is a doctrine that permeates much of the academic and ruling elite of Russia. Its most well-known proponent is Dr Alexander Dugin, who heads the Centre for Conservative Studies, Sociology Department, at Moscow State University.[4] What Chavez was referring to as unified continental power blocs, Dugin refers to as ‘vectors’. I have elsewhere outlined Dugin’s doctrine, with a focus on how this might apply to Australasia,[5] although I do not see why Australia (and presumably New Zealand) should come under a ‘vector’ that is focused either on the USA or China, and believe that Dugin is being overly generous towards those two hegemonistic powers. More preferable is the vision of Dugin’s precursor, Jean Thiriart, a Belgian revolutionary geopolitical theorist who saw Euro-Russia (or ‘Euro-Soviet’, since the USSR was still intact) in alliance with a Latin American bloc (the vision had been promoted by his friend Juan Peron, and is still promoted by Bolivarian Venezuela), in opposition to US global ambitions.[6]

ADmulti.jpgAs for Dugin’s influence in Russia, two antagonistic academics lament of him: ‘The growing interest among political scientists and other observers in Dugin and his activities is the result of his recent evolution from a little-known marginal radical right-winger to a notable and seemingly influential figure within Russia’s mainstream’.[7]

Dugin calls his geopolitical concept ‘Eurasianism’, writing of this:

‘In the broad sense the Eurasian Idea and even the Eurasian concept do not strictly correspond to the geopolitical boundaries of the Eurasian continent. The Eurasian Idea is a global-scale strategy that acknowledges the objectivity of globalisation and the termination of nation-states, but at the same time offers a different scenario of globalisation, which entails no unipolar world or united global government. Instead it offers several global zones (poles). The Eurasian Idea is an alternative or multipolar version of globalisation, but globalisation is the currently fundamental world process that is deciding the main vector of modern history’.[8]

Hence, Dugin agrees that the days of petty states are numbered and were a manifestation of a phase of history. Dugin postulates therefore something beyond petty-statism, imperialism or globalism, power blocs based on organic geopolitical realties, although details should remain open to question. Such geopolitical thinking is very much to the fore in Russia, among the highest echelons of academia and politics. Putin’s Russia, like Stalin’s Russia, is problematic in regard to the ‘new world order’ that the globalists confidently thought would emerge under the interregnum of Gorbachev and Yeltsin. Like Stalin, who scotched globalist plans for a ‘new world order’ in the aftermath of World War II, Putin is an upstart in globalist eyes.

VLADIMIR PUTIN

One of the numerous globalist NGO’s directed at Russia, The Jamestown Foundation[9], offered several opinions in regard to the direction of Russia with Putin’s re-election in 2011. A major concern is whether Putin’s anti-American expressions during the elections were based on electoral rhetoric in drumming up Russians against an external enemy, or a genuinely held perception of the USA as intrinsically inimical to Russia. Certainly Putin would be naïve if he regards the USA as anything other than being committed to the subordination of Russia to economic predation and cultural decay. The USA has been the home-base for the destruction of Russia as a world power since Stalin’s rejection of the USA’s vision of the post-war world in 1945,[10] inaugurating the ‘Cold War’. The very fact of the existence of The Jamestown Foundation, among a gaggle of other NGOs whose board members often have close connections with US governmental agencies, including the military and intelligence,[11] indicates this.

Douguine-VP.jpgCiting a report from Chattham House by James Nixey, entitled ‘Russia’s Geopolitical Compass’, Nixey points to four ‘geostrategic axes for Russia: the West, Russia’s many ‘souths’ – the Black Sea region and the Islamic world – Russia’s Far East and the Arctic North’. Nixey states that Russia no longer views the ‘West’[12]as all-powerful, and that Obama’s post-Bush so-called ‘Reset’ policy for rapprochement with Russia is ‘losing direction’. What is particularly interesting is that Nixey agrees with Sinologist Bobo Lo, Senior Research Fellow at the Centre for European Reform in London, who states ‘that Russia’s relations with China are nothing more than an “alliance of convenience” by which Russia seeks to leverage influence with the West to gain acceptance. In this context, China is only a “geopolitical counterweight to the West.”’[13]

This issue of Sino-Russian relations is vitally important, especially to Australians and New Zealanders, who have hitched their wagons to China’s star that is one day going to implode and fall.[14]

There are those both on the ‘fringes’ of politics and in influential positions who see Russia as an ally rather than as a threat to Europe, a united Europe. France having more than the usual number of geopolitical realists, has included a strong Russophile element that looked to Russia, including during its Soviet days, as a counterweight to US hegemony contrary to the propaganda of the Soviet bogeyman poised to ravish the Occident. One probably most immediately recalls the call of President Charles de Gaulle for a united Europe ‘from the Atlantic to the Urals’. The Jamestown Foundation’s article cites a view offered by Marc Rousset, a French historian and political analyst and author of La nouvelle Europe: Paris-Berlin-Moscou [The New Europe: Paris-Berlin-Moscow] (2009):

MR-ne.jpg‘According to Rousset, Putin would bring “bravery, foresight and pragmatism” to Russian policy in the interest of creating a geopolitical order from the Atlantic to Vladivostok. Rousset emphasized that Putin is a European from St. Petersburg working toward closer ties among Russia, Ukraine and Belarus. His conception of a Eurasian union had the possibility of creating an imperial order to rival that of the American empire and the emerging new orders in China and India[15] (Rossiiskaia Gazeta, March 6). Rousset was quoted in November of last year as seeing the emergence of an axis of Paris, Berlin and Moscow being the answer to the present crisis in the Eurozone and the means to restore Europe’s position as a major player in the international system (Rossiiskaia Gazeta, November 17, 2011). Sergei Karganov answered that line of thought in December of last year by calling on Russia to turn away from Europe and make its future with a dynamic Asia-Pacific region led by China (Rossiiskaia Gazeta, December 28, 2011)’.[16]

Rousset’s ideal is in my opinion the preferred. While Sergei Karganov[17] is in accord with the Dugin conception of ‘Eurasianism’ vis-à-vis Russia’s place with China in Asia, Dugin also sees Russia in alliance with united Europe, and her historical relationship with ‘Hindustan’.[18] Historically a Sino-Russian alliance is an aberration, as indicated by other geopolitical analysts such as Bobo Lo. Putin hopes to play the China card, a policy that the USA pursued during the 1970s against the USSR. However, there are more scenarios for geopolitical discord between Russia and China than what there ever have been and possibly ever will be between the much-hyped supposed rivalry between China and the USA. The deployment of the Russian military in the Far East indicates Putin’s realism on the issue.[19] Hopefully such manoeuvres are more reflective of Russian aims than Karganov’s ideal of a Sino-Russian partnership for the control of the Asia-Pacific region, a conception that seems more akin to Trilateralism.[20]

DUGIN’S ANALYSIS

Indicating the seriousness with which Alexander Dugin is taken by Russia’s friends and enemies alike, Kipp comments of Dugin’s reaction to the re-election of Putin:

‘In the aftermath of Putin’s election, Aleksandr Dugin, the chief ideologue of anti-Western Eurasianism, stated that Putin stood at a moment of strategic choice: embrace the liberalism and Westernism of Russia’s bourgeois elite or the nationalism of the Russian common folk – historically the victims of the corruption of Russia’s liberal elite, which champions Russia’s subservience to the West. Dugin wrote that by promoting a Eurasian Union, Putin had already spoken the word that defined his choice. This was the path to national revival and to an economy based upon the reconstruction of Russia’s defense sector. Dugin states: “Both sides want reforms from Putin but they desire direct opposites. The elites want democratization, modernization, liberalization and growing closer to the West. The people want the national idea, a firm hand, a strengthening of sovereignty, a great power state, paternalism and social justice.” This choice for Putin comes at a particularly critical moment, according to Dugin. The hegemony of the US and its allies is being tested in an emerging multi-polar world. The immediate challengers are Syria and Iran. But once those two states have been defeated by military intervention, Russia itself will have to face the threat of such intervention. “…after the prepared attacks on Syria and Iran, the logical next target will be Russia. Of course, Russia will not survive such a confrontation with the West alone’.[21]

However, China remains the thorny question among those who seek a revived Russia, with Dugin and his movement seeing China as a crucial ally,[22] while others see China as a future rival.[23]

THE ASSAULT ON RUSSIA

For those who see Russia and China as natural allies in a bloc that can thwart US-led globalisation, it might be instructive to consider Washington and Wall Street’s attitudes towards both over the decades. While some ‘neocon’ elements in the USA raise their voices against China’s aims, Rockefeller, Soros and others of the globalist elite have maintained a pro-China attitude. Globalist foreign policy luminaries such as Henry Kissinger and Zbigniew Brzezinski have seen Russia as the USA’s perennial obstacle to world hegemony while their attitudes towards China have been more generous, Rockefeller Trilateralism and Soros globalism seeing China as an essential partner in a ‘new world order’.[24] One might also consider the immense efforts of the USA to ‘contain’ Russia from the days of Stalin to the present,[25] and a comparative lack of action regarding China’s ambitions. Elsewhere I have written on this:

russiaeagle.jpg

‘The Rockefeller dynasty has led the pro-China policy for decades. The “Pacific Asian Group” of David Rockefeller’s Trilateral Commission includes representatives from China. However, Rockefeller interests in China go back well prior to the Trilateral Commission, to the Asia Society. The Asia Center New York office states that John D. Rockefeller III founded the Society in 1956…[26]

US actions against Putin’s Russia remain as determined as those against the USSR during the Cold War. Dr Paul Craig Roberts, US Assistant Secretary of the Treasury under the Reagan Administration, has written of the subversion against Russia:

‘The Russian government has finally caught on that its political opposition is being financed by the US taxpayer-funded National Endowment for Democracy and other CIA/State Department fronts in an attempt to subvert the Russian government and install an American puppet state in the geographically largest country on earth, the one country with a nuclear arsenal sufficient to deter Washington’s aggression’.[27]

Roberts was referring to an Act passed by the Duma requiring the registration of NGOs receiving foreign funds, similar to the requirements of US laws that have long been in place. Roberts continued:

‘The Washington-funded Russian political opposition masquerades behind “human rights” and says it works to “open Russia.” What the disloyal and treasonous Washington-funded Russian “political opposition” means by “open Russia” is to open Russia for brainwashing by Western propaganda, to open Russia to economic plunder by the West, and to open Russia to having its domestic and foreign policies determined by Washington’.[28]

Globalists are aiming to deconstruct Russia as they did the USSR. Fortunately, Putin is no Gorbachev. His ambition seems to be that of leading a strong Russia, as distinct from Mikhail Gorbacehv’s ambition to become a globalist celebrity posturing on the world stage. When on his 80th birthday in 2011 Hollywood stars hosted a ‘gala celebration’ at the Royal Albert Hall, London, ABC News commented that the ‘movie stars, singers and politicians’ who turned out for the show, ‘underlined the celebrity status Mr Gorbachev enjoys in the West, where he is widely perceived as the man who freed Eastern Europe from Soviet rule and ended the Cold War’.[29] On the occasion of his birthday Gorbachev delivered what might be construed as an ultimatum to Putin on behalf of the globalist elite, ‘advising’ him ‘against running for a third term as president and warning about the dangers of Arab-style social revolt’.[30] As is now clear, those ‘Arab social revolts’, like the ‘colour revolutions’ in the former Soviet states, were stage-managed by the globalist NGOs.

octopususaim.pngThe globalist think tanks are blatant in their intentions. The Council on Foreign Relations (CFR), opines that ‘Russia is heading in the wrong direction’.[31] One of the CFR recommendations is to interfere with the Russian political process, urging US Congress to fund opposition movements by increased funding for the Freedom Support Act, in this instance referring specifically to the 2007-2008 presidential elections.[32] Authors of the CFR report include Mark F Brzezinski, who served on the National Security Council as an adviser on Russian and Eurasian affairs under Clinton, as his father Zbigniew served in the Carter Administration; Antonia W Bouis, founding executive director of the Soros Foundations; James A Harmon, senior advisor to the Rothschild Group, et al. US ruling circles have a messianic mission to create a world revolution, and it is no surprise that the ideological foundations of the US ‘world revolution’ were developed by Russophobic Trotskyites during the Cold War.[33] The task of publicly announcing the post-Soviet world revolution was allotted to President George W Bush. Speaking before the National Endowment for Democracy in 2003, Bush stated that the war on Iraq was a continuation of a ‘world democratic revolution’ that started in the Soviet bloc: ‘The revolution under former president Ronald Reagan freed the people of Soviet-dominated Europe, he declared, and is destined now to liberate the Middle East as well’.[34]

Gorbachev had prepared the deconstruction of the Soviet bloc in 1988, when he announced to the United Nations General Assembly a reversal of Soviet policy: Russia would not come to the defence of Warsaw Pact regimes in the event of revolt. Immediately after he met President Reagan and President-elect George Bush.[35]

The subverting of post-Soviet Russia has proceeded no less vigorously. Carl Gershman, president of the National Endowment for Democracy (NED), remarked that the Solidarity movement in Poland was created the year following Gorbachev’s UN speech, and set in motion the dismantling of the Soviet bloc, which he termed ‘a new concept of incremental democratic enlargement’, which NED calls ‘cross-border work’.[36] This had its origins ‘in a conference that was sponsored by the Polish-Czech-Slovak Solidarity Foundation in Wroclaw in early November of 1989’.[37] This movement continues to the present, Gershman stating:

‘And so cross-border work was born, and it has continued to expand ever since. The Polish-Czech-Slovak Solidarity Foundation went from providing support for desktop publishing in the Czech Republic and Slovakia to providing similar aid in Ukraine and Belarus, and today it works in Russia, Moldova, the Caucasus and Central Asia. Other Polish groups also engage in cross-border work, from the Foundation for Education for Democracy, an outgrowth of the Solidarity Teachers Union which provides training in civic education for teachers and NGO leaders throughout the former Soviet Union, to the East European Democratic Center which supports local media in Ukraine and Central Asia’.[38]

Just prior to Gorbachev’s warning to Putin about not standing for re-election, Gershman had commented that:

‘…Putin may be in control in Russia, but he has lost the support of the political elite which fears that his return to the presidency will usher in a period of Brezhnev-like stagnation and continued economic and societal decline… International groups should be prepared to provide whatever assistance is needed and desired by local actors. Areas of support would include party development and election administration and monitoring, strengthening civil society and independent media, and making available the expertise of specialists in such fields as constitutionalism and electoral law as well as the experience of participants in earlier transitions’.[39]

It was an unequivocal call to overthrow Putin.

RUSSIA AND THE NEW WORLD ORDER

Putin has embraced ‘Eruasianism’ as the alternative to a ‘new world order’ based around US hegemony. In a major foreign policy article in 2012 Putin outlined the main premises: Putin stated that Russian would be guided by her own interests first, based on Russia’s strength, and would not be dictated to by outsiders. While Putin uses the term ‘new world order’, it is one that is antithetical to the globalist version. He questions the US missiles being placed on Russia’s borders, and the continuing belligerence of NATO, stating that ‘The Americans have become obsessed with the idea of becoming absolutely invulnerable’.[40] Importantly, Putin is fully aware that globalist agendas are being imposed behind the faced of ‘human rights’, and criticises the selectivity by which this morality is applied:

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‘The recent series of armed conflicts started under the pretext of humanitarian aims is undermining the time-honored principle of state sovereignty, creating a moral and legal void in the practice of international relations’.[41]

Putin refers to the ‘Arab Spring’, noting outside inference in a ‘domestic conflict’. ‘The revolting slaughter of Muammar Gaddafi… was primeval’, Putin states, and the Libyan scenario should not be permitted in Syria. He adds of the ‘regime changes,’

‘It appears that with the Arab Spring countries, as with Iraq, Russian companies are losing their decades-long positions in local commercial markets and are being deprived of large commercial contracts. The niches thus vacated are being filled by the economic operatives of the states that had a hand in the change of the ruling regime’. One could reasonably conclude that tragic events have been encouraged to a certain extent by someone’s interest in a re-division of the commercial market rather than a concern for human rights. [42]

Putin sees Russia developing her historic relations with the Arab states, despite the ‘regime changes’. He also points out the political uses that are being made of social media which played such a significant role in mobilising and agitating masses during the ‘Arab Spring’, and indeed in the ‘colour revolutions’ on Russia’s doorstep.[43] Putin also acknowledges the subversive role of the NGO’s not least of whose actions are being directed against Russia, stating: ‘…the activities of “pseudo-NGOs” and other agencies that try to destabilize other countries with outside support are unacceptable’. He remarks on the failure of US and NATO intervention in Afghanistan and mentions Russia’s historic relationship there.[44]

While Russia is seen as having an important role in the Asia-Pacific region, and Putin puts stress on alignment with a strong China he also declares:

‘Russia is an inalienable and organic part of Greater Europe and European civilization. Our citizens think of themselves as Europeans. We are by no means indifferent to developments in united Europe. That is why Russia proposes moving toward the creation of a common economic and human space from the Atlantic to the Pacific Ocean – a community referred by Russian experts to as “the Union of Europe,” which will strengthen Russia’s potential and position in its economic pivot toward the “new Asia.”’[45]

Putin refers to an exciting new vision of a bloc expanding form ‘Lisbon to Vladivostok’. He sees Russia’s acceptance to membership of the World Trade Organisation as ‘symbolic’, while having defended Russian’s interests. With Russia looking at the Asia-Pacific region, will she be a nexus between this region and Europe, or will she enter the region as a junior partner with China? Some geopolitical analysts are referring to a new geopolitical bloc, challenging both the USA and China, as Eurosiberia[46] rather than Eurasia.

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SYRIA: PIVOTAL ROADBLOCK IN THE GLOBALIST AGENDA

Now the world looks on again in confusion and fear as the USA extends its dialectical strategy of ‘controlled crises’ over one of the few remaining redoubts of independence: Syria. Again the lines of opposition are drawn between Russia and the USA in a geopolitical struggle for world conquest. Syria in fact has long been viewed as the major obstacle to globalist ambitions: moreso even than Libya, Iraq or Iran. In 1996 the Study Group for a New Israeli Strategy Toward 2000, established by the Institute for Advanced Strategic Studies, Jerusalem, issued a paper titled A Clean Break. The think tank included people who would become influential in the Bush Administration, such as Richard Perle, Douglas Feith and David Wurmser. The major obstacle was Syria, and the major aim was to ‘roll back Syria’, and to ‘foil Syria’s regional ambitions’. Even the recommendation of removing Saddam – ‘an important Israeli strategic objective in its own right’ – was seen as a step towards Syria.[47]

The 1996 paper recommends a propaganda offensive against Syria, along the lines of that employed against Saddam, and indeed against everyone who is an obstacle to the ‘new world order’ and/or Israel, suggesting that the ‘move to contain Syria’ be justified by ‘drawing attention to its weapons of mass destruction’.[48] The report suggests ‘securing tribal alliances with Arab tribes that cross into Syrian territory and are hostile to the Syrian ruling elite’. They suggest the weaning of Shia rebels against Syria.[49]

The plan of attack against Syria has been long in the making. Arab regimes have recently fallen like dominoes as a prelude to the elimination of Syria and Iran. The Clean Break recommends the use of Cold War type rhetoric in smearing Syria. We can see the plan unfolding before our eyes. The ‘weapons of mass destruction’ charade used to justify the US bombing of Syria takes the from of alleged chemical attacks on Syrian ‘civilians’, with a compliant media showing lurid pictures of suffering children, but usually with the comment that the reports are ‘unconfirmed’. The US assurances of ‘proof’ sound as unconvincing to the critical observer as the ‘evidence’ against Saddam. Sure enough, reports have come out that US-backed rebels have committed the chemical attacks as a means of securing a US assault on the Bashar al-Assad government. Two Western veteran journalists, while captives of the Free Syria Army, overheard their captors – including a FSA general – discussing the chemical weapons attack rebels had launched in Damascus as a means of provoking Western intervention.[50]

In an act of statesmanship, Putin pre-empted President Obama’s determination to bomb Syria by suggesting that Syria place its chemical weapons stockpiles for disposal with the United Nations; a plan that Syria has accepted.

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Putin sees the offensive against Syria in world historical terms in determining what type of world is being moulded. While Russian ships face US and some French and British ships, he has rebuked Obama’s statements – like those of US presidents before him – that the USA has ‘an exceptional role’. In his appeal to the American people published in the New York Times, Putin questions the USA’s strategy stating that, ‘It is alarming that military intervention in internal conflicts in foreign countries has become commonplace for the United States’. Condemning the basis of the new world order’ that is being imposed with US weaponry, Putin writes that having studied Obama’s recent address:

…I would rather disagree with a case he made on American exceptionalism, stating that the United States’ policy is ‘what makes America different. It’s what makes us exceptional’. It is extremely dangerous to encourage people to see themselves as exceptional, whatever the motivation. There are big countries and small countries, rich and poor, those with long democratic traditions and those still finding their way to democracy. Their policies differ, too. We are all different, but when we ask for the Lord’s blessings, we must not forget that God created us equal.[51]

PUTIN STEERS A STRAIGHT COURSE

Putin has maintained his ideological position, and reiterated Russia’s determination to maintain her sovereignty and identity in the face of globalisation. Putin’s course for Russia was unequivocally stated in a September 2013 speech at a Government-backed plenary session of the Valdai Club, which included foreign dignitaries and Russian luminaries from politics, academia and media. Putin has declared himself a traditionalist and a nationalist who will not countenance interference in Russia’s interests.

To Putin, tradition and Christianity are the foundations of Russia’s independence, while the globalists seek to impose over the world a nihilistic creed where the fluctuating needs of the market place are the cultural basis of a ‘new world order’, Putin stating: ‘Without the values at the core of Christianity and other world religions, without moral norms that have been shaped over millennia, people will inevitably lose their human dignity’.[52] This indicates a Perennial Traditionalist approach whereby Putin refers to the core values shared by ‘Christianity and other world religions’, ‘against the modern world’[53] of the ‘Euro-Atlantic countries [where] any traditional identity, … including sexual identity, is rejected’.

Putin stated that while every nation needs its technical strength , at the basis of all is ‘spiritual, cultural and national self-determination’ without which ‘it is impossible to move forward’. ‘[T]he main thing that will determine success is the quality of citizens, the quality of society: their intellectual, spiritual and moral strength’. Putin rejects the economic determinism of the modern era, stating:

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After all, in the end economic growth, prosperity and geopolitical influence are all derived from societal conditions. They depend on whether the citizens of a given country consider themselves a nation, to what extent they identify with their own history, values and traditions, and whether they are united by common goals and responsibilities. In this sense, the question of finding and strengthening national identity really is fundamental for Russia.

Putin pointed to the threat posed to Russian identity by ‘objective pressures stemming from globalisation’, as well as the blows to Russia inflicted by the attempts to erect a market economy, which it might be added, was sought by internal oligarchs and outside plutocrats; attempts that are ongoing. Putin moreover points to the lack of national identity serving these interests:

In addition, the lack of a national idea stemming from a national identity profited the quasi-colonial element of the elite – those determined to steal and remove capital, and who did not link their future to that of the country, the place where they earned their money.

What the globalists and oligarchs wish to impose on Russia from the outside cannot form an identity, which must arise from Russian roots, and not as a foreign import in the interests of commerce:

Practice has shown that a new national idea does not simply appear, nor does it develop according to market rules. A spontaneously constructed state and society does not work, and neither does mechanically copying other countries’ experiences. Such primitive borrowing and attempts to civilize Russia from abroad were not accepted by an absolute majority of our people. This is because the desire for independence and sovereignty in spiritual, ideological and foreign policy spheres is an integral part of our national character. Incidentally, such approaches have often failed in other nations too. The time when ready-made lifestyle models could be installed in foreign states like computer programmes has passed.

‘Russia’s sovereignty, independence and territorial integrity are unconditional’, states Putin. He has called for unity among all factions, above ethnic separatism and urges an ideological dialogue among political factions.

Putin also recognises that what is today called the ‘West’, with the USA as the ‘leader of the Western world’, as the media and US State Department constantly remind us, shows little evidence of any vestige of its traditional foundations:

Another serious challenge to Russia’s identity is linked to events taking place in the world. Here there are both foreign policy and moral aspects. We can see how many of the Euro-Atlantic countries are actually rejecting their roots, including the Christian values that constitute the basis of Western civilisation. They are denying moral principles and all traditional identities: national, cultural, religious and even sexual.

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In this demise of Western values, Putin attacks ‘political correctness’, where religion has become an embarrassment, and Christian holidays are, for example, changed or eliminated in case a minority takes offence. This nihilism is being exported over the world and will result in a ‘profound demographic and moral crisis’, resulting the in ‘degradation’ of humanity. While multiculturalism is problematic for many states in Europe, Russia has always been multiethnic and this diversity should be encouraged in forging local identities, but within the context of a Russian state-civilisation. As will be apparent to the Russian leadership, the agitation of ethnic and religious separatism is a significant means by which the globalists undermine target nations, while paradoxically their own societies fall to pieces around them.[54]

Simultaneous with the moral and religious decline is the attempt to impose a ‘standardised, unipolar world’ where nations become defunct, rejecting the ‘God-given diversity’ of the world in favour of ‘vassals’. Above this, Putin is promoting a ‘Eurasian Union’, a geopolitical bloc that will enable the states of the region to withstand globalisation.

Putin’s Valdai speech shows that he has a fully developed world-view on which to base Russia’s future course. It also indicates that while Putin might have his faults (and I can’t think of what they might be offhand) he is the only actual statesmanin the world today, and has established Russia as the most likely axis of a new Civilisation and a new era. As history shows, once a civilisation succumbs to internal decay and often thereafter outside invasion, another civilisation assumes its place on the world state, created by a people who have retained their vigour and have not succumbed to moral rot. Western Civilisation reached its cycle of decay several centuries ago.

As Putin has pointed out, there is not much left that is traditionally Western. Today’s ‘Western’ zombie, animated by money, spreads its contagion over the world, as has no other civilization before it, as part of a deliberate world-mission, pointed out approvingly by such ‘neo-con’ strategists as Ralph Peters, who cites the USA’s cultural contamination of the world as a tactical manoeuvre.[55] Putin understands the forces that are swirling about the world like no other state leader; moreover not only understands the process, but overtly battles it like a modern-day ksatriya. Only in Russia are we witnessing the emergence of a new Civilisation fulfilling the Russian messianic mission that has long been written of by Russia’s sages. Only in Russia are we seeing the creation of a Traditionalist monolith standing against the forces of the Kali Yuga.

Kerry Bolton

Notes

[1] Viacheslav N Lutsenko, ‘Who are you Mr Putin?’, New Dawn, September-October 2001, p. 86.

[2] For example, as in the name of the neocon globalist think-tank, ‘Project for a New American Century’, http://www.newamericancentury.org/

[3] Susan Bryce, ‘Russia vs. the New World Order’, New Dawn, January-February 2001, p. 25.

[4] http://konservatizm.org/

[5] K R Bolton, ‘An ANZAC-Indo-Russian Alliance? Geopolitical Alternatives for New Zealand and Australian’, India Quarterly, Vol. 66, No. 2 (2010), pp. 183-201.

Also: K R Bolton, Geopolitics of the Indo-Pacific: Emerging Conflicts, New Alliances(London: Black House Publishing, 2013).

[6] Jean Thiriart interview with Gene H Hogberg, Part 5, http://home.alphalink.com.au/~radnat/thiriart/interview5....

[7] Anton Shekhovtsov, and Andreas Umland, ‘Is Aleksandr Dugin a Traditionalist? ‘Neo-Eurasianism’ and Perennial Philosophy’, The Russian Review, October, 2009, pp. 662–78.

[8] A Dugin, The Eurasian Idea, 2009.

[9] The Jamestown Foundation, ‘Mission’, http://www.jamestown.org/aboutus/

[10] K R Bolton, ‘Origins of the Cold War: How Stalin Foiled a New World Order’, 31 May 2010, http://www.foreignpolicyjournal.com/2010/05/31/origins-of...

K R Bolton, Stalin: the Enduring Legacy (London: Black House Publishing, 2012), pp. 125-139.

[11] See for example The Jamestown Foundation’s board members: ‘Board Members’, http://www.jamestown.org/aboutus/boardmembers/

[12] ‘The West’ is a misnomer, more accurately termed the ‘post-West’ under plutocratic control, as any notion of Western Culture has long since been smothered by Mammon.

[13] Jacob W Kipp, ‘The Elections are over and Putin won: whither Russia?’, 30 March 2012, http://www.jamestown.org/programs/edm/single/?tx_ttnews[t...

[14] K R Bolton, ‘Russia and China: an approaching conflict?’, Journal of Social, Political and Economic Studies, Vol. 34, no. 2, Summer 2009.

K R Bolton, ‘Aircraft Deployment in Russian Far East: Sign of Looming conflict?, Foreign Policy Journal, 27 May 2011, http://www.foreignpolicyjournal.com/2011/05/27/aircraft-d...

K R Bolton, ‘Sino-Soviet-US relations and the 1969 nuclear threat’, Foreign Policy Journal, 17 May 2010, http://www.foreignpolicyjournal.com/2010/05/17/sino-sovie...

K R Bolton, Geopolitics of the Indo-Pacific, op. cit.

[15] There need be no rivalry between Russia and India, but rather the continuation of the historical alignment between them.

[16] Jacob W Kipp. op. cit.

[17] Interestingly, Sergei Karganov, founder of the think tank, the Council for Foreign and Defense Policy, has been a member of the Rockefeller-founded globalist think tank, the Trilateral Commission since 1998, and a member of the International Advisory Board of the Council on Foreign Relations, 1995-2005; http://karaganov.ru/en/pages/biography

[18] K R Bolton, ‘An ANZAC-Indo-Russian Alliance’, op. cit.

[19] K R Bolton, ‘Aircraft Deployment is Russian Far East: Sign of Looming conflict?, op. cit.

[20] On Trilateralism see: The Trilateral Commission. ‘About the Organization: Purpose’, http://www.trilateral.org/about.htm

K R Bolton, ‘ANZAC-Indo-Russian Alliance…’, op. cit., ‘Asia-Pacific bloc pushed by USA, global business’.

[21] Jacob W Kipp, op. cit.

[22] Aleksandr Dugin, Argumenty i Fakty, March 14, 2012, cited by Kipp. Ibid.

[23] See: K R Bolton, ‘Russia and China: an approaching conflict?’, op. cit.

[24] Paul Joseph Watson, ‘Billionaire globalist warns Americans against resisting new global financial system, Soros: China Will Lead New World Order’, Prison Planet.com, October 28, 2009

[25] For a study on how Stalin set Russia on a course inimical to world plutocracy which has continued under Putin, with only the Gorbachev and Yeltsin interregna intervening, see: K R Bolton, Stalin : the Enduring Legacy, op. cit.

[26] K R Bolton, ‘Aircraft deployment in Russian Far East’…, op. cit.

[27] Paul Craig Roberts, ‘War on all fronts’, Foreign Policy Journal, 19 July 2012, http://www.foreignpolicyjournal.com/2012/07/19/war-on-all...

[28] Ibid.

[29] Reuters, ABC News, ‘Stars honour Gorbachev at gala birthday bash’, March 31, 2011, http://www.abc.net.au/news/stories/2011/03/31/3178823.htm).

[30] H Klaiman, “Peres attends Gorbachev’s birthday bash in London,” March 31, 2011, http://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-4050192,00.html

[31] Jack Kemp, et al, Russia’s Wrong Direction: What the United States Can and Should Do, Independent Task Force Report no. 57 (New York: Council on Foreign Relations, 2006) xi. The publication can be downloaded at: http://www.cfr.org/publication/9997/

[32] Ibid.

[33] K R Bolton, ‘America’s “World Revolution”: Neo-Trotskyist Foundations of US foreign policy’, Foreign Policy Journal, 3 May 2010, http://www.foreignpolicyjournal.com/2010/05/03/americas-w...

[34] Fred Barbash, ‘Bush: Iraq Part of “Global Democratic Revolution”: Liberation of Middle East Portrayed as Continuation of Reagan’s Policies’, Washington Post, 6 November 6, 2003.

[35] Dr. Svetlana Savranskaya and Thomas Blanton (ed.) ‘Previously Secret Documents from Soviet and U.S. Files n the 1988 Summit in New York, 20 Years Later’, National Security Archive Electronic Briefing Book No. 261, December 8, 2008.

[36] C Gershman, “Giving Solidarity to the world,” Georgetown University, May 19, 2009, http://www.ned.org/about/board/meet-our-president/archive...

[37] Ibid.

[38] Ibid.

[39] Carl Gershman, ‘The Fourth Wave: Where the Middle East revolts fit in the history of democratization – and how we can support them’, 14 March 2011, http://www.tnr.com/article/world/85143/middle-east-revolt...

[40] Vladimir Putin, ‘Russia and the changing world’, RiaNovosti, 27 February 2012, http://en.rian.ru/world/20120227/171547818.html

[41] Ibid.

[42] Ibid.

[43] See also: K R Bolton, ‘Twitters of the World Revolution: The Digital New-New Left’, Foreign Policy Journal, 28 February 2011, http://www.foreignpolicyjournal.com/2011/02/28/twitterers...

Also: K R Bolton, Revolution from Above, op. cit., pp. 235-240.

[44] V Putin, op. cit.

[45] Ibid.

[46] Guillaume Faye, ‘The New Concept of “Eurosiberia”’, Counter-Currents Publishing, http://www.counter-currents.com/2010/08/faye-on-eurosiber...

[47] A Clean Break, Study Group for a New Israeli Strategy Toward 2000, 1996, http://www.informationclearinghouse.info/article1438.htm

[48] Ibid., ‘Securing the Northern Border’.

[49] Ibid., ‘Moving to a Traditional Balance of Power Strategy’.

[50] ‘Journalist and writer held hostage for five months in Syria “overheard captors conversation blaming rebels for chemical attacks”’, Mail Online, 12 September 2013, http://www.dailymail.co.uk/news/article-2418378/Syrian-ho...

[51] Vladimir V Putin, ‘A Plea for Caution from Russia’, New York Times, 11 September 2013, http://www.nytimes.com/2013/09/12/opinion/putin-plea-for-...

[52] Putin at Valdai conference, Valdai Club, 19 September 2013, http://valdaiclub.com/valdai_club/62642.html

A significant proportion of the speech can be read at: http://therearenosunglasses.wordpress.com/2013/09/22/puti...

[53] To paraphrase the Traditionalist philosopher Julius Evola, Against the Modern World (Vermont: Inner Traditions International, 1995 [1969]).

[54] See K R Bolton, Babel Inc. (Black House Publications, 2013).

[55] Ralph Peters, ‘Constant Conflict ‘, Parameters, US Army War College Quarterly May 12, 1997, http://www.informationclearinghouse.info/article3011.htm

L’eurasisme ou le retour du sacré en géopolitique

Il existe, qui plus est, chez Douguine une dimension eschatologique qui le distingue de tous les nationalistes pan-européistes qui l’ont précédé (l’on pense, par exemple, à Jean Thiriard[1] et à sa Grande Europe islando-touranienne). Conjuguée à un goût très prononcé pour la géopolitique, cette approche confère à ses analyses une originalité parfois déroutante, mais jamais inféconde pour qui adopte, finalement, le point de vue quasi homérique d’un monde écartelé entre la propension prométhéenne des mortels et les plus contrariés desseins des dieux. C’est dire, en d’autres termes, que la dialectique de l’ordre et du chaos irrigue la pensée eurasiste de Douguine qui apparaît alors comme une véritable herméneutique permettant d’exhumer cette primordiale et ancienne complémentarité – que le monde moderne a artificiellement dissociée – du sacré et du profane et, partant, de mettre à jour « la vraie spiritualité, la pensée supra-rationnelle, le logos divin, la capacité à voir à travers le monde son âme secrète [2] » (p. 400).

On saisit mieux ce présupposé fondamental dans la philosophie douguinienne – directement inspiré du schéma structuraliste propre à la tradition indo-européenne – si l’on se penche, précisément, sur son terreau naturel, la géopolitique. Le processus de désacralisation de la géopolitique a conduit à une laïcisation de cette dernière qui l’a coupé de sa source hiérophanique, la géographie sacrée. Néanmoins, Douguine n’hyperbolise pas cette ligne de fracture, puisque, d’une part, « la géopolitique se tient à une place intermédiaire entre la science traditionnelle (la géographie sacrée) et la science profane » (p. 382), d’autre part, « les deux sciences convergent dans la description des lois fondamentales de l’image géographique des civilisations » (p. 394). Les rapports entre les deux sciences sont d’autant moins inexistants que « même dans notre monde anti-sacré, à un niveau inconscient, les archétypes de la géographie sacrée ont presque toujours été préservés dans leur intégrité, et se réveillent dans les moments les plus importants et les plus critiques des cataclysmes sociaux » (p. 390).

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Douguine ne perd pas de vue sa quête de la Tradition primordiale dans la mesure où elle constitue ce qu’il y a véritablement de caché dans un monde dominé par le matérialisme, l’hédonisme et l’accumulation capitalistique illimitée, soit le nouvel ordre mondial, ou encore le mondialisme – dans son acception à la fois technico-cybernéticienne et transhumaniste, sinon post-humaniste. Ainsi, par exemple, au « Nord riche » ne doit-on pas opposer le « Sud pauvre », mais bien le « Nord pauvre […], idéal sacré du retour aux sources nordiques de la civilisation. Ce Nord est ‘‘pauvre’’ parce qu’il est basé sur l’ascétisme total, sur la dévotion radicale envers les plus hautes valeurs de la Tradition, sur le mépris complet du matériel par amour du spirituel » (p. 415). Quant au « Sud pauvre », il doit nécessairement former une alliance avec ce « Nord pauvre ». De ce renversement du monde surgira un chaos nécessairement porteur d’ordre, celui de la Tradition originelle, attendue, toutefois, que cette « cette voie [n’ira] pas de la géographie sacrée à la géopolitique mais au contraire, de la géopolitique à la géographie sacrée » (p. 418).

À cette aune, l’islam que Douguine estime « directement relié à la Tradition [3] » (p. 543), représente, à ses yeux un fait géopolitique majeur pouvant conduire au sacré d’une géographie islamique traditionnelle. Il prend soin, malgré tout, d’opérer la distinction entre le salafisme, « pur islam » selon ses zélateurs et l’islam traditionnel qui « représente l’immense majorité des musulmans modernes ». Selon Douguine, la métaphysique salafiste est d’essence eschatologique ce qui la rend incommunicable au chiisme, « très similaire au traditionalisme » et au soufisme ésotériste. Il y voit la clé d’une concorde anti-occidentale fondée sur la reviviscence de la Tradition, à l’expresse condition, précise-t-il, que chacun suive sa tradition : « à un niveau purement individuel, le choix est possible, mais voir les Russes se convertir en masse à l’islam me répugne, car ils cherchent le pouvoir en dehors d’eux-mêmes et en dehors de leur tradition, et ils sont donc infirmes, faibles et lâches » (p. 544).

La prétendue « islamophilie » de notre penseur est appendue au paradigme inoxydable de la nordicité hyperboréenne que la géopolitique moderne a recouvert d’un monceau de colifichets. Sous la tectonique physique et démographique des continents, les méta-continents archétypaux de la géographie sacrée révèlent l’intemporalité de la Tradition qui explique que « quand les hommes du Sud restent en harmonie avec les hommes du Nord, c’est-à-dire quand ils reconnaissent l’autorité et la supériorité typologique (et non raciale !) de ceux-ci, l’harmonie règne parmi les civilisations. Lorsqu’ils revendiquent la suprématie à cause de leur relation archétypale avec la réalité, alors surgit un type culturel dévié, qui peut être globalement défini par l’adoration des idoles, le fétichisme ou le paganisme (au sens négatif, péjoratif de ce mot) » (p. 401).

En somme, aujourd’hui vivons-nous sous l’empire du fétichisme de la marchandise qui s’oppose, dans une lutte de préséance, à l’impérialisme du paganisme islamique. Point de Tradition, ni de traditions…

Pour le Front de la Tradition, Alexandre Douguine (Ars Magna).

douguine-ouvrage-208x300.jpgAlexandre Douguine, Pour le Front de la Tradition, Ars Magna, collection « Heartland », 34 euros

Notes

[1] Sur cette figure fascinante du nationalisme européen, on renverra à Yannick Sauveur et à son « Qui Suis-Je ? » éponyme publié chez Pardès en 2016 ainsi qu’à Le prophète de la grande Europe, Jean Thiriart, ouvrage rassemblant articles et entretiens depuis longtemps introuvables, publié chez Ars Magna (2018).

[2] Autant de qualités idiosyncrasiques qu’il attribue à l’homme du Nord, lesquelles se retrouvent selon lui « chez les Indiens d’Amérique du Nord et chez les anciens Slaves, chez les fondateurs de la civilisation chinoise et chez les indigènes du Pacifique, chez les Allemands blonds et chez les chamans noirs d’Afrique de l’Ouest, chez les Aztèques à peau rouge et chez les Mongols aux pommettes saillantes », tous ces peuples possédant le « mythe de ‘‘l’homme solaire’’ ».

[3] Sans que la Tradition ne se résume à l’islam.

dimanche, 11 mars 2018

Diète annuelle du Congrès du peuple chinois : le programme du ministre des affaires étrangères Wang Yi

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Diète annuelle du Congrès du peuple chinois : le programme du ministre des affaires étrangères Wang Yi

Beijing. Lors de la Diète annuelle du Conrès du peuple chinois, le ministre des affaires étrangères Wang Yi a mis en exergue l’importance du projet stratégique de la « nouvelle Route de la Soie ». Il a souligné, par la même occasion, que la Chine construisait ainsi un nouvel ordre mondial. Littéralement, Wang Yi a dit : « Nous voulons créer un type nouveau de relations internationales ».

Toutefois, la participation de pays tiers au projet de la « nouvelle Route de la Soie », comme le veut Beijing, ne se fera pas gratuitement. Les participants doivent accepter les termes d’une « déclaration d’intention ». Plus de 80 pays ont déjà signé cette convention dont plusieurs pays d’Europe de l’Est. Les diplomates occidentaux considèrent que ce document pose problème car il exige que « soient respectés les intérêts fondamentaux de la Chine », comme le montre avec plus de précisions une ébauche présentée à l’agence de presse « dpa ». Beijing entend faire valoir ses intérêts, non seulement en Mer de Chine du Sud, mais aussi envers Taïwan, jugé rebelle. Les Etats, qui signent la convention, s’obligent simultanément à soutenir la Chine aux Nations Unies.

Les diplomates occidentaux jugent inacceptables les clauses qui précisent que la coopération avec la Chine doit être « pragmatique » : c’est le terme qu’utilisent les Chinois, dans leur langage particulier, pour éliminer l’épineuse question des droits de l’homme.

Devant le Congrès du peuple, le ministre des affaires étrangères Wang Yi a prôné la détente et a assuré que tous les pays auraient droit au chapitre dans l’initiative chinoise de la « nouvelle Route de la Soie » car aucun pays ne dominerait le processus seul ». Il a ajouté : « Tous ceux qui ne jugent pas avec deux poids deux mesures verront la Chine non comme une menace mais comme un pays qui offre d’innombrables possibilités ».

(article traduit de http://www.zuerst.de ).

 

lundi, 05 mars 2018

Russie: en finir avec la guerre froide

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Russie: en finir avec la guerre froide

Ex: https://lignedroite.club
Texte de la rubrique Politique extérieure

Pour les États-Unis et l’Otan, tout se passe comme si le bloc soviétique ne s’était pas effondré et qu’il faille maintenir une stratégie agressive à l’égard de la Russie. Ligne droite n’accepte pas cette prolongation artificielle de la guerre froide qui s’oppose aux intérêts stratégiques et civilisationnels des Européens et menace la paix sur le vieux continent.

Comme si la guerre froide sévissait toujours

Nous vivons aujourd’hui en effet un curieux paradoxe : l’URSS a volé en éclats, le « rideau de fer » a été démantelé et le pacte de Varsovie a disparu. Pourtant l’Otan, qui fut créé pour contrer la menace soviétique, est toujours actif et la russophobie est devenue l’une des composantes de l’idéologie du Système. En outre, les États-Unis ont poursuivi leur stratégie d’isolement stratégique de la Russie, comme au temps de la guerre froide. Et, contrairement à ce qui avait été promis lors de la dislocation du bloc soviétique, les États-Unis n’ont eu de cesse d’étendre l’Otan aux pays de l’Europe de l’Est et, dernièrement, d’empêcher tout rapprochement entre l’Ukraine et la Russie.

La menace vient du Sud et non plus de l’Est

Il fut un temps où la menace soviétique en Europe était réelle. Mais ce temps est révolu. Aujourd’hui, la menace principale qui pèse sur l’Europe ne vient plus de l’Est mais du Sud. Elle ne se manifeste plus par un danger militaire mais par des migrations incontrôlées, le chaos africain et la poussée de l’islam. Même les pays de l’Est de l’Europe qui ont gardé un mauvais souvenir de leur intégration forcée dans le bloc soviétique sont aujourd’hui plus menacés par l’immigration illégale et le terrorisme islamiste que par les chars russes.

Une politique américaine à contre-temps

L’attitude de l’Otan vis-à-vis de la Russie ne s’explique en réalité que par la volonté des États-Unis de maintenir leur leadership sur le « heartland » européen et, pour ce faire, d’empêcher par tous les moyens la constitution d’une Europe de l’Atlantique à l’Oural, selon la célèbre formule du général De Gaulle. Mais il s’agit d’une double erreur. D’abord parce qu’à l’âge du monde multipolaire et du retour sur la scène mondiale des grandes civilisations non occidentales, l’Europe n’occupe plus une place centrale. Avec le réveil de l’Asie, l’axe du monde est en train de se déplacer de l’Atlantique vers le Pacifique. Ensuite parce que l’Amérique perd progressivement sa position dominante dans le monde. Elle ne sera bientôt plus le gendarme de la planète. Comme le démontre aujourd’hui la crise nord-coréenne, les États-Unis sont non seulement impuissants à empêcher la prolifération nucléaire mais également de moins en moins en mesure de garantir la sécurité de leurs alliés comme le Japon.

Les intérêts communs russo-européens

Ligne droite est convaincue que, face au choc des civilisations qui s’annonce, l’Europe n’a au contraire aucun intérêt à s’éloigner de la Russie. Rien ne permet en effet d’affirmer que les États-Unis vont continuer d’être un allié sûr, garant de la sécurité européenne. Depuis quelque temps, ils ne cessent de demander aux Européens de mieux prendre en charge leur défense et tournent leur regard vers le Pacifique et l’Asie.

Par ailleurs, l’Europe a désormais de plus en plus d’intérêts communs avec la Russie. Sur le plan de la sécurité, l’une comme l’autre doivent faire face à la menace islamiste. Dans le domaine économique, les deux ensembles sont complémentaires, car la Russie est un très grand marché, un pays immense, peu peuplé mais doté de ressources énergétiques abondantes, quand l’Europe est au contraire très densément habitée, manque de matières premières et recherche des débouchés commerciaux. L’Allemagne l’a d’ailleurs bien compris, qui exporte massivement vers la Russie. L’Europe a également des intérêts stratégiques communs avec la Russie : il suffit pour s’en persuader de regarder un planisphère. La Russie retrouve son rang de puissance mondiale au sein des BRICS, lesquels sont en train de remettre en cause progressivement la suprématie du dollar et des marchés financiers américains, une initiative dont l’Europe ne peut que profiter. Enfin, l’Europe et la Russie appartiennent à la même civilisation européenne et chrétienne, alors que l’Amérique du Nord s’apparente de plus en plus à un chaos multiculturel où les Européens seront bientôt minoritaires.

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Ne pas rester un petit cap de l’Eurasie

À l’échelle du monde multipolaire, l’Europe occidentale n’est plus qu’un petit cap de l’Eurasie. Si elle veut encore compter dans ce « nouveau monde » qui vient, elle ne peut se couper durablement de son grand voisin russe qui, au demeurant, peut faire un heureux contrepoids à l’unilatéralisme américain. L’Europe, qui manque aujourd’hui d’alliés, n’a donc aucun intérêt à entrer dans le jeu américain d’un encerclement et d’un isolement de la Russie. Car isoler la Russie n’est pas renforcer l’Europe, mais au contraire l’affaiblir. C’est aussi courir le risque d’une nouvelle guerre sur le continent qui ne pourrait qu’être catastrophique pour notre civilisation. C’est pourquoi Ligne droite dénonce les provocations croissantes de l’Otan vis-à-vis de la Russie.

Refuser la russophobie

La russophobie maladive des médias du Système ne conduit à rien de bon pour l’Europe. Elle fait avant tout le jeu de la stratégie américaine qui veut empêcher la constitution d’un pôle de puissance autonome sur le continent.
Quant à la Russie, elle n’est pas moins « démocratique » que l’Europe de l’Ouest qui, de son côté, l’est de moins en moins. On peut d’ailleurs s’étonner que ceux qui diabolisent la Russie restent silencieux face à la Turquie d’Erdogan pourtant de plus en plus totalitaire ou face aux pétromonarchies obscurantistes du Golfe qui soutiennent l’islamisme.

Ligne droite dénonce ces manipulations russophobes et se prononce pour une politique réaliste et ouverte vis-à-vis de notre grand voisin russe.

vendredi, 02 mars 2018

Troisième Rome: de Dostoïevski à Jean Parvulesco

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Réservation obligatoire: cercledubonsens@hotmail.com

mardi, 27 février 2018

Iran and India: Belt and Road by Another Name

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Iran and India: Belt and Road by Another Name

Don’t tell the Iran hawks in D.C., isolating Iran won’t work.  Iranian President Hassan Rouhani met with his Indian counterpart Narendra Modi this week and the two signed a multitude of agreements.

The most important of which is India’s leasing of part of the Iranian port of Chabahar on the Gulf of Oman.  This deal further strengthens India’s ability to access central Asian markets while bypassing the Pakistani port at Gwadar, now under renovation by China as part of CPEC – China Pakistan Economic Corridor.

CPEC is part of China’s far bigger One Belt, One Road Initiative (OBOR), its ambitious plan to link the Far East with Western Europe and everyone else in between.  OBOR has dozens of moving parts with its current focus on upgrading the transport infrastructure of India’s rival Pakistan while Russia works with Iran on upgrading its rail lines across its vast central plateaus as well as those moving south into Iran.

India is investing in Iran’s rails starting at Chabahar and moving north.

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Just Part of the Much-Needed Rail Upgrade Iran Needs to Connect it to India

Chabahar has long been a development goal for Russia, Iran and India.  The North-South Transport Corridor (NSTC) was put on paper way back when Putin first took office (2002). And various parts of it have been completed.  The full rail route linking Chabahar into the rest of Iran’s rail network, however, has not been completed.

The first leg, to the eastern city of Zahedan is complete and the next leg will take it to Mashhad, near the Turkmenistan border.  These two cities are crucial to India finding ways into Central Asia while not looking like they are partaking in OBOR.

Also, from Zahedan, work can now start on the 160+ mile line to Zaranj, Afghanistan.

The recent deal between Iran and India for engines and railcars to run on this line underscores these developments.  So, today’s announcements are the next logical step.

The U.S. Spectre

As these rail projects get completed the geopolitical imperatives for the U.S. and it’s anti-Iranian echo chamber become more actute.  India, especially under Modi, has been trying to walk a fine line between doing what is obviously in its long-term best interest, deepening its ties with Iran, while doing so without incurring the wrath of Washington D.C.

India is trapped between Iran to the west and China to the east when it comes to the U.S.’s central Asian policy of sowing chaos to keep everyone down, otherwise known as the Brzezinski Doctrine.

India has to choose its own path towards central Asian integration while nominally rejecting OBOR. It was one of the few countries to not send a high-ranking government official to last year’s massive OBOR Conference along with the U.S.

So, it virtue signals that it won’t work with China and Pakistan.  It’s easy to do since these are both open wounds on a number of fronts.  While at the same time making multi-billion investments into Iran’s infrastructure to open up freight trade and energy supply for itself.

All of which, by the way, materially helps both China’s and Pakistan’s ambitions int the region.

So much of the NTSC’s slow development can be traced to the patchwork of economic sanctions placed on both Russia and Iran by the U.S. over the past ten years.  These have forced countries and companies to invest capital inefficiently to avoid running afoul of the U.S.

The current deals signed by Rouhani and Modi will be paid for directly in Indian rupees.  This is to ensure that the money can actually be used in case President Trump decertifies the JCPOA and slaps new sanctions on Iran, kicking it, again, out of the SWIFT international payment system.

Given the currency instability in Iran, getting hold of rupees is a win.  But, looking at the rupee as a relatively ‘hard’ currency should tell you just how difficult it was for Iran to function without access to SWIFT from 2012 to 2015.

Remember, that without India paying for Iranian oil in everything from washing machines to gold (laundered through Turkish banks), Iran would not have survived that period.

Don’t kid yourself.  The U.S. doesn’t want to see these projects move forward.  Any completed infrastructure linking Iran more fully into the fabric of central Asia is another step towards an economy independent of Western banking influences.

This is the real reason that Israel and Trump want to decertify the Iran nuclear deal.  An economically untethered Iran is something no one in Washington and Tel Aviv wants.

The Fallacy of Control

The reason(s) for this stem from the mistaken belief that the way to ensure Iran’s society evolves the right way, i.e. how we want them to, is to destabilize the theocracy and allow a new government which we have more control over to flourish.

It doesn’t matter that this never works. Punishment of enemies is a dominant neoconservative trait.

When the truth is that the opposite approach is far more likely to produce an Iran less hostile to both Israel and the U.S.  Rouhani is the closest thing to a free-market reformer Iran has produced since the 1979 revolution.  Putting the country on a stronger economic footing is what will loosen the strings of the theocracy.

We’re already seeing that.  Rouhani’s re-election came against record voter turnout and gave him a 57% mandate over a candidate explicitly backed by the mullahs.

That said, there is no magic bullet for solving Iran’s economic problems, which are legion, after years of war both physical and economic.  Inflation is down to just 10%, but unemployment is at depression levels.  It will simply take time.

The recent protests started as purely economic in nature as the people’s patience with Rouhani’s reforms are wearing thin, not because they aren’t for the most part moving things in the right direction, but because they aren’t happening fast enough.

And you can thank U.S. and Israeli policy for that.  Trump’s ‘will-he/won’t-he’ approach to the JCPOA, the open hostility of his administration has the intended effect of retarding investment.

The country’s current economic problems come from a woeful lack of infrastructure thanks to the U.S.’s starving it of outside investment capital for the past seven years alongside a currency collapse.

With the JCPOA in place the investment capital is now just beginning to make its way into the country.  It’s taken nearly three years for the fear of U.S. reprisal to wear off sufficiently to allow significant deals to be reached, like these.

Last summer President Trump began making noise over the JCPOA and John McCain pushed through the sanctions bill that nominally targeted Russia, but actually targeted impending European investment into Iran’s oil and gas sectors.

It didn’t and France’s Total still signed a $4+ billion exploration deal with Iran.  European majors are lined up to do business with Iran but the sanctions bill is stopping them.  And Trump is too much of a mercantilist to see the effects.  Iran is evil and blocking them is good for our oil companies.

Full Stop.

Don’t forget last year’s announcement of a new Iran to India gas pipeline, in a deal facilitated by Russia’s Gazprom to ensure a part of India’s future energy needs.  This was a pipeline project delayed for nearly two decades as the U.S. (and Hillary Clinton) tried to bring gas down from Turkmenistan, the TAPI pipeline, and cut Iran out of the picture.

Both countries have not benefitted from this mutually-beneficial energy trade for more than fifteen years because of U.S. meddling.

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India’s Future Is Iran’s

What this summit between Modi and Rouhani ultimately means is that despite all attempts at intimidation and control, self-interest always wins.  There are too many good reasons for India and Iran to be allies economically.

And despite our increased military presence in both Afghanistan and Syria beyond all rationality, designed to surround and pressure Iran into submission, in the end it won’t work.  India imports 60% of its energy needs.

And while the two countries have been sparring over particulars in developing the important Farzad-B gas field in the Persian Gulf, Rouhani and Modi seem to have created a framework where the two can get a deal done.

On Farzad-B, [Indian Oil Minister] Pradhan said both sides agreed to reove “all the bottlenecks on capex, return (on indina investments) and timeline. We have decided today to reopen and re-engage on all three issues again.”

The oil deal appears to be the most crucial breakthrough since India had reduced Iranian crude imports by a quarter in retaliation for, what officials described as, Iran’s flip-flop over sealing a deal over Farzad-B.

Those words came after Iran cut a better deal for oil exports to India, up to 500,000 more barrels per day, more than doubling 2017’s 370,000 barrels per day.

If Rouhani’s visit can nail down these deals and build further trust between the two countries, he will have moved the ball way down the field for Iran as it pertains to its improving regional relationships with Russia, Turkey and even China.

Because, by getting India to help stabilize Iran’s energy industry and build its transport infrastructure in the east it’s assisting Russia and China’s goals of opening up the former Soviet ‘Stans as well as give them more leverage to craft a security deal in Afghanistan between the Kabul government and the amenable parts of the Taliban.

mercredi, 21 février 2018

L’Autriche se branche sur la “nouvelle route de la Soie”: la voie ferrée russe à large écartement arrivera jusqu’à Vienne

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L’Autriche se branche sur la “nouvelle route de la Soie”: la voie ferrée russe à large écartement arrivera jusqu’à Vienne

Vienne/Moscou – A l’ombre des sanctions de l’UE contre la Russie, le nouveau gouvernement autrichien opte pour une politique originale et prouve par là sa vision à long terme. Le ministre autrichien des communications, Hofer (FPÖ) négocie avec son homologue russe Sokolov la prolongation d’une voie ferrée à large écartement. Celle-ci permettra de relier l’Autriche au Transibérien et, via celui-ci, à la Chine. La petite république alpine aura ainsi accès à la « nouvelle route de la Soie », pour l’essentiel promue par la Chine.

Les négociations entre Hofer et Sokolov indiquent qu’il y a désormais un rapprochement politique entre Vienne et Moscou, en dépit des sanctions systématiques qu’impose l’UE à la Russie, sanctions que l’on critique avec véhémence en Autriche depuis quelques années déjà.

Concrètement, il s’agit de réaliser des plans qui sont dans les tiroirs depuis plusieurs années, notamment celui visant à prolonger jusqu’à Vienne la voie à large écartement du Transibérien qui arrive en Europe dans l’Est de la Slovaquie. Le projet envisage la construction d’une gare à conteneurs pour les frets arrivant d’Asie en Europe. Elle se situerait soit à Parndorf ou près du Kittsee dans le Burgenland.

Le ministère autrichien des communications prépare d’ores et déjà l’étape suivante : calculer et choisir le modèle économique et financier approprié pour ce projet estimé à 6,5 milliards d’euros. Après cette mise au point, les consultations commenceront avec les pays partenaires ; ensuite, on mettra cette politique au diapason avec la Commission européenne et on entamera tous les processus nécessaires pour obtenir les autorisations requises.

Article paru sur: http://www.zuerst.de  

mardi, 20 février 2018

Future intégration économique entre la Russie et le Japon?

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Future intégration économique entre la Russie et le Japon?

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Poser la question ne paraît pas sérieux. D'une part les deux pays faute d'un traité de paix sont encore juridiquement en guerre. D'autre part et surtout, beaucoup de différences séparent leurs économies.

Le Japon est bien intégré dans l'économie libérale américaine et européenne. La Russie cherche sa voie dans une alliance avec la Chine, en perspective d'une future Eurasie. Même si son économie s'ouvre de plus en plus à des relations technologiques et financières avec le monde dit « occidental », à l'exclusion des Etats-Unis, elle reste très fermée et difficile à pénétrer par des intérêts étrangers. Ne mentionnons pas le fait que le Japon demeure politiquement une sorte de satellite de Washington. Les choses pourront changer si les Japonais y trouvaient de l'intérêt. D'ailleurs la récente rencontre Shinzo Abe-Vladimir Poutine au forum économique de Vladivostok a été d'un bon présage à cet égard.

sakhhokk.pngIl ne faut pas sous-estimer les points sur lesquels les deux économies pourraient dès maintenant coopérer, si les circonstances politiques le permettaient. La Russie représente un vaste marché de consommation, que les industries russes peineront à satisfaire, faute de financements et de produits adaptés. Son vaste continent, notamment au delà du cercle polaire, est assez grand pour accueillir des investisseurs japonais. Ceux-ci diminueraient la dépendance actuelle à l'égard de la Chine. En contrepartie, la Russie pourrait fournir des matières premières et de l'énergie dont le Japon manque cruellement. Ses industries militaires qui sont extrêmement compétitives et modernes, pourraient intéresser Tokyo au cas où celui-ci déciderait de se constituer une défense indépendante des forces américaines et de leurs matériels.

Si l'on ne peut envisager, malgré leurs aspects complémentaires, une future intégration des deux économies, de très importants rapprochements pourraient se faire rapidement. Mais il faudrait pour cela un grand programme géopolitique qui permettrait aux populations et aux décideurs des deux pays de visualiser concrètement les avantages qu'en tireraient les deux partenaires.

Un futur pont-tunnel

C'est le rôle que pourrait jouer le projet de pont-tunnel à l'étude entre les deux pays. Nous avons déjà mentionné ce projet et marqué son intérêt dans un article de janvier 2018 Un projet de pont entre la Russie et le Japon https://blogs.mediapart.fr/jean-paul-baquiast/blog/140118.... Dans le présent article, il n'est pas inutile d'y revenir.

Ce projet, dans l'esprit de l'OBOR chinois, impliquerait de massifs investissements d'infrastructures. Or c'est un domaine dans lequel les Chemins de fer russes (http://eng.rzd.ru/) excellent, ceci dès le temps du Transsibérien. Quant aux financements, ils pourraient provenir, non seulement de la Russie et du Japon, mais de la Chine et de la Corée du Sud, qui souhaitent des relations économiques plus faciles que par mer avec le Japon.

Le projet une fois décidé pourrait provoquer une vague d'investissements dans les iles Sakhalin et Hokkaido, sans mentionner la région de Vladivostok. Le chemin de fer faciliterait l'accès du Japon aux matières premières et produits primaires russes, dont il manque et qu'il est obligé d'importer de plus loin. Comme indiqué ci-dessus, les consommateurs russes seront preneurs des produits sophistiqués de l'économie japonaise. Il s'agirait d'échanges gagnant-gagnant , ce qui n'est pas le cas dans les relations du Japon avec les Etats-Unis et l'Europe, qui voient un lui un concurrent n'offrant pas de contreparties.

Reste à savoir si l'ogre américain laissera son porte-avion japonais en mer du Japon et dans le Pacifique lui échapper. Peut-être qu'affaibli  il ne pourra pas faire autrement.

dimanche, 04 février 2018

Pékin appelle l'Europe à combattre l’unilatéralisme

La Chine a demandé aux pays européens, dont l’Allemagne, de ne pas se contenter de « mots » face à l’unilatéralisme commercial et de prendre des mesures concrètes.

Le porte-parole du ministère chinois du Commerce Gao Feng, cité par l’IRNA, a souligné que les Européens ne devaient pas dresser d’obstacles aux investissements chinois dans leurs pays.

Dans une interview à Pékin, ce responsable chinois a affirmé que l’Allemagne, l’Italie et la France avaient rédigé des règlements qui leur permettraient d’entraver l’accès des sociétés chinoises à leurs marchés ainsi que l’achat par pékin de biens européens.

« Lors du Forum économique de Davos en Suisse, c’étaient les mêmes dirigeants européens, dont les Allemands, qui avaient annoncé que l’unilatéralisme commercial n’était pas le choix du futur et qu’il fallait le combattre », a-t-il ajouté.

« Bien que les investissements chinois en Allemagne aient augmenté tout au long de ces dernières années, ils sont encore dans la phase initiale et les tergiversations de Berlin et d’autres chancelleries européennes bloqueront le développement des relations et des investissements bilatéraux », a précisé le diplomate chinois.

D’après M. Feng, les investissements chinois en Allemagne ont atteint les 2 milliards 270 millions de dollars, un chiffre rudimentaire par rapport à l’ensemble des investissements effectués en Allemagne, ce qui ne constitue pas une menace.

« Pékin encouragera encore les entreprises chinoises à investir dans l’Union européenne, tout en espérant que les Européens leur accordent une attitude juste et équitable », a-t-il affirmé.

Depuis des années, la Chine s’est engagée à faire évoluer son modèle de croissance économique vers un modèle axé sur la consommation, les services et l’innovation. Les chiffres montrent que ces efforts portent leurs fruits.

lundi, 29 janvier 2018

Les cinq leçons de Carl Schmitt pour la Russie

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Les cinq leçons de Carl Schmitt pour la Russie

par Alexandre Douguine

Ex: https://www.geopolica.ru

Extrait de The Conservative Revolution (Moscou, Arktogaïa, 1994), The Russian Thing Vol. 1 (2001), et de The Philosophy of War (2004). – Article écrit en 1991, publié pour la première fois dans le journal Nash Sovremennik en 1992.

Le fameux juriste allemand Carl Schmitt est considéré comme un classique du droit moderne. Certains l’appellent le « Machiavel moderne » à cause de son absence de moralisme sentimental et de rhétorique humaniste dans son analyse de la réalité politique. Carl Schmitt pensait que, pour déterminer les questions juridiques, il faut avant tout donner une description claire et réaliste des processus politiques et sociaux et s’abstenir d’utopisme, de vœux pieux, et d’impératifs et de dogmes a priori. Aujourd’hui, l’héritage intellectuel et légal de Carl Schmitt est un élément nécessaire de l’enseignement juridique dans les universités occidentales. Pour la Russie aussi, la créativité de Schmitt est d’un intérêt et d’une importance particuliers parce qu’il s’intéressait aux situations critiques de la vie politique moderne. Indubitablement, son analyse de la loi et du contexte politique de la légalité peut nous aider à comprendre plus clairement et plus profondément ce qui se passe exactement dans notre société et en Russie.

Leçon #1 : la politique au-dessus de tout

Le principe majeur de la philosophie schmittienne de la loi était l’idée de la primauté inconditionnelle des principes politiques sur les critères de l’existence sociale. C’est la politique qui organisait et prédéterminait la stratégie des facteurs économiques internes et leur pression croissante dans le monde moderne. Schmitt explique cela de la manière suivante : « Le fait que les contradictions économiques sont maintenant devenues des contradictions politiques … ne fait que montrer que, comme toute autre activité humaine, l’économie parcourt une voie qui mène inévitablement à une expression politique » [1]. La signification de cette allégation employée par Schmitt, comprise comme un solide argument historique et sociologique, revient en fin de compte à ce qu’on pourrait définir comme une théorie de l’« idéalisme historique collectif ». Dans cette théorie, le sujet n’est pas l’individu ni les lois économiques développant la substance, mais un peuple concret, historiquement et socialement défini qui maintient, avec sa volonté dynamique particulière – dotée de sa propre loi – son existence socioéconomique, son unité qualitative, et la continuité organique et spirituelle de ses traditions sous des formes différentes et à des époques différentes. D’après Schmitt, le domaine politique représente l’incarnation de la volonté du peuple exprimée sous diverses formes reliées aux niveaux juridique, économique et sociopolitique.

Une telle définition de la politique est en opposition avec les modèles mécanistes et universalistes de la structure sociétale qui ont dominé la jurisprudence et la philosophie juridique occidentales depuis l’époque des Lumières. Le domaine politique de Schmitt est directement associé à deux facteurs que les doctrines mécanistes ont tendance à ignorer : les spécificités historiques d’un peuple doté d’une qualité particulière de volonté, et la particularité historique d’une société, d’un Etat, d’une tradition et d’un passé particuliers qui, d’après Schmitt, se concentrent dans leur manifestation politique. Ainsi, l’affirmation par Schmitt de la primauté de la politique introduisait dans la philosophie juridique et la science politique des caractéristiques qualitatives et organiques qui ne sont manifestement pas incluses dans les schémas unidimensionnels des « progressistes », qu’ils soient du genre libéral-capitaliste ou du genre marxiste-socialiste.

La théorie de Schmitt considérait donc la politique comme un phénomène « organique » enraciné dans le « sol ».

La Russie et le peuple russe ont besoin d’une telle compréhension de la politique pour bien gouverner leur propre destinée et éviter de devenir une fois de plus, comme il y a sept décennies, les otages d’une idéologie réductionniste antinationale ignorant la volonté du peuple, son passé, son unité qualitative, et la signification spirituelle de sa voie historique.

Leçon #2 : qu’il y ait toujours des ennemis ; qu’il y ait toujours des amis

Dans son livre Le concept du Politique, Carl Schmitt exprime une vérité extraordinairement importante : « Un peuple existe politiquement seulement s’il forme une communauté politique indépendante et s’oppose à d’autres communautés politiques pour préserver sa propre compréhension de sa communauté spécifique ». Bien que ce point de vue soit en désaccord complet avec la démagogie humaniste caractéristique des théories marxiste et libérale-démocratique, toute l’histoire du monde, incluant l’histoire réelle (pas l’histoire officielle) des Etats marxistes et libéraux-démocratiques, montre que ce fait se vérifie dans la pratique, même si la conscience utopique post-Lumières est incapable de le reconnaître. En réalité, la division politique entre « nous » et « eux » existe dans tous les régimes politiques et dans toutes les nations. Sans cette distinction, pas un seul Etat, pas un seul peuple et pas une seule nation ne pourraient préserver leur propre identité, suivre leur propre voie et avoir leur propre histoire.

Analysant sobrement l’affirmation démagogique de l’antihumanisme, de l’« inhumanité » d’une telle opposition, et de la division entre « nous » et « eux », Carl Schmitt note : « Si on commence à agir au nom de toute l’humanité, au nom de l’humanisme abstrait, en pratique cela signifie que cet acteur refuse toute qualité humaine à tous les adversaires possibles, se déclarant ainsi comme étant au-delà de l’humanité et au-delà de la loi, et donc menace potentiellement d’une guerre qui serait menée jusqu’aux limites les plus terrifiantes et les plus inhumaines ». D’une manière frappante, ces lignes furent écrites en 1934, longtemps avant l’invasion terroriste du Panama ou le bombardement de l’Irak par les Américains. De plus, le Goulag et ses victimes n’étaient pas encore très connus en Occident. Vu sous cet angle, ce n’est pas la reconnaissance réaliste des spécificités qualitatives de l’existence politique d’un peuple, présupposant toujours une division entre « nous » et « eux », qui conduit aux conséquences les plus terrifiantes, mais plutôt l’effort vers une universalisation totale et pour faire entrer les nations et les Etats dans les cellules des idées utopiques d’une « humanité unie et uniforme » dépourvue de toutes différences organiques ou historiques.

41SyAtkwoQL._SX322_BO1,204,203,200_.jpgCommençant par ces conditions préalables, Carl Schmitt développa la théorie de la « guerre totale » et de la « guerre limitée » dénommée « guerre de forme », où la guerre totale est la conséquence de l’idéologie universaliste utopique qui nie les différences culturelles, historiques, étatiques et nationales naturelles entre les peuples. Une telle guerre représente en fait une menace de destruction pour toute l’humanité. Selon Carl Schmitt, l’humanisme extrémiste est la voie directe vers une telle guerre qui entraînerait l’implication non seulement des militaires mais aussi des populations civiles dans un conflit. Ceci est en fin de compte le danger le plus terrible. D’un autre coté, les « guerres de forme » sont inévitables du fait des différences entre les peuples et entre leurs cultures indestructibles. Les « guerres de forme » impliquent la participation de soldats professionnels, et peuvent être régulées par les règles légales définies de l’Europe qui portaient jadis le nom de Jus Publicum Europeum (Loi Commune Européenne). Par conséquent, de telles guerres représentent un moindre mal dont la reconnaissance théorique de leur inévitabilité peut protéger les peuples à l’avance contre un conflit « totalisé » et une « guerre totale ». A ce sujet, on peut citer le fameux paradoxe établi par Chigalev dans Les Possédés de Dostoïevski, qui dit : « En partant de la liberté absolue, j’arrive à l’esclavage absolu ». En paraphrasant cette vérité et en l’appliquant aux idées de Carl Schmitt, on peut dire que les partisans de l’humanisme radical « partent de la paix totale et arrivent à la guerre totale ». Après mûre réflexion, nous pouvons voir l’application de la remarque de Chigalev dans toute l’histoire soviétique. Si les avertissements de Carl Schmitt ne sont pas pris en compte, il sera beaucoup plus difficile de comprendre leur véracité, parce qu’il ne restera plus personne pour attester qu’il avait raison – il ne restera plus rien de l’humanité.

Passons maintenant au stade final de la distinction entre « nous » et « eux », celui des « ennemis » et des « amis ». Schmitt pensait que la centralité de cette paire est valable pour l’existence politique d’une nation, puisque c’est par ce choix que se décide un profond problème existentiel. Julien Freud, un disciple de Schmitt, formula cette thèse de la manière suivante : « La dualité ennemi-ami donne à la politique une dimension existentielle puisque la possibilité théoriquement impliquée de la guerre soulève le problème et le choix de la vie et de la mort dans ce cadre » [2].

Le juriste et le politicien, jugeant en termes d’« ennemi » et d’« ami » avec une claire conscience de la signification de ce choix, opèrent ainsi avec les mêmes catégories existentielles qui donnent aux décisions, aux actions et aux déclarations les qualités de réalité, de responsabilité et de sérieux dont manquent toutes les abstractions humanistes, transformant ainsi le drame de la vie et de la mort en une guerre dans un décor chimérique à une seule dimension. Une terrible illustration de cette guerre fut la couverture du conflit irakien par les médias occidentaux. Les Américains suivirent la mort des femmes, des enfants et des vieillards irakiens à la télévision comme s’ils regardaient des jeux vidéo du genre Guerre des Etoiles. Les idées du Nouvel Ordre Mondial, dont les fondements furent posés durant cette guerre, sont les manifestations suprêmes de la nature terrible et dramatique des événements lorsqu’ils sont privés de tout contenu existentiel.

La paire « ennemi »/« ami » est une nécessité à la fois externe et interne pour l’existence d’une société politiquement complète, et devrait être froidement acceptée et consciente. Sinon, tout le monde peut devenir un « ennemi » et personne n’est un « ami ». Tel est l’impératif politique de l’histoire.

Leçon #3 : La politique des «circonstances exceptionnelles» et la Décision

L’un des plus brillants aspects des idées de Carl Schmitt était le principe des « circonstances exceptionnelles » (Ernstfall en allemand, littéralement « cas d’urgence ») élevé au rang d’une catégorie politico-juridique. D’après Schmitt, les normes juridiques décrivent seulement une réalité sociopolitique normale s’écoulant uniformément et continuellement, sans interruptions. C’est seulement dans de telles situations purement normales que le concept de la « loi » telle qu’elle est comprise par les juristes s’applique pleinement. Il existe bien sûr des règlementations pour les « situations exceptionnelles », mais ces réglementations sont le plus souvent déterminées sur la base de critères dérivés d’une situation politique normale. La jurisprudence, d’après Schmitt, tend à absolutiser les critères d’une situation normale lorsqu’on considère l’histoire de la société comme un processus uniforme légalement constitué. L’expression la plus complète de ce point de vue est la « pure théorie de la loi » de Kelsen. Carl Schmitt, cependant, voit cette absolutisation d’une « approche légale » et du « règne de la loi » [= « Etat de droit »] comme un mécanisme tout aussi utopique et comme un universalisme naïf produit par les Lumières avec ses mythes rationalistes. Derrière l’absolutisation de la loi se dissimule une tentative de « mettre fin à l’histoire » et de la priver de son motif passionné créatif, de son contenu politique, et de ses peuples historiques. Sur la base de cette analyse, Carl Schmitt postule une théorie particulière des « circonstances exceptionnelles » ou Ernstfall.

L’Ernstfall est le moment où une décision politique est prise dans une situation qui ne peut plus être régulée par des normes légales conventionnelles. La prise de décision dans des circonstances exceptionnelles implique la convergence d’un certain nombre de facteurs organiques divers reliés à la tradition, au passé historique, aux constantes culturelles, ainsi qu’aux expressions spontanées, aux efforts héroïques, aux impulsions passionnées, et à la manifestation soudaine des énergies existentielles profondes. La Vraie Décision (le terme même de « décision » était un concept clé de la doctrine légale de Schmitt) est prise précisément dans une circonstance où les normes légales et sociales sont « interrompues » et où celles qui décrivent le cours naturel des processus politiques et qui commencent à agir dans le cas d’une « situation d’urgence » ou d’une « catastrophe sociopolitique » ne sont plus applicables. « Circonstances exceptionnelles » ne signifie pas seulement une catastrophe, mais le positionnement d’un peuple et de son organisme politique devant un problème, faisant appel à l’essence historique d’un peuple, à son noyau, et à sa nature secrète qui fait de ce peuple ce qu’il est. Par conséquent, la Décision politiquement prise dans une telle situation est une expression spontanée de la volonté profonde du peuple répondant à un défi global, existentiel ou historique (ici on peut comparer les vues de Schmitt à celles de Spengler, Toynbee et d’autres révolutionnaires-conservateurs avec lesquels Carl Schmitt avait des liens personnels).

Dans l’école juridique française, les adeptes de Carl Schmitt ont développé le terme spécial de « décisionnisme », à partir du mot français décision (allemand Entscheidung). Le décisionnisme met l’accent sur les « circonstances exceptionnelles », puisque c’est dans ce cas que la nation ou le peuple actualise son passé et détermine son avenir dans une dramatique concentration du moment présent où trois caractéristiques qualitatives du temps fusionnent, à savoir le pouvoir de la source d’où est issu ce peuple dans l’histoire, la volonté du peuple de faire face à l’avenir et d’affirmer le moment précis où le « Moi » éternel est révélé et où le peuple prend entièrement la responsabilité dans ses mains, et l’identité elle-même.

En développant sa théorie de l’Ernstfall et de l’Entscheidung, Carl Schmitt montra aussi que l’affirmation de toutes les normes juridiques et sociales survient précisément durant de telles périodes de « circonstances exceptionnelles » et qu’elle est primordialement basée sur une décision à la fois spontanée et prédéterminée. Le moment intermittent de l’expression singulière de la volonté porte plus tard sur la base des normes constantes qui existent jusqu’à l’émergence de nouvelles « circonstances exceptionnelles ». Cela illustre en fait parfaitement la contradiction inhérente aux idées des partisans radicaux du « règne de la loi » : ils ignorent consciemment ou inconsciemment le fait que l’appel à la nécessité d’établir le « règne de la loi » est lui-même une décision basée précisément sur la volonté politique d’un groupe donné. En un sens, cet impératif est avancé arbitrairement et pas comme une sorte de nécessité fatale et inévitable. Par conséquent, l’acceptation ou le refus du « règne de la loi » et en général l’acceptation ou le refus de tel ou tel modèle légal doit coïncider avec la volonté du peuple ou de l’Etat particulier auquel est adressée la proposition ou l’expression de volonté. Les partisans du « règne de la loi » tentent implicitement de créer ou d’utiliser les « circonstances exceptionnelles » pour mettre en œuvre leur concept, mais le caractère insidieux d’une telle approche et l’hypocrisie et l’incohérence de cette méthode peuvent tout naturellement provoquer une réaction populaire, dont le résultat pourrait très bien apparaître comme une autre décision alternative. De plus, il est d’autant plus probable que cette décision conduirait à l’établissement d’une réalité légale différente de celle recherchée par les universalistes.

51XZ6ZEG2JL._SX195_.jpgLe concept de la Décision au sens supra-légal ainsi que la nature même de la Décision elle-même s’accordent avec la théorie du « pouvoir direct » et du « pouvoir indirect » (potestas directa et potestas indirecta). Dans le contexte spécifique de Schmitt, la Décision est prise non seulement dans les instances du « pouvoir direct » (le pouvoir des rois, des empereurs, des présidents, etc.) mais aussi dans les conditions du « pouvoir indirect », dont des exemples peuvent être les organisations religieuses, culturelles ou idéologiques qui influencent l’histoire d’un peuple et d’un Etat, certes pas aussi clairement que les décisions des gouvernants mais qui opèrent néanmoins d’une manière beaucoup plus profonde et formidable. Schmitt pense donc que le « pouvoir indirect » n’est pas toujours négatif, mais d’un autre coté il ne fait qu’une allusion implicite au fait qu’une décision contraire à la volonté du peuple est le plus souvent adoptée et mise en œuvre par de tels moyens de « pouvoir indirect ». Dans son livre Théologie politique et dans sa suite Théologie politique II, il examine la logique du fonctionnement de ces deux types d’autorité dans les Etats et les nations.

La théorie des « circonstances exceptionnelles » et le thème de la Décision (Entscheidung) associé à cette théorie sont d’une importance capitale pour nous aujourd’hui, puisque c’est précisément à un tel moment dans l’histoire de notre peuple et de notre Etat que nous nous trouvons, et les « circonstances exceptionnelles » sont devenues l’état naturel de la nation – et non seulement l’avenir politique de notre peuple mais aussi la compréhension et la confirmation essentielle de notre passé dépendent maintenant de la Décision. Si la volonté du peuple s’affirme et que le choix national du peuple dans ce moment dramatique peut clairement définir qui est « nous » et « eux », identifier les amis et les ennemis, et arracher une auto-affirmation politique à l’histoire, alors la Décision de l’Etat russe et du peuple russe sera sa propre décision existentielle historique qui placera un sceau de loyauté sur des millénaires de « construction du peuple » et de « construction de l’empire ». Cela signifie que notre avenir sera russe. Si d’autres prennent la décision, à savoir les partisans de l’« approche humaine commune », de l’« universalisme » et de l’« égalitarisme », qui depuis la mort du marxisme représentent les seuls héritiers directs de l’idéologie utopique et mécaniste des Lumières, alors non seulement le futur ne sera pas russe mais il sera « seulement humain » et donc il n’y aura « pas de futur » (du point de vue de l’être du peuple, de l’Etat et de la nation). Notre passé perdra tout son sens et les drames de la grande histoire russe se transformeront en une farce stupide sur la voie du mondialisme et du nivellement culturel complet au profit d’une « humanité universelle », c’est-à-dire l’« enfer de la réalité légale absolue ».

Leçon #4 : Les impératifs d’un Grand Espace

Carl Schmitt s’intéressa aussi à l’aspect géopolitique des questions sociales. La plus importante de ses idées dans ce domaine est la notion de « Grand Espace » (Grossraum) qui attira plus tard l’attention de nombreux économistes, juristes, géopoliticiens et stratèges européens. La signification conceptuelle du « Grand Espace » dans la perspective analytique de Carl Schmitt se trouve dans la délimitation des régions géographiques à l’intérieur desquelles les variantes de la manifestation politique des peuples et des Etats spécifiques inclus dans cette région peuvent être conjointes pour accomplir une généralisation harmonieuse et cohérente exprimée dans une « Grande Union Géopolitique ». Le point de départ de Schmitt était la question de la Doctrine Monroe américaine impliquant l’intégration économique et stratégique des puissances américaines dans les limites naturelles du Nouveau Monde. Etant donné que l’Eurasie représente un conglomérat beaucoup plus divers d’ethnies, d’Etats et de cultures, Schmitt postulait qu’il fallait donc parler non tant de l’intégration continentale totale que de l’établissement de plusieurs grandes entités géopolitiques, chacune devant être gouvernée par un super-Etat flexible. Ceci est assez analogue au Jus Publicum Europeaum ou à la Sainte Alliance proposée à l’Europe par l’empereur russe Alexandre 1er.

D’après Carl Schmitt, un « Grand Espace » organisé en une structure politique flexible de type impérial et fédéral équilibrerait les diverses volontés nationales, ethniques et étatiques et jouerait le rôle d’une sorte d’arbitre impartial ou de régulateur des conflits locaux possibles, les « guerres de forme ». Schmitt soulignait que les « Grands Espaces », pour pouvoir être des formations organiques et naturelles, doivent nécessairement représenter des territoires terrestres, c’est-à-dire des entités tellurocratiques, des masses continentales. Dans son fameux livre Le Nomos de la Terre, il traça l’histoire de macro-entités politiques continentales, la voie de leur intégration, et la logique de leur établissement graduel en tant qu’empires. Carl Schmitt remarquait que parallèlement à l’existence de constantes spirituelles dans le destin d’un peuple, c’est-à-dire des constantes incarnant l’essence spirituelle d’un peuple, il existait aussi des constantes géopolitiques des « Grands Espaces » qui gravitent vers une nouvelle restauration avec des intervalles de plusieurs siècles ou même de millénaires. Dans ce sens, les macro-entités géopolitiques sont stables quand leur principe intégrateur n’est pas rigide ni recréé abstraitement, mais flexible, organique, et en accord avec la Décision des peuples, avec leur volonté, et avec leur énergie passionnée capable de les impliquer dans un bloc tellurocratique unifié avec leurs voisins culturels, géopolitiques ou étatiques.

La doctrine des « Grands Espaces » (Grossraum) fut établie par Carl Schmitt non seulement comme une analyse des tendances historiques dans l’histoire du continent, mais aussi comme un projet pour l’unification future que Schmitt considérait non seulement comme possible, mais désirable et même nécessaire en un certain sens. Julien Freund résuma les idées de Schmitt sur le futur Grossraum dans les termes suivants : « L’organisation de ce nouvel espace ne requerra aucune compétence scientifique, ni de préparation culturelle ou technique dans la mesure où elle surgira en résultat d’une volonté politique, dont l’ethos transforme l’apparence de la loi internationale. Dès que ce ‘Grand Espace’ sera unifié, la chose la plus importante sera la force de son ‘rayonnement’ » [3].

9782081228733-fr-300.jpgAinsi, l’idée schmittienne du « Grand Espace » possède aussi une dimension spontanée, existentielle et volitionnelle, tout comme le sujet fondamental de l’histoire selon lui, c’est-à-dire le peuple en tant qu’unité politique. Tout comme les géopoliticiens Mackinder et Kjellen, Schmitt opposait les empires thalassocratiques (la Phénicie, l’Angleterre, les Etats-Unis, etc.) aux empires tellurocratiques (l’empire romain, l’empire austro-hongrois, l’empire russe, etc.). Dans cette perspective, l’organisation harmonieuse et organique d’un espace n’est possible que pour les empires tellurocratiques, et la Loi Continentale ne peut être appliquée qu’à eux. La thalassocratie, sortant des limites de son Ile et initiant une expansion navale, entre en conflit avec les tellurocraties et, en accord avec la logique géopolitique, commence à miner diplomatiquement, économiquement et militairement les fondements des « Grands Espaces » continentaux. Ainsi, dans la perspective des « Grands Espaces » continentaux, Schmitt revient une fois de plus aux concepts des paires ennemis/amis et nous/eux, mais cette fois-ci à un niveau planétaire. La volonté des empires continentaux, les « Grands Espaces », se révèle dans la confrontation entre les macro-intérêts continentaux et les macro-intérêts maritimes. La « Mer » défie ainsi la « Terre », et en répondant à ce défi, la « Terre » revient le plus souvent à sa conscience de soi continentale profonde.

Comme remarque additionnelle, nous illustrerons la théorie du Grossraum avec deux exemples. A la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe, le territoire américain était divisé entre plusieurs pays du Vieux Monde. Le Far West, la Louisiane appartenaient aux Espagnols et plus tard aux Français ; le Sud appartenait au Mexique ; le Nord à l’Angleterre, etc. Dans cette situation, l’Europe représentait une puissance tellurocratique pour les Américains, empêchant l’unification géopolitique et stratégique du Nouveau Monde sur les plans militaire, économique et diplomatique. Après que les Américains aient obtenu l’indépendance, ils commencèrent graduellement à imposer de plus en plus agressivement leur volonté géopolitique au Vieux Monde, ce qui conduisit logiquement à l’affaiblissement de l’unité continentale du « Grand Espace » européen. Par conséquent, dans l’histoire géopolitique des « Grands Espaces », il n’y a pas de puissances absolument tellurocratiques ou absolument thalassocratiques. Les rôles peuvent changer, mais la logique continentale demeure constante.

En résumant la théorie schmittienne des « Grands Espaces » et en l’appliquant à la situation de la Russie d’aujourd’hui, nous pouvons dire que la séparation et la désintégration du « Grand Espace » autrefois nommé URSS contredit la logique continentale de l’Eurasie, puisque les peuples habitant nos terres ont perdu l’opportunité de faire appel à l’arbitrage de la superpuissance [soviétique] capable de réguler ou d’empêcher les conflits potentiels et réels. Mais d’un autre coté, le rejet de la démagogie marxiste excessivement rigide et inflexible au niveau de l’idéologie d’Etat peut conduire et conduira à une restauration spontanée et passionnée du Bloc Eurasien Oriental, puisqu’une telle reconstruction est en accord avec toutes les ethnies indigènes organiques de l’espace impérial russe. De plus, il est très probable que la restauration d’un Empire Fédéral, d’un « Grand Espace » englobant la partie orientale du continent, entraînerait au moyen de son « rayonnement de puissance » l’adhésion de ces territoires additionnels qui sont en train de perdre rapidement leur identité ethnique et étatique dans la situation géopolitique critique et artificielle prévalant depuis l’effondrement de l’URSS. D’autre part, la pensée continentale du génial juriste allemand nous permet de distinguer entre « nous » et « eux » au niveau continental.

La conscience de la confrontation naturelle et dans une certaine mesure inévitable entre les puissances tellurocratiques et thalassocratiques offre aux partisans et aux créateurs d’un nouveau Grand Espace une compréhension claire de l’« ennemi » auquel font face l’Europe, la Russie et l’Asie, c’est-à-dire les Etats-Unis d’Amérique avec leur alliée insulaire thalassocratique, l’Angleterre. En quittant le macro-niveau planétaire et en revenant au niveau de la structure sociale de l’Etat russe, il s’ensuit donc que la question devrait être posée : un lobby thalassocratique caché ne se trouve-t-il pas derrière le désir d’influencer la Décision russe des problèmes dans un sens « universaliste » qui peut exercer son influence par un pouvoir à la fois « direct » et « indirect » ?

Leçon #5 : La « paix militante » et la téléologie du Partisan

A la fin de sa vie (il mourut le 7 avril 1985), Carl Schmitt accorda une attention particulière à la possibilité d’une issue négative de l’histoire. Cette issue négative de l’histoire est en effet tout à fait possible si les doctrines irréalistes des humanistes radicaux, des universalistes, des utopistes et des partisans des « valeurs communes universelles », centrées sur le gigantesque potentiel symbolique de la puissance thalassocratique que sont les USA, parviennent à une domination globale et deviennent le fondement idéologique d’une nouvelle dictature mondiale – la dictature d’une « utopie mécaniste ». Schmitt pensait que le cours de l’histoire moderne se dirigeait inévitablement vers ce qu’il nommait la « guerre totale ».

Selon Schmitt, la logique de la « totalisation » des relations planétaires au niveau stratégique, militaire et diplomatique se base sur les points-clés suivants. A partir d’un certain moment de l’histoire, ou plus précisément à l'époque de la Révolution française et de l’Indépendance des Etats-Unis d’Amérique, commença un éloignement fatal vis-à-vis des constantes historiques, juridiques, nationales et géopolitiques qui garantissaient auparavant l'harmonie organique sur la planète et qui servaient le « Nomos de la Terre ».

Sur le plan juridique, un concept quantitatif artificiel et atomique, celui des « droits individuels » (qui devint plus tard la fameuse théorie des « droits de l'homme »), commença à se développer et remplaça le concept organique des « droits des peuples », des « droits de l’Etat », etc. Selon Schmitt, l’élévation de l’individu et du facteur individuel isolé de sa nation, de sa tradition, de sa culture, de sa profession, de sa famille, etc., au niveau d’une catégorie juridique autonome signifie le début du « déclin de la loi » et sa transformation en une chimère égalitaire utopique, s’opposant aux lois organiques de l’histoire des peuples et des Etats, des régimes, des territoires et des unions.

Au niveau national, les principes organiques impériaux et fédéraux ont fini par être remplacés par deux conceptions opposées mais tout aussi artificielles : l’idée jacobine de l’« Etat-nation » et la théorie communiste de la disparition complète de l’Etat et du début de l'internationalisme total. Les empires qui avaient préservé des vestiges de structures organiques traditionnelles, comme l’Autriche-Hongrie, l’empire ottoman, l’empire russe, etc., furent rapidement détruits sous l’influence de facteurs externes aussi bien qu’internes. Enfin, au niveau géopolitique, le facteur thalassocratique s’intensifia à un tel degré qu’une profonde déstabilisation des relations juridiques entre les « Grands Espaces » eut lieu. Notons que Schmitt considérait la « Mer » comme un espace beaucoup plus difficile à délimiter et à ordonner juridiquement que celui de la « Terre ».

La diffusion mondiale de la dysharmonie juridique et géopolitique fut accompagnée par la déviation progressive des conceptions politico-idéologiques dominantes vis-à-vis de la réalité, et par le fait qu’elles devinrent de plus en plus chimériques, illusoires et en fin de compte hypocrites. Plus on parlait de « monde universel », plus les guerres et les conflits devenaient terribles. Plus les slogans devenaient « humains », plus la réalité sociale devenait inhumaine. C’est ce processus que Carl Schmitt nomma le début de la « paix militante », c’est-à-dire un état où il n’y a plus ni guerre ni paix au sens traditionnel. Aujourd’hui la « totalisation » menaçante contre laquelle Carl Schmitt nous avait mis en garde a fini par prendre le nom de « mondialisme ». La « paix militante » a reçu son expression complète dans la théorie du Nouvel Ordre Mondial américain qui dans son mouvement vers la « paix totale » conduit clairement la planète vers une nouvelle « guerre totale ».

Carl Schmitt pensait que la conquête de l’espace était le plus important événement géopolitique symbolisant un degré supplémentaire d’éloignement vis-à-vis de la mise en ordre légitime de l’espace, puisque le cosmos est encore plus difficilement « organisable » que l’espace maritime. Schmitt pensait que le développement de l’aviation était aussi un pas de plus vers la « totalisation » de la guerre, l’exploration spatiale étant le début du processus de la « totalisation » illégitime finale.

Parallèlement à l’évolution fatale de la planète vers une telle monstruosité maritime, aérienne et même spatiale, Carl Schmitt, qui s’intéressait toujours à des catégories plus globales (dont la plus petite était « l’unité politique du peuple »), en vint à être attiré par une nouvelle figure dans l’histoire, la figure du « Partisan ». Carl Schmitt y consacra son dernier livre, La théorie du Partisan. Schmitt vit dans ce petit combattant contre des forces bien plus puissantes une sorte de symbole de la dernière résistance de la tellurocratie et de ses derniers défenseurs.

Le partisan est indubitablement une figure moderne. Comme d’autres types politiques modernes, il est séparé de la tradition et il vit en-dehors du Jus Publicum. Dans son combat, le Partisan brise toutes les règles de la guerre. Il n’est pas un soldat, mais un civil utilisant des méthodes terroristes qui, en-dehors du temps de guerre, seraient assimilées à des actes criminels gravissimes apparentés au terrorisme. Cependant, d’après Schmitt, c’est le Partisan qui incarne la « fidélité à la Terre ». Le Partisan est, pour le dire simplement, une réponse légitime au défi illégitime masqué de la « loi » moderne.

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Le caractère extraordinaire de la situation et l’intensification constante de la « paix militante » (ou « guerre pacifiste », ce qui revient au même) inspirent le petit défenseur du sol, de l’histoire, du peuple et de la nation, et constituent la source de sa justification paradoxale. L’efficacité stratégique du Partisan et de ses méthodes est, d’après Schmitt, la compensation paradoxale du début de la « guerre totale » contre un « ennemi total ». C’est peut-être cette leçon de Carl Schmitt, qui s’inspirait lui-même beaucoup de l’histoire russe, de la stratégie militaire russe, et de la doctrine politique russe, incluant des analyses des œuvres de Lénine et Staline, qui est la plus intimement compréhensible pour les Russes. Le Partisan est un personnage intégral de l’histoire russe, qui apparaît toujours quand la volonté du pouvoir russe et la volonté profonde du peuple russe lui-même prennent des directions divergentes.

Dans l’histoire russe, les troubles et la guerre de partisans ont toujours eu un caractère compensatoire purement politique, visant à corriger le cours de l’histoire nationale quand le pouvoir politique se sépare du peuple. En Russie, les partisans gagnèrent les guerres que le gouvernement perdait, renversèrent les systèmes économiques étrangers à la tradition russe, et corrigèrent les erreurs géopolitiques de ses dirigeants. Les Russes ont toujours su déceler le moment où l’illégitimité ou l’injustice organique s’incarne dans une doctrine s’exprimant à travers tel ou tel personnage. En un sens, la Russie est un gigantesque Empire Partisan, agissant en-dehors de la loi et conduit par la grande intuition de la Terre, du Continent, ce « Grand, très Grand Espace » qui est le territoire historique de notre peuple.

Et à présent, alors que le gouffre entre la volonté de la nation et la volonté de l’establishment en Russie (qui représente exclusivement « le règne de la loi » en accord avec le modèle universaliste) s’élargit dangereusement et que le vent de la thalassocratie impose de plus en plus la « paix militante » dans le pays et devient graduellement une forme de « guerre totale », c’est peut être cette figure du Partisan russe qui nous montrera la voie de l’Avenir Russe au moyen d’une forme extrême de résistance, par la transgression des limites artificielles et des normes légales qui ne sont pas en accord avec les canons véritables de la Loi Russe.

Une assimilation plus complète de la cinquième leçon de Carl Schmitt signifie l’application de la Pratique Sacrée de la défense de la Terre.

Remarques finales

Enfin, la sixième leçon non formulée de Carl Schmitt pourrait être un exemple de ce que la figure de la Nouvelle Droite européenne, Alain de Benoist, nommait l’« imagination politique » ou la « créativité idéologique ». Le génie du juriste allemand réside dans le fait que non seulement il sentit les « lignes de force » de l’histoire mais aussi qu’il entendit la voix mystérieuse du monde des essences, même si celui-ci est souvent caché sous les phénomènes vides et fades du monde moderne complexe et dynamique. Nous les Russes devrions prendre exemple sur la rigueur germanique et transformer nos institutions lourdaudes et surévaluées en formules intellectuelles claires, en projets idéologiques clairs, et en théories convaincantes et impérieuses.

Aujourd’hui, c’est d’autant plus nécessaire que nous vivons dans des « circonstances exceptionnelles », au seuil d’une Décision si importante que notre nation n’en a peut-être jamais connue de telle auparavant. La vraie élite nationale n’a pas le droit de laisser son peuple sans une idéologie qui doit exprimer non seulement ce qu’il ressent et pense, mais aussi ce qu’il ne ressent pas et ne pense pas, et même ce qu’il a nourri secrètement en lui-même et pieusement vénéré pendant des millénaires.

Si nous n’armons pas idéologiquement l’Etat, un Etat que nos adversaires pourraient temporairement nous arracher, alors nous devons forcément et sans faille armer idéologiquement le Partisan Russe qui se réveille aujourd’hui pour accomplir sa mission continentale dans ce que sont maintenant les Riga et Vilnius en cours d’« anglicisation », le Caucase en train de s’« obscurcir », l’Asie Centrale en train de « jaunir », l’Ukraine en train de se « poloniser », et la Tatarie « aux yeux noirs ».

La Russie est un Grand Espace dont la Grande Idée est portée par son peuple sur son gigantesque sol eurasien continental. Si un génie allemand sert notre Réveil, alors les Teutons auront mérité une place privilégiée parmi les « amis de la Grande Russie » et deviendront « les nôtres », ils deviendront des « Asiates », des « Huns » et des « Scythes » comme nous, des autochtones de la Grande Forêt et des Grandes Steppes.

Notes

[1] Carl Schmitt, Der Begriff des Politischen, p. 127

[2] Julien Freund, « Les lignes de force de la pensée politique de Carl Schmitt », Nouvelle Ecole No. 44.

[3] Ibid.

mercredi, 24 janvier 2018

The Russo-Chinese "Alliance" Revisited

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The Russo-Chinese "Alliance" Revisited

America’s greatest strategic mind of global recognition, Alfred Thayer Mahan, in his seminal work The Influence of Sea Power upon History saw the World Ocean and activity in it as the foundation for national greatness and power. The pivot of this greatness was a powerful navy. Through Mahan, the Theory of Navalism reached American elites late in 19th Century. As Byron King noted:

Mahan’s book struck the highest levels of the governing classes like a bolt of lightning and created a tempest of intellectual upheaval not just within the U.S. Navy, but throughout the broader American (and overseas) political, economic, and industrial system.

It was, however, not Navalism as a theory which contributed to both intellectual and, eventually, social upheaval—it was the industrial revolution and the technological paradigm that revolution created, which propelled ideas of naval blockades and of the decisive battles of large fleets to the forefront of global strategic thought. The confirmation of the correctness of Mahan’s vision didn’t have to wait for too long—on 28 May 1905, in the straits of Tsushima, Russia’s Baltic Sea Squadron of Admiral Zinovyi Rozhesvensky was almost completely obliterated by the Japanese naval force of Admiral Togo in what amounted to one of the most lop-sided battles in history. Russia’s de jure defeat in the Russo-Japanese War of 1904-05 became inevitable in the wake of Tsushima, which became in Russia a euphemism for a catastrophe. Recriminations and, eventually the First Russian Revolution followed as the result of this military-political humiliation. This outcome also cemented a central postulate of Navalism—large, expensive fleets became the main force which embodied both national prestige and safety for the trade of the nation which possessed them. The era of battleships and cruisers unfolded but so did the era of submarines.

The explosive technological and doctrinal development of fleets, both naval and commercial, followed. Also Mahan’s ideas that the old concept of Guerre’ de Course, of commerce raiding, simultaneously matured and reached industrial proportions, which would see massive naval battles on the Shipping Lanes of Communications (SLOC) during WW I and, especially so, during WW II. The Safety of SLOCs and maritime Choke Points became defining factors in Western strategic thinking of the 20th Century. Nowhere was this more so than in Great Britain and, especially, in the newly emerging superpower of the United States. The World Island is how Admiral Elmo Zumwalt defined the United States of the 20th Century. The post WW II US Navy became more than just a concentrated material expression of American national pride and of industrial-technological prowess; it became the guarantor of the safety of those numerous SLOCs and Choke Points on which American prosperity depended then and continues to depend even more so today.

Enter the 21st Century. With the collapse of the Soviet Union, the US Navy lost its only modern peer—the Soviet Navy. Today, the US Navy reigns supreme over the vast spaces of the World Ocean, thus making American maritime trade secure. For now it also controls the world’s maritime trade which amounts to almost 90 percent of all global trade. A fleet of more than 62 000 commercial vessels every day carries millions tons of cargo, ranging from crude oil and ore to washing machines and cars, between hundreds of ports, thus generating trillions of dollars in capital movement every month. It seems that the United States with her magnificent navy is living proof of the old geopolitical truism that the one who controls the World Ocean controls the world’s trade, and thus controls the World. This was true with the United States being the most productive and largest industrial economy in the post-World War Two world. This is not the case anymore. To be sure, the United States still hugely depends on and still controls most SLOCs, but this time the pattern is different and is changing constantly.

China’s ever-growing manufacturing capacity entered the game—the times when the United States was shipping massive amounts of finished goods and of materiel both to Europe and elsewhere around the world are over. Of course, the United States still produces many finished goods, some of them of a world-class quality, such as commercial aircraft, processors, generators, and engines, to name just a few; but in 2017 the United States posted an astonishing 344 billion dollars trade deficit with China. Today, the US controlled SLOCs in the Asia-Pacific area operate as supply lines for the US internal market, shipping monthly tens of billions of dollars’ worth of the finished consumer goods to the United States, filling the shelves of American Walmarts, Targets and Costcos with mostly Chinese-manufactured TVs, home appliances, computers, Smart phones, furniture, and articles of clothing. The United States today depends on China for its own everyday consumer needs. This dependence is unprecedented historically and is a powerful reason for questioning both America’s internal and international trade policies. Today, trade deficits of such a scale are among the most important drivers behind contemporary geopolitical upheaval.

The United States is in a trade hole and that hole is extremely deep. Yet, while the US-Chinese trade is the talk of the town and is extremely important in explaining contemporary geopolitical dynamics, and an inevitable US-Chinese trade war, a much larger but less talked about global scenario is beginning to emerge and it has everything to do with the fact of China’s (One) Belt and Road initiative aka the New Silk Road. A lot has been said about this massive project, most of it is positive and it is derived from the fact of the seemingly much fairer and beneficial, for all parties involved, nature of it. This is true, especially against the background of the mayhem and destruction the United States has unleashed around the world. Yet, the Chinese project is far more than just an exercise in charity which it certainly is not. China, with her excessive industrial capacity, is in it for a much bigger prize than the United States, with its sluggish consumer market and declining standard of living. Nor are Africa or Eurasian subcontinent the targets, although often placed in the center of Chinese considerations. The name of the Chinese game is Europe. Without Europe, the One Belt and Road initiative becomes merely an expansion into large but mostly poor markets in Asia. The Philippines or Indonesia cannot compare to the advanced economies of Germany or France. Europe, not just the EU, is a different game. With her almost 750 million population and a GDP larger than that of China or the US, Europe is the only truly wealthy market left in the world. China desperately needs access to this market both through the land bridge and SLOCs and it is here where the geopolitical dance of the century becomes extremely intricate. Several important facts must be considered before drawing any conclusions on the mid to long-term developments:

1. The United Stated posts huge trade deficits not only with China. The US is in a deep 56 billion dollars trade hole with Germany in 2017. It consistently posts trade deficits with most European nations from France to Finland and Russia. With the EU alone, the US trade deficit is more than 135 billion dollars. With the exception of military hardware, commercial aircraft and some electronics, the US is simply not competitive in Europe. China is and precisely in that sector where the United States produces next to nothing—consumer goods. The Europeans are aware of this, as they are apprehensive of China’s One Belt and Road. Speaking on January 10, 2018 France’s President Macron was explicit in his description of the Silk Road:

“We must come up with a common position at the European level…We can’t disregard this initiative. It would mean dealing with its consequences and would be a profound strategic mistake.”

Europe does feel a need to protect her strategic sectors and those are the ones where China still lags considerably—the high-tech machine building sectors.

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2. With China securing the safety of her strategic rear and crucial resources by entering into all but an full-fledged military-political alliance with Russia, China seems poised to complete the Silk Road’s land-bridge, a small part of which will go through Russia. Modern transportation technologies, including high-speed rail—the exact field in which China is one of the global leaders—may significantly change the matrix of goods’ flow and, indeed, interconnect Eurasia with a highly developed railroad network. In fact, the work is already in progress. But here is the catch.

3. Commercial marine transport still remains the most efficient way of delivering large quantities of goods—a term “Road” stands for SLOCs in a One Belt and Road initiative. China needs this Road which connects her ports with the Mediterranean and it is here where all illusions about this Chinese initiative must be dispelled.

There is a lot of talk about the Russia-Chinese alliance, as well as about Russia being a junior partner in such an alliance. All this is a result of not seeing the very serious real factors behind the new Silk Road. First, China’s initiative is not that beneficial to Russia. In fact, it goes contrary to Russia’s own plans for creating a new Eurasian Economic Union (EAEU). Russia has its own designs on large portions of the markets China sees as her own. Russia, dominating Eurasia’s heartland, has a shot at a serious upgrade of its own role in this plan and that is what Russia is doing already. One of the major reasons is the fact that the US Navy and the Chinese Navy (PLAN) are simply in different leagues. One may say, and justly so, a lot of negative things about the US Navy, which does face a whole host of large technological and operational problems, but there can be no denial that it still remains the most powerful naval force in history. It is precisely this force which can, if push comes to shove, stop any maritime trade in almost any part of the world. The “almost” qualifier is extremely important here.

One also may say that this is an unrealistic scenario, while in reality it is anything but. The Chinese Navy (PLAN) was in construction overdrive for a decade now and it built a large number of surface combat ships, some of which on paper look impressive. By 2030 it also plans to have four aircraft carriers in its order of battle. China is also building naval bases in Pakistan, which is prudent once one considers that a large portion of this “Road” passing through the Indian Ocean. But the question remains—in the case of an inevitable US-China trade war, which may go hot on “neutral” territory, will the Chinese Navy (PLAN) be able to defend its SLOCs from the interdiction by the US Navy?

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The answer is an unequivocal no. China may already have a very serious A2/AD (Anti-Access/Area Denial) capability which would deters the US Navy and make its life difficult in the South China Sea, but blue water operations are a completely different game. The US Navy today and in the foreseeable future has an ace up its sleeve, and that is a world-class, massive nuclear attack submarine force which, considering the US Navy’s powerful surface element, will not allow PLAN to defend its SLOCs. While Mahan’s ideas seem to be moribund, they may yet see their resurrection in the form of a large fleet standoff with global implications.Neither now nor in the foreseeable future will China be able to overcome the US Navy’s technological underwater superiority, and eventually the Chinese will also need to contend with India’s view of the Indian Ocean as her own internal lake. India also sees the Chinese naval presence in the Indian Ocean as a threat to herself. It is not surprising therefore to see increased cooperation between the US and Indian Navies. The PLAN is not ready to face such odds, especially when one considers the rather unimpressive technological reality of PLAN’s submarine force—this inferiority in technology and numbers will not be overcome any time soon. In plain language, in the open ocean the US Navy can and, most likely, will sink the Chinese Navy and that will mean the end of the Road, leaving onl the Belt to China.

In the end, the United States also needs Europe in a desperate attempt to revitalize own economy by utilizing the subjugated and split EU as the main market for US hydrocarbons and goods. The US doesn’t need Chinese competition in what has now become a struggle with enormously high stakes for the United States. After all, the memories of America as a global industrial powerhouse are still fresh among many. This, eventually, may move the United States into full confrontational mode with China and it is here where Russia will have her own very appealing strategic fork in the road, with some preparations for this fork now being made. The most important sign of this was Vladimir Putin’s rather startling revelation, during his October 2017 Valdai Forum conversation with youth, of his concern for the fate of white European Christian Civilization and his desire to preserve it.

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The importance of this statement is difficult to overstate—much more is at stake than mere economic issues, however important. The Russian-Chinese alliance today seems unshakable and it will remain so for a while, but, contrary to some opinions, this is not because Russia needs China—certainly no more than China needs Russia. It is a situational global alliance, but it is also the economically natural alliance of two very close neighbors. China needs Russia’s resources, which Russia gladly sells to China, but China also needs Russia’s technology and she needs it desperately. Europe is also not just a market for China; it provides access to very advanced technologies, from nuclear power to transportation. But Europe and Russia are effectively the same culture, while China and Russia are not.

Putin at Valdai confirmed Russia as primarily a European nation and stressed the necessity to preserve it as such while preserving European, which is Western, culture as a whole—this is without doubt a most startling and profound political statement from a major global statesman in the 21st century. Preserving European culture is impossible without extremely advanced technology and advanced military systems, but that is what Russia has been building for the last decade. With Europe slowly coming to some understanding of the dead end of its cultural and economic policies, it is becoming clear that Europe sees neither China nor the United States as friends. Yet, even despite sanctions on Russia, the Q3 2017 reports saw a very significant, double digit, growth in trade between Russia and Germany, Netherlands, Italy, and Austria—hardly a sign of an isolated nation. The trade with China also grew tremendously by more than 20% and reached 84 billion dollars, with a target of 200 billion to be reached in the nearest future. There will be no cohesion to any Eurasian economic plans without Russia. The Russians know this, and so do the Chinese and the Americans.

More importantly, while it is primarily Russian or Russia-derived military technology which has already firmly secured the Chinese and Russian littorals and their near sea zones from any aggression, Russia holds yet another joker up her sleeve. It is the Northern Sea Route, which China supports enthusiastically. She has sound reasons for doing that. Unlike the Indian Ocean where PLAN would have to face the immensely powerful US Navy, Russia controls the Arctic and possesses a world-class A2/AD capability there, from advanced nuclear submarines, patrol and missile carrying aviation to a system of surveillance and reconnaissance sensors and coastal weapons, which make this route a desirable trade artery, also being much shorter than other maritime routes. The pace of Russian construction of ice-breakers for year-round operation of this ice route, now greatly mitigated by climate change, testifies to the fact that this route is already becoming an important economic and geopolitical factor.

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The strategic implications are enormous—neither the US Navy, nor, for that matter any other navy, would be able to interdict Arctic SLOCs. Russia already has enough fire-power in the Arctic to ensure that passage is peaceful under any geopolitical conditions, while retaining, if need be, the capacity to shut it down. China has no such capabilities. But that is why China knows how to behave with Russia, which is also, together with Finland, a source of advanced technology for China not only militarily but for the use of this route. As The Diplomat noted:

In short, as long as solid Russia-China relations exist, the future of the Ice Silk Road is bright.

There are no reasons for China or Russia to spoil their relations, especially now when the agreement has been signed and a JV established for developing and building Russian-Chinese long-range wide-body CR 929 aircraft, which gives China access to world-class Russia’s commercial aircraft design and technologies. Russian-Chinese energy and infrastructure projects are also impressive and have huge potential for growth. In general, after all of these factors are considered, one can easily see that no matter how one plays with numbers or geography, Russia long ago secured both continental and maritime pivot positions for any major Eurasian project. She did that by playing to her many strengths. Then, by openly stating her European cultural roots, Russia has asserted her claim to be the very real bridge between Asia and Europe and she has all the necessary economic, technological and military wherewithal to support such a claim.

Will Europe get the signal? There are certainly many there who got it already but so did the United States, whose neocon cabal is going apoplectic when facing an unfolding geopolitical reality in which the United States may be simply bypassed as a player in Eurasia or, under highly desirable yet unattainable conditions, see herself reinventing herself as a major global productive player. How to do this? Alfred Thayer Mahan left no instructions and that could be a big problem. But if we all manage to avoid Mahan’s vision of large fleets blowing each-other out of the water with modern conventional let alone nuclear weapons, in their desperate fight to control shipping lanes of communications—this, I think, will fit the common sense of most people in Russia, the US, China and Europe. These four players must sort their problems out in a peaceful and civilized way—there is no other viable option. The only alternative is a bloody destructive triumph of Navalism.

lundi, 22 janvier 2018

Giuseppe Tucci, il più grande tibetologo del mondo

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Giuseppe Tucci, il più grande tibetologo del mondo

Chiara Giacobelli

Scrittrice e giornalista

Ex: http://www.huffingtonpost.it

Lhasa, 1948 – Arrivare fin lì, attraversare continenti, fiumi e montagne, camminare per chilometri sul tetto del mondo, per poi scontrarsi con l'amara verità: le porte del Trono di Dio erano chiuse agli stranieri. A tutti gli stranieri. Giuseppe Tucci scalciò via un sasso gelido che rotolò fino ai piedi di un lama, dritto immobile a pochi metri da lui; sapeva che Lhasa era nota ovunque per essere la città proibita, eppure due anni prima Heinrich Harrer– che all'epoca non era nessuno, ma in futuro sarebbe diventato l'idolo delle masse grazie al film Sette anni in Tibet tratto dal suo libro – era riuscito a penetrarvi insieme all'amico Peter Aufschnaiter e proprio in quel momento, mentre lui tentava ogni strada possibile per convincere i monaci a essere accolto dal Dalai Lama, si trovava all'interno di quelle mura incantate con l'importante ruolo di traduttore di notizie dall'estero. Giuseppe alzò gli occhi verso l'immenso palazzo che sovrastava una rupe scoscesa e sospirò: non sarebbe tornato a casa senza prima aver avuto accesso al luogo più segreto del pianeta.

GT-mandala.JPGEra il 5 giugno del 1894 quando un bimbo dagli occhi curiosi e le mani sempre pronte ad afferrare ciò che incontrava sul suo cammino nasceva in un confortevole appartamento di Macerata. Oggi la targa che ricorda la sua persona si trova in corso Cavour ed è facilmente visibile, tuttavia sono in molti ad avere ricordi di un adolescente di via Crispi originale, poco avvezzo a far amicizia, sempre immerso in letture e passeggiate tra le rovine storiche, che aveva attirato l'attenzione su di sé poiché spesso, durante il freddo inverno dell'entroterra marchigiano, usciva in balcone a dorso nudo e si cimentava in difficilissimi esercizi di yoga. Nessuno poteva immaginare che la città di Macerata sarebbe arrivata in un futuro non troppo lontano a dedicargli persino una via e una sede didattica a Palazzo Ugolini. Giuseppe Tucci, figlio unico di una coppia di pugliesi emigrati nelle Marche, era per tutti il ragazzino fuori dal comune che al Liceo Classico Leopardi produceva scritti e saggi impensabili per un sedicenne (tanto che la scuola conserva ancora la pagella e il diploma, insieme a un libricino realizzato dagli alunni qualche anno fa); era il ribelle solitario che spariva per pomeriggi interi nella Biblioteca Comunale Mozzi Borgetti o in quella Statale cercando di decifrare lingue incomprensibili come il sanscrito, il cinese, l'hindi e molte altre, non potendo certo prevedere che un giorno tra quelle stesse mura sarebbero state conservate quasi tutte le sue 360 pubblicazioni; infine, era il giovane esploratore che dedicava ore e ore di studio alle zone archeologiche di Urbs Salvia ed Helvia Recina. Quelle colline, quegli scavi per lui così affascinanti, quel richiamo della terra d'origine che lo spingeva a immergersi nel passato attraverso ogni modalità non lo avrebbero mai abbandonato, neppure quando spirò all'età di novant'anni nella sua casa di San Polo dei Cavalieri. Tuttavia, Macerata fu solo l'inizio di una lunghissima vita trascorsa viaggiando; una vita che lo condusse negli spazi estremi dell'Oriente, laddove nessuno era mai stato prima.

GT-reltibet.jpgGiuseppe strinse la cinghia che teneva incollati tra loro gli antichi libri e sorrise compiaciuto. Era giunto il momento di lasciare Lhasa dopo che, non molto tempo prima, era davvero riuscito a farsi ammettere – unico uomo di tutta la spedizione – sfruttando una motivazione assai semplice: era buddista. Lo era diventato, in effetti, durante la precedente visita al Tibet nel 1935 grazie all'iniziazione dell'abate di Sakya Ngawang Thutob Wangdrag. Lo raccontò lui stesso nel libro Santi e briganti nel Tibet ignoto, esplicitando anche la convinzione di essere stato un tibetano e di essersi reincarnato nei panni di un esploratore per dare voce e lustro alla cultura di un popolo in continuo pericolo, ancora troppo ignoto al resto dell'umanità. Ed era proprio per questo motivo che Tucci, in quella soleggiata giornata dall'aria frizzantina proveniente dalle vette che si estendevano intorno a lui in lontananza, non aveva nessuna intenzione di restituire l'opera costituita da ben 108 volumi preziosi e di inestimabile valore che il Dalai Lama Tenzin Gyatso – appena tredicenne – gli aveva prestato affascinato dalla sua mente erudita continuamente in cerca di risposte. D'altra parte, la storia avrebbe dimostrato in seguito che quel piccolo "appropriamento indebito" si sarebbe rivelato una fortuna, poiché permise all'enciclopedia di salvarsi arrivando ai giorni nostri integra e tradotta in vari paesi, con grande gioia del Dalai Lama stesso.

Fu dunque quella la prima volta che Tucci riuscì a varcare la soglia della città proibita, ma la sua intera esistenza appare in realtà come un susseguirsi di avventure di ogni tipo, da quelle sentimentali – si sposò tre volte, nonostante trovò il vero amore solo con l'ultima compagna Francesca Bonardi, accanto alla quale è oggi sepolto in una tomba anonima e con lo sguardo rivolto a Oriente come da lui richiesto – a quelle professionali. Si contano in totale otto spedizioni in Tibet e cinque in Nepal, oltre agli scavi archeologici condotti in Afghanistan, Iran e Pakistan. Il patrimonio di reperti (oggetti, manufatti, libri, manoscritti, fotografie, etc.) da lui rinvenuto nel corso di questi viaggi fu tale da permettergli nel 1933 di fondare insieme al filosofo Giovanni Gentile l'Istituto Italiano per il Medio ed Estremo Oriente di Roma (IsMEO), con lo stesso intento che lo aveva sempre mosso, quello cioè di stabilire relazioni culturali tra l'Italia e i Paesi asiatici.

GT-philIndia.jpgSebbene Giuseppe Tucci sia oggi considerato unanimamente il più importante tibetologo del mondo e un esploratore, orientalista, professore e storico delle religioni di livello internazionale – contando le numerose università straniere e italiane in cui insegnò, o le prestigiose onorificenze ricevute – la sua figura resta tuttora avvolta nel mistero e nella discrezione. Acclamato nonché profondamente stimato all'estero, Tucci seppe sfruttare anche nel suo paese i legami politici e istituzionali che la sua immensa cultura gli aveva procurato; tuttavia, mai si piegò ai lustri del successo, ai salotti letterari e alla sete di visibilità, restando così un personaggio ben poco noto se si pensa all'estremo carisma che seppe emanare in vita, ma soprattutto alle incredibili missioni che svolse, degne di un'incomparabile genialità.

La scorsa estate la grande mostra dal titolo Tucci l'esploratore dell'anima, allestita nella città natale dall'associazione Arte nomade in collaborazione con le istituzioni, gli ha regalato un po' di quella notorietà che sempre aveva schivato, come pure fece la pubblicazione di Segreto Tibet da parte di Fosco Maraini e del libro Non sono un intellettuale a cura di Maurizio Serafini e Gianfranco Borgani. Guardando al futuro, l'Assessorato alla Cultura del Comune di Macerata sta preparando uno spazio in biblioteca per raccontare Giuseppe Tucci nella sua complessa totalità: dalla vita in carovana tra Occidente e Oriente alla "comunione fiduciosa" fra i popoli, principio che fu saldo nel suo cuore e nella sua mente. Sempre in biblioteca è inoltre conservato il Premio Jawaharlal Nehru per la Comprensione Internazionale che ricevette dal governo indiano. Qualche anno fa, invece, un'esposizione fotografica a Pennabilli dedicata a Tucci venne visitata dal Dalai Lama in persona: i presenti raccontano di averlo visto commuoversi e di aver ricordato con affetto l'esploratore italiano, mentre una lacrima gli scendeva sul viso.

Il Tibet, [che] è stato il più grande amore della mia vita, e lo è tuttora, tanto più caldo, quanto più sembra difficile soddisfarlo con un nuovo incontro. In otto viaggi, ne ho percorso gran parte in lungo ed in largo, ho vissuto nei villaggi e nei monasteri, mi sono genuflesso dinanzi a maestri e immagini sacre, ho valicato insieme con i carovanieri monti e traversato deserti, vasti come il mare, ho discusso problemi di religione e filosofia con monaci sapienti. (...) Io ero diventato tutt'uno con essi. Vivevo la loro stessa vita, parlavo la medesima lingua, mi nutrivo delle medesime esperienze, condividevo le loro ansie ed i loro entusiasmi. La fiducia genera fiducia.

Giuseppe Tucci

samedi, 20 janvier 2018

‘Make Trade, Not War’ is China’s daring plan in the Middle East

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‘Make Trade, Not War’ is China’s daring plan in the Middle East

Under the Belt and Road Initiative, Beijing aims to connect western China to the eastern Mediterranean

by Pepe Escobar

Ex: http://www.atimes.com

China’s “Go West” strategy was brought into sharp focus at a forum in Shanghai last weekend. Billed as the Belt and Road Initiative: Towards Greater Cooperation between China and the Middle East, it highlighted key aspects of Beijing’s wider plan.

The New Silk Roads, or the Belt and Road Initiative, involve six key economic corridors, connecting Asia, the Middle East, North Africa and Europe. One, in particular, extends through the Middle East to North Africa. This is where the Belt and Road meets MENA or the Middle East and North Africa.

Of course, Beijing’s massive economic project goes way beyond merely exporting China’s excess production capacity. That is part of the plan, along with building selected industrial bases in MENA countries by using technical and production expertise from the world’s second-largest economy.

Again, this is will connect western China to the eastern Mediterranean. It will mean developing a corridor through projects such as the Red Med railway. There are also plans to expand ports, such as Oman’s Duqm, as well as substantial investment in Turkey.  

A look at the numbers tells a significant part of the story. In 2010, China-Arab trade was worth US$145 billion. By 2014, it had reached $250 billion and rising. China is now the largest exporter to assorted MENA nations, while MENA accounts for 40% of Beijing’s oil imports.

The next stage surrounding energy will be the implementation of a maze of LNG, or liquefied natural gas, pipelines, power grids, power plants and even green projects, sprouting up across the new Silk Road corridors and transit routes.      

According to the Asian Development Bank, the myriad of Belt and Road infrastructure projects for the next 15 years could hit a staggering $26 trillion. Other less grandiose figures come in at $8 trillion during the next two decades.

The ongoing internationalization of the yuan will be key in the process as will the role of the Asia Infrastructure Investment Bank (AIIB).

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Naturally, there will be challenges. Belt and Road Initiative projects will have to create local jobs, navigate complex public and private partnerships along with intractable geopolitical wobbles.

Enseng Ho, a professor from the Asia Research Institute at the National University of Singapore, is one of an army of researchers studying how historical links will play an important role in this new configuration.

An excellent example is the city of Yiwu in Zhejiang province. This has become a mecca for merchant pilgrims from Syria or east Africa and has profited the region, according to the Zhejiang provincial government.

In a wider Middle East context, Beijing’s aim is to harness, discipline and profit from what can be considered an Industrialization 2.0 process. The aim is to help oil producers, such as Saudi Arabia and the rest of the Gulf states, diversify away from crude.

There is also reconstruction projections elsewhere, with China deeply involved in the commercial renaissance of post-war Syria. 

As well as investing in its own future energy security, Beijing is keen to put together other long-term strategic investments. Remixing the centuries-old Chinese trade connections with the Islamic world fits into the Globalization 2.0 concept President Xi Jinping rolled out at last year’s World Economic Forum in the Swiss ski resort of Davos.

 

But then, Beijing’s strategy is to avoid a geopolitical collision in the Middle East. Its aim is to: Make Trade, Not War.

From the United States’ point of view, the National Security Strategy document highlighted how China and Russia are trying to shape a new geopolitical environment in the region, which contrasts sharply from Washington’s aims and interests.

It pointed out that while Russia is trying to advance its position as the leading political and military power broker, China is pushing ahead with a “win, win” economic policy. In 2016, that was spelt out in Beijing’s first Arab Policy paper, with its emphasis on bilateral trade cooperation, joint development projects and military exchanges.

Since geopolitical wobbles are never far below the surface in the Middle East, China has even suggested it would be willing to act as a mediator between intractable rivals Iran and Saudi Arabia.

Indeed, diplomacy is a key card for Beijing, according to Zhao Tingyang, a noted philosopher, at the Chinese Academy of Social Sciences.

In his 2006 paper, entitled Rethinking Empire from a Chinese Concept “All-Under-Heaven”, Zhao argued that the country show follow a principle of harmony based loosely on the Confucian notion of “all under heaven” or Tianxia in Mandarin.

Confucius, one would imagine, would be pleased by the Belt and Road Initiative. You could call it: “Make Trade, Not War All Under Heaven.”   

Peut-être bientôt une lune de miel entre l'Inde et l'Iran

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Peut-être bientôt une lune de miel entre l'Inde et l'Iran

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

L'excellent chroniqueur politique et ancien diplomate indien MK Bhadrakumar, a signalé dans un article du 14/01/2018, référencé ci-dessous, un phénomène qui a été généralement ignoré des milieux politiques et médias « occidentaux »: l'existence de projets discrets de coopération entre ce que l'on pourrait juger être deux soeurs ennemies, l'Inde et l'Iran.

Tout apparemment paraît les séparer. Au plan politique, on connait l'attraction croissante qu'exercent les Etats-Unis sur l'Inde et plus particulièrement sur son Président, Modi. L'Iran pour sa part a résolument pris la tête du bloc dit chiite dont la Russie est très proche. Par ailleurs, inutile de rappeler que leurs religions dominantes n'éprouvent pas, c'est le moins que l'on puisse dire, de grandes complicités.

Dans un interview du 12 janvier, le ministre iranien des Transports  Abbas Akhoundi et son homologue indien Nitin Gadkari ont pourtant révélé s'être mis d'accord sur un contrat de 2 milliards de dollars concernant la construction d'une ligne de chemin de fer joignant les deux villes iraniennes de Chabahar (port) et Zahedan. Par ailleurs la fabrication de 200 locomotives pour trains de marchandises a été décidée. Celles-ci seront construites à la fois en Iran et en Inde. Enfin les deux pays fabriqueront des éléments de voies pour les chemins de fer iraniens.

Les deux gouvernements considèrent que le développement du port de Chabahar, situé à l'est de l'Iran, permettra d'ouvrir à l'Inde une voie alternative pour ses exportations vers l'Afghanistan et la Russie. Un séminaire irano-indien a discuté à cet égard d'une zone franche et de corridors de transit.

L'OBOR

Il faut retenir de ces décisions que l'exemple donné par la Chine du rôle essentiel des liaisons de transports entre les pays traversé par l'OBOR, ou Nouvelle Route de la Soie, est repris par d'autres pays asiatiques. Ces infrastructures permettront de donner une cohérence économique mais finalement aussi politique à de vastes régions encore séparées par de nombreuses différences, sinon des conflits.

La démarche est toute différente de celle des Etats-Unis qui proposent, comme à l'Inde actuellement, d'acquérir des matériels d'armement américains et de signer les accords de coopération militaire correspondants. Ceux-ci ne peuvent qu'attiser des conflits latents et générer un désordre dont Washington espère profiter pour rétablir une influence déclinante. A une moindre échelle, la leçon devrait aussi être retenue par Israël.

Référence

Why Gadkari is perfect interlocutor for Iran 
http://blogs.rediff.com/mkbhadrakumar/author/bhadrakumara...

 

jeudi, 18 janvier 2018

Forum eurasiste de Chișinău : une plateforme non-alignée contre le globalisme

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Forum eurasiste de Chișinău : une plateforme non-alignée contre le globalisme

par Pierre-Antoine Plaquevent

Ex: http://www.les-non-alignes.fr

L’événement métapolitique le plus important de la fin de l’année 2017 fût sans conteste le second forum eurasiste de Chisinau. Un colloque qui fera date tant par l’appui que lui a apporté l’exécutif moldave que par la qualité de ses participants et de leurs interventions. Surtout, les perspectives tracées par ces rencontres internationales ouvrent des voies inédites dans le sens d’un non-alignement contre-globaliste contemporain. Un non-alignement qui transcenderait enfin les cadres caduques de la petite politique anachronique pour se hisser à la hauteur des changements de civilisation en cours et de la grande politique. Un colloque à la hauteur de la venue des « grands temps » qui s’annoncent pour la civilisation européenne. Retour sur cet événement fondateur.

Les 16 et 17 décembre dernier s’est tenu en Moldavie le second forum eurasiste de Chișinău qui avait pour thème : « Quelle alternative au capitalisme financier pour le 21 ème siècle ? ». Colloque organisé avec l’appui et le soutien du Président de la République de Moldavie, Igor Dodon. Ce séminaire international a réuni pendant plusieurs jours un aréopage d’intellectuels et de spécialistes de renommée internationale parmi lesquelles : Alexandre Douguine, Hervé Juvin, le Géorgien Levan Vasadze ou encore l’écrivain suédois Jan Myrdan. Le Président Dodon a par ailleurs ouvert les travaux avec un discours fondateur qui résumait les enjeux politiques face auxquels la Moldavie se trouve confrontée.

De nombreuses personnalités, issues du monde politique ou de la société civile, sont ainsi venues apporter leur contribution aux travaux du forum : l’homme d’affaires britannique Chris Poll, l’ancien conseiller de Syriza Dimitris Konstantakopoulos, la juriste Valérie Bugault, l’écrivain Slobodan Despot, le président de l’association Lombardie-Russie et membre éminent de la Ligue du Nord Gianluca Savoini, le journaliste Alessandro Sansoni, membre du conseil national italien de l’ordre des journalistes et bien entendu Emmanuel Leroy et Iurie Rosca : organisateurs pivots des deux colloques de Chisinau avec Daria Dugina. Sont aussi intervenus Volen Siderov, président du parti bulgare « Ataka », le Roumain Bogdan Herzog, l’Allemand Manuel Ochsenreiter, président du German Center for Eurasian Studies, un think-tank proche du parti souverainiste AFD et aussi l’essayiste et homme politique Yvan Blot.

Avec la présence dans le public d’auteurs bien connus des Français tels que Marion Sigaut ou encore de Lucien Cerise et de son éditeur, on peut dire que ce second forum de Chisinau réunissait une part importante de la pensée politique française et européenne contemporaine pour un événement inédit en son genre. Evènement qui fera date et dont on peut considérer qu’il marque le début d’une nouvelle ère en matière d’anti-globalisme. De part la variété des intervenants et du public présent, la vraie gauche anti-mondialiste et la droite conservatrice authentique se sont retrouvées à Chisinau afin de penser et de projeter l’alternative possible à la marche en cours vers le globalitarisme néolibéral.

Au cours de ces journées de nombreux thèmes ont ainsi pu être abordés, la plupart des interventions publiques sont disponibles ici : flux.md/fr et flux.md/en ainsi que sur le site du saker : lesakerfrancophone.fr ou sur geopolitica.ru. Une équipe de TV-Libertés était présente afin de couvrir l’ensemble de l’événement visible ici.

Un événement qui se tenait dans un contexte géopolitique difficile : la Modavie s’efforce de maintenir une position d’équilibre entre Est et Ouest, entre Union-Européenne et Union Eurasiatique malgré les tensions entre Occident et Russie. A la fin de la première journée de travail, le Président Dodon a ensuite accueilli les journalistes présents pour une conférence de presse exclusive dans le palais présidentiel de Chișinău.

Conférence de presse à laquelle nous avons pu assister et au cours de laquelle le Président Dodon a développé plus avant ces thématiques et a répondu aux questions des journalistes présents. Ici un entretien réalisé pour TV-Libertés dans lequel il résume certaines de ses positions : tvlibertes.com/igor-dodon-ne-cedera-pas.

Igor_Dodon_(01.2017;_cropped).jpgIgor Dodon, un président illibéral et continentaliste sous pression

Issu à l’origine du centre-gauche, le Président Dodon a profité de son discours inaugural lors du colloque de Chișinău pour affirmer la compatibilité d’un discours social avec les valeurs de la droite conservatrice. Une ligne de « gauche du travail et de droite des valeurs » qu’il est peut-être le seul président européen en fonction à affirmer aussi clairement. Il a ainsi affirmé la nécessité de se débarrasser des mythes libéraux du retrait de l’Etat et de la « main invisible du marché » afin de renouer avec les conceptions d’un Etat stratège et interventionniste dans les secteurs stratégiques et vitaux de l’économie nationale.

Le Président Dodon a ouvert les travaux par un discours d’affirmation centré sur les notions de souveraineté, de nationalisme économique et de continentalisme politique. Après avoir rappelé la situation géographique et culturelle de la Moldavie qui fait d’elle un carrefour entre Europe occidentale et orientale, entre catholicité et orthodoxie, entre mondes latin et slave, il a évoqué la situation économique critique de la Moldavie qui se trouve face à une grave hémorragie de ses forces vives en direction de l’Union-Européenne. Une hémorragie qui ne pourra être freinée que par une relocalisation partielle de l’économie moldave. Moldavie qui n’a pas vocation à être juste une réserve de main d’oeuvre à bon marché en direction des pays occidentaux. Bien que l’un des pays les plus pauvres d’Europe, la Moldavie n’est pas condamnée au destin de périphérie de l’UE livrée au pillage de l’impérialisme économique de multinationales apatrides. La Moldavie a une carte stratégique à jouer en se positionnant comme interface géoéconomique et géostratégique entre l’Union Européenne et l’Union Eurasiatique; notamment dans la perspective de la nouvelle route de la soie et dans celle du déplacement du centre de gravité économique mondial vers l’Eurasie. De là découle le continentalisme politique affirmé à plusieurs reprises par le Président Dodon au cours de ces interventions lors du forum. Ainsi, après s’être défini comme « résolument souverainiste », Igor Dodon a rappelé la nécessité de revenir à la vision Gaullienne d’une Europe-puissance et à l’axe stratégique Paris-Berlin-Moscou comme alternative à la construction européenne actuelle. La voie de l’indépendance pour une nation de la taille de la Moldavie passe par le multilatéralisme et le non-alignement plutôt que par l’unipolarité et l’adhésion univoque à l’agenda occidental.

Dans cette perspective, Igor Dodon s’était prononcé en 2017 en faveur d’une annulation par son parlement de l’accord commercial signé avec l’Union européenne en 2014, espérant ainsi rétablir des relations économiques normalisées avec la Russie. Position qui lui vaut d’être mis en difficulté par le parlement moldave où les élus pro-UE sont majoritaires. La République de Moldavie se caractérisant par un régime parlementaire laissant une marge de manoeuvre réduite pour le Président.

Igor Dodon a par ailleurs développé l’idée que le patriotisme économique peut transcender les différences culturelles internes de la Moldavie et les tensions identitaires que pourraient être tenté d’attiser les forces de la Société Ouverte. Forces à l’affût d’une émancipation trop grande de la République Moldave face aux standards de l’UE et soucieuses d’allumer un nouveau foyer de discorde supplémentaire entre la Russie et l’Europe. Peuplée d’une population russophone nombreuse et d’une grande minorité russe, le Président moldave a clairement évoqué le risque d’un scénario de type ukrainien : provoquer une agitation de l’opinion publique visant à le destituer, agitation politique qui pourrait être suivi de provocations inter-ethniques attisées depuis l’étranger. L’équilibre politique moldave étant fragilisé par la question de la Transnistrie.

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Un article récent du centre de presse de Donetsk résume dans ses grandes lignes la situation politique moldave :

« (…) La tension dans la république est liée à l’opposition entre le président pro-russe Igor Dodon, l’opposant Renato Usatii et le bloc politique pro-européen dirigé par Vlad Plahotniuc. Il y a un an, la Moldavie était au bord d’une guerre civile entre citoyens pro-russes et pro-européens, compte tenu de l’augmentation significative des sentiments pro-russes dans le pays ces dernières années, nous ne pouvons pas exclure le scénario ukrainien en Moldavie. 

Récemment, (…) la Cour constitutionnelle a décidé de suspendre les pouvoirs d’un des principaux opposants politiques de Plahotniuc, l’actuel président de la Moldavie, Igor Dodon (NDA : le 5 janvier 2018). Le champ politique de la Moldavie, sous prétexte de lutter contre la corruption, a été presque entièrement débarrassé de ses opposants. »

Au cours de sa conférence de presse lors du forum de Chișinău, le Président Dodon a plusieurs fois exposé le rôle de l’oligarque Vlad Plahotniuc. Un rôle qu’évoque l’article de l’agence Donipress :

« Personne n’avait entendu parler de Plahotniuc comme politicien avant la fin de 2010. Auparavant, Vlad Plahotniuc appartenait à un certain nombre de grands hommes d’affaires moldaves, dont les domaines d’intérêt étaient les banques, les hôtels, les médias et le commerce du pétrole. Mais même à ce moment-là, il a été surnommé « le méchant », puisque l’homme d’affaires était déjà crédité de fraudes, de saisies de vols, de commerce d’armes et de proxénétisme et de nombreuses autres activités illégales. (…) Vlad Plahotniuc a commencé comme membre du Parti Communiste moldave, mais aux élections législatives de 2010 il est devenu membre du Parti Démocrate, où il a immédiatement pris la deuxième place honorable dans la liste. C’est à partir de ce moment qu’a commencé le crépuscule du Parti Communiste en Moldavie (…) L’oligarque Plahotniuc est, depuis décembre 2016 , le chef du Parti Démocrate. Il est intéressant de noter qu’en même temps, officiellement, il n’est pas membre du parti. Aujourd’hui, Vlad Plahotniuc n’occupe aucun poste au gouvernement, mais reste un homme qui contrôle pleinement l’économie, le pouvoir législatif et exécutif dans un petit État, sans aucune responsabilité en tant que fonctionnaire.« (1)

Vlad_Plahotniuc.jpgDonipress rappelle ensuite le « multilatéralisme » de Plahotniuc en matière de corruption :

« (…) Il n’y a pas si longtemps, Vlad Plahotniuc faisait l’objet d’une enquête de la part d’Interpol Italie dans le dossier de la « mafia russe », mais sa position anti-russe déclarée reste la principale raison de la complaisance des États-Unis et de l’UE envers Plahotniuc. (…) Vlad Plahotniuc fait beaucoup d’efforts pour devenir un politicien européen respectable pour l’Occident, il paie périodiquement des publications dans de prestigieux magazines européens et américains. Vlad a même embauché une société de lobbying américaine bien connue, le groupe Podesta, qui a travaillé avec Hillary Clinton. (…) Aujourd’hui, le « maître de la Moldavie » est toléré plutôt qu’approuvé et sera remplacé à toute occasion par un véritable homme politique européen qui n’a pas le stigmate de l’appartenance à la « mafia russe ». » (2)

Dans cette perspective les prochaines élections législatives en Moldavie constitueront un test pour affirmer ou infirmer la solidité des orientations choisies par le Président Dodon et ses soutiens. Elections qui seront aussi l’occasion pour les citoyens moldaves de rejeter ou non les orientations crypto-mafieuses des libéraux enkystés dans leur parlement :

« Selon les sondages sociologiques, le rejet de Plahotniuc et de son gouvernement atteint 80 %. Dans de telles circonstances, la dernière chance pour Vlad de rester au pouvoir sera de provoquer l’escalade du conflit en Transnistrie et de lancer un appel à l’UE et aux États-Unis pour qu’ils exigent une protection contre l’agression russe. L’Europe n’a absolument pas besoin d’un second conflit armé à ses frontières, qui entraînera inévitablement une augmentation du nombre de réfugiés, contribuera au commerce illégal des armes et à la propagation de la criminalité. En novembre 2018, la Moldavie organisera des élections législatives, qui peuvent constituer un test difficile non seulement pour la République de Moldavie, mais aussi pour l’UE dans son ensemble. » (3)

La Moldavie se trouve aujourd’hui sur l’une des lignes de fracture de la tectonique géopolitique contemporaine qui voit se confronter unipolarité et multipolarité, sa survie en tant qu’Etat-nation passe par une pacification des rapports entre Europe et Russie. C’est dans cet esprit que le Président Dodon conçoit les rencontres géopolitiques et de Chisinau et, plus globalement, le logiciel politique eurasiste non-aligné. Pour lui, l’intérêt national et la survie même de la Moldavie passe par le multilatéralisme et le continentalisme politique.

De par les orientations affirmées par le Président Dodon et si l’on se rapporte au manifeste publié à la suite des premières rencontres de Chișinău, on peut considérer que le continentalisme politique comme alternative au globalisme pourrait s’affirmer comme l’orientation géostratégique d’une nation européenne; fût-elle l’une des plus pauvres d’Europe. Il s’agit d’un choix géopolitique et civilisationnel majeur qui est certainement à l’origine des dernières sanctions que rencontre le Président Dodon de la part de son parlement. (4)

Au forum de Chișinău, des non-alignés de toute l’Europe sont venus apporter leur pierre à l’édification d’un avenir européen pacifié et souverain. L’avenir proche nous dira si cette alternative continentale s’imposera et empêchera l’Atlantisme de diviser l’Europe et d’y semer la guerre – comme hier en Yougoslavie et aujourd’hui en Ukraine – et si des intérêts exogènes réussiront à détourner les Européens de la voie de l’indépendance et de la paix.

Pierre-Antoine Plaquevent pour Les Non-Alignés