vendredi, 04 mars 2022
Le grand dessein de la Moscovie post-soviétique et les prémisses culturelles du poutinisme
L'Ukraine, un Non-Etat ? La Russie, une succession d’Empires ? La démocratie, un ennemi mortel de l’Etat russe ?
Le grand dessein de la Moscovie post-soviétique et les prémisses culturelles du poutinisme
Irnerio Seminatore
Depuis la guerre de Tchéchénie et celle de Géorgie, les théories sur l'empire ont cessées d'être marginales dans l'historiographie de la Russie post-soviétique
Elles constituent en revanche le terreau culturel des "silovikis", les anciens du KGB, devenus les décideurs de l'Etat actuel. Ces conceptions se résument à un cadre conceptuel selon lequel l'Etat russe est un Etat-civilisation et l'histoire de la Russie, depuis l'époque païenne, est une succession d'empires, ceux de Kiev-Novgorod, de la Moscovie, des Romanov et de Staline, pour lesquels la démocratie et le libre débat sont des ennemis mortels (Prokhanov).
A la base de l'invasion de l'Ukraine il y a l'idée que la liberté mène à l'anarchie et aux coups d'Etats (Maïdan) et que ceux-ci conduisent, par l'intervention de l'étranger (hégémon ,Otan, UE), au démembrement de l'Etat russe et à une menace vitale pour son existence (missiles rapprochés) .
La réévaluation de Staline et de son génie, fut celle d'avoir sauvé l'Etat, par remise en selle de l'autocratie, contre la folie démocratique généralisée, imputée aux bolchéviques, coupables d'avoir établi un pouvoir collégial au sommet de l'Etat.
Le "poutinisme", dans un contexte marqué par ce révisionnisme post-soviétique, est une lecture de la réalité internationale dans laquelle l'Ukraine est un non-Etat et un bras armé de l'étranger et ce dernier se rapproche sournoisement par vagues successives (par les élargissements de l'Otan), dans le but d'anéantir la Russie.
Dans ce cadre, l'Europe occidentale, impuissante, puisque subalterne de l'Amérique, ne peut apporter de solutions à la fissuration induite par l'Occident, à cause de l'inexistence d'une politique étrangère autonome et par la dissociation de l'unité indispensable (Raymond Aron) du "verbe diplomatique et de l'action militaire".
Dissociation qui conduit tout droit à un pouvoir désarmé (Macron) et à une politique internationale posée comme "politique des valeurs" (UE).
Dans une situation internationale où la position des Etats ne correspond plus aux principes juridiques de l'indépendance et de la souveraineté, en raison surtout des nouveaux systèmes d'armes et, du point de vue du système international, en raison de l'existence d'alliances intégratives à vocation régionale, la mutation des régimes politiques ne peut conduire au revirement des alliances et des engagements de sécurité que si elle est suscitée ou soutenue de l'extérieur par le leader du système (les Etats-Unis d'Amérique). Tel est le cas de l'Ukraine.
Dans de pareilles situations les jeux d'influences sont démultipliés et les politiques d'aide, d'amitié et de coopération recouvrent en réalité des projets stratégiques de déstabilisation (des différents types de révolution de couleur et des interventions diverses, ouvertes ou sournoises)
Or, sur la scène mondiale, la communauté internationale représente idéologiquement le pendant des Etats, qui ne sont jamais complètement autonomes. En sa forme et en sa structure, la communauté internationale (onusienne et multilatéraliste), à la recherche d'un ordre stable, se plie à la cohérence du système hégémonisé par le pouvoir dominant (l'Amérique), donc "la compétition s'organise en fonction du conflit" (Raymond Aron).
Ainsi le noyau et le centre de rassemblement d'autres Etats, comme lieu de compétition entre hégémonies, américaines et russes, devient non seulement l'Ukraine, mais l'espace occidental tout entier, le "Rimland" européen (Europe de l'Ouest et de l'Est). L'enjeu n'est plus seulement régional, mais mondial; pire, multipolaire et systémique.
Or le pari historique pris par la Russie avec l'invasion de l'Ukraine, lui impose de ne pas subir une défaite, car elle perdrait alors, non seulement vis à vis de l'Occident, mais du monde entier et, en particulier, de l'Orient chinois et serait déclassée dans la hiérarchie de la "Triade" et des puissances du système international dans son ensemble.
Dans cette hypothèse et en termes de pur pouvoir politique, imposé par l'issue du conflit, Poutine et le poutinisme sortiraient de l'histoire et laisseraient la place à l'Empire du milieu renaissant.
Selon des observateurs désenchantés, par son invasion de l'Ukraine, la Russie ferait davantage, pour l'unité de l'Europe et de l'Union Européenne , en termes de blâmes et d'acrimonie anti-américaine, que la multiplicité des Sommets et des déclarations multilatéralistes des institutions "démocratiques". Des manifestations de rues, en rajouteraient, aussi bien à l'intérieur de la Russie, qu'à l'extérieur.
Assisterions nous ainsi, avec "l'opération spéciale" lancé contre un pays-frère mais asservis à Hégémon, à la renaissance de la "Doctrine Medvedev" sur la sécurité européenne de 2008 à Berlin, visant à faire contrepoids à l'Otan, dans un espace eurasien intégré, à l'image du vieux Pacte de Varsovie défunt?
Cela serait alors le "début véritable de reconstitution de l'Union Russe, c'est à dire de l'Etat civilisationnel, qui à différentes périodes de son histoire, s'est appelé grande principauté de Moscou, royaume de Moscou, empire de Russie et Union Soviétique"? Comme l’a rappelé Poutine à la Conférence de Munich en 2007 (photo, ci-dessus), les bases d'un rassemblement anti-hégémonique, porté par le vent de l'histoire, étaient déjà là, mais devaient encore être coordonnés et démultipliés, composés de plusieurs axes fondamentaux, idéologique, diplomatico-stratégique et militaire".
Axe idéologique, car l'Occident aurait perdu le leadership intellectuel et moral. Axe diplomatico -stratégique, car la puissance américaine est un obstacle au plein épanouissement des potentialités eurasiennes du continent, rapprochant l'Est et l'Ouest. Axe militaire, puisque "le parapluie américain sur l'Europe se serait effondré". Puisque "l'Atlantisme a vécu, selon Medvedev, nous devons parler d'unité au sein de tout l'espace euro-atlantique de Vancouver à Vladivostok(2008)", mais au nom "des intérêts nationaux" et non des alliances ou des blocs. Au cas où cette proposition aurait été acceptée, la "solidarité européenne » aurait volé en éclat et la Russie se serait retrouvée au coeur du dispositif de sécurité européen, en symétrie du pouvoir chinois dans l'Asie-Pacifique.
Plus d'un chef d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne pense aujourd'hui que l'opération spéciale consistant à décapiter politiquement l'Ukraine, vise ce même objectif, bien que les Européens portent une partie des responsabilité pour ne pas avoir entendu ni satisfait les revendications de sécurité de la Russie, depuis l'effondrement de l'Urss. Ainsi, derrière la crise de l'Ukraine, le test de la sécurité européenne a pour objectif la relation entre la Russie et l'Allemagne et de façon plus large, le bras de fer mondial entre le multilatéralisme occidental et le multipolarisme eurasiatique, autrement dit la forme de gouvernement démocratique et la forme autocratique.
Bruxelles le 27 février 2022
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Finlandisation de l'Ukraine ? - Deux points de vue de l'Autriche neutre
Finlandisation de l'Ukraine ?
Deux points de vue de l'Autriche neutre
Erich Körner-Lakatos & Bernhard Tomaschitz
Source : https://zurzeit.at/index.php/ploetzlich-ist-fuer-selenskij-eine-neutralitaet-der-ukraine-denkbar/ & https://zurzeit.at/index.php/kommt-es-zur-finnlandisierung-der-ukraine/
Va-t-on vers une finlandisation de l'Ukraine?
Erich Körner-Lakatos
Neutralité et renonciation à l'adhésion à l'OTAN : une alternative envisageable
Au vu de la situation en Ukraine, on parle ces derniers jours de la possibilité que le pays situé sur le Dniepr renonce à l'avenir à adhérer à l'OTAN et devienne un Etat durablement neutre. Des signes en ce sens sont même apparus dans la bouche du président Volodymyr Zelenski (soit dit en passant, le prénom Volodymyr signifie Vladimir ; Zelenski et son adversaire Poutine partagent donc au moins le même prénom). Avant cela, Emmanuel Macron avait déjà évoqué le terme de finlandisation, car la Finlande et l'Ukraine sont tout à fait comparables d'un point de vue géographique : les deux pays ont une longue frontière avec leur voisin oriental, la Russie, qui est militairement surpuissante.
En d'autres termes, la finlandisation signifie que le petit voisin ne peut affirmer son indépendance limitée que si sa neutralité présente une caractéristique particulière, à savoir un déséquilibre en faveur de la Russie. Un autre parallèle saute aux yeux : la Finlande et l'Ukraine ont longtemps fait partie de la Russie des Tsars, l'Ukraine en sa totalité en fit même partie après le pays nordique, et, dans ses frontières actuelles pendant la seule période de domination communiste. Les deux pays n'ont pu obtenir leur indépendance étatique que pendant une période de faiblesse de la Russie.
Pour comprendre ce que signifie la finlandisation pour la future Ukraine, il est nécessaire de se pencher sur l'histoire de la Finlande pendant qu'a germé le processus qui a donné, in fine, cette forme particulière de neutralité.
Comme on le sait, la Finlande faisait partie de la sphère d'intérêt soviétique en vertu du protocole additionnel secret du pacte Molotov-Ribbentrop signé en août 1939. C'est pourquoi les troupes soviétiques ont envahi les trois États baltes, l'Estonie, la Lettonie et la Lituanie, sans rencontrer de résistance. Il en fut autrement en Finlande : pendant la guerre dite de l'hiver 1939/40, l'armée finlandaise, relativement petite, remporte des succès défensifs et met à mal l'Armée rouge, affaiblie par les purges de Staline. Ce n'est qu'au bout de six mois que la supériorité de Moscou se fait sentir et qu'Helsinki doit demander un armistice et subir des pertes territoriales, tout en étant épargnée par l'occupation.
La situation est similaire après la guerre dite "de Continuation" qui rangea la Finlande du côté allemand dans le cadre de l'entreprise Barbarossa. En 1944, la Finlande n'est pas non plus occupée, mais commence alors une période qui durera jusqu'à l'effondrement de l'Union soviétique et qui est connue sous le nom de finlandisation, c'est-à-dire de prise en compte particulière des sentiments et des souhaits de Moscou.
Sous les présidences de Juho Paasikivi (1946-1956) et d'Urho Kekkonen (1956-1981), la Finlande a plutôt le statut de vassal de l'Union soviétique, du moins en politique étrangère. Kekkonen, qui appartient au parti paysan du centre et gouverne de manière presque dictatoriale, fait participer les communistes finlandais au gouvernement. On murmure même que Kekkonen a travaillé pendant des années pour les services secrets soviétiques, le KGB.
L'obéissance anticipée d'Helsinki est frappante. Lorsque la télévision suédoise diffuse un film basé sur la nouvelle d'Alexandre Soljenitsyne Un jour dans la vie d'Ivan Denissovitch, la Finlande coupe les émetteurs des îles Åland (un groupe d'îles dans le golfe de Botnie entre la Suède et la Finlande) parce que le bureau de la censure d'Helsinki interdit le film car il est considéré comme hostile aux Soviétiques. Le roman L'Archipel du Goulag, également écrit par Soljenitsyne, ne peut pas être publié en finnois - le chef de l'État Kekkonen s'y oppose. Par crainte d'effrayer Moscou.
Les manuels scolaires ne doivent rien contenir qui puisse fâcher les amis russes (les deux pays ont signé un traité d'amitié en 1948). Même la vie culturelle est soumise à une censure sévère : les acteurs et les artistes de cabaret qui se permettent de faire de petites blagues sur le voisin de l'Est n'obtiennent plus de rôles.
Leonid Brejnev et son Politburo vieillissant se réjouissent d'autant plus des quelque mille manifestations festives organisées en Finlande en 1970. L'occasion en est le retour du centenaire de la naissance de Vladimir Ilitch Lénine, le fondateur de l'Union soviétique.
D'autre part, entre 1945 et 1979, l'économie finlandaise connaît un essor fulgurant, basé sur l'économie de marché occidentale. On se transforme pour le voisin de l'Est en une sorte d'épicerie fine, qui profite certes en premier lieu à la nomenklatura, c'est-à-dire à la classe des fonctionnaires du PC soviétique.
En ce qui concerne l'Ukraine, une neutralité à la finlandaise serait un moindre mal. D'autres scénarios - un État vassal à la manière de la Biélorussie, voire une incorporation totale dans la Fédération de Russie - ne sont probablement pas du goût des citoyens ukrainiens.
***
Soudain, la neutralité de l'Ukraine est envisageable pour Zelensky
Dr. Bernhard Tomaschitz
Un statut de neutralité aurait permis à l'Ukraine d'éviter la guerre avec la Russie
Dans le cadre de l'opération militaire lancée par la Russie en Ukraine, les troupes russes ont désormais atteint la capitale Kiev. Face au désespoir de sa propre situation, le président ukrainien Volodimir Zelensky est manifestement en train de changer d'avis.
Dans un message vidéo diffusé sur Telegram, Zelensky a déclaré qu'il était prêt à discuter d'un statut de neutralité pour l'Ukraine: "Nous n'avons pas peur de la Russie, nous n'avons pas peur de parler avec la Russie, de parler de tout : des garanties de sécurité pour notre pays et un statut de neutralité". Si l'Ukraine avait négocié plus tôt un statut de neutralité avec la Russie ou avait déclaré sa neutralité de son propre chef au lieu de se laisser entraîner dans le sillage de la politique hégémonique américaine, le pays aurait évité bien des désagréments. Notamment la guerre actuelle avec son puissant voisin de l'Est.
En outre, Zelenskij s'est plaint de ce qu'il considère comme un manque de solidarité de la part de l'OTAN : "Nous sommes livrés à nous-mêmes. Qui est prêt à partir en guerre pour nous ? Honnêtement, je ne vois personne. Qui est prêt à donner des garanties à l'Ukraine pour qu'elle devienne membre de l'OTAN ? Franchement, tout le monde a peur".
Pour les États-Unis, l'Ukraine, qui a été réarmée et qui devait se rapprocher de l'OTAN, était un instrument important pour parfaire l'endiguement de la Russie. Mais dans la situation actuelle, les pays de l'OTAN ne sont pas prêts à envoyer des soldats dans ce pays non-membre, pour des raisons compréhensibles. En ces heures amères, l'Ukraine et son président Zelenski doivent se rendre compte qu'ils ont été des pions dans le jeu des États-Unis.
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jeudi, 03 mars 2022
Géopolitique d'un échec
Géopolitique d'un échec
par Stefano De Rosa
Source : Italicum & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/geopolitica-di-un-fallimento
Au lieu de justifier une critique à sens unique contre la Russie, les événements de guerre en Ukraine devraient surtout interpeler l'Union européenne sur sa fonction politique, laquelle est inexistante, et sur sa subordination aux États-Unis et à l'OTAN
Au cours de l'été 2008, l'actualité internationale et la diplomatie du monde entier ont été monopolisées par la crise russo-géorgienne. Presque tous les commentateurs et décideurs politiques ont traité les événements caucasiens selon la distinction habituelle entre "bons" et "mauvais", plaçant la Géorgie, l'OTAN, les États-Unis et l'UE parmi les premiers et la Russie, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud parmi les seconds.
L'affaire présentait des analogies avec la question du Kosovo, une région serbe à majorité albanaise qui, une décennie plus tôt, a jugé bon de se séparer de la Serbie, faisant valoir un droit fondé sur l'autodétermination des peuples et donnant naissance à une nation artificielle. Chacun se souvient de la façon dont l'Occident - avec sa logique coloniale du XIXe siècle - s'est comporté face à la réaction légitime de Belgrade qui, voulant préserver son intégrité territoriale, ne pouvait tolérer le séparatisme islamo-kosovar.
L'OTAN, composée d'États membres dans un but de défense mutuelle, a bombardé un État souverain - la Serbie - sans que cet Etat n'ait menacé l'un de ses membres. Pour la première fois, l'Alliance atlantique est intervenue dans une guerre civile sans mandat du Conseil de sécurité des Nations unies, inaugurant ainsi une nouvelle ère dans les relations internationales, dans laquelle le "droit d'ingérence" était justifié par la défense de la démocratie, des minorités et des droits de l'homme.
Un critère refusé, par exemple, aux Serbes de Bosnie (quelques années plus tôt), aux Kurdes ou au Tibet, au nom de la (prétendue) intangibilité des frontières. Cette guerre - une monstruosité juridique avalisée, de surcroît, en Italie par le gouvernement D'Alema - s'est révélée être un dangereux précédent historique, dont la légitimité a été contestée par de larges couches de l'opinion publique internationale et, de manière significative, par la Russie elle-même.
Plus de neuf ans plus tard, les camps des acteurs se sont inversés: c'est la Russie, alliée traditionnelle de la Serbie, qui a bénéficié politiquement de l'indépendance vis-à-vis de la Géorgie des deux petites républiques ethniques caucasiennes, désireuses d'entrer dans la sphère d'influence et la protection militaire du Kremlin. Pourquoi la Russie aurait-elle fait fi en 2008 du principe d'autodétermination (si cher au président Wilson en 1919) alors qu'en 1999, son exercice était garanti aux Kosovars avec la précieuse contribution de l'uranium appauvri des bombes lancées sur Belgrade ?
Cela n'a pas eu pour résultat le bombardement de Moscou par l'OTAN en 2008. De toute évidence, l'intangibilité des frontières était considérée comme un principe élastique à adapter au potentiel atomique ou au droit de veto à l'ONU du "mauvais" pays. Les récurrences de l'histoire (et parfois de la géographie) se sont répétées au cours de l'hiver 2022 en Ukraine. Les revendications des républiques autoproclamées de Donetsk et Luhansk dans le Donbass reconnues par Moscou étaient similaires à celles des républiques ethniques de Géorgie en 2008 et similaires aussi avec celles du Kosovo en 1999: les raisons invoquées étaient linguistiques, culturelles et religieuses pour justifier un détachement légitime (malgré une application intermittente du principe d'autodétermination des peuples) d'avec l'État auquel elles appartiennent.
Plutôt que de se diviser, de se demander si les craintes de la Russie sont fondées et si les raisons de son action militaire sur le territoire ukrainien sont justifiées, il serait plus constructif de se demander quelle est la fonction actuelle de l'Union européenne et si, dans cette affaire, elle n'a pas manqué une nouvelle occasion de se libérer de la protection des États-Unis, d'un point de vue énergétique et militaire, et de se différencier de l'OTAN, d'un point de vue politico-international. Une approche géopolitique à long terme pourrait peut-être offrir des éléments pour une meilleure compréhension prospective des événements et nous permettre d'échapper au joug d'une propagande narrative banalisée et à sens unique.
À cet égard, la théorie organique de l'État élaborée en 1897 par Friedrich Ratzel peut venir à la rescousse. Il considère l'entité étatique comme un organisme vivant et, en tant que tel, ayant tendance à s'étendre, à acquérir de nouveaux espaces également par le biais de fusions entre États et à lutter pour la conquête de son espace vital (le Lebensraum, l'espace géographique dont il a besoin pour vivre). Selon Ratzel, ce sont les batailles et les conflits, et non les accords, qui régissent les relations entre les États.
À la mort de Ratzel en 1904, Sir Halford Mackinder (photo), dans un discours célèbre à Londres, a parlé du "pivot géographique de l'Histoire", le Heartland, le cœur eurasien de la Terre. Le géographe anglais a appelé cette région l'île du monde, dominée par le Heartland. Mackinder a écrit en 1919 : "Celui qui dirige l'Europe de l'Est dirige le Heartland ; celui qui dirige le Heartland dirige l'île du monde ; celui qui dirige l'île du monde dirige le monde". Il est facile d'y voir les préoccupations d'un exposant de la "thalassopolitique" dont parle Julien Freund.
La Première Guerre mondiale venait de se terminer. Pour Mackinder, il était essentiel d'empêcher une alliance entre l'Allemagne et la Russie et donc la conquête du Heartland. D'où la nécessité de créer des "États tampons" pour contrecarrer ce projet. Malgré les développements ultérieurs de la Seconde Guerre mondiale, de la Guerre froide et de l'effondrement du système soviétique, son modèle peut encore être adopté avec succès pour clarifier la dynamique d'un présent qui, autrement, serait incompréhensible.
Il ne peut y avoir de politique - pour emprunter à Carl Schmitt - que s'il existe une pluralité d'entités politiques entretenant entre elles des relations amicales ou hostiles. L'unification politique du monde poursuivie par la globalisation économique et financière conduit à une "dépolitisation totale" (Alain de Benoist). Le dilemme schmittien entre le monopole mondial d'une seule puissance (univers), d'une part, et les sphères d'intervention et les aires de civilisation (plurivers), d'autre part, est la véritable clé d'interprétation de ce qui se passe sur le flanc oriental de l'Europe.
Sans connaître l'issue, le mérite de l'initiative russe est, pour l'instant, au moins celui d'avoir remis la géographie et la politique sur le devant de la scène. Elle a également mis en évidence une saine distinction entre solide et liquide, entre fermeture et ouverture, entre identité et hybridité, entre enracinement et nomadisme, entre sentiment de limitation et omnipotence. C'est sur ces dichotomies que les chancelleries et les consciences individuelles doivent être appelées à s'exprimer. Il ne s'agit pas d'adhérer sans critique à ces visions stratégiques et culturelles ou de les partager. Ce qui est important, cependant, c'est de ne pas les négliger ou de les reléguer dans les scories contaminées de l'histoire.
17:52 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : géopolitique, actualité, politique internationale, ukraine, russie, europe, affaires européennes | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Ukraine, la première guerre sociale et cybernétique de l'histoire
Ukraine, la première guerre sociale et cybernétique de l'histoire
Francesca Salvatore
Source: https://it.insideover.com/guerra/ucraina-la-prima-guerra-social-e-cyber-della-storia.html
Une guerre étrange qui nous catapulte dans le troisième millénaire. Semblable à aucune autre, si ce n'est la peur et les rues tachées du sang des innocents. Le conflit en Ukraine est une émission en direct constante qui passe par les réseaux sociaux comme une émission en direct continue d'un reality show dystopique. Les réseaux sociaux sont remplis d'images postées par les protagonistes eux-mêmes qui, à l'aide de smartphones et de connexions précaires, se documentent, demandent de l'aide et exorcisent la peur.
Le reportage en direct rend obsolètes les reporters, les correspondants, les relais, les documents et les histoires. D'autre part, le web est un protagoniste sombre. La guerre de l'information du Kremlin va de pair avec l'escalade militaire en cours. Le flux de désinformation se poursuit depuis des mois afin de discréditer l'Ukraine en tant que pays et en tant que société. Puis il y a ceux, comme le collectif Anonymous, le réseau sans visage de "bons" geeks, qui décident de faire la guerre à Poutine en sabotant ses sites gouvernementaux. C'est comme être dans les Hunger Games, mais ce n'est "que" le début de 2022.
Un conflit sur l'air
"Papa, maman, je vous aime". La vidéo d'un jeune soldat ukrainien partant en guerre a fait le tour du monde. Un "Piero" 3.0 qui ne laisse pas derrière lui une photo en noir et blanc, immobile à côté d'un pilier, et encore moins des lettres du front qui arriveront des semaines plus tard. Il emmène son monde à la guerre avec lui, et marquera la guerre par des nouvelles de chez lui. Tant que ce téléphone émet, c'est une bonne nouvelle. Les réseaux sociaux arrivent dans les abris, tandis que les bombes déchirent le ciel et nous font passer nous aussi des "foyers chaleureux" au théâtre de la guerre. Les objectifs des téléphones portables bénis/maudits immortalisent les regards, les chars d'assaut, documentent la vie et la mort. Et c'est sur les réseaux sociaux que les dirigeants lancent des appels et des réparties.
Le président ukrainien Zelensky n'abandonne jamais son téléphone, et c'est son sceptre en ces heures tragiques. De ce téléphone, il écrit des messages sur les réseaux sociaux, prend des photos pour témoigner qu'il est vivant, incite les Ukrainiens à résister par des messages vidéo, dirige l'armée: le web fait partie intégrante de sa mythopoïèse, qui mêle chevalerie, courage et drame.
Mais les médias sociaux sont aussi la bête noire de Moscou en ce moment : Facebook a interdit à tous les médias d'État russes de parrainer et de monétiser leur contenu, tandis que Moscou a bloqué l'accès à Twitter sur le territoire russe. Le web est devenu un véritable front où s'affrontent vérité, mensonges et post-vérités, où les fake news sont générées et les démentis correspondants à la vitesse de l'éclair. Facebook a commencé à bloquer le contenu de quatre médias russes comme étant des sources possibles d'informations trompeuses, déclenchant la colère de Poutine qui demande que ces blocages soient retirés. Les forums de discussion, les photos de profil, les histoires et les reels deviennent instruments de guerre, pour la fomenter, la documenter, se rebeller contre elle.
La cyberguerre est déjà là
Parallèlement à une invasion, les cyberattaques mettent le grappin sur un système étranger. L'année 2021 nous a silencieusement habitués à ce nouveau type d'attaques, puisque leur nombre et leur gravité moyenne ont atteint des niveaux jamais égalés en Italie ou à l'étranger. Un exemple frappant est l'attaque contre le Colonial Pipeline aux États-Unis, qui a révélé en mai dernier, pour la première fois, comment les pirates informatiques peuvent perturber le fonctionnement du système d'un pays : le plus important réseau d'oléoducs américains a été bloqué, les approvisionnements ont été interrompus et le président Biden a été contraint de déclarer l'état d'urgence en pleine pandémie. La puissance de l'attaque, principalement à des fins d'extorsion, avait ouvert un énorme point d'interrogation sur l'avenir. Jeudi, le jour où Moscou a attaqué l'Ukraine, le Conseil européen, en plus de condamner l'invasion, a appelé "la Russie et les formations soutenues par la Russie à cesser les campagnes de désinformation et les cyber-attaques", marquant ainsi le début d'une nouvelle ère.
Toutefois, il ne s'agit pas entièrement d'une cyberguerre. La bataille du web et des réseaux sociaux en matière d'informations trafiquées et déformées est le volet information de cette guerre, mais en soi, elle n'est rien d'autre que les fausses informations traditionnelles véhiculées auparavant par d'autres méthodes. Plusieurs cyberattaques ont eu lieu ces derniers jours, dont l'origine remonte à Moscou. Selon les experts du Washington Post, dans les prochains jours, les cyberattaques vont s'intensifier pour deux raisons principales : en réponse aux sanctions occidentales ; et comme instrument de soutien tactique aux opérations militaires sur le terrain.
La guerre hybride que suppose le conflit ukrainien est ainsi confirmée. En ce qui concerne le premier point, selon le journal, dans les prochaines heures, "il est très probable que nous assisterons à l'intensification de l'utilisation de capacités cybernétiques offensives avec des cyberattaques en guise de représailles contre les sanctions imposées à la Russie". Même l'Italie ne peut se targuer d'être à l'abri : le secteur de l'énergie en particulier est sur le qui-vive, où les attaques pourraient être plus probables et potentiellement plus dommageables.
Le 22 février, les spécialistes de l'Unité 42, le groupe de recherche basé à Palo Alto et spécialisé dans les cybermenaces, ont signalé "une augmentation significative des cyberattaques" au cours des neuf jours précédents. Depuis la mi-février, une série d'attaques Ddos (celles qui bloquent les réseaux et les infrastructures) a frappé le gouvernement et les banques ukrainiennes.
Le 23 février, des organisations américaines (CISA, FBI, National Security Agency) et le National cyber security center (NCSC) britannique ont signalé la propagation de Cyclops Blink, un malware distribué à l'aide d'une mise à jour du célèbre antivirus WatchGuard. Les agences ont remonté la piste du malware jusqu'à Sandworm, une organisation cybercriminelle bien connue qui a des liens avec le gouvernement russe : une équipe qui comprendrait plusieurs officiers militaires du Crane (Direction principale des renseignements russes). Il s'agit du même groupe responsable des attaques de 2015 et 2017 contre l'Ukraine via le ransomware Petya.
Les Anonymous et la "bonne guerre"
Les hacktivistes du célèbre groupe qui se cache derrière le masque de Guy Fawkes enchaînent actuellement les actions. Dans un long message vidéo, le mouvement international de pirates informatiques a déclaré la "guerre" au président Poutine après que les troupes russes ont envahi l'Ukraine dans le cadre d'une opération appelée "OpRussia - Defend Ukraine". Dans la vidéo, le collectif appelle les gens à rejoindre la cyber-guerre au nom de la défense des droits de l'homme.
Samedi, le groupe de pirates informatiques a rendu inaccessibles depuis longtemps les sites Web du Kremlin et du ministère de la Défense, ainsi que celui du diffuseur russe RT - la première chaîne d'information en langue anglaise de Russie. Samedi également, après que Poutine a ordonné une plus grande censure de ce qui pouvait être montré à la télévision, les Anonymous ont piraté les réseaux de télévision et ont diffusé un montage de la guerre en cours. En arrière-plan, une chanson russe de Monatyk, qui a participé au concours Eurovision de la chanson en 2017. Et encore, un site du réseau de contrôle du gaz russe a également été piraté, dans le cadre de l'offensive contre la Russie et pour la défense de l'Ukraine. Il s'agit du terminal russe Linux à Nogir, en Ossétie du Nord. "Nous avons modifié les données et augmenté la pression du gaz à tel point que cela a failli provoquer un incendie", peut-on lire dans un tweet des hackers. "Mais cela n'a pas été le cas", ajoute-t-il, "grâce à l'action rapide d'une personne responsable. En tant que collectif, Anonymous a pour objectif d'aider à fournir des informations valables au peuple russe sur les actions "folles" de Poutine, tout en essayant d'aider le peuple ukrainien en fournissant des colis de soins, en essayant de garder les canaux de communication ouverts et en aidant à obscurcir leurs communications des "yeux indiscrets".
Au début, les opérations perturbatrices des hackers les plus notoires du monde ont suscité un soutien inconditionnel et une sympathie collective. Mais de nombreux doutes entourent une organisation aussi mystérieuse et pourtant puissante de "justiciers du web". Combien de hackers y a-t-il dans le collectif ? Comment s'organisent-ils ? La série d'actions perturbatrices en Russie est-elle vraiment de leur fait ? Est-il possible qu'un État soit derrière eux, se cachant pour empêcher l'escalade ? À ce stade de la "règle de suspicion", toutes les hypothèses sont plausibles.
Le collectif est officiellement né en 2003 lorsque des images et du contenu sont apparus pour la première fois de manière anonyme sur "4Chan", un site anglophone de conseil en image fondé par Christopher Poole en 2003, sur le modèle du site japonais "2channel". Dès le départ, Anonymous s'est déclaré être "une idée, un drapeau qui rassemble ceux qui veulent la justice et l'honnêteté dans le monde". Parmi leurs exploits les plus récents, citons les menaces à l'encontre d'Elon Musk, accusant le milliardaire de surinfluencer les cryptomonnaies par le biais de ses messages sur les médias sociaux ; et encore l'attaque contre l'Église de Scientologie en 2008, contre Visa et Mastercard en 2010 et l'opération KKK en 2015, lorsque les identités de plus de 1000 membres du Ku Klux Klan ont été rendues publiques.
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Colonel Douglas Macgregor : "Poutine met en garde l'Otan depuis 15 ans"
Roberto Vivaldelli
Source: https://it.insideover.com/guerra/il-colonnello-macgregor-putin-ha-avvisato-per-15-anni-la-nato.html
L'ancien président américain Donald Trump a toujours apprécié et tenu en haute estime les opinions hors normes du colonel Douglas Macgregor, à tel point qu'il a failli le nommer conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche après le départ de John Bolton en 2019. Vétéran de la guerre du Golfe, Macgregor est l'auteur de Breaking the Phalanx, un texte proposant la réforme de l'armée américaine, qui a intéressé le secrétaire à la Défense de l'époque, Donald Rumsfeld, à l'automne 2001. Après avoir quitté l'armée en 2004, Macgregor a souvent été invité à commenter la politique étrangère américaine à la télévision - sur Fox News, en particulier -, souvent à partir d'une position moins conventionnelle, critiquant l'immigration illégale et le magnat libéral, George Soros, avec des mots très durs.
Le 27 juillet 2020, la Maison Blanche a annoncé l'intention de Donald Trump de nommer Macgregor au poste d'ambassadeur des États-Unis en Allemagne, mais les médias libéraux américains ont lancé une offensive haineuse contre le vétéran de l'armée américaine en raison de ses positions, ce qui a conduit à l'enlisement de sa nomination au sein de la commission des affaires étrangères du Sénat. Lorsque l'idée de s'installer à Berlin a été écartée, il a été nommé conseiller principal du secrétaire à la défense par intérim Christopher Miller le 11 novembre 2020. Aujourd'hui, le colonel Macgregor est de retour dans l'actualité, une fois de plus en raison de ses opinions résolument "contre-culturelles" sur l'invasion russe de l'Ukraine, telles qu'exprimées sur Fox News. Nous l'avons rattrapé pour lui poser quelques questions.
Macgregor : "Poutine a averti l'Occident depuis des années"
Selon le vétéran de l'armée américaine, l'invasion russe de l'Ukraine était planifiée depuis des mois. L'objectif de Vladimir Poutine, explique-t-il, "est de faire en sorte que les États-Unis et leurs alliés ne puissent pas stationner des missiles et des forces de combat à la frontière" avec la Fédération de Russie. Dans son discours du 24 février, le président russe a souligné que "ce qui se passe est une mesure nécessaire. On ne nous a laissé aucune possibilité de faire autrement". Une lecture correcte, selon le colonel Macgregor. "Oui. Poutine a essayé à plusieurs reprises, depuis au moins 15 ans, de signaler l'opposition de la Russie à l'avancée de l'OTAN vers les frontières de la Russie."
Le colonel explique quels sont les objectifs du Kremlin en Ukraine : "Moscou veut une Ukraine neutre, non alignée et non hostile à la Russie. Le modèle est l'Autriche et son traité d'État de 1955. Il n'est pas enclin à traverser le Dniepr et à se diriger vers l'ouest. L'armée russe a déjà encerclé et coupé les forces ukrainiennes à l'est du fleuve Dniepr. Elle souhaiterait une résolution telle que décrite. Si cela échoue, elle écrasera les forces ukrainiennes, traversera le Dniepr et annexera ou déclarera l'Ukraine orientale comme une République russe indépendante. Cela lui donnerait le "tampon" qu'elle souhaite", explique Macgregor. "Compte tenu de la géo-hydrographie de l'Ukraine occidentale, elle peut retenir au-delà du Dniepr les forces occidentales qui tenteraient de traverser le fleuve et qui rencontreraient une destruction certaine par des moyens conventionnels." Mais combien de temps l'armée ukrainienne peut-elle résister à l'avancée russe ? L'expert n'a aucun doute: "Au maximum 30 jours". Et les sanctions économiques n'arrêteront pas Moscou: "Les sanctions ont-elles forcé Moscou à quitter la Crimée ? Les sanctions ont-elles forcé l'Iran à se soumettre aux exigences des États-Unis et d'Israël ? Non. Les sanctions ne changent pas les gouvernements".
"Biden a provoqué la Russie"
L'ancien conseiller principal du Pentagone sous l'administration Trump explique quelles ont été les erreurs de l'actuel locataire de la Maison Blanche, Joe Biden. Il aurait essayé de tout faire sauf d'établir un dialogue diplomatique avec la Fédération de Russie: "Biden a commencé son mandat en condamnant Poutine et son gouvernement. Il n'a pas cessé de menacer Poutine et de pousser les gouvernements européens à le rejoindre. Plus sérieusement, Macgregor note que "les forces américaines ont mené des exercices et des opérations militaires à moins de 50 miles nautiques de Saint-Pétersbourg". En revanche, l'ancien président Donald Trump a "écouté le président Poutine, en cherchant à améliorer les relations avec la Russie". Cependant, note-t-il, "Poutine a compris que le président Trump avait été subverti par son propre gouvernement et a conclu qu'il devait se préparer à une nouvelle administration américaine hostile. Encore une fois, le résultat est l'action en cours dans l'est de l'Ukraine".
Une autre question clé concerne l'ordre mondial qui émergera après la fin du conflit. L'isolement de l'Occident et les sanctions économiques sévères pousseront la Russie à se tourner de plus en plus vers la Chine, mais attention : il ne s'agit pas, pour le moment, d'une véritable "alliance". "Moscou et Pékin ne sont pas des alliés", explique le colonel Macgregor. "Ce sont des partenaires stratégiques qui entretiennent des relations économiques mutuellement bénéfiques. Tous deux sont menacés par les États-Unis et, bien sûr, coopèrent pour des raisons de sécurité."
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mardi, 01 mars 2022
Modèles géopolitiques comparés
Modèles géopolitiques comparés
Par Daniele Perra
Source: https://www.eurasia-rivista.com/modelli-geopolitici-a-confronto/
L'article suivant est la suite idéale d'une autre contribution intitulée "L'ennemi de l'Europe", parue sur le site "Eurasia" ( https://www.eurasia-rivista.com/il-nemico-delleuropa/ - version française: http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/02/10/l-ennemi-de-l-europe-6365403.html ). Dans le cas présent, nous tenterons de mettre en évidence les principales différences entre deux modèles contrastés d'application de la science géopolitique à la lumière de la recrudescence actuelle de la crise ukrainienne: le modèle russe "traditionnel" (ou classique) et le modèle "moderne" (ou peut-être serait-il plus correct de dire "techno-financier") des États-Unis et de l'OTAN.
Le théoricien chinois Wang Huning (photo, ci-dessous) a été l'un des premiers à avancer la thèse selon laquelle pour comprendre la stratégie nationale américaine, il faut d'abord comprendre la façon dont les Américains sont une nation: c'est-à-dire observer attentivement leur mode de vie avant d'accorder du crédit à ce qui apparaît dans les publications "géopolitiques" de leurs groupes de réflexion [1].
Lors de son séjour aux États-Unis dans la seconde moitié des années 1980, Huning est arrivé à la conclusion que le fondement du mode de vie américain est l'idée de richesse ou de prospérité. Cette prospérité (apparente ou réelle) n'est maintenue que par le flux continu de capitaux internationaux dans les coffres américains. Et, pour que ce flux de capitaux reste constant, il est nécessaire que la position hégémonique du dollar ne soit pas ébranlée de quelque manière que ce soit. C'est la véritable source de pouvoir qui maintient les États-Unis forts et prospères pour le moment.
Cela soulève bien sûr la question suivante : comment a-t-il été possible d'atteindre une telle position ? La réponse se trouve dans l'histoire contemporaine. Au début de la Première Guerre mondiale, les États-Unis sont l'un des pays les plus endettés au monde. À la fin du conflit, cependant, les États-Unis étaient un créancier mondial. En 1917, l'Entente reçoit une ligne de crédit de 2,3 milliards de dollars de Washington. Au cours de la même période, l'Allemagne, vaincue à la bataille navale du Jutland (1916) et déjà soumise à un blocus naval britannique, a reçu un peu plus de 27 millions de marks d'aide étrangère.
En fait, les États-Unis ont été parmi les premiers à comprendre la guerre exclusivement comme une entreprise économique à une époque où les empires européens traditionnels, toujours convaincus que la victoire serait déterminée uniquement et exclusivement par la force des armées sur le terrain (ce qui n'était possible que dans le cas de la "Blitzkrieg"), étaient devenus incompatibles avec la base économique du capitalisme. La Première Guerre mondiale est donc également le premier conflit dans lequel le flux de capitaux a joué un rôle plus important que le flux de sang au sens littéral du terme. Les États-Unis eux-mêmes ne sont intervenus que lorsqu'il était certain qu'il n'y aurait pas de différence substantielle entre les vainqueurs et les vaincus (qui sont tous sortis du conflit avec les os brisés).
En effet, le véritable objectif était d'évincer la Grande-Bretagne de son rôle de puissance thalassocratique hégémonique au niveau mondial. Cet objectif ne sera atteint qu'après la Seconde Guerre mondiale et après que la Grande-Bretagne elle-même (grâce à celui que l'on définit peut-être à tort comme un grand politicien et stratège, Winston Churchill) ait contribué de manière décisive à son suicide et à celui de l'Europe.
Le 15 août 1971 est une autre date clé dans l'histoire contemporaine et, surtout, pour les besoins de cette analyse. Ce jour-là, le président Richard Nixon a annoncé la fermeture de la "fenêtre dorée", rompant ainsi le lien entre le dollar et l'or et trahissant ainsi délibérément le système créé à Bretton Woods. Depuis cette date, les États-Unis ont acquis le pouvoir théorique d'imprimer des dollars à volonté. De plus, à la suite du conflit israélo-arabe de 1973 et d'un accord avec l'OPEP, les États-Unis ont ancré le dollar dans le commerce mondial du pétrole, faisant de leur monnaie la seule monnaie de règlement international du commerce du pétrole. Ce faisant, ils ont imposé au monde le principe selon lequel il faut des dollars pour acheter du pétrole. Ainsi, si un pays a besoin de pétrole, il a également besoin de dollars pour l'acheter. La mondialisation économique, dans ce sens, a été le résultat inévitable de la mondialisation du dollar.
En ce sens, les États-Unis, selon l'ancien général de l'armée de l'air de l'Armée de libération du peuple, Qiao Liang, ont créé la première "civilisation financière" en transformant toutes les monnaies du monde en accessoires du dollar [2]. De plus, depuis les années 1970, ils délocalisent les industries manufacturières de bas et moyen niveau vers les pays en développement (encourageant la consommation et la dégradation de l'environnement et des ressources), ne gardant sur leur territoire que celles à haute valeur ajoutée technologique.
Les effets néfastes de ces politiques se sont reflétés dans l'économie américaine elle-même lorsque la crise de 2007 a mis en évidence sa nature exclusivement "virtuelle" face à la mise à zéro du secteur manufacturier. Une tendance que les administrations Obama et Trump ont toutes deux tenté (et échoué) à contrebalancer. Par conséquent, la fortune des États-Unis reposera encore longtemps sur la capacité de Washington à concentrer les flux de capitaux internationaux sur son territoire, générant des crises géopolitiques et éliminant les concurrents potentiels.
En d'autres termes, les États-Unis ont créé un "empire vide" totalement parasitaire (en 2001, 70% de la population américaine travaillait dans le secteur financier et les services connexes) basé sur la production de dollars, tandis que le reste du monde produit les biens qui sont échangés contre des dollars. "La mondialisation", dit Qiao Liang (photo, ci-dessous), "n'est rien d'autre qu'une lubie financière prise en otage par le dollar américain" [3].
Dans l'article précédent, que je cite ci-dessus et intitulé L'ennemi de l'Europe, il était largement fait référence à la guerre du Kosovo comme à un "conflit américain au cœur de l'Europe" visant à polluer le climat d'investissement sur le Vieux Continent et à tuer dans l'œuf un rival potentiellement dangereux : l'euro. En fait, avant la guerre du Kosovo, rapporte l'ancien général chinois, 700 milliards de dollars erraient en Europe sans pouvoir être investis nulle part [4]. Une fois la guerre commencée avec le soutien des gouvernements collaborationnistes européens (celui de l'Italie en particulier), 400 milliards de dollars ont été immédiatement retirés du sol européen. 200 milliards sont retournés directement aux États-Unis. Une autre tranche de 200 milliards est allée à Hong Kong, où certains spéculateurs optimistes visaient à utiliser la ville comme tremplin pour accéder au marché de la Chine continentale. C'est à ce moment précis qu'a eu lieu le bombardement "accidentel" de l'ambassade de Chine à Belgrade par des "missiles intelligents" de l'OTAN. Le résultat final : les 400 milliards ont tous coulé dans les caisses américaines.
En novembre 2000, Saddam Hussein a annoncé que les exportations de pétrole irakien seraient réglementées en euros. Le premier décret du gouvernement irakien établi par (et sous) les bombes américaines stipulait le retour immédiat à l'utilisation du dollar pour le commerce du pétrole brut.
Le même argument peut facilement être appliqué à la crise ukrainienne de 2014, qui a éclaté à un moment où les États-Unis (comme aujourd'hui) ne souhaitaient en aucun cas que les capitaux restent ou soient investis en Europe. La meilleure façon d'empêcher cela était de créer une crise régionale. Une crise qui a également contraint l'Europe à se joindre aux États-Unis pour imposer des sanctions à la Russie.
À ce jour, le seul pays qui a contré ce jeu nord-américain en essayant d'intercepter le flux de capitaux est la Chine. Cela devrait expliquer en partie pourquoi il y a eu une intensification substantielle des crises régionales autour du géant asiatique, de Hong Kong à Taiwan.
Cependant, la recrudescence actuelle de la crise ukrainienne appelle également un autre type de réflexion. En effet, indépendamment de la volonté occidentale d'exacerber au maximum la crise par les provocations (et les opérations "false flag"/"fausse bannière"), la propagande et le non-respect des accords de Minsk, nous assistons à la confrontation de deux modèles opposés d'interprétation de la géopolitique. Dans l'article déjà mentionné, L'ennemi de l'Europe, il était fait référence à l'utilisation des crises géopolitiques par les États-Unis comme instruments subordonnés à la politique monétaire. Par conséquent, dans le cas ukrainien, nous sommes confrontés à un double niveau de manipulation : géographique/idéologique et financier. La crise géopolitique n'a pas seulement la tâche (cachée) de faire circuler les capitaux vers Washington en affaiblissant la reprise économique de l'Europe post-pandémique, mais elle est également utilisée comme un outil pour maintenir l'Europe dans une condition de "captivité géopolitique" au sein de l'invention géographique/idéologique de l'Occident.
Or, étant donné que la mise en œuvre des stratégies globales des grandes puissances dépend toujours de la force (c'est Staline qui a déclaré "tous les traités sont des vieux papiers, ce qui compte c'est la force"), il faudra faire la distinction entre un modèle de géopolitique subordonné à la finance (il ne faut pas oublier que l'abattage d'un avion russe grâce aux systèmes de l'OTAN en Turquie a également entraîné une fuite des capitaux qui ont quitté Moscou et Ankara en 2015) et un modèle classique ou traditionnel qui reste (volontairement ou non) lié à l'idée d'Élisée Reclus selon laquelle la géographie n'est rien d'autre que l'histoire dans l'espace [5] et à la notion de Lebensraum développée par Friedrich Ratzel (photo).
Ce concept mérite un bref développement, étant donné l'interprétation erronée dont il a fait l'objet afin de présenter la géopolitique comme une sorte de pseudo-science nazie (une opération qui n'a déjà pas beaucoup de sens si l'on considère que Ratzel est mort en 1904) (ndt: et ne développait nullement des théories qualifiables de "racistes", cf. http://robertsteuckers.blogspot.com/2013/10/friedrich-ratzel.html ). Le Lebensraum (espace de vie) est profondément lié à la relation entre l'homme/les gens et le sol/l'espace. L'espace de vie, dans la théorie de Ratzel, se développe selon deux lignes de croissance (Wachstum) qui incluent tous les phénomènes détectables dans l'espace : une croissance verticale et une croissance horizontale. Les phénomènes sont les signes vitaux du lien entre l'homme et le sol : champs cultivés, mais aussi lieux de culte, écoles, œuvres d'art et industries. Cette connexion génère l'idée politique, le ciment spirituel de l'État et l'expression la plus élevée de la croissance verticale, c'est-à-dire de l'État lui-même en tant qu'organisme spirituel. La croissance horizontale, en revanche, est liée à la pure expansion militaire et à l'État en tant qu'organisme biologique. Toutefois, cette expansion doit suivre les phénomènes sur le territoire, dans le sens de préférer la direction qui permet une plus grande continuité entre le centre et la périphérie [6]. Il est évident qu'une telle élaboration théorique se traduit directement par une condamnation de l'impérialisme moderne, qui ne connaît pas de frontières mais uniquement et exclusivement des zones de sécurité.
La géopolitique subordonnée à la finance, en fait, est fondée non pas sur la sauvegarde du limes, mais sur le contrôle et la gestion des flux de capitaux (même en recourant à la force militaire pour les manipuler) comme moyen de contrôler le flux des ressources à travers les carrefours géopolitiques (par exemple, le canal de Suez ou le détroit de Malacca). La géopolitique classique, au contraire, est basée sur le contrôle logistique du voisin immédiat comme espace de projection et d'influence. En ce sens, par exemple, on pourrait interpréter la colonisation grecque de l'espace autour de la mer Noire (qui était crucial pour l'accès aux céréales produites par les Scythes et les Sarmates) dans l'Antiquité [7].
Aujourd'hui, l'annexion de la Crimée par la Russie (alors qu'elle n'a été incluse dans les frontières ukrainiennes que dans les années 1950), outre le fait que le droit international est souvent interprété toujours à l'avantage de la puissance hégémonique qui l'a créé, peut et doit également être interprété dans un sens traditionnel. Empêcher que cet avant-poste (après la réduction progressive de la marge de manœuvre suite à l'effondrement de l'URSS) ne passe sous le contrôle de l'OTAN a à la fois un sens purement stratégique et une valeur en termes de lien spirituel entre la terre et les gens et, par conséquent, de réaffirmation de l'espace vital russe. La Russie a également besoin de transporter ses ressources naturelles vers le marché et de promouvoir son économie. La coupure des gazoducs et des oléoducs (ce que les États-Unis tentent de faire par le biais de la crise ukrainienne elle-même) aurait (et a) donc un impact non seulement sur l'économie russe mais aussi (et peut-être même de manière plus décisive) sur le destinataire final : l'Europe occidentale [8].
Ici, une autre considération entre également en jeu. La reconnaissance russe des républiques populaires de Donetsk et de Lougansk (qui en soi ne peut être critiquée par ceux qui, par exemple, ont créé de toutes pièces le Kosovo ou le Sud-Soudan par simple opportunisme géopolitique) a une double valeur. Ceci est lié à la fois au discours précédent sur la réaffirmation de l'espace vital russe (et comme l'achèvement d'un processus commencé en 2014 après le coup d'État atlantiste à Kiev), et à un projet plus large d'accélération vers la reconstruction de l'ordre mondial. Il semble clair que le choix russe s'impose également comme un défi ouvert au modèle unipolaire. Le Kremlin, en effet, à l'heure où la coopération eurasiatique ne cesse de se renforcer (grâce surtout au travail diplomatique de la Chine et de l'Iran), montre qu'il ne craint absolument pas un nouveau régime de sanctions (principal instrument de l'unipolarité) qui, comme déjà prévu (et malgré les timides efforts du président français Emmanuel Macron pour sauver le Vieux Continent du resserrement de l'étau atlantique), se ferait surtout au détriment du seul vrai perdant de cette crise : une Europe incapable de sauvegarder son propre intérêt et de devenir un pôle autonome et indépendant.
À cet égard, une dernière considération s'impose pour tous ceux qui, en Europe occidentale, regardent la Russie avec un espoir excessif. Bien que la Russie soit un exemple d'opposition à l'idée unipolaire, elle poursuit naturellement son propre intérêt national. Ce n'est pas la Russie (également beaucoup trop patiente à cet égard) qui sauvera l'Europe. Toutefois, dans le cas ukrainien, Moscou a le mérite de mettre l'Europe devant le fait accompli et de souligner davantage le rôle néfaste de l'Alliance atlantique en tant qu'instrument de coercition du Vieux Continent.
NOTES:
[1] Voir Wang Huning America against America, Shanghai Arts Press, Shanghai 1991.
[2] Qiao Liang, L’arco dell’impero con la Cina e gli Stati Uniti alle estremità, LEG Edizioni, Gorizia 2021, p. 101.
[3] Ibidem, p. 63.
[4] Ibidem, p. 109.
[5] "La géographie n'estrien d'autre que l'histoire dans l'espace, tout comme l'histoire est la géographie dans le temps". Cette phrase apparaît, mise en exergue, dans chacun dessix volumes de l'oeuvre monumzentale du géographe français, L’homme et la terre (Hachette, Parigi 1906-1908).
[6] Voir F. Ratzel, Politische Geographie, R. Oldenbourg, Monaco-Lipsia 1897.
[7] Il ne faut pas oublier le fait qu'aujourd'hui encore, la Russie et l'Ukraine sont parmi les principaux exportateurs de blé au monde. 50% du blé importé par Israël, par exemple, vient d'Ukraine.
[8] De la même façon, la Chine, avec la Nouvelle Route de la Soie, cherche à construire un modèle eurasien de coopération et de développement, aussi pour donner une force propulsante à sa propre production économique intérieure. Le fait de fomenter des crises le long du parcours de cette route de la soie nuit non seulement à l'économie chinoise mais aussi à tous les pays d'Asie centrale et méridionale qui, via ce projet infrastructurel, visent à améliorer leurs propres capacités de développement.
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Groupe de travail Feniks (Flandre) : Finies les guerres fratricides !
Groupe de travail Feniks (Flandre) : Finies les guerres fratricides !
En ce moment, toute notre civilisation réagit avec indignation face à l'invasion russe en Ukraine. Une guerre que personne n'aime voir éclater si près de nous, en Europe. De nombreux postes sur la frontière ont été franchis, ce qui viole l'intégrité territoriale de l'Ukraine elle-même. Toutes les victimes dans cette guerre sont regrettables, et pire, toutes auraient pu être évités.
Il y a maintenant une surenchère de condamnations et de sanctions contre la Russie, qui a lancé les opérations cette semaine. De manière réaliste, la plupart des gens se rendent compte que cela ne résoudra pas le conflit. Aucune sanction économique, et certainement aucun bâtiment illuminé en bleu et jaune, ne fera changer d'avis les Russes. Par impuissance, nous crions notre dépit à travers des déclarations sur les médias sociaux et dans la presse, même si nous devons admettre qu'aucun d'entre nous ne veut voir son propre pays partir en guerre.
Nous devons toujours tirer les leçons de l'histoire pour nous tourner vers l'avenir, y compris et surtout dans le cas présent.
Ce qui a provoqué cette invasion est facilement oublié, voire délibérément nié. Les politiciens occidentaux aiment se laver les mains dans l'affaire et blâmer Poutine de manière unilatérale. Cependant, la raison de cette invasion pose problème sur la scène internationale depuis un certain temps et fait constamment surface depuis 2014. En 2014, la politique occidentale a soutenu l'opposition ukrainienne de l'époque dans la révolution de Maidan, qui réclamait un cours pro-occidental, pro-UE et pro-OTAN et surtout anti-russe. Entre autres, notre ancien Premier ministre Guy Verhofstadt s'est rendu à Kiev pour jeter un peu plus d'huile sur le feu (contre une belle rémunération bien sûr).
Les accords précédents entre l'OTAN et la Russie ont été davantage mis en péril. Un accord (entre l'Occident, l'OTAN, et la Russie) selon lequel l'OTAN ne s'étendrait pas dans les anciens pays ayant été sous tutelle soviétique. Pour les Russes fraîchement désoviétisés, il s'agissait d'éviter à la Russie d'être encerclée par des bases hostiles de l'OTAN dans son voisinage direct. Depuis la promesse américaine selon laquelle l'Ukraine pourrait rejoindre l'OTAN en 2008, la Russie a exprimé à plusieurs reprises ses inquiétudes, mais l'Occident s'est retranché derrière la souveraineté nationale de l'Ukraine, alors qu'il cherchait, à grand renfort d'argent, à rapprocher l'Ukraine de l'UE et de l'OTAN. Ce jeu a été bien perçu par les Russes comme une menace directe pour leur grand pays.
Nous pouvons envisager ce conflit de deux façons. Soit nous réagissons d'un point de vue ethnocentrique et blâmons unilatéralement la Russie, ce qui entraînera des sanctions longues et sévères et l'envoi de troupes supplémentaires à l'Est. Ou bien nous essayons d'avoir une vue d'ensemble et de penser le long terme. Alors peut-être devrions-nous accepter le fait patent que le temps où l'Occident fixait unilatéralement les termes de la politique internationale est désormais derrière nous, et que certains lobbyistes occidentaux tels les néoconservateurs, comme feu John Mccain, et les libéraux comme Guy Verhofstadt ne servent pas du tout les intérêts de l'Europe qui ne pourra s'épanouir que dans la paix.
La guerre en Ukraine montre que nous avons besoin d'une stratégie géopolitique différente. Avons-nous, en tant qu'Européens, le courage de nous regarder et de défendre nos propres intérêts ? Prenons-nous notre défense en main au lieu de la négliger comme nous l'avons fait au cours de ces 30 dernières années ? Ne pourrions-nous pas commencer par développer une force de paix européenne continentale dans une zone déclarée neutre au lieu de réclamer (et de pérenniser) des frontières dures entre l'OTAN d'une part et, par exemple, la Russie (ou la Chine, ou, à l'avenir, la Turquie) d'autre part ? Ou bien allons-nous réagir avec grande indignation pendant quelques semaines seulement, en portant encore davantage préjudice à notre propre économie et en ne faisant rien pour qu'à la prochaine crise, nous soyons tout aussi impuissants ?
Pour aller plus loin dans la réflexion :
https://m.youtube.com/watch?v=JrMiSQAGOS4
https://synergon-info.blogspot.com/2022/02/oorlog-in-euro...
https://ejmagnier.com/2022/02/25/poetins-oorlog-met-oekra...
https://m.youtube.com/watch?v=JrMiSQAGOS4
https://ejmagnier.com/2022/02/24/putins-war-on-ukraine-cu...
https://caitlinjohnstone.substack.com/p/civilized-nations...
16:32 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : affaires européennes, europe, paix, neutralité, géopolitique, politique internationale, ukraine, russie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
lundi, 28 février 2022
Guerre en Ukraine : le point de non-retour - 32 points sur la question ukrainienne
Guerre en Ukraine : le point de non-retour
32 points sur la question ukrainienne
par Roberto Buffagni
Source : Roberto Buffagni (28 fév. 2022) & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/guerra-in-ucraina-il-punto-di-non-ritorno
Je résume aussi brièvement que possible le déroulement des événements passés et propose une hypothèse interprétative des événements futurs.
1. La cause profonde de la guerre est la décision stratégique américaine d'étendre l'OTAN à l'Est. L'expansion a commencé avec l'administration Clinton, après l'effondrement de l'URSS. George Kennan, Henry Kissinger, John Mearsheimer - pour ne citer que les principales personnalités américaines dans le domaine des relations internationales - l'ont considéré comme une erreur de première grandeur, annonciatrice de graves conséquences.
2. Le sommet de l'OTAN de 2008 à Bucarest a déclaré que la Géorgie et l'Ukraine rejoindraient l'OTAN. La France et l'Allemagne s'y opposent mais cèdent à la pression américaine. Le résultat est un compromis : aucune date d'entrée n'est spécifiée.
3. La Russie fait immédiatement savoir que l'entrée de la Géorgie et de l'Ukraine dans l'OTAN est inacceptable. La raison sous-jacente est que la Géorgie et l'Ukraine dans l'OTAN deviendraient des bastions militaires occidentaux à la frontière russe. Immédiatement après le sommet de Bucarest, la Russie envahit la Géorgie pour l'empêcher de rejoindre l'OTAN. Elle n'est ni politiquement ni militairement capable de faire de même avec l'Ukraine.
4. En 2014, les États-Unis orchestrent un coup d'État en Ukraine et installent un gouvernement qui leur plaît et qui met le désir de rejoindre l'OTAN dans la constitution.
5. En 2021, les États-Unis et les pays de l'UE commencent à armer sérieusement les Forces Armées ukrainiennes.
6. Fin 2021, la Russie ouvre des discussions diplomatiques avec les États-Unis. Le point clé de la proposition russe est la signature d'un traité garantissant que l'Ukraine ne rejoindra pas l'OTAN. Contre la coutume diplomatique, la Russie rend le projet de traité public.
7. Les États-Unis refusent de garantir par écrit que l'Ukraine ne rejoindra pas l'OTAN, car cela reviendrait à renoncer au rôle décisionnel "superiorem non recognoscens" dans l'ordre international unipolaire qu'ils détiennent depuis l'effondrement de l'URSS. Ils font immédiatement savoir qu'ils n'interviendront PAS militairement pour défendre l'Ukraine en cas d'attaque russe. Une grande puissance nucléaire n'affronte une autre grande puissance nucléaire sur le terrain que lorsque ce qui est en jeu est un intérêt vital pour les deux. L'Ukraine est un intérêt vital pour la Russie, elle n'est PAS un intérêt vital pour les États-Unis.
8. Lors de la conférence de Munich, le chef du gouvernement ukrainien annonce que l'Ukraine envisage d'acquérir des armes nucléaires tactiques. Les plus petites armes atomiques tactiques peuvent effacer une division blindée de la surface de la terre.
9. Peut-être à cause de cette annonce, la Russie accélère. Elle reconnaît les républiques du Donbass, envahit l'Ukraine. Elle mène la guerre de la manière la plus susceptible d'épargner la vie des civils, en vue de la réconciliation/stabilisation de l'Ukraine. L'objectif stratégique russe ne comprend PAS la conquête totale ou partielle du pays, mais sa neutralisation, la reconnaissance des républiques du Donbass et de Crimée, la démilitarisation de l'Ukraine.
10. Les États-Unis - plus précisément, l'establishment qui dirige leur politique étrangère et qui est en mesure d'influencer fortement toute administration - décident de mettre en œuvre une stratégie de guerre indirecte, dans le but de provoquer un "changement de régime" en Russie, et utilisent les pays de l'UE comme un instrument politique, en assumant le rôle d'"OTAN politico-économique".
11. Des sanctions économiques majeures sont imposées à la Russie par les États-Unis et les pays de l'UE, y compris le gel, c'est-à-dire la saisie, des actifs de la Banque nationale russe détenus dans les pays occidentaux (un acte de guerre).
12. Des mesures draconiennes sont également décidées par les pays de l'UE, qui sont aussi de véritables actes de guerre : l'UE finance et envoie à l'Ukraine des systèmes d'armes non seulement défensifs mais aussi offensifs (avions de chasse). La distinction entre les systèmes d'armes offensifs et défensifs, qui n'a aucune valeur sur le champ de bataille, est toutefois pertinente sur le plan juridique. Envoyer des systèmes d'armes défensifs à un pays en guerre ne constitue pas un acte de guerre contre son ennemi, envoyer des systèmes d'armes offensifs oui.
13. La Suède et la Finlande, pays neutres limitrophes de la Russie, annoncent qu'ils envisagent de rejoindre l'OTAN.
14. L'Allemagne annonce un vaste programme de réarmement.
15. L'envoi de systèmes d'armes à l'Ukraine ne change pas l'issue du conflit en Ukraine, car il ne modifie pas l'équilibre des forces entre les protagonistes, qui penche fortement en faveur de la Russie. Il s'agit d'une provocation adressée à la Russie. Elle la met au défi de réagir à des actes de guerre réels, sachant qu'une réaction militaire russe contre des pays de l'UE, qui sont également des pays de l'OTAN, provoquerait un conflit ouvert OTAN-Russie. L'intention de la provocation est de démontrer l'impuissance russe : "Vous avez mordu plus que vous ne pouvez mâcher", et ainsi déstabiliser le gouvernement de la Fédération de Russie.
16. Le gouvernement russe lève l'alerte nucléaire. C'est un cas de "escalade pour désescalade". Par l'escalade, un message est envoyé à l'adversaire : "Sachez que nous sommes prêts à aller jusqu'au bout, y compris au conflit nucléaire. Désescaladez ou subissez les conséquences".
17. Les premiers entretiens entre les représentants des gouvernements ukrainien et russe sont annoncés pour ce matin.
18. L'opération de "changement de régime" en Russie exploite toutes les failles du conflit en Russie, en premier lieu les nationalismes des États qui composent la Fédération. Le scénario envisagé par les planificateurs est similaire à celui déjà mis en œuvre dans l'ex-Yougoslavie : guerre civile, fragmentation de la Fédération de Russie, implosion de l'État fédéral, nouveaux gouvernements dirigés par des politiciens acceptables pour l'Occident, et le président fédéral russe V. Poutine, déjà décrit par les médias occidentaux comme un gangster mentalement dérangé, comme le président yougoslave Milosevic accusé devant le Tribunal international de La Haye.
19. Il est très clair, d'après ce qui précède, que la Russie NE PEUT PAS reculer. S'il le fait, le gouvernement sera déstabilisé et la deuxième phase de l'opération de changement de régime sera déclenchée : des révolutions colorées dans les États constitutifs de la Fédération de Russie. En outre, l'Ukraine est la dernière ligne de défense militaire et politique de la Fédération de Russie, qui est dos au mur et défend sa survie.
20. Je rappelle que pour éviter la situation actuelle très dangereuse, il aurait suffi de deux choses : a) garantir par écrit que l'Ukraine ne rejoindrait pas l'OTAN; b) qu'un seul pays de l'UE propose, avant le début des hostilités, une révision du système de sécurité européen tenant compte des intérêts russes, orientée vers la neutralisation de l'Ukraine.
21. Je prédis que les pourparlers entre l'Ukraine et la Russie ne donneront aucun résultat. Le gouvernement ukrainien est dirigé par les États-Unis. Il est dans l'intérêt des États-Unis, en vue de l'opération de changement de régime, de gagner du temps et d'accroître la pression sur le gouvernement russe.
22. L'attitude actuelle des pays de l'UE n'est dans l'intérêt d'aucun pays européen, y compris les voisins de la Russie. En fait, la Russie n'a PAS l'intention de s'étendre, ni en Ukraine ni ailleurs (elle n'en a pas la capacité politico-militaire). La Russie défend son intégrité politique et sa survie en tant qu'État unitaire.
23. L'attitude actuelle des pays de l'UE fait courir un grand risque à tous les pays européens. Elle est dictée par les États-Unis, qui peuvent ainsi mener une politique de "guerre courte" contre la Russie à coût zéro. Le coût économique et politique est payé par les peuples d'Europe.
24. L'attitude actuelle des pays de l'UE laisse soupçonner que leurs dirigeants ne se rendent pas compte de la gravité des actes qu'ils posent, ni de leurs éventuelles conséquences.
25. En effet, je répète que la Russie NE PEUT PAS faire marche arrière, et que ses objectifs ne sont pas expansionnistes ou impérialistes, mais strictement défensifs. La Russie les considère comme des intérêts vitaux, qu'elle doit sécuriser pour survivre.
26. La Russie est une grande puissance nucléaire. Personne au monde, à part Dieu ou le recul, ne sait quelles pourraient être les conséquences d'une opération réussie de changement de régime en Russie, car personne ne peut savoir qui contrôlerait l'arsenal nucléaire russe, ou des parties de celui-ci, plus que suffisantes pour provoquer une destruction catastrophique.
27. De plus, un échec définitif de l'opération de changement de régime après son succès partiel et temporaire pourrait encourager un comportement désespéré et irrationnel de la part des dirigeants politiques russes, qui, je le rappelle encore une fois, ont le sentiment de se battre pour la survie de la Russie.
28. La décision allemande de réarmer, et d'envoyer en Ukraine des armes qui tueront les soldats russes, combinée à la présence en Ukraine de formations qui rappellent le national-socialisme, ne peut que rappeler aux Russes ce qui s'est passé lors de la deuxième guerre mondiale, lorsque les Allemands ont tué 22 millions de civils russes, et qu'une partie des Ukrainiens s'est rangée du côté des nazis contre l'URSS. Les Russes appellent la seconde guerre mondiale la "Grande guerre patriotique", célèbrent solennellement son souvenir, se rassemblent autour d'elle. Le patriotisme et le nationalisme sont une force très puissante en Russie. Les émotions qu'ils suscitent lorsque la survie de la nation est jugée en danger peuvent dépasser la rationalité.
29. Très important : à partir de maintenant, il est absolument nécessaire de prendre au pied de la lettre, et de croire du premier au dernier mot, les avertissements et menaces officiels adressés à l'Occident par les dirigeants russes. En effet, les dirigeants politiques russes n'ont non seulement aucune raison de mentir ou de proférer des menaces vides de sens, mais ils ont absolument besoin d'être clairs, sincères et cohérents dans leurs déclarations officielles à l'Occident. C'est en effet le seul instrument à sa disposition pour contrôler rationnellement le cours des événements et éviter qu'ils ne deviennent incontrôlables et ne précipitent une catastrophe. Penser que les dirigeants russes bluffent est une recette pour le désastre.
30. Il est très important que ceux qui partagent cette lecture des événements transmettent, du mieux qu'ils peuvent, aux parlementaires italiens leur désaccord inquiet pour l'attitude de notre gouvernement et de l'UE. Il convient de rappeler que seul le Parlement peut légitimement décider des actes de guerre et que l'article 11 de la Constitution italienne "répudie la guerre comme instrument d'offense à la liberté des autres peuples et comme moyen de régler les différends internationaux". Il s'agit d'un différend international, qui peut être réglé rapidement en garantissant la neutralité de l'Ukraine.
31. En conclusion, rappelons qu'une attitude agressive et intransigeante, et pire, la collaboration à l'opération de "changement de régime" en Russie, peut précipiter l'Ukraine dans l'abîme. L'issue militaire du conflit, compte tenu des forces sur le terrain et de l'incapacité de la Russie à faire marche arrière, est prédéterminée. Le seul effet réel d'une agression intransigeante pourrait être une augmentation de la pression militaire russe pour conclure rapidement les opérations. Cela impliquerait l'adoption d'un style de guerre beaucoup plus violent et une augmentation spectaculaire des pertes civiles. Si les événements devenaient incontrôlables et débouchaient sur une confrontation directe entre l'OTAN et la Russie, une attitude agressive et intransigeante pourrait également plonger les nations européennes dans l'abîme.
32. De nombreuses personnes suivent le déroulement de cette affaire comme s'il s'agissait d'une série télévisée. Ce n'est pas une série télévisée, c'est la réalité. Nous ne sommes pas à Disneyland, nous ne sommes pas au pays des merveilles. Nous ne sommes pas des enfants : il n'est pas vrai que Papa USA, qui est si fort et si juste, nous protège et veillera à ce que tout se termine de la meilleure façon possible. Soyons des adultes responsables. Une fois cette crise passée, nous discuterons à nouveau des valeurs, des modèles de société, des raisons et des torts, qui sont très importants. Mais avant de discuter des valeurs et des modèles de société, nous devons savoir comment vivre et survivre.
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Examen d'un rapport de la RAND Corporation: "Overextending and Unbalancing Russia"
Examen d'un rapport de la RAND Corporation: "Overextending and Unbalancing Russia"
Pavel Kiselev
Source: https://www.geopolitica.ru/en/article/overextending-and-unbalancing-russia-rand-corporation?fbclid=IwAR0IGXyuVEcYVNB9fIOlXPyQriLpXqYa1KpFuDStTvY8kgxz_pAS_TzaZ24
La provocation à la guerre qui sévit aujourd'hui sur le territoire de l'Ukraine a été planifiée par les États-Unis depuis longtemps, et cela leur semble être la meilleure étape à franchir pour obtenir la destruction de la Russie.
En 2019, le think tank américain RAND Corporation a publié un rapport sur le programme d'affaiblissement et de démoralisation de la Russie intitulé Overextending and Unbalancing Russia. Les informations sont disponibles gratuitement sur le site Web de RAND.
Le rapport contient beaucoup de choses intéressantes concernant les stratégies visant l'affaiblissement de l'économie russe, le matraquage idéologique de la population avec les valeurs libérales, et ainsi de suite. Mais dans la situation actuelle, nous sommes intéressés par les points relatifs à la pression politique et militaire sur notre pays. Voici une liste de ces points :
- Fournir une aide létale à l'Ukraine permettrait d'exploiter le plus grand point de vulnérabilité externe de la Russie. Mais toute augmentation des armes et des conseils militaires américains à l'Ukraine devrait être soigneusement calibrée pour augmenter les coûts auxquels la Russie devrait consentir pour maintenir son engagement actuel sans provoquer un conflit beaucoup plus large dans lequel la Russie, en raison de la proximité, aurait des avantages significatifs.
- Augmenter le soutien aux rebelles syriens pourrait mettre en péril d'autres priorités politiques américaines, comme la lutte contre le terrorisme islamique radical, et risquerait de déstabiliser davantage toute la région. En outre, cette option pourrait même ne pas être réalisable, étant donné la radicalisation, la fragmentation et le déclin de l'opposition syrienne.
- Promouvoir la libéralisation en Biélorussie n'aboutirait probablement pas et pourrait provoquer une forte réaction russe, qui entraînerait une détérioration générale de l'environnement sécuritaire en Europe et un recul de la politique américaine.
- Étendre les liens dans le Caucase du Sud - rivaliser économiquement avec la Russie - serait difficile en raison de la géographie et de l'histoire.
- Réduire l'influence russe en Asie centrale serait très difficile et pourrait s'avérer coûteux. Un engagement accru a peu de chances de nuire à la Russie sur le plan économique et risque d'être disproportionnellement coûteux pour les États-Unis.
- Agiter la Transnistrie et expulser les troupes russes de la région serait un coup dur pour le prestige russe, mais cela permettrait également à Moscou d'économiser de l'argent et, très probablement, d'imposer des coûts supplémentaires aux États-Unis et à leurs alliés.
Comme le montre la liste, la déstabilisation de l'Ukraine et l'assistance aux nationalistes ukrainiens en matière d'armement constituent une tâche prioritaire pour affaiblir l'influence de la politique étrangère de la Russie sur l'étranger proche, car le reste des actions envisagées par le Pentagone nécessite un tout autre alignement des forces autour de la Russie.
La déstabilisation des relations entre la Russie et l'Ukraine est le premier grand pas vers la destruction de l'État russe, ainsi que l'encerclement de toute la frontière russe par des conflits militaires dans les territoires environnants. L'essentiel est de provoquer un affrontement, d'allumer le feu de la guerre, d'enserrer la Russie dans un cercle ardent de chaos.
Les Etats-Unis visent à faire de l'ensemble du territoire bordant la Russie du côté européen un tremplin pour désamorcer le potentiel militaire russe. Le rapport poursuit en disant que les bombardiers, les chasseurs, les armes nucléaires et les installations antimissiles de l'OTAN doivent être relocalisés à portée de main des principales installations stratégiques russes. L'expansion de l'OTAN réduira les risques et les coûts pour les États-Unis en attirant d'autres pays dans l'économie de l'alliance et rendra les défenses de la Russie plus vulnérables.
Les points stratégiques de ce plan ont déjà commencé à être mis en œuvre par les États-Unis en 2021. Les experts du centre analytique ont souligné que pour étendre l'influence de l'OTAN, il est nécessaire de mener des exercices des armées de l'Alliance de l'Atlantique Nord dans des territoires tampons qui ne font pas partie de l'OTAN. Le gouvernement de Kiev et les dirigeants de l'alliance ont organisé des exercices militaires sur le territoire de l'Ukraine afin de montrer leur "approche provocatrice envers la Russie".
Les États-Unis voulaient vraiment provoquer la Russie jusqu'au moment où les forces de l'OTAN atteindraient les frontières de la Russie ou, pire encore, entoureraient les murs du Kremlin. Mais la partie russe, comme d'habitude, "s'attelle longtemps, mais roule vite". Les provocations sans fin, les actions terroristes dans les territoires de la RPD et de la RPL ne pouvaient pas durer longtemps. Nous ne pouvions pas attendre que les États-Unis jouent suffisamment la diplomatie et étendent leur hégémonie à l'est de l'Europe jusqu'aux terres russes. Les actions de notre armée en Ukraine aujourd'hui sont le seul moyen de contenir une guerre plus sanglante, de réconcilier deux pays frères et de stopper la politique expansionniste des Etats-Unis.
A propos de l'auteur :
Kiselev Pavel - traducteur, linguiste, membre de l'Union eurasienne de la jeunesse.
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dimanche, 27 février 2022
Guerre en Ukraine: la spirale autoréalisatrice
La Russie avait de son côté vraisemblablement anticipé plusieurs scénarios. Soit les médiations européennes .aboutissaient à une promesse de stopper l'élargissement de l'OTAN avec la négociation d'un nouveau traité de sécurité européen, soit la Russie serait contrainte, comme elle l'avait annoncé dès 2021, de procéder à des mesures technico-militaires pour assurer sa sécurité, mais aussi celle du Donbass, qui n'a en réalité jamais cessé d'être sous les bombardements ukrainiens depuis 2014, depuis qu'il ont gagné leur guerre d'indépendance après le coup d'Etat à Kiev.
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La guerre en Ukraine et les querelles intra-européennes
La guerre en Ukraine et les querelles intra-européennes
Vincenzo Bovino
SOURCE : https://medium.com/@thegreatgame/the-war-in-ukraine-and-the-contest-of-europe-3602fe9dba7b
L'Europe est le continent le plus important, le plus convoité en termes de prestige culturel, de situation géographique et vu les compétences étendues de ses habitants. Le fait économique ne suffit pas à décrypter les enjeux de la planète, les puissances impériales regardent l'Europe pour se jauger. Les Chinois en sont bien conscients et se concentrent sur l'Europe pour perturber la mondialisation en cours et saper la supériorité américaine.
L'Europe est au cœur du différend, la crise ukrainienne découle de ce fait, la politique étrangère des États-Unis semble capricieuse et imprévisible, pourtant un fil conducteur relie l'attitude de tous les gouvernements de l'ensemble du spectre politique américain du siècle dernier : l'hostilité envers une puissance rivale dans l'espace eurasien. Le contrôle de l'Europe passe par l'endiguement de la Russie et la politique de Biden poursuit également un autre objectif : ralentir, retarder et éventuellement saboter l'autonomie stratégique européenne, en évitant la soudure de l'Allemagne, de la France et peut-être un peu de l'Italie, avec les Russes.
L'Ukraine s'est retrouvée dans un jeu plus vaste, le lieu où se croisent des tendances et des mentalités opposées. Sur le champ de bataille, les troupes et les véhicules blindés se déplacent, mais il ne s'agit pas seulement d'un conflit régional visant à affirmer des sphères d'influence, mais d'une attaque qui affaiblit l'Europe, prise entre les feux croisés d'impérialismes opposés.
La crise ukrainienne n'a pas été soudaine, elle a une origine historique, culturelle et politique séculaire qui s'est ravivée à partir de 2014, lorsque le dernier gouvernement pro-russe le plus fiable a été submergé par les manifestations de rue et les manœuvres politiques euro-atlantiques.
La Russie tente de regagner de l'influence dans son voisinage étranger et la question ne concerne pas seulement les armements de l'OTAN et leur destination. Kiev devient un symbole : le premier noyau étatique slave est attesté entre la fin du 9e et le début du 10e siècle, lorsque la Rus' de Kiev, fondée par un certain Rjurik, probablement un chef viking, commence son ascension.
Au fil des siècles, l'émergence de différentes identités a polarisé la société ukrainienne, qui est divisée en fractures sociales, ethniques et linguistiques. Le territoire ukrainien est divisé en deux, la partie nord et ouest ukrainophone est sentimentalement plus proche de l'Europe centrale, tandis que l'est russophone regarde vers sa patrie.
Pour en revenir à l'actualité, la question ukrainienne est une énigme, pas trop difficile à résoudre si l'on prend quelques données sans se laisser berner par les apparences d'antagonismes plus fictifs que réels.
Commençons par une question : l'Ukraine est-elle stratégiquement importante pour les États-Unis ? Non. Et c'est encore plus clair maintenant, puisqu'il n'y a eu aucune volonté d'envoyer des soldats pour contrer les Russes. L'Ukraine a été approvisionnée en armements et rien de plus, elle est (scandaleusement) considérée comme un pion consommable, elle a été abandonnée à elle-même, comme en témoigne la décision des Américains de retirer les formateurs présents sur le territoire et de transférer leur personnel diplomatique à Lviv, dans la zone la plus occidentale, jouxtant la Pologne, dans la Galicie, province anti-russe par excellence.
Le sale jeu des prétendants
Les Américains concentrent leurs attentions sur l'Indo-Pacifique, déterminés à contenir la Chine, ils n'ont pas besoin d'encercler davantage la Russie, déjà confinée dans un espace imposant des mouvements qui ne sont qu'étroits. Biden n'a jamais voulu négocier une réorganisation de l'architecture de sécurité européenne avec Poutine, mais il s'est montré prêt à faire des concessions modérées, étant donné que la configuration actuelle garantit toujours un contrôle substantiel sur le vieux continent. Biden a préparé un piège, Poutine a calculé chaque mouvement, suivant d'abord la voie politique puis choisissant l'option militaire, prenant même en compte le risque de sanctions qui ne l'affectent guère si l'on pense aux énormes réserves de liquidités dont il dispose.
La tentative européenne
Emmanuel Macron avait immédiatement compris le plan anti-européen des Américains et avait agi bien avant les autres chancelleries européennes. Il avait pressenti les intentions mal dissimulées de Biden et s'est consacré avec abnégation à l'objectif de la détente. La France, titulaire de la présidence tournante du Conseil de l'Europe, ainsi que l'Allemagne, ont tenté de proposer une médiation entre Washington et Moscou, afin d'agir comme une troisième force.
Macron s'était montré prêt à évaluer les garanties de sécurité données par le Kremlin à l'Alliance atlantique et à garantir une position neutre à l'Ukraine. Les États-Unis, au cours des trois derniers mois de négociations serrées, même après les entretiens de Biden et de Poutine à Genève le 10 janvier, ont fait preuve de bonne volonté mais ont refusé certaines demandes spécifiques de l'adversaire, concernant la fermeture des installations de missiles en Roumanie et les démantèlement de celles qui sont actuellement en construction en Pologne.
Macron a joué toutes ses cartes de médiateur pour éviter que l'Union européenne ne soit acculée par les deux prétendants. Les Russes et les Américains avaient-ils vraiment la volonté de parvenir à un compromis ?
Biden est en train de gagner sans tirer un coup de feu, Poutine a choisi la voie la plus difficile. Le conflit militaire déclenché par le Kremlin, motivé par une justification bon marché, telle que la restauration des conditions démocratiques (rappelant certaines hypocrisies linguistiques américaines), a pour seul objectif de plier l'Ukraine à sa volonté. Le choix de la date de la première attaque, le matin du 24 février, anniversaire de la fuite du dernier président pro-russe de Kiev, Viktor Yanukovich, en 2014, est également symbolique. "La Russie est une tempête" a écrit le poète Aleksandr Blok en 1918 et la tempête est servie.
La guerre peut être gagnée sur le terrain, mais à moyen et long terme, une victoire stratégique est nécessaire et, en ce moment, parallèlement à la douleur, le sentiment nationaliste ukrainien s'intensifie dans une fonction anti-russe. Il est impossible pour les soldats russes de rester sur le terrain pendant de nombreux mois, en raison du manque de personnel militaire, de l'extension complexe du territoire et des coûts considérables que génèrerait un conflit de basse intensité. Dans quelque temps, la Russie sera probablement confrontée aux mêmes problèmes avec ses nombreux voisins, temporairement endormis et réfléchissant à leur vengeance.
Une autre triste vérité demeure, l'indécision des nations européennes, le contraste interne entre des forces plus autonomes et d'autres plus alignées sur les positions américaines, entravent l'affirmation d'une Europe plus puissante et souveraine.
Vincenzo Bovino
14:34 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ukraine, europe, politique internationale, géopolitique, russie, affaires européennes | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 26 février 2022
Afghanistan: Une frontière sans "date de péremption"
Afghanistan: une frontière sans "date de péremption"
Victor Dubovitsky
Aujourd'hui, le mot Afghanistan est sur toutes les lèvres, même pour ceux qui ne s'intéressent pas du tout aux affaires internationales, et encore moins à la politique : nous avons assisté à une défaite trop inattendue et trop honteuse pour ce pays que sont les Etats-Unis, et pour l'"Occident uni". La défaite des forces britanniques lors de la première guerre anglo-afghane (1838-1842) a peut-être été bien plus dévastatrice, mais l'absence d'Internet et de télévision a sauvé les Britanniques de la honte. Cependant, Jalalabad (où le seul survivant des 16.000 hommes de la garnison de Kaboul, l'Anglais William Bryden, est parvenu le 13 janvier 1842), ainsi que le passage de Khyber tout proche, étaient et sont des lieux largement connus à l'époque et aujourd'hui : mais au 19ème siècle, les intérêts de Kaboul et d'Islamabad s'opposaient.
Échappée d'une "pension honoraire"
L'histoire des revendications mutuelles, qui font aujourd'hui trembler la frontière afghano-pakistanaise, a commencé pendant l'hiver 1879, curieusement à plus d'un demi-millier de kilomètres de Kaboul - dans le Turkestan russe. Le mardi 9 Muharram, 1297 de l'Hégire, ce qui correspond au 11/23 décembre 1879, quatre cavaliers sont partis de Samarkand vers l'est - vers la vallée de Fergana. Les chevaux turkmènes Argamaks-Akhalteke aux jambes fines transportaient le prétendant au trône de l'émir d'Afghanistan (Abdurahman Khan / photo ci-dessous) et ses plus proches associés dans l'obscurité hivernale qui précédait l'aube. Cet événement, peu remarqué par les personnes non informées, a marqué le début d'une nouvelle phase dans l'histoire de ce pays.
Le départ de l'héritier du trône, âgé de trente-cinq ans, qui vivait avec sa famille depuis plus de dix ans dans une "pension de famille honoraire", gérée par les autorités russes en Asie centrale, a été mis en scène comme une évasion : il fallait endormir la vigilance des "marins éclairés", qui craignaient l'apparition en Afghanistan d'un prétendant au trône populaire, mais indésirable pour eux. Pour la Russie, l'arrivée au pouvoir à Kaboul d'un "retraité honoraire" était extrêmement importante : lorsqu'en novembre 1879, la nouvelle de la déposition de l'émir Muhammad Yaqub Khan est arrivée d'Afghanistan, il est devenu clair en Russie que les Britanniques entendaient gérer le démembrement de l'Afghanistan. Leur prochaine étape aurait été d'envoyer leurs mandataires dans les provinces indépendantes et semi-indépendantes de Kunduz, Darwaz et Badakhshan, ou (ce qui était particulièrement indésirable) de tenter une occupation directe de ces terres.
La position de la Russie en Asie centrale et de son allié, le khanat de Boukhara, aurait alors été menacée. N'aurait-il pas été préférable d'écarter les rivaux les plus dangereux d'"Albion" et de placer à la tête de ces régions un homme qui avait bénéficié de l'hospitalité russe pendant dix ans ? Car le descendant direct des émirs d'Afghanistan - Abdurahman Khan - avait le droit de revendiquer le pouvoir au moins dans les territoires du nord de la rive gauche de l'Amu Darya, portant le nom commun de Chor-Viloyat.
Lorsqu'il prend le pouvoir à Kaboul au printemps 1880, il mène une politique très indépendante, annexant de vastes territoires par le feu et l'épée. Le nouvel émir a définitivement considéré toutes les terres peuplées de Pachtounes comme des territoires inféodés à sa personne. Mais l'est du Pachtounistan ("pays pachtoune"), d'une superficie d'environ 150.000 kilomètres carrés, qui faisait partie de l'empire Durrani jusqu'en 1819, a été conquis par les souverains sikhs du Punjab, puis par les Britanniques après l'effondrement de leur empire. Dans cette situation, la réaction de Londres n'était pas difficile à prévoir : l'indépendance dont a fait preuve l'ancien "retraité" a obligé "Foggy Albion" à soulever la question d'une frontière bien définie entre l'Afghanistan et la plus grande des colonies britanniques.
L'Indian Bureau of Surveying (une organisation servant à des opérations de reconnaissance plutôt qu'à organiser des expéditions scientifiques) s'est rapidement saisi de l'affaire, envoyant des équipes de géomètres militaires au Pachtounistan. À l'automne 1893, les cartes anglaises ont révélé une ligne brisée complexe s'étendant sur 2670 km (1660 miles), et 12.000 km (7460 miles). Le 12 novembre 1893, un traité entre l'émir afghan, Abdurahman Khan, et le secrétaire aux affaires étrangères de l'administration coloniale britannique, Lord Henry Mortimer Durand, a établi une nouvelle frontière qui est devenue internationalement connue sous le nom de ligne Durand.
Il est difficile de dire à ce stade ce qui a poussé l'énergique émir afghan à accepter une telle frontière, qui divisait le Pashtunistan dans son intégralité. Cependant, connaissant les réalités politiques de la fin du 19ème siècle, on peut très probablement supposer qu'il considérait cette frontière comme une ligne temporaire balisant son autorité territoriale (le "mouvement frontalier" constant en Afghanistan dans toutes les directions, de Herat et Kattagan aux Pamirs, en est la confirmation). Cela est indirectement indiqué par le fait que les autorités afghanes ultérieures n'ont pratiquement jamais reconnu la ligne Durand comme une frontière d'État légitime. Néanmoins, les réalités politiques du Moyen-Orient ont changé de manière spectaculaire avec l'apparition de cette frontière : un État doté d'une frontière légale en vertu du droit européen est apparu entre l'Inde britannique (c'est-à-dire la Grande-Bretagne) et l'Empire russe. À l'époque, il semblait peu important qu'il n'y ait aucune démarcation nulle part - les bornes pourraient être établies encore plus tard. Ainsi, le "retraité honoraire" avait accompli sa tâche.
Un héritage scandaleux
Aujourd'hui, il existe douze provinces afghanes (Nimroz, Helmand, Kandahar, Kabul, Paktika, Khost, Paktia, Logar, Nangarhar, Kunar, Nuristan et Badakhshan) et trois unités administratives afghanes (province du Baloutchistan, province de Khyber Pakhtunkhwa et région du Gilgit-Baltistan) qui se trouvent le long de la ligne Durand du côté pakistanais (parties de l'ancienne Inde britannique). Sur le plan géopolitique et géostratégique, la "ligne" proverbiale est l'une des frontières les plus dangereuses au monde.
En juillet 1949, l'Afghanistan a officiellement déclaré qu'il ne reconnaissait pas la ligne Durand ; depuis lors, pas un seul gouvernement afghan, y compris même le régime des Talibans, lié au Pakistan, n'a osé le faire. Ainsi, la question de la frontière entre l'État afghan et le Pakistan, qui reste à ce jour la plus aiguë dans les relations entre les deux pays, a également été "suspendue". Les Pachtounes, qui ont dirigé l'Afghanistan pendant presque toutes les périodes de son histoire, sont animés par le désir tenace de réunir toutes leurs tribus en un seul État (le projet du "Grand Pachtounistan") ; ce facteur, quelles que soient les circonstances, persistera, entretenant la suspicion et la méfiance dans les relations afghano-pakistanaises.
Le Pakistan, quant à lui, a été et reste inflexible sur le fait que l'Afghanistan doit reconnaître le traité de la ligne Durand qu'il a signé il y a plus d'un siècle et respecter la frontière entre les deux pays. Islamabad ignore ainsi la revendication des Afghans selon laquelle la frontière tracée par les Britanniques pendant la période de domination coloniale a de facto privé l'Afghanistan de l'ensemble de ses terres ancestrales pachtounes sous contrôle pakistanais. Ces approches diamétralement opposées de la frontière ne pouvaient que conduire à une confrontation politique (et sporadiquement militaire) entre Kaboul et Islamabad.
En 1976, le président afghan de l'époque, Sardar Mohammed Daud Khan, a reconnu la ligne Durand comme la frontière internationale entre le Pakistan et l'Afghanistan. Il a fait cette déclaration, qui a gravement porté atteinte à sa réputation dans son pays, lors de sa visite officielle à Islamabad.
Après le retrait soviétique d'Afghanistan et, par la suite, la chute du gouvernement laïc du pays (effectivement à partir de l'automne 1994), on a assisté à une augmentation de l'aide apportée aux Talibans par les forces armées, les services de renseignement et les agences de sécurité du Pakistan. L'organisation islamique militante, fondée par les services de renseignements militaires pakistanais, contrairement à l'Alliance des Sept, créée pour combattre les Soviétiques, était inconditionnellement subordonnée aux Pakistanais. Après l'entrée des combattants talibans dans Kaboul (fin septembre 1996), Islamabad a tenté de servir de médiateur entre les dirigeants talibans et leurs opposants.
En 1996, le Pakistan a immédiatement reconnu le gouvernement formé par les talibans à Kaboul. Il s'est avéré être le premier et le seul gouvernement dans l'histoire de l'Afghanistan à trouver son soutien total. Le gouvernement taliban a essentiellement agi sous la dictée des dirigeants militaires et politiques pakistanais, qui cherchaient à renforcer leur position stratégique dans la région.
Il convient de noter que la transformation du territoire pakistanais en un refuge pour les groupes armés afghans a créé des problèmes aigus pour Islamabad lui-même. La crise de 1979-1989 (associée à la présence des troupes soviétiques en Afghanistan, puis à l'intensification des opérations des moudjahidines contre le gouvernement du président Najibullah) a créé un ensemble de problèmes pour le Pakistan qui a considérablement compliqué la situation intérieure du pays. Les tendances négatives qui ont alors émergé persistent à ce jour. Les déchirements ethniques, tribaux et sectaires ne s'arrêtent pas d'un coup au Pakistan. Les sunnites tuent les chiites et les membres de la secte Ahmadiyya. En conséquence, le rêve des pères fondateurs du Pakistan, Mohammad Ali Jinnah et Alam Iqbal, est plus insaisissable que jamais.
Changement de vecteur ?
Les relations du Pakistan avec l'Afghanistan voisin sont restées très tendues depuis le renversement du régime taliban en 2001. La question non résolue de la frontière coloniale est restée une pierre d'achoppement dans les relations bilatérales. Compte tenu de l'ouverture de la frontière et de la possibilité de circuler librement dans les deux sens, les autorités afghanes pro-occidentales ont souvent accusé leurs homologues pakistanais d'être de connivence avec l'infiltration de combattants sur le territoire afghan (qui, selon elles, est l'une des principales causes de la déstabilisation constante de l'Afghanistan), et parfois de la favoriser. De leur côté, les autorités pakistanaises ont déclaré que ces affirmations étaient grotesques. En particulier, Kaboul a vivement critiqué les accords de trêve conclus en 2005-2006 par Islamabad avec les talibans locaux au Sud et au Nord du Waziristan, ainsi que les accords similaires conclus au printemps 2008. Du point de vue des autorités afghanes, ces manœuvres politiques ont permis aux talibans de gagner du répit et de regrouper leurs forces. Il y a eu de plus en plus de cas où le Pakistan a été ouvertement accusé de soutenir directement les talibans opérant en Afghanistan afin d'influencer directement le cours de la situation et de l'utiliser dans le sens des intérêts d'Islamabad.
Enfin, le mois d'août 2021 est arrivé et les talibans soutenus par le Pakistan ont pris le pouvoir, transformant l'État islamique d'Afghanistan en Émirat d'Afghanistan. Les nouveaux maîtres de Kaboul, malgré les nombreuses années d'aide d'Islamabad à leur mouvement, sont restés inflexibles sur la non-reconnaissance de leur frontière orientale. Le fait qu'ils aient vaincu un Occident uni leur a également donné confiance. Commençant par la démolition de poteaux frontaliers et de clôtures en fil de fer, ils sont rapidement passés à la destruction de postes frontières, puis à des fusillades.
Les reportages sur les affrontements armés le long de la ligne Durand, non seulement dans la ceinture pachtoune mais aussi dans la ceinture baloutche du sud, ont abondé pendant l'hiver 2021-2022. Des dizaines de soldats pakistanais et de combattants de l'Armée de libération du Baloutchistan étaient déjà en train de se mobiliser. Cela signifie que non seulement le Pakistan et l'Afghanistan, mais aussi l'Iran, étaient en difficulté. La question du "Grand Baloutchistan", éclipsée par le conflit afghan depuis trente ans, devient un véritable problème pour les trois États à la fois.
Il y a trois ou quatre mois, les propagandistes pakistanais faisaient, dans tous les sens du terme, l'éloge des talibans afghans et se réjouissaient activement de leur retour au pouvoir à Kaboul. Aujourd'hui, les utilisateurs pakistanais des médias sociaux sont de plus en plus désillusionnés par leurs "amis talibans", car le boomerang du djihad qu'Islamabad a lancé plus tôt contre Kaboul semble revenir à son point de départ. Par exemple, les attaques contre les forces de sécurité pakistanaises et les fonctionnaires civils se produisent presque quotidiennement dans les districts du Sud et du Nord du Waziristan depuis des mois. Les principaux responsables sont les militants du Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP), un parti affilié aux talibans afghans, également interdit en Russie. Les terroristes talibans pakistanais ont attaqué des barrages routiers et des véhicules appartenant à l'armée pakistanaise et aux agences de renseignement.
Les militants ont de plus en plus recours à la tactique du sniper, utilisant des armes de fabrication occidentale abandonnées dans la panique du départ des Américains et des Britanniques. Le nombre de victimes parmi les militaires, les policiers et les civils dans le Pachtounistan pakistanais est devenu si élevé que les autorités officielles ont classé ces statistiques. On estime qu'au moins vingt membres du personnel de sécurité pakistanais sont tués chaque mois dans la seule région de Khyber Pakhtunkhwa. Les tentatives d'Islamabad (l'officiel) de négocier la paix avec les talibans pakistanais ont échoué, malgré la médiation active du réseau Haqqani, la faction dominante au sein des talibans afghans qui entretient des liens étroits avec l'ISI du Pakistan.
Plus récemment, l'armée pakistanaise a tenté d'attaquer les chefs de "leurs talibans" qui se cachent dans la province de Kunar, dans l'est de l'Afghanistan, à l'aide de drones, mais avec apparemment peu de succès. Dans le même temps, les attaques du Pakistan contre les colonies afghanes ont suscité des réactions de plus en plus négatives, voire agressives, de la part de nombreux combattants et commandants de terrain des talibans afghans. Ces derniers sont déjà ouvertement favorables à l'idée de "poursuivre le djihad" par son "transfert" de l'Afghanistan au Pakistan.
Un tel niveau de gâchis suggère qu'une véritable guerre est en train de prendre de l'ampleur dans les provinces pakistanaises du Baloutchistan et de Khyber Pakhtunkhwa. Elle est menée contre l'armée et le gouvernement pakistanais par les militants du TTP ainsi que par les partisans de la lutte armée pour l'indépendance du Baloutchistan, qui ont réussi à établir une infrastructure arrière dans les zones frontalières du Pakistan en Afghanistan et en Iran.
Certains analystes politiques estiment même que dans les prochaines années, le Tadjikistan, l'Ouzbékistan et le Turkménistan n'auront pas à s'inquiéter de la sécurité de leurs frontières : le vecteur d'agression du nouveau gouvernement de Kaboul s'est déplacé vers le sud-est. Il convient toutefois de rappeler que le Pakistan est un État défaillant typique, qui possède néanmoins des armes nucléaires. On peut se demander ce qui se passerait si un arsenal nucléaire tombait entre les mains de fanatiques religieux. En outre, une telle évolution entraînerait inévitablement dans le conflit les deux plus grands rivaux du sud de l'Eurasie, la Chine et l'Inde, qui possèdent également des armes nucléaires. L'adhésion commune de quatre des cinq rivaux à l'OCS va pimenter la situation géopolitique.
La Thalassocratie doit-elle être si satisfaite de la gabegie qu'elle a générée dans la région?
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La Russie entre dans une nouvelle phase de confrontation avec l'Occident
La Russie entre dans une nouvelle phase de confrontation avec l'Occident
Leonid Savin
Source: https://katehon.com/ru/article/rossiya-vstupaet-v-novuyu-fazu-protivostoyaniya-s-zapadom
La reconnaissance de la DPR et de la LPR, ainsi que l'opération de maintien de la paix en Ukraine, était nécessaire pour un certain nombre de raisons
La décision des dirigeants russes de reconnaître la DPR et la LPR était une mesure forcée et prévisible. Bien que près de huit ans se soient écoulés depuis les référendums organisés dans les anciens oblasts ukrainiens de Donetsk et de Louhansk, cette reconnaissance par Moscou a suscité un soutien public non seulement dans les républiques déjà légitimées, mais aussi en Russie, au Belarus, en Serbie et dans plusieurs autres pays.
Kiev s'est rendu coupable non seulement d'une planification de génocide contre le peuple russe en Ukraine au fil des ans, mais aussi d'une glorification irrationnelle et stupide du nazisme et d'une politique étrangère clairement destructrice qui a inclus une militarisation outrancière avec l'aide des pays occidentaux, assortie de tentatives actives d'adhésion à l'OTAN.
Ces facteurs ont été fondamentaux dans la décision, bien que Moscou ait espéré jusqu'au dernier moment que l'Ukraine applique correctement les accords de Minsk. Cela ne s'est malheureusement pas produit, de sorte qu'un retournement contre l'Ukraine, comme celui de ces derniers jours, était tout simplement nécessaire. Principalement pour des raisons humanitaires.
Il faut également prêter attention à la situation stratégique qui s'est installée autour de l'Ukraine. Après le coup d'État de 2014, les dirigeants biélorusses, notamment, ont été fidèles au régime de Petro Porochenko, puis à celui de Vladimir Zelenski. Ce n'est qu'après une tentative de coup d'État similaire au Belarus même qu'Alexandre Loukachenko a commencé à mener une politique clairement pro-russe. Et à la veille de la reconnaissance de la DNR et de la LNR, un exercice militaire conjoint avec la Russie s'est tenu sur le territoire du Belarus. Les dirigeants biélorusses ont également annoncé leur intention d'acheter un certain nombre de systèmes d'armes de fabrication russe, notamment des avions de combat et des systèmes de défense aérienne.
Par conséquent, le rôle du Belarus dans l'opération conjointe de maintien de la paix est désormais très important. Kiev ne s'est pas seulement retrouvé sous un blocus économique de la part de la Russie et du Belarus. L'une des directions d'avancée vers Kiev a été choisie à partir de cette position stratégique.
Il est maintenant nécessaire d'examiner la procédure de reconnaissance de la RPD et de la RPL du point de vue du droit international. Déjà le 21 février, et même avant, alors que les politiciens occidentaux étaient hystériques à propos de l'"invasion" imminente de la Russie, les représentants du cartel néolibéral de l'OTAN parlaient d'une seule voix de la violation du droit international. Mais l'ont-ils fait ? Et qu'entendent-ils par droit international ?
Il suffit de rappeler que le bombardement de la Yougoslavie en 1999 et la reconnaissance de l'indépendance du Kosovo ont violé les accords d'Helsinki sur l'inviolabilité des frontières politiques en Europe. Mais l'Occident n'y a pas prêté attention. Comme le droit de précédent s'applique en Occident, ces événements ont effectivement ouvert la voie à de telles actions.
Mais encore plus tôt, en 1994, les États-Unis ont envahi Haïti sous des prétextes fallacieux, alors qu'ils avaient reçu l'approbation des Nations unies. Cela a été relativement facile à faire dans le sillage immédiat de l'effondrement de l'URSS, surtout si l'on considère qu'à l'époque Andrei Kozyrev était ministre des Affaires étrangères et écoutait les instructions de Washington. L'administration de Bill Clinton a motivé sa décision d'occuper Haïti par la nécessité de protéger les citoyens américains dans ce pays.
Ces deux cas, et plus tard le bombardement de la Libye en 2011, sont connus sous le nom de doctrine de la responsabilité de protéger (R2P). Cette doctrine a été développée directement en Occident. Entre-temps, elle a été mise en œuvre à l'ONU en 2005 à la demande du Canada, qui l'avait rédigée en 2001 [i]. L'implication est que la souveraineté n'est pas seulement un droit, mais aussi une obligation. Et si certains gouvernements manquent à leur devoir de respecter les droits et libertés de leurs citoyens, ils doivent être punis.
Une autre association apparaît avec la partition du Soudan. Le Sud-Soudan a obtenu son indépendance par un référendum en juillet 2011, qui faisait suite à un accord entre le gouvernement et les rebelles du sud [ii]. Le processus a été directement supervisé par des politiciens américains de haut rang, qui voyaient dans la partition un intérêt pour les États-Unis, notamment l'accès aux ressources pétrolières. De manière révélatrice, cette préoccupation de Washington n'a pas sauvé le Sud-Soudan - il a plongé dans une nouvelle guerre civile en 2013.
Une question légitime se pose : le gouvernement ukrainien a-t-il réussi à garantir les droits de la population russophone sur le territoire ukrainien depuis le coup d'État de février 2014 ?
Tout d'abord, le gouvernement lui-même peut difficilement être qualifié de légitime, car après le coup d'État, une alliance de néonazis et d'Occidentaux s'est lancée dans une politique d'intimidation et de chantage. Et les décisions prises par le parlement ukrainien après le 22 février 2014 ne peuvent être considérées comme des actes juridiques.
Deuxièmement, lorsque la polarisation politique a clairement mis en évidence les deux camps opposés, des tentatives ont-elles été faites pour résoudre pacifiquement les différends par le biais de négociations ? Non, la junte de Kiev a envoyé non seulement des unités des forces de l'ordre et des services spéciaux, mais aussi des formations militaires dans les régions qui défendaient leurs droits (notamment en parlant leur langue maternelle). Donetsk et Luhansk ont subi des raids aériens et des tirs d'artillerie.
Par conséquent, l'Ukraine, en tant qu'État, a perdu son droit à la souveraineté. Et lorsque la Russie vient protéger les civils dans un pays voisin dont la population est liée historiquement, culturellement et spirituellement par des traditions séculaires, elle a bien plus le droit de parler de "responsabilité de protéger" que les États-Unis et les pays de l'OTAN, qui ont envahi d'autres pays sous des prétextes farfelus. Enfin, ni la Yougoslavie, ni Haïti, ni l'Irak, ni la Libye, ne représentaient une menace existentielle pour les États-Unis. Mais l'Ukraine, transformée par l'Occident en un pays carrément hostile à la Russie, représente certainement une telle menace.
Nous avons donc affaire à deux poids, deux mesures. Et si l'on prête attention au fait que c'est à la Russie que l'Occident refuse de prendre la défense (on se souvient de la réaction à l'opération visant à contraindre la Géorgie à la paix en août 2008), alors cela suggère une certaine forme de racisme.
Après tout, il s'avère que ce sont les Russes qui ne sont pas autorisés à venir en aide à leurs compatriotes ou à d'autres peuples. C'est presque comme Orwell, où dans son œuvre "La Ferme des animaux", les cochons qui ont pris le pouvoir ont déclaré que tous les animaux sont égaux, mais que certains sont plus égaux que d'autres. Cela n'est pas explicitement indiqué, mais clairement sous-entendu.
De plus, les États-Unis refusent le droit non seulement de prendre la défense de ces populations harcelées, mais aussi de critiquer, de signaler les violations et d'établir des comparaisons - tout cela est déclaré faux par le département d'État américain, tandis que les satellites de Washington s'emploient activement à informer et à laver psychologiquement le cerveau de leur propre population et de la population russe par le biais d'agents étrangers, des médias sociaux et de divers programmes de subventions par le biais de missions diplomatiques.
La médisance des politiciens occidentaux à l'égard des pays non-occidentaux relève également clairement du double standard. Prenez, par exemple, le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a déclaré que la décision de Moscou de reconnaître la LNR et la DNR était inacceptable. "Nous appelons les parties à se laisser guider par le bon sens et à respecter le droit international", a déclaré le président turc [iii].
La présence de l'armée turque en Syrie et en Irak ne viole-t-elle pas le droit international? Ont-ils reçu une invitation des autorités de ces pays? Bien sûr que non. Et la situation en Chypre du Nord ne correspond clairement pas aux normes dont parle Erdogan.
À propos, pendant des décennies, la République de Chypre du Nord n'a été reconnue que par la Turquie pour des raisons évidentes. Et la DNR et la LNR ont déjà été reconnues non seulement par la Russie, mais aussi par la RCA. La Syrie, qui a déjà soutenu la décision du président Poutine, est la prochaine [iv]. Des reconnaissances officielles suivront sûrement de la part de la Biélorussie, du Venezuela et du Nicaragua, dont les dirigeants ont soutenu la décision de Moscou. Et aussi d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud.
Bien sûr, Erdogan est préoccupé par la question kurde, car la population kurde de Turquie augmente chaque année, ce qui entraînera inévitablement des déséquilibres politiques à terme. Mais Erdoğan lui-même mène plutôt dans son pays une politique répressive sous couvert de lutte contre le terrorisme, puisque le Parti des travailleurs du Kurdistan y est reconnu comme une organisation terroriste.
Toutefois, le rôle de la Turquie pourrait être plus destructeur en direction de l'Ukraine - où des drones de combat Bayraktar ont déjà été livrés, qui pourraient être utilisés contre les habitants du Donbass [v]. Et les combattants sans scrupules utilisés par la Turquie à Idlib en Syrie ou en Libye pourraient également se déployer après les Bayraktars [vi]. Au moins, la possibilité d'un tel scénario doit être envisagée. D'autant plus qu'il a déjà été fait état du recrutement de combattants de Bosnie-Herzégovine, d'Albanie et du Kosovo pour les envoyer en Ukraine [vii].
En résumé, on peut conclure clairement que la Russie est du bon côté de l'histoire. Il sera difficile de briser le blocus de l'information et de faire connaître la vérité aux citoyens d'autres pays, notamment ceux de la communauté euro-atlantique. Bien qu'il y ait là aussi des médias et des politiciens adéquats. Il sera également difficile de surmonter les nouvelles mesures de sanctions qui concernent la dette souveraine de la Russie et sa capacité à opérer sur les marchés occidentaux.
Mais, d'un autre côté, cela nous oblige à continuer à développer notre propre stratégie mondiale, où il n'y aura pas de place pour le totalitarisme occidental. Par conséquent, la reconnaissance de la DNR et de la LNR est un autre pas vers la multipolarité émergente [viii].
Sources:
[i] https://www.un.org/en/genocideprevention/about-responsibility-to-protect.shtml
[ii] https://ria.ru/20210109/sudan-1591607931.html
[iii] https://www.forbes.ru/society/456553-erdogan-nazval-nepriemlemym-resenie-putina-priznat-dnr-i-lnr
[iv] https://ria.ru/20220221/siriya-1774191571.html
[v] https://www.mk.ru/politics/2022/02/21/eksperty-ocenili-ugrozu-ot-tureckikh-bayraktarov-na-donbasse.html
[vi] https://ru.armeniasputnik.am/20200122/Idlib-kak-zhertva-voenno-politicheskoy-avantyury-Turtsii-pochemu-Erdogan-zhaluetsya-Putinu-21797766.html
[vii] https://rg.ru/2022/02/21/zapadnye-specsluzhby-verbuiut-boevikov-dlia-otpravki-na-ukrainu.html
[viii] https://katehon.com/ru/article/liberalizm-umiraet-priblizhaetsya-mnogopolyarnost
16:50 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, affaires européennes, europe, russie, ukraine, politique internationale, géopolitique, multipolarité, leonid savin | | del.icio.us | | Digg | Facebook
vendredi, 25 février 2022
L'Irak en proie à une crise prolongée
L'Irak en proie à une crise prolongée
Leonid Savin
Après les élections parlementaires en Irak, il semblait qu'il y aurait un gouvernement stable qui prendrait des mesures actives pour ramener l'ordre dans le pays. Cependant, ces espoirs ne se sont pas concrétisés et depuis le début de l'année, une nouvelle crise politique a embrasé l'Irak.
Le 9 février, la structure de coordination irakienne a proposé une initiative en trois points pour sortir de l'impasse politique dans le pays. Dans une déclaration, l'Alliance des partis chiites a appelé toutes les factions politiques et les personnalités nationales à "communiquer et à dialoguer pour remplir les obligations constitutionnelles" et a demandé au plus grand bloc politique de "se mettre d'accord sur les critères de choix d'un premier ministre fort et efficace".
"Nous déclarons être tout à fait prêts à nous engager positivement dans toutes les propositions, idées et visions qui seront présentées par nos partenaires au pays, avec lesquels nous partageons le même destin. Nous devons tous faire notre possible pour servir les Irakiens, un peuple qui a beaucoup souffert dans l'intervalle", indique la déclaration. L'organisme a également annoncé qu'il tendait la main aux "forces politiques qui constituent le plus grand bloc parlementaire, notamment le mouvement sadriste."
Plus tôt, le 5 février, des représentants du bloc sadriste ont déclaré qu'ils avaient suspendu toutes les négociations visant à former un gouvernement irakien et ont appelé au boycott de la session parlementaire destinée à élire un président. Le mouvement sadriste, dirigé par l'éminente figure chiite Muqtada al-Sadr, a formé le plus grand bloc parlementaire lors des élections du 21 octobre dernier, remportant 73 des 329 sièges du parlement.
Et un vote parlementaire visant à élire un président le 7 février a été annulé parce que seuls 58 des 329 députés étaient présents, soit bien moins que le quorum des deux tiers requis pour élire un nouveau chef d'État.
Le boycott parlementaire fait suite à une décision de la Cour suprême disqualifiant l'ancien ministre des Affaires étrangères Hoshyar Zebari en tant que candidat à la présidence en raison d'allégations de corruption formulées en 2016 alors qu'il était ministre des Finances [i].
Le plus grand bloc politique, dirigé par le clerc chiite Moqtada al-Sadr, ainsi que la Coalition pour la souveraineté alliée dirigée par Halbusi et le Parti démocratique du Kurdistan, dont Zebari lui-même est un représentant, ont annoncé un boycott avant la session.
La présidence est largement cérémoniale, mais l'échec de son élection soulève des questions sur la capacité de l'influent clerc chiite Moqtada al-Sadr à obtenir la nomination d'un premier ministre et d'un gouvernement.
Ces scandales de haut niveau n'aident manifestement pas à résoudre les problèmes sous-jacents, parmi lesquels les activités des vestiges d'organisations terroristes constituent une menace importante. Il y a eu récemment des tentatives de réorganisation par des cellules d'ISIS (interdites en Russie).
Par exemple, fin janvier, le groupe "Desert Ghosts" est devenu actif dans la province d'Anbar et a commencé à organiser des attaques contre des chefs tribaux locaux et des politiciens indépendants. C'est dans l'ouest de l'Anbar que l'ISIS a pu se déployer et c'est à partir de là qu'il a entamé des frappes dans d'autres régions, tant en Irak qu'en Syrie.
La présence militaire étrangère pose également des problèmes. En plus des bases militaires américaines qui sont stationnées en Irak, de Zahu à Hakurk sur l'axe ouest-est et d'Awashin à Erbil sur l'axe nord-sud, la Turquie possède 38 postes ou bases militaires dans le nord de l'Irak [ii].
Auparavant, la volonté de la Turquie de détruire les milices kurdes dans la région de Sinjar, dans le nord de l'Irak, avait provoqué des tensions avec Bagdad et Téhéran. Lorsque les forces armées turques ont lancé une opération militaire contre le Parti des travailleurs du Kurdistan, considéré comme une organisation terroriste, à Gara, dans le nord de l'Irak, en février 2021, les unités de mobilisation populaire irakiennes ont déployé leurs forces dans la région de Sinjar contre les forces turques. Cela a, bien sûr, provoqué des frictions diplomatiques entre l'Iran et la Turquie.
On sait également que les Turcs formaient les structures de combat Hashd al-Watani de l'homme politique irakien Oussama al-Nujaifi dans une base turque à Bashik, près de Mossoul. Officiellement, Ankara affirme que ses troupes et ses bases se trouvent dans le nord de l'Irak pour "combattre le terrorisme" et maintenir la sécurité nationale. Cependant, la Turquie a également des revendications contre les sunnites irakiens.
Et tandis que les États-Unis restent en Irak et poursuivent leur politique consistant à "contrer l'Iran" en Asie occidentale, c'est-à-dire à lutter contre les chiites (y compris les chiites irakiens), la Turquie considère sa politique comme un contrepoids à la soi-disant "influence iranienne". En cela, les objectifs de la Turquie et des États-Unis sont les mêmes.
En même temps, comme objectif hypothétique, en cas de fragmentation de l'Irak, la Turquie est susceptible d'envisager l'annexion du nord de l'Irak, où, selon Ankara, elle a des revendications historiques.
En ce qui concerne le gouvernement irakien, les possibilités de contrer les violations de la souveraineté et de l'intégrité territoriale par la Turquie sont jusqu'à présent limitées. Et Ankara restera un partenaire commercial majeur de Bagdad, avec un important déficit commercial au détriment de ce dernier.
Et le récent réchauffement des relations entre la Turquie, certains États du Golfe et Israël pourrait contraindre Bagdad à accepter la présence de la Turquie dans le nord de l'Irak comme un fait accompli.
En fin de compte, les troupes turques dans le nord de l'Irak sont là pour accomplir trois tâches : influencer la question kurde et s'attaquer directement au problème du PKK ; renforcer les ambitions régionales de la Turquie ; et créer une monnaie d'échange avec ses alliés occidentaux. Les dernières nouvelles pour Ankara ne sont toutefois pas bonnes, même si elles n'ont pas de dimension militaire.
La loi de 2007 sur le pétrole et le gaz régissant la région du Kurdistan a été jugée inconstitutionnelle par la Cour suprême fédérale d'Irak dans un arrêt rendu le 15 février. C'est un coup dur pour le gouvernement régional du Kurdistan, avec des conséquences directes sur ses accords énergétiques cruciaux avec la Turquie.
Le Kurdistan a utilisé cette loi pour développer son propre secteur pétrolier et gazier indépendamment de Bagdad, alors que les gouvernements régionaux cherchaient à obtenir une indépendance totale et signaient des accords de plusieurs milliards de dollars avec des compagnies pétrolières internationales. La justification officielle des autorités du Kurdistan était que Bagdad n'avait pas fourni et ne fournit toujours pas à la région du Kurdistan une part équitable du budget national et des revenus pétroliers.
La décision du tribunal est considérée comme liée aux intrigues qui se sont déroulées à Bagdad et, selon des sources bien informées, a pris par surprise le Premier ministre irakien Mustafa al-Khadimi, qui entretient de très bonnes relations avec les Kurdes irakiens [iii].
Pourquoi cette décision n'est-elle pas bénéfique pour la Turquie ? Depuis 2014, le pétrole brut du Kurdistan circule dans un oléoduc construit à cet effet qui mène à des terminaux de chargement dans le port méditerranéen de Ceyhan, en Turquie. Cela a donné à Ankara un pouvoir sans précédent sur la zone kurde semi-indépendante, bien que les Turcs aient continué à se battre avec les structures du Parti des travailleurs du Kurdistan.
Bagdad a déposé une demande d'arbitrage contre la Turquie auprès de la Chambre de commerce internationale, qui en est maintenant à sa huitième année. La Turquie pourrait potentiellement verser au gouvernement irakien 24 milliards de dollars en compensation. Israël était également dans le coup, car une grande partie du brut du Kurdistan est achetée par Israël sur le marché au comptant.
La décision du tribunal indique que la loi de 2007 viole diverses dispositions de la constitution et déclare invalides les contrats conclus par le Kurdistan avec des pays et des sociétés étrangers pour l'exploration, la production, l'exportation et la vente.
Le Kurdistan, officiellement reconnu comme une région autonome de l'Irak depuis 2005, exploite ses ressources pétrolières et gazières indépendamment du gouvernement fédéral irakien depuis des décennies, adoptant sa propre loi sur le pétrole en 2007 pour gérer les ressources sur son territoire.
Jusqu'à présent, la Turquie n'a pas officiellement commenté la décision, tandis que les autorités kurdes l'ont rejetée, la qualifiant non seulement d'"inconstitutionnelle" mais aussi d'"injuste". Masoud Barzani, leader du Parti démocratique du Kurdistan et ancien président de la région, a déclaré que cette démarche était une tentative de "dresser la région du Kurdistan contre le système fédéral en Irak".
Il convient d'ajouter qu'en plus des tensions liées au différend sur les ventes de pétrole et de gaz du Kurdistan contournant Bagdad, la situation s'est considérablement détériorée après 2014, lorsque les forces armées kurdes Peshmerga ont pris le contrôle de la ville de Kirkouk après que les combattants d'ISIS aient tenté de s'en emparer. La ville, ainsi que les lucratifs champs pétrolifères environnants, sont restés sous le contrôle des Kurdes jusqu'en octobre 2017, date à laquelle Bagdad a ramené de force la ville sous contrôle fédéral à la suite d'un référendum contesté sur l'indépendance de la région kurde [iv].
Malgré un accord conclu en 2019 entre Bagdad et la capitale kurde Erbil, les Kurdes ont officiellement fourni à Bagdad 250.000 des plus de 400.000 barils de pétrole par jour en échange de leur part du budget fédéral, qui sert à payer les salaires des fonctionnaires et des forces armées. Mais les Kurdes, parallèlement, ont continué à maintenir des contrats avec des compagnies pétrolières étrangères indépendantes de Bagdad - ces mêmes accords qui sont aujourd'hui menacés.
Et selon les experts, Bagdad gagnera le procès car il a un dossier très solide dans la cour d'arbitrage de Paris.
La Turquie souhaite un délai car elle ne veut pas être accusée de manquement, ce qui à son tour saperait sa crédibilité sur les marchés internationaux alors qu'elle se bat pour maintenir à flot ses finances actuelles. Pour Ankara, le dilemme est donc de savoir ce qu'il faut faire ensuite.
La seule issue semble être une crise politique prolongée en Irak même, car le chaos à Bagdad pourrait retarder un changement de jeu à la fois pour les Kurdes et les Turcs. Et la question se pose : Ankara va-t-elle agir sur ce point ou attendre tranquillement la décision d'arbitrage ?
Mais il y a un autre aspect extérieur à cette affaire, car la décision de la Cour suprême irakienne est intervenue un jour après que la société française Total Energies a conclu un accord de 27 milliards de dollars avec l'Irak, dont Bagdad espère qu'il pourrait inverser le départ des grandes compagnies pétrolières du pays. L'accord devrait être finalisé à partir de mars de cette année. Par conséquent, étant donné les nombreux intérêts et contradictions, la restauration de la souveraineté de Bagdad sera un processus difficile et non rapide.
Notes:
[i] https://www.arabnews.com/node/2020976/middle-east
[ii] https://thecradle.co/Article/investigations/6255
[iii] https://www.al-monitor.com/originals/2022/02/iraqi-courts-ruling-krg-gas-puts-turkey-spot
[iv] https://www.middleeasteye.net/news/iraq-kurds-denounce-unjust-oil-gas-ruling-energy-feud
12:49 Publié dans Actualité, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : géopolitique, actualité, politique internationale, irak, kurdes, kurdistan irakien, moyen-orient, pétrole, hydrocarbures | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Psychopathes géopolitiques
Psychopathes géopolitiques
par Georges FELTIN-TRACOL
Non content de tripoter les petites filles, Joe Biden tripote les faits et les renseignements que lui fournissent chaque matin les agences spécialisées. Le fameux contentieux entre l’Ukraine et la Russie démontre une fois de plus la malfaisance de la Maison Blanche et sa propension inégalée à alarmer inutilement l’opinion publique.
Selon les experts extra-lucides du Département d’État, le 16 février 2022 signifiait le commencement de l’offensive russe en Ukraine. Les Ukrainiens attendent toujours l’arrivée des blindés de Vladimir Poutine (l'actualité vient de démentir cette phrase...). Les Anglo-Saxons (Étatsuniens et Britanniques) élèvent au rang d’art appliqué la désinformation ainsi que les manipulations de masse. L’exagération des menaces agace un gouvernement ukrainien qui n’apprécie pas les conseils donnés aux ressortissants occidentaux de quitter le pays et le transfert à l’Ouest de l’Ukraine des ambassades. Les journalistes européens sur place confirment par leurs prises d’antenne et leurs reportages que Boris Johnson et Joe Biden détournent la réalité dans le seul but de provoquer une guerre déstabilisatrice pour l’aire eurasiatique.
Organisation belliciste, l’OTAN concentre de nombreuses troupes aux frontières de la Russie, du Bélarus et de l’Ukraine. Les Polonais et les Lituaniens favorisent ces mouvements militaires et livrent des armes aux Ukrainiens par russophobie et par ressentiments historiques non dépassés. Certes, des cénacles nationaux-soviétiques et néo-eurasistes en Russie rêvent de reprendre l’Ukraine. Mais Varsovie et Vilnius convoitent aussi les mêmes terres au nom d’un héritage historique commun. La Turquie et Israël ne sont pas non plus insensibles au devenir du chétif État ukrainien.
Huit longues années de conflit au Donbass ont développé et fortifié le sentiment national ukrainien. Nombreux sont les Ukrainiens de tout âge et des deux sexes qui s’exercent au maniement des armes et s’entraînent au combat sur leur temps libre. Il faut saluer ce magnifique esprit patriotique bien qu’on reste par ailleurs perplexe quand ils souhaitent adhérer à l’Alliance Atlantique et à l’Union dite européenne, deux asiles psychiatriques planétaires réputés ! Ukrainiens et Russes n’ont encore pas fait leur révolution intérieure anti-matérialiste !
Les propos sensationnalistes et volontairement délirants de Joe Biden et de son déplorable comparse Boris Johnson servent en priorité à masquer leurs déboires politiques intérieurs. Le clown du 10, Downing Street s’enferre dans le scandale médiatique des fêtes clandestines organisées en plein confinement covidien. La probité douteuse de « BoJo » en prend un sérieux coup et ravit au contraire l’opposition travailliste ainsi que les conservateurs thatchériens qui n’acceptent toujours pas son virage social.
Quant à Biden, il assiste médusé à la convergence contre toute intervention US à l’Est de l’Europe de l’aile isolationniste des Républicains menée par la représentante de Géorgie Marjorie Taylor Greene, et de l’aile gauchiste des Démocrates conduite par la meneuse du « Squad » (le quateron féministe wokiste) Alexandria Ocasio-Cortez. La forte inflation bloque en outre le plan de relance économique à plusieurs centaines de milliers de milliards de dollars adopté dans la douleur par un Congrès divisé. Dans ce contexte socio-économique difficile s’ajoutent une hausse sans précédent de la criminalité et le blocage des institutions. À l’approche des élections de mi-mandat, le bilan, fort mauvais, de « Sleepy » Joe tient sur un simple timbre-poste. Sa seule chance de ne pas perdre la majorité au Sénat, voire à la Chambre des représentants, serait de se lancer dans une nouvelle aventure militaire étrangère. Or, la Russie de Vladimir Poutine en 2022 n’est pas le Guatemala du président Árbenz de 1954…
Ce calcul de politique extérieure démontre de la part d’un Joe Biden qui veut porter le vêtement trop grand pour lui de commandant en chef, d’un comportement de psychopathe géopolitique. Le moindre prétexte à la frontière russe risque de déclencher des hostilités dont le continent européen deviendrait le principal théâtre d’opération. Maints commentateurs estiment que l’ambiance actuelle entre les principales puissances s’apparente à une véritable avant-guerre. Il est envisageable que ce conflit général commence par une provocation montée par les Polonais ou les Lituaniens qui passeraient pour des soldats russes attaquant une garnison ukrainienne frontalière. Les États-Unis d’Amérique ont une très longue tradition de victimisation qui leur donne ensuite l’avantage moral. Des motifs de l’invasion du Mexique en 1846 – 1848 aux mensonges de Colin Powell au Conseil de sécurité de l’ONU en 2003 en passant par l’explosion accidentelle de l’USS Maine dans le port de La Havane à Cuba le 15 février 1898 et l’attaque japonaise de Pearl Harbor acceptée par Roosevelt, Washington se sert des événements pour lancer des guerres soi-disant défensives alors que l’« État profond » yankee est naturellement agressif.
La présence depuis soixante-dix ans de bases étatsuniennes en Europe et le maintien de l’Alliance Atlantique perturbent les relations internationales. Même si le monde russe n’appartient qu’en partie à la civilisation européenne, la guerre entre Ukrainiens et Russes demeure une affreuse guerre civile que les diplomates allemands, français et italiens devraient arrêter au plus tôt. Hélas ! Leurs initiatives respectives sont bloquées ou vidées de leur sens par les redoutables coteries atlantistes qui infestent la haute-administration des États européens colonisés. La libération de l’Europe commencera d’abord et avant tout par sa « désaméricanisation », ce qui, on le conviendra, n’est pas une mince affaire.
GF-T
PS : Enregistrée et transmise le 17 février dernier pour une diffusion, le 22 suivant, cette chronique minimisait un peu les tensions entre la Russie et l’Ukraine, entre le nationalisme grand-russe et le nationalisme ukrainien dont l’antagonisme ne cesse d’être alimenté par les régimes occidentaux dévoyés. Malgré l’actualité brûlante et nonobstant la brutalité des faits, sa trame reste plus que jamais pertinente.
- « Vigie d’un monde en ébullition », n° 21, mise en ligne le 22 février 2022 sur Radio Méridien Zéro.
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jeudi, 24 février 2022
Jürgen Elsässer: L'action militaire de Poutine est défensive - La Russie lance une attaque contre l'Ukraine : l'Allemagne ne doit pas se laisser entraîner dans une guerre !
L'action militaire de Poutine est défensive
Par Jürgen Elsässer
Source: https://www.compact-online.de/putins-militaeraktion-ist-defensiv/?mc_cid=685e33d9d5&mc_eid=128c71e308
Arguments solides et stabilité politique : Jürgen Elsässer dans un entretien avec le magazine hongrois "Demokrata".
Sur la reconnaissance des républiques du Donbass par Moscou et l'entrée des troupes russes. Déclaration du rédacteur en chef de COMPACT.
1.) Après plusieurs jours d'attaques des forces ukrainiennes contre les républiques du Donbass, la démarche de Moscou vise à protéger la population locale. L'aide militaire est comparable à celle apportée aux républiques sécessionnistes de Géorgie, auxquelles l'armée russe a porté secours avec succès en 2008 contre les attaques du gouvernement de Tbilissi.
2.) La différence avec 2008 : les républiques sécessionnistes de Géorgie n'ont pas été reconnues par Moscou en tant qu'Etats indépendants, alors que les républiques du Donbass le sont désormais. Les puissances occidentales et la majorité du Conseil de sécurité de l'ONU considèrent cela comme une violation du droit international, qui garantit l'intégrité territoriale des États existants. Toutefois, c'est l'OTAN qui a enfreint ce principe en premier : Par la sécession belliqueuse du Kosovo de la Yougoslavie suite à l'agression de l'OTAN en 1999.
3.) En droit international, deux principes s'opposent : l'intégrité territoriale des États et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. En Yougoslavie, l'Occident a imposé militairement ce dernier - les Albanais du Kosovo, dans leur écrasante majorité, ne voulaient effectivement pas rester en Yougoslavie. Dans le cas de la Crimée en 2014 comme aujourd'hui dans le cas des républiques du Donbass, la Russie ne fait que copier l'action de l'OTAN à l'époque : dans les deux cas, l'immense majorité de la population ne voulait ou ne veut plus faire partie de l'État ukrainien ; la plupart des gens se sentent russes.
4.) En 1939, Hitler a également justifié l'invasion de la Pologne en invoquant la protection de la communauté allemande et son droit à l'autodétermination. Toutefois, il a utilisé ce prétexte pour occuper et démanteler l'ensemble de l'État polonais. Tant que Poutine limitera son action militaire au Donbass russe et ne s'apprête pas à démanteler l'Ukraine dans son ensemble, tout parallèle est interdit.
5.) L'Occident profitera des événements actuels pour préparer rapidement la guerre contre la Russie. La première étape est la préparation économique à la guerre, notamment l'enterrement de Nordstream-2 et le passage aux livraisons de gaz naturel liquéfié américain. Il est dans l'intérêt de l'Allemagne de refuser ces préparatifs de guerre et de ne pas se laisser priver des avantages économiques d'une coopération avec la Russie en se soumettant à des sanctions. Si la Russie fortifie son arrière-cour, l'Allemagne n'a pas à s'en inquiéter.
6.) S'il y a une leçon à tirer de l'histoire, c'est celle-ci : Les Allemands et les Russes ne doivent plus jamais se laisser dresser les uns contre les autres. Nous ne sommes pas de la chair à canon pour les intérêts pétroliers et gaziers anglo-américains. Ce qu'il faut maintenant, c'est une nouvelle édition du mouvement pour la paix qui s'est déjà opposé aux bellicistes de l'OTAN en 2014.
COMPACT fournit les munitions argumentatives pour cela : commandez et diffusez l'édition COMPACT "Vladimir Poutine. Reden an die Deutschen" et l'autocollant "Frieden mit Russland" (https://www.compact-shop.de/shop/compact-edition/compact-edition-wladimir-putin/)
Dans notre émission d'information télévisée COMPACT.DerTag, nous avons déjà évoqué l'escalade hier soir, et nous continuons ce soir. Branchez-vous ici à 20h (avec les archives de l'émission / https://tv.compact-online.de/ ).
La Russie lance une attaque contre l'Ukraine : l'Allemagne ne doit pas se laisser entraîner dans une guerre ! Six thèses
Par Jürgen Elsässer
Déclaration de Jürgen Elsässer, rédacteur en chef de COMPACT
1.) L'attaque ouverte contre l'Ukraine a créé la situation la plus dangereuse en Europe depuis 1945. Le risque d'une confrontation directe entre les superpuissances et leurs alliés est plus élevé que lors de la guerre de Yougoslavie, qui n'a été menée que par voie aérienne de la part de l'OTAN et a été acceptée par la Russie d'Eltsine affaiblie.
2.) L'agresseur, comme on l'a souvent observé dans l'histoire, n'est pas l'agressé. L'agression est le fait de l'OTAN, dirigée par les Etats-Unis, qui veulent utiliser l'Ukraine comme plateforme offensive contre la Russie et qui maintiennent déjà une présence militaire permanente dans le pays. L'OTAN n'a pas tenu ses promesses de l'époque de la réunification de ne pas profiter de la fin de la confrontation des blocs pour s'étendre vers l'Est. Les accords de Minsk, qui prévoyaient la pacification de l'est de l'Ukraine et le rétablissement de la souveraineté de l'Ukraine, ont été déchirés en dernier lieu. La Russie le voulait, l'Occident et le régime de Kiev ne le voulaient pas.
3.) Poutine ne mène pas une politique étrangère néo-soviétique, mais néo-tsariste (voir également son discours de mardi). La différence est importante, car l'Allemagne s'est généralement bien entendue avec l'empire tsariste, mais pas avec l'Union soviétique et sa prétention à la révolution mondiale. Aujourd'hui, le communisme, dirigé par le capital financier, n'est pas ressuscité à Moscou, mais à Bruxelles - sous la forme de l'EudSS, de son économie planifiée écosocialiste, de son politiquement correct, de sa destruction des valeurs traditionnelles du christianisme et de la famille. En revanche, la Russie mène une politique qui s'oppose de facto à ce néo-communisme, même si elle se présente parfois comme antifasciste pour stimuler les sentiments patriotiques nés de la victoire sur l'Allemagne hitlérienne.
4.) Si l'intervention de Poutine en Ukraine réussit (ce qui est loin d'être certain, voir l'Afghanistan), un bloc néo-tsariste composé de la Russie, de l'Ukraine et de la Biélorussie verrait le jour, auquel d'autres pays menacés par l'OTAN pourraient se joindre (Arménie, Moldavie/Transnistrie, Kazakhstan, Syrie) et qui aurait également des ramifications en Amérique du Sud (Cuba, Venezuela, Nicaragua). Même le soutien du Brésil n'est pas exclu - il y a quelques jours, Bolsonaro a rendu hommage à Poutine, au grand dam des Etats-Unis.
5.) La nouvelle division du monde en un bloc dirigé par les Etats-Unis et un bloc prorusse, bien que sous des auspices idéologiques opposés à ceux de 1945 à 1989, serait une bonne nouvelle. Le mondialisme destructeur s'arrêterait - et entre les blocs, il y aurait de l'air pour le neutralisme et l'autonomie. Rappelons qu'à l'époque de la guerre froide, malgré l'agression soviétique, des pays comme l'Autriche, la Finlande, la Suède, la Yougoslavie et l'Inde ont pu rester neutres et suivre leur propre voie. La RFA avait également plus de souveraineté que l'Allemagne réunifiée d'aujourd'hui, n'était pas obligée de fournir des troupes pour les aventures militaires mondiales des Etats-Unis (Vietnam !) et pouvait développer sa propre Ostpolitik.
6.) L'Allemagne ne doit pas se laisser entraîner dans une guerre contre la Russie. S'il y a une leçon à tirer de l'histoire, c'est bien celle-ci : Les Russes et les Allemands ne doivent plus jamais se laisser monter les uns contre les autres. Il ne faut rien attendre de notre gouvernement, fidèlement à la solde des Anglo-Saxons. Face au régime Scholz-Baerbock, il faut construire un nouveau mouvement pour la paix qui exige une stricte neutralité dans le conflit actuel, la mise en service de Nordstream-2, le retrait des troupes d'occupation américaines et la sortie de l'OTAN.
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mercredi, 23 février 2022
La géopolitique de l'Anglosphère et la balkanisation de la Russie
La géopolitique de l'Anglosphère et la balkanisation de la Russie
José Alsina Calvés
Source: http://www.elespiadigital.com/index.php/noticias/geoestrategia/36832-2022-02-17-17-34-48
Ces derniers temps, nous assistons à une formidable offensive idéologique et informationnelle, encouragée par les États-Unis et les centres de pouvoir mondialistes, contre la Russie de Poutine. Les médias répètent inlassablement une série de mantras dans lesquels la Russie actuelle est dépeinte comme un enfer dictatorial, où les "dissidents", les homosexuels et les immigrants sont persécutés. Pour les néolibéraux de droite, la Russie est toujours communiste. Pour les néolibéraux de gauche, la Russie de Poutine est une sorte de réincarnation du "fascisme".
Cependant, cette attitude agressive de Biden n'est pas nouvelle. Depuis des temps immémoriaux, bien avant la révolution communiste, l'Anglo-Empire est en désaccord avec la Russie pour des raisons géopolitiques. La Grande-Bretagne d'abord et les États-Unis (son successeur), en tant que puissances thalassocratiques, ont considéré la Russie comme un ennemi à vaincre, quel que soit le régime politique.
Carte russe des opérations pendant la guerre de Crimée (1853-1856). On voit les avantages des flottes de guerre française et anglaise (et dans une moindre mesure ottomane), qui ont permis de frapper en Crimée et d'intervenir dans la mer d'Azov. La guerre de Crimée a créé d'importants mythes militaires pour les deux puissances occidentales (prise de Sébastopol par les zouaves français, attaque de Balaklava par la cavalerie anglaise, etc.) Moins connues sont les opérations russes dans l'actuelle Roumanie, qui ont été neutralisées par les troupes ottomanes. La principale raison de la défaite russe est le manque de chemins de fer à cette époque pour transporter rapidement les troupes vers les champs de bataille. La situation a radicalement changé lorsque, au début du XXe siècle, le réseau ferroviaire russe a couvert l'ensemble du territoire impérial : d'où l'émergence de la géopolitique de MacKinder (RS).
La guerre de Crimée
La guerre de Crimée est un conflit mené entre 1853 et 1856 par l'Empire russe et le Royaume de Grèce contre une ligue formée par l'Empire ottoman, la France, le Royaume-Uni et le Royaume de Sardaigne. Elle a été déclenchée par la politique britannique, déterminée à empêcher toute influence de la Russie en Europe suite à un éventuel effondrement de l'Empire ottoman, et s'est déroulée principalement sur la péninsule de Crimée, autour de la base navale de Sébastopol. Elle a abouti à la défaite de la Russie, qui a été scellée par le traité de Paris de 1856.
Depuis la fin du XVIIe siècle, l'Empire ottoman était en déclin et ses structures militaires, politiques et économiques étaient incapables de se moderniser. À la suite de plusieurs conflits, elle avait perdu les territoires situés au nord de la mer Noire, y compris la péninsule de Crimée, qui avait été reprise par la Russie. La Russie voulait saper l'autorité ottomane et prendre en charge la protection de l'importante minorité des chrétiens orthodoxes dans les provinces européennes ottomanes. La France et le Royaume-Uni craignaient que l'Empire ottoman ne devienne un vassal de la Russie, ce qui aurait bouleversé l'équilibre politique entre les puissances européennes.
Le Premier ministre britannique Lord Palmerston (tableau, ci-dessus) a été un acteur décisif dans le développement de cette politique anti-russe, qui allait devenir une caractéristique constante de la politique étrangère britannique, poursuivie plus tard au 20e siècle par Halford John Mackinder, l'un des créateurs de la science géopolitique, l'idéologue du traité de Versailles et du soutien britannique aux Russes blancs.
Le "pays-coeur" ou "Heartland"
Le concept géopolitique de Heartland a été introduit par Mackinder [1], et lié à l'existence géographique de bassins endoréiques, c'est-à-dire de grands bassins fluviaux qui se jettent dans des mers fermées (mer Caspienne, mer Noire). Heartland vient des mots anglais heart et land, "terre nucléaire" ou "région-coeur" étant peut-être les traductions les plus proches de l'anglais. Le Heartland est la somme d'une série de bassins fluviaux contigus dont les eaux se jettent dans des masses d'eau inaccessibles à la navigation océanique. Il s'agit des bassins endoréiques de l'Eurasie centrale plus la partie du bassin de l'océan Arctique gelée dans la Route du Nord avec une couverture de glace de 1,2 à 2 mètres, et donc impraticable pendant une grande partie de l'année - à l'exception des brise-glace à propulsion atomique (que seule la Fédération de Russie possède) et des navires similaires [2]. La règle empirique de Mackinder pourrait être utilisée comme règle empirique pour le Heartland.
La règle d'or de Mackinder pourrait être résumée par la phrase suivante: "Celui qui unit l'Europe à ce cœur de la planète dominera le cœur de la planète et donc la Terre". Le Heartland manque d'un centre nerveux clair et peut être défini comme un corps gigantesque et robuste à la recherche d'un cerveau. Étant donné qu'il n'existe aucune barrière géographique naturelle (chaînes de montagnes, déserts, mers, etc.) entre le Heartland et l'Europe, la tête la plus viable pour le Heartland est clairement l'Europe, suivie de loin par la Chine, l'Iran et l'Inde.
La marche de l'humanité européenne au cœur de l'Asie a culminé lorsque la culture grecque a été introduite en Mongolie même : aujourd'hui, la langue mongole est écrite en caractères cyrilliques, d'héritage gréco-byzantin, ce qui signifie que la chute de Constantinople a en fait projeté l'influence byzantine bien plus à l'est que les empereurs orthodoxes n'auraient jamais pu l'imaginer. La tâche de l'Europe ne s'arrête cependant pas là, car seule l'Europe peut entreprendre l'entreprise de transformer le Heartland en un puissant espace clos prophétisé par Mackinder.
Pour approfondir le sujet, il est nécessaire de se familiariser avec la cosmogonie mackinderienne, qui divisait la planète en plusieurs domaines géopolitiques clairement définis.
- L'île du monde est l'union de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique, et ce qui se rapproche le plus, dans les terres émergées, de Panthalassa ou de l'océan universel. Au sein de l'île du monde se trouve l'Eurasie, la somme de l'Europe et de l'Asie, une réalité d'autant plus distincte de l'Afrique depuis l'ouverture du canal de Suez en 1869, qui a permis à la puissance maritime d'envelopper les deux continents.
- Le Heartland n'a plus besoin d'être présenté. La théorie mackinderienne suppose que le Heartland est une réalité géographique au sein de l'Île du Monde, tout comme l'Île du Monde est une réalité géographique au sein de l'Océan Mondial.
- Le Rimland, également appelé Croissant intérieur ou Croissant marginal, est une immense bande de terre entourant le Heartland et constituée des bassins océaniques qui y sont rattachés. La Panthalassie, les Balkans, la Scandinavie, l'Allemagne, la France, l'Espagne et la majeure partie de la Chine et de l'Inde se trouvent dans le Rimland.
- Le Croissant extérieur ou insulaire est un ensemble de domaines d'outre-mer périphériques, séparés du Croissant intérieur par des déserts, des mers et des espaces glacés. L'Afrique subsaharienne, les îles britanniques, les Amériques, le Japon, Taiwan, l'Indonésie et l'Australie font partie du Croissant extérieur.
- L'océan Méditerranéen (Midland Ocean) est la Heartsea de la puissance maritime. Mackinder a défini l'océan Méditerranéen comme la moitié nord de l'Atlantique plus toutes les zones maritimes affluentes (Baltique, baie d'Hudson, Méditerranée, Caraïbes et golfe du Mexique). Rappelons que les plus grands bassins fluviaux du monde sont ceux qui se jettent dans l'Atlantique - viennent ensuite ceux de l'Arctique et seulement en troisième position viennent les bassins du Pacifique.
Notez que ces idées géopolitiques ont guidé la politique étrangère et la stratégie britanniques. Lors de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale, la diplomatie britannique a réussi à empêcher une alliance germano-russe qui aurait uni l'Europe au Heartland. En effet, Mackinder, loin d'être un simple intellectuel, était un homme profondément engagé dans la diplomatie et la politique étrangère britanniques. Il était l'un des idéologues du traité de Versailles, qui visait à la neutralisation politique et militaire de l'Allemagne. Il était également l'un des idéologues du soutien britannique aux Russes blancs dans leur lutte contre les bolcheviks. L'objectif était de morceler la Russie en une série de petits États féodaux liés à l'Empire britannique, mais la victoire des bolcheviks a contrecarré ce plan.
La guerre civile russe (1917-1923)
Bien que cette guerre civile soit un conflit interne, la géopolitique et les liens conflictuels avec les puissances étrangères ont joué un rôle considérable [3]. Les Rouges (bolcheviks) ont combattu les Blancs. Le bloc bolchevique avait une identité idéologique, politique et géopolitique claire. Ils étaient marxistes, défendaient la dictature du prolétariat et, géopolitiquement, ils étaient orientés vers l'Allemagne et contre l'Entente (Angleterre, France, USA).
En revanche, le bloc blanc n'était pas uniforme, ni sur le plan idéologique ni sur le plan politique. Il allait des socialistes révolutionnaires aux monarchistes tsaristes, mais géopolitiquement, il avait plutôt tendance à favoriser une alliance avec la France et la Grande-Bretagne. Seuls de petits segments de ce mouvement ont maintenu une orientation pro-allemande, comme ce fut le cas du chef cosaque Krasnov et de l'Armée du Nord.
Mackinder, le théoricien en chef du soutien britannique aux Blancs, était convaincu que la disparité de ce bloc conduirait, en cas de victoire, à une segmentation de la Russie en petits États, puisque chaque général ou seigneur de guerre s'érigerait finalement en fondateur d'un nouvel État. La stratégie britannique pour le démembrement de la Russie a suivi, étape par étape, celle employée en Amérique latine après l'indépendance gagnée contre l'Espagne. Elle y est parvenue, et ce qui aurait pu être un grand plateau continental a été démembré en d'innombrables petits États en désaccord les uns avec les autres.
Ce ne fut pas le cas en Russie. La victoire des bolcheviks a frustré les prétentions anglaises. Mackinder était bien conscient qu'après cette victoire, l'URSS deviendrait une grande puissance, ce qu'elle a fait.
Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont pris le relais de la Grande-Bretagne en tant qu'avant-garde de l'Anglo-Empire. La guerre froide n'était pas seulement (mais aussi) une confrontation entre le capitalisme libéral, représenté par les États-Unis (et ses alliés, l'Angleterre, la France et l'Allemagne), et le socialisme marxiste ou le vrai communisme, représenté par l'URSS. La composante géopolitique était également très importante.
Effondrement de l'URSS
Les changements en URSS ont commencé avec l'ascension de Gorbatchev au poste de secrétaire général du PCUS. La situation qu'il a trouvée en accédant à cette très haute fonction n'était pas bonne. La défaite et l'humiliation en Afghanistan planaient sur la société soviétique. Le train social, économique et idéologique commençait à cafouiller. L'économie souffrait des dépenses militaires et de l'inefficacité de l'État absolu. La vision marxiste du monde avait perdu tout son attrait, et même les partis communistes occidentaux se dissociaient (du moins aux yeux de la galerie) de l'URSS et proclamaient leur "eurocommunisme".
Gorbatchev a dû prendre position sur la stratégie future de l'URSS, ce qu'il a fait en adoptant les théories de la convergence [4] comme base et a commencé à approcher le monde occidental en lui proposant des concessions unilatérales. Cette politique, appelée perestroïka, reposait sur l'hypothèse que l'Occident devait répondre à chaque concession par des mesures similaires en faveur de l'URSS. Ce n'était manifestement pas le cas.
La perestroïka était une concaténation d'étapes vers l'adoption de la démocratie parlementaire, du marché, de la glasnost (transparence) et l'expansion des zones de liberté civique. Mais dans les pays du bloc de l'Est et à la périphérie de l'URSS elle-même, ces changements ont été perçus comme des manifestations de faiblesse et des concessions unilatérales à l'Ouest. Des mouvements sécessionnistes ont émergé dans les républiques baltes, en Géorgie et en Arménie.
Après la tentative de coup d'État ratée de 1991, menée par les secteurs les plus conservateurs du PCUS, l'ascension de Boris Eltsine était imparable. Le 8 décembre 1991, il rencontre les présidents de Biélorussie et d'Ukraine dans la forêt de Bialowieza, où un accord est signé sur la création d'une Communauté d'États indépendants, ce qui signifie, de facto, la fin de l'existence de l'URSS. À partir de ce moment, cependant, un processus s'est enclenché qui menaçait non pas l'existence de l'URSS, qui s'était déjà éteinte, mais celle de la Russie elle-même.
Il semblait que le rêve de Mackinder était sur le point d'être mis en pratique. L'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, le Belarus, l'Ukraine, la Moldavie, l'Arménie, la Géorgie, l'Azerbaïdjan, certaines régions du sud de la Russie et le Daghestan ont entamé leur processus d'indépendance. La déclaration d'Eltsine à Ufa le 6 août 1990 est entrée dans l'histoire : "Prenez autant de souveraineté que vous pouvez en avaler". Les nouvelles républiques ont fait appel (bien sûr !) au droit des peuples à l'autodétermination. Ainsi, par exemple, la constitution de la République de Sakha-Yakoutie, adoptée le 27 avril 1992, déclare "Un gouvernement souverain, démocratique et légal, fondé sur le droit du peuple à l'autodétermination".
La politique nationale de la Fédération de Russie elle-même a été établie par Ramzan Abdulatipov [5] et Valery Tishkov [6], qui étaient tous deux de fervents partisans de la transformation de la Fédération en une confédération, avec séparation complète des républiques nationales.
Le conflit en Tchétchénie a eu un impact particulier. Depuis 1990, sous le couvert des tendances autodestructrices à l'œuvre en Russie, divers mouvements nationalistes ont vu le jour, notamment le Congrès national du peuple tchétchène, dirigé par Dzhondar Dudayev, un ancien général de l'armée de l'air soviétique. Le 8 juin 1991, Dudayev a proclamé l'indépendance de la Tchétchénie, déclenchant un long conflit armé, qui a été compliqué par l'intervention du fondamentalisme islamique.
La réaction
Face à tous ces événements, de larges secteurs de l'opinion publique russe ont commencé à réaliser que les politiques d'Eltsine menaient à la destruction de la Russie. À tout cela s'ajoutait un énorme chaos économique, qui avait plongé la majorité de la population dans la misère, tandis que quelques oligarques s'étaient enrichis grâce à des privatisations sauvages. En septembre et octobre 1993, une révolte éclate, avec le Soviet suprême (parlement) lui-même au centre de l'insurrection. Le 4 octobre, des unités militaires fidèles à Eltsine mettent fin à la révolte en bombardant le Soviet suprême.
Les forces politiques qui se sont unies contre Eltsine sont très diverses : communistes, nationalistes et partisans de la monarchie tsariste orthodoxe. Mais ils ont tous un point commun : la défense de la souveraineté de la Russie et de l'eurasisme. C'est cette coalition de forces qui soutiendra l'émergence de Vladimir Poutine et la renaissance de la Russie. Mais ça, c'est une autre affaire.
NOTES
[1] Dans son ouvrage Le pivot géographique de l'histoire publié en 1904.
[2] Alsina Calvés, J. (2015) Aportaciones a la Cuarta Teoría Política. Tarragone, Ediciones Fides, pp. 110-112.
[3] Douguine, A. (2015) La dernière guerre mondiale des îles. La géopolitique de la Russie contemporaine. Tarragone, Ediciones Fides, p. 38.
[4] Théories apparues entre 1950 et 1960 (Sorokin, Gilbert, Aron) selon lesquelles, avec le développement de la technologie, les systèmes capitalistes et socialistes formeraient un groupe de plus en plus proche, c'est-à-dire qu'ils auraient tendance à converger.
[5] Président de la Chambre des nationalités.
[6] Président du Comité d'État de la Fédération de Russie sur les nationalités.
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mardi, 22 février 2022
Buchanan et le grand effondrement moral et militaire américain (et occidental)
Buchanan et le grand effondrement moral et militaire américain (et occidental)
par Nicolas Bonnal
L’Amérique « phare protecteur du monde et de l’union européenne » est à la dérive sur tous les plans. Après Rachel Levine, le gâteux Biden a nommé un activiste queer, SM et maître-chien adjoint à l’énergie. Le bougre vient du MIT et on comprend l’effondrement de la science et de la technologie américaines, sauf quand s’il s’agit de nous coller un code QR ou une saleté dans l’ADN. L’effondrement américain (ou français) est physique, moral, culturel, spirituel, anthropologique. A-t-il gagné la majeure partie de la population ou simplement les minorités (y compris la minorité catho Bergoglio) qui soutiennent cette sanie globalisée, c’est un autre problème. On le saura cette année car si la masse apeurée et abrutie avalise tous ces monstres (réélire Macron ou les démocrates) et la guerre contre la population ou la Russie, nous sommes cuits à titre personnel.
Pat Buchanan, qui incarne depuis Nixon le « paléo-conservatisme » pacifiste américain, remarque toutefois comme nous l’autre jour que la plaisanterie va avoir assez duré. Et de noter :
« Nous avions tout. Nous étions la « nation indispensable ». Nous avons vu plus loin dans le futur. Nous pourrions imposer notre « hégémonie mondiale bienveillante » à toute l'humanité. Et c'est ainsi que nous avons entrepris de créer un « nouvel ordre mondial », plongeant dans des guerres successives en Irak, dans les Balkans, en Afghanistan, à nouveau en Irak, en Syrie, en Libye, au Yémen. »
Le résultat ne s’est pas fait attendre :
« Ce faisant, nous nous sommes saignés, nous nous sommes distraits, nous nous sommes épuisés et nous nous sommes séparés, jusqu'à ce que la moitié du pays fasse écho au slogan de la campagne de George McGovern en 1972 : « Come home, America ». »
Buchanan ne se fait pas d’illusions : la Russie et la Chine sont plus fortes et aussi plus ambitieuses. Au lieu de jouer au pleurnichard russophobe (Poutine est nul, il se laisse marcher sur les pieds, etc.) comme certains dont le cacochyme Craig Roberts, Buchanan remarque (il est proche de Meyssan) :
« Et alors que nous partions en croisade pour un nouvel ordre mondial, la Russie de Vladimir Poutine s'est progressivement remise de sa défaite écrasante de la guerre froide, et la Chine a commencé à sortir de l'ombre de l'Amérique pour devenir le rival le plus puissant que l'Amérique moderne ait jamais affronté. »
Buchanan est lucide ; et cela donne sur le basculement géopolitique que nous observons tous :
« Aujourd'hui, l'hégémonie américaine est partout remise en question - en Europe de l'Est, au Proche-Orient, en Asie du Sud-Est, en Asie de l'Est. Et les défis émanent d'autocrates unis dans leur volonté de réduire le pouvoir et la présence des États-Unis dans leur partie du monde. »
Il poursuit :
« Tous les adversaires de l'Amérique ont quelque chose en commun : ils veulent que nous sortions de leur quartier. Après le retrait humiliant du président Joe Biden d'Afghanistan, l'Ukraine est le site du dernier défi, déclenché par le déploiement par la Russie de quelque 100 000 soldats aux frontières de l'Ukraine. »
La Russie parano et cernée ? C’est Poutine qui impose et c’est Poutine qui exige, nous rappelle Buchanan :
« Étant donné qu'il a provoqué cette crise, Poutine ne retirera probablement pas toutes ses forces sans l'assurance visible que l'Ukraine ne deviendra jamais membre de l'OTAN. Et, étant donné qu'aucun allié de l'OTAN ou voisin de l'Ukraine n'a montré une disposition à combattre la Russie pour l'Ukraine, Poutine finira probablement par l'emporter. »
D’où la rage anglo-saxonne : la mythologie McKinder et le Grand Jeu s’écroulent. Finalement la Chine et la Russie ont pris ce que le capitalisme avait de bon tout en gardant ce que le communisme avait de bon. Nous, nous avons pris ce que le communisme et le capitalisme avaient de pire. Et cela semble motiver la masse imbibée de télé. Mais n’anticipons pas.
On laisse Buchanan conclure pour le plaisir :
« Là où l'ancien président George W. Bush mettait en garde contre un « axe du mal » comprenant l'Irak, l'Iran et la Corée du Nord, son successeur comprend aujourd'hui la Russie, la Chine, l'Iran et la Corée du Nord, un axe bien plus redoutable. »
Nous sommes en état de Schadenfreude en ce moment. Sauf pour nos factures d’électricité dues aussi à leur rapacité comme à leur incompétence…
Sources :
https://reseauinternational.net/les-veritables-victimes-d...
https://www.fdesouche.com/2022/02/12/etats-unis-le-nouvel...
https://www.infowars.com/posts/buchanan-stress-test-for-a...
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Ukraine : l'hystérie guerrière du mainstream
Stefan Schubert
Ukraine : l'hystérie guerrière des médias mainstream
Source: https://kopp-report.de/ukraine-die-kriegshysterie-des-mainstreams/
Ces dernières semaines, les médias mainstream occidentaux ont fait preuve d'un bellicisme sans précédent. Pour ce faire, ils s'appuient sur des informations anonymes - et non étayées - fournies par les services de renseignement américains, sans procéder à une vérification indépendante des faits. Cette révélation journalistique illustre une fois de plus l'état alarmant des médias. Sur la base d'une campagne américaine anonyme, les médias de gauche et verts diffusent sans sourciller l'image de l'ennemi, le méchant Russe. Il est évident qu'outre la diffamation de ce concurrent géopolitique, les Américains cherchent avant tout à imposer leurs intérêts économiques.
L'auteur a déjà démontré ici que la Russie est le troisième plus grand fournisseur de pétrole des États-Unis.
Alors que "Sleepy Joe" a l'audace d'annoncer devant la presse mondiale rassemblée la fin du pipeline germano-russe Nord Stream 2, il refuse de répondre à toute question sur les immenses livraisons de pétrole aux Etats-Unis eux-mêmes, en provenance de l'État prétendument voyou qu'est la Russie. Ces livraisons massives de pétrole augmentent rapidement depuis des années et ne figurent pas sur la liste des sanctions de l'administration américaine. Or, les entreprises et les États européens dont les Américains veulent détruire les activités en Russie y figurent tout particulièrement. Comme l'industrie allemande l'a déjà appris à ses dépens ces dernières années, les sanctions imposées par les Américains visent particulièrement les relations d'affaires germano-russes étroites qui existent depuis des décennies.
Outre la diffamation de la Russie commanditée par les États-Unis, les Allemands se sont donc également faits les larbins du complexe militaro-industriel américain. Il ne s'agit pas ici d'une canonisation de Vladimir Poutine. Comme l'ont montré la Tchétchénie, la Géorgie et, il y a quelques semaines, le Kazakhstan, le seuil d'inhibition du Kremlin pour l'utilisation de la force militaire doit être considéré comme très bas - une appréciation qui s'applique également au gouvernement américain, comme le prouvent non seulement le nombre élevé de victimes en Afghanistan, en Irak et en Syrie. Mais, si l'on considère les dernières semaines sans les cris de guerre hystériques des médias, que s'est-il réellement passé ?
Un pays a organisé des manœuvres militaires de grande envergure à l'intérieur de ses frontières. Rien de plus, rien de moins. Quand on voit ce que les Américains font sur tous les continents, souvent avec des dizaines de milliers de soldats de l'OTAN, la double morale de l'Occident saute aux yeux comme un missile Pershing II. Les grandes manœuvres occidentales sont en outre publiquement qualifiées de défense de leurs propres intérêts et de menaces non dissimulées contre la Chine et la Russie. Cette procédure récurrente démontre que le bellicisme actuel des médias et des politiques est particulièrement perfide. Les interventions politiques publiques des Verts et de la CDU/CSU ressemblent à des communiqués de presse du Pentagone. Le fait que cette campagne ait été préparée et orchestrée par des réseaux transatlantiques comme le Pont de l'Atlantique ne peut bien sûr être qu'une théorie du complot.
L'intérêt de l'Allemagne pour une relation stable avec la Russie
Alors que la ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock trébuche à travers l'histoire mondiale et déclare que toutes les ambassades d'Allemagne sont des bases de l'hystérie climatique des Verts, le chancelier Olaf Scholz se fait traiter comme un écolier dans le bureau ovale.
Que les Américains veuillent importer leur gaz liquide sale et cher en Allemagne, que la Pologne et l'Ukraine gagnent beaucoup d'argent en faisant passer du gaz russe en Allemagne par le gazoduc existant et qu'elles essaient pour cette seule raison d'empêcher et de saboter Nord Stream 2 autant que possible, tout cela est compréhensible dans une certaine mesure entre pays "amis".
Mais le fait qu'aucun membre du gouvernement allemand ne se présente avec assurance devant les caméras pour articuler et défendre les intérêts allemands dans ce conflit aux multiples facettes est une situation honteuse.
De plus, lors des négociations sur la réunification, la Russie a reçu l'assurance qu'il n'y aurait pas d'élargissement de l'OTAN vers l'Est. Cet engagement a déjà été rompu à plusieurs reprises, comme dans les pays baltes et en Pologne. Malgré cela, la politique et les médias diffament la Russie en la qualifiant d'agresseur unilatéral, simplement parce que la grande puissance veut empêcher, pour des raisons compréhensibles, un déploiement de troupes de l'OTAN à la frontière russo-ukrainienne. En outre, il n'est pas dans l'intérêt de l'Europe et de l'Allemagne de séparer la Russie de l'Europe et de la pousser toujours plus loin dans les bras de la puissance impériale mondiale qu'est la Chine. La Russie peut également vendre son gaz à l'Est, tandis que l'Allemagne, en particulier, a un besoin urgent de son voisin oriental riche en matières premières en raison de sa transition énergétique autodestructrice.
Le président américain Joe Biden a obtenu des résultats plus mauvais dans les sondages américains que Donald Trump n'en a jamais eu. Alors que les médias mainstream allemands ont fait un scandale de chaque message de Trump sur Twitter, les journalistes de conviction ont complètement passé sous silence l'échec de l'administration Biden. Le bellicisme de Washington, outre les intérêts économiques et géopolitiques évoqués, sert en outre de diversion ciblée aux problèmes de politique intérieure.
Même une escalade et une guerre réelle entre la Russie et l'Ukraine pourraient être considérées comme un scénario souhaitable pour les faucons américains du Pentagone, pour les raisons décrites ci-dessus. Une escalade pourrait survenir à tout moment à la suite d'opérations sous faux drapeau ou de cyberattaques massives et intraçables. Si les premiers coups de feu étaient tirés, les médias et les politiciens allemands auraient également contribué dans une large mesure à la guerre au cœur de l'Europe par leur bellicisme.
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lundi, 21 février 2022
Le rapport de l'OTAN de 1991 qui embarrasse Biden
Le rapport de l'OTAN de 1991 qui embarrasse Biden
Marco Valle
Source: https://it.insideover.com/guerra/quel-verbale-nato-del-1991-che-imbarazza-biden.html?fbclid=IwAR1zy93nSa03iPc8ftpUpUpsCSkR7M0O0MWbc7ywIyaBVO7Hfs3tRfcQ9TY
Dans le récit officiel du Kremlin sur la crise ukrainienne, l'accusation de mauvaise foi envers les États-Unis et leurs alliés refait constamment surface. Ces derniers jours encore, le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, a répété à plusieurs reprises, à juste titre, "que Moscou avait été trompé et trompé de manière flagrante" par les États occidentaux, qui avaient assuré que l'Alliance de l'Atlantique Nord ne s'étendrait pas vers l'Est. Une vieille controverse basée sur les souvenirs (et les nombreux regrets) de Mikhail Gorbatchev. Tout a commencé par une interview accordée par le dernier secrétaire général du Parti communiste soviétique au Daily Telegraph le 7 mai 2008 : "Les Américains nous ont promis que l'OTAN ne dépasserait jamais les frontières de l'Allemagne après sa réunification, mais maintenant que la moitié de l'Europe centrale et orientale en est membre, je me demande ce qu'il est advenu des garanties qu'on nous avait données ? Leur déloyauté est un facteur très dangereux pour un avenir pacifique, car elle a montré au peuple russe qu'on ne peut pas leur faire confiance".
En d'autres occasions, le dirigeant déchu est revenu sur la question brûlante, regrettant d'avoir fait confiance aux paroles de Bush père et du sous-secrétaire d'État de l'époque, M. Baker, lors du sommet de Malte des 2 et 3 décembre 1989 (juste après la chute du mur de Berlin et à la veille de la désintégration du Pacte de Varsovie). Dans la petite île méditerranéenne, Baker a assuré au naïf Gorbatchev que "la juridiction de l'OTAN ne serait pas étendue d'un pouce à l'est". L'accord verbal était clair : si la Russie renonçait à son hégémonie sur l'Europe centrale et orientale, les États-Unis ne profiteraient en aucun cas de cette concession pour étendre leur influence et menacer la sécurité stratégique de la Russie. Cependant, ce gentlemen's agreement n'a jamais été formalisé par écrit et a été obstinément nié au fil des ans par les différentes administrations de Washington et leurs vassaux européens. Le dernier par ordre d'importance a été le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, qui, il y a quelques jours à peine, a sèchement répété que "personne, jamais, à aucun moment et en aucun lieu, n'avait fait de telles promesses à l'Union soviétique".
Alors, s'agit-il de la panoplie articulée par un vieil homme sénescent et/ou un truc de la propagande du Kremlin ? Apparemment non. Comme le diable fabrique des casseroles mais pas de couvercles, il reste toujours quelque chose dans les archives. C'est ainsi que l'hebdomadaire allemand faisant autorité, Der Spiegel, publie un document embarrassant dans son numéro actuel.
Il s'agit du procès-verbal - retrouvé aux Archives nationales britanniques par le politologue américain Joshua Shifrinson - de la réunion des directeurs politiques des ministères des Affaires étrangères des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France et de l'Allemagne, qui s'est tenue à Bonn, le 6 mars 1991. Le thème de la réunion était la sécurité en Europe centrale et orientale et les relations avec une Russie vaincue, découragée mais toujours capable, selon les participants, d'une réaction forte si sa sécurité était menacée, sans pour autant tenter de conclure avec elle un pacte durable d'amitié et de coopération économique et politique.
Face à l'hypothèse d'une demande de certains pays de l'ancien bloc soviétique (la Pologne in primis) de rejoindre l'OTAN, les Britanniques, les Américains, les Allemands et les Français ont convenu que cela était tout simplement "inacceptable". Au nom de Berlin, Jürgen Chrobog (photo), a déclaré : "Nous avons clairement indiqué lors des 'négociations 2 plus 4' sur la réunification allemande, avec la participation de la République fédérale d'Allemagne, de la République démocratique allemande, des États-Unis, de l'Union soviétique, de la Grande-Bretagne et de la France, que nous n'avions pas l'intention de faire avancer l'Alliance atlantique au-delà de l'Oder. Et par conséquent, nous ne pouvons pas donner à la Pologne ou à d'autres nations d'Europe centrale et orientale la possibilité de la rejoindre". Selon Chrobog, cette position avait été convenue avec le chancelier fédéral Helmut Kohl et le ministre des Affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher.
Comme le rapporte Der Spiegel, à la même occasion, le représentant américain, Raymond Seitz, a déclaré : "Nous avons officiellement promis à l'Union soviétique - dans les "pourparlers 2 plus 4", ainsi que dans d'autres contacts bilatéraux entre Washington et Moscou - que nous n'avons pas l'intention d'exploiter stratégiquement le retrait des troupes soviétiques d'Europe centrale orientale et que l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord ne doit pas s'étendre au-delà des frontières de la nouvelle Allemagne, que ce soit de manière formelle ou informelle". En bref, l'accord existait et était partagé par les principaux partenaires de l'Alliance atlantique. Puis "quelqu'un" a décidé qu'il valait mieux oublier toute promesse pour absorber au fil des ans toute l'Europe de l'Est, puis les pays baltes et, en perspective, l'Ukraine. Les résultats sont là pour que le monde entier puisse les voir.
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La crise en Ukraine ne concerne pas l'Ukraine. Il s'agit de l'Allemagne
La crise en Ukraine ne concerne pas l'Ukraine. Il s'agit de l'Allemagne
Mike Whitney
Source: https://www.unz.com/mwhitney/the-crisis-in-ukraine-is-not-about-ukraine-its-about-germany/
"L'intérêt primordial des États-Unis, pour lequel ils ont mené des guerres pendant des siècles - la Première, la Seconde et la Guerre froide - a été la relation entre l'Allemagne et la Russie, parce qu'unies, elles sont la seule force qui pourrait les menacer. Et nous devons nous assurer que cela ne se produise pas" (George Friedman, PDG de STRATFOR au Chicago Council on Foreign Affairs).
La crise ukrainienne n'a rien à voir avec l'Ukraine. Il s'agit de l'Allemagne et, en particulier, d'un gazoduc qui relie l'Allemagne à la Russie, appelé Nord Stream 2. Washington considère ce gazoduc comme une menace pour sa primauté en Europe et a tenté de saboter le projet à tout bout de champ. Malgré cela, le projet Nord Stream 2 est allé de l'avant et est maintenant entièrement opérationnel et prêt à être utilisé. Dès que les régulateurs allemands auront délivré la certification finale, les livraisons de gaz commenceront. Les propriétaires et les entreprises allemands disposeront d'une source fiable d'énergie propre et bon marché, tandis que la Russie verra ses revenus gaziers augmenter de manière significative. C'est une situation gagnant-gagnant pour les deux parties.
L'establishment de la politique étrangère américaine ne se réjouit pas de cette évolution. Ils ne veulent pas que l'Allemagne devienne plus dépendante du gaz russe, car le commerce crée la confiance et la confiance conduit à l'expansion du commerce. À mesure que les relations se réchauffent, les barrières commerciales sont levées, les réglementations sont assouplies, les voyages et le tourisme augmentent et une nouvelle architecture de sécurité se met en place. Dans un monde où l'Allemagne et la Russie sont des amis et des partenaires commerciaux, il n'y a plus besoin de bases militaires américaines, d'armes et de systèmes de missiles coûteux fabriqués aux États-Unis, ni de l'OTAN.
Il n'est pas non plus nécessaire de conclure des transactions énergétiques en dollars américains ou de stocker des bons du Trésor américain pour équilibrer les comptes. Les transactions entre partenaires commerciaux peuvent être effectuées dans leurs propres monnaies, ce qui ne manquera pas de précipiter une forte baisse de la valeur du dollar et un déplacement spectaculaire du pouvoir économique. C'est pourquoi l'administration Biden s'oppose au gazoduc Nord Stream 2.
Il ne s'agit pas seulement d'un gazoduc, mais d'une fenêtre sur l'avenir, un avenir dans lequel l'Europe et l'Asie se rapprochent dans une zone de libre-échange massive qui accroît leur puissance et leur prospérité mutuelles tout en laissant les États-Unis à l'écart. Le réchauffement des relations entre l'Allemagne et la Russie annonce la fin de l'ordre mondial "unipolaire" que les États-Unis ont supervisé au cours de ces 75 dernières années. Une alliance germano-russe menace de précipiter le déclin de la superpuissance qui se rapproche actuellement de l'abîme. C'est pourquoi Washington est déterminé à faire tout ce qu'il peut pour saboter Nord Stream 2 et maintenir l'Allemagne dans son orbite. C'est une question de survie.
C'est là que l'Ukraine entre en jeu. L'Ukraine est "l'arme de choix" de Washington pour torpiller Nord Stream 2 et créer un fossé entre l'Allemagne et la Russie. La stratégie est tirée de la première page du manuel de politique étrangère des États-Unis, sous la rubrique : Diviser pour mieux régner. Washington doit donner l'impression que la Russie représente une menace pour la sécurité de l'Europe. Tel est l'objectif. Ils doivent montrer que Poutine est un agresseur assoiffé de sang, au tempérament instable, à qui l'on ne peut faire confiance. À cette fin, les médias ont été chargés de répéter encore et encore que "la Russie prévoit d'envahir l'Ukraine".
Ce qui n'est pas dit, c'est que la Russie n'a envahi aucun pays depuis la dissolution de l'Union soviétique, que les États-Unis ont envahi ou renversé des régimes dans plus de 50 pays au cours de la même période et que les États-Unis maintiennent plus de 800 bases militaires dans le monde entier. Rien de tout cela n'est rapporté par les médias, au contraire, l'accent est mis sur le "méchant Poutine" qui a rassemblé environ 100.000 soldats le long de la frontière ukrainienne, menaçant de plonger toute l'Europe dans une nouvelle guerre sanglante.
Toute cette propagande de guerre hystérique est créée dans l'intention de fabriquer une crise qui puisse être utilisée pour isoler, diaboliser et, finalement, diviser la Russie en petites unités. La véritable cible, cependant, n'est pas la Russie, mais l'Allemagne. Regardez cet extrait d'un article de Michael Hudson sur The Unz Review :
"Le seul moyen qui reste aux diplomates américains pour bloquer les achats européens est de pousser la Russie à une réponse militaire, puis de prétendre que la vengeance qu'appelle cette réponse l'emporte sur tout intérêt économique purement national. Comme l'a expliqué la sous-secrétaire d'État aux affaires politiques, Victoria Nuland, lors d'un point de presse du département d'État le 27 janvier : "Si la Russie envahit l'Ukraine, d'une manière ou d'une autre, Nord Stream 2 n'avancera pas." ("America's Real Adversaries Are Its European and Other Allies", The Unz Review).
C'est écrit noir sur blanc. L'équipe Biden veut "pousser la Russie à une réponse militaire" afin de saboter Nord Stream 2. Cela implique qu'il y aura une sorte de provocation destinée à inciter Poutine à envoyer ses troupes de l'autre côté de la frontière pour défendre les Russes ethniques dans la partie orientale du pays. Si Poutine mord à l'hameçon, la réponse sera rapide et sévère. Les médias dénonceront cette action comme une menace pour toute l'Europe, tandis que les dirigeants du monde entier dénonceront Poutine comme le "nouvel Hitler". Voilà la stratégie de Washington en quelques mots, et toute la mise en scène est orchestrée dans un seul but : rendre politiquement impossible au chancelier allemand Olaf Scholz de faire passer Nord Stream 2 par la procédure d'approbation finale.
Compte tenu de ce que nous savons de l'opposition de Washington à Nord Stream 2, les lecteurs peuvent se demander pourquoi, plus tôt dans l'année, l'administration Biden a fait pression sur le Congrès pour qu'il n'impose pas davantage de sanctions au projet. La réponse à cette question est simple : la politique intérieure. L'Allemagne est en train de mettre hors service ses centrales nucléaires et a besoin de gaz naturel pour combler son déficit énergétique. En outre, la menace de sanctions économiques est un "repoussoir" pour les Allemands qui y voient un signe d'ingérence étrangère. "Pourquoi les États-Unis se mêlent-ils de nos décisions en matière d'énergie ?", demande l'Allemand moyen. "Washington devrait s'occuper de ses propres affaires et ne pas se mêler des nôtres". C'est précisément la réponse que l'on attendrait de toute personne raisonnable.
Ensuite, il y a cette déclaration d'Al Jazeera :
"Les Allemands dans leur majorité soutiennent le projet, ce ne sont que certaines parties de l'élite et des médias qui sont contre le gazoduc...".
"Plus les États-Unis parlent de sanctionner ou de critiquer le projet, plus il devient populaire dans la société allemande", a déclaré Stefan Meister, un expert de la Russie et de l'Europe de l'Est au Conseil allemand des relations étrangères." ("Nord Stream 2 : Why Russia's pipeline to Europe divides the West", AlJazeera)
L'opinion publique soutient donc fermement le Nord Stream 2, ce qui contribue à expliquer pourquoi Washington a opté pour une nouvelle approche. Les sanctions ne fonctionnant pas, l'Oncle Sam est passé au plan B : créer une menace extérieure suffisamment importante pour que l'Allemagne soit obligée de bloquer l'ouverture du gazoduc. Franchement, cette stratégie sent le désespoir, mais il faut être impressionné par la persévérance de Washington. Ils sont peut-être menés de 5 points dans la dernière ligne droite, mais ils n'ont pas encore jeté l'éponge. Ils vont se donner une dernière chance et voir s'ils peuvent faire des progrès.
Lundi, le président Biden a tenu sa première conférence de presse conjointe avec le chancelier allemand Olaf Scholz à la Maison Blanche. Le battage médiatique qui a entouré cet événement était tout simplement sans précédent. Tout a été orchestré pour fabriquer une "atmosphère de crise" que Biden a utilisée pour faire pression sur le chancelier dans le sens de la politique américaine. Plus tôt dans la semaine, la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki, a déclaré à plusieurs reprises qu'une "invasion russe était imminente". Ses commentaires ont été suivis par le porte-parole du département d'État, Nick Price, qui a déclaré que les agences de renseignement lui avaient fourni les détails d'une opération sous faux drapeau prétendument soutenue par la Russie, qui devrait avoir lieu dans un avenir proche dans l'est de l'Ukraine. L'avertissement de M. Price a été suivi dimanche matin par le conseiller à la sécurité nationale Jake Sullivan, qui a déclaré qu'une invasion russe pouvait se produire à tout moment, peut-être "même demain". Ceci quelques jours seulement après que l'agence Bloomberg News ait publié son titre sensationnel et totalement faux selon lequel "La Russie envahit l'Ukraine".
Pouvez-vous percevoir le schéma ici ? Pouvez-vous percevoir comment ces affirmations sans fondement ont toutes été utilisées pour faire pression sur le chancelier allemand, qui ne se doutait de rien et ne semblait pas conscient de la campagne qui le visait ?
Comme on pouvait s'y attendre, le coup de grâce a été porté par le président américain lui-même. Au cours de la conférence de presse, Biden a déclaré avec insistance que,
"Si la Russie nous envahit [...], il n'y aura plus [de] Nord Stream 2. Nous y mettrons fin".
Donc, maintenant, Washington décide de la politique de l'Allemagne ???
Quelle arrogance insupportable !
Le chancelier allemand a été décontenancé par les commentaires de Biden, qui ne faisaient manifestement pas partie du scénario initial. Malgré cela, Scholz n'a jamais accepté d'annuler Nord Stream 2 et a même refusé de mentionner le gazoduc par son nom. Si Biden pensait pouvoir intimider le dirigeant de la troisième plus grande économie du monde en le coinçant dans un forum public, il s'est trompé. L'Allemagne reste déterminée à lancer le projet Nord Stream 2, indépendamment d'éventuels embrasements dans la lointaine Ukraine. Mais cela pourrait changer à tout moment. Après tout, qui sait quelles incitations Washington pourrait préparer dans un avenir proche? Qui sait combien de vies ils sont prêts à sacrifier pour créer un fossé entre l'Allemagne et la Russie? Qui sait quels risques Biden est prêt à prendre pour ralentir le déclin de l'Amérique et empêcher l'émergence d'un nouvel ordre mondial "polycentrique"? Tout peut arriver dans les semaines à venir. Tout.
Pour l'instant, c'est l'Allemagne qui est sur la sellette. C'est à Scholz de décider comment l'affaire sera réglée. Va-t-il mettre en œuvre la politique qui sert le mieux les intérêts du peuple allemand ou va-t-il céder aux pressions incessantes de Biden? Tracera-t-il une nouvelle voie qui renforcera les nouvelles alliances dans le corridor eurasiatique en pleine effervescence ou soutiendra-t-il les folles ambitions géopolitiques de Washington? Acceptera-t-il le rôle central de l'Allemagne dans un nouvel ordre mondial - dans lequel de nombreux centres de pouvoir émergents partagent équitablement la gouvernance mondiale et où les dirigeants restent indéfectiblement engagés en faveur du multilatéralisme, du développement pacifique et de la sécurité pour tous - ou tentera-t-il de soutenir le système d'après-guerre en lambeaux qui a clairement dépassé sa durée de vie?
Une chose est sûre : quelle que soit la décision de l'Allemagne, elle nous affectera tous.
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dimanche, 20 février 2022
Les véritables adversaires de l'Amérique sont ses alliés européens et autres
Les véritables adversaires de l'Amérique sont ses alliés européens et autres
L'objectif des États-Unis est de les empêcher de commercer avec la Chine et la Russie
Michael Hudson
Source: https://www.unz.com/mhudson/americas-real-adversaries-are-its-european-and-other-allies/
Le rideau de fer des années 1940 et 1950 était ostensiblement conçu pour isoler la Russie de l'Europe occidentale - pour empêcher l'idéologie communiste et la pénétration militaire. Aujourd'hui, le régime de sanctions est tourné vers l'intérieur, pour empêcher l'OTAN et les autres alliés occidentaux de l'Amérique de développer le commerce et les investissements avec la Russie et la Chine. L'objectif n'est pas tant d'isoler la Russie et la Chine que de maintenir fermement ces alliés dans l'orbite économique de l'Amérique. Les alliés doivent renoncer aux avantages liés à l'importation de gaz russe et de produits chinois et acheter du GNL et d'autres exportations américaines à des prix beaucoup plus élevés, le tout couronné par davantage d'armes américaines.
Les sanctions sur lesquelles les diplomates américains insistent tant pour que leurs alliés les imposent au détriment du commerce avec la Russie et la Chine visent ostensiblement à dissuader un renforcement militaire de ces deux puissances. Mais un tel renforcement ne peut pas vraiment être la principale préoccupation des Russes et des Chinois. Elles ont beaucoup plus à gagner en offrant des avantages économiques mutuels à l'Occident. La question sous-jacente est donc de savoir si l'Europe trouvera son avantage à remplacer les exportations américaines par des fournitures russes et chinoises et à promouvoir des liens économiques mutuels associés.
Ce qui inquiète les diplomates américains, c'est que l'Allemagne, les autres pays de l'OTAN et les pays situés le long de la route "Belt and Road" comprennent les gains qui peuvent être réalisés en ouvrant le commerce et les investissements de manière pacifique. S'il n'existe aucun plan russe ou chinois pour les envahir ou les bombarder, pourquoi l'OTAN est-elle nécessaire ? Pourquoi les riches alliés de l'Amérique achètent-ils autant de matériel militaire américain ? Et s'il n'y a pas de relation intrinsèquement conflictuelle, pourquoi les pays étrangers doivent-ils sacrifier leurs propres intérêts commerciaux et financiers en comptant exclusivement sur les exportateurs et les investisseurs américains ?
Ce sont ces préoccupations qui ont poussé le président français Macron à invoquer le fantôme de Charles de Gaulle et à exhorter l'Europe à se détourner de ce qu'il appelle la guerre froide "sans cervelle" de l'OTAN et à rompre avec les accords commerciaux pro-américains qui imposent des coûts croissants à l'Europe tout en la privant des gains potentiels du commerce avec l'Eurasie. Même l'Allemagne rechigne à l'idée de geler ses activités en mars prochain en se privant du gaz russe.
Au lieu d'une réelle menace militaire de la part de la Russie et de la Chine, le problème pour les stratèges américains est l'absence d'une telle menace. Tous les pays ont pris conscience que le monde a atteint un point où aucune économie industrielle n'a la main-d'œuvre et la capacité politique de mobiliser une armée permanente de la taille nécessaire pour envahir ou même livrer une bataille majeure contre un adversaire important. Ce coût politique fait qu'il n'est pas rentable pour la Russie de riposter à l'aventurisme de l'OTAN à sa frontière occidentale en essayant de susciter une réponse militaire. Cela ne vaut tout simplement pas la peine de s'emparer de l'Ukraine.
La pression croissante de l'Amérique sur ses alliés menace de les faire sortir de l'orbite américaine. Pendant plus de 75 ans, ils n'ont eu que peu d'alternatives pratiques à l'hégémonie américaine. Mais cela est en train de changer. L'Amérique ne dispose plus de la puissance monétaire et de l'excédent commercial et de la balance des paiements apparemment chronique qui lui ont permis d'élaborer les règles du commerce et de l'investissement dans le monde en 1944-45. La menace qui pèse sur la domination américaine est que la Chine, la Russie et le cœur de l'île-monde eurasienne de Mackinder offrent de meilleures opportunités de commerce et d'investissement que celles offertes par les États-Unis, qui demandent de plus en plus désespérément des sacrifices à leurs alliés de l'OTAN et autres.
L'exemple le plus flagrant est la volonté des États-Unis d'empêcher l'Allemagne d'autoriser la construction du gazoduc Nord Stream 2 afin d'obtenir du gaz russe pour les prochains froids. Angela Merkel s'est mise d'accord avec Donald Trump pour dépenser un milliard de dollars dans la construction d'un nouveau port GNL afin de devenir plus dépendante du GNL américain, dont le prix est élevé. (Le plan a été annulé après que les élections américaines et allemandes ont congédié les deux dirigeants). Mais l'Allemagne n'a pas d'autre moyen de chauffer un grand nombre de ses maisons et immeubles de bureaux (ou d'approvisionner ses entreprises d'engrais) que le gaz russe.
Le seul moyen qui reste aux diplomates américains pour bloquer les achats européens est d'inciter la Russie à une réponse militaire, puis de prétendre que la vengeance qu'appelle cette réponse l'emporte sur tout intérêt économique purement national. Comme l'a expliqué la sous-secrétaire d'État aux affaires politiques, Victoria Nuland, lors d'un point de presse du département d'État le 27 janvier : "Si la Russie envahit l'Ukraine, d'une manière ou d'une autre, Nord Stream 2 n'avancera pas" [1]. Le problème est de créer un incident suffisamment offensif et de dépeindre la Russie comme l'agresseur.
Nuland a exprimé succinctement qui dictait les politiques des membres de l'OTAN en 2014 : "J'emmerde l'UE" ("Fuck the EU"). Cela a été dit alors qu'elle disait à l'ambassadeur américain en Ukraine que le département d'État soutenait la marionnette Arseniy Yatsenyuk comme premier ministre ukrainien (destitué après deux ans dans un scandale de corruption), et que les agences politiques américaines soutenaient le massacre sanglant de Maidan qui a inauguré ce qui est maintenant huit ans de guerre civile. Le résultat a dévasté l'Ukraine comme la violence américaine l'avait fait en Syrie, en Irak et en Afghanistan. Ce n'est pas une politique de paix mondiale ou de démocratie que les électeurs européens approuvent.
Les sanctions commerciales imposées par les États-Unis à leurs alliés de l'OTAN s'étendent à tout le spectre commercial. La Lituanie, en proie à l'austérité, a renoncé à son fromage et à son marché agricole en Russie, et empêche son chemin de fer public de transporter de la potasse du Belarus vers le port balte de Klaipeda. Le propriétaire majoritaire du port s'est plaint que "la Lituanie perdra des centaines de millions de dollars en stoppant les exportations biélorusses via Klaipeda" et "pourrait faire face à des poursuites judiciaires de 15 milliards de dollars pour rupture de contrat" [2]. La Lituanie a même accepté de reconnaître Taïwan sous l'impulsion des États-Unis, ce qui a conduit la Chine à refuser d'importer des produits allemands ou autres comprenant des composants fabriqués en Lituanie.
L'Europe va imposer des sanctions, ce qui provoquera la hausse des prix de l'énergie et de l'agriculture en donnant la priorité aux importations en provenance des États-Unis et en renonçant aux liens avec la Russie, le Belarus et d'autres pays en dehors de la zone dollar. Comme le dit Sergey Lavrov: "Lorsque les États-Unis pensent que quelque chose sert leurs intérêts, ils peuvent trahir ceux avec qui ils étaient amis, avec qui ils ont coopéré et qui ont servi leurs positions dans le monde entier" [3].
Les sanctions imposées par l'Amérique à ses alliés nuisent à leurs propres économies, pas à celles de la Russie et de la Chine.
Ce qui semble ironique, c'est que ces sanctions contre la Russie et la Chine ont fini par aider ces deux puissances plutôt que de leur nuire. Mais l'objectif premier n'était ni de nuire ni d'aider les économies russe et chinoise. Après tout, il est évident que les sanctions obligent les pays visés à devenir plus autonomes. Privés de fromage lituanien, les producteurs russes ont produit le leur et n'ont plus besoin de l'importer des pays baltes. La rivalité économique sous-jacente de l'Amérique vise à maintenir les pays européens et ses alliés asiatiques dans son orbite économique de plus en plus protégée. On dit à l'Allemagne, à la Lituanie et à d'autres alliés d'imposer des sanctions dirigées contre leur propre bien-être économique en ne faisant pas de commerce avec des pays situés en dehors de l'orbite de la zone dollar des États-Unis.
Indépendamment de la menace d'une guerre réelle résultant du bellicisme des États-Unis, le coût pour les alliés de l'Amérique de se soumettre aux exigences américaines en matière de commerce et d'investissement devient si élevé qu'il est politiquement irréalisable. Depuis près d'un siècle, il n'y a guère eu d'autre choix que d'accepter des règles de commerce et d'investissement favorisant l'économie américaine pour bénéficier du soutien financier et commercial des États-Unis, voire de leur sécurité militaire. Mais une alternative menace aujourd'hui d'émerger - une alternative offrant les avantages de l'initiative "Belt and Road" de la Chine, et du désir de la Russie de bénéficier d'investissements étrangers pour l'aider à moderniser son organisation industrielle, comme cela semblait promis il y a trente ans, en 1991.
Depuis les dernières années de la Seconde Guerre mondiale, la diplomatie américaine a cherché à contraindre la Grande-Bretagne, la France et surtout l'Allemagne et le Japon vaincus à devenir des dépendances économiques et militaires des États-Unis. Comme je l'ai documenté dans Super Impérialism, les diplomates américains ont brisé l'Empire britannique et absorbé sa zone sterling par les conditions onéreuses imposées d'abord par le Prêt-Bail et ensuite par l'Accord de prêt anglo-américain de 1946. Les conditions de ce dernier obligeaient la Grande-Bretagne à renoncer à sa politique de préférence impériale et à débloquer les soldes en livres sterling que l'Inde et d'autres colonies avaient accumulés pour leurs exportations de matières premières pendant la guerre, ouvrant ainsi le Commonwealth britannique aux exportations américaines.
La Grande-Bretagne s'engage à ne pas récupérer ses marchés d'avant-guerre en dévaluant la livre sterling. Les diplomates américains créent alors le FMI et la Banque mondiale dans des conditions qui favorisent les marchés d'exportation américains et découragent la concurrence de la Grande-Bretagne et d'autres anciens rivaux. Les débats à la Chambre des Lords et à la Chambre des Communes ont montré que les politiciens britanniques reconnaissaient qu'ils étaient relégués à une position économique subalterne, mais qu'ils n'avaient pas d'autre choix. Et une fois qu'ils ont abandonné, les diplomates américains ont eu les coudées franches pour affronter le reste de l'Europe.
La puissance financière a permis à l'Amérique de continuer à dominer la diplomatie occidentale, bien qu'elle ait été contrainte de renoncer à l'or en 1971 en raison des coûts de balance des paiements de ses dépenses militaires à l'étranger. Au cours du dernier demi-siècle, les pays étrangers ont conservé leurs réserves monétaires internationales en dollars américains - principalement dans des titres du Trésor américain, des comptes bancaires américains et d'autres investissements financiers dans l'économie américaine. La norme des bons du Trésor oblige les banques centrales étrangères à financer le déficit de la balance des paiements de l'Amérique, basé sur l'armée - et par la même occasion, le déficit budgétaire du gouvernement national.
Les États-Unis n'ont pas besoin de ce recyclage pour créer de la monnaie. Le gouvernement peut simplement imprimer de la monnaie, comme l'a démontré le MMT. Mais les États-Unis ont besoin de ce recyclage des dollars des banques centrales étrangères pour équilibrer leurs paiements internationaux et soutenir le taux de change du dollar. Si le dollar devait baisser, les pays étrangers auraient beaucoup plus de facilité à payer leurs dettes internationales en dollars dans leur propre monnaie. Les prix des importations américaines augmenteraient, et il serait plus coûteux pour les investisseurs américains d'acheter des actifs étrangers. Et les étrangers perdraient de l'argent sur les actions et obligations américaines libellées dans leur propre monnaie, et les abandonneraient. Les banques centrales en particulier subiraient une perte sur les obligations du Trésor en dollars qu'elles détiennent dans leurs réserves monétaires - et trouveraient leur intérêt à sortir du dollar. Ainsi, la balance des paiements et le taux de change des États-Unis sont tous deux menacés par la belligérance et les dépenses militaires des États-Unis dans le monde entier - et pourtant, les diplomates américains tentent de stabiliser la situation en augmentant la menace militaire à des niveaux de crise.
La volonté des États-Unis de maintenir leurs protectorats européens et est-asiatiques enfermés dans leur propre sphère d'influence est menacée par l'émergence de la Chine et de la Russie indépendamment des États-Unis, tandis que l'économie américaine se désindustrialise en raison de ses propres choix politiques délibérés. La dynamique industrielle qui a rendu les Etats-Unis si dominants de la fin du 19ème siècle jusqu'aux années 1970 a laissé place à une financiarisation néolibérale évangélisatrice. C'est pourquoi les diplomates américains doivent faire un bras d'honneur à leurs alliés pour bloquer leurs relations économiques avec la Russie post-soviétique et la Chine socialiste, dont la croissance est supérieure à celle des États-Unis et dont les accords commerciaux offrent plus de possibilités de gains mutuels.
La question est de savoir combien de temps les États-Unis peuvent empêcher leurs alliés de profiter de la croissance économique de la Chine. L'Allemagne, la France et d'autres pays de l'OTAN vont-ils rechercher la prospérité pour eux-mêmes au lieu de laisser l'étalon dollar américain et les préférences commerciales siphonner leur excédent économique ?
La diplomatie pétrolière et le rêve américain pour la Russie post-soviétique
En 1991, Gorbatchev et d'autres responsables russes s'attendaient à ce que leur économie se tourne vers l'Ouest pour être réorganisée selon les principes qui avaient rendu les économies américaine, allemande et autres si prospères. L'attente mutuelle de la Russie et de l'Europe occidentale était que les investisseurs allemands, français et autres restructurent l'économie post-soviétique selon des principes plus efficaces.
Ce n'était pas le plan des États-Unis. Lorsque le sénateur John McCain a qualifié la Russie de "station-service avec des bombes atomiques", c'était le rêve des Américains de ce qu'ils voulaient que la Russie devienne - avec les compagnies de gaz russes passant sous le contrôle d'actionnaires américains, en commençant par le rachat prévu de Yukos tel qu'il a été arrangé avec Mikhail Khordokovsky. La dernière chose que les stratèges américains voulaient voir, c'était une Russie florissante et revivifiée. Les conseillers américains ont cherché à privatiser les ressources naturelles de la Russie et d'autres actifs non industriels, en les confiant à des kleptocrates qui ne pouvaient "encaisser" la valeur de ce qu'ils avaient privatisé qu'en le vendant aux investisseurs américains et étrangers contre des devises fortes. Le résultat a été un effondrement économique et démographique néolibéral dans tous les États post-soviétiques.
D'une certaine manière, l'Amérique s'est transformée en sa propre version d'une station-service avec des bombes atomiques (et des exportations d'armes). La diplomatie pétrolière américaine vise à contrôler le commerce mondial du pétrole afin que ses énormes profits reviennent aux grandes compagnies pétrolières américaines. C'est pour maintenir le pétrole iranien entre les mains de British Petroleum que Kermit Roosevelt, de la CIA, a collaboré avec l'Anglo-Persian Oil Company de British Petroleum pour renverser le dirigeant élu de l'Iran, Mohammed Mossadegh, en 1954, lorsque celui-ci a cherché à nationaliser la compagnie après qu'elle ait refusé, décennie après décennie, d'apporter les contributions promises à l'économie. Après avoir installé le Shah, dont la démocratie reposait sur un État policier vicieux, l'Iran a menacé une fois de plus d'agir en tant que maître de ses propres ressources pétrolières. Il a donc été une nouvelle fois confronté aux sanctions parrainées par les États-Unis, qui restent en vigueur aujourd'hui. L'objectif de ces sanctions est de maintenir le commerce mondial du pétrole fermement sous le contrôle des États-Unis, car le pétrole est une énergie et l'énergie est la clé de la productivité et du PIB réel.
Dans les cas où des gouvernements étrangers tels que l'Arabie saoudite et les pétro-monarchies arabes voisines ont pris le contrôle, les recettes d'exportation de leur pétrole doivent être déposées sur les marchés financiers américains pour soutenir le taux de change du dollar et la domination financière américaine. Lorsqu'ils ont quadruplé leurs prix du pétrole en 1973-74 (en réponse au quadruplement par les États-Unis des prix de leurs exportations de céréales), le Département d'État américain a fait la loi et a dit à l'Arabie saoudite qu'elle pouvait faire payer son pétrole autant qu'elle le voulait (augmentant ainsi le parapluie des prix pour les producteurs de pétrole américains), mais qu'elle devait se conformer à la loi des producteurs de pétrole américains), qu'elle devait recycler ses recettes d'exportation de pétrole aux États-Unis dans des titres libellés en dollars - principalement des titres du Trésor américain et des comptes bancaires américains, ainsi que quelques participations minoritaires dans des actions et obligations américaines (mais uniquement en tant qu'investisseurs passifs, sans utiliser ce pouvoir financier pour contrôler la politique des entreprises).
Le deuxième mode de recyclage des revenus de l'exportation du pétrole a consisté à acheter des exportations d'armes américaines, l'Arabie saoudite devenant l'un des plus gros clients du complexe militaro-industriel. En réalité, la production d'armes des États-Unis n'est pas principalement de nature militaire. Comme le monde entier le constate actuellement dans le tumulte autour de l'Ukraine, l'Amérique n'a pas d'armée de combat. Ce qu'elle a, c'est ce qu'on appelait autrefois une "armée alimentaire". La production d'armes aux États-Unis emploie de la main-d'œuvre et produit des armes qui sont une sorte de bien de prestige dont les gouvernements peuvent se vanter, et non des armes de combat. Comme la plupart des produits de luxe, la majoration est très élevée. C'est l'essence même de la haute couture et du style, après tout. Le MIC utilise ses bénéfices pour subventionner la production civile américaine d'une manière qui ne viole pas la lettre des lois commerciales internationales contre les subventions gouvernementales.
Parfois, bien sûr, la force militaire est effectivement utilisée. En Irak, George W. Bush puis Barack Obama ont utilisé l'armée pour s'emparer des réserves de pétrole du pays, ainsi que de celles de la Syrie et de la Libye. Le contrôle du pétrole mondial a été le pilier de la balance des paiements de l'Amérique. Malgré la volonté mondiale de ralentir le réchauffement de la planète, les responsables américains continuent de considérer le pétrole comme la clé de la suprématie économique des États-Unis. C'est la raison pour laquelle l'armée américaine refuse toujours d'obéir aux ordres de l'Irak de quitter son pays, y gardant ses troupes pour contrôler le pétrole irakien, et c'est aussi pourquoi elle a accepté avec les Français de détruire la Libye et a toujours des troupes dans les champs pétrolifères de la Syrie. Plus près de nous, le président Biden a approuvé le forage en mer et soutient l'expansion par le Canada de ses sables bitumineux de l'Athabasca, le pétrole le plus sale du monde sur le plan environnemental.
Outre les exportations de pétrole et de denrées alimentaires, les exportations d'armes soutiennent le financement par les bons du Trésor des dépenses militaires américaines dans ses 750 bases à l'étranger. Mais sans un ennemi permanent qui menace constamment aux portes, l'existence de l'OTAN s'effondre. Quel serait le besoin des pays d'acheter des sous-marins, des porte-avions, des avions, des chars, des missiles et autres armes ?
À mesure que les États-Unis se désindustrialisent, le déficit de leur commerce et de leur balance des paiements devient plus problématique. Ils ont besoin des ventes à l'exportation d'armes pour contribuer à réduire leur déficit commercial croissant et aussi pour subventionner leurs avions commerciaux et les secteurs civils connexes. Le défi consiste à maintenir sa prospérité et sa position dominante dans le monde alors qu'elle se désindustrialise et que la croissance économique s'accélère en Chine et maintenant en Russie.
L'Amérique a perdu son avantage en matière de coûts industriels en raison de la forte augmentation du coût de la vie et des affaires dans son économie rentière post-industrielle financiarisée. En outre, comme l'expliquait Seymour Melman dans les années 1970, le capitalisme du Pentagone repose sur des contrats à prix coûtant majoré : Plus le matériel militaire coûte cher, plus les fabricants en tirent profit. Les armes américaines sont donc sur-ingénieriées - d'où les sièges de toilettes à 500 dollars au lieu d'un modèle à 50 dollars. Après tout, le principal attrait des produits de luxe, y compris le matériel militaire, est leur prix élevé.
C'est dans ce contexte que s'inscrit la colère des États-Unis, qui n'ont pas réussi à s'emparer des ressources pétrolières de la Russie, et qui ont vu la Russie se libérer militairement pour créer ses propres exportations d'armes, qui sont aujourd'hui généralement meilleures et beaucoup moins coûteuses que celles des États-Unis. Non seulement ses ventes de pétrole rivalisent avec celles du GNL américain, mais la Russie garde ses recettes d'exportation de pétrole chez elle pour financer sa réindustrialisation, afin de reconstruire l'économie qui a été détruite par la "thérapie" de choc parrainée par les États-Unis dans les années 1990.
La ligne de moindre résistance pour la stratégie américaine qui cherche à maintenir le contrôle de l'approvisionnement mondial en pétrole tout en conservant son marché d'exportation d'armes de luxe via l'OTAN consiste à crier au loup et à insister sur le fait que la Russie est sur le point d'envahir l'Ukraine - comme si la Russie avait quelque chose à gagner d'une guerre de bourbier sur l'économie la plus pauvre et la moins productive d'Europe. L'hiver 2021-22 a été marqué par une longue tentative des États-Unis d'inciter l'OTAN et la Russie à se battre - sans succès.
Les États-Unis rêvent d'une Chine néolibéralisée comme filiale d'une entreprise américaine
L'Amérique s'est désindustrialisée par une politique délibérée de réduction des coûts de production, ses entreprises manufacturières recherchant une main-d'œuvre à bas salaire à l'étranger, notamment en Chine. Ce changement n'était pas une rivalité avec la Chine, mais était considéré comme un gain mutuel. Les banques et les investisseurs américains devaient s'assurer le contrôle et les profits de l'industrie chinoise au fur et à mesure de sa commercialisation. La rivalité opposait les employeurs américains aux travailleurs américains, et l'arme de la lutte des classes était la délocalisation et, dans le même temps, la réduction des dépenses sociales du gouvernement.
À l'instar de la Russie, qui cherche à obtenir du pétrole, des armes et du commerce agricole indépendamment du contrôle des États-Unis, l'offensive de la Chine consiste à garder les bénéfices de son industrialisation sur son territoire, à conserver la propriété publique d'importantes sociétés et, surtout, à conserver la création monétaire et la Banque de Chine en tant que service public pour financer sa propre formation de capital au lieu de laisser les banques et les maisons de courtage américaines fournir son financement et siphonner son excédent sous forme d'intérêts, de dividendes et de frais de gestion. La seule grâce à laquelle les planificateurs d'entreprise américains ont pu être sauvés a été le rôle de la Chine dans la dissuasion de l'augmentation des salaires américains en fournissant une source de main-d'œuvre à bas prix pour permettre aux fabricants américains de délocaliser et d'externaliser leur production.
La guerre de classe du parti démocrate contre les travailleurs syndiqués a commencé sous l'administration Carter et s'est considérablement accélérée lorsque Bill Clinton a ouvert la frontière sud avec l'ALENA. Une série de maquiladoras ont été créées le long de la frontière pour fournir une main-d'œuvre artisanale à bas prix. Ces maquiladoras sont devenues un centre de profit si prospère que Clinton a fait pression pour que la Chine soit admise au sein de l'Organisation mondiale du commerce en décembre 2001, au cours du dernier mois de son administration. Le rêve était que la Chine devienne un centre de profit pour les investisseurs américains, produisant pour les entreprises américaines et finançant ses investissements (ainsi que le logement et les dépenses publiques, espérait-on) en empruntant des dollars américains et en organisant son industrie dans un marché boursier qui, comme celui de la Russie en 1994-96, deviendrait un fournisseur de premier plan de financement et de gains en capital pour les investisseurs américains et étrangers.
Walmart, Apple et de nombreuses autres entreprises américaines ont organisé des sites de production en Chine, ce qui impliquait nécessairement des transferts de technologie et la création d'une infrastructure efficace pour le commerce d'exportation. Goldman Sachs a mené l'incursion financière et a contribué à l'envolée du marché boursier chinois. Tout cela, c'est ce que l'Amérique avait préconisé.
Où le rêve néolibéral américain de la guerre froide a-t-il échoué ? Pour commencer, la Chine n'a pas suivi la politique de la Banque mondiale consistant à inciter les gouvernements à emprunter en dollars pour engager des sociétés d'ingénierie américaines afin de fournir des infrastructures d'exportation. Elle s'est industrialisée à peu près de la même manière que les États-Unis et l'Allemagne à la fin du XIXe siècle : En investissant massivement dans les infrastructures pour fournir les besoins de base à des prix subventionnés ou gratuitement, des soins de santé à l'éducation, des transports aux communications, afin de minimiser le coût de la vie que les employeurs et les exportateurs devaient payer. Plus important encore, la Chine a évité le service de la dette extérieure en créant sa propre monnaie et en gardant les installations de production les plus importantes entre ses mains.
Les exigences des États-Unis poussent leurs alliés à quitter l'orbite commerciale et monétaire dollar-OTAN
Comme dans une tragédie grecque classique, la politique étrangère des États-Unis entraîne précisément le résultat qu'ils craignent le plus. En surjouant avec leurs propres alliés de l'OTAN, les diplomates américains sont en train de réaliser le scénario cauchemardesque de Kissinger, en rapprochant la Russie et la Chine. Alors que les alliés de l'Amérique doivent supporter les coûts des sanctions américaines, la Russie et la Chine en profitent en étant obligées de diversifier et de rendre leurs propres économies indépendantes de la dépendance des fournisseurs américains de nourriture et d'autres besoins fondamentaux. Surtout, ces deux pays créent leurs propres systèmes de crédit et de compensation bancaire dédollarisés, et détiennent leurs réserves monétaires internationales sous forme d'or, d'euros et de devises de l'autre pays pour mener leurs échanges et investissements mutuels.
Cette dédollarisation offre une alternative à la capacité unipolaire des États-Unis à obtenir des crédits étrangers gratuits via l'étalon des bons du Trésor américain pour les réserves monétaires mondiales. À mesure que les pays étrangers et leurs banques centrales dédollarisent, qu'est-ce qui soutiendra le dollar ? Sans la ligne de crédit gratuite fournie par les banques centrales qui recyclent automatiquement les dépenses militaires et autres dépenses étrangères de l'Amérique vers l'économie américaine (avec un rendement minime), comment les États-Unis peuvent-ils équilibrer leurs paiements internationaux face à leur désindustrialisation ?
Les États-Unis ne peuvent pas simplement inverser leur désindustrialisation et leur dépendance à l'égard de la main-d'œuvre chinoise et asiatique en rapatriant la production chez eux. Ils ont intégré des frais généraux de rente trop élevés dans leur économie pour que leur main-d'œuvre puisse être compétitive au niveau international, étant donné les exigences budgétaires des salariés américains pour payer les coûts élevés et croissants du logement et de l'éducation, le service de la dette et l'assurance maladie, ainsi que les services d'infrastructure privatisés.
La seule façon pour les États-Unis de maintenir leur équilibre financier international est de fixer un prix de monopole pour leurs exportations d'armes, de produits pharmaceutiques brevetés et de technologies de l'information, et d'acheter le contrôle des secteurs de production les plus lucratifs et potentiellement rentiers à l'étranger - en d'autres termes, de diffuser la politique économique néolibérale dans le monde entier d'une manière qui oblige les autres pays à dépendre des prêts et des investissements américains.
Ce n'est pas une façon pour les économies nationales de se développer. L'alternative à la doctrine néolibérale réside dans les politiques de croissance de la Chine, qui suivent la même logique industrielle de base que celle qui a permis à la Grande-Bretagne, aux États-Unis, à l'Allemagne et à la France d'accéder à la puissance industrielle lors de leurs propres décollages industriels, avec un soutien gouvernemental fort et des programmes de dépenses sociales.
Les États-Unis ont abandonné cette politique industrielle traditionnelle depuis les années 1980. Ils imposent à leur propre économie les politiques néolibérales qui ont désindustrialisé le Chili pinochetiste, la Grande-Bretagne thatchérienne et les anciennes républiques soviétiques post-industrielles, les pays baltes et l'Ukraine depuis 1991. Sa prospérité, fortement polarisée et endettée, repose sur le gonflement des prix de l'immobilier et des titres et sur la privatisation des infrastructures.
Ce néolibéralisme a été la voie suivie pour aboutir à une économie en faillite et, de fait, à un État en faillite, obligé de subir la déflation de la dette, l'augmentation des prix du logement et des loyers alors que le taux d'occupation par les propriétaires diminue, ainsi que des coûts médicaux et autres coûts exorbitants résultant de la privatisation de ce que d'autres pays fournissent gratuitement ou à des prix subventionnés en tant que droits de l'homme - soins de santé, éducation, assurance médicale et pensions.
Le succès de la politique industrielle de la Chine, avec une économie mixte et un contrôle étatique du système monétaire et de crédit, a conduit les stratèges américains à craindre que les économies d'Europe occidentale et d'Asie ne trouvent leur avantage dans une intégration plus étroite avec la Chine et la Russie. Les États-Unis ne semblent avoir aucune réponse à un tel rapprochement mondial avec la Chine et la Russie, si ce n'est des sanctions économiques et une belligérance militaire. Cette position de nouvelle guerre froide coûte cher, et d'autres pays rechignent à supporter le coût d'un conflit qui n'a aucun avantage pour eux et qui, en fait, menace de déstabiliser leur propre croissance économique et leur indépendance politique.
Sans subvention de la part de ces pays, d'autant plus que la Chine, la Russie et leurs voisins dédollarisent leurs économies, comment les États-Unis peuvent-ils maintenir les coûts de la balance des paiements de leurs dépenses militaires à l'étranger ? Réduire ces dépenses et retrouver une autonomie industrielle et une puissance économique compétitive nécessiterait une transformation de la politique américaine. Un tel changement semble improbable, mais sans lui, combien de temps l'économie rentière post-industrielle de l'Amérique pourra-t-elle réussir à forcer les autres pays à lui fournir l'affluence économique (littéralement un afflux) qu'elle ne produit plus chez elle ?
Notes
[1] https://www.state.gov/briefings/department-press-briefing-january-27-2022/ . Faisant fi des commentaires des journalistes selon lesquels "ce que les Allemands ont dit publiquement ne correspond pas à ce que vous dites exactement", elle a expliqué la tactique des États-Unis pour bloquer Nord Stream 2. Contrecarrant l'argument d'un journaliste selon lequel "tout ce qu'ils ont à faire est de l'allumer", elle a déclaré : "Comme le sénateur Cruz aime à le dire, c'est actuellement un morceau de métal au fond de l'océan. Il doit être testé. Il doit être certifié. Il doit avoir une approbation réglementaire." Pour un examen récent de la géopolitique de plus en plus tendue à l'œuvre, voir John Foster, "Pipeline Politics hits Multipolar Realities : Nord Stream 2 et la crise ukrainienne", Counterpunch, 3 février 2022.
[2] Andrew Higgins, "Fueling a Geopolitical Tussle in Eastern Europe : Fertilizer", The New York Times, 31 janvier 2022. Le propriétaire prévoit de poursuivre le gouvernement lituanien pour obtenir de lourds dommages et intérêts.
[3] Ministère russe des Affaires étrangères, "Réponses du ministre des Affaires étrangères Sergey Lavrov aux questions du programme Voskresnoye Vremya de Channel One", Moscou, 30 janvier 2022. Johnson's Russia List, 31 janvier 2022, n° 9.
16:14 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, états-unis, chine, russie, europe, politique internationale, affaires européennes, géopolitique, économie | | del.icio.us | | Digg | Facebook
L'expansion de l'OTAN et la réponse possible de la Russie
L'expansion de l'OTAN et la réponse possible de la Russie
Par Leonid Savin*
Source: https://firmas.prensa-latina.cu/index.php?opcion=ver-article&cat=S&authorID=291&articleID=2920&SEO=savin-leonid-expansion-de-la-otan-y-posible-respuesta-de-rusia&fbclid=IwAR0PtPOLJnXBINm7CTjyHgKMoVp9BbpdDAv0Ql2F5c7iStkfC9HeFKPrcV8
La confrontation actuelle entre la Russie et l'Occident n'est pas le résultat d'un soudain concours de circonstances : les contradictions s'accumulent depuis des années et la question ne concerne plus seulement l'Ukraine, où un coup d'État soutenu par les États-Unis a eu lieu en 2014, mais cette confrontation porte sur des points de vue opposés quant à la politique mondiale.
Avant même l'effondrement de l'Union soviétique, Mikhaïl Gorbatchev a reçu l'assurance qu'après l'unification de l'Allemagne, l'alliance de l'Atlantique Nord ne s'étendrait pas vers l'est, puis tout cela a été complètement oublié.
Bien que l'Union soviétique ait été dissoute, la Russie est son successeur, les obligations devaient donc également être remplies envers la Russie. Le problème est qu'ils n'ont pas été mis par écrit. Il s'agissait d'une promesse verbale, bien que tous les mots en aient été codifiés.
C'est pourquoi les propositions de la Russie pour réorganiser la sécurité européenne et, plus largement, mondiale, prévoient l'obligation de formaliser tout cela par écrit. Mais même après la réponse officielle des États-Unis, le secrétaire d'État Antony Blinken a déclaré qu'ils préféraient discuter de tout en privé plutôt que de publier des documents.
Pourquoi est-il si secret - peut-être les États-Unis cachent-ils quelque chose à leurs partenaires de l'OTAN et de l'Ukraine ? C'est très probable. Car même au sein de l'OTAN, il existe des points de vue différents sur l'acceptation de nouveaux membres.
Et aux États-Unis, beaucoup s'opposent à l'expansion de l'OTAN. Samuel Charap de la Rand Corporation a écrit qu'en décembre 1996, "les alliés de l'OTAN ont déclaré qu'ils n'avaient aucune intention, aucun plan ni aucune raison de placer des armes nucléaires sur le territoire des nouveaux membres, ce qu'on appelle les Trois Non". Cette déclaration a été faite avant qu'aucun des nouveaux membres ne rejoigne l'alliance. S'il était acceptable que l'OTAN prenne un tel engagement d'autolimitation il y a 25 ans, alors cela devrait être acceptable aujourd'hui.
Je pense que c'est un commentaire assez juste sur l'inclusion éventuelle de l'Ukraine et de la Géorgie dans l'alliance.
Cependant, plusieurs structures proches du Département de la Défense américain et du complexe militaro-industriel font pression pour l'acceptation de nouveaux membres.
La crise artificielle autour de l'Ukraine
Mais la crise artificielle autour de l'Ukraine profite aux États-Unis en raison du contrôle qu'ils exercent sur les partenaires européens de l'OTAN, notamment par le déploiement de contingents militaires dans les pays d'Europe de l'Est. D'autre part, l'escalade a un côté économique, puisqu'elle permet de justifier l'imposition de sanctions à la Russie et d'entraver les relations commerciales de Moscou avec les pays européens.
L'exemple du gazoduc Nord Stream 2 en est la preuve : le blocage intentionnel a entraîné une pénurie de réserves de gaz pendant la saison hivernale dans les pays européens et une hausse des prix. Et les États-Unis en ont profité pour envoyer du gaz de schiste liquéfié en Europe. En conséquence, les consommateurs européens sont contraints de surpayer les services d'approvisionnement et les entreprises américaines réalisent des bénéfices.
Les États-Unis et leurs partenaires, notamment le Royaume-Uni, ont lancé des scénarios similaires dans d'autres domaines. Se cachant derrière le concept de "guerre hybride", que les États-Unis et l'UE attribuent à la Russie, ils la mènent eux-mêmes par d'autres moyens, violant le droit international et s'ingérant dans les affaires souveraines d'autres États.
La Russie après la fin de l'hégémonie unipolaire américaine
Cependant, il est évident que la Russie représente un état différent de celui d'il y a vingt ou trente ans. Il n'y a plus d'hégémonie unipolaire des États-Unis, ce que l'on peut constater à l'exemple de la montée en puissance de la Chine et des tentatives de plusieurs États, par exemple au Moyen-Orient, de suivre leur propre voie en matière de politique étrangère.
La Russie ne peut pas et ne veut pas suivre la dictature des États-Unis et de l'OTAN, mais continuera à chercher à former un ordre mondial multipolaire plus juste.
Bien entendu, compte tenu des déclarations et des intentions agressives des États-Unis et de l'OTAN, la Russie prend en compte le risque de confrontation militaire et développe des contre-mesures, notamment une stratégie de dissuasion.
Par conséquent, l'un des scénarios pourrait être la mise en œuvre du projet "Crise des Caraïbes-2". Au début des années 1960, le déploiement de missiles nucléaires à Cuba est dû au fait que les États-Unis ont été les premiers à déployer leurs missiles en Turquie.
Naturellement, la propagande occidentale passe ce fait sous silence et ne rappelle que l'initiative soviétique qui menaçait directement le territoire des États-Unis. Nous devons nous préparer à ce que toute opposition russe aux provocations et à l'expansion de l'OTAN soit interprétée de la même manière. Nous sommes habitués à ce que la Russie soit blâmée pour chaque problème.
Les droits appartiennent à et sont là pour tous
Si l'on se réfère aux propos du secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenbreg, selon lesquels il existe "le droit de chaque nation de choisir ses propres mesures de sécurité", il serait merveilleux que la Serbie profite de ce droit et invite les forces armées russes à l'aider à assurer sa propre sécurité (y compris le retour du contrôle du Kosovo-Metohija).
La question est la suivante : les dirigeants serbes, qui sont constamment sous la pression de l'Occident, feront-ils ce pas ? Cela vaut-il la peine de faire à Belgrade une offre qu'elle ne peut refuser ? La question des prix du gaz serait très utile, car les tarifs actuels ne seront en place que quelques mois avant les résultats de leurs prochaines élections en avril.
En outre, la Republika Srpska en Bosnie-Herzégovine a également besoin de l'aide de la Russie après la crise politique qui a débuté l'année dernière : la partie serbe n'a pas reconnu la nomination du Haut Représentant de l'UE en raison d'irrégularités de procédure. La Russie n'a pas non plus reconnu ce représentant.
Il est intéressant de noter que la Croatie s'est très récemment montrée solidaire de la Russie sur un certain nombre de questions, tant en Bosnie-Herzégovine, dans le but de maintenir le statu quo à l'égard de la population croate, qu'en ce qui concerne l'entrée de l'Ukraine dans l'OTAN.
Maintenant, à mon avis, ce ne sont pas les puissances européennes, mais les puissances eurasiennes qui pourraient aider à équilibrer la situation dans les Caraïbes et en Amérique latine dans son ensemble, ce sont donc la Russie et la Chine.
Le deuxième scénario est plus stratégique et à long terme. C'est la formation d'une alliance politico-militaire d'un collectif non-occidental. Idéalement, la Russie, la Chine et l'Iran seraient des acteurs clés. L'adhésion de la Syrie, du Belarus, du Venezuela, du Nicaragua et de Cuba donnerait une dimension latino-américaine et enverrait un signal sérieux aux États-Unis.
Il existe également plusieurs États importants en Afrique qui sont pro-russes, par exemple l'Algérie et l'Égypte. Un engagement plus actif des pays neutres peut produire des résultats à moyen et long terme. Une compréhension claire des besoins des partenaires potentiels et une volonté d'aider à y répondre sont également nécessaires.
En général, une plus grande interaction de tous les pays qui n'acceptent pas la dictature américaine et qui sont soumis à des sanctions ou à un blocus est vitale pour protéger leur souveraineté et une architecture mondiale plus équilibrée.
En outre, toute démarche visant à accroître les contradictions au sein de l'OTAN sera utile. Alors que Bruxelles accusera la Russie de mener une guerre hybride (ce qui est déjà le cas, indépendamment des actions ou omissions de Moscou), je pense qu'il est préférable pour la Russie d'adopter une position active plutôt que de rester les bras croisés.
Il existe de sérieuses frictions entre la Turquie et les membres européens de l'OTAN. Il existe même des conflits territoriaux entre les États-Unis et le Canada. Il est nécessaire de mettre ces contradictions en exergue et de développer des mécanismes pour accroître les différences existant entre les membres de l'alliance occidentale. En général, l'alliance occidentale est un conglomérat artificiel. Il est nécessaire de soutenir les aspirations de l'UE à l'autonomie européenne, une initiative stratégique que la France et l'Allemagne soutiennent tout particulièrement.
Renforcer les alliances existantes et en préconiser de nouvelles
Parallèlement, la Russie doit renforcer les initiatives régionales telles que l'Organisation du traité de sécurité collective et l'Union économique eurasienne.
Dans le cadre de l'OTSC, la puissance militaire doit être accrue, et dans l'Union économique eurasienne, la composante politique doit être renforcée. Dans la région de l'Amérique centrale et du Sud, il y a le renforcement de la CELAC et de l'intégration régionale, excluant l'influence des États-Unis. En effet, l'Union économique eurasienne et la CELAC interagissent. Ce processus doit être renforcé par diverses initiatives multilatérales.
À la fin du 19e siècle, le révolutionnaire cubain José Martí a parlé de l'importance de l'équilibre entre les forces mondiales dans le contexte de l'indépendance des Antilles vis-à-vis de l'Espagne. Pour un tel équilibre, la présence d'au moins deux puissances européennes dans la région était nécessaire. À l'époque, il voyait en l'Allemagne et l'Angleterre de tels garants qui freineraient également l'expansion des États-Unis dans les Caraïbes.
Maintenant, à mon avis, ce ne sont pas les puissances européennes, mais les puissances eurasiennes qui pourraient aider à équilibrer la situation dans les Caraïbes et en Amérique latine dans son ensemble, et ces puissances eurasiennes sont la Russie et la Chine.
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Sur un avorton étatique
Sur un avorton étatique
par Georges FELTIN-TRACOL
Pendant que l’attention médiatique se focalise sur les frontières de la nation ukrainienne et de l’Empire russe, un autre « point chaud » peut surgir au cœur de l’Europe dans les Balkans de l’Ouest avec l’entité fantoche de Bosnie – Herzégovine.
Le cas bosnien a été brièvement évoqué dans la vingt-et-deuxième émission de « L’Écho des Canuts » mis en ligne le 5 novembre 2021 qui traitait du fédéralisme dans le monde. Issue de la déflagration yougoslave au début des années 1990, la Bosnie – Herzégovine trouve son existence grâce aux Accords de Dayton de décembre 1995, même si le texte est finalement signé à Paris.
Fruit d’un compromis conclu entre le président serbe Slobodan Milosevic, le chef d’État croate Franjo Tudjman et le dirigeant bosniaque Alija Izetbegovic, ce texte obtenu sous la supervision menaçante de l’Étatsunien Richard Holbrooke dans une base militaire de l’Ohio fonde un État aux institutions complexes. La quatrième annexe correspond à la constitution du nouvel État fédéralisé et décentralisé qui n’est qu’un aménagement de la constitution yougoslave de 1974. Les habitants de la Bosnie – Herzégovine sont les Bosniens, mais le texte constitutionnel mentionne trois « peuples constitutifs » : les Croates catholiques, les Serbes orthodoxes et les Bosniaques musulmans. Toutefois vivent aussi d’autres peuples non reconnus. Un premier ministre fédéral conduit la politique gouvernementale sous le contrôle formel d’un parlement bicaméral composé de la Chambre des représentants et de la Chambre des peuples. La présidence de l’État est tournante, collégiale et ternaire. Élus pour quatre ans, un Bosniaque, un Serbe et un Croate assurent tous les huit mois la présidence. La vie politique est cependant sous la surveillance attentive d’un « haut représentant international » qui rend compte de son activité assez fréquemment au Conseil de sécurité de l’ONU. Depuis le 1er août 2021, son cinquième titulaire est un Allemand de la CSU bavaroise, Christian Schmidt. Il a le pouvoir d’imposer des lois et d’en annuler d’autres. Il dispose en outre du droit de révoquer tous les élus. En d’autres temps et sous d’autres latitudes, on aurait parlé de « Gauleiter ». Une preuve supplémentaire du « protectorat international » dans les faits concerne la monnaie locale, à savoir le mark convertible dont la valeur coïncide avec le Deutsch Mark par rapport à l’euro !
La Bosnie – Herzégovine comprend trois ensembles territoriaux distincts : la République serbe de Bosnie, la Fédération croato-bosniaque de Bosnie-et-Herzégovine et, directement géré par les organismes fédéraux, le territoire neutre et autonome de Brčko qui sépare l’espace républicain serbe. Ce dernier dispose de sa constitution, de sa présidence, de son parlement et de son service postal. La fédération croato-bosniaque se divise, pour sa part, en dix cantons qui possèdent chacun leur propre constitution et leur propre gouvernement. En y incluant le niveau fédéral, la partie bosno-croate est l’une des aires les plus sur-administrées au monde avec douze présidents du Conseil des ministres !
La multiplication des institutions favorise le détournement des fonds onusiens et facilite une grande corruption. La bureaucratie héritée du titisme s’est répandue dans toutes les instances au point de freiner les activités économiques, de favoriser les trafics et de susciter le départ massif à l’étranger des jeunes diplômés. Certes, ce n’est pas un « narco-État » à l’image d’un autre avorton étatique, le Kossovo. Mais l’évolution tend vers cette situation avec la bénédiction de l’Occident globalitaire.
En effet, l’Union dite européenne et les États-Unis cherchent principalement à renforcer le cadre fédéral en proposant une uniformisation civique certaine. Leurs intentions sont évidentes : radier à terme les deux ensembles fédérés bosniens qui entraveraient le destin heureux de leurs populations. Cet avenir radieux, gage d’entrée prochain dans la plus grande mafia géopolitique de tous les temps qu’est l’OTAN, ne prendra pas grâce à la vigilance de Milorad Dodik. Bientôt âgé de 63 ans, le président de l’Alliance des sociaux-démocrates indépendants a été à deux reprises chef du gouvernement de la République serbe de Bosnie (1998 – 2001 et 2006 – 2010). Président de cet État fédéré entre 2010 et 2018, il appartient depuis cette date à la présidence collégiale fédérale au sein de laquelle il défend les intérêts serbes.
Opposé à tout projet négateur de l’identité nationale serbe, Milorad Dodik veut libérer son peuple de l’emprise perverse des Accords de Dayton et rejoindre, le moment venu, le monde serbe et par-delà lui, les univers russe et slave. Sous son influence, l’Assemblée nationale de la République serbe a voté, le 10 décembre 2021, plusieurs lois qui ouvrent la perspective d’une sécession tranquille. Mécontents, les États-Unis d’Amérique ont sanctionné dès 2017 Milorad Dodik qui s’en moque volontiers. Son rêve séparatiste trouve un réel écho auprès de ses compatriotes et chez les frères serbes au-delà de la frontière. Son action bénéficie du soutien éclatant de Moscou et de Pékin.
Le journalisme occidental désinforme une fois de plus la réalité bosno-herzégovienne et reprend à son compte les fariboles anglo-saxonnes. Les mêmes qui pleurnichent sur le sort des soi-disant Rohingyas et des Ouïghours du Xinjiang refusent toute autodétermination des Serbes de Bosnie au nom de la funeste intangibilité des frontières et d’un hypothétique et hypocrite vivre-ensemble citoyen et inclusif.
Minée par des institutions dysfonctionnelles, la Bosnie – Herzégovine est un semblant d’État qui survit pour l’instant aux coups successifs de l’histoire. Soutenue artificiellement par les puissances occidentales et les officines cosmopolites, sa viabilité demeure faible. L’avenir des Serbes de Bosnie consiste à rejoindre la mère-patrie voisine. Quant aux Croates et aux Bosniaques, ils intégreront avec d’autres minorités nationales la République de Croatie. Le droit international et les circonvolutions diplomatiques doivent s’y résoudre. En Bosnie-Herzégovine comme ailleurs, en Afrique en exemple, la volonté des peuples doit primer sur tous les chiffons de papier négociés dans de beaux salons.
- « Vigie d’un monde en ébullition », n° 20, mise en ligne le 15 février 2022 sur Radio Méridien Zéro.
12:17 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ex-yougoslavie, balkans, bosnie, bosnie-herzégovine, serbie, république serbe, géopolitique, politique internationale, europe, affaires européennes | | del.icio.us | | Digg | Facebook
samedi, 19 février 2022
Pour une Europe de l'Atlantique au Pacifique
15:31 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre-emmanuel thomann, géopolitique, politique internationale, europe, affaires européennes, russie, ostpolitik | | del.icio.us | | Digg | Facebook