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dimanche, 23 octobre 2016

« Moralistes et moralisateurs »

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Luc-Olivier d'Algange:

« Moralistes et moralisateurs »

Ex: http://frontdelacontre-subversion.hautetfort.com

Rien n’incline davantage à la passion que les questions morales. Ce glissement du principe vers la passion n’est pas sans dangers : tous les fanatismes naissent de cette conviction ardente en la justesse universelle de nos principes. Il semblerait que nous devenions dévastateurs et cruels à mesure que nous nous persuadons de l’excellence de nos bons sentiments et du bon droit que des bons sentiments nous confèrent à juger du Bien et du Mal. Le mal que nous infligeons à autrui est d’autant plus terrible qu’il s’inflige au nom du Bien. Il y a dans la morale des moralisateurs, dans la « moraline », pour reprendre le mot de Nietzsche, un élan à la fois vil et prédateur que la volonté de puissance la plus soutenue n’atteint que rarement.

La déchéance de la morale, loin d’être ce « déclin de la moralité » que déplorent les prudes et les tartuffes, loin de se caractériser par un étiolement des questions morales, par une sorte de quiétisme de l’amoralité, ou par un laxisme plus ou moins « décadent », semble au contraire s’exprimer désormais par une hybris de la morale, une démesure du Bien qui confère à ceux qui en sont possédés un extraordinaire sentiment de puissance.
rochefoumax.jpgGagnée par l’ivresse de cette hybris puritaine qui s’étend à des domaines politiques, esthétiques ou métaphysique où elle n’a que faire, cette morale débordante, cette griserie narcissique du Bien abstrait, envahit et subjugue les consciences et les entendements humains au point de les aveugler sur le beau et sur le vrai qui, par essence, ne sont jamais acquis mais toujours à conquérir et appartiennent tout autant aux réalités sensibles, au frémissement de l’immanence, qu’aux réalités intelligibles.
Il n’est pas un débat littéraire, artistique, politique ou scientifique qui ne soit d’emblée tenu sous le joug d’un jugement moral d’autant plus arbitraire qu’il se fonde sur le refus symétrique des faits et des raisonnements. Ce qui s’oppose au moralisateur, ce n’est point l’immoralité (qui, par la mode de la « transgression » subventionnée, est devenue elle-même moralisatrice) mais bien la morale des Moralistes dont la tradition, pour être devenue plus ou moins clandestine, perdure jusqu’à nous. Cioran dans l’ensemble de son œuvre, Montherlant dans ses « solstices » et dans ses « cahiers », Philippe Muray, avec ses « exorcismes spirituels », qui tiennent à la fois de Pascal et de Voltaire, et plus en amont, le génial Joseph Joubert, contemporain et ami de Chateaubriand, furent les héritiers et les continuateurs, parfois même plus profonds que leurs maîtres, de La Rochefoucauld, de Fénelon, de Saint-Cyran, de Madame de Sablé, de La Bruyère ou d’Etienne-François de Vernage.
En ces temps qu’il faut bien qualifier d’obscurantistes, en ces temps aveuglés et déprimés, pontifiants et moroses, relire les Moralistes est une façon de se désembourber l’âme, de lui donner, avec le surcroît de la lucidité, cette allégresse, cette joie printanière qui ne s’en laisse pas conter, ces vertus discrètes mais persistantes qui élaguent, allègent et disposent heureusement au combat contre le nihilisme, autrement dit au combat contre la mauvaise-foi. Car tel fut bien le souci majeur des Moralistes : cheminer droit en évitant le mensonge et cette mauvaise foi qui veut élever au rang de vertu sacrée et universelle les données simples de notre amour-propre individuel ou de notre vanité collective.
Ce qui distingue les Moralistes des moralisateurs est à la fois d’une grande évidence et d’une infinie subtilité. Le Moraliste pense avec et selon ses semblables, à l’intérieur d’une société, par l’affinement du goût et de l’intelligence, par le perfectionnement d’une politesse qui n’est pas seulement la crainte de la susceptibilité d’autrui. La morale, pour lui, n’est pas détachée des mœurs, des coutumes, des habitudes, elle s’exerce à l’intérieur d’un faisceau de conditions, d’influences et de savoirs tout en laissant à l’individu le pouvoir de juger par lui-même. On pourrait dire que le Moraliste est un individu libre qui ne croit pas outre mesure en la réalité de l’individu, alors que le moralisateur est un grégaire qui croit absolument en l’individu, ─ d’où l’individualisme de masse dont sa morale est l’illustration. Le moralisateur ne peut penser qu’en accord préalable avec son groupe : il ne pense pas ce qu’il pense, il pense ce qu’il faut penser, en obéissant à l’argument d’autorité des spécialistes. Un journal comme Le Monde exerça ces dernières années avec diligence, puis avec maladresse, cet office particulier de substituer à la pensée tâtonnante du moralisateur un discours en apparence étayé. Le moralisateur cherche le réconfort, le « développement personnel », l’approbation générale alors que le Moraliste cherche le combat, et d’abord le combat avec lui-même, fût-ce au détriment de ses propres valeurs ou certitudes.

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Le Moraliste fait profession de courage et d’esprit critique contre le « bien » lui-même. Sa suspicion ne disperse point les forces mais les décante et les rassemble en une énergie nouvelle, plus claire, plus affûtée, mieux résolue à se déprendre des trop promptes auto-satisfactions. Souvent excellent écrivain, le Moraliste n’est pas moins sourcilleux à l’égard de sa propre bonté qu’à l’endroit de son style. Il ne lui suffit pas d’être lui-même, il veut être au mieux, par estime pour ceux qu’il fréquente. S’il ne veut point être dupe des « bons sentiments », ce n’est point pour s’abandonner à un relativisme où tout vaudrait n’importe quoi mais pour ressaisir la fine pointe de l’intelligence lorsque celle-ci se confond avec une certaine idée de l’équité et de la justesse.
Savoir, avec La Rochefoucauld, que «  le nom de la vertu sert à l’intérêt aussi utilement que le vice », c’est aussi ne pas oublier « qu’il n’appartient qu’aux grands hommes d’avoir de grands défauts ». Les Moralistes interrogent ainsi leur propre morale à l’épreuve de leur commerce avec leurs égaux : « Notre repentir n’est pas tant un regret du mal que nous avons fait qu’une crainte de celui qui nous en peut arriver ». Toute la logique d’Humain, trop humain, et du Voyageur et son ombre de Nietzsche s’ensuit, ainsi que La généalogie de la morale : «  Nous avouons nos défauts pour réparer par notre sincérité le tort qu’ils nous font dans l’esprit des autres. » A la différence de la morale du moralisateur, la morale du Moraliste est une morale expérimentale, une morale vérifiée ; elle ne dissipe point l’exigence du bien, mais la précise en l’éloignant : être bon n’est point si facile que l’on croit. «  Quand les vices nous quittent, nous nous flattons de la créance que c’est nous qui les quittons ». Ce qui, sans doute, eût fait horreur aux Moralistes du dix-septième siècle, si par quelque paradoxe temporel ils eussent être confrontés à nos modernes moralisateurs, c’est précisément cette indécente et perpétuelle flatterie que le moralisateur s’adresse à lui-même et dont il se gonfle pour imposer aux autres ses propres abandons, son propre dédain pour les êtres et les choses que désirent des natures plus fortes et moins lasses. « L’homme qui se méprise se prise encore de se mépriser » écrivait Nietzsche. Moraliste, Sade le fut aussi à sa façon, en cette phrase admirablement resserrée : «  Le passé m’encourage, le présent me galvanise, je crains peu l’avenir ». Véritable devise et cri de guerre contre le nihilisme moderne qui déprécie le passé, s’ennuie dans le présent et se laisse terroriser par l’avenir.

Kosmopolitisme als politieke as

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Kosmopolitisme als politieke as

Esther van Fenema met Sid Lukkassen

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Esther van Fenema met Sid Lukkassen over kosmopolitisme als nieuwe politieke as

Links-rechts denken is niet meer van deze tijd, want dat is gebaseerd op herverdeling van welvaart. Dat is niet waar het grote ideologische conflict van onze tijd over gaat. Dat gaat over globalisering. Wereldburgerschap tegenover nationale identiteit.

Er zijn mensen die uitstekend kunnen navigeren in de post-natiestaat informatie-economie, en mensen die dat minder goed kunnen. Dit vormt de scheidslijn van de nieuwe politieke as: global citizens tegenover patriottische mensen met een lokaal of regionaal identiteitsbeeld. Deze kosmopolitische zelfselectie zie je al vroeg: neem jongeren die naar Bolivia gaan om straatkinderen te helpen, in plaats van te kaarten met hun bejaarde buurvrouw die weduwe is.

Bolivia staat natuurlijk beter op je CV – je moet maar net de connecties hebben om zo’n reis te kunnen maken. En je moet vrijgesteld zijn. Als jouw ouders geen nanny kunnen betalen om je gehandicapte broer te verzorgen, kun je dus niet mee.

Tot nu toe speelde arbeid een belangrijke rol bij het invullen van onze identiteit. Maar wat als de Google-auto bijvoorbeeld chauffeurs vervangt? Blijven we het sprookje geloven dat er voor alle rangen en standen nieuw werk zal ontstaan? Van dit vraagstuk tot de enclave-vorming en de migratiecrisis: een toekomstige uitbarsting bouwt zich op. De huidige 'elite' zal waarschijnlijk net deze dans ontspringen, mobiel en wendbaar dat ze zijn.

Xavier Moreau: "La puissance militaire russe, vecteur de multipolarité"

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Xavier Moreau: "La puissance militaire russe, vecteur de multipolarité"

Cet entretien avec Xavier Moreau fait suite à notre reportage au salon militaire de Russie : "Patriot expo 2016".

Voir ici : http://www.tvlibertes.com/2016/09/26/...


Nous revenons avec le célèbre analyste sur l'actualité de la puissance militaire russe.
Parmi les thèmes abordés : le lien vital entre la nation russe et son armée, le théâtre des opérations en Syrie, le complexe militaro-industriel comme gage d'indépendance nationale ou bien encore la rupture entre mondes politique et militaire en France.
Xavier Moreau nous expose comment la puissance militaire russe devient l'un des principaux vecteurs de l’affaiblissement de l’unipolarité américaine et de l’édification d’un ordre international multipolaire plus équilibré.

Un entretien réalisé par Pierre-Antoine Plaquevent.



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samedi, 22 octobre 2016

Jared Taylor - Quel est le poids des euro-américains dans l'élection?

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Jared Taylor - Quel est le poids des euro-américains dans l'élection?

Brillant journaliste, diplômé de Yale et de Sciences-Po Paris, Jared taylor est le responsable du think-tank conservateur “American Renaissance”. Il est surtout un très fin connaisseur de la vie politique des Etats-Unis. Pour TV Libertés, Jared Taylor revient sur l’élection présidentielle outre atlantique et dévoile les vraies personnalités d’Hillary Clinton et de Donald Trump. Il fait un état des lieux de la société américaine. Défenseur de l’Amérique traditionnelle et d’une droite alternative, Jared Taylor est l’objet de vraies attaques et critiques dans son pays. Refusant toute attitude extrémiste, Jared Taylor affirme sa volonté de combattre une société multiculturelle qui fait des “euro-américains” des citoyens de seconde zone.



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Milosz ou la Profondeur du Temps

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Milosz ou la Profondeur du Temps

A propos des Arcanes d’O. V. de L. Milosz, éditions Arma Artis, 2016

par Luc-Olivier d'Algange

olm-1.jpgSi le propre des grands poètes est de demeurer longtemps méconnus avant de nous advenir en gloires et ensoleillements sans doute est-ce qu'ils entretiennent avec la profondeur du temps une relation privilégiée. Leurs œuvres venues de profond et de loin tardent à nous parvenir. Elles sont ce « Printemps revenu de ses lointains voyages », - revenu vers nous avec sa provende d'essences, d'ombres bleues, de pressentiments.

Toute œuvre est recommencement, ou, plus exactement, procession vers un recommencement qui est le sens théologique du pardon. Tout revient pour recommencer, pour effacer, dans une lumière de printemps, les offenses et les noirceurs de l'hiver de l'âme. « Une étoile existe plus haut que tout le reste, écrit Paracelse, celle-ci est l'étoile de l'Apocalypse... Il y a encore une étoile, l'imagination, qui donne naissance à une nouvelle étoile et à un nouveau ciel ».

Etre poète, pour Milosz, ce n'est pas user des mots à des fins de conviction, d'information, ni même d'expression, - au sens où l'expression serait seulement le témoin d'une subjectivité humaine, c'est entrer autrement dans le Temps, c'est laisser entrer en soi le Temps autrement, c'est d'être d'un autre temps qui n'est pas du passé mais d'une autre qualité ou possibilité du Temps, - un Grand Temps, un temps sacré, un temps profond.

olm-2.jpgCe temps n'est pas un temps linéaire, le temps de la succession, le temps historique mais le temps métahistorique, s'inscrivant dans une hiéro-histoire: c'est là tout le propos des Arcanes de Milosz. Ce savoir ne sera pas conquête arrogante, mais retour en nous de l'humilité, non pas savoir qui planifie, qui arraisonne le monde par outrecuidance, par outrance, mais retour à la simple dignité des êtres et des choses, des pierres, des feuillages, des océans, des oiseaux.

Pour atteindre « le lieu seul situé », le poète doit vaincre, écrit Milosz, « cet immense cerveau délirant de Lucifer où l'opération de la pensée est unique et sans fin, partant du doute pour aboutir à rien». Cette victoire suppose un combat, mais un combat qui a pour sens, pour orient, pour aurore, la contemplation même. « Tant de mains pour transformer le monde, écrit Julien Gracq, et si peu de regards pour le contempler ».

Le combat commencera donc dans le regard, par l'éveil de l'œil du cœur qui est le véritable œil de l'esprit. Contre « l'immense cerveau délirant », ce technocosme qu'est devenu le monde moderne, contre ce nihilisme masqué d'utilitarisme qui part du doute pour aboutir à rien, un recours demeure possible dont le secret, la raison d'être, repose, pour Milosz, dans le secret même de la langue française, dans ses arcanes étymologiques, dans le cours souterrain de sa rhétorique profonde.

« Le cerveau, écrit Milosz, est le satellite du cœur ». Ce cœur, « lieu seul situé », n'est pas seulement le siège des sentiments humains mais le cœur du monde, le cœur du Temps. C'est dire en même temps, par la verticale de l'inspiration poétique et métaphysique, sa profondeur la plus abyssale et sa hauteur la plus limpide. Pour Milosz, l'intelligence n'est pas cette faculté que l'on pourrait quantifier ou utiliser mais l'instrument de perception de l'invisible, plus exactement, la balance intérieure du visible et de l'invisible, le médiateur qui donne le la entre le monde sensible et le monde intelligible.

olm-3.jpgCertains hommes, plus que d'autres, par l'appartenance à une caste intérieure, sont prédisposés à entrer en relation avec le monde intermédiaire, là où apparaissent les Anges, les visions, les dieux. Ce mundus imaginalis, ce monde imaginal, fut la véritable patrie de Milosz comme elle fut celle de Gérard de Nerval ou de Ruzbéhân de Shîraz. Ce monde visionnaire n'a rien d'abstrus, de subjectif ni d'irréel. Il est, pour reprendre le paradoxe lumineux d'Henry Corbin « un suprasensible concret », - non pas la réalité, qui n'est jamais qu'une représentation, mais le réel, ensoleillé ou ténébreux, le réel en tant que mystère, source d'effroi, d'étonnement ou de ravissements sans fins.

« Des îles de la Séparation, écrit Milosz, de l'empire des profondeurs, entends monter la voix des harpes de soleil. Sur nos têtes coule paix. Le lieu où nous sommes, Malchut, est le milieu de la hauteur ». A chaque instant, ainsi, dans l'œuvre de Milos, la saisissante beauté, la sapience, non pas abstraite mais éprouvée dans une âme et un corps, dans le balancier de la lancinante nostalgie et du pressentiment ardent: « L'espace, essaim d'abeilles sacrées, vole vers l'Adramand, d'extatiques odeurs. Le lieu où nous sommes, Malchut, est le milieu de la hauteur. »

Long est le chemin vers ce que Milosz nommera « la vie délivrée ». Dans ce monde sublunaire, la première condition est de servitude, la première réalité carcérale. Dans un monde d'esclaves sans maîtres, toute servitude devient sa propre fin, repliée sur elle-même et sans révolte possible. L'homme hylique s'effraie de l'œuvre-au-noir qu'il lui faudrait traverser pour atteindre à la transparence légère de l'œuvre-au-blanc, puis à l'ensoleillement salvateur de l'œuvre-au-rouge. Le chemin philosophal requiert une vertu héroïque. On songe à la célèbre gravure de Dürer, ce chevalier qui, entre la mort qui le menace et le diable qui le nargue, chemine calme et droit vers la Jérusalem céleste.

olm-4.jpg« Je regarde, écrit Milosz, et que vois-je ? La pureté surnage, le blanc et le bleu surnagent. L'esprit de jalousie, le maître de pollution, l'huile de rongement aveugle, lacrymale, plombée, dans la région basse est tombé. Lumière d'or chantée, tu te délivres. Viens épouse, venez enfants, nous allons vivre ! » A ce beau pressentiment répond, dans le même poème la voix de Béatrice: « Montjoie Saint-Denis, maître ! Les nôtres, rapides, rapides, ensoleillés ! Au maître des obscurs on fera rendre gorge. Vous George, Michel, claires têtes, saintes tempêtes d'ailes éployées, et toi si blanc d'amour sous l'argent et le lin... »

La sagesse ne vient pas aux tièdes ni aux craintifs, non plus qu'aux forts qui s'enorgueillissent de leur force mais aux fragiles audacieux, aux ingénus demeurés fidèles au printemps revenu.

L'œuvre de Milosz est une œuvre immense, - de poète, de romancier, de dramaturge, de métaphysicien, de visionnaire. Qu'elle soit encore si peu connue et reconnue est un sinistre signe des temps. Cependant, peut-être est-il un signe dans le désastre où nous sommes qui sera de nous contraindre à retourner à l'essentiel. Tout ce dont il n'est plus question dans ce monde quantifié, livré aux barbares, vit en secret dans l'œuvre de Milosz, dans ses rimes heureuses et ses raisons offertes au mystère, dans une suavité, parfois, qui n'est pas douceâtre mais une force qui nous exile du monde en revenant en nous, en réminiscences, comme le triple mouvement de la vague.

Etre véritablement au monde, c'est comprendre que nous n'y sommes pas entièrement ni exclusivement. Un retrait demeure, une distance, un exil, qui est le donné fondamental de l'expérience humaine, - le mot expérience étant à prendre ici au sens étymologique, ex-perii, traversée d'un danger.

Toute l'œuvre de Milosz s’oriente ainsi, à travers les épreuves, les dangers et les gloires, vers un idéal chevaleresque qui, par-delà les formes diverses où il s'aventure, demeure la trame de ses pensées et de ses œuvres. « L'homme n'est rien, l'œuvre est tout » écrivait son ami Carlos Larronde. L'Ordre chevaleresque auquel aspirait Milosz, et dont il ne trouve sans doute pas, dans une époque déjà presque aussi confuse que la nôtre, la forme parfaitement accomplie, fut d'abord la reconnaissance qu'il y a quelque chose de plus grand que nous qui nous fait tel que nous sommes, et qu'un combat est nécessaire pour retrouver , à travers cette évidence, « la simple dignité des êtres et des choses » qu'évoquait Maurras.

olm-5.jpgContraires à l'œuvre et à la prière, de titanesques forces sont au travail pour nous distraire et nous soumettre. L'idéal guerroyant, chevaleresque, opposera au coup de force permanent du monde moderne, non pas une force contraire, qui serait son image inversée et sa caricature, mais une persistante douceur et d'infinies nuances.

La vaste méditation de Henry Corbin sur la chevalerie héroïque et la chevalerie spirituelle éclaire le cheminement de Milosz. Pour aller, vers, je cite, « l'enseignement de l'heure ensoleillée des nuits du divin », il faut partir et accomplir sa destinée jusqu'à cette frontière incertaine, cette orée tremblante où l'homme que nous étions, blessé de désillusions, devient Noble Voyageur.

L'idéal chevaleresque du Noble Voyageur témoigne de cette double requête: partir, s'éloigner du mensonge des représentations et des signes réduits à eux-mêmes pour revenir « au langage pur des temps de fidélité et de connaissance ». Etre Noble Voyageur, selon Milosz, c'est savoir que la connaissance n'est pas une construction abstraite mais le retour en nous de la Parole Perdue, - celle qui, ainsi que le savaient les platoniciens de d'Athènes, de Florence, d'Ispahan ou de Cambridge, nous advient sur les ailes de l'anamnésis. « Le langage retrouvé de la vérité, écrit Milosz, n'a rien de nouveau à offrir; Il réveille seulement le souvenir dans la mémoire de l'homme qui prie. Sens-tu se réveiller en toi, le plus ancien de tes souvenirs ? »

olm-6.jpgLe Noble Voyageur s'éloigne pour revenir. Il quitte la lettre pour cheminer vers l'aurore du sens, - qui viendra, en rosées alchimiques, se reposer sur la lettre pour l'enluminer. « Le monde, disaient les théologiens du Moyen-Age, est l'enluminure de l'écriture de Dieu ». Le voyage initiatique, la quête du Graal, qui n'est autre que la coupe du ciel retournée sur nos têtes, débute par l'expérience du trouble, de l'inquiétude, du vertige: « J'ai porté sur ma poitrine, écrit Milosz, le poids de la nuit, mon front a distillé une sueur de mur. J'ai tourné la roue d'épouvante de ceux qui partent et de ceux qui reviennent. Il ne reste de moi en maint endroit qu'un cercle d'or tombé dans une poignée de poussière. »

Que les yeux se ferment sur un monde et s'ouvrent sur un autre, qui est mystérieusement le même, tel sera le secret inconnu de lui-même, jusqu'à l'advenue, jusqu'à la révélation, du Noble Voyageur. La sapience perdue est la « vérité silencieuse » de la plus « humble chose», le réel est la Merveille au regard de celui qui le laisse advenir en lui. Le voyage, c'est de fermer et d'ouvrir les yeux. « J'ai fermé ma vue et mon cœur, écrit Milosz, les voici réconfortés. Que je les ouvre maintenant. A toute cette chose dans la lumière. A ce blé de soleils. Avec quel bruissement de visions, il coule dans le tamis de la pensée ».

Milosz fut poète, poète absolu serait-on tenté de dire, voulant restaurer dans un monde profané ces épiphanies que désigne « le lieu seul situé », l'Ici qui est l'acte d'être et non plus seulement l'être à l'infinitif de l'ontologie classique. Fermant les yeux, il entre dans ce que Philon d'Alexandrie, nomme Le Logos intérieur. « C'est ainsi, écrit Milosz, que je pénétrai dans la grotte du secret langage; et ayant été saisi par la pierre et aspiré par le métal, je dus refaire les mille chemins de la captivité à la délivrance. Et me trouvant aux confins de la lumière, debout sur toutes les îles de la nuit, je répétais, de naufrage et naufrage, ce mot le plus terrible de tous: Ici. »

Comment être là, comment saisir dans une présence qui ne serait plus une représentation « l'or fluide et joyeux » de la réminiscence. Afin d'y atteindre, il faut être protégé, et c'est là précisément le sens de l’idéal chevaleresque de Milosz par lequel il incombe au poète d'être le protecteur de la beauté et de la vérité la plus fragile.

Cette vérité, pour Milosz, n'est pas un dogme ou un système mais la chose la plus impondérable. C'est l'ondée par exemple: « Elle vient, elle est tombée, et tout le royaume de l'amour sent la fleur d'eau. Le jeune abeille, fille du soleil, vole à la découverte dans le mystère des vergers. » Sur les ailes de la réminiscence arcadienne, la vérité légère, est, selon la formule de Joë Bousquet, « traduite du silence ».

olm-7.jpgLe propre de la poésie est d'honorer le silence, - ce silence qui est en amont, antérieur, ce silence d'or qui tisse de ses fils toute musique, ce silence que les Muses savent écouter et qu'elles transmettent à leurs interprètes afin de faire entendre la vox cordis, la voix du cœur, qui vient de la profondeur du Temps.

Luc-Olivier d'Algange

Dé-penser: l’école rêvée du libéralisme

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Dé-penser: l’école rêvée du libéralisme

L’école française d’aujourd’hui repose sur deux idéologies délétères : un égalitarisme nivelant par le bas et un utilitarisme réduisant l’écolier au rôle d’apprenant en production et consommation. Deux paradigmes, mais une même conséquence : la progression de l’ignorance.

Deux types de critique sont généralement adressées à l’école. La première porte sur son idéologie égalitariste et sa malheureuse tendance à niveler par le bas les exigences, depuis l’OPA idéologique réalisée par la sociologie critique bourdieusienne.

L’autre problème est celui du triomphe d’une conception utilitariste et libérale de l’école. Épaulé par son modèle théorique de l’Homo oeconomicus, l’idéologie libérale a assigné à l’école un bien triste rôle : former des producteurs et des consommateurs. Là est toute la subtilité – et la perversité – du système libéral qui a pour tâche de former ces deux entités à première vue antithétique. Il s’agit pour l’école de produire – notons qu’elle est devenue un agent économique, producteur de services, comme les autres – à la fois un consommateur compulsif et hédoniste et un producteur efficient et rentable. Bien sûr une telle schizophrénie n’est pas tenable, si bien que cela mène aux inégalités colossales que l’on connaît entre producteurs se tuant à la tâche mais gagnant des monts d’or et des consommateurs peu éduqués, paresseux et aliénés.

Dans les deux cas, la priorité est plutôt de gagner de l’argent pour consommer toujours plus que d’acquérir un savoir.

Dépenser plutôt que penser

« Il ne peut y avoir de révolution que là où il y a conscience » Jean Jaurès

Tout dans l’évolution de l’éducation ces dernières décennies semble montrer le triomphe d’une conception utilitariste de l’école. Comme l’écrit Christian Laval dans la Revue du MAUSS, pour les libéraux, « l’école a une fonction essentiellement économique, elle doit être au service de la compétitivité dans le cadre de la mondialisation et de “l’économie de la connaissance” […] L’école tend à devenir ainsi un ersatz d’entreprise dont l’objectif principal est la “production de capital humain” selon des voies gouvernées par le principe économique d’efficience. » Ainsi, on ajoute des heures de formation professionnalisante, de stages, de disciplines liées à l’entreprise, le nouveau Graal à atteindre. Finir ses études et entrer prestement sur le marché du travail deviennent les deux objectifs de l’école, pour qui l’élève représente un vrai poids financier.

Certes il n’est pas mauvais en soi que les élèves se familiarisent avec le monde du travail, ne serait-ce que pour qu’ils puissent s’orienter convenablement. Mais il n’est pas juste de penser qu’« une bonne école propose un enseignement pratique, des stages, un réseau et des cours d’anglais ! », comme l’écrit ironiquement Mathieu Detchessahar dans Le marché n’a pas de morale. Ce qui est problématique, c’est plutôt que cette formation se fait le plus souvent au détriment de ce qu’on nomme “humanités”, mais qui correspond plus exactement à la culture. Réduire drastiquement l’enseignement du latin et du grec peut paraître un excellent coup : il libère du temps pour des vrais matières, vraiment utiles. Detchessahar déplore ainsi que la culture soit de plus en plus perçue comme « le détour auquel on nous oblige encore mais que l’on espère le plus court possible avant d’attaquer le véritable enseignement : concret, professionnel, utile. »

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La nature même de la culture n’est pas d’être utile, mais d’être tout court. « C’est de la culture que nous avons à partager, dans sa gratuité première, que viendra toute la créativité, toute la liberté, toute l’humanité même du monde de demain. », écrit très justement sur son blog François-Xavier Bellamy, philosophe et auteur du remarqué Les déshérités. Ainsi, doit se comprendre le mépris de l’école libérale pour les travaux des mains et du cœur, Fabrice Hadjadj soulignant dans Puisque tout est en voie de destruction que « le savoir dont il s’agit ne prend ni corps ni âme, il ne s’intéresse ni aux mains ni au cœur de l’homme, mais il promet un job très rémunérateur, l’accès au monde de la consommation ainsi que des gadgets en grand nombre. C’est pourquoi, sous le règne des moyens sans fins, ces sciences applicables se maintiennent comme critère de sélection, tandis que recherche fondamentale, histoire et poterie, littérature et horticulture, ne cessent de déchoir. Certes, nul ne saigne pour elles, mais tout le monde devient exsangue. »

Déshumaniser

« Avoir ! Avoir ! Vous êtes tous comme ça, hein ? On ne vous a jamais appris à conjuguer le verbe être à l’ école ? Demande-toi ce que tu dois être plutôt que ce que tu peux avoir. » Étienne Davodeau, Le Constat (1996)

hadjadjdestruc.pngOr, on remarque qu’éduquer un élève pour qu’il développe son humanité, et ceci via sa culture, n’est absolument pas le but recherché par la logique éducative libérale. En effet, celle-ci est soumise à une contrainte évidente : pour former des consommateurs dociles, il faut développer leurs instincts et pulsions égoïstes – toutes choses inverses de l’éducation, de la raison, de l’humanité, de la culture en somme.

L’introduction progressive du numérique à l’école est l’exemple type d’une réforme inspirée par la logique éducative libérale. Familiariser les enfants avec le matériel numérique dès l’école peut apparaître une idée séduisante… si les enfants n’en usaient pas déjà bien trop chez eux ! Si l’école devient comme la famille, si on y fait la même chose, à quoi sert-elle ?

Dans Limite, Gaultier Bès présente Le Désastre de l’école numérique, un livre-enquête sur le numérique à l’école, citant un passage intéressant : « Pendant que certains cadres de la Silicon Valley inscrivent leurs enfants dans des écoles sans écrans, la France s’est lancée, sous prétexte de “modernité”, dans une numérisation de l’école à marche forcée – de la maternelle au lycée. Un ordinateur ou une tablette par enfant : la panacée ? Parlons plutôt de désastre. L’école numérique, c’est un choix pédagogique irrationnel, car on n’apprend pas mieux – et souvent moins bien – par l’intermédiaire d’écrans. C’est le gaspillage de ressources rares et la mise en décharge sauvage de déchets dangereux à l’autre bout de la planète. C’est une étonnante prise de risque sanitaire quand les effets des objets connectés sur les cerveaux des jeunes demeurent mal connus. C’est ignorer les risques psychosociaux qui pèsent sur des enfants déjà happés par le numérique. »

On sait la conséquence des délires de l’Éducation nationale – un délire qui a franchi un seuil encore inédit sous le ministère de Najat Vallaud-Belckacem : l’effondrement du niveau scolaire général. Dès lors, les politiques éducatives égalitaristes sont justifiées. La boucle est bouclée. Le libéralisme a rencontré l’égalitarisme, leurs deux projets se rejoignent dans leur acharnement à déconstruire l’école – ce qui ne produira néanmoins ni liberté ni égalité.

Ainsi, Bellamy peut écrire avec colère et tristesse : « La crise que traverse notre pays, sous toutes ses formes, est profondément liée à sa faillite éducative. S’il faut refaire l’école, c’est parce qu’elle est le premier lieu de notre défaite collective. Ne gardons qu’une seule statistique, l’une des plus récentes : l’enquête Cedre, publiée par le Ministère de l’Éducation nationale en juillet dernier, se concentrait cette année sur la maîtrise de la lecture. Cette enquête statistique officielle fait apparaître que, parmi tous les collégiens en fin de 3e, seul un quart d’entre eux peuvent être considérés comme “bon lecteurs”. De l’autre côté du spectre, 15 % des élèves “s’avèrent n’avoir pratiquement aucune maîtrise ou une maîtrise réduite des compétences langagières” ; cette situation, qui selon le ministère lui-même les rend “incapables de poursuivre leurs études”, concerne donc chaque année près de 125 000 jeunes… Entre les deux, des centaines de milliers d’autres naviguent dans le flou, ayant passé des milliers d’heures sur les bancs de nos classes sans avoir pu même devenir “bons lecteurs”. Cette pauvreté langagière, culturelle, intellectuelle est une bombe à retardement pour notre pays. »

Elie Collin

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In de boekenkast van schrijver Chris Ceustermans

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In de boekenkast van schrijver Chris Ceustermans

Ex: http://www.doorbraak.be

Chris Ceustermans is auteur van De boekhandelaar en Koude oorlogsdromen en Doorbraak-columnist. Momenteel bereidt hij de biografie voor van schrijver Jean-Marie Berckmans. In een vorig leven werkte Ceustermans onder meer bij De Morgen en was lesgever en organisator voor diverse NGO’s. Hij blikt er even op terug. ‘Ik heb de journalistiek voor mijn ogen zien veranderen. Minder onderzoeksjournalistiek, meer oog voor spectaculaire dingen … Ik moest triviale artikels schrijven, ik voelde me er een beetje een “media worker”, om de term van Noam Chomsky te gebruiken.’ Ook de redactionele lijn van De Morgen en het politiek correcte denken zit hem soms dwars. Dit is iets waarover hij zich ook in de (Vlaamse) boekenwereld stoort en in dit gesprek verder zal aanhalen. Beginnen doen we met een door hem gekozen volgorde van auteurs en boeken die hem blijven fascineren.

ErasmusLaus.JPGLof der zotheid van Erasmus

‘Erasmus is een tragische figuur. Hij leefde in een tijd – begin zestiende eeuw – waarin alle zekerheden verdwenen. Hij zat geprangd tussen verwachtingen van groepen zoals de Kerk en zijn individuele kern. Dat gegeven is ook de rode draad door de door mij geselecteerde boeken. In zijn tijd was Erasmus het symbool van de verzoening tussen de lutheranen en de kerk van Rome. Hij trachtte ook binnen het denkkader van die christelijke godsdienst het schisma te overwinnen, iets wat uiteindelijk een misvatting bleek te zijn. Een aantal decennia later begon namelijk de Tachtigjarige Oorlog; iets wat hijzelf gelukkig niet meer heeft meegemaakt.’

‘Lof der zotheid is een beetje een buitenbeentje in zijn oeuvre. Voor zijn doen is het vrij literair. Heel veel belangrijke dingen, zoals de voortplanting, zouden zonder zotheid volgens Erasmus onmogelijk zijn. Het boek is bovendien nog actueel omdat het de illusies van de maakbaarheid van de wereld en de mens – een van mijn stokpaardjes – ondermijnt.’ 

Twee opvattingen van vrijheid van Isaiah Berlin

‘Voor mij is Berlin een van de grootste en meest inspirerende denkers van de twintigste eeuw. Meer dan ooit is hij actueel. Wat me het meest aanspreekt, is dat hij zowel binnen de Angelsaksische liberale traditie gepokt en gemazeld is, alsook een Russische afkomst en Joodse roots heeft en hoe al die factoren samen zijn rijke denken bepalen. Zoals Erasmus in zijn tijd probeerde te verzoenen, wilde Berlin bemiddelen tussen liberale en collectieve ideeën. Hij verdedigde zelfs de natiestaat als betekeniskader. “Het naakte, theoretische liberalisme is een illusie”, zegt Berlin. Het fascinerende aan Berlin is dat hij gelooft in een liberalisme dat ingebed is in een gemeenschap, met een eigen culturele identiteit. Er bestaat voor hem ook niet één goede manier van leven, maar vele. De samenleving is complex. Een monistisch wereldbeeld leidt voor hem alleen maar naar wreedheid en intolerantie. Hij is dus een genuanceerde denker.’

‘Berlin is eigenlijk een van de founding fathers van het communautarisme, een filosofisch-politieke school waarvan Charles Taylor en Michael Sandel enkele belangrijke denkers zijn. Deze stroming heeft invloed in Duitsland en Engeland. Ze tracht te kijken naar de mens zoals hij is en niet vanuit zuivere concepten. In Vlaanderen is ze jammer genoeg minder bekend. De cultuursector zet zich hier overigens ook categoriek af tegen zogezegd nationalistische partijen, wat ietwat vreemd is aangezien zulke partijen zich net zouden moeten bezighouden met cultuur. Ergens verwacht je dan een interessante dialoog, want cultuurmakers zijn toch ook bezig met betekenissen te creëren. Maar hier in Vlaanderen blijven die werelden nogal gescheiden.’

Baltische-zielen.jpgBaltische zielen van Jan Brokken

Brokken, een van de grootste Nederlandse schrijvers, balanceert tussen fictie en non-fictie. Dit boek, Baltische zielen, is een meesterwerk. Het geeft heel prachtig een niet in een aantal slogans te vatten werkelijkheid weer. Het is opgebouwd uit een aantal verhalen van bekende mensen die veel hebben bijgedragen aan de Europese cultuur. Brokken schetst portretten die tegelijk de ziel van een individu en van de geschiedenis tekenen: Hanna Arendt, Romain Gary, Mark Rothko, Avo Pärt … De Baltische staten hebben ook zoveel, onderdrukkende monistische invloeden ondergaan – het tsarisme, het communisme, het fascisme –  wat maakt dat Jan Brokken in Vilnius – de hoofdstad van Litouwen die begin twintigste eeuw nog een van de grootste Joodse hoofdsteden ter wereld was en meer dan 100.000 joden had – nu nog maar een klein groepje joden kan vinden. Het is een pijnlijke illustratie van hoe een samenleving kan verarmen door eenzijdige mensbeelden. De Baltische staten hebben zich van al die overheersingen – van de Duitsers, de nazi’s en de communistische Russen –  pas in de jaren negentig kunnen losrukken. Die overheersers hebben ook geprobeerd om die plaatselijke culturen er weg te vegen door immigratie van Russen. In sommige van die landen is inmiddels bijna de helft van de bevolking vandaag daardoor Russischtalig. Tegelijk mogen ze er hun taal officieel niet overal gebruiken. De Letten, Esten en Litouwers proberen na alles wat ze hebben meegemaakt hun eigen identiteit te beschermen en daardoor discrimineren ze weer andere groepen. Het is een pijnlijke illustratie van het cynisme van de geschiedenis. Baltische zielen is aangrijpend omdat het al die tegenstrijdigheden en gruwelijkheden van de geschiedenis blootlegt. Tegelijk toont Brokken de kracht van mensen en culturen om ondanks alles door te gaan. Bijvoorbeeld door het verhaal te brengen van een Joodse boekenwinkel die al die regimes heeft overleefd. De problemen zetten zich intussen verder, maar een zuivere oplossing bestaat niet. Het is dus altijd een beetje bricoleren.’

romain-gary-vert-jenny-tuin-een-heel-leven-voor-je-c.jpgEen heel leven voor zich van Romain Gary

‘Gary – geboren als Roman Capew – is eveneens getekend door die Baltische wereld die eigenlijk nooit normaliteit heeft gekend. Het is Vlaanderen in het kwadraat. Wij zijn ook vaak bezet geweest, maar het kan dus nog altijd erger. Gary zelf is gevlucht is voor de communisten. Op een bepaald moment begon Stalin Joden te wantrouwen. Hij werd paranoïde en dacht dat ze met zijn tegenstanders heulden. De communisten begonnen toen met het deporteren van joden uit de Baltische satellietstaten. Gary zelf en zijn Joodse moeder zijn dan gedeporteerd naar Rusland. Bijna niemand is teruggekeerd. Dankzij zijn moeder is hij toch kunnen ontsnappen; ze zijn dan naar Polen gevlucht. Daar kregen ze een vergunning om naar Nice te gaan. Toch kwam die verschrikkelijke terreur waarvoor ze waren gevlucht ook naar Frankrijk, door het nazisme tijdens de Tweede Wereldoorlog. Als jongeman besloot Gary hiertegen te strijden en sloot hij zich aan bij een Frans bataljon van de Britse Royal Airforce. Als navigator van een ‘vliegend fort’ werd hij toen uit de lucht geschoten. Op een miraculeuze wijze wist hij dan toch te overleven en tijdens zijn herstel begon hij te schrijven aan zijn levensverhaal: Education Européenne – let op de sarcastische titel ... Vrij snel kreeg hij weerklank als auteur en won hij de Prix Goncourt. Hij werd een societyfiguur. Zeker nadat hij trouwde met de Amerikaanse actrice Jean Seberg, zowat het sekssymbool van die tijd. Toch geraakte zijn carrière in het slop. Met de beweging van mei 1968 had Gary weinig op. Met zijn achtergrond gruwelde hij van linkse sympathieën. Ook literair geraakte hij op een zijspoor. Uit wanhoop, om zichzelf een nieuw leven te geven, heeft hij dan zijn mooiste boek geschreven: Een heel leven voor je. Het is in 1975 verschenen. Omdat hij zo passé was, bracht hij het uit onder de naam Emile Ajar. Zijn comeback was een enorm succes. Voor de tweede keer, zonder dat de buitenwereld wist dat Ajar dezelfde persoon als Romain Gary was, won hij opnieuw de Prix Goncourt – die je volgens het reglement eigenlijk maar eenmaal mag winnen. De ware identiteit van Emile Ajar werd pas bekend na de zelfmoord van Romain Gary.’

‘De roman gaat over de hechte vriendschap tussen een Arabisch jongetje en een Joodse prostituee op leeftijd. Het is een ode aan de verwarrende wereld waarin mensen niet in hokjes te steken zijn. Het is des te meer ontroerend omdat Madame Rosa, de prostituee, gebaseerd is op Gary’s eigen moeder. Wat ook heel mooi is: in de jaren zeventig is hij een consul van Frankrijk geworden in de VS. En zo is de droom van zijn moeder toch nog werkelijkheid geworden: die hield hem al vanaf hun vlucht uit Vilnius naar Polen voor dat hij ooit ambassadeur van Frankrijk zou worden.’

De wereld van gisteren van Stefan Zweig

‘Het is een magistraal boek waarin de ondergang van het negentiende-eeuwse Oostenrijkse keizerrijk en het cultuurleven van die tijd doorleefd beschreven wordt. Zweig, uit Wenen, was zoals Erasmus een kosmopoliet van de wereldvrede, verzoening en de kunst. Hij was ook bezig met het verspreiden van de poëzie van Emile Verhaeren in het Duitse taalgebied. In die zin voelde hij zich goed in de cultuurwereld van die tijd. Maar er waren toen al tekenen aan de wand door de opkomst van gewelddadige fracties van Duits-nationale herrieschoppers, eigenlijk voorlopers van de naziknokploegen. Zweig schreef dit boek vlak voor zijn zelfmoord in Brazilië, waar hij belandde tijdens zijn vlucht voor de nazi’s. Alles wat hij in zijn leven had opgebouwd had hij moeten achterlaten – ook zijn dromen. Dit boek beschrijft hoe je in een tijd heel wijs kan leven, kosmopoliet kan zijn en tegelijk ook blind kan zijn voor fanatisme dat de kop opsteekt. Het is dus ook een doorleefde waarschuwing. Na het lezen van dit boek voel je dat de democratie in een samenleving in elke tijd ontzettend fragiel is.’ 

utz.jpgUtz van Bruce Chatwin

‘Opnieuw zo’n schrijver die balanceert op de grens van fictie en non-fictie. Een absoluut pareltje. Utz is de naam van het hoofdpersonage, een onaangepast figuur tijdens het communistisch regime in het Praag na de Tweede Wereldoorlog. Hij is een Duitse afstammeling van een adellijke familie en dat was niet zo handig in die tijden. (lacht) Hij was ook een fanatieke verzamelaar van Meissen-porselein, Commedia dell’arte-figuurtjes, zijn enige grote passie. In een antimaterialistisch regime was zo’n privéverzameling natuurlijk niet vanzelfsprekend. Dit is dus opnieuw zo’n boek waarin een individu against all odds de eigen kern verdedigt. Dat is ook waar proza over gaat: hoe je het alledaagse leven probeert te overleven, terwijl men aan alle kanten zit te trekken om wat volgens jou belangrijk is toch te relativeren.’

Al te luide eenzaamheid van Bohumil Hrabal

‘Opnieuw een meesterwerk dat zich in Praag afspeelt. Het gaat ook over een outsider. De novelle is eigenlijk een lange, lyrische tirade. In een kelder van een papierverwerkend bedrijf maakt het vereenzaamde en vaak dronken hoofdpersonage met een papierpers conceptueel kunstige papierbalen van boeken die door het communisme zijn afgevoerd. Met een zekere elegantie geeft hij zo verboden boeken een laatste rustplaats en haalt hij er trots uit. Hij smokkelt boeken naar zijn appartement en stapelt die op het baldakijn boven zijn bed waardoor die hem vroeg of laat zullen verpletteren. Het leest als een delirium van iemand die hoorde te zwijgen en die toch zijn eigen stem laat horen, al is het maar via een kunstige en kleurrijke papierbaal.’

houell.jpgOnderworpen van Michel Houellebecq

‘Houellebecq duidt aan dat de fundamenten van dit soort Europa heel snel kunnen instorten. In die zin is hij de chroniqueur van de scheuren in de mentale Europese constructie. De scheur die Stefan Zweig eigenlijk op het einde van zijn leven pas wist vast te leggen. Onderworpen is zijn recentste boek, al vind ik het niet zijn beste. Elementaire deeltjes vind ik sterker. Onderworpen heeft soms iets uitleggerigs. Desondanks vind ik Houellebecq toch een van de weinige echt relevante West-Europese auteurs van deze tijd. Dit omdat hij wars van alle wenselijkheid zijn botten veegt aan hoe de wereld er zou moeten uitzien. Op zijn manier geeft hij weer wie volgens hem de mens is. Dat is volgens mij ook de enige bestaansreden van literatuur; anders kan je beter non-fictie schrijven. Als je fictie schrijft, vind ik niet dat je je te veel moet bezighouden met wat x of y ervan zal denken. Een goede roman zaait onrust, maar op een bevruchtende en inspirerende manier. Dat is een van de dingen die ik in proza zoek en ook mis in Vlaamse literatuur. Wat mij opvalt in het huidige Vlaamse literaire landschap is dat men heel veel gevoelige thema’s zoals – je kan het moeilijk anders noemen – de opkomst van een religieus fascisme bijna niet durft aan te raken. Er bestaat blijkbaar een grote angst om die hele onrustwekkende, pijnlijke wereld van vandaag te tekenen. Volgens mij hangt het ook samen met het politiek correcte denken waarvan de cultuurwereld een motor is in de plaats van een tegenstem. Veel Vlaamse auteurs schrijven met de handrem op om toch maar aanvaard te kunnen blijven.’

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vendredi, 21 octobre 2016

Van Reich tot Republik

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Van Reich tot Republik

Sander Carollo interviewt Dirk Rochtus over zijn nieuw boek van Reich tot Republik, te verkrijgen in de betere boekhandel of te bestellen via http://www.doorbraakboeken.be

jeudi, 20 octobre 2016

Sismondi and the Historicist School

Sismondi and the Historicist School

 
Ex: http://www.alainnet.org
 

There is no such thing as society. There are individual men and women and there are families.

Margaret Thatcher, 1987[1]

sismondi.jpgBaroness Thatcher’s view of humanity as a sum of particles and atoms is in stark contrast with the sense of social solidarity expressed by the Chinese nurse attending a child pulled from the ruins of a school, after the 2008 Sichuan earthquake. While being interviewed by an American chain she was asked: - And what is your name? - My name is China.

Margaret Thatcher’s perception of mankind is a reflection of David Ricardo’s economic theory, which aspired to be an exact science and as such it has been applied in England since the Industrial Revolution and generally in the Anglo-Saxon world. Ricardo’s ideas blend well with the political model imposed in England, since the 1688 revolution. It is based on the social vision of John Locke, a Calvinist sociologist, with links to the slave traffic[2], who proclaimed that the object of every society is the protection of property, life and freedom.[3] This blend of ideas permeates the way social, political and economic issues are perceived in the Anglo-Saxon world until today.

The Anglo-Saxon perception, which regards its political theories as a science applicable everywhere, in all circumstances, had early contradictors. The first one to clearly state that economic and political behaviour rules could change according to circumstances was the English philosopher Edmund Burke[4]. In Germany and other European countries that kind of scepticism developed less abstract, less mechanic, more elastic, more organic ideas on political and economic issues, which were useful to work towards policy goals; goals which may differ according to national circumstances. Such an approach has multiple roots; one is romantic relativity, another is a dialectical interpretation of political issues and society, and finally the conviction that every social science must be based in a deep knowledge of historic evolution, which is the reason for it to be called the Historicist Economic School.

This school has been marginalized from the economic discussion since the Second World War, in favour of the Anglo-Saxon classic school, whose more radical actualization is the Neo-Liberal Chicago School. Recurrent crisis and the scandalous increase in wealth concentration caused by the Anglo-Saxon theories at universal scale have shown the dangers of its unfairness for political instability. That has awakened a new interest in the empirical approach of the historicist school, as an option.  The historicists approach is closer to human nature than Marxist traumatism and also has better success credentials on its application for economic development and equitable distribution of prosperity.   

The first one to use history to analyse the capitalist economic system emerged from the Industrial Revolution was Jean Charles Simonde de Sismondi. Since his first published work, A Picture of Tuscan Agriculture[5], his method was to research political history, government policies and economic behaviour, to find the links between stimulus and economic reactions. His conclusions were the first to show a divorce between the classic Anglo-Saxon school theories, of supposed universal validity, and real facts; between Ricardian abstractions and well-known economic practices.

Sismondi was already well known as a historian, when he wrote about political economy. He had by then a wide political and social knowledge and firsthand experience on economic affairs. As a young man he worked for a trading company in Lyon, then he visited England in the middle of the Industrial Revolution, later on he became agricultural producer in Pescia (Italy) and executive officer at the Chamber of Commerce in Geneva.

Those experiences gave him direct technical and practical knowledge on areas of basic importance in political economy. His historic vision included a documented perspective of the most important economic achievements in the Middle Ages: those of the Italian Republics. Those cities managed to uphold their independence and prosperity through the feudal age and monarchic absolutism, thanks to the military and political strength that came from their industrial and commercial wealth and their better distribution of profits among the citizens.

In 1919, with an acute perception of economics developed by the study of real facts and techniques born from experience, Sismondi presented his book New Principles of Political Economy[6]. It explained previous economic doctrines, analyzed different sources of wealth and the effect on them of the Industrial Revolution and finally the negative consequences of the already predominant David Ricardo’s doctrines. His new principles emerge as an alternative to the Anglo-Saxon model. His main novelty is that -contrary to prevalent Anglo-Saxon doctrine since Adam Smith- he advises political intervention as necessary to create equitable and organically stable national economies. Those national economies he already sees as a part of an integrated world, where the purpose of political action is not restricted to the creation of wealth, but to ensure a more equitable distribution, because shared wealth is needed for stable economic growth on a global dimension: “A universal sales volume increase can only result from universal prosperity” [7]

Sismondi as a socialist

Sismondi_-_Nouveaux_Principes_d’économie_politique.djvu.jpgSismondi is often listed as the first socialist philosopher, because he discerned the surplus value (mieux value) of salaried labour, because he spoke about class struggle and requested state intervention to protect workers, because he proposed a minimum wage, job security and workers protection through sickness and old age, and still other social measures. All of them are today part of a socialist platform, but he addressed even more modern concerns, like the way to fairly distribute the progress on science and technology, which tends to harm employment and job security and exclusively favours capital owners.

It is remarkable that the content of Sismondi’s New Principles of Political Economy has been systematically distorted by some writers, from Marx on. An example of such distortions is to say that Sismondi explains the recurrent systemic crisis of capitalism – that he noticed first - to under consumption. It is Marx and Lenin who believes it to be the cause. That mistake is found in publications devoted to him and we wonder how can it be so, because nowhere in his works does Sismondi attribute the systemic crisis to under consumption. Sismondi attributes it -very clearly- to an over production caused by the abundance of capital; he says so over and over. One old case of such mistake is that of the Polish socialist Henryk Grossman in his otherwise excellent book Simonde de Sismondi and his economic theories, where he states that Sismondi was the first economist to explain capitalism.[8]  In our days, we find shades of that mistake even in the well-written and documented book Sismondi, a precursor of Marx by Diego Guerrero[9].

It could be that such mistake originates from Sismondi’s remark that the lower the salaries, the bigger the difficulty to absorb over production, because the internal market shrinks. But it doesn’t mean that he attributes the periodic systemic crisis to under consumption, he is attributing them to the greedy short vision of those who for immediate gain avoid thinking about the middle term consequences; a logical behaviour, maybe, from following theories that justify individual greed. The mechanics of such crisis, as explained by Sismondi, is that in those countries where there is a coincidence of abundant capitals looking for placement, and a culture of obtaining profits at the expense of salaries –like in England- there is a tendency to overproduce and create gluts. It is an economic environment where wealth and misery coexist; the solution is to place surplus produce in foreign markets, which is the root cause of modern imperialism.

Another frequent mistake is to attribute a Malthus influence upon Sismondi, when in reality is just the opposite what happened. Sismondi was the first to contradict Malthus idea that population would overrun the means of production. Sismondi describes how much superior are the rates of reproduction in agriculture compared to human reproduction. He is also the first to notice the fact that human reproduction rate diminishes with the increase in instruction and prosperity. It is Malthus who later on shows to be influenced by Sismondi’s economic ideas.

Sismondi and the historicist school

When we take a closer look at Sismondi’s technique and the perspective of his economic analysis, we find that his organic approach, his perception and his proposals fit much better within the Historicist Economic School. Some knowledgeable economic researchers like Werner Stark and Henry William Spiegel even consider Sismondi to be one of its founding authors. He was the first one that regarded the Anglo-Saxon School axioms as simple political options and refused to consider a science those abstractions and automatic mechanisms; he even considered them a fraud.

sismondidds.JPGAs all the historicists, Sismondi objects that once applied to the real economy the Anglo-Saxon theories cause economic distortions and tend to concentrate wealth on an elite, at the expense of the rest of society. As them, he believes the social and economic cost of such unbalance to be immense, because its inherent unfairness causes contagious crisis that disrupts and sets back economic growth at both, national and international level. They all agree in the paramount importance of a closer balance in incomes, because as Sismondi said “ The salary given to a worker has the same effect as the seed entrusted to soil”[10] because “commercial wealth follows the increase of incomes”[11]. Sismondi objects Ricardo’s ideas because he says they deal with people as disposable parts, that Ricardo’s only concern is how to accumulate wealth and disregards the suffering caused by an unfair distribution, which he assumes that will automatically find a balance brought by the suffering itself.

Sismondi’s objections to Ricardo’s theories were repeated by the first authors of the historicist economic school, who researched economics from the perspective of a historical sequence of economic practices produced and related with their surrounding environment. It is the contrary to the English allegedly scientific theories for universal application, where the only process for wealth distribution is the spill down effect; an image the brings to mind medieval charities, left-over’s distribution, or crumbs that fall from the rich’s banquet table.

The Historicist School believes indispensable to interpret past ideas in their historical context and to evaluate the practical results according to the time and ambience of application, before drafting economic policies, which should be necessarily casuistic and must correspond with the organic circumstances of each country. It is an idealistic and nationalist approach which coincides with Sismondi when he said that “ in political economy, generally, one must distrust absolute propositions as well as abstractions ...Nowhere are absolute quantities found, nor are there an ever equal force; every abstraction is a fraud.”[12]

During the twentieth century, especially during its second half, the economic debate was polarized by the abstractions of Marxism and Anglo-Saxon liberalism. Both failed to create a sustainable general welfare, and therefore, in the twenty-first century there is a search for other options. The authors of the historicist school of economics are arousing a renewed interest. Their economic philosophy is humanistic, because it is derived from human practice and facts; it does not have, as the previous two, a claim to be a universal exact science of obligatory validity and enforceable erga omnes. Its humanism comes from believing that results from applying the same principles and economic policies may vary depending on the specific society circumstances and timing. Relativism is a prominent feature of the historicist approach and its policies can be credited with remarkable economic development successes in Continental Europe and elsewhere, in very different social and political environments.

The historicist school of economics

Without pretending at all to be exhaustive, we want to present in some brushstrokes Sismondi’s kinship with the historicist school of economics, which was influential in all of Europe, but German economic development was its most notorious success. The authors of this school developed an organic evolutionary vision of society, where the main is a realistic and therefore factual view of economic issues. The original link with Sismondi is obvious, when we remember that in Sismondi’s works the most conspicuous idea is that of history as the frame where all the sciences related to human dynamics can be placed. Such a perspective  is quite clear in his New Principles of Political Economy[13] and even more marked in his Studies on Political Economy, a later synthetic work, with new facts that support his previous arguments, seldom quoted, which exist only in the original Belgian edition of 1836.

Our sketch only wishes to point out Sismondi’s coincidences with some of the most prominent authors of the historicist school of economics, which, although it is now neglected in most academic courses, we believe it should be studied, because it presents a more realistic option for a fair economic development.

Adam_Heinrich_Müller.jpgAdam Müller (1779 - 1829) is, along with Sismondi, a precursor of the historicist school of economics. He has coincidences with Sismondi in his criticism to the Anglo-Saxon school, which they accuse of pretending to rationalize in theory the pauperization of the working and the artisan classes. Both of them criticize its atomizing individualism and conceive the state as an organic social entity responsible for the general wellbeing. Both analyzed the role of the old corporations in employment stability and in the balance between production and consumption, even if they differ in what to do about them. Müller wants them back. Sismondi believes them obsolete and thinks that those advantages can obtained by a state that promotes the mutual interest harmonization between employers and workers. Both accuse the Anglo-Saxon school of giving too much importance to exchange value and to distance it from useful value; noting that there is a difference between being useful to society and being useful to the individual. Both of them discussed the effects of the division of labour, even if they reach different conclusions. Both considered the accumulated cultural and scientific heritage as part of a country’s patrimonial wealth. Müller highlights four aspects in economic exchange: the historical aspects, the sociological aspects, their interactivity and the evolutionary relativity. All were covered by Sismondi, who points out that Adam Smith himself "recognized that the science of government was experimental, that it could only be based on the history of the different peoples and could only deduce its principles from a judicious observation of facts. Then he comments:" the principles of political science should form an ensemble and derive from each other ".[14]

listportrait.jpgFriedrich List (1789 - 1846), is the German economist par excellence. He and Sismondi criticize the static approach of the Anglo-Saxon economic theory, because both interpret economics in a dynamic way. List does not quote Sismondi in the bibliography of his most well known book The National System of Political Economy[15] (1885) but there are many similarities. One of them is to have analyzed the experience of the young United States of America and to have used it in their argumentation, with a similar interpretation of its economic and social behaviour. Unlike Sismondi who knew the American economy only by references, List spent five years in Pennsylvania and left his conclusions in his book Outlines of American Political Economy [16](1827) published the same year as the second edition of Sismondi’s Nouveaux Principes.

Both use the same critical pattern in their analysis of the Anglo-Saxon liberalism and conclude that an economic policy based on the struggle between individual egotism, destroys internal national harmony and forces to solve domestic ensuing economic imbalance with an imperialist foreign policy. Both criticize the so-called Say Law - which Ricardo prises – that pretends that all production creates its own market. It would be right – both of them say- only if we make abstraction of time and space. Both also view state intervention as necessary to ensure a stable national economy, to limit competition and to promote industries that create jobs and wages, while avoiding the cartelized practices – replicated by modern corporations – of the old guilds system.

Wilhelm Roscher (1817 - 1894) is known as the founder of the German historicist school and has significant coincidences with Sismondi. Both believe that the principles to achieve stable economic development and social wellbeing should be researched in the history of each society; but not only through the economic facts, but through the whole historical humanistic background: political, cultural, religious and legal. This is something that fits within Hegel’s dialectic and wider than Marx’s "dialectical materialism". Sismondi assumes this method implicitly, as something natural and it can be appreciated in his descriptions of historical development in national societies, including England, when he explains the structural trends of their economies and their trade policies. Both of them distinguish stages in the economic development of societies, which may differ differently, from the automatic results expected from the alleged truths of the Anglo-Saxon school. Roscher was a professor at the University of Leipzig since 1848 until 1854. In 1854, twelve years after the death of Sismondi, he published his Principles of Political Economy[17], where he quotes Sismondi frequently. Both agree when explaining the mechanics of the demand for money and underline the advantages of metallic money, because of its intrinsic value and because it avoids the dangers of paper money, which can be devaluated easily and  facilitates speculative credit, whose bubbles can be confused with a real assets; a very current issue in today’s economics.

Bruno Hildebrand (1812 - 1878) was a professor at the University of Marburg and his critical book, Economics of the Present and the Future (1848) cost him an exile in Switzerland, along with his disciple Karl Knies. Like Sismondi, he considered that political institutions, along with other factors such as climate and religion, shaped the national character and influenced economic behaviour; this linking relation with the other social sciences is what makes each national economy a specific case. Sismondi and Hildebrand differentiate an economic policy based on real wealth from a credit-based economic policy, where passives may be confused with assets. It was to present his case against a credit-based economy that Sismondi outlined the example of Alexander Hamilton, first US Secretary of the Treasury, and his report to the US congress (1791) on financing the US industry[18].

Knies.jpgKarl Knies (1821 - 1898) thought that it was wrong to base economic science in the pursuit of individual interest. He thinks the moral development of society gives each historical stage its own characteristics; that studies to find guides for economic behaviour can only work by analogies, but without exact repetition, without scientific certainty. He said that to allow the national economy to depend only on the competition of market forces, whether national or global, is to deny the political concept of the economy, is to deny the state an active social role.

Knies believed that both, the Anglo-Saxon liberalism and the emerging socialism, were inadequate to solve social and economic problems, but noted that the Anglo-Saxon school policies create the factual conditions that facilitate the triumph of socialism. Knies describes Ricardian theories as speculations with formulas based on a particular period, far from considerations of time and space, much as Sismondi did. It is curious that with those coincidences, Knies looks at Sismondi as a socialist thinker, a nonexistent term at his time. It is an arbitrary classification, because Sismondi had an evolutionary concept of social change; he wanted to improve the distribution of wealth through social policies without violent changes, which were destructive of wealth and ephemeral; Knies may have been influenced by Marx, who in his Manifesto of the Communist Party, as is well known, labelled the Swiss citizen Sismondi, as "petty bourgeois socialist" and anointed him as head of such a "school" in France and England.

Schmoller_1907_(1).jpgGustav von Schmoller (1838 - 1917) drove the historicist school to reject the entire Anglo-Saxon economic theory and argued that one could theorize only when there was sufficient historical information on the economy, with coincidences in so many different circumstances, as to draw conclusions. Schmoller took economic methodological issues away from the Anglo-Saxon inductive and synthetic concept and placed them among the sciences of culture; a concept expressed in his phrase: "The economy today is a science only as much as it expands into sociology."[19] This statement reminds the drastic commentaries of Sismondi on Ricardo’s automatic balances: "In political economy, we should be wary of absolute propositions and abstractions ... Nowhere are absolute amounts found, nor are there forces always equal; every abstraction is a fraud. Besides, political economy is not a science of calculation, but a moral science. It strays when guided by figures; it leads to its purpose only when it takes in consideration the feelings, needs and passions of men."[20]

Schmoller was the chief architect of the Verein für Sozialpolitik (Association for Social Policy) founded in 1872, on the initiative of Otto von Bismarck, in the new consolidated Germany; it was copied later on in other countries, as with the American Economic Association. This German entity oriented the German social policy and encouraged the collaboration between employers and workers for mutual benefit in economic growth; just what Sismondi preached throughout his entire economic work and also as a historian. It is enough to look at the chapter on wages of his Nouveaux Principes where we find phrases like ". Equality in benefits always results in further expansion of the market for producers, while inequality always reduces it more" ..."Moreover, the rich are not the goal of the social order; wealth is not desirable in society but by the relief that it distributes among all classes."[21]

Max Weber (1864 - 1920) succeeded Knies at the University of Heidelberg. In 1904 he founded the journal Archiv für Sozialpolitik und Sozialwissenschaft with Edgar Jaffé and Werner Sombart. His research perspective of history separates what he calls "magic" from concrete facts, which are then analyzed for rational conclusions. That method led him to some conclusions that it is only now when their possibility can be foreseen. Weber thinks that the revolution that may happen is the opposite of what Marx prophesied; that there is a revolution underway leading to a dictatorship, but not the “proletarian dictatorship”, but that of the technicians of the business and government bureaucracy.

Weber is well known for his sociological interpretation of the economy, which he exposed brilliantly in his famous work The Protestant Ethic and the Spirit of Capitalism, which underlines the Calvinist (Puritan) origin of capitalism, because it makes secular success in this world a clue of salvation in the next. Here we find a parallel with Sismondi, who also examined the influence of religion in the economy and explained how it influenced economic behaviour. There is a full chapter on its influence on unbalancing income and population, where he states that "Religious education has almost always helped to break the balance between population and the labour demand from which it should live." Then he caustically remarks that for married people abstinence is considered a sin while it is preached as a virtue to the celibate ones, a Catholic contradiction at its origin, which is preached by the reformed churches[22].

Sombart_vor_1930.jpgWerner Sombart (1863 - 1941) combined the processes of history and economics to draw theoretical conclusions. His most important work is the monumental Der moderne Kapitalismus[23] where he attributed the concept of capital to the double accounting, invented in Italy during the thirteenth century. He then develops his historicist perspective of the capitalist system over three structural elements: the spirit, the form and the technique. The spirit is dominated by the materialistic ideas of procurement, competition and rational selfishness. The shape is a private, decentralized system, regulated only by the market. The technique is a constant evolution in search of productivity. The rational egoism which always seeks profit, can measure it accurately thanks to an accounting system.

Sombart also wrote several works where he applies the same historical methodology to specific topics such as The Bourgeois, Why there is no socialism in the United States, The German socialism and The Jews and economic life. In the latter he comments the work of his friend Max Weber and says it is because the Jewish essence of Calvinism, that this one influences the development of capitalism.

Sombart thought that the discussion on whether to classify the economy as a natural science (nomothetic) or a cultural science (ideographic) was a sterile one. He proposed to look at history and economics from a vision of society that is neither a priori detached from reality or a kaleidoscopic description. The goal must be the understanding of the ensemble, in order to find the essence of the behaviour. The effort to understand must have a global vision, because, with the entry of new elements, behaviours may alter. Sombart does not look at the economy as a science of wealth, but as an instrument for social reform. It is an echo of Sismondi, who already said "The physical welfare of men, as much as it can be the work of the government is the subject of political economy"[24]. Der moderne Kapitalismus (The Modern Capitalism) can be read only in German. The exclusive rights for translation into English, according to what I have read, belong to Princeton University, which has neither done it, nor allows others do it.

keynes.jpgJohn Maynard Keynes (1883 - 1946) was the last English economist of universal renown and his most famous book is the General Theory of Employment, Interest and Money[25]. Keynes does not belong to the Anglo-Saxon school, because, as he says in the preface to the Japanese edition of this book (1936), he considered "insufficient"[26] the automatic balances of English classical school and instead considered state intervention as useful keep an economic balance. He was the head of the British delegation during the drafting of the Treaty of Versailles and resigned over disagreements. He exposed them in his book The Economic Consequences of the war where he warns over the harmful effects for the global economy of the "war reparations" (tributes) imposed on Germany. Keynes taught at Cambridge – his Alma Mater - was always a civil servant and even a member of the board at the Bank of England.

In Bretton Woods (1944), Keynes - who saw the gold standard as "a barbarous relic" - opposed the proposal of the American Harry Dexter White to take the US dollar as an international currency, with a gold standard of US $ 35 per ounce of gold. Keynes proposal, which was not accepted, was to use an accounting currency called Bancor, issued by a supranational bank which played the role of clearing house. It would review annually the value of national currencies against the Bancor, according to the respective balance of payments. The Bancor idea deserves to be studied again, due to  the present unaccountable fragility of the US dollar which is causing a general erosion in the value of capitals, savings and wages of the real economy; the economy without access to Quantitative Easing.

The best-known contribution of Keynes to economic ideas is the notion that aggregate demand is the sum of consumption. Domestic demand – the cause of national economic growth- thus comes to depend on wages and employment. Governments can intervene, to stimulate employment and create wages, by public works. That idea, says Keynes in the preface to the Japanese edition, came by reading Malthus. It happens that Malthus touches on that topic en passant when he criticises the famous Say’s law, adopted by Ricardo, which assumes that all production will create its own market and can be accounted as income. Malthus contradicts Say with the same argument that used Sismondi and even quotes him, a detail that seems to have escaped Keynes attention. Malthus and Sismondi say that Say and Ricardo confuse production with rent, but it is Sismondi – not Malthus- who always insists on the importance of employment and equitable wages for economic growth, because wages are spent totally, wages are the demand, wages are the market. Sismondi's phrase, already quoted, "the wages given to the worker has the same effect as the seed entrusted to the soil" is a poetic metaphor that describes all the Keynesian doctrine on the role of employment and wages to sustain demand.

But there are other phrases of Sismondi that also synthesize it, as in the title of Chapter IV of Book IV: How does commercial wealth follow income growth, where it says "The manufacturer who increases his income by cutting from wages adds nothing to the national income"[27] Afterwards he becomes more specific and modern: "it is not the manufacturer‘s gain what constitutes the national interest, it is the benefit that manufacturing distributes among all the classes attending to it; it is the participation of all of them in the national income that work produces"..." Nations are enriched when they increase their income, but not when the income of one class is usurped by another"[28]... “Trade may increase; but if growth comes from what was previously paid for wages... consumption will not march at the same pace as production, and the overall result will be less prosperity "..." Where income decreases there is less buying and manufacturing ceases to be proportional to market demand. "..." it may be the government's duty to slow those movements and make them regular”[29]

As noted above, Sismondi deduces from this logic that global demand, in turn, would depend on the wages paid in the rest of the world. A very inconvenient thesis for the international economic relations of the British Empire, which at the time of Keynes, ruled in more than 400 million square kilometres. That may be the reason for the economist Lord Keynes not to quote Sismondi - not even in his bibliography- although he mentions Malthus as his inspiration. Keynes worked all his life for the British government, which ennobled him, despite having written in 1917 to his friend Duncan Grant: "I work for a government that I despise for purposes I think criminal"[30]

schumpeter1.jpgJoseph Schumpeter (1983 - 1950) was an Austrian that, wanting methodological openness, broke with the so-called Austrian School; a neo-classical one that breed Ludwig von Mieses and Friedrich von Hayek. Schumpeter’s best known works are Theory of Economic Development (1912), Economic Cycles (1939), Capitalism, Socialism and Democracy (1942) and his posthumous History of Economic Analysis (1954)[31]. His basic idea underlines the importance of innovation in technology and organization for business, so economic development and productive capacity can be continuously improved. Something also mentioned by Sombart, his teacher. That process generates a dynamic economy where increased wages create new balances of demand and supply. It is interesting that in this dynamic, Schumpeter looks at interest paid to banks as a tax on inflationary credit.

On the Anglo-Saxon kind of capitalism, he agrees with Sismondi, Max Weber and Werner Sombart on the perception that it inherent individualism and selfishness destroys the social fabric and observes that in such system the possibility for organic renewal of the elites in control wears out. It is something visible today in the camp led by the Anglo-Saxon world.

The best-known contribution of Schumpeter's work is a concept previously put forward by Sismondi - whom Schumpeter mentions in the fourth chapter of his History of Economic Analysis. It concerns economic systems in general; Schumpeter said that in their path to progress economic developments go through a sequence of destruction that he calls "creative": "a process of industrial mutation that incessantly revolutionizes the economic structure from within, destroying endlessly the old ones and creating constantly new ones”.[32] This phrase is quite close to one of Sismondi: "In the progress of nations there seems to be a time when the destruction of existing wealth is necessary for creative activity to be exercised again.”[33]

Raul Prebisch (1901 - 1986) is the most famous Latin-American economist. It is likely that because he exposed his economic thesis when the political polarization between Anglo-Saxon capitalism and Soviet Marxism, marginalized the historicist school, his obvious links with it were overlooked. Prebisch, like Sismondi and the historicist school, noticed that when applied to real practice, international trade did not fit with the Anglo-Saxon theory, because the greatest power in the Anglo-Saxon capital manipulated the terms of exchange. As Sismondi said "if everyone seeks its own interest at the expense of others ... the strongest imposes his interest and the weaker knows that his own consists is not to resist." Prebisch describes international trade structure as an exchange between a group of countries that constitute an industrialized center and a periphery of countries who supply raw materials; a description that remains valid. Prebisch was formed on the economics of the Anglo-Saxon school, but the crisis of 1929-30, which found him working at the Banco Nación de Argentina and later as Argentina’s Finance Undersecretary, proved to be inadequate to handle it and Prebisch admitted the need for state intervention.

Negotiations with England, in Geneva, during the crisis, convinced him that the Anglo-Saxon economic theory was intended for England when it was the country with most capital and most industry, but that such ideological projection of its own interests could be contrary to the prosperity of others. When he asked in his Introduction to Keynes (1947) "Why is it that the policies formulated and implemented in the industrialized centre do not get the same results on the periphery?" He admits that the Anglo-Saxon economic theory is not an exact science, that it is a hypothesis where the results vary depending on the context. That lead him to study what he called "structural historical elements." It was what Sismondi, List and all the historicist school of economics also did. Therefore his conclusions and proposals are very similar to those of Sismondi, List and the German historicist school: protection to develop a national industry in order to raise the standard of living in developing countries. As noted by his friend Luis Eugenio Di Marco, in his Introduction to International Economics and Development: Essays in Honor of Raul Prebisch. "As a development economist he always thought that wealth was a means and not an end" A principle expressed one hundred and fifty years before by Sismondi.

There are other important historicist authors with economic proposals applicable to the crisis that the world economic system drags since 1971 and that now (2016) seems to be in its terminal phase. One of them is Torkel Aschehoug (1822 – 1909), who is the subject of a book by Mathilda C. Fasting[34]. She mentions the importance that Aschehoug gave, a hundred years later to the contribution of Sismondi’s ideas to the Historicist School of Economics. Aschehoug summarizes Sismondi’s philosophy in the question that Sismondi poses to the English school in his Nouveaux Principes. How is it that wealth is everything and humans are nothing? That question, said Aschenhoug, is the fundamental economic argument of Sismondi, who reiterates throughout all his work that wealth is only a means and that humans beings are the purpose.

Geneva, 13/08/2016


[1] “There is no such thing as society. There are individual men and women, and there are families.” Margaret Thatcher. Interview with Women’s Own magazine, October 31,1987. Reported by Sunday Times.

[2] Locke profited from slave traffic as investor in the Royal African Company and drafted the pro-slavery  constitution of Carolina.

[3] Hans Oberdiek, Tolerance, between forbearance and acceptance.” The commonwealth seems to me to be a society of men constituted only for the procuring, preserving, and advancing their own civil interests.  Civil interests I call life, liberty, health, and indolence of body and the possession of outward things, such as money, lands, houses, furniture, A letter Concerning Toleration. Chapter 6,  Pag.76. Rowman & Littlefield Publishers, Boston, 2001

[4] James Prior, Life of the Right Hon. Edmund Burke, Speech on Conciliation with America “We must govern America according to that nature and to those circumstances, and not according to our own imaginations, nor according to abstract ideas of right – by no means according to mere general theories of government”,  Pag. 456. Bohn’s British Classics, London, 1854

[5] J. C. L. Simonde deSismondi, Tableau de la agricultura toscane, Skatine Reprints, Genève, 1998

[6] J.C. L. Simonde de Sismondi, Nuevos Principios de Economía Política, Icaria Editorial, Barcelona, 2016. Título original, Nouveaux Principes de Economie Politique, translated by Umberto Mazzei from the Delunay’s edition, Paris, 1827.

[7] Sismondi. Nuevos Principios de Economía Política, Libro IV, Capítulo IV, Página 200. Icaria Editorial, Barcelona, 2016.

[8] The direct cause of such crises he found in under consumption on the part of the working classes, whose purchasing power is insufficient to absorb the annual national output…. the essential validity of his conclusions makes him the scientific discoverer of capitalistic dynamics. Henryk Grossman, Simonde de Sismondi et ses théories économiques, Página 23. Varsovie, 1924

[9] Diego Guerrero, Sismondi precursor de Marx, Paginas 19, 20   MAIA Ediciones, 2011. It is a good book, but the title is misguiding, because even if Sismondi was the base of Marx’s methodology and socio-economic vision, their conclusions and proposals widely diverge.. 

[10] Sismondi, Ibid. Index, Book II, Chap. IV, Pag. 464.

[11] Sismondi, Ibid. Index, Book IV,  title of Chap. IV, Pag. 468.  

[12] Sismondi, Ibid, Libro Tercero, Capítulo XIII, Página 178

[13] Sismondi, Études sur l’économie politique, Brussels, 1836

[14] Sismondi, Ibidem, Book I, Chap. VII, Pags.61 and 64

[15] Friedrich List, The National System of Political Economy, August M. Kelley Publishers, New York, 1966

[16] Friedrich List, Outlines of American Political Economy, Samuel Parker, Philadelphia,1827

[17] William Roscher, Principles of Political Economy, Henry Holt & Co, New York, 1878

[18] Sismondi, Ibidem, Book VI, Chap. VII, Pags. 345 and 346.

[19] Werner Stark, History and historians of Political Economy, Pag. 105. Transaction Publishers, New Brunswick, New Jersey, 1994

[20] Sismondi, Ibidem, Book III, Chap.  XIII, Pag. 178.

[21] Sismondi, Ibidem, book IV, Chap.  V,  Pags. 198, 199 y 211.

[22] Sismondi, Ibidem, Book VII, Chap. V, Pags.372 y 373.

[23] Werner Sombart, Das Moderne Kapitalismus, Verlag von Duncken & Humboldt, München und Leipzig, 1928

[24] Sismondi, Ibidem, Book I, Chap. II, Pag. 42.

[25] John Maynard Keynes, The General Theory of Employment, Interest and Money, Macmillan and Cº, London

[26] Keynes, Ibidem, Preface to the Japonese editión . Tokyo, 1936

[27]  Sismondi, Ibidem, Book IV, Chap. IV, Pag. 197

[28] Sismondi, Ibidem, Book IV, Chap. V, Pags. 206 y 207.

[29] Sismondi, Ibidem, Book IV, Chap. VIII, Pags. 221 y 222.

[30] Letter the painter Duncan Grant, on December 1917. Grant had made a Keynes portrait and they had shared a room in 1909. The letter is mentioned by Carlo Cristiano, The Political and Economic Thought of the Young Keynes.  London: Routledge, 2014 

[31] The theory of economic development: an inquiry into profits, capital, credit, interest, and the business cycle. New Brunswick, New Jersey, Transaction Books, First German edition,1911, English edition 1934. Business cycles: a theoretical, historical, and statistical analysis of the capitalist process. Mansfield Centre, Connecticut: Martino Pub., 2006; History of economic analysis. London: Allen & Unwin, 1954.

[32] Joseph Schumpeter, Capitalism, Socialism and Democracy, Pags. 82–83. London: Routledge, 1976.

[33] Sismondi, Ibidem, Book VI, Chap. VII, Pag. 352.

[34] Mathilda C. Fasting, Torkel Aschehoug and Norwegian Historical Economic Thought Reconsidering a Forgotten Norwegian Pioneer Economist, Anthem Press, London, 2013

Comment Pierre Drieu la Rochelle est entré dans la Pléiade

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Comment Pierre Drieu la Rochelle est entré dans la Pléiade

A son tour, Drieu connaît les honneurs de la bibliothèque de la Pléiade. L'écrivain talentueux au parcours honteux s'interrogeait sur sa postérité. Il repose désormais, mais pas en paix, sur papier bible.

Quelle postérité pour un écrivain collabo? Mauriac voyait en lui un des «ratés immortels». Pour Sartre, il était «sincère, il l’a prouvé» (1). Si Pierre Drieu la Rochelle, fasciste, antisémite, sent durablement le soufre, son suicide «nous épargne un embarras: il a assumé sa conduite», note Jean-François Louette, professeur de littérature à la Sorbonne, responsable de l’édition des Romans, récits, nouvelles dans la Pléiade, qui paraît le 20 avril 2012. De fait, l’écrivain n’eut de cesse de se scruter à travers ses personnages. Gilles, son chef d’œuvre, dessine un portrait miroir de son parcours. Etrange roman qui se termine abruptement, comme un suicide sacrificiel, évoquant celui de l’auteur.

Le droit de se contredire

drieu-pleiade.jpgJamais Drieu ne brigua de mandat électif – son antiparlementarisme l’en empêchait - mais son engagement politique est manifeste. Membre du PPF de Jacques Doriot (de 1936 à 1939), il prône une Europe unie, sous hégémonie allemande, seule capable de mettre fin à la décadence. Sous l’Occupation, il collabora activement. Drieu pourtant n’est pas réductible au seul fascisme. Mieux que tout autre peut-être, il incarne la confusion d’une époque brisée. Au point que l’on serait tenter de paraphraser, qu’il nous pardonne!, Montaigne: «je ne peins pas le fasciste, je peins le passage».

Il connut Borgès, une amitié durable l’unit à Malraux. Il fut proche de communistes - dont Aragon à qui il dédia L’Homme couvert de femmes. Il n’est pas exempt de tentations pacifistes: en 1923 il appelle à une réconciliation généreuse avec les allemands (c’est alors l’occupation de la Ruhr!)... Résolument antisémite, après avoir été philosémite, il «contribua à sauver des mains des nazis sa première femme, Colette Jéramec, et ses deux jeunes enfants, internés à Drancy», observe Jean-François Louette. En 1938, il est furieusement hostile aux accords de Munich. Enthousiaste à l’égard d’Hitler puis déçu, il reporte son admiration sur… Staline, en 1944. 

«Il est plus contradictoire qu’aucun de ses contemporains. Il a constamment revendiqué le droit de se contredire, comme le dit Baudelaire (2). Il s’est trompé mais il y a une conviction, une sincérité dans chacun de ses mouvements. Chez lui, j’aime bien l’incertitude. Changer d’avis est une forme d’intelligence car la politique n’est pas une science mais une contingence. Son ralliement ultime à Staline a quelque chose de prophétique, comme s’il avait voulu reprendre la main face à l’Histoire…»

Il assume ses contradictions comme ses erreurs. Hostile à la République, il refuse la Légion d’Honneur. Fin 1943, il rentre de Suisse, alors même qu’il est déjà persuadé de la défaite allemande. Plus tard,  Paul Morand, sagement, optera pour l’exil doré en Suisse et évitera l’épuration (il finira à l’Académie française). Ce destin-là, Drieu n’en voulut pas. Il choisit la mort, l’opprobre. D’où, malgré un cercle de lecteurs passionnés, de rares adaptations cinématographiques (3), une forme de mise au ban. Jean-François Louette s'interroge:

«Est-il un écrivain maudit? Le terme me paraît un peu fort. Mais il reste sulfureux et les passions sont toujours prêtes à se déchaîner – en sa faveur, comme dans la détestation. L’édition de son Journal en 1992, très antisémite, y a aidé, bien que celui-ci n’ait pas été destiné à la publication et soit aussi le reflet d’une grande crise personnelle.»

De boue, les damnés de la terre

Comme toute une génération, la vie de Drieu commence (ou se termine?) avec 14-18. Plus longuement d’ailleurs, puisqu’il est incorporé au 5ème régiment d’infanterie en novembre 1913 et ne sera libéré que fin mars 1919. Durant ces presque six ans (aujourd’hui où «les trois jours» sont quelques heures, imagine-t-on ce qu’ont représenté tant d’années?), il collectionne les blessures (à la tête, au bras gauche - deux fois, tympan crevé), sans oublier les maladies (dysenterie, paratyphoïde), alternant les séjours au front et à l’hôpital.

Contrairement à beaucoup, il n’en ressortira pas durablement pacifiste. «Pour lui, les choses ne peuvent se résoudre que dans le sang, explique Jean-François Louette. Quelque chose doit exploser pour que l’Histoire puisse avancer». Refuser Munich, c’est espérer un sursaut – ce que la molle démocratie ne fera pas. 

Le tournant de février 1934

C’est en février 1934 que Drieu devient résolument fasciste. Plus encore que la manifestation du 6 février, c’est celle organisée par le PCF quelques jours après, qui l’en persuade. Il est désormais «convaincu que la Troisième République est incapable de se réformer en respectant un processus démocratique». L’été qui suit, il écrit Socialisme fasciste. En 1935, le voici en Allemagne, admiratif du Congrès de Nuremberg, «aveuglé par la propagande hitlérienne”. Il n’en démordra plus, malgré les déceptions: le bellicisme fanatique d’Hitler comme le pacifisme de Doriot (qui est munichois). Tandis que Gide publie Retour de l’URSS, témoignage lucide sur le communisme réel (1937), Drieu préfère s’ancrer dans une erreur suicidaire: «mourir en démocrates ou survivre en fascistes», écrit-il.

Son antisémitisme devient virulent, l’Occupation le voit bientôt collaborer à la résurrection de la NRF - en décembre 1940 (y figurent aussi les signatures de Paul Valéry, Henry de Montherlant, Paul Eluard, André Gide, Francis Poulenc). Gide se désolidarise en avril 1941, Malraux critique sa position mais lui garde son amitié (faisant de Drieu le parrain de son deuxième fils fin 1943). 

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Le droit de s’en aller

Sa Collaboration ne se limite pas à la NRF. Il fait le voyage propagandiste de Weimar en 1941 (première édition des Dichtertreffen), écrit dans La Gerbe ou Je suis partout. Son protecteur, l’ambassadeur Otto Abetz, tombe en disgrâce, la censure allemande bloque certains de ses écrits, la défaite approche: Drieu ne cherche pas à fuir, ni à retourner sa veste. Le suicide lui est un salut: «Que la France soit balayée par la destruction. C’est vivre que de hâter la décision de la mort» (Gilles).

Sa marche vers le suicide est résolue: Le 11 août 1944, «il prend une dose mortelle de Luminal» mais est sauvé par miracle. Quatre jours après, à l’hôpital, il s’ouvre les veines. Sauvé encore. En mars 1945, sur le point d’être arrêté, il «avale du Gardénal et arrache le tuyau de gaz (...). Cette fois, il ne sera pas ranimé». 

«Le suicide est un compagnon constant qui l’a toujours hanté, constate Jean-François Louette. C’est l’assomption de la décadence. En mettant fin à ses jours, il indique la fin de la civilisation. Mais ça reste un geste de force, une protestation, qui exige du courage…»

Par-delà ce parcours si singulier, que reste-t-il de Drieu aujourd’hui, qui lui vaille les honneurs de la Pléiade ? 

Un charme désinvolte

Jean-François Louette parle d’un «charme malgré tout». Classique, le style de Drieu l’éloigne des innovations d’un Céline et il a pris ses distances avec les Surréalistes. Mais l’élégance est là, qui séduit souvent. S’y ajoute, s’y conjugue plutôt, une désinvolture assumée, qui le pousse parfois à bâcler, comme l’épilogue de Gilles, si frustrant. Mais il la revendique, écrivant en préface: «pour montrer l’insuffisance, l’artiste doit se réduire à être insuffisant». Ce dandysme nonchalant évoque un «aristocratisme de la désinvolture», avec une pointe de provocation.

Y figure aussi une part d’amertume, de déception. L’œuvre de Drieu oppose un démenti à l’assertion de Cioran pour qui, «depuis Benjamin Constant, personne n’a retrouvé le ton de la déception». Ses textes narrent des déceptions, des échecs, concourant à son propre dénigrement: «la haine de lui-même le recouvrait comme de la sueur», ose-t-il superbement. 

Un précurseur de l’autofiction ?

Benjamin Constant encore. D’Adolphe, ne disait-il pas qu’il s’agissait d’une «fiction confessionnelle»? Les textes de Drieu répondent sans doute à cette appellation, parce qu’écrire «c’est visiter les différentes parties de soi», avec leurs contradictions et leurs alternances. La confession est distanciée, avec lucidité et, sans doute, un brin d’apitoiement affectueux. «Gilles est à la fois Drieu et la caricature de Drieu», note Jean-François Louette avant de s’amuser de ce Gilles, prénom récurrent dans l’œuvre, construit en je-il.

Est-il, avec son roman-confession, un précurseur de l’autofiction? «En un sens oui», répond Jean-François Louette.

«Drieu a besoin de se projeter dans ses personnages et de s’inventer d’autres destins à travers ces personnages. Pas au sens où l’entend Serge Doubrovski, c’est-à-dire une aventure du langage, avec des calembours ou jeux de mots – Drieu est éloigné de cela. Mais plutôt pour parler de son vécu en évitant la catégorie autobiographique ou celle du portrait. A cette différence notable que l’exhibition de soi lui est étrangère: il ne se livre qu’en se masquant. Gilles est une autobiographie du possible, de ce que Drieu aurait dû ou voulu être. C’est un romancier qui a besoin du double.»

Un classicisme de lambeaux

DrieuChevalPoche.jpgStendhal, Balzac, Zola...: Drieu n’ignore pas le 19ème siècle mais de ces références il ne garde que des «lambeaux, et à la limite de la parodie». Pourtant, ce qui fait d’abord la force, l’attrait de ses textes, c’est qu’il s’agit de grands romans d’amour.

«L’élan et la déception amoureuse y tiennent une grande place, tout comme la désillusion, celle de L’Education sentimentale. Ensuite, son œuvre est une réflexion sur le cynisme, un des phénomènes essentiels de notre époque, avec la décroyance, l’incrédulité généralisée, l’amertume… Et le nivellement de toutes les valeurs dans cet équivalent universel qu'est l’argent. Drieu a fait une profonde analyse de la société moderne, celle d’après la Révolution.»

Ainsi, il serait contre Révolutionnaire…

«Oui. Mais il n’adhère pas à l’Action française parce qu’il est déçu à titre personnel par Maurras, qui est plus un homme de mots que d’action. Le personnage principal de Blèche est un journaliste très proche de l’Action française, mais vu de manière satirique.»

La modernité, symbole de la décadence

Dans ses textes, il s’en prend à la bourgeoisie bien sûr, mais aussi aux Surréalistes, et aux institutions: l’Armée, la République... La censure partielle de Gilles est en quelque sorte un hommage rendu par la République à celui qui la vomit. Son antiparlementarisme et son refus de la modernité culminent dans sa haine des juifs. «L’homme moderne est un affreux décadent», écrit-il, et c’est le juif qui l’incarne le mieux.

Contradiction encore. Car comment expliquer ce refus de la modernité avec son fascisme, mouvement fortement imprégné (comme le communisme) d’une culture et d’une esthétique du progrès?

«La relation de Drieu au fascisme est extrêmement compliquée. Le côté technicien du fascisme ne lui plaît guère. Son refus des machines et de la mécanique est explicite dans La Comédie de Charleroi. Dans le fascisme, il espère retrouver une communauté unie par la maximisation de la force. L'esthétisation de la politique (l’expression est de Walter Benjamin) le séduit. Il salue le beau geste, de la prouesse du Congrès de Nuremberg. A l’inverse, le communisme ne donne pas la possibilité d’exalter l’individu. L’égalitarisme soviétique, fût-il de façade, ne le convainc pas.»

Il est mort dans le mauvais camp. Rien n'a été pardonné à Drieu, qui entre néanmoins dans la Pléiade, avec cette édition qui devrait faire émerger des livres peu connus, comme Blèche, et aider à apprécier une œuvre qui peut susciter fascination ou répulsion, plus souvent les deux, mais s’avère parfois touchante dans sa désarmante lucidité.

Dans les semaines qui viennent, on s’amusera de l’indignation qui, à l’instar de celle d’Aude Lancelin, dans Marianne, ne manquera pas de se faire entendre. Drieu au Panthéon de la littérature? Un crime, pire: le reflet de notre époque. Une indignation sélective et absurde: la Pléiade n’est pas une bibliothèque rose façon bisounours.

A Drieu vat.

Jean-Marc Proust

Drieu la Rochelle: Romans, récits, nouvelles, la Pléiade (1936 pages) - 72,50 € (prix de lancement : 65,50 € jusqu'au 31 août 2012).

1 Les citations sont extraites de la préface (Jean-François Louette) et de la chronologie (Julien Hervier), de l’édition de la Pléiade, ainsi que d’un entretien avec Jean-François Louette. Retourner à l'article.

2 « Parmi l’énumération nombreuse des droits de l’homme que la sagesse du xixe siècle recommence si souvent et si complaisamment, deux assez importants ont été oubliés, qui sont le droit de se contredire et le droit de s’en aller. » (Edgar Poe, sa vie et ses œuvres).Retourner à l'article.

3 Le Feu follet, film de Louis Malle (1963), Une femme à sa fenêtre, film de Pierre Granier-Deferre (1976), Oslo 31 août, film de Joachim Trier (2012), d’après Le Feu follet. Retourner à l'article

 

Schisme en Islam: le wahhabisme exclu du sunnisme

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Schisme en Islam: le wahhabisme exclu du sunnisme

Michel Lhomme,

philosophe, politologue

Ex: http://metamag.fr

Le Wahhabisme exclu du sunnisme, cette actualité a eu très peu d’échos médiatiques en France. Elle est pourtant une information des plus importantes pour ses éventuelles répercutions religieuses mondiales y compris dans notre pays. Nous dirons même qu’elle est une information de premier plan.

Dans le but de définir l’identité « des gens du sunnisme et de la communauté sunnite », une conférence inaugurée par le cheikh d’Al-Azhar, Ahmed al-Tayeb, s’est tenue dans la capitale tchétchène Grozny en septembre dernier. Elle a réussi à rassembler quelque 200 dignitaires religieux, oulémas et  penseurs islamiques, venus d’Égypte, de Syrie, de Jordanie, du  Soudan et d’Europe soit les plus grandes personnalités religieuses islamiques du moment telles que le Grand Mufti d’Égypte, Cheikh Chawki Allam, le conseiller du président égyptien et le représentant du Comité religieux au Parlement égyptien, Cheikh Oussama al-Zahri, ou encore l’ancien grand Mufti d’Égypte, cheikh Ali Jomaa, sans compter le grand Mufti de Damas, cheikh Abdel Fattah al-Bezm, le prédicateur yéménite Ali al-Jiffri, ou encore le penseur islamique Adnan Ibrahim.

Dans le communiqué, les participants à la conférence ont convenu que « les gens du sunnisme et ceux qui appartiennent à la communauté sunnite sont les Asharites et les Maturidites, au niveau de la doctrine, les quatre écoles de jurisprudence sunnite, au niveau de la pratique, et les soufis, au niveau de la gnose, de la morale et de l’éthique ».  Cette conférence a donc exclu le wahhabisme salafiste de la définition du sunnisme, voire du cadre de la communauté sunnite ! C’est un événement capital, un vrai schisme musulman. D’ailleurs, les participants à la conférence ont qualifié cette décision de « changement radical et nécessaire pour pouvoir rétablir le vrai sens du sunnisme, sachant que ce concept a subi une dangereuse déformation suite aux efforts des extrémistes de le vider de son sens pour l’accaparer et le réduire à leur perception ».

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Par là, l’Arabie saoudite tafkirite et wahabiste a rejoint les impies et pour le sunnisme les mécréants. Dans ce contexte, les participants sunnites ont émis une série de recommandations notamment une dirigée contre Al-Jazeera et toutes ces microchaînes locales : « créer une chaîne de télévision afin de faire parvenir aux citoyens un message véridique de l’Islam et lutter contre l’extrémisme et le terrorisme ». A aussi été recommandée « la création d’un centre scientifique en Tchétchénie pour surveiller et étudier les groupes contemporains, leurs principes et pour former une base de données fiables, qui permettra de  réfuter et de critiquer de manière scientifique la pensée  extrémiste ». Les participants ont suggéré que ce centre porte le nom de Tabsir qui signifie « clairvoyance » en arabe. La conférence a insisté sur la nécessité de « revenir aux écoles de grande connaissance », en allusion aux institutions religieuses sunnites identifiées comme étant les universités d’Al-Azhar en Égypte, Qarawiyin au Maroc, Zaytouna en Tunisie et Hadramawt au Yémen. La conférence a donc exclu clairement les institutions religieuses saoudiennes, en particulier l’Université islamique de Médine.

L’Arabie Saoudite se retrouve peu à peu au pied du mur piégé par ses exactions et ses débordements au Yémen où dernièrement, les USA ont été furieux de ses derniers bombardements meurtriers dont elle ne les aurait pas prévenus .

La réaction saoudienne ne s’est pas faite attendre

Une campagne médiatique virulente s’est déclenchée, parrainée par les institutions religieuses et politiques en Arabie saoudite et dénonçant l’alliance russo-sunnite des polythéistes ! Rappelons que Ibn Taymiyya, mort en prison en 1328 avait déjà été déclaré « déviant » par les érudits sunnites de son temps et que lorsque Mohammad Ibn Abd Al-Wahhab a fait couler le sang des musulmans en ressuscitant la doctrine taymiyienne au XVIIIe siècle, son mouvement a immédiatement été condamné par l’ensemble du monde sunnite comme une résurgence du kharidjisme.

En France, on a cependant relevé de drôles de réactions dans la communauté musulmane – que pour d’autres causes, on qualifierait d’ailleurs de « complotistes » – accusant la conférence de Grozny de n’avoir aucune valeur parce qu’elle ne serait qu’une manœuvre poutinienne. On notera de fait la concordance surprenante des autorités musulmanes françaises avec la politique internationale de la France, principal allié en effet du wahhabisme international ?

Pourtant, en France, se posera aussi très vite une autre question de poids dans la mesure où les principales mosquées dont celle de Bordeaux comme les principaux centres culturels dont la Maison de la Culture Arabe si chère à  Jack Lang sont en fait financées par l’Arabie Saoudite ? Comment après une telle condamnation théologique par les plus hautes instances de l’Islam sunnites, les jeunes musulmans français vont-ils pouvoir se permettre de continuer à fréquenter des mosquées financées par l’Arabie saoudite ? Ou le fameux Islam de France a-t-il décidé d’assumer le schisme musulman en choisissant clairement son camp celui de l’ Islam de combat, l’Islam du drapeau vert et du sabre de la charia dans les mains, l’Islam de la conquête dénoncée par les sages soufies ? En ce cas, la distinction déjà quasiment artificielle en France entre un Islam modéré et un Islam radical n’aurait même plus sa raison d’être, la France ne serait rien d’autre qu’une terre wahhabite elle-même condamnée par l’Islam traditionnel.

En attendant, maniant à la fois le chantage sur les bons de trésor américains et sa bonne foi, l’Arabie saoudite se prépare à un rendez-vous historique avec les marchés .

mercredi, 19 octobre 2016

Stendhal et la médiocrité américaine

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Stendhal et la médiocrité américaine

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

Stendhal aimait une société qu'il cherchait à détruire. D'un côté il était bonapartiste, athée, républicain, de l'autre il aimait les marquises (comparez la Sanseverina à Bovary pour voir !), les cours italiennes, les papotages élégants et les bonnes manières en voie de disparition. Car derrière la république il voyait le bourgeois.

Il suffit d'aller à la source pour lire, sur cette belle question du temps immobile et américanisé, les sentences suivantes, toutes extraites de Lucien Leuwen ou de ses préfaces (sur ebooksgratuits.com).

Epicerie mondialisée :

« L’auteur ne voudrait pour rien au monde vivre sous une démocratie semblable à celle d’Amérique, pour la raison qu’il aime mieux faire la cour à M. le ministre de l’Intérieur qu’à l’épicier du coin de la rue (deuxième préface). »

Intolérance démocratique :

« Le journaliste qui élèvera des doutes sur le bulletin de la dernière bataille sera traité comme un traître, comme l’allié de l’ennemi, massacré comme font les républicains d’Amérique (ibid.). »

Déclin du goût et de la joie :

« Je m’ennuierais en Amérique, au milieu d’hommes parfaitement justes et raisonnables, si l’on veut, mais grossiers, mais ne songeant qu’aux dollars. Ils me parleraient de leurs dix vaches, qui doivent leur donner au printemps prochain dix veaux, et moi j’aime à parler de l’éloquence de M. Lamennais, ou du talent de madame Malibran comparé à celui de madame Pasta ; je ne puis vivre avec des hommes incapables d’idées fines, si vertueux qu’ils soient ; je préférerais cent fois les mœurs élégantes d’une cour corrompue (p.116). »

leuwen53082347-T.jpgTalleyrand et Washington :

« Washington m’eût ennuyé à la mort, et j’aime mieux me trouver dans le même salon que M. de Talleyrand. Donc la sensation de l’estime n’est pas tout pour moi ; j’ai besoin des plaisirs donnés par une ancienne civilisation (P.117)… »

Dégoût du bon sens :

« J’ai horreur du bon sens fastidieux d’un Américain. Les récits de la vie du jeune général Bonaparte me transportent ; c’est pour moi Homère, le Tasse, et cent fois mieux encore. La moralité américaine me semble d’une abominable vulgarité, et en lisant les ouvrages de leurs hommes distingués, je n’éprouve qu’un désir, c’est de ne jamais les rencontrer dans le monde. Ce pays modèle me semble le triomphe de la médiocrité sotte et égoïste, et, sous peine de périr, il faut lui faire la cour (p.117). »

L'argent, bien sûr, encore et toujours :

« Mais je ne puis préférer l’Amérique à la France ; l’argent n’est pas tout pour moi, et la démocratie est trop âpre pour ma façon de sentir (p.120). »

Aussi fort que Tocqueville ici, Stendhal et la tyrannie démocratique :

« Puis-je, après cela, me dire républicain ? Ceci me montre que je ne suis pas fait pour vivre sous une république ; ce serait pour moi la tyrannie de toutes les médiocrités, et je ne puis supporter de sang-froid même les plus estimables. Il me faut un premier ministre coquin et amusant, comme Walpole ou M. de Talleyrand (p.158). »

L'horreur électorale :

« Ah ! l’Amérique !… À New York, la charrette gouvernative est tombée dans l’ornière opposée à la nôtre. Le suffrage universel règne en tyran, et en tyran aux mains sales. Si je ne plais pas à mon cordonnier, il répand sur mon compte une calomnie... Les hommes ne sont pas pesés, mais comptés, et le vote du plus grossier des artisans compte autant que celui de Jefferson, et souvent rencontre plus de sympathie. Le clergé les hébète encore plus que nous ; ils font descendre un dimanche matin un voyageur qui court dans la malle-poste parce que, en voyageant le dimanche, il fait oeuvre servile et commet un gros péché… Cette grossièreté universelle et sombre m’étoufferait (p.858)…»

Mais Stendhal se fait peu d'illusions sur le futur fatigué du gaulois :

« Prenez un petit marchand de Rouen ou de Lyon, avare et sans imagination, et vous aurez un Américain. » C'est Taine qui expliquera que le bourgeois créé par notre monarchie serait ce tsunami qui finirait par tout emporter.

mardi, 18 octobre 2016

Parteienstaat und Staatsparteien

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Parteienstaat und Staatsparteien

Elections parlementaires 2016 au Monténégro

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Elections parlementaires 2016 au Monténégro

par Thomas Ferrier

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com

Le Parti Démocrate des Socialistes (DPS-LP) de Milo Djukanovic, dirigeant incontesté du Monténégro depuis l’indépendance en 2006, a remporté une fois de plus les élections législatives dans son pays. Néanmoins, avec 41,1% des voix, il n’obtient que 35 sièges sur 81 (+4), ce qui implique de recevoir le soutien d’au moins une formation politique. Représentant d’une gauche modérée, alliée au PSE au niveau européen, dans un pays qui ne compte que 600 000 habitants et qui est peu attractif concernant les flux migratoires, le DPS a un bon bilan économique, ce qui explique son maintien au pouvoir.

Montenegro_ethnic_map_2003.pngLe Front Démocratique, mené par Mandic, coalition hétéroclite à dominante nationale-conservatrice, libérale et néanmoins pro-européenne, a priori toutefois nettement plus favorable à la Russie de Poutine que le DPS, avec 20,6% des voix et 18 sièges (-2), échoue une fois de plus à menacer son adversaire principal.

La coalition de la Clé (Kljuc) de Lekic, union de partis de gauche, qui espérait également bousculer le parti au pouvoir, avec 10,7% et 9 sièges (-2) échoue elle aussi. Un vote utile destiné à offrir une majorité au pays explique à lui seul cet échec. Seule une large alliance anti-DPS pourrait changer la donner. Ce ne sera pas pour 2016.

Le mouvement du Monténégro Démocratique (DCG) de Becic, nouvelle formation politique, avec 10,5% des voix et 9 sièges, fait son entrée au parlement. Son succès explique aussi la stagnation des deux autres coalitions anti-DPS. La volonté de renouvellement de la classe politique par les électeurs monténégrins a permis ce résultat, qui reste toutefois bien fragile.

La gauche libérale-européenne du SDP (sociaux-démocrates) avec 5,4% des voix et 4 sièges (2) reste marginale mais pourrait représenter un partenaire de coalition pour le DPS, de même que les SD qui ont obtenu 3,2% des voix et 2 sièges. Cela forme bien les 6 sièges manquants pour que le DPS soit reconduit aux affaires.

Les mouvements ethniques pourraient également rejoindre une telle coalition. Le Parti Bosniaque avec 3,3% des voix obtient 2 sièges, tandis que le mouvement des Albanais obtient 0,9% des voix et 1 siège, ce qui est aussi le cas des Croates du HGI avec 0,5% des voix et 1 siège. En revanche, divisés entre modérés et durs du SRS, les Serbes ont obtenu en tout 0,4% des voix et aucun siège. Les autres mouvements albanais (DSA 0,5%) et bosniaques (BDZ 0,3%) n’auront pas d’élus.

Enfin le PCG (Positivna Tsrna Gora ou « Monténégro positif ») avec 1,3% des voix perd toute représentation nationale (-3).

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

L’enfant-roi, matrice du «politiquement correct»

 
par Jérôme Noël
Ex: http://reinformation.tv
 
howHStIL._SX319_BO1,204,203,200_.jpgSi vous considérez votre fils comme un soleil autour duquel vous tournez, centre de son propre petit système solaire, ne vous étonnez pas alors qu’il explose comme une supernova au moindre petit affront. C’est en résumé la thèse d’un professeur d’université américain dans un nouvel ouvrage consacré au phénomène des « étudiants flocons de neige ». Le livre, en anglais, est intitulé Political correctness and the destruction of social order (« Le politiquement correct et la destruction de l’ordre social »), par le professeur Howard Schwartz de l’université d’Oakland. Notre auteur a déjà travaillé pendant des années sur la psychologie du « politiquement correct ». Il démontre aujourd’hui que la société moderne favorise un nombre considérable de personnalités narcissiques qui se révèlent incapables de supporter le moindre questionnement sur le fantasme né de l’image qu’ils ont d’eux-mêmes. 
Parents soumis, dangers fantasmés

Schwartz diagnostique « un moi qui ne peut être atteint par rien d’autre que par l’amour ». « Le problème est que personne ne peut n’être atteint par rien d’autre que par l’amour, et que si une personne a cette limite pour seul objectif, si elle a construit la conscience d’elle-même autour de ce présupposé, l’inévitable surgissement d’autre chose que l’amour fait exploser sa structure mentale. » Il ajoute que « l’extrême sensibilité des individus d’aujourd’hui, incluant le politiquement correct et les micro-agressions, font que les personnes vivant dans le cadre mental de ce moi parfait vous considèrent comme un véritable diable si vous manifestez à leur égard autre chose que du pur amour ».
 
Schwartz dénonce ces parents soumis, qu’il qualifie de « parents hélicoptères », tournant autour de leur progéniture, mais aussi des administrations universitaires : « Les gens considèrent désormais le monde comme une sorte de persécution permanente. Les parents hélicoptères protègent leurs enfants des dangers réels, certes, mais aussi de dangers parfaitement fantasmés. Ces précieux enfants-flocons de neige sont les rejetons du politiquement correct, leurs parents et leurs enseignants leur font croire que le monde est parfaitement moral – ils ne vivent pas dans un monde réel, mais dans une fantasmagorie. »

Universités matriarcales, psychologues cupides

Pour Schwartz, les universités exacerbent cette tendance en étant devenues des « institutions matriarcales » qui se soumettent et dorlotent leurs jeunes étudiants naïfs. Un exemple tout récent, celui de l’Université de Floride qui « fournit des conseils 24 heures sur 24 aux étudiants qui se sentent traumatisés par les costumes d’Halloween. » C’est effarant mais cela ne fait qu’illustrer ce qui est devenu une norme. Il est établi que les centres de santé psychologiques sont submergés par les étudiants, un phénomène évidemment favorisé par les professionnels de la psychologie, la nouvelle mentalité narcissique « flocon de neige » nourrissant son marché et abondant les comptes en banques des psychologues.
 
Ce câlinage nourrit la demande de nouveaux « espaces protégés, mises en gardes et protections contre les micro-agressions », explique Schwartz, de la part d’étudiants qui « travaillent dans la certitude qu’ils ont droit à un “moi immaculé” qui jamais ne puisse être bousculé par des idées ou des opinions qui le contestent ».
 
Qu’est-ce qu’une « micro-agression » ? Schwartz explique que le créateur de ce concept, Derald Wing Sue, l’a défini comme « ce petit affront, cette petite insulte, ces messages de dévalorisation ou de dénigrement envoyés à des personnes de couleur par des Blancs qui sont inconscients de la signification cachée qui peut les sous-tendre ».
 
Tout cela alimente les soucis de gens disposant de beaucoup trop de loisirs. Car « un esprit oisif est le terrain de jeu du Diable ». Mais c’est plus grave que cela si l’on s’en réfère aux thèses de Schwartz.

L’enfant-roi naît dans un monde de confort, de temps libre, d’abondance

enfant_roi_2.jpgLes enfants naissent centrés sur leur moi, principalement parce qu’ils ont « un moi », comme l’a fort bien montré G.K. Chesterton. Et de même que les langues sont mieux apprises dans le jeune âge, la moralité, la tolérance à la critique et les limites portées à son propre désir sont mieux intégrées pendant les premières années. C’est ce que dit le proverbe anglais : « Comme le plant est courbé pousse l’arbre »… Un enfant dont l’énergie naturelle et les instincts tyranniques ne sont pas modérés pourrait ne jamais grandir sans s’en affranchir. Il ne faut pas s’étonner qu’une telle personne développe une forte tendance narcissique, intolérante à la moindre critique et exigeant une validation permanente de sa propre image déifiée.
 
La civilisation contemporaine – avec ses supermarchés regorgeant de nourriture de fête, son confort moderne, ses divertissements surabondants et des quantités de temps libre – offre un mode de vie dont les aristocrates de jadis eux-mêmes n’auraient jamais pu rêver. Cela sur fond de permissivité des parents. Les enfants sont parfois traités comme si leurs flatulences étaient des fragrances florales, presque jamais critiqués et noyés sous les remerciements pour n’avoir fait que ce qui est tout simplement obligatoire. Non seulement la fessée est un anathème, mais la punition est un mot banni et tout mot plus haut que l’autre est considéré avec terreur comme susceptible d’endommager « l’estime de soi » du rejeton, expression qui est devenue un euphémisme pour le vieux péché d’orgueil.

Enfants à vie, bordés par le politiquement correct

Le résultat ? Des enfants gâtés et fiers d’eux-mêmes, et des troubles de l’attention avec hyperactivité (TDAH), ce que le Dr John Rosemond a qualifié « d’extension indéfinie de la petite enfance ». Le retard du développement moral, émotionnel et spirituel peut engendrer de jeunes adultes qui paraissent avoir la maturité d’enfants de dix ans.
 
Comme le relève le professeur Schwartz, de telles personnalités « se considèrent agressées dès qu’une interaction ne répond pas à leur exigence de valorisation et d’importance, et cela dans les conditions qu’elles imposent pour définir leur valorisation et leur importance ». « Les critères selon lesquels ils se sentent estimés ne sont pas défendus, ou même clairement exprimés : ils sont supposés intégrés par l’interlocuteur et leur validité va de soi », déplore-t-il. Leurs parents savent comment ménager leurs égos. Comment n’importe qui d’autre ne le saurait pas ?

L’amour, c’est donner ce dont l’autre a besoin, pas ce qu’il veut

Reste à établir si vraiment cette mentalité décrit « un moi qui n’est accessible à rien d’autre qu’à l’amour » ? Après tout, aimer ne signifie pas se réduire à l’état de prothèse pour autrui. Cela ne revient pas à offrir une bouteille à un alcoolique ou sa dose à un drogué à l’héroïne – ou à un enfant sa dose d’égo – pour la simple raison qu’ils vous le demandent. L’amour ne consiste pas à toujours donner à une personne ce qu’elle demande, mais surtout ce dont elle a besoin. De ce fait, les parents soumis expriment moins de l’amour que de la dépendance émotionnelle, probablement à un niveau critique. Une personne émotionnellement dépendante envers une autre offrira de l’alcool, une dose d’héroïne, quoi qu’il lui en coûte pour conserver l’affection qu’elle demande. L’amour est désintéressé ; la dépendance émotionnelle est intéressée. Et il est malheureusement fréquent de confondre les deux. Cela ne signifie pas que les parents de ce type n’aiment pas leurs enfants. Mais tout amour humain est imparfait.

Le relativisme égocentré protégé par le politiquement correct, indifférent à la vérité

quiz_179.jpgDernière remarque. Le professeur Schwartz relève une observation de l’éditorialiste Megan McArdle. Celle-ci a écrit : « Les étudiants d’aujourd’hui n’expriment pas leurs demandes selon des critères de moralité mais dans le jargon de la sécurité. Ils ne vous demandent pas d’arrêter de leur commenter des livres traitant de questions complexes parce que la pensée exprimée est fausse, mais parce qu’ils les considèrent comme dangereux et ne devraient pas être abordés sans de sévères mises en garde. Ils ne veulent pas faire taire un orateur parce que ses idées sont mauvaises mais parce qu’il représente un danger immédiat pour la communauté universitaire. » Raison unique à cet état de fait : ces étudiants ne tiennent aucun compte des critères de moralité.
 
En 2002, le groupe de recherche Barna a établi que seulement 6 % des adolescents croient en la Vérité, définie comme un absolu préexistant à l’homme. L’immense majorité adhère donc à une morale relativiste, signifiant qu’une décision « morale » ne relève que du ressenti. Dans cet univers, il n’y a plus de bien ni de mal, de vrai ni de faux. Le critère pour distinguer l’un de l’autre est « est-ce libéral ou conservateur ? » ou « est-ce sûr ou dangereux ? ». Et l’émotion est l’arbitre ultime. Vous êtes considéré comme un tyran si vous contrez quelqu’un qui est, selon vous, dans l’erreur. Mais s’il est « dangereux » au regard de la pensée politiquement correcte, vous êtes considéré comme un justicier.

Jérôme Noël

Alexandre Mendel à Toulouse

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lundi, 17 octobre 2016

The Return of Myth

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The Return of Myth

Ex: http://www.katehon.com

The contradictory processes of de-mythologization and re-mythologization are not unknown to ancient civilizations, in which the old myths are sometimes destroyed (demythologization) and replaced with new myths (remythologization). In other words, herein are the processes of de-mythologization and re-mythologization mutually caused and interdependent processes. They do not call into question the very basis of traditional mythical community; moreover, they are maintaining it current and alive.

Myth, namely - except in special cases of extreme degradation and secularization of tradition and culture - for us, is not a fiction of primitive people, a superstition or a misunderstanding, but a very concise expression of the highest sacred truths and principles, which are “translated” to a specific language of earthly reality, to such an extent which is practically possible. The myth is sacral truth described by popular language. Where the presumptions for its understanding are disappearing, the mythical content must be discarded to let in its place another one.

The dangerous intuitions

nadmyth41c-6FjiNaL.jpgMyth is, in traditional cultures, a great antithesis as well, where, as it was shown in the capital work of J. J. Bachofen, Mother Right: An Investigation of the Religious and Juridical Character of Matriarchy in the Ancient World, the two major and irreconcilable principles are confronted: uranic and htonic, patriarchal and matriarchal, and this is projected to all second modalities of state and social order through to the arts and culture.

With the advent of Indo-European, patriarchal invaders on the soil of the old, matriarchal Europe started the struggle of two opposite principles what is highlighted in Bachofen’s study. In the given case, the old matriarchal myths and cults turns patriarchal, through the parallel and alternating processes of de-mythologization and re-mythologization, and traces of this struggle are also found in some mythic themes, which can be understood as a very brief religious-political history, the way Robert Graves interpreted them, in his book The Greek Myths.

In contrast, in Greece, a process of demythologization which reaches its peak after Xenophanes (565-470) is complete and radical. This is not followed by any process of re-mythologization, it is a consequence of a total process of de-sacralization and profanization of the culture, which results in the extinguishing of mythical and awakening of a historical consciousness, when man stops seeing self as a mythical, and begins to understand self as a historical being. This is a phenomenon that has analogies with the two moments in history: first, with a process of de-mythologization brought by early Christianity. To the first Christian theologians, myth was the opposite of the Gospel, and Jesus was a historical figure, whose historicity the church fathers proved and defended to the unbelieving. As a contrast there is the actual process of re-mythologization of the Middle Ages, with a whole series of examples of revitalization of the ancient mythical content, often conflicting and irreconcilable, from the Graal myths and the myth of Friedrich the Second, to eschatological myths in the epoch of Crusades and various millennium myths. It is, without doubt, a much older re-actualization of mythic content and its "dangerous intuition”, which surpasses its causes and it serves as an evidence of the presence of mythic forces of the historical world, which no process of de-mythologization is able to destroy or extinguish.

The consumer mythology. The midnight of history

Another example of radical process of de-mythologization is de-mythologization that begins with the epoch of enlightenment to its peak experienced in the “technological universe”. It is (as above) direct expression of degradation and decline of modern man, who is no longer a mythical or historical being, but a mere "consumer" within the "consumeristic and technocratic civilization" or simply a plug to the technological universe. Heroic impulse of man as a mythical, and historical being, was burnt out. Destructive forces of de-mythologization constantly clean and remove the mythical ingredients from the area of consumeristic civilization and human memory in general, exterminating "dangerous intuitions" that are contained in them. Within the technological universe, which is only a final stage of the fall of (modern) man, the humane horizon is finally closing, because here man has only one power and only one freedom: power to spend and freedom to buy and sell. This freedom and this power, testify about the death of man (known by the myth and history), because within the universe of technology and consumer civilization, anything that transcends this "animal of consumption" simply can not exist. “The Death of Art" spoken about by the historical avant-garde is a simple consequence of the death of man, first as a mythical, then as a historical being.

Of course, the process of de-mythologization can never be completed, for the simple reason that destruction does not touch the very mythical forces. They continue to appear and return through history, whether under the guise of "historical", or as something that is opposed to history. This is also true for one-dimensional universe of a technocratic utopia. As a result, the consumer civilization real mythical contents are replaced by the mythical simulacrum: wild-growing sub-cultural ideologies and myths, or consumer mythology, whose heroes are comics’ figures such as Superman.

But the exhaustion of long and destructive processes of de-mythologization does not mean a return to the mythical time.

"We are standing in the midnight of history, the clock struck twelve and we look ahead into the darkness where we see the contours of future things. This view is followed by fear and heavy premonition. Things we see or think that we can see still do not have a name, they are nameless. If we address them, we do not affect them accurately and they escape the noose of our governing. When we say peace it could be a war. Plans of happiness turn into murderous ones, often through the night. "

In short: "Rough incursions, which in many places convert historical landscapes into elementary ones, hide subtle changes but of the more aggressive kind” (Ernst Jünger: At the Wall of Time).

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At the dawn of history

The writing At the Wall of Time by a German author Ernst Jünger conveys about the transition of myth into the history, about the moment in which the mythical consciousness was replaced by the historic one. History, of course, does not exist as long as man: historical consciousness rejects as non-historic the vast spaces and epochs (“prehistory"), and peoples, civilizations and countries, because "a person, an event must have very specific characteristics that would make them historic". The key to this transition, according to this author, provides the work of Herodotus, through which man "passes through a country illuminated by rays of dawn":

"Before him (Herodotus) there was something else, the mythical night. That night, however, was not darkness. It was more of a dream, and it knew about a different way of connecting people and events of historical consciousness and its selective forces. This brings rays of dawn into Herodotus’ work. He stands on top of the mountain that separates day from night: not only the two epochs, but also two types of epochs, the two types of light."

In other words, it is the moment of the transition from one way of existence into something quite different, that we call history. This is the time of the shift of two cycles, which we can not identify with the change of historical epochs - the issue in question is the profound change in the existence of man. The sacral in the manner of previous epochs retreats, ancient cults disappear and into their place come religions, which soon after, by themselves become historical or anti-historical, even when they trigger events and historical plots. Crusader wars, called on by the Western Church, deepened divisions and schisms and eventually gave birth to the Reformation, which began with religious enthusiasm and desire to return to "biblical beginnings", and then ended with the historical movement which opens the way to unhampered development of industry and technology - unconstrained by the norms of (Christian) tradition, and free of human hopes and desires.

The grimace of horror

World of History, outlines of which we can find in Homer, which were shaped by Thucydides, and which experienced its zenith somewhere at the end of XIX and at the beginning of XX century, with unclear boundaries in time and space, but with a clear consciousness of its laws and regulations, started to collapse; and the vast edifice of history becomes unstable, as a sign of penetration of the hitherto unknown foreign forces. These forces have titanic, elementary character, first seen in technical disasters, which affected hundreds of thousands of victims and then, in the cataclysmic events of XX century, in the world wars and revolutions, the millions were killed and crippled. The release of nuclear energy, radiation and environmental destruction that enormous areas were exposed to, the daily toll in blood, whether it is sacrificed to "progress" in peacetime conditions, whether as a direct consequence of military intervention and conflict, are something that comes out of the framework established by the historical world. Of course, history does not end there, as expected, by Marx or by Fukuyama. What is more noticeable is the acceleration of historical time, which concentrates events and reduces the distance between the key turning points of history. What we are talking about is, however, that here are not only forces operating that we call historical, and that the role of man in these events fundamentally changed: he is no longer able to operate equally with the gods, or to follow them, to stand against them or to even subjugate them, as was represented by myth. He (man) is no longer an active participant in history, guided by the passions or the will of its own, as it happens in mature historical epoch. He becomes the plaything of something unknown, involved in events that surpass him, against his will and outside of his ideas.

The expression of cheerful confidence is gradually replaced by a grimace of horror. Man, who until yesterday considered himself a sovereign and master, acknowledges his weakness. The means that were trusted show as weak or in the decisive hour turn against his creator. Technological systems and social orders have his other sides, his automatic schemes, which do not restrain but encourage (izbaciti a van) destruction, which place man in the position of sorcerer’s apprentice, who released uncontrollable forces. Corruption, crime, violence and terror are rather results than the causes. Political responses, regardless of colour and sign, do not offer solutions but rather increase disintegration. If he would not have found himself in the time of panic, man might gain at least an awareness of his own decline.

All this was unthinkable in the ripe age of history because then, man still ruled by himself, and thus history as well, and therefore history could have no sense of direction other than the one given by man himself, his own deeds and thoughts.

Each concept of "meaning of history” is the concept of beginning of man, while in the classical historical time man is not created but he is. Question about the "meaning of history" was a meaningless question, and it is indeed not found in classical writers, from Herodotus onward. Question about the "meaning of history”, which is always found outside of man, becomes possible only when the history and the focus moves out of man, either in the social sphere, whether in the sphere of technological relations.

Modern man is too late to reveal his own weakness, but his breakdown does not accuse myth or history, but precisely the weakness and cowardice of modern man. World of "civilized values", the historical world in general, which he himself had created, is showing much weaker than we used to believe - structurally weak, spiritually and ethically. At the first sign of alarm, he begins to shatter, exposing, in fact, internal readiness to capitulate modern man.

This is a "midnight of history", which will soon be replaced by something different, and that moment is marked by the spread of titanic forces, requiring the sacrifice of blood.

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Towards post-history: The Awakening of myth

History, we should repeat it again, does not last as long as man on Earth. But the consciousness about it occurs late in history, perhaps only at its end, when the boundaries of time and space are changing: on one side, by discovering distant past of man, with lost civilizations, then past of the planet and the universe, and on the other side, with exploration of cosmic spaces, depths of the oceans, or the interior of Earth itself, through the archaeological and geological layers, in almost a Verne’s way. New perspectives cause dizziness. Prehistory and post-history gain in importance only when history becomes a crumbling edifice. But turning man from history to something that he has not been able to determine yet or clearly perceive, now reminisce of the flight.

In one way or another, the technological universe and the consumer civilization will come to an end, in the same way as classic historical epoch ends with technocracy and with a totalitarian order in its complete form, which arises neither from the courage nor strength but from cowardice, weakness and fear. It is impossible to say how long this will take. It is irrelevant whether this will happen due to an internal attrition, an overstrain or a disaster, or with all of these together. But in each of these cases, the collapse is only a consequence of man's inability to further dwell within the historical world, and to rule it as a sovereign-supreme being.

The return to myth, however, is not possible in terms of return to the state of "pre-history." Mythological forces remain present, as it was during the entire historical period, but they can not establish a previous state because it lacks the preconditions, in the first place, a missing "substrate", a fertile ground. Modern man is too weak for that, in the spiritual, psychological and even "physiological" sense.

Together with the history, the culture gradually disappears as well, in its current meaning, which is basically just an instrument of social engineering. In a technocratic utopia (as opposed to the culture in the historical period), mass culture is just one of the ways that channels the energy and drive utopian fantasies and desires of the masses; the elite culture, which constantly wanders between conformism and negation, between skepticism and denial, between skepticism and irony, and back to conformism, essentially remains a tool of de-mythology (or deconstruction of mythology) and destruction of dangerous intuitions contained in myth, which allows more or less seamlessly integration into the technological universe, with the illusion of free will. The appearance and the awakening of dangerous intuitions and sleeping archetypes, on the margins of the technocratic social mechanism, creates a situation of conflict and leads to delays in its functioning.

In the region beyond the technocratic utopia, culture will need to take more traditional role than the one it has in the consumer civilization. The disintegration of the historical world in its late stage, which we are just witnessing, allows us to see something of it.

For much of the historical period, culture is a privileged area of sacred and mythical powers. This is one of the ways in which mythical forces again penetrate into the world historically, realizing themselves in history, unlike the technological universe, where they usually manifest themselves through the uncontrolled elements of folklore subcultures, and often distorted to the unrecognizable as simulacra of mythical, and not as his credible expression.

They more testify about the eternal and unquenched need of man for mythical content, than they represent a sign of their real presence.

Culture in post-technocratic era will be very closely related to the reestablishment of mythology, in terms of recognition and the awakening of true mythical content, marked by innovation and revitalization of the ancient and traditional form, rather than, as hitherto, their exorcism. Meaning and purpose of the process of de-mythology, by contrast, must be limited to the one it had in traditional societies: the cleaning of degenerate "folklore" mythical forms, as to let into their place those who credibly represent the tradition.

Translated by: Zinka Brkic

Cioran : un étrange scepticisme

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Cioran : un étrange scepticisme

"Dans cette communication, je tenterai d'analyser le scepticisme de Cioran. Il est devenu assez banal de considérer Cioran comme un penseur sceptique et la notion même de scepticisme traverse son œuvre de part en part. Ce portrait de l’écrivain en sceptique est pourtant loin d’aller de soi. En effet, son œuvre formule un certain nombre de certitudes ou de vérités qui s’accommodent mal avec le scepticisme."

Conférence donnée par Michel Jarrety dans le cadre du colloque international "Scepticisme et pensée morale", organisé par Jean-Charles Darmon, Philippe Desan et Gianni Paganini, en collaboration avec Frédéric Worms et le CIEPFC de l’ENS.

Le scepticisme a eu une importance déterminante dans l’évolution de la pensée morale, importance dont l’évidence est manifeste dans les sources grecques et latines, mais que les études consacrées à l’âge moderne ont souvent eu tendance à faire passer à l’arrière-plan, en considérant que le souci épistémologique est devenu primordial, surtout après Descartes. L’ambition de cette enquête collective sera, en premier lieu, de remettre à sa place, centrale, la finalité éthique du scepticisme au seuil, puis au cœur même de l’Age classique. On voudrait notamment analyser comment le dialogue entre réflexion philosophique et expériences littéraires a favorisé le développement d’une pensée morale sceptique que des préoccupations liées aux sciences et à la métaphysique ont souvent contribué à masquer ou à marginaliser. Une autre spécificité de cette enquête sera d’étudier, entre sciences, philosophie, littérature et arts, les prolongements de cette problématique jusqu’au moment présent, en étudiant certaines formes de résurgence (et de transformations) du scepticisme sur la scène de la pensée morale contemporaine et des débats qui la traversent.

Michel Jarrety est né en 1953. Ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de lettres et Docteur d'État, il est professeur de littérature française à la Sorbonne et par ailleurs directeur du Livre de Poche classique (avec Michel Zink).

Il a consacré à Valéry de nombreux travaux parmi lesquels deux livres - Valéry devant la littérature. Mesure de la limite, PUF, 1991, et Paul Valéry, Hachette, 1992 - et deux éditions de poèmes en prose: Alphabet au Livre de Poche en 1999, et Poésie perdue dans la collection Poésie/Gallimard en 2000.

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L’exception russe

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L’exception russe

par Georges FELTIN-TRACOL

Alexandre Latsa est un Français qui vit et travaille en Russie. Avec son blogue Dissonances et par ses articles mis en ligne sur le site Sputnik, il présente au public francophone un point de vue différent de l’opinion dominante très orientée. Dans deux ouvrages de médiocre qualité, plus proche de l’enquête en pissotière que de la grande politique (1), certains plumitifs voient en lui un formidable agent d’influence du Kremlin. Qualifié de « véritable ode à la Russie poutinienne (2) », son essai, Un printemps russe, mérite mieux que ces approximations malveillantes.

Alexandre Latsa explique que depuis l’arrivée au pouvoir en 1999 de Vladimir Poutine, la Russie connaît une phase de renouveau au point que « le poutinisme est en train d’émerger comme un modèle, sorte de gaullisme amélioré et moderne qui, dans les années à venir, devrait faire de nombreux émules dans le monde et en Europe (p. 285) ». Le pays sort pourtant d’une longue transition chaotique. L’auteur a bien raison d’insister sur ces nouveaux « Temps des troubles », les années 1991 – 1999, même si le déclin commença au temps de l’URSS avec la Perestroïka de Gorbatchev.

Une décennie troublée

La soudaine disparition de l’Union Soviétique cumulée à l’application immédiate et idiote d’une politique économique ultra-libérale inadaptée au contexte psychologique et social post-soviétique plongèrent la Russie dans un désordre multiple. Des républiques fédérées telles le Tatarstan ou la Tchétchénie cherchent à se libérer de la tutelle moscovite. Parallèlement, l’armature étatique détériorée passa sous la coupe de la Sémibankirchtchina (les sept oligarques les plus puissants). Leur fortune rapidement acquise reposait sur des connivences entre jeunes loups avides de gains, hauts fonctionnaires véreux et apparatchiks ex-communistes corruptibles. Il est clair que « la prise de contrôle de groupes mafieux s’était faite de façon tout à fait “ légitime ” durant la Perestroïka et avec le soutien indirect (volontaire ?) de gouvernements étrangers, du FMI et de la Banque mondiale (p. 47) ». La Russie perdit alors son rang de grande puissance et certains misèrent sur son implosion territoriale imminente quand ils ne tablaient pas sur sa rétractation proprement européenne. Deux chercheurs français, affiliés aux cénacles atlantistes, Françoise Thom et Jean-Sylvestre Mongrenier, envisagent encore « à très long terme […], une Russie revenu aux frontières de la Moscovie, délestée de la Sibérie et de l’Extrême-Orient (3) ». Ils ne font que reprendre une hypothèse émise par le géopolitologue Yves Lacoste, auteur de Vive la nation !, il y a plus de dix ans, quand il s’interrogeait sur l’avenir de la Russie. « L’indépendance des peuples non russes inclus plus ou moins sous la contrainte dans la Fédération de Russie est sans doute le moyen pour la Russie de reprendre son développement économique, social et politique sur des bases géographiques nouvelles certes restreintes par rapport à l’ancien empire, mais encore de très grande taille, notait-il. La reconstruction de la Russie passe sans doute moins par le maintien de son autorité sur de vastes territoires où les Russes sont de moins en moins nombreux, que par la lutte contre les facteurs de l’excessive mortalité (l’alcoolisme, la misère des hôpitaux, les carences de l’habitat) qui en font un cas très exceptionnel en Europe et qui le conduisent au déclin. L’« homme malade » de l’Europe doit d’abord se guérir et une Russie convalescente, au territoire mieux organisé, pourrait alors raisonnablement demander son entrée dans l’Union européenne (4). » Ces spéculations ne sont pas nouvelles et n’appartiennent pas aux seuls nationistes républicains français. Alexandre Latsa remarque que l’« obsession anglo-saxonne de démembrement de la Russie est ancienne et a historiquement commencé dans le sud du pays, au cœur du Caucase russe (p. 27) ». Faut-il rappeler que « de 1989 à 2016, l’alliance entre les États-Unis et les islamistes radicaux s’avérera une constante de la géopolitique américaine en Eurasie, en particulier de la lutte contre la Russie (p. 45) » ? Au soir de sa vie, le géo-penseur réaliste national-grand-européen Jean Thiriart répétait que le retrait soviétique d’Afghanistan fût une erreur géopolitique considérable que les Européens regretteront. Cette défaite accéléra l’effondrement soviétique et stimula l’islamisme. En outre, « les années 1990 avaient transformé la Russie en une sorte de IVe République déformée, avec des partis éphémères, rendant le jeu politique favorable à la stratégie des alliances et à l’achat de députés (p. 79) ».

Ruinée par des krachs à répétition, victime d’une insécurité record, exaspérée par l’alcoolisme chronique d’Eltsine, la population réclamait un « Pinochet » russe. D’abord séduite par le discours nationaliste du « libéral-démocrate » Jirinovski, elle se tourne ensuite vers le Parti communiste, puis vers le général Alexandre Lebed qui obtint à la présidentielle de 1996 14,5 % des suffrages. L’entourage présidentiel sut détourner cette revendication en promouvant Evgueni Primakov. L’auteur souligne avec raison qu’avant Poutine, « c’est Evgueni Primakov qui historiquement mit la Russie sur les rails du “ grand redressement ”, même s’il ne resta pas en poste bien longtemps (pp. 49 – 50) ». Ministre des Affaires étrangères de 1996 à 1998, puis Premier ministre de septembre 1998 à mai 1999, l’ancien journaliste arabophone du KGB donna à la diplomatie russe son impulsion eurasienne actuelle. Mais de féroces querelles intestines le chassèrent du pouvoir, remplacé par quelques politiciens plus occidentalistes, libéraux et américanophiles. Sur un point, Alexandre Latsa commet une erreur. Vladimir Poutine serait selon lui le « huitième Premier ministre de la Fédération de Russie au cours des dix-huit derniers mois (p. 60) ». En fait, avant sa nomination, occupèrent successivement la fonction Sergueï Kirienko (24 avril – 23 août 1998), Viktor Tchernomyrdine (23 août – 11 septembre 1998), Evgueni Primakov et Sergueï Stepachine (19 mai – 9 août 1998).

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Indispensable restauration de l’État

La nomination surprise du chef du FSB, Vladimir Poutine, à ce poste, allait confirmer et amplifier les esquisses posées par Primakov. Ce n’est pas étonnant, car Poutine appartient à l’époque du KGB aux « réformateurs » dont le chef de file n’était autre que le directeur lui-même, Youri Andropov. Dans ses articles de Monde et Vie du début des années 2000, l’ancien résistant et journaliste spécialisé dans la guerre secrète, Pierre de Villemarest, le qualifiait de « national- soviétique ». Conscient de l’ampleur de la tâche à mener, Poutine parvient néanmoins à réduire l’influence délétère des oligarques et à restaurer une « verticale du pouvoir », ce qui assure à l’État depuis Moscou le contrôle de « cet immense territoire en quelque sorte laissé à lui-même et au sein duquel il était vital pour l’État d’accentuer son autorité afin de contrecarrer les dynamiques naturelles d’inertie territoriale dues principalement à la géographie du pays (pp. 81 – 82) ». L’administration du pays le plus étendu au monde n’est pas une mince affaire. « La recomposition du modèle russe s’opère selon une équation assez surprenante visant à reconsolider la solidarité et l’unité nationale en affirmant la diversité culturelle par l’essor du patriotisme. Ce dernier élément vise également à atténuer les tendances nationalistes jugées dangereuses, car pouvant remettre en cause l’équilibre polyethnique et multiconfessionnel russe, et surtout contribuer à l’essor du nationalisme régional et donc aux pulsions indépendantistes (p. 71). » La restauration d’un État fort accorde une priorité aux « aspirations et besoins de la communauté […] sur les aspirations individuelles, et […encourage] au maximum les cultures et identités locales en accentuant leur intégration (et leur compatibilité) avec l’identité fédérale (p. 116) ».

État-continent, la Russie dispose de spécificités qu’ignorent les États-nations d’Occident. Par exemple, elle « n’a pas besoin de l’immigration pour connaître un système naturellement pluriculturel et pluriethnique (p. 131) ». Ainsi, depuis le XIIIe siècle et l’invasion tataro-mongole, les peuples slaves de l’Est cohabitent-ils avec des peuples musulmans qui rejettent (pour combien de temps encore ?) l’islam wahhabite et ses succédanés. Sait-on à ce sujet que la Russie a depuis 2005 rang de membre observateur à l’OCI (Organisation de la coopération islamique) ? Héritière tout autant de Byzance que du khanat de la Horde d’Or, la Russie applique le polyethnisme, c’est-à-dire un cadre socio-historique et politique de cohabitation ethno-culturelle très variée agencée et ordonnée autour du noyau ethnique majoritaire, le peuple russe. Cela signifie que « le modèle de l’État-nation ne lui sied pas puisque la Russie comprend en son sein des nations et des républiques (p. 118) ». Mieux encore, « le patriotisme et le monde polyculturel sont intrinsèquement liés et […] chaque citoyen peut se sentir appartenir à la Fédération (p. 136)».

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Ni Asie, ni Europe. Russie !

Alexandre Latsa explique qu’à rebours de cette tradition politique, des nationalistes russes les plus radicaux et les plus hostiles à Poutine prônent le départ complet de toute présence russe au Caucase du Nord, voire de la Sibérie, parce qu’ils adhèrent précisément à une logique stato-nationale incompatible avec l’histoire de la Russie, l’ultime ensemble supranational au sens traditionnel du terme. « Alors que le manifestant moyen de Bolotnaïa est souvent hostile aux immigrants d’Asie centrale, nationaliste et libéral, et rêve de Rome et de Paris, son opposant politique est un patriote étatiste, croit au monde russe et rêve d’une Russie slave et orthodoxe, mais non occidentale (p. 263). » Ce constat surprend l’Occidental intoxiqué par ses médiats. Pour le patriote étatiste russe, « cette expérience historique, qui fait clairement de la Russie un empire et non un État-nation, l’éloigne non seulement de l’expérience historique de l’Europe, mais lui procure une capacité d’appartenance et de projection à cet ensemble culturel à part qu’est l’Eurasie, cette zone du monde qui se situe géographiquement entre la plaine hongroise et la frontière chinoise, et culturellement entre Moscou, Athènes et Astana (p. 273). » Par conséquent, le patriotisme politique, civique et civilisationnel russe « est en réalité nécessaire pour maintenir une unité nationale bien plus difficile à conserver qu’au sein des États-nations européens, plus homogènes sur le plan ethnique, religieux et culturel (p. 114) ». Il importe, d’une part, de relativiser cette dernière affirmation, car, suite à quatre décennies d’immigration de masse extra-européenne, les sociétés d’Europe occidentale deviennent hétérogènes sur le plan ethnique, se fragilisent et tentent de pallier ce délitement désormais quasi inévitable par l’avènement d’un État de droit sécuritaire ultra-moderne. L’auteur mentionne, d’autre part, la surprenante demande du « nationaliste » Vladimir Jirinovski qui aurait aimé « loger la moitié de la population du Japon au centre de la Russie (p. 269) ». Le chef du Parti libéral-démocrate de Russie pensait ici en homme d’Empire et non pas en politicien stato-national. Si un jour (proche ?) la guerre civile et le chaos embrasaient l’Occident européen, la Russie accueillerait peut-être des exilés (définitifs ?) venus de France, de Belgique, d’Allemagne, d’Italie ? Déjà, sous la Révolution, de nombreux émigrés vécurent dans l’Empire des tsars. Joseph de Maistre en retira ses magistrales Soirées de Saint-Pétersbourg.

« En développant une politique de puissance sur le long terme, la Russie apparaît désormais pour un nombre croissant d’Européens mais aussi d’Africains, d’Asiatiques ou de ressortissants du monde musulman comme une forme d’anti-modèle, de contre-modèle, capable de proposer une alternative à la voie sans issue dans laquelle s’est engagé le modèle dominant actuel (p. 160). » Cela agace les médiats occidentaux dirigés par des financiers et des banksters. « La censure existe autant en France qu’en Russie. […] N’est-il pas plus juste que ce soit l’État et non des oligarques ou des banquiers qui contrôlent les médias (p. 200) ? » Dans l’Hexagone, les puissances industrielles et d’argent financent les structures médiatiques. Vincent Bolloré n’a-t-il pas le groupe Canal + (iTélé, C8) et le quotidien gratuit Direct Matin ? Serge Dassault le groupe Le Figaro ? Patrick Drahi Libération, L’Obs, les télés BFMTV et N° 23, la radio RMC ? Martin Bouygues TF1, TMC et LCI ? Arnaud Lagardère Europe 1, Paris Match et Le Journal du Dimanche ? Le groupe bancaire Le Crédit mutuel de nombreux titres de la presse quotidienne régionale de l’Est de la France ? Souvent en contact avec des journalistes « dont le travail s’est, au cours des dernières années et concernant la Russie, avéré être un mélange de militantisme idéologique, d’incompréhension, de mensonge et de mauvaise foi (p. 184) », Alexandre Latsa ne cache pas ses critiques à leur égard. En effet, « majorité de gauche, parisianisme, morale petite-bourgeoise, le journalisme français est devenu la courroie de transmission d’un courant d’idées qui a tendance à négliger l’information et la vérité au profit de l’éducation du grand public (p. 195) ». Il dénonce « cette diabolisation, que certains analystes ont qualifié de guerre médiatique totale, vise essentiellement la gouvernance russe actuelle ainsi que ses prises de position internationales contribuant à l’établissement d’une nouvelle architecture mondiale, davantage multipolaire, que pourtant chacun devrait souhaiter (p. 20) ». Pis, « les années qui passent démontrent le manque d’imagination des commentateurs et leur totale incompréhension de la Russie d’aujourd’hui et de ses élites, mais surtout elles prouvent l’alignement des agences de presse avec les intérêts stratégiques américains et leurs relais actifs de relations publiques (p. 76) ». Les campagnes de presse russophobes réussissent souvent du fait de grandes lacunes sur « le front médiatique, où la Russie connaît une certaine faiblesse (p. 184) ».

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Nécessaire stabilité politique et institutionnelle

Favorable au libéralisme politique, social, économique et sociétal, la caste intello-médiacratique hexagonale exècre la Russie, défenseur de la « dimension illibérale de l’État [qui] est une constante historique (p. 121) ». La particularité de son système politique, qu’on peut définir comme une démocratie charismatique ou une démocratie illibérale, se caractérise par des forces politiques agencées « dans trois cercles concentriques, en fonction de leur nature davantage que de leur corpus idéologique (p. 84) ». Le premier représente, avec Russie unie, le bloc central de gouvernement. Dans le deuxième gravite l’« opposition de gouvernance (p. 85) », à savoir les communistes, Jirinovski, Russie juste de centre-gauche (membre de l’Internationale socialiste), les libéraux de Iabloko et les libéraux-conservateurs de l’Union des forces de droite aujourd’hui dissoute. « Cercle marginal (p. 85) », le troisième rassemble tous les partis dits extrémistes, y compris les nationaux-bolcheviks d’Édouard Limonov. Les belles âmes s’offusquent du manque de renouvellement politique. Et en Afrique du Sud alors ? L’ANC gouverne depuis 1994 sans soulever les mêmes condamnations… Idem pour le géant de la Corne de l’Afrique, l’Éthiopie dirigée depuis 1991 par le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens. Alexandre Latsa n’évacue pas les dysfonctionnements dus à une politique libérale qui assèche le secteur public, et reconnaît même volontiers que « la corruption est un problème qui fait partie de l’ADN de la Russie (p. 102) » en le replaçant sur la longue durée historique, la seule pertinente pour mieux comprendre.

Avec la politique poutinienne de redressement, « la Russie est […] incontestablement redevenue, malgré les récurrents soubresauts qui la traversent, l’un des principaux acteurs de la scène politique mondiale (p. 11) ». Pour l’auteur, on l’a vu, la Russie « apparaît également comme un nouveau modèle alternatif, que ce soit sur le plan politique, mais aussi sociétal via la promotion des valeurs traditionnelles, religieuses et familiales, qui étaient finalement celles de la “ Vieille Europe ” (p. 12) ». Vraiment ? Et la GPA ? Maria Poumier rappelle que, rémunérée, cette procédure biotechnique « y est légale depuis 2009 et connaît un boum effrayant. Mais l’Église orthodoxe s’y oppose (5) ». Elle tient toutefois à préciser que « cas unique, la législation russe permet à la mère porteuse de garder l’enfant pour elle si elle change d’avis à la naissance. La culture chrétienne orthodoxe règne donc bel et bien encore sur le pays, conclut-elle (6) ».

Alexandre Latsa se penche enfin sur le dessein géopolitique immédiat de Moscou qui se traduit à travers une Union douanière, une Union eurasiatique calquée sur le modèle de la pseudo-UE et une politique d’hydrocarbures. Le dynamisme russe exercerait un tel attrait que « l’Inde, la Moldavie, le Chili, Singapour, Israël ou la Nouvelle-Zélande ont émis le souhait de rejoindre l’Union douanière, tandis que l’Union eurasiatique pourrait s’étendre à l’est et l’ouest de l’Eurasie en englobant, par exemple, la Bulgarie, la Hongrie, la Mongolie, le Venezuela ou encore le Vietnam et la Syrie (p. 162) » ? Tous ces projets indiqueraient plutôt la résurgence, plus étendue, du COMECON soviétique. Il compare aussi la création de l’État fantoche du Kossovo avec le rattachement de la Crimée à la Russie et juge que le précédent criméen permettra aux Bélarussiens et aux Khazaks de réintégrer la Russie. En est-il si sûr ? Les régimes forts du Bélarussien Alexandre Loukachenko et du Khazak Noursoultan Nazerbaïev construisent de véritables nations reposant aux identités politico-culturelles originales dorénavant moins malléables que des Moldaves tiraillés entre Moscou, Kiev et Bucarest. Sinon pourquoi le tracé du gazoduc North Stream contournerait-il le Bélarus pourtant guère sensible aux sirènes occidentalistes ?

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La difficile question ukrainienne

Le gouvernement russe entend contester les visées néo-conservatrices occidentales. L’auteur insiste sur le rôle délétère majeur joué par Jean Monnet dans l’intégration de la construction pseudo-européenne au cadre atlantiste dont l’OTAN, le TAFTA et le CETA (le traité de libre-échange avec le Canada) parachèveront l’exclusion finale des Européens de l’histoire. En revanche, « la France, en se rapprochant de l’OCS, pourrait devenir la première puissance européenne membre stricto sensu et ainsi conforter ses positions (p. 291) ». Mais faut-il pour autant qu’une France libérée de la tutelle atlantiste rejoigne un bloc continental eurasiatique ? Certes, Alexandre Latsa a raison d’affirmer que la Russie a une vocation – méconnue – de thalassocratie potentielle. L’URSS le savait comme l’a montré en 1982 le jeune stratégiste Hervé Coutau-Bégarie avec La Puissance maritime soviétique (7).

Quant aux menées expansionnistes en Ukraine, si elles se comprennent du côté russe, elles n’en demeurent pas moins datées. Alexandre Latsa considère que « le Maidan sera donc une révolution de couleur qui verra une minorité d’activistes radicaux d’extrême droite faire basculer dans la violence des manifestants critiquant, avec sans aucun doute une réelle légitimité et une réelle sincérité, la mauvaise gestion de l’ex-président ukrainien Viktor Ianoukovitch (p. 250) ». Tous ces événements signifient-ils que « l’Ukraine pour notre pays n’est ni une zone d’influence française historique, ni un partenaire économique de poids (p. 288) » ? Et les soldats morts devant Sébastopol lors de l’odieuse Guerre de Crimée (8) ? Et la princesse Anne de Kiev qui épouse le Capétien Henri Ier et devient d’abord reine de France, puis plus tard première régente du royaume ? Et le duc de Richelieu, gouverneur général de l’Ukraine, fondateur du port d’Odessa ? L’auteur commet d’autres erreurs factuels. Il parle de l’« armistice du 8 mai (p. 113) » alors qu’il s’agit de la capitulation de l’Allemagne. Plus grave, l’Ukraine n’aurait aucun « projet national réel (p. 258) ». C’est exact pour les nabots qui dirigent ou ont dirigé l’Ukraine. C’est faux en ce qui concerne les nationalistes « néo-bandéristes ». Certes, ce projet d’ordre national n’existe pas chez Svoboda, cette sorte de FN de pacotille. Il est en revanche tangible, réfléchi et fort avancé au Prevy Sektor et surtout au sein du Bataillon Azov. Avec les Italiens de CasaPound, les Grecs d’Aube Dorée et des Espagnols, les patriotes ukrainiens ont eux aussi commémoré le sacrifice de Dominique Venner en 2013 et traduisent ses œuvres. Comprenant le caractère mortifère de l’Union soi-disant européenne, ils ne se résignent pas à rejoindre une Union eurasienne qui nierait leur identité nationale, car le peuple ukrainien existe comme existent en France les peuples corse, basque, breton ou alsacien. Les nationalistes ukrainiens postulent une véritable alternative au-delà du rapprochement avec Moscou, l’alignement obligatoire sur le complexe atlantiste ou le maintien d’une Ukraine seule et isolée. Ils ont réactivité l’ambitieuse vision de l’Intermarum, soit la coopération stratégique entre les nations de la Baltique, de la Mer Noire, voire de l’Adriatique. Le conflit dans les contrées orientales de l’Ukraine est inacceptable d’autant que les descendants de Boréens meurent dans les deux camps. Pourquoi tous ces drames, ces morts, ces familles déchirées ? Une Europe-puissance aurait certainement pu éviter cette tragédie. Aujourd’hui, la réconciliation russo-ukrainienne devient presque impossible. Les Ukrainiens en colère prouvèrent en tout cas leur indéniable courage tandis qu’à Paris, La Manif pour Tous montrait sa couardise foncière et son légalisme pathologique. versant dans la nostalgie soviétique, les républiques indépendantistes de Donetsk et du Donbass acceptent l’appui de mouvements antifas et reprennent les antiennes anti-fascistes qui abrutissent les Européens de l’Ouest depuis 1945.

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L’Ukraine est une jeune nation à qui il a manqué dans les premières années de son indépendance une colonne vertébrale politique ainsi qu’un État fort que les Khazaks apprécièrent dès 1991, les Bélarussiens à partir de 1994 et les Russes en 1999 ! Cette absence étatique favorisa l’instabilité politique et l’émergence d’oligarchies locales dans une situation comparable aux indépendances post-coloniales d’Amérique latine au début du XIXe siècle. La guerre qui dévaste l’Est de l’Ukraine est proprement intolérable pour tout authentique Européen qui ne peut que déplorer que « pour les Ukrainiens, une rupture terrible est en train de se produire avec leurs frères russes, tandis qu’il est évident que nulle intégration de l’Ukraine, ni dans l’Europe, ni dans l’OTAN, ne devrait voir le jour (p. 256) ». Anthropologiquement boréenne, la Russie – comme l’Amérique du Nord – n’est pas européenne. Elle doit suivre sa propre voie hors de toute ingérence étrangère. Enterrons donc le mythe eurosibérien et l’idée d’une Grande Europe de l’Islande au Kamtchatka. À l’heure où l’Occident ultra-moderne, cosmopolite et humanitariste subit la submersion démographique des peuples de couleurs d’Afrique et d’Asie, détournons-nous des abjectes « Lumières », récusons l’occidentalisme et privilégions plutôt une coopération boréale intelligente de Dublin à Vladivostok en passant par Paris, Madrid, Rome, Berlin, Budapest et Moscou.

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : Cécile Vaissié, Les réseaux du Kremlin en France, Les petits matins, 2016; Nicolas Hénin, La France russe. Enquête sur les réseaux Poutine, Fayard, 2016. Il manque cruellement une grande enquête sur l’Hexagone yankee et les larbins français de la Maison Blanche. Un ouvrage pareil serait à coup sûr plus volumineux qu’un gros bottin téléphonique.

2 : Anne Dastakian, dans Marianne, du 19 au 25 août 2016.

3 : Jean-Sylvestre Mongrenier et Françoise Thom, Géopolitique de la Russie, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2016, p. 120.

4 : Yves Lacoste, « Dans l’avenir, une très grande Europe de l’Atlantique au Pacifique ? », dans Hérodote, n° 118, 3e trimestre 2005, pp. 211 – 212.

5 : Mari Poumier, Marchandiser la vie humaine, Le Retour aux Sources, 2015, p. 137.

6 : Idem, p. 139.

7 : Hervé Coutau-Bégarie, La Puissance maritime soviétique, Économica, 1983.

8 : Érigée en 1860 sur le rocher Corneille avec la fonte du fer des canons russes pris à Sébastopol cinq ans plus tôt, la statue de Notre-Dame de France surplombe Le Puy-en-Velay.

• Alexandre Latsa, Un printemps russe, Éditions des Syrtes, 2016, 309 p., 20 €.

La revue de presse de Pierre Bérard

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La revue de presse de Pierre Bérard

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Au sommaire :

SUÈDE

En Suède un miracle n'arrive jamais seul, la preuve. Non content d'avoir été élu pays d'accueil privilégié des "réfugiés", l'arrivée massive de ces derniers aurait permis un boom économique. Pensez donc, 4,5 % de croissance du PIB au dernier trimestre de l'année 2015 ! De quoi faire pâlir les "économistes" chinois. À quoi serait due cette "croissance" surprenante dans une Europe en proie à la léthargie et où l'Allemagne avec un taux annuel de 1,6 % fait figure de locomotive ? D'après une abondante cabale d'experts, à l'immigration. Oui, vous ne rêvez pas. Ce qui est vrai en un sens, défavorable aux Suédois, car le gouvernement  a beaucoup dépensé pour l'installation de ses hôtes : logements, écoles, allocations, fonctionnaires supplémentaires. Ce qui permet à L'Humanité, quotidien du Parti Communiste Français, ou des rogatons qu'il en reste, de justifier cette politique généreuse d'accueil des migrants et de vanter les exigences de la CGT en la matière. Le mythe de l'avenir radieux n'a pas pris une ride. Après le génial Staline, c'est l'immigration salvatrice qui nous promet des lendemains qui chantent. Singulière position d'un parti autrefois défenseur des salariés et qui, aujourd'hui, adhère sans recul à la plus pure doctrine libérale, au point de rabâcher ses âneries. En effet, la principale insuffisance du PIB est de ne pas faire la différence entre une nuisance et un richesse. Ainsi les catastrophes naturelles ou l'augmentation du nombre des accidents de voitures font grimper automatiquement ce taux. Si l'on suivait le raisonnement de L'Humanité, suivant en cela de nombreux experts rémunérés par le Capital, une Suède peuplée de millions de "réfugiés" supplémentaires connaitrait un taux de croissance de son PIB mirifique. Mais l'on constate que le gouvernement du pays "le plus généreux d'Europe" n'a pas cru devoir poursuivre l'expérience puisque, la mort dans l'âme, il a annoncé cette année la fin de l'immigration et un contrôle drastique  de ses frontières. Et du même coup sans doute la fin de la croissance miraculeuse reconnaissant par là les imperfections du mirobolant indicateur censé la mesurer. Gageons que le prolétariat local ne doit pas être marri de cette décision :
 
 

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SYRIE / RUSSIE 
 
Le point de vue de Caroline Galactéros. Tout d'abord avec un article du 11 septembre 2016 sur les alliances nouées sur le terrain proche-oriental et surtout celle qui lie désormais la Russie et la Turquie, pure alliance de circonstance selon elle (première référence). Dans une seconde chronique, percutante mais aussi accablante pour notre calamiteuse politique vis-à-vis de la Syrie et de l'action qu'y mène la Russie, elle montre comment la France s'est trompée en s'engouffrant dans un alignement crédule et irénique sur la stratégie du chaos voulue par la puissance américaine au dépens de la sécurité de nos concitoyens. Elle ne mâche pas ses mots pour qualifier notre diplomatie du contresens qui, planquée derrière les jérémiades vertueuses de Fabius et d'Ayrault, s'avère incompétente et finalement humiliante pour notre pays, humiliante car elle risque de jeter le destin de la France aux mains d'imprévisibles politiciens étatsuniens. :
 
 
 
Bruno Guigue quant à lui insiste sur le pathétique d'un président (Hollande), sponsor des terroristes sunnites au Proche-orient, menaçant de ses rodomontades celui qui les combat (Poutine). Déférer le président russe devant la Cour pénale internationale pour crime de guerre, rien que ça ! Monsieur "petites blagues" a, c'est évident, réussi la meilleure de l'année dans le registre de l'esbroufe et ceci au mépris d'une diplomatie qui fut, jusqu'en 2003, dotée d'un certain panache et qui sombre dorénavant dans le ridicule en mettant son crétinisme au service des États-Unis. Quand le propos politique se réfugie dans l'incantation moralisatrice, il ne fait qu'exprimer sa triste impuissance et comme l'aurait dit un ancien ministre des affaires étrangères "le décrochage de la France est maintenant indéniable".  :
 
 
krantenlezers1.jpgHadrien Desuin, expert en géo-stratégie, délivre un message semblable à propos des hésitations et du couac final de la "diplomatie" hollandaise vis à vis de la Russie. Au fond, écrit-il, "Cet homme n'aime pas ce pour quoi il a été élu : décider et choisir. Il laisse la décision à Vladimir Poutine. Et Vladimir Poutine de lui répondre moqueur : je viendrai quand François Hollande sera prêt". Nouvelle rebuffade pour Hollande, mais c'est pourtant peu dire que d'avouer que la France doit parler à la Russie pour exister sur la scène internationale, mais que Moscou n'a pas besoin de Paris pour compter dans le monde :
 
 
Un son de cloche bien différent que celui que l'on nous serine à longueur de journée à propos d'Alep-est et de ses fameux "casques blancs", secouristes humanistes qui sauvent des vies au mépris de la leur. Une imposture de plus au service du bloc occidental :
 
 
Sur la généalogie de ces pseudo "casques blancs" on se reportera à la fiche publiée par le site suisse Arrêt sur info :
 
 
Dans un entretien donné à Figaro vox le 29 septembre concernant le sort d'Alep, le géographe Fabrice Balanche se refuse à emboîter le pas au story telling occidental. En effet il met en cause les médias où l'émotion l'emporte sur la réflexion et qui sur-réagissent aux bombardements russes, justifiant ainsi notre "Irrealpolitik". Il rappelle que les "rebelles modérés" qui envoûtent tant nos politiques sont une fiction, que les civils d'Alep-est sont maintenus prisonnier dans leur ville afin de servir aux troupes d'al-Qaîda de boucliers humains et que l'émoi provoqué dans l'opinion publique par cette situation est instrumentalisé par les bailleurs arabes de la rébellion syrienne, notamment l'Arabie saoudite et le Qatar salafistes auxquels nos chancelleries complices ne peuvent rien refuser : 
 
 
Jean-Luc Mélenchon invité dans l'émission L'Épreuve de vérité  de Public Sénat  nous offre le réjouissant spectacle de journalistes criblés de rafales assassines. S'y révèle, une fois de plus, une doxa médiatique qui, bien qu'hégémonique, ne tient plus la route. Avec ses saillies oratoires et son art offensif de la dialectique, Mélenchon pratique une stratégie de rupture avec le discours mainstream. Son exécution du résident de la République est à cet égard exemplaire et les quelques minutes qu'il consacre au tout début de son intervention à l'affaire syrienne et à l'éviction dérisoire de la Russie de Poutine par notre diplomatie un morceau de premier choix :
 

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ISRAËL
 
Démystification. Quelques vérités à propos de Shimon Peres, honoré par l'Occident unanime et condamné par les Arabes pour d'évidentes raisons. On notera que les édiles européens célèbrent un homme et à travers lui un pays qui pratique une toute autre conception du "vivre ensemble" que celle à laquelle ils ont contraint leurs populations. La loi du double standard ne jouerait-elle qu'en faveur d'Israël ? :
 

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HONGRIE
 
Un article cueilli sur un site catholique nous apprend que Lazlo Foldi, ancien directeur des opérations des services  de renseignement hongrois, a déclaré sur Radio Kossuth que la crise des migrants qui assaillent l'Europe serait un opération mené par les autorités de Bruxelles avec le concours des médias mainstream et des ONG contre les États-nation du continent afin d'instaurer une Europe multiculturelle. Au delà d'une évidente défense de la politique migratoire des autorités hongroise, cette déclaration donne à réfléchir :
 

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ÉTATS-UNIS
 
Pascal Gauchon, rédacteur en chef de l'excellente revue de géopolitique Conflits présente son dernier hors-série devant la caméra de Boulevard Voltaire. Il est consacré aux visages de la puissance américaine. Sa conclusion : "Hillary Clinton, c'est George W. Bush avec une jupe".  Notons par ailleurs que l'actuel numéro (en kiosque) porte dur le thème "La Russie et nous" :