Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 26 juin 2019

Un Etat, plusieurs langues ?

Europe_linguistic_map_1907.JPG

Un Etat, plusieurs langues ?

par Eugène Guyenne

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com

Puisque le Parti des Européens propose à l’Europe, la solution d’un Etat unitaire, il n’en reste pas moins complexe d’aborder toutes les questions qui s’y poseraient en conséquence. Comme la question de la langue. Si les États-nations sont basés majoritairement sur une même langue, une langue « nationale », il n’en reste pas moins qu’il existe des contre-exemples d’États-nations reconnaissant officiellement plusieurs langues à la fois, ne constituant donc pas des « langues nationales » mais des langues dédiées à des communautés distinctes.

En Europe notamment, on trouve comme contre-exemples des États comme la Suisse, la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, la Russie, l’Irlande et encore Malte. On pourrait même aller plus loin en évoquant d’autres territoires, non reconnus comme États, mais « pays » (au sens large) et où pourtant y sont parlées plusieurs langues. Comme les divers territoires britanniques (Écosse, Pays de Galles, île de Man, de Guernesey, Jersey, Gibraltar), la Catalogne, l’Alsace, le Pays de Bade, la Wallonie ou encore la Silésie.

En effet, prenons 3 cas : Malte, Belgique, Russie. A Malte, on y parle la langue locale, reconnue comme « nationale », le maltais (langue chamito-sémitique). Et l’anglais, langue du dernier occupant. En Belgique, cas très particulier, on n’y parle pas plus le belge (dialecte celtique) depuis l’Antiquité ce qui fait qu’il n’y a pas de « langue nationale », au sens où la langue rassemble les gens de même naissance. Il y a trois langues officielles, toutes issues des anciennes puissances frontalières ayant occupé le territoire (Royaume de France, Provinces-Unies, Saint-Empire-Romain-Germanique).

En Russie et dans de nombreux territoires (oblasts, kraïs), on y parle la langue « nationale », le russe (langue slave). Plus d’autres langues propres aux régions autonomes (pour ne citer qu’un exemple, l’ingouche pour l’Ingouchie), tirant des souches non indo-européennes, qu’elles soient caucasiennes (adyguéen, kabarde, ingouche, tchétchène), altaïques (bouriate, kalmouk, bachkir, iakoute, tatar, touvain, khakasse, tchouvache, altaïen), ouraliennes (komi, mari, oudmourte) ou finno-ougriens (vote, vepse). Seule la langue ossète, composante du groupe iranien est parlée en Ossétie du Nord, région rattachée à la Fédération.

Pour revenir au thème principal, oui il est possible d’avoir plusieurs langues officielles, car il ne s’agit que de cela, dans un Etat. Pour la « cohésion nationale » est-ce que cela remet en cause les principes de l’Etat-nation, du bien commun et d’entente d’une même société ? Non. Le problème de la Suisse et de la Belgique n’est pas la répartition entre trois communautés européennes. Le problème de la Russie, État disparate sur le plan ethnolinguistique, est plutôt lié aux valeurs qui y sont véhiculées notamment par des gens comme le tchétchène Ramzan Kadyrov.

Alors quelle(s) langue(s) officielle(s) pour l’Europe de demain? Certains germanophobes vous répondront l’allemand. Certains anglophobes vous répondront l’anglais. Le latin était un choix de proposition de Gérard Dussouy, en y faisant mention dans son ouvrage « Fonder un Etat européen » parut en 2013, « langue de la civilisation européenne par excellence […] longtemps pratiquée par toutes les populations éduquées d’Europe » (voir l’interview de Thomas Ferrier le 2 juin 2013). L’ « europaiom » (proto-indo-européen modernisé) est une des pistes d’ouverture à étudier. Le Parti des Européens a un avis sur cela : les langues les plus parlées par les Européens devront être reconnues et praticables sur l’ensemble du territoire (sans être un chiffre conséquent ni exhaustif) : 7. Soit l’anglais, le français, l’allemand, l’espagnol, l’italien, le russe et le polonais, soit deux langues germaniques, trois langues romanes, deux langues slaves. Plus les langues régionales, propres aux régions (le dialecte navarrais, badois, mannois, vénitien, etc…).

Eugène Guyenne (Le Parti des Européens)

La droite nord-américaine fait fausse route

train-immigrants.jpg

La droite nord-américaine fait fausse route

par Rémi TREMBLAY

En Amérique, tant au Canada qu’aux États-Unis, l’immigration illégale – ou les « migrations irrégulières » pour employer le novlange d’Ottawa – défraie les manchettes depuis quelques années.

Au sud du 51e parallèle, l’immigration illégale, principalement en provenance des pays de l’Amérique latine, est un phénomène majeur, mais ne date pas d’hier, contrairement au Canada où c’est le fameux Tweet « Bienvenue au Canada » lancé par Justin Trudeau sur le réseau social Twitter qui a enclenché le phénomène à l’hiver 2017.

Depuis, ce sont des dizaines de milliers de clandestins qui ont franchi la frontière américano-canadienne pour être accueillis à bras ouverts par les autorités canadiennes. C’est énorme pour une population comme celle du Canada, bien que le phénomène soit beaucoup moins important qu’aux États-Unis où les clandestins sont au minimum 10 millions selon le Pew Research Center qui présente un nombre probablement bien en deçà de la réalité.

La volonté de Donald Trump de bâtir un mur entre le Mexique et les États-Unis et d’appliquer une ligne dure envers l’immigration illégale explique en partie son élection à la Maison Blanche et a eu un impact beaucoup plus important qu’une quelconque intervention russe.

Au Canada, la campagne électorale n’a pas encore été officiellement déclenchée, mais déjà le conservateur Andrew Scheer, le principal adversaire de Trudeau fils, attaque le premier ministre sur cet enjeu qui risque de devenir un élément marquant de sa campagne.

Mais le problème avec cet enjeu est qu’il reste relativement secondaire. Certes, il va de soi qu’un gouvernement doit contrôler ses frontières, ce qui est la base même de toute souveraineté. Il est aussi crucial que dans un État de droit, une démocratie libérale comme les États-Unis et le Canada, les règles soient respectées. Ces pays ont renié toute identité nationale ou ethnique; l’appartenance au pays nécessite une adhésion à ses lois et institutions.

C’est la seule façon dont ces états de plus en plus artificiels, car de plus en plus coupés de leur identité nationale et ethnique au profit d’une approche inclusive, peuvent perdurer.

Mais ce n’est justement pas les institutions et l’État qu’il faut préserver, mais la nation, le peuple qui est à son origine. Les institutions peuvent changer, l’État peut s’écrouler, peu importe, tant que la nation survit. L’exemple russe qui a connu le régime tsariste, la révolution, la tyrannie et la violence avant de renaître de ses cendres nous le démontre bien. Et quand on parle de survie nationale, ce n’est pas l’immigration illégale et statistiquement marginale qui importe, mais l’immigration de masse, tout à fait légale qui est orchestrée par les élites.

Le Grand Remplacement ne se fait pas de façon clandestine et illégale, mais bien au grand jour à travers l’immigration de masse. Au Canada, celle-ci a explosé, passant d’un niveau ingérable d’un quart de million de nouveaux venus annuellement pour une population totale de moins de 40 millions à un tiers de million chaque année et les chiffres continuent de grimper. C’est là le véritable enjeu. Les quelques milliers qui parviennent à entrer au pays ne représentent qu’une goutte d’eau dans le tsunami migratoire que nous impose Trudeau.

Si les Conservateurs voulaient vraiment enrayer le Grand Remplacement, ils s’attelleraient tout de suite à ce dossier. Mais voilà, ce n’est pas ce qu’ils souhaitent.

Rémi Tremblay

• D’abord mis en ligne sur Euro-Libertés, le 19 juin 2019.

mardi, 25 juin 2019

Una nueva filosofía de la Libertad: La Razón Manual de Manuel F. Lorenzo

mains.jpg

Una nueva filosofía de la Libertad:

La Razón Manual de Manuel F. Lorenzo

Carlos Javier Blanco

Ex: http://www.revistacontratiempo.com.ar/blanco_lorenzo_razo... 

El gran filósofo alemán Johann Gottlieb Fichte (1762-1814) sentenció que la filosofía que un hombre profesa depende de la clase de hombre que se es. En tal aserto, lejos de abrir las puertas a un relativismo, tengo para mí que se contiene la semilla de un nuevo y fundamental vitalismo. La filosofía es la razón de la vida, y de la vida en razón. El gran idealista germano, según he podido aprender del profesor Manuel Fernández Lorenzo, fue el padre y el impulsor no ya sólo del idealismo alemán sino también vitalismo filosófico, movimiento del que todos los españoles y americanos de habla hispana podemos sentirnos herederos. ¿Y por qué los españoles e hispanohablantes precisamente? España, nación a la que algunos, erróneamente, toman por huérfana filosófica, posee muy por el contrario conocidos y dignos padres pensadores de primera talla. Como ocurrió en otras ocasiones y países, España conjuga hoy, como las demás naciones hermanas, un verdadero derrumbe moral y social, así como una descomposición institucional, por un lado, con una elevada y meritoria producción filosófica, por el otro.

Razon Manual 1 product_thumbnail.jpgEs en dos etapas bien diferenciadas en donde cabe hablar de la prosapia hispana de la filosofía. Hubo una primera -pero ya remota- etapa de realismo escolástico, en la Edad Moderna, esto es, en los siglos áureos del Imperio. Hubo y hay otra etapa, mucho más reciente, presidida de forma contemporánea por el vitalismo filosófico de nuestro Unamuno y de nuestro Ortega. Es de este vitalismo de donde partimos hoy en la hispana filosofía y de donde, según los pasos que muestra Manuel F. Lorenzo, podemos beber y alzar nuevas construcciones del pensamiento. El vitalismo hispano, como el de toda Europa, bien podría bascular en dos direcciones, entre sí antagónicas. Una dirección posible, hacia donde inclinar su peso, es claramente irracionalista. La Vida como opuesta a la Razón, la Vida como primum que no atiende a razones, que siente las razones como enfermas y como lastres, como artificios y excrecencias. Los pensadores germanos han sido pródigos en este vitalismo irracionalista e irracional. Schopenhauer Nietzsche, Klages, son nombres que acuden entonces a la mente, y su filosofía hiriente incomoda a todo aquel que busca incólumes certezas, cimientos lógico-matemáticos, solideces de plomo, granito y acero. Eran aquellos filósofos de la vida enemigos de la ratio rebeldes muy a la alemana, esto es, rebeldes dados a la reacción.

El más irracionalista de nuestros pensadores de la Vida, don Miguel de Unamuno, no fue de esa estirpe, y escribió una filosofía acorde "con la clase de hombre que era", esto es, existencial, dubitativa, escrita con su carne y asomando en ella el hueso. No se extirpa ni se humilla allí la razón, sino que se la envuelve en las vísceras y en la organicidad de la existencia humana. Pero es de Ortega y Gasset de donde parte esa nueva filosofía hispana de la vida que explica genéticamente la razón, y es la que anuncia como precursora de la suya don Manuel Fernández Lorenzo, profesor en Oviedo (Principado de Asturias). El raciovitalismo orteguiano, junto con la epistemología genética de Jean Piaget y el materialismo de Gustavo Bueno, serán los puntos de arranque, el triple hito de donde comenzar a señalar, sin temor a pérdida, una novísima filosofía hispana. ¿Cómo?- se preguntará el lector. Son tres puntos de arranque muy distintos y distantes. No parecen casar bien con vistas a llegar a un nuevo sistema filosófico hispano, a la altura de nuestros tiempos, en diálogo y contraste con las filosofías contemporáneas a las que es obligado evocar, con las que se nos exige dialogar y, resueltamente, a las cuales es menester superar. Pero la distancia y la heterogeneidad entre Ortega, Piaget y Bueno, todos ellos partiendo de Fichte y su filosofía del "lado activo" del Yo, es más aparente que real si seguimos atentos y disciplinados las explicaciones de Manuel F. Lorenzo.

manuel.fern_ndez_lorenzo.jpgLa razón vital no se limita pensar en y desde "el hombre de carne y hueso". La razón vital implica que la vida humana no es sólo razón, pero sí es ejecución de actos en orden a una gestión de la vida misma, una gerencia y construcción que se hace de acuerdo con principios racionales. El hombre no es, para nada, un autómata racional, sino un sujeto orgánico cuya forma humana de adaptación y supervivencia psicobiológica exige la racionalidad. El hombre viene definido, en rigor, no por una sustancial cogitación ("yo soy una cosa que piensa") sino por una actividad circular, por un circuito entre el Yo y las Cosas (el "no-Yo" de Fichte). Ninguno de los polos del circuito debe ser reificado de antemano, ninguno ha de ser tratado acríticamente como una cosa o sustancia. La constitución de los dos polos, yo y mundo ("circunstancias"), consiste precisamente en el lanzamiento de series de acciones en las que el Yo se hace con el Mundo y recíprocamente el Mundo se presenta y re-presenta ante el Yo. La filosofía de Ortega, que tantas veces bebe de la fenomenología y del existencialismo alemán, es vitalista por cuanto que plantea siempre un sujeto humano orgánico definido como un verdadero sistema racional de operatividad, para quien conocer es, de otro modo, coextensivo con sobrevivir y "hacerse con el mundo". Las circunstancias orteguianas, como el "medio" (Umwelt) de los biólogos, conforman el espacio de las operaciones, un espacio que da pie a redefinir la experiencia en términos de construcción. Ortega no quería echar por la borda la razón, aplastarla bajo el peso de una salvaje o bestial Voluntad o Vida. Antes bien, quería explicar el hecho humano mismo de la razón. Al proceder así, al avanzar desde la dialéctica de Fichte, el raciovitalismo del filósofo madrileño ofrece un programa genético del racionalismo tanto como del empirismo. Se trata de volver al genuino espíritu con el que nació el idealismo: la superación de la magna filosofía europea de la Modernidad, tanto el empirismo isleño como el racionalismo continental, una superación que acude a la génesis misma del conocimiento. Y el conocimiento es al fin entendido no como resultado de acumulación de experiencias o como deducción de principios racionales o ideas innatas, sino como resultado de una experiencia en sí misma racional desde el inicio. Experiencia orgánica que se estructura en forma de sistemas de acciones que, por medio de una lógica material, estructuran nuevos sistemas de acciones más amplios en radio de alcance, más potentes en influjo sobre el medio, más "hábiles" en orden a una adaptación y control sobre el medio. En este sentido, Jean Piaget convirtió en empresa "positiva", científica y experimental, una parte muy importante del proyecto esbozado por Ortega. Piaget llevó a cabo un programa científico de esclarecimiento de los orígenes de la inteligencia y la razón de los sujetos orgánicos partiendo no tanto de un "Yo" que se pone (Fichte) y se limita con el No-Yo (mundo en torno, o "circunstancias") sino de un circuito que ya en la fase pre-intelectual incluye ese centro orgánico que lanza acciones-percepciones, como choca con "dificultades" y "obstáculos" de un entorno con el que deberá luchar. El bebé humano, tanto como cualquier individuo orgánico, es un centro de operaciones y es a la vez el eco y la respuesta de un medio ambiente transformado por las operaciones. Los dos sentidos en los que el sujeto orgánico "choca" con el mundo y lo transforma, a la vez que se transforma él, han recibido por parte de Piaget los nombres de "asimilación" y "acomodación". La asimilación, como proceso que generaliza la asimilación de los alimentos, supone la incorporación cognitiva y no sólo material del mundo. El Yo se "pone", se afirma, incorporando elementos del medio que él necesita para su mantenimiento (conservación, supervivencia). Pero el mundo (el "no-Yo") se le opone, se le enfrenta, le traza caminos por donde poder ejercer la acción y por donde no puede atravesar ese mundo con la acción. La acomodación piagetiana podría verse como el sentido opuesto a las acciones asimilativas. El Yo, como centro orgánico de operaciones, debe transformarse a su vez, debe reestructurar sus esquemas de acción para sortear, horadar, recomponer las barreras y resistencia del mundo-entorno. La razón en el proceso vital no es más que el grado máximo en que un sistema de acciones "se hace con el mundo" y, recíprocamente, el mundo se hace con el yo. Esta es la razón vital, pero investigada desde un punto de vista genético y positivo.

manos.jpgLa incorporación de la filosofía materialista de Gustavo Bueno a todo este enfoque genético-constructivo del pensamiento se hace ineludible en este punto de mi breve recensión. Manuel F. Lorenzo es un buen conocedor del materialismo buenista, como discípulo directo suyo desde los primeros tiempos, miembro activo de la llamada "Escuela de Oviedo", hoy en disolución bajo la sombra de los sectarios y de los arribistas. En "La Razón Manual", el autor nos recuerda el aserto fichteano con que encabezábamos esta reseña: "uno profesa la filosofía que va de acuerdo con la clase de hombre que se es". Profesar el materialismo de Bueno, a pesar de sus deudas para con la epistemología genética piagetiana supone, verdaderamente, profesar una suerte de dogmatismo, de pensamiento antipático a la libertad, dicho en términos fichteanos. Las clases de hombres que, filosóficamente hablando, cabe hallar en el mundo se pueden reducir a dos: los amigos de la libertad (idealismo) y los amigos de la servidumbre (dogmatismo, en donde cabe situar el "materialismo"). "La Razón Manual" es un libro que toma partido expreso y decidido por la libertad, se entronca en el idealismo. No en el idealismo visionario, celeste, construido sobre las nubes. Se entronca en la tradición idealista-vitalista que, desde Fichte, indaga en "el lado activo", esto es, en las operaciones. En ese sentido, la filosofía de Bueno estudiada a la luz de la filosofía de la "Razón Manual" adopta el aspecto de un centauro. Por un lado desarrolla una inmensa y magnífica "Teoría del Cierre Categorial", basada en la obra de Piaget y en una genética de las operaciones gnoseológicas, por otro lado incluye un "preámbulo ontológico" de corte escolástico-marxista, que lastra todo el sistema. El propio nombre de "materialismo filosófico" supone una fuente inagotable de equívocos, que ha dado pie a que muchos farsantes e iletrados lo confundan con una versión sofisticada del leninismo y otros, por el contrario, con un positivismo cientifista o realista. Los grandes logros de Gustavo Bueno, depurados del dogmatismo y su "culto a la materia", se pueden reaprovechar y potenciar siguiendo las indicaciones de "La Razón Manual", todo un programa de investigación que humildemente recomiendo.

Para más información: https://manuelflorenzo.blogspot.com/2018/12/novedad-editorial-la-razon-manual.html

Manuel F. Lorenzo : La Razón Manual, Lulú, Morrisville, Carolina del Norte, 2018.

 

12:07 Publié dans Livre, Livre, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : livre, philosophie, manuel f. lorenzo, espagne, mains | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Le système des castes

Castes.jpg

Le système des castes

Koenraad Elst

Dans un débat inter-religions, la plupart des hindous peuvent facilement être mis sur la défensive avec un simple mot : caste. On peut s’attendre à ce que tout polémiste anti-hindou déclare que « le système des castes typiquement hindou est l’apartheid le plus cruel, imposé par les barbares envahisseurs Aryens blancs aux gentils indigènes à la peau sombre ». Voici une présentation plus équilibrée et plus historique de cette institution controversée.

castesindeelst.jpgMérites du système des castes

Le système des castes est souvent dépeint comme l’horreur absolue. L’inégalité innée est en effet inacceptable pour nous les modernes, mais cela n’empêche pas que ce système a aussi eu ses mérites. La caste est perçue comme une « forme d’exclusion », mais elle est avant tout une forme d’« appartenance », une structure naturelle de solidarité. Pour cette raison, les missionnaires chrétiens et musulmans trouvèrent très difficile d’attirer les hindous hors de leurs communautés. Parfois les castes furent collectivement converties à l’islam, et le pape Grégoire XV (1621-1623) décréta que les missionnaires pouvaient tolérer les distinctions de castes parmi les convertis au christianisme ; mais en gros, les castes restèrent un obstacle efficace à la destruction de l’hindouisme au moyen de la conversion. C’est pourquoi les missionnaires commencèrent à attaquer l’institution des castes et en particulier la caste des brahmanes. Cette propagande s’est épanouie en un anti-brahmanisme à part entière, l’équivalent indien de l’antisémitisme.

Chaque caste avait un grand espace d’autonomie, avec ses propres lois, droits et privilèges, et souvent ses propres temples. Les affaires inter-castes étaient résolues au conseil de village par consensus ; même la caste la plus basse avait un droit de veto. Cette autonomie des niveaux intermédiaires de la société est l’antithèse de la société totalitaire dans laquelle l’individu se trouve sans défense devant l’Etat tout-puissant. Cette structure décentralisée de la société civile et de la communauté religieuse hindoue a été cruciale pour la survie de l’hindouisme sous la domination musulmane. Alors que le bouddhisme fut balayé dès que ses monastères furent détruits, l’hindouisme se retira dans sa structure de castes et laissa passer la tempête.

Les castes fournirent aussi un cadre pour intégrer les communautés d’immigrants : juifs, zoroastriens et chrétiens syriaques. Ils ne furent pas seulement tolérés, mais assistés dans leurs efforts pour préserver leurs traditions distinctives.

Typiquement hindou ?

On prétend habituellement que la caste est une institution uniquement hindoue. Pourtant, les contre-exemples ne sont pas difficiles à trouver. En Europe et ailleurs, il y avait (ou il y a encore) une distinction hiérarchique entre nobles et roturiers, les nobles se mariant seulement entre eux. Beaucoup de sociétés tribales punissaient de mort le viol des règles d’endogamie.

Concernant les tribus indiennes, nous voyons les missionnaires chrétiens affirmer que les « membres des tribus ne sont pas des hindous parce qu’ils n’observent pas les castes ». En réalité, la littérature missionnaire elle-même est pleine de témoignages de pratiques de castes parmi les tribus. Un exemple spectaculaire est ce que les missions appellent « l’Erreur » : la tentative, en 1891, de faire manger ensemble des convertis des tribus de Chhotanagpur et des convertis d’autres tribus. Ce fut un désastre pour la mission. La plupart des indigènes renoncèrent au christianisme parce qu’ils choisirent de préserver le tabou des repas entre même tribu. Aussi énergiquement que le brahmane le plus hautain, ils refusaient de mélanger ce que Dieu avait séparé.

L’endogamie et l’exogamie sont observées par les sociétés tribales du monde entier. La question n’est donc pas de savoir pourquoi la société hindoue inventa ce système, mais comment elle put préserver ces identités tribales même après avoir dépassé le stade tribal de la civilisation. La réponse se trouve largement dans l’esprit intrinsèquement respectueux et conservateur de la culture védique en expansion, qui s’assura que chaque tribu pourrait préserver ses coutumes et traditions, y compris sa propre coutume d’endogamie tribale.

Triangle-des-castes.jpg

Description et histoire

Les colonisateurs portugais appliquèrent le terme caste, « lignage, espèce », à deux institutions hindoues différentes : le jati et le varna. L’unité effective du système des castes est le jati, l’unité de naissance, un groupe endogamique dans lequel vous êtes né, et à l’intérieur duquel vous vous marriez. En principe, vous pouvez manger seulement avec des membres du même groupe, mais les pressions de la vie moderne ont érodé cette règle. Les milliers de jatis sont subdivisés en clans exogames, les gotras. Cette double division remonte à la société tribale.

Par contre, le varna est la division fonctionnelle typique d’une société avancée : la civilisation de l’Indus/Saraswati, au troisième millénaire avant JC. La partie la plus récente du Rig-Veda décrit quatre classes : les brahmanes érudits nés de la bouche de Brahma, les kshatriyas guerriers nés de ses bras ; les entrepreneurs vaishyas nés de ses hanches et les travailleurs shudras nés de ses pieds. Tout le monde est un shudra par la naissance. Les garçons deviennent dwija, deux-fois nés, ou membres de l’un des trois varnas supérieurs en recevant le cordon sacré dans la cérémonie de l’upanayama.

Le système du varna se diffusa à partir de la région de Saraswati-Yamuna et s’établit fermement dans l’ensemble de l’Aryavarta (du Cachemire au Vidarbha, du Sind au Bihar). Il était le signe d’une culture supérieure plaçant le pays central aryen civilisé à l’écart des pays mleccha barbares environnants. Au Bengale et dans le Sud, le système était réduit à une distinction entre brahmanes et shudras. Le varna est une catégorie rituelle et ne correspond pas pleinement à un statut social ou économique effectif. Ainsi, la moitié des souverains princiers en Inde Britannique étaient des shudras et quelques-uns étaient des brahmanes, bien que ce fût une fonction kshatriya par excellence. Beaucoup de shudras sont riches, beaucoup de brahmanes sont pauvres.

Le Mahabharata définit ainsi les qualités du varna : « Celui en qui vous trouvez véracité, générosité, absence de haine, modestie, bonté et retenue, est un brahmane. Celui qui accomplit les devoirs d’un chevalier, étudie les écritures, se concentre sur l’acquisition et la distribution de richesses, est un kshatriya. Celui qui aime l’élevage, l’agriculture et l’argent, qui est honnête et bien versé dans les écritures, est un vaishya. Celui qui mange n’importe quoi, pratique n’importe quel métier, ignore les règles de pureté, et ne prend aucun intérêt aux écritures et aux règles de vie, est un shudra ». Plus le varna est élevé, plus les règles d’autodiscipline doivent être observées. C’est pourquoi un jati pouvait collectivement améliorer son statut en adoptant davantage de règles de conduite, par ex. le végétarisme.

castesvaleurs.png

Le second nom d’une personne indique habituellement son jati ou gotra. De plus, on peut utiliser les titres suivants de varna : Sharma (refuge, ou joie) indique un brahmane, Varma (armure) un kshatriya, Gupta (protégé) un vaishya et Das (serviteur) un shudra. Dans une seule famille, une personne peut s’appeler Gupta (varna), une autre Agrawal (jati), et encore une autre Garg (gotra). Un moine, en renonçant au monde, abandonne son nom en même temps que son identité de caste.

Intouchabilité

Au-dessous de la hiérarchie des castes se trouvent les Intouchables, ou harijan (littéralement « les enfants de Dieu »), ou dalits (« opprimés »), ou paraiah (formant une caste en Inde du Sud), ou Scheduled Castes [« castes répertoriées »]. Elles forment environ 16% de la population indienne, autant que les castes supérieures combinées.

L’intouchabilité a son origine dans la croyance que les esprits mauvais entourent la mort et les substances en décomposition. Les gens qui travaillaient avec les cadavres, les excréments ou les peaux d’animaux avaient une aura de danger et d’impureté, ils étaient donc maintenus à l’écart de la société normale et des enseignements et rituels sacrés. Cela prenait souvent des formes grotesques : ainsi, un intouchable devait annoncer sa proximité polluante avec une sonnette, comme un lépreux.

castes-inegalites-indes-03.jpeg

L’intouchabilité est inconnue dans les Védas, et donc répudiée par les réformateurs néo-védiques comme Dayanand Saraswati, Narayan Guru, Gandhiji [Gandhi] et Savarkar. En 1967, le Dr. Ambedkar, un dalit par la naissance et un critique acharné de l’injustice sociale dans l’hindouisme et dans l’islam, réalisa une conversion de masse au bouddhisme, en partie à cause de la supposition (non fondée historiquement) suivant laquelle le bouddhisme aurait été un mouvement anti-caste. La constitution de 1950 supprima l’intouchabilité et approuva des programmes de discrimination positive pour les Scheduled Castes et les Tribus. Dernièrement, le Vishva Hindu Parishad a réussi à faire entrer même les leaders religieux les plus traditionalistes dans la plate-forme anti-intouchabilité, pour qu’ils invitent des harijans dans des écoles védiques et qu’ils les forment à la prêtrise. Dans les villages, cependant, le harcèlement des dalits est encore un phénomène commun, occasionné moins par des questions de pureté rituelle que par des disputes pour la terre et le travail. Néanmoins, l’influence politique croissante des dalits accélère l’élimination de l’intouchabilité.

Conversions inter-castes

Dans le Mahabharata, Yuddhishthira affirme que le varna est défini par les qualités de la tête et du cœur, pas par la naissance. Krishna enseigne que le varna est défini par l’activité (le karma) et la qualité (le guna). Encore aujourd’hui, le débat n’est pas clos pour savoir dans quelle mesure la « qualité » de quelqu’un est déterminée par l’hérédité ou par l’influence environnementale. Et ainsi, alors que la vision héréditaire a été prédominante pendant longtemps, la conception non-héréditaire du varna a toujours été présente aussi, comme cela apparaît d’après la pratique de conversion inter-varnas. Le plus célèbre exemple est le combattant de la liberté au XVIIe siècle, Shivaji, un shudra à qui fut accordé un statut de kshatriya pour cadrer avec ses exploits guerriers. L’expansion géographique de la tradition védique fut réalisée par l’initiation à grande échelle des élites locales dans l’ordre des varnas. A partir de 1875, l’Arya Samaj a systématiquement administré le « rituel de purification » (shuddhi) aux convertis musulmans et chrétiens et aux hindous de basse caste, accomplissant leur dwija. Inversement, l’actuelle politique de discrimination positive a poussé les gens des castes supérieures à se faire accepter dans les Scheduled Castes favorisées.

veer-savarkar-original-imae5skvte8frwzn.jpegVeer Savarkar, l’idéologue du nationalisme hindou, prônait les mariages inter-castes pour unifier la nation hindoue même au niveau biologique. La plupart des hindous contemporains, bien qu’à présent généralement opposés à l’inégalité de caste, continuent à se marier dans leurs jatis respectives parce qu’ils ne voient pas de raison de les supprimer.

Théorie raciale des castes

Au XIXe siècle, les Occidentaux projetèrent la situation coloniale et les théories raciales les plus récentes [de l’époque] sur le système des castes : les castes supérieures étaient les envahisseurs blancs dominant les indigènes à la peau sombre. Cette vision périmée est toujours répétée ad nauseam par les auteurs anti-hindous : maintenant que « idolâtrie » a perdu de sa force comme terme injurieux, « racisme » est une innovation bienvenue pour diaboliser l’hindouisme. En réalité, l’Inde est la région où tous les types de couleur de peau se sont rencontrés et mélangés, et vous trouverez de nombreux brahmanes aussi noirs que Nelson Mandela. D’anciens héros « aryens » comme Rama, Krishna, Draupadi, Ravana (un brahmane) et un grand nombre de voyants védiques furent explicitement décrits comme ayant la peau sombre.

Mais varna ne signifie-t-il pas « couleur de peau » ? Le véritable sens de varna est « splendeur, couleur », d’où « qualité distinctive » ou « un segment d’un spectre ». Les quatre classes fonctionnelles constituent les « couleurs » dans le spectre de la société. Les couleurs symboliques sont attribuées aux varnas sur la base du schéma cosmologique des « trois qualités » (triguna) : le blanc est sattva (véridique), la qualité typique du brahmane ; le rouge est rajas (énergétique), pour le kshatriya ; le noir est tamas (inerte, solide), pour le shudra ; le jaune est attribué au vaishya, qui est défini par un mélange de qualités.

Finalement, la société des castes a été la société la plus stable dans l’histoire. Les communistes indiens avaient l’habitude de dire en ricanant que « l’Inde n’a jamais connu de révolution ». En effet, ce n’est pas une mince affaire.

Traduction du texte anglais publié sur : http://www.geocities.com/integral_tradition/

 

 

11:36 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : castes, traditions, hindouisme, inde, koenraad elst, koen elst | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

La question des minorités ethniques européennes en Europe

sorben.jpg

La question des minorités ethniques européennes en Europe

par Eugène Guyenne

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com

Afin d’éviter tout malentendu, cet article n’aura pas pour but de réveiller une quelconque velléité de domination d’une communauté ethnolinguistique envers une autre. Mais au contraire, d'essayer d’aborder une problématique devenue (heureusement) marginale au niveau européen, quoique encore présente dans certaines régions (Balkans, Caucase), à travers l’histoire contemporaine (suivant le schéma universitaire post-1789), ce qu’il en est aujourd’hui et les possibilités pour demain.

Pour faire un petit rappel historique, la problématique des « nationalités », des minorités ethniques en Europe remonte au milieu du XIXe siècle et plus précisément sous l’empire austro-hongrois, où la double couronne rassemblait à l’intérieur des Germains (Allemands, Autrichiens), des Slaves (Tchèques, Slovaques, Slovènes, Polonais, Ukrainiens, Serbes, Croates), des Latins (Italiens, Roumains) et des Magyars (Hongrois). Avec une multiplicité de différences religieuses : chrétiennes (à l’écrasante majorité, un peu moins de 95% : catholiques, protestants, orthodoxes), juive et musulmane (1,3%).

Après les révolutions en 1848, deux courants se sont développés tels que le panslavisme et l’austro-slavisme. Le premier courant visait à l’unification politique des différents territoires slaves. Le second courant visait au contraire au rattachement politique des Slaves sous la double-couronne. On peut aussi mentionner e cas de l’empire russe, où la couronne tsariste rassemblait des Slaves (Russes, Ukrainiens, Biélorusses, Polonais), des Finno-Ougriens (Finnois, Estoniens), des Latins (Moldaves), des Turcs (Tatars, Kirghizes dont Kazakhs, Turkmènes, Ouzbeks) et des Caucasiens (Géorgiens, Arméniens, Ingouches, Tchétchènes, Tcherkesses). Avec une multiplicité de différences religieuses là aussi : chrétiennes (majoritairement : orthodoxes, catholiques, uniates et protestants) et musulmanes. Ces minorités ethniques vont perdurer au cours du XXe siècle, malgré la révolution russe de 1917 et la recomposition territoriale en Europe centrale et orientale après la Grande Guerre. Puisque la Russie ou Grande-Russie, calquée sur un système impérial socialement marxiste, sera constituée d’une multitude de républiques socialistes : le Tatarstan en 1920 (pour les Tatars), la Kabardino-Balkarie en 1936 (pour les Kabardes), l’Adyguée en 1922 (pour les Adyguéens), l’Arménie en 1920 (pour les Arméniens), la Géorgie en 1921 (pour les Géorgiens), l’Ukraine en 1919 (pour les Ukrainiens).

La recomposition territoriale en Europe centrale et orientale, via les traités de paix, avait prévu la dissolution de l’empire austro-hongrois et du retour à une petite-Autriche et une petite-Hongrie. Pour ce qui est de l’Europe centrale, la Tchécoslovaquie émerge sous la forme de la Première République en 1918, incluant des territoires exclusivement slaves (tchèques, slovaques, ruthène subcarpathique jusqu’en 1945). D’abord unitaire puis fédérale, la Tchécoslovaquie va ensuite perdre la Ruthénie subcarpathique qui sera rattachée en 1945 à la RSS d’Ukraine. Après le coup de Prague (1948), elle va devenir centraliste, totalitaire, socialement communiste via le parti unique au pouvoir, avant de mourir lors de la "révolution de velours" (entre le 16 novembre et 29 décembre 1989) dont Vaclav Havel fut l’un des plus célèbres partisans, provoquant ainsi petit à petit la scission entre Tchèques et Slovaques, avant d’être définitive en 1993.

hvv.jpeg

Pour ce qui est des Balkans, la Yougoslavie émerge via le « Royaume des Serbes, Croates et Slovènes » après un front commun en 1912 mené par la Ligue Balkanique (comprenant la Grèce, la Serbie, le Monténégro) contre l’Empire ottoman, la même année où l’Albanie prend son indépendance. Cette première Yougoslavie comprenait donc les royaumes serbe, monténégrin, croate et les régions de langue serbo-croate de Voïvodine (majoritairement orthodoxe, avec des minorités allemandes, magyares ou encore roumaines), de Bosnie-Herzégovine (avec des religions orthodoxe, musulmane et catholique) et de Slovénie (de langue slovène et de religion catholique). Après les défaites de l’Italie fasciste et de la Croatie oustachi, la Yougoslavie devient un régime dictatorial de type socialiste, que Tito, après une rupture avec l’URSS de Staline à la fin des années 1940, va diriger de 1953 à 1980.

A sa mort, c’est Slobodan Milosevic, deuxième homme du KPJ (Parti Communiste Yougoslave), qui après avoir organisé des révolutions en Voïvodine et au Monténégro, va décider de supprimer le statut d’autonomie du Kosovo en 1989, réveillant le nationalisme albanais où Ibrahim Rugova va faire de cette région une république par une déclaration constitutionnelle. Réveillant ainsi le début du conflit contemporain où l’Histoire montre que ce territoire n’était qu’une succession d’occupations politiques serbes et turques et entre populations serbes et albanaises (dont la première population était illyrienne, ancêtre des Albanais, occupation serbe entre le XIIe et XIVe siècle puis entre 1912 et 1939, occupation ottomane entre le XIVe et XIXe siècle) qui s’étaient pourtant battus ensemble en 1389 (car les Albanais, minoritaires encore à l’époque, étaient catholiques ou orthodoxes).

Sous la République socialiste d’Albanie, Enver Hoxha va interdire la pratique religieuse en 1967 et « désislamiser » le pays. Alors aujourd’hui qu’en est-il de ces minorités ethniques européennes ? En Russie, les minorités turciques, mongoles et caucasiennes bénéficient d’un statut à part de « république autonome », tout en étant intégrées à la Fédération. Et les présidents de ces territoires appartiennent majoritairement au parti du gouvernement « Russie Unie ». C’est le cas de Murat Kumpilov en Adyguée, de Alexey Tsydenov en Bouriatie, de Vladimir Vassiliev au Daghestan, de Vladimir Volkov en Mordovie, de Rustam Minnikhanov au Tatarstan ou encore de Ramzan Kadyrov en Tchétchénie.

Globalement, les Balkans connaissent une nouvelle prospérité. Malgré le conflit serbo-kosovar évidemment, qui a vu récemment une nouvelle modification territoriale. Comme le changement de nom pour la Macédoine slave, devenue « Macédoine du Nord » pour être différenciée de la Macédoine hellénique. Malgré la chute de la Yougoslavie, il existe toujours des minorités ethniques. Représentées par des partis politiques. En Serbie, avec des minorités albanaise et hongroise représentées respectivement par la Coalition albanaise de la vallée de Presevo et la Coalition hongroise. En Grèce, avec une minorité macédonienne par le Vinozhito. En Roumanie, il y a une minorité hongroise, représentée par le Parti Populaire Hongrois de Transylvanie. En Italie, il y a des minorités germaniques et slovènes, représentées respectivement par le Süd-tyroler Freiheit et le Slovenska Skunopost. Et en Autriche, avec une minorité slovène via l’Entna Lista.

westfriezen.jpg

Si comme on l’a dit, les conflits ethniques sur l’ensemble du territoire européen se sont globalement apaisés, et il faut s’en réjouir, ces minorités n’ont pas trop leur mot à dire dans les Etats dans lesquels ils sont (puisque la seule langue reconnue en Serbie est le serbe, l’Autriche, l’allemand, le grec en Grèce, le roumain en Roumanie, etc…). Demain, la République européenne ne reconnaîtra plus les Etats-nations actuels existants. Puisqu’ils sont jacobins pour la plupart et divisent l’Europe. Seul un modèle d’Etat européen unitaire et décentralisé pourra régler une bonne fois pour toutes cette question. Il y a déjà cette erreur française consistant à de confondre « nationalité » et « citoyenneté ». Lié à l'idée de "naissance", "nation" et "nationalité" doivent s'interpréter comme des notions d'ascendance commune partagée.

Un basque n'a pas forcément la même "nationalité" qu'un occitan et pourtant tous deux ont factuellement la "citoyenneté" française. Il n’y aura donc pas plusieurs nations au sein de l'Europe-Nation, puisque la "nation" n’a pas seulement un sens de "natif". C’est un préalable mais ça ne fait pas tout : car ils doivent aussi témoigner d'une conscience d'appartenir à une même communauté. Après cet examen de conscience, cela se traduira par une révolution (qui sera démocratique), puis par l'établissement d'un État en finalité où ceux-ci ne forment plus qu'un politiquement. Il y a des nationalités aujourd’hui mais ça n'en fait pas des nations ! Les exemples sous la Double-Couronne et la couronne tsariste ont été démontrés. Aujourd'hui, les minorités ethniques slovènes en Italie et Autriche, sont-elles pour autant une "nation" ? Des nationalités éparpillées auprès de leur Maison-Mère ! L'Europe a vocation a être une Nation, puisque réunissant au préalable des Européens de même souche civilisationnelle. Nous sommes encore au stade encore de la prise de conscience commune. Les minorités garderont leur "nationalité" mais qui ne sera pas juridique. En revanche ils seront de nationalité ("citoyenneté") européenne, celle-ci définit uniquement sur le principe d'ascendance.

Eugène Guyenne (Le Parti des Européens)

Rodolphe Crevelle

aube-1210x642.jpg

Rodolphe Crevelle

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Dédié au dieu romain de la Guerre, le mois de mars 2019 a vu la disparition à dix jours d’intervalle de deux grands combattants des idées, Guillaume Faye et, dans la nuit du 15 au 16, Rodolphe Crevelle, lui aussi victime d’un mal foudroyant.

crevelle.jpgNé à Rouen en 1955, Rodolphe Crevelle fut longtemps un adversaire résolu de l’Europe. Formé à L’Action Française, il milite ensuite dans différents mouvements royalistes, nationalistes-révolutionnaires et solidaristes dans lesquels il tempère peu à peu son anti-européisme initial. En 1994, avec le bulletin mensuel, Lettre de la Grande France, il promeut la francité, c’est-à-dire les peuples d’ethnie française hors de l’Hexagone (les Wallons, les Jurassiens, les Valdôtains, les Québécois, les Acadiens, etc.). Un temps proche des marins-pêcheurs du Cotentin et de la très active Confédération de défense des commerçants et artisans (CDCA) de Christian Poucet, il organise cette année-là, puis en 1998, une manifestation sur les îles anglo-normandes des Minquiers – Écréhous. Ces deux actions médiatiques lui valent d’être invité par Serge de Beketch dans le « Libre-Journal de la Résistance française » à Radio-Courtoisie.

Rodolphe Crevelle conçoit alors la Grande France comme une réponse à la lourde léthargie de ses compatriotes. « Cette “ plus Grande France ” en libérant la géopolitique européenne de quelques unes parmi les plus criantes contradictions territoriales, écrit-il, constituerait ainsi le noyau français sur lequel, face au monde anglo-saxon et à son anti-civilisation, l’Europe peut nourrir son unique espoir de différence (Éditorial de Lettre de la Grande France, n° 1, 1994). » Il estime déjà que « s’il est donc vrai que la France hexagonale est devenue trop petite et plus assez riche pour assumer le destin qui lui a été promis par son histoire, s’il est bien devenu fatal que la France ait à rechercher en Europe un espace politique et économique supplémentaire, cela peut encore se faire dans la perspective d’une EUROPE FRANÇAISE (Idem) ». Il regrette en particulier que « les frontières intangibles, lignes Maginot de l’ordre international, en comprimant des revendications nationales affirmées, se révèlent déjà, et se révéleront davantage encore dans le cadre d’une Europe socialement éclatée et ethniquement bouleversée par les immigrations massives, comme la source unique des conflits européens actuellement déclarés ou en “ germe avancé ” (Id.) ». Ce qui le conduit au printemps 2006 à sortir TransEurope. Actu des particularismes européens. On y lit des reportages sur les Sorabes au Sud de Berlin, les Vlachs d’Albanie, l’indépendantisme morave ou le rattachisme mentonnais pro-monégasque. La revue s’arrête toutefois au bout de son troisième numéro.

Rodolphe Crevelle refait parler de lui au moment du « mariage pour tous ». À mi-chemin entre la plaisanterie potache et la conspiration néo-cagoularde, il théorise dans son imprimé Le Lys Noir ainsi que dans d’autres publications annexes telles GéoArsenal et AFU (Action Française Universitaire), un coup d’État militaire renversant François Hollande. Ces publications cassent le ronronnement moutonnier droitard. Il explique dans Mon cher entre-soi. Écrits politiques d’un activiste (Éditions des Lys Noirs, 2014) que « le royalisme est avant tout une hérésie confrontée après coup par l’intelligence (p. 552) ». Fidèle à l’héritage révolutionnaire du royalisme (le Cercle Proudhon d’avant 1914 ou le Mouvement socialiste royaliste en 1945), il conçoit assez vite l’« anarcho-royalisme », suggère une France aux quarante provinces décentralisées et soutient la fin de l’unité et de l’indivisibilité républicaines avec la partition du territoire hexagonal en enclaves musulmanes. Il se montre rétif à la « remigration ».

Lecteur de Georges Bernanos, de Jacques Ellul et de l’écologiste radical finlandais Pentti Linkola, cet opposant farouche au progrès technique et à la numérisation du monde défend un mode de société écologique décroissante et rurale militarisée dans un seul pays (en attendant mieux). Il rejette en prime le nationalisme, car il considère que « les nationalistes sont républicains comme on pouvait préférer Brahms à Chopin sur le pont du Titanic. Cela n’a pas plus de sérieux que ça. Aussi, voilà l’anarcho-royaliste qui devient, par contradiction nécessaire, un européen de parti-pris favorable (La doctrine anarcho-royaliste, Brochure express du Lys noir, 2017, p. 326) ».

Sixte-Henri_de_Bourbon.jpgRécusant le prétendant légitimiste, réservé à l’égard de la Maison d’Orléans et regrettant que les Bourbons-Busset aient perdu tout sens de service royal, Rodolphe Crevelle se rallie finalement au parmisme. Il imagine le prince Sixte-Henri de Bourbon-Parme en régent de l’« Écopays » français du Lys Noir et place ses espoirs dans la lignée de son neveu, le prince Charles de Bourbon-Parme, chef de cette maison capétienne et prétendant carliste autogestionnaire au trône d’Espagne. L’engagement européen se précise dès lors. En effet, « à mesure que les républicains refusent l’Europe, l’anarcho-royaliste très fidèle à l’européanité naturelle de ses princes, à ce joli rêve maintenu de faire de la France la première puissance continentale… (La doctrine…, pp. 328 – 329) », prêter allégeance aux Bourbons-Parme, plutôt traditionalistes, implique obligatoirement de passer à l’échelle continentale à l’instar des Saxe-Cobourg-Gotha progressistes et des Habsbourg-Lorraine conservateurs.

Rodolphe Crevelle accorde à l’« Hyper-France » le rôle moteur dans la genèse géopolitique européenne, ce qui signifie délaisser tout nationalisme cocardier. « Il y a certes bien des manières désormais de ne plus être français et encore une ou deux façons antagonistes de l’être encore… Regardez-moi tous ces anti-européens savants et résolus, note-t-il : ils sont tous souverainistes, tous républicains, tous dévoués à la révolution française, tous se bousculent pour se faire appeler républicains ou patriotes… Ils sont surtout tous très oublieux de tracer la ligne de front là où elle serait pourtant la plus utile : contre le technicisme, par exemple (Id., p. 326). »

Rodolphe Crevelle pense alors à une Europe latine et catholique alliée à la Russie eurasiatique et adossée à l’Amérique latine. Cette Europe minimale s’organiserait autour d’une France étendue à la Wallonie et au Luxembourg, de l’Espagne, du Portugal, de l’Italie, de la Pologne, de la Hongrie – Transylvanie et de l’Autriche – Bavière – Bade-Wurtemberg – Rhénanie. L’objectif final de cette Confédération des nations européennes présidée par un Bourbon-Parme quand même le roi de France serait un Orléans reclus au Mont Saint-Michel, repousserait une modernité étatsunienne et/ou anglo-saxonne obsolète.

Infatigable activiste aux côtés des indépendantistes québécois, des nationalistes acadiens et des rattachistes wallons, Rodolphe Crevelle rêvait d’une patrie libérée de l’OTAN et de la Finance multinationale, fière de contribuer à une autre Europe archaïque et post-moderne. Saluons donc la mémoire de Rodolphe Crevelle !

Georges Feltin-Tracol

• Chronique n° 25, « Les grandes figures identitaires européennes », lue le 21 mai 2019 à Radio-Courtoisie au « Libre-Journal des Européens » de Thomas Ferrier.

lundi, 24 juin 2019

Éclairer l’Europe !

electricitenucleaire.jpg

Éclairer l’Europe !

par John Manzanares

Ex: http://www.thomasferrier.hautetfort.com

L’énergie nucléaire, c’est cet équilibre à l’échelle atomique qui permet à nos villes de fonctionner. Elle est le résultat de longue recherche d’abord en Allemagne , puis mis en pratique aux Etats-Unis et en URSS à grande échelle en premier lieu pour le civil.

L’énergie nucléaire pour résumer c’est la création de chaleur qui génère de la vapeur d’eau pour entraîner un alternateur, résultant du fait de casser des atomes d’uranium 235, ce que l’on appelle concrètement la fission. Cela provoque la perte de masse des atomes d’uranium donc la création d'énergie, donc de la chaleur pour chauffer l’eau. Aujourd’hui 10% de l'énergie mondiale vient du nucléaire; pour l’Union européenne la part est de 25% et pour la Russie de 18%. La France à elle seule représente 48% de la production européenne totale ce qui est considérable, lui conférant une avance technologique indéniable dans ce domaine à l’échelle mondiale.

Cette énergie est la plus écologique de toutes pour plusieurs raisons. En premier lieu, elle nécessite très peu de matière première en comparaison des centrales thermiques classiques. Ainsi 1 gramme d’uranium produit autant d’énergie que 2 tonnes de charbon. Cela permet d’économiser beaucoup de ressources et d'éviter de polluer autrement. Il est également plus dangereux pour la santé de vivre proche d’une centrale à charbon que d’une centrale nucléaire. Vivre à côté d’une centrale nucléaire est aussi dangereux que de dormir à côté de quelqu’un pendant 100 ans. Ou encore qu’être un fumeur régulier qui par sa pratique ingère une dose de radiation chaque année équivalente à 300 radios du thorax à cause d’un isotope radioactif contenu dans la cigarette.

L'inconvénient majeur est la gestion du combustible usé de haute radioactivité. Pour le moment, ceux-ci doivent être enterrés pour les plus dangereux à plus de 300 mètres sous terre dans des couches géologiques stables. Ou être retraités en étant ré-enchéris. La part du combustible nucléaire recyclé représente 10% de la production d’électricité française. Ceux non-recyclables sont divisés en deux parties: 90% des déchets nucléaires actuels sont dits à “durée de vie courte” , ainsi ils perdent la moitié de leurs radioactivité en 30 ans seulement. Les autres sont transformés en blocs de verre inaltérables prêts pour enfouissement. À titre de comparaison une centrale nucléaire classique du calibre de celle de Fessenheim produit par an autant de déchet dangereux qu’ils pourraient rentrer dans votre salon, soit 10 mètres cube.

Contrairement aux centrales thermiques où les résidus viennent se stocker dans vos poumons, le but d’entreposer ces déchets s'inscrit dans l’attente de trouver une solution pour soit les réutiliser soit les détruire définitivement sans risque. Ainsi on peut supposer que les envoyer dans le soleil serait une bonne solution. Mais il faut pour cela attendre que les fusées soient moins chères et que leurs carburants soient plus sûrs.

Où trouver l’uranium dans le cadre d’une grande Europe ? Pour ne pas dépendre des ressources venant de pays du tiers monde pour leurs bien et le nôtre ? Déjà il faut enterrer le mythe que l’uranium vient en grande partie du continent Africain. Actuellement les réserves d'uranium mondial sont au Kazakhstan, en Australie, au Canada et plus récemment en Russie avec 9% des réserves mondiales en 2013 selon la dernière prospection. Donc une grande Europe n’aurait aucun problème d'approvisionnement d’une part car elle comprendrait la Russie. Puis rien n'empêche de faire des partenariats avec des nations proche comme l'Australie ou le Canada. Le Kazakhstan également par proximité et son histoire avec la Russie serait aussi un partenaire viable.

Quand vous dites "centrale nucléaire", vous pensez forcément au tristement célèbre réacteur n°4 de la RSS d’Ukraine et de la catastrophe qu'a engendrée l’explosion du réacteur RBMK de la centrale de Tchernobyl en 1986. Argument souvent utilisé par les anti-nucléaire pour dire de fermer les centralesa, alors que la centrale a accumulé les défauts de conception comme l’absence de structure de confinement pour limiter les coûts de construction et servait à un usage militaire couplé à l’usage civil pour produire du plutonium militaire. Ajoutons à cela les erreurs des opérateurs qui ont pris une succession de mauvaise décisions causant la catastrophe lors d’un test qui n’aurait jamais dû être fait avec un réacteur connu pour être instable à faible régime.

La série Chernobyle diffusée sur HBO dépeint très bien les événements et a été repris par la propagande des "écologistes" de gauche. Le message de cette série est en réalité de montrer que les mensonges de la bureaucratie soviétique sont les uniques responsables de la catastrophe et de rendre hommage aux liquidateurs. Ainsi les futurs réacteurs nucléaires pourront permettre à la grande Europe d’avoir l’énergie la plus propre et la moins chère au monde.

D’autant que l’évolution technologique du nucléaire donnera naissance à des réacteurs encore plus puissants, plus propres et plus sûrs. Caractéristiques développées dans le cahier des charges du forum “génération IV” ,nom donné aux futures centrales. Le travail en Europe reste à faire , car il reste de nombreuses centrales à charbon dont les plus polluantes se trouvent au Royaume-Uni, en Allemagne et en Pologne . Le nouveau combat pour les partisans de la vraie écologie qui préserve réellement notre environnement et qui n’est pas un énième moyen de prendre de l’argent aux contribuables est de défendre cette énergie propre et abordable face aux faux écologistes !

John Manzanares (Le Parti des Européens)

Le danger d’une politique mono-thématique

psittacisme.jpg

Le danger d’une politique mono-thématique

par Georges FELTIN-TRACOL

Quelques jours après les élections européennes, les Danois votaient une nouvelle fois, le 5 juin 2019, pour choisir leurs 179 députés du Folketing, leur Assemblée nationale. Ces législatives ont vu la victoire des sociaux-démocrates qui gouverneront le Danemark avec les Verts.

dahl.jpgLe fait marquant du scrutin reste l’effondrement du Parti du peuple danois (DF) qui, à 8,73 %, perd 12,4 points et vingt-et-un sièges pour n’en conserver que seize. Ce mauvais résultat confirme et amplifie le scrutin européen au cours duquel le parti de Kristian Thulesen Dahl n’a obtenu que 10,76 % et gardé qu’un unique siège au Parlement européen qui rejoint le nouveau groupe Identité et Démocratie composé par les euro-élus du RN et de la Lega.

La déroute du DF s’explique d’abord par la présence de deux autres listes concurrentes. Créée en 2015 par des dissidents du Parti populaire conservateur, la Nouvelle Droite réalise 2,36 % et gagne quatre sièges. Son président, Pernille Vermund, pourra utiliser cette tribune publique pour défendre sa vision économique libertarienne, conspuer la mollesse supposée des politiques anti-immigration appliquées par les gouvernements de droite avec l’assentiment du DF, et proposer la sortie de Copenhague de l’Union européenne. Lancée en 2017 par l’avocat médiatique Rasmus Paludan, la Ligne dure ne recueille que 1,8 % et aucun élu. Tenant des positions ethno-nationalistes, identitaires, libérales et à 1 000 % anti-islam, son fondateur, proche des néo-conservateurs occidentalistes, a l’habitude de brûler en public des exemplaires du Coran. On attend qu’il fasse de même avec la Déclaration des droits de l’homme ou un quelconque bouquin féministe…

Le Parti du peuple danois a commis l’erreur stratégique de se focaliser sur la seule immigration au point que son discours a été récupéré par l’ensemble des formations politiques dont les sociaux-démocrates qui feraient maintenant passer Jordan Bardella pour un auxiliaire zélé des ONG pro-migrants… Ce net recul sonne comme un avertissement au moment où réapparaît en France ce serpent de mer qu’est la soi-disant « union des droites ». Se contenter de refuser un destin de Tiers-Monde à la France tout en professant par ailleurs des lubies libérales conduit tôt ou tard au déclin électoral et à l’échec politique.

Il est au contraire primordial d’associer le défi identitaire (la lutte indispensable contre l’immigration sauvage) à l’impératif écologique (au nom de l’enracinement charnel et de l’indépendance énergétique) ainsi qu’aux enjeux économiques. Refuser la mondialisation et le Diktat des banksters implique de concevoir une troisième voie économique et sociale qu’on peut qualifier de « solidariste » ou de « justicialiste ».

Faire des travailleurs les coresponsables de leur entreprise par des formules d’intéressement, de participation et de cogestion renforcerait le pilier socio-économique d’un mouvement politique radical et démontrerait ainsi ses intentions ouvertement révolutionnaire-conservatrices.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 130, mise en ligne sur TV Libertés, le 17 juin 2019.

dimanche, 23 juin 2019

Quand Chateaubriand décrit notre Fin des Temps

Francois-Rene-de-Chateaubriand_8852.jpeg

Quand Chateaubriand décrit notre Fin des Temps

par Nicolas Bonnal

Un des plus grands et importants textes du monde, le premier peut-être qui nous annonce comment tout va être dévoré : civilisation occidentale et autres, peuples, sexes, cultures, religions aussi. C’est la conclusion des Mémoires d’outre-tombe. On commence avec l’unification technique du monde :

« Quand la vapeur sera perfectionnée, quand, unie au télégraphe et aux chemins de fer, elle aura fait disparaître les distances, ce ne seront plus seulement les marchandises qui voyageront, mais encore les idées rendues à l'usage de leurs ailes. Quand les barrières fiscales et commerciales auront été abolies entre les divers Etats, comme elles le sont déjà entre les provinces d'un même Etat ; quand les différents pays en relations journalières tendront à l'unité des peuples, comment ressusciterez−vous l'ancien mode de séparation ? »

FRC-M2.jpgOn ne réagira pas. Chateaubriand voit l’excès d’intelligence venir :

« La société, d'un autre côté, n'est pas moins menacée par l'expansion de l'intelligence qu'elle ne l'est par le développement de la nature brute. Supposez les bras condamnés au repos en raison de la multiplicité et de la variété des machines, admettez qu'un mercenaire unique et général, la matière, remplace les mercenaires de la glèbe et de la domesticité : que ferez−vous du genre humain désoccupé ? Que ferez−vous des passions oisives en même temps que l'intelligence ? La vigueur du corps s'entretient par l'occupation physique ; le labeur cessant, la force disparaît ; nous deviendrions semblables à ces nations de l'Asie, proie du premier envahisseur, et qui ne se peuvent défendre contre une main qui porte le fer. Ainsi la liberté ne se conserve que par le travail, parce que le travail produit la force : retirez la malédiction prononcée contre les fils d'Adam, et ils périront dans la servitude : In sudore vultus tui, vesceris pane. »

Le gain technique va se payer formidablement. Vient une formule superbe (l’homme moins esclave de ses sueurs que de ses pensées) :

« La malédiction divine entre donc dans le mystère de notre sort ; l'homme est moins l'esclave de ses sueurs que de ses pensées : voilà comme, après avoir fait le tour de la société, après avoir passé par les diverses civilisations, après avoir supposé des perfectionnements inconnus on se retrouve au point de départ en présence des vérités de l'Ecriture. »

Puis Chateaubriand constate la fin de la monarchie :

« La société entière moderne, depuis que la barrière des rois français n'existe plus, quitte la monarchie. Dieu, pour hâter la dégradation du pouvoir royal, a livré les sceptres en divers pays à des rois invalides, à des petites filles au maillot ou dans les aubes de leurs noces : ce sont de pareils lions sans mâchoires, de pareilles lionnes sans ongles, de pareilles enfantelettes tétant ou fiançant, que doivent suivre des hommes faits, dans cette ère d'incrédulité. »

Il voit le basculement immoral de l’homme moderne, grosse bête anesthésiée, ou aux indignations sélectives, qui aime tout justifier et expliquer :

« Au milieu de cela, remarquez une contradiction phénoménale : l'état matériel s'améliore, le progrès intellectuel s'accroît, et les nations au lieu de profiter s'amoindrissent : d'où vient cette contradiction ?

FRC-M1.jpgC'est que nous avons perdu dans l'ordre moral. En tout temps il y a eu des crimes ; mais ils n'étaient point commis de sang−froid, comme ils le sont de nos jours, en raison de la perte du sentiment religieux. A cette heure ils ne révoltent plus, ils paraissent une conséquence de la marche du temps ; si on les jugeait autrefois d'une manière différente, c'est qu'on n'était pas encore, ainsi qu'on l'ose affirmer, assez avancé dans la connaissance de l'homme ; on les analyse actuellement ; on les éprouve au creuset, afin de voir ce qu'on peut en tirer d'utile, comme la chimie trouve des ingrédients dans les voiries. »

La corruption va devenir institutionnalisée :

« Les corruptions de l'esprit, bien autrement destructives que celles des sens, sont acceptées comme des résultats nécessaires ; elles n'appartiennent plus à quelques individus pervers, elles sont tombées dans le domaine public. »

On refuse une âme, on adore le néant et l’hébétement (Baudrillard use du même mot) :

« Tels hommes seraient humiliés qu'on leur prouvât qu'ils ont une âme, qu'au-delà de cette vie ils trouveront une autre vie ; ils croiraient manquer de fermeté et de force et de génie, s'ils ne s'élevaient au-dessus de la pusillanimité de nos pères ; ils adoptent le néant ou, si vous le voulez, le doute, comme un fait désagréable peut−être, mais comme une vérité qu'on ne saurait nier. Admirez l'hébétement de notre orgueil ! »

L’individu triomphera et la société périra :

« Voilà comment s'expliquent le dépérissement de la société et l'accroissement de l'individu. Si le sens moral se développait en raison du développement de l'intelligence, il y aurait contrepoids et l'humanité grandirait sans danger, mais il arrive tout le contraire : la perception du bien et du mal s'obscurcit à mesure que l'intelligence s'éclaire ; la conscience se rétrécit à mesure que les idées s'élargissent. Oui, la société périra : la liberté, qui pouvait sauver le monde, ne marchera pas, faute de s'appuyer à la religion ; l'ordre, qui pouvait maintenir la régularité, ne s'établira pas solidement, parce que l'anarchie des idées le combat… »

Une belle intuition est celle-ci, qui concerne…la mondialisation, qui se fera au prix entre autres de la famille :

« La folie du moment est d'arriver à l'unité des peuples et de ne faire qu'un seul homme de l'espèce entière, soit ; mais en acquérant des facultés générales, toute une série de sentiments privés ne périra−t−elle pas ? Adieu les douceurs du foyer ; adieu les charmes de la famille ; parmi tous ces êtres blancs, jaunes, noirs, réputés vos compatriotes, vous ne pourriez vous jeter au cou d'un frère. »

Puis Chateaubriand décrit notre société nulle, flat (Thomas Friedman), plate et creuse et surtout ubiquitaire :

« Quelle serait une société universelle qui n'aurait point de pays particulier, qui ne serait ni française, ni anglaise, ni allemande, ni espagnole, ni portugaise, ni italienne ? ni russe, ni tartare, ni turque, ni persane, ni indienne, ni chinoise, ni américaine, ou plutôt qui serait à la fois toutes ces sociétés ? Qu'en résulterait−il pour ses mœurs, ses sciences, ses arts, sa poésie ? Comment s'exprimeraient des passions ressenties à la fois à la manière des différents peuples dans les différents climats ? Comment entrerait dans le langage cette confusion de besoins et d'images produits des divers soleils qui auraient éclairé une jeunesse, une virilité et une vieillesse communes ? Et quel serait ce langage ? De la fusion des sociétés résultera−t−il un idiome universel, ou bien y aura−t−il un dialecte de transaction servant à l'usage journalier, tandis que chaque nation parlerait sa propre langue, ou bien les langues diverses seraient−elles entendues de tous ? Sous quelle règle semblable, sous quelle loi unique existerait cette société ? »

Et de conclure sur cette prison planétaire :

« Comment trouver place sur une terre agrandie par la puissance d'ubiquité, et rétrécie par les petites proportions d'un globe fouillé partout ? Il ne resterait qu'à demander à la science le moyen de changer de planète. » 

Elle n’en est même  pas capable…

Source:

Chateaubriand, Mémoires, conclusion

 

 

SAGESSE POUR L’AGE DU LOUP Une conversation avec le Dr. Stephen Flowers

loupâge.jpg

SAGESSE POUR L’AGE DU LOUP

Une conversation avec le Dr. Stephen Flowers

Propos recueillis par Michael Moynihan

L’un des paradigmes dominants de la société moderne est la fragmentation. Dans le monde de la culture populaire cela se traduit par des distractions éblouissantes et des éphémères incessants, alors que dans le monde académique cela engendre une spécialisation excessive et un refus tacite d’une simple tentative de comprendre « l’ensemble du tableau », particulièrement d’un point de vue métaphysique.

Dans cet environnement atomisé, quiconque faisant l’éloge d’une vision cohésive marquée par les valeurs traditionnelles – pour ne pas parler de standards élevés – devient automatiquement une anomalie. Et c’est le cas pour le Dr. Stephen Flowers, qui est la plus rare des espèces : un érudit avec de l’esprit, qui a un esprit obstiné mais néanmoins ouvert. Pendant plus d’un quart de siècle il a consacré ses énergies à décoder les mystères non seulement de l’ancien alphabet symbolique des Runes, mais aussi des domaines les plus profonds du mythe et de la culture germaniques dont ils provenaient. Pour Flowers, cette quête est résumée dans un seul mot, RUNA, qui est l’ancienne forme de la vieille langue gothique pour « rune » et qui était équivalente au terme grec mysterion (« mystère »). Ce fut au début des années 1970 que Flowers entendit distinctement ce mot murmuré à son oreille, et depuis ce moment il a infatigablement suivi un chemin pour comprendre ses implications.

Flowers_Stephen_E..jpgSuivant un travail en philologie germanique et celtique sous la direction de l’estimé professeur Edgar Polomé (1920–2000), Flowers reçut son doctorat en 1984 avec une thèse intitulée Runes and Magic: Magical Formulaic Elements in the Elder Tradition (plus tard publiée par Lang, 1986). Au milieu des années 1980, Flowers commença aussi une carrière d’auteur plus publique sous le nom d’Edred Thorsson. Ses livres sur les Runes et la magie germanique (Futhark, Runelore, At the Well of Wyrd, Rune-Might, Northern Magic, The Nine Doors of Midgard, et A Book of Troth) sont devenus des classiques du genre, et bien qu’ils visent le marché du livre occulte, ils révèlent une profondeur de compréhension et un degré de connaissance qu’il est inhabituel de trouver dans ce genre.

Sous son propre nom il publia aussi des écrits moins spéculatifs, par exemple Fire & Ice [Feu et Glace], sur l’ordre magique allemand Fraternitas Saturni, et sa traduction du Galdrabók, un grimoire islandais médiéval. Son intérêt pour les sujets germaniques s’étend non seulement au passé lointain, mais aussi aux manifestations plus récentes et plus controversées, telles que la période völkisch au tournant du XIXe siècle ou les aspects ésotériques du Troisième Reich, et ses traductions du Secret des Runes de Guido von List, de Rune-Magic [Magie runique] de S.A. Kummer, ou des écrits de Karl Maria Wiligut (The Secret King: Himmler’s Lord of the Runes) ont toutes jeté une lumière érudite sur ces sujets. Il a aussi écrit Lords of the Left-Hand Path [Seigneurs de la Voie de la Main Gauche], une longue étude des courants occultes plus obscurs, et une analyse innovante des textes magiques grecs intitulée Hermetic Magic [Magie hermétique].

A la différence de beaucoup de gens qui possèdent des références académiques, Flowers ne se contenta jamais de reléguer ses intérêts à un niveau purement intellectuel, et ainsi il a été longtemps actif dans le renouveau contemporain du paganisme germanique, généralement appelé Odinisme ou Asatrù (un néologisme dérivé du vieux norrois, signifiant « loyauté aux dieux »). Il fut un membre précoce de l’organisation séminale de Stephen McNallen, l’Ásatrú Free Assembly (qui existe encore aujourd’hui sous le nom de Ásatrú Folk Assembly), et en  1979 il fonda son propre groupe initiatique, la Rune-Gild [Guilde runique], dédiée à l’exploration sérieuse des niveaux ésotériques les plus profonds de la tradition germanique, ainsi que de la culture indo-européenne dans son ensemble dont la tradition germanique n’est qu’une branche.

Au fondement de tout ce travail se trouve une croyance en l’importance profonde de la pensée germanique traditionnelle et l’éternelle pertinence de son expression mythologique. Après tout, l’anglais est une langue germanique, et notre société – fragmentée ou décadente comme elle peut l’être aujourd’hui – doit ses vraies origines autant, sinon plus, à l’Europe nordique qu’à Athènes ou Rome. Consterné par l’érosion en cours de l’appui pour les études germaniques dans la plupart des universités du monde occidental, Flowers a récemment [en 2003] dévoilé son projet le plus récent : le Woodharrow Institute [Institut Woodharrow]. Cette institution éducationnelle non-lucrative vise à maintenir et à encourager la tradition des études germaniques, proposant des cours et des publications, et interagissant avec les milieux académiques partout où cela sera possible. En plus d’administrer l’Institut, Flowers et sa femme Crystal dirigent aussi la maison d’édition Rûna-Raven, qui publie un catalogue de titres concernant des aspects variés de l’ancienne culture germanique, avec des études linguistiques spécialisées et des travaux dans des domaines apparentés.

– Michael Moynihan

Entretien

Michael Moynihan : Pouvez-vous rappeler les événements initiaux qui vous conduisirent à prendre le chemin que vous avez pris vers la compréhension des mystères de la tradition germanique ?

Stephen Flowers : J’ai commencé ma « carrière » dans la compréhension des mystères de la tradition germanique comme ce que je finirai plus tard par considérer comme un « nigaud occultistoïde ». J’étais intéressé par beaucoup de choses assez stupides. L’une de mes premières passions fut les films sur les monstres. Ma première bible fut peut-être Famous Monsters of Filmland. Mon « monstre préféré » était celui créé par Frankenstein. Il y avait simplement quelque chose sur l’origine germanique et « gothique » du mythe qui m’attirait. Avant cela je me souviens que j’étais attiré par tout ce qui était germanique (et scandinave) ; les films Les Vikings (que je vis pendant un voyage d’enfance à San Antonio) et La chute de l’empire romain m’inspirèrent vaguement par certaines scènes de « barbarie » germanique. Plus tard cela mûrit un peu en un intérêt pour la mythologie du genre Le matin des magiciens ou La lance du destin, et cela culmina dans mon « audition » du mot RUNA en 1974. Ce fut un catalyseur pour un saut qualitatif dans mon évolution. Cela me poussa à me plonger dans le fondement scientifique et académique de ce qui m’avait tant fasciné depuis l’enfance. Toute cette expérience posa le fondement de la nature de mon propre enseignement, suivant ce motif : inspiration (irrationnelle), conduisant à une étude objective (rationnelle), conduisant à une intériorisation (subjective), ce qui conduit finalement à une action objective (= compréhension/transformation personnelle).

icelandic-magic-9781620554050_hr.jpgMichael : Qu’est-ce qui amena votre initiation dans l’Asatru ou l’Odinisme organisés, et comment regardez-vous cette période aujourd’hui ?

Stephen : Au milieu des années 1970 il y avait très peu d’individus qui entretenaient l’idée d’un renouveau de l’ancienne religion germanique. Mon propre voyage individuel commença dès 1972. Cependant, je dirais que cela resta plutôt aléatoire et sans direction jusqu’en 1974, quand j’entendis le mot RUNA murmuré à mon oreille. Mais même à ce moment, avec l’inspiration venant d’une source supérieure, la lutte pour comprendre la pleine signification de tout cela était une lutte significative qui devait être menée sur le plan terrestre. Je vis des annonces à des endroits comme le magazine Fate pour l’Ásatrú Free Assembly et je fus intrigué, mais pour quelque raison je pensai qu’il ne serait pas sage de contacter ce groupe tant que je n’avais pas quelque chose de significatif à offrir. En 1975 mon travail avait pris la direction d’être davantage guidé par la discipline universitaire. Dès que j’eus fait des progrès significatifs dans la reformulation de ma philosophie runique (qui trouva une expression dans le manuscrit qui devint le livre Futhark) et dans mes études à l’Université du Texas à Austin, je me sentis prêt à prendre contact avec des groupes Asatrù.

Je rencontrai d’abord le leader de l’AFA, Stephen McNallen, au premier Althing [= Assemblée] de l’AFA durant l’été 1979. Rencontrer Steve fut une expérience qui changea ma vie. Il est l’incarnation d’un genre de spiritualité germanique qui met les paroles en action. C’est à cette époque que je fus nommé godhi [la désignation en vieux norrois pour un leader spirituel] dans l’AFA. C’est aujourd’hui la seule référence que je considère comme étant d’une certaine importance dans le monde de l’Ásatrú /Odinisme. En dépit de tout ce qui a pu se passer à la fin des années 1980 et au début des années 1990, il ne peut y avoir de doute que Stephen McNallen est la lumière de l’Asatrù américain. Je compte Steve McNallen comme un ami et un collègue et j’apprécie beaucoup le fait que c’est de lui que je reçus mon godhordh – ou « autorité en tant que godhi ».

Michael : Vous avez souvent dit à quel point la formation érudite disciplinée et fondamentale est essentielle pour comprendre les aspects ésotériques de la religion et parlé de la manière de mettre le plus efficacement ceux-ci en pratique. On peut présumer qu’un tel échange fonctionne aussi simultanément dans la direction opposée – en d’autres mots, de quelle manière positive votre implication active avec la religion a-t-elle impacté votre travail universitaire ?

Stephen : Les aspects spirituels ésotériques fonctionnent comme des formes initiales d’inspiration pour l’esprit. Cela est essentiel pour l’approche odienne [= odinique] de la vie. Il y a d’abord une impulsion « irrationnelle » ou supra-rationnelle – un éclair soudain qui place l’esprit conscient sur sa course mystérieuse. Cette impulsion, pour beaucoup, peut être une attaque déstabilisatrice dont ils ne se remettent jamais. Ils sombrent simplement de plus en plus profondément dans un océan de subjectivité. Pour d’autres, le subjectivisme est finalement équilibré par un travail rationnel. Une compréhension de l’inspiration est acquise, sans pouvoir l’« expliquer ». Permettre à l’expérience et à la vision intérieures subjectives de coexister avec une analyse rationnelle objective est essentiel pour le processus de développement personnel basé sur la symbologie traditionnelle.

Des observateurs extérieurs, mes mentors dans le monde universitaire, ont remarqué que j’avais une aptitude étrange à expliquer des mythes obscurs et à appréhender les connexions cachées entre et parmi diverses structures mythiques. Cette aptitude provenait de mon expérience intérieure qui était construite sur une base se trouvant en-dehors des modèles purement rationnels. Si l’on essaie de plonger dans les mystères de la culture symbolique d’un monde archaïque – un monde très éloigné de notre société contemporaine et de ses valeurs –,  alors évidemment il faut trouver une clé qui soit autre chose que de la logique pesante ou de la spéculation hasardeuse. Pour moi cette clé est l’ouverture équilibrée à l’esprit mythique d’Odin. J’eus suffisamment de chance pour avoir des mentors académiques qui m’appuyèrent dans cette approche, qui étaient eux-mêmes des hommes spirituels. Sans leur appui intérieur, je n’aurais rien pu accomplir de ce que j’ai accompli.

Michael : Pourquoi l’idée d’un spécialiste de la religion préchrétienne qui adhère vraiment aux idées spirituelles qu’il étudie est-elle si dérangeante ? Est-ce simplement un sous-produit de la situation en Occident où tout chemin religieux sortant des croyances monothéistes « majoritaires » est décrit comme sectaire et marginal ?

northerndawn.jpgStephen : Je pense que cette attitude vient presque entièrement de deux sources : (1) l’antagonisme entre la vision-du-monde matérialiste et la vision-du-monde spirituelle traditionnelle, et (2) le fait que les adhérents de la vision-du-monde matérialiste ont saisi l’occasion d’attaquer la vision spirituelle en se basant sur les événements historiques liés à la Seconde Guerre mondiale. Cette vision-du-monde matérialiste est « monothéiste » au sens où elle autorise un seul ensemble de valeurs orthodoxes. De cette manière elle est vraiment une forme laïcisée de la religion monothéiste. Le système de pensée judéo-chrétien s’est très bien prêté à une laïcisation d’une manière telle qu’il peut être transformé en un modèle pour des théories politiques et économiques. Comme remarque additionnelle, l’islam a été beaucoup plus obstiné dans son adhésion à ses valeurs d’origine, ce qui l’a rendu très « arriéré » par rapport à ses cousins monothéistes.

Le judaïsme et le christianisme peuvent être tolérés par le monde académique de l’establishment parce qu’ils peuvent être vus comme des prototypes théoriques du modèle matérialiste et positiviste qui domine aujourd’hui l’Occident. Les modèles traditionnels antérieurs ne sont pas tant vus comme une menace pour la religion que comme une menace pour l’ordre politique et économique monolithique. Les philosophies traditionnelles préchrétiennes sont trop divergentes et multivalentes pour être contraintes à entrer dans un « marché » unique d’idées. Cela révèle l’hypocrisie fatale de l’actuel groupe de « penseurs » modernistes, qui parlent sans cesse de « multiculturalisme » et de tolérance, mais qui soutiennent exclusivement des modèles socio-économiques monolithiques qui mettent en œuvre le contraire de ce qu’ils approuvent publiquement. L’ancien monde traditionnel et préchrétien est sûrement plus en accord avec ce qui sonne vraiment le mieux pour la plupart des gens. Les anciennes et préchrétiennes Athènes et Alexandrie ne sont-elles pas des modèles plus idéaux pour l’avenir, plutôt que la Rome ou la Constantinople du Moyen Age ?

Il est clair que l’animosité envers ceux qui voient une valeur dans les modèles préchrétiens ne vient pas du coté religieux du débat, mais plutôt du défi laïc que le traditionalisme représente pour l’ordre politique actuel. Ce qui est nécessaire, c’est une campagne pour la rééducation du monde universitaire pour montrer qu’un futur idéalisé a plus de chances d’être basé sur la mosaïque des traditions préchrétiennes plutôt que sur le modèle chrétien monolithique.

Les spécialistes de la tradition préchrétienne doivent en fait être sympathiques et même empathiques vis-à-vis des paradigmes qu’ils étudient. S’ils n’ont pas un lien subjectif avec le paradigme qu’ils cherchent à comprendre, alors ils ont catégoriquement placé une barrière infranchissable entre eux-mêmes et l’« objet » qu’ils cherchent à comprendre. C’est pourquoi ils se sont en fait disqualifiés pour la simple capacité de vraiment comprendre les modèles de pensée en question.

Michael : Vous avez toujours tenté d’encourager ceux qui sont impliqués dans le néo-paganisme à maintenir un haut niveau intellectuel, et dès que possible de poursuivre activement une étude universitaire sérieuse. Avez-vous remarqué un nombre significatif de gens prêts à relever ce défi ?

Stephen : Jusqu’ici je dirais qu’il y a eu en effet un nombre significatif de gens qui ont relevé ce défi de poursuivre des buts universitaires comme un moyen pour placer leurs vies spirituelles intérieures sur un fondement plus solide. Le nombre peut être significatif, mais pas grand. On peut espérer qu’avec l’arrivée du nouveau Woodharrow Institute un plus grand nombre de gens « saisira » ce que je tente de transmettre dans cette tendance. Tout le monde « néo-païen » a été transformé en un secteur de la mentalité « underground » bohême de la culture anglo-saxonne (cela inclut l’Américain imitatif). Ce que j’essaie de faire, c’est simplement de reconnecter la culture anglo-saxonne avec ses racines germaniques plus organiques. Cela inclut la manière dont l’idée de « néo-paganisme » est approchée.

ninedoors.jpgComme je l’ai exposé dans mon essai « How to Be a Heathen » [Comment être un païen], publié dans le volume Blue Runa (Rûna-Raven, 2001), il y eut un temps où la « connaissance païenne » désignait d’abord quelque chose qui était rigoureux, et qui évoluait graduellement vers des domaines supérieurs de ce qui est ordinairement ineffable. La « foi chrétienne » était quelque chose qui s’opposait à la « connaissance païenne » et qui était caractérisée par le subjectivisme et des appels incessants à des autorités invérifiables du début à la fin du processus. De cette manière, on peut voir que le « New Ager » ou le « Wiccan » typique est en fait paradigmatiquement beaucoup plus proche du modèle de pensée chrétien originel que ne l’est le « croyant chrétien » moyen aujourd’hui. Les séminaristes chrétiens sérieux ne songeraient pas à ignorer l’étude du latin, du grec et de l’hébreu, et pourtant les nombreux aspirants à la « prêtrise » d’Asatru aujourd’hui pensent qu’il est déraisonnable de leur demander d’apprendre le vieux norrois. Il est remarquable de noter le nombre de gens qui ne connaissent même pas correctement la grammaire de leur « nom nordique » supposé !

Les raisons de cette apparente quasi-hostilité à l’étude font partie de la mentalité « anti crâne d’œuf » anglo-saxonne. Par contre on peut remarquer que certains des revivalistes allemands du tournant du siècle étaient en fait des professeurs, par exemple Jakob Wilhelm Hauer (Tübingen) et Ernst Bergmann (Leipzig). Ce préjugé culturel intérieur doit d’abord être reconnu avant de pouvoir être surmonté. Ne pensez pas une minute que je fasse l’éloge de la grande sagesse ou du grand caractère de l’universitaire moderne typique. Le monde universitaire est actuellement en déclin. Cependant, la connaissance fondamentale et systématique possédée par ceux qui ont passé des décennies dans des études spécialisées, et qui ont été les récipients traditionnels de la connaissance transmise par plusieurs générations antérieures d’érudits est une ressource qui nous est indispensable.

Michael : Si votre centre d’intérêt est généralement la culture germanique ou nord-européenne traditionnelle, vous avez aussi traité d’autres domaines dans une partie de votre travail, comme avec le livre Hermetic Magic [Magie hermétique]. Quelle était votre motivation pour faire cela – et comment ces domaines apparemment distincts s’accordent-ils ou se fécondent-ils mutuellement ?

hermeticmagic.jpgStephen : Dans Hermetic Magic, je me suis concentré sur les opérations des papyri magiques grecs qui utilisaient le pouvoir symbolique du langage et de l’alphabet (c’est-à-dire les opérations les plus influencées par le grec). En fait il y a beaucoup d’enrichissements mutuels possibles entre les traditions germaniques et grecques de magie verbale et alphabétique. Le livre Hermetic Magic fut une expérimentation pour l’usage du principe des RUNA dans le décodage d’une tradition autre que la germanique. Cela se révéla généralement fructueux. Une grande partie de ce qu’était la magie hermétique a été perdue dans la magie du style Golden Dawn/OTO des gentlemen de l’époque victorienne. Hermetic Magic est une tentative pour aller au fond des choses, c’est-à-dire à revenir aux sources de ce qu’est la magie hermétique, afin d’arriver à une perspective fraiche et éternelle sur le pouvoir de la volonté humaine. C’est un exercice sur le pouvoir des RUNA, des Mysterion, tel que je le vois. Hermetic Magic montre ce qui peut être fait avec le principe des RUNA/Mysterion. Que cela ait été généralement ignoré par la foule de l’« hermétisme » ordinaire ne fait que montrer à quel point la véritable tradition est ésotérique.

Michael : L’œuvre de Georges Dumézil, le spécialiste français de l’étude comparative des religions indo-européennes, a eu une forte influence sur votre propre attitude. Quels sont d’après vous les aspects les plus importants de son œuvre, et pourquoi vous ont-ils inspiré à un tel degré ?

Stephen : Avant tout, je suppose que j’y suis venu par tradition. Mon propre enseignant, et Doktorvater, Edgar Polomé, était un dumézilien (qualifié). En plus de ce que j’ai appris dans ses cours, cependant, j’ai compris que ses études objectives (qui impliquaient de faire des dossiers détaillés sur les divers dieux indo-européens, etc.) associées à son approche structuraliste permettaient les débuts d’une synthèse contemporaine et vivante des idées anciennes et de celles de Jung et d’autres. Les idées de Dumézil sont (1) exactes et objectivement vérifiables à un grand degré, et (2) sont des outils puissants pour un travail réel d’auto-transformation.

Michael : Ces dernières années il semble y avoir eu un effort conséquent de la part de certains segments de la communauté universitaire pour discréditer l’œuvre de Dumézil, et spécialement sa formulation du modèle tripartite/trifonctionnel. De telles tentatives rappellent celles qui furent dirigées contre Mircea Eliade et d’autres spécialistes de la religion et du mythe. Pourquoi cette animosité, et de quoi ces discréditeurs ont-ils si peur ?

Stephen : Ils craignent la résurgence de la culture indo-européenne. Ils ont intellectuellement adopté l’idée que l’internationalisme est bon et que tout ce qui glorifie le monde non-européen est préférable à tout ce qui semble accorder du prestige à la culture européenne. Tout cela est très ironique parce que les idéaux dont ils s’inspirent sont entièrement d’origine européenne. Cependant, par idéologie, mais probablement plus par une sorte de mode intellectuelle, l’establishment universitaire fronce les sourcils devant tout ce qu’il considère comme « glorifiant » la culture européenne. Ils diraient probablement que leurs raisons pour cela ont vaguement à voir avec l’Allemagne des années 1930. Dans des conversations avec des spécialistes allemands en runologie, j’ai découvert que les mêmes choses arrivent maintenant dans les universités allemandes que celles qui arrivèrent dans les universités américaines dans les années 1980 et 1990 – tout ce qui a un lien avec l’Europe nordique antique ou médiévale est démantelé.

Il y a aussi la crainte que l’Europe soit vraiment capable de faire la paix avec elle-même en se basant sur le modèle indo-européen, plutôt que sur le modèle chrétien et/ou marxiste. Cela discréditerait leurs préjugés intellectuels une fois de plus. Spécifiquement avec Dumézil et la théorie tripartite, ses théories ont le potentiel pour former la base d’une unité culturelle pan-indo-européenne. Elles sont le plus grand défi au christianisme et au positivisme matérialiste au XXe siècle. Donc ce n’est pas sans quelque justification que Dumézil a été si souvent attaqué. Ses théories représentent un défi, et ne sont pas de simples curiosités intellectuelles. Elles appellent une certaine sorte d’action et une certaine sorte de changement pour le lecteur de ses idées.

Le vilain petit secret est probablement simplement que dans le milieu universitaire l’étude des langues anciennes et de l’histoire ancienne est difficile, alors que ce par quoi ils remplacent tout cela est relativement facile. De sorte que la « guerre contre les Indo-Européens » fait en réalité partie de l’« abêtissement » général du milieu universitaire.

Michael : Il n’y a pas si longtemps vous avez assisté à une conférence internationale de spécialistes en runologie au Danemark. Quelles ont été vos impressions sur la manière dont cette discipline se comporte dans le monde universitaire d’aujourd’hui ?

Stephen : Le domaine universitaire de la runologie, comme toute autre discipline universitaire, est sujet aux dictats de la mode et du changement des tendances intellectuelles (c’est en cela qu’une discipline universitaire diffère d’une discipline Traditionnelle). La plupart des runologues du XIXe siècle et du début du XXe acceptaient la relation entre la  religion ou la magie et les runes comme un fait. Ils acceptaient cela sans sens critique parce que cela leur semblait être (peut-être à juste titre) la conclusion la plus évidente basée sur toutes les indications à première vue. Parce qu’ils n’étaient pas critiques dans leur acceptation, cependant, cela laissa la porte ouverte à une génération ultérieure de runologues pour contester les hypothèses de la génération précédente. Dans le monde de la science c’est une bonne chose. Si ceux qui ne contestaient pas la nature « magique » des runes n’avaient pas été si dépourvus de sens critique, alors une exploration plus profonde et plus perspicace de l’idée des runes et de la magie n’aurait jamais pu être entreprise.

northernmagic.jpegJe suis très satisfait de voir de jeunes individus – beaucoup encore étudiants – à la conférence runique m’approcher discrètement et me dire qu’une partie de la raison pour laquelle ils vinrent à la conférence était de me rencontrer, et qu’ils avaient été exposés pour la première fois au monde merveilleux des runes et la tradition germanique ésotérique par mes travaux plus « populaires ».

Le visage changeant du monde universitaire dicte que ce qui est « dedans » aujourd’hui, sera « dehors » demain. Les germes de la prochaine génération de runologues ont déjà été plantés. A un certain niveau, peut-être, ceux qui sont des ennemis de la tradition ont senti cela. Leur stratégie est peut-être d’empêcher les germes de grandir en ne permettant pas aux germes d’exister dans un sol fertile. Tous les domaines de la runologie, de la religion comparative, des études indo-européennes, etc., sont systématiquement extirpés des institutions universitaires. Spécialement en Amérique cela se passe avec une impulsion simultanée de la « droite » tout comme de la « gauche ». La gauche internationale voit la tradition européenne comme étant au pouvoir, et leur mythe de la dialectique détermine qu’ils doivent chercher à désétablir tout ce qui est au pouvoir, pour des raisons « révolutionnaires ». La droite, de son coté, est dominée en Amérique par un sentiment chrétien, qui voit l’intérêt pour nos traditions anciennes comme étant hostile au modèle chrétien. Il est intéressant de remarquer que ces intérêts apparemment divergents de la « gauche » et de la « droite » sont, en Amérique du moins, d’accord sur le fait qu’au moins l’un de leurs « ennemis » communs est celui représenté par les traditions nationales organiques de l’Europe.

Cela ne se passe pas seulement en Amérique, mais en Europe aussi. Récemment le poste du Prof. Dr. Klaus Düwel de l’Université de Göttingen en Allemagne a été supprimé par l’administration de l’université. Lors de la conférence runique au Danemark, les runologues signèrent une pétition destinée à l’administration de l’université pour demander que ce poste prestigieux soit maintenu. Les racines de l’étude universitaire des runes dans cette institution remontent jusqu’aux frères Grimm.

Michael : La fondation du Woodharrow Institute for Germanic and Runic Studies [Institut Woodharrow pour les études germaniques et runiques] est-elle d’une certaine manière une réponse à la situation actuelle concernant ces domaines d’étude ?

Stephen : Le Woodharrow Institute n’est pas seulement une réponse à cette situation actuelle dans le milieu universitaire, mais aussi aux inconvénients, tels que je les vois, de la « sous-culture ésotérique ». L’Institut se tient à part de l’actuelle « sous-culture magique » en ce qu’il est informé par, et à son niveau le plus basique doit se conformer à, toutes les règles et règlementations légitimes de la procédure scientifique – qui sont toutes bénéfiques pour le processus global s’il est gardé en perspective. Ces méthodes infiltrent notre manière d’approcher les domaines ésotériques, ou les domaines de travail intérieur, aussi bien. Comme cela a toujours été le cas avec la Rune-Gild [Guilde Runique] – qui dans le futur sera rétablie dans le contexte du Woodharrow Institute –, nous partons de ce qui est objectivement connu et nous partons de cette base pour passer à l’exploration des coins plus sombres de l’inconnu.

Donc le Woodharrow Institute est destiné à relever le défi des deux extrémités d’un pôle : c’est pour apporter une base objective et scientifique au début du travail intérieur, et  pour re-envisager le but final du travail intellectuel lui-même comme un accomplissement de soi. C’est pour apporter des standards objectifs à un bourbier de subjectivité (la culture occultistoïde) et pour donner un but intérieur aux recherches souvent stériles et sans intérêt du monde universitaire. C’est un défi formidable, à coup sûr. Mais c’est aussi ce qui le rend digne de l’entreprendre.

Michael : Quel rôle accomplira d’après vous l’Institut finalement, et comment pourrait-il interagir avec des institutions universitaires plus établies ou plus formelles ?

runarmal.jpgStephen : Il est clair d’après ce qui a déjà été dit que la discipline universitaire de runologie, ainsi que certaines des études germaniques et des études indo-européennes plus anciennes, sont en danger. Si la runologie scientifique est laissée à son cycle normal de mode intellectuelle, il n’y a pas de mal. Le runologue traditionnel radical serait libre comme toujours de partager les fruits de ce travail intellectuel et de voir son travail intérieur enrichi par celui-ci. Mais si les domaines universitaires traditionnels sont déracinés et marginalisés pour l’extinction, alors cela ne serait plus possible.

Le Woodharrow Institute est conçu pour être un refuge pour la tradition universitaire – et pour encourager dans une certaine mesure une sorte d’érudition de guérilla. Le travail fondamental pour l’Institut ne doit en aucune façon être compromis par la « pensée occulte » ; il doit être entièrement historique et académique. Nous « jouerons le jeu universitaire » en accord avec ses règles et ses standards. Alors seulement l’Institut pourra accomplir une autre de ses tâches majeures : agir comme un « think tank » pour ceux qui s’intéressent au travail intérieur. Le fait que le mot « académique » soit utilisé pour décrire seulement le genre de travail qui est « purement scientifique » est en un sens une mauvaise utilisation du terme. L’école de Platon, l’Académie, dont notre usage moderne du terme provient en fin de compte, n’avait pas pour but final la production de données scientifiques limitées à ce qui peut être quantifié et connu objectivement. C’était seulement un tremplin vers le vrai but de l’école, qui était la transformation de l’individu en une forme supérieure d’être – en d’autres mots, le « produit » final était l’âme complétée. Tout ce but ultime a été perdu dans l’institution académique moderne, sauf peut-être là où des poches secrètes d’érudits peuvent la préserver non-officiellement.

Le Woodharrow Institute cherche à restaurer le modèle complet de l’Académie antique dans un contexte germanique. En tant que tel, son but ultime est transformationnel et pas simplement « scientifique » comme cela est compris dans le jargon moderne. Les participants ou les membres de l’Institut ne se verront cependant pas demander de poursuivre ce travail intérieur comme une sorte de condition préalable pour devenir membre. L’Institut développera un éventail complet de zones d’intérêt et de recherche.

On espère que l’Institut pourra dans le futur établir de bonnes relations avec le milieu universitaire majoritaire. Nous pourrions proposer des programmes pratiques dans l’étude des langues, l’archéologie expérimentale et, plus important, l’idéologie expérimentale. Notre mission dans le milieu universitaire majoritaire serait simplement de restaurer des zones d’étude traditionnelle où elles ont été perdues et à aider à les conserver là où elles sont en danger.

L’Institut a alors deux buts principaux dans le monde :    

(1) Agir comme un refuge pour le travail scientifique déplacé dans les champs de la runologie, les études germaniques, et les études indo-européennes générales ; et (2) agir comme un « think tank » pour les individus intéressés à faire usage du travail scientifique comme une base pour le développement intérieur. Le Woodharrow Institute est une arme dans le combat contre le modernisme et le subjectivisme occultistoïde.

Michael : Dans l’ancienne cosmologie germanique, une dynamique cyclique existe où l’ancien ordre s’effondre et est déchiré à la fois de l’intérieur et de l’extérieur, mais c’est une étape nécessaire qui précède le déploiement d’un nouveau commencement. Est-ce excessif de regarder les événements contemporains sous cette lumière ? Et si ça ne l’est pas, quelle est la meilleure manière pour l’individu conscient d’approcher la situation actuelle ?

Stephen : Je soutiens que les idées traditionnelles sont éternellement valables et toujours pleines de sens. La cosmologie germanique, le Ragnarök, qui peut en fait désigner le commencement, le milieu ou la fin du processus cosmologique, implique certains âges à la fin du processus. Ceux-ci sont désignés dans les poèmes de l’Ancienne Edda [= Edda poétique] par des termes tels que l’« Age du Loup », qui désigne la nature « avide », « cupide » ou « appétitive » de l’âge. Il est clair que le monde dans son ensemble se trouve dans un « Age du Loup ». L’individu, et certains groupes d’élus peuvent, comme le dit Evola, « chevaucher le tigre ». Cela signifie que certains individus et certains groupes peuvent, en exerçant leur volonté contre le courant de la réalité du consensus et en s’inspirant de la Tradition, poser les fondements personnels et transpersonnels du prochain (et inévitable) développement cyclique. Ce prochain cycle sera (naturellement) plus imprégné de Tradition, à mesure que la roue du développement tournera.

Des portions de cette interview avec le Dr. Flowers ont précédemment paru dans le journal britannique Rûna: Exploring Northern European Myth, Mystery and Magic, disponible chez BM: Sorcery, London WC1N 3XX, UK. Pour en apprendre plus sur le Woodharrow Institute, ou pour demander un catalogue de livres disponibles, contacter Rûna-Raven Press, PO Box 557, Smithville, Texas 78957, USA.

___________________________________________________________________________

moynihan.jpg

Michael Moynihan est un auteur, artiste et éditeur de la Nouvelle-Angleterre. Il est corédacteur du journal TYR: Myth – Culture – Religion, publié à Atlanta, Géorgie. Il contribue régulièrement à des périodiques culturels et musicaux, et est aussi le rédacteur nord-américain de Rûna.

Cet article est paru dans New Dawn n° 77 (mars-avril 2003)

© New Dawn Magazine and the respective author.

For our reproduction notice, click here.

[Il semble malheureusement que ce Woodharrow Institute n’existe plus aujourd’hui en 2016. Il aurait été fermé. – NdT.]

 

 

LA PROPHETIE DE HROSVITHA Prophéties et propagande de guerre

Roswitha_Denkmal_06.jpg

LA PROPHETIE DE HROSVITHA

Prophéties et propagande de guerre

Par Théodulf

Hrosvitha (ou Hroswitha, ou Rosvitha, ou Hroswitte) de Gandersheim, née vers l’an 935 et morte après 975, était abbesse du monastère de Gandersheim en Saxe, fondé en 852 par Liudolf (un descendant de Widukind). Hrosvitha (qui veut à peu près dire : « A la forte voix ») est aujourd’hui considérée comme la première poétesse et dramaturge allemande. Elle était lettrée et écrivait en latin. Il faut noter qu’à son époque l’Allemagne était pour la première fois proche de son unité, sous la férule du duché de Saxe et de la dynastie des Othon.

Le codex contenant les œuvres de la prolifique poétesse (des légendes métriques, six pièces de théâtre, et des poèmes épiques) fut découvert en 1492 ou 1493 par l’érudit allemand Conrad Celtes dans un couvent bénédictin. Celtes le publia à Nuremberg en 1501. L’œuvre de Hrosvitha devint célèbre à partir du XVIe siècle. L’authenticité du codex fut contestée en 1868 par un universitaire allemand, avec des arguments assez faibles. Aujourd’hui les spécialistes modernes ne contestent plus son authenticité, et de nombreux travaux lui ont été consacrés. Certains y décèlent même les traces d’un « féminisme » précoce !

Ce qui est beaucoup plus mystérieux, c’est que Hrosvitha aurait aussi écrit une prophétie assez troublante où l’abbesse allemande aurait « vu » une tentative d’hégémonie germanique, suivie d’une ruine complète, dans un futur éloigné (comme plusieurs autres voyants ultérieurs, elle aurait confondu les deux guerres mondiales dans une même vision). Cette prophétie (qui, et cela est déjà suspect, ne semble pas figurer dans le codex retrouvé par Celtes) est connue sous le nom de Tuba saeculorum (Le Clairon des siècles).

Dans son livre Prophéties et prophètes de tous les temps (Pygmalion 1991), Pierre Carnac écrit d’une manière assez sibylline que la prophétie était « méconnue » du public avant la Première Guerre mondiale et qu’elle « fut publiée par les soins des Alliés » car elle annonçait la défaite finale de l’Allemagne. Plus surprenant, le spécialiste de l’ésotérisme Pierre Riffard présente cette prophétie sous un jour plutôt favorable (et en donne le texte in extenso) mais reste prudent (voir Pierre Riffard, L’ésotérisme, Robert Laffont, 1990, pp. 676-678).

Le texte de la « prophétie » est précédé d’un inquiétant quatrain :

Clamor validus Allemanorum

Tuba influet saeculorum

Quos fuerunt et quos fuerant

Verba cruenta scriptorum.

Le cri puissant d’Alemanie

Souffle dans le clairon des siècles

Et clame en paroles sanglantes

Ce qui fut et ce qui sera.

Et ce sera un siècle écoulé après la chute de l’empereur de France, restaurateur du Saint Empire, né dans une île, mort dans une île.

hros.jpgCe sera un siècle terrible parmi les siècles. Les peuples tomberont sous toi, Allemagne, et ta puissance sera si grande que le monde entier s’alliera contre toi.

Neuf siècles auront apposé leur sceau au Livre de Dieu, depuis l’heure où les choses à venir furent révélées à la vierge de Gandersheim.

Et des peuples viendront des deux faces de la terre et alors commenceront les temps embrasés décrits au Livre de la Colère.

L’héritier du Grand Othon sentira tout le poids de la terre sur son épée. Le char flamboyant d’Elie volera dans les airs, et l’enfer vomira ses rocs et ses laves embrasées.

Et les montagnes seront renversées et leurs tours tomberont, et toute merveille s’écrasera par terre.

Et sur les troupes et sur les grands peuples qui se dresseront contre l’Empire, pleuvra une pluie de boue, des grêles de pierres, de feu et de soufre.

Le Saint Empire, relevé sous le 249e pape, sacré sous le 253e, entendra venir sa destinée quand mourra le 255e fils de Pierre.

Alors l’Allemagne, de son épée, frappera de si grands coups que le monde croira venue l’heure de sa perte.

L’air sera tout empli des sauterelles de fer prédites par l’apôtre Jean, car le temps des moissons sera venu.

Il y aura sur la terre des Gaules une grande bataille entre deux fleuves, et le puissant empire sentira trembler son épée.

Et les peuples creuseront des trous comme les taupes et dans l’air se répandra l’odeur de la mort.

Mais quand la terre de Germanie sera recouverte de neige, par les portes d’Orient et par les portes d’Occident, coulera comme un déluge de sang, sur l’Empire, l’innombrable invasion des peuples.

Il y aura trois grandes batailles entre les trois grands fleuves qui arrosent et limitent le Saint Empire.

Et ce sera la fin de l’Allemagne…

Une année entière sera révolue quand s’agenouilleront autour du cercueil du dernier empereur, quatre empereurs.

Il n’y aura plus de Saint Empire, et sur ses ruines naîtront l’empire du Christ et celui de l’Antéchrist.

Mais la guerre règnera entre les deux parties de l’Allemagne, et les ennemis se rejoindront.

Jusqu’au temps de la Guerre Rouge, prévue au Livre de la Colère, et du Grand Empire d’Orient, qui sera le dernier empereur de la Terre.

ANALYSE DU TEXTE

Tentons maintenant de décoder la prophétie. « L’empereur de France… né dans une île, mort dans une île » est bien sûr Napoléon 1er (il abdique en 1814, et la Grande Guerre commence en 1914). « La Vierge de Gandersheim » désigne la voyante elle-même. Le Livre de la Colère désigne probablement l’Apocalypse de Jean.

L’Allemagne du Kaiser (« l’héritier du Grand Othon », qualificatif qui peut aussi bien s’appliquer à Hitler, rétrospectivement) fit effectivement face à une coalition mondiale. La numérotation des papes peut donner lieu à diverses interprétations, selon qu’on compte les papes par individus ou par consécrations (par ex., l’un des papes historiques fut élu trois fois). Le Saint Empire (dissous en 1806 par Napoléon 1er) « relevé » peut s’appliquer à la création de la Confédération germanique en 1815, sous le pape Pie VII. Guillaume 1er fut proclamé empereur en 1871, sous le pape Pie X (mort précisément en 1914). Les « sauterelles de fer » (les obus), la « grande bataille entre deux fleuves » et la phrase suivante décrivent parfaitement la bataille de la Marne et la guerre de tranchées.

hrosman.jpg

Pour un lecteur moderne, et en supposant que la prophétie soit authentique (c’est-à-dire rédigée avant l’an mille !), l’invasion finale de l’Allemagne et les « trois grandes batailles entre les trois grands fleuves » semblent s’appliquer à l’invasion alliée du printemps 1945 et aux fleuves Rhin, Danube et Oder. Les « quatre empereurs » pourraient désigner Roosevelt, Churchill, Staline (réunis à Yalta) et De Gaulle (absent à Yalta, mais qui parvint in extremis à entrer dans le cercle des « Quatre Grands » et à obtenir une zone d’occupation), à moins qu’il ne s’agisse de Truman, Churchill, Attlee et Staline (réunis à Potsdam en juillet 1945).

Toujours en acceptant l’hypothèse de l’authenticité, la voyante se serait trompée en parlant d’« une année entière » révolue après la mort de l’empereur germanique, mais ce serait une défaillance excusable, puisqu’elle aurait « vu » des événements distants de plus de neuf siècles ; elle aurait peut-être pu « voir » l’image de l’attentat du 20 juillet 1944 où la mort passe si près du dictateur que la voyante aurait pu faire une confusion « émotionnelle ». Le « cercueil » du dernier empereur germanique peut faire penser au bunker de Berlin. La « fin de l’Allemagne » fut en tous cas, dans la réalité historique, la fin de l’hégémonie allemande sur le continent.

La naissance de l’empire du Christ et de celui de l’Antéchrist s’appliquerait parfaitement (du moins du point de vue de la fervente chrétienne qu’était la « voyante ») à la naissance des deux blocs, au partage de l’Allemagne et à la guerre froide, puis à la « jonction » des deux blocs ennemis (puisque le bloc communiste s’est désintégré en 1991 et que le système capitaliste s’est ensuite imposé à toute l’Europe).

Quant à la dernière phrase de la prophétie, elle est particulièrement inquiétante et s’accorderait tout à fait avec l’évolution géopolitique actuelle dans la zone Asie-Pacifique. Certains géopoliticiens comparent l’Asie actuelle à l’Europe d’avant 1914, avec des pays de plus en plus surarmés et des tensions multiples, des systèmes d’alliance, une puissance montante (la Chine, à la place de l’Allemagne) menaçant l’hégémonie politico-militaro-économique d’une thalassocratie (les Etats-Unis, à la place de l’Angleterre victorienne). Les Etats-Unis ont d’ailleurs sérieusement renforcé leur présence militaire dans le Pacifique (le fameux « pivot » et le « containment »).

La prophétie semble donc être d’une précision hallucinante. Mais tout cela n’est-il pas trop beau pour être vrai ? Pourrait-il s’agir d’une « forgerie » ?

Le texte de la prophétie figurerait dans Hrotsvithoe Opera, éd. Weidmann, Berlin, 1902, XXIV (en latin). Une traduction partielle de Josane (bien Josane) Charpentier figure dans Le Livre des prophéties, éd. R. Morel, non-datée, pp. 84-87 (ouvrages mentionnés par Riffard dans une note en bas de page). Mais tout ceci serait à vérifier plus précisément (seule la consultation d’un exemplaire de l’ouvrage allemand précité pourrait éclaircir ce point). Sur le web, l’expression de Tuba saeculorum n’apparaît sur aucun site sérieux (ou seulement par des citations rapportées) ; on la trouve seulement sur des sites occultistes, ultrareligieux (notamment hispanophones) ou farfelus. Voilà déjà une indication défavorable.

Ce qu’on sait, c’est que le texte de la prophétie apparut dans un ouvrage en français publié au début de la guerre : Gabriel Langlois, Les prophéties relatives à la guerre de 1914-15 (58 pages, publié en 1915) ; la notice en fin de fascicule indique : « Nancy-Paris. Librairie Militaire Berger-Levrault. Nov. 1915 ». La date et le pays de publication (en pleine guerre mondiale, dans un pays belligérant) éveillent déjà les soupçons. En temps de guerre, on fait flèche de tout bois… A noter que la bataille de Verdun n’avait pas encore eu lieu à ce moment, mais la guerre de tranchées avait déjà commencé, ce qui rend plausible le passage concerné de la « prophétie ». La brochure contient aussi une analyse de l’écriture du Kaiser Guillaume II, ainsi que son horoscope.

En faisant quelques recherches sur ce Gabriel Langlois, on découvre que c’était un ardent patriote, et qu’il fut l’auteur de plusieurs autres ouvrages « patriotiques » (dont un préfacé par un archevêque), notamment d’un livre hystériquement antiallemand : L’Allemagne barbare (341 pages, également publié en 1915, chez Walter et Cie). Voici les titres des chapitres :

- La race allemande, ses origines, ses destinées, selon M. de Quatrefages 

- Le premier barbare allemand : Attila 

- L’Allemagne tortionnaire 

- Le dieu allemand protecteur des crimes : Martin Luther 

- Le Kaiser, un empereur criminel et fou 

- François-Joseph, le vieillard sanguinaire 

- Abdul-Hamid, l’assassin couronné 

- Les Allemands méprisés par les Allemands 

- Appel des 93 et réponse de M. Emile Boutroux.

Bad_Gandersheim_-_Stiftskirche_-_Westwerk.JPGVoilà de la bonne propagande de guerre ! Or il semble bien que ce Gabriel Langlois fut le premier à livrer une version française du texte de la « prophétie » de Hrosvitha. Etait-il latiniste ? Agissait-il de sa propre initiative, ou lui avait-on « suggéré » de publier ces soi-disant prophéties (car celle de Hrosvitha n’est pas la seule citée) concernant la Première Guerre mondiale ?

En fouinant sur internet, on trouve d’autres informations sur Gabriel Langlois. Son nom figure dans un bulletin maçonnique (de la Grande Loge de France, en mars 1937). Curieusement, sous le régime de Vichy, il fut nommé (apparemment en se recommandant de Jean Ajalbert, écrivain et poète proche du PPF, incarcéré en 1945) responsable de l’AE (« Aryanisation Economique ») à Toulon, où il « se noie dans la réglementation antisémite (…). Il est licencié pour incompétence en mai 1943 » (Laurent Joly, L’antisémitisme de bureau, 2011). Anti-allemand mais pas anti-aryen ! Cela ne l’empêchera pas de publier un dernier brûlot anti-allemand en 1945 : L’Allemagne, bourreau du monde, qui reçut le Prix de l’Académie française !

Revenons à notre prophétie du Tuba Saeculorum. On peut remarquer que si c’est un faux, c’est un faux très bien fait. Seul un latiniste aurait pu réaliser ce genre de « forgerie ». Cela requérait une bonne connaissance non seulement du latin, mais aussi du style et de la mentalité de l’époque, de la manière dont aurait pu écrire une moniale lettrée attachée à un monastère, de l’histoire des papes, etc. Il fallait aussi attribuer la « prophétie » à un auteur médiéval suffisamment mal connu pour qu’aucune vérification (et réfutation) ne puisse être faite et diffusée rapidement. Le texte est apparu fin 1915, en langue française (à part le quatrain introductif, donné à la fois en français et en latin, probablement pour faire plus forte impression), il était donc destiné au public français. C’est tout à fait logique, car à la fin de 1915 la guerre ne marchait pas très fort pour les Alliés. La forgerie aurait donc été destinée à « remonter le moral » des lecteurs français, en attribuant à une ancienne « prophétesse » de la nation ennemie (colossale finesse !) la ruine finale de cette même nation.

Un détail intéressant est que le texte (latin) n’utilise pas le mot de « Germanie » (qui semblerait plus normal pour un texte très ancien), mais celui d’Alémanie qui raccroche plus facilement la prophétie à l’Allemagne de 1915, sans être totalement invraisemblable pour un lecteur profane  (après tout, comme chacun sait, les mots Allemands et Allemagne viennent de la confédération de tribus germaniques des Alamans).

Un autre trait curieux est que les prophéties millénaristes (généralement modelées sur l’Apocalypse de Jean) annoncent toujours le triomphe final du Grand Roi ou du Grand Empereur (quel que soit son nom), pour mille ans ou carrément jusqu’à la fin des temps. C’est le cas de toutes les grandes prophéties millénaristes : le Gamaléon, le Livre aux Cent chapitres, les prophéties du Grand Monarque, etc. Or, dans le cas de la « prophétie » de Hrosvitha, que voyons-nous ? Tout le contraire : le grand Empereur suscite une énorme coalition contre lui et se fait battre à plates coutures ! Ce serait donc plutôt le Méchant Empereur vaincu par la glorieuse Démocratie. Curieuse prophétie, vraiment.

lusitania.jpg

D’autre part, le texte parle de quatre « empereurs » : de qui pourrait-il s’agir ? Manifestement, des chefs de quatre très grands Etats : évidemment la France (qui était une république, mais de facto un empire), la Grande-Bretagne, la Russie – mais qui pouvait être le quatrième, du point de vue d’un faussaire pro-Alliés en 1915 ? Certainement pas l’empereur d’Autriche ou le Sultan ottoman (qui appartenaient au camp ennemi). Il aurait pu s’agir du chef de l’Italie (entrée en guerre le 24 mai 1915 dans le camp allié), et c’était alors très flatteur pour l’Italie (élevée au rang d’un « empire »). Enfin, il aurait pu s’agir du président des Etats-Unis, ce qui est plus intéressant, car cela confirme qu’à l’époque de publication de la « prophétie », l’incident du Lusitania (paquebot américain coulé le 7 mai 1915 par un U-Boot) avait déjà eu lieu. Après cet incident une intervention américaine était ardemment espérée par les Alliés et les Français, en difficulté sur le front (le président Wilson menaça l’Allemagne et exigea réparation) ; en tous cas la probabilité d’une intervention augmenta fortement (les USA n’entreront en guerre qu’en avril 1917, mais en 1915 un faussaire aurait simplement pu vouloir redonner le moral aux lecteurs français, par une intox momentanée).

Revenons au monde réel d’aujourd’hui. La Patrologie latine (tome 137) et les sites web universitaires connaissent très bien l’œuvre poétique et théâtrale de Hrosvitha, mais ne disent pas un seul mot de la prophétie (ce qui tendrait à indiquer qu’ils la considèrent comme un faux). Cependant ils n’affirment pas non plus qu’il s’agit d’un faux : ils n’en disent rien. Une explication possible, c’est que s’il s’agit d’un faux, il aurait pu être fabriqué par les services français (ou par un expert qui fut contacté par eux, ou qui proposa spontanément ses services), et dans ce cas on peut comprendre que les publications officielles (catholiques ou universitaires) ne veuillent pas incriminer directement le ou les auteurs de la forgerie, même si la chose remonte à 1915. Dans un tel cas, le silence est l’attitude la plus prudente et la plus « diplomatique ». L’utilisation des prophéties de Nostradamus (tronquées et diffusées par les services allemands en 1940, par tracts et par émissions radio) par les Allemands a été dénoncée depuis longtemps, mais les manipulations des Alliés (également très nombreuses, aussi bien pendant la Première Guerre mondiale que pendant la Seconde ; la plus fameuse étant l’histoire des « bébés aux mains coupées » qui fut crue par des millions de gens !) sont parfois encore passées sous silence.

Remarquons au passage qu’Eric Muraise, l’un des spécialistes des prophéties liées au « Grand Monarque » (il est l’auteur, entre autres, d’une biographie de Nostradamus dans les années 60, et de Histoire et légende du Grand Monarque, 1975), fut l’un des divers pseudonymes de Maurice Suire, saint-cyrien, officier (colonel) affecté à la Sécurité Militaire, d’après Gérard de Sède (L’étrange univers des prophètes, 1977). Ce qui confirme que les « services » (dans tous les pays !) s’intéressent aux prophéties et à l’occultisme en général.

Il est certain que les milieux pangermanistes (sous le Kaiser) n’auraient eu aucun intérêt à « forger » une prophétie annonçant la ruine finale de l’Allemagne. S’il s’agit d’une forgerie, elle est extrêmement habile, avec de nombreux détails d’une très grande précision (notamment sur la numérotation des papes).

La mention de la naissance des deux empires « du Christ et de l’Antéchrist » après la défaite annoncée de l’Allemagne et la mention de la menace du « Grand Empire d’Orient » et de la « grande Guerre Rouge » cadrent avec l’Apocalypse de Jean, mais pourraient aussi indiquer que les auteurs de la forgerie s’inquiétaient déjà de la menace bolchevique (« rouge »), ce qui est très surprenant en 1915 (qui aurait pu prévoir que Ludendorff enverrait Lénine en Russie dans un « wagon plombé » ?). Il s’agirait donc plutôt d’une allusion à une menace asiatique, chinoise ou sino-japonaise. Etonnant, mais à cette époque le « Péril jaune » était à la mode ! Plusieurs auteurs avaient imaginé l’invasion de l’Europe par une énorme armée asiatique, principalement chinoise. En 1906, la fiction du capitaine Danrit, L’invasion jaune (en trois volumes !), avait eu un grand succès ; dans une autre fiction de la même époque, L’aviateur du Pacifique (1910), ce même auteur imaginait même l’attaque (réussie !) de la flotte américaine par les Japonais, dans la zone de Midway ! Derrière ce pseudonyme de « capitaine Danrit » se dissimulait en réalité Emile Driant, officier, puis député de Nancy de 1910 jusqu’à sa mort au combat à Verdun en 1916.

En tous cas, pour revenir à notre abbesse allemande médiévale, deux choses seraient parfaitement vérifiables :

Hrotswitha_of_Gandersheim.jpg(1) savoir si la soi-disant prophétie figure vraiment dans l’ouvrage allemand précité, paru en 1902. Mais même s’il y figurait, cela ne prouverait toujours pas l’authenticité de la prophétie ! Il pourrait alors s’agir d’un faux rédigé par un faussaire allemand, dès 1902 ou même avant (et ce texte aurait été remarqué plus tard par les services alliés, anglais ou français, et utilisé par eux – mais tout cela est vraiment trop invraisemblable).

(2) bien sûr, et c’est le plus simple, il faudrait savoir si la « prophétie » figure réellement dans les œuvres de l’abbesse médiévale Hrosvitha. Ces œuvres en latin sont bien connues des spécialistes, et si derniers ne veulent pas affirmer que la prophétie est une « forgerie » d’origine française datant de 1915, ils peuvent sûrement répondre à la question de savoir si le fameux Tuba saeculorum figure vraiment dans les Codex écrits par Hrosvitha…

A moins bien sûr que la prophétie ne soit vraiment un authentique écrit de la « Vierge de Gandersheim » ! Dans ce cas il s’agirait d’un cas de voyance vraiment extraordinaire ! Hélas c’est très peu probable… La vérité historique est souvent beaucoup moins mystérieuse. Les prophéties, authentiques ou pas, sont des armes comme les autres, surtout en temps de guerre… Bien diffusées et exploitées, elles peuvent servir à influencer le public et à le préparer à attendre et espérer certains événements (elles font partie de ce que les théoriciens modernes nomment la guerre psychologique, la « Psy War »). Les prophéties étaient déjà utilisées comme des armes politiques durant l’Antiquité ! Les diverses forces politiques ou religieuses, au pouvoir ou dans l’opposition, ont toujours été conscientes de l’utilité de l’occultisme pour influencer leur population (ou celle de leurs adversaires). Par exemple, plusieurs « prophéties » catholiques, apparues à l’époque de la Restauration ou un peu plus tard, étaient des montages ou des impostures (entre autres, la « Prophétie d’Orval » et celle de la « Vierge de La Salette »). On a aussi suggéré que le fameux Nostradamus aurait été en fait un agent de la Maison de Lorraine, et que ses « prophéties » étaient destinées à influencer l’« opinion » de l’époque (à moins qu’il n’ait été un vulgaire escroc, hypothèse tout aussi vraisemblable, puisqu’un spécialiste affirme que Nostradamus aurait en fait volé le manuscrit des Centuries en 1545 dans le monastère de Cambron dans l’actuelle Belgique, puis l’aurait recopié en changeant l’ordre des versets et en y ajoutant des versets de son crû, puis publié sous son nom, après avoir brûlé l’original).

A ce sujet, il faut méditer ce qu’écrivait un auteur contemporain :

« …un homme ou une femme qui dit annoncer l’avenir au nom de Dieu peut être, auprès des couches de la population les plus imprégnées d’esprit religieux, les plus éprises de merveilleux ou simplement les plus crédules, un irremplaçable agent de propagande pour un Etat ou une faction.

Pour prendre un exemple, et le plus célèbre, dans notre histoire nationale, c’est ce que comprit parfaitement, aux heures les plus sombres de la guerre de Cent Ans, le groupe de seigneurs et de religieux patriotes qui conçurent ce qu’on peut appeler l’opération Jeanne d’Arc. 

(…)

Annoncer d’avance un événement historique, c’est parfois l’aider à se produire, car il apparaît alors comme fatal, de sorte que ceux qui pourraient en contrarier le cours se résignent, impressionnés, à le subir. C’est pourquoi les prophéties, qu’elles soient sincères ou truquées, sont toujours un puissant moyen d’action psychologique. (…) en annonçant aux gens un événement qu’ils espèrent ou qu’ils redoutent, l’on peut influer sur leur comportement. »

(Gérard de Sède, L’étrange univers des prophètes, 1977)

Le plus étonnant, c’est que parfois les fausses-vraies prophéties remportent un tel succès qu’elles finissent par se réaliser du seul fait de leur existence ! Et qu’elles échappent parfois à leurs concepteurs… On parle alors de prophétie « auto-accomplissante » ou « auto-réalisatrice ». C’est ce que disaient deux auteurs contemporains : « …une prophétie, par le fait même de son existence, peut se réaliser. » (l’astronome Carl Sagan, 1980) ; « Une prophétie a-t-elle le pouvoir de s’accomplir elle-même ?... A un certain niveau, une prophétie se met-elle à engendrer ce qu’elle avait entrevu ? » (le philosophe George Steiner).

En ce qui concerne la prophétie qui est notre sujet dans cet article, il y a fort à parier que ce « Clairon des siècles » sortait tout droit du Deuxième Bureau, ou de l’esprit enfiévré d’un super-patriote franc-maçon, antiallemand et peut-être latiniste ! Comme le dit Pierre Carnac, « Bravo, sœur Hroswitte ! »

 

 

 

Homo festivus sur le cours Mirabeau

hf-peb.jpg

Homo festivus sur le cours Mirabeau

par Pierre-Emile Blairon

 

L’homo festivus est un type d’homme très commun à notre époque dans le monde occidental. On le verra se répandre sur toutes les places et les artères de nos villes européennes, sur le cours Mirabeau, les Champs-Elysées ou la Promenade des Anglais, la Piazza del Duomo ou la Puerta del Sol, à la recherche d’étourdissement et de paradis artificiels. Il a besoin de la foule de ses semblables pour ne pas se sentir seul. Il est l’homme des derniers jours.

Le vendredi 14 juin 2019, L’une des plus anciennes, des plus belles et des plus fameuses artères de notre pays, le cours Mirabeau à Aix-en-Provence, était investie par un étrange ballet de semi-remorques ; affairés à l’arrière des camions, des hommes en noir déversaient des échafaudages qui furent montés en un temps record ; Quelques temps après, on entendait de formidables explosions qui faisaient trembler l’eau des fontaines ; les techniciens testaient le son qui jaillissait des énormes enceintes. Le soir même, des milliers de jeunes gens se trémoussaient tout le long du cours aux injonctions saccadées de la musique techno qui avait envahi la totalité de la ville ancienne.

Le charme discret de l’aristocratie

Je ne connaissais pas Aix-en-Provence quand je suis arrivé à la fin des années 60 (XXe siècle) pour y poursuivre quelques études (à moins que ce ne soit le contraire). Quoiqu’il en soit, je n’ai plus voulu en partir ; j’avais été séduit par cette atmosphère de sérénité, de légèreté paisible, qui se dégageait de ses ruelles, quelques notes de piano qui dégoulinaient d’un balcon, le murmure cristallin des fontaines, émerveillé par la beauté des façades dont nulle faute de goût ne venait rompre l’harmonie ; la ville tout entière était un pur chef-d’œuvre, délicat et fragile. Aix-en-Provence était alors vouée entièrement à l’art, à l’étude, à l’éloquence, à la musique classique, à la flânerie, à une certaine qualité de vie qui correspondait bien à sa personnalité issue des traditions les plus élaborées de son prestigieux passé. Cette lente maturation de ce que le génie européen avait produit de plus beau avait fini par constituer une valeur incontestée, immuable et transcendante, un recours auquel pouvait se raccrocher tous ceux qui se sentaient en perte de repères, un lieu sacré éternel, sorte de temple urbain inviolable. Inviolable ? Vraiment ?

Les coups de boutoir des progressistes

Les progressistes mondialistes portent leurs coups de boutoir en priorité contre tout ce qui les dépasse – le passé les dépasse, il est trop riche - tout ce qui est enraciné profondément dans la terre et la pierre. Dans un premier temps, le patrimoine rural fut la cible prioritaire des destructeurs : musées, châteaux, église, abbayes… tous ces marqueurs traditionnels furent systématiquement dégradés par des spectacles, des expositions ou des architectures hors-sol accolées aux monuments visant à les dévaloriser. Ils en viennent maintenant à attaquer les villes anciennes elles-mêmes.

Une ville de culture et de tradition comme Aix-en-Provence va attirer la haine et la jalousie de tous ceux qui veulent faire table rase du passé.

peb-hf1.jpg

Ils y emploieront tous les moyens dont ils disposent pour dégrader et ridiculiser cette richesse patrimoniale qui leur fait horreur ; rien que le mot : patrimoine contient la notion de père et de patrie. L’art contemporain, l’architecture mondialiste, la publicité, la mode, la musique déracinée, les minorités revendicatives, l’homme nomade sans feu ni lieu, L’homo festivus, fabrications superficielles et éphémères (mais renouvelables à l’infini) du Système constituent la panoplie non exhaustive de ces moyens.

Des platanes emmaillotés

La première agression contre cette identité dont je me souviens a été visuelle. L’art dit contemporain avait envahi la ville. C’était en 2013 ; la cosmopolite métropole marseillaise, désignée alors ville de culture européenne, avait poussé ses manifestations modernistes et pathétiques jusque dans les cours de nos aristocratiques hôtels particuliers ; les platanes du cours Mirabeau avaient été emmaillottés d’un tissu rouge à pois blancs, la cour de la mairie ornée de personnages en plastique rouge vif moulé, et l’entrée du palais de justice, solennelle comme il sied à cette vénérable institution, ridiculisée par d’improbables « sculptures » aux couleurs bigarrées qui en barraient l’accès.

On commence à comprendre aujourd’hui que l’art contemporain est essentiellement une imposture destinée à devenir une monnaie virtuelle mondiale[1].

peb-hf4.jpg

Symbolisme de pacotille

En ce qui concerne l’architecture contemporaine, qu’il faudrait nommer plus clairement mondialiste[2] (comme l’art tout aussi « contemporain »), nos édiles ont eu, jusqu’à présent, la sagesse de l’autoriser uniquement à l’extérieur du périmètre ancien. Ainsi a pu se construire un « pôle culturel » qui ressemble à un alignement hétéroclite d’égos d’architectes nomades venus poser là leur dernière lubie. Ah ! Chacun y est allé de sa référence à un symbolisme de pacotille pour justifier son caprice, en feignant d’avoir recours à la « tradition ». Ainsi, le Pavillon noir, Centre de danse, conçu par Rudy Ricciotti, évoque pour certains l’emplacement proche de l’ancienne manufacture des allumettes, aujourd’hui bibliothèque Méjanes, et la disposition des croisillons qui constitue la trame de l’édifice rappelle le mikado, ce jeu de bâtonnets jetés d’une manière aléatoire ; mais l’architecte lui-même, qui se confie au Monde[3], va plus loin : « Il y a ici une sexualité particulière ; un côté un peu sado-maso, un peu latex, un peu cuir, moulé, très près du corps … C'est un bâtiment pour les initiés et pour Pythagore sous l'emprise de l'absinthe » (imaginer Pythagore sous l’emprise de l’absinthe, c’est… gore.)

peb-hf5.jpg

Le japonais Kengo Kuma assure, lui, avoir été inspiré par l’art traditionnel du pliage japonais (origami) en construisant le Conservatoire de musique qui jouxte le Pavillon noir ; fort bien, mais quel rapport avec la tradition provençale ?

Quant au GTP, Grand Théâtre de Provence, situé juste en face du Pavillon noir et du Conservatoire de musique, son architecte italien Vittorio Gregotti a souhaité "faire écho à la montagne Sainte-Victoire, et intégrer l’œuvre dans son paysage aixois". L’aspect massif, genre buncker, du bâtiment, effectivement, plaide pour ce rapprochement un peu facile.

Le mirage de la modernité

L’évocation de cette salle nous ramène au cours Mirabeau. La modernité est le lien entre tous ces domaines culturels. La modernité, c’est cette fuite en avant qui consiste à rechercher sans cesse ce qui peut être « tendance », qui peut constituer une « avancée » (mais de quoi ?) ; c’est comme la mode qui a, comme la modernité, cet aspect momentané (la mode est ce qui se démode) mais à un niveau qui globalise l’ensemble des facettes de la vie, qui consiste à rejeter tout ce qui fait partie du passé pour le prochain « coup de cœur » éphémère, qu’il soit d’ordre culturel, politique, matériel, etc. La modernité, autrement dit, c’est le dogme du progrès qui a été imposé dès notre plus tendre enfance par les partisans de ce qui était encore une utopie, devenue le Système lui-même. Dans cette perspective, aucun élément du passé ne trouve grâce aux yeux des progressistes, toujours prêts à tout démolir selon le goût du moment pour s’enticher d’une nouvelle coqueluche. C’est la société du tout-à-jeter. Le syndrome kleenex.

peb-hf2.jpg

La société du spectacle

L’homo festivus, selon la formule de Philippe Muray, est l’individu qui se donne avec enthousiasme à la société du spectacle, selon le titre d’un livre de Guy Debord. Il n’y a là rien de bien nouveau ; c’est le fameux « panem et circenses » de la fin de l’Empire romain ; donnons au peuple du pain et des jeux (du cirque, à l’époque) afin de le soumettre plus facilement à nos lois, même si elles sont iniques.

La majorité des individus de notre fin de cycle ne dispose pas d’une formation suffisante lui permettant l’accès à des activités culturelles de qualité. Elle ne pense, pour ses moments de loisir, qu’à s’étourdir dans la fureur, dans le bruit et dans la consommation de substances alcooliques ou stupéfiantes. C’est déjà un bon début pour le Système, qui a pour ambition d’asservir les « masses ».

Il est à parier, dans ce contexte, que la drogue sera bientôt en vente libre.

Mais pourquoi la municipalité accepte-t-elle ces violentes intrusions ?

Le GTP a coûté 45 millions d’euros pour une capacité d’accueil de 1382 personnes. Mais une salle encore plus grande (8000 spectateurs) a vu le jour fin 2017 : l’Arena. Elle a coûté 50 millions d’euros H.T. En juin, l’Arena a accueilli deux spectacles.

Alors se pose la question : pourquoi diable la municipalité qui a construit ou aménagé des salles de spectacle innombrables (bien d’autres salles existent dans le Pays d’Aix) se croit-elle obligée d’offrir le cours Mirabeau et la quasi-totalité du centre ancien aux bruyants « teufeurs » (on disait « fêtards » à une autre époque) ?

Pourquoi prend-elle le risque de mécontenter une grande partie des habitants de la ville qui ne sont pas spécialement des adeptes de ce genre de musique, ou, tout simplement (pour des motifs qui ne peuvent échapper à personne) ont peut-être envie de dormir la nuit, alors que des salles construites à grands frais sont disponibles pour ce genre de manifestation ? On ne parle pas des dégâts adjacents que tout le monde peut imaginer dans ce genre de circonstances (insalubrité et saleté) qui n’existent pas dans ces équipements modernes qui disposent de tout le confort adéquat, c’est bien le moins.

Il faut dire que le domaine artistique n’est pas le seul bénéficiaire de ce laxisme. Des dizaines de stades ont été aménagés tout autour de la ville qui persiste à accueillir à grand bruit et charroi sur ce même cours Mirabeau des manifestations sportives qui n’ont pas vocation à s’y produire.

peb-hf3.jpg

Pourquoi ? Mais parce que la plupart des décideurs municipaux font eux-mêmes partie, consciemment ou inconsciemment, de cette caste de destructeurs avec le sentiment d’être du côté du « bien ». Et c’est le cas dans toutes les structures administratives, nationales, locales ou régionales de notre pays, gangrenées depuis bien longtemps par l’illusion du progrès, méprisant tout ce qui tient encore debout.

L’Homo festivus, comme toutes les minorités, considèrerait comme outrageant et discriminatoire d’être cantonné dans une salle réservée à une activité particulière, serait-ce la sienne. Il veut investir l’espace public, comme il ne viendrait pas à l’idée des cyclistes d’aller exercer leur sport sur un vélodrome, plutôt que sur les routes, ou aux trottinettistes de respecter un quelconque code de déplacement spécifique, ou aux membres des groupuscules LGBT-UVWXYZ d’aller manifester leurs « fiertés » ailleurs que sur les endroits stratégiques des cités les plus en vue (leur exhibitionnisme souffrirait, bien sûr, d’une moindre exposition). Notre pays est livré à la dictature des minorités. Mais ce sera le sujet d’un prochain article.                                                                                                                   

Pierre-Emile Blairon

Notes:

[1] http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2018/09/23/l-art-de-la-provocation.html

[2] Il s’agit d’une architecture qui n’a aucune attache avec le sol où elle est construite ; on peut la retrouver n’importe où dans n’importe quel pays de n’importe quelle culture.

[3] 20 octobre 2006

samedi, 22 juin 2019

L'Europe occidentale et orientale au grand tournant - Mort de l'intégration et retour aux souverainetés nationales?

elections-europeennes-1200.jpg

Institut Européen des Relations Internationales
 
L'Europe occidentale et orientale au grand tournant
 
Mort de l'intégration et retour aux souverainetés nationales?
 
Irnerio Seminatore

Le verdict du 26 mai a-t-il sonné la "mort de l'intégration" et le retour aux souverainetés nationales? Assistons nous "à une insurrection d'ampleur mondiale contre l'ordre libéral progressiste post-1989"? (Ivan Krastev)

Au delà des résultats, ces élections marquent un tournant idéologique et un changement d'époque et constituent un démenti sur l'illusion du triomphe planétaire de la démocratie libérale et sur la régulation mondiale de l'humanité par le droit et le marché.

La photographie électorale des pays-membres, après le verdict des urnes, a fait ressortir une grande différenciation européenne, de sociétés, de gouvernance, de convictions, d'espoir et de prises de conscience sur l'avenir.

A quoi ressemble-t-elle cette Europe du grand tournant?

A l'incertitude et à l'absence de perspectives aux milieu de l'échiquier politique, à la colère et à la révolte aux deux extrêmes.

Les européens de l'Ouest et de l'Est, par leur vote, ont considéré que leurs espoirs ont été trahis. En effet, dans le cadre de ces élections les partis de centre et de gauche ont été désavoués et la montée des souverainistes confirmée.

Partout on s'interroge sur les causes du suffrage et partout les vérités sont apparues fragmentaires et partielles. Les média ont fait éclater le visage du continent, émiettant les ensembles sociétaux et leurs sens.

Ainsi l'ère des grands principes s'est éloignée et la toute puissance des instincts violents oppose désormais les européens de souche et les immigrés sur les grands thèmes du présent et de l'avenir.

Fédérer une nébuleuse d'opinions, les progressistes pro-européens, les nationalistes anti-intégrationnistes, les eurosceptiques, les conservateurs, les centristes et les écologistes, les "gilets jaunes" et les "gilets noirs", est une tâche existentielle qui ressemble à la fatigue de Sisyphe, de telle sorte que la "société de confiance" du passé cède le pas à une société de "contrainte" ou de "régression", simplificatrices et radicales.

L’idolâtrie de "l'homme fort" prend le pas désormais sur la démocratie "discutidora" et sur la "pensée faible" et permissive.

Il en ressort que le fait démocratique est désavoué par le 38% des jeunes entre 18 et 34 ans (Rapport sur la démocratie dans le monde, sous la direction de D.Reynié) et trouve confirmation la vieille expression du Léviathan, anti-rationaliste et décisionniste, selon lequel : "Auctoritas , non veritas, facit legem!"

La hiérarchie devient désormais une valeur rassurante et la force, comme il se doit, le fondement de tout pouvoir.

Depuis la chute du mur de Berlin, l'Europe est entrée dans un cycle de turbulences internes et extérieures, qui l'ont fait passer de la grande illusion sur le projet européen, à la désillusion et au ressentiment diffus et, selon certains, à une forme de totalitarisme "soft".

Ainsi, un sentiment de menace pour son identité et pour son sentiment d'appartenance, ont conduite l'U.E, étape par étape, à la crise destructrice du Brexit.

Suite aux élections du parlement européen, l'Europe a tremblé sur ses bases et ses idoles sont tombés dans la fange. Thérèsa May, Angela Merkel et leurs médiocres copies européennes, J.C.Juncker, D.Tusk, A.Tajani, ont glissé irrésistiblement vers la porte de sortie et sur une pente descendante.

Merkel-Freiheitsstatue-Klimaschutz.jpg

En termes d'idées, les pays de l'Europe centrale (Pologne et Hongrie) ont reproché à l'Ouest d'avoir abandonné les vielles racines chrétiennes pour un laïcisme relativiste et un immigrationnisme débridé. A l'heure où l'équilibre géopolitique des forces passe à l'Est du continent, le centre de gravité des alliances politiques se colore d'une opposition nationaliste et anti-européenne.

Sous cet angle, l'affrontement entre Macron et Orban va bien au delà de l'échiquier parlementaire et peut être lu comme un épisode de la lutte entre la marche éradicatrice de l'anti-traditionalisme et la défense de la foi chrétienne. C'est un retour au principe de souveraineté comme droit inaliénable de décider sur la menace existentielle et surtout de choisir son destin.

L'échec cuisant du PPE et du PSD pour leur représentation au Parlement européen,rend nécessaire une recomposition politique des droites, que les craintes de politique étrangère et les tentatives de rééquilibrage vis à vis de la Russie rendent difficile pour la Pologne, dans une vision purement eurocentrique.

La rafale de démissions politiques en France et en Allemagne (Wauquiez et Nahles) souligne l'émiettement politique et l'importance des alliances comme clé de résolution des problèmes. Mais elle met en évidence aussi l'absence de programmes et le vide d'idées, qui constituent désormais un espace de manœuvre pour des coalitions élargies ou pour des tentatives de refondation institutionnelle.

En France, où il est bon de vivre pour des idées et mourir pour des utopies, un mouvement tectonique est en train de modifier en profondeur la structure représentative des démocraties modernes, que, selon certains analystes, de bi-polaire deviendrait tripolaire (P.Martin IPL). Les conséquences en termes d'options  stratégiques seront décisives pour la place de la France dans le monde.

Dans ce laboratoire social, se confondent et s'entremêlent en effet, des tendances étatistes et bonapartistes inextirpables, des pulsions anarchistes et libertaires passionnelles, des frustrations globalistes et néo-libéristes rêvant d'une révolution cyber-numérique et une haine anti-traditionnaliste du monde moderne, de lointaine origine religieuse.

L'alchimie politique qui en résulte est l'apparition simultanée d'un mélange de modération et d'extrémisme au sein des trois pôles, de droite, "les conservateurs identitaires", de centre, "les libéraux mondialisateurs", et de gauche, les "démocrates éco-socialistes".

Cependant, rappelle J. Juillard (le Figaro du 3 juin), l'accession au pouvoir est toujours conditionnée, dans une élection, par la prédominance des modérés sur les extrémistes, car le suffrage est le meilleur garant de la paix sociale.

En passant à la situation européenne et aux verdicts électoraux, il apparaît difficilement contestable que l'Europe des dernières années a été secouée d'en bas par le peuple, d'en haut par le Brexit, de l'extérieur par Trump, Poutine et Xi-Jin-Ping, et de l'intérieur, par Orban, Kacszynski, Kurz, Salvini, Marine le Pen et Nigel Farrage.

Que faire donc? Abattre l'édifice ou le restaurer?

A l'heure où l'on pose à Bruxelles et ailleurs le problème de la légitimité politique de l'Union Européenne et, implicitement le problème de la souveraineté (qui décide et sur quoi ?), et celui de la démocratie (le rôle de l'opposition et de la politique), comment ce changement de méthode et de système institutionnel est il ressenti dans les différents pays (en Allemagne, en Italie, en Autriche, en Hongrie, en Espagne ou en Pologne?).

orbansalviniphoto.jpg

En Allemagne, la sanction historique contre la coalition conduite par Angela Merkel entre la CSU/CDU et le SPD a fait détourner de ces deux partis une grande masse d'électeurs, dont le vote s'est porté sur le parti écologiste, réincarnation diluée de l'utopie socialiste.

Ici les deux piliers traditionnels de la démocratie allemande sont entrés en crise et le défi majeur pour la recherche de nouveaux équilibres a été identifié par Götz Kubischek, dans une nouvelle orientation de l'échiquier politique, le bipolarisme des Verts et de l'AfD. Leur opposition résulte d'une lecture irréconciliable de la situation du pays, fondée pour les Verts sur l'individu et l'humanité et pour l'AfD, sur la famille, le travail et la nation.

La remise en cause de la coalition, qui favorise les alternatives et les extrêmes, priverait l'Allemagne de ses capacités d'agir en Europe et dans le monde et la conduirait à des longs mois d'immobilisme. Il en suivrait alors une situation caractérisée par une crise gouvernementale irrésolue ou à une campagne électorale permanente.
Par ailleurs, si à l'Ouest du pays les Verts dominent l'échiquier politique, l'inverse est vrai pour l'Est, où la réunification du pays n'a pas encore été absorbée et la crainte de l'immigration hante en permanence les esprit.

En Allemagne, comme en France, il faudra choisir: être ou non avec Macron et Angela Merkel. De son côté Marion Maréchal en France a appelé "un courant de droite à accepter le principe d'une grande coalition avec le Rassemblement national".

Ainsi ce scénario, qui coaliserait contre Macron,représentant de l'alliance des bourgeoisies de droite et de gauche, une union des droites, sur une base "national conservatrice, ne pourrait réconcilier, sur un projet européen-progressiste la totalité des sensibilités qui composent  l'échiquier souverainiste du pays et rendrait caduque l'existence d'un parti fédérateur de droite (RN).

Dans ce contexte les forces de gauche, tentent de survivre à la ruine qu'elles ont elles mêmes contribuées à créer. Ainsi, aucune remise en cause à gauche, dans le but de promouvoir une recomposition impossible, ce qui renforce le camp des "marcheurs", régressés mais survivants.

Par ailleurs, en Autriche, l’événement et la surprise ont été représentés par la destitution du Chancelier Kurz par un vote de défiance venu paradoxalement du Parlement, au lendemain de son succès européen et après avoir brisé, aux législatives d'octobre 2017, la grande coalition socialistes-conservateurs.

Même tremblement de terre au Royaume-Uni, où le "Brexit Parti" de Nigel Farrage a anéanti au même temps les Tories et le Labour, polarisant l'électorat britannique entre partisans d'une sortie de l'U.E sans accord, "No Deal" et citoyens d' une ultérieure remise en cause du référendum, "No Brexit".

Pas du tout dissemblable la situation de l'Italie, où le pays a renouvelé la confiance au "gouvernement du changement" et les deux composantes de la majorité gouvernementale ont vu inverser les rapports de forces au profit de l'une d'entre elles, la "Lega" de Salvini, devenu de facto l'inspirateur volontariste des réformes.

L'équilibre entre les deux forces paraît cependant fragilisé dans un situation où des élections anticipées pourraient assurer une majorité suffisante au Parlement aux deux forces de droite, "Fratelli d'Italia" et "La Lega", dans une conjoncture où la Commission européenne, qui a déclenché une procédure pour endettement excessif, est susceptible de radicaliser la fracture pro et anti-européenne du pays, jadis euro-entousiaste.

Rare exception en Espagne pour le socialistes, non sanctionnés par leurs électeurs et qui arriveront au Parlement de Strasbourg et à Bruxelles pour revendiquer des portefeuilles-clés, démontrant la confiance qu'inspire à ses partenaire une Espagne europhile, mais sans boussole sur la direction de marche de l'Union de demain, dans un contexte général europhobe ou euro-sceptique.

C'est d'un dessein ambitieux dont l'Union a besoin pur survivre et pour se reformer, si elle ne veut pas périr de l'inévitable bouleversement qui affecte dans tous les domaines la vie des nations et si elle veut éviter les cataclysmes périlleux d'une conjoncture tectonique.

Bruxelles 5 juin 2019

Information

Email : info@ieri.be

Site internet : http://www.ieri.be

Tel : +32 (0)2 280 14 95

Bulletin Célinien n°419

celine-oiseaux.jpg

Bulletin Célinien n°419

BCjuin19.jpgSommaire :

Sur un colloque oublié

Céline et Maurice Nadeau (suite)

Baryton et Parapine

Malraux (Alain) salue « le médecin des pauvres »

Un éditeur sous l’Occupation

Quand Dubuffet voulait aider Céline

Le doyen des célinistes se souvient.

Cahiers de prison

celinecahierprison.jpgUn abonné m’écrit : « J’avais déjà lu et apprécié les cahiers de prison dans L’Année Céline, puis dans l’édition de Henri Godard avec fac-similés. J’ai pourtant l’impression d’en découvrir de nouvelles richesses dans les Cahiers Céline. Est-ce le format, la continuité du texte, la qualité des annotations de Jean-Paul Louis ? Toujours est-il que c’est à cette édition que je retournerai le plus volontiers, et je la recommande à tous les céliniens. » L’intérêt de cette édition se trouve ainsi parfaitement résumé. Si ce corpus était déjà connu des céliniens, le fait que toutes les parties en soient réunies en un seul volume constitue une heureuse initiative.Rappel des faits  : c’est le 17 décembre 1945 que Céline est arrêté, les autorités françaises ayant demandé son extradition après avoir appris sa présence à Copenhague.  Incarcéré à la prison de l’Ouest (essentiellement cellule 609, section K), Céline demande de quoi écrire. L’administration pénitentiaire lui fournit dix cahiers d’écolier de 32 pages avec comme consigne impérative de ne pas écrire sur l’affaire dont il est justiciable. Il n’en tiendra évidemment pas compte et, de février à octobre 1946, rédigera un ensemble de notes sur sa défense et ses accusateurs mais aussi sur d’autres sujets : épisodes de sa vie, conditions de réclusion, synopsis et esquisse pour des romans à venir, citations extraites de ses nombreuses lectures d’emprisonné qui lui permettent de tenir. Dans une préface éclairante Jean-Paul Louis relève que ces cahiers illustrent la transition célinienne vers ce qu’il  nomme la « seconde révolution narrative et stylistique ». Laquelle s’engage par ce chef-d’œuvre, piètrement accueilli à son retour en France et encore méconnu aujourd’hui : Féerie pour une autre fois.  Il  faut  saluer le soin avec lequel le texte a été établi et la qualité des annotations dont les connaisseurs avaient déjà en partie connaissance par trois livraisons de L’Année Céline, parues de 2007 à 2009. Comme on s’y attend, les formules incisives surgissent sous la plume du prisonnier. Florilège : « À Sigmaringen les réfugiés bouffent de la chimère » – « Moi aussi la Sirène d’Andersen m’a fait venir à Copenhague et puis elle m’a assassiné. » – « Je me sens tout à fait absous pour mes errements passés, mes cavaleries polémiques lorsque je vois avec quelle furie, quelle lâcheté, quelles effronteries, mes adversaires m’accablent à présent que je suis vaincu. » – « Je suis peut-être un des rares êtres au monde qui devraient être libres, presque tous les autres ont mérité la prison par leur servilité prétentieuse, leur bestialité ignoble, leur jactance maudite. » – « Pendant 4 ans il a fallu louvoyer au bord de la collaboration sans jamais tomber dedans. » – « Il n’y a pas d’affaire Céline mais il y a certainement un cas Charbonnières, furieux petit diplomate halluciné de haine. » – « Les discours m’assomment, les danseuses m’ensorcellent. »

Marc Laudelout.

De ces cahiers de prison se dégagent beaucoup d’émotion et de rage mêlées. On imagine ce que cette incarcération a représenté pour Céline qui, de bonne foi, se considérait injustement traité. Ils constituent à la fois un document littéraire de premier ordre et une part intimiste de l’œuvre aussi poignante que révélatrice d’un être victime de son tempérament d’écrivain de combat.

• Louis-Ferdinand Céline, Cahiers de prison (février-octobre 1946), Gallimard, coll. « Les Cahiers de la NRF » [Cahiers Céline n° 13], 2019, 240 p. (Diffusé par le BC, 25 € frais de port inclus).

Voir aussi : Henri Godard, Un autre Céline : de la fureur à la féerie. Deux cahiers de prison, Éd. Textuel, 2011.

Thomas Ferrier: Les paganismes renaissants d'Europe

paganismerenaissanceTF.jpg

Les paganismes renaissants d'Europe

 
 
Dernière vidéo de synthèse des mouvements païens européens contemporains. Les prochaines émissions seront désormais strictement politiques à la rentrée et sur des thèmes plus variés. Le paganisme est une réponse européenne originale à la crise de civilisation qui affecte l'Europe. En France, il est marqué par la Nouvelle Droite (GRECE). Mais dans le reste de l'Europe, il est beaucoup moins marqué politiquement et en expansion. Dominique Venner dans "Le choc de l'histoire" déplorait l'absence de religion identitaire en Europe. Peut-être existe-t-elle finalement.
 

Champ de bataille mondial : un monde entre géopolitique et mondialisation

planete-echiquier.jpg

Champ de bataille mondial :

un monde entre géopolitique

et mondialisation

Par Shahzada Rahim

Source : https://www.fort-russ.com/2019/05/global-battleground-a-w...

& http://www.in-limine.eu

Cet article traite du domaine des rivalités pour les ressources et les emplacements stratégiques à travers le monde. En outre, l'article explique également comment les imaginations géopolitiques contrastées dans la politique mondiale créent un vide dynamique qui alimente la concurrence vicieuse. - Rahim


Par Shahzada Rahim : un étudiant de troisième cycle qui porte un vif intérêt pour l'écriture sur l'histoire, la géopolitique, l'actualité et l'économie politique internationale.


On dit souvent que la géopolitique et la mondialisation sont les deux faces d'une même pièce, mais avec des attributs différents. L’histoire de ces deux acronymes remonte à une date très ancienne jusque l’époque antique romaine et grecque. Aujourd'hui, le paysage géopolitique et celui de la mondialisation ont dépassé la terre et la mer pour atteindre l'espace extra-atmosphérique. De nombreux chercheurs estiment que la mondialisation et la géopolitique sont chacune l'antithèse l’une de l’autre et englobent différents modes de pouvoir. Alors que la mondialisation nous parle des vertus et des valeurs universelles, la géopolitique, quand à elle, nous parle de vices et d’intérêts réalistes injustifiables.


À l’aube du XXe siècle, un nouveau débat mondial s’est ouvert entre d’une part le « Déclin de l’Ouest » d’Oswald Spengler et, d’autre part, la « Civilisation » d’Arnold Toynbee. Le livre de Spengler était rempli de déclarations audacieuses qui prétendaient prédire l’histoire à venir. Ce que Spengler disait : « Le déclin de l’Ouest classique est inévitable comme l’histoire elle-même ; les symboles de la culture naturelle dégénéreront en une décadence matérielle semblable à celle du cycle de vieillissement humain ». Mais lorsque Toynbee écrivit : « Une étude de l’histoire » dans les années 1930, il remplaça l’attitude d’avertissement de Spengler faite de clairvoyance et de déterminisme par l’idée d’agencement [réponses aux défis]. Fondamentalement, Toynbee propose deux options engageant soit une adaptation, soit un fondamentalisme inflexible.

Ce fut peut-être le premier débat passionné faisant allusion à la compétition imminente entre la géopolitique et la mondialisation. Ce que Toynbee disait, c’était : « Une nouvelle civilisation occidentale hégémonique a tenu entre ses mains le destin de toute l'humanité ». En effet, la prétention de Toynbee se révèle en faveur de la « théorie du monde plat » de Thomas L. Friedman, qui affirme que la mondialisation avec la plus grande économie de marché est le destin du monde. Néanmoins, force est de constater que la géopolitique et la mondialisation sont dictées par deux forces éternelles : la peur et la cupidité.


C'était le célèbre scientifique allemand géopolitique Frederick Ratzel, qui a déclaré très clairement, à l'aube du XXe siècle, qu ' »il fallait que les empires se développent pour survivre ». C'est Rudolf Kjellen, l'élève de Ratzel, qui a inventé le mot "Géopolitik", qui fait référence à la géographie pure remplie de ressources naturelles massives. De même, le célèbre géographe britannique Harford Mackinder a appelé la géopolitique le cycle de la vie de l'organisme mondial. Le célèbre historien français Ferdinand Braudel a qualifié la géopolitique de "longue durée". De nos jours, la géopolitique et la mondialisation sont les phénomènes les plus révolutionnaires de la politique mondiale. Leurs principales préoccupations sont les ressources, le pouvoir, la stabilité et les conflits.

Fondamentalement, la géopolitique visait principalement à capturer des positions géographiques stratégiques, des ressources et des économies, alors que la mondialisation tentait initialement de définir le monde en tant qu’organisme unique enchevêtré dans la toile d’araignée des connexions s’étendant de l’économie aux ressources. C’est ce qui ressemble aujourd’hui à la géopolitique du XXe siècle avec des impacts variés sur la géographie et l’idéologie.

 

huntington_fukuyama-copie.jpg

En conséquence, dans les années 1990, un nouveau grand débat s’est ouvert entre les visions contrastées de "La fin de l’histoire" de Francis Fukuyama et le "Clash de civilisation" de Samuel P. Huntington - les visions contradictoires de l’utopisme et du fatalisme. Au fond, Francis Fukuyama a présenté sa thèse de "Fin de l’histoire" marquant la fin des guerres idéologiques et a donné la vision du nouveau millénaire en tant que mondialisation de l’ordre libéral. Sa théorie divise le monde en trois zones, soit le Premier Monde (mondialisé), le Deuxième Monde (partiellement mondialisé) et le Tiers Monde (non mondialisé). Ce que Fukuyama a affirmé, c’est que les idéaux chéris du Premier Monde domineront les sphères sociopolitiques du Deuxième et du Tiers Monde au travers d’une universalisation orientée libérale.

Pour Huntington, avec le début du nouveau millénaire, le monde évoluera vers un paradoxe des civilisations : une nouvelle rivalité entre les civilisations commencera entre l’Est et l’Ouest, englobant les idéaux mêmes de l'identité, des traditions et de la religion. Dans le poème de Shelley "Ozymandias", la mort est le destin de toute chose - les civilisations s’affrontent souvent et finissent toutes par mourir. Selon Huntington, la civilisation occidentale est moderne et scientifique, tandis que la civilisation orientale est encore entravée par la pauvreté et le mysticisme. De ce fait, l'expansionnisme plus large des valeurs universelles occidentales éclairées pourrait entrer en conflit avec les habitudes traditionnelles et arriérées de l'Est. Mais, pour Fukuyama, rien ne peut arrêter l'expansionnisme d'un ordre libéral fondé sur un marché libre à l’échelle du monde. Pour être plus précis, Fukuyama a ouvertement déclaré le triomphe de l'ordre démocratique libéral comme le destin du nouveau millénaire. Il avança que « ce dont nous sommes peut-être témoins n’est pas la fin de la guerre froide, mais la fin de l’histoire en tant que telle ; c’est-à-dire le point final de l’évolution idéologique de l’homme et de l’universalisation de la démocratie libérale occidentale ».


En revanche, si l’on prend en compte l’imaginaire géopolitique des Lumières occidentales, c’est principalement l’aspect impérial qui a pesé sur la concurrence physique et biologique pour obtenir des gains relatifs. De même, le contexte géopolitique au sens de Montesquieu et de Voltaire en référence à Alexandre le Grand se limitait principalement à l'échange de lieux et à la redistribution des ressources. Mais à l'ère de la mondialisation, la géopolitique est devenue brutale et avide de contrôler la géographie et les ressources du monde. Par conséquent, nous ne vivons pas à l’ère de la mondialisation, mais plutôt à l’ère vicieuse de la géopolitique de la mondialisation, où le monde oscille entre géopolitique et mondialisation.

vendredi, 21 juin 2019

Hervé Juvin: Quand l’argent gouverne...

argentgouverne.jpg

Hervé Juvin: Quand l’argent gouverne...

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à la corruption systémique que le système organise.

Économiste de formation, vice-président de Géopragma et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

Quand l’argent gouverne

« One dollar, one vote ». Depuis qu’une décision de la Cour suprême américaine a supprimé tout plafond aux contributions des entreprises et des groupes d’intérêt aux partis politiques, au nom de la liberté d’expression, le vote censitaire est de retour. Sous une forme que ses derniers promoteurs, au XIXe siècle, n’auraient pu imaginer ; l’argent ne donne pas de droits de vote, l’argent achète les votes. Des organisations, dont Cambridge Analytica n’est qu’un exemple, s’y emploient par milliers. Au paradis des réseaux, chaque candidat se veut sûr de récolter les voix qu’il a achetées auprès de prestataires spécialisés dans la fabrique du suffrage.

Quand l’argent tue le débat démocratique

À coup de Commissions de déontologie et de surveillance des élus, de limitations du financement des partis et de déclarations d’intérêt, la France et l’Union européenne veulent se croire indemnes d’une dérive qui touche toutes les démocraties. Avec une faculté d’oubli manifeste ; par exemple, l’opacité qui continue d’entourer la naissance du parti présidentiel français, « En Marche ». Les menaces exercées contre toute enquête à ce sujet ridiculisent les prétentions françaises à moraliser la vie publique. De la corruption par l’argent de ceux qui veulent plier la France à leurs intérêts, ou faire de la politique l’instrument de leurs intérêts patrimoniaux, l’exemple vient d’en haut. Avec une complaisance étonnante pour un système d’achat des votes qui tend à supplanter le débat démocratique, la confrontation des idées et des programmes, et le suffrage universel.

herve-juvin_0.jpg

Le combat pour la « moralisation » de la vie publique se trompe de cible. L’achat du vote et de la décision publique est d’abord l’effet de la captation réglementaire par les sociétés privées, leurs associations et leurs cabinets d’influence, qui travaillent à écrire eux-mêmes les lois, qui imposent plus encore l’idée que des engagements négociés valent mieux que la loi. Il est le résultat de conditions insatisfaisantes de financement de la vie politique, tout étant fait pour étrangler les partis reposant sur des bénévoles, des militants et des organisations de masse, au profit de ceux qui bénéficient de la complicité acquise du monde bancaire et financier ; il faudra y revenir.

fake-ngo-should-exposed.jpg

Les ONG et les fondations : le vrai danger

Le détournement de la démocratie et du suffrage universel est enfin et surtout le fait de ces ONG et de ces Fondations financées de l’étranger qui bénéficient d’un a priori favorable, qui affirment détenir le Bien, et qui l’utilisent pour acclimater dans les médias et dans l’opinion les idées qu’elles servent. La première et la plus dangereuse est qu’ONG et Fondations peuvent avec avantage se substituer à l’action de l’État et des systèmes sociaux en vigueur. Pas besoin de chercher très loin pour reconnaître la logique puissamment à l’œuvre aux États-Unis, où la charité remplace la justice. Médias et autopromotion aidants, non seulement les pauvres doivent reconnaître qu’ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes, mais ils doivent remercier les milliardaires qui laissent tomber quelques miettes pour eux — après avoir mobilisé les meilleurs experts leur vie durant pour échapper à l’impôt !

Bien des tenants de la justice sociale, de la solidarité nationale et d’une citoyenneté exigeante en Europe ont fait fausse route en désignant les Fondations et organisations de Georges Soros comme leur unique cible. Ils feraient mieux de dénoncer l’accueil réservé à Bill Gates par Emmanuel Macron, un Bill Gates qui est parvenu à installer les outils de Microsoft (par exemple, l’outil de mesure des connaissances) dans les systèmes éducatifs de divers pays comme seul un ministre pourrait le faire !

Ils feraient mieux d’étudier comment, sous couvert de lutte contre le changement climatique, d’aide à l’éducation, à la santé et de combat contre la corruption, des ONG et Fondations attaquent les systèmes d’éducation publique obligatoire et gratuite, comment ils détruisent les médecines traditionnelles et la médecine familiale, appuyée sur une connaissance intime du cadre de vie et de l’environnement social, pour les remplacer par des dispositifs à distance qui traitent le corps humain comme une machine dont les pièces se montent et se démontent à l’envie ; ils feraient mieux d’étudier comment l’écologie est détournée pour fragiliser les agricultures traditionnelles, pour organiser la concentration industrielle (par des normes inapplicables par les artisans) ou détruire les industries concurrentes, ce que des réseaux de lutte contre la corruption savent aussi remarquablement faire, combien d’entreprises françaises peuvent en témoigner !

La corruption affichée, désignée, dénoncée, est un parfait alibi qui protège la corruption structurelle, systémique, que le modèle libéral organise. La supercherie est manifeste ; que seraient les Gates, les Bezos, les Zuckerberg, sans les recherches universitaires, sans la police et le FBI, sans l’armée ou l’administration américaine et leurs commandes, sans la diffusion mondiale que l’histoire assure aux innovations américaines ? Le libertarisme auquel ils souscrivent volontiers leur permet de bénéficier de systèmes auxquels ils ne contribuent pas, ou si peu, ou si mal ! Leur complicité affichée avec toutes les minorités leur permet de se dispenser de toute forme de solidarité nationale ; ils choisissent leurs pauvres !

Et le « libertarianisme» leur permet de se donner à peu de frais une image flatteuse, anti-étatiste et anti-establishment, alors même que leurs milliards viennent d’abord de la commande publique (voir les contrats de l’Us Army pour Amazon ou Google), ensuite des institutions américaines (l’armée et l’université avec Arpanet), et enfin de la protection qui leur est assurée ; il leur suffit de consacrer une part de l’impôt qu’ils auraient dû payer à financer ONG ou Fondations, et ils cumulent l’avantage fiscal personnel correspondant à leur don avec le capital moral qu’ils accumulent au détriment de l’action publique et de la justice. Qui a parlé d’hypocrisie ?

Les Nations européennes, la France, doivent choisir la justice, pas la charité. Et la justice sociale passe par le refus inconditionnel d’abandonner l’action publique et la solidarité nationale aux milliardaires étrangers, qu’ils soient Américains, Chinois, Qataris ou Saoudiens. La pauvreté, le désaménagement du territoire, le recul des services médicaux, éducatifs, ou de sécurité, sont des sujets politiques qui requièrent l’action de l’État, pas des sujets d’engagement individuel qui relèvent de la charité.

NGO - Nurturing Grim OpenlyOptimistically.jpg

Les systèmes de santé publique, d’enseignement, de retraite sont des biens publics qui ne peuvent être inclus dans des traités de libre-échange et livrés à des prestataires privés. La lutte contre les groupes de pression, les opérations d’influence, les actions de déstabilisation, qui travaillent à abaisser les Etats, à affaiblir la fonction publique et le régalien, doit être à l’agenda de l’Union européenne si elle veut accomplir sa mission ; préparer l’alliance européenne des Nations. Car cette lutte est le préalable décisif à l’indépendance des Nations d’Europe, au retour de la justice et de l’égalité entre citoyens dans leur Nation, car cette lutte doit réveiller le souffle révolutionnaire qui en a fini avec les privilèges de l’aristocratie et d’une élite prétendue, le premier étant d’accumuler par ses bonnes œuvres, à la fois satisfaction morale et avantages financiers.

Le commerce des indulgences est d’actualité ! Face à la corruption qui remplace le politique par l’économie et subordonne le vote à l’argent, les Nations européennes doivent réaffirmer l’égalité de tous les citoyens devant la loi, la primauté du citoyen sur l’individu, et le choix d’une société où l’argent ne remplace pas la justice par la charité.

Hervé Juvin (Site personnel d'Hervé Juvin, 11 juin 2019)  

13:59 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hervé juvin, actualité, ong, argent, ploutocratie, bankstérisme | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Dynamiques eurasiennes...

dyneurasiennes.jpg

Dynamiques eurasiennes...

Nous vous signalons la publication du numéro 24-25 de la revue Perspectives libres consacré à la perspective eurasienne.

La revue Perspectives libres, dirigée par Pierre-Yves Rougeyron, est publiée sous couvert du Cercle Aristote et est disponible sur le site de la revue ainsi qu'à la Nouvelle Librairie.

Au sommaire :

Pierre Yves Rougeyron – Dévoilement 

DOSSIER

James O’Neill – La géopolitique mouvante de l’Eurasie : un panorama

Clément Nguyen – Le flanc occidental du Heartland : théâtre des interactions stratégiques

Romain Bessonnet – Politique eurasiatique de la Russie : histoire d’un pivot géostratégique

Dmitry Mosyakov – « La politique russe en Mer de Chine méridionale ».

Dr Pavel Gudev – Les problématiques et perspectives de la route maritime arctique

Martin Ryan –  « Belt and Road Initiative » : nouvelle étape dans l’autonomisation des pays du Caucase du Sud ?

Paulo Duarte – La place de l’Afghanistan dans la « Belt and Road Initiative »

Shebonti Ray Dadwal – Les approvisionnements énergétiques de l’Inde sous le gouvernement Modi.

Clément Nguyen – La  « Belt & Road Initiative » s’étend à l’Afrique

Nicolas Klein – Les miettes du festin : Commentaire succinct sur l’insertion de l’Espagne dans la Nouvelle Route de la soie

Francisco José Leandro – Géopolitique de la  « Belt ans Road Initiative» : Le nouvel institutionnalisme financier

Kees van der Pijl- La mondialisation et la doctrine de la Guerre Perpétuelle

Yves Branca – Tianxia : Le monde en tant que corps et sujet politique ?

LIBRES PENSEES

Thierry Fortin – Les accords de Lancaster House face au BREXIT : consolidation ou décomposition ?

Philippe Renoux – La dictature du dollar


Panajotis Kondylis: Ein skeptischer Aufklärer

PKportraitabstrait.jpg

Panajotis Kondylis: Ein skeptischer Aufklärer

 

PKphoto.jpgDer Bewunderer des sozialpolitischen Denkers Panajotis Kondylis (1943-1998), Falk Horst, brachte vor einigen Monaten einen gehaltvollen Sammelband heraus. Der Titel lautet: „Panajotis Kondylis und die Metamorphosen der Gesellschaft“.

Kennzeichnend für das Werk des verstorbenen griechischen Gelehrten, der in Heidelberg ein großes Stück seiner Lebenszeit verbrachte und der meist auf Deutsch seine begrifflichen Entwürfe ausführte, war sein auf Machtansprüche bezogener interpretativer Ausgangspunkt. Im Gegensatz zu anderen dem Moralisieren zugeneigten Ideen- und Sozialhistorikern hat Kondylis nie für das „Gute“ gekämpft. Zwar von der Aufklärung geprägt, hat Herausgeber Falk Horst recht, wenn er von einem Aufklärer ohne Mission spricht.

Kondylis zergliedert aufeinanderfolgende Weltanschauungen ausgehend vom Mittelalter, aber er packte seine Aufgabe möglichst wertfrei an. Er bezeichnete diese Herangehensweise als „deskriptiven Dezisionismus“, den er von wertbezogenen Auffassungen menschlicher Entscheidungen und Ansprüche abhebt. Und er benennt die Wissenschaftlichkeit, die er in seinen zur Reife gelangten Büchern verfolgt, als „Sozialontologie“.

In erster Linie ein Sozialwesen

Kondylis geht von der Grundannahme aus, dass das menschliche Wesen nicht von einer bestimmten Sozialbeziehung loszutrennen sei. Von seinem Standpunkt her ist der Mensch in erster Linie Sozialwesen, dessen Verhältnis zu Mitmenschen und zur Außenwelt durch seine Stelle in einer vorgegebenen Rangordnung zu berücksichtigen sei.

Zuallererst kümmert man sich um die Selbsterhaltung, die die Mitwirkung anderer voraussetzt und dann darum, seine Nische gegen Kontrahenten zu verteidigen. In seinem schmalen Band Macht und Entscheidung. Die Herausbildung der Weltbilder und die Wertfrage (1984) nimmt Kondylis die kämpferische und machtstrebende Seite von zwischenmenschlichen Wechselwirkungen in den Blick.

Moralismus oder Nihilismus

Grundlegend für seine seitenreichen Bücher über die Aufklärung, den klassischen Konservatismus und das Zeitalter der planetarischen Politik ist seine Inanspruchnahme einer machtorientierten Auslegungsperspektive. Auch bei gelehrten Auseinandersetzungen und streng herausgebildeten theoretischen Arbeiten lässt sich so eine alle Anliegen prägende Kampfgesinnung feststellen. Der Wissenschaftler stellt seine These derjenigen seines Kontrahenten entgegen.

Die Aufklärungsdenker legten es darauf an, Natur und Sinnlichkeit gegen eine mittelalterliche Denkart geltend zu machen. Doch die ehemaligen Beteiligten gingen getrennte Wege, als die Frage aufkam, ob der Kampf gegen die verworfene Metaphysik in einer normativen Sittlichkeit oder in einem alles zerlegenden Nihilismus münden sollte. In zwei gegensätzliche Denkgruppen zerteilten sich die Aufklärer, die Verfechter einer Vernunftsmoralität wie Kant und Voltaire und nihilistische Materialisten wie Holbach und La Mettrie.

Die bürgerliche Gesellschaft, die die Kulturwelt der Aufklärung hochhielt, mußte einen Zweifrontenkrieg gegen den Konservatismus führen, der die Ideale einer vormodernen Sozialordnung wieder zur Geltung bringen wollte, und gegen die Massendemokratie, die für die Gleichheit und Austauschbarkeit der Menge eintritt. Ohne diese dialektische, kämpferische Stoßrichtung zu betrachten, meint Kondylis, sind aufeinanderfolgende Herrscherklassen und führende Ideologien kaum zu begreifen. Nur im Hinblick auf ein Gegenüber entwickelt sich der Einzelne gemeinschaftlich, seinsartig und begrifflich heraus.

PK2.jpgEine Synthese aus Marx und Carl Schmitt?

Die Sozialontologie und Sozialanthropologie von Kondylis wird normalerweise als eine einfallsreiche Verschmelzung der Gedanken Marxens und Carl Schmitts interpretiert. Verblüffend mag es sein, dass Kondylis Marx, aber bei weitem weniger Schmitt, als Vordenker anerkannte. Ebenso großzügig gestand er Reinhart Koselleck, mit dem er einen langjährigen Briefwechsel unterhielt, und seinem Doktorvater aus Heidelberg, Werner Conze, eine Einwirkungsrolle bei seiner Ideenwelt zu. Zusätzlich erwähnt er Spinoza, dessen-theologisch-politischer Traktat seinen Machtbegriff mitgestaltete.

Warum aber ging Kondylis mit Schmitt, dessen Freund-Feind-Denken  er teilt, fast stiefmütterlich um? Mag sein, dass Kondylis die Originalität seiner Begriffe unterstreichen wollte. Ebenso relevant, wie Horsts Sammelband klarmacht, wurde Kondylis zu seiner Jugendzeit radikalisiert, als er gegen die Regierung der Obristen in seinem griechischen Stammland aufgemuckt hatte.

Auf diese Jugendjahre ist die marxistische Prägung zurückzuführen, auch wenn der ausgereifte Denker kaum als Marxist oder als links orientiert einzustufen war. Die Fokussierung auf Geschichtsabläufe und sozial bedingte Leitkulturen weisen auf marxistisch angehauchte Schwerpunkte zurück. Klar ist aber, daß Kondylis wie Koselleck und andere führende deutsche Ideenhistoriker aus der zweiten Hälfte des letzten Jahrhunderts von Schmitt beeinflusst wurden.

Daß Kondylis mit einem einspurigen oder übermäßig vereinfachenden Weltbild hantierte, ist eine geläufige Kritik an seiner anthropologischen und politischen Perspektive, die sich um die Selbsterhaltung und das Machtstreben des sozial angesiedelten Einzelnen dreht. Aber das setzt voraus, daß der Sozialforscher Kondylis ein Gesamtbild des politischen, gemeinschaftlichen und ideentheoretischen Handelns liefern wollte. Stattdessen kann sein Gedankengut herangezogen werden, um das menschliche Verhalten zu beleuchten und Erkenntnis über die menschliche Motivation in einzelnen Situationen abzugeben.

Kein Optimist

Bei all seiner Anhänglichkeit an die Aufklärung und die dazugehörigen Einsichten hat Kondylis keinesfalls das optimistische Zukunftsbild vertreten, das den Rationalismus des achtzehnten Jahrhunderts prägte. Er zählte zur Gesellschaft, die Zeev Sternhell und Isaiah Berlin als „les Contre-lumières” charakterisierten und die angeblich nichts Gutes im Schilde führten. Diese Grübler setzen die kritische Verfahrensweise der Aufklärung ein, um ihre Endvision zu hinterfragen und sogar zu entwerten.

Anders gesagt: Kondylis verstand seinen Lehrauftrag anders als die von ihm bespöttelten Moralisten. Außer dem Entscheidungstreffen sozial verorteter und motivierter Einzelner und Gruppen, die im Spannungsfeld mit anderen ähnlich bestimmten Wesen handeln, kann uns Kondylis kein Welt- oder Zukunftsbild anbieten. Zu seiner Ehre mahnt er vor den Schönfärbern, die unsere Freiheit wie unsere Nüchternheit abschaffen wollen.

Aus dem Kreis der BN-Autoren hat sich insbesondere Felix Menzel mit Kondylis beschäftigt und ein Zitat aus Macht und Entscheidung seiner Alternativen Politik vorangestellt.

jeudi, 20 juin 2019

Your Nineteen Eighty-Four Sources in Full

GO2.jpg

Your Nineteen Eighty-Four Sources in Full

Connolly, Burnham, Orwell, & “Corner Table”

“In the torture scenes, he is merely melodramatic: he introduces those rather grotesque machines which used to appear in terror stories for boys.”
—V. S. Pritchett, The New Statesman [2], June 18, 1949

The torture section in Nineteen Eighty-Four[1] [3] was planned from the beginning, and intended to be the story’s core and culmination. The key influence here was James Burnham’s The Struggle for the World (discussed below), which George Orwell reviewed in March 1947, shortly before starting the first full longhand draft of the new novel. In Struggle, Burnham emphasized the likelihood of another World War within another few years, and probably even a war using the “atomic bomb.”

This found its way into Nineteen Eighty-Four, as did Burnham’s analysis of Communism (though Orwell didn’t call it that). Terror, torture, disinformation, humiliation: these are not unfortunate byproducts of Communist revolution, said Burnham, they are the system itself.

The original model for Nineteen Eighty-Four wasn’t as grim as that. It was frivolous, really, and written years and years before the Cold War was dreamt of. It was a little black comedy that used torture strictly for laughs. Titled “Year Nine,” Cyril Connolly dashed it off at the end of 1937.[2] [4] It appeared in The New Statesman in January 1938.

It’s a brief farce, less than two thousand words, yet in there are prefigured Big Brother, the Thought Police, Newspeak, and the Ministry of Love. To tell a brief story briefly: After happening upon a basement art exhibit, the narrator – an assembly-line envelope-flap-licker – is accused of thoughtcrime (approximately). He is arrested, severely tortured, and sentenced to excruciating execution.

Orwell was much impressed with it, and so were John Betjeman and others.[3] [5] Up to this point, Connolly was known mainly as an idler and failed novelist. Very soon, though, he published a memoir, Enemies of Promise, founded Horizon (“A Review of Literature & Art”), became editor of The Observer‘s book section (where he farmed out reviews to Orwell and Evelyn Waugh and Arthur Koestler), and was generally London’s number-one all-’round critic and litterateur.

From “Year Nine”:

As the hot breath of the tongs approached, many of us confessed involuntarily to grave peccadilloes. A man on my left screamed that he had stayed too long in the lavatory.

 * * *

Our justice is swift: our trials are fair: hardly was the preliminary bone-breaking over than my case came up. I was tried by the secret censor’s tribunal in a pitchdark circular room. My silly old legs were no use to me now and I was allowed the privilege of wheeling myself in on a kind of invalid’s chair. In the darkness I could just see the aperture high up in the wall from whence I should be cross-examined . . .

Our narrator (not a Winston Smith type, more of a garrulous Connolly/O’Brien) is sentenced to be “cut open by a qualified surgeon in the presence of the State Augur.”

“You will be able to observe the operation, and if the Augur decides the entrails are favourable they will be put back. If not, not . . . For on this augury an important decision on foreign policy will be taken. Annexation or Annihilation? . . .

Yes, I have been treated with great kindness.[4] [6]

There is a cultural time-stamp on “Year Nine,” clearly visible. The Moscow Purge Trials were underway and widely known about, but Connolly pins the Stalinist outrages in his tale – torture, forced confessions, anonymous denunciations – upon a cartoonish pseudo-Nazi regime, complete with Stroop Traumas, Youngleaderboys, and a population in thrall to Our Leader. (Connolly hadn’t a political bone in his body, but he posed as a Fellow Traveler, that being comme il faut.)

Conversely, when Nineteen Eighty-Four came out in 1949, it too drew on the Moscow Trials, and no one questioned (least of all Pravda) that Orwell was depicting a Soviet-style police-state. This happened even though Orwell slyly denied that it was about Communism. You can see this in the novel’s own disclaimers, and in external press releases that author and publisher sent out.

A curious legacy of “Year Nine” is that its Punch-and-Judy brilliance shines through the surface narrative of Nineteen Eighty-Four, giving the torture scenes a lurid “vaudeville” feel. Orwell probably didn’t intend the scenes in the Ministry of Love (Miniluv) to be black comedy, but that’s what he got, from O’Brien’s jabberwocky speeches, all the way to the rats in the cage-mask. (“‘It was a common punishment in Imperial China,” said O’Brien as didactically as ever.’”)

Lord of Chaos

Connolly/O’Brien is your emcee and Lord of Chaos in the Miniluv torture clinic. This is far from the standarGO1.jpgd crib-note interpretation of O’Brien (“zealous Party leader . . . brutally ugly”), but pray consider: a) Connolly was Orwell’s only acquaintance of note who came close to the novel’s description of O’Brien, physically and socially; b) if you bother to read O’Brien’s monologues in the torture clinic, you see he’s doing a kind of Doc Rockwell routine: lots of fast-talking nonsense about power and punishment, signifying nothing.

This is one reason why O’Brien fails as a villain. Villains must be monolithic. Here we have an Inner Party exemplar-cum-old Etonian who still boasts of his “antinomian tendencies” – a humorist and parodist, author of The Theory and Practice of Oligarchical Collectivism as well as “Where Engels Fears to Tread”;[5] [8] in short, a louche Fellow-Traveler-of-convenience, renowned for self-indulgence and amorality. And thus he fits right in with what O’Brien tells us about the Inner Party ethos (do read the monologues): someone who’s amoral, capricious, and power-hungry (and a potential sociopath, if O’Brien’s description of the Party’s lust for power is anything to go by).

* * *

If Orwell wanted to put Connolly out of his mind while working on Nineteen Eighty-Four, he couldn’t, because he was forever revising an essay-memoir about the school they went to together between 8 and 14. It was the most miserable time of life for young Eric Blair (for such he was). He had probably started this memoir in the early 1940s, and still had the unpublished typescript with him in London when he was playing with notes and abortive chapters for his projected novel in 1945 and 1946. And then he brought it with him to the Isle of Jura, Inner Hebrides, in the spring of 1947, where he finally began to handwrite the first draft of The Last Man in Europe (as he was then calling the Winston Smith novel). He also revised the memoir, sending a carbon to his publisher in late May. Then, in 1948, when he was laid up with TB in a hospital near Glasgow and struggling to rewrite the novel with his writing arm in a cast, he revised the memoir yet again. It wouldn’t be published in Great Britain until 1967.

The memoir was Cyril Connolly’s idea. Connolly had put his fond-but-unnerving school memories into Enemies of Promise (which made him famous), and suggested his old schoolmate Blair might do the same: a companion piece or “pendant” to Connolly’s sardonic memoir. So Blair/Orwell decided to do a Dickens about his time as an upper-middle-class poor boy at St. Cyprian’s, enduring six years of oppression, humiliation, and petty tortures. He attended the school on reduced fees (as the Headmaster’s wife reminded him loudly and often) because he was expected to win a scholarship to Eton, and so bring glory and honor to St. Cyprian’s. From age 11 onward, Young Blair was “crammed with learning as cynically as a goose is crammed for Christmas” (as he wrote), mainly Latin and Greek.

This is the nearest thing to an autobiography we ever got out of Orwell, and the disgusted, sulky, sharp-eyed loner we see in his essays and Winston Smith is thoroughly recognizable as the boy at St. Cyprian’s. To make himself seem even lonelier and more miserable – or perhaps for some other motive – he cut Cyril Connolly entirely out of story.

At one point in the memoir, Orwell pulls back and says he doesn’t mean to suggest his school was a kind of Dotheboys Hall. Then he marches off again and tells us about the filthy lavatories and disgusting food, and how he once saw a human turd floating on the surface of the local baths in Eastbourne. On finally leaving St. Cyprian’s – off to Eton, but first a term at Wellington – he looked to the future with despair. “[T]he future was dark. Failure, failure, failure – failure behind me, failure ahead of me . . .”

Orwell’s publisher and friends thought the memoir was just too embarrassing and self-pitying to publish. It would be bad for Orwell’s reputation, they said, and probably libelous. So the perennial work-in-progress didn’t see the light of day until Orwell was safely dead and Partisan Review in New York ran a slightly altered version in their September-October 1952 issue. It ran for 41 pages, called St. Cyprian’s “Crossgates,” and used Orwell’s title: “Such, Such Were the Joys.”[6] [9]

* * *

You sometimes hear that Orwell plagiarized from another dystopian story, usually one set many centuries in the future, with little or no resemblance to Orwell’s. In 2009, on Nineteen Eighty-Four‘s sixtieth anniversary of publication, Paul Owen in The Guardian tried to make the case that Orwell “pinched the plot” from Yevgeny (or Eugene) Zamyatin’s early-1920s novel, We.[7] [10] As evidence, Owen says that Orwell read Zamyatin’s book three years before Nineteen Eighty-Four was published (1949). This is a lie by misdirection. Orwell had been making notes and outlines since at least 1944, and finished his first draft in 1947. He first heard of Zamyatin’s book in 1943, failed to find a copy of the 1920s English translation published in New York,[8] [11] and finally settled for a French one, his review appearing in early 1946.[9] [12] Owen’s biggest claim is completely wrong: “that Orwell lifted that powerful ending – Winston’s complete, willing capitulation to the forces and ideals of the state – from Zamyatin.” The ending of Nineteen Eighty-Four is in fact a retread of a novel ending that Orwell wrote in 1935.

GO4.jpgA good deal of Nineteen Eighty-Four, in fact, is a twisted retelling of Keep the Aspidistra Flying.[10] [13] Orwell wrote Aspidistra in 1935 during his Hampstead bookshop-assistant days, and was ever after ashamed of it. Never mind, it’s a beautiful piece of pathetic self-mockery, giving us a 1930s-model Winston Smith. Instead of surrendering to Big Brother at the end, the Winston-figure, Gordon, finally sells out to the “Money God” – and goes back to his job as an advertising copywriter. A happy ending, strangely enough.

In place of glowering Big Brother posters, Gordon is surrounded by vast images of “Corner Table,” a “spectacled rat-faced clerk with patent-leather hair,” grinning over a mug of Bovex. (Presumably Bovril + Oxo.) “Corner Table enjoys his meal with Bovex,” shouts the poster all over town. Everywhere Gordon is stared down by the Money God, in the guise of advertisements on all the hoardings. “Silkyseam – the smooth gliding bathroom tissue.” “Kiddies clamour for their Breakfast Crisps.”

Like Winston, Gordon is under constant surveillance at home (from his landlady) and takes his girlfriend out to the countryside, where they have sex on the wet ground. When he gets in trouble with the law, he wakes up in a jail with walls of “white porcelain bricks,” like the lockup at Miniluv. His O’Brien-analogue, an upper-class literary friend and little-magazine publisher named Ravelston, shows up and rescues him from the clink. Instead of taking him to a torture chamber, he puts Gordon up in his flat and gently badgers him to straighten out his life, which Gordon does eventually, but not just yet. Torture was different in the Thirties.

* * *

Connolly’s “Year Nine” provided an amusing, pocket-sized framework for building a terror-regime satire, while Keep the Aspidistra Flying gave the naturalistic “human” elements to be restyled for Nineteen Eighty-Four. The new novel also needed serious geopolitical underpinnings, and here Orwell leaned heavily on James Burnham. It’s long been known that Orwell took the “three super-states” idea from Burnham’s The Managerial Revolution (1941).[11] [14] Orwell and his publisher cited Burnham and that book when they wrote a press release in June 1949, explaining what Nineteen Eighty-Four was “about.” (Press interest was intense, and the hat-tip to Burnham looks suspiciously like a red herring.)

Burnham’s “three super-states” schema was the inspiration not only for Oceania-Eurasia-Eastasia, but most probably the entire novel; it was like a piece of grit in the oyster, waiting for the pearl to form around it. It became Orwell’s pet geopolitical concept, and from 1944 onward we find him continually dropping mentions of “three super-states” in his reviews, articles, and columns.

 [15]Nevertheless, it was a later book by Burnham, The Struggle for the World (1947)[12] [16] that really gave Nineteen Eighty-Four its horror and worldview. Here, Burnham argued that another World War was likely soon (say, 1950), and something nuclear would probably be in play. This provided the backstory to Oceania’s murky history of war and revolution, along with some early memories for Winston Smith. An “atomic bomb” – as we called them then – was dropped near London in Colchester. Burnham argued that a preventive war might well be necessary before the Soviets get the A-bomb. The rush of events soon outran that warning, needless to say.

But the really vital input from Struggle came from Burnham’s analysis of Communism. International Communism really, truly, does seek mastery of the globe, he maintained. He had made the argument a couple of years earlier, when he was with the OSS, but in 1947 it became the freshest insight in US foreign policy. Furthermore, he focused on a matter that most pundits feared to address, lest they look like unhinged extremists: the integrality of terror to the Communist apparatus. This was obvious to many people in those post-war years, but it was Burnham who took the logical leap and articulated the idea in a book: If your main activity is terror, then terror is your business.

GO84penguin.jpgTo repeat the obvious, Burnham was describing Communism, not some theoretical “totalitarianism,” as in some press blurbs for Nineteen Eighty-Four. As noted, Orwell explicitly disavowed any connection between his fictional “Party” and the Communist one. Nevertheless, the political program that O’Brien boasts about to Winston Smith is the Communist program à la James Burnham. It’s exaggerated and comically histrionic, but strikes the proper febrile tone.

First, some O’Brien:

Power is in inflicting pain and humiliation. Power is in tearing human minds to pieces and putting them together again in new shapes of your own choosing. Do you begin to see, then, what kind of world we are creating? It is the exact opposite of the stupid hedonistic Utopias that the old reformers imagined. A world of fear and treachery is torment, a world of trampling and being trampled upon, a world which will grow not less but more merciless as it refines itself. Progress in our world will be progress towards more pain. . . .

The espionage, the betrayals, the arrests, the tortures, the executions, the disappearances will never cease. It will be a world of terror as much as a world of triumph. The more the Party is powerful, the less it will be tolerant: the weaker the opposition, the tighter the despotism.[13] [17]

Now bits of Burnham:

The terror is everywhere, never ceasing, the all-encompassing atmosphere of communism. Every act of life, and of the lives of parents, relatives and friends, from the trivial incidents of childhood to major political decisions, finds its way into the secret and complete files. . . . The forms of the terror cover the full range: from the slightest psychological temptings, to economic pressure . . . to the most extreme physical torture . . .

* * *

It should not be supposed that the terror . . . is a transient phenomenon . . . Terror has always been an essential part of communism, from the pre-revolutionary days . . . into every stage of the development of the communist regime in power. Terror is proved by historical experience to be integral to communism, to be, in fact, the main instrument by which its power is increased and sustained.[14] [18]

Burnham and Orwell were of very different mentalities, the first always gushing theories with the fecundity of a copywriter dashing off taglines; while the second was constitutionally averse to abstractions and hypotheticals, much preferring near-at-hand things, such as the common toad. It’s striking that Orwell could not only find something useful and intriguing in Burnham, he honored him with a few of the most insightful and appreciative critiques.

JB-SW.jpgIn March 1947, while getting ready to go to Jura and ride the Winston Smith book to the finish even if it killed him (which it did), Orwell wrote his long, penetrating review of The Struggle for the World. He paid some compliments, but also noted some subtle flaws in Burnham’s reasoning. Here he’s talking about Burnham’s willingness to contemplate a preventive war against the USSR:

[Burnham sees that] appeasement is an unreal policy . . . It is not fashionable to say such things nowadays, and Burnham deserves credit for saying them.

But suppose he is wrong. Suppose the ship is not sinking, only leaking. Suppose that Communism is not yet strong enough to swallow the world and that the danger of war can be staved off for twenty years or more: then we don’t have to accept Burnham’s remedy – or, at least, we don’t have to accept it immediately and without question.[15] [19]

Orwell was just using moderation and common sense here, but what he’s suggesting is what in fact began to happen that year (1947). Instead of the predicted war of destruction; policies of “containment,” “rollback,” “interventions”; defense treaties (NATO); and targeted economic aid (Marshall Plan) might work at least as effectively against the Soviets, as well as being far pleasanter and more manageable.

Ironically, Orwell did not pay much attention to what was going on in the outside world that year or next; he had bigger things to worry about. But as the world moved on, it diverged more and more from the fundamental premises of Nineteen Eighty-Four. There wouldn’t be an “atomic war” in 1950 (war, yes; not atomic) and Soviet-style terror regimes weren’t going to swallow all of Europe, however likely that looked in the spring of 1947.

Notes

[1] [20] The actual title of the book on publication date was Nineteen Eighty-Four in London (Secker & Warburg) on June 8, 1949; and 1984 on June 13, 1949 in New York (Harcourt Brace). Orwell and his publisher slightly preferred the numerals, but chose to go with the words for the London edition. Orwell used both styles interchangeably – obviously one is more convenient to type. (George Orwell: A Life in Letters, Ed. Peter Davison [London: W.W. Norton], 2010.)

[2] [21] Cyril Connolly, “Year Nine,” collected in The Condemned Playground (London: Routledge, 1945), originally published in The New Statesman, January 1938. Connolly was inspired by a visit to the “Degenerate Art” exhibition in Munich, where he got the uneasy sense he was expected to leer with a disapproving expression.

[3] [22] Clive Fisher, Cyril Connolly (New York: St. Martin’s Press, 1995).

[4] [23] Connolly, The Condemned Playground.

[5] [24] Connolly, The Condemned Playground.

[6] [25] George Orwell, “Such, Such Were the Joys,” Partisan Review, Vol. 19, No. 5 (New York), Sept.-Oct. 1952.

[7] [26] Paul Owen, “1984 thoughtcrime? Does it matter that George Orwell pinched the plot? [27]”, The Guardian, 8 June 2009.

[8] [28] E. (or Y.) Zamyatin, We, tr. Gregory Zilboorg (New York: E. P. Dutton), 1924. This English-language edition was actually the first publication of We.

[9] [29] George Orwell, review of WeTribune (London), January 4, 1946.

[10] [30] George Orwell, Keep the Aspidistra Flying, many editions. Originally: London: Victor Gollancz Ltd., 1936.

[11] [31] James Burnham, The Managerial Revolution (New York: John Day, 1941).

[12] [32] James Burnham, The Struggle for the World (New York: John Day, 1947).

[13] [33] Nineteen Eighty-Four, Part III, iii.

[14] [34] James Burnham, The Struggle for the World (New York: John Day, 1947).

[15] [35] George Orwell, “James Burnham’s view of the contemporary world struggle,” New Leader (New York), March 29, 1947.

 

Article printed from Counter-Currents Publishing: https://www.counter-currents.com

URL to article: https://www.counter-currents.com/2019/06/your-nineteen-eighty-four-sources-in-full/

URLs in this post:

[1] Image: https://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2019/06/6-7-19-33.jpg

[2] The New Statesman: https://www.newstatesman.com/books/2013/03/fitzgerald-woolf-and-j-g-ballard-five-classic-book-reviews-ns-archive

[3] [1]: #_ftn1

[4] [2]: #_ftn2

[5] [3]: #_ftn3

[6] [4]: #_ftn4

[7] Image: https://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2019/06/6-7-19-40.jpeg

[8] [5]: #_ftn5

[9] [6]: #_ftn6

[10] [7]: #_ftn7

[11] [8]: #_ftn8

[12] [9]: #_ftn9

[13] [10]: #_ftn10

[14] [11]: #_ftn11

[15] Image: https://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2019/06/6-7-19-41.jpg

[16] [12]: #_ftn12

[17] [13]: #_ftn13

[18] [14]: #_ftn14

[19] [15]: #_ftn15

[20] [1]: #_ftnref1

[21] [2]: #_ftnref2

[22] [3]: #_ftnref3

[23] [4]: #_ftnref4

[24] [5]: #_ftnref5

[25] [6]: #_ftnref6

[26] [7]: #_ftnref7

[27] 1984 thoughtcrime? Does it matter that George Orwell pinched the plot?: https://www.theguardian.com/books/booksblog/2009/jun/08/george-orwell-1984-zamyatin-we

[28] [8]: #_ftnref8

[29] [9]: #_ftnref9

[30] [10]: #_ftnref10

[31] [11]: #_ftnref11

[32] [12]: #_ftnref12

[33] [13]: #_ftnref13

[34] [14]: #_ftnref14

[35] [15]: #_ftnref15

Orwell, Molotov, & the “Crisis of Capitalism”

1984.jpg

Orwell, Molotov, & the “Crisis of Capitalism”

Did the international crises of 1947 and 1948 leave their mark on the writing of Nineteen Eighty-Four? I’ve spent a lot of time on this question, and so far as I can tell, the answer is – yes; but only obliquely. And George Orwell may not even have been conscious of the fact.

A couple of months into writing the first draft of the novel, he paused to do an article for the Partisan Review. This was one of an ongoing series by several authors called “The Future of Socialism.” Orwell’s contribution for the July-August 1947 issue was titled “Toward European Unity,” and it includes some recognizable themes that were finding their way into Nineteen Eighty-Four.

Actually, the piece itself doesn’t have much to say about socialism. (One of Orwell’s last essays was on Oscar Wilde’s notion of “socialism.” Like Wilde, Orwell thought it all sounded like a nice idea, but he was one of those socialists who never read Marx.) As for “European unity,” Orwell saw only dim prospects. He was much more interested in rather whimsical speculation about how the world could survive after the Third World War started and the “atomic bombs” dropped. His least favorite outcome happened to be the background to the world of Nineteen Eighty-Four. (I’ll excerpt these at the end.)

But there’s a throwaway line in “Toward European Unity” that might be an eye-opener for people today, though it was a reasonably sound, matter-of-fact assessment of the political scene in mid-1947:

. . . American pressure is an important factor because it can be exerted most easily on Britain, the one country in Europe which is outside the Russian orbit.[1] [2]

The hard fact here is that most of western Europe was slipping into the Soviet grip. Communist parties in France and Italy were getting ready to seize power, with the Communists already the largest party in the French assembly. The USSR was maneuvering to take control of the 1945 rump of Germany, by first uniting the four zones – British, American, French, Soviet – under a Sovietized “neutral” government. Meanwhile, Europe’s post-war economic recovery had stalled and backslid, largely because of the destruction of German mines and industry, and punitive reparations and deindustrialization under the still-operative Morgenthau Plan.[2] [3] France and Britain were effectively bankrupt, living on loans and remittances from the US.[3] [4]

The stage, then, was set for the wave of revolutions, wars, and brutal regimes that form the backstory to Nineteen Eighty-Four. More memorably, these conditions are the background to the American foreign policy initiatives remembered as the Truman Doctrine and the Marshall Plan. For most people, these things are mainly recalled as chapter subheadings in high school texts, or even as examples of insuperably dull, indecipherable topics best treated as punchlines to jokes. (The writer Tobias Wolff once wrote a cruelly humorous short story in which the running gag was about a job-seeking professor forced to give a lecture with someone else’s dreary paper on the Marshall Plan.)[4] [5]

What is generally forgotten these days – or more likely, unknown – is the worldwide campaign of agitprop and civil unrest that the Soviet Union mounted in 1947-48 in retaliation for the Marshall Plan. You really need to go back to the newspapers of the era to see how far and wide was the campaign’s reach. Throughout western Europe, there were riots, work stoppages, mine floodings, and anti-Marshall Plan posters, films, flyers, and newspapers. Factories and wharves were shut down throughout France for much of late 1947; in Italy, the Communists held a sit-down strike in the Parliament. Dockworkers on the Continent, in Britain, and even in Australia, New Zealand, and North America refused to unload ships.

In America, the most memorable efflorescence of the anti-Marshall Plan drive (though seldom remembered as such) was the strange presidential campaign of ex-Vice President Henry Wallace. Wallace and other “Progressives” (for such he called his party) aimed to punish President Truman and pro-Marshall Plan Democrats by splitting their vote in 1948. They did not succeed, as it rapidly became clear that these efforts were directed by the Soviet Central Committee and the Communist Party of the USA, operating through labor unions, particularly the CIO. In 1947 and 1948, Dwight Macdonald (Orwell’s friend and political soulmate) devoted many pages of his magazine, Politics, to exposés of the Stalinist machinations behind the Wallace campaign.[5] [6]

dwight.jpg

In that same paragraph from the Partisan Review piece by Orwell that I quoted above, there’s a curious and most un-Orwellian comment about U.S. trade:

If the United States remains capitalist, and especially if it needs markets for exports, it cannot regard a Socialist Europe with a friendly eye.[6] [7]

 

Dwight Macdonald

What exactly is he saying here? In all his writings, Orwell seldom, if ever, affects interest in such peripheral economic matters as trade policy. Yet here he is, professing to suspect that the “capitalist” US has a great need to expand its overseas (specifically European) markets. Now, in the late 1940s American exports worldwide comprised about five percent of its GNP.[7] [8] That is, most of the GNP was from domestic consumption, and need for exports would have been negligible.

Knowing when Orwell wrote this, in about June 1947, gives us a clue as to where he got this funny notion. Apparently he’d just read something in the papers pertaining to the newly-proposed Marshall Plan. I doubt Orwell knew where the story originated, or detected its ring of Marxian economics; but that is essentially what it was. Right about this time, the Soviet Foreign Minister, Vyacheslav Molotov, was putting out a tale that the European Recovery Plan, aka the Marshall Plan, had an ulterior motive: to forestall an inevitable and approaching depression due to American war debts and its unsold “surplus goods.”

Shortly after Secretary of State George Marshall gave his so-called “Marshall Plan Speech” (at Harvard’s commencement on June 5, 1947), Molotov had asked the top Soviet economist, Yevgeny “Jeno” Varga,[8] [9] to provide a report on the American economy. Specifically, he wanted Varga to “assess motives” behind this proposed aid plan. Varga came back with a suitably dire forecast: the US was facing a depression nearly the size of the Great Depression of the 1930s, with ten million unemployed and a twenty percent drop in GNP.

Per Varga, the apparent rationale for the Marshall Plan was that by lending billions in credits to Europe, the US could get rid of its “surplus goods” (as it was suffering from a “crisis of overproduction”). It could thereby avoid the forthcoming economic collapse – temporarily, at least – even though the countries to which it was “lending” credits were themselves bankrupt. Varga most likely did not believe what he wrote here. In 1946, he had written an in-depth economic study putting forth the thesis that because of changes in the American economy and government, it was no longer subject to the classic boom-and-bust “Crisis of Capitalism.” But now he was simply telling Molotov what Molotov wanted to hear.[9] [10]

molotov.jpgAnd so, when Molotov went to Paris to meet the British and French foreign ministers at a preliminary conference on the Marshall Plan (this is still June 1947), he told them he believed the proposed Plan was really conceived in America’s own interest, “to enlarge their foreign markets, especially in view of the approaching crisis.” To no one’s great surprise, Molotov soon announced that neither the USSR nor any of the Communist satellite states would be participating in the European Recovery Plan.

With the passing months, Soviet propaganda evolved somewhat. In September, Molotov’s deputy and eventual successor, Andrei Vyshinsky, told the UN General Assembly that “[t]he United States . . . counted on making . . . countries directly dependent on the interests of American monopolies, which are striving to avert the approaching depression by an accelerated export of commodities and capital to Europe.”[10] [11] This soon turned into a more pointed accusation, that the US was setting up a “Western Bloc” as an economic and political beachhead. Soviet spymaster Pavel Sudoplatov explained that “the goal of the Marshall Plan was to ensure American economic domination of Europe.”[11] [12]

What were these “surplus goods” that the US supposedly wanted to offload onto Europe via the Marshall Plan? Mostly, they were the same goods that America had been providing all along: grain and fuel, primarily coal. (While western Europe had endless reserves of coal, the mines in Germany had been so damaged that Europe suffered from severe coal shortages for the first few years after the war.) When European countries bought these with Marshall credits beginning in 1948, it freed up their own capital for “recovery” uses. And, pace Varga and Molotov, America was not disposing of these goods in order to forestall an economic crisis. There wasn’t even a recession in 1947 or 1948; just a mild downturn that came in 1949.

But the notion of “surplus goods” and its Marxian companion, the “crisis of overproduction,” found their way into an obscure corner of Nineteen Eighty-Four. They provide the stated (though rather illogical and unnecessary) rationale for eternal war, as set forth in The Theory and Practice of Oligarchical Collectivism:

The primary aim of modern warfare (in accordance with the principles of doublethink, this aim is simultaneously recognized and not recognized by the directing brains of the Inner Party) is to use up the products of the machine without raising the general standard of living. Ever since the end of the nineteenth century, the problem of what to do with the surplus of consumption goods has been latent in industrial society. . . . The war, therefore, if we judge it by the standards of previous wars, is merely an imposture. It is like the battles between certain ruminant animals whose horns are set at such an angle that they are incapable of hurting one another. But though it is unreal it is not meaningless. It eats up the surplus of consumable goods, and it helps to preserve the special mental atmosphere that a hierarchical society needs.[12] [13]

It’s all a joke, of course: Oligarchical Collectivism is not a serious treatise even within its fictive realm. It’s something that O’Brien and his colleagues concocted (or so O’Brien tells us) as a plausible excuse for a revolutionary tract that the non-existent Goldstein might write. It puts forth “the problem of what to do with the surplus of consumption goods” as though that were a real conundrum, one that can only be solved by constant pseudo-warfare.

It would have been quite enough just to say fake wars provide “the special mental atmosphere that a hierarchical society needs.” But Orwell apparently had export markets and “surplus goods” on his mind, so he threw those in as well.

 *  *  *

partisanreview.jpgThis tortured, unnecessary explanation ties up nicely with the alternative predictions Orwell offers in his Partisan Review article. As I said, he doesn’t really say much about socialism, and he doubts European unity, but he puts an awful lot of (overly) complex thought into how it’s all going to end. He’s writing this while he’s mainly focused on Nineteen Eighty-Four, so we end up with three James Burnham-esque scenarios of what may face us when the bombs start a-flying:

As far as I can see, there are three possibilities ahead of us:

    1. That the Americans will decide to use the atomic bomb while they have it and the Russians haven’t. This would solve nothing. It would do away with the particular danger that is now presented by the U.S.S.R., but would lead to the rise of new empires, fresh rivalries, more wars, more atomic bombs, etc. In any case this is, I think, the least likely outcome of the three . . .
    2. That the present ‘cold war’ will continue until the U.S.S.R., and several other countries, have atomic bombs as well. Then there will only be a short breathing-space before whizz! go the rockets, wallop! go the bombs, and the industrial centres of the world are wiped out, probably beyond repair . . . Conceivably this is a desirable outcome, but obviously it has nothing to do with Socialism.
    3. That the fear inspired by the atomic bomb and other weapons yet to come will be so great that everyone will refrain from using them. This seems to me the worst possibility of all. It would mean the division of the world among two or three vast super-states, unable to conquer one another and unable to be overthrown by any internal rebellion. In all probability their structure would be hierarchic, with a semi-divine caste at the top and outright slavery at the bottom, and the crushing out of liberty would exceed anything that the world has yet seen . . .[13] [14]

Notes

[1] [15] George Orwell, “Toward European Unity,” Partisan Review (New York), July-August 1947, Vol. 14, No. 4.

[2] [16] One sometimes hears that the Morgenthau Plan for the starvation and pastoralization of Germany was floated as an idea but sternly rejected. Actually, as Joint Chiefs of Staff directive No. 1067 [17], it was the basis of American occupation policy, effective from April 1945 until July 1947. Both the US and the Soviet Union dismantled German industrial plants in this period.

[3] [18] There are countless sources for this subject, but Benn Steil’s 2018 book, The Marshall Plan (New York: Simon & Schuster, 2018), gives a detailed overview of the economic crisis.

[4] [19] Tobias Wolff, “In the Garden of the North American Martyrs,” originally published in Antaeus (New York), Spring 1980.

[5] [20] Macdonald’s most thorough examination of Wallace and company was in the Summer 1948 issue of Politics.

[6] [21] Orwell, “Toward European Unity.”

[7] [22] See chart, The Hamilton Project [23].

[8] [24] Jeno Varga was a Hungarian Jew (his real name was Eugen Weisz) who had been in the Hungarian Communist Party since the Béla Kun days in 1919. After this, he fled to the USSR and became Stalin’s longtime economic adviser. Like Molotov in the late 1940s, Varga was about to fall out of favor.

[9] [25] Scott D. Parrish & Mikhail M. Narinsky, “New Evidence on the Soviet Rejection of the Marshall Plan, 1947 [26]” (Washington, DC: Wilson Center), 1994.

[10] [27] Andrei Vyshkinsky’s speech [28] at the United Nations, September 1947.

[11] [29] Steil, The Marshall Plan.

[12] [30] George Orwell, Nineteen Eighty-Four, 1949, Part II.

[13] [31] Orwell, “Toward European Unity.”

 

Article printed from Counter-Currents Publishing: https://www.counter-currents.com

URL to article: https://www.counter-currents.com/2019/06/orwell-molotov-the-crisis-of-capitalism/

URLs in this post:

[1] Image: https://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2019/06/6-12-19-2.jpg

[2] [1]: #_ftn1

[3] [2]: #_ftn2

[4] [3]: #_ftn3

[5] [4]: #_ftn4

[6] [5]: #_ftn5

[7] [6]: #_ftn6

[8] [7]: #_ftn7

[9] [8]: #_ftn8

[10] [9]: #_ftn9

[11] [10]: #_ftn10

[12] [11]: #_ftn11

[13] [12]: #_ftn12

[14] [13]: #_ftn13

[15] [1]: #_ftnref1

[16] [2]: #_ftnref2

[17] Joint Chiefs of Staff directive No. 1067: https://en.wikisource.org/wiki/JCS_1067

[18] [3]: #_ftnref3

[19] [4]: #_ftnref4

[20] [5]: #_ftnref5

[21] [6]: #_ftnref6

[22] [7]: #_ftnref7

[23] The Hamilton Project: http://www.hamiltonproject.org/charts/u.s._imports_and_exports_1947_2016

[24] [8]: #_ftnref8

[25] [9]: #_ftnref9

[26] New Evidence on the Soviet Rejection of the Marshall Plan, 1947: https://www.wilsoncenter.org/sites/default/files/ACFB73.pdf

[27] [10]: #_ftnref10

[28] speech: https://astro.temple.edu/~rimmerma/vyshinsky_speech_to_un.htm

[29] [11]: #_ftnref11

[30] [12]: #_ftnref12

[31] [13]: #_ftnref13

mercredi, 19 juin 2019

Anthony Burgess and Modernism

anthonyburgess1-696x462.jpg

Anthony Burgess and Modernism

Anthony Burgess came of age as modernism was at its peak, and the movement influenced much of his writing. As a reaction against the realism of the late nineteenth century, modernist works of literature aimed to disrupt many of the established tenets of novel-writing and poetry. In novels, the omniscient narrators, the linear structures and the focus on external description of environments and characters were replaced with subjectivity, fractured plotlines and a focus on the internal thoughts of characters (the latter inspired by the rise in psychoanalysis of the early twentieth century). Modernist poets rejected the devices of the Romantic period, preferring to experiment with form, allusion and the patchwork technique of using many fragmented languages and registers. The whole modernist project could be summed up with Ezra Pound’s phrase ‘make it new’.

Burgess’s first introduction to a modernist text was his reading of James Joyce’s A Portrait of the Artist as a Young Man at the age of fourteen. He describes the most modernist section of the novel, the hellfire sermon, as fear-inducing, so important in his mind that it drove him back to the church for another try at Catholicism. It was in the early 1930s, still a student at school when he first encountered Joyce’s Ulysses, a moment he describes in conflicting terms. While Ulysses was a constant presence throughout his career, and his first novels attempted to superimpose a contemporary story onto a mythological framework (see A Vision of Battlements’ treatment of the Aeneid and The Worm and the Ring’s retelling of the Niebelungenlied, for example), he writes that the post-Ulysses novelist ‘is forced to pretend Ulysses does not exist’, and that Joyce’s achievements made him cautious about writing his own fiction.

Yet what Burgess takes from Joyce is the elevating of language above almost everything else. He writes, ‘If Joyce taught nothing else he certainly taught a rigorous attention to language – an aspect of the traditional British novel which is generally despised’. Throughout all of his fiction, Burgess experiments with language, sometimes in overt ways as in A Clockwork Orange and Nothing Like the Sun, and sometimes in more subtle ways in novels such as the Enderby books and One Hand Clapping.

Despite his early connection to Joyce, it was T.S. Eliot who galvanised Burgess’s artistic interest in modernism. He first read Eliot when he borrowed The Waste Land from the public library in Manchester when he was fifteen. For the young Burgess, this was a gateway to Dante and Baudelaire, and he strove to memorise the poem in its entirety. Some years later, on a trip to London in 1936, he bought Eliot’s Collected Poems: 1909-1935 at a bookshop on Charing Cross Road. He began reading the poems on the train back to Manchester, and was so taken with Eliot’s work, he began a musical setting of the songs in Sweeney Agonistes. The impact of Eliot’s work on Burgess is hard to gauge, though Burgess goes some way to explain the influence: ‘the tastes of most of us have been Eliotian for the past forty-five years. He was a maker in a double sense: he made not only his poetry but also the minds that read it […] To reject Eliot was to welcome anarchy.’

Burgess’s analysis of Eliot’s influence recalls his writing about Ezra Pound. He describes Pound’s Cantos and his Homage to Sextus Propertius as ‘immensely important, supreme examples of the development of an idiolect, a personal language, which became the language of a whole generation.’

It was with the voices of Joyce, Pound and Eliot in his head that Burgess began writing fiction and his experiments with form, narrative and language owe these writers a large debt. Burgess’s most clear experiment in modernist expression came in 1974 when he published Napoleon Symphony. As with Joyce’s work (and indeed his own early work), the novel rests on a mythic framework. Burgess maps the biography of Napoleon onto the myth of Prometheus, but in another layer of complexity, he also frames the narrative around Beethoven’s Eroica symphony (itself based on the Prometheus myth). The story is told in the high modernist style, linguistically complex and fragmented.

Throughout Burgess’s career as a writer his experiments in fiction have been heavily influenced by modernism, yet he also experimented with postmodern form, in particular in the playful MF, based on the post-structuralist theories of Claude Levi-Strauss. This makes it hard to categorise Burgess, though perhaps the best depiction of the push and pull the various literary movements of the twentieth century had on his work is in Earthly Powers. As his protagonist Kenneth Toomey arrives at his eighty-first birthday he has experienced the blossoming of the modernist movement and the explosion of postmodern culture. He is the ultimate twentieth century writer, and perhaps Burgess is thinking of his own creative maturation through the different movements of the century.

Graham Foster

Visit our exhibition ‘Anthony Burgess and Modernism’ exploring all of these themes in more depth at the Burgess Foundation, 17 June to 30 September 2019. Free and open weekdays 10am to 3pm, and in the evenings for events. Anthony Burgess’s books Here Comes Everybody: An Introduction to James Joyce for the Ordinary Reader and Flame Into Being: the Life of D.H. Lawrence are republished this month by Galileo. Click here for more.

 

Burke et le destin de la France depuis la Révolution

Edmund_Burke_by_James_Northcote.JPG

Burke et le destin de la France depuis la Révolution

par Nicolas Bonnal
Ex: https://echelledejacob.blogspot.com
 
Un historien anglais disait que la France depuis sa révolution était devenue la terre du fiasco récurrent. Lisons encore Burke alors. Sur le mode de gestion de nos élites modernes, voici ce que le vieux maître écrivait il y a presque deux siècles et demi :

« …les chefs des clubs et des cafés législatifs sont enivrés d'admiration pour leur sagesse et leur habileté. Ils parlent avec le plus souverain mépris du reste du monde. Ils disent au peuple, pour lui donner du courage sous les vêtements déguenillés auxquels ils l'ont réduit, qu'il est un peuple philosophe; et de temps en temps, ils emploient les parades du charlatanisme, l'éclat, le bruit et le tumulte, quelquefois l'alarme des complots et des invasions, pour étouffer les cris de l'indigence, et pour écarter les yeux de l'observateur de dessus la ruine et la misère de l'Etat. »

Rien de nouveau sous le sommeil…

Ceux qui ne se sentent plus très bien dans notre Paris incendié, hors de prix, envahi, dépenaillé et recouvert de rats, de touristes arnaqués, de taxes et de lois liberticides, apprécieront cette envolée du maître :

« La population de Paris est tellement diminuée, que M. Necker a exposé sous les yeux de l'Assemblée, qu'il fallait déjà compter sur un cinquième de moins pour son approvisionnement. On dit, et je ne l'ai jamais entendu contredire, que cent mille personnes sont dépouillées de tout emploi dans cette ville, quoiqu'elle soit devenue le séjour d'une cour prisonnière et de l'Assemblée Nationale. Rien ne peut être comparé au spectacle dégoûtant de la mendicité qui y règne, et je puis croire à mes informations. Assurément les décrets de l'Assemblée ne laissent pas de doute sur ce fait. Elle a dernièrement établi un comité de mendicité; elle a établi une police rigoureuse sur cet objet, et elle a imposé pour la première fois une taxe des pauvres, dont les secours actuels fournissent une somme considérable dans les comptes de cette année. »

Burke connait bien notre histoire. Elle était souvent agitée mais ce n’était pas si grave. La France c’était encore du solide :

« C'est une chose étonnante de voir avec quelle promptitude la France, aussitôt qu'elle a eu un moment pour respirer, s'est relevée des guerres civiles les plus cruelles et les plus longues qui aient été jamais connues dans aucune nation.

Pourquoi ? Parce que, dans tous leurs massacres, ils n'avaient pas assassiné le caractère (mind) de leur pays. Une dignité, sûre d'elle-même, une noble fierté, un généreux sentiment de gloire et d'émulation, n'étaient point éteints : au contraire, ils furent excités, enflammés. Les organes de l'Etat, quoiqu'endommagés, subsistaient encore : l'on avait conservé toutes les récompenses et toutes les distinctions qui encouragent l'honneur et la vertu. »


burke.jpgMais en 89 Burke sent que cette fois la France ne se relèvera pas. Il en donne les raisons, avant Chateaubriand, Tocqueville, Balzac ou Bernanos :

« Mais votre confusion actuelle, comme une paralysie, a attaqué la source de la vie elle-même. Tous ceux qui, parmi vous, étaient faits pour n'être guidés que par le principe de l'honneur, sont disgraciés et dégradés, et n'ont d'autres sentiments de la vie que le tourment des mortifications et des humiliations. Mais cette génération sera bientôt éteinte : celle de la noblesse, qui la doit suivre, ressemblera aux artisans, aux paysans, aux agioteurs, aux usuriers et aux brocanteurs, qui seront à jamais leurs égaux, et quelquefois leurs maîtres. Croyez-moi, Monsieur, ceux qui prétendent niveler, n'égalisent jamais. »

Depuis notre système oligarque-niveleur met la charrue avant les bœufs. Burke écrit plus joliment :

« Dans toutes les sociétés qui, nécessairement, sont composées de différentes classes de citoyens, il faut qu'il y en ait une qui domine : c'est pourquoi les niveleurs ne font que changer et intervertir l'ordre naturel des choses; ils surchargent l'édifice de la société, en plaçant en l'air ce que la solidité de la construction demandait de placer à la base. »

Mais les artistes et sophistes aux commandes se rattrapent déjà avec du storytelling en diabolisant le passé :

« A entendre quelques personnes parler de la feue monarchie française, on aurait dit qu'elles parlaient de la Perse encore toute fumante du sang répandu par l'épée féroce de Thamas Kouli Kan; ou, au moins, qu'elles faisaient la description du despotisme anarchique et barbare de la Turquie, où les plus belles contrées , sous le climat le plus enchanteur du monde, ont plus à souffrir des langueurs de la paix, que d'autres provinces, ravagées par la guerre, n'ont à gémir de ses désastres; de ce pays où les arts sont inconnus, où les manufactures sont languissantes… »

Le futur de la France ce sont… les perruquiers alors. Burke :

« L'occupation d'un perruquier ou d'un chandelier, pour ne pas parler de beaucoup d'autres emplois, ne peut être pour personne une source d'honneur. L'Etat ne doit exercer aucune oppression sur les hommes de cette classe ; mais l'Etat en aurait une très grande à souffrir, si tels qu'ils sont collectivement, ou individuellement, on leur permettait de le gouverner. Vous croyez qu'en vous conduisant ainsi vous avez vaincu un préjugé, vous vous trompez : vous avez déclaré la guerre à la nature. »

Malheureusement l’astucieux Montesquieu précédait Burke. Il écrivait déjà dans une de ses plus perçantes lettres persanes, la C :

« Quand je te dis qu’ils méprisent tout ce qui est étranger, je ne parle que des bagatelles ; car, sur les choses importantes, ils semblent s’être méfiés d’eux-mêmes jusqu’à se dégrader. Ils avouent de bon cœur que les autres peuples sont plus sages, pourvu qu’on convienne qu’ils sont mieux vêtus ; ils veulent bien s’assujettir aux lois d’une nation rivale, pourvu que les perruquiers français décident en législateurs sur la forme des perruques étrangères. Rien ne leur paraît si beau que de voir le goût de leurs cuisiniers régner du septentrion au midi, et les ordonnances de leurs coiffeuses portées dans toutes les toilettes de l’Europe. »

Oui, le Français de la Régence pense déjà bien aux fringues, à la tambouille, à la perruque-moumoute, au parfum, et pas assez à la politique. Aujourd’hui pensez à LVMH (le cours a triplé en trois ans et ce n’est pas un hasard – les services secrets et autres s’en sont mêlés, lisez Branco justement obsédé par la place prise par « l’ange exterminateur » dans cette république-poubelle) et l’Oréal, qui sont parmi les plus grosses capitalisations boursières d’Europe. L’île de la Cité passe sous leur coupe depuis le châtiment d’une certaine ex-cathédrale…

Les Carnets de Nicolas Bonnal
 

Ganaches en culottes courtes

manifestent-participent-a-la-marche-pour-le-climat-a-paris-le-15-mars-2019.jpg

Ganaches en culottes courtes

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Les bons résultats électoraux des Verts en Allemagne et en France aux récentes européennes ravissent la presse mensongère officielle. Le 26 mai dernier, le bloc environnementaliste, c’est-à-dire les Verts de Yannick Jadot, Urgence écologie de Dominique Bourg, le surprenant Parti animaliste qui talonne désormais le PCF, l’Alliance jaune de Francis Lalanne, la liste espérantiste et celle des décroissants, a réuni 4 106 388 voix, soit 18,12 % des suffrages exprimés.

Les échéances en 9 paraissent favorables au vote environnemental (1989 : percée des Verts d’Antoine Waechter; 1999 : élection de neuf Verts et de six chasseurs – pêcheurs; 2009 : succès des listes Cohn-Bendit). Cette année, les Verts ont bénéficié d’un effet Greta Thunberg, cette autiste suédoise de 16 ans qui fait la grève scolaire afin de sauver le climat. On l’imite non seulement en Suède, mais aussi en Finlande, au Danemark, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Belgique, en Espagne et en Australie. En France, chaque vendredi, des lycéens abandonnent de pesants cours et s’indignent du réchauffement climatique en attendant de s’élever contre la grippe, la nuit et la pluie. Les jeunes générations seraient-elles plus soucieuses de l’avenir de la planète que leurs aînées ? Difficile de l’affirmer quand on observe que le vote Vert, Corse mise à part, représente d’abord et avant tout un choix protestataire urbain, convenu et bo-bo.

Il y a vingt ans, les lycéens grévistes d’un jour auraient vociféré contre l’extrême droite. Aujourd’hui, des pourcentages élevés rendent de telles mobilisations relativement superflues. Ces manifestations hebdomadaires enfreignent l’obligation de scolarité sans susciter la réaction des professeurs et des instances de l’Éducation nationale. Comment auraient-ils réagi si les lycéens avaient manifesté contre l’immigration ou pour la peine de mort ? Par ailleurs, derrière le psittacisme climatiquement correct, les jeunes manifestants à la cervelle erratique agissent en vieillards précoces. Faute peut-être d’une culture classique suffisante maîtrisée ou même acquise, ils ne comprennent pas la réalité du monde et persistent à ne pas considérer que les questions écologique, sociale et identitaire constituent les facettes d’un même problème, celui de la mondialisation.

Il est intéressant de relever que la plupart des grévistes proviennent des lycées d’enseignement général. Les filières professionnelles et technologiques se sentent moins concernées par ces actions dignes des charges de Don Quichotte contre les moulins à vent. Ces monômes lycéens qui remplacent le bizutage d’antan n’effacent en rien leur ambiguïté, voire leurs contradictions.

Les benêts ès – lycée sont-ils prêts en effet à changer leur mode de vie et à entrer dans une décroissance matérielle effective ainsi que dans une véritable décolonisation de leur imaginaire ? Vont-ils renoncer aux smartphones et aux tablettes dont les composantes en terres rares polluent les lieux d’extraction, à quitter progressivement les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Snapchat), à arrêter de fumer cigarettes et pétards, à cesser de s’alcooliser en fin de semaine, à s’affranchir des codes totalitaires de la mode vestimentaire lancée par des vedettes de variétés surévaluées ? Dès leur 18 ans, ces jeunes et naïfs adultes s’engageront-ils à privilégier les transports en commun plutôt qu’une voiture particulière offerte par Maman, Papa, Mamie, Papy, Tatie, Tonton, le chien et le chat ? Seraient-ils prêts à fermer les frontières, y compris communales, et à contenir l’explosion démographique africaine par des mesures anti-natalistes autoritaires ?

Les « Vendredis pour le climat » ne sont que de l’esbroufe typique de notre époque hyper-moderne puisque ceux qui y participent font le contraire les six autres jours. Les lycéens de l’Hexagone devraient regarder au-delà des Alpes. En Italie, des milliers de jeunes diplômés réduits au chômage ont choisi de retourner à la terre et de se lancer qui dans l’agriculture biologique, qui dans l’élevage traditionnel ou dans l’artisanat rural. S’ils étaient conséquents avec eux-mêmes, Greta Thunberg la première, les lycéens français devraient se réorienter, récuser toute ambition d’intégrer une école de commerce prestigieuse et entreprendre une carrière paysanne, sinon leurs manifs renforceront l’« escrologie » politique ambiante.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 129.

Le SCAF servira de révélateur à une volonté européenne de s'affranchir de la domination américaine

scaf.jpg

Le SCAF servira de révélateur à une volonté européenne de s'affranchir de la domination américaine

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Nous avions indiqué, dans un article daté du 17 juin, intitulé « L'avion de combat européen de nouvelle génération » que la France et l'Allemagne avaient convenu de développer ensemble un projet dit SCAF ou « Système de combat aérien du futur », auquel devraient participer d'autres Etats européens. Il sera destiné à remplacer le Rafale français et l'Eurofighter européen d'ici 2040.

Il s'agit d'une excellente nouvelle. Non seulement cet avion permettra de ne plus faire appel aux appareils américains déjà obsolètes équipant les forces aériennes européennes, à l'exception de celle de la France équipée depuis plusieurs années du Rafale. Mais le projet aura l'avantage d'obliger les industriels européens à se doter des systèmes d'armes faisant largement appel aux technologies numériques terrestres et spatiales indispensables pour la mise en œuvre du SCAF. Celles-ci auront de larges retombées dans le domaine civil, encore dominé par les entreprises américaines.

On objecte déjà que bien avant 2040 les nouvelles armes russes notamment dans le domaine de l'hypersonique et de l'anti-missile rendront inutilisable un avion de combat même modernisé. Mais c'est inexact. La France, avec le Rafale, montre qu'elle a constamment besoin d'un avion de combat lui appartenant en propre capable de donner de la crédibilité à sa politique extérieure. Il en sera de même dans quelques années. Ceci ne devrait pas d'ailleurs l'empêcher de développer pour son compte des armes hypersoniques dont son important potentiel scientifico-industriel la rend déjà capable et dont le coût devrait être moindre.

Reste à savoir si les Européens donneront suite à ce projet, devant l'hostilité qu'il rencontre déjà au sein du complexe militaro-industriel américain. Celui-ci fera tout son possible, notamment dans l'immédiat par l'intermédiaire du président Donald Trump, pour obliger la France et l'Allemagne à renoncer à ce projet. D'ores et déjà, les Etats-Unis comptent faire pression sur ces deux pays au sein de l'Otan dont elles acceptent encore d'être membres. Rappelons que l'Otan n'a aucun sens sauf à préparer une guerre contre la Russie, que ni la France ni l'Allemagne à ce jour ne voudraient à aucun prix car elles en seraient les premières victimes.

La question de l'hostilité américaine s'était déjà posés à propos des timides efforts de certains pays européens, dont la France, de se doter d'une « défense européenne » indépendante de la prétendue « défense de l'Europe » que le Pentagone s'est toujours dit prêt à assurer à travers l'Otan et les forces armées américaines qui en constitueraient le volet militaire. Ce concept de défense européenne suppose évidemment une armée européenne là encore indépendante autant que possible de l'US Army, armée européenne à terme terrestre, aérienne, navale et satellitaire. Or l'idée d'une armée européenne support de la défense européenne, suggérée par la France, suscite une telle opposition de la part des Etats-Unis que les autres pays membres de l'Otan, y compris l 'Allemagne, hésitent encore à en prendre la décision.

Derrière le programme SCAF se posera nécessairement la question de savoir si la France et l'Allemagne resteront indéfiniment des outils au service de la politique américaine visant à détruire la Russie. Celle-ci est considéré par Washington comme une concurrente insupportable pour la domination du monde, domination dont jusqu'à présent l'Empire américain avait le monopole. Or l'Europe n'a aucune prétention à la domination du monde, notamment en servant de bras armé aux Etats-Unis. 

Son intérêt géopolitique et économique, tant aujourd'hui que pour l'avenir, est de coopérer avec la Russie et la Chine dans l'élaboration de ce que l'on nomme désormais un monde multilatéral, où l'Europe pourrait avoir toute sa part compte tenu de ses capacités propres. Les compétences technologiques nécessaires pour la mise au point du SCAF sont pour le moment pour la plupart contrôlées par Washington. Ce dernier pourrait à tout instant décider à titre de « sanctions » d'en interdire l'exportation vers l'Europe. Celle-ci pourrait alors faire appel, sur un pied de réciprocité, aux technologies russes.

Il en sera de même, à plus grande échelle, dans la participation de l'Europe à la construction d'un futur domaine spatial extraterrestre, par exemple dans un premier temps l'installation de bases permanentes sur la Lune. Il serait inacceptable que les Etats-Unis, disposant d'une large avance sur le reste du monde dans le domaine spatial, notamment grâce à leurs investissements militaires, puisse dominer indéfiniment l'espace et ses opportunités.