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jeudi, 02 janvier 2014

Démondialisation, identités et localisme

Démondialisation, identités et localisme

par Georges FELTIN-TRACOL

 

Contrairement à ce qu’affirment la vulgate officielle et quelques-uns de ses perroquets marginaux affublés du titre complaisant de « dissidents », la mondialisation est réversible et peut être mise en échec. À la condition toutefois de préparer dans les faits, le quotidien et les esprit une véritable alternative culturelle et comportementale.

 

Depuis 2011, IDées est la maison d’éditions du Bloc Identitaire. Après avoir publié cinq ouvrages, voici le sixième : un recueil qui entend bâtir un autre monde… riche en diversité authentique.

 

Anti-mondialiste pro-local se veut un livre de combat à la fois pédagogique et réaliste. Les auteurs partent d’un constat simple : la fin des années 1990 et le début des années 2000 ont vu le triomphe médiatique de la contestation à l’égard de la mondialisation libérale et de son bras armé idéologique, le mondialisme. Mais cette vive opposition, incarnée en France par le syndicaliste paysan José Bové, n’a pas encouragé l’enracinement et les identités bio-culturelles. Bien au contraire ! D’abord  « anti-mondialistes », ses militants, sortis de la gauche radicale, de l’extrême gauche et de l’écologie sociétale, se dénommèrent vite assez rapidement d’« altermondialistes », c’est-à-dire favorables à « un autre mondialisme donc, souligne Arnaud Naudin, se voulant une sorte d’internationalisme bon enfant où toute forme d’affirmation identitaire au sein du combat contre la globalisation serait non seulement mal vue mais surtout combattue. Un internationalisme qui semble proclamer que seuls les peuples du Sud bénéficient de ce fameux droit à disposer d’eux-mêmes (selon la fameuse formule identitaire) (p. 9) ». Dès lors, « ce livre est politique parce qu’il place les partisans de l’altermondialisme face à leurs contradictions en arrimant la relocalisation des activités à la relocalisation des êtres. Pour le dire autrement, en affirmant clairement le lien entre localisme et identité (p. 11) ». D’ailleurs, dans un extrait du programme pré-présidentiel d’Arnaud Gouillon en 2012, on lit que les « altermondialistes […] ne se veulent, comme leur nom l’indique, que des mondialistes alternatifs aux libéraux (p. 15) ». Qu’ils soient ou non militants au Bloc Identitaire, les identitaires dans toutes leurs sensibilités ont compris l’importance de répliquer à la mondialisation par le thème novateur de la démondialisation. On retrouve aussi dans ce volume une recension du bref essai éponyme d’Arnaud Montebourg rédigé au moment des primaires socialistes.

 

Avant même d’être économique, la démondialisation est d’abord politique et culturelle. Est-ce ensuite étonnant que Arnaud Naudin considère que « le politique doit primer sur l’économie (p. 10) » ? Animateur parisien du Projet Apache, Alban Ferrari s’attaque, lui, au multiculturalisme, ce terme mensonger qui désigne en réalité l’indistinction marchande des peuples et des êtres. Il promeut en revanche un véritable polyculturalisme enraciné et rappelle à ce sujet que « la polyphonie des cultures n’est pas antagoniste avec le besoin d’unité, dans le cadre d’une civilisation commune. Dans notre cas, la civilisation européenne (p. 46) ». Ce Francilien défend fort logiquement le maintien et la diffusion des langues vernaculaires européennes qu’il ne faut pas confondre, comme le font les « régionalistes progressistes », avec les langues accompagnant l’immigration allogène de peuplement. « Pratiquer et transmettre une langue régionale à ses enfants est une forme de résistance face à l’uniformisation, écrit Alban Ferrari. […] Relocaliser la culture langagière chez nous c’est défendre à la fois la langue française et les langues françaises (p. 46). »

 

Principale figure du Bloc Identitaire, Philippe Vardon-Raybaud se place volontiers sous l’identité et la liberté afin de contrer l’uniformité et l’égalité. En s’affirmant « Nissart, Français et Européen (p. 27) », il souligne une évidence pour l’instant bien oubliée ces temps-ci : « L’Europe est une réalité géographique, historique, culturelle, spirituelle et… ethnique (p. 28). » Aussi constate-t-il que « si l’identité est un héritage, elle doit aussi être une volonté (p. 29) ». Alban Ferrari traduit ce volontarisme par la nécessité d’innover en puisant dans la riche trame mémorielle, patrimoniale et culturelle ancestrale. « Créativité et audace au service de son identité (p. 49). »

 

Citoyen helvétique, Jean-David Cattin explique le fédéralisme et la démocratie semi-directe en vigueur chez lui. Il en retrace l’histoire, mentionne la courte guerre civile du Sonderbund en 1847 et ne cache pas que les imperfections du système politique suisse subverti par des organismes internationaux comme l’Union soi-disant européenne ou d’États criminels tels les États-Unis d’Amérique, toujours désireux de soumettre les peuples rétifs. Pour lui, « le peuple suisse ne vit donc pas dans un paradis démocratique et n’est pas aussi libre et souverain qu’il pourrait l’être, mais il est évident qu’en comparaison européenne la Suisse est une anomalie qui pourrait peut-être servir de modèle ou en tout cas d’inspiration pour l’Europe de demain (p. 86) ».

 

Mais la partie intellectuelle la plus féconde concerne le localisme, la décroissance et la relocalisation. Cette dernière « est l’application d’autres règles que celles du libre échange international […]. Face à l’uniformité des objets mondiaux jetables et uniformes, elle secrète de l’authenticité, de l’art, de la culture (p. 19) ». Écologique (et véritablement écologiste), la relocalisation s’oppose « au mondialisme, sans tomber dans les travers du nationalisme et de l’étatisme autoritaire, lointain et technocratique (p. 20) ». Sa démarche s’inscrit dans le localisme, cette « pratique saine puisqu’elle consiste, entre autres bienfaits, à redynamiser l’économie d’un territoire (p. 40) ». « Se situant à la jonction de l’écologie et de l’économie, le localisme est à même de façonner un monde apaisé dans ses relations économiques, un monde plus juste (p. 15). » Ainsi découle-t-il la singulière et originale proposition d’« extraire du carcan étatique les solidarités collectives (santé, retraites, etc.) pour les rendre locales et transparentes (p. 21) ».

 

Quant à Julien Langella, il estime que le localisme rejette de manière la « centralisation [qui] est un vampirisme : il saigne le pays et aspire toutes ses forces vives, pillant les provinces comme les pays développés (p. 63) ». Il tient surtout à développer une conception révolutionnaire de la décroissance. Remarquant que « les décroissants actuels, coincés entre leur filiation gauchiste – libertaire et leur apologie du local, ne sont pas très à l’aise avec ces notions d’enracinement et de terroir. Normal : c’est nouveau pour eux. La relocalisation a un “ rôle stratégique ” au sein du projet décroissant : penser global, agir local (p. 59) », il invite les identitaires à combattre la construction de nouvelles lignes à grande vitesse, la diminution inquiétante des surfaces arables (essentielles pour l’indépendance alimentaire) au profit d’espaces bétonnés, le productivisme agricole, l’usage des O.G.M., la privatisation du vivant par les multinationales prédatrices… Il est évident que, pour Julien Langella, « la décroissance est notre avenir obligé : mieux vaut anticiper et choisir de l’accompagner, pour avoir son mot à dire dans l’élaboration de la société qui s’ébauchera par la suite plutôt que subir les affres des restrictions, du rationnement et du chaos social qui en résultera (pp. 57 – 58) ».

 

Comme le relève Arnaud Naudin, « il n’est pas possible de dissocier décroissance, souveraineté alimentaire, ou relocalisation des activités industrielles de la question identitaire. En effet, promouvoir ces trois principes revient à défendre la diversité, mais surtout le terroir, l’enracinement, et donc à un moment ou un autre le substrat ethnoculturel propre à chaque civilisation (p. 10) ». Une planète enfin relocalisée est plus que souhaitable; elle est indispensable. L’anti-mondialisme conséquent, fondamentalement identitaire – car populaire -, a par conséquent un bel avenir devant lui !

 

Georges Feltin-Tracol

 

• Jean-David Cattin, Alban Ferrari, Julien Langella, Arnaud Naudin, Philippe Vardon-Raybaud, Anti-mondialiste pro-local, IDées, Nice, 2013, 89 p., 10 €.

 


 

Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

 

URL to article: http://www.europemaxima.com/?p=3550

dimanche, 22 décembre 2013

The Rites of Manhood: Man’s Need for Ritual

The Rites of Manhood: Man’s Need for Ritual

by Brett & Kate McKay

Ex: http://www.artofmanliness.com

in A Man's Life, On Manhood

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Does modern life ever feel excruciatingly flat to you? A bleak landscape devoid of layers, rhythm, interest, texture?

Are you ever haunted by the question “Is this all there is?”

Have you ever looked at an old photo and felt that the scene held such an inexplicable richness that it seemed you could practically step right into it?

The barren flatness of modern life is rooted in many things, including mindless consumerism, the absence of significant challenges, and the lack of shared values and norms, or even shared taboos to rebel against. But what is the solution?

Many would be quick to say faith, or philosophy, or relationships. All good answers.

But what is it that vivifies beliefs to the extent they can transform your perspective not simply for an hour on Sunday, but also in the mundane moments throughout your week? What can move an understanding of abstract truths from your mind into your very sinews? What can transform superficial ties with others into deep and meaningful bonds?

The answer I would suggest is ritual.

Our modern world is nearly devoid of rituals – at least in the way we traditionally think of them. Those that remain – such as ones that revolve around the holidays – have largely lost their transformative power and are often endured more than enjoyed, participated in as an obligatory going through of the motions. Ritual has today become associated with that which is rote, empty, meaningless.

Yet every culture, in every part of the world, in every era has engaged in rituals, suggesting they are a fundamental part of the human condition. Rituals have even been called our most basic form of technology – they are a mechanism that can change things, solve problems, perform certain functions, and accomplish tangible results. Necessity is the mother of invention, and rituals were born out of the clear-eyed perspective that life is inherently difficult and that unadulterated reality can paradoxically feel incredibly unreal. Rituals have for eons been the tools humans have used to release and express emotion, build their personal identity and the identity of their tribe, bring order to chaos, orient themselves in time and space, effect real transformations, and bring layers of meaning and texture to their lives. When rituals are stripped from our existence, and this fundamental human longing goes unsatisfied, restlessness, apathy, alienation, boredom, rootlessness, and anomie are the result.

The Rites of Manhood

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In the coming year we plan to do in-depth posts on some of the rituals that have been most central to the meaning and making of manhood, such as rites of passage, initiations, and oaths. This week we will be laying the foundation for these posts in two articles; the first will set up a definition of ritual, and the second will explore the many ways rituals are so vital for a full and meaningful life.

Today we’ll provide a little context as to the nature of ritual and why it has largely disappeared from modern societies.

What Is Ritual?

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According to Catherine Bell, professor of ritual studies and author of the preeminent textbook on the subject, ritual has been traditionally defined as an action that lacks a “practical relationship between the means one chooses to achieve certain ends.” For example, shaking hands when you meet someone can be considered a ritual as there is no real reason why grabbing another’s hand and shaking for a second or two should lead to acquaintanceship. It is a culturally-relative gesture; we might very well greet each other with a pat on the shoulder or even no physical contact at all. As another example, washing your hands to clean them is not a ritual since there exists a clear practical relationship between your action and the desired result. But if a priest splashes water on his hands to “purify” them, that’s a ritual, since the water is largely symbolic and not really meant to rid the hands of bacteria.

Bell lists six attributes of rituals:

  • Formalism: This is a quality rooted in contrast and how restrictive or expressive the accepted code of behavior is for a given event/situation. For example a backyard picnic is very casual and will not feel like a ritual because there are few guidelines for how one may express oneself. A very formal dinner, on the other hand, has a more limited range of accepted behaviors and thus can feel quite ritual-like. Bell argues that while we sometimes see formality as stuffy, since it curbs more spontaneous expression, formalized activities are not “necessarily empty or trivial” and “can be aesthetically as well as politically compelling, invoking what one analyst describes as ‘a metaphoric range of considerable power, a simplicity and directness, a vitality and rhythm.’ The restriction of gestures and phrases to a small number that are practiced, perfected, and soon quite evocatively familiar can endow these formalized activities with great beauty and grace.”
  • Traditionalism. Rituals are often framed as activities that carry on values and behaviors that have been in place since an institution’s creation. This link to the past gives the ritual power and authority and provides the participant with a sense of continuity. The ritual may simply harken to those who came before, as when university graduates don the gowns that were once typical everyday classroom wear for scholars, or it may actually seek to recreate a founding event – as in the American celebration of Thanksgiving.
  • Disciplined invariance. Often seen as one of the most defining features of ritual, this attribute involves “a disciplined set of actions marked by precise repetition and physical control.” Think of soldiers marching in drill step or the sit/stand/kneel pattern followed by Catholics during the course of a Mass. Disciplined invariance suppresses “the significance of the personal and particular moment in favor of the timeless authority of the group, its doctrines, or its practices,” and “subordinates the individual and the contingent to a sense of the encompassing and the enduring.”
  • Rule-governance. Rituals are often governed by a set of rules. Both war and athletics are examples of activities that can be quite ritual-like when their rules regulate what is and is not acceptable. Rules can both check and channel certain tensions; for example, the game of football channels masculine aggression into a form of ritualized and controlled violence. On occasion the rules fail to sufficiently check the tension that is always bubbling right at the surface, as when a chaotic brawl breaks out amongst players. That the game reflects a similar submerged tension within society at large is part of why the audience finds the ritual so compelling.
  • Sacral symbolism. Ritual is able to take ordinary or “profane” objects, places, parts of the body, or images, and transform them into something special or sacred. “Their sacrality,” Bell writes, “is the way in which the object is more than the mere sum of its parts and points to something beyond itself, thereby evoking and expressing values and attitudes associated with larger, more abstract, and relatively transcendent ideas.” Thus something like incense can be a mere mixture of plants and oils designed to perfume a room, or, when swung from a censer, can represent the prayer of the faithful ascending into heaven.
  • Performance. Performance is a particular kind of action – one that is done for an audience. A ritual always has an intended audience, even if that audience is God or oneself. Tom F. Driver, a professor of theology, argues that “performance…means both doing and showing.” It is not a matter of “show-and-tell, but do-and-show.” Human are inherently actors, who wish to see themselves as characters in a larger narrative, and desire the kind of drama inherent in every timeless tale. Rituals function as narrative dramas and can satisfy and release this need. In the absence of ritual, people resort to doing their “showing” on social media and creating their own drama – often through toxic relationships or substances.

The more of these attributes a behavior/event/situation invokes, the more different from everyday life and ritual-like it will seem. The fewer of these attributes present, the more casual and ordinary it will feel.

For a more simple definition of ritual, here’s one that works: thought + action. A ritual consists of doing something in your mind (and often feeling something in your heart), while simultaneously connecting it to doing something with your body.

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Rituals fall into a wide variety of categories. Theorist Ronald Grimes lists 16 of them:

  • Rites of passage
  • Marriage rites
  • Funerary rites
  • Festivals
  • Pilgrimage
  • Purification
  • Civil ceremonies
  • Rituals of exchange (as in worshipers making sacrifices to the gods in hope of receiving blessings from the divine)
  • Worship
  • Magic
  • Healing rites
  • Interaction rites
  • Meditation rites
  • Rites of inversion (rituals of reversal, where violating cultural norms is temporarily allowed, as in men dressing like women)
  • Sacrifice
  • Ritual drama

The important thing to understand about rituals is that they are not limited to very big, very formal events. Rituals can in fact be large or small, private or public, personal or social, religious or secular, uniting or dividing, conformist or rebellious. Funerals, weddings, presidential inaugurations, church services, baptisms, fraternal initiations, and tribal rites of passage are all rituals. Handshakes, dates, greetings and goodbyes, tattoos, table manners, your morning jog, and even singing the Happy Birthday song can be rituals as well.

Whither Ritual?

In many traditional societies, almost every aspect of life was ritualized. So why is there such a dearth of rituals in modern culture?

The embrace of ritual in the Western World was first weakened by two things: the Protestant Reformation’s movement against icons and ceremonialism and the Enlightenment’s emphasis on rationalism.

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Historian Peter Burke, argues “the Reformation was, among other things, a great debate, unparalleled in scale and intensity, about the meaning of ritual, its functions and its proper forms.” Many Protestants concluded that the kind of rituals the Catholic Church practiced gave too much emphasis to empty, outward forms, rather than one’s internal state of grace. They rejected the “magical efficacy” of rites to be able to do things like change bread and wine into the literal body and blood of Christ.

The magical efficacy of ritual was attacked from the other side by Enlightenment thinkers. As discussed above, ritual is inherently nonrational since there is no practical relationship between the action and the end result. It is not rational to think that painting one’s body before battle will offer protection, that a rite of passage can turn a boy into a man, or that smoking a peace pipe can seal a treaty. Thus, ritual began to be associated with the superstitions of primitive peoples.

Suspicion of ritual again grew after World War II, in the wake of the way in which ritual ceremonies had been used to solidify loyalty to the Nazi cause.

Cultural embrace of ritual then really began to unravel during the social movements of the 1960s, which emphasized free expression, personal freedom, and individual emotional fulfillment above all. Rituals — which prescribe certain disciplined behaviors in certain situations, and require a person to forfeit some of their individuality in service to the synchrony and identity of the group — constrain spontaneity and the ability to do whatever one pleases. Ritual thus came to be seen as too constraining and not sufficiently “authentic.”

For these reasons, the use of and participation in rituals has been greatly curtailed. Or perhaps as historian Peter Burke argues, we’ve just replaced old rituals with new ones: “If most people in industrial societies no longer go to church regularly or practice elaborate rituals of initiation, this does not mean that ritual has declined. All that has happened is the new types of rituals—political, sporting, musical, medical, academic and so on—have taken the place of the traditional ones.” But the new rituals – watching sports, attending music festivals, checking Facebook, shopping, visiting a strip club on your 18th birthday — are light on nourishment and do not satisfy. Traditional rituals provided a mechanism by which humans could channel and process that which was difficult to grapple with – death, maturation, aggression – allowing the participant to discover new truths about themselves and the world. New rituals, if they can even really be called such, attempt to deny anything ugly in life (lest that lead you to close your wallet) and present a shiny, glossy façade — “confetti culture” – that facilitates passive consumption and turning away from examining given assumptions.

In our next post, we will argue that despite the cultural disdain for ritual, it is a human art form and practice which should be revived. It is true that ritual can be used for good or for ill, yet its benefit is so great that fear of the bad should not lead us to throw out the baby with the bathwater. Even if a man sees no place for ritual in his faith, he can have great use for it in other areas in his life (indeed, if his faith is completely unritualized, he has all the more need for other kinds of rituals). We will argue that even the most rational man might make room in his life for some “magic,” and that while ritual may seem constraining, it can paradoxically be incredibly empowering and even liberating. How that might be so, is where we will turn next time.

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Sources:

Ritual: Perspectives and Dimensions by Catherine Bell

Liberating Rites: Understanding the Transformative Power of Ritual by Tom F. Driver

mercredi, 18 décembre 2013

Milestones of Eurasism

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Milestones of Eurasism

By Alexander Dugin 

Ex: http://www.counter-currents.com

Eurasism is an ideological and social-political current born within the environment of the first wave of Russian emigration, united by the concept of Russian culture as a non-European phenomenon, presenting–among the varied world cultures–an original combination of western and eastern features; as a consequence, the Russian culture belongs to both East and West, and at the same time cannot be reduced either to the former or to the latter.

The founders of eurasism:

  • N. S. Trubetskoy (1890–1938)–philologist and linguist.
  • P. N. Savitsky (1895–1965)–geographer, economist.
  • G. V. Florovsky (1893–1979)–historian of culture, theologian and patriot.
  • G. V. Vernadsky (1877–1973)–historian and geopolitician.
  • N. N. Alekseev – jurist and politologist.
  • V. N. Ilin – historian of culture, literary scholar and theologian.

Eurasism’s main value consisted in ideas born out of the depth of the tradition of Russian history and statehood. Eurasism looked at the Russian culture not as to a simple component of the European civilization, as to an original civilization, summarizing the experience not only of the West as also–to the same extent–of the East. The Russian people, in this perspective, must not be placed neither among the European nor among the Asian peoples; it belongs to a fully original Eurasian ethnic community. Such originality of the Russian culture and statehood (showing at the same time European and Asian features) also defines the peculiar historical path of Russia, her national-state program, not coinciding with the Western-European tradition. 

Foundations

Civilization concept

The Roman-German civilization has worked out its own system of principles and values, and promoted it to the rank of universal system. This Roman-German system has been imposed on the other peoples and cultures by force and ruse. The Western spiritual and material colonization of the rest of mankind is a negative phenomenon. Each people and culture has its own intrinsic right to evolve according to its own logic. Russia is an original civilization. She is called not only to counter the West, fully safeguarding its own road, but also to stand at the vanguard of the other peoples and countries on Earth defending their own freedom as civilizations. 

Criticism of the Roman-German civilization

The Western civilization built its own system on the basis of the secularisation of Western Christianity (Catholicism and Protestantism), bringing to the fore such values like individualism, egoism, competition, technical progress, consumption, economic exploitation. The Roman-German civilization founds its right to globality not upon spiritual greatness, as upon rough material force. Even the spirituality and strength of the other peoples are evaluated only on the basis of its own image of the supremacy of rationalism and technical progress.

The space factor

There are no universal patterns of development. The plurality of landscapes on Earth produces a plurality of cultures, each one having its own cycles, internal criteria and logics. Geographical space has a huge (sometimes decisive) influence on peoples’ culture and national history. Every people, as long as it develops within some given geographical environment, elaborates its own national, ethical, juridical, linguistic, ritual, economic and political forms. The “place” where any people or state “development” happens predetermines to a great extent the path and sense of this “development”–up to the point when the two elements became one. It is impossible to separate history from spatial conditions, and the analysis of civilizations must proceed not only along the temporal axis (“before,” “after,” “development” or “non-development,” and so on) as also along the spatial axis (“east,” “west,” “steppe,” “mountains,” and so on). No single state or region has the right to pretend to be the standard for all the rest. Every people has its own pattern of development, its own “times,” its own “rationality,” and deserves to be understood and evaluated according to its own internal criteria.

The climate of Europe, the small extension of its spaces, the influence of its landscapes generated the peculiarity of the European civilization, where the influences of the wood (northern Europe) and of the coast (Mediterraneum) prevail. Different landscapes generated different kinds of civilizations: the boundless steppes generated the nomad empires (from the Scythians to the Turks), the loess lands the Chinese one, the mountain islands the Japanese one, the union of steppe and woods the Russian-Eurasian one. The mark of landscape lives in the whole history of each one of these civilizations, and cannot be either separated form them or suppressed.

State and nation

The first Russian slavophiles in the 19th century (Khomyakov, Aksakov, Kirevsky) insisted upon the uniqueness and originality of the Russian (Slav, Orthodox) civilization. This must be defended, preserved and strengthened against the West, on the one hand, and against liberal modernism (which also proceeds from the West), on the other. The slavophiles proclaimed the value of tradition, the greatness of the ancient times, the love for the Russian past, and warned against the inevitable dangers of progress and about the extraneousness of Russia to many aspects of the Western pattern.

From this school the eurasists inherited the positions of the latest slavophiles and further developed their theses in the sense of a positive evaluation of the Eastern influences.

The Muscovite Empire represents the highest development of the Russian statehood. The national idea achieves a new status; after Moscow’s refusal to recognize the Florentine Unia (arrest and proscription of the metropolitan Isidore) and the rapid decay, the Tsargrad Rus’ inherits the flag of the Orthodox empire. 

Political platform

Wealth and prosperity, a strong state and an efficient economy, a powerful army and the development of production must be the instruments for the achievement of high ideals. The sense of the state and of the nation can be conferred only through the existence of a “leading idea.” That political regime, which supposes the establishment of a “leading idea” as a supreme value, was called by the eurasists as “ideocracy”–from the Greek “idea” and “kratos,” power. Russia is always thought of as the Sacred Rus’, as a power [derzhava] fulfilling its own peculiar historical mission. The eurasist world-view must also be the national idea of the forthcoming Russia, its “leading idea.”

The eurasist choice

Russia-Eurasia, being the expression of a steppe and woods empire of continental dimensions, requires her own pattern of leadership. This means, first of all, the ethics of collective responsibility, disinterest, reciprocal help, ascetism, will and tenaciousness. Only such qualities can allow keeping under control the wide and scarcely populated lands of the steppe-woodland Eurasian zone. The ruling class of Eurasia was formed on the basis of collectivism, asceticism, warlike virtue and rigid hierarchy.

Western democracy was formed in the particular conditions of ancient Athens and through the centuries-old history of insular England. Such democracy mirrors the peculiar features of the “local European development.” Such democracy does not represent a universal standard. Imitating the rules of the European “liberal-democracy” is senseless, impossible and dangerous for Russia-Eurasia. The participation of the Russian people to the political rule must be defined by a different term: “demotia,” from the Greek “demos,” people. Such participation does not reject hierarchy and must not be formalized into party-parliamentary structures. “Demotia” supposes a system of land council, district governments or national governments (in the case of peoples of small dimensions). It is developed on the basis of social self-government, of the “peasant” world. An example of “demotia” is the elective nature of church hierarchies on behalf of the parishioners in the Muscovite Rus’. 

The work of L. N. Gumilev as a development of the eurasist thinking

Lev Nikolaevic Gumilev (1912–1992), son of the Russian poet N. Gumilev and of the poetess A. Akhmatova, was an ethnographer, historian and philosopher. He was profoundly influenced by the book of the Kalmuck eurasist E. Khara-Vadan “Gengis-Khan as an army leader” and by the works of Savitsky. In its own works Gumilev developed the fundamental eurasist theses. Towards the end of his life he used to call himself “the last of the eurasists.” 

Basic elements of Gumilev’s theory

  • The theory of passionarity [passionarnost’] as a development of the eurasist idealism;
  • The essence of which, in his own view, lays in the fact that every ethnos, as a natural formation, is subject to the influence of some “energetic drives,” born out of the cosmos and causing the “passionarity effect,” that is an extreme activity and intensity of life. In such conditions the ethnos undergoes a “genetic mutation,” which leads to the birth of the “passionaries”–individuals of a special temper and talent. And those become the creators of new ethnoi, cultures, and states;
  • Drawing the scientific attention upon the proto-history of the “nomad empires” of the East and the discovery of the colossal ethnic and cultural heritage of the autochthone ancient Asian peoples, which was wholly passed to the great culture of the ancient epoch, but afterwards fell into oblivion (Huns, Turks, Mongols, and so on);
  • The development of a turkophile attitude in the theory of “ethnic complementarity.”

0_9b9e1_f9f45d79_L.jpgAn ethnos is in general any set of individuals, any “collective”: people, population, nation, tribe, family clan, based on a common historical destiny. “Our Great-Russian ancestors–wrote Gumilev–in the 15th, 16th and 17th centuries easily and rather quickly mixed with the Volga, Don and Obi Tatars and with the Buriates, who assimilated the Russian culture. The same Great-Russian easily mixed with the Yakuts, absorbing their identity and gradually coming into friendly contact with Kazakhs and Kalmucks. Through marriage links they pacifically coexisted with the Mongols in Central Asia, as the Mongols themselves and the Turks between the 14th and 16th centuries were fused with the Russians in Central Russia.” Therefore the history of the Muscovite Rus’ cannot be understood without the framework of the ethnic contacts between Russians and Tatars and the history of the Eurasian continent.

The advent of neo-eurasism: historical and social context

The crisis of the Soviet paradigm

In the mid-1980s the Soviet society began to lose its connection and ability to adequately reflect upon the external environment and itself. The Soviet models of self-understanding were showing their cracks. The society had lost its sense of orientation. Everybody felt the need for change, yet this was but a confused feeling, as no-one could tell the way the change would come from. In that time a rather unconvincing divide began to form: “forces of progress” and “forces of reaction,” “reformers” and “conservators of the past,” “partisans of reforms” and “enemies of reforms.” 

Infatuation for the western models

In that situation the term “reform” became in itself a synonym of “liberal-democracy.” A hasty conclusion was inferred, from the objective fact of the crisis of the Soviet system, about the superiority of the western model and the necessity to copy it. At the theoretical level this was all but self-evident, since the “ideological map” offers a sharply more diversified system of choices than the primitive dualism: socialism vs. capitalism, Warsaw Pact vs. NATO. Yet it was just that primitive logic that prevailed: the “partisans of reform” became the unconditional apologists of the West, whose structure and logic they were ready to assimilate, while the “enemies of reform” proved to be the inertial preservers of the late Soviet system, whose structure and logic they grasped less and less. In such condition of lack of balance, the reformers/pro-westerners had on their side a potential of energy, novelty, expectations of change, creative drive, perspectives, while the “reactionaries” had nothing left but inertness, immobilism, the appeal to the customary and already-known. In just this psychological and aesthetic garb, liberal-democratic policy prevailed in the Russia of the 1990s, although nobody had been allowed to make a clear and conscious choice.

The collapse of the state unity

The result of “reforms” was the collapse of the Soviet state unity and the beginning of the fall of Russia as the heir of the USSR. The destruction of the Soviet system and “rationality” was not accompanied by the creation of a new system and a new rationality in conformity to national and historical conditions. There gradually prevailed a peculiar attitude toward Russia and her national history: the past, present and future of Russia began to be seen from the point of view of the West, to be evaluated as something stranger, transcending, alien (“this country” was the “reformers’” typical expression). That was not the Russian view of the West, as the Western view of Russia. No wonder that in such condition the adoption of the western schemes even in the “reformers’” theory was invoked not in order to create and strengthen the structure of the national state unity, but in order to destroy its remains. The destruction of the state was not a casual outcome of the “reforms”; as a matter of fact, it was among their strategic aims.

The birth of an anti-western (anti-liberal) opposition in the post-Soviet environment

In the course of the “reforms” and their “deepening,” the inadequacy of the simple reaction began to be clear to everyone. In that period (1989–90) began the formation of a “national-patriotic opposition,” in which there was the confluence of part of the “Soviet conservatives” (ready to a minimal level of reflection), groups of “reformers” disappointed with “reforms” or “having become conscious of their anti-state direction,” and groups of representatives of the patriotic movements, which had already formed during the perestroika and tried to shape the sentiment of “state power” [derzhava] in a non-communist (orthodox-monarchic, nationalist, etc.) context. With a severe delay, and despite the complete absence of external strategic, intellectual and material support, the conceptual model of post-Soviet patriotism began to vaguely take shape.

Neo-eurasism

Neo-eurasism arose in this framework as an ideological and political phenomenon, gradually turning into one of the main directions of the post-Soviet Russian patriotic self-consciousness. 

Stages of development of the neo-eurasist ideology

1st stage (1985–90)

  • Dugin’s seminars and lectures to various groups of the new-born conservative-patriotic movement. Criticism of the Soviet paradigm as lacking the spiritual and national qualitative element.
  • In 1989 first publications on the review Sovetskaya literatura [Soviet Literature]. Dugin’s books are issued in Italy (Continente Russia [Continent Russia], 1989) and in Spain (Rusia Misterio de Eurasia [Russia, Mystery of Eurasia], 1990).
  • In 1990 issue of René Guénon’s Crisis of the Modern World with comments by Dugin, and of Dugin’s Puti Absoljuta [The Paths of the Absolute], with the exposition of the foundations of the traditionalist philosophy.

In these years eurasism shows “right-wing conservative” features, close to historical traditionalism, with orthodox-monarchic, “ethnic-pochevennik” [i.e., linked to the ideas of soil and land] elements, sharply critical of “Left-wing” ideologies.

2nd stage (1991–93)

  • Begins the revision of anti-communism, typical of the first stage of neo-eurasism. Revaluation of the Soviet period in the spirit of “national-bolshevism” and “Left-wing eurasism.”
  • Journey to Moscow of the main representatives of the “New Right” (Alain de Benoist, Robert Steuckers, Carlo Terracciano, Marco Battarra, Claudio Mutti and others).
  • Eurasism becomes popular among the patriotic opposition and the intellectuals. On the basis of terminological affinity, A. Sakharov already speaks about Eurasia, though only in a strictly geographic–instead of political and geopolitical–sense (and without ever making use of eurasism in itself, like he was before a convinced atlantist); a group of “democrats” tries to start a project of “democratic eurasism” (G. Popov, S. Stankevic, L. Ponomarev).
  • O. Lobov, O. Soskovets, S. Baburin also speak about their own eurasism.
  • In 1992–93 is issued the first number of Elements: Eurasist Review. Lectures on geopolitics and the foundations of eurasism in high schools and universities. Many translations, articles, seminars.

3rd stage (1994–98): theoretical development of the neo-eurasist orthodoxy

  • Issue of Dugin’s main works Misterii Evrazii [Mysteries of Eurasia] (1996), Konspirologija [Conspirology] (1994), Osnovy Geopolitiki [Foundations of geopolitics] (1996), Konservativnaja revoljutsija [The conservative revolution] (1994), Tampliery proletariata [Knight Templars of the Proletariat] (1997). Works of Trubetskoy, Vernadsky, Alekseev and Savitsky are issued by “Agraf” editions (1995–98).
  • Creation of the “Arctogaia” web-site (1996) – www.arctogaia.com [2].
  • Direct and indirect references to eurasism appear in the programs of the KPFR (Communist Party], LDPR [Liberal-Democratic Party], NDR [New Democratic Russia] (that is left, right, and centre). Growing number of publications on eurasist themes. Issue of many eurasist digests.
  • Criticism of eurasism from Russian nationalists, religious fundamentalists and orthodox communists, and also from the liberals.
  • Manifestations of an academic “weak” version of eurasism (Prof. A. S. Panarin, V. Ya. Paschenko, F.Girenok and others) – with elements of the illuminist paradigm, denied by the eurasist orthodoxy – then evolving towards more radically anti-western, anti-liberal and anti-gobalist positions.
  • Inauguration of a university dedicated to L. Gumilev in Astan [Kazakhstan].

4th stage (1998–2001)

  • Gradual de-identification of neo-eurasism vis-à-vis the collateral political-cultural and party manifestations; turning to the autonomous direction (“Arctogaia,” “New University,” “Irruption” [Vtorzhenie]) outside the opposition and the extreme Left and Right-wing movements.
  • Apology of staroobrjadchestvo [Old Rite].
  • Shift to centrist political positions, supporting Primakov as the new premier. Dugin becomes the adviser to the Duma speaker G. N. Seleznev.
  • Issue of the eurasist booklet Nash put’ [Our Path] (1998).
  • Issue of Evraziikoe Vtorzhenie [Eurasist Irruption] as a supplement to Zavtra. Growing distance from the opposition and shift closer to the government’s positions.
  • Theoretical researches, elaborations, issue of “The Russian Thing” [Russkaja vesch’] (2001), publications in Nezavisimaja Gazeta, Moskovskij Novosti, radio broadcasts about “Finis Mundi” on Radio 101, radio broadcasts on geopolitical subjects and neo-eurasism on Radio “Svobodnaja Rossija” (1998–2000).

5th stage (2001–2002)

  • Foundation of the Pan-Russian Political Social Movement EURASIA on “radical centre” positions; declaration of full support to the President of the Russian Federation V. V. Putin (April 21, 2001).
  • The leader of the Centre of Spiritual Management of the Russian Muslims, sheik-ul-islam Talgat Tadjuddin, adheres to EURASIA.
  • Issue of the periodical Evraziizkoe obozrenie [Eurasist Review].
  • Appearance of Jewish neo-eurasism (A. Eskin, A. Shmulevic, V. Bukarsky).
  • Creation of the web-site of the Movement EURASIA: www.eurasia.com.ru [3]
  • Conference on “Islamic Threat or Threat to Islam?.” Intervention by H. A. Noukhaev, Chechen theorist of “Islamic eurasism” (“Vedeno or Washington?,” Moscow, 2001].
  • Issue of books by E. Khara-Davan and Ya. Bromberg (2002).
  • Process of transformation of the Movement EURASIA into a party (2002).

Basic philosophical positions of neo-eurasism

pour-une-theorie-du-monde-multipolaire.jpgAt the theoretical level neo-eurasism consists of the revival of the classic principles of the movement in a qualitatively new historical phase, and of the transformation of such principles into the foundations of an ideological and political program and a world-view. The heritage of the classic eurasists was accepted as the fundamental world-view for the ideal (political) struggle in the post-Soviet period, as the spiritual-political platform of “total patriotism.”

The neo-eurasists took over the basic positions of classical eurasism, chose them as a platform, as starting points, as the main theoretical bases and foundations for the future development and practical use. In the theoretical field, neo-eurasists consciously developed the main principles of classical eurasism taking into account the wide philosophical, cultural and political framework of the ideas of the 20th century.

Each one of the main positions of the classical eurasists (see the chapter on the “Foundations of classical eurasism”) revived its own conceptual development.

Civilization concept

Criticism of the western bourgeois society from “Left-wing” (social) positions was superimposed to the criticism of the same society from “Right-wing” (civilizational) positions. The eurasist idea about “rejecting the West” is reinforced by the rich weaponry of the “criticism of the West” by the same representatives of the West who disagree with the logic of its development (at least in the last centuries). The eurasist came only gradually, since the end of the 1980s to the mid-1990s, to this idea of the fusion of the most different (and often politically contradictory) concepts denying the “normative” character of the Western civilization.

The “criticism of the Roman-German civilization” was thoroughly stressed, being based on the prioritary analysis of the Anglo-Saxon world, of the US. According to the spirit of the German Conservative Revolution and of the European “New Right,” the “Western world” was differentiated into an Atlantic component (the US and England) and into a continental European component (properly speaking, a Roman-German component). Continental Europe is seen here as a neutral phenomenon, liable to be integrated–on some given conditions–in the eurasist project.

The spatial factor

Neo-eurasism is moved by the idea of the complete revision of the history of philosophy according to spatial positions. Here we find its trait-d’union in the most varied models of the cyclical vision of history, from Danilevsky to Spengler, from Toynbee to Gumilev.

Such a principle finds its most pregnant expression in traditionalist philosophy, which denies the ideas of evolution and progress and founds this denial upon detailed metaphysical calculations. Hence the traditional theory of “cosmic cycles,” of the “multiple states of Being,” of “sacred geography,” and so on. The basic principles of the theory of cycles are illustrated in detail by the works of Guénon (and his followers G. Georgel, T. Burckhardt, M. Eliade, H. Corbin). A full rehabilitation has been given to the concept of “traditional society,” either knowing no history at all, or realizing it according to the rites and myths of the “eternal return.” The history of Russia is seen not simply as one of the many local developments, but as the vanguard of the spatial system (East) opposed to the “temporal” one (West). 

State and nation

Dialectics of national history

It is led up to its final, “dogmatical” formulation, including the historiosophic paradigm of “national-bolshevism” (N. Ustryalov) and its interpretation (M. Agursky). The pattern is as follows:

  • The Kiev period as the announcement of the forthcoming national mission (IX-XIII centuries);
  • Mongolian-Tatar invasion as a scud against the levelling European trends, the geopolitical and administrative push of the Horde is handed over to the Russians, division of the Russians between western and eastern Russians, differentiation among cultural kinds, formation of the Great-Russians on the basis of the “eastern Russians” under the Horde’s control (13th–15th centuries);
  • The Muscovite Empire as the climax of the national-religious mission of Rus’ (Third Rome) (15th–end of the 17th century);
  • Roman-German yoke (Romanov), collapse of national unity, separation between a pro-western elite and the national mass (end of the 17th-beginning of the 20th century);
  • Soviet period, revenge of the national mass, period of the “Soviet messianism,” re-establishment of the basic parameters of the main muscovite line (20th century);
  • Phase of troubles, that must end with a new eurasist push (beginning of the 21st century).

Political platform

Neo-eurasism owns the methodology of Vilfrido Pareto’s school, moves within the logic of the rehabilitation of “organic hierarchy,” gathers some Nietzschean motives, develops the doctrine of the “ontology of power,” of the Christian Orthodox concept of power as “kat’echon.” The idea of “elite” completes the constructions of the European traditionalists, authors of researches about the system of castes in the ancient society and of their ontology and sociology (R. Guénon, J. Evola, G. Dumézil, L. Dumont). Gumilev’s theory of “passionarity” lies at the roots of the concept of “new eurasist elite.”

The thesis of “demotia” is the continuation of the political theories of the “organic democracy” from J.-J. Rousseau to C. Schmitt, J. Freund, A. de Benoist and A. Mueller van der Bruck. Definition of the eurasist concept of “democracy” (“demotia”) as the “participation of the people to its own destiny.”

The thesis of “ideocracy” gives a foundation to the call to the ideas of “conservative revolution” and “third way,” in the light of the experience of Soviet, Israeli and Islamic ideocracies, analyses the reason of their historical failure. The critical reflection upon the qualitative content of the 20th century ideocracy brings to the consequent criticism of the Soviet period (supremacy of quantitative concepts and secular theories, disproportionate weight of the classist conception).

The following elements contribute to the development of the ideas of the classical eurasists:

The philosophy of traditionalism (Guénon, Evola, Burckhardt, Corbin), the idea of the radical decay of the “modern world,” profound teaching of the Tradition. The global concept of “modern world” (negative category) as the antithesis of the “world of Tradition” (positive category) gives the criticism of the Western civilization a basic metaphysic character, defining the eschatological, critical, fatal content of the fundamental (intellectual, technological, political and economic) processes having their origin in the West. The intuitions of the Russian conservatives, from the slavophiles to the classical eurasists, are completed by a fundamental theoretical base. (see A. Dugin, Absoljutnaja Rodina [The Absolute Homeland], Moscow 1999; Konets Sveta [The End of the World], Moscow 1997; Julius Evola et le conservatisme russe, Rome 1997).

The investigation on the origins of sacredness (M. Eliade, C. G. Jung, C. Levi-Strauss), the representations of the archaic consciousness as the paradigmatic complex manifestation laying at the roots of culture. The reduction of the many-sided human thinking, of culture, to ancient psychic layers, where fragments of archaic initiatic rites, myths, originary sacral complexes are concentrated. Interpretation of the content of rational culture through the system of the ancient, pre-rational beliefs (A. Dugin, “The evolution of the paradigmatic foundations of science” [Evoljutsija paradigmal’nyh osnovanij nauki], Moscow 2002).

The search for the symbolic paradigms of the space-time matrix, which lays at the roots of rites, languages and symbols (H. Wirth, paleo-epigraphic investigations). This attempt to give a foundation to the linguistic (Svityc-Illic), epigraphic (runology), mythological, folkloric, ritual and different monuments allows to rebuild an original map of the “sacred concept of the world” common to all the ancient Eurasian peoples, the existence of common roots (see A. Dugin Giperborejskaja Teorija [Hyperborean Theory], Moscow 1993.

A reassessment of the development of geopolitical ideas in the West (Mackinder, Haushofer, Lohhausen, Spykman, Brzeszinski, Thiriart and others). Since Mackinder’s epoch, geopolitical science has sharply evolved. The role of geopolitical constants in 20th century history appeared so clear as to make geopolitics an autonomous discipline. Within the geopolitical framework, the concept itself of “eurasism” and “Eurasia” acquired a new, wider meaning.

From some time onwards, eurasism, in a geopolitical sense, began to indicate the continental configuration of a strategic (existing or potential) bloc, created around Russia or its enlarged base, and as an antagonist (either actively or passively) to the strategic initiatives of the opposed geopolitical pole–“Atlantism,” at the head of which at the mid-20th century the US came to replace England.

The philosophy and the political idea of the Russian classics of eurasism in this situation have been considered as the most consequent and powerful expression (fulfilment) of eurasism in its strategic and geopolitical meaning. Thanks to the development of geopolitical investigations (A. Dugin, Osnovye geopolitiki [Foundations of geopolitics], Moscow 1997) neo-eurasism becomes a methodologically evolved phenomenon. Especially remarkable is the meaning of the Land – Sea pair (according to Carl Schmitt), the projection of this pair upon a plurality of phenomena – from the history of religions to economics.

The search for a global alternative to globalism, as an ultra-modern phenomenon, summarizing everything that is evaluated by eurasism (and neo-eurasism) as negative. Eurasism in a wider meaning becomes the conceptual platform of anti-globalism, or of the alternative globalism. “Eurasism” gathers all contemporary trends denying globalism any objective (let alone positive) content; it offers the anti-globalist intuition a new character of doctrinal generalization.

The assimilation of the social criticism of the “New Left” into a “conservative right-wing interpretation” (reflection upon the heritage of M. Foucault, G. Deleuze, A. Artaud, G. Debord). Assimilation of the critical thinking of the opponents of the bourgeois western system from the positions of anarchism, neo-marxism and so on. This conceptual pole represents a new stage of development of the “Left-wing” (national-bolshevik) tendencies existing also among the first eurasists (Suvchinskij, Karsavin, Efron), and also a method for the mutual understanding with the “left” wing of anti-globalism.

“Third way” economics, “autarchy of the great spaces.” Application of heterodox economic models to the post-Soviet Russian reality. Application of F. List’s theory of the “custom unions.” Actualization of the theories of S. Gesell. F. Schumpeter, F. Leroux, new eurasist reading of Keynes.

Source: Ab Aeterno, no. 3, June 2010.

 


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

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vendredi, 22 novembre 2013

La "Responsabilité de protéger" (R2P) comme instrument d'agression

La “Responsabilité de protéger” (R2P) comme instrument d’agression
La « responsabilité de protéger » est une fausse doctrine conçue pour miner les fondements mêmes du droit international
 
Ex: http://nationalsocialradical.freeforums.org/
 
R2p_Cover.jpgLa « responsabilité de protéger » est une fausse doctrine conçue pour miner les fondements mêmes du droit international. C’est le droit réécrit en faveur des puissants. « Les structures et les lois qui fondent l’application de la R2P exemptent bel et bien les Grandes Puissances – défenseurs du droit international – du respect des lois et des règles mêmes qu’elles imposent aux autres pays.»

La Responsabilité de Protéger (R2P) et le concept d’intervention humanitaire datent tous les deux du lendemain de l’effondrement de l’Union Soviétique – qui levait subitement toutes les entraves que cette Grande Puissance avait pu jusqu’ici opposer à la constante projection de puissance des États-Unis. Dans l’idéologie occidentale, bien sûr, les États-Unis s’étaient efforcés depuis la Seconde Guerre mondiale de contenir les Soviétiques ; mais ça, c’est l’idéologie… En réalité, l’Union Soviétique avait toujours été bien moins puissante que les États-Unis, avec des alliés plus faibles et moins fiables, et de 1945 à sa disparition en 1991 elle avait finalement toujours été sur la défensive. Agressivement lancés à la conquête du monde depuis 1945, les États-Unis, eux, n’avaient de cesse d’augmenter le nombre de leurs bases militaires dans le monde, de leurs sanglantes interventions grandes ou petites sur tous les continents, et bâtissaient méthodiquement le premier empire véritablement planétaire. Avec une puissance militaire suffisante pour constituer une modeste force d’endiguement, l’Union Soviétique freinait l’expansionnisme américain mais elle servait aussi la propagande américaine en tant que soi-disant menace expansionniste. L’effondrement de l’Union Soviétique engendrait donc un besoin vital de nouvelles menaces pour justifier la continuation voire l’accélération de la projection de puissance américaine, mais on pouvait toujours en trouver : depuis le narco-terrorisme, Al-Qaïda et les armes de destruction massive de Saddam Hussein, jusqu’à une nébuleuse menace terroriste dépassant les limites de la planète et de l’espace environnant.

Tensions inter-ethniques et violations des Droits de l’Homme ayant engendré une prétendue menace globale, planétaire, contre la sécurité, qui risquait de provoquer des conflits encore plus vastes, la communauté internationale (et son superflic) se retrouvaient face à un dilemme moral et à la nécessité d’intervenir dans l’intérêt de l’humanité et de la justice. Comme nous l’avons vu, cette poussée moraliste arrivait justement au moment où disparaissait l’entrave soviétique, où les États-Unis et leurs proches alliés célébraient leur triomphe, où l’option socialiste battait de l’aile et où les puissances occidentales avaient enfin toute liberté d’intervenir à leur guise. Bien sûr, tout cela impliquait de passer outre le principe westphalien multiséculaire gravé au centre des relations internationales – à savoir le respect de la souveraineté nationale – qui, si l’on y adhérait, risquait de protéger les pays les plus petits et les plus faibles contre les ambitions et les agressions transfrontalières des Grandes Puissances. Cette règle était en outre l’essence même de la Charte des Nations Unies et on peut dire qu’elle était même la clé de voûte de ce document que Michael Mandel décrivait comme « la Constitution du monde ». Passer outre cette règle et le principe de base de cette Charte impliquait l’entrée en lice de la Responsabilité de Protéger (R2P) et des Interventions Humanitaires (IH), et ouvrait à nouveau la voie à l’agression pure et simple, classique, avec des visées géopolitiques, mais parée désormais du prétexte commode de la R2P et de l’IH.

Bien évidemment, lancer des interventions humanitaires transfrontalières au nom de la R2P reste l’apanage absolu des Grandes Puissances – spécificité communément admise et regardée comme parfaitement naturelle à chaque fois que ces mesures ont été appliquées au cours des dernières années. Les Grandes Puissances sont seules à disposer des connaissances et des moyens matériels nécessaires pour mener à bien cette œuvre sociale planétaire. En effet, comme l’expliquait en 1999 Jamie Shea, responsable des relations publiques de l’OTAN, lorsque on commença à se demander si le personnel de l’OTAN ne risquait pas d’être poursuivi pour les crimes de guerre liés à la campagne de bombardements de l’OTAN contre la Serbie, ce qui découlait logiquement du texte même de la Charte du TPIY (Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie) : Les pays de l’OTAN ont « organisé » le TPIY et la Cour Internationale de Justice, et les pays de l’OTAN « financent ces tribunaux et soutiennent quotidiennement leurs activités. Nous sommes les défenseurs, non les violateurs du droit international ». La dernière phrase est évidemment contestable mais pour le reste, Shea avait parfaitement raison.

Détail particulièrement éloquent, lorsqu’un groupe de juristes indépendants déposa en 1999 un dossier détaillé qui documentait les violations manifestes des règles du TPIY par l’OTAN, après un délai considérable et suite à des pressions exercées ouvertement par les responsables de l’OTAN, les plaintes contre l’OTAN étaient déboutées par le Procureur du TPIY au prétexte que, avec seulement 496 victimes documentées tuées par les bombardements de l’OTAN, il n’y avait « simplement aucune preuve d’intention criminelle » imputable à l’OTAN – alors que pour inculper Milosevic en mai 1999, 344 victimes suffisaient largement. On trouvera intéressant aussi que le Procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI), Luis Moreno-Ocapmo, ait lui aussi refusé de poursuivre les responsables de l’OTAN pour leur agression contre l’Irak en 2003, malgré plus de 249 plaintes portées auprès de la CPI, au prétexte que là aussi, « il n’apparaissait pas que la situation ait atteint le seuil requis par le Statut de Rome » pour intenter une action en justice.

Ces deux cas montrent assez clairement que les structures et les lois qui fondent l’application de la R2P (et des IH) exemptent bel et bien les Grandes Puissances – défenseurs du droit international – du respect des lois et des règles mêmes qu’elles imposent aux autres pays. Leurs alliés et clients en sont d’ailleurs exempts aussi. Ce qui signifie très clairement que, dans le monde réel, personne n’a le devoir de protéger les Irakiens ou les Afghans contre les États-Unis, ou les Palestiniens contre Israël. Lorsque sur une chaîne nationale en 1996, la Secrétaire d’État américaine, Madeleine Albright, reconnaissait que 500 000 enfants irakiens [de moins de cinq ans] avaient sans doute perdu la vie, victimes des sanctions imposées à l’Irak par l’ONU (en réalité par les États-Unis), et déclarait : Pour les responsables américains « l’enjeu en vaut la peine » ; il n’y eut de réaction ni sur le plan national ni sur le plan international pour exiger la levée de ces sanctions et le déclenchement d’une IH en application de la R2P, afin de protéger les populations irakiennes qui en étaient victimes. De même aucun appel ne fut lancé pour une IH au nom de la R2P pour protéger ces mêmes Irakiens lorsque les forces anglo-américaines envahirent l’Irak en mars 2003 ; invasion qui, doublée d’une guerre civile induite, allait faire plus d’un million de morts supplémentaires.

r2p-colombe-400x250.jpgLorsque la Coalition Internationale pour la Responsabilité de Protéger, sponsorisée par le Canada, se pencha sur la guerre d’Irak, ses auteurs conclurent que les exactions commises en Irak par Saddam Hussein en 2003, n’étaient pas d’une ampleur suffisante pour justifier une invasion. Mais la coalition ne souleva jamais la question de savoir si les populations irakiennes n’auraient pas de facto besoin d’être protégées contre les forces d’occupation qui massacraient la population. Ils campaient simplement sur l’idée que les Grandes Puissances, qui imposent le respect du droit international, même lorsque leurs guerres d’agression violent ouvertement la Charte des Nations Unies et font des centaines de milliers de morts, restent au-dessus des lois et ne peuvent faire l’objet d’une R2P.

Et c’est comme ça depuis le sommet de la structure internationale du pouvoir, jusqu’en bas : Bush, Cheney, Obama, John Kerry, Susan Rice, Samantha Power au sommet et en descendant Merkel, Cameron, Hollande, puis au-dessous Ban Ki-Moon et Luis Moreno-Ocampo – qui n’ont aucune base politique en dehors du monde des affaires et des médias. Ban Ki-Moon et son prédécesseur Kofi Annan ont toujours œuvré ouvertement au service des principales puissances de l’OTAN, auxquelles ils doivent leur position et leur autorité. Kofi Annan était un fervent partisan de l’agression de l’OTAN contre la Yougoslavie, de la nécessité de renforcer la responsabilité des puissances de l’OTAN, et de l’institutionnalisation de la R2P. Ban Ki-Moon est exactement sur la même fréquence.

Cette même structure internationale du pouvoir implique aussi la possibilité de créer et d’utiliser à volonté des tribunaux internationaux ad hoc et des Cours Internationales contre des pays cibles. Ainsi en 1993, lorsque les États-Unis et leurs alliés souhaitaient démanteler la Yougoslavie et affaiblir la Serbie, ils n’avaient qu’à utiliser le Conseil de Sécurité [dont les États-Unis, l’Angleterre et la France sont membres permanents] pour créer un tribunal précisément à cet effet, le TPIY, qui allait s’avérer parfaitement fonctionnel. De même, lorsqu’ils souhaitaient aider un de leurs clients, Paul Kagame, à assoir sa dictature au Rwanda, ils créèrent le même type de tribunal : le TPIR (ou tribunal d’Arusha). Lorsque ces mêmes pays souhaitèrent attaquer la Libye et en renverser le régime, il leur suffit de faire condamner Kadhafi par la CPI pour crimes de guerre, aussi rapidement que possible et sans contre-enquête indépendante sur aucune des allégations de crime, lesquelles reposaient essentiellement sur des anticipations de massacres de civils [jamais commis]. Bien sûr, comme nous l’avons vu plus haut, concernant l’Irak, la CPI ne trouvait vraiment rien qui puisse justifier des poursuites contre l’occupant, dont les massacres de civils étaient de proportions autrement supérieures et avaient bel et bien été commis, et non simplement anticipés. En réalité, un vaste Tribunal International pour l’Irak a finalement été organisé afin de juger les crimes commis en Irak par les États-Unis et leurs alliés [le BRussell Tribunal], mais sur une base privée et avec un parti-pris clairement anti-belliciste. De fait, bien que ses séances se soient tenues très officiellement dans de nombreux pays et que de nombreuses personnalités importantes y soient venues témoigner, les médias n’y prêtèrent littéralement aucune attention. Ses dernières sessions et son rapport, rendu en juin 2005, ne furent même évoqués dans aucun grand média américain ou britannique.

La R2P correspond parfaitement à l’image d’un instrument au service d’une violence impériale exponentielle, qui voit les États-Unis et leur énorme complexe militaro-industriel engagés dans une guerre mondiale contre le terrorisme et menant plusieurs guerres de front, et l’OTAN, leur avatar, qui élargit sans cesse son « secteur d’activité » bien que son rôle supposé d’endiguement de l’Union Soviétique ait expiré de longue date. La R2P repose très commodément sur l’idée que, contrairement à ce qui était la priorité des rédacteurs de la Charte des Nations Unies, les menaces auxquelles le monde se trouve aujourd’hui confronté ne dérivent plus d’agressions transfrontalières comme c’était traditionnellement le cas, mais émanent des pays eux-mêmes. C’est parfaitement faux ! Dans son ouvrage Freeing the World to Death (Common Courage, 2005, Ch. 11 et 15), William Blum dresse une liste de 35 gouvernements renversés par les États-Unis entre 1945 et 2001 (sans même compter les conflits armés déclenchés par George W. Bush et Barak Obama).

Dans le monde réel, tandis que la R2P parait merveilleusement auréolée de bienveillance, elle ne peut être mise en œuvre qu’à la demande exclusive des principales puissances de l’OTAN et ne saurait donc être utilisée dans l’intérêt de victimes sans intérêt, à savoir celles de ces mêmes Grandes Puissances [ou de leurs alliés et clients] (Cf. Manufacturing Consent, Ch. 2 : « Worthy and Unworthy Victims »). Jamais on n’invoqua la R2P [ou quoi que ce soit de similaire] pour mettre fin aux exactions lorsque en 1975 l’Indonésie décida d’envahir et d’occuper durablement le Timor Oriental. Cette occupation allait pourtant se solder par plus de 200 000 morts sur une population de 800 000 au total – ce qui proportionnellement dépassait largement la quantité de victimes imputables à Pol Pot au Cambodge. Les États-Unis avaient donné leur feu vert à cette invasion, fourni les armes à l’occupant et lui offraient leur protection contre toute réaction de l’ONU. Dans ce cas précis, il y avait violation patente de la Charte des Nations Unies et le Timor avait impérativement besoin de protection. Mais dès lors que les États-Unis soutenaient l’agresseur, on n’entendrait jamais parler de réponse des Nations Unies. [Ndt : En tant que membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU, les USA ont droit de veto sur toutes les décisions de l’ONU ; or toute décision d’intervention ou de sanction passe nécessairement par le Conseil de Sécurité]

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Comble d’ironie mais particulièrement révélateur, Gareth Evans, ex-Premier ministre d’Australie, ex-Président de la Cellule de Crise Internationale [l’International Crisis Group : officiellement, ONG engagée dans la prévention et le règlement des conflits internationaux], co-fondateur de la Commission Internationale sur l’Intervention et la Souveraineté Internationale, lui-même auteur d’un ouvrage sur la R2P et qui aura sans doute été le principal porte-parole en faveur de la R2P comme instrument de justice internationale, était Premier ministre d’Australie pendant l’occupation génocidaire du Timor Oriental par l’Indonésie et en tant que tel fêtait et encensait les dirigeants indonésiens, dont il était ouvertement complice pour spolier le Timor de ses droits sur ses réserves naturelles de pétrole (Cf. John Pilger “East Timor: a lesson in why the poorest threaten the powerful,” April 5, 2012, pilger.com.). Evans était donc lui-même complice et contributeur de l’un des pires génocides du XXe siècle. Vous imaginez la réaction des médias à une campagne en faveur des Droits de l’Homme menée sans le soutien de l’OTAN, et ayant pour porte-parole un dignitaire chinois qui aurait entretenu des relations très amicales avec Pol Pot pendant les pires années de sa dictature ?

Ce qui est réellement éloquent c’est de voir comment Evans gère ce passif notoire pour promouvoir la R2P. Interrogé à ce sujet lors d’une session de l’Assemblée Générale des Nations Unies sur la R2P, Evans en appelait au bon sens : La R2P « se définit d’elle-même », et les crimes mis en cause, y compris le nettoyage ethnique, sont tous intrinsèquement révoltants et par leur nature même d’une gravité qui exige une réponse […]. Il est réellement impossible de parler ici de chiffres précis ». Evans souligne que parfois, des chiffres minimes peuvent suffire : « Nous nous souvenons très clairement de l’horreur de Srebrenica… [8 000 morts seulement]. Avec ses 45 victimes au Kosovo en 1999, Racak suffisait-il à justifier la réponse qui fut déclenchée par la communauté internationale ? » En fait, l’événement de Racak avait effectivement paru suffisant pour une bonne et simple raison : il donnait un coup d’accélérateur au programme de démantèlement de la Yougoslavie d’ores et déjà lancé par l’OTAN. Mais Evans évite soigneusement de répondre à sa propre question au sujet de Racak. Inutile de dire qu’Evans ne s’est jamais demandé et n’a jamais cherché à expliquer pourquoi le Timor Oriental, avec plus de 200 000 morts n’avait jamais suscité aucune réaction de la communauté internationale ; et l’Irak pas davantage malgré [un million de morts dus aux sanctions, dont 500 000 enfants de moins de cinq ans] et plus d’un million supplémentaires suite à l’invasion. Les choix sont ici totalement politiques mais manifestement, Evans a si parfaitement intégré la perspective impériale qu’un aussi vertigineux écart ne le révolte pas le moins du monde. Mais ce qui est encore plus extraordinaire, c’est qu’un criminel de cette envergure avec un parti pris aussi évident puisse être considéré internationalement comme une autorité dans ce domaine et que des positions aussi ouvertement partiales que les siennes puissent être regardées avec respect.

Il est intéressant aussi de constater qu’Evans ne mentionne jamais Israël et la Palestine, où un nettoyage ethnique est activement mené depuis des décennies et ouvertement – comme en témoigne le très grand nombre de réfugiés aux quatre coins du monde. D’ailleurs, aucun autre membre de la pyramide du pouvoir ne considère la région israélo-palestinienne comme une zone révoltante où la nature et l’envergure des exactions commises exige une réponse de la « communauté internationale ». Pour obtenir le titre d’Ambassadeur des États-Unis auprès de l’ONU, Samantha Power jugea même nécessaire de se présenter très officiellement devant un groupe de citoyens américains pro-israéliens pour les assurer, les larmes aux yeux, de son profond regret pour avoir laissé entendre que l’AIPAC était une puissante organisation sur l’influence de laquelle il serait nécessaire de reprendre contrôle afin de pouvoir développer une politique à l’égard d’Israël et de la Palestine qui puisse œuvrer dans l’intérêt des États-Unis. Elle prêta même serment de rester dévouée à la sécurité nationale d’Israël. Manifestement, le monde devra attendre longtemps avant que Samantha Power et ses Parrains exigent que la R2P soit appliquée aussi au nettoyage ethnique de la Palestine.

En définitive, dans le monde post-soviétique, la structure internationale du pouvoir n’a fait qu’aggraver l’inégalité internationale, renforçant dans le même temps l’interventionnisme et la liberté d’agression des Grandes Puissances. L’accroissement du militarisme a certainement contribué à l’accroissement des inégalités mais il a surtout été conçu pour servir et favoriser la pacification, tant à l’étranger que dans nos propres pays. Dans un tel contexte, IH et R2P ne sont que des évolutions logiques qui apportent une justification morale à des actions qui scandaliseraient énormément de gens et qui, éclairées froidement, constituent des violations patentes du droit international. Présentant les guerres d’agressions sous un jour bienveillant, la R2P en est devenu un instrument indispensable. En réalité, c’est seulement un concept aussi frauduleux que cynique et anticonstitutionnel (anti-Charte des Nations Unies).

Edward S. Herman

Article original en anglais :

Humanitarian Bombs anthony freda“Responsibility to Protect” (R2P): An Instrument of Aggression. Bogus Doctrine Designed to Undermine the Foundations of International Law, 30 octobre 2013

Traduit de l’anglais par Dominique Arias

Edward S. Herman est Professeur Emérite de Finance à la Wharton School, Université de Pennsylvanie. Economiste et analyste des médias de renommée internationale, il est l’auteur de nombreux ouvrages dont : Corporate Control, Corporate Power (1981), Demonstration Elections (1984, avec Frank Brodhead), The Real Terror Network (1982), Triumph of the Market (1995), The Global Media (1997, avec Robert McChesney), The Myth of The Liberal Media: an Edward Herman Reader (1999) et Degraded Capability: The Media and the Kosovo Crisis (2000). Son ouvrage le plus connu, Manufacturing Consent (avec Noam Chomsky), paru en 1988, a été réédité 2002.


lundi, 18 novembre 2013

Apolaire ou antipolaire ?

Apolaire ou antipolaire ?

Ex: http://www.dedefensa.org

elegante-schaufensterpuppe-gold-kopflos_1243_4.JPG16 novembre 2013 – ... Effectivement, nous nous sommes arrêtés à l’expression “apolaire”, parce qu’elle contient bien plus que ce qu’elle semble vouloir dire. Notre référence dedefensa.org est des plus simples et des plus proches, puisqu’elle date du 10 novembre 2013, comme conclusion de ces Notes d’analyse :

«D’une certaine façon, il s’agit, expression appropriée tombée miraculeusement par rapport à la politique française totalement invertie de la bouche du ministre Fabius lors d’une récente conférence à Science Po, de la découverte angoissée d’ un monde apolaire (ou bien “zéropolaire”, mais nous préférons nettement la précédente, et la conservons) ; après les épisodes unipolaire et multipolaire, un monde “sans pôle”, qui a perdu toute forme et toute cohésion... Un monde de toutes les opportunités de crises et de tensions souvent surgies par surprise... Un monde de tempêtes, sans vent dominant et où tous les vents prétendent dominer dans une surenchère de souffles furieux, où la tempête lève de tous les côtés.»

L’expression ne date certainement pas de Fabius et de son speechwritrer standard du Quai d’Orsay, mais l’honnêteté nous oblige à dire qu’elle nous vient de cette circonstance. Il faut noter qu’il existe, depuis la fin de la Guerre froide (1989-1991), un historique fourni de la qualification du monde et de ses relations internationales. Cela nous indique le degré de confusion des choses et la nécessité d’autant plus grande de rechercher une définition à la présente identification. Le rappel préliminaire de l’historique de la chose sera un premier pas dans notre recherche d’identité des relations internationales du temps présent.

• Nous partons donc de la Guerre froide, soit 1989-1991, mais encore plus, avec l’élection de Clinton (novembre 1992) comme substantivation de la période. Il n’est rien de plus caractéristique à cet égard que le destin de GH Bush (Bush-père) qui, au sommet d’une gloire extraordinaire avec la victoire du Golfe-I, de février 1991, s’effondra littéralement et fut ignominieusement battu en novembre 1992 par un inconnu venu de l’Alabama. (Cet épisode “chute de Bush-élection de Clinton”, indiquant le vrai désarroi de l’Amérique et conduisant à considérer la guerre du Golfe-I comme un “accident”, un épiphénomène ne comptant guère dans l’agencement des relations internationales).

En un sens, jusqu’en 1995-1996, le monde avec ses relations internationales traversa une période à première vue assez similaire (“apolaire”) à celle que nous identifions aujourd'hui, du point de vue strict de l’organisation informelle des relations internationales. On en trouverait une assez juste identification avec le titre du livre de Gabriel Robin, publié en février 1995 chez Odile Jacob, Un monde sans maître. Robin termina (en 1993) sa carrière diplomatique active comme ambassadeur de France à l’OTAN, où il put montrer tout son “rigorisme gaulliste” en matière de diplomatie, et particulièrement en matière des principes de la diplomatie. Il put ainsi observer, à partir d’un point privilégié, les interrogations sur la confusion de la période, la disparition de l’URSS, les doutes profonds et paralysants de la puissance américaniste, les hésitations européennes et la démission qui suivit avec le choix européen d’une organisation intérieure appelée à se bureaucratiser (Maastricht et la suite) aux dépens d’une politique de sécurité active et créatrice des nations coopérant entre elles (le refus de l’UEO d’intervenir en ex-Yougoslavie dès 1991, – voir le 4 février 2010).

• Nous avons souvent cité cette description du processus de la politique en Europe, exemplaire de la politique générale des relations internationales, et aussi l’évolution de la situation américaniste, dans les extraits de l’ouvrage Chronique de l’ébranlement, cités notamment le 2 septembre 2005. Effectivement, entre 1995 et l’été 1996, le sentiment dépressif et d’une crise d’identité gravissime des USA (voir des textes de William Pfaff, présentés le 23 novembre 2003) bascula, sous la force d’une poussée considérable de virtualisme, et rétablit les USA dans une sorte de narrative impériale que personne ne pouvait songer à contester, alors que les forces financières déchaînées saccageaient la Russie, puis bientôt toute une chaîne d’autres pays. C’est donc à l’automne de 1996 qu’on pourrait déclarer ouverte l’ère “unipolaire” de ce qu’Hubert Védrines allait baptiser l’“hyperpuissance”, – dito, les USA, cela va de soi.

Cette période durerait, selon nous jusqu’à l’été de 2003 (notamment l’événement de l’attentat de fin août 2003 qui réduisit en poussière le siège de l’ONU à Bagdad et tua le représentant de l’Organisation en Irak), lorsqu’il apparut que la “victoire extraordinaire” en Irak s’avérait être un cauchemar dissimulé pour la puissance miliaire US. Dans le séquence, 9/11 est une ultime bouffée de vertige, une fausse “défaite” fournissant l’argument pour un déchaînement impérial conduisant à la conquête du monde. Il s’agit donc d’une succession de narrative, ou d’autant de bulles, toutes de coloration américaniste, jusqu’à l’avatar fondamental que constitue l’attaque de l’Irak et la dépression rapide qui suit, dès l’été 2003. Depuis lors, l’“hyperpuissance” n’a cessé de se déliter, de se déstructurer, de se dissoudre. L’ère unipolaire fut évidemment un montage de bout en bout du point de vue de la dynamique des relations internationales, mais elle exista simplement parce que personne ne la contesta. Le comble de la contradiction, mais aussi l’exposition de la réalité de la situation, fut que cette unipolarité prétendant rassembler toutes les relations internationales vers elle (un universalisme américaniste) s’acheva par une prétention triomphale qui s’exprima par un complet unilatéralisme, consistant de facto en un isolationnisme expansionniste réfutant toute relation diplomatique normale. Cette absence totale de véritables “relations diplomatiques” réduisit l’unipolarité du monde en une action unilatérale des USA, laissant l’influence et la diffusion de leur puissance à leurs instruments autonomes (finance, dollar, puissance militaire, puissance culturelle, informatique, etc.) Il n’y eut donc pas investissement constructif (à son avantage) du monde par les USA mais action unilatérale des USA dans un “reste du monde” (ROW) complètement paralysé et anesthésié.

• Pour faire juste, nous dirions que le passage à un stade “multipolaire” pourrait être annoncé avec la position française à l’ONU, contre l’intervention US en Irak, entre octobre 2002 et février 2003, avec le discours de Villepin du 14 février 2003. Quoi qu’il en soit, c’est lors d’une visite à Moscou à l’automne 2003 que le Français Chirac affirma que nous entrions dans une “ère multipolaire”, où la puissance US ne serait plus la seule à imposer sa loi. On imagine avec quel enthousiasme, son interlocuteur russe, le déjà-président Poutine, appuya cette analyse.

Cette multipolarité fut aussi bien un leurre que l’unipolarité qui avait précédé. Il s’est agi simplement de l’expression du délitement progressif de l’hyperpuissance, entraînant des réactions de divers autres puissances là où cela était possible, créant ainsi cette “apparence de multipolarité”. Avec et après la crise de 2008, cette “apparence de multipolarité” grandit encore avec la formation de ce que nous nommons le “bloc BAO” (voir le Glossaire.dde, le 10 décembre 2012), qui se caractérise par l’effacement de l’“unipolarité” (prépondérance des USA) au sein des “pays occidentaux” : «Désormais, tous les pays du bloc BAO au travers de leurs élites et des psychologies terrorisées de ces élites, se perçoivent égalitairement, c’est-à-dire essentiellement libérés des liens de domination et de sujétion entre les USA et les autres... Cela ne signifie nullement la fin de la corruption et de l’influence US, comme par le passé, mais, contrairement au passé, cette corruption et cette influence s’exerçant à l’avantage de tous et apparaissant de plus en plus invertébrées, de moins en moins spécifiques. De même observe-t-on une homogénéisation des conceptions et des politiques, simplement par disparition de la substance au profit de l’apparence et de l’image...»

Les réactions du bloc BAO vis-à-vis du “printemps arabe” ont montré cet effacement de la domination US dans le camp occidental, avec l’illustration très récente de la phase crisique syrienne d’août-septembre et le dernier épisode, totalement anarchique, des négociations P5+1 à Genève (le 9 novembre). Cette phase et les événements depuis le début de l’automne ont décisivement acté le passage à l’“apolarité”.

• C’est ce dernier épisode du 9 novembre que l’on pourrait prendre, dans notre propos, comme marque symbolique du passage à un stade apolaire, ou “antipolaire”, des relations internationales. Le désordre de l’événement témoigne de ce refus d’une polarité, c’est-à-dire d’une structure où une ou des forces sont capables d’imposer une évidence d’orientation dans un facteur essentiel des relations internationales, où tous les “composants” flottent dans leurs interprétations des choses, où il est devenu impossible de distinguer une logique, pour ne pas parler de “sagesse” qui semble figurer un concept incompréhensible et d'un autre temps, dans toute cette agitation compulsive. Nous décrivions dans notre texte du 15 novembre 2013 les séquences chaotiques qui ont accompagné et poursuivi cette étrange journées :

«Durant cette journée et en prenant en compte ce qui précédait et ce qui a suivi, on a vu l’accord avec l’Iran annoncé comme quasiment fait et signé ; l’intervention des Français le 9 novembre interrompant cette perception en paraissant refuser cet accord “seuls contre tous” et en fait étant perçus comme parlant “au nom d’Israël” (et de l’Arabie, pour vendre quelques canons) ; les USA effectuant une première tentative de rangement en annonçant qu’en fait les Français n’avaient fait qu’exprimer une position générale du bloc BAO et dénonçant les Iraniens pour leur intransigeance (mais que dire des Russes qui font partie du P5+1 et qui ont observé ce désordre avec une certaine position de retrait mais non sans ironie ? On n’en dit rien et on passe à autre chose) ; la narrative évoluant encore et disant que, finalement, les Iraniens n’étaient pas coupables non plus, que personne n’était coupable, simplement qu’on avait été trop vite dans l'interprétation des choses et que tout se présente fort bien pour un accord qui sera mis en forme définitive, on vous l'assure, à partir du 20 novembre.»

En fait de “passage à un stade apolaire, ou 'antipolaire', des relations internationales ”, là aussi nous parlerions plutôt de l’évolution de la perception, c’est-à-dire cette perception, après l’“unipolarité virtualiste” des USA, passant d’une multipolarité factice (“apparence de multipolarité”) à une absence de polarité (“apolaire”) et même, et surtout, à un refus de polarité (“antipolaire”). Mais l’on précisera aussitôt que les deux termes conviennent comme complémentaires : le monde apolaire (pas de pôle) est un fait de situation, et un fait “structurel” par antithèse ; le monde antipolaire (refus du pôle en tant que structure) décrit une “dynamique” de refus, également “dynamique” par antithèse.

Une évolution nécessaire

Comme nous écrivons dans notre abstract de présentation de cet article, «Il s’agit d’un “monde sans pôle” parce qu’il n’y a plus aucune structure pour soutenir un ou plusieurs ‘pôles’. Notre monde apolaire est un monde qui ne veut plus avoir de pôle...» Il faut donc développer cette définition à partir de ce constat de base, déjà éclairé par la remarque précédente établissant définitions et complémentarité des concept d’“apolarité” et d’“antipolarité” ... Ainsi dirions-nous effectivement que le monde apolaire n’est pas seulement un “monde sans pôle” comme un constat statique, disons par “absence de pôle”, mais qu’il est également un monde antipolaire qui repousse quelque pôle que ce soit, et ainsi comme un constat dynamique, une force en action qui interdit et rejette toute prétention de l’un ou de l’autre, ou de plusieurs, à être “un pôle” ou “plusieurs pôles”. Il s’agit d’un monde vivant, activement rétif à toute “structuration polaire”, et d’ailleurs à toute structuration tout court.

La question qui se pose alors est de savoir si ce monde apolaire-antipolaire l’est à cause du traitement qu’on lui impose, ou s’il l’est devenu par modification de nature, modification ontologique, – ou plus clairement dit, par apparition de sa nature réelle après les épisodes faussaires de l’unipolarité et de la multipolarité. Dans ce deuxième cas, les événements dont on aurait fait la cause de son apolarité-antipolarité, en deviennent en vérité les conséquences. Poser la question sous cette forme, c’est, pour notre compte, y répondre évidemment dans le sens de privilégier le deuxième terme de l’alternative : les événements dont nous parlons, qui sont d’une importance dérisoire dans leurs substance, ne peuvent être des modificateurs d’une nature, d’une essence, – par contre, ils peuvent être l’expression de cette modification.

Quels sont ces événements, ou ces types d’événements qui prédominent actuellement ? Il ne s’agit pas d’événements identifiés, mais de “types d’événements”, caractérisés par des spécificités très remarquables ; ils ont tous le caractère essentiel d’être complètement privés d’influence principielle, et, par suite, à la fois instructuré et d’une substance dissolue ou en cours de dissolution. Les conséquences sont à mesure, principalement dans le chef de l’absence totale de la moindre création de situations nouvelles (y compris les pires d’ailleurs, comme des agressions brutales par la guerre, dont on parle continuellement et que personne n’est capable d’imposer).

• Ces événements sont issus d’une agglomération désordonnée et sans structure principielle de caractère tels que la corruption psychologique en général, c’est-à-dire à la fois la faiblesse de la psychologie et l’absence d’expérience et de culture politique ; l’influence pervertie, l’influence par terrorisation de l’esprit, la corruption vénale ; la manipulation de la communication par faiblesse de compréhension, par courte vue, par seul souci de l’apparence, avec l’emploi grossier de narrative successives. Tout le monde est manipulé par les événements, y compris les acteurs les plus subversifs et agressifs (Israël et l’Arabie), et ne fait que ré-agir plutôt qu’agir, sous l’empire d’événements plus hauts et qui sont incompréhensibles à la plupart des acteurs, sinon hors de leur perception, – sans parler d’intuition dont ils sont totalement dépourvus.

• Il en résulte une agitation forcenée, une sorte de “danse de Saint-Guy” d’une activité pseudo-diplomatique et qui n’est qu’anarchique, dont l’affaire du 9 novembre autour du P5+1 est exemplaire. Les discours et les commentaires tentent de rétablir un semblant d’ordre et de maîtrise, sous l’impulsion d’une raison qui est totalement subvertie pour pouvoir montrer une quelconque efficacité structurante ; ils ne parviennent qu’à mettre en évidence la vanité et la vacuité des “actes” qui apparaissent très vite pour ce qu’ils sont, – des impostures d’actes, des narrative d’actes. Bien entendu, la vision longue, l’appréciation stratégique et structurelle, dont tout le monde parle, sont totalement absentes, absolument interdites de se réaliser.

• Tous les acteurs sont touchés par ce conditions, ce qui est logique parce que ces conditions sont universelles. Les plus touchés sont ceux qui sont les plus affectés, eux-mêmes et en eux-mêmes, par ces conditions, c’est-à-dire ceux qui sont totalement étrangers à toute approche principielle de la situation du monde, et surtout à la nécessité de cette approche. On mettra dans cette catégorie, sans surprise bien entendu, les pays du bloc BAO avec des nuances circonstancielles, et les appendices radicaux tels que l’Arabie et Israël, avec l’ajout circonstanciel et remarquablement original par son caractère de contre-emploi de la France dont la politique est conforme aux variations radicales du rôle de ce pays, qui est en général fondamentalement structurant, plus qu’aucune autre entité, et qui peut être catastrophiquement déstructurant (“plus qu’aucune autre entité”) selon les accidents d'époque, qui est aujourd’hui dans une période de basses eaux si catastrophique et déstructurée qu’on peut avancer l’hypothèse, d’ailleurs renforcée par la situation générale également sans précédent, qu’il n’y en eut jamais de telle auparavant. Un seul pays parmi les principaux acteurs échappe à ces jugements catastrophiques, et l’on se doute que c’est la Russie ; mais la Russie ne peut rien de fondamental qui changerait la substance de la situation, parce que cette situation, dépendant de forces métahistoriques extérieures, ne peut être maîtrisée par elle ; elle grogne, elle avertit, elle manœuvre, elle se réfère aux principes mais elle reste à l’intérieur du Système.

Cette description de l’opérationnalité des situations justifie complètement notre identification d’un monde apolaire-antipolaire, un monde sans pôle et qui refuse quelque pôle que ce soit ; c’est-à-dire sans ordre, et qui refuse l’ordre. On aurait tort pourtant de dénoncer cette situation comme calamiteuse en soi, d’en faire un motif per se d’une situation catastrophique comme quelque chose d’inattendu et de profondément dommageable. Cette observation vaut pour deux raisons :

• La première est que cette “situation catastrophique” n’est nullement un accident, un brutal effondrement, mais la concrétisation et la mise à jour de la vérité de la situation du monde. On l’a vu, unipolarité et multipolarité dans la séquence n’ont été que des situations transitoires et complètement faussaires dans la marche vers la mise à jour de la vérité de la situation. Cette évolution s’est accélérée à partir de 2008 et a commencé à montrer ses effets à partir de 2010 avec les réactions au soi-disant “printemps arabes”, cela en conjonction avec l’aggravation constante dans le sens de la déstructuration des situations intérieures et l’accélération de la crise d’effondrement du Système. Il n’y a donc pas d’accident ni de “surprise catastrophique” mais la marche compréhensible et justifiée d’une logique universelle à l’œuvre, ressortant des effets du cycle surpuissance-autodestruction d’un Système ivre de puissance mais de plus en plus soumis, par des forces métahistoriques lui-même, aux contradictions mortelles de cette surpuissance.

• La seconde est que cette déstructuration, ce refus d’un ordre (apolarité-antipolarité), s’exerce contre une structure absolument perverse, contre un ordre faussaire et imposteur, – dito, on s’en doute, celui du Système. (On sait en effet que le paradoxe mortel du Système [voir le 8 juillet 2013] est qu’il a besoin de se structurer de plus en plus pour conduire son œuvre de déstructuration par sa dynamique de surpuissance, se mettant ainsi lui-même en danger de plus en plus grand d’être déstructuré à mesure par les effets de sa propre action, et fondant ainsi la logique de l’équation surpuissance-autodestruction par augmentation très rapide de la tendance à l’autodestruction avec l’accélération de sa surpuissance, avec la perspective, déjà accomplie dans plusieurs domaines comme le technologisme, où la dynamique de la surpuissance s’est transformée en dynamique de l’autodestruction. Le cas de la NSA est révélateur à cet égard : la surpuissance de l’Agence a très largement entamé sa transmutation en dynamique d’autodestruction.) Ce sentiment du “refus d’un ordre [exercé] contre une structure absolument perverse, contre un ordre faussaire et imposteur” engendre la transmutation classique du comportement vers l’antiSystème. La situation est classique pour nous, renvoyant la fois à l'acte de la résistance et à l’acte du contrefeu avec l’opérationnalité tactique du “faire aïkido”. On en est donc au paradoxe où la “situation (en apparence) calamiteuse” du monde apolaire-antipolaire constitue en réalité une opportunité inattendue d’une action antiSystème : le désordre lui même a fini par être antiSystème.

D’une façon générale, il s’agit d’un déroulement logique inéluctable, et tout ce qu’on peut faire ou interpréter dans un sens constructif dans les circonstances actuelles est voué à l’échec si l’on en attend quelque chose de décisif. Même ce qu’on pourrait considérer comme un acte restructurant, comme la prise en main de la situation opérationnelle par le régime d’Assad ou la perspective d’un accord avec l’Iran, engendre des conséquences déstructurantes, même indirectement, qui accentuent les caractères de la situation qu’on décrit. (Ce “même indirectement” signifie que même si tel ou tel “acte restructurant”, – Syrie ou Iran, – arrive à se concrétiser [victoire d’Assad, accord avec l’Iran], les conséquence déstructurantes seront néanmoins supérieures à la structuration accomplie et annuleront tout espoir de restructuration. Cela ne signifie pas qu’il faut s’opposer à ces actes restructurants, mais les considérer pour ce qu’ils sont : des actes antiSystème, tactiques par définition, pendant qu’ils se font mais sans la capacité de créer une véritable situation stratégique nouvelle, hors-Système. L’exemple de l’Irak peut être avancé : la guerre contre l’Irak a été un calvaire pour les USA [le Système], donc parfaitement antiSystème, mais ce qu’il en résulte n’instaure en rien une situation stratégique antiSystème décisive. Par contre l’aspect antiSystème de la guerre d’Irak, contre les USA, a joué son rôle en affaiblissant à mesure les USA.) En fait, la signification du mot “victoire” ou de l’expression “résolution d’un conflit” ayant perdu tout sens, toute “victoire“ ou “résolution d’un conflit” effective, même perçue lorsqu’elle n’était qu’une perspective comme antiSystème, ne se réalise nullement d’une façon structurante décisive et engendre une surenchère de revendications, de manœuvres, de tendances déstabilisatrices, – et là aussi et encore, “tactiquement” antiSystème, – et ainsi de suite. Donc, toujours cette situation paradoxale, qu'on pourrait juger bénéfique et qui ne l'est pas au terme, mais qui l'est dans son opérationnalité et apportant donc sa contribution à l'attaque générale contre le Système.

C’est une situation effectivement sans issue dans le cadre actuel (Système) parce que la seule issue possible est la destruction totale, par effondrement, du Système. (L’autre issue décisive est inacceptable et impensable, et sans le moindre sens, puisqu'il s'agirait d'une victoire du Système qui signifierait une entropisation générale, – voir le processus dd&e ; la voie vers cette “victoire” emporterait le Système lui-même avant que cette entropisation ait été accomplie, ce qui en fait une proposition absurde.) Il n’y a pas lieu d’être optimiste ni pessimiste, mais de constater que ce phénomène (“sans issue”) ne représente en rien un jugement désespérée, puisqu’une “issue” à ce stade impliquerait qu’elle se ferait à l’intérieur du Système, donc promise à retomber sous l’empire du Système, – donc un répit pour le Système dans sa marche vers l’autodestruction. Quant à la réalité du processus d’autodestruction, on peut toujours la contester au nom d’arguments divers, purement intellectuels et surtout spéculatifs, qui s’appuient d’ailleurs selon nous sur l’acceptation de l’empire du règne de la quantité et du triomphe du “déchaînement de la Matière” qui nous est (cette acceptation) complètement étrangère par conviction et par jugement rationnel. Par contre, qui est capable de hausser sa vision à quelques mois de temps constate tous les signes de cette autodestruction ; il n’y a qu’à comparer les prévisions que nous faisions le 10 juin, ou le 15 juin, ou le 1er juillet, sur les conséquences antiSystème de la crise Snowden/NSA, et la mesure des effets diluviens, globaux, inarrêtables de ces conséquences, pour prendre en compte cette hypothèse de l’autodestruction. Qui peut nier aujourd’hui la validité de cette chose absolument impensable il y a cinq mois : la toute-puissance de la NSA d’ores et déjà acceptée partout et qui nous faisait considérer notre avenir comme un “goulag électronique” inéluctable (voir le 1er août 2013), devenue une NSA aux abois qui est l’enjeu d’une lutte féroce, notamment de groupes importants qui ne sont pas loin de vouloir la détruire, au sein même d’un centre-Système comme le Congrès des Etats-Unis, ou dans le chef de puissances au sein du bloc BAO (Allemagne) ou en-dehors de lui (Brésil). Une telle situation était impensable il y a cinq mois ; aujourd’hui, nul ne s’en étonne (pour ceux qui veulent bien prendre le temps de s’en apercevoir, certes)... Le processus d’autodestruction est non seulement à l’œuvre, il est en plus entré, dans certaines situations, dans les actes même de certaines forces du Système passées à l’antiSystème.

C’est à cette lumière qu’il faut voir la situation apolarité-antipolarité du monde. Ce n’est pas une situation génératrice de désordre, c’est une classification actant le désordre du monde, qui existe largement depuis 9/11, qui existait déjà auparavant, et qu’on paraît d’attributs divers et dissimulateurs dont les plus récents furent les fictions d’unipolarité et de multipolarité. Réaliser la vérité de la situation du monde au lieu de rester la dupe d’une dissimulation de cette même situation de la vérité du monde ne peut être en aucun cas considéré comme un événement catastrophique. Cela (la réalisation de la vérité du monde) doit au reste être accompli du point de vue le plus rationnel du monde, en utilisant la raison pour ce qu’elle doit être, – non pas une puissance faite pour changer le monde à mesure de l’hybris du sapiens en posant ainsi son asservissement au Système, mais un outil pour identifier la vérité du monde et donner à l’esprit les moyens lui permettant de mieux se situer et de rechercher ce qui doit lui être bénéfique, – c’est-à-dire l’attaque continuée sans répit ni relâche contre le Système.

dimanche, 27 octobre 2013

Los conceptos de “Pueblo” y “Nación”

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Los conceptos de “Pueblo” y “Nación”

Conrado Eggers Lan

Ex: http://elfrentenegro.blogspot.com


El presente trabajo corresponde al texto de una ponencia que, con idéntico título, fue presentada, por el Dr. Conrado Eggers Lan, en las Jornadas Bolivarianas organizadas por la Universidad Autónoma de México en agosto de 1983, sobre el tema “La filosofía doscientos años después”. Fue publicado en la Revista Soles, la agenda cultural de Buenos Aires, Nº 77, junio de 2001. Consideramos que, a pesar del tiempo transcurrido y los cambios políticos en el ámbito mundial, el análisis de los conceptos de Pueblo y Nación mantienen plena vigencia.

 

Naturaleza y cultura


Para discernir mejor el concepto de “pueblo” del de “población”, y el de “nación” del de “país”, apelaremos a una distinción que ha sido enfatizada desde el s. XIX, pero que deriva de los primeros sofistas griegos, de mediados del s. V a.C.: la delimitación entre “naturaleza” y “cultura”. Pues ya Protágoras decía que “la enseñanza requiere tanto del talento natural (phýsis) como del ejercitamiento” (D.-K. 80133); y Antifonte, por su parte, cuestionaba la diferenciación habitual entre “griegos” y “bárbaros”, ya que, aducía, “por naturaleza hemos nacidos todos similarmente en todo sentido; todos, tanto griegos como bárbaros, respiramos por la boca y la nariz, y comemos con la ayuda de las manos” (D.-K. 87B44). Es decir, se comenzaba a descubrir que, además de lo que existe cuando nace el hombre, existe, y como algo nuevo, lo que el hombre hace. Así, a grandes rasgos, pues, podemos caracterizar a la “cultura” como la acción específicamente humana y sus productos (desde un pequeño crimen hasta la más excelsa obra de arte), a diferencia de los procesos meramente orgánicos y físico-químicos de toda índole en que no entra en juego la mente humana.

“Población” y “pueblo”


Veamos, pues el concepto de “población”: este concierne a la totalidad de habitantes de un lugar, aun cuando no exista otro rasgo en común que el de co-habitarlo, y el de poseer, mayoritaria o centralmente, la misma lengua y quizás el mismo origen étnico. Hasta cierto punto, entonces, podría considerarse la “población” como un hecho natural o casi-natural. De acuerdo con lo dicho, en cambio, “pueblo” configura una creación cultural. “Pueblo”, en efecto, designa una ligazón de los habitantes de un país en torno a un objetivo común, un vínculo que conlleva implícitamente una voluntad de acción, o directamente un accionar conjunto. Esta diferenciación que hacemos implica cuando menos la posibilidad de que no todos los habitantes de un lugar participen o deseen participar en la persecución de una meta común.

Los objetivos del “pueblo”


Aquí ya debemos explicar, aunque sea del modo más esquemático, lo que entendemos por “objetivos comunes” y por “meta común”. En términos generales, cabe afirmar que la meta común cuya búsqueda liga entre sí a los integrantes del “pueblo” es la realización humana, el ser-más de cada uno y a la vez de todos, la humanización cada vez más plena de los hombres. Un fin que es, pues, “metafísico”, porque atañe al ser del hombre; lo cual no remite a un ámbito abstractamente misterioso, sino a lo que aquí describiremos como la armoniosa conjunción de los siguientes objetivos:

1. La satisfacción de las necesidades humanas más elementales (de alimentación, de vestimenta, vivienda, atención de la salud, etc.);

2. El cumplimiento de un trabajo que permita desplegar al máximo posible las aptitudes creativas personales, o que deteriore lo menos posible tales aptitudes;

3. La disposición de un “tiempo libre” en el cual las aptitudes creativas personales se desarrollen al máximo o se deterioren mínimamente; en lo cual tenemos en cuenta la indicación de H. Marcuse (One-dimensional Man, Londres, 1964, p. 49, n. 38) de que en el s. XX existe en los países industrializados más “tiempo de ocio” (leisure time) que en el s. XIX, pero no más “tiempo libre” (free time), y de que el “tiempo de ocio” es manipulado por los medios de comunicación masiva de un modo que deteriora toda aptitud creativa personal;

4. La organización del país en una nación independiente, en cuyas decisiones el hombre participe.

Esta enumeración de objetivos que acabo de hacer es puramente taxativa, de ningún modo cronológica o jerárquica.

Consciencia de la meta común


Por supuesto, no pretendemos que estos cuatro puntos sean asumidos explícitamente en el proyecto vital de cualquier ser humano, sino solo que es muy probable que su postulación fuera admitida por la gran mayoría de los hombres; y también que de hecho ya se encuentran presentes, de un modo menos preciso y esquemático que el expuesto, en los anhelos y pensamientos de la mayor parte de los individuos y de los pueblos.

Podría argumentarse que el objetivo que mencionamos en cuarto término no es patrimonio más que de una élite intelectual, extendido a los demás solo por un voluntarismo paternalista. Sin embargo, allí donde los pobladores se arraigan buscan, por una necesidad bien concreta, organizarse en sus esfuerzos comunes por afirmar su propia existencia en el lugar; aun cuando, sin duda, la historia de la paulatina organización de un “pueblo” es una cosa muy lenta y larga. Y la consciencia de los objetivos que hemos descripto puede ser más lúcida o menos lúcida, más precisa o menos precisa; pero en la medida en que esta consciencia sea común a los integrantes de un “pueblo”, proveerá a su accionar de una consciencia solidaria, una consciencia que podríamos considerar ético-metafísica, ya que promueve la realización plena como meta de los actos. Ahora bien, la detención en el cuarto de los objetivos que enumeramos nos lleva de la mano al concepto de “nación”, dado que en ese punto hemos subrayado el arraigo en un país y la organización en una nación independiente. Pues un “pueblo” puede nacer en el desierto, como los hebreos conducidos por Moisés en su marcha a través del Sinaí; pero su primera meta es “arraigarse” en un país, y a partir de allí “organizarse” para el logro de los objetivos comunes. Por consiguiente, la diferencia entre los conceptos de “país” y de “nación” reside en que con “país” se tiene en mente un “territorio poblado” –o al menos “poblable”-, en tanto que por “nación” entendemos la organización de un “pueblo”, arraigado en un “país’, a los fines de alcanzar solidariamente la realización humana. Al decir esto no estoy identificando “nación” con “Estado”, por cierto. Mi intención no es ahora detenerme en el concepto de “Estado”, pero en cuanto toca a la definición que hemos dado, “Estado” menta el aspecto de “organización”, mientras “nación” se refiere al “pueblo” como sujeto que se organiza. En ese sentido, podríamos decir que el concepto de “nación” implica algo personal, en tanto el de “Estado” algo cósico: cabe así decir que un “pueblo” tiene consciencia nacional, mientras hablar de “consciencia estatal” sería absurdo.

“Pueblo” y “anti-pueblo”


Volvamos ahora a la advertencia hecha sobre que el concepto de “pueblo” implica, por definición, la posibilidad de que no todos los habitantes de un país participen o deseen participar en la búsqueda de una meta común. Inclusive, añadamos ahora, puede darse el caso de que, dentro de la “población”, haya “individuos” o grupos que se opongan al proyecto nacional del “pueblo”. Abarcaremos en el concepto de “no-pueblo” a los individuos o grupos que, sin oponerse a dicho proyecto, no participan ni desean participar del destino común. Incluiremos, en cambio, en el concepto de “anti-pueblo” a los individuos o grupos que se oponen al “pueblo” en la consecución de sus objetivos. Estoy plenamente consciente de los riesgos implicados en el uso de expresiones tan esquematizantes como “no-pueblo” y “anti-pueblo”; creo que vale la pena asumir tales riesgos, en vista de la operatividad que, una vez precisados, veremos que ofrecen dichos conceptos, y que es sin duda mucho mayor que la operatividad acreditada históricamente por conceptos como el de “clase”. No obstante, y para evitar excesivas cacofonías, recurriremos a dos eufemismos, cuya intención espero no sea malentendida como europeizante: “la Nobleza”, para remitir a nuestro concepto de “antipueblo”; y “el Tercer Estado”, para denotar nuestro concepto de “no-pueblo”. Tratemos ahora de delimitar más claramente estos conceptos. ¿Podemos hacerlo en base a la cantidad, de modo tal que el “pueblo” fuese la mayoría de la “población” y la “Nobleza” una minoría? Sin embargo, de ser así, y teniendo en cuenta que sin duda la “Nobleza” cuenta también con objetivos comunes a sus integrantes -en vista a los cuales precisamente combate al “pueblo”-, faltaría la distinción cualitativa. En ese sentido, bien decía Aristóteles que el número “es accidental”, y que lo que hace la diferencia esencial es que, en el caso que él considera “correcto”, se atiende “al beneficio común”, mientras en el de los que denomina “desviaciones”; se mira “a los intereses particulares” (Política III 5, 1279a-b). Extraemos esta indicación aristotélica del contexto en que se halla, porque nos resulta esclarecedora para nuestro análisis. En efecto, en lo que concierne a la descripción que hicimos de los cuatro objetivos que persigue el “pueblo”, podemos advertir que cada integrante del pueblo quiere o puede querer tales objetivos para todos los pobladores del país. En lenguaje aristotélico, pues, lo que denominamos “pueblo” quiere “el bien común”. Pero la “Nobleza” no quiere ni puede querer “el bien común”, puesto que, por definición, se opone a la voluntad del “pueblo”; el “bien común” entraría en colisión con sus “intereses particulares”.

“Pueblo” y “anti-pueblo” en América Latina


Voy a ejemplificar con la experiencia que me es más familiar. Pienso, en efecto, que ya resulta claro que, al hablar de “anti-pueblo”, no estoy rotulando un fantasioso producto de laboratorio, sino mentando una realidad tan concreta como cruda en América Latina, a saber, la oligarquía ligada a los centros internacionales de poder financiero. En relación con los cuatro objetivos comunes que enumeramos como constituyentes del proyecto de realización humana del pueblo, advirtamos que dicha oligarquía podría condescender en la búsqueda del primero de ellos (la satisfacción de las necesidades elementales), y quizá, en principio, decir que no es cosa suya el logro del segundo objetivo y del tercero. Pero jamás podría aceptar la aproximación al cuarto, el referido a la organización de una nación independiente y a la participación del “pueblo” en las decisiones, pues esto quebrantaría las bases de su propio poder y de su misma existencia; y no solo porque la participación popular en las decisiones deterioraría su privilegio, sino porque su poder sectorial se apoya esencialmente en la dependencia de su país respecto de los centros internacionales de poder financiero. Precisamente por eso, cada vez que la “Nobleza” ataca, lo más probable es que en el bando de enfrente esté el “pueblo”. Si se tuviese esto en claro, no se habría producido -ni persistiríaese fenómeno de autoengaño que hemos observado y seguimos observando en la Argentina, donde los teóricos de la política se niegan a hablar del peronismo como un movimiento popular -o, en el gobierno, como un gobierno popular-, y prefieren calificarlo de “populismo”, pretendiendo negarle su condición de “pueblo” y presentándolo como una aglutinación demagógica de una mayoría favorecida solo superficialmente. Cualquiera que eche una mirada a la historia política argentina de los últimos cuarenta años puede advertir que la oligarquía agropecuaria ligada a los intereses extranjeros estuvo siempre en el bando opuesto al peronismo, y, en tal condición, derrotada claramente por este en todos los comicios y su vencedora solo merced a violentos golpes militares.

“Elite” y “pueblo”


En este punto, de todos modos, cabe señalar que el ser atacado por la “Nobleza” no es por sí solo garantía de que el conjunto atacado sea el “pueblo”. Pues el ataque también puede desatarse sobre una “vanguardia esclarecida” que desafíe a la “Nobleza” en forma inclusive más clara y agresiva de lo que lo haría el “pueblo”, y se convierte entonces en chivo expiatorio, sea por el temor de la “Nobleza” de que el brote sea epidémico, sea porque ella se forja la ilusión de que está combatiendo a su real enemigo. En este segundo caso, la ilusión es por partida doble, ya qué no solo la “Nobleza” toma a la élite por “pueblo”, sino que esta también se ilusiona con que es “pueblo” o con que lo representa. Sin embargo, el “pueblo” jamás se forma o actúa en base a una “vanguardia esclarecida”. Y aquí sí, para advertir la diferencia, cuenta el número, ya que esa “vanguardia” es una pequeña minoría, en tanto el “pueblo” es siempre mayoría. De todos modos lo esencial a este sigue siendo la consciencia solidaria de los objetivos comunes, solo que estos objetivos también pueden ser postulados por esa “élite ilustrada”, y en forma más marcada y explícita. Porque la consciencia que de sus propósitos tiene un individuo suele ser más clara que la de una pluralidad de individuos, máxime si ese individuo es intelectual y si esa pluralidad es muy vasta (aunque la “sabiduría popular” es generalmente más profunda y duradera, quizá por formarse con la lenta sedimentación de las experiencias). Y este hecho origina que tal individuo o una élite compuesta por tales individuos enjuicien el comportamiento del “pueblo”, y el grado de consciencia alcanzado por este, dictaminando que la consciencia del “pueblo” está aún inmadura o no existe. En ese sentido persiste hoy en día el voluntarismo liberal de la filosofía política de Hegel, quien parte del concepto de libertad como voluntad racional y universal, entendiendo por voluntad universal no lo que quieren todos o la mayoría de los pobladores, sino la voluntad racional que solo la “vanguardia ilustrada” puede poseer y que por sí sola acredita su universalidad. En cambio, dice Hegel, “el pueblo, en la medida que con esta palabra se designa una parte determinada del Estado, expresa la parte que precisamente no sabe lo que quiere. Saber lo que se quiere y, más aún, lo que quiere la voluntad que es, en sí y para sí, la razón, es el fruto de un profundo conocimiento y sabiduría, que no son precisamente cosa del pueblo”. (Grundlinien der Philosophie des Rechts § 301; 4a. ed., J. Hoffmeister, Hamburgo, 1955, pp. 261s.). Hemos hablado de élite o “vanguardia”, pero en rigor debemos usar el plural, ya que puede haber muchas y con una gran variedad de ideologías, que lleguen a ser inclusive “opuestas”, con la sola característica común de “vanguardias ilustradas”. En tanto tales, estas “vanguardias” no pueden integrarse en el “pueblo”, aún cuando eventualmente exista coincidencia de objetivos; los individuos que integran las élites sí pueden integrarse al pueblo, a condición de renunciar a todo carácter de “vanguardia esclarecida”, y sin perjuicio de sumar su aporte a los estudios teórico-prácticos que se hagan en el seno del “pueblo”. En cualquier caso, y siempre que una miopía total no las haga cómplices de la “Nobleza”, las élites no forman parte de esta, sino más bien de lo que denominamos “no-pueblo” o “Tercer Estado”, y que ahora estamos describiendo.

“Sector neutro” y “pueblo”


El “Tercer Estado”, en efecto, dista de agotarse en las élites, sino que su franja más amplia es ocupada por lo que bautizaremos como “sector neutro”, por el hecho de que es el único sector o grupo que no se pronuncia a favor o en contra del “pueblo” (aloja, naturalmente, opiniones individuales o aisladas, si no hay compromiso ni riesgos, pero que nunca abarcan a más de un individuo). Se trata de un conjunto de personas que pueden pertenecer a muy diversas clases sociales y estamentos, y que, aparte de las afinidades lingüísticas y étnicas, no cuentan con otros rasgos en común que los de vivir en una misma región bajo las mismas leyes y costumbres. Alguien podría objetar aquí que rasgos comunes tales como los étnicos y lingüísticos y la vida en un mismo país bajo las mismas leyes y costumbres son precisamente los rasgos que de ordinario se tienen más en cuenta al describir el concepto de “nación” y al caracterizar al “pueblo” que hay en ella. Y sin embargo, si se admite la noción de “consciencia nacional” como consciencia de un proyecto de realización común, deberá convenirse también en que no hay nada más ausente que ella en ese “sector” que denominamos “neutro”. Pues en dicho “sector” solo hay proyectos de uno, a lo sumo de dos, pero nunca más allá de un individuo o de una pareja. Y esta diferencia se hace en este caso más substancial que en las otras relaciones consideradas, ya que puede haber circunstancias en que la cantidad de individuos que componen este “sector neutro” aumente hasta el punto que este sea numéricamente mayoritario dentro de la población. En tales circunstancias no cabe hablar de “pueblo”, ya que el “pueblo” solo puede existir mayoritariamente. Así, de producirse eso, solo habrá “Tercer Estado” y “Nobleza”. No obstante, ni aún en tales circunstancias estos dos conjuntos se identifican ni se asimilan entre sí. La “Nobleza” puede, ciertamente, instrumentar tanto al “sector neutro” como a las élites para sus fines antinacionales, o, al menos, mantenerlos bajo control. Lo que no veremos es que la “Nobleza” combata al “sector neutro”, sea este minoría o mayoría, en lo cual este se distingue claramente del “pueblo”.

“Anti-pueblo” sin “pueblo”


Aquí debemos modificar o al menos precisar nuestra caracterización anterior de la “Nobleza”, en tanto la basamos en la oposición de esta al proyecto del “pueblo”, y ahora presumimos su existencia incluso allí donde decimos que no hay ya “pueblo”, sino solo “Tercer Estado”, con un “sector neutro” mayoritario que no tiene un proyecto común y que, por lo mismo, no es atacado en su accionar. Lo que sucede es que hoy en día ningún país de la tierra puede substraerse a la marcha de la historia, sino que siempre participa en esta, sea a través de un proyecto nacional o de un proyecto anti-nacional, por más efímero o incoherente que resulte. Y si no hay un “pueblo” que impulse un proyecto nacional, el proyecto que se ejecute será anti-nacional, ya que frenará toda posibilidad de realización humana común y, ante todo, la de organización nacional. Y para ello siempre deberá haber una minoría anti-nacional que coincida con lo que hemos denominado “Nobleza”, aunque no esté su acción centrada en combatir al “pueblo”, sino a lo sumo en prevenir la eventual aparición del “pueblo”.

Surgimiento y evolución del “pueblo”.


Cómo surge el “pueblo” allí donde no existía y la plaza mayoritaria era ocupada por el “sector neutro”, constituye para mí un problema del cual por ahora solo puedo tomar nota, ya que mi conocimiento de la historia de América Latina no me permite más que conjeturar que el surgimiento de un “pueblo” no se sujeta a leyes históricas más o menos detectables, y como mucho advertir algunos hechos que facilitan la creación cultural de un “pueblo”, tales como la aparición de líderes y coyunturas que propician la madurez de la consciencia “popular”. Por lo demás, una vez en escena los “pueblos”, su evolución no es rectilínea hacia los objetivos, puesto que, por un lado, no basta la voluntad de lucha, creación y sacrificio y, por otro, la cosa se juega en buena parte fuera de los límites de una sola “nación” y de un solo “pueblo”. En esa evolución, el “pueblo” puede ser golpeado y sometido; pero en el lapso siguiente solo quedará aletargado, nunca extinguido: una vez que se toma “consciencia nacional” ya no se la pierde, y el “pueblo” solo puede cesar de existir con la civilización íntegra a que pertenece.

“Pueblo” y “nación” en Latinoamérica.


Finalmente, queda aún por reflexionar sobre la posibilidad de aplicación de los conceptos que he descripto al proyecto bolivariano de unidad latinoamericana. Hoy en día podemos discernir tres metas escalonadas en el cumplimiento pleno de dicha propuesta, aunque esta sea en principio explícita solo en cuanto a la segunda meta; la primera sería “nacional” y la tercera “mundial”. En efecto, ningún individuo puede realizarse en una comunidad que no se realice -esto es, en un país que no sea “nación”- y análogamente, ninguna “nación” de la tierra puede realizarse en un mundo que no se realice. Hablar de la realización humana en términos planetarios suena a utopía renacentista y parece convertir el análisis filosófico en fantasía pura. Y sin embargo, es lo mismo que, con un lenguaje político realista, plantean los representantes del Tercer Mundo ante los poderes hegemónicos en las conferencias internacionales. Y precisamente la denominación “Tercer Mundo” designa una realidad socio-política más amplia que la “nacional” y más reducida que la mundial; realidad socio-política que es más concreta y homogénea aún si la restringimos a América Latina. Vale decir, la unidad latinoamericana sería la segunda meta. La mayor dificultad estriba en que, de diversas maneras, el logro de la tercera meta condiciona la plenitud de las dos anteriores, especialmente porque el “anti-pueblo” sienta sus reales en ese nivel mundial, y es allí donde combate al “pueblo” de cada “nación” y de toda Latinoamérica. Por cierto que mi análisis se detiene aquí, ya que no cuento con la experiencia adecuada para responder a la pregunta de sí hay o puede haber un “pueblo” latinoamericano que haga suyo un proyecto de “nación” latinoamericana más allá de todo voluntarismo elitista. En este punto solo arriesgaría una conjetura afirmativa, en base a la similitud de los procesos históricos, sociales, económicos y políticos en toda Latinoamérica y a la casi certeza de que hay un destino común que poco a poco se va asumiendo en todas partes. Por ello considero que un análisis como el que bastante burdamente acabo de presentar podría ser afinado y precisado dialógicamente, y de ese modo configuraría un aporte nada insubstancial de la filosofía a la propuesta de Bolívar de unidad latinoamericana.

* 1927-1996. Profesor titular de la cátedra de Historia de Filosofía Antigua. Publicó traducciones de diálogos de Platón con ensayos preliminares y varios libros sobre el mundo griego. Fue investigador del Conicet y creó la Sociedad Internacional de Platonistas. Desde 1988 dirigió la revista Méthexis con colaboraciones de filósofos argentinos y extranjeros. Interesado en la sociedad actual, también publicó varios libros sobre pensamiento nacional y contribuyó como pocos a la formación politica e intelectual de varias generaciones de dirigentes y militantes del campo del Pueblo de varios países de nuestra región.

mardi, 19 mars 2013

Populisme & populistes

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Populisme & populistes

Ex: http://nouvellelanguefrancaise.hautetfort.com/

Chaque jour, des intellos de Sciences Po ou des media ou des Hautes Etudes, intellos au QI de grenouilles voulant se faire plus grosses qu’un troupeau de bœufs et persuadés d’être d’un sang supérieur, dissertent du populisme sans jamais définir le mot populisme.

Populisme ni populiste ne sont pas enregistrés dans les différentes éditions du Dictionnaire de l’Académie française (de 1694 à 1935), ni dans le Dictionnaire de la Langue française de Littré publié dans la seconde moitié du XIXe siècle. Ce sont des mots modernes. La première attestation de populisme date de 1912 dans l’ouvrage intitulé La Russie moderne et le nom populiste est attesté en 1907 au sens de « membre d’un parti prônant en Russie des thèses de type socialiste ». En 1929, populiste est en usage pour qualifier des romanciers qui refusent de représenter des bourgeois ou des aristocrates et qui, pour atteindre cet objectif, situent l’action de leurs romans dans les milieux populaires, au sens ancien de ces deux mots, et non dans le sens euphémique où Besancenot de Pellepoix entend aujourd’hui quartiers populaires (comprendre « islamisés »). Le populisme est une « école littéraire qui décrit avec réalisme, dans des romans, la vie des milieux populaires » (Trésor de la Langue française 1971-94). En 1937, le prix du roman populiste a été décerné en 1937 à Sartre Jean-Paul pour La Nausée, grand populiste s’il en fut. Dans ces mots et dans ce qu’ils désignent ou ce qu’ils signifient, il n’y a rien qui mérite le pilori, le gibet ou la potence, qui sont pourtant promis à ceux à qui le crime de populisme est imputé.

Pour ce qui est de l’histoire, populisme et populiste sont des mots russes. Ils ont été fabriqués en Russie dans les années 1860 pour désigner un « mouvement politico-social qui voulait entraîner l’ensemble de la paysannerie, du peuple, dans la lutte contre le pouvoir tsariste ». Les populistes étaient souvent des jeunes gens, issus de très bonnes familles et ayant fait de vraies études, qui voulaient en finir avec l’apartheid russe. Pour cela, ils allaient vers le peuple et apprenaient à lire et à écrire aux moujiks, aux portefaix, aux manœuvres, aux domestiques. Il y a dans les romans de Tolstoï des populistes qui sont éminemment généreux et qui sacrifient leur destin social au bien-être du peuple. Le comte Tolstoï lui-même, cet écrivain de génie, était de toute évidence populiste. Or, à partir du moment où Lénine et les bolcheviks ont réussi leur coup d’Etat, ils ont fait des populistes leurs ennemis et les ont donc éliminés, les thèses de ces nouveaux Satan effaçant la lutte des classes. De fait, populisme et populiste sont devenus en URSS des mots suintant la haine que les tyrans vouent au peuple ; et comme ils étaient des mots de haine en URSS, ils le sont devenus tout naturellement en France, où sociologues, vigilants, intellos de tout poil ont avalisé, le doigt sur la couture du pantalon, l’oukase du Parti Communiste de l’Union soviétique.

Dans le Trésor de la langue française (1971-94) qui est aussi, hélas, le trésor de la langue des engagés, le populisme est par extension « tout mouvement, toute doctrine faisant appel exclusivement ou préférentiellement au peuple en tant qu’entité indifférenciée ». Cette entité indifférenciée n’est pas de la langue française, mais de la logorrhée idéologico-politique engagée et enragée. Pour en entendre le sens, il faut la décrypter. Tenir le peuple pour une « entité indifférenciée » n’est un mal que pour les marxistes. C’est que, dans indifférencié, les classes sont niées et que la lutte des classes est impossible avec une « entité » de ce type. Les exemples cités attestent que populisme est défini à partir de la détestable idée que les marxistes se font du peuple : « le populisme est dénoncé comme l’idéologie du « petit producteur » utopiste et réactionnaire ; il nie la lutte de classes et substitue au matérialisme historique et dialectique une sociologie subjectiviste ». Ce charabia est dans le Trésor de la Langue française, que ses auteurs transforment, dès que l’occasion s’en présente, en encyclopédie soviétique, c’est-à-dire en monument de la Bêtise à la gloire de la stupidité marxiste. Extrait d’un ouvrage intitulé Marxisme (1982), il est reproduit tel quel, sans rire ni ironie, ce qui fait de nos glorieux lexicographes nationaux, CNRS et tutti quanti, les perroquets de l’idéologie soviétique.

Aujourd’hui, en mars 2013, ceux qui sont accusés de populisme (donc de fascisme, de racisme, d’anticommunisme, de xénophobie, d’islamophobie, etc.) sont italiens. Or qu’observe-t-on ? Les élus du « Mouvement 5 étoiles » sont jeunes ; ils sont âgés en moyenne de 37 ans ; ils ont de dix à quinze ans de moins en moyenne que les élus du camarade PCI Bersani et du Commissaire politique Monti ; ils sont tous ou quasiment tous diplômés de l’enseignement supérieur (92% d’entre eux sont Bac + 5) ; près de 40% d’entre eux sont des femmes ; c’est leur premier mandat ; ils ont refusé de passer à la télé. Ces élus et ceux qui les ont élus sont jeunes, instruits, cultivés, majoritairement des femmes, « modernes » sur tous les plans ; et ce sont eux qui sont accusés, contre toute réalité, de « populisme ». L’accusation n’a aucun fondement : elle vaut les « fascistes » ou les « sales youpins » éructés par les communistes et les nazis (et inversement) de naguère. Populisme n’est plus que le « Vade retro Satanas » des nantis, assoiffés de pouvoir et d’argent, qui s’accrochent avec l’énergie des morts-de-faim à leurs rentes de situation.

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samedi, 09 mars 2013

Crypto-Anarchism, Cyber-Security, & the New Right

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Crypto-Anarchism, Cyber-Security, & the New Right

By Matt Parrott 

Ex: http://www.counter-currents.com/

In theory, anarchy is against hierarchy and obedience to authority while traditionalists embrace these unfashionable principles.

In theory, anarchism and traditionalism are polar opposites and naturally antagonistic. In practice, within the current social and political context, the two causes are natural allies. Both anarchists and traditionalists are opposed to this state . . . for the opposite reasons. Anarchists are against any and all sovereign regimes, whereas traditionalists are opposed to this sovereign regime. The anarchist Peter Pan is opposed to parents altogether, while the traditionalist Robin Hood is against this wicked usurper.

Crypto-Anarchism can be understood as an ideology, and it even has its own little Crypto-Anarchist Manifesto [1]. More generally, though, Crypto-Anarchism encompasses any and all efforts to liberate communication from state control and manipulation. It would be ironic for one who conflated Crypto-Anarchism and generic anarchism that the Al Qaeda network–intent on establishing a draconian theocratic global Caliphate–has pioneered the application of cryptography in its ongoing war with several dozen states. Of course, these are the same Leftist fools who rally under the likeness of Catholic traditionalist radical Guy Fawkes, so this confusion should come as no surprise.

There are state laws against cryptography, but they’re utterly inconsequential, except perhaps as additional charges to throw at the condemned. The reason is that it’s impossible to detect cryptography when it’s concealed (steganography), and it’s impractical to detect illegal variants of cryptography when it’s bundled in legal variants of cryptography. While the state may be able to pick off the unwary and ill-prepared, the only complete recourse at this point is for the state to shut off the Internet.

The state’s at least as dependent on the Internet as the citizenry, and untold billions of dollars worth of corporate capital rely on the Internet. The question is not whether this state will tolerate the Internet and secure communication, but whether the Internet and secure communication will tolerate this state. While the Internet did indeed originate in America’s military-industrial complex, and was incubated by multinational corporations, there’s reason to believe that neither the regime nor its financial backers have any real ability to control or contain it.

Jay Rockefeller: Internet should have never existed [2]

There are multiple reasons secure communication remains an afterthought on the Internet, all of which are ephemeral. Some are technical. The “deep web” (the secret Internet behind the Internet) remains flaky and slow because there are relatively few people on it, because the encryption overhead carries a significant performance cost, and because a virtual “commons” intrinsically designed to be devoid of accountability is categorically ripe for abuse. Furthermore, the technology remains a few steps beyond the reach of the digital layman, requiring one to willfully seek it out, download it, and figure out how to use it.

The primary obstacle to achieving ubiquitous secure email communication isn’t a mathematical wizard at the NSA, it’s the frustrating mess of “private keys,” “public keys,” and specific steps involved in the process. Processors and networks will continue incrementally improving, but genuine progress for the deep web will only come when accessing the technology gets easier and carrying on as usual gets harder. Currently, the deep web is largely a frontier occupied by radical dissidents, child pornographers, computer hobbyists, and the sharper organized crime networks.

Up until recently, government regulation of illicit file-sharing networks was rather mild, but that’s changing, driving an increasing amount of it into the deep web and entirely beyond the reach of government enforcement. It’s in the tactical interest of sovereign states to tolerate absolutely all speech and communication except for terrorist plots and the most heinous organized crime (inclusive of child pornography). What grabbing for the royalties of e-book thieves and classic film buffs accomplishes is accelerating the inevitable transition of the entire Internet from a relatively transparent network they can observe like a fishbowl into an inscrutable black box. Military intelligence analysts don’t make policy, they enforce policy. Policy and enforcement is at the hands of corporate lobbying groups like the MPAA and RIAA which lean on legislative, executive, and judicial institutions to rescue their imperiled business models.

There’s an argument that the more advanced intelligence agencies are actually on top of these things. Ultimately, there’s no way to prove or disprove this proposition, and I may be proven wrong, but I don’t believe it’s possible for them to insert back doors into the open source software the Internet runs on. I don’t believe they’ve cracked the more advanced encryption algorithms. There are, after all, substantial cash prizes waiting for those who can demonstrate having cracked the more popular encryption schemes . . . not to mention undying fame within hacker subcultures.

The more successful hacks on record have largely been feats of social engineering, and many of the others have been clever exploitation of simple mistakes at some improbable layer of the technology stack. If the government can control it, Al Qaeda wouldn’t have chat rooms. Banks wouldn’t entrust billions of dollars every day to SSL encrypted websites. Silk Road wouldn’t be mail-ordering cocaine and XTC with impunity. Child pornography wouldn’t be a thriving global black market with only a fraction of the consumers being caught.

What does all this mean, politically? What does it mean for us?

Within the next decade, powerful smartphones will be ubiquitous. The technology connecting them to the deep web will be readily accessible to the layman. Creeping state efforts to intrude upon communication will make the deep web a daily necessity for anybody who desires any degree of privacy. Monetary transactions will gradually shift to the tax-free, inflation-free, fee-free, digital currencies, undermining the global economic order and bringing down with it every regime which relies on military technology or economic incentives to ensure the loyalty of its subjects.

The regimes which rely primarily on financial control rather than more organic and traditional authority are existentially threatened by the rapid advances in secure communication technology. For all the concern about China, Russia, Iran, and North Korea posing a cyber-security threat to the United States government, the greatest threat is coming from BitCoin or a variant thereof. If the state monopoly on legal tender is broken in the same way the music industry’s monopoly on listening to music has been broken, a cascade failure of the prevailing global power structure without historical precedent will follow.

It may be foolhardy to make a prediction as bold and specific as that one, and it’s foolish to speculate on exactly how it will play out. I believe; however, that political progress in the future will favor those vanguards which rely on traditional and organic authority, especially the ones which take the lead in mastering and utilizing the secure communication technologies as they’re developing. As a movement, we have the first half of the equation nailed. To capitalize on the coming revival of tribal and traditional leadership, the New Right needs to know how to send encrypted emails and communicate through encrypted means whenever possible. At the very least, we should all avoid the habit of discussing anything private on services like Facebook, Skype, and Gmail Chat which likely have back doors.

We can't allow technology to overwhelm us.

We can’t allow technology to overwhelm us.

If political pressure on web hosting companies forces our major websites to be pulled, then they should reappear shortly thereafter on the deep web. Readers and supporters should know where to find it.

There’s a certain bias among conservatives and traditionalists against technology, due to its dehumanizing and alienating impact on society, and due to its having been leveraged against conservatism and tradition.

Technology is what one makes of it, and I believe it can be a veritable Excalibur against the global oligarchs and Modernity itself if leveraged intelligently and effectively.

One of the charming aspects of Farnham O’Reilly’s neo-fascist sci-fi novel Hyperborean Home [3] is the proposition that technology will be advanced and ubiquitous, yet seamlessly integrated into the natural world and traditional community. Rather than being a distracting, obnoxious, and gaudy intrusion into our daily lives, it will fade into the background and be there when necessary, as if it were magic. Rather than coming between us, it will help pull us together. Instead of posing an insidious threat to human dignity and privacy, it will enhance both. This is, in my opinion, what the New Right’s position should be on technology, not a reactionary conservative’s reflexive fear of change or the buffoonish liberal’s dehumanizing “futurist” dystopia of bionic people floating in chrome contraptions . . . but a mastery of technology in the service of tribe, tradition, and transcendence.

 


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

URL to article: http://www.counter-currents.com/2013/03/crypto-anarchism-cyber-security-and-the-new-right/

URLs in this post:

[1] Crypto-Anarchist Manifesto: http://www.activism.net/cypherpunk/crypto-anarchy.html

[2] Jay Rockefeller: Internet should have never existed: http://www.youtube.com/watch?v=Ct9xzXUQLuY

[3] Hyperborean Home: http://www.counter-currents.com/2011/07/hyperborean-home/

mardi, 05 mars 2013

Sur la notion de patrie charnelle

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Robert STEUCKERS:

Causerie à bâtons rompus sur la notion de patrie charnelle

 

Conférence prononcée à Nancy, à la tribune de “Terre & Peuple” (Lorraine), le 10 mars 2012

 

La notion de patrie charnelle nous vient de l’écrivain et militant politique Marc Augier, dit “Saint-Loup”, dont le monde de l’édition —en particulier les “Presses de la Cité”— a surtout retenu les récits de son aventure militaire sur le Front de l’Est pendant la seconde guerre mondiale. Mais l’oeuvre de Saint-Loup ne se résume pas à cette seule aventure militaire, ses récits de fiction, son évocation des “Cathares de Montségur” ou de la Terre de Feu argentine le hissent au niveau d’un très grand écrivain, ce qu’il serait devenu indubitablement pour la postérité s’il n’avait traîné une réputation de “réprouvé” donc de “pestiféré”. Dans les écrits de ce Français très original, il y a beaucoup plus à glaner que ces seules péripéties militaires dans un conflit mondial du passé qui ne cesse de hanter les esprits, comme le prouve l’existence de belles revues sur papier glacé, comme “39-45” ou “Ligne de front”, par exemple. Il faut se rappeler, entre bien d’autres choses, qu’il a été l’initiateur des auberges de jeunesse sous le “Front Populaire”, lorsqu’il était un militant socialiste, incarnant un socialisme fort différent de celui des avocats aigris, “maçonneux”, encravatés et radoteurs-rationalistes: le socialisme du camarade Marc Augier (qui n’est pas encore Saint-Loup) est joyeux et juvénile, c’est un socialisme de l’action, du grand “oui” à la Vie. Saint-Loup, que je n’ai rencontré que deux fois, en 1975, était effectivement un homme affable et doux mais amoureux de l’action, de toute action amenant des résultats durables, hostile aux chichis et aux airs pincés des psycho-rigides qui ont incarné les établissements successifs dont la France a été affligée.

 

Un monde qui devrait être tissé de fraternité

 

augier-dit-saint-loup.jpgLe terme “action”, en politique, dans l’espace linguistique francophone, possède une genèse particulière. Maurras utilise le mot dans le nom de son mouvement, l’Action Française, sans nécessairement se référer à la philosophie du catholique Maurice Blondel, auteur d’un solide traité philosophique intitulé “L’Action”, pour qui l’engagement pour la foi devait être permanent et inscrit dans des “oeuvres”, créées pour le “Bien commun” et qu’il fallait perpétuer en offrant ses efforts, sans tenter de les monnayer, sans espérer une sinécure comme récompense. En Belgique, le Cardinal Mercier, correspondant de Blondel, donnera une connotation politisée, sans nul doute teintée de maurrassisme, à des initiatives comme l’Action Catholique de la Jeunesse Belge (ACJB), dont émergeront deux phénomènes marquants de l’histoire et de l’art belges du 20ème siècle: 1) le rexisme de Degrelle en tant que dissidence contestatrice fugace et éphémère du “Parti Catholique”, et, 2) dans un registre non politicien et plus durable, la figure de Tintin, qui agit dans ses aventures pour que le Bien platonicien ou la justice (divine?) triomphe, sans jamais faire état de ses croyances, de ses aspirations religieuses, sans jamais montrer bondieuseries ou affects pharisiens. Cette dimension aventurière, Saint-Loup l’a très certainement incarnée, comme Tintin, même si son idiosyncrasie personnelle ne le rapprochait nullement du catholicisme français de son époque, amoureux des productions graphiques d’Hergé via la revue “Coeurs Vaillants”; en effet, Saint-Loup est né dans une famille protestante, hostile à l’Eglise en tant qu’appareil trop rigide. Ce protestantisme se muera en un laïcisme militant, exercé dans un cadre politique socialiste, se voulant détaché de tout appareil clérical, au nom du laïcisme révolutionnaire. Saint-Loup crée en effet ses auberges de jeunesse dans le cadre d’une association nommée “Centre laïque des Auberges de Jeunesse”. Dans cette optique, qui est la sienne avant-guerre, le monde idéal, s’il advenait, devrait être tissé de fraternité, ce qui exclut tout bigotisme et tout alignement sur les manies des bien-pensants (et là il rejoint un catholique haut en couleurs, Georges Bernanos...).

 

Contre la “double désincarnation”

 

Les linéaments idiosyncratiques de la pensée émergente du jeune Marc Augier conduisent bien entendu à une rupture bien nette avec l’ordre établi, parce que l’ordre est désormais désincarné et qu’il faut le réincarner. Comment? En recréant de la fraternité, notamment par le biais des auberges de jeunesse. Aussi en revenant aux sources de toutes les religions, c’est-à-dire au paganisme (option également partagée par Robert Dun). Sur le plan politique, les options de Saint-Loup sont anti-étatistes, l’Etat étant une rigidité, comme l’Eglise, qui empêche toute véritable fraternité de se déployer dans la société. Saint-Loup ne sera donc jamais l’adepte d’un nationalisme étatique, partageant cette option avec le Breton Olier Mordrel, qui fut, lui, condamné à mort par l’Etat français en 1940: le militant de la Bretagne libre va alors condamner à mort en esprit l’instance (de pure fabrication) qui l’a condamné à mort, lui, le Breton de chair et de sang. Chez Saint-Loup, ces notions de fraternité, de paganisme, d’anti-étatisme postulent en bout de course 1) une vision de l’espace français comme tissu pluriel, dont il ne faut jamais gommer la diversité, et 2) une option européenne. Mais l’Europe, telle qu’elle était, telle qu’elle est aujourd’hui, aux mains des bien-pensants, n’était et n’est plus elle-même; elle est coupée de ses racines par un christianisme étranger à ses terres et par la modernité qui est un avatar laïcisé de ce christianisme éradicateur. Constater que l’Europe est malade et décadente revient donc à constater une “double désincarnation”.

 

Les deux axiomes de la pensée charnelle

 

060807_100457_PEEL_RY9d9G.jpgCette perception de l’Europe, de nos sociétés européennes, se révèle dans le roman “La peau de l’aurochs”, géographiquement situé dans une vallée valdotaine. Les Valdotains de “La peau de l’aurochs” se rebiffent contre l’industrialisation qui détruit les traditions populaires (ce n’est pas toujours vrai, à mon sens, car dans des régions industrielles comme la Lorraine, la Ruhr ou la Wallonie du sillon Sambre-Meuse sont nées des cultures ouvrières et populaires riches, d’où les sculpteurs Constantin Meunier et Georges Wasterlain ont tiré leurs créations époustouflantes de beauté classique). Et les Valdotains du roman de Saint-Loup veulent aussi préserver les cultes ancestraux, ce qui est toujours plus aisé dans les régions montagneuses que dans les plaines, notamment en Suisse, où les dialectes des vallées se maintiennent encore, ainsi que dans tout l’arc alpin, notamment en Italie du Nord où une revue comme “Terra Insubre” défend et illustre les résidus encore bien vivants de la culture populaire lombarde et cisalpine. “La peau de l’aurochs” est un roman qui nous permet de déduire un premier axiome dans le cadre de la défense de toutes les identités charnelles: la PRESERVATION DE NOTRE IDENTITE = la GARANTIE DE NOTRE ETERNITE. Cet axiome pourrait justifier une sorte de quiétisme, d’abandon de toute revendication politique, un désintérêt pour le monde. Ce pourrait être le cas si on se contentait de ne plus faire que du “muséisme”, de ne recenser que des faits de folklore, en répétant seulement des traditions anciennes. Mais Saint-Loup, comme plus tard Jean Mabire, ajoute à cette volonté de préservation un sens de l’aventure. Nos deux auteurs s’interdisent de sombrer dans toute forme de rigidité conceptuelle et privilégient, comme Olier Mordrel, le vécu. Le Breton était très explicite sur ce recours permanent au “vécu” dans les colonnes de sa revue “Stur” avant la seconde guerre mondiale. De ce recours à l’aventure et au vécu, nous pouvons déduire un second axiome: les RACINES SONT DANS LES EXPERIENCES INTENSES. Ce deuxième axiome doit nous rendre attentifs aux oppositions suivantes: enracinement/déracinement, désinstallation/installation. Avec Saint-Loup et Mabire, il convient donc de prôner l’avènement d’une humanité enracinée et désinstallée (aventureuse) et de fustiger toute humanité déclinante qui serait déracinée et installée.

 

On ne peut juger avec exactitude l’impact de la lecture de Nietzsche sur la génération de Saint-Loup en France. Mais il est certain que la notion, non théorisée à l’époque, de “désinstallation”, est une notion cardinale de la “révolution conservatrice” allemande, relayée par Ernst Jünger à l’époque de son militantisme national-révolutionnaire puis, après 1945, par Armin Mohler et, à sa suite, par la “nouvelle droite”, via les thèses “nominalistes” qu’il avait exposées dans les colonnes de la revue munichoise “Criticon”, en 1978-79. La personnalité volontariste et désinstallée, en retrait (“withdrawal”, disait Toynbee) par rapport aux établissements installés, est celle qui, si la chance lui sourit, impulse aux cycles historiques de nouveaux infléchissements, lors de son retour (“return” chez Toynbee) sur la scène historico-politique. Cette idée, exposée dans la présentation que faisait Mohler de la “révolution conservatrice” dans sa célèbre thèse de doctorat, a été importée dans le corpus de la “nouvelle droite” française par Giorgio Locchi, qui a recensé cet ouvrage fondamental pour la revue “Nouvelle école”.

 

Saint-Loup, Tournier: la fascination pour l’Allemagne

 

le-roi-des-aulnes.jpgLe socialiste Marc Augier, actif dans le cadre du “Front populaire” français de 1936, découvrira l’Allemagne et tombera sous son charme. Pourquoi l’Allemagne? Dans les années 30, elle exerçait une véritable fascination, une fascination qui est d’abord esthétique, avec les “cathédrales de lumière” de Nuremberg, qui s’explique ensuite par le culte de la jeunesse en vigueur au cours de ces années. Les auberges et les camps allemands sont plus convaincants, aux yeux de Marc Augier, que les initiatives, somme toute bancales, du “Front populaire”. Il ne sera pas le seul à partager ce point de vue: Michel Tournier, dans “Le Roi des Aulnes”, partage cette opinion, qui s’exprime encore avec davantage de brio dans le film du même titre, réalisé par Volker Schlöndorff. Le célèbre créateur de bandes dessinées “Dimitri”, lui aussi, critique les formes anciennes d’éducation, rigides et répressives, dans sa magnifique histoire d’un pauvre gamin orphelin, devenu valet de ferme puis condamné à la maison de correction pour avoir tué le boucher venu occire son veau favori, confident de ses chagrins, et qui, extrait de cette prison pour aller servir la patrie aux armées, meurt à la bataille de Gallipoli. Le héros naïf Abel dans “le Roi des Aulnes” de Schlöndorff, un Abel, homme naïf, naturel et intact, jugé “idiot” par ses contemporains est incarné par l’acteur John Malkovich: il parle aux animaux (le grand élan, la lionne de Goering, les pigeons de l’armée française...) et communique facilement avec les enfants, trouve que la convivialité et la fraternité sont réellement présentes dans les camps allemands de la jeunesse alors qu’elles étaient totalement absentes, en tant que vertus, dans son école française, le collège Saint-Christophe. Certes Schlöndorff montre, dans son film, que cette convivialité bon enfant tourne à l’aigreur, la crispation et la fureur au moment de l’ultime défaite: le visage du gamin qui frappe Abel d’un coup de crosse, lui brise les lunettes, est l’expression la plus terrifiante de cette rage devenue suicidaire.Tournier narre d’ailleurs ce qui le rapproche de l’Allemagne dans un petit essai largement autobiographique, “Le bonheur en Allemagne?” (Folio, n°4366).

 

Une vision “sphérique” de l’histoire

 

Toutes ces tendances, perceptibles dans la France sainement contestatrice des années 30, sont tributaires d’une lecture de Nietzsche, philosophe qui avait brisé à coups de marteau les icônes conventionnelles d’une société qui risquait bien, à la fin du “stupide 19ème siècle”, de se figer définitivement, comme le craignaient tous les esprits non conformes et aventureux. Le nietzschéisme, via les mouvements d’avant-gardes ou via des séismographes comme Arthur Moeller van den Bruck, va compénétrer tout le mouvement dit de la “révolution conservatrice” puis passer dans le corpus national-révolutionnaire avec Ernst Jünger, tributaire, lui aussi, du nietzschéisme ambiant des cercles “jungkonservativ” mais tributaire également, dans les traits tout personnels de son style et dans ses options intimes, de Barrès et de Bloy. Quand Armin Mohler, secrétaire d’Ernst Jünger après la seconde guerre mondiale, voudra réactiver ce corpus qu’il qualifiera de “conservateur” (ce qu’il n’était pas aux sens français et britannique du terme) ou de “nominaliste” (pour lancer dans le débat une étiquette nouvelle et non “grillée”), il transmettra en quelque sorte le flambeau à la “nouvelle droite”, grâce notamment aux recensions de Giorgio Locchi, qui résumera en quelques lignes, mais sans grand lendemain dans ces milieux, la conception “sphérique” de l’histoire. Pour les tenants de cette conception “sphérique” de l’histoire, celle-ci n’est forcément pas “linéaire”, ne s’inscrit pas sur une ligne posée comme “ascendante” et laissant derrière elle tout le passé, considéré sans la moindre nuance comme un ballast devenu inutile. L’histoire n’est pas davantage “cyclique”, reproduisant un “même” à intervalles réguliers, comme pourrait le faire suggérer la succession des saisons dans le temps naturel sous nos latitudes européennes. Elle est sphérique car des volontés bien tranchées, des personnalités hors normes, lui impulsent une direction nouvelle sur la surface de la “sphère”, quand elles rejettent énergiquement un ronron répétitif menaçant de faire périr d’ennui et de sclérose un “vivre-en-commun”, auparavant innervé par les forces vives de la tradition. S’amorce alors un cycle nouveau qui n’a pas nécessairement, sur la sphère, la même trajectoire circulaire et rotative que son prédécesseur.

 

Le nietzschéisme diffus, présent dans la France des années 20 et 30, mais atténué par rapport à la Belle Epoque, où des germanistes français comme Charles Andler l’avaient introduit, ensuite l’idéal de la jeunesse vagabondante, randonneuse et proche de la nature, inauguré par les mouvements dits du “Wandervogel”, vont induire un engouement pour les choses allemandes, en dépit de la germanophobie ambiante, du poids des formes mortes qu’étaient le laïcardisme de la IIIème République ou le nationalisme maurassien (contesté par les “non-conformistes” des années 30 ou par de plus jeunes éléments comme ceux qui animaient la rédaction de “Je suis partout”).

 

BHL: exécuteur testamentaire de Mister Yahvé

 

Le_testament_de_Dieu.jpgJe répète la question: pourquoi l’Allemagne? Malgré la pression due à la propagande revancharde d’avant 1914 et l’hostilité d’après 1918, la nouvelle Allemagne exerce,comme je viens de le dire, une fascination sur les esprits: cette fascination est esthétique (les “cathédrales de lumière”); elle est due aussi au culte de la jeunesse, présent en marge du régime arrivé au pouvoir en janvier 1933. L’organisation des auberges et des camps de vacances apparait plus convaincante aux yeux de Saint-Loup que les initiatives du Front Populaire, auquel il a pourtant adhéré avec enthousiasme. La fascination exercée par la “modernité nationale-socialiste” (à laquelle s’opposera une décennie plus tard la “modernité nord-américaine” victorieuse du conflit) va bien au-delà du régime politique en tant que tel qui ne fait que jouer sur un filon ancien de la tradition philosophique allemande qui trouve ses racines dans la pensée de Johann Gottfried Herder (1744-1803), comme il jouera d’ailleurs sur d’autres filons, secrétant de la sorte diverses opportunités politiques, exploitables par une propagande bien huilée qui joue en permanence sur plusieurs tableaux. Herder, ce personnage-clef dans l’histoire de la pensée allemande appartient à une tradition qu’il faut bien appeler les “autres Lumières”. Quand on évoque la philosophie des “Lumières” aujourd’hui, on songe immédiatement à la soupe que veulent nous servir les grands pontes du “politiquement correct” qui sévissent aujourd’hui, en France avec Bernard-Henri Lévy et en Allemagne avec Jürgen Habermas, qui nous intiment tous deux l’ordre de penser uniquement selon leur mode, sous peine de damnation, et orchestent ou font orchestrer par leurs larbins frénétiques des campagnes de haine contre tous les contrevenants. On sait aussi que pour Lévy, les “Lumières” (auxquelles il faut adhérer!) représentent une sorte de pot-pourri où l’on retrouve les idées de la révolution française, la tambouille droit-de-l’hommiste cuite dans les marmites médiatiques des services secrets américains du temps de la présidence de Jimmy Carter (un Quaker cultivateur de cacahouètes) et un hypothétique “Testament de Dieu”, yahvique dans sa définition toute bricolée, et dont ce Lévy serait bien entendu l’unique exécuteur testamentaire. Tous ceux qui osent ne pas croire que cette formule apportera la parousie ou la fin de l’histoire, tous les déviants, qu’ils soient maurassiens, communistes, socialistes au sens des non-conformistes français des années 30, néo-droitistes, gaullistes, économistes hétérodoxes et j’en passe, sont houspillés dans une géhenne, celle dite de l’ “idéologie française”, sorte de cloaque nauséabond, selon Lévy, où marineraient des haines cuites et recuites, où les spermatozoïdes et les ovaires de la “bête immonde” risqueraient encore de procréer suite à des coïts monstrueux, comme celui des “rouges-bruns” putatifs du printemps et de l’été 1993. Il est donc illicite d’aller remuer dans ce chaudron de sorcières, dans l’espoir de faire naître du nouveau.

 

Habermas, théoricien de la “raison palabrante”

 

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Pour Habermas —dont, paraît-il, le papa était Kreisleiter de la NSDAP dans la région de Francfort (ce qui doit nous laisser supposer qu’il a dû porter un beau petit uniforme de membre du Jungvolk et qu’on a dû lui confier une superbe trompette ou un joli petit tambour)— le fondement du politique n’est pas un peuple précis, un peuple de familles plus ou moins soudées par d’innombrables liens de cousinage soit, en bref, une grande famille concrète; il n’est pas davantage une communauté politique et/ou militaire partageant une histoire ou une épopée commune ni une population qui a, au fil de l’histoire, généré un ensemble d’institutions spécifiques (difficilement exportables parce que liées à un site précis et à une temporalité particulière, difficilement solubles aussi dans une panade à la BHL ou à la Habermas). Pour Jürgen Habermas, le fiston du Kreisleiter qui ne cesse de faire son Oedipe, le fondement du politique ne peut être qu’un système abstrait (abstrait par rapport à toutes les réalités concrètes et charnelles), donc une construction rationnelle (Habermas étant bien entendu, et selon lui-même, la seule incarnation de la raison dans une Allemagne qui doit sans cesse être rappelée à l’ordre parce qu’elle aurait une tendance irrépressible à basculer dans ses irrationalités), c’est-à-dire une constitution basée sur les principes des Lumières, que Habermas se charge de redéfinir à sa façon, deux siècles après leur émergence dans la pensée européenne. Dans cette perspective, même la constitution démocratique adoptée par la République Fédérale allemande en 1949 est suspecte: en effet, elle dit s’adresser à un peuple précis, le peuple allemand, et évoque une vieille vertu germanique, la “Würde”, qu’il s’agit de respecter en la personne de chaque citoyen. En ce sens, elle n’est pas universaliste, comme l’est la version des “Lumières” redéfinie par Habermas, et fait appel à un sentiment qui ne se laisse pas enfermer dans un corset conceptuel de facture rationnelle.

 

Dans la sphère du politique, l’émergence des principes des Lumières, revus suite aux cogitations de Jürgen Habermas, s’effectue par le “débat”, par la perpétuelle remise en question de tout et du contraire de tout. Ce débat porte le nom pompeux d’ “agir communicationnel”, que le philosophe Gerd Bergfleth avait qualifié, dans un solide petit pamphlet bien ficelé, de “Palavernde Vernunft”, de “raison palabrante”, soit de perpétuel bavardage, critique pertinente qui a valu à son auteur, le pauvre Bergfleth, d’être vilipendé et ostracisé. Notons que Habermas a fabriqué sa propre petite géhenne, qu’il appelle la “pensée néo-irrationnelle” où sont jetés, pêle-mêle, les tenants les plus en vue de la philosophie française contemporaine comme Derrida (!), Foucault, Deleuze, Guattari, Bataille, etc. ainsi que leur maître allemand, le bon philosophe souabe Martin Heidegger. Si l’on additionne les auteurs jetés dans la géhenne de l’ “idéologie française” par Lévy à ceux que fustige Habermas, il ne reste plus grand chose à lire... Il n’y a plus beaucoup de combinatoires possibles, et tenter encore et toujours de “combiner” les ingrédients (“mauvais” selon Lévy et Habermas) pour faire du neuf, pour faire éclore d’autres possibles, serait, pour nos deux inquisiteurs, se placer dans une posture condamnable que l’on adopterait que sous peine de devenir immanquablement, irrémédiablement, inexorablement, un “irrationaliste”, donc un “facho”, d’office exclu de tous débats...

 

Jean-François Lyotard, critique des “universaux” de Habermas

 

lyotard1.jpgAvec un entêtement qui devient tout-à-fait navrant au fil du temps, Habermas veut conserver dans sa philosophie et sa sociologie, dans sa vision du fonctionnement optimal de la politique quotidienne au sein des Etats occidentaux, posés comme modèles pour le reste du monde, une forme procédurière à la manière de Kant, gage d’appartenance aux Lumières et de “correction politique”, une forme procédurière qui deviendrait le fondement intangible des mécanismes politiques, un fondement privé désormais de toute la transcendance qui les chapeautait encore dans la pensée kantienne. Ce sont ces procédures, véritables épures du réel, qui doivent unir les citoyens dans un consensus minimal, obtenu par un “parler” ininterrompu, par un usage “adéquat” de la parole, conditionné par des universaux linguistiques que Habermas pose comme inamovibles (“Kommunikativa”, “Konstativa”, “Repräsentativa/Expressiva”, “Regulativa”). Bref, le Dieu piétiste kantien remplacé par le blabla des baba-cools ou des députés moisis ou des avocaillons militants, voir le “moteur immobile” d’Aristote remplacé par la fébrilité logorrhique des nouvelles “clasas discutidoras”... Le philosophe français Jean-François Lyotard démontre que de tels universaux soi-disant pragmatiques n’existent pas: les jeux de langage sont toujours producteurs d’hétérogénéité, se manifestent selon des règles qui leur sont propres et qui suscitent bien entendu des inévitables conflits. Il n’existe donc pas pour Lyotard quelque chose qui équivaudrait à un “télos du consensus général”, reposant sur ce que Habermas appelle, sans rire, “les compétences interactionnelles post-conventionnelles”; au contraire, pour Lyotard, comme, en d’autres termes, pour Armin Mohler ou l’Ernst Jünger national-révolutionnaire des années 20, il faut constater qu’il y a toujours et partout “agonalité conflictuelle entre paroles diverses/divergentes”; si l’on s’obstine à vouloir enrayer les effets de cette agonalité et à effacer cette pluralité divergente, toutes deux objectives, toutes deux bien observables dans l’histoire, on fera basculer le monde entier sous la férule d’un “totalitarisme de la raison”, soit un “totalitarisme de la raison devenue folle à force d’être palabrante”, qui éliminera l’essence même de l’humanité comme kaléidoscope infini de peuples, de diversités d’expression; cette essence réside dans la pluralité ineffaçable des jeux de paroles diverses (cf. Ralf Bambach, “Jürgen Habermas”, in J. Nida-Rümelin (Hrsg.), “Philosophie der Gegenwart in Einzeldarstellungen von Adorno bis v. Wright”, Kröner, Stuttgart, 1991; Yves Cusset, “Habermas – L’espoir de la discussion”, Michalon, coll. “Bien commun”, Paris, 2001).

 

En France, les vitupérations de Lévy dans “L’idéologie française” empêchent, in fine, de retourner, au-delà des thèses de l’Action Française, aux “grandes idées incontestables” qu’entendait sauver Hauriou (et qui suscitaient l’intérêt de Carl Schmitt), ce qui met la “République”, privée d’assises solides issues de son histoire, en porte-à-faux permanent avec des pays qui, comme la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, la Turquie ou la Chine façonnent leur agir politique sur l’échiquier international en se référant constamment à de “grandes idées incontestables”, semblables à celles évoquées par Hauriou. Ensuite, l’inquisition décrétée par ce Lévy, exécuteur testamentaire de Yahvé sur la place de Paris, interdit de (re)penser une économie différente (historique, institutionnaliste et régulationniste sur le plan de la théorie) au profit d’une population en voie de paupérisation, de déréliction et d’aliénation économique totale; une nouvelle économie correctrice ne peut que suivre les recettes issues des filons hétérodoxes de la pensée économique et donc de parachever certaines initiatives avortées du gaullisme de la fin des années 60 (idée de “participation” et d’”intéressement”, sénat des régions et des professions, etc.). Les fulminations inquisitoriales des Lévy et Habermas conduisent donc à l’impasse, à l’impossibilité, tant que leurs propagandes ne sont pas réduites à néant, de sortir des enlisements contemporains. De tous les enlisements où marinent désormais les régimes démocratiques occidentaux, aujourd’hui aux mains des baba-cools sâoulés de logorrhées habermassiennes et soixante-huitardes.

 

Habermas: contre l’idée prussienne et contre l’Etat ethnique

 

Habermas, dans le contexte allemand, combat en fait deux idées, deux visions de l’Etat et de la politique. Il combat l’idée prussienne, où l’Etat et la machine administrative, le fonctionnariat serviteur du peuple, dérivent d’un principe de “nation armée”. Notons que cette vision prussienne de l’Etat ne repose sur aucun a priori de type “ethnique” car l’armée de Frédéric II comprenait des hommes de toutes nationalités (Finnois, Slaves, Irlandais, Allemands, Hongrois, Huguenots français, Ottomans d’Europe, etc.). Notons également que Habermas, tout en se revendiquant bruyamment des “Lumières”, rejette, avec sa critique véhémente de l’idée prussienne, un pur produit des Lumières, de l’Aufklärung, qui avait rejeté bien des archaïsmes, devenus franchement inutiles, au siècle de son triomphe. Cette critique vise en fait toute forme d’Etat encadrant et durable, rétif au principe du bavardage perpétuel, pompeusement baptisé “agir communicationnel”. Simultanément, Habermas rejette les idéaux relevant des “autres Lumières”, celles de Herder, où le fondement du politique réside dans la “populité”, la “Volkheit”, soit le peuple (débarrassé d’aristocraties aux moeurs artificielles, déracinées et exotiques). Habermas, tout en se faisant passer pour l’exécuteur testamentaire des “philosophes des Lumières”, à l’instar de Bernard-Henri Lévy qui, lui, est l’exécuteur testamentaire de Yahvé en personne, jette aux orties une bonne partie de l’héritage philosophique du 18ème siècle. Avec ces deux compères, nous faisons face à la plus formidable escroquerie politico-philosophique du siècle! Ils veulent nous vendre comme seul produit autorisé l’Aufklärung mais ce qu’ils placent sur l’étal de leur boutique, c’est un Aufklärung homogénéisé, nettoyé des trois quarts de son contenu, cette tradition étant plurielle, variée, comme l’ont démontré des auteurs, non traduits, comme Peter Gay en Angleterre et Antonio Santucci en Italie (cf. Peter Gay, “The Enlightenment: An Interpretation – The Rise of Modern Paganism”, W. W. Norton & Company, New York/London, 1966-1977; Peter Gay, “The Enlightenment: An Interpretation – The Science of Freedom, Wildwood House, London, 1969-1979; Antonio Santucci (a cura di), “Interpretazioni dell’Illuminismo”, Il Mulino, Bologna, 1979; on se réfèrera aussi aux livres suivants: Léo Gershoy, “L’Europe des princes éclairés 1763-1789”, Gérard Montfort éd., Brionne, 1982; Michel Delon, “L”idée d’énergie au tournant des Lumières (1770-1820)”, PUF, Paris, 1988).

 

Deux principes kantiens chez Herder

 

Cette option de Herder, qui est “populaire” ou “ethnique”, “ethno-centrée”, est aussi corollaire de la vision fraternelle d’une future Europe libérée, qui serait basée sur le pluralisme ethnique ou l’“ethnopluralisme”, où les peuples ne devraient plus passer par des filtres étrangers ou artificiels/abstraits pour faire valoir leurs droits ou leur identité culturelle. La vision herdérienne dérive bien des “Lumières” dans la mesure où elle fait siens deux principes kantiens; premier principe de Kant: “Tu ne feras pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’autrui te fasse”; ce premier principe induit un respect des différences entre les hommes et interdit de gommer par décret autoritaire ou par manoeuvres politiques sournoises les traditions d’un peuple donné; deuxième principe kantien: “Sapere aude!”, “Ose savoir!”, autrement dit: libère-toi des pesanteurs inutiles, débarrasse-toi du ballast accumulé et encombrant, de tous les filtres inutiles, qui t’empêchent d’être toi-même! Ce principe kantien, réclamant l’audace du sujet pensant, Herder le fusionne avec l’adage grec “Gnôthi seautôn!”, “Connais-toi toi-même”. Pour parfaire cette fusion, il procède à une enquête générale sur les racines de la littérature, et de la culture de son temps et des temps anciens, en n’omettant pas les pans entiers de nos héritages qui avaient été refoulés par le christianisme, le dolorisme chrétien, la scolastique figée, le cartésianisme abscons, le blabla des Lumières palabrantes, le classicisme répétitif et académique, etc., comme nous devrions nous aussi, sans jamais nous arrêter, procéder à ce type de travail archéologique et généalogique, cette fois contre la “pensée unique”, le “politiquement correct” et le pseudo-testament de Yahvé.

 

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Définition de la “Bildung”

 

Dans la perspective ouverte par Herder, les fondements de l’Etat sont dès lors le peuple, héritier de son propre passé, la culture et la littérature que ce peuple a produites et les valeurs éthiques que cette culture transmet et véhicule. En bref, nous aussi, nous sommes héritiers des Lumières, non pas de celles du jacobinisme ou celles que veut nous imposer le système aujourd’hui, mais de ces “autres Lumières”. Saint-Loup, en critiquant le christianisme et le modèle occidental (soit, anticipativement, les “Lumières” tronquées de BHL et d’Habermas) s’inscrit dans le filon herdérien, sans jamais retomber dans des formes sclérosantes de “tu dois!”. “Sapere aude!” est également pour lui un impératif, lié à la belle injonction grecque “Gnôthi seautôn!”. Toujours dans cette perspective herdérienne, l’humanité n’est pas une panade zoologique d’êtres humains homogénéisés par la mise en oeuvre, disciplinante et sévère, d’idées abstraites, mais un ensemble de groupes humains diversifiés, souvent vastes, qui explorent en permanence et dans la joie leurs propres racines, comme les “humanités” gréco-latines nous permettent d’explorer nos racines d’avant la chrisitanisation. Pour Herder, il faut un retour aux Grecs, mais au-delà de toutes les édulcorations “ad usum Delphini”; ce retour ne peut donc déboucher sur un culte stéréotypé de la seule antiquité classique, il faut qu’il soit flanqué d’un retour aux racines germaniques dans les pays germaniques et scandinaves, au fond celtique dans les pays de langues gaëliques, aux traditions slaves dans le monde slave. Le processus d’auto-centrage des peuples, de mise en adéquation permanente avec leur fond propre, s’effectue par le truchement de la “Bildung”. Ce terme allemand dérive du verbe “bilden”, “construire”. Je me construis moi-même, et mon peuple se construit lui-même, en cherchant en permanence l’adéquation à mes racines, à ses racines. La “Bildung” consiste à chercher dans ses racines les recettes pour arraisonner le réel et ses défis, dans un monde soumis à la loi perpétuelle du changement.

 

Pour Herder, représentant emblématique des “autres Lumières”, le peuple, c’est l’ensemble des “Bürger”, terme que l’on peut certes traduire par “bourgeois” mais qu’il faut plutôt traduire par le terme latin “civis/cives”, soit “citoyen”, “membre du corps du peuple”. Le terme “bourgeois”, au cours du 19ème siècle, ayant acquis une connotation péjorative, synonyme de “rentier déconnecté” grenouillant en marge du monde réel où l’on oeuvre et où l’on souffre. Pour Herder, le peuple est donc l’ensemble des paysans, des artisans et des lettrés. Les paysans sont les dépositaires de la tradition vernaculaire, la classe nourricière incontournable. Les artisans sont les créateurs de biens matériels utiles. Les lettrés sont, eux, les gardiens de la mémoire. Herder exclut de sa définition du “peuple” l’aristocratie, parce qu’est s’est composé un monde artificiel étranger aux racines, et les “déclassés” ou “hors classe”, qu’il appelle la “canaille” et qui est imperméable à toute transmission et à toute discipline dans quelque domaine intellectuel ou pratique que ce soit. Cette exclusion de l’aristocratie explique notamment le républicanisme ultérieur des nationalismes irlandais et flamand, qui rejettent tous deux l’aristocratie et la bourgeoisie anglicisées ou francisées. Sa définition est injuste pour les aristocraties liées aux terroirs, comme dans le Brandebourg prussien (les “Krautjunker”), la Franche-Comté (où les frontières entre la noblesse et la paysannerie sont ténues et poreuses) et les Ardennes luxembourgeoises de parlers romans.

 

Une formidable postérité intellectuelle

 

220px-Hersart_de_villemarque.jpgL’oeuvre de Herder a connu une formidable postérité intellectuelle. Pour l’essentiel, toute l’érudition historique du 19ème siècle, toutes les avancées dans les domaines de l’archéologie, de la philologie et de la linguistique, lui sont redevables. En Allemagne, la quête archéo-généalogique de Herder se poursuit avec Wilhelm Dilthey, pour qui les manifestations du vivant (et donc de l’histoire), échappent à toute définition figeante, les seules choses définissables avec précision étant les choses mortes: tant qu’un phénomène vit, il échappe à toute définition; tant qu’un peuple vit, il ne peut entrer dans un corset institutionnel posé comme définitif et toujours condamné, à un moment donné du devenir historique, à se rigidifier. Nietzsche appartient au filon ouvert par Herder dans la mesure où la Grèce qu’il entend explorer et réhabiliter est celle des tragiques et des pré-socratiques, celle qui échappe justement à une raison trop étriquée, trop répétitive, celle qui chante en communauté les hymnes à Dionysos, dans le théâtre d’Athènes, au flanc de l’Acropole, ou dans celui d’Epidaure. Les engouements folcistes (= “völkisch”), y compris ceux que l’on peut rétrospectivement qualifier d’exagérés ou de “chromomorphes”, s’inscrivent à leur tour dans la postérité de Herder. Pour le Professeur anglais Barnard, exégète minutieux de l’oeuvre de Herder, sa pensée n’a pas eu de grand impact en France; cependant, toute une érudition archéo-généalogique très peu politisée (et donc, à ce titre, oubliée), souvent axée sur l’histoire locale, mérite amplement d’être redécouverte en France, notamment à la suite d’une historienne et philologue comme Nicole Belmont (cf. “Paroles païennes – Mythe et folklore”, Imago, Paris, 1986). Théodore Hersart de la Villemarqué (1815-1895) (photo), selon une méthode préconisée par les frères Grimm, rassemble dans un recueil les chants populaires de Bretagne, sous le titre de “Barzaz Breiz” en 1836. Hippolyte Taine ou Augustin Thierry, quand ils abordent l’histoire des Francs, l’époque mérovingienne ou les origines de la France d’Ancien Régime effectuent un travail archéo-généalogique, “révolutionnaire” dans la mesure où ils lancent des pistes qui dépassent forcément les répétitions et les fixismes, les ritournelles et les rengaines des pensées scolastiques, cartésiennes ou illuministes-républicaines. Aujourd’hui, Micberth (qui fut le premier à utiliser le terme “nouvelle droite” dans un contexte tout à fait différent de celui de la “nouvelle droite” qui fit la une des médias dès l’année 1979) publie des centaines de monographies, rédigées par des érudits du 19ème et du début du 20ème, sur des villages ou de petites villes de France, où l’on retrouve des trésors oubliées et surtout d’innombrables pistes laissées en jachère. Enfin, l’exégète des oeuvres de Herder, Max Rouché, nous a légué des introductions bien charpentées à leurs éditions françaises, parus en édition bilingue chez Aubier-Montaigne.

 

Irlande, Flandre et Scandinavie

 

thomas_davis.jpgLe nationalisme irlandais est l’exemple même d’un nationalisme de matrice “herdérienne”. La figure la plus emblématique de l’ “herdérianisation” du nationalisme irlandais demeure Thomas Davis, né en 1814. Bien qu’il ait été un protestant d’origine anglo-galloise, son nationalisme irlandais propose surtout de dépasser les clivages religieux qui divisent l’Ile Verte, et d’abandonner l’utilitarisme, idéologie dominante en Angleterre au début du 19ème siècle. Le nationalisme irlandais est donc aussi une révolte contre le libéralisme utilitariste; l’effacer de l’horizon des peuples est dès lors la tâche exemplaire qui l’attend, selon Thomas Davis. Ecoutons-le: “L’anglicanisme moderne, c’est-à-dire l’utilitarisme, les idées de Russell et de Peel ainsi que celles des radicaux, que l’on peut appler ‘yankeeïsme’ ou ‘anglichisme’, se borne à mesurer la prospérité à l’aune de valeurs échangeables, à mesurer le devoir à l’aune du gain, à limiter les désirs [de l’homme] aux fringues, à la bouffe et à la [fausse] respectabilité; cette malédiction [anglichiste] s’est abattue sur l’Irlande sous le règne des Whigs mais elle est aussi la malédiction favorite des Tories à la Peel” (cité in: D. George Boyce, “Nationalism in Ireland”, Routledge, London, 1995, 3ème éd.). Comme Thomas Carlyle, Thomas Davis critique l’étranglement mental des peuples des Iles Britanniques par l’utilitarisme ou la “shop keeper mentality”; inspiré par les idées du romantisme nationaliste allemand, dérivé de Herder, il explique à ses compatriotes qu’un peuple, pour se dégager de la “néo-animalité” utilitariste, doit cesser de se penser non pas comme un “agglomérat accidentel” de personnes d’origines disparates habitant sur un territoire donné, mais comme un ensemble non fortuit d’hommes et de femmes partageant une culture héritée de longue date et s’exprimant par la littérature, par l’histoire et surtout, par la langue. Celle-ci est le véhicule de la mémoire historique d’un peuple et non pas un ensemble accidentel de mots en vrac ne servant qu’à une communication élémentaire, “utile”, comme tente de le faire croire l’enseignement dévoyé d’aujourd’hui quand il régule de manière autoritaire (sans en avoir l’air... à grand renfort de justifications pseudo-pédagogiques boiteuses...) et maladroite (en changeant d’avis à tour de bras...) l’apprentissage des langues maternelles et des langues étrangères, réduisant leur étude à des tristes répétitions de banalités quotidiennes vides de sens. Davis: “La langue qui évolue avec le peuple est conforme à ses origines; elle décrit son climat, sa constitution et ses moeurs; elle se mêle inextricablement à son histoire et à son âme...” (cité par D. G. Boyce, op. cit.).

 

PearseMain.jpgCatholique, l’Irlande profonde réagit contre la colonisation puritaine, achevée par Cromwell au 17ème siècle. Le chantre d’un “homo celticus” ou “hibernicus”, différent du puritain anglais ou de l’utilitariste du 19ème siècle, sera indubitablement Padraig Pearse (1879-1916). Son nationalisme mystique vise à faire advenir en terre d’Irlande un homme non pas “nouveau”, fabriqué dans un laboratoire expérimental qui fait du passé table rase, mais renouant avec des traditions immémoriales, celles du “Gaël”. Pearse: “Le Gaël n’est pas comme les autres hommes, la bêche et le métier à tisser, et même l’épée, ne sont pas pour lui. Mais c’est une destinée plus glorieuse encore que celle de Rome qui l’attend, plus glorieuse aussi que celle de Dame Britannia: il doit devenir le sauveur de l’idéalisme dans la vie moderne, intellectuelle et sociale” (cité in: F. S. L. Lyons, “Culture and Anarchy in Ireland 1890-1939”, Oxford University Press, 1982). Pearse, de parents anglais, se réfère à la légende du héros païen Cuchulainn, dont la devise était: “Peu me chaut de ne vivre qu’un seul jour et qu’une seule nuit pourvu que ma réputation (fama) et mes actes vivent après moi”. Cette concession d’un catholique fervent au paganisme celtique (du moins au mythe de Cuchulainn) se double d’un culte de Saint Columcille, le moine et missionnaire qui appartenait à l’ordre des “Filid” (des druides après la christianisation) et entendait sauvegarder sous un travestissement chrétien les mystères antiques et avait exigé des chefs irlandais de faire construire des établissements pour qu’on puisse y perpétuer les savoirs disponibles; à ce titre, Columcille, en imposant la construction d’abbayes-bibliothèques en dur, a sauvé une bonne partie de l’héritage antique. Pearse: “L’ancien système irlandais, qu’il ait été païen ou chrétien, possédait, à un degré exceptionnel, la chose la plus nécessaire à l’éducation: une inspiration adéquate. Columcille nous a fait entendre ce que pouvait être cette inspiration quand il a dit: ‘si je meurs, ce sera de l’excès d’amour que je porte en moi, en tant que Gaël’. Un amour et un sens du service si excessif qu’il annihile toute pensée égoïste, cette attitude, c’est reconnaître que l’on doit tout donner, que l’on doit être toujours prêt à faire le sacrifice ultime: voilà ce qui a inspiré le héros Cuchulainn et le saint Columcille; c’est l’inspiration qui a fait de l’un un héros, de l’autre, un saint” (cité par F. S. L. Lyons, op. cit.). Chez Pearse, le mysticisme pré-chrétien et la ferveur d’un catholicisme rebelle fusionnent dans un culte du sang versé. La rose noire, symbole de l’Irlande humiliée, privée de sa liberté et de son identité, deviendra rose rouge et vivante, resplendissante, par le sang des héros qui la coloreront en se sacrifiant pour elle. Cette mystique de la “rose rouge” était partagée par trois martyrs de l’insurrection des Pâques 1916: Pearse lui-même, Thomas MacDonagh et Joseph Plunkett. On peut vraiment dire que cette vision mystique et poétique a été prémonitoire.

 

En dépit de son “papisme”, l’Irlande embraye donc sur le renouveau celtique, néo-païen, né au Pays de Galles à la fin du 18ème, où les “identitaires” gallois de l’époque réaniment la tradition des fêtes populaires de l’Eisteddfod, dont les origines remontent au 12ème siècle. Plus tard, les reminiscences celtiques se retrouvent chez des poètes comme Yeats, pourtant de tradition familiale protestante, et comme Padraig Pearse (que je viens de citer et auquel Jean Mabire a consacré une monographie), fusillé après le soulèvement de Pâques 1916. En Flandre, la renaissance d’un nationalisme vernaculaire, le premier recours conscient aux racines locales et vernaculaires via une volonté de sauver la langue populaire du naufrage, s’inscrit, dès son premier balbutiement, dans la tradition des “autres Lumières”, non pas directement de Herder mais d’une approche “rousseauiste” et “leibnizienne” (elle reprend —outre l’idée rousseauiste d’émancipation réinsérée dans une histoire populaire réelle et non pas laissée dans une empyrée désincarnée— l’idée d’une appartenance oubliée à l’ensemble des peuples “japhétiques”, c’est-à-dire indo-européens, selon Leibniz): cette approche est parfaitement décelable dans le manifeste de 1788 rédigé par Jan-Baptist Verlooy avant la “révolution brabançonne” de 1789 (qui contrairement à la révolution de Paris était “intégriste catholique” et dirigée contre les Lumières des Encyclopédistes). L’érudition en pays de langues germaniques s’abreuvera à la source herdérienne, si bien, que l’on peut aussi qualifier le mouvement flamand de “herdérien”. Il tire également son inspiration du roman historique écossais (Walter Scott), expression d’une rébellion républicaine calédonienne, d’inspiration panceltique avant la lettre. En effet, Hendrik Conscience avait lu Scott, dont le style narratif et romantique lui servira de modèle pour le type de roman national flamando-belge qu’il entendait produire, juste avant d’écrire son célèbre “Lion des Flandres” (= “De Leeuw van Vlaanderen”). Les Allemands Hoffmann von Fallersleben et Oetker recueilleront des récits populaires flamands selon la méthode inaugurée par les Frères Grimm dans le Nord de la Hesse, le long d’une route féérique que l’on appelle toujours la “Märchenstrasse” (“La route des contes”). De nos jours encore, il existe toute une érudition flamande qui repose sur les mêmes principes archéo-généalogiques.

 

L’idéal de l’Odelsbonde

 

En Scandinavie, la démarche archéo-généalogique de Herder fusionne avec des traditions locales norvégiennes ou danoises (avec Grundvigt, dont l’itinéraire fascinait Jean Mabire). La tradition politique scandinave, avec sa survalorisation du paysannat (surtout en Norvège), dérive directement de postulats similaires, les armées norvégiennes, au service des monarques suédois ou danois, étant constituées de paysans libres, sans caste aristocratique distincte du peuple et en marge de lui (au sens où on l’entendait dans la France de Louis XV, par exemple, quand on ne tenait pas compte des paysannats libres locaux). L’idéal humain de la tradition politique norvégienne, jusque chez un Knut Hamsun, est celui de l’Odelsbonde, du “paysan libre” arcbouté sur son lopin ingrat, dont il tire librement sa subsistance, sous un climat d’une dureté cruelle. Les musées d’Oslo exaltent cette figure centrale, tout en diffusant un ethnopluralisme sainement compris: le même type d’érudition objective est mis au service des peuples non indo-européens de l’espace circumpolaire, comme les Sami finno-ougriens.

 

L’actualité montre que cette double tradition herdérienne et grundvigtienne en Scandinavie, flanquée de l’idéal de l’Odelsbonde demeure vivace et qu’elle peut donner des leçons de véritable démocratie (il faudrait dire: “de laocratie”, “laos” étant le véritable substantif désignant le meilleur du peuple en langue grecque) à nos démocrates auto-proclamés qui hissent les catégories les plus abjectes de la population au-dessus du peuple réel, c’est-à-dire au-dessus des strates positives de la population qui oeuvrent en cultivant le sol, en produisant de leurs mains des biens nécessaires et de bonne qualité ou en transmettant le savoir ancestral. Seules ces dernières castes sont incontournables et nécessaires au bon fonctionnement d’une société. Les autres, celles qui tiennent aujourd’hui le haut du pavé, sont parasitaires et génèrent des comportements anti-laocratiques: le peuple d’Islande l’a compris au cours de ces deux ou trois dernières années; il a flanqué ses banquiers et les politicards véreux, qui en étaient les instruments, au trou après la crise de l’automne 2008. Résultat: l’Islande se porte bien. Elle a redressé la barre et se développe. Les strates parasitaires ont été matées. Nos pays vont mal: les banquiers et leurs valets politiciens tirent leur révérence en empochant la manne de leurs “parachutes dorés”. Aucun cul de basse-fosse ne leur sert de logis bien mérité. Dès lors tout vaut tout et tout est permis (pourquoi faudrait-il désormais sanctionner l’ado qui pique un portable à l’étal d’un “Media-Markt”, si un patapouf comme Dehaene fout le camp après son interminable cortège de gaffes avec, en son escarcelle, des milliards de dédommagements non mérités?). Les principes les plus élémentaires d’éthique sont foulés aux pieds.

 

Tradition “herdérienne” dans les pays slaves

 

2196788-M.jpgDans les pays slaves, la tradition archéo-généalogique de Herder s’est maintenue tout au long du 19ème siècle et a même survécu sous les divers régimes communistes, imposés en 1917 ou en 1945-48. Chez les Tchèques, elle a sauvé la langue de l’abâtardissement mais s’est retournée paradoxalement contre l’Allemagne, patrie de Herder, et contre l’Autriche-Hongrie. Chez les Croates et les Serbes, elle a toujours manifesté sa présence, au grand dam des éradicateurs contemporains; en effet, les porteurs de l’idéal folciste sud-slave ont été vilipendés par Alain Finkelkraut lors de la crise yougoslave du début des années 90 du 20ème siècle, sous prétexte que ces érudits et historiens auraient justifié à l’avance les “épurations ethniques” du récent conflit inter-yougoslave, alors que le journaliste et slaviste israélite autrichien Wolfgang Libal considérait dans son livre “Die Serben”, publié au même moment, que ces figures, vouées aux gémonies par Finkelkraut et les autres maniaques parisiens du “politiquement correct” et du “prêt-à-penser”, étaient des érudits hors pair et des apôtres de la libération laocratique de leurs peuples, notamment face à l’arbitraire ottoman... Vous avez dit “bricolage médiatique”? En Russie, l’héritage de Herder a donné les slavophiles ou “narodniki”, dont la tradition est demeurée intacte aujourd’hui, en dépit des sept décennies de communisme. Des auteurs contemporains comme Valentin Raspoutine ou Alexandre Soljénitsyne en sont tributaires. Le travail de nos amis Ivanov, Avdeev et Toulaev également.

 

En Bretagne, le réveil celtique, après 1918, s’inscrit dans le sillage du celtisme irlandais et de toutes les tentatives de créer un mouvement panceltique pour le bien des “Six Nations” (Irlandais, Gallois, Gaëliques écossais, Manxois, Corniques et Bretons), un panceltisme dûment appuyé, dès le lendemain de la défaite allemande de 1945, par le nouvel Etat irlandais dominé par le Fianna Fail d’Eamon de Valera et par le ministre irlandais Sean MacBride, fils d’un fusillé de 1916. La tradition archéo-généalogique de Herder, d’où dérive l’idéal de “patrie charnelle” et le rejet de tous les mécanismes anti-laocratiques visant à infliger aux peuples une domination abstraite sous un masque “démocratique” ou non, est immensément riche en diversités. Sa richesse est même infinie. Tout mouvement identitaire, impliquant le retour à la terre et au peuple, aux facteurs sang et sol de la méthode historique d’Hyppolite Taine, à l’agonalité entre “paroles diverses” (Lyotard), est un avatar de cette immense planète de la pensée, toute tissée d’érudition. Si un Jean Haudry explore la tradition indo-européenne et son émergence à l’ère proto-historique, si un Pierre Vial exalte les oeuvres de Jean Giono ou d’Henri Vincenot ou si un Jean Mabire évoque une quantité impressionnante d’auteurs liés à leurs terres ou chante la geste des “éveilleurs de peuple”, ils sont des disciples de Herder et des chantres des patries charnelles. Ils ne cherchent pas les fondements du politique dans des idées figées et toutes faites ni n’inscrivent leurs démarches dans une métapolitique aggiornamenté, qui se voudrait aussi une culture du “débat”, un “autre débat” peut-être, mais qui ne sera jamais qu’une sorte d’ersatz plus ou moins “droitisé”, vaguement infléchi de quelques misérables degrés vers une droite de conviction, un ersatz à coup sûr parisianisé de ces “palabres rationnels” de Habermas qui ont tant envahi nos médias, nos hémicycles politiques, nos innombrables commissions qui ne résolvent rien.

 

Robert STEUCKERS.

Avec la nostalgie du “Grand Lothier”, Forest-Flotzenberg & Nancy, mars 2012.

mardi, 19 février 2013

Der Begriff der Ehre

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Der Begriff der Ehre

(Prof. Dr. Jan de Vries)   
 
 Mut und Treue sind die Wahrzeichen der germanischen Ehre. Das sittliche Empfinden der Germanen gipfelt in der Ehre, die das unerschütterliche Fundament der menschlichen Würde ist. Dadurch wird auch schon dargetan, daß hier nur von diesseitigen Werten die Rede ist; eine Begründung in einem transzendenten Sittengesetz fehlt vollständig. Man kann deshalb auch feststellen, daß die germanische Ethik ›jenseits von Gut und Böse‹ liegt. (…)

Die Ehre ist sogar so stark diesseitig betont, daß sie nicht nur von dem persönlichen Verhalten des Menschen, sondern auch von seiner gesellschaftlichen Stellung abhängig ist. Geld- und Grundbesitz bestimmen des Mannes Ehre nicht weniger ausschlaggebend als ein heldenhaftes Betragen. Die Ehre ist nicht die Reinheit und Hoheit der Gesinnung, die Weise, wie der Mensch in den verschiedenen Lebenslagen sich verhält; sie ist vielmehr die Anerkennung der persönlichen und gesellschaftlichen Würde des Mannes. Das eine ist mit dem anderen engsten verknüpft; man erwartet von dem Mann, daß er sich seiner sozialen Stellung gemäß auch betragen wird. Die Ehre fordert von dem König eine andere Gesinnung als vom Kätner; jeder hat seine eigene Ehre, die sich nicht nach abstrakten ethischen Normen abmessen läßt. Hier zeigt sich ganz besonders die Verpflichtung jedes einzelnen Menschen seiner Sippe gegenüber, die wir im folgenden Kapitel ausführlich darlegen werden: der Mann soll sich so betragen, wie das die Art seiner Sippe von ihm fordert.

Die Ehre bildet das Herzstück des menschlichen Daseins. Ohne Ehre kann ein Mann nicht leben; immer und immer wieder klingt aus der altgermanischen Literatur die felsenfeste Überzeugung, daß der Tod einem Leben in Schande vorzuziehen ist. Als der greise Njáll in seinem Hause von seinen Feinden angegriffen wird und Flosi ihm erlauben will, mit den Weibern und Kindern die Wohnung zu verlassen, sagt er: „Ich will nicht hinausgehen, denn ich bin ein alter Mann und nicht mehr in der Lage, meine Söhne zu rächen; und mit Schande will ich nicht weiterleben.“ (Njlá c. 129) Das bedeutet, daß ihm ein Leben ohne Ehre unmöglich ist, weil damit der Hauptnerv seines Daseins durchschnitten wäre.

Das macht die Pflicht zur Blutrache so bedingungslos. Man ist einfach außerstande, dem ermordeten Verwandten die ihm gebührende Rache zu verweigern, weil man damit die eigene Ehre verletzen würde. Man soll dabei gar nicht an unseren modernen Begriff des Rachegefühls denken, das ja mit einer persönlich erlittenen Unehre verbunden ist und sich gegen eine bestimmte Person wendet. Der germanische Mensch steht dem Mörder eines Sippengenossen ziemlich gleichgültig gegenüber, und die Rache sucht ihr Opfer, wo sie es erreichen kann, nur um die erlittene Schmach der Sippe zu tilgen.
Der Mann muß sich also der Ehre seiner Familie gewachsen zeigen; sie fordert von ihm eine würdige Haltung, namentlich ein Sichbewähren im Kampf. Die Vatnsdœla saga beschreibt uns den alten Ketill raumr, der die Tatenlosigkeit seines Sohnes mißbilligend ansieht und endlich nicht länger schweigen kann; da sagte er: „Jetzt betragen sich die jungen Leute ganz anders als wir das in unserer Jugend gewohnt waren. Denn damals waren sie darauf bedacht, etwas ihrer Ehre zuliebe zu tun, entweder auf Wikingzug zu gehen, oder sich irgendwo Gut oder Ehre zu erwerben; jetzt aber wünschen sie nur mit dem Rücken vor dem Feuer zu sitzen und die Hitze mit Bier zu kühlen. Kein Wunder, daß es da nur schlecht bestellt ist mit Tapferkeit und Mannhaftigkeit.“ Mit einem tatenlosen Leben konnte man die Ehre der Sippe nicht aufrechterhalten; aber der Mann wäre auch seiner Sippe unwürdig, falls er nicht ihrem Anspruch auf Ehre genügte. (…)

Die Ehre des Mannes ist nicht von seiner eigenen inneren Überzeugung abhängig, sondern von dem Urteil seiner Mitmenschen. Oder vielleicht würde man besser sagen: seine Ehre spiegelt sich in der Haltung, die andere ihm gegenüber zeigen. Wenn dieser Spiegel trübe wird, muß der Mann auch in seiner eigenen Wertschätzung unsicher werden. Es ist deshalb auch zu beachten, daß sein Ansehen in der Gesellschaft nicht an erster Stelle auf seinem persönlichen Einsatz zu beruhen braucht; von weit größerer Bedeutung ist die Stellung, die seine Sippe einnimmt. Ihre Macht, die sich selbstverständlich ebenso sehr in der Zahl der waffenfähigen Männer wie in der Größe des Familienbesitzes an Geld oder Vieh kundgibt, ist für das Ansehen des einzelnen Sippengenossen weithin bestimmend. Aber trotzdem gilt auch die Forderung, daß jeder sich seinen Ruf selber verdienen soll, und zwar durch seine persönlichen Leistungen.
Deshalb ist der germanische Mensch so hellhörig Schmähungen gegenüber. Die fürchtet er vielleicht weit mehr als die Schwertschläge im offenen Kampf. Denn solche ›Neidworte‹ schleichen kaum merkbar umher und dringen wie giftige Pfeile in das Herz der männlichen Ehre. (…)

Wir müssen uns dabei die fast abergläubische Scheu vergegenwärtigen, die man in früherer Zeit dem gesprochenen Wort zollte. Segen oder Fluch waren schon kraft ihrer Aussage wirksam. Erst eine spätere in dieser Hinsicht aufgeklärte Zeit konnte den Namen als Schall und Rauch betrachten, für unsere heidnischen Vorfahren war der Name, man möchte fast sagen, ein realer Bestandteil der menschlichen Persönlichkeit. Deshalb ruft eine Beleidigung das Gefühl einer schmerzlichen Wunde hervor, die den Mann körperlich hinsiechen lassen kann. (…) Aus solchen Beispielen ersehen wir, wie empfindlich die Ehre des germanischen Mannes war. Er konnte nicht den kleinsten Fleck auf ihr dulden. Ein gegen ihn gerichtetes níð machte ihn zu einem níðingr, einem ›Neidung‹, und er mußte sich davon durch irgendeine Tat befreien, um in den Augen seiner Volksgenossen als ehrenhafter Mann weiterleben
zu können. Neidung ist der Mann, der sich durch eine ehrlose Tat außerhalb der menschlichen Gesellschaft gestellt hat und deshalb dem Verderben anheimgefallen ist. Denn ohne Ehre kann der Mann nicht leben.

(Aus: Jan de Vries, Die geistige Welt der Germanen, Darmstadt 1964) 

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mardi, 12 février 2013

Influence : la vision américaine - Diplomatie publique, soft power...

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Influence : la vision américaine

Diplomatie publique, soft power...

Ex: http://www.huyghe.fr/

Aux USA, l’influence est pensée comme technique visant une finalité stratégique: une guerre pour désarmer l’hostilité, une guerre à la guerre en somme qui fera du monde « un endroit plus sûr pour les États-Unis » selon la formule de Wilson. Ce dernier partait du principe que les démocraties ne se combattent pas par les armes. Il entrevoyait déjà un apaisement général par propagation des principes politiques américains.
D’où l’idée récurrente d’influencer l’autre pour le rendre un peu moins « autre » et éventuellement un peu plus démocrate, un peu plus amoureux de la liberté à l’américaine, davantage désireux d’en adopter le mode de vie. Cela repose sur une certaine confiance en la valeur universelle du système américain et sur la conviction que celui qui le combat ne peut être qu’en proie à illusion doctrinale, à une méconnaissance de la réalité ou à une passion contraire à la nature humaine : il s’agit donc de le guérir. Par une contre-offensive idéologique.

Durant la guerre froide, la CIA conçoit un plan de « guerre culturelle » ,et conduit, notamment à travers le Congrès pour la Liberté Culturelle, une politique de subventions à des journaux, des livres, des conférences, des manifestations artistiques. Tout cela est censé sauver l’intelligentsia du giron du communisme et offrir une alternative culturelle, politique et morale aux populations de l’Est ou des pays tiers.

L’agence s’emploie à diffuser les auteurs antistaliniens, fussent-ils de gauche, mais aussi le jazz, la peinture abstraite, toutes les formes d’une culture distractive, « jeune », antitotalitaire qui font contraste avec le pesant réalisme socialiste : des gens qui lisent Koestler, sifflent l’air de Porgy and Bess ou aiment la peinture abstraite ne serontt jamais de vrais Rouges, pense-t-on à l’Agence.

Diplomatie publique

L’entreprise eut un prolongement. Eisenhower créa en 1953 l’United States Information Agency qui devait fonctionner jusqu’en 1999 pour mener une politique de vitrine médiatique. Elle lança des publications et manifestations et surtout des radios dont Voice of America émettant en 45 langues et Radio Free Europe, destinée à l’autre côté du rideau de fer. Le but était projeter une « bonne image » des USA, d’offrir à des audiences étrangères des informations auxquelles elles n’avaient pas accès, de promouvoir certaines valeurs en particulier culturelles. L’USIA se chargeait d’entretenir des réseaux d’amis des USA : journalistes et personnalités invités à visiter le pays, boursiers (notamment le programme Fullbright) et contacts avec d’anciens étudiants des universités américaines…

Le tout fut baptisé en 1970 : « diplomatie publique », une diplomatie qui soutient les objectifs politiques en s’adressant directement à l’opinion extérieure. Mais pas au public domestique : l’US Information and Educational Exchange Act de 1948 connu comme Smith-Mundt Act, interdisant de faire de la propagande destinée aux citoyens américains.
Dans la décennie 90, la notion devait tomber en désuétude faute d’ennemi à combattre, l’USIA finit par se « fondre » dans le département d’État).
Pendant un demi siècle, relayée par l’USIS (United State Information Service), la diplomatie publique avait ainsi produit ou exporté des milliers d’heures d’émission, de films, de livres,…, mais aussi établi des contacts avec des milliers de gens pour «raconter au monde l’histoire vue d’Amérique».

Son bilan sera discuté : l’USIA est parfois vue comme un agence de propagande coûteuse qui faisait mal ce que l’autre camp réalisait plus efficacement en sens inverse, relayé par des intellectuels progressistes et profitant du courant de la contre-culture.
Second reproche à la diplomatie publique : était-il vraiment utile de payer des fonctionnaires pour rendre l’Amérique plus populaire alors que James Dean Marilyn Monroe, Elvis Presley , la MGM, puis CNN y parvenaient de cause de façon plus crédible et en rapportant des devises ? D’autres se demandent pareillement si la chute du Mur de Berlin n’est pas à porter au crédit de la télévision de RFA reçue en RDA : elle propageait une image bien plus positive de l’Occident que tout service officiel.

Dans les années qui séparent la fin de l’URSS du 11 septembre, la politique d’influence US semble se confondre au moins dans l’esprit de ses promoteurs avec un « élargissement » du modèle occidental, pour ne pas dire avec le mouvement de l’Histoire. Il s’agit pour les USA de « contrôler la mondialisation » (shapping the globalization), donc d’encourager une mondialisation qui repose autant sur les droits de l’homme et le marché que sur les technologies de la communication et la mondialisation des cultures.
Cette politique quasi pédagogique prend de multiples formes. Ce peut être l’accompagnement du passage à la démocratie des anciens pays socialistes par ONG ou think tanks interposés, aussi bien que l’apologie des autoroutes de l’information comme « agora planétaire ». Le tout dans un contexte où l’influence US semble sans rivale.

Le contrôle de la globalisation

Pour une part, l’influence se privatise. Elle devient une dimension fondamentale de l’intelligence économique. Elle sert d’abord à la conquête des marchés ; là encore, les Américains comprennent qu’il faut combiner soutien politique, imitation des modes de vie, prépondérance des les standards techniques ou juridiques et un imaginaire culturel rendant désirable le made in USA. D’autres facteurs jouent telle la complexité croissante des normes internationales de production, donc le rôle des instances internationales et partant l’intérêt du lobbying.

Citons aussi le poids de mouvements d’opinion concernés par des dimensions écologiques, sociales ou sécuritaires de l’activité économique donc le rôle des ONG et des « parties prenantes », les facteurs d’image et de réputation dans la compétitivité des firmes… Autant de raisons pour les entreprises de se lancer à dans une politique internationale d’influence positive, voire agressive. Elles sont à la merci d’une rumeur sur Internet, d’une mise au pilori par une ONG, d’une attaque médiatique, d’une offensive informationnelle : elles doivent se préserver d’une influence déstabilisatrice comme une « e-rumeur ».

Parallèlement, une notion prend de l’importance dans les années 90 : celle d’affaire, action ou coopération civilo-militaires (qui donnent toujours le sigle ACM). Elle est liée à des conflits typiques de la fin du XX° siècle : des États disloqués, en proie à des guerres civiles, ou des situations indécises entre guerre et paix où des violences armées sont menés sporadiquement par des groupes ethniques, politiques, criminels voire mêlant les trois. L’intervention des forces occidentales, avec ou sans mandat des Nations Unies appelle une politique de reconstruction de la paix ou de la nation (peace building, nation building) ou, pour le moins, la gestion d’une situation indécise. À rebours de leur fonction traditionnelle (affronter symétriquement une autre troupe en uniforme jusqu’à la victoire politique scellée par le traité de paix), les troupes sont confrontées à des situations où il s’agit de contrôler l’exercice de la violence pour en freiner l’escalade. Il est tout aussi nécessaire de recréer les conditions d’une vie « normale » sur des territoires livrés au chaos. Surtout dans la période qui mène à la mise en place d’autorités civiles reconnues, les troupes sont de facto chargées de tâches humanitaires, économiques administratives, politiques, bref non militaires. Cela les met au contact de civils, d’ONG, d’organisations internationales, de forces politiques, d’autres armées, d’entreprises… et bien sur des médias . Cette quête pratique n’est pas forcément désintéressée : les ACM peuvent rapporter des dividendes en termes d’image, de contrats de reconstruction pour ses entreprises, d’adoption de normes favorables à ses industries, …. Intérêts publics et privés peuvent se trouver liés comme civils et militaires. Mais l’objectif immédiat est surtout de contribuer à la stabilité du pays par des relations fiables avec les autres acteurs, un mélange entre action d’urgence et relations publiques.

La quête du soft power

Aux USA et dans la même période que l’influence trouve son nouveau nom : soft power. L’expression lancée par le doyen Joseph S.Nye gagne le statut de concept clé des relations internationales. Si l’Amérique prédomine dans le domaine du «hard power», en particulier militaire, dit en substance Nye, elle doit aussi son statut d’hyperpuissance à sa capacité de séduire et d’attirer. La notion recouvre le rayonnement de l’Amérique, dû à sa technologie, à sa réputation, à ses artistes, à son cinéma, à ses université, … et autres choses où le gouvernement a peu de responsabilité, mais elle repose aussi sur sa diplomatie, sa capacité de convaincre et d’entraîner dans les organisations internationales. Amener les autres à désirer ce que vous voulez « sans carotte ni bâton » : voilà qui est tentant mais résonne un peu comme un vœu pieux.

Ce débat plutôt abstrait avant le 11 septembre prend une tout autre tournure en 2001. L’Amérique découvre alors la haine qu’elle suscite. Pour une part, les néo-conservateurs qui tenaient en réserve leurs plans contre les États voyous, leur guerre « préemptive » voire leur « quatrième guerre mondiale » contre le terrorisme jouent la carte du dur.

Parallèlement le recours à l’influence douce semble redevenir un saint Graal de la géopolitique US ou une ressource mystérieuse que l’Amérique devrait retrouver pour mettre fin à l’animosité.
L’appel à rétablir un soft power submergé par l’antiaméricanisme et décrédibilisé par une guerre contreproductive devient une des constantes du discours critique contre G.W. Bush. Ce slogan résonne souvent comme un pathétique « Aimez nous ». Ainsi, lorsque Francis Fukuyama rompt avec le camp néo conservateur, l’ancien chantre de la fin de l’histoire oppose la mauvaise méthode, la promotion de la démocratie par les armes, à la «bonne», celle qui consisterait à restaurer le soft power. Il ne faudrait pas renoncer au principe wilsonien, mais, parallèlement recommencer à négocier, à rechercher le consensus de ses alliés, à mener une action à travers des ONG et des organisations internationales régionales. Il est tentant de traduire : se rendre aimable, en somme.
Il serait caricatural de faire du soft power un monopole des démocrates, et de croire les républicains forcément partisans du «hard». La nuance entre diplomatie publique, soft power et influence renseigne davantage sur le locuteur que sur le contenu de la politique qu’elle recouvre.
Ainsi, quand Nye déclare que "l'Amérique doit mélanger le pouvoir dur et soft en un "pouvoir intelligent" (smart power), comme elle le faisait du temps de la guerre froide.", pareille nostalgie ne caractérise pas exactement un progressiste. Du reste, dans le camp conservateur, beaucoup en appellent à une grande politique qui tarirait les sources de l’extrémisme religieux et restaurerait une image de leur pays dont les sondages –ils en sont grands consommateurs - montrent la dégradation depuis six ans.

Une des premières réactions de l’administration Bush en 2001, fut de recréer un sous-secrétariat d’État à la diplomatie publique. Il fut d’abord confié à la publicitaire Charlotte Beers ; elle s’employa à produire des vidéos démontrant la liberté de culte dont jouissent les musulmans aux USA. Au fur et à mesure des guerres d’Afghanistan et d’Irak apparurent des radios arabophones et même une télévision, al Hurrah, censée concurrencer al Jazeera, mais avec un succès modéré dans le monde arabe. Parallèlement, l’administration Bush créa un Bureau d’Influence Stratégique (Office of Strategic Influence): il fallut le dissoudre lorsque la presse révéla qu’il risquait de mener des actions de désinformation qui toucheraient les citoyens américains.

Mais la diplomatie publique n’est pas seulement l’affaire des hauts fonctionnaires : le secteur privé intervient dans la promotion de l’Amérique. Ainsi Walt Disney produisant avec le département d’État des films présentant le pays à ses visiteurs ou les entreprises qui créent des « cercles d’influence » avec des groupes de journalistes ou des chambres de commerce. De la même façon, nombre d’opérations sont sous-traitées à des « agences de communication » ou assimilées qui, suivant le cas, «vendent» l’opposition à Saddam et la thèse des armes de destruction massive (comme le groupe Rendon) avant la guerre d’Irak ou, après, s’assurent de la bonne orientation de la presse locale (comme le Lincoln Group).

Soft Obama

Les années Obama ont-elles changées la pratique de l'influence stratégique d'État ?

La personnalité même du président devenu star internationale avant son élection et nobelisé au seul bénéfice de l'image est en soi un exemple de "branding". Il "était" la marque USA dans toute sa splendeur, et rendait visible l'idée de soft power, comme s'il lui suffisait d'apparaître pour réconcilier l'Amérique avec le monde. La communication de la Maison Blanche exploite largement l'effet de contraste : elle oppose sa pratique apaisée à la brutalité de G.W. Bush. Très vite Hillary Clinton prend le relais, elle qui se réclame de Joseph Nye et de son smart power : la nouvelle Amérique utilisera suivant le cas sa puissance militaire, diplomatique, économique... mais aussi culturelle pour accomplir ses objectifs internationaux dont le moindre n'était pas de lutter contre "l'extrémisme violent" et de dissiper les fantasmes dont est sensé se nourrir l'antiaméricanisme. Bien entendu, l'enthousiasme des débuts se heurtera aux réalités assez vite.

Si le soft power est un état idéal ou un résultat désiré, l'influence, la lutte idélogique, la présence médiatique, la "com", la mise en valeur de l'image américaine (éventuellement à travers celle de son président) en sont les moyens. Du coup, le terme "diplomatie publique" perd ses connotations de Guerre foide et d'anti-communisme républicain. On parle désormais d'une "nouvelle diplomatie publique" qui reposerait moins sur l'utilisation de grands médias émettant vers l'étranger (telle la télévision arabophone al Hurrah) que sur la présence sur les réseaux sociaux, le prestige culturel, la coopération avec les ONG et la société civile pour véhiculer le bon message...

Plus précisément, l'administration Obama joue de ses atouts comme ses bonnes relations avec les entreprises de la Silicon Valley. Sa stratégie devient ostensiblement "2.0". Tandis que l'armée (qui ne fait désormais plus de "psyops" mais des "Military Informations Strategic Operations", ce qui sonne moins redoutable), la diplomatie américaine devient "e-diplomacy". Les représentants des USA, militaires ou diplomates, sont invités à être très présents sur les réseaux sociaux, à y faire du "storytelling" et à délivrer y compris à des audiences étrangères leur message de soutien aux objectifs de leur pays.

Parallèlement l'Amérique affiche sa volonté de soutenir les cyberdissidences et de lutter pour que s'épanouisse en ligne une société civile sans frontières. Hillary Cliton, en particulier, présente le droit de se connecter comme un droit de l'homme et milite pour des "technologies de libération" : l'extension d'Internet, échappant au contrôle des régimes étatiques est sensée apporter à la fois des bénéfices économiques, politiques (favoriser la démocratie pluraliste) aussi favoriser l'épanouissement d'une indispensable société civile. Du coup la cause universelle du Net se confond avec les intérêts des USA, première société de l'information de la planète (comme pendant la Guerre froide, ils se confondaint avec la défense universelle des libertés politiques).

La lutte pour la liberté du Net, se concrétise par le refus de principe de laisser des entreprises américaines vendre des techniques de censure à des gouvernements dictatoriaux mais aussi la volonté de fournir aux "blogueurs démocrates" de la formation ou des outils et logiciels pour échapper à la police. Même si les mauvais esprits font remarquer que les États Unis changent d'attitude lorsqu'il s'agit de lutter contre Wikileaks ou Megaupload...

Smart power, "nouvelle" diplomatie publique : le vocabulaire change, mais les fondamentaux restent les mêmes : l'Amérique retrouve spontanément sa tentation de convertir le reste du monde à ses valeurs pour protéger sa propre sécurité (en vertu du vieux principe kantien que les démocraties ne se font pas la guerre), mais aussi sa prospérité. Et elle tend facilement à se persuader que les outils de la communication garantissent la liberté et l'harmonie des peuples, ce qui est très exactement la définition de l'idéologie de la communication.

vendredi, 08 février 2013

Das maßlose Imperium im Westen

Das maßlose Imperium im Westen

freri0993.jpgIm September vergangenen Jahres sprach sich der frühere südafrikanische Erzbischof Desmond Tutu dafür aus, George W. Bush und Tony Blair  wegen Kriegsverbrechen vor den Internationalen Strafgerichtshof in Den Haag zu laden. Sie hätten die Voraussetzungen für nicht endenwollende  Gewalt geschaffen und uns alle, so der Friedensnobelpreisträgerr, an den Rand des Abgrunds geführt. Desmond Tutu vergaß dabei aber einen Preisträger-Kollegen zu erwähnen, der diesen Weg fortsetzt, fortsetzen muß: Barack Obama.                                                                                                                                                          Der militärisch-industrielle Komplex, zu dem inzwischen auch der CIA gerechnet wird, läßt einem mit Millionen Dollars in das Amt gewählten Präsidenten kaum eine andere Möglichkeit. Obama ist aber auch jener, der inzwischen persönlich den Drohnen-Einsatz befehligt, dem bereits unzählige unschuldige Zivilisten zum Opfer gefallen sind. Schwerer wiegen vorerst allerdings die vielen von ihm mitzuverantwortenden Opfer des Feldzuges gegen Tripolis, die zwischen 30.000 und 100.000 betragen sollen, und dazu kommen jetzt auch noch Zehntausende in Syrien.

Derzeit planen die US-Militärs die Installation einer Drohnen-Basis in Mali, an der Grenze zum Niger, die eine von vielen geheimen Stützpunkten sein soll, die  in Ostafrika, der arabischen Halbinsel, in Äthiopien, Djibouti und auf den Seychellen bereits in Betrieb oder vorgesehen sind. Derweil Franzosen und bald auch wieder andere europäische NATO-Söldner in Augenhöhe mit den Islamisten die Dreckarbeit am Boden machen dürfen. Menschen- und Völkerrechte werden in solchen Situationen, auch im Mali, generell ignoriert, daher ist selbst Österreich gerne dabei.                                                                                                                                                     Im Namen der Demokratie und des Kampfes gegen den  „Terrorismus“ ignorieren die USA und ihre Verbündeten die Souveränität unabhängiger Staaten. Von Bagdad bis Tunesien wurden zu eigensinnig gewordene  Staatsoberhäupter mit Hilfe von einheimischen wie auch  eingeschleusten Islamisten weggeputscht und hat so den Weg islamistischen Regimen geebnet.                                                                                                                             

Syrien soll als nächstes folgen, Algerien könnte, sofern man Mali als Vorspiel dazu betrachtet, das übernächste Ziel sein, ehe der  Iran an die Reihe kommt. Das bisher von der US-Außenpolitik angerichtete Chaos soll neben der Erreichung eigener ökonomischer und strategischer Ziele vor allem Israel eine längere Atempause verschaffen. Aber zu welchem Preis?

Den vielfachen Begehren und Machtansprüchen des US-Imperiums dient auch weiterhin die NATO, hinter der Washington sein Engagement zur Zeit  – aus politisch-taktischen Gründen – kleiner erscheinen lassen möchte als es tatsächlich ist. Gleichzeitig soll es den Europäern das Gefühl geben, gleichwertige Partner zu sein. Jedes neue NATO-Mitglied ist überdies herzlich willkommen, da dieses Milliarden-Beträge für neues Ausrüstungsmaterial, das natürlich großteils aus den USA kommt, aufbringen muß, um NATO-Standard zu erlangen. Der Druck auf ein solches Land ist daher enorm.

Früher oder später wird daher auch Österreich voll in das den US-Interessen dienende Verteidigungsbündnis integriert sein, sollte sich an der Politik in Österreich nichts Grundlegendes ändern. Sollte hingegen der eine oder andere wichtige EU-Staat nicht mehr wie erwünscht mitmachen wollen, würde man in Europa verstärkte islamistische Terroraktivitäten skrupellos in die Wege leiten, um den Kampf gegen den Terror, und damit auch die Existenzberechtigung der NATO, zu rechtfertigen und ihre Unterstützung für sinnvoll erscheinen lassen.

All das sollte aber nicht überraschen. Die Geschichte der US-Außenpolitik seit 1945 ist eine der vielen Verbrechen und Kriege im Namen von Freiheit und Demokratie. Vom chinesischen Bürgerkrieg bis in die heutige Zeit wird weltweit mehr oder weniger brutal interveniert, werden Regime gestürzt oder installiert und  kleine Länder, wie etwa Grenada 1983, überfallen. Von Vietnam bis in den Irak beging man in direkter Weise Kriegs- ja eigentlich Menschheitsverbrechen, in Libyen und jetzt in Syrien ist man Urheber und indirekter Beteiligter derselben.

Ging es einst vordergründig gegen den Kommunismus, der von den eigenen Geldleuten 1918 in den Sattel gehoben und danach großzügig unterstützt wurde, so geht es jetzt gegen „Terroristen“, die man bei Bedarf, wie in Syrien, durch Verbündete bewaffnen läßt, aber bei anderer Gelegenheit, wie in Mali, bekämpft. Der eine Diktator, Assad, ist im Wege, der andere, Abdullah, wird an die Brust genommen. Und das Regime Netanjahu, das sich einen Dreck um Menschen- und Völkerrechte oder UNO-Beschlüsse schert, ist wie selbstverständlich „die einzige Demokratie im Nahen Osten“.  Realpolitik nennt sich das.

Wer das verstehen will, darf nicht nur die tradierte US-Wildwestmentalität oder den massiven Einfluß der Israel-Lobby beachten, sondern sollte auch in Betracht ziehen, wie alternde Imperien im Laufe der Geschichte immer wieder  ähnlich reagiert haben, anscheinend reagieren mußten. Doch sollte die über andere, meist unterworfene  Nationen herrschende Supermacht schon  wissen, daß ein Imperium, das über seinen naturgegebenen Raum zu weit hinaus geht, früher oder später dafür die Rechnung präsentiert bekommt.                                                                                                                     

Es gibt kein Recht auf dauerhafte Hegemonie, und auch keine Garantie, umso mehr als die Kraft der jetzt führenden USA im Abnehmen begriffen ist. Da nun aber die militärische Präsenz in aller Welt aufrecht erhalten werden soll, bedroht diese den wirtschaftlichen und sozialen Konsens im Lande unmittelbar. Vor allem aber die politischen und ökonomischen Interessen der Wohlhabenden, womit der Zerfall von Innen heraus eine reale Möglichkeit werden könnte. .

Die Rache ist mein, soll der Herr der Juden gesagt haben. Das gilt eben auch im Hinblick auf das Verhalten eines von machthungrigen, bigotten Bankrotteuren geleiteten Imperiums, dessen außenpolitische Doktrin eine einzige Auflehnung gegen die anderswo bestehenden Ordnungen und deren sittliche Fundamente, am Ende aber gegen sich selbst gerichtet ist.

lundi, 14 janvier 2013

Liberalism is the Death of Nations

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Liberalism is the Death of Nations

Arthur Moeller van den Bruck

The liberal professes to do all he does for the sake of the people; but he destroys the sense of community that should bind outstanding men to the people from which they spring. The people should naturally regard the outstanding man, not as an enemy but as a representative sample of themselves.

Liberalism is the party of upstarts who have insinuated themselves between the people and its big men. Liberals feel themselves as isolated individuals, responsible to nobody. They do not share the nation’s traditions, they are indifferent to its past and have no ambition for its future. They seek only their own personal advantage in the present. Their dream is the great International, in which the differences of peoples and languages, races and cultures will be obliterated. To promote this they are willing to make use, now of nationalism, now of pacificism, now of militarism, according to the expediency of the moment. Sceptically they ask: “What are we living for?” Cynically they answer: “Just for the sake of living!”

….

Liberalism has undermined civilization, has destroyed religions, has ruined nations. Primitive peoples know no liberalism. The world is for them a simple place where one man shares with another. Instinctively they conceive existence as a struggle in which all those who belong in any way to one group must defend themselves against those who threaten them.

Great states have always held liberalism in check. When a great individual arose amongst them who gave the course of their history a new direction, they have been able to incorporate him into their tradition, to make his achievements contribute to their continuity.

Nations who had ceased to feel themselves a people, who had lost the state-instinct, gave liberalism its opportunity. The masses allowed an upper crust to form on the surface of the nation. Not the old natural aristocracy whose example had created the state; but a secondary stratum, a dangerous, irresponsible, ruthless, intermediate stratum which had thrust itself between. The result was the rule of a clique united only by self-interest who liked to style themselves the pick of the population, to conceal the fact that they consisted of immigrants and nouveaux riches, of freedmen and upstarts. They did not care whether their arrogance and new-won privilege was decked out with the conceptions of feudal or of radical ideology, though they preferred a delicate suggestion of aristocracy. But they found it most effective and successful to style themselves democrats.

 

Arthur Moeller van den Bruck. “Liberalism is the Death of Nations” in Germany’s Third Empire (1934):

dimanche, 13 janvier 2013

A. Moeller van den Bruck: Nationalistisch

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Nationalistisch
 
I.

Man kann das Wort nicht in Verruf tun, wenn die Sache ihr Recht hat.
Deutsche hofften nach unserem Zusammenbruche, sich in dem Leben, das man uns immerhin liess, ohne Nationalismus einrichten zu können. Aber in einem Schicksale richtet man sich nicht ein. In einem Schicksale unterliegt man, oder obsiegt man.
Wir wollten dies nicht wahrhaben. Deutsche gedachten ein Geschäft mit dem Schicksale zu machen. Sie wollten sich die Gegenwart erkaugen, indem sie eine Schuld einräumten, die wir nich thatten. Und was an Zukunft bevorstand, das suchten sie durch eine Erfüllungspolitik hinauszuschieben, die wir zunächst einmal auf uns nahmen und an die wir doch nicht recht glaubte. Man konnte nicht oberflächlicher sein, wenn man auf diese Weise den Folgen eines verlorenen Krieges zu entgegen suchte. Und wir konnten nicht undeutscher sein, weil wir wider allen angeborenen Ernst der Nation handelten.
Der elfte Januar musste kommen, um uns zur Besinnung zu bringen. Von den Ereignissen, die dieser Tag heraufführte, hatte man uns immer versichert, dass es niemals zu ihnen kommen werde. An diesem Tage zerriss die geflissentliche Täuschung. und eine Änderung ging in der Nation vor sich, deren Menschen zum ersten Male das Schicksal eines besiegte, eines darniedergeschlagenen, eines in Ketten gelegten Volkes begriffen.
Von diesem elften Januar an gibt es ein Recht auf Nationalismus in Deutschland. Jetzt kann man uns nicht mehr mit der Ausflucht kommen, es gebe auch andere und internationale Wege, um an das eine und einzige Ziel einer wiedererrungenen deutschen Selbständigkeit zu gelangen, über das sich alle Parteien, wie sie versichern, einig sind.

Nationalist ist, wer sich nicht in das Schicksal der Nation ergibt, sondern ihm widerspricht.

Nationalismus ist heute in Deutschland: Widerstand.

II.

Wenn der Nationalismus die Nation will, dann müsste es, sollte man meinen, das Natürliche sein, dass auch die Nation den Nationalismus will.
Aber in Deutschland ist, so scheint es, das Natürliche nicht das Politische, sondern das Unpolitische. Franzosen, Italiener, Engländer sind von einer anderen politischen Rasse. Es sijnd ältere Völker, die den Sinn ihrer Geschichte verstanden haben. Ihre Erfahrungen auf dieser Erde sitzen ihnen im Blute. Ihre Menschen werden mit ihnen geboren. Und Generation gibt sie an Generation als politischen Instinkt und als diplomatische Disziplin weiter.
Nur in Deutschland ist möglich, dass es Frankophile in einem Augenblicke gibt, in dem Frankreich die Nation weissbluten lässt. Es hat bei uns immer eine Franzosenpartei gegeben. Sie hat in Überläufergewalt schon mit den Römern paktiert. Sie hat später in Fürstengestalt mit dem Hofe von Versailles paktiert. Sie möchte heute mit der französischen Wirtschaft paktieren. Sie ist seit dem elften Januar einigermassen kleinlaut geworden. Sie gibt sich sogar den patriotischen Anschein, als missbillige sie die französischen Methoden. Aber sie treibt ihre Minierung weiter und wartet nur auf die Stunde, in der sie ihr Werk in der Öffentlichkeit fortsetzen kann.

Die Frankophilen wissen, was sie politisch wollen. Das Proletariat weiss dies nicht. Es nimmt bereits seinen Drang zur Wirklichkeit. In den westlichen Ländern war der Sozialismus immer nur ein Sprungbrett für den Politiker. Wenn er aus der Opposition, in der er seine Grünlingsjahre zubrachte, in den Staat mit dessen Ämtern übertrat, dann vollzog er diesen Stellungswechsel ohne Wimperzucken als ein Nationalist. Der deutsche Arbeiter hat die sozialistische Botschaft mit dem so schweren, so gründlichen, so versessenen Ernste aufgenommen, mit dem Deutsche sich einer Idee hinzugeben pflegen. Auch das Erlebnis des Völkerkampfes hat seinen Glauben an den Klassenkampf nicht zu erschüttern vermocht. Er hofft nach wie vor auf eine der drei Internationalen. Der Nationalist muss sich mit der Tatsache nicht abfinden, nein, sondern auseinandersetzen, dass es Millionen von Deutschen gibt, die von der Idee der Nation marxistisch wegerzogen worden sind. Er erfährt in jeder innenpolitischen und in jeder aussenpolitischen Beziehung, wie diese Idee der Nation über die ganze Erde hin, aber nirgendwo mit einem solche Erfolge wie im sozialistischen Deutschland, ständig von der Idee der vereinigten Proletariate aller Länder gekreuzt wird. Diese Idee eines grossen proletarischen Klassenkampfes trennt den deutschen Arbeiter von seiner heute so gefährdeten und umdrohten Nation. Der deutsche Nationalist müsste nicht Nationalist sein, wenn er den Gedanken der deutschen Nation nicht auf as ganze Volk bezöge, nicht auf alle Shcichten des Volkes, in denen es sich gliedert, und hier nicht auf diejenige Klasse, aus der es als Industreivolk nachwächst und aufsteigt. Er weiss, dass es keinen Befreiungskamof für eine Nation geben kann, wenn sie Bürgerkrieg im Rücken hat. Er stellt auch den Klassenkampf in seine politische Rechnung ein, aber er versteht ihn nicht so sehr sozial, als national, als einen Kampf der unterdrückten Völker, der östlichen gegen die westlichen, der jungen gegen die alten. Er merkt wohl auf, wenn der deutsche Kommunist von einem Vaterlande spricht, das er sich erst erobern müsse. Er fühlt, dass dies die Keimzelle des Nationalismus auch im deutschen Proletariate ist. Aber er gibt sich eine politische Rechenschaft über das Unzureichende der proletarischen Politik. Ist es nicht auch nur eine deutscheste Selbsttäuschung, wenn der deutsche Arbeiter von seinem Willen zur nRettung der Nation aus der weltkapitalistischen Klaue spricht und diese Rettung auf die eigene proletarische Faust nehmen will? Noch ist nicht ausgemacht, dass das Zeitalter des Weltkapitalismus ein Ende fnden wird, wie der Marxist es sich vorstellt. Und eher ist möglich, dass ein stürzender Weltkapitalismus den deutschen Sozialismus mitbegraben wird!
Die Demokratie, die durch die Revolution zur Macht im Staate aufrückte, fürchtet das Proletariat ebenso sehr, wie sie den Nationalismus scheut. Sie spielt das eine gegen den anderen aus. Sie spricht von dem Feinde, der rechts, und von dem Feinde, der links steht. Und in einer Zeit, in welcher der einzige Feind, den wir haben sollten, vom Rheine an die Ruhr vorrückte, bereitet sie den deutschen des entschlossensten Widerstandes ihre parteipolitischen Hemmungen. Auch dies ist nur zu deutsch. Die Demokratie hat ein schlechtes Gewissen vor der Nation. Sie hat sich auf die Weltdemokratie berufen und muss nun erleben, das sie von eben dieser Weltdemokratie um der Nation willen misshandelt wird. Sie ist nicht so empfindungslos, dass sie die Schläge icht spürte, die das Deutschtum treffen, indem sie die Demokratie treffen. Ihr ist jetzt die Vertretung der Nation überkommen, und es gibt Demokraten, die, ohne Nationalisten zu sein, Nationalismus für sich in Anspruch nehmen. Sie versichern zum mindesten, dass auch sie "gute Deutsche" sind, was freilich ein wenig sagender Mittelbegriff ist, der nicht verpflichtet. Sie geraten damit in für sie fremde Bereiche, in denen sie sich nur schwer zurechtfinden. Es fehlt ihnen das Überwältigende des Erlebnisses, von dem der Nationalist ausgeht. Die Vaterlandsliebe ist hier keine Leidenschaft für Deutschland, aus der die Vorausschau eines Schicksales folgt. Sie ist im besten Falle ein Wohlmeinen mit seiner betrogenen duldenden stummen Bevölkerung, und im schlechteren Falle eine Befürchtung für deren parteipolitische Zuverlässigkeit. Nur so ist die Stellung der Demokratie zum Sozialismus zu erklären. Es ist darin Eifersucht. Und es folgt daraus Misstrauen. Die Demokraten verstehen die Geistesverfassung des Nationalismus nicht. Sie verstehen die Beweggründe der Nationalisten nicht. Sie unterstellen Ihnen innenpolitische Hintergedanken und Endabsichten. Der Nationalismus sieht nur einen Weg: es ist der, welcher uns dahin bringt, dass wir die Politik aller Parteipolitik entrücken. Und Nationalisten haben nur das eine Ziel: das Schicksal der Nation an die Problemfront der Aussenpolitik zu bringen. Aber Probleme verlangen Entscheidungen. Und die Demokratie entzieht sich Entscheidungen.

Sie wird ihnen nicht immer ausweichen können. Wir sind, so scheint es, ein Volk, das sich alle Jahrhunderte in die Notwendigkeit bringt, einen Freiheitskampf führen zu müssen. Die Deutschen, so scheint es, wollen immer wieder von Vorne anfangen! Einst stand das Bürgertum an seinem Anfange. Heute steht, vielleicht, das Proletariat an dem seinen. Wann wird die Nation an ihrem stehen?

III.

Die Geschichte unpolitischer Völker ist diejenige ihrer Selbsttäuschungen. Die Geschichte politischer Völker ist diejenige ihrer Bewusstwerdung.

Wir sind jetzt in Deutschland noch ein Mal vor die Wahl gestellt, zu welchen Völkern wir gehören wollen. Es ist möglich, dass alle Leiden dieser Zeit nur Umwege sind, um aus uns endlich ein Volk zu machen, das sich seiner Nationalität politisch bewusst wurde. Dies ist die Zuversicht des Nationalismus. Es ist nicht minder möglich, dass dieselben Leiden nur Zuckungen sind, in denen sich unser Untergang bereits vollzieht, über den wir uns mit Menschheitsforderungen hinwegtäuschen, denen wir, wie dies deutsch ist, vor unserem Ende noch nachzukommen suchen. Dies ist die Gefahr der Demokratie. Sie hat, wie dies demokratisch ist, nur innenpolitische Sorgen. Von jenen Leiden ist nicht abzusehen, wie sie ohne das Zutun je enden könnten, das der Nationalismus fordert. Und um unserer Bewusstwerdung willen müssen wir uns mit unseren Selbsttäuschungen beschäftigen.

Die Welt der Politik ist nicht diejenige der Wünsche, sondern der Wirklichkeiten. Es hilft uns nicht, dass wir, wie dies unsere Art ist, Vorstellungen von einer gerechteren und vernünftigeren Welt nachhängen, als derjenigen, in der wir leben, und die uns politisch umgibt. Das Recht eines Volkes ist das Unrecht eines anderen. Und seine Vernunft ist dienige des Eigennutzes. Änder die Welt - aber ändert vorher den Deutschen! Macht einen Menschen aus ihm, der endlich die Schwachheit von sich abtut, die Dinge immer nur auf seine Wünsche hin anzusehen! Macht einen Deutschen aus ihm, der sich mit der Leidenschaft zur Wirklichkeit durchdringt und der sich nicht mit der Verherrlichung eines Unwirklichen lächerlich macht, das niemals ist und niemals sein kann! Ihr werdet mit diesem Menschen und Deutschen auf der Erde gar Manches erreichen: auch Manches, was gerecht ist, auch Manches, was vernünftig ist - aber immer nur über einen Nationalismus, und durch ihn, der die Politik der Nation zu sichern vermag.

Moeller van den Bruck, in: Das Gewissen, 5. Jahrgang, Nummer 25, 25. Juni 1923.
 
Ex: http://rezistant.blogspot.com/

samedi, 12 janvier 2013

F. Hielscher: Das Volk

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Das Volk

Kein Ding in Raum und Zeit bindet endgültig: nicht die Abstammung, nicht die Sprache, nicht die Umgebung. Dem allen steht der Einzelne frei gegenüber. Allein seine schöpferische Kraft, die seinen Willen überhaupt erst bildet, aus der sein Wille in jedem Augenblick geboren wird, bindet ihn notwendig: sie ist der Kern seines Wesens. Damit unterscheidet sich das Volk von einem blossen Abstammungsverbande und von jeder Verbindung, die nur durch äussere Umstände zusammengehalten wird; die Indogermanen sind kein Volk; die Untertanen des Staates der Weimarer Verfassung sind auch kein Volk. Nur die seelische Besessenheit durch dieselbe schöpferische Kraft gestaltet aus einer Vielheit vertretbarer Menschen ein Volk, in dem ein- und dieselbe Wirklichkeit durch die Tat bezeugt wird. Das Volk ist Einheit des Bekenntnisses und des Schicksals.

Friedrich Hielscher
Ex: http://rezistant.blogspot.be/

lundi, 07 janvier 2013

Petit éloge du long terme

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Petit éloge du long terme

par Jacques GEORGES

À long terme, nous serons tous morts. Même les civilisations sont mortelles. Le Reich de mille ans a duré douze ans. Le long terme serait-il une illusion ? Non : le long terme, les longues perspectives, ces notions perdues de vue depuis longtemps en démocratie de marché, sont nécessaires aux sociétés comme aux individus pour être bien dans leur peau, voilà le propos de ce petit article sur un grand sujet.

La Chine, le sens du temps long

Prenons la Chine. Voilà un pays qui depuis trente ans n’arrête pas de commencer par le commencement : construire pierre à pierre les conditions du développement (maîtrise démographique, priorité aux infrastructures de base et à l’éducation scolaire, technique et civique des citoyens, conception et mise en place d’un système bancaire et financier tourné vers le soutien à la production et l’entreprise, protectionnisme intelligent, maîtrise des parités de change, ordre dans la rue et dans les têtes), pour produire modestement et à bas coûts des articles essentiellement exportés, puis monter progressivement en gamme et en technologie, pour se retrouver, un beau matin, premier producteur industriel et deuxième P.I.B. de la planète. Le tout en ne distribuant en bienfaits salariaux et sociaux, voire en investissements « de confort » de type logement, que ce qui est possible, voire seulement nécessaire. Avec toujours en ligne de mire l’épargne, la compétitivité, le long terme, la réserve sous le pied, et, plus que tout, la préservation de son identité, de sa force, de sa fierté nationale. Une vraie Prusse orientale. Pardon pour ce jeu de mots, qui d’ailleurs va très loin.

L’Europe ? L’idiot du village global

Prenons maintenant l’Occident en général, l’Europe en particulier. Un socialiste intelligent a dit qu’elle était l’idiot du village global, ce qui résume bien les choses. Son plus beau fleuron, la Grèce, ne fait que magnifier les exemples espagnol, portugais, italien, français, et, il faut bien le dire, en grande partie aussi bruxellois : optimisme marchand, mondialisation heureuse, ouverture à tout va, liberté de circulation des marchandises, des services et des hommes, substitution de population et libanisation joyeuses, rationalisation marchande extrême de la fonction agricole, abandon implicite de l’industrie au profit d’un tas appelé « services », joie du baccalauréat pour tous, protection du consommateur, développement de la publicité et du crédit à la consommation, distributions massives de pains et de jeux, relances keynésiennes perpétuelles, endettement privé et public poussé à l’absurde, promesses électorales qui n’engagent que ceux qui les prennent au sérieux, yeux perpétuellement rivés sur les sondages. Le résultat, totalement prévisible, est là, sous nos yeux. Au bout du compte, la chère France, pour prendre son glorieux exemple, en est, à fin octobre 2012, à se poser avec angoisse la question existentielle de savoir si le taux de croissance du P.I.B. en 2012 sera de 0,8 ou de 0,3, ce qui change tout.

La misère intellectuelle et morale de l’Europe

On nous dira : et l’Allemagne, la Finlande, l’Autriche, et quelques autres ? Certes, ils sont un peu chinois de comportement ! Leur comportement garde un zeste de sérieux, de sens du long terme et de séquence logique des priorités qui font chaud au cœur à quelques-uns, dont, on l’a deviné, le rédacteur de ce petit billet. Que dit Angela ? Que rien ne sert de consommer, il faut produire à point; que quelqu’un doit bien finir par payer les dettes; que la malfaisance du capitalisme, ou du marché, ou des banques, ou de tous les boucs émissaires du monde, n’explique pas tout; que le vernis sur les ongles vient après une bonne douche, et autres commandements dictatoriaux du même acabit. Intolérable, clament en chœur les cigales indignées : les Allemands doivent coopérer en lâchant les vannes, en consommant davantage, en faisant un minimum d’inflation, bref, en s’alignant enfin sur les cancres majoritaires ! À défaut, l’Allemagne paiera, ce qui n’est que justice ! Sur ce point, extrêmes droites européennes, qui depuis peu méritent effectivement ce nom, et extrêmes gauches, toujours égales à elles-mêmes, sont d’accord. La misère intellectuelle et morale de l’Europe, en ce début de siècle, est immense.

Soyons un instant sérieux, car le sujet l’est extrêmement. Le sens du long terme a quelque chose à voir avec l’état, disons la santé, des peuples. C’est une affaire ancienne, délicate, complexe. Sparte contre Athènes, la Prusse contre l’Autriche, la cigale contre la fourmi, le modèle rhénan versus le modèle anglo-saxon, la primauté de l’économique sur le social, c’était déjà un peu ça. La gauche s’identifie assez naturellement avec ce qu’il y a de pire à cet égard, quoique avec des nuances, voire des exceptions (on cite à tort ou à raison Mendès-France, Delors ou Schröder comme contre-exemples). La droite, par nature portée aux horizons longs, mais ayant besoin d’être élue, et n’étant souvent pas de droite, a rivalisé souvent avec succès en démagogie avec les meilleurs démagogues de l’équipe adverse. Le ludion Sarkozy, sympathique et actif par ailleurs, comme son excellent et populaire prédécesseur, illustrent bien cette dérive. Sans parler des collègues grec ou italien.

Pour une trithérapie des nations européennes

Comment commencer à s’en sortir ? À notre avis, par une trithérapie mêlant :

1 – acheminement ordonné vers un protectionnisme continental identitaire intelligent de type Paris – Berlin – Moscou – Vladivostok,

2 – inversion vigoureuse mais juste et astucieuse des flux migratoires, et, last but not least,

3 – réforme intellectuelle et morale : réhabilitation de l’identité des Européens, du sens collectif, du long terme et de l’effort, ré-examen profond et/ou remisage de l’idéologie des « droidloms » aux orties, réexamen honnête de l’histoire du XXe siècle défigurée dans les années 1960 sur les fondements datés de Nuremberg et Bandoeng. Joli programme ! Avec un peu de chance, en cent ou deux cents ans à peine, c’est plié !

Jacques Georges

• D’abord mis en ligne sur Polémia, le 13 novembre 2012.


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samedi, 05 janvier 2013

Les yeux grands ouverts sur la modernité

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Les yeux grands ouverts sur la modernité.

Notes sur le livre « Écrire contre la modernité »

par Pierre LE VIGAN

La modernité nécessite d’abord d‘être définie. Moderne vient du latin modo : maintenant. L’étymologie relève aussi au grec modos : aujourd’hui. C’est une définition qui renvoie à un moment, à une actualité, plus qu’à un contenu. C’est pourquoi il y a nombre d’équivoques sur la modernité, et donc sur ce que serait ou pourrait être la postmodernité, l’hypermodernité, la néo-modernité, etc. Christian Ruby, notamment, a étudié ces notions et particulièrement les impasses de la néo-modernité (Le champ de bataille postmoderne – néo-moderne, L’Harmattan, 1990).

Pour résumer le point de vue qui est le nôtre, on ne peut asseoir la définition de la modernité sur la seule croyance en la raison. Il faut défendre l’outil de la raison, à la différence par exemple des fascistes adeptes de la pulsion vitale, ou à la différence des ultra-religieux pour qui tout repose sur la foi, dans les actuelles religions sans culture.

Nous définissons donc la modernité non pas comme la croyance en la raison mais comme la croyance au progrès général et sans limite de l’humanité. La modernité est ainsi avant tout, du point de vue philosophique et anthropologique, un mode d’homogénéisation du monde. C’est un mode de suppression de la pluralité et un mode de négation des conflits. L’un et l’autre de ces aspects sont bien sûr liés : pourquoi y aurait-il conflit entre des hommes ou des peuples au fond identiques ? Tel est le postulat de la modernité. Bien entendu, la modernité concrète est belligène. C’est un faux paradoxe car il ne suffit pas de nier les conflits pour les supprimer, bien au contraire.

La modernité est ainsi fondamentalement anti-dialectique, elle veut la fin de l’histoire. Par la paix universelle, par le règne de l’empire du Bien, par le grand marché mondial : les moyens changent mais la logique de la modernité reste identique.

Face à cela qui sont les anti-modernes ? Antoine Compagnon dresse la généalogie d’anti-modernes qui iraient de Joseph de Maistre à Roland Barthes (Les Anti-modernes, Gallimard, 2005). Il y a du vrai dans cette thèse car elle réunit des hommes refusant une certaine naïveté historique à la Victor Hugo. Mais la thèse de Compagnon a ses limites. Cette vision de l’anti-modernité la ramène plus à un style qu’à une analyse. L’anti-moderne est, selon Antoine Compagnon, « le réactionnaire, le vitupérant, l’arrière-garde de l’avant-garde, le contre-révolutionnaire ». Mais l’anti-moderne, s’il n’est que cela, n’est pas grand-chose.

Porte-t-il une autre vision du monde ? On peut le penser pour beaucoup d’entre eux. Alors, au-delà du style, au-delà du « tempérament », il faut convenir qu’il y a une pensée. Nombre d’anti-modernes sont donc beaucoup plus, et mieux, que de simples « anti ». Exemples : Léon Bloy ou Nicolas Berdiaev sont porteurs d’une vision du monde pleine d’inquiétude, en rupture avec l’optimisme des Lumières. L’anti-modernité, avec eux et bien d’autres, n’est pas seulement « le creux du moderne » comme dit Paul-François Paoli. L’anti-modernité est une lucidité sur la modernité et une autre vision de l’homme. Avec beaucoup d’anti-modernes nous ne sommes pas seulement en compagnie de « modernes non dupes de la modernité » – ce qui ne serait  déjà pas si mal. Mais c’est bien plus que cela. Barrès, Bernanos, Péguy, pour ne citer qu’eux, ne sont pas seulement un écho ricanant de la modernité, sachant que tout ricanement est au fond déjà moderne. Ils relèvent plutôt, chacun dans leur registre, de la contre-modernité, c’est-à-dire d’une compréhension critique, interne de la modernité, qui en refuse l’optimisme, qui ne croit ni n’aspire en la fin de l’histoire, qui recherche les grands équilibres humains et refuse les monothéismes idéologiques. Le concept de contre-modernité indique la notion de proximité d’avec la modernité. Il s’agit non pas de revenir avant la modernité, il s’agit de faire un pas de côté. De là le concept d’objecteur de la modernité, construit sur le même mode que celui que celui d’objecteur de croissance. De même que l’objecteur de croissance n’est pas nécessairement un décroissant, remplaçant un dogmatisme par un autre, inversant simplement le culte de la croissance plutôt que se libérant de ce culte, l’objecteur de modernité n’est pas exactement un anti-moderne. Il faut manifester une objection sélective à la modernité. Il faut même retrouver ce qu’il y avait de plus positif à la naissance de la modernité : la notion d’ouverture du destin humain, hors des téléologies.

Le principe fondamental de l’objection de modernité est de refuser la néophilie. Le nouveau n’est pas toujours mieux que l’ancien. Il faut aussi refuser l’idée qu’il y a un sens linéaire de l’histoire. Car alors on pense inévitablement que demain sera toujours mieux qu’aujourd’hui. C’est l’impasse du progressisme que dénonce Jean-Claude Michéa et qu’il attribue à juste titre à la fois à la pensée libérale et à la gauche actuelle, qui ne fait que radicaliser la pensée libérale.

L’objection de modernité, c’est aussi penser que l’on ne peut pas tout faire avec l’homme, selon la juste expression de Chantal Delsol. On ne doit pas « tout essayer ». On ne doit pas tout faire dans le domaine expérimental tout comme dans le domaine symbolique. Le refus du transhumanisme ou du post-humanisme ne concerne pas seulement les chrétiens mais aussi tous ceux qui sont attachés au sens gréco-romain de la mesure et du tragique du destin humain. L’homme est un « être jeté » dit Martin Heidegger. Jeté dans le monde. Cela ne veut pas dire qu’il doit se jeter ou être jeté dans le monde n’importe comment. D’où la nécessité d’écouter les contre-modernes. C’est Richard Millet analysant la fatigue du sens. C’est le meilleur des mondes d’Aldous Huxley et le thème du clonage comme réaction à la perte de l’identité par l’immigration de masse, thème très présent chez Michel Houellebecq.

Le processus de la modernité a renversé tous les concepts. L’extension de la démocratie à l’humanité a tué toute vraie démocratie, forcément localisée, territorialisée. La volonté d’étendre le modèle occidental de civilisation à toute l’humanité a amené à ce que Renaud Camus a appelé une « décivilisation ». L’inversion des concepts a atteint tous les domaines. L’ironie généralisée et superficielle a tué à la fois la gravité de l’homme face au monde et la grande ironie critique, à la Voltaire ou à la Philippe Muray.

Comment en sommes-nous arrivé là ? Y a-t-il des penseurs qui ont toujours pris leur distance avec la néophilie, avec le culte du progrès, avec l’obsession d’un monde homogène ? Des réponses dans Écrire contre la modernité.

Pierre Le Vigan

• Pierre Le Vigan, Écrire contre la modernité, précédé d’Une étude sur la philosophie des Lumières, 160 p., 15 € + frais de port de 3,50 €, édité par La Barque d’or, à commander à labarquedor@hotmail.fr


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Nivellement par le bas?

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Nivellement par le bas?

« Les actuelles diverses approches de la gestion des groupes humains ont toutes en commun de produire des effets de nivellement par le bas. A chaque fois, il s’agit de contourner le lobe frontal du cerveau, le néocortex, siège du langage et des fonctions dialectiques, pour prendre directement le contrôle des fonctions pré-linguistiques: les réflexes primitifs du cerveau reptilien, et les émotions dans le système limbique. Il s’agit de rendre impossible la sublimation, c’est à dire de désirer des mots plutôt que des objets, et de maintenir toute la vie entre deux états mentaux simplifiés pré-langagiers, dérivés de deux émotions primitives que sont la peur et l’excitation érogène. Cette atrophie du champ psychique génère évidemment toute une gamme d’états dépressifs et de pathologies mentales diverses, que l’on peut rassembler sous les termes de désymbolisation, de perte de Sens et de structure mentale. Mais pour parvenir à ses fins, à savoir la construction d’un système social totalement sûr et prévisible, l’ingénierie politique des pays développés n’a pas eu d’autre choix que de considérer l’humain comme moins qu’un animal: comme un simple objet plastique et à disposition pour le recomposer à loisir. »
 
Comité invisible, « Ingénierie sociale et mondialisation »
 
http://zentropaville.tumblr.com/post/38220204689/les-actuelles-diverses-approches-de-la-gestion

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samedi, 23 juin 2012

La communauté ou le cauchemar du Système

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La communauté ou le cauchemar du Système

Ex: http://verslarevolution.hautetfort.com/

« L’atomisation sociétale, l’anomie sociale, la guerre de tous contre tous et l’extrême individualisation égoïsto-nombriliste des existences contemporaines ne sont pas des "dommages collatéraux" de la  société capitalisto-marchande, les  symptômes de maux superficiels qui pourraient être guéris par des "ajustements" du système, ce sont tout au contraire le substrat, la matière première et le carburant du monde libéral.

L’oligarchie financiaro-mercantile ne peut en effet régner que sur un conglomérat d’individus séparés, isolés, concurrents les uns des autres en tous domaines (emploi, sexualité, sentimentalité, consommation, représentations symboliques…) et n’ayant pas d’autre horizon que la poursuite de leurs intérêts particuliers et la satisfaction de leurs désirs matériels. C’est pour cela que la bourgeoisie financière, avec l’appui actif et empressé des idiots utiles de la gauche "libérale/ libertaire",  n’a jamais eu de cesse que de faire disparaître toutes les entités collectives et les corps intermédiaires qui séparaient encore l’individu du Marché (corporations, syndicats, églises, familles, nations…).

Car le cauchemar du système de l’individu-roi, déraciné et interchangeable, défini uniquement par sa capacité de consommation, porte un nom, celui de "communauté".

La communauté est un groupement humain rassemblant des individus qui veulent être acteurs et non spectateurs de leur existence, qui ont compris qu’il n’y a ni espoir ni avenir dans la "délégation" du politique à des "élites" expertocratiques qui ne servent jamais que leurs propres intérêts de classe.

A l’opposé du "héros solitaire", notamment vanté par la littérature commerciale et les représentations cinématographiques hollywoodiennes,  qui s’oppose au monde au nom de son exceptionnelle singularité, le membre d’une communauté sait que ce n’est que par l’action collective, l’union des qualités et des talents, la collaboration des caractères et des volontés que l’on peut trouver des issues à l’impasse contemporaine et bâtir des alternatives concrètes et durables au suicide général qu’est la mondialisation libérale.

 

La communauté n’est ni un ghetto ni un refuge, c’est un camp de base, fortifié sur ses fondations mais ouvert sur le monde, un point de ralliement et d’organisation aujourd’hui indispensable à toute perspective de résistance et de reconquête. La communauté c’est l’interdépendance au service d’un projet commun.

Si la communauté se nourrit de la proximité ethnico-culturelle, fruit de la lignée et de l’enracinement historique,  elle ne se limite nullement à elle  puisque ce qui en fait à la fois la force, la spécificité et le dynamisme est le fait d’incarner des valeurs élevées et exigeantes mais dans lesquelles, potentiellement, tout homme libre, fier et aimant peut se reconnaître.

Ainsi si la communauté offre une nécessaire image d’homogénéité, c’est une homogénéité "plurielle" c’est-à-dire qui associe la diversité des individus, des parcours, des origines et des caractères à un socle moral et politique commun et des objectifs partagés. C’est donc avant tout une homogénéité d’esprit, de vues, d’aspirations et d’espoirs.

Le Larzac plus l’Ordre

Le système se moque des contestations qui ne sont que sonores ou visuelles, des agitations vociférantes, des slogans et des palabres. Il les recycle même avec une déconcertante facilité, les transformant bien souvent en nouvelles micro-niches commerciales nourrissant généreusement le supermarché global. Tant que ses prétendus adversaires continuent à suivre ses programmes télé, à fréquenter ses centres commerciaux et ses agences de voyages, à intégrer ses codes esthétiques et son imaginaire et à apporter leur écot à l’organisation bancaire (épargne, emprunts, assurances-vie…), ils peuvent bien pondre tous les manifestes, tous les fanzines, tous les pamphlets qu’ils souhaitent, ils peuvent même organiser trois fois par an tous les saccages anti G20 ou G8 qu’ils désirent, le système s’en moque éperdument, et  même s’en pourlèche, pouvant ainsi agiter l’épouvantail factice d’une virulente et redoutable "opposition".

Aujourd’hui, la seule réelle crainte du système est clairement le retrait et le court-circuit, c’est-à-dire le fait pour des individus, regroupés et organisés au sein de communautés, de rompre non pas avec les superficialités du temps mais avec les fondements de l’époque : la consommation, l’industrie du divertissement et l’omniprésence financière. Il suffit pour s’en convaincre de constater le mépris hargneux de la "gauche" capitalo-compatible envers les tenants de la "décroissance" ou l’acharnement judiciaro-policier dont ont été victimes les SEL (Systèmes d’échanges locaux), les "casseurs de pub" ou les épiciers communautaires de Tarnac.

Que ces expériences socialo-collectivistes se débarrassent de leurs scories libertariennes, xénophiles et ethno-masochistes et s’enrichissent des préoccupations patriotiques, méritocratiques et différentialistes et la plus grand terreur de l’oligarchie prendra alors forme, réveillant les fantômes de la Commune et le souvenir de Louis Rossel.

Pour atteindre cet objectif, qui est tout sauf utopique, il n’y a pas d’autre voie que la communauté, seul "lieu" où le retrait et le court-circuit (consistant à se passer au maximum des infrastructures et des mécanismes imposés par le système)  sont viables et porteurs de sens politique. Car il ne s’agit pas d’encourager à la multiplication des retraites au désert et des vocations d’anachorètes mais d’inciter à la mise en place de structures collectives où un autre mode de vie, basé sur la décence commune, le sens de la mesure, l’altruisme, la simplicité volontaire, est possible sans être synonyme d’exclusion et de précarisation progressive.

Prêts sans intérêts entre camarades, habitat collectif, recyclage et récupération, services gratuits, troc, rejet de la lobotomie télévisuelle et de l’emprisonnement facebookien, réappropriation agraire, coopératives, loisirs collectifs, chantiers communs… les moyens, à la fois humbles et gigantesques,  sont nombreux pour poser dès aujourd’hui les premières pierres de ces communautés qui seront autant de monastères et de phalanstères conservant et entretenant la flamme de la civilisation au cœur de la longue nuit de la barbarie libérale. »

 

Zentropa

samedi, 04 février 2012

Sobre el Popularismo o Populismo

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Sobre el Popularismo o Populismo

 

Por Alberto Buela*

Ex: http://disenso.org/

La politología, una escisión relativamente reciente de la filosofía, ha considerado históricamente al populismo en forma peyorativa. Ya sea otorgándole una connotación negativa, caracterizándolo como una patología política en opinión de Leo Straus o como el enfant perdu(1) de la ciencia política. Se lo ha venido estudiando en forma vergonzante por aquellos que lo han hecho. La más renombrada estudiosa del tema, la inglesa Margaret Canovan sostiene que: “el término populismo se usa comúnmente a modo de diagnóstico de una enfermedad”(2)

El término populismo encierra una polisemia de difícil acceso para los politólogos que por formación y disciplina carecen de los medios suficientes para elucidarla(3). De modo tal que la mayoría de los tratadistas se ocupan de descripciones más o menos sutiles según su capacidad personal. Pero todo ello no va más allá de una sumatoria de características que no llegan a la esencia del fenómeno. Cuenta mucho en cada uno de ellos su experiencia personal y su conformación ideológica. Así, por ejemplo, el diccionario de política más reciente editado en Brasil lo define: Designación que se da a la política puesta en práctica en sentido demagógico especialmente por presidentes y líderes políticos de Sudamérica, los cuales con un aura carismática se presentan como defensores del pueblo. Cumple destacar como ejemplo típico Perón en la Argentina, vinculando a los intereses populares reivindicaciones nacionalistas(4). Definir el populismo a través de la demagogia es, no sólo un error de método, sino una posición política vinculada al universo liberal-socialista clásico.

Los tratados de historia de la ciencia política, multiplicados al por mayor en las últimas décadas anuncian en este ítem, acríticamente, una y otra vez una seguidilla de regímenes al que adscriben el carácter de populistas, habiendo entre ellos, diferencias sustanciales. Así van juntos, los movimientos del siglo XIX, tanto el agrario radical de los Estados Unidos como el intelectual de los narodnichevsto de Rusia. La democracia directa Suiza. Getulio Vargas(1895-1974) y su Estado Novo en Brasil. Perón (1895-1974) y su Comunidad Organizada para Argentina. Gamal Nasser en Egipto. El general Boulanger y luego el mouvement Poujade en Francia. Más próximamente George Wallace en USA y Solidarnosc en Polonia. Nos preguntamos:¿ Todo esto junto, involucrado en un solo concepto, sino es un aquelarre....no se parece bastante?

Pero, ¿Qué ha sucedido últimamente para que la gran mayoría de las revistas sobre ciencia política se ocupen asiduamente del populismo?. En nuestra opinión, éste dejó de ser un fenómeno propio de las naciones periféricas como lo fue en los años posteriores a la segunda guerra mundial para transformarse en un fenómeno europeo. Así la Lega Nord de Humberto Bossi en Italia; el Partido rural de Veikko Vennamo en Finlandia; el Font Nacionale de J.M.Le Pen en Francia; en Bélgica el movimiento flamenco de Vlaams Blok; el suceso de Haider en Austria; el Fremskrittsparti en Dinamarca, Suecia y en Noruega; la Deutsche Volksunion en Alemania; el movimiento socialista panhelénico en Grecia, la Unión Democrática en Suiza son algunos de los movimientos caracterizados como “populistas”por los analistas políticos, siguiendo a los académicos de turno.

La instalación política del populismo en Europa estos últimos años ha obligado a los teóricos a repensar la categoría de populismo con la intención de liberarla de la connotación peyorativa que le otorgaran ellos mismos otrora cuando el fenómeno del populismo se manifestaba en los países periféricos o del tercer mundo, como fueron los casos de Perón, Vargas o Nasser.

Es muy difícil levantar la demonización de una categoría política luego de cincuenta años de ser utilizada en un sentido denigrante y peyorativo. Es por ello que proponemos utilizar un neologismo como popularismo para caracterizar los fenómenos políticos populares.

Rasgos del Popularismo

Estos movimientos consideran al pueblo como: a)fuente principal de inspiración b) término constante de referencia y c) depositario exclusivo de valores positivos.

El pueblo como fuerza regeneradora es el mito más funcional para la lucha por el poder político.

El popularismo excluye la lucha de clases y es fuertemente conciliador. Para él la división no se da entre burgueses contra proletarios sino entre pueblo vs. antipueblo.(ej. descamisados vs. oligarquía en Argentina).

Su discurso es, entonces, antielitista y canaliza la protesta en el seno de la opinión pública en forma de interpelación a los poderes públicos y al discurso dominante.

Su práctica política radica en la movilización de grandes masas que expresan más que un discurso reflexivo, un estado de ánimo. Las multitudinarias concentraciones son el locus del discurso popularista. Los muros y paredes de las ciudades aún no han sido reemplazado por los mass media como vehículo de expresión escrita del discurso interpelativo del popularismo.

Finalmente su vinculación emocional en torno a un líder carismático que en una especie de democracia directa interpreta el sentir de ese pueblo.

Conciliación de clases, discurso interpelativo, movilización popular y líder carismático son los rasgos esenciales del popularismo.

Existe una diferencia sustancial entre los movimientos populares periféricos y los de los países centrales. Estos últimos tienen una tendencia racista ostensible para expulsar de sí a todo aquello que no es verdadero pueblo en tanto que en los países subdesarrollados o dependientes existe en ellos una tendencia a la fusión étnica de los elementos marginales. Acá el pueblo es un modo de ser abierto en tanto que en los países centrales es cerrado. Hoy, el horror al inmigrante es el ejemplo más evidente.

Los popularismos tienen una exigencia fundamental de arraigo o pertenencia a una nación o región determinada, ello hace que por su propia naturaleza se opongan siempre a todo internacionalismo, manifestado hoy bajo el nombre de globalización.

El ejercicio político del plebiscito a través de esa especie de democracia directa que es la movilización popular convocada por un líder carismático con un discurso de protesta al discurso oficial elaborado a partir de lo políticamente correcto, mete en contradicción a los politólogos demócratas que ante la crisis de representatividad política buscan nuevas fórmulas para la alicaída democracia liberal. Pues esto teóricos bien intencionados comprenden, a ojos vista, que son los movimientos populares quienes ejercen la verdadera democracia: aquella donde el gobierno hace lo que el pueblo quiere y no tiene otro interés más que el del pueblo mismo.

Esta contradicción no se puede zanjar con libros ni papers eruditos, se soluciona legalizando lo que legítimamente los pueblos vienen haciendo en busca de su más genuina representación. Y esto supone una “revolución legal” que ningún gobierno occidental, hoy por hoy, está dispuesto a realizar.

* Doctor en filosofía, ensayista y director de Disenso.

NOTAS

1.-Bosc,René: Un enfant perdu de la science politique: le populisme, en “Projet” N°96, junio 1975, pp.627-638.
2.-Canovan, Margaret: Populism, Hartcourt Jovanovich, Nueva York-Londres, 1981, p.300.
3.- Un hombre lúcido como Enrique Oliva se pregunta un tanto ingenuamente ¿Quién, y de mala fe, inventó la palabra populismo como una categoría política criticable, algo relativo a demagogia, autoritarismo, antidemocrático o envilecimiento de masas?. Y la respuesta es: Los centros de producción de sentido, que son quienes manejan las significaciones y hermenéutica de lo que sucede en el mundo. Ellos son la matriz del pensamiento único y políticamente correcto que fundamenta el totalitarismo democrático en que vivimos. 
4.-Galvao de Souza et Alia: Dicionário de Política, T.A.Queiroz Editor, Sao Paulo, 1998, p.427.

 

samedi, 15 octobre 2011

The Identity Idea

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The Identity Idea

A Report from Sweden

 
 

The third installment of Identitär Idé (Identitarian Idea) took place in Stockholm, Sweden on August 27, 2011. Although attendance was down slightly from our last event, the pleasant atmosphere more than made up for it. Visitors started gathering at noon, and when the doors swung open at one o'clock, everything got underway immediately. The walls of the venue were covered in Soviet-style “artwork” romanticizing labour and socialism, meaning that the venue must have been affiliated with the Swedish Social Democratic Party, which lent the afternoon a surreal backdrop. More than one visitor found this amusing, and a reminder of the strange character of Sweden—a country more or less ruled by a Leftist radicalism that most Americans would only encounter in an academic setting.

In addition to the lectures that had been announced in advance, several cultural activists were also in attendance. Arktos sold books (and, apparently, a lot of them), a recently established T-shirt company called Dixerwear showcased a number of their designs, and the well-known Swedish nationalist weekly Nationell Idag distributed free back issues and subscription information. The artist Marcus Andersson also exhibited some of his paintings—very impressive works of a kind virtually extinct in the contemporary “art” world.

After a short introductory speech, the first lecture began. Swedish dissident author and expat Lars Holger Holm discussed the history and present state of modernism and postmodernism, primarily in art. Holm contended that modernism had gone from a movement which, despite perhaps being destructive, was at least dynamic and creative, especially when compared to the sterile conformism and stagnant repetition of meaningless provocations and forms as we see in postmodernism. He goes on to describe the ongoing dumbing-down of art known as “modern” and the impossibility of any kind of democracy within the domain of art, illustrating his speech with examples known to the attentive crowd who, at the end, burst into applause.

Dr. Alexander Jacob was next, discussing the religious and political views of Richard Wagner. Wagner, he maintained, believed in a specifically Aryan form of Christianity, which emerged as a result of its spread to Europe, as opposed to the forms of religion which go by that name in the modern world, which he believes have returned it to its Judaic roots and resulted in a universalist creed which fosters usury and racial degeneration. He explains how Wagner saw the solution to this problem in the re-emergence of a specifically Germanic form of Christianity, which would reinvigorate the belief in love and union with Nature. At its conclusion, some controversy erupted when it was suggested that Wagner had been merely Nietzsche in cheap clothes. Dr. Jacob replied that Nietzsche was a "completely unoriginal philosopher" who had actually stolen ideas from Wagner, and whose basic notions were simple inversions of Wagner's developed to justify his own endeavours. Mr. Holm protested, and a contentious—though brief and entertaining—discussion ensued. After his presentation, it was certain that a good part of the crowd will delve deeper into the subject on their own.

Following a break, Dr. Tomislav Sunic took the podium. As Dr. Sunic himself said, he has become a sort of household name in the Scandinavian New Right scene, having visited Sweden on several occasions this year alone. As always, Dr. Sunic covered a wide range of topics. One of the most interesting aspects of his speech concerned the double-edged nature of nationalism, which is comprised of both love and hate. Being from Croatia, and having lived through the war, Dr. Sunic is more qualified than most to discuss such a topic. He also discussed not only the consequences but, more importantly, the causes of the immigration invasion into European countries as well as those countries with European roots. It was the occasion for the ex-diplomat to remind us of the role which is played by the globalised hyper-class, as well as by the charity leagues that, for economic reasons or clientélisme religieux, encourage immigration. Tom finished the discourse with a reminder that citizenship, as well as borders, can easily change, a matter of which he is well-versed as a Croatian. He went on to reason that a people’s identity is built upon a foundation that is indifferent to borders and regime changes—race. Being an ethno-differentalist rather than a racial supremacist, however, Tom concluded that race is not the alpha and omega of identity.

When Dr. Sunic had finished and taken a few questions from the audience, it was time for the dinner break. This gave us the opportunity to relax and socialize before the main portion of the event. This was, of course, the Australian Professor Andrew Fraser's first Scandinavian appearance, which began about a half-hour behind schedule (which, considering how events like this typically go, must be seen as a triumph!).

Professor Fraser's many years of working in an academic environment were very much apparent as he presented the main themes of his latest book, The WASP Question, which was recently published by Arktos. The historical, biological and juridical characteristics of the Anglo-Saxon peoples were recounted as Prof. Fraser discussed why and how the British Protestants, who once conquered the world and settled in many regions, have now lost any sense of identity and become unable to defend their own interests in the face of strengthening ethnic consciousness among minorities in their own lands. The “WASP,” according to the Australian author, is the invisible race within the lobbies and civic patriotism of the nations they inhabit.

Professor Fraser reminds us of what Guillaume Faye has tried on several occasions to explain to those who hold an anti-American bias: that the space now known as the United States wasn't born as a rainbow coalition, but was rather founded by a homogeneous ethnic community that has since absorbed newcomers and their descendants from every European nation. The topic might appear to fanatical opponents of everything “American” as irrelevant, but Fraser explained that the Europeans have also developed a general European identity, just as their cousins across the pond have done—an invisible race. He concluded his talk by insisting on the importance of the myth—a concept necessary for the survival of any people who wishes to preserve their identity.

The rest of the evening was less serious and more about socializing and entertainment, as neofolk act Winglord performed some of their songs onstage. While the music appears to have mainly consisted of playback, the massive video projection that accompanied the concert created an interesting and absorbing experience. Later in the evening, Dr. Jacob returned to the subject of Wagner, though now in a musical form as he alternated between brief, spoken explanations of the main story line of Der Ring des Niebelungen and performances of piano transcriptions of selected parts of the opera tetralogy.

Throughout the day, those in attendance had ample opportunity to meet each other and exchange ideas and observations. Everyone involved seems to have been very satisfied with the event, and this writer is no exception. Events were kept to the schedule, all the lectures were interesting, and the general atmosphere was quite pleasant, indeed. The fact that the last of the people to leave did not do so until midnight should speak for it self.

vendredi, 07 octobre 2011

Por el redimensionamiento de la función económica,

Por el redimensionamiento de la función económica,

Enrique Ravello

Ex: http://www.idpress.org/

«Reducción a la sola dimensión económica de las finalidades sociales y políticas, característica de las ideologías occidentales». Es la primera definición de «economismo» que da Guillaume Faye en su libro, Porquoi nous combatons, obra de obligada referencia y punto de partida de toda reflexión identitaria . Esta anomalía es la consecuencia de un proceso cuyo inicio sitúa Warner Sombart en el Renacimiento y que no es otra cosa que la subversión de las funciones típicas de las sociedades tradicionales indoeuropeas, en las que la función productiva estaba subordinada a la función militar y en última instancia a la función soberana, función que unía indefectiblemente lo espiritual, lo soberano, lo político y el principio de justicia.

Este proceso de alteración de las funciones dará origen al liberalismo, al capitalismo y al marxismo, distintas versiones de una misma y perversa anomalía, de una misma «inversión de valores». Pero el proceso de primacía y dictadura de lo económico, está en un momento de cambio radical del que pocos son conscientes. La estructura actual del capitalismo está en proceso de mutación radical, que nuevamente pone es descrédito la teoría marxista de la acumulación del capital. En contra de esta teoría, el capital está perdiendo todo su poder, pasando éste a una nueva clase tecnocrática de los altos dirigentes de empresa y gestores financieros, conocidos e interconectados entre ellos, y auténticos dueños del poder mundial.

Tradicionalmente el capital era el propietario de las empresas y sus dirigentes meros agentes de este capital, en la nueva realidad estos dirigentes se convierten en los verdaderos propietarios y el capital se convierte en un medio mas de producción con un coste medible y exigible.

El caso extremo de este nuevo capitalismo es el desaforado crecimiento de los fondos de «private equity» que permiten unas recompensas inusitadas a estos gestores, a cambio siempre de unos resultados de acuerdo a la planificación. En teoría en tres o cuatro operaciones (15 a 20 años) un gestor puede sin aportación alguna de capital convertirse en el dueño de una gran empresa. El nuevo grupo de «gestores» entre los que fluye la información, se convierte en el dueño de las grandes empresas a nivel mundial, incluyendo el control de los grandes fondos de inversión, en los que tampoco son necesariamente dueños del capital, pero sí del poder que da ese capital, el ejemplo del «gestor» George Soros es por todos conocido.

Esta tendencia acelerada al oligopolio anónimo, viene acompañada de una reconversión de las grandes empresas multinacionales. De ser empresa «cerradas» capaces de producir productos a gran escala, el nuevo modelo macroempresarial es cada vez de mayores dimensiones pero de una grandísima especialización, cada gran corporación llega a controlar hasta el 40% del producto en el que se ha especializado, pero esta especialización hace necesaria su interconexión con el resto de macroempresas ultraespecializadas en otros productos, todas ellas diseminadas por todo el globo terráqueo. La nueva estructura empresarial del mercado mundial.

Frente a esta realidad es más necesaria que nunca una respuesta que implique no una reforma sino un cambio del paradigma económico. Un redimensionamiento de la función productiva que esté de nuevo bajo el control de la función soberana –subordinación de lo económico a lo político– dentro de un esquema económico de grandes espacios autocentrados y autosuficientes. Frente al capitalismo liberal y mundialista, nuestro comunitarismo europeo y autárquico

Enrique Ravello

dimanche, 10 juillet 2011

La droite et le libéralisme

La droite et le libéralisme

par Pierre LE VIGAN

Maurras rappelle une réticence classique des droites vis-à-vis du libéralisme quand il énonce : « la liberté de qui ? la liberté de quoi ? c’est la question qui est posée depuis cent cinquante ans au libéralisme. Il n’a jamais pu y répondre » (Maurras, Dictionnaire politique et critique, 1938). Pour comprendre cette réticence, il faut remonter aux origines de la droite.

Août – septembre 1789 : à l’occasion du débat constitutionnel, les partisans du veto absolu (et non suspensif) du roi se situent à droite de l’assemblée. À gauche se placent les partisans d’un pouvoir royal faible. Dans le même temps, une partie des droites se prononce en faveur d’une constitution à l’anglaise fondée sur le bicaméralisme. De quoi s’agit-il ? Exactement de deux rapports très différents au libéralisme, et qui concernent dés l’origine les familles politiques qui se situent « à droite ». Être partisan d’un veto royal absolu signifie refuser l’autorité venue « d’en bas », c’est-à-dire du Parlement. C’est, d’emblée, défendre une conception transcendante du pouvoir, et considérer, avec Joseph de Maistre, qu’on ne peut « fonder l’État sur le décompte des volontés individuelles ». À l’inverse, être partisan du bicaméralisme signifie se méfier du peuple tout autant que du pouvoir. Tout en ayant comme point commun l’opposition à la toute-puissance de l’Assemblée constituante, ce sont là deux façons très différentes d’être « à droite ». Le paysage se complique plus encore en prenant en compte les arrière-pensées de chaque position.

Si le bicaméralisme est l’expression constitutionnelle assez claire d’un souci d’alliance ou de compromis entre la bourgeoisie montante et l’aristocratie déclinante, par contre, la revendication d’un pouvoir royal fort peut – et c’est une constante de l’histoire des familles politiques de droite – se faire en fonction de préoccupations non seulement différentes mais contradictoires : s’agit-il de donner au roi les moyens de liquider au profit de la bourgeoisie les pouvoirs nobiliaires qui s’incarnaient dans les anciens parlements, ou au contraire s’agit-il de pousser le roi à s’arc-bouter sur la défense de ces privilèges nobiliaires, ou bien encore de nouer une nouvelle alliance entre roi et  peuple contre la montée de la bourgeoisie ? De même, le bicaméralisme a pour préoccupation d’affaiblir le camp des « patriotes » (c’est-à-dire de la gauche), et rencontre donc des soutiens « à droite ». Pour autant, est-il « de droite » dans la mesure où il relève d’une  méfiance devant tout principe d’autorité ? En tant que moyen d’empêcher la toute-puissance de l’Assemblée constituante, ne relève-t-il pas indiscutablement du libéralisme, c’est-à-dire d’une attitude moderne qu’exècrent une grande partie des droites ?

Cette attitude moderne a ses racines, comme l’a bien vu Benjamin Constant, dans un sens différent de la liberté chez les Anciens et les Modernes. Le bonheur étant passé dans le domaine privé, et étant, sous cette forme, devenu « une idée neuve en Europe » (Saint-Just), la politique moderne consiste à ne pas tout attendre de l’action collective. La souveraineté doit ainsi être limitée, ce qui va plus loin que la simple séparation des pouvoirs. « Vous avez beau diviser les pouvoirs : si la somme totale du pouvoir est illimitée, les pouvoirs divisés n’ont qu’à former une coalition et le despotisme est sans remède » (Benjamin Constant). Tel est le principe de fond du libéralisme : la séparation tranchée des sphères privées et publiques. Conséquence : la crainte du pouvoir en soi. Car dans le même temps, la désacralisation du monde aboutit à ce que chacun estime – comme l’avait vu Tocqueville, avoir « un droit absolu sur lui-même », par déficit de sentiment de  participation à la totalité du monde. En sorte que la volonté souveraine ne peut sortir que de « l’union des volontés de tous ». La réunion des conditions d’une telle unanimité étant à l’évidence difficile, – ou dangereuse – le libéralisme y supplée en affirmant le caractère « naturel » – et par là indécidable – de toute une sphère de la vie sociale : la sphère économique, celle de la production et reproduction des conditions de la vie matérielle. Rien de moins.

Un tel point de vue par rapport à l’économie et aux rapports de travail dans la société n’est caractéristique que de l’une des droites – une droite qui n’est pas « née » à droite mais qui a évolué vers le freinage d’un mouvement qu’elle avait elle-même contribué à engendrer. C’est en quelque sorte la droite selon le « droit du sol » contre la droite selon le « droit du sang ». Relève de la première l’homme politique et historien François Guizot, valorisant la marche vers le libéralisme avant 1789, mais cherchant à l’arrêter à cette date. C’est la droite orléaniste. Les autres droites, celles qui le sont par principe – et parce qu’elles croient aux principes  – prônent l’intervention dans le domaine économique et social. « Quant à l’économie, on ne saurait trop souligner combien le développement d’une pensée sociale en France doit à la droite, remarque François Ewald. […] Il ne faut pas oublier que les premiers critiques de l’économie bourgeoise et des méfaits du capitalisme ont été des figures de droite (Villeneuve de Barjemont, Sismonde de Sismondi) (1). »

Cette critique des sociétés libérales par certaines droites n’est pas de circonstance. Elle s’effectue au nom d’une autre vision  de l’homme et de la société que celle des libéraux. « Il y a une sociologie de droite, précise encore François Ewald, peut-être occultée par la tradition durkheimienne, dont Frédéric Le Play est sans doute avec Gabriel de Tarde le représentant le plus intéressant ». La pensée anti-libérale de droite est, de fait, jalonnée par un certain nombre d’acteurs et de penseurs importants. Joseph de Maistre et Louis de Bonald voient dans l’irréligion, le libéralisme, la démocratie des produits de l’individualisme. Le catholique Bûchez (1796 – 1865), pour sa part,  défend les idées de l’association ouvrière par le biais du journal L’Atelier. Le Play, de son côté, critique « les faux dogmes de 1789 » : la perfection originelle de l’homme (qui devrait donc être restaurée), sa liberté systématique, l’aspiration à l’égalité comme droit perpétuel à la révolte. La Tour du Pin, disciple de Le Play, critique la séparation (le « partage ») du pouvoir, considérant que celui-ci doit s’incarner dans un prince, mais propose la limitation du pouvoir et la consultation de la société (civile) notamment par la représentation corporative : le refus du libéralisme n’équivaut pas à une adhésion automatique à l’autoritarisme.

Par contre, le refus d’une société réduite à des atomes individuels est une constante de la pensée de droite, de l’école contre-révolutionnaire aux divers traditionalismes. Maurras a défendu l’idée, dans ses Réflexions sur la révolution de 1789, que la loi Le Chapelier interdisant l’organisation des travailleurs était un des actes les plus néfastes de la Révolution. Il établit un lien entre celle-ci et le libéralisme pour, tous les deux, les condamner. « L’histoire des travailleurs au XIXe siècle, écrit Maurras, se caractérise par une ardente réaction du travailleur en tant que personne à l’encontre de son isolement en tant qu’« individu », isolement imposé par la Révolution et maintenu par le libéralisme (2). » Thierry Maulnier résumait de son côté l’opinion d’une Jeune Droite composante essentielle des « non-conformistes de années Trente » en écrivant : « Il devait être réservé à la société de structure libérale d’imposer à une catégorie d’individus un mode de dépendance qui tendait, non à les attacher à la société, mais à les en exclure (3) ».

L’Espagnol José Antonio Primo de Rivera formulait un point de vue largement répandu dans la droite française extra-parlementaire quand il évoquait, en 1933, la signification du libéralisme économique. « L’État libéral est venu nous offrir l’esclavage économique, en disant aux ouvriers : vous êtes libres de travailler; personne ne vous oblige à accepter telle ou telle condition. Puisque nous sommes les riches, nous vous offrons les conditions qui nous conviennent; en tant que citoyens libres, vous n’êtes pas obligés de les accepter; mais en tant que citoyens pauvres, si vous ne les acceptez pas, vous mourrez de faim, entourés, bien sûr, de la plus haute dignité libérale. »

Les critiques à l’égard du libéralisme énoncées par une partie des droites sont parallèles à celles énoncées d’un point de vue catholique par Louis Veuillot, puis par René de La Tour du Pin et Albert de Mun, promoteurs des Cercles catholiques d’ouvriers, qui furent confortés par l’encyclique Rerum Novarum (1891), mais dont les positions annonçaient avec cinquante ans d’avance celles de Divini Redemptoris (1937). C’est à ce moment que se met en forme, à droite (avec Thierry Maulnier, Jean-Pierre Maxence, Robert Francis, etc.), une critique du productivisme complémentaire de la critique du libéralisme. La Jeune Droite rejoignait sur ce point la critique d’auteurs plus inclassables (Drieu La Rochelle, Robert Aron, Arnaud Dandieu, …).

Si l’anti-productivisme, comme l’anti-économisme (celui par exemple de la « Nouvelle Droite » du dernier quart du XXe siècle) apparaissent par éclipse à droite, la condamnation du libéralisme est le noyau commun de la pensée de droite. Caractéristique dans sa banalité droitière même est le propos de Pierre Chateau-Jobert : « Le libéralisme, écrit-il, […] a pris la liberté pour seule règle. Mais pratiquement, c’est le plus fort, ou le moins scrupuleux, ou le plus riche, qui est le plus “ libre ”, puisqu’il a le plus de moyens (4) ». Droitiste d’une envergure plus considérable, Maurice Bardèche ira jusqu’à déclarer que, comme Jean-Paul Sartre, il « préfère la justice à la liberté ».

Cette conception de la liberté comme toujours subordonnée à d’autres impératifs explique que la droite soit à l’origine de nombreuses propositions sociales. En 1882, Mgr Freppel demande la création de retraites ouvrières. En 1886, Albert de Mun propose la limitation de la journée de travail à dix heures et, en 1891, demande la limitation du travail des femmes et des enfants. En 1895, le même de Mun demande que soit reconnue aux syndicats la possibilité de posséder de biens à usage collectif. En 1913, Jean Lerolle réclame l’instauration d’un salaire minimum pour les ouvrières à domicile (5).

Les projets de réorganisation des rapports sociaux de Vichy (la Charte du travail soutenue par nombre de syndicalistes) comportent  de même des aspects socialement protecteurs. Enfin, la difficulté de réaliser des transformations sociales qu’a montré l’expérience de gauche de 1981 à 1983 permet de réévaluer les projets de participation et de « troisième voie » du Général de Gaulle et de certains de ses soutiens venus de la droite radicale comme Jacques Debu-Bridel, d’ailleurs anciens du Faisceau de Georges Valois.

La critique du libéralisme par la droite – hormis le courant orléaniste -, concerne tout autant l’économie que le politique. Le parlementarisme, expression concrète du libéralisme politique selon la droite est, jusqu’à l’avènement de la Ve République, accusé de fragmenter l’expression de la souveraineté nationale, et de la soumettre aux groupes de pression. Pour Barrès, « le parlementarisme aboutit en fait à la constitution d’une oligarchie élective qui confisque la souveraineté de la nation ». D’où sa préférence pour le plébiscite comme « idée centrale constitutive » : « le plébiscite reconstitue cette souveraineté parce qu’il lui donne un mode d’expression simple, le seul dont elle puisse s’accompagner ».

De son côté, Déroulède précise : « Vouloir arracher la République au joug des parlementaires, ce n’est pas vouloir la renverser, c’est vouloir tout au contraire instaurer la démocratie véritable ». Péguy, pour sa part, dénonce en 1902 le parlementarisme comme une « maladie ». Trente années plus tard, André Tardieu (1876 – 1945), chef d’une droite modernisatrice de 1929 à 1936, créateur des assurances sociales, député de Belfort (ville se dotant souvent de députés originaux), auteur de La révolution à refaire voit dans le parlementarisme « l’ennemi de la France éternelle ». Dans un contexte singulièrement aggravé, et énonçant le point de vue de la « Révolution nationale », Charles-Emmanuel Dufourcq, dans Les redressements français (6) concentre aussi ses attaques contre le parlementarisme et l’autorité « venue d’en-bas » comme causes, tout au long de l’histoire de France, des affaiblissements dont le pays n’est sorti que par le recours à l’autorité indiscutée d’un roi, d’un Napoléon ou d’un Pétain. Il manifestait ainsi une remarquable continuité – ou une étonnante absence d’imagination selon le point de vue – avec les tendances théocratiques de la Contre-Révolution.

En revanche, plus marginaux sont les secteurs de la droite qui se sont sentis concernés par la critique du parlementarisme effectuée par le juriste Carré de Malberg, qui inspirera René Capitant et les rédacteurs de la Constitution de 1958.  Dès le XIXe siècle, aussi bien la droite dans ses composantes non-orléanistes que la gauche des démocrates et des socialistes – de Ledru-Rollin à Proudhon – sont en porte à faux par rapports aux mythes fondateurs de la modernité française. « L’objectif de 1789 […] consiste, indique Pierre Rosanvallon, à démocratiser, “ politiquement ”, le système politique, qui est d’essence absolutiste, et à libéraliser, “ sociologiquement ”, la structure sociale, qui est d’essence féodale (7) ».

La difficulté du processus tient dans sa simultanéité (et c’est la différence avec l’Angleterre). D’un côté, la gauche socialiste veut « républicaniser la propriété » (Jules Guesde), de l’autre, une certaine droite met en cause « les responsabilités des dynasties bourgeoises » (Emmanuel Beau de Loménie) et le libéralisme qui les a laissé prendre tant de place. Rien d’étonnant à ce que des convergences apparaissent parfois (le Cercle Proudhon avant 1914, les planistes et « non-conformistes des années Trente », le groupe Patrie et Progrès au début de la Ve République, …).

En effet, pour toute la période qui va du milieu du XIXe siècle à nos jours, la distinction proposée par René Rémond en 1954 entre trois droites, légitimiste, orléaniste, bonapartiste, apparaît peu adaptée. D’une part, l’appartenance du bonapartisme à la droite est très problématique : c’est un centrisme césarien. D’autre part, l’orléanisme est écartelé dès son origine entre conservatisme et libéralisme : conservatisme dont François Guizot est une figure centrale, qualifiée par Francis-Paul Benoît de « conservateur immobile, donc non libéral (8) », le libéralisme étant représenté, plus que par les économistes « classiques », par les saint-simoniens modernistes ralliés à Napoléon III.

À partir de 1870, le clivage qui s’établit, « à droite », oppose, plutôt que les trois droites de la typologie de René Rémond, une droite radicale (radicalement de droite, et non conjoncturellement radicalisée), voire une « droite révolutionnaire » (Zeev Sternhell) en gestation, et une droite libérale-conservatrice. L’organisation d’une « droite » libérale au plan économique, conservatrice au plan politique est en effet ce qui permet après le Second Empire le passage, sinon sans heurts, du moins sans révolutions de la France dans l’univers bourgeois et capitaliste. C’est à l’évidence à cette droite que pensait un jour François Mitterrand disant : « la droite n’a pas d’idées, elle n’a que des intérêts ». C’est la droite comme la désigne désormais le sens commun.

Entre la droite révolutionnaire (forme extrême de la droite radicale) et la droite libérale (qui n’est conservatrice que dans la mesure où un certain conservatisme, notamment moral, est le moyen de faire accepter le libéralisme), la vision de la politique est toute différente. Du point de vue libéral, dans la mesure où la souveraineté ne peut venir que du consensus, le champ de la « naturalité » économique et sociale doit être étendu le plus possible. À la suite des penseurs libéraux français comme Bastiat, Hayek affirme que « le contrôle conscient n’est possible que dans les domaines où il est vraiment possible de se mettre d’accord » (ils ne sont évidemment pas très nombreux).

Tout autre est l’attitude du radicalisme de droite (appelé souvent « extrême droite » avec de forts risques de contresens). Jean-François Sirinelli, coordinateur d’une Histoire des droites en France (9), remarque que « l’extrême droite aspire rien moins qu’à un état fusionnel de la politique ». Certes. En d’autres termes, elle aspire à retrouver – ou à inventer – un critère d’indiscutabilité du principe d’autorité, et du lien social lui-même. Conséquence : cette droite radicale tend à ne pas décliner son identité comme celle d’une droite, s’affirmant « ni de droite, ni de gauche » (Barrès, Valois, Bertrand de Jouvenel, Doriot, les hommes des Équipes d’Uriage, le Jean-Gilles Malliarakis des années 80, …), ou encore « simultanément de droite et de gauche » (la « Nouvelle Droite »).

La difficulté de caractériser la droite par des idées à amener certains analystes comme Alain-Gérard Slama à essayer de la définir par un tempérament. Celui-ci consisterait, selon Slama, dans la recherche du compromis. Cette hypothèse ne fait que souligner l’existence de deux droites, une droite libérale, et la droite radicale, que presque tout oppose. Si la première recherche effectivement les accommodements, la droite radicale se caractérise plutôt par la recherche d’un dépassement synthétique des contradictions du monde moderne. À divers égards, sous des formes et à des niveaux très différents, c’est ce qui rassemble Le Play, Péguy, Bernanos, Drieu la Rochelle, Charles de Gaulle. Dépassement des contradictions de la modernité : vaste programme que ces hommes – pas toujours « à droite », mais sans doute « de droite » – n’ont jamais envisagé de mettre en œuvre par des moyens par principe libéraux.

Pierre Le Vigan

Notes

1 : François Ewald, Le Magazine littéraire, « La droite. Idéologies et littérature », décembre 1992.

2 : cité dans Thomas Molnar, La Contre-Révolution, La Table Ronde, 1981.

3 : Thierry Maulnier, Au-delà du nationalisme, Gallimard, 1938, p. 153.

4 : Pierre Chateau-Jobert, Manifeste politique et social, Diffusion de la pensée française, 1973.

5 : Cf. Charles Berrias et Michel Toda, Enquête sur l’histoire, n° 6, 1992, p. 13.

6 : Charles-Emmanuel Dufourcq, Les redressements français, Lardanchet, 1943.

7 : François Furet, Jacques Julliard, Pierre Rosanvallon, La République du centre. La fin de l’exception française, Calmann-Lévy, 1988.

8 : Francis-Paul Benoît, Les idéologies politiques modernes. Le temps de Hegel, P.U.F., 1980, p. 314.

9 : cf. Histoire des droites en France, Gallimard, trois volumes, 1992.

Le présent article, remanié pour Europe Maxima, est paru dans Arnaud Guyot-Jeannin (sous la direction de), Aux sources de la droite, L’Âge d’Homme, 2000.


Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

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vendredi, 08 juillet 2011

Das Nationale

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Das Nationale

Vor bald drei Jahrzehnten erhielt ich von Querdenker Günther Nenning, nachdem ich ihm den von mir damals herausgegebenen “Nationalrevolutionär” sowie die von “Sache des Volkes” (München/Berlin) publizierte “Neue Zeit” zugesandt hatte, folgende Zeilen: “Lieber Herr, schon lang las ich nichts so Interessantes wie Ihre mir zugesandten Blätter! Reden wir einmal?”  Was dann auch geschah.                                                                                                                                                                                Günther Nenning war nicht der einzige Systemkritiker, der den nationalrevolutionären Ideen und Programmanstößen dieser Zeit einige Sympathien abgewinnen konnte. Auch von einigen systemkritischen Bundesdeutschen  wie Rudi Dutschke, denen die deutsche Nation noch ein Anliegen zu sein schien,  kamen zustimmende Kommentare.                        

In intellektueller und politischer Hinsicht war das Nationalvolutionäre wohl der einzige ernstzunehmende Versuch von “rechts” nicht nur die Hegemonie der 68er-Ideologie  zu gefährden, sondern auch gleich das System selbst. Wie sich später herausstellen sollte, waren ja die meisten Linken wie auch ihre reaktionäre rechte Gegnerschaft  die verläßlichsten Systemerhalter, und sind es bis heute geblieben.

Die damals propagierte Nationalrevolution ist vorerst Geschichte, die Nation aber ist geblieben und steht wie eh und je im Kreuzfeuer der gleichen Gegner. Und wie damals sind es wieder, eher denn bürgerliche Rechte, in einem nationalen Sinne denkende Linke  wie der ehemalige französische Minister J. P. Chévènement oder Venezuelas Chavez, die das Existenzrecht der Nation befürworten und sie auch verteidigen. In gewisser Weise zählt auch Gadaffi dazu.                                                                                                                         

Gehen auch die französische und die venezolanische Nation nicht wie die deutsche auf das Abstammungsprinzip zurück, so verbindet man selbstverständlich da wie dort mit dem Nationalgefühl die “Sehnsucht nach Heimat und Wurzeln”, wie es Günther Nenning genannt hätte. Heißt aber auch:  nationale Souveränität, nationale Identität und Kultur als Gegengewicht zur Globalisierung.

Die Nationalrevolutionäre der 70er und 80er Jahre des vorigen Jahrhunderts hatten keineswegs einen übersteigerten, gar rassistischen Nationalismus im Kopf, sondern ganz im Sinne Herders, die Wertschätzung der eigenen Kultur wie auch die der anderen Völker, nicht zuletzt, bei Ablehnung  totalitärer Systeme, eine Gesellschaftsordnung des eigenen nationalrevolutionären Weges, also jenseits von links und rechts.                                           

In ihrer Nation hatten besonders die Deutschen als “Volk aus Völkern” (F.W. Schelling) jenen Entfaltungsraum  gefunden, der ihnen jetzt  nach und nach entrissen werden soll. Zum Schaden nicht nur des deutschen Volkes.                                                                               

Wenn nun aber das Nationale aus berechtigten anthropologischen, historischen, philosophischen und anderen Gründen weiter  konstitutives Element eines Staates oder eines Volkes bleiben soll, dann wäre es an der Zeit, ihm wieder vermehrt Aufmerksamkeit zu schenken. Einen europäischen Nationalgeist hingegen wird es – vor allem nach der Abdankung des Christentums – so lange nicht geben, so lange wirtschaftliche Grundlagen die  einzigen Sinngeber bleiben..                                                                                                   

Schon Jean Monnet, den Schöpfer eines neuen Europa, dämmerte alsbald danach,: “Wäre das noch einmal zu machen, würde ich bei der Kultur beginnen” .Und die gibt es ohne das Nationale nicht.

vendredi, 18 mars 2011

La démocratie et le mythe du long fleuve tranquille

La démocratie et le mythe du long fleuve tranquille

par Jean-Gilles MALLIARAKIS

Ex: http://www.insolent.fr/

100310L'ignorance de l'Histoire, et même le mépris pour ses enseignements les plus ordinaires a toujours causé le plus grand tort à nos dirigeants. Ce travers s'est aggravé dès lors qu'une mode a voulu considérer que rien d'important ne s'est passé dans le monde antérieurement à l'année 1963 qui vit la mort de John Fitzgerald Kennedy. Supposée, quand même, plus enracinée dans le passé l'Histoire de l'orient commence généreusement aux dires de nos commentateurs agréés dès 1952, avec les officiers libres nassériens.

 

Dans les années 1920 Henri Lammens (1) annonçait, contre tous les sachants, tous les faux spécialistes et autres francs-maçons du grand orient de France, le réveil islamique. On ne l'a pas cru.

Tout cela recommence encore, hélas, chaque jour. Des monceaux d'absurdités sont déversés à propos des événements survenus, depuis le début de cette année, au Maghreb et au Proche orient, puis sur la Libye. À peine vieilles de six semaines, les involutions de l'Égypte et de la Tunisie étaient présentées comme des tournants définitifs, aboutissant à des situations figées et irrévocables.

De ces fleuves naissants, aux sources mal explorées, qui pourrait cependant soutenir qu'il connaît d'ores et déjà l'embouchure ?

Salués pour magnifiques, ces troubles n'ont jusqu'ici produit, en effet, que la chute des gouvernements. Certes on peut tenir ces régimes arabes pour sénescents, presque autant que notre Cinquième république. On les jugera probablement corrompus puisqu'ils sont dirigés par les amis de nos ministres intègres. Mais pour l'instant les transitions sont assumées au gré de l'arbitrage des militaires. Pas bien représentatif pour une démocratie.

Dès que les Libyens ont commencé à bouger, on a jugé inéluctable la victoire du peuple, la déconfiture du tyran, et donc l'établissement paisible de la démocratie sur les décombres de la dictature.

Les architectes virtuels d'un Westminster futur de la Cyrénaïque se demandent seulement si la maison Hermès pourra fournir à temps les cuirs verts de la chambre des Communes et les rouges de la chambre des Lords. Et Comme tout va très vite, on s'interroge quand même sur la pertinence de recourir à John Galliano pour dessiner la perruque des juges. Le bon goût change à chaque instant, dès lors qu'il se passe quelque chose aux Galeries Lafayette.

Les jours du clown sanglant de Tripoli étaient comptés, Juppé dixit. En matière de prédiction, voilà une référence qui fait trembler.

Le "frangin" (2) Ollier remballait très vite sa présidence de "France-Libye", presque aussi discrètement qu'il l'avait exercée. Curieusement, en notre temps, si affolé pourtant de ragots, de rumeurs et de faux scandales, celui-ci ne semble, à ce jour, intéresser personne. À défaut de faire travailler l'industrie d'armement on allait fournir des contrats au commerce du luxe. Les champions nationaux sont sauvés. Tout allait bien. De mieux en mieux plutôt, puisqu'on n'arrête pas le progrès.

Un peu de patience quand même, s'il vous plaît. La démocratie exemplaire britannique ne s'est instituée, chez ce très grand peuple, qu'après deux révolutions (3) et, plus encore, après trois siècles de fonctionnement du régime parlementaire. Il faut n'avoir rien lu de Jacqueline de Romilly qui, pourtant, admirait tant la démocratie athénienne, pour croire que celle-ci résume à elle seule l'Histoire et la pensée de l'Antiquité grecque, et encore plus pour imaginer que cette "invention" fonctionnait dans des conditions analogues à celles que nous connaissons de nos jours, et qu'hélas nous pouvons en partie déplorer.

Croire naïvement qu'il suffit d'une étincelle pour mettre le feu à la prairie, et plus encore pour imaginer que cet incendie, après avoir éclairé le monde, réchauffera nécessairement les peuples convient sans doute à notre époque superficielle et décadente. Tout, tout de suite, sans effort, sans lutte, sans douleur. Nietzsche y voyait la marque du nihilisme. "Point de berger un seul troupeau". On pourrait y voir aussi l'annonce de bien des désillusions.

JG Malliarakis
 

Apostilles

  1. cf. "l'Islam croyances et institutions" pp 183-225.
  2. cf. Le Point n° 2001 du 20 janvier 2011 page 50.
  3. cf. "Les Deux Révolutions d'Angleterre" par Edmond Sayous

Vous pouvez entendre l'enregistrement de notre chronique
sur le site de Lumière 101