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mardi, 02 février 2021

L'histoire de la tradition européenne selon le rebelle Dominique Venner

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L'histoire de la tradition européenne selon le rebelle Dominique Venner

La maison d'édition l'Arco e la Corte a publié l'essai de l'intellectuel français Histoire et tradition des Européens". 30 000 ans d'identité.

par Francesco Marotta

Ex: https://www.barbadillo.it

    "[...]L'histoire est une créatrice de sens. A l'éphémère de la condition humaine, elle oppose le sentiment de l'éternité des générations et des traditions [...]". (Dominique Venner)

510AY7pYSFL._SX355_BO1204203200_-310x433.jpgL’ouvrage est désormais disponible dans toutes les librairies italiennes. Histoire et tradition des Européens. 30.000 ans d'identité de Dominique Venner se trouve donc partout en Italie. Cet essai, publié par L'arco e la Corte, édité par Manlio Triggiani et traduit par Gaetano Marabello, est passé presque inaperçu. Une chose inexplicable, surtout dans ces milieux "culturels" qui devraient lire les écrits de Venner avec plus d'attention, au lieu d'exalter seulement la magniloquence des samouraïs d'Occident. En bref, analyser soigneusement ses œuvres et comprendre sa personnalité est une toute autre chose. Mais comme souvent, pour eux, construire autour de la fin tragique de Dominique le panégyrique habituel qui heurte même sa mémoire, passe avant tout. Mais c'est un essai dans lequel il n'y a presque aucune trace du dernier acte, de "secouer les consciences anesthésiées et de réveiller la mémoire de nos origines". C'est un écrit que nous recommandons en particulier à ceux, nombreux, qui ne connaissent pas ses œuvres, sa passion pour l'histoire et, en même temps, les nuances de l'historien avec son talent descriptif et narratif peu commun.

Dans l'introduction de Gaetano Marabello, sur la base d'un article de Francesco Borgonovo publié dans le journal La Verità du 1er octobre 2018, intitulé "Défendons maintenant les hommes doux et assez de la rhétorique du rebelle", la querelle habituelle se détache : Dominique Venner, le rebelle ou le révolutionnaire ? Borgonovo semble n'avoir aucun doute. Selon le journaliste, l'historien français fait partie du grand groupe catalogué à droite, selon un étiquetage facile, l'inscrivant de plein droit dans le seul rôle du révolutionnaire. Dommage que Venner, quiétait conscient des vicissitudes troublantes de notre époque, qu’il lisait notamment avec les yeux clairs, dépourvus des préoccupations idéologiques de la modernité : il y flairait l'humus des révolutions du Petit Siècle. L'un des traits distinctifs de Venner était son rejet de l'ordre dominant. Ses valeurs ne coïncident pas avec celles de la modernité. Sa conduite humaine dépeignait son intériorité. Pour preuve, il suffit de considérer comment il a été ostracisé pendant longtemps parce qu'il était contre toute orthodoxie. Anticonformiste et lucide dans l'exposé des particularités de la "pensée unique", interdite et souvent raillé par les scribes bien intentionnés, il dédaigne tout ce que les autres recherchent. Dominique Venner, le cœur rebelle, savait dire "Non".

Après avoir terminé ce petit et consciencieux préambule, il est maintenant temps d'aborder l'essai en question. Publié en France en février 2002 par les Éditions du Rocher, Histoire et tradition des européens : 30 000 ans d'identité, montre clairement dès les premières pages qu'il n'y a pas de "Tradition" des peuples européens mais des traditions. Ceux-ci font partie de la notion d'Ethnos, comprise comme une communauté caractérisée par l'homogénéité de la civilisation, de la langue, de l'histoire, de la culture, des coutumes, des traditions et des mémoires historiques, traditionnellement installée sur un territoire donné. Le point de vue de Venner, imprimé dans son exposition captivante, est celui d'un "historien témoin de son temps". Par conséquent, l'histoire et les traditions européennes font inévitablement partie d'une communauté de culture qui ne peut être trouvée "en aucune façon ailleurs". Ses examens font une brèche dans une époque dont la caractéristique principale est le désaveu total des particularités de tout un continent, victime du déracinement, de la pathologie sociale de notre temps. Mais pour comprendre le chaos dans lequel nous vivons, il est nécessaire d'observer les choses en posant des questions importantes.

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En bon Français qu'il était, la question qu’il se posait était évidente : qu'est-ce que la France ? Du point de vue de quelqu'un qui croit en une Europe très différente de la bureaucratisation et de la financiarisation de l'économie : qu'est-ce que l'Europe ? Mais le point central, la hantise, était avant tout la question de savoir ce que nous sommes et où nous allons. Pour Dominique Venner, soit l'Europe s'élève par une volonté de puissance, soit elle est condamnée à périr aux mains d'hommes "dénaturés", ne tirant plus ses richesses des peuples qui la constituent. Et la seule façon qu'il a connue d'exprimer sa pensée a été de voyager à travers l'histoire, en mettant en évidence un héritage spirituel à la merci de l'idéologie de la mondialisation qui se moque de la poésie homérique, des légendes celtiques et nordiques, de l'héritage romain, de l'imagination médiévale et de l'amour courtois. L'objectif de Dominique Venner, on peut le résumer à ceci : apporter des éléments utiles pour ne pas exclure la possibilité pour quiconque d'entreprendre une recherche authentique de nos traditions, en réaffirmant la seule façon que nous connaissons d'"être face à la vie, à la mort, à l'amour et au destin".

Poussant ses investigations dans les méandres de la mythologie grecque, de la mythologie romaine et de la mythologie nordique, son livre ressemble beaucoup à une invitation à faire pleinement l'expérience d'une "certaine humanité" qui est profondément ancrée dans les peuples d'Europe. D'Achille à Ulysse, nous avons des héros qui "expriment un monde intérieur" bien au-delà des contextualisations fournies par une certaine historiographie. Discuter longuement des deux héros, aux passions opposées mais à la même volonté, qui "traversent le temps depuis les poèmes homériques", sans rien faire d'autre que de nous dire comment ils ont consacré leur existence à "se construire par l'exercice du corps et de l'esprit" ; nous parler, de l'Histoire telle que nous la comprenons, le "théâtre de la volonté" qui est alors "une invention européenne" et non le fruit de l'héritage de l'exotisme des XVIIIe et XIXe siècles ; continuellement mis à jour, avec de nouveaux traits stylistiques universels teintés de naïveté. Mais dans cet essai, l'Orient a toute sa place, dépouillé des pièges et assimilant les particularités des autres : "Nous disons Orient, mais l'Orient a tous les visages. L'Égypte n'est pas la Chine, le monde sémitique n'est pas l'Inde", car le substrat des peuples de la Terre est formé par la pluralité des peuples et des cultures particulières. Caché par cette civilisation universelle d'abord, puis par les "cultures multiples", tant vantées par Lévi-Strauss et par l'ethnocentrisme qui imprègne l'idéologie du progrès.

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Dans un paragraphe auquel il a donné un titre sans équivoque, "Tendances suicidaires contemporaines", comme s’il avait eu une vision anticipatrice du désastre que nous vivons aujourd'hui, Venner met l'accent sur ces pulsions autodestructrices des peuples européens, qui essaient de se donner la mort par un suicide collectif tout en aigreur et en fureur : "Il n'y a pas d'exemple historique de civilisation qui ait poussé à un tel degré le refus de survivre et la volonté de se supprimer". Un des héritages des deux guerres mondiales qui est lié au développement bourgeois d'un certain protestantisme (voir aussi les postulats d'un certain catholicisme), ainsi que le mantra d'une sotériologie d'absolution des péchés commis par le biais de l'expiation perpétuelle, en vue d'une possible rédemption et d'un salut. Mais pour sortir de cette dépendance et des résidus des utopies universalistes, "nous sommes obligés de faire un effort intellectuel et spirituel à la hauteur du défi", en prenant soin de toutes ces nuances auxquelles nous n'avons même pas pensé. En particulier, approfondir et élaborer avec de nouvelles synthèses aussi cette herméneutique créative déjà traitée par Mircea Eliade, une source d'inspiration pour la raison qu'"elle révèle des interprétations qui n'étaient pas saisies auparavant" en raison de la tendance à traiter les problèmes avec des grilles interprétatives-idéologiques sur l'état des choses.

Mais le long voyage accompli par Venner, pour rédiger cet ouvrage, tient compte des 30.000 ans de culture européenne, de l'espace géographique où elle s'est développée, avant même les preuves symboliques et esthétiques que l'on trouve dans la grotte Chauvet, en Ardèche, dans le sud de la France. Un fil conducteur qui relie l'histoire des peuples indo-européens aux spécificités de la personnalité des protagonistes de l'Iliade et de l'Odyssée, ou, en termes de linguistique : d'Émile Benveniste à Georges Dumézil, de la Túatha Dé Danann irlandaise au chaudron celtique, du voyage des Pythies au mystère des Hyperboréens, etc. A la fin de son tour du monde à des époques plus récentes, il en vient à comparer les vicissitudes des "poèmes fondateurs" de la culture européenne. Comme La Chanson de Roland écrite dans la seconde moitié du XIe siècle avec Homère, Achille, Priam, Siegfried, Hector, "du héros avant la Destinée", illustrant son essence et le fameux "sentiment d'une communauté de destin". Fournir une clé de lecture qui ressemble à la continuation d'un long voyage, en compagnie de Télémaque, un encouragement pour le lecteur à redécouvrir les expériences et la valeur du voyage : les différentes significations de l'"être" par rapport à nous mais certainement pas "univoque".

Rome est morte à cause de ses conquêtes, lorsque "ses empereurs ont cessé d'être d'origine romaine" et que les Romains eux-mêmes ont été supplantés par des masses d'immigrants de tous les peuples conquis, assimilant leurs traditions, leurs identités, leurs cultures et leur sens du "Sacré". Sans s'en rendre compte, ils sont passés de l'ordre du cosmos à la mortification radicale de l'autosuffisance de l'homme (unicum peccatorum), sanctionnant ainsi l'inversion des pôles, de la mesure à l'excès. Dans ce travail de Venner, l'un des plus importants de sa mouvance, on distingue l'interlocuteur très préoccupé par les dynamiques négatives qui ont investi le Vieux Continent. Il est également une invitation à relire attentivement l'injonction delphique qui dit "Connais-toi toi-même". Dominique, l'historien qui a exploré avec prudence mais grande conscience les secrets de la chevalerie, du sens de la dignité et de l'honneur, de la loyauté et de la générosité, de la courtoisie et de l'éthique du service, avait sans doute une vision verticale des choses dans le monde. Il a parfaitement réussi à combiner ses examens sur le nihilisme et le pillage de la nature avec l'étude des œuvres de Huxley et Orwell, de Guy Debord et des écrits de Flora Montcorbier. Un amateur de longues réflexions qui a lu attentivement "Le Communisme de Marché" : De l'Utopie Marxiste à l'Utopie Mondialiste" du philosophe et économiste, insérant dans cet ouvrage certaines de ses idées sur "la fabrication des zombies", la religion de l'Humanité de l'Occident et l'homo œconomicus du futur, pour une métaphysique renouvelée de l'histoire. On peut comprendre que Dominique, ait pu voir la descente d'Hypnos et de Thanatos, le sommeil et la mort, prêts à conduire l'esprit de l'Europe devant le destin ultime.

*Storia e tradizione degli europei. 30.000 anni d’identità I Dominique Venner (traduzione a cura di Gaetano Marabello e con postfazione di Manlio Triggiani, L’arco e la Corte, Collana “Historiae”, pp. 278, euro 18)

mercredi, 27 janvier 2021

Réponses au Questionnaire de la Nietzsche Académie d'Abir Taha

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Réponses au Questionnaire de la Nietzsche Académie d'Abir Taha

Ex: https://nietzscheacademie.over-blog.com

Réponses au Questionnaire de la Nietzsche Académie d'Abir Taha, diplomate libanaise, philosophe et poète, chercheur à la Sorbonne (Centre d’histoire des philosophies modernes), auteur de deux ouvrages sur Nietzsche : "Nietzsche, Prophet of Nazism : the Cult of the Superman" et "Le Dieu à venir de Nietzsche, ou la Rédemption du Divin" (Paris, Editions Connaissances et Savoirs, 2005) traduit en anglais sous le titre "Nietzsche's Coming God, or the Redemption of the Divine".

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Abir Taha.

Nietzsche Académie - Quelle importance a Nietzsche pour vous ?

Abir Taha - La pensée de Nietzsche a façonné ma Weltanschauung de façon indélébile, et ce depuis mon plus jeune âge, mais depuis elle a bien évolué dans un sens plus spirituel et même mystique : dans mes écrits, y compris mes deux ouvrages sur Nietzsche, je parle du vrai Nietzsche, de sa vision pagano-hindouiste-dionysiaque et néo-aristocratique. Ainsi je mets l’accent surtout sur sa spiritualité occultée et j’explique que, loin d’être un matérialiste et un athée absolu, Nietzsche préconisait un « athéisme spirituel » d’inspiration païenne et prônait un nouveau mode de divinité qui devrait naître suite à la mort du Dieu monothéiste. Mon roman philosophique « The Epic of Arya – In Search of the Sacred Light » est décrit par nombre de critiques littéraires aux USA et en Europe comme la deuxième partie d’ « Ainsi Parlait Zarathoustra », et l’on me surnomme dans les cercles philosophiques « la sœur de Zarathoustra ».

N.A. - Être nietzschéen qu'est-ce que cela veut dire ?

A.T. - Le nietzschéen est un Surhomme en devenir, tout comme ce dernier est un dieu en devenir. Le nietzschéen est un pont vers la vraie vie, la seule digne d’être vécue : la vie héroïque, tragique, divine, celle qui prône la beauté, la perfection, la noblesse de pensée et de forme. Le nietzschéen est l’homme qui s’est débarrassé de ses peurs et de ses désirs « humains, trop humains », c’est l’aigle qui vit sur les cimes de l’Esprit, et qui fait fi des occupations et réflexions stériles d’une humanité formée de fragments d’hommes superficiels et superflus ne recherchant que le « bonheur bovin », au lieu de ressembler aux dieux, leurs aïeux, en s’élevant au-dessus de leur condition humaine et créant au-dessus d’eux-mêmes afin qu’ils périssent et que vive le Surhumain.

N.A. - Quel livre de Nietzsche recommanderiez-vous ?

A.T. - Tous les livres de Nietzsche sont des perles et des puits de sagesse et donc doivent être lus, mais son Zarathoustra reste la bible du Surhumain, l’aube de l’Age d’Or et du retour des dieux.

e9a020946d21371bba6401f58c7a2e7c.jpgN.A. - Le nietzschéisme est-il de droite ou de gauche ?

A.T. - Nietzsche prône un aristocratisme spirituel – par opposition à l’aristocratie héréditaire – et supranational, le règne d’une « race des seigneurs » dont la mission serait de créer le Surhumain, le sens de la terre et par conséquent le seul sens et but de la vie, cette dernière n’étant rien d’autre que création et élévation perpétuelles. La vocation de l’homme est donc la réalisation de sa nature divine, et la création du Surhumain. Ceci est l’essence de la philosophie de Nietzsche. Par conséquent, comment parler encore de gauche et de droite, lorsqu’on regarde le monde du haut de l’Everest de l’Esprit qu’est la pensée de ce grand philosophe, « dernier disciple du dieu-philosophe Dionysos » ? Ceci étant dit, si l’on insiste à le classer, et donc à parler de politique au lieu de Grande Politique, la philosophie de Nietzsche est clairement de droite, et même d’extrême droite, étant donné son aristocratisme radical – lequel, cependant, prône une nouvelle noblesse non pas héréditaire mais spirituelle – et étant donné que même son supranationalisme (et son dédain du nationalisme étroit) était fondamentalement aristocratique, par opposition à l’universalisme humaniste de gauche. Les Seigneurs de la terre sont des âmes élevées, des Arhats ou Bodhisattvas qui se trouvent aux quatre coins du monde, au-delà des frontières érigées par les hommes, ce sont des Hyperboréens qui vivent sur les cimes, bien au-delà des vallées des troupeaux d’hommes fragmentaires aux âmes étroites et aux vertus horizontales.

N.A. - Quels auteurs sont à vos yeux nietzschéens ?

A.T. - Nietzsche est à lui seul un paradigme. Il n’y a qu’un seul Nietzsche. Je décris Nietzsche comme « l’esprit le plus grand et l’âme la plus riche », un géant de l’esprit qui scinda l’histoire en deux, le pré et le post-Nietzschéisme. Cependant, bien qu’il n’y ait qu’un seul Nietzsche, ce grand philosophe a influencé diverses écoles philosophiques et penseurs de tous bords, et à des degrés différents : Sri Aurobindo, Heidegger, Bergson, Freud, Sartre, pour ne citer que quelques exemples.

N.A. - Pourriez-vous donner une définition du Surhomme ?

A.T. - L’éternel dépassement de soi que Nietzsche préconise culmine dans la création du Surhumain, de l’Übermensch, qui est ainsi l’essence même et le sens de la vie. Il est l’homme complet, l’homme qui s’est dépassé, l’héritier des dieux et le créateur de nouveaux dieux. Chez les Hindous, on le nomme Arhat, et chez les Bouddhistes, Bodhisattva. Nietzsche décrit ainsi le Surhumain : "J’ai pour la première fois réuni en moi le juste, le héros, le poète, le savant, le devin, le chef ; j’ai étendu ma voûte au-dessus des peuples, j’ai dressé des colonnes sur lesquelles repose un ciel - assez fortes pour porter un ciel." Le Surhumain est l’homme synthétique, le philosophe artiste, le grand législateur de l’avenir, "l’unité du créateur, de l’amoureux, du chercheur, dans la puissance… la grande synthèse du créateur, de l’amoureux, du destructeur". C'est un Friedrich Nietzsche, le grand réformateur de l'humanité qui "impose sa main au prochain millénaire" car il est cet homme prédestiné qui fixe les valeurs pour des millénaires." Le Surhumain, antithèse exacte de "l'homme moderne", représente le zénith de la vision aristocratique du monde, incarnant des valeurs totalement différentes de celles des humains ordinaires, des valeurs hors du commun, hors du médiocre. Ce concept radicalement élitiste de Surhumain ne s'applique qu'aux êtres d'exception, c'est une espèce qui "n'est pas encore née" (sauf exception), comme dit Nietzsche ; en effet, le dépassement de soi, et par conséquent, la création du Surhumain, est un but réservé aux rares esprits supérieurs et créatifs, et reste un rêve impossible pour le commun des mortels qui, selon Nietzsche, n’ont pas de valeur inhérente.

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N.A - Votre citation favorite de Nietzsche ?

A.T. - « Il faut que tu veuilles brûler dans ta propre flamme : comment voudrais-tu redevenir neuf si tu n'es pas d'abord devenu cendre ! »  « J'aime ceux qui ne cherchent pas, derrière les étoiles, une raison pour périr ou pour s'offrir en sacrifice ; mais ceux qui se sacrifient à la terre, pour qu'un jour la terre appartienne au Surhumain. » [« Ainsi parlait Zarathoustra »] 

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The Epic of Arya - In Search of the Sacred Light

Synopsis

THE THIRD WAY —

“I am searching for the Light… not the light made by man, but the Light that made man.”

“Know that it was but one god who died on the cross, and many are waiting to be born.”

—Abir Taha ...

The Epic of Arya is about man’s eternal quest for the divine. It depicts man’s perennial inner struggle between light and darkness, and teaches him to re-conquer his lost divinity by unveiling the “god within”, the Inner Light. Overcoming the “death of God” declared by Nietzsche, The Epic of Arya speaks about the redemption of the divine and its rebirth in man. To redeem God in men: that is Arya’s sacred mission.

Half-woman, half-goddess, Arya is torn between Love and Truth, between passion and duty. Confused, she wonders: should she accept her human plight, or fulfil her divine destiny? A fundamental question ever haunts her: is Love human or divine? In that fateful question lies the future of humanity, for in each man, the divine flame slumbers, waiting to be kindled by the Light of Awakening. Rising above her fears, and breaking her idols, Arya, awakened and liberated, preaches the Eternal Religion which is above men’s fleeting religions, narrow identities, and imperfect creeds, heralding a new, higher consciousness beyond the frontiers erected within man and between men.

An inner journey of self-discovery, this inspirational, allegorical novel is the spiritual bible: it heals, awakens, transforms. Arya’s epic conveys a universal message of unity, hope, and salvation in a world torn apart by the clash of civilisations and religions, offering a spiritual alternative to the two scourges plaguing mankind today: the scourge of religious fundamentalism—God idolatry—and the scourge of atheist materialism—God denial—for only a spiritual awakening can save man from his own blind folly.

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Nietzsche's Coming God

by Abir Taha

In Nietzsche's Coming God, the author demonstrates that the "destructive" and "nihilistic" side of Nietzsche's thought was in fact only a hammer that Nietzsche used in order to destroy the "millenarian lies" of Judeo-Christianity, a necessary - albeit transitory - stage that preceded his ultimate creation: the Superman, an incarnation of the god in the making... the coming god. Contrary to popular belief, Nietzsche was both a free spirit and a deeply spiritual thinker who welcomed the death of the false god - the god who curses and denies life - not as an end in itself, but as a prelude to the rebirth of the divine. Indeed, although Nietzsche was an avowed atheist, he was also "the most pious of the godless," as he described himself in Thus Spoke Zarathustra. Nietzsche dreamt of, and augured, a new mode of divinity and a new hope for mankind which, having rejected both religious obscurantist dogma as well as Cartesian rationalist dogma, would be the search for eternal self-perfection and self-overcoming. The death of the god of monotheism thus paved the way for a new, pantheistic and pagan vision of the divine, heralding a "god to come" beyond good and evil, a god who affirms and blesses life. Nietzsche's coming god is none other than Dionysus reborn, or the redemption of the divine. Abir Taha holds a postgraduate degree in Philosophy from the Sorbonne, and is a career diplomat for the government of Lebanon, having previously served as the Consul at the Lebanese embassy in Paris. A thinker and a poet as well, she has spent years conducting in-depth research and analysis into Nietzsche's thought, which has led her to assert the importance of the spiritual dimension of his philosophy, derived from the Vedic tradition of India as well as ancient Greek philosophy. Unlike other Nietzsche scholars, who treat him as a purely secular philosopher, Taha believes that this spirituality lies at the very heart of his thought. In English she has previously published Nietzsche, Prophet of Nazism: The Cult of the Superman (2005) and The Epic of Arya: In Search of the Sacred Light (2009).

mercredi, 20 janvier 2021

Solzhenitsyn from Under the Rubble

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Solzhenitsyn from Under the Rubble

Aleksandr Solzhenitsyn et al.
From Under the Rubble
Boston: Little, Brown & Company (1975)

futr-194x300.jpgShortly before being deported from the Soviet Union in 1974, Aleksandr Solzhenitsyn contributed three essays to a volume that was later published in the West as From Under the Rubble. The title was a clear metaphor for dissident voices speaking out from beneath the rubble left by communism. The rubble itself represents the remains of the traditional and spiritual life of Solzhenitsyn’s Russia which had been destroyed by the October Revolution and its bloody aftermath. In this volume, Solzhenitsyn lays out what it means to be a nationalist and a dissident against the totalitarian Left. Remarkably little has changed. 

Today’s Dissident Right will find a mirror image of its struggles in these essays — only needing to make a trivial adjustment of application. One would only need to exchange Solzhenitsyn’s references to Russia or Russians for today’s whites to find a near-perfect fit. Aside from the usual clarity, insight, and depth found in Solzhenitsyn’s work, it’s this familiarity which perhaps gives us the most comfort and inspiration when reading him. We think we have it bad today — Solzhenitsyn had it worse, and he persevered. And if he could persevere, so can we.

*  *  *

“As Breathing and Consciousness Return,” the first essay in the collection, begins by addressing Solzhenitsyn’s differences with fellow dissident Andrei Sakharov. It’s an illuminating contrast. Although both publicly opposed the repressive Soviets, it was Sakharov who ultimately championed the humanism and individualism of the West which so revolted Solzhenitsyn. Despite being abused and repressed by communism, Sakharov could not bring himself to condemn its socialist underpinnings. In this sense, Sakharov had much in common with the modern liberal. In a famous essay — to which Solzhenitsyn responded in this one — Sakharov had condemned “extremist ideologies” such as fascism, racism, and, most disingenuously, Stalinism. But Solzhenitsyn saw through this prestidigitation as simply a way to deflect blame away from Lenin and the other, supposedly purer, communists of the revolutionary period.

In response, Solzhenitsyn denies that Stalinism even existed. He points to the fact that there is no written Stalinist doctrine, not that Stalin himself had the intellectual horsepower to develop one. He then itemizes all the atrocities committed by Lenin and his cohorts that had little to do with Stalin (“What of the concentration camps (1918-1921)? The summary executions by the Cheka? The savage destruction and plundering of the Church (1922)? The bestial cruelties at Solovki (1922)? None of this was Stalin. . .”) He notes that Stalin’s main departure from Lenin was to inflict the same ruthless repression against his own party, as he did during the Great Terror of the mid-1930s. It’s almost as if Sakharov, who waxed about the “high moral ideals of socialism,” would approve of communism if only it did not devour its own.

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Solzhenitsyn uncovers not only the moral shabbiness of liberalism, but the pie-in-the-sky ignorance which fuels it. Basically, we have intellectuals like Sakharov, who were not laborers, trying to convince their readers that “only socialism has raised labor to the peak of moral heroism.” Solzhenitsyn’s response is typically trenchant:

But in the great expanse of our collectivized countryside, where people always and only lived by labor and had no other interest in life but labor, it is only under “socialism” that labor has become an accursed burden from which men flee.

In peering beyond the strife of his age, Solzhenitsyn then distills Sakharov’s enlightened humanism down to what matters most to today’s dissidents: globalist anti-nationalism. It’s the inheritors of Andrei Sakharov who are dogging white ethnonationalists today, and Aleksandr Solzhenitsyn saw this in clear relief as far back as 1974. Note the striking similarity between his assertion of nationalism and Greg Johnson’s, from chapter seven of Johnson’s White Nationalist Manifesto:

Solzhenitsyn:

Ah, but what a tough nut it has proved for the millstones of internationalism to crack. In spite of Marxism, the twentieth century has revealed to us the inexhaustible strength and vitality of national feelings and impels us to think more deeply about this riddle: why is the nation a no less sharply defined and irreducible human entity than the individual? Does not national variety enrich mankind as faceting increases the value of a jewel?

Johnson:

The ethnonationalist vision is of a Europe — and a worldwide European diaspora — of a hundred flags, in which every self-conscious nation has at least one sovereign homeland, each of which will strive for the highest degree of homogeneity, allowing the greatest diversity of cultures, languages, dialects, and institutions to flourish.

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Solzhenitsyn also points out the double standard of progressives such as Sakharov who aim for greater freedom through greater state control. As a victim of state control himself, Solzhenitsyn argues that this can only lead to “hell on earth.” Sakharov wishes for the state to administer not only scientific and technological progress, but the psychological progress of its citizens as well. Solzhenitsyn finds this questionable, since such “moral exhortations” would be futile without coercive force. 

And what would this freedom achieve for us anyway? Like many modern dissidents, Solzhenitsyn doesn’t disparage freedom, but realizes the danger when you have too much of it. Of course, being a devout Christian, he insists that freedom must serve a higher purpose. He pines for Tsarist autocracy in which autocrats were subservient to God. In such systems, the people are indeed freer. When leaders recognize no higher power, the likely outcome becomes totalitarianism, with nothing inhibiting governments from gross atrocity. Even in the so-called liberal democracies in the West, the corruption that must necessarily be birthed by two-party or parliamentary systems crushes the freedoms of the people:

Every party known to history has always defended the interests of this one part against — whom?  Against the rest of the people. And in the struggle with other parties it disregards justice for its own advantage: the leader of the opposition . . . will never praise the government for any good it does — that would undermine the interests of the opposition; and the prime minister will never publicly and honestly admit his mistakes — that would undermine the position of the ruling party. If in an electoral campaign dishonest methods can be used secretly — why would they not be? And every party, to a greater or less degree, levels and crushes its members. As a result of all this a society in which political parties are active never rises in the moral scale. In the world today, we doubtfully advance toward a dimly glimpsed goal: can we not, we wonder, rise above the two-party or multiparty parliamentary system? Are there no extraparty or strictly nonparty paths of national development?

What Solzhenitsyn maintains — and what many dissidents today understand — is that land trumps political freedom. People and peoples require land for true freedom. With land they own, people have obligations, self-worth, stability, and a chance at prosperity. And this leads to the most important freedom of all: freedom to think, the freedom to call a lie a lie — lies which require the surrender of our souls to swallow and then repeat. While land ownership helps preserve the physical health of a nation, this inner freedom to resist lies helps preserve its moral health.

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Referring to the pre-moderns. . .

[T]hey preserved the physical health of the nation (obviously they did, since the nation did not die out). They preserved its moral health, too, which has left its imprint at least on folklore and proverbs — a level of moral health incomparably higher than that expressed today in simian radio music, pop songs, and insulting advertisements: could a listener from outer space imagine that our planet had already known and left behind it Bach, Rembrandt, and Dante?

Solzhenitsyn’s connection to today’s Dissident Right can be seen in how he places an almost mystical imperative upon the nation and one’s obligation to it through work and honest living. Human beings are weak, and when tempted with freedom, they will often give in to corruption or corrupt others. This can lead to either the decay of society (as Solzhenitsyn witnessed in the West) or its demise through totalitarianism (as he so famously experienced in the Soviet Union). Both outcomes threaten the health and future of nations. Andrei Sakharov recognized the danger of the latter, but not the former — indeed it was his globalist progressivism that has led the West even further into decadence and corruption in the years since From Under the Rubble was published. 

To speak out against this makes one a dissident. Solzhenitsyn was not only a dissident against totalitarianism, he was also a dissident against Western decadence, the same Western decadence that has led to non-white immigration and the ongoing destruction of the civilizations that white people created millennia ago. Beneath this is the lie of racial egalitarianism, and modern whites are being fed this lie in nearly the same manner as which the Soviet people were fed the lie of class egalitarianism.

Solzhenitsyn teaches us to never give in to this lie. 

And no one who voluntarily runs with the hounds of falsehood, or props it up, will ever be able to justify himself to the living, or to posterity, or to his friends, or to his children.

*  *  *

“Repentance and Self-Limitation in the Life of Nations” bears a much more obvious and direct connection to modern white dissidents than the previous essay. In it, Solzhenitsyn exhorts his fellow Russians to seek absolution and redemption for the sins of the Russian past. He is quite sincere about this, and believes that, to an extent, his people cannot move forward in friendship with other peoples (or with themselves) without contrite acknowledgment of past atrocities. “Repentance is the only starting point for spiritual growth,” he tells us. Since, as we discussed above, Solzhenitsyn believed in the distinct character of individual nations, he also believed that nations “. . . are very vital formations, susceptible to all moral feelings, including — however painful a step it may be — repentance.”

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So far, so bad, today’s dissident might tell us. Is this not how whites are expected to behave in the face of endless waves of non-white immigration into their homelands? Such people, as well as blacks and Jews in the United States, demand repentance for colonialism, imperialism, slavery, the Jewish Holocaust, the list goes on. Aren’t these demands the weapons non-whites use against whites to usurp their very civilization?

Certainly, they are. Solzhenitsyn understood the abusive and one-sided nature of this relationship and concludes his essay with two points that redeem it entirely. One, that Russians have no obligations to repent unless those nations attempting to extract repentance also repent. For example, Solzhenitsyn readily accepts Russia’s guilt for past behavior, some of which he witnessed personally during World War II:

. . . but we all remember, and there will yet be occasion to say it out loud: the noble stab in the back for dying Poland on 17 September 1939; the destruction of the flower of the Polish people in our camps, Katyn in particular; and our gloating, heartless immobility on the bank of the Vistula in August 1944, whence we gazed through our binoculars at Hitler crushing the rising of the nationalist forces in Warsaw — no need for them to get big ideas, we will find the right people to put in the government. (I was nearby, and I speak with certainty: the impetus of our advance was such that the forcing of the Vistula would have been no problem, and it would have changed the fate of Warsaw.)

After this, however, he then offers up a prodigious list of atrocities that the Poles themselves committed in the past and explains that the Polish lack of repentance for them (both historical and contemporary) makes it difficult for him to unburden his heart to them.

Well then, has any wave of regret rolled over educated Polish society, any wave of repentance surged through Polish literature? Never. Even the Arians, who were opposed to war in general, had nothing special to say about the subjugation of the Ukraine and Byelorussia. During our Time of Troubles, the eastward expansion of Poland was accepted by Polish society as a normal and even praiseworthy policy. The Poles thought themselves as God’s chosen people, the bastion of Christianity, whose mission was to carry true Christianity to the “semipagan” Orthodox of savage Muscovy, and to be the propagators of Renaissance university culture.

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In the face of this, Solzhenitsyn expects nothing less than “mutual repentance” for his ideas to become applicable. This is exactly the attitude white people should take in the face of non-whites living in their homelands. If American blacks demand whites repent over slavery, then they themselves must repent over the horrific surge of crime, corruption, rape, and murder that they have presided over since the abolition of slavery. If Jews demand whites to repent over the Jewish Holocaust then they themselves must repent over their leading role in the October Revolution, the Holodomor, the Great Terror, and the Gulag Archipelago, all of which resulted in tens of millions killed. All groups of people have atrocities in their past which were committed both against themselves and others (and, in many cases, against white people).

So if non-whites wish to make white people repent for the past, whites should follow Aleksandr Solzhenitsyn’s lead by saying two words:

“You first.”

Second, Solzhenitsyn underscores Russian suffering in the past. If a nation has been both victimizer and victim throughout history, then abject mea culpas simply become inappropriate. Solzhenitsyn understood historical Russian suffering well (and experienced its contemporary suffering firsthand as a Gulag zek in the 1940s and 1950s). There is no pulling the wool over his eyes. Quotes such as these say it all:

The memory of the Tartar yoke in Russia must always dull our possible sense of guilt toward the remnant of the Golden Horde.

And

Did not the revolution throughout its early years have some of the characteristics of a foreign invasion? When in a foraging party, or the punitive detachment which came down to destroy a rural district, there would be Finns, there would be Austrians, but hardly anyone who spoke Russian? When the organs of the Cheka teemed with Latvians, Poles, Jews, Hungarians, Chinese?

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It may seem weak or effeminate for whites to play the victim card, but as the non-whites have shown, it is a powerful card. All whites must play it in order to counter it when played against them. As discussed above, tens of millions of whites were murdered, starved to death, or incarcerated by the Soviet system between the world wars. Whites must follow Solzhenitsyn’s logic and own this. For example, when American blacks demand repentance over slavery, whites need to point out that whites were brought to North America as slaves in similar numbers, under equally hazardous circumstances, and were in many cases treated worse than the blacks were. And if blacks wish to complain about contemporary racism or segregation, whites must counter with crime statistics and the undeniable fact that blacks victimize whites in these crimes many more times than the reverse.

Fortunately, Solzhenitsyn sees beyond all this and wants the endless finger-pointing to end. 

Who has no guilt? We are all guilty. But at some point the endless account must be closed, we must stop discussing whose crimes are more recent, more serious and affect most victims. It is useless for even the closest neighbors to compare the duration and gravity of their grievances against each other. But feelings of penitence can be compared.

And compare we must. This is may not change the minds of the enemies of whites, but it will stiffen the resolve of white people. And what do a people need more than resolve in order to survive and thrive?

*  *  *

In “The Smatterers,” Solzhenitsyn’s final contribution to From Under the Rubble, our author outlines the defining characteristics of the Soviet intelligentsia to the point of creating a universal type. Thanks to Solzhenitsyn’s ruthless insight into human nature, all dissidents on the Right now have a reliable blueprint for their Left-wing, humanist oppressors. Several decades and thousands of miles may separate many of us from Solzhenitsyn’s Soviet dystopia, but in “The Smatterers,” one of his most prescient works, Solzhenitsyn shows us that his enemies are indeed our enemies. Nothing fundamental has changed with the Left. Its adherents today follow the same psychological pattern and ape the same grotesque behaviors of the Soviet and pre-Soviet elite which beleaguered dissidents throughout the twentieth century.

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Some of these characteristics are itemized below:

Anti-Racism: “Love of egalitarian justice, the social good and the material well-being of the people, which paralyzed its love and interest in the truth. . .”

Passionate Intolerance: “Infatuation with the intelligentsia’s general credo; ideological intolerance; hatred as a passionate ethical impulse.”

Atheism: “A strenuous, unanimous atheism which uncritically accepted the competence of science to decide even matters of religion — once and for all and of course negatively; dogmatic idolatry of man and mankind; the replacement of religion by a faith in scientific progress.”

Anti-Nationalism: “Lack of sympathetic interest in the history of our homeland, no feeling of blood relationship with its history.”

Hypocrisy: “Perfectly well aware of the shabbiness and flabbiness of the party lie and ridiculing among themselves, they yet cynically repeat the lie with their very next breath, issuing ‘wrathful’ protests and newspaper articles in ringing, rhetorical tones. . .”

Materialism: “. . . it is disgusting to see all ideas and convictions subordinated to the mercenary pursuit of bigger and better salaries, titles, positions, apartments, villas, cars. . .”

Ideological Submission: “For all this, people are not ashamed to toe the line punctiliously, break off all unapproved friendships, carry out all the wishes of their superiors and condemn any of their colleagues either in writing or from a public platform, or simply by refusing to shake his hand, if the party committee orders them to.”

Arrogance: “An overweening insistence on the opposition between themselves and the “philistines.” Spiritual arrogance. The religion of self-deification — the intelligentsia sees its existence as providential for the country.” (Solzhenitsyn also points out how the Soviet intelligentsia of his day would give their dogs peasant names, such as Foma, Kuzma, Potap, Makar, and Timofei.)

With his typical wry sense of humor, Solzhenitsyn asks, “If all these are the qualities of the intelligentsia, who are the philistines?” 

Seriously, however, could anyone have turned in a more accurate depiction of today’s Leftist avengers who use government and big tech corporations as weapons against the people? Yes, some of the above characteristics are shared by all decadent elites. And yes, today’s milieu has become far more degenerate than Solzhenitsyn’s (racial diversity, non-white immigration, feminism, gay rights, and transgenderism will do that). But the source of power behind both elites remains the same: “the maintenance of the obligatory ideological lie.” 

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As discussed above, in Solzhenitsyn’s day, the lie was class egalitarianism; today it is racial and gender egalitarianism. One must enthusiastically support and propagate such lies to become part of the country’s elite. There is no second path. In fact, for these elites, these smatterers, as Solzhenitsyn calls them, following any second path becomes anathema and must be swiftly punished. He draws a straight line from the “atheistic humanism” of the smatterers to the “hastily constituted revolutionary tribunals and the rough justice meted out in the cellars of the Cheka.”

This is how nations lose their souls. Forcing lies onto a nation’s elite warps them — it makes their minds inconsequential but their actions highly consequential. 

Then millions of cottages — as well-designed and comfortable as one could wish — were completely ravaged, pulled down or put into the wrong hands and five million hardworking, healthy families, together with infants still at the breast, were dispatched to their death on long winter journeys or on their arrival in the tundra. (And our intelligentsia did not waver or cry out, and its progressive part even assisted in driving them out. That was when the intelligentsia ceased to be, in 1930. . .)

And not just in the Soviet Union. Smatterers in the West are equally consequential. Back in the early 1970s, Solzhenitsyn predicted the immigration crisis which is now ravaging Europe, and correctly blamed it on the “spirit of internationalism and cosmopolitanism” of these smatterers. The following passage is uncannily prescient:

In Great Britain, which still clings to the illusion of a mythical British Commonwealth and where society is keenly indignant over the slightest racial discrimination, it has led to the country’s being inundated with Asians and West Indians who are totally indifferent to the English land, its culture and traditions, and are simply seeking to latch onto a ready-made high standard of living. Is this such a good thing?

Solzhenitsyn’s answer to all of this, and the action he prescribes, is to simply reject the lie. This, to him, is more important than “our salaries, our families, and our leisure.” Even our very lives. This is what makes a dissident a dissident. Many in his day and ours justify accepting the ideological lie for the sake of their children. Solzhenitsyn responds by asking what kind of degenerate society will we bequeath to our children and grandchildren if we don’t stand up to these lies? Because Solzhenitsyn bears a blood identification with the Russian nation (as the Dissident Right today does with the white European diaspora), he believes that no personal gain or loss can outweigh the importance of rejecting ideological lies. This, as much as anything, preserves the spiritual and ultimately the physical health of a nation and a people.

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mardi, 19 janvier 2021

Le moment national-bolchevik d’Alexandre Douguine

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Le moment national-bolchevik d’Alexandre Douguine

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Il faut encore une fois saluer l’excellente initiative éditoriale d’Ars Magna qui a sorti dans la collection « Heartland » en novembre 2020 Les templiers du prolétariat d’Alexandre Douguine (467 p., 32 €).

Cet ouvrage au titre quelque peu énigmatique paraît en Russie en 1997. Il correspond à la phase activiste de son auteur. Avec l’écrivain et ancien dissident Édouard Limonov, Alexandre Douguine cofonde le Parti national-bolchevik, fer de lance de l’opposition nationale-patriotique à la présidence détestable de Boris Eltsine.

Par « templiers du prolétariat », Alexandre Douguine entend une avant-garde, une fraternité militante qui s’engage en faveur du « travailleur […] humilié et écrasé comme avant, plus qu’avant (p. 173) ». Il en appelle ouvertement à une révolution nationale des forces laborieuses, d’où la référence explicite au national-bolchevisme.

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Cet ouvrage s’intéresse aux effets politico-théoriques de ce courant né en Allemagne après 1919. Alexandre Douguine trouve toutefois une tradition similaire dans l’histoire religieuse russe. Ainsi se montre-t-il intarissable sur les sectes issues du schisme orthodoxe de 1666 – 1667. Il examine par ailleurs d’un point de vue original plusieurs œuvres littéraires russes. Il se penche tout autant sur l’essai remarquable d’Ernst Jünger, Der Arbeiter (1932), que sur le situationniste français Guy Debord. Il décrypte d’une façon déconcertante le titre, Absolute Beginners. « Absolute Beginners est un concept repris par David Bowie dans un arsenal de doctrines gnostiques très profondes. Cela a donné une bonne chanson et un clip étrange (p. 255). »

En dévoilant « la métaphysique du national-bolchevisme », Alexandre Douguine décrit un amalgame inattendu ainsi qu’une manifestation opérative de la « voie de la main gauche ». Pour lui, « le national-bolchevisme est une supra-idéologie commune à tous les ennemis de la société ouverte (p. 16) ». Cela implique la lecture « de droite » de Karl Marx et « de gauche » de Julius Evola. Il y ajoute des éléments propres à la civilisation russe, à savoir un millénarisme vieil-orthodoxe lié à la « Troisième Rome ». À cette eschatologie politique intervient la vue du monde flamboyante de Jean Parvulesco. Son « Empire eurasiatique de la Fin » se confond avec le grand espace géopolitique soviético-russe. « L’empire soviétique était un empire au sens plein, avance Alexandre Douguine. Il était uni par une idée universelle commune – l’idée du socialisme, dans laquelle s’incarnait la volonté russe primordiale de vérité et de justice. L’empire soviétique était une continuation légitime de l’empire russe et orthodoxe, mais plus universel, plus commun, plus global (p. 224). »

9791096338436-475x500-1.jpgAlexandre Douguine se détourne donc d’un certain anti-communisme compassé, car il a compris très tôt les conséquences géopolitiques de la disparition subite de l’URSS et leurs implications psychologiques sur l’homo sovieticus. Cependant, la formation nationale-bolchevique éclatera bientôt en au moins trois factions en raison des divergences croissantes d’ordre politique et personnel entre ces deux principaux animateurs.

Avant même l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, Alexandre Douguine s’oriente vers l’eurasisme qu’il va renouveler et redynamiser. Il poursuit son combat en l’adaptant aux circonstances nouvelles. C’est la raison pour laquelle l’ouvrage, Les templiers du prolétariat, constitue un précieux témoignage pour mieux comprendre le parcours intellectuel de son auteur.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 197, mise en ligne sur TVLibertés, le 12 janvier 2021.

lundi, 18 janvier 2021

Une dystopie bien ambiguë

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Une dystopie bien ambiguë

par Georges FELTIN-TRACOL

La Française d’origine belge Diane Ducret se fait connaître du public en 2011 et 2012 avec la parution des deux volumes sur les Femmes de dictateur. Elle se tourne ensuite vers le roman et l’essai. Elle a depuis sorti huit autres titres. Son plus récent, La Dictatrice, est un récit dystopique fictif. Cet ouvrage présente d’indéniables ambiguïtés politiques qui laissent songeur le lecteur.

L’intrigue de La Dictatrice est simpliste. Diane Ducret ne se fatigue pas beaucoup en imaginant la trame de son récit. Née sous X à Strasbourg, l’héroïne, Aurore Henri, est adoptée par le couple Henri. Journaliste, cette femme aux cheveux châtains et aux yeux bleus couvre le conflit en Irak et anime un blogue irrévérencieux, L’observatrice sans filtre.

L’histoire débute à Munich, le 8 novembre 2023. Les vingt-sept chefs d’État et de gouvernement des États-membres de l’Union européenne, en majorité eurosceptiques, discutent des modalités pratiques de sa dissolution. Aurore Henri manifeste à Marienplatz contre cette folle décision. Mécontente, elle prend une pierre, la lance et atteint le nouveau chancelier allemand. Arrêtée quelques semaines plus tard à Paris, elle est extradée, jugée à Munich, le 26 février 2024, et condamnée pour l’exemple à cinq ans de détention dans la prison de Landsberg.

Ces quelques éléments attirent de suite l’attention. D’autres dates et d’autres personnages n’entraînent aucune équivoque possible. Née un 20 avril 1989, Aurore Henri (AH) s’entoure de Hugo Humbert, d’Edward Golling ou de l’architecte génial Alberto Sperucci… La Dictatrice calque volontairement son intrigue sur la chronologie politique d’un célèbre dirigeant germanique des années trente et quarante du XXe siècle. Diane Ducret a-t-elle voulu prendre le contre-pied de la fameuse maxime de Karl Marx pour qui « la première fois l’Histoire se répète comme tragédie, la seconde fois comme farce » ? À la différence que la répétition se veut ici dramatique.

Comment canaliser le mécontentement populaire ?

Assumant son geste et montrant sa sincère compassion à tous, y compris ses détracteurs les plus virulents, Aurore Henri devient bientôt une vedette politique. Elle reçoit dans sa cellule un abondant courrier de femmes battues, de filles empêchées d’avorter, d’homosexuels et de lesbiennes persécutés. Elle entretient sa notoriété en mettant en ligne un commentaire hebdomadaire sur Twitter. La prisonnière la plus célèbre d’Europe s’attaque aux mouvements anti-avortement, aux groupes homophobes, au « nationalisme viril (p. 60) » ainsi qu’au « souverainisme membré (idem) ». Telle une nouvelle Lysistrata, elle demande aux femmes de faire la grève du sexe. Elle avait prévenu son auditoire. Au moment de son procès, n’avait-elle pas lancé au juge : « Je crois que les privations sont le germe des révolutions. Nous venons d’assister à une révolution. Mais nous avons oublié que les révolutions engendrent des années de terreur (p. 35) » ?

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Quand Aurore Henri retrouve la liberté en 2029, le continent européen subit de plein fouet la « Grande Dépression » économique, le « Grand Effondrement » civilisationnel, une féroce crise énergétique et des catastrophes climatiques alternant des épisodes de froid rigoureux et d’autres d’intenses sécheresses. Les États-nations font faillite. Le désordre s’installe partout. Vienne la sociale-démocrate se sépare de la très conservatrice Autriche. La Catalogne et l’Andalousie proclament leur indépendance. Les Européens crèvent de froid, faute de chauffage, et meurent de faim. En France, par exemple, « la politique de réduction des terres agricoles et l’industrialisation du territoire a affaibli l’indépendance alimentaire du pays (p. 78) ». La poly-crise mondiale n’empêche cependant pas que « les États-Unis, la Russie et la Chine se partageaient l’énergie et les richesses du monde. Le rêve européen s’était éteint (p. 118) ».

Inquiets de la tournure des événements, deux membres de l’hyper-classe mondialistes, la richissime Helen et le conseiller de l’ombre Nicolas, prennent sous leurs ailes Aurore Henri dès sa sortie de prison. Malgré ses réticences initiales, Aurore Henri accepte les conseils avisés de Nicolas. Ce dernier lui apprend que sa fraîcheur médiatique et ses années de détention représentent deux excellents atouts publics. L’ancienne prisonnière bénéficie aussi du soutien du « magnat tchèque de la presse (p. 171) », Artur Krotinsky qui « possède nombre des quotidiens, hebdomadaires et féminins les plus importants d’Europe (p. 82) ». Allusion limpide à Daniel Kretinsky, le propriétaire tchèque de Marianne (cf. Faits & Documents, n° 452, du 1er au 30 juin 2018). Pourquoi est-il visé et non pas Drahi, Bouygues ou Dassault ? Serait-ce une manifestation xénophobe ? Diane Ducret se vengerait-elle indirectement d’un quelconque refus ?

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Autre fait intrigant. Diane Ducret imagine que la crise de civilisation frappe durement la Grande-Bretagne post-Brexit si bien que ses banques « tentèrent d’abord de se maintenir à flot en ponctionnant les comptes de leurs clients. Les assurances vie, les actions, les portefeuilles sont vidés, avec pour obligation légale de laisser 10 000 livres disponibles par tête. Ceux qui en ont les moyens s’enfuient en direction des États-Unis, du Golfe ou de l’Asie, les autres voient partir en fumée le travail de toute une vie. Les maisons achetées à crédit sont saisies, si bien qu’à la fin de l’année, Londres compte cinq cent milles personnes sans foyer (p. 75) ». Plus que le corralito argentin et les récents exemples grec et chypriote de blocage des comptes courants, elle sous-entend le retour de l’emprisonnement pour dette qui appartient à la tradition judiciaire anglo-saxonne. L’importation de cette mesure sur le continent serait couplée à la nationalisation des domiciles. Les députés de la majorité macronienne n’ont-ils pas envisagé une taxe sur les propriétaires au motif ubuesque qu’ils ne paient pas de loyer ? Le bankstérisme cherche à domestiquer des populations de plus en plus rétives.

Mandragore et eunomie

Dans un contexte chaotique et conflictuel, Aurore Henri développe une vision féministe, matriarcale, écologiste et gynocratique. Contre les États nationaux-souverainistes, elle rappelle « aux peuples que de grandes valeurs, dépassant leur intérêt personnel, les unissent (p. 85) ». Elle soutient la renaissance de l’Europe, car « nous sommes une civilisation, nous sommes une famille. Nous ne sommes pas un marché, une économie dont on se débarrasse lorsqu’elle n’est plus avantageuse ! […] L’Europe nous a élevés, c’est notre foyer. […] Sitôt que nous ne serons plus une grande puissance […] d’autres s’approprieront nos ressources, puisqu’ils ne nous craindront plus. Nous allons devenir la cible des spéculateurs qui s’enrichiront sur nos dettes (pp. 13 – 14) ». Elle réclame par conséquent « la création d’une Nouvelle Europe, rempart contre la corruption, les affaires, la violence, l’avarice et le manque de valeurs. Une Nouvelle Europe maternelle, spirituelle et bienfaitrice ! (p. 165) » Ainsi partage-t-elle la juste colère de son conseiller spécial quand le pape refuse de les recevoir au Saint-Siège. « “ C’est bien le problème de notre continent, il est pris en otage par la gériatrie. Ils nous emportent avec eux dans la tombe, parce qu’ils n’ont plus la force de faire pousser la vitalité ”, enrage Nicolas (p. 133). »

Détentrice d’une formidable notoriété, Aurore Henri invite d’abord les Européens à assiéger les sièges du pouvoir. Elle somme ensuite les gouvernements nationaux d’organiser un référendum fondateur de la « Nouvelle Europe ». Dix-sept États sur les vingt-sept participent à ce scrutin, ouvert le 30 janvier 2033, qui se traduit par 70 % de oui.

Depuis le début de sa carrière politique et en faveur d’une crise polymorphe toujours plus grave, Aurore Henri anime une formation politique de dimension européenne, les « Phalanges sacrées ». Militant dévoué corps et âme, le « phalangiste » se doit de renier sa foi en public. Tous agissent en faveur du « Programme pour l’établissement d’une Nouvelle Europe ». Peu de temps auparavant, la future chancelière de la Nouvelle Europe a répondu à une journaliste que « ce n’est pas moi qui suis radicale, c’est le chaos de notre époque. Je ne suis qu’une voix qui tente d’ordonner le chaos (p. 203) ».

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Elle ne veut pas refaire les mêmes erreurs que ses prédécesseurs en matière de construction européenne. Attachée aux symboles, elle présente au peuple européen un nouvel étendard plus mobilisateur à ses yeux. « Voici le drapeau de notre Union. Il unifie dans la même couleur les disparités de nos peuples, le rouge du sang que nous avons versé pour nous retrouver. La plante en son centre nous rappelle ce que nous avions oublié. Nos racines communes, seules, feront fleurir la paix et l’unité (p. 211). » La plante en question est la mandragore. Pourquoi cette plante ? « La mandragore est le symbole du combat pour la singularité de notre culture. Elle est notre signe de ralliement dans la lutte contre les excluants en tant que destructeurs d’unité et d’égalité (p. 415) », s’enflamme Hugo Humbert.

Aurore Henri reprend à son compte la réflexion de Nicolas qu’elle tue peu après. Son conseiller évoque Sparte et la notion d’eunomie qui « signifie la bonne législation, l’ordre bien réglé, l’équité, le juste équilibre, l’harmonie (p. 163) ». Dans l’hémicycle vide et en ruine du Parlement européen à Bruxelles, elle lance au monde entier en direct : « Vivons dans une Europe qui, telle une cité grecque, respecterait l’humain, le vivant, et glorifierait son environnement ! Convergeons vers un même but, comme un arbre unit en un seul tronc toutes ses racines ! Nous sommes la déesse Europe ! (p. 165) » Elle fait édifier un somptueux palais, le Megala Mandragora, sur un pic rocheux des Météores en Thessalie grecque. Quelle en est l’explication ? « Les Météores, en équilibre entre ciel et terre, entre Orient et Occident, entre terre et mer, étaient la quintessence géographique de son projet politique (p. 400) », parfaite concrétisation géographique de la Nouvelle Europe eunomique. Ne propose-t-elle pas d’ailleurs établir « l’équilibre parfait entre les citoyens, dotés des mêmes droits, éduqués dès leur plus jeune âge par la poésie et la philosophie, tournés vers le bien commun (p. 163) » ?

Manifestation d’une idée grande-européenne

Certes, au début de son ascension politique, Aurore Henri défendait « une seule humanité, une seule Terre, une seule vie. Il faut oser repenser la transcendance, et privilégier comme valeurs maîtresses de nos sociétés celles qui nous unissent et donnent sens à nos vies. Le collectif et l’individuel ne feront alors plus qu’un, ils ne s’opposeront plus, puisque chacun, en se réalisant lui-même, réalisera les valeurs de tous (p. 86) ». Le poids des responsabilités l’oblige néanmoins à revoir se renouveler. Portée par l’eunomie, la Nouvelle Europe se veut idéocratique. « Tout comme la Nouvelle Europe, l’Union soviétique était le nom d’un pays conceptuel, d’une idée (p. 494). » Citant Nietzsche et Hegel, Aurore Henri rêve d’un État « régénéré. Un État total harmonieux constituant une unité organique, qui soumettrait la science et la religion, dans lequel la séparation des pouvoirs n’existerait pas. Un État qui subordonnerait le particulier à l’universel pour le bien de l’humanité. Un État qui, par la discipline qu’il imposerait, serait le chemin sur la liberté véritable des hommes (p. 345) ». Le nouvel État eunomique sort de l’OTAN, se désengage du FMI, annule ses dettes et nationalise les firmes transnationales. Quant à l’OMS, pour rester dans l’actualité sanitaire et vaccinale, son bras droit rugit : « L’OMS ? Une bande de dégénérés vendus aux laboratoires pharmaceutiques de l’Ancien Monde ! (p. 419) »

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Avec Aurore Henri, l’habitant du vieux continent se transforme en « fier Néo-Européen à part entière (p. 424) ». Désormais, « la Nouvelle Europe est un corps organique, libéré de ceux qui l’entravaient. Chaque pays est un organe nécessaire à sa survie, tous les organes œuvrant de concert (p. 285) ». Les seize points du Programme entrent dès lors en application. Le point 3 affirme ainsi que « seuls les citoyens bénéficient des droits civiques. Pour être citoyen, il faudra adhérer aux valeurs de la Nouvelle Europe, et par ses actes, ses croyances ou ses intentions, ne pas chercher à la détruire ou à la déstabiliser. Les citoyens pourront être déchus de leurs droits civiques et être bannis s’ils ne respectent pas les valeurs de la Nouvelle Europe (p. 167) ». Le gouvernement néo-européen commence une politique ambitieuse de grands travaux en liaison avec le septième point : « La Nouvelle Europe ne financera plus ses politiques publiques par la taxation du travail, mais par la taxation des transactions financières et commerciales, et la mise en place de nouveaux mécanismes économiques libérant les citoyens du joug de la pression fiscale (p. 168). » Le pendant social de l’eunomie officielle sonne familièrement avec le cinquième point : « La Nouvelle Europe s’engage à procurer à tous ses citoyens des moyens d’existence sous la forme d’un revenu d’existence de base, donné à chaque citoyen afin de garantir sa survie et sa dignité (p. 168). » Une nouvelle forme de servage se réinstalle de cette façon tant l’allocation universelle de base – à ne pas confondre avec le revenu de citoyenneté – incite à la caporalisation des masses.

L’eunomie s’occupe de tout et de tous…

Diane Ducret a-t-elle lu L’Altermonde de Jean-Claude Albert-Weil ou certains textes du jeune Guillaume Faye qui théorisent un grand espace continental autarcique ? On peut s’interroger. « Les anciennes usines automobiles sont recyclées en usines propres fabriquant des voitures à air comprimé (p. 295) » d’un seul et unique modèle : la Henri. Mieux encore, « Les villes côtières sont alimentées par d’incroyables turbines sous-marines nourries par les courants marins. Leur fabrication, sur les chantiers du Havre à l’abandon, redonne vie à la région, et fierté aux habitants. […] Sur les pourtours de l’Atlantique, des centrales à énergie marémotrice sont bâties, captant l’énergie issue des mouvements de l’eau créés par les marées et l’effet conjugué des forces de gravitation de la Lune et du Soleil. La première, celle du Mont-Saint-Michel, est un symbole de la liaison entre patrimoine et futur eunomique. Des centrales captant l’énergie sismique sont creusées au pied des volcans. La première est inaugurée en Italie, sur les contreforts de l’Etna. Dans le sud de l’Espagne, les immenses plaines industrielles d’Andalousie sont recouvertes de panneaux solaires. En Allemagne ainsi qu’en Pologne sortent de terre des centrales géothermiques, afin d’en capter l’énergie qui est convertie en chaleur. Des barrages et moulins de taille considérable sont construits sur chaque fleuve et rivière, afin d’en potentialiser la force et de capter l’énergie hydraulique liée au déplacement de l’eau. Des dynamos eunomiques sont installées dans chaque foyer. Les citoyens sont invités à produire leur part d’énergie, afin de prouver leur implication dans le projet commun. Un fichier recense les foyers selon le ratio de leur production (p. 296) ». L’autosuffisance énergétique sans recourir au nucléaire ? Comme c’est bizarre…

Aurore Henri lance des équipes scientifiques à travers le monde entier à la recherche des vestiges primordiaux de la femme originelle et de la Déesse-Mère. Le régime eunomique exalte en effet la Terre-Mère, sacralise la femme et célèbre les menstruations. Cet hyper-féminisme qui ravirait l’exquise Alice Coffin et la délicieuse Caroline De Haas s’accompagne d’une misandrie légale. « La parole d’une femme est désormais comme une preuve indirecte et suffit à déclencher une enquête à charge, faisant sauter, pour l’homme incriminé, la présomption d’innocence. Sur simple dénonciation, les hommes reconnus coupables de viol ou de harcèlement sexuel sont soumis à la stérilisation chimique (p. 371). »

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Cette politique misandrique se décline aussi en mesures démographiques osées. La sexualité eunomique implique l’usage obligatoire de moyens contraceptifs masculins et féminins jusqu’à l’âge révolu de 20 ans. Il y a en outre un contrôle strict des naissances avec la limite de deux enfants par couple et un emploi de la PMA pour les femmes stériles. Quant à la cérémonie des « Fiancés de la mandragore », elle relève sciemment des pratiques eugéniques. « Chaque participant trouvera l’amour eunomique. […] Ces derniers s’engagent à confier l’éducation du premier-né de leur union à la chancelière, renonçant à leurs droits parentaux. Ils ne se montreront pas infidèles et ne pourront dissoudre leur lien qu’en motivant par écrit leur choix, le ministère examinant alors le bien-fondé de leur requête (p. 378) ». Pourquoi ? Parce que « un véritable mariage eunomique unit harmonieusement deux citoyens de Nouvelle Europe, lors d’une cérémonie néopaïenne officiée par des membres du parti (p. 368) ». Là encore apparaît l’exemple spartiate.

Contre une opposition souvent armée (Nowa Prawica en Pologne et Terra Lliure en Catalogne), le régime eunomique prend diverses lois répressives contre tous « ceux qui par leurs mots, par leurs pensées contestataires contradictoires avec les valeurs de l’Union, mettent en péril son grand projet (p. 415) ». Par ailleurs, il s’attaque au fléau de l’obésité. Et si les gros refusent leur cure d’amaigrissement ? « C’est bien tout le drame des malades, la plupart d’entre eux n’ont même pas conscience d’avoir besoin d’aide. Il est de votre devoir, lorsque vous tenez à quelqu’un, de tout faire pour le préserver, même contre sa volonté (p. 420) », tonne Hugo Humbert. Les chantres de la vaccination ne disent-ils pas la même chose ? Dans ces conditions, il va de soi que « l’opinion n’existe pas […], c’est un fantasme créé par la presse, faisant profit de la peur et du doute. Dans un pays où un dirigeant montre la voie avec assurance, le peuple est libéré de l’asservissement de l’opinion. Il n’a plus à penser, il n’a qu’à le suivre ! (p. 240) » Le nouveau réseau social néo-européen Newer remplace à juste titre Twitter, Facebook et Instagram. La liberté d’expression serait-elle finalement qu’une illusion vicieuse ? Pour sa part, Hugo Humbert, commandeur suprême des SS1 et ministre de l’Intérieur, a constitué en secret un immense fichier de toute la population. Il a « eu l’idée de placer des logiciels espions dans les messages envoyés aux membres s’abonnant aux pages Twitter et Instagram d’Aurore Henri. Collectant patiemment toutes les informations disponibles en ligne ainsi que sur leurs clouds privés, il avait amassé en quelques années la plus grande banque de données personnelles jamais détenue par aucun parti politique. De leurs goûts musicaux, leurs problèmes de santé à leurs préférences intimes, l’Internet livrait à son œil myope tout de leurs frustrations et de leurs espoirs (p. 251) ». On pense ici à l’inscription gratuite à La République en marche. Mais remplir en ligne sa déclaration fiscale annuelle ne permettent-elle pas à l’administration des impôts de tout connaître des contribuables en temps réel ?

Avertissement ou anticipation ?

Dès 2037 – 2038, la production néo-européenne chute; la crise économique repart. La Nouvelle Europe s’oppose aussi à une Russie expansionniste avant de lui déclarer la guerre. Les forces eunomiques néo-européennes s’effondrent en 2045 sous les coups d’une alliance entre la Russie, la Turquie et les États-Unis. Aurore Henri met fin à ses jours dans son palais des Météores.

La Dictatrice se lit-il au second degré ou entre les lignes ? Le fichage informatique, le revenu d’existence de base, la judiciarisation des intentions sont des sujets de préoccupation immédiate. Contre qui ou contre quoi ce livre est-il destiné ? Diane Ducret a-t-elle rédigé une satire dystopique ? Prévient-elle le public des menées menaçantes de l’État profond hexagonal ? S’élève-t-elle contre la manifestation tangible du « populisme des bien-pensants », Emmanuel Macron ? Dénonce-t-elle au contraire par avance un éventuel candidat – surprise à la présidentielle de 2022 – genre Christophe Mercier dans la troisième saison de Baron noir – en résonance avec l’exaspération grandissante des électeurs ?

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Bien que paru au début de l’année 2020, l’ouvrage fait écho à la sortie énigmatique d’Emmanuel Macron à Brut, le 4 décembre 2020 ? « Peut-être que je ne pourrai pas être candidat. Peut-être que je devrais faire des choses dans la dernière année, dans les derniers mois, dures parce que les circonstances l’exigeront et qui rendront impossible le fait que je puisse être candidat. » Des commentateurs y ont vu l’annonce préventive d’une répétition d’un renoncement à un second mandat à l’instar de François Hollande. Il est en fait possible qu’Emmanuel Macron ne soit pas candidat en 2022 car, pour un motif quelconque (sanitaire, sécuritaire, voire « anti-populiste »), il n’y ait pas d’élections présidentielles. Son mandat présidentiel sera prolongé sine die par une Assemblée nationale complaisante, elle aussi prolongée, et un Sénat mis au pas au cours d’un coup d’État élyséen réussi. Ce putsch institutionnel obtiendrait la bénédiction de la Commission européenne, de Berlin et du gâteux de la Maison Blanche Joe Biden ou de la future Messaline de Washington, Kamala Harris. On ne peut en tout cas que rester circonspect devant un livre si étrange quant à son intention véritable.

Georges Feltin-Tracol

• Diane Ducret, La Dictatrice, Flammarion, 511 p., 2020, 21,90 €.

 

dimanche, 17 janvier 2021

Le XXIe siècle et la tentation cosmopolite

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Le XXIe siècle et la tentation cosmopolite

Par Bernard Plouvier
Ex: https://www.eurolibertes.com

« Consommer est devenu le but suprême
de l’existence des individus,
ce qui comble d’aise
les maîtres du “village terrestre”
peuplé d’hédonistes
(les travailleurs)
et de psychopathes
(les parasites sociaux) »

Entretien avec Bernard Plouvier, auteur de Le XXIe siècle et la tentation cosmopolite, éditions de L’Æncre

Vous abordez dans votre livre des thèmes très divers, tel les origines de l’Homo sapiens, le domaine territorial de la race blanche, dite « caucasienne », les constantes de la société humaines et les variables culturelles, mais également l’ambiguïté du « libéralisme » et du « melting pot » des USA, l’expérience mondialiste et l’économie globale qui permet aux ploutocrates de confisquer les États… Le titre de cette collection « Nouveau siècle, nouveaux enjeux » semble parfaitement s’appliquer au thème de ce livre ?

le-populisme-ou-la-vraie.jpgNous autres, Européens autochtones, vivons indéniablement une période de « fin de civilisation », qui ressemble à s’y méprendre à celle vécue par les contemporains de la fin de l’Empire romain d’Occident. Cette constatation, assez peu réjouissante, mérite à la fois que l’on établisse un bilan des réalisations anciennes et que l’on apporte quelques réflexions comparatives sur les valeurs qui s’estompent et celles qui émergent.

Au Ve siècle, l’enrichissement général des citoyens de l’Empire romain avait conduit au relâchement de l’effort collectif et deux nouvelles religions moyen-orientales – la chrétienne et celle des adorateurs de Mithra – avaient supplanté le culte des dieux de l’État. De nos jours, la fraction la plus inventive de l’humanité contemporaine s’est lancée dans la course effrénée aux petites joies individuelles, au lieu d’œuvrer comme auparavant pour la collectivité.

Au Ve siècle, le pouvoir spirituel avait asservi puis anéanti la puissance politique. De nos jours, les maîtres de l’économie écrasent les autres pouvoirs : exécutif, législatif, judiciaire, médiatique et même spirituel.

Consommer est devenu le but suprême de l’existence des individus, ce qui comble d’aise les maîtres du « village terrestre » peuplé d’hédonistes (les travailleurs) et de psychopathes (les parasites sociaux).

L’économie globale et la mondialisation de la vie économique et culturelle sont deux notions nées aux USA durant la IIe Guerre mondiale. Du fait de l’implosion des sociétés communistes, elles sont devenues la réalité quotidienne de presque tous les peuples de la planète : rêve pour les uns, cauchemar pour les autres… c’est affaire de sensibilité et d’idéal.

Il est évident que Franklin Delano Roosevelt, le grand concepteur, n’aurait nullement apprécié notre monde où les grands actionnaires des multinationales et des trusts nationaux d’Asie manipulent, du fait de la toute-puissance de l’argent, les pantins de la politique et des media.

Quelle est votre définition du « cosmopolitisme », un mot qui, au XVIIIe siècle, à l’époque des Lumières, représentait le nec plus ultra : cela revenait alors, pour l’élite, à s’informer des autres cultures que celle de son pays d’origine ?

Le cosmopolitisme à la sauce mondialiste équivaut au mixage des cultures et au brassage des populations, de façon à liquider l’option nationale, jugée pernicieuse. L’Europe est ainsi envahie d’extra-Européens, souvent incultes, toujours faméliques et avides, également nantis pour la plupart d’une religion médiévale, c’est-à-dire grosse de l’expression d’un fanatisme anachronique, mais également porteurs d’un racisme revanchard dont l’expression est évidente, sauf pour les pitres qui façonnent l’opinion publique et ceux qui font semblant de nous gouverner.

005984422.jpgLa propagande mondialiste reflète, c’est évident, les choix de nos maîtres, qui leur sont dictés par leur intérêt. Le grand village terrestre ne doit plus être composé que d’individus qui consomment beaucoup, au besoin à crédit, et pensent gentiment ce qu’imposent les fabricants d’opinion publique.

Dans leur désir d’uniformiser l’humanité, pour augmenter la rentabilité du négoce en facilitant le travail des producteurs, des distributeurs et des revendeurs de biens de consommation, nos maîtres font l’impasse sur de nombreuses données génétiquement programmées de l’espèce humaine, non susceptibles d’éducation ou de rééducation. En outre, il nient allègrement une évidence : la profonde inégalité des êtres humains et des civilisations passées.

Par intérêt également, ils autorisent le développement de conduites sociales aberrantes pour peu que cela leur fournisse un marché lucratif (pornographie, conduites addictives, coutumes alimentaires absurdes conformes à des préceptes religieux antiques ou médiévaux).

Que cela envahisse le continent phare du melting pot, celui des trois Amériques (pour reprendre une expression rooseveltienne), ne nous regarde pas en tant qu’Européens, mais il est grotesque de le tolérer dans notre continent, qui fut le continent civilisateur durant deux millénaires et demi.

Pourquoi ne pas aimer ce monde nouveau, apparu il y a une vingtaine d’années, lors de l’effondrement des sociétés communistes et du triomphe de l’american way of life ?

Dépourvus de culture historique et philosophique, nos nouveaux maîtres créent une société mono-culturelle, multi-raciale parfaitement artificielle, qui ne peut en aucun cas créer une civilisation stable, donc durable, ni innovante au plan intellectuel et spirituel.

L’étude des espèces animales démontre que l’égoïsme et l’individualisme sont nocifs à moyen terme pour l’espèce, mais aussi pour les individus. Sans discipline, sans hiérarchie fondée sur les qualités et les mérites individuels, sans cohésion du groupe fondée sur l’utilité sociale, il ne peut y avoir de sécurité donc de survie, encore moins d’expansion pour l’espèce considérée.

Ce qui effare le plus un observateur européen contemplant la société actuelle est de constater que les Européens de souche ont, par veulerie et par esprit de facilité, renoncé à leur histoire. De la position de civilisateurs de la planète, ils sont passés en un demi-siècle au statut de colonisés, achetant des produits de médiocre qualité et d’infime durée de vie, fabriqués le plus souvent en Asie, et se gavant d’une sous-culture élaborée aux USA et au Japon.

L’étude de quelques grandes civilisations européennes défuntes démontre que l’homogénéité ethnique est l’une des conditions fondamentales de l’implantation, puis du rayonnement d’une civilisation originale. La perte du sens de l’effort collectif, l’incorporation de populations ou de croyances issues d’autres continents sont les conditions idéales pour amener la dégénérescence, puis la mort d’une civilisation, c’est-à-dire l’instauration d’un nouvel « âge des ténèbres ».

On ne peut guère compter sur le milieu des universitaires, où règnent en maîtres le conformisme et le misonéisme, ni sur les media, par définition aux ordres du Pouvoir, pour provoquer une réflexion critique chez nos contemporains, alors même que l’avenir de l’Europe dépend essentiellement de la prise de conscience de l’originalité et de la richesse de leur passé par les Européens de souche, qui seuls doivent décider de l’avenir du continent et de sa race.

Le XXIe siècle et la tentation cosmopolite, édition L’Æncre, collection « à nouveau siècle, nouveaux enjeux », dirigée par Philippe Randa, 452 pages, 35 euros. Pour commander ce livre, cliquez ici.

00:25 Publié dans Actualité, Entretiens, Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, livre, bernard plouvier, entretien | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 16 janvier 2021

Les suprémacistes aiment la fiction

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Les suprémacistes aiment la fiction

par Philippe-Joseph Salazar

Ex: https://lesinfluences.fr

Comment trois romans signés Jean Raspail, William L. Pierce et Jack London sont plébiscités par la contre-culture suprémaciste.

COMMENT RAISONNENT-ILS ? Un jour, à la Rhumerie, Roland Barthes, en tirant sur son Petit Corona de chez Freeman & Son, jadis sis à 65 Kingsway, Londres, déclara : « Si un jour tout ça disparaissait et qu’il faudrait choisir entre la Théorie de la relativité et la Recherche du temps perdu, je garderais Proust. Avec la Recherche on pourra retrouver Einstein, mais l’inverse c’est douteux ... » Pour saisir cette saillie, il faut se souvenir que Barthes s’était approprié un mot ancien, remis en selle par Michel Foucault – ce mot ? « Mathésis ».

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Par « mathésis », Roland Barthes voulait dire que la littérature a des pouvoirs d’apprentissage et de connaissance qui souvent dépassent, et de loin, ce que la science ou les intellectuels peuvent dire du monde.

Une racine indo-européenne remontant à la nuit des temps. En grec ancien le mot dénote apprentissage, instruction, connaissance. Par « mathésis », Barthes voulait dire que la littérature a des pouvoirs d’apprentissage et de connaissance, et d’intellection, qui souvent dépassent, et de loin, ce que la science ou les intellectuels peuvent dire du monde. Un roman peut parler mieux qu’un bouquin d’historien sur une révolution volée au peuple – L’Éducation sentimentale de Flaubert. Mieux révéler de la (dé)colonisation que des mémoires d’universitaire sur l’Algérie – L’Étranger d’Albert Camus. Etc. Cherchez les exemples. On pourra continuer à produire des thèses sur l’URSS : Soljenitsyne a tout dit, et en mieux.

« Mathésis » a partie liée avec la connaissance divinatoire, la mantique (même souche) : la littérature est une forme de divination, elle fait entrevoir ce qui sera, ou pourrait être, ou ne sera pas. Les œuvres de fiction anticipent et font présager du futur car, dixit Platon : « Le dieu a donné la divination à l’homme pour suppléer à la raison. » La fiction supplée aux idées. D’ailleurs cette citation se trouve dans le Timée qui, avec le récit du Critias, donne une narration à mi-chemin entre la science fiction et la politique, la fameuse description d’une société idéale – l’Atlantide. Platon invente là d’un coup à la fois un genre littéraire (le récit dit utopique) et un genre politique (qu’est-ce une société idéale). « Idéale », bref structurée selon une idée testée, car l’Atlantide a existé, dit Platon. Ce n’est pas une fiction mais une réalité qu’il s’agit, politiquement, de rétablir.
Voilà qui nous mène au cœur du sujet : les récits de politique-fiction raciale. Pas tous, seulement ceux qui sont lus, récités et cités maintenant, et qui ont un effet politique de formation, de « mathésis ».

Deux constatations : un, ceux de l’extérieur ne saisissent pas l’importance formatrice de ces récits ou se contentent de les ridiculiser – comme les adversaires du djihad se moquaient des discours et écrits du Califat de l’État islamique. Deux, si l’internationale blanche peut aligner des récits de politique-fiction forts, la gauche radicale (ou flasque), elle, n’a plus rien, et c’est stupéfiant : aucun roman, aucun récit de fiction qui galvanise les troupes. Car dans les années cinquante et soixante la gauche eut sa grande littérature d’action, à la fois hautainement littéraire et les mains dans le cambouis de la pratique : deux ou trois générations de jeunes ont lu les romans de Sartre, Camus, Beauvoir – et ont cru à la Révolution – politique, sociale, sexuelle. En 1968 ils sont passés à deux doigts de la victoire politique immédiate mais force est d’admettre qu’ils ont alors remporté une victoire sur le long terme : l’idéologie régnante et le discours dominant actuels, même dans leur travesti gestionnaire et leur langage hébété, gardent en effet les traits les plus forts de ce qui fut mis en imagination par ces œuvres littéraires prémonitoires, leur « mathésis ».

Or, en catimini, c’est la droite raciale qui a pris le relais. Il existe une littérature qui forme, qui instruit, qui fait apprendre – une « mathésis » blanche, lue et relue à la fois comme mantique, c’est-à-dire par son pouvoir de prémonition, et comme une pratique, c’est-à-dire de quasi manuels de rébellion. Trois romans : Le Camp des saints de Jean Raspail (1973), Les Carnets de Turner d’Andrew Macdonald (nom de plume de William L. Pierce) (1978) et Le Talon de fer de Jack London (1908). On a là un « dispositif » rhétorique (autre notion de Foucault).

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Jean Raspail, une fascination incantatoire

  Le Camp des saints est devenu un classique de l’internationale blanche, traduit en de nombreuses langues. C’est un des romans français les plus vendus au monde. Au début des années 1970, Jean Raspail imagina cette invasion de l’Europe depuis l’Inde, et la défaite mondiale de l’Occident, désespérément et inutilement défendue par de rares Justes face à l’holocauste global, et narrée depuis le réduit suisse alors que les « Barbares » montent à l’assaut. En 1972, la loi Pleven contre l’incitation au racisme est votée, le film Avoir vingt ans dans les Aurès sort en salle, le militant maoïste Pierre Overney est assassiné, Le Pen fonde le Front national et la guerre du Viêt-Nam a encore trois ans devant elle avant la déferlante des boat-people (1975-1978). Le roman vient aussi quatre ans après le discours du Britannique Enoch Powell, des « rivières de sang », prémonitoire, selon lui, de la montée de l’immigration du Commonwealth vers le Royaume-Uni et de ses conséquences.

On a dit que c’était une dystopie, mais c’est inexact : contrairement à Orwell dans 1984, Raspail ne décrit pas une société néfaste qui s’installe, un fonctionnement inhumain d’institutions, bref une utopie de malheur, mais l’effondrement d’une société, l’Occident comme on disait alors.

Aucune solution n’est proposée, sauf une, inéluctable, et rapide, celle de la destruction. C’est un livre de politique-fiction, ce n’est pas une utopie politique qui offre la prémonition d’une société idéale à rebâtir. C’est une apocalypse géopolitique sans rachat des péchés – les erreurs politiques ayant conduit à ce génocide des Occidentaux – et sans espoir de renaissance.

Pour les lecteurs de l’internationale blanche actuelle, le roman est lu à travers le calque de la crise récente des réfugiés et de la crise plus ancienne de l’immigration en France. Raspail a pu, adroitement, faire de nouvelles éditions, raboter, expliquer, paraphraser mais une chose est certaine : il ne propose pas un projet politique. Son attrait, général par l’internationale blanche actuelle, est qu’il avertit de ce qui arrivera si aucun « plan » n’est en place pour contrecarrer l’action délétère des gouvernants occidentaux. La fascination qu’exerce le roman est de l’ordre incantatoire : sans « plan », sans préparation, nous sommes perdus – les réseaux suprémacistes parlent de « prepping » : il faut se préparer. Comme l’intrusion au Congrès américain, et toutes ses conséquences, le jour où se tint le vote de certification du scrutin présidentiel (6 et 7 janvier 2021) le réseau Boogaloo sommait ses partisans : « Commencez le maillage, planifiez, préparez-vous. Imprimez des cartes de vos quartiers. Sortez vos kits de survie et entraînez-vous. Ayez des amis sûrs. Au jour fixé vous n’aurez sous votre contrôle que ce que vous aurez préparé. »

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William Luther Pierce III, l’influence suprématiste

  Or c’est ici qu’intervient le deuxième roman clef (Roland Barthes parlait de « texte tuteur »), Les Carnets de Turner.

Ce qu’ils offrent est justement un scénario de politique-fiction où ceux qui se sont préparés finissent, après des aventures épiques, par faire triompher leur résistance à la destruction des Blancs par les Noirs téléguidés par les Juifs (le roman fonctionne avec ces trois actants comme on dit en théorie de la narration). Sa structure narrative est cruciale pour comprendre la fascination que ce roman exerce sur la jeune génération des « réalistes raciaux ». Il s’agit de mémoires retrouvés longtemps après le triomphe de l’Organisation (blanche) sur le Système (le gouvernement américain et ses alliés), présentés par un historien de la Grande Révolution – celle-ci fut le résultat de la résistance et de la campagne de terreur menée par l’Organisation et planifiée par son comité central, l’Ordre. Cette insurrection nationaliste blanche, après des revers et des défaites, finira par s’étendre au monde entier, en 2000, par l’éradication de tous les peuples non blancs (Juifs compris). Peu importe son auteur, William Luther Pierce III (1933-2002), un intellectuel et figure éminente du suprématisme blanc américain (l’Alliance nationale), car l’impact intellectuel du roman dépasse le cadre, en réalité assez restreint, de sa propre influence : c’est un cas où les idées passent par une fiction plus que par la propagande de parti, et s’étendent au delà du cercle étroit des fidèles.
Mais les Carnets ne sont pas une utopie : on n’y trouve pratiquement aucune description de l’Organisation et encore moins du fonctionnement de la société née de la Grande Révolution et de l’éradication des races non blanches. Le but du roman est de décrire un processus de « prepping » d’un individu, de sa conscientisation d’homme blanc, de sa préparation à l’action et de son passage à la résistance, y compris avec l’aveu de ses faiblesses : non seulement le roman est centré sur un actant principal, le héros, Turner, mais c’est lui-même qui raconte, à la première personne, ce qu’il a vu et fait. En d’autres termes c’est l’individu en action qui est placé au premier plan, avec forces et défauts, non pas un chef charismatique, mais un fantassin, de base. Le roman, outre qu’il est bien écrit et bien structuré, offre donc à lire l’histoire d’une résistance réussie à l’oppression vue de la base, d’où sa force d’identification et le succès qu’il rencontre depuis.

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Jack London, le levier anticapitaliste et anti-élites

  Mais le Système, l’ennemi des Carnets ? C’est ici qu’intervient le troisième texte tuteur, le roman plus ancien de Jack London, Le Talon de fer. Le livre est le récit, consigné dans un manuscrit miraculeusement retrouvé sept siècles après les évènements, d’une insurrection « fraternelle » suivie de trois autres « Révoltes » étalées sur trois siècles, « toutes noyées dans le sang, avant que le mouvement mondial du travail ne s’épanouisse ». Trotsky en donne ce résumé fulgurant en 1937 : « Dans son tableau de l’avenir il ne laisse absolument rien subsister de la démocratie et du progrès pacifique. Au-dessus de la masse des déshérités s’élèvent les castes de l’aristocratie ouvrière, de l’armée prétorienne, de l’appareil policier omniprésent et, couronnant l’édifice, de l’oligarchie financière. »

Le récit est une dystopie : on y découvre une société « idéale », c’est-à-dire, selon l’idée que décrit assez justement Trotsky, d’une oligarchie financière dans ce qu’il nomme, à tort ou à raison, écrivant en 1937, un régime fasciste. Le héros n’est pas le narrateur mais sa femme, issue de cette oligarchie. En quoi ce récit de politique fiction est-il le troisième élément du dispositif rhétorique ? De quoi est-il persuasif ? Premièrement du fait que, pour les lecteurs de l’internationale blanche, il ne décrit pas une société fasciste, justement, mais la société actuelle. La phrase de Trotsky est aisément traduisible : au dessus de la masse des Blancs dont on a annulé l’héritage s’élèvent les élites, à savoir les syndicats, les forces de l’ordre, un système omniprésent de contrôle et, au sommet, l’oligarchie de la finance. Il manque les médias mais ne font-ils pas partie de l’appareil idéologique de la superstructure, cet Überbau, cet édifice, terme marxiste employé par Trotsky à juste escient ? Or, deuxièmement, la nouvelle idéologie raciale blanche, suprémaciste ou non, est anticapitaliste ou anti-élites car, à ses yeux, elles sont les leviers du « cosmopolitisme » qui opère un gommage forcené des différences culturelles et biologiques entre les races afin d’optimiser les flux marchands et les flux de main d’œuvre de l’internationalisme marchand. Troisièmement, l’« oligarchie » dissimule la dureté de ses opérations sous les labels lénifiants de diversité, proximité, solidarité, vivre ensemble – une rhétorique de l’asservissement consenti de « déshérités ». Ce qu’offre donc Le Talon de fer c’est une description de ce qu’est le « Système » auquel Les Carnets de Turner font allusion, mais ne décrivent pas. Les deux romans s’emboîtent.

Pour résumer, ces trois romans forment une « mathésis », une construction prémonitoire du monde qui anime la jeune génération de « réalistes raciaux », « nationalistes blancs » ou « suprémacistes ». L’influence de ces récits de fiction tient donc à la fois à leur contenu et à la manière dont les trois romans se soutiennent les uns les autres pour former un cadre intellectuel – au sens où la passion qui anime ces récits porte une interprétation des faits et une intelligence des enjeux. Ce sont les trois fictions clefs qui nourrissent, par toutes sortes de réseaux parfois extrêmes, un plan de prise de conscience de l’identité blanche et de préparation à une prise éventuelle du pouvoir. Puissance potentielle de la fiction.

jeudi, 14 janvier 2021

L'homme qui a tué le président des États-Unis d'Amérique - Présentation du roman posthume de Guillaume Faye

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L'homme qui a tué le président des États-Unis d'Amérique

Présentation du roman posthume de Guillaume Faye

Duarte Branquinho

Guillaume Faye (1949-2019) s'est fait connaître comme un penseur et un essayiste de la droite radicale française et de ce que l’on appelle désormais le ‘’réseau identitaire européen’’, mais son imagination et sa fascination pour la technoscience se sont révélées assez tôt. Il n'est donc pas surprenant qu'il nous ait donné cette surprise posthume, un roman qui est une incursion dans l'histoire alternative, ou plutôt, dans un univers parallèle.

Déjà en 1985, Faye, qui s'était fait remarquer par ses essais politiques, notamment le brillant ouvrage intitulé Le Système à tuer les peuples (1981), écrit le scénario d'une bande dessinée, faisant ainsi ses débuts dans la fiction. Avant-guerre, illustré par Jean-Marc et Éric Simon et publié par Carrère, était un "thriller" qui mêlait la science-fiction et le fantastique, mais où, surtout, le décor nous montrait le monde qu'il entendait prophétiser, celui de la Grande Fédération Européenne, dans laquelle se mêlaient des éléments archaïques et futuristes. En 1998, dans son livre L'Archéofuturisme, en annexe de cet essai provocateur et révolutionnaire, Faye a aussi illustré son monde par la fiction, dans une nouvelle intitulée Un jour dans la vie de Dimitri Léonidovitch Oblomov, qui a été traduite en allemand et publiée de façon autonome par les éditions Jungeuropa l'année dernière. Ensuite, dans L'Archéofuturisme V2.0: nouvelles cataclysmiques (Editions du Lore, 2012), il a à nouveau utilisé la fiction pour illustrer ses idées et présenter l'avenir qu'il espérait.

Nederland

Bartholomé est un homme d'âge moyen, chef de ventes dans une entreprise de nouilles et soupes asiatiques, solitaire dont la vie est inintéressante. Un jour, depuis son nouvel appartement, il observe une belle voisine sur un balcon voisin et tombe immédiatement amoureux. Il devient obsédé par cette femme qui correspond exactement à son type et lui rappelle un amour passé, achète de puissantes jumelles et commence à l'observer quotidiennement, à contrôler ses mouvements et à imaginer sa vie, présente et future - avec lui, bien sûr. Jusqu'au jour où elle voit un homme la rencontrer dans son appartement. L'existence d'un rival est insupportable et Bartholomé, sur les conseils de Barthélémy, son "double" qui vivait comme un parasite dans son cerveau depuis l'enfance, décide de le tuer et, sans le savoir, assassine le président des Etats-Unis, Frank Nederland, à coups de carabine.

Dès lors, la "solution" qui allait ouvrir la voie à son grand amour se transforme en une course où les événements se précipitent et où les vents changent soudainement de direction.

L'intrigue a tous les ingrédients d'un roman policier, d'un thriller politique et d'un roman de science-fiction, sans oublier les touches d'humour.

Il y a des références que l'on a repéré dans des ouvrages antérieurs, comme la firme géante Typhoone, qui figurait déjà dans Avant-guerre, ainsi que des jeux de mots amusants sur des noms propres, comme le procureur Silvester Schwarzenegger et l'agent Arnold Stallone, mais aussi des noms fictifs dans lesquels on reconnaît des auteurs pour lesquels Guillaume Faye n'est pas toujours amical et en profite parfois pour régler des comptes, comme Bernard Loogan, Albin Delanoist, John-Yvan Legallooblow ou Peter Krebs. Il y a également une référence à un sport populaire, le "rollerball", en hommage au film culte du même nom réalisé en 1975 par Norman Jewison.

Le texte se réfère à l'annexe des notes à la fin du livre, et c'est là que nous trouvons un indice qui nous dit où l'action de ce roman se déroule à Washita D.C., où l'on paie en "thalers" et où il existe une religion officielle avec ses déesses, où les gens communiquent par le réseau Intertronic avec leurs PED, boivent des boissons comme la "vodschkaïa" ou le "café salé" et où il y a des animaux comme la "chepulavanka" ou le "sanglion". Dans la note sur le professeur Josef Stiin, on nous dit que cet astrophysicien, adepte de la théorie des "pluri-verses", a révélé dans son ouvrage Pluridimensional Journey qu'il a réussi à voir une planète semblable à la sienne, appelée par ses habitants Terre, et située dans une dimension cosmique parallèle dans la soi-disant Voie lactée.

Nederland, publié par Alba Leone en septembre de l'année dernière, se lit comme un film d'action, avec son rythme rapide, ses descriptions passionnantes, une scène bien construite et des personnages nombreux et variés. Mais au final, ce que l'histoire anticipe bientôt, il y a un sentiment de manque car l’étrangeté du lien entre cet univers et le nôtre demeure. Serait-ce vraiment "le nôtre", ou serait-ce un monde différent ? La réponse se trouve dans une suite que Faye, enlevé par les dieux trop tôt, n'a pas eu le temps d’écrire.

Texte publié dans l'hebdomadaire O Diabo, 8 janvier 2021.

Pour commander le roman: https://danielconversano.com/product/nederland-guillaume-faye/

Cinq livres de Faye pour 80 euros: http://www.ladiffusiondulore.fr/home/851-pack-faye-5-ouvrages-a-prix-reduit-.html?search_query=faye&results=8

Archéofuturisme 2.0 : http://www.ladiffusiondulore.fr/documents-essais/368-l-archeofuturisme-v20-nouvelles-cataclysmiques.html?search_query=faye&results=8

 

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mercredi, 13 janvier 2021

America First: 1939–1941

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America First: 1939–1941

thoseangrydays-200x300.jpgLynne Olson
Those Angry Days: Roosevelt, Lindbergh, and America’s Fight over World War II, 19391941
New York: Random House, 2013

The idea of America First policy is back after a long hiatus. The first proponent for such a policy was none other than George Washington. He endorsed the idea in his farewell address [2], stating:

The nation which indulges towards another a habitual hatred or a habitual fondness is in some degree a slave . . . which is sufficient to lead it astray from its duty and its interest. Antipathy in one nation against another disposes each more readily to offer insult and injury, to lay hold of slight causes of umbrage…when accidental or trifling occasions of dispute occur. Hence, frequent collisions, obstinate, envenomed, and bloody contests.”

The president who took an opposing view [3] was John F. Kennedy:

“Let every nation know, whether it wishes us well or ill, that we shall pay any price, bear any burden, meet any hardship, support any friend, oppose any foe to assure the survival and the success of liberty.” (My emphasis.)

How the standard wisdom went from Washington’s concern for entangling foreign alliances to Kennedy’s declaration that he’ll bet the farm on the liberty of an ally occurred in the years between 1939 and 1941. The great issue was whether or not the United States should become involved in World War II.

How that debate occurred is documented by Lynne Olson’s [4] book Those Angry Days: Roosevelt, Lindbergh, and America’s Fight over World War II, 19391941. The book is highly illuminating. The controversy was hot and heavy from the start of World War II in 1939 until the attack on Pearl Harbor. The quarrel split families, caused fistfights in Congress, and led to deplatforming and other forms of nastiness. When reading about the conflict, there is a raw sense of current events to it also.

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For example, how far does America go to protect an ally? If an ally is spying on one’s citizens, are they really an ally? Are “dictators” an automatic evil or are they a rational response to a nation’s foreign and domestic threats? How big should the military be in a time of peace? Are Jews full citizens or a separate people pursuing their own interests?

To Fight or Not to Fight

The two men that personified the struggle are Charles A. Lindbergh and Franklin Delano Roosevelt. Lindbergh, the first man to cross the Atlantic solo in an airplane, believed the United States should keep out of the war in Europe. Roosevelt was the chief interventionist. Or, more accurately, Roosevelt’s passionate supporters caused him to be an interventionist.

Lindbergh’s and Roosevelt’s mutual dislike went back to a controversy in 1934. Roosevelt wanted to end any appearance of impropriety involving airmail contracts to private aviation firms by using Army Air Corps aircraft to deliver the mail. Lindbergh argued that the Army’s aircraft were not suited to the role for technical reasons. After several crashes, Roosevelt went back to contracted aircraft. Lindbergh won his first round against the President.

In September 1939, the antipathy between the two men intensified when the British declared war on Germany for invading Poland. Lindbergh and the isolationists felt that the United States should stay out of the war. They were motivated by the unsavory end to the First World War.

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In brief, the United States had lent money to various Allied powers. Thus Americans were drawn into the conflict to protect their investments, then weren’t paid back anyway. World War I killed 500 Americans per day during the Meuse-Argonne Offensive, so the price for involvement was steep. The British also loaded armaments on passenger ships and flew the US Flag on these ships to deceive German U-Boats. When those passenger ships were sunk, Americans understood they were being manipulated by the British. Additionally, British propaganda about “The Hun” had been proven false before the 1920s were finished. Furthermore, there was a sense that the British were not an innocent party in the war — they were an imperialist power.

Shortly after the start of hostilities, Lindbergh argued for [5] an American policy along the following lines:

  1. An embargo on offensive weapons and munitions.
  2. The unrestricted sale of purely defensive armaments.
  3. The prohibition of American shipping from the belligerent countries of Europe and their danger zones.
  4. The refusal of credit to belligerent nations or their agents.

He further argued that the United States had an important racial connection to all of Europe that should not be forgotten in a time of increasing Japanese belligerence and other problems with non-whites.

Since Lindbergh was already a national hero, people took notice.

Meanwhile, there was a highly active pro-intervention group consisting of different factions with different backgrounds and motivations. Olson mentions Jewish pressure in Hollywood, but she doesn’t say much about Jewish influence in the Roosevelt administration. Olson also mentions “anti-Semites,” but puts them in the category of kooks rather than the serious thinkers that they were. Of that, Wilmot Robertson says,

Instead of submitting anti-Semitism to the free play of ideas, instead of making it a topic for debate in which all can join, Jews and their liberal supporters have managed to organize an inquisition in which all acts, writings, and even thoughts critical of Jewry are treated as a threat to the moral order of mankind. The pro-Semite has consequently made himself the mirror image of the anti-Semite . . . the Jewish intellectual who believes passionately in the rights of free speech and peaceful assembly for all, but rejoices when permits are refused for anti-Semitic meetings and rocks crack against the skulls of anti-Semitic speakers. [1] [6]

In addition to the organized Jewish community, several other groups supported American involvement in the conflict. Some were American Anglophiles who were prominent in New England. There was also a sub-set of men who can be called the Plattsburg graduates.

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The Plattsburg graduates were upper-class Americans who had attended military training in Plattsburg, New York in 1915. These men went on to become officers during the First World War. They were not isolationists so much as men wishing the nation be prepared for conflict should it come. Although they had some training, many of their enlisted soldiers were rushed into battle with only two days’ training. Since they were prominent men as well as veterans, people took notice of their ideas. They pushed for enlarging the armed forces in 1940.

A First Look at the Isolationists’ Problems

The isolationists’ main problem was that the German point of view was never well-received by Americans. The fact that Hitler was greeted with flowers in Austria, the Sudetenland, and other parts of German-speaking Europe just didn’t register. Instead, the public felt that Nazi Germany was an enormous threat. The German American Bund, a pro-Nazi group based in New York City, were painted as “fifth columnists” in the media. German books and publications that stated their case didn’t sell.

Fascist optics have never worked in America.

Interventionist Dirty Tricks and Metapolitics

The pro-interventionist faction had two things going for them: dirty tricks and great metapolitics. The British government focused on intelligence gathering on isolationists, German diplomats in the US, and German sympathizers. This included wiretapping as well as infiltration of spies by the British, the FBI, and private groups like the Jewish Anti-Defamation League (ADL). The ADL didn’t use Jews as spies; they found whites to do the job.

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Other than a few exceptions, most isolationists had no connection to any foreign government and they weren’t able to draw upon organizational resources or any government to do the same to their enemies.

The dirty tricks weren’t as important as metapolitics:

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One of the best metapolitical leaders for intervention was Robert E. Sherwin [9], a playwright who came to believe that America should enter the war. Many of his plays were made into influential pro-intervention movies. Some of the outstanding movies based on Sherwin’s work were:

  • Waterloo Bridge [10] (1940): This is a fallen woman/romance story that made the British look cool.
  • Abe Lincoln in Illinois [11] (1940): “The implied comparison of America’s dilemma in the 1850s to that in the late 1930s was clearly understood by the play’s audiences. Heywood Broun of the New York World called Abe Lincoln in Illinois “the finest piece of propaganda ever to come into our theater. . . . To the satisfied and the smug, it will seem subversive to its very core. And they will be right. . . . It is the very battle cry of freedom.” [2] [12]

Pastor-Hall-images-94004dff-57c6-41b4-a00a-ed9815faef8.jpgOther pro-intervention movies were:

  • Pastor Hall [13](1940): This film tells the story of a Christian minister put in a Nazi prison camp. It is probably more fiction than fact.
  • That Hamilton Woman [14] (1941): Starring Vivian Leigh, it compares Hitler to Napoleon and endorses war against dictators.
  • Mrs. Miniver [15] (1942): This film follows the life of a happy upper-middle-class English family that participates in the Dunkirk evacuation and the following Battle of Britain. It is the best of the pro-war films of the early 1940s.

No Hollywood movies were portraying the Communists in Europe during the 1920s and 30s in a poor light. There was nothing about Germans stranded in dysfunctional new Eastern European nations following the collapse of the Austro-Hungarian Empire. There was nothing about Bela Kun, Soviet atrocities, or Gulags. The pro-intervention movies were “propaganda with a very thick coating of sugar.” [3] [16]

An Incident Was Inevitable . . .

By late 1941, the Battle of Britain was over, but the Roosevelt administration had drafted many young men into the armed forces where they trained with wooden rifles or trucks labeled “tank.” Morale was low, and the economy had not shifted to producing war equipment. Meanwhile, Roosevelt also adopted the Lend-Lease Policy. This allowed the British to get American aid, and it effectively made America a British ally, albeit a non-belligerent one.

By this point, Lindbergh felt that war was inevitable. It was only a matter of time before some incident would draw the United States into the fray. On September 11, 1941, Lindbergh decided to deliver a speech [17] explaining which factions had pushed America into a corner. He identified the three factions as the British, the Roosevelt administration, and the Jews. The Des Moines speech was entirely true, and it led to an explosion in the national conversation. Any criticism of Jewish interests carries the charge of anti-Semitism. [4] [18] Olson argues that the speech caused the American public to focus on Jewish issues rather than avoiding entry into the conflict.

The incidents were already on the way, though, so it hardly mattered. The US Navy was escorting merchant ships to Britain as far as Iceland, and the USS Greer had already fired shots at a German U-Boat.

Between September and December 1941, the isolationists retained a solid grip on the public mind and confined pro-war activists a great deal. Wrinkles from the USS Greer incident could be smoothed over. Then isolationist newspaper, the Chicago Tribune, owned by the isolationist Robert R. McCormick, published a leaked War Department plan to fight Germany. Ironically, the plan was created by a pro-German American army officer, Albert Coady Wedemeyer, and it was used when war came. The leak was probably made by US Army Air Forces General “Hap” Arnold.

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Then came Pearl Harbor.

In the wake of the devastation in Hawaii, the isolationists admitted that the United States had to go to war — with Japan. And the President agreed with them. The US only declared war on Japan. It was Hitler who declared war on the United States following the attack. Had that not occurred, it is highly likely that America would have cut aid to England and Russia and focused on the Pacific. The conflict in Europe would have played out far differently.

Charles Lindbergh spent the war as an industry consultant. He ceased criticism of Roosevelt and became a test pilot and aircraft developer. The pro-German Wedemeyer helped the invasion of Normandy and became a general officer. Other prominent America First activists joined the war effort and did heroic service. One of them, Gerald Ford, eventually became president. Another isolationist who became president was John Kennedy. Indeed nearly all the isolationists turned out to be heroes later, but most had to “disavow,” to a degree, their previous activism.

The far-Right of the isolationists, William Dudley Pelley and Laura Ingalls [19] (the aviator, not the girl from Little House on the Prairie) (photo) were sent to jail for a time under trumped-up charges.

Laura_Ingalls_aviator_2a.jpgAmerica First and isolationism still matter. Indeed, the isolationists were not proved wrong. They could claim that they had kept America neutral until it was attacked by a treacherous foe. They did, however, make mistakes that can be discussed in retrospect.

Isolationist Failings 

The Second World War was not caused by Hitler, it was caused by the reaction to his rise to power. Hitler was greeted with the same hysteria by the same sorts of people that got hysterical over Trump. Hitler’s movement could have been tempered by the ordinary workings of the representative government, but an Antifa mattoid burned down the Reichstag, allowing Hitler to assume emergency powers.

Additionally, the British drew the red line against Hitler in the wrong place. It should have been drawn between Germany and France and Germany and the Low Countries. Instead, it was drawn at Poland. Once the British and French drew the line in Poland, it was only a matter of time before the United States was involved due to the many ties between the two nations. In the end, isolationism came apart when the Japanese attacked Pearl Harbor.

There was also never creative output on the part of the isolationists that matched the pro-war effort. Anne Lindbergh’s book that supported America First ideas, The Wave of the Future, was difficult to understand. Futurist books are always iffy. In addition to good movies, the interventionists had Dr. Seuss as a cartoonist who portrayed isolationists as ostriches with their heads in the sand. There were also many pro-intervention newspaper editors and reporters.

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America’s Yankee elite was terribly divided. Yankees from the Mid-West tended to support isolationism. Those in New England wanted preparedness, if not outright interventionism. Meanwhile, the hostile organized Jewish community was united in pushing for war. Therefore, criticism of Jews as war agitators could be balanced by many examples of blue-blooded Northeastern WASPs who were members of Jew-free country clubs that supported interventionism.

Epilogue

The isolationists did shape policy to such a degree that the British paid a dear price for World War II. To get the Lend-Lease Act passed, Roosevelt pressured the British government to sell large British holdings in the United States. [5] [20] This action was repeated enough times that by the end of the conflict, Britain had debts and no assets to generate income to pay the debts. Additionally, the Labour Party made several poor economic decisions after they came to power at the end of the war. The British were the richest and most powerful people in the world in 1914. By the winter of 1946, the British were on food rations and they were suffering a coal shortage.

The isolationists were also not wrong about Jewish and Communist influence on American policy. In the aftermath of World War II, the political Right in Hollywood organized a blacklist and removed the worst of the lot. American cultural products flourished afterward. The music, movies, and television of the 1950s remain the gold standard. Consider that there are TV channels devoted to shows from the 50s and early 60s, but none replay the 1980s sitcom Head of the Class or the late 1970s’ Welcome Back Kotter. The America First Right also used the various tools — anti-subversion acts, anti-totalitarianism measures, et cetera that were designed for use against American “Nazis” — against Communists.

The interventionists were right about other things too. It became standard wisdom that “dictators” were always a threat, and Hitler could have been “stopped at Munich” before the war. Events in Iraq, Egypt, and Libya during the Arab Spring have proven that anarchy is far worse than “dictators.” Furthermore, stopping “aggression” at some figurative “Munich” is not always a viable option. Those who escalated the Vietnam War genuinely believed they were stopping a “Hitler” at the “Munich” of South Vietnam.

The questions raised by the America First and isolationist movements remain valid today.  How far should America go to support an ally? How can we take sides in far-off wars involving nations with vastly different cultures than our own? How big should America’s military be? When is the right time to get involved?

Notes

[1] [21] Wilmot Robertson, The Dispossessed Majority (Cape Canaveral, Florida: Howard Allen Press, 1981), p. 187.

[2] [22] Ibid., 109.

[3] [23] Ibid., 409.

[4] [24] One of Lindbergh’s supporters during this time was Kurt Vonnegut. He would go on to serve in the Battle of the Bulge and was a prisoner of war in Dresden when it was firebombed in 1945. Vonnegut would go on to write Slaughter House Five, perhaps one of the greatest anti-war works of literature.

[5] [25] For further reading on this matter, I suggest The Last Thousand Days of the British Empire (2009).

Article printed from Counter-Currents: https://counter-currents.com

URL to article: https://counter-currents.com/2021/01/america-first-1939-1941/

URLs in this post:

[1] Image: https://counter-currents.com/wp-content/uploads/2021/01/thoseangrydays.jpeg

[2] farewell address: https://www.ourdocuments.gov/doc.php?flash=true&doc=15&page=transcript

[3] an opposing view: https://www.jfklibrary.org/archives/other-resources/john-f-kennedy-speeches/inaugural-address-19610120

[4] Lynne Olson’s: http://www.lynneolson.com/

[5] argued for: http://www.charleslindbergh.com/americanfirst/speech3.asp

[6] [1]: #_ftnref1

[7] Image: https://counter-currents.com/wp-content/uploads/2020/10/HERES-THE-THING-scaled.jpg

[8] here.: https://counter-currents.com/2020/10/heres-the-thing-selected-interviews-vol-2/

[9] Robert E. Sherwin: https://www.imdb.com/name/nm0792845/?ref_=ttfc_fc_wr4

[10] Waterloo Bridge: https://www.imdb.com/title/tt0033238/fullcredits?ref_=tt_ov_wr#writers/

[11] Abe Lincoln in Illinois: https://www.imdb.com/title/tt0032181/

[12] [2]: #_ftnref2

[13] Pastor Hall : https://www.imdb.com/title/tt0032894/

[14] That Hamilton Woman: https://www.imdb.com/title/tt0034272/

[15] Mrs. Miniver: https://www.imdb.com/title/tt0035093/?ref_=nv_sr_srsg_0

[16] [3]: #_ftnref3

[17] deliver a speech: https://modernhistoryproject.org/mhp?Article=Lindbergh1941

[18] [4]: #_ftnref4

[19] Laura Ingalls: http://wesclark.com/burbank/ingalls.html

[20] [5]: #_ftnref5

[21] [1]: #_ftn1

[22] [2]: #_ftn2

[23] [3]: #_ftn3

[24] [4]: #_ftn4

[25] [5]: #_ftn5

lundi, 11 janvier 2021

Entrecroisements transfigurateurs entre le Roman du Début et celui de la Fin

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Entrecroisements transfigurateurs entre le Roman du Début et celui de la Fin

par Laurent James
Ex: https://parousia-parousia.blogspot.com
 
008115746.jpgPubliés à peu près au même moment, la distance temporelle entre L’Epopée des Arvernes de Jean-Paul Bourre et Le Procès des Dieux de Maxence Smaniotto est en réalité d’environ 2300 ans : les Poissons sont littéralement encerclés par ces deux volumes romanesques absolument bouleversants, dont la juxtaposition forme une terrible nasse immergée dans les plus profondes eaux souterraines de l’Europe intérieure.

Des Druides flamboyants aux journalistes névrosés, de l’Arvernie tournoyante à la Nouvelle Notre-Dame de l’Humanité, de Doria la guerrière banshee au visage enduit d’argile verte à Karima la froide universitaire déterminée à en finir avec l’Olympe, la lecture successive – ou même alternée, pourquoi en effet ne pas passer d’un livre à l’autre chapitre après chapitre, pour tomber dans une espèce de grand vertige totémique – de ces deux romans produit dans l’âme du lecteur une vision d’ensemble, à la fois de l’ontologie tout à fait lumineuse de l’espèce humaine spécifiquement européenne, ainsi que de l’ensemble absolument démoniaque de ce qui en constitue l’irréfragable ennemi radical, la vaste collusion de tous ceux qui sont déterminés à annihiler cette espèce en éradiquant ses Dieux, ses morts, ses armes, ses œuvres, ses ferveurs, son histoire, ses invocations, ses joies, sa mélancolie, sa tristesse, son ivresse, ses chants, sa sexualité, son fanatisme et sa haine.

Jean-Paul Bourre est le plus grand romancier français épique actuel, cela finira peut-être par se savoir. Un romancier fiévreux, homérique, médiumnique et « atteint d’une forme de synesthésie subite et sauvage », comme le rappelle Tony Baillargeat dans sa préface. Un romancier, c’est avant tout un meneur de loups ; et Bourre en est tout simplement le dernier.

61P8dewd40L.jpgSujet de rédaction : « Cent mille guerriers gaulois s’installent dans un grand désordre sur la rive droite du Rhône ; après être parvenus à traverser le fleuve, ils affrontent des dizaines de milliers de légionnaires romains qui finissent par lâcher une troupe d’éléphants. Décrivez le tumulte qui s’ensuit ». 

J’aimerais savoir combien d’écrivains contemporains relèveraient le défi… 

L’Epopée des Arvernes est avant tout un roman sur la paternité, tissé suivant une trame flamboyante de filiations paternelles : d’abord le jeune Moran, qui franchit les premières pages du roman en assistant à la destruction totale de son village et la profanation du cairn funéraire de son père Luconios, le « loup des neiges »… héros fougueux que l’écrivain a la cruauté tragique de faire périr à Lutèce, torturé sur le poteau des Nautes … passant ensuite le flambeau à son fils Luern, à l’épaule droite incisée, enfant, par son père Moran pour démultiplier la puissance de la bandaison de l’arc,… Luern le compagnon de combat de Brennos, géniteur – juste avant la prise de Rome – du petit Bituit,… puis Celtill le rebelle, et enfin Vercingétorix, lumineuse guirlande de pères combattant la puissance de Rome, au service de l’Arvernie et du peuple des forêts, de victoire en victoire jusqu’à la défaite.

Un lac volcanique bordé d’aulnes verts, la présence trouble et permanente de guerriers Pictes tatoués sur tout le corps, des cauchemars bariolés d’immondes bestioles, des bardes fiévreux gorgés d’hydromel, des ermites s’entretenant avec des fées au creux de leurs grottes, la déesse Damona étreignant un grand chêne sous la lune, l’enchanteresse Île Verte surgissant d’un rideau de brumes, … Tout, dans ce roman, n’est que fugitives visions du mystère profond de la vie, sans aucun enjolivement d’aucune sorte.

Ca décapite en effet à tour de bras chez Jean-Paul Bourre, aux cris de « Charogne puante ! », avant d’accrocher la tête de l’ennemi au seuil de sa hutte. On y baise également beaucoup sous l’orage, on crache par terre, on éventre des ours, on prépare des soupes de lard arrosée de cervoise, on pleure en évoquant des sentiers perdus qui mènent vers l’Autre Monde, on arrache des viscères à la lance à crochets en riant, on essuie sa moustache pleine de ragoût de porc.

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Jean-Paul Bourre.

Dominique de Roux a écrit dans Immédiatement cet aphorisme que tout le monde a oublié : « Les Druides prononçaient des mots si compacts qu’ils trouaient l’air et y restaient immobiles, plantés dans le vide comme des oiseaux surpris dans leur vol ». Ces mots compacts, Jean-Paul Bourre les a patiemment glanés au fil de ses promenades dans les nuées du plateau de Gergovie, pour les restituer ici avec précision.

Tiens ! voici la tête d’un corbeau, fichée sur une pique, devant la hutte de l’épouse de Moran. Je l’avais oubliée… Dans son bel ouvrage Le Grand Monarque et le Souverain Pontife, Rhonan de Bar nous rappelle que décapiter un corbeau, cet animal totem du Roi Brennos qui accompagne aussi bien Lug que Brân le Béni, cela « revient à séparer le Mercure du Caput Mortuum », c’est-à-dire augurer rien de moins que la décollation de Louis XVI.

Le Procès des Dieux est le roman anthropogonique de la Fin du Cycle des Rois. 

Car si certains gnostiques pop revendiquent la victoire des Sans-Rois comme la seule possibilité de retrouver les clefs de la connaissance, nous sommes encore quelques-uns à savoir pertinemment que c’est justement la défaite des Rois, et celle concomitante de l’Eglise, qui nous les a fait perdre définitivement, ces clefs. Alors, bien sûr, maintenant que nous sommes seuls, nous n’avons plus le choix, et nous nous plongeons dans l’œuvre d’Abellio pour activer la transfiguration prophétique du monde par le Christ intérieur.

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Maxence Smaniotto.

Et j’en profite pour affirmer, de manière péremptoire mais tout à fait assumée, que Le Procès des Dieux constitue le point central du triangle équilatéral formé par Les yeux d’Ezéchiel sont ouverts, La fosse de Babel et Visages immobiles : son point de fuite dynamique vers l’effacement gnostique de l’histoire européenne ; un effacement que l’on espère analogue au détachement – au laisser-être – de Maître Eckhart, « phase dialectique préalable à la déification de l’homme, c’est-à-dire à l’engendrement de Dieu par l’homme et la fusion de l’homme dans la déité de Dieu » (Manifeste de la Nouvelle Gnose, p. 134).

Gabriel est journaliste à News Challenges, média tenu par le dynamique milliardaire saoudien Khaled al-Waaleed qui rêve de « changer le monde ». Car, dans le roman de Smaniotto, et contrairement au Soumission de Houellebecq où la démocratie française devient progressivement musulmane, c’est l’islam qui finit par être majoritairement soumis au progressisme sociétal occidental ; les imams gays ou féminins promus aujourd’hui par Télérama, France Inter et les syndicats de salariés, ont fait tache d’huile. Après tout, il est tout à fait envisageable que ceux qui parviendront à en finir avec l’islam radical ne soient pas Génération Identitaire, ni Riposte laïque ni Gérald Darmanin, mais une alliance dynamique, inclusive et sociétale entre le CFCM, Bill Gates, Philippe Martinez et Marlène Schiappa. Les nationalistes contemporains sont si stupides qu’ils n’ont toujours pas compris que c’est l’islamo-gauchisme qui éteindra toute étincelle vivante au cœur de l’islam, en plaçant les musulmans sous le boisseau de la République. Ne se souviennent-ils pas de ce qui s’est passé avec le catholicisme ?

L’islamo-gauchisme est la plus grande arme de guerre contre l’islam, et une occasion historique de renforcer le gauchisme.

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Notons que dans le roman, la Chine confucéenne reste la seule et unique force mondiale à pouvoir résister au nihilisme impérialiste occidental. Confucius plus fort que Platon, Bouddha, Jésus et Mahomet réunis face à la Bête ?... C’est à envisager sérieusement.

Maxence Smaniotto montre que ce que nos ennemis nomment « la convergence des luttes » a toutes les chances d’être victorieuse, car – et c’est une autre des spécificités notables de notre époque – le Pouvoir et ses opposants sont fondamentalement d’accord sur l’essentiel. N’oublions pas que l’écriture inclusive, la lutte contre les biais de genre ou contre la transphobie ne sont plus depuis longtemps des revendications de groupes minoritaires mais de rigoureuses obligations administratives émanant du Parlement européen. 

Une société comme Kaufman & Broad est florissante car elle obéit en tous points aux mots d’ordre naguère gauchistes militants, et devenus aujourd’hui des diktats officiels : la parité à toutes les réunions et tous les comités, l’écriture inclusive, les règlements intérieurs pour le bon accueil des juifs, des arabes et des LGBT et la lutte contre le harcèlement sexuel. Et son Président s’appelle Nordine Hachemi, dont la foi musulmane diffère probablement de celle de Ayman al-Zawahiri. Absolument inattaquable du point de vue cégétiste. Et, en plus, Kaufman & Broad lutte efficacement contre l’oppression patriarcale de la religion catholique, en détruisant tranquillement les petites fermes à chapelle de nos quartiers.

En réalité, il s’agit d’une véritable convergence des putes qui se dresse devant nous : syndicalistes, vegans, militants intersectionnels et éco-solidaires, antispécistes, chrétiens téléramesques, musulmans des Lumières, … tous au service intégral de la déconstruction de l’autorité verticale et de la refondation des liens sociaux par la confusion active, l’indiscernabilité généralisée et le nihilisme post-festif. Et, surtout, au service intégral de l’universalisation du nihilisme occidental, et de la super-colonisation mondiale des peuples par l’idéologie du décloisonnement civilisationnel, ce que Smaniotto appelle « le darwinisme inclusif ». 

Le monde d’après les Rois, c’est surtout le monde d’après les Dieux.

Le roman débute avec la capture de Pan dans les marais de la Camargue par la police républicaine. Thierry Rotz, le ministre de l’Intérieur chargé d’arrêter les derniers Dieux encore libres, et de contrer les activités terroristes des salafistes aussi bien que du groupe de réinformation métaphysique Lernaia Hudra, est surnommé « Le Cathare ». Il s’agit là de l’une de ces remarquables illuminations de Maxence Smaniotto qui parsèment le roman, mais que je ne prendrai pas le temps de développer ici même. Le point commun entre tous nos ennemis est en effet une volonté tout à fait avérée de pureté mentale, faite à la fois du refus de la présence de la matière dans l’esprit et de refus de la présence d’esprit dans la matière, une volonté qui prit un temps le nom de catharisme, mais également, suivant les époques, d’arianisme, de dualisme gnostique ou de déisme universaliste (Thomas Paine).

maxence-smaniotto-l-armenie-au-dela-des-cliches.jpgEtonnez-vous après cela que les gnostiques pop que j’évoquais plus haut soient de fervents adeptes des cathares. Ils croient que ceux-ci ont tous été exterminés par les dominicains, alors qu’en réalité, ils ont anéanti l’Eglise, bâti la République américaine et pris le pouvoir en Occident. S’ils sont Sans-Rois, c’est parce qu’ils sont Avec-la-République.

Le journaliste fade et pâlot Gabriel est donc invité à assister au Procès des Dieux, qui se tient au Tribunal International pour les Crimes des Olympiens. Reconstruite après l’incendie d’avril 2019 dans l’optique architecturale d’un idéal universaliste et humaniste, la Nouvelle Notre-Dame de l’Humanité est idéale pour accueillir ce Tribunal. Au-delà du procès de l’Olympe, le lecteur aura compris que c’est un véritable procès de l’Europe qui se tient – au nom des valeurs de Kaufman & Broad, les valeurs de l’Occident.

Au temps des premiers Rois celtes, la femme primordiale revêtait les atours de femme-louve et femme-renard, ou de guerrière experte à la fois dans l’art de la volupté et la prière opérative, mais le monde d’après les Rois décrit par Smaniotto, ce monde de la fin du début de la Fin, n’est peuplé que de présentatrices transgenres à BFMTV, de féministes lesbiennes et voilées, de vigilantes universitaires anti-patriarcales et d’avocates aux cheveux violets.

Un autre genre, effectivement.

« La Femme, son essence, reste la vraie victime de fond de ces pratiques préislamiques », dit Samira à son patron al-Waaleed à propos des récits de Homère. « La guerre racialisée dans l’Iliade, la soumission genrée au patriarcat pour l’Odyssée. Hitler n’aurait pas pu faire mieux avec son Mein Kampf ». 

La professeure Karima Trong donne une assise universitaire à cette vision durant ses cours publics, en une harangue fleuve que je me permets ici de citer longuement, tant celle-ci synthétise prodigieusement la vision de nos ennemis ontologiques : « Derrière chaque acte fondateur autour duquel se structure une civilisation impérialiste, inégalitaire et patriarcale, se nichent les dieux grecs. Ils ont changé de nom pour mieux perpétuer leur existence, mais ils ont toujours été là. […] Cette nouvelle humanité, débarrassée de l’influence des dieux, est nécessaire. L’histoire nous montre une fois de plus pourquoi. Alexandre dit le Grand était élève d’Aristote, et mènera guerres sur guerres, jusqu’à l’Inde. Plus tard, Rome la latine s’hellénise et met à feu et à sang une grande partie de l’Europe, l’Afrique du Nord et la plupart du Moyen-Orient. Le christianisme succède à Rome, recueille l’héritage hellène et ça donne l’inquisition, les bûchers, l’oppression de la femme qui est assimilée au Diable, les génocides en Amérique du Sud et les croisades. Ensuite c’est au Romantisme de réactualiser les mythes grecs et sa philosophie. Dans leurs poèmes se nichent les germes du nationalisme, et ce n’est pas un hasard si le national-socialisme, avec sa quête de pureté raciale, hissera le Romantisme allemand au rang de culture aryenne. Mais les Olympiens ne se sont pas arrêtés au seul nazisme, ils ont poursuivi, répandant leurs ganglions un peu partout. Dans le fascisme italien, qui entendait ressusciter l’Empire romain, et même en URSS, où les formes classiques de l’architecture étaient remises au goût du jour. Nombre d’édifices des années 1930 et 1940 ne sont rien d’autre qu’une ruse que les dieux grecs avaient trouvée pour ériger de nouveaux temples à leur gloire. »

EHTlgbyWoAAv7QB.jpgHermès se défend particulièrement bien en prenant ses juges à partie, parce qu’il sait qu’en réalité, c’est pour de tout autres raisons que ceux-là s’attaquent à l’Olympe : l’une est iranienne et ne fait que défendre Zoroastre humilié, l’autre est juif talmudique et ne fait que combattre l’helléno-christianisme, un troisième est républicain donc franc-maçon, etc. Apprenant sa condamnation à la prison « jusqu’à l’oubli » dans les entrailles des îles Kerguelen, Hermès prévient alors le jury : « Vous ne vous rendez pas compte. Vous allez libérer les Titans » …

Ne leur pardonnez pas, mon Père, car ils savent très bien qu’ils ne savent pas ce qu’ils font.

Chez eux, chez nos ennemis ontologiques de l’Europe éternelle, la logique du tiers-inclus s’est muée en militantisme non-binaire, la transfiguration de l’humanité par l’émergence du Moi transcendantal s’est pervertie en atomisation confusionnelle, la conscience vive de l’Androgynat primordial a dégénéré en abâtardissement pédérastique… Mais pourquoi diable tous ces gens-là passent-ils leur temps à comprendre systématiquement tout de travers ? Marx avait noté que les événements historiques se produisaient toujours deux fois, d’abord sous forme de tragédie puis sous forme de farce. Je crois bien que l’une des définitions les plus efficaces pour désigner notre post-modernité est que, pour la première fois de notre cycle historique, celui-ci ayant débuté – je le rappelle pour ceux qui découvriraient ce blog ou qui n’auraient jamais lu Jean Phaure – il y a 64 800 ans, et bien pour la première fois c’est la comédie qui précède la tragédie. 

C’est ce que certains appellent « La Grande Parodie ». 

Notez bien qu’en toute logique, cela ne peut qu’être favorable à l’efficacité cosmologique du Grand Nettoyage par le Vide, lequel ne saurait en aucune manière être suivi d’une quelconque comédie, puisque personne n’aurait l’idée même de rigoler après le Grand Fracas, le Knout de la Fin des Temps.

Au-delà de la haine du père, de la filiation, du christianisme grec, et donc des Dieux de l’Olympe, se tient cependant encore autre chose. C’est ce que comprend Karima vers la fin du roman : « les Olympiens étaient dans nos cerveaux bien avant l’émergence de la conscience humaine ». Leur haine est bien plus vaste que ce que vous ne le pensiez, bien plus enracinée. S’il y a bien quelque chose d’enraciné en eux, c’est leur haine envers le Pôle Nord, envers l’Homme de Néandertal. Celui-ci est même la cible privilégiée du Coronavirus ! Serait-il définitivement maudit ?...

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Haïr l’Europe, c’est d’abord haïr l’Eglise du Paléolithique si chère à Pierre Gordon, c’est haïr les dolmens de nos campagnes. Le progressiste n’a qu’une passion : pisser et chier contre les menhirs (et mutiler les chevaux). Le progressiste républicain hait le Néolithique, qui ne serait que « l’émergence des inégalités, le début des religions et des dieux, celui des violences de masse ».  

Jean-Paul Demoule (sic !) est un exemple absolument lumineux de scientifique qui passe sa vie à faire le Procès des Dieux, de tous nos Dieux qui précédèrent le règne de Zeus – et à nier toute existence d’un peuple indo-européen. Un scientifique rigoureusement, radicalement, plénièrement et – j’ose l’écrire – fanatiquement anti-abellien.

La présence de Jean-Paul Demoule en France en ce début de vingt-et-unième siècle, c’est le contraire rigoureux du deuxième Concerto pour piano de Rachmaninov. Cette œuvre musicale bouleversante ne décrit rien de moins que l’écriture du concerto même, depuis les affres troubles du réveil du musicien jusqu’à l’émergence extatique de l’œuvre à la fin du troisième mouvement. Et c’est lorsque l’œuvre émerge que le Concerto se termine.

A contrario, la civilisation européenne a d’abord émergé des abords solaires du cercle polaire, s’est progressivement dégradée de par la lente pourriture de son peuple, puis de ses élites, jusqu’à son extinction à la fin du Quatrième Âge. Et c’est lorsque l’Europe coule que Jean-Paul Demoule surgit, brandissant l’affirmation éminemment paradoxale de l’inexistence de la Dame qui lui a donné la vie.

Un jour prochain, nous retrouverons dans les ordures la bague de Luconios sertie d’une pierre noire apte à éveiller les esprits du Lac des Anciens.

Et les âmes tièdes ne pourront alors rien opposer à notre ultra-violence retrouvée.

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jeudi, 07 janvier 2021

Luc-Olivier d'Algange: Prologue à L' Ame secrète de l'Europe

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Prologue à L' Ame secrète de l'Europe

Luc-Olivier d'Algange

La meilleure façon de présenter un livre est, peut-être, de dire ce qu’il n’est pas. Ce livre n’est pas une somme, ni une thèse, ni un travail savant. Le lecteur n’y trouvera rien d’exhaustif ni de systématique ;tout au plus quelques aspects, à tel moment de l’aube ou du crépuscule, d’un paysage où se retrouver, avec quelques essors espérés, une amitié commune, après notre expropriation. L’exil intérieur est source de folles sagesses dont aucune ne se soumet à la tristesse, - ce péché par excellence car il est au principe de tous les autres. Tout est perdu, sauf la joie, que les Grecs savaient divine.

9782917579145.jpgVoici donc rassemblés, avec de nombreux inédits, L’Ombre de Venise, Le songe de Pallas, Lectures pour Frédéric II et Au seul nom d’une déesse phénicienne, livres naguère publiés par les audacieuses et coruscantes éditions Alexipharmaque, - lesquelles, comme leur nom l’indique, proposaient des contre-poisons aux toxiques divers dont ce temps nous assomme et dont le moindre n’est pas l’outrance moralisatrice qui exerce désormais ses hystéries sur tous les fronts. A les comparer, les anciennes addictions, opiacées ou autres, nous semblent bien douces.

Les Modernes vivent sous l’emprise de la drogue dure de leur dédain et de leur dédire. Leur stupeur n’est guère dionysienne. Sous leurs pas, la terre ne danse pas, elle se glace. Aux architectures en béton correspondent des âmes bétonnées. Rien n’est plus étranger à ces hommes amers que la reconnaissance des influences, la porosité de l’âme humaine aux forces et aux fastes du cosmos, sa perméabilité à l’esprit des lieux, son accord avec l’âme du monde qu’évoquait Virgile. Si imbus d’eux-mêmes, si bien incarcérés, que tout ce qui leur vient de leurs prédécesseurs, et du monde, leur semble une offense faite à leur vanité sans mesure, nos Modernes font passer leurs reniements pour des «repentances» et cheminent, en crabe, dans un univers qu’ils ignorent avec tous les moyens technologiques mis à leur disposition.

Lire, c’est-à-dire prêter attention à autre chose qu’à leurs ressassements infirmes  est au-dessus de leurs forces, si pleins d’eux-mêmes que la pensée d’autrui, sa musique, leur sont impensables et inaudibles pour des raisons presque physiologiques. Nous ne sommes pas sans mesurer ce qu’il y a de téméraire ou d’absurde à écrire, selon les exigences et les conseils de nos bons maîtres, en ces temps hypnotisés d’images, et pour le reste, censeurs et fanatiques. Cet exercice qui requiert une attention constante au mouvement de la pensée accordée à ce bien commun par excellence, notre langue ; cet exercice, qui parfois est spirituel, s'il n'est pas voué à disparaître, demeurera le bien ultime de ceux auxquels tout à été ôté. « En étrange pays dans mon pays lui-même » disait Aragon .

9782866811396.jpgCependant, ne déplorons point trop de vivre dans ce temps qui nous offre la chance inquiétante et exaltante de ressaisir, avant qu’elle ne disparaisse, et de notre mémoire même, ce qu’est une une civilisation ! Le crépuscule, nous dit HöIderlin, détient le secret de l’aurore. Jamais, sans doute, dans ce déclin et cet abandon, les formes anciennes ne nous parurent si éclatantes et si mystérieuses, si proches serais-je tenté de dire, sitôt que notre regard touche, par une décision résolue,  à la grande limpidité qui va jusqu’au fond du Temps.

Peu de chose nous séparent de la vie magnifique, de l’origine resplendissante, de notre puissance et de notre joie. De ce peu de choses, marasmes divers, intoxications morales, les écrits ici rassemblés espèrent, pour quelques uns, dissiper le pouvoir. Que leur vertu rêvée soit celle du claquement des doigts qui dissipe l’hypnose d’impuissance dans laquelle nous sommes plongés ! La lucidité revient alors, en ressac. Soudain nous savons que l’on veut notre mort, et, plus exactement notre mort-vivante, afin que nous puissions encore servir.

L’héritier, ce méchant homme selon la vulgate bourdieusienne, est un condamné à mort. Ses affinités avec la Grèce d’Empédocle et d' Homère, l’Allemagne de Novalis et de Nietzsche, l’Italie de Dante et de D’Annunzio, la France de Maurice Scève et de Gérard de Nerval, font de lui l’homme qui n’a plus cours. Les Moralisateurs veillent à ce qu’il soit inaudible. Un mot, ou deux, suffisent à l’exclure. Ces adeptes de la morale répandue semblent ignorer que, selon le mot de Pierre Boutang, la morale n’est pas quelque chose que l’on fait aux autres mais seulement à soi-même, et dans le secret. La vulgarité suprême est de l’oublier.

Ces propos seraient mal compris si on les songeait de désespérance. La lucidité qui interdit de se fourvoyer en optimismes fallacieux ou «progressistes» est une chance lustrale. Tout ce que nous aimons y revient, telle l’épiphanie de la lumière sur l’eau, l’éternité même, «la mer allée avec le soleil» du poème d'Arthur Rimbaud. Celui qui se désillusionne des valeurs réenchante les Principes.

Les Modernes se soumettent à toutes les abstractions, ils adorent l’Indistinct, qui, pour eux, a pris la place du Dieu des théologies révolues. La confusion est d’autant plus aisée qu’entre l’Indistinct d’aujourd’hui et le Dieu de jadis la  différence est subtile et que le subtilité est devenue la chose du monde la moins bien partagée. Rien ne fait plus horreur au Moderne que la diffraction de l’Un, le chromatisme de la pensée, l'expérience métaphysique de la lumière qui émane ou resplendit de même rien ne lui est plus étranger que l'ombrage et le secret.

Sa lumière artificielle, scialytique, n'envahit pas seulement ses supermarchés, ses bureaux mais la pensée elle-même, qui aplatit toute chose, efface la douceur des reliefs. Dans ce monde d'apparences, plus rien n'apparaît. L'apparence sans l'apparaître est totalitaire. Sans l'orée, où nous la voyons advenir, elle se donne pour fin dernière, et nous fige, face à elle, en statues de sel. Alors, et dans tous les sens du terme, nous ne pouvons plus nous sauver.

froLOda.jpgL'horreur visible des débuts de l'industrialisation, avec ses murs noircis de suie et ses feuillages racornis de miasmes, laissait au moins aux hommes la tentation de l'exotique, le voyage de Gauguin ou de Ségalen. La grande uniformisation planétaire nous ôte ces idylles . Le bien pour ce mal sera de nous retourner vers nos propres sources intérieures. Ce sera l'affaire non de tous mais de chacun, - de quelques uns, pour être plus précis, nous ne le savons que trop, élite fervente et rêveuse qui s'opposera à «l'élite» mal élue, comme on dirait mal élevée, des actuelles technocraties. Le proverbe est juste; «le poisson pourrit par la tête», - mais contre l'élite malversée, il faudra bien inventer une élite élue par l'écume de l'Aphrodite Anadyomène, une élite aimée des dieux, de même qu'à la masse, il faudra opposer un peuple, qui serait, lui aussi, dans la reconnaissance de ses dieux et de ses symboles. Ce sera la poésie ou rien.

Le christianisme, qui fut, non de toujours, mais pendant longtemps, l'espace même de l'Europe, sa définition la moins fallacieuse, qu'en reste-t-il si on lui ôte sa légende dorée, son ressouvenir des héros et des Saints, ses Anges, son latin mystique, ses rameaux de poésie ? Il lui reste la morale, mais une morale souvent frappée par le vil sophisme qui confond la justice et l'esprit de vengeance.

Est-il alors nécessaire de préciser que l'Europe qui titre cet ouvrage est bien loin de l'Europe économique, de l'Europe administrative et commerciale ? Nous avons pris le droit, dans nos solitudes, de parler d'autre chose, comme Stefan George évoquant, et invoquant, l'Allemagne secrète, face à l'Allemagne utilitaire, «managériale» et publiciste. Nous voici à ce tournant où il nous faut, pour ne point tomber, convoquer ces alliés impondérables que sont les œuvres et les songes.  Les songes sont les étymologies de nos actes. 

Luc-Olivier d'Algange

L'Ame secrète de l'Europe, L'Harmattan 2020.

samedi, 02 janvier 2021

Comme le temps passe, le roman mythologique de Robert Brasillach

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Comme le temps passe, le roman mythologique de Robert Brasillach

Par Frédéric Andreu-Véricel

René et Florence, les personnages principaux de ce roman arc-en-ciel sont deux jeunes gens qui s'aiment.

Aimer, pour eux, cela veut dire se tenir la main, se promener au bord de la mer et cela veut dire, aussi, contempler des îles lointaines, ces miroitantes fata morgana de leur enfance.

Par leurs yeux nimbés de réminiscence, nous entrons presque à notre insu dans le royaume émerveillé de leur enfance, qui est aussi un peu le nôtre.

Il n'est pas rare que j'ouvre mon vieux livre de poche, à la couverture déchirée, dans le métro, le bus, les salles d'attente du dentiste et, avouons-le, dans la vie elle-même que la démocratie libérale a transformé en une grande salle d'attente. Alors, ces temps morts se transforment en moments narratifs aux éclats de rêve, d'enfance et d'amour...

Mais, comme tout ce qui touche de près ou de loin aux années trente, à la Collaboration, à Brasillach, la lecture de Comme le temps passe ne va pas vraiment de soi. D'où, la question : peut-on lire Comme le temps passe de ce côté-ci de l'Histoire ?

Comme le temps passe est une des oeuvres les plus sensibles du XXe siècle, une oeuvre qui n'a pas oublié le nom des fleurs. Tout le monde en convient y compris les professionnels de la détraction.

Il est cependant regrettable que les controverses entre détracteurs et partisans de l'auteur toisent les oeuvres. Si populaires avant-guerre, ses romans, et surtout les poèmes écrits en prison, sont devenus, à une époque où l'on ne lit plus guère de poèmes, des bannières de ralliement.

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L'Histoire est écrite par les vainqueurs et il ne nous appartient pas d'écrire l'Histoire écrite par les vaincus. Rappelons tout de même que Robert Brasillach a subit un procès au terme duquel il fut exécuté dans la fleur de l'âge pour fait de Collaboration.

Tuer un poète, afin de prouver au monde entier sa détermination à lutter contre la barbarie nazie, il fallait y penser. Tuer un poète - étoile montante de la littérature française - au terme d'un procès bâclé, afin de rétablir la démocratie et l'Etat de droit, il fallait y penser. Et ils y ont pensé.

On pourrait cependant se dire, cela concerne l'homme, ses engagements politiques et non l'oeuvre, si les choses se passaient comme nous aimerions qu'elles se passent.

J'aimerais tant que l'on cesse de prendre en otage - dans le sens du pour ou celui du contre - une oeuvre romanesque et poétique si originale et féconde, à des fins bassement idéologiques. Oui mais voilà, l'idéologisme, c'est comme la délation en temps de guerre, cela ne fait pas partie des grandeurs françaises ; cela fait partie des "passions tristes" au sens que Spinoza donne à ces termes.

On a beau dire que Comme le temps passe est un roman sensible, un dialogue avec les personnages qui sont ceux-là même de l'âme, un bonheur inouï de lecture, lire Brasillach reste, 75 ans après le procès de son auteur, une activité "suspecte".

Du coup, celui qui aurait l'idée saugrenue de réhabiliter l'oeuvre de Brasillach serait suspecté de coucher avec les idées de l'auteur ; le jeu freudien des compensations psychologiques, le mettrait dans la quasi-obligation de ramener Louis Aragon au niveau d'un auteur mineur. Moi, je défends l'oeuvre lumineuse de Brasillach comme je défends bec et ongle celle d'Aragon, comme je défends la nécessité de la lecture en elle-même, aussi absolument que je hais la société post-littéraire.

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Ouvrir un ouvrage de Brasillach, c'est ouvrir un arc-en-ciel dans la monochromie de notre temps et tant pis si l'évoquer dans un article ou dans une causerie entre amis, c'est s'exposer à des remarques, des procès d'intention logés entre les sourcils. Prononcer le nom même de Brasillach, c'est aussi montrer que les maîtres de la réduction et de l'amalgame, ont certes remporté des batailles stratégiques, mais non la guerre.

Laissons donc ces "termites de la réduction qui rongent la vie humaine depuis toujours" (Kundera) a leur périmètre : les faux plafonds de la critique universitaire ; à leurs réseaux: les médias "mainstream" et surtout à leurs tuniques de Nessus : le politiquement correct et ses déclinaisons infinies (l'historiquement, le moralement, le littérairement correct, etc.).

Le principe de séparation d'une oeuvre et de son auteur, proposé je crois bien par Marcel Proust en son temps, c'est bien joli, cela prévaut dans le monde des madeleines trempées dans le thé, mais dans le monde réel, cela ne marche pas ou très mal. C'est l'exemple type d'une mauvaise bonne idée. Cela fonctionne par temps de paix mais non par temps de guerre, et nous sommes en guerre, celle que livre la fausse liberté à la vraie liberté, le pays légal au pays réel, celle que livrent, redoutable, les mondialistes aux patriotes.

Par temps de guerre, dans un pays occupé, on prend des risques. On ne trahit pas ses amis, ni leur mémoire. On défend Brasillach comme le fit, en son temps, son beau-frère, Maurice Bardèche.

Et puis, voyons aussi les choses autrement, en attendant la trêve des confiseurs, la rareté des livres de Brasillach sur les étagères des libraires, c'est la rareté de l'or.

Une question demeure, essentielle : Pourquoi Comme le temps passe peut changer la vie? Pas la vie en général, mais votre vie à vous, irradiée que vous êtes par sa lecture.

A mon avis, cette question ne peut avoir de réponse qu'intérieure. Lire Comme le temps passe, c'est s'exposer à une fréquence narrative qui fait entendre les chuchotements de l'enfance. C'est comme porter à son oreille un coquillage tout résonnant des bruits de la mer, les vagues de la baie d’Alcudia.

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Tout se passe en effet comme si le lecteur qui regarde le monde par les yeux de René et/ou de Florence (les personnages principaux du roman) accédait au double regard platonicien. Il perçoit alors, pour reprendre les termes de Luc-Olivier d'Algange, "le matin profond de sa mémoire". Sans le savoir, il se relie à une "cadena aurea", une chaîne d'or fréquentielle des chercheurs d'âme. Oui, Comme le temps passe parle de l'âme et parle à l'âme. Et c'est là l'essentiel.

En un mot, Comme le temps passe, c'est l'oeuvre de la "réminiscence" des choses qui ne passent pas. Comment ce miracle est-il possible ?

Sans prétendre là encore à une réponse exhaustive, je commencerais par évoquer une expérience personnelle (et donc aussi potentiellement transpersonnelle). Il m'arrive d'ouvrir Comme le temps passe comme on consulte un oracle, avec de belles et surprenantes rencontres à la clé, non seulement avec les personnages du roman, Florence, René et la majestueuse tante Espérance, mais aussi avec des personnes bien réelles. Anne Brassié, la biographe de Robert Brasillach que je rencontrais alors que je tenais le livre à la main - rencontres qui laissent à penser qu'elles sont aussi des rencontres d'âmes.

Il arrive aussi que les pierres d'attente de ce livre, les roches narratives que la lecture rend soudain phosphorantes, éclairent les voies anciennes de mon enfance. Hölderlin a tout dit lorsqu'il a dit : "L'homme est un dieu lorsqu'il rêve et un mendiant lorsqu'il réfléchit". Ces rêves-là ne s'écrivent non pas au passé mais au présent, le présent de la "réminiscence". J'ai notamment revu, en lisant Brasillach, la crique de nos vacances, entre Sète et Agde.

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La chienne Nita s'amuse avec les vagues, tandis que le tuba de plongée de mon père sillonne l'onde comme la nageoire d'un requin. Ma mère, qui ne sait pas nager, me surveille de loin. Partout, le bleu immense de la mer.

J'étais un enfant rêveur, dans le brouillon de ses 9 ou 10 ans. Dans l'immeuble encore brut de décoffrage de nos vacances (celui des ouvriers et des classes moyennes de l'époque), il y avait cette fille de l'étage du dessus qui se penchait à la fenêtre. Brune comme le soir. Je crois qu'elle était Espagnole mais je n'en suis pas certain. Elle me regardait, je la regardais ; c'était ma Florence à moi.

Pour elle, je ramassais de jolis coquillages.

Comme Hernie dans Summer of 42 (le superbe film de Robert Mulligan), j'espérais tant la revoir l'été suivant. Mais l'été suivant, je ne la revis point. Je ne l'ai cependant pas oubliée. Elle est, comme l'écrit si joliment Brasillach à l'endroit de la Tante Espérance, "remontée de la banalité courante à un empyrée de mythologie". Comme le temps passe, la magie de l'enfance et le "halo autour des choses".

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In everyone's life there is a summer 42 dit le trealer du film de Mulligan. "Dans la vie de chacun, il y a en effet en chacun un amour d'été", réitération du paradis perdu qui est au fond de tous les peuples.  Le livre de Brasillach réveille cette mémoire endormie, ce temps où nous sommes nés à l'amour, cette rencontre d'été qui dort en nous comme une Belle au bois dormant et le paradis perdu d'Adam et Eve qui vit en chaque peuple. L'un conduit à l'autre ; l'autre conduit à l'un.

Le livre de Brasillach, c'est cette boite à souvenirs qui, une fois ouverte, dégage le "halo" mystérieux de la nostalgie. Ce halo mystérieux - que refuse obstinément notre époque - est pourtant essentiel à la vie véritable.

C'est ce halo qui fait que certains événements de la banalité courante rentrent dans notre "mythologie personnelle". Une vie sans "halo autour des choses" est une vie sans caisse de résonnance, réduite à une équation libérale, à un contrat à durée déterminée, à bilan de santé.

Autrement dit, l'équation, c'est le mythe moins la magie de la vie, moins l'inattendu, moins l'espérance ; c'est l'avènement de l'enfant de la mère inutilement né" (Aragon). Nous y sommes.

Ce halo enchanteur, c'est aussi le seul antidote véritablement efficace contre l'utilitarisme, "cette idée toxique, que l'économie pourrait résoudre l'essentiel de nos problèmes" (Alain de Benoist).

Avec le recul, on se rend compte que le procès de Brasillach, c'est aussi le procès de ce halo autour des choses, le procès de la "collaboration" avec l'enfance, avec la poésie de la vie.

Tuer un poète, ce n'est pas très difficile et cela rend possible toutes les lâchetés et les renoncements à venir. Cela rend possible la surexploitation des sols, les surdoses de sulfate et les poulets aux hormones. Il fallait tuer Brasillach pour que les multinationales remportent définitivement la guerre et pour que les peuples la perdent.

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La "mythologie personnelle" décrite dans Comme le temps passe, cela veut dire se remettre à l'écoute de la vie et de son récit.

Comme le temps passe est en effet le contraire même de "ces romans réalistes sans rivage" que fustigeait justement Aragon. Roman énigmatique ou autre chose qu'un roman, telle est la question ? Pour moi, on peut mettre Comme le temps passe dans le genre du roman comme on peut chausser un soulier d'une demi-pointure qui n'est pas la sienne. C'est possible mais pas très confortable.

Connaissez-vous beaucoup de romans avec pour incipit "Au commencement, il y eut le paradis terrestre" ? Avec Adam et Eve qui parlent dans la préface ? Un roman dont les lumineux accidents narratifs invitent à découvrir sa "mythologie personnelle" ? Moi, je n'en connais qu'un et c'est Comme le temps passe.

Dès la première ligne, le lecteur est en effet prévenu : les pages qui suivent relatent une histoire avec des personnages personnifiés à minima (on ne connaît que leurs prénoms) et une trame narrative qui conduisent moins à "définir" une "histoire" romanesque qu'à "infinir" sa propre vie.

"Infinir sa propre vie", en explorer les couches, les ciels, en percer l'intime secret, rien que cela ! En d'autres termes, ce roman vise à nous faire entendre notre "légende narrative", le récit, voire le récital, qui nous précède et dont chacun est tributaire, sans que nous en soyons conscients. Et cette découverte est aussi essentielle à la vie que l'oxygène que nous respirons.

Je parle avec le coeur, sans faux semblants, sans le recours à ce métalangage universitaire, ronronnant et velléitaire. Même si cette liberté de ton a un prix, même si elle me coûte peut être les fatwas des spécialistes aigris et des maîtres censeurs. Mais qu'importe ! Je persiste et signe : j'affirme que Comme le temps passe n'est pas à proprement parler un "roman".

Si Comme le temps passe, oeuvre hiéroglyphique de l'enfance, est "autre chose" qu'un roman, alors qu'est-il exactement ?

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Il y a tout d'abord un ton onirique général qui entoure le texte. Tel Ulysse conduit par les Phéaciens, le lecteur se retrouve sur Ithaque, un beau matin. Comme le temps passe nous conduit sur les rivages de notre enfance rêvée et de nos premiers amours. Bien qu'onirique, le décor du roman est ancré (et encré) par un espace circonstancié et non dans les brumes surréalistes. La côte catalane, les îles Baléares sont tout-à-fait repérables sur une carte.

Même si le texte de Brasillach nous entraîne dans une vision onirique, elle est celle des rêves éveillés et éveilleurs qui prolongent le réel et non des sommeils insondables.

Nous apprenons par exemple que le métier de René est vendeur d'automobiles, activité on ne peut plus concrète. Nous apprenons que les parents de René et de Florence ont disparu dans un accident ferroviaire. Cela aussi, voyez-vous, c'est concret comme une pierre.

D'autres accidents narratifs émaillent le récit. Par exemple, cette scène cocasse où la vieille auto de René tombe en panne, digne d'une scène à la Louis de Funès (On peut aisément imaginer le "coup de la panne" !).  La scène de l'auto rappelle à Florence (qui se trouve dans l'auto au côté de René) une scène heureuse de son enfance. Florence se revoit en effet en compagnie de son ânesse qui s'arrête soudainement. Impossible de repartir même en tirant sur l'attelage de l'animal entêté ! D'apparence anecdotique, cette scène (qui ne dure qu'un court paragraphe) est pour moi hautement significative.

Les traces du conte dans le roman brasillacien, les animaux dont il ne manque que la parole.

Nous savons depuis les travaux des anthropologues du monde animal, que le traitement infligé aux animaux par une société, métaphorise le degré d'humanité de cette société. Un baromètre qui indique presque objectivement ce qu'une société cache.

Essayons de relire cette scène de l'ânesse à l'aune de cet axiome. Le templum augural de cette scène, elle nous dit quoi ?  Elle nous révèle quoi de l'univers de Brasillach ? L'auteur fait de cette ânesse un "personnage mythologique". L'auteur nous précise ensuite qu'elle marche au rythme du "pas ecclésiastique", signe de la tradition chrétienne dans laquelle s'inscrit Brasillach. L'auteur campe avec cette ânesse un personnage à part entière dont il ne manque, au fond, que la parole.

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Les animaux, dans les romans, jouent aussi leur rôle. Mais ils en sont rarement les acteurs centraux. Le roman moderne met en scène des personnages, réels ou imaginaires.

Il en va tout autrement de ces contes de Grimm qui firent la joie de ma jeunesse. Ces derniers mettent en scène des animaux qui parlent "pour de vrai". Dans les contes, les grenouilles parlent aux princes ; les oiseaux élisent leur roi et racontent des histoires. Dans les contes de fée, les animaux ont la parole.

Avec ses animaux "mythiques" mais qui ne parlent pas, Comme le temps passe est donc à la fois "plus" qu'un roman, mais "moins" qu'un conte. Il serait en effet excessif de qualifier ce texte de conte de fée. Une seule fois, l'auteur précise qu'"il y eut un temps où les animaux parlaient". La rupture avec le conte est donc assumée. Le premier chapitre du "roman" décrit trois ou quatre poules ("dont l'une vécut très vieille et boitait"), une demi-douzaine de chats, un chien et un flamant rose "qui lui aussi fait partie de la mythologie personnelle" des enfants. Une maison, un jardin, des jeux qui trainent sur le sol et un jardin, un jardin surtout "où il semblait que toute l'existence devait s'écouler". On apprend aussi que les animaux de cette arche "suivent les enfants" lorsqu'ils empruntent le chemin menant à la mer.

Chez Brasillach, les animaux suivent les enfants, les rois du jardin. Dans le conte de fée, c'est généralement le contraire. Les animaux sont à la fois des messagers mais aussi des acteurs, des "personae" au sens grec du terme (per sonna, "pour le son") à part entière. Brasillach précise qu'"un jour les animaux parlaient" ce qui indique qu'ils ne parlent désormais plus. L'aigrette fait cependant partie de la "mythologique personnelle" des enfants, comme l'ânesse de Florence, mais ils ne parlent cependant pas à la première personne comme dans les contes de fée.

Bref, il ne manque aux animaux de Brasillach que la parole pour faire de Comme le temps passe un conte à part entière.

L'ânesse est un animal bourru ! Elle supporte mal l'attelage que Florence essaie de lui fixer sur le dos. Elle refuse subitement d'avancer, et a même semble-t-il, fait tomber d'un coup de patte le marque-page inséré dans le livre !

Vous rendez-vous compte ! Cela fait trois jours que je recherche en vain le passage de l'ânesse !

Trois jours que l'ânesse se joue de moi ! C'est dire la magie de Comme le temps passe qui est tout autre chose qu'un roman sans rivage, ni roman, ni un conte de fée. Alors qu'est-t-il ?

Il relève peut être d'un genre narratif situé "quelque part" entre le roman et le conte que l'on pourrait dire "le roman mythologique" - en tout cas un espace narratif où l'ânesse de Florence attend le lecteur pour une promenade à travers les mots...

Frédéric Andreu-Véricel

Contact : fredericandreu@yahoo.fr

dimanche, 27 décembre 2020

Eliade et Cioran : l’échange épistolaire sur la fin de l'Europe

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Eliade et Cioran : l’échange épistolaire sur la fin de l'Europe

Par Andrea Scarabelli

Ex : https://blog.ilgiornale.it/scarabelli

Le 22 avril 1986, Mircea Eliade meurt à Chicago. Il avait perdu connaissance deux jours auparavant, abandonné dans sa chaise de lecture : il tenait dans ses mains un livre fraîchement imprimé, contenant un portrait de lui-même, aussi net que sacrément génial. Il s'agissait du livre Exercices d'admiration ; son auteur, Emil Cioran, il l’avait rencontré pour la première fois, de nombreuses années auparavant, autant dires plusieurs vies antérieures, en 1932 de l'autre côté de l'océan. L'"ontologue" Constantin Noica le lui avait présenté. De retour d'une conférence sur Tagore, Eliade était alors l'enfant prodige de la "jeune génération" qui s'était surtout rassemblée autour du "Socrate roumain" Nae Ionescu, chef spirituel d'un groupe d'intellectuels nés à l'aube du XXe siècle, dont beaucoup se sont ensuite répandus à travers l'Europe et le monde dans ce qui fut l'une des dernières diasporas modernes. L'une des plus fécondes, comme l'a souligné Adolfo Morganti il y a quelques années dans le numéro d'Antarès consacré à ce sujet. Elle a dispersé dans le monde entier des génies absolus tels que Cioran et Eliade mais aussi, notamment, Ioan Petru Culianu et Paul Celan, sans oublier Eugène Ionesco, Camilian Demetrescu et Vintilă Horia (selon qui, comme l'indique le titre de l'une de ses œuvres les plus célèbres, même Dieu est né en exil).

41V8pVT+FQL._SX308_BO1,204,203,200_.jpgEntre les deux hommes, presque des contemporains, séparés par seulement quatre ans de vie, est née une amitié qui - entre les hauts et les bas de l’existence, comme cela arrive souvent aux hommes dotés de caractère et de profondeur spirituelle - a duré jusqu'à la fin des jours d'Eliade (Cioran le suivra en 1995). Un monument littéraire à cette relation de longue durée entre deux géants de l’esprit est Una segreta complicità  (Adelphi), la première édition mondiale de la correspondance entre les deux exilés roumains, d'où émerge une incroyable complémentarité, mêlée d'antagonisme, souvent non exempte de virulente controverse, comme le rappellent les deux éditeurs, Massimo Carloni et Horia Corneliu Cicortaş, mais toujours sous la bannière d’une entente secrète que Cioran a témoigné à Eliade le jour de Noël 1935 :

"Bien que j'éprouve une sympathie infinie pour vous, je ressens parfois le désir de vous attaquer, sans argument, sans preuve, et sans idées. Chaque fois que j'ai eu l'occasion d'écrire quelque chose contre vous, mon affection s'est accrue. Envers tous les gens que j'aime, j'ai un sentiment si complexe, chaotique et ambigu, que le simple fait d'y penser me donne le vertige. Je suis peut-être le seul, parmi les amis que vous avez, à comprendre vos accès de colère, votre désir de supprimer la continuité de la vie".

C'est, après tout, l'expression vivante d'un personnage titanesque, qui survit non seulement dans la lutte, mais peut-être précisément grâce à la lutte, l'incarnation d'une vision tragique du cosmos, mais en même temps une force vitaliste et foudroyante (ceux qui croient que le sentiment tragique implique une conception sombre et pessimiste de l'existence devraient lire quelque passagers de l’oeuvre de Nietzsche).

Mais l'intérêt de cette correspondance n'est pas seulement biographique. En plus d'enregistrer les étapes et les bifurcations de deux vies exemplaires et paradigmatiques, la succession des lettres - surtout les toutes premières, plus intéressantes de ce point de vue - rend compte directement d'une civilisation à l'agonie, étouffée par la pression des événements, un kaléidoscope des tragédies du XXe siècle, un sinistre prélude à la catastrophe finale, qui retirera à jamais l'Ancien Monde de la liste des acteurs de l'Histoire du Monde. Eliade écrivit à Cioran ce qui suit en novembre 1935, depuis Bucarest:

"Ces dernières semaines, je n'ai fait que penser à la fin apocalyptique de notre époque. J'ai la conviction que tout va s'arrêter très bientôt, peut-être même dans trente, quarante ans ; l'art, la culture, la philosophie - tout ira en enfer. Tout ce qui concerne notre époque (Kali-yuga) va s'effondrer de manière apocalyptique. L'Europe est en train de craquer - de stupidité, d'orgueil, de luciférisme, de confusion. J'espère que la Roumanie n'appartient plus à ce continent qui a découvert les sciences profanes, la philosophie et l'égalité sociale".

Ceux qui naguère auraient défini ces mots comme des "prophéties noires" n'ont qu'à considérer l'état "culturel" actuel de notre civilisation. En comparaison, ces perspectives ne sont peut-être que trop édifiantes.

17928284.jpgDe même, la différence entre deux visions du monde opposées concernant l'Est et l'Ouest apparaît chez les deux hommes, Cioran cherchant pour ainsi dire à trouver un Est dans l'Ouest, et Eliade étant poussé à aller dans la direction opposée, sans toutefois se laisser aller à l'exotisme facile, tant à la mode à l’époque que maintenant. Il écrit à Cioran le 23 avril 1941 depuis Lisbonne, où il séjourne en tant qu'attaché de presse à la légation roumaine (le magnifique Journal portugais, publié en italien par Jaca Book, témoigne de son séjour en terres lusitaniennes) : "Vivant face à l'Atlantique, je me sens de plus en plus attiré par des géographies qui m'étaient autrefois insignifiantes. J'essaie de trouver mon salut en dehors de l'Europe. Vasco de Gama est toujours arrivé en Inde".

D'ailleurs, avant que son imagination ne revienne des rives ensoleillées de la Lusitanie, l'historien des religions avait été physiquement en Inde une décennie plus tôt. De 1928 à 1931, pour être précis, avant d'être diplômé en 1933 de l'université de Bucarest. Il avait retravaillé et élargi sa thèse de doctorat (dont la version originale a été récemment publiée par les Edizioni Mediterranee, éditée par Cicortaş) pour en faire le volume Yoga. Essai sur les origines du mysticisme indien, publié en 1936 et rapidement envoyé à Cioran, qui le commente comme suit : "En lisant votre Yoga, j'ai réalisé à quel point je suis européen. À chaque étape, j'ai comparé Nietzsche avec lui. Je me sens plus proche des derniers bolcheviks ou derniers hitlériens que de la technique de la méditation. Vos raisons de revenir d'Inde me lient à une vision politique de l'univers".

9782070328444_1_75.jpgLeur relation épistolaire et humaine survivra à cette Europe dont ils avaient tous deux rédigé le rapport d’autopsie, vivant en ses derniers moments comme l’on vit la fin d'une saison, avec cette amère conscience qui transparaît d'une note du Journal portugais d'Eliade datant de novembre 1942 (un an après la lettre précitée) et écrite dans la ville espagnole d'Aranjuez avec ses mille palais et jardins caressés par le Tage : "Le palais rose. Les magnolias. A côté du palais, des groupes de statues en marbre. Vous pouvez entendre le bruit des eaux du Tage qui se déversent dans la cascade. Une promenade dans le parc du palais : de nombreuses feuilles sur le sol. L'automne est arrivé. Les rossignols. Le minuscule labyrinthe d'arbustes. Des bancs, des ronds-points. Nous sommes les derniers". J'aime à penser que dans cette lointaine année 1942, dans l'œil de la tempête, Eliade parlait implicitement de lui et de son vieil ami, à des centaines de kilomètres de là, mais partageant avec lui un destin bien plus élevé, que même la tragédie européenne qui a suivi n'a pas pu écraser.

A partir de 1945, pendant onze ans, ils vivent tous deux à Paris, puis Eliade s'installe aux Etats-Unis, où il reste jusqu'à la fin de ses jours, rencontrant Cioran en France pendant les vacances d'été. Ces "deux Roumains de la ‘jeune génération’, jetés par le destin en Occident" ne cesseront jamais de s'écrire, avec leur patrie tourmentée désormais loin derrière eux, dans une relation destinée à dépasser ce Minuit de l'Histoire qu'était le XXe siècle ("Tout est religieux, puisque l'histoire ne l'est pas" écrivait Cioran à Eliade en 1935, faisant inconsciemment écho au concept de terreur de l'histoire qu'Eliade développerait dans ses écrits, l'idée qu'en dehors de la sphère du sacré, l'histoire s'épuise dans un ensemble d'abattoirs).

Leur relation n'a cessé de se poursuivre, au-delà de l'histoire, au-delà de la douleur: en découvrant le portrait dessiné par son ami, il semble qu'Eliade, juste avant de fermer les yeux et de ne plus jamais les ouvrir, ait souri.

Laurence Debray: Souvenirs d’une jeune fille bien rangée

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Laurence Debray: Souvenirs d’une jeune fille bien rangée

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Livre-Debray.jpgIl n’y a pas de grand homme pour son valet de chambre. Il n’y a pas non plus de grand penseur pour sa fille aînée. Avec Fille de révolutionnaires, la journaliste macronienne Laurence Debray a ravi tous les détracteurs de son père, Régis Debray. La photographie du bandeau de la couverture attire déjà l’attention. On la voit presque au garde-à-vous devant une porte tenant un fusil. À l’âge de dix ans, elle séjourne en juillet dans un camp des Jeunesses communistes à Cuba où elle apprend entre autres à manipuler des armes. Un mois plus tard, elle participe à un camp de jeunes aux États-Unis. En accord avec sa mère d’origine vénézuélienne, Elizabeth Burgos, son père veut qu’elle prenne enfin partie. À Cuba, la jeune fille découvre que chaque matin commence par la cérémonie des couleurs cubaines et des autres nationalités présentes. Elle observe que « si le communisme prêche l’égalité, un bon communiste est meilleur que les autres et doit sans cesse le prouver (p. 246) ». Entre le modèle castriste et l’exemple yankee, elle choisit finalement « la vieille Europe, assez modérée et confortable : on y mange bien, lit bien, dort bien (p. 253) ».

Adulte, après une scolarité franco-espagnole ponctuée de nombreuses fugues, Laurence Debray travaille deux années dans une banque à New York avant de se reconvertir dans le journalisme et d’écrire une biographie sur son héros qui a dû dernièrement bien la décevoir, le félon royal Juan-Carlos. Épouse d’Émile Servan-Schreiber, fils de Jean-Jacques, elle côtoie depuis l’enfance tout le petit monde germano-pratin de la gauche bien-pensante. Elle a discuté avec Danièle Mitterrand et Lucie Aubrac. Elle a aussi bénéficié de cours particuliers de la part du couple Blandine Kriegel – Alexandre Adler. Certains traumatismes ne guérissent jamais. L’auteur ne cache pourtant pas son admiration pour sa grand-mère paternelle, Janine Alexandre – Debray, conseillère de Paris et éphémère sénatrice gaulliste de la capitale. Elle signale que sa famille est apparentée aux Ritzen. Elle aurait pû rappeler que l’oncle de son père était Pierre Debray-Ritzen, ce médecin proche de la Nouvelle Droite hostile à la psychanalyse.

770f0d966f0540bae7baf410856bfce1.jpgElle dépeint des parents entièrement préoccupés par la politique au point qu’ils ne s’en occupent guère. Ses jeunes années sont surtout marquées par l’incessante traque parentale de Klaus Barbie dont le procès télévisé va marquer le début de l’ère de l’hypermnésie victimaire. Elle insiste en outre longuement sur les années de son père passées à La Havane aux côtés de Fidel Castro et du Che ainsi que sur sa période de guérillero en Bolivie et sur les conditions éprouvantes de détention. Ambassadeur de France à La Paz, l’ancienne barbouze en chef anti-OAS, Dominique Ponchardier, aidera beaucoup le détenu et ses parents.

Au cours de sa détention, Régis Debray écrit une lettre restée confidentielle au Général de Gaulle. Sa fille relève que « certains déclarent aujourd’hui que le gaullisme paternel lui est venu sur le tard, après son désenchantement mitterrandien. Ils ne savaient pas que mon père avait collé sur un mur de sa cellule la couverture d’un Paris Match montrant le général en uniforme (p. 120) ». Ainsi À demain de Gaulle (1990) révèle-t-il une inclination plus ancienne, déjà perceptible dans La puissance et les rêves (1984) et Les Empires contre l’Europe (1985).

Laurence Debray pose un regard désabusé sur son adolescence. Du manque d’implication de ses parents dans son éducation et des oppositions vives qui en découlent, elle reconnaît volontiers : « Je compris plus tard que j’habitais plus une langue qu’un pays. Je n’ai plaisir qu’à lire et écrire en français; l’espagnol et l’anglais resteront des langues utilitaires et fonctionnelles. J’ai une patrie littéraire qui me tient bien de patrie tangible. Elle est très pratique, on peut l’emmener partout avec soi (p. 244). » Quand le nomadisme adopte un Ersatz d’enracinement…

Fille de révolutionnaires traduit bien l’introspection d’une pauvre petite fille des beaux quartiers de Paris, aujourd’hui mère de famille, nostalgique d’une confrontation toujours reportée avec l’autorité parentale. Les effets sociétaux de Mai 68 nuisent à tous, y compris et surtout à la progéniture des révolutionnaires de gauche.

Georges Feltin-Tracol

• Laurence Debray, Fille de révolutionnaires, Stock, 2017, 312 p., 20 €.

Le livre est désormais disponible en version "poche":

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vendredi, 25 décembre 2020

Réflexions sur la Vingt-Cinquième heure de Virgil Gheorgiu à l'heure du Covid et du confinement

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Réflexions sur la Vingt-Cinquième heure de Virgil Gheorgiu à l'heure du Covid et du confinement

par Nicolas Bonnal

Ex: https://nicolasbonnal.wordpress.com

La vingt-cinquième heure ? C’est selon Virgil Gheorgiu : « Le moment où toute tentative de sauvetage devient inutile. Même la venue d’un messie ne résoudrait rien. »

10364170._SX318_.jpgNous y sommes car nous avons devant nous une conspiration avec des moyens techniques et financiers formidables, une conspiration formée exclusivement de victimes et de bourreaux volontaires. On a vu les bras croisés le cauchemar s’asseoir depuis la mondialisation des années 90 et la lutte contre le terrorisme, puis progresser cette année à une vitesse prodigieuse, cauchemar que rien n’interrompt en cette Noël de pleine apostasie catholique romaine. La dégoutante involution du Vatican s’est faite dans la totale indifférence du troupeau de nos bourgeois cathos, et on comprend ce qui pouvait motiver Drumont, Bloy ou Bernanos contre une telle engeance de bien-pensants. Un pour cent ou un pour mille de résistants ? Le reste s’est assis masqué et a applaudi.

La situation est pire que sous le nazisme ou le communisme, car à cette époque elle était localisée. Il y a des Thomas Mann, il y a des Soljenitsyne pour témoigner, pour tonner contre, comme dit Flaubert. Là, la situation techno-nazie de Schwab et consorts est et sera globale. La crise du virus a déclenché une solution totalitaire planétaire et des expédients ubiquitaires et démentiels. Certes c’est surtout l’occident la cible, et cette vieille race blanche toujours plus gâteuse, que je mettais en garde il y a  dix (Lettre ouverte) ou trente ans (La Nuit du lemming). Mais c’est le propre des Cassandre de n’être jamais crus ou des Laocoon d’être étouffés par les serpents. Lisez dans Virgile l’entrée du cheval dans la cité de Troie pour comprendre. Après la mort de Laocoon le peuple troyen enjoué abat les murs et laisse entrer la machine pleine de guerriers. Allez, un peu de latin :

Diuidimus muros et moenia pandimus urbis.

005705267.jpgNous sommes donc à la veille d’une gigantesque extermination et d’un total arraisonnement. Et tout cela se passe facilement et posément, devant les yeux des victimes consentantes ou indifférentes que nous sommes. Nous payons ici l’addition de la technique et de notre soumission. De Chateaubriand à Heidegger elle a été rappelée par tous les penseurs (voyez ici mes chroniques). C’est cette dépendance monotone qui nous rend incapables de nous défendre contre les jobards de l’économie et de l’administration qui aujourd’hui veulent faire de leur troupeau humain le bifteck de Soleil vert ou les esclaves en laisse électronique. Et le troupeau est volontaire, enthousiaste comme disait Céline avant juin 40.

Chateaubriand dans ses Mémoires :

« Au milieu de cela, remarquez une contradiction phénoménale : l’état matériel s’améliore, le progrès intellectuel s’accroît, et les nations au lieu de profiter s’amoindrissent : d’où vient cette contradiction ?

C’est que nous avons perdu dans l’ordre moral. En tout temps il y a eu des crimes ; mais ils n’étaient point commis de sang−froid, comme ils le sont de nos jours, en raison de la perte du sentiment religieux. A cette heure ils ne révoltent plus, ils paraissent une conséquence de la marche du temps ; si on les jugeait autrefois d’une manière différente, c’est qu’on n’était pas encore, ainsi qu’on l’ose affirmer, assez avancé dans la connaissance de l’homme ; on les analyse actuellement ; on les éprouve au creuset, afin de voir ce qu’on peut en tirer d’utile, comme la chimie trouve des ingrédients dans les voiries. »

9782266002622-fr.jpgVoilà pourquoi les parlements et les administrations ne seront arrêtés par rien. Et le troupeau renâclera peut-être trois minutes mais il se soumettra comme les autres fois sauf qu’ici ce sera global et simultané. Quant aux minorités rebelles (1% tout au plus) le moins que l’on puisse dire c’est qu’elles ne sont pas très agissantes…

Dans la vingt-cinquième heure Virgil Gheorghiu dénonce avec son personnage Trajan notre déchéance liée au progrès, au confort, à la technique, à la bureaucratie, ce qu’on voudra. Et cela donne :

« Nous apprenons les lois et la manière de parler de nos esclaves pour mieux les diriger. Et ainsi, peu à peu, sans même nous rendre compte, nous renonçons à nos qualités humaines, à nos lois propres. Nous nous déshumanisons, nous adoptons le style de vie de nos esclaves techniques… »

Cela explique pourquoi l’homme moderne fils des droits constitués et pas gagnés se laisse liquider partout si commodément.

« L’homme moderne sait que lui-même et ses semblables sont des éléments qu’on peut remplacer. »

Celui qui ne veut pas de leur ordre nouveau sera liquidé ou marginalisé (pas de restau, de magasin, de transport, d’eau, d’électricité). Georghiu, futur prêtre orthodoxe, le dit :

« Ceux qui ne respectent pas les lois de la machine, promue au rang des lois sociales, sont punis. L’être humain qui vit en minorité devient, le temps aidant, une minorité prolétaire. »

L’humain déshumanisé, Gheorghiu l’appelle le citoyen technique :

« Les esclaves techniques gagneront la guerre. Ils s’émanciperont et viendront les citoyens techniques de notre société. Et nous, les êtres humains, nous deviendrons les prolétaires d’une société organisée selon les besoins et la culture de la majorité des citoyens, c’est-à-dire des citoyens techniques. »

unnamedqsjvg.jpgEt comme Chateaubriand Gheorghiu rappelle :

« Dans la société contemporaine, le sacrifice humain n’est même plus digne d’être mentionné. Il est banal. Et la vie humaine n’a de valeur qu’en tant que source d’énergie. »

Et de conclure moins lugubre que visionnaire :

« Nous périrons donc enchaînés par les esclaves techniques. Mon roman sera le livre de cet épilogue… Il s’appellera la vingt-cinquième heure. Le moment où toute tentative de sauvetage devient inutile. Même la venue d’un messie ne résoudrait rien. Ce n’est pas la dernière heure : c’est une heure après la dernière heure. Le temps précis de la société occidentale. C’est l’heure actuelle, l’heure exacte. »

Je dis moins lugubre que visionnaire car il est temps de voir et de dire que tout cela est au final scientifique et juste, comme disait l’orthodoxe Vladimir Volkoff. Volkoff disait que le bolchévique c’est celui qui en veut plus, idéaliste, progressiste, banquier central, militaire ou agent secret ou même journaliste. Le troupeau c’est celui qui n’y croit pas ou ricane et de toute manière  se soumet. C’est celui qui en veut moins. C’est le troupeau des troyens euphoriques.

PS. Gheorgiu écrit aussi : Pour finir les hommes ne pourront plus vivre en société en gardant leurs caractères humains. Ils seront considérés comme égaux, uniformes et traités suivant les mêmes lois applicables aux esclaves techniques, sans concession possible à leur nature humaine. Il y aura des arrestations automatiques, des condamnations automatiques, des distractions automatiques, des exécutions automatiques. L’individu n’aura plus droit à l’existence, sera traité comme un piston ou une pièce de machine, et il deviendra la risée de tout le monde s’il veut mener une existence individuelle. Avez-vous jamais vu un piston mener une vie individuelle ? Cette révolution s’effectuera sur toute la surface du globe. Nous ne pourrons nous cacher ni dans les forêts, ni dans les îles. Nulle part.

Virgil Gheorghiu – La vingt-cinquième heure

https://chroniquesdepereslavl.blogspot.com/2020/12/guerre-contre-lhomme.html

mardi, 22 décembre 2020

Les amoureux de la fin du monde : le mouvement chrétien sioniste

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Les amoureux de la fin du monde : le mouvement chrétien sioniste

Introduction au livre « Les amoureux de la fin du monde ». Sur le mouvement chrétien sioniste

par Francisco José Fernàndez-Cruz Sequera

"Je bénirai ceux qui te béniront, et je maudirai ceux qui te maudiront ; et en toi seront bénies toutes les familles de la terre ».

Genèse 12:3.

Une croyance, c’est un modèle mentalement produit au départ d'un fait, réel ou imaginaire, qui cherche simultanément à satisfaire un désir, parfois perçu comme un besoin par l'individu, modèle pour lequel une explication rationnelle est inconnue ou inacceptable. Les individus qui partagent une croyance ou un modèle idéal, rendent bien compte de cette définition. Cela donne lieu à la naissance de dogmes, posés comme s'il s'agissait de faits réels. Ces dogmes élaborent des normes morales conséquentes, nécessaires pour les maintenir dans la durée.

Cette croyance irrationnelle donne lieu à l'apparition de formes de pensée que nous appelons « pensée magique » et « pensée religieuse », qui se situent au même niveau en ce qui concerne leur vérification empirique. La magie [1] et la religion [2] sont des modi operandi d’une pensée, qui se connecte à un type de connaissance sans fondement rationnel, en prétendant que la pensée religieuse a son origine dans une connaissance révélée par une divinité. Par conséquent, ce type de pensée place son origine dans un mystère, compris comme englobant toute réalité qui dépasse les possibilités humaines de leur compréhension. Julio Caro Baroja[3] a déclaré que la religion et la magie dans le monde ancien faisaient partie d'un seul et même système, dans lequel les rites religieux étaient souvent liés à des actes magiques, et que chaque groupe de croyances religieuses avait sa propre magie particulière. Cela étant, on peut affirmer que la pensée magique consiste en un mode de pensée et de raisonnement qui conduit à tirer des conclusions ou des idées basées sur des hypothèses non justifiées empiriquement, souvent de nature surnaturelle, en attribuant une relation de cause à effet, soit un lien logique de cause à effet, entre elles, pour expliquer un phénomène extérieur à la personne elle-même.

La pensée magique est une forme de raisonnement, dans laquelle la logique déductive rationnelle est utilisée pour expliquer une réalité extérieure, pour expliquer le fonctionnement de celle-ci, sans aucun support empirique. Comme on dirait vulgairement, c'est "tricher dans la solitude"... pour toujours gagner. Ainsi, la pensée magique projette les propriétés de son expérience psychologique sur une réalité biologique ou inerte, avec un but ou une intention prédéterminée. Elle consiste à croire que les pensées personnelles en soi peuvent avoir des effets sur la réalité en dehors de la personne ou du groupe, ou que penser à quelque chose équivaut à le faire. Il s'agit donc d'un type de raisonnement causal qui cherche des coïncidences entre des actes et des événements, ce qui génère la croyance erronée que ses propres pensées, paroles ou actions vont causer ou éviter un fait concret, d'une manière qui défie les lois naturelles de cause à effet communément acceptées par la logique et la science. S'inscrit également dans la pensée magique, le transfert de concepts issus de l'observation biologique, sur la manière dont fonctionnerait la nature inanimée. La conséquence de ce qui précède est que le sujet ou le groupe social dans lequel il est intégré, attribue des relations causales entre des actions et des événements qui ne sont pas rationnellement liés entre eux, ou dont le lien de causalité logique n'est pas empiriquement démontrable, et que le consensus scientifique n'accepte pas comme valables.

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Cette façon de penser est prédominante en matière de religion, de religiosité populaire et de superstition, car dans ces formes de pensée, on part d'un présupposé qui met en relation les rituels religieux, les prières, les sacrifices ou l'observance d'un tabou ou les croyances non critiques dans les dogmes, avec certaines attentes de sanction, de bénéfice et de récompense dans la réalité matérielle actuelle, ou dans une hypothétique réalité future ou parallèle de caractère surnaturel. En psychologie clinique, elle peut amener un patient à éprouver la peur d'accomplir ou de s'abstenir d'accomplir certains actes, ou d'héberger certaines pensées, en raison de sa croyance dans la corrélation entre ce comportement et son résultat souvent désastreux pour lui-même.

A tout moment et en tout lieu, la pensée magique a pris une forme religieuse pour tenter d'expliquer, par son eschatologie, l'origine et la fin du monde. Il y a toujours eu des groupes religieux qui, à partir d'une croyance irrationnelle, ont fixé la date, le jour et l'heure de la fin du monde ou de la « fin des temps » ; mais, au moins jusqu'au moment d'écrire ces lignes, celle qui annonçait la fin des temps ou du monde, n'est pas arrivée.

Les chrétiens n'ont pas été étrangers à cette vision magique de l'existence, héritée dans leur cas des juifs dont sont issues leurs croyances. Dans le judaïsme, les différentes écoles rabbiniques associées à des traditions différentes, associent l'arrivée d'un "sauveur" du peuple "choisi" par leur Dieu, le Messie, comme un signe eschatologique, qu'elles attendent depuis des milliers d'années comme un événement historique, variant notamment de l'une à l'autre, sans préjudice du fait que toutes partagent leur origine dans les prophéties du Tanakh, ou canon hébreu de la Bible, et fondent leur croyance sur des interprétations consolidées dans la littérature rabbinique. Il en va de même pour l'idée de la restauration du Temple de Jérusalem, ou pour celle du retour du peuple d'Israël sur la "Terre promise", qui sont également comprises et interprétées comme des prophéties eschatologiques ou des événements historiques futurs d'occurrence inexorable. Et cette diversité de croyances et d'interprétations ayant le même fondement, s'étend à des questions telles que la résurrection des morts, le jugement final, la création ou le gouvernement divin. Il n'est donc pas surprenant que l'eschatologie chrétienne soit si proche de celle du judaïsme, puisqu'elle se fonde sur les évangiles du premier siècle qui reflètent la tradition juive et sur les enseignements des théologiens ultérieurs basés sur cette tradition.

Les premiers chrétiens attendaient avec impatience la seconde venue du Christ[4], et cette croyance avait sa raison d'être dans les revendications mêmes de Jésus, le rabbin à l'origine du mouvement chrétien. Selon les textes de ses propres disciples, il a annoncé son retour après sa propre mort : "En vérité, je vous le dis, il y en a ici qui ne mourront pas avant d'avoir vu le Fils de l'homme venir dans son royaume" (Mt. 16, 28).

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Mais les chrétiens de l'Église primitive, après les premières décennies sans le retour de celui qu'ils reconnaissaient comme le fils de Dieu, ont réalisé que l'histoire pouvait durer beaucoup plus longtemps qu'ils ne le pensaient initialement, ce qui a amené certains à s'interroger sur l'accomplissement de la prophétie du Nouveau Testament, en disant

"Qu'est-il advenu de la promesse que le Christ viendrait, car depuis la mort de nos ancêtres, tout est resté le même depuis que le monde a été fait ?" (2 Pet. 3:4) [5]

Et l'apôtre Pierre leur répondit : "Frères, n'oubliez pas que pour le Seigneur, un jour est comme mille ans, et mille ans sont comme un jour. (2 Pet. 3:8).

À partir du cinquième siècle, le christianisme a dû faire face à la concurrence d'autres religions ou d'initiatives philosophiques comme le mithraïsme, qui a donné lieu à des pratiques de sortilèges et d'incantations, en plus de l'astrologie ; ou à des doctrines d'un niveau spirituel excentrique comme le néoplatonisme, contre lequel le christianisme, par le biais de la controverse philosophique, s'est battu. L'aspect le plus important de ce débat est peut-être la différenciation ultérieure entre la theurgia, magie cérémonielle, propre à une vision du monde donnée ; et la goeteia, qui en vient à être la "magie inférieure", peut-être associée par la suite à la "magie noire".

Une fois le monde antique détruit par le christianisme, et établi comme seule religion pouvant être professée, déjà au cours du Moyen Age et de la Réforme protestante, la théologie chrétienne a traité des quatre derniers états de l'être humain : la mort, le jugement, l'enfer et la gloire ; qui s'expliquent à partir de l'eschatologie chrétienne, en partant de la prophétie des événements qui sont censés se produire, de la Grande Tribulation, dans laquelle le rôle de l'Antéchrist deviendra prépondérant, à la Parousie, "glorieuse venue" ou seconde venue de Jésus-Christ, puisque la première se serait produite entre l’an 6 av. J.C. et la fin de l'existence de Jésus, coïncidant avec la "fin des temps".

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Sur la base de ces éléments, les croyances chrétiennes divergent dans l'interprétation des textes et des prophéties évangéliques, forgeant leurs propres multiples versions de ce qui doit arriver. Mais ce sur quoi ils s'accordent, c'est qu'il y aura des signes qui précéderont la "fin des temps", bien qu'ils ne soient pas d'accord non plus sur ce que sont exactement ces signes. Mais, en général, prenons comme point de référence ceux annoncés par l'apôtre Paul, qui soulignait qu'après un temps d'attente, et avant la venue du Christ, trois choses devraient se produire :

1) La proclamation de l'Evangile doit atteindre toutes les nations : "Et ce message du Royaume sera prêché dans le monde entier, afin que toutes les nations le connaissent ; et alors viendra la fin" (Mt. 24:14).

2) A la fin de l'histoire, Israël sera réconcilié avec le Christ et sera sauvé : "Une partie d'Israël tiendra  jusqu'à ce que tous les païens soient entrés, alors tout Israël sera sauvé" (Rom. 11:25).

3) Et enfin, "l'apostasie générale", une crise religieuse mondiale dans laquelle l'Antéchrist régnera :

"Ne craignez aucun message spirituel comme si c'était le jour du Seigneur qui est déjà venu. Avant ce jour, la rébellion contre Dieu doit venir en premier, quand l'homme du péché qui sera assis dans le temple de Dieu et sera adoré apparaîtra, il viendra avec une grande puissance et avec des signes mensongers et des miracles. Il utilisera toutes sortes de maux pour tromper" (2 Thess. 2:1-12).

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La seule chose qu'un observateur objectif et impartial sait bien, c'est que si l’adepte d’une religion messianique de ce type n'aime pas une série d'événements ou de prévisions sur ce qui va se passer, il a tellement de possibilités de choisir qu'il trouvera difficilement une "heure de fin" à son goût et à sa mesure. Les avantages de la pensée magique.

Et la vérité est qu'il n'y a pas de mal à croire en ce que l'on veut, ni à se donner, seul ou en groupe, les explications de l'origine et de la fin de ce qui existe. Notre but n'est pas de nier l'existence d'une réalité surnaturelle, qui ne peut être démontrée empiriquement, puisque l'acceptation ou non d'une proposition religieuse ou d’une autre relève de la sphère très personnelle de chaque individu et de chaque communauté humaine. Il s'agit de mettre en évidence la volonté des juifs, des sionistes et des chrétiens sionistes de déduire de leurs croyances particulières un destin politique pour la planète entière, qui serait d'application générale, forcée et violente, imposée au reste de l'espèce humaine et à la planète entière en général. Et c'est ce qui s'est déjà produit avec différentes religions en différents lieux et à différents moments, c'est ce qui se produit aujourd'hui avec le mouvement sioniste chrétien évangélique comme bélier du sionisme et du judaïsme, qui tente de nous conduire à une guerre finale dans laquelle se réalisent les prophéties de son eschatologie biblique millénariste, née bien avant l'arrivée du premier juif en Europe et la contamination de la culture occidentale par la vision juive de l'existence. Un fait qui s'est produit grâce à l'influence de la communauté juive elle-même insérée en Europe, des hérésies chrétiennes du judaïsme et, enfin, du sionisme.

Pour commander l'ouvrage: https://editorialeas.com/producto/los-amantes-del-fin-del-mundo/

Notes :

1] L'art ou la science cachée qu'il est censé produire, par certains actes ou paroles, ou avec l'intervention d'êtres imaginaires, donne des résultats contraires aux lois naturelles.

2] Le culte de l'être humain envers les entités auxquelles sont attribués des pouvoirs surnaturels, à travers lesquels on recherche une connexion avec le divin et le surnaturel, ainsi qu'un certain degré de satisfaction spirituelle par la foi ou la dévotion, afin de surmonter la souffrance et d'atteindre le bonheur.

3] Caro Baroja, Julio. Les sorcières et leur monde. Madrid. Alianza Editorial. 1961. Pages 38 à 49.

4] "Bientôt, très bientôt, viendra celui qui doit venir et ne tardera pas" (Hebr. 10, 37). "Dieu, qui est le juge, est déjà à la porte. "La fin de toutes choses est proche" (1 P. 4, 7). "Oui, venez vite, amen. Viens, Seigneur Jésus" (Apoc. 22:20).

5] La Reina Valera est l'une des traductions espagnoles de la Bible les plus fréquemment utilisées par les protestants hispanophones. L'actuelle Reina Valera est le résultat d'une série de révisions effectuées par les Sociétés bibliques unies sur l'une des premières traductions de la Bible en espagnol: la Bible de l'ours de 1569. Dans un sens plus large, elle inclut les révisions faites par d'autres entités qui se basent sur les textes de la Reina Valera. La traduction du moine espagnol con-verti au protestantisme, Casiodoro de Reina, connue sous le nom de Bible de l'Ours de 1569, a la particularité d'être la première traduction de la Bible à être faite à partir des textes en langue originale ; utilisant le Texte Masorétique pour l'Ancien Testament, et le Textus Receptus pour le Nouveau Testament. Avant la publication de l'œuvre complète de Casiodoro de Reina, les Bibles existantes (ou une partie d'entre elles) en langue espagnole étaient des traductions faites à partir de la Vulgate de Saint Jérôme de Stridon. La Bible de l'ours a été publiée à Bâle, en Suisse, le 28 septembre 1569, et son traducteur était Casiodoro de Reina, un religieux espagnol converti au protestantisme. Elle a été surnommée Reina Valera parce que Cipriano de Valera en a fait la première révision en 1602. La Reina Valera a été largement répandue pendant la Réforme protestante du XVIe siècle. Pendant plus de quatre siècles, elle a été la seule Bible en usage au sein de l'église protestante hispanophone. Aujourd'hui, la Reine Valera, avec plusieurs révisions au fil des ans (1862, 1909, 1960, 1995, 2011), est l'une des Bibles en langue espagnole les plus utilisées par de nombreuses églises chrétiennes issues de la Réforme protestante, y compris les églises évangéliques, ainsi que par d'autres groupes confessionnels chrétiens, tels que l'Église adventiste du septième jour, l'Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, l'Église de Dieu Ministère de Jésus-Christ International, le Gideons International et d'autres chrétiens protestants non confessionnels. Avant la Réforme protestante, la traduction des Saintes Écritures dans les langues vernaculaires était interdite par le décret du Concile de Trente, et les quelques traductions qui existaient devaient prendre comme base textuelle la Vulgate latine, qui était le texte officiel de l'Église catholique. Le travail de Casiodoro de Reina a la particularité d'être la première traduction complète de la Bible en espagnol faite à partir des langues originales, en utilisant, comme mentionné ci-dessus, le texte dit Masorétique pour l'Ancien Testament, et le texte dit Textus Receptus, pour le Nouveau Testament. La Bible préalpine et la Bible alphonsine (premières versions de la Bible complète en espagnol) sont des traductions faites à partir du latin. Avant la publication de la Bible de l'Ours, il n'existait que des versions partielles de la Bible des langues hébraïque et grecque en espagnol, telles que la Bible d'Albe et la Bible de Ferrare (contenant l'Ancien Testament) et les textes de Juan Pérez de Pineda et Francisco de Enzinas (Nouveau Testament). La Bible de Casiodoro de Reina reflète la beauté littéraire de ce qu'on appelle l'âge d'or de la littérature espagnole. Dans Historia de los heterodoxos españoles, le savant catholique Marcelino Menéndez Pelayo fait l'éloge de La Biblia del Oso d'un point de vue littéraire, qu'il considère comme mieux écrite que les versions catholiques de Felipe Scío de San Miguel (1793) et Félix Torres Amat (1825).

lundi, 21 décembre 2020

Boris Nad : préface à son livre The Reawakening of Myth

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Boris Nad : préface à son livre The Reawakening of Myth

(Éditions PRAV, 2020)

https://pravpublishing.com/the-reawakening-of-myth/

indexbnreaw.jpgLe livre qui vous est présenté, The Reawakening of Myth, est la suite de deux ouvrages : The Return of Myth et The Awakening of Myth. Le premier, The Return of Myth, a été publié en Serbie en 2010. Le livre initialement intitulé The Awakening of Myth a été, pour diverses raisons, intitulé par l'éditeur Towards the Post-History of the World et publié à Belgrade en 2013. The Return of Myth était un ouvrage assez volumineux, comptant plus de trois cents pages, composé de plusieurs livres de différents genres littéraires, comprenant aussi un recueil de poésie. Le deuxième livre était une sélection d'essais explorant et abordant divers topoi mythiques. Au risque de se donner un satisfecit, on pourrait dire que, dans ces derniers livres, l'auteur a exploré des domaines très divers : de la géographie et de l'histoire sacrée à l'histoire de l'art, de la géopolitique à la mythologie, de la "théorie hyperboréenne" à la technocratie, de "l'idée du centre" et de la notion que ce centre représente réellement quelque chose qui est maintenant perdu, à l'opposition moderne entre l'Orient et l'Occident. Towards the Post-History of the World se termine par un survol de l'Apocalypse chrétienne.

L'idée fondamentale Boris Nad à travers ces travaux, c’est qu'aujourd'hui (contrairement à la préhistoire ou à la post-histoire) nous vivons dans un monde historique, un monde dont les forces mythiques se sont retirées - mais jamais entièrement. D'une manière mystérieuse, le mythe se répète dans l'histoire, que nous en soyons conscients ou non. Max Weber a discerné que nous vivons dans un "monde désenchanté" et que nous sommes condamnés à vivre dans une "cage de fer". Ce "mode de vie", qui est un signe d'éloignement du sacré et de négation de l'existence même du sacré, dont le mythe lui-même est une expression, est ce qui constitue le fondement même de l'ère moderne. Pourtant, ce constat n'est que partiellement vrai : les forces mythiques se retirent et se sont effectivement retirées, mais elles reviennent aussi et reviennent dans le monde historique, et toujours de manière inattendue. La "démythologisation" et la "re-mythologisation" sont des processus qui se produisent constamment, parfois en même temps : certains mythes disparaissent pour être remplacés par de "nouveaux" (parfois sous la forme des "anti-mythes" de l'ère moderne). Ceux-ci peuvent être "nouveaux" dans leur forme mais pas dans leur contenu, qui appartient toujours au monde des archétypes profondément enracinés. Un exemple en est le début de l'ère chrétienne, lorsque les anciens mythes ont été remplacés par de "nouveaux" mythes sur le Sauveur, dans lesquels les théologiens et les Pères de l'Église ne voyaient pas le mythe mais l'histoire littérale et véritable et, en fait, l'événement central de l'histoire (tel qu'il est enregistré et décrit dans les Evangiles).

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Une nouvelle vague de démythologisation a commencé avec le siècle des Lumières, mais ce "nouvel âge de la raison", dans lequel l'homme, pour le moins, revendique et semble avoir assumé pour lui-même l'autorité et le statut divins, n'était lui-même "qu'un mythe" - le mythe de "l'homme éclairé", peut-être celui de Prométhée, "celui qui pense vite", ou plus sinistrement, le mythe des Titans qui assaillent l'Olympe (le Ciel), le monde des dieux, et même le "père des dieux et des hommes" (Zeus).

Dans tous les cas de figure, parler de "retour du mythe" à l'époque moderne peut sembler anachronique. En effet, à l'"âge de la raison", le mythe est relégué à une place très modeste : il peut être l'objet d'études (marginales), un objet de ridicule, de mépris ou de moquerie comme s’il relevait de la "superstition" des "sauvages", comme s’il était une tentative simpliste d'"explication du monde", ou simplement une histoire amusante des temps passés qui, bien que non dépourvue d'imagination et de poésie, n'est au fond que du "délire de primitifs". La raison est censée éclairer le mythe de sa lumière froide. L'essence du mythe, cependant, échappe à la raison. Le mythe n'est ni l'histoire ni une superstition, mais une réalité intemporelle, une réalité qui n'est peut-être "jamais arrivée du tout ou nulle part", mais qui se répète constamment dans l'histoire et, de plus, est une réalité qui détermine et définit l'histoire. Un mythe n'a pas besoin d'avoir eu lieu de la manière dont il est décrit, et il n'a en fait jamais eu lieu de cette manière, mais il aurait pu avoir lieu et il a eu lieu dans une certaine mesure. Comme l'a fait remarquer Novalis dans son oeuvre : "Seul ce qui n'est jamais arrivé nulle part est vrai."

55613299._SY475_.jpgLe XXe siècle n'a pas manqué d'érudits lucides et pénétrants du mythe. Il suffit de mentionner ici deux d'entre eux : le penseur et écrivain roumain Mircea Eliade, qui a surmonté le faux dualisme du sacré opposé au profane, car "il n'y a pas d'existence profane", et l'écrivain allemand Ernst Jünger, qui réfléchissait constamment au rapport entre les mondes mythique et historique. Rappelons quelques points de référence importants d’Eliade. Selon Eliade, les images, les symboles et les mythes qui ont été oubliés ou supprimés en Occident depuis le XIXe siècle nous révèlent les modalités les plus cachées de l'être humain. Le rôle spirituel des œuvres littéraires à l'époque moderne ? Elles ont préservé et transmis de nombreux mythes, bien que parfois sous une forme dégradée. Eliade a également souligné le fait que le regain d'intérêt pour le symbolisme et le mythe en Europe occidentale a coïncidé temporellement avec l'entrée des peuples asiatiques sur la scène historique, à commencer par la révolution de Sun Yat-sen. Par ailleurs, nous devons également au XXe siècle la découverte que toute connaissance "objective", "scientifique" n'est, en réalité, pour citer Alexandre Douguine, qu'"une variation particulière de la mythologie", et que "le développement et le progrès ont un caractère cyclique". En d'autres termes, le progrès - cette invention des modernes - n'est qu'illusoire. L'humanité, malgré tous les changements qu'elle a subis, reste essentiellement "telle qu'elle a toujours été". L'ère du positivisme et du matérialisme optimistes est terminée pour l’essentiel : "À sa place est venue une nouvelle compréhension des constructions mythologiques" et "la réhabilitation de ces diverses disciplines et sciences qui ont été trop hâtivement classées comme dépassées et primitives". Cette prise de conscience fait également s'effondrer le sentiment de suprématie ou de scepticisme à l'égard del’antique héritage de l'humanité et des civilisations du passé lointain (la soi-disant préhistoire). Notre époque n'est pas privilégiée par rapport aux autres époques de l'histoire humaine qui l'ont précédée. Ce serait plutôt l'inverse : nous sommes en présence d'une involution et d'un déclin spirituel patent.

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Après tout, nous ne connaissons pas le passé ancien de l'humanité, ou nous ne le connaissons pas suffisamment, car "l'histoire officielle", comme l'a noté René Guénon, ne va nulle part au-delà des six mille dernières années, une période qui est négligeable par rapport à la durée totale de l'existence de l'homme sur Terre. Une obscurité dense s'abat sur tout le reste. Devant toutes nos tentatives de connaître le passé lointain, un mur mystérieux et impénétrable émerge. Il n'est pas accessible à la "raison" (à la connaissance scientifique), car la portée de la "raison" (les connaissance et recherche rationnelles) est tout à fait modeste ; la raison a ses limites évidentes. Cela ne signifie pas pour autant que la "raison" doive être bannie, tout comme l'ère positiviste a tenté de se débarrasser de toutes ces forces qu'elle qualifiait d'"irrationnelles" et de "choses relevant du passé mort". L'écrivain allemand Jünger a proposé une approche différente et probablement beaucoup plus difficile et exigeante : l'utilisation simultanée des deux optiques, de deux angles d'observation, des méthodes de connaissance "rationnelles" et "irrationnelles". La lune, par exemple, est à la fois un corps physique et cosmique qui fait l'objet d'observations et de mesures scientifiques, ainsi qu'un fait mythologique ou même une entité métaphysique ; la lune n'est pas simplement un objet mort pour la connaissance scientifique, "objective", qu'un scientifique peut aborder "froidement" et sans préjugés.

Boris Nad n'est pas un scientifique ou un érudit, mais seulement un écrivain. Cela lui donne une plus grande liberté, une plus grande accessibilité, tout en le libérant de l'obligation de suivre la méticulosité scientifique. Le mythe, cependant, est un topos auquel, en tant qu'écrivain, il est souvent revenu. Sa première œuvre littéraire, publiée dans son pays natal, a été un court roman "épique-fantastique" intitulé The Feast of the Victor (2005). En gros, cette histoire mythique se déroule à un moment où différentes perspectives temporelles et spatiales se croisent. En fait, cette histoire, bien que suscitée par des événements immédiats (la guerre dans le pays qui s’appelait la Yougoslavie), se déroule dans un lieu intemporel ou "uchronie". Cette approche présente des similitudes avec celle employée par Jünger dans sa nouvelle Sur les falaises de marbre (1939). Cette comparaison ne concerne bien sûr que l'approche, et non la valeur de l'œuvre littéraire. Son livre The Silent Gods (2008), qui est un recueil de nouvelles, de notes et de prose, et le recueil de récits fantastiques intitulé The Invisible Kingdom (2016) étaient centrés sur des thèmes mythiques et sur mes propres variations d'intrigues mythiques bien connues.

51q4qC48j5L._SX342_BO1,204,203,200_.jpgLe livre qui s’offre maintenant aux lecteurs est une sorte de sélection d'écrits par le biais de laquelle Boris Nad se présente au public anglophone de manière plus complète que jamais. En fait, ce livre se compose de trois ouvrages, dont le premier est l'édition anglaise abrégée de The Return of Myth, publié à l'origine en 2016 à Melbourne, en Australie, par Manticore Press. Ce texte a été réédité et partiellement retraduit pour l'occasion et annexé à un texte non traduit auparavant, The Golden Fleece. La deuxième partie est un court roman, A Tale of Agartha, c'est-à-dire un récit du royaume souterrain qui a, pendant des milliers d'années, influencé de manière invisible et mystérieuse les événements à la surface de la Terre, l'histoire et le monde des nations. C'est l'un des grands mythes de l'Orient que l'auteur aborde de la  manière caractéristique d'un écrivain : sous la forme d'un conte fantastique. La troisième partie de ce livre, Sacred History and the End of the World, complète les deux premières, comprenant des textes qui ont été laissés de côté dans l'édition anglaise précédente de Return of Myth ainsi que d'autres textes, non traduits et non publiés auparavant, dans lesquels il aborde des sujets connexes d'une manière extrêmement libre, à la façon d’un essayiste. Ces sujets comprennent, entre autres, la notion d'histoire sacrée, l'apparition de l'Antéchrist et la seconde venue du Christ (qui est d'une importance particulière pour le christianisme oriental), et les relations entre l'Orient et l'Occident. Cette dernière partie ne concerne pas seulement la crise de l'Occident, mais aussi la crise dans laquelle les sociétés (et civilisations) orientales sont de plus en plus impliquée dans une phase descendante - des crises qui, sans aucun doute, ont essentiellement la même racine spirituelle. Aujourd'hui plus que jamais, il est nécessaire que l'Est et l'Ouest se rapprochent plutôt que, comme cela a été le cas au cours de l'ère moderne (contrairement à certaines périodes historiques antérieures), de s'éloigner davantage l'un de l'autre et de se diviser. La première et nécessaire condition pour cela est que l'Est et l'Ouest se connaissent mieux et engagent enfin le dialogue (sinon, ils ne cesseront d’être en guerre).

Pourtant, ici, dans les pages de ce livre, ce n'est pas l'Est et l'Ouest qui se rencontrent, mais surtout le lecteur et l'écrivain. L'ambition de l'écrivain n'est pas d'expliquer ou d'interpréter quoi que ce soit ; il ne cherche pas à persuader, mais plutôt à poser des questions, à parler simplement de ce qui est important pour lui avec sa propre voix et en suivant le flux de ses propres pensées. Il n'est pas nécessaire que le lecteur et l'écrivain soient toujours d'accord sur tout, mais il est nécessaire qu'il y ait une certaine affinité entre eux. Ce sont les désaccords et les disputes qui rendent le dialogue souhaitable et possible. Le rôle du lecteur n'est pas moins exigeant que celui de l'écrivain, car c'est au lecteur de faire revivre l'œuvre de l'écrivain. Si ce livre facilite cela, ne serait-ce qu'au niveau symbolique, alors il aura atteint son but. Après tout, tout ce qui est important se passe d'abord au niveau des symboles, dans le domaine où l'esprit règne souverainement, et ne provoque qu'ensuite des conséquences dans le monde que nous appelons si maladroitement "matériel".

Boris Nad,

Serbie, août 2020.

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samedi, 19 décembre 2020

"Droite / gauche, histoire d'une dichotomie" de Marcel Gauchet ou l’histoire de l'éternelle dispute sur les étiquettes politiques

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"Droite / gauche, histoire d'une dichotomie" de Marcel Gauchet ou l’histoire de l'éternelle dispute sur les étiquettes politiques

L'intéressant essai du penseur français a été publié en Italie par Diana edizioni, avec une introduction du professeur Marco Tarchi

par Andrea Scarano

Ex: https://www.barbadillo.it

Les dynamiques des sociétés contemporaines ont longtemps buté sur les difficultés qu’entraînait l’usage généralisé de la dyade droite/gauche tant dans l’orbite de la représentation parlementaire que dans l'explication des phénomènes politiques, économiques et sociaux. Existe-t-il une définition appropriée et non ambiguë de ces deux catégories ? Quelles sont les caractéristiques qui ont favorisé leur succès, malgré leur taux élevé de généralité et d'abstraction ? Faut-il encore faire usage de ces concepts établis il y a plus de deux siècles en France, mais qui se sont répandus et enracinés partout en assumant les chrismes de l'universalité ?

41B2wGt7wML._SX318_BO1204203200_.jpgLa maison d'édition Diana propose la réimpression d'un essai de Marcel Gauchet "Droite/Gauche - histoire d'une dichotomie", enrichi d'une introduction de Marco Tarchi et d'une postface de l'auteur, annexe nécessaire à une publication datant déjà de 1992.

D'une part, le Dr. Tarchi, politologue toscan, fait remarquer que le débat sans fin sur le sujet, qui, toujours, annonce d’inévitables discussions et des polémiques assurées, ne conduit pas à un accord unanime dans la communauté scientifique, à la fois parce que les catégories examinées n'existent pas dans la réalité et parce que nommer signifie juger et comparer, en s'éloignant de la sphère de « neutralité axiologique » ; d'autre part, pour soutenir que la droite et la gauche sont "deux concepts suspendus entre des essences, des types idéaux et des conventions relatives" capables d'identifier une relation de continuité entre les croyances et les attitudes politiques, mais qui ne trouvent pas d'applications automatiques dans le monde de l'expérience concrète et sont forcés, par la force des choses, de mélanger des composantes distinctes, car ils ne présentent pas de caractères définitifs d’exclusion réciproque..

L'auteur retrace les étapes d'un processus - qui a débuté au moment de la Restauration en France - qui se caractérise par l'utilisation croissante de la dyade dans la pratique parlementaire ; il y a eu toutefois émergence de différences importantes, dues à l'apparition d’extrêmes et de "nuances" de centre-droit et de centre-gauche, ont immédiatement obligé les acteurs à choisir des alliances gravitant vers le centre pour permettre au système de s'auto-perpétuer.

Non utilisée par Marx, Engels ou le premier Lénine, l'opposition droite/gauche s'est consolidée grâce à quelques facteurs déterminants : l'élargissement du suffrage et la progression vers une démocratie représentative au sens contemporain du terme amis en exergue le besoin croissant d'identification des électeurs, jusqu'alors habitués à d'autres "fractures" (blanc/rouge, conservateur/républicain) dans un contexte qui a enregistré progressivement, surtout dans les années autour de l'affaire Dreyfus, l'apparition de partis socialistes et l'accentuation de la discorde sociale et civile.

L'appropriation par le public des nouveaux labels gauche/droite s’est fait parallèlement à la diffusion d'une ample désaffection de ce même public pour l'utilisation en bloc des deux termes, désaffection qui s’opérait entre ajustements et "réinventions" plutôt que par simples transferts ou passages d'un registre à l'autre. Ils sont désormais configurés comme des notions indéfiniment ouvertes, susceptibles d'enrichissement ou de renouvellement sémantique, instruments d'unification symbolique de différentes familles politiques, capables de véhiculer dans le camp qui les a créés (la gauche) des espoirs en un avenir d'harmonie et de nourrir dans le camp qui les a subis (la droite) des négations, des réserves et des soupçons, comme éléments nuisibles à la cohésion et à l'harmonie collective.

capture_decran_2016-07-07_a_11.20.09.pngLes finalités, les contenus et les programmes changent mais l'"ordre de bataille" de la politique française reste formellement inchangé : dans un mélange de conflit et de fragmentation, les modérés et les alternances du centre continuent à gouverner, laissant "libre cours" aux doctrinaires des extrêmes et à un dualisme aussi élémentaire que manichéen, virulent et implacable.

À l'époque de l'idéologisation de la lutte des classes et du choc entre fascisme et communisme, l'attraction militante est devenue encore plus virulente : si les desseins totalitaires aspirent à restaurer l'unité sociale en tant que corps - comme l'a observé Claude Lefort - l'entrée dans la modernité individualiste, historique et démocratique va dans une direction diamétralement opposée, brisant l'ordre symbolique, l'attachement au sacré et la dépendance à une source divine.

Gauchet identifie un problème structurel - essentiellement le même dans ses principales caractéristiques même après l'avènement du gaullisme et la réforme institutionnelle constitutive de la Vème République semi-présidentielle - dans la combinaison d'une division exaspérée de l'opinion publique et d'un jeu bipolaire qui multiplie les partis plutôt que de les réduire, perpétuant la pratique des accommodements de la politique efficace. La droite et la gauche prennent le parti du gouvernement ou de l'opposition en vertu du mécanisme induit par le principe de la majorité ; en même temps, le champ idéologique des "grandes familles" se divise en trois parties : le conservatisme, le libéralisme et le socialisme.

Le processus d'universalisation de la dyade, facilité par des besoins cognitifs de simplification des choix et par une adhésion effective à la compétition politique, s'inscrit dans le processus plus large de création d'un système de références qui a rendu plus clair l'ordre profond de la société et a identifié dans le principe du conflit une de ses caractéristiques constitutives fondamentales, renfermant - note Gauchet - "l'âme et la mémoire d'une manière d'être en politique". Au moment où la droite et la gauche commencent à représenter l'intégration organique d'une dualité, leur contenu original est partiellement transformé à nouveau car il ne comprend plus seulement un antagonisme impitoyable, mais est chargé d'expliquer "la coexistence ordinaire et inévitable des opposés".

Gauchet appartient pleinement à un courant interprétatif "fonctionnaliste" qui met en évidence l'importance des archétypes mentaux dans la capacité d'orientation des individus, dans l'organisation des pensées et dans la génération des idées, ainsi que les caractéristiques d'un concept défini dans l'espace et capable de stabiliser les conflits, immédiatement compréhensible et transférable d'une culture à l'autre.

MGcondpol.jpgCette approche contraste avec celle "essentialiste" (identifiable, en grande partie, dans les écrits de Norberto Bobbio), qui échappe au test empirique d'une discrimination claire entre les deux catégories et n'explique pas les transformations que le passage du temps et l'évolution des circonstances ont imposées aux pratiques des partis et mouvements politiques traditionnellement placés dans l'un ou l'autre domaine.

La succession des événements historiques contraint, en effet, les forces politiques à un mouvement continu de croisement réciproque qui justifie la perplexité de ceux qui - comme Alain De Benoist - ont récemment réfuté la validité de certaines oppositions binaires, parmi lesquelles : liberté/égalité, ordre/justice, conservatisme/progressivisme. Ces mêmes identités sociales sont d'ailleurs le fruit d'une sédimentation culturelle en constante transformation et, tout en restant au centre des objectifs de l'intégration politique, ne coïncident plus avec des blocs de valeurs monolithiques.

Gauchet souligne comment trois phénomènes principaux ont déstabilisé les repères dominants dans l'espace européen après 1945 : la pénétration de l'esprit démocratique et l'acceptation du pluralisme, avec l'évaporation consécutive du couple antifascisme/anticommunisme et le relâchement pour de nombreux citoyens d'une affiliation politique inconditionnelle ; la dissociation des blocs et le retour en vogue de l'idée libérale, associée à la mondialisation économico-financière et au processus d'individualisation de la société ; la délégitimation du projet de contrôle public de l'économie.

Bien que la fracture droite/gauche soit tombée en discrédit, la position de ceux qui pensent qu'il n'est pas possible d'émettre une hypothèse sur sa désintégration ou sa recomposition, du moins à court terme, semble être partageable - de l'humble avis de l'auteur. La redistribution des anciennes identités que l'on retrouve dans les nouvelles polarisations - l'auteur consacre un espace au populisme et à l'écologisme des deux camps - indique qu'elle conserve un rôle organisateur, bien que nettement réduit par rapport au passé.

Favorisée par la volonté des politiciens professionnels de réduire la multiplicité des conflits à deux camps et deux visions du monde schématiques, sa persistance résiduelle trouve un soutien non seulement dans les classes supérieures mais aussi dans les classes subordonnées, de plus en plus "mobiles" d'un point de vue électoral ; débarrassé de significations métaphysiques improbables, il continue en partie à fonctionner comme un intermédiaire entre l'individu et la communauté politique, en maintenant le pouvoir évocateur d'un "totem extrêmement expressif d'une société dans laquelle le fait d'avoir combiné une politisation traditionnellement forte avec des organisations politiques chroniquement faibles n'est pas la moindre des bizarreries".

Jean Giono : pour un retour positif à la nature

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Jean Giono : pour un retour positif à la nature

Emilio Del Bel Belluz

Ex : https://www.ilprimatonazionale.it

41JtW4y4DeL.jpgL'homme qui plantait des arbres est un livre de Jean Giono dans lequel l’auteur se rend compte, comme en ces temps-ci, qu'il n’a que deux alliés qui ne le trahissent pas et qui lui sont toujours fidèles : Dieu et la nature.

La nature s'offre à l’homme dans toute sa beauté originelle, un homme qui ne pense cependant qu'à la dévier de son cours spontané. En fait, aujourd'hui, la terre est exploitée au maximum. Les fossés qui marquaient les limites entre les différentes propriétés et dans lesquels poussaient de nombreuses variétés d'arbres, abritant de nombreux oiseaux, ont disparu. Il est devenu presque impossible de voir, entre une parcelle et une autre, un espace dédié à la culture des arbres, celui des petits bois. Les agriculteurs d'autrefois plantaient des vignes, mais il y avait toujours de la place pour différents types d'arbres, y compris des arbres fruitiers qui étaient une source de richesse pour le ménage. Des arbres étaient également plantés autour de la ferme pour se reposer à l'ombre du feuillage épais. Le vert était omniprésent tout autour de la ferme, c'était de la vraie poésie.

La fuite hors des champs (l’exode rural) et l'industrialisation ont privé l'homme de cette poésie. Les maisons abandonnées sont le résultat d'une ample réduction quantitative du monde paysan. Notre monde rural, primordial, disparaît à jamais, peu de gens se rebellent contre cet arasement et il semble que tout se dirige vers la profanation généralisée de la nature. Les personnes âgées étaient assises devant leur maison et regardaient les vieux arbres qu'elles avaient elles-mêmes plantés et qui vieillissaient maintenant avec elles.

Souvent, on naissait, on vivait et on mourait dans la même maison et on respirait pleinement les souvenirs de la vie. Il était une fois des gens qui mouraient devant un crucifix, à côté du lit, il y avait le prêtre qui donnait les derniers sacrements. Aujourd'hui, avec cette pandémie qui nous affectedepuis le printemps 2020, nous nous sommes privés du naturel de mourir avec le réconfort d'un prêtre ou du moins en observant un crucifix. La pratique de la plantation d'arbres était enseignée aux enfants comme un geste et un rituel initiatique et avait une haute valeur symbolique liée au fait de savoir vivre en harmonie avec la nature.

9782070662081.jpgL'homme qui plantait des arbres, un berger provençal, personnage principal du livre, a travaillé humblement pendant 37 ans, en se penchant sur le sol pour planter des glands, même s'il savait que seuls 20 % d'entre eux deviendraient des chênes. Il a ainsi transformé des collines stériles en forêts de chênes et de hêtres. Il avait décidé d'atteindre ce but premier dans la vie sans se poser trop de questions sur sa réussite ou non. Mais la persévérance d'un homme simple, faite d'amour et de dévouement, durant toutes ces années, va conduire à révolutionner un lieu désert et abandonné en le transformant en un village orné de forêts et de ruisseaux.

De même qu'il arrive que la nature, et l'âme humaine elle-même, soient noyées et dévastées face à l'avancée imprudente de l'industrialisation et de la technologie déshumanisante. Mais le contraire peut aussi se produire grâce à une inversion de tendance, singulière, provoquée par les choix et les actions d'un homme seul, apparemment relégué dans sa petite coquille vitale, mais dont l'exemple et les œuvres laisseront des traces indélébiles. L’auteur du livre, Jean Giono, a écrit : "Pour que la personnalité d'un homme révèle des qualités vraiment exceptionnelles, il faut avoir la chance de pouvoir observer ses actions pendant de nombreuses années. Si cette action est dépourvue de tout égoïsme, si l'idée qui la dirige est d'une générosité sans pareille, si avec une certitude absolue il n'a jamais cherché de récompense, et d'ailleurs a laissé des traces visibles sur le monde, nous nous trouvons alors, sans risque d'erreur, en présence d'une personnalité inoubliable".

Emilio Del Bel Belluz.

vendredi, 18 décembre 2020

Unmasking Antifa

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Know Your Enemy:
Antifa

Kyle Shideler, ed., Gabriel Nadales, Erin Smith, Matthew Vadum, J. Michael Waller
Unmasking Antifa: Five Perspectives on a Growing Threat
Washington: Center for Security Policy, 2020

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A menace stalks America: Antifa. While this menace has rampaged across the country since Donald Trump’s inauguration, very little information has circulated about the movement’s origins, means of support, or ideology. This deplorable situation has changed thanks to the Center for Security Policy [2].

The book is a series of essays. The first and most important essay is by Kyle Shideler [3]. It is the text of his testimony before the US Senate Judiciary Committee, Subcommittee on the Constitution. In this testimony, Shideler lays out the basics of the Antifa problem.

Testifying before a Senatorial committee is an enormous feat. We shouldn’t seek to disengage from ordinary public life. Every white advocate should be a good citizen, family man, and hard worker. Stand up straight and tall. Lieutenant Colonel Roberts [4], a Rightist of old that was certainly racially aware, was a model citizen and brave soldier. He had his work read into the Congressional Record by Congressman John R. Rarick [5] on October 9, 1968.

In late 1968, the United States was suffering from Sub-Saharan and Leftist violence and rioting. Abroad, it appeared as though the Soviet Union was winning the Cold War. It seemed that the Red Flag of Revolution would fly atop the globe and America would become a new Congo. But little things, like getting your ideas to a Congressman, made a big difference in the long run.

Joe Biden is Right: Antifa is an Idea

Gabriel Nadales, a former Antifa activist, argues that one shouldn’t consider Antifa an organization. Instead, it should be understood “not as a noun but as an adjective and a verb” (p. 30). To put it in other words, Antifa is a movement. It has no central control center. Instead, it has a package of ideas that anyone can download. Antifa “as an adjective” is the various Left-wing organizations and independent activists who consider themselves “antifascist.” The structure of these groups is horizontal. A person in a more ordinary Leftist group can connect with more radical Leftists through overlapping ideas, groups, and people. An impressionable Leftist can thus start with concern for abandoned puppies with cute eyes and end up a mask-wearing arsonist. The latter thing is the “verb”: the willingness to promote ideas with violence.

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With the above in mind, a good way to step over the idea of Antifa but defeat the idea just the same is for a prosecutor to ignore the “Antifa ideology” and target Antifa rioters as a group of individuals conspiring to commit acts of arson and vandalism. This is just a suggestion, though. So far, no legal strategies have really worked against Antifa that I know of.

Antifa ideology

Antifa’s ideology is the following. They view America’s government and its constitutional founding principles as racist and therefore illegitimate.

“Like an electrostatic force, the movement continues to push larger elements of the public to become more and more ‘anti-racist’ or ‘anti-fascist’ — as if the vast majority of Americans are not already that way — to compel normal people to believe that lack of militancy is in itself racist and fascist” (p. 11).

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 [6]

Antifa’s twin flags represent two different things. The red flag represents Communism and the black flag represents Anarchism. The two ideologies are actually incompatible, but that hardly matters – neither creed works in the real world. Anarchists and Communists had a bitter falling out during the Spanish Civil War.

Antifa has five “Points of Unity” that any Leftist organization or unaffiliated Leftists can believe in.

They are:

  1. We disrupt fascist and far-right organizing and activity.
  2. We don’t rely on the cops or courts to do our work for us. This doesn’t mean we never go to court, but the cops uphold white supremacy and the status quo. They attack us and everyone who resists oppression. We must rely on ourselves to protect ourselves and stop the fascists.
  3. We oppose all forms of oppression and exploitation. We intend to do the hard work necessary to build a broad, strong movement of oppressed people centered on the working class against racism, sexism, nativism, anti-Semitism, Islamophobia, homophobia, transphobia, and discrimination against the disabled, the oldest, the youngest, and the most oppressed people. We support abortion rights and reproductive freedom. We want a classless, free society. We intend to win!
  4. We hold ourselves accountable personally and collectively to live up to our ideals and values.
  5. We not only support each other within the network, but we also support people outside the network who we believe have similar aims or principles. An attack on one is an attack on all. (p. 18)

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With the religion of Negro Worship and the illicit second constitution [7] that is the 1964 Civil Rights Act behind them, Antifa can call the shots with rhetorical framing.

To achieve real-world dominance, Antifa must first achieve a kind of information battlespace dominance. This is done through a fundamentally dishonest rhetorical tactic. . . By keeping the meaning of critical terms such as “fascism,” “fascism-adjacent,” “violence,” and “self-defense” purposefully undefined, self-labeled “antifascists” are able to deploy the classic motte-and-bailey rhetorical tactic that makes them hard to pin down. Antifa supporters deliberately camouflage their own aggressively authoritarian definitions — whereby all opposition to their activities is considered de facto fascist as the more normal and mainstream understanding of those terms. (p. 48)

Antifa wishes to make it too costly for anyone that is a “fascist” to operate. Erin Smith calls this tactic “operant conditioning.” Should Antifa continued unchecked, political involvement will become too costly for ordinary Americans.

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A way to counter these ideas is to emphasize that the definition of “far-right organizing and activity” is so broad as to include anyone, even moderate Democrats. Second, keep up the emphasis that Sub-Saharans are dangerous. Finally, remind people that Leftism is a lie. Its utopian vision always ends in blood and tears when applied in the real world. Furthermore, Leftism requires one to lie about things that are obviously true, Transsexuals [8] are boys pretending to be girls (or vice versa). It isn’t “science.”

Antifa Tactics

Some of the earliest rioters that had an ideology like Antifa were involved in the 1848 revolutions in Europe. (Many of the 48s weren’t Anarchists. 1848 is a long story.) In America, Anarchists were active in Chicago in the nineteenth century. They were led by Albert Parsons, an old-stock American with Yankee roots who served in the Confederate Army. Many of the early Anarchist thinkers were Germans.

Today’s Antifa tactics have been honed since the Spanish Civil War [9] and were further refined in Germany. Antifa groups in Central Europe during the Cold War had state sponsorship from East Germany. The concept of “Autonomous Zones” arose in Germany.

Concerned citizens shouldn’t go looking for an Antifa chapter. Instead, Antifa adherents swim in the swamps of other Leftist groups. Their trick is to be interwoven with otherwise legitimate protestors and wreak havoc. The police are thus forced into a lose-lose situation. It is too easy for them to use too much force and thus get social scorn from all sides, or they can do nothing and appear weak.

Antifa Logistics

Amateurs talk tactics, professionals talk logistics. Who provides the funding for hotel rooms, transportation, medical care, and food? Where Antifa gets its funding is a mystery. In the “Autonomous Zones” that sprung up with the George Floyd riots, Antifa members resorted to running protection rackets on the businesses in the areas they occupied. They also shook down passing people for money. This didn’t net much.

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The authors suspect that Antifa gains some financial support from Black Lives Matter, a movement with which they overlap ideologically. Black Lives Matter gets millions of dollars in funding. Indeed, $90 million was raised to bail out protestors (p. 75). Arrested Antifa are also supported by the National Lawyers Guild. This innocuous-sounding organization’s origins are with the Communist Party USA. Furthermore, long-standing Communist groups have been involved in the George Floyd rioting and they are likely contributing. The authors also believe George Soros has a hand in funding Antifa.

Nobody knows for sure, though. And nobody in law enforcement seems to want to find out. The authors argue that members of the Democratic Party are sympathetic to Antifa. Thus Democrats in the Deep State are making sure that the FBI is ineffective. FBI memos are leaving Antifa disturbances to local police, who are easily overwhelmed. The FBI is really only a semi-competent Pretorian Guard [10], — it is time to consider abolishing it and rolling up any worthwhile functions into the Department of Homeland Security.

The Antifa movement is of foreign origin (Germany, Spain, etc.). It is networked internationally, and it has targeted constitutionally recognized politicians. Its goal is the overthrow of the United States government and traditional American liberties. It is time for American society to move against this movement.

Of course, it is easy to say American society should. . . and so far, Antifa terrorists have been getting away with their crimes. But it is not unusual that the ground has shifted under an idea, institution, or movement when it is at its height. Bigger and better things have crashed than Antifa.

The (possibly) incoming president, Joe Biden, probably recognizes the potential for his opposition to be more ferocious than it was for Bill Clinton [11] earlier. He has sent out feelers for “outreach to conservatives.” Should you get “outreached” by anything related to Joe Biden, you need to say the number one priority is destroying Antifa. Remember, Biden signed the 1994 Crime Bill [12]. We might be able to work with him. Regardless, it is your duty to be a good citizen.

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Article printed from Counter-Currents: https://counter-currents.com

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[1] Image: https://counter-currents.com/wp-content/uploads/2020/12/unmaskingantifa.png

[2] Center for Security Policy: https://www.centerforsecuritypolicy.org/

[3] Kyle Shideler: https://www.centerforsecuritypolicy.org/wp-content/uploads/2020/08/Shideler_full_bio.pdf

[4] Lieutenant Colonel Roberts: https://counter-currents.com/2020/09/metapolitics-matterslieutenant-colonel-archibald-roberts-the-anatomy-of-a-revolution/

[5] John R. Rarick: https://en.wikipedia.org/wiki/John_Rarick

[6] Image: https://counter-currents.com/wp-content/uploads/2020/12/antifaflag.png

[7] illicit second constitution: https://counter-currents.com/2020/02/target-the-1964-civil-rights-act/

[8] Transsexuals: https://counter-currents.com/2019/01/the-adults-left-the-room-a-long-time-ago/

[9] Spanish Civil War: https://counter-currents.com/tag/spanish-civil-war/

[10] Pretorian Guard: https://en.wikipedia.org/wiki/Praetorian_Guard

[11] Bill Clinton: https://counter-currents.com/2020/05/near-greatness-shenanigans-bill-clinton-the-unwise-right/

[12] 1994 Crime Bill: https://counter-currents.com/2017/09/he-was-just-about-to-turn-his-life-around/

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mardi, 15 décembre 2020

Variations géopolitiques

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Variations géopolitiques

par Georges FELTIN-TRACOL

Décédé des suites d’une longue maladie en 2012, Hervé Coutau-Bégarie n’a jamais pu tenir entre ses mains cet ouvrage réunissant vingt-cinq contributeurs et composé de vingt-huit articles, achevé sous la houlette de son élève et ami, Martin Motte. Celui-ci ne cache pas les insuffisances du recueil. Il déplore l’absence de Nicholas J. Spykman ou des « géopolitiques “ exotiques ” – la Chiseigaku japonaise, les écoles latino-américaines […], la géopolitique “ gondwanienne ” du Gabonais Marc-Louis Ropivia… (p. 14) ». Il le regrette alors que Hervé Coutau-Bégarie n’ignorait rien de l’extraordinaire foisonnement des courants géopolitiques en Amérique du Sud, en Afrique et en Extrême-Orient (1).

Un exemple en digression

Né en 1951, Marc-Louis Ropivia est un géographe. L’ancien recteur de l’université Omar-Bongo de Libreville fut détenu politique de 1972 à 1975 avant de devenir plus tard ministre gabonais de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur. Il travaille dès 2007 sur la notion d’« écocide ».

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En géopolitique, il contredit la conception « verticaliste » des écoles géopolitiques occidentales. Il théorise très tôt un autre système international « horizontal » celui-là. Le monde selon Ropivia se divise entre une « aire boréale » (Amérique du Nord, Europe, Afrique du Nord, Proche – et Moyen-Orient, Sibérie), une « aire australe » (Antarctique et Afrique du Sud), un immense « Bassin Pacifique » (dont la côte Ouest des Amériques, de la Colombie britannique au Chili en passant par la Californie et le Pérou) et deux ensembles géopolitiques qui se partagent le continent africain. L’« Amérafrique » réunit le Brésil, le bassin hydrographique du Congo et le golfe de Guinée. L’« Indo-Afrique » rassemble autour de l’Inde, la Péninsule arabique méridionale, la Corne de l’Afrique, la côte orientale de l’Afrique, l’Indochine et l’Ouest de l’Insulinde). À l’intersection de l’« Amérafrique » et l’« Indo-Afrique » se situe le Gabon dont la situation centrale pourrait susciter une nouvelle dynamique géopolitique continentale dans l’Hémisphère Sud en s’appuyant sur les projections conjointes ultra-marines de l’Inde et du Brésil, un Brésil retrouvant un double tropisme africain et lusophone. La réalisation d’un axe dynamique Brésil – Afrique centrale « gabonocentrée » – Inde (« impérialisme tropical gondwanien ») reconstituerait le continent perdu du Gondwana (2).

Il faut par ailleurs relever que Marc-Louis Ropivia soutient une forme particulière de fédéralisme : le « fédéralisme nucléaire ». Il conçoit une pluralité d’États fédéraux régionaux fondés sur les différentes aires culturelles de l’Afrique reposant elles-mêmes sur les différents milieux biophysiques de l’espace négro-africain. Dès le début des années 1980, Marc-Louis Ropivia théorise dans un cadre géopolitique un panafricanisme sensé et l’esquisse des « bio-régions ».

Un manuel original

Approches de la géopolitique s’organise en quatre parties au nombre inégal d’articles. « Épistémologie de la géopolitique » en comprend deux; « Préhistoire de la géopolitique » sept; « La première géopolitique » onze et « La géopolitique après la seconde Guerre mondiale » six. Il revient enfin à Martin Motte de signer les introduction et conclusion générales.

Le recueil entend néanmoins offrir au public francophone une meilleure connaissance du vaste champ géopolitique, en particulier de son histoire et de ses enjeux théoriques. Si le terme façonné par le politologue conservateur suédois Rudolf Kjellén est assez récent, « le fondement géographique de la politique et de la stratégie est connu de toute éternité, il était déjà affirmé par Sun Zi [Sun Tzu] au IVe siècle avant notre ère et on retrouve le thème tant chez les théoriciens politiques, avec la justification des guerres de conquête, que chez les géographes militaires (p. 21) ».

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Nombreuses sont les perceptions de la géopolitique que d’aucuns assimilent parfois à la « géostratégie », à la « géo-histoire » ou à la « géo-économie »… Pour Olivier Kempf, il s’agit principalement d’« une lutte d’intérêts de puissance sur des territoires (p. 142) ». On peut compléter cette définition en y intégrant des données humaines, culturelles, religieuses, médiatiques, sociales, voire psychologiques.

L’ouvrage ne cache pas son intention : dépasser les travaux géopolitiques du général Gallois, de Paul Claval, de Claude Raffestin, de Michel Korinman et de Pascal Lorot qui datent « tous des années 1990, ils manquent de recul sur la pensée géopolitique de l’après-Guerre froide; [… or] la recherche sur les origines de la géopolitique a progressé depuis lors (p. 14) », car sa genèse remonte au début du XXIe siècle. L’ampleur de la tâche, les diverses activités des participants ainsi que les inévitables contretemps expliquent sa sortie une douzaine d’années plus tard. Le recueil prend date par rapport à l’autre école géopolitique hexagonale, celle d’Yves Lacoste autour de la revue Hérodote et de l’Institut français de géopolitique (IFG) rattaché à l’université de Paris – VIII – Saint-Denis.

Géopolitiques politisées

Rédacteur aux Cahiers de l’indépendance de Paul-Marie Coûteaux, Hervé Coutau-Bégarie n’a jamais caché sa fibre souverainiste nationale. Il se permet de donner quelques piques bien senties à l’ancien marxiste Yves Lacoste, auteur en 1997 chez Fayard d’un Vive la nation. Destin d’une idée géopolitique, au dessein nationiste-républicain crypto-chevénementiste. Exégète des écrits de l’amiral – géopoliticien Raoul Castex (1878 – 1968) (3), Hervé Coutau-Bégarie envisage la géopolitique en « pensée déterministe. Elle établit une relation privilégiée entre l’espace et la politique (p. 30) ».

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Contrairement à Yves Lacoste et à ses « disciples », souvent de formation universitaire géographique, Hervé Coutau-Bégarie, spécialiste internationalement reconnu de stratégie navale, provient de l’ENA. Souvent réticents à l’égard du concept même de géopolitique, bien des géographes de profession n’ont jamais goûté son intrusion brillante dans leur « pré carré »… Le courant « lacostien » et sa postérité intellectuelle charrie aujourd’hui un étrange mélange de conformisme post-gauchiste, perceptible à travers des études parues dans Hérodote ou soutenues par l’IFG souvent hostiles à la Droite nationale, et de néo-atlantisme belliciste (chercheur associé à l’Institut Thomas-More, l’eurosceptique et « russophobe » – dans son acception étymologique – Jean-Sylvestre Mongrenier collabore régulièrement à Hérodote). La collection « Bibliothèque stratégique », prolongement éditorial de l’Institut de Stratégie comparée, défend une vision à la fois realpolitik et conservatrice – souverainiste.

La revue Conflits peut être vue sous un angle polémique comme une tentative ratée de concilier ces deux sensibilités rivales avant de se perdre, avec le retrait de son fondateur, Pascal Gauchon, dans les méandres du (géo)politiquement correct.

Par-delà Terre et Mer

Suivant l’enseignement de l’amiral Castex qui approfondit et développe les analyses de l’amiral étatsunien Alfred Thayer Mahan, Hervé Coutau-Bégarie rappelle que « la puissance maritime reste à l’abri des entreprises de son adversaire tant qu’elle conserve la maîtrise de son élément et il en va de même pour la puissance terrestre (p. 519) ». La puissance maîtresse de la mer peut tour à tour exercer le blocus, constituer un réseau insulaire et établir un dispositif océanique de maîtrise des flux. Toutefois, « la terre n’est pas totalement désarmée devant l’ennemi marin. Elle peut d’abord, en contrôlant le littoral, ôter à la puissance maritime ses bases et points d’appui. Le maintien d’une flotte ainsi privée de tout contact terrestre devient difficile (p. 516) ». Il faut donc se défier de toute dichotomie simpliste et de tout réductionnisme géopolitique autour de l’opposition « géopolitiste » Terre – Mer d’autant que les actions militaires s’effectuent dorénavant aussi bien en mode amphibie que dans le ciel, l’espace interplanétaire et même dans le cybermonde.

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Dans ce refus « dualiste », Martin Motte se réfère bien sûr à Carl Schmitt, auteur dans le classique Terre et Mer de la notion fondamentale à la fois géographique, historique, politique et psychologique de « révolution spatiale ». Celle-ci « ne se limite pas à la dilatation des phénomènes économiques, politiques et culturels, elle est avant tout une nouvelle perception de l’espace (p. 38) ». La géopolitique aide à prendre en compte cette nouvelle appréhension multidimensionnelle des territoires.

Si le texte de Marlène Laruelle, « De l’eurasisme au néo-eurasisme : à la recherche du troisième continent », annonce ses livres à venir sur ce sujet passionnant, Christian Malis évoque la personnalité, la carrière et les idées du général souverainiste français Pierre Gallois. Amaël Cattaruzza sort de l’ombre le très méconnu Jean Gottmann tandis que Frédéric Le Moal s’attarde sur la pensée géopolitique fasciste du géographe italien Paolo Orsini d’Agostino, « connu pour être un des pères du concept d’Eurafrique (p. 471) ». L’amiral Mahan, Rudolf Kjellén, Friedrich List, Montesquieu, le général Giacomo Durando ou Zbigniew Brzezinski font l’objet de monographies pertinentes. Antoine Schülé de Villalba s’intéresse pour sa part au général et baron autrichien Jordis von Lohausen, auteur de l’essai magistral Les Empires et la Puissance. Le collaborateur à Nation Europa offre un regard continental européen tourné vers l’Eurasie hors des œillères faciles des idéologies modernes.

AVT_Olivier-Kempf_3685.jpgVauban et le chemin de fer

Signalons aussi l’excellente contribution d’Olivier Kempf (photo) consacré à Sébastien Le Prestre, maréchal de Vauban qui serait « le père de la géopolitique française (p. 129) ». Toujours en déplacements du fait de ses fonctions d’ingénieur militaire, Vauban se trouve « au croisement de la pratique et de la représentation géographique (p. 130) ». Ce catholique suggère le retour des Huguenots fuyant la révocation de l’édit de Nantes de 1685. Curieux des affaires navales et des colonies d’Amérique, ce mercantiliste « avancé » se veut réformateur fiscal avec son Projet de dîme royale. Il vante par ailleurs la réalisation des voies de communication, dont les canaux. Il comprend en effet que « les voies de communication apportent une cohérence à un territoire et contribuent autant à l’homogénéité des populations que des postes-frontières (p. 133) ».

Son intuition se confirme bien plus tard avec l’essor du chemin de fer, phénomène géopolitique étudiée par Anne et Martin Motte. Ces derniers rappellent que les saint-simoniens en France et Friedrich List outre-Rhin théorisèrent des treillages ferroviaires qui, pour List, structureraient le Zollverein. Il est avéré qu’avec la Révolution industrielle, « le développement des chemins de fer bouleversait le rapport entre puissance continentale et puissance maritime. Depuis Christophe Colomb, la seconde l’avait emporté sur la première parce qu’elle pouvait acheminer marchandises et troupes avec une célérité inaccessible aux transports terrestres; mais la “ mobilité ferroviaire ” était en passe de déclasser la mobilité maritime (p. 249) ». Malgré tout un pan dédié au transport maritime, l’ambitieux projet eurasiatique de « Nouvelles routes de la soie » porté par la Chine repose principalement sur des voies ferrées. Et si les trains intercontinentaux (ou tricontinentaux Asie – Europe – Afrique) détrônaient enfin les navires porte-conteneurs transocéaniques de la mondialisation ? Les auteurs expliquent pourquoi « la puissance ferroviaire n’a pas fait l’objet d’une théorisation aussi poussée que la puissance maritime ou la puissance aérienne (p. 303) », à l’exception notable de Guillaume Faye, fervent partisan de l’aérotrain de Jean Bertin, victime d’un autre ratage spectaculaire du septennat de VGE. Serge Gadal décrit la puissance aérienne à travers « L’aviation et la géopolitique : l’apport de George Renner ».

Approches de la géopolitique est une formidable et brillante somme qu’il importe de posséder. Ce livre prouve l’ancienneté, le dynamisme et la très grande variété d’une discipline toujours mal comprise et bien trop critiquée.

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : Sur ces écoles géopolitiques méconnues en Europe, cf. l’excellent Vouloir, « Panorama théorique de la géopolitique », n° 9, printemps 1997.

2 : Le terme de Gondwana revient au géophysicien allemand Alfred Wegener, père de la « dérive des continents ».

3 : L’actuel Premier ministre français Jean Castex n’a pas de lien de parenté avec le célèbre amiral français.

• Hervé Coutau-Bégarie et Martin Motte (sous la direction de), Approches de la géopolitique. De l’Antiquité au XXIe siècle, Économica – Institut de Stratégie comparée – Écoles militaires de Saint-Cyr Coëtquidan, coll. « Bibliothèque stratégique », 2013, 725 p., 39 €.

lundi, 14 décembre 2020

L'hispanophobie. À propos du livre de María Elvira Roca Barea, Imperiofobia y leyenda negra

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L'hispanophobie. À propos du livre de María Elvira Roca Barea, Imperiofobia y leyenda negra

Carlos X. Blanco

La lecture du livre de Doña María Elvira Roca Barea, Imperiofobia y leyenda negra ne m'a pas laissé indifférent. Au contraire, cela m'a profondément marqué. J'avais reporté la lecture de ce livre à la période des vacances, et il me fallut un certain temps avant qu'il ne me retombât entre les mains. Le texte, je ne sais pas très bien pourquoi ; a réveillé en moi d'étranges ressorts mentaux, ont provoqué en moi l'effet d'une libération émotionnelle. La libération de préjugés profondément enracinés et l'envie de me voir dans la nécessité de revoir et d'étudier en profondeur l'origine de ces mêmes préjugés. Le livre, me semble-t-il, est un succès d'édition, et ni l'auteur ni l'éditeur n'ont besoin de publicité de ma part. J'écris ces lignes en tant que personne qui recommande avec ferveur quelque chose de bon à un ami.

Je viens de consulter le site web de Siruela et je vois qu'il en est déjà à sa 18e édition, et le nombre de critiques et d'entretiens avec l'auteur se multiplie depuis sa sortie. Si j'écris cette brève recension, c'est uniquement pour partager des sensations et des réflexions, pour encourager sa lecture, pour recommander l'étude sérieuse et objective de l'Histoire, celle de l'Espagne et du monde, et pour fermer la voie à toutes sortes de racismes.

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Le racisme ? Oui, le livre est un plaidoyer contre le seul type de racisme qui est encore autorisé, toléré et même encouragé à l'échelle mondiale : l'hispanophobie. En fait, ce magnifique ouvrage de Mme Roca est un traité sur l'hispanophobie. Il arrive que toutes sortes d'insultes et de malédictions soient lancées à la civilisation hispanique, qui est née dans les rudes montagnes de Cantabrie et, accessoirement, dans les Pyrénées. Les propos insultants répétent à l’envi qu’il ne s’est rien passé ici. C'est une forme d’agression mentale qui trouvera difficilement une réponse. Depuis le XVIe siècle, la munition idéologique déployée contre l'idée d'Espagne, contre son projet géopolitique et spirituel, contre sa raison d'être même, est une munition chargée de haine, une haine d'un grand pouvoir destructeur et d'une énorme rentabilité justificative pour ceux qui l'ont utilisée. La "victime", l'Espagne comme idée et comme projet, n'a jamais réagi efficacement contre ces attentats métapolitiques . Dans sa phase impériale et ascendante, on peut comprendre le geste hautain et fier de ceux qui ne prêtent pas beaucoup d'attention aux mouches qui les survolent dans leur parcours triomphal. Mais déjà dans la phase de crise, et pas seulement de crise militaire et géopolitique, mais aussi de crise existentielle, l'Empire espagnol ne pouvait pas et ne savait pas comment articuler une "légende blanche" qui nettoierait ou neutraliserait l'offensive propagandiste, très noire, qui était lancée contre elle.

María Elvira Roca retrace de façon magistrale les origines de la légende noire par excellence : la légende noire anti-espagnole. Il est vrai que chaque Empire déchaîne le ressentiment et l'envie des vaincus, des citoyens de seconde classe, des rivaux, des périphériques. Il s'agit d'un phénomène universel. Rome, la Russie, les États-Unis, etc. sont des cas analysés par l'auteur, et dans tous ces cas, la création d'une légende noire est détectée. Mais il est très significatif que le terme même, légende noire sans les qualificatifs de "romain", d’"anglais", de "russe", d’"américain", soit appliqué à l'Espagne seule. A l'Espagne impériale d'abord, et à l'Espagne nationale actuelle, maintenant. La légende noire est, sans autre précision, une légende noire contre l'Espagne.

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Les origines de cette légende se trouvent en Italie. Le berceau de l'Humanisme, en pleine renaissance, est aussi l'égout pour certains "intellectuels" italiens pleins de ressentiment et d'envie qui ne pouvaient pas faire cadrer de façon saine leur insignifiance politico-militaire en tant qu'Italiens, avec la vaste et ambitieuse création impériale qui se développait dans une autre péninsule, la péninsule ibérique. La nouvelle Rome n'était pas la Rome italienne. La nouvelle Rome était, en fait, l'Espagne. L'Espagne comme cœur d'un empire mondial, dont une grande partie de l'Italie faisait partie. L'humanisme italien, tout comme sa dérivation ultérieure, les Lumières françaises, grouillait d'"intellectuels" complaisants, pleins d'orgueil national blessé, aveugles face à tout ce que représentait la contribution espagnole à la civilisation européenne, chrétienne et mondiale. Une Italie impuissante du point de vue national, au XVIe siècle, et une France frustrée du point de vue impérial, au XVIIIe siècle, ont été des centres extrêmement efficaces de propagande anti-espagnole. La pire des légendes inventées contre notre Empire et contre notre peuple n'est pas qu'elle nous souille devant le monde, qu'elles nous attaquent. Le pire, c'est la perte de la vérité, l'insulte à la vérité objective. Corriger la légende noire, c'est rendre hommage non seulement à nos ancêtres. C'est pour rendre hommage à la Vérité. Il s'agit d'étudier et d'enseigner correctement l'histoire, sans cacher les erreurs et les triomphes d'autres époques, et lorsque celles-ci doivent être reconnues en justice, il s'agit également de les replacer dans leur contexte. Mais couper le chemin de l'erreur, la détruire et la dénoncer, est une exigence pour la récupération de notre identité collective en tant que peuple, et c'est un devoir envers l'Humanité. La tâche proposée par le professeur Roca ne pourrait être plus stimulante.

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Le caractère raciste de l'hispanophobie apparaît beaucoup plus clairement lorsque Mme María Elvira Roca poursuit l'étude de la légende noire qui a émergé dans le monde protestant : Allemagne, Pays-Bas, Angleterre, etc. Après tout, les Italiens et les Français étaient toujours coreligionnaires dans la tradition catholique et latine. Bien qu'ils soient nos parents et nos voisins beaucoup plus proches, les Italiens et les Français nous ont qualifiés de Maures et de Juifs pour souligner notre faux catholicisme et notre européanité douteuse. Mais, bien qu'il y ait déjà du racisme dans ces légendes, l'existence de l'Espagne aurait pu les déranger plus que notre idiosyncrasie, et ce qui leur semblait redoutable et typique d'un Empire hégémonique : notre fierté, notre prétendue cruauté. Mais dans le monde protestant, véritable berceau de la raciobiologie, c'est-à-dire du racisme biologique que la hiérarchie des races postule, le catholique, habitant du Sud européen (auquel il faut ajouter les Irlandais) était un être inférieur du point de vue corporel et moral, un être méprisable et viscéralement décadent. L'hispanophobie était, pour les protestants, le noyau de la phobie catholique. Il fallait jeter toutes les inepties de propagande sur les réalisations de la civilisation catholique, dont la "renaissance" était menée par l'Espagne des grands Habsbourg. La civilisation catholique, le christianisme "faustien" selon Spengler, avait atteint son apogée entre le Xe et le XIIIe siècle. Le projet de l'empereur Charles Ier d'Espagne et Charles-Quint d'Allemagne, déjà au XVIe siècle, avait été, en réalité, le projet d'une restauration et d'une perpétuation de ce catholicisme qui, selon sa signification, signifie "universalité".

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Les luthériens et les calvinistes n'étaient pas meilleurs dans leur intolérance, comme le montre Mme Roca, mais ils étaient particulièrement fanatiques dans leurs origines, et traîtres à la civilisation dans laquelle ils étaient insérés, s'alliant aux Turcs et préférant le joug de ces derniers, au doux joug de l'Empire carolinien. L'histoire les jugera, car ce sont maintenant précisément ces pays intolérants et catholicophobes qui ont fait de la "tolérance" leur religion ou une religion de substitution. Et maintenant, je ne veux pas que cet Empire universel qui a étendu une civilisation catholique, ils ont le "Turc", ou quelque chose d'analogue à lui, à l'intérieur, les détruisant dans leurs entrailles.

Cependant, il est curieux que les pays du sud de l'Europe, qu'ils soient traditionnellement catholiques ou orthodoxes (comme la Grèce), soient toujours les pays suspects, les perpétuels et incorrigibles zascandiles qui méritent des étiquettes économiques et financières aussi peu aimables que les pays du PIG. Il est clair que notre caractère de porc se démarque de la prétendue pureté éthique (épargnants et entrepreneurs weberiens) des protestants de sang nordique ou anglo-saxon qui dirigent les agences de notation ou les banques pourries de Wall Street. Dans la dernière partie du livre Imperiofobia y Leyenda Negra (Empire et légende noire), il y a tout un programme de recherche visant à améliorer notre estime de soi et à veiller à nos propres intérêts, en tant qu'Espagnols et membres d'une vaste civilisation hispanique, si nous ne voulons pas hypothéquer l'avenir de nos enfants et petits-enfants. L'avenir est entre nos mains.

Cette soi-disant "mondialisation" est en fait la dictature de puissances financières qui ont longtemps été des puissances sans abri, mais qui continuent à manipuler avec succès les opinions publiques anglo-américaines et allemandes, ainsi que celles des autres pays nordiques. Cette mondialisation dont nous souffrons est encore largement une "américanisation", la branche allemande ayant créé un petit hangar appelé "Union européenne" destiné uniquement à nous acheter, nous vendre, nous asservir et nous piller. Le hangar est particulièrement corrompu, opaque et despotique, et a des liens très étroits avec les monarchies pétrolières mahométanes, qui s'emparent de tout. L'idée de l'Empire catholique, c'est-à-dire "universel", sera toujours l'objet de la légende noire, du mépris, de la manipulation illimitée, des stéréotypes, des moqueries, de la dérision dans ce sinistre contexte dans lequel nous évoluons. Toujours.

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Il est clair que, en tant qu'idée, celle d'Empire peut être mal interprétée. L'empire dont nous parlons n'est pas l'empire d'une nation sur une autre. L'Empire espagnol ne doit jamais être confondu avec le nationalisme espagnol. Ce dernier est né plus tard, au XIXe siècle, c’est un tard-venu, balourd et maladroit... Le nationalisme surgit quand l'Empire est perdu. Nous ne devons pas non plus confondre l'Empire avec le colonialisme. De ce livre de Mme Roca Barea, on pourrait facilement déduire toute une "théorie de l'Empire". Les Anglais, les Portugais, les Néerlandais et encore moins les Français n'ont jamais eu de véritables empires. Ce qu'ils ont eu, c'est un régime colonial. Cette théorie (ou méta-théorie) des empires a déjà commencé à se construire. Don Gustavo Bueno a fait la distinction entre les empires prédateurs et les empires générateurs, bien que la distinction nette et concise de Roca Barea entre le colonialisme et l'empire (au sens strict) soit plus claire. Un empire authentique est toujours protecteur et père des nations futures devant les tiers (devant les "barbares") et est toujours "civilisateur" dans son sens authentique. Pour ma part, j'ai croisé la distinction, opérée par Bueno, avec une autre distinction, celle qui sert de médiateur entre les empires agglutinants et les empires absorbants. Avec cela, je crois pouvoir placer l'Empire espagnol dans les empires civilisateurs ("générateurs"), comme Rome, mais sans le réduire complètement à un empire absorbant, comme ce fut le cas de la romanisation contre les barbares, principalement occidentaux (Celtes, Allemands, etc.) mais le décrivant comme « agglutinant », c'est-à-dire comme un Empire beaucoup plus ouvert aux particularités ethniques, juridiques, linguistiques, des différents peuples qui s’y agglutinent, se rapprochant ainsi de l'idéal du Saint Empire romain-germanique par certains aspects.

Pour terminer ma recension et ma recommandation, je dois également glisser une petite critique d'Imperiofobia. Je ne suis pas d'accord avec l'analyse de Mme Roca Barea sur les États-Unis en tant qu'empire victime de phobies. L'empire yankee est clairement un empire prédateur, qui sape les fondements culturels des pays qu'il soumet et qui changera sa "coloration" culturelle au fur et à mesure de l'évolution de sa composition ethnique interne. En fait, il est déjà vrai que la langue anglaise/américaine se distancie de l'anglais britannique, et que ce n'est même pas une civilisation anglo-saxonne (WASP) qui se répand dans le monde. De plus en plus, cet impérialisme est présenté comme un artifice pseudo-culturel (tantôt pseudo-afro, tantôt pseudo-hispanique, etc.) qui sert de simple emballage à des relations économiques brutales, qui n’ont rien de culturel. La défense de l'impérialisme yankee, que je juge incohérente chez Mme Roca Barea, n'est pas très compréhensible, sachant que la mort de l'empire hispanique (1898), ou plutôt, l'enterrement d'un homme mourant d’une longue agonie, était due aux tromperies et aux abus commis par cet artifice, par cette pseudo-nation ou par ce conglomérat ethnique articulé autour du dollar, et qui s'appelle les "États-Unis d'Amérique". Mais je parlerai des Américains un autre jour.

 

Le chemin de la montagne : la mystique alpine de Francesco Tomatis

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Le chemin de la montagne: la mystique alpine de Francesco Tomatis

Giovanni Sessa

Ex : https://www.ereticamente.net

Dans le monde de la marchandisation universelle, chaque aspect de la réalité est réduit à la dimension de pure « chose » (est choséifié). Même la nature, réduite à une simple res extensa par le calcul, est vécue seulement dans la catégorie de l'utilité et se voit réduite, selon la leçon de Rosario Assunto, à la dimension inanimée du « vert équipé ». Dans cette réduction de l'espace à une quantité homogène, toute différence environnementale semble avoir disparu. Les montagnes elles-mêmes, qui, pendant des millénaires, ont été considérées comme sacrées, ont été réduites à un simple site de consommation par l'industrie touristique.

41c-D03APKL._AC_SY400_.jpgQuelques penseurs isolés contestent cette réduction. Parmi eux, en Italie, Francesco Tomatis, spécialiste de la philosophie de Schelling, s'est distingué avec son livre monumental, La via della montagna (Le chemin de la montagne), aujourd'hui en librairie chez Bompiani Editore, qui reprend une conception mystique de la pratique de l'alpinisme (686 pages, € 20,00). Selon Tomatis : "Grâce à la concentration en montagne des éléments de vie [...] ; ils sont utilisables [...] pour la régénération cyclique mais aussi innovante et évolutive de tout être vivant" (p. 9). Aller à la montagne ouvre à la connaissance, à condition toutefois de laisser dans la vallée des instances purement subjectivistes et volontaristes : "Personne ne peut ouvrir la voie de la montagne. Elle s'ouvre plutôt à nous" (p. 9), c’est-à-dire à ceux qui l'abordent avec humilité et audace, motivés par la recherche de l'original, dans la conscience de la mortalité constitutive de chaque entité. Celui qui marche sur les sentiers ou grimpe sur les parois verticales, s'il est animé par de telles intentions, peut vivre : "une conversion à la richesse foisonnante du monde de la montagne [...], une descente sur le versant ensoleillé [...], révolutionnaire et archétypale pour tout être vivant, précisément parce que le re-cordo de l'ascension extatique, perpétuellement vivant dans son vertige, dessine un simple "ça", bien réel et vide" (p. 10). La rencontre avec la multiplicité vivante de la montagne, révèle une connaissance qui dit la présence de la souveraineté dans chaque entité, en effet elle découvre dans la présence, au sens émirati, la seule façon de se donner au "supervectorat" (p. 10). C'est l'acquisition spontanée d'une vision verticale, qui transforme sans violence celui qui en est le porteur, le rendant ainsi en phase avec la métamorphose cyclique et toujours égale mais différente (semblable à ce qu’en disait Klages) de toute chose.

unnamedrdma.jpgLa pratique de l'alpinisme se traduit, comme l'a rappelé René Daumal dans son Mont Analogue, en termes poétiques : un savoir qui s'applique dans une action, comme dans l'art entendu au sens traditionnel. Tomatis y explique, verum et factum convertuntur, réalisant la coïncidence entre l'ascension et la descente. La recherche spontanée de la divinité se manifeste dans la marche en montagne, elle donne lieu à une connaissance naïve, non achevée sur elle-même, se référant à autre chose, à l' « ultériorité hyperbolique » qui regarde à la verticale, exposée à la hauteur. Le livre se développe en deux parties, une partie ascendante et une partie descendante. L'itinéraire proposé semble structuré sur la voie épistrophique et hypostatique du néoplatonisme, car la "source nivelée" que l'on atteint verticalement est la même que celle qui, au retour, innerve, par sa présence, la vie multiforme de la montagne. L'ascension et la descente se développent autour de la montagne, symboliquement comprise comme axis mundi, suspendue entre la limite mortelle et la dimension verticale à laquelle nous tendons.

La révolution mystique alpine n'implique pas seulement l'alpiniste, mais au fil du temps, elle a eu des répercussions sur la vie alpine. Pour faire participer le lecteur à ce vécu "poétique" spécifique du monde, Tomatis rappelle les positions d'auteurs tels que Caveri, Bartaletti, Zanzi et d'autres, s'attardant notamment sur la civilisation occitane qui : "a permis, grâce à son langage et à son artisanat raffiné, à l'écoute de la transcendance de Dieu dans chaque petit aspect naturel [...] de redécouvrir la nature paradigmatique de l'homme alpin face à la mortalité quotidienne [...] en encourageant l'épanouissement lent et vif de la vie" (p. 12).

Tomatis décrit l'ascension par la voix d'alpinistes, de poètes et de scientifiques qui sont arrivés dans une cordée invisible jusqu'à la falaise du sommet où : "tout devient lumineux, brillant et éblouissant en même temps" (p. 13) et on rencontre le néant du sommet qui bientôt, sur le chemin du retour, sera transformé en un essaim vital. C'est à ce point du mouvement de la montagne que l'auteur présente les expériences de vie de Thoreau, De Luca et Roberto Einaudi, témoins "d'une méthode spirituelle capable de s'enraciner dans les terres les plus élevées, comme celles des bois et des montagnes" (p. 13).

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De telles expériences conduisent à la rencontre avec l'être montagneux, magistralement témoigné (entre autres) par Heidegger et Pareyson et par l'alpinisme ouvert au mystère de Bonatti et Messner. Ce dernier nous dit : "par la voie [...] de l'alpinisme extrême mais en style alpin, le long duquel il a touché les limites de la vie [...] il a expérimenté et élaboré une "philosophie du renoncement"" (pp. 525-526). L'auteur présente et discute, en outre, quelques expressions artistiques qui permettent, comme avec les photos de Pellegrino, de se rapprocher de l'âme des habitants des villages alpins. La conclusion, dans ce volume, nous semble la plus pertinente, représentant son cœur vital. Ici, la différence entre la philosophie ascétique et unidirectionnelle de la montagne chez Evola et sa position alpino-mystique est abordée.

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Tomatis reconnaît que la vision d'Evola était "une contribution extraordinaire à la compréhension de la dimension, à la fois spirituelle et physique, de la montagne" (p. 603), qui manquait à une vision claire de la coincidentia oppositorum alpino-mystique. Cela a conduit Evola à réduire l'expérience de la montagne à une ascension unilatérale, excluant la dimension du retour, de la descente. Tomatis attribue ce choix à la prééminence dans l'univers théorique evolien de la leçon subjectiviste fichtéenne. Cette explication nous semble peu convaincante : seul Evola dans ses travaux spéculatifs avait parfaitement compris, grâce à la réflexion consignée dans les pages consacrées à Schelling, que la liberté et la nécessité sont com-possibles, tout comme la montée et la descente. De plus, souligne Tomatis, l'interprétation du taoïsme qu’a élaborée Evola en 1959, montre un net dépassement des hypothèses subjectivistes. En tout cas, ce qui distingue les deux philosophies de la montagne est que la voie d'Evola est : "directement intuitive et réalisable", celle de Tomatis est : "vide et prédisposée à l'acceptation d'une grâce ou d'un événement aussi imprévisible, non possible, plus éloigné" (p. 606).

La première est la voie ascétique, la seconde la voie mystique : ce sont là les expressions de différentes équations personnelles. La voie mystique, à l'époque contemporaine, a trouvé un interprète en Mauro Corona, dont les mains : "savent embrasser la montagne, tester la roche [...] avec un souci tissé d’intelligence, respectueux de l'aura mystérieuse qui enveloppe encore plus sa nature" (p. 607).

C'est un livre stimulant que celui de Tomatis, très riche en informations, fabuleux du point de vue de la narration. L'auteur conduit, en tant que guide expert, le lecteur sur les chemins du "Royaume perdu" de la montagne.

Giovanni Sessa.

dimanche, 13 décembre 2020

»Leben unterm Regenbogen« - Ellen Kositza empfiehlt Bettina Gruber

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»Leben unterm Regenbogen«

Ellen Kositza empfiehlt Bettina Gruber

Hier »Leben unterm Regenbogen« bestellen: https://antaios.de/buecher-anderer-ve...
»Sex. Macht. Utopie« von Roiger Devlin bestellen: https://antaios.de/gesamtverzeichnis-...
 
Der Mythos von den „Befreiungsbewegungen“ hält sich hartnäckig: Gender-Doktrinen und der heutige Feminismus sind aber nicht bloß sexistisch gegenüber Männern, sondern auch zutiefst frauenfeindlich. Bedürfnisse, die von der magersüchtigen Doktrin der Gleichheit von Mann und Frau abweichen, werden nicht geduldet. Mit dem biologischen Geschlecht wird eine der elementarsten Tatsachen menschlicher Existenz geleugnet: die Bezogenheit der Geschlechter aufeinander, ohne die es uns alle nicht gäbe. In den sozialen Medien hat sich ein bunter Chauvinismus breitgemacht, der systematisch einen Keil zwischen die Geschlechter treibt – gefördert und vorangetrieben von der Politik. Auf der Homepage einer deutschen Stadtverwaltung „hebt“ man „gezielt den Geschlechterdualismus auf“ und ein britischer Richter erklärte die Überzeugung, dass es nur zwei Geschlechter gebe, für „in einer Demokratie nicht achtenswert“. Pendant und Voraussetzung dieser Zerstörung der Zweigeschlechtlichkeit ist ein Kult sexueller Abweichung, der sich im Phänomen des „Drag Kids“ mittlerweile auch auf Kinder erstreckt. Die Lage ist historisch einzigartig: Eine Gesellschaft repräsentiert sich nicht in ihrer militärischen Macht, in ihren zivilisatorischen Errungenschaften und in ihren Gotteshäusern – stattdessen sucht sie ihren Ausdruck in der Zersetzung des natürlichen Geschlechts und in der Feier „interessanter“ Minderheitensexualitäten. Wie konnte es dahin kommen? Und: Gibt es Gegenkräfte?
 
 
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samedi, 12 décembre 2020

Écrits d'exil, 1927-1928 de Léon Daudet

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Écrits d'exil, 1927-1928 de Léon Daudet

par Juan Asensio

Ex: http://www.juanasensio.com

Autres textes à lire:

Mâles lectures.

 
Écrivains et artistes de Léon Daudet.

La Préface de Sébastien Lapaque aux Écrits d'exil de Léon Daudet (1), si elle ne pipe mot sur les qualités littéraires évidentes et l'originalité incontestable de l'écriture toute faite de parallèles aussi vifs qu'une décharge d'adrénaline et de notations intimes ou de confidences sur des auteurs (Hugo, Baudelaire) aussi touchantes que surprenantes, que se remémore, pour notre plus grand plaisir, ce tonitruant continuateur de Rabelais et de Bloy que fut Léon Daudet, nous renseigne suffisamment sur la période personnelle, atroce, qu'il traverse, puisque son deuxième fils, Philippe, est mort, s'étant suicidé ou bien ayant été éliminé par les sbires de l'ombre du pouvoir en place, comme le père ravagé n'aura cessé de le penser jusqu'à sa mort. Il trouve, alors, la force d'écrire un ouvrage intitulé Courrier des Pays-Bas dont sont extraits les différents textes composant ce recueil.

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Il ne faut chercher aucune cohérence directe entre les textes ainsi colligés, fort courts ou de belle ampleur, qu'il s'agisse de portraits ou de méditations littéraires, mais aussi d'épigrammes, sinon, bien sûr, la constante tension stylistique d'une écriture qui n'éclate jamais mieux que dans les séries de courtes notations, longues parfois de deux phrases, dans lesquelles Léon Daudet non seulement ramasse ses forces et bande ses muscles, mais jamais n'hésite à décocher telle flèche qui à coup sûr se plantera dans l'ennemi qu'il s'est choisi, Paul Valéry ou Ernest Renan par exemple, qu'il déteste visiblement par-dessus tout, le second davantage encore que le premier. Parfois, cette force contenue permet au fauve de sauter directement à la gorge de sa proie, et nous assistons, d'un claquement sec de mâchoire, à l'égorgement de la gazelle ou du pourceau : ainsi, l'auteur de Monsieur Teste est-il surnommé «Léonard de Vichy» (p. 206) ou, petite facilité que nous excuserons sans peine à notre atrabilaire qui ne peut pas toujours saigner proprement, si je puis dire, sa victime mais la larde de coups de canif inoffensifs, «Paul Valait-rien» (p. 217), facilité de potache disais-je, comme si Léon Daudet nous montrait par avance le maximum auquel atteindrait, quelques années après sa sanglante carrière d'imprécateur, un Jean Cau, pire encore, je veux dire, bien plus petit, un Denis Tillinac, si nous nous souvenons que, comme Georges Bernanos, Daudet fils «déchire comme l'aigle», mais «un aigle qui saurait l'anatomie» (p. 124). Parfois également, cette fois-ci à l'exemple de Léon Bloy, l'auteur des Morticoles, pourtant mieux nourri et sustenté que le Mendiant ingrat, a pu accrocher aux mesquineries (cf. p. 118), travers qui est celui de tous les prodigues et prodiges verbaux. Du second, Renan donc, tout est sale et abject et là, le trait est aussi juste qu'assassin, donc définitif : «Quand je lis Renan, j'entends, derrière la toile peinte en couleurs tendres, des blasphèmes furieux, des jurons de charretier ivre» puisque «son style lui servait à masquer son âme» qu'il avait vile (Aphorismes sur la polémique et l'invective, p. 127). Je retiens cette autre magnifique méchanceté, d'une brièveté lardant la masse des dix mille pages inutiles et fausses écrites par l'auteur de La vie de Jésus : «Renan, ou le bidet de Ponce Pilate. Il s'y lavait, non les mains, mais le cul» (Réflexions sur la connaissance, p. 301). Si la polémique, telle que la définit Léon Daudet, est ainsi «un combat mené par la plume en faveur de certaines idées» et «la réaction de défense contre les enlisements et endormements philosophiques, artistiques et littéraires» (Le plus grand de nos polémistes, François Rabelais, p. 66), nul doute qu'il soit, lui, tandis que d'autres dorment, constamment en éveil ! Nous verrons pourtant que l'un des effets bénéfiques de cette hargne à ne jamais fermer l’œil est une étonnante capacité d'accommodement, au sens optique du terme, de la vision, susceptible tout autant de replacer le plus fin détail dans un plan d'ensemble ordonnateur, qu'il sera cependant le seul capable de parvenir à discerner avec autant de justesse, nous en précisant le moindre dentelé. Léon Daudet nous le dit avec humour lorsqu'il prétend que le polémiste est réactionnaire, donc réaliste : «il est pour ce qui est, contre ce qu'on lui dit qui sera, mais dont il n'est pas du tout sûr que ce sera; en d'autres termes, le polémiste est avant tout un réaliste» (ibid., p. 68), à condition de préciser que ce réaliste-là sera doué d'une finesse de jugement et d'une sensibilité inouïes, ce qui n'est en fin de compte pas très étonnant puisqu'il est celui qui, «aux périodes critiques de notre histoire», venge «la justice et la morale bafouées en montrant les choses et les gens sous leur véritable aspect, en dehors des conventions d'écoles, d'assemblée et d'instituts» (ibid., p. 103). En somme, le polémiste, loin d'être un aigri et un raté, communes insultes dont les bonnes âmes l'accablent avec leurs petits crachats, est bien au contraire celui qui, derrière les apparences du luxe et de la volupté, flaire la pourriture de la charogne maquillée pour la fête démocratique et, non content d'incommoder l'odorat de nos vertueux, expose la pourriture en plein défilé républicain. Pas étonnant que la vieille démocratie française, que Léon Daudet qualifie de «Révolution couchée, et qui fait ses besoins dans ses draps» (Les atmosphères politiques et l'histoire de la Révolution, p. 193) ne lui ait jamais pardonné un tel outrage, et l'ait enfermé à quintuple tour dans le cabanon capitonné où elle a relégué ses plus fiers contempteurs, qu'il s'agisse de Barbey, de Bloy, de Darien, de Céline, de Marc-Édouard Nabe et, donc, de Léon Daudet.

9782221123157ORI.jpgD'autres ressemblances entre les divers textes appartenant qui plus est à des genres eux-mêmes différents, plus évanescentes et subtiles, composent la toile de fond sur laquelle Léon Daudet projette au premier plan des motifs grossiers, comme un peintre qui n'hésiterait pas à accorder un soin maniaque à l'arrière-plan de la scène qu'il représente, mais se contenterait, pour peindre le devant de la scène, de larges traits de gouache, tout pressé en somme de signifier une mystérieuse transparence aux yeux de ceux qui se tiendront devant sa toile. Il est d'ailleurs difficile de préciser la nature de cette musicalité diffuse, de cette colle qui unit apparemment tous les textes sans les confondre, qu'il s'agisse de notations ou d'aphorismes fulgurants de justesse et d'alacrité ou de passages plus amples, élégiaques, chantant la beauté des grands écrivains et des textes qui tous se répondent les uns les autres, si ce n'est par ce que nous pourrions appeler une espèce d'atmosphère de sympathie, équivalent moderne des correspondances baudelairiennes que Léon Daudet place au-dessus de la faculté épaisse, bornée, répétitive, kilométrique même d'un Victor Hugo à dérouler des images poétiques, remarquables ou, inversement, d'une sottise républicaine consommée (voir le beau texte intitulé Hugo grandi par l'exil et la douleur).

Si, écrit Daudet, «dans le pamphlétaire de bon aloi, il y a du chien, dressé à sauter à la gorge du faux (Aphorismes sur la polémique et l'invective, p. 127), raison pour laquelle il goûte la puissance d'un Léon Bloy (2) tout en n'oubliant pas d'indiquer certaine petitesse on l'a dit, il y a aussi chez ce diable d'écrivain qui est, avant tout, un critique littéraire puissant, ce que nous pourrions affirmer être une constante instabilité : je ne veux pas parler de l'incapacité, pour Daudet, de planter le dard d'un jugement dans une bajoue ou une fesse molle, cette arme dont jamais les cochons de la critique journalistique contemporaine n'ont imaginé le pouvoir de trancher de fines lamelles de lard, mais d'une espèce de perpétuelle, à vrai dire dévorante curiosité, un appétit formidablement rabelaisien de tout lire, de tout connaître, de tout vanter ou, dans certains cas, de tout exécrer, avec une même étonnante capacité d'ingestion et, reconnaissons-le dans le cas de cet exécrateur surdoué, de digestion et d'expulsion.

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Rien de moins figé en effet que la pensée sans cesse mouvante de Léon Daudet ou, pour le dire autrement, rien de moins compassé que certaines de ses vues ondoyantes, perpétuellement souples mais non point labiles ou fragiles, que l'on aura quelque mal à penser avoir été celles d'un prétendu réactionnaire engoncé dans son corset de certitudes ripolinées plutôt qu'émises par un zélé moderniste s'extasiant, comme un nouveau-né, du moindre bilboquet qu'on lui mettra sous le nez. Lisons-le prétendre, à juste titre puisque la hauteur de vue, l'empan intellectuel véritable toujours s'entent sur une très solide culture, sur la connaissance du tuf où l'art a germé au long des siècles et jamais sur une voracité instantanée, devant être perpétuellement comblée par de nouveaux aliments qui exténueront la volonté et tortureront l'estomac, que «toute œuvre d'art de forme nouvelle provoque un véritable choc, et celui-ci est douloureux à ceux qui ne font pas partie des élites, intellectuelles ou artistiques, de ce temps. Ces élites savent bien que l'art aussi doit changer, que ses formes sont éternellement mouvantes, qu'il en est d'elles comme des reflets du soleil, ou de la lune, sur les flots incessamment agités; mais les autres, les gens de peu d'esprit, d’œil, d'oreille, de sensibilité, les «verts» d'académie et d'institut, les professeurs de facultés, les mandarins à douze boutons, se figurent qu'il y a des formes de beauté immuables et que quiconque s'en écarte et apporte un étincellement inédit en littérature, une configuration inédite en sculpture, une couleur inédite en peinture, etc., ou bien est fou, ou bien veut se moquer du monde» (Baudelaire, le malaise et «l'aura», p. 271). Quelques pages plus loin, il affirmera qu'il semble, à propos d'un poème de Baudelaire, que «tous les mots soient employés là pour la première fois», comme s'ils étaient «décrassés de l'accoutumance, de la même façon syntaxique que dans les Pensées de Pascal» ou que «leurs coordonnées mentales sont changées (ibid., p. 285) : encore faut-il, n'est-ce pas, pouvoir non seulement supporter ce changement des repères, accepter un nouveau mètre étalon par quoi, le plus souvent, un génie établit sa souveraineté, mais en qualifier la pertinence, l'originalité et la beauté.

imagesldslitt.jpgNous savons plus d'un écrivain qui aura dû son lancement de carrière, si je puis dire, à ce superbe facilitateur que fut le fils d'Alphonse Daudet, car Léon a une remarquable capacité non seulement d'accueillir le talent, où qu'il se trouve (en cela, la critique littéraire d'un Pierre Boutang peut à bon droit être considérée comme sa plus riche héritière), mais à s'enthousiasmer sans feinte ni cynisme pour la grandeur, en vertu, peut-être, de l'universelle communication des livres entre eux, la beauté nourrissant et même : faisant naître la beauté, dans une atmosphère ténue que Léon Daudet définit en la qualifiant d'ambiance, et qui pourrait en peu de mots être décrite comme l'«étincellement général de l'intelligence» (Le plus grand de nos polémistes, François Rabelais, p. 64) : «L'ambiance est voisine du frisson et de l'aura, et c'est par là que s'expliquent les grandes frénésies et terreurs en commun, les pressentiments en nappe, et non plus seulement individuels, et les épidémies prétendues mentales, en réalité cutanées» (Les atmosphères politiques et l'histoire de la Révolution, p. 191). Notons, ici, la prévalence du vocabulaire clinique, médical, que Léon Daudet n'hésite jamais à utiliser, avec l'avidité d'un glouton, se servant d'images, de métaphores ou de comparaisons aussi précises que les gestes d'un découpeur de cadavres, non seulement parce qu'il a retenu la leçon du spiritualisme charnel que Huysmans invoquait dans l'entame de Là-bas mais surtout parce qu'il a, d'abord, été médecin, comme un autre pestiféré des lettres, cette fois-ci d'outre-Rhin, Gottfried Benn : la Révolution, qualifiée de bloc, «est plutôt un énorme caillot de sang et de sanie, et comparable à la soudaineté d'un cancer rongeur et dévastateur, qui envoya ensuite des métastases, de formes très diverses, à travers l'Europe» (Les atmosphères politiques et l'histoire de la Révolution, p. 195).

C'est sans doute, avec bien sûr les fulgurances de jugement dont nous avons parlé (3) et ce qu'il a appelé l'aura ou l'ambiance d'une époque, avec la délicieuse accumulation de souvenirs bien souvent directs (4) d'écrivains reçus par son fameux père ou encore une sensibilité étonnante à la musicalité de la langue (5), la dimension la plus intéressante du génie de Léon Daudet que cette délicate et exquise intrication entre le charnel, voire le corporel le plus humble et même misérable, et le spirituel, le corps et l'esprit ou même l'âme mais, surtout, plus profondément encore, cet entremêlement de la matière et de ce qui n'en est pas, ou bien est une matière ténue, toute pleine, toute grosse de ce qui la dépasse, l'essentialise, la subtilise. Ainsi du génie, que Léon Daudet explique très bellement dans son Hérédo, lequel naît d'une lutte, «d'un combat victorieux de la personnalité souveraine, et donc saine, contre la pression héréditaire et neurochimique, contre les troubles de ce [qu'il a] appelé la gravitation intérieure» (Baudelaire, le malaise et «l'aura», p. 260, je souligne). Nous pourrions croire Léon Daudet, comme Émile Zola, dans le matérialisme le plus fangeux, et trempant sa plume dans le bidet où Renan, donc, lavait son cul, que nous ferions entièrement fausse route puisque plus d'une fois l'auteur vitupère contre «les sombres crétins du matérialisme médical» définissant la pensée comme une «sécrétion du cerveau» alors qu'elle est bien davantage, et la formule est superbe, «un rythme de rythmes» : «En effet, un écrivain, comme un savant, n'est pas seulement parcouru par des ondes rythmiques, quantitatives ou qualitatives, normales et classées, et glissant dans le sens unilinéaire du temps, ou polylinéaire de l'espace. Il est le point de rencontre et la jonction de ces rythmes, accourus de l'avenir, que l'on ne pourrait pas plus nier que le mirage, ou le pressentiment. Tout orateur, ayant l'habitude de la parole en public, sait qu'il est commandé par trois séries d'ondes intellectuelles : celles venues du passé, c'est-à-dire du thème qu'il s'est donné; celles venues du public; celles venues, plus subrepticement et plus mystérieusement, d'un résultat moral ou actif, à obtenir, qu'il n'entrevoir pas mais qui, à son insu, le guide. J'en ai fait personnellement l'expérience vingt fois; et ce qui est vrai de l'orateur est vrai de l'écrivain, et aussi du savant» (Rythmes et cadences de la prose française, p. 51). Ces rythmes, ce réseau de fines cordes qui semblent ne jamais s'arrêter de résonner, toutes parcourues de frissons qu'il importera au lecteur immense de capter et d'ordonner, prouvent donc que «les sommets de l'esprit se relient à des attaches organiques», Baudelaire, d'autres aussi, étant de fait «de connivence avec les secrets permanents de la vie animale» (Baudelaire, le malaise et «l'aura», p. 283).

250px-Qui010809.jpgCette conception que nous ne pouvons absolument pas prétendre mécaniciste de l'univers, puisque les forces de l'esprit infusent la secrète architecture, puisque l'ambiance, ou l'aura, ou encore l'influence, l'atmosphère dira l'auteur (cf. p. 193), imprègnent l'histoire humaine, conception que nous pourrions sans doute, au prix d'une excessive simplification, nommer organique ou organiciste, apparaît très nettement lorsque Léon Daudet évoque les lettres françaises, qualifiées comme étant «une sorte de corps, qui a une continuité, des ramifications et une direction générale en dehors des corps des citoyens français qui se succèdent de famille en famille suivant les lois et des dérivations héréditaires» (Montaigne et l'ambiance du savoir, p. 163), le mouvement que réalise le critique littéraire pouvant en fin de compte être comparé à l'exploration méthodique d'un corps immense dont aucune des parties ne serait ignorée ni considérée comme ne faisant pas partie d'un tout dont il importe, avant tout, de bien comprendre la fondamentale complexité, si la visée du grand lecteur, comme la pensée de Montaigne selon Daudet, «se met à décrire des cercles successifs et subintrants, auxquels sont tangents d'autres livres et d'autres réflexions» (ibid., p. 164).

Ainsi pouvons-nous dire que, tout comme Léon Daudet resta émerveillé devant la pénétration de Charles Baudelaire, sa logique et ce «je ne sais quoi de divinatoire qui est au-delà de l'analyse et de l'exposé et qui fait les synthétistes et rassembleurs de premier plan» (Baudelaire, le malaise et «l'aura», p. 358), nous restons émerveillés devant la puissance synthétique de cet auteur, laquelle, il faut bien le noter, jamais ne se départit d'une formidable capacité de concentration de la vue, comme si ce pénétrant critique disposait non seulement d'une foreuse lui permettant de carotter tel terrain qu'il escompte aurifère, mais aussi d'un laser lui assurant d'extraire, avec une précision chirurgicale, sans rien toucher de ce qui l'entoure, sans même briser la gangue qui l'emprisonne, telle miraculeuse goutte de diamant qu'il fera ensuite scintiller sous notre regard.

Notes

(1) Les textes composant cet ouvrage sont tirés de Courrier des Pays-Bas, publié en 1928 chez Grasset. Il fait intelligemment suite au précédent recueil de textes publiés chez Séguier, Écrivains et artistes, préfacé par Jérôme Leroy (grand ami de Lapaque, au passage) dont j'avais rendu compte dans cette note. Quelques fautes sans gravité sont à signaler : un tiret semi-cadratin manque après «Paul Olagnier», p. 29; «Vénus» et non «Venus», p. 52; la virgule est fautive dans la phrase «la cure de Meudon et celle près du Mans», p. 102; pas de trait d'union dans «allez vous reposer», p. 154; «si petit qu'il fût» et non «tût», p. 180; «fût fait» et non «fut fait», p. 184; il manque un «s» à «de» dans la phrase commençant par «Au point de vue des pertes individuelles», p. 197; il manque un «t» au verbe dans la phrase «La guerre et la fatigue qui suivit», p. 204.

(2) Superbe description de la puissance de la langue bloyenne : «Sa phrase a souvent l'ampleur et le nombre de celle de Flaubert, bien que plus aisée et plus libre. Flaubert, c'est l'école du renfermé. Bloy, c'est l'embarquement, au petit jour, dans la barque du pêcheur breton, qui fleure la rogue, la sueur refroidie et le sel» (Rythme et cadence de la prose française, p. 50). Notons que Léon Daudet fait remonter au même père, François Rabelais, qualifié de plus grand de nos polémistes, et même non seulement de «prince des polémistes français», mais «encore comme le premier de tous les polémistes, avec Aristophane» (Le plus grand de nos polémistes, François Rabelais, p. 83), le génie de l'invective : «Il dépasse la mesure et, par là, il est bien de son époque, qui a poussé l'intensité, verbale et évocatoire, jusqu'à ses dernières limites» (p. 94). Notons, pour clore ces remarques sur le génie de l'imprécation, que Léon Daudet n'hésite pas à évoquer Ernest Hello, qui «avait de très grandes parties de polémiste, et plus d'envergure en dedans que Veuillot». Malheureusement conclut Daudet, «il était de ceux qui, selon le mot de Chateaubriand, «n'arrachent pas leur rive»» (Aphorismes sur la polémique et l'invective, p. 128).

(3) Fulgurances qui lui laissent même penser qu'il risque de n'être pas compris du lecteur, comme si l'intuition court-circuitait le raisonnement par concaténations, en réalisant des bonds qui, d'un coup, nous permettent de saisir le mystère, en tout cas de nous retrouver tout proches de lui. Ainsi, dans le merveilleux portrait de Charles Baudelaire que nous avons mentionné, écrit-il : «Mais Baudelaire n'est pas un auteur malsain, loin de là. C'est un auteur sain, un remordeur, un monsieur à repentirs et pénitences, qui lutte contre ses suffusions morbides, nées de son désir désolé de jouir, une bonne fois, pour de bon. Je ne sais si je me fais bien comprendre» (p. 261). De la même manière, quelle justesse de vue lorsque, toujours à propos du grand poète, d'un «personnage de cette taille», il affirme qu'il «arrive toujours un moment où la critique doit céder la place à la théologie» (p. 267), et c'est tout à la fois de la pénétration d'esprit et une sonde jetée loin dans les profondeurs théologiques que de dire que «la plus grande agonie connue, après celle du Calvaire, et la plus atroce, apparaît avoir été celle de Jeanne d'Arc. Comme solitude totale, on ne connaît pas mieux» (Le combat de l'homme contre lui-même, p. 112).

(4) Lisons-le évoquer Nadar : «Entre un excellent poulet aux cèpes, très abondants aux lendemains de pluie dans la forêt, une gigantesque omelette baveuse, et un vin blanc fameux, Nadar et ses copains racontaient des souvenirs merveilleux et gais de cette période si originale de la littérature et de l'art français, située entre le romantisme et le réalisme, entre les «Barbizon aux barbes de bison» et les impressionnistes. Le centre attractif était alors, comme il l'est redevenu, Baudelaire, avec ses airs mystérieux, son grand frac et ses manières de dandy purotin» (p. 267).

(5) Musicalité jamais mieux exposée que dans les textes de Rabelais, dont le langage est «farci d'argot; mais d'un argot spécial, peut-être le plus savoureux de la langue française, connu de nous depuis le XIVe siècle et qui est le langage des pérégrins, des gens qui se promènent sur les routes ou, comme on dit vulgairement, le parler du trimard. Ce parler du trimard, abondant en locutions de toutes sortes, tel un terrain géologique, porte, dans ses couches successives, de mots, ou coquillages, venus des diverses invasions, venus des périodes de famine, venus des périodes de guerres civiles, venus des périodes de révolution, d'insurrections générales» (Le plus grand de nos polémistes, François Rabelais, p. 86).