La Française d’origine belge Diane Ducret se fait connaître du public en 2011 et 2012 avec la parution des deux volumes sur les Femmes de dictateur. Elle se tourne ensuite vers le roman et l’essai. Elle a depuis sorti huit autres titres. Son plus récent, La Dictatrice, est un récit dystopique fictif. Cet ouvrage présente d’indéniables ambiguïtés politiques qui laissent songeur le lecteur.
L’intrigue de La Dictatrice est simpliste. Diane Ducret ne se fatigue pas beaucoup en imaginant la trame de son récit. Née sous X à Strasbourg, l’héroïne, Aurore Henri, est adoptée par le couple Henri. Journaliste, cette femme aux cheveux châtains et aux yeux bleus couvre le conflit en Irak et anime un blogue irrévérencieux, L’observatrice sans filtre.
L’histoire débute à Munich, le 8 novembre 2023. Les vingt-sept chefs d’État et de gouvernement des États-membres de l’Union européenne, en majorité eurosceptiques, discutent des modalités pratiques de sa dissolution. Aurore Henri manifeste à Marienplatz contre cette folle décision. Mécontente, elle prend une pierre, la lance et atteint le nouveau chancelier allemand. Arrêtée quelques semaines plus tard à Paris, elle est extradée, jugée à Munich, le 26 février 2024, et condamnée pour l’exemple à cinq ans de détention dans la prison de Landsberg.
Ces quelques éléments attirent de suite l’attention. D’autres dates et d’autres personnages n’entraînent aucune équivoque possible. Née un 20 avril 1989, Aurore Henri (AH) s’entoure de Hugo Humbert, d’Edward Golling ou de l’architecte génial Alberto Sperucci… La Dictatrice calque volontairement son intrigue sur la chronologie politique d’un célèbre dirigeant germanique des années trente et quarante du XXe siècle. Diane Ducret a-t-elle voulu prendre le contre-pied de la fameuse maxime de Karl Marx pour qui « la première fois l’Histoire se répète comme tragédie, la seconde fois comme farce » ? À la différence que la répétition se veut ici dramatique.
Comment canaliser le mécontentement populaire ?
Assumant son geste et montrant sa sincère compassion à tous, y compris ses détracteurs les plus virulents, Aurore Henri devient bientôt une vedette politique. Elle reçoit dans sa cellule un abondant courrier de femmes battues, de filles empêchées d’avorter, d’homosexuels et de lesbiennes persécutés. Elle entretient sa notoriété en mettant en ligne un commentaire hebdomadaire sur Twitter. La prisonnière la plus célèbre d’Europe s’attaque aux mouvements anti-avortement, aux groupes homophobes, au « nationalisme viril (p. 60) » ainsi qu’au « souverainisme membré (idem) ». Telle une nouvelle Lysistrata, elle demande aux femmes de faire la grève du sexe. Elle avait prévenu son auditoire. Au moment de son procès, n’avait-elle pas lancé au juge : « Je crois que les privations sont le germe des révolutions. Nous venons d’assister à une révolution. Mais nous avons oublié que les révolutions engendrent des années de terreur (p. 35) » ?

Quand Aurore Henri retrouve la liberté en 2029, le continent européen subit de plein fouet la « Grande Dépression » économique, le « Grand Effondrement » civilisationnel, une féroce crise énergétique et des catastrophes climatiques alternant des épisodes de froid rigoureux et d’autres d’intenses sécheresses. Les États-nations font faillite. Le désordre s’installe partout. Vienne la sociale-démocrate se sépare de la très conservatrice Autriche. La Catalogne et l’Andalousie proclament leur indépendance. Les Européens crèvent de froid, faute de chauffage, et meurent de faim. En France, par exemple, « la politique de réduction des terres agricoles et l’industrialisation du territoire a affaibli l’indépendance alimentaire du pays (p. 78) ». La poly-crise mondiale n’empêche cependant pas que « les États-Unis, la Russie et la Chine se partageaient l’énergie et les richesses du monde. Le rêve européen s’était éteint (p. 118) ».
Inquiets de la tournure des événements, deux membres de l’hyper-classe mondialistes, la richissime Helen et le conseiller de l’ombre Nicolas, prennent sous leurs ailes Aurore Henri dès sa sortie de prison. Malgré ses réticences initiales, Aurore Henri accepte les conseils avisés de Nicolas. Ce dernier lui apprend que sa fraîcheur médiatique et ses années de détention représentent deux excellents atouts publics. L’ancienne prisonnière bénéficie aussi du soutien du « magnat tchèque de la presse (p. 171) », Artur Krotinsky qui « possède nombre des quotidiens, hebdomadaires et féminins les plus importants d’Europe (p. 82) ». Allusion limpide à Daniel Kretinsky, le propriétaire tchèque de Marianne (cf. Faits & Documents, n° 452, du 1er au 30 juin 2018). Pourquoi est-il visé et non pas Drahi, Bouygues ou Dassault ? Serait-ce une manifestation xénophobe ? Diane Ducret se vengerait-elle indirectement d’un quelconque refus ?

Autre fait intrigant. Diane Ducret imagine que la crise de civilisation frappe durement la Grande-Bretagne post-Brexit si bien que ses banques « tentèrent d’abord de se maintenir à flot en ponctionnant les comptes de leurs clients. Les assurances vie, les actions, les portefeuilles sont vidés, avec pour obligation légale de laisser 10 000 livres disponibles par tête. Ceux qui en ont les moyens s’enfuient en direction des États-Unis, du Golfe ou de l’Asie, les autres voient partir en fumée le travail de toute une vie. Les maisons achetées à crédit sont saisies, si bien qu’à la fin de l’année, Londres compte cinq cent milles personnes sans foyer (p. 75) ». Plus que le corralito argentin et les récents exemples grec et chypriote de blocage des comptes courants, elle sous-entend le retour de l’emprisonnement pour dette qui appartient à la tradition judiciaire anglo-saxonne. L’importation de cette mesure sur le continent serait couplée à la nationalisation des domiciles. Les députés de la majorité macronienne n’ont-ils pas envisagé une taxe sur les propriétaires au motif ubuesque qu’ils ne paient pas de loyer ? Le bankstérisme cherche à domestiquer des populations de plus en plus rétives.
Mandragore et eunomie
Dans un contexte chaotique et conflictuel, Aurore Henri développe une vision féministe, matriarcale, écologiste et gynocratique. Contre les États nationaux-souverainistes, elle rappelle « aux peuples que de grandes valeurs, dépassant leur intérêt personnel, les unissent (p. 85) ». Elle soutient la renaissance de l’Europe, car « nous sommes une civilisation, nous sommes une famille. Nous ne sommes pas un marché, une économie dont on se débarrasse lorsqu’elle n’est plus avantageuse ! […] L’Europe nous a élevés, c’est notre foyer. […] Sitôt que nous ne serons plus une grande puissance […] d’autres s’approprieront nos ressources, puisqu’ils ne nous craindront plus. Nous allons devenir la cible des spéculateurs qui s’enrichiront sur nos dettes (pp. 13 – 14) ». Elle réclame par conséquent « la création d’une Nouvelle Europe, rempart contre la corruption, les affaires, la violence, l’avarice et le manque de valeurs. Une Nouvelle Europe maternelle, spirituelle et bienfaitrice ! (p. 165) » Ainsi partage-t-elle la juste colère de son conseiller spécial quand le pape refuse de les recevoir au Saint-Siège. « “ C’est bien le problème de notre continent, il est pris en otage par la gériatrie. Ils nous emportent avec eux dans la tombe, parce qu’ils n’ont plus la force de faire pousser la vitalité ”, enrage Nicolas (p. 133). »
Détentrice d’une formidable notoriété, Aurore Henri invite d’abord les Européens à assiéger les sièges du pouvoir. Elle somme ensuite les gouvernements nationaux d’organiser un référendum fondateur de la « Nouvelle Europe ». Dix-sept États sur les vingt-sept participent à ce scrutin, ouvert le 30 janvier 2033, qui se traduit par 70 % de oui.
Depuis le début de sa carrière politique et en faveur d’une crise polymorphe toujours plus grave, Aurore Henri anime une formation politique de dimension européenne, les « Phalanges sacrées ». Militant dévoué corps et âme, le « phalangiste » se doit de renier sa foi en public. Tous agissent en faveur du « Programme pour l’établissement d’une Nouvelle Europe ». Peu de temps auparavant, la future chancelière de la Nouvelle Europe a répondu à une journaliste que « ce n’est pas moi qui suis radicale, c’est le chaos de notre époque. Je ne suis qu’une voix qui tente d’ordonner le chaos (p. 203) ».

Elle ne veut pas refaire les mêmes erreurs que ses prédécesseurs en matière de construction européenne. Attachée aux symboles, elle présente au peuple européen un nouvel étendard plus mobilisateur à ses yeux. « Voici le drapeau de notre Union. Il unifie dans la même couleur les disparités de nos peuples, le rouge du sang que nous avons versé pour nous retrouver. La plante en son centre nous rappelle ce que nous avions oublié. Nos racines communes, seules, feront fleurir la paix et l’unité (p. 211). » La plante en question est la mandragore. Pourquoi cette plante ? « La mandragore est le symbole du combat pour la singularité de notre culture. Elle est notre signe de ralliement dans la lutte contre les excluants en tant que destructeurs d’unité et d’égalité (p. 415) », s’enflamme Hugo Humbert.
Aurore Henri reprend à son compte la réflexion de Nicolas qu’elle tue peu après. Son conseiller évoque Sparte et la notion d’eunomie qui « signifie la bonne législation, l’ordre bien réglé, l’équité, le juste équilibre, l’harmonie (p. 163) ». Dans l’hémicycle vide et en ruine du Parlement européen à Bruxelles, elle lance au monde entier en direct : « Vivons dans une Europe qui, telle une cité grecque, respecterait l’humain, le vivant, et glorifierait son environnement ! Convergeons vers un même but, comme un arbre unit en un seul tronc toutes ses racines ! Nous sommes la déesse Europe ! (p. 165) » Elle fait édifier un somptueux palais, le Megala Mandragora, sur un pic rocheux des Météores en Thessalie grecque. Quelle en est l’explication ? « Les Météores, en équilibre entre ciel et terre, entre Orient et Occident, entre terre et mer, étaient la quintessence géographique de son projet politique (p. 400) », parfaite concrétisation géographique de la Nouvelle Europe eunomique. Ne propose-t-elle pas d’ailleurs établir « l’équilibre parfait entre les citoyens, dotés des mêmes droits, éduqués dès leur plus jeune âge par la poésie et la philosophie, tournés vers le bien commun (p. 163) » ?
Manifestation d’une idée grande-européenne
Certes, au début de son ascension politique, Aurore Henri défendait « une seule humanité, une seule Terre, une seule vie. Il faut oser repenser la transcendance, et privilégier comme valeurs maîtresses de nos sociétés celles qui nous unissent et donnent sens à nos vies. Le collectif et l’individuel ne feront alors plus qu’un, ils ne s’opposeront plus, puisque chacun, en se réalisant lui-même, réalisera les valeurs de tous (p. 86) ». Le poids des responsabilités l’oblige néanmoins à revoir se renouveler. Portée par l’eunomie, la Nouvelle Europe se veut idéocratique. « Tout comme la Nouvelle Europe, l’Union soviétique était le nom d’un pays conceptuel, d’une idée (p. 494). » Citant Nietzsche et Hegel, Aurore Henri rêve d’un État « régénéré. Un État total harmonieux constituant une unité organique, qui soumettrait la science et la religion, dans lequel la séparation des pouvoirs n’existerait pas. Un État qui subordonnerait le particulier à l’universel pour le bien de l’humanité. Un État qui, par la discipline qu’il imposerait, serait le chemin sur la liberté véritable des hommes (p. 345) ». Le nouvel État eunomique sort de l’OTAN, se désengage du FMI, annule ses dettes et nationalise les firmes transnationales. Quant à l’OMS, pour rester dans l’actualité sanitaire et vaccinale, son bras droit rugit : « L’OMS ? Une bande de dégénérés vendus aux laboratoires pharmaceutiques de l’Ancien Monde ! (p. 419) »

Avec Aurore Henri, l’habitant du vieux continent se transforme en « fier Néo-Européen à part entière (p. 424) ». Désormais, « la Nouvelle Europe est un corps organique, libéré de ceux qui l’entravaient. Chaque pays est un organe nécessaire à sa survie, tous les organes œuvrant de concert (p. 285) ». Les seize points du Programme entrent dès lors en application. Le point 3 affirme ainsi que « seuls les citoyens bénéficient des droits civiques. Pour être citoyen, il faudra adhérer aux valeurs de la Nouvelle Europe, et par ses actes, ses croyances ou ses intentions, ne pas chercher à la détruire ou à la déstabiliser. Les citoyens pourront être déchus de leurs droits civiques et être bannis s’ils ne respectent pas les valeurs de la Nouvelle Europe (p. 167) ». Le gouvernement néo-européen commence une politique ambitieuse de grands travaux en liaison avec le septième point : « La Nouvelle Europe ne financera plus ses politiques publiques par la taxation du travail, mais par la taxation des transactions financières et commerciales, et la mise en place de nouveaux mécanismes économiques libérant les citoyens du joug de la pression fiscale (p. 168). » Le pendant social de l’eunomie officielle sonne familièrement avec le cinquième point : « La Nouvelle Europe s’engage à procurer à tous ses citoyens des moyens d’existence sous la forme d’un revenu d’existence de base, donné à chaque citoyen afin de garantir sa survie et sa dignité (p. 168). » Une nouvelle forme de servage se réinstalle de cette façon tant l’allocation universelle de base – à ne pas confondre avec le revenu de citoyenneté – incite à la caporalisation des masses.
L’eunomie s’occupe de tout et de tous…
Diane Ducret a-t-elle lu L’Altermonde de Jean-Claude Albert-Weil ou certains textes du jeune Guillaume Faye qui théorisent un grand espace continental autarcique ? On peut s’interroger. « Les anciennes usines automobiles sont recyclées en usines propres fabriquant des voitures à air comprimé (p. 295) » d’un seul et unique modèle : la Henri. Mieux encore, « Les villes côtières sont alimentées par d’incroyables turbines sous-marines nourries par les courants marins. Leur fabrication, sur les chantiers du Havre à l’abandon, redonne vie à la région, et fierté aux habitants. […] Sur les pourtours de l’Atlantique, des centrales à énergie marémotrice sont bâties, captant l’énergie issue des mouvements de l’eau créés par les marées et l’effet conjugué des forces de gravitation de la Lune et du Soleil. La première, celle du Mont-Saint-Michel, est un symbole de la liaison entre patrimoine et futur eunomique. Des centrales captant l’énergie sismique sont creusées au pied des volcans. La première est inaugurée en Italie, sur les contreforts de l’Etna. Dans le sud de l’Espagne, les immenses plaines industrielles d’Andalousie sont recouvertes de panneaux solaires. En Allemagne ainsi qu’en Pologne sortent de terre des centrales géothermiques, afin d’en capter l’énergie qui est convertie en chaleur. Des barrages et moulins de taille considérable sont construits sur chaque fleuve et rivière, afin d’en potentialiser la force et de capter l’énergie hydraulique liée au déplacement de l’eau. Des dynamos eunomiques sont installées dans chaque foyer. Les citoyens sont invités à produire leur part d’énergie, afin de prouver leur implication dans le projet commun. Un fichier recense les foyers selon le ratio de leur production (p. 296) ». L’autosuffisance énergétique sans recourir au nucléaire ? Comme c’est bizarre…
Aurore Henri lance des équipes scientifiques à travers le monde entier à la recherche des vestiges primordiaux de la femme originelle et de la Déesse-Mère. Le régime eunomique exalte en effet la Terre-Mère, sacralise la femme et célèbre les menstruations. Cet hyper-féminisme qui ravirait l’exquise Alice Coffin et la délicieuse Caroline De Haas s’accompagne d’une misandrie légale. « La parole d’une femme est désormais comme une preuve indirecte et suffit à déclencher une enquête à charge, faisant sauter, pour l’homme incriminé, la présomption d’innocence. Sur simple dénonciation, les hommes reconnus coupables de viol ou de harcèlement sexuel sont soumis à la stérilisation chimique (p. 371). »

Cette politique misandrique se décline aussi en mesures démographiques osées. La sexualité eunomique implique l’usage obligatoire de moyens contraceptifs masculins et féminins jusqu’à l’âge révolu de 20 ans. Il y a en outre un contrôle strict des naissances avec la limite de deux enfants par couple et un emploi de la PMA pour les femmes stériles. Quant à la cérémonie des « Fiancés de la mandragore », elle relève sciemment des pratiques eugéniques. « Chaque participant trouvera l’amour eunomique. […] Ces derniers s’engagent à confier l’éducation du premier-né de leur union à la chancelière, renonçant à leurs droits parentaux. Ils ne se montreront pas infidèles et ne pourront dissoudre leur lien qu’en motivant par écrit leur choix, le ministère examinant alors le bien-fondé de leur requête (p. 378) ». Pourquoi ? Parce que « un véritable mariage eunomique unit harmonieusement deux citoyens de Nouvelle Europe, lors d’une cérémonie néopaïenne officiée par des membres du parti (p. 368) ». Là encore apparaît l’exemple spartiate.
Contre une opposition souvent armée (Nowa Prawica en Pologne et Terra Lliure en Catalogne), le régime eunomique prend diverses lois répressives contre tous « ceux qui par leurs mots, par leurs pensées contestataires contradictoires avec les valeurs de l’Union, mettent en péril son grand projet (p. 415) ». Par ailleurs, il s’attaque au fléau de l’obésité. Et si les gros refusent leur cure d’amaigrissement ? « C’est bien tout le drame des malades, la plupart d’entre eux n’ont même pas conscience d’avoir besoin d’aide. Il est de votre devoir, lorsque vous tenez à quelqu’un, de tout faire pour le préserver, même contre sa volonté (p. 420) », tonne Hugo Humbert. Les chantres de la vaccination ne disent-ils pas la même chose ? Dans ces conditions, il va de soi que « l’opinion n’existe pas […], c’est un fantasme créé par la presse, faisant profit de la peur et du doute. Dans un pays où un dirigeant montre la voie avec assurance, le peuple est libéré de l’asservissement de l’opinion. Il n’a plus à penser, il n’a qu’à le suivre ! (p. 240) » Le nouveau réseau social néo-européen Newer remplace à juste titre Twitter, Facebook et Instagram. La liberté d’expression serait-elle finalement qu’une illusion vicieuse ? Pour sa part, Hugo Humbert, commandeur suprême des SS1 et ministre de l’Intérieur, a constitué en secret un immense fichier de toute la population. Il a « eu l’idée de placer des logiciels espions dans les messages envoyés aux membres s’abonnant aux pages Twitter et Instagram d’Aurore Henri. Collectant patiemment toutes les informations disponibles en ligne ainsi que sur leurs clouds privés, il avait amassé en quelques années la plus grande banque de données personnelles jamais détenue par aucun parti politique. De leurs goûts musicaux, leurs problèmes de santé à leurs préférences intimes, l’Internet livrait à son œil myope tout de leurs frustrations et de leurs espoirs (p. 251) ». On pense ici à l’inscription gratuite à La République en marche. Mais remplir en ligne sa déclaration fiscale annuelle ne permettent-elle pas à l’administration des impôts de tout connaître des contribuables en temps réel ?
Avertissement ou anticipation ?
Dès 2037 – 2038, la production néo-européenne chute; la crise économique repart. La Nouvelle Europe s’oppose aussi à une Russie expansionniste avant de lui déclarer la guerre. Les forces eunomiques néo-européennes s’effondrent en 2045 sous les coups d’une alliance entre la Russie, la Turquie et les États-Unis. Aurore Henri met fin à ses jours dans son palais des Météores.
La Dictatrice se lit-il au second degré ou entre les lignes ? Le fichage informatique, le revenu d’existence de base, la judiciarisation des intentions sont des sujets de préoccupation immédiate. Contre qui ou contre quoi ce livre est-il destiné ? Diane Ducret a-t-elle rédigé une satire dystopique ? Prévient-elle le public des menées menaçantes de l’État profond hexagonal ? S’élève-t-elle contre la manifestation tangible du « populisme des bien-pensants », Emmanuel Macron ? Dénonce-t-elle au contraire par avance un éventuel candidat – surprise à la présidentielle de 2022 – genre Christophe Mercier dans la troisième saison de Baron noir – en résonance avec l’exaspération grandissante des électeurs ?

Bien que paru au début de l’année 2020, l’ouvrage fait écho à la sortie énigmatique d’Emmanuel Macron à Brut, le 4 décembre 2020 ? « Peut-être que je ne pourrai pas être candidat. Peut-être que je devrais faire des choses dans la dernière année, dans les derniers mois, dures parce que les circonstances l’exigeront et qui rendront impossible le fait que je puisse être candidat. » Des commentateurs y ont vu l’annonce préventive d’une répétition d’un renoncement à un second mandat à l’instar de François Hollande. Il est en fait possible qu’Emmanuel Macron ne soit pas candidat en 2022 car, pour un motif quelconque (sanitaire, sécuritaire, voire « anti-populiste »), il n’y ait pas d’élections présidentielles. Son mandat présidentiel sera prolongé sine die par une Assemblée nationale complaisante, elle aussi prolongée, et un Sénat mis au pas au cours d’un coup d’État élyséen réussi. Ce putsch institutionnel obtiendrait la bénédiction de la Commission européenne, de Berlin et du gâteux de la Maison Blanche Joe Biden ou de la future Messaline de Washington, Kamala Harris. On ne peut en tout cas que rester circonspect devant un livre si étrange quant à son intention véritable.
Georges Feltin-Tracol
• Diane Ducret, La Dictatrice, Flammarion, 511 p., 2020, 21,90 €.




del.icio.us
Digg
Nous autres, Européens autochtones, vivons indéniablement une période de « fin de civilisation », qui ressemble à s’y méprendre à celle vécue par les contemporains de la fin de l’Empire romain d’Occident. Cette constatation, assez peu réjouissante, mérite à la fois que l’on établisse un bilan des réalisations anciennes et que l’on apporte quelques réflexions comparatives sur les valeurs qui s’estompent et celles qui émergent.
La propagande mondialiste reflète, c’est évident, les choix de nos maîtres, qui leur sont dictés par leur intérêt. Le grand village terrestre ne doit plus être composé que d’individus qui consomment beaucoup, au besoin à crédit, et pensent gentiment ce qu’imposent les fabricants d’opinion publique.






Lynne Olson




Other pro-intervention movies were:
America First and isolationism still matter. Indeed, the isolationists were not proved wrong. They could claim that they had kept America neutral until it was attacked by a treacherous foe. They did, however, make mistakes that can be discussed in retrospect.

Publiés à peu près au même moment, la distance temporelle entre L’Epopée des Arvernes de Jean-Paul Bourre et Le Procès des Dieux de Maxence Smaniotto est en réalité d’environ 2300 ans : les Poissons sont littéralement encerclés par ces deux volumes romanesques absolument bouleversants, dont la juxtaposition forme une terrible nasse immergée dans les plus profondes eaux souterraines de l’Europe intérieure.
Sujet de rédaction : « Cent mille guerriers gaulois s’installent dans un grand désordre sur la rive droite du Rhône ; après être parvenus à traverser le fleuve, ils affrontent des dizaines de milliers de légionnaires romains qui finissent par lâcher une troupe d’éléphants. Décrivez le tumulte qui s’ensuit ». 


Etonnez-vous après cela que les gnostiques pop que j’évoquais plus haut soient de fervents adeptes des cathares. Ils croient que ceux-ci ont tous été exterminés par les dominicains, alors qu’en réalité, ils ont anéanti l’Eglise, bâti la République américaine et pris le pouvoir en Occident. S’ils sont Sans-Rois, c’est parce qu’ils sont Avec-la-République.
Hermès se défend particulièrement bien en prenant ses juges à partie, parce qu’il sait qu’en réalité, c’est pour de tout autres raisons que ceux-là s’attaquent à l’Olympe : l’une est iranienne et ne fait que défendre Zoroastre humilié, l’autre est juif talmudique et ne fait que combattre l’helléno-christianisme, un troisième est républicain donc franc-maçon, etc. Apprenant sa condamnation à la prison « jusqu’à l’oubli » dans les entrailles des îles Kerguelen, Hermès prévient alors le jury : « Vous ne vous rendez pas compte. Vous allez libérer les Titans » …

Voici donc rassemblés, avec de nombreux inédits, L’Ombre de Venise, Le songe de Pallas, Lectures pour Frédéric II et Au seul nom d’une déesse phénicienne, livres naguère publiés par les audacieuses et coruscantes éditions Alexipharmaque, - lesquelles, comme leur nom l’indique, proposaient des contre-poisons aux toxiques divers dont ce temps nous assomme et dont le moindre n’est pas l’outrance moralisatrice qui exerce désormais ses hystéries sur tous les fronts. A les comparer, les anciennes addictions, opiacées ou autres, nous semblent bien douces.
Cependant, ne déplorons point trop de vivre dans ce temps qui nous offre la chance inquiétante et exaltante de ressaisir, avant qu’elle ne disparaisse, et de notre mémoire même, ce qu’est une une civilisation ! Le crépuscule, nous dit HöIderlin, détient le secret de l’aurore. Jamais, sans doute, dans ce déclin et cet abandon, les formes anciennes ne nous parurent si éclatantes et si mystérieuses, si proches serais-je tenté de dire, sitôt que notre regard touche, par une décision résolue, à la grande limpidité qui va jusqu’au fond du Temps.
L'horreur visible des débuts de l'industrialisation, avec ses murs noircis de suie et ses feuillages racornis de miasmes, laissait au moins aux hommes la tentation de l'exotique, le voyage de Gauguin ou de Ségalen. La grande uniformisation planétaire nous ôte ces idylles . Le bien pour ce mal sera de nous retourner vers nos propres sources intérieures. Ce sera l'affaire non de tous mais de chacun, - de quelques uns, pour être plus précis, nous ne le savons que trop, élite fervente et rêveuse qui s'opposera à «l'élite» mal élue, comme on dirait mal élevée, des actuelles technocraties. Le proverbe est juste; «le poisson pourrit par la tête», - mais contre l'élite malversée, il faudra bien inventer une élite élue par l'écume de l'Aphrodite Anadyomène, une élite aimée des dieux, de même qu'à la masse, il faudra opposer un peuple, qui serait, lui aussi, dans la reconnaissance de ses dieux et de ses symboles. Ce sera la poésie ou rien.









Entre les deux hommes, presque des contemporains, séparés par seulement quatre ans de vie, est née une amitié qui - entre les hauts et les bas de l’existence, comme cela arrive souvent aux hommes dotés de caractère et de profondeur spirituelle - a duré jusqu'à la fin des jours d'Eliade (Cioran le suivra en 1995). Un monument littéraire à cette relation de longue durée entre deux géants de l’esprit est Una segreta complicità (Adelphi), la première édition mondiale de la correspondance entre les deux exilés roumains, d'où émerge une incroyable complémentarité, mêlée d'antagonisme, souvent non exempte de virulente controverse, comme le rappellent les deux éditeurs, Massimo Carloni et Horia Corneliu Cicortaş, mais toujours sous la bannière d’une entente secrète que Cioran a témoigné à Eliade le jour de Noël 1935 :
De même, la différence entre deux visions du monde opposées concernant l'Est et l'Ouest apparaît chez les deux hommes, Cioran cherchant pour ainsi dire à trouver un Est dans l'Ouest, et Eliade étant poussé à aller dans la direction opposée, sans toutefois se laisser aller à l'exotisme facile, tant à la mode à l’époque que maintenant. Il écrit à Cioran le 23 avril 1941 depuis Lisbonne, où il séjourne en tant qu'attaché de presse à la légation roumaine (le magnifique Journal portugais, publié en italien par Jaca Book, témoigne de son séjour en terres lusitaniennes) : "Vivant face à l'Atlantique, je me sens de plus en plus attiré par des géographies qui m'étaient autrefois insignifiantes. J'essaie de trouver mon salut en dehors de l'Europe. Vasco de Gama est toujours arrivé en Inde".
Leur relation épistolaire et humaine survivra à cette Europe dont ils avaient tous deux rédigé le rapport d’autopsie, vivant en ses derniers moments comme l’on vit la fin d'une saison, avec cette amère conscience qui transparaît d'une note du Journal portugais d'Eliade datant de novembre 1942 (un an après la lettre précitée) et écrite dans la ville espagnole d'Aranjuez avec ses mille palais et jardins caressés par le Tage : "Le palais rose. Les magnolias. A côté du palais, des groupes de statues en marbre. Vous pouvez entendre le bruit des eaux du Tage qui se déversent dans la cascade. Une promenade dans le parc du palais : de nombreuses feuilles sur le sol. L'automne est arrivé. Les rossignols. Le minuscule labyrinthe d'arbustes. Des bancs, des ronds-points. Nous sommes les derniers". J'aime à penser que dans cette lointaine année 1942, dans l'œil de la tempête, Eliade parlait implicitement de lui et de son vieil ami, à des centaines de kilomètres de là, mais partageant avec lui un destin bien plus élevé, que même la tragédie européenne qui a suivi n'a pas pu écraser.
Il n’y a pas de grand homme pour son valet de chambre. Il n’y a pas non plus de grand penseur pour sa fille aînée. Avec Fille de révolutionnaires, la journaliste macronienne Laurence Debray a ravi tous les détracteurs de son père, Régis Debray. La photographie du bandeau de la couverture attire déjà l’attention. On la voit presque au garde-à-vous devant une porte tenant un fusil. À l’âge de dix ans, elle séjourne en juillet dans un camp des Jeunesses communistes à Cuba où elle apprend entre autres à manipuler des armes. Un mois plus tard, elle participe à un camp de jeunes aux États-Unis. En accord avec sa mère d’origine vénézuélienne, Elizabeth Burgos, son père veut qu’elle prenne enfin partie. À Cuba, la jeune fille découvre que chaque matin commence par la cérémonie des couleurs cubaines et des autres nationalités présentes. Elle observe que « si le communisme prêche l’égalité, un bon communiste est meilleur que les autres et doit sans cesse le prouver (p. 246) ». Entre le modèle castriste et l’exemple yankee, elle choisit finalement « la vieille Europe, assez modérée et confortable : on y mange bien, lit bien, dort bien (p. 253) ».
Elle dépeint des parents entièrement préoccupés par la politique au point qu’ils ne s’en occupent guère. Ses jeunes années sont surtout marquées par l’incessante traque parentale de Klaus Barbie dont le procès télévisé va marquer le début de l’ère de l’hypermnésie victimaire. Elle insiste en outre longuement sur les années de son père passées à La Havane aux côtés de Fidel Castro et du Che ainsi que sur sa période de guérillero en Bolivie et sur les conditions éprouvantes de détention. Ambassadeur de France à La Paz, l’ancienne barbouze en chef anti-OAS, Dominique Ponchardier, aidera beaucoup le détenu et ses parents.

Nous y sommes car nous avons devant nous une conspiration avec des moyens techniques et financiers formidables, une conspiration formée exclusivement de victimes et de bourreaux volontaires. On a vu les bras croisés le cauchemar s’asseoir depuis la mondialisation des années 90 et la lutte contre le terrorisme, puis progresser cette année à une vitesse prodigieuse, cauchemar que rien n’interrompt en cette Noël de pleine apostasie catholique romaine. La dégoutante involution du Vatican s’est faite dans la totale indifférence du troupeau de nos bourgeois cathos, et on comprend ce qui pouvait motiver Drumont, Bloy ou Bernanos contre une telle engeance de bien-pensants. Un pour cent ou un pour mille de résistants ? Le reste s’est assis masqué et a applaudi.
Nous sommes donc à la veille d’une gigantesque extermination et d’un total arraisonnement. Et tout cela se passe facilement et posément, devant les yeux des victimes consentantes ou indifférentes que nous sommes. Nous payons ici l’addition de la technique et de notre soumission. De Chateaubriand à Heidegger elle a été rappelée par tous les penseurs (voyez ici mes chroniques). C’est cette dépendance monotone qui nous rend incapables de nous défendre contre les jobards de l’économie et de l’administration qui aujourd’hui veulent faire de leur troupeau humain le bifteck de Soleil vert ou les esclaves en laisse électronique. Et le troupeau est volontaire, enthousiaste comme disait Céline avant juin 40.
Voilà pourquoi les parlements et les administrations ne seront arrêtés par rien. Et le troupeau renâclera peut-être trois minutes mais il se soumettra comme les autres fois sauf qu’ici ce sera global et simultané. Quant aux minorités rebelles (1% tout au plus) le moins que l’on puisse dire c’est qu’elles ne sont pas très agissantes…
Et comme Chateaubriand Gheorghiu rappelle :




Le livre qui vous est présenté, The Reawakening of Myth, est la suite de deux ouvrages : The Return of Myth et The Awakening of Myth. Le premier, The Return of Myth, a été publié en Serbie en 2010. Le livre initialement intitulé The Awakening of Myth a été, pour diverses raisons, intitulé par l'éditeur Towards the Post-History of the World et publié à Belgrade en 2013. The Return of Myth était un ouvrage assez volumineux, comptant plus de trois cents pages, composé de plusieurs livres de différents genres littéraires, comprenant aussi un recueil de poésie. Le deuxième livre était une sélection d'essais explorant et abordant divers topoi mythiques. Au risque de se donner un satisfecit, on pourrait dire que, dans ces derniers livres, l'auteur a exploré des domaines très divers : de la géographie et de l'histoire sacrée à l'histoire de l'art, de la géopolitique à la mythologie, de la "théorie hyperboréenne" à la technocratie, de "l'idée du centre" et de la notion que ce centre représente réellement quelque chose qui est maintenant perdu, à l'opposition moderne entre l'Orient et l'Occident. Towards the Post-History of the World se termine par un survol de l'Apocalypse chrétienne.
Le XXe siècle n'a pas manqué d'érudits lucides et pénétrants du mythe. Il suffit de mentionner ici deux d'entre eux : le penseur et écrivain roumain Mircea Eliade, qui a surmonté le faux dualisme du sacré opposé au profane, car "il n'y a pas d'existence profane", et l'écrivain allemand Ernst Jünger, qui réfléchissait constamment au rapport entre les mondes mythique et historique. Rappelons quelques points de référence importants d’Eliade. Selon Eliade, les images, les symboles et les mythes qui ont été oubliés ou supprimés en Occident depuis le XIXe siècle nous révèlent les modalités les plus cachées de l'être humain. Le rôle spirituel des œuvres littéraires à l'époque moderne ? Elles ont préservé et transmis de nombreux mythes, bien que parfois sous une forme dégradée. Eliade a également souligné le fait que le regain d'intérêt pour le symbolisme et le mythe en Europe occidentale a coïncidé temporellement avec l'entrée des peuples asiatiques sur la scène historique, à commencer par la révolution de Sun Yat-sen. Par ailleurs, nous devons également au XXe siècle la découverte que toute connaissance "objective", "scientifique" n'est, en réalité, pour citer Alexandre Douguine, qu'"une variation particulière de la mythologie", et que "le développement et le progrès ont un caractère cyclique". En d'autres termes, le progrès - cette invention des modernes - n'est qu'illusoire. L'humanité, malgré tous les changements qu'elle a subis, reste essentiellement "telle qu'elle a toujours été". L'ère du positivisme et du matérialisme optimistes est terminée pour l’essentiel : "À sa place est venue une nouvelle compréhension des constructions mythologiques" et "la réhabilitation de ces diverses disciplines et sciences qui ont été trop hâtivement classées comme dépassées et primitives". Cette prise de conscience fait également s'effondrer le sentiment de suprématie ou de scepticisme à l'égard del’antique héritage de l'humanité et des civilisations du passé lointain (la soi-disant préhistoire). Notre époque n'est pas privilégiée par rapport aux autres époques de l'histoire humaine qui l'ont précédée. Ce serait plutôt l'inverse : nous sommes en présence d'une involution et d'un déclin spirituel patent. 
Le livre qui s’offre maintenant aux lecteurs est une sorte de sélection d'écrits par le biais de laquelle Boris Nad se présente au public anglophone de manière plus complète que jamais. En fait, ce livre se compose de trois ouvrages, dont le premier est l'édition anglaise abrégée de The Return of Myth, publié à l'origine en 2016 à Melbourne, en Australie, par Manticore Press. Ce texte a été réédité et partiellement retraduit pour l'occasion et annexé à un texte non traduit auparavant, The Golden Fleece. La deuxième partie est un court roman, A Tale of Agartha, c'est-à-dire un récit du royaume souterrain qui a, pendant des milliers d'années, influencé de manière invisible et mystérieuse les événements à la surface de la Terre, l'histoire et le monde des nations. C'est l'un des grands mythes de l'Orient que l'auteur aborde de la manière caractéristique d'un écrivain : sous la forme d'un conte fantastique. La troisième partie de ce livre, Sacred History and the End of the World, complète les deux premières, comprenant des textes qui ont été laissés de côté dans l'édition anglaise précédente de Return of Myth ainsi que d'autres textes, non traduits et non publiés auparavant, dans lesquels il aborde des sujets connexes d'une manière extrêmement libre, à la façon d’un essayiste. Ces sujets comprennent, entre autres, la notion d'histoire sacrée, l'apparition de l'Antéchrist et la seconde venue du Christ (qui est d'une importance particulière pour le christianisme oriental), et les relations entre l'Orient et l'Occident. Cette dernière partie ne concerne pas seulement la crise de l'Occident, mais aussi la crise dans laquelle les sociétés (et civilisations) orientales sont de plus en plus impliquée dans une phase descendante - des crises qui, sans aucun doute, ont essentiellement la même racine spirituelle. Aujourd'hui plus que jamais, il est nécessaire que l'Est et l'Ouest se rapprochent plutôt que, comme cela a été le cas au cours de l'ère moderne (contrairement à certaines périodes historiques antérieures), de s'éloigner davantage l'un de l'autre et de se diviser. La première et nécessaire condition pour cela est que l'Est et l'Ouest se connaissent mieux et engagent enfin le dialogue (sinon, ils ne cesseront d’être en guerre).
La maison d'édition Diana propose la réimpression d'un essai de Marcel Gauchet "Droite/Gauche - histoire d'une dichotomie", enrichi d'une introduction de Marco Tarchi et d'une postface de l'auteur, annexe nécessaire à une publication datant déjà de 1992.
Les finalités, les contenus et les programmes changent mais l'"ordre de bataille" de la politique française reste formellement inchangé : dans un mélange de conflit et de fragmentation, les modérés et les alternances du centre continuent à gouverner, laissant "libre cours" aux doctrinaires des extrêmes et à un dualisme aussi élémentaire que manichéen, virulent et implacable.
Cette approche contraste avec celle "essentialiste" (identifiable, en grande partie, dans les écrits de Norberto Bobbio), qui échappe au test empirique d'une discrimination claire entre les deux catégories et n'explique pas les transformations que le passage du temps et l'évolution des circonstances ont imposées aux pratiques des partis et mouvements politiques traditionnellement placés dans l'un ou l'autre domaine.
L'homme qui plantait des arbres est un livre de Jean Giono dans lequel l’auteur se rend compte, comme en ces temps-ci, qu'il n’a que deux alliés qui ne le trahissent pas et qui lui sont toujours fidèles : Dieu et la nature.
L'homme qui plantait des arbres, un berger provençal, personnage principal du livre, a travaillé humblement pendant 37 ans, en se penchant sur le sol pour planter des glands, même s'il savait que seuls 20 % d'entre eux deviendraient des chênes. Il a ainsi transformé des collines stériles en forêts de chênes et de hêtres. Il avait décidé d'atteindre ce but premier dans la vie sans se poser trop de questions sur sa réussite ou non. Mais la persévérance d'un homme simple, faite d'amour et de dévouement, durant toutes ces années, va conduire à révolutionner un lieu désert et abandonné en le transformant en un village orné de forêts et de ruisseaux.











Vauban et le chemin de fer






Quelques penseurs isolés contestent cette réduction. Parmi eux, en Italie, Francesco Tomatis, spécialiste de la philosophie de Schelling, s'est distingué avec son livre monumental, La via della montagna (Le chemin de la montagne), aujourd'hui en librairie chez Bompiani Editore, qui reprend une conception mystique de la pratique de l'alpinisme (686 pages, € 20,00). Selon Tomatis : "Grâce à la concentration en montagne des éléments de vie [...] ; ils sont utilisables [...] pour la régénération cyclique mais aussi innovante et évolutive de tout être vivant" (p. 9). Aller à la montagne ouvre à la connaissance, à condition toutefois de laisser dans la vallée des instances purement subjectivistes et volontaristes : "Personne ne peut ouvrir la voie de la montagne. Elle s'ouvre plutôt à nous" (p. 9), c’est-à-dire à ceux qui l'abordent avec humilité et audace, motivés par la recherche de l'original, dans la conscience de la mortalité constitutive de chaque entité. Celui qui marche sur les sentiers ou grimpe sur les parois verticales, s'il est animé par de telles intentions, peut vivre : "une conversion à la richesse foisonnante du monde de la montagne [...], une descente sur le versant ensoleillé [...], révolutionnaire et archétypale pour tout être vivant, précisément parce que le re-cordo de l'ascension extatique, perpétuellement vivant dans son vertige, dessine un simple "ça", bien réel et vide" (p. 10). La rencontre avec la multiplicité vivante de la montagne, révèle une connaissance qui dit la présence de la souveraineté dans chaque entité, en effet elle découvre dans la présence, au sens émirati, la seule façon de se donner au "supervectorat" (p. 10). C'est l'acquisition spontanée d'une vision verticale, qui transforme sans violence celui qui en est le porteur, le rendant ainsi en phase avec la métamorphose cyclique et toujours égale mais différente (semblable à ce qu’en disait Klages) de toute chose.
La pratique de l'alpinisme se traduit, comme l'a rappelé René Daumal dans son Mont Analogue, en termes poétiques : un savoir qui s'applique dans une action, comme dans l'art entendu au sens traditionnel. Tomatis y explique, verum et factum convertuntur, réalisant la coïncidence entre l'ascension et la descente. La recherche spontanée de la divinité se manifeste dans la marche en montagne, elle donne lieu à une connaissance naïve, non achevée sur elle-même, se référant à autre chose, à l' « ultériorité hyperbolique » qui regarde à la verticale, exposée à la hauteur. Le livre se développe en deux parties, une partie ascendante et une partie descendante. L'itinéraire proposé semble structuré sur la voie épistrophique et hypostatique du néoplatonisme, car la "source nivelée" que l'on atteint verticalement est la même que celle qui, au retour, innerve, par sa présence, la vie multiforme de la montagne. L'ascension et la descente se développent autour de la montagne, symboliquement comprise comme axis mundi, suspendue entre la limite mortelle et la dimension verticale à laquelle nous tendons.




D'autres ressemblances entre les divers textes appartenant qui plus est à des genres eux-mêmes différents, plus évanescentes et subtiles, composent la toile de fond sur laquelle Léon Daudet projette au premier plan des motifs grossiers, comme un peintre qui n'hésiterait pas à accorder un soin maniaque à l'arrière-plan de la scène qu'il représente, mais se contenterait, pour peindre le devant de la scène, de larges traits de gouache, tout pressé en somme de signifier une mystérieuse transparence aux yeux de ceux qui se tiendront devant sa toile. Il est d'ailleurs difficile de préciser la nature de cette musicalité diffuse, de cette colle qui unit apparemment tous les textes sans les confondre, qu'il s'agisse de notations ou d'aphorismes fulgurants de justesse et d'alacrité ou de passages plus amples, élégiaques, chantant la beauté des grands écrivains et des textes qui tous se répondent les uns les autres, si ce n'est par ce que nous pourrions appeler une espèce d'atmosphère de sympathie, équivalent moderne des correspondances baudelairiennes que Léon Daudet place au-dessus de la faculté épaisse, bornée, répétitive, kilométrique même d'un Victor Hugo à dérouler des images poétiques, remarquables ou, inversement, d'une sottise républicaine consommée (voir le beau texte intitulé Hugo grandi par l'exil et la douleur). 
Nous savons plus d'un écrivain qui aura dû son lancement de carrière, si je puis dire, à ce superbe facilitateur que fut le fils d'Alphonse Daudet, car Léon a une remarquable capacité non seulement d'accueillir le talent, où qu'il se trouve (en cela, la
Cette conception que nous ne pouvons absolument pas prétendre mécaniciste de l'univers, puisque les forces de l'esprit infusent la secrète architecture, puisque l'ambiance, ou l'aura, ou encore l'influence, l'atmosphère dira l'auteur (cf. p. 193), imprègnent l'histoire humaine, conception que nous pourrions sans doute, au prix d'une excessive simplification, nommer organique ou organiciste, apparaît très nettement lorsque Léon Daudet évoque les lettres françaises, qualifiées comme étant «une sorte de corps, qui a une continuité, des ramifications et une direction générale en dehors des corps des citoyens français qui se succèdent de famille en famille suivant les lois et des dérivations héréditaires» (Montaigne et l'ambiance du savoir, p. 163), le mouvement que réalise le critique littéraire pouvant en fin de compte être comparé à l'exploration méthodique d'un corps immense dont aucune des parties ne serait ignorée ni considérée comme ne faisant pas partie d'un tout dont il importe, avant tout, de bien comprendre la fondamentale complexité, si la visée du grand lecteur, comme la pensée de Montaigne selon Daudet, «se met à décrire des cercles successifs et subintrants, auxquels sont tangents d'autres livres et d'autres réflexions» (ibid., p. 164).
Cinabro Edizioni estune maison d'édition "militante" qui présente un catalogue intéressant de textes raffinés. Elle a récemment mis sous presse un essai qu’il convient de recenser pour nos lecteurs. Il est intitulé Dalla geografia sacra alla geopolitica (208 pages, 16 euros) ; c’est le dernier ouvrage de Daniele Perra, un jeune analyste et essayiste sarde qui a déjà écrit Essere e rivoluzione. Ontologia heideggeriana e politica di liberazione, publié par Nova Europa. Le livre, préfacé par le directeur de la revue d'études géopolitiques Eurasia, Claudio Mutti, aborde le thème du lien entre la géopolitique et la "géographie sacrée", dans le sillage de la conception que l'ésotériste et savant français René Guénon en avait donnée. Deux réalités qui, en fait et comme le révèle l'œuvre, sont intimement liées.
La corrélation susmentionnée entre la géographie sacrée et la géopolitique est le sujet principal du livre. "En partant de la déclaration bien connue de Carl Schmitt - poursuit Daniele Perra - selon laquelle les concepts les plus prégnants de la doctrine de l'État moderne ne sont rien d'autre que des concepts théologiques sécularisés, j'essaie de démontrer comment la géopolitique (science profane) descend directement de la géographie sacrée et comment il existe encore aujourd'hui une influence secrète, le plus souvent ignorée (ou niée) par les analystes géopolitiques actuels, de cette science traditionnelle sur l'imaginaire collectif. Ainsi, il y a un profond impact résiduel des archétypes de la géographie sacrée qui détermine et influence la structure même de la pensée géopolitique. Pensez aux conflits autour des centres spirituels (ces lieux capables de libérer des influences qui ne peuvent être attribuées uniquement et exclusivement à la sphère "matérielle") : de Jérusalem à Constantinople, jusqu'au Kosovo et à la Metohija. Et pensez aux concepts géopolitiques de "pôle" et de "centre" qui sont les avatars évidents de la géographie sacrée. Après tout, toute orientation géopolitique est avant tout une orientation spirituelle. Il reste à savoir si cette spiritualité est authentique ou contrefaite".
Mais si donc à toute orientation géopolitique correspond, comme l'explique l'auteur lui-même, une orientation spirituelle, que représentent les deux pôles géopolitiques actuels, fondamentaux, que sont l'Occident et l'Eurasie, du point de vue de la géographie sacrée ? "Dernièrement - conclut Perra - il m'est arrivé de trouver des références claires à une vision géographique sacrée dans la pensée heideggerienne. L'analyse que Martin Heidegger fait du poème L'Ister de Hölderlin est pleine de références à une forme de géographie sacrée qui peut nous aider à comprendre l'actualité géopolitique (Ister est le nom grec du Danube). Il est bon de rappeler que pour le philosophe allemand, les concepts géographiques de l'Ouest et de l'Est peuvent également s'appliquer à la pensée. Il existe donc un "Orient de la pensée" (la Grèce antique à comprendre comme la "lande du matin") et un "Occident de la pensée" (l'Europe actuelle, la "lande du soir"). Mais Heidegger, lorsqu'il parle de l'Ouest et de l'Est, se réfère exclusivement à l'espace eurasien. L'Ouest de l'Eurasie, l'Europe, est aujourd'hui prisonnier d'un autre "Occident" géopolitique. Cet "autre" Occident, extérieur et étranger à l'Eurasie, avant d'être un espace géographique, est un concept idéologique né en contraste total avec la culture européenne authentique. C'est un concept qui a anéanti cette culture au profit d'une forme de "démocratisme" dans laquelle l'espace politique est disputé pour, d'une part, le bénéfice d’un progressisme de plus en plus grossier et, d'autre part, pour le bénéfice d’un conservatisme construit autour de prétendues valeurs judéo-chrétiennes de matrice et de contrefaçon nord-américaine qui n'ont rien de commun avec la civilisation européenne. En fait, l'Europe est aujourd'hui prisonnière d’une formidable contrefaçon idéologique. La seule façon de se libérer de cette imposition est d'établir une plus grande coopération géopolitique avec les civilisations anciennes et combatives de l'Eurasie et, en même temps, de redécouvrir notre propre pensée initiale authentique.
Stanislaw Ignacy Witkiewicz fut une des figures majeures de l’avant-garde polonaise de Zakopane avec ses amis Witold Gombrowicz, Bruno Schulz et Tadeusz Kantor, lequel fut son metteur en scène. Né le 24 février 1885 à Varsovie, il mit fin à ses jours en 1939, après s’être adonné à la littérature, au théâtre, à la philosophie, à la peinture, à la photographie, dans un jaillissement créateur ininterrompu. Surtout connu comme homme de théâtre, il est aussi l’auteur de plusieurs romans qui subvertissent radicalement, à l’égal de James Joyce, l’art romanesque, parmi lesquelles, Les 622 chutes de Bungo, L’Adieu à l’automne et L’Inassouvissement, autobiographie hallucinée et uchronie terrifiante et prophétique, que les éditions Noir sur Blanc ont pris l’heureuse initiative de rééditer dans la « Bibliothèque de Dimitri », ainsi intitulée en hommage à Vladimir Dimitrijevic, fondateur des éditions L’Âge d’Homme. Peu d’œuvres auront davantage fait se heurter, en présence d’un désastre grandiose, le passé et l’avenir, ce qui disparaît et ce qui doit advenir – au point de révoquer en doute la nature même de l’existence des êtres et des choses, et à peu près tout ce que nous pensions savoir de l’esprit humain. L’occasion nous est ainsi donnée de revenir sur cette pensée en action qu’est l’œuvre polyphonique de Witkiewicz.
Ce que Witkiewicz nomme le « nivellisme » ne porte pas seulement atteinte à ses goûts ; et il serait trop facile d’opposer le généreux sens commun aux préférences aristocratiques de l’esthète. Ce « nivellisme » est aussi et surtout une négation de la nature humaine dans ses nuances et gradations. Emprisonné dans un seul temps, dans un seul état de conscience et d’être, une seule destinée, nous voici, tel du bétail, au nom du bonheur collectif ou de « l’homme nouveau », livrés à la pire des régressions. Le « nivellisme » sera donc une mise en demeure, à celui qui ne voudra pas s’y résigner, de sauver, une dernière fois avant l’« Adieu », toutes les puissances de l’intelligence, de l’imagination et du désir humain.
Avant donc la culture commune « conviviale, festive, et citoyenne », avant « l’homme-masse » – et je renvoie ici à l’excellente post-face à L’Adieu à l’Automne, d’Alain van Crugten, pour la comparaison avec Ortega –, Witkiewicz retourne aux ressources profondes de la culture européenne, à l’esprit critique, à l’ontologie conceptuelle qui laisse entre les hommes et le monde, entre les hommes entre eux, entre la certitude et le doute, entre ce que nous sommes et ce que nous croyons être, une distance, une attention, lesquelles nous rendent à la possibilité magnifique et terrible d’être dissemblables et seuls, au lieu d’être voués, de naissance, à cette fusion sociale purement immanente, ce grégarisme, qui évoque bien davantage la vie des insecte que l’humanitas. Quoi qu’on en veuille, et l’œuvre de Witkiewicz est ici anticipatrice, sinon prophétique ; le « nivellisme », nous y sommes, menacés par la facilité, et « cette sensation de triomphe et de domination qu’éprouvera en lui chaque individu moyen ». L’individu moyen, se concevant et se revendiquant comme moyen sera non le maître sans esclave rêvé par les utopies généreuses, mais l’esclave sans maître, c’est à dire le dominateur le plus impitoyable, le plus résolu, le mieux armé, par sa quantité, le plus administratif, le mieux assis dans sa conviction d’incarner le Bien.
Ce qui nous manque, Françoise Bonardel le nomme et l'illustre, le définit et l'exerce, n'est autre que la conversation sacrée. L'ouvrage, à cet égard, dépasse de loin l'intérêt que déjà nous pourrions porter à un travail fortement étayé sur Albrecht Dürer. On ne saurait mieux dire ce qu'est une conversation sacrée qu'en s'y livrant, c'est-à-dire en s'aventurant dans cette subversion du temps qui révèle les strates, le palimpseste, les nuées et les nuances des temporalités qui échappent habituellement à l'attention limitée, calculante, à l'égrènement uniforme, au cours linéaire qui est celui de l'usure.


(With introductions by Andrey Savelev, a delegate of the Russian Duma {Russian Parliament} and close personal friend of Avdeyev, and by Valeri Solovei, a historian and member of the liberal Gorbachev Foundation. The work is used as a textbook by the Department of Anthropology at Moscow State University.)

