C’était un samedi matin, ce 18 mars 1978 sur une route normande, près de Caudebec-en-Caux. À la veille du second tour des législatives, François Duprat décédait dans l’explosion de sa voiture. La conductrice, son épouse, y fut gravement blessée. Quarante ans plus tard, les auteurs n’ont jamais été retrouvé et son motif demeure toujours aussi mystérieux. La justice souvent si rapide à se saisir d’affaires secondaires a fait preuve d’une incroyable lenteur et avant de prononcer un non-lieu en 1982. Il faut dire que la victime n’était qu’un « fasciste ».
Dans les années 1970, François Duprat n’est autre que la tête pensante du jeune Front national fondé six ans plus tôt à l’initiative d’Ordre Nouveau. Si le mouvement de Jean-Marie Le Pen alors en pleine traversée du désert n’obtient que des résultats dérisoires, François Duprat apporte au FN des concepts et des mots d’ordre qui prendront toute leur valeur au lendemain du « Tonnerre de Dreux » en 1983. Il n’est pas anodin que sa seule biographie ait pour sous-titre « L’homme qui inventa le Front national (1) ».
Actualité du nationalisme-révolutionnaire
Quatre décennies après sa disparition violente, le public intéressé redécouvre François Duprat. En 2014 paraissait le n° 2 des Cahiers d’histoire du nationalisme réalisé par Alain Renault sur « François Duprat et le Nationalisme-Révolutionnaire (2) ». Outre plusieurs émissions radiophoniques, hertziennes ou internautiques (3), les éditions Ars Magna viennent de publier un gros recueil d’éditoriaux des Cahiers européens au titre explicite de François Duprat, le prophète du nationalisme-révolutionnaire (4).
François Duprat traîne la réputation d’être un des tout premiers historiens « négationnistes ». Or Alain Renault rappelle « qu’hormis un bref article dans Défense de l’Occident, il n’a jamais rien écrit sur le sujet de la Shoah ou des chambres à gaz… » Son bras droit et ami explique que Duprat n’a jamais édité l’ouvrage de Thies Christophersen, ni traduit celui de Richard Hardwood. Il raille les nombreux universitaires spécialistes qui propagent et reprennent sans vérifier ces inexactitudes.

Nationalisme-révolutionnaire ? Le terme suscite la perplexité de l’interlocuteur peu au faîte des subtilités « idéologiques » de la « mouvance ». « Le nationalisme-révolutionnaire est une tentative d’actualisation et de rénovation du nationalisme du XXe siècle. » C’est donc une synthèse politique originale. « C’est en unissant le Noir de la Tradition et le Rouge de la Révolution que nous avons fait notre drapeau. » En s’inspirant des précédents historiques, en particulier du « facteur le plus génial du fascisme [qui] fut d’unir le conservatisme et l’esprit révolutionnaire dans un même mouvement », « le Nationalisme-Révolutionnaire représente une tentative de prise en charge de la crise actuelle de l’Occident, sur le plan d’une remise en cause radicale des valeurs de la dite Société. Ce Nationalisme-Révolutionnaire propose comme noyau central de l’action humaine, l’idée de Nation, conçue comme un rassemblement organique d’éléments qui, sans elle, ne représenteraient qu’un agrégat sans consistance et traversé de tensions destructrices ». Cela implique d’être « pour un “ SOCIALISME NATIONALISTE ”, qui n’est que l’expression de notre opposition radicale et absolue au capitalisme sous toutes ses formes. Le capitalisme n’est que l’excroissance malsaine, dans le domaine économique, du libéralisme politique et de l’idéologie sioniste ».
Guère connue, la fibre sociale de François Duprat est incontestable. Elle reste d’actualité à l’heure où un « conservatisme » de salon tend à rejoindre le marigot du libéralisme le plus rétrograde. Très tôt, François Duprat comprit aussi la force subversive de l’immigration extra-européenne sans pour autant verser dans le racisme ou dans le « réalisme biologique ». Certes, il avoue volontiers que « la France doit retrouver son substrat biologique, qui est le seul moyen de sauver l’unité nationale », mais il défend à sa manière le concept porteur d’État souverain, organique et national-populaire.
Dès 1977, François Duprat voit dans « l’immigration, une excellente arme de propagande ». Il parle même bien avant le « Grand Remplacement » humain de « remigration » et ce, dès 1976 ! « Au problème crucial de l’immigration, prophétise-t-il, les nationalistes apportent une solution rationnelle et efficace : rapatriement des immigrants, en aidant financièrement ce retour et en favorisant l’implantation de nouvelles entreprises dans les pays les plus pauvres du tiers monde. » Outre l’enjeu démographique, François Duprat a compris que le jeune FN doit non seulement attirer son électorat habituel (les commerçants, les artisans, la petite bourgeoisie en voie de déclassement), mais aussi les couches populaires salariées. Il invite par conséquent les Groupes nationalistes-révolutionnaires de base (GNR) (5) et des Cercles nationalistes ouvriers de permettre aux candidats frontistes de « prendre des voix à la gauche ». Souvent discuté, le transfert des suffrages venus des gauches communiste et socialiste vers le FN dans les années 1990 a donné la thèse politologique du « gaucho-lepénisme ». Bien plus tard, un autre n° 2 du FN, Florian Philippot, élaborera en accord avec Marine Le Pen une ligne sociale-souverainiste sans l’approfondir réellement. Alain Renault note toutefois que « le FN “ dédiabolisé ” a aligné son programme économique sur celui des NR de l’époque… Il y a donc parfois des victoires idéologiques ».
Formation intellectuelle et écologie politique
François Duprat ne cachait pas qu’« il est clair aujourd’hui que la campagne de lutte contre l’immigration représentait la seule méthode utilisable ». En sortant le FN de ses thématiques classiques anti-communiste et anti-gaulliste, il avouait volontiers que « nous sommes des relativistes et que nous croyons à l’obligation pour les formulations idéologiques de s’adapter aux situations changeantes ». Sinon, « rester sur les vieilles positions, surannées et condamnées par les faits, c’est vouer notre camp à une défaite éternelle ». Ses préoccupations ne se limitent pas à la question sociale. Ainsi s’intéresse-t-il à l’écologie ! « Nous combattons pour que notre Terre ne soit pas ravagée et détruite par une “ civilisation ” qui anéantit rapidement ses richesses naturelles pour le seul profit final d’une petite clique d’exploiteurs. Les programmes de “ modernisation ” de notre espace territorial, le développement de l’énergie nucléaire, sont en train de détruire les bases mêmes de la vie de notre Peuple. » Parce que « l’hyper-capitalisme, comme le marxisme, sont issus, tous les deux, du monstrueux développement industriel du XIXe siècle et ils ont comme idée maîtresse la croyance en un progrès économique indéfini », « nous avons à lutter contre ceux qui ont transformé de vastes parties de notre planète en un dépotoir, pour augmenter qui la puissance politique d’une bureaucratie tyrannique, qui le taux de profit de certaines puissantes sociétés » avant d’affirmer que « l’écologie n’est qu’une projection de l’idéologie nationaliste-révolutionnaire ».
Il insiste aussi et à diverses reprises sur la nécessité impérative de former les adhérents, les militants et les responsables. Sa présence dans plusieurs périodiques, de Rivarol à Défense de l’Occident, d’Année Zéro aux Cahiers d’histoire du fascisme, montre que cette formation passe par la lecture. Elle se complète ensuite par des cours donnés au sein d’ « écoles de cadres », activité que pratiquait bien ce professeur d’histoire-géographie de lycée. Avec Internet et malgré la fragilité du tout numérique, il est possible qu’il aurait donné des cours en ligne et accepté la mise en ligne de ses conférences… Il utilisait tous les moyens techniques possibles afin de faire connaître ses orientations révolutionnaires. « Préparer la révolution, c’est chercher sans trêve à créer les conditions qui la rendront possible. »
François Duprat suivait l’évolution politique de l’Italie et observait avec attention les résultats électoraux du néo-fascisme. Il publia en 1972 aux Sept Couleurs, la maison d’édition de Maurice Bardèche, L’Ascension du MSI. Il se sentait en 1977 proche de la ligne nationaliste-révolutionnaire du MSI, Linea futura, entraînée par Pino Rauti. Dans la perspective des premières élections européennes de 1979, le MSI commençait à développer un « euronationalisme ».
Défense de l’Occident… européen ?
Dans cette période de Guerre froide et de menaces communistes, outre un anti-sionisme radical qui le rapprochait des groupes de résistance palestiniens, François Duprat approuvait l’alliance avec les États-Unis dans le cadre – ou non – de l’OTAN. Pour lui, l’impérialisme yankee n’existait pas. « Il s’agit d’un impérialisme sioniste et non point américain, qui va d’ailleurs à contre-courant des intérêts du peuple américain qui n’a pas plus envie de mourir pour Israël que les peuples européens. » Il doutait des propositions de troisième voie nationale-européenne au nom du réalisme géopolitique. « Quelles sont les défenses de l’Europe ? La triste vérité est qu’elles n’existent pas et qu’il n’y a toujours pas de substitut à la présence militaire américaine. »
Cela ne l’empêchait pas de se pencher sur l’idée européenne à un moment où sa construction déjà pervertie n’en était qu’à ses balbutiements. « La France… mettons isolée (pour ne pas écorcher certaines oreilles) n’a jamais été un idéal admissible pour les militants de notre bord ayant le sens de l’Europe. » La nation française « peut et […] doit jouer un grand rôle au sein d’un rassemblement des nations européennes. Mais, là encore, la France, ne pourra participer à une union de l’Europe que si sa personnalité existe encore ». À propos du « fait français », il reconnaît que « nous sommes des ethnies diverses rassemblées en une seule nation et nous devons continuer ensemble notre chemin, en respectant scrupuleusement l’originalité de chacune des composantes de notre Entité historique ». La vocation du nationalisme-révolutionnaire n’est pas seulement d’envisager « la France comme une nation colonisée, qu’il est urgent de décoloniser. Les Français se croient libres alors qu’ils ne sont en vérité que les jouets de lobbies étrangers, qui les grugent et les exploitent, grâce à la complicité d’une fraction des classes dirigeantes, à qui ces lobbies jettent quelques morceaux de leur festin », mais aussi et surtout de considérer que « le Nationalisme est la défense de toutes les ethnies constituant le Peuple français, au sein de leur cadre historique, la Nation française, une Nation enfin délibérée et rendue à son destin ». Le nationalisme-révolutionnaire agit « pour la libération de tous les peuples d’Europe, soumis les uns au colonialisme sioniste, les autres au colonialisme marxiste ». Toutefois, attention !, « on ne construira pas l’Europe sur une éruption de micro-nationalismes, prévient-il, qui auraient toutes les chances de tourner très vite en chauvinisme et en racisme hostiles aux autres ethnies de notre nation ». Il en découle que « le nationalisme croît dans les régions, il ne prend pas appui sur des individus désincarnés, anonymes, mais sur des citoyens intégrés dans leurs régions d’origine. Il fait sienne la doctrine de l’enracinement et ne prêche pas un quelconque “ sous-jacobinisme ” centralisateur, destructeur des petites unités régionales ».
François Duprat encourage dès lors le « co-nationalisme », « à savoir l’accord de chaque État Nationaliste pour édifier une PLUS GRANDE EUROPE, nouvelle Communauté de Destin des Peuples européens ». « L’union des Nations européennes, insiste-t-il, doit conduire à la création d’un Nouvel Empire d’Occident, regroupant toutes les nations justifiées devant l’Histoire. » Il ne néglige pas le cadre européen, car « la France (et bien d’autres pays) va être confrontée à une crise d’ampleur inégalée depuis des dizaines d’années, ce qui entraînera la nécessité de solutions radicales ». Il soulignait aussi que « nous sommes de nouveau dans la “ Zone des Tempêtes ”, et dès lors, tout redevient possible pour les nationalistes-révolutionnaires ». Extralucidité ? Pas du tout. Seulement « être révolutionnaire, ce n’est pas se vouer à la destruction de l’Ordre ancien, mais bien préparer l’avènement de l’Ordre nouveau (qui passe par la destruction, évidemment, des structures anciennes) ».
Redécouvrons donc les écrits de François Duprat, visionnaire d’un Ordre nouveau français et européen, trop tôt foudroyé…
Georges Feltin-Tracol
Notes
1 : Nicolas Lebourg et Joseph Beauregard, François Duprat. L’homme qui inventa le Front national, Denoël, coll. « Impacts », 2012.
2 : François Duprat et le Nationalisme-Révolutionnaire, Cahiers d’histoire du nationalisme, n° 2, Synthèse nationale, juin – juillet 2014, 20 €. Des citations proviennent de ce numéro.
3 : Mentionnons en respectant la chronologie, l’émission n° 96 de « Méridien Zéro » du 13 mai 2012, « Un homme – un destin. François Duprat. Le révolutionnaire controversé », animée par le Lieutenant Sturm et Jean-Louis Roumégace avec Emmanuel Ratier et Julien X; l’émission « Affaires sensibles » présentée par Fabrice Drouelle, « François Duprat. Aux origines du Front national », avec Nicolas Lebourg, diffusée par France Inter, le 5 mars 2018, et l’émission « Synthèse » de Roland Hélie et Philippe Randa, « François Duprat » avec Françoise Monestier, disponible sur le site de Radio Libertés, le 8 mars 2018.
4 : François Duprat, le prophète du nationalisme-révolutionnaire, Ars Magna, coll. « Le devoir de mémoire », 2018, 493 p., 32 €. Des citations proviennent aussi de ce recueil.
5 : Aux GNR militèrent un futur collaborateur actif d’Europe Maxima, Daniel Cologne, et Frédéric Julien, auteur plus tard de trois ouvrages remarquables passés bien inaperçus à leur parution, Pour en finir avec la droite (L’avenir du nationalisme. Le nationalisme de l’avenir), La Librairie Française, 1981; Pour une autre modernité. Relever le défi américain, Les Éditions du Trident – La Librairie Française, « Études solidaristes – Cercle Louis-Rossel », 1985; et Les États-Unis contre l’Europe. L’impossible alliance, Le Livre-Club du Labyrinthe, 1987.




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Digg



Après la réélection de Vladimir Poutine ce 18 mars, le journaliste Frédéric Pons a expliqué à RT France que beaucoup de Russes ne comprenait pas «le ralliement, l'alignement de la France» sur le Royaume-Uni dans l'affaire de l'ex-espion empoisonné. 
Un jour, leur victime est un ancien militaire ayant servi dans la Légion étrangère et ayant fait la guerre d’Algérie. Henri, « le capitaine », refuse de baisser les yeux comme le lui ordonne un complice de David. C’est là l’acte fondateur de ce qui, petit à petit, provoquera chez David une admiration, voire une fascination, pour cet homme âgé dont la vie consiste à défendre des valeurs fort éloignées de son monde à lui en même temps que l’honneur et la mémoire de ses anciens soldats.
Henri, lui, c’est André Thiéblemont, un véritable ancien officier de Légion. Dans le film, c’est un taiseux et ses silences sont souvent plus évocateurs que ses rares paroles. Ses yeux bleus parlent pour lui, mais c’est avant tout une « gueule » impressionnante et dont la vérité crue des expressions nous émeut.



Quant à ce roman, gageons qu’il découragera plus d’un lecteur s’intéressant à cette période. Tant de personnages défilent qu’on ne parvient à s’attacher à aucun d’entre eux. On a en outre l’impression que l’auteur a voulu y fourguer toute sa documentation. Elle est d’autant plus vaste qu’il l’a largement puisée sur un site internet en libre accès: celui qu’Henri Thyssens consacre depuis 2005 à Robert Denoël. Mais on est loin de l’élégance d’un Pierre Assouline qui, à la fin de son roman Sigmaringen, tint à citer ses sources. Le travail de Thyssens est ici sommairement mentionné au détour d’une page alors que, sans les recherches qu’il a accumulées pendant vingt ans, ce roman n’existerait tout simplement pas. Quant au chercheur il est qualifié d’« admirateur de Louis-Ferdinand Céline », ce qui, dans l’esprit de l’auteur, doit être un tantinet suspect.







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L’intérêt essentiel de cet essai est de souligner le fait, pour Drieu la Rochelle, de ne pas se satisfaire, comme les nationalistes français, de la victoire sur l’Allemagne lors de la Première Guerre mondiale, qui s’est soldée par le Diktat de Versailles, en 1919. Au-delà de l’Europe exsangue, meurtrie par cette guerre civile européenne, Drieu la Rochelle nous propose une
Face à l’euphorie de l’éphémère victoire, cette alliance européenne (car il s’agit bien de cela) est une « question de vie ou de mort », selon l’auteur lui-même : ne pas aller vers cette union nous entraînerait inéluctablement et irrésistiblement vers d’autres conflits. Intégrer l’Allemagne, contre laquelle la France vient de combattre, avant que celle-ci ne se tourne vers d’autres alliances, plus à l’Est. N’oublions pas que l’Union soviétique est en train de se construire, à l’intérieur, comme une véritable fortification socialiste (et un modèle pour beaucoup !) et qu’en serait-il de nous, Français, si l’Europe centrale (Mitteleuropa) se tournait vers elle ? L’insularité britannique et la défaite allemande ne sont-ils pas des risques de division du Vieux Continent ? La perfide Albion tournée vers l’Amérique et l’Allemagne, humiliée par le traité de Versailles, lorgnant vers l’Empire communiste… Dans cette saisissante hypothèse, que resterait-il de la France éternelle ?




Bien que ce livre soit dédié « aux fainéants, aux cyniques, aux extrêmes » – il aurait pu l’être aussi à tous ceux qui dans les gares « ne sont rien », ce n’est pas le premier pamphlet contre l’ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée aux temps de « Flamby». Michel Drac prévient qu’il « n’a rien contre Macron en tant que personne. En fait, c’est le contraire : le nouveau Président ne nous fait pas honte. Il n’a pas l’attitude d’un agité (Sarkozy), et ses discours ne rassemblent pas à de mauvaises rédactions de troisième (Hollande). Le problème, ce n’est pas Macron. C’est le système derrière lui (p. 140) ». 
La « stratégie de la tension » et les autres manipulations terroristes plus ou moins sous faux-drapeau contribuent aux moments de crise majeure. Celles-ci se préparent au cœur de divers cénacles intérieurs (les services secrets français) ou extérieurs (les officines anglo-saxonnes, mais pas seulement…). Michel Drac envisage par exemple la CIA inciter son vieux complice, Cosa Nostra, à soutenir l’indépendantisme sicilien tandis que le gouvernement italien très anti-euro obtient le soutien, direct ou non, de la City de Londres, ce qui attise les tensions financières (et même politiques) entre Londres et Berlin. Londres et Washington choisissent finalement l’explosion de la monnaie unique européenne afin de briser nette toute puissance européenne émergente. Comment dans ces circonstances peut se positionner Macron qui se veut en même temps proche des protagonistes ? De son choix dépendra l’avenir du projet européen. « Le point de rupture est proche. De trois choses l’une. Ou bien l’euro engendre un super-État européen. Ou bien la zone explose. Ou bien une combinaison des deux : le super-État naît, mais restreint à certains membres de la zone. Allemagne et périphérie, peut-être avec la France. Mais pas avec l’Europe du Sud (p. 46). » Cette dernière correspond assez bien aux thèses de Laurent Wauquiez avancées dans son essai de 2014, Europe : il faut tout changer. Laurent Wauquiez devient d’ailleurs le Premier ministre de Macron dans une nouvelle cohabitation dans l’une des hypothèses envisagées.
Si l’auteur décrit de manière convenable le « système russe : oligarchie hyper-centralisée tempérée d’anarchie provinciale (p. 54) » malgré une erreur vénielle sur le titre du premier ministre russe – celui-ci n’est pas président du Conseil des ministres, mais Président du gouvernement -, certaines de ses conjectures n’emportent pas l’adhésion. Prenons la plus optimiste d’entre elles, « Le printemps italien », qui voit la victoire du Mouvement Cinq Étoiles (M5S) aux législatives italiennes de mars prochain. Il prévoit un gouvernement de coalition entre la Lega de Matteo Salvini et le M5S, puis, dans la foulée, l’émergence d’une force semblable en France, d’abord apparue sur Facebook, Clair et Net, qui s’impose à la surprise aux élections anticipées et cohabite avec Macron. Or ce mouvement dégagiste exige déjà avec la seule différence de taille qu’il est « contre-populiste » : La République en Marche. En outre, Michel Drac ignore la réalité du mouvement fondé par le comique anti-berlusconien Beppe Grillo. Celui-ci se met désormais en retrait de sa création qui cumule les contradictions. Rapporté aux candidatures présidentielles françaises de 2017, le programme « grilliniste » emprunterait à Benoît Hamon, à Jean-Luc Mélenchon, à Marine Le Pen, à Jean Lassalle et à Jacques Cheminade. Grillo est hostile à l’euro et au droit du sol. Depuis quelques mois, le premier-ministrable du mouvement, Luigi Di Maio, s’est exprimé devant les cénacles atlantistes, a autorisé la liberté de vote sur le droit du sol, et ne souhaite plus quitter l’OTAN. En plus, « nous voulons rester dans l’Union européenne, exprime-t-il, et bien sûr, nous voulons rester dans l’euro (dans Le Monde, art. cit.) ». Le véritable danger pour l’Euroland surgirait probablement d’un gouvernement néo-berlusconien avec Forza Italia, la Lega et Frères d’Italie. En revanche, la situation rêvée des oligarques serait une entente surprise entre Forza Italia et le Parti démocrate au pouvoir actuellement, ce qu’envisage Berlusconi si la Lega passe devant lui en nombre de suffrages.
Dans un autre scénario, plus terrifiant intitulé « La grande spolation », Michel Drac postule la destitution de Trump, l’assassinat de son successeur, Mike Pence, un 4 juillet 2019, la proclamation de la loi martiale par le gouvernement de continuité institutionnelle et l’instauration d’un État policier proche des intérêts israéliens. En prenant exemple sur les événements survenus outre-Atlantique, les grands États membres de l’Union soi-disant européenne (Allemagne, Espagne, France) renforcent leur législation anti-terroriste et l’étendent à des domaines inattendus tels les grèves, les manifestations et l’opposition verbale aux dirigeants. Dans ce scénario en partie tiré des rapports de la Trilatérale et du Club Bilderberg, Jean-Luc Mélanchon se trouve assigné à résidence et interdit de communication Internet et Marine Le Pen « internée en hôpital psychiatrique comme “ conspirationniste ” (p. 141) ». Suite à de fortes pressions gouvernementales, Laurent Wauquiez démissionne au profit de Valérie Pécresse. Toute opposition est assimilée à du terrorisme, ce qui facilite les « ajustements financiers […] opérés dans tous les pays de la zone par confiscation pure et simple des propriétés, via le plus souvent des moyens insidieux et indirects. En France par exemple, l’État est maintenant copropriétaire de toutes les propriétés immobilières. Il perçoit donc une redevance de copropriété (p. 144) ». Remplaçant l’ISF, le nouvel impôt sur la fortune immobilière (IFI) qui exonère au passage les plus-values colossales de la Finance anonyme et vagabonde, internationale préfigure des mesures semblables au champ d’expérience réelle grec (blocage des comptes bancaires des particuliers, contrôle des changes, prélèvement autorité de l’épargne par des gouvernements corrompus).
« La force de l’Europe est sans doute d’avoir été perpétuellement traversée par une envie d’ailleurs, une forme de doute existentiel qui nous a poussés à aller toujours plus loin, à nous questionner et à nous remettre sans cesse en cause. Ce besoin de dépassement est pour moi la plus belle forme de l’esprit européen (p. 290). » C’est à tort qu’on attribuerait ces deux phrases à Guillaume Faye. Leur véritable auteur n’est autre que Laurent Wauquiez, le nouveau président du parti libéral-conservateur de droite Les Républicains. Il avait publié au printemps 2014 Europe : il faut tout changer. Cet essai provoqua le mécontentement des centristes de son propre mouvement, en particulier celui de son mentor en politique, Jacques Barrot, longtemps député-maire démocrate-chrétien d’Yssingeaux en Haute-Loire. Après sa sortie sur le « cancer de l’assistanat » en 2011, ce livre constitue pour l’ancien maire du Puy-en-Velay (2008 – 2016) et l’actuel président du conseil régional Auvergne – Rhône-Alpes une indéniable tunique de Nessus. Il convient cependant de le lire avec attention puisqu’il passe de l’européisme béat à un euro-réalisme plus acceptable auprès des catégories populaires. 


Il reste sur ce point d’une grande ambiguïté. « Toute tentation fédéraliste, tout renforcement quel qu’il soit des institutions européennes dans le cadre actuel doit être systématiquement rejeté (pp. 293 – 294). » Il est révélateur qu’il n’évoque qu’une seule fois à la page 187 la notion de subsidiarité. Il pense en outre qu’« il n’y a pas un peuple européen, et croire qu’une démocratie européenne peut naître dans le seul creuset du Parlement européen est une erreur. Il faut européaniser les débats nationaux (p. 139) ». Dommage que les Indo-Européens ne lui disent rien. Il reprend l’antienne de Michel Debré qui craignait que le Parlement européen s’érigeât en assemblée constituante continentale. « Construire l’Europe avec la volonté de tuer la nation est une profonde erreur (p. 285). » À quelle définition de la nation se rapporte-t-il ? La nation au sens de communauté de peuple ethnique ou bien l’État-nation, modèle politique de l’âge moderne ? En se référant ouvertement à la « Confédération européenne » lancée en 1989 – 1990 par François Mitterrand et à une « Europe en cercles concentriques » pensée après d’autres par Édouard Balladur tout en oubliant que celui-ci ne l’envisageait qu’en prélude à une intégration pro-occidentale atlantiste avec l’Amérique du Nord, Laurent Wauquiez soutient une politogenèse européenne à géométrie variable. Dans un scénario de politique-fiction qui envisage avec deux ans d’avance la victoire du Brexit, il relève que « le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne suite à son référendum, mais a contribué à faire évoluer les 27 autres États membres pour qu’ils acceptent une forme plus souple de coopération autour d’un marché commun moins contraignant (p. 191) ». D’où une rupture radicale institutionnelle.
La configuration actuelle à 28 ou 27 laisserait la place à une entente de six États (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie et Pays-Bas) qui en exclurait volontairement le Luxembourg, ce paradis fiscal au cœur de l’Union. « Le noyau dur à 6 viserait une intégration économique et sociale forte (p. 185). » Il « pourrait s’accompagner d’un budget européen, poursuit encore Wauquiez, qui aurait comme vocation de financer de grands projets en matière de recherche, d’environnement et de développement industriel (p. 186). » On est très loin d’une approche décroissante, ce qui ne surprend pas venant d’un tenant du productivisme débridé. Cette « Union à 6 » serait supervisée par « une Commission restreinte à un petit nombre de personnalités très politiques qui fonctionnerait comme un gouvernement élu par le Parlement (pp. 187 – 188) ». S’il ne s’agit pas là d’une intégration fédéraliste, les mots n’ont aucun sens ! Laurent Wauquiez explique même que « la politique étrangère et la défense sont d’ailleurs toujours parmi les premières politiques mises en commun dans une fédération ou une confédération d’États (p. 92) ». Il n’a pas tort de penser que ce véritable cœur « néo-carolingien » (2) serait plus apte à peser sur les décisions du monde et surtout d’empêcher le déclin de la civilisation européenne. Faut-il pour le moins en diagnostiquer les maux ? « La première défaite, observe-t-il, c’est d’abord une Europe qui a renoncé à être une puissance mondiale. Elle accepte d’être un ventre mou sans énergie et sans muscle. Elle a abandonné toute stratégie et ne cherche plus à faire émerger des champions industriels (pp. 250 – 251) ». L’effacement de l’Europe a été possible par l’influence trouble des Britanniques. Londres imposa la candidature de l’insignifiante Catherine Ashton au poste de haut-représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité « a méthodiquement planifié par son inaction l’enlisement de la politique étrangère de sécurité et de défense (p. 90) ». Un jour, Laurent Wauquiez discute avec son homologue britannique. Quand il lui demande pourquoi avoir choisi cette calamité, le Britannique lui répond qu’« elle est déjà trop compétente pour ce qu’on attend d’elle et de la politique étrangère européenne, c’est-à-dire rien (p. 90) ». Résultat, le projet européen verse dans l’irénisme. « L’Europe a pensé que sa vertu seule lui permettrait de peser alors qu’il lui manquait la force, la menace, les outils d’une diplomatie moins morale mais plus efficace (p. 93). » L’essence de la morale diverge néanmoins de l’essence du politique (3).
Autour de ce Noyau dur européen s’organiseraient en espaces concentriques une Zone euro à dix-huit membres, puis un marché commun de libre-échange avec la Grande-Bretagne, la Pologne et les Balkans, et, enfin, une coopération étroite avec la Turquie, le Proche-Orient et l’Afrique du Nord. Cette vision reste très mondialiste. L’auteur n’envisage aucune alternative crédible. L’une d’elles serait une Union continentale d’ensembles régionaux infra-européens. Au « Noyau néo-carolingien » ou « rhénan » s’associeraient le « Groupe de Visegrad » formellement constitué de la Pologne, de la Hongrie, de la Tchéquie, de la Slovaquie, de l’Autriche, de la Croatie et de la Slovénie, un « Bloc balkanique » (Grèce, Chypre, Bulgarie, Roumanie), un « Ensemble nordico-scandinave » (États baltes, Finlande, Suède, Danemark) et un « Axe » Lisbonne – Dublin, voire Édimbourg ? C’est à partir de ces regroupements régionaux que pourrait ensuite surgir des institutions communes restreintes à quelques domaines fondamentaux comme la politique étrangère, la macro-économie et la défense à condition, bien sûr, que ce dernier domaine ne soit plus à la remorque de l’Alliance Atlantique. Il est très révélateur que Laurent Wauquiez n’évoque jamais l’OTAN. Son Europe ne s’affranchit pas de l’emprise atlantiste quand on se souvient qu’il fut Young Leader de la French-American Foundation.
Laurent Wauquiez méconnaît les thèses fédéralistes intégrales et non-conformistes. Il semble principalement tirailler entre Jean Monnet et Philippe Seguin. « Les deux sont morts aujourd’hui, et c’est la synthèse de Monnet et Séguin qu’il faut trouver si l’on veut sauver l’Europe (p. 18). » Cette improbable synthèse ne ferait qu’aggraver le mal. Wauquiez affirme que « Monnet et Séguin avaient raison et il faut en quelque sorte les réconcilier (p. 17) ». À la fin de l’ouvrage, il insiste une nouvelle fois sur ces deux sinistres personnages. « La vision de Monnet n’a sans doute jamais été aussi juste ni d’autant d’actualité (p. 293) » tandis que « définitivement, Philippe Séguin avait raison et le chemin suivi depuis maintenant vingt ans est en mauvais chemin (p. 291) ». Se placer sous le patronage à première vue contradictoire de Monnet et de Séguin est osé ! Jean Monnet le mondialiste agissait en faveur de ses amis financiers anglo-saxons. Quant à Philippe Séguin qui prend dorénavant la posture du Commandeur posthume pour une droite libérale-conservatrice bousculée par le « bougisme » macronien, cet ennemi acharné de la Droite de conviction représentait toute la suffisance, l’illusion et l’ineptie de l’État-nation dépassé. Sa prestation pitoyable lors du débat avec François Mitterrand au moment du référendum sur Maastricht en 1992 fut l’un des deux facteurs décisifs (le second était la révélation officielle du cancer de la prostate de Mitterrand) qui firent perdre le « Non » de justesse le camp du non. François Mitterrand n’aurait jamais débattu avec Marie-France Garaud, Philippe de Villiers ou Jean-Marie Le Pen…
C'est 
Le tableau émouvant des Guerres de Vendée que brosse
Les Bretons, insulaires délogés de Grande-Bretagne, n'ont jamais su trouver leur centre. Constitués en royaume à la faveur des incursions des Vikings, ils redeviennent bientôt un duché, disputé entre les Plantagenets et les Capétiens, lesquels l'emporteront. L'annexion sera consacrée par le double mariage de la duchesse Anne avec Louis XII et ensuite Charles VIII et par celui de leur fille Claude avec François Ier. Depuis, la France leur promet l'unité et l'indépendance et, en fait, elle les divise. Dès 1781, les persécutions religieuses et les levées de soldats provoquent résistance et révoltes, dont celle de Jean Cottereau, dit Jean Chouan. En 1796, malgré le génocide de la Vendée, on estime à 50.000 le nombre des Chouans. Ils forment des compagnies, avec des capitaines élus, parfois des généraux comme Cadoudal. Les discordes sont fréquentes. Les républicains les qualifient de Brigands, ce qui n'est pas toujours immérité, car le général Rossignol a l'idée de créer des faux Chouans chargés de discréditer les vrais en commettant les pires exactions. Après la chute de Robespierre, des contacts sont pris pour conclure une paix qu'une minorité seulement signe. Les autres proclaméés en état d'arrestation, le conflit reprend. Hoche, qui a succédé à Rossignol, obtient une reddition. Les Chouans, jouant le jeu, gagnent les élections de 1797, qui sont alors confisquées : la République ne survit que par les armes, la forfaiture et la dictature. En 1799, la Loi des otages; qui présume les parents complices, relance l'insurrection. Nantes et Le Mans sont prises et les prisonniers libérés. Mais, en novembre, Bonaparte prend le pouvoir et propose l'amnistie contre la reddition. Certains chefs l'acceptent, d'autres refusent, dont Cadoudal qui bat les armées d'Harty, mais se résigne à signer la paix. Son entrevue avec Bonaparte ayant été un échec, il projette de l'enlever pour le livrer aux Anglais. Trahi, il est arrêté par Fouché et exécuté. En 1830, quand la révolution bourgeoise met Louis-Philippe à la place de Charles X, la bru de celui-ci, la duchesse de Berry, tente de réveiller la chouannerie et est arrêtée. En 1892, l'encyclique de Léon XIII, qui prône le ralliement à la République, désarme le clergé et les monarchistes. A l'imitation des Gallois, les Bretons créent en 1900 le Gorsedd ou assemblée des druides.
Après la Grande Guerre, une jeune garde identitaire, qui se définit 'na ru na gwen' (ni rouge ni blanc), se constitue autour du journal Breizh Atao. Un parti autonomiste fédéraliste ayant été lancé sans succès, le Parti National Breton, plus radical, est créé en 1931. En 1932, Célestin Laîné dynamite la statue de la Reine Anne (représentée à genoux aux pieds de Charles VIII). Le PNB est dissous et Laîné et Mordrel sont condamnés. En 1939, ils s'opposent à ce que la France apporte une aide à la Pologne. Laîné s'évade et Mordrel et Debauvais (qui défend « un national-socialisme breton ») sont condamnés à mort. Bien que s'évanouisse le rêve d'une indépendance concédée par l'Allemagne victorieuse, Laîné crée les groupes de combat Bagadou Stourm, qui deviendront le Brezen Perrot, après l'assassinat par les communistes de l'Abbé Perrot. Après la guerre, le combat prend une forme culturelle, avec des réussites, comme celle de la musique, et des échecs, comme celui de la langue. L'épuration consacre la domination de la gauche et fera de la Bretagne une terre d'élection du PS.
Pour l'Alsacien
A la mort de Louis XIV, les guerres à répétition ayant mis les finances à sec, les Etats de Bretagne se sont estimés injustement pressurés et le parlement a refusé d'enregistrer l'édit de perception. Le Régent fait alors exiler 73 délégués rebelles et accroît certains droits au mépris du Traité d'union. Le Parlement de Bretagne interdit la levée et vote des remontrances. Une Association patriotique bretonne mobilise plusieurs centaines de personnes et le marquis de Pontcallec réunit une petite troupe armée qui met en fuite les soldats chargés de la collecte. Le Régent répond par une armée de 15.000 hommes. Pontcallec, arrêté et promptement décapité, devient très populaire. Le jacobinisme ne fera que reprendre, avec une violence inouie, l'éradication des identités et libertés des provinces. Il les découpe en départements et, pour uniformiser les pensées, épouse la thèse de l'abbé Grégoire d'universaliser la langue française. Contre ce système à tuer les peuples, des hommes se sont levés. Francis Arzalier (Les régions du déshonneur, 2014) s'en désole: "La Corse, l'Alsace, la Bretagne prétendent exister: on n'en a jamais fini avec les volontés identitaires toujours renouvelées." Les Corses, avec Pascal Paoli, chassèrent les Génois en 1755 et établirent une république démocratique. La brutale conquête française verra dans les résistants des 'brigands' et, quand l'insurrection renaît avec la révolution, la République française ignorera la volonté populaire. Avant la guerre, l'identité corse s'exprimait dans la revue A Muvra, très lue jusque dans les villages. Saisie en 1938 et objet de poursuites, elle cesse de paraître en 1939. En 1946, les procès intentés aux autonomistes se traduisent par de lourdes peines, malgré l'inanité des accusations de collaboration. Les Alsaciens ont connu des sorts similaires, eux dont l'identité se trouve écartelée entre la France et l'Allemagne, ils sont pour la plupart attaché au bilinguisme que la France refuse. C'est le cas de Karl Roos, un médecin, qui fonde le Parti de l'indépendance et qui, accusé d'intelligence avec l'ennemi, sera fusillé en février 1940. Chez les Bretons, Olier Mordrel et Morvan Marchal animent le Parti autonomiste breton, lequel en 1927 invite à son congrès des délégations alsacienne, corse et flamands. Cela déclenche la répression, en particulier contre les Alsaciens: quinze condamnés dont deux viennent d'être élus député. En réaction, le courant séparatiste va s'affirmer d'élection en élection: ce n'est qu'un début, continuons le combat. 











Dans Le Rivage des Syrtes, Julien Gracq prend le contre-pied d’une conception exclusivement négative de la barbarie en la présentant comme un renouveau nécessaire à la revivification d’un vieil État somnolent.
Orsenna est l’image même de l’État stable, depuis si longtemps habitué qu’il en a perdu toute vigueur. « Le rassurant de l’équilibre, c’est que rien ne bouge. Le vrai de l’équilibre, c’est qu’il suffit d’un souffle pour faire tout bouger », ainsi que le fait dire Gracq à Marino, le commandant de l’Amirauté, très attaché au maintien de cet équilibre, satisfait de l’existence sans surprise qu’il entraîne et inquiet du moindre changement. Mais à la tête d’Orsenna, un nouveau maître a l’ambition de secouer les choses : « Il y a trop longtemps qu’Orsenna n’a été remise dans les hasards. Il y a trop longtemps qu’Orsenna n’a été remise dans le jeu. » Devant un Aldo effaré, Danielo, l’homme fort de la Seigneurie d’Orsenna, expose sa volonté de sauver Orsenna contre elle-même, contre son « assoupissement sans âge », quitte à l’engager sur un chemin de mort et de destruction. « Quand un État a connu de trop de siècles, dit Danielo, la peau épaissie devient un mur, une grande muraille : alors les temps sont venus, alors il est temps que les trompettes sonnent, que les murs s’écroulent, que les siècles se consomment et que les cavaliers entrent par la brèche, les beaux cavaliers qui sentent l’herbe sauvage et la nuit fraîche, avec leurs yeux d’ailleurs et leurs manteaux soulevés par le vent. 
Le lieu de la mort de Jean Nicolas Marcetteau de Brem, né le 2 août 1935, est un tragique clin d’œil pour ce défenseur de la civilisation chrétienne européenne. Sous-lieutenant parachutiste, il combat en Algérie et, sous les ordres du colonel Château-Jobert, futur doctrinaire « contrerévolutionnaire », participe à l’intervention de Suez en novembre 1956.
Des cinq parties, la dernière est la plus courte et la moins aboutie. Il faut préciser que Jean de Brem fut tué en pleine correction du premier jeu d’épreuves. Il prévoyait en outre un troisième volume dans lequel il eût exposé sa vision européenne. Avait-il des notes ? Ses proches ont-ils conservé ses brouillons ? Par cet ouvrage, il voulait « exalter les martyrs et les grands capitaines qui ont installé sur le monde la domination de l’Europe [… et] dénoncer les apprentis sorciers qui ont provoqué le recul de l’Occident et préparent maintenant son écrasement total (p. 12) ». 





