Ex: http://www.europemaxima.com
Il faut revenir sur le soutien officiel qu’apporte la Lega de Matteo Salvini au gouvernement de Mario Draghi. On ne doit cependant pas oublier que la vie politique italienne riche en exemples transformistes (le passage d’élus d’un camp à un autre) s’apparente à une comedia dell’arte permanente.
Malgré l’impulsion dans un sens national-souverainiste donné par le secrétaire fédéral Salvini, la Lega demeure foncièrement un mouvement fédéraliste qui garde en son sein des tendances composites. Avant de devenir le chantre de la cause du Pô, Umberto Bossi était proche de l’extrême gauche. Sa rencontre avec les autonomistes francophones du Val d’Aoste, par ailleurs disciples du philosophe suisse Denis de Rougemont, l’ancien non-conformiste des années 30, est cruciale dans son itinéraire politique. Quant à Salvini, le journal Le Monde a naguère publié une photographie de lui, jeune élu au conseil municipal de Milan portant à la boutonnière une épinglette du drapeau basque et une autre à l’effigie du Che Guevara. Matteo Salvini animait alors une faction « Communistes pour la Padanie ». Ce groupe cohabitait à l’intérieur de la Ligue du Nord avec des tendances libertariennes ou néo-celtiques paganisantes.
En décembre 1989, la Ligue du Nord naît de l’accord conclu entre des formations autonomistes, régionalistes, voire indépendantistes : les puissantes Ligues lombarde et vénète s’allient à Piémont autonomiste, à l’Union ligure, à l’Alliance toscane et à la Ligue d’Émilie – Romagne. Le discours officiel de la Ligue va alors varier au gré des circonstances politico-électorales. Tantôt elle prône la sécession de la Padanie, tantôt elle envisage une république fédérale constituée d’une Italie méridionale ouverte à la Méditerranée, d’une Italie centrale orientée par Rome et d’une Haute-Italie plus tournée vers les mondes alpin et danubien (les Habsbourg ont régné de 1815 à 1859 sur la Lombardie et jusqu’en 1866 sur la Vénétie).
On retrouve ces fluctuations politiques au Parlement européen. De 1989 à 1994, les euro-députés liguistes siègent dans le groupe écologiste – fédéraliste « Arc-en-ciel » aux côtés de la Volksunie flamande et des nationalistes de gauche écossais. La Ligue soutient en 1994 l’euro et entre au groupe centriste des libéraux, démocrates et réformateurs en compagnie de l’UDF de Valéry Giscard d’Estaing. En 1999, la Ligue participe avec le FN, le Vlaams Blok et les libertaires italiens au Groupe technique des indépendants que la Cour de justice de l’Union européenne invalide en 2001. En 2004, les liguistes adhèrent à « Indépendance et Démocratie » avec Philippe De Villiers, l’UKIP et les calvinistes fondamentalistes néerlandais. Les élus de la Ligue rejoignent ensuite successivement l’« Union pour l’Europe des Nations » (avec le RPF de Charles Pasqua et le PiS polonais), puis « Europe de la Liberté et de la Démocratie » (avec le LAOS national-conservateur grec). En 2015, la Lega s’associe avec le FPÖ autrichien et le FN dans le cadre d’« Europe des Nations et des Libertés ». Enfin, en 2019, le RN, l’AfD, le FPÖ et la Ligue forment « Identité et Démocratie ». Certains spéculent déjà sur une adhésion prochaine au Parti populaire européen…

Par-delà l’activisme de Matteo Salvini, la Ligue du Nord n’est pas un mouvement centralisé et monolithique. Son principal dirigeant doit compter sur une opposition interne qui reprend les aspirations des PME et des entrepreneurs de Lombardie et de Vénétie. Candidat malheureux au secrétariat de la Ligue face à Salvini, Gianni Fava (20 % des votes militants) déplore dans l’hebdomadaire français L’Express du 15 août 2018 que « Salvini a volé notre rêve. Il s’est approprié notre mouvement d’inspiration libérale et pro-européenne, et il l’a transformé en parti souverainiste d’extrême droite, résolumment hostile à Bruxelles ».
L’inflexion prise par le « Capitaine » vers le national-souverainisme ne l’empêche pas de louvoyer. Ainsi renonce-t-il à sortir de l’euro après la défaite présidentielle de Marine Le Pen en 2017. Il donne aussi des gages à la bien pensance médiatique. Il refuse de reconduire aux européennes de 2019 le sortant Mario Borghezio. Cinq ans auparavant, la direction liguiste cherchait déjà à s’en débarrasser en l’envoyant dans la circonscription électorale de l’Italie centrale (Latium, Toscane, Ombrie, Marches) où l’ancien militant de la branche italienne de Jeune Europe de Jean Thiriart aurait perdu son mandat. Or, Mario Borghezio fut réélu (5837 voix au vote préférentiel) grâce à l’appui décisif de CasaPound. Rappelons que les ministres liguistes de l’Intérieur n’ont jamais cessé de persécuter le mouvement de Gianluca Ianonne et se sont montrés incompétents dans l’arrêt de l’immigration clandestine.
À la lumière de ce rappel historique, on ne doit donc pas être surpris par le parcours sinueux de la Ligue du Nord. Malgré une volonté séparatiste qui anime maints de ses militants et de ses cadres, la Lega appartient bien à l’esprit politique italien.
Georges Feltin-Tracol
• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 206, mise en ligne sur TVLibertés, le 16 mars 2021.






Bien que l'Île de la Beauté ait été le lieu de naissance de l'empereur Napoléon Bonaparte, elle s'est rebellée contre la domination française au cours de la dernière décennie du XVIIIe siècle et a donné naissance à l'éphémère Royaume anglo-corse. Protégé par la marine anglaise, Pasquale Paoli tente de donner forme à un État détaché de la France et projeté vers l'Italie et l'Angleterre: la première en raison des forts liens linguistiques et culturels qui la lient à la Corse, il suffit de dire que la constitution corse est écrite en italien, la seconde comme seule nation capable d'offrir une protection contre la France. Les tentatives britanniques de s'immiscer de plus en plus dans la politique corse pour faire de l'île une véritable colonie ont toutefois aliéné les sympathies du peuple corse envers Londres et, à la fin du siècle, l'île a été réoccupée par les troupes françaises.



del.icio.us
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La narration de l'histoire récente est confiée principalement aux mémoires, dont le péché véniel - et la limite souvent insurmontable - est la complaisance. Aucune trace de cela dans le livre de Giovanni Tarantino, jeune historien de Palerme et journaliste indépendant (ancien rédacteur d'EPolis et collaborateur du Secolo d'Italia, dont il est un auteur estimé), qui vient de paraître aux Edizioni Controcorrente de Naples, Da Giovane Europa ai Campi Hobbit (pp. 201, € 10).

"Si l'on se réfère au monde des jeunes d'où sont nées ces réalités - souligne Tarantino - un fait fondamental est apparu: les impulsions de ceux qui les ont animées étaient absolument contextualisées dans le cadre des grands phénomènes générationnels de deux périodes déterminées, 68 et 77, dont elles représentaient des expressions complètes et légitimes".
Tarantino, dans son livre, cite, à ce propos, l'explication de Gianni Alemanno, militant et alors secrétaire national du Front de la jeunesse : "Ce fut la rupture avec l'ancienne culture symbolique du parti - dit le maire de Rome - et l'émergence d'un gramscisme de droite qui prévoyait l'utilisation de la métapolitique pour gagner la société civile. Alors que le nuage de la lutte armée s'abattait sur l'Italie, les garçons des camps Hobbit affûtaient leurs armes, celles de la vivacité culturelle, déclenchant une offensive tous azimuts sur des thèmes novateurs: de la musique "alternative" à la découverte de l'écologie, du régionalisme - bien avant la naissance de la Ligue - à la critique radicale de l'occidentalisme et de la soi-disant exportation de la démocratie.




























































Contre-attaque grecque (14 novembre 1940 - mars 1941) 














À partir de 1954, grâce aux bons offices du colonel Younes, le groupe Eni -avec Agip Mineraria, Snam et Nuovo Pignone- s'engage dans une série d'opérations importantes : la recherche de pétrole, le forage, la distribution de pétrole et de GPL et les projets autour du barrage d'Assouan. Une collaboration fructueuse à laquelle s'ajoutent la construction d'un oléoduc entre Suez et la capitale égyptienne ainsi que la mise en oeuvre d'une raffinerie. C'est lors de l'inauguration de l'usine, qui a lieu le 24 juillet 1956 en présence d'Enrico Mattei, que Nasser communique à Younes sa décision de nationaliser le Canal trois jours plus tard. Bien que les archives de l'Eni relatives à cet événement soient étrangement (ou délibérément ?) incomplètes, il est difficile d'imaginer que Mattei, invité d'honneur ce jour-là, n'avait aucune idée de la crise qui s’annonçait, imminente ; plus que probablement, il n'avait pas été averti de manière confidentielle. Ce brillant entrepreneur de la région des Marches n'avait certainement aucun doute sur l’issue des événements. Lorsque la crise éclate, il tente de convaincre Gronchi et le Premier ministre Segni de promouvoir une médiation italienne entre les parties, tandis qu'Il Giorno, le quotidien de l'Eni, rassure l'opinion publique et les milieux économiques sur les intentions des Égyptiens. Non content de cela, l'homme de Matelica s'est immédiatement mobilisé pour venir en aide à son précieux ami Younes qui avait été catapulté par Nasser à la direction de la toute nouvelle Autorité du Canal de Suez. Mattei savait que le principal problème des Égyptiens était d'assurer la navigation le long de la voie d'eau, une tâche techniquement exigeante qui, jusqu'alors, était assurée par les pilotes de la Compagnie. Selon les calculs d'Eden et de Mollet, sans la contribution des 323 techniciens étrangers, le trafic aurait été réduit de moitié, provoquant des embouteillages, des retards et, finalement, le chaos. Une excellente excuse pour intervenir et reprendre le contrôle de la voie navigable.
Afin d'accélérer la paralysie, les gouvernements de Londres et de Paris ordonnent à la Compagnie de rappeler tout le personnel non égyptien encore présent sur l'Isthme avant le 15 septembre. Mais en ce jour fatidique: "Les autorités égyptiennes ont réussi à faire face au départ de 212 opérateurs, dont 90 pilotes, sans affecter le trafic maritime. Vingt-cinq pilotes étrangers qui avaient répondu à la campagne de recrutement lancée par les autorités égyptiennes ont contribué à ce premier succès: quinze Russes, quatre Yougoslaves, trois Italiens et trois Allemands de l'Ouest se sont joints aux quarante pilotes grecs qui n'avaient pas accepté l'invitation de la compagnie à quitter leurs postes. À la recherche de personnel spécialisé capable d'opérer à bord des navires en transit, les Égyptiens avaient pu compter sur une formidable agence de recrutement: depuis la fin du mois de juillet, Enrico Mattei et ses collaborateurs s'étaient affairés dans les ports italiens, offrant des engagements somptueux, pour trouver des spécialistes disposés à poursuivre leur expérience professionnelle à Suez. En outre, le président de l'ENI était retourné au Caire dans les journées du 15 au 17 septembre, au moment même où le retrait redouté des pilotes étrangers avait lieu" (10). Inévitablement, la crise égyptienne a eu des répercussions sur la scène politique italienne, radicalisant l'affrontement entre les "néo-atlantistes" Gronchi, Fanfani, Taviani et Tambroni et les atlantistes "orthodoxes" comme Segni, Pacciardi, le vice-président du Conseil des ministres, Saragat et le ministre des Affaires étrangères, Gaetano Martino. Face à l'activisme du président de l'ENI et de ses amis, le Conseil des ministres opte d'abord pour une solidarité totale avec les Anglo-Français, mais l'intervention directe du Quirinal impose un changement de cap drastique et Segni, avec de nombreuses incertitudes, opte pour une attitude de "compréhension" et de modération envers l'Egypte, et les raisons qu’elle invoquait, dans l'espoir d'une solution internationale qui garantirait la liberté de navigation.











Quant aux mouvements "populistes" actuels, leur parabole a déjà été parcourue au cours des vingt dernières années par la "Lega" et est en train d'être parcourue par le "M5S" : succès initial soudain, dû à la nouveauté, insistance sur quelques thèmes de propagande facilement déclinés avec quelques variables (anti-islamisme, xénophobie, anti-européanisme, "anti-politique", moralisme, etc.), lassitude vis-à-vis de la politique politicienne démocratique habituelle, due à la routine d’une politique professionnelle et incompétente, puis impasse et crise dues à une détérioration rapide – à un vieillissement. L'absence de véritables programmes et surtout d'une authentique tension civique conduit fatalement à un échec cyclique mais peut-être aussi à une résurrection rapide sur des modules récurrents (le berlusconisme et le recyclage des thèmes et sympathies de l'ex-Ligue dans le grillisme en sont la preuve).
Le populisme peut-il être lu comme la énième désintégration d'une pensée européenne construite sur des cathédrales, des monastères et des universités ?



"En général l'historiographie a pour tâche de former l'image que le nation a d'elle-même et de situer l'homme dans la réalité historique (...). De nos jours, on hésite entre une idée de l'histoire comme magistra vitae et une sorte de méfiance généralisée envers elle sous prétexte qu'elle serait le fruit de manipulations et qu'on ne saurait donc s'y fier. En outre, l'historien s'acquitte de la tâche de satisfaire les curiosités les plus disparates, qui vont de la construction des navires à la façon dont les paysans du Moyen Âge faisaient l'amour. Je ne crois pas qu'on puisse accepter cette réduction du chercheur en histoire au rang d'appareil automatique destiné à satisfaire les curiosités des autres et ce parce que, dans ma manière de voir, la fonction principale de l'historien demeure de proposer une image de sa communauté nationale. L'affirmation suivant laquelle nous serions devant un type de problèmes dépassés, puisque nous nous acheminons vers l'intégration européenne, me parait très improductive. Je considère en fait qu'on ne saurait entrer dans une réalité différente sans connaître convenablement la sienne". 
De Felice ne répugnait pas à favoriser les remous autour d'une oeuvre savante et difficile qui, sans interventions médiatiques provocatrices, serait restée sans doute peu connue. Tout en évoluant fortement au fil de ses recherches sur la personnalité de Mussolini, sur un mouvement et un régime, il a eu l'occasion de souligner maintes fois tout ce qui sépare le fascisme italien du national-socialisme allemand et, à plus forte raison, du bolchevisme. 










En antithèse avec les anciennes dichotomies, il faut s'aventurer au-delà de l'antithèse de la gauche et de la droite. Renoncer à cette antithèse équivaut, par conséquent, à assumer les valeurs de la droite et, en même temps, les idées de la gauche. Les valeurs de la droite : enracinement, patrie, honneur, loyauté, transcendance, famille, éthique. Idées de gauche : émancipation, droits sociaux, même liberté matérielle et formelle, dignité du travail, socialisme démocratique dans la production et la distribution.