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vendredi, 03 juin 2016

De vrijheid van de grens – Paul Scheffer

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De vrijheid van de grens – Paul Scheffer

Het voorbije jaar werd de kijker en lezer op manipulatieve wijze een ‘geweten gestampt’ door de politiek-correcte media. De sociologische impact van de vreemdelingeninvasie werd overgoten met een emotioneel sausje van ‘open grenzen’ en ‘wereldsolidariteit’. Wie waarschuwde voor de nefaste culturele, economische en andere problemen werd meewarig bekeken of zelfs met een banvloek de politieke woestijn ingestuurd.

schef0051926275.jpgHet vergt moed om op te staan en de collectieve hysterie te nuanceren, zeker als de publicist uit socialistische stal komt. De Nederlander Paul Scheffer heeft bewezen moed en een scherpe pen te combineren. Na zijn bestseller “Het land van aankomst” fileert hij opnieuw de multiculturele nachtmerrie die zich in Europa aftekent.

Sinds de val van het IJzeren Gordijn leken alle ideologische conflicten en militair-politieke brandhaarden in rook opgegaan. Het postmodernisme had Europa en de Verenigde Staten al de voorbije decennia hierop voorbereid. Massa-immigratie en globalisering duwen de Europeaan zowel maatschappelijk als economisch in de verdrukking. Duits filosoof Peter Sloterdijk spreekt over het ‘globaliseringsdrama’. Burgers voelen zich dakloos, gezien de nieuwe samenleving geatomiseerd is. Ze biedt geen nieuwe verbanden aan, maar breekt wel oude structuren zoals gezin, natie, Kerk af.

Scheffer is terecht overtuigd dat massa-immigratie verantwoordelijk is voor de import van internationale conflicten in de multiculturele steden. Kijk wat er gebeurt in de vele asielzoekerscentra of in de Duitse steden (Koerden versus Turken).

Tegelijk is de Nederlander of Vlaming niet zo mobiel en wereldburger als de politiek-correcte elite wenst te geloven en te beweren. Verre reizen brengen ons slechts sporadisch en oppervlakkig in contact met andere culturen. En veel mensen blijken vrij honkvast bij de keuze van hun woonplaats en werkomgeving.

Vooral interessant als de auteur met gefundeerde argumenten de ‘open grenzen’-lobby te lijf gaat. Hij weerlegt achtereenvolgens de bewering als zouden er morele, economische, praktische en juridische redenen zijn om de grenzen wagenwijd open te zetten.

Even absurd zijn de politici die mordicus het Schengen-verdrag (vrij verkeer binnen een belangrijk deel van de Europese Unie) verdedigen, zonder de buitengrenzen deftig te bewaken. Het is al jarenlang een aandachtspunt van menig rechts-nationale partij om het budget en de bevoegdheden van Frontex uit te breiden. Uit naïviteit de werkelijkheid negeren of nalatig het hoofd wegdraaien van de vreemde invasie, is geen optie. Men kan beide Scheffer in ieder geval niet verwijten. Wie stuurt blinde Merkel een exemplaar (eventueel met Duitse vertaling)?

De vrijheid van de grens
Paul Scheffer
Uitgeverij Lemniscaat
126 bladzijden
Prijs: 4,95 euro

Jean-Yves Pranchère: «La critique des droits de l’homme conserve quelque chose de paradoxal et d’équivoque»

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Jean-Yves Pranchère: «La critique des droits de l’homme conserve quelque chose de paradoxal et d’équivoque»

Diplômé de l’École normale supérieure, Jean-Yves Pranchère est par ailleurs professeur à l’Université libre de Bruxelles et membre du comité de rédaction de la Revue européenne des sciences sociales (Droz, Genève). Son domaine d’étude est la théorie politique, avec un attrait tout particulier pour les auteurs réactionnaires sur lesquels il a notamment travaillé pour sa thèse. Il a récemment publié chez Seuil une somme avec Justine Lacroix (professeure de théorie politique à l’ULB) sur les critiques des droits de l’homme, des contre-révolutionnaires à Hannah Arendt en passant par Marx ou Carl Schmitt : « Le Procès des droits de l’homme. Généalogie du scepticisme démocratique ». Nous avons voulu nous entretenir avec lui car, antilibéraux, nous nous interrogeons nous-mêmes sur le rapport entre droits de l’homme et politique révolutionnaire.

Le Comptoir : Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser spécifiquement à la thématique de la critique des droits de l’homme ?

jpr021181006.jpgJean-Yves Pranchère : L’initiative est venue de Justine Lacroix, qui s’est engagée il y a six ans dans le projet d’une étude des résistances contemporaines aux droits de l’homme ; elle en a exposé les attendus dans deux articles programmatiques, « Des droits de l’homme aux droits humains ? » et « Droits de l’homme et politique ». Elle a organisé sur ce sujet, dans le cadre du Centre de Théorie politique qu’elle dirige, un intense travail collectif ; le récent dossier publié par le site Raison publique en est une des traces. Ce travail entrait en résonance avec mes propres recherches sur la tradition contre-révolutionnaire, que je me suis efforcé d’étudier comme une des coordonnées décisives de ce qu’Adorno et Horkheimer ont nommé la « dialectique des Lumières » – qu’il ne faut justement pas concevoir, à la façon des contre-révolutionnaires eux-mêmes, comme la logique nécessaire d’un déclin ou d’une autodestruction de la raison, mais comme le processus pluriel au cours duquel se révèlent, entrent en crise ou s’élucident les ambiguïtés du projet d’autonomie.

Parmi les motifs du livre, que nous avons écrit à deux dans une interaction permanente, je soulignerai la perplexité éprouvée devant le succès d’une critique des droits de l’homme menée au nom de la démocratie.

Le paradoxe est déjà ancien : il surgit dès le retour des droits de l’homme sur l’avant de la scène politique dans les années 1970, à la suite du coup d’État de Pinochet au Chili et des luttes des dissidents des pays de l’Est[i]. Ceux-ci induisirent une large conversion de la gauche, y compris de la gauche dite alors “eurocommuniste”, à un refus définitif de l’idée que la violation des droits fondamentaux pouvait être une étape de la construction du socialisme. Or, cette reconquête du langage des droits de l’homme, accomplie à la fois contre l’effondrement totalitaire du “socialisme réel” et contre le soutien des USA aux régimes tortionnaires d’Amérique latine, s’est presque aussitôt accompagnée d’un discours de méfiance à l’égard desdits “droits de l’homme” ; discours qui n’a cessé de s’amplifier depuis, alors même que ceux qui l’adoptent disent explicitement ne rien opposer aux droits de l’homme. Marcel Gauchet, par exemple, assume en termes très clairs l’impossibilité d’une opposition de principe au droits de l’homme : « Les droits de l’homme sont cette chose rare entre toutes qu’est un principe de légitimité. Ils sont le principe de légitimité qui succède au principe de légitimité religieux. Il n’y en aura eu que deux dans l’histoire, et il y a toutes les raisons de penser qu’il n’y en a que deux possibles, logiquement parlant. À quelle source rapporter ce qui fait norme parmi les êtres, quant à ce qui organise leurs communautés, quant à ce qui les lie, quant à ce qui permet d’établir le juste entre eux, quant à l’origine des pouvoirs chargés de régler l’existence en commun ? À ce problème fondamental, il y a deux façons de répondre et deux seulement. Ou bien cette source est au-delà du domaine des hommes, ou bien elle est en lui — ou bien elle est transcendante, ou bien elle est immanente. »[ii]

On croit comprendre alors que la réserve exprimée envers les droits de l’homme vise uniquement une interprétation illusoire de ceux-ci, selon laquelle ils seraient susceptibles de fournir, non seulement le cadre juridique, mais la substance même de la vie sociale. Comme l’explique encore Marcel Gauchet, dans son tout dernier livre : « Ce n’est pas le principe qu’il y a lieu de condamner : nous sommes bien évidemment tous pour les droits de l’homme. C’est l’usage qu’on en fait qui doit être incriminé ; l’impossibilité pour une société de se réduire à ce principe, qui est par ailleurs vrai. Nous sommes tous pour les droits de l’homme, mais… Tout est dans ce “mais” qu’il est très difficile de faire entendre aux procureurs qui pensent être dans le vrai […]. »[iii]

Cette distinction entre le “principe” et “l’usage” n’est pourtant pas suffisante pour supprimer toute perplexité. Dans la phrase : « les droits de l’homme, mais… », le « mais » porte bel et bien sur le principe qu’on s’efforce de relativiser au moment même où on admet qu’il n’a pas de rival. S’il ne s’agissait que de critiquer un « usage », il n’y aurait aucune nécessité à soumettre le principe à un « mais » ; il suffirait de lui ajouter un “et”, un “avec”, un “de telle manière que…” – bref, de lui ajouter un mode d’emploi. Imagine-t-on un chrétien qui dirait “Aimez-vous les uns les autres, mais…” ou “Soyez justes, mais…” ? Son message en serait immédiatement brouillé.

Force est donc de constater que la critique des droits de l’homme conserve quelque chose de paradoxal et d’équivoque. À preuve le fait que le « mais », dans le propos cité de Marcel Gauchet, n’introduit pas à une spécification de l’idée, mais à l’indétermination de trois points de suspension, suivis de l’esquive facile que constitue la polémique rebattue contre le “politiquement correct” qui, paraît-il, empêche Zemmour, Onfray et Finkielkraut de faire la une des magazines.

“Les droits de l’homme, mais…” Cette rumeur qu’on entend partout, et qui inspire l’accusation vide de “droit-de-l’hommisme”, appelle une question simple : “… mais quoi ?” C’est là l’objet de notre livre.

La critique des droits de l’homme a pu connaître diverses formes. Contrairement à ce que l’on pense généralement, elle n’a pas été l’apanage des réactionnaires. Pourriez-vous nous dresser un bref panorama de ces critiques ?

Je crains de ne pas pouvoir résumer en quelques lignes ce qui nous a demandé un livre entier ! Je serai donc elliptique plutôt que bref. Notre livre part d’un essai de classification des critiques contemporaines des droits de l’homme et dresse l’arrière-plan généalogique de celles-ci. La typologie contemporaine distingue trois grands courants :

  • un courant “antimoderne”, qui conteste le principe même des droits de l’homme ; il se divise en deux branches, une branche néo-thomiste axée sur l’idée d’un ordre juste qui ne connaît de droits que relatifs, et une branche qu’on pourrait dire néo-schmittienne qui dénonce les droits de l’homme comme un moralisme antipolitique ;
  • un courant “communautaire”, qui reconnaît la valeur normative des droits de l’homme mais en limite la portée en soulignant que ces droits ne peuvent produire ni communauté politique ni lien social ; cette thématique a été développée, de manière parallèle, par les communautariens américains et par les souverainistes français qui entendent par “république” le régime de l’incarnation de la nation en une volonté générale ;
  • un courant “radical”, d’ascendance marxienne, qui voit dans les droits de l’homme l’indice d’un abandon du projet de l’auto-organisation démocratique de la société au profit de l’éternisation de la séparation entre “société civile” et État.

Ces différents courants reprennent, sur un mode souvent diffus, des argumentaires qui ont été mis au point, sous des formes extrêmement conséquentes, par de grands théoriciens politiques dont les pensées nous ont paru constituer, pour ainsi dire, des “idéaux-types” réalisés des critiques possibles des droits de l’homme. Il nous a donc semblé nécessaire de confronter les critiques contemporaines à ces modèles antérieurs qui définissent les enjeux dans toute leur acuité.

« La similarité des arguments utilisés par les différents auteurs n’empêche pas la profonde hétérogénéité des dispositifs théoriques. »

Nous avons distingué ainsi une critique réactionnaire, théologico-politique, axée sur les devoirs envers Dieu, dont la version “sociologique” est fournie par Bonald et la version “historiciste” par Maistre ; une critique conservatrice, à la fois libérale et jurisprudentialiste, axée sur les droits de la propriété et de l’héritage, représentée par Burke ; une critique progressiste, utilitariste, axée sur le primat des besoins sur les droits, dont la version individualiste, libérale-démocratique, est donnée par Bentham, et dont la version organiciste, qu’on peut dire en un sens “socialiste”[iv], est donnée par Comte ; une critique révolutionnaire, axée sur le refus de discipliner par le droit l’auto-émancipation sociale, dont la figure éminente est bien entendu le communisme de Marx.

L’étude de ces quatre modèles fait d’abord apparaître que la similarité des arguments utilisés par les différents auteurs n’empêche pas la profonde hétérogénéité des dispositifs théoriques : quoi de commun entre un Burke, qui entend subordonner les droits de l’homme au droit de propriété qui les annule socialement, et un Marx qui entend pousser les droits de l’homme au-delà d’eux-mêmes en tournant leur revendication d’égalité contre le droit de propriété ?

De là une deuxième leçon : les critiques des droits de l’homme sont instables, traversées par des dialectiques qui les conduisent, quand elles ne veulent pas déboucher sur des positions contradictoires ou régressives, à fournir malgré elles les moyens d’un enrichissement ou d’un approfondissement des droits de l’homme.

Cette leçon est illustrée par deux grandes figures antithétiques du XXe siècle : la figure “régressive” de Carl Schmitt, qui dans les années 1920, avant son passage au nazisme, a développé de manière systématique – et, il faut bien le dire, fallacieuse – le thème d’une opposition entre démocratie et État de droit, conduisant à une dénonciation virulente de la fonction “dépolitisante” des droits de l’homme ; et la figure dialectiquement instruite de Hannah Arendt, qui, aux antipodes de la régression nationaliste proposée par Schmitt, a réarticulé l’idée des droits de l’homme sous la forme du “droit à avoir des droits”. Hannah Arendt, nous semble-t-il, indique les voies d’une conception politique des droits de l’homme, qui les lie indissolublement à la citoyenneté sans confondre celle-ci avec la forme de l’État-nation ni céder au mirage d’un État mondial qui en finirait avec la condition politique de la pluralité.

On parle beaucoup aujourd’hui des droits de l’homme, mais on oublie l’autre versant de la Déclaration de 1789, qui était là pour satisfaire la frange républicaine des révolutionnaires : les droits du citoyen. N’est-ce pas là une preuve du triomphe de la vision libérale de ces droits ?

Je vous répondrais volontiers en pastichant le célèbre paragraphe des Considérations sur la France de Maistre contre l’idée de “l’homme” : j’ai vu des partisans et des ennemis des droits de l’homme, mais quant à “on”, je ne l’ai jamais rencontré de ma vie !

Plus sérieusement, les droits de l’homme ne sont ni une idéologie unifiée ni une doxa anonyme sous laquelle on pourrait ranger pêle-mêle des phénomènes aussi différents que les militantismes nationaux et transnationaux en faveur de l’égalité des droits et des solidarités sociales, le rôle de la Cour européenne des droits de l’homme ou du Tribunal pénal international de La Haye (dont l’autorité reste refusée par nombre de grands États), l’architecture démocratique de l’État de droit social, l’influence médiatique de rhétoriques moralisantes dont l’effet est d’émousser la pointe critique des droits de l’homme, ou encore l’existence de falsifications impérialistes éhontées qui font servir le langage des droits de l’homme à la mise en œuvre de leur violation, comme ce fut le cas avec Georges W. Bush.

Cette hétérogénéité est irréductible. Dans la mesure où les droits de l’homme sont « un principe de légitimité », pour reprendre l’expression de Marcel Gauchet, ils ne sont pas tant un “discours” que l’ouverture d’un champ discursif et d’un espace d’action politique. À ce titre, ils tolèrent une multiplicité d’investissements : ils s’exposent aux ruses des faussaires ; ils peuvent subir les distorsions que leur imposent des stratégies intéressées ; mais ils peuvent aussi – et surtout – nourrir des revendications fortes qui réclament que la réalité soit mise en conformité avec l’idéal et que les droits soient établis dans toute leur extension et leur plénitude. Il faut donc renoncer à faire la psychologie imaginaire d’un sujet imaginaire qui serait “l’époque” – le “on”, qui serait en attente de nos leçons de morale –, et se tourner vers l’analyse politique des lignes de force du champ de bataille des “droits de l’homme”.

« La réticence néo-libérale à l’égard des droits de l’homme est cohérente. »

Pour ce qui est de cette “vision” qui oublie les droits du citoyen dans les droits de l’homme, je serais d’accord avec vous pour dire qu’elle est libérale, mais au sens d’un libéralisme très étroit et très appauvri : un libéralisme hayékien, mais pas rawlsien.

En revanche, je suis assez dubitatif devant l’idée que ce libéralisme hayékien détiendrait la clef de la vision dominante des droits de l’homme. Je crois au contraire qu’il ne parle le langage des droits de l’homme qu’à contrecœur, et pour le subvertir. Rappelons-nous que l’offensive ultralibérale a trouvé son premier terrain d’application dans le Chili de la fin des années 1970 et que Hayek, par son soutien à Pinochet, a montré que les droits individuels requis par la liberté du marché n’étaient pas les “droits de l’homme”.

Et, j’ajouterais que la réticence néo-libérale à l’égard des droits de l’homme est cohérente. Elle vient d’une conscience lucide de ce que les “droits du citoyen” n’ont jamais été et ne peuvent jamais être un ”autre versant” des droits de l’homme, à la façon d’un “volet facultatif” : ils sont leur cœur même depuis le début, depuis ce mois d’août 1789 où personne n’était encore “républicain” et ne pouvait imaginer jusqu’où conduirait la radicalité du processus révolutionnaire qui venait de se donner sa justification théorique dans la Déclaration.

Il ne faut pas oublier, en effet, que la Déclaration inscrit en elle l’acte insurrectionnel dont elle procède : elle est le texte par lequel une insurrection politique énonce et réfléchit son droit. Par là s’explique que les énoncés de la Déclaration aient pu constituer une sorte d’événement originaire, en rupture avec ses propres antécédents jusnaturalistes, et initier un développement voué à dépasser les intentions conscientes des rédacteurs. Relisez donc les trois premiers articles : l’affirmation que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit » (article 1) débouche presque immédiatement sur la proclamation de la souveraineté de la nation, comprise comme la communauté politique des individus égaux en droits (article 3). L’égalité des droits induit directement la souveraineté du peuple qui en est la seule forme possible.

Il n’y a pas là deux “versants” ou deux idées, celles de l’homme et du citoyen (auxquels on aurait accordé des droits distincts pour faire plaisir aux uns et aux autres), mais bien une seule et même proposition, qu’Etienne Balibar nomme « la proposition de l’égaliberté »[v]  afin de souligner l’identité qu’elle affirme entre égalité et liberté, une identité plus étroite que celle que suggère l’expression “égalité des libertés”. Cette identité entre égalité et liberté implique que l’homme et le citoyen soient indissociables, puisque l’égalité est à la fois la condition et l’objet de la pratique des citoyens en tant qu’ils sont des hommes libres.

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Justine Lacroix et Jean-Yves Pranchère

Les droits de l’homme sacralisent d’une certaine manière les droits qu’ils proclament, en les absolutisant. L’idée est bien souvent de les préserver de l’intervention du pouvoir, des délibérations humaines. Par ailleurs, l’idée d’une charte de droits sacralisés pourrait être perçue comme une limite à la décision humaine, donc un facteur d’hétéronomie. Les droits de l’homme ne sont-ils pas aujourd’hui devenus l’un des principaux vecteurs de destruction de la politique, comme l’affirme Marcel Gauchet ?

Le refus de la sacralisation des droits, au nom du droit (sacré, donc ?) qu’ont les hommes de se donner les lois qu’ils veulent, est le thème central de la critique utilitariste et libérale des Déclarations faite par Bentham. À cette critique, on peut objecter qu’elle repose sur un contresens – qui, il est vrai, a été commis par certains (certains seulement) des révolutionnaires eux-mêmes[vi].

Car, la Déclaration de 1789 n’est pas une “charte de droits sacralisés” ou une énumération de droits absolus : elle est l’effort pour tirer les conséquences de la proclamation de l’égalité des hommes en droit. Elle n’absolutise pas les droits qu’elle énonce : elle décrit la manière dont ils s’équilibrent entre eux sous le principe de l’égalité et de la réciprocité des libertés. Elle est un développement, une explicitation, de la proposition de l’égaliberté – proposition dont les Déclarations ultérieures proposeront des explications qui se voudront, sans toujours l’être, plus complètes et mieux instruites.

Vous m’objecterez que le dernier article de la Déclaration de 1789 insiste bel et bien sur la sacralité du droit de propriété. Assurément ! Il ne s’agit pas de nier que le texte porte en lui, sous l’unité de son geste insurrectionnel si bien analysé par Claude Lefort[vii], les tensions théoriques induites par les désaccords des rédacteurs – tensions superbement étudiées par Marcel Gauchet dans La Révolution des droits de l’homme[viii].

Mais je n’en répondrai pas moins en rappelant que Bentham n’avait peut-être pas tort de voir, dans l’étrange insistance du dernier article à déclarer la propriété sacrée, le signe de ce que nous appelons depuis Freud une dénégation. Bentham pensait que l’égalitarisme professé par la Déclaration de 1789 avait, dans les faits, tellement désacralisé la propriété que les rédacteurs, saisis de peur devant le sens général de leur propre texte, s’étaient crus obligés de nier par un article final les conséquences évidentes des articles précédents. La Déclaration, disait Bentham, « a sacralisé la propriété à la façon dont Jephté s’est senti obligé de sacraliser sa sœur en lui coupant la gorge ». Jaurès ne dira en un sens pas autre chose lorsqu’il expliquera longuement, dans ses Études socialistes de 1901 (publiées par les Cahiers de la quinzaine de Péguy) que la Déclaration allait d’emblée très au-delà des intentions bourgeoises des révolutionnaires et portait en elle le socialisme.

Quoi qu’il en soit, accuser l’idée des droits de l’homme d’être un facteur d’hétéronomie revient à se méprendre sur leur sens, qui est précisément d’énoncer les conditions de l’autonomie individuelle et collective. La seule limite qu’ils imposent à l’autonomie est de ne pas détruire les conditions même qui la rendent possible. Habermas a parfaitement vu ce point quand il a soutenu la thèse de la « co-originarité » des droits de l’homme et de la souveraineté populaire.

Autonomie individuelle et autonomie collective s’impliquent l’une l’autre sous le régime de l’égalité des droits : telle est l’idée des droits de l’homme, le principe de leur énonciation.

Les énoncés de ces droits sont quant à eux les résultats, toujours révisables, de la façon dont la collectivité politique réfléchit les conditions de sa propre autonomie. Ils sont la forme sous laquelle les citoyens se reconnaissent réciproquement comme libres et égaux en se déclarant les uns aux autres leurs droits tels qu’ils les concluent de leur « égaliberté ».

On peut dès lors rester sceptique devant le reproche adressé aux droits de l’homme de “détruire” la politique. Ce thème avait un sens précis chez Carl Schmitt, qui identifiait l’égalité démocratique à l’homogénéité nationale et la politique à la capacité de distinguer ses ennemis, à commencer par ses ennemis intérieurs (que Schmitt désignera clairement en 1933 : les juifs et les communistes). Si la politique consiste, pour un peuple, à être capable d’assumer l’hostilité requise envers l’ennemi extérieur et intérieur, il va de soi que le respect des droits de l’homme désarme la politique. Mais une telle position est inconcevable dans le cadre d’une pensée qui ne confond pas l’autonomie démocratique avec une théologie nationaliste.

Comment comprendre alors le sens de cette critique chez des républicains d’aujourd’hui, en particulier chez Marcel Gauchet ?

Avant de nous pencher sur cette critique, commençons par rappeler qu’aux États-Unis, dans la deuxième moitié des années 1970, les idéologues républicains qui allaient inspirer la “révolution conservatrice” reaganienne, tel Irving Kristol[ix], ont mis en garde contre le danger qu’il y avait à élever des droits de l’homme à la hauteur d’un principe politique (et non d’une simple limite morale). Vouloir modeler la politique sur les droits de l’homme conduisait selon eux à s’enfoncer dans la “crise de gouvernabilité” qui inquiétait alors les économistes libéraux ; cela revenait à encourager un programme de démocratie sociale incompatible avec le bon fonctionnement d’un ordre de marché appuyé sur les vertus du respect de l’autorité et de la fierté patriotique liée au culte de la réussite et de la compétitivité. Notons au passage qu’Irving Kristol, en des termes pas si éloignés de ceux utilisés dix ans plus tard par Régis Debray, définissait la république comme la démocratie corrigée par l’éducation et le savoir (y compris le savoir de la science économique).

À la différence de ces critiques néoconservatrices et néolibérales, le retentissant article de Marcel Gauchet publié en 1980 dans Le Débat sous le titre-slogan « les droits de l’homme ne sont pas une politique » rendait un son nettement social-démocrate[x]. Marcel Gauchet soulignait que le repli sur les droits de l’homme traduisait une « impuissance à concevoir un avenir différent pour cette société », un abandon du « problème social » et du projet « d’une société juste, égale, libre ». En retombant dans « l’ornière et l’impasse d’une pensée de l’individu contre la société », les militants des droits de l’homme se faisaient les promoteurs d’une « aliénation collective », marquée par « le renforcement du rôle de l’État » et « l’aggravation du désintérêt pour la chose publique ». Contre quoi Gauchet soulignait qu’il n’était pas possible de « disjoindre la recherche d’une autonomie individuelle de l’effort vers une autonomie sociale ». Cette expression d’autonomie sociale suggérait qu’il s’agissait de maintenir les idéaux d’un socialisme anti-totalitaire, qu’on pouvait supposer autogestionnaire, contre la renonciation à la transformation sociale qu’impliquait un militantisme confiné à la protection des droits individuels.

Le propos n’allait pourtant pas sans une certaine ambiguïté. D’une part, il était étrange de voir Marcel Gauchet passer sous silence les thèses de celui qui était alors le principal représentant d’une philosophie politique des droits de l’homme, à savoir Claude Lefort. Car Claude Lefort, qui semblait être la cible non nommée de la polémique, ne pouvait certainement pas être tenu pour un penseur de “l’individu contre la société” : sa réhabilitation des droits de l’homme insistait au contraire sur le fait que ces droits n’étaient pas des droits de l’individu, mais bien des droits de la liberté des rapports sociaux. Ce qui était selon lui en jeu dans les droits de l’homme, par opposition au totalitarisme, n’était pas la sécession de l’individu à l’égard du social et du politique, mais la nécessité de ne pas penser la citoyenneté sous le fantasme du Peuple-Un et de la volonté homogène.

D’autre part, Marcel Gauchet décrivait les effets délétères des droits de l’homme sur la démocratie à travers des formules qui ne permettaient pas de décider de la nature exacte du lien qu’il faisait entre droits et désocialisation. Il parlait ainsi de « la dynamique aliénante de l’individualisme qu’ils [les droits de l’homme] véhiculent comme leur contre-partie naturelle », tournure qui suggérait à la fois que « l’aliénation individualiste » surgissait de la nature même des droits de l’homme et qu’elle leur restait extérieure puisqu’ils n’en étaient qu’un véhicule. Marcel Gauchet donnait à penser que l’effet aliénant des droits n’avait rien de nécessaire quand il écrivait que les droits de l’homme pourraient « devenir une politique » à la condition « qu’on sache reconnaître et qu’on se donne les moyens de surmonter » leur individualisme adjacent.

L’œuvre ultérieure de Marcel Gauchet réduisit l’équivoque en interprétant, de façon plus unilatérale, la menace que faisaient peser les droits de l’homme sur la démocratie comme une menace purement endogène – ce qu’exprime le titre de son recueil de 2002, La démocratie contre elle-même. L’inflexion conservatrice était sensible dans l’article de 2000, « Quand les droits de l’homme deviennent une politique » : « La démocratie n’est plus contestée : elle est juste menacée de devenir fantomatique en perdant sa substance du dedans, sous l’effet de ses propres idéaux [Jean-Yves Pranchère souligne ici]. En s’assurant de ses bases de droit, elle perd de vue la puissance de se gouverner. Le sacre des droits de l’homme marque, en fait, une nouvelle entrée en crise des démocraties en même temps que leur triomphe. »

Selon cette analyse, la crise venait, non pas d’un manque de démocratie, mais de l’excès produit par la pleine réalisation des idéaux démocratiques. L’inquiétude portait donc désormais, comme chez les néolibéraux, sur l’ingouvernabilité induite par la dynamique des droits et aggravée par le contexte de la société française – que la revue Le Débat avait souvent décrite, notamment en 1995, comme trop incapable de réforme en raison de son attachement irrationnel aux archaïsmes de son État social[xi]. L’interprétation de la crise de la démocratie comme une crise imputable à la seule logique de l’extension des droits avait pour effet de détourner l’attention de ce sur quoi, au même moment, un auteur conspué par Marcel Gauchet, à savoir Pierre Bourdieu, centrait quant à lui ses interventions politiques : la montée des inégalités, la généralisation de la précarité, la destruction des solidarités sociales induite par les politiques de dérégulation, bref le recul factuel de la démocratie et des droits sous l’effet d’une offensive néo-libérale qu’un auteur comme Pierre Rosanvallon n’hésite plus aujourd’hui à décrire comme une « véritable contre-révolution ».

Marcel Gauchet a depuis lors réaffirmé, dans son dialogue avec Alain Badiou[xii] ou dans tel article récent, l’orientation sociale-démocrate de sa pensée. Cette orientation est cependant peu visible dans son dernier livre Comprendre le malheur français. Marcel Gauchet y polémique contre le “néolibéralisme”, mais il définit celui-ci comme « un discours de contestation de la possibilité, pour le politique, d’imposer quelque limite que ce soit aux initiatives économiques des acteurs et plus généralement à l’expression de leurs droits », ce qui revient à faire du néolibéralisme un simple cas de la politique des droits. L’argument oublie que les versions les plus fortes du néolibéralisme, comme celle de Friedrich Hayek, ont pour cœur l’efficience du marché et pensent les droits comme les « règles de juste conduite » qui assurent la possibilité de cette efficience[xiii]. Le néolibéralisme ainsi compris est farouchement hostile à tout projet de contrôle démocratique de l’économie et à toute “expression” des droits individuels au-delà de l’objectif abstrait de l’existence d’un ordre légal assurant l’honnêteté des échanges. C’est pourquoi Hayek a toujours salué en Burke un des meilleurs représentants du libéralisme tel qu’il l’entendait – Burke qui, en disciple d’Adam Smith, dénonçait les droits de l’homme au nom des lois de la propriété, de l’héritage et du marché qui font la « richesse des nations« , en même temps qu’au nom du droit particulier de ces nations dont chacune a une identité propre.

Une même thèse court de Burke à Hayek : parce que le marché ne peut constituer un ordre qu’à la condition que ceux qui agissent en lui possèdent les vertus nécessaires à cet ordre, et que la première de ces vertus est la méfiance envers les projets de planification rationnelle, autrement dit le respect de la sagesse inconsciente des développements spontanés qui constituent la tradition, le néo-libéralisme appelle comme son complément naturel un traditionalisme. En règle générale, soutient Hayek, « les règles hérités de la tradition sont ce qui sert le mieux le fonctionnement de la société, plutôt que ce qui est instinctivement reconnu comme bon, et plutôt que ce qui est reconnu comme utile à des fins spécifiques »[xiv].

Ce traditionalisme implique un nationalisme dans la mesure où la “nation” est la forme par excellence de la tradition. L’alliance qu’on observe partout entre néolibéralisme et nationalisme néoconservateur semble d’abord un paradoxe, tant le principe du marché ouvert paraît incapable de justifier l’existence des communautés nationales. L’éloge de Burke par Hayek permet de comprendre que le paradoxe n’en est pas un : le nationalisme est le supplément d’âme dont le “patriotisme du marché” néolibéral a besoin pour se réaliser. Les inégalités sociales, si elles sont un moyen de la grandeur du pays et de la promotion de son identité, ne trouvent-elles pas leur meilleure justification dans l’imaginaire de l’unité nationale ?

Or, les critiques qu’adresse Marcel Gauchet au “néolibéralisme” – confondu avec une sorte de paradoxale anomie des droits – recoupent sur bien des points la critique des droits de l’homme par Burke, c’est-à-dire par un penseur qui est un des grands ancêtres du néolibéralisme contemporain dans sa version conservatrice. Après tout, Burke déclarait déjà ne pas attaquer l’idée des droits de l’homme, mais seulement leur interprétation révolutionnaire : « je suis aussi loin de dénier en théorie les véritables droits des hommes que de les refuser en pratique », disait-il en soulignant que les besoins de la société imposaient à ces droits toutes sortes de « réfractions ».

La critique des effets “dépolitisants” des droits de l’homme est donc, comme telle, très ambiguë : entend-on dire par là que l’idée des droits de l’homme entrave les luttes pour l’égalité ? L’argument est peu crédible. Veut-on dire que cette idée nuit à l’identification des citoyens à leur nation, identification qui seule les rendrait capables d’altruisme et de sacrifice ? Il reste alors à faire la différence entre l’amour de l’ordre établi et l’esprit de solidarité, qui lie autonomie individuelle et autonomie collective sans supprimer la première dans la seconde. À moins qu’on ne veuille, sous le poids de la toute-puissance des marchés financiers, renoncer à la politique de l’égalité et lui substituer une politique de l’identité nationale qui nommerait “république”, non plus le régime de l’égalité des droits et de l’élaboration d’une rationalité partagée, mais le narcissisme collectif d’un sentiment communautaire.

mich3.jpgNe faudrait-il pas, plutôt qu’un « pompeux catalogue des droits de l’homme » (Marx) – dont on ne sait trop sur quels critères ils ont été choisis –, « une modeste “Magna Carta” susceptible de protéger réellement les seules libertés individuelles et collectives fondamentales » (Michéa) ?

Cette formule sonne comme une proposition ultra-libérale qui demanderait qu’on s’en tienne aux seules libertés négatives ou défensives, “modestes” en ce sens qu’elles ne doivent surtout pas se prolonger dans des droits sociaux ou un projet de démocratie radicale !

Les droits de l’homme ne sont « pompeux » que si on les comprend comme un « catalogue » – ce qu’était la « Magna Carta », catalogue de libertés assurant surtout les privilèges de l’aristocratie anglaise. Mais, encore une fois, cette réduction des droits de l’homme à un catalogue en manque la logique propre. Saisis comme le développement de la « proposition de l’égaliberté », ils constituent une idée somme toute moins « pompeuse », et certainement moins exposée à la tentation totalitaire, que l’idée vague du communisme qui irriguait la critique de Marx.

Il ne faudrait d’ailleurs pas mécomprendre le sens de la déclaration de Marx que détourne Michéa. On lit dans Le Capital que la lutte de la classe ouvrière, lorsqu’elle obtient des mesures imposant des limites à l’exploitation, « remplace le pompeux catalogue des “inaliénables droits de l’homme” par la modeste Magna Carta d’une journée de travail limitée par la loi ». Marx n’entendait certainement pas par là qu’il fallait se contenter de tempérer l’exploitation sans y mettre fin, et renoncer au projet d’une auto-organisation démocratique de la société pour s’en tenir à de “modestes” corrections apportées à la violence des rapports de propriété et de production ! Ce qu’il dénonçait, c’était une interprétation des droits de l’homme qui réduisait ceux-ci à une égalité formelle entre des libertés inégalement réelles. Mais cette dénonciation même reconnaissait paradoxalement la force émancipatrice de la loi et du droit, conformément à la pratique du mouvement ouvrier qui a toujours formulé ses revendications en termes de “droits”[xv].

« Il se trouve que la critique marxienne des droits de l’homme est beaucoup plus complexe et contradictoire que ce qu’en a retenu la catastrophique vulgate léniniste. »

Il se trouve que la critique marxienne des droits de l’homme est beaucoup plus complexe et contradictoire que ce qu’en a retenu la catastrophique vulgate léniniste. La phrase “réformiste” de Marx que vous avez citée suffirait d’ailleurs à montrer que nous n’avons aucune raison de tenir le révolutionnarisme autoritaire de Lénine pour plus “légitime” ou plus “marxiste” que la social-démocratie de Kautsky ou de Jaurès. Mais cet entretien est déjà bien trop long pour que nous entrions dans ces méandres. Sans innocenter Marx ni lui imputer directement les ravages totalitaires causés par la simplification léniniste de sa critique des droits de l’homme, je me contenterai de dire qu’entre la modestie de l’action syndicale et la démesure d’une idée aussi indéterminée que celle d’une “démocratie totale” qui aurait magiquement aboli l’État et le marché, la référence maintenue aux droits de l’homme rappelle la nécessité de penser ensemble l’horizon de l’universel, la condition de la pluralité et les médiations de l’institution – sur le triple plan de l’international, du national et du transnational.

Les droits de l’homme sont-ils dépassés ?

C’est le vieux rêve contre-révolutionnaire : en finir avec les droits de l’homme et avec l’exorbitant processus révolutionnaire qu’ils ont déclenché par leur promesse d’égalité impossible à satisfaire. Bonald disait qu’il fallait « se pénétrer de cette vérité philosophique et la plus philosophique des vérités : que la révolution a commencé par la Déclaration des droits de l’homme, et qu’elle ne finira que par la déclaration des droits de Dieu« . Mais cette position avait son propre horizon “révolutionnaire”, proprement apocalyptique, avoué par Maistre dans le dernier entretien des Soirées de Saint-Pétersbourg qui annonce la fusion des nations dans l’imminence d’une Troisième Révélation divine…

La contre-révolution d’aujourd’hui n’a pas la radicalité d’un Bonald ou d’un Maistre. Elle espère plutôt, comme Barnave en 1791 ou François Furet dans les années 1980, « terminer la révolution » en contenant l’essor des droits de l’homme, en les faisant rentrer dans le rang de ces “libertés négatives” qu’ils ont toujours excédées, à tous les sens de ce mot. Et, à voir la popularité de personnages politiques tels que Trump, Abe, Poutine, Erdogan ou Orban, on peut se demander si le futur ne pourrait pas avoir la forme d’une « (mal)sainte alliance entre Schmitt et Hayek », qui compenserait les duretés de l’inégalité par les satisfactions fantasmatiques de la communion nationale. Mais cela même ne prouverait rien contre les droits de l’homme : nous n’en sentirions que plus vivement la force de leur exigence.

Quant à un “dépassement” des droits de l’homme qui viendrait de la parfaite réalisation de leurs demandes, faut-il vraiment expliquer en détail pourquoi nous en sommes très loin ?

Nos Desserts :

Notes :

[i] Dans son compte rendu de l’ouvrage de Jean-Yves Pranchère et Justine Lacroix, Mark Hunyadi a noté à juste titre que le rôle joué par la mouvement praguois de la “Charte 77” aurait dû être évoqué.

[ii] Marcel Gauchet, « Du bon usage des droits de l’homme », Le Débat, 2009/1, n° 153.

[iii] Marcel Gauchet, Comprendre le malheur français, Paris, Stock, 2016, p. 358.

[iv] Comte ne fut assurément pas “socialiste” au sens propre : il ne demandait pas l’égalité et sa conception de la “propriété sociale” laissait aux capitalistes la propriété privée des moyens de production. Mais il partageait avec le socialisme le souci d’une solidarité sociale débordant les mécanismes du marché et de l’État. Il faut renvoyer ici aux impeccables analyses de Frédéric Brahami, « L’affect socialiste du positivisme. Auguste Comte, le socialisme “politique” et le prolétariat », dans Incidence 11, 2015 qui portait sur « Le sens du socialisme ». Ce numéro entier d’Incidence, pourvu d’une remarquable introduction de Bruno Karsenti, devrait être désormais une référence incontournable de toute discussion sérieuse sur la signification du socialisme.

[v] Etienne Balibar, « Droits de l’homme et droits du citoyen : la dialectique moderne de l’égalité et de la liberté », dans Les Frontières de la démocratie, Paris, La Découverte, 1992 ; La Proposition de l’égaliberté, Paris, PUF, 2010.

[vi] Mais pas par tous. Condorcet disait que les droits de l’homme ne devaient surtout pas être adorés comme des « Tables descendues du ciel ».

[vii] Claude Lefort, L’Invention démocratique, Paris, Fayard, 1981 ; Essais sur le politique, Paris, Seuil, 1986.

[viii] Marcel Gauchet, La Révolution des droits de l’homme, Paris, Gallimard, 1989.

[ix] Voir Irving Kristol, Réflexions d’un néo-conservateur, trad. R. Audouin, Paris, PUF, 1987.

[x] Ce ton social-démocrate caractérise de même le livre de Samuel Moyn paru en 2010, The Last Utopia. Human Rights in History, qui a suscité un vif débat dans le monde anglophone et recoupe largement les analyses de Marcel Gauchet.

[xi] Jacques Rancière, dans son livre de 2005 La Haine de la démocratie, a soumis ce discours à une critique acérée : la dénonciation indéterminée de “l’individualisme” conduit à imputer à la démocratie ce qui relève de logiques qui lui sont exogènes, notamment celle du Capital, et à stigmatiser au titre du “consumérisme” la masse des individus dépossédés – tout en passant sous silence le séparatisme des élites et la captation oligarchique du pouvoir. La psychologie moralisatrice sert à empêcher l’analyse des rapports de force qui configurent l’état de la société.

[xii] Alain Badiou et Marcel Gauchet, Que faire ? Dialogues sur le communisme, le capitalisme et l’avenir de la démocratie, Paris, Philo éditions, 2014.

[xiii]  On peut renvoyer, en dépit des corrections de détail qu’il faudrait leur apporter, aux analyses de Michel Foucault dans son cours de 1979 « Naissance de la biopolitique » (Paris, EHESS/Seuil/Gallimard, 2004, p. 40-45), qui montrent de manière lumineuse l’hétérogénéité profonde entre la logique de la gouvernementalité libérale, fondée sur l’ordre spontané du marché et la destitution du pouvoir souverain par le principe d’utilité, et la logique révolutionnaire de la réquisition des droits de l’homme, qui conduit d’elle-même à l’affirmation de la souveraineté de la communauté des citoyens.

[xiv] F. A. Hayek, Droit, législation et liberté 3, trad. R. Audouin, Puf, Paris, 1983, p. 193-199.

[xv] Comme le note Pierre Zaoui dans le numéro 47 de Vacarme : « La lutte de classes est d’abord et essentiellement une lutte pour le droit et par le droit, ce dont témoigneront, en un sens contre leur propre théorie du droit, Marx et Engels, notamment dans les appendices du livre I du Capital, en montrant que la lutte de classe n’a connu de succès que dans et par le droit et les institutions : réduction progressive de la journée légale de travail, interdiction progressive du travail des enfants, institution de sociétés d’assistance mutuelle, etc. »

Une précieuse odeur de vieux temps

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Une précieuse odeur de vieux temps

Par Laurent Dandrieu

 

Ex: http://www.valeursactuelles.com

Le passé ne meurt pas, de Jean de Viguerie, Via Romana, 172 pages, 19€.

Parti pris. L’historien Jean de Viguerie livre ses souvenirs de famille. S’y dessine le tableau d’une France très proche et très lointaine, qui rechigne à mourir.

Il y a des autoroutes longilignes, qui vous conduisent droit et vite vers un objectif bien précis. Il y a des itinéraires plus rares et plus escarpés qui vous mènent à un panorama à couper le souffle, à quelque splendeur architecturale qui vous rapproche du divin. Et puis il y a les chemins de traverse, que l’on arpente sans objectif, seulement parce que le hasard les a mis devant vos pas : ils ne parcourent pas forcément des paysages sublimes, ils ne conduisent pas à quelque but prestigieux, mais on a plaisir à s’y promener, parce qu’ils dégagent ces senteurs savoureuses des sentiers de campagne, parce que leurs tours et détours intriguent, parce qu’on y découvre maintes menues merveilles qui, pour peu qu’on ait l’âme bucolique, vous touchent et peuvent même vous conduire à une inattendue contemplation.

vig-pas.jpgSi un livre est un chemin que l’auteur vous invite à parcourir en sa société, le petit livre de souvenirs que l’historien Jean de Viguerie vient de publier, sous le titre Le passé ne meurt pas, appartient assurément à cette dernière catégorie. La forme en est modeste et paisible ; le ton sans fanfaronnade, précis et posé, même lorsqu’il s’agit d’événements douloureux, et toujours discrètement irrigué d’un humour d’autant plus savoureux qu’il ne se pousse pas du col.

Modeste, la matière l’est tout autant. Le spécialiste de l’éducation sous l’Ancien Régime, le biographe de Louis XVI et de Mme Élisabeth, l’auteur en “Bouquins” d’Histoire et Dictionnaire du temps des Lumières ne retrace pas son itinéraire intellectuel ; il a été un passeur de l’histoire, pas l’un de ses acteurs : les souvenirs qu’il livre ici ne laissent que très rarement entrer le vent de la grande histoire (guerre d’Algérie, Mai 68). S’il fait revivre les maîtres qui ont compté pour lui (Louis Jugnet, Roland Mousnier), on y croise surtout des aïeux disparus, des vieilles tantes inconnues, des figures aussi pittoresques qu’anonymes, et surtout l’odeur d’un vieux temps qui est celui de son enfance et de sa jeunesse mais qui paraît aujourd’hui, à ceux qui ne l’ont pas connu, aussi lointain que l’Ancien Régime, tant les façons d’être et de faire ont subi de bouleversements en l’espace de quelques générations.

C’est donc avec une nostalgie amusée que l’on croise, au fil de ce délicieux petit livre, un curé de campagne pieux et distrait qui, heurtant une vache égarée tandis qu’il lisait son bréviaire, laisse échapper un “pardon madame” ; une arrière-grand- mère qui se fait conduire dans des paroisses éloignées, pour pouvoir communier malgré son abonnement à l’Action française ; des familles qui pratiquent « la politesse des cimetières » en allant saluer, après les tombes familiales, celles des familles amies ; une grand-mère obsédée de « l’odieuse question bonne », cette difficulté croissante à trouver des domestiques capables ; des vieilles tantes célibataires qui, durant la guerre, ouvrent toute grande leur maison à la campagne à toutes sortes de réfugiés ; une ancêtre jeune mariée qui, découvrant la bibliothèque d’un aïeul révolutionnaire emplie d’ouvrages des Lumières, jette au feu tous ces livres impies, à l’exception de l’Encyclopédie de d’Alembert et Diderot, « jugeant sans doute qu’un dictionnaire c’est toujours utile ».

L’auteur brosse un portrait savoureux des auditoires de ses conférences, décrit presque avec sympathie l’occupation de la Sorbonne, qu’il vécut en ennemi de l’intérieur pour protéger un centre de recherches des velléités destructrices des Katangais, narre les aléas que valut à sa carrière universitaire la fidélité de son antigaullisme et son peu d’appétence pour les billevesées progressistes. Il eut aussi à entendre siffler les balles de son propre camp, coupable qu’il était d’avoir suggéré, dans son livre les Deux Patries, que la perversion révolutionnaire du patriotisme avait sans doute tué la France. On lui objectera avec sympathie, sans souci de le convaincre, qu’un pays où s’écrit un tel livre, où il trouve un éditeur et sans doute un public, est un pays qui n’est pas tout à fait mort et qui n’aspire qu’à revivre.

Le Passé ne meurt pas, de Jean de Viguerie, Via Romana, 172 pages, 19 €.

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jeudi, 02 juin 2016

Akif Pirinçci: Die Umvolkung von dem Austausch der Deutschen & den Invasionsgewinnlern

Akif Pirinçci:

Die Umvolkung von dem Austausch der Deutschen & den Invasionsgewinnlern

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Avondland en Identiteit

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Avondland en Identiteit

Marijn de Koeijer legde het boek Avondland en Identiteit van Sid Lukkassen op de snijtafel, en geeft in deze recensie zijn bevindingen.

Tot de jongere Nederlandse filosofen en historici (kennelijk een combinatie die goed samengaat) behoort Sid Lukkassen (1987), een in velerlei opzicht opmerkelijk mens die zijn thema’s met een verfrissende grondigheid te lijf gaat. Sid is daarnaast goed benaderbaar (in politiek-correct jargon noemt men dat ‘laagdrempelig’) en situeert zich graag in de realistische hoek, iets wat hem in relatie tot zijn publicaties op het internet over de feminisering van de Westerse cultuur reacties van ‘Amerikaans conservatisme’ opleverde. Als docent maakt hij zich verdienstelijk, onder andere voor het Humanistische Verbond, waarbij vooral blijkt van zijn theoretische kennis van de klassieke filosofen mede in samenhang met de historische context. Voorzover ‘politiek-correct’ nog steeds in de maatschappij de boventoon voert van hoe men zich dient te gedragen, neemt Sid daar bewust afstand van. De eersteling die Sid als pennenvrucht het licht heeft doen zien heet ‘Avondland en Identiteit‘ (2015), een boek dat losjes verwijst naar het visionaire ‘Der Untergang des Abendlandes‘ (1918-1922-’23) van Oswald Spengler. Volgens Spengler is iedere beschaving als een plant die tot bloei komt en uiteindelijk ineenschrompelt. Ook Sid is op veelal goede gronden van mening dat de hedendaagse Europese en Nederlandse cultuur aan verval onderhevig is. Nu verzuchten bij tijd en wijle velen ‘dat het niet meer is zoals vroeger’. De kür van Sid is dat hij oorzaak en gevolg schetst en ook durft te schetsen. Zijn boek dat voor een belangrijk deel tevens een bewerking is van eerdere artikelen en columns die hij heeft geschreven, speelt doelbewust in op de actualiteit, wat aldus een goed doorwrocht populair-wetenschappelijk tijdsbeeld oplevert zoals Sid dat heeft beschouwd en heeft doorleefd.

Omdat een ‘review’ over een boek nu eenmaal zo zijn beperkingen kent, voert het te ver om de visie van Sid in detail de revue te laten passeren. Sid start zijn beschouwing met de generatie van ’68 waarvan hij zegt dat de dromen van die generatie niet datgene hebben gebracht wat velen ervan verwachtten. Hij staat daarin niet alleen en tikt de spijker soms hard op de kop.

Het boeiende bij Sid is dat hij in zijn verhaallijn nagenoeg alle filosofen die er in de wereld toe doen wel eventjes de revue laat passeren, zodat velen hun hart kunnen ophalen. Grappig was dan ook, Sid en ik hadden er later nog contact over, dat één van mijn favorieten – Erich Fromm – niet wordt vermeld. De thematiek van het omhoog ruilen op de liefdesmarkt, de materialisering of zo men wil vergaande verzakelijking van relaties, zijn bij Fromm en Lukkassen qua teneur overeenkomend. Volgens Fromm is verliefdheid sociaal gekleurd, Sid Lukkassen beschrijft geheel in die lijn de strevingen van de vrouwen bij organisaties als die van de EU om te scoren. Hij verwijst tevens naar het verdienstelijke boek “De Liefdesmarkt” uit 2011 van Renzo Verwer, terwijl elementen uit “Liefde” van Mark Mieras eveneens om de hoek komen piepen. Met die aspecten gaat Sid aan de slag en verweeft zijn eigen ervaringen creatief in het geheel. Het boek bevestigt daarmee tevens dat elke opkomende generatie steeds weer wordt geconfronteerd met de twee essentiële keuzes in het leven, het kiezen van het juiste baanperspectief en het doen van de juiste partnerkeuze.

De werkhypothesen in Sid’s boek luiden als volgt:

  1. Het feit dat steeds meer Westerse mannen hun heil zoeken bij vrouwen uit traditionele culturen kan verklaard worden uit de invloed op lange termijn van cultuurmarxisme op man-vrouw relaties binnen de Westerse cultuur.
  2. Het feit dat de Europese cultuur zo gevoelig is voor cultuurmarxisme- de obsessie met minderheden, slachtoffers en schuldgevoelens- is verklaarbaar vanuit het Christendom.

avidimage-4762412.jpgDoor het boek heen laat Sid niet na de lezer in te prenten dat hij weinig op heeft met het Marxisme, en meer in het bijzonder met het cultuurmarxisme. Het ‘cultuurmarxistische denken’ is verfoeilijk aldus Sid. Je kunt er bij hem van op aan dat hij de stelling huldigt dat het Marxisme de economie en de welvaart uiteindelijk heeft gesmoord en dat na gedane zaken – of terwijl die verbouwing gaande was – men er parallel toe is overgegaan de winkel open te houden om ook de cultuur naar de vaantjes te helpen. De basis daarvoor vormde de verdere veredeling van het Westers Christelijke schuld- en zondebesef. Via social engeneering werkte de generatie ’68 toe naar een cultuur waarin de intrinsieke validiteit middels het oordeelsvermogen plaats maakte voor een politiek correcte wereld waarin (goede) intenties de maatstaf zijn en waar alles wat zwak oogt (in een slachtofferrol) vooral correct benaderd moet worden. Volgens dit cultuurmarxisme is het eigen oordeels- en analytische vermogen van het individu slecht en zou dat tot uitsluiting leiden. De keerzijde van de medaille is dat alles wat sterk is of een duidelijke eigen mening koestert wordt uitgesloten. Immers argumenteren volgens de termen ‘logica’, ‘objectiviteit’, ‘universele geldigheid‘ kan kwetsend zijn voor degenen die zich in het kamp van de slachtoffer-rol-aanhangers van de politiek correcten bevinden. Ergo, afwijking wordt bestraft met uitsluiting uit de heilstaat van de politiek-correcten. Het laat zich raden dat Sid van mening is dat de Westerse (blanke) man die ook nog eens hetero is, als eerste ten slachtoffer valt aan dat cultuurmarxisme van de politiek-correcten. Ofschoon hij de ontwikkelingen soms wat zwartwit benadert, heeft hij wellicht tot schrik van vele politiek-correct denkenden zeker niet geheel ongelijk. Vele instituties en cultureel geldende waarden zijn in de loop der tijd op de schop gegaan. Het normatieve gelijkheidsbeginsel heeft er toe geleid dat het beter werd om het hoofd niet te ver boven het maaiveld uit de steken en maar liever vooral in de pas te lopen met wat als politiek-correct werd en wordt gezien, iets wat overigens veelal opgeld doet in de ambtelijke bureaucratieën. Het boek ademt dan ook zeker de opvattingen van de auteur dat het postmoderne denken en het feminisme te ver zijn doorgeschoten. Vast staat in ieder geval dat Sid van mening is dat de maakbare samenleving niet bestaat en de Europese cultuur ten onder zal gaan aan ‘wensdenken’ en in de pas lopen. De (meest zuivere) vrijheid van meningsuiting is verworden tot ‘vrijheid van toegestane meningsuiting‘, aldus Sid Lukkassen.

De verdienste van het boek ‘Avondland en Identiteit‘ ligt vooral ook hierin dat de lezer in 12 hoofdstukken wegwijs wordt gemaakt in de doodsdrift en dus de doodstrijd van de Westerse beschaving, zoals Sid die vanuit zijn permanente studie analyseert. Daarbij gaat Sid verklarend in op de betekenis van ‘cultuurmarxisme’, ‘politieke correctheid’, ‘sociaal atomisme‘ en meer termen die in de toekomst vaker te horen zullen zijn dat tot nu toe het geval is geweest. In die zin doet Sid zijn professie van docent alle eer aan. Hoofdstuk 11 over ‘Een episch Europa’ had misschien wat meer uitgediept kunnen worden over hoe Sid de Europese ontwikkeling graag ziet en wat wij ook graag uitgebreider van hem willen horen. Zijn meest belangwekkende stellingen zijn daarbij toch vooral het afzweren van schuldgevoelens en schuldenbergen en het bundelen van Europese volkeren met ieder hun eigen krachten en specialiteiten, wat hij een ‘verlicht, militant humanisme’ wil noemen, gebaseerd op nationale trots, cultureel bewustzijn en Verlichtingsfilosofie binnen een overkoepelende Europese identiteit. Vooral ook omdat Sid ten nauwste betrokken is bij het Humanistische gedachtegoed had in dat hoofdstuk 11 kunnen plaatsvinden van hoe hij het ‘verlicht, militant humanisme‘ nader wil vormgeven. Voor Europa wil Sid blijven uitgaan van kracht en eigenwaarde, maar vanzelfsprekend geschoeid op een andere leest dan tot nu toe politiek-correct aan de orde is (geweest). Hierin klinkt de moed door van de jonge wetenschapper die het anders wil en zich niet wil neerleggen met de doodstrijd van de Westerse beschaving. Het boek ‘Avondland en Identiteit‘ moet men verscheidene malen lezen. Het rekent af met de idee dat de opkomende generaties met name ‘hedonistisch‘ willen leven met een hoge ‘funfactor‘. Sid Lukkassen toont met zijn boek aan dat er nog mensen onder ons zijn die vanuit Europese waarden willen nadenken over een samenleving waar niet alles voor zoete koek wordt geslikt. Men hoeft het niet in alles met hem eens te zijn , maar Sids veldtocht tegen het cultuurmarxisme en het afglijden van Europa is boeiend voor alle generaties en zal de kritische lezer zeker aanzetten tot verdere discussie. We houden zijn uitwerking van het “Verlicht Humanisme” voor Europa nog in petto.



‘Avondland en Identiteit’ (2015), auteur van het boek: Sid Lukassen, uitgeverij Aspekt, ISBN 9789461536709

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mardi, 31 mai 2016

«2084» de Boualem Sansal: «Attention, ça brûle!»

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«2084» de Boualem Sansal: «Attention, ça brûle!»

BS-2084.jpgTranquillement assis, comme si de rien n’était, Boualem Sansal attend ses lecteurs. Ce mardi soir, dans le petit théâtre de l’Alliance française, à Paris, seuls un vigile à ses côtés et des contrôles d’identité à l’entrée laissent transparaître le caractère explosif de ses idées. Avec son roman acclamé 2084, l’auteur algérien dépeint la menace du terrorisme islamiste et n’exclut plus une troisième Guerre mondiale. Tiré à 290 000 exemplaires, ce livre l’a propulsé au cœur de l’actualité brûlante d’une France qui se cherche. Couronné « Meilleur livre en 2015 » par le magazine Lire, son scénario avait déjà reçu le Grand prix du roman de l’Académie française. Depuis, Boualem Sansal court les rencontres littéraires pour s’expliquer auprès de ses lecteurs. Entretien.

RFI : Chez vous, la séance de dédicaces dure aussi longtemps que la rencontre littéraire. Comment réagissent vos lecteurs face à votre monde totalitaire de 2084, cette dictature planétaire nommée Abistan, avec son Dieu Yölah et son prophète Abi ?

Boualem Sansal : Jusque-là, les gens réagissent plutôt bien par rapport aux livres que j'écris. Avec 2084, il y a peut-être quelque chose de nouveau. Il y a un contexte, une actualité. 2084 parle d’une dictature religieuse et en ce moment, il y a des événements liés à la religion en Europe et un peu partout dans le monde. Cela inquiète beaucoup de gens. Mon roman amène une réflexion sur ces choses-là. C’est ce que les gens veulent.

Depuis vos prix littéraires, vous êtes beaucoup lu et écouté. Avez-vous le sentiment d’être vraiment entendu et réellement compris par rapport à votre roman 2084 ?

Les gens vous entendent. Comme nous tous entendons les gens. Est-ce qu’on fait toujours ce qu’ils nous recommandent ? Ce n’est pas toujours évident. Parfois, on ne peut pas agir. Parfois, je me dis que les gens sont souvent comme les enfants. Ils ne réagissent pas quand on les avertit : « Attention, ça, ça brûle ! ». Et puis, un beau jour, ils mettent la main et se brûlent. Mais, c’est trop tard.

Depuis mon premier roman [Le Serment des barbares, ndlr] et au-delà des romans, des articles et des interviews, cela fait quinze ans que j’attire l’attention des gens sur l’évolution de l’islamisme notamment. Les gens n’ont qu’à écouter. Certains disent : oui, c’est vrai, c’est risqué, c’est dangereux, mais qu’est-ce qu’ils peuvent faire ? Les États devaient écouter les lanceurs d’alertes, mais ils ne les écoutent pas, parce qu’ils gèrent des intérêts. Et ces intérêts passent même avant la raison.

En 2015, dans la Russie de Poutine, le livre 1984 de George Orwell est devenu un best-seller. Votre roman 2084, inspiré par Orwell, est en train de devenir un best-seller dans une France marquée par les attentats islamistes et l’état d’urgence. Est-ce un signe inquiétant ?

Oui, en tout cas, c’est le signe que la population, ou au moins ceux qui lisent ces livres ont un fort sentiment d’inquiétude. Pour le moment, ils ne savent pas comment le traduire en actes. Des fois, ils le font d’une manière qui joue plutôt contre eux, par exemple, quand ils vont vers l’extrême droite en disant : « Il y a un danger qui arrive. Il y a des écrivains qui nous le disent, donc on peut le croire. Et pour nous prémunir de ça, allons vers l’extrême droite. » Ce n’est pas la solution. D’autres vont vers des solutions encore plus violentes que la violence qui les attaque. Par exemple, aux Etats-Unis, quand le candidat républicain Donald Trump dit qu’il faut chasser les musulmans et leur interdire de venir dans le pays. C’est de la folie.

BS-2070149759FS.gifVous affirmez n’écrire « que des histoires vraies ». Pour vous, 2084 n’est pas de la science-fiction, mais se déroule aujourd’hui. Pendant l’écriture de votre roman, vous avez utilisé comme temps de narration le présent. Pourquoi cela a-t-il provoqué un casse-tête chez les grammairiens de Gallimard ?

Ce genre de texte est très difficile à écrire sur le plan de la temporalité. C’est une projection. Donc il faudrait utiliser le futur pour dire ce qu’il va arriver. Moi, personnellement, je pense que c’est dangereux de faire ça, parce qu’on peut passer pour un gourou ou pour quelqu’un qui joue au prophète. C’est très dangereux, surtout en littérature. On peut le faire dans un essai.

Dans un essai on démontre ce qu’on affirme. Dans un roman, on ne démontre rien. On dit. Pour moi, la seule solution était de me mettre en 2084 et de raconter cela en étant en 2084. Donc c’est forcément le présent. Mais il se trouve que… on ne peut pas s’en rendre compte si on n’écrit pas soi-même : c’est difficile de raconter le futur – en étant dans le futur – au présent. C’est très difficile.

Imaginez que vous racontez une de vos journées dans vingt ans. Comment allez-vous faire ça ? Comment allez-vous dire : « Ce jour, je suis sorti pour aller au stade et puis manger avec des amis ». Le lecteur le lit aujourd’hui. Donc il ne comprend pas. Vous vous rendez compte de la complexité ? Finalement, en parler au passé reste la situation la moins perturbante. C'est-à-dire qu’on se met dans le futur, mais comme si c’était quelque chose de passé. C’est très étonnant.

Cela rejoint donc une réalité, parce que les gens se posent la question : est-ce que ce danger-là – pour faire court, on va dire l’islamisme – est-ce que c’est devant ? Ça va venir ? Ou est-ce que c’est déjà là ? Ou est-ce que c’est déjà un peu passé dans la mesure où l’on est en train de prendre des mesures ? Alors c’est presque fini et on se dit : encore deux mois et on aura fini avec Daech… Donc la question de la temporalité est très importante !

Dans 2084 vous ne nous projetez pas dans un monde technologique et futuriste. Ce n’est pas la technologie qui est en jeu, mais nos attitudes, notre suivisme, notre collaboration avec le système. Votre livre parle de « la force du mouvement infinitésimal, rien ne lui résiste, on ne s'en rend compte de rien pendant que, vaguelette après vaguelette, angström après angström, il déplace les continents sous nos pieds… ». On y est déjà ? Cela se passe-t-il déjà en France et en Europe ?

Absolument. Toutes les évolutions se font comme ça, millimètre par millimètre. Sauf dans le domaine technologique où il peut y avoir des découvertes où tout change, du jour au lendemain. Comme l’ordinateur qui a bouleversé notre univers technologique. Mais les évolutions politiques, sociales, philosophiques, religieuses, se sont faites dans l’immobilité…

BS-811H2vPmrHL._SL1500_.jpg… ou par « Soumission » pour nommer le livre de Michel Houellebecq.

Houellebecq est vraiment dans le quotidien d’aujourd’hui. Il ne fait pas de projection. 2022, c’est comme 2017 ou aujourd’hui avec la question : qui va être élu ? Hollande, Sarkozy, Jupé ou Monsieur Abbes [dans le livre de Houellebecq, Mohammed Ben Abbes, le candidat de la Fraternité musulmane, devient en 2022 le premier président musulman de la République française, ndlr]. Ce n’est pas une véritable projection. Ce sont des choses qui se font, qui sont là, dans la société…

Depuis l’attentat contre Charlie Hebdo, il y des caricaturistes qui admettent pratiquer une certaine autocensure. Il y a aussi le cas de Michel Onfray (« Le débat en France n’est plus possible ») qui a renoncé à publier en France son livre-entretien Penser l’islam. Est-ce qu’il y a déjà un soupçon de « Abistan » dans l’air, ici en France ?
 
Quand j’ai écrit 2084, ma conviction était faite : on va là-dedans, on va vers ça ! Il y a des raisons religieuses, mais aussi des raisons beaucoup plus fortes encore. C’est comme le réchauffement de la planète. C’est quelque chose qui se fait.

Ce n’est pas parce qu’on va prendre quelques mesures avec la COP21 ou la COP22 ou la COP23 qu’on va arrêter l’évolution du monde. On est sept milliards d’habitants. On sera dix milliards. Il y aura plus de voitures, plus de maisons, il faudra produire plus pour plus de gens. Il est inévitable que la température augmente. La question est : faut-il tout arrêter pour empêcher le réchauffement climatique ? Ou apprendre à vivre avec le réchauffement climatique ?

Ce genre de texte est très difficile à écrire.
L’écrivain Boualem Sansal sur la difficulté de la temporalité de son roman « 2084 ».
14-01-2016 - Par Siegfried Forster
Pour écouter:

http://www.rfi.fr/afrique/20160114-2084-boualem-sansal-at...

Autres documents audio:

► Ecouter aussi l’interview avec Boualem Sansal dans l’émission Religions du monde
► Ecouter aussi l’interview avec Boualem Sansal dans l’émission Littérature sans frontières
► Lire aussi la critique du livre 2084

► L’agenda des prochaines rencontres littéraires de Boualem Sansal

Weltflucht und Massenwahn Ellen Kositza über den neuen Thorsten Hinz

Weltflucht und Massenwahn

Ellen Kositza über den neuen Thorsten Hinz

Das Buch hier bestellen:
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In ihrer achten Buchempfehlung stellt Ellen Kositza, Literaturredakteurin der Zeitschrift Sezession, das neue Werk von Thorsten Hinz vor: »Weltflucht und Massenwahn. Deutschland in Zeiten der Völkerwanderung« bildet die innere Prozeßhaftigkeit des Einknicken Deutschlands vor der Einwanderungsflut kundig ab. Ein neues Meisterwerk vom intellektuellen Zugpferd der »Jungen Freiheit«!
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samedi, 28 mai 2016

"Eloge du populisme" de Vincent Coussedière

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"Eloge du populisme" de Vincent Coussedière

Dr Bernard Plouvier,

Auteur, essayiste

Ex: http://metamag.fr

L’auteur est un philosophe qui vient de passer le cap de la cinquantaine et récidive en 2016 avec un second livre sur le sujet (Le retour du peuple. An 1, paru au Cerf).

elogedupopulisme.jpgDeux remarques préliminaires paraissent nécessaires au lecteur qui veut aborder la prose, de style parfait, dégagé de toute fioriture académique, de l’auteur… qui est l’un des rares penseurs politiques français du moment à être intéressant et original.

Qu’est-ce que l’élite d’un peuple ? Si l’on préfère formuler autrement la question : un élu, fût-il appelé à de très hautes fonctions, est-il obligatoirement doté du courage et du caractère, voire simplement de l’intelligence indispensables au gouvernant ? La notion « d’élite politique » est, en soi, risible. Jamais la politique ne devrait être une profession, mais une fonction temporairement exercée par un individu ayant fait preuve d’une remarquable efficacité dans son activité professionnelle. La politique n’est pas un métier : ce devrait être l’un des fondements de la mentalité populiste.

Qui gouverne en Occident depuis le début des années 1980 ? Et de façon opposée, quel type d’homme gouverne en Russie et en Chine débarrassées de l’immondice communiste (ou marxiste, au gré de chacun… encore qu’il existe des clowns pour prétendre que la pure doctrine de  Karl Marx n’ait jamais été appliquée, ce qui est entièrement faux : elle l’a été en Russie, de 1919 à 1921, et ‘’Lénine’’ a eu recours à la Nouvelle Économie Politique pour éviter l’implosion de l’URSS) ?

Après avoir répondu à ces deux questions, le lecteur peut aborder le premier livre de l’auteur qui s’intéresse au vide politique (et à celui non moins profond du discours politique) dans la France, des années Mitterrand à nos tristes jours. M. Coussedière a parfaitement compris que c’est Mitterrand qui a sciemment lancé la Nation française dans l’économie globale et la mondialisation politique, raciale et pseudo-culturelle (alors qu’à l’époque, Helmut Schmidt hésitait à y lancer l’Allemagne de l’Ouest, comme le prouve la prose de Jacques Attali, cf. Verbatim-I).

Le monde occidental actuel est celui du consumérisme, de l’hédonisme, de la niaiserie : le triomphe de l’individualisme et du très court terme. Ce n’est nullement de façon innocente que les maîtres encouragent la multiplication des langues exotiques dans les pays où ils contraignent les autochtones à se laisser envahir, ainsi que la déstructuration des langues à diffusion quasi-universelle : l’anglais devient le basic english, voire l’immonde bafouillage des blogs débiles du Net.

La définition du populisme par l’auteur est parfaitement exacte : c’est la réaction d’un peuple qui se sent trahi ou abandonné par la caste dirigeante, inepte, inapte et/ou corrompue. C’est une aspiration à renouveler le fonctionnement du couple Nation-État… « une errance », tant que le peuple n’a pas trouvé son chef ou lorsqu’il se laisse prendre aux rets d’un oiseleur, tel le démagogue Sarkozy – exemple pris par l’auteur.

La démagogie n’a jamais été que l’art de faire croire à un peuple qu’il pouvait obtenir (presque) tout, sans effort notable. Seuls les plus modernes des populistes ont soutenu le contraire, exigeant énormément d’efforts pour surmonter une énorme détresse morale, ce qui est bien plus grave qu’une crise économique : tels Mustafa Kemal ‘’Atatürk’’, le Mussolini des années 1920, ou Raoul Perón. De nos jours, partout en Occident, les autochtones ressentent une angoisse de ce type, associant désillusions et déréliction, sensation de péril imminent et surtout la tristesse spécifique de la fin d’une ère historique.

À dire vrai, Sarkozy avait de bonnes idées, mais il n’a jamais osé les appliquer, pour l’excellente raison que, parvenu à l’Élysée, il a dû jouer son rôle de pion, de sous-ordre des titulaires actuels du Pouvoir dans les États de style de vie occidental : les maîtres du jeu économique. Les « gouvernants sont devenus des administrateurs » (les guillemets indiquent des citations de l’œuvre)… plus exactement des gérants de la globalo-mondialisation, pratiquant, à l’instar de leurs spéculateurs de maîtres, la technique du pilotage sans visibilité.

Une critique que l’on pourrait faire à l’auteur est de n’avoir pas donné sa définition personnelle du mot Nation et de s’être contenté de celles d’autrui. Or, le problème sémantique devient un choix crucial de nos jours, aussi bien en Amérique du Nord qu’en Europe occidentale et danubienne : faut-il ou non faire intervenir la notion d’origine raciale dans l’acception du mot Nation… pour certains, l’étymologie le commande, comme le simple bon sens.

Si un peuple – soit un groupe de citoyens enregistrés par l’état-civil – n’a pas d’identité propre et s’avère composite par les religions (suprême facteur de désunion), les usages (par exemple culinaires), voire la langue (combien d’immigrés ne font pas l’effort d’apprendre la langue du pays où ils viennent résider ?), la Nation est définie par des origines continentales et une histoire communes, des lois et des usages communs, soit des valeurs identitaires. L’auteur a raison : le populisme n’est pas obligatoirement corrélé au nationalisme.

Le populisme est la volonté d’un peuple d’être « gouverné selon son intérêt ». C’est le besoin de voir correctement géré le Bien commun (cher à Platon, Aristote, Hobbes etc.), c’est la nécessité de créer les meilleures conditions pour la génération à venir, en se souvenant que les prévisions d’expert à long terme s’avèrent constamment fausses.

Le populisme, c’est l’espoir pour un peuple de renaître, de recommencer une vie commune sur de nouvelles fondations. Le populisme, ce n’est nullement l’utopie égalitaire (c’est, au contraire, le Leitmotiv des propagandes démagogiques). Le populisme, c’est se vouer à une grande aventure collective, à la fois politique, économique, sociale et culturelle… soit l’inverse de l’actuel individualisme stéréotypé, de l’individu standardisé.

Car le grand art de nos maîtres est de faire réagir de façon similaire l’Européen et le Nord-Américain, l’Africain ou l’Asiatique évolués. Léon XIII l’avait prévu, dès la fin des années 1890, comme divers sociologues, tels Gabriel Tarde cher à l’auteur ou l’inusable Gustave Le Bon.

C’est en cela que la mondialisation sous-culturelle et politique réalise le pire des totalitarismes : on impose une pensée unique, sans violence excessive, par le seul effet de la répétition ad nauseam d’une propagande niaise et optimiste, chez des êtres gavés de jouissances matérielles et de petits bonheurs. Hannah Arendt n’a donné qu’une définition très partielle du phénomène totalitaire, pour s’être limitée aux seuls cas marxiste et nazi. Le totalitarisme est le fait de prendre l’être humain dans sa globalité : travail, vie de relation et surtout croyances et pensée, le tout pour uniformiser l’expression de l’opinion publique. La violence n’est nullement nécessaire : au Moyen Âge, l’espoir du paradis et la peur des infernales souffrances éternelles suffisaient à imposer une croyance commune aux Européens.

On peut ne pas être d’accord avec l’auteur dans sa longue digression sur le gauchisme des années 1968 sq. – l’auteur était trop jeune pour avoir vécu cette époque de profonde hypocrisie et d’énorme malhonnêteté intellectuelle. Les ex-gauchistes de 1968 sq. se sont parfaitement intégrés au consumérisme mondialiste (l’exemple de Cohn-Bendit est particulièrement démonstratif). Le populisme n’a rien à voir avec ces fumistes.

De même, il est faux de considérer que la vichyssoise « révolution nationale livrait le pays à l’occupation allemande » : c’était un essai de technocratie, elle-même réactionnelle aux excès opposés d’une finance trop attirée par la spéculation boursière et monétaire et de la surenchère démagogique du Front populaire (dont les réformes furent à la fois très incomplètes et abominablement coûteuses). La société des années 1950 sq. – qui a fait le lit de la Ve République gaullienne, morte en 1969 – est directement issue des réformes proposées par le brain-trust qui entourait le maréchal Pétain puis l’amiral Darlan.

Mais on ne peut qu’abonder dans le sens de l’ultime comparaison de l’auteur : être populiste en nos jours de toute puissance de la globalo-mondialisation, c’est faire acte de Résistance, comme certains l’ont fait, avec panache, dès 1940.  Finalement, ne pourrait-on pas imaginer que toute la question se résume à une simple équation : Populisme = Démocratie véritable… soit le gouvernement POUR le peuple et non plus le gouvernement pour défendre les privilèges de la caste politicienne ?

Ce très bon ouvrage n’est pas un livre d’historien : il ne faut pas y chercher une référence aux populismes antiques (Pisistrate, les Gracques ou Jules César), médiévaux, modernes ou contemporains. C’est l’œuvre d’un penseur, à la fois philosophe et sociologue, qui – heureuse surprise – n’est ni un raseur, ni un fumiste. C’est une œuvre utile, car – chose exceptionnelle – elle fait réfléchir le lecteur, qu’il soit ou non en phase avec telle ou telle option de l’auteur. La clarté d’expression sert une pensée originale et honnête sur un sujet brûlant d’actualité, non seulement européenne, mais aussi dans toutes les parties du monde où la globalo-mondialisation exerce ses charmes vénéneux.

Vincent Coussedière, Éloge du populisme, Élya Éditions, collection Voies Nouvelles, 168 pages, 16€. (2012).

Du même auteur, Le retour du peuple, an 1, Éditions du Cerf, 272 pages, 19 € ( mars 2016).

vendredi, 27 mai 2016

SINERGIAS IDENTITARIAS

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SINERGIAS IDENTITARIAS

Autor: Robert Steuckers

 

Editorial Eas, de Eos, en griego antiguo Ἠώς Êós o Έως Eos, era la diosa de la ‘aurora’, aquella que salía de su hogar al borde del océano que rodeaba el mundo para anunciar a su hermano Helios. El nombre «Eos», cognado del latín Aurora y del sánscrito védico Ushas.

Somos una editorial joven y dinámica con una amplia variedad temática que abarcaría desde la poesía, pasando por la historia y llegando a temas actualidad y política.

Nos destacamos por la controversia dentro de las temáticas que englobamos, así como por fomentar y animar a las nuevas plumas tanto ensayistas como literarias que puedan surgir.

Contamos con plumas como las de José Vicente Pascual, Jorge Verstrynge, Dr. Felipe Botaya, Dr. Alexander Dugin, Adrian Salbuchi, Juan Pablo Vitali, Dr. Laureano Luna, Dr. Dan Roodt, Manuel Vallejo, Troy Southgate, Dr. Kerry Bolton, Eduard Alcántara, José Luis Ontiveros, Sergio Fritz Roa, Francisco J. Fernández-Cruz entre otros.

Nuestras principales temáticas se dividen en las siguientes colecciones:

APOLO: en la que trataremos la poesía y la literatura.

ARES: tal y como su propio nombre indica, hace referencia a la guerra, en ella primará la temática de historia bélica.

KHRÓNOS: en esta colección se abordarán temáticas de tiempo presente y pasado, pero con repercusión en la actualidad.

HESPÉRIDES: haciendo referencia al jardín y no a las mélides, bautizamos con este nombre la colección que tratará la tradición en su evoque filosófico y alquímico así como la filosofía del despertar.

Esperamos que nuestras publicaciones sean del agrado de nuestros lectores y que animen a un mayor fomento y difusión de la cultura, puesto que como decía Émile Henriot “la cultura es aquello que permanece en un hombre cuando lo ha olvidado todo”.

mercredi, 25 mai 2016

«Never Say Anything – NSA»: nouveau roman de Michael Lüders, spécialiste du Proche-Orient

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Des abîmes d’horreurs présents dans la réalité

«Never Say Anything – NSA»: nouveau roman de Michael Lüders, spécialiste du Proche-Orient

Ex: http://www.horizons-et-debats.ch

mk/wvb. Depuis qu’Edward Snowden a placé sur Internet une grande quantité de documents relatifs aux services secrets américains et s’est réfugié en Russie, les esprits les plus simples comprennent qu’il existe un stockage de données en attente, que toute transaction financière est enregistrée, tout comme les données des déplacements en avion et d’autres données personnelles. Celles-ci peuvent être utilisées, même sans bases législatives, n’importe où et par n’importe qui lorsque quelqu’un l’estime nécessaire.


Les flux de réfugiés venant du Proche-Orient et d’Afrique, mis en scène par les médias, nous rappellent quotidiennement que la guerre, en tant que moyen politique, est devenue monnaie courante. Nous pouvons fermer les yeux, détourner notre regard ou bien, si cela n’est plus possible, nous demander comment agir nous-mêmes face à cette misère.


NSA-9783406688928_cover-192.jpgDans son roman «Never say anything – NSA», Michael Lüders nous montre magistralement que nous aussi, nous vivons dans ce monde et que chacun d’entre nous porte une responsabilité envers l’histoire et les générations futures.


Sophie, la principale figure de son roman, est témoin en tant que journaliste, et à deux doigts près victime d’un massacre perpétré dans un village marocain. Ayant eu la vie sauve, elle se met à rechercher les causes de cette attaque brutale et découvre d’explosives relations de pouvoir géopolitiques. Lorsqu’elle tente de publier ses recherches dans son journal, elle se retrouve sous une douche écossaise: les médias mondiaux lui accordent la plus grande attention, mais lorsque l’affaire prend une tournure dangereuse les dirigeants de la rédaction, orientés vers les Etats-Unis, tentent de faire disparaître l’affaire en obligeant Sophie à lâcher ce sujet.

Lüders démontre par cet exemple à quel point les médias sont manipulés, combien on s’efforce de faire plier les journalistes sur une certaine ligne politique et combien ils sont mis à l’écart s’ils tentent de s’en tenir à la vérité. Mais Sophie ne se laisse pas intimider, elle cherche et trouve une voie pour continuer ses recherches et pour les publier, malgré le boycott des médias alignés. L’affaire prend de l’ampleur et devient de plus en plus dangereuse pour Sophie. Elle est poursuivie, il se passe des «accidents» bizarres, elle devient la cible d’activités et d’attaques des services secrets.


Wer-den-Wind-saeht-Cover-9783406677496_larger.jpgMichael Lüders, en tant que spécialiste du Proche-Orient présente ces informations spécifiques sous forme de roman. Ces faits n’auraient probablement jamais pu être publiés sous forme d’un travail journalistique. Il profite de ses connaissances en matière de style littéraire, ce qui permet au lecteur de s’identifier avec Sophie. Il ressent comme elle et souffre avec elle, surtout parce que Sophie reste fidèle à sa volonté et à son devoir journalistique de découvrir la vérité. Cela donne de l’espoir, quels que soient les abîmes bien réels relatés dans le roman: tant qu’il y aura des gens comme Sophie et d’autres qui lui viennent en aide dans les pires situations, le monde ne sera pas perdu. Cela nonobstant tous les raffinements des techniques de surveillance et d’espionnage utilisés à poursuivre Sophie pour la faire tomber et s’en débarrasser.


Le lecteur retient son souffle en lisant le récit clair et réaliste de Lüders démontrant ce qui est techniquement possible aujourd’hui. Après la lecture de ce roman, personne ne pourras plus affirmer qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter de cette surveillance étatique et des services secrets, aussi longtemps qu’on à rien à se reprocher. Ce que Lüders découvre touche à la substance même et à la liberté personnelle de tous citoyens et les citoyennes. Cela d’autant plus que le roman se déroule pour l’essentiel à Berlin, c’est-à-dire dans un environnement qui nous est proche, et non pas quelque part au fin fond du monde.


Dès lors que le lecteur prend conscience qu’il est la cible d’une surveillance totale au travers de son téléphone portable ou de son ordinateur, il comprend qu’il ne peut éviter ce qui vient d’être décrit, qu’il est en plein dedans, et qu’il doit réagir. Il comprend qu’il ne pourra plus fermer les yeux, malgré toute la propagande déversée sur lui.


Ce livre exige du lecteur de trouver lui-même des solutions, des solutions pour sortir de la logique de la guerre. Il suggère même une sortie possible: ne serait-ce pas imaginable de collaborer pacifiquement avec ceux que nous combattons, dans le domaine économique, par des sanctions et des armes? Ne serait-ce pas concevable de s’intéresser dans ce sens à l’Est? Le message du livre est clair, si l’on continue comme jusqu’à présent, nous finirons dans une impasse totale.


En bref, ce livre vaut la peine d’être lu, il oblige le lecteur à prendre position, à refuser de détourner son regard et il est véritablement passionnant.    •

Michael Lüders. Never say anything – NSA. C.H.Beck, Munich 2016. ISBN 973-3-406-68892-8

mardi, 24 mai 2016

Ungern Saga

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Ungern Saga

par Christopher Gérard

Ex: http://archaion.hautetfort.com

"Panmongolisme! Un mot sauvage,

Musical pour moi cependant"

Vladimir Soloviev

Ungern, le baron fou est le premier livre de Jean Mabire que j'ai lu, dans une méchante édition de poche ornée d'une couverture orange légèrement kitsch. J'avais alors seize ans et me passionnais pour le tragique destin des Armées blanches. Le roman débute par une scène de chamanisme, plutôt exotique pour le lycéen à la tête farcie de textes classiques, amoureux d'une Hellade marmoréenne et à mille lieues des sortilèges bouriates. Bien plus, la brutalité sans complexe du texte séduisit le jeune lecteur, habitué à des écrivains plus policés. Surtout, l'histoire incroyable de ce junker balte, descendant d'un Teutonique tué à Tannenberg, général russe et prince mongol, prophète du réveil de l'Asie jaune, qui, en souvenir des Dieux païens de sa Baltique natale, "ordonna de fixer au fronton de chaque isba des têtes de chevaux ou de dragons en bois découpés", ce héros cornélien que Mabire ressuscitait à coups de knout, me fascina d'emblée.[2] L'anachronisme total du personnage ne pouvait que plaire à un adolescent peu séduit - euphémisme - par le gauchisme invertébré caractéristique des années 70. Quelle bouffée d'oxygène que le récit de cette chevauchée, en pleine tourmente révolutionnaire, d'un officier perdu qui voulut opposer au matérialisme dialectique et à la dictature du prolétariat le règne du Bouddha vivant et les techniques archaïques de l'extase!

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L'ouvrage est dédié à un certain Olier Mordrel, dont j'ignorais tout à l'époque, et cite le Journal d'un délicat, livre d'un auteur peu lu dans les athénées bruxellois d’alors, un maudit dont mon père m'avait dit du bien, Drieu la Rochelle: "Les grands conquérants sont de grands conquis. Ils sont emportés par ce besoin d'action qui maintenant dévore les hommes. Et ce besoin d'action empêtré dans la politique n'est qu'un premier degré. Le second degré, plus complet, sera donc religieux." Comme par une heureuse coïncidence, je découvris, vers la même époque, Rêveuse bourgeoisie dans la bibliothèque paternelle, on peut donc dire que c'est grâce à Mabire que je fis connaissance avec ce Drieu qu'il affirmait "parmi nous". Deux ans plus tard, fouinant  dans l'immense librairie Pauli  de la rue Ravenstein - une caverne aux trésors comme on n'en trouve plus -, je mis la main sur son essai, publié en 1963. L'ouvrant, je tombai sur une citation des Upanishads qui claquait comme une nagaïka cosaque: "Qui ne croit pas, ne pense pas".[3]

Cette formule lapidaire définit tout l'esprit de Mabire, et en fait toute sa vie, comme j'ai pu le comprendre en le fréquentant. A lire certaines lignes du roman, l'étudiant gavé de positivisme athée sursautait, agréablement secoué. Ainsi : "Superstition, tu es sagesse". Ou "L'aigle solitaire, lui, est païen. Pas besoin de secte pour retrouver la communion avec les forces de la nature". Et aussi "S'il y a un Dieu, il est sur la terre et non dans le ciel. Il est en nous et non hors de nous. Les Japonais savent cela mieux que moi. C'est ici, en Mongolie que vont se rencontrer et se reconnaître l'Extrême-Orient et l'Extrême-Occident, sous le signe du soleil". Que par dessus le marché Mabire citât Héraclite - polemos pantôn men patèr esti, pantôn de basileus[5] m'enchantait: ce drôle de Normand, qui annonçait un roman intitulé La Lande des Païens, avait des fréquentations vraiment singulières! Plus tard, j'ai lu d'autres titres de Mabire: ses remarquables chroniques littéraires, la réédition de sa belle revue Viking  aux éditions du Veilleur de proue, son essai sur Thulé[6].

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Revenons à nos Bouriates, que Mabire dépeint avec brio dans son roman, l'occasion pour lui d'illustrer un thème aussi essentiel que le Paganisme: Ungern était l'adepte d'un Bouddhisme mâtiné de chamanisme et le romancier lui fait allumer de grands feux solsticiaux, ceux-là mêmes que l'écrivain suscite un peu partout sur son passage depuis un demi-siècle. Marqué par l'anticléricalisme familial, j'aimais que Mabire préférât les chamanes aux lamas, et j'appréciais son exaltation d'un savoir sensuel: "Savoir. Pour qui sait, tout s'explique. Les superstitions des paysans estoniens et les proverbes de mes cavaliers cosaques. Tout un monde qui surgit de la terre. Je suis superstitieux parce que j'essaye de retrouver les forces obscures de la nature. Je sais que je fais partie du monde  et que ma volonté est la même que celle des fleurs qui finissent par triompher de l'hiver glacé. Je vois des signes partout: dans le vol des oiseaux et la forme des nuages, dans la mousse humide, dans l'eau croupissante, dans les pierres aux formes étranges. Le mystère est visible. Il nous entoure. Je suis fort de toute la force du monde". Quelle rupture avec le matérialisme grossier et l'évangélisme mièvre de mes contemporains, calotins ou mécréants!

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L'autre thème est celui de l'Eurasie. C'est chez Mabire que je découvris en effet une thématique très peu étudiée à l'Ouest: le souvenir de la Horde d'or, la réhabilitation de Gengis Khan et l'idée touranienne. Ecoutons le Journal apocryphe d'Ungern, imaginé par Mabire: "L'Europe et l'Asie ont été fécondées par la même lumière du Nord. Le Christianisme et le Bouddhisme ne sont que des masques". Ce débat avait fait rage dans les cercles de l'émigration russe et continuait de passionner quelques chercheurs soviétiques, mais en Europe, plus personne chez les "kremlinologues" ne s'y intéressait vraiment. Qu'un autonomiste normand, chantre des patries charnelles et des hautes écoles populaires, ait réintroduit l'eurasisme dans le domaine francophone mérite d'être souligné.[7] Quelques années plus tard, alors que je poursuivais en dilettante mes recherches sur l'émigration russe, je tombai sur une remarquable revue intitulée L'Autre Europe, publiée par L’Age d’Homme, mon futur éditeur.[8] Le numéro 7/8 de 1985 publiait une traduction d'un célèbre poème d'Alexandre Blok, Les Scythes, rédigé le 30 janvier 1918. Jean Mabire, dont les lectures étaient   -imparfait de l'indicatif, que je tape la mort dans l'âme - immenses, avait-il lu Blok? Je ne le saurai jamais, mais son garde blanc converti au Pagano-Bouddhisme parle le même langage messianique et halluciné que celui du poète révolutionnaire:

Vastes sont nos forêts. Nous y disparaîtrons

Aux yeux de l'Europe jolie

Et du fond des taillis à vos cris répondrons

Du rire énorme de l'Asie…

Pauvres fous, marchez donc sur l'Oural et ses ombres!

Vous combattrez sur notre sol:

Vos beaux engins d'acier soufflant, crachant des nombres,

Contre les hordes du Mongol.  Marchez! Mais maintenant seuls, nus, sans bouclier.

Nous resterons sous notre tente. Nous vous verrons mourir de loin, sans sourciller,

De nos petits yeux en amande.

Alexandre Blok (1880-1921) feint de confondre Scythes et Mongols pour mieux exalter l'élément tartare – archaïque - de la Sainte Russie, pour mieux chanter la synthèse eurasienne et son refus des valeurs marchandes. Entre les Rouges et les Noirs, Mabire rejoint son confrère russe par son chant rebelle, irrécupérable.

Le rôle de l'autonomiste breton Olier Mordrel, dans la genèse de l'oeuvre n'est "pas clair", comme dirait un flic de la pensée: n'est-ce pas cet activiste deux fois condamné à mort qui offrit au jeune disciple deux romans, un stalinien et un hitlérien, consacrés à Ungern Khan?[9]

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Enfin, relisant ce livre vingt-quatre ans après, une chose me frappe. De façon très curieuse, on y décèle entre les lignes un vieux mythe indo-européen, illustré de l'Islande à l'Inde, celui du guerrier impie.[10] Les épopées indo-européennes présentent en effet un même type de héros devenu négatif, un être sombrant dans la démesure et  ne respectant plus ni Dieux ni lois. Comme si les destins voulaient que, face à la mort qui s'avance, le héros cher aux Dieux dût perdre leur protection par son aveuglement, par le non respect de règles inviolables. Achille, César, Cuchulainn tombent ainsi, victimes de leur aveuglement, rendus déments par les Dieux qui peuvent ainsi les abandonner à leur sort, tant est grande la puissance du Fatum auquel même les Immortels se soumettent. Achille prie pour la défaite des Achéens et la victoire de son ennemi Hector. César reste sourd aux sombres présages et marche, ivre de confiance, vers ses assassins. Le Viking Harald III de Norvège fait assassiner son rival Einar dans la salle même de son palais. Le thème du héros impie se retrouve du Caucase à l'Irlande, et même l'empereur Julien est dépeint par l'historien Ammien Marcellin comme ignorant les avertissements divins lors de sa campagne d'Orient.

Le Ungern de Mabire peut aussi être vu comme un guerrier devenu impie, puisque, dans les derniers temps, il est dépeint comme négligeant les présages funèbres, tel que la mort de l'aigle du Koutouktou ou l'assassinat d'Archipoff, le chef des Mongols. Ungern commet lui-même des crimes inexpiables: il massacre de chameliers innocents, défigure son unique médecin, se montre scandaleusement violent à l'égard de ses officiers les plus fidèles. Pareil à Julien qui, dans son délire, veut rejoindre l'Indus, Ungern rêve de gagner le Tibet à pied alors qu'autour de lui rôdent les chiens, planent les vautours et se déchaîne l'orage. Etrange réminiscence d'un antique archétype indo-européen auquel Jean Mabire redonne la vie. Etrange prescience de l'artiste apte à mettre ses intuitions en forme, fidèle en cela aux Upanishads: qui ne croit pas ne pense pas.

Christopher Gérard, MMXVI

Notes:

  1. (1) Mon volume de poche ayant trouvé refuge dans une bibliothèque amie, c'est l'exemplaire en grand format de la première édition que j'utilise, celle de la collection Têtes brûlées, dirigée par Dominique Venner: Jean Mabire, Ungern, le baron fou. La chevauchée du général-baron Roman Feodorovitch von Ungern-Sterberg du golfe de Finlande au désert de Gobi, Balland, Paris 1973. La dédicace que Jean traça d'une main ferme le 6 juillet 2003, aux Forges de Paimpont, résume admirablement les liens qui m'unissent à lui: "pour CG, qui - comme Ungern (et Drieu) - sait qu'il est plus important d'être fidèle à une attitude qu'à des idées". Réédité en 1987 sous le titre Ungern, le Dieu de la guerre, aux éd. Art et Histoire d'Europe (Paris) avec un avant-propos de l'auteur.
  2. (2) Evoquant Tannenberg, un autre souvenir de lecture me revient: celui du saisissant compte-rendu que fait Benoist-Méchin des funérailles du Maréchal Hindenburg le 7 août 1934, dans A l'épreuve du temps, 1905-1940, Julliard, Paris 1989. Comme il le précise dans la réédition de 1987, Mabire voit en Benoist-Méchin l'un de ses maîtres. Voir aussi François Maxence, Jacques Benoist-Méchin. Historien et témoin du Proche et Moyen Orient, Ed. Charlemagne, Beyrouth 1994.
  3. (3) Jean Mabire, Drieu parmi nous, La Table ronde, Paris 1963. L'ouvrage est dédié à Philippe Héduy, "en souvenir de Roger Nimier".
  4. (4) Coïncidence: mon père possédait, en livre de poche, Les Samouraï, œuvre d'Yves Bréhéret…et  d'un certain Jean Mabire. Encore un bouquin dévoré avec passion et qui changea subrepticement de bibliothèque, passant du salon à ma soupente.
  5. (5) Héraclite, fragment 129, éd. Conche, PUF, Paris 1986. "Le conflit est le père de toutes choses, de toutes le roi".
  6. (6) Jean Mabire, Que lire?, 7 volumes parus (récemment réédités chez Dualpha), qui représentent sans doute le meilleur de l'œuvre mabirienne. Et, Thulé. Le soleil retrouvé des Hyperboréens, Robert Laffont, Paris 1977. Dualpha l’a également réédité (après une version luxueuse des éd. Irminsul).
  7. (7) Voir à ce sujet Marlène Laruelle, L'idéologie eurasiste russe, ou comment penser l'empire, L'Harmattan, Paris 1999. Du même auteur, Mythe aryen et rêve impérial dans la Russie du XIXè siècle, CNRS, 2005.
  8. (8) L'Autre Europe, revue dirigée par Wladimir Berelowitch et publiée par L'Age d'Homme. La traduction des Scythes (1918) est due à  Michel Thiéry.
  9. (9) Je lis aussi, dans la réédition de la saga d'Ungern par les éditions Art et histoire d'Europe, qu'un mystérieux Docteur Sorel, médecin militaire de son état, poussa Mabire à romancer le premier jet du livre. Encore une question que je ne lui poserai jamais.
  10. (10) Voir à ce sujet Frédéric Blaive, Impius Bellator. Le mythe indo-européen du guerrier impie, Ed. Kom, Arras 1996.

Il est question de Jean Mabire dans Quolibets

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dimanche, 22 mai 2016

NATION? – Un retour du «romantisme politique»?

NATION? – Un retour du «romantisme politique»?
 
par Maryse Emel
Ex: http://www.nonfiction.fr


greek.jpgLe livre récent de Christian E. Roques , (Re)construire la communauté, a pour projet de présenter la réception du romantisme politique sous la République de Weimar par des philosophes et des penseurs politiques critiques de la modernité. Son but n'était pas de faire un travail sur la vérité des interprétations multiples qui en ont été faites, mais plutôt de voir ce que ces diverses lectures ont pu ouvrir comme perspectives politiques. L’enjeu est qu’au départ, le romantisme politique consiste en un discours en opposition à la philosophie des Lumières, qui met en question le pouvoir de la raison, et donc le pouvoir politique fondé sur l’exercice de la raison.

Genèse du romantisme politique

Le premier romantisme allemand s’organisme autour du Cercle d’Iéna, qui rassemble le théoricien de la littérature, Friedrich Schlegel, le philosophe Johann Gottlieb Fichte et des écrivains comme Ludwig Tieck, Wilhelm Heinrich Wackenroder et Novalis. Reprenant la thématique de Max Weber à propos du désenchantement du monde, le philosophe allemand Rüdiger Safranski identifie le projet romantique, dans sa globalité, comme une tentative pour ré-enchanter le monde et redécouvrir le magique, en repoussant la raison dans ses confins. Autour de 1800, le motif romantique s’inscrit dans plusieurs champs : la théologie protestante de Friedrich Schleiermacher définit ainsi la religion comme « le sens et le goût pour l’infini », et les études philologiques d’un Görres ou d’un Schlegel cherchent les racines de la langue et la vérité de l’origine dans l’Orient et l’Inde antiques. Ce désir des origines perdues s’exprime non seulement à travers des voyages spirituels dans le lointain, mais aussi dans la reconstitution d’un passé imaginaire. La Grèce de Friedrich Hölderlin illustre cette relation au passé, poétiquement condensée, et qui confronte une Antiquité mythologiquement sublimée à la réalité profane de sa propre époque :

«La vie cherches-tu, cherche-la, et jaillit et brille
Pour toi un feu divin du tréfonds de la terre,
Et frissonnant de désir te
Jettes-tu en bas dans les flammes de l’Etna.
Ainsi dissolvait dans le vin les perles l’effronterie
De la Reine ; et qu’importe ! si seulement
Tu ne l’avais pas, ta richesse, ô poète,
Sacrifiée dans la coupe écumante !
Pourtant es-tu sacré pour moi, comme la puissance de la terre,
Celle qui t’enleva, mis à mort audacieux !
Et voudrais-je suivre dans le tréfonds,
Si l’amour ne me retenait, ce héros.» 

Dans un second temps, émerge le romantisme politique. Il prend racine à partir du concept de nation chez Fichte, de l’idée d’un « Etat organique » développée par Adam Müller, ainsi que dans le populisme artificiel de Ernst Moritz Arndt et de Friedrich Jahn. Il se nourrit également de la haine à l'encontre de Napoléon et des Français, transfigurée par la littérature de Heinrich von Kleist. Aussi le romantisme s’est-il éloigné de ses prémisses philosophiques. Cette prise de distance caractérisera également la littérature du romantisme tardif d’un Josef von Eichendorff et d’un E.T.A. Hoffmann.

Réceptions du romantisme : un concept polémique

Qui sont les philosophes ou les théoriciens qui, sous la République de Weimar, opposent le romantisme à ce qu’ils perçoivent comme des errements de la modernité? . Christian E. Roques distingue trois principales lectures du « romantisme politique ».

La première, de 1918 à 1925, fait immédiatement suite à l’instauration de la République weimarienne : elle met en place un discours à la recherche d’une communauté nouvelle ainsi qu’une critique de l’individualisme libéral. Le romantisme, traditionnellement identifié à un discours conservateur, a inspiré des projets communautaires d’inspiration à la fois socialistes et romantiques, cherchant à donner sens au politique après la conflagration guerrière de 1914-1918. A droite, au contraire, certaines voix comme celle du philosophe Carl Schmitt s’élèvent contre le romantisme.

La seconde lecture du « romantisme politique », de 1925 à1929, est plus apaisée : elle tente d’établir le romantisme comme fondement de la « pensée allemande ». C’est ce qui structure la pensée du philosophe et sociologue autrichien Othmar Spann tout au long des années 1920-1930. Le romantisme politique devient chez lui un discours droitier. Il met en place tout un travail philologique sur les auteurs romantiques. Quant au sociologue allemand Karl Manheim, il démontre dans sa thèse de 1925,  comment le conservatisme est inhérent au romantisme. Il révèle ainsi à partir de ses travaux un nouveau rapport entre politique et savoir, ouvert sur la dimension irrationnelle de l’existence humaine.

Puis de la crise de 29 jusqu’à la veille de l’avènement du parti nazi, l’ampleur des troubles socio-économiques rend caduque le questionnement théorique sur la question de la modernité et de son dépassement, face à l’imminence de la crise politique et l’urgence de la question du « que faire ? » - qualifiée de léniniste par Christian Roques. Ainsi, si l'ancien officier de la Wehrmacht Wilhem von Schramm affirme encore l’actualité du projet romantique, c’est en proposant d’adopter la démarche de « l’ennemi bolchévique », à savoir sa méthode révolutionnaire d’enthousiasme pseudo-religieux, afin de retrouver l’esprit communautaire vécu dans les tranchées. Le théologien protestant allemand Paul Tillich ouvre dans un même temps un dialogue avec les forces « socialistes » de tout bord.


romcom260.jpgRéactiver la polémique du romantisme au XXIe siècle ?

Mais l’essentiel se situe peut-être après le moment de Weimar : en effet, ce sont les discours et les actions politiques produites pendant la République à partir de ces lectures des romantiques, qui donneront sens aux réflexions et décisions politiques après Weimar. A ce titre, l’ouvrage de Christian E. Roques s’apparente au laboratoire d’une modernité en crise. Il y expérimente, par des lectures croisées du « romantisme politique », des rencontres imprévues entre des penseurs au positionnement politique opposé. De fait, dès Weimar, le « romantisme politique » est d’abord un concept polémique pour comprendre le réel présent : c’est une sorte d’instrument de mesure des idéologies politiques actuelles, à la lumière des idéologies passées d’Etats en crise.

Dans le monde moderne, le romantisme se présente comme le correctif salutaire aux discours politiques « rationnels », dans la mesure où ses aspirations transgressives font apparaître les limites de la rationalité. C’est en cela qu’on a pu y lire une opposition aux Lumières ou du moins une réflexion sur les limites du pouvoir de la raison. Le philosophe brésilien Michael Lôwy, déclarait, en faisant référence à Marx que le romantisme était d’abord une « vision du monde » en opposition à la bourgeoisie au nom d’un passé antérieur à la civilisation bourgeoise, et qu’il perdurerait tant que cette bourgeoisie sera là, comme son contre-modèle indissociable  : « On pourrait considérer le célèbre vers de Ludwig Tieck, Die mondbeglanzte Zaubernacht, « La nuit aux enchantements éclairée par la lune », comme une sorte de résumé du programme romantique » .

Finalement, le travail de Christian Roques se justifie par sa conviction que le concept romantique n’aurait rien perdu de sa force polémique dans notre propre présent : « Au regard notamment du retour en force du discours écologique (voir éco-socialiste) qui repose fondamentalement sur un appel à une approche universaliste, dépassant les égoïsmes individuels pour adopter une conception globale, il semble légitime de se demander si nous ne sommes pas à l’aube d’une nouvelle "situation romantique". » . Présenté comme alternative au discours libéral en temps de crise, le romantisme politique réapparaît aujourd’hui avec des références politiques et philosophiques qui dépassent le cadre binaire des partis politiques. .

Christian E. Roques, (Re)construire la communauté : La réception du romantisme politique sous la République de Weimar, MSH, 2015, 364 p., 19 euros

 À retrouver sur nonfiction.fr

Tous les articles de la chronique Nation ?

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Présentation de l'éditeur:

(sur: http://www.fabula.org ) 

"Le "romantisme politique" connaît un regain d'intérêt important en Allemagne sous la République de Weimar (1918-1933), au point de devenir un élément essentiel du discours politique de l'époque. Avec la "communauté", la "nation" ou le "peuple", le "romantisme" va constituer un des mots magiques autour desquels se cristallisent les débats de la vie intellectuelle weimarienne. Le présent ouvrage entreprend donc d'analyser les stratégies de discours politiques qui se structurent autour du paradigme romantique entre 1918 et 1933. À partir d'un corpus d'auteurs variés, pour certains célèbres et pour d'autres tombés dans l'oubli (Arthur Rubinstein, Carl Schmitt, Othmar Spann, Karl Mannheim, Wilhelm von Schramm, Paul Tillich), il est possible de montrer l'existence non d'une idéologie politique clairement définie, mais d'une sensibilité "romantique" qui transcende les oppositions politiques traditionnellement conçues comme imperméables (gauche/droite, conservateur/progressiste, nationaliste/universaliste, etc.) et qui se construit dans l'opposition fondamentale à l'individualisme matérialiste du "libéralisme" capitaliste."

Sommaire:

  • Introduction : La république de Weimar, laboratoire d'une modernité en crise -- Romantisme, romantisme politique : l'impossible définition ? -- La généalogie du romantisme : un paradigme fantôme -- Le romantisme politique : de gauche, de droite, au-delà ? -- Pour une archéologie de la réception -- La rupture méthodologique -- Le problème de la téléologie : savoir historique et condamnation morale des engagements en faveur du nazisme -- Le champ discursif du "romantisme politique" : les marqueurs d'une renaissance -- Des "néoromantiques" sous la République de Weimar ? -- La redécouverte d'Adam Müller -- Le socialisme romantique : un projet démocratique post-marxiste -- Socialisme, marxisme, romantisme : affinités électives ? -- Landauer, penseur socialiste vakisch -- Les jeunesses socialistes entre romantisme et marxisme -- Une révolution sous le signe des conseils -- Faire sens du moment révolutionnaire -- Crise de la théorie marxiste -- Une nouvelle idée émerge : des soviets allemands ? -- Le conseil au coeur de la nouvelle démocratie -- Du paradis médiéval aux abysses absolutistes -- Le Moyen Âge communautaire et démocratique -- La barbarie de l'absolutisme : contrat social et souveraineté -- Crise de l'absolutisme -- Romantisme et absolutisme -- Le romantisme comme projet d'avenir -- Le romantisme, une hérédité occultée -- Une critique radicale du libéralisme -- La radiographie de l'ennemi : Carl Schmitt contre le romantisme politique -- Un livre sous influences : les racines françaises de la critique schmittienne -- Le jeune Schmitt : une position atypique entre isolement et influence étrangère -- Les inspirateurs allemands -- Les parrains français -- Le romantisme politique : l'idéologie de l'ennemi -- Romantisme : l'impossible définition ? -- Aux sources intellectuelles du romantisme -- L'essence du romantisme : l'occasionnalisme subjectivisé -- Le romantisme comme impuissance politique -- Qui est l'ennemi ? Schmitt et la crise de l'idéologie allemande -- Schmitt l'inquisiteur de Carl ? -- Continuités d'une pensée en guerre -- La mort de l'intellectuel apolitique -- L'universalisme romantique d'Othmar Spann : la réponse allemande à l'individualisme moderne -- Spann et la galaxie universaliste -- Othmar Spann, père de l'Église néoromantique -- L'école néoromantique -- "L'État véritable" et l'actualité du romantisme politique -- De l'histoire économique au projet politique -- Les éléments de la contre-offensive romantique -- Rejet nazi de l'universalisme spannien : l'enjeu romantique -- Penser l'envers de la modernité : romantisme et conservatisme chez Karl Mannheim -- Penser à la marge -- L'émigré hongrois -- Un travail scientifique entre décentrement et écriture essayistique -- Trouver sa place à l'université : la thèse de 1925 -- La naissance romantique du conservatisme -- Conservatisme et traditionalisme : de l'anthropologie à l'idéologie -- Morphologie du conservatisme allemand : à contre-courant de la modernité -- Le locus antimoderne : le romantisme aux sources du conservatisme -- Une nouvelle synthèse ? -- S'ouvrir à l'irrationnel : penser comme conservateur -- La synthèse et ses "vecteurs" : une conceptualité romantique ?
  • La politique radicale de Wilhelm von Schramm : victoire du christianisme romantique -- Wilhelm von Schramm : officier, écrivain et théoricien politique -- Au coeur des réseaux du nouveau conservatisme weimarien -- La fascination du modèle russe : le bolchevisme entre émulation et terreur -- Ernst Jünger : nationalisme militaire et théorie de la guerre -- Les jeunes-conservateurs et la tradition du romantisme politique -- Le modèle soviétique -- Le projet intellectuel : aller à l'essentiel -- Théorie générale du bolchevisme -- Bolchevisme et romantisme allemand : généalogie du nouvel universalisme -- Revenir aux racines allemandes : le romantisme comme solution -- Le XIXe siècle allemand : entre mission romantique et schizophrénie nationale -- Le projet romantique et chrétien de Wilhelm von Schramm -- Mythe romantique et décision socialiste : Paul Tillich à la recherche de l'unité du politique -- La "jeune droite" et la rénovation de la social-démocratie -- Des "jeunes-socialistes" à la "jeune droite" -- La plateforme du renouveau : les Neue Blatter flir den religilisen Sozialismus -- Le projet socialiste contre le mythe romantique -- Crise et division : penser le monde moderne à l'aune du jeune Hegel -- Ontologie politique : l'homme entre origine et devenir -- Le mythe de l'origine : retour critique sur le romantisme politique -- Antinazisme ou réconciliation ? -- Le projet politique de Tillich en 1933.

mardi, 17 mai 2016

Aux origines de carnaval - Un dieu gaulois ancêtre des rois de France

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Chronique de livre:

Anne Lombard-Jourdan: Aux origines de carnaval - Un dieu gaulois ancêtre des rois de France

(Odile Jacob, 2005)

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

cernunnos, hellequin, herlequin, légendes, folklore, mythologie celtique, livre, traditions, Au nombre des grands mythes transversaux européens est celui de la cavalcade surnaturelle menée par un chef divin. Dans le monde germanique c'est la wütendes Heer, qui parcourt les airs, réminiscence du cortège des walkyries et einherjer mené par Odin/Wotan. Dans le monde celte, c'est la chasse sauvage ou wild hunt, que le Moyen-Age dit composée de nobles damnés, de fantômes et de créatures surnaturelles, démons et fées et menée par un avatar de Cernunnos : Hellequin.

C'est à ce thème et à ce personnage, dans leurs expressions françaises que s'intéresse l'historienne Anne Lombard-Jourdan dans son ouvrage paru en 2005 chez Odile Jacob et préfacé par Jacques Le Goff : Aux origines de carnaval ;Un dieu gaulois ancêtre des rois de France. A travers son exploration de la symbolique du cerf dans la culture française médiévale et en particulier au sein de la lignée royale, Anne Lombard-Jourdan dégage une mythologie gallicane fondée sur l'alliance complémentaire de la fée serpente Mélusine (dont se réclamèrent de nombreuses familles outre les Lusignan) et du dieu cerf Cernunnos. Elle fait de ce dernier, en étayant abondamment sa thèse, le tutélaire, l'ancêtre totémique des rois de France.

L'auteur s'intéresse tout d'abord, dans une démarche comparatiste dumézilienne, aux mythes du cerf et du serpent et à leurs liens dans le monde indo-européen et en particulier en Gaule, à travers les héritages celte, latin et germanique. C'est ensuite le personnage de Gargantua qu'elle analyse comme avatar du dieu-cerf à travers lequel Rabelais aurait exprimé, sous forme parodique, les rites et symboles du mythe gaulois. Dans la droite ligne de Claude Gaignebé, elle lit, au delà des pastiches truculents, l'expression de liens mythiques entre éléments et divinités en voie d'oubli. Cornes et viscères ne sont plus des références au "bas corporel" et aux tribulations sexuelles mais les attributs des dieux : bois et serpents.

Le thème rabelaisien conduit naturellement à celui du carnaval, moment de jaillissement du refoulé païen et des rituels de fertilité au sein du calendrier chrétien. Masques, cornes, franges et cordes y réactivent de façon farcesque les mystères chamaniques liés au cerf et à la serpente. Une autre survivance du rituel se trouve dans la chasse au cerf, la plus noble entre toutes, dont l'historienne étudie, à travers manuels de vénerie et évocations littéraires, les codes. Ils témoignent d'une déférence particulière, de celles qu'on a face au totem, que seul peut chasser son "clan" : la maison royale et ceux qu'elle a anoblis.

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Ayant ainsi déployé l'héritage secret de Gargantua-Cernunnos, Anne Lombard-Jourdan s'intéresse à sa parèdre, Mélusine, et à leurs relations de complémentarité symbolique : dans le rapport à l'eau (soif insatiable de l'un, milieu naturel de l'autre), dans l'opposition de l'aspect solaire (le cycle des bois, entre perte et renouveau, suit celui des saisons) et terrestre de l'un à l'aspect lunaire et aquatique de l'autre. Elle n'en fait ni des époux divins (ce qui serait une invention de toutes pièces) ni ne les apparente, mais y voit des polarités qui fondent une mythologie proprement française.

cernunnos_by_faeorain-d4couqm.jpgL'ouvrage revient alors sur la place dévolue au cerf dans la maison de France à travers les légendes mettant en scène ses membres et des cerfs surnaturels souvent liés à la figure christique, les illustrations et la présence physique des cerfs dans les demeures royales, et les métaphores littéraires qui rapprochent monarque et cervidé. C'est dans le cerf ailé (présenté en couverture) que les rois trouvent leur emblème totémique, lié non pas, comme la fleur de lys, au Royaume de France dans son entièreté, mais à la fonction monarchique en particulier. Enfin, le don de guérison des écrouelles, le rôle thaumaturgique du roi, est analysé comme un héritage chamanique lié au culte du dieu-cerf.

L'auteur revient en profondeur sur ce dieu-cerf, en en différenciant les avatars : Dis Pater s'incarnant tantôt en Cernunnos, tantôt en Sucellus, et leurs compagnes Herecura et Nantosuelta, la femme-biche et la déesse des eaux, entourée de serpents. En Angleterre, c'est le roi légendaire Herne, ou Herle qui semble recueillir l'héritage du dieu-cerf, tandis qu'en France certains saints se le partagent. Le roi Herle ne peut que rappeler notre Herlequin ou Hellequin original, et c'est en effet lui qui clôt cette étude avec sa mesnie. Les herlequins, ou hellequins, sont les "gens" (/kin), la famille de Herle, le chasseur éternel et cerf lui-même. Le christianisme en a fait une cavalcade démoniaque, mais elle demeure liée aux dates ancestrales de l'ouverture du sidh, ce monde de l'au-delà où Cernunnos se portait garant pour ses enfants. De nombreux attributs physiques et vestimentaires furent attachés à cette menée. Des figurations celtes aux carnavals populaires, des évocations féeriques aux "arlequinades", on les y retrouve. Certains, comme le couvre-chef d'invisibilité, renforcent le lien entre wütendes Heer et chasse sauvage.

A l'issue de cette enquête, on trouve encore des annexes éclairantes : un dossier étymologique, indispensable à toute personne intéressée par le folklore et ses symboles, des documents archéologiques, diverses sources littéraires ainsi qu'une étude sur l'utilisation politique de la Mesnie Hellequin entre France et Angleterre.

Mythes, totémisme, royauté, folklore, transversalité européenne et gallicanisme, cette lecture a de quoi intéresser et enrichir à plus d'un degré quiconque s'intéresse à son héritage, mais pourra tout aussi bien permettre au gamer d'approfondir les thèmes du dernier opus de
The Witcher (Wild Hunt), et aux métalleux de comprendre ce qu'il en est historiquement et culturellement de la Mesnie Herlequin.

Mahaut pour le C.N.C.

Note du C.N.C.: Toute reproduction éventuelle de ce contenu doit mentionner la source.

dimanche, 15 mai 2016

George Hawley’s Right-Wing Critics of American Conservatism

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George Hawley’s Right-Wing Critics of American Conservatism

Review:

George Hawley
Right-Wing Critics of American Conservatism [2]
Lawrence, Kansas: University of Kansas Press, 2016

Most academic studies of White Nationalism and the New Right do not rise above politically correct sneers and smears. They read like ADL or SPLC reports fed through a postmodern buzzword generator. Thus the growing number of serious and balanced academic studies and White Nationalism and the New Right are signs of our rising cultural profile. It is increasingly difficult to dismiss us.

pid_16428.jpgFor instance, The Struggle for the World: Liberation Movements for the 21st Century [3], the 2010 Stanford University Press book on anti-globalization movements by Charles Lindholm and José Pedro Zúquete contains a quite balanced and well-informed chapter on the European New Right. (See Michael O’Meara’s review here [4].) Moreover, Zúquete’s 2007 Syracuse University Press volume Missionary Politics in Contemporary Europe [5] contains extensive chapters on the French National Front and Italy’s Northern League.

Political scientist George Hawley’s new book Right-Wing Critics of American Conservatism is another important contribution to this literature, devoting a chapter to the European New Right and another chapter to White Nationalism. I’m something of an expert in these fields, and in my judgment, Hawley’s research is deft, thorough, and accurate. His writing is admirably clear, and his analysis is quite penetrating.

Naturally, the first thing I did was flip to the index to look for my own name, and, sure enough, on page 265 I found the following:

In recent years, elements of the radical right in the United States have exhibited greater interest in right-wing ideas from continental Europe. In 2010, the North American New Right was founded by Greg Johnson, the former editor of the Occidental Quarterly. While clearly focused on promoting white nationalism in the United States, the North American New Right is heavily influenced by both Traditionalism and the European New Right, and its website (http://www.counter-currents.com/) regularly includes translations from many European New Right intellectuals. The site also embraces the New Right’s idea of metapolitics, noting that the time will not be right for white nationalists to engage in more conventional political activities until a critical number of intellectuals have been persuaded that their ideas are morally and intellectually correct.

The work of my friends at Arktos in bringing out translations of European New Right thinkers is also mentioned on page 241.

Hawley’s definitions of Right and Left come from Paul Gottfried, although they accord exactly with my own views and those of Jonathan Bowden: the Left treats equality as the highest political value. The Right does not regard equality as the highest political value, although there is a range of opinions about what belongs in that place (pp. 11-12). Libertarians, for instance, regard individual liberty as more important than equality. White Nationalists think that both liberty and equality have some value, but racial health and progress trump them both.

Natreview.jpgIn chapter 1, Hawley argues that modern American conservatism was defined by William F. Buckley and National Review in the 1950s. The conservative movement was a coalition of free market capitalists, Christians, and foreign policy hawks. Hawley points out that based on ideology alone, there is no necessary reason why any of these groups would be Right wing or allied with each other. Indeed, the pre-World War II “Old Right” of people like Albert Jay Nock and H. L. Mencken tended to be anti-interventionist, irreligious, and economically populist and protectionist rather than free market. National Review was also philo-Semitic from the start and increasingly anti-racist, whereas the pre-War American Right had strong racialist and anti-Semitic elements. What unified the National Review coalition was not a common ideology but a common enemy: Communism.

In chapter 2, Hawley also documents the role of social mechanisms like purges in defining post-war conservatism. Buckley set the pattern early on by purging Ayn Rand and the Objectivists (for being irreligious) and the John Birch Society (for being conspiratorial and cranky), going on in later years to purge anti-Semites, immigration restrictionists, anti-interventionists, race realists, etc. The same pattern was followed with the firing of race realists Sam Francis from The Washington Times and Jason Richwine from the Heritage Foundation. Indeed, many of the leading figures in the movements Hawley chronicles were purged from mainstream conservatism.

Mainstream conservatism embraces globalization through free trade, immigration, and military interventionism. Thus Hawley devotes chapter 3, “Small is Beautiful,” to conservative critics of globalization, with discussions of the Southern Agrarians, including Richard Weaver and Wendell Berry, communitarian sociologists Robert Nisbet and Christopher Lasch, and economic localists Wilhelm Röpke and E. F. Schumacher. I spent a good chunk of my 20s reading this kind of literature, as well as the libertarian and paleoconservative writers Hawley discusses in later chapters. Thus Hawley’s book can serve as an introduction and a syllabus to a lot of the Anglophone literature that I traversed before coming to my present views.

The Southern Agrarians are particularly interesting, because of they were the most radical school of American conservatism, offering a genuinely anti-liberal and anti-modernist critique of Americanism, with many parallels to what later emerged from the European New Right. The Agrarians also understood the importance of metapolitics. Unfortunately, they were primarily a literary movement and had no effect on political policy. Although I am not a Southerner, I spent a lot of time reading first generation Agrarians like Allen Tate, Donald Davidson, and John Crowe Ransom, plus Weaver, Berry, and Marion Montgomery, and their influence made me quite receptive to the European New Right.

Christians form an important although subaltern bloc in the conservative coalition, thus Hawley devotes chapter 4 to a brief discussion of “Godless Conservatism,” i.e., attempts to make non-religious cases for conservatism. Secular cases for conservatism will only become more important as Christianity continues to decline in America. (Hawley deals with neopagan and Traditionalist alternatives to Christianity in his chapter on the European New Right.)

dec13.jpgChapter 5, “Ready for Prime Time?” is devoted to mainstream libertarianism, including Milton Friedman, the Koch Brothers, the Cato Institute, Reason magazine, the Ron Paul movement, and libertarian youth organizations. Chapter 6, “Enemies of the State,” deals with more radical strands of libertarianism, including 19th-century American anarchists like Josiah Warren and Lysander Spooner, the Austrian School of economics, Murray Rothbard, Hans-Hermann Hoppe, Lew Rockwell, the Mises Institute, and the Libertarian Party. Again, Hawley has read widely with an unfailing eye for essentials.

I went through a libertarian phase in my teens and 20s, and I understand from the inside how someone can move from libertarian individualism to racial nationalism. In 2009, when I was editor of The Occidental Quarterly, I sensed that the Ron Paul and Tea Party movements would eventually send many disillusioned libertarians in the direction of White Nationalism. Thus, to encourage our best minds to think through this connection and develop arguments that might aid the conversion process, TOQ sponsored an essay contest on Libertarianism and Racial Nationalism [6]. Since 2012, this trend has markedly accelerated. Thus I highly recommend Hawley’s chapters to White Nationalists who lack a libertarian background and wish to understand this increasingly important “post-libertarian” strand of the Alternative Right.

Chapter 7, “Nostalgia as a Political Platform,” deals with the paleoconservative movement, covering its debts to the pre-War Old Right, M. E. Bradford, Patrick Buchanan, Thomas Fleming and Chronicles magazine, Sam Francis, Joe Sobran, the paleo-libertarian moment, and Paul Gottfried.

screen322x572.jpegPaleoconservatism is defined in opposition to neoconservatism, the largely Jewish intellectual movement that largely took over mainstream conservatism by the 1980s, aided by William F. Buckley who dutifully purged their opponents. Since the neoconservatives are largely Jewish, and many of the founders were ex-Marxists or Cold War liberals, their ascendancy has meant the subordination of Christian conservatives and free marketeers to the hawkish interventionist wing of the movement. Now that the Cold War is over, the primary concern of neoconservative hawks is tricking Americans into fighting wars for Israel.

Paleoconservatives, by contrast, are actually conservatives. They are defenders of Western civilization and its moral traditions. Many of them are Christians, but not all of them. To a man, they reject multiculturalism and open borders. They are populist-nationalist opponents of economic globalization and political empire-building. Most of them are realists about racial differences.

The paleocons, therefore, are the movement that is intellectually closest to White Nationalism. Indeed, Sam Francis is now seen as a founding figure in contemporary White Nationalism, and both Gottfried and Sobran have spoken at White Nationalist events. Paleoconservatives were also the first Americans to pay sympathetic attention to the European New Right. Thus it makes sense that Hawley places his chapter on paleoconservatism before his chapters on the European New Right and White Nationalism.

Hawley is right that paleoconservatism is basically a spent force. Its leading figures are dead or elderly. Aside from Patrick Buchanan, the movement never had access to the mainstream media and publishers. Unlike mainstream conservative and neoconservative institutions, the paleocons never had large donors and foundations on their side. Beyond that, there is no next generation of paleocons. Instead, their torch is being carried forward by White Nationalists or the more nebulously defined “Alternative Right.”

Chapter 8, “Against Capitalism, Christianity, and America,” surveys the European New Right, beginning with the Conservative Revolutionaries Oswald Spengler, Ernst Jünger, and Arthur Moeller van den Bruck; the Traditionalism of René Guénon and Julius Evola; and finally the New Right proper of Alain de Benoist, Guillaume Faye, and Alexander Dugin.

31slbDCcakL._SL500_BO1,204,203,200_.jpgChapter 9, “Voices of the Radical Right,” covers White Nationalism in America, with discussions of progressive era racialists like Madison Grant and Lothrop Stoddard; contemporary race realism; the rise and decline of such organizations as the KKK, American Nazi Party, Aryans Nations, and the National Alliance; the world of online White Nationalism; and Kevin MacDonald’s work on the Jewish question — which brings us up to where we started, namely the task of forging a North American New Right.

Hawley’s concluding chapter 10 deals with “The Crisis of Conservatism.” Neoconservatism has, of course, been largely discredited by the debacle in Iraq. Since the Republicans are the de facto party of whites, especially white Christians with families, the deeper and more systemic challenges to the conservative coalition include the decline of Christianity in America, the decline of marriage and the family, and especially the growing non-white population, which overwhelmingly supports progressive policies. The conservative electorate is shrinking, and if it continues to decline, it will eventually be impossible for Republicans to be elected, which means the end of conservative political policies.

There is, however, a deeper cause of the crisis of conservatism. The decline of the family and the growth of the non-white electorate are the predictable results of government policies — policies that conservatives did not resist and that they will not try to roll back, ultimately because conservatives are more committed to classical liberal principles than the preservation of their own political power, which can only be secured by “collectivist,” indeed “racist” measures to preserve the white majority. Conservatives will conserve nothing [7] until they get over their ideological commitment to liberal individualism.

Hawley predicts that as the conservative movement breaks down, some Americans will turn toward more radical Right-wing ideologies, leading to greater political polarization and instability. Of the ideologies Hawley surveys, he thinks the localists, secularists, libertarian anarchists, paleocons, and European New Rightists have the least political potential. Hawley thinks that the moderate libertarians have the most political potential, largely because they are closest to the existing Republican Party. Unfortunately, libertarian radical individualism would only accelerate the decline of the family, Christianity, and the white electorate.

Of all the movements Hawley surveys, only White Nationalism would address the causes of the decline of the white family and the white electorate. But Hawley thinks that White Nationalism faces immense challenges, although the continued decline of the conservative movement might also present us with great opportunities:

Explicit white nationalism is surely the most aggressively marginalized ideology discussed here. As we have seen, advocating racism is perhaps the fastest way for a politician, pundit, or public intellectual to find himself or herself a social pariah. That being the case, there is little chance that transparent white racism will again become a major political force in the United States in the immediate future. However, the fact that antiracists on the right and left are extraordinarily vigilant in their effort to drive racists from public discourse can be viewed as evidence that they believe such views could once again have a large constituency, should racists ever again be allowed to reenter the mainstream public debate. Whether their fears in this regard are justified is impossible to determine at this time. What we should remember, however, is that the marginalization of the racist right in America was largely possible thanks to cooperation from the mainstream conservative movement, which has frequently jettisoned people from its ranks for openly expressing racist views. If the mainstream conservative movement loses its status as the gatekeeper on the right, white nationalism may be among the greatest beneficiaries, though even in this case it will face serious challenges. (p. 291)

Right-Wing Critics of American Conservatism is an important academic study, but it has a significant oversight. The meteoric rise of Donald Trump illustrates the power of another Right-wing alternative to American conservatism, namely populism. Populism is a genuinely Right-wing movement, because although it is critical of economic and political inequality as threats to the integrity of the body politic, populism is nationalistic. It does not regard citizens and foreigners as of equal worth.

I also noticed a couple of smaller mistakes. F. A. Hayek is twice referred to as a Jew, which is false, and on page 40 Hawley refers to Young Americans for Liberty when he means Young Americans for Freedom. Hawley uses the repulsive euphemism “undocumented immigrant” and repeatedly uses the word “vicious” to describe ideas he dislikes, but as a whole his book is relatively free of the tendentious jargon of liberal academics.

I highly recommend Right-Wing Critics of American Conservatism [2]Hawley is clearly not a friend of conservatism or White Nationalism. He’s something far more useful: a frank and fair-minded critic. Conservatives, of course, lack the capacity for self-criticism and self-preservation. So they will ignore him, to their detriment. But White Nationalists will read him and profit from it.

Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

URL to article: http://www.counter-currents.com/2016/05/right-wing-critics-of-american-conservatism/

URLs in this post:

[1] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2016/05/HawleyCover.jpg

[2] Right-Wing Critics of American Conservatism: http://www.amazon.com/gp/product/0700621938/ref=as_li_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=9325&creativeASIN=0700621938&linkCode=as2&tag=thesavdevarc-20&linkId=B3FDFPYGYKSEBF4W

[3] The Struggle for the World: Liberation Movements for the 21st Century: http://www.amazon.com/gp/product/B005ZKKS1G/ref=as_li_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=9325&creativeASIN=B005ZKKS1G&linkCode=as2&tag=thesavdevarc-20&linkId=4AV4RLLWIQSXLRUC

[4] here: http://www.counter-currents.com/2010/07/against-the-armies-of-the-night/

[5] Missionary Politics in Contemporary Europe: http://www.amazon.com/gp/product/0815631499/ref=as_li_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=9325&creativeASIN=0815631499&linkCode=as2&tag=thesavdevarc-20&linkId=WYRYTYVV4TLV25PY

[6] Libertarianism and Racial Nationalism: http://www.toqonline.com/archive/2011-2/spring-11/

[7] Conservatives will conserve nothing: http://www.counter-currents.com/2016/02/why-conservatives-conserve-nothing/

Ellen Kositza bespricht »Wunschdenken« von Thilo Sarrazin

Ellen Kositza bespricht »Wunschdenken« von Thilo Sarrazin

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Ellen Kositzas siebtes Buchvideo befaßt sich mit dem neuen, aufsehenerregenden Werk Thilo Sarrazins: Die Literaturredakteurin der Zeitschrift Sezession stellt Inhalt und Argumentation seines gerade erschienenen Buchs »Wunschdenken. Europa, Währung, Bildung, Einwanderung – warum Politik so oft scheitert« bündig vor.

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jeudi, 12 mai 2016

Migrants. Errance et espérance du mythe des immigrants dans un monde "décolonial"

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Migrants. Errance et espérance du mythe des immigrants dans un monde "décolonial"

Dominique Baettig
Médecin, Ancien Conseiller national
Ex: http://www.lesobservateurs.ch
 

La lecture du dernier livre de Houria Bouteldja, «  les Blancs, les Juifs et nous » laisse un sentiment étrange, à sa lecture, d’inaccomplissement. Il m’inspire ces libres propos.

Le sous-titre, « Vers une politique de l’amour révolutionnaire »  sous-entend un message politique « christique », de pardon, de réconciliation entre hommes et femmes de bonne volonté. Le regard critique sur l’hypocrisie de l’idéologie dominante du monde occidental décolonial ( il n’y a plus que des colonies partout dans l’Open World), ses mythes mortifères comme le féminisme, le mariage homosexuel ou les Droits de l’homme individualiste, au service des néo-besoins de la société de surconsommation capitaliste est fort courageux. Les valeurs « archaïques » des sociétés d’où viennent les migrants sont plus solides que la fragilité du moderne,  progressiste et atomisé. Les valeurs traditionnelles : masculinité, sens de l’honneur et de la parole donnée, courage, désintéressement et féminité : amour inconditionnel, confiance, dévouement, capacité vertueuse d’organisation économique sont encore très vivaces, fort heureusement. Sans oublier le sens du religieux et de la transcendance, de l’identité familiale et de clan. Pour la représentante des « indigènes de la République », le féminisme est un pur produit d’exportation européenne, qui sème la zizanie dans la définition de la masculinité/féminité des sociétés historiquement colonisées et auxquelles s’imposent maintenant les seules valeurs du libéralisme et de l’économie.

Le « Grand remplacement » des valeurs traditionnelles des migrants.

Le travail de démontage des structures de souveraineté : famille, religion, Etat, culture, langue, vise aussi à faire disparaître la capacité de s’organiser autonome des migrants : « L’absence totale de pouvoir engendre une race de mendiants ». « Décidons de ne pas les imiter ( nos tuteurs, ceux qui décident pour nous), d’inventer et de nous sourcer ailleurs », dit-elle en citant des idéologues du Black Power.

houria-bouteldja.jpgOn retrouve ici une forme du mythe du « Bon sauvage », l’homme bon et non corrompu par la civilisation industrielle mondialiste qui n’est pas dépourvu d’intérêt. Même s’il ne faut pas être naïf en surestimant les capacités de résistance des individus qui se confronteront aux valeurs coloniales de l’oligarchie mondiale.

L’analyse de Houria Bouteldja sur le phénomène de l’islamisme à la Daech est aussi lumineuse : le phénomène djihadiste ne serait qu’un piège contre-révolutionnaire, une caricature, une imitation, une parodie du rôle héroïque de l’homme dans l’Islam, valeur déconsidérée et interdite culturellement ici, comme celle de la femme exemplaire  soumise dans la lutte contre l’arrogance, l’impiété. Pour combattre cette caricature de l’Islam, il faudra inventer d’autres rôles respectables et respectés pour les hommes ( et les femmes !) issus de la migration. Il y a du boulot. Daesh serait le résultat de l’implosion des valeurs traditionnelles des migrants musulmans au contact du grand vide et à la déconstruction obligatoire des valeurs de l’idéologie bourgeoise : laïcité anti-transcendance, démontage de la famille, de l’identité sexuelle, intégration économique par soumission des femmes et renvoi des hommes à un rôle exclusif de violence physique ( testostérone) et de transgression des lois.

Le « racisme anti-blanc » comme caricature et image en miroir de phantasmes inversés.

C’est le point faible de l’ouvrage. L’idée de la lutte des races, entre « Blanc » colonialiste, exploiteur, capitaliste, oppresseur, machiste et le « Nous » de tous les autres, indigènes, colonisés, exploités,  donc naturellement bons de par cette expérience et ce statut de victime. Ceci est naïf et empêche, au nom de la solidarité de race ou de classe, de voir les dérives autoritaires ou abusives au sein du groupe de « victimes ».Il y a eu pourtant des esclavagistes noirs, musulmans, des violences, des tortures, des dictatures, des exploiteurs, des mafia. S’en prendre au « Blanc », ce privilégié du Système serait donc légitime, sans faire la distinction entre Pouvoir, oligarchie et exploité blanc,  simple rouage ou innocent. Une application de la responsabilité collective et du droit légitime à la vengeance aveugle. Ce modèle est formaté par l’antiracisme de la gauche socialiste et ses groupes de lobbyistes hargneux qui traînent devant les tribunaux tout propos critique, discriminatoire. Ce modèle suscite la haine et le refoulement, sur fond d’injustice ressentie et de terrorisme intellectuel et moral. Je ne peux qu’inciter les musulmans conscients à réfléchir avant de recourir  aussi à de telles procédures unilatérales et iniques contre la soit-disant islamophobie. Le droit à la critique est réciproque et il est permis de ne pas obligatoirement aimer tous les autres. Se faire respecter et dialoguer... oui, mais ne pas punir et diaboliser en recourant à la police de la pensée. Les valeurs chrétiennes et démocratiques favorisent le pardon,  recommandent d’aimer son prochain comme soi-même ( c’est mieux spirituellement mais n’est pas obligatoire moralement ou pénalement !) mais ne pas le traîner  au Tribunal pour ses croyances ou opinions légitimes.

actualité,immigration,beurs,france,livre,houria bouteldja,europe,affaires européennesLa jouissance de l’idée de métisser obligatoirement les anciens dominants : blancs, patrons, curés, beaufs, juifs ( une forme de  quintessence, sous sa forme sioniste,  de blanc, intouchable moralement et en même temps colonisateur sans vergogne et au cœur du système occidental comme Avant-garde de la République !) est une idée dangereuse. Métisser de force l’autre, imposer ses gènes, ses normes culturelles, c’est aussi prendre le risque d’y perdre son identité même si l’on   ressent une certaine jouissance morbide de nuisance ( posture d’un antiracisme « tordu » d’origine forcément blanche, culpabilisée, chargée de haine de soi). Il faut se libérer de cette vision suicidaire et mondialiste pour se réenraciner et accéder à l’autonomie économique et à l’imposition de limites, de digues régulatrices, seule issue éthiquement et chrétiennement valable. Pas de multiculturalisme paternaliste imposé d’en haut, mais des cultures multiples et enracinées vivantes et autonomes

Dominique Baettig,  militant souverainiste

3 mai 2016

mercredi, 11 mai 2016

« L’utilité de l’inutile » de Nuccio Ordine

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« L’utilité de l’inutile » de Nuccio Ordine

Par Hervé Couton

« N’est il pas curieux que, dans un monde pétri de haines insensées qui menacent la civilisation elle-même, des hommes et des femmes de tout age, s’arrachant en parti ou totalement au furieux tumulte de la vie quotidienne, choisissent de cultiver la beauté, d’accroître le savoir, de soigner les maladies et d’apaiser les souffrances, comme si, au même moment, des fanatiques ne se vouaient pas au contraire à répandre la douleur, la laideur et la souffrance? Le monde a toujours été un lieu de confusion; or les poètes, les artistes et les scientifiques ignorent les facteurs qui auraient sur eux, s’ils y prenaient garde, un effet paralysant. »

Ce texte, extrait de l’introduction d’un article intitulé « L’utilité du savoir inutile » paru en 1939 a été  écrit par Abraham Flexner chercheur américain de l’université de Princeton. Dans cet article, Flexner nous propose un récit très intéressant de quelques grandes découvertes scientifiques pour montrer comment les recherches scientifiques, d’abord jugées inutiles, parce que dépourvues de toute visée pratique ont finalement débouchées contre toute attente sur des applications qui, du domaine des télécoms à celui de l’électricité, se sont révélées fondamentales pour l’humanité. Cet article de Flexner est intégralement reproduit et traduit pour la première fois dans un petit fascicule que j’ai lu récemment et qui m’a fortement interpellé. « L’utilité de l’inutile » (Les Belles Lettres, 2014), c’est son titre, a été écrit en 2013 par le philosophe italien Nuccio Ordine et l’objet de son livre rejoint celui de Flexner et consiste à défendre l’idée que même en temps de crise, il n’est pas vrai que seul ce qui est source de profit soit utile. « Certains savoirs sont des fins en soi et précisément parce qu’ils sont par nature gratuits, désintéressés et éloignés de toute obligation  pratique et commerciales, ils peuvent jouer un rôle fondamental dans la formation de l’esprit et dans l’élévation du niveau de civisme et de civilisation  de l’humanité. »

nuccio3OnIEoL._SX195_.jpgOrdine s’élève contre l’idée de profit « qui mine en leurs fondements même les institutions comme les écoles, les centres de recherche, les universités, les laboratoires et les musées, ainsi que les disciplines humanistes et scientifiques dont les valeurs devraient ne résider que dans le savoir pour le savoir indépendamment de toute capacité de produire des rendements immédiats et pratiques. »

Ordine insiste dans cet ouvrage sur l’utilité des savoirs inutiles « qui s’opposent radicalement à l’utilité dominante qui, pour des intérêts purement économiques, est en train de tuer progressivement la mémoire du passé, les disciplines humanistes, les langues classiques, l’instruction, la libre recherche, la fantaisie, l’art, la pensée critique, et les conditions mêmes de la civilisation qui devraient être l’horizon de toute activité humaine. »


Ce qui ne produit aucun profit est considéré comme un luxe superflu, comme un obstacle à l’optimisation du temps.

Le texte d’Ordine s’articule en trois parties :
o la première s’attache à démontrer l’utile « inutilité » de la littérature. L’auteur y cite successivement les philosophes Pétrarque, Aristote, Platon, Kant, Ovide et Montaigne qui insistent tous sur le fait que la littérature, les arts, le savoir n’ont pas d’utilité pratique et ne doivent pas être soumis au principe de rentabilité. Il livre également les pensées de Garcia Lorca qui invite les lecteurs a nourrir grâce à la littérature « ce petit grain de folie que nous avons tous en nous » et sans lequel il serait « bien imprudent de vivre » ou cite encore Ionesco qui écrivait ce texte prémonitoire « Dans toutes les grandes villes du monde, c’est pareil, l’homme moderne, universel, c’est l’homme pressé, il n’a pas le temps, il est prisonnier de la nécessité, il ne comprend pas qu’une chose puisse ne pas être utile; il ne comprend pas non plus que, dans le fond, c’est l’utile qui peut être un poids inutile, accablant. Si on ne comprend pas l’utilité de l’inutile, l’inutilité de l’utile, on ne comprend pas l’art; et un pays ou on ne comprend pas l’art est un pays d’esclaves et de robots, un pays de gens malheureux, de gens qui ne rient pas, un pays sans esprit; ou il n’y a pas d’humour, ou il n’y a pas le rire, ou il y a la colère et la haine. » et on pourrait ajouter, un pays ou les hommes peuvent devenir des proies faciles pour les fanatismes les plus fous.

o dans la deuxième partie du texte, Ordine montre que les réformes, la réduction continuelle des ressources financières et la recherche de profits opérées dans le domaine de l’enseignement, de la recherche fondamentale  ou des activités culturelles – notamment en Italie - ont des conséquences désastreuses. Abaissement du niveau d’exigence dans l’enseignement pour facilité la réussite des étudiants, réduction progressive de l’enseignement des auteurs classiques de la littérature et de la philosophie, transformation des établissements en entreprises à fabriques de diplômes au moindre coût pour le marché du travail afin de rentrer dans des logiques de compétitivité. Limiter l’enseignement à cet objectif, qui n’en reste pas moins indispensable,  c’est l’amputer de la dimension pédagogique éloignée de toute forme d’utilitarisme, qui permet de produire « des citoyens responsables capables de dépasser leur égoïsmes pour embrasser le bien commun, se montrer solidaires, pratiquer la tolérance, revendiquer leur liberté, protéger la nature, défendre la justice … »  et l’auteur de conclure sur cette partie que « saboter la culture et l’instruction, c’est saboter le futur de l’humanité ».

nuccioX327_BO1,204,203,200_.jpgo enfin dans la troisième partie, Ordine montre la valeur illusoire de la possession et ses effets destructeurs sur la dignité humaine, sur l’amour et sur la vérité. Comme le disait Montaigne « C’est le jouir, non le posséder, qui nous rend heureux« . Ordine nous démontre que ce ne sont pas les richesses accumulées qui font la dignité humaine mais le libre arbitre, que l’amour ne supporte pas d’être mis en cage et qu’il doit toujours se mouvoir librement, enfin que croire en la vérité et la maintenir toujours en vie consiste justement à la mettre continuellement en doute; car « si on ne refuse pas l’idée même d’une vérité absolue, il ne peut y avoir de place pour la tolérance ».

Avec ces deux textes, celui d’Ordine et celui de Flexner,  réunis dans cet ardent manifeste plein de sagesse, il est mis en lumière le fait que la science et les sciences humaines ont beaucoup à nous apprendre sur l’utilité de l’inutile et que les artistes, les humanistes, les scientifiques jouent un rôle essentiel dans la bataille qu’il faut mener contre la dictature du profit, pour défendre la liberté et la gratuité de la connaissance et de la recherche.


« C’est surtout dans les moments de crise économique, quand l’utilitarisme et l’égoïsme le plus sinistre semblent être l’unique boussole ou l’unique ancre de salut, qu’il faut comprendre, que l’utilité de l’inutile, c’est l’utilité de la vie, de la création, de l’amour, du désir ». Ordine nous rappelle que sans une telle prise de conscience il serait bien difficile de comprendre que « lorsque la barbarie a le vent en poupe que le fanatisme s’acharne contre les êtres humains, elle s’acharne aussi contre les bibliothèques et les œuvres d’art, contre les monuments et les chefs d’œuvre. La furie destructrice s’abat sur ces choses considérées inutiles : les livres hérétiques consumés dans les flammes de l’inquisition, les ouvrages décadents lors des autodafés des Nazis à Berlin, la destruction des bouddhas de Bâmiyân par les Talibans en Afghanistan, ou encore les bibliothèques du Sahel à Tombouctou menacées par les jihadistes maliens. Autant d’œuvres inutiles et désarmées, silencieuses et inoffensives, mais dont la simple existence est perçue comme une menace ».


Voilà pourquoi Ordine croit de toute façon « qu’il vaut mieux continuer de se battre en restant persuadés que les classiques, l’enseignement et l’art de cultiver le superflu qui ne produit aucun profit peuvent nous aider à « résister », à conserver une lueur d’espoir, à entrevoir un rayon de lumière qui nous permettent de rester sur la voie de la dignité ». Car, continue Ordine, « si nous laissions périr ce qui est inutile et gratuit, si nous écoutions le chant des sirènes qu’est l’appât du gain, nous ne ferions que créer une collectivité privée de mémoire qui, toute désemparée, finirait par perdre le sens de la vie et le sens de sa propre réalité ». « Et il deviendrait alors difficile d’espérer que l’ignorant homo sapiens puisse conserver le rôle qu’il est censé jouer  :  rendre l’humanité plus humaine… »

Hervé Couton.

L’Utilité de l’inutile. Manifeste. Suivi d’un essai d’Abraham Flexner (Les Belles Lettres, 2014 et 2015, version augmentée) de Nuccio Ordine

Hervé Couton, photographe, passionné de littérature, amateur de bons moments, de bons mots, de nouvelles et de romans. Retrouvez son travail ici

lundi, 09 mai 2016

Denis Tillinac : Pour la droite, l’individu est le maillon d’une chaîne

Denis Tillinac : Pour la droite, l’individu est le maillon d’une chaîne

Denis Tillinac vient de sortir « L’Âme française ». Il a écrit ce livre pour redonner à la droite son honneur, sa raison d’être, sa fierté, son identité.

samedi, 07 mai 2016

Vincent Coussedière : “Le populisme, c’est l’instinct de conservation du peuple”

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Vincent Coussedière: “Le populisme, c’est l’instinct de conservation du peuple”

Ex: http://www.valeursactuelles.com

Vincent Coussedière. Le philosophe réhabilite le nationaliste républicain, seul capable de relever les défis qui nous menacent. Photo © Editions du Cerf

L’entretien : Vincent Coussedière. En deux livres pénétrants, le philosophe s’est imposé comme l’un des penseurs incontournables de notre époque. Rencontre avec un républicain rafraîchissant.

À rebours du discours dominant, vous estimez que, dans la crise que l’on traverse, le populisme peut être une chance pour l’avenir…

coussediere.jpgExactement. Je vois dans le populisme, du moins dans celui qui est exprimé par le peuple, une réaction face à sa propre décomposition sociale. Nous courons aujourd’hui vers l’abîme et le peuple, en bon animal politique, rue dans les brancards. C’est cet instinct de conservation désespéré que l’on nomme “populisme”. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est qu’un peuple n’est pas uniquement un être politique ou un être social, c’est aussi une relation vivante entre les individus qui le composent. C’est une sociabilité qui naît de la similitude. Cette importance de la similitude comme condition de la sociabilité est aujourd’hui l’objet d’un refoulement collectif. On ne cherche plus à être semblable et à imiter, on veut être différent et inimitable.

Or un peuple n’est vivant que si les individus qui le composent ont le désir d’assimiler toute une série de manières de vivre, de penser, de sentir, ce qui n’exclut pas que certaines innovations puissent s’ajouter aux anciennes manières à condition qu’elles veuillent s’ajouter et non se substituer à elles. Car le problème est là : toutes les innovations ne sont pas cumulables ! Certaines suscitent des désirs et des croyances contradictoires avec les anciens modes de vie. L’unité du peuple est alors menacée par la perte du commun. Le populisme exprime cette volonté de pouvoir continuer à se référer aux anciennes manières, à la tradition si l’on veut. C’est le parti des conservateurs qui n’ont pas de parti.

Cette perte du commun est donc liée à l’immigration ?

Bien sûr, mais pas seulement. Il y a évidemment un problème lié à l’immigration qu’il serait totalement absurde de nier. Mais la question, plus généralement, est celle de l’assimilation, qui dépasse à vrai dire la question de l’immigration. Ce n’est pas seulement l’immigration qui décompose le commun, parce que si le commun était fort il ne se décomposerait pas. C’est donc qu’il y a autre chose. Toute communauté politique repose sur le partage et l’imitation d’un certain nombre de modèles. La nation républicaine ne nous détermine pas par les voies du sang et de la naissance comme le pensent les partisans du nationalisme identitaire. Mais elle n’est pas non plus le pur produit de la liberté des citoyens associés par le contrat selon les tenants du nationalisme civique. La nation nous propose des modèles à imiter que nous assimilons, et elle nous les propose par le biais de différents cercles : l’école, la famille, le travail, l’opinion publique, etc.

La crise de l’assimilation est liée à la destruction de ces cercles sous l’effet de la mondialisation et de sa justification idéologique par le multiculturalisme. En bref, les modes de vie ont été totalement décomposés par la dynamique de la consommation et par l’édification de l’individu roi. Le multiculturalisme veut permettre à l’individu de faire l’économie de l’assimilation à la nation républicaine, mais il ne peut en réalité supprimer la nature sociale et donc assimilatrice de l’homme. Son refus de l’assimilation républicaine n’aboutit donc qu’à abandonner l’individu à un autre type d’assimilation : l’assimilation communautariste. Or la spécificité de l’assimilation républicaine, c’est qu’elle est orientée vers l’exercice de la liberté politique, tandis que l’assimilation communautariste n’est qu’un repli identitaire…

Pourquoi le modèle assimilationniste a-t-il échoué ?

Il est un échec précisément parce que l’on a totalement sous-estimé l’importance de la formation des moeurs par des processus intersubjectifs qui échappent en partie à l’école et à l’État. Le discours néorépublicain d’assimilation par l’école prend les choses à l’envers. Ce n’est pas seulement l’école qui crée l’assimilation, mais c’est l’assimilation préalable à l’école d’un minimum de moeurs communes qui crée la possibilité de l’école !

La question de la souveraineté a été très souvent développée par ces penseurs néorépublicains qui ont pointé son importance, laquelle réside dans la capacité d’un peuple de décider librement de son destin. Mais ils ont oublié qu’il n’y a pas que la souveraineté. La République, c’est la souveraineté mais c’est aussi la légitimité de cette souveraineté. Or, pour qu’une décision soit légitime, il faut un peuple qui partage au préalable des mêmes moeurs et une expérience commune, ce qui lui permet d’adhérer à des décisions souveraines qui vont dans le sens de son intérêt. Contrairement à ce que l’on croit, Rousseau ne pense pas la volonté générale seulement sur le plan juridique, il pense qu’elle s’édifie aussi sur le plan des moeurs.

Concernant l’assimilation, ajoutons que, pour qu’elle fonctionne, il faut que le modèle à imiter soit désirable. C’est là que l’on saisit le désastre de la repentance et de l’absence de fierté par rapport à notre histoire et à nos moeurs… Si on a honte de nous- mêmes, on ne risque pas de donner envie aux autres de nous imiter.

Revenons au multiculturalisme. Selon vous, il offre un boulevard à l’islamisme…

Le multiculturalisme pose l’individu comme un absolu et comme une identité qu’il faut reconnaître. Sa grande supercherie est de faire comme si toutes les identités et tous les modèles étaient compatibles. Or, ce qui différencie les peuples est qu’ils imitent des modèles qui sont incompatibles entre eux, qui ne peuvent pas se fondre. Un exemple très simple : le modèle d’un certain statut de la femme dans la société, de visibilité publique, d’égalité, etc., est incompatible avec le modèle de la femme dans le monde musulman.

Aujourd’hui quand la plupart des hommes politiques disent “République”, ils pensent en fait “identité” et “respect de l’autre”. Ils ont renoncé. Le problème, c’est qu’avec ce renoncement ils ouvrent en effet un boulevard à l’islamisme. Car l’islamisme est une idéologie dont la capacité de mobilisation dépasse de très loin le multiculturalisme. Son contenu idéologique et organisationnel dépasse de beaucoup celui des différents communautarismes de type Femen, motards ou supporters de foot, ou de celui des bandes de délinquants. Il puise du reste dans le vivier de ces bandes communautarisées et désocialisées, exactement comme le nazisme et le communisme en leur temps.

L’islamisme parle ainsi le langage du multi-culturalisme et du droit à la différence pour se faire accepter mais il n’adhère pas du tout à ce projet puisque son but est de créer un empire à visée totalitaire. Il s’en sert comme d’un cheval de Troie. Sa force, c’est qu’il a compris la logique de l’imitation et qu’il sait transmettre des opinions et des moeurs. Il faut donc le combattre sur ce plan de l’opinion et des moeurs, ce que seule une renaissance du nationalisme républicain pourra accomplir.

Le tableau est sombre et pourtant vous gardez espoir…

Mon pari, c’est que notre nation républicaine a des ressources, lesquelles se trouvent précisément dans cette résistance et dans ce conservatisme populistes. L’ampleur de la crise actuelle présente des similitudes avec l’effondrement de 1940. Dans les deux cas on assiste à une faillite des élites avec pour résultat un pays qui perd sa souveraineté. Mais 1940 a vu l’émergence de De Gaulle et des élites qui l’ont accompagné pour reconstruire la France. Nous devons méditer sur ce “précédent” et nous demander ce qui a porté ces hommes : un espoir plongeant dans les ressources les plus profondes de tout un peuple.

À lire

De Vincent Coussedière : Éloge du populisme, Elya Éditions, 162 pages, 16 € ; le Retour du peuple, an I, Éditions du Cerf, 262 pages, 19 €.

The Ancient Paths: Discovering the Lost Map of Celtic Europe

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The Ancient Paths: Discovering the Lost Map of Celtic Europe, review

Tim Martin has his eyes opened by an enthralling new history that argues that Druids created a sophisticated ancient society to rival the Romans

paths._SX326_BO1,204,203,200_.jpg'Important if true” was the phrase that the 19th-century writer and historian Alexander Kinglake wanted to see engraved above church doors. It rings loud in the ears as one reads the latest book by Graham Robb, a biographer and historian of distinction whose new work, if everything in it proves to be correct, will blow apart two millennia of thinking about Iron Age Britain and Europe and put several scientific discoveries back by centuries.

Rigorously field-tested by its sceptical author, who observes drily that “anyone who writes about Druids and mysteriously coordinated landscapes, or who claims to have located the intersections of the solar paths of Middle Earth in a particular field, street, railway station or cement quarry, must expect to be treated with superstition”, it presents extraordinary conclusions in a deeply persuasive and uncompromising manner. What surfaces from these elegant pages – if true – is nothing less than a wonder of the ancient world: the first solid evidence of Druidic science and its accomplishments and the earliest accurate map of a continent.

Robb begins his journey from a cottage in Oxfordshire, following up a handful of mysteries that had teasingly accrued as he assembled his Ondaatje Prize-winning travelogue The Discovery of France.

They had to do with the Heraklean Way, an ancient route that runs 1,000 miles in a straight line from the tip of the Iberian Peninsula to the Alps, and with several Celtic settlements called Mediolanum arranged at intervals along the route.

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After examining satellite imaging (difficult for the private scholar even a decade ago) and making several more research trips, Robb bumped up against two extraordinary discoveries. First, the entire Via Heraklea runs as straight as an arrow along the angle of the rising and setting sun at the solstices. Second, plotting lines through the Celtic Mediolanum settlements results in lines that map on to sections of Roman road, which themselves point not to Roman towns but at Celtic oppida farther along.

Viewed in this light, the ancient texts of the Italian conquerors begin to reveal sidelong secrets about the people they supplanted. Piece by piece, there emerges a map of the ancient world constructed along precise celestial lines: a huge network of meridians and solar axes that served as the blueprint for the Celtic colonisation of Europe, dictated the placement of its settlements and places of worship, and was then almost wholly wiped from history. We are, to put it mildly, unused to thinking like this about the Celts, whose language is defunct and whose reputation was comprehensively rewritten by those who succeeded them.

Greek travellers from the sixth century BC onwards described a nation of sanguinary brutes and madmen who threw their babies in rivers, walked with their swords into the sea and roughly sodomised their guests. “It does not take an anthropologist to suspect,” Robb observes drily, “that what the travellers saw or heard about were baptismal rites, the ceremonial dedication of weapons to gods of the lower world, and the friendly custom of sharing one’s bed with a stranger.”

Later on, clean-shaven, toga-sporting Roman visitors to what they called Gallia Bracata and Gallia Comata – Trousered Gaul and Hairy Gaul respectively – were horrified by the inhabitants’ practical legwear and love of elaborate moustaches, and marvelled to hear them discoursing not in gnarly Gaulish but in perfect Greek.

As the Roman military machine rolled over Europe, depicting the Celt as a woods-dwelling wild man became not just a matter of Italian snobbery but one of propagandist utility. According to Robb, when the Romans arrived this side of the Alps, they found a country whose technical achievements were different from, but competitive with, their own.

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Mapped and governed by a network of scholar-priests according to a template laid down in heaven, covered by a road network that afforded swift passage to fleets of uniquely advanced chariots (“nearly all the Latin words for wheeled vehicles”, Robb notes, “come from Gaulish”) and possessing astronomical and scientific knowledge that would take another millennium to surface again, Gaul remained a deeply enigmatic place to its military-minded conquerors. When Julius Caesar swept through, on a tide of warfare and genocide that would lead his countryman Pliny to accuse him of humani generis iniuria, “crimes against humanity”, much of its knowledge retreated to the greenwood, never to emerge.

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Most significantly, suggests Robb, Caesar failed to work out the Druids. To most of us even now, the word conjures up the image of a white-robed seer with a sickle, an implausible hybrid of Getafix and Glastonbury hippie. (Robb suggests, following the design on a Gaulish cauldron, that they tended more towards a figure-hugging costume patterned like oak bark: much better for melting like smoke into the trees, a trait of Druid-led armies that Caesar vigorously deplored.) The Druidic curriculum took two decades to train up its initiates, but these men of science put nothing in writing. Like their wood-built houses, their secrets rotted with time. How could we hope to reconstruct them?

Remarkably, Robb has an answer to this, and it forms the centre of a book almost indecently stuffed with discoveries. One of the most consistently baffling things about Celtic temple sites to modern surveyors is their shape: warped rectangles that seem none the less to demonstrate a kind of systematic irregularity. Using painstakingly reconstructed elements of the Druidic education, which placed religious emphasis on mapping the patterns of the heavens on to the lower “Middle Earth” of our world, Robb comes up with an astonishing discovery: these irregular rectangles exactly match a method for constructing a geometrical ellipse, the image of the sun’s course in the heavens. Such a method was previously thought to be unknown in the West until the 1500s.

Other suggestions follow thick and fast, backed by a mixture of close reading, mathematical construction and scholarly detective work. Building on meridians and equinoctial lines, the Druids used their maps of the heavens to create a map that criss-crossed a continent, providing a plan of sufficient latitudinal and longitudinal accuracy to guide the Celtic diaspora as it pushed eastward across Europe.

The swirls and patterns in Celtic art turn out, Robb surmises, to be arranged along rigorous mathematical principles, and may even encode the navigational and cartographic secrets that the Druids so laboriously developed.

Robb manages his revelations with a showman’s skill, modestly conscious that his book is unfurling a map of Iron Age Europe and Britain that has been inaccessible for millennia. Every page produces new solutions to old mysteries, some of them so audacious that the reader may laugh aloud. Proposing a new location for Uxellodunum, the site of the Gauls’ final losing battle in France, is one thing; suggesting where to look for King Arthur’s court, or which lake to drag for Excalibur, is quite another. But both are here.

Amid such riches, readers of The Discovery of France – a glorious book that mixed notes from a modern cycling tour with a historical gazetteer of pre-unification France – may still be itching for the moment when the author gets back on his bike. Beautifully written though it is, The Ancient Paths can tend to dryness at times, but some of its best moments come when the author gets out into the field.

One example will suffice. Certain references in Caesar’s writing indicate that the Gauls operated a vocal telegraph, composed of strategically placed teams yodelling news overland to one another, which passed messages at a speed nearly equivalent to the first Chappe telegraph in the 18th century. To judge how this might have worked, Robb takes himself off to the oppidum above Aumance, near Clermont-Ferrand, where he reports on the car alarms and the whirr of traffic still audible across countryside four kilometres away.

He goes further. Aumance was one of around 75 places once known by the name Equoranda, a word with an unknown root that resembles the Greek and Gaulish for “sound-line” or “call-line”. All the Equoranda settlements Robb visits turn out to be on low ridges or shallow valleys, and would, he writes, “have made excellent listening posts”. Examined in this light, one word in Caesar’s account becomes fruitful: he observes that the Gauls “transmit the news by shouting across fields and regios”, a word that can be translated as “boundaries”. An ancient Persian technique for acoustic surveying, still current in the 19th-century south of France, involves three men calling to one another and plotting their position along the direction of the sound. Put the pieces together and you end up – or Robb does – with “the scattered remains of a magnificent network” that could have acted not just as a telegraph system but as a means to map the Druids’ boundaries on to the earth.

It’s a magnificent piece of historical conjecture, backed by a quizzical scholarly intellect and given a personal twist by experiment. So, for that matter, is

the whole thing. Robb describes in his introduction the secretive meetings with publishers in London and New York that kept a lid on the book’s research until publication, and watching its conclusions percolate through popular and academic history promises to be thrilling.

Reading it is already an electrifying and uncanny experience: there is something gloriously unmodern about seeing a whole new perspective on history so comprehensively birthed in a single book. If true, very important indeed.

The Ancient Paths: Discovering the Lost Map of Celtic Europe, by Graham Robb (Picador, RRP £20, Ebook £6.02), is available to order from Telegraph Books at £26 + £1.35p&p. Call 0844 871 1515 or visit books.telegraph.co.uk

 

vendredi, 06 mai 2016

Lecture: la Guerre hors limites

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Lecture: la Guerre hors limites

par Thibault

Ex: http://chinoiseries.over-blog.com

ghl.jpgLa Guerre hors limites est un ouvrage publié en 1999 par deux colonels de l'armée de l'air chinoise, Qiao Liang et Wang Xiangsui, tous deux issus de carrières plus politiques qu'opérationnelles. La traduction française date de 2003.

Un art de la guerre pour le XXIe siècle...

La première partie de cet ouvrage s'attache à tirer les leçons de la fin de la Guerre Froide et des conflits des années 90 pour dessiner ce qu'est la guerre contemporaine. Celle-ci se caractérise selon les auteurs par la complexité des objectifs et des moyens, avec la disparition de la distinction avant/arrière et l'irruption d'acteurs non-étatiques et de stratégies non-militaires.


Les auteurs mettent en avant  l'utilisation de moyens économiques, financiers, technologiques, etc. en complément des moyens militaires. Les nouveaux guerriers variant du hacker au banquier, en passant par le terroriste auquel cet ouvrage accorde une importance assez prémonitoire, évoquant déjà un "terrorisme à la Ben Laden" défiant les États-Unis.
L'analyse de la première Guerre du Golfe renforce partiellement ce point de vue par le rôle qu'y jouèrent les médias. On y discerne d'autres nouveautés : la numérisation de l'espace de bataille, le renouveau des corps expéditionnaires, l'apparition de la guerre informatique et électronique, mais aussi l'idéal paradoxal d'une victoire sans victime. Pour les auteurs, le constat est clair : les États-Unis sont en tête et il appartient aux autres pays de les imiter au plus vite.

La seconde partie s'appuie sur ces conclusion pour tenter de dégager les grandes lignes d'un nouvel art de la guerre.


Les auteurs constatent que les menaces les plus graves pour les États ne sont plus aujourd'hui militaires, avec une conséquences : il faut élargir la définition de la guerre. Ainsi, "face à un ennemi qui méprise les règles, il n'y a certainement pas de meilleure tactique pour s'en défendre que de les transgresser aussi". Tous les moyens deviennent bon pour abattre un adversaire : guerre médiatique, commerciale, financière, idéologique, dans l'esprit des auteurs même les règlements ou les sanctions édictés par les organisations internationales peuvent être assimilés à des actes de guerre.


C'est sur cette base qu'est définie la "guerre hors limites". Les limites traditionnelles de la guerre sont rejetées : limites de lieux, de moyens, de domaines, et finalement d'intensité. "Pour gagner des guerres", écrivent les auteurs, il faut "apprendre à renverser l'ordre des degrés, et à combiner tous les facteurs, des actions supranationale aux combats concrets."

... ou le retour à une conception archaïque des relations entre États ?


A la lecture de cet ouvrage, on doit évidemment se demander dans quelle mesure il reflète la pensée militaire chinoise actuelle.


Il est probable qu'il soit assez représentatif. En effet sa principale innovation, revient à mettre en pratique une vieille maxime de Sunzi : "Gagner cent fois en cent batailles n'est pas le comble du génie, vaincre l'ennemi sans combat voilà le sommet de l'excellence." Et l'on sait que les chinois pratiquaient déjà la guerre économique alors que les grecs jetaient les bases d'une conception occidentale de l'affrontement : violent, frontal et décisif. Le désir d'échapper à ce carcan pour revenir à une "guerre hors limite", c'est-à-dire irrégulière, se justifie donc autant par la tradition chinoise que par l'écrasante supériorité militaire américaine.

Cependant, cet ouvrage pèche par l'absence de rigueur sémantique. La guerre écrivait Clausewitz est caractérisée à la fois par le moyen, la violence physique extrême, et la fin, imposer sa volonté à un adversaire. Il semble que pour Qiao Liang et Wang Xiangsui les moyens n'importent plus, mais dans ce cas la différence entre guerre et concurrence est-elle seulement subjective ?


Si on veut appeler "guerre" indifféremment une opération militaire conventionnelle, la spéculation sur une devise ou une sanction de l'OMC, on en arrive nécessairement à considérer comme des actes de guerre l'essentiel des actions qui font les relations quotidiennes entre États. Or il existe bien une graduation objective, par exemple entre actions violente et non-violente.

Cette conception est par ailleurs inopérante à cause des risques d'escalade qu'elle comporte. C'est ici que la thèse des auteurs touche le plus clairement ses insuffisances : comment penser une guerre sans limite de degré dans un monde nucléarisé ? La question est évacuée dans les toutes dernières pages du livre.


En ne levant pas ce point, les auteurs se cantonnent à présenter une conception datée, et par ailleurs immature, des relations internationales, témoignant surtout de leur sentiment de se trouver dans une citadelle assiégée.

Cet article a également été publié sur le blog Armée du futur.

La guerre hors limites des Colonels Qiao et Wang

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La guerre hors limites des Colonels Qiao et Wang

Cet ouvrage est très connu des stratégistes contemporains, depuis sa parution en France en 2003, à partir d’une première édition chinoise de 1999. D’une certaine façon, il est devenu un classique et les fiches de lectures des « classiques », surtout quand on les lit longtemps après (dix ans donc), ne doivent pas écrire les mêmes choses qu'au moment de leur parution. Autant une fiche de lecture contemporaine s’attachera à présenter l’ensemble de la pensée de l’auteur, autant une fiche de lecture tardive cherchera à déterminer les idées qui demeurent (la permanence et donc la pertinence) et donc leur capacité à traverser le temps. Autrement dit, à être réellement un classique. C'est l'objet de ce billet.

Source et lien vers le livre

Une des qualités tient également qu’on tenait là un ouvrage d’auteurs chinois contemporains, préalable à l’émergence chinoise que nous constatons depuis le mitan des années 2000. Avoir accès à une pensée orientale, donc « exotique » par rapport au mainstream anglo-saxon, voici un premier atout. Lire en plus une œuvre de stratégie venant du pays que chacun pressent, d’une façon ou d’une autre, comme le nouveau challenger, voici le deuxième atout. Deux avantages structurels, donc, qui demeurent largement, mais qui ne sauraient abuser le stratégiste. Au fond, la contingence ne l’intéresse pas forcément.

Or, il faut bien convenir que cet ouvrage est réellement novateur. Certes, il s’attache à démonter la notion de « Révolution des affaires militaires ». Les plus jeunes ne savent pas à quel point, à la fin des années 1990 et au début des années 2000, on nous a bassiné les oreilles avec cette RMA. Et il a fallu le traumatisme du 11 septembre pour que l’intérêt change et qu’on parle d’asymétrie et de contre-insurrection.

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Or, le livre des colonels Qiao et Wang a l’immense mérite intellectuel tout d’abord de se départir de la vision américaine de la RMA (et notamment ses deux caractéristiques, d’être technologique et d’être militaire) pour montrer qu’il y a une RMA plus large. C’est la guerre hors limite, qui inclut la guerre militaire et la guerre non-militaire. Celle-ci comprend tout ce qu’on a pu parfois désigner sous le terme d’opérations autres que la guerre. Mais nos auteurs en ont une compréhension très extensive : guerre économique, guerre financière (ils écrivent après la crise asiatique de 1997), guerre terroriste (Ben Laden et les attentats de 1993 et 1998 sont régulièrement évoqués, et présentés avec une vision prophétique si l’on songe que le texte date de 1999), guerre informatique, guerre médiatique, autant de nouveaux théâtres d’opération qui nécessitent une métastratégie pour opérer dans cette « guerre omnidirectionnelle ».

S’il n’y avait que ça cela suffirait à placer QIao et Wang dans la catégorie des stratégistes réellement novateurs.

J’ai apprécié aussi quelques citations et réflexions.

  • « Le champ de bataille sera partout » (39)
  • Sur l’informatique dans la guerre : « Quelque soit l’importance de l’informatique, elle ne peut entièrement supplanter les fonctions et les rôles de chaque technique en soi. Par exemple, un chasseur F 22, qui est déjà totalement informatisé, reste un chasseur et le missile Tomahawk un missile, et on ne peut les mettre dans me même sac sous le nom d’armes informatiques » (47). « La « guerre par ordinateur » et la guerre « de l’information » au sens étroit sont deux choses totalement différentes. La première désigne les différentes formes de guerre qui sont rehaussées et accompagnées par l’informatique, alors que la seconde désigne principalement une guerre où l’informatique est utilisée principalement pour obtenir ou détruire des renseignements ». (47)
  • A propos de la guerre asymétrique, opposant le combattant high-tech au guérillero rustique, « on risque d’en arriver au point où personne ne réussit à se débarrasser de l’autre » (53)

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  • « L’arme nucléaire nous oblige à nous demander si nous avons vraiment besoin d’armes hyperdestructrices » (59). « Les armes adoucies représentent le dernier choix conscient de l’humanité (…) Toutefois, une arme moins meurtrière demeure une arme et ce la ne veut pas dire que son efficacité s’en trouve réduite sur le champ de bataille » (61)
  • « Ce qui différencie principalement les guerres contemporaines des guerres du passé, c’est que dans les premières, l’objectif affiché et l’objectif caché sont souvent deux choses différentes » (73)
  • Luddendorf : « la théorie de la guerre totale qu’il mit en avant visait à fusionner en une seule entité le champ de bataille et les éléments en dehors du champ de bataille » (75)
  • Evoquant l’espace nanométrique, eg le cyberespace, il laisse « augurer la réalisation du rêve de l’humanité : une guerre sans hommes ». « La guerre de réseau (…) deviendra uen réalité tangible. Elle sera extrêmement intense quoique presque sans effusion de sang. Ce type de guerre se déroulera parallèlement à la guerre traditionnelle » (78).
  • « La guerre a tendance à se civiliser » (80)
  • « Désormais, les soldats n’ont plus le monopole de la guerre » (84)
  • « Cette perspective a conduit à revoir l’affirmation selon laquelle « la guerre, c’est de la politique avec du sang ». L’objectif de la nouvelle guerre « consistera plutôt à utiliser tous les moyens possibles – avec ou sans la force des armes, avec et sans la puissance militaire, avec et sans victimes – pour obliger l’ennemi à satisfaire son intérêt propre ». (95)
  • « Aussi puissant soit-il, un pays comme les Etats-Unis a besoin de l’appui de ses alliés » (102)
  • « La transformation de l’alliance en union libre marqua la fin d’une époque, c’est-à-dire celle des alliances fixes, inaugurée par la signature de l’alliance entre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie en 1879. Avec la fin de la guerre froide, la période où les alliances se formaient sur la base de l’idéologie touchait à sa fin, et les alliances d’intérêt prirent le dessus ». « Le phénomène des alliances continuera évidemment à exister mais le plus souvent ce ne seront que de lâches coalitions d’intérêts à court terme ». « Le fondement principal de toute alliance sera l’intérêt et non la morale ou l’éthique ». (104).
  • « … des alliances tacites qui ne sont en aucune façon fortuites » (105)
  • « Les chars doivent peiner constamment pour surmonter le coefficient de friction de la surface de la terre » (115). Hélicoptères : « … leur excellente mobilité suffisant à compenser le défaut de n’avoir pas de blindage lourd » (115)
  • « Il n’est plus possible de gagner une guerre sans faire intervenir la force des médias » (120).
  • « La sécurité nationale fondée sur le régionalisme est de toute évidence obsolète » (169). « La vision de la défense nationale comme principal objectif de sécurité apparaît assez dépassée » (170).
  • « La guerre ne sera même plus la guerre. C’est-à-dire que ni l’ennemi, ni les armes, ni le champ de bataille ne seront ce qu’ils furent. Rien n’est sûr. Seule certitude, l’incertitude. L je jeu a changé. Dans cette situation aux incertitudes multiples, il va nous falloir définir une nouvelle règle du jeu (…), un produit hybride… » (200)
  • « Savoir si l’on a pensé à combiner le champ de bataille et le non-champ de bataille, le guerrier et le non-guerrier » (201).
  • « Toutes les victoires ne sont pas le fruit de la surprise » (241)
  • « Nous ne pensons pas que toutes les guerres doivent progresser graduellement jusqu’à ce que l’accumulation débouche sur le « moment décisif ». Nous pensons que le moment peut être créé » (272)
  • A propos des divisions de la stratégie : « Concrètement, cette division st la suivante : Grande guerre –politique guerrière. Guerre –stratégie. Campagne- art opérationnel. Combat- tactique. » (273). Ceci devra être repris pour bine comprendre les notions de « grande stratégie », mais aussi les impasses des expressions successives de « défense nationale » et récemment de « défense et sécurité nationale ».
  • « Dans la guerre hors-limite, c’est la réflexion qui prime sur la méthode, laquelle vient en second » (275)
  • « La différence, c’est qu’aujourd’hui pour défaire le nœud gordien, il n’y a pas que l’épée » (298).
  • « Le résultat, c’est que tout en réduisant l’espace du champ de bataille au sens étroit, nous avons transformé le monde entier en un champ de bataille au sens large » (298)
  • A propos du mot de Clemenceau, « L’histoire des cent dernières années nous a toutefois montré que confier la guerre aux seuls politiciens n’était pas non plus la solution idéale du problème » (299)

source et lien vers le livre

Ainsi, un livre nécessaire et qui demeure tout à fait pertinent, quinze ans parès sa parution.

Egéa

Hergé ou le voyageur immobile selon Francis Bergeron

Hergé ou le voyageur immobile selon Francis Bergeron

En savoir plus sur http://www.medias-presse.info/herge-le-voyageur-immobile-francis-bergeron/42242#feeKZOFUKZeMXdw4.99

mardi, 03 mai 2016

Des balises pour des temps incertains

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Des balises pour des temps incertains

par Georges FELTIN-TRACOL

 

Au sein de la dissidence métapolitique en langue française, Michel Drac occupe une place à part. La clarté de ses analyses toujours empreintes de pragmatisme en fait un penseur organique de toute première importance. Son nouvel ouvrage au titre étrange le démontre encore une nouvelle fois. Triangulation se construit autour de trois conférences tenues en 2014 à l’initiative des sections locales d’Égalité et Réconciliation. En mars, il venait à Nancy en compagnie de Gabriele Adinolfi pour parler de la stratégie de la tension. En juin, il se trouvait à Bordeaux avec Pierre Hillard pour traiter du mondialisme. En novembre, il évoquait, seul, l’économie à Strasbourg. Michel Drac a complété, enrichi et augmenté ses interventions de nombreuses et riches notes qui font penser aux scholies médiévales. Dès les premières pages, il explique l’intitulé : « Politique intérieure, géopolitique, économie […]. Les trois axes abordés suffisent en tout cas à construire une triangulation. Voici la localisation d’un objet, la France, dans un espace à trois dimensions – choisies, il est vrai, assez arbitrairement (p. 7). »

 

Une stratégie de la tension en France ?

 

L’auteur dresse ainsi un panorama volontairement incomplet. Pour lui, « nous vivons actuellement en Occident le début de la fin de notre monde (p. 187) ». En se fondant sur les plus récentes données démographiques et économiques, il affirme que la France est un « pays extraordinaire (p. 107) » grâce à d’excellents atouts. « Nous sommes nombreux (p. 107) » quand bien même la croissance démographique repose largement sur des populations immigrées allogènes (l’auteur en est conscient, mais il n’aborde pas la question de l’identité; son propos se focalise sur l’économie). Il remarque au même titre d’ailleurs qu’Emmanuel Todd dont les analyses rejoignent les siennes, que « nous sommes un pays inégalitaire doté d’une épargne surabondante (p. 107) ». Serait-il le véritable auteur de Qui est Charlie ? On se le demande tant « il y a dans la laïcisme du gouvernement actuel un côté “ ordre moral inversé ” assez déroutant (p. 240) ». Rôde le fantôme du « catholique-zombie »…

 

L’optimisme de Michel Drac se nuance néanmoins de craintes multiples. « Nous devenons, à notre tour, un pays à fausse souveraineté (p. 223). » remarquant que « l’électorat FN n’est plus du tout inscrit dans la narration “ républicaine ” du bloc institutionnel UMPS (p. 241) », il compare le contexte de la France d’aujourd’hui à celui de l’Italie des années 1970. « C’est l’existence dans le pays d’un parti lié à la principale alternative géostratégique officiellement présentée comme étant vraiment une alternative, un adversaire, voire un ennemi. Dans l’Italie des années 1970, c’était le PCI – et ses liens avec l’Union soviétique. Dans la France, c’est le FN – et ses liens avec la Russie (pp. 224 – 225). »

 

Cette réalité politique notable est à prendre en considération, car « nous approchons manifestement d’un moment critique de l’histoire de notre pays. Pour la première fois depuis longtemps, il devient envisageable qu’en France, un gouvernement de rupture arrive aux affaires, dans quelques années (p. 9) ». Il ne faut pas s’en inquiéter parce que « nous avons tout à fait le poids qu’il faut pour peser en Europe. Si un jour se trouve en France un pouvoir pour dire aux autres Européens qu’ils ne feront pas l’Europe sans nous, ils seront bien obligés de constater que c’est vrai (p. 108) ». Réaliste, Michel Drac pense que « critiquer n’est plus suffisant : de plus en plus, il faudra être capable de proposer quelque chose (p. 10). » La rupture signifie le renversement, violent ou non, des actuelles institutions d’autant que « ce sont les réseaux qui influencent et parfois commandent les hommes politiques (p. 148) ». Folie, s’égosillent à l’avance les stipendiés du Marché ! Michel Drac leur répond tranquillement que « nous avons économiquement la taille critique pour nouer les alliances de notre choix. […] Ce constat permet de démonter l’un des principaux arguments opposés aux adversaires de l’euro. On nous dit que la France n’est pas assez grande pour se défendre seule dans l’économie contemporaine – ce qui est vrai. On ajoute qu’elle est “ donc ” obligée d’entrer dans le jeu défini par les États-Unis et l’Union européenne. Mais ce “ donc ” n’en est pas un. Dans le monde, il y a d’autres alliés possibles que les États-Unis – la Chine, l’Inde, la Russie, le Brésil, et l’Amérique latine d’une façon générale (p. 109) ». Il argumente en prenant comme exemple le traitement, très différencié, du FMI à l’égard de l’Argentine et de la France. Pourquoi ? Michel Drac ne répond pas. Contrairement à Buenos Aires, Paris dispose en effet de la puissance nucléaire, ce qui lui assure la meilleure des sécurités. « Il y a tout lieu de penser que pour un État qui n’est pas une super-puissance, souligne le philosophe militaire suisse Bernard Wicht, le dernier lambeau de souveraineté se situe dans le fait de disposer d’une monnaie nationale et, j’aurais envie d’ajouter, l’arme nucléaire. L’Iran l’a bien compris ! (« Échec du peuple face à la finance globale », L’AGEFI, le 15 juillet 2015) » On pourrait même ajouter : la Corée du Nord aussi ! Par le biais de la dissuasion, « dans un monde qui redevient multipolaire, il est concevable d’adosser les souverainetés. Si la France peut conduire une politique de la bascule entre Ouest et Est, elle aura les moyens de négocier une voie spécifique (p. 207) ». Encore faut-il sortir de l’euro…

 

L’Europe asservie à l’euro atlantique

 

« Tant que l’euro est là, juge l’auteur, il n’est pas possible qu’une force de renouveau prenne le pouvoir en France (p. 120). » Bien entendu, son « avenir […] dépend beaucoup de ce que les dirigeants vont décider (p. 117) ». La monnaie unique détruit les tissus agricole et industriel français. Michel Drac envisage dès lors différentes options : la transformation de l’euro en monnaie commune, la formation de deux zones euro, l’une germanocentrée et l’autre plus méditerranéenne, ou bien le retour aux monnaies nationales. La réforme radicale de l’euro s’impose parce que la monnaie unique favorise le « néopéonage (p. 126) », à savoir des salariés qui donnent leur force de travail à un prix dérisoire, en paiement des dettes qu’ils ont contractées auprès de leurs patrons. Bref, du fait d’écarts croissants de compétitivité, « l’euro n’est pas viable. Dans l’état actuel des choses, en tout cas (p. 104) ». Est-ce si certain ? Plutôt réservé à l’égard d’un quelconque projet européen, y compris alter, Michel Drac revient au cadre de l’État-nation. Il constate cependant que « surendettée, la République française est entre les  mains des marchés. Qu’ils la soutiennent, et elle vivote. Qu’ils la lâchent, et elle s’écroule. Nous sommes une colonie de l’Empire de la Banque (p. 102) », un bankstérisme total et ses métastases technocratiques, y compris à Bruxelles.

 

Oui, « l’UE est principalement au service de la technocratie (p. 147) ». Cette pseudo-« Union européenne » s’inscrit pleinement dans une intégration plus globale qu’il nomme – à la suite d’Alain Soral -, l’« Empire ». Cet « empire » est en réalité un hégémon qui ne correspond pas à la notion traditionnelle revendiquée par Julius Evola. « La puissance dominante, si elle parvient à unifier le monde, y imposera ses normes et règles. L’idéologie de cette puissance prônera l’unification du monde. Ce sera un mondialisme. […] Tous les empires sont mondialistes. Ils ne le sont pas tous à la même échelle, parce que tous n’ont pas évolué dans des mondes de même taille. Mais ils sont mondialistes (p. 18). » Michel Drac confond ici mondialisme et universel (ou universalité) qui n’est pas l’universalisme. Il reprend ce vieux antagonisme, cher aux nationistes souverainistes, entre l’empire et le royaume. Son emploi polémique se comprend pourtant, car « dans l’esprit de nos contemporains, l’Empire, c’est tout simplement un système de domination appuyé sur l’usage de la technologie militaire. En ce sens, parler de “ l’Empire ” pour évoquer l’ensemble formé par les États-Unis et leurs principaux alliés, c’est à tout prendre un raccourci acceptable et qui fait sens (p. 40) ».

 

Le principal désaccord avec Michel Drac concerne la géopolitique. Il oppose en effet une vision française de l’Europe qui reposerait sur un quelconque « concert des nations » (un concept d’origine anglaise), à la conception allemande de « grand espace » théorisé par Carl Schmitt, qualifié un peu trop rapidement de « nazi (p. 93) ». Très tôt, le géopolitologue Pierre Béhar (Une géopolitique pour l’Europe. Vers une nouvelle Eurasie en 1992) et Alain Peyrefitte (les trois tomes de C’était de Gaulle parus en 1994, en 1997 et en 2000) rappellent que dans les années 1960, le général De Gaulle concevait la construction européenne à six comme un grand espace ouest-européen ordonné par la France et enfin dégagé de l’emprise US. Michel Drac connaît-il les plans Fouchet de novembre 1961 et de janvier 1962 étouffés par les manœuvres atlantistes !

 

Aux origines de l’« Empire anglo-bancaire »

 

L’auteur se penche longuement sur les origines de l’« Empire anglo-saxon », cette première « Anglosphère ». « La substance de l’Empire britannique, c’est celle d’une entreprise commerciale. Cette entreprise est financée à crédit en incorporant dans la masse monétaire l’espérance de gain liée essentiellement au développement des colonies américaines, puis indiennes, africaines… (p. 24). » Mieux, « il faut admettre que l’Empire anglo-saxon, en fait, n’a jamais été protestant en profondeur. Ce n’est pas sa vraie nature. […] Mettre la main sur les biens de l’Église, c’est d’abord un moyen de faire rentrer de l’argent dans l’économie marchande anglaise, et donc de faire baisser les taux d’intérêt. Telle est la substance profonde de l’Empire anglo-saxon, dès son origine. C’est une affaire d’argent et de taux d’intérêt. C’est l’empire de l’émission monétaire. C’est l’empire de la Banque (p. 23) » parce que « ce que les Espagnols n’avaient pas saisi, les Anglais l’ont vu dès qu’ils ont prédominé sur les océans : l’important n’est pas le métal précieux, mais le contrôle des échanges (p. 47) ». « L’Empire britannique, qui est à l’origine de l’impérialisme américain contemporain, s’est constitué d’une part par la victoire de l’Europe du Nord sur l’Europe du Sud, et d’autre part, au sein de l’Europe du Nord, par la victoire de la Grande-Bretagne sur les Pays-Bas. C’est alors que cet empire a succédé à l’Empire hispano-portugais comme puissance dominante productrice de l’idéologie impérialiste européenne (p. 20). » Il en découle fort logiquement que « l’idéologie actuelle du mondialisme est […] l’idéologie des Droits de l’homme. […] Elle est là pour cautionner un impérialisme. […] C’est un empire anglo-saxon (p. 19) », c’est-à-dire un ensemble d’oligarchies ploutocratiques planétaires prédatrices, parfois concurrentes. Elles profitent à plein de l’ultra-libéralisme ambiant. « La “ dérégulation ” a donc consisté, en pratique, à remplacer la régulation dans l’intérêt de l’ensemble des acteurs par la régulation dans l’intérêt des grands acteurs capables de se coordonner (p. 90). »

 

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Ce n’est pas anodin si « la majorité des organisations mondialistes sont dominées par l’influence anglo-saxonne. Quelques-unes sont européennes, et celles-là sont généralement régies par une entente cordiale germano-britannique (p. 33) ». Michel Drac examine avec brio l’action géopolitique des religions et évoque l’influence, naguère décisive, de la franc-maçonnerie au sein de l’idéologie mondialiste qui « justifie le développement du libre-échange, qui, lui-même, introduit dans toutes les sociétés le niveau d’inégalité existant dans la structure globale (p. 15) ». Le mondialisme bénéficie dans les faits de « l’augmentation des flux migratoires. Une proportion croissante de personnes est issue d’un métissage racial et/ou culturel. Ces gens peuvent sans doute assez facilement percevoir l’humanité comme une communauté unique (p. 15) ». Elle rencontre dans le même temps de plus en plus de résistances de la part des peuples tant dans l’ancien Tiers-Monde qu’en Europe qui rejettent une perspective téléologique terrifiante : « à la fin […], le monde est unifié sous le règne éternel de l’Amérique, alliée à Israël (p. 67) ».

 

L’état d’urgence au service du mondialisme

 

Face à la révolte, réelle ou latente, des peuples en colère, la réaction oligarchique risque d’être féroce; elle l’est dès maintenant avec l’essor, sciemment suscité, d’une demande sécuritaire. Le renouvellement de l’état d’urgence sous prétexte d’Euro de foot 2016 et de Tour de France en est un indice supplémentaire préoccupant. Loin d’atteindre les terroristes islamistes, alliés objectifs des oligarchies mondialistes, cette situation d’exception vise surtout les milieux dissidents et non-conformistes alors qu’« une des forces des milieux dissidents en France, c’est sans aucun doute leur multiplicité (p. 251) ». Soit ! Or « le système politique français se durcit progressivement. Tout se passe comme si la classe dirigeante se préparait à faire face à une situation qu’elle ne pourra pas maîtriser dans un cadre démocratique. Visiblement, les dirigeants se mettent en mesure de museler toute opposition – par la violence d’État, si nécessaire (p. 245) ».

 

Faut-il pour autant suivre l’auteur quand il estime que « si, demain, le pouvoir décide de passer à l’offensive contre la minorité lucide des dissidents, la seule protection dont ceux-ci disposeront, ce sera le recours à l’opinion publique. Encore faut-il que celle-ci ne se laisse pas manipuler (p. 235) » ? On reste dubitatif. Il est en revanche indéniable que « la France vit aujourd’hui sous un régime de répression feutrée des opinions dissidentes. En théorie, la liberté d’expression règne. Mais en pratique, une pression diffuse pousse au silence et au conformisme. On ne saurait assimiler la situation à ce qu’on observait jadis dans les systèmes totalitaires. Mais il ne serait pas absurde d’énoncer que la France contemporaine se situe, sur le plan de la liberté d’expression, quelque part entre la France des années 1970 et l’Union soviétique de la même époque (p. 10) ».

 

Écrit dans un français limpide et avec une véritable intention pédagogique, Triangulation de Michel Drac aide à comprendre ce triste monde et à préparer les formidables et prochaines crises mondiales.

 

Georges Feltin-Tracol

 

• Michel Drac, Triangulation. Repères pour des temps incertains, Le Retour aux Sources, 2015, 264 p., 19 €.


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Gérard Conio: théologie de la provocation

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Gérard CONIO. Présentation d'ouvrage : Théologie de la provocation

 

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