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dimanche, 13 août 2017

«Le patriotisme économique partout en vigueur... sauf en Europe !»

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«Le patriotisme économique partout en vigueur... sauf en Europe !»

Par Eric Delbecque

Ex: http://www.lefigaro.fr/vox

FIGAROVOX/TRIBUNE - La question du «Made in France» a été au coeur des débats des primaires, à droite et à gauche. Eric Delbecque regrette que les pays européens, au nom du libre-échange, refusent le patriotisme économique que pratiquent pourtant Washington, Pékin ou Moscou.

Eric Delbecque est président de l'Association pour la compétitivité et la sécurité économique (ACSE) et directeur du département intelligence stratégique de SIFARIS. Avec Christian Harbulot, il vient de publier L'impuissance française: une idéologie? (éd. Uppr, 2016).

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En dépit du résultat du premier tour, la primaire de la gauche a de nouveau projeté de la lumière sur la thématique du patriotisme économique, en particulier à travers la promotion du «made in France» par Arnaud Montebourg. Le sujet est capital et il est essentiel d'en débattre. Toutefois, il apparaît assez clairement que l'on continue à se tromper d'approche, chez les commentateurs comme au sein de la classe politique. Nombreux sont ceux qui persistent à associer «patriotisme économique» et «protectionnisme». Cette confusion fausse l'ensemble de l'argumentation autour d'une formule globalement travestie. Le patriotisme économique n'est ni un nationalisme économique, ni un repli frileux derrière nos frontières.

Correctement entendu, il est une autre manière d'appeler à un retour du politique dans la sphère économique. Il revendique une stratégie nationale en matière de développement, une vision de notre futur industriel (travaillé en profondeur par l'ère digitale) et une implication publique intense dans la conquête de nouveaux marchés. La France et l'Europe sont loin du compte en la matière.

Il suffit d'observer la machine d'assaut économique de l'Oncle Sam pour s'en convaincre. En premier lieu, ce dernier sélectionne drastiquement ses partenaires étrangers. A cette fin, les Etats-Unis créèrent le CFIUS (Committee on foreign investment in the United States: comité pour l'investissement étranger aux Etats-Unis). Et l'administration américaine ne se prive pas de l'utiliser, ou plutôt de faire comprendre aux investisseurs étrangers que cette menace plane sur eux. Ils sont donc fortement portés à la négociation… A travers cette structure et le texte de l'Exon-Florio (amendement au Defense Production Act de 1950, adopté en 1988), Washington pratique une politique que l'Union européenne ne peut même pas envisager: imposer un certain nombre d'administrateurs de nationalité américaine ou encore exiger que le choix de la stratégie de l'entreprise rachetée échappe partiellement ou totalement aux investisseurs étrangers. D'un point de vue plus offensif, les Américains mènent une véritable diplomatie économique (depuis l'ère Clinton) visant à imposer des groupes portant la bannière étoilée dans les pays «alliés» ou «amis», ceci en utilisant toutes les ressources disponibles de l'administration, y compris des services de renseignement. La Chine fait exactement la même chose.

Notre continent, lui, joue les bons élèves de l'orthodoxie libérale (que n'aurait certainement pas validé Adam Smith). Le patriotisme économique - tel que la France peut le concevoir en restant fidèle à ses valeurs - milite pour la réciprocité dans les relations d'échange de biens et de services entre les nations. Bref, il faut se battre à armes égales, et pas avec un bras attaché dans le dos. Cette inconfortable posture résume pourtant notre situation. Alors que les Etats-Unis, la Chine ou la Russie mettent en œuvre de véritables dispositifs d'accroissement de puissance économique, nous nous accrochons à l'orthodoxie libre-échangiste. L'Hexagone, en deux décennies, n'a toujours pas réussi à construire une politique publique d'intelligence économique (c'est-à-dire de compétitivité et de sécurité économique) à la hauteur des défis qui se posent à nous.

Le problème vient du fait que l'Union européenne jouent les intégristes du droit de la concurrence, alors que les autres nations pensent d'abord à maximiser leur prospérité, même si cela implique de fouler au pied les principes de base du libéralisme. D'une certaine manière, Donald Trump explicite la philosophie des Américains, y compris celle des Démocrates: «Acheter américain, embaucher américain».

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Certes, notre pays a mis en place un premier dispositif entre 2004 et 2005 afin de fournir au gouvernement l'outil juridique pour autoriser ou refuser les investissements de groupes étrangers dans la défense et quelques autres secteurs stratégiques. Il fut complété par Arnaud Montebourg avec un décret permettant d'étendre cette possibilité aux secteurs de l'énergie, des transports, de l'eau, de la santé et des télécoms. Mais c'est la volonté qui nous manque, pas les outils juridiques. De surcroît, à l'exception des louables efforts législatifs du ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas (à l'origine de travaux importants sur cette question lorsqu'il présidait la Commission des lois), et de ceux - opérationnels - de Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, il faut bien constater que nos gouvernants n'ont pas la moindre petite idée de ce que signifie et implique une authentique stratégie de diplomatie économique, fondée sur une alliance étroite entre le public et le privé (au bénéfice de l'emploi, des PME, et pas exclusivement à celui des grands actionnaires).

Nos élites jugent la nation obsolète, comment pourraient-elles sérieusement concevoir une véritable doctrine en matière de patriotisme économique, et ensuite l'appliquer? Il faudrait affronter Bruxelles, remettre en cause certains dogmes de la «mondialisation heureuse», imaginer une politique économique qui ne sombre pas dans un protectionnisme idiot tout en refusant la mise à mort de nos industries, bref, il faudrait déployer une vision de l'avenir égale en créativité et courage politique à celle dont fit preuve le Général de Gaulle en son temps. Vaste programme!

samedi, 12 août 2017

Le Peuple blanc d'Arthur Machen

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Le Peuple blanc d'Arthur Machen

Ex: http://www.juanasensio.com

On peut parfaitement adresser les reproches les plus durs au Matin des magiciens de Pauwels et Bergier. Tous resteront sans effet toutefois devant cette évidence : cet ouvrage bizarre et boursouflé, qualifié de «gros livre hirsute» par ses auteurs eux-mêmes (1), nous a permis de découvrir des écrivains qui, en 1960, année où il fut publié, n'intéressaient qu'une poignée de spécialistes de la littérature fantastique et amateurs de fous littéraires.

 
Même si cinquante années ont passé depuis la publication du livre de Pauwels et Bergier, Arthur Machen demeure l'un de ces écrivains restant encore assez méconnu des lecteurs de langue française. Le Matin des magiciens cite de larges extraits d'une des plus étranges nouvelles écrites par Machen, intitulée Le Peuple blanc dont le prologue, qui met en scène un certain Ambrose discutant avec plusieurs de ses amis, est absolument remarquable quant à la vision du Mal qu'il donne. C'est peut-être la seule chose que je retiendrai de ce livre fameux, naïf et généreux dans sa volonté de concilier une démarche scientifique (fantaisiste) avec l'exploration de territoires soi-disant peu connus : la découverte d'Arthur Machen même si c'est la sublime Cristina Campo qui je crois, dans ses Impardonnables, avait attiré ma curiosité en citant le nom de l'écrivain.

Acheter Le Peuple blanc sur Amazon.

Le Peuple blanc
(The White People), vraisemblablement écrit à la fin du 19e siècle, fut publié en 1904 dans le Horlick's Magazine puis inclus dans The House of Souls paru en 1906. Ce texte est composé de trois parties : un prologue entièrement reproduit par Pauwels et Bergier, prologue qui est une discussion sur la définition du Mal, le cœur proprement dit de la nouvelle qui s'intitule Le livre vert décrivant la découverte progressive d'une jeune femme initiée à de très anciens cultes, enfin un épilogue, où nous retrouvons Ambrose et son ami, le premier affirmant à son invité qu'il a connu la jeune femme, qui par chance s'est empoisonnée juste avant que ne lui soit révélée une vérité abominable, dont nous ne saurons bien évidemment rien.
 

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Il est clair que Lovecraft, qui admirait Machen après l'avoir découvert en 1923, le surnommant, immédiatement, Titan (2), s'est inspiré de ce beau récit pour plusieurs de ses propres textes, puisque Le Peuple blanc peut être considéré comme un modèle du genre en matière de suggestion de l'horreur. Qui est Arthur Machen ? Si nous ne craignions point d'utiliser une de ces facilités si communes sous la plume des journalistes, nous pourrions prétendre qu'il s'agit d'une espèce d'Henry James ayant décidé de plonger résolument dans les ténèbres, bien plus avant qu'il ne le fera dans son célèbre Tour d'écrou. Peut-être l'une des plus évidentes adaptations cinématographiques de la nouvelle de Machen, très connue dans les pays anglo-saxons, est-elle Le Projet Blair Witch de Daniel Myrick et Eduardo Sánchez plutôt que Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro, tandis qu'un auteur comme T. E. D. Klein transposera Le Peuple blanc dans ses Ceremonies. La liste des influences plus ou moins directes est sans doute beaucoup plus longue.

Voyons à présent les passages que Machen consacre, dans le Prologue de notre nouvelle, à définir le Mal, passages à mon sens saisissants tant ils paraissent annoncer les textes d'un Bernanos, qui ne savait probablement rien de cet auteur.

Machen, par l'intermédiaire de l'étrange personnage dénommé Ambrose, commence par tenter d'exposer un paradoxe, seule façon, sans doute, de contourner la difficulté consistant à donner une définition strictement rationnelle (à laquelle, bien sûr, il ne prétend même pas) du Mal : «Ceux qui sont grands écrit Arthur Machen, quelle que soit leur catégorie, sont ceux qui se détournent des mauvaises copies pour aller vers les originaux parfaits. Pour moi, cela ne fait aucun doute : bien des saints les plus honorés n’ont jamais accompli ce qu’on appelle communément «une bonne action». D’autre part, il y a ceux qui ont sondé les abîmes du péché sans commettre dans toute leur vie une seule mauvaise action» (3).

Je ne sais si Machen avait lu Kierkegaard mais nous pourrions rapprocher cette idée d'une occultation du Mal véritable des termes employés par le grand Danois lorsqu'il définit le Mal réel, accompli, comme étant l'hermétisme, et le plus grand mal comme étant l'hermétisme le plus accompli : il n'y a, stricto sensu, aucune possibilité de communiquer avec Satan, l'idiot absolu, au sens étymologique premier de ce mot. Je renvoie mon lecteur, sur ce point, à ma longue étude de Monsieur Ouine auquel j'ai appliqué la catégorie kierkegaardienne du démoniaque. Paradoxe encore plutôt que contradiction, le fait que Machen prétende que la carrière la plus haute dans le Mal ne puisse être le fait de médiocres, qui se conteront de donner quelque extériorité (mensonges, larcins, viols, meurtres) au Mal dont ils ne comprennent et ne peuvent comprendre la sublime et muette grandeur. Qui ne songe, encore, aux meilleurs romans de Barbey d'Aurevilly?

Machen affirme ainsi que le geste, quel que soit son pouvoir de saisissement et d'horreur, par lequel le Mal va se répandre dans la société civile signe, à coup sûr, sa faible nocivité, sa lamentable publicité. Le Mal absolu est secret, ésotérique au sens premier du terme (4) et n'a rien de commun avec le monde quotidien, qu'il plonge dans le mutisme (songeons à l'étonnant silence de Karl Kraus aux prises, dans son immense Troisième nuit de Walpurgis, avec la résistance du langage face au nazisme) : «Nous estimons qu’un homme qui nous fait du mal et qui en fait à ses voisins est méchant, ce qui, socialement, est exact; mais ne pouvez-vous comprendre que le Mal qui a, par essence, un caractère solitaire, est une passion de l’âme prise isolément et détachée de tout ? Le meurtrier ordinaire, en sa qualité de meurtrier, n’est en aucune façon un pécheur au vrai sens du terme. C’est simplement une bête sauvage dont nous devons nous débarrasser pour mettre nos cous à l’abri de son couteau» (5).

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Le meurtrier ordinaire est peut-être donc celui qui, en fin de compte, du Mal nous donne la vision la plus fausse, la plus commune en tout cas. Machen poursuit avec un nouveau paradoxe, dont les termes sont étonnamment bernanosiens : «Le mal, naturellement, est entièrement positif – mais dans le mauvais sens, c’est tout. Vous pouvez me croire : le péché au sens propre du mot est très rare; il y a eu probablement beaucoup moins de pécheurs que de saints» (6). La raison de cette rareté est toute simple : le Mal et le Bien absolus sont, par définition, des miracles de ténèbres ou de lumière qui ne sauraient trop souvent déchirer la toile grise de nos journées absolument banales car, comme Machen le précise :
« – Alors, l’essence du péché est réellement…
– Dans le fait de prendre le ciel d’assaut, il me semble, dit Ambrose. C’est tout simplement une tentative pour pénétrer d’une manière interdite dans une autre sphère plus élevée. Maintenant, vous pouvez comprendre pourquoi il est exceptionnel. Peu de gens, en vérité, éprouvent le désir de pénétrer dans d’autres sphères […]» (7). Bien peu en effet et, lorsqu'on s'intéresse aux carrières de quelques-uns des plus grands criminels de l'histoire, force est de constater que leurs plus abominables forfaits sont commis comme s'ils n'y pensaient point. La conscience dans le Mal si remarquablement illustrée par Les Fleurs du Mal de Baudelaire est un rêve d'écrivain plus qu'une réalité tangible. À moins qu'il ne nous faille postuler la conséquence logique, du moins probable, de nos précédentes affirmations : le meurtrier le plus accompli est celui que nous ne pouvons soupçonner puisque, par définition, ses crimes restent absolument secrets.

Cette autre sphère, parce qu'elle est invisible, est plus réelle que celle dans laquelle nous vivons et nous débattons, selon la vieille vérité mille fois illustrée par les histoires d'épouvante. Qui voudrait tenter d'y pénétrer ou bien fixer ce qui en vient, monstre sur le point de franchir le seuil ou bien Horla invisible vidant les bouteilles de lait gardées au frais ?

Arthur Machen continue à exposer ses étonnantes vues sur le Mal radical, rattachant le comportement du pécheur au Péché, l'acte mauvais étant par essence une incessante réactualisation, une permanente réinvention du premier Péché. Évoquons de nouveau Kierkegaard, qui, s'attardant sur l'exemple de Macbeth, écrit : «[...] être à demeure dans le péché est ce qui, tout au fond de sa chute, le soutient encore, par le diabolique renfort de la conséquence; ce n'est pas le péché nouveau, distinct qui (oui, démence horrible !) l'aide; le péché nouveau, distinct, n'exprime que la continuité dans le péché et c'est là, proprement, le péché» (8).

Machen poursuit sa belle démonstration, avec une idée (bien plus vieille que la traduction qu'en donnera Shakespeare dans ce même Macbeth) qui sera illustrée de façon admirable dans une nouvelle saisissante, La terreur, où la nature se rebelle contre les hommes qui ont déchu de leur grandeur :
« – Voulez-vous dire, poursuit l'ami de notre étrange Ambrose, qu’il y a quelque chose de foncièrement contraire à la nature dans le péché ?
– Exactement. La sainteté exige un effort aussi important – ou presque. Mais elle s’exerce dans des directions qui furent autrefois celles de la nature. Elle tend à retrouver l’extase qui existait avant la Chute. Le péché, lui, tend à parvenir à l’extase et à la connaissance qui n’appartiennent qu’aux anges; et en accomplissant cet effort, l’homme devient démon. […] Le saint s’efforce de recouvrer un don qu’il a perdu; le pécheur tente d’obtenir une chose qu’il n’a jamais eue. Bref, il répète la Chute» (9).

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Nous ne nous poserons point la question de savoir si la suite de l'histoire, servant, selon Ambrose, de meilleur exemple à ses étonnantes vues, histoire intitulée je l'ai dit Le livre vert, n'est point quelque peu en dessous de la remarquable exposition que l'auteur, dans son Prologue, nous livre sur le monde du Mal.
Puis-je, à mon tour, exposer une illustration de cette très poétique et fascinante plongée dans le Mal ? Mon propre exemple est celui de Judas, dont l'insigne trahison, que l'on pourrait raisonnablement caractériser comme une vulgaire et coupable publicité d'un mal que la société aura vite fait de juguler ou tenter d'expliquer comme le fait Pierre-Emmanuel Dauzat dans son larmoyant ouvrage, n'est sans doute absolument rien si on s'avisait de la comparer au Mal réel, proprement intérieur, qui ronge et dévore l'apôtre. La Chanson d'amour de Judas Iscariote est, avec un peu de chance, beaucoup de choses, bonnes ou mauvaises qu'importe, mais il est, en premier lieu, une méditation sur l'état de damnation, l'hermétisme démoniaque.

Notes
(1) Louis Pauwels et Jacques Bergier, Le matin des magiciens (Gallimard, coll. Folio, 1972), p. 594.
(2) Lovecraft plaçait Le Peuple blanc en deuxième position des plus grands textes fantastiques, derrière Les Saules d'Algernon Blackwood (texte publié en 1916 et recueilli dans Élève de quatrième... dimension édité dans la célèbre collection Présence du futur de Denoël). D'Arthur Machen, il faut absolument lire (puis relire, afin d'en saisir les subtilités narratives) le somptueux et ténébreux roman, composé de nouvelles qui s'imbriquent entre elles à la façon du Manuscrit trouvé à Saragosse et des Nouvelles Mille et une nuits de Stevenson, intitulé Les Trois imposteurs aux éditions Terre de Brume, que j'évoquerai dans une note ultérieure. Comme toujours avec cette maison qui semble ne jamais relire les textes qu'elle publie, le livre est truffé de fautes et de bizarreries typographiques mais enfin, le noir génie de Machen, le livre qui en est sorti, n'en sont même pas gâtés.
(3) Arthur Machen, Le peuple blanc et autres récits de terreur (préface et traduction de Jacques Parsons, Bibliothèque Marabout, coll. Fantastique, 1974), p. 16.
(4) «– Donc, pour en revenir à votre sujet favori, vous estimez que le péché a quelque chose d’ésotérique, d’occulte ?
– Oui. Il est le miracle infernal comme la sainteté est le miracle céleste. Parfois, il est élevé à une telle hauteur que nous ne pouvons absolument pas soupçonner son existence; ainsi, la note des grands tuyaux de l’orgue est si grave que nous ne saurions l’entendre», ibid., p. 23.
(5) Ibid., p. 17.
(6) Ibid., id.
(7) Ibid., p. 19.
(8) Dans son Traité du désespoir datant de 1848 (Gallimard, coll. Folio, 1999), p. 213.
(9) Ibid., p. 20.

mardi, 08 août 2017

Extremists: Studies in Metapolitics

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Extremists: Studies in Metapolitics

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Jonathan Bowden

Edited by Greg Johnson
San Francisco: Counter-Currents, 2017
220 pages

Hardcover: $35

Paperback: $20 

Kindle E-book: $4.99

To order: https://www.counter-currents.com/extremists-studies-in-metapolitics/

 

Extremists: Studies in Metapolitics collects transcripts of nine of Jonathan Bowden’s most compelling orations: on Thomas Carlyle, Gabriele D’Annunzio, Charles Maurras, Martin Heidegger, Julius Evola, Savitri Devi, Yukio Mishima, and Maurice Cowling, as well as his speech “Vanguardism: Hope for the Future.” These speeches do not just explore the lives and thoughts of creative and exemplary individuals, they also illustrate three cardinal principles that Bowden repeatedly emphasized: First, political change depends upon metapolitical conditions. Second, cultural and political innovations take place on the extremes. Third, metapolitical extremists must think of themselves as vanguardists who lead the public mind to truth, not cater to illusions and folly.

CONTENTS

Editor’s Preface

1. Vanguardism: Hope for the Future
2. Thomas Carlyle: The Sage of Chelsea
3. Gabriele D’Annunzio
4. Charles Maurras & Action Franҫaise
5. Martin Heidegger
6. Savitri Devi
7. Julius Evola
8. Yukio Mishima
9. Maurice Cowling

Index

About the Author

Praise for Extremists:

“Jonathan Bowden died in 2012, just short of his fiftieth birthday. But vanguardist that he was, he continues to lead us today, through his recordings, videos, and books like the one before you, always out there on the extremes, not gone—just gone before.”

—Greg Johnson, from the Editor’s Preface

“Jonathan Bowden was the most inspiring and entertaining speaker to emerge on the British Right in the last half-century. A protean, demi-divine improvisatory power was set free in his oratory and transcended the oft sorely unsatisfactory circumstances of his life. Extremists collects nine of his best orations. Even on the printed page, the power of his voice resonates, drawing us to the words he has left behind.”

—Stead Steadman, Organizer of the Jonathan Bowden Dinner

“Jonathan Bowden was arguably the greatest orator of his generation. Part of what elevated Jonathan’s oratory was his encyclopedic knowledge of politics, philosophy, history, literature, and the arts, and his ability to verbally regurgitate vast tranches of that knowledge at will—from memory—delivering names, dates, and other details with machine-gun rapidity. Jonathan could speak for an hour and a half without notes, skillfully knitting together one pertinent argument or analysis after another in a logical sequence that would keep his audience spellbound. Another factor that elevated Jonathan’s oratory was his keen sense of the dramatic. He had the rare gift of being able to express heroic sentiments in a way that was inspirational, compelling, and infectious. Strangely, Jonathan always claimed that he never knew what he was going to say until he stood up and opened his mouth. At that moment of truth, he was transformed from a modest and affable intellectual into a bravura performer at the lectern. Although Jonathan’s voice is stilled on the printed page, volumes like Extremists allow us to pause over and ponder his words, to better appreciate and share in the ideas he so urgently wished to communicate.”

—Max Musson, Western Spring

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“This new collection of Jonathan Bowden’s speeches displays the broad-minded zest for life and infectious enthusiasm for knowledge and for wisdom that would have made him an ideal private tutor to a Prince. There was nothing at all of the pedantic pedagogue about him.  Where others failed—Plato with Dionysius of Syracuse and Seneca with Nero—Bowden I’m sure would have excelled. To describe the man is difficult, so we need a new word: ‘Bowdenesque.’ ‘Bowdenesque: a larger-than-life and warmer-than-life raconteur, conversationalist, and orator with a far-ranging and surprisingly eclectic erudition; a Brahmin with bonhomie; a Falstaff without the failings; an elitist not because he hates the masses, but because he loves them and wants what is best for his people, his culture, and indeed all peoples and cultures; a bon vivant who relishes all the good things in life, but especially culture and company; a calm, self-assured, self-contained cat that is intensely interested in and curious about literally everything and everyone, and eager to listen and learn, and, if requested, teach; a learned intellect with no illusions or limits, who knows the price of nothing, but the potential value of everything and everyone.’”

—Jez Turner, The London Forum, winner of the 2017 Jonathan Bowden Prize for Oratory

The Author

Jonathan Bowden (1962–2012) was a British novelist, playwright, essayist, painter, actor, and orator, and a leading thinker and spokesman of the British New Right. He was the author of some forty books—novels, short stories, stage and screen plays, philosophical dialogues and essays, and literary and cultural criticism—including Pulp Fascism: Right-Wing Themes in Comics, Graphic Novels, and Popular Literature, ed. Greg Johnson (Counter-Currents, 2013) and Western Civilization Bites Back, ed. Greg Johnson (Counter-Currents, 2014).

dimanche, 06 août 2017

Dr. Gert R. Polli : l’Allemagne entre les fronts

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Bernd Kallina

Dr. Gert R. Polli : l’Allemagne entre les fronts

« De facto, l’Allemagne est un pays occupé » - Bilan critique de l’architecture sécuritaire de l’Allemagne

Le moment où est paru ce livre du Dr. Polli ne pouvait être meilleur. Son titre est déjà révélateur : « Deutschland zwischen den Fronten – Wie Europa zum Spielball von Politik und Geheimdiensten wird » (= L’Allemagne entre les fronts – Comment l’Europe est devenue le jouet du monde politique et des services secrets »). Cet ouvrage récent est dû à la plume du Dr. Gert R. Polli, ancien chef du Bureau fédéral autrichien pour la protection de la constitution et pour la lutte contre le terrorisme (le « BTV »). Déjà le titre fait allusion à un vieux problème, celui de la politique de sécurité nationale en Allemagne. Ce pays se trouve au beau milieu de l’Europe, ce qui rend l’organisation de sa sécurité plus difficile qu’ailleurs, soit dans les pays qui bénéficient d’une situation géographique plus favorable.

Cependant, on peut imaginer qu’une situation plus précaire, comme celle de l’Allemagne en matière de sécurité nationale, puisse être compensée par le recrutement d’un personnel professionnel et très qualifié dans la sphère politique et dans l’appareil d’Etat garantissant la sécurité du pays. Du moins si la volonté et la capacité y sont. L’auteur tire toutefois un bilan négatif dans son analyse très minutieuse du problème que pose la sécurité nationale allemande. Ce bilan fera grincer des dents. Car la thèse principale de Polli, dans ce livre, est la suivante : « L’Allemagne, aujourd’hui encore, demeure de facto un pays occupé ».

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Ce sont effectivement les retombées de l’histoire de l’occupation du territoire allemand par les Alliés occidentaux qui sont à l’origine de la situation insolite de l’Allemagne en matière de sécurité nationale. C’est là aussi, ajoute Polli, le noyau des faiblesses que présente aujourd’hui l’appareil sécuritaire allemand. Cette situation a fait que les responsables de la sécurité nationale allemande ont toujours été inconditionnellement atlantistes. Les politiques allemands ont été séduits par l’américano-atlantisme pendant des générations ; ils ont fermé les yeux sur l’évidence, sur le fait que ce partenariat atlantiste en matière de sécurité a été utilisé et exploité à fond par les Etats-Unis pour espionner et contrôler l’Allemagne de fond en comble. Si l’on met cette dépendance en relation avec l’espionnage économique, dont l’Allemagne est victime depuis des décennies à cause des menées des services américains et britanniques, les dommages encourus par le pays sont de l’ordre de 50 milliards d’euro par an !

Cette situation aberrante et scandaleuse, Polli la décrit avec minutie d’autant plus qu’il ressort de cette description les mécanismes de coopération entre la NSA et les autorités allemandes, où ces dernières sont techniquement incapables de repérer cet espionnage économique. Elles n’ont pas davantage la volonté de se défendre. Dans un entretien accordé à la Preussische Allgemeine Zeitung de Hambourg, Polli déclare : « C’est ainsi que l’on peut expliquer que pendant plus d’une décennie les moteurs de recherches américains ont pu introduire des mots-clés dans le système du Bundesnarichtendienst (BND – Service fédéral du renseignement) qui, ultérieurement, se sont montrés très nocifs pour les intérêts allemands ».

On ne s’étonnera pas dès lors que, pour des motifs bassement électoralistes, le gouvernement de Madame Merkel a tout tenté pour occulter les faits révélés par Polli avant les élections de septembre 2017. En effet, les reproches que l’on peut adresser à ce gouvernement (et à ses prédécesseurs) ne sont nullement réfutables : les élites politiques en place ont négligé, pendant des décennies, de lutter contre l’espionnage systématique qui frappait le pays en prenant des mesures adéquates et efficaces.

En conclusion : si le gouvernement fédéral allemand garde le silence sur la situation décrite par Polli, pour ne pas être mis sur la sellette ou être cloué au pilori, à cause de ses négligences et de ses erreurs, ce ne doit pas être une raison pour l’opposition de se taire. Au contraire : le livre de Polli devrait être un manuel pour l’opposition nationale au gouvernement de la coalition entre chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates de Berlin. Il devrait permettre aux opposants constructifs de poser des questions embarrassantes avant même qu’ils n’accèdent à la nouvelle Diète fédérale. Si cette opposition nationale n’en prend pas l’initiative, qui donc la prendra ?

Bernd KALLINA.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°29-30, 2017 – http://www.zurzeit.at ).

dimanche, 30 juillet 2017

Les idées politiques d'Henry de Monfreid...

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Les idées politiques d'Henry de Monfreid...

Les éditions du Lore viennent de publier un essai de Jean-Louis Lenclos intitulé Les idées politiques d'Henry de Monfreid. Une façon de redécouvrir sous un angle nouveau l’œuvre de l'auteur des Secrets de la Mer rouge , de La croisière du hachich ou de Mes vies d'aventure.

Pour commander l'ouvrage:

http://www.ladiffusiondulore.fr/recherche?controller=sear...

Cet ouvrage inédit présente le mémoire universitaire de droit soutenu par Jean-Louis Lenclos en octobre 1977, sous la direction du Professeur De Lacharrière, à l’université de Parix X- Nanterre.

Lorsqu’on consultait les proches d’Henry de Monfreid, ils répondaient invariablement : « il n’avait pas d’idées politiques, cela ne l’intéressait pas ; c’était un Aventurier ! »

Contrairement à divers fantasmes colportés, Henry de Monfreid ne fut à aucun moment cet individu louche, dénué de sens moral et de scrupules que recouvre habituellement ce terme d’aventurier.

En se penchant méticuleusement sur son œuvre littéraire prolifique, ce livre explore les idées politiques bien tranchées d’Henry de Monfreid.

Certaines de ses idées sont à rapprocher des penseurs traditionalistes tels que Louis de Bonald ou Joseph de Maistre, mais aussi Nietzsche par certains aspects.

Par ailleurs, Henry de Monfreid semble acquis à l’idée de hiérarchisation des races humaines. Plus surprenant, il vécut une extase quasi-religieuse en la présence de Mussolini…

Cette étude très bien documentée vous fera découvrir les grandes lignes politiques d’un homme qui considérait l’homme comme une créature foncièrement mauvaise et qui n’eut de cesse de s’affranchir des servitudes humaines. "

vendredi, 14 juillet 2017

The Silk Roads of Faith

Frankopan begins his journey not with trade in goods but trade in faith.  Buddhism, Hinduism, Jainism, Manichaeism, Zoroastrianism, Judaism, Christianity (of more than one flavor), and eventually Islam (of more than one flavor) all come into play in this journey, and not always in a peaceful way.

As early as the third century B.C, Buddhist principles could be found as far to the east as Syria, with a Jewish sect in Alexandria, Egypt known as Therapeutai bearing unmistakable similarities to Buddhism.  In central Asia, forty Buddhist monasteries ringed Kabul.  Noted a visitor:

“The pavement was made of onyx, the walls of pure marble; the door was made from moulded gold, while the floor was solid silver; stars were represented everywhere one looked…in the hallway, there was a golden idol as beautiful as the moon, seated on a magnificent bejeweled throne.”

The first four centuries of the first millennium saw the explosion of Christianity and “a maelstrom of faith wars.”  Persia, the leading power during the rise of the Sasanian dynasty, was Zoroastrian, persecuting other religions and sects.

The story of the spread of Christianity from Palestine to the west is well known; the spread of Christianity to the east was far more remarkable and extensive.  Christianity was brought in through the trade routes, as well as through the deportations of Christians from Syria.  It was a Christianity with a communion different than that to be found in Rome.  This difference would prove to play a key role in the not too distant future. 

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Evangelists reached north into Georgia, reaching a large community of Jews who converted.  There were dozens of Christian communities along the Persian Gulf and as far to the east as today’s Afghanistan.  As the influence of Christianity increased, the persecution by the Zoroastrian Persians followed suit.  For the leaders of the non-Persian minorities, Christianity was seen as a way to break free of the empire.  It was seen this way by the Persians as well.

Precisely how and when rulers in the Caucasus adopted Christianity is not clear.  One example regarding this should suffice, regarding the conversion of the Armenian King Tiridates III at the start of the fourth century:

…according to tradition, Tiridates converted after turning into a pig and roaming naked in the fields before being healed by St. Gregory, who had been thrown into a snake infested pit for refusing to worship an Armenian goddess.  Gregory healed Tiridates by causing his snout, tusks and skin to fall off before baptizing the grateful monarch in the Euphrates.

Way better than the story of Constantine, who looked up in the sky and saw a cross-shaped light.

Constantine’s conversion was a blessing to Christians of the west; it led to a disaster for Christians in the east.  While Christianity was not made a state religion, Constantine did declare himself the protector of Christians wherever they lived – even outside of the Roman Empire.

To the Persians, he presented himself as speaking on behalf of these eastern Christians.  From here on, every conversion was seen as an act of war.  In order to protect these eastern Christians, Constantine planned his attack on Persia; he was going to bring about God’s kingdom on earth.  As noted Aphrahat, head of a key monastery near Mosul, “Goodness has come to the people of God…the beast will be killed at its preordained time.”

Apparently this wasn’t the preordained time.  Unfortunately for these Christians, Constantine fell ill and died; Shapur II proceeded to unleash hell on the local Christian populations as payback for Constantine’s aggressions.  The list of martyrs was long.  It truly was a disaster for Christianity in the east.

Eventually the conflicts between Rome and the Persians settled down; the Persians secured key points on the routes of trade and communication.  Half of Armenia was annexed.  Both powers were faced with a new enemy coming from the steppes of Asia.

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Driven by famine attributed by the author to catastrophic climate change (too many cows?  Volkswagen diesels?), the tribes of the steppes were driven westward.  They drove refugees in front of them, clear to the Danube.  Persia was not spared this invasion, with attacks along the major cities of the Tigris and Euphrates rivers.  This drove Persia and Rome into a previously unlikely alliance.

A massive fortification was built by the Persians along a 125 mile stretch between the Caspian and Black Seas.  Thirty forts spanned this expanse; a canal fifteen feet deep protected the wall; 30,000 troops manned this barrier.  Rome made regular financial contributions in support of this fortification; further, they supplied a regular contingent of soldiers to defend it.

As far as Rome itself was concerned, it all came too late; in 410, the city was sacked.  The city that controlled the Sea which was considered to be the center of the world was conquered.  To the Christian men of Rome, this was God handing out punishment for man’s sinful ways; to others, it was a result of Rome’s turn to Christianity and away from its pagan roots.

This was a benefit to Christians in the east; Rome was no longer seen as a threat to Persia.  Constantinople had its own defenses from these hordes to worry about, so there was little threat from this quarter either.

This relative calm allowed for the various Christian sects, east and west, to work out the doctrine – turning the Gospels and letters into consistent practice, belief, action and governance; the perfect opportunity to turn Christianity into a unified church.

It didn’t work out this way.  Bishops against bishops, sects against sects, unsettled debates at the various councils, power politics, and excommunication freely offered.  To offer any meaningful detail would only make my head hurt.

While the church in the west was busy rooting out deviant views, the church in the east went on a missionary outreach to rival any other.  From the tip of Yemen to Sri Lanka, Christian communities could be found headed by clergy appointed from Persia.  The author suggests that even during the Middle Ages there were more Christians in Asia than in Europe.

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This outreach was made possible due to the tolerance shown by the Sasanian rulers of Persia – you might consider these the Constantines of the east.  The clergy would pray for the Shah’s health; the Shah would organize elections for the clergy.

It might be generally said that religious tolerance was shown throughout the region.  In Bamiyan, within today’s Afghanistan, two immense statues of Buddha stood – one as high as 180 feet.  Carved in the fifth century, they were left intact under later Muslim rule for 1200 years, ending only under the Taliban in 2001.

Others did not show as much tolerance.  While the Palestinian Talmud refers lightly to Jesus and His followers, the Babylonian Talmud takes a “violent and scathing position on Christianity.”  Converts to Judaism, according to one prominent rabbi, still had the evil in them until twenty-four generations have passed.

In the kingdom of Himyar, in the southwestern corner of the Arabian Peninsula, Jewish communities became increasingly prominent.  Judaism was adopted as the state religion; Christians faced martyrdom for their beliefs, after being condemned by a council of rabbis.

In any case, by around the middle of the seventh century, Christianity was generally on the march east, at the expense of Zoroastrianism, Judaism and Buddhism.

This period was to quickly come to an end.

Reprinted with permission from Bionic Mosquito.

mardi, 04 juillet 2017

Machiavel et les armes de migration massive

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Machiavel et les armes de migration massive

La base d'un empire multiculturel - et un empire est toujours multiculturel - est de conquérir des territoires et de transférer des populations pour les amadouer et les contrôler (1). C'est maintenant ce que l'on fait en Europe. Il faut amener des colons, et remplacer les populations rétives qui sont dominées - ou se laissent mourir. Car comme le remarque Madison Grant dans son Passage d'une grande race, une immigration non désirée doit éteindre la natalité dans les pays nouvellement conquis ou occupés. C'est comme cela que le Wasp a commencé à disparaître en Amérique du Nord dans les années 1880. Kipling s'en plaint dans sa correspondance (il vivait alors à Boston), Lovecraft dans sa nouvelle La rue, Henry James dans son journal, O'Henry dans ses petits contes, Edward Ross dans son œuvre de sociologue, Scott Fitzgerald dans Gatsby (2).

On ne va pas pleurer le Wasp bien sûr, ni celui (comme dit Woody Allen, « la nature est un grand restaurant ») qui fut chassé de son île irlandaise par une politique froide de famine appliquée par Londres (qui a toujours su manipuler les famines dans un but politique). Le Wasp lui-même avait remplacé les Indiens peu avant. La tragédie des îles hawaïennes et autres fut identique. Des populations furent massacrées, empoisonnées et remplacées par d'autres plus soumises et plus travailleuses. Le Grand Remplacement est hélas une donnée éternelle, mais il importe de rappeler qu'il est rarement naturel ; il est presque toujours politique et il sert aussi à faire du fric. Le capitalisme joue ici avec le pouvoir et la militarisation. J'ai parlé de ces jeunes Écossais qui dorment sous la tente en Écosse alors qu'ils travaillent pour Amazon (entreprise qui me publie gentiment, ce n'est pas le problème). Simplement nous revenons à la plantation et au cannibalisme financier que la peur du gendarme soviétique avait calmé un temps.

La tactique est toujours la même. Car grand remplacement rime avec déplacement, mais aussi avec un ensemble de dépècements psychologiques, de brouillages de codes, ou de déprogrammation mentale (voyez l'école socialiste et son enseignement liquide en France et en Europe). On citera Tocqueville qui écrivait cette fois à propos des Indiens :
« En affaiblissant parmi les Indiens d'Amérique du Nord le sentiment de la patrie, en dispersant leurs familles, en obscurcissant leurs traditions, en interrompant la chaîne des souvenirs, en changeant toutes leurs habitudes, et en accroissant outre mesure leurs besoins, la tyrannie européenne les a rendus plus désordonnés et moins civilisés qu'ils n'étaient déjà. »
Les observations de Tocqueville sur le devenir des minorités US sont admirables.

Et j'en viens au cher Machiavel (3). Les Italiens (plus haut QI d'Europe) seront toujours nos maîtres et nos éclaireurs, pour la bonne et simple raison qu'ils ont déjà vu et tout commenté, et le plus souvent pour rien hélas ! La connaissance, comme dit Salomon, ne sert qu'à accroitre sa douleur (qui auget scientiam, et auget dolorem, dit ma Vulgate !). La Renaissance permit de connaître de nouvelles expériences passionnantes, et aussi de revivre l'Antiquité d'une certaine manière. Voyez La Boétie qui publie à la même époque le meilleur texte sur notre aliénation moderne.

J'ignore si Machiavel connaissait le procédé inca du mitmae (remplacement de population après la conquête de ce même « empire socialiste inca »), mais il savait décrire comment s'y prenaient les princes néo-grecs de la Renaissance :
« Pour conserver une conquête... Le meilleur moyen qui se présente ensuite est d'établir des colonies dans un ou deux endroits qui soient comme les clefs du pays : sans cela, on est obligé d'y entretenir un grand nombre de gens d'armes et d'infanterie. »
Oui, mieux vaut des « colons » que des gens d'armes pour assurer l'ordre. D'autant que l'on peut comme en Allemagne nommer ces réfugiés policiers : ils empêcheront les machos allemands de violer leurs compatriotes, m'a dit une étudiante espagnole vivant à Bamberg ! Cette ânesse passe son nez toute la journée dans son téléphone portable, et on peut dire que le système la tient bien en laisse, comme un ou deux milliards d'autres « jeunes » de son acabit, bien formatés et surtout distraits, tous sortis des pires cauchemars de Plutarque ou de La Boétie (de qui ?).
 

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Machiavel ajoute avec le cynisme toxique qui caractérise sa prose impeccable :
« L'établissement des colonies est peu dispendieux pour le prince ; il peut, sans frais ou du moins presque sans dépense, les envoyer et les entretenir ; il ne blesse que ceux auxquels il enlève leurs champs et leurs maisons pour les donner aux nouveaux habitants. »
Ce que vit l'Italie en ce moment est incroyable. On ruine le contribuable pour sauvegarder des banques insolvables, on remplace un peuple déjà vieillissant pour le plaisir de plaire à des élites humanitaires, on remet au pouvoir des gens qui ont été reniés par les urnes mais choisis par l'Otan, Bruxelles ou les banques...

Machiavel explique comment on divise la population.
« Or, les hommes ainsi offensés n'étant qu'une très faible partie de la population, et demeurant dispersés et pauvres, ne peuvent jamais devenir nuisibles ; tandis que tous ceux que sa rigueur n'a pas atteints demeurent tranquilles par cette seule raison ; ils n'osent d'ailleurs se mal conduire, dans la crainte qu'il ne leur arrive aussi d'être dépouillés. »
La lâcheté et le refus de s'informer font partie du complot. Comme disait MacLuhan, le héraut catholique-cathodique du village global, « les plus grands secrets sont gardés par l'incrédulité publique ».

On recommandera au lecteur la lecture de Kelly Greenhill sur ces armes de migration massive [Traduction à venir, NdSF]. Greenhill en bon agent impérial les impute à des tyrans putatifs et oublie les responsabilités impériales et capitalistes de nos chères élites occidentales !

C'est pourquoi je recommande les classiques. Il n'est pas de situation qu'ils n'expliquent mieux que leurs experts. Regardez Marx par exemple qui nous parle du dépeuplement nazi (féodal) des clans écossais au profit d'une certaine duchesse Sutherland :
« Mais à tout seigneur tout honneur. L'initiative la plus mongolique revient à la duchesse de Sutherland. Cette femme, dressée de bonne main, avait à peine pris les rênes de l'administration qu'elle résolut d'avoir recours aux grands moyens et de convertir en pâturage tout le comté, dont la population, grâce à des expériences analogues, mais faites sur une plus petite échelle, se trouvait déjà réduite au chiffre de quinze mille.

De 1814 à 1820, ces quinze mille individus, formant environ trois mille familles, furent systématiquement expulsés. Leurs villages furent détruits et brûlés, leurs champs convertis en pâturages. Des soldats anglais, commandés pour prêter main forte, en vinrent aux prises avec les indigènes. Une vieille femme qui refusait d'abandonner sa hutte périt dans les flammes. C'est ainsi que la noble dame accapara 794 000 acres de terres qui appartenaient au clan de temps immémorial (4). »
Et pourquoi changer une équipe - et une méthode - qui gagne ? La faiblesse de nos réactions favorise le retour du comportement barbare chez les élites. Elles n'ont plus peur de nous.

Nicolas Bonnal

Notes

(1) Kelly Greenhill - Weapons of Mass Migration : Forced Displacement as an Instrument of Coercion. Bientôt traduit par le Saker francophone
(2) Naomi Klein, La stratégie du choc, chapitre II
(3) Machiavel, Le Prince, chapitre III
(4) Marx, Le Capital, livre I, chapitre VIII, l'accumulation primitive

lundi, 03 juillet 2017

Texte aus dem Nachlass des deutschen Historikers Rolf Peter Sieferle

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Schriften wider alle Dogmen

Texte aus dem Nachlass des deutschen Historikers Rolf Peter Sieferle

Ex: http://www.preussische-allgemeine.de

Der Historiker Rolf Peter Sieferle hat im September 2016 den Freitod gewählt. Sein umfassendes Werk harrt noch immer einer angemessenen Rezeption. Unter mehreren posthum publizierten Schriften befindet sich ein Band, welcher 31 skizzenartige Darlegungen vereint. Um Deutschland geht es. Um Geschichte und Gegenwart, Bewertungen, Perspektiven, Politik, Anthropologisches und Philosophisches. Es sind, je nach Standpunkt, Provokationen oder wohltuende, sachlich-argumentativ unterfütterte Ansichten. Der Titel „Finis Germania“, welcher den Lateiner zunächst stutzen lässt, ist bewusst gewählt. Die vor Jahren verfassten, aber nichtsdestotrotz für die Gegenwart aktuellen Texte enthalten viele Thesen, geeignet als Ansatzpunkte für fundierte Ausarbeitungen. Liberale Demokratie und technische  Moderne sind, wenn auch durch Wissenschaft und Politik anders postuliert, für Sieferle nicht zwingend miteinander verbunden. Er weist darauf hin, dass es gerade in einer modernen Welt zum Holocaust gekommen ist – eine Tatsache, die dem Glauben an einen positiven Fortschritt per se oder gar an eine „irreversible Entwick-lung der Moral“ stark den Wind aus den Segeln nimmt.


sieferlebuch.jpgAuch der vielfach in der Geschichtsschreibung aufgenommene Terminus vom „deutschen Sonderweg“, der mit dieser Problematik eng verknüpft ist, lasse sich allein mit dem Hinweis darauf relativieren, dass er die Annahme eines „Normalweges“ voraussetze. Dieser wiederum sei abhängig vom Definierenden und damit ebenso hypothetisch wie an Zeit und persönlichen Standort gebunden.


Für Sieferle ist Verantwortung individuell zu betrachten. Schuldkategorien seien eine Frage des Strafrechts, nicht der Geschichte. Gegen Kulturlosigkeit der gegenwärtigen politischen Klasse zieht er zu Felde und konstatiert, historisch und parteiübergreifend, einen deutschen Hang zum „Sozialdemokratismus“. Der den Menschen verändernde Verlust der Kulturlandschaft, welche weit mehr als eine geografische Kategorie sei, wird angeprangert. Sieferle glaubt, dass der öffentliche Umgang mit dem durch den Terminus „Vergangenheitsbewältigung“ charakterisierten Komplex dem vorgegebenen Anliegen alles andere als dienlich sei. Konformitätsdruck, erkenntnislähmender Moralismus sowie der dogmatisch-doktrinäre und erstaunlich widersprüchliche „Antifaschismus“ stehen seiner Meinung nach einem wirklich freien Diskurs unverrück-bar im Wege.


Bezüglich der Zukunft der von ihm analysierten und geschätzten Werteordnung war Sieferle tief pessimistisch. In einem Jüngerschen „Waldgang“, einer inneren Emigration, sah er keine Lösung für sich. Dem weiteren ohnmächtigen Verfolgen der seiner Meinung nach verhängnisvollen  Wege der deutschen Gegenwart hat er das vorzeitige Ende seiner physischen Existenz vorgezogen.     

E. Lommatzsch


Rolf Peter Sieferle: „Finis Germania“, Verlag Antaios, Schnellroda 2017, gebunden, 104 Seiten, 8,50 Euro

dimanche, 02 juillet 2017

Der neue Pirinçci: Ellen Kositza bespricht »Der Übergang«

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Der neue Pirinçci: Ellen Kositza bespricht »Der Übergang«

mardi, 13 juin 2017

Leopold Ziegler, Philosoph der letzten Dinge

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Leopold Ziegler,

Philosoph der letzten Dinge.

Eine Werkgeschichte 1901-1958.

Beiträge zum Werk, Bd. 4

 
 
ISBN: 978-3-8260-6111-0
Autor: Kölling, Timo
Band Nr: 4
Year of publication: 2016
 
ISBN: 978-3-8260-6111-0
Series Nr: LEO
Band Nr: 4
Year of publication: 2016
Pagenumbers: 540
Language: deutsch
 
Short description: Leopold Ziegler (1881–1958) ist der Poet unter den deutschsprachigen Philosophen des zwanzigsten Jahrhunderts. Seiner Philosophie eignet ein künstlerischer Zug, der ihren sachlichen Gehalt zugleich realisiert und verschließt, ausdrückt und verbirgt. Ziegler hat sein Anliegen in Anknüpfung an Jakob Böhme, Franz von Baader und F. W. J. Schelling als „theosophisches“ kenntlich gemacht und damit die Grenzen der akademischen Philosophie seiner Zeit weniger ausgelotet als ignoriert und überschritten. Timo Köllings im Auftrag der Leopold-Ziegler- Stiftung verfasstes Buch ist nicht nur das erste zu Ziegler, das nahezu alle veröffentlichten Texte des Philosophen in die Darstellung einbezieht, sondern auch eine philosophische Theorie von Zieglers Epoche und ein Traktat über die Wiederkehr eines eschatologischen Geschichtsbildes im 20. Jahrhundert. 
Der Autor Timo Kölling ist Lyriker und Philosoph. Als Stipendiat der Leopold-Ziegler-Stiftung veröffentlichte er 2009 bei Königshausen & Neumann sein Buch „Leopold Ziegler. Eine Schlüsselfigur im Umkreis des Denkens von Ernst und Friedrich Georg Jünger“.
 

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lundi, 12 juin 2017

Réflexions sur la guerre civile

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Réflexions sur la guerre civile

 
Que la guerre civile ne soit plus seulement un sujet de politique-fiction mais se voit saisie par les philosophes nous dit beaucoup sur l’heure qu’il est. Le titre du vigoureux essai de Damien Le Guay, La Guerre civile qui vient est déjà là, ne pouvait être plus clair. Mais, avant de plonger dans cet ouvrage, précisons. Le Larousse définit la guerre civile comme la « lutte armée, au sein d’un même Etat, entre les partisans du pouvoir en place et une fraction importante de la population ». Nous n’y sommes pas. Le dictionnaire de l’université de Sherbrooke nous dit, pour sa part, que cette lutte armée « oppose, à l’intérieur d’un Etat, des groupes importants (classes sociales, ethnies ou groupes religieux) », voilà qui est mieux.

Disperser le brouillard

Damien Le Guay publie un essai courageux. Pour ceux qui savent peser leurs mots, celui-ci est important dans une époque de lynchage et de dictature morale du clergé bien-pensant. Pour Le Guay, il y a une guerre civile culturelle déjà à l’œuvre en France, prodrome d’une militarisation du conflit dont les territoires perdus et les attaques terroristes témoignent. Peut-on parler d’une guerre civile dans un pays désarmé ? Le Guay utilise la belle expression de « fatigues civilisationnelles » pour nommer la léthargie des peuples européens qui, pendant des siècles, avaient diffusé leur vitalité à travers le vaste monde. Il réalise un solide travail de diagnosticien. Pour susciter une réaction du malade ? Irresponsabilité de l’antiracisme officiel, qui a fourni aux racailles de glorieux motifs à leur haine de « l’oppresseur blanc », magouilles et trahisons d’une « élite endogamique » qui ne comprendra jamais l’infernal quotidien de Mme Michu dans son HLM de la France périphérique, mensonges d’un multiculturalisme qui portait en lui les germes d’une société multiconflictuelle, piège de la prétendue « islamophobie », mythe d’une Europe post-nationale qui brise les peuples et laisse les portes grandes ouvertes. Peu craintif du terrorisme intellectuel, Le Guay invite à considérer « le ressentiment des Français à l’égard des musulmans (…) plutôt que de s’en inquiéter ».

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Quand nos pseudo-élites avouent du bout des lèvres une sécession sociale, économique et culturelle, l’auteur prouve que le conflit est beaucoup plus profond : politique, anthropologique et religieux. Il ne tient pas à quelques points de PIB ou de pouvoir d’achat, mais aux raisons qui font que l’on accepte de vivre… et de mourir. Une telle fracture ne se résout pas grâce à une idéologie bisounours, et c’est un traitement de cheval qu’il faut imposer à ceux qui ont choisi de vivre en étrangers sur le territoire français. Damien Le Guay n’hésite pas sur ce point.

« La vérité, toute la vérité »

Alors, certes, la vision du philosophe est encore fortement teintée de républicanisme. L’intégration lui semble encore possible, au prix d’un violent coup de collier. « Une réunification des territoires, des cœurs et des Français » est espérée. Ce serait un euphémisme de dire que ce n’est pas l’issue qui nous semble la plus probable. En conservateur mesuré, Le Guay se montre défenseur du peuple demos plutôt que du peuple ethnos. Mais l’essayiste ne tombe jamais dans la moraline tarte à la crème. Si son cœur bat pour Fillon – sans passion délirante, d’ailleurs – il ne jette jamais la pierre aux sympathisants de Marine Le Pen, ne les rabaisse pas et explique avec beaucoup d’honnêteté que leurs inquiétudes sont à la fois généreuses et justifiées. Généreuses, car fondées sur la volonté de protéger les leurs (immigration et insécurité) avant même de penser à eux (motifs économiques). Justifiées, car ils ne font que dire la vérité difficile qu’ils voient – ce à quoi se refusent toutes nos pseudo-élites tarées – selon la belle formule de Péguy : « La vérité, toute la vérité, (…) la vérité bête, (…) la vérité ennuyeuse, la vérité triste. »

Le Guay n’est pas un philosophe en pantoufles, et il ose tendre l’oreille aux cris du populiste que marginalise la classe politico-médiatique. Avec beaucoup de hauteur, il participe à « bien nommer les choses », pour renverser la formule de Camus. Il nous livre un essai apte à ouvrir les yeux des « inclus », qui complète très bien Le Multiculturalisme comme religion politique publié il y a quelques mois par Mathieu Bock-Côté. Bock-Côté, Finkielkraut, Brague, Guilluy, Taguieff et leurs grands aînés : Arendt, Weil, Bernanos et le cher Péguy, voici les références qui nourrissent la réflexion de Damien Le Guay, auteurs nourrissants qui peuvent nous aider à comprendre le temps qui vient.

  • La Guerre civile qui vient est déjà là, par Damien Le Guay, éditions du Cerf.

Pierre Saint-Servant

dimanche, 11 juin 2017

« Daech : L'arme de la communication dévoilée » de François-Bernard Huyghe

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Fiche de lecture:

« Daech : L'arme de la communication dévoilée » de François-Bernard Huyghe

par Nicolas Faure
Ex: http://www.europesolidaire.eu & https://www.polemia.com
 
François-Bernard Huyghe est docteur d'Etat en sciences politiques, habilité à diriger des recherche, directeur de recherche à l'Iris et enseignant, notamment au CELSA Paris IV Sorbonne. Spécialiste de l'influence stratégique, il décrypte dans cet ouvrage traitant de l'Etat islamique les différentes stratégies de communication utilisées par cet Etat islamique.
 
Nous rééditons ici cet article de Nicolas Faure publié par Polémia,  que nous remercions
https://www.polemia.com/daech-larme-de-la-communication-devoilee-de-francois-bernard-huyghe/?utm_source=La+Lettre+de+Pol%C3%A9mia&utm_campaign=a0270d0758-lettre_de_polemia&utm_medium=email&utm_term=0_e536e3990e-a0270d0758-60536937

L'auteur  dresse le portrait d'un ennemi implacable, bien moins déséquilibré que certains commentateurs semblent imaginer. Un livre à lire de toute urgence pour comprendre que la guerre contre les djihadistes n'est sans doute pas terminée...

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« Le nom que nous leur donnons en révèle plus sur nos fantasmes que sur les leurs »

« Difficile d'opérer une conversion plus absolue que celle des djihadistes, d'adopter un critère du vrai, du bien, du juste ou du souhaitable plus opposé au nôtre » écrit François-Bernard Huyghe en introduction de son livre.

Cette opposition évidente entre le monde moderne et ces combattants de l'Etat islamique conduit l'auteur à analyse en profondeur leurs motivations et celles de ceux qui les rejoignent.

Il s'attaque par exemple à la frilosité occidentale quant à la désignation de l'ennemi :

« La question de sa désignation devrait être réglée depuis longtemps. Or le nom de l'ennemi nous pose plutôt problème à nous, ses adversaires (...). Entre les stratégies d'évitement [ne pas stigmatiser, ne pas amalgamer, pas de vocables évoquant des principes généraux ou des « valeurs »] et les stratégies de l'affirmation [il faut avoir le courage de désigner l'ennemi islamiste violent], nos politiques révèlent leurs contradictions. »

Plus loin il adresse une nouvelle pique aux Occidentaux incapables de prendre la mesure des ressorts de l'Etat islamique :

« [Employer] des termes comme “nihilisme” [sonne] creux ; les djihadistes ne sont nullement animés par le refus de toutes valeurs ; ils sont dans l'obsession d'une seule valeur. (...) Nier cette positivité, l'inverser en haine absurde, c'est se donner bonne conscience à bon compte. (...) En niant qu'ils puissent agir au nom de valeurs religieuses, nous les considérons comme irrationnels, et refusons de comprendre leur logique de légitimité. Moraliser [ils veulent le mal] ou psychiatriser [ils sont fous] sont de bien pauvres consolations contre ce qui nous nie. Le nom que nous leur donnons en révèle plus sur nos fantasmes que sur les leurs. »

Dans cet ouvrage, François-Bernard Huyghe s'attache donc à analyser sans faux-semblant ce qui anime les soldats du califat islamique. Cette démarche saine et essentielle permet à ce livre d'être une mine d'or d'informations et d'analyses pertinentes.

La violence relayée par Internet comme arme à double tranchant

Pour François-Bernard Huyghe, l'Etat islamique est passé maître dans l'art de la communication. Il écrit même (p. 68) : « Daech, c'est une machine à tuer plus un appareil à communiquer. »

La plus visible des communications, c'est la mise en scène de sa violence.

« Au-delà du sang, il y a le sens » écrit François-Bernard Huyghe (p. 56). Selon lui, la violence des exécutions d'infidèles a une importance capitale dans la propagande de l'Etat islamique, à la fois pour ses partisans ou supporteurs, fascinés et attirés par la violence des actes, mais aussi pour l'adversaire qui, face à la brutalité des djihadistes, peut être démoralisé ou prendre peur.

L'Etat islamique se sert d'Internet comme d'une caisse de résonnance incroyable. Ce ne sont pas les premiers, nous rappelle François-Bernard Huyghe en citant notamment l'expertise d'al-Qaïda et de ben Laden.

Une communication professionnelle

« La propagande d'Etat du califat est centralisée » assure François-Bernard Huyghe. Un ministère, des agences et des contrôles de production sérieux aboutissent à des réalisations extrêmement professionnelles.

« Il faut que nous reconnaissions la sophistication de leurs moyens et leur professionnalisme » écrit même l'auteur. Dans ce livre, il n'hésite pas à pointer du doigt le véritable souci de l'esthétisme dans les vidéos produites par le califat.

De la part d'un professeur au CELSA, prestigieuse école de communication française, ce ne sont évidemment pas des paroles en l'air...

Outre les images de violence destinées à impressionner et effrayer, François-Bernard Huyghe relève que la propagande de Daech concerne également les bienfaits de l'administration islamique sur les territoires qu'elle contrôle. Des images de familles heureuses ou de marchés bien approvisionnés sont ainsi très nombreuses.

François-Bernard Huyghe s'attache aussi à étudier de près la publication de magazines professionnels comme Dabiq, réservé aux anglophones, paru pour la première fois en avril 2014, ou Dar al-Islam, dédié aux francophones. Des analyses poussées fascinantes qui permettent au lecteur de prendre la mesure du professionnalisme de certains membres de l'Etat islamique.

Djihad 2.0

Dans cet ouvrage très bien documenté de François-Bernard Huyghe, on apprend également que l'Etat islamique incite fortement ceux qui s'y intéressent à sécuriser leur connexion Internet. Tout d'abord en utilisant un ordinateur volé qui ne puisse pas être relié à soi, puis en se connectant à Internet uniquement via des réseaux publics (type McDonald's) et en installant des outils de cryptage des connexions.

Selon l'auteur, les suiveurs de l'Etat islamique sont également passés maîtres dans l'art de diffuser des messages de tout type (propagande, revendication, etc.) de manière virale grâce aux réseaux sociaux.

La contre-propagande de l'Occident est-elle efficace ?

Selon François-Bernard Huyghe, les pays occidentaux n'ont tout simplement pas pris la mesure de la solidité doctrinale des meneurs de l'Etat islamique. Outre les justifications islamiques apportées après chacun de leurs attentats, les tirades sur des actions n'ayant « rien à voir avec l'islam » ferait tout simplement rire les membres de l'Etat islamique et leurs suiveurs !

Pire : à la campagne anti-djihad du gouvernement français intitulée « Toujours le choix », l'Etat islamique a répondu ironiquement par une campagne « Pas le choix », rappelant à l'aide d'éléments doctrinaux solides qu'un sunnite se devait de rejoindre l'Etat islamique.

François-Bernard Huyghe ne se contente pas d'analyser brillamment les ressorts communicationnels de l'Etat islamique. Il adresse également un avertissement sérieux à ceux qui sous-estiment l'intelligence ou la détermination des meneurs de Daech.

Face à un groupe terroriste aussi ingénieux et professionnel, la guerre pourrait durer encore longtemps, même après la victoire militaire occidentale...

Nicolas Faure

François-Bernard Huyghe, Daech : L'arme de la communication dévoilée, Collection L'Information, c'est la guerre, Va Presse, mai 2017, 134 pages

vendredi, 09 juin 2017

«Modérantisme» et «refus de l'ennemi»

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«Modérantisme» et «refus de l'ennemi»

Denis Ramelet
La Nation n° 1831, 29 février 2008
Ex: https://www.ligue-vaudoise.ch 
 
Dans notre monde marqué par le péché, il est impossible qu’une communauté politique n’ait aucun ennemi. L’ennemi peut être «subjectif», c’està- dire animé de mauvaises intentions, cherchant la perte de la communauté (les terroristes musulmans vis-à-vis des Etats occidentaux prétendument chrétiens) ou cherchant du moins à nuire à ses intérêts (l’Amérique de Bush vis-à-vis de la Russie de Poutine). L’ennemi peut être seulement «objectif», c’est-à-dire objectivement nuisible bien que n’étant pas, au moins apparemment, animé de mauvaises intentions (la Confédération actuelle vis-à-vis des Etats cantonaux).

Le problème est que le politicien «modéré», figure politique dominante de l’Europe occidentale contemporaine, refuse par idéalisme les évidences ci-dessus, se mettant ainsi dans l’incapacité de défendre la communauté dont il a la charge. C’est de ce grave problème que traite un récent ouvrage collectif (1). Laissant de côté l’aspect religieux du problème, également traité dans l’ouvrage, nous allons nous concentrer ici sur l’aspect politique, à l’aide d’un florilège de citations extraites de quelques-unes des contributions contenues dans cet ouvrage.

Le modérantisme

Le «modérantisme» a-t-il un rapport avec la «mesure», cette vertu que les Grecs opposaient à l’hybris? S’agit-il d’un synonyme un peu précieux de «modération»? Que nenni! Le modérantisme est une contrefaçon de la véritable modération, comme l’affirme avec force Abel Bonnard dans son fameux ouvrage Les Modérés, paru en 1936:

Bien loin de consister, comme les modérés finiraient par le faire croire, dans l’hésitation de l’esprit qui reste à la surface de toutes les idées et dans la timidité du caractère qui reste au bord de tous les actes, la modération véritable est l’attribut de la puissance: on doit reconnaître en elle la plus haute vertu de la politique. Elle marque l’instant solennel où la force acquiert des scrupules et se tempère elle-même selon l’idée qu’elle se fait de l’ensemble où elle intervient. (2)

Quelque trois quarts de siècle plus tard, Claude Polin exprime la même idée:

Comme il y a loin de la mesure à cette pusillanimité systématique qu’on peut appeler le modérantisme! (3)

Claude Polin montre aussi que le modérantisme n’est pas neutre:

Le modéré sera dans toutes les époques du côté du manche, ce qui fait que son centre a la propriété, curieuse d’un point de vue géométrique, d’être toujours au-delà ou en deçà de sa position proprement médiane. Un bon modéré est toujours un peu moins qu’au centre. Dans le monde politique moderne, qui va de plus en plus décidément vers ce qu’il est convenu d’appeler la gauche, les modérés seront à gauche, massivement et par conséquent de manière déterminante, mais en traînant les pieds. Ils seront la droite de la gauche, et non la gauche de la droite, nuance décisive! […] Le modéré est comme une girouette qui tournerait avec le vent, mais qui chercherait à lui résister: en somme une girouette rouillée. (4)

Le refus de l’ennemi

La place que doit – ou devrait – occuper l’ennemi dans la réflexion des hommes politiques est examinée par Jeronimo Molina Cano:

La finalité du politique n’est pas en soi la désignation de l’ennemi, mais le discernement du bien que toute communauté doit protéger, face à l’ennemi évidemment, mais aussi face aux ravages du temps et de la mauvaise fortune. (5)

Cependant, si la désignation de l’ennemi n’est pas le but de l’action politique, lequel consiste dans la réalisation du bien commun, elle est la condition indispensable d’une action politique réaliste:

La reconnaissance de l’ennemi politique, réel ou potentiel, et par là même la qualification comme hostile, de manière déclarée ou cachée, d’une communauté étrangère, est l’essence de toute pensée politique réaliste. «Malheur à celui qui ne sait pas qui est son ennemi!»: cette phrase n’est pas seulement un lieu commun mais aussi la plus amère des prophéties politiques. (6)

Une formule remarquable d’Abel Bonnard résume bien la contradiction dans laquelle se trouvent les politiciens «modérés» et le danger mortel qu’ils représentent pour les communautés dont ils ont la charge:

Il n’est pas de mesures auxquelles les modérés ne soient prêts à consentir, pourvu qu’ils restent au poste où ils devraient les empêcher. (7)

Exemple parfait de trahison de la communauté par un modéré: le largage de l’Algérie par De Gaulle, alors que celui-ci avait été porté au pouvoir pour maintenir l’Algérie française.

D’où vient ce pacifisme, cette «culture du refus de l’ennemi» aujourd’hui dominante en Europe occidentale? Ecoutons à nouveau Jeronimo Molina Cano:

Les raisons de l’occultation de l’inimitié, et de la réticence à accepter la possibilité qu’une communauté étrangère fasse sienne l’idée d’hostilité, sont multiples. Toutes convergent cependant vers la perte du sens de la réalité politique. […] La disparition de l’ennemi dans le discours politique, ou sa dissimulation, constitue l’un des aspects les plus caractéristiques du second après-guerre. (8)

Il est certain qu’une des causes du développement de la mentalité pacifiste réside dans le traumatisme de la Deuxième Guerre mondiale. Comme autres causes, il faut mentionner, en amont, l’idéologie des droits de l’homme et, en aval, la chute du Mur de Berlin. Quoi qu’il en soit, le pacifisme poussé jusqu’à la négation de l’existence de l’ennemi est totalement irrationnel, comme le montre Teodoro Klitsche de La Grange:

Le problème de l’inexistence de l’ennemi est à mon sens un problème absurde, parce que l’ennemi n’a pas besoin de permission de qui que ce soit pour exister. […] Le pacifisme, quand il est conséquent, a une certaine rationalité; on peut préférer la servitude à la liberté, c’est une décision possible. Mais la négation de l’ennemi n’a rien de rationnel. (9)

Dans l’article conclusif de l’ouvrage, Bernard Dumont met le doigt sur un fait capital:

L’existence de l’ennemi […] est implicite mais très effective au sein même de la partitocratie. (10)

La démocratie ne fait pas disparaître l’hostilité, elle la transfère seulement de l’ennemi extérieur vers l’ennemi intérieur, l’adversaire politique. On l’a bien vu lors des dernières élections fédérales: pour les «modérés» démocrates-chrétiens, l’ennemi public numéro un n’est ni l’Union européenne qui cherche à nous écraser à défaut de pouvoir nous avaler, ni l’immigration de masse, mais bien plutôt le seul de nos gouvernants à avoir osé désigner ces menaces réelles pour le pays.

Le modérantisme, c’est la mort.


NOTES:

1) La culture du refus de l’ennemi: modérantisme et religion au seuil du XXIe siècle, Presses universitaires de Limoges, 2007, 150 pages. Cet ouvrage est en stock à la librairie La Proue, sise aux Escaliers du Marché 17, à Lausanne. Sauf indication contraire, les numéros de page ci-dessous renvoient à cet ouvrage.

2) Abel Bonnard, Les Modérés, cité par Philippe Baillet, «Modération, modérantisme, pseudo-conservatisme: Les Modérés d’Abel Bonnard», p. 44.

3) Claude Polin, «Modération et tempérance: continuité ou antinomie?», p. 23.

4) Id., p. 28. Ces propos de Claude Polin sur les modérés rejoignent ceux de Jean-François Cavin sur les centristes: «Inconsciemment peut-être, le centre est à gauche» (Jean- François Cavin, «Du centre», Contrepoisons no 6, Cahiers de la Renaissance vaudoise, Lausanne, 2006, p. 149).

5) Jeronimo Molina Cano, «Le refus d’admettre la possibilité de l’ennemi», p. 77.

6) Id., p. 73.

7) Abel Bonnard, Les Modérés, cité par Philippe Baillet, art.cit, p. 47.

8) Jeronimo Molina Cano, art.cit., p. 79.

9) Teodoro Klitsche de La Grange, «Refus du conflit et idéalisme de la paix», p. 87.

10) Bernard Dumont, «La politique contemporaine entre grands principes et lâchetés», p. 142.

 

jeudi, 08 juin 2017

Le jeune Heidegger 1909-1926

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Le jeune Heidegger

1909-1926

Sophie-Jan Arrien et Sylvain Camilleri (éd.)

 
2711623025.jpgEUR 28,00
Disponible 
 
La philosophie de Heidegger ne commence pas avec Être et Temps. On trouve en amont du maître-ouvrage de 1927 une réflexion riche et autonome, dont il n’est pas exagéré de dire qu’elle forme un continent à part entière au sein de l’œuvre. Ce recueil vise justement à présenter la pensée du « jeune Heidegger » (1909-1926) et à lui accorder toute l’attention qu’elle mérite. Coups de sonde dans les premiers écrits et les premiers cours de Freiburg et de Marburg, les études ici rassemblées laissent entrevoir une recherche absolument originale, déjà fort mature et aux singulières potentialités. Des interprétations phénoménologiques de la vie facticielle y côtoient des confrontations avec le néo-kantisme, des appels précoces à l’herméneutique, des détours subtils par la théologie et des références à la religion vécue. Plutôt que de réduire ces premiers travaux à un simple tracé menant tout droit à l’analytique existentiale du Dasein, cet ouvrage s’efforce de dévoiler leur signification et leur importance intrinsèques. Investiguant notamment l’intérêt du jeune Heidegger pour le Pseudo-Duns Scot, Dilthey, Rickert, Natorp, Paul, Augustin, Aristote et Luther, il propose un aperçu de la complexité des influences et des idées qui structurent la première pensée du philosophe. Il s’agit ainsi d’ouvrir selon des perspectives plurielles un corpus pouvant non seulement donner une impulsion nouvelle aux études heideggeriennes mais également inciter à développer les possibilités du travail herméneutique, à refonder la phénoménologie et à interroger autrement la donne théologique.
 

Vrin - Problèmes & Controverses
288 pages - 13,5 × 21,5 cm
ISBN 978-2-7116-2302-0 - mars 2011

L' inquiétude de la pensée - L'herméneutique de la vie du jeune Heidegger

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L' inquiétude de la pensée
L'herméneutique de la vie du jeune Heidegger (1919-1923)
Collection: Epimethée
Discipline: Philosophie
Catégorie: Livre
Date de parution: 04/06/2014
32,00 €
 
Disponible
Livraison en France métropolitaine uniquement.

Heidegger.jpgRésumé

Entre 1919 et 1923, Heidegger caresse le vœu de faire « exploser l’ensemble du système traditionnel des catégories ». Ce sont les travaux de cette période qu’il s’agira ici de sonder pour en dégager l’originalité et l’intérêt philosophiques propres, sans nécessairement les considérer sous l’éclairage rétrospectif du projet ontologique d’Être et Temps (1927). Le jeune philosophe soupçonne les concepts philosophiques traditionnels de masquer le mouvement de la vie et d’éteindre l’inquiétude native de la pensée. Il exige donc que les questions fondamentales de la philosophie soient désormais interprétées à partir de la concrétude de la vie. C’est ce qu’on a appelé rétrospectivement son « herméneutique de la facticité ». La « vie » devient dès lors le leitmotiv de la pensée du jeune Heidegger, pointant vers une sphère originaire, celle de l’expérience facticielle, d’où le philosopher trouve sa provenance, dont il doit rendre compte et où il revient toujours. Ainsi, que Heidegger soumette à son herméneutique critique (ou « destruction ») les thèses de Lask, Rickert, Natorp, Dilthey, Husserl, Paul, Augustin, Luther ou celles d’Aristote, la sauvegarde de la mobilité inquiète de la vie et de la pensée fait fonction de véritable critère d’originarité au sein de cette première charge du philosophe contre la conceptualité métaphysique.


Caractéristiques

Nombre de pages: 392
Code ISBN: 978-2-13-062453-0
Numéro d'édition: 1
Format: 15 x 21.7 cm

Sommaire

Introduction

Chapitre 1 – L’idée de la philosophie
La philosophie comme problème

L’insuffisance de l’épistémologie
Le lieu de l’origine

Chapitre 2 – Du vécu à la vie
La question du vécu

Le primat du théorique en question
La science des vécus de conscience chez Natorp et Husserl
L’avancée méthodologique de Heidegger

Chapitre 3 – Penser la vie
Éléments pour une « philosophie de la vie »

La vie comme archiphénomène
Vers une phénoménologie herméneutique de la vie facticielle

Chapitre 4 – Chemins de la destruction
Repères méthodologiques

Destruction du concept de vie
Destruction du concept d’histoire
Destruction du concept de vécu : constitution et cohésion

Chapitre 5 – La destruction de l’expérience facticielle de la vie
Vie et philosophie

Expérience facticielle de la vie chrétienne primitive. L’interprétation heideggerienne de Paul
Heidegger et Augustin : le soi en question
Aristote : de la vie à l’être
L’athéisme de la philosophie

Bibliographie
Index

Autour de l'auteur

Sophie-Jan Arrien est docteur de l’université Paris Sorbonne et professeur à l’université Laval (Québec).

mardi, 06 juin 2017

Un roman monstre : Les Deux Étendards

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Un roman monstre : Les Deux Étendards

par Alexis Martinot

Ex: http://www.zone-critique.com 

Délivré du catholicisme, Michel s’affirme et développe une philosophie nietzschéenne radicale et antichrétienne, tout en restant proche de ses deux amis. L’heure de la séparation entre Régis et Anne-Marie approche et cette décision se révèle absurde pour elle. Régis devient de plus en plus dogmatique et reste ferme à l’égard de son engagement. Anne-Marie découvre qu’elle n’est pas prête pour cette séparation, que cette dernière ne peut venir de la volonté de Dieu, qu’elle va à l’encontre du bon sens amoureux. Influencée par Michel, elle perd sa foi. Elle finit par s’offrir à lui, mais la nostalgie de Régis et de Dieu la rattrape : elle se révèle incapable de trouver sa place dans ce monde désenchanté. Le christianisme est une « drogue » dit-elle : « j’en ai pris une trop forte dose, je ne m’en remettrai jamais. »

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Le crépuscule de Dieu

Sacrifiant son amour et sa plus grande amitié, Régis s’enferme orgueilleusement dans le dogme catholique. Anne-Marie, orpheline de sa foi, sombre dans la débauche et l’avilissement. D’abord mystique, l’évolution de ce personnage révèle l’écart problématique entre une foi sincère et l’organisation de la religion sur terre. Michel trouve la seule issue possible dans le salut par l’art, la création de la grande œuvre. Il symbolise l’individualisme dans ce qu’il a de plus noble, c’est-à-dire la connaissance et le développement de soi. Mais cette réponse élitiste ne s’applique qu’à ceux de « la grande race » dans laquelle il se reconnaît. Le reste des hommes est condamné au désespoir ou à l’aveuglement, en tout cas ce roman annonce la difficulté pour l’homme de notre temps de donner un sens à son existence. Le destin de ces trois personnages illustre le désenchantement du monde et l’impossibilité de croire en Dieu à une époque charnière où il n’était pas tout à fait mort. Si Michel ne nie pas le désir de Dieu de chaque être humain, il constate que les religions ont brouillé le chemin entre l’homme et Dieu en organisant la spiritualité par des dogmes nihilistes, dans le sens où ils nient la nature humaine : « Les hommes ont détruit le sacré, ce pont qui rapproche les hommes au sein du monde. »

Le destin de ces trois personnages illustre le désenchantement du monde et l’impossibilité de croire en Dieu à une époque charnière où il n’était pas tout à fait mort.

La passionnante bataille philosophique qui oppose Michel à Régis, c’est celle de Nietzsche contre les derniers spasmes du catholicisme français. Mais le roman se garde de n’être qu’un vulgaire roman à thèse. Même s’il a été conçu comme « une machine de guerre contre le christianisme », il n’en ressort aucune vérité universelle : les deux idéologies sont le reflet et la continuité logique de la nature des personnages. Régis a ressenti l’appel de Dieu, il peut ainsi s’offrir tout entier, les yeux fermés, au dogme chrétien. Pessimiste, en quête de réponses et vierge de tout appel divin, Michel se plonge dans la littérature chrétienne, il en dégage les incohérences et les failles intellectuelles : son esprit critique l’empêche d’embrasser la foi. Néanmoins, Rebatet reste sans pitié avec le christianisme : il en donne une image effroyable, ignoble car incompatible avec la nature humaine et la beauté artistique. La laideur des églises, la perversité des prêtres et l’orgueil de Régis laissent le sentiment que seule une révolution nietzschéenne des valeurs permettra de vivre dignement dans ce monde désenchanté.

La voix d’un immense écrivain

Les grands écrivains sont sans doute ceux qui ressemblent le moins à des hommes de lettres : ce sont les inclassables, les ovnis qui semblent survoler la littérature. Rebatet est assurément un des leurs. Son œuvre se déploie sur trois domaines : la littérature avec Les Deux Étendards et Les Épis Murs, la politique avec son violent pamphlet antidémocratique et antisémite Les Décombres, et la critique d’art, avec sa prodigieuse Histoire de la musique et ses quelques 8 000 articles culturels publiés de son vivant, traitant de cinéma, de peinture, de littérature et de musique. Cette immense et éclectique culture transparaît dans le style splendide des Deux Étendards : il y a du cinéma dans les dialogues, dans les subtiles raccords entre les scènes, de la peinture dans les fines descriptions de Lyon, de Paris, ou simplement dans le portrait d’une jeune fille, il y a aussi de la musique dans la construction narrative de l’histoire, en témoignent les titres de certains chapitres (« Ouverture provinciale » ou « Staccato »). La critique a souvent rapproché ce roman des opéras de Wagner, auxquels assistent d’ailleurs les personnages des Deux Étendards. Les correspondances sont effectivement nombreuses : on pense à Lohengrin devant l’impossibilité d’Anne-Marie de communiquer avec Dieu, à Tristan aussi, avec le thème de l’amour impossible. Si l’on sent dans certains passages les influences de Stendhal, Balzac et Proust, Rebatet s’est aussi et surtout inspiré des peintres, des musiciens et des cinéastes qu’il vénérait.

Ce roman a été écrit en grande partie en prison, alors que son auteur, au fond d’une sale et sordide cage, redoutait chaque matin son exécution.

Son tour de force est d’avoir su maintenir une extraordinaire verve tout au long du roman, en variant les tons, les motifs et les couleurs : en alternant la narration, avec un narrateur interne ou externe, des monologues intérieurs, des extraits de carnet intime, des lettres, on passe aisément d’une violente critique antibourgeoise à une description psychologique pleine de finesse ou à des passages d’un érotisme inoubliable, le tout en disséquant à l’extrême les grands sentiments humains : l’amour, l’amitié, la spiritualité,  l’émotion esthétique. Heureusement pour nous lecteurs, ce roman a été écrit en grande partie en prison, alors que son auteur, au fond d’une sale et sordide cage, redoutait chaque matin son exécution. Les condamnés à mort jouissaient du curieux privilège d’avoir une lampe allumée dans leur cellule nuit et jour, Rebatet en profitait pour écrire sans relâche. C’est sans doute cette condition qui a donné au roman toute sa puissance, car c’est tout un monde vivant, profond et torrentiel que l’on quitte lorsque l’on referme ce livre.

  • Les Deux Étendards, Lucien Rebatet, Gallimard, coll. Blanche, 1328 pages, 50 euros.

Alexis Martinot.

mardi, 30 mai 2017

Fundamentos Filosóficos para a Nova Direita

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Fundamentos Filosóficos 

para a Nova Direita

por 

Autor: Robert Steuckers
Título: “Fundamentos Filosóficos para a Nova Direita
Nº páginas: 64
Formato: livro de bolso
ISBN: 978-1546616146
Preço: 5 €

A primeira questão que se deve colocar hoje a qualquer pessoa interessada pelo universo da Nova Direita (ND) na Europa é saber por que razão este movimento causou escândalo, suscitou tantas reacções negativas nos círculos do pensamento convencional? (…)”
 
“(…) Afirma um mundo, um relato (da história dos povos), diferente daquele que domina a cena política ou cultural. Ela vira as costas ao vício da crítica pela crítica, da crítica como instrumento para aperfeiçoar pequenas correcções marginais, de engenharia social, sem interpelação radical e global do que está decididamente estabelecido e sufoca, oprime e oblitera as potencialidades fecundas que não esperam mais que uma coisa: manifestar-se.”
 
Robert Steuckers (1956) é um teórico belga da Nova Direita, que tem em Friedrich Nietzsche, Julius Evola, Ernst Jünger e Jean Thiriart as suas principais influências e referências. Em 1973, com 17 anos, aderiu ao GRECE (Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne), também denominado Nova Direita, um movimento intelectual de cariz europeísta e que tinha por objectivo rearmar ideologicamente a direita. Fundador da revista Orientations, em 1980, passa a colaborar na revista Nouvelle École, em 1981, a convite de Alain de Benoist. Em 1983, afasta-se do GRECE e funda o EROE (Études, recherches et orientations européennes), tendo como órgão de expressão a revista Vouloir.  Robert Steuckers é autor de uma vasta obra literária e tem colaborado no campo da formação ideológica com diversos organismos políticos.
 
Edição limitada e numerada à mão.

dimanche, 28 mai 2017

Massenmigration in welthistorischer Perspektive

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Massenmigration in welthistorischer Perspektive

Der Untertitel dieses Buches, Über die Unvereinbarkeit von Sozialstaat und Masseneinwanderung, ist dagegen irreführend. Das ist gut so. Zu diesem Thema gäbe es schließlich wirklich nichts mehr zu sagen. Wer bis jetzt nicht begriffen hat, daß ein Solidarsystem nur aufgrund der Exklusivität seiner Leistungen funktionieren kann, daß auf gut Deutsch „wir nicht das Sozialamt der Welt sein können“, ohne unsere Sozialsysteme durch Überbeanspruchung in den Zusammenbruch zu treiben, der wird es nie verstehen.

Zum Glück hat Rolf Peter Sieferle (1949-2016) weit mehr zu bieten als diese Trivialität. In Das Migrationsproblem versucht er das Phänomen der Masseneinwanderung innerhalb des funktionalen Rahmens der heutigen westlichen Demokratie zu erklären und geschichtlich einzuordnen. Das alles geschieht auf knappen 124 Seiten. Sieferles Problem besteht daher nicht, wie der Titel befürchten ließ, in der ewigen Wiederholung des bereits Gesagten. Im Gegenteil: Bei diesem Großessay – das Wort „Studie“ taugt hier wirklich nicht – muß er sich den Vorwurf gefallen lassen, die Masse gebündelt präsentierter Einsichten kaum zusammenhalten zu können.

Ebenso lesbar wie umfassend

Trotz des Mangels an innerer Struktur bleibt das Buch jedoch ebenso lesbar, wie es umfassend ist. Es gelingt Sieferle vom Kern seiner Erörterung, der destruktiven Wechselwirkung zwischen Sozialstaat und Einwanderung, in welcher der Sozialstaat die Einwanderer anzieht und diese den Sozialstaat überdehnen, Verbindungen in fast alle Richtungen aufzubauen.

Er beginnt mit den Ursachen der Migration und macht deutlich, daß es angesichts der Bevölkerungsexplosion der Dritten Welt keinen relevanten Unterschied zwischen Wirtschaftsmigranten und Bürgerkriegsflüchtlingen gibt. Vom welthistorisch unvermeidlichen Rückgang der „Bürgerschaftsrente“ in den alten Industrieländern geht er über zur Entlarvung der verschiedenen Narrative, mit denen die Politik der Masseneinwanderung ihr Handeln bemäntelt.

Einwanderer stoßen nicht in „leere Räume“

Insbesondere eine einfache Erkenntnis verdient es gerade auch von den Gegnern des multikulturellen Experiments zur Kenntnis genommen zu werden: Die derzeitige Masseneinwanderung hat nichts mit der rückläufigen Demographie der entwickelten Länder zu tun. Diese ist vielmehr eine gesunde Entwicklung in einer Zeit, in der das Massensterben durch Infektionskrankheiten glücklicherweise der Vergangenheit angehört.

Die „Invasoren“ (org. Sieferle) stoßen nicht in leere Räume vor. Im Gegenteil, sie ziehen normalerweise aus dünner besiedelten in dichter besiedelte Gebiete. Sieferle leugnet nicht den von Gunnar Heinsohn postulierten demographischen Druck des Jugendüberschusses, aber die komplementäre Idee eines demographischen Soges aus dem kinderarmen Europa, der ja immer ein „selber schuld“ impliziert, verweist er ins Reich der Legenden. Dasselbe gilt für die sich selbst so bezeichnende antiimperiale Ideologie, die die Armut der Dritten Welt durch angeblich ausbeuterischen Handel mit der Ersten erklärt. Als ob diese Länder nicht schon lange vor der Kolonialzeit arm gewesen wären und das Handelsvolumen der Industrieländer untereinander nicht ihren Warenaustausch mit den Entwicklungsländern um ein Mehrfaches überstiege.

Die ochlokratische Degeneration

Dabei spricht Sieferle den Europäern keineswegs die Verantwortung für ihr derzeitiges Dilemma ab. Im Gegenteil, er betrachtet ihre gegenwärtigen politischen Systeme als unreformierbar korrumpiert. Manchmal beschleicht einen dabei der Verdacht, der unspektakuläre Titel des Buches diene der Verschleierung, um zumindest das Geschrei der Sorte bundesrepublikanischer Kritikaster abzuhalten, die solch ein Buch sowieso nicht lesen, aber bei einer treffenderen Inhaltsbeschreibung schon wegen des Titels in das übliche Gekreische verfallen wären.

Sieferle sieht unsere Demokratie jedenfalls in vollem ochlokratischen Verfall, der sich an der steigenden Staatsverschuldung, die ja nichts anderes als Konsum auf Pump ist, geradezu messen lasse. Kurz erörtert er die Probleme der verschiedenen Formen staatlicher Degeneration um schließlich die Frage zu stellen, ob das chinesische System nicht besser geeignet wäre die Nachhaltigkeitsprobleme des 21. Jahrhunderts zu bewältigen.

Universalistische Ethik und tribalistische Moral

In dieser Ochlokratie wirke nun die universalistische Ethik der Gleichheitsideologie katastrophal. Das infantilisierte Volk wähle auch in der Ethik den Weg des geringsten Widerstandes und finde nichts dabei, sich durch die Aufnahme unintegrierbarer „Barbaren“ (org. Sieferle) jenes gute Gewissen zu kaufen, daß in den Wohlfahrtszonen zum Lebensstandard gehöre.

Hier liegt jedoch auch die größte Schwäche des Buches. Sieferle, der sonst weit mehr Erscheinungen erörtert, als hier behandelt werden können, schweigt sich über die Entstehung und Verbreitung der multikulturellen Ideologie aus. Sie scheint ihm vom Himmel gefallen, ein unabwendbares Schicksal der abendländischen Zivilisation. Lediglich den Nationalsozialismus macht er als Ursache aus. Hier verfällt Sieferle jenem ganz speziellen konservativen Auschwitzkult, der Hitler die Schuld am eigenen Versagen zuschiebt. Angesichts eines solchen Verhängnisses kommt es ihm gar nicht mehr in den Sinn sich zu fragen, ob die gegenwärtige metapolitische Misere nicht vielmehr das Ergebnis harter propagandistischer Arbeit der Linken war, die mit ebensolchen Anstrengungen auch in die Mülltonne der Geschichte getreten werden kann. Stattdessen nimmt das Buch entschieden defätistische Züge an.

Wieder einmal die Deutschen

Mit dem Holocaust als Ursache des Multikulturalismus stößt Sieferle auch auf eine merkwürdige Version der These vom deutschen Sonderweg, die sich durch das ganze Buch zieht. Gerade Deutschland erscheint ihm als das unangefochtene Zentrum und der Ausgangspunkt des multikulturellen Wahnsinns. Damit verglichen sei der restliche Westen noch relativ normal. In seinem anderen Nachlaßwerk, Finis Germania, wird dies noch deutlicher, gepaart mit einer für solche Ansichten nicht untypischen Anglophilie, die das gegenwärtigen England und Amerika, aber auch Frankreich als „bürgerlich-aristokratische Welt“ bezeichnet.

Angesichts des jahrzehntelang von keiner Polizei behinderten Handels pakistanischer Banden mit englischen Mädchen, den regelmäßig brennenden französischen Vorstädten und der absurden Exzesse amerikanischer social justice warriors, dürften jedoch alle auf deutsche Besonderheiten verweisenden Erklärungen der multikulturellen Ideologie schwer haltbar sein. Damit ist es freilich auch nicht möglich, sich durch den Verweis auf ein angebliches geschichtliches Verhängnis von der eigenen Handlungsverantwortung loszusprechen.

Die eigentlichen Probleme

Sehr sinnvoll ist hingegen Sieferles Einordnung des Migrationsproblems in die geschichtlichen Horizonte unserer Zeit. Angesichts seiner langjährigen Beschäftigung mit dem Thema ist es nicht verwunderlich, daß er hier vor allem an die unbewältigten energiewirtschaftlichen Fragen unserer industriellen Zivilisation denkt. Die gegenwärtige Wirtschaftsweise zerstöre rasch die eigenen Grundlagen und eine neue Nachhaltigkeit sei nur durch massive technologische Durchbrüche – und keineswegs durch Nullwachstum – möglich.

Ob ein islamisiertes oder afrikanisiertes Europa zu dieser tatsächlichen Menschheitsaufgabe seinen Beitrag wird leisten können, sei doch mehr als fraglich. Mit dieser Einordnung zeigt Sieferle das Migrationsproblem als das auf, was es letztlich ist: Ein neuer Barbarensturm, den wir angesichts drängendster anderer Probleme derzeit brauchen können wie einen Kopfschuß.

Rolf Peter Sieferle: Das Migrationsproblem. Über die Unvereinbarkeit von Sozialstaat und Masseneinwanderung. Die Werkreihe von TUMULT#01. Hg. von Frank Böckelmann. 136 Seiten.

Bildhintergrund: Regina Sieferle (privat)CC-BY-SA 4.0

vendredi, 26 mai 2017

"La France atlantiste ou le naufrage de la diplomatie" de Hadrien Desuin

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Tribune littéraire d’Eric Delbecque

"La France atlantiste ou le naufrage de la diplomatie" de Hadrien Desuin

Ex: http://destimed.fr 

Dans La France atlantiste ou le naufrage de la diplomatie (Éditions du Cerf), Hadrien Desuin part d’un constat fort et simple : la vassalisation de la France dans le monde. Il en tire une conclusion tout aussi limpide et lourde : à l’heure de la mondialisation, la hiérarchisation classique qui donne la priorité à la politique intérieure sur la politique étrangère ne fonctionne plus. Dans un monde « ouvert », il convient d’abord de manifester sa cohérence et sa force à l’étranger. Or, l’Hexagone ne s’en montre plus capable.

Notre voix à la surface de la planète se résume à trois mots : morale, compassion et communication. Adieu à la realpolitik. Desuin parle avec une grande clarté et justesse : « Aujourd’hui, la nouvelle religion universelle des droits de l’Homme voudrait en finir avec la distinction entre conviction éthique et action diplomatique. Pour les chantres de la mondialisation heureuse, la fragmentation des nations est néfaste sans qu’ils ne réalisent combien le meilleur des mondes qu’ils projettent laisse place à une fragmentation communautaire bien plus violente. De surcroît, la globalisation ressort propice à une sorte de naïveté humanitaire où chaque crise internationale apparaît réductible un fait divers collectif ».

Sur un jeu d’échec global réapparaissant dans sa nature forcément tragique, la France a perdu la boussole dans le grand chaos planétaire. Quant à l’Europe, elle ne trouve pas sa place dans la grille internationale de la puissance. Notre pays s’égare dans un atlantisme paresseux qui lui évite le trouble d’élaborer dans la douleur un position constructive et originale dans le concert des nations, dont elle a pourtant eu le secret durant la parenthèse gaullienne.

Parallèlement, elle s’engouffre trop volontiers dans la promotion d’un droit d’ingérence caricatural qui fabrique davantage de problèmes qu’il n’en résout. « Le concept de « guerre humanitaire » […], écrit l’auteur, forme une synthèse hybride entre le courant doctrinaire atlantiste et belliciste d’une part et la mouvance associative des droits de l’homme d’autre part. Il relève du glissement des idéaux du pacifisme humaniste militant vers la notion de responsabilité militaire protectrice. L’ingérence marque la tentative de légitimer par le droit international n’importe quelle guerre au nom de principes supérieurs, indéniablement nobles mais aux conséquences incalculables et aux effets souvent désastreux ».

Hadrien Desuin décrit ensuite quelques lieux où s’élabore cet atlantisme droit-de-l’hommiste, compagnon du néoconservatisme, notamment la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS), créée en 1993. Le résultat aujourd’hui ? Une politique étrangère réduite au suivisme vis-à-vis des Américains, et une propension à substituer le respect craintif du politiquement correct à l’analyse géopolitique lucide. Ce premier problème se double d’un second : la dénonciation permanente de l’identité nationale qui conduit à un « messianisme humanitaire à la française ». Ce dernier s’enracine dans une conception « hors-sol, déracinée et abstraite de l’identité. Inversement, le messianisme à l’américaine repose sur la certitude que les Etats-Unis ont une mission évangélisatrice et que l’humanité doit suivre la patrie américaine ».

L’ensemble de cette logique a fini par aboutir à la réintégration par la France du commandement militaire de l’OTAN. Quant à l’Europe de la défense, elle demeure une politique assez théorique… Les Européens, français compris, apparaissent toujours peu ou prou à la remorque de Washington. Notons d’ailleurs que la Maison Blanche sait s’affranchir des règles de la morale droit-de-l’hommiste quand les intérêts de la bannière étoilée l’exigent. En témoigne le cas de l’Iran : plus question d’Axe du Mal ou d’exportation du modèle démocratique. Face aux ambitions russes et chinoises, il est devenu essentiel de régler la question iranienne. Il en découle naturellement une politique de défense peu enthousiasmante depuis vingt ans (malgré les efforts et les incontestables réussites de personnalités particulières, comme Jean-Yves Le Drian). Notons enfin que l’auteur met en lumière les incohérences de la politique française au Moyen-Orient et vis-à-vis de la Russie.

Au final, Hadrien Desuin démontre avec talent et précision que la France ne décide plus en toute indépendance sur la scène internationale mais en fonction d’intérêts politiciens et au nom de l’utopie d’une démocratie universelle qui produit des désastres en série. Retrouver la singularité de la voix de la France impose de sortir de cette impasse. Un ouvrage stimulant à lire attentivement !

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Eric DELBECQUE Président de l’ACSE et membre du Comité Les Orwelliens (ex-Comité Orwell). Il vient de publier : Le Bluff sécuritaire

lundi, 22 mai 2017

Notre ami le Michéa

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Notre ami le Michéa

Pierre Le Vigan*,

urbaniste, essayiste

Ex: http://metamag.fr 

Jean-Claude Michéa a souvent dit lui-même qu’il écrivait toujours le même livre. C’est exact. Et pourtant, aucun de ses livres ne laisse indifférent. Car Michéa creuse et renouvelle toujours le sillon qu’il a lui-même ouvert. S’il n’y a pas de thèses nouvelles dans Notre ennemi le capital, on ne cesse de voir des points de vue neufs qu’ouvre la critique des illusions du progrès que produit l’auteur depuis plus de 15 ans. La gauche, en tant qu’elle est devenue essentiellement progressiste, est devenue le contraire du socialisme : telle est la thèse de Michéa.

Ce socialisme, on a reproché à Michéa de ne pas le définir, ou de le réduire à la décence du peuple, la décence commune des gens ordinaires. Cette décence est bien évidemment nécessaire, pour autant, elle n’a jamais été considérée par l’auteur comme ouvrant par elle seule au socialisme. Celui-ci, Michéa le définit, comme Proudhon, et comme le dernier Marx (qui rejoignait le premier Marx dans son a-scientisme), comme une autre organisation du pouvoir : de bas en haut, et de la circonférence au centre. C’est le fédéralisme, ou encore le communalisme libertaire. Il veut du commun et du public autant que possible, mais de l’État pas plus que nécessaire. Il donne au bien commun toute sa place, à l’intérêt privé rien que sa place. C’est un anarchisme qui recherche un ordre, sinon sans État, du moins avec un État le moins envahissant possible. C’est le contraire de l’ordre actuel, où l’État met ses moyens au service de plus en plus de marchandisation forcée de la société.

Jean-Claude Michéa éclaire toutes les raisons de se prononcer pour l’économie au sens d’Aristote (le soin de la maison, y compris les grandes maisons que sont les peuples) contre la chrématistique, contre le progrès mais pour des progrès, contre l’idéologie No border mais pour le local « moins les murs » (c’est-à-dire l’universel selon Miguel Torga), contre le revenu universel (p. 293) entérinant l’éviction des classes populaires, qui cesseraient de chômer pour être définitivement assistées, contre la double tyrannie du droit et du marché, qui s’alimentent l’un l’autre.

Ainsi, Michéa défend à la fois le socialisme et la cause du peuple, un peuple actuellement renvoyé, territorialement, symboliquement et idéologiquement, dans les périphéries (bien étudiées par Christophe Guilluy) d’un pouvoir auquel correspond bien l’expression de « capitalisme cool » (Thomas Frank, The conquest of cool) ou encore de tyrannie souriante. Si le capitalisme est avant tout « l’histoire d’une révolution permanente » (Joyce Appleby), et ce d’abord dans le domaine culturel, Michéa plaide pour le droit, qui est celui du peuple, à des permanences, à des sécurités. C’est ce qui fait taxer Michéa de « conservateur ». Ce n’est pas si faux. Sauf que, pour conserver ce qui mérite de l’être, il faut aujourd’hui être révolutionnaire. Donc s’inscrire dans tout autre chose que le bougisme actuel.

Jean-Claude Michéa, Notre ennemi le capital, Climats-Flammarion, 316 pages, 19 €.

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dimanche, 21 mai 2017

“Histoire mondiale de la guerre économique” de Laïdi Ali

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“Histoire mondiale de la guerre économique” de Laïdi Ali

par Auran Derien, universitaire

Ex: http://metamag.fr 

Il y a toujours eu une dimension économique dans les conflits. Cet ouvrage s’efforce de prouver ce point et y parvient à la perfection.

Les intérêts s’affrontent, d’où l’on déduit naturellement un aspect polémologique dans les contacts économiques. L’auteur a décidé de balayer les siècles pour nous sortir de l’obscurantisme dans lequel veulent nous maintenir les professionnels de la justification mensongère : soit il n’y aurait pas de guerre économique car le commerce est pacifique (niaiserie énoncée par Montesquieu) ; soit le thème de la guerre économique servirait à détruire les classes moyennes et les conditions des travailleurs. Pourtant, la guerre pour les ressources a véritablement une longue histoire.

Dès les temps préhistoriques, le parasitisme prit son envol. Si certains groupes se comportent comme des fourmis, accumulent des provisions pour traverser la ténèbre hivernale, d’autres les attaquent pour voler les réserves ou simplement prendre leur place là où les conditions de survie paraissent plus favorables, comme par exemple près des sources.

Tant que la fonction politique s’exerce sous la forme de fédérations, d’empires instables, de tributs, les marchands prennent souvent l’initiative de démarrer des conflits. Les foires commerciales du Moyen Âge furent l’occasion de regroupements entre trafiquants afin de promouvoir la guerre militaire, le blocus contre d’autres foires ou d’autres centres de pouvoir. Ces associations de trafiquants se payent des mercenaires, développent des politiques d’influence auprès de princes auxquels elles peuvent fournir des produits car elles détiennent le monopole du commerce. Le cas de la Hanse, au XIVème siècle, illustre cet usage de la force par les marchands.

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A partir de la Renaissance, lentement, l’État prend son envol et intervient pour s’emparer des ressources découvertes dans les nouveaux continents. Depuis les pirates anglais, appuyés par la royauté, la guerre économique s’est systématisée, devenant l’utilisation de moyens illégaux et déloyaux pour protéger et conquérir des marchés. Cette utilisation de la violence en économie sert aussi la puissance publique lorsque l’Etat et les trafiquants ne font qu’un. Il est normal que les Anglo-saxons, inspirés par l’Ancien Testament où l’on proclame que les trafiquants sont des élus, se soient lancés dans toutes les crapuleries susceptibles de donner de la puissance. Le cas du thé, développé au chapitre 17 de l’ouvrage, est très significatif. Robert Fortune, biologiste, fut utilisé par la Compagnie des Indes pour remplir une mission de renseignement: aller voler le secret de fabrication du thé ainsi que des plans. Il se déguise, vole, plante en Inde les fruits de ses larcins. Et cela fonctionne. Les anglais pourront inonder le monde du thé produit en Inde.

L’auteur soutient que la guerre économique contemporaine prend son envol avec la chute du mur de Berlin (1989). Les services de renseignement quittent le secteur public, sortent du domaine politique pour se préoccuper de protéger l’information de l’entreprise. Avec l’obsession de la global-invasion, volonté de quelques gangs de s’emparer des richesses du monde, l’espionnage et la protection se privatisent. Le problème de tous les agents importants se formule de la même manière: être le leader, soit en économie, soit en technologie, en propagande ou en politique.

Ali Laïdi regrette que l’Europe soit incapable de se protéger et de s’affirmer. Sans boussole, sans volonté propre, le déclin voire la chute que tout le monde observe est inévitable. En France, depuis peu, une réflexion sur la guerre économique a lieu, mais sans être suivie d’applications. La vente de toutes choses aux mafias étrangères est la preuve d’une absence dramatique d’élites. Les petits trafiquants à la Macron sont sélectionnés par des Maîtres tout à fait visibles pour incarner la fonction la plus veule qui ait jamais existé, celle du larbin volontaire.

Pour cette première partie du XXIème siècle, l’agenda de la guerre, comme disent les Américains, est avant tout établi par la guerre économique « celle qui fait rage et qui ne dit pas son nom » selon feu Mitterrand – et plus encore la guerre monétaire, basée sur le mensonge et la dette. Aussi il paraît difficile d’accepter que les formes actuelles de la guerre économique soient une conséquence directe de la chute du mur de Berlin. La guerre monétaire a commencé en 1971, avec l’abandon de la convertibilité « or » du dollar, avec la déréglementation et les taux de changes flottants. Les USA sont devenus la patrie des faux monnayeurs. Leurs établissements financiers ont évidemment corrompu les dirigeants des pays européens afin qu’ils endettent leurs pays, donnant en gage les biens nationaux que les assassins globalitaires s’approprient ainsi gratuitement.

On ne saurait terminer ce tour d’horizon sans rappeler les falsifications des statistiques économiques, dont les intellectuels honnêtes encore en vie font grand cas pour démonter les vérités révélées des criminels en col blanc désormais à la tête de l’occident. On a eu un bel aperçu en 2008 lors de la crise des “subprimes”, puisque deux sociétés de crédit les mieux cotées du marché, Freddie Mac et Fannie Mae, ainsi que la banque Lehman Brothers trafiquaient leurs bilans. Auparavant, l’affaire Enron avait déjà amplement démontré le trucage et les évaluations de complaisance. De même, depuis 1988 a été créé le « Working Group on Financial Market » chargé d’orienter la bourse suivant les indications de la Réserve Fédérale, dont chacun sait qu’elle appartient à un consortium de banques privées. Les manipulations des cours de l’or, de l’argent et autres métaux précieux, ceux des matières premières industrielles ou agricoles, tout est frelaté à travers les produits dérivés et autres outils spéculatifs.

En novembre 2008, à l’occasion du G20, la Chine se faisant le porte-parole des pays émergents (Brésil, République sud-africaine, Inde…) a demandé qu’à la référence dollar soit désormais substituée un panier de matières premières (or, argent, pétrole, etc. ) comme étalon de la valeur. D’autres États préconisent de revenir à des systèmes mixtes associant au métal des paniers de monnaies. À défaut de guerre ouverte, la guerre des matières premières, la manipulation de leurs cours, la dictature insupportable du dollar changent peu à peu les équilibres de force. Cela n’est pas en faveur de l’Occident en crise, quels que soient ses talents en matière d’ingénierie financière car les guerres peuvent se gagner et en même temps sonner le glas final de la puissance.

La guerre économique a donc un bel avenir et l’OTAN, ce machin au service des trafiquants, aura encore de nombreuses occasions de bombarder et tuer des civils sans défense, car il convient de matraquer les faibles et d’éviter la confrontation avec les puissances montantes.

Ali Laïdi : Histoire mondiale de la guerre économique. Perrin, 1976, 576p., 26€.

vendredi, 19 mai 2017

Ellen Kositza über »Sex, Macht, Utopie«

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Ellen Kositza über »Sex, Macht, Utopie«

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Wie ist die »sexuelle Revolution« in den USA wirklich verlaufen? Was hat sie angerichtet und tut es bis heute? Und worauf müssen wir uns in Deutschland und Europa noch gefaßt machen, wenn die nächste Feminismuswelle über den großen Teich schwappt?

In ihrer 18. Buchbesprechung befaßt sich »Sezession«-Literaturredakteurin Ellen Kositza mit dem Werk des US-Kulturphilosophen F. Roger Devlin. »Sex, Macht, Utopie« ist kein Buch für das konservative Nachtschränkchen, sondern eine knallharte Abrechnung mit dem Projekt der Zerstörung der Familie an sich.

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mercredi, 10 mai 2017

L’histoire de Neutral-Moresnet

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Matthias Hellner :

C’était le plus petit pays du monde, il y a cent ans

L’histoire de Neutral-Moresnet

Après les guerres napoléoniennes et les bouleversements que l’Empereur des Français avait imposés à l’Europe, les vainqueurs ont décidé de refaire la carte du continent. Au Congrès de Vienne, les territoires d’Europe furent redistribués : de nouvelles frontières furent tracées, tout en tenant compte d’une nécessité, celle d’assurer un équilibre entre les puissances. Dans la foulée de ce travail de réorganisation continentale, une curiosité est sortie des cogitations des diplomates : ce fut la naissance du plus petit pays du monde et de l’histoire européenne. Son existence s’est étendue sur environ 103 ans. Ce pays minuscule était le « Neutral-Moresnet », Moresnet-Neutre, un petit village situé à environ sept kilomètres au sud-ouest d’Aix-la-Chapelle (Aachen), entre la Rhénanie, province prussienne, arrondissement d’Aix-la-Chapelle et le Royaume-Uni des Pays-Bas. On ne savait pas à l’époque que faire de ce petit bout de territoire (344 hectares ou 3,4 km2, 256 habitants et quelque 50 maisons). Prussiens et Néerlandais ne s’étaient pas mis d’accord pour une raison bien simple : la commune recelait des gisements de calamine (ndt : d’où son nouveau nom en langue française : « La Calamine »). Ce minéral, proche du zinc, servait à fabriquer du laiton. A l’état natif, ce métal était particulièrement apprécié parce qu’il était léger et inoxydable. Moresnet (La Calamine) possédait ainsi le plus grand gisement de calamine de toute l’Europe occidentale. Pour cette raison, tant la Prusse que le Royaume-Uni des Pays-Bas revendiquaient la possession de ce village.

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Aucun des deux Etats ne souhaitait laisser Moresnet à l’autre. De surcroît, le Congrès de Vienne n’avait pas très bien défini le tracé des nouvelles frontières dans la région. Prussiens et Néerlandais décidèrent alors de signer un traité d’Etat en 1816, qui réglait la question à l’amiable et de manière très originale. Cet accord eut pour résultat de faire émerger sur la carte un petit pays de forme triangulaire, entre le Moresnet belgo-néerlandais et le Moresnet prussien. Le territoire était administré par deux « commissaires gouvernementaux », un Néerlandais et un Prussien. Après 1830, quand les provinces catholiques belges se séparèrent des provinces protestantes du Nord et que la Belgique acquit ainsi son indépendance, le commissaire néerlandais fut remplacé par un commissaire belge. Mais rien ne changea : le statu quo s’est maintenu.

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Le territoire de Neutral-Moresnet connut un véritable boom économique à partir de 1837, année où la société des mines dites de la « Vieille Montagne » fut créée afin d’exploiter les gisements de calamine. En 1857, Neutral-Moresnet avait pris de l’ampleur et comptait désormais 304 maisons. Le nombre d’habitants avait décuplé et était alors de 2572 âmes. En 1914, on avait atteint le chiffre de 4668 habitants.

belgiummoresnet.jpgNeutral-Moresnet ne connaissait ni tribunal ni élections ni service militaire : pour autant, l’anarchie n’y régnait pas. L’ordre y était maintenu par des policiers belges et prussiens qui avaient l’autorisation, si cela s’avérait nécessaire, de franchir la frontière pour cueillir des délinquants. La Belgique et la Prusse se partageaient la masse fiscale. Il n’y avait aucune taxe sur les importations et les exportations, ce qui avantageait la contrebande. Le village disposait de trois gares : Hergenrath pour les grandes lignes qui reliaient Liège à l’Allemagne ; une gare cul-de-sac qui avait, elle, un statut de neutralité et qui s’étendait sur quelques centaines de mètres au-delà de la zone neutre ; enfin, une troisième gare en direction de Moresnet sur la ligne Tongres/Aix-la-Chapelle. L’entreprise qui donnait du travail était pour l’essentiel la société des mines. Elle ne négligeait pas le bien-être des travailleurs qui bénéficiaient de temps libres, largement encouragés. Des chœurs et des orchestres de mineurs furent créés ainsi que pas moins de sept associations de « Schützen », une société de pêcheurs et plusieurs sociétés de carnaval. La densité des bistrots y était inégalée. Quand éclate la première guerre mondiale, le petit territoire de Neutral-Moresnet est immédiatement occupé par les armées du Kaiser mais reste, du moins sur le plan formel, administré conjointement par les Belges et les Prussiens. Le Traité de Versailles donne le territoire à la Belgique et s’appelle désormais « Kelmis » (en allemand et en néerlandais) et « La Calamine » (en français). Il s’était appelé « Kalmis » jusqu’en 1972.

Matthias Hellner.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°18/2017 – http://www.zurzeit.at ).

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Un article du Spiegel sur « Neutral-Moresnet »

Dans son édition n°17/2017, le célèbre hebdomadaire de Hambourg, Der Spiegel, a consacré trois pages à deux romans néerlandais, récemment traduits en allemand, et consacré à l’histoire de la petite zone neutre de Moresnet. Il s’agit de Zink de David Van Reybrouck, de nationalité belge, et de Niemands Land de Philip Dröge, de nationalité néerlandaise. Van Reybrouck imagine la vie agitée d’un habitant de la localité. Non sans avoir décrit l’incroyable liberté  et la joie de vivre qui régnaient dans le patelin, tout au long du 19ème siècle.

Droege.jpgAinsi arrive dans cet eldorado de la calamine une certaine Maria Rixen, servante allemande engrossé par son patron. Elle y cherche le bonheur, refuse l’exclusion qu’un siècle encore très pudibond inflige aux filles-mères en Prusse protestante. Elle accouche d’un garçon, confié, comme le veut l’époque, à une famille d’accueil : le petit Joseph Rixen est débaptisé dans la pratique car la maisonnée compte déjà un petit Joseph. On l’appelle Emile Pauly. Un gamin à double identité. En 1914, il devient allemand. En 1919, belge. En 1923, l’armée belge l’appelle comme conscrit. Il doit aller occuper la Ruhr. En 1940, il redevient allemand et est incorporé dans la Wehrmacht, encaserné dans la même caserne qu’il occupait à Krefeld sous l’uniforme belge. Il se sent belge, baptise son septième fils « Léopold », en l’honneur du roi. Il déserte mais est arrêté par des résistants qui le traitent en ennemi. Une belle région qui a été tiraillée entre trois pays. Aujourd’hui existe une structure européenne nommée l’Euroregio qui regroupe les provinces belges de Limbourg et de Liège, l’arrondissement d’Aix-la-Chapelle/Düren et la province néerlandaise du Limbourg (avec Maastricht), ce qui englobe tout le territoire de la « communauté germanophone de Belgique (Eupen, Saint-Vith et Malmédy). Les destins personnels au cours du 20ème siècle sont souvent complexes et peuvent servir de matière à des romans poignants. On aurait espéré plus de biographies personnelles. En effet, que n’ai-je pas entendu de récits trop fragmentaires de tel résistant (qui se germanisera après la guerre en épousant une belle Rhénane), de tel « malgré-lui » expédié en Russie, en France ou en Norvège, de tel Aixois d’origine wallonne mais de nationalité allemande, du prisonnier allemand devenu, contraint et forcé, mineur en pays liégeois (et qui a voulu y rester), de cet adjudant de carrière wallon qui a décidé de finir ses jours en Rhénanie car la vie y est plus conviviale, d’un Verviétois de mère allemande et de père wallon engagé sur le front russe, de tel Volksdeutsche habitant Liège ou natif de la Cité ardente qui ne saura pour qui opter, etc. Nos deux auteurs ont un message : revenir aux temps joyeux de Neutral-Moresnet.

dimanche, 07 mai 2017

LE PARIS DE CÉLINE par David ALLIOT (2017)

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LE PARIS DE CÉLINE par David ALLIOT (2017)

mercredi, 26 avril 2017

The French Intellectual Right An effort to put thinkers in their proper political categories

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The French Intellectual Right

An effort to put thinkers in their proper political categories

In the latest issue of The American Conservative, editor Scott McConnell presents a well-considered and superlatively researched article on why France, and perhaps no longer the U.S., is at “the epicenter of today’s fearsome battle between Western elites bent on protecting and expanding the well-entrenched policy of mass immigration and those who see this spreading influx as the ultimate threat to the West’s cultural heritage, not to say its internal tranquility.” France has brought forth an intelligentsia—and, in figures like Marine Le Pen, political leaders—whose focus is on “national culture and its survival.” What in the U.S. is an almost totally marginalized political fringe, paleoconservatives together with elements of the alt-right, might feel at home in contemporary France; while our “mainstream think-tank conservatism,” with its emphasis on “lowering taxes, cutting federal programs, and maintaining some kind of global military hegemony,” would seem irrelevant to the French intellectual right.

imatz-droite-gauche.jpgFor full disclosure, let me mention that at least one of Scott’s French contacts, Arnaud Imatz, who represents perfectly the kind of French intellectual he describes, is someone whom the author met through me. Arnaud and I have been friends and correspondents for over 30 years, and his understanding of the French nation and the enjeu social (social question) confronting his people make eminently good sense to Scott and me. Although I have focused on German more than French intellectual history, most of the authors and social critics whom Scott cites are for me familiar names. I agree with Scott that Éric Zemmour, a Moroccan Jew who has tried to revive the sense of French honor that he associates with the late General de Gaulle, illustrates the new identitarian French politics. So too does the iconoclastic novelist Michel Houellebecq, who, despite his shockingly erotic work, clearly loathes multiculturalism and despises French Islamophiles. Another figure in this Pleiades of intellectuals of the French right is Christophe Guilluy, who often sounds like the French Steve Bannon. In his books La France périphérique(2014) and Le crepuscule de la France d’en haut (2016), Guilluy comes to the defense of that 60 percent of the French population living on the “periphery,” that is, outside of metropolitan areas and the sprawling suburbs. These are the les Francais de souche,” the true indigenous French, whom the globalist elites treat like human waste while they cut production costs by bringing in cheap labor from the Muslim Third World.

Although those who speak for the French grunges (les ploucs) would like us to think that they stand beyond right and left, Scott is correct to assign these tribunes of the people to the historic right. Our friend Arnaud Imatz would disagree, and in his long book that I just finished reading, Droite/gauche: pour sortir de l’équivoque (2016), argues that the terms right and left no longer apply to contemporary French politics. Imatz says we are dealing with a “huge displacement” in which the historic French nation is being sacrificed on the altar of globalist financial interests and “human rights platitudes.” Scott appropriately points out that once the conversation turns to historic nations and native workforces, those who do the defending will inevitably be classified as being on the right. No matter how often Marine Le Pen calls for protecting the jobs of French workers, she will be characterized by Fox News as well as CNN as a figure of the “far right.” In contrast, Emmanuel Macron, the spokesman for multinational business interests and the candidate of former President Obama and the French Socialist Party, fits our establishment-conservative notion of a “centrist.” Although their right and our conservative establishment operate on different wavelengths, our Republican media understand that the French right is most decidedly on the right. Where else can one place a movement that worries first and foremost about national identity and the survival of a millennial civilization?

Scott might have added to his sketches of the figures of the French right a few more personalities who help illustrate his key point. Philippe de Villiers, Jean-Yves Gallou, and Jean-Pierre Chevènement are all veterans of French national politics who strongly represent and even prefigured the French nationalist politics described by Scott. All of them, like Marine, are EU critics and Eurosceptics and relentlessly critical of Muslim immigration into France. The former Sarkozy advisor Patrick Buisson is also worth studying because of his heroic efforts to cement together an alliance between French populists and the French establishment center-right. The Sarkozy center-right, out of which Buisson has emerged, looks very much like our conservative establishment; and not surprisingly, Buisson’s efforts have generally met with skepticism from the French populist right. Scott is correct, by the way, not to bring into his piece a longtime acquaintance of mine, Alain de Benoist, progenitor of the not very new Nouvelle Droite. Benoist has been active as a publicist since the 1960s but has moved about so fitfully in his political stances, from supporting French Algeria to being an identitarian multiculturalist hoping to turn Europe into a collection of independent ethnic groups from all over the planet, that it may be hard to associate him specifically with those tendencies that Scott discusses.

I would not have included in this commentary on the French populist, nationalist right either the French social commentator Alain Finkielkraut or the Sorbonne professor Pierre Manent. Manent may be described (and indeed has described himself) as a French disciple of Leo Strauss; he has cultivated close relations with American neoconservatives for many decades. Although he has written critically about Muslim immigration and the erosion of European identity, it is hard to view this political theorist as being in the same ideological boat with Zemmour, Gallou, and the Front National. Despite Finkielkraut’s enthusiasm for the anti-democrat Martin Heidegger, he too seems to be something of a liberal-democratic centrist, and perhaps one who is nostalgic for an older left. Finkielkraut has gained publicity by criticizing the practice of allowing Muslim girls to wear head coverings (foulards) to public schools. But he also opposes with almost equal vigor the association of Christian and other religious symbols from what from his perspective should be an immaculately secular French educational system. Finally Finkielkraut holds a globalist vision of France as the source of the “rights of man,” a vision that sounds very much like the neoconservatives’ concept of America as a universal “propositional nation.”

Manent and Finkielkraut, it may be argued, are holdovers from the 1980s, when there was a thriving sodality of French neoconservatives, a company to which I would also attach the names Jean-Marie Benoist, Guy Sorman, and Jean-Francois Revel. This sodality, which arose in the wake of the victories of Reagan and Thatcher and was irrigated with American foundation funds, is well on its way to dissolving. It has little to do with the more genuine or more serious French right that Scott has presented. This, bear in mind, is not a value judgment, but an effort to put people in the proper political categories.

Paul Gottfried is the author of Leo Strauss and the American Conservative Movement.