jeudi, 14 mai 2009
Konversion zum Islam: Eine neue Antwort auf die Identitätskrise
Konversion zum Islam: Eine neue Antwort auf die Identitätskrise |
Geschrieben von Carlo Clemens - http://www.blauenarzisse.de/ | |
Obwohl offizielle Statistiken oftmals kaum aussagekräftig sind, da aus Angst vor vermeintlich rassistischer Diskriminierung viele Differenzierungen unter den Teppich gekehrt werden, geht man laut dem Zentralinstitut Islam-Archiv-Deutschland Stiftung e.V. (ZIAD) in Soest davon aus, daß es in der Bundesrepublik Deutschland heute etwa 3,5 Millionen Muslime gibt – 6,5 Prozent mehr noch als im Jahr 2006. Ein unglaublicher Geburtenüberschuß und Familiennachzug machen es möglich. Doch nicht alle Muslime müssen aus dem islamischen Kulturbereich stammen: Jedes Jahr sind es mehrere tausend Konvertiten, die in der Religion des Propheten Mohammed den wahren Sinn und den richtigen Weg sehen. Ich selbst kann den Weg vom orientierungslosen, getauften Deutschen hin zur Konversion zum Islam sehr gut nachvollziehen. Obwohl ich eigentlich schon immer im Denken ein Konservativer war, der sich für die christlich-abendländische Prägung Deutschlands und Europas stark machte, gab es in meinem Leben durchaus Phasen, in denen ich mir ernsthafte Gedanken über die Vorteile und Konsequenzen des islamischen Glaubens gemacht habe. |
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lundi, 11 mai 2009
Islam et laïcité: la naissance de la Turquie moderne
Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1989
Islam et laïcité: la naissance de la Turquie moderne
Bernard LEWIS, Islam et laïcité, la naissance de la Turquie moderne, Fayard, Paris, 1988, 520 pages, 195 FF.
La Turquie est beaucoup de choses à la fois, des choses étroitement mêlées et imbriquées les unes dans les autres. L'enquête historique de Bernard Lewis commence d'ailleurs par nous signaler les différences entre les termes «turc/Turquie» et «ottoman». Le terme «turc» désigne une population ethniquement distincte, de langue turque, installée en Anatolie. Le terme «ottoman» n'a qu'une signification dynastique. Il existe donc une ethnie turque distincte mais non une ethnie ottomane. Le principe turc est un principe ethnique; le principe ottoman, un principe politique, détaché de toute ethnicité concrète. La turcologie européenne du XIXième siècle redonnera aux Turcs d'Anatolie le goût de leur passé, qu'ils avaient abandonné pour servir l'Islam ou la machine politique ottomane. Mais malgré ce reniement de la turcicité pré-islamique, les racines turques reviendront à la surface, bien que camouflées, dès l'expansion au XVIième siècle des Osmanlis. Ceux-ci se donnaient une généalogie mythique et prétendaient descendre d'une tribu turque, les Oguz. Mais les ethnies turques nomades, réservoir démographique de l'Empire Ottoman qui reprend l'héritage byzantin, sont regardées avec méfiance voire avec mépris par le pouvoir qui voit en elles des bandes non policées, susceptibles de bouleverser l'ordre impérial. «Turc» est même, à cet époque, un terme injurieux, signifiant «rustaud», «abruti» ou «grossier».
Quant à l'Islam, troisième élément déterminant de l'histoire turque après le principe impérial et les facteurs ethniques, c'est un Islam accepté de plein gré, qui n'est pas le fruit d'une conversion. Moins prosélyte et plus tolérant, l'Islam turc n'a pas cherché à convertir de force chrétiens (grecs) ou juifs mais a pratiqué à leur égard une sorte d'apartheid rigoureux, si bien que les Grecs et les Juifs d'Istanbul ne parlaient pas turc. L'Islam turc est aussi plus varié que l'Islam arabo-sémitique: des éléments de chamanisme, de bouddhisme centre-asiatique, de manichéisme et de christianisme offre une palette de syncrétismes, rassemblés dans des ordres religieux, les tarikat, toujours soupçonnés par le pouvoir parce que susceptibles de subversion. Quatrième élément, enfin, c'est le «choc de l'Occident», l'influence des Lumières, surtout françaises, et des doctrines politiques libérales et étatiques. Bernard Lewis analyse méthodiquement les influences occidentales, depuis 1718, année du Traité de Passarowitch, sanctionnant une défaite cuisante que les Ottomans venaient de subir sous les assauts austro-hongrois. La Porte constate alors son infériorité technique et militaire et décide d'étudier les aspects pratiques de la civilisation européenne et d'en imiter les structures d'enseignement. Cette politique durera jusqu'au début de notre siècle, avec l'aventure des Jeunes Turcs puis avec la République de Mustafa Kemal. B. Lewis retrace la quête des étudiants et des hommes politiques turcs dans les universités européennes. Le travail de cette poignée d'érudits ne suffit pas à redonner à l'Empire ottoman son lustre d'antan. Russes, Français, Britanniques et Néerlandais soumettent les Etats musulmans les uns après les autres à leur domination.
Dans un autre chapitre, B. Lewis montre comment le nationalisme à l'européenne s'est implanté en Turquie. Deux termes signifient «nation» en turc: vatan, qui correspond à la patrie charnelle, à la Heimat des Allemands (cf. watan chez les Arabes) et millet, qui désigne la communauté islamique (cf. milla en arabe). Namik Kemal, théoricien du nationalisme ottoman, constate, explique Lewis, qu'une doctrine politique trop axée sur le vatan provoquerait la dislocation de l'ensemble ottoman multinational. Mais cette diversité ne risque pas d'éclater à cause du caractère fédérateur du millet islamique: on voit tout de suite comment oscille l'esprit turc entre les deux pôles de l'ethnicité particulariste et de la religion universaliste. Deux idéologies naîtront de cette distinction entre vatan et millet: le panislamisme et le turquisme. Le turquisme procède d'une politisation des recherches ethnologiques, archéologiques et linguistiques sur le passé des peuples turcs, surtout avant l'islamisation. Il se manifeste par un retour à la langue turque rurale (Mehmed Emin), par une exaltation de la patrie originelle commune de tous les peuples turcophones, le pays de Touran.
De là proviennent les autres appellations du turquisme: le touranisme et le pantouranisme. Ce mouvement sera renforcé par les réfugiés turcophones des régions conquises par les Russes: ceux-ci sont rompus aux disciplines philologiques russes et appliquent au touranisme les principes que les Russes appliquent au panslavisme. Le programme politique qui découle de cet engouement littéraire et archéologique vise à unir sous une même autorité politique les Turcs d'Anatolie (Turquie), de l'Empire russe, de Chine (Sin-Kiang), de Perse et d'Afghanistan. L'échec du panislamisme et du pantouranisme, après la Première guerre mondiale, conduisent les partisans de Mustafa Kemal à reconnaître les limites de la puissance turque (discours du 1 décembre 1921) circonscrite dans l'espace anatolien, désormais baptisé Türkiye. Ce sera un Etat laïc, calqué sur le modèle français, une «patrie anatolienne». L'ouvrage de Lewis est indispensable pour pouvoir juger la Turquie moderne, qui frappe à la porte de la CEE (Robert Steuckers).
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samedi, 04 avril 2009
El problema geostrategico del Islam
El problema geoestratégico del Islam
por Francisco Torres García / http://www.arbil.org/ La tesis del choque de civilizaciones ha cobrado especial relevancia en conflictos localizados (Chechenia, Yugoslavia, nuevas naciones surgidas tras la desmembración de la URSS); el Islam se está configurando como el gran opositor a la imposición a escala planetaria del modelo occidental; los países musulmanes presentan en su seno graves tensiones que están creando una nueva distribución geoestratégica del mundo; el Islam está en un proceso de expansión que lleva el choque de civilizaciones e el interior de las sociedades occidentales. Todos estos problemas afloran hoy y tendrán imprevisibles e impredecibles consecuencias en las próximas décadas
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El mundo tiene planteados, en el siglo XXI, una serie de problemas globales heredados, en gran medida, de las consecuencias del crecimiento económico iniciado por los países, hoy desarrollados, a finales del siglo XVIII, raíz de la diferenciación económica actual; de la expansión imperialista de las potencias industriales en el siglo XIX; de las injusticias propiciadas por ese crecimiento y esa expansión; de unos procesos de descolonización realizados, en la segunda mitad del siglo XX, en función de los intereses, económicos y estratégicos, de las antiguas potencias coloniales y no de la realidad, fundamentalmente étnica, de las poblaciones afectadas. Circunstancias que han afectado y condicionado la existencia de lo que hoy conocemos como Tercer y Cuarto Mundo. Un bloque de la humanidad caracterizado por el analfabetismo, la enfermedad, la pobreza y el hambre, pero también por la existencia de regímenes políticos oligárquicos disfrazados, en muchas ocasiones, de corruptas democracias. Un bloque sacudido, en una gran parte, por irresolutos conflictos. Un mundo con escasas alternativas y opciones que languidece al quedar enmascarada su dramática realidad bajo los eufemismos analísticos de la dialéctica Norte-Sur, Pobreza-Riqueza y Capital-Trabajo. Ese Tercer y Cuarto Mundo, que no es una realidad global y que carece, pese a las reiteradas declaraciones, de conciencia común, es, en realidad, un conjunto deslavazado de naciones, muy desestructuradas tanto política como económicamente; sumido, en muchos casos, como sucede en al mayor parte del África Negra, en tan ignoradas como permanentes guerras civiles que a nadie interesan y bajo las que subyace el problema del dominio real de los inmensos recursos naturales del continente negro. Un grupo de naciones, mayoritariamente creadas en sus fronteras por las potencias occidentales, que han visto esos problemas genéricos a los que inicialmente hacíamos referencia, agravados por un erróneo y dislocado proceso de descolonización, realizado y dirigido por Occidente para, en muchos casos, continuar, las antiguas o nuevas potencias, detentando el dominio efectivo sobre los recursos y la explotación económica de las nuevas naciones. Un panorama que ha servido, sobre todo en la tres últimas décadas del siglo XX, para dar entidad, en gran parte de esas naciones, especialmente en la más reacias a la occidentalización, a un sentimiento generalizado de animadversión sobre Occidente en general y, debido a su función rectora en el proceso de globalización, a los EEUU en particular. Los cambios experimentados en la definición geopolítica del mundo en la década de los ochenta, con la subsiguiente desaparición de las férreas dictaduras comunistas en gran parte del globo (excepción hecha de Cuba, Vietnam y China); con la expansión de los regímenes democráticos, al menos formalmente, auspiciada por los EEUU tras la caída del comunismo, tanto para el Este de Europa, el África Negra o la América del Centro y del Sur, han creado para el mundo del siglo XXI un escenario muy diferente al del siglo XX. En gran medida, frente a la potencia hegemónica, frente a un sistema económico mundializado al que los restos comunistas no hacen sino ir caminando hacia una pausada integración, frente a un modelo político único, sólo queda, desde un punto de vista estrictamente geopolítico, como elemento disrruptor, el Islam. El Islam, que no existe como una única realidad política y religiosa desde los tiempos del Califato o desde los decenios del amenazante Imperio Turco que logró aglutinar, de una forma ofensiva, a pesar de los continuos levantamientos tribales, a una parte del mismo, continua manteniendo, a pesar de todo, una cierta vinculación religioso-política que se torna efectiva, sobre todo como sentimiento popular, frente al exterior, frente a Occidente. Los cambios geopolíticos de finales del siglo XX, a duras penas si hicieron mella en el mundo musulmán continuando éste ajeno a los procesos de democratización; alejándose, al mismo tiempo, de los procesos abiertos, en algunos países, de occidentalización (Irán, Egipto, Argelia). La caída del comunismo supuso, también para ellos, una cierta liberalización. El apoyo de la URSS a los procesos de descolonización hizo surgir movimientos pro-comunistas o pro-socialistas, defendiendo una especie de socialismo o comunismo islámico en algunos de estos países, aunque, al mismo tiempo, la URSS reprimiera las repúblicas de raíz islámica que había en su seno; así como una cierta tutela y utilización de las organizaciones del Tercer Mundo como el Movimiento de los No Alineados, durante la segunda mitad de la Guerra Fría. Apareciendo también, en este esquema de los años sesenta, el intento de crear, de la mano de Gamel Abdel Nasser la República Árabe Unida que englobaría Egipto, Siria y Yemen del Sur de orientación pro-socialista. O el régimen, también pro-socialista, del partido de Sadam Hussein en Irak. Viejos enemigos de Israel y de Occidente (aun cuando Sadam evolucionara hacia la otra orilla) hoy prácticamente neutralizados por la nueva política egipcia como aliada de los EEUU tras la desaparición de Nasser, los cambios en Siria, la demonización de Irak o la adscripción del Yemen al denominado "eje del mal". Todos estos factores, todos estos cambios, hacen que la imagen real del Islam esté más próxima al modelo geopolítico que nos presentan, para las próximas décadas, los defensores de la tesis del "choque de civilizaciones", como elemento clave en las relaciones internacionales, que del modelo idílico da la aldea global, multicultural y con tensiones puntuales. Choque de civilizaciones, choque de culturas, de concepciones políticas, porque el Islam, desde el punto de vista cultural y religioso, aunque entre ambos es imposible establecer en este mundo una clara disociación, es un espacio en constante expansión que hoy presenta, mereced al fenómeno migratorio, una importante capacidad de penetración en Occidente; donde es imposible calcular hoy la capacidad de influencia política que tendrá en un futuro más o menos inmediato debido a su incapacidad para integrarse masivamente en los modelos culturales y sociales de sus países de acogida, reconstruyendo en ellos, en cambio, sus propias entidades culturales y sociales (gracias, sobre todo, a las inyecciones monetarias del movimiento, de origen y financiación saudí, wahabí). La expansión del Islam se ha hecho evidente con la desmembración de la URSS (Azerbaiyán, Turkmenistán, Kirguizistán o Kazajstán); con la guerra en los Balcanes o el conflicto de Chechenia, lugares donde ha aflorado salvajemente la cuestión religiosa; pero que también existía en el mundo musulmán con el proceso de destrucción del Líbano y la previsible persecución que se desate contra los cristianos maronitas en caso de la disolución, con el estallido de una guerra civil, del Irak. Expansión que tiene como grandes áreas de acción la propia Europa, la antigua Unión Soviética y el África Negra. Expansión que conlleva la difusión doctrinal que tiene inmediatas repercusiones políticas, porque en este mundo, donde los regímenes laicos son una excepción, donde la alianza entre el Trono y la Mezquita es más que una mera imagen retórica o una reliquia heredada del pasado que se conserva para el ritual simbólico del Estado, no existe separación real entre ambas esferas, la política y la religiosa, y allá donde se ha producido los poderes públicos viven acosados por la expansión del integrismo islámico y la continua cesión a sus planteamientos. Un mundo en el que los procesos de secularización, aparentemente una de las señas de identidad del mundo moderno y actual, en vez de avanzar o consolidarse han retrocedido. En gran parte del mundo islámico existe, en las esferas políticas, un claro divorcio entre la clase dirigente, en la mayor parte de los casos, occidentalizada o con claros deseos de serlo, y la inmensa mayoría de la población. Muchos de estos dirigentes, ya sean monarquías, dictaduras u oligárquicas democracias, se han transformado en auténticos esquilmadores de sus pueblos, aupados y sostenidos por Occidente. El ejemplo más claro es el de las llamadas petromonarquías de Kuwait, Qatar (donde se sitúa el mando americano en la zona) y Arabia Saudí, pero también lo son la monarquía marroquí o las monarquía jordana, que experimenta un claro proceso de reubicación. Gobernantes que mantienen enormes bolsas de pobreza paralizando cualquier reforma social. Frente a los problemas internos, muy similares en todos los países del Islam, las minorías dirigentes, sobre todos las últimas generaciones universitarias, que han abandonado la tentación del socialismo islámico, como el promocionado por el dirigente Libio en su difundido "Libro Verde", han vuelto la cara hacia las raíces de su propia civilización predicando un antioccidentalismo a ultranza que ha prendido en amplias capas de la población desde Pakistán a Marruecos. Es el fenómeno del integrismo, que no ha alcanzado mayores logros por su propia división. Frente al fenómeno del integrismo, la mayor parte de los gobiernos del Islam, sólo han podido recurrir al mantenimiento de la situación mediante la represión (por ejemplo, se estima que más de 40.000 fundamentalistas se encuentran encarcelados sin juicio en Egipto), la suspensión de los derechos reconocidos en sus constituciones, y el establecimiento respecto a las manifestaciones públicas de un estado policial (Egipto o Jordania). No ha surgido en estos países, sin embargo, un movimiento, con implantación reseñable, que abogue por la puesta en marcha de regímenes democráticos siguiendo el modelo occidental. Quienes defienden esta postura lo hacen, usualmente, desde los países occidentales, no siendo ni tan siquiera una minoría con un mínimo de recepción en sus países de origen. La defensa de un sistema laico o de la implantación de los Derechos Humanos a la occidental es considerada una herejía por los islamistas. Por otro lado, cada vez que se han producido votaciones, con un mínimo de garantías democráticas, lo que se ha producido ha sido el crecimiento de los partidos islámicos, teniéndose que recurrir a la intervención militar para mantener el sistema (Turquía o Argelia). El sistema de control que ejerce el poder sobre las gentes resulta cada vez más débil; las clases dirigentes se han mantenido en el poder gracias al mantenimiento de fuertes ejércitos para mantener la paz interior, a la alianza con el poder religioso y al dominio de los medios de comunicación. El panorama ha cambiado de forma acelerada en las dos últimas décadas. Hoy, los nuevos medios de comunicación, han permitido que la cadena de televisión Al Yazira, vehículo de difusión del integrismo, se haya convertido en el nuevo Corán para millones de musulmanes. También nos encontramos con la existencia de toda una generación de imanes, transformados en nuevos profetas, que han hecho del integrismo y del antioccidentalismo bandera de movilización. Quedan, finalmente, los instrumentos supranacionales, la Liga Árabe y la Conferencia Islámica, pero conviene recordar que la primera fue creada y tutelada, durante décadas, por el Foreing Office británico, y que son organizaciones cada vez más desacreditadas, por su actitud en las cuestiones palestina e irakí, entre las masas musulmanas. Todos estos factores, brevemente apuntados pero, evidentemente, mucho más complejos, han dado lugar a la aparición de un nuevo espacio geopolítico. Una zona, desde el punto de vista de los intereses occidentales, claramente inestable y que puede constituir, en el futuro, en función de su evolución, una clara amenaza para la estabilidad global del planeta. Si se mira con atención un planisferio, el Islam presenta, pese a su fragmentación política, un bloque continuo de países que va desde la ribera oeste africana hasta el sureste asiático, penetrando, además, en una parte considerable del África Central. Este mundo tiene una envidiable posición estratégica sobre el Mediterráneo, el Mar Negro, el Mar Rojo, el Mar Caspio, el Mar Arábigo y el Océano Índico. Está presente en una importante área de intercambios mundiales, y, lo que es más importante, domina las vitales rutas del petróleo así como los principales yacimientos del mundo. Y el petróleo puede ser, tal y como sucedió en la crisis de los setenta, un arma tan eficaz, en el siglo XXI, como las fuerzas armadas americanas. El Islam es, también, un espacio en conflicto. Dejando a un lado el tema del fundamentalismo, pero sin obviar su importancia y sin olvidar su presencia en todos los puntos de tensión, nos encontramos con:
Una zona caliente donde quienes si tienen programas desarrollados de armas de destrucción masiva son Israel, Pakistán e Irán. Puntos de fricción a los que sumar las interminables guerras africanas |
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vendredi, 03 avril 2009
El islam wahhabita
El islam wahhabita por Fernando José Vaquero Oroquieta ¿Es el wahhabismo consustancial al islam o es una desviación del mismo? Una aproximación a esta corriente fundamentalista musulmana que se encuentra en la base del terrorismo islámico internacional. Incluye unas notas sobre el Wahhabismo en España
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Introducción. El diario La Razón, en su edición del 11 de diciembre de 2002, afirmaba, en un artículo de su suplemento Fe y Razón, que el wahhabismo había alcanzado en Rusia la cifra de 100.000 adeptos, según las palabras alarmadas de Talgat Tayuddín, líder de los musulmanes rusos (cuyo número oscila entre 12 y 20 millones). Según las mismas fuentes, en parte a causa del vacío ideológico ocasionado por la caída del comunismo en la antigua Unión Soviética, algunas formulaciones islámicas radicales importadas, refiriéndose especialmente con ello al wahhabismo, crecerían entre los musulmanes de la Comunidad de Estados Independientes; lo que constituiría un serio motivo de inseguridad y temor. Por otra parte, "no todos los musulmanes son terroristas suicidas, pero todos los terroristas suicidas musulmanes son wahhabitas", aseguraba recientemente el islamólogo Stephen Schwartz; señalando, así, una concreta genealogía en el origen del terrorismo islámico internacional. En este contexto, en el que el término wahhabismo, antaño exótico patrimonio de minorías, es fuente de noticias periodísticas y sesudos estudios especializados, podemos preguntarnos: ¿qué es el wahhabismo?, ¿cuáles son las relaciones entre el islam y el wahhabismo? Chiíes y sunníes. Retrocedamos en la historia y situémonos en los orígenes de esta pujante religión monoteísta. El islam experimentó en sus primeros años, ya en vida de su fundador, el Profeta Mahoma, una espectacular expansión territorial. Además, es en su primer siglo de vida cuando se establecieron las principales ramificaciones musulmanas; plenamente vigentes hoy día. Es también en aquellos primeros años cuando, con los cuatro primeros califas, se establece el texto definitivo del Corán. Igualmente, se realiza la primera recopilación de la Sunna, o colección de hechos y dichos de Mahoma según testigos directos de los acontecimientos. De ambos, Corán y Sunna, se deduce la sharia, o ley islámica, que regula el conjunto de actividades públicas y privadas de todo musulmán. Esos cuatro primeros califas fueron líderes políticos, hombres de acción y autoridades espirituales: el ejemplo ideal al que miran los musulmanes de todas las épocas. Con Alí, yerno del Profeta y cuarto califa, se produce la primera gran fragmentación entre los musulmanes; que nos llega hasta hoy mismo. Al morir Alí asesinado, sus seguidores crearon un partido, la Chía, considerando que los califas Omeyas que le sucedieron carecían de legitimidad. Los chiíes, aunque respetan la Sunna, no aceptan que sea de carácter sagrado, tal como hacen los demás musulmanes (denominándose sunníes). Por el contrario, los chiíes atribuyen mucha importancia a las enseñanzas transmitidas por los doce imanes sucesores de Alí. El duodécimo y último de tales –el Mahdi- no habría muerto, esperando su retorno. Entre el clero chiíta –conocido bajo el término de mullah- destacan algunos expertos en la interpretación de la sharia, denominados ayatolás. El chiísmo se caracteriza, además, por cierta desconfianza hacia el poder político, logrando muchas simpatías entre los musulmanes no árabes, especialmente en Irán, donde son inmensa mayoría. La creencia en el retorno del Mahdi, el imán oculto, ha generado una esperanza mesiánica cuya venida se producirá en la Hora Final, implantando un Reino de Justicia, por lo que el martirio tendría un carácter redentor. Un sociólogo iraní, Alí Shariati, asoció ese mesianismo chiíta con determinadas ideas marxistas. De este modo, consideraba que el Mahdi liberaría a los parias de todo el mundo, proporcionando una perspectiva revolucionaria al chiísmo. A mediados del siglo IX, entre los sunníes, surgieron cuatro corrientes interpretativas que cristalizaron en otras tantas escuelas jurídicas, todavía hoy, únicas aceptadas por los sunníes: hanafí (de Abu Hanifa, la más liberal), la malikí (de Malik), la xafeití (de Chaffi, especialmente vigorosa en Egipto) y la hanbalí (originada en Bagdad, la más rigurosa y en la que se gestará el wahhabismo). En la actualidad, en torno al 85% de los musulmanes de todo el mundo son sunníes, un 10 % chiíta y el resto pertenece a grupos muy minoritarios (drusos y otros). De todas formas, suniíes y chiíes no están absolutamente separados; siendo sus diferencias, matizadas discrepancias en cuestiones de interpretación y de aplicación de la ley, tanto en su plano individual como colectivo. En su choque con el mundo occidental de finales del siglo XX y principios del XXI, el islam, ya sea sunnita o chiíta, se manifiesta en buena medida como una corriente radical o extremista poliédrica. Por ello, dada la multiplicidad de sus expresiones, algunos expertos en la materia diferencian dos corrientes dentro del radicalismo musulmán:
Todos ellos comparten su creencia en la imperativa articulación de la Umma (comunidad de los creyentes), como efecto ineludible de la recta aplicación del islam. La Umma debe estar unida políticamente y liderada por una autoridad, simultáneamente, civil y religiosa. Tal concepción, en consecuencia, deslegitima a los Estados actuales. Es más, a su juicio, todo nacionalismo sería una forma de shirka (adoración de algo distinto de Alá). La época dorada del islam, correspondiente al liderazgo de los cuatro primeros califas, es la referencia de todos los musulmanes. Para unos musulmanes, de esa experiencia primigenia, destacarían los aspectos sociales y externos, tendencia representada por las escuelas reformistas. Para otros, prevalecería el esfuerzo por la perfección espiritual; reflejándose especialmente en las corrientes sufíes. El sufismo. El sufismo es objeto de gran interés en Occidente, especialmente desde la llamada New Age, al encontrar allí sugerentes ingredientes espirituales susceptibles de oferta en el supermercado religioso actual. El sufismo no es una tendencia política. Espiritualista y tradicional, propone al fiel musulmán una experiencia religiosa personal; llegándose a hablar, incluso, de un misticismo sufí. Políticamente asumen generalmente posturas conservadoras, pero sin propugnar alternativas concretas. En la época colonial, muchos sufíes encabezaron la resistencia frente a las potencias ocupantes en sus respectivos países, perdurando todavía hoy la memoria de su lucha. El wahhabismo y el salafismo, corrientes ortodoxas reformistas e integristas, se oponen a las prácticas sufíes, al considerar que difunden ciertas formas de superstición y que, en la práctica, han facilitado la decadencia musulmana. El sufismo es, ante todo, según los propios sufíes, profundización e interiorización personal del islam. Aunque algunos autores han visto influencias de la mística cristiana, para otros, tales afirmaciones carecen de todo crédito. El término sufismo (tasawwf) viene de sûf, o hábito de lana que llevaban los sufíes de los primeros siglos. Son numerosos los sufíes de prestigio que han creado escuela y cuyos seguidores se agrupan en grandes cofradías, algunas extendidas por todo el mundo musulmán, o predominantes en determinadas zonas geográficas. Hassan al-Basri sería uno de los primeros. Nacido en Medina bajo el califato de Omar, la tradición cuenta que recibió sus enseñanzas del propio Alí, yerno del Profeta. Rabî`a al-`Adawiyya, nacido en Basra (sur de Irak), en el siglo II de la Hégira, sería otro de los primeros grandes sufíes. Los sufíes practican las virtudes de la pobreza (faqr), abandono en la voluntad de Alá (tawakkul), así como la práctica del Dzikr (mención del nombre de Alá) al que pueden acompañar estados de éxtasis y ejercicios de meditación (fikr). Otros sufíes incidieron en la gnosis (Ma`rifa) o conocimiento de Alá, caso de Nûn al Misri. De Yunayd, sufí de Bagdad, donde vivieron los más célebres, es la siguiente clarificadora sentencia: "El sufismo es lo que Alá hace morir en ti y vivir en Él". Que el sufismo fuera aceptado en su día, es mérito, en buena medida, de Al-Gazzâlî (1058-1111). Otro maestro sufí de Bagdad fue Abd-al-Qâdir al-Yîlâni (1077-1166), quien fue conocido como "Sultán de los Awliya" (íntimos en el saboreo de Alá). De Andalucía procedía Abû Madyan Shu’ayb. También andalusí era Muhhy d-Dîn ibn Arabî, autor de numerosos textos en los que trató la Doctrina de la Unidad del Ser. Expresión fundamental del sufismo es la existencia de las llamadas cofradías, o Turûq (plural de tarîqa o vía espiritual). Las conforman los seguidores de determinados maestros sufíes, tal como señalábamos más arriba. Tal vez la más conocida sea la Mawlawî, de la que proceden los famosos derviches danzantes popularizados gracias al turismo masivo europeo practicado en Turquía. Las cofradías sufíes son numerosísimas, siendo su importancia en algunos casos enorme. Así, por ejemplo, varios de los rectores de la Universidad Al-Azhar de El Cairo, que goza de una indudable autoridad en el islam sunnita, han sido sufíes seguidores de uno u otro maestro. Otro caso llamativo, de celebridad sufí, es el de Abd al-Kader, líder de la resistencia argelina frente a los franceses. Por su parte, la cofradía u orden de los Sanûsiya, aunque de origen sufí, tiene gran parecido con el wahhabismo; así el sentido guerrero, su austeridad y el espíritu de sacrificio. Desempeñaron especial protagonismo en la lucha contra el colonialismo en el norte de África (Francisco Díaz de Otazu les ha dedicado un artículo en el número 63 de esta publicación digital). En Asia destaca la cofradía Naqshabandiyya. Fundada en el siglo XIV, se extiende desde Bujara a Turquía, desde China a Java, protagonizando el esfuerzo misionero musulmán en aquellas alejadas tierras. Vemos, con todo ello, que el sufismo, como camino interior (bâtin), también ha influido en el exterior y la acción (zâhir). El reformismo musulmán. En el seno de la gran corriente salafiya (de salaf, grandes antepasados), que promueve la renovación islámica (nadha), surgen los llamados movimientos reformistas. El wahhabismo es una forma de interpretación estricta del Islam que nace de la mano de Mohamed Ibn Abdul Wahhab y que pretende, al igual que los demás reformistas, la vuelta a la pureza de la época dorada del islam. De esta forma, reformismo, integrismo y fundamentalismo, sin ser conceptos análogos, en buena medida coinciden. Los reformistas afirman que sólo la aplicación de la sharia garantiza el orden moral de la comunidad de los creyentes. En ese sentido, todo gobierno es ajeno al espíritu musulmán, especialmente los de factura occidental. Sí serían auténticos gobiernos islámicos, por el contrario, los de los cuatro primeros califas, "los que caminan por el camino recto" (Rashidun): Abu Bekr, Omar, Othman y Alí, tal como veíamos al principio de este artículo. La restauración del verdadero islam exige esfuerzos de todo tipo (yihad), tanto personales como colectivos, espirituales y materiales; lo que puede llegar a justificar la guerra, siendo su objetivo, en todo caso, la ordenación de toda la convivencia hacia lo justo, prohibiendo lo que consideran impuro. Esto supone el empleo del poder político, sin complejos, desde la fidelidad al Corán y a las tradiciones islámicas (hadits). El reformismo, en la actualidad, es la principal corriente del islam y se caracteriza por una serie de rasgos comunes:
El actual islam radical asume como propio todo este caudal reformista, al que matiza con varias precisiones:
Los reformistas entendieron que se había producido, históricamente, una profunda crisis en las sociedades musulmanas, lo que derivó en la desintegración del poder político, la paralización de la economía y de la ciencia, un estancamiento de la vivencia religiosa y una disminución de la creatividad artística. Todo esto habría coincidido con la eclosión de las potencias occidentales colonialistas; siendo víctimas de su política la mayor parte de los pueblos de tradición islámica. Por ello, la crítica a los regímenes coloniales constituye otra de las novedades del pensamiento reformista, siendo la lucha contra el sionismo, en la actualidad, una continuación de la lucha anticolonial. Los movimientos reformistas son movimientos sociales antes que políticos; siendo ésta una característica fundamental para entender su naturaleza. Su objetivo principal es la formación de musulmanes piadosos, estudiosos del Corán y que practiquen el proselitismo a través de la predicación y las obras caritativas. Todos los reformistas propugnan un estado islámico, es decir, gobernado por la ley islámica (la sharia). Ésta, al tener su origen en la revelación divina, no puede ser ni desarrollada ni cambiada: hay que aplicarla, pues debe ser aceptada sin crítica. La sharia es, igualmente, infalible, según los islamistas. Realmente, no hay codificación de la sharia. El principal reformador fue Jamal al-Din al-Afghaní (1839 – 1897). Hay discrepancias sobre su lugar de nacimiento: en Irán según unos y en Afganistán según otros. Estudió en la India, viviendo la guerra civil de Afganistán en 1866. Se trasladó a Estambul, pero al año tiene que partir para Egipto a causa de las enemistades ganadas entre los clérigos musulmanes tradicionales. De 1871 a 1879 permaneció en El Cairo, rodeándose de un grupo de intelectuales musulmanes. Allí entra en la masonería, de donde es expulsado por su oposición al colonialismo. De nuevo vive en la India durante casi tres años. De allí se trasladó a París, donde fundó la revista Al–orwa al–wothqa ("el vínculo indisoluble"), recogiendo, en sus 18 números editados, los principios fundamentales del reformismo. Viajó a Irán, después lo hará a Rusia en 1889. En 1892 viaja a Inglaterra. Allí publicó artículos muy virulentos contra el sha, quien fue asesinado unos años mas tarde a manos de un discípulo de Jamal al–Din. Murió en Estambul. Su principal texto es el libro Refutación de los materialistas. Del wahhabismo se diferencia en su mayor conciencia crítica ante el desafío occidental. Entre sus discípulos destacó el egipcio Mohammad Abdoh, quien reformó la futura universidad cairota de Al–Azhar. A partir de entonces, reformismo musulmán y política, en particular la lucha frente a las potencias coloniales, se mezclan de forma indisoluble. Como consecuencia de su gran influencia floreció, inmediatamente, un importante elenco de intelectuales reformistas en todo el mundo musulmán, incluida la India. Otro importante movimiento se enmarca dentro del gran río del reformismo: los Hermanos Musulmanes. Fundado por otro egipcio, Hassan Al Banna (1906 – 1949), se trata de un movimiento muy organizado y activista, que arraigó especialmente en Egipto, pero también en Siria, Palestina y otros países musulmanes. A su entender, la Umma es una sola nación, debiendo volver a las enseñanzas del origen del islam para recuperar su grandeza. A su muerte le sucedió Sayyid Qutb (1906-1966), quien murió ahorcado. Consideraba que el islam contiene un compendio suficiente de recetas para resolver los grandes problemas de toda época. Juzgaba que para la aplicación de su programa era imprescindible una revolución política. Los Hermanos Musulmanes fueron perseguidos, en Egipto, por Nasser y sus sucesores. En Siria también sufrieron una gran persecución de la mano del fallecido presidente Assad y su partido laico Baas. El wahhabismo. El wahhabismo estructura por completo la sociedad de Arabia Saudita y por ello es bastante conocido a través de los medios de comunicación, al menos, en sus rasgos externos. De hecho, aunque cuenta muchos seguidores en otros países islámicos, esta interpretación estricta sunnita únicamente se ha impuesto, por completo, en Arabia Saudita. Mohamed Ibn Abdul Wahhab (1703 – 1787) es el teólogo que, en la tradición procedente de Ibn Hanbal (780 – 855) y de Ibn Taymiya (1263 – 1328) formuló esta corriente. La escuela jurídica hanbalí –ya lo hemos visto- es la más rigurosa de las cuatro existentes en el islam sunnita. Establece que la sharia proviene exclusivamente del Corán y de la sunna, o seis compendios de hadits (tradiciones complementarias del Corán, que recogen los hechos y las palabras de Mahoma). Rechaza todos los hadits y la jurisprudencia no coránica. Mohamed Ibn Abdul Wahhab nació en Neyed, una provincia del centro de la península arábiga. Estudió en Medina, Irán e Irak. De regreso a su tierra, propugnó el retorno a un islam purificado. Organizó la comunidad de los "unitarios" (vinculados al principio de la Unidad divina), ganando numerosos adeptos a los que señaló unas creencias simples y un código moral muy estricto. Sus creencias se pueden resumir en los siguientes principios básicos:
Se impuso la asistencia obligatoria a la oración colectiva en las mezquitas mediante medidas policiales, prohibió el alcohol, el tabaco y afeitarse la barba. Aplicó la sharia de forma literal (incluidas las penas corporales) según la escuela jurídica hanbalí. Mohamed Ibn Abdul Wahhab convirtió a su causa al emir Mohamed Ibn Saud, cuyo hijo, Abd al–Aziz, conquistó toda Arabia, amenazando Alepo, Bagdad y Damasco. Derrotado por un ejército egipcio, fue decapitado en Estambul. Rebelándose contra la religiosidad decadente de los turcos, anteriores custodios de las mezquitas de La Meca y Medina, la reforma religiosa wahhabita se tiñó también de un marcado color político. Pero su recuerdo perduró y otro líder árabe, también llamado Abd al–Aziz (conocido como Ibn Saud), en torno a 1926 fundó la moderna Arabia Saudita, con Medina y La Meca, a la vez que implantaba un islam riguroso según la interpretación wahhabita. Arabia Saudita. En Arabia Saudita, en la actualidad, predomina el wahhabismo en su aplicación estricta: mantiene la segregación de las mujeres, prohibe los cines públicos, no permite la conducción de vehículos por mujeres, cualquier práctica religiosa no musulmana en público o privado es perseguida, prohibe las cofradías místicas y el sufismo, aplica un código penal que acepta la amputación de la mano por robo, la flagelación, la lapidación, etc. Para mantener esas normas se creó la Mutawwa´in, una policía de carácter religioso. Pero la familia reinante, dada su vinculación internacional con Estados Unidos de América, ha sido cuestionada por otros sectores islámicos de dentro y fuera. La ocupación de La Meca en 1979 fue consecuencia de esas graves tensiones internas. También el asesinato del presidente egipcio Sadat se enmarca en las tensiones planteadas por quiénes propugnan un islam purificado. Sin embargo, el magnicidio del rey Faisal de Arabia Saudita el 25 de marzo de 1975 a manos de un sobrino, si bien no está aclarado en sus motivaciones últimas, no parece que tenga ese mismo origen. La presencia en suelo saudí de 35.000 norteamericanos, con motivo de la guerra del Golfo, suscitó las críticas y el resentimiento de un sector muy radical de ulemas y jeques sunnitas, wahhabitas radicales. En ese malestar podemos encontrar el caldo de cultivo del movimiento de Osama Bin Laden. Expertos politólogos en la zona afirman que es una simplificación explicar la situación de este país como un enfrentamiento entre partidarios de Estados Unidos y radicales wahhabitas. Desde 1744 se practica una alianza entre legitimidad religiosa y poder político: la familia real, los al-Saud, ostenta la legitimidad religiosa como protectora de la fe. Esto implica una serie de obligaciones. Por otra parte, Arabia Saudita no presenta una realidad tan uniforme, tal como pueda parecer desde el exterior, afirman expertos en el área. Así, aseguran que existe de hecho cierto pluralismo: la ortodoxia wahhabita convive con algunas corrientes sunníes reformistas, grupos minoritarios chiíes, un movimiento opositor sunnita salafita y la pervivencia de prácticas sufíes en algunas zonas del país. Esas tensiones internas no han impedido que, con el inmenso capital procedente del petróleo, desde Arabia Saudita se impulse al islam misionero de múltiples formas y en todo el mundo, habiéndose convertido en una de sus fuentes de financiación más importantes. Las autoridades religiosas de La Meca –su Consejo de Ulemas- mantienen, además, una gran autoridad en todo el mundo musulmán. Sus ingresos petrolíferos permiten sufragar la peregrinación a La Meca de millones de musulmanes de todo el mundo. Construyen numerosas mezquitas y centros asistenciales, especialmente en África subsahariana, manteniendo a cientos de miles de refugiados palestinos. Igualmente, financian la construcción y el mantenimiento de enormes mezquitas en Europa (como la madrileña situada en la M-30 y, próximamente, otras en Barcelona, Las Palmas y Málaga), así como la expansión musulmana en Filipinas y Asia central. ¿Qué relaciones mantiene con las guerrillas y los grupos armados islamistas? Se trata de una cuestión muy compleja. En ese sentido, se ha señalado la posible alianza, en su día, entre importantes representantes del wahhabismo actual y el Frente Islámico de Salvación argelino. Y no olvidemos que el primero que reconoció al nuevo gobierno talibán de Afganistán, junto al de Pakistán, fue Arabia Saudita. También se ha señalado la confesionalidad wahhabita de buena parte de los dirigentes guerrilleros chechenos. Respecto a las incuestionables vinculaciones de algunos miembros de la numerosa familia real saudí con Osama Bin Laden, no es fácil determinar si tales apoyos son consecuencia de la mera solidaridad familiar o el fruto de comunes convicciones ideológicas. Lo que es indudable es la procedencia wahhabita de la mayor parte de dirigentes y demás integrantes de la red terrorista internacional Al Qaeda. Otras presencias del wahhabismo en el mundo. Nos asomaremos, brevemente, a su incidencia en Asia central y en los territorios de la antigua URSS; por su importancia estratégica y por tratarse de naciones en proceso de consolidación y de búsqueda de su identidad colectiva. Empezaremos por los territorios de mayoría musulmana de la Federación rusa. En Daguestán el wahabbismo ha chocado frontalmente con el sufismo, lo que supuso una auténtica guerra civil entre 1995 y 1998. En Osetia del Norte también ha hecho acto de presencia, mientras que en Ingushetia, Kabardino-Balkaria y Karachaevo-Circasia, las respectivas autoridades locales, de convicciones laicas, han intentado prevenir su penetración. Adigueya es la región menos islamizada del entorno. El presidente de Chechenia, Aslan Aliyévich Masjádov, proclamó la República islámica el 5 de noviembre de 1997. El 11 de enero de 1999 anunció una nueva constitución y el 4 de febrero estableció la sharia como la única fuente del derecho checheno. Pese a ello, en los años anteriores, se había opuesto a los sectores que habían adoptado el wahhabismo (caso de Shamil Basáyev y Salman Radúyev), apoyándose en la tradición sunnita practicada en la zona, más próxima a las cofradías sufíes. El 5 de julio y, posteriormente, el 7 de agosto, grupos guerrilleros wahhabitas penetraron en Daguestán. Pese a ser derrotados por las fuerzas federales rusas, sirvió como motivo, junto a los atentados con bombas en Moscú, para el inicio de la segunda guerra ruso-chechena; generalizada al invadir las tropas rusas Chechenia el 30 de septiembre. Todavía hoy continúa la guerra, persistiendo núcleos terroristas en algunas zonas aisladas del interior de Chechenia y en países limítrofes. Con motivo de los atentados con bombas de Moscú, fue identificado como responsable de los mismos Atchemez Gotchiyev, un wahhabí natural de Karachaevo-Circasia. Su lugarteniente era Denis Saitakov, un uzbeko de madre rusa, que había estudiado en una escuela coránica de la república de Tatarstán y que se había entrenado en Chechenia bajo las órdenes del comandante Amir Jatteb, otro mítico guerrillero wahhabí, al parecer jordano. Hace unos meses la Universidad Islámica de Rusia, localizada en el Tatarstán, un territorio que forma parte de la Federación rusa y que se caracteriza por un marcado acento laicista de total subordinación de la religión al poder político, licenció a su primer grupo de estudiantes coránicos. Estos licenciados pasaron a mezquitas y centros educativos de diversos lugares de Rusia, para atender a parte de los 20 millones de musulmanes que viven en la república. Su rector, Abdurrashid Jazrat Zakirov, afirmó que el wahhabismo está excluido de los planes de estudio. Las autoridades rusas vienen apoyando esta institución para prevenir la penetración de las corrientes wahhabitas. En Uzbekistán las autoridades locales apoyan a la orden sufí Naqshabandiyya, en un intento de contrarrestar al fundamentalismo musulmán. Dicha orden lideró la lucha antirusa desde la ocupación por los Zares. Este empleo del sufismo local viene de lejos. Durante años, el NKVD y el KGB gobernaron Chechenia–Ingushetia con la ayuda de los dirigentes de dicha orden local sufí. Por ello, muchos musulmanes acusaron a los sufíes locales de colaboracionismo con las autoridades ateas y comunistas. Doku Zavgayev, presidente del Soviet Supremo de Chechenia-Ingushetia en 1990 y cabeza del gobierno pro-ruso en 1996 en Chechenia, era miembro de la orden Naqshabandiyya. En Kazajistán y en Kirguizistán también se han detectado labores de proselitismo wahhabita, si bien las autoridades políticas intentan detener ese avance mediante el control de las autoridades religiosas. Azerbaiyán cuenta con un 70% de población chiíta. El islam, desde el desmoronamiento del comunismo, también ha avanzado públicamente allí, si bien existe una división entre las elites: quiénes miran a Irán, modelo de teocracia islámica y quiénes lo hacen hacia la vecina Turquía y su modelo occidental y laico. Tayikistán ha sufrido durante años el acoso constante de guerrillas fundamentalistas, favorecido por la proximidad de Afganistán. También allí predomina la cofradía sufí local Naqshabandiyya. ¿Incide el wahhabismo en el vecino Marruecos? Allí predomina el malekismo oficial. Con todo, algunos ulemas han pedido a Mohamed VI que defienda la "soberanía del culto" marroquí, en tanto que "Príncipe de los creyentes", frente al pujante wahhabismo; todo ello según recientes informaciones de elsemanaldigital.com. Wahhabismo en España. El wahhabismo, estamos viendo, desarrolla una ofensiva en todo el mundo siguiendo cuatro líneas de acción: expansión misionera mediante cuantiosas inversiones en el África subsahariana, reislamización de los musulmanes de las antiguas repúblicas soviéticas, progresivo control de los musulmanes emigrados a países no islámicos y captación al islam de antiguos cristianos. España, en su contexto, no permanece ajena a tal ofensiva. Podemos destacar tres factores claves de la situación del islam español: la división de las entidades y organizaciones musulmanas, la pertenencia al sunnismo moderado de la mayoría de los fieles aquí radicados (siendo su grupo principal el de los procedentes del vecino Marruecos), y el chorreo de dinero saudita. En estas circunstancias, el wahhabismo empieza a gozar de cierto predicamento en las mezquitas españolas, si bien existen numerosas organizaciones y entidades islámicas de todo tipo: cofradías sufíes, asociaciones de conversos españoles, grupos chiíes… lo que parece indicar de momento un islam poco monolítico y plural. Precisamente, esta circunstancia de fragmentación asociativa quiere ser aprovechada por las autoridades wahhabitas, según informó recientemente el diario La Razón en un interesante estudio de R. Ruiz y C. Serrano. El primer paso en su estrategia expansionista sería la constitución y control de un Consejo Superior de Imanes de España, ya en tramitación, dotado de capacidad para la emisión de dictámenes de jurisprudencia islámica (fatwas) y concebido como la "autoridad religiosa islámica, científica y total". Uno de sus instrumentos sería la construcción de nuevas mezquitas. Así, se unirían en los próximos años a las ya construidas en Marbella y Madrid, la proyectada en Barcelona y otras en Las Palmas de Gran Canaria y Málaga (ciudad a la que se desplazó el Ministro de Asuntos Islámicos de Arabia Saudita para supervisar proyectos cuantificados en cuarenta millones de dólares). Esta estrategia estaría coordinada por el director del Centro Islámico de Madrid, contando con el apoyo del Consejo Continental Europeo de Mezquitas, la Liga Islámica Mundial, la Organización Rabita y la Comisión del Waqf Europeo. Su labor se complementaría con la formación científica y teológica de los futuros imanes (generalmente, de escasa capacitación) en las doctrinas wahhabitas y una generosa financiación. En la mencionada crónica se informaba, igualmente, de la lucha interna existente dentro de la principal organización islámica española, la Federación Española de Entidades Religiosas Islámicas, por el control de su liderazgo; pugna en absoluto ajena a las actividades de los hombres del wahhabismo en España. En todos estos planes, de extensión de la hegemonía wahhabita en España, particularmente en Málaga, ocuparía una posición clave el imán Mohamed Kamal Mostafa, director de la mezquita de Fuengirola, quien justificó en un libro el maltrato de las mujeres por sus maridos, generando con ello una gran controversia en los medios de comunicación españoles. Algunas reflexiones finales. Buena parte de los gobiernos de Oriente próximo han procurado evitar el contagio del fundamentalismo en sus distintas vertientes –chiíta, wahhabita, salafita- mediante una islamización de las leyes, alejándose de esta manera de los modelos occidentales. Sin duda, tales medidas han contribuido a transformar profundamente esas sociedades musulmanas. El islam avanza, en mayor medida o menor medida, en todo el mundo. Sorprende, por ejemplo, el aumento de conversiones al islam producidas entre los afroamericanos de Estados Unidos; recordemos a la organización Nación del Islam, protagonista de espectaculares movilizaciones multitudinarias. Pero también se han producido captaciones entre miembros de otras etnias; incluso de anglosajones (¿recuerdan al talibán norteamericano?). Igualmente, encontramos incipientes comunidades musulmanas en lugares tan poco proclives, aparentemente, al islam, como es el caso de Perú. La creciente presencia musulmana también preocupa en Europa desde la concreta perspectiva de la seguridad, pues esas comunidades podrían contagiarse del afán misionero de sus hermanos en la fe y ensanchar en el futuro una fractura social, ya existente, sin precedentes. De hecho, ha generado una profunda preocupación la facilidad con la que se han desenvuelto en Europa los distintos integrantes de la red internacional de Al Qaeda implicados en los atentados del 11 S, gracias al apoyo que han encontrado en medios islámicos. Frente a unas incipientes y jóvenes comunidades, unidas por su fe islámica, la población autóctona europea se caracteriza por un progresivo envejecimiento y por carecer de firmes convicciones sin aparente ambición de futuro. El discurso ideológico predominante en Europa, "políticamente correcto", habla, ante todo, de tolerancia, multiculturalismo y pluralismo; ignorando los profundos desajustes sociales existentes y la realidad de unas comunidades cerradas, herméticas e impermeables a los principios oficiales de una laicidad neutra. En este complejo contexto, el joven islam europeo puede plantear, en un futuro inmediato, imprevisibles desafíos de indudables efectos sociales y políticos. Bruce B. Lawrence, jefe del Departamento de Estudios Religiosos de la Universidad de Duke, aseguró recientemente que Osama Bin Laden "tiene secuestrado al wahhabismo". A su juicio, es la pureza espiritual el objetivo del wahhabismo, mientras que las concomitancias militaristas de Osama Bin Laden lo aproximarían al fascismo, una ideología ajena al islam. Es decir, para algunos, el wahhabismo es rehén de Bin Laden y sus extremistas. Para otros, ya lo veíamos en palabras de Stephen Schwartz, al contrario, Bin Laden y Al Qaeda son su consecuencia. En cualquier caso, nos enfrentamos a una situación nueva, dramática y universal, cuyas implicaciones religiosas, sociales, políticas, estratégicas, económicas y de seguridad, no alcanzamos, todavía, a vaticinar en todo su alcance. ·- ·-· -··· ·· ·-· |
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mardi, 24 février 2009
Scholasticism, Protestantism, and Modernity
Scholasticism, Prostestantism, and Modernity
Paul Gottfried
Protestantism rose on the downfall of scholasticism, and Protestantism, in turn, led to the demise of hierarchy and the rise of individualism.
A curious but significant byproduct of the Protestant Reformation was moral support for what became middle-class modernity. This connection is particularly remarkable inasmuch as reformers Martin Luther and John Calvin sought to restore a Christian community, not to build a new civilization. What they found objectionable about the medieval church was not its traditionalism but its pagan and nonbiblical character. They attacked the attempt by Catholic philosophers Albertus Magnus (1200--1280) and Thomas Aquinas (1225--1274) to import Aristotelian philosophy into what should have been biblically based Christianity.
The reformers objected to the scholastic view that people, despite Original Sin, could improve their character through moral effort. Indeed, they insisted on the bondage of the will to man's natural state of depravity, a condition that could only be improved through the infusion of divine grace. And this grace was given not in response to human exertion but as an outside work (opus extrinsecum) for which fallen beings could only wait and pray. Though this apparently fatalistic understanding of redemption underpinned Calvin's theology more explicitly than Luther's, it was nonetheless present in both. A radical conception of human sinfulness, partly derived from Saint Augustine, pervaded Reformation thinking. Total human corruptness necessitated a dramatic form of divine redemption, which each individual had to experience to know that he was saved.
Scholasticism and Modern Rationalism
In some ways the scholastic thinking characteristic of European universities in the twelfth and thirteen centuries seems closer to modern rationalism than does Reformation theology. The schoolmen believed that the good was knowable through right reason, that knowledge about the existence of God was accessible to human understanding, and that pagan rhetoric and philosophy were appropriate for the education of Christians. Although medieval schoolmen did not deny the doctrine of Original Sin or the need for grace to move toward a Christian life, they considered the sacraments and instruction of the church sufficient for that end. The sin of Adam did not irreparably destroy human character, but once washed away with baptism, inborn sin would not prevent us from developing our moral capacities, through learning and useful habits.
Understandably, critics of scholastic thought, which reached its greatest influence in the late thirteenth century, accused its proponents of pagan, rationalist tendencies. From Franciscan mystics like Saint Bonaventure through Nominalist philosophers in the fourteenth and fifteenth centuries down to the great thinkers of the Reformation, the criticism was heard that the schoolmen minimized the experience of faith and ascribed excessive importance to theological reasoning. Though Thomas Aquinas, for example, argued in the Summa Theologica that belief in God might result purely from faith (credibilia), he nonetheless also provided five proofs for God's existence, one of which derived from Aristotelian physics. Like other schoolmen, Aquinas insisted that "the philosopher" could lead Christians to some if not all theological truths.
Even more important for the history of ethics, Aquinas and other schoolmen related rules of conduct to moral reasoning. God as the source of all being, as underlined in Thomas' Expositio super librum Boethii, provided both natural cognition (lumen naturale) and supernatural revelation (lumen supernaturale). Each was made available to clarify divine truth, and by the operation of universal reason as well as by biblical morality, humans were capable of forming proper ethical decisions, outside as well as inside a Christian society. Moreover, despite the fall of Adam, both the natural and social worlds gave evidence of an order (ordo mundi) that pointed back to a divine Author. Following Aristotle's notion of design, Aquinas insisted that the world was intelligible to our intellects because both were products of divine Reason. Human minds trained to think could apply "right reason" to moral questions, arrive at "prudential judgment" regarding the social good, and grasp the interrelatedness of the physical world.
Despite the apparent entry point that some have found here into a modern, scientific rationalist culture, there are qualifications to be made before assuming such links exist. As the German social thinker Ernst Troeltsch explains in Protestantism and Progress (English translation 1912), the scholastic worldview most fully articulated by Aquinas was inextricably linked to medieval society. It assumed ranks and an order of authority characterized by ecclesiastical and temporal hierarchies, both of which were seen as necessary for human well-being. The Thomistic ordo was not a collection of individuals in search of divine and rational truths. It was held together by organic social relationships based on statuses. The temporal served the ecclesiastical, the physical laborer the contemplative, and the knight his lord.
Economic transactions, like other social transactions, were fixed in terms of hierarchical design perceived to be present throughout creation. Commerce was to be regulated by its assigned purpose, satisfying specific material needs: It was to be practiced in accordance with a "just price" that could be calculated with regard to cost factors but that prohibited the taking of interest (prodesse faenore).
The Deconstruction of Scholasticism
What happened in the postscholastic West culminating in the Reformation was the progressive deconstruction of this scholastic outlook. Particularly in the Nominalist tracts of the Oxfordian Franciscan monk William of Ockham (1280--1349), whose thinking marked Luther and other Protestant reformers, the scholastic ordo is subjected to relentless criticism. For Nominalists like Ockham, there is no harmonious synthesis of reason and faith, nor necessary correspondence between God's mind and the social order. If religious propositions or ethical precepts were held to be true, one had to accept them finally on faith. For critical reason, maintained Ockham, was there to challenge and discredit received truths, and the unconditional reality that the schoolmen had attached to justice, goodness, and other ideals to which they appealed were merely names (nomina) awarded to the objects of our perception.
God Himself, as conceptualized by the Nominalists, was essentially absolute will. Those laws or regularities through which He controlled creation were the products of divine volition. What was perceived as rational or moral truths, according to Ockham, flowed from this will. But here, too, one had to accept the possibility that what was thought to be certain would turn out to be a figment of our minds upon further examination. Nominalist thinking encouraged both skepticism and faith to the extent that it presupposed a yawning gulf between divine truth and human reasoning.
The Reformation added to this deconstructed scholasticism two critical elements, a positive theology and implied social teachings that were incompatible with the Thomastic-Aristotelian order. Drawing on Saint Paul's Letter to the Romans, Luther and Calvin both proclaimed that Christians are justified by faith, independently of any work or sacrament. Nor was reason essential to this process inasmuch as the believer is saved from damnation by faith alone, as the inner certainty of divine election. This Reformation view of the Christian life, as an attempt to find evidence of divine favor from within, was conducive to modernization in ways that could not have been fully grasped in the sixteenth century.
Protestantism's Attack on Hierarchy
Looking at Protestantism's modernizing effect over a period of centuries, Presbyterian theologian and political thinker James Kurth observes (Orbis, Spring 1998): "All religions are unique, but Protestantism is more unique than all others. No other is so critical of hierarchy and community, or of the traditions and customs that go with them."
Already in Luther's germinal writings as a reformer in 1520--21 were stated Protestant ideas that would bring forth cataclysmic social consequences. The "priesthood of all believers," the repudiation of a spiritual difference between clergy and laity, the need for each individual to develop a personal relationship with Christ, the irrelevance of the sacramental and legal structure of the church in gaining salvation, the equal sanctity of all honorable vocations, and the demand that all Christians have access to the Bible as God's proffered word were more than religious stands. They were points of departure for a social and cultural transformation. However much Luther opposed social disobedience and denounced a peasant's revolt in Germany that cited his work, the Reformation was, as later Catholic counterrevolutionaries described it, an invitation to level down. Or, as James I of England responded to a suggestion that the Presbyterians be allowed to form the state church in England, "no bishop no king."
But the revolution advanced by Protestant thought did not lead to perpetual revolution. Rather, Protestantism contributed to the bourgeois civilization out of which constitutional republics, limited monarchies, and free-market economies all came, directly or indirectly. Numerous scholars have explored this relationship, and one distinction to be made among them is between those who argue from unintended consequences and those who do not. Clearly in the first category is the great German sociologist Max Weber, who in 1893 examined the connection between Calvinist moral theology and the "capitalist spirit." According to Weber, Calvinists did not set out to accumulate wealth or to reinvest it for profit. They moved in this direction because their search for signs of divine grace, together with their belief in the equal dignity of all vocations, predisposed them toward commercial and banking activities. By serving God selflessly in their work and prospering, they were able to convince themselves of their predestined grace. And instead of practicing monastic discipline, as in Catholic cultures, Calvinists carried ascetic habits into middle-class roles, living abstemiously and cultivating the Protestant work ethic.
Protestantism and Subjectivism
Against this view of unintended consequence, others have contended that Protestants laid the foundations of modern society more deliberately. Thus Hegel argued that Protestants created a modern consciousness by stressing the "subjectivity" found in the New Testament. Although individual self-awareness was always present as a value in that text, historical conditions did not favor its emergence as a dominant religious value until the sixteenth century.
More recently, American social historian Benjamin Nelson has linked the beginnings of sustained banking capitalism to the rejection of the Hebraic ban on taking interest. Nelson finds this view emphatically stated in Calvin's Institutes and presents Calvin as the first biblical exegete to distinguish commercial investment from loans made to the destitute. It was only the latter, Calvin properly observed, that is forbidden in Deuteronomy. On a similar note, Troeltsch had ready commented on the opening of society to commercial activity caused by the Protestant assault on medieval Christendom. Not the result of any single theological reinterpretation, this change occurred because of a general attack on the Christian-Aristotelian worldview and on the sacramental hierarchy it undergirded.
In a detailed study of Protestantism's unintended consequences, Weber noted the changed view of nature and work produced by the Reformation, particularly by the Calvinist teachings of, among others, Weber's own French Protestant ancestors. The Calvinist search for signs of divine election, maintained Weber, not only nurtured the psychology and practice of capitalism but enforced the belief that the world existed for the sake of the elect, who could both comprehend and exploit nature and society. Weber saw rationalism and secularism as two consequences of Calvinist moral theology. Confronting a divinely created world that, according to Genesis, was placed at the disposal of mankind, and hoping to relate that world to one's personal spiritual experience, Weber's Calvinist tried to make the outside world fit his own needs as one of the elect. The Calvinist observer felt no sense of mystery in the presence of nature but rather viewed it as something to be mastered in glorifying God and enhancing his own certainty of salvation.
Moreover, the Protestant stress on reading and discussing the Bible did not lead to the contempt for intellectual analysis shown by Luther when he referred to Reason as the "Devil's whore." On the contrary, Protestant biblicism contributed to mass literacy and democratically organized churches that would define their own doctrines. A frequently heard opinion among historians is that the Russians never underwent political modernization, because they neither experienced nor were significantly influenced by the Protestant Reformation. This opinion seems highly plausible if one looks at the unintended as well as intended results of that development.
A Momentum for Change
On the other hand, it may be argued that Protestantism has included a momentum of change that by now may be hard to stop. In The Sociology of Religion, Weber explored this problem almost a century ago. The forces created or intensified by the Reformation that had resulted in a bourgeois commercial society would continue to promote change, not all of it congenial to the middle-class beneficiaries of an older Protestant culture. The exploration of a demystified nature, the shift of religious life from the community to the individual, and a general suspicion of hierarchy eventually led in a direction hostile to bourgeois institutions.
All of this, it might be concluded, has indeed come to pass in Protestant societies, as can be inferred from family disintegration, the cult of technology, and the rise of modern bureaucracies and states as family planners and providers. Such observations must be qualified by pointing out that the Protestant reformers would have been as horrified by this situation as the medieval schoolmen. Until recently Protestants stressed moral rigor and family virtue at least as strongly as did Catholics. But Protestant societies were less organic, while Protestant morality centered more on individuals than on families and inherited community. And the believer's view of his life as the "pilgrim's progress," to borrow the title of the most important Protestant classic, helped give birth to a specifically modern doctrine of progress, associated with the subduing of nature and the spread of moral and technical knowledge. The Protestant's world went from being a test of the elect to a material object that one feels free to tamper with.
In the face of these unintended Protestant consequences, Catholic philosophers Nicholas Capaldi and Nino Lingiulli have made the ironic observation that American ethnic Catholics may be closer to bourgeois Protestantism than anyone else. Having absorbed Protestant attitudes as a result of Americanization, Catholic peasants who came to the United States--and even more their descendants--took over distinctly Weberian values. The Calvinist work ethic, a more individual and more interior religiosity than that present among their ancestors, and uneasiness with the formalities of Catholic worship are all characteristic of these Protestantized Catholics. But unlike the members of the Protestant majority culture, such Catholics have still not completely abandoned their communal sense--nor their fascination with bourgeois virtues.
Still, one may wonder how much longer this American Catholic insulation will work. If the Latin and Slavic Catholic character of American immigrants could be modified once, by Protestant characteristics, why can't the same process continue to work change? Why should those who have been exposed to it and absorbed part of it resist Protestant culture in its later radicalized phase? Likewise, why should millions of Asians who converted to Protestantism and often represent a stern Victorian form of it remain embedded in that particular form? Why shouldn't Chinese and Korean Presbyterians and Methodists be overtaken by the forces that have already overwhelmed Western Protestantism? Cultural lags do get overcome--and not always for the best..
Paul Gottfried is a senior editor of the Modern Thought section of The World & I and author of The Search for Historical Meaning: Hegel and the Postwar American Right.
[The World and I (New York), February, 1999]
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samedi, 21 février 2009
J. Marlaud et le renouveau païen en France
Archives de SYNERGIES EUROPÉENNES - VOULOIR (Bruxelles) - Mai 1986
Robert Steuckers:
Jacques Marlaud et le renouveau païen en France
Le néo-paganisme européen est une jungle de concepts; pour le comprendre sous tous ses angles, il faut une connaissance approfondie des mythologies européennes, des théologies qui, sous une couverture chrétienne, renouent avec le non-dualisme anté-chrétien (Sigrid HUNKE), des littératures populaires et romantiques qui traduisent de manière romanesque ou poétique des fragments de cette vision inépuisable de l'immanence du divin. La tâche n'est pas mince et l'on n'est pas prêt de découvrir, à l'étal des libraires, une encyclopédie définitive de ce monde foisonnant de diversité.
Heureusement, Jacques MARLAUD vient de combler cette lacune, partiellement seulement (mais c'est une première étape), avec son livre, Le Renouveau païen dans la pensée française (réf. infra). La démarche de MARLAUD débroussaille la partie française contemporaine de ce continent oublié qu'est le paganisme. Sa démarche est ainsi limitée dans le temps ("la pensée contemporaine") et dans l'espace (la France). Son point de départ est la mise en évidence d'une antithèse philosophique: celle de l'idée païenne contre la pensée rationalisante. Aux schémas des rationalismes, MARLAUD oppose le retour du mythe, donc d'un polythéisme, plus apte à saisir la multiplicité du réel. Pour lui, l'utopisme et la désacralisation du monde sont les produits de l'individualisme, avatar idéologique du principe religieux judéo-chrétien du "salut individuel". A l'ère post-rationnelle, le substrat païen resurgit, à travers la croûte, le superstrat judéo-chrétiens. Les modes de vie imprégnés de christianisme, le moralisme rigide, les normes sociales sont désormais battus en brèche et ne créent plus de consensus. Et si le consensus de demain en venait à se référer au "substrat" plutôt qu'au "superstrat"?
Le résultat de ce grouillement néo-païen, c'est l'émergence progressive d'une "philosophie de l'affirmation inconditionnelle du monde", dit Jacques MARLAUD. Elle se repère chez Clément ROSSET, mais seule- ment dans le chef de l'individu et non à l'échelle collective, non chez ceux qui ont volonté de bâtir une autre Cité, imperméable aux absolus étrangers au substrat, aux absolus moribonds du superstrat d'hier.
Après avoir esquissé les grandes lignes de ce néo-paganisme, MARLAUD passe en revue les écrivains contemporains qui se situent dans cette mouvance: MONTHERLANT, GRIPARI (père d'un nihilisme déculpabilisateur qui se gausse avec espièglerie des rationalisations moralisatrices), PAUWELS le Faustien qui a "vacillé" à cause de la reaganite affligeant les médias parisiens et, enfin, Jean CAU l'anti-bourgeois qui a donné un visage enchanteur à cet existentialisme que CAMUS et SARTRE avaient rendu si lugubre.
MARLAUD survole alors la littérature française et y repère les germes de paganisme. Dans ce survol, il n'omet pas le divin RABELAIS. Et pour terminer, il passe en revue le travail de la "Nouvelle Droite" qui a popularisé, en France, les thématiques du paganisme et des racines indo-européennes. Un livre à lire pour fonder le consensus de demain...
R.S.
Jacques MARLAUD, Le Renouveau païen dans la pensée française (Préface de Jean CAU), Le Labyrinthe, Paris, 1986, 271 pages, 145 FF.
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dimanche, 15 février 2009
De la théologie politique américaine
Nikolaj-Klaus von Kreitor:
De la théologie politique américaine
«C’est un paradoxe flagrant de l’histoire de voir comment un nationalisme précis (et particulièrement puissant) se déclare non seulement “prophétique” mais aussi universel, tout en se matérialisant dans de nombreux actes d’expension ou d’interventionnisme».
Anders Stephenson*
L’éminent juriste allemand Carl Schmitt a caractérisé l’idéologie de l’expansionnisme et de l’impérialisme américains comme une théologie politique, qui est en même temps totalitaire, dogmatique et pseudo universaliste, et qui s'ingénie à faire l'équation —avec le zèle et la ferveur d’un Torquemada— entre l’intérêt international particulier des Etats-Unis et l’intérêt du genre humain.
Hans Morgenthau remarque que l’universalisme est une idéologie qui répond aux besoins de l’impérialisme et de l’expansionnisme. L’expansionnisme est sans cesse en opposition avec l’ordre international dominant et le statu quo existant. L’expansionnisme doit prouver que le statu quo qu’il cherche à vaincre mérite d’être vaincu et que la légitimité morale qui, dans l’esprit de beaucoup, est attachée aux choses telles qu'elles sont, sera finalement obligée de céder face à un principe de plus grande moralité, tout en faisant appel à une nouvelle distribution de pouvoir (1). «Jusqu’à présent, vu que les idéologies typiques de l’impérialisme utilisent des concepts de droit, elles ne peuvent faire référence de manière correcte au droit international positif, c’est-à-dire au droit international tel qu’il existe aujourd’hui. Dans le domaine du droit, c’est la doctrine du droit naturel, c’est-à-dire du droit comme il devrait être [et non pas tel qu'il est, ndt], qui répond aux besoins idéologiques de l’impérialisme… Lorsque la politique impérialiste expansionniste n’est pas dirigée contre un statu quo en particulier, fruit d’une guerre perdue, mais tend à s'accroître à l'appel d'un vide de pouvoir qui invite à la conquête, elle avance tout un arsenal d’idéologies morales / moralisantes qui ont évidemment pour corollaire de remplacer le simple appel à un “droit naturel juste” contre “un droit positif injuste” par le devoir, inévitable, de conquérir le pays récalcitrant (2).
La doctrine de la “destinée manifeste”
L’objectif principal de l’idéologie impérialiste est de faire l'équation entre les aspirations politiques d’une nation précise, d'une part, et les lois morales qui gouvernent l’univers, d'autre part; nous avons là une idéologie spécifiquement anglo-saxonne pour habiller les aspirations particulières et les actions impérialistes d'un objectif moral, qui correspondrait aux lois de l’univers. Cette idéologie a d'abord été typiquement britannique, mais elle a été perfectionnée et absoluisé par les Etats-Unis. «Le fait que savoir que les nations soient soumises à la loi morale est une chose, mais prétendre savoir avec assurance ce qui est bon et mauvais dans les relations entre les nations, est d’un autre ressort. Il y a un monde de différence entre la croyance que toutes les nations sont sous le couvert du jugement de Dieu, impénétrable au genre humain, et la conviction blasphématrice que Dieu est toujours de son côté et que ce que cette puissance alliée à Dieu veut pour elle-même ne peut pas connaître l'échec, parce que cette volonté est aussi celle de Dieu» (3).
L'exemple d'école d’un tel blasphème se retrouve dans l’assertion du Président McKinley qui affirmait que l’annexion des Philippines (et la série de massacres de civils qui s'ensuivit) était un signe de la providence divine. Cette conquête et ces massacres avaient été entrepris après que le président ait reçu un signe de la Providence. L’Amiral Dewey revendiquait le fait que la conquête des Philippines était un gage d’approbation divine. «Je devrais dire que la main de Dieu y était pour quelque chose» (4).
Les arguments avancés pour justifier la conquête des Philippines se concentraient sur des thèmes religieux. «Ces thèmes s'exprimaient par les mots devoir et destinée. Selon le premier terme, refuser l’annexion des Philippines aurait signifié omettre d'accomplir une obligation divine et solennelle. Selon le second terme, l’annexion des Philippines en particulier et l’expansion en général étaient inévitables et irrésistibles» (5); dans cette optique, l’expansionnisme impérial américain était une “destinée manifeste” sous le signe de la Providence.
Une doctrine calviniste
La doctrine calviniste devient ainsi une arme idéologique pour la guerre d’agression et l’expansionnisme. «Les victoires rapides gagnées par les forces américaines ont renforcé les positions psychologiques des impérialistes. L’impression de commettre un acte répréhensible ne se renforce que si l’action contestable est suivie de revers. Inversement, la mauvaise conscience diminue ipso facto si le projet est exécuté avec brio. L'échec s'interprète comme une punition de la Providence; mais la réussite, telle que la décrit le schéma calviniste, se perçoit comme le signe extérieur d’un état de grâce intérieur… Le «devoir», disait le Président McKinley, «détermine la destinée». Tandis que le devoir signifie que nous avons une obligation morale, la destinée signifie que nous allons certainement remplir cette obligation, que la capacité à le faire nous est inhérente. Notre histoire a toujours été une histoire ininterrompue d'expansion; notre pays était toujours parvenu autrefois à s'étendre, ainsi il était certain qu'il réussirait de la même façon dans le futur. La force d’expansion est un héritage national et “racial”, un besoin intérieur, irrésistible et profond… La Providence a été vraiment indulgente envers nous en nous procurant des réussites si fructueuses que nous commettrions un péché si nous n’acceptions pas les responsabilités que l’on nous a demandé d’assumer» (6).
L’impérialisme américain a développé une puissante théologie de l'élection. L’idée américaine d'élection historique ou providentielle, inhérente à la doctrine de la Destinée Manifeste, a fait en sorte que Dieu et la géopolitique fusionnent en un tout parfaitement instrumentalisable; la doctrine procure ainsi la «légitimité» à la conquête et l’expansionnisme.
Un charabia moraliste et religieux
Le charabia moral et religieux de la doctrine de la Destinée Manifeste, tellement américain dans son sens primitif profond, est facile à évacuer car elle n'est qu'un bric-à-brac idéologique. Malgré sa nature de bric-à-brac, cet abominable bricolage est devenu l'assise de la théologie politique et de la politique étrangère américaines. L’expansionnisme impérialiste se voyait élevé au rang d’obligation positive, au rang de devoir. Plus l’expansionnisme était impitoyable, plus on le justifiait par une approbation divine. La volonté des impérialistes américains était d’égaler la volonté de Dieu. L’impérialisme est devenu «une vertu dérivée de l’appel de Dieu». Rester en deçà équivalait à «rejeter la guidance divine». Le Sénateur Albert J. Beveridge déclara un jour que «Dieu n’a pas passé son temps pour rien durant un millier d’années à préparer les peuples anglophones pour qu'ils ne se livrent à rien d'autre qu'une vaine et ridicule auto-contemplation et auto-admiration. Non! Il a fait de nous les maîtres-organisateurs du monde pour établir des systèmes ordonnés là où régnait le chaos. Il a fait de nous des virtuoses de la bonne gouvernance pour que nous puissions, le cas échéant, gérer la politique chez les peuples sauvages et les peuples séniles» (7).
Pris dans la spirale du destin
Le thème de la destinée était un corollaire du thème du devoir. A maintes reprises, on a déclaré que l’expansion était le résultat d’une «tendance cosmique», que «c’était le destin», que c’était «la logique inexorable des événements», etc. La doctrine qui affirme que l’expansion est inévitable a bien sûr été longtemps familière aux Américains; nous savons ô combien la Destinée Manifeste a été invoquée au cours du 19ième siècle. Albert Weinberg souligne, toutefois, que cette expression prend un nouveau sens dans les années 90. Auparavant, destinée signifiait, dans son sens premier, que l’expansion américaine, quand on le voulait, pouvait être contrecarrée par d'autres qui pouvaient se mettre en travers de notre chemin. Au cours des années 90, le sens de cette notion de “Destinée Manifeste” a légèrement évolué; elle finit pas vouloir signifier que “les Américains ne pouvaient pas, par leur propre volonté, refuser cette expansion”, car ils étaient pris, qu'ils le veuillent ou non, dans la spirale du destin. Nous faisions montre d'une certaine réticence. Ce n’était pas tout à fait ce que nous voulions faire; c’était ce que nous devions faire. Notre politique agressive se voyait implicitement définie comme obligatoire, comme le fruit, non pas de nos propres envies, mais d’un besoin objectif (ou de la volonté de Dieu) (8). La destinée a toujours eu une destination, et la destination correspondait à l’expansionnisme géopolitique; ainsi la source de l’impérialisme américain était le désir de Dieu donné aux élus pour destinée.
La mythologie politique de la Doctrine de Monroe
Kenneth M. Coleman définit le corollaire politique (et géopolitique) de la doctrine de la Destinée Manifeste, soit la doctrine Monroe, comme une mythologie politique : «Une mythologie politique a émergé parmi les Nord-Américains pour justifier la réalité de leur hégémonie dans les Amériques. La doctrine Monroe constitue un exemple quasi paradigmatique de la création d'un mythe politique accompagnant la création de l’empire américain. Il apparaissait nécessaire, à l'époque, de trouver une sorte de véhicule rhétorique par lequel on puisse suggérer non pas une intention expansionniste, mais une auto-abnégation… Dès ses débuts, la doctrine Monroe a été un artifice rhétorique conçu pour réconcilier les valeurs affirmées, c'est-à-dire celles qui évoquent le désintéressement et l'abnégation des Américains, avec leurs intentions expansionnistes réelles qui visent à réaliser leurs intérêts stratégiques et économiques majeurs. Ainsi la première caractéristique dans la définition d'une mythologie politique est son actualité… L’hégémonie, tout comme l’Empire, postule la création d’une mythologie légitimante… Dans le cas d'un Empire, la mythologie doit faire raisonner les Américains comme suit : «Nous vous dirigeons parce qu’il est dans votre intérêt que ce soit nous qui le fassions»… Dans le cas d'une hégémonie, la mythologie doit générer la croyance que les relations existantes sont bénéfiques aux partenaires et que ceux qui ne les perçoivent pas comme telles sont malavisés ou intrinsèquement mauvais...» (9).
Le message normatif de la Doctrine de Monroe
La mythologie politique, qui sous-tend les diverses formes d'hégémonie, se distingue des autres mythologies, dans le sens où elle nie l’existence de la domination politique et économique. Elle est similaire à la mythologie de l’impérialisme parce qu'elle affirme que les relations existantes sont justes, appropriées, inévitables, ou défendables de manière sur le plan des normes… La doctrine Monroe renferme un message normatif… qui dit que les causes actuelles, défendues par l'Amérique, sont justes, moralement défendables, et en accord avec les plus grands principes d’un ordre politique supérieur à d’autres ordres politiques (10) et que l’impérialisme américain sert un but moral plus élevé, celui de la Destinée Manifeste laquelle a été préalablement fixée par Dieu lui-même. Kenneth M. Coleman cite Salvador de Madariaga qui décrit la nature de la doctrine Monroe selon les termes suivants: «Je sais seulement deux choses à propos de la doctrine Monroe: l’une est qu’aucun Américain que j’ai rencontré ne sait ce que c’est; l’autre est qu’aucun Américain que j’ai rencontré ne consentirait à ce que l'on tergiverse à son propos… J’en conclus que la doctrine Monroe n’est pas une doctrine mais un dogme… pas un seul dogme, mais bien deux, à savoir: le dogme de l’infaillibilité du Président américain et le dogme de l’immaculée conception de la politique étrangère américaine» (11).
Les intérêts des Etats-Unis sont les intérêts de l'humanité toute entière
Croire que les Américains sont un peuple choisi par Dieu, pour amorcer une expansion sans fin, était inhérent tant à la doctrine de la Destinée Manifeste qu'à la doctrine de Monroe. «Le terme qui a servi à prendre ce sens de moral, du moins sur le plan de l’expansion géographique, est celui de “Destinée Manifeste”; il révèle la certitude calviniste avérée : Dieu révélera au monde ceux qui assureront Sa grâce et les rendra prospères». Si les Etats-Unis représentent la Terre Promise du Peuple Choisi, alors « il est absolument impossible de concevoir une situation dans laquelle les intérêts du genre humain ne sont pas tout à fait identiques à ceux des Etats-Unis. En faisant montre d'une telle présomption, l’opposition à la Destinée Manifeste (des Etats-Unis) n’était pas une simple opposition politique —elle ne représentait pas une quelconque différence d’opinion et se posait plutôt comme une hérésie, en révolte contre les gens choisis par Dieu lui-même… Si les autorités des Etats-Unis —les autorités choisies par les gens favorisés par Dieu lui-même— étaient en faveur d'une politique donnée, alors critiquer la justice ou la moralité de cette politique s'avérait moralement impossible» (12).
Dans cette optique, il faut se souvenir de la conclusion de Werner Sombart qui disait que «le calvinisme est la victoire du judaïsme sur la chrétienté» et que «l’Amérique est la quintessence du judaïsme». L’immoralité politique de la doctrine de la “Destinée Manifeste”, l’expansionnisme géopolitique, sous la forme d'une conquête de territoires, telle que la revendique la doctrine de Monroe, et l’impérialisme économique, tel qu'il se manifeste sous la forme de la politique des “portes ouvertes” (Open Doors Policy), deux options qui ont été fusionnées par la suite sous la dénomination de “wilsonisme” (Doctrine de Wilson), sont en fait des traductions simplistes et malveillantes de la vieille immoralité talmudique, repérable dans l'histoire.
Carl Schmitt a souligné que la transformation de la doctrine de Monroe, à partir d’un Grossraum ("grand espace") concret, en un principe universel, c’est-à-dire la “théologisation” d’un impérialisme américain spécifique et particulier, en une doctrine mondialiste universelle, qui doit inéluctablement déboucher sur une puissance-monde unique et absolument dominante, une “Capital Power”, laquelle “servirait” les intérêts du genre humain. Cette transformation d'un impérialisme particulier en un mondialisme sans alternative est aussi le commencement de la “théologisation” des objectifs politiques étrangers américains (13). Ce processus de “théologisation” a débuté au cours de la présidence de Théodore Roosevelt, mais le Président Woodrow Wilson fut le premier à élever la doctrine de Monroe au rang d'un principe mondial, à véritablement “mondialiser” une doctrine qui, auparavant, était censée se limiter au seul hémisphère occidental, panaméricain. Dans la moralité calviniste, talmudique et axée sur la Prédestination de Woodrow Wilson, l'idée-projet de la domination mondiale de l'Amérique devient la substance même de son plaidoyer pour une doctrine de Monroe à appliquer au monde entier.
L'immoralité foncière de Wilson le “moraliste”
Un cas à mentionner : le slogan américain de la «Destinée Manifeste» a servi à accroître l'aire d'application de la doctrine de Monroe par le biais du principe de l'autodétermination des peuples qu’a utilisé le Président Wilson lors de la Conférence de Paix de Paris (Versailles), pour accroître de fait —et subtilement— les sphères d'influence anglo-saxonne et pour créer un Cordon Sanitaire autour de l’Allemagne et de la Russie Soviétique en Europe, un Cordon Sanitaire composé d’Etats tampons. Évidemment, le Président Wilson, dans son empressement à faire valoir en Europe le droit à l’autodétermination, n’a jamais dénoncé la doctrine de Monroe qui incarnait, à son époque, dans l'hémisphère américain, la négation absolue de ce droit qu’il proclamait au bénéfice des petits peuples des anciens môles impériaux d'Europe centrale et orientale. En fait, ce qu’il a voulu dire en parlant du droit à l'autodétermination était clairement démontré en 1914 déjà, lorsque l’Amérique, renversant le gouvernement élu au Mexique, a bombardé la ville mexicaine de Vera Cruz, tuant ainsi des centaines de civils. Après le bombardement qui, par la suite, a conduit à la chute du gouvernement mexicain et à l’installation d’un fantoche à la solde des Etats-Unis, le Président Wilson, en mettant l’accent sur la soi-disant identité entre la politique américaine et la justice universelle, a convaincu le monde que «les Etats-Unis ont renversé le pouvoir mexicain pour rendre service à l'humanité» (14) (sic!). Le Président Wilson croyait sincèrement au rôle providentiel, désigné par Dieu, des Etats-Unis pour diriger le monde.
Aujourd’hui, si l’on regarde la situation de la Yougoslavie, on peut constater qu’une fois encore le principe pseudo-universel du droit à l’autodétermination a été utilisé comme un moyen idéologique pour renverser un statu quo existant, via un règlement frontalier en Europe, alors que les frontières européennes avaient été définitivement reconnues et acceptées comme telles par les Accords d’Helsinki. De même, ce fameux droit à l'autodétermination, inventé jadis par Wilson, a servi à légitimer les atrocités musulmanes lors de la guerre en Bosnie d’abord, puis celles, innommables, des bandes armées islamistes, terroristes et mafieuses des Albanais du Kosovo; en fait, ces bandes d'irréguliers musulmans sont l’équivalent européen des “Contras” du Nicaragua, armés, entraînés et subsidiés par les Etats-Unis. L'Europe est désormais traitée de la même manière que les anciennes républiques latino-américaines.[ndt : Pire, dans le cas de la Bosnie et du Kosovo, les dirigeants des principales puissances européennes ont applaudi et participé à ces horreurs, en posant, via les relais médiatiques, les assassins bosniaques et albanais comme des héros de la liberté ou des défenseurs des droits de l'homme].
Quand l'Allemagne hitlérienne reprenait à son compte les concepts forgés par Wilson
Ironie historique : l’Allemagne nazie avait emprunté, en son temps, de nombreux concepts idéologiques venus d'Amérique. Ainsi, l’Allemagne nazie fondait ses requêtes pour réviser le statu quo du Traité de Versailles, d'abord sur le principe d’égalité que le Traité de Versailles avait violé. Les juristes allemands ont pris conscience que le droit international en place n’était rien d’autre que l’universalisation de l’hégémonie anglo-saxonne, et, partant, la “théologisation” de l’intérêt national américain en particulier. Ces juristes allemands se sont donc mis à parler d’un nouveau droit international qui servirait l’intérêt national allemand, comme le droit en place servait les intérêts nationaux américains. Ce nouveau droit, favorable aux intérêts allemands, utiliserait également le concept d'un “nouvel ordre mondial juste” destiné à justifier l’expansionnisme germanique et à préparer le renversement du statu quo international, qui s'était établi après la guerre de 14-18.
Les principes de bases de la théologie politique américaine peuvent se résumer comme suit:
◊ a) L’intérêt national des Etats-Unis s'universalise dans le but de devenir l’intérêt universel du genre humain ou de la communauté internationale. Par conséquent, l’expansionnisme impérialiste américain est alors vu comme un avancement de la race humaine, une promotion de la démocratie, luttant contre le totalitarisme, etc. Les intérêts américains, le droit international, et la moralité internationale deviennent équivalents. Ce qui sert les intérêts américains est posé, avec une incroyable effronterie, comme des actes visant ou poursuivant les desseins de la morale et du droit, dans tous les cas de figure (15).
Délégitimer les intérêts nationaux des autres pays
b) Par conséquent, l’universalisation de l’intérêt national américain, sa légitimation transnationale —une façade allant au-delà de toutes les légitimités concrètes— conduit à délégitimer les intérêts nationaux des autres pays. A travers la doctrine de Monroe, les pays latino-américains se voyaient refuser l'expression de leurs intérêts nationaux, du moins ceux qui différaient de ou s'opposaient à l’intérêt national américain. Quoi qu'il en soit, une analyse historique objective montre clairement que l’intérêt national authentique des pays latino-américains s'opposent, en règle générale et par nécessité, à l’intérêt national des Etats-Unis. L’effet de la doctrine de Monroe était que les pays latino-américains cessent d’exister politiquement, en devenant des protectorats et des nations captives au sens propre du terme.
c) Avec le Pacte Briand-Kellog, les Etats-Unis amorcèrent l'étape suivante dans la globalisation de leur théologie politique. Les guerres menées au départ d’intérêts nationaux différents de ceux des Etats-Unis se voyaient étiquetées comme des “guerres d'agression”, tandis que les guerres agressives menées par les Etats-Unis étaient considérées comme des “guerres justes”. Les réserves émises par les Etats-Unis quant au Pacte de Kellog revêtent une importance particulière : les Etats-Unis se réservent le droit d’être seuls juges de ce qui constitue une guerre d’agression. La doctrine américaine de reconnaissance et de non-reconnaissance des Etats est également significative : les Etats-Unis se réservent le droit d’être les seuls juges pour décider quel Etat doit être reconnu ou non et quels sont les motifs qui les amènent à reconnaître un Etat ou non. Ces motifs équivalent à l’intérêt national des Etats-Unis. Pour voir à quels dangers et quelle absurdité grotesque, cette équivalence peut mener s'observe dans l’exemple historique de la non-reconnaissance par les Etats-Unis de la Chine après 1949, alors qu'ils reconnaissaient le régime fantoche de Tchang Kai Tchek, qu'ils avaient installé et qu'ils contribuaient à maintenir. Les Etats-Unis ont utilisé leur doctrine de non-reconnaissance, bloquant l’admission de la Chine aux Nations Unies, dans le but précis de saboter les Nations Unies et aussi pour s’assurer, par cet artifice, deux sièges au Conseil de Sécurité des Nations Unies, la Chine de Tchang Kai Tchek leur étant dévotement inféodée.
d) L’utilisation idéologique du concept de guerre —et les principes de reconnaissance et de non-reconnaissance— mène également à la déshumanisation médiatique des adversaires de l'Amérique : l'ennemi n'est plus un ennemi qui défend à égalité ses intérêts nationaux, mais un paria international.
e) La conséquence finale du développement de la théologie politique américaine est l’identification du droit international —le Droit des Nations— avec le système de l’impérialisme américain. La source de ce droit international n'étant, dans un tel contexte de "nouvel ordre mondial", plus rien d'autre que la volonté géopolitique et stratégique des Etats-Unis. Un tel "droit international" (?) n’est vraiment plus le Droit des Nations, au sens classique et habituel du terme, mais bien le droit du pays le plus fort, l’incarnation de l’hégémonie et de l’expansionnisme américains. L’intérêt national des Etats-Unis reçoit un statut d'universalité dans le "nouvel ordre mondial" et passe pour représenter l’intérêt de la communauté internationale. En outre, les Etats-Unis eux-mêmes deviennent un sujet omnipotent et transnational, s'universalisent, sans cesser d'être eux-mêmes et rien qu'eux-mêmes, représentant sans médiation la communauté mondiale tout entière.
Les autres Etats n'existent plus que comme entités non politiques
La théologie politique américaine est incompatible en soi, non seulement avec le principe de l’égalité des Etats et avec celui de leur souveraineté individuelle, mais aussi avec toute organisation qui se prétend être une organisation internationale réelle comme les Nations Unies. Dans le "nouvel ordre mondial", les Etats ne peuvent exister que comme entités non-politiques; les prérogatives de toute instance politique et territoriale concrète et réelle, telle que nous les trouvons énumérées et définies dans et par la terminologie de Carl Schmitt, sont réservées uniquement aux Etats-Unis, de même que le droit y afférent, de les exercer. Et une organisation internationale ne peut exister que si elle n'est plus rien d'autre qu'un équivalent fonctionnel de l'Organisation des Etats Américains (OAS), c’est-à-dire qu'une telle organisation internationale ne peut plus être autre chose qu'une façade multilatérale pour légitimer le désir hégémonique américain. L’historien britannique Edward Hallet Carr remarque, dans son livre, The Twenty Years' Crisis - 1919-1939, publié à l’origine en 1939, que, juste un peu avant l’entrée des Etats-Unis dans la première guerre mondiale, dans un discours au Sénat sur les objectifs de la guerre, le Président Wilson expliquait que les Etats-Unis, jadis, avaient été «fondés pour le bien de l’humanité» (16) (sic!). Wilson affirmait catégoriquement: «Ce sont des principes américains, ce sont des politiques américaines… Ce sont les principes du genre humain et ils doivent prédominer» (17). Carr souligne que «les déclarations de ce personnage viennent essentiellement d’hommes d’Etat anglo-saxons et d'écrivains. Il est vrai, ajoute Carr, que lorsqu’un national-socialiste important certifiait que «tout ce qui est profitable au peuple allemand est juste, tout ce qui fait du mal au peuple allemand est mauvais», il proposait quasiment la même équation entre l’intérêt national et le droit universel, équation qui avait déjà été établie par Wilson pour les pays de langue anglaise».
Les deux explications de Carr
Carr a donné deux explications alternatives à ce processus d'universalisation de l’intérêt national particulier. La première explication se retrouve fréquemment dans la littérature politique des pays continentaux : elle avance que les peuples de langue anglaise sont de vieux maîtres dans l’art de concevoir leurs intérêts nationaux égoïstes comme l'expression pure et simple du bien général, et que ce genre d’hypocrisie est une particularité spéciale et caractéristique de la façon de penser des Anglo-Saxons. La seconde explication était plus sociologique : les théories sur la moralité sociale sont toujours le produit d’un groupe dominant, qui s’identifie d'emblée à la communauté prise dans son ensemble et qui possède des moyens que ne possèdent pas les groupes ou individus subordonnés pour imposer leur point de vue sur la vie dans la communauté. Les théories de la moralité internationale sont, pour les mêmes raisons et en vertu du même processus, le produit des nations hégémoniques et/ou des groupes de nations dominantes. Durant les cent dernières années, et plus particulièrement depuis 1918, les nations de langue anglaise ont formé le groupe dominant dans le monde; les théories actuelles de la moralité internationale ont été choisies par eux pour perpétuer leur suprématie et se sont généralement d'abord exprimées dans l’idiome qui leur est propre (18).
Le vocabulaire de l'émancipation
Autre aspect important de la théologie politique : la pratique de mythifier et d'idéaliser l’expansionnisme américain pour en faire une moralité internationale universelle. Quelles sont les caractéristiques de la mythologie universaliste? C’est de transformer la signification de la réalité politique classique (ndt : aristotélicienne et nationale-étatique) pour n'en faire qu'une illusion chimérique, de facture répressive, et, en conséquence, de neutraliser et de délégitimer le langage politico-étatique (national) ou tout acte de résistance contre l'universalisme américain. En d’autres termes, la mythologie politique de facture universaliste consiste toujours à confisquer le réel, à l'éliminer et l'évacuer. Dans ce contexte, le langage articulé de l'ère étatique nationale, ou les actes de résistance, affirmés par ceux qui refusent cette logique universaliste, offrent peu de résistance, car leur contenu se voit neutralisé par la théologie politique universaliste. Pour paraphraser Roland Barthes (19), la théologie politique est expansive; elle s’invente elle-même sans cesse. Elle tient compte de tout; de tous les aspects des relations internationales, de la diplomatie, du droit international. Les pays opprimés ne sont rien : ils ne produisent qu'un langage, le cas échéant, celui de leur émancipation, or cette émancipation a déjà été délégitimée à l'avance. L’oppresseur, en l'occurrence les Etats-Unis, sont tout, leur langage politico-théologique a été élevé au rang de dogme. En d’autres termes, dans le cadre de la théologie politique, les Etats-Unis ont le droit exclusif de produire le méta-langage qui vise à pérenniser l’hégémonie américaine. La théologie politique, en tant que mythe, nie le caractère empirique de la réalité politique; ainsi la résistance à cette théologie hégémonique doit viser à recréer et à émanciper la réalité empirique.
Un méta-langage qui accepte pour argent comptant les slogans de la propagande
Durant la marche en avant de l’expansionnisme américain, déjà tout entière contenue dans la doctrine de Monroe et dans ses nombreuses extensions, en particulier durant la Guerre Froide avec sa justification idéologique, on pouvait lire dans des documents tels le NSC-68, qu'une destruction et une idéologisation du langage politique devaient s'accomplir et l'ont été. L’histoire de la Guerre Froide a débouché sur le fait que les Américains anglophones sont tombés dans le jargon propagandiste de l'ancienne idéologie et pratique panaméricaines, avec sa propension à accepter pour argent comptant les slogans, les simplifications, les mensonges et les clichés pompeux tels que le "totalitarisme", la "défense de la démocratie", le "péril rouge", etc.
L’expansionnisme américain et les machinations coloniales d’une Amérique perfide ont précisément inclus de force des sémantèmes nouveaux dans le langage, des sémantèmes dont Washington avait besoin pour exprimer ou camoufler vaille que vaille sa sauvagerie, déguisée en universalisme au service du genre humain; l'objectif préventif est de délégitimer toute résistance potentielle et légitimer à l'avance la conquête et l’hégémonie. Les Etats-Unis ont imposé une subversion planétaire du langage et c'est sur la base de cette gigantesque falsification que l’Amérique contemporaine a été éduquée.
Un gigantesque mur de mythes
Pour paraphraser George Steiner, les dirigeants de l’Amérique construisent entre l’esprit américain et la réalité empirique un gigantesque "mur de mythes". Au fur et à mesure, les mots ont perdu leur sens originel et ont acquis les contenus sémantiques propres de la théologie politique universaliste, manipulée par Washington. Le langage est devenu une falsification générale, à tel point qu'il n’est plus capable de saisir ou d’exprimer la vérité. Les mots sont devenus des instruments de mensonge et de désinformation, des convoyeurs de fausseté, servant à bétonner l’hégémonie. «Le langage n’était pas seulement infecté par ces colossales bêtises, il était sommé d'imposer les innombrables mensonges [de la propagande]» (20), d’endoctriner et de persuader les Américains que les nombreux actes visant à mettre des nations entières hors jeu, ainsi que le droit international, que les agressions militaires et les crimes de guerre en Corée, au Vietnam et, plus récemment, au Panama et en Irak, ont servi la cause des grands principes "humanitaires". La subversion du langage par la théologie politique américaine fait en sorte que la vérité empirique ne puisse plus être dite, et érige un mur de silence et de mensonge, qui a pour résultat inattendu l’effondrement de la langue anglaise, héritée de l'histoire, au profit du jargon panaméricain, pure fabrication récente. Et lorsque la langue « a été piquée de mensonges, seule la vérité la plus crue peut la purifier» (21).
Des torrents de parlottes moralisantes
Il est un phénomène américain très étrange que l’on ne retrouve pas en Europe : un Homme de Dieu —d’ordinaire un prêtre— qui s’avère charlatan. Eh bien, dans l’arène politique, après la fin de la première guerre mondiale, le Président Wilson était un de ces "Hommes de Dieu" qui voilait l’expansionnisme américain par des torrents de parlottes moralisantes. Pour Wilson, les Etats-Unis détenaient un rôle, que leur avait dévolu la Providence, celui de diriger le monde. Le wilsonisme était l’origine et la personnification du totalitarisme américain universaliste. A présent, dans l’après-Guerre Froide et l’après-Yalta, nous avons affaire à un nouveau Wilson, un petit Wilson, soit le Président Clinton, qui, à son tour, réveille le torrent de parlottes moralisantes de son prédécesseur; lui aussi se pose comme "Homme de Dieu", et a pris sa place dans la course à l’expansionnisme universaliste, de facture néo-wilsonienne, en utilisant la même vieille notion de Destinée Manifeste et la même théologie politique, cette fois sous les oripeaux du "nouvel ordre mondial". Mais une fois de plus, les concepts de la théologie politique universaliste américaine se dévoilent pour ce qu'ils sont : l’opium de la communauté internationale.
Nikolaj-Klaus von KREITOR.
(http://mid.diplomat.ru/wwwb/main/messages/1220.html... ; trad. fr. : LA).
notes :
*Anders Stephenson Manifest Destiny. American expansion and the Empire of Right (Hill and Wang, New-York, 1995).
(1) Hans J. Morgenthau, Politics Among Nations (Alfred A. Knopf, New-York, 1948) p. 64.
(2) Hans J. Morgenthau, Politics Among Nations, ibid., p. 65.
(3) Hans J. Morgenthau, Politics Among Nations, aux éditions Stanley Hoffman; Contemporary Theory in International Relations (Prentice Hall, Inc, Englewood Cliffs, 1960) p. 61.
(4) Louis A. Coolidge, An Old Fashioned Senator: Orville H. Platt (New-York, 1910) p. 302.
(5) Richard Hofstadter, The Paranoid Style in American Politics (The University of Chicago Press, Chicago, 1965) p. 174.
(6) Richard Hofstadter, ibid. pp. 175, 176, 177.
(7) Claude G. Bowers, Beveridge and the Progressive Era (New-York, 1932)
p. 121.
(8) Richard Hofstadter, ibid. p. 177.
(9) Kenneth M. Coleman, The Political Mythology of the Monroe Doctrine:Reflection on the Social Psychology of Domination, pp. 99, 100, 110
(10) M. Coleman, ibid. pp. 97, 103.
(11) M. Coleman, ibid. p. 102. Coleman quotes after Salvado de Madariaga Latin America Between the Eagle and th eBear (Praeger, New-York, 1962) p. 74
(12) Coleman, ibid. pp. 105, 109.
(13) Carl Schmitt, Grossraum gegen Universalismus in Position und Begriffe im Kampf mit Weimar-Genf-Versailles 1923-1939 (Duncker & Humblot, Berlin, 1988) pp. 295-303.
(14) Edward Hallet Carr, The Twenty Year’s Crisis 1919-1939 (Harper Torchbooks, New-York, 1964) p. 78; aussi R.S. Baker Public Papers of Woodrow Wilson: The New Democracy.
(15) Voir sur ce sujet: Kenneth W. Thompson, Toynbee and the Theory of International Poitics, aux editions Hoffman, Contemporary Theory in International Relations, ibid., p. 97.
(16) Editions R. S. Baker, Public Papers of Woodrow Wilson: The New Democracy pp. 318-319.
(17) Edward Hallet Carr, The Twenty Year Crisis, ibid. p. 79; aussi Toynbee, Survey of International Affairs, 1936, p. 319.
(18) Edward Hallet Carr, ibid., pp. 79, 80.
(19) Roland Barthes, Mythologies (Hill and Wang, New-York, 1987) pp. 131, 148, 149.
(20) Georg Steiner, A Reader, (Oxford University Press, New-York, 1984), p. 212.
(21) Georg Steiner, ibid. p. 219.
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mardi, 10 février 2009
An European Pagan and Non Western Perspective
An European Pagan and Non Western Perspective
Christopher Gerard
Dear Hindu Brothers and Sisters,
To begin with, I would like to pay tribute to Ram Swarup, a man of great importance to our Indian brothers as a sage of the Vedic renaissance, but also to me personally as a young European whom he welcomed so kindly.
To our Indian brethren I have nothing to teach about this remarkable man who played such an essential part in defending and explaining the Tradition. His friends have paid tribute to him with reverence: Sita Ram Goel (the courageous publisher of Voice of India, who ensured that the sage, who was ostracised for a time, could express his thought despite the censorship, hostility and indifference he faced), and David Frawley in his superb preface to the posthumously published work of Ram Swarup On Hinduism.(1) Your Prime Minister Atal Behari Vajpayee rightly said that he was "a representative of India¹s rishi tradition in the modern age".
As for me, I can never adequately express my debt to Ram Swarup whom I first met three years ago. We had corresponded before I came to India, and I had published a long interview with him (and Sita Ram Goel and K.R. Malkani) on Hindutva, which was undoubtedly the first special issue published in French with the participation of intellectuals of the Vedic renaissance (2). Ram Swarup approved of the approach of my journal Antaios, which deals with the awakening of the native Pagan - religions of Europe, and with freedom from the dogma of the Semitic religions and materialism. The first thing he did when he saw me was to put his hand on my shoulder as a father would and say, his eyes sparkling with kindness: "Ah, you are young, so you will be able to fight for a long time". This remark, coming from the old combattant that he was, who had actively fought the major deceptions of the century (colonialism, Marxism, anti-Hindu secularism, Christian missions, islamophilia, etc.), was a compliment. He seemed to trust the young foreigner who had come to meet him. It was above all a call to lucidity, a call to battle. Not a battle to be waged exclusively with the outside world, but also a battle against the enemy within, for the old sage knew that our worst enemy is within us and that our internal enemy is the most difficult to conquer. In the course of our long subsequent discussions, I came to appreciate the immense breadth of his culture, his generosity, and also his sense of humour. To have met a man of such human value is a privilege for which I cannot thank the Gods enough. It was Ram Swarup who gave me my first lessons in Sanatana Dharma. He encouraged me on the difficult path of rediscovering my identity which had been repressed first by the imprint of centuries of Christianity then with the stamp of materialism. It was he who, on the last occasion we met and when the time came to say goodbye, was able to find the right words to encourage and advise me to practice mental yoga so as to face up to a hostile or at the least an indifferent world. His friendship was both deep and dispassionate, and for this his influence was all the more striking. I have dwelt on these very personal considerations to show you how important this man was and remains for all those who strive for the restoration of the Dharma. Ram Swarup is an example to be followed, a true spiritual guide.
As a result of the contacts we had with Ram Swarup, Sita Ram Goel and so many other Hindu friends, our European group came to understand that we were not alone, and that our work found its echo at the other end of the continent. Let us now make a brief overview of the work of the Polytheistic journal Antaios that I have been directing since 1993. Mircea Eliade, a specialist on India, founded the review in 1959. In the 1920s, he had been a disciple of Surendranath Dasgupta, the well-known historian of Indian philosophy, and the German writer Ernst Jünger (a disciple of Nietzsche among others) who said in 1959: "a free world can only be a spiritual world". The periodical was published in German until 1971. Its objective was to combat Western nihilism by a return to classical sources. In 1993, a small group of us revived Antaios with the blessing of the venerable German writer Jünger, who remained interested in our work until his death in 1998 at the age of 103. He was our oldest reader. We are also followers of another great example : Alain Daniélou, the French indologist, initiated to traditional Shaivism in Kashi where he lived more than 15 years. Danielou devoted his entire life to the defense of Hindu Dharma. He was himself a follower of Swami Karpatriji. He worked with Karpatriji, translated some of his texts in several languages (and also translated in Hindi texts of René Guénon, for instance in Karpatriji¹s journal Siddhanta). In his passionate autobiography The way of the Labyrinth, Daniélou wrote these lines : " I tried to offer an insight into the profound values of this extraordinary civilisation, the only one of all the great civilisations of the ancient world that has survived, whose contribution, were it better known, could revolutionize modern thinking and bring a new Renaissance. This was probably why people are so afraid of it " (3). When I red these lines fifteen years ago, it was a sort of revelation. Since then , I have never forgotten Daniélou¹s fundamental message.
From its beginnings, the orientation of Antaios has been clearly pagan: to restore in Europe and on other continents the polytheist and non-dualist wisdom of the eternal tradition, which you refer to as Sanatana Dharma. This is not a new philosophical direction in Europe. Since Antiquity, and despite the censorship of Christianity, there have always been more or less hidden dissidents. Today, the Church has lost the total power it previously possessed, and thus it has become possible to challenge secular cultural and spiritual self alienation and to reaffirm, finally, after centuries of being in hiding, Paganism - that is to say the restoration of non conversion-based beliefs, non dogmatic approach, self- and God-realization, and wisdom such as Vidya, the way of knowledge. All this, which still exists in India despite Muslim, Christian and materialistic aggressions, also existed in Europe. But in Europe, the work of the missionaries has been successfully achieved: temples have been burnt or converted to other uses; holy books have been consigned to the flames; priests (our ³Brahmins²) have been killed, and our beliefs have been ridiculed. In summary, a veritable spiritual genocide, like all the initiatives in favour of conversion on the five continents by the protagonists of the one and only deity, i.e. the jealous God of the Monotheists.
How was pagan thought able to survive the catastrophe caused by the christianisation of Europe? To reinforce its hold over the minds of the people, the Church needed the help of the stalwarts of pagan thought and rituals. Thus, it appropriated for its own use often superficially - the philosophy of Plato, Aristotle and Plotinus, the old festivals, rituals and symbols. Despite this, scholarly Christian priests were fascinated by the very pagan wisdom that they had persecuted, but which lived on in their memories (and their libraries) as a living reproach.
For serious students of Greek philosophy, particularly of the Pre-Socratic philosophers (Pythagorus, Empedocles), the link with Brahmanic thought is obvious: transmigration of the soul, concept of eternal return, importance of harmonics and primordial sounds, ascetic way of life, vegetarianism, etc. As our beloved Ram Swarup reminds us so well in his spiritual legacy "the Greece of Pythagoras, Plato and Plotinus has more in common with Hindu India than with Christian Europe" (On Hinduism, p. 98). Books have been written about the links between Greece and India : for instance R.Baine Harris ed., Neoplatonism and Indian thought (Delhi 1992). Greece and India, and also the Celtic world (the Celtic Druids are the cousins of the Brahmins) may be distant in space but they are close in spirit. Their origins are identical, since the brilliant Vedic and Hellenic civilisations go back to a common pre-Vedic and pre-Hellenic source. This was probably a polar source, as Lokamanya Bal Gangâdhar Tilak has capably demonstrated in his book which should be essential reading (and was partly written in prison because of his involvement in the Indian liberation movement) The Arctic Home of the Vedas (1903). The polar source explains the common structure of the Indo-European languages, from Lithuanian to Sanskrit, as well as obvious relationships between the indo-european mythologies, and between the archaic roman religion and the Vedic religion. For example, the sacrifice of the horse, which took place in Rome each October in honour of the god Mars, corresponds to the Vedic asvamedha in honour of Indra. A similar ritual of the sacrifice of a horse can be found in pagan Ireland. Let us be clear; this does not represent an Indian influence over Rome or Ireland, or a Roman or Irish influence over India, but a relationship due to a common origin, and one which dates back in time to when our common Indo-European (the term ³Aryan² is awkward to use in Europe because of its nazi connotations) ancestors still formed a single tribe (4).
In his famous book Shiva and Dionysus, Daniélou demonstrates that between Lord Shiva and the Greek Dionysus, the pre-aryan gods of ecstasy and ways to harmony with nature and cosmos, there is a common link, a 6000 years old way to unity with the divine (5).
Among the ordinary folk, the old traditions survived with a very thin veneer of Christianity. Christianity (mainly Catholicism, more than Protestantism) has retained many pre-Christian traditions (6). Good examples are the feasts of the Nativity and that of St John, which correspond to the winter and summer solstices respectively. The title of "pope" comes from the liturgy of the mysteries of Mithra, an indo-iranian God honoured by the armies of Rome. There are many similar examples, which demonstrate that Europe is not fundamentally Christian any more than India is fundamentally Muslim or China fundamentally Marxist. All these alien ideologies have been imposed from the outside, and as such their trace will be washed away with time, like a bad painting on the hull of a ship.
If ancient India and ancient Europe both have common roots, so modern India and modern Europe are both faced with common threats. Threats to the ecosystem, climate changes, and other threats that mankind must face up to. But there is another threat, which springs from the Judeo-Christian way of thinking and is thus alien to our not-dogmatic, non-proselytising and tolerant tradition: the phenomenon of conversions. Conversion to the single model, be it the one God, the single party system or the single market, or the supremacy of any socio-political institution over the entire society.
Conversion to the one God, in the tradition of the religions of Abraham. Conversions that Christian missionaries want to impose on Indians crudely or by more subtle means. To some, the advantages of egalitarianism, more preached than practiced by Christians, are extolled. For others the civilizing character of conversion and the possibility to forget their ancestral inheritance (thus betraying their ancestors) is put forward. Manipulation by suspect persons such as Mother Theresa, all the devices of systematic anti-Hindu propaganda, have managed to make a considerable number of Hindus, who for long have but weakly defended their traditions against these deceptions, feel guilty. Fortunately, this period of alienation seems to have ended with the coming to power of people prepared to defend Hinduism (7). Let us hope that the harmful role of the Christian missionaries will soon be neutralised, both in India and elsewhere. Besides, our group is following with interest the work of the Hindu Vivek Kendra to defend Hindu traditions against missionary aggression and hate-propaganda (8).
Today in Europe, the danger no longer comes from the Catholic Church, for it has run out of steam.
Since the Council of Vatican II in the sixties, the Church has openly proved its decline : the sacred language Latin (our " perfect " language)- has been neglected and all the old mantras disappeared from the Catholic pujas. The Catholic priests now turn their back to their God, i.e. to the East, looking to the assistance (i.e. to the West), which is complete inversion. Christianity is an historical religion with a beginning and thus an end. For us, followers of Sanatana Dharma, Eternal Tradition, this is absurdŠ but their conception of time is linear, not cyclic. So it is logic to say that the Christain reign will finish one day, as it started 2000 years ago. This cycle is slowly but firmly closing. This does not mean that the Church is not a danger anymore : it is still (politically, financially) powerfull. The declarations of the Pope about the so-called conversion (i.e. spiritual agression) of India can be interpreted as a political error (he was invited by " uggly " Hindu fundamentalists and insulted the whole Indian people. Can we imagine an Indian President urging the Italians to become followers of Shiva or Vishnu ?) but also as a sort of escape, out of reality for in the West, churches are getting unoccupied, day after day. The Church is now unable to find priests and must import African priests, often ignorant. Contemporary Christians are really ignorant : most of them believe in reincarnation, astrology, ignore hell and paradise, in a word they ignore everything about theology but are fascinated by Pagan heritage. Rather the main danger comes from the colonisation of our countries by immigrant Muslim North-African populations. One of our friends, the writer and sociologist G. Faye published a controversial book on this phenomenon. It has already caused considerable scandal in France, although this has been kept from te readers by the ³right-thinking² press. The phenomenon is that of massive immigration into the country by populations from Africa and the Maghreb (coming from the lower levels of the social hierarchy) and through births in the immigrant population. This is combined with an assault on Europe by an aggressive form of Islam, supported by foreign powers such as Saudi Arabia and Pakistan (9). Our proximity to North Africa, where there is a rapid population increase, whilst in Europe the population is in decline, and the serious imbalance between the two sides of the Mediterranean, constitute serious threats and undermine Europe¹s cultural and ethnic homogeneity. Islamisation, particularly in France but also in Great Britain and Germany, goes hand in hand with this invasive immigration and criticism of it is forbidden for fear of being accused of "racism" (a good example of cultural and political auto-alienation). Faye., who is also a Pagan, reminds us in his "shocking" book that Islam is "absolute and proselytising universalism with an imperative vocation to conquer the entire world". He is right. Islam, a religion born of the desert, is above all a religion that creates new mental, psychic and spiritual deserts; it is ethnically and politically imperialistic; and one which believes in universal conquest through violence, assisted by its ethics of exclusion and intolerance. We have seen this in IndiaŠ. But Europeans are not interested in the history of real India, Hindu India. Dazzled by Christian or Marxist ways of thinking, they prefer the fascination of Muslim India. A revealing example: the most popular French tourist guide to Delhi provides full information on the mosques in the capital, but practically nothing on the temples! Faye also reminds us that the Koran is above all a manual of subversive warfare, which nobody reads. Those who have read it know that the book justifies conquest in three stages:
1) Dar al Sulh: in this stage the Muslim community is a minority community and momentarily adopts a peaceful attitude all the better to dupe the infidel, who thus naively allows his soil to be proselytised. (According to Le Monde of 9.12.99, 50,000 French people have converted to Islam up till now). This is the position in Europe today.
2) Dar al Harb: the territory of the infidel becomes a war zone. Perhaps there is resistance to Islam, or perhaps the Muslim population has reached a critical mass. In Europe, we now see the first signs of a low-intensity civil war: ethnic disturbances (which are not reported in the press), and widespread rioting by the younger generations of North Africans (who foray out from their no-go areas).
3) Dar al Islam: Muslims dominate the population and infidels are at best tolerated (as dhimmis: " protected" and required to pay a special tax) and at worst expelled or massacred. This was visible in Algeria and Morocco following independence. And I will not insult you with an explanation on the situation in Pakistan and Bangladesh after partition and also the forcefull mass-conversion of defeated Hindus during 10th to 16th centuries in India.
Some imams have quite plainly stated that the objective, according to God¹s will, was to transform Europe into Dar al Islam. In all evidence, the coming century will see a second wave of Muslim expansion in the West. The first was successfully repulsed from the 8th century onwards. But to make such a statement in Europe today makes one liable to prosecution (and Faye has just been indicted). Politically correct dogma requires peaceful coexistence between cultures; this is an utopic view that a basic study of history (for example that of India) will destroy. A few months ago I had the pleasure of meeting a very brave man, Ibn Warraq, in Paris, on the occasion of the publication of the French version of his book: Why I am not a Muslim. The book is the first criticism of substance of Islam. The author confirmed the facts to me. Another author, Pierre Gallois, a French Air Force General, instigator of the French nuclear deterrent and a specialist of military strategy, has just published a book with an evocating title: Le soleil d¹Allah aveugle l¹Occident (The West is blinded by the sun of Allah) (10). These authors warn us against the utopia of pacifism, and of the danger of remaining totally blind to Islam as a deadly threat to secular traditions.
Another friend of ours, a political scientist and a specialist in geopolitics, and a follower of General Gallois, has published a book which also created a furor among ³right-minded thinkers² (11). His name is A. del Valle and his book demonstrates in a highly credible fashion that, in Islam, faith is indissociable from political theocracy. He further states that agressive Islamism is not "heretical" for it represents an application of the dogma of jihad, a traditional and perfectly legitimate dogma for Muslims. Moreover, del Valle proves that Islam, aggressive and expanding from Europe to India, has found an ally as formidable as it is surprising: the United States. For, ever since the Russian invasion of Afghanistan, the Americans have armed and trained often with the help of their Saudi ally the toughest Islamic movements. Our friend also shows that Muslim fundamentalism cohabits perfectly with the most ferocious capitalism. In the scenario of a confrontation between civilisations predicted by a Pentagon analyst, S. Huntington, the USA would arm Islam against Europe, Russia and India. As a result of the Gulf War, the USA has total control over the oilwells of this strategic region. To justify their support to the state of Israel, they support for example the Muslims against the orthodox Slav block (Serbian war) in the Balkans. They approve the indiscriminate immigration of Muslims to Europe. They support the Turkish (neo-Ottoman) designs in Central Asia (against Moscow) and support Turkey in its bid to join the European Union. I will not lecture you on the role played by the Americans against Delhi in Pakistan, which America considers as one of its colonies: the aim, as in the case of Europe and Russia, is to weaken an emerging power, in this case India.
Conversion to the single party system, for example Marxism. The collapse of the USSR in recent history has clearly shown the limits of Marxism as a totalitarian doctrine, which cannot understand any other civilisation than its own. And yet, despite the human failures, the spiritual disasters, and the economic catastrophe it brought about, there are still many firm believers in Marxism whose theories continue to influence many people even in Europe. For instance, too many journalist or scholars are still infected with marxist dogmatism and intolerance. Marxism is clearly linked to Christianity : same premises (linear conception of time, refuge in outer worlds : celestial Jerusalem or communist paradise, totalitarian egalitarianism which condemns differences, inquisition and physicall elimination of any opposition, etc). Christian and marxist propaganda agree to demonize the old cast system, which preserved during centuries the identity of India against all exterior agressions. Due to this intellectual terrorism, it is now difficult to tell the truth about casts, which are an important part of India¹s genius. Authors like Daniélou or Dumont (in his book Homo hierarchicus) dare to say the truth : casts are inherent in human nature.
In today¹s context, the third form of conversion is, in my opinion, the most dangerous. It is the conversion to the single market which the media, as the agents of consumer propaganda, refer to as globalisation. Globalisation is not unavoidable, a sort of inevitable progress, which will bring peace and prosperity throughout the world as liberal propaganda maintains. Behind the concept of globalisation lies the United States of America¹s ambition to dominate the world economically, militarily and culturally. This is not "globalisation", but imperialism to colonise the world by any means. So-called "globalisation" means making the planet American. There is no such thing as "globalisation", which some represent as progress, others as fate, but an all-out offensive campaign run from Washington to impose North American models, which are but are universally-formatted specific characteristics, on the whole planet.
The mask of capitalism, today in full expansion, is what I would call humanitarian materialism. It dominates people¹s minds thanks to a gigantic mass violation of them. The media has become a propaganda machine using a clever mixture of stick and carrot to ³jam² the mind, and its purpose is to gain the acceptance in the mentally confused masses of the official credo: market democracy. As the American linguist Noam Chomsky describes it so well: "propaganda is to democracy what force is to a dictatorship, in effect its essence". And yet, there really is confrontation between different imaginary worlds; the North American realm of fancy against the other imaginary realms. This confrontation creates other tensions of a political and economic nature.
In this war of colonisation, Europe in the midst of political and economic unification, India in full expansion, and Russia in full decline, all constitute obstacles to America¹s hegemonistic strategy. In its overall strategy to weaken its opponents and gain overall control, Washington uses all available means: financial weapons (competition in the banking sector, rigged neotiations in the framework of the WTO), food resources (OGM), military pressure (Balkan War), espionage (Echelon network), cultural weapons (television, CNN, destabilising advertising: Coca Cola is more dangerous than the 6th Fleet). Humanitarian materialism postulates a necessary but fatal "freedom" of the individual from all his affiliations (race, class, profession, religion, and even sex with the exaltation of homosexuality) and turn him into a conditioned consumer, slave to the worst of masters, a faceless master: the market (12).
These three main threats, conquest by Islam, Christian missions and humanitarian materialism are all occurring simultaneously, and they are self-reinforcing. Protestant missions, whether in India or in South America or in Russia, prepare the coming of the American traders. Islamic networks are supported by Washington indirectly through its Sunni Saudi or Pakistani allies. The example of the oil kingdoms shows clearlyl that Muslim or Protestant fundamentalism is compatible with consumerism, as these ideologies postulate the tabula rasa or clean slate and consider all ancestral traditions as obstacles to be pushed aside.
What to do?
It would be silly to give up in despair, for the very fragile system described above - one based on illusion Maya - (typical of the great dissolution of Kali Yuga), will only last for a short time. One of our masters, René Guénon, a traditionalist thinker, already said in 1927, in his famous The Crisis of the modern world : " confusion, error and darkness can win the day only apparently and in purely ephemeral wayŠ and nothing can ultimately prevail against the power of truth ". (13) Oscar Wilde once said that the United States had passed directly from a state of savagery to a state of decadence. For the successors of the great civilisations such as India and classical Europe, it is clear that our potential destiny of becoming an annex of the American market (Bible and Business) is unacceptable. Our work, and it is a noble task, is to restore the Dharma, each according to his own traditions.
In Belgium, Antaios is modestly working towards this end, as does Voice of India in Delhi and so many others (Hindu Vivek Kendra in Mumbai for instance). We have founded the Society of Polytheistic Studies to raise funds, support our journal Antaios and organise meetings. Our last meeting was in Paris with a lecture given by prof. Maffesoli, one of the most influent French sociologistŠ who is a Polytheist ! For the moment, we are just a minority, slowly growing, sometimes demonised or ignored by the press and the University (but in England there are some Pagan scholars). I myself plan to publish a Pagan manifesto in october : Parcours païen (Pagan Itinerary) (Ed. L¹Age d¹Homme, Lausanne) in the same publishing house than Ibn Warraq¹s book Why I am not a Muslim.
In Lithuania, the World Congree of Ethnic Religions has been created : it would be nice that Hindus become members of this association devoted to the defense of Paganism. WCER organises an annual meeting with people coming from Poland, Iceland, Russia, Belgium, France, etc. (www.wcer.org)
In France, a more radical movement (closer to RSS style) has started to be spoken about: Terre et Peuple. Its president, a professor of medieval history and a well-known indophile, has recently published a manifesto in which he calls upon Europeans to rid themselves of consumerism and nihilism, to rediscover their pagan origin (14), and to combat the development of Islam on the continent. These constitute the modest signs of a reaction to the deep crisis. There are others, much more important. The Seattle demonstrations; the coming to power, in the world¹s biggest democracy, of a party which openly dares to defend the Dharma; the still embryonic renaissance of native religions; and the interest in the environment worldwide: all these are signs of a reply to the disorder engendered by liberalism.
In the battle we find the same ennemy, our worse ennemy : our own weakness, our own ignorance and divisions.
We Resistance fighters all over the eurasiatic continent, from Ireland to India, need a large alliance against chaos and destruction, for the defense of Dharma, the noblest task for our generation.
Europeans can warn you against dangers of modernity and we can find in India an ally able to assist us in a return to our native culture ³out of the ruins of the West². Europe has to free itself from the West and re-discover its true identity, true to the Dharma. In this endeavour, the rediscovery of India and the ancient relatonship between the Vedic civilisation and the ancient Greek and Celtic civilisations will, for example, be of great assistance. As the philosopher Nietzsche said: "the man of the future will be the man with the longest memory". Ram Swarup, sage of the Vedic renaissance, says the same thing in his spiritual legacy. I shall quote it as my concluding remark: "The Ramayana and the Mahabharata can help in restoring this lost dimension". Let us follow in his footsteps and re-read the pre-Socratic Greek philosophers and the Upanishads of India to obtain our self-rediscovery.
We know that as we say in Latin " Vincit omnia veritas ". In your sacred language, you would say " Satyam eva jayate ". (15)
Thank you for your attention.
New Delhi, 22nd July 2000
The lecture was organised by Vishwa Adhyayan Kendra, held in Constitution Club, New Delhi, with prof L. Chandra and K.R. Malkani.
References:
(1) Ram Swarup, On Hinduism. Reviews and Reflections, Voice of India, Delhi 2000.
(2) Antaios X, Hindutva, Interviews with Ram Swarup and Sita Ram Goel (in French), Brussels 1996.
(3) A. Daniélou, The way of the Labyrint. Memories of East and West, New Directions Paperbook, New York 1987. First edition in 1981, in French.
(4) J. Haudry, The Indo-Europeans, Institut d¹Etudes Indo-Européennes, Lyon 1994. See also B. Oguibenine, Essays on Vedic and Indo-European Culture, Motilal Banarsidass, Delhi 1998.
(5) A. Daniélou, Shiva and Dionysus, Inner Traditions Intern., New York 1984
(6) R. Fletcher, The Conversion of Europe. From Paganism to Christianity 371-1386 AD, Harper Collins, London 1997. And the remarkable work of two Pagan scholars: P. Jones & N. Pennick, A History of Pagan Europe, Routledge, London 1995.
(7) K. Elst, Psychology of Prophetism. A Secular Look at the Bible, Voice of India, Delhi 1993. See also Sita Ram Goel, Jesus Christ. An Artifice for Aggression, Voice of India, Delhi 1994 and, Defense of Hindu Society, Voice of India, Delhi 1994.
(8) A.V. Chowgule, Christianity in India. The Hindutva Perspective, Hindu Vivek Kendra, Mumbai 1999.
(9) G. Faye, La Colonisation de l¹Europe. Discours vrai sur l¹immigration et l¹islam, Aencre, Paris 2000.
(10) Ibn Warraq, Pourquoi je ne suis pas Musulman, L¹Age d¹Homme, Lausanne 1999. See also P.M. Gallois, Le soleil d¹Allah aveugle l¹Occident, Age d¹Homme, Lausanne 1998.
(11) A. del Valle, Islamisme et Etats-Unis. Une alliance contre l¹Europe, Age d¹Homme, Lausanne 1997.
(12) See Le Monde diplomatique, mai 2000: " L¹Amérique dans les têtes ".
(13) R. Guénon, The Crisis of the Modern World, Indica Books, Benares 1999.
(14) P. Vial, Une Terre, un peuple, Ed. Terre et Peuple, Lyon 2000 email: terrepeuple@hotmail.com ).
(15) R. Guénon, The Crisis of the Modern World, op. cit., p. 142.
[Public speech held in July 2000 in India, taken from SYNERGON, 10th September 2000]
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vendredi, 30 janvier 2009
Renaissance islamique et Turquie moderne
Archives de SYNERGIES EUROPÉENNES - ORIENTATIONS (Bruxelles) - Juillet 1988
Renaissance islamique et Turquie moderne
Rainer WERLE / Renate KREILE, Renaissance des Islam - Das Beispiel Türkei, Junius, 1987, 178 S., DM 19,80.
Une enquête remarquable sur la Turquie contemporaine, déchirée entre une volonté de se faire européenne, une nostalgie de la puissance ottomane et le renouveau islamique. Le bilan du kémalisme laïc et occidentaliste, les deux auteurs le tirent avec clarté: un nationalisme étatique à la française, une laïcisation de la sphère religieuse, un système de parti unique et l'armée comme élite dirigeante. Face à cette option, qui détermine les constitutions turques depuis Mustapha Kemal, grouille un Islam populaire de facture sunnite ou alaouite ou qui s'exprime par le truchement de sectes; celles-ci peuvent être anciennes ou nouvel-les; parmi les anciennes, citons: les Bektâsî, véhiculant des reliquats de paganisme, les "Derviches tourneurs" liés au califat, les Naksbendî actifs au Kurdistan et les Ticânîlik, hostiles au parti unique kemaliste et protagonistes de la démocratie multipartite. Les nouvelles sectes sont les Nurculuk et les Süleymancilik, dont le mouvement fut fondé par Süleyman Hilmi Tunalihan, originaire d'une région actuellement roumaine.
Les Süleymancilik sont rigoureusement fondamentalistes, mais ont eu la particularité de présenter Hitler comme un musulman qui viendrait libérer la Turquie des idées françaises et chrétiennes! Plusieurs adeptes de la secte se sont engagés dans les unités SS albanaises ou bosniaques. Après la guerre, la secte soutient les formations démocratiques de Menderes et de Demirel. Werle et Kreile abordent ensuite l'évolution socio-économique du pays, avec l'apparition d'une bourgeoisie tournée vers l'Occident, qui a intérêt à inféoder le pays à l'OTAN et à la CEE.
La ré-islamisation constitue dès lors un phénomène d'essence populiste, de révolte contre les processus d'aliénation occidentaux. La révolte populaire turque ne prend pas les aspects d'une gauche marxisante classique, puisque la démarche intellectuelle du marxisme est laïque et occidentale. Très concrètement les fondamentalistes turcs parient sur un réflexe identitaire religieux (et non racial car la Turquie est une mosaïque de races, unie tant bien que mal par la turcophonie), contre les décisions du FMI visant à tourner l'économie turque vers l'exportation, ce qui n'avait jamais été sa vocation. Les capitaux que la bourgeoisie cosmopolite mobilise pour se constituer un outil industriel exportateur sont prélevés sur les salaires et/ou récupérés par une inflation galopante. Les sacrifices des travailleurs turcs risquent de surcroît d'être vains: les marchandises à ex-porter seront-elles exportables, intéresseront-elles le marché européen, saturé de fruits espagnols et obligé de tenir compte des accords spéciaux et déjà problématiques avec le Maroc et Israël?
La ré-islamisation anti-néo-kémaliste est parallèle à un programme de réorientation diplomatique vers le monde arabe, vers le Proche-Orient, espace traditionnel de l'expansion turque, et, surtout vers une re-dynamisation de la CRD (Coopération Régionale de Développement), signée entre le Pakistan, l'Iran et la Turquie en 1964. Cette perspective-là d'extension du rayonnement turc nous apparaît plus utile et à la Turquie et à l'Europe car elle apaiserait bon nombre de tensions dans le Vieux Monde. La Turquie pourrait effectuer un travail historique capital au Proche-Orient, travail que l'aléatoire carte occidentaliste, jouée par Özal, empêche d'amorcer. L'enquête de Werle et Kreile est remarquable de lucidité.
(Robert STEUCKERS).
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mercredi, 28 janvier 2009
Hypathie, vierge martyre des païens
Archives de SYNERGIES EUROPÉENNES - COMBAT PAÏEN - DÉCEMBRE 1990
B. Favrit-Verrieux:
Hypathie, vierge martyre des Païens
"Dors, ô blanche victime en notre âme profonde,
Dans ton linceul de vierge et ceinte de lotos;
Dors! l'impure laideur est la reine du monde
Et nous avons perdu le chemin de Paros (…)
Demain, dans mille années,
Dans vingt siècles, —qu'importe au cours des destinées—
L'homme étouffé par vous se dressera (…)
Votre œuvre ira dormir dans l'ombre irrévocable".
Leconte de Lisle (Hypathie et Cyrille)
Alexandrie, 415. Cinq ans après le sac de Rome, alors que l'Empire s'écroule, l'Egypte vit à l'heure des derniers feux du paganisme antique. L'Occident est acquis à la cause du "Galiléen", l'Orient résiste encore, mais il n'est qu'en sursis. La ville égyptienne abrite une population multiconfessionnelle; la cohabitation s'avère de plus en plus difficile. Face aux Juifs et aux païens "Hellènes": les partisans de Jésus, manœuvrés par l'évêque Cyrille, et qui comptent bien se rendre maîtres de la place.
Dans cette atmosphère tendue se dresse Hypatie, la vierge des païens et, si l'on en croit les relations de Socrate (1) et Damaskios, l'ultime rempart du paganisme. Son père, prêtre des dieux et scientifique de renom, lui a enseigné la mathématique, l'astrologie et la philosophie. Elle a grandi dans le culte des dieux; elle sait que tout flanche et agonise autour d'elle; pourtant, elle se refuse à suivre la théorie des conversions. Un combat sans espoir, perdu d'avance… En cela réside toute sa signification.
Hypathie enseigne la philosophie, elle a le verbe haut mais la grâce l'habite; tous les témoignages convergent lorsqu'il s'agit d'évoquer sa grande beauté. On a coutume de la représenter au milieu d'un cénacle, le cercle de ses fidèles qui, avec elle, refusent de voir les dieux s'exiler pour céder la place aux religions de l'intolérance.
Les Juifs et les chrétiens s'affrontent à coups d'émeutes et de pogroms sous les regards inquiets d'Hypatie et des siens; à quand leur tour?… Il y aussi la lutte d'influence que se livrent Oreste, préfet de la ville, et l'évêque Cyrille. Pour une cause mal définie, le préfet d'Alexandrie aurait fait torturer à mort un chrétien, un provocateur dont les Juifs ont exigé la tête. L'affaire dégénère bientôt et c'est le massacre entre les deux communautés. Cyrille, qui a l'avantage de la supériorité numérique, fait détruire les synagogues et expulser les Juifs. Puis, emporté par son élan, l'évêque harangue ses troupes qui jettent l'anathème sur le représentant de Rome. Oreste cherche alors à se concilier les faveurs d'Hypatie dont l'influence est toujours notoire pour tenter de réduire Cyrille et ses moines fauteurs de troubles. On rapporte aussi que frappé par la beauté de la jeune femme, le préfet d'Alexandrie, bien que baptisé, aurait longuement hésité à s'engager sur le voie du paganisme. Il n'en fit rien.
Lorsque la vierge païenne est prise à partie en pleine ville par la foule chrétienne fanatisée qui l'arrache de sa voiture et la traîne au Caesarium, il ne réagira pas. Sur les marches du temple impérial, Hypatie est "déshabillée, tuée à coups de tessons, mise en pièces… Ses restes sont ensuite promenés dans les rues et brûlés…" (3). Désormais, Cyrille et Oreste peuvent envisager la réconciliation…
Dans son avant-propos à un ouvrage de Gabriel Trarieux (4), George Clemenceau eut cette phrase: "Hypatie contre Jésus. La Grèce toujours contre sa mère l'Asie, la beauté contre la bonté, fût-il jamais plus passionnante tragédie?" Passionnantes ou pas, il est des tragédies dont les païens que nous sommes ne peuvent s'accommoder et veulent éviter. Contre l'éradication de la beauté et le règne du lit de Procustre, nous devons montrer notre détermination face à l'intolérance qui règne chez nous et le retour des tabous et des amalgames minables. Nos spécificités, notre religiosité européennes nous ont toujours enseigné de ne pas nous agenouiller, nous encaloter, nous voiler, nous asservir, de privilégier l'amour des libertés pour que s'élève l'être face à ses sensibilités identitaires. Hypatie, la chaste et belle païenne, n'a pas voulu se taire et se prosterner. Elle a montré la voie. Souvenons-nous du culte d'Athénée Poilias qu'elle tenta d'honorer jusqu'au bout et de sa croisade contre le Crucifié.
B. Favrit-Verrieux.
Notes:
(1) Histoire de l'Eglise.
(2) Vie d'Isidore.
(3) Chronique des derniers païens - Pierre Chuvin (Les belles Lettres: Fayard, Paris, 1990).
(4) Hypatie - Cahiers de la quinzaine (Paris, avril 1904).
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mercredi, 19 novembre 2008
Quelques dates et quelques étapes dans le retour de la conscience païenne en Europe
Quelques dates et quelques étapes dans le retour de la conscience païenne en Europe
Robert STEUCKERS
L'objectif de cette longue liste est de donner au lecteur et à l'éventuel mémorisant l'envie d'approfondir quelques aspects de l'aventure néo-païenne à l'œuvre en Europe depuis les humanistes italiens du XVième siècle. Cette liste n'est pas du tout exhausive. Nous sommes conscients de ses lacunes, mais nous avons d'abord voulu évoquer des étapes ou des événements peu connus, significatifs et non réductibles aux vulgates paganisantes ou anti-paganisantes qui tiennent le haut du pavé aujourd'hui. Nous n'avons pas repris les étapes de la redécouverte archéologique ou linguistique des faits indo-européens, indissociables toutefois de la reprise en compte de notre plus lointain passé. Nous avons arrêté nos investigations dans les années 20 de ce siècle.
1176: A Cardigan au Pays de Galles, se tient le premier Eisteddfod gallois en présence de Lord Rhys ap Grufydd.
1365- c. 1430: Christine de Pizan, qui préfigure le féminisme européen, commence son traité d'héraldique par une invocation directe à Minerve, déesse des facultés intellectuelles, de l'intelligence et des armes. Minerve remplace ainsi la figure abstraite de la Sapientia.
1422-1427: Découverte dans les milieux humanistes italiens du texte de Tacite, Germania. La redécouverte de ce texte ouvre la pensée européenne aux réalités non classiques de l'Europe du Nord.
1431: L'humaniste italien Lorenzo Valla publie De voluptate, tentant de concilier la ferveur spirituelle chrétienne et la fantaisie sensuelle des Epicuriens, en rejetant le filon stoïcien qui érigeait la frigidité au rang de vertu. La parution de ce texte est contemporaine de la représentation picturale de nombreuses Vénus, nymphes, grâces et muses.
1450: A Rimini en Italie, Leon Battista Alberti construit en 1450 le Tempietto Malatestiano, en l'honneur du condottieri Sigismondo Malatesta, ennemi du Pape. Toutes les icônes de ce temple sont païennes, notamment un soleil faisant référence directe à Apollon. Pie II, en dépit de sa tolérance et de ses largesses de vue, condamne ce temple, comme expression du paganisme mais en réalité il le refuse car il est un “pied-de-nez” à l'institution pontificale, et excommunie Malatesta.
1450: Naissance à Schlettstadt (Sélestat) en Alsace de l'humaniste, juriste et théologien allemand Jakob Wimpfeling. Sur base de la Germania de Tacite, réédité par Konrad Celtis en 1500, il développe les premières manifestations du nationalisme allemand. Les Germains de Tacite sont proches de la nature, simples et guerriers: tel est le modèle de la meilleure humanité (comme le disait aussi Machiavel en admirant et en préconisant le système des milices paysannes et guerrières suisses). Chez Wimpfeling toutefois, le modèle germanique ne doit pas uniquement conduire à exalter la guerre, mais à promouvoir d'autres vertus importantes en Europe du Nord et en Europe centrale: l'humanité, la magnanimité, le courage civique et l'hospitalité. Il défend farouchement la germanité naturelle de l'Alsace contre les premières manifestations de la francisation.Wimpfeling meurt dans sa ville natale en 1528.
1455: La ville de Pienza commande des travaux de réaménagement urbain à Federico de Montefelto. Parmi les innovations, celui-ci fait construire un temple dédié aux Muses (Tempietto delle Muse). L'iconographie païenne s'y juxtapose à l'iconographie chrétienne.
1459: Naissance à Wipfeld près de Schweinfurt de l'humaniste allemand Konrad Celtis (en réalité Konrad Bickel ou Pickel). Philosophe itinérant, poète récompensé en 1487 par l'Empereur Frédéric III, ami des humanistes italiens, fondateur des premières sociétés littéraires polonaise (Sodalitas Vistulana; Cracovie, 1489-91) et hongroise (Sodalitas literaria Hungerorum), ensuite de nombreuses sociétés littéraires allemandes (à Vienne et en Rhénanie). Konrad Celtis écrit en latin, mais un latin non académique, proche de la simplicité populaire. Il édite en 1487 les textes de Sénèque et en 1500 la Germania de Tacite. Quand il édite ce texte mineur de Tacite (mais combien important pour la prise de conscience nationale future des Allemands), ses intentions sont anti-cléricales et, à l'instar de du Bellay et Ronsard, de défendre la langue populaire contre un latin figé et les trop nombreux emprunts à l'italien. Celtis lance une idée qui fera son chemin: Tacite, dans Germania, nous enseigne les vertus de la simplicité et de la primitivité. Dans certains textes, il applique la méthode de Tacite aux Allemands de son siècle, en vantant les mérites de la simplicité scythe, à imiter. Celtis introduit ainsi les premiers linéaments de la russophilie des nationalistes et des conservateurs allemands. Konrad Celtis meurt à Vienne en 1508.
1472: Naissance à Ingstetten près de Justingen dans le Wurtemberg de l'humaniste et poète Heinrich Bebel, fils de paysan. Professeur de rhétorique à l'université de Tübingen, il est nommé “poeta laureatus” par l'Empereur Maximilien I en 1501. Bebel lutte contre la scolastique étouffante, développe les armes de la satire et de l'ironie dans sa rhétorique, revalorise les traditions populaires et le langage non frelaté de l'homme du peuple. Cette simplicité permet le politique, car elle a donné à l'antique Rome républicaine ses vertus de paysans-soldats frugaux, figures par excellence destinées à la gloire militaire et impériale. Or les Allemands du temps de Bebel doivent assurer la responsabilité de l'Empire. Ce n'est que sur base d'une simplicité, comparable à la frugalité romaine antique, que cette mission divine peut être assurée. Bebel meurt en 1518 à Tübingen.
1484: Le 5 décembre 1484, le Pape émet la Bulle “Summis desiderantes” contre les sorcières.
1486: Pic de la Mirandole prépare, pour l'assemblée d'humanistes et d'érudits qu'il a convoqués à Rome et qui sera interdite par le Pape, une De hominis dignitate oratio, où il définit la gloire de l'homme par sa capacité à changer, à adopter des comportements différents. L'espace où agit l'homme n'est pas clos comme celui des anges ou des animaux. Cette absence de fermeture lui permet de devenir ce qu'il veut devenir. L'homme peut végéter comme une plante, se démener comme une brute, danser comme un dieu, raisonner comme un ange ou se retirer dans l'antre de sa solitiude. “Qui hunc notrum chameleonta non admiretur?” (= Qui d'entre nous n'admirerait pas ce chaméléon?). Spécialiste de la redécouverte de la paganité hellénique pendant la renaissance italienne, l'historien anglais Edgard Wind écrit: «Dans cette poursuite aventureuse de sa propre auto-transformation, l'homme explore l'univers comme s'il s'explorait lui-même. Et plus il porte ses métamorphoses vers le lointain, plus il découvre que ces phases variées de son expérience sont transposables les unes dans les autres: car toutes reflètent en ultime instance l'Un, dont elles développent des aspects particuliers. Si l'homme ne sent pas l'unité transcendante du monde, il perdra également son inhérente diversité. Pic exprime cette idée de manière cryptée mais indubitable dans l'une de ses conclusiones orphiques: “Celui qui ne peut attirer Pan à lui, approchera Protée en vain”». Pic de la Mirandole fait l'équation entre Pan et le Tout, réintroduit dans la pensée européenne le polythéisme orphique, la vision renaissanciste d'un univers pluriel.
1486/87: Les dominicains et inquisiteurs allemands Jacob Sprenger (Bâle) et Heinrich Institoris (Schlettstadt/Sélestat) publient le Hexenhammer (Malleus maleficarum), manuel de l'inquisition contre les sorcières.
1496: Dans Practica Musice l'humaniste Luc Gafurius publie une image montrant l'harmonie divine, où ne figurent que les muses, les dieux et la cosmologie païenne.
1508-1511: Raphaël installe son Ecole d'Athènes dans le Vatican, ce qui banalise les images des dieux et des déesses païennes dans toute l'Europe.
1514: L'humaniste Justus Bebelius traite dans ses ouvrages de l'ancienne religion des Germains et des druides gaulois.
1520: A Piacenza en Italie, le juriste Gianfrancesco Ponzinibio s'insurge contre les procès en sorcellerie dans un réquisitoire imprimé et diffusé. En 1523, il doit répondre à l'inquisiteur de Spina.
1532: L'humaniste français Jean le Fèvre publie son ouvrage Les Fleurs et Antiquitez des Gaules, où il est traité des Anciens Philosophes Gaulois appellez Druides, première approche de la religiosité celtique en France.
1556: L'humaniste français Picard reprend la mythologie imaginaire d'Annius de Viterbe (1498), du moins pour ce qui concerne les Gaulois.
1563: Le médecin du Duc de Clèves, d'obédience calviniste, Johannes Weyer (1516-1588) rédige un ouvrage pour dénoncer la folie des procès de sorcellerie et le dédie à l'Empereur Ferdinand I, frère de Charles-Quint (Über die Blendwerke der Dämonen, Zaubereien und Giftmischereien). L'Empereur le félicite mais l'ouvrage sera mis à l'index.
1567-1570: Le sculpteur Giovanni di Bologna installe des statues de bronze des divinités païennes dans la ville de Bologne (Hercule), dans les Jardins de Boboli (Oceanus) et à Florence (Neptune).
1579: Le juriste toulousain Forcadel, dans De Gallio Imperio et Philosophia reprend à son tour la vision d'Annius de Viterbe, mais y ajoute des paragraphes importants sur la fonction juridique des Druides. Forcadel entend ainsi, implicitement, revenir à un droit plus conforme au passé de la Gaule/France.
1582: L'humaniste écossais George Buchanan (1506-1582), dans son “Histoire de l'Ecosse”, jette les bases des études celtiques comparées. Il souligne la parenté des langues celtiques.
1585: L'humaniste français Noël Taillepied publie Histoire de l'estat et républiques des Druides, Eubages, Sarronides, Bardes, Vacies, anciens François, gouverneurs des pais de la Gaule, depuis le déluge universel, iusques à la venue de Jésus Christ en ce monde. Compris en deux livres, contenans leurs loix, police, ordonnances, tant en l'estat ecclésiastique, que séculier. Taillepied consacre vingt sections de cet ouvrage aux codes légaux et aux ordonnances des druides. Le retour à la Gaule chrétienne chez cet humaniste est lié à une volonté de retrouver un droit accordant au peuple davantage de libertés concrètes.
1592: Le prêtre catholique et théologien Cornelius Loos (ca. 1546-1595) est sommé de se rétracter: il avait protesté contre les exécutions de sorcières par le feu à Trêves où il était professeur. Le Nonce de Cologne Ottavio Mirto Frangipani l'avait fait enfermer dans l'abbaye de Saint-Maximin. Après sa rétractation, il dirige une paroisse à Bruxelles, mais continue de s'insurger contre les procès en sorcellerie. Il est à nouveau enfermé et meurt prisonnier.
1594: Une tentative échoue d'organiser un Eisteddfod au Pays de Galles.
1602: Adriaen de Vries, disciple du sculpteur Giovanni di Bologna, installe la première statue païenne hors d'Italie, à Augsburg en Bavière. Il s'agit d'une fontaine d'Hercule. Désormais, les figures du panthéon païen remplacent sur les fontaines les représentations médiévales de Saint-Georges.
1618: Le poète et dramaturge anglais John Fletcher, dans sa pièce consacrée à la figure de Bonduca (= le reine celtique Boadicée, résistante à la l'occupation romaine), fait apparaître sur scène des druides et des bardes dans une séquence dansée. La perspective de Fletcher est patriotique et renoue avec le passé celtique de l'Angleterre, exalté comme vierge de toute influence continentale.
1622: Le poète et humaniste anglais Michael Drayton (1563-1631) publie son long poème en alexandrins intitulé Polyolbion, où il conte les merveilles de la Britannia, mélangeant doux idyllisme et patriotisme. Dans ce poème, les druides apparaissent comme des “bardes sacrés” dont la connaissance des mystères de la nature a été la plus profonde jamais acquise par les hommes.
1623: L'humaniste et médecin Guenebault publie Le réveil de l'antique tombeau de Chyndonax, Prince des Vacies, druides celtiques, dijonnois,... Dans cet ouvrage, l'auteur insiste sur la fonction juridique des druides.
1627: Le Jésuite Adam Tanner (1572-1632), professeur à Ingolstadt, veut réintroduire le “Canon Episcopi”, selon lequel la sorcellerie n'est que superstition sans fondement. Puisqu'il n'y a pas de fondement, les tortures et les exécutions sont inutiles. L'Inquisition menace de lui faire subir la torture.
1631-1632: Le Jésuite allemand Friedrich von Spee (1591-1635) demande de limiter les procès en sorcellerie dans sa “Cautio criminalis”. Des pressions sont exercées sur le RP von Spee. La guerre de Trente Ans ruine ses efforts.
1635: Le luthérien de tendance piétiste Johannes Matthäus Meyfart (1590-1642) tente de reprendre le combat du Jésuite von Spee, cette fois dans les territoires protestants, mais se fait beaucoup d'ennemis.
1648: L'humaniste allemand Elias Schedius publis De Dis Germans (= Des dieux des Germains), traitant de la religion des “anciens Germains, Gaulois, Bretons et Vandales”.
1660: Le roi d'Angleterre Charles II fait figurer sur les nouvelles pièces de monnaie anglaises la déesse Britannia, ce qui n'avait plus été fait depuis l'empire romain. L'Etat ou la nation sont désormais considérés comme des divinités. L'hymne patriotique anglais Rule, Britannia en est un autre témoignagne. En Allemagne, apparaît la déesse Virtembergia (= Wurtemberg), sur le sommet du Château Solitude près de Stuttgart en 1767.
1670: John Aubrey fonde l'association druidisante Mount Haemus Grove, dont l'inspiration dérive d'une société du même nom qu'aurait fondée à Oxford en 1245 le barde Philipp Bryddod.
1676: Aylett Sammes écrit dans sa Britannia Antiqua Illustrata, que les druides croyaient en l'immortalité de l'âme, ainsi qu'à la transmigration de celle-ci, à la façon de Pythagore. Les druides auraient supplanté des prêtres phéniciens en Bretagne, constituant de la sorte un “clergé” autochtone, plus en prise avec la spiritualité du peuple celtique-britannique.
1692: Le prêtre réformé néerlandais Balthasar Bekker (1634-1698) est destitué. Il avait étudié les superstitions relatives aux comètes, aux œuvres du Diable et aux fantômes, puis avait condamné les procès en sorcellerie au nom de la raison et du message des saintes écritures.
1703: Dans The Description of the Western Islands of Scotland, Martin Martin traite des cercles de pierres dressées dans les Orkneys et signale qu'ils étaient des lieux de cultes païens.
1703: L'abbé breton Pezron lance la vogue des études celtiques sur le continent (dans L'antiquité de la nation et la langue des Celtes). C'est lui qui donne au terme “celte” sa connotation actuelle.
1707: Le philologue gallois Edward Lhuyd collationne une quantité de matériaux écrits, oraux et chantés dans les pays celtiques pour en faire la base d'études comparées de celtologie dans le cadre de l'Université d'Oxford.
1717: John Toland, successeur de John Aubrey (cf. 1670), fonde l'Ancient Druid Order.
1718-1742: Le maître-jardinier Stephen Switzer énonce les règles pour installer des statues de divinités païennes dans les jardins publics et privés (cf. Ichonographica Rustica).
1720: Lord Cobham commande au sculpteur anglais John Michael Rysbrack de lui faire sept statues représentant les divinités saxonnes des jours, pour ses jardins de Stowe.
1720: L'Allemand Johann G. Keysler, dans Antiquitates Selectae Septentrionales et Celticae, publiées à Hannovre, décrit les résidus des anciens cultes païens en Allemagne, dans les Pays-Bas et en Grande-Bretagne.
1723: Le pasteur Henry Rowlands de l'île d'Anglesey publie Mona Antiqua Restaurata, où le druidisme n'est plus considéré comme diabolique mais comme l'expression d'une conscience de l'harmonie de la nature. Pour le reste, il les dénigre comme tenants d'un culte barbare et sanglant.
1740: Simon Pelloutier publie son Histoire des Celtes, cherchant, surtout dans la deuxième édition de 1770, à mettre sur pied d'égalité les religions celtique et germanique pour des motifs politiques.
1747: L'architecte anglais John Wood l'Ancien (1704-1754) énonce l'hypothèse que sa ville natale de Bath était à l'origine le lieu d'un culte druidique et apollinien. Wood s'intéresse ensuite au site de Stonehenge, dont il reproduit la géométrie sacrée pour une place de Bath, appelée “Circus”. Dans son ouvrage Choir Gaure, il associe directement Stonehenge aux cultes druidiques. Il jette ainsi les bases d'une renaissance druidique en Angleterre.
1750: Le prêtre catholique Hieronymus Tartarotti fait paraître à Venise un vigoureux plaidoyer contre les procès en sorcellerie.
1752-1766: Le Comte de Caylus, dans son grand Recueil des antiquités, émet l'hypothèse que les mégalithes ouest-européens sont des sites cultuels pré-druidiques. A la fin de sa vie, il les qualifiera de “druidiques”.
1754: William Cooke publie An Enquiry into the Druidical and Patriarchal Religion.
1760-62-63: Le poète écossais James MacPherson de Kingussie publie des “traductions” (fictives) d'anciens manuscrits gaëliques d'Ecosse. Ils deviendront célèbres sous le nom d'Ossian. Il lance ainsi la vogue romantique pour le celtisme.
1763: Sir James Clerk fait ériger la statue d'un druide à l'entrée de son château, Penicuik House, à Midlothian en Ecosse.
1764: Le poète gallois Evan Evans publie Specimens of the Poetry of the Ancient Welsh Bards. En 1784, il publie Musical and Poetical Relics of the Welsh Bards.
1766: Le médecin personnel de l'Impératrice Marie-Thérèse d'Autriche, Reine de Hongrie, Gerhard van Swieten (1700-1772), transmet un mémoire visant à supprimer la torture et les exécutions en matières de sorcellerie, celle-ci n'étant que l'expression de la sottise, de la folie ou de la mélancolie. En 1768, le code de la pratique judiciaire impérial interdit la torture dans les procès de sorcellerie. Ainsi la Grande Impératrice Marie-Thérèse met un terme à la folie inquisitoriale de la West-Flandre à la Transylvanie.
1766: En Bavière, Don Ferdinand Sterzinger (1721-1786) et Eusebius Amort stigmatisent les procès en sorcellerie et portent un coup fatal à l'Inquisition dans leur pays.
1771: Fondation au Pays de Galles du mouvement celtisant et révolutionnaire, d'inspiration druidique, Cymdeithas Gwyneddigion, qui s'affirmera plus tard comme “radical” et “républicain”.
1779: Naissance à Vesterbro près de Copenhague du poète danois Adam Gottlob Oehlenschläger. Il deviendra le poète de la renaissance nationale danoise et puisera ses inspirations dans le patrimoine de la mythologie et des sagas scandinaves. Avec la notable exception d'une pièce sur Aladin et d'une interprétation des “Mille et une nuits”. Il meurt en 1850 à Copenhague.
1781: Henry Hurle fonde à Londres l'Ancient Order of Druids, une société ésotérique fonctionnant selon les règles de la maçonnerie.
1782: Naissance à Kyrkerud dans le Värmland du poète suédois Esaias Tegnér. La publication de son poème Svea en 1811 fait de lui le poète patriotique par excellence. Il aborde les mêmes thématiques patriotiques que la Ligue Gothique de Geijer. Les grandes lignes de force de son œuvre sont la fantaisie, le courage héroïque, l'enthousiasme, l'élégance ironique, la sensualité, exprimés dans une forme claire et classique. Il s'oppose au patriotisme réactionnaire et obscurantiste et estime que les thèmes de la mythologie scandinave doivent être mobilisés pour faire de la Suède un Etat d'avant-garde sur la scéne européenne. A partir de 1825, il sombre dans le pessimisme, la misanthropie et la mélancolie. Il meurt en 1846 à Östrabo près de Växjö.
1783: Naissance à Ransäter dans le Värmland de l'écrivain suédois Erik Gustav Geijer. Dans sa jeunesse, il est un adepte des Lumières mais se tournera rapidement vers le romantisme national. Il fonde la Ligue Gothique (Götiska Förbundet), expression de la conscience nationale suédoise, basée sur les vertus attribuées aux peuples sacandinaves. Iduna (= nom de la déesse scandinave de la jeunesse) est la revue dans laquelle il exprime ce corpus idéologique. A la fin de sa vie, Geijer élabore une philosophie de la personnalité, qu'il oppose à celles de Hegel et Feuerbach, où apparaissent également des thèmes comme la joie de vivre dans la nature, le renoncement aux biens de consommation, l'ancrage dans l'existence. Geijer meurt en 1847 à Stockholm.
1786: L'Irlandais Joseph Walker publie Historical memoirs of the Irish Bards.
1787: Une pièce de monnaie de la Parys Mine Company de l'île d'Anglesey est ornée de la tête d'un druide, couronnée de feuilles de chêne. L'île est considérée dès cette époque comme le site majeur d'un culte druidique (cf. 1723).
1787: Thomas Taylor traduit l'“Hymne orphique à Pan”, induisant les poètes romantiques à redécouvrir l'âme de toutes choses.
1789: La poétesse irlandaise Charlotte Brooke publie Reliques of Irish Poetry.
1789: Thomas Jones de Crowen, agitateur politique gallois, réétablit la fête traditionnelle celtique de l'Eisteddfod (concours de chants et de poésies d'inspiration nationale et identitaire). Son compatriote, également membre du groupe identitaire et celtisant Gwyneddigion, Edward Williams, alias Iolo Morganwg, recrée la cérémonie druidique du Gorsedd.
1791: Fondation de l'“Association bretonne” par Armand de la Rouerie, afin de restaurer l'autonomie bretonne dans le respect des clauses du Traité de 1532. De la Rouerie prévoyait le recours aux armes pour rétablir la légitimité. Il avait soutenu la révolution française jusqu'à la suppression du Parlement de Bretagne par l'Assemblée nationale.
1792: Le premier Gorsedd est tenu publiquement au Pays de Galles, le 21 juin 1792. En octobre, Edward Williams/Iolo Morganwg célèbre une fête druidique de l'équinoxe en plein Londres.
1793: A Posen (Poznan), encore sous juridiction polonaise, deux femmes accusées de sorcellerie, sont brûlées sur le bûcher, avant l'arrivée des juges prussiens qui avaient interdit l'exécution et déclaré le procès nul et non avenu.
1796: Dans ses Origines gauloises, La Tour-d'Auvergne traite des dolmens et des alignements de pierres dressées en Grande-Bretagne et en Armorique.
1804: Edward Davies publie Celtic Researches, approfondissant ainsi l'étude du druidisme et des cultes païens celtiques.
1805: Fondation de l'académie celtique en Bretagne par l'érudit Jean-Francis Le Gonidec.
1805: Jacques Cambry publie Monuments celtiques, contribution importante à la redécouverte de la religiosité native dans les pays celtiques. Les monuments mégalithiques sont druidiques et ont une fonction astronomique, conclut-il.
1809: Edward Davies poursuit son œuvre (cf. 1804) et publie The Mythology and Rites of the British Druids.
1815: Samuel Rush Meyrick et Charles Hamilton Smith publient Costume of the Original Inhabitants of the British Islands.
1818: Le 22 janvier 1818, l'écrivain anglais Leigh Hunt écrit à Thomas Jefferson Hogg une lettre exprimant brièvement les sentiments des écrivains paganisants, après la chute de Napoléon. Pour guérir l'Europe du “christianisme et de l'industrialisation”, il faut rétablir, dit-il, la religio loci, symboliser l'éternité de la vie en décorant sa maison de branches de houx ou de sapin (comme rappels de l'éternelle verdeur de la vie), se souvenir du “grand dieu Pan”.
1819: La fête de l'Eisteddfod accepte d'inclure dans ces cérémoniaux le Gorsedd gallois et druidique.
1820: Une Société celtique se constitue en Ecosse, immédiatement après la dernière révolte républicaine contre l'union avec l'Angleterre.
1821: Dans une lettre à Thomas J. Hogg, le poète romantique anglais Percy Bysshe Shelley exprime sa dévotion à Pan.
1823: Le philologue et linguiste allemand Julius Klaproth utilise pour la première fois le terme “indogermanisch” dans son ouvrage publié à Paris Asia polyglotta.
1828: Le professeur de criminologie de l'Université de Berlin, Karl-Ernst Jarcke énonce l'hypothèse que les procès de sorcellerie visaient à éradiquer les tenants de l'ancienne religiosité germanique.
1831: James Hardiman, poète irlandais, publie un recueil de textes de ménestrels irlandais: Irish minstrelsy.
1831: A La Scala de Milan, on joue pour la première fois Norma de Bellini, qui contient un thème druidique, avec, lors de la première présentation publique, un décor de fond représentant Stonehenge. Cette pièce connaîtra un succès formidable en Angleterre.
1832: Mendelssohn achève son œuvre chorale Die Erste Walpurgisnacht, décrivant la fête païenne traditionnelle de la veille de Mai (30 avril), où les villageois en fête sont attaqués par les chrétiens, effraient ceux-ci et les mettent en déroute.
1836: Le poète et celtisant breton Théodore Hersart de la Villemarqué publie Barzaz Breiz: chants populaires de la Bretagne.
1837: Naissance à Valenciennes en Hainaut du poète celtisant Charles De Gaulle (oncle du général), chantre du pan-celtisme. Philologue bien écolé, bon connaisseur des langues galloise et gaëlique-irlandaise. Il devait son inspiration celtisante à une grand-mère maternelle, Marie-Angélique McCartan, descendante d'un officier irlandais de l'armée française. Le Barzaz Breiz de Hersart de la Villemarqué a eu une grande influence sur lui.
1838: De la Villemarqué et Le Gonidec se rendent à la réunion galloise d'Abergavenny, organisée par Cymdeithas y Cymreigyddion y Fenni, nouant des relations étroites entre celtisants bretons et gallois. Cette visite inspire la résurrection de l'Association bretonne.
1839: L'archiviste allemand Franz-Joseph Mone de la ville de Bade énonce l'hypothèse que les éléments dionysiaques du culte sorcier, persécuté au moyen-âge et aux débuts de l'époque moderne, sont les résidus clandestins d'un culte né dans les colonies grecques de la zone pontique, amenés en Germanie par les Goths, chassés d'Ukraine par les Huns.
1842: L'historien breton Alexis-François Rio publie une étude intitulée La petite chouannerie, qui inspirera Charles de Gaulle, hostile au centralisme parisien et partisan de la légitimité et de l'autonomie bretonnes.
1844: Naissance à Brighton de l'écrivain socialiste et réformiste Edward Carpenter qui injectera le paganisme dans le mouvement socialiste anglais (Socialist League, Fellowship of the New Life dont est issue la fameuse Fabian Society). Pour Carpenter, le socialisme doit conduire les peuples à retrouver une vie libre, primitive, simple, saine, morale, basée sur les idées de Whitman, Thoreau et Tolstoï. En 1883, Carpenter fonde une “communauté auto-suffisante” à Millthorpe entre Sheffield et Chesterfield. Son ouvrage principal date de 1889 (et s'intitule: Civilisation: Its Cause and Cure). Il y réclame notamment le retour des divinités féminines et apaisantes (Astarté, Diana, Isis, etc.). Carpenter meurt en 1929, après avoir exercé une influence durable sur les mouvements socialistes et pré-écologiques.
1848: Jacques d'Omalius d'Halloy défend devant l'Académie Royale de Bruxelles pour la première fois l'hypothèse d'une origine européenne des civilisations avestique (Perse) et védique (Inde). Près de vingt ans plus tard, il défendra la même thèse devant la Société d'Anthropologie de Paris.
1850: Naissance de la philosophe anglaise Jane Ellen Harrison, qui, dans ses recherches, a démontré le “substrat primitif” de la religion olympienne et investigué les pratiques populaires sous-jacentes de l'art et de la rationalité grecs. Elle a montré que les structures intellectuelles les plus élaborées dérivaient en fin de compte de “pratiques vernaculaires” simples, courantes dans le paysannat. Pour Jane Ellen Harrison, ce processus consistait à purger la religion de la peur. Elle s'intéressait plus particulièrement au mysticisme orphique, qu'elle considérait comme la purification et l'édulcoration de rites dionysiaques antérieurs, plus sanglants.
1853: Sur base des travaux de l'abbé Pezron (cf. 1703), le philologue allemand Johann Caspar Zeuss publie sa Grammatica Celtica, base de toutes les études philologiques contemporaines sur les langues celtiques.
1854: Ernest Renan publie son fameux Essai sur la poésie des races celtiques (deuxième édition en 1859).
1854: Naissance de James Frazer, futur fondateur de l'école de Cambridge, qui a cherché à démontrer que le christianisme exprimait un mythe universel, celui du jeune dieu qui meurt et ressuscite, repérable dès le mythe babylonien de Tammuz. Il sera l'auteur de The Golden Bough, publié en deux éditions entre 1890 et 1915. Cet épais ouvrage est une mine d'information sur les rites, les croyances et les traces de ce culte.
1858: Le pouvoir parisien fait interdire l'Association Bretonne, porte-voix de la légitimité en Bretagne. Elle continue cependant à fonctionner dans la clandestinité.
1859-1863: Adolphe Pictet (1799-1875) publie Les origines indo-européennes ou les Aryas primitifs. Essai de paléontologie linguistique.
1864: Parution dans la Revue de Bretagne d'un long article de Charles de Gaulle. Cette publication, dirigée par Arthur de la Borderie, était d'inspiration royaliste et catholique. De Gaulle y plaide pour l'auto-détermination des régions celtophones, Bretagne comprise. Il se réfère à Tacite, par ailleurs inspirateur antique des filons germanisants en Italie, en Allemagne et chez Montesquieu, qui disait, à l'adresse des Romains qui entraient en décadence: «La langue du conquérant dans le bouche du conquis est toujours la langue de l'esclavage». Cette maxime a inspiré les nationalismes à fondement linguistique, sans doute aussi la pensée de Herder et initié les mouvements de libération, se servant de la langue comme levier. De Gaulle appelait aussi les peuples celtiques à émigrer uniquement en Patagonie, afin de ne pas se disperser au milieu d'allophones (anglophones, hispanophones, lusophones ou francophones au Québec). De Gaulle s'aligne ainsi sur le projet similaire d'un Gallois, Michael D. Jones, qui nommait la Patagonie “Y Wladfa”. De Gaulle plaidait en même temps pour le droit des Araucaniens, habitants aborigènes de la Patagonie, à qui les colons celtes devaient accorder des droits culturels et politiques. A la fin de l'année, cet article, considérablement étoffé, parait à Paris et à Nantes sous le titre de Les Celtes au dix-neuvième siècle - appel aux représentants actuels de la race Celtique.
1865: Naissance à Rothbach en Alsace du philosophe, poète et écrivain allemand Friedrich Lienhard, grand défenseur des arts et artisanats régionaux. Il s'oppose au naturalisme et à la littérature issue des grandes villes, au profit d'un néo-romantisme et d'un ruralisme, exprimant le fond-du-peuple. Dans son roman Oberlin, il plaide en faveur d'une religion populaire. Entre 1896 et 1900, il publie une trilogie sur Till Eulenspiegel et, en 1900, un ouvrage sur le roi Arthur (König Arthur). Lienhard meurt en 1929 à Weimar.
1866: Michael D. Jones fonde la colonie galloise de Patagonie.
1867: Sous l'impulsion des propositions de Charles De Gaulle, l'idée panceltique a fait son chemin en Irlande et en Grande-Bretagne. Les philologues joignent leurs efforts pour créer des chaires de langues celtiques dans les universités. En 1867, le poète anglais Matthew Arnold prononce quatre leçons publiques intitulées On the Study of Celtic Literature; elles sont publiées dans le Cornhill Magazine, puis sous forme de livre. Arnold ne plaide pas pour un retour des langues celtiques dans la vie quotidienne. Il réclame l'avènement de l'anglais dans la pratique, mais, simultanément, l'étude approfondie du patrimoine celtique à l'université. Les matières du fond celtique doivent être utilisées “pour rendre les Anglais plus intelligents, grâcieux et humains”. Plus tard, Yeats, dont la dette à l'égard d'Arnold est indubitable, considèrera la tradition celtique comme un trésor à exploiter pour enrichir la culture et la littérature anglaises.
1869: Nicolas Dimmer installe un appendice de l'United Ancient Order of Druids à Paris. Le druidisme prend pied en France.
1869: Les “libres penseurs” italiens organisent un congrès international à Naples. Pour Erich Fromm, qui a étudié l'impact dans le socialisme européen de la libre pensée, les participants de ce congrès formaient l'aile radicale de ce “nouvel humanisme” qui se constituait au XIXième siècle. Les Freidenker allemands Ronge et Uhlich y prennent part. L'orientation politique est nettement à gauche: les “libres penseurs” veulent l'émancipation, l'égalité, les droits de l'Homme, etc. Mais le dépassement du christianisme institutionalisé est déjà à l'ordre du jour.
1869: Naissance à Maulburg en Pays de Bade de l'écrivain et peintre allemand Hermann Burte. Il a été un précurseur de l'expressionnisme, mais d'un expressionnisme national, tourné vers l'exaltation de la germanité. Son roman Wiltfeber (1912) est inspiré de Nietzsche et stigmatise les phénomènes de décadence qui frappent l'Europe à la fin du XIXième et à la Belle Epoque. Son conservatisme axiologique (= conservateur des valeurs traditionnelles du peuple) prend pour thèmes principaux la nature, le paysage et l'amour. Burte est l'auteur notamment de sonnets érotiques, inspirés de la tradition littéraire shakespearienne et du patrimoine régional alémanique, riche en proverbes, contes et contines érotiques et sensuels. Burte traduisait aussi beaucoup de poèmes français, notamment ceux de Voltaire. Wiltfeber a connu un large succès dans le mouvement de jeunesse Wandervogel. Burte visait une germanisation de la religion en Allemagne, corollaire d'un retour universel des lois du sol et du peuple dans la pratique religieuse.
1870: Dans son essai intitulé La science des religions, Emile Burnouf tente de définir les lois qui président à l'éclosion des grandes religions du monde. Disciple de Renan, Burnouf estime que les peuples européens font montre d'une tendance au polythéisme, tandis que les peuples sémitiques d'une tendance au monothéisme. C'est cela qui explique le monothéisme de surface de la pratique religieuse dans l'Europe médiévale et moderne. Notamment la doctrine catholique de l'incarnation (du Christ dans l'humanité ou dans une partie de l'humanité) est typiquement d'origine hellénistique. Dieu s'incarne et connaît de multiples hypostases, ce qui rétablit en quelque sorte le polythéisme implicite des peuples européens (Grecs, Perses, Indiens). Cette part de la théologie chrétienne est dérivée d'une matrice indo-européenne, à la fois grecque, perse et indienne. Le judaïsme n'est pas exempt non plus d'influences européennes. La notion de “douceur naturelle”, d'amour des choses de ce monde, est également un leg paléo-européen. De même, le culte de la Lumière, très net dans l'Iran antique, dans l'art gothique et dans le culte de Saint-Michel.
1873: Lancement de la Revue Celtique, d'inspiration pan-celtique, sous la direction d'un ami de Charles De Gaulle, Henri Gaidoz.
1873: Sir Henry Thompson propose l'abolition des lois britanniques interdisant la crémation des morts. Le clergé s'y oppose. Le druide Dr. William Price de Llantrisant (1800-1893) défie les conventions établies en pratiquant la crémation de son enfant mort à cinq mois en 1884. Il est jugé à Cardiff et acquitté. En 1893, à sa mort, il est à son tour brûlé, lors d'une cérémonie funéraire accompagnée de rites païens, mais cette fois en toute légalité, car les lois se sont adaptées, sous la pression d'un druide païen, pour des motifs essentiellement religieux.
1873: Naissance à Farsø du romancier danois Johannes Vilhelm Jensen, qui s'inscrira pendant toute sa carrière sous l'enseigne du vitalisme. En 1901, dans Kongens Fald (= La chute du roi), il déplore l'absence de vitalité des Danois. Son œuvre principale est une fresque intitulée Den lange Rejse (= Le long voyage), brossant l'histoire de l'humanité et se voulant un “pendant darwinien de l'Ancien Testament”. De nombreux éléments mythologiques européens et des thématiques issues des sagas norroises étoffent cette fresque. Jensen doit beaucoup à Heine, Whitman et Kipling. Il théorise à la fin de sa vie la vision d'une “expansion gothique”, où la Scandinavie est considérée comme la base de départ de la civilisation européenne et américaine (Den gothiske Renæssance/La renaissance gothique, 1901). En 1944, Jensen obtient le Prix Nobel de littérature. Il meurt à Copenhague en 1950.
1874: Naissance de l'architecte allemand Bernhard Hoetger qui exhorte ses collègues à respecter les genius loci des sites où ils élèvent leurs bâtiments ou monuments. En 1925, il utilise des éléments du paganisme germanique pour construire le “Worpsweder Café”. En 1927, il utilise ces mêmes éléments lors de l'exposition des artistes de Worpswede. Son œuvre principale est la Böttcherstraße de Brème (1923-1931), dont Ludwig Roselius fut le commanditaire. Dénommé “Haus Atlantis”, le bâtiment principal de la Böttcherstraße relevait de la haute technologie, avec pour matériel principal l'acier. Sur l'une des façades, figurait une statue d'Odin attaché à l'arbre, sur fond d'une roue de runes; c'est la seule des nombreuses statues de l'immeuble qui subsiste aujourd'hui, après les bombardements de la seconde guerre mondiale. Toutes les autres sculptures ont disparu dans la tourmente.
1875-1877: Parution d'un livre important de l'ethnologue W. Mannhardt, Wald- und Feldkulte (= Cultes forestiers et champêtres). Ces ouvrages auront une forte incidence sur les mouvements fondés par Oskar Michel, Ernst Wachler et Wilhelm Schwaner en 1903-1904 ainsi que dans les pratiques du mouvement Wandervogel.
1875-1888: Parution continue de la revue Celtic Magazine, porte-voix du mouvement pan-celtique.
1878: Lors de l'Eisteddfod gallois de Pontypridd, l'archi-druide prie la divinité indienne Kali, introduisant un élément hindouiste dans les pratiques néo-païennes d'Europe occidentale.
1885: Le philologue et archéologue allemand Ludwig J. Daniel Wilser évoque l'origine européenne des cultes solaires en Egypte et en Mésopotamie dans Die Herkunft der Deutschen. Neue Forschungen über Urgeschichte, Abstammung und Verwandtschaftsverhältnisse unseres Volkes. Il réiterera sa thèse dans Herkunft und Urgeschichte der Arier, une conférence prononcée à Stuttgart devant l'association des anthropologues du Wurtemberg le 11 février 1899.
1886: La Highland Land League écossaise se réunit en septembre 1886 à Bonar Bridge pour jeter les bases d'une coopération étroite entre les peuples celtiques. Les Ecossais, moins celtophones que les Irlandais ou les Gallois, sont considérés désormais comme partie prenante du mouvement pan-celtique. Le Gallois de Patagonie, Michael D. Jones, participe à cette manifestation.
1886: Naissance à Cambridge de la poétesse anglaise Frances Crofts Cornford, petite-fille de Charles Darwin. Elle dirigera le cercle des néo-païens de Cambridge à partir de 1911. Elle était une disciple de Jane Ellen Harrison (cf. 1850). Son fils Rupert John Cornford (né en 1915) s'est engagé dans les Brigades Internationales en Espagne, a défendu l'Université de Madrid et est tombé à Cordoba. Sa vision de la vie était vitaliste et activiste, proche de celles de Malraux ou Hemingway. Frances Cornford meurt en 1960.
1887: Naissance à Rugby du poète anglais Rupert Chawner Brooke. Il restera longtemps l'incarnation littéraire de la jeunesse et de la beauté. Il meurt sur un navire-hôpital dans l'Egée en 1915. Il fait partie de la génération des poètes anglais de la guerre comme Blunden, Sassoon, Owen et Rosenberg. Patriote et socialiste, il faisait partie de la Fabian Society et fondera à Cambridge le cercle des néo-païens en 1908.
1888: Naissance à New York du dramaturge américain Eugène Gladstone O'Neill. Il obtiendra le Prix Pulitzer en 1915 et le Prix Nobel en 1936. O'Neill modernise le théâtre américain en s'inspirant d'Ibsen, Shaw, Strindberg et Nietzsche ainsi que de ses compatriotes Mencken et Nathan. Ses personnages sont des marins, son style est expresionniste, son message est d'affirmer la vie. Après avoir frôlé un retour au catholicisme de sa jeunesse (cf. Days without End), il retourne définitivement au naturalisme et au pessimisme, qui font la trame de son œuvre (cf. The Iceman Cometh, 1939). Le message que laisse O'Neill: l'acception créative et païenne de la vie. Il meurt en 1953.
1892: Salomon Reinach publie à Paris L'origine des Aryens. Histoire d'une controverse, où il prend position contre le “mythe de l'ex Oriente lux”. En 1893, dans un article de la revue L'Anthropologie (n°4/1893), significativement intitulé «Le mirage oriental», il exhorte les Européens à revaloriser leur passé et abandonné leur dépendance à l'égard d'un Orient qu'ils ont eux-même fécondé.
1893: Fondation de la revue The Celtic Monthly. Elle prend le relais du Celtic Magazine.
1894: Fondation du Deutschbund, première association religieuse de type “völkisch” par le rédacteur en chef de la Tägliche Rundschau, Friedrich Lange. Parmi les autres fondateurs: Gerstenhauer, conseiller ministériel et chef du mouvement “chrétien-allemand”; Adolf Bartels, principal historien et critique des littératures allemande et internationale à l'époque en Allemagne.
1895: En mars 1895, Lloyd George apporte son soutien à Sir Henry Dalziel, qui réclame l'auto-détermination des peuples celtiques dans le Royaume-Uni. Cette proposition de loi a failli passer. Il lui a manqué vingt-six voix.
1899: Fondation dans l'Ile de Man de l'Yn Cheshaght Ghailckagh (Société Celtique de l'Ile de Man).
1899: Lors de l'Eisteddfod gallois, le Breton Le Fustec, attaché à l'United Ancient Order of Druids de Paris est sacré druide. En 1900, il s'auto-proclame Premier Grand Druide de Bretagne, fondant une organisation qui existe toujours aujourd'hui.
1901: Fondation en Cornouailles de la Kowethas Kelto-Kernuack (Société Celtique des Cornouailles).
1901: Les Bretons instituent leur propre cérémonie du Gorsedd.
1903: Eugen Diederichs, éditeur à Iéna, publie le livre du théologien dissident Arthur Bonus, Religion als Schöpfung (= La religion comme création), renouant avec le sens germanique du religieux, incarné dans la figure médiévale de Maître Eckehardt. Cette publication donne le coup d'envoi d'une collection de livres sur les grands courants mystiques du monde, qui existe encore aujourd'hui.
1903: Oskar Michel fonde le Deutschreligiöser Bund dans la forêt de Teutoburg, sous le monument érigé en l'honneur d'Arminius. Le mouvement se fondera plus tard dans la mouvance “chrétienne-allemande”.
1904: Le poète anglais Kenneth Grahame publie Pagan Papers. Ce recueil est un hymne doux et idyllique au Grand Pan. En 1908, dans The Wind in the Willows, il approfondit sa vision panique, sensuelle et vitaliste. Grahame voulait créer “une religion splendide, capable de tout embrasser, de faire émerger une hiérarchie d'hommes unissant en leur intériorité le prêtre et l'artiste, pour supplanter et détruire totalement l'âge commercial actuel”.
1905: Sous l'impulsion de l'éditeur Eugen Diederichs, la fête du solstice d'été au Lobedaburg est rehaussée par la présence de la chanteuse norvégienne Bokken Lasson, qui retrouvait des mélodies et des tonalités du plus ancien patrimoine musical scandinave.
1906: Toujours sous l'impuslion d'Eugen Diederichs, la Fête de Mai au Lobedaburg est organisée pour rendre hommage à Ellen Key, dont le “sermont sur la montagne” d'inspiration panthéiste, est rehaussé par le chant au soleil de François d'Assise et la récitation de poèmes de Goethe.
1907-1908: Le Professeur Ludwig Fahrenkrog —qui fondera un mouvement religieux en 1913 (cf.)— publie une série d'articles dans la revue de Wilhelms Schwaner (Der Volkserzieher), où il précise les fondements de la religiosité germanique, au-delà du clivage chrétien/païen: Dieu est en nous, la loi est en nous, la rédemption vient de nous-mêmes. Au cours de ces deux années, Fahrenkrog fonde également un Bund für Persönlichkeitskultur (= Association pour la culture de la personnalité), appelé à consolider sa vision de la religiosité germanique, reposant sur le culte des fortes personnalités.
1907: Matthäus Much publie son livre Die Trugspiegelung orientalischer Kultur (= Le mirage de la culture orientale), où il proclame l'autochtonité des cultures européennes, sans pour autant nier qu'elles aient reçu des apports de l'Orient.
1907: Grand solstice d'été organisé par Eugen Diederichs sur les Roches de Rothenstein. Des chanteurs y chantent des Minnelieder médiévaux; des agriculteurs de la région présentent des pièces de théâtre populaires en dialecte.
1908: Fondation à Cambridge, dans le sillage des artistes pré-raphaëlites, d'un groupe qui s'est dénommé les “Néo-Païens”. Y participaient l'artiste Gwen Raverat et le poète Rupert Brooke. En 1911, la poétesse Frances Cornford reprend ce groupe peu actif en mains, mais il ne connaîtra pas un grand avenir, en dépit de l'intérêt des œuvres de ses animateurs.
1908: Sir Winston Churchill est initié à l'Albion Lodge of the Ancient Order of Druids à Oxford.
1908: En mai 1908, un groupe d'étudiant d'Iéna fonde l'association “Jenaer Freie Studentenschaft”. L'éditeur Eugen Diederichs prend immédiatement contact avec eux pour organiser la fête du solstice d'été, le 21 juin. Cette fête marque le point de départ de l'association néo-païenne d'Eugen Diederichs, qu'on nommera le “Sera-Kreis” (le Cercle Sera).
1910: Eugen Diederichs soutient financièrement un groupe de théologiens protestants dissidents pour qu'ils participent au congrès des tenants de la freie Religion à Munich.
1911: Au début de l'année 1911, Otto Sigfrid Reuter fonde un “Deutscher Orden” où il entend défendre les idées exposées dans son petit livre Sigfrid oder Christus?, paru en 1909. De ce “Deutscher Orden” émergera plus tard l'organisation “Deutschreligiöse Gemeinschaft” qui deviendra la “Deutschgläubige Gemeinschaft”.
1911: Parution dans la maison d'édition d'Eugen Diederichs du livre du théologien non confessionnel et anti-conformiste Arthur Bonus, intitulé Vom neuen Mythos, appel à l'éclosion en Allemagne d'une nouvelle mystique holiste, vitaliste et organique. Cette thématique influencera fortement le mouvement de jeunesse. En cette même année 1911, Bonus sort également son Zur Germanisierung des Christentums, réclamant une germanisation du christianisme, c'est-à-dire une modulation de la pratique religieuse et de la foi sur la mystique médiévale de Maître Eckehardt.
1911-1912: Adolf Kroll et Ernst Wachler franchissent le pas, abandonnent le “christianisme germanique” pour adopter une “religiosité germanique” sans détour chrétien. Ils demandent que les “païens de religiosité germanique” se rassemblent autour des revues Hammer et Heimdall. Ils fondent également la Gesellschaft Wotan (= Société Wotan).
1913: Le professeur d'art Ludwig Fahrenkrog fonde la “Germanische Glaubensgemeinschaft”.
1917: Le théologien non chrétien Arthur Drews publie en 1917 son ouvrage Freie Religion. Vorschläge zur Weiterführung des Reformationsgedankens. Il entendait débarrasser la religion de toute forme de “dogme”. Il déplorait que la “religion libre” (freie Religion) n'avait été qu'un conglomérat confus de toutes sortes de fragments épars de religiosités anciennes ou conventionnelles: humanisme des Lumières, panthéisme goethéen, héroïsme nietzschéen, platitudes matérialistes. Drews plaidait pour un corpus plus sérieux et mieux étayé.
1919: Le préhistorien allemand Carl Schuchhardt publie son ouvrage Alteuropa. Dans ce livre, il parle de l'origine européenne des civilisations avestique et védique et de l'influence des peintures des grottes d'Altamira ainsi que des reliefs de Laussel sur les civilisations égyptienne et babylonienne. La culture égyptienne a donc des racines dans l'Europe occidentale mégalithique. Les obélisques solaires sont des avatars des menhirs mégalithiques. Les alignements de pierres dressées d'Europe occidentale sont devenus les allées de statues d'Abouzir ou les allées de sphynx de Karnak. Les mastabas de l'ancienne Egypte rappellent les dolmens de l'Europe du Nord.
1921: Jessie Weston, proche de l'école (néo-païenne) de Cambridge, spécialiste en littératures romanes et professeur à l'Université de Paris, commence ses recherches sur le Graal. Le mythe du Graal dérive des cultes celtiques de la fertilité, affirme-t-elle.
1928: Les Corniques instituent leur propre cérémonie du Gorsedd.
1971: Les trois cérémonies (galloise, bretonne et cornique) du Gorsedd joignent leurs efforts le 3 septembre 1971. L'objectif était d'unifier les rituels des trois communautés celtiques-brythoniques.
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vendredi, 17 octobre 2008
Géopolitique du chiisme
Géopolitique du chiisme
Deux nouveaux livres de François Thual sont parus. Le premier s'intitule Géopolitique du Chiisme. Voici un passage de sa conclusion: «Les penseurs du chiisme iranien ont essayé, comme Ali Shariati, de fusionner le message traditionnel avec la pensée révolutionnaire. Ce n'est pas une extravagance. Pour la conscience chiite, les souffrances que le chiisme a enduré dans l'Histoire sont la preuve de la vérité de son combat, la rançon naturelle de sa lutte contre l'injustice du monde, injustice qui avait commencé par l'assassinat des premiers imams, ceux que Mahomet s'était choisis comme successeurs. Si l'on pose aujourd'hui la question de la modernité à des chiites, leur réponse est simple. Rien, à leurs yeux, dans la modernité technologique, ne contredit les vérités du chiisme, bien au contraire. Les progrès scientifiques et techniques sont perçus comme une accélération de la libération de l'homme et une étape supplémentaire dans la préparation du retour de l'imam caché, retour qui marquera la fin de l'Histoire et le début d'un monde parfait. Ce qui est condamné dans la modernité, c'est ce que l'on pourra appeler en Occident la révolution de l'individu, le primat de la conscience sur la vérité révélée. Le chiisme n'est pas dissous par la modernité parce qu'il est une religion eschatologique, une religion des fins dernières et qu'en ce sens aucune des phases de l'Histoire ne lui fait peur. Concrètement, le chiisme évoluera de l'intérieur, comme il n'a cessé de le faire depuis son apparition, mais il ne se désintégrera pas pour autant. Dans l'affirmation renforcée de leur spécificité, les chiites continueront de se dresser contre le sunnisme et le sunnisme, pour sa part, aura de plus en plus de mal à juguler le chiisme. Le chiisme, que ce soit en Turquie, en Iran, dans le Golfe, voire même au Pakistan ou en Inde, est devenu désormais un acteur à part de la société internationale et du monde». Le second livre intitulé Repères géopolitiques est constitué de notes destinées aux parlementaires de la Chambre haute. Elles couvrent des questions aussi diverses que “les flottes de combat en 1995”,1es “enjeux yéménites”, la “géopolitique au Tibet” ou “La consolidation du bloc orthodoxe”. Deux livres utiles pour comprendre les aspects les plus profonds des conflits en cours et à venir (Pierre MONTHÉLIE).
François THUAL, Géopolitique du chiisme, Editions Arléa, 1995, 158 p., 85 FF.
François THUAL, Repères géopolitiques, La Documentation Française, 210 p., 100 FF.
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vendredi, 03 octobre 2008
Histoire des Sikhs
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Synergies Européennes - Ecole des cadres - Wallonie/Lorraine - Octobre 2008 - Ouvrages à lire
DU NANAK PANTH AU KHALSA
Le Panjab : région, histoire et cultures
Les débuts du Panth (vers 1500-1606)
La transformation du Panth et la formation du Khâlsâ (1606-1708)
DE LA CONQUETE DU PANJAB A LA PARTITION
Des révoltes paysannes au royaume du Panjab et aux guerres anglo-sikhes (1708-1849)
De l'annexion du Panjab aux lendemains de la Grande Guerre (1849-1919)
Dans la lutte pour l'interdépendance (1920-1947)
DE L'INDEPENDANCE A NOS JOURS
Les sikhs dans l'Inde indépendante
Les sikhs dans la société indienne et dans le monde
Pratiques religieuses et culture
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jeudi, 02 octobre 2008
Les leçons de Peter Koslowski face à la post-modernité
Les leçons de Peter Koslowski face à la post-modernité
par Jacques-Henry Doellmans
Peter Koslowski, jeune philosophe allemand né en 1952, est professeur de philosophie et d'économie politique à l'Université de Witten/Herdecke, président de l'Institut CIVITAS, Directeur de l'Institut de Recherches en Philosophie de l'Université de Hanovre. Son objectif est de déployer une critique fondée de la modernité et de tous ses avatars institutionalisés (en politique comme en économie). Ses arguments, solidement étayés, ne sont pas d'une lecture facile. Rien de son œuvre, déjà considérable, n'a été traduit et nous, francophones, avons peu de chances de trouver bientôt en librairie des traductions de ce philosophe traditionnel et catholique d'aujourd'hui, tant la rigueur de ses arguments ruine les assises de la pensée néo-gnosticiste, libérale et permissive dominante, surtout dans les rédactions parisiennes!
Koslowski est également un philosophe prolixe, dont l'éventail des préoccupations est vaste: de la philosophie à la pratique de l'économie, de l'éthique à l'esthétique et de la métaphysique aux questions religieuses. Koslowski est toutefois un philosophe incarné: la réflexion doit servir à organiser la vie réelle pour le bien de nos prochains, à gommer les dysfonctionnements qui l'affectent. Pour atteindre cet optimum pratique, elle doit être interdisciplinaire, éviter l'impasse des spécialisations trop exigües, produits d'une pensée trop analytique et pas assez organique.
Pour la rédaction d'un article, l'interdisciplinarité préconisée par Koslowski fait problème, dans la mesure où elle ferait allègrement sauter les limites qui me sont imparties. Bornons-nous, ici, à évoquer la présentation critique que nous donne Koslowki de la “postmodernité” et des phénomènes dits “postmodernes”.
La “modernité” a d'abord été chrétienne, dans le sens où les chrétiens de l'antiquité tardive se désignaient par l'adjectif moderni, pour se distinguer des païens qu'ils appelaient les antiqui. Dans cette acception, la modernité correspond au saeculum de Saint-Augustin, soit le temps entre la Chute et l'Accomplissement, sur lequel l'homme n'a pas de prise, seul Dieu étant maître du temps. Cette conception se heurte à celle des gnostiques, constate Koslowski, qui protestent contre l'impuissance de l'homme à exercer un quelconque pouvoir sur le temps et la mort. Le gnosticisme —qu'on ne confondra pas avec ce que Koslowski appelle “la vraie gnose”— prétendra qu'en nommant le temps (ou des segments précis et définis du temps), l'homme parviendra à exercer sa puissance sur le temps et sur l'histoire. Par “nommer le temps”, par le fait de donner des noms à des périodes circonscrites du temps, l'homme gnostique a la prétention d'exercer une certaine maîtrise sur ce flux qui lui échappe. La division du temps en “ères” antique, médiévale et moderne donne l'illusion d'une marche en avant vers une maîtrise de plus en plus assurée et complète sur le temps. Telle est la logique gnostique, qui se répétera, nous allons le voir, dans les “grands récits” de Hegel et de Marx, mais en dehors de toute référence à Dieu ou au Fils de Dieu incarné dans la chair des hommes.
Parallèlement à cette volonté d'arracher à Dieu la maîtrise du temps, le gnosticisme, surtout dans sa version docétiste, nie le caractère historique de la vie de Jésus, rejette le fait qu'il soit réellement devenu homme et chair. Le gnosticisme spiritualise et dés-historise l'Incarnation du Christ et introduit de la sorte une anthropologie désincarnée, que refusera l'Eglise. Ce refus de l'Eglise permet d'éviter l'écueil de l'escapisme vers des empyrées irréelles, de déboucher dans l'affabulation phantasmagorique et spiritualiste. L'Incarnation revalorise le corps réel de l'homme, puisque le Christ a partagé cette condition. Cette revalorisation implique, par le biais de la caritas active, une mission sociale pour l'homme politique chrétien et conduit à affirmer une religion qui tient pleinement compte de la communauté humaine (paroissiale, urbaine, régionale, nationale, continentale ou écouménique). L'homme a dès lors un rôle à jouer dans le drame du saeculum, mais non pas un rôle de pur sujet autonome et arbitraire. Si les gnostiques de l'antiquité avaient nié toute valeur au monde en refusant l'Incarnation, l'avatar moderne du gnosticisme idolâtrera le monde, tout en le désacralisant; le monde n'aura plus de valeur qu'en tant que matériau, que masse de matières premières, mises à la totale disposition de l'homme, jetées en pâture à son arbitraire le plus complet. Le gnosticisme moderne débouche ainsi sur la “faisabilité” totale et sur la catastrophe écologique.
Si le premier concept de modernité était celui de la chrétienté imbriquée dans le saeculum (selon Saint-Augustin), la deuxième acception du terme “modernité” est celle de la philosophie des Lumières, dans ses seuls avatars progressistes. Koslowski s'insurge contre la démarche de Jürgen Habermas qui a érigé, au cours de ces deux dernières décennies, ces “Lumières progressistes” au rang de seul projet valable de la modernité. Habermas perpétue ainsi la superstition du progressisme des gauches et jette ainsi un soupçon permanent sur tout ce qui ne relève pas de ces “Lumières progressistes”. L'idée d'un progrès matériel et technique infini provient du premier principe (galiléen) de la thermodynamique, qui veut que l'énergie se maintient en toutes circonstances et s'éparpille sans jamais se perdre au travers du monde. Dans une telle optique, l'accroissement de complexité, et non la diminution de complexité ou la régression, est la “normalité” des temps modernes. Mais, à partir de 1875, émerge le second principe de la thermodynamique, qui constate la déperdition de l'énergie, ce qui permet d'envisager la décadence, le déclin, la mort des systèmes, la finitude des ressources naturelles. Le projet moderne de dominer entièrement la nature s'effondre: l'homme gnostique/moderne ne prendra donc pas la place de Dieu, il ne sera pas, à la place de Dieu, le maître du temps. Dans ce sens, la postmodernité commence en 1875, comme le notait déjà Toynbee, mais ce fait de la déperdition n'est pas pris en compte par les idéologies politiques dominantes. Partis, idéologues, décideurs politiques agissent encore et toujours comme si ce second principe de la thermodynamique n'avait jamais été énoncé.
Pourtant, malgré les 122 ans qui se sont écoulés depuis 1875, l'usage du vocable “postmoderne” est venu bien plus tard et révèle l'existence d'un autre débat, parti du constat de l'effondrement de ce que Jean-François Lyotard appelait les “grands récits”. Pour Lyotard, les “grands récits” sont représentés par les doctrines de Hegel et de Marx. Ils participent, selon Koslowski, d'une “immanentisation radicale” et d'une “historicisation” de Dieu, où l'histoire du monde devient synonyme de la marche en avant de l'absolu, libérant l'homme de sa prison mondaine et de son enveloppe charnelle. Pour Marx, cette marche en avant de l'absolu équivaut à l'émancipation de l'homme, qui, en bout de course, ne sera plus exploité par l'homme ni assujetti au donné naturel. Lyotard déclarera caducs ces deux “grands récits”, expressions d'un avatar contemporain du filon gnostique.
A la suite de cette caducité proclamée par Lyotard, le philosophe allemand Odo Marquard embraye sur cette idée et annonce le remplacement des deux “grands récits” de la modernité européenne par une myriade de “petits récits”, qu'il appelle (erronément) des “mythes”. Le marxisme, l'idéalisme hégélien et le christianisme, dans l'optique de Marquard, sont “redimensionnés” et deviennent des “petits récits”, à côté d'autres “petits récits” (notamment ceux du “New Age”), auquel il octroie la même valeur. C'est le règne de la “polymythie”, écrit Koslowski, que Marquard érige au rang d'obligation éthique. Le jeu de la concurrence entre ces “mythes”, que Koslowski nomme plus justement des “fables”, devient la catégorie fondamentale du réel. La concurrence et l'affrontement entre les “petits récits”, le débat de tous avec tous, le jeu stérile des discussions aimables non assorties de décisions constituent la variante anarcho-libérale de la postmodernité, conclut Koslowski. Ce néo-polythéisme et cet engouement naïf pour les débats entre tous et n'importe qui dévoile vite ses insuffisances car: 1) La vie est unique et ne peut pas être inscrite exclusivement sous le signe du jeu, sans tomber dans l'aberration, ni sous le signe de la discussion perpétuelle, ce qui serait sans issue; 2) Totaliser ce type de jeu est une aberration, car s'il est totalisé, il perd automatiquement son caractère ludique; 3) Cette polymythie, théorisée par Marquard, se méprend sur le caractère intrinsèque des “grands récits”; contrairement aux “petits récits”, alignés par Marquard, ils ne sont pas des “fables” ou de sympathiques “historiettes”, mais un “mélange hybride d'histoire et de philosophie spéculative”, qui est “spéculation dogmatique” et ne se laisse pas impliquer dans des “débats” ou des “jeux discursifs”, si ce n'est par intérêt stratégique ponctuel. La polymythie de Marquard n'affirme rien, ne souhaite même pas maintenir les différences qui distinguent les “petits récits” les uns des autres, mais a pour seul effet de mélanger tous les genres et d'estomper les limites entre toutes les catégories. Les ratiocinations évoquant une hypothétique “pluralité” qui serait indépassable ne conduisent qu'à renoncer à toute hiérarchisation des valeurs et s'avèrent pure accumulation de fables et d'affabulations sans fondement ni épaisseur.
Après la “polymythie” de Marquard, le second volet de l'offensive postmoderne en philosophie est représentée par le filon “déconstructiviste”. En annonçant la fin des “grands récits”, Lyotard a jeté les bases d'une vaste entreprise de “déconstruction” de toutes les institutions, instances, initiatives, que ces “grands récits” avaient générées au fil du temps et imposées aux sociétés humaines. Procédant effectivement de cette “spéculation dogmatique” assimilable à un néo-gnosticisme, les “grands récits” ont été “constructivistes” —ils relevaient de ce que Joseph de Maistre appelait “l'esprit de fabrication”— et ont installé, dit Koslowski, des “cages d'acier” pour y enfermer les hommes et, aussi, les mettre à l'abri de tout appel de l'Absolu. Ces “cages d'acier” doivent être démantelées, ce qui légitime la théorie et la pratique de la “déconstruction”, du moins jusqu'à un certain point. Si déconstruire les cages d'acier est une nécessité pour tous ceux qui veulent une restauration des valeurs (traditionnelles), faire du “déconstructivisme” une fin en soi est un errement de plus de la modernité. Toujours hostile aux avatars du gnosticisme antique, à l'instar du penseur conservateur Erich Voegelin, Koslowski rappelle que pour les gnoses extrêmes, le réel est toujours “faux”, “inauthentique”, “erratique”, etc. et, derrière lui, se trouvent le “surnaturel”, le “tout-autre”, l'“inattendu”, le “nouveau”, l'“étranger”, toujours plus “vrais” que le réel. Pour Lyotard et Derrida, le philosophe doit toujours placer ce “tout-autre” au centre de ses préoccupations, lui octroyer d'office toute la place, au détriment du réel, toujours considéré comme insuffisant et imparfait, dépourvu de valeur. Lyotard veut privilégier les “discontinuités” et les “hétérogénéités” contre les “continuités” et les “homogénéités”, car elles témoignent du caractère “déchiré” du monde, dans lequel jamais aucun ordre ne peut se déployer. L'idée d'ordre —et non seulement la “cage d'acier”— est un danger pour les déconstructivistes et non pas la chance qui s'offre à l'homme de s'accomplir au service des autres, de la Cité, du prochain, etc.
Pour Koslowski, cette logique “anarchisante” dérive de Georges Bataille, récemment “redécouvert” par la “nouvelle droite”. Bataille, notamment dans La littérature et le mal, explique que la souveraineté consiste à accroître la liberté jusqu'à obtenir un “être-pour-soi” absolu, car toute activité consistant à maintenir l'ordre est signe d'escalavage, d'une “conscience d'esclave”, servile à l'égard de l'“objectivité”. L'homme ne peut être souverain, pour Bataille, que s'il se libère du langage et de la vie, donc s'il est capable de s'auto-détruire. Le moi de Bataille renonce de façon absolue à défendre et à maintenir la vie (laquelle n'a pas de valeur comme le monde n'avait pas de valeur pour les gnostiques de la fin de l'antiquité, qui refusaient le mystère de l'Incarnation). L'apologie du “gaspillage”, antonyme total de la “conservation”, et la “mystique du moi” chez Bataille débouchent donc sur une “mystique de la mort”. En ce sens, elle surprivilégie la dispersio des mystiques médiévaux, lui accorde un statut ontologique, sans affirmer en contre-partie l'unio mystica.
Telle est la critique qu'adresse Koslowski à la philosophie postmoderne. Elle ne s'est pas contenté de “déconstruire” les structures imposées par la modernité, elle n'a pas rétabli l'unio mystica, elle a généralisé un “déconstructivisme” athée et nihiliste, qui ne débouche sur rien d'autre que la mort, comme le prouve l'œuvre de Bataille. Mais si Koslowski s'insurge contre le refus du réel qui part du gnosticisme pour aboutir au déconstructivisme de Derrida, que propose-t-il pour ré-ancrer la philosophie dans le réel, et pour dégager de ce ré-ancrage une philosophie politique pratique et une économie qui permette de donner à chacun son dû?
Dans un débat qui l'opposait à Claus Offe, politologue allemand visant à maintenir une démocratie de facture moderne, Koslowski indiquait les pistes à suivre pour se dégager de l'impasse moderne. Offe avait constaté que les processus de modernisation, en s'amplifiant, en démultipliant les différenciations, en accélérant outrancièrement les prestations des systèmes et sous-systèmes, confisquaient aux structures et aux institutions de la modernité le caractère normatif de cette même modernité. Différenciations et accélérations finissent par empêcher la modernité d'être émancipatrice, alors qu'au départ son éthique foncière visait justement l'émancipation totale (i.e.: échapper à la prison du réel pour les gnostiques, s'émanciper de la tyrannie du donné naturel chez Marx). Pour réintroduire au centre des préoccupations de nos contemporains cette idée d'émancipation, Offe prône l'arrêt des accumulations, différenciations et accélérations, soit une “option nulle”. Offe veut la modernité sans progrès, parce que le progrès fini par générer des structures gigantesques, incontrôlables et non démocratiques. Il réconcilie ainsi la gauche post-industrielle et les paléo-conservateurs, du moins ceux qui se contentent de ce constat somme toute assez facile. Effectivement, constate Koslowski, Offe démontre à juste titre qu'une accumulation incessante de différenciations diminue la vitalité et la robustesse de la société, surtout si les sous-systèmes du système sont chacun monofonctionnels et s'avèrent incapables de régler des problèmes complexes, chevauchant plusieurs types de compétences. Si les principes de vérité, de justice et de beauté s'éloignent les uns des autres par suite du processus de différenciation, nous aurons, comme l'avait prévu Max Weber, une vérité injuste et laide, une justice fausse et laide et une esthétique immorale et fausse. De même, le divorce entre économie, politique et solidarité, conduit à une économie impolitique et non solidaire, à une politique anti-économique et non solidaire, à une solidarité anti-économique et impolitique. Ces différenciations infécondes de la modernité doivent être dépassées grâce à une pratique de l'“interpénétration” générale, conduisant à une polyfonctionalité des institutions dans lesquelles les individus seront organiquement imbriqués, car l'individu n'est pas seulement une unité économique, par exemple, mais est simultanément ouvrier d'usine, artiste amateur, père de famille, etc. Chaque institution doit pouvoir répondre tout de suite, sans médiation inutile, à chacune des facettes de la personnalité de ce “père-artiste-ouvrier”. Offe considère que l'“interpénétration” pourrait porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. Koslowski rétorque que cette séparation des pouvoirs serait d'autant plus vivante avec des institutions polyfonctionnelles et plus robustes, taillées à la mesure d'hommes réels et complexes. L'“option nulle” est un constat d'échec. L'effondrement de la modernité politique et des espoirs qu'elle a fait naître provoque la déprime. Un monde à l'enseigne de l'“option nulle” est un monde sans perspective d'avenir. Un système qui ne peut plus croître, s'atrophie.
Pour Koslowski, c'est le matérialisme, donc la pensée économiciste, —la sphère de l'économie dans laquelle la modernité matérialiste avait placé tous ses espoirs— qui est contrainte d'adopter l'“option nulle”. Comme cette pensée a fait l'impasse sur la culture, la religion, l'art et la science, elle est incapable de générer des développements dans ces domaines et d'y susciter des effets de compensation, pourtant essentiels à l'équilibre humain et social. L'impasse, le sur-place du domaine socio-économique doit être un appel à investir des énergies créatrices et des générosités dans les dimensions religieuses, artistiques et scientifiques, conclut Koslowski.
Telle est bien son intention et Koslowski ne se contente pas d'émettre le vœu d'une économie plus conforme aux principes de conservation et d'équilibre des philosophies non modernes. Deux livres très denses témoignent de sa volonté de sauver l'économie et le social de la stagnation et du déclin induits par l'“option nulle”, constatée par Offe, un politologue déçu de la modernité mais qui veut à tout prix la sauver, en dépit de ses échecs patents. Dans cette optique, Koslowski a écrit Wirtschaft als Kultur (1989) et Die Ordnung der Wirtschaft (1994) (réf. infra). Ces deux ouvrages sont si fondamentaux que nous serons contraints d'y revenir: retenons, ici, que Koslowski, dans Wirtschaft als Kultur, part du constat que les réserves naturelles de la planète s'épuisent, qu'elles sont limitées, que cette limite doit être prise en compte dans toutes nos actions, qu'elle implique ipso facto que le progrès accumulatif illimité est une impossibilité pratique. A ce progressisme qui avait structuré toute la pensée moderne, Koslowski oppose les idées d'une “justice” et d'une “réciprocité” dans les échanges entre l'homme et la nature. Ensuite, il plaide pour une réinsertion de la pensée économique dans une culture plus globale, laissant une large place à l'éthique du devoir. Il esquisse ensuite les contours de l'Etat social postmoderne, qui doit être “subsidiaire” et prévoir une solidarité en tous sens entre les générations. Cet Etat postmoderne et subsidiaire doit participer, de concert avec ses homologues, à la restauration d'un marché intérieur européen, prélude à la naissance d'une “nation européenne”, capable d'organiser ses différences ethniques et culturelles sans sombrer dans le nivellement des valeurs qu'un certain discours sur la “multiculturalité” appelle de ses vœux (Koslowski se montre très sévère à l'égard de cet engouement pour la “multiculture”).
Dans Die Ordnung der Wirtschaft, ouvrage très solidement charpenté, Koslowski jette les bases d'un néo-aristotélisme, où s'allient “philosophie pratique” et “économie éthique-politique”. Cette alliance part d'une “interpénétration” et d'une “compénétration” des rationalités éthique, économique et politique. Ainsi, la “bonne politique” est celle qui ne répond pas seulement aux impératifs politiques (conservation du pouvoir, évitement des conflits), mais vise le bien commun et la couverture optimale de tous les besoins vitaux. Les structures économiques, toujours selon cette logique néo-aristotélicienne, doivent également répondre à des critères politiques et éthiques. Quant à l'éthique, elle ne saurait être ni anti-économique ni anti-politique. Cette volonté de ne pas valoriser un domaine d'activité humaine au détriment d'une autre postule de recombiner ce que la modernité avait voulu penser séparément. La philosophie pratique d'Aristote entend également conserver les liens d'amitié politique (philia politike) entre les citoyens et les communautés de citoyens, qui fondent le sens du devoir et de la réciprocité. Koslowski relie ce principe cardinal de la pensée politique aristotélicienne aux travaux de la nouvelle école communautarienne américaine (A. MacIntyre, M. Walzer, Ch. Taylor, etc.). Le néoaristotélisme met l'accent sur le retour indispensable de la vertu grecque de phronesis: l'intelligence pratique, capable de discerner ce qui est bon et utile pour la Cité, dans le contexte propre de cette Cité. En effet, la rationalité pure, sur laquelle l'hypermodernité avait parié, exclut le contexte. L'application de cette rationalité décontextualisante dans le domaine de l'économie a conduit à une impasse voire à des catastrophes: une rationalité économique réelle et globale exige une immersion herméneutique dans le tissu social, où se conjuguent actions économiques et politiques. Enfin, le réel est le fondement premier de la philosophie pratique et non le “discours” ou l'“agir communicationnel” (cher à Habermas ou à Apel), car tout ne procède pas de l'agir et du parler: l'Etre transcende l'action et ses déterminations précèdent l'acte de parler ou de discourir.
La pensée philosophique et économique de Koslowski constitue une réponse aux épreuves que nous a infligées la modernité: elle représente la facette positive, le complément constructif, de sa critique de la modernité gnosticiste. Elle est un chantier vers lequel nous allons immanquablement devoir retourner. Puisse cette modeste introduction éveiller l'attention du public francophone pour cette œuvre qui n'a pas encore été découverte en France et qui complèterait celles de Taylor, MacIntyre, Spaemann, déjà traduites.
Bibliographie:
- Peter KOSLOWSKI, «Sein-lassen-können als Überwindung des Modernismus. Kommentar zu Claus Offe», in Peter KOSLOWSKI, Robert SPAEMANN, Reinhard LÖW, Moderne oder Postmoderne?, Acta Humaniora/VCH, Weinheim, 1986
- Peter KOSLOWSKI, Wirtschaft als Kultur. Wirtschaftskultur und Wirtschaftsethik in der Postmoderne, Edition Passagen, Wien, 1989.
- Peter KOSLOWSKI, Die Prüfungen der Neuzeit. Über Postmodernität. Philosophie der Geschichte, Metaphysik, Gnosis, Edition Passagen, Wien, 1989.
- Peter KOSLOWSKI, «Supermoderne oder Postmoderne? Dekonstruktion und Mystik in den zwei Postmodernen», in Günther EIFLER, Otto SAAME (Hrsg.), Postmoderne. Anspruche einer neuen Epoche. Eine interdisziplinäre Erörterung, Edition Passagen, Wien, 1990.
- Peter KOSLOWSKI, Die Ordnung der Wirtschaft, Mohr/Siebeck, Tübingen, 1994.
par Jacques-Henri Doellmans
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vendredi, 08 août 2008
Le Livre celtique des jours...
Le Livre celtique des jours...
Analyse: Caitlín MATTHEWS, The Celtic Book of Days. A Celebration of Celtic Wisdom, Godsfield Press Ltd, New Alresford, 1995, 128 p. (format: 233 mm x 210 mm), nombreuses ill., ISBN 1-899434-10-0.
Dans cet ouvrage richement illustré, Caitlín Matthews nous offre un livre familial, destiné à être lu jour après jour, à accompagner la maisonnée tout au long du cycle cosmique qui se répète chaque année. Elle explique la fascination récente pour l'héritage mythologique et cosmogonique celtique par la présence dans ces traditions d'un cycle annuel bien clair. La succession des rythmes saisonniers (samhain, imbolc, beltane et lughnasadh) est ponctuée par des fêtes et des célébrations qui sont autant de moyens de découvrir et sa propre personnalité et une spiritualité transpersonnelle, indiquant à la personne sa localisation transindividuelle.
Nous sommes hommes et personnes, nous avons notre spécificité inaliénable, certes, mais nous n'en sommes pas moins imbriqués dans les cycles de la planète Terre qui échappent à notre contrôle, nous sommes nourris par ses éléments, par les végétaux et les animaux qui y poussent, y croissent ou y gambadent. Suivre un cycle cosmique à travers le jeu de célébrations cultuelles, c'est apprendre chaque jour une leçon, entrevoir directement ce que sont les rythmes de la Terre , découvrir l'immense et inextricable réseau qu'est la vie, avec sa multiplicité inépuisable, irréductible à des schémas unitaires ou simplificateurs. Chacune des grandes fêtes celtiques (samhain, imbolc, beltane et lughnasadh) sont des “portes” initiatiques qui introduisent à une même réalité tout à la fois identique et mouvante, affichant des facettes changeantes de couleurs, de lumières et d'obscurité, qui finiront par retrouver les tons et tonalités qu'elles viennent de perdre, par l'effet d'un éternel retour, d'un cycle cosmique, fondement inamovible du réel.
Ainsi, la fête du samhain est une période qui débute quand les travaux agricoles ont cessé, que les mesures pratiques de la communauté pour affronter l'hiver ont été prises: c'est alors que cette communauté recommunique avec ses ancêtres disparus et s'adonne à l'introspection; la fête d'imbolc célèbre les émergences, les bourgeonnements, l'innocence primale; la fête de beltane inaugure la période de créativité et de forte expression; la fête de la lughnasadh exprime la maturité et la consolidation des acquis. Numineusement parlant, chacune de ses facettes du réel tellurique n'est-elle pas marquée par des rythmes et des forces différentes, que l'on honore par des fêtes et cultes différents, rendant hommage à des forces, tantôt ascendantes tantôt déclinantes? Vouloir ne célébrer que telle ou telle fête, la maturité plutôt que l'introspection, le bourgeonnement plutôt que la forte expression, etc. est une mutilation de la personnalité qui, quoi qu'on fasse, a toujours été et l'une et l'autre à un moment de son existence et deviendra et l'une ou l'autre dans le futur.
Caitlín Matthews explique les raisons qui l'ont poussée à rédiger et à recomposer cet almanach celtique (plutôt celtique-insulaire) des jours et des semaines: «Les facteurs [naturels] qui nous relient à nos ancêtres celtiques sont les territoires sur lesquels ils ont vécu et qui nous donnent notre sens du lieu; ce sont les traditions qu'ils ont pratiquées qui nous donnent aussi notre sens du lieu; et puis, il y a les saisons qui nous relient à eux au-delà de fort nombreuses strates temporelles. Pour beaucoup de gens qui liront notre livre dans d'autres parties du monde, seuls le sens de l'espace et le sens du temps seront pertinents, car ils habitent un site différent qui possède sa propre sagesse». Caitlín Matthews jette les bases les plus simples et les plus solides d'une religion qui relie vraiment parce qu'elle lie au sol, à un sol particulier. Et l'instrument le plus commode pour restaurer cette religiosité immémoriale —dans un monde marqué par les fausses religions de l'éradication obsessionnelle et de l'acharnement “linéariste” contre toutes les expressions cycliques— est l'almanach, compagnon de tous nos ancêtres depuis la disparition de la tradition orale. Caitlín Matthews nous en a composé un très beau. Il faut la remercier.
Kevin McCearnnok.
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