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samedi, 18 janvier 2014

État et Société

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État et Société

par Guillaume Faye

Ex: http://www.gfaye.com

Une nation, un peuple peuvent avoir des institutions étatiques déficientes tout en continuant de produire une grande civilisation créatrice. L’exemple de la France – entre autres – est tout à fait parlant. Dans maintes périodes de son histoire, ce pays a connu une organisation politico-étatique instable, inadaptée et en crise endémique. Pourtant, la société continuait de fonctionner et de créer, dans tous les domaines, malgré la crise permanente de l’État.  Parce que la Société était le corps fécond d’un peuple vivace, jamais découragé.

Prenons le cas de la période 1815-1848 (Restauration et Monarchie de Juillet) et celui de la Troisième République (1875-1940. Les institutions étatiques (les « constitutions » selon le vocabulaire de Tocqueville) étaient particulièrement fragiles, mal étayées, contestées et en crise permanente. Mais en même temps, dans les arts, les sciences, l’industrie, la qualité de l’éducation, le rayonnement économique et culturel, etc. le pays se montrait créatif et performant. Comment expliquer ce paradoxe ?

Tout d’abord, la pérennité et le génie d’une nation dépendent de l’articulation entre un principe mâle et organisateur, l’État, et un principe féminin vitaliste et accoucheur de formes, la Société. Sans État, la Société devient stérile, puisqu’un peuple sans État sombre dans le folklore et l’anémie. Et sans Société structurée et homogène, un État (même très bien organisé) devient inutile et impuissant : c’est ce qui se produit aujourd’hui, j’y reviendrai plus loin.

Deuxièmement, par le passé, lors des innombrables crises de l’État et de ses institutions, la France possédait toujours un État, aussi imparfait fût-il. Les crises de ”régime” était superficielles, superstructurelles, mais il existait toujours une infrastructure étatique et politique qui encadrait et aidait la créativité de la société. (1)

Troisièmement, en comparant approximativement l’État au cerveau et la Société au corps organique, comme chez un individu, si le premier connaît des maux de tête mais si la seconde reste parfaitement saine, l’ensemble global de la Nation peut continuer d’être performant. En revanche, si la Société se délite dans son fondement organique même, le meilleur des États ne pourra ni gouverner ni sauver la Nation. Les crises étatiques sont beaucoup moins graves que les crises sociétales. De même, un individu qui possède un excellent cerveau mais dont la santé du corps s’effondre se retrouvera paralysé et impuissant.

Le « capital historique » d’une Nation, c’est-à-dire sa production créatrice (culturelle et matérielle) accumulée dépend de l’interaction entre son État et sa Société, mais aussi de sa prise de conscience qu’elle constitue une unité ethno-historique. (2) 

Maintenant passons aux choses qui choquent. Actuellement, on ne peut pas dire que l’appareil étatique français fonctionne mal par rapport à tout ce qu’on a connu dans le passé. Le problème, c’est la Société française, la force organique et productive de la Nation, qui se désagrège lentement.  La responsabilité en revient en partie – mais en partie seulement – à l’État, qui a laissé faire et n’a pas corrigé. Mais la maladie de la Société précède celle de l’État puisque ce dernier provient, comme production biologique, du corps organique de la Société ; de même que le mâle naît de la femelle. D’un point de vue holistique et interactif, la Société produit l’État qui, à son tour, l’encadre, la dirige et la protège.

Aujourd’hui, l’ensemble de la Nation France (comme bien d’autres en Europe) présente des pathologies extrêmement graves qui mettent sa survie à moyen terme en question, et qui n’ont rien à voir avec les ”institutions”. Énumérons : le vieillissement de la population autochtone et son déclin démographique, l’invasion migratoire massive par le bas (provoquée ou acceptée avec fatalisme ou hostilité mais nullement imposée par la force de l’extérieur), la domestication psycho-comportementale source d’égotisme, de refus de l’effort (anémie), de sentimentalisme culpabilisé, de dévirilisation, d’hédonisme passif, d’indifférence envers les ancêtres et la lignée (le germen), etc.

Ces pathologies, qui ont atteint non pas tout le monde mais une proportion trop importante, expliquent la plupart des effets du déclin de la France et de bien d’autres pays européens. L’État , en tant que substance produite, n’en est pas la cause ; c’est la Société, en tant qu’essence productive, qui l’est.

L’explication que certains avancent s’appuie sur des raisons exogènes, de nature politique ou idéologique : l’influence à long terme de la morale chrétienne, de la franc-maçonnerie, de ”l’ esprit juif”, de l’américanisme, du consumérisme, etc. L’explication endogène, qui a la faveur de la sociobiologie, est que les peuples, ensembles biologiques, vieillissent, tout comme les individus, et perdent leur énergie vitale et leur volonté collective. Ils finiraient à long terme par moins bien résister à l’environnement, idéologique ou autre. Les premières raisons sont sources d’irresponsabilité, les secondes de fatalisme.

Personne ne pourra jamais trancher. Mais il ne faut pas être déterministe, il faut toujours agir comme si la fatalité était surmontable et comme si le désespoir tranquille était stupide.    

Continuons par l’énoncé de quatre principes (ou conditions) qui déterminent la santé et la créativité d’une Société :

1)   L’homogénéité ethnique au sens large du terme, avec une parenté anthropologique forte.

2)   Des valeurs, une culture, une conscience historique partagées, sans communautarismes intérieurs – c’est-à-dire l’unité de la Société et de l’État.

3)   Une solidarité intérieure au dessus des clivages de classes économiques, avec un sentiment d’appartenance charnelle plus qu’intellectuelle.

4)   Un génie propre, c’est-à-dire des qualités intrinsèques, innées de créativité chez une large proportion des sociétaires.  Ce qui n’est pas l’apanage de tous les peuples.

 

 Le rôle politique de l’État est alors d’organiser cet ensemble et de le projeter dans l’avenir, c’est-à-dire dans l’histoire. Mais l’idéologie républicaine française (reprise par le communisme soviétique) s’imagine, depuis Robespierre jusqu’aux gauchistes hallucinés de Terra nova qui inspirent le PS, que l’État, muni de son idéalisme (« faire France ! ») peut harmonieusement organiser une Société composée de n’importe qui, venu de partout. Utopie qui torpille tout bon sens. Aristote expliquait que le corps d’une Cité (c’est-à-dire la Société) ne peut être fondé sur le hasard. L’État a besoin d’une Société choisie comme le sculpteur d’un marbre de qualité.  La Société et l’État doivent se ressembler et se rassembler et le plus faible de l’équation est l’État. Pourquoi ?  (3)

Conclusion : si le délitement, le chaos ethnique de la Société française se poursuit, l’État, qui n’en est que la projection à terme, s’effondrera à son tour. La France disparaîtra. Mais le soleil continuera à briller. 

Notes:

(1) Montaigne estimait que si la tête de l’appareil étatique disparaissait, le pays continuerait de fonctionner normalement. Autrement dit, la Société possède sa propre autonomie.

(2) Le concept, très original,  de ”capital historique” a été formulé par les nationalistes bretons du mouvement Emsav et par le théoricien Yann-Ber Tillenon. Il décrit l’interaction d’une Société et d’un État pour construire, dans la durée, l’héritage à la fois matériel et spirituel d’une Nation.

(3) Parce que c’est la Société qui finance l’État. Même la force physique de l’État (contrainte de force publique) dépend du consentement financier de la Société. Donc le rapport de force  est complexe. L’effondrement d’une Nation provient toujours de la rupture du pacte Société/État. Et la Société génère toujours un nouvel État alors que l’État ne peut pas créer une Société.

La Puissance : Histoire, Etats et souveraineté

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La Puissance : Histoire, Etats et souveraineté

par Raphaël Chauvancy
 
Ex: http://www.infoguerre.fr

Dans le domaine de la pensée, un des actes fondateurs de l’Occident est la rédaction de la Guerre du Péloponnèse. Laissant les dieux à leurs amourettes de nymphes entre les lauriers roses, Thucydide analyse les actes, les évènements, les rapports de forces. Il étudie les impératifs d’un Etat continental, les atouts d’une cité maritime. Il décrypte la volonté ou la démesure des hommes et s’incline devant l’imprévu. Il invente l’histoire. Or, celle-ci n’est qu’un nom de muse pour désigner le choc des puissances projeté dans le temps. La puissance n’a pas bonne presse en Europe. Elle évoque au mieux une époque révolue, au pire le souvenir des Grandes Guerres avec leur cortège de massacres, de misère et de destructions. C’est une erreur et nous voulons le démontrer. Une réflexion sur l’histoire s’impose en préalable, nous l’avons vu. Mais qui sont les acteurs de la puissance ? Les Etats-nations sont-ils encore des référents valables à l’heure de la globalisation ? Voilà qui pose la question de la souveraineté. Pour un pays comme la France, une stratégie de puissance autonome est-elle souhaitable ou même viable dans un monde de réseaux ? Surtout, l’impasse ne peut être faite sur la question de la légitimité qui conditionne toute action dans les sociétés démocratiques contemporaines. Nous tâcherons alors de définir la puissance avant d’en dégager les domaines d’application privilégiés. Quelles sont les conditions de la puissance et, enfin, comment un Etat peut-il accroître sa puissance ?

Puissance et Histoire

Puissance et arbitraire
Le prince disait « je veux ». Il était obéi. En fonction de ses intérêts, des opportunités ou de son caractère, il libérait ses énergies dans telle ou telle direction. Le fait du prince, c’est la force à l’état sauvage. Elle n’élevait de constructions politiques que de sable. Ainsi, à la mort de Clovis son œuvre disparut-elle dans d’interminables guerres successorales.
Certaines construction politiques solidement enracinées dans une terre donnée, appuyée sur un peuple ayant une vague conscience de lui-même étaient appelées à durer. Le passage d’une domination patrimoniale au sentiment d’un destin commun préparait l’avènement des nations. Un frémissement connu en est la bataille de Bouvines où milices bourgeoises et chevaliers combattirent l’étranger aux côté de leur souverain.


Lorsque Louis XIV agonisant déclare « je m’en vais mais l’Etat demeure » (Bluche) il annonce le temps où la Nation devient autonome, irréductible à la volonté du souverain, mais doit suivre ses intérêts propres dans un contexte stratégique et de valeurs particulier. (Drevillon) Cette mutation est globalement achevée sous Louis XVI où le discours stratégique français s’élabore sur la base de la liberté de circulation, sur les droits des nations, sur, enfin, un véritable ordre international fondé sur l’équilibre des forces et la concurrence économique (Poussou). La guerre même contre l’Angleterre ne se veut pas totale, elle n’est qu’un rééquilibrage. La dialectique de la liberté des mers permet de mobiliser les flottes européennes contre la Navy au nom du droit des gens. Les jeux de puissances interdisent l’idée liberticide d’empire.

La puissance comme bien commun
Après la Révolution et tout au long des deux siècles suivants, l’idée de droit des gens étendue aux relations internationales va déboucher sur celle de guerre juste. La conflictualité doit se justifier et les nations refusent de verser leur or et leur sang pour une cause qui n’en vaille pas la peine.
La politique de puissance des nations est dès lors subordonnée au bien commun, ou du moins à sa représentation collective. La nation exige des comptes. La politique de puissance d’un Etat de droit n’est ainsi que l’expression de la prise en main de son destin. « La liberté implique de se risquer au déploiement de la puissance. » (Forget).

L’histoire a-t-elle un sens ?
Le drame de la pensée européenne contemporaine vient de sa passion des modélisations qui parfois la distrait du réel. Depuis qu’elle a rejeté Dieu hors des limites du monde, elle lui cherche un remplaçant pour signifier le monde, lui donner un sens.
Le siècle des Lumières a inventé le culte de la Raison. Il s’est imaginé que le progrès des sciences et techniques se ferait au bénéfice de l’homme. Hegel a formalisé ce rêve en imaginant l’histoire sous forme d’ascension. La conscience de l’homme franchirait des étapes et s’éveillerait progressivement.
Marx, enfin, a cru mettre à jour le ressort de l’histoire qui serait la lutte des classes.
Toutes ces théories et leur postérité se fondent en une seule : celle d’une main invisible guidant la destinée de l’homme.
L’historien intervient ici avec sécheresse. Il voit des facteurs, des bouleversements, des Révolutions parfois. Des données nouvelles à assimiler, des contraintes inconnues à surmonter, des constantes lourdes à maîtriser. Mais la marche de l’histoire est un mythe. Poursuivant une fin, l’homme en atteint souvent une autre, c’est ce que Jules Monnerot nommait l’hétérotélie.


L’homme est capable de s’affranchir des facteurs rationnels et même des conditions de son bien propre. Les ressorts psychologiques des individus et des peuples confinent parfois à l’irrationnel, ainsi de la guerre suicidaire du Paraguay contre la coalition du Brésil, de l’Argentine et de l’Uruguay où elle perdit héroïquement et sans profit les deux tiers de sa population de 1865 à 1870. Des individus, parfois, provoquent des ruptures. Alcibiade changeait, au gré de ses voltefaces, le destin de la guerre entre Athènes et Sparte plus sûrement qu’une flotte de trières en armes. Le génie de Napoléon valait 100 000 hommes. Un évènement anodin, parfois, met en branle les grandes tectoniques sociales et politiques. Il a suffi qu’un camelot désespéré s’immole par le feu en Tunisie pour bouleverser toute la sous-région.


L’histoire est donc constituée d’évènements prévisibles et de ruptures qui sont autant d’opportunités, exploitées ou non. S’il fallait lui donner un sens, ce serait celui de l’action, de l’interaction des communautés humaines. Il n’est d’autre destin que celui que l’on forge.

La fin de l’histoire ?
L’écroulement de l’URSS ouvrait l’ère de l’hégémonie américaine. En attendant que le monde nouveau se mette en place, les Etats-Unis n’avaient plus de compétiteur. La terre était appelée à devenir un immense marché où s’entendraient les démocraties. Les récalcitrants, dont Saddam Hussein fournit l’archétype, seraient punis. A la recherche de puissance succédait la coopétition économique. Francis Fukuyama pouvait avancer sa thèse de la « fin de l’histoire ». En France, Bertrand Badie le relayait à sa manière en proclamant  «l’impuissance de la puissance ». Leur songe brumeux s’est évaporé au soleil de la réalité. Le « Grand échiquier » s’est remis en place. La Chine s’est réveillée. La Russie est redevenue une puissance. La crédibilité militaire occidentale s’est émoussée en Afghanistan. Le déclin européen s’est poursuivi tandis que le pivot du monde a basculé de l’espace Atlantique à l’arc Pacifique. La compétition est plus que jamais rude entre les individus, les peuples, les puissances.
Certes, l’histoire est tragique, c’est un lieu commun que de le rappeler. Vouloir en sortir c’est pourtant quitter le domaine de la liberté humaine. C’est délaisser l’action et entrer de plein pied dans l‘Age du renoncement (Delsol).

Intérêt de milieu et intérêts de possession : la fin de la guerre ?
La puissance a longtemps été territoriale. Les bâtisseurs d’empires rassemblaient des terres et entraient dans l’histoire. La puissance territoriale était aussi un enjeu de prestige. Meurtrie par la perte de l’Alsace-Lorraine, la France de la IIIe République fit preuve d’une véritable boulimie, conquérant à peu près tout ce qu’elle pouvait. Les terres, les montagnes et les déserts. Nous savons depuis les travaux de Jacques Marseille que l’empire colonial français fut un gouffre financier. Il fut aussi un formidable multiplicateur de puissance, véritable assurance-vie de la nation. Si la France n’avait pas eu Dakar et Alger, elle n’aurait jamais siégé à la table des vainqueurs du second conflit mondial. Elle disposait grâce à l’empire d’une certaine marge de manœuvre, d’une liberté de mouvement relative.


Tout cela est passé. Les enjeux territoriaux ont perdu leur valeur. Les intérêts de milieu ont relégué les intérêts de possession en marges des vecteurs de puissance. Les rivalités s’articulent autour de flux et de réseaux. Il est vain de contrôler un territoire.  Au temps de la globalisation, le coût impérial est devenu prohibitif en termes financiers et de légitimité.
Certes, on trouve de remarquables exceptions, en Afrique notamment, et quelques tensions sporadiques en mer de Chine. Globalement, les grandes puissances ne s’affrontent plus pour une province. Elles se déchirent sur le terrain de l’économie. « Dans la mesure où la conquête géographique n’a plus vraiment de sens, n’étant plus la manifestation adéquate de la puissance et la mesure réelle du pouvoir, ces deux champs d’affrontement (l’économie et l’opinion) constituent en quelque sorte un autre moyen de faire la guerre […], d’imposer sa volonté aux autres – ce qui définit très exactement la puissance écrivait Raymond Aron » ( Delbecque).  Pour être devenue économique, la guerre n’en est pas moins acharnée entre les peuples. Les friches industrielles sont le pendant moderne des ruines de guerres. Les batailles perdues ne laissent plus de morts sur le terrain mais des cohortes de chômeurs sans avenir. Perdre un marché, une compétence ou un avantage concurrentiel est plus lourd de conséquences sur la collectivité qu’un revers lors des campagnes d’antan. Eric Delbecque a pu avancer que « L’histoire de la guerre se définit donc comme le récit des métamorphoses de la contrainte ».  Le monde contemporain est celui de la compétition tout azimut. Economique certes. Militaire, toujours. Mais aussi scientifique, sportive, culturelle…

Se réapproprier le temps long
La civilisation occidentale est essentiellement une civilisation historique. Elle se projette dans le temps, note ses actes, compulse ses archives. Elle se pense dans la durée – à l’inverse par exemple de l’aire de civilisation indienne (Angot).


C’est néanmoins en bousculant l’espace-temps qu’elle s’est rendue maîtresse du monde. La boussole et la caravelle ont aboli les distances, repoussé les limites du monde connu, aplani les contraintes, comprimé le temps, initiant le grand mouvement de la modernité – qui est le dépassement des déterminismes. Le formidable déséquilibre provoqué sur les sociétés traditionnelles a conduit à l’hégémonie européenne.


Mais l’Occident est désormais prisonnier du temps court. Il est mal armé pour appréhender, par exemple, la stratégie chinoise du long terme. Celle-ci est prête à renoncer à des avantages immédiats en vue d’un gain plus important. C’est, en échec, sacrifier un pion pour prendre une dame.
Aujourd’hui, son différentiel de puissance n’est plus tel que l’Occident puisse bousculer ses rivaux en les amenant sur son propre terrain d’espace-temps. Au contraire, il est arraché à son environnement privilégié. Il s’agit de réinvestir le temps long pour ne pas perdre les batailles de demain.

Etats et réseaux

Place des Etats dans le monde contemporain

Les relations internationales se sont longtemps articulées autour des seuls Etats. La modernité a bouleversé cet ordre. En Europe, le droit national s’efface devant le droit communautaire. Une entreprise de dimension mondiale comme Arcelor-Mittal peut défier l’Etat français.


Lorsque Maurras proclamait « la France seule » en pleine seconde guerre mondiale, il commettait déjà un anachronisme et faisait une grossière erreur d’analyse. La même proclamation aujourd’hui relèverait de la poésie surréaliste et serait à ranger au rayon des oranges bleues d’André Breton. Nous savons depuis Nye et quelques autres que le monde contemporain est celui l’interdépendance. Celle-ci « ne nie pas l’existence juridique des nations, ni les sentiments nationaux, ni les aspirations à la souveraineté, mais elle permet une lecture plus réaliste d’un monde où les flux d’échanges sont de plus en plus indépendants des organes d’administration des nations » (Baumard).
Les Etats ne sont plus les seuls acteurs de poids dans le monde global. Les entreprises ont atteint des dimensions critiques qui posent la question de la puissance privée (Buhler). Les organisations non-gouvernementales, les associations, plus globalement la société civile les contrebalancent.


Alors, l’Etat est-il encore l’unique source de stratégie de puissance nationale ? Non. Acteur de puissance, certes, il est aussi et surtout au service des acteurs de puissance nationaux. Il a un rôle de catalyseur. Enfin, en dernier ressort, il faut remarquer que les stratégies nationales s’effacent devant les stratégies concertées pour le rétablissement de l’ordre mais que ce n’est plus le cas dès que des intérêts vitaux sont en jeu (Razaux).


On a beaucoup glosé sur le déclin des Etats. La dernière crise financière a considérablement redoré leur blason. Ce sont eux qui ont sauvés banques et organismes financiers d’un naufrage global. La « main invisible du marché » chère à un certain libéralisme a pris la forme concrète d’un solide volontarisme étatique évitant l’effondrement global des économies mondiales.


Alors, quelle place pour l’Etat : facteur de puissance, énonciateur de la puissance ou interprète de la puissance ? Sans doute un peu des trois.

Le syndrome du pantalon rouge


La France souffre d’un handicap récurrent : le syndrome du pantalon rouge. En 1914, notre infanterie de ligne encaissa des pertes inouïes en vertu de deux principes. Premier principe : une armée démocratique doit pratiquer la charge populaire à la baïonnette. Tout autre mode d’action était réputé réactionnaire. Second principe : le pantalon rouge, c’est la France. Nos hommes vengeraient donc Sedan en culotte garance. Des uniformes du temps de Louis-Philippe !


Pendant ce temps, les Allemands dotaient leurs sections de mitrailleuses et leur apprenaient à creuser les tranchées où se fondraient leurs uniformes vert-de-gris.


Ces derniers cherchaient les points de convergence stratégique et tactiques leur permettant d’atteindre leur but. Ils avaient une stratégie, un plan d’opérations, le fameux plan Schlieffen. A l’inverse, passé le plan de mobilisation, il n’existait en France aucun plan stratégique contre l’Allemagne. Paris rêvait de batailles à l’arme blanche dans les champs de blé sans se soucier des moyens stratégiques de parvenir à ses buts de guerre -un peu comme les Chinois du XIXème siècle qui espéraient échapper à la tutelle occidentale en niant ses atouts pour ne pas remettre en cause le mandarinat et le magistère de l’empereur, fils du Ciel. Quelques officiers qui hurlaient dans le désert que « le feu tue » étaient regardés avec dédain.


Les convictions intimes sont infiniment respectables. Elles deviennent dangereuses lorsqu’elles deviennent des critères de choix stratégique. L’environnement ne se fantasme pas, il s’analyse. Quel que soit son niveau, tout décideur doit également partir du principe que l’adversaire lui est au moins égal par l’intelligence et la volonté et que chaque erreur de jugement se paiera au prix fort.


Il est ainsi économiquement suicidaire de croire à la neutralité de l’environnement concurrentiel, de s’imaginer que le produit le plus compétitif emportera la palme. La déstabilisation informationnelle, les pressions des Etats, l’espionnage industriel sont les gaz de combat et l’artillerie lourde d’un monde économique qui relève du champ de bataille et non de la partie sportive arbitrée.


Espérer conquérir des marchés ou maintenir notre niveau de vie sans une véritable stratégie de puissance économique, c’est monter au front en pantalon garance.

 

De la domination à l’influence
Le temps où les Etats occidentaux pouvaient mener leur politique sans guère tenir compte du reste du monde est révolu depuis longtemps – pour autant qu’il ait jamais vraiment existé. Ainsi, la France est-elle membre de l’OTAN et ne peut plus penser son outil militaire de manière autarcique. Membre de l’Union européenne, elle lui a délégué des pans entiers de sa souveraineté. Membre permanent du Conseil de sécurité, elle se veut garante du respect des traités multilatéraux.


Il n’est plus question de faire cavalier seul. Au contraire, c’est au sein même des alliances que peut se déployer une politique de puissance nationale.  «C’est une politique audacieuse et décomplexée d’influence accrue dans l’Alliance qui facilitera les efforts européens de la France » (Védrine). Dans une alliance, il y a forcément des leaderships, donc la nécessité d’une stratégie nationale forte pour dynamiser la relation multilatérale (Lequesne).


Par ailleurs, la domination n’est plus possible, si l’on excepte le cas douteux et chancelant des Etats-Unis. Pire encore. Trop visible, elle cristallise contre elle les oppositions. La domination s’affaiblit elle-même des réactions qu’elle suscite. Une politique de puissance sage jouera plutôt sur l’influence. Car l’affrontement des volontés se joue désormais essentiellement sur les perceptions des populations. Au lieu de contrer frontalement la volonté de l’adversaire, il s’agit d’opérer sur ses modes de pensée. Pour cela, les ressorts les plus efficaces sont ceux de la légitimité véhiculés par la société civile. Les populations ne subissent plus les volontés de puissance. Elles en sont de plus en plus l’enjeu.


« La stratégie d’influence se définit comme l’art d’organiser et d’utiliser les capacités diplomatiques, économiques, informationnelles, militaires et socioculturelles en vue de servir les intérêts d’un État, d’un groupe d’États ou de la communauté internationale en agissant dans les champs psychologiques et cognitifs » (Influence n°073/DEF/CICDE/NP du 31 mars 2012, p.17). Le reproche que l’on peut faire aux opérations d’influence serait de verser dans la manipulation. Elle en est l’opposé exact. La manipulation est une déformation de la vérité. Illégitime, elle est de surcroît de nature contre-productive. Dans le monde de l’information qui est le nôtre, une manipulation dévoilée coûte cher à ses auteurs.Le paradigme ancien consistant à convaincre est dépassé. La cible doit voir, analyser, comprendre le monde selon nos grilles de lecture. L’influence ne joue pas tant sur les faits que sur les leviers intellectuels et moraux permettant de les analyser.

 

Esprit munichois
Une politique à long terme implique trois facteurs : Ambition / vision de ses intérêts / moyens.
Qu’un seul de ces éléments fasse défaut et la politique menée sera celle du renoncement. Une politique d’influence réussie est celle qui modifiera les perceptions de la cible en fonction des intérêts de l’émetteur. Dès l’arrivée d’Hitler au pouvoir, il était évident au vu de son programme politique que les Etats et valeurs de l’Ouest en feraient les frais. Jouant sur un réel désir de paix de ses interlocuteurs, s’appuyant sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, dénonçant sans relâche l’injustice du traité de Versailles, la diplomatie nazie parvint néanmoins à s’insérer dans le concert des nations et à donner mauvaise conscience aux vainqueurs de 1918. Chacune de ses agressions étaient présentée comme le redressement légitime d’un tort subit au traité de Versailles. Et puis tant que ces agressions ne concernaient que de petites puissances, il était facile de fermer les yeux en espérant être soi-même épargnés. Manquait à l’Ouest l’ambition de défendre l’ordre international ; la vision de ses intérêts évidents qui impliquaient la réconciliation avec l’Allemagne, certes, mais aussi de casser les reins de l’Etat totalitaire naissant ; enfin, les moyens manquaient, le corps expéditionnaire britannique embryonnaire ne pouvait changer le sort de la bataille et le commandement français n’avait su fournir l’effort conceptuel stratégique qui lui aurait permis de mener une guerre moderne.  Le poison le plus fort qui soit avait été distillé : l’esprit de renoncement. Nous en connaissons les conséquences effroyables. Il se présente d’autres défis, chaque jour, dans chaque domaine. L’esprit munichois est une tentation permanente. L’histoire nous apprend combien la guérison en est douloureuse. Il n’est d’antidote que dans une politique volontaire. Une politique de puissance.

Souveraineté et individualisme

Nation
La nation est-elle encore une notion de vie commune viable et désirable ?
La montée des communautarismes de toutes sortes, confessionnels, ethniques, sexuels, culturels etc. fragilise incontestablement la vieille idée de nation. A l’Etat-nation succèderaient de vastes espaces de vie commune où les communautés organisées en réseaux se côtoieraient. En Europe, la superstructure fédérale prendrait le relais des vieux Etats épuisés et vidés de leur substance.
Pourquoi pas. Mais certainement pas dans un avenir proche ou prévisible. Les communautarismes, même à vocation globale, se déploient dans les cadres étatiques et nationaux qu’ils bouleversent sans pouvoir les remplacer. L’impuissance de l’Union européenne se penser et à se constituer en tant que puissance lui interdit à ce jour d’incarner le destin des 500 millions d’Européens. Les affirmations identitaires, les crispations populaires, les constructions nationales se posent avec chaque jour plus d’acuité de par le monde. Les notions d’indépendance nationale et de souveraineté restent ainsi incontournables à ce jour (Manent).

Réseaux et souveraineté
Le XXIème siècle naissant apparaît comme l’âge des réseaux. Les circuits de d’information et de communication sont transfrontaliers. Les Etats les plus fermés eux-mêmes, tels que la Chine ou l’Iran, en ressentent une onde de choc.
Cela a conduit à des contresens. Michael Hardt et Antonio Negri se sont fait connaître par leurs très médiatiques erreurs d’appréciation. Ainsi ont-ils avancé que « la multitude doit aujourd’hui abolir la souveraineté au niveau global » (Hardt, Negri). La « destruction de la souveraineté » étant le préalable à l’avènement d’une démocratie mondiale. C’est là oublier un peu vite les avertissements d’Hannah Arendt quant à la nécessité d’une vie publique souveraine, espace privilégié de la liberté. C’est surtout se tromper – souverainement, sur la nature du monde des réseaux. Espace de liberté, certes, il est aussi un espace de confrontation et rarement les stratégies de puissance se sont-elles heurtées avec autant d’âpreté que dans la « guerre cognitive » contemporaine. Loin d’être rose et sirupeuse, la globalisation exacerbe les stratégies de puissance. La souveraineté nationale apparaît ainsi souvent comme le dernier rempart de la liberté politique individuelle. Les souverainetés ne sont pas démodées, ce qui l’est c’est l’exercice ancien de la souveraineté. Il s’agit de prendre en compte le fait nouveau de l’interdépendance théorisée par Robert Keohane et Joseph Nye. « Ceux-ci ont fait observer que l’arène internationale n’était plus le monopole des Etats, tant elle était investie par des entreprises multinationales, des groupes de pression et organisations non-gouvernementales à vocation transnationale, limitant l’autonomie des Etats et liant ceux-ci dans des réseaux complexes d’interdépendance et de processus d’intégration »  (Buhler).


La multiplication des acteurs et le croisement des dépendances n’annihilent nullement le jeu des rivalités, il en modifie juste certaines règles.

 

Produire le monde
C’est un des mystères de l’homme que son action ne soit pas neutre. Elle bouleverse les paysages et renverse les équilibres. Elle produit le monde.  Plus que jamais au temps de la globalisation et de l’explosion de l’information elle lui donne du sens. Au-delà des rivalités d’intérêt, les compétitions de puissance ont l’âme du monde pour enjeu. Quelle signification lui donner ? La vision individualiste moderne des puissances de l’Ouest n’est pas la seule en lice. Sa prétention à l’universalité de signifie pas son acceptation par le reste du monde. Entée dans l’ontologie, elle se heurte à l’imperméabilité de l’âme chinoise, par exemple, dont la langue ne possède aucun équivalent pour « être » (François Julien). Elle n’est souvent comprise qu’à travers la facette du consumérisme effréné, celle justement dont les Européens de l’Ouest reviennent !


Il n’est pas anecdotique de relever que le héros de cinéma américain est un individu  qui sort de la foule, la surplombe et n’hésite pas à bousculer ordre, codes et lois. A l’inverse, le héros du cinéma chinois (certes embryonnaire au regard d’Hollywood) ne se distingue que pour rétablir une harmonie troublée, il ne fait pas de choix d’individus mais suit la voie juste. A l’issue de son action, il retourne se fondre dans la foule.


Cet exemple tiré de l’industrie du loisir est moins trivial qu’il n’y paraît. Il illustre l’importance des enjeux. Ne pas défendre et promouvoir sa vision du monde et de l’homme, c’est s’exposer à recevoir celle des autres. « Comme il s’agit de produire le monde, celui qui cultive la puissance passive développe son impuissance historique. En même temps, il est utile à la puissance des autres puisqu’il la subit (Les chemins de la puissance, Forget, p. 83).

Puissance et hybris
Associer puissance et désir de domination universelle comme certains le font parfois est un contresens. Il est néanmoins bon de s’y arrêter pour dissiper toute ambiguïté.  Tout rêve universel est frappé du sceau de la démesure, l’hybris des Anciens, qui ruine la puissance vraie.


Athènes était puissante à la mort de Périclès. Elle détenait un capital moral immense issu des guerres médiques. Son influence était grande sur le monde des Hellènes, son prestige rayonnait au-delà. L’orgueilleuse Cité athénienne voulut alors l’empire mers et des îles. Elle perdit la notion du réel. Ce fut l’expédition de Sicile, absurde, démesurée. Elle y sacrifia 200 navires envoyés par le fond et 10 000 citoyens morts ou réduits à la honte de l’esclavage. Ruinée, elle perdit son indépendance et sa liberté.


L’hybris échappe à la volonté et entraîne un enchaînement mécanique de désastres. A l’inverse, une politique de puissance se veut rationnelle. Elle pèse le monde pour peser dessus. Elle s’oppose au rêve alexandrin, se heurte à l’idée d’empire, qui est un déploiement de force tout azimut, sans direction ciblée, se heurtant à l’environnement (humain, politique, social, physique…) au lieu de le maîtriser. L’idée de puissance telle qu’elle s’est élaborée en Europe s’articule sur celle d’équilibre et trouve sa pleine expression dans un monde multipolaire. Ainsi, et contrairement à ce qu’avance Kissinger dans son monumental ouvrage, Diplomatie, ce n’est pas le jeu des puissances qui a provoqué les guerres qui ont ruiné l’Europe et bouleversé le monde. C’est la volonté impériale. Les rêves démesurés d’uniformisation conduisent aux pires calamités. C’est ainsi que leur relatif affaiblissement est sans doute ce qui pouvait arriver de mieux à nos amis américains ; voilà qui les dispensera de rêver le monde et canalisera leur remarquable énergie vers des projets ancrés dans le réel.

Question de la légitimité

Puissance et violence
La puissance n’est pas le libre emploi de la violence. Dans l’Occident contemporain, elle ne peut d’ailleurs se déployer depuis les cabinets feutrés des ministères sans se légitimer. Dans nos démocraties participatives, les citoyens ont une exigence de transparence. L’utilisation de la violence au service d’une politique de puissance est excessivement coûteuse en termes d’image et de légitimité.


Certes, la possibilité de l’employer est essentielle pour crédibiliser le discours d’un Etat. En revanche, son emploi ne doit se faire que dans un cadre légitime et nécessaire. Si l’on ajoute la faible résilience des démocraties occidentales, le choix de la violence –de l’action militaire pour parler crûment, est risqué. Un conflit qui dure perd en légitimité. Les raisons de l’adhésion populaire initiale s’érodent au gré du coût financier, s’émoussent au fil des pertes humaines. Les inévitables bavures, exploités et médiatisées par l’ennemi, fissurent le cadre moral du déploiement.


Il ne faut pas négliger non plus la légitimité naturelle du faible dans l’inconscient collectif européen. Deux faits l’expliquent. L’héritage culturel chrétien de l’Europe qui veut que les « petits » soient chers au Père d’une part. D’autre part, l’idéal moderne de liberté aura tendance à assimiler toute contrainte à une tyrannie. L’usage de la force peut ainsi rapidement apparaître comme oppressif et perdre  tout soutien de l’opinion publique.
Certes, « La puissance est combat, car elle est l’affrontement de constructions politiques visant à la maîtrise de sa destinée ». Cependant, la confrontation entre puissances cherchera, autant que possible, à éviter le pic paroxystique de la violence et à explorer de nouvelles voies.

Puissance et sécurité

Il est souvent avancé que la problématique première des Etats ne serait pas la recherche de puissance mais la sécurité. C’est elle qui serait le moteur des relations internationales. Pourtant, les Etats réellement menacés dans leur existence sont peu nombreux aujourd’hui. Outre une réprobation universelle de l’idée de conquête, le nombre de puissances nucléaires est désormais porté à une dizaine d’Etats dans le monde, limitant de fait les confrontations militaire. L’Inde et le Pakistan peuvent bien se tuer quelques soldats sur la frontière kashmiri mais la guerre ouverte est désormais impossible sous peine d’annihilation réciproque. La rivalité sino-américaine n’a aucune chance de dégénérer un jour en conflit total pour les mêmes raisons. La sécurité étatique n’est un facteur déterminant que pour certains Etats placés dans une situation particulière. Israël dont le droit à l’existence est contesté par ses voisins, Taiwan dont la puissante Chine nie jusqu’à l’idée d’indépendance (nous écartons volontairement de notre propos les Etats menacés par une pression interne dont l’exemple récent du Mali fournit un exemple remarquable. Cependant, même dans ce cas,  un Etat au bord de l’implosion a été sauvé par l’intervention militaire d’un membre permanent du Conseil de sécurité avec la bénédiction de la plupart des grands acteurs internationaux).
Certes, les frictions se multiplient depuis la fin de la guerre froide et plus encore depuis les années 2000 mais paradoxalement, le monde n’a jamais été aussi sûr au niveau étatique. Pour la première fois de l’histoire peut-être, les Etats voient leur existence contre une agression garantie par le droit global. Par ailleurs, le nucléaire, égalisateur de puissance selon la formule du général Gallois, gèle bien des situations.


Le terrorisme islamiste sert d’exutoire à des populations frustrées et contribue surtout à armer moralement les Etats-Unis, mais pas seulement, en leur donnant un ennemi à combattre. Alexandre et César s’ennuieraient mortellement entre les frontières figées du XXIème siècle. Pour parler franchement, la sécurité des Etats est davantage un prétexte qu’un impératif. Un prétexte pour quoi ? Pour la défense de leurs intérêts de puissance. Car le monde est redevenu multipolaire et les rivalités en sont décuplées.


Les risques de tensions restent nombreux. Ainsi, les suites du printemps arabe sont-elles encore mystérieuses. Les nouveaux régimes parviendront-ils à concilier désir d’islam et bonne gouvernance ? Les rivalités pour l’accès aux ressources stratégiques débouchent sur un grand jeu à l’échelle mondiale où les Etats-Unis cherchent à accentuer la vulnérabilité énergétique chinoise tandis que les autres acteurs cherchent à se faire une place au soleil comme ils le peuvent. La pression démographique dans certaines régions risque de déboucher sur de véritables guerres de l’eau. Le surarmement de l’Asie où les budgets militaires sont tous en hausse est lourd de menaces. Mais, dans le cadre d’une rivalité globale, les risques d’explosion nous semblent néanmoins aujourd’hui contenus à des niveaux régionaux. En revanche, la sécurité économique des Etats n’a jamais été aussi volatile mais elle dépend d’une stratégie de puissance globale.

Individualisme et légitimité
On ne peut explorer les voies de la puissance sans s’interroger sur les sources de légitimité qui en sont devenus la condition. Il faut prendre conscience qu’elles ne sont pas forcément rationnelles ou objectives car les valeurs des citoyens individualistes post-modernes résultent d’une construction complexe. En tout état de cause, « […] les faits objectivement acquis seront probablement déformés par l’individu pour être compatibles avec ses croyances naïves les plus socialement et historiquement ancrées. De nombreux chercheurs ont ainsi souligné que les individus se satisfont d’une très faible cohérence interne, tout en désirant très fortement une lecture structurée du monde (Kaiser et al. 1992 ; Cooke & Breedin 1994). Les théories à propos du monde environnant sont donc construites « à la volée », et reposent à la fois sur un besoin vital d’articulation logique au monde, et sur la réduction des coûts psychologiques liés à la remise en cause de croyances fondatrices de l’individu » (Baumard).
La dimension spectaculaire d’un évènement prime largement sur sa portée rationnelle ou même ontologique. Voilà qui entraîne une conséquence inattendue : le spectacle s’accommode mal des subtilités et nuances du monde. L’évènement, comme les hommes, doit être bon ou mauvais. Il est souvent difficile de concilier ce manichéisme structurel et le besoin de vérité. La vérité et la justice ne passent pas tant par le prisme de la raison analytique que de la morale. Les éléments d’un évènement doivent être immédiatement perceptibles pour permettre un jugement. C’est ainsi que « Le sentiment de connaître de Koriat (1995) a certainement un pouvoir largement supérieur à l’incompressible part de liberté que réclament les individus » (Baumard). La légitimité réside dans le flux d’information qu’il devient nécessaire de contrôler. Ce contrôle exclu toute manipulation : elle serait tôt ou tard décelée et finalement coûteuse, on a ainsi vu les Etats-Unis durablement décrédibilisés par leurs fausses déclarations sur les armes de destruction massives de Saddam Hussein. En revanche, l’habileté spectaculaire devient une des clefs de la légitimité. L’artisan du spectacle doit se faire discret, le plus possible, pour laisser le spectateur exercer son propre jugement conformément  à la « […] volonté des individus de vouloir être les seuls auteurs de l’évaluation de ce qui est légitime et de ce qui ne l’est pas »  (Baumard).

L’ennemi
L’Europe rêvant de la fin de l’histoire, elle récuse la notion de confrontation et bannit celle d’ennemi – il n’est pas d’ennemi possible dans le monde fantasmé de la coopération globale. Ne pas désigner d’ennemi est non seulement très idéaliste mais aussi assez commode. Cela permet d’éviter de s’interroger clairement sur qui nous sommes et d’évacuer la question brûlante de la crise d’identité qui ravage les nations du vieux continent. Chacun se rappelle ainsi du débat sur l’identité française initié par le président Sarkozy à laquelle nul ne sut apporter de réponse et qu’il fallut finalement enterrer sans gloire.


Nier l’idée d’ennemi, c’est non seulement se nier soi-même mais aussi nier l’autre, le percevoir comme on voudrait qu’il soit et pas tel qu’il est réellement. Au nom d’une vision optimiste et unitaire de l’humanité, l’Europe récuse l’idée d’adversaire, plus encore d’ennemi. Cette incapacité européo centrée à penser l’altérité, la menace et la rivalité résulte également d’une erreur d’appréciation. L’Europe n’a pas fait sa révolution copernicienne. Elle se croit encore au temps où ses normes et ses valeurs n’avaient guère de compétiteurs. Or le caractère universel indiscutable de ses valeurs s’est évanoui avec sa puissance.


Le refus de la problématique d’ennemi peut ainsi se résumer à un déni stratégique (Col Goya). Tant que l’Union européenne en général et les nations européennes en particuliers n’auront pas appris à penser l’ennemi, elles demeureront incapables d’élaborer une pensée stratégique autonome. Or celle-ci n’est-elle pas un des noms de la liberté politique ?

Société civile et légitimité
Les Etats ont longtemps partagé le monopole de la légitimité avec les religions. Etait légitime ce que décidait le prince ou prescrivait le prêtre.
Dans le monde contemporain, la légitimité n’est plus acquise, nous l’avons vu. Elle doit être recherchée pour chaque nouvelle action. Les nouveaux prêtres en sont les membres de la société civile. Autrement dit les associations ou organisations non-gouvernementales dont les objectifs sont considérés comme suffisamment élevés et désintéressés pour leur donner un magistère moral sur l’action des acteurs de puissance traditionnels.


Ainsi de Human rights watch, Amnesty international, Médecins du monde etc. Une condamnation de leur part implique une réprobation instantanée d’une partie des opinions publiques. A ces acteurs se rajoutent des personnalités influentes, créateurs de blogs ou « intellectuels » dont les propos ont une force mobilisatrice sans proportion avec leurs faibles moyens.


Les instances internationales sont aussi, bien évidemment, des facteurs de légitimation de premier plan. De nouveaux acteurs surgissent sans cesse et pour n’importe quelle cause qu’une action spectaculaire bien menée peut propulser au premier rang des préoccupations publiques en quelques heures. L’Etat est en partie désarmé. S’il laisse faire et enfler la mobilisation autour du point de fixation créé par cette action médiatique, il risque d’être débordé et de devoir reculer. S’il tente une répression, elle risque d’être perçue comme illégitime faisant de ses opposants des victimes. Le tout en sachant que les opinions individualistes occidentales auront souvent tendance à considérer d’office l’Etat comme un oppresseur et les contestataires, indépendamment des positions défendues, comme des citoyens courageux « mobilisés » pour « résister » à une « injustice ». Ainsi, force est de reconnaître que « La morale devient […] un étalon des politiques étatiques » sous la pression de la société civile » (Buhler). La légitimité « procède d’abord de la capacité de l’Etat à produire la sécurité, intérieure et extérieure » (Buhler). On peut aller plus loin : la légitimité d’un Etat s’appuie théoriquement sur sa capacité à prévenir les conflits plus qu’à les résoudre. Ainsi, « […] la sphère du politique cesse d’être autonome, ordonnée par la « raison d’Etat », comme le postulait Morgenthau, indépendante de ces autres sphères de la vie sociale que sont la morale et le droit » (Buhler).

Définition de la puissance

Nous avons cerné l’environnement de la puissance et tenté de mettre en lumière certaines de ses conditions et contraintes. Il nous reste maintenant à la définir avant de nous projeter dans ses champs d’application.


Pour Raymond Aron, « Avant d’être une accumulation de moyens ou de forces, la puissance est […] volonté. » Philippe Baumard est plus précis en affirmant que « La puissance est la capacité à réitérer des schémas de pouvoir et à contraindre ou influencer, dans une logique de durée et d’espace, les leviers récurrents d’une assise durable » (Baumard). Pierre Buhler ne dit pas autre chose en écrivant « j’appelle puissance sur la scène internationale la capacité d’une unité politique d’imposer sa volonté aux autres unités. En bref, la puissance n’est pas un absolu, mais une relation humaine.


Sans aller jusqu’à absolutiser la « volonté de puissance » comme Nietzsche,  il est bon de se souvenir que le « penchant universel de tout le genre humain [est] un désir inquiet d’acquérir puissance après puissance, désir qui ne cesse seulement qu’à la mort. » (HOBBES) Désir qui s’ajoute à la peur de la mort et au « désir des choses essentielles à une existence confortable, et l’espoir de les obtenir par leur activité » (Hobbes).
En résumé, on pourrait proposer la définition suivante : la puissance, c’est, tenant compte de la nécessité, l’effet de la projection d’une volonté raisonnée sur l’environnement.

Les douze apôtres de la puissance
Brzezinski avait noté que la superpuissance américaine reposait sur quatre piliers fondamentaux où s’exerçait sa supériorité : économie, technologie, militaire, culturel. Mais ces quatre piliers peuvent eux-mêmes être déclinés. Ainsi peut-on énumérer les douze apôtres de la puissance :

 

  • La cohésion interne 
  • La volonté et la puissance stratégique 
  • La puissance militaire
  • La puissance économique
  • La puissance financière
  • La puissance énergétique
  • La puissance primaire : la terre et l’eau
  • La puissance culturelle et morale
  • La puissance démographique
  • La puissance scientifique
  • La puissance cognitive
  • La puissance normative

La puissance par la cohésion interne 
Tournée vers l’extérieur, une politique de puissance sera d’autant plus efficace qu’elle ne sera pas parasitée par des troubles internes susceptibles non seulement de l’affaiblir mais de fournir des leviers d’action à ses rivaux.
Un peuple uni et se reconnaissant comme tel est donc la condition première d’une politique de puissance. D’où l’importance d’une histoire commune et de mythes fondateurs forts, intégrateurs. L’analyse du monde contemporain révèle la faiblesse des Etats multiconfessionnels ou multiethniques parcourus par des lignes de fractures fortes. Seules les démocraties occidentales surmontent à ce jour leur nouvelle structure multiethnique en fédérant leurs populations autour des valeurs fortes de démocratie et de droits de l’homme – au prix d’un lissage identitaire qui ne peut être transposé en l’état au reste du monde.
La question de la cohésion d’une communauté est le préalable à toute action car « un acteur ne peut savoir ce qu’il veut avant de savoir qui il est » observe Wendt avant de conclure : « les identités sont le fondement des intérêts (…) façonnés par ces normes et valeurs qui, partagées internationalement, structurent la vie internationale et lui donnent signification » (Buhler). Par ailleurs, une identité floue peut avoir des conséquences redoutables : « […] celui qui doute de ce qu’il est n’entrevoit le plus souvent comme solution que d’éradiquer l’altérité, c’est-à-dire ce qui apparaît comme solution comme une identité rivale mettant en lumière la fragilité que l’on essaye précisément de refouler » (Delbecque).

Volonté et puissance stratégique 
Pour avoir une volonté, il faut avoir confiance et croire en son destin car  Il faut aussi être capable de penser son avenir en termes de puissance. Un pays comme le Brésil, qui a bien pris en compte ses contraintes géopolitiques mais n’a pas pensé donc atteint le statut de puissance, reste ainsi relativement effacé. L’absence de pensée stratégique claire et durable nuit à la crédibilité. Le domaine des relations internationales est sans doute un des plus conservateurs et les acteurs traditionnels y occupent une place sur-proportionnée. Le poids de la diplomatie française en est la parfaite illustration.


Une pensée stratégique n’est pas velléitaire. Elle dit ce que nous sommes (Col Derieux) et implique un temps long. Malgré la volatilité du monde et des situations, elle ne doit pas être éphémère sous peine de se condamner. Viser un but impose des investissements donc de se dégager de l’immédiateté. Colbert faisait planter des forêts de chênes qu’il ne verrait jamais pour doter la marine française de bois de charpente au siècle suivant et rivaliser à terme avec les puissances maritimes !


La puissance stratégique, c’est aussi de pouvoir se déployer librement, avoir accès aux ressources, aux marchés et aux voies de communication. Ainsi, les Anglo-saxons privilégient-ils les grandes voies maritimes qu’ils dominent et maintiennent ouvertes. A l’inverse, des acteurs comme la Chine et la Russie ont tout intérêt à réhabiliter la vieille route de la soie traversant le heartland eurasiatique. L’enjeu, dans les deux cas, est d’éviter la marginalisation.


Il ne faut naturellement pas se leurrer sur la solidité d’une stratégie. Elle est un idéal type puisque toutes les données ne sont jamais maîtrisées. Elle consiste à définir des fins, des priorités, des moyens et à saisir des opportunités, à déployer son influence ; à agir aussi sur ce que l’on veut empêcher de faire. Mais, vivante, elle ne suit pas une ligne droite. Elle progresse dans une direction.


Enfin, une stratégie vivante sait s’affranchir des idées reçues : nous avons vu que la domination, voire même la présence, valaient bien moins que l’influence ; l’Union européenne s’est longtemps fixé pour objectif l’élargissement en l’assimilant à un accroissement de puissance alors que la paralysie qui en résulte produit l’effet inverse etc.
Une stratégie forte sous-tendue par une volonté sans faille peut produire des miracles. Ainsi, la création et le maintien de l’Etat d’Israël est-il le fruit d’une extraordinaire volonté stratégique malgré un environnement humain hostile sur une terre où le lait et miel avaient cessé de ruisseler depuis longtemps.


La puissance « est avant tout une stratégie qui a réussi » (Buhler), elle permet d’affirmer un « choix souverain ». Elle permet d’exister soi-même en agissant sur le monde et aux yeux des autres leur faisant reconnaître notre identité stratégique propre.

La puissance militaire 
L’utilité de la force ne réside pas dans son emploi mais dans la possibilité de le faire. Son effet est dissuasif. Il est aussi psychologique. Il donne du poids. « Quand les hommes de 80 kg parlent, ceux de 60 se taisent » rappelait Audiard. Aussi, il n’est pas de puissance sans force militaire.


Celle-ci repose sur deux piliers. Tout d’abord, la capacité à assurer sa défense de manière autonome. Elle implique clairement la maîtrise de l’armement nucléaire, niveleur de puissance et assurance-vie pour ses détenteurs (Gal Gallois). Aucun acteur ne peut prétendre à un rôle de leadership politique crédible s’il ne dispose pas de « la bombe ». C’est en partie pourquoi l’Iran, qui aspire à retrouver une place de pivot régional, s’accroche bec et ongles à l’atome malgré les sanctions internationales. Ce n’est pas un hasard si les 5 membres permanents du conseil de sécurité ont aussi été les 5 premières puissances à acquérir le feu nucléaire. Deuxième pilier, la capacité de projection. C’est une chose que d’être maître de son destin, s’en est une autre que de pouvoir se déployer pour défendre ses intérêts, ses valeurs, ses alliés. Pouvoir se projeter, c’est disposer d’un pouvoir de coercition et acquérir des responsabilités régionales ou globales. L’influence de la France en Afrique serait depuis longtemps partie en fumée sans sa capacité à y déployer ses hommes. Ses dernières interventions prouvent qu’elle est un partenaire de poids, crédible, et renforce d’autant plus son influence qu’elle prend soin de mettre les nations africaines en avant.


La puissance militaire procure un autre avantage, plus inattendu, lié à la volonté de prévenir toute surprise stratégique, au moins sur le plan technologique. Ainsi « […] c’est dans une interaction continue entre recherche de défense et recherche civile que l’Amérique a produit ces innovations appelées à devenir autant de briques de l’édifice des technologies de l’information. » (La puissance au XXIe siècle, BUHLER Pierre, CNRS éditions, Paris 2012, p.236). Internet n’est qu’une petite partie du transfert de technologies vers le civil développé par la recherche militaire américaine, lui procurant de formidables retombées économiques.
Les Etats doivent cependant garder à l’esprit qu’un outil militaire disproportionné avec leurs moyens ne peut qu’amoindrir leur potentiel de puissance au lieu de l’accentuer en accaparant une trop grande part des ressources nationales. De même, la guerre coûte cher pour des gains dérisoires. Elle ne peut pas être une option choisie à la légère et le rapport coût/efficacité doit être pensé.


On tombe alors sur un dilemme connu. Il n’est pas de puissance sans une belle armée. Mais lorsqu’on en dispose, de cette belle armée, la tentation n’est-elle pas forte d’en faire usage non par nécessité mais pour rentabiliser ou au moins justifier son entretien ? Les Allemands ont connu cette tentation au XXème siècle et, sans doute, les Américains aussi en Irak.

La puissance économique
La puissance économique est centrale, c’est l’évidence. Cela ne l’a pas toujours été. Le mépris des Anciens pour les boutiquiers et les raisonnements mercantilistes (BUHLER) a longtemps perduré et rejeté l’économie au rang des contingences annexes. « Ce n’est donc que tardivement que l’économie fut associée à l’idée de puissance » (Broda).
L’économie a aujourd’hui supplanté le territoire comme champ de déploiement des rivalités. C’est pourquoi les stratégies les plus dures s’y heurtent en une véritable guerre économique. Il ne faut pas trop se fier aux sirènes libérales en la demeure. Certes, l’économie mondiale est dominée par les grandes entreprises dites « multinationales ». Le terme a une petite connotation universelle qui sonne bien à l’oreille. Or « Une étude comparative entre des entreprises allemandes, américaines et japonaises démontre ainsi qu’elles restent profondément imprégnées de la histoire, de la culture et des système économiques de leurs origines» (Buhler). Ainsi, le terme même de « multinationales » fut créé par les Etats-Unis comme faux nez de leurs entreprises propres. Car, en dépit de l’ouverture de leur capital à l’étranger, les entreprises américaines bénéficient du marché de base américain dont la taille critique fait que les « multinationales » américaines restent nationales du fait de leurs intérêts sur leur marché principal.


Les Etats œuvrent également à conserver ou acquérir des positions fortes dans les secteurs stratégiques les plus critiques. Washington même oublie son credo libéral lorsque ses technologies stratégiques sont en jeu.
Aussi le terrain économique n’est-il  pas un libre jeu de saine concurrence où le plus méritant conquiert des marchés. Il est le théâtre d’une concurrence féroce où tous les coups sont permis.

La puissance financière et monétaire 
La puissance financière est une arme redoutable. Il faut avoir des capitaux pour investir, influencer  les pays où l’on investit, conserver son avance technologique etc. Se pose aujourd’hui la question des fonds d’investissements et fonds souverains « forme de capitalisme d’Etat» (Buhler) dont la Chine est le premier détenteur au monde. Le capital au service de la puissance d’un Etat représentant un cinquième de l’humanité, voilà qui nous éloigne des « lois du marché ». Peut-on sérieusement croire que tous les investissements de la formidable puissance financière des différents fonds d’investissements sont neutres ? L’exemple d’IN-Q-Tel, fond d’investissement de la CIA à but non lucratif répond à la question.
De même, la politique monétaire ne se règle pas « naturellement » mais de manière volontariste et les rapports de force y sont tout aussi prégnants. La position centrale du dollar comme monnaie d’échange permet ainsi aux Etats-Unis de faire financer leurs déficits par leurs partenaires commerciaux. Nous savons également les ravages que la sous-évaluation du Yuan cause aux industries occidentales.

La puissance énergétique 
Depuis que la machine a remplacé l’homme dans la plupart de ses travaux, la question de l’énergie est devenue incontournable dans les relations internationales.
Plus précieuses que l’or, les ressources énergétiques sont vitales pour les Etats. Charbon, gaz, pétrole, uranium, minerais rares indispensables à la science sont l’objet de compétitions farouches.
Pour assurer leur développement, les Etats doivent non seulement assurer leurs propres approvisionnements mais entraver ceux de leurs rivaux. C’est le grand jeu auquel se livrent les Etats-Unis face à la Chine, cherchant à augmenter sa dépendance stratégique, donc sa vulnérabilité.
Des stratégies de contournements sont possibles. La France a ainsi remarquablement réduit sa dépendance énergétique grâce au nucléaire, arme du pauvre en ressources. Les recherches sur les énergies dites propres pourraient à terme proposer de nouvelles alternatives mais aucune n’est à ce jour capable de supplanter le nucléaire comme les Allemands, qui ont choisi de renoncer à l’atome, le constatent cruellement.
Des ressources naturelles importantes sont certes un atout, prenons l’exemple-type du pétrole norvégien. Cependant, tous les analystes ont relevé le drame des Etats-rentiers qui s’enferrent dans la dépendance aux exportations et se révèlent incapables de développer une économie propre. Les rivalités internes autour de la maîtrise de ces ressources peuvent même déboucher sur une véritable « malédiction des ressources » (Buhler).

La puissance primaire : la terre et l’eau
La première source de richesse est venue de la terre. Terre giboyeuses pour nos plus lointains ancêtres. Terres fertiles au temps des sociétés agricoles.
Aujourd’hui encore, avoir une agriculture forte permet de nourrir sa population en se préservant des aléas du marché –la crise tunisienne par exemple a gonflé sur fond de flambée du prix des produits alimentaires- d’aménager et de mettre en valeur le territoire (Blanc). Les campagnes sont aussi souvent le conservatoire des traditions d’une communauté et participent ainsi à son identité de manière bien plus forte que ne le laisserait supposer leur poids économique et/ou démographique.


La PAC a ainsi servi de moteur à la construction européenne. Les nations qui avaient sacrifié tant d’hommes pour le contrôle de la terre s’entendaient pour l’exploiter au mieux avec tout le poids symbolique qu’une telle révolution impliquait. La représentation que l’on se fait du sol est souvent disproportionnée par rapport à son importance géopolitique réelle et cela doit être pris en compte.


Une autre nécessité vitale est l’eau. Or, elle se raréfie et les rivalités sont fortes autour des ressources hydrographiques. Les amis du Tibet libre comprendraient rapidement la vanité de leur combat en regardant une carte : le Mékong, le Brahmapoutre, le Yang-Tse-Kiang y prennent leur source. Le contrôle du château d’eau tibétain assure à la Chine le libre accès à ses propres ressources hydrographiques et fait peser une ombre sur celles de l’Inde et du sud-est asiatique (Chauprade). Si Israël s’accroche au plateau du Golan, ce n’est pas pour ennuyer la Syrie mais pour contrôler les sources du Jourdain. Les rivalités entre Etats riverains du Nil pour la répartition de ses eaux font rage.


La puissance du secteur primaire est ainsi une nécessité vitale pour éviter crises sociales voire émeutes de la faim. Quant à l’eau, elle devient si précieuse qu’il sera de moins en moins rare de voir verser le sang pour une source.


Enfin, la terre et l’eau et sont pas neutres et revêtent des formes géographiques qui influent sur les peuples et les rapports entre Etats. Certaines zones sont des lieux de passage et d’échanges. D’autres sont enclavés, isolés, défavorisés. Toute politique de puissance tient compte de la géographie.

La puissance culturelle et morale 
La France a longtemps bénéficié de l’universalité de sa culture. Au congrès de Vienne, les conférences de paix se tenaient en Français, ce qui permettait à Talleyrand de faire oublier son statut de représentant d’une puissance vaincue.


Aujourd’hui, la culture de masse est une des plus fantastiques armes des Etats-Unis. Articulée autour d’un principe facile à exporter, procurer une vie meilleure, elle consiste à imprégner partenaires, rivaux et adversaires d’un certain mode de pensée pour faire triompher son modèle. La Chine peut être un rival mais si les Chinois se mettent à regarder des films hollywoodiens, à boire des sodas et à rêver d’une société de consommation libre, le rival ne deviendrait-il pas un simple de décalque du modèle américain ?


La culture est au cœur des systèmes de représentation, des perceptions. Aucune politique de puissance ne peut faire l’économie d’une véritable analyse géopolitique des perceptions
La culture, c’est aussi une manière de diriger ses actions, un mode de pensée et de représentation. « […] certains auteurs comme David Landes associent la supériorité économique de l’Occident principalement à des facteurs culturels. La distance entre la puissance de l’économie et ses déterminants est alors incommensurable » (Broda).


La culture est aussi un formidable catalyseur de forces. L’utilisation du pantouranisme par l’Etat turc en est un exemple. La démocratie américaine en est le paradigme, les valeurs libérales étant prétexte et source de pouvoir par leur prétention universelle. Il est certes plus simple d’imposer sa volonté lorsqu’on est persuadé d’incarner le bien. La culture est au cœur de ce que Robert Nye appelle le soft power. Nous avons vu le poids croissant des acteurs de la société civile et des grandes ONG. Les principales sont américaines. Les Etats-Unis sont loin d’être exempts de tout reproche sur les plans du droit et de la morale. Pourtant, ils subissent beaucoup moins les foudres de ces acteurs que le reste du monde, leurs principaux alliés y compris. On aurait tôt fait de conclure à la manipulation et au complot. C’est oublier que pour un américain, les Etats-Unis, malgré leurs imperfections, restent l’incarnation de la liberté et de la démocratie. Leurs atteintes à la morale et au droit ne sont dès lors considérées que comme des anomalies conjoncturelles. Les mêmes travers dans les autres Etats sont eux perçus comme des menaces systémiques. Si l’on fait fi ce de contexte culturel, on s’expose à ne pas comprendre les actions et jugements d’un certain d’organismes et d’associations à rayonnement mondial. Ils sont une des marques les plus flagrantes de la formidable réussite culturelle américaine et de sa traduction instantanée en termes d’influence.

La puissance démographique 
Jadis, le prince qui avait beaucoup d’hommes avait beaucoup de soldat. Il était fort. Aujourd’hui l’Etat fortement peuplé dispose d’un marché important, d’une réserve potentielle de cerveaux. Les Etats faiblement peuplés cherchent à annuler cette faille en mutualisant leurs forces, c’est ce que fait l’Union Européenne.


Prenant l’exemple des petits pays riches tels que Luxembourg, Norvège, Islande, Danemark, Philippe Broda relève ainsi que « L’époque des républiques maritimes de Gênes et de Venise est cependant bien révolue. Ces pays ne dominent pas l’économie mondiale : aucun d’entre eux excepté la Suisse n’appartient au club des vingt plus grands producteurs de richesses au monde. Pour peser sur les affaires économiques du monde, la taille joue un rôle non négligeable » (Broda).Mais les questions démographiques ne se résument pas à l’effet de masse. L’âge d’une population doit, par exemple, être également pris en compte. Le vieillissement de la population, conséquence d’un affaiblissement démographique, a de lourdes conséquences pour un Etat. En augmentant la part des inactifs, il augmente mécaniquement la part des prélèvements de la richesse nationale pour subvenir à leurs besoins. Les conséquences sont également politiques, les troisième et quatrième âges n’étant pas ceux des révolutions mais du conservatisme et de la prudence.


A l’inverse, nous savons que la Révolution industrielle européenne s’est accompagnée d’un formidable accroissement démographique. A un marché en croissance se couplait un rajeunissement de la société engendrant dynamisme, curiosité, créativité.


Comme rien n’est jamais simple en sciences sociales, notons que de nos jours, les Etats disposants de nombreuses masses de jeunes gens inemployés et sans avenir en raison du contexte économique s’exposent à de graves troubles sociaux. Gaston Bouthoul a ainsi avancé une thèse célèbre corrélant la proportion d’hommes jeunes et le risque de guerre.  
Les facteurs démographiques doivent également prendre en compte la santé, l’espérance de vie, « la mortalité, la mortalité infantile, la natalité, la fécondité ou, en affinant un peu l’analyse, le nombre de médecins pour dix mille habitants et le pourcentage d’enfants d’un an vaccinés contre tel type de maladie. Le lien avec l’économique est direct puisque la politique de santé publique, la part de ce poste dans le budget de l’Etat, constitue une de clefs de compréhension de ces chiffres » (Broda). Ces facteurs sont également un facteur de légitimité pour l’Etat car la puissance semblera d’autant plus illégitime qu’elle ne se traduira pas par des retombées directes sur les conditions de vie des habitants.


Donc, « […] le capital humain, qui est le stock de connaissance humaines économiquement productives, est susceptible d’augmenter grâce à des dépenses publiques dans l’éducation, la formation professionnelle, voire dans la santé. Sans ce genre d’investissement, il risque au contraire de se déprécier » (Broda). L’attractivité de ces dépenses et de leurs retombées est bien réelle et explique l’importance des investissements privés en Europe de l’Ouest malgré des taux de prélèvement plus élevés que dans le reste du monde.


Par ailleurs, le rapport entre territoire et population génère facilement des tensions entre puissances. Les espaces vides de l’Extrême-Orient russe côtoient les formidables densités chinoises ce qui ne manque pas d’inquiéter Moscou. Pleine comme un œuf, l’Afrique tourne les yeux vers les espaces prospères européens ce qui ne manque pas d’engendrer des frictions caractérisées par la montée des partis d’extrême droite dans l’Union européenne. L’arme démographique palestinienne face à l’Etat d’Israël est connue.
Enfin, dans un monde où la majorité des Etats les plus puissants se reconnait dans les valeurs démocratiques, le nombre en tant que tel a valeur de légitimité.

La puissance scientifique 
L’Europe a construit sa domination sur sa supériorité scientifique qui lui a assuré la maîtrise des espaces et celle de la puissance de feu. C’est ce que tentent de poursuivre les Etats-Unis en créant en leur faveur un décalage technologique (bouclier anti-missile, avions furtif). Par ailleurs, la maîtrise scientifique permet de développer de nouveaux produits stimulant l’économie surtout dans les secteurs les plus rémunérateurs (ex aéronautique, pharmacie…).
L’innovation technologique est l’une des clefs de la puissance. Elle crée un environnement nouveau, des besoins nouveaux, des dépendances nouvelles. Les investissements en recherche-développement permettent de créer des ressources. C’est qu’a compris un Etat comme Israël qui a consacré 4,9% de son PIB brut au R&D (recherche-développement) en 2008, offrant perspectives et débouchés à une économie enclavée dans une zone hostile. Précisons cependant que le R&D israélien bénéficie d’une recherche militaire surdéveloppée dans un Etat en partie en situation de forteresse assiégée.


Mais le monde scientifique n’est pas rose et certains Etats songent à faire l’économie d’investissements coûteux par le biais de l’espionnage industrielle. Le rattrapage technologique chinois par la copie et l’espionnage industriel est une réalité stratégique à un tel point que les entreprises nipponnes « doivent réduire leur investissement direct en Chine pour protéger leur avance technologique contre la copie » (Delbecque).  Les entreprises européennes, aveuglées par la perspectives de contrats à court terme devraient en tirer des leçons et se méfier de transferts technologiques qui pourraient s’avérer mortels à terme.
Enfin, une politique scientifique implique un système d’éducation et de recherche rodé. Le but étant évidemment de former les meilleurs chercheurs mais aussi de les garder. Les Etats-Unis restent ainsi en tête de la création scientifique par l’aspiration des élites mondiales.

La puissance cognitive 
Le savoir est une ressource mais la diffusion du savoir, de l’information en est aussi devenue une.
C’est ainsi que les Etats-Unis ont mené une stratégie globale de colonisation de la sphère des idées puisqu’ils sont actuellement les seuls à en avoir les moyens et qu’ils furent parmi les premiers à en saisir les enjeux.


L’information « est devenue la matière première des économies avancées, post-industrielles, et même, dans une proportion croissante, un produit fini » (Buhler) car, « dans son acception la plus large, celle d’un message véhiculé par un flux ordonné de signes, [elle] devient une matière première du système de production, source de gains de productivité dans quasiment tous les secteurs «  (Buhler). Enfin, dans un monde de réseaux, une stratégie cognitive globale –qui est au final une stratégie « d’utilisation de la connaissance », est la condition sine qua non d’une politique d’influence réussie. Il s’agit ainsi d’aller au-delà de la simple conquête « des cœurs et des esprits » (KISSINGER) mais bien de maîtriser une ressource propre pour créer un environnement favorable.
Nous renvoyons sur ce sujet à La Guerre cognitive publié en sous la direction de Christian Harbulot (Lavauzelle, 2004).

La puissance normative 
La meilleure manière de rafler la mise est encore de fixer soi-même les règles du jeu. La multiplication des échanges a entraîné celle des normes. La mondialisation débouche sur la mise en place de règles globales permettant de fluidifier les relations car « […] le droit a pour but d’introduire davantage de prévisibilité dans la vie internationale en fournissant aux conduites étatiques un cadre normatif, des termes de référence » (Buhler).
Donc, celui qui dit le droit fixe la conduite des Etats par rapport à ce droit même, amène l’adversaire sur son terrain ; l’oblige à penser comme lui.


Certes, les puissances garantes du droit international, à commencer par les Etats-Unis, peuvent s’en affranchir. Cela a un coût. En termes de légitimité tout d’abord. En vertu de la règle de la porte ouverte ensuite. Une loi violée pourra l’être à son tour par un adversaire stratégique. Celle de l’intangibilité des frontières par exemple : la reconnaissance de la proclamation unilatérale d’indépendance du Kosovo par la plupart des puissances occidentales a provoqué en écho celle de l’Ossétie et de l’Abkhazie par la Russie au détriment de la très pro-américaine Géorgie.


« En définitive, est puissant tout groupe humain qui produit le monde, le sien, celui des autres. Et la règle stratégique la plus essentielle pour obtenir la puissance est la suivante : qui détient les germes du futur et la science de leurs combinaisons, qui donc concentre le stock des normes temporelles et spatiales de la production mondiale, prend la clef de tous les possibles technologiques et de la domination planétaire. » (Forget). Ajoutons que « […] le mimétisme est une forme de dépendance » (Fayard, Moinet), proposition qu’illustre l’âge d’or de l’empire britannique au XIXème siècle, édictant les nouvelles règles de l’économie mondiale sur lesquels s’appuyait sa suprématie.

L’impossibilité européenne contemporaine à dire la puissance

L’impossibilité européenne actuelle à énoncer et mettre en œuvre une politique de puissance repose sur trois illusions ou points de blocage. Ceux-ci doivent être étudiés et analysés si la construction européenne veut se relancer et représenter l’avenir du continent. Il s’agit d’une tentation isolationniste, du mythe rassurant de la contagion du semblable et enfin de l’illusion du pouvoir normatif.

L’isolationnisme européen
Les européens sont une caricature des isolationnistes américains du XIXème siècle. L’Ouest est sûr, l’immensité Atlantique débouchant sur un continent ami. Les mondes africains et proche-oriental sont plus inquiétants mais, par bonheur, la Méditerranée est une défense et un filtre non négligeable contre des populations que l’on craint sans trop oser le dire. A l’Est, le repli russe a donné une profondeur stratégique rassurante à l’Europe de l’Ouest qui ne craint plus guère Moscou. Les enjeux énergétiques et rivalités territoriales ayant migré vers l’Asie, l’Europe peut se croire protégée des aléas du monde. Elle a acquis une mentalité insulaire.


Bénéficiant de l’ordre américain, elle s’offre le luxe de le critiquer d’abondance, un peu comme les Américains du XIXème siècle vouaient aux gémonies la diplomatie européenne qui pourtant assurait un monde sûr dont ils bénéficiaient. L’Europe s’est avisée un peu tard que la politique internationale était impure et a décidé d’y mettre bon ordre. Par son exemple et ses exordes, elle aspire à être le phare du monde, à faire rayonner la paix et la démocratie. Elle exprime un dégoût de plus en plus marqué pour les interventions militaires assimilées à des aventures et suspectes d’illégitimité dès leur déclenchement éventuel. Le mythe de la fin de l’histoire ne lui déplaît pas. Il permet de geler une situation plutôt favorable. Aux politiques de puissance devraient succéder la coopération entre les peuples et les Etats. C’est exactement le discours des isolationnistes américains.


L’Europe contemporaine est le meilleur élève de Wilson. A contretemps.
Les Etats-Unis restent mus par une formidable énergie morale due à la croyance inentamée en leur « destinée manifeste » mais ils ont fait sa part au réalisme géopolitique. Ils mènent sans états d’âme une politique de puissance qui n’a rien à envier à celle de l’Angleterre victorienne. Surtout, ils n’ont jamais, au cours de leur histoire, fait l’économie d’une politique de puissance. Quand le jeune Etat américain a prétendu se désintéresser du monde et récuser le jeu des confrontations de la vieille Europe il l’a fait au nom d’un idéalisme que sous-tendait un solide bon sens. La contrepartie de son effacement international était la doctrine Monroe interdisant aux Européens toute ambition sur le continent américain. Pendant son premier siècle d’existence, le jeune Etat fédéral s’est préoccupé de joindre l’océan Pacifique à l’Atlantique, ne négligeant pas de faire parler la poudre contre les peuplades indiennes qui le gênaient et de faire gronder le canon au Texas ou à Cuba. L’immensité américaine était un champ d’expansion à la mesure du dynamisme d’un peuple de colons qui n’avait rien à gagner à se confronter aux vieilles puissances européennes dans leurs prés carrés. L’isolationnisme américain était la gestation d’une puissance qui assurait son hégémonie régionale avant d’entrer dans l’arène mondiale.


L’isolationnisme européen actuel est quant à lui un reflux, un renoncement, une impuissance géronte. C’est le syndrome du pantalon rouge étendu à tout un continent. A l’inverse de l’Etat américain et de sa Constitution, fruits d’une lutte et d’une volonté collective, les institutions européennes sont encore perçues par les Européens eux-mêmes comme distantes, voire technocratique ou peu représentatives. L’euroscepticisme est couramment répandu sur le vieux continent. Les partisans de l’Europe l’acceptent généralement comme une nécessité, pas comme un projet enthousiasmant. Il lui manque une véritable adhésion populaire. Pourtant, l’Europe avance et se construit, c’est un fait. Mais vers quoi avance-t-elle ? Plusieurs projets européens s’affrontent, ce qui interdit la définition d’objectifs clairs, une fédération des opinions publiques et condamnent l’Union à l’impuissance.

Le mythe de la contagion du semblable
Tous les Etats européens peuvent faire le constat d’une remarquable indifférence de leurs nations aux questions militaires et stratégiques voire d’une véritable allergie aux problématiques de puissance. Incapable de penser l’ennemi et la confrontation, l’Europe a inventé le mythe de la « contagion du semblable ». A notre contact et à notre exemple, « l’autre » deviendrait « nous ».


Cette formidable négation de l’altérité des communautés humaines néglige totalement la manière dont nos nations et nos valeurs sont perçues en dehors de l’île européenne.
Le monde reste dangereux, il faut peser pour subsister. Les Européens en sont d’ailleurs vaguement conscients. Tout en misant sur le mythe de la contagion du semblable, ils s’appuient sur la solide garantie américaine pour assurer leur sécurité. Ce choix n’est pas neutre. « Pour la plupart des Européens, l’Amérique est un « égalisateur de puissance », qui envoie les Européens, dans leur ensemble, dans une catégorie distincte, beaucoup plus indifférenciée qu’elle ne le serait dans une Europe indépendante » (Buhler). Ainsi, derrière un discours humaniste neutre et la délégation de responsabilités à Washington, pointent les rivalités et méfiances nationales. Le désir inavoué de se fondre dans une indistinction qui gommerait les différentiels de puissance est un des plus grands obstacles à l’épanouissement d’une Europe forte. L’idée des Etats européens n’est donc malheureusement pas tant de mutualiser la puissance que de neutraliser le voisin.


Les désillusions pleuvent sur le faible messianisme européen. Certes la démocratie a paru s’étendre dans le monde, en particulier lors du « printemps arabe. » Las ! Aux yeux de l’Europe médusée, les révolutions fleuries débouchent démocratiquement sur des gouvernements islamistes aux valeurs radicalement opposés à celles du libéralisme politique. L’Europe doit impérativement changer la couleur de sa culotte, s’attacher à l’analyse des perceptions et cesser de vouloir comprendre le monde à partir de ses intentions propres.

Le pouvoir normatif européen
Il est un domaine dont l’Europe est fière, c’est son pouvoir normatif. Il s’applique à l’intérieur de l’Union, évoluant vers une convergence et une intégration toujours plus fortes. Il se manifeste également au niveau international. L’UE est la championne du droit des gens et vise à régler les conflits par les normes.


Le problème, c’est que l’UE est incapable de faire partager ses ambitions normatives « à des puissances qui n’ont cure de s’aligner sur les normes européennes lorsqu’elles n’y voient pas leur intérêt » (Buhler). Le nombre de normes inspirées par l’UE au niveau international ne doit pas faire illusion. Elles ne s’imposent pas dans les domaines qui comptent vraiment, ceux de la politique et de l’économie. Lorsque surviennent les crises, la voix européenne est inaudible. On écoute Madame Ashton par galanterie  sur les questions internationales mais on ne prend au sérieux que les ministres des affaires étrangères des nations qui comptent. Pour faire face à la crise financière, les chefs d’Etats et ministres des financent trouvent des accords mais la voix de l’Europe en tant qu’entité propre est inaudible.
Très clairement, et malgré quelques succès, le pouvoir normatif européen repose sur du vent. Pris isolément, il ne peut pallier l’absence d’une politique de puissance globale.

Comment accroître la puissance d’un Etat ?

Il n’est pas de remède miracle pour accroître la puissance d’un Etat. Cependant, le monde contemporain offre des opportunités à saisir. En particulier, la redistribution des cartes de la puissance est lourde de menaces mais offre aussi des possibilités de rééquilibrage à saisir. Les valeurs européennes sont fortes et disposent d’un véritable pouvoir d’attraction à condition d’être proposées sans naïveté à travers une stratégie d’influence. Eric Delbecque a soulevé la question de la création de dépendances auprès de nos rivaux. Liée à une véritable stratégie de puissance économique, elle pourrait offrir à la France et à l’Europe une place au soleil digne de ses valeurs et de ses aspirations.

La carte multipolaire
Les Etats-Unis connaissent un déclin relatif. La nouvelle puissance chinoise se déploie en Asie et jette ses rets sur l’Afrique. La Russie compte à nouveau dans le monde.  L’Inde attend son heure. De nouveaux acteurs font entendre leur voix et la crise économique qui a surtout ébranlé les vieilles économies dominantes n’a fait que confirmer la montée en puissance d’Etats dynamiques et ambitieux.
Le monde contemporain est en mouvement. Il est lourd de menaces, peut-être, mais aussi d’opportunités. Un pays comme la France, reconnu par Brzezinski comme « pivot géostratégique », a beaucoup à y gagner. La force de l’Europe a été le refus de l’empire. Structurellement, elle aspire à l’équilibre des puissances et récuse toute hégémonie. Or des équilibres nouveaux se créent où les Etats européens peuvent trouver une liberté d’action nouvelle. A condition de renoncer à certaines illusions.


Ainsi, un monde multipolaire n’est pas un monde unanimiste. Les nouveaux redéploiements de puissance paralysent les grands organes de concertation et on découvre la relativité des notions de bien et de mal au niveau des relations internationales. Seule une décision nationale énergique de la France a permis de contenir la crise malienne. Dans le même temps, les discussions à l’ONU autour de la crise syrienne n’aboutissent qu’au blocage et à une paralysie de la communauté internationale. La concertation trouve ses limites dans les intérêts de puissance rivaux.


Sans doute la France doit-elle garder en tête en en vue l’objectif d’une Europe-puissance. Cependant, celle-ci étant hors de portée à brève échéance, il s’agit parallèlement de repenser les marges de manœuvre nationales.

 

Une politique d’influence basée sur nos valeurs
La défense des droits fondamentaux de l’être humain et des libertés individuelles est au cœur du projet anthropologique européen et influence fortement sa politique étrangère. Elle ne peut cependant faire abstraction du réalisme politique. Les Etats-Unis ont donné l’exemple d’un affaiblissement du à une mauvaise analyse des réalités. Le projet de « nation building » en Irak et en Afghanistan est un échec malgré de belles prouesses militaires. Il a surtout montré que les nouveaux rapports de force interdisaient les victoires totales. Il n’est plus de capitulation sans condition de l’adversaire dans un monde de réseaux qui le rend difficilement saisissable. Les conflits ne peuvent se dénouer que par une paix de compromis. Cela implique soit de « composer avec le mal », soit de reconnaître –au prix d’une perte de légitimité, que l’adversaire ne représente pas le mal absolu.


La défense de nos idéaux implique forcément une politique de puissance. La cause du libéralisme politique n’a jamais autant reculé que depuis la crise financière dans laquelle se débattent les vieilles nations de l’Ouest. L’équation liant prospérité et libéralisme politique est remise en cause. La démocratisation du monde qui semblait inéluctable n’est plus qu’un des chemins possibles. La voie chinoise, sacrifiant les libertés politiques à la prospérité économique et à une relative liberté morale au nom du développement harmonieux de la communauté, a l’attrait de l’efficacité et il serait dangereux de le négliger. La démocratie autoritariste russe trouve également sa légitimité dans le spectaculaire redressement opéré par Moscou. De grandes démocraties émergentes comme le Brésil ou l’Inde, les géants de demain, récusent l’idée occidentale d’ingérence humanitaire au profit du principe de souveraineté des Etats.


L’Europe ne doit pas se leurrer : sa relative prospérité exerce un incontestable attrait mais il ne faut pas confondre le rêve d’une vie matérielle meilleure et l’adhésion à toutes nos valeurs. Par ailleurs, certains Etats et non des moindres affichent un mépris ouvert pour les valeurs du libéralisme politique ramené à un symptôme de la décadence européenne.
Seule une politique culturelle, une politique d’influence, une politique de puissance pourront appuyer la diffusion de nos idéaux et en assurer la pérennité.

 

Une stratégie de puissance économique
La France des 30 glorieuses a su canaliser ses efforts en vue de réalisations aussi fructueuses et célèbres qu’Ariane, Airbus ou le TGV.
Là réside le salut. Dans la maîtrise de pôles d’excellence stratégique appuyés par des crédits suffisants en R&D. Les entreprises doivent trouver intérêt au soutien de l’Etat. Dans le cadre de l’UE, il s‘agit de chercher des convergences et mutualisations, notamment avec les pays européens aux économies se rapprochant de la nôtre (Allemagne, Benelux, Italie par exemple). Un véritable partenariat public/privé doit se mettre en place non seulement au niveau national mais au niveau de l’Union, non plus sur certaines réussites élevées au rang de symboles (Airbus) mais à un niveau global. Les Etats-Unis ont ouvert la voie. Il ne s’agit pas de les imiter mais de mettre les institutions nationales et fédérales au service de nos entreprises dans la guerre économique globale qui fait rage.


Avons-nous été capables de créer des dépendances chez les autres ? Sommes-nous capables de le faire ? Faute de ressources, le salut pour l’Europe réside dans la recherche-développement. Un exemple de dépendance créée de toutes pièces et procurant un avantage substantiel à ses promoteurs est celui d’Internet dont toutes les clefs sont encore détenues par les Etats-Unis malgré les contestations impuissantes de ses rivaux stratégiques, Chine et Russie principalement.


Malheureusement, les chiffres de l’OCDE montrent que la part consacrée au R&D en Europe stagne à des niveaux faibles. La France y consacrait ainsi 2,26 % de son PIB en 2010 quand la Corée du sud était à 3,74%. Ce décrochement peut se comprendre dans un contexte difficile sous la pression d’opinions publiques privilégiant les dépenses sociales qui amortissent les effets d’une économie en souffrance.


Cependant, l’économie d’un gros effort dans ce domaine ne pourra être faite. Le coût du travail en Occident en général et en France en particulier est prohibitif par rapport au reste du monde. Il ne s’agit pas de démanteler un système social de protection et de redistribution fruit d’un large consensus au sein de l’opinion publique mais d’en assurer la pérennité. Pour cela, l’excellence technologique semble une voie prometteuse. Le développement de stratégies d’intelligence économique en Europe permettra également de limiter les conséquences des attaques en règles auxquelles sont soumises nos entreprises en quête de marchés.

Conclusion

Moteur de l’histoire, le jeu des puissances se déploie plus que jamais. Une politique de puissance est non seulement légitime mais nécessaire pour défendre les valeurs qui nous sont chères. L’avenir de notre continent en dépend.
Les rêves liés à une hypothétique fin de l’histoire se sont effondrés. Le monde des réseaux et des interdépendances n’a pas atténué les rivalités, il n’a fait qu’en modifier les règles et l’environnement. Un certain anarcho-libéralisme a fait long feu. Les Etats restent sur le devant de la scène même si de nouveaux acteurs perturbent les équilibres anciens. Les rivalités se déchaînent, notamment sur le plan économique. Nier la réalité de la guerre économique et négliger de mener une politique de puissance, c’est oublier que « le feu tue » et envoyer nos chefs d’entreprise en pantalon rouge à l’assaut des marchés les plus prometteurs. Enfin, les individus et leurs perceptions ne sont plus un facteur neutre dans le monde moderne ; l’information est passée du statut d’outil à celui de ressource. Les peuples qui ne s’adapteront pas aux règles nouvelles ne pourront qu’enfoncer dans un déclin sans fin.
La puissance est volonté. Elle s’appuie sur des piliers qui souvent s’épaulent, se croisent et se recoupent.
Dans cet univers particulier, des handicaps intellectuels minent l’Europe et sapent ses fondations. Elle doit maintenant se définir autrement que par défaut. Elle pourra alors se doter d’une stratégie qui ne soit pas un catalogue d’intentions humanistes mais un projet politique porteur.
Une solide politique nationale alimentant l’idée d’Europe puissance à laquelle nos partenaires sont encore réticents est porteuses de promesses.
Pour cela, une véritable réflexion doit être menée dans tous les domaines. Il s’agit d’analyser, comprendre, désarmer les résistances intellectuelles ; d’expliquer sans relâche et de démontrer sans concession l’intérêt d’une politique de puissance ; de décrypter le jeu mené par nos rivaux et adversaires pour le mettre sous les yeux de nos concitoyens. Quand la puissance publique se mettra discrètement mais efficacement au service de nos entreprises,  quand l’opinion européenne sera décomplexée sur les questions de puissance, quand des think-tanks influents œuvreront pour la constitution d’une Europe puissance, un grand pas aura été fait.
Avant de réaliser le dégel de la puissance européenne, il s’agit de le penser ! Alors, le vieux continent pourra reprendre le cours de son histoire avec une énergie et une jeunesse nouvelle.

Auteur de l’article : Raphaël Chauvancy
Ancien élève de l’Ecole de Guerre Economique de Paris, R. Chauvancy a également suivi des études en histoire et en philosophie à l’université Paris IV-Sorbonne. Il sert actuellement comme officier des armes dans les Troupes de marine.

Ouvrages utilisés pour l’article
Pierre Blanc,Proche-Orient, Le pouvoir, la terre et l’eau, Les presses de Sciences Po, Paris, 2012.
Pierre Buhler, La puissance au XXIe siècle, CNRS éditions, Paris 2012.
L’influence en appui aux engagements opérationnels, Concept interarmées, CICDE, 31 mars 2012.
Zaki Laïdi, La norme sans la force : l’énigme de l’impuissance européenne, Les presses de Sciences Po, Paris,  2005.
Michael Hardt et Antonio Negri, Multitude : guerre et démocratie à l’âge de l’Empire, Paris, Editions La Découverte, Paris, 2004.
Ouvrage collectif sous la direction de Christian Harbulot et Didier Lucas, Les chemins de la puissance, éditions Tatamis, 2007.
Rapport pour le Président de la République sur les conséquences du retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, sur l’avenir de la relation transatlantique et les perspectives de l’Europe de la Défense, Hubert Védrine, 14 novembre 2012.
Qiao Liang et Wang Xiangsui,  La guerre hors limites, éditions Payot et Rivages, Paris, 2003.

Sur l’histoire des idées de la nouvelle droite en Australie

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Sur l’histoire des idées de la nouvelle droite en Australie

By Jim Saleam

English original here [2]

Ex: http://www.counter-currents.com

Si les Australiens discutent et débâtent aujourd’hui ces idées généralement définies comme celles de « La Nouvelle Droite Européenne », il est bien fondé de se demander quelle est l’histoire de l’idéologie de la Nouvelle Droite en Australie ? 

En fait, il s’agit d’une histoire aussi longue qu’imprégnée, avec des tentatives utiles à l’adaptation. C’est également une histoire généralement inconnue bien que certains des figures fondatrices de l’école de pensée de la Nouvelle Droite soient encore parmi nous. Dans ce bref aperçu, je partirai du principe que le lecteur est familier avec les orientations de la Nouvelle Droite et ne nécessite pas de plus amples éclaircissements. Dans le cas où l’auteur est mentionnée, j’emploierai mon nom à la troisième personne.

Une Nouvelle Droite « autochtone » pour l’Australie.

On sait que la Nouvelle Droite est une tendance intellectuelle initiée en France par Alain de Benoist en 1967. Elle s’est ensuite répandue de France aux autres pays Européens, un à un. Il existe une documentation suffisante, même en anglais , qui en fournit l’histoire essentielle.

Le corpus idéologique de la Nouvelle Droite n’a été que partiellement traduit en anglais. Ceci a souvent laissé un vide majeur et une tendance à se rabattre sur des théoriciens  et des textes plus anciens (même si cruciaux) de l’école intellectuelle allemande (et européenne) communément appelée Révolution Conservatrice. Toutefois, il y’a eu une tentative au fil du temps (et dernièrement de façon plus affirmée) de traduire les textes contemporains de la Nouvelle Droite en anglais. Un travail considérable a été fait depuis la seconde moitié des années 80 afin de fournir ces ressources indispensables et des interprétations locales de ces travaux  par des auteurs de langue anglaise, et ainsi donc en Australie.

Concernant les auteurs classiques, on peut se reporter à des noms tels que Oswald Spengler, Carl Schmitt, Julius Evola et Arthur Moeller vand den Bruck et bien d’autres encore devenant plus largement connus des nationalistes et des cercles anti libéral australiens. Nous ne pouvons toutefois pas affirmer qu’il en aille de même pour  les auteurs contemporains de la Nouvelle Droite en Australie.

La venue en Australie en 2007 de l’éminent théoricien de la Nouvelle Droite, le docteur Tomislav Sunic et la distribution de son livre Against Democracy and Equality : The European New Right, a été évidement très utile afin de fournir une histoire indispensable, en raccordant les « classiques de cette école de pensée avec les contributions de De Benoist et d’autres. Cet ouvrage mérite évidement une diffusion plus large.

Mais à quel moment cette tendance générale est-elle apparue en Australie ?

De façon intéressante, si nous préférons l’idée d’un parallélisme évolutionnaire, la Nouvelle Droite est apparue dans un formule locale.

La première « tentative » d’idéologie de Nouvelle Droite fut limitée et associée au pamphlétaire Australien bien connu, A.F Norwick (nommé ci après sous son nom de plume Alec Saunders). Saunders fonda, en 1975, un cercle basé à Sydney  - « The Indo European Cultural Renaissance Society » [1] (« un groupe apolitique » qui rejetait l’idée occidentale d’une civilisation Judéo-chrétienne comme supérieure à la civilisation classique ou à ses prédécesseurs Indo-Européens). Il créa le journal « The Fire Makesr » Ce fut une expérience de courte durée.

Saunders en parle en ces mots :

Le groupe distribuait The Fire Makers à beaucoup de gens. Malheureusement, nous recevions un certain nombre de réponses venant d’ « aspirants » néo-nazis qui associaient la défense de l’idéal Indo-Européen avec le fascisme allemand. Il n’y avait guère d’autre intérêt et trop peu d’entre nous pour soutenir le travail.

Le groupe fut dissous au bout de plusieurs mois.

L’intérêt du cercle de Saunder tient du fait qu’il émergea indépendamment et fricota avec les idées fondatrices de la Nouvelle Droite – Sa profession du mythe culturel Indo-Européen qui avance l’idée d’une identité culturelle pour les Européens en dehors du schéma de la civilisation chrétienne d’Occident.

Plus important encore pour cette discussion qu’il y figure des contributions australiennes directes, pas seulement contemporaines au système de la Nouvelle Droite mais aussi des figures de proue australiennes (Je ne dirais pas des « théoriciens » en tant que tels de l’école de la Révolution Conservatrice Européenne) de périodes plus antérieures, qui portent certains éléments de ses idées. Je pourrais dire que Wiliam Baylebridge et P.R Stephensen en font partie.

Une connexion est forgée.

En 1977-1979 et plutôt accidentellement, une source pour l’idéologie Nouvelle Droite fit surface. Au travers des activités de National Resistance/ Australian National Alliance plusieurs étudiants en universalité partageant ces centres d’intérêt furent recrutés.

En 1977, alors étudiant à l’université de Sydney, je faisais des recherches pour ma thèse de doctorat sur « l’extrême droite » (Sic) britannique. Lors de recherches parallèles, des contacts furent incidemment établis avec des participants français au « mouvement national-révolutionnaire » Ces personnes firent découvrir autant qu’elles purent aux milieux australiens le mouvement bourgeonnant de la Nouvelle Droite française. Bien que cela ait encouragé un intérêt pour les textes classiques, la discussion sur de nouveaux arguments était plus difficile compte-tenu des barrières de langage. Des informations découpées dans les journaux traitant de l’actualité ainsi que des articles de magazines continuèrent à arriver en Australie après 1977 et ils furent très utiles au développement d’une vue d’ensemble

Toutefois, si les australiens étaient attentifs aux arguments culturalistes de De Benoist dans le style et la méthode d’Antonio Gramsci, il était quand même nécessaire de contester les bases culturelles et idéologiques du libéralisme pour soutenir un model de changement politique.

Les principaux activistes australiens tels que F.K Salter and E.F Azzopardi ont évidement avancé  avec fermeté cet argument dans la période de 1977 à 1980.

Apres la fondation de National Action en 1982 qui concluait quelques années de réussites mitigées pour la mouvance nationaliste australienne, certains australiens allaient de nouveau s’intéresser à la Nouvelle Droite. Deux membres de ce parti visitèrent les bureaux de De Benoist a Paris début 1983 et revinrent avec des documents clé, des brochures et le magazine Eléments.  Ces écrits furent largement débattus.

Saunders prit contact avec des militants britannique de British Third Position[2], groupe The Rising en 1983 et Michael Walker éditeur du magazine The Scorpion. Ce dernier était sur une ligne Nouvelle Droite classique, il y publiait ses propres réflexions ainsi que les derniers développements concernant le mouvement Européen florissant. Saunders écrivit The Social Revolutionary Nature of Australian Nationalism qu’il distribua via National Action et d’autres groupes. Cette brochure se reposait sur des textes d’auteurs de la Révolution Conservatrice et de la Troisième Voie, avec des références et des interprétations spécifiques à l’Australie. Il était également fait référence à De Benoist et à l’école du GRECE.

En 1985, Eugene Donnini, un ancien de National Action, établit un lien avec le magazine The Scorpion, Donnini fonda un groupe militant à Perth, l’Australian Populist Movement ainsi que le magazine Stockade. Le groupe innovait avec un nationalisme « vert » tout en popularisant anti impérialisme de la Nouvelle Droite ainsi que sa critique du régime libéral américain. Malheureusement le groupe se sépara au bout d’un an. Les efforts de Donnini montrèrent la facilite de mélanger les thèmes de la Nouvelle Droite avec des organisations militantes de type Troisième Voie.

Le mariage fertile de l’idéologie Nouvelle Droite et des idées tercéristes  (aussi connues comme idéologie nationaliste révolutionnaire) est notable. Pourquoi ? Parce que plusieurs idées sont communes, bien sûr l’on pourrait affirmer comme le fait Roger Griffin (l’expert académique des théories du fascisme et du néofascisme) que les unes sont les filles de l’autre, rendant plus accessibles des notions plus complexes et développant un nouveaux discours plus attractif, je fais référence aux idées telles que l’anti impérialisme, l’ethno différencialiste (non raciste), la critique de l’américanisme an nationalisme écologiste etc, de telle façon que la Nouvelle Droite sert d’arsenal idéologique aux groupes militants et aux partis. Ce processus est visible au sein de grands partis du nationalisme européen comme le NPD ou le MSI.

Welf Herfurth, aujourd’hui éditeur du site Nouvelle Droite Australie/Nouvelle Zélande arrivé en Australie en 1987. Il était un jeune militant de Troisième Voie implique au sein du NPD en Allemagne. Herfurth conjuguait (et le fait encore aujourd’hui) les éléments de l’école Nouvelle Droite avec les idées de Troisième Voie. Herfurth aida à diffuser cette position au travers des membres de National Action et plus largement dans les années qui suivirent.

Quelle place pour l’idéologie de Nouvelle Droite en Australie ?

Je pose la question en termes de fonction politique. Il serait banal d’affirmer que la Nouvelle Droite constitue la base intellectuelle  de la contestation sérieuse de l’idéologie libérale, mondialiste et humaniste. Cependant comment peut-elle servir cette contestation ?

L’exemple communiste est un outil théorique utile pour décrypter la relation entre « L’idéologique » et le « politique ». Dans les premiers partis marxiste-léninistes, le matérialisme dialectique était la vérité idéologique centrale. Ainsi on peut être militant communiste sans avoir une compréhension particulière la philosophie de l’histoire des bouleversements sociaux révolutionnaires de Marx et son appréciation de la dynamique de la philosophie qui sous-tend ces changements, mais l’on ne peut pas être un chef du parti ou un théoricien du party sans être versé dans le matérialisme dialectique.

Et ainsi les communistes n’opéraient pas des partis de matérialisme dialectique mais des machines militantes. En d’autres mots, bien qu’ils aient épousé une philosophie, ils respectaient le diktat de Marx dans ses Thèses sur Feuerbach : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de diverses manières, il s’agit maintenant de le transformer. »

Quelle était donc la fonction du matérialisme dialectique ? C’était la colle, la raison, le mystère au centre d’un mécanisme matériel. Il liait la structure et était la base du reste de la construction politico-idéologique. En apportant des certitudes, il armait ses soldats pour la guerre.

Il est raisonnablement évident que ceux qui se sont intéressé à la Nouvelle Droite des années 70 jusqu’à très récemment, conjuguaient un engagement à ses idées de base et ses expressions courantes (assimilées au mieux) avec leurs engagements aux formes variées de politique de militants nationalistes.

On pourrait donc dire que l’idéologie Nouvelle Droite, que ce soit en termes de ses idées basiques de Révolution Conservatrice que son discours après 1967 ont servi de système de valeurs central, un mythe révélé fournissant la théorie de l’homme, de l’homme Indo-Européen, de l’histoire , de l’histoire culturel et du debat idéologique. Il s’agit maintenant de transformer le monde.

Et maintenant – Comme tendance

La Nouvelle Droite a eu une histoire brisée en Australie. Nous pouvons dire qu’après 1991 (l’éclipse de la branche principale de National Action), nous n’avons pas entendu grand-chose. Aucun autre groupe n’a exprime son intérêt pour la ND et nous étions revenus aux « individus »

La Nouvelle Droite a été ravivée dans le débat aux alentours de 2002. Je me laisse a penser que climat impérialiste va-t-en guerre, le matraquage des forces du Nouvel Ordre Mondial affirmant que la nouvelle phase du millénaire du marché était devant nous ont inspiré un retour aux principes antilibéral.

Un signe de ce renouveau a été la formation d’une organisation Nouvelle Droite. Ces deux dernières années la « New Right Australia/New Zealand » dirigée par Herfurth a proposé une synthèse des idées fondatrices de la Nouvelle Droite et des idées du  « nationalisme anarchiste » avancées par l’auteur et sympathisant de la Nouvelle Droite britannique, Troy Southgate. Cette synthèse n’a pas été adoptée comme une tendance dominante à l’international seulement parce que le procédé de synthèse suit son chemin, d’autres alternatives se présentent souvent. Nous voyons donc la Nouvelle Droite se combiner avec l’Eurasisme en Italie et avec l’école nationaliste révolutionnaire de Horst Mahler en Allemagne et sous d’autres formes ailleurs.  Toutefois, via le mécanisme local australien, l’idéologie de la Nouvelle Droite a généralement été diffusée, réveillant une nouvelle couche d’étudiants et de jeunes au pluriverse du débat idéologique. Ceci a été une initiative importante.

Le Sydney Forum qui a rassemblé plusieurs personnalités de la Nouvelle Droite et d’autres éléments du nationalisme australien (Herfurth et moi-même y sommes engages) a popularise le message de la Nouvelle Droite. C’est évidement le Sydney Forum qui a invite Tom Sunic en 2007.

Fondamentalement, la Nouvelle Droite est susceptible d’atteindre une diffusion plus profonde dans les dix prochaines années, les contacts avec les acteurs européens se renforcent et des textes sont écrits au niveau local. L’importance des auteurs locaux ne peut pas être sous-estimée. Les étudiants à l’université effectuant des travaux de troisième cycle peuvent être la clef de l’écriture de l’histoire australienne d’un point de vue révolutionnaire conservateur et en développant une critique de la banlieue australienne abandonnée, de la société bourgeoise et de l’etat. Le temps le dira. La Nouvelle Droite est une tendance et est surement le « noyau mythique » d’une vision du monde à n’importe quelle contestation au  l’état libéral mondialiste.

Notes

1. Groupe de renaissance indo-européens

2. Troisième Voie Britannique

 


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mercredi, 15 janvier 2014

Théorie et pratique

Théorie et pratique

new-faye.jpgLe drame de la configuration intellectuelle politique française, surtout à gauche mais aussi à droite, c’est la prévalence de l’idéologie sur l’expérience ; autrement dit, une mauvaise articulation entre la théorie et la pratique. Karl Popper et Claude Bernard, le formulateur de la « méthode expérimentale », avaient montré que dans les sciences exactes, la théorie et la pratique doivent sans cesse s’articuler en un permanent mouvement  d’aller-retour, de feed back : on formule d’abord une théorie et puis on la corrige par l’expérimentation et alors, une nouvelle théorie est formulée, jusqu’à ce que les deux termes s’ajustent. 

Mais les choses ne se passent pas exactement ainsi dans les domaines de la politique et de l’économie, qui ne sont pas des sciences exactes. C’est le marxisme, avec son matérialisme dialectique qui prenait l’économie politique pour une science exacte, qui a pollué les raisonnements politiques principalement en France. En organisant la précession absolue de la théorie sur la pratique. Et en interdisant, par conséquent, le retour d’expérience. Ce qui provoque un déni du réel par rapport à l’idéologie, d’autant plus que celle-ci se mélange avec la morale du Bien. Cette distorsion mentale est très incrustée dans la pensée-réflexe des élites françaises, qui ont toujours eu un gros problème avec le pragmatisme (1). 

Or en sciences politiques – ce qui comprend l’économie mais aussi la stratégie militaire – la théorie doit procéder de la pratique et non point la pratique de la théorie. C’est ce qu’expliquait parfaitement Aristote qui, en politique, préférait l’expérience historique aux Idées pures de son ancien maître Platon, qui ne sont que des constructions abstraites, toujours brillantes mais le plus souvent fausses.

L’échec retentissant du système communiste (que même la Chine a abandonné) provient de cet acharnement à suivre le dogme idéologique contre le réel, contre la nature (2).  En espérant, avec l’infantilisme de toute construction intellectuelle, que par miracle la réalité va finir par obéir à la théorie. Aujourd’hui en France, on assiste, en basse intensité, à la persistance de cette illusion. Notamment dans deux domaines.

Premier exemple : on théorise (pour des raisons idéologiques et morales) qu’une société ethniquement hétérogène est possible, réalisable, souhaitable. Contre toute expérience actuelle ou historique qui démontre exactement l’inverse.  Ça ne marche pas, mais on persiste dans l’utopie délirante de l’immigrationnisme, à grand renfort de formules idéologico-romantiques (la ” diversité ”, le ”vivre ensemble ”, le ”faire société ”, etc.) qui sont autant d’incantations impuissantes.

Second exemple : l’État Providence socialisé. Alors que ce dernier peut fonctionner dans certaines circonstances mais pas dans toutes, on en fait un absolu, un impératif catégorique. Et on refuse de voir l’échec du dogme. On abolit tout retour d’expérience pour préserver l’idéologie sacralisée qui n’est ni plus ni moins qu’une religion laïque.

Mais cette dictature de la théorie sur la pratique s’observe dans bien d’autres secteurs : la politique éducative, la politique pénale, la politique énergétique (dogmes écolos), etc. Le bon sens s’effondre devant l’intellectualisme et le dogme, c’est-à-dire, au fond devant la croyance théorisée. Une croyance qui, d’ailleurs, finit par perdre son honnêteté pour devenir un acharnement. Les croyants persistent d’autant plus dans leur erreur qu’ils en prennent conscience sans se l’avouer.

La conséquence est, comme l’expliquait Jules Monnerot, l’hétérotélie, c’est-à-dire l’obtention de résultats totalement inverses du but recherché : l’antiracisme de la ”diversité” débouche sur le multiracisme généralisé et la menace de guerre civile ethnique ; le ”social ” et l’assistanat donnent lieu à la paupérisation et au chômage de masse ; l’éducation égalitariste et anti-disciplinaire provoque le déclassement, l’inégalité accrue, l’arrêt de l’ascenseur social ; les solutions énergétiques des écolos augmentent les niveaux de pollution, etc.

Cette fascination pour la théorie au détriment de la pratique relève de l’abstractivisme, qui est le travers de couches sociales déconnectées du réel du fait de leur mode de vie urbanisé et coupé de la nature, vivant économiquement dans une situation fonctionnarisée, confortable, irresponsable.  Ce qui prédispose à la superficialité prétentieuse, à l’absence d’effort d’observation, à la paresse intellectuelle au cœur même de l’intellectualisme. Mais, à terme, le retour au réel finit toujours par s’imposer – en général dans la douleur. Tout cela ne signifie pas qu’il faille mépriser ou abandonner les théories mais les formuler après et non avant le processus expérimental.

 Une théorie n’est pas faite pour être ”élégante” ou ”rebelle”, comme on le croit trop souvent en France, mais pour être opérationnelle.

Notes:

(1) On retrouvait un processus  semblable dans la médecine du XVIIe siècle, bien critiquée dans le théâtre de Molière : le respect du dogme passait avant l’observation physiologique, d’où des méthodes thérapeutiques catastrophiques.

(2) La plus grande imposture du marxisme – ou plus exactement son erreur philosophique majeure – a été de se penser comme matérialisme (réaliste) par opposition à l’idéalisme, alors qu’il est au contraire une forme exacerbée d’idéalisme.

mercredi, 08 janvier 2014

Demokratische Sklaven

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Demokratische Sklaven

von Christoph Schmidt

Der unlängst verstorbene Politologe Kenneth Minogue analysiert in seinem neusten Buch, wie der allmächtige Staat des 21. Jahrhunderts althergebrachte Moralvorstellungen untergräbt.

Die staatliche Machtaneignung nimmt weltweit immer mehr überhand. Ausufernde und ins Kleinteilige zerfransende Gesetzesvorlagen wie das jüngste Ansinnen der Europäischen Union, abschreckende Bilder auf Zigarettenpackungen abzudrucken, sind Beleg dafür. Folgt man dem australisch-​britischen Politikwissenschaftler Kenneth Minogue, sind „wir“ dekadenten Westler nichts anderes als unmündige Sklaven, denen Freiheit und Verantwortung für ihr eigenes Leben abhanden gekommen sind. Das seien Anzeichen eines schleichenden Totalitarismus, meint Minogue.

Der faule Mensch und die Demokratie

Für viele klingen diese Worte hart und überheblich, schließlich geht es uns doch sehr gut in der westlichen Hemisphäre. Doch die heutigen Bestrebungen, hin zu einem nahezu alles bevormundenden Staat, sind subtil und erschließen sich oberflächlich betrachtet nicht sofort.

Wer hat etwas dagegen, demokratische Geschenke vom Staat zu erhalten? Kitaplatz, Kindergeld und Hartz-​IV scheinen ihre Berechtigung zu haben, doch sie führen in eine Abhängigkeit unvorstellbaren Ausmaßes. Wir verlassen uns laut Minogue nur noch auf den Staat und schrumpfen unter seiner Kontrolle von Erwachsenen zu unmündigen Kindern.

Dieses führt – weitergedacht – zur schleichenden Bedeutungslosigkeit einer Lebensführung mit moralischen Mindeststandards, wie in Die demokratische Sklavenmentalität ausführlich dargelegt wird. Wir ergeben uns und werden Schritt für Schritt zu bequemen und faulen Einheitsmenschen.

Wenn der Staat die Moral bestimmt

Kenneth Minogue ist der festen Überzeugung, daß der heutige westliche Bürger nicht mehr weiß, was man unter einer moralischen Lebensführung zu verstehen hat. Es fehle einfach der unerschütterliche Instinkt, aus sich selbst heraus zu leben und zu urteilen. Dieses wird unbewußt durch staatliche moralische Gesetzgebungen erreicht. So schreibt er: „Die meisten westlichen Regierungen sehen es gar nicht gern, daß ich rauche, mich falsch ernähre oder zu viel trinke – und das sind nur die öffentlich gemachten Mißfallensäußerungen, solche, die zu Gesetzen oder öffentlichen Kampagnen führen.“

Von solchen banal erscheinenden Themen ist es kein großer Schritt mehr, auch für weltanschauliche Positionen abgestraft zu werden. So schreibt Minogue an anderer Stelle zu den strukturellen Bedingungen der Sklavenmentalität: „Aber sie zeigen sich auch deutlich in den rechtlichen und behördlichen Strukturen, die die eine oder andere abstrakte Kategorie im Staate davor schützen soll, drangsaliert, beleidigt, in ihrer Selbstachtung gekränkt zu werden oder vieles andere zu erleiden, was offiziell als repressiv interpretiert wird.“ Ein Teufel, wer nicht sofort an Genderdebatte, Bilderstürmerei, „Nazikeule“ und die omnipräsente politische Alltagsgängelei denkt.

Entschädigung für die akzeptierte Bevormundung

Seit Menschengedenken wurde (von linker Seite) versucht, die Welt zur absoluten Gerechtigkeit zu führen und eine fröhliche Weltgemeinschaft herzustellen. Wahnwitzig erscheint noch heute der Glaube der herrschenden politischen Klasse, durch einen Willensakt die globale Ungleichheit abschaffen zu können. Der Einheitsmensch wird für seine Unfreiheit dadurch entschädigt, daß er sich als Teil einer großen Sache empfinden kann. Doch dieses Erlösungsdenken stimmt nach Minogue nicht mit dem Wesen des Menschen überein, womit er sich selbst als Konservativen einordnet.

Kenneth Minogue vermag es sehr gut, die heutige politische Lage zu analysieren und dem Leser – ein zwar abstraktes – aber durchweg nachvollziehbares Denkgebäude zu präsentieren. Im netten britischen Plauderton bringt er den Leser dazu, sich seine eigenen Gedanken zu machen. Themen wie politische Egalisierung und zunehmende politisch-​moralischen Einschränkungen werden trotz ihres Umfanges nicht ziellos abschweifend behandelt. Eine große Stärke! Für manchen mag Die demokratische Sklavenmentalität aber zu libertär erscheinen. Der Staat wird gelegentlich allzusehr in Haftung genommen. Dennoch: trotz des stolzen Preises, ist das Buch unbedingt lesenswert!

Kenneth Minogue: Die demokratische Sklavenmentalität. Wie der Überstaat die Alltagsmoral zerstört. 459 Seiten, Manuscriptum Verlag 2013. 34,80 Euro.

La Démocratie au Moyen Âge !

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La Démocratie au Moyen Âge !

 

En dépit de la vague romantique qui, au XIXe siècle, va entreprendre une réhabilitation partielle et souvent mythique du récit « historique » de cette longue époque (un millénaire) que les érudits de la renaissance ont reléguée au rang de « moyen-âge », l’imagerie commune en garde encore des idées complètement fausses : le moyen-âge, pour beaucoup, c’est l’époque où le petit peuple, ignorant et analphabète, est soumis au diktat implacable d’un ordre politique militaire monarchique, et d’un ordre spirituel clérical séculaire et dogmatique ; c’est l’époque des seigneurs, de l’inquisition, des sorcières et des bûchers ; c’est l’époque des guerres incessantes, des croisades sanglantes et de la peste ; en résumé, le moyen-âge serait une époque obscure, sombre, « gothique ». Voici ce que nous en dit Michel FRAGONARD :

« (…) l’histoire représente, au XIXe siècle, un enjeu « politique » essentiel (en témoigne d’ailleurs l’attention des gouvernements, dont l’action d’un Guizot, lui-même historien, est le meilleur exemple) : sa promotion est inséparable de l’affirmation du sentiment national, fruit à la fois de la Révolution française et des courants romantiques allemands ; et l’un des enjeux essentiels est la question des origines nationales. On comprend alors l’intérêt des historiens, initiateurs et propagateurs de cette conscience nationale, pour le Moyen Age, aux fondements de la nation. Intérêt non dépourvu de considérations idéologiques : au moment où, en France, conscience nationale et aspiration démocratique sont intimement liées dans une mystique du « peuple » (notion combien ambiguë), l’œuvre d’Augustin Thierry (Récits des temps mérovingiens, Essais sur la formation et les progrès de l’histoire du Tiers État) est sous-tendue par une thèse historico-ethnique (les origines proprement « gauloises » du peuple français, à contre-pied d’une historiographie « aristocratique » insistant sur les origines franques). Dans cette quête historique d’un Moyen Age où se trouvent les sources de la nation, l’exemple le plus illustre, en France, est celui de Michelet, qui consacre six volumes de sa monumentale Histoire de France (inachevée) au Moyen Age et qui, dans ses autres ouvrages, revient régulièrement sur la période (voir la Sorcière). »

cc1jos6j.jpgIl nous suffit de voir à quoi ressemble ce mouvement culturel « gothique » né dans les années 1990, qui mêle à la fois l’imagerie mythique de ce moyen-âge du XIXe siècle et les idées les plus noires que le quidam se fait de cette ère. Vêtus et maquillé de noir ou de sombre, visages tristes ou désespérés, véhicules « morts-vivants » d’un romantisme lui-même sombre, noir et désenchanté.

Que dire alors de l’idée que l’on se fait au sujet de la politique au moyen-âge ? A l’évocation d’une démocratie au moyen-âge, la plupart vont faire les yeux ronds et se dire « mais de quoi parle-t-il ? ». Moyen-âge et démocratie sont deux termes que la plupart considèrent antinomiques. Or, la réalité est bien différente. La démocratie était plus vivace durant la majeure partie du moyen-âge et de la renaissance, qu’elle ne le fut depuis la Révolution. En fait, c’est la Révolution qui va éteindre un ensemble de pratiques démocratiques populaires qui perdurera jusqu’au XVIIIe siècle.

Ce que je découvre, en parcourant l’excellent livre de Francis Dupuis-Déri « Démocratie. Histoire politique d’un mot aux États-Unis et en France », est entre autre une déconstruction radicale de ce moyen-âge obscurantiste que l’élite contre révolutionnaire et le « siècle des Lumières » a durablement imprimé dans nos esprits. Permettez-moi de partager avec vous les quelques passages de ce livre qui nous éclairent sur cette activité démocratique vivace au moyen-âge.

« Au Moyen Age et pendant la Renaissance européenne, des milliers de villages disposaient d’une assemblée d’habitants où se prenaient en commun les décisions au sujet de la collectivité. Les « communautés d’habitants », qui disposaient même d’un statut juridique, ont fonctionné sur le mode de l’autogestion pendant des siècles. Les rois et les nobles se contentaient de gérer les affaires liées à la guerre ou à leurs domaines privés, d’administrer la justice et de mobiliser leurs sujets par des corvées. Les autorités monarchiques ou aristocratiques ne s’ingéraient pas dans les affaires de la communauté, qui se réunissait en assemblée pour délibérer au sujet d’enjeux politiques, communaux, financiers, judiciaires et paroissiaux[1]. »

Voilà déjà qui tranche avec les images d’une monarchie omnipotente et omniprésente, gérant, en collaboration avec l’Église, tous les faits et gestes de leurs sujets. En réalité, l’aristocratie nobiliaire avait bien d’autres chats à fouetter que de s’occuper des affaires du peuple, et elle laissait donc volontiers à ses gens le soin de s’occuper de leurs propres affaires. Le peuple disposait donc de fait d’une large autonomie, autrement plus grande que nous n’en disposons actuellement sous le régime prétendument représentatif. Et cette autonomie s’étendait sur des domaines importants et essentiels, comme nous allons le voir.

« On discutait ainsi des moissons, du partage de la récolte commune ou de sa mise en vente, de la coupe de bois en terre communale, de la réfection des ponts, puits et moulins, de l’embauche de l’instituteur, des bergers, de l’horloger, des gardes-forestiers, parfois même du curé, des gardiens lorsque sévissaient les brigands, les loups ou les épidémies. On y désignait ceux qui serviraient dans la milice, on débattait de l’obligation d’héberger la troupe royale ou de l’utilité de dépêcher un notable pour aller soumettre à la cour des doléances au nom de la communauté. »

Imaginez que, dans votre ville ou votre commune, de nos jours, vous puissiez, par le biais d’une assemblée communale publique, décider en commun de la répartition de la récolte commune ou de sa mise en vente (alors qu’aujourd’hui, les paysans – souvent les « serfs » modernes de l’industrie agro-alimentaire – se voient imposer leur cotât de production, les prix de vente, le cahier des charges et jusqu’aux semences qu’ils peuvent utiliser), la réfections ou l’édification des ouvrages d’art (routes, voiries communales, ponts, éoliennes, barrages, écluses, etc.), de qui, parmi les habitants, servira dans la police municipale (qui est maintenant un corps centralisé au service de l’Etat, et non du peuple). Impensable, n’est-ce pas ? Pourtant, les assemblées d’habitants étaient dynamiques.

« Il y avait environ dix assemblées par an, parfois une quinzaine. Elles se déroulaient sous les arbres (le chêne), au cimetière, devant ou dans l’église, ou encore dans un champ. Bref, dans un lieu public, car il était interdit de tenir l’assemblée dans un lieu privé, pour éviter les magouilles. Une étude statistique de quelque 1500 procès-verbaux indique que ces assemblées comptaient en moyenne 27 participants, soit une représentation d’environ 60% des foyers des communautés, et pouvaient même accueillir jusqu’à quelques centaines d’individus, dont 10 à 20% de femmes. Mais à l’époque, dix personnes suffisaient pour former « un peuple » et tenir une assemblée. La participation à l’assemblée était obligatoire et une amende était imposée aux absents quand l’enjeu était important. Un quorum des deux tiers devait alors être respecté pour que la décision collective soit valide, par exemple celle d’aliéner une partie des biens communs de la communauté (bois ou pâturage). Il était si important que la communauté s’exprime que même lorsque la peste a frappé dans la région de Nîmes, en 1649, l’assemblée a été convoquée dans la campagne sur les deux rives d’une rivière, pour permettre de réunir à la fois les personnes ayant fui la ville et celles qui y étaient restées. En général, le vote était rapide, à main levée, par acclamation ou selon le système des « ballote » distinguant les « pour » des « contre » par des boules noires et blanches. Lorsque la décision était importante, les noms des personnes votantes étaient portés au procès-verbal. »

Ainsi, le peuple, au moyen-âge, parvenait à s’autogérer sur tout un ensemble de domaines considérés non comme « privés », mais comme publiques, car à l’inverse de nous, les « modernes » atomisés par une culture du chacun pour soi (la culture individualiste que nous devons à l’origine aux physiocrates du XVIIIe siècle et à leurs successeurs libéraux et capitalistes du XIXe et du XXe siècle), nos ancêtres « médiévaux » avaient conscience de l’interdépendance mutuelle dans laquelle ils étaient, et la majeure partie des ressources produites par la terre étaient considérées comme un ensemble de richesses communes, non comme des richesses privées. Cela n’empêchait pas le commerce, l’artisanat, ni même une certaine forme d’industrie. Ils parvenaient, en dépit de leurs intérêts individuels, à s’entendre et à gérer eux-mêmes ces ressources en commun, chose qui nous semblent aujourd’hui hors de portée – il suffit, pour s’en convaincre, de voir les commentaires récurrents qui décrient l’apathie populaire et considère, aujourd’hui, la masse comme incapable de débattre et de décider communément de ses propres intérêts. Ainsi, il serait impossible aux hommes « modernes » de ce XXIe siècle de faire ce que les paysans « incultes » du moyen-âge faisaient couramment ? Si cela est vrai, pouvons-nous encore parler de « progrès de la modernité » ? Ne devrions-nous pas plutôt faire le terrible constat de la régression imposée par cette « modernité » ?

« La démocratie médiévale, bien vivante alors, mais aujourd’hui si méconnue, permettait au peuple de traverser de longs mois sans contact direct avec des représentants de la monarchie, une institution qui offrait finalement très peu de services à sa population composée de sujets, non de citoyens. En d’autres termes : un territoire et une population pouvaient être soumis à plusieurs types de régimes politiques simultanément, soit un régime autoritaire (monarchie pour le royaume, aristocratie pour la région) et un régime égalitaire (démocratie locale ou professionnelle). »

 

 

On rêverait, de nos jours, de disposer de cette autonomie et de ce régime égalitaire, rien qu’au niveau local de nos villes ou de nos communes. Or, même cela nous est refusé, et cette simple idée fait se dresser un mur de défit et de mépris qui, au moyen-âge ou à la renaissance, aurait donné lieu à une « jacquerie », une révolte justifiée du peuple contre l’oppression d’un pouvoir par trop dictatorial et jugé tyrannique. En Espagne, les autorités gouvernementales ont mis leurs institutions judiciaires en marche pour détruire cette expérience unique d’autogestion réussie dans la petite ville andalouse de Marinaleda, dont le succès jette une lumière crue sur l’échec de la politique libérale nationale. Décidément, les « élites » libérales, de gauche comme de droite, n’aiment pas la démocratie, et ils le montrent de façon brutale. Cet événement récent montre ce qui se produisit à la Révolution et qui signa durablement le glas de l’expérience démocratique populaire.

« Les communautés d’habitants et les guildes de métiers perdent peu à peu de leur autonomie politique non pas en raison d’un dysfonctionnement de leurs pratiques démocratiques, qui se poursuivent dans certains cas jusqu’au XVIIIe siècle, mais plutôt en raison de la montée en puissance de l’État, de plus en plus autoritaire et centralisateur. [...] Or, si la démocratie locale peut bien s’accommoder d’un roi et même l’honorer, c’est dans la mesure où il se contente de rendre justice et de vivre surtout des revenus de ses domaines. De nouveaux prélèvements fiscaux et l’élargissement de la conscription militaire sont perçus dans les communautés comme le résultat de mauvaises décisions du roi ou de ses conseillers, et comme une transgression inacceptable et révoltante des coutumes et des droits acquis. L’assemblée d’habitants est alors un espace où s’organise la résistance face à cette montée en puissance de l’État. »

Voilà ce que l’élite contre-révolutionnaire – les « patriotes » et les « pères fondateurs » du XVIIIe siècle, ont très bien compris, et voilà pourquoi ils se sont attaché à décrier cette population agissante. Jugeons donc de cette sentence de ce procureur de la république qui este contre Babeuf dans un procès en trahison – et l’accuse par ailleurs d’être un « anarchiste » :

« Qui oserait calculer tous les terribles effets de la chute de cette masse effrayante de prolétaires, multipliée par la débauche, par la fainéantise, par toutes les passions, et par tous les vices qui pullulent dans une nation corrompue, se précipitant tout à coup sur la classe des propriétaires et des citoyens sages, industrieux et économes ? Quel horrible bouleversement que l’anéantissement de ce droit de propriété, base universelle et principale d’ordre social ! Plus de propriété ! Que deviennent à l’instant les arts ? Que devient l’industrie ?[2] »

Que voulait Babeuf ? Selon lui, la société était divisée en deux classes aux intérêts opposés, soit l’élite et le peuple. Chacune voulait la république, mais l’une la voulait bourgeoise et aristocratique, tandis que l’autre entendais l’avoir faite populaire et démocratique. Populaire et démocratique ? Vous n’y pensez pas !

L’interdiction de s’assembler est alors justifiée par un discours qui relève de l’agoraphobie politique : on présente les assemblées comme tumultueuses et contrôlées par les pauvres. En 1784, l’intendant de Bourgogne explique ainsi que : « ces assemblées où tout le monde est admis, où les gens les moins dociles font taire les citoyens sages et instruits, ne peuvent être qu’une source de désordre ». Le ton est donné. Ce genre de discours, nous ne le connaissons que trop, encore aujourd’hui. Pourtant, l’historien Antoine Follian écrit qu’il « n’y a probablement pas plus de  »tumultes » au XVIIIe siècle qu’au XVIe siècle. Soit les autorités s’offusquent de choses qui n’en vallent pas la peine, soit ce n’est qu’un prétexte pour servir une politique de resserrement des assemblées sur les  »notables » ».

Parfois, le rejet des principes démocratiques sont moins virulents, tout en étant pourtant suffisamment catégoriques pour en rejeter l’idée même. Ainsi Bresson écrit dans ses Réflexions sur les bases d’une constitution, par le citoyen[3] :

« Je sais fort bien ce qu’est une république démocratique ; mais je ne peux concevoir une constitution démocratique pour un pays qui ne peut être une république démocratique. Dans une république démocratique, le peuple en corps a le débat des lois, adopte ou rejette la loi proposée, décide la paix ou la guerre, juge même dans certaines circonstances. Cela est impossible, physiquement impossible en France ; ainsi la France ne peut être une république démocratique : c’est mentir à la nature même des choses que de la nommer ainsi[4]. »

De l’autre côté de l’Atlantique, dans les États-Unis émergeant de leur propre révolution, d’autres expriment la même idée, pour les mêmes raisons, ainsi par exemple le fédéraliste Noah Webster qui explique :

« Dans un gouvernement parfait, tous les membres d’une société devraient être présents, et chacun devrait donner son suffrage dans les actes législatifs, par lesquels il sera lié. Cela est impraticable dans les grands États ; et même si cela l’était, il est très peu probable qu’il s’agisse du meilleur mode de législation. Cela a d’ailleurs été pratiqué dans les États libres de l’Antiquité ; et ce fut la cause de malédictions innombrables. Pour éviter ces malédictions, les modernes ont inventé la doctrine de la représentation, qui semble être la perfection du gouvernement humain. »

On voit bien, aujourd’hui, la damnation à laquelle nous a mené, en un peu plus de deux siècles de « perfection du gouvernement humain », la représentation ! son bilan à lui seul réduit en miette les sophismes des pères fondateurs et révèle surtout que leur dialectique avait essentiellement pour vocation le service de leurs intérêts de classe sociale dominante, et que ces arguments étaient très certainement fondés… pour décrier l’aristocratie bourgeoise !

De  nos jours, les mêmes sophismes et les mêmes raisonnements antidémocratiques, exprimant une agoraphobie politique (détestation de la démocratie dite « directe ») culturellement imposée depuis deux siècles à l’inconscient collectif, se retrouvent jusque dans la conception populaire qui, comme par une sorte de syndrome de Stockholm collectif, se fait elle-même, parfois, défenseur de cette rhétorique qui peut se résumer en quatre points, comme le synthétise Francis Dupuis-Déri dans son livre :

« 1) le « peuple », poussé par ses passions, serait déraisonnable en matière politique et ne saurait gouverner pour le bien commun. »

> Je ne dirais pas les choses autrement au sujet des gouvernements prétendument représentatif et de cette « élite » oligarchique qui nous gouverne depuis deux siècles. Pour le dire autrement : « c’est c’ui qui dit qui est » (désolé, mais c’est vraiment là qu’on en est !).

« 2) conséquemment, des démagogues prendraient inévitablement le contrôle de l’assemblée par la manipulation. »

> En conséquence, des lobbys financiers et industriels prennent inévitablement le contrôle de l’assemblée par la corruption et la manipulation, tandis que les démagogues divisent les peuples dans de faux enjeux politiques de façade, laissant libre court en coulisses aux magouilles politiques les plus scandaleuses.

« 3) l’agora deviendrait inévitablement un lieu où les factions s’affrontent et la majorité impose sa tyrannie à la minorité, ce qui signifie généralement qu’en démocratie (directe), les pauvres, presque toujours majoritaires, opprimeraient les riches, presque toujours minoritaires. »

> L’agora devient le lieu où des factions s’affrontent sur des enjeux factices (au travers les affrontement des partis politiques pour accéder ou conserver le pouvoir), permettant toujours aux minorités (généralement les plus riches) de l’emporter sur la majorité (généralement les plus pauvres ou les moins bien nantis).

« 4) enfin, la démocratie directe peut être bien adaptée au monde antique et à une cité, mais elle n’est pas adaptée au monde moderne, où l’unité de base est la nation, trop nombreuse et dispersée pour permettre une assemblée délibérante. »

> Dès lors, l’oligarchie (travestie en pseudo démocratie « moderne ») est bien adaptée au gouvernement des États modernes libéraux, et toute forme de démocratie, même locale, est une entrave inacceptable à la main mise des marchés sur les ressources et à l’exploitation des travailleurs actifs, toujours majoritaires, par la minorité rentière passive, toujours minoritaire. Francis Dupuis-Déri est très clair sur un point essentiel :

« L’idée et l’idéal de « république » a déterminé en grande partie la formation du régime électoral libéral que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de « démocratie ». Donc, l’idée de « démocratie » n’a pas joué de rôle déterminant dans l’instauration des démocraties modernes libérales pour la simple et bonne raison que les patriotes les plus influents et leurs partisans étaient animés par un idéal républicain. La république représentait le régime modèle de patriotes notoires [...]. »

C’est donc dire – et là je m’adresse tout spécialement à vous, amis français (je suis Belge) – que la république fut, a toujours été, et est encore l’enterrement définitif de tout projet de (vraie) démocratie. En ne cessant, comme une antienne, de vous référer à « la République »[5], vous vous faites défenseur d’un régime qui dès l’origine et à toutes les époques fut instauré pour empêcher la démocratie et imposer le dictat d’une minorité possédante et dominante sur une majorité dépossédée et dominée. Si j’étais français, je ne militerais donc certainement pas pour une « VIème République », mais bien pour une « Première Démocratie ».

Au minimum, il nous faut reconquérir cette précieuse et vitale autonomie communale que même la vile engeance monarchique accordait aux gueux que furent nos ancêtres, et que nous refusent avec force et obstination nos prétendus représentants « démocratiquement élus » (cherchez l’erreur). Si nous ne nous en montrons pas capable, alors que la malédiction de la tyrannie oligarchique et ploutocratique continue à s’abattre implacablement sur nous et qu’elle étouffe à jamais nos plaintes et nos cris !

Nous pourrons alors à nouveau aller crever dans les tranchées en chantant avec Jacques Brel « Oui not’ Monsieur, oui not’ bon Maître ».

Comme en ’14…

Morpheus

 


[1] Henry Bardeau, « De l’origine des assemblées d’habitants », Droit romain : du mandatum pecuniae – Droit français : les assemblées générales des communautés d’habitants en France du XIIIe siècle à la Révolution, Paris, Arthur Rousseau, 1893, p. 63.

[2] Gérard Walter, op. cit., p. 230-231.

[3] Où l’on peut voir que l’idée de Étienne Chouard n’a rien de neuf et fut bel et bien menée – et tuée dans l’œuf – au moment de la Révolution.

[4] Jean-Baptiste Marie-François Bresson, op. cit., p. 2-3.

[5] Prenez donc, s’il vous plaît, un peu de recul et montrez-vous, juste un moment, autocritique, et vous verrez à quel point ce mot de « république » vous empoisonne l’esprit et obscurcit ce que votre discernement pourrait éclairer : les républiques n’ont jamais été des démocraties, mais au contraire, furent toujours des oligarchies.

dimanche, 05 janvier 2014

Attack the System: Who Are the Power Elite?

9780195133547_p0_v1_s260x420.JPGAttack the System: Who Are the Power Elite?

Keith Preston dissects the American ruling class.

Topics include:

  • The difference between power elite analysis and conspiracy theories.
  • Power elite analysis versus theories of democratic pluralism.
  • Classical elite theory as developed during the interwar period of the 1920s.
  • C. Wright Mills as the godfather of power elite theory.
  • James Burnham and the managerial revolution.
  • William Domhoff and the role of ideological institutions.
  • Robert Putnam and the role of technological elites.
  • Thomas Dye and the development of consensus among elites.
  • How the power elite uses demographic, cultural, and class conflict to protect its own position of dominance.

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jeudi, 02 janvier 2014

Qu'est-ce qu'en effet que le despotisme?

DESPOTISME.jpeg

Qu'est-ce qu'en effet que le despotisme?
 
par Simon-Nicolas-Henri Linguet (1767)
 
 
"Qu’est-ce en effet que le despotisme ? c’est le plus changeant, le moins fixe de toues les gouvernements. Ce n’est pas même un gouvernement. Il est aussi absurde de le compter parmi les administrations naturelles à la société, que de mettre la paralysie ou l’apoplexie au rang des principes qui diversifient le tempérament des hommes. C’est une maladie qui saisit et tue les Empires à la suite des ravages du luxe, comme la fièvre s’allume dans le corps après les excès du travail ou de la débauche. Il n’est pas plus possible à un Royaume d’être soumis à un despotisme durable, sans se détruire, qu’à un homme d’avoir longtemps le transport sans périr.
 
Pendant la durée de cette fièvre politique, une frénésie incurable agite tous les membres de l’État, et surtout la tête. Il n’y a plus de rapport ni de concert entre eux. Les folies les plus extravagantes sont réalisées, et les précautions les plus sages anéanties. On traite avec gaieté les affaires les plus sérieuses; et les plus légères se discutent avec tout l’appareil du cérémonial le plus grave. On multiplie les règles, parce qu’on n’en suit aucune. On accumule les ordonnances, parce que l’ordre est détruit. La loi de la veille est effacée par celle du lendemain. Tout passe, tout s’évanouit, précisément comme ces images fantastiques, qui, dans les songes, se succèdent les unes aux autres, sans avoir de réalité.
 
Une Nation réduite à cet excès de délire et de misère, offre en même temps le plus singulier et le plus douloureux de tous les spectacles. On y entend à la fois les éclats de rire de la débauche, et les hurlements du désespoir. Partout l’excès de la richesse y contraste avec celui de l’indigence. Les grands avilis n’y connaissent que des plaisirs honteux. Les petits écrasés expirent en arrosant de larmes la terre que leurs bras affaiblis ne peuvent plus remuer, et dont une avarice dévorante dessèche ou consume les fruits, avant même qu’ils soient nés. Les campagnes se dépeuplent. Les villes regorgent de malheureux. Le sang des sujets continuellement aspiré par les pompes de la Finance se rend par fleuves dans la Capitale qu’il inonde. Il y sert de ciment pour la construction d’une infinité de palais superbes, qui deviennent pour le luxe autant de citadelles d’où il insulte à loisir à l’infortune publique.”
 

Simon-Nicolas-Henri LINGUET (1736-1794), Théorie des Lois civiles, IV, 31 (1767)

jeudi, 19 décembre 2013

Un néoconservatisme antiSystème

Un néoconservatisme antiSystème

Ex: http://www.dedefensa.org

OPGYOUTH_P1.jpg_full_380.jpgNous avons déjà fait une rapide incursion dans le discours de Vladimir Poutine devant la Douma, le 12 décembre dernier. C’était dans un texte du 13 décembre 2013, où nous abordions la question d’une nouvelle doctrine stratégique en cours de développement en Russie. (Un autre discours, celui de Dmitri Rogozine devant la même Douma le jour précédent, était cité.)

Dès ce moment, nous parlions d’un nouveau “conservatisme” dont poutine s’était fait le champion dans son discours, et nous le définissions nous-mêmes, à la fois comme un “conservatisme structurant”, ou “conservatisme antiSystème”. Nous écrivions ainsi : «Poutine a donc également parlé devant la Douma, le lendemain de l’intervention de Rogozine. [...] Poutine a bien entendu abordé tous les sujets : nous reviendrons sur certains de ces autres aspects, en même temps que sur ceux que nous traitons ici. (Les uns et les autres, à côté de leur spécificité, font partie d’une attitude conceptuelle opérationnalisant une conception que l’on pourrait nommer “conservatisme structurant” ou “conservatisme antiSystème” en ôtant au mot “conservatisme” sa connotation politique courante: cette connotation, évidemment péjorative selon “l’air du temps” et le conformisme qui va avec, est faussaire puisqu’imposée par le Système justement, alors qu’on la définit comme antiSystème, donc hors du diktat conceptuel du Système.)»

Plus loin, en développant notre analyse du nouveau concept stratégique, nous étions revenus sur cet aspect plus doctrinal dans le sens ontologique d’une référence à une conception générale dont l’aspect stratégique ne serait qu’une branche. En développant l’analyse de ce concept stratégique et doctrinal, nous en sommes venus à des considérations d’ordre ontologique dans le cadre de la problématique qui nous intéresse de “Système vs antiSystème”, et dans ce cas forces déstructurantes contre structures conservatrices des situations principielles. Cela nous avait conduit à rapprocher la nouvelle doctrine russe qui s’ébauche, de la doctrine nucléaire gaulliste de la dissuasion. La comparaison débouchait également sur cette interprétation ontologique.

«En fait, l’évolution russe nous fait mieux comprendre combien la doctrine gaulliste de la dissuasion constituait également (en plus du fait stratégique), et même surtout une doctrine de type “conservateur antiSystème”. Elle refusait le multilatéralisme, la coopération par entente implicite type-MAD, bref elle refusait la globalisation stratégique en se repliant sur la dimension nationale et sur ses conceptions principielles (souveraineté, légitimité), sur le protectionnisme stratégique, sur la “forteresse” assurée par la possibilité de riposte nucléaire. Le véritable fondement de cette doctrine, d’ailleurs pas nécessairement réalisé puisqu’apparaissant au grand jour aujourd’hui, c’était de refuser d’entrer dans le jeu du Système appuyé sur l’“idéal de puissance” faisant des souscripteurs aux doctrines type-MAD des “complices” pour faire peser l’hégémonie terroriste du Système sur les autres. (On peut voir, dans la Cinquième Partie du premier tome de “La Grâce de l’Histoire”, mise en ligne le 2 décembre 2010, une partie important consacrée à cet aspect prémonitoirement antiSystème de la doctrine gaulliste de la dissuasion nucléaire, – “l’exception française et la G4G”.)»

Ce cadre plus large qui est suggéré ici a été lui-même abordé par nombre de commentateurs, autour du discours de Poutine. Tout cela indique et confirme l’importance que le président russe attache à ce discours, dans le sens où il s’agit d’un acte intellectuel structurant de première importance. Des parlementaires eux-mêmes sont intervenus comme commentateurs du discours, notamment Aleksei Pouchkov and Viatcheslav Nikonov, qui sont des proches de Poutine. Ils sont cités dans un texte de Russia Today du 13 décembre 2013, et notamment dans un passage où ils considèrent l’aspect structurant le plus important du concept évoqué par Poutine, qui est cette sorte de “nouveau conservatisme”, ou d’une nouvelle conception du conservatisme, comme l’explique Nikonov, consistant “non pas à empêcher un mouvement en avant, mais à empêcher un mouvement en arrière”. (Nous apporterions nous-même certaines nuances considérables à cette définition, en observant que cette définition serait plus juste si elle se trouvait amenée à l’idée d’“empêcher un mouvement vers le bas”, sans autre référence explicite, car c’est principalement de cela qu’il s’agit selon notre estimation. La référence principale, qui est désormais une constante de l’évolution russe, est celle de la tradition entendu dans un sens général et contenu dans le concept de “philosophie première” ou “philosophie principielle”.)

«One of the key statements in the address was about Russia's traditional values and the need for them to be protected. “Putin first of all was talking about family values, the values of Russian patriotism, of bringing up children in a traditional Russian way. He described these values as being conservative, but they are conservative in a way not to prevent movement forward, but to prevent movement backward,” Nikonov said.

»Pushkov noted that the president has matched “the traditional values against the so-called new values which are being assorted on societies by minorities, values which have nothing to do with religious roots, with cultural heritage of those countries, and which are basically opposed by the majority of the population.” “The new space of values,” which is now being established in Europe, is “disturbing” for Russia, the MPs stressed. “When you single out a single group [sexual minorities] and say they have special rights, it's also a form of discrimination. We don’t understand it in Russia, thinking that they should be treated as equals and that they should not enjoy a special status or a special program supporting their aspirations,” Pushkov said.»

Comme à l’habitude, Fédor Loukianov, rédacteur en chef du magazine Russia in Global Affairs et proche des milieux politiques dirigeants à Moscou, offre un commentaire intéressant sur la nouvelle approche de Poutine. En effet, il s’agit bien, selon Loukianov, d’une nouvelle approche, et même d’une approche fondamentalement nouvelle. Jusqu’ici la politique russe selon Poutine, ou disons le poutinisme, était “politiquement neutre” en un sens dominant, c’est-à-dire essentiellement pragmatique, précisément selon le sens du mot qui indique la proximité de l’action et les seuls actes concrets pris comme références pour déterminer une politique. («“Pragmatisme” vient du grec pragma, action, ce qui atteste du souci d'être proche du concret, du particulier, de l'action et opposé aux idées abstraites et vagues de l'intellectualisme.»)

Voici quelques extraits du texte de Loukianov, dans Novosti, le 1’ décembre 2013 :«Dans son message annuel au Parlement russe, Vladimir Poutine a pour la première fois exprimé clairement et sans équivoque la philosophie de l'Etat russe : le conservatisme. Ce n’est pas un scoop : les discours antérieurs du président et l'ensemble de la logique des actions du Kremlin ont toujours indiqué que c'est cette école de pensée qui était la plus proche du gouvernement russe. Cette fois le chef de l'Etat a simplement expliqué ce qu'il entendait par cette notion en citant le philosophe Nikolaï Berdiaev : “Le conservatisme n'empêche pas l’évolution, mais protège de la régression, du mouvement vers l'obscurité chaotique et vers un état primitif”. [...]

»Le président – consciemment ou intuitivement – part du fait que tout changement, aujourd'hui, entraînera forcément un résultat négatif. Selon lui, le progrès n'est pas un but en soi mais il doit servir à renforcer les fondements du développement. En revanche, s'il conduit au résultat inverse, qui a besoin d'un tel progrès ? Et qui a eu l'idée de dire qu'il s’agissait d'un progrès ?

»Les anciennes approches des relations internationales et des affaires mondiales sont critiquables, certaines notions sont obsolètes et ont perdu de leur efficacité dans les conditions contemporaines. Il faut effectivement reconnaître qu'elles ont énormément changé. Mais le fait est que rien ne vient prendre leur place. Plus précisément, ce qu'on propose pour remplacer les vieux principes ne forme aucune carcasse et mène uniquement vers des interprétations de plus en plus floues. Et par conséquent vers l'arbitraire, inévitable, qui lui engendre le chaos.

»L'accent mis sur les traditions, que l'on entend depuis longtemps dans les discours du président, a été réitéré dans son message – le désir de trouver quelque soutien est compréhensible. Par définition le conservatisme est opposé à l'idée d’un monde universel. Chaque nation et culture est unique et valorise, avant tout, sa propre identité. [...] C’est un changement significatif car jusqu'à présent la politique de la Russie était explicitement et notoirement non idéologique. Le pragmatisme était considéré comme l'objectif absolu et une valeur phare en politique étrangère. L'idéologie est une notion à double-tranchant et contraignante. Cependant, dans un monde où les images et les points de vue jouent clairement un rôle prédéterminant, un pays qui prétend à une position de leader ne peut pas user d'un simple mercantilisme. Ou simplement nier les idées des autres. Il faut forcément avancer une alternative. C'est risqué car il existe un risque d’erreur, mais en dépit de son conservatisme Vladimir Poutine est joueur.»

Le discours, selon Loukianov, annonce un tournant effectivement fondamental : il s’agit, selon lui de l’idéologisation de la politique russe. Désormais, le poutinisme n’est plus “politiquement neutre” ou pragmatique, il est idéologiquement “conservateur”, – certes, selon un sens qui demande à être explicité, et c’est ici, en partie, le but de notre propos, – et, d’autre part, la cause de notre réticence à employer des termes tels que “idéologie” et “idéologisation”. Ce “tournant idéologique et conservateur” du poutinisme et, plus généralement, de la politique russe, demande à être précisément explicité ; il s’agit d’abord de se dégager des “étiquettes” convenues, liées d’ailleurs à l’“idéologisation”, et qui font en général le jeu du Système. Il s’agit ensuite d’avancer une nouvelle définition, qui permettra de mieux comprendre l’importance et l’orientation de la nouvelle politique russe.

Selon notre conception, on parlera avec le cas Poutine d’un “néoconservatisme” d’une façon assez originale et révélatrice, puisque le terme est déjà pris, pour la partie américaniste (nous l’écrivons également néoconservatisme, mais plus souvent neocon pour faire bref et significatif). Le terme employé pour la partie américaniste est à peu près, dans son approche structurelle, l’exact opposé de la démarche russe, ou encore mieux dit, son exacte inversion. Nous développerons une appréciation du tournant idéologique de Poutine, ou pseudo-idéologique selon nous, en différenciant les deux approches radicalement opposées selon nous, selon un procédé sémantique : d’une part, le “néoconservatisme-neocon” américaniste, d’autre part le “néoconservatisme-poutinien”.

En disant que la démarche poutinienne est elle-même l’inversion du néoconservatisme originel, nous ne parlons que chronologiquement et non du point de vue qualitatif de la justesse des choses. Par rapport à ce qui est nécessaire et juste pour nous, c’est-à-dire la lutte antiSystème, c’est le néoconservatisme-neocon qui est une inversion, dans le sens maléfique de serviteur du Système ; par conséquent, selon cette appréciation, le néoconservatisme-poutinien pratique une inversion vertueuse en rétablissant avec son néoconservatisme le sens antiSystème du conservatisme. (Comme on le verra, le conservatisme selon sa vraie valeur, qui est structurelle et principielle et non idéologique, doit effectivement être perçu comme vertueux puisque nécessairement antiSystème, et adversaire affiché du Progrès en tant que dynamique-Système qui répond à l’objectif de destruction selon le protocole dd&e [voir le 11 novembre 2013]. Cela ne signifie pas “devenir conservateur” au sens de la valse absurde des étiquettes faussaires du temps-idéologisé depuis le début du XIXème siècle, mais utiliser ce qui est utile et va dans le bon sens dans l’enjeu formidable, civilisationnel et eschatologique, de la crise d’effondrement du Système.)

“On ne peut vaincre le Système si l’on n’est pas le Système soi-même”

La remarque essentielle de Loukianov, à partir de laquelle nous développons notre approche, est ce paragraphe repris des extraits : «Le président – consciemment ou intuitivement – part du fait que tout changement, aujourd'hui, entraînera forcément un résultat négatif. Selon lui, le progrès n'est pas un but en soi mais il doit servir à renforcer les fondements du développement. En revanche, s'il conduit au résultat inverse, qui a besoin d'un tel progrès ? Et qui a eu l'idée de dire qu'il s’agissait d'un progrès ?» Comme l’on voit, le terme “progrès” est employé, mais il est employé dans un sens très conjoncturel, alors qu’il ne désigne qu’une dynamique et non une essence en soi. Il s’agit alors de bien éclaircir le propos, et une approche paradoxale à cet égard peut être retrouvée avec un extrait de notre article du 20 février 2012, rendant compte du contenu de dde.crisis consacré à “la crise haute”.

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«Pour mieux comprendre cette “bataille de perceptions” entre ceux qui perçoivent une “crise unique” (du Système, de la modernité, de la contre civilisation) englobant toutes les crises sectorielles, et les négationnistes de cela, on peut proposer l’hypothèse de la renaissance de l’Unité ou du Principe Unique. Il s’agit de la notion fondamentale selon laquelle l’unicité de cette crise, alors évidemment perçue comme crise haute, ne peut s’expliquer que par le “progrès” qu’elle recélerait. Ce terme complètement paradoxal dans ce cas de “progrès” fait référence à une interprétation de Daniel Vouga, analysant l’influence essentielle de Joseph de Maistre chez Charles Baudelaire (la plus importante influence de Baudelaire avec Edgar Allan Poe), dans ‘Baudelaire et Joseph de Maistre’ (Corti, 1957). Observant l’emploi laudatif du concept de “progrès” chez Maistre et chez Baudelaire, paradoxe absolu proche de la contradiction impossible pour ces deux penseurs antimodernes par excellence, Vouga observe ceci : “[P]rogresser, pour eux, ce n’est pas avancer, ni conquérir, mais revenir et retrouver... [...] Le progrès donc, le seul progrès possible, consiste à vouloir retrouver l’Unité perdue...”»

Ainsi justifions-nous, à la lumière de cette définition paradoxale de “progrès” selon des auteurs antimodernes et proches de la philosophie principielle, de présenter la notion de “progrès” (ou “Progrès” majusculé), telle qu’on l’entend aujourd’hui et telle qu’on l’entend en vérité depuis le “déchaînement de la Matière”, comme un faux-nez sémantique pour dissimuler l’activité principale du Système, qui est le processus de destruction dd&e. Ce “progrès”-là est bien ce que Loukianov définit dans le chef de Poutine de cette façon, – et alors “progrès” (et acte du Système par conséquent) pourrait avantageusement remplacer le terme “changement” : «[le] fait que tout [progrès], aujourd'hui, entraînera forcément un résultat négatif.»

... Certes, la notion de “progrès” dont parle Vouga à propos de Maistre et de Baudelaire implique, du point de vue opérationnel, et du point de vue métaphysique, une dynamique de structuration tendant idéalement vers le Principe Unique, donc par essence une dynamique principielle. C’est le contraire absolu de la notion courante de “progrès”, ou notion-Système telle que nous la définissons selon l’évolution-Système de notre époque, qui est substantivée par la dynamique dd&e, et par conséquent un processus qui n’est nullement combattu, au contraire qui est favorisé par le néoconservatisme-poutinien. C’est là, dans ce rapport avec la dynamique dd&e, que l’on retrouve la contradiction totale entre le néo-conservatisme poutinien et le néoconservatisme-neocon. Les étiquettes peuvent apparaître alors pour ce qu’elles recouvrent régulièrement ; dans ce cas, l’introduction du concept de “néoconservatisme-poutinien”, même si ce concept n’est que temporaire, a au moins la vertu de réhabiliter le concept de “conservatisme” dans son extension “néo-”, alors qu’il a été complètement perverti, et certainement à dessein par rapport aux forces animées par le Système et dans le chef de ses forces bien plus que des sapiens impliqués, pour pouvoir mieux favoriser des jugements conceptuels faussaires. On s’en aperçoit avec éclat aujourd’hui, où nombre de partisans “libéraux” (“progressistes” dans le sens US) d’Obama, soutenant une politique-Système pire que celle de Bush, s’avèrent bien plus neocons que les adeptes du néoconservatisme-neocon ; la chose vaut évidemment pour la France, comme l’on sait (voir le 7 décembre 2013).

• Le néoconservatisme-neocon a, effectivement, toujours été enrobé de significations et compréhensions paradoxales qui en préparent l’imposture complète que représente ce concept. Certaines de ses origines principales sont sans aucun doute puissamment progressistes dans son aspect déstructurant et dissolvant, puisque, notamment avec son fondateur Irving Kristol, d’origine idéologique trotskiste. Les neocons ont d’ailleurs été démocrates de gauche (autour du sénateur Jackson dans les années 1970) avant de devenir républicains et d’adopter la dénomination de “conservateurs” (“néoconservateurs”). Le terme a donc été utilisé comme une simple étiquette, exactement comme un artefact de relations publiques, tandis que la substance du mouvement, complètement idéologisée, elle, grâce à l’usage d’étiquettes de combat telles que “démocratie” (démocratisation) et “libéralisme économique”, impliquait par nature, un mouvement de déstructuration et de dissolution appliqué dans la politique extérieure (dynamique dd&e). Il s’agissait en substance également d’une complète inversion de la notion de “conservatisme de combat”, antiSystème par définition, puisque l’utilisation de la dynamique dd&e impliquait la notion de “progrès” au sens où l’entend le Système.

• Le néoconservatisme-poutinien ne se définit que par rapport au “progrès” “au sens où l’entend le Système”, et absolument contre lui, dans tous les domaines, – aussi bien stratégique et politique, que culturel et sociétal. La compréhension de cette position n’est donc pas idéologique, mais activiste : c’est une notion de résistance, par conséquent une notion d’activisme antiSystème. On pourrait penser que c’est le premier effort conceptuel qui est fait pour instituer une dynamique structurelle antiSystème, et non plus seulement une dynamique antiSystème conjoncturelle, presque de type “accidentel” (ceux qui la pratiquent ne réalisent pas nécessairement qu'elle est antiSystème). Il est manifeste que cette évolution russe, – à notre sens, Poutine ne fait qu’exprimer une affirmation russe impérative, – était prévisible, identifiable, et c’est elle qui est la cause de la véritable haine sans retour dont la Russie et Poutine font l’objet, d’une façon continue et structurelle, et parfois hystérique lorsque la résistance antiSystème s’affirme, de la part de tout ce qui représente ou relaie, directement ou indirectement, le Système. (En Ukraine, le rassemblement pro-UE est justement défini par Sergei Strokan comme “The new club of Russia haters” [voir Russia Today le 16 décembre 2013], et c’est bien cela qui réunit cette mosaïque d’opposants, sans aucune unité idéologique ni politique, et nullement la farce grotesque de l’amour pour l’Europe, bien évidemment [voir le 17 décembre 2013].) Alors que le néoconservatisme-neocon avait (il est en lambeaux aujourd’hui, puisque seul un Hollande s’y intéresse encore) pour mission d’être un faux-nez pour le “progrès” (le “progrès”-Système) aux yeux de ceux qui prétendent encore refuser le “progrès”, le néoconservatisme-poutinien a pour mission de désacraliser le “progrès”, de lui ôter sa dimension fascinatrice, et donc d’attaquer spécifiquement le “progrès”-Système.

Tout cela étant posé, il nous apparaît aussitôt impératif de préciser que nous ne croyons pas une seconde, – nous l’avons souvent dit dans le même sens, – que Poutine se pose comme une alternative valable au Système, capable de vaincre le Système, ni même de l’inquiéter vraiment. On ne peut vaincre le Système si l’on n’est pas le Système soi-même... Mais on peut lui opposer une telle résistance, essentiellement conceptuelle, notamment en agitant des conceptions principielles un peu comme l’on agite le chiffon rouge pour rendre plus furieuse encore la Bête pour soudain bouleverser et rendre folle sa surpuissance, que le Système s’engagera encore plus profondément, encore plus rapidement, encore plus inexorablement dans son processus d’autodestruction. C’est le rôle que joue déjà la Russie, dont l’activisme depuis 2011 et la Syrie a conduit les pays du bloc BAO, donc le Système, à d’innombrables erreurs, à des enchevêtrements d’erreurs, avec une usure psychologique à mesure qui produit à nouveau d’autres erreurs et les embourbent dans des cas similaires et potentiellement de plus en plus explosifs (l’Ukraine, dont la déstabilisation affecterait beaucoup plus, à notre sens, l’UE elle-même voire l’OTAN que la Russie, qu’elle unirait dans la lutte contre un danger pressant).

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Il faut bien comprendre que ce bloc BAO, que ce Système si absolument surpuissant est nécessairement, par un rapport inverti de cause à effet, si absolument impuissant. Le cas militaire est ici un bon observatoire : le désordre-BAO, l’accumulation d’erreurs, cette façon à la fois de mépriser la Russie comme partie négligeable, à la fois de s’effrayer considérablement de sa supposée puissance, est une mécanique qui pourrait être assurée dans certaines circonstances de mener à une confrontation militaire à laquelle les pays du bloc BAO ne sont plus partie prenante, pour des raisons profondes de démobilisation psychologique. C’est une porte de sortie éventuelle pour le centenaire de la Grande Guerre ; il y en a d’autres ... (Ainsi faut-il préciser que “le cas militaire” n’est pas et ne doit pas être considéré ici comme l’enjeu central de la crise européenne en nième version, en formation accélérée, qu’il n’est qu’une voie qui n'est pas nécessairement décisive précipitant la crise, qu’il y a d’autres voies comme par exemple le désordre auto-dissolvant et autodestructeur au sein du bloc BAO/du Système.)

Un point important à cette lumière, pour conclure sur ce sujet, est d’admettre que le néoconservatisme-poutinien qui vient d’être déclaré, abandonnant effectivement le pragmatisme assez neutre qui animait la politique russe, est un pas en avant considérable dans une attitude d’hostilité déclarée de la Russie au Système. (C’est avec la Syrie, bien sûr, que les Russes ont perdu leurs illusions à ce propos et commencé leur “médiation” vers le pas essentiel de l’engagement antiSystème structurel [voir le 13 juin 2012].) Cela ne promet rien d’autre, – mais c’est déjà si important que cela en est essentiel, – qu’un nouveau palier dans l’affrontement, dans l’agressivité entre Système et antiSystème, et cette fois avec les Russes qui s’affirmeront d’une façon beaucoup plus effective qu’ils n’ont fait jusqu’ici. Sans doute n’ont-ils pas négocié ce tournant de gaieté de cœur, eux qui ont cherché essentiellement à équilibrer et à stabiliser les relations internationales, mais ils n’avaient pas le choix à cet égard parce que le Système tient irrévocablement une course d’agressivité et d’antagonisme.

Extrait du Tome II, Cinquième Partie, de La Grâce de l’Histoire

Comme nous le faisons épisodiquement, nous allons publier, pour approfondir notre commentaire, un extrait de La Grâce de l’Histoire. Il s’agit d’un extrait du Tome II (Le Deuxième Cercle), dans sa Cinquième Partie intitulée Invertir la “contre-civilisation” ... Ce que nous cherchons à suggérer avec cet extrait, c’est la complexité des termes de “conservatisme” et de “progrès”, à partir du moment où s’est faite sentir l’interférence du Système (à partir du “déchaînement de la Matière”). Aussi suggérons-nous de considérer ces concepts comme maniables, sinon inversables, et de ne les prendre qu’avec une “explication de texte” et sans contrainte idéologique. Ce qu’il nous importe de montrer, au contraire, c’est l’importance de références telles que la Tradition et l’expérience du passé, essentiellement des Anciens d’avant notre civilisation dans ce cas, dès lors qu’on s’est débarrassé des scories de la pensée que sont les termes vues ci-dessus et phagocytés par le Système.

Notre propos, dans cet extrait, est de nous amener à considérer l’importance de l’enseignement du passé pour notre crise actuelle, jusqu’au point central de cette crise qui est l’archétypique production du “progrès”-Système, sous la forme opérationnelle du phénomène du technologisme et de ses effets sur la situation du monde. Ainsi expliquons-nous, dans cet extrait, comment nous sommes conduits à faire du véritable passé notre référence, à explorer la question du rapport entre les Anciens et des technologies, donc la question de ce qui est la centralité de notre crise. (On a vu un autre extrait de la même Partie dans ce sens, mais plus avancé dans cette exploration, notamment appuyé sur la référence au philosophe des civilisations Toynbee, le 4 novembre 2013.) L’extrait envisagé décrit le processus intellectuel qui y conduit en écartant avec mépris et décision les diktat du Système lorsqu’il s’agit de nous imposer une conception du conservatisme, du “progrès” et ainsi de suite. Ce faisant, nous entendons également montrer que le néoconservatisme-poutinien, s’il se développe, s’il joue son rôle de trublion excitant la Bête jusqu’au comble de la fureur autodestructrice de celle-ci, sera conduit à mettre tout en question, – y compris les artefacts fondamentaux du progrès, y compris le technologisme par conséquent.

« Par conséquent, il est question de l’Histoire et même de l’au-delà de l’Histoire, dans sa chronologie, lorsque surgit la dimension métaphysique. Cette chronologie se comprend et se justifie comme un enchaînement pérenne dont la source originelle jaillit de ce que, à l’exemple de beaucoup d’autres et pour signaler de quel parti l’on est, nous nommons la Tradition. (Mais c’est de “monde”, du kosmos qu’il faut parler, nullement de “parti”...) Alors, pour mieux avancer, et enrichir encore la compréhension de notre destin, peut-être en deviner la perspective, on ne peut qu’épouser cette évidence qu’il importe de tourner sa pensée vers le passé le plus lointain. Cette orientation justifie parfaitement l’affirmation précédente concernant l’importance de la Tradition dans notre propos ; mais, certes, faire la démarche de la façon qui importe réalise l’exact contraire de ce que perçoit l’esprit commun forgé par la modernité qui est qu’en se tournant vers le passé l’on se perçoit, implicitement mais puissamment, comme rétrograde, désuet, dépassé, abaissé, – passé de mode, si l’on veut, plus du tout “tendance”... Cette conception est évidemment, pour nous, dépourvu de sens ; “se tourner vers le passé”, c’est-à-dire faire cela à la façon que définissait excellemment Evola, déjà cité, lorsqu’il parlait de la pensée traditionnelle ; et nous préciserions, selon notre propos, avec une traduction différente d’un des mots, indiquée entre crochets, au risque du pléonasme : « C’est une pensée “originelle”, elle ne [recule] pas en arrière dans le temps, elle s’élève verticalement hors du temps en direction du noyau transcendant… ». (Cette idée est générale lorsqu’il s’agit de ces antimodernes dont l’accointance de toutes les façons avec la Tradition est la raison d’être, et elle impose de considérer tous les termes employés à cette aune. Daniel Vouga, analysant l’influence essentielle de Joseph de Maistre chez Charles Baudelaire dans Baudelaire et Joseph de Maistre (Corti, 1957), observait l’emploi laudatif du concept de “progrès” chez Maistre et chez Baudelaire, qui semblait une contradiction impossible pour ces deux penseurs antimodernes par excellence, et il commentait : « [P]rogresser, pour eux, ce n’est pas avancer, ni conquérir, mais revenir et retrouver... [...] Le progrès donc, le seul progrès possible, consiste à vouloir retrouver l’Unité perdue... »)

» Un tel énoncé d’“avancer” ou de “progresser” en se tournant vers le passé implique, par la puissance des mots tels que ces mots s’imposent à nous, que le passé se transmute, qu’il n’est plus seulement passé selon l’entendement profane qui nous accable et nous infecte, qu’il se dresse en vérité dans la mesure d’une si grande hauteur par rapport à nous, qu’il fut plus haut que nous, que nous n’avons fait que descendre, chuter... Cela est une façon de voir, ou de se préparer à voir, qui rompt résolument avec les diktat de la modernité qui nous imposent leur propre histoire récrite par elle-même, la modernité, et ainsi recomposée de façon à ce qu’elle justifie ce qui semblerait en être l’issue glorieuse, qui est effectivement la modernité elle-même. Rompant avec les diktat de la modernité, nous rompons avec un passé composé par ce présent catastrophique que nous dénonçons, qui ne trouve plus pour se justifier que ce passé fabriqué. Cela signifie qu’en nous tournant vers le passé le plus lointain, nous nous lançons dans une aventure propre à nous bouleverser, à transformer notre présent dans une mesure inouïe ; cela signifie qu’il faut envisager cette hypothèse où, en rencontrant un passé qui n’est pas seulement dans la mesure du temps sans autre précision mais dans la mesure d’un temps dont la variabilité se mesure dans les différentes hauteurs qui le caractérisent, on découvrirait que la plus grande hauteur se trouverait dans la plus lointaine perspective en arrière de nous.

» D’autre part, se tourner vers le passé et re-monter vers lui, c’est aller aux sources des choses et, dans ce cas qui nous importe, à la source même du fondement de la contre-civilisation ; car il s’impose d’admettre que cette source de la contre-civilisation dépasse évidemment les données historiques que l’on a réunies, et aussi bien la chronologie qui les accompagne ; qu’en s’inscrivant comme elle le fait dans l’histoire, avec ce caractère terrible du déchaînement de la Matière qui caractérise son élan, cette contre-civilisation implique l’intervention d’une dimension métaphysique qui nous fait passer à la métaHistoire et, par conséquent, nous délie des contraintes chronologiques trop réductrices de la seule histoire. Ainsi doit-on considérer cette démarche qui entend achever la description générale tracée et approfondie dans ce deuxième tome, ou Deuxième Cercle, du processus historique, nécessairement devenu métaphysique et donc nécessairement métahistorique, qui nous a conduit dans cette situation du début du XXIème siècle d’où nous avons lancé cet effort ; ainsi doit-on considérer cette démarche, comme une exploration qui remonte à tous égards dans le temps, dans un effort prodigieux pour comprendre le monde tel qu’il nous avait été offert originellement, après avoir identifié le monde à partir d’où il nous a été imposé comme quelque chose de complètement différent (Renaissance et Révolution, l’une ou l’autre fait l’affaire), et la transformation de son état entre ceci et cela.

» L’exploration, à ce stade où nous sommes, “après avoir identifié le monde à partir d’où il nous a été imposé comme quelque chose de complètement différent”, nous conduit dans le monde des Anciens car c’est là que se trouve l’essentiel du Mystère dont la puissance et la nécessité nous attachent, et dont l’illumination nous suggérera la clef. Il s’agit d’aborder la plus discrète, la moins précise et en un sens dirait-on la moins historique des trois révolutions qui opérationnalisent dans le champ terrestre de notre histoire courante le “déchaînement de la Matière” ; celle dont l’origine nous paraît à la fois la plus évidente et la plus “naturelle” si l’on s’en remet à la narrative du Progrès ; celle de ces narrative qui prend l’allure d’une énigme métaphysique si l’on se départit d’elle pour l’observer de plus haut, en se débarrassant du diktat de ce même Progrès et en observant à la fois les ambitions qui la sous-tendent implicitement et les conséquences terribles qu’elle va entraîner. D’ores et déjà, à manier ces appréciations paradoxales parce que si différentes selon le point de vue choisi, on devine effectivement qu’on touche là à une centralité de notre propos.

» Il s’agit donc de la “révolution du choix de la thermodynamique”, comme nous l’avons désignée, ou encore de l’expression superbe de Choix du feu ; ce qu’on définira également, indirectement, par ce mot affreux, plusieurs fois répété dans ce récit, qui remplit Stendhal d’effroi et le fit changer de camp et choisir son camp, ce mot terrible enfin : “le parti de l’Industrie” (« Les Lumières, c’est désormais l’industrie »)... »

mercredi, 18 décembre 2013

Milestones of Eurasism

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Milestones of Eurasism

By Alexander Dugin 

Ex: http://www.counter-currents.com

Eurasism is an ideological and social-political current born within the environment of the first wave of Russian emigration, united by the concept of Russian culture as a non-European phenomenon, presenting–among the varied world cultures–an original combination of western and eastern features; as a consequence, the Russian culture belongs to both East and West, and at the same time cannot be reduced either to the former or to the latter.

The founders of eurasism:

  • N. S. Trubetskoy (1890–1938)–philologist and linguist.
  • P. N. Savitsky (1895–1965)–geographer, economist.
  • G. V. Florovsky (1893–1979)–historian of culture, theologian and patriot.
  • G. V. Vernadsky (1877–1973)–historian and geopolitician.
  • N. N. Alekseev – jurist and politologist.
  • V. N. Ilin – historian of culture, literary scholar and theologian.

Eurasism’s main value consisted in ideas born out of the depth of the tradition of Russian history and statehood. Eurasism looked at the Russian culture not as to a simple component of the European civilization, as to an original civilization, summarizing the experience not only of the West as also–to the same extent–of the East. The Russian people, in this perspective, must not be placed neither among the European nor among the Asian peoples; it belongs to a fully original Eurasian ethnic community. Such originality of the Russian culture and statehood (showing at the same time European and Asian features) also defines the peculiar historical path of Russia, her national-state program, not coinciding with the Western-European tradition. 

Foundations

Civilization concept

The Roman-German civilization has worked out its own system of principles and values, and promoted it to the rank of universal system. This Roman-German system has been imposed on the other peoples and cultures by force and ruse. The Western spiritual and material colonization of the rest of mankind is a negative phenomenon. Each people and culture has its own intrinsic right to evolve according to its own logic. Russia is an original civilization. She is called not only to counter the West, fully safeguarding its own road, but also to stand at the vanguard of the other peoples and countries on Earth defending their own freedom as civilizations. 

Criticism of the Roman-German civilization

The Western civilization built its own system on the basis of the secularisation of Western Christianity (Catholicism and Protestantism), bringing to the fore such values like individualism, egoism, competition, technical progress, consumption, economic exploitation. The Roman-German civilization founds its right to globality not upon spiritual greatness, as upon rough material force. Even the spirituality and strength of the other peoples are evaluated only on the basis of its own image of the supremacy of rationalism and technical progress.

The space factor

There are no universal patterns of development. The plurality of landscapes on Earth produces a plurality of cultures, each one having its own cycles, internal criteria and logics. Geographical space has a huge (sometimes decisive) influence on peoples’ culture and national history. Every people, as long as it develops within some given geographical environment, elaborates its own national, ethical, juridical, linguistic, ritual, economic and political forms. The “place” where any people or state “development” happens predetermines to a great extent the path and sense of this “development”–up to the point when the two elements became one. It is impossible to separate history from spatial conditions, and the analysis of civilizations must proceed not only along the temporal axis (“before,” “after,” “development” or “non-development,” and so on) as also along the spatial axis (“east,” “west,” “steppe,” “mountains,” and so on). No single state or region has the right to pretend to be the standard for all the rest. Every people has its own pattern of development, its own “times,” its own “rationality,” and deserves to be understood and evaluated according to its own internal criteria.

The climate of Europe, the small extension of its spaces, the influence of its landscapes generated the peculiarity of the European civilization, where the influences of the wood (northern Europe) and of the coast (Mediterraneum) prevail. Different landscapes generated different kinds of civilizations: the boundless steppes generated the nomad empires (from the Scythians to the Turks), the loess lands the Chinese one, the mountain islands the Japanese one, the union of steppe and woods the Russian-Eurasian one. The mark of landscape lives in the whole history of each one of these civilizations, and cannot be either separated form them or suppressed.

State and nation

The first Russian slavophiles in the 19th century (Khomyakov, Aksakov, Kirevsky) insisted upon the uniqueness and originality of the Russian (Slav, Orthodox) civilization. This must be defended, preserved and strengthened against the West, on the one hand, and against liberal modernism (which also proceeds from the West), on the other. The slavophiles proclaimed the value of tradition, the greatness of the ancient times, the love for the Russian past, and warned against the inevitable dangers of progress and about the extraneousness of Russia to many aspects of the Western pattern.

From this school the eurasists inherited the positions of the latest slavophiles and further developed their theses in the sense of a positive evaluation of the Eastern influences.

The Muscovite Empire represents the highest development of the Russian statehood. The national idea achieves a new status; after Moscow’s refusal to recognize the Florentine Unia (arrest and proscription of the metropolitan Isidore) and the rapid decay, the Tsargrad Rus’ inherits the flag of the Orthodox empire. 

Political platform

Wealth and prosperity, a strong state and an efficient economy, a powerful army and the development of production must be the instruments for the achievement of high ideals. The sense of the state and of the nation can be conferred only through the existence of a “leading idea.” That political regime, which supposes the establishment of a “leading idea” as a supreme value, was called by the eurasists as “ideocracy”–from the Greek “idea” and “kratos,” power. Russia is always thought of as the Sacred Rus’, as a power [derzhava] fulfilling its own peculiar historical mission. The eurasist world-view must also be the national idea of the forthcoming Russia, its “leading idea.”

The eurasist choice

Russia-Eurasia, being the expression of a steppe and woods empire of continental dimensions, requires her own pattern of leadership. This means, first of all, the ethics of collective responsibility, disinterest, reciprocal help, ascetism, will and tenaciousness. Only such qualities can allow keeping under control the wide and scarcely populated lands of the steppe-woodland Eurasian zone. The ruling class of Eurasia was formed on the basis of collectivism, asceticism, warlike virtue and rigid hierarchy.

Western democracy was formed in the particular conditions of ancient Athens and through the centuries-old history of insular England. Such democracy mirrors the peculiar features of the “local European development.” Such democracy does not represent a universal standard. Imitating the rules of the European “liberal-democracy” is senseless, impossible and dangerous for Russia-Eurasia. The participation of the Russian people to the political rule must be defined by a different term: “demotia,” from the Greek “demos,” people. Such participation does not reject hierarchy and must not be formalized into party-parliamentary structures. “Demotia” supposes a system of land council, district governments or national governments (in the case of peoples of small dimensions). It is developed on the basis of social self-government, of the “peasant” world. An example of “demotia” is the elective nature of church hierarchies on behalf of the parishioners in the Muscovite Rus’. 

The work of L. N. Gumilev as a development of the eurasist thinking

Lev Nikolaevic Gumilev (1912–1992), son of the Russian poet N. Gumilev and of the poetess A. Akhmatova, was an ethnographer, historian and philosopher. He was profoundly influenced by the book of the Kalmuck eurasist E. Khara-Vadan “Gengis-Khan as an army leader” and by the works of Savitsky. In its own works Gumilev developed the fundamental eurasist theses. Towards the end of his life he used to call himself “the last of the eurasists.” 

Basic elements of Gumilev’s theory

  • The theory of passionarity [passionarnost’] as a development of the eurasist idealism;
  • The essence of which, in his own view, lays in the fact that every ethnos, as a natural formation, is subject to the influence of some “energetic drives,” born out of the cosmos and causing the “passionarity effect,” that is an extreme activity and intensity of life. In such conditions the ethnos undergoes a “genetic mutation,” which leads to the birth of the “passionaries”–individuals of a special temper and talent. And those become the creators of new ethnoi, cultures, and states;
  • Drawing the scientific attention upon the proto-history of the “nomad empires” of the East and the discovery of the colossal ethnic and cultural heritage of the autochthone ancient Asian peoples, which was wholly passed to the great culture of the ancient epoch, but afterwards fell into oblivion (Huns, Turks, Mongols, and so on);
  • The development of a turkophile attitude in the theory of “ethnic complementarity.”

0_9b9e1_f9f45d79_L.jpgAn ethnos is in general any set of individuals, any “collective”: people, population, nation, tribe, family clan, based on a common historical destiny. “Our Great-Russian ancestors–wrote Gumilev–in the 15th, 16th and 17th centuries easily and rather quickly mixed with the Volga, Don and Obi Tatars and with the Buriates, who assimilated the Russian culture. The same Great-Russian easily mixed with the Yakuts, absorbing their identity and gradually coming into friendly contact with Kazakhs and Kalmucks. Through marriage links they pacifically coexisted with the Mongols in Central Asia, as the Mongols themselves and the Turks between the 14th and 16th centuries were fused with the Russians in Central Russia.” Therefore the history of the Muscovite Rus’ cannot be understood without the framework of the ethnic contacts between Russians and Tatars and the history of the Eurasian continent.

The advent of neo-eurasism: historical and social context

The crisis of the Soviet paradigm

In the mid-1980s the Soviet society began to lose its connection and ability to adequately reflect upon the external environment and itself. The Soviet models of self-understanding were showing their cracks. The society had lost its sense of orientation. Everybody felt the need for change, yet this was but a confused feeling, as no-one could tell the way the change would come from. In that time a rather unconvincing divide began to form: “forces of progress” and “forces of reaction,” “reformers” and “conservators of the past,” “partisans of reforms” and “enemies of reforms.” 

Infatuation for the western models

In that situation the term “reform” became in itself a synonym of “liberal-democracy.” A hasty conclusion was inferred, from the objective fact of the crisis of the Soviet system, about the superiority of the western model and the necessity to copy it. At the theoretical level this was all but self-evident, since the “ideological map” offers a sharply more diversified system of choices than the primitive dualism: socialism vs. capitalism, Warsaw Pact vs. NATO. Yet it was just that primitive logic that prevailed: the “partisans of reform” became the unconditional apologists of the West, whose structure and logic they were ready to assimilate, while the “enemies of reform” proved to be the inertial preservers of the late Soviet system, whose structure and logic they grasped less and less. In such condition of lack of balance, the reformers/pro-westerners had on their side a potential of energy, novelty, expectations of change, creative drive, perspectives, while the “reactionaries” had nothing left but inertness, immobilism, the appeal to the customary and already-known. In just this psychological and aesthetic garb, liberal-democratic policy prevailed in the Russia of the 1990s, although nobody had been allowed to make a clear and conscious choice.

The collapse of the state unity

The result of “reforms” was the collapse of the Soviet state unity and the beginning of the fall of Russia as the heir of the USSR. The destruction of the Soviet system and “rationality” was not accompanied by the creation of a new system and a new rationality in conformity to national and historical conditions. There gradually prevailed a peculiar attitude toward Russia and her national history: the past, present and future of Russia began to be seen from the point of view of the West, to be evaluated as something stranger, transcending, alien (“this country” was the “reformers’” typical expression). That was not the Russian view of the West, as the Western view of Russia. No wonder that in such condition the adoption of the western schemes even in the “reformers’” theory was invoked not in order to create and strengthen the structure of the national state unity, but in order to destroy its remains. The destruction of the state was not a casual outcome of the “reforms”; as a matter of fact, it was among their strategic aims.

The birth of an anti-western (anti-liberal) opposition in the post-Soviet environment

In the course of the “reforms” and their “deepening,” the inadequacy of the simple reaction began to be clear to everyone. In that period (1989–90) began the formation of a “national-patriotic opposition,” in which there was the confluence of part of the “Soviet conservatives” (ready to a minimal level of reflection), groups of “reformers” disappointed with “reforms” or “having become conscious of their anti-state direction,” and groups of representatives of the patriotic movements, which had already formed during the perestroika and tried to shape the sentiment of “state power” [derzhava] in a non-communist (orthodox-monarchic, nationalist, etc.) context. With a severe delay, and despite the complete absence of external strategic, intellectual and material support, the conceptual model of post-Soviet patriotism began to vaguely take shape.

Neo-eurasism

Neo-eurasism arose in this framework as an ideological and political phenomenon, gradually turning into one of the main directions of the post-Soviet Russian patriotic self-consciousness. 

Stages of development of the neo-eurasist ideology

1st stage (1985–90)

  • Dugin’s seminars and lectures to various groups of the new-born conservative-patriotic movement. Criticism of the Soviet paradigm as lacking the spiritual and national qualitative element.
  • In 1989 first publications on the review Sovetskaya literatura [Soviet Literature]. Dugin’s books are issued in Italy (Continente Russia [Continent Russia], 1989) and in Spain (Rusia Misterio de Eurasia [Russia, Mystery of Eurasia], 1990).
  • In 1990 issue of René Guénon’s Crisis of the Modern World with comments by Dugin, and of Dugin’s Puti Absoljuta [The Paths of the Absolute], with the exposition of the foundations of the traditionalist philosophy.

In these years eurasism shows “right-wing conservative” features, close to historical traditionalism, with orthodox-monarchic, “ethnic-pochevennik” [i.e., linked to the ideas of soil and land] elements, sharply critical of “Left-wing” ideologies.

2nd stage (1991–93)

  • Begins the revision of anti-communism, typical of the first stage of neo-eurasism. Revaluation of the Soviet period in the spirit of “national-bolshevism” and “Left-wing eurasism.”
  • Journey to Moscow of the main representatives of the “New Right” (Alain de Benoist, Robert Steuckers, Carlo Terracciano, Marco Battarra, Claudio Mutti and others).
  • Eurasism becomes popular among the patriotic opposition and the intellectuals. On the basis of terminological affinity, A. Sakharov already speaks about Eurasia, though only in a strictly geographic–instead of political and geopolitical–sense (and without ever making use of eurasism in itself, like he was before a convinced atlantist); a group of “democrats” tries to start a project of “democratic eurasism” (G. Popov, S. Stankevic, L. Ponomarev).
  • O. Lobov, O. Soskovets, S. Baburin also speak about their own eurasism.
  • In 1992–93 is issued the first number of Elements: Eurasist Review. Lectures on geopolitics and the foundations of eurasism in high schools and universities. Many translations, articles, seminars.

3rd stage (1994–98): theoretical development of the neo-eurasist orthodoxy

  • Issue of Dugin’s main works Misterii Evrazii [Mysteries of Eurasia] (1996), Konspirologija [Conspirology] (1994), Osnovy Geopolitiki [Foundations of geopolitics] (1996), Konservativnaja revoljutsija [The conservative revolution] (1994), Tampliery proletariata [Knight Templars of the Proletariat] (1997). Works of Trubetskoy, Vernadsky, Alekseev and Savitsky are issued by “Agraf” editions (1995–98).
  • Creation of the “Arctogaia” web-site (1996) – www.arctogaia.com [2].
  • Direct and indirect references to eurasism appear in the programs of the KPFR (Communist Party], LDPR [Liberal-Democratic Party], NDR [New Democratic Russia] (that is left, right, and centre). Growing number of publications on eurasist themes. Issue of many eurasist digests.
  • Criticism of eurasism from Russian nationalists, religious fundamentalists and orthodox communists, and also from the liberals.
  • Manifestations of an academic “weak” version of eurasism (Prof. A. S. Panarin, V. Ya. Paschenko, F.Girenok and others) – with elements of the illuminist paradigm, denied by the eurasist orthodoxy – then evolving towards more radically anti-western, anti-liberal and anti-gobalist positions.
  • Inauguration of a university dedicated to L. Gumilev in Astan [Kazakhstan].

4th stage (1998–2001)

  • Gradual de-identification of neo-eurasism vis-à-vis the collateral political-cultural and party manifestations; turning to the autonomous direction (“Arctogaia,” “New University,” “Irruption” [Vtorzhenie]) outside the opposition and the extreme Left and Right-wing movements.
  • Apology of staroobrjadchestvo [Old Rite].
  • Shift to centrist political positions, supporting Primakov as the new premier. Dugin becomes the adviser to the Duma speaker G. N. Seleznev.
  • Issue of the eurasist booklet Nash put’ [Our Path] (1998).
  • Issue of Evraziikoe Vtorzhenie [Eurasist Irruption] as a supplement to Zavtra. Growing distance from the opposition and shift closer to the government’s positions.
  • Theoretical researches, elaborations, issue of “The Russian Thing” [Russkaja vesch’] (2001), publications in Nezavisimaja Gazeta, Moskovskij Novosti, radio broadcasts about “Finis Mundi” on Radio 101, radio broadcasts on geopolitical subjects and neo-eurasism on Radio “Svobodnaja Rossija” (1998–2000).

5th stage (2001–2002)

  • Foundation of the Pan-Russian Political Social Movement EURASIA on “radical centre” positions; declaration of full support to the President of the Russian Federation V. V. Putin (April 21, 2001).
  • The leader of the Centre of Spiritual Management of the Russian Muslims, sheik-ul-islam Talgat Tadjuddin, adheres to EURASIA.
  • Issue of the periodical Evraziizkoe obozrenie [Eurasist Review].
  • Appearance of Jewish neo-eurasism (A. Eskin, A. Shmulevic, V. Bukarsky).
  • Creation of the web-site of the Movement EURASIA: www.eurasia.com.ru [3]
  • Conference on “Islamic Threat or Threat to Islam?.” Intervention by H. A. Noukhaev, Chechen theorist of “Islamic eurasism” (“Vedeno or Washington?,” Moscow, 2001].
  • Issue of books by E. Khara-Davan and Ya. Bromberg (2002).
  • Process of transformation of the Movement EURASIA into a party (2002).

Basic philosophical positions of neo-eurasism

pour-une-theorie-du-monde-multipolaire.jpgAt the theoretical level neo-eurasism consists of the revival of the classic principles of the movement in a qualitatively new historical phase, and of the transformation of such principles into the foundations of an ideological and political program and a world-view. The heritage of the classic eurasists was accepted as the fundamental world-view for the ideal (political) struggle in the post-Soviet period, as the spiritual-political platform of “total patriotism.”

The neo-eurasists took over the basic positions of classical eurasism, chose them as a platform, as starting points, as the main theoretical bases and foundations for the future development and practical use. In the theoretical field, neo-eurasists consciously developed the main principles of classical eurasism taking into account the wide philosophical, cultural and political framework of the ideas of the 20th century.

Each one of the main positions of the classical eurasists (see the chapter on the “Foundations of classical eurasism”) revived its own conceptual development.

Civilization concept

Criticism of the western bourgeois society from “Left-wing” (social) positions was superimposed to the criticism of the same society from “Right-wing” (civilizational) positions. The eurasist idea about “rejecting the West” is reinforced by the rich weaponry of the “criticism of the West” by the same representatives of the West who disagree with the logic of its development (at least in the last centuries). The eurasist came only gradually, since the end of the 1980s to the mid-1990s, to this idea of the fusion of the most different (and often politically contradictory) concepts denying the “normative” character of the Western civilization.

The “criticism of the Roman-German civilization” was thoroughly stressed, being based on the prioritary analysis of the Anglo-Saxon world, of the US. According to the spirit of the German Conservative Revolution and of the European “New Right,” the “Western world” was differentiated into an Atlantic component (the US and England) and into a continental European component (properly speaking, a Roman-German component). Continental Europe is seen here as a neutral phenomenon, liable to be integrated–on some given conditions–in the eurasist project.

The spatial factor

Neo-eurasism is moved by the idea of the complete revision of the history of philosophy according to spatial positions. Here we find its trait-d’union in the most varied models of the cyclical vision of history, from Danilevsky to Spengler, from Toynbee to Gumilev.

Such a principle finds its most pregnant expression in traditionalist philosophy, which denies the ideas of evolution and progress and founds this denial upon detailed metaphysical calculations. Hence the traditional theory of “cosmic cycles,” of the “multiple states of Being,” of “sacred geography,” and so on. The basic principles of the theory of cycles are illustrated in detail by the works of Guénon (and his followers G. Georgel, T. Burckhardt, M. Eliade, H. Corbin). A full rehabilitation has been given to the concept of “traditional society,” either knowing no history at all, or realizing it according to the rites and myths of the “eternal return.” The history of Russia is seen not simply as one of the many local developments, but as the vanguard of the spatial system (East) opposed to the “temporal” one (West). 

State and nation

Dialectics of national history

It is led up to its final, “dogmatical” formulation, including the historiosophic paradigm of “national-bolshevism” (N. Ustryalov) and its interpretation (M. Agursky). The pattern is as follows:

  • The Kiev period as the announcement of the forthcoming national mission (IX-XIII centuries);
  • Mongolian-Tatar invasion as a scud against the levelling European trends, the geopolitical and administrative push of the Horde is handed over to the Russians, division of the Russians between western and eastern Russians, differentiation among cultural kinds, formation of the Great-Russians on the basis of the “eastern Russians” under the Horde’s control (13th–15th centuries);
  • The Muscovite Empire as the climax of the national-religious mission of Rus’ (Third Rome) (15th–end of the 17th century);
  • Roman-German yoke (Romanov), collapse of national unity, separation between a pro-western elite and the national mass (end of the 17th-beginning of the 20th century);
  • Soviet period, revenge of the national mass, period of the “Soviet messianism,” re-establishment of the basic parameters of the main muscovite line (20th century);
  • Phase of troubles, that must end with a new eurasist push (beginning of the 21st century).

Political platform

Neo-eurasism owns the methodology of Vilfrido Pareto’s school, moves within the logic of the rehabilitation of “organic hierarchy,” gathers some Nietzschean motives, develops the doctrine of the “ontology of power,” of the Christian Orthodox concept of power as “kat’echon.” The idea of “elite” completes the constructions of the European traditionalists, authors of researches about the system of castes in the ancient society and of their ontology and sociology (R. Guénon, J. Evola, G. Dumézil, L. Dumont). Gumilev’s theory of “passionarity” lies at the roots of the concept of “new eurasist elite.”

The thesis of “demotia” is the continuation of the political theories of the “organic democracy” from J.-J. Rousseau to C. Schmitt, J. Freund, A. de Benoist and A. Mueller van der Bruck. Definition of the eurasist concept of “democracy” (“demotia”) as the “participation of the people to its own destiny.”

The thesis of “ideocracy” gives a foundation to the call to the ideas of “conservative revolution” and “third way,” in the light of the experience of Soviet, Israeli and Islamic ideocracies, analyses the reason of their historical failure. The critical reflection upon the qualitative content of the 20th century ideocracy brings to the consequent criticism of the Soviet period (supremacy of quantitative concepts and secular theories, disproportionate weight of the classist conception).

The following elements contribute to the development of the ideas of the classical eurasists:

The philosophy of traditionalism (Guénon, Evola, Burckhardt, Corbin), the idea of the radical decay of the “modern world,” profound teaching of the Tradition. The global concept of “modern world” (negative category) as the antithesis of the “world of Tradition” (positive category) gives the criticism of the Western civilization a basic metaphysic character, defining the eschatological, critical, fatal content of the fundamental (intellectual, technological, political and economic) processes having their origin in the West. The intuitions of the Russian conservatives, from the slavophiles to the classical eurasists, are completed by a fundamental theoretical base. (see A. Dugin, Absoljutnaja Rodina [The Absolute Homeland], Moscow 1999; Konets Sveta [The End of the World], Moscow 1997; Julius Evola et le conservatisme russe, Rome 1997).

The investigation on the origins of sacredness (M. Eliade, C. G. Jung, C. Levi-Strauss), the representations of the archaic consciousness as the paradigmatic complex manifestation laying at the roots of culture. The reduction of the many-sided human thinking, of culture, to ancient psychic layers, where fragments of archaic initiatic rites, myths, originary sacral complexes are concentrated. Interpretation of the content of rational culture through the system of the ancient, pre-rational beliefs (A. Dugin, “The evolution of the paradigmatic foundations of science” [Evoljutsija paradigmal’nyh osnovanij nauki], Moscow 2002).

The search for the symbolic paradigms of the space-time matrix, which lays at the roots of rites, languages and symbols (H. Wirth, paleo-epigraphic investigations). This attempt to give a foundation to the linguistic (Svityc-Illic), epigraphic (runology), mythological, folkloric, ritual and different monuments allows to rebuild an original map of the “sacred concept of the world” common to all the ancient Eurasian peoples, the existence of common roots (see A. Dugin Giperborejskaja Teorija [Hyperborean Theory], Moscow 1993.

A reassessment of the development of geopolitical ideas in the West (Mackinder, Haushofer, Lohhausen, Spykman, Brzeszinski, Thiriart and others). Since Mackinder’s epoch, geopolitical science has sharply evolved. The role of geopolitical constants in 20th century history appeared so clear as to make geopolitics an autonomous discipline. Within the geopolitical framework, the concept itself of “eurasism” and “Eurasia” acquired a new, wider meaning.

From some time onwards, eurasism, in a geopolitical sense, began to indicate the continental configuration of a strategic (existing or potential) bloc, created around Russia or its enlarged base, and as an antagonist (either actively or passively) to the strategic initiatives of the opposed geopolitical pole–“Atlantism,” at the head of which at the mid-20th century the US came to replace England.

The philosophy and the political idea of the Russian classics of eurasism in this situation have been considered as the most consequent and powerful expression (fulfilment) of eurasism in its strategic and geopolitical meaning. Thanks to the development of geopolitical investigations (A. Dugin, Osnovye geopolitiki [Foundations of geopolitics], Moscow 1997) neo-eurasism becomes a methodologically evolved phenomenon. Especially remarkable is the meaning of the Land – Sea pair (according to Carl Schmitt), the projection of this pair upon a plurality of phenomena – from the history of religions to economics.

The search for a global alternative to globalism, as an ultra-modern phenomenon, summarizing everything that is evaluated by eurasism (and neo-eurasism) as negative. Eurasism in a wider meaning becomes the conceptual platform of anti-globalism, or of the alternative globalism. “Eurasism” gathers all contemporary trends denying globalism any objective (let alone positive) content; it offers the anti-globalist intuition a new character of doctrinal generalization.

The assimilation of the social criticism of the “New Left” into a “conservative right-wing interpretation” (reflection upon the heritage of M. Foucault, G. Deleuze, A. Artaud, G. Debord). Assimilation of the critical thinking of the opponents of the bourgeois western system from the positions of anarchism, neo-marxism and so on. This conceptual pole represents a new stage of development of the “Left-wing” (national-bolshevik) tendencies existing also among the first eurasists (Suvchinskij, Karsavin, Efron), and also a method for the mutual understanding with the “left” wing of anti-globalism.

“Third way” economics, “autarchy of the great spaces.” Application of heterodox economic models to the post-Soviet Russian reality. Application of F. List’s theory of the “custom unions.” Actualization of the theories of S. Gesell. F. Schumpeter, F. Leroux, new eurasist reading of Keynes.

Source: Ab Aeterno, no. 3, June 2010.

 


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

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lundi, 16 décembre 2013

Costanzo Preve: un philosophe critique nous a quitté

Costanzo Preve: un philosophe critique nous a quitté

Michel Lhomme
Ex: http://metamag.fr
 
coppreve.jpgLe grand philosophe italien, Costanzo Preve nous a quitté fin novembre. Né à Valence en 1943, il est décédé ce 23 novembre à Turin. C'était sans doute, pour nous,le dernier marxiste vivant, le dernier en tout cas qui mérite fortement cette appellation de par sa rigueur d'analyse et son absence de compromissions, l'exact opposé des marxistes français comme Alain Badiou ou Etienne Balibar totalement asservis aux idéologies du capital et incapables d'avoir saisi en temps réel la manipulation du ''grand remplacement'', l'aliénation de l'immigration et des sans papiers comme armée de réserve du capital, bataillons de la bourgeoisie française, fossoyeurs de l'identité européenne.
 
Heureusement, d'Italie, Costanzo Preve nous réconciliait avec les communistes, les Lukacs et les Gramsci de la grande époque. Costanzo Preve avait été un grand professeur, enseignant d'histoire et de philosophie de 1967 à 2002, toujours proche des jeunes, jusqu'à sa retraite. Il ne fut jamais universitaire. Il avait été membre du Parti Communiste italien de 1973 à 1975 et en 1978, il avait participé à la création du Centre d'Etudes du Matérialisme historique à Pistoia. Costanzo Preve est un auteur prolifique et, depuis quelques années, je ne manquai aucune de ses publications. Je me souviens même avoir travaillé tout un été, en plein Océan indien, sur une traduction de notre auteur. Le style était impeccable. C'est un style qui s'est perdu parce qu'il suppose le matérialisme historique, la dialectique quasi dans les veines ou dans les gènes, c'est le style radical du grand Pasolini des Ecrits Corsaires mais chez Preve, c'était un style beaucoup plus conceptuel, beaucoup moins poétique et lyrique, beaucoup plus cérébral.
 
Il écrivait dans de très nombreuses revues et contrairement aux pseudo-marxistes français sectaires, il avait toujours la noblesse de citer ses sources, fussent-elles à contre-courant. La chute du Mur de Berlin ne le désarma pas, bien au contraire car il était un révolutionnaire critique, n'hésitant pas à dénoncer la conjonction criminelle dans l'histoire contemporaine du sionisme et de l'américanisme. Costanzo Preve était un penseur transversal, transcourant très italien car dans l'hexagone, la transversalité est quasi criminelle. 

A la fin de sa vie, ces dernières années alors qu'il semblait très fatigué et malade, Costanzo Preve, toujours au bureau à écrire ou à lire,  dialoguait avec Alain de Benoist ou Alexandre Douguine, le théoricien de la quatrième théorie et de l'eurasisme. Pour donner, ici-même, un aperçu de Costanzo Preve, j'offre au lecteur de Metamag cette petite traduction d'un entretien de Preve sur Carl Schmitt. Preve y déclare : “La raison pour laquelle j'acceptai pour l'essentiel la dichotomie schmittienne [ami-ennemi] réside dans le fait que celle-ci décrit avec une admirable précision la situation historico-politique qui s'est créée au vingtième siècle et surtout qu'elle permet de nommer l'empire idéocratique américain comme étant l'ennemi principal. En effet, ce dernier est l'ennemi principal non pas parce qu'il demeure le seul empire  capitaliste qui reste (la Russie, la Chine, l'Inde, etc. sont aussi cent pour cent capitalistes), mais parce que son existence brute coordonne, aussi bien sur le plan militaire mais surtout dans le domaine culturel, la reproduction totale d'un capitalisme globalisé mondial, imposant ses règles financières. C'est pour cela qu'il est l'ennemi principal, et non pas parce que ses rivaux seraient par principe “humainement” meilleurs. (…) De plus, Schmitt a été l'unique penseur du vingtième siècle qui a mis en relief de manière claire et paradigmatique le fait que l'immorale légitimation particulière de la puissance maritime américaine s'est édifiée à travers la référence à une prétendue “humanité”. (…) Aujourd'hui, le paradoxe dialectique est celui-ci: l'ennemi principal est présentement celui qui se présente comme le principal ami de l'humanité, celui qui prétend soumettre à “la manière universaliste” sa  structure économique, politique et sociale particulière, et le fait au nom d'un mandat religieux, d'une divinité auto-attribuée, d'un authentique Antéchrist, fruit d'une fusion monstrueuse entre le fondamentalisme judéo vétérotestamentaire et le puritanisme calviniste des “élus”.''

2867909646.jpgEn fait, peu connaissent en dehors du cercle étroit des schmittiens, la profondeur du travail intellectuel de Costanzo Preve, l'importance de son analyse critique. Le philosophe italien n'était pas un sorbonnard ou un agrégatif mais un résistant au pied de la lettre et au chevet de la lutte, un vrai camarade, un authentique compagnon, un dissident. La formation intellectuelle est la condition de toute action. Il ne saurait y avoir de résistance culturelle sans dialectique. Dans une telle formation, le marxisme est aussi une priorité méthodologique. Comme il faut lire Dominique Venner, il faut faire lire Costanzo Preve à tout candidat de l'esprit critique. Bien sûr, la pensée unique universitaire attaquera les idées d'un Costanzo Preve mais c'est parce que de telles idées peuvent la faire descendre de son piédestal et la vaincre de par sa méthode et sa rigueur scientifique. Les idées dissidentes sont larges et il y a en fait une infinité de penseurs oubliés, de syndicalistes inconnus, d'économistes à relire (nous pensons par exemple au protestant Charles Gide). 

En rendant ici même hommage à Costanzo Preve, nous souhaitons dire simplement aux plus jeunes qu'il faut par principe tout lire et dédier tous ses efforts à la diffusion des pages critiques des hommes et des femmes ouverts, libres d'opiner contre leurs propres partis, libres de désirer mourir pour des idées, libres en définitive de mourir en transmettant à leurs enfants les enseignements et les principes de tolérance intellectuelle qui furent toujours la valeur même de l'esprit européen. Malgré la dictature de la pensée unique, Costanzo Preve n'abandonna jamais et ne se tut jamais car on ne peut taire la vérité quand bien même demain, on nous préviendrait subrepticement que nous serons menottés.

N.B: De Costanzo Preve, nous recommandons en français son Histoire critique du marxisme chez Armand Colin, coll. ''U'' et L'éloge du communautarisme: Aristote-Hegel-Marx, Krisis, Paris 2012. Le dernier ouvrage publié en français est La quatrième guerre mondiale, Astrée, Paris 2013.

jeudi, 28 novembre 2013

Dossier "Preve"

costanzo-preve_mr.jpgEl pasado día 23 de noviembre murió en la ciudad de Turín el filósofo italiano Costanzo Preve (nacido en Valenza en 1943). Filósofo marxista y profesor de historia y de filosofía de 1967 a 2002. Miembro del PCI de 1973 a 1975. En 1978 participó en la creación del Centro Studi di Materialismo Storico (CSMS).

Escribió unos sesenta libros sobre diversos temas y colaboró en numerosas publicaciones. Tras la caída del muro de Berlín participó en actividades del campo anti-imperialista contra la política norteamericana y sionista. En los últimos años apostó por la crítica transversal, colaborando por ejemplo con Alain de Benoist.

Como ha expresado Alexander Dugin en una conocida red social: “He was excellent Italian Marxist intellectual with positive attitude to the eurasianism and 4PT. Great loss. Constanzo Preve?Presente!” (“Nuestro amigo Costanzo Preve ha muerto. Era un excelente intelectual marxista italiano con una actitud positiva hacia el eurasianismo y la 4TP. Gran pérdida. Costanzo Preve – ¡Presente!).

El último número de la revista Nihil Obstat publica un trabajo de Costanzo Preve, dentro del dossier: “La izquierda. Crisis e identidad”.

Enlazamos dos vídeos, en italiano, del acto de presentación del número 2/2005 de la revista italiana “Eurasia”, que contó con la intervención, entre otros, de Alexander Dugin y del recientemente desaparecido Costanzo Preve.

Fuente: La Cuarta Teoría Política en español

Costanzo Preve: “Hoy la paradoja dialéctica está en esto: el enemigo principal es precisamente el que se presenta como el principal amigo de la humanidad”

“La razón por la que acepto en lo esencial la dicotomía schmittiana [amigo-enemigo] está en el hecho de que esta describe con admirable aproximación la situación histórico-política que se creó en el siglo XX y sobre todo permite nombrar al imperio ideocrático americano como el enemigo principal. Este es el enemigo principal no porque sea el único imperio capitalista (también Rusia, China, India, etc. son capitalistas al cien por cien), sino porque su existencia bruta coordina, tanto en el plano militar como sobre todo en el cultural, la entera reproducción capitalista globalizada mundial, imponiendo sus reglas financieras. Por esto es el enemigo principal, no ciertamente porque sus competidores sean “humanamente” mejores. (…) Además, Schmitt ha sido el único pensador del siglo XX que ha puesto de relieve de modo claro y “reproducible” que la sucia legitimación particularista de la potencia marítima americana ha sido edificada a través de la referencia a una presunta “humanidad”. (…) Hoy la paradoja dialéctica está en esto: el enemigo principal es precisamente el que se presenta como el principal amigo de la humanidad, a la que pretende conformar “universalistamente” a su  estructura económica, política y social particularista, y lo hace en nombre de un mandato religioso, de una divinidad auto-atribuida, un auténtico Anti-Cristo fruto de una fusión monstruosa entre fundamentalismo judío veterotestamentario y puritanismo calvinista de los “elegidos” “.

Costanzo Preve

Fuente: Arianna Editrice

Extraído de: La Cuarta Teoría Política en español

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Sobre el concepto de comunismo

por Costanzo Preve -  Turín, febrero 2009.

1.- En una correspondencia epistolar en la red con Atilio Mangano, publicada en su blog (ripensaremarx.splinder.com), Gianfranco La Grassa (en adelante GLG) admite abiertamente que ya no puede llamarse “comunista”, que es anticapitalista sin comunismo; en resumen, él admite que ya no maneja el concepto de comunismo. Se trata de una confesión que le honra. Desde el momento en que GLG es un verdadero especialista en Marx y no un caótico charlatán, está claro que no puede contentarse con afirmaciones antieducativas de tipo narcisista-existencialista a lo Pietro Ingrao para quien el comunista es aquel que “se siente comunista” o “se declara comunista”. Por lo mismo que un loco de manicomio que se declara Napoleón debería ser verdaderamente Napoleón. Si hubiera en Italia una discusión marxista seria, en lugar de blogs auto referenciales en recíproca lucha sectaria, la confesión de GLG provocaría una discusión. Pero esto no ocurrirá. No importa, yo voy a discutirla.

2.- Según el Dictionnaire Critique du Marxisme de Labica y Benusan, en la palabra “Comunismo”, se pueden leer unas interesantes puntualizaciones:

(a) Hasta La Ideología alemana de 1845, Marx nunca usó el término “comunismo” sino el de “socialismo”. En este contexto histórico, el comunismo no era sino el reparto igualitario de bienes y Marx lo critica en los Manuscritos de 1844 con la curiosa expresión “propiedad privada general”.

(b) en los Manuscritos de 1844, Marx está pensando aún el socialismo en términos “conviviales” y comunitarios de una asamblea reunida en torno a una mesa común fraternal (de donde viene el término “compañeros”, cum-pane, el que comparte conmigo el pan). Los orígenes comunitario-conviviales del término comunismo en 1844 están filológicamente documentados y el que quiera separar comunismo de comunitarismo debe destruir toda la documentación existente. (c) en los Manuscritos de 1844 hay una centralidad del concepto de alienación. Como se sabe hay escuelas marxistas (entre las cuales la escuela althuseriana de GLG) que quisieran deshacerse de este concepto “juvenil”. Otras escuelas, como la mía, tienen al respecto una opinión contraria y sostienen su permanencia y centralidad durante toda la vida de Marx. Una, no la única, de las razones por la que yo la mantengo como central es que en Marx la crítica al concepto abstracto de alienación es inseparable del concepto concreto de división del trabajo. Y un comunismo que obvia la división del trabajo, tal y como está ocurriendo hoy en día, se parece más bien poco a un “comunismo” y mucho a una ingeniería social de tipo positivista.

(d) En La ideología Alemana de 1845 tenemos la no casual co-presencia de dos conceptos nuevos. De una parte, el concepto de modo de producción capitalista, cuyos nombre y concepto no existían antes de 1845. Por otra parte, el concepto de comunismo no como un ideal a realizar, sino como un movimiento real que intenta abolir el actual estado de cosas. El verdadero “materialismo histórico” nace como tal, solamente en 1845, a través de la conexión dialéctica orgánica del modo de producción capitalista, de las contradicciones de este modo de producción (burguesía y proletariado, fuerzas productivas y relaciones de producción, etc.), y del comunismo como movimiento real.

(e) En el Capital, capítulo sobre el fetichismo de la mercancía, Marx piensa el capitalismo a diferencia del robinsonismo y en contraste con el “sombrío” mundo feudal y con la explotación agraria familiar, a través de la representación “de una asociación de hombres libres que trabajan con medios de producción colectivos y emplean, conscientemente, sus numerosas fuerzas de trabajo individuales como una fuerza de trabajo social (…) Las relaciones sociales de los hombre en sus trabajos y con los productos de estos, siguen aquí siendo diáfanamente sencillas, tanto en lo que respecta a la producción como en lo que atañe a la distribución”.

Resumiendo: si las palabras tienen un sentido, el comunismo resulta de tres conceptos de comunidad (comunidad de trabajo, comunidad de producción, comunidad de distribución), de planificación (es decir, de la preponderancia de un plan sobre el mercado) y, en fin, de transparencia (las relaciones sociales “comunistas” son “transparentes” y, al contrario, no están ensombrecidas por el fetichismo de la mercancía, debido a su vez a la alienación de los productos del trabajo; por lo que, como se puede ver, yo rechazo radicalmente la lectura de Althuser y de GLG de la separación entre el concepto de alienación y el concepto de fetichismo de la mercancía, conceptos que yo considero al contrario, lógica e históricamente interconectados).

(f) En los escritos de alrededor de 1870 y de la Comuna de París, Marx muestra que para él el comunismo es la “asociación de los productores”. Esta asociación de los productores tiene dos bases: la reapropiación del plusproducto social apropiado por las clases explotadoras y la democracia directa de los productores mismos. Marx ve así, ligadas, la democracia directa y la extinción del Estado, porque para él la democracia directa es incompatible con la permanencia del Estado, por muy “democratizado” que sea.

wutwiderstand-kopie.jpg(g) El la Crítica al programa de Gotha de 1875, Marx distingue dos fases en el paso al comunismo, la primera fase (de cada uno según sus capacidades, a cada uno según su trabajo) y la segunda fase (de cada uno según sus capacidades, a cada uno según sus necesidades). Es una distinción generalmente muy conocida hasta por los principiantes de los estudios de marxismo.

En la interpretación clásica del marxismo, la primera fase se viene llamando “socialismo” y la segunda, “comunismo”. Gracias a los estudios de la tendencia maoísta occidental (Althuser, Bettelheim, Natoli, etc.) se da por cierto que esta distinción es inexacta. El socialismo de hecho, no es para Marx un modo de producción autónomo, sino simplemente la transición del capitalismo al comunismo, en la que perdura la lucha de clases entre burguesía y proletariado entorno a las dos “líneas” del partido (teoría de la revolución cultural de Mao Tsé-tung y del maoísmo europeo).

El discurso debería ser más largo y mejor articulado, pero contentémonos de momento con estos siete puntos introductorios. Y sobre todo, comentémoslos de manera libre y desprovista de prejuicios.

3. Para quien conozca la filosofía de Hegel y no habla de oídas como un borracho en la taberna, es evidente que el comunismo de Marx no se “superpone” a la historia como un proyecto racional abstracto, sino que emerge del desarrollo de determinaciones dialécticas (en el sentido de determinaciones del finito que reenvía a otra cosa distinta a sí mismo), y por consiguiente está contenido en el capitalismo como su posibilidad ontológica objetiva. Quien conozca la Fenomenología del espíritu, y no el que escupe sobre ella sin conocerla más que de oídas, reconocerá en ella la teoría del Saber Absoluto de Hegel para quien “la fuerza del espíritu consiste más bien en permanecer igual a sí mismo en su exteriorización”. Si intentamos deducir el comunismo no sólo de una posibilidad objetiva no necesitada por nada vinculante (el dynamei on aristotélico), sino por una necesidad histórica que toma la forma (loca) de una ley natural positivista, quedaríamos en un impás.

La “ciencia” así entendida nunca podría deducir científicamente el paso del capitalismo al comunismo.

4. El fallo de todos los “cientifismos”, desde Lucio Colletti hasta Gianfranco La Grassa, está pues inscrito desde un principio en el carácter erróneo de sus presupuestos. Y como a mi no me extraña en absoluto que Collletti, lleno se su estúpido rencor hacia Hegel, mucho mejor que él, se haya pasado al fin de Marx a Popper, tampoco me extraña que Gianfranco La Grassa, basándose en que el comunismo es tan aleatorio como la caída de un meteorito, afirme en su correspondencia con Mangano que “creer en el comunismo es como creer en Dios” y que la creencia en le comunismo es una simple manera de dar sentido a la propia vida, análogo desde este punto de vista a la creencia cristiana.

Los que quieren fundar el comunismo sobre la ciencia científica depurada de la horrible tríada irracionalista filosofía-idealismo-humanismo, sobre la que, al revés, yo fundamento racionalmente mi comunismo, lo reivindico y me enorgullezco, llegan necesariamente a la excomunión de Pascal, es decir, a la fe comunista equiparada a la fe en Dios.

¿Que si me extraña? ¡Ni en sueños! Desde hace varios años yo he llegado a la conclusión calma y prudente (falible y provisional como toda conclusión) que el peor irracionalismo, ese que es incurable (e incurable porque no sabe socráticamente que no sabe) es la arrogancia cientifista, la que se descarga en su odio contra la filosofía, el humanismo y el idealismo, el comunitarismo, el decrecimiento, etc. Al final, su delirio cientifista se les derrite en las manos como un helado al sol y tienen que hablar primero del comunismo aleatorio como la caída de un meteorito y después, de la fe en el comunismo como algo parecido, igual incluso, a la fe en Dios.

Todo esto merece unos breves comentarios.

5. Dicho de manera sintética, el paradigma teórico de GLG puede resumirse así: el análisis del modo de producción capitalista es una ciencia, mientras que el comunismo es una religión.

Este modelo teórico nada tiene que ver con el de Marx. Fíjense bien que yo no he dicho que sea una interpretación discutible de Marx. Interpretaciones de Marx hay por centenas. Por ejemplo, mi interpretación de Marx (la de Costanzo Preve) es una interpretación discutible: Marx es el tercer gran pensador idealista después de Fichte y Hegel; en Marx el materialismo tiene únicamente un status metafórico complementario pero no fundamental: el arte, la religión, la filosofía, no son superestructuras; el Estado tampoco se extinguirá en el comunismo; el humanismo es parte integrante en el pensamiento de Marx; el comunitarismo está en la base del concepto de comunismo, etc. Es el caso de decir: ¡nada más discutible que esto!

Y sin embargo, por muy discutible que sea, mi interpretación está en todo conforme al proyecto de Marx, fundado en el hecho de poner juntos capitalismo y comunismo y en el pensar el comunismo a partir de la contradicción del capitalismo, no como su salida necesaria (por usar el lenguaje positivista erróneo de Marx y Engels, como un “proceso de la historia natural”), sino como su salida ontológica posible (el dynamei on aristotélico, el experimentum mundi de Bloch, la ontología del ser social de Lukacs, etc.).

Si por el contrario se llega al dualismo total, separado, del análisis del modo de producción capitalista como ciencia y del comunismo como religión, entonces estamos completamente fuera de Marx.

Fíjense bien que para mi esta afirmación no comporta en absoluto una condena moralista indignada ni una excomunión de grupúsculos locos y sectarios. Sencillamente, yo constato a dónde hace llegar necesariamente el extendido grito de odio y de desprecio hacia la filosofía, el idealismo y el humanismo.

La confesión de GLG (el comunismo es como la fe en Dios) no me escandaliza, por supuesto. Simplemente me hace gracia verlo escrito negro sobre blanco, porque representa una confirmación clamorosa de lo que yo pienso, desde hace al menos veinte años, de todos los paradigmas antifilosóficos y antihumanistas del comunismo. Los cuerpos caen por gravitación. Los marxismos cientifistas y antifilosóficos caen también por la ley de la gravedad.

6. Después de cincuenta años de estudios serios y originales sobre Marx y el marxismo, nuestro GLG ha llegado a dos conclusiones sobre el comunismo. En primer lugar, el comunismo es una fe religiosa y existencial comparable a la fe en Dios. Hay quien tiene la suerte de tenerla o quien por desgracia (o por fortuna porque estaría “webwrianamente” más desencantado) no la tiene. En segundo lugar, la venida del comunismo en la historia humana es un fenómeno puramente aleatorio, comparable a la caída de un meteorito.

38573338.jpgVeamos cómo el maestro de GLG, Louis Althuser, se representaba el comunismo en una conferencia en Terni (véase Repubblica et Manifesto, 5/4/1980) poco antes de su conocida catástrofe. Delante de una platea de monos pasmados “de izquierda”, el maestro franco-taoísta sostiene por este orden las tesis siguientes (por desgracia me limito a las solas tesis relatadas por los mediocres periodistas allí presentes).

(a) Hay que interpretar quitando todas las partituras

(b) El socialismo histórico construido hasta hoy es una mierda (sic)

(c) Después de esta mierda, sin embargo, gracias a la resistencia obrera constituyente, vendrá el anarquismo social.

(d) En cuanto al comunismo, de momento sólo está vivo en los niños que juegan dichosos y sin vigilancia en el recreo.

(e) El comunismo por otra parte no significa en absoluto “socialización”, porque socializar es una cosa terrible, una “tendencia del capitalismo” y en todo caso lo que hace falta es “desocializar”.

En una entrevista concedida por Lucio Colletti, éste nos informa que cenó con Althuser en un pequeño restaurante vietnamita, que discutieron de marxismo y que Althuser le habría dicho que el marxista que le parecía más prometedor y pertinente era el italiano Antonio Negri, llamado Toni Negri, más tarde internacionalmente famoso por sus dos obras escritas con Michel Hardt, Imperio y Multitud, de las cuales, por pudor, no voy a hablar pero que para mí son de lo peor, en sentido absoluto, de todo lo que se ha publicado en la coyuntura histórica (provisional) del último decenio.

Un breve comentario. La simpatía de Althuser por Negri (considero fiable el testimonio de Colletti) no es casual, pues ambos están de acuerdo en declinar teóricamente el comunismo en términos de anarquismo, es decir, en la extinción del Estado. Y como no pueden “demostrar” esta tesis (precisamente la extinción del Estado), tesis efectivamente indemostrable (y podemos verlo además de en Preve, en Danilo Zolo, en Domenico Losurdo y en muchísimos más), tienen que replegarse en metáforas del todo literarias, como la de los niños que juegan sin vigilancia en el patio, o bien como las imaginarias “multitudes constituyentes”. El mismo Negri, después de la muerte de Althuser, ha confirmado repetidamente su adhesión al supuesto “materialismo aleatorio”, es decir, a la teoría del comunismo pensado como la caída de un meteorito. Se configura así una auténtica escuela veneto-marxista que va desde Padua (Toni Negri) a Conegliano Veneto (Gianfranco La Grassa)

Yo, en cambio, estoy de acuerdo con Althuser en los puntos (a) y (e). En efecto, es necesario hoy interpretar el marxismo sin partituras. Mi difunto amigo Jean Marie Vincent lo dijo de manera muy precisa en un ensayo fundamental sosteniendo (¡sic!) que es necesario “desembarazarse del marxismo” entendido como tradición secular 1890-1990. Y muy bien dicho. Personalmente hace al menos veinte años que intento hacerlo. Además, es perfectamente verdad que sin ‘desocializar’ la socialización capitalista (particularmente la peor de estas socializaciones culturales, la socialización de la supuesta “cultura de izquierda”), no tiene ningún sentido hablar de comunismo. Sin embargo estoy en desacuerdo con los puntos (b), (c) y (d). Concedido que los niños jadeantes jugando al balón son la imagen de la felicidad, pero este tipo de éxtasis (salir de sí mismo, ek-stasis) no debe ser asimilado a la asociación de productores que, para Marx, es el concepto de comunismo. La asociación de productores puede aparecer como algo pedante, molesto y difícil. La felicidad en mi opinión se busca y se encuentra en otra parte. La felicidad es una dimensión privada. Sólo la justicia es una dimensión pública. Un poco de filosofía griega no haría mal.

7. Al que quiera continuar en la ruta de las multitudes constituyentes en medio de un imperio desterritorializado sin ningún Estado nacional, del anarquismo social mágicamente evocado sin la más mínima carga de demostración racional sobre una base histórica, de la fe en el comunismo pensada según el modelo de la fe en Dios, del comunismo pensado sobre el modelo aleatorio como una caída de meteorito, del comunismo estético como felicidad presente de unos niños agitados que juegan al balón en el patio, de las casi insoportables declaraciones de odio contra la filosofía, el idealismo y el humanismo, etc. a ése se le aconseja que interrumpa inmediatamente la lectura. Contra negantes principia, non est disputandum- que decía Hegel [Con los que niegan los principios, no se discuta]. A quien, en cambio, quiera seguir adelante, se le ruega que lea con atención extrema los párrafos que siguen.

8. No es verdad que las cosas sean “complejas”. La supuesta “complejidad” es un mito de la casta universitaria, la misma que ha reducido la filosofía a la “citatología”. La “citatología”es el único parámetro académico para concursos universitarios, desde el momento en que la filosofía ha quedado privada de todo papel fundante en la comprensión de la sociedad y de la historia. Platón, Aristóteles, Spinoza, Kant, Hegel y Marx habrían suspendido inexorablemente en un concurso universitario porque escribieron sin citar a nadie. Las citas a veces pueden ser útiles, pero son como el vinagre balsámico de Módena, una gota basta.

Se dirá que esto sólo valía para las grandes figuras pero que ahora eso ya no vale. Ahora, sin “citatología”, uno es expulsado de la república de los doctos. Idiotez. Lukacs escribe (Pensiero Vissuto, Ed. Rinuniti, Roma 1983, p. 44): “Bloch tuvo una gran influencia en mí. Fue él quien me convenció con su ejemplo que era posible filosofar a la manera tradicional. Hasta ese momento yo había estado sumergido en el neokantismo de mi tiempo, y ahora yo reconozco en Bloch el fenómeno de alguien que filosofa como si la filosofía moderna toda ella no existiera y que es posible filosofar a la manera de Aristóteles y Hegel”. Aquí Lukacs tocó un punto esencial. No se trata de hacerse, de modo megalomaniaco, la ilusión de poder llegar al nivel de Aristóteles o de Hegel. Se trata de filosofar a la manera de Aristóteles y de Hegel sin la estúpida retórica de la complejidad y sin creer que se puede “demostrar” algo de modo erudito y citatológico. No se trata ciertamente de abominar del circo universitario y sus rituales “citatológicos”, sino de comprender que este circo es totalmente irrelevante para la discusión filosófica de los contenidos.

9. Hostil al “citacionismo” inútil y pleonástico, coartada para androides académicos carentes de ideas originales, voy a empezar esta vez con una cita; una cita de una parte de la primera de la tesis sobre Feuerbach escrita por Marx en la primavera de 1845 en Bruselas y que Engels recoge en una publicación póstuma de 1888. Dice así:

“El defecto principal todos los materialismos hasta aquí (incluido el de Feuerbach), es que el objeto (Gegenstand), la realidad efectiva, la sensibilidad no es concebida más que bajo la forma del objeto (Objekt) o de la intuición; pero no como actividad sensiblemente humana, como práctica, no subjetivamente”.

Omito el resto, secundario y no esencial. Mi difunto amigo Georges Labica, maestro querido y amigo fraternal, dedicó un comentario analítico a las tesis sobre Feuerbach que valdría la pena retomar, lo que yo no puedo hacer aquí por razones de espacio. Si se hiciera, aparecería la interpretación conocida del marxismo como “filosofía de la praxis” inaugurada en Italia por el libro de Giovanni Gentile de 1899 sobre la Filosofía de Marx (libro que en su día Lenin pudo apreciar en su versión francesa, al punto de aconsejar a su hermana que lo tradujera al ruso), cuyo modelo fue retomado sustancialmente por Gramsci en sus Cuadernos de la cárcel, muy bien comentados en francés por André Tosel. Aun así, voy a hacer mi interpretación teorética y no “citatológica”.

10. Antes de nada es necesario un acto brechtiano de distanciamiento. La primera tesis sobre Feuerbach de Marx se basa en dos curiosos equívocos de Marx. No hay necesidad alguna de pensar que Marx es el hijo de Dios y que nunca se equivoca. Marx cometió algunos errores como, por ejemplo, en la interpretación de Hegel y, sólo muy recientemente, con la caída de la Santa Inquisición del comunismo estatal y partisano, se ha empezado a permitir decirlo con precaución (véase Roberto Fineshi, Marx et Hegel, Carrocci, Roma, 2006).

Es evidente que aquí Marx busca fundamentar una filosofía de la praxis que explicitará en la undécima, y última, tesis sobre Feuerbach, a saber: “Los filósofos sólo han interpretado el mundo de diferentes maneras, se trata de transformarlo”. Es interesante saber que Engels en 1888 nos haya interpolado, inventándoselo, un “aber” inexistente en el texto original, por lo que la frase suena así: “Los filósofos hasta ahora han interpretado el mundo de diferentes maneras. Se trata al contrario de transformarla”. Engels metió su ingenuo “aber” ( “al contrario” ) con toda la buena fe. Pero durante un siglo los idiotas incurables travestidos de “auténticos marxistas” han puesto por delante la demencial concepción activista que opone la interpretación a la transformación, como si se pudiese transformar algo sin previamente haberlo interpretado correctamente. Se trata de una demagogia llamada “dromomanía” [incontrolable urgencia de moverse], típica de los que nunca pueden quedarse quietos en su sito y se agitan sin cesar. Una gran parte de la historia del marxismo es una historia de dromomanía histérica. Pero pasemos al análisis de la primera tesis sobre Feuerbach.

Para ello hay que decir que hay que resaltar lo primero dos verdaderos errores.

En primer lugar, no es en absoluto verdad que el materialismo de Feuerbach tenga que ser inscrito dentro de los materialismos contemplativos, que consideran la realidad en términos abstractos de objeto (Object), y no de obstáculo que se pone delante de nuestra praxis (Gegenstand). No es en absoluto verdad que Feuerbach no conciba la realidad como actividad humana, sensible y como praxis subjetiva. Es exactamente lo contrario. Feuerbach concibe la praxis humana como vector humanista fundamental de desalienación del hombre, el único medio de volver a poner en su sitio a la teología que no es otra cosa más que la antropología instalada en la cabeza. La falta de generosidad de Marx para con Feuerbach es clamorosa, aunque comprensible en un hombre que aún no tiene treinta años y que tiene que efectuar el freudiano asesinato del padre (incluso de dos padres, Hegel y Feuerbach). En segundo lugar ( y en este punto nos encontramos en la cima del teatro filosófico del absurdo), Marx observa que “el aspecto activo fue desarrollado de manera abstracta por el idealismo, que naturalmente no conoce la actividad real, sensible como tal.”

Que el idealismo inaugurado en 1794 por Fichte (Véase La doctrina de la ciencia) trate de modo abstracto el lado activo, y naturalmente no conozca la actividad real efectiva, sensible como tal, es una pura invención polémica del joven Marx. El ‘Yo’ de Fichte es una metáfora filosófica unificada bajo la forma de un concepto unitario transcendental-reflexivo de la humanidad entera, pensada como vector dinámico transformador del ‘No-Yo’, es decir, de los continuos obstáculos con que la humanidad se encuentra como el obstáculo a su incesante actividad de perfeccionamiento, que es exactamente lo que Marx considera necesario para pasar de la interpretación del mundo a su transformación. De ello se deriva una simpática paradoja según la cual el materialismo que Marx buscaba ya existía desde hacía medio siglo (1794-1844) y exactamente era el idealismo de Fichte.

11. Bertol Brecht, en Diálogo de refugiados, dice que quien no tiene sentido del humor no debería ocuparse de filosofía. Brecht interpreta efectivamente la dialéctica hegeliana como la manifestación filosófica del sentido del humor, en la forma de la identidad de los opuestos y de la continua transformación de un opuesto en el otro y viceversa. En lo esencial Brecht tiene razón. Y en ese punto álgido de la historia del teatro del absurdo está el que Marx crea haber descubierto en 1845 algo que ya estaba descubierto ampliamente por Fichte en 1794, y llame “materialismo” nada menos que al modelo clásico del idealismo, creyendo evidentemente que el materialismo consiste en el hecho de no creer en Dios o en la primacía de la infraestructura sobre la superestructura. De esta manera, bajo el nombre de “materialismo”, utilizado en su sentido puramente metafórico, simplemente se interpolan el ateísmo y el estructuralismo bajo otro nombre.

Pero la cosa no para aquí, la cosa no ha hecho más que empezar.

12. Simplificando de una manera brutal, pero al mismo tiempo de ninguna manera disculpándome de esta simplificación, incluso reivindicándola con el legítimo orgullo del innovador, yo pienso que la lógica histórica del marxismo (la historia lógica y no la historia efectiva) puede resumirse de modo dialéctico en tres momentos. Al decir “dialéctica”, entiendo la única dialéctica moderna que existe, la dialéctica triádica de Hegel, porque no existe otra. Por decirlo brevemente, la supuesta “dialéctica negativa” de Adorno en mi opinión no es una verdadera dialéctica, simplemente una “furia de la disipación”, que no se determina nunca sustancialmente ni temporalmente y por tanto, si no se determina nunca ni espacialmente ni temporalmente, no es una verdadera dialéctica, porque la dialéctica debe siempre determinarse en un finito espacio-temporal, que, al ser una determinación finita, debe como toda determinación, remitir a otra cosa distinta de sí, y es por esto por lo que la dialéctica es propiamente dialéctica (véase Fernando Vidoni, Dialettiche nel pensiero contemporaneo, Canova, Trevisa, 1996).

Hubo una dialéctica antigua (Platón). Pero la dialéctica moderna, construida sobre la base histórica y no geométrico-pitagórica, por Hegel, es triádica, como lo es por otra parte la Trinidad cristiana, que filosóficamente representa el fin del pensamiento antiguo y el nacimiento del pensamiento “moderno” en un sentido evidentemente figurado y metafórico.

Por decirlo brevemente, se puede interpretar la dialéctica triádica de Hegel de la manera que se quiera, como tesis-antítesis-síntesis, o como momento abstracto-dialéctico-especulativo, o incluso como lógica del ser-de la esencia-del concepto. Haced lo que queráis con tal de que comprendáis la lógica dialéctica de esta exposición dialéctica de la historia lógico-trascendental del pensamiento de Marx.

13. Afirmé en el párrafo precedente que la única dialéctica moderna es triádica, y sólo triádica, entendida como la secularización racional idealista de la Trinidad cristiana que la precede, lo que supone la comprensión, difícil pero necesaria de que, a diferencia de los judíos y de los musulmanes que creen en Dios, los cristianos realmente no creen en Dios (como lo repiten en coro los tontos y los desinformados) sino en la Trinidad, que es algo muy diferente. De aquí depende el reconocimiento del carácter cognitivo de la religión en la forma de la representación (Vorstellung), negada por todos los confusionistas, positivistas, empiristas, laicista, ateos de todo pelo. Pero dejemos esto de lado, o como dice el patriota insurgente condenado a ser fusilado, ‘tirem innaz’ [en napolitano: ‘continuemos’]. Fiel al método triádico, expondré la lógica histórica del proyecto de Marx en tres momentos: A, B y C

(A) En un primer momento, el pensamiento de Marx se manifiesta en forma de una filosofía de la praxis, o más exactamente en la forma de una filosofía de la unidad de la teoría y de la práctica, es decir, de un idealismo de tipo fichteano que se cree materialista. Se trata del joven Marx de 1841 a 1848 más o menos. En el siglo XX, esta filosofía de la praxis integral es relativamente rara y se encuentra casi sólo en el italiano Antonio Gramsci y en el alemán Karl Korsch (dejo de lado las diferencias significativas entre ambos). En mi opinión Georges Labica puede ser definido como un representante , a finales del siglo XX, de esta línea de pensamiento lo que explica su valoración por parte de Antonio Labriola (según sostiene André Tosel en su emotiva necrología).

(B) Y sin embargo, muy pronto esta versión de la filosofía de la praxis es investida por el positivismo y su influencia preponderante. A partir de los años 50 del siglo XIX, el objeto que primero era un Gegenstand, viene a ser a todos los efectos un Objekt, en concreto el modo de producción capitalista entendido como objeto de conocimiento “neutro”, es decir, objeto de la ciencia positivista, incluso barnizado en apariencia de una “dialéctica” inofensiva. La ciencia positivista, como es sabido, está enteramente sacada del modelo de las ciencias naturales y esto explica la dominación del concepto de “ley científica” totalmente incompatible con una filosofía de la praxis. El primer representante de esta tendencia es el segundo Marx (1850-1883), seguido de Engels, pasando por el materialismo dialéctico y por el marxismo dicho “oficial” (aunque compartido filosóficamente por todos los heréticos, desde Rosa Luxemburgo a Amadeo Bordiga y León Trotsky)), para acabar en los fanáticos de la ciencia sin bases filosóficas (Galvano Della Volpe, Luis Althuser, Gianfranco La Grassa). Es justo esta tendencia la que hoy parece entrar en una crisis teórica profunda (apología de lo aleatorio, poder constituyente de la multitud, comunismo como felicidad de niños, como caída de un meteorito o como creencia en Dios, etc.). Sin embargo, y yo me siento moderadamente pesimista, su poder de inercia tiene varias decenas de años por delante.

(C) La síntesis de la filosofía subjetivista de la praxis y de la filosofía objetivista de la (presunta e inexistente) ciencia, es en mi opinión una ontología del ser social, cuya formulación por parte de Lukacs no debe ser entendida como definitiva sino como inicial y provisional. Sin embargo es un primer punto de partida. Es totalmente normal que hoy esté olvidada, en una época de arrepentimientos, de destitución moralista del siglo XX entendido como siglo de las utopías totalitarias y de las ideologías asesinas, de apología del fragmento, del postmodernismo, del relativismo y del nihilismo fiable y tranquilizante.

La ontología del ser social, tal y como nos la ha transmitido el último Lukacs, es insuficiente. Pero es un primer paso digno de ser elaborado y perfeccionado . En cualquier caso, solamente por esta vía pueden superarse (en el sentido de la Aufhebung, la superación-conservación de Hegel), el momento de la praxis y el momento de la infundada ilusión positivista del marxismo como ciencia.

La ilusión positivista de la transformación del marxismo en ciencia positivo-predictiva, sobre una base determinista y necesarista, justamente porque es infundada e ilusoria, debe a la larga transformarse ella misma dialécticamente en su contrario, es decir, en una apología de lo aleatorio, de la separación entre concepto científico del capitalismo y como fe y esperanza en la existencia de Dios.

Ocupémonos un momento de ello.

14. La conclusión del primer período del pensamiento marxiano como idealismo de la unidad teoría-praxis con primacía de la praxis sobre la teoría, un idealismo que se creía subjetivamente un materialismo (y que me recuerda un libro para niños de una gaviota que se creía un gato), puede situarse en el bienio 1848-1849 y en el fin del ciclo revolucionario en Europa. Esto no tiene nada que ver con un “cambio en el programa de investigación de Marx”, por usar la jerga epistemológica de los profesores de universidad. Se trata de un paso obligado. La revolución “práctica” se alejaba, el Gegenstand se hacía más “duro” de lo que se había pensado anteriormente, y el momento era llegado de empezar a pensar el capitalismo como Object y ya no como Gegenstand.

Llegaba el momento de la elaboración de ese objeto de pensamiento llamado “modo de producción capitalista” que la escuela de Althuser y de La Grassa puso enseguida en el centro de la consideración “científica” del presente histórico. Las tesis teóricas contra el humanismo y contra la categoría de alienación no eran en absoluto necesarias para enfatizar la importancia central de la categoría de modo de producción y se explican únicamente en el interior de la coyuntura ideológica francesa del período 1956-1968 y de la lucha sectaria de Althuser contra Garaudy, Sève y Sartre. El hecho de que Gianfranco La Grassa haya prolongado este escenario conflictivo durante casi medio siglo es solamente un fenómeno de sectarismo veneto-trevisiano. No hubiera hecho falta. Tranquilamente se puede subrayar la centralidad de la categoría modo de producción sin gritos de odio continuos y reiterados contra la filosofía y el humanismo. Pero esto nos aconseja abrir un paréntesis.

15 ¿El marxismo es un humanismo? He aquí una pregunta inútil y sin sentido. Sin embargo si queremos darle una respuesta, debe ser elemental, sólo requiere saber contar hasta dos. Desde el punto de vista del modelo epistemológico de explicación de los hechos sociales y su recíproca relación, el marxismo no es un humanismo sino un estructuralismo. Su fundamento teórico no está en el concepto filosófico de Hombre (con mayúscula) sino en el concepto de modo de producción social que, por su parte, existe sólo en la conexión dialéctica de tres componentes interconectados (desarrollo de las fuerzas productivas sociales, relaciones sociales de producción, formaciones ideológicas de legitimización del poder y/o estrategia de oposición a éste). Es de una evidencia absoluta.

Inversamente, desde el punto de vista de la fundamentación filosófica de la legitimidad de la critica del capitalismo, el marxismo es un humanismo integral, porque el Hombre (metáfora de toda la humanidad pensada como un solo concepto unitario de tipo trascendental-reflexivo) es el único Sujeto capaz de proyectar de manera colectiva y comunitaria la superación del modo de producción capitalista o de cualquier otro modo de producción clasista. Ningún otro “sujeto” puede ser capaz de ello ( sea providencia divina, el desarrollo tecnológico, automatismo de la economía, derrumbes o crisis cíclicas de la producción, etc.)

El problema tiene pues una solución muy fácil. No ciertamente para los rabiosos aborrecedores de la filosofía como saber fundacional, que aceptan la filosofía de mala gana, sólo como clarificación epistemológica y gnoseológica de la ciencia de la naturaleza concebida como única ideación cognitiva legítima en el mundo. Sin embargo, así se enlaza la cadena destructiva y autodestructiva del materialismo dialéctico (Stalin), del galileismo moral (Della Volpe), de la teoría de los conjuntos teóricos (Althuser) y de todas las otras numerosas variantes de la ilusión utópica de la fundación científica de la deducción del comunismo directamente de las “leyes naturales” de las tendencias de la producción capitalista, totalmente des-sujetivizada y objetivizada.

Al final de este viaje utópico-científico se encuentra los bambinos comunistas que juegan sin aliento y dichosos, los meteoritos aleatorios que caen sobre la tierra, la creencia en Dios y otras curiosidades parecidas.

16. Hay una paradoja en la historia del marxismo que es necesario manejar racionalmente. Si se hace así, entonces se abren vías para una solución nueva del problema de la comprensión de las razones del anticapitalismo . El anticapitalismo, en efecto, es muy a menudo una actitud legítima y racional sostenida y defendida sobre la base de auténticas tonterías extremistas que alejan a las personas normales y atraen solamente a tontos, fanáticos o iluminados. Todos los marxistas que por su acción han desmentido el inútil modelo científico del paso automático interno del capitalismo al comunismo, desde Lenin en 1917, a Stalin en 1929, a Mao Tse Tung en 1949, a Fidel Castro en 1959, etc., han sistemáticamente mantenido en sus aparatos partidistas, ideológicos, escolares y universitarios la tontería positivista de la evolución fatal del capitalismo al comunismo en base a la “necesidad del proceso de la historia natural” ¿Por qué?

Es difícil explicar el porqué de las tonterías. Pero la analogía con las religiones nos puede ayudar. La religión, fruto legítimo del pensamiento humano (totalmente independiente del hecho de que un individuo particular crea o no) que no se apagará sino mediante la vulgarización de la astrofísica o del darvinismo y que es un bien que no se extingue, cumple las funciones estructurales para la reproducción social, como respuesta a la cuestión del sentido de la vida individual de las personas particularmente sensibles y más aun como la “estabilización” metafísica de la ética comunitaria de solidaridad y del apoyo mutuo. Y sin embargo, esta función racional debe estar necesariamente sustentada en hechos tan increíbles como la Sangre de san Genaro, los pastorcitos de Lourdes o de Fátima que ven a la señora que les habla en gascón o portugués, etc. En teoría podíamos retener solamente el elemento racional de la solidaridad comunitaria sin tener que aceptar necesariamente milagros totalmente increíbles. Pero en la práctica, no es así. El que quiera el elemento racional debe asumir también el elemento milagroso.

Algo parecido ocurre con el comunismo. En teoría no habría necesidad alguna del elemento de la religión positivista, es decir, el estúpido cientifismo que pretende derivar el “fracaso” del capitalismo del automovimiento interno de la economía fetichizada. Hay razones más que abundantes para oponerse al capitalismo. Evidentemente hay un porcentaje de cretinos que tiene que poder creer que el socialismo se fundamenta sobre una “ciencia”. Luego los teóricos positivistas se pelearán –como lo hacen regularmente todos los teólogos– para saber si este modelo de ciencia debe ser galileano, newtoniano, positivista puro, obtenido de la crisis de las ciencias de principios de siglo XX, webberiano, etc.

17. Mientras que el viejo Karl Marx (1818-1883) nunca puso en coherencia ni sistematizó su modelo teórico (de ahí la legitimidad de todas la interpretaciones sucesivas), el código marxista sistematizado en doctrina coherente fue puesto en pie conjuntamente por Engels y Kautsky durante los dos decenios 1875-1895.

Estos dos decenios corresponden exactamente a la gran Depresión (1873-1896) en Europa. Se trata de uno de los períodos más contra-revolucionarios de toda la historia europea. Colonialismo, imperialismo, racismo, antisemitismo, etc. El marxismo es hijo de la contra-revolución que siguió a la carnicería de la Comuna de París (1871).

Esto explica por qué, en presencia de una contra-revolución en acto, el código marxista se haya refugiado por compensación en un modelo positivista de revolución en potencia. Aquí nos haría falta Freud, pero el viejo Sigmund apenas es evocado por esos marxistas que temen que su mirada profundice en sus neurosis y en sus psicosis. El único pensador anticapitalista del período 1889-1914, que supo refutar radicalmente el código positivista, fue Georges Sorel, el único y verdadero defensor de la filosofía de la praxis de Marx y, por cierto, no es una casualidad que haya sido marginado y echado fuera del movimiento obrero organizado. Pero Sorel no era un “irracionalista”. Sencillamente su concepto de ciencia, del que en modo alguno carecía (era ingeniero jubilado, perfectamente al corriente de la ciencia de su tiempo) derivaba de Bergson, también científico de formación, y no del modelo determinista y mecanicista del positivismo universitario alemán. Este “marxismo” (Erich Matthias, Kautsky y el kautskismo, De Donato, Bari, 1971) era solamente el reverso ideológico de una práctica política y sindical oportunista de la social-democracia alemana. El fallo de Sorel en este sentido, es totalmente significativo. El hecho de que Sorel se hubiera metido con la casta infecta de los “intelectuales” más que con los simples trabajadores muestra que había sabido aislar el núcleo de la cuestión. El pescado siempre empieza a pudrirse por la cabeza. En los mismos años Robert Michels llegaba más o menos a las mismas conclusiones.

18. Es pues necesario cambiar absolutamente de ruta. La tentación cientifista es una ilusión. Quien la sigue, aunque vaya de buena fe y con sincera convicción, terminará en el dualismo insoluble entre la ciencia del modo de producción capitalista y la religión del comunismo, con todos sus derivados (Niños felices que juegan al balón, anarquismo social de las multitudes, caída de meteoritos, fe en Dios y búsqueda del sentido de la vida, etc.) Evidentemente que es necesario relegitimar la vieja definición del comunismo de Marx en términos de libre asociación de los productores, en la que la “producción” no es solamente textil, metalúrgica o nuclear, sin también “producción” de investigación científica, de arte, de religión, de filosofía. La palabra “producción” es la mejor porque sin producción de bienes y servicios, la especie humana no podría ni “reproducirse”. Pero la libre asociación de productores es posible solamente en el interior de una comunidad de productores y, en mi opinión, la comunidad de productores presupone el mantenimiento sea de la familia, sea del estado nacional con todas las garantías posibles para las minorías. Se abriría aquí una serie de problemas que no podemos discutirse en este lugar. En su época, Franco Fortín utilizó la metáfora de la apertura de la “cadena de los porqués”. Y en efecto, si se abre la cadena de los porqués, no hay quien la mande parar y proseguirá mientras no se haya llegado al último eslabón de la misma cadena. Y el último eslabón es siempre provisional en el espacio y en el tiempo, y corresponde exactamente a los que Hegel llamaba “determinación” (Bestimmung).

La herencia de Marx está más allá de la oposición abstracta entre idealismo y materialismo. La herencia de Marx es humanista. La herencia de Marx es filosófica. La herencia de Marx es comunitaria, comprendida también la comunidad nacional. Quien quiera seguir el camino del meteorito puede hacerlo. Pero sin nosotros.

Notas:

K. Marx, Capital, I,I,IV. Traduction de J. Roy – in Oeuvres I, la Pléiade, p. 613 Pensée vécue, mémoire parlée , L’Arche, 1986 Texto alemán: „Der Hauptmangel alles bisherigen Materialismus (den Feuerbachschen mit eingerechnet) ist, dass der Gegenstand, die Wirklichkeit, Sinnlichkeit nur unter der Form des Objekts oder der Anschauung gefasst wird; nicht aber als sinnlich menschliche Tätigkeit, Praxis, nicht subjektiv.” Texto alemán: „Die Philosophen haben die Welt nur verschieden interpretiert, es kömmt drauf an, sie zu verändern

[Traducción, J.Mª Fdez. Criado. Equipo Crónica CR]

Fuente: Rebelión

 

samedi, 23 novembre 2013

Psychopathology of the Left

Psychopathology of the Left:
Some Preliminary Notes

by Kerry Bolton

Ex: http://www.counter-currents.com

Editor’s Note:

The following essay was later incorporated into Kerry Bolton’s The Psychotic Left: From Jacobin France to the Occupy Movement [2], available from Black House Publishing [3].

psychotic-left-kerry-bolton-paperback-cover-art.jpgThe ‘Right’ of the political dichotomy, including even social and moral values that have traditionally been regarded – until recently – as normative, has for approximately eighty years, been the subject of analysis not just politically and sociologically, but psychologically.

The impetus for a psychological analysis of the Right and even of conservative morality, as a mental aberration, was led by the Frankfurt School of Critical Theory which, with the rise of Hitler, was transferred en masse to the USA under the auspices of Columbia University, where it was re-established in New York as the Institute of Social Research.[1] The seminal document issued by this coterie, headed by Theodore Adorno, was The Authoritarian Personality,[2] a psychological study which intended to show through statistical analysis with a survey based on an ‘F’ (Fascism) Scale, that traditional values on morality, and especially the family and parental authority, were in need of psychological reorientation and were symptoms of latent ‘fascism’. In particular, the patriarchal family came under attack as the root institution for the cultivation of a ‘fascist’ mentality.[3]

While Leftist social scientists such as those of the Frankfurt School sought to show through statistical analysis that conservative values are psychologically abnormal, concurrently there was a move to show that Leftists have normative values. Rothman and Lichter in their psycho-historical study of Jews in the US New Left, state that studies by social scientists have been devised to show that Leftists possess positive, normative values. They write that in the USA and to a lesser extent Europe most ‘commentaries and “scientific” studies of the student movement agreed that the radical young represented the best in their societies’. Rothman and Lichter point out that the studies involved very small numbers and that the examiners’ sympathies were with their subjects politically. This coterie of social scientists produced a stream of studies ‘that seemed to prove, that radical students were democratic, humanitarian, psychologically healthy and morally advanced’. ‘All these critical studies are either impressionistic or based on small samples’.[4]

Many social scientists attributed many ‘positive’ personality attributes or political views to the New Left largely because their questionnaires were either constructed in such a manner as to ascribe such attributes to radical students almost by definition, or because the students… knew how to respond ‘appropriately’ to the questions posed.[5]

Hence the perception has persisted that that ‘Right’ is based on values emanating from the mentally dysfunctional, often based in the patriarchal family; and the ‘Left’ is mentally healthy. Rothman and Lichter are critical of the Frankfurt School, and the use of the so-called “‘F’ scale to uncover ‘Fascist’ tendencies as personality types. Rothman and Lichter argue that The Authoritarian Personality was a study intended to confirm the preconceived opinions of the authors.[6]

However, Rothman and Lichter’s studies of New Left students found that ‘radicals were significantly more likely than moderates to manifest tendencies toward a negative identity, masochistic surrender and treating people as concepts’. Jewish radicals typically manifested a tendency to escape from a dominating mother, while non-Jewish radicals regarded their fathers as more dominant but flawed.[7]

Although the synthesis of Freudianism and Marxism was unacceptable to the Stalinists, and the Critical Theorists were rejected by the German Communist Party,[8] the USSR found psychiatry a useful means of silencing ‘dissidents’ by subjecting them to psychiatric examination and routinely diagnosing them as schizophrenic, whereafter they would be confined to a mental asylum and concomitantly anti-Sovietism identified as a form of psychosis.[9]

The celebrated poet Ezra Pound received similar treatment on his forcible return from Italy to the USA after World War II, having first been confined to an open air cage by the American occupation forces in Italy. To avoid the publicity of a treason trial for one of the world’s most eminent literati, Pound was confined to St Elizabeths mental asylum.[10]

Use of Psychiatry against Dissidents in the Liberal West

The Right has continued to be portrayed as a mental aberration, whether in its most extreme Hitlerite forms, or merely as enduring conservative values on the family, such values being portrayed as regressive. For example, the seminal post-War ‘fascist’ philosopher Francis Parker Yockey, upon his arrest for passport violations in San Francisco in 1960, was ordered to undergo a mental examination by the Court[11] ensuring that anyone who tended towards such ideas could likewise be relegated as insane. Indeed, he committed suicide in prison during trial for the very reason that he feared being subjected to lobotomy or medication that would reduce him to a mentally vegetative state.[12] While the Leftist or liberal critic would typically respond that this in itself indicates Yockey’s mental state, the situation is not that simplistic, especially at that time.

Indeed, Dr Thomas Szasz, professor emeritus of psychiatry at the University of Syracuse New York Upstate Medical University, and an eminent critique of Freudianism, has written that ‘we are replacing social controls justified by race with social controls justified by psychiatric diagnosis’. Szasz cites the case of General Edwin Walker, a primary victim of the Kennedy era witch-hunt against ‘Right-wingers’ in the military. Walker was forced to resign due to his anti-Communist education programme among the American military forces in Germany. Apparently the Liberal-American conflict with the USSR was not supposed to extend to an examination of Communist ideology, which might come uncomfortably close to ‘Right-wing extremism’. Gen. Walker, after his forced resignation, became a prominent fighter against desegregation, communism and liberalism. Walker assisted Governor Ross Barnett in leading mass resistance against the desegregation of the University of Mississippi, enforced by the invasion of Mississippi by Federal Troops in 1962. Szasz writes:

Arrested on four federal charges, including ‘inciting, assisting, and engaging in an insurrection against the authority of the United States,’ Walker was taken before a U.S. commissioner and held pending the posting of $100,000 bond. While he was making arrangements to post bail, Attorney General Robert Kennedy ordered Walker flown, on a government aircraft, to Springfield, Missouri, to be incarcerated in the U.S. Medical Center for Prisoners for ‘psychiatric observation’ on suspicion that he was mentally unfit to stand trial.[13]

Walker’s entry in Wikipedia mentions neither this nor the ensuing confrontation between Walker’s legal team and the government’s psychiatric team. The reader is told only that Walker ‘posted bond and returned home to Dallas, where he was greeted by a crowd of 200 supporters. After a federal grand jury adjourned in January 1963 without indicting him, the charges were dropped’.[14]

Szasz is able to write on the Walker case from first-hand experience, as he was asked to advise Walker’s legal team. Of particular interest here is that Szasz writes:

I summarized the evidence for my view that psychiatry is a threat to civil liberties, especially to the liberties of individuals stigmatized as ‘right-wingers’, illustrated by the famous case of Ezra Pound, who was locked up for 13 years while the government ostensibly waited for his ‘doctors’ to restore his competence to stand trial. Now the Kennedys and their psychiatrists were in the process of doing the same thing to Walker.[15]

Had Yockey therefore been so ‘paranoid’ two years previously when he was worried that he would be diagnosed insane, locked away in a facility and subjected to cerebral destruction through the then widely used methods of lobotomy or electric shock?

Szasz told the legal team that it would be no use trying to argue for Walker’s released on the basis of truth. However, the defence expert witness, Dr. Robert L. Stubblefield, chief psychiatrist at the Southwest Medical Center in Dallas, was able to expose Dr. Manfred Guttmacher, long-time chief medical officer at Baltimore City’s Supreme Court, as ‘an evil quack’, as Szasz states it, Walker was declared mentally fit, and a Federal Grand Jury refused to indict him.

Szasz states that even Senator Barry Goldwater two years later, as Republican Presidential candidate, was a target of politicised psychiatry:

Less than two years later, my view that organized American psychiatry was becoming overtly political, seeking the existential invalidation and psychiatric destruction of individuals who do not share the psychiatric establishment’s left-liberal ‘progressive’ views, received further dramatic support. In 1964, when Senator Barry Goldwater was the Republican candidate for president, 1,189 psychiatrists publicly declared–without benefit of examination–that Goldwater was ‘psychologically unfit to be President of the United States’. Many offered a diagnosis of ‘paranoid schizophrenia’ as the basis for their judgment.[16]

The use of psychiatry to marginalize political opponents of Left-liberal dogma is obviously not a mere paranoid delusion of the Right. Hence, for example, The Nizkor Project, which specialises in smearing Rightists and ‘Holocaust deniers’, uses a psychiatric term in describing the US ‘militia movement’ as ‘paranoid’’.[17]

Yet the Left, despite its manifestation of the most extreme forms of sadism since the French Revolution of 1789-92, has largely escaped critical psychological analyses of its leaders and ideologues. The Left is now doctrinally acceptable as normative, and the adherents of its most extreme variation – communism – can maintain respectable positions in academia, and have their books published by the large publishers, while those of the Right are marginalized.

Rather, Karl Marx for example, continues to be feted among respectable quarters as a seminal and still valuable contributor to sociology. While Jim Jones is generally perceived as deranged, he is considered within the context of any other cult leader such as David Koresh, rather than as an apostle of the Left whose actions were consistent with the Left doctrinally and historically, and whose psychological profile is analogous to that of other Leftists still regarded as paragons of democratic and liberal values.

The Left and the Degenerative Personality

The Hungarian physician and sociologist Dr Max Nordau wrote on the degeneration of culture and philosophy as a symptom of mental and moral degeneration. Writing in 1895, Nordau provided a proto-psychohistorical perspective on Leftist revolutions, which was developed several decades later by the American, Dr Lothrop Stoddard, who described such upheavals as the ‘revolt against civilisation’.[18] This theory postulates that civilisational values are an unendurable burden upon the mentally subnormal, including types that are both what might popularly be called the ‘unbalanced genius’ and the common criminal. Hence, the ‘revolt against civilisation’ is rationalised as a political doctrine for the overthrow of social order, and the unleashing of pent-up depravity. The revolutionary Left is rationalised sociopathology.

Dr Nordau described several types of social marginality, which often includes the highly intelligent:

Quite a number of different designations have been found for these persons. Maudsley and Ball call them ‘Borderland dwellers’ – that is to say, dwellers on the borderland between reason and pronounced madness. Magnan gives to them the name of ‘higher degenerates’ and Lombroso[19] speaks of mattoids (from matto, the Italian for insane).[20]

These ‘mattoids’ or ‘borderland dwellers’ provide the leadership of social upheavals, while the types that might typically be found in the criminal underworld provide the mobs. Nordau states:

In the mental development of degenerates, we meet with the same irregularity that we have observed in their physical growth. The asymmetry of face and cranium finds, as it were, its counterpart in their mental faculties. Some of the latter are completely stunted, others morbidly exaggerated. That which nearly all degenerates lack is the sense of morality and of right and wrong. For them there exists no law, no decency, no modesty. In order to satisfy any momentary impulse, or inclination, or caprice, they commit crimes and trespasses with the greatest calmness and self-complacency, and do not comprehend that other persons take offence. When this phenomenon is present in a high degree, we speak of ‘moral insanity’ with Maudsley; there are, nevertheless, lower stages in which the degenerate does not, perhaps, himself commit any act which will bring him into conflict with the criminal code, but at least asserts the theoretical legitimacy of crime; seeks, with philosophically sounding fustian, to prove that ‘good’ and ‘evil,’ virtue and vice, are arbitrary distinctions; goes into raptures over evildoers and their deeds; professes to discover beauties in the lowest and most repulsive things; and tries to awaken interest in, and so-called ‘comprehension’ of, every bestiality. The two psychological roots of moral insanity, in all its degrees of development, are, firstly, unbounded egoism, and, secondly, impulsiveness: – i.e., inability to resist a sudden impulse to any deed; and these characteristics also constitute the chief intellectual stigmata of degenerates.[21]

Nordau considers how the ‘mattoid’ uses revolution as an outlet for destructive urges:

In view of Lombroso’s researches [Lombroso, La Physionomie des Anarchistes, 1891, p. 227] it can scarcely be doubted that the writings and acts of revolutionists and anarchists are also attributable to degeneracy. The degenerate is incapable of adapting himself to existing circumstances. This incapacity, indeed, is an indication of morbid variation in every species, and probably a primary cause of their sudden extinction. He therefore rebels against conditions and views of things which he necessarily feels to be painful, chiefly because they impose upon him the duty of self-control, of which he is incapable on account of his organic weakness of will. Thus he becomes an improver of the world, and devises plans for making mankind happy, which, without exception, are conspicuous just as much by their fervent philanthropy, and often pathetic sincerity, as by their absurdity and monstrous ignorance of all real relations.[22]

It is the ‘mattoids’ who provide the philosophical justification for violence done against civilized values in the name of ‘freedom’, and who continue to be upheld by today’s intelligentsia, itself often of mattoid type, as ‘great thinkers’. Nordau writes of them:

“The degenerate,’’ says Legrain, [Paul Maurice Legrain, Du délire chez les dégénérés; Paris, 1886, p. 11] may be a genius. A badly balanced mind is susceptible of the highest conceptions, while, on the other hand, one meets in the same mind with traits of meanness and pettiness all the more striking from the fact that they co-exist with the most brilliant qualities. ‘As regards their intellect, they can (says Jacques Roubinovitch, Hystérie male et dégénérescence; Paris,1890, p.33) ‘attain to a high degree of development, but from a moral point of view their existence is completely deranged … A degenerate will employ his brilliant faculties quite as well in the service of some grand object as in the satisfaction of the basest propensities (Lombroso has cited a large number of undoubted geniuses who were equally undoubted mattoids, graphomaniacs, or pronounced lunatics.)[23]

It is perhaps more than anything else that the forces of the Left, in both Socialist and Liberal-democratic forms, masquerade as the wave of the future, while any individual, doctrine or institution opposing or blocking them is disparaged as regressive. Yet, as Nordau pointed out over a century ago, these ‘moderns’, these ‘progressives’, who disparage all tradition and want to make the world anew, are the heralds of atavism, whether in the arts, ethics or politics. Nordau continues:

Retrogression, relapse – this is in general the ideal of this band who dare to speak of liberty and progress. They wish to be the future. That is one of their chief pretensions. That is one of the means by which they catch the largest number of simpletons. We have, however, seen in all individual cases that it is not the future but the most forgotten, far-away past Degenerates lisp and stammer, instead of speaking. They utter monosyllabic cries, instead of constructing grammatically and syntactically articulated sentences. They draw and paint like children, who dirty tables and walls with mischievous hands. They compose music like that of the yellow natives of East Asia. They confound all the arts, and lead them back to the primitive forms they had before evolution differentiated them. Every one of their qualities is atavistic, and we know, moreover, that atavism is one of the most constant marks of degeneracy.[24]

NordauF2.jpgNordau wrote of these ‘modernist’ trends in art, philosophy and politics as going against the normative values that decades later started to be described by Adorno and his team from the Frankfurt School of Critical Theory as incipient ‘fascism’:

The ‘freedom’ and ‘modernity’, the ‘progress’ and ‘truth’, of these fellows are not ours. We have nothing in common with them. They wish for self-indulgence; we wish for work. They wish to drown consciousness in the unconscious; we wish to strengthen and enrich consciousness. They wish for evasive ideation and babble; we wish for attention, observation, and knowledge. The criterion by which true modems may be recognised and distinguished from impostors calling themselves moderns may be this: Whoever preaches absence of discipline is an enemy of progress; and whoever worships his ‘I’ is an enemy to society. Society has for its first premise, neighbourly love and capacity for self-sacrifice; and progress is the effect of an ever more rigorous subjugation of the beast in man, of an ever tenser self-restraint, an ever keener sense of duty and responsibility. The emancipation for which we are striving is of the judgement, not of the appetites.[25]

If one notes what Nordau was describing as normative civilisational values in 1895, he would certainly have been diagnosed as mentally imbalanced and an incipient ‘fascist’, possibly even an ‘anti-Semitism’ – if we disregard his Jewish background and role in later life in the Zionist movement – by Adorno and the other authors of The Authoritarian Personality.

Jacobinism and Bolshevism: The Revolt of the Under-Man

Lothrop Stoddard, whose works became very widely read in the early 20th century, writing in the aftermath of the Bolshevik upheaval that had reduced Russia to a hell, took up the theme of mental and physical degeneration as causes of revolt against civilisational values by what he termed the ‘under-man’. Giving an account of the personality types of the Bolsheviks and their methods of sadism, Stoddard wrote:

It would be extremely instructive if the Bolshevik leaders could be psycho-analyzed. Certainly, many of their acts suggest peculiar mental states. The atrocities perpetrated by some of the Bolshevik Commissars, for example, are so revolting that they seem explicable only by mental aberrations like homicidal mania or the sexual perversion known as sadism.

One such scientific examination of a group of Bolshevik leaders has been made. At the time of the Red terror in the city of Kiev, in the summer of 1919, the medical professors of Kiev University were spared on account of their usefulness to their terrorist masters. Three of these men were competent alienists, who were able to diagnose the Bolshevik leaders mentally in the course of their professional duties. Now their diagnosis was that nearly all the Bolshevik leaders were degenerates, of more or less unsound mind. Furthermore, most of them were alcoholics, a majority were syphilitic, while many were drug fiends…[26]

Stoddard gives a dramatic illustration of the roles being played out in such revolts, when an internationally acclaimed philology scholar, Professor Timofie Florinsky of Kiev University, was brought before the Revolutionary Tribunal, and spontaneously shot by one of the ‘judges’ for giving an ‘irritating reply’ to a question. The murderous Commissar, Rosa Schwartz, a former prostitute, was drunk.[27]

The Kiev event is pregnant with historical and cultural meaning. The clash of two worlds, fundamentally alien to each other but coinciding in time and space: the commissar, a drunken ex-whore, puts to death in an instant of primal savagery the scholar. Such scenes had been played out en masse by the mobs during the French Revolution, continuously plied with alcohol and drugs, pushed onward by prostitutes, pirates and criminals, and agitated by mattoids from among depraved elements of the upper and middle classes.

While it now seems to be regarded as passé to refer to what was once widely called the Red Terror in Bolshevik Russia, attention being drawn almost entirely to the ‘crimes of the Nazis’, any reference to major atrocities other than that involving Jews being regarded as ‘relativising the Holocaust’,[28] the implementation of the Bolshevik policy on terror shows symptoms of mass sadism in a literal, psychotic sense. One must go to the accounts of the time, however, in order to realise the character of the sadism.

After Denikin’s White Army defeated the Bolsheviks at Odessa in August 1919, Rev. R Courtier-Forster, Chaplain of the British forces at Odessa and the Black Sea ports, who had been held captive by the Bolsheviks, reported the horrors of Bolshevism, relating how on the ship “Sinope”, the largest cruiser of the Black Sea Fleet, some of his personal friends had been chained to planks and slowly pushed into the ship’s furnaces to be roasted alive. Others were scalded with steam from the ship’s boilers. Mass rapes were committed, while the local Soviet press debated the possibilities of nationalizing women. The screams from women being raped, and from other victims in what Rev. Courtier-Forster called the ‘Bolshevik’s House of Torture’ at Catherine Square, could be heard for blocks around, while at Catherine Square the Bolsheviks tried to muffle the screams with the noise of lorries thundering up and down the street.[29]

When the Rohrberg Commission of Enquiry entered Kiev, after the Soviets had been driven out in August 1919, it described the ‘execution hall’ of the Bolsehvik secret police, the Cheka, as follows:

All the cement floor of the great garage (the execution hall of the departmental Cheka of Kiev) was flooded with blood. This blood was no longer flowing, it formed a layer of several inches: it was a horrible mixture of blood, brains, of pieces of skull, of tufts of hair and other human remains. All the walls were bespattered with blood; pieces of brains and scalps were sticking to them. A gutter twenty-five centimetres wide by twenty-five centimetres deep and about ten metres long ran from the centre of the garage towards a subterranean drain. This gutter along its whole length was full to the top with blood…Usually as soon as the massacre had taken place the bodies were conveyed out of the town in motor lorries and buried beside the grave about which we have spoken; we found in a corner of the garden another grave which was older and contained about eighty bodies. Here we discovered on the bodies traces of cruelties and mutilations the most varied and unimaginable. Some bodies were disembowelled, others had limbs chopped off, some were literally hacked to pieces. Some had their eyes put out and the head, face, neck and trunk covered with deep wounds. Further on we found a corpse with a wedge driven into the chest. Some had no tongues. In a corner of the grave we discovered a certain quantity of arms and legs….[30]

Such atavistic savagery goes even beyond mass murder. It is the psychosis of a Jeffrey Dahmer,[31] or Edward Gein,[32] rationalised as a political ideology with noble ideals, that continues to have adherents with respectable positions in academia.

The precursor of the Bolshevik Revolution, that of France during the period 1789-1792 unleashed a mass psychosis of revolt of the dregs of France, led by the mattoid elements. As in today’s Western liberal-democracies, the theory is that manifestations of inequality and differences can be eliminated by changing the social structure according to dogma. The doctrine of the French Revolution was a ‘return to Nature’, an idolised and imaginative interpretation of what Nature was supposed to be like, concocted in the drawing rooms of the European intelligentsia, by writers such as Voltaire, Rousseau, and Weishaupt, the founder of the proto-communist Illuminati. According to these ideologues, the cause of tyranny, injustice, violence and inequality, was civilisation. If civilisation itself could be overthrown and humanity returned to a supposed innocent state of nature, then all could live in an idyllic state of happiness, peace and brotherhood. This requires the abolition of civilisational institutions such as marriage, private property, Church, state, monarchy. Karl Marx formalized precisely the same doctrine about half a century later. This atavism is ironically heralded as ‘progressive’.

The French sociologist Gustave Le Bon noted in 1895:

The idea that institutions can remedy the defects of societies, that national progress is the consequence of the improvement of institutions and governments, and that social changes can be effected by decrees – this idea, I say, is still generally accepted. It was the starting point of the French Revolution, and the social theories of the present day are based upon it.[33]

lebon-ea7ac.jpgLe Bon later wrote, in the aftermath of the Bolshevik Revolution, of the same atavism that had afflicted France now unfolding in Russia:

The Bolshevik mentality is as old as history. Cain, in the Old Testament, had the mind of a Bolshevik. But it is only in our days that this ancient mentality has met with a political doctrine to justify it. This is the reason of its rapid propagation, which has been undermining the old social scaffolding.[34]

The reader is referred to Nesta H Webster’s history, The French Revolution,[xxxv] which draws on contemporary documents from both Jacobins and Royalists, which dramatically brings to life the depravity and cowardice of the dregs of France, led by disaffected mattoid lawyers and Orleanist aristocrats, and of the heroism of those loyal to the King, including those among the common folk. What is notable in this context is the manner by which the mob could be agitated with the continuous supply of alcohol and narcotics that seemed to maintain a blood frenzy, paid for by the wealth of the Duc d’Orléans, a craven megalomaniac who desired to usurp the Throne on the backs of the criminal underworld that he had unleashed.

Here in the French Revolution is a dress rehearsal for the blood-letting by the Bolsheviks, 130 years later. At the Convent des Carmes, Rue de Vaugirard, up to 200 priests had been incarcerated. Here a drunken mob converged and with pistols and sabres killed the defenceless priests.[26] The Archbishop of Arles had his face cleaved almost in two, as he offered his life in the hope of appeasing the bloodlust and sparing the other priests. The old man’s death only excited the mob further, and they fired upon the priests kneeling in prayer in the chapel.[37] Other such massacres were conducted on priests imprisoned at the Abbaye in Paris. However, there were more victims among ‘the people’ than among the aristocrats and clergy. The revolutionary leaders sought to ‘amputate’ France, and to radically reduce its population, reminiscent of Pol Pot.

In La Vendée region a policy of wholesale extermination was undertaken to eliminate a folk who remained steadfast to King and Church.

Webster notes a curious transformation of France during the era, which shows that the Revolution was a victory of the ‘under-man’ and a return to the atavistic on the ruins of civilisation. She writes that mediocre lawyers such as Robespierre, who now held the power, vented their frustration at years of personal failure by trying to eliminate the talented and intelligent. All those who had devoted themselves to scholarship were targeted. ‘The war on education was even carried out against the treasures of science, art and literature’. One revolutionary luminary proposed killing the collection of rare animals at the Museum of Natural History. A widespread notion of the revolutionaries was to burn all the libraries and retain only books pertaining to the Revolution and to law. Thousands of books and valuable paintings were disposed of or destroyed. ‘Not only education but politeness in all forms was to be destroyed’. It became necessary to assume a ‘rough and boorish manner’ and to present ‘an uncultivated appearance’. ‘A refined countenance, hands that bore no marks of manual labour, well-brushed hair, clean and decent garments, were regarded with suspicion – to make sure of keeping one’s head it was advisable that it should be unkempt’. It was advisable to ruffle one’s hair, grow the thickness of whiskers, soil the hands…’ ‘In a word, it was not only a war on nobility, on wealth, on industry, on art, on intellect; it was a war on civilisation’.[38]

It might be observed today that the cult of the dirty and the unkempt has become a normative aspect of society.

Notes

1. K R Bolton, Revolution from Above (London: Arktos Media Ltd., 2011), p. 101.

2. T W Adorno, et al The Authoritarian Personality (New York: Harper and Row, 1950).

3. K R Bolton, ‘”Sex Pol” Ideology: The Influence of the Freudian-Marxian Synthesis on Politics and Society’, Journal of Social, Political and Economic Studies, Washington, Vol. 35, No. 3, Fall 2010, pp 329-38.

4. S Rothman and S R Lichter, Roots of Radicalism: Jews, Christians and the New Left (New York: Oxford University Press, 1982), pp. 50-52.

5. Ibid., p. 55.

6. Ibid., p. 60.

7. Ibid., p. 286.

8. Myran Sharaf, Fury on Earth – A Biography of Wilhelm Reich (London: Andre Deutsch, 1983), p. 169; K R Bolton, ‘Sex Pol Ideology’, op. cit., pp. 347-348.

9. Ibid., p. 339.

10. E Fuller Torrey, The Roots of Treason: Ezra Pound and the Secrets of St Elizabeth’s (London: Sidgwick and Jackson, 1984).

11. ‘Jailbreak plot’ told in passport case’, San Francisco Chronicle, 15 January 1960, p. 5.

12. Michael O’Meara, ‘Introduction’, Francis Parker Yockey (1949), The Proclamation of London of the European Liberation Front (Shamley Green, England: Wermod & Wermod Publishing Group, 2012), xvi. http://shop.wermodandwermod.com/the-proclamation-of-london-of-the-european-liberation-front.html

13. Yockey was to be subjected to precisely the same procedure.

14. Thomas Szasz, ‘The Shame of Medicine: The Case of General Edwin Walker’, The Freeman, Vol. 59, no. 8, October 2009, http://www.thefreemanonline.org/columns/the-therapeutic-state/the-shame-of-medicine-the-case-of-general-edwin-walker/

15. Ibid.

16. Ibid.

17.‘Paranoia as Patriotism: Far Right Influences on the Militia movement’, The Nizkor Project, http://www.nizkor.org/hweb/orgs/american/adl/paranoia-as-patriotism/minutemen.html

18. Lothrop Stoddard (1922), The Revolt Against Civilization: The Menace of the Under-Man (Wermod & Wermod, 2012).

19. Cesare Lombroso is widely regarded as the founder of criminology.

20. Max Nordau, Degeneration (New York: D Appleton & Co., 1895), p. 18.

21. Ibid., pp. 18-19.

22. Ibid., p. 22.

23. Ibid., pp. 32-33.

24. Ibid., p. 555.

25. Ibid., p. 560.

26. Lothrop Stoddard, op. cit., Chapter VI: ‘Rebellion of the Under-Man’, p. 177,

27. Ibid., p. 177 n.

28. Deborah E Lipstadt, Denying the Holocaust: The Growing Assault on Truth and Memory (London: Penguin Books, 1994). See especially Chapter 11: ‘Watching on the Rhine: The Future Course of Holocaust Denial’, pp. 209-222.

29. R. Courtier-Forster, ‘Bolshevism, Reign of Torture at Odessa’, London Times, 3 December, 1919, pp. 2, 3, 4.

30. S Melgunoff, La terreur rouge (Paris, 1927), cited by Vicomte Leon de Poncins, The Secret Powers Behind Revolution (California: Christian Book Club of America, n.d.), p. 149.

31. Jeffrey Dahmer killed 17 young men during 1978-1991, refrigerated and cannibalised their body parts.

32. Edward Gein was a cannibal, necrophile, and grave robber, who used bodies parts to construct leggings, furniture covering and so forth.

33. Gustave Le Bon, The Crowd, op.cit., p. 86.

34. Gustave Le Bon, The World in Revolt (New York, 1921) p. 179; cited by Stoddard, op. cit., Chapter VII: ‘The War Against Chaos’.

35. Nesta H Webster, The French Revolution, 1919, 1969. Wermod & Wermod, Britain, will be issuing a de luxe edition of The French Revolution in 1912, with an introduction by this author. The pages cited in this article are from the 1969 edition.

36. Ibid., p. 311.

37. Ibid., p. 312.

38. Ibid., pp. 412-413.

Source: Ab Aeterno, no. 10, January-March 2010.

 


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

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[2] The Psychotic Left: From Jacobin France to the Occupy Movement: http://www.amazon.com/gp/product/1908476540/ref=as_li_ss_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=1908476540&linkCode=as2&tag=countercurren-20

[3] Black House Publishing: http://www.blackhousepublishing.co.uk/

Le règne de la totalité et la fin de l'humain

Le règne de la totalité et la fin de l'humain
 
Ex: http://idiocratie2012.blogspot.com
 
 
        Le dernier essai de Jean Vioulac est à la fois ample dans son déroulement parce qu'il nous fait naviguer dans les hautes eaux de toute la philosophie occidentale, et terrifiant dans sa perspective parce qu'il nous indique le point d'arrivée : " L'universel réduction au Même et au Pareil ". D'où son titre : La logique totalitaire. Essai sur la crise de l'Occident. Or, il y a des crises (systémiques et métaphysiques) dont on ne peut pas sortir parce qu'elles arrivent tout simplement au terme d'un processus, et recouvrent l'ensemble de ses étapes de la finalité qu'elles portaient en leurs seins depuis le départ. Pour Jean Vioulac, il s'agit ni plus ni moins de la fin de la philosophie en ce qu'elle est parvenue à l'arraisonnement total du monde : conceptuel, politique, technique, économique, social, etc. Tout est soumis à l'universalité abstraite dont le capitalisme est l'ultime avatar, avant extinction des feux.
 
      Le pronostic, s'il a déjà été avancé par Heidegger dans La fin de la métaphysique, n'en reste pas moins tonitruant. On pourrait juste rétorquer à l'auteur qu'il s'agit ici de la fin de la philosophie occidentale, celle qui a commencé avec Platon, et qu'il reste peut-être des germes de salut dans le monde imaginal de la philosophie orientale. En tout état de cause, le signal d'alarme est lancé et il nous oblige, si l'on veut l'entendre, à faire retour sur l'exposé passionnant de Vioulac.
 
      Tout commence et finit en quelque sorte par Hegel puisqu’il est le premier à avoir envisagé l’Histoire comme le recouvrement de la Raison au travers de la mise en place de l’Etat universel. L’homme n’est plus un sujet, mais le témoin fragmentaire d’un Esprit qui travaille en lui et qui le porte sur les cimes de l’universalité, soit la vérité devenue totalité. Les totalitarismes du XXè siècle auront beau jeu de prendre l’idée en marche et de la pousser jusqu’à ses extrémités sous la forme d’une « politique technicienne d’ingénierie sociale », qu’on l’appelle biocratie ou sociocratie.
 
       Vioulac ne s’arrête pas là et pose sans doute la thèse la plus controversée de l’ouvrage, bien qu’elle ait été très largement esquissée par Tocqueville : la démocratie est également une politique de la totalité ! N’en déplaisent aux tenants du progrès, la démocratie actuelle est très éloignée de l’ancienne idée grecque puisque la toute puissance – incontrôlée – du corps social a définitivement étouffé la délibération citoyenne (et aristocratique). L’auteur parle d’ailleurs d’une pandémocratie comme de l’extension illimitée du principe démocratique à toutes les dimensions de l’existence. S’ensuit, comme le prédisait Tocqueville, une vague d’atomisation, d’uniformisation et de normalisation. Chacun croyant être libre au moment même où il est façonné de l’intérieur par un souverain bienveillant : « Il ne brise pas les volontés, mais il les amollit, les plie et les dirige »[1].


 
         Ce système n’était cependant que l’annonce d’une autre universalité bien plus mortifère : celle de l’économie de marché. Une grande partie du livre est effectivement consacrée à la philosophie de Marx. L’auteur commence par rappeler que le penseur allemand n’était pas un matérialiste puisque son système repose entièrement sur le travail comme essence de l’homme. Autrement dit, le travail subjectif de l’individu vivant constitue la source originaire de tout donné, et ne peut se comprendre que dans le cadre d’une communauté (essence-commune). Ainsi, le communisme strictement défini n’est que le retour à cette communauté primordiale ; communauté dans laquelle l’individu se réalise à travers des pratiques concrètes et dans laquelle l’humanité se révèle au regard du travail accompli et partagé. Heidegger ne dira pas autre chose à propos du travail comme comportement fondamental de l’existant. On comprend ici qu’il s’agit d’une lecture que l’on peut ne pas admettre, notamment lorsque l’on se réfère à l’Idée platonicienne ou encore à l’Unicité divine, mais que l’on peut difficilement écarter dans une société basée sur le travail et la production.
 
       Une fois ce rappel fait, Vioulac opère une coupe en règles du capitalisme contemporain. On le devine, la critique est d’autant plus sévère que le capitalisme, en défigurant le travail, aurait rompu avec l’essence de l’homme. Qu’est-ce à dire ? Le travail est devenu une puissance autonome mise au service de la seule mesure qui compte : l’argent. Il en résulte une autonomisation du capital, soit un processus qui n’existe que pour lui-même, un processus dans lequel tout doit être mis en ordre (salariat, concurrence, etc.) à seule fin de faire tourner l’Appareil. En un mot, l’argent est communauté ; il suppose de soumettre le sujet à l’universalité dont il devient l’objet. En termes concrets, cela signifie que la citoyenneté n’a de sens qu’au regard du pouvoir d’achat dont on dispose tandis que le gouvernement s’occupe de la police du marché, la science économique de l’ajustement des travailleurs et l’idéologie du formatage des âmes. 
 
         Dans ce contexte, le libéralisme ne serait-il pas un moyen de sortir de cette machine infernale pour rendre à l’homme la jouissance de son travail ? Vioulac anticipe les critiques et s’attache à démontrer que le libéralisme s’oppose effectivement à l’Etat mais pour mieux se donner au Marché. En se référant aux écrits de Hayek, il montre que les libéraux envisagent la société civile, celle qui vient avant l’Etat, comme une société régie par le système des prix et harmonieusement agencée par la loi (naturelle) de la concurrence. C’est le miracle du marché. Il reste que l’homme, en se débarrassant de l’Etat pour s’en remettre à la société civile, ne quitte finalement pas la sphère de l’objectivation. Les mécanismes du marché l’entretiennent dans une réalité virtuelle dont l’individu n’est qu’un « moment utile ». En un mot, l’homme est libre à la mesure de sa participation au système. En dehors, il n’est rien.  
 
         Ce détour par l’idée libérale permet à Vioulac de revenir à son sujet pour rappeler que le capitalisme est justement le marché comme « puissance souveraine de totalisation ». Nous ne sommes pas très loin de la thèse de Michéa selon laquelle l’idée libérale porte en son sein le poison de l’objet capital. En tous les cas, et cela Marx ne l’avait pas entrevu, le système continue à se déployer et à s’intensifier avec la planification de la consommation, la juridicisation des comportements et la propagande économiciste. Tout est massifié, organisé, apprivoisé : du contrôle des désirs au dressage des corps en passant par les soins de l’âme. A lire Vioulac, le monde nous a échappé et nous en sommes devenus les otages. C’est le « totalitarisme immanent », chacun porte en lui la marque du système pour lequel il travaille ou plus exactement il agit car, dans ce monde, il n’y a plus de réalités concrètes.
 
         Après un tel diagnostic, on attend bien sûr au tournant l’auteur pour qu’il nous propose une voie de sortie. Et sur ce point, il faut bien avouer que l’eschatologie révolutionnaire de Marx ne nous convainc guère. Certes, il est toujours intéressant de revenir aux sources de la pensée marxienne : la conscience se fonde sur le corps vivant, d’où l’importance de l’économie comme vie active et agissante des hommes, soit le corps en action. L’homme est essentiellement un travailleur et toute la réalité, notre réalité, résulte de l’activité pratique. Dès lors, la révolution consiste à refonder la « rationalité objective sur son fait subjectif », c’est-à-dire à sortir de l’universalité abstraite pour reconnaître la singularité concrète d’un travail en acte. Et cette action, il revient aux prolétaires de la mener parce qu’ils sont tout simplement les pauvres du système, les figures souffrantes, les derniers hommes à qui il ne reste plus que la subjectivité pure, celle qui porte justement en elle la puissance de la communauté. Car la révolution consiste, en dernier ressort, à rendre l’universalité (l’essence commune) aux sujets. Elle est l’autre mot pour dire la justice, soit la restauration de chacun dans son être, d’où sa dimension eschatologique.
 
          La dialectique est séduisante, mais on peut difficilement l’appliquer au réel. Son temps est passé. L’auteur semble lui-même en convenir puisqu’il constate la transformation du prolétariat en consommariat et l’accélération de la dynamique systémique, totalisante, avec la mobilité intense du capital, le grand remplacement des travailleurs (délocalisation/émigration), la spectacularisation du monde, l’exploitation des ressources naturelles, etc. Et si l’on doutait encore du caractère pernicieux du système, Vioulac achève son ouvrage, et son lecteur, par un dernier chapitre consacré au « totalitarisme technologique » à travers la pensée de Gunther Anders. La mondialisation est devenue l’« appareillement planétaire » dont le pouvoir est une « totale-technocratie » en charge de faire tourner le système. On retrouve finalement la haute figure qui plane sur toute la démonstration, celle de Heidegger, pour qui la technique était envisagée comme « l’attribution des pleins pouvoirs au système total de l’étant ».
 
       On l’aura compris, la lecture de Vioulac n’encourage pas à l’optimisme. D’autant plus qu’elle repose sur un style d’une redoutable efficacité : la démonstration philosophique, si elle est parfois ardue à suivre, est ponctuée par des formules flamboyantes et reprise sous des angles d’approche multiples. Les nombreuses références à Marx ne doivent pas, non plus, tromper car il ne s’agit pas d’une énième tentative de reformulation du logiciel communiste. Le capitalisme n’est d’ailleurs pas l’ennemi en soi, il n’est que la dernière étape d’un processus qui plonge ses racines dans la philosophie grecque et qui peut se comprendre comme l’avènement final et total de la Rationalité. L’Universalité abstraite qui en résulte est le monde dans lequel nous nous débattons avec comme seul moteur et unique motif : l’Argent. On regrettera seulement que le ton noir et pessimiste de l’auteur ne soit pas contrebalancé par quelques lueurs d’espoir, surtout que le constat posé dès l’introduction : la rupture avec la transcendance en appelait à une réaction logique : le retour, non pas à la réalité du travail, mais à la surréalité de l’esprit. On attend impatiemment que Vioulac se penche sur cette possibilité, quitte à l’inscrire dans la perspective eschatologique de Marx. 




[1] Tocqueville cité par Jean Vioulac, La logique totalitaire. Essai sur la crise de l’Occident, Paris, PUF, coll. « Epiméthée », 2013, p. 197.

jeudi, 21 novembre 2013

Elementos n°59 y 60: Juan Donoso Cortés

ELEMENTOS Nº 60. DONOSO CORTÉS: DECISIÓN, REACCIÓN Y CONTRARREVOLUCIÓN (Vol. II)

 




Sumario
 
El ideario político y la evolución ideológica de Donoso Cortés, por Luis Gonzalo Díez
 
Donoso Cortés, profeta y contrarrevolucionario, por Julius Evola
 
La transformación de Donoso Cortés, por Santiago Galindo Herrero
 
La fuerza de la reacción: Donoso Cortés y Maeztu, por Tatjana Gajic
 
La reacción contra la historia. Donoso Cortés y Carl Schmitt, por Pablo Jiménez
 
Balmes y Donoso Cortés ante la política española en el siglo XIX, por Joaquín Macías López
 
Entre restauración y cesarismo: la antiutopía de Donoso Cortés, por Rafael Campos García-Calderón
 
Don Juan Donoso Cortés y el mundo literario de su tiempo, por Manuel Casado Velarde
 
Entrevista a Arnaud Imatz sobre Donoso Cortés
 

ELEMENTOS Nº 59. DONOSO CORTÉS: DECISIÓN, REACCIÓN Y CONTRARREVOLUCIÓN (Vol. I)

 
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Sumario
Juan Donoso Cortés 1809-2009, por Pedro López Arriba
 
Donoso Cortes: hombre de estado, filósofo y teólogo, por Arnaud Imatz
 
La crítica al liberalismo: Carl Schmitt y Donoso Cortés, por Matías Sirczuk
 
Donoso Cortés: ¿pensador español o europeo? Actualidad y vigencia de su pensamiento, por Miguel Ayuso
 
El enviado del cielo: el pensamiento contrarrevolucionario de Donoso Cortés, por Belén Rosa de Gea
 
Providencialismo, decisionismo y pesimismo antropológico. Influencia de Joseph de Maistre en la teología política de Donoso Cortés, por Antonio Fornés Murciano
 
Tres encarnaciones de Donoso Cortés: constitucionalista-decisionista- providencialista, por Jacek Bartyzel
 
Juan Donoso Cortés: un doctrinario liberal, por Vincent J. McNamara
 
El hacha niveladora: Donoso Cortés y Vico, por José Villalobos
 
Donoso Cortés: la cuestión vital de España, por Consuelo Martínez-Sicluna
 
Donoso Cortes en su paralelo con Balmes y Pastor Díaz, por Santiago Galindo Herrero

dimanche, 10 novembre 2013

Gramsci : ce que le socialisme moderne peut apprendre du penseur italien

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Gramsci : ce que le socialisme moderne peut apprendre du penseur italien

par Kévin Victoire

Ex: http://ragemag.fr

Si aujourd’hui encore les militants ou théoriciens anticapitalistes se battent pour revendiquer l’héritage de Lénine, Trotsky, Mao ou Rosa Luxemburg, trop ignorent encore le co-fondateur du Parti communiste italien : Antonio Gramsci. Théoricien socialiste de la première moitié du XXe siècle, Gramsci a produit une œuvre de grande envergure, qui plus est en pleine période de crise du socialisme. Le bloc soviétique chute, la conscience de classe s’affaiblit : Gramsci est un homme qui a usé de sa plume dans un contexte complexe pour un penseur de la gauche radicale, le tout derrière les barreaux d’une prison fasciste. Peut-être est-il alors nécessaire aujourd’hui plus que jamais de le redécouvrir ?

Alors que le Parti Socialiste a enfin réussi à reconquérir le pouvoir, il n’a paradoxalement jamais semblé recueillir aussi peu d’adhésion auprès des Français. Dans le même temps, commentateurs politiques et intellectuels s’inquiètent à raison d’une nouvelle et dangereuse lepénisation des esprits, permettant à l’extrême droite de gagner du terrain. Si, à notre époque, il paraît naturel d’essayer d’arriver au pouvoir en combattant sur le terrain des valeurs, cette idée a vu le jour avec le révolutionnaire Antonio Gramsci. Si l’on souhaite donner des clefs de lecture pour comprendre la situation politique actuelle, il peut être intéressant de se pencher sur la vie et la pensée du communiste italien.

Gramsci le révolutionnaire

Né en 1860, Antonio Gramsci publie dans des revues socialistes alors qu’il n’est encore qu’étudiant en philosophie à l’Université de Turin. Il tient par la suite une rubrique culturelle et politique dans une revue proche du Parti socialiste italien (PSI). A l’époque, il côtoie le jeune Benito Mussolini alors membre du Parti socialiste. Très rapidement, le futur révolutionnaire se lie au mouvement ouvrier et prend part aux insurrections ouvrières turinoises de 1915 et 1917. Il participe par la suite au mouvement « conseilliste », y défendant la création de conseils d’ouvriers dans les entreprises. Le 21 janvier 1921, le PSI connaît le même sort que la majorité des autres partis socialistes européenne, à savoir une scission avec son aile gauche et la création du Parti communiste italien (PCI). Antonio est de l’aventure et prend même la tête du Parti en 1925. Cependant, celle-ci tourne court, puisqu’il est arrêté en 1926 par le régime fasciste et condamné pour conspiration. Il décède quelques jours après sa sortie de prison en 1937. Si au moment de son incarcération le révolutionnaire a déjà beaucoup écrit, c’est dans sa cellule qu’il élabore ce qui deviendra par la suite le « gramscisme ». Il consigne, en effet, l’essentiel de sa théorie dans ses Cahiers de Prison- comprenant trente-trois fascicules- qui sont recueillis par sa belle-sœur. Ceux-ci connaissent par la suite un grand écho au sein du PCI, surtout à grâce Palmiro Togliatti, puis dans le reste de l’Europe et du monde.

Praxis contre matérialisme

Au départ, une question obsède le penseur : pourquoi la révolution ouvrière a pu fonctionner en Russie en 1917, alors qu’elle a échoué en Allemagne, à Turin et dans bon nombre de pays européens ? La réponse, l’Italien finit par l’obtenir en analysant les différences historiques et culturelles qui existent entre ces différentes sociétés.

« Au départ, une question obsède le penseur : pourquoi la révolution ouvrière a pu fonctionner en Russie en 1917, alors qu’elle a échoué en Allemagne, à Turin et dans bon nombre de pays européens ? »

Communiste, Gramsci s’intéresse naturellement à Marx et à la dialectique matérialiste. Italien, il est aussi très influencé par Croce, penseur le plus respecté en Italie à cette époque, et par Machiavel. Il retient l’historicisme du premier, tandis qu’il voit dans le second le fondateur de la science politique. C’est par la rencontre de ces trois pensées que Gramsci fonde une nouvelle forme de matérialisme, la « philosophie de la praxis ». Contrairement au matérialisme historique où les évènements historiques sont déterminés par les rapports sociaux (et la lutte des classes), dans la vision gramsciste, le contexte socio-historique détermine totalement les idées. En effet, celles-ci découlent de la relation entre l’activité humaine pratique (ou « praxis ») et les processus socio-historiques objectifs dont elle fait partie. Les relations sociales entre les individus remplacent ainsi les rapports sociaux, c’est-à-dire les modes de production.

La philosophie de la praxis est donc une relecture marxiste qui se situe au-delà de la confrontation entre le matérialisme marxiste et l’idéalisme hégélien, ce qui s’oppose à la vision marxiste orthodoxe, notamment de Boukharine, Plekhanov et Lénine, dont Gramsci est pourtant un admirateur. Selon lui, ces derniers ne s’éloignent pas du dogmatisme religieux critiqué par le philosophe allemand. Il les accuse de réduire la pensée de Marx à l’analyse d’une histoire naturelle coupée de l’histoire humaine. Utilisant l’exemple russe, où le capitalisme n’avait pas atteint une forme mature avant la révolution bolchévique, il en vient alors à rejeter toutes formes de déterminisme économique et à conclure que les changements culturels et économiques naissent d’un processus historique où il est impossible de dire quel élément précède l’autre. Finalement plus que les moyens de production ou les idées, c’est la volonté humaine qui prédomine toutes sociétés.

Cette liberté vis-à-vis du matérialisme permet au turinois d’adoption de se détacher de l’analyse en terme d’« infrastructure » (organisation économique de la société) et de « superstructure » (organisation juridique, politique et idéologique de la société). Chez Marx et ses disciples, l’infrastructure influence la superstructure qui à son tour définit toutes les formes de conscience existant à une époque donnée. Gramsci substitue ces deux notions par celles de « société politique », qui est le lieu où évoluent les institutions politiques et où elles exercent leur contrôle, et de « société civile » (terme repris à Hegel), où s’exercent les domaines culturels, intellectuels et religieux. Si le penseur admet que ces deux sphères se recoupent en pratique, selon lui leur compréhension est essentielle.

En analysant les sociétés, Gramsci comprend que si elles se maintiennent dans le temps, c’est autant par le contrôle par la force de l’État (ou de la société politique) que par le consentement de la population. Ce dernier est obtenu par l’adhésion à la société civile. Ainsi, pour qu’une révolution aboutisse, il faut contrôler à la fois la société politique et la société civile. Dans cette optique, si la Révolution russe de 1917 aboutit, c’est parce que, pour lui, la société civile y est très peu développée, si bien qu’une fois l’appareil étatique obtenu, le consentement de la population s’obtient aisément. Mais dans les sociétés occidentales où la société civile est plus dense, les choses sont plus compliquées. La Révolution française de 1789 passe d’abord par le consentement de la bourgeoisie et d’une partie de l’aristocratie, grâce à la diffusion de la philosophie des Lumières qui dominent culturellement par la « révolution des esprits » qu’elle a mené. C’est ainsi que né le concept essentiel d’ « hégémonie culturelle ».

Dans l’optique de prendre le contrôle de la société civile, gagner l’hégémonie culturelle devient primordial pour le penseur. Gramsci l’explique clairement quand il dit que « chaque révolution a été précédée par un travail intense de critique sociale, de pénétration et de diffusion culturelle ». Il développe ainsi une dialectique du consentement et de la coercition et théorise la « révolution par étapes » qui est une véritable « guerre de position ». La violence n’est donc pas nécessaire pour mener et gagner une révolution, le vrai enjeu étant de transformer les consciences en menant et remportant une bataille culturelle. En faisant cela, le révolutionnaire obtient un pouvoir symbolique précédent le vrai pouvoir politique. Gramsci écrit alors : « Un groupe social peut et même doit être dirigeant dès avant de conquérir le pouvoir gouvernemental : c’est une des conditions essentielles pour la conquête même du pouvoir ». En d’autres termes, pour mener à bien sa révolution, la classe prolétaire doit voir ses intérêts de classe devenir majoritaire au sein de la population.

Cependant, cette hégémonie ne née pas d’elle-même parce que la conscience de classe n’est pas forcément naturelle, ni les idées liées à celle-ci et leur diffusion. C’est pourquoi Gramsci fait émerger une classe sociale spécifique qui se distingue des travailleurs : l’intellectuel qui travaille au service du parti et organise l’unité de classe. Comme Machiavel, il assigne donc une tâche spécifique à l’intellectuel qui doit détruire les valeurs de la société capitaliste et traditionnelle. Dans le même temps, le parti joue le rôle du « prince moderne » et unifie ce qui a tendance à se disperser à l’état naturel tout en dotant la classe contestataire d’une « volonté collective ». Les intellectuels sont « organiques » et se séparent en deux catégories. D’une part, on a l’intellectuel théoricien — qu’il nomme « traditionnel » quand il appartient à la classe dominante en déclin — qui effectue une action générale sur la société civile. D’autre part, on a l’intellectuel spécialisé qui n’opère que sur un domaine précis. L’intellectuel traditionnel a un rôle essentiel dans la société, car il permet le maintien de l’ordre établi mais peut aussi le renverser s’il bascule du côté de la classe contestataire.

Gramsci distingue aussi le parti politique du parti idéologique dans lequel il s’inclut. L’intérêt du parti politique se situe dans sa structure hiérarchisée presque militaire où l’action va de haut en bas en s’alimentant d’abord par le bas. Le parti idéologique comprend en plus le cercle d’influence du parti politique et permet sa diffusion culturelle. Par sa structure et par le biais de ses intellectuels organiques, le Parti politique sert donc d’appareil devant aider la classe contestataire à s’ériger en classe dominante en menant une révolution culturelle.

Nous vivons une époque de crises : crise morale, économique, sociale ou encore intellectuelle — ce serait donc un climat idéal pour instaurer un vrai changement. Encore faudrait-il que ceux qui rêvent de transformer réellement la société soient capables de faire porter leurs voix. Dans ce contexte, redécouvrir Gramsci semble donc essentiel : ses apports théoriques ne servent, pour la plupart d’entre eux, que la pratique. Pour l’intellectuel enfermé, le jour où une structure révolutionnaire réussira à conquérir la société civile, le changement sera proche.

Pasolini sur la tombe de Gramsci.

La révolution par l’hégémonie culturelle

Pasolini & Gramsci

par Max Leroy

Rome. Quartier Testaccio, non loin de la Porte Saint Paul. Un mur entoure le cimetière protestant. Des cyprès s’élèvent effrontément ; la végétation met la main sur le porche. La tombe de Gramsci se situe non loin de la chapelle. Quelques pots de fleurs rouges près de l’urne funéraire…

On se souvient d’une photo en noir et blanc donnant à voir Pier Paolo Pasolini, élégamment vêtu d’un imperméable beige, debout face à la stèle. Le cinéaste, poète à ses heures, à moins que ce ne fut l’inverse, n’a jamais cessé de louer le penseur embastillé, italien comme lui, communiste comme lui, fils de la petite bourgeoisie provinciale comme lui, mort quand il n’avait pas même quinze ans. Une décennie à pourrir dans les prisons fascistes – Mussolini aurait ordonné : « Nous devons empêcher ce cerveau de fonctionner pendant vingt ans. » Prophétie manquée : jamais Gramsci ne fut plus productif qu’entre quatre murs… La tuberculose eut raison de lui mais non de son œuvre ; les têtes dures discutent toujours avec l’avenir : « Je n’ai jamais voulu compromettre mes convictions, pour lesquelles je suis prêt à donner ma vie et pas seulement être mis en prison ».

Pasolini fit connaissance des écrits de Gramsci en 1948. Il venait de prendre sa carte au Parti mais ne l’avait pas renouvelée à expiration : l’orthodoxie stalinienne et la poigne de ses dirigeants ne convenaient pas vraiment à ce cœur réfractaire. Gramsci lui permit alors, expliqua-t-il bien des années plus tard, « de faire le point sur sa situation personnelle ». Il comprit en le lisant que l’intellectuel avait vocation à être une « véritable cheville médiatrice des classes », à mi-chemin entre le Parti et la masse des travailleurs. Il put également encadrer théoriquement ce qui relevait jusqu’ici, chez lui, de l’instinct, de l’âme et du sensible : une révolution ne peut se passer de la paysannerie – cette paysannerie qu’il aimait tant et dont il pleurait la dissolution sous les acides de la modernité et du libéralisme marchand, cette paysannerie à qui Marx, dans son ouvrage Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, refusait, du fait de son mode de production, la possibilité de se constituer en classe.

Pasolini ne découvrit pas l’oppression économique et sociale dans les livres : « Ce qui m’a poussé à devenir communiste, c’est un soulèvement d’ouvriers agricoles contre les grands propriétaires du Frioul, au lendemain de la guerre. J’étais pour les braccianti. Je n’ai lu Marx et Gramsci qu’ensuite. » Si Pasolini était marxiste, il confia toutefois que le coauteur du Manifeste du Parti communiste s’avéra moins déterminant dans son parcours intellectuel que ne le fut Gramsci, à qui il rendit hommage en publiant, en 1957, le recueil de poésie Les Cendres de Gramsci. Le livre, composé de onze poèmes écrits entre 1951 et 1956, reçut le prix Viareggio à sa sortie. Budapest venait de se soulever contre la tutelle soviétique ; Pasolini décrivit son ouvrage, dans un entretien accordé à un journaliste français, comme « une crise idéologique ». Le poète s’adressa directement, dans ses vers, au révolutionnaire défunt : « à ton esprit qui est resté ici-bas parmi ces gens libres ». Pourquoi ce tutoiement ? Parlait-il à un camarade, un frère, un père ? Lui seul le sut, sans doute. Lisons encore : « Scandale de me contredire, d’être avec toi, contre toi ; avec toi dans mon cœur, au grand jour, contre toi dans la nuit des viscères ; reniant la condition de mon père ». De page en page, les hameaux, les foulards couleur sang aux cous des partisans, les rêves humiliants, les pantalons de travail, les ordures dans les ruelles, le marchand d’olives, les gosses qui gueulent… Et puis, tout au bout, le « rouge chiffon d’espérance ».


Entretien avec Jean-Marc Piotte sur Gramsci

Jean-Marc Piotte, sociologue, philosophe et politologue marxiste est enseignant à l’Université de Montréal. Il a réalisé une thèse sur la pensée d’Antonio Gramsci.

Comment expliquez-vous que Gramsci n’occupe aujourd’hui pas la même place que Lénine ou Rosa Luxemburg chez les marxistes ?

Pour Lénine la raison est très simple : il a participé à la Révolution soviétique d’octobre 1917. Pour Rosa Luxemburg, c’est un peu plus complexe. Elle a eu beaucoup d’influence grâce à son opposition avec Lénine à l’époque en développant une pensée plutôt proche de la pensée anarchiste. Gramsci, ses textes n’ont été connu que très tard après sa sortie de prison. Cependant, sa réflexion a été un éclairage sur le fonctionnement de la politique et son lien avec la culture pour beaucoup de gens. Il a aussi été un pionnier sur le rôle des intellectuels.

Gramsci est désormais cité par de nombreux courants de pensée : pourquoi ?

Ses Cahiers de Prison sont obtenus à partir de textes très disparates qu’il arrive à obtenir en prison, ce sont des réflexions consignées dans un journal intime intellectuel, ce n’est pas un texte avec une orientation très claire… De ce fait, divers auteurs peuvent s’aider de Gramsci. Mais finalement, sa grande force c’est d’avoir réfléchi au rôle de la culture dans l’action politique et ça va plus loin que la simple pensée marxiste. Son but était de comprendre comment par la culture, il était possible de rallier la classe ouvrière à la révolution.

En quoi Gramsci peut encore être utile à la gauche aujourd’hui ?

Tout simplement parce que Gramsci réfléchit au problème fondamental de l’adhésion des classes populaires à la révolution. Par exemple, quand on voit qu’en France une part importante de la classe ouvrière qui votait pour les communistes vote aujourd’hui pour le FN on voit en quoi Gramsci serait utile. Ses écrits permettraient une réflexion sur les moyens de briser cela en reprenant l’hégémonie culturelle. Cette réflexion est d’ailleurs essentielle à mon avis si la gauche veut un jour renverser la tendance et venir à bout du capitalisme.

Boîte noire

jeudi, 07 novembre 2013

El control social sin fusiles

por Manuel Freytas

Ex: http://paginatransversal.wordpress.com

Por su altísimo potencial formador y orientador de conducta social a escala masiva (conseguido a través de la manipulación informativa) los medios de comunicación se han convertido en la columna vertebral de las estrategias de dominio del sistema capitalista a escala global. En términos concretos (y disfrazados de servidores públicos de la comunicación social), los consorcios mediáticos que realizan el control político y social (en sustitución de los militares) son auxiliares complementarios de la “Justicia” (del sistema) en la tarea represiva, y el sujeto a reprimir ya no es el “subversivo comunista” sino el “violento social”. Se trata de una represión sin fusiles, donde la acción militar es sustituida por la manipulación mediática en alta escala orientada al direccionamiento pasivo de la conducta social hacia los objetivos de preservación del sistema capitalista.

Quien observe atentamente el mapa político y social tanto de los países centrales como de los periféricos, podrá comprobar que el uso de la represión policial y militar de los (hoy reducidos y escasos) conflictos sociales y sindicales es mínima y solo se la utiliza en casos extremos.

Y eso tiene una explicación: Los gobiernos del mundo (técnica y funcionalmente, gerencias de enclave de los bancos y corporaciones trasnacionales) no se mueven dentro de un esquema militar (el viejo sistema de dominación) sino dentro de un esquema político-democrático (el nuevo sistema de dominación).

Por lo tanto, si caen en la tentación de reprimir policialmente, la corporación mediática les arroja la sociedad en contra calificándolos de “represivos y violentos”.

Los gobiernos que cometen el error de reprimir militarmente son inmediatamente rechazados por la sociedad masivamente nivelada en la condena a ” toda forma de violencia”, más allá de sus contenidos.

De la misma manera que en la década del setenta, los medios de comunicación utilizaban la figura del “subversivo” (como expresión de demonización social justificatoria de la represión militar), hoy utilizan la figura del “violento social” para aislar, deslegitimar y condenar socialmente las luchas sindicales y sociales que atentan contra la “estabilidad económica”, la “gobernabilidad” y la “paz social” del sistema.

De esta manera, y a la luz del crecimiento desmesurado a nivel global de los activos empresariales y de las fortunas personales (con su contracara de pobreza y exclusión social masiva) se verifica aquel axioma que expresa que “la paz es el negocio del dominador”.

Y prueba la efectividad de las técnicas mediáticas para controlar las protestas sociales y sindicales con la lógica represiva de la “antiviolencia” predominando sobre las razones de los reclamos.

No importa que el que corte ruta sea un hambriento o un desocupado (en el mundo hay 1000 millones de hambrientos y más de 2000 personas que viven por debajo de las necesidades básicas), la opinión pública está masivamente “adoctrinada” (por los medios de comunicación y sus conductores) para rechazar (sin ningún análisis de las causas) las huelgas y los cortes de ruta que generan “violencia social”.

La nueva estrategia represiva tiene su matriz funcional en la nivelación masiva de una conciencia y opinión “antiviolencia” que se superpone a cualquier lógica de legitimidad o de justicia social expresada por los grupos que cortan calles, rutas o hacen huelgas para reclamar por sus derechos o por una mayor distribución de la riqueza.

Asi como durante las dictaduras militares se demonizaba al “subversivo” para descalificar su proyecto de cambio del sistema capitalista por otro más justo, a los que ahora hacen huelga y cortan rutas se los demoniza como “violentos” para deslegitimar las luchas sociales por un mejor reparto de la riqueza.

En términos concretos (y disfrazados de servidores públicos de la comunicación social), los consorcios mediáticos que realizan el control político y social (en sustitución de los militares) son auxiliares complementarios de la “Justicia” (del sistema) en la tarea represiva, y el sujeto a reprimir ya no es el “subversivo comunista” sino el “violento social”.

Se trata de una represión sin fusiles, donde la acción militar es sustituida por la manipulación mediática en alta escala orientada al direccionamiento pasivo de la conducta social hacia los objetivos de preservación del sistema capitalista.

En este escenario, las fuerzas policiales y militares tienen como función principal: disuadir antes que reprimir, para preservar a su vez, los acontecimientos que pudieran desbordar y alterar la “paz social” del sistema.

Es así que el gobierno que decide utilizar la fuerza policial o militar, también pierde inmediatamente legitimidad política y apoyo social, tarea de la que se encargan los propios medios de comunicación, cuya misión es preservar el “sistema democrático” (de dominación capitalista) en los parámetros establecidos de la “estabilidad económica, la “gobernabilidad política” y la “paz social”.

(*) Manuel Freytas es periodista, investigador, analista de estructuras del poder, especialista en inteligencia y comunicación estratégica. Es uno de los autores más difundidos y referenciados en la Web. Ver sus trabajos en Google y en IAR Noticias

Fuente: IAR Noticias

lundi, 28 octobre 2013

L'AUCTORITAS

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L'AUCTORITAS
 
Un non sens dans une société dépourvue de sens

Georges Maurice*
Ex: http://metamag.fr
 « Je vois une foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits vulgaires plaisirs dont ils emplissent leur âme. 
 Au-dessus de ceux-là, s'élève un pouvoir immense et tutélaire qui se charge seul d'assurer leur jouissance, et de veiller sur leur sort .. .
Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux.
Il ressemblerait à la puissance paternelle, si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l'âge viril, mais il recherche au contraire, qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance ». 
Alexis de TOCQUEVILLE. »

Quelle lucidité et quel drame prophétisé ... et pourtant tout était dit, tout était aperçu ... pour l'aristocrate attaché à l'équilibre des forces et des libertés, cette prescience des ravages, de l'anonymat et de la massification par excès d'égalisation, laisse un sentiment amer. Car malheureusement, les individus étant reconnus comme autosuffisants, le pouvoir n'a plus à tenter de leur faire partager un sens. Toute préoccupation touchant aux finalités de l'existence ne suscite que l'indifférence des pouvoirs publics qui réduisent le Bien Commun au bien de chacun.

Dans les sociétés traditionnelles, les différents corps intermédiaires formaient, comme l'avait indiqué Tocqueville, autant de contre-pouvoirs à une puissance qui gardait le dernier mot par l'Auctoritàs, c'est à dire par l'autorité, c'est à dire par une majesté au centre des structures symboliques de la Société. (Alexis Tocqueville - de la Démocratie en Amérique, Ed. Flammarion 1981 - Vol 2 p.360)

Les temps modernes ont fait le choix de l'individu, de ses droits de créances sur la Société, et ainsi furent organisés les instruments susceptibles de lui garantir ses assurances, son assistance ... Toutes choses autrefois prises en charge par ses appartenances organique: famille ou communautés éthnoculturelles. Cet individu nouveau fut coupé de ses lieux d'identification ; la révolution industrielle, le lien marchand le firent anonyme. L'auctoritàs en perdit sa relation privilégiée avec le ciel, le pouvoir au centre du contrat politique est devenu l'instrument du bonheur humain.

Dans la Société traditionnelle, l'individu est membre d'un ensemble organique, sa singularité est reconnue mais dans le rôle qu'il accomplit pour le "Nous ». Dans la Société anthropomorphique "l’homme ne reçoit plus ses normes de Dieu, des lois ou de la nature des choses, il prétend les fonder lui-même à partir de sa Raison et de sa volonté » (Alain Renaut : l'individu, réflexions ou la philosophie du sujet, ed. Hatier). La cour du Roi est donc devenue déserte.

En réalité, l'Auctoritàs s'approchait des Dieux, le pontife tutoyait le ciel. Elle ne se confondait pas avec la détention du pouvoir suprême, elle puisait son autorité dans l'éminence et le respect, dans le souci du bien commun. Instituée dans le Prince, elle ne se réduisait pas au Prince, ni ne s'exprimait par l'absolutisme ou par l'arbitraire.

L'Auctoritàs consistait à élaborer une structure du pouvoir tel que son principe soit uni à la forme de son exercice (Gérard Mayret : les doctrines du pouvoir Gallimard 1978, Ed. Gallimard p21). En fait, le titulaire du pouvoir n'était que le dépositaire du principe qui ordonnait l'ensemble de la Société. Le Pape, le Roi étaient au centre des modèles symboliques. La Nation, personnification collective des individus leur succède, mais son dépositaire en fera une mystique comme d'autres en feront de même avec le peuple pour "qu'une multitude d'hommes devient une seule personne ...." Selon le mot de Hobbes ( Hobbes, le Léviathan chapitre XVI) . 

Quant à la finalité de l'action politique, elle est définie par le principe qui structure le Prince ... Il est au service du Bien Commun. D'Aristote à Saint Thomas, de Marcile de Padoue à Montesquieu, le bien commun ne se réduit pas au bien-être matériel, il est une réponse pour que l'au-delà ne soit pas mis en péril par l'en-deça. Tant il est vrai que le discours sur la Mort était au coeur de la vie dans ce monde où le ciel vivait avec les hommes dans la Cour des cathédrales.

La Mort de Dieu constatée par Nietzche , les orages d'acier subis par les hommes au cours des deux guerres mondiales, ont rendu la Cour du Roi déserte. Ni croyant, ni foi, n'animent ce nouveau monde, ou plutôt une nouvelle philosophie émerge celle des droits de l'Homme, dont la mission est d'apporter une légitimité morale globale. Elle pose pour ce faire quelques principes simples, tous indispensables à l'homogénéisation économique du Monde.
- Le premier : le citoyen consommateur prévaut sur les communautés d'appartenance ... je consomme donc je vote.
- En second lieu, les identités culturelles sont immorales face à l'aspiration des hommes à jouir de droits universels identiques.
- En troisième lieu : ces droits portent en majorité sur la satisfaction de besoins quantifiables défini par rapport au modèle dominant.
- Enfin, une organisation de la planète selon ces trois premières règles est préférable à une liberté laissée à des formes locales de Gouvernement.

Ainsi, un ordre mondial humaniste et politique se met en marche où le monde de vie remplace la politique. Tandis que la Société se conforme à ce qui est commun dans tous les programmes de tous les partis. Jusqu'au milieu du XXème siècle, la légitimité était de nature politique, aujourd'hui elle change de lieu, la politique se passe ailleurs que dans les instances qui lui sont officiellement dédiées. La Société ne trouve plus ses décideurs parmi les élus, car elle est devenu opaque, éclatée en réseaux, le Roi est nu. L'autorité n'a plus de sens, alors s'ébrouent les Seigneurs de guerre, puissants sans autorité.

Roi nu ou l’Autorité sans sens

Si l'Auctoritàs exprimait le principe qui ordonnait le monde, alors naturellement les individus dans leur communauté s'agrégeaient au monde et à son rythme. L'intensité du lien social se construisait sur une adhésion à une finalité commune du pouvoir et de la Société. Aujourd'hui, cette conjugaison des formes et des forces s'est évanouie du fait de la dissolution du lien social et du triomphe du « mou ». La dissolution du lien social, quelques chiffres ravageurs en témoignent.

hadrian_g.jpgOn enregistre en France par an, plusieurs milliers de suicides. Tous les dix ans, c'est une ville moyenne qui disparaît ainsi. La hausse du taux des suicides est un signe flagrant d'un mal vivre subjectif. « Ce chiffre augmente chaque fois que la Société ne parvient plus à signifier la relation de ces membres entre eux » note le psychologue Tony Anatrella. En vingt ans, la délinquance en pourcentage de la population a été multiplié par 10, les admissions en hôpitaux psychiatriques ont triplé, la consommation de médicaments tranquillisants a été également multipliée par 10, le recours à la drogue a été massif. C'est un véritable prozac sociologique ! Les hommes se mettent à vivre comme des monades « sans portes, ni fenêtres », selon la forte expression de Leibniz.

Le triomphe du « moi » et du narcissisme destructeur

Il n'est pas paradoxal de penser que la progression du taux d'incivisme est parallèle à celle de l'individualisme et du « moi ». Plusieurs indices en témoignent tandis que s'effrite l'intérêt pour le bien commun.

Pour apprécier la diffusion des valeurs individualistes, on dispose d'un certain nombre d'enquêtes réalisées au niveau européen. Les résultats sont concordants : tous les sondages montrent une progression constante de la tolérance à l'égard de la transgression des règles ! Cette transgression acceptée l'est encore plus pour les atteintes au biens communs « exemple : acheter un objet volé, percevoir des allocations indues... ». En outre, on adhère encore plus aux valeurs individualistes lorsqu'on est jeune. Ce n'est pas du à l'âge en soi, car chaque génération nouvelle se situe à un niveau d'individualisme plus fort (R. Schweisguth : la montée des valeurs individualistes. Ed. Persée) .

En outre, la mentalité d'assisté fait se généraliser le comportement du « passager clandestin». Le mot est de Mancur Olson. Cette conduite consiste à tout attendre d'une action collective à laquelle on s'abstient de participer soi-même. En d'autres termes, on laisse aux autres, le soin de revendiquer et l'on se contente de participer au bénéfice de la revendication. C'est ce qui fait la force des syndicats de la fonction publique, les salariés du secteur privé soutiennent toujours leurs grèves.( Mancur Olson - Logique de l'action collective. PUF ).

Ainsi, une véritable indifférence à l'égard du bien commun se manifeste. De moins en moins d'individus se conforment aux exigences civiques, moins par rébellion, que par anticipation du comportement des autres et par une fascination exclusive au bénéfice de l'Avoir.

Le critère des personnes consiste à présupposer le comportement des acteurs qui gèrent leur sort. C'est cet esprit qui anime aujourd'hui l'individu, car il anticipe, par une certaine lecture du spectacle social, que ses congénères ne respecteront pas les exigences civiques. La confiance impliquée par le lien social ayant disparue, il ne reste que des stratégies individuelles, alors que l'individu sait encore peut-être, qu'une stratégie collective serait plus profitable à tous ! Cependant, ces comportements se généralisent aussi du fait de l'impératif de la réussite concurrentielle. La considération sociale ne s'attache plus qu'à la réussite matérielle. Donc, tous les raccourcis sont bons, soit par les ascenseur sociaux que sont le sport ou le show business, soit par la débrouille, plus rarement désormais par l'Ecole.

Une sorte de narcissisme destructeur affecte ainsi les classes moyennes qui constituent la structure centrale des Sociétés sociales démocrates. Ceci s'inscrit naturellement dans les conséquences de l'individualisme, car il postule le foisonnement des « moi », des subjectivités au détriment des valeurs vécues collectivement qui peuvent mettre en forme la Société.

Les individus ne se sentent plus liés, car ils n'ont plus rien en commun.

« Cette Société sans croyance forte, est une Société qui meure », selon Régis Debray. Or, en quoi les Sociétés post-industrielles peuvent-elles croire en commun? On ne meurt pas pour un comportement économique, pas plus qu'on ne perçoit d'avenir, si son propre imaginaire est dominé par la centrale culturelle mondiale qui est devenue Hollywood. Il existe un rapport évident entre l'effritement du sens et la destruction de la dimension historique du corps social.
En fait, c'est un véritable vide communautaire qui caractérise le corps social, tandis que la relation sociale devient virtuelle.

La désagrégation des communautés organiques crée un anonymat médiocre et réduit les fonctions essentielles à l'échange marchand. Pourtant, on voit se multiplier des phénomènes de « déliaison » ... «L'individolâtre» déserte les affaires publiques, il ne connaît plus ses voisins, ni ses fournisseurs, ni ses proches .... Il enferme ses parents dans de lointaines maisons de retraite et ne rencontre ses enfants qu'en copain ...Il préfère le divorce tant il est vrai que n'ayant plus aucun intérêt pour la famille souche ( l'expression de Mme Evelyne SULLEROT), il préféra la cassure sur un mode infantile .

Ainsi, la famille a été privatisée, c'est à dire, coupée du social. Elle a été privée de ses fonctions essentielles qui faisaient sa raison d'être, qu'il s'agisse de la reproduction, de la garde et de l'éducation des enfants, des soins donnés aux malades ou au vieillards. Elle n'est plus aujourd'hui qu'une structure refuge, une sorte de cocon abri, où les enfants n'ont que des droits et les adultes des devoirs ... Ainsi, l'enfance se prolonge et le monde adulte s'infantilise ... Les rites de passage d'une classe d'âge à une autre ont tous disparu .... Le devoir de rester jeune articule une Société «faustienne » où le passé est aboli et le présent «éternisé ».

Les modes de vie deviennent indifférenciés ; avant le boucher et le boulanger, l'instituteur avaient un code de vie différent, parfois même un langage différent. Aujourd'hui, le consumérisme oblige à l'homogénisation pour des productions de masse au service d'un goût de masse. Tout ce monde aime la même marchandise, seule varie la quantité d'objets consommés en fonction du pouvoir d'achat ... Même les villes dites modernes en réalité, victimes de la charte d'Athènes ou du Corbusier, sont devenues anonymes et marchandes : « la ville est devenue un pur système de structure fonctionnelle et corrélativement d'individus isolés qui se meuvent dans toutes les directions sans autre but que les flux de consommation et du spectacle » (Pietro Basselonna, Economie barbare).

La relation sociale devient virtuelle.

Le spectateur ne vit plus en direct, il connaît une existence de seconde main, il perçoit une Société en trompe l'oeil. On se nourrit de la subjectivité de l'autre parce que l'on ne sait plus vivre la sienne ..... le spectateur est devenu lui-même un extérieur à lui-même ... L'individu moderne est un homme sans intérieur, son imaginaire et sa pensée symbolique ont été facilement saccagée par le mode de communication ambiant ...

L'Ecole qui promeut exclusivement un enseignement utilitariste, ne le forme plus à la mémoire et à la mise en perspective. « Retranchés dans nos domicilies à recevoir les images du monde entier, nous ne vivons plus dans notre propre vie »( in les citoyens et le bien commun, Futurible Juillet/Août 1995). D'un côté, un ouverture quasi-planétaire, de l'autre, la fermeture étroite sur le cocon de l'univers domestique où trône le Minotaure selon Marcel Aymé. La morale constante caritative dégouline dans de forts trémolos, l'éthique est indolore au profit d'individus qu'on ne verra jamais. Après le quart d'heure de la haine, selon Orwell, s'est imposé le quart d'heure d'amour. On connaît une foule de gens, mais on en appréhende plus que les reflets .Ainsi, l'exigence du lien social s'est transmué, de religieuse dans les Sociétés traditionnelles, elle s'est voulue idéologique puis socio-économique.

Mais aujourd'hui, tous les grands appareils intégrateurs (Eglise, Ecole, Armée, Syndicat ...), volent en éclats. La nouvelle idéologie des droits de l'Homme n'est qu'un contrat sans valeur explicative générale. Il s'agit bien d'une crise du sens « la relation entre les pôles de la Société ne prend plus les formes d'un face à face, mais d'un côte à côte ... Il y a un véritable décrochage de la partie modernisée de la Société » .

Or, le champ politique n'a pas compris que le corps social avait sa vie propre, car conscient de la tension Vie Mort. La réponse du champ politique est médiocre, elle se partage entre une aile réformiste qui s'applique des cautères sur des jambes de bois, en espérant prolonger la Société par l'achat de la paix sociale ; une aile xénophobe qui, pour lutter contre la désagrégation sociale préfère le recours au seul gendarme ; une aile libérale qui au fond est assez satisfaite de l'individualisme, mais qui souhaiterait plus de « flexibilité » pour un meilleur marché.

Le triomphe du «mou» et du «tiède» .

Le Triomphe du «mou», est en droit fil de cette idée stupide qui consiste à penser que tous les problèmes qui fâchent, ne sont que des problèmes de Sociétés, alors qu'il s'agit de vrais choix politiques. C'est à dire de choix, qui impliquent de désigner un ennemi, et d'engager un conflit. Or, le citoyen n'est plus conçu, ni vu comme cet aristocrate républicain, qui à l'image des guerriers antiques, s'engageait pour défendre la patrie, afin de préserver son droit à élaborer ses propres lois.

La citoyenneté est devenue utilitaire tandis que l'Agora est envahi par la sphère du privé. Dans la tradition Républicaine, la citoyenneté épousait les contours de la nationalité. L'adhésion au génie national l'emporte sur l'acte raisonné du contrat sociaL Etre citoyen français revêt une dimension éthnoculturelle. Le citoyen, héritier d'un destin commun, se sent inscrit dans une généalogie, dans une communauté.

Le désenchantement matérialiste change la nature de la citoyenneté qui se mesure de plus en plus à ses valeurs d'usage ... le citoyen pense désormais en droits de créance sur la Société. C'est peut -être le triomphe posthume de Max Weber, car nous sommes devenus tous protestants Wébériens ... Nous vénérons l'argent comme indice de la grâce .,, Toutes les politiques visent alors à répondre à une seule démande, celle du bien être... C'est l'utopie du «Fun » dont la finalité est de « dématérialiser le monde en bousculant les frontières du temps et de l'espace ... Le Fun est le contemporain du Virtuel et selon le mot de Pascal Bruckner, il est la marque de l'euphorie perpétuelle. Il ne faut pas peser, ni penser, il faut planer… rêve de l’Homme sans bagage, « dépaysé » qui privilégie la sensation sur l’expérience, le frôlement sur l’enracinement, l’émotion sur la raison. Tel est le Fun, l’utopie d’un allégement total qui permet toutes les voluptées en esquivant tous les malheurs

Le passé et le futur se fondent dans un présent faustien

Il n’y a plus d’utopie possible. Si l’on comprend l’utopie comme un projet porteur d’un sens de l’Histoire, celle-ci s’est effectivement effondrée. Si l’homme perspectif était utopique, l’homme présent se veut uchronique, l’uchronie est l’utopie d’un temps qui est un éternel présent . L’esprit utopique ne repose plus sur un futur souhaité mais sur la transgression des catégories, des frontières entre l’Homme et l’animal, entre l’Homme et la machine, entre l’Homme et lui-même… « Matrix et Fight Club » en sont les expressions cinématographiques les plus parlantes… C’est une transgression désespérée à la recherche d’un « pourquoi » sans réponse…

L'individu ne peut plus se mettre en perspective parce qu'une telle mise en perspective exige la claire conscience d'un héritage et d'une appartenance qui ne peuvent être appréhendés eux-mêmes que collectivement. La suppression du sens lié aux valeurs collectives aboutit à la dissolution des groupes car les valeurs collectives n'ont de sens que par la capacité et le goût qu'ont les hommes de rêver leur Histoire. De ce fait, la Société civile, lieu d'expression privilégié, des désirs, des besoins, des manques, des frustrations, pulvérise les symboles de la Société politique.

Quelles pourraient être les valeurs de Bien et donc de Mal de la Société Politique ? On a vu, pendant la guerre du golf des soldats Irakiens qui se rendaient, drapeau blanc dans une main, Coran dans l'autre .... Un soldat occidental se serait rendu avec quoi ? En brandissant quoi de consensuel, donc de religieux? son numéro de sécurité sociale, une cassette vidéo, son thème astral, un gins, un cheeseburger ? La déclaration des droits de l'Homme écrite en anglais ?

En fait, rien qui identifie l'Histoire de l'occident ! car l'Homme présent est un homme sans point de vue .... C'est à dire privé de distance symbolique. A force de pratiquer un narcissisme collectif auquel s'identifie le culte de l'opinion, les Sociétés contemporaines bannissent la déviance, l'originalité. Elles n'ont plus « ni Dieux, ni mythes, ni symboles, mais au mieux des désirs chiffre (Alain Minc : Le nouveau moyen âge : Ed.Gallimard). Elles absorbent tout, opposition, majorité, exclus, inclus, tout est récupéré, réinterprété par la pub idéologie et le trémolo humanitaire. Aucune Auctoritàs n'y a donc sa place car les cieux sont voilés et le désir de vie s'étiole dans ce présent éternisé .... On devrait revoir et revoir ce célèbre film de J. Boorman. Zardoz, là où les rebelles revendiquent la mortalité et donc la Vie pour abolir une Société d'immortels, vieillards jouisseurs et pétris dans lui ... Ces nouveaux mortels deviennent les Seigneurs de guerre, car quand le Roi est nu s'élèvent alors les Seigneurs de guerre.

*Collaborateur de Metamag, Professeur des facultés de droit

dimanche, 27 octobre 2013

Los conceptos de “Pueblo” y “Nación”

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Los conceptos de “Pueblo” y “Nación”

Conrado Eggers Lan

Ex: http://elfrentenegro.blogspot.com


El presente trabajo corresponde al texto de una ponencia que, con idéntico título, fue presentada, por el Dr. Conrado Eggers Lan, en las Jornadas Bolivarianas organizadas por la Universidad Autónoma de México en agosto de 1983, sobre el tema “La filosofía doscientos años después”. Fue publicado en la Revista Soles, la agenda cultural de Buenos Aires, Nº 77, junio de 2001. Consideramos que, a pesar del tiempo transcurrido y los cambios políticos en el ámbito mundial, el análisis de los conceptos de Pueblo y Nación mantienen plena vigencia.

 

Naturaleza y cultura


Para discernir mejor el concepto de “pueblo” del de “población”, y el de “nación” del de “país”, apelaremos a una distinción que ha sido enfatizada desde el s. XIX, pero que deriva de los primeros sofistas griegos, de mediados del s. V a.C.: la delimitación entre “naturaleza” y “cultura”. Pues ya Protágoras decía que “la enseñanza requiere tanto del talento natural (phýsis) como del ejercitamiento” (D.-K. 80133); y Antifonte, por su parte, cuestionaba la diferenciación habitual entre “griegos” y “bárbaros”, ya que, aducía, “por naturaleza hemos nacidos todos similarmente en todo sentido; todos, tanto griegos como bárbaros, respiramos por la boca y la nariz, y comemos con la ayuda de las manos” (D.-K. 87B44). Es decir, se comenzaba a descubrir que, además de lo que existe cuando nace el hombre, existe, y como algo nuevo, lo que el hombre hace. Así, a grandes rasgos, pues, podemos caracterizar a la “cultura” como la acción específicamente humana y sus productos (desde un pequeño crimen hasta la más excelsa obra de arte), a diferencia de los procesos meramente orgánicos y físico-químicos de toda índole en que no entra en juego la mente humana.

“Población” y “pueblo”


Veamos, pues el concepto de “población”: este concierne a la totalidad de habitantes de un lugar, aun cuando no exista otro rasgo en común que el de co-habitarlo, y el de poseer, mayoritaria o centralmente, la misma lengua y quizás el mismo origen étnico. Hasta cierto punto, entonces, podría considerarse la “población” como un hecho natural o casi-natural. De acuerdo con lo dicho, en cambio, “pueblo” configura una creación cultural. “Pueblo”, en efecto, designa una ligazón de los habitantes de un país en torno a un objetivo común, un vínculo que conlleva implícitamente una voluntad de acción, o directamente un accionar conjunto. Esta diferenciación que hacemos implica cuando menos la posibilidad de que no todos los habitantes de un lugar participen o deseen participar en la persecución de una meta común.

Los objetivos del “pueblo”


Aquí ya debemos explicar, aunque sea del modo más esquemático, lo que entendemos por “objetivos comunes” y por “meta común”. En términos generales, cabe afirmar que la meta común cuya búsqueda liga entre sí a los integrantes del “pueblo” es la realización humana, el ser-más de cada uno y a la vez de todos, la humanización cada vez más plena de los hombres. Un fin que es, pues, “metafísico”, porque atañe al ser del hombre; lo cual no remite a un ámbito abstractamente misterioso, sino a lo que aquí describiremos como la armoniosa conjunción de los siguientes objetivos:

1. La satisfacción de las necesidades humanas más elementales (de alimentación, de vestimenta, vivienda, atención de la salud, etc.);

2. El cumplimiento de un trabajo que permita desplegar al máximo posible las aptitudes creativas personales, o que deteriore lo menos posible tales aptitudes;

3. La disposición de un “tiempo libre” en el cual las aptitudes creativas personales se desarrollen al máximo o se deterioren mínimamente; en lo cual tenemos en cuenta la indicación de H. Marcuse (One-dimensional Man, Londres, 1964, p. 49, n. 38) de que en el s. XX existe en los países industrializados más “tiempo de ocio” (leisure time) que en el s. XIX, pero no más “tiempo libre” (free time), y de que el “tiempo de ocio” es manipulado por los medios de comunicación masiva de un modo que deteriora toda aptitud creativa personal;

4. La organización del país en una nación independiente, en cuyas decisiones el hombre participe.

Esta enumeración de objetivos que acabo de hacer es puramente taxativa, de ningún modo cronológica o jerárquica.

Consciencia de la meta común


Por supuesto, no pretendemos que estos cuatro puntos sean asumidos explícitamente en el proyecto vital de cualquier ser humano, sino solo que es muy probable que su postulación fuera admitida por la gran mayoría de los hombres; y también que de hecho ya se encuentran presentes, de un modo menos preciso y esquemático que el expuesto, en los anhelos y pensamientos de la mayor parte de los individuos y de los pueblos.

Podría argumentarse que el objetivo que mencionamos en cuarto término no es patrimonio más que de una élite intelectual, extendido a los demás solo por un voluntarismo paternalista. Sin embargo, allí donde los pobladores se arraigan buscan, por una necesidad bien concreta, organizarse en sus esfuerzos comunes por afirmar su propia existencia en el lugar; aun cuando, sin duda, la historia de la paulatina organización de un “pueblo” es una cosa muy lenta y larga. Y la consciencia de los objetivos que hemos descripto puede ser más lúcida o menos lúcida, más precisa o menos precisa; pero en la medida en que esta consciencia sea común a los integrantes de un “pueblo”, proveerá a su accionar de una consciencia solidaria, una consciencia que podríamos considerar ético-metafísica, ya que promueve la realización plena como meta de los actos. Ahora bien, la detención en el cuarto de los objetivos que enumeramos nos lleva de la mano al concepto de “nación”, dado que en ese punto hemos subrayado el arraigo en un país y la organización en una nación independiente. Pues un “pueblo” puede nacer en el desierto, como los hebreos conducidos por Moisés en su marcha a través del Sinaí; pero su primera meta es “arraigarse” en un país, y a partir de allí “organizarse” para el logro de los objetivos comunes. Por consiguiente, la diferencia entre los conceptos de “país” y de “nación” reside en que con “país” se tiene en mente un “territorio poblado” –o al menos “poblable”-, en tanto que por “nación” entendemos la organización de un “pueblo”, arraigado en un “país’, a los fines de alcanzar solidariamente la realización humana. Al decir esto no estoy identificando “nación” con “Estado”, por cierto. Mi intención no es ahora detenerme en el concepto de “Estado”, pero en cuanto toca a la definición que hemos dado, “Estado” menta el aspecto de “organización”, mientras “nación” se refiere al “pueblo” como sujeto que se organiza. En ese sentido, podríamos decir que el concepto de “nación” implica algo personal, en tanto el de “Estado” algo cósico: cabe así decir que un “pueblo” tiene consciencia nacional, mientras hablar de “consciencia estatal” sería absurdo.

“Pueblo” y “anti-pueblo”


Volvamos ahora a la advertencia hecha sobre que el concepto de “pueblo” implica, por definición, la posibilidad de que no todos los habitantes de un país participen o deseen participar en la búsqueda de una meta común. Inclusive, añadamos ahora, puede darse el caso de que, dentro de la “población”, haya “individuos” o grupos que se opongan al proyecto nacional del “pueblo”. Abarcaremos en el concepto de “no-pueblo” a los individuos o grupos que, sin oponerse a dicho proyecto, no participan ni desean participar del destino común. Incluiremos, en cambio, en el concepto de “anti-pueblo” a los individuos o grupos que se oponen al “pueblo” en la consecución de sus objetivos. Estoy plenamente consciente de los riesgos implicados en el uso de expresiones tan esquematizantes como “no-pueblo” y “anti-pueblo”; creo que vale la pena asumir tales riesgos, en vista de la operatividad que, una vez precisados, veremos que ofrecen dichos conceptos, y que es sin duda mucho mayor que la operatividad acreditada históricamente por conceptos como el de “clase”. No obstante, y para evitar excesivas cacofonías, recurriremos a dos eufemismos, cuya intención espero no sea malentendida como europeizante: “la Nobleza”, para remitir a nuestro concepto de “antipueblo”; y “el Tercer Estado”, para denotar nuestro concepto de “no-pueblo”. Tratemos ahora de delimitar más claramente estos conceptos. ¿Podemos hacerlo en base a la cantidad, de modo tal que el “pueblo” fuese la mayoría de la “población” y la “Nobleza” una minoría? Sin embargo, de ser así, y teniendo en cuenta que sin duda la “Nobleza” cuenta también con objetivos comunes a sus integrantes -en vista a los cuales precisamente combate al “pueblo”-, faltaría la distinción cualitativa. En ese sentido, bien decía Aristóteles que el número “es accidental”, y que lo que hace la diferencia esencial es que, en el caso que él considera “correcto”, se atiende “al beneficio común”, mientras en el de los que denomina “desviaciones”; se mira “a los intereses particulares” (Política III 5, 1279a-b). Extraemos esta indicación aristotélica del contexto en que se halla, porque nos resulta esclarecedora para nuestro análisis. En efecto, en lo que concierne a la descripción que hicimos de los cuatro objetivos que persigue el “pueblo”, podemos advertir que cada integrante del pueblo quiere o puede querer tales objetivos para todos los pobladores del país. En lenguaje aristotélico, pues, lo que denominamos “pueblo” quiere “el bien común”. Pero la “Nobleza” no quiere ni puede querer “el bien común”, puesto que, por definición, se opone a la voluntad del “pueblo”; el “bien común” entraría en colisión con sus “intereses particulares”.

“Pueblo” y “anti-pueblo” en América Latina


Voy a ejemplificar con la experiencia que me es más familiar. Pienso, en efecto, que ya resulta claro que, al hablar de “anti-pueblo”, no estoy rotulando un fantasioso producto de laboratorio, sino mentando una realidad tan concreta como cruda en América Latina, a saber, la oligarquía ligada a los centros internacionales de poder financiero. En relación con los cuatro objetivos comunes que enumeramos como constituyentes del proyecto de realización humana del pueblo, advirtamos que dicha oligarquía podría condescender en la búsqueda del primero de ellos (la satisfacción de las necesidades elementales), y quizá, en principio, decir que no es cosa suya el logro del segundo objetivo y del tercero. Pero jamás podría aceptar la aproximación al cuarto, el referido a la organización de una nación independiente y a la participación del “pueblo” en las decisiones, pues esto quebrantaría las bases de su propio poder y de su misma existencia; y no solo porque la participación popular en las decisiones deterioraría su privilegio, sino porque su poder sectorial se apoya esencialmente en la dependencia de su país respecto de los centros internacionales de poder financiero. Precisamente por eso, cada vez que la “Nobleza” ataca, lo más probable es que en el bando de enfrente esté el “pueblo”. Si se tuviese esto en claro, no se habría producido -ni persistiríaese fenómeno de autoengaño que hemos observado y seguimos observando en la Argentina, donde los teóricos de la política se niegan a hablar del peronismo como un movimiento popular -o, en el gobierno, como un gobierno popular-, y prefieren calificarlo de “populismo”, pretendiendo negarle su condición de “pueblo” y presentándolo como una aglutinación demagógica de una mayoría favorecida solo superficialmente. Cualquiera que eche una mirada a la historia política argentina de los últimos cuarenta años puede advertir que la oligarquía agropecuaria ligada a los intereses extranjeros estuvo siempre en el bando opuesto al peronismo, y, en tal condición, derrotada claramente por este en todos los comicios y su vencedora solo merced a violentos golpes militares.

“Elite” y “pueblo”


En este punto, de todos modos, cabe señalar que el ser atacado por la “Nobleza” no es por sí solo garantía de que el conjunto atacado sea el “pueblo”. Pues el ataque también puede desatarse sobre una “vanguardia esclarecida” que desafíe a la “Nobleza” en forma inclusive más clara y agresiva de lo que lo haría el “pueblo”, y se convierte entonces en chivo expiatorio, sea por el temor de la “Nobleza” de que el brote sea epidémico, sea porque ella se forja la ilusión de que está combatiendo a su real enemigo. En este segundo caso, la ilusión es por partida doble, ya qué no solo la “Nobleza” toma a la élite por “pueblo”, sino que esta también se ilusiona con que es “pueblo” o con que lo representa. Sin embargo, el “pueblo” jamás se forma o actúa en base a una “vanguardia esclarecida”. Y aquí sí, para advertir la diferencia, cuenta el número, ya que esa “vanguardia” es una pequeña minoría, en tanto el “pueblo” es siempre mayoría. De todos modos lo esencial a este sigue siendo la consciencia solidaria de los objetivos comunes, solo que estos objetivos también pueden ser postulados por esa “élite ilustrada”, y en forma más marcada y explícita. Porque la consciencia que de sus propósitos tiene un individuo suele ser más clara que la de una pluralidad de individuos, máxime si ese individuo es intelectual y si esa pluralidad es muy vasta (aunque la “sabiduría popular” es generalmente más profunda y duradera, quizá por formarse con la lenta sedimentación de las experiencias). Y este hecho origina que tal individuo o una élite compuesta por tales individuos enjuicien el comportamiento del “pueblo”, y el grado de consciencia alcanzado por este, dictaminando que la consciencia del “pueblo” está aún inmadura o no existe. En ese sentido persiste hoy en día el voluntarismo liberal de la filosofía política de Hegel, quien parte del concepto de libertad como voluntad racional y universal, entendiendo por voluntad universal no lo que quieren todos o la mayoría de los pobladores, sino la voluntad racional que solo la “vanguardia ilustrada” puede poseer y que por sí sola acredita su universalidad. En cambio, dice Hegel, “el pueblo, en la medida que con esta palabra se designa una parte determinada del Estado, expresa la parte que precisamente no sabe lo que quiere. Saber lo que se quiere y, más aún, lo que quiere la voluntad que es, en sí y para sí, la razón, es el fruto de un profundo conocimiento y sabiduría, que no son precisamente cosa del pueblo”. (Grundlinien der Philosophie des Rechts § 301; 4a. ed., J. Hoffmeister, Hamburgo, 1955, pp. 261s.). Hemos hablado de élite o “vanguardia”, pero en rigor debemos usar el plural, ya que puede haber muchas y con una gran variedad de ideologías, que lleguen a ser inclusive “opuestas”, con la sola característica común de “vanguardias ilustradas”. En tanto tales, estas “vanguardias” no pueden integrarse en el “pueblo”, aún cuando eventualmente exista coincidencia de objetivos; los individuos que integran las élites sí pueden integrarse al pueblo, a condición de renunciar a todo carácter de “vanguardia esclarecida”, y sin perjuicio de sumar su aporte a los estudios teórico-prácticos que se hagan en el seno del “pueblo”. En cualquier caso, y siempre que una miopía total no las haga cómplices de la “Nobleza”, las élites no forman parte de esta, sino más bien de lo que denominamos “no-pueblo” o “Tercer Estado”, y que ahora estamos describiendo.

“Sector neutro” y “pueblo”


El “Tercer Estado”, en efecto, dista de agotarse en las élites, sino que su franja más amplia es ocupada por lo que bautizaremos como “sector neutro”, por el hecho de que es el único sector o grupo que no se pronuncia a favor o en contra del “pueblo” (aloja, naturalmente, opiniones individuales o aisladas, si no hay compromiso ni riesgos, pero que nunca abarcan a más de un individuo). Se trata de un conjunto de personas que pueden pertenecer a muy diversas clases sociales y estamentos, y que, aparte de las afinidades lingüísticas y étnicas, no cuentan con otros rasgos en común que los de vivir en una misma región bajo las mismas leyes y costumbres. Alguien podría objetar aquí que rasgos comunes tales como los étnicos y lingüísticos y la vida en un mismo país bajo las mismas leyes y costumbres son precisamente los rasgos que de ordinario se tienen más en cuenta al describir el concepto de “nación” y al caracterizar al “pueblo” que hay en ella. Y sin embargo, si se admite la noción de “consciencia nacional” como consciencia de un proyecto de realización común, deberá convenirse también en que no hay nada más ausente que ella en ese “sector” que denominamos “neutro”. Pues en dicho “sector” solo hay proyectos de uno, a lo sumo de dos, pero nunca más allá de un individuo o de una pareja. Y esta diferencia se hace en este caso más substancial que en las otras relaciones consideradas, ya que puede haber circunstancias en que la cantidad de individuos que componen este “sector neutro” aumente hasta el punto que este sea numéricamente mayoritario dentro de la población. En tales circunstancias no cabe hablar de “pueblo”, ya que el “pueblo” solo puede existir mayoritariamente. Así, de producirse eso, solo habrá “Tercer Estado” y “Nobleza”. No obstante, ni aún en tales circunstancias estos dos conjuntos se identifican ni se asimilan entre sí. La “Nobleza” puede, ciertamente, instrumentar tanto al “sector neutro” como a las élites para sus fines antinacionales, o, al menos, mantenerlos bajo control. Lo que no veremos es que la “Nobleza” combata al “sector neutro”, sea este minoría o mayoría, en lo cual este se distingue claramente del “pueblo”.

“Anti-pueblo” sin “pueblo”


Aquí debemos modificar o al menos precisar nuestra caracterización anterior de la “Nobleza”, en tanto la basamos en la oposición de esta al proyecto del “pueblo”, y ahora presumimos su existencia incluso allí donde decimos que no hay ya “pueblo”, sino solo “Tercer Estado”, con un “sector neutro” mayoritario que no tiene un proyecto común y que, por lo mismo, no es atacado en su accionar. Lo que sucede es que hoy en día ningún país de la tierra puede substraerse a la marcha de la historia, sino que siempre participa en esta, sea a través de un proyecto nacional o de un proyecto anti-nacional, por más efímero o incoherente que resulte. Y si no hay un “pueblo” que impulse un proyecto nacional, el proyecto que se ejecute será anti-nacional, ya que frenará toda posibilidad de realización humana común y, ante todo, la de organización nacional. Y para ello siempre deberá haber una minoría anti-nacional que coincida con lo que hemos denominado “Nobleza”, aunque no esté su acción centrada en combatir al “pueblo”, sino a lo sumo en prevenir la eventual aparición del “pueblo”.

Surgimiento y evolución del “pueblo”.


Cómo surge el “pueblo” allí donde no existía y la plaza mayoritaria era ocupada por el “sector neutro”, constituye para mí un problema del cual por ahora solo puedo tomar nota, ya que mi conocimiento de la historia de América Latina no me permite más que conjeturar que el surgimiento de un “pueblo” no se sujeta a leyes históricas más o menos detectables, y como mucho advertir algunos hechos que facilitan la creación cultural de un “pueblo”, tales como la aparición de líderes y coyunturas que propician la madurez de la consciencia “popular”. Por lo demás, una vez en escena los “pueblos”, su evolución no es rectilínea hacia los objetivos, puesto que, por un lado, no basta la voluntad de lucha, creación y sacrificio y, por otro, la cosa se juega en buena parte fuera de los límites de una sola “nación” y de un solo “pueblo”. En esa evolución, el “pueblo” puede ser golpeado y sometido; pero en el lapso siguiente solo quedará aletargado, nunca extinguido: una vez que se toma “consciencia nacional” ya no se la pierde, y el “pueblo” solo puede cesar de existir con la civilización íntegra a que pertenece.

“Pueblo” y “nación” en Latinoamérica.


Finalmente, queda aún por reflexionar sobre la posibilidad de aplicación de los conceptos que he descripto al proyecto bolivariano de unidad latinoamericana. Hoy en día podemos discernir tres metas escalonadas en el cumplimiento pleno de dicha propuesta, aunque esta sea en principio explícita solo en cuanto a la segunda meta; la primera sería “nacional” y la tercera “mundial”. En efecto, ningún individuo puede realizarse en una comunidad que no se realice -esto es, en un país que no sea “nación”- y análogamente, ninguna “nación” de la tierra puede realizarse en un mundo que no se realice. Hablar de la realización humana en términos planetarios suena a utopía renacentista y parece convertir el análisis filosófico en fantasía pura. Y sin embargo, es lo mismo que, con un lenguaje político realista, plantean los representantes del Tercer Mundo ante los poderes hegemónicos en las conferencias internacionales. Y precisamente la denominación “Tercer Mundo” designa una realidad socio-política más amplia que la “nacional” y más reducida que la mundial; realidad socio-política que es más concreta y homogénea aún si la restringimos a América Latina. Vale decir, la unidad latinoamericana sería la segunda meta. La mayor dificultad estriba en que, de diversas maneras, el logro de la tercera meta condiciona la plenitud de las dos anteriores, especialmente porque el “anti-pueblo” sienta sus reales en ese nivel mundial, y es allí donde combate al “pueblo” de cada “nación” y de toda Latinoamérica. Por cierto que mi análisis se detiene aquí, ya que no cuento con la experiencia adecuada para responder a la pregunta de sí hay o puede haber un “pueblo” latinoamericano que haga suyo un proyecto de “nación” latinoamericana más allá de todo voluntarismo elitista. En este punto solo arriesgaría una conjetura afirmativa, en base a la similitud de los procesos históricos, sociales, económicos y políticos en toda Latinoamérica y a la casi certeza de que hay un destino común que poco a poco se va asumiendo en todas partes. Por ello considero que un análisis como el que bastante burdamente acabo de presentar podría ser afinado y precisado dialógicamente, y de ese modo configuraría un aporte nada insubstancial de la filosofía a la propuesta de Bolívar de unidad latinoamericana.

* 1927-1996. Profesor titular de la cátedra de Historia de Filosofía Antigua. Publicó traducciones de diálogos de Platón con ensayos preliminares y varios libros sobre el mundo griego. Fue investigador del Conicet y creó la Sociedad Internacional de Platonistas. Desde 1988 dirigió la revista Méthexis con colaboraciones de filósofos argentinos y extranjeros. Interesado en la sociedad actual, también publicó varios libros sobre pensamiento nacional y contribuyó como pocos a la formación politica e intelectual de varias generaciones de dirigentes y militantes del campo del Pueblo de varios países de nuestra región.

mercredi, 23 octobre 2013

La mitología de la modernidad

por Dalmacio Negro

Ex: http://paginatransversal.wordpress.com

Minorías organizadas en lobbies reivindican como conquistas democráticas las cosas más absurdas.

El estado de naturaleza, la doctrina de la soberanía político-jurídica, el contractualismo, el Estado, la Sociedad, y el ciudadano como el hombre perfecto son los grandes mitos que subyacen en el subsuelo de las constituciones modernas, cajas de Pandora del artificialismo imperante en las relaciones humanas.

1.- Luís Díez del Corral observó hace tiempo en La función del mito clásico en la literatura contemporánea, que los mitos clásicos habían perdido su expresividad originaria y Manfred Frak dedicó más tarde algunos libros a “la nueva mitología” de la modernidad. El libro del jurista italiano Danilo Castellano Constitución y constitucionalismo, una espléndida síntesis, breve y muy clara, sobre la naturaleza del constitucionalismo nacido de las revoluciones modernas y sus vicisitudes, sugiere que el constitucionalismo descansa en doctrinas que operan como mitos.

2.- La tendencia más característica del pensamiento moderno interrumpió la mayor de las revoluciones imaginables: la desacralización del mundo que llevaba a cabo el cristianismo. La cultura de la civilización occidental, incluida la resurrección de la mitología, en este caso artificialista -una manera de desacralizar que, al prescindir de su causa, aniquila la vida natural-, tiene la impronta de esa desacralización o desdivinización de la Naturaleza, que suele describirse como secularización, palabra que, si significa algo, es la tendencia a la politización de la vida.

Aparte de hechos como el cambio en la imagen del mundo con los descubrimientos, etc., contribuyeron en el plano intelectual a la nueva mitologización la influencia de la Pólis griega de la mano del humanismo, según la tesis, que se pasa demasiado por alto, del alemán Paul Joachimsen, el suizo Werner Naef o el español Álvaro d’Ors; la del gnosticismo según Voegelin y la reducción del poder a sus connotaciones inmanentistas, de lo que dio Maquiavelo fe notarial. La Reforma protestante les dejó libre el campo al separar la razón (eine Hure, una prostituta según Lutero), de fe, rompiendo la relación entre este mundo y el sobrenatural, del que, como reafirmó el gran teólogo Urs von Balthasar, depende el mundo natural.

Los fundadores de la ciencia moderna estaban convencidos de que Dios había ordenado racionalmente la Creación, siendo posible por tanto conocer mediante la razón las leyes que la gobiernan. Sin embargo fue fundamental el auge de la ciencia, a pesar de haberla hecho posible la desacralización de la Naturaleza, que ahuyentó las creencias ancestrales en signos, fuerzas, seres misteriosos y supersticiones, para reactivar las explicaciones mitológicas: las ideas tienen consecuencias y una de las más peligrosas puede ser su divulgación, como gustaba sugerir Leo Strauss y la ciencia se divulgó como un medio de emancipación del mundo natural de su dependencia del sobrenatural. Algo parecido ha ocurrido con la teoría de la relatividad de Einstein. Al popularizarse la idea, ha contribuido poderosamente a difundir la creencia en que no hay verdades objetivas, impulsando el relativismo moral tan de moda.

3.- La conocida tesis de René Girard de que existe una lucha permanente entre el polémico logos griego de Heráclito y el logos del evangelio de San Juan, resume muy bien el proceso desencadenado en el mundo moderno, en el que se habría impuesto el logos naturalista, de naturaleza mítica. La teología, como fuente de la verdad del orden universal, era considerada el saber supremo en la jerarquía de los saberes. Pero la metafísica empezó a separarse de ella y ante el fracaso de la teodicea (“justificación de Dios”) de la metafísica racionalista, incapaz de demostrar la existencia de Dios, se empezó a poner la fe en la ciencia natural. Separado este mundo del sobrenatural por la Reforma,la ciencia da por lo menos certezas y seguridad acerca de las cosas terrenas.

Esa tendencia del pensamiento moderno impulsada por la metafísica armada con la ciencia, devino una creencia colectiva en la época romántica caracterizada por la revalorización, a la verdad un tanto inconsciente, de la mitología en la que se inserta el constitucionalismo.

4.- Decía Cassirer al comienzo de su libro El mito del Estado: «la preponderancia del pensamiento mítico sobre el racional en algunos de nuestros sistemas políticos modernos es manifiesta». Cassirer se quedó corto al decir “algunos”, seguramente porque el libro vio la luz en 1946. Él mismo afirma casi a continuación que «en la vida práctica y social del hombre, la derrota del pensamiento racional parece ser completa e irrevocable. En este dominio, el hombre moderno parece que tuviera que olvidar todo lo que aprendió en el desarrollo de su vida intelectual. Se le induce a que regrese a las primeras fases rudimentarias de la cultura humana. En este punto, remachaba Cassirer, el pensamiento racional y el científico confiesan abiertamente su fracaso; se rinden a su más peligroso enemigo».

El progreso del pensamiento mítico a partir de esa fecha, evidencia la claudicación del pensamiento racional y el científico. Es más, este último, en su degeneración ideológica, el cientificismo, produce continuamente infinidad de nuevos mitos. Recientemente, los mitos de las “ideologías de la estupidez” (A. Glucksmann), entre ellas las bioideologías, intelectualmente endebles pero muy poderosas dada la debilitación del pensamiento por el auge de esa estupidez que había detectado ya Robert Musil; por la destrucción del sentido común denunciada por Alfred N. Whitehead; por ”el oscurecimiento de la inteligencia” advertido por Michele Federico Sciacca; por la “derrota del pensamiento” constatada por Alain Finkielkraut;… En fin, por la infantilización diagnosticada por Tocqueville como una pandemia a la que es propensa la democracia y fomentan las oligarquías para afirmar su poder.

Los mitos que alberga el modo de pensamiento ideológico, dominan hoy el panorama de las ideas, entre ellas las políticas, jurídicas y sociales. Según el sociólogo Peter Berger, nuestra época es una de las más crédulas que han existido. Sin duda por la apariencia de cientificidad de que se revisten ideas de las que se aprovechan minorías para hacer su negocio.

5.- El profesor Castellano busca el lazo común entre los tres constitucionalismos que distingue: dos europeos, el constitucionalismo “continental” a la francesa y el “insular” inglés, y el extraeuropeo “estadounidense”. No obstante, existe una diferencia entre los anglosajones y el francés: y este último pretende desde su origen ser algo así como la cuadratura del círculo de la mitología política moderna, cosa que no pretenden los otros, más enraizados en la realidad meta-antropológica (von Balthasar), que en la visión meta-física moderna.

Los sistemas políticos que imitan el constitucionalismo a la francesa son prácticamente míticos. De ahí su naturaleza intrínsecamente revolucionaria, pues la Gran Revolución aspiraba a recomenzar la historia partiendo del Año Cero (1789), en contraste con los otros dos, que, menos metafísicos y antiteológicos, eran conservadores, como sentenció Macauley, en tanto no partían del Derecho -la Legislación- como un instrumento revolucionario, sino de la libertad como un presupuesto meta-antropológico cuya protección es, justamente, la razón de ser del Derecho.

En efecto, el verdadero sujeto del constitucionalismo continental no es el hombre libre sino, igual que en la Pólis,el ciudadano, una creación legal en tanto miembro de una comunidad artificial, la estatal.

6.- ¿Cuál es el fundamento intelectual del constitucionalismo? La lógica de la vida colectiva y del orden social es el Derecho de manera parecida a como lo es la Matemática en el orden de la naturaleza. Pero mientras aquella es práctica, empírica, puesto que pertenece al mundo de la libertad, la de la Matemática es teórica, deductiva, puesto que su mundo es el de la necesidad. El Derecho es por tanto el fundamento de los órdenes humanos concretos, en contraste con lo que llama Castellano «la tesis de la geometría legal», según la cual, «el derecho no es el elemento ordenador de la comunidad política (y, por tanto, bajo un cierto prisma preexistente a ella), sino que nacería con el Estado, que -a su vez- se generaría por el contrato social». Esta es la clave del constitucionalismo continental, que instrumentaliza el Derecho poniéndolo al servicio de la política estatal, una política distinta de la sometida al Derecho. De ahí el auge de la politización a través de la Legislación.

7.- El jusnaturalismo racionalista, que fundamenta el constitucionalismo, continuaba formalmente la tradición medieval de la omnipotentia iuris. Pero mientras el antiguo Derecho Natural se asienta como indica su nombre en la naturaleza de las cosas y en la costumbre, el nuevo descansa en la concepción puramente meta-física que excluye la teología (Grocio, Alberigo Gentile, Hobbes…). La anterior omnipotentia iuris, que pervive como un residuo, descansaba en la tradición del Derecho Natural para la que el orden cósmico es congruente con la naturaleza humana. La moderna se rige por el ingenuo jusnaturalismo racionalista, causa del artificialismo político, social, jurídico y moral, pues no se atiene a lo natural, tal como lo muestran las costumbres y la experiencia, sino a la recta ratio. Ésta construye el orden social como un producto abstracto al que ha de adaptarse la naturaleza humana.

8.- ¿Por qué es ingenuo este derecho natural?
En primer lugar, porque al ser puramente racional, “teórico”, su contenido queda a merced de la voluntad, con lo que su racionalidad depende de la coincidencia o no con la realidad empírica, con las costumbres, los usos y las tradiciones de la conducta. En segundo lugar, porque descansa en el mito del contractualismo político, liberador de otro mito, el del estado de naturaleza. Éste es un mito bíblico, pero en el sentido del mito como una forma de expresar la realidad. Idea que, vulgarizada, impulsó el romanticismo. «Para los verdaderos románticos, dice Cassirer, no podía existir una diferencia señalada entre la realidad y el mito; cabía ahí tan poco como entre poesía y verdad».

9.- Hobbes convirtió el estado de naturaleza caída del que hablaban los Padres de la Iglesia en el mito fundacional que justifica otro gran mito: el del contrato político, que, a pesar de la critica de Hume, dio origen a una interminable serie de mitos como el del poder constituyente, al que dedica Castellano un capítulo. Hume no pudo tampoco impedir que su neurótico amigo, el calvinista Rousseau, radicalizase el contractualismo. Hobbes se había contentado con distinguir lo Político y lo Social como el Estado y la Sociedad que, en cierto modo, se limitaban entre sí, puesto que la moral seguía dependiendo de la Iglesia. Rousseau los unificó en un sólo contrato, el contrato social, para acabar con la Iglesia y restaurar el estado de naturaleza, que en su opinión no era cainita como suponía Hobbes, sino todo lo contrario. La supresión o superación del dualismo hobbesiano, será una obsesión desde el romanticismo .

10.- Una consecuencia de la Gran Revolución es la consideración de la revolución como fuente de legitimidad, pues su idea central consistía en garantizar los Derechos del hombre y del ciudadano frente al despotismo monárquico. Mientras los otros dos constitucionalismos se contentaban con garantizar las libertades naturales mediante el Derecho, el francés trasladó el derecho divino de los reyes en el que se apoyaba la no menos mítica soberanía estatal al ciudadano. El ciudadano es el mito clave del constitucionalismo, cuya causa final consiste en la potenciación de la ciudadanía aunque vaya en detrimento de la libertad, pues el ciudadano no es el hombre libre por naturaleza sino una construcción legal, que reserva la ciudadanía para unos pocos, la burguesía revolucionaria triunfante, el tercer estado de Sieyés, una clase económica.

11.- El socialismo se enfrentó a esta situación fáctica, manifiestamente injusta, reivindicando no la igualdad formal, legal inherente a la libertad política, sino la igualación material de todos para establecer la ciudadanía universal. No se opone, pues, al espíritu burgués sino que quiere extenderlo a todas las clases: la verdadera democracia consiste en que participen todos como ciudadanos de las comodidades, placeres y bienestar de la burguesía. Algo así como una clase media universal de espíritu bourgeois. En su versión pacifista, el “socialismo evolutivo” (Bernstein), que prefiere la revolución legal a la revolución violenta, pacta con el odiado capitalismo, igual que había pactado antes la monarquía con la burguesía para afirmar su poder. La socialdemocracia es un capitalismo estatista que identifica el progreso y la democracia con el aburguesamiento universal .

12.- El ciudadano de la Pólis griega combinado por Rousseau con el creyente calvinista de su Ginebra natal -el propio Rousseau- aderezado con la visión de la vida campesina, es la figura central del constitucionalismo. El mito del ciudadano unirá luego los tres constitucionalismos bajo la rúbrica, anota Danilo Castellano, del pluralismo de la ideología de los derechos humanos, más que mítica supersticiosa, si creer en los derechos humanos es, al decir de MacIntyre, como la creencia en las brujas y los unicornios. Las ideologías, llevadas por su lógica y por la demagogia, al instalar como su principio el derecho a la autodeterminación individual, han llegado así al punto en que, sin quererlo, disuelven los órdenes políticos fundados en el constitucionalismo, abstractos por su concepción pero concretos gracias a la presión del poder político.

Ha surgido así un nuevo estado de naturaleza de guerra de todos contra todos fundado en el artificialismo, en el que minorías organizadas en lobbies reivindican como conquistas democráticas las cosas más absurdas. Entre ellas, están alcanzando una gran intensidad política las relacionadas con la “cuestión antropológica”, la última producción de la ideología de la emancipación. Este artificioso estado de naturaleza necesita sin duda de un nuevo constitucionalismo que contenga la destrucción del Estado, de la democracia, de la Sociedad, y, en último análisis, de la cultura y la civilización.

Fuente: Diario español República Constitucional

mardi, 22 octobre 2013

Propedeútica a un mundo multipolar o la Tercera Guerra Mundial

Por Dr. Sebastián Ballesteros Walsh* - El Espía Digital

Ex: http://paginatransversal.wordpress.com

Archive: novembre 2012

Las calles del Imperio

Washington DC, como Roma, Londres, o París o San Petersburgo, es majestuosa ciudad imperial, desde la idea urbanística, el diseño arquitectónico de sus edificios públicos, sus Museos y Ministerios y Bancos, pulcros parques y jardines y los miles de cerezos que florecen en abril, con un toque de millonaria policromía japonesa, contrastada con los verdes de la frondosa vegetación perenne.

Es una hermosa ciudad, si prefiere Georgetown o vivir en los barrios de la periferia, lo suficientemente lejos de la Casa Blanca, el Capitolio y el corazón urbano del Distrito de Columbia, una zona delincuencial verdaderamente peligrosa, que lo pueden despojar de sus bienes en un santiamén y por la corrupción que se ha enseñoreado del Congreso, dominado por los lobbies de Nueva York, la verdadera capital del Imperio, que han despojado de sus libertades y de sus bienes a la mayoría de los norteamericanos, y consentido guerras injustificables.

Envuelta en la cautivamente e hipnótica parafernalia presidencialista de la marcha Heil to the Chieff, paradójicamente una de las metrópolis con mas alta mortalidad presidencial por atentados, solo comparable con la Roma decadente, de pretores, degenerados y lunáticos. Los mitos aglutinantes del Imperio y de su Pax Americana, imagen del faro luminoso que guía a la humanidad por la segura ruta de la democracia, manteniendo en alto la flama de la libertad en la Isla de Ellis, el libre comercio, los derechos humanos y todas las libertades de la Constitución, que fue modelo de las Constituciones liberales de las Naciones Latinoamericanas, traerían progreso, abundancia y prosperidad, pero las copias no han funcionado, al menos no para todos.

El trabajo sí es para todos pero, al final la tajada de león es sólo para banqueros, plutócratas, usureros y sus legiones de eficientes abogados y contadores, directores de medios masivos obsecuentes, y la renovada clase de ciertos generales y almirantes, incompetentes y corruptos, trepadores en las estructuras de poder—- ascendieron lejos de la línea de fuego, centrados en sus carreras políticas más que en el destino de la nación, que no decir de sus propias armas—, puestos a su servicio desde de su retiro temprano con jugosas pensiones, para ascender al Directorio de Corporaciones, las puertas del verdadero poder que domina al Imperio, previas voluntarias concesiones de conciencia hasta quedar como lujosos instrumentos del verdadero poder sin alma, con bonos, acciones y cuentas de cheques.

Distantes e ignorados, los combatientes de la línea de fuego, generales brillantes, oficiales comprometidos y soldados valientes, que sudan, sangran y sufren en lejanas guerras incomprensibles, caprichosas, donde domina el espíritu aniquilador de Hiroshima, Dresde, Nagasaki y Hamburgo. Las legiones están cansadas, desmoralizadas y asqueadas de haber cambiando de branding, de bravos y patriotas, a criminales, sicarios y asesinos seriales.

Si Ud no se ha percatado, la Estatua de la Libertad, símbolo del nuevo mundo, tiene la cabeza hueca como lo es el resto del monumento donado por la Francia de la Revolución y la guillotina. Bajo su antorcha millones han llegado para compartir un sueño, el sueño americano que toca a su fin. Hoy los inmigrantes pasan a ser los villanos inasimilables de Samuel Huntington, el placebo de enemigo necesario para justificar un clima paranoico de guerra interna, la sociedad de la vigilancia electrónica, el dominio del protector Hermano Mayor, el sueño cumplido del suicida Arthur Koestler en 1984. No hay guerra sin enemigo agresor, por eso es necesario inventarlo, fabricarlo, aderezarlos con todos los ingredientes truculentos de la maldad y la sevicia amenazante, e inminente, para entregar con cuentagotas rebanadas de libertad a cambios de una mítica seguridad evasiva siempre amenazada.

Y claro serán los hispanos, morenos y mestizos, el blanco preferido de la propaganda de guerra del Ministerio de la Verdad, encarnada en CNN y en Fox, para demonizar al inmigrante inasimilable porque habla español, ama su familia y su terruño y ora a la Virgen de Guadalupe, casus belli declarado Huntington dixit. Los mexicanos, Osama Bin Laden y Al Qaeda, son los fantasmas que agita la propaganda de guerra para devorar libertades y aumentar presupuestos de guerra y de seguridad, clima mental de paranoia, violencia, distractores eficaces del problema real que enfrenta el Imperio.

El Almirante Mullen, Jefe del Comando Conjunto de las FFAA de USA, declaró sin ambages que el peor enemigo de la seguridad nacional de su país, no era Al Qaeda, sino la burbuja especulativa inmobiliaria gestada por la usura de la Calle del Muro, el otro muro. Pues 40 millones de hipotecas tóxicas, tienen en vilo o en la calle a otras tantas familias, 20 millones de desempleados, 50 millones de adictos que no pueden vivir una semana sin drogas, el déficit fiscal trillonario, el dólar sobrevaluado en un 20%, el riesgo de la recesión, y un país en una larga guerra by proxy, que puede sufragar hipotecando el futuro de generaciones nonatas de nietos y bisnietos. Estos son en conjunto indicadores precisos de que el Imperio unipolar más poderoso en la historia de la humanidad, esta tocado en la línea baja de flotación. Pero un pueblo guerrero, con la maquinaria militar mas avanzada y los recursos tecnológicos impensables, el control de los siete mares, del espacio y las 1000 bases en todo el mundo, guerras en 30 países, 120 mil contratistas privados en Afganistán y otros tantos en Irak, no se bajará del ring sin pelear.

Por eso en mis cavilaciones, me pregunto qué dilemas pasan por la mente de los políticos que mandan a los militares, para engarzarlos en otra guerra mas, en donde tienen mas que perder que ganar, sólo para servir a la minoría fanática que dirige a Israel, poniendo en riesgo la seguridad del pueblo judío todo, en el umbral de un Holocausto nuclear.

¿Cómo dejar Afganistán e Irak retornando las legiones de combatientes sin haber ganado nada? ¿Cómo dejar ahora al África del Norte y Central, en el caos provocado por la guerra de intervención contra el Coronel Gadafi y contra Libia que recuerda al Congreso de Bruselas de fines del siglo XIX en que los imperios se repartieron las colonias como lo harían después en Versalles? ¿Cómo seguir adelante con la destrucción de Siria paso previo a una desastrosa intervención militar contra Irán?. ¿Cómo soslayar que el nuevo Versalles del Medio Oriente diseñado por los tanques de cerebros del occidente plutócrata, no sea el mapa para reproducir después y pronto en América Latina, empezando con México, convertido en proconsulado, víctima de una violencia importada desde el Norte, ocupando con mil excusas humanitarias y ambientales, los espacios vacíos de la región, los Petenes, la Amazonia y la Patagonia? ¿Cómo no elevar el grado de alerta con probables movimientos secesionistas en el Sureste Mexicano, en el Soconusco sobre el Pacífico, en Guayas en Ecuador, en los llanos venezolanos, en Santa Cruz de la Sierra y en el Paraguay?. ¿Qué reacción esperar de Brasil cuando el Comando de la Cuarta Flota reactivada desde después del fin de la Segunda Guerra Mundial declara que navegarán por aguas turbias, clara definición de la Amazonia, al mismo tiempo que la UE y la OTAN solicitan su internacionalización pues Brasil no podría administrar ese pulmón de la humanidad? Tanta generosidad del Imperio es realmente embargante.

Si Mitt Romney declara que el enemigo es Rusia, esto es el retorno a la Guerra Fría, es perfectamente congruente con el pensamiento estratégico neocons. Después de la caída del Muro de Berlín, el cambio de la doctrina de Guerra norteamericana que declara la legalidad del ataque estratégico preventivo—al demonio con la jurisprudencia del Tribunal Militar de Núremberg y con los ejecutados por crímenes de guerra — tira por la borda todos los avances de desarme nuclear, y provoca el rearme de Rusia.

El Imperio contrataca: la instalación de sistemas misilísticos en el Centro de Europa, sólo significa la capacidad instalada para abatir la segunda ola de misiles desde Rusia, si ésta es atacada por la OTAN, no por Irán. La base militar en Darwin Australia, retrotrae la historia a la Segunda Guerra Mundial, en un clima de asedio y contención contra la Republica Popular China, a la que el Asesor de NSA ha declarado el enemigo a aislar en el Lejano Oriente.

El Imperio tiene las tasas mas altas de generales y almirantes por soldados que cualquier fuerza armada de la tierra, y el Departamento de Defensa se ha convertido en un burocracia infernal con 2 millones de empleados en todo el mundo, y en el mayor terrateniente global, superando las aspiraciones de Donald Trump o Ted Turner o (el mexicano de origen libanés) Carlos Slim (el hombre más rico del mundo según revistas especializadas).

Washington DC con todo su glamour atractivo para incautos, es una vanidosa galería de espejos, de pasadizos traseros del poder, por donde caminan presurosos hombres y mujeres talentosos, dispuestos a prestar servicio a los lobbies, dejando en su idílica caja fuerte hogareña, los restos de conciencia, valores y principios éticos WASP a buen recaudo.

Washington es el escaparate del poder imperial, es la rama ejecutiva, legislativa y judicial, de una democracia de partidos, que ha dejado de ser democrática hace muchas décadas atrás, casi un siglo, cuando los plutócratas tomaron el control del timón de la nación en vías de convertirse en Imperio. Las poderosas maquinarias burocráticas de ambos partidos son tan corruptas, como lo son el Congreso y Senado resultantes, dominados por las aportaciones para sus campañas políticas de los lobbies todopoderosos que se ufanan de tener a congresistas y senadores en su bolsillo. Estas minorías partidistas representan los intereses, creencias y ambiciones del 1% que domina al Imperio, pero no representan en absoluto la voluntad del electorado norteamericano tan arrogante como dócil, tan pendular como ingenuo, al hacerse cómplice activo con un sistema basado en mentiras, verdades a medias, rampante corrupción y perpetuo auto engaño, de seguir las reglas del juego del sistema, incrédulamente creyente de que es el mejor del orbe.

Los candidatos políticamente incorrectos, que los hay en el espectro político norteamericano, que arrastran muchos más de los que desearía la Homeland Security, la nueva onerosa y obesa burocracia represiva del Big Brother, desaparecen por arte de magia de las mass media, víctimas de la ley del silencio y la censura impuesta por las corporaciones que pagan anuncios y los lobbies que actúan como desbastadores ejércitos privados.

Los presidentes llegan al poder mintiendo y mienten deliberadamente. Nixon ganó con los votos conservadores, pero fue uno de los presidentes más liberales de su época. Barak Obama recibió el Premio Nobel de la Paz, -como Henry A. Kissinger, el hombre de los Rockefeller, quien al menos cumplió en entregar el sudeste asiático a la esfera comunista-, pero BO lo recibió en estado de gracia, como premio anticipado, antes de haber pacificado nada. La devaluación de los Premios Nobel, desde que se lo negaran al original Jorge Luis Borges, ha puesto en la vitrina de los cambalaches y las vanidades un premio ignominioso. Una vez en el poder, el presidente demócrata resulto más belicoso, intervencionista y desestabilizador que el joven Bush, fiel al apotegma wilsoniano de la guerra perpetua para la paz perpetua. Las doctrinas, políticas y estrategias de los neoconservadores de Brooklyn, aquellos impetuosos jóvenes judíos trotskistas del 68, transformados en “tanque de cerebros” de las administraciones republicanas, primero volcaron en nuevos odres los viejos vinos de la revolución cultural mundial permanente, continuaron con BO su marcha en todos los frentes de guerra, aceleraron las intervenciones abiertas y encubiertas y azuzaron los conflictos por venir en las zonas geopolíticas de tensión, montados en la administración demócrata.

La dinámica democrática

Miente, gana votos y después en el poder haz exactamente lo contrario a lo que has prometido, al cabo dispones de legiones de cerebros capaces de justificar cualquier tropelía, asesinato, tortura, invasión, bloque o destrucción de una nación colocada en la lista negra del Imperio. Al cabo es un empleado de lujo, pero fiel y obediente CEO del verdadero poder plutócrata, que dirige los destinos del Imperio hacia nuevos espacios, nuevas guerras, nuevos órdenes mundiales, fraguados por el complejo industrial-militar-financiero-usurero, que profetizara infructuosamente el Presidente Dwight Eisenhower.

Los resultados de las elecciones presidenciales norteamericanas, descritas cáusticamente por el místico ruso Alexander Solzhenitsin como una pasajera locura carnavalesca, son realmente irrelevantes, pues la competencia electoral y los debates kabuki entre Romney-Obama sólo son una exhibición publica de sus debilidades y flaquezas, del poder de los lobbies poderosos que dirigen la política exterior norteamericana: quién era más fervoroso sionista—aunque no fuera judío—y quién era más agresivamente belicoso en propagar el nuevo evangelio del globalismo capitalista salvaje que ha de dar nacimiento al Nuevo Orden Mundial, anunciado por el viejo Bush hace mas de dos décadas, propulsado por la Revolución Mundial Cultural.

Sentado en una banca frente al Monumento a Lincoln al final del Mall en el corazón de la capital exotérica del Imperio, las cavilaciones se refrescan con el fluir del rio que toda capital imperial tiene por natura.

Las cavilaciones giran en torno al reordenamiento del mapa político del Medio Oriente, iniciada con la invasión y conquista de Irak, balcanizada sobre líneas étnicas y religiosas, remodelación del divide et impera, al wilsoniano modo versallesco de 1918. Esa remodelación ad hoc a los intereses plutocráticos del Imperio, USA-OTAN, que arrastra una larga costosa y desgastante guerra en Irak y Afganistán, sólo augura más guerra, sufrimiento y muerte.

El primer ensayo fue la intervención en los Balcanes, que culmina exitosamente con el reconocimiento unilateral de Kosovo, el nido de mafiosos, terroristas, tratantes de blancas, fundamentalistas musulmanes y traficantes de drogas, que como modelo a seguir, nos deja pasmados por las contradicciones y la hipocresía del discurso legitimador que justifica la peor atrocidad como los ataques terroristas en Siria perpetrados por mercenarios financiados por Qatar y Arabia Saudita, unos a los salafistas, los otros a la Hermandad Musulmana. Hipocresía similar a la violación de Libia y del África por los aliados de USA, la Francia de Sarkozy, la Gran Bretaña de Cameron y la omnipresente Hillary Clinton.

El primer Versalles fue Iberoamericano

Aconteció a principios del siglo XIX cuando el Barón de Humboldt, después de largo periplo por las Colonias Borbónicas de América Española, comparte información privilegiada con sus amigos Jefferson, Madison, sobre las debilidades y fortalezas de la América Hispana. En su juicio geopolítico y racial, no era bueno para las Colonias Inglesas recién independizadas, tener un poder al sur de sus fronteras que compitiera con fuerza e intereses contrapuestos. Deciden que lo mas sabio seria que la América Hispana se dividiera en tres bloques, mientras contenía al Imperio del Brasil anglófilo costero y periférico.

Entre banquetes, cenas, degustaciones privadas de finos vinos y oporto, se diseñó la política de divide et impera para América Latina, antes que iniciaran los procesos de independencia de la España invadida por Napoleón Bonaparte, al desaparecer la autoridad de los Reyes Borbones, calamidad de una casa reinante decadente. El ministro especial norteamericano en América del Sur primero y en México después, Joel Poinsett, sembraría de logias masónicas yorkinas anticatólicas y antiespañolas, jacobinas virulentas, que darían origen a las sangrientas guerras civiles que desgarraron la región por más de un siglo. Y el resto, lo hicieron los caudillismos hasta quedar pulverizadas en veintitantas republicas, exangües y desangradas, económicamente en quiebra por tanta guerra civil, inspirada desde fuera, mientras el Imperio de Brasil, después Republica, permaneció unido y es hoy un obstáculo geopolítico para el Imperio.

América para los americanos

Enunciada en 1820, era en realidad América para los norteamericanos. La construcción veterotestamentaria del Destino Manifiesto, inspirada en las más semitizadas corrientes puritanas escocesas en las Colonias Inglesas del Este, es el antecedente teológico de las guerras de conquista inspiradas por los neocons hebreos de Brooklyn, los cristianos evangelistas sionistas, y los católicos sionistas como el Vicepresidente Biden, el lobby poderoso AIPAC y los fundamentalistas sionistas en el poder en Israel.

Es equívoco confundir el Dios lo Quiere de las Cruzadas, con el Destino Manifiesto, esto es una expresión teológica de iluminación a un pueblo elegido para que llegara a su tierra prometida, a su paraíso terrenal, al paraíso de los trabajadores de Lenin y Marx, el paraíso capitalista de las bancas neoyorquinas, londinenses, parisinas y frankfurtianas, teología que inspira a los neocons y a los fanáticos sionistas que sueñan con el Gran Israel del Nilo al Éufrates, meta sobre la que avanzan paso a paso sin descanso.

Las Cruzadas terminaron sangrando a la nobleza de la espada, drenando las finanzas de los reinos cristianos, y engordando las bolsas de los prestamistas, usureros de los guetos, de los navieros y financieros venecianos en su propio provecho. Hoy se cocina una nueva Cruzada neocons contra el Islam en general pero en especial contra la Republica Islámica de Irán, impulsada por conversos al catolicismo vaticano como el británico Tony Blair y el norteamericano Greenwich, con la bendición del Vaticano y la colaboración de la fatídica Compañía de Jesús, la decadente orden de Los Legionarios de Cristo, y los nuevos fariseos del Opus Dei. No debe extrañar que enarbolen el estandarte de la Virgen de Guadalupe, quien en el imaginario popular, sufre ahora una metamorfosis esquizoide manipulada con una interpretación indigenista que ha de complacer al Comandante Marcos y a sus mentores habaneros y defeños ensotanados.

Esta guerra teológica de expansión geopolítica asume la convergencia de las tres religiones monoteístas en una empresa jerarquizada donde Israel tiene la preminencia sobre el Catolicismo Vaticano, que ha transitado de los hermanos separados, a los hermanos mayores, hasta la paternidad judía sobre el Catolicismo, en boca de Juan Pablo II y Benedicto XVI. El Vaticano es una internacional más en el juego geopolítico del Nuevo Orden Mundial, auxiliar y sierva del Sionismo, al transformar al Gólgota en Auschwitz, a las persecuciones de los primeros cristianos en el fantasma del Holocausto, y al consagrar a Europa, no a San Esteban o Santa Juana de Arco, sino a una santa al vapor, Edith Stein, muerta de tifus en un campo de concentración, una intelectual activista de la resistencia militante.

La expansión hacia el Oeste y hacia el Sur produjo la inevitable guerra contra México, que inicia en Tejas y termina con la ocupación de Chapultepec en 1847. Los amigos y discípulos de Poinsett , Lorenzo de Zavala, Gómez Farías, Justo Sierra Méndez, y otros hicieron su tarea para que triunfaran sus ideas de libertad y progreso, aunque México resultara el amargo perdedor, las libertades se evaporaran y el retraso, los odios y el saqueo fueron herencia maldita de las guerras de intervención e invasiones extranjeras.

El segundo Versalles condujo a la Segunda Guerra Mundial y a un nuevo Versalles, en Yalta, donde los aliados configuraron el reparto de Europa, de las colonias de África y Asia, y de las zonas de influencia de las potencias vencedoras.

No hay duda que después de dos guerras europeas, Estados Unidos, intervino para desnivelar la balanza siempre a su favor, desplazando a los poderes europeos occidentales, para emerger como el nuevo Imperio, la potencia unipolar que brilla con la caída del Muro de Berlín y la implosión de la antigua URSS, dando fin a la guerra fría, al menos en apariencia.

El aire frío y una pertinaz llovizna me hace buscar refugio junto a Abraham Lincoln, quien murió asesinado en situaciones más que sospechosas por ser un obstáculo para los intereses de las Bancas inglesas que habían apoyado al esclavista Sur.

Hay mucho que caminar bajo la lluvia y el frente de tormenta se acumula frente a mis ojos, muy lejos de aquí, en las zonas de fricción donde el Imperio Unipolar se resiste a la realidad de un mundo multipolar, a un equilibrio de fuerzas, tan cebado de haberse convertido en la primer potencia sin rival capaz de derrotarlo.

Me vienen a la mente los textos del bardo ingles Guillermo El que agita la Lanza, en su Enrique V , las guerras feudales que duraron más de 100 años y en una batalla inolvidable, a 160 kilómetros de Calais, pasando el Rio Somme, un lejano 25 de octubre de 1415, en Agincourt , cuyo desenlace arroja una lección que muchos prefieren ignorar: el pequeño, hambriento y cansado ejército ingles derroto a la poderosa, mejor armada y mejor blindada caballería pesada francesa, que sucumbió en el campo de batalla víctima del peso de sus armaduras. De ahí el famoso fervorín de Enrique V y la banda de hermanos que conformaron los victoriosos combatientes en que los arcos largos vencieron a las armaduras pesadas de la caballería francesa.

Enrique V arenga a sus tropas antes de la batalla: Ojala fuésemos menos, así la Gloria de la Victoria será mayor y desde este día seremos recordados hasta el fin de los tiempos…

“We few,

we happy few,

we band of brothers…. Saint Crispin Day!!.

Mientras recuerdo el texto de William Shakespeare y la celebración dando gracias Dios por la victoria, enderezo mis pasos hacia uno de los Museos del Mall en busca de alguna sorpresa agradable, como una exposición de Rodin.

Mientras camino por los senderos voy tarareando la pegajosa melodía de la pelicula:

NON NOBIS DOMINE,

DOMINE NON NOBIS DOMINE
SED NOMINI,

SED NOMINI,

TUO DA GLORIAM.

El poeta nicaragüense Rubén Darío en su Oda a Roosevelt, durante la guerra contra la España borbónica, denunció tardíamente lo que ya México había experimentado en carne propia, tuvo una lúcida inspiración pues en cada línea, adquieren hoy una dimensión paradójicamente de claroscuro:

¡Es con voz de la Biblia, o verso de Walt Whitman,
que habría que llegar hasta ti, Cazador!
Primitivo y moderno, sencillo y complicado,
con un algo de Washington y cuatro de Nemrod.
Eres los Estados Unidos,
eres el futuro invasor
de la América ingenua que tiene sangre indígena,
que aún reza a Jesucristo y aún habla en español.

Eres soberbio y fuerte ejemplar de tu raza;
eres culto, eres hábil; te opones a Tolstoi.
Y domando caballos, o asesinando tigres,
eres un Alejandro-Nabucodonosor.
(Eres un profesor de energía,
como dicen los locos de hoy.)
Crees que la vida es incendio,
que el progreso es erupción;
en donde pones la bala
el porvenir pones.
No.

Los Estados Unidos son potentes y grandes.
Cuando ellos se estremecen hay un hondo temblor
que pasa por las vértebras enormes de los Andes.
Si clamáis, se oye como el rugir del león.
Ya Hugo a Grant le dijo: «Las estrellas son vuestras».
(Apenas brilla, alzándose, el argentino sol
y la estrella chilena se levanta…) Sois ricos.
Juntáis al culto de Hércules el culto de Mammón;
y alumbrando el camino de la fácil conquista,
la Libertad levanta su antorcha en Nueva York.

Mas la América nuestra, que tenía poetas
desde los viejos tiempos de Netzahualcóyotl,
que ha guardado las huellas de los pies del gran Baco,
que el alfabeto pánico en un tiempo aprendió;
que consultó los astros, que conoció la Atlántida,
cuyo nombre nos llega resonando en Platón,
que desde los remotos momentos de su vida
vive de luz, de fuego, de perfume, de amor,
la América del gran Moctezuma, del Inca,
la América fragante de Cristóbal Colón,
la América católica, la América española,
la América en que dijo el noble Guatemoc:
«Yo no estoy en un lecho de rosas»; esa América
que tiembla de huracanes y que vive de Amor,
hombres de ojos sajones y alma bárbara, vive.
Y sueña. Y ama, y vibra; y es la hija del Sol.
Tened cuidado. ¡Vive la América española!
Hay mil cachorros sueltos del León Español.
Se necesitaría, Roosevelt, ser Dios mismo,
el Riflero terrible y el fuerte Cazador,
para poder tenernos en vuestras férreas garras.

Y, pues contáis con todo, falta una cosa: ¡Dios!

* Experto en Geoestrategia y en Prospectiva de escenarios. Académico en varias Universidades Latinoamericanas, analista político. Forma parte del equipo para la sección latinoamericana de “El Espía Digital”.

Extraído de: El Espía Digital.

dimanche, 20 octobre 2013

La geopolítica existencial de Carlo Terracciano

   


por Alexander Dugin

E: http://paginatransversal.wordpress.com

La elección de Carlo Terracciano

Creo que Carlo Terracciano es uno de los más importantes geopolíticos europeos de los últimos decenios. Estoy convencido de que va a ser reconocido como uno de los clásicos  autores modernos de esta disciplina. Tuve la oportunidad de conocer a Carlo Terracciano personalmente, y siempre he admirado la rectitud de su posición ideológica en la vida: La geopolítica era para él una elección existencial, vivió en plena conformidad con sus principios, lo que demuestra algo impensable en nuestra época: Una actitud personal romana, olímpica – la lealtad, el apego total a la causa, la integridad moral completa sin tener en cuenta los efectos de las presiones de la modernidad.

Carlo Terracciano era un hombre de ideas y un hombre de acción, al mismo tiempo. En su caso, la teoría y la práctica se fusionaron en algo indivisible. ¿Cuál era su idea principal y cuál fue su acto esencial?

El nacimiento de la geopolítica de la espuma del mar

Carlo Terracciano heredó la tradición geopolítica del continentalismo europeo. En sus escritos (recopilados en una serie de artículos en “Nel Fiume della storia”), traza la génesis ideológica de esta escuela. El imperialista británico H. Mackinder fue el primero en articular la principal ley geopolítica – oposición dualista entre la civilización del Mar (talasocracia) y la civilización de la Tierra (telurocracia). Mackinder mismo era un brillante representante de la talasocracia y se encargó de transmitir la tradición de la estrategia talasocrática, el procedimiento de la percepción geopolítica de Gran Bretaña a los Estados Unidos. Mackinder fue uno de los fundadores de la London School of Economics, contribuyó a la aparición de “Chattem House”, el Real Centro de Estudios Estratégicos e inspiró el primer equipo del CFR (Consejo de Relaciones Exteriores), publicando en «Foreign Affairs» sus posteriores artículos. De él al americano A. Mahan se puede trazar la línea recta de la geopolítica atlantista, pasando por el realismo americano (con algo de “liberalismo muscular”, transnacionalismo y globalización) hasta llegar a Kissinger, Brzezinski, D. Rockefeller, por un lado, y los neocons en el otro.

La hegemonía planetaria de Estados Unidos y la idea de talasocracia global con el Gobierno Mundial deriva de la visión planetaria de Mackinder, llevada a sus límites lógicos. El mundo puede llegar a ser realmente global, sólo cuando el poder del Mar definitivamente acabe con el poder de la Tierra (o viceversa). Ese fue el objetivo de la vida de Mackinder. Y ahora vemos que muchos de sus proyectos se cumplen: insistía en el desmantelamiento de Rusia, en la creación de un “cordón sanitario” en Europa del Este, en la necesidad de derrotar a Alemania y Rusia, y todo esto de alguna manera se realizó a finales del siglo XX, proporcionando así las condiciones para el surgimiento de un mundo unipolar y la hegemonía global de EE.UU. Este imperio talasocrático se convierte en una realidad ante nuestros ojos.

Respuesta Continental

 

carlterr44.jpegPero en el primer cuarto del siglo XX, el desafío conceptual de H. Mackinder fue contestado por los geopolíticos que se ubicaron en el lado de la telurocracia. Se trataba, en primer lugar, de la escuela alemana de Karl Haushofer, quien comenzó a desarrollar una base geopolítica telurocrática, Geopolítica-2 (mientras que la geopolítica talasocrática anglosajona se puede llamar “Geopolítica-1″). Así se sentaron las bases para la tradición continentalista.

La escuela de Haushofer ofreció a Alemania realizar su naturaleza telurocrática y unificar Europa sobre la base continental; para lograrlo era necesario concluir una alianza con la Unión Soviética y fortalecer los lazos con Japón y así destruir la talasocracia mundial – la alianza de Inglaterra, EE.UU. y Francia. La consolidación de todas las potencias terrestres era la única manera de deshacerse de las potencias marítimas y la tentación de organizar el espacio mundial bajo su modelo talasocrático. Este concepto fue desarrollado por el proyecto de una nueva división del mundo sobre la base de las Pan-ideas – cuatro áreas que iban a ser integradas económicamente, políticamente y estratégicamente a lo largo del meridiano – de norte a sur. Haushofer había creado un importante baluarte conceptual de la Geopolítica-2, con el cual se sentaban las bases para el continentalismo europeo en el que Alemania fue concebida como el centro de la telurocracia europea (un hecho natural reconocido por el propio Mackinder).

Tras la derrota de Alemania y las potencias del Eje en la Segunda Guerra Mundial la geopolítica telurocrática ha sido desacreditada durante mucho tiempo y se perdió entre las sombras. Autores americanos han llegado a sugerir que habría que distinguir la anglosajona «Geopolitics» de la alemana «Geopolitik», identificando la primera como un “método completamente aceptable de análisis de la ciencia política en el ámbito de las relaciones internacionales”, y la segunda como”Fantasías imperialistas”. En estas definiciones de lo que es “científico” y lo que no, vemos sólo el típico doble rasero y la clásica propaganda política de los ganadores. Las potencias marítimas derrotaron a las potencias terrestres, y establecieron una disciplina colonial – en particular en el campo de la ciencia, porque el conocimiento, como Michel Foucault ha mostrado, es sinónimo de poder.

Sin embargo, la escuela continentalista de la geopolítica telurocrática continuó existiendo en Europa en condiciones marginales también después de la Segunda Guerra Mundial. Los ejemplos son las obras del general austríaco Jordis von Lohausen, el teórico belga y fundador del movimiento pan-europeo “Joven Europa” Jean Thiriart (a quien, casualmente, Carlo Terracciano encontró por primera vez en Moscú en mi apartamento en 1992) y el destacado filósofo francés Alain de Benoist. La característica principal de esta continental Gepolítica 2 es la visión del mundo desde el punto de vista de la Tierra. De esto podemos deducir fácilmente el papel de cada jugador en la “gran guerra de los continentes.” Los que están en el lado de la Tierra están automáticamente contra el mar, es decir, contra el mundo anglosajón, en contra de la dominación de EE.UU. y en contra de la globalización occidental  (mundialismo).

Testimonio telurocrático de Carlo Terracciano

Carlo Terracciano era un sucesor directo de la tradición geopolítica continentalista, el teórico más notable y persistente practicante de la Geopolítica-2. Su obra es quizás el ejemplo más completo y coherente de esta tradición. No se limita a seguir reciclando teorías pre-existentes, sino que aplica los principios básicos de la geopolítica telurocrática para analizar la situación actual en el mundo. No dejó una sombra de duda en su elección personal: habla en nombre de todo el continente de Europa, de la telurocracia. En las condiciones de ocupación y dominación atlantista talasocrática es un gesto viril de la rebelión espiritual y cognitiva. Así Terracciano lleva a cabo un acto simbólico importante: lo que constituye el polo subjetivo, dotado de la voluntad y de la mente, que surge del vertedero de la Europa post-moderna, convirtiéndose en un proyecto alternativo revolucionario de los países de Europa. Ésta posible pero aún no realizable Europa surge – aunque sea sólo en teoría – de entre las ruinas de la modernidad agonizante. Terracciano es una especie de testigo geopolítico, en sus escritos y acciones testifica que la victoria del Mar no es absoluta y que en Europa permanece una red de decidida resistencia geopolítica continentalista y que esta red es plenamente consciente de la naturaleza, finalidad y participaciones en la gran guerra de los continentes. Por lo tanto, Carlo Terracciano está salvando la geopolítica continental europea tradicional, preparando así el restablecimiento teórico de Europa.

Terracciano como Eurasiatista

Además, el momento decisivo en la evolución de las teorías Carlo Terracciano fue su encuentro con la tradición geopolítica eurasiatista restablecida en Rusia desde finales de los 80. La escuela moderna eurasiatista rusa de la geopolítica fue fundada a finales de los años 80 como una reflexión geopolítica post-soviética en la visión de mundo de Mackinder, como una especie de respuesta al desafío talasocrático. La lógica constituyente de la construcción de la geopolítica Eurasiatista era muy similar a la génesis de la geopolítica alemana de la escuela de Haushofer. Pero en el caso de Rusia, la simetría era aún más perfecta: Mackinder identificó como el principal enemigo del poder marítimo al Heartland, cuyo control garantiza a la talasocracia la dominación del mundo. Los eurasiatistas rusos en los últimos años 80 aceptaron el marco principal del mapa geopolítico y acordaron reconocer la esencia de la historia de Rusia en la telurocracia. La Rusia es el Heartland, así Geopolítica-2 es la causa rusa. Así se sentaron las bases del moderno neo-eurasismo.

La geopolítica euroasiática rusa se reunió con el continentalismo europeo en 1992 – durante una visita conjunta a Moscú de Carlo Terracciano y Jean Thiriart. Jean Thiriart fue el autor del concepto de “Imperio Euro- soviético de Vladivostok a Dublín” y Carlo Terracciano en esa época escribió su obra programática “En la espuma de la historia” (“Nel fiume della Storia”). Desde entonces el continentalismo europeo y el eurasismo ruso se convirtieron casi en la misma  línea geopolítica. Algo similar se describe en el concepto de Haushofer del proyecto continental del bloque geopolítico “Berlín-Moscú-Tokio”. La misma idea fue revivida en el plano teórico en los años 90 en Rusia. El estrecho diálogo geopolítico ruso – europeo comenzó entonces en Moscú y sigue creciendo hasta la actualidad. Al mismo tiempo, otros geopolíticos europeos, en particular Alain de Benoist y Claudio Mutti, visitaron Moscú, entrando en la misma dirección de consideraciones geopolíticas. En Francia, unos puntos de vista muy similares fueron desarrollados por el excelente escritor tradicionalista Jean Parvulesco.

Carlo Terracciano tuvo en esa amistad eurasiática el papel principal. Con una energía apasionada comenzó a desarrollar la tendencia eurasiatista, invitando a la unión en un bloque continental telurocrático de todos aquellas fuerzas inconformistas contra el status quo. Su obra, aunque se ha desarrollado en el ámbito de una élite intelectual y de escuelas geopolíticas, ha tenido un impacto considerable. Las ideas son importantes, y cualquier acción política siempre se inicia con el proyecto, el programa, la estrategia.

Islam y telurocracia

El análisis de la situación actual ha llevado a Carlo Terracciano a la conclusión de que muchos países islámicos y la civilización islámica en su conjunto debe ser considerada como una aliada crucial en la alianza telurocrática en la lucha común contra la hegemonía estadounidense y la globalización plutocrática. Por lo tanto, la importancia del factor islámico se ha convertido en un componente vital del neocontinentalismo moderno. Terracciano debe considerarse como uno de sus fundadores. El Islam es un Poder telurocrático – esta fue la conclusión a la que llegó Carlo Terracciano. Se convirtió desde entonces en una especie de axioma geopolítico para el eurasismo contemporáneo.

Terracciano hizo una serie de viajes y dio una serie de conferencias en los países islámicos – Irán, Siria, etc, promoviendo por todas partes la geopolítica euroasiática continentalista. Ideas y acciones, como siempre en el caso de Carlo Terracciano no difirieron.

Nacional comunismo

carloTerr.jpegLa formación de puntos de vista geopolíticos han estado acompañados por Terracciano con los correspondientes cambios ideológicos y políticos. La apelación a los criterios geopolíticos, los conceptos y la evaluación del significado crucial de telurocracia exigió la revisión de los fundamentos políticos del patriotismo clásico europeo, que por lo general se refiere a la “Tercera Posición” (anti-liberalismo y anti-comunismo), en el espíritu de Evola, Heidegger y Yockey. Si aceptamos el punto de vista de la potencia terrestre, la Unión Soviética pasó inmediatamente de ser uno de los dos enemigos de Europa (junto con el Occidente capitalista liberal, personificada en los EE.UU.) a ser un aliado. Esto requiere una revisión radical de la “Tercera Posición” y la transición a una fusión entre el europeísmo y el sovietismo, el nacional-bolchevismo. Por una evolución semejante a mediados de los 80′ pasó el máximo teórico de la europea “Nouvelle Droite” Alain de Benoist. A diferencia de muchos otros “nacional revolucionarios” Carlo Terracciano, sin dudarlo, aceptó la dirección ideológica nacional-comunista y se convirtió en uno de los líderes del comunismo nacional en Italia. El Anti-sovietismo y el anticomunismo (sobre todo ahora, después de la caída de la Unión Soviética) se convirtieron en obsoletos y sirven como herramientas en las manos de talasocracia, los liberales y los globalistas. Así que cada ciudadano europeo coherentemente revolucionario debe resueltamente terminar con eso y cooperar activamente con todas las fuerzas de izquierda que luchan contra la hegemonía estadounidense y el capitalismo liberal, que encarnan la esencia de la talasocracia y la civilización del mar. Este giro a la izquierda de Terracciano fue la conclusión lógica de su análisis geopolítico, y él ha dado pasos más decisivos en esta dirección uniéndose así con la tradición de la “Joven Europa” (siguiendo el ejemplo de Claudio Mutti, amigo y colega de Carlo Terracciano ), y convirtiéndose en un pionero de las nuevas tendencias nacional-comunistas y eurasiatistas en la política moderna italiana y europea. Para esta posición política Carlo Terracciano consagró todo un libro bajo el expresivo nombre de “Comunismo Nacional”.

La justicia social es un valor de la sociedad tradicional. La jerarquía basada en el principio material y la estratificación de clases, que constituye la base del capitalismo, es el mal absoluto y debe ser abolida. La lucha contra el liberalismo, el capitalismo y la oligarquía global por la libertad, la justicia y el orden social basado en la solidaridad y la ayuda mutua es la principal tarea de los nacional-revolucionarios. No se puede tolerar compromiso alguno con la burguesía y sus valores mercantilistas, materialistas y egoístas. El hombre es un ser social. La tradición es una causa del ser colectivo, una causa social. Con el fin de afirmar la sociedad tradicional y aplicarla a escala mundial, es necesario destruir la cosmópolis capitalista fundada en la veneración incondicional del “becerro de oro”. Y en este caso las fuerzas de izquierdas que luchan por la justicia social, son aliadas y amigas, así como las fuerzas de la derecha, que defienden los valores tradicionales – como la espiritualidad, la fe y la fidelidad a las raíces (de hecho, todos éstos valores son incompatibles con el capitalismo y el espíritu comercial).

Tradicionalismo y la geopolítica de lo Sagrado

Por último, el aspecto crucial del pensamiento de Carlo Terracciano se asocia con el tradicionalismo y la Tradición. Terracciano siguió el camino trazado por Julius Evola, viéndose a sí mismo como portador de las tradiciones espirituales de Occidente, que se remontan a las profundidades de la antigüedad, al neoplatonismo greco-romano. Era respetuoso frente al Islam y el hinduismo, sentía simpatía por la ortodoxia griega y rusa, pero hasta el final de sus días se abstuvo de aclarar sus puntos de vista religiosos con una confesión concreta. Él era un tradicionalista y un fuerte partidario de los antiguos valores indoeuropeos. Estos valores, a su juicio, tenían que estar en el centro de la guerra santa que él libró contra el mundo moderno.

La tradición está ligada a la tierra. La modernidad está vinculada al mar. Telurocracia significa Tradición, la modernidad significa talasocracia. Así la geopolítica de Terracciano obtiene una dimensión sagrada. No es sólo un instrumento técnico para el correcto análisis político o la planificación estratégica, sino una ideología, una elección espiritual, una llamada para una batalla sagrada escatológica, un Endkampf, que nos exige movilizar todo nuestro ser.

Muy buen guerrero

Carlo Terracciano nos da un ejemplo de cómo debería ser la vida de un auténtico geopolítico en el campo de la ciencia, la teoría, la existencia, la ontología, la escatología. Esta es la movilización total del alma, el pago completo de las creencias de todo el contenido de la vida heroica y trágica.

Hoy en día muchos se quejan de que no hay más lugar para los actos heroicos y luchas, todo está condenado a perder desde el principio, nada puede dar resultados empíricos. Esto sólo demuestra debilidad, cobardía y bajeza. Si creemos en algo y nuestra fe es suficientemente fuerte, somos siempre capaces de cambiar el mundo. No hay enemigo imbatible para el ardiente espíritu humano. Carlo Terracciano nos da el ejemplo de un hombre que hasta su último aliento defendió sus creencias. Sus creencias son nuestras creencias. Su lucha es nuestra lucha. Y la lucha de aquellos que vendrán después de nosotros.

Confieso que no me interesa qué clase de hombre era Carlo Terracciano, aunque sus amigos afirman que era genial, amable, honesto. No importa. Es subjetivo. Objetivamente, él era un héroe. El verdadero héroe del continente, de la civilización de la tierra, de Eurasia. Y eso es mucho más importante. Sólo la idea sí importa. Y otra cosa también tiene importancia – la vida humana arrojada al fuego de una gran fe y una gran causa.

Un tradicional proverbio japonés dice: No sólo es bueno el guerrero que sirve honestamente a un buen Estado, bueno es el guerrero que sirve honestamente a cualquier estado – entre ellos el muy malo, y este servicio honesto es el que convierte al mal estado en uno bueno. Carlo Terracciano era un guerrero muy bueno. El guerrero de Europa.

Texto original: Open Revolt

Traducido para TM por Felix W.

Fuente: Tribulaciones Metapolíticas

samedi, 12 octobre 2013

Multipolarism as an Open Project

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Multipolarism as an Open Project

 Professor of the Moscow State University, Doctor of political sciences, founder of the contemporary Russian school of Geopolitics, leader of the International Social Movement “Eurasian Movement”, Moscow, Russian Federation.

 

I. Multipolarism and “Land Power”

Geopolitics of the Land in the Global World

In the previous part we discussed the subject of globalism, globalization, and mondialism in a view considered to be generally accepted and “conventional”. Geopolitical analysis of the phenomenon of the subject of globalism, globalization, and mondialism has showed that in the modern globalism we only deal with one of the two geopolitical powers, namely, with a thalassocracy, a “Sea Power” that from now on claims for uniqueness, totality, and normativeness and strives to pretend to be the only possible civilization, sociological and geopolitical condition of the world.

Therewith, the philosophy of globalism is based upon the internal surety with universalism of exactly the Western-European value system thought to be the summary of all the diverse experience of the human cultures on all stages of their history.

And finally, in its roots, globalization has an active ideology (mondialism) and power structures that spread and bring this ideology into use. If taking into account that the latter are the most authoritative intellectual US centers (such as CFR and neoconservatives), structures of the US Supreme Military Command and their analysts (Owens, Sibrowsky, Barnett, Garstka), international oligarchs (such as George Soros), a number of international organizations (The Bilderberg Club, Trilateral Commission, etc.), and innumerous amount of analysts, politicians, journalists, scientists, economists, people of culture and art, and IT sector employees spread all over the world, we can understand the reason why this ideology seems to be something that goes without saying for us. That we sometimes take globalization as an “objective process” is the result of a huge manipulation with public opinion and the fruit of a total information war.

Therefore, the picture of global processes we described is an affirmation of the real state of affairs just in part. In such a description, there is a significant share of a normative and imperative volitional (ideological) wish that everything should be quite so, which means, it is based upon wrenches and, to some extent, striving to represent our wishful thinking as reality.

In this part, we will describe an absolutely different point of view on globalization and globalism that is impossible from inside the “Sea Power”, i.e. out of the environment of the nominal “Global World”. Such a view is not taken into account either in antiglobalism or in alterglobalism because it refuses from the most fundamental philosophical and ideological grounds of Eurocentrism.  Such a view rejects the faith in:

  •  universalism of the Western values, that Western societies, in their history, have passed the only possible way all the other countries are expected to pass;
  • progress as an indisputable forwardness of historical and social development;
  • that it is limitless technical, economical, and material development, which is the answer for the most vital needs of all humankind;
  • that people of all cultures, religions, civilizations, and ethnoses are principally the same as the people of the West and they are governed by the same anthropological motives;
  • absolute superiority of capitalism over other sociopolitical formations;
  • absence of any alternative for market economy;
  • that liberal democracy is the only acceptable form of political organization of the society;
  • individual freedom and individual identity as the superior value of human being;
  • liberalism as a historically inevitable, higher-priority, and optimal ideology.

In other words, we proceed to the position of the “Land Power” and consider the present moment of the world history from the point of view of Geopolitics-2, or the thalassocratic geopolitics as an episode of the “Great Continent War”, not as its conclusion.

Of course, it is difficult to refuse that the present moment of historical development demonstrates a number of unique features that, if desired, can be interpreted as the ultimate victory of the Sea over the Land, Carthage over Rome and Leviathan over Behemoth. Indeed, never in history the “Sea Power” was such a serious success and stretched might and influence of its paradigm in such a scale. Of course, Geopolitics-2 acknowledges this fact and the consequences included. But it clearly realizes that globalization can be also interpreted otherwise, namely, as a series of victories in combats and battles, not as the ultimate win in the war.

Here, a historical analogy suggests itself: when German troops were approaching to Moscow in 1941, one could think that everything was lost and the end of the USSR was foredoomed. The Nazi propaganda commented the course of the war quiet so: the “New Order” is created in the occupied territory, the authorities work, economical and political hierarchy is created, and the social life is organized. But the Soviet people kept on violently resisting – at all the fronts as well as in the rear of the enemy, while systematically moving to their goal and their victory.

Now, there is precisely this moment in the geopolitical stand of the Sea and the Land. Information policy inside the “Sea Power” is built so as no-one has any doubt that globalism is an accomplished fact and the global society has come about in its essential features, that all the obstacles from now on are of a technical character. But from certain conceptual, philosophical, sociological, and geopolitical positions, all of it can be challenged by suggesting an absolutely different vision of the situation. All the point is in interpretation. Historical facts make no sense without interpretation. Likewise in geopolitics: any state of affairs in the field of geopolitics only makes sense in one or another interpretation. Globalism is interpreted today almost exclusively in the Atlantist meaning and, thus, the “sea” sense is put into it. A view from the Land’s position doesn’t change the state of affairs but it does change its sense. And this, in many cases, is of fundamental importance.

Further, we will represent the view on globalization and globalism from the Land’s position – geopolitical, sociological, philosophical, and strategical.

Grounds for Existence of Geopolitics-2 in the Global World

How can we substantiate the very possibility of a view on globalization on the part of the Land, assuming that the structure of the global world, as we have shown, presupposes marginalization and fragmentation of the Land?

There are several grounds for this.

  1. The human spirit (conscience, will, faith) is always capable to formulate its attitude to any ambient phenomenon and even if this phenomenon is presented as invincible, integral, and “objective”, it is possible to take it in a different way – accept or reject, justify or condemn. This is the superior dignity of man and his difference from animal species. And if man rejects and condemns something, he has the right to build strategies to overcome it in any, most difficult and insuperable, situations and conditions. The advance of the global society can be accepted and approved but it can be rejected and condemned as well. In the former case, we float adrift the history, in the latter one – we seek a “fulcrum” to stop this process. History is made by people and the spirit plays the central part here. Hence, there is a theoretical possibility to create a theory radically opposite to the views that are built on the base of the “Sea Power” and accept basic paradigms of the Western view on the things, course of history, and logic of changing sociopolitical structures.
  2. The geopolitical method allows to identify globalization as a subjective process connected with a success of one of the two global powers. Be the Land ever so “marginal and fragmentized», it has serious historical grounds behind itself, traditions, experience, sociological and civilization background. The Land’s geopolitics is not built on a void place; this is a tradition that generalizes some fundamental historical, geographical, and strategical trends. Therefore, even on the theoretical level, estimation of globalization from the position of Geopolitics-2 is absolutely relevant. Just as well as there is the “subject” of globalization in its center (mondialism and its structures), the Land Power can and does have its own subjective embodiment. In spite of a huge scale and massive forms of the historical polemics of civilizations, we, first of all, deal with a stand of minds, ideas, concepts, theories, and only then – with that of material things, devices, technologies, finances, weapons, etc.
  3. The process of desovereignization of national states has not yet become nonreversible, and the elements of the Westphalian system are still being partly preserved. That means that a whole range of national states, by virtue of certain consideration, can still bank on realization of the land strategy, i.e. they can completely or partially reject globalization and the “Sea Power’s” paradigm. China is an example of it; it balances between globalization and its own land identity, strictly observing that the general balance is kept and that only what consolidates China as a sovereign geopolitical formation is borrowed from the global strategies. The same can be also said about the states the US have equaled to the “Axis of Evil” — Iran, Cuba, North Korea, Venezuela, Syria, etc. Of course, the threat of a direct intrusion of US troops hangs over these countries like the sword of Damocles (on the model of Iraq or Afghanistan), and they are continuously subject to more politic network attacks from inside. However, at the moment their sovereignty is preserved what makes them privileged areas for development of the Land Power. It is also possible to refer here a number of hesitant countries, such as India, Turkey and others, which, being significantly involved into the globalization orbit, preserve their original sociological features, getting out of accord with the official precepts of their governing regimes. Such situation is characteristic of many Asian. Latin-American and African societies. 
  4. And, finally, the most general. — The present state of Heartland. The world dominance, as we know, and thus, reality or evanescence of monopolar globalization depends on it. In 1980-90-s, Heartland fundamentally reduced its influence area. Two geopolitical belts – Eastern Europe (whose countries were within the “Socialist Block”, “Warsaw Pact», Comecon, etc.) and the Federative Republics of the USSR consistently withdrew from it. By the mid 1990-s, a bloody testing for a possibility of further breakdown of Russia into “national republics” had started in Chechnya. This fragmentation of Heartland, down to a mosaic of marionette dependent states in place of Russia, had to become the final accord of construction of the global world and the “end of history”, after which it would be much more difficult to speak about the Land and Geopolitics-2. Heartland is of central importance in the possibility of strategical consolidation of all Eurasia and, thus, the “Land Power”. If the processes that took place in Russia in 1990-s had moved in a groove and its disintegration kept on, it would be much more difficult to challenge globalization. But since late 1990-s — early 2000-s, a turning-point has taken place in Russia, disintegration was stopped; moreover, the federal authorities have restored control over the rebellious Chechnya. Then V. Putin implemented a legal reform of the Federation subjects (excision of the article about “sovereignty”, governors’ appointment, etc.) that has consolidated the power vertical all over Russia. The CCI integration processes have started gathering pace. In August 2008, in the course of the five-day conflict of Russia with Georgia, Russia took its direct control over territories beyond the borders of the Russian Federation (Southern Ossetia, Abkhazia), and acknowledged their independence, in spite of a huge support of Georgia on the part of the US and the NATO countries and pressure of the international public opinion. Generally, since early 2000-s Russia as Heartland has ceased the processes of its self-disintegration, has reinforced its energetics, has normalized the issues of energy supply abroad, has refused from the practice of unilateral reduction of armaments, having preserved its nuclear potential. Whereby, influence of the network of geopolitical agents of Atlantism and Mondialism on the political authority and strategical decision making has qualitatively diminished, consolidation of the sovereignty has been understood as the top-priority issue, and integration of Russia into a number of globalist structures menacing its independence has been ceased. In a word, Heartland keeps on remaining the foundation of Eurasia, its “Core” — weakened, suffered very serious losses, but still existing, independent, sovereign, and capable to pursue a policy, if not on a global scale, then on a regional one. In its history, Russia has several times fallen yet lower: the Domain Fragmentation on the turn of the 13th century, The Time of Troubles, and the events of 1917-1918 show us Heartland in a yet more deplorable and weakened condition. But every time, in some period, Russia revived and returned to the orbit of its geopolitical history again. The present state of Russia is difficult to recognize brilliant or even satisfactory from the geopolitical (Eurasian) point of view. Yet in general — Heartland does exist, it is relatively independent, and therefore, we have both a theoretical and practical base to consolidate and bring to life all the pre-conditions for development of a response to the phenomenon of monopolar globalization on the part of the Land.

Such an answer of the Land to the challenge of globalization (as a triumph of the “Sea Power”) is Multipolarism, as a theory, philosophy, strategy, policy, and practice.

Multipolarism as a Project of the World Order from the Land’s Position

Multipolarism represents a summary of Geopolitics-2 in actual conditions of the global process evolution. This is an extraordinarily capacious concept that demands a through consideration.

Multipolarism is a real antithesis for monopolarity in all its aspects: hard (imperialism, neocons, direct US domination), soft (multilateralism) and critical (alterglobalism, postmodernism, and neo-Marxism) ones.

The hard monopolarity version (radical American imperialism) is based upon the idea that the US represents the last citadel of the world order, prosperity, comfort, safety, and development surrounded by a chaos of underdeveloped societies. Multipolarism states the directly opposite: the US is a national state that exists among many others, its values are doubtful (or, at least, relative), its claims are disproportional, its appetites are excessive, methods of conducting its foreign policy are inacceptable, and its technological messianism is disastrous for the culture and ecology of the whole world.  In this regard, the multipolar project is a hard antithesis to the US as an instance that methodically builds a unipolar world, and it is aimed to strongly disallow, break up, and prevent this construction.

The soft monopolarity version does not only act on behalf of the US, but on behalf of “humanity”, exclusively understanding it as the West and the societies that agree with universalism of Western values. Soft monopolarity does not claim to press by force, but persuade, not to compel, but explain profits peoples and countries will obtain from entering into globalization. Here the pole is not a single national state (the US), but Western civilization as a whole, as a quintessence of all the humanity.

Such, as it is sometimes called, “multilateral” monopolarity (multilateralism, multilateralization) is rejected by Multipolarism that considers Western culture and Western values to represent merely one axiological composition among many others, one culture among different other cultures, and cultures and value systems based on some absolutely different principles to have the full right for existence. Consequently, the West in a whole and those sharing its values, have no grounds to insist on universalism of democracy, human rights, market, individualism, individual freedom, secularity, etc. and build a global society on the base of these guidelines.

Against alterglobalism and postmodern antiglobalism, Multipolarism advances a thesis that a capitalist phase of development and construction of worldwide global capitalism is not a necessary phase of society development, that it is despotism and an ambition to dictate different societies some kind of single history scenario. In the meantime, confusion of mankind into the single global proletariat is not a way to a better future, but an incidental and absolutely negative aspect of the global capitalism, which does not open any new prospects and only leads to degradation of cultures, societies, and traditions. If peoples do have a chance to organize effective resistance to the global capitalism, it is only where Socialist ideas are combined with elements of a traditional society (archaic, agricultural, ethnical, etc.), as it was in the history of the USSR, China, North Korea, Vietnam and takes place today in some Latin-American countries (e. g., in Bolivia, Venezuela, Cuba, etc.).

Further, Multipolarism is an absolutely different view on the space of land than bipolarity, a bipolar world.

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Multipolarism represents a normative and imperative view on the present situation in the world on the part of the Land and it qualitatively differs from the model predominated in the Yalta World in the period of the “Cold War”.

The Bipolar World was constructed under the ideological principle, where two ideologies – Capitalism and Socialism – acted as poles. Socialism as an ideology did not challenge universalism of the West-European culture and represented a sociocultural and political tradition that threw back to the European Enlightenment. In a certain sense, Capitalism and Socialism competed with each other as two versions of Enlightenment, two versions of progress, two versions of universalism, two versions of the West-European sociopolitical idea.

Socialism and Marxism entered into a resonance with certain parameters of the “Land Power”, and therefore they did not win where Marx had supposed, but where he excluded this possibility – in an agricultural country with the predominant way of life of a traditional society and imperial organization of the political field. Another case of an (independent) victory of Socialism – China – also represented an agricultural, traditional society.

Multipolarism does not oppose monopolarity from the position of a single ideology that could claim for the second pole, but it does from the position of many ideologies, a plenty of cultures, world-views and religions that (each for its own reasons) have nothing in common with the Western liberal capitalism.  In a situation, when the Sea has a unified ideological aspect (however, ever more going to the sphere of subauditions, not explicit declarations), and the Land itself doesn’t, representing itself as several different world-view and civilization ensembles, Multipolarism suggests creating a united front of the Land against the Sea.

Multipolarism is different from both the conservative project of conservation and reinforcement of national states. On the one hand, national states in both colonial and post-colonial period reflect the West-European understanding of a normative political organization (that ignores any religious, social, ethnical, and cultural features of specific societies) in their structures, i.e. the nations themselves are partially products of globalization. And on the other hand, it is only a minor part of the two hundred fifty-six countries officially itemized in the UN list today that are, if necessary, capable to defend their sovereignty by themselves, without entering into a block or alliance with other countries. It means that not each nominal sovereign state can be considered a pole, as the degree of strategical freedom of the vast majority of the countries acknowledged is negligible. Therefore, reinforcement of the Westphalian system that still mechanically exists today is not an issue of Multipolarism.

Being the opposition of monopolarity, Multipolarism does not call to either return to the bipolar world on the base of ideology or to fasten the order of national states, or to merely preserve the status quo. All these strategies will only play in hands of globalization and monopolarity centers, as they have a project, a plan, a goal, and a rational route of movement to future; and all the scenarios enumerated are at best an appeal to a delay of the globalization process, and at worst (restoration of bipolarity on the base of ideology) look like irresponsible fantasy and nostalgia.

Multipolarism is a vector of the Land’s geopolitics directed to the future. It is based upon a sociological paradigm whose consistency is historically proven in the past and which realistically takes into account the state of affairs existing in the modern world and basic trends and force lines of its probable transformations. But Multipolarism is constructed on this basis as a project, as a plan of the world order we yet only expect to create.

2 Multipolarism and its Theoretical Foundation

The absence of the Multipolarism Theory

In spite of the fact that the term “Multipolarism” is quite often used in political and international discussions recently, its meaning is rather diffuse and inconcrete. Different circles and separate analysts and politicians insert their own sense in it. Well-founded researches and solid scientific monographs devoted to Multipolarism can be counted on fingers[1]. Even serious articles on this topic are quite rare[2]. The reason for this is well understood: as the US and Western countries set the parameters of the normative political and ideological discourse in a global scale today, according to these rules, whatever you want can be discussed but the sharpest and most painful questions. Even those considering unipolarity to have been just a “moment[3]” in the 1990-s and a transfer to some new indefinite model to be taking place now are ready to discuss any versions but the “multipolar” one. Thus, for example, the modern head of CFR Richard Haass tells about “Non-Polarity” meaning such stage of globalization where necessity in presence of a rigid center falls off by itself[4]. Such wiles are explained by the fact that one of the aims of globalization is, as we have seen, marginalization of the “Land Power”. And as far as Multipolarism can only be a form of an active strategy of the “Land Power” in the new conditions, any reference to it is not welcome by the West that sets the trend in the structure of political analysis in the general global context. Still less one should expect that conventional ideologies of the West take up development of the Multipolarism Theory.

It would be logical to assume that the Multipolarism Theory will be developed in the countries that explicitly declare orientation upon a multipolar world as the general vector of their foreign policy. The number of such countries includes Russia, China, India, and some others. Besides, the address to Multipolarism can be encountered in texts and documents of some European political actors (e.g., former French minister of Foreign Affairs Hubert Vidrine[5]). But at the moment, we can as well hardly find something more than materials of several symposiums and conferences with rather vague phrases in this field. One has to state that the topic of Multipolarism is not properly conceptualized also in the countries that proclaim it as their strategical goal, not to mention the absence a distinct and integral theory of Multipolarism.

Nevertheless, on the base of the geopolitical method from the position of the “Land Power” and with due account for the analysis of a phenomenon called globalism, it is quite possible to formulate some absolute principles that must underlie the Multipolarism Theory when the matter comes to its more systemized and expanded development.

Multipolarism: Geopolitics and Meta-Ideology

Let’s blueprint some theoretical sources, on whose base a valuable theory of Multipolarism must be built.

It is only geopolitics that can be the base for this theory in the actual conditions. At the moment, no religious, economical, political, social, cultural or economical ideology is capable to pull together the critical mass of the countries and societies that refer to the “Land Power” in a single planetary front necessary to make a serious and effective antithesis to globalism and the unipolar world. This is the specificity of the historical moment (“The Unipolar Moment”[6]): the dominating ideology (the global liberalism/post-liberalism) has no symmetrical opposition on its own level. Hence, it is necessary to directly appeal to geopolitics by taking the principle of the Land, the Land Power, instead of the opposing ideology. It is only possible in the case if the sociological, philosophical, and civilization dimensions of geopolitics are realized to the full extent.

AD4pt-greece.jpgThe “Sea Power” will serve us as a proof for this statement. We have seen that the very matrix of this civilization does not only occur in the Modem Period, but also in thalassocratic empires of the Antiquity (e.g., in Carthage), in the ancient Athens or in the Republic of Venice. And within the Modern World itself atlantism and liberalism do not as well find complete predominance over the other trends at once. And nevertheless, we can trace the conceptual sequence through a series of social formations: the “Sea Power” (as a geopolitical category) moves through history taking various forms till it finds its most complete and absolute aspect in the global world where its internal precepts become predominant in a planetary scale. In other words, ideology of the modern mondialism is only a historical form of a more common geopolitical paradigm. But there is a direct relation between this (probably, most absolute) form and the geopolitical matrix.

There is no such direct symmetry in case of the “Land Power”. The Communism ideology just partly (heroism, collectivism, antiliberalism) resonated with geopolitical percepts of the “ground” society (and this just in the concrete form of the Eurasian USSR and, to a lesser degree, of China), as the other aspects of this ideology (progressism, technology, materialism) fitted badly in the axiological structure of the “Land Power”. And today, even in theory, Communism cannot perform the mobilizing ideological function it used to perform in the 20th century in a planetary scale. From the ideological point of view the Land is really split into fragments and, in the nearest future, we can hardly expect some new ideology capable to symmetrically withstand the liberal globalism to appear. But the very geopolitical principle of the Land does not lose anything in its paradigmatic structure. It is this principle that must be taken as a foundation for construction of the Multipolarism Theory. This theory must address directly to geopolitics, draw principles, ideas, methods and terms out of it. This will allow to otherwise take both the wide range of existing non-globalist and counter-globalist ideologies, religions, cultures, and social trends. It is absolutely unnecessary to shape them to transform into something unified and systematized. They can well remain local or regional but be integrated into a front of common stand against globalization and “Western Civilization’s” domination on the meta-ideological level, on the paradigmatic level of Geopolitics-2 and this moment – plurality of ideologies – is already laid in the very term “Multi-polarism” (not only within the strategical space, but also in the field of the ideological, cultural, religious, social, and economical one).

Multipolarism is nothing but extension of Geopolitics-2 (geopolitics of the Land) into a new environment characterized with the advance of globalism (as atlantism) on a qualitatively new level and in qualitatively new proportions. Multipolarism has no other sense.

Geopolitics of the Land and its general vectors projected upon the modern conditions are the axis of the Multipolarism Theory, on which all the other aspects of this theory are threaded. These aspects constitute philosophical, sociological, axiological, economical, and ethical parts of this theory. But all of them are anyway conjugated with the acknowledged – in an extendedly sociological way – structure of the “Land Power” and with the direct sense of the very concept of “Multipolarism” that refers us to the principles of plurality, diversity, non-universalism, and variety.

3 Multipolarism and Neo-Eurasianism

Neo-Eurasianism as Weltanschauung

Neo-Eurasianism is positioned nearest to the theory of Multipolarism. This concept roots in geopolitics and operates par excellence with the formula of “Russia-Eurasia” (as Heartland) but at the same time develops a wide range of ideological, philosophical, sociological and politological fields, instead of being only limited with geostrategy and application analysis.

What is in the term of “Neo-Eurasianism” can be illustrated with fragments of the Manifesto of the International “Eurasian Movement” “Eurasian Mission»[7]. Its authors point out five levels in Neo-Eurasianism allowing to interpret it in a different way depending on a concrete context.

The first level: Eurasianism is a Weltanschauung.

According to the authors of the Manifesto, the term “Eurasianism” “is applied to a certain Weltanschauung, a certain political philosophy that combines in itself tradition, modernity and even elements of postmodern in an original manner. The philosophy of Eurasianism proceeds from priority of values of the traditional society, acknowledges the imperative of technical and social modernization (but without breaking off cultural roots), and strives to adapt its ideal program to the situation of a post-industrial, information society called “postmodern”.

The formal opposition between tradition and modernity is removed in postmodern. However, postmodernism in the atlantist aspect levels them from the position of indifference and exhaustiveness of contents. The Eurasian postmodern, on the contrary, considers the possibility for an alliance of tradition with modernity to be a creative, optimistic energetic impulse that induces imagination and development.

In the Eurasianism philosophy, the realities superseded by the period of Enlightenment obtain a legitimate place – these are religion, ethnos, empire, cult, legend, etc. In the same time, a technological breakthrough, economical development, social fairness, labour liberation, etc. are taken from the Modern. The oppositions are overcome by merging into a single harmonious and original theory that arouses fresh ideas and new decisions for eternal problems of humankind. (…)

The philosophy of Eurasianism is an open philosophy, it is free from any forms of dogmatism. It can be appended by diversified areas – history, religion, sociological and ethnological discoveries, geopolitics, economics, regional geography, culturology, various types of strategical and politological researches, etc. Moreover, Eurasianism as a philosophy assumes an original development in each concrete cultural and linguistic context: Eurasianism of the Russians will inevitably differ from Eurasianism of the French or Germans, Eurasianism of the Turks from Eurasianism of the Iranians; Eurasianism of the Arabs from Eurasianism of the Chinese, etc. Whereby, the main force lines of this philosophy will, in a whole, be preserved unalterable.(…)

The following items can be called general reference points of the Eurasianism philosophy:

  • differentialism, pluralism of value systems against obligatory domination of a single ideology (in our case and first of all, of the American liberal democracy);
  • traditionalism against destruction of cultures, beliefs and rites of the traditional society;
  • a world-state, continent-state against both bourgeois national states and “the world government”;
  • rights of nations against omnipotence of “the Golden Billion” and neo-colonial hegemony of “the Rich North”;
  • an ethnos as a value and subject of history against depersonalization of nations and their alienation in artificial sociopolitical constructions;
  • social fairness and solidarity of labour people against exploitation, logic of coarse gain, and humiliation of man by man.»[8]

Neo-Eurasianism as a Planetary Trend

On the second level: Neo-Eurasianism is a planetary trend. The authors of the Manifesto explain:

«Eurasianism on the level of a planetary trend is a global, revolutionary, civilization concept that is, by gradually improving, addressed to become a new ideological platform of mutual understanding and cooperation for a vast conglomerate of different forces, states, nations, cultures, and confessions that refuse from the Atlantic globalization.

It is worth carefully reading the statements of the most diverse powers all over the world: politicians, philosophers, and intellectuals and we will make sure that Eurasianists constitute the vast majority. Mentality of many nations, societies, confession, and states is, though they may not suspect about it themselves, Eurasianist.

If thinking about this multitude of different cultures, religions, confessions, and countries discordant with “the end of history” we are imposed by atlantism, our courage will grow up and the seriousness of risks of realization of the American 21st century strategical security concept related with a unipolar world establishment will sharply increase.

Eurasianism is an aggregate of all natural and artificial, objective and subjective obstacles on the way of unipolar globalization, whereby it is elevated from a mere negation to a positive project, a creative alternative. While these obstacles exist discretely and chaotically, the globalists deal with them separately. But it is worth just integrating, pulling them together in a single, consistent Weltanschauung of a planetary character and the chances for victory of Eurasianism all over the world will be very serious.»[9]

Neo-Eurasianism as an Integration Project

On the next level, Neo-Eurasianism is treated as a project of strategical integration of the Eurasian Continent:

“The concept “the Old World” usually defining Europe can be considered much wider. This huge multicivilization space populated with nations, states, cultures, ethnoses and confessions connected between each other historically and spatially by the community of dialectical destiny. The Old World is a product of organic development of human history.

The Old World is usually set against the New World, i.e. the American continent that was discovered by the Europeans and has become a platform for construction of an artificial civilization where the European projects of the Modern, the period of Enlightenment have taken shape. (…)

In the 20th century Europe realized its original essence and had gradually been moving to integration of all the European states into a single Union capable to provide all this space with sovereignty, independence, security, and freedom.

Creation of the European Union was the greatest milestone in the mission of Europe’s return in history. This was the response of “the Old World” to the exorbitant demands of the “New” one. If considering the alliance between the US and Western Europe – with US domination – to be the Atlantist vector of European development, then the integration of European nations themselves with predomination of the continental countries (France-Germany) can be considered Eurasianism in relation to Europe.

It becomes especially illustrative, if taking into account the theories that Europe geopolitically stretches from the Atlantic to the Urals (Ch. de Gaulle) or to Vladivostok. In other words, the interminable spaces of Russia are also valuably included in the field of the Old World subject to integration.

(…) Eurasianism in this context can be defined as a project of strategical, geopolitical, economical integration of the North of the Eurasian Continent realized as the cradle of European history, matrix of nations and cultures closely interlaced between each other.

And since Russia itself (like, by the way, the ancestors of many Europeans as well) is related in a large measure with the Turkish, Mongolian world, with Caucasian nations, through Russia – and in a parallel way through Turkey – does the integrating Europe as the Old World already acquire the Eurasianism dimension to full extent; and in this case, not only in symbolic sense, but also in geographical one. Here Eurasianism can be synonimically identified with Continentalism.[10]»

These three most general definitions of Neo-Eurasianism demonstrate that here we deal with a preparatory basis for construction of the Multipolarism Theory. This is the ground view on the sharpest challenges of modernity and attempt to give an adjust response to them taking into account geopolitical, civilization, sociological, historical and philosophical regularities.


[1]  Murray D.,  Brown D. (eds.) Multipolarity in the 21st Century. A New World Order. Abingdon, UK: Routledge, 2010; Ambrosio Th. Challenging America global Preeminence: Russian Quest for Multipolarity. Chippenheim, Wiltshire: Anthony Rose, 2005; Peral L. (ed.) Global Security in a Multi-polar World. Chaillot

Paper. Paris: European Institute for Security Studies, 2009; Hiro D. After Empire: The Birth of a Multipolar World. Yale: Nation Books , 2009.

[2] Turner Susan. Russia, Chine and the Multipolar World Order: the danger in the undefined// Asian Perspective. 2009. Vol. 33, No. 1. C. 159-184; Higgott Richard Multi-Polarity and Trans-Atlantic Relations: Normative Aspirations and Practical Limits of EU Foreign Policy. – www.garnet-eu.org. 2010. [Electronic resource] URL: http://www.garnet-eu.org/fileadmin/documents/working_papers/7610.pdf (дата обращения 28.08.2010); Katz M. Primakov Redux. Putin’s Pursuit of «Multipolarism» in Asia//Demokratizatsya. 2006. vol.14 № 4. C.144-152.

[3] Krauthammer Ch. The Unipolar Moment// Foreign Affairs. 1990 / 1991 Winter. Vol. 70, No 1. С. 23-33.

[4] Haass R. The Age of Non-polarity: What will follow US Dominance?’//Foreign Affairs.2008. 87 (3). С. 44-56.

[5] Déclaration de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères sur la reprise d’une dialogue approfondie entre la France et l’Hinde: les enjeux de la resistance a l’uniformisation culturelle et aux exces du monde unipolaire. New Delhi — 1 lesdiscours.vie-publique.fr. 7.02.2000.  [Electronic resource] URL: http://lesdiscours.vie-publique.fr/pdf/003000733.pdf

[6] Krauthammer Ch. The Unipolar Moment. Op.cit.

[7] Евразийская миссия. Манифест Международного «Евразийского Движения». М.: Международное Евразийское Движение, 2005.

[8] Ibid

[9] Ibid.

[10] Ibid.

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vendredi, 11 octobre 2013

Le communautarisme selon Costanzo Preve

Le communautarisme selon Costanzo Preve

par Georges FELTIN-TRACOL

 

costanzo-preve_mr.jpgNé en Italie en 1943 de parents italo-arméniens, Costanzo Preve est très tôt attiré par la philosophie et l’histoire. Étudiant à Paris, il suit les cours de Louis Althusser et fréquente Gilbert Mury et Roger Garaudy. Le jeune Preve ne cache pas sa sensibilité marxiste. Enseignant la philosophie au lycée de 1967 à 2002, il prend sa carte au P.C.I. en 1973 avant de rejoindre en 1975 la mouvance gauchiste (Lotta Continua, Democrazia Proletaria), puis, ensuite, le Parti de la Refondation communiste. il abandonne tout militantisme à partir de 1991. Les prises de position de certains de ses « camarades » révolutionnaires en faveur de l’intervention occidentale contre l’Irak l’invitent à réfléchir si bien qu’en 2004, il adhère le Camp anti-impérialiste et collabore à des revues d’opinions très variées, de Comunismo e Comunità à Italicum en passant par Krisis, Eurasia, Comunità e Resistenza ou Bandiera rossa

 

Auteur prolifique, Costanzo Preve n’a pour l’heure que deux ouvrages traduits en français dont l’un, effectué par son ami Yves Branca qui en assume aussi la présentation, est un Éloge du communautarisme. Bien que préfacé par Michel Maffesoli, l’observateur attentif des nouvelles tribus, des communautés spontanées du temps de la Toile numérique et de la « post-modernité » exubérante, il ne faut pas se méprendre sur son sens. Homme de « gauche » (les guillemets ont leur importance), Costanzo Preve n’est pas un théoricien communautarien, ni un communautariste comme l’entendent les vierges effarouchées décaties de la République hexagonale outragée (qui le mérite bien d’ailleurs)… Son point de vue ne se confond pas « avec les partisans de ces quatre formes pathologiques de communautarisme, qui sont à rejeter résolument et sans remords (p. 27) », à savoir les communautés locales et provinciales, le « communautarisme organiciste », le nationalisme et le fascisme, et le communautarisme ethnique fossoyeur des États-nations. Cet Éloge se veut principalement une réflexion philosophique et historique sur la notion de communauté à l’heure du triomphe du libéralisme. Sa démarche s’appuie sur de solides références intellectuelles : Aristote, Hegel et Marx. D’après ce dernier, « son affirmation de la “ lutte des classes ” est indéniable, mais à ses yeux, la lutte des classes n’était qu’un moyen pour arriver à une fin : la communauté précisément (p. 28) ».

 

Avec la modernité et la fin de la société holiste, comment l’individu peut-il s’insérer dans des communautés sans que celles-ci ne deviennent pour lui des cadres d’aliénation ? Telle est la problématique que pose l’auteur avec une évidente sincérité. « Tout éloge véritable qui n’est pas une adulation hypocrite ne doit pas dissimuler les défauts de son propre objet; c’est, au contraire, s’il les met en évidence qu’il mérite le titre d’ “ éloge ” (p. 29). »

 

Communautés natales contre communautarisme artificiel

 

Après bien d’autres, Costanzo Preve affirme que « l’homme est par nature un être social et communautaire, ou plus précisément un être naturel générique (p. 212) ». Or, « dans la tradition occidentale, l’idée de communauté (ou plus exactement de communauté politique démocratique) naît avec l’élément potentiellement dissolvant qui lui est conjoint, c’est-à-dire l’individu libre et pensant, lequel pense souvent à l’encontre des membres de sa communauté même (p. 30) ». Il précise même : « Si nous entendons sortir d’un enfermement provincial et voulons adhérer à un processus historique d’universalisation humaine qui soit autre chose que son actuelle parodie, laquelle universalise uniquement la forme-marchandise qui uniformise tous les êtres humains selon le seul modèle du producteur et du consommateur manipulé, nous ne pouvons éviter la question cruciale de ce qui peut être le meilleur point de départ d’un dialogue entre les communautés et les civilisations du monde. Ce ne saurait être l’individu isolé, l’individu – atome, qualifié quelquefois tout simplement de “ multiculturel ”, comme si un atome multiculturel pouvait cesser d’être un atome; mais seulement un individu social, ce qui signifie : un individu dans une communauté. Dès lors, je ne vois pas pourquoi l’on ne pourrait appeler “ communautarisme ” le point de vue de l’individu situé dans une communauté, fût-ce, cela va de soi, d’une manière critique et anticonformiste (p. 29). » En dépit de ses défauts, « la communauté est le seul lieu où l’homme contemporain puisse réaliser conjointement sa double nature rationnelle et sociale (p. 239) », d’où son souhait d’un communautarisme universaliste et progressif, car « la solidarité et la liberté sont l’une et l’autre nécessaires (p. 240) ». L’auteur relève toutefois que le processus de modernité n’arrive pas à éliminer la forme communautaire en tant que donnée permanente. Il peut l’écarter, l’exclure, la contenir, mais pas l’effacer. C’est la raison pour laquelle « le capitalisme tend à détruire et à dissoudre les communautés souveraines, pour créer à la place des communautés factices (p. 225) ». Le Système vomit l’enracinement tout en encensant simultanément une soi-disant culture gay élaborée par d’une nouvelle communauté dont la consistance historique serait tout aussi probante que celles des Bretons, des Basques ou des Corses.

 

Si le Système valorise des communautés nouvelles à l’appartenance subjective incertaine (à quand des quotas légaux aux élections pour les philatélistes, les ramasseurs de champignons ou les porteurs de lunettes ?), il n’hésite pas, le cas échéant, à fomenter « l’ethnicisation et la régionalisation des conflits [qui] forment par conséquent des terrains d’intervention et d’intrusion contre les peuples et les nations (p. 50) ». Contre ce dévoiement pernicieux, Costanzo Preve qui juge vaines les recherches en faveur d’une troisième voie sérieuse, lie son « communautarisme » à l’idéal communiste. « On peut définir le communisme, brièvement, comme une forme radicale et extrême de communautarisme (p. 73). » Mieux, ce communisme s’épanouit au sein d’un ensemble collectif d’ordre civique. « La politique est une propriété indivise de la communauté toute entière (p. 68). » Un marxisme bien compris devient de la sorte un facteur d’épanouissement. Par conséquent, « oubliez tout ce que vous avez cru savoir sur Marx et le marxisme ! (p. 154) », car « Marx s’est trouvé incorporé dans un appareil idéologique qui ne fut d’abord que politique et syndical, mais qui devint ensuite véritablement étatique et géopolitique (p. 154) ». L’auteur réhabilite la conception marxiste de la nation et mentionne Otto Bauer, les austro-marxistes ainsi que Staline. « L’idée de nation faisait partie intégrante de la tradition marxiste et socialiste (p. 198). »

 

Costanzo Preve témoigne son attachement à la nation qui lui paraît la communauté la plus appropriée pour le partage d’un destin commun. Le Système agresse sans cesse l’idée nationale. L’auteur note que « le nouveau cycle de guerres qui s’est ouvert par la honteuse dissolution du communisme historique réel du XXe siècle (qu’il faut appeler ainsi pour le distinguer du communisme utopico-scientifique de Marx – cet oxymore étant évidemment volontaire) a pour logique la formation d’un Nouvel Ordre Mondial (pp. 38 – 39) ». Pis, « le monde actuel, qui se présente sous le mensonge d’une démocratie libérale fondée sur la religion universaliste des droits de l’homme, est en réalité un totalitarisme de l’économie, géré par une oligarchie politique qui se légitime moyennant des référendums périodiques, lesquels supposent la totale impuissance des opposants en fait de projet. La dictature de l’économie ne se présente plus sous la forme de celle, ridiculement faible et instable, de personnages politiques solitaires et charismatiques comme Mussolini, Hitler, Franco, Peron, Staline ou Tito, mais désormais sous la forme infiniment plus puissante de la dictature de forces et de grandeurs rigoureusement anonymes et impersonnelles, et partant invincibles : les “ marchés ”, la “ productivité ”, la “ concurrence internationale ”, le “ vieillissement de la population ”, l’« impossibilité de sauvegarder le système de la sécurité sociale et des retraites », etc. Si la forme personnelle et dilettante des vieilles dictatures politiques charismatiques s’est révélée une espèce fragile d’un point de vue darwiniste, la nouvelle forme “ professionnelle ” de la dictature systémique et impersonnelle de quantités économiques affranchies de tout “ anthropomorphisme ” paraît plus stable (p. 55) ».

 

La démocratie subvertie par le mondialisme

 

copr191462500.jpgL’auteur souligne enfin que « la démocratie ne garantit pas la justesse de la décision; bien au contraire, avalisant de son autorité des choix criminels, elle est pire encore que la tyrannie, parce que celle-ci, en tant qu’origine constante de décisions arbitraires et criminelles, est au moins facile à démasquer, tandis qu’en démocratie, le style “ vertueux ” et légal des décisions prises à la majorité réussit le plus souvent à cacher la nature homicide de certains choix sous le rideau de fumée des formes institutionnellement corrects (p. 67) ». La célébration irréfléchie de la démocratie moderne individuelle, voire individualiste, bouleverse l’agencement géopolitique planétaire. « Le monde précédent, qu’il s’agit de détruire, est celui du droit international des relations entre États souverains, celui de la négociation entre sphères d’intérêts et d’influence, le monde du droit de chaque nation, peuple et civilisation à choisir souverainement ses propres formes de développement économique et civil (p. 39). » Le Nouvel Ordre Mondial prépare désormais « l’inclusion subalterne de tous les peuples et nations du monde dans un unique modèle de capitalisme libéral, où ce qui sera le plus défendu, même et surtout par les armes, sera moins l’entrée que, justement, la sortie (p. 39) ». Il favorise l’éclatement des États en privilégiant les communautarismes subjectifs, volontaires ou par affinité. « Cent ou cent cinquante États souverains dans le monde sont à la fois trop, et trop peu, pour la construction d’un Nouvel Ordre Mondial. Trop, parce qu’il y en a au moins une trentaine qui sont pourvus d’une certaine consistance et autonomie économique et militaire, ce qui complique les manèges pour arriver au contrôle géostratégique de la planète. Mais en même temps peu, parce que si l’on vise un contrôle géopolitique et militaire plus commode, l’idéal n’est pas le nombre actuel des États; ce serait un panorama de mille ou deux mille États plus petits, et donc plus faibles militairement, plus vulnérables au chantage économique, formés par la désagrégation programmée et militairement accélérée des anciens États nationaux divisés comme une mosaïque selon l’autonomie de toutes les prétendues “ ethnies ” qui sont présentes sur leur territoire (pp. 49 – 50). »

 

Dans cette nouvelle configuration pré-totalitaire apparaît la figure utilitaire du terroriste qui « représente un ennemi idéal, parce qu’étant par nature sans territoire propre, il semble avoir été fait exprès pour les forces qui veulent précisément “ déterritorialiser ” le monde entier, en ruinant l’indépendance des peuples et des nations et la souveraineté des États. Pour ces forces, le monde doit être transformé en une sorte d’« espace lisse », sans frontières, adéquat à la rapide fluidité des investissements des capitaux et de la spéculation financière, il faut donc qu’il n’y ait plus de “ territoires ” pourvus d’une souveraineté nationale et économique indépendante (p. 47) ».

 

Il existe bien entendu d’autres formes de pression totalitaires. Par exemple, « l’agitation permanente de la bannière de l’antifascisme en l’absence complète de fascisme, ou de celle de l’anticommunisme sans plus de communisme, doit être interprété comme le symptôme d’un déficit de légitimation idéale de la société contemporaine (p. 91) ». Attention quand même aux contresens éventuels. Costanzo Preve ne se rallie pas à l’« extrême droite ». Il affirme plutôt que « l’antifascisme ne fut pas seulement un phénomène historiquement légitime, ce qui est évidente, mais un moment lumineux de l’histoire européenne et internationale (p. 190) ». Il souligne que « Auschwitz est injustifiable, mais l’extermination technologique de la population d’Hiroshima et de Nagasaki l’est tout autant, tout comme l’anéantissement de Dresde, à quelques semaines de la fin de la guerre, dont les auteurs furent récompensés par des médailles, au lieu d’être enfermés dans des prisons spéciales. Treize millions d’Allemands furent déportés par des décisions prises à froid et sans aucune raison stratégique, la guerre étant terminée, à partir de terres allemandes comme la Prusse et la Silésie. Au cours de leur transfert, il y eut plus de deux millions de morts, auxquels s’ajoutèrent un million sept cent mille Allemands qu’après la fin de la guerre, en pleine reprise de la surproduction alimentaire, on laissera mourir de faim dans les camps de concentration français et américains (pp. 192 – 193) ».

 

Un communautarisme des Lumières ?

 

cop22.jpgSous les coups violents du Nouvel Ordre Mondial, la société européenne se transforme, contrainte et forcée. Dénigrées, contestées, méprisées, les vieilles communautés traditionnelles sont remplacées par des communautés artificielles de production et de consommation marchande. Costanzo Preve décrit avec minutie les ravages planétaires de l’hybris capitaliste. Si « le capitalisme aime habiller les jeunes gens et à leur imposer par là, au travers de nouvelles modes factices, des profils d’identification pseudo-communautaire. Cela se fait surtout par le phénomène du branding, c’est-à-dire du lancement de marques. […] Il est de règle que le capitalisme, non content d’habiller le corps des jeunes déshabille celui des femmes. D’où sa frénésie contre l’islam, dont l’hostilité s’étend jusqu’au foulard le plus discret, mais aussi son irrésistible pulsion vers les minijupes et les showgirls très dévêtues des jeux télévisés (pp. 216 – 217) ». Il perçoit en outre que « le capitalisme ne vise […] pas à faire de vieillards une communauté séparée, mais cherche plutôt à réaliser leur complète ségrégation (p. 219) » parce que « dans l’imaginaire capitaliste, la mort elle-même paraît obscène, parce qu’elle interrompt définitivement la consommation (p. 218) ». Le Système fait assimiler implicitement le vieillissement, la vieillesse avec la disparition physique… Quant à une métastase de ce capitalisme mortifère, le féminisme, ses revendications font que « pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la figure asexuée de l’entrepreneur réalise le rêve (ou plutôt le cauchemar) du pur androgyne (p. 224) ». Le capitalisme illimité dévalue tout, y compris et surtout les valeurs. Favorise-t-il donc un état complet d’anarchie globale ? Nullement ! Le champ de ruines spirituel, moral et sociologique assure le renforcement de la caste dirigeante parmi laquelle le « peuple juif qui de fait est aujourd’hui investi du sacerdoce lévitique globalisé du monde impérial américain, dans lequel la Shoah devra remplacer (ce n’est qu’une question de temps) la Croix comme le Croissant, l’une et l’autre peu adaptés à l’intégrale libéralisation des mœurs que comporte l’absolue souveraineté de la marchandise (p. 194) ».

 

Preve n’est pas négationniste. Il observe cependant que dans le Nouvel Ordre Mondial, « la sacralisation de ce droit absolu à la possession de tous est obtenue par une nouvelle religion, qui se substitue à la Croix comme au Croissant, la religion de la Shoah, dans laquelle Auschwitz, détaché de son contexte historique, est érigé en principe universel abstrait exigeant d’abolir le droit international “ de sorte que cela ne puisse plus jamais arriver dans l’avenir ” – tandis que Hiroshima, et ce n’est pas un hasard, a seulement été “ déploré ”, et non pas criminalisé comme Auschwitz, et continue d’être brandi comme une menace toujours possible contre les “ nouveaux Hitler ”… (pp. 116 – 117) ».

 

Suite à ses propos qu’on peut sciemment mal interpréter, Costanzo Preve pourrait faire l’objet d’attaques perfides alors qu’il se réclame de l’héritage des Lumières. Pour lui, « l’État est en fait l’organe qui réalise le programme de la modernité des Lumières, mais selon une interprétation communautaire et non point individualiste (p. 145) ». L’« idéologie des Lumières » ne forme pas un bloc monolithique. Si, en France, elle est progressiste, on ignore souvent qu’en Allemagne ou en Angleterre, elle présente un important versant conservateur. Preve cherche-t-il soit une nouvelle synthèse post-moderne, soit une réactivation d’un « conservatisme lumineux » ? Il se déclare ainsi « favorable au mariage des prêtes catholiques (dont le mariage des popes orthodoxes et des pasteurs protestants constitueraient des précédents historiques), à l’ordination sacerdotale des femmes dans la confession catholique et à de pleins droits civils pour les gays et lesbiennes (mais dans les formes du P.A.C.S., non dans celle du “ mariage ”, qui est inutilement provocatrice) (p. 124) ». Il approuve dans le même temps la place historique de l’Église catholique même s’il ignore le rôle majeur joué par le christianisme celtique dans la réévangélisation de l’Europe de l’Ouest au Haut – Moyen Âge. Mutatis mutandis, le christianisme celtique, s’il s’était maintenu, fortifié et développé, aurait été probablement le pendant occidental de l’Orthodoxie et permis la constitution à terme d’Églises catholiques européennes autocéphales aptes à résister aux assauts de la modernité. Au contraire, du fait d’une centralisation romaine continue, l’Église catholique a accepté sa sécularisation.

 

Pour preuve irréfragable, Costanzo Preve rappelle que « le théologien Joseph Ratzinger, qui est devenu pape, a du reste posé lui-même d’une manière extrêmement intelligente la question du bilan de la pensée des Lumières dans son débat avec Jürgen Habermas, où il a soutenu que les Lumières n’avaient pas été seulement bonnes, mais providentielles, parce que leur intervention historique avait “ corrigé ” les erreurs et même, dans certains cas, les crimes de l’Église. […] Il […] semble [à Preve] qu’il serait encore plus sot d’être plus traditionaliste et catholique que Joseph Ratzinger (p. 131) ». De pareils propos confirment l’argumentaire sédévacantiste.

 

Son appréciation sur Ratzinger est-elle vraiment sérieuse et fondée ? Catholique, Benoît XVI peut l’être dans l’acception d’« universel ». L’Église romaine a toujours cherché à au moins superviser les pouvoirs temporels. Au XXe siècle, un penseur catholique de renom, Jacques Maritain, défend une supranationalité papiste de dimension européenne, occidentale, voire atlantiste. On retrouve cette influence dans l’encyclique Caritas in veritate du 7 juillet 2009. Se référant à une conception dévoyée de la subsidiarité, le souverain pontife énonce que « le développement intégral des peuples et la collaboration internationale exigent que soit institué un degré supérieur d’organisation à l’échelle internationale de type subsidiaire pour la gouvernance de la mondialisation (paragraphe 67) ». Il ajoute qu’« il est urgent que soit mise en place une véritable Autorité politique mondiale […]. Cette Autorité devra […] être reconnue par tous, jouir d’un pouvoir effectif pour assurer à chacun la sécurité, le respect de la justice et des droits. Elle devra évidemment posséder la faculté de faire respecter ses décisions par les différentes parties, ainsi que les mesures coordonnées adoptées par les divers forums internationaux (paragraphe 67) ». Il apparaît clairement que le Vatican est dorénavant un relais sûr du Nouvel Ordre Mondial. À la décharge de Costanzo Preve, son Éloge a été publié en 2007 et il ne pouvait pas deviner la portée mondialiste de ce texte. Benoît XVI n’est pas traditionaliste. N’oublions jamais que le véritable catholicisme traditionnel, communautaire et sacral qui rayonnait à l’époque médiévale fut assassiné par l’incurie pontificale, la Réforme protestante et sa consœur honteuse, la Contre-Réforme catholique !

 

Nonobstant ces quelques critiques, cet Éloge du communautarisme demeure une belle réflexion sur une question déterminante pour les prochaines décennies : les communautés humaines natives résisteront-elles au XXIe siècle ?

 

Georges Feltin-Tracol

 

• Costanzo Preve, Éloge du communautarisme. Aristote – Hegel – Marx, préface de Michel Maffesoli, Krisis, 2012, 267 p., 23 €.


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samedi, 05 octobre 2013

Qual è il vero significato delle «Favola delle api» di Bernard Mandeville?

Qual è il vero significato delle «Favola delle api» di Bernard Mandeville?

di Francesco Lamendola

Fonte: Arianna Editrice [scheda fonte]

mandeville1-1.jpgIl successo, la ricchezza, la potenza degli individui e delle nazioni, si possono ottenere con la pratica intransigente della virtù; oppure l’egoismo, l’inganno e la violenza sono gli ingredienti necessari per raggiungerle e conservarle?

Bella domanda; domanda impertinente. E impertinente, infatti - anzi, sommamente impertinente, per non dire irritante - è «La favola delle api» di Bernard Mandeville (1670-1733), un medico di origine olandese trasferitosi in Inghilterra, che trasse la sua opera filosofica più famosa da quella che era, in origine, una poesia: «The Grumbling Hive: or, Knaves Turn’d  Honest», che, dopo un processo di gestazione e rielaborazione durato quasi cinque lustri, vide infine la luce a Londra, nel 1729, con il titolo definitivo di «The Fable of the Bees: or, Private Vices, Public Benefits».

Per farsi un’idea della spregiudicatezza del tono adottato dall’Autore, basterà riportare qui la conclusione (da: B. Mandeville, «La favola delle api», traduzione dall’inglese di Maria Goretti, Firenze, Casa Editrice Felice Le Monnier, 1969, XXXI, vv. 409-433, pp. 54-55):

«Lasciate, quindi, le lamentele! Soltanto gli sciocchi si sforzano di fare del grande alveare del mondo un alveare onesto. Godere delle gioie della terra, essere rinomati nella guerra, e ancora vivere in pace, sena grandi vizi è soltanto utopia vana, esistente solo nell’immaginazione. È necessario che la frode, il lusso e la vanità sussistano, se noi vogliamo averne in benefici: allo stesso modo la fame è certo un terribile tormento, ma come digerire e prosperare senza di essa? Non dobbiamo il vino alla vigna, magra, brutta, contorta? La stessa, se i polloni sono lasciati stare, soffoca altre piante e diviene solo legna da bruciare; ma se i rami sono pareggiati e tagliati, subito diviene fecondo e ci dà la benedizione del suo nobile frutto: allo stesso modo il vizio risulta beneficio, purché sia rattenuto e nettato del superfluo dalla Giustizia; anzi, qualora un popolo voglia essere grande, il vizio è necessario in uno Stato come la fame è necessaria per obbligarci a mangiare. La sua pura virtù non può rendere mai una nazione celebre e gloriosa; coloro che vorrebbero far rivivere l’età dell’oro debbono accettare con la virtù il cibo dei porci.»

Ce n’è abbastanza per mettere tremendamente a disagio il lettore, tanto più se questi appartiene alla specie degli ipocriti, abituati a predicare bene e razzolare male, ma niente affatto disposti a vedersi smascherati così brutalmente dal primo venuto; e Dio sa se, nella Londra e nell’Inghilterra dei primi decenni del Settecento, in piena espansione commerciale e finanziaria, e già in procinto di varare, con mezzo secolo di anticipo sul resto del continente, la propria rivoluzione industriale, una tale specie umana non era ampiamente diffusa e generosamente rappresentata sia nella società civile, che nelle istituzioni e nel Parlamento.

Mai come in questo caso, infatti, per comprendere il senso di uno scritto filosofico – che pure ci sottopone una questione di portata universale – è necessario contestualizzarlo: perché si rischierebbe di non comprendere i veri termini della questione, o, peggio, di fraintenderli completamente, se non si tenesse presente a quale genere di pubblico aveva l’ardire di rivolgersi il suo autore; vale a dire, quale razza di farisei ipocriti aveva deciso di prendere di mira e di sferzare senza troppi complimenti.

Un Paese in piena espansione, dunque; un Paese che si stava giocando, e che stava vincendo, niente meno che la grande partita per il controllo dei traffici internazionali, forte della marina più agguerrita e numerosa del mondo; un Paese governato con un singolare miscuglio d’intraprendenza, audacia, fortuna e assoluta mancanza di scrupoli, unite a una buona dose d’improntitudine; le cui banche stavano allungando i loro tentacoli sul mondo, le cui navi stavano saccheggiando le materie prime dei cinque continenti, le cui merci ad alto costo stavano invadendo i mercati del globo terracqueo, e le cui dottrine politiche liberali e costituzionali si stavano diffondendo con pari successo, magari al rombo dei cannoni, e preparavano il terreno per potersi poi imporre, con la calma, ma con piglio sicuro, uno dopo l’altro in tutti i Paesi del mondo, presentando sé stesso come modello inarrivabile di benessere, di progresso, di civiltà.

Ma ci piace dare la parola al filosofo Emanuele Riverso, abbastanza recentemente scomparso, per la chiarezza e la lucidità del quadro che sa tratteggiare sia della società inglese, sia del modo in cui fu accolto il capolavoro di Mandeville (da: E. Riverso, «Forme culturali e paradigmi umani. Le tappe del pensiero filosofico e pedagogico nella cultura occidentale», Roma, Edizioni Borla, 1988, vol. 2, pp. 304-305):

«L’opera suscitò un putiferio, perché fu accusata di essere una esaltazione o descrizione cinica del vizio. In realtà essa lacerava quel velo di autocompiacimento»e di auto-approvazione morale che gli scrittori dotti, i pubblicisti politici e gli autori di orientamento religioso distendevano sulla società del tempo, creando la buona coscienza in quanti spregiudicatamente si dedicavano alle speculazioni ed agli affari, sconvolgendo le antiche strutture rurali, urbane, produttive, commerciali e morali e creando masse di diseredati, di frustrati, di angosciati, che si addensavano intorno ai centri urbani e presso i nuovi centri minerari e industriali.

Mandeville volle soltanto spiegare che l’enorme prosperità globale dell’Inghilterra del tempo non poteva essere considerata come un premio o la conseguenza di una benedizione divina (secondo la tesi puritana e calvinista in genere che faceva della prosperità materiale un segno di benedizione e di predestinazione), ma nasceva dal cumulo e dall’interazione di attività e intenzioni individuali che, singolarmente prese, e dal punto di vista cristiano,non potevano essere considerate altro che vizi: i vizi privati (avidità, egoismo, spregiudicatezza, avarizia, lussuria) nel contesto libertario dell’Inghilterra dell’epoca, davano luogo a un dinamismo globale, che nel suo insieme produceva ricchezza e prosperità. Era una tesi realistica, l’esame realistico di una società che, al di sotto delle dichiarazioni ufficiali conformi ai valori cristiani, si andava adattando a valori nuovi di profitto, di ricchezza, di dominio e di prestigio economico. Non era meglio esaminare il fatto sociale per quello che realmente era anziché utilizzare finzioni ed ipotesi normative? Non era meglio tener conto delle reali intenzioni delle persone, quando si doveva procedere a iniziative pubbliche, e mettere da parte le ipocrisie, per ordinare in modo più efficace le azioni di governo?

Scrittori, ecclesiastici, moralisti e letterati reagirono violentemente allo scritto di Mandeville, accusandolo di essere un difensore del vizio. Uno di loro, John Dennis, disse di lui che “il vizio e la lussuria hanno trovato un campione e difensore che mai prima avevano trovato; un altro, William Law, disse che l’intento di Mandeville  era quello di “liberare l’uomo dalla SAGACIA dei moralisti dal dominio della virtù e ricollocarlo nei diritti e privilegi della brutalità; di richiamarlo dalle vertiginose altezze della dignità razionale e della rassomiglianza  con gli Angeli, per farlo andare nell’erba o a rotolarsi nel fango” (in “Remarks upon a Late Book, entituled, The Fable of the Bees, London 1726, p. 6).

Come si presenta oggi, l’opera di Mandeville, che è una delle più significative della storia del pensiero del settecento, comprende una prefazione, una composizione poetica in trenta strofe intitolata “L’alveare brontolone” o “Gli schiavi divenuti onesti”, in cui descrive la vita inglese del settecento con le assurdità, le angosce, gli sconvolgimenti, gli egoismi, la spietatezza tipici del tempo in cui andavano maturando le condizioni per la prima rivoluzione industriale. Segue una breve Introduzione ed una “Ricerca sulla natura della società”. La sua conclusione era che “né le qualità amichevoli e gli affetti gentili che sono naturali agli uomini, né le virtù reali che egli è capace di acquisire mediante la ragione e l’abnegazione, sono il fondamento della società; ma ciò che chiamiamo Male in questo mondo, tanto morale che naturale, è il grande principio che ci rende creature sociali, la solida base, la vita ed il sostegno di tutti i commerci e le attività senza eccezione: è lì che dobbiamo cercar la vera origine di tutte le arti e le scienze e nel momento in ci il Male cessa, la società so deve impoverite, se non dissolversi” (Mandeville, “The Fable of the Bees”,  Pelican 1970, p. 370).»

Ammirevole franchezza, dunque; alla quale non ci sentiamo di aggiungere se non che il trionfo del male nelle attività economiche non è una condizione fatale e necessaria, ma il risultato di un certo modello di economia (e di politica): perché una cosa è, ad esempio, una organizzazione economica, giuridica e sociale che, come quella medievale e pre-moderna, proibisce o scoraggia l’usura e che fonda, con il Banco dei Paschi di Siena, la prima banca non speculativa del mondo; e un’altra cosa, e ben diversa, è una organizzazione economica, giuridica e sociale, come quella del nascente capitalismo inglese, che innalza la più spietata concorrenza al rango di legge ineluttabile e universale, che indica il profitto quale unico criterio di misura della bontà di una determinata iniziativa, che fonda la prima grande banca speculativa del mondo.

Insomma: non è un fatto di natura che lo sviluppo dell’economia si fondi sull’egoismo, sulla brutalità, sul cinismo: non qualunque tipo di economia porta a tali esiti, o non nella stessa misura; si tratta, invece, di una caratteristica specifica di un determinati modello di economia, quello basato sullo strapotere finanziario, sulla massimizzazione dei profitti ad ogni costo, sulla riduzione e la degradazione dell’uomo e del lavoro in una merce come qualunque altra. E non è certo un caso se, mezzo secolo dopo che era apparso lo “scandaloso” apologo di Mandeville, l’economista Adam Smith avrebbe teorizzato che dalla somma degli egoismi individuali discende, misteriosamente, anche la prosperità collettiva; e avrebbe tirato in ballo, con pochissimo rigore logico, una non meglio specificata “mano invisibile” per illustrare tale concetto. Perché nella cultura inglese, e specialmente in quella di matrice calvinista, è sempre stata vivissimo il bisogno di drappeggiare il nudo e crudo perseguimento dell’interesse individuale, squisitamente egoistico, di belle formule miranti a dimostrare che non c’è alcuna contraddizione con l’esigenza del bene comune. Non aveva John Locke posto la proprietà privata fra i diritti NATURALI dell’uomo? Ogni azione egoistica dell’individuo, purché questi sia formalmente timorato di Dio (il Dio dei puritani), trova sempre la sua giustificazione e perfino la sua glorificazione, in nome del progresso e del benessere collettivi. Così, ad esempio, gli “Highlanders” scozzesi, e con loro gli ultimi giacobiti, venivano massacrati fino all’ultimo sangue, perché anche le aree più “arretrate” delle Isole Britanniche si aprissero agli incomparabili vantaggi della modernità, del commercio e dell’industria; così i Pellerossa del Nord America venivano irretiti in trattati menzogneri, ingannati e, infine, braccati come bestie feroci, a maggior gloria dei Padri pellegrini e del manifesto destino civilizzatore dei coloni britannici.

La cultura nordamericana ha ereditato in pieno questa tendenza all’autocompiacimento ipocrita e non ha saputo nemmeno sbarazzarsi dell’ormai logoro paravento religioso: basta ascoltare il discorso di insediamento di un qualsiasi presidente degli Stati Uniti; basta udire le invocazioni a Dio affinché benedica l’America, nel momento in cui essa si appresta a perpetrare delle ingiustificabili guerre di aggressione, con la scusa di voler diffondere la democrazia e la libertà di commercio (cioè la libertà d’imporre un commercio ineguale, a tutto svantaggio degli altri), per udire la stesa nota falsa e stridente, per avvertire immediatamente la stessa sfacciata ipocrisia che si nascondeva dietro i bei discorsi di un William Pitt il Vecchio durante la guerra dei Sette Anni.

Non la sfrontatezza di Mandeville nel celebrare il vizio, dunque, ma la sua aspra sincerità nel mostrare «di lacrime grondi e di che sangue» la formula del successo economico e politico, è la cifra giusta per comprendere la «Favola delle api»; anche se permane – perché negarlo? – una vaga sensazione di ambiguità circa le sue reali intenzioni. Così come ci si è chiesti, infatti, sino a che punto George Berkeley aborrisca da quel libero pensiero che aggredisce con argomenti così pericolosamente simili a quelli dei suoi avversari, ci si può chiedere - e la domanda non è indiscreta - fino a che punto Mandeville abbia voluto davvero indossare i panni severi del moralista.  Tuttavia, perché fare il processo alle intenzioni? È più importante che almeno una voce, nell’Inghilterra del XVIII secolo, abbia avuto la franchezza di scoprire gli altarini d’una classe dirigente cinica e falsa...


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