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Les manigances des grands groupes pharmaceutiques, exposées dans La constance du jardinier, un roman de John Le Carré, ne relèvent pas non plus de la pure fiction. Le livre, adapté au cinéma, est basé sur le scandale du Trovan (ou trovafloxacine), au Nigeria. Plusieurs procès ont suivi un essai « sauvage » de cet antibiotique, réalisé en 1996 par Pfizer. Le médicament, mis sur le marché en 1997, a été retiré en raison de ses effets secondaires.
L’Amazonie fait rêver alors même que cet espace est mal connu. Espace vaste, divers, pas uniquement composé de forêt, il est peu hospitalier pour les populations qui l’habitent. Son aménagement est un enjeu majeur pour le Brésil et le monde.
Samedi 5 juillet 2021, Recep Tayyip Erdogan a officiellement inauguré les travaux du Kanal Istanbul, une voie navigable de 45 kilomètres de long, 150 mètres de large et 25 mètres de profondeur qui reliera la mer Noire à la mer de Marmara. Aussi grand, sinon plus, que Suez et Panama, l'ouvrage contournera le détroit du Bosphore, décongestionnant le passage maritime encombré (48.000 transits par an en moyenne) et transformant la partie européenne de la métropole turque en une véritable cité insulaire.
Après plus de 20 ans, la maison d'édition Luni editrice a décidé de republier "Curzio Malaparte" de Giuseppe Pardini, qui, à la différence de la biographie de Giordano Bruno Guerri L'arcitaliano (Bompiani, 1980), se concentre sur l'aspect purement politique de l'écrivain de Prato, reconstruisant son idéologie comme "plus linéaire et plus solide" que ce qui est communément jugé, voyant dans l'histoire personnelle de Malaparte pas mal d'éléments d'incertitude, de remise en question et de contradiction.
Julian Assange et l’Espionnage Act (1/6) : Histoire des menaces à la liberté de la presse
Dès leurs premières années, les États-Unis ont trouvé des moyens de nier les droits d’une presse libre lorsqu’il était politiquement opportun de le faire. L’un des derniers moyens a été d’arrêter l’éditeur de WikiLeaks, Julian Assange, il y a 29 mois, le 11 avril 2019, et de l’inculper – c’est la première fois qu’un éditeur et journaliste est inculpé en vertu de l’Espionnage Act de 1917 pour possession et publication de secrets d’État.
Les révélations de Daniel Hale sur le crime aveugle des drones américains
Daniel Hale a révélé le meurtre généralisé et aveugle de non-combattants dans la guerre mondiale des drones américains. Pour son héroïsme, il a été condamné à 45 mois de prison tandis que ceux qui dirigent ces crimes de guerre continuent leur folie meurtrière.
L'OTAN, l'alliance militaire qui est devenue religion
Un article intéressant de Jon Schwarz dans The Intercept retrace l'histoire de l'OTAN et réfléchit à sa pertinence aujourd'hui. Il rappelle que l'OTAN est née dans l'urgence après la Seconde Guerre mondiale, en 1949, à une époque où l'Europe était détruite et où "la puissance des États-Unis était si prépondérante qu'elle pouvait simplement dicter leur conduite à ses alliés".
Une des lignes de fracture de notre époque est la question de savoir si les gens peuvent décider de leurs propres affaires ou bien dans quelle mesure des experts peuvent décider pour eux.
La Russie travaille activement à une alternative au canal de Suez
Pour la réussite économique, on le sait, il ne suffit pas de produire des biens. Il faut aussi les livrer à l’acheteur. C’est pourquoi les voies de transport deviennent chaque jour plus critiques. Et c’est pourquoi, parallèlement à l’utilisation de voies de transport déjà connues, la Chine, par exemple, crée sa propre Nouvelle route de la soie, construit, au Nicaragua, une alternative au canal de Panama, tandis que la Turquie construit un canal d’Istanbul parallèlement à son traditionnel Bosphore. Ces efforts ont été stimulés par l’incident du 28 mai bloquant le canal de Suez, qui a conduit de nombreux pays à chercher des alternatives à cette artère de transport égyptienne. Le PDG du géant danois du transport maritime Moller-Maersk, Soren Skou, a parlé au Financial Times de cette accélération inconditionnelle des changements dans la chaîne d’approvisionnement mondiale des marchandises, après le blocage du canal de Suez. Étant donné l’importance particulière, dans ces conditions, de la création d’une voie de transport durable et rentable pour les participants au commerce international entre l’Europe et l’Asie du Sud-Est, la Russie a participé activement à la recherche d’alternatives.
Article de Vladimir Poutine : De l’unité historique des Russes et des Ukrainiens
« Lors de la récente Ligne directe [échange annuel de Vladimir Poutine avec des citoyens russes], interrogé sur les relations russo-ukrainiennes, j’ai déclaré que les Russes et les Ukrainiens formaient un seul peuple, un tout. Ces paroles n’étaient pas motivées par des considérations à court terme ou par le contexte politique actuel. C’est ce que j’ai dit à de nombreuses occasions et ce que je crois fermement. J’estime donc nécessaire d’expliquer ma position en détail et de partager mes analyses de la situation actuelle. »
Mai 1968 est considéré comme un événement "révolutionnaire" mondial, au cours duquel des étudiants de diverses régions du monde seraient descendus dans la rue pour défier l'ordre établi. Est-ce vrai? Si la génération actuelle des dirigeants du monde faisait exactement partie de cette "protestation étudiante", pourquoi le monde a-t-il empiré? D'ailleurs, ces mouvements étudiants étaient-ils réellement socialistes?
Plus de cinquante ans après l'un des épisodes sociaux et politiques les plus signifiants de la dernière moitié du XXe siècle, Mai 68 est plus présent que jamais. En effet, des intellectuels de différentes traditions s'accordent à dire que la configuration actuelle du monde ne peut être comprise sans se plonger dans le conflit qui a paralysé la capitale française. Cependant, de plus en plus de voix commencent à apparaître, à gauche et à droite, faisant des lectures critiques, ou du moins en dehors de la perspective standard qui prétendait qu'une sorte de révolution culturelle de gauche et anticapitaliste y avait commencé, dont la conséquence serait l'hégémonie d'un "marxisme culturel".
A proprement parler, il faut dire que si des voix critiques se sont élevées tout au long de ces années (voir, par exemple, le livre de Serge Audier, La pensée anti-68. Essai sur les origines d'une restauration intellectuelle), le climat actuel et l'émergence d'une néo-gauche qui porte la bannière de la politique identitaire ont conduit à de nouvelles révisions. Ainsi, pas nécessairement d'un point de vue réactionnaire ou conservateur, nombreux sont ceux qui démontrent désormais que Mai 68 a fini par être une révolution bourgeoise et individualiste qui a signifié l'enterrement de la classe sociale en tant que sujet politique, au détriment des identités multiples qui ne correspondaient pas aux standards de la norme.
Dans ce sens, deux livres ont paru ces dernières années qui, bien que provenant de traditions opposées, coïncident dans leur diagnostic. Le premier appartient à Daniel Bernabé, a été publié en 2018 et s'intitule Le piège de la diversité. Là, à partir d'une approche gauchiste plus traditionnelle, l'auteur nous explique que Mai 68 ne se voulait pas une révolution anticapitaliste, au-delà de la supposée coïncidence circonstancielle d'intérêts entre ouvriers et étudiants. Il s'agissait plutôt d'une querelle de générations visant à briser définitivement une grande partie des valeurs de la société d'après-guerre qui faisait barrage à un ensemble d'idées qui peinaient à s'imposer. La solution libertaire, alors, était individualiste. Les syndicats, comme la famille, la religion et toutes les hiérarchies, sont des structures et des identités qui constituent un passé qu'il faut abolir.
L'imagination au pouvoir n'était pas celle d'une construction collective, mais celle de l'individu hédoniste. Selon Bernabé, à la page 61 de la troisième édition d'Akal : " Les caractéristiques insurrectionnelles de la jeunesse européenne et nord-américaine n'étaient pas axées sur des revendications centrées sur le travail ou le progrès social (...) Il ne s'agissait pas d'obtenir un meilleur salaire ou plus de vacances (...), mais de véhiculer politiquement un mécontentement abstrait contre le projet de la modernité. "
Un autre aspect présent dans le texte de Bernabé est que 68 et les tumultueuses années soixante en général ont donné naissance à la jeunesse comme génération et comme sujet politique dans un monde où l'enfance passait à la maturité sans aucune transition. Mais là encore, on peut ajouter que cette irruption, qui en Europe et en Amérique latine a même conduit de nombreux jeunes à la lutte révolutionnaire, s'est transformée des années plus tard en déception ou en soumission à ce qui semblait déjà être l'accélération d'une nouvelle étape du capitalisme qui serait basée, plus que jamais, sur l'élimination de toute forme de limite. Ainsi, dans une société où la jeunesse n'est plus un âge mais une forme de consommation qui, en tant que telle, peut être étendue à des limites insoupçonnées, le globalisme est devenu nécessaire, d'une part, pour éliminer les frontières nationales et, d'autre part, pour fragmenter les revendications en identités multiples dans lesquelles on peut entrer et sortir à volonté.
Mais je ferais remarquer que le texte de Bernabé n'est pas le seul à avancer cette interprétation. De l'autre côté du spectre idéologique, dans une perspective que l'on pourrait qualifier de "populisme de droite ou conservateur", Adriano Erriguel a publié en 2020, chez l'éditeurHomo Legens, un recueil d'essais métapolitiques intitulé Pensar lo que mas les duele. À la page 36 de ce livre, nous lisons que "mai 1968 a inauguré une ère sans précédent : la transgression comme dogme et la rébellion comme nouvelle orthodoxie. Une "rebellocratie" - selon les mots de Philippe Muray - qui exalte ses propres contradictions, les commercialise et les phagocyte. Marché global, domestication festive et éducation à la consommation: les signes définitifs de notre temps. En ce sens, mai 1968 a été une révolution qui a mis fin à toutes les révolutions".
Comme l'a souligné Bernabé, et cela vaut également pour Erriguel, la révolution pour mettre fin aux révolutions signifiait que le progressisme remplaçait l'ancien appareil communiste et la classe ouvrière. Beaucoup croyaient qu'il s'agissait de la révolution communiste et que la propriété des moyens de production était en jeu. Cependant, comme le souligne Erriguel par l'intermédiaire du penseur italien Marcello Veneziani, la majorité de 68 était une révolution contre les parents plutôt que contre les patrons, une révolution qui, à son tour, était déjà préfixée par les valeurs américaines des années 60. On peut dire, en ce sens, que les États-Unis ont exporté leur révolution du XXe siècle à Paris.
Parmi la vaste bibliographie citée par Erriguel, je voudrais mentionner quatre références que je considère comme pertinentes. D'abord, Michel Clouscard, proche du Parti communiste français, qui a été le premier à analyser Mai 68 comme une contre-révolution libérale et qui fournit la clé d'une lecture qui peut être faite jusqu'à aujourd'hui. Comme indiqué à la page 43 du texte ci-dessus, pour Clouscard, le nouveau modèle de consommation promu par le plan Marshall devait " accélérer la ruine des anciennes valeurs bourgeoises et instaurer un modèle hédoniste et permissif ". Ce n'est que dans cette perspective que l'on peut comprendre le rôle auxiliaire joué par les grands philosophes des années 60 et 80: Marcuse et son "nouvel ordre libidinal", Deleuze et ses "machines désirantes", Foucault et sa théorie de la sexualité. Tous seraient les animateurs d'un processus culturel destiné à présenter comme révolutionnaire un modèle de consommation transgressive qui, finalement, ne répondrait qu'à l'arrivée des nouvelles classes moyennes".
La deuxième référence est celle de Régis Debray, qui a accompagné Che Guevara dans son aventure dans la jungle bolivienne et que l'on ne peut soupçonner de "conservatisme". Debray, en 78, affirme que Mai 68, plutôt qu'une révolution, était un ajustement du système. Et s'il s'agit de références qui peuvent difficilement être considérées comme "de droite", Erriguel apporte ce passage de Pier Paolo Pasolini où l'Italien indique qu'entre les étudiants bourgeois et individualistes de 68 et la police, il préférait la police parce que cette dernière représente et est composée de gens du peuple.
La quatrième référence, et ce n'est pas un hasard si Erriguel la mentionne à plusieurs reprises, est centrale pour comprendre le parcours de dégradation du sujet révolutionnaire de 68 à nos jours. Je parle du roman de Michel Houellebecq, Les particules élémentaires. Il raconte l'histoire de deux demi-frères traversée par leur relation avec une mère abandonnée qui, maintenant dans la soixantaine, nous montre ce qu'est devenue la communauté hippie dans laquelle l'amour libre et l'expérimentation des psychédéliques étaient pratiqués tandis que des éléments de l'hindouisme étaient embrassés de manière syncrétique. Loin de toute révolution, cette communauté est devenue une institution où des ateliers New Age sont proposés aux grandes entreprises et finit par fonctionner comme un espace de sexe occasionnel pour les baby-boomers qui résistent au passage du temps.
Pour conclure, disons que si les diagnostics de Bernabé et Erriguel sont corrects, il y aurait une base de réflexion et un élément pour comprendre l'énorme confusion entre la droite et la gauche aujourd'hui. Qu'est-ce qui a triomphé en 1968, alors? S'agissait-il du soi-disant "marxisme culturel", ou du sujet fonctionnel au stade le plus féroce du capitalisme? S'agissait-il d'une révolution libérale que peu de gens ont remarquée? Était-ce la révolution pour qu'il n'y ait plus de révolutions, la véritable fin de l'histoire? Pour Bernabé, la politique identitaire de la diversité est un piège pour la vraie gauche, et pour Erriguel l'héritage idéologique de 68 est désormais transversal: on le retrouve à la droite et à la gauche de l'échiquier politico-idéologique dans un monde où la droite achète à la gauche sa politique identitaire et sa "culture" du politiquement correct, et la gauche achète à la droite sa politique économique. Qui gagne et qui perd dans cette transaction est ouvert au débat. Ce qui semble certain, c'est que la vie en société n'est pas au mieux.
La relecture de Julien Freund est l’une des nécessités les plus impérieuses du moment. Son analyse du politique permet d’y voir plus clair dans l’opposition entre « indigénistes » et « universalistes ». Et de les renvoyer dos à dos : les ennemis de nos ennemis ne sont pas nécessairement nos amis…
Les très dynamiques éditions de la Nouvelle Librairie ont été particulièrement inspirées d’éditer il y a quelques mois un ouvrage qui s’avère aujourd’hui essentiel pour rendre intelligibles les débats politiques et idéologiques du moment. Le Politique ou l’art de désigner l’ennemi est un recueil de textes présentés par Alain de Benoist et Pierre Bérard, qui permet d’aller à l’essentiel dans la pensée foisonnante de Julien Freund (1921-1993). Philosophe, sociologue et professeur d’Université à Strasbourg, où il créa plusieurs institutions, dont un Laboratoire de sociologie régionale et un Institut de polémologie, Freund a contribué à la diffusion en France des travaux de Carl Schmitt et Max Weber, ainsi que de Georg Simmel et de Vilfredo Pareto. Il est surtout connu pour sa magistrale thèse soutenue en 1965 à la Sorbonne sur L’essence du politique. Pierre-André Taguieff le considère comme « l’un des rares penseurs du politique que la France a vu naître au XXe siècle ».
Dans son texte toujours très charpenté qui introduit l’ouvrage, Alain de Benoist rappelle les principales idées forces du philosophe. Ainsi de la distinction entre la politique (activité variable et circonstancielle) et le politique (catégorie conceptuellement immuable, disposant d’une « essence » propre). Mais aussi de la définition de la politique avant tout comme affaire de puissance : « Agir politiquement, c’est exercer une puissance (…) La souveraineté elle-même n’est pas fondamentalement un concept juridique, mais d’abord un phénomène de puissance. » Ou encore de la nature intrinsèquement conflictuelle du politique, qui suppose l’équilibre toujours précaire de dynamiques de forces opposées – d’ailleurs, « c’est le caractère provisoire de cet équilibre qui donne à la politique son caractère tragique »… L’ouvrage propose quatre études de Julien Freund, consacrées respectivement au politique, à l’aristocratie (« Plaidoyer pour l’aristocratie »), à la pensée politique de Carl Schmitt et enfin au fascisme. Il se clôt avec la correspondance entre Julien Freund et Alain de Benoist, et s’ouvre avec un témoignage original, tonique et « inflammable » de Pierre Bérard, qui a bien connu et fréquenté le maître, et en rapporte les propos sous la forme d’un dialogue imaginaire.
Contre l’entreprise de dénigrement des Européens
Avec le témoignage de Pierre Bérard, Julien Freund apparaît tel qu’en lui-même : malicieux, perspicace, drôle et profond à la fois. C’est dans ce texte que le lecteur trouvera sans doute les éléments de réflexions les plus pertinents pour penser l’époque – et les moyens de s’en sortir !
Ainsi, face aux négateurs de l’identité, Julien Freund rappelle qu’« être Européen, c’est être dépositaire d’un patrimoine spécifique et de s’en reconnaître comptable », alors que « le nouvel Européen qu’on nous fabrique est une baudruche aux semelles de vent ». Qui est à la manœuvre de cette « fabrique » ? Des « élites qui ne croient plus à la grandeur de notre continent », ces « élites qui vitupèrent, sermonnent, embarquant le pays dans une véritable industrie du dénigrement ». Bien avant d’autres, Julien Freund avait pressenti la nocivité de ce dénigrement perpétuel : à force de convoquer l’histoire au tribunal des sentiments du moment, on ne peut qu’encourager une sinistre compétition mémorielle, au risque de dissoudre tout lien social – toute démarche politique. Dès lors, le jugement est sans appel : ces « élites qui accablent les morts pour fustiger leur peuple ne sont pas dignes de gouverner ».
Désigner l’ennemi
À ceux qui prétendent faire de la politique, Julien Freund rappelle qu’elle n’est pas le domaine des bons sentiments, de l’opportunisme ou de la « gouvernance » inspirée des modèles économiques. Dès sa thèse de 1965, il en avait donné la définition la plus exacte, à savoir l’« activité sociale qui se propose d’assurer par la force, généralement fondée sur le droit, la sécurité extérieure et la concorde intérieure d’une unité politique particulière en garantissant l’ordre au milieu de luttes qui naissent de la diversité et de la divergence des opinions et des intérêts ». Fondée sur la force, en vue de la préservation du bien commun que vise un peuple sur un territoire, l’un et l’autre déterminés, la politique ne peut donc pas être « universelle », c’est-à-dire applicable à tous et en tout lieu. A fortiori lorsque cette « politique » a pour seuls fondements la démocratie de marché et les droits de l’individu, débouchant sur cette « métaphysique de l’illimité » qui l’assimile en réalité davantage à une religion.
À cette aune, l’agitation « indigéniste » et la réaction « républicaine » doivent être considérées l’une l’autre comme impolitiques. Les premiers, héritiers des « l’antiracisme » que Dominique Venner avait déjà défini dans les années 1960, dans Europe-Action, comme un « racisme anti-blancs » (Dictionnaire du militant), entendent « raciser » les individus et les débats pour exiger des droits – et des réparations – au titre de leur seule couleur de peau. C’est l’Ethnos sans la Polis, soit une réduction de l’organisation sociale à sa forme la plus élémentaire, clanique et raciale, sans l’apport du politique. Mais c’est bien au nom de principes universels, égalitaires et revanchards, de l’« Humanité » tout entière, qu’ils entendent ainsi se venger du « monde blanc ». Comme le démontrent jusqu’au ridicule les initiatives de ses thuriféraires, la cancel culture est en réalité une culture cancel : une destruction de toute culture, à commencer par celle des Européens, censément dominante.
En face, les discours à prétention républicaine sonnent creux par excès inverse. En minimisant voire niant la réalité ethnique et historique du peuple, ils conçoivent une Polis sans Ethnos. L’appel à l’assimilation comme réponse aux problèmes massifs et existentiels que pose l’immigration est de ce point de vue illusoire : il est possible d’assimiler des individus, pas des peuples – l’exception n’est pas la règle ! C’est encore plus clairement une approche universaliste qui justifie cette posture, dont l’origine est à rechercher, à partir des Lumières, dans l’idéologie républicaniste elle-même et son cortège « d’idées chrétiennes devenues folles » (Chesterton). Son horizon ? Une société d’individus libres de toute attache particulière, détachés de toute communauté, ne partageant comme socle commun que l’adhésion à des « valeurs » vidées de toute substance à force d’être bêlées. Les « droits de l’homme » ayant finalement supplanté ceux du citoyen, chaque individu se voit reconnaître des droits imprescriptibles – y compris celui de s’implanter et de se fondre dans un pays autre que le sien. S’opposer à l’immigration au nom des seuls principes « républicains » est dès lors une imposture, car n’empêchant en rien le « Grand Remplacement » en cours.
Il ne suffit donc pas que les « islamo-gauchistes » nous désignent, en tant qu’héritiers de la civilisation européenne, comme ennemis. Il nous revient de ne pas subir, mais au contraire de reprendre l’offensive en tenant compte de l’ensemble du problème. Au-delà de l’ennemi contingent, nous devons considérer comme ennemies, donc combattre, toutes les idéologies qui prétendent nier la réalité de notre identité au nom d’une religion de l’universel quasiment totalitaire, et priver nos peuples de leur droit inaltérable à la continuité historique, culturelle et biologique.
Rebâtir une civilisation…
Lucide, Julien Freund dit par ailleurs : « Nous sommes, je crois, en présence de la fin de la civilisation européenne ». En tout cas de la forme qu’elle a fini par prendre en devenant « occidentale », dilatée à l’échelle du monde, libérale dans tous les sens du terme. Au moins jusqu’au retour du tragique et de l’histoire auquel nous assistons depuis deux décennies. Toute civilisation étant mortelle, celle-ci peut disparaître – et le fera sous le poids des contradictions internes propres à sa prétention à l’universel et de son incapacité à en assumer les externalités négatives : individualisme, consumérisme, multiculturalisme… Julien Freund rappelle si besoin que « l’harmonie dans une société multiraciale est, plus que dans toute autre, une vue de l’esprit ».
Ce qu’il importe de préserver, ainsi que l’avait pressenti Spengler, c’est la culture. C’est donc la culture européenne, celle des peuples natifs de l’Europe depuis 5000 ans, qui doit être redécouverte, défendue, réappropriée, promue et sans cesse enrichie afin de servir de socle à une nouvelle Renaissance. Et celle-ci ne pourra être que la naissance d’une nouvelle civilisation, libérée des scories des idéologies de « l’universel », en renouant avec le génie des peuples et des lieux qui font l’identité de notre continent – comme celle des autres civilisations.
À ceux qui voient un monde qui leur était familier se dérober sous leurs pieds, tenaillés entre crispation réactionnaire, nostalgie incapacitante et crainte de l’avenir, Julien Freund livre un ultime conseil :
« Ne cultivons pas ce pessimisme qui est l’échappatoire des avortons ou l’alibi de la paresse. La messe n’est jamais dite et beaucoup de tâches nous requièrent. »
Les passeports vaccinaux dans les grandes villes seront considérés comme un abus de pouvoir politique à des fins inavouées, écrit Robert Bridge.
Des conditions d'apartheid sont créées dans les pays occidentaux entre les vaccinés et les "anti-vaccinistes". Et avec l'introduction des passeports vaccinaux, qui pourraient théoriquement refuser les services les plus élémentaires et les plus essentiels aux personnes non vaccinées, les choses pourraient empirer très rapidement. Cela n'a pas été le cas. Ce qui a commencé comme un "15 jours pour aplanir la courbe", puis comme un programme de vaccination volontaire, est en train de se transformer en une forme de gouvernement surdimensionné, car les choses simples que les gens considéraient comme allant de soi - aller au restaurant, au théâtre et prendre le train - nécessiteront bientôt des passeports de vaccination obligatoires. Les citoyens accepteront-ils tranquillement ces mesures sans précédent sans se battre ? Jusqu'à présent, cela ne semble pas évident.
Alors que le consommateur moyen des médias grand public en entend rarement parler, des manifestations et des blocages massifs contre les vaccins, dont la taille des foules n'avait pas été vue depuis les jours précédant la guerre d'Irak en 2003, ont secoué toutes les régions du monde occidental. La semaine dernière, par exemple, des milliers de personnes ont fait fi de l'interdiction des mesures anti-covid en Allemagne et sont descendues dans la rue pour protester en masse. Un manifestant serait mort après avoir forcé une barricade de la police. Plusieurs policiers ont été blessés dans la mêlée qui a conduit à l'arrestation de 600 manifestants. Et alors que les gouvernements commencent à déployer leurs passes sanitaires dans un contexte de scepticisme généralisé quant à la sécurité des vaccins Covid, la résistance promet de s'intensifier.
La France, par exemple, alors même que l'immunité collective naturelle et les taux de vaccination au sein de la population augmentent, jette les bases d'un système national de passeport vaccinal. Le 9 août, les citoyens français devront présenter une preuve de vaccination, un test négatif pour le coronavirus ou la preuve qu'ils se sont récemment rétablis de Covid-19 pour pouvoir entrer dans une série d'espaces publics, notamment les restaurants, les musées et les transports en commun. L'Italie a commencé un programme similaire le 6 août. Imaginez ce que dira un Italien ou un Français lorsqu'on l'empêchera d'entrer dans son café préféré du coin, faute de documents. En attendant, les professionnels de la santé en France devront être vaccinés d'ici la mi-septembre. Les travailleurs syndiqués disent qu'ils protesteront contre ces demandes.
Comme on pouvait s'y attendre, les Français, qui connaissent bien les mouvements révolutionnaires, n'ont pas pris la nouvelle à la légère. Depuis que le président Emmanuel Macron a fait cette annonce il y a trois semaines, les citoyens ont organisé des manifestations de masse, attaqué des centres de vaccination et se sont généralement comportés comme le font les foules en colère.
Avec la suffisance et le manque total de conscience de soi qui le caractérisent, M. Macron s'est moqué des manifestants, qui trouvent la perspective de jouer aux échelles bureaucratiques pour le reste de leur vie tout à fait répugnante, voire carrément tyrannique.
"Quelques dizaines de milliers de personnes ont perdu la raison à tel point qu'elles sont capables de dire que nous vivons dans une dictature", a déclaré Macron dans une interview à Paris Match, selon des extraits mis en ligne avant la publication de l'article jeudi. "Leur attitude est une menace pour la démocratie. Ils mélangent tout". Il est étrange que le dirigeant français ne voie pas que menacer les moyens de subsistance de millions de personnes - qui souhaitent simplement avoir une voix et peut-être même un vote sur ce qui est fait à leur corps au nom de la science - est la véritable "menace pour la démocratie".
Pendant ce temps, le peuple australien connaît des conditions qui pourraient être décrites comme une loi martiale de facto. Sydney, capitale de la Nouvelle-Galles du Sud, approche de la septième semaine d'un blocus de neuf semaines au cours duquel les citoyens n'ont pas le droit de quitter leur domicile, sauf pour acheter de la nourriture, se faire soigner et effectuer des travaux "essentiels". Le long blocus de la plus grande ville d'Australie a déclenché des manifestations de rue massives, de nombreuses personnes ne comprenant pas la réaction à seulement 10 décès dus au COVID-19 liés à l'épidémie actuelle.
Quelque 300 soldats collaborent avec la police pour surveiller les personnes mises en quarantaine et organiser des contrôles routiers, ce qui constitue l'un des ordres de confinement les plus stricts jamais imposés en Australie. Les véhicules contenant plus de deux personnes sont arrêtés pour inspection.
Alors que le blocus de Sydney ne devrait pas prendre fin avant le 28 août, des rumeurs circulent déjà selon lesquelles le gouvernement va prolonger les ordres de blocus alors que des rapports de décès liés à la variante Delta circulent.
Pendant ce temps, aux États-Unis, la pandémie de Covid semble souvent être davantage une bête de somme partisane qu'un fléau médical. L'écrivain conservateur Victor Davis Hanson a résumé le climat de discorde qui règne dans le pays lorsqu'il a rappelé que c'est l'administration Biden, en collaboration avec les grands médias, qui a "accusé les "super-vaccinés" de contaminer parfois les personnes déjà vaccinées, comme si les plus de 100 millions d'adultes qui ne sont pas encore complètement vaccinés étaient des "red-state taps" qui fréquentent les bars honky-tonk et les rassemblements de motards. Montrant que la réalité est bien différente, Hanson a rappelé que l'été dernier "plus de 1000 prestataires médicaux avaient accordé des exemptions générales exclusivement aux manifestants de BLM, se massant dangereusement dans les rues pendant des semaines pour manifester."
Il a également souligné le désastre à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, où "deux millions d'étrangers en situation irrégulière devraient franchir la frontière sud l'année prochaine, en toute impunité mais sans vaccinations, sans tests COVID-19 et sans restrictions de la part de Washington. "
Dans le même temps, une récente épidémie de COVID-19 à Provincetown, dans le Massachusetts, "n'était pas due à des Néandertaliens de droite", a noté M. Hanson. "Elle était imputable aux célébrations annuelles de la gay pride au cours desquelles plusieurs milliers de fêtards ont déferlé dans les bars, clubs, restaurants et hôtels."
Ce n'est certainement pas quelque chose que les médias traditionnels pensaient couvrir. À cette hypocrisie flagrante s'ajoute un climat oppressant de censure qui a stoppé net les recherches médicales, comme si le scepticisme et le progrès scientifique s'excluaient mutuellement. En effet, même les médecins qui osent remettre en question le bien-fondé de l'utilisation d'urgence, des vaccins non approuvés par la FDA, de l'utilisation de masques et des règles de distanciation sociale deviennent des parias des médias sociaux et disparaissent. Malgré, ou à cause, de l'absence manifeste de débat libre et ouvert sur la science qui sous-tend le Covid, les villes et les États démocratiques se précipitent pour mettre en place des passeports vaccinaux comme ceux qui émergent en Europe.
À partir du 13 septembre, la ville de New York, contrairement à la sagesse dont fait preuve la Californie, qui est le précurseur national, exclura les personnes non vaccinées des clubs de fitness, des restaurants et des théâtres. En plus de porter potentiellement le coup de grâce à de nombreuses petites entreprises de la mégapole, le soi-disant "Key Pass to New York" alimentera probablement l'exode de la Big Apple qui a commencé en mars 2020. Pour les New-Yorkais qui choisissent de rester, tout en refusant le vaccin, il sera difficile de contenir leur ressentiment et leur colère d'être privés des choses qui rendent la vie urbaine possible.
Pendant ce temps, à l'autre bout du pays, dans un autre super-État libéral, Los Angeles étudie une proposition similaire à celle de New York, bien que celle-ci inclue les "magasins de détail". En d'autres termes, sans carte de vaccination, de nombreuses personnes pourraient avoir de grandes difficultés à acheter de la nourriture et des médicaments.
Avec des millions d'Américains toujours réticents à recevoir un vaccin qui n'a pas été entièrement approuvé par la Food and Drug Administration, l'introduction de laissez-passer pour les vaccins dans les deux plus grandes villes américaines - poussée avec une aide non négligeable de CNN, semble-t-il - va accroître les tensions à un moment où de nombreuses personnes sont déjà préoccupées par la nécessité de garder de la nourriture sur la table en période économique imprévisible.
En somme, l'autorisation des passeports vaccinaux dans les grandes villes du monde ne sera pas considérée comme un outil médical nécessaire pour maintenir les gens en bonne santé, mais plutôt comme un abus de pouvoir politique pour des motifs inavoués qui n'ont rien à voir avec la démocratie.
T. Hobbes, de "l'état de nature" ou de l'insociabilité de l'homme
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Paix et guerre, une coexistence historique
Scruter les signes c'est maîtriser l'avenir, car tout est signe et indice dans les plus hautes combinaisons stratégiques! Dans le domaine de la menace et du défi de la mort imminente, toute mutation exige déchiffrement et interprétation, car le réel est instable et s'habille de configurations transitoires en mutation permanente. Agir c'est non seulement prévoir, mais interpréter les formes, à partir de manifestations infimes. En effet on peut passer soudainement de la prééminence stabilisatrice d'une politique sans combat, la dissuasion réciproque, à une stratégie de frappe en premier. Ce qui est constant dans l'affrontement belliqueux, c'est la destruction sanglante et la mort à grande échelle. Les pays faibles ou affaiblis deviennent des proies pour leurs rivaux prédateurs, car dans la guerre la violence est originelle et comporte, comme idée maîtresse, le principe d'anéantissement. En tant qu'action guerrière elle conjugue stratégie et politique et oppose l'affrontement à l'évitement du combat. Elle doit porter un préjudice à l'ennemi et pas seulement le tromper par la ruse. Pour les réalistes, une fois déchaînée, la guerre s'érige en sujet et refuse tout modèle et toute maîtrise à son encontre,car elle se commue en royaume de l'incertitude et en brouillard. Elle devient un pari, pris sur la décision et une affaire aventureuse et aléatoire. Puisque la guerre, en tant que conflit de grands intérêts reglé par le sang, est un acte de violence poussé à ses limites extrêmes et destiné à contraindre l'adversaire à exécuter notre volonté, quelle est sa nouvelle nature et quel sont les signes avant coureurs de la guerre de demain? Une ambition, une nécessité politique, une rupture? Si le centre de gravité de la guerre repose sur la psychologie des duellistes et sur leurs volontés de se battre, le fondement de leur nature est dans l'homme lui même. La concrète historicité du conflit repose sur les moyens, les modalités et les techniques, mais le principe de la guerre est an-historique. Ce principe est ancré dans l'inimitié et l'hostilité radicales, constamment renouvelés par la politique. Il est enraciné dans la nature imparfaite de l'homme et de la société, ainsi que dans le prix du sang à payer pour la course improbable vers le principe de coopération et la métaphysique de la paix. La guerre n'est pas une arène de la raison, même si l'histoire mondiale est un tribunal qui a pour mission de gouverner le monde. L'aphorisme d’Héraclite selon lequel "Polemos, pater panton" (la guerre est le père de toutes choses), exprime l'idée selon laquelle la loi plus générale, inexorable et immuable de la nature exige un gouvernement par l'homme des instincts fondamentaux et primaires, la bellicosité et la "jealous emulation", qui mènent irréversiblement à la guerre. Celle-ci cependant a un but constant, de créer de nouvelles relations de coopération, bref une paix plus sûre et meilleure. Gouverner au même temps la paix et la guerre est la tâche suprême de la politique mondiale, car la paix et la guerre, qui coexistent dans le monde, constituent les deux revers d'une même médaille, l'expression de l'autonomie de l'hommes des conditionnements de la vie sur terre, naturels et sociaux, surnaturels et physiques, coercitifs et libres.
Gouverner la guerre?
Gouverner la guerre! C'était l'ambition de la grandeur, de César à Napoléon, à Hitler! Gouverner le conflit c'est l'ambition du politique; bref de la politique et de l’État, ou de l'ubiquité du culturel et du social, par la contrainte du stratégique et du militaire. Les théories de la guerre et les philosophies de l'histoire constituent les deux revers de l'être et du devoir être, comme contradiction du réel et de l'idéal, sous la législation de l'intention hostile et de l'Histoire turbulente, autrement dit, d'une idée pessimiste de l'homme, gouverné par la chute, par le Mal et par la nature insociable de l'homme (Hobbes). L'homme gouverné par le fanatisme du Bien ne peut être conduit que par l'idée d'une croisade ou par une inspiration faible, celle de la paix, de la seule coopération et d'un multilatéralisme de groupe, bref, par une "gouvernance civile" et a-stratégique (Union européenne) ou par une "défense collective" (OTAN), menées sous la houlette d'un tutorat brutal (américain).
Le prix de la mort et de la destruction inhérent à la guerre exige une qualité civique, la citoyenneté et une légitimité incontestable, celle d'un pouvoir souverain, maître de la décision d'exception, l'ouverture des hostilités, du commandement politique, l'ordre de mourir, et de l'insatiable volonté de nuire et de détruire, plier la volonté de l'autre ou des autres.
La guerre commence, s’affirme et se termine par la destruction de tout système dogmatique de pensée. Elle résulte à chaque fois et d'abord d’une percée intellectuelle. Or, le système dogmatique de nous jours, en Europe, consiste à émousser par le droit, l’économie, le scientisme et l’humanitaire, l’effet brutal de l’épée, du sang, de la destruction et de la mort. En effet c’est l’élément culturel qui constitue le concept d’ennemi et avec lui tout concept de guerre.
T. Hobbes, l'état de nature ou l'insociabilité de l'homme
Thomas Hobbes, lorsqu’il s'exprime sur la guerre avait été précédé par Machiavel, Grotius et Pufendorf et ces deux derniers par la prééminence philosophique d'Aristote et de Cicéron. Leurs postulats implicites vont commander aux spéculations sur la guerre de demain, en distinguant ce qui est variable, l'historicité des moyens et des modes de combat, soient-ils stratégiques ou tactiques, de leurs traits invariants et marquants, le caractère politique de la guerre et l'occurrence an-historique de l'affrontement belliqueux. Les occasions infiniment renouvelées d'hostilités entre les hommes et entre les États imposent la distinction sur les différents usages de la violence brute, puisque la guerre implique la mise un œuvre planifiée et à long terme d'une politique de défense et de sécurité, à caractère proprement géopolitique et stratégique. La politique de défense est fondée sur la taille de l'ennemi, la passionalité du peuple, l'espérance politico-stratégique de gain, les prévisions des buts, le calcul des moyens, les renseignements disponibles, l'état de la société et l'univers de la parole et des images, qui sont des pouvoirs puissants et inséparables de la pratique de la guerre. Il s'agit des aspects tactiques et opérationnels, ceux de la bataille, des duels et de la conquête des cœurs. Tout autre est par contre l'importance, pour la transformation du champ diplomatique et par les acteurs aux prises, de la constitution de coalitions et d'alliances, afin d'équilibrer ou déstabiliser le jeu adverse et maintenir ou consolider la cohésion entre les alliés, autour de principes communs. Le débat actuel sur la guerre de demain, robotisée, numérisée, atomique et spatiale appartient au domaine du combat et du terrain, tandis que l'état d'insécurité appartient à l'ordre dominant des États, à la condition hiérarchique et au même temps chaotique des unités politiques, à leurs équilibres et rapports de forces, ou en d'autres termes, à l'état de nature perpétuelle "des monstres froids". Cependant l'expérience de la guerre entre les États, qui a été lourdement oubliée par les européens, n'ajoute rien à la guerre civile entre citoyens et non citoyens, à l'intérieur des différents pays-membres (entre croyants en la valeur de l'autorité établie et opposants de toute nature au principe d'autorité et de leadership, principalement étrangers). La guerre entre puissances souveraines est en effet de même nature que celle entre races, ethnies et peuples, décolonisés, insurgés, anarchistes, LGBT, wokistes et black-matters, qui vivent dans les entrailles des sociétés et pullulent dans le désordre de ses ruines. Il s'agit d'assemblages chaotiques de masses sans "surmoi", encore endormies dans l'esclavage intellectuelle de l'humanité, qui n'a jamais cessé d'exister et qui perdure dans l'illusoire robotisation des esprits, sous le vernis hideux de l'égalité et de la civilité apparente.
La "Loi contre le Séparatisme" en France et la "Guerre Civile" menaçante
Tout vaux mieux, pour Hobbes, que la guerre civile. La France voudrait l'éviter, tardivement, par la "loi contre le séparatisme" et pour le "Respect des principes de la République", votée à l'Assemblée Nationale le 23 juillet 2021. A propos de la guerre civile,dont le risque est cachée sous le terme de "séparatisme", une analogie s'impose. En situant "l'état de nature" qui caractérise las rapports inter-étatiques au même niveau que celui des rapports internes, Hobbes donne tout son sens aux relations d'hostilités qui assimilent en profondeur les deux types de guerre, la crainte permanente de la mort violente, ou encore la désagrégation des États. Ainsi "l'état de société" ressemble à "l'état de nature", et celui-ci est déjà la guerre de demain, mais de l'intérieur. Or, puisque "l'état de nature" est identifié à l'hostilité et au chaos, l'état d'insécurité qui en résulte est une condition de déchirement, où le pouvoir commun cesse d'assurer l'ordre et la sécurité et chacun reprend en main son droit de se défendre par lui même (Jus gladii privati). Cette condition de dissolution et de calamité, si semblable aux "zones de non droit" des banlieues françaises, soumises à une loi incompatible avec celle de l’État en place, la Charia, fait naître le besoin d'un maître, car n'importe quel régime ou quelle tyrannie vaux mieux, dit Hobbes, qu'une société sans maître et sans lois. Sans un gouvernement "d'arbitrage", au sens de l'équilibrage des forces et de gouvernement des affaires courantes, les hommes et les groupes vivraient dans un état de "guerre civile permanente".
Hobbes, la société sans maître et la dictature consulaire
Là où les regroupements sociaux ont de surcroît des appartenances culturelles et civilisations antagonistes et étrangères, comme en beaucoup de pays occidentaux, la fonction d'arbitrage du pouvoir doit s'imposer comme autorité inconditionnelle et, si nécessaire, comme "dictature consulaire" ou dictature transitoire, appuyée sur les légions, plutôt que sur le Sénat, sur la décision plutôt que sur la délibération sans fin. La dictature consulaire n'est guère à confondre avec la tyrannie, qui est l'abus de pouvoir de gouvernants qui se placent eux mêmes en état de guerre contre le consensus des dominés, suscitant une "rébellion". Un tel recours à l'arbitraire de la part des gouvernants, typique de l'état de nature et de l'absence de lois qui le caractérise, provoquerait, chez les individus, d'après Locke, le droit naturel de se défendre. Le but d'éviter une rechute dans le chaos et d'éviter la dissolution de la société, qu'elle puisse s'appeler, France, Allemagne ou Europe, rend plausible, suivant les classiques, un recours à un gouvernement, qui embrasse à la fois les deux concepts, de paix et de guerre,afin de préserver la cohésion sociale De paix, puisque la paix n'existe pas en nature et elle est l’œuvre de la politique et de l’État et de guerre, sanglante et brutale, car la guerre, en vue de la paix civile est un moyen en vue de sa fin,autrement dit, la pacification durable des hommes. En réalité, si la paix a pour cadre général et artificiel la société civile, elle s'accomplit dans la cité et dans la nation. En Europe, selon le modèle augustinien de la séparation des deux cités, de Dieu et de César, en Islam, selon la loi divine, supérieure et unique du Coran. Guerre de religions et guerre des dieux ? C'est l’enjeu de la guerre de demain sur le plan intérieur. La guerre, comme gouvernement de la coexistence entre les États, implique une coexistence complexe de la paix et de la guerre et donc un difficile gouvernement du système-monde. Le désordre chaotique des États et de leurs regroupements géopolitiques doivent en somme cohabiter avec "l'insociable sociabilité" des sociétés civiles de Hobbes. Dans ce cas, l'idée de paix fait figure d'ultime rationalité de l'espoir humain.
L'impérialité mutipolaire et ses guerres
La guerre inter-étatique de demain sera dictée, comme toujours, par un cumul de crises sans issues. La recherche d'un espace de liberté de la part des unités politiques majeures sera portée par la logique de prééminence ou de suprématie, qui ne coïncidera pas toujours avec le concept d'impérialité hégémonique et sa vision. La naissance de celle-ci a précédé la naissance de l'Europe et a comporté une série séculaire d'affrontements sanglants. Quant à l'Europe d'aujourd'hui, structurellement allergique à tout projet de prise de souveraineté et à toute culture agonistique, ses guerres seront dictées et presque imposées par son avenir eurasien et euro-atlantique, une posture inconfortable qui la lie, par l'histoire à son passé civilisationnel et par la géopolitique à sa dimension euro-continentale. Les formes politiques de ces enchevêtrement de conflits ne serons plus celles menées par les démocraties parlementaires des États nationaux, mais celles autocratiques ou présidentialistes des empires continentaux de jadis.
L'Europe des nations, issue du reflux de la mondialisation (2015-2021), n'est plus celle des nationalismes offensifs et rivaux des entre deux guerres, mais celle de la sauvegarde de leurs identités menacées. Le contenu de l'idée nationale est autre aujourd'hui que par le passé. La politique de dissociation nationale (Brexit) et d'intégration impériale (atlantisme), répugne à la France, isolée et déclinante, mais séduit l'Allemagne montante, dépourvue de la vieille conscience historique et passée de la doctrine du "peuple-maître" à celle du "peuple-partenaire", mal cousue dans les habits d'un fédéralisme administratif et d'un européanisme exsangue. La France, minée de l'intérieur par l'effondrement de l'autorité est à l'aube d'une "surprise stratégique" venant de l'intérieur, par la remise en cause, qui lui sera fatale, de son unité constitutive, le peuple-nation.
Quelle que soit la part de l'Europe dans les batailles pour la suprématie du système, la victoire militaire, au plan historique, sera t-elle encore, celle des puissances maritimes, auxquelles elle appartient? Dans une conjoncture totalement inédite, les guerres majeures de demain seront des guerres d'une impérialité multipolaire, à échiquier systémique, à projection planétaire et au choc violent et rapide, dévalorisant le principe de l'équilibre des forces. Les acteurs mineurs, européens et asiatiques, joueront leur partition robo-numérique, en vassales de chaque pôle, sous la coordination autoritaire des trois maîtres dominants de bloc (États-Unis, Chine et Russie), et les buts de guerre assignés, excluront toute paix de compromis.
Il s'agira de guerres d'anéantissement ou de soumission, car la violence paroxystique de leurs concepts stratégiques excluront toute coexistence civilisationnelle. L'enjeu sera, dès le début, une impérialité sans partage et celle-ci aura une dominance, scientifique, cognitive et intellectuelle, qui soumettra l'affrontement global, aux ambitions et aux projets de leurs maîtres.
Le monde des Impérialités établies sera soumis à une sorte de "soft balancing" de la part des puissances régionales existantes, réagissant, en contre-tendance, à toute politique de primauté. Cette évolution n’infirme pas la considération de fond que la solution des problèmes majeurs exigera toujours une intervention ou un soutien de la part des puissances majeures. L’avenir du multilatéralisme, asservi à la logique des grandes puissances sera un multilatéralisme de groupe, qui pourra jouer un rôle influent, à la condition qu'il y soient inclus les grands acteurs du système.
Quoi donc de la future distribution des pouvoirs intermédiaires, ou encore de la démographie et des ressources? Quoi de la justification et de la légitimité des nouvelles hiérarchies et des nouveaux souverains-gouverneurs? Dans ce nouveau Moyen-Age post-moderne de l'affrontement, nous assisterons à l'émergence d'une nouvelle sacralité du pouvoir,ritualisé avec des liturgies modernisés, à la manière des anciens royaumes, légitimant, aux jeux des opinions, la victoire de la robotique guerrière et de la puissance numérique. Entre l’Égypte des Pharaons et la ruche des abeilles, l'architecture des souverainetés impériales choisira les formes de soumission du travail planétaire et le nouveau servage des continents, où des lutte pour la liberté, marginales et rebelles, rappellerons l'ancien mythe de Sisyphe.
Les masses dépolitisées des ingénieurs, scientifiques, business-man et financiers, apporterons leurs savoirs et compétences aux plate-formes systémiques des États majeurs, jusqu'à la surveillance semi-permanente des données sensibles. La géopolitique des données constituera le reflet et la substance de cette rupture culturelle et scientifique .
In fine, dans ce tournant décisif du procès historique, l'opprobre impérial tombera sur la démocratie, l'égalité et l'histoire sociale du progrès et la nouvelle ère sera inégalitaire, positiviste, post-humaniste et post-hégélienne, dessinée par la force de transformation des rivalités de la triade (Chine, États-Unis et Russie) et par la montée des périphéries du monde.
A partir d'ici, l'histoire du futur engendrera une nouvelle guerre contre la renaissance de la dialectique de la raison, philosophiquement iconoclaste et l'Impérialité s'en défendra avec acharnement. Le rêve même de la grande Harmonie se désagrégera alors de l'intérieur et tombera en ruine, enfermé par la grande muraille de l'oubli et des utopies.
Un débat se fait jour dans l'immédiat sur la guerre inter-étatique de demain, s'interrogeant sur la forme que prendra le conflit, de haute intensité, de "guerre sans limites", ou encore de "guerre invisible", secrète et souterraine? La conjoncture que nous vivons, par sa réticence dans l'emploi de la force militaire de la part des acteurs majeurs de la scène internationale et de de l'extension visible des domaines de l'affrontement, impliquera "un changement de la grammaire stratégique, mais pas de la logique de la guerre" (Clausewitz). Il en résultera un nouveau visage de la guerre, profondément modelé par la révolution technétronique et par le complexe militaro-numérique, qui affecte la stratégie des moyens et le champ de bataille, provoquant une inversion de l'innovation qui va désormais du civil au militaire et du stratégique au politique.
L'impérialité, comme tendance à la suprématie et à l'empire découle d'une vision moniste de l'histoire, à la différence de la multipolarité, fondée sur l'hétérogénéité et le pluralisme des États, unifiés par l'unicité du système et distincts par la race, par la culture et l'histoire.
Diplomatie et guerre. Sur les grandes rivalités Hégémoniques
Le "Mémorandum Crowe" et la rivalité anglo-allemande
Dans le contexte des théories sur la "montée pacifique" de la Chine et sur l'avènement d'un "monde harmonieux", le niveau d'assurance de ces déclarations dépend du niveau de crédibilité de la diplomatie et du degré de confiance, induit par la stabilité régionale. Ces deux référents peuvent être compromis par le développement de la technologie et des systèmes d'armes, conçus en vue d'acquérir une avancée stratégique significative et cet impact amène en retour à une course aux armements et à des risques de conflits. C'est au sujet d'une analyse comparée des équilibres internationaux du concert européen du XIXème et des perturbations dans le calcul des rapports de force, successifs à l'unification de l'Empire allemand en 1871, que le débat sur le destin national de la Chine (2007-2010), a suscité une quête sur les sources de la confiance d'un pays millénaire, la tradition, l'idéologie et l'esprit national. L'analyse historique semble avoir démontré que les causes du conflit de la première guerre mondiale en Europe furent moins les structure des rapports de forces issus de l'unification allemande, que les enjeux et les ambitions des élites de l'Empire et, parmi d'autres importants facteurs, le plus influents de tous, le nationalisme et les irrédentismes diffus. La rivalité anglo-allemande, qui se greffait sur cette tension permanente, domina la politique européenne de la fin du XIXème, lorsque le monde se résumait à l'Europe et fut caractérisée par les difficultés d"une diplomatie rigide et sans flexibilité, limitant le champ d'action des principaux pays du concert européen. En effet, compte tenu de l'unification de l'Allemagne montante, qui se sentait entourée d'hostilité et de limites à son influence, poussa le Foreign Office britannique à s'interroger sur la menace objective de l'Empire allemand, pour sa survie et pour la compatibilité de la montée en puissance, surtout navale, d'un pays continental, avec l'existence même de l'Empire britannique.
Aujourd'hui comme hier la compétition est devenue stratégique et la limitation des espaces de manœuvre consentis, a provoqué la lente création de deux blocs d'alliances rivales, auxquelles le nationalisme ou le souverainisme renaissants fournissent l'aliment idéologique pour les futurs belligérants. En ce qui concerne l'analogie historique, toujours imprécise, entre la situation européenne du XIXème et celle eurasienne du XXIème, la question de fond,qui préoccupait la Grande Bretagne de l'époque et les États-Unis d'aujourd'hui, était de savoir si la crise d'hégémonie et le problème de l'alternance qui iraient se manifester, étaient dus à la structure générale de la configuration du système ou à une politique spécifique de l'un ou de l'autre des deux "compétitors" et si, in fine, l'existence même de l'empire américain serait menacée et avec elle, celle de l'Occident et de la civilisation occidentale, jusqu'à sa variante russo-orthodoxe. Le "Mémorandum Crowe", dans le cas de l'Allemagne montante et dans le cadre d'une analyse de la structure de la puissance, concluait pour l'incompatibilité entre les deux pouvoirs, britannique et allemand, et excluait la confiance et la coopération de la part de la Grande Bretagne. Ainsi l'importance des enjeux, interdisait à celle-ci d'assumer des risques et l'obligeait à prévoir le pire. Ce qui arrivera avec la première et deuxième guerre mondiales.
La "déclaration Stoltenberg" et la rivalité sino-américaine
Y t-il quelque chose d'équivalent du "Mémorandum Crowe" dans la crise d'hégémonie des États-Unis et dans la montée en puissance de la Chine, comparable à celle des deux pouvoirs anglo-allemand du XIX /XXème siècle et, dans notre cas à l'existence même de l'Occident?
Partie et juge de ce "Grand-Jeu" d'alternance historique, l'Alliance Atlantique, devenue une alliance de sécurité à perspective globale, par la voix de son Secrétaire Général, Jens Stoltenberg, a souligné l'importance du "moment charnière" de l'OTAN, dans le but de relever la gravité de l' inversion de prééminence entre États-Unis et Chine et l'exigence, pour les puissances occidentales, d'en relever le défi.
L'hégémonie chinoise paraît inacceptable à l'Amérique impériale, comme l'allemande à la Grande Bretagne du XIXème siècle et, par l'intermédiaire de l'OTAN en Europe et de l'Anzus en Extrême Orient, elle doit apparaître comme telle, à une grande partie de ces pays.
Ainsi le Sommet du 15 juin 2021 à Bruxelles pourra-t-il avoir la même signification et portée pour les États-Unis que le "Mémorandum Crowe" pour l'empire britannique du XIXème? L’ambiguïté des interprétations n'exclut pas le risque du pire. Donner la priorité à l'isolement de la Chine et à la désescalade avec la Russie, en a été la lecture plus optimiste pour le destin de l'Occident L'idée de créer une alliance mondiale des démocraties à deux pôles, l'OTAN, pour le théâtre européen et le Quad (Usa, Japon Australie et Inde) pour l'Asie-Pacifique, a justifié, en arrière fond, deux projets concordants, une indépendance politique et une autonomie stratégique de l'Europe vis à vis des États-Unis et simultanément la recherche d'un apaisement vis à vis de la Russie. Face à la résilience de l'Alliance atlantique et à l'influence grandissante de la Chine, la menace immédiate est apparue cependant celle de la Russie (Ukraine, Bélarus et Pays Baltes), restaurant la confiance contradictoire des élites asservies à l'Amérique déclinante.
La prise de conscience historique et la subordination de la démocratie à l'hégémonie
Ainsi, sommes nous étonnés qu'une alliance politique et militaire (l'OTAN), à un "moment charnière" de son histoire, fonde, par une déclaration de son Secrétaire général, sa prise de conscience historique sur un tournant décisif dans l'évolution du monde comme géopolitique accomplie et qu'elle présente ce moment comme une leçon pour l'avenir et comme une liaison du présent et du passé? Moment éclairant ou paradoxe sans précédents? Que signifie-t-elle cette conscience, si non l'inscription de notre futur proche dans les déterminismes des grandes forces historiques, autrement dit dans les traits originaux d'une conjoncture planétaire, où une seule question est essentielle: "Le "Grand Jeu" du XXIème siècle se passera-t-il à l'intérieur du système ou sera-t-il une remise en cause de ce dernier, remettant en question la structure et la hiérarchie de celui-ci et renversant la civilisation de l'Occident?" Dans cette perspective le dilemme de la paix et de la guerre n'est plus une pure hypothèse, mais un alignement nécessaire à Hégémon, dont la portée transcende le conjoncture et concerne l'histoire de l'humanité toute entière. Avoir l'idée d'être engagés dans l'histoire suppose, pour une collectivité donnée,d'avoir une vision plus large de la simple connaissance, incluant un choix d'action, comme un engagement "libre" et à haut risque.
Concrètement et stratégiquement l'antagonisme sino-américain au Sommet de Bruxelles, a pris le dessus sur le rapprochement russo-chinois, de telle sorte que la logique de la contingence transforme la nature traditionnelle des concepts et que la démocratie devient un instrument de l'hégémonie (et pas le contraire); une modalité pour garder ou pour atteindre le pouvoir global, puisque la protection et la sécurité sont conditionnées par l'obéissance (Hobbes).
Dès lors le débat sur le "destin national" (Liu Mingfu), qui s'est tenu en Chine dans les années 2010, a quitté le terrain du politique pour devenir le mode de penser d'une civilisation en marche et d'un puissant univers qui ré-émerge et s'affirme (Chine) à l'échelle mondiale.
La menace régionale est devenue systémique et elle n'est plus seulement d'ordre militaire mais repose sur l'unité organique d'un "sens", qui mobilise les esprits et les forces de toute une époque et trouve sa forme accomplie non pas dans un régime politique précaire et abstrait (la démocratie et l'universalisme politique régnant et contingent), mais dans l'empire, la forme "perfectissima" du gouvernement des hommes, transcendant la politique et les changements séculaires des équilibres des pouvoirs.
Pouvons nous dire avec certitude qu'une hégémonie politico-culturelle sur l'Eurasie, plus encore qu'une supériorité politico-stratégique menace l'indépendance des autres États du monde et l'existence même de leur souveraineté?
La logique du doute est de méthode, car le critère de l'ami et de l'ennemi reste latent dans la politique intérieure et sert à briser toute opposition (Navalny, Hong-Kong, Taïwan, Xinjiang), remettant en cause la distinction traditionnelle de légalité et de légitimité, poussée à son extrême dans la politique internationale. L'ennemi devient une puissance objective et hostile et c'est là, dans les "moments charnière" de Stoltenberg, que la tension latente devient active et maintient l'histoire du monde en mouvement
La confiance stratégique et la coopération authentique d'un Sommet de l'OTAN pourront elles interdire, freiner ou retarder la confrontation ou le "duel du siècle"? De la part de qui et sous quelle forme viendra-t-elle la décision? Sera-t-elle individuelle ou collective, proche ou à long terme, vue l'énormité des enjeux et la rupture de la digue, fissurée par l'antagonisme des mondes, qui retient l’Himalaya et le Tibet de leur glissement tectonique vers les deux Océans, Indien et Pacifique, eux mêmes périclitants.
La désoccidentalisation du monde et l'asymétrie des volontés
Les formes de antagonisme dans les différentes régions de la planète est l'un des thèmes majeurs du "Rapport de la CIA sur l’État du monde en 2020", publié en 2005, au titre significatif: "La désoccidentalisation du monde". Celle-ci peut être résumée à une augmentation des dépenses militaires, bien supérieures à celles de l'Europe et donc à une inversion de l'asymétrie des moyens, comme preuve d'une asymétrie des volontés.
Dilemme global, dans un cadre géopolitique planétaire et contraignant, celui d'un système international en pleine transformation, dont les principes constitutifs, la hiérarchie et les interdépendances, sont contestés et remises en cause politiquement.
Le concept-clé de cette remise en discussion est celui de monde multipolaire et le cadre dominant celui de sa triade, États-Unis, Russie et Chine. L'Europe en revanche est entrée à nouveau dans un processus d'instabilité et de désagrégation (Brexit, fissuration est-ouest, tensions euro-turques, crises migratoires etc). Le terme extrême et radical de cette transformation s'appelle "guerre" et celle ci concerne la configuration système lui même, sa hiérarchie et sa philosophie, bref, son pouvoir et son impérialité historique.
L'amplification des dangers et la guerre de demain
Scruter les signes de cette évolution c'est maîtriser l'avenir, car tout est signe et indice dans les plus hautes combinaisons stratégiques! En effet on ne combat pas les accidents mais les vagues montantes et irrésistibles. Or, la guerre de demain c'est la menace d'aujourd'hui, qui grandit sous un nouveau visage et au cœur des défis les plus grands. La guerre de demain n'est pas seulement limitée à la modification du visage apparent de la guerre ou à sa "grammaire", mais, et encore plus, à l'extension de sa "logique" profonde, politique et systémique.
Cette logique s'appelle direction de l'histoire, ou, en d'autres termes, inversion d'une hégémonie montante, que nous appelons une 'impérialité, élevée à la sommité des événements par le sentiment métaphysique de l’homme. Or dans les guerres s'affrontent les peuples qui partagent les mêmes métaphysiques ou les mêmes dieux et toutes les divinités de la lutte, même endormies, sont réveillés par les passionalités des peuples en situation de danger.
Ainsi nous pouvons dire, par une sorte d'analogie hasardeuse, que la perte de l'unité stratégique de l'Occident, la crise des démocraties, l'émergence des régimes autoritaires et l'ère de la démondialisation actuelle, coïncident avec une période d'amplification des dangers, représentés par des ruptures de la rationalité dissuasive et, au niveau conventionnel, par des combats déréglés, hybrides et hors limites.
Hétérogénéité du système et multipolarité
Enfin, compte tenu de l'hétérogénéité du système, cette situation engendre une stratégie défensive de la part d'Hégémon, consistant à anticiper la dissidence de membres importants de la communauté d'appartenance (sortie de la Grande Bretagne de l'UE et l'éloignement de l'UE des États-Unis), en maintenant au même temps la cohésion des alliances (OTAN/ANZUS).
Au niveau des nouvelles incertitudes et des nouveaux défis, l'Europe aura des difficultés à établir une connexion entre la diplomatie multilatéraliste, pratiquée jusqu'ici et la diplomatie multipolariste dominante dans la scène planétaire. Le multipolarisme s'affirme comme tendance à la régularité classique des regroupements politiques dans l'organisation des relations internationales et la compréhension de cette évolution exige, aux vues de la puissance dominante du système (les États-Unis), de faire recours à deux grandes interrogations :
- Quelle stratégie adopter vis à vis d'une grande coalition eurasienne et anti-hégémonique, Russie-Chine-Iran ?
- Quelles hypothèses de conflits ouverts entre pôles et quels scénarios de belligérance entre pôles continentaux et pôles insulaires.
Fin de la stabilité hégémonique et monde post-ioccidental
La question qui émerge du débat sur le rôle des États-Unis, dans la conjoncture actuelle, en Europe et dans le monde, est de savoir si la "stabilité hégémonique" (R. Gilpin), qui a été assurée pendant soixante dix ans par l'Amérique, est en train de disparaître, entraînant le déclin d'Hégémon et de la civilisation occidentale, ou si nous sommes confrontés à une alternance hégémonique et à un monde post-occidental. La transition de la fin de la guerre froide au système unipolaire à intégration hiérarchique incomplète s'est précisé comme une évolution vers un pouvoir partagé et un leadership relatif.
La transition nouvelle (celle de la nouvelle guerre froide), s'est manifestée comme :
- l'incapacité d'Hégémon d'imposer un ordre planétaire contraignant et comme lente décomposition du moment américain (déclin progressif de l'unipolarisme capacitaire et de l'unilatéralisme décisionnel).
Cela s'est traduit:
- par le passage de la "global dominance" de la période unipolaire au "global leadership", qui définit une série d'équilibres de réseaux et une fonction d'arbitrage que la puissance dominante (USA) exerce au sein de ses équilibres de réseaux.
En ce sens, le "leadership global" des États-Unis, face a la Russie et à la Chine, dispose d'un large éventail d'options, lui permettant de faire recours à une panoplie des moyens politiques plus différenciés :
*un réseau mondial inégalé d’alliances militaires; des partenariats stratégiques de choix, à l’extrémité ouest du Heartland (Europe), ou dans la jonction intercontinentale du plateau turc et sur la façade littorale de Moyen Orient (Israël), ainsi qu'une constellation insulaire et péninsulaire des "pays pivots", tout au long du Rimland (Japon, Inde, Golfe)
* in fine, un multilatéralisme institutionnel et informel, alternatif et de convenance.
Au passif des États-Unis, ces atouts ne peuvent cacher les déconvenues et les échecs, dont le plus retentissant a été l'Afghanistan. Ici les leçons apparaissent en toute lumière: la reconquête du pouvoir par les taliban, la poursuite et l'extension de l’instabilité en Asie centrale au détriment de l’Ouzbékistan, du Tadjikistan et du Pakistan, et, indirectement de la Russie, mais à l'avantage de la Chine. La poursuite du conflit n'a d'autre but que de déstabiliser l'Iran.
En termes plus imaginatifs on pourrait traduire cette situation comme celle des souverains des trois empires qui, dans la "Grande salle du Millenium", enfouie au cœur du Karakorum, se disputent le monde, le billiard à côté du cercueil, le Groenland contre la Terre du feu et l’Arctique contre l'Antarctique aux confins des Océans, et sous le regard perçant de la Force, de la Justice et de la Morale.
Conflits en chaîne ou "révolution systémique"?
L'interrogation qui s'accompagne à ce déclin et à la transition vers un système multipolaire articulé, est également centrale et peut être formulée ainsi: "Quelle forme prendra-t-elle cette transition?"
La forme, déjà connue, d'une série de conflits en chaîne, selon le modèle de Raymond Aron calqué sur le XXème siècle, ou la forme plus profonde, d'un changement bouleversant de la civilisation, de l'idée de société et de la figure de l'homme, selon le modèle des "révolutions systémiques", de Stausz-Hupé, embrassant l'univers des relations socio-politiques du monde occidental et couvrant les grandes aires de civilisations connues? Dans ce cas, il apparaît évident que cette transition ne marquera pas un accord sur des principes de légitimité, pouvant assurer la stabilité du monde, comme aux temps du Congrès de Vienne de 1815, mais la concordance fatale d'un condominium sur le monde entre les États-Unis et la Chine, ou une guerre générale et totale pour la prééminence impériale, comme dans la guerre du Péloponnèse. Concordance inexorable, inhérente à la dimension contingente de l'histoire humaine et à la fatalité des destins politiques, selon l'interprétation globale du devenir et selon les modèles stylisés de "rupture", qui n'ont épargné aucune grande civilisation. Hier, comme aujourd'hui, la réflexion sur la guerre est à la base de toute philosophie de la paix, car la ruine d'un système est aussi la naissance d'un autre, lié à une autre idée constitutive, ou à une autre civilisation.
Bruxelles, le 11 Août 2021
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VIDEOS
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Les vidéos ci jointes ébauchent une réflexion sur une pédagogie européenne et internationale alternative et préludent à cinq réalisations thématiques, produites il y a cinq ans (2017).
Les meilleurs analystes politiques ont déjà compris que la distinction droite/gauche est obsolète. Dans la pratique, il s'est toujours agi d'une simplification artificielle, mais aujourd'hui encore, cette simplification ne permet plus de penser la politique contemporaine. Nous vivons à l'ère du populisme, dans laquelle des leaders patriotes (ou du moins ceux qui ont un discours patriotique) dotés d'une relation personnelle avec les masses affrontent des institutions politiques alignées sur la promotion du mondialisme.
La droite et la gauche sont des catégories construites artificiellement par convention sociale pour désigner des communautés politiques aux traits convergents ou analogues sur une idée névralgique référentielle minimale qui permet d'identifier des personnes, des systèmes de pensée et des mouvements dans un espace politique. Définir l'espace politique comme "la zone de conflit politique qui sous-tend la relation entre les électeurs et les partis dans un système politique donné à un certain moment historique. Tout système politique est caractérisé par un certain nombre de conflits : conflits sur la répartition des revenus, sur l'intervention de l'État dans l'économie, sur les relations entre l'État et l'Église, ou encore conflits de nature linguistique, ethnique, etc." (Bobbio, 1998:530).
En général, la dynamique de la dyade gauche-droite, en tant que simplification uninominale, a généralement été considérée comme étant caractérisée par une ambivalence inhérente, c'est-à-dire qu'elle varie en fonction de l'accord mutuel (exprimé ou tacite) du moment sociopolitique, comme la raison principale pour soutenir - à un niveau familier - sa nature dépassée en ce qui concerne la tentative de refléter, de manière fiable, les phénomènes politiques contemporains. Dans ce sens :
"Des doctrines très différentes les unes des autres sont couvertes par les bannières respectives de la gauche et de la droite. Du moins, s'il existait entre ces doctrines un élément commun fixe et permanent, qui permettrait de les opposer sous des appellations différentes, nous pourrions encore parler avec convenance et dire qu'elles représentent des concepts différents. Rien de fixe et de permanent, cependant, ne caractérise la droite et la gauche. Le christianisme primitif d'aujourd'hui pourrait être qualifié de gauche par rapport à l'ordre hégémonique de l'antiquité païenne ; le même christianisme serait de droite face à la rébellion de la Réforme et à l'humanisme qui a surgi au début de l'histoire moderne. Le libéralisme révolutionnaire et de gauche de 89 est aujourd'hui une attitude bourgeoise et de droite si on le confronte aux mouvements épileptiques du communisme bolchevique" (Pico, 1928 : 103).
Il est vrai que cette ambiguïté dénotée est évidente, cependant, ce n'est pas la raison pour laquelle l'allusion est caduque ou non dans son plein sens, comme nous le verrons plus loin, car indépendamment de cette apparente entropie incohérente avec laquelle la dyade nous est montrée dans différents scénarios, il est possible d'identifier cette idée névralgique référentielle minimale, qui nous permet, jusqu'à aujourd'hui, de continuer à parler de gauche et de droite.
Cette idée découle de la praxis historique des acteurs dont l'action politique a donné un sens aux secteurs respectifs dans l'espace politique, et qui s'est projetée (avec les nuances du cas) dans le temps et dans la forme au cours des deux derniers siècles. De la droite comme la communauté politique qui se caractérise par la défense du maintien d'un statu quo ou d'un ordre des choses (un système sociopolitique, économique ou moral) avec des changements minimes ; et de la gauche comme le changement profond des structures qui sous-tendent cet ordre des choses. Dans la même veine :
" La gauche représente une réaction contre toute tentative de stabilité ou de fixité ; un renouvellement des formes qui cherchent à s'opposer au courant destructeur du temps. En revanche, nous devons comprendre le sens du mot droit (...) de l'homme de droite et celui de l'homme de gauche. Le premier est attaché au présent ou au passé proche dans la mesure où il est présent ou passé proche ; le second juge le futur comme bon pour la simple raison qu'il est nouveau. Une attitude instinctive ou sentimentale, simple expression d'un tempérament primaire, est ensuite décorée par l'apparition de doctrines raisonnées qui scellent la différenciation doctrinale de l'instinct" (Pico, 1928:104).
Ce sont les approches qui, pour certains, soutiennent que la dyade, bien que non dénuée de problèmes inhérents à sa nature ductile, reste utile pour la représentation graphique, en termes généraux, des dynamiques politiques actuelles. C'est la position de Norberto Bobbio (1998) et de Giovanni Sartori (2005).
Mais que se passe-t-il lorsque la population mondiale (et le Pérou n'y est pas étranger) se sent de plus en plus éloignée des politiciens et des partis, et plus proche de sa famille, de ses amis, de ses collègues de travail et de ses clients comme moyen de construire des opinions politiques, s'éloignant ainsi des partis de gauche et de droite. C'est la véritable raison pour laquelle nous avons actuellement des positions contradictoires sur la question de savoir si cette dyade reste fiable pour la catégorisation des programmes et propositions politiques, ainsi que sur la position de penseurs tels qu'Alberto Buela, Diego Fusaro et Aleksander Dugin. Il s'agit d'un fait symptomatique, lorsque la population exige des politiciens de gauche la justice sociale et la défense des droits des travailleurs, mais obtient la défense des droits des LGBT, du féminisme radical, de l'avortement et de l'euthanasie sans restriction ; ou exige des politiciens de droite l'ordre et la stabilité, mais obtient la corruption, le marchandage et des politiques économiques au bénéfice exclusif des grandes entreprises. En d'autres termes, il existe une rupture entre ce que l'électorat attend des hommes politiques en fonction de leur position dans l'espace politique, et la réalité politique où il semble que (malgré des fractions dissidentes) la gauche et la droite se soient libéralisées. À cet égard, le penseur russe Alexandre Douguine (14.12. 2019) identifie la situation comme la décomposition structurelle des gauches et des droits, dans le sens où il y a eu une dissociation entre la droite et la gauche en ce qui concerne leurs récits économiques et politiques, l'aspect économique primant à droite (au détriment de la défense des valeurs et traditions populaires comme principes politiques), et l'aspect politique à gauche (au détriment de l'aspect économique de classe en faveur des travailleurs), et c'est précisément cette perturbation qui crée le sentiment d'identité ou de similitude entre la gauche et la droite.
C'est cette situation qui a jeté les bases de l'émergence de ce que l'on appelle le phénomène du populisme contemporain en tant que distanciation progressive des masses populaires par rapport à la dyade gauche-droite et leur rapprochement avec des alternatives considérées comme périphériques à cette dyade (ce qui explique la validité et la montée des options messianiques (a), nationalistes (b) et conservatrices (c) dans la politique péruvienne, comme l'ethnocacerismo a.1 (photo, ci-desous), le FREPAP a.2, l'Unión por el Perú b.1, le RUNA b.2, le Perú Libre b.3 et la Renovación Popular c.1, pour ne citer que quelques exemples concrets). À cet égard :
"Le populisme se situe dans l'espace idéologique où se rencontrent la lutte des travailleurs contre les capitalistes, oubliée par la gauche libérale, et la défense et la lutte pour les valeurs traditionnelles, oubliée par la droite libérale. (...)
...George Bernanos a dit que si la bourgeoisie est de gauche et de droite, le peuple ne l'est pas. Le peuple est entièrement le peuple, ils sont inséparables. Le peuple veut la justice sociale et les valeurs traditionnelles. Le peuple ne se soucie pas de savoir si cela est cohérent ou correspond aux idéologies dominantes de la gauche ou de la droite. Le peuple veut une société fondée sur les principes de la justice et il veut préserver son identité et ses traditions, ses institutions..." (Dugin, 14.12.2001).
Cependant, Douguine lui-même affirme l'existence de populismes de droite et de gauche (ce qui nous amène à affirmer que nous sommes dans une phase de transition et que la dyade est encore utile, bien que de manière contingente), mais que par leur nature populaire même, ils sont capables d'atteindre des points de convergence communs pour les mêmes raisons qu'il nous semble aujourd'hui que la gauche et la droite sont des similitudes politiques. Cela entérine le fait que la métaphysique inhérente au populisme, c'est-à-dire que la cause première de ce phénomène réside dans le fait "...que derrière la lutte de la réaction populiste se cache une idéologie du populisme intégral qui unit la justice sociale et la défense des valeurs traditionnelles" (Dugin, 14.12.2019).
Source : Giorgio Agamben & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/la-vera-posta-in-gioco
Ce qui est frappant dans les discussions sur le passeport vert et le vaccin, c'est que, comme cela se produit lorsqu'un pays glisse sans s'en apercevoir vers la peur et l'intolérance - et c'est sans doute ce qui se passe en Italie aujourd'hui - c'est que les raisons perçues comme contraires non seulement ne sont aucunement prises au sérieux, mais sont hâtivement rejetées, quand elles ne deviennent pas purement et simplement l'objet de sarcasmes et d'insultes. On pourrait dire que le vaccin est devenu un symbole religieux, qui, comme toute croyance, agit comme une division entre les amis et les ennemis, les sauvés et les damnés. Comment une thèse qui s'abstient d'examiner les thèses divergentes peut-elle être considérée comme scientifique et non religieuse ?
C'est pourquoi il est important de préciser tout d'abord que le problème pour moi n'est pas le vaccin, tout comme dans mes interventions précédentes ce n'était pas la pandémie, mais l'utilisation politique qui en est faite, c'est-à-dire la manière dont elle a été gouvernée depuis le début.
Aux craintes qui apparaissaient dans le document que j'ai signé avec Massimo Cacciari, quelqu'un a sagement objecté qu'il ne fallait pas s'inquiéter, "parce que nous sommes en démocratie". Comment est-il possible que nous ne nous rendions pas compte qu'un pays qui est en état d'exception depuis près de deux ans et dans lequel les décisions qui restreignent fortement les libertés individuelles sont prises par décret (il est significatif que les médias parlent même d'un "décret Draghi", comme s'il émanait d'un seul homme) n'est en fait plus une démocratie ? Comment est-il possible que la concentration exclusive de nos attentions sur les contagions et la santé empêche de percevoir la Grande Transformation qui est en train de se produire dans la sphère politique, dans laquelle, comme cela s'est produit avec le fascisme, un changement radical peut effectivement avoir lieu sans qu'il soit nécessaire de modifier le texte de la Constitution ?
Et ne faut-il pas réfléchir au fait que les mesures exceptionnelles et les mesures ponctuelles ne sont pas dotées d'une échéance définitive, mais sont sans cesse renouvelées, comme pour confirmer que, comme les gouvernements ne se lassent pas de le répéter, rien ne sera plus jamais comme avant et que certaines libertés et certaines structures fondamentales de la vie sociale auxquelles nous étions habitués sont annulées sine die ? S'il est vrai que cette transformation - et la dépolitisation croissante de la société qui en résulte - est en cours depuis un certain temps, n'est-il pas d'autant plus urgent de faire une pause pour évaluer ses résultats extrêmes pendant qu'il est encore temps ? Il a été observé que le modèle qui nous gouverne n'est plus la société de discipline, mais la société de contrôle - mais jusqu'où pouvons-nous accepter ce contrôle ?
C'est dans ce contexte que le problème politique du passeport vert doit être posé, sans le confondre avec le problème médical du vaccin, auquel il n'est pas forcément lié (on a fait toutes sortes de vaccins dans le passé, sans que cela ne soit jamais discriminatoire pour deux catégories de citoyens). Le problème n'est pas, en effet, seulement celui, certes grave, de la discrimination d'une classe de citoyens de seconde zone: c'est aussi celui, qui tient certainement plus à cœur aux autres gouvernements, du contrôle généralisé et illimité qu'il permet sur les titulaires bêtement fiers de leur "carte verte".
Comment est-il possible - demandons-nous encore une fois - qu'ils ne se rendent pas compte que, obligés de montrer leur passeport même pour aller au cinéma ou au restaurant, ils seront contrôlés dans chacun de leurs mouvements ?
Dans notre document, nous avons établi une analogie avec la "propiska", c'est-à-dire le passeport que les citoyens de l'Union soviétique devaient présenter lorsqu'ils voyageaient d'un endroit à l'autre. C'est l'occasion de préciser, comme cela semble malheureusement nécessaire, ce qu'est une analogie juridico-politique. Nous avons été accusés, de manière injustifiée, d'établir une comparaison entre la discrimination résultant du passeport vert et la persécution des Juifs. Il devrait être clair une fois pour toutes que seul un imbécile mettrait sur un pied d'égalité ces deux phénomènes, qui sont évidemment très différents. Mais il ne serait pas moins stupide s'il refusait d'examiner l'analogie purement juridique - je suis un juriste de formation - entre deux lois, comme la législation fasciste sur les Juifs et celle sur l'institution du laissez-passer vert. Il n'est peut-être pas inutile de rappeler que les deux dispositions ont été adoptées par décret-loi et que toutes deux, pour ceux qui n'ont pas une conception purement positiviste du droit, sont inacceptables, car - quelles que soient les raisons invoquées - elles produisent nécessairement cette discrimination d'une catégorie d'êtres humains à laquelle un Juif devrait être particulièrement sensible.
Encore une fois, toutes ces mesures, pour ceux qui ont un minimum d'imagination politique, doivent être placées dans le contexte de la Grande Transformation que les gouvernements des sociétés semblent avoir à l'esprit - en supposant qu'il ne s'agisse pas plutôt, comme c'est possible, de l'avancée aveugle d'une machine technologique qui a désormais échappé à tout contrôle. Il y a de nombreuses années, une commission du gouvernement français m'a convoqué pour donner mon avis sur la création d'un nouveau document d'identité européen, qui contenait une puce avec toutes les données biologiques de la personne et toute autre information possible la concernant. Il me semble évident que la carte verte est la première étape vers ce document dont l'introduction a été retardée pour une raison quelconque.
Il y a une dernière chose que je voudrais porter à l'attention de ceux qui sont prêts à dialoguer sans insulter. L'être humain ne peut pas vivre s'il ne se donne pas des raisons et des justifications pour sa vie, qui, de tout temps, ont pris la forme de religions, de mythes, de croyances politiques, de philosophies et d'idéaux de toutes sortes. Ces justifications semblent aujourd'hui - du moins dans la partie la plus riche et la plus technologisée de l'humanité - avoir disparu, et les hommes sont peut-être pour la première fois confrontés à leur pure survie biologique, qu'ils semblent incapables d'accepter.
Cela seul peut expliquer pourquoi, au lieu d'assumer le simple et aimable fait de vivre côte à côte, on a ressenti le besoin d'établir une implacable terreur sanitaire, où la vie sans justification plus idéale est menacée et punie à chaque instant par la maladie et la mort. De même qu'il est insensé de sacrifier la liberté au nom de la liberté, il n'est pas possible de renoncer, au nom de la vie nue, à ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue.
Andrea Zhok, a défini "LA COERCITION LIBERALE" dans un article récent, avec lequel je suis d'accord.
J'ai l'impression que nous assistons à la mise en place d'une véritable théologie civile légitimant l'ordre social, fondée sur le scientisme positiviste, dans une étonnante photocopie du programme d'Auguste Comte : "L'Amour pour principe et l'Ordre pour base ; le Progrès pour but" ("Système de politique positive", 1853). De cette théologie civile légitimante sur une base scientifique découlent les relatives inclusions et exclusions culturelles et politiques, qui absorbent et intègrent partiellement les précédentes, fascisme/antifascisme, sur la base d'une interprétation historique (à mon avis erronée) qui désigne les fascismes comme anti-modernes et réactionnaires, "René Guénon + le Panzerdivisionen".
La définition des fascismes comme phénomène anti-moderne facilite évidemment l'intégration de l'ancien système d'exclusions et d'inclusions dans le nouveau, qui se définit lui-même en s'identifiant tout court à la modernité et au progrès (rien n'est plus moderne et progressiste que le scientisme).
Il est évident qu'une société fondée sur une théologie civile scientiste ne peut être démocratique, car il n'y a pas, et il ne peut y avoir, de population capable d'accéder en masse aux connaissances, par exemple les mathématiques, et aux méthodes qui permettent de se faire une idée des pratiques des sciences des phénomènes. La viabilité d'un régime démocratique dans la réalité historique nécessite de nombreuses conditions culturelles et sociales préalables, mais sur le plan des principes, la démocratie moderne a absolument besoin d'un accord sur les affirmations suivantes : a) tous les hommes sont égaux, en ce sens que tous peuvent, au moins virtuellement, participer à une discussion rationnelle des fins que doit poursuivre la communauté, bien que la discussion des moyens à employer, et leur mise en œuvre, puisse et doive être réservée à une minorité techniquement capable; ensuite, b) un corollaire de a) : les hommes sont, au moins virtuellement, persuadables par des moyens rationnels, c'est-à-dire que tous les hommes participent, au moins virtuellement, à la même Raison, que j'écris avec une majuscule car elle ne coïncide PAS avec le seul intellect abstrait, et à laquelle on peut accéder par des moyens philosophiques, artistiques, religieux, sapientiaux.
Il s'agit du plus petit dénominateur commun humaniste sur lequel des cultures aussi diverses que le christianisme, le libéralisme classique et le socialisme ont trouvé un accord politique.
Or, la science des phénomènes n'est PAS en mesure de fournir la moindre indication quant aux fins (pourquoi nous vivons, comment nous devons vivre, ce que nous devons faire des découvertes de la science, etc.) Comte s'est rendu compte de ce fait dans un moment très difficile de sa vie personnelle, et c'est pourquoi il a inventé (avec un peu de copier-coller à partir de Condorcet et de Turgot) son projet dément de "Religion de l'Humanité", avec une Église et un Catéchisme positivistes, un Conseil des Scientifiques, etc., en invitant le Père Général des Jésuites à collaborer avec lui (il n'a pas eu de réponse à l'époque, mais ses imitateurs feront beaucoup mieux aujourd'hui). Je ne sais pas si les pouvoirs actuels ont réalisé qu'ils copient le projet de Comte, le fait est qu'ils le copient parce qu'ils se sont heurtés au problème qui a conduit le vieux Comte à l'inventer, et qui n'existait pas (encore) à l'époque.
C'est-à-dire, le problème de gouverner une société composée de personnes qui, pour la plupart, ont introjecté le sens commun relativiste qui découle logiquement du scientisme et du libéralisme. Le bon sens relativiste, en termes simples mais clairs, dit que mon opinion est aussi bonne que la vôtre, et qu'il est impossible d'établir, par le biais d'une discussion rationnelle, qu'une affirmation est vraie et une autre fausse : "vraie" ou "fausse" non seulement sur le plan empirique, c'est-à-dire correcte ou incorrecte (par exemple parce que les données sur lesquelles nous basons l'argument sont correctes ou non) mais aussi, par exemple, sur le plan éthique et métaphysique, les niveaux les plus pertinents pour la détermination des fins ; car tout dépend du système de valeurs que l'on adopte, et on l'adopte toujours arbitrairement (= le système de valeurs affirmé par la plus grande force sociale s'applique, et il est inutile de se demander s'il est juste ou faux, bon ou mauvais).
Puisque toute société a besoin, pour ne pas imploser dans l'anarchie, que 90% du travail de contrôle social soit effectué par la norme interne, et seulement 10% par la norme externe (police, tribunaux, etc.), on voit bien à quel point est instable une société où 90% de la population partage un sens commun relativiste, chacun pensant avoir droit à son opinion qui est aussi bonne qu'une autre, et tendant à rejeter le principe d'autorité ("Qui suis-je pour juger ?" disait le Vicaire du Christ).
La seule bouée de sauvetage à laquelle s'accrocher pour ne pas se noyer dans l'anarchie et l'anomie, et pour contrôler, bien ou mal, une société très compliquée et délicate comme la société industrielle, semble être la science, que tout le monde respecte parce que a) elle garantit la vie quotidienne b) elle met à disposition un pouvoir immense, c'est-à-dire qu'elle remplace les deux sources traditionnelles de la norme intérieure, la coutume (vie quotidienne) et la religion (toute-puissance divine). Malheureusement, la science des phénomènes sait inventer des choses folles, mais elle ne nous dit absolument rien sur la façon de vivre, sur l'utilisation des choses folles qu'elle invente, etc.
À ce stade, le passage obligé pour les pouvoirs en place est la réédition du programme comtien, c'est-à-dire l'invention de toutes pièces d'une religion scientifique qui se sait fausse, parce qu'elle a une finalité purement instrumentale : il ne s'agit pas de la vieille politique d'instrumentalisation de la religion, mais de la fondation d'une nouvelle religion de parfaite et totale mauvaise foi, ou, en d'autres termes, de l'adoption totalement arbitraire - mais il n'y en a pas d'autre - d'un système de valeurs officiel qui se présente comme une religion laïque. Bien sûr, cela est fait "pour le bien de l'humanité". Comme le Don Juan de Molière dit au mendiant qui lui demande l'aumône "pour l'amour de Dieu" : "Je te la donne pour l'amour de l'humanité".
À l'époque de Comte, ses collègues, scientifiques et philosophes positivistes, attribuaient l'invention de la religion positiviste à un émoussement de ses facultés, car au milieu du XIXe siècle, le milieu social était encore nourri et stabilisé par des coutumes et une religion pré-modernes ; et non seulement il n'était pas nécessaire de formaliser la " religion de l'humanité ", mais tout le monde, positivistes compris, aurait réagi au moins avec embarras, sinon par rejet, devant cette parodie absurde, ridicule et inquiétante du christianisme. Eh bien, maintenant le besoin est là et la réaction de rejet n'est même pas le pape, et ainsi de suite avec le projet Comte 2, la Revanche.
Dans le Projet Comte 2, la Revanche, la manipulation psychologique des masses prend une importance énorme, parce que a) la "science" ne nous dit rien sur la persuadabilité des hommes en tant que participants à une Raison commune (métèxis, un concept métaphysique ou religieux) b) la "science" nous dit par contre beaucoup de choses sur la manipulabilité psychologique des hommes. La règle de base du positivisme est la suivante : "il n'y a pas de science sans faits". Puisque l'observateur et l'organe observé coïncident, il n'est pas possible d'avoir une observation des phénomènes intellectuels en action, aussi, considérant comme impossible la description des processus mentaux et du psychisme comme indépendants des faits physiologiques ou sociaux, Comte ramène la psychologie à la biologie et à la sociologie : et c'est là que se trouve l'origine du Pass Vert et des méthodes behavioristes avec lesquelles il est introduit.
Je rappelle en passant qu'en ce qui concerne l'humanité sur laquelle se fonde la religion, la science des phénomènes - en l'occurrence la génétique - ne peut nous dire qu'une seule chose : que tous les hommes, quelle que soit la race à laquelle ils appartiennent, partagent, avec des variations minimes, le même patrimoine génétique, c'est-à-dire qu'ils appartiennent tous à l'espèce humaine. La science des phénomènes, cependant, ne nous dit PAS comment traiter cette espèce parmi les espèces qu'est l'espèce humaine. Si l'on voulait en maximiser le rendement, par exemple, même selon un critère positiviste classique comme l'utilitarisme, "le plus grand bien pour le plus grand nombre", il conviendrait certainement d'élaguer son bois mort, c'est-à-dire de prévoir avec des méthodes appropriées une vaste politique eugénique, qui favorise les caractéristiques génétiques les plus favorables et décourage les moins favorables, en s'insérant - comme c'est la norme pour toutes les sciences des phénomènes - dans les chaînes causales (pas toutes identifiées) du phénomène "espèce humaine". Dans un si petit projet, il y a tout, et dans ce tout, il y a des choses qu'aujourd'hui personne n'est capable d'imaginer, et c'est encore mieux parce que les imaginer pourrait donner des cheveux blancs.
Source : Andrea Zhok & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/sulla-coercizione-liberale
Les États peuvent, dans certaines conditions d'urgence, exercer des actes de contrainte et de coercition sur leur population.
La coercition classique, comme l'appel aux armes pour la défense de la patrie, était exercée à la fois comme un appel éthique à l'effort pour protéger l'ensemble de la communauté et comme une prise de responsabilité par le souverain, qui garantissait la justesse (et la bonne gestion) de l'initiative.
Cette prise de responsabilité, automatiquement implicite dans l'acte de coercition publique, n'est pas sans conséquences: en cas de résultat néfaste de cette initiative forcée, les gouvernants sont appelés à rendre des comptes. Pas légalement, avec une forme de "responsabilité limitée", mais physiquement, en personne. Le résultat typique des défaites militaires était, et est toujours, le renversement des dirigeants qui ont promu l'action, et souvent leur fin peu glorieuse ou violente.
Cette prémisse nous permet de nous concentrer sur ce qui est particulièrement indécent dans la forme de "coercition douce" associée à des initiatives telles que le Green Pass. Si nos dirigeants étaient absolument sûrs de ce qu'ils font, s'il était vrai que le seul moyen de faire face à la pandémie à ce stade est la vaccination généralisée, s'ils étaient vraiment certains - comme ils le prétendent - que l'opération est totalement sûre en termes de conséquences pour la santé des citoyens, alors il n'y aurait aucun problème à prendre la voie de l'obligation universelle.
Cela créerait, comme il se doit, deux groupes clairement définis: ceux qui assument la responsabilité des décisions et ceux qui les subissent. L'ensemble des citoyens serait du même côté, serait uni par un destin commun, et pourrait éventuellement être mobilisé en commun si quelque chose dans la voie empruntée s'avérait erroné ou fatal.
Mais - en dépit de toutes les proclamations - ce n'est pas du tout le cas. Et c'est pourquoi la forme typique de la coercition libérale est adoptée : la coercition déguisée, jouée comme s'il s'agissait d'un libre choix.
Il est important de voir qu'il s'agit d'un modèle classique, et non d'une invention récente datant de l'apparition du Covid. Le modèle libéral est celui qui vous dit que si vous ne voulez pas travailler pour une croûte de pain, vous êtes libre de mourir de faim. Le modèle libéral est celui qui lacère systématiquement la société parce qu'il met tout le monde en concurrence avec tout le monde, vous apprenant à voir votre voisin comme un adversaire.
Ainsi, le modèle libéral de coercition appliqué à l'urgence Covid est celui qui vous dit que personne ne vous oblige à vous vacciner, c'est votre libre choix.
Bien sûr, si vous ne le faites pas, ou si vous n'obligez pas vos enfants à le faire, eh bien, vous oubliez le cinéma, la salle de sport, le restaurant, le théâtre, le bar, la piscine, le train, l'avion, l'université et souvent même le travail.
Mais c'est votre choix et personne ne vous y oblige.
Alors, c'est vrai, à part ça, si vous ne le faites pas, vous êtes aussi montré du doigt comme un traître, un ennemi du pays, un crétin, un paranoïaque, un égoïste, un ignorant et un perdant, alimentant la haine ou le mépris des autres.
Mais soyons clairs, vous pouvez exercer un choix libre.
Et si vous voulez exercer votre libre choix, prendre votre propre rendez-vous, signer une renonciation, montrer votre consentement (non)éclairé, très bien.
N'oubliez pas que vous l'avez demandé.
Cette procédure permet à la gouvernante de faire face à n'importe quel pari en toute sérénité.
Qui aurait envie d'imposer un médicament expérimental à un jeune garçon ou à une femme enceinte en l'absence de preuves accablantes que les autres solutions sont pires?
Mais avec la forme libérale de la coercition, le problème ne se pose pas. L'obligation existe à toutes fins utiles, mais elle prend l'apparence d'un choix personnel, dont la personne qui choisit est responsable.
Si - Dieu nous en préserve - nous devions découvrir dans quelques années que le pari a mal tourné, qu'il y a eu des conséquences importantes, qui, selon vous, pourrait être appelé à rendre des comptes ?
Dans quelques années, les mêmes personnes qui se déchaînent aujourd'hui avec des règlements et des certitudes apodictiques ne seront plus disponibles.
Qui s'occupera de ses quatre grands danois dans sa propriété de campagne, qui bénéficiera d'une pension dorée, qui aura été promu à un autre poste prestigieux.
Toute plainte, tout dommage sera résolu par un haussement d'épaules des nouveaux "managers" et quelques gratifications extraites du trésor public.
En tout état de cause, même si le pari réussit, ou avec des dommages collatéraux qui ne sont pas massifs, nous en serons sortis grandis : le pays une fois de plus divisé, avec un sentiment généralisé d'impuissance et d'irresponsabilité générale.
Cette nouvelle vidéo s’appuie sur le petit texte de Julius Evola, « Orientations », destiné, comme son titre l’indique, à orienter la jeunesse de droite vers les bons principes, socle de toute action politique véritable. Julius Evola tente de montrer, dans cet opuscule, qu’avant de penser à la reconquête politique du pouvoir, il faut d’abord s’efforcer d’incarner en soi-même les changements que l’on souhaiterait voir dans l’État. La reconquête politique, en un mot, nécessite d’abord une renaissance intérieure.
Pour la réussite économique, on le sait, il ne suffit pas de produire des biens. Il faut aussi les livrer à l’acheteur. C’est pourquoi les voies de transport deviennent chaque jour plus critiques. Et c’est pourquoi, parallèlement à l’utilisation de voies de transport déjà connues, la Chine, par exemple, crée sa propre Nouvelle route de la soie, construit, au Nicaragua, une alternative au canal de Panama, tandis que la Turquie construit un canal d’Istanbul parallèlement à son traditionnel Bosphore. Ces efforts ont été stimulés par l’incident du 28 mai bloquant le canal de Suez, qui a conduit de nombreux pays à chercher des alternatives à cette artère de transport égyptienne. Le PDG du géant danois du transport maritime Moller-Maersk, Soren Skou, a parlé au Financial Times de cette accélération inconditionnelle des changements dans la chaîne d’approvisionnement mondiale des marchandises, après le blocage du canal de Suez .
Étant donné l’importance particulière, dans ces conditions, de la création d’une voie de transport durable et rentable pour les participants au commerce international entre l’Europe et l’Asie du Sud-Est, la Russie a participé activement à la recherche d’alternatives.
Comme indiqué dans un précédent article, l’une des plus grandes entreprises de logistique de la planète, le groupe danois Moller-Maersk, spécialisé dans le transport de conteneurs, a déjà pris le parti d’augmenter son trafic de marchandises à travers la Russie en envoyant des conteneurs d’Asie, par voie maritime jusqu’au port de Vostochny (Primorsky Krai), puis par voie ferroviaire en traversant la Russie. Les conteneurs seront livrés via les voies de transport russes au port de Novorossiysk (Krasnodar Krai), d’où ils seront transportés par bateau vers la Méditerranée orientale. Cette nouvelle activité transcontinentale, admettent les Danois, permettra de réduire de moitié le temps de transport. En 2019, la compagnie danoise a lancé une autre route similaire entre les ports russes de Vostochny et Saint-Pétersbourg, transportant environ 2000 conteneurs depuis le début de 2021.
Russian Railways a déclaré qu’ils voient un afflux constant de nouveaux clients avec des commandes de transport de conteneurs, et pas seulement dans le contexte du blocage du canal de Suez. Depuis avril 2020, début de la pandémie, Russian Railways a enregistré une augmentation considérable du volume de conteneurs en transit sur l’axe Chine-Europe-Chine. La vitesse moyenne d’expédition des conteneurs sur les principaux itinéraires est en moyenne de 1100 à 1200 kilomètres par jour, en tenant compte des frontières douanières. Selon Russian Railways, cette vitesse est beaucoup plus élevée que celle du transport maritime, plus élevée que celle du transport routier, et comparable à celle de l’aviation – en tenant compte des premiers et derniers kilomètres et de toutes les opérations de manutention des conteneurs dans les terminaux. En outre, Russian Railways note la mise à disposition d’une politique tarifaire stable : les tarifs de transit des conteneurs par le réseau de Russian Railways n’ont pas augmenté depuis 2011. La société a déclaré qu’elle était prête à faire face à la croissance des volumes et qu’elle développerait les services nécessaires à cet effet.
Comme l’a déclaré à plusieurs reprises l’entrepreneur russe Oleg Deripaska, son idée de reconstruire les principales voies ferrées de la « route du cèdre de Sibérie », pourrait devenir une alternative compétitive à la Nouvelle route de la soie chinoise, offrant ainsi à la Russie la possibilité de devenir une plaque tournante essentielle, un lien à part entière entre l’Europe et l’Asie. Selon lui, il est nécessaire de faire de cette initiative un projet national.
Un autre projet est l’autoroute Europe occidentale-Chine occidentale (WE-WC). Ses points clés : Saint-Pétersbourg, Moscou avec des tronçons de la M11 et du périphérique central, Samara et Orenbourg, accès au Kazakhstan puis à la Chine. L’avantage significatif du projet réside dans les unions douanières de l’EAEU et de l’Union européenne – les transporteurs n’ont à passer que deux dédouanements sur l’ensemble du parcours – à la frontière avec la Chine et avec l’Union européenne. Un mémorandum sur le projet a été signé en 2008, et la construction a commencé au même moment. En 2021, la Chine et le Kazakhstan ont déjà lancé leurs sections, tandis que la Russie ne s’est occupée que de l’autoroute M11.
En plus de ces options, la route maritime du Nord (NSR) a récemment été de plus en plus désignée comme l’une des alternatives de transport russe. Fin mai, le ministère de l’industrie et du commerce de la Fédération de Russie a proposé de transporter du pétrole et du gaz le long de la route maritime du Nord à l’aide de navires de construction russe qui seraient capables de transporter du charbon et des hydrocarbures, ainsi que de faire du cabotage, du dégelage et du pilotage. Les autorités russes ont proposé que la NSR soit considérée comme une alternative à la route passant par la mer Rouge pour aller de l’Asie à l’Europe, en cherchant à rendre le trafic le long de la route maritime du Nord praticable toute l’année grâce à une flotte de brise-glace, que la Russie construit activement.
L’autre jour, les plans d’ouverture d’une nouvelle alternative de transport russe, le corridor international fluvial de transport nord-sud, ont été connus. Alexei Rakhmanov, directeur général de l’United Shipbuilding Corporation (USC) russe, en a fait part au président Vladimir Poutine le 22 juillet, ainsi que la conception d’un porte-conteneurs capable de livrer des marchandises de la Caspienne à la mer Baltique.
Il a notamment été proposé de faire passer la cargaison par le nord de l’Iran ou l’ouest de la Chine et, par conséquent, par le port d’Olya, dans la région d’Astrakhan, pour la livrer à Helsinki dans un délai de sept à huit jours. Selon le directeur général de l’USC, les porte-conteneurs peuvent livrer des cargaisons le long de la Volga, puis par la voie navigable Volga-Baltique, et plus au nord jusqu’à Saint-Pétersbourg. Si nécessaire, il est également possible de livrer des cargaisons jusqu’à la mer Blanche. Le corridor international de transport Nord-Sud est destiné principalement à l’Iran, à l’Inde et à d’autres pays qui bordent l’océan Indien. Il est supposé que le flux principal de marchandises passera par le port de Mumbai, puis par la mer jusqu’au port de Chabahar en Iran, après quoi il sera livré par voiture ou par rail à travers l’Iran jusqu’à la mer Caspienne, puis par voie d’eau jusqu’à Olya. Le reste du chemin, à travers le territoire russe, sera une question de faisabilité économique. Rappelons que des lancements tests de cette route ont eu lieu de 2014 à 2017.
Pour les marchandises en provenance de l’Empire céleste, la Russie construit le corridor de transport Est-Ouest et le corridor de transport Europe occidentale-Chine occidentale. Ce dernier, en particulier, est prévu sous la forme d’un réseau d’autoroutes, dont une partie essentielle sera la M-12. Dans ce cas, les marchandises s’accumuleront dans le port kazakh d’Aktau, sur la mer Caspienne.
Ainsi, la route Astrakhan-Helsinki prendra une partie du fret en transit du canal de Suez. Pour l’Europe du Nord, une telle route est plus rapide que de passer par l’Égypte. Bien entendu, il est encore trop tôt pour se prononcer sur le coût de cette route et sur l’argent qu’elle rapportera à la Russie. Toutefois, il est d’ores et déjà clair que ce projet est essentiel pour ce pays, dans la mesure où il assurera des commandes de construction navale russes.
Valery Kulikov
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
La folie interventionniste des "néo-con" - des ex-trotskystes pour la plupart - sous l'administration de George Bush a provoqué un irréalisme belliciste qui a eu pour point d'orgue les invasions de l'Irak et de l'Afghanistan.
En réalité, la présence américaine en Afghanistan remonte à bien plus loin, avant même l'intervention soviétique, comme le reconnaît lui-même Zbigniew Brzezinski : "C'est le 3 juillet 1979 que le président Carter a signé la première directive sur l'assistance clandestine aux opposants au régime pro-soviétique de Kaboul. Et j'ai écrit une note au Président expliquant qu'à mon avis, une telle assistance provoquerait une intervention militaire soviétique" (1).
Après 20 ans de présence militaire et, selon un récent rapport du Watson Institute de l'Université Brown (Providence, Rhode Island), une dépense économique estimée à 2261 milliards de dollars et un bilan humain de 238.000 morts, tués dans des opérations anti-talibans tant en Afghanistan qu'au Pakistan, le président américain Joe Biden a déclaré le 8 juillet: "Nous avons mis fin à la plus longue guerre de l'histoire" (2). Si l'objectif de la guerre était de mettre fin au règne des talibans, et que Biden annonce le retrait tout en reconnaissant le contrôle des talibans sur l'Afghanistan, il est clair que le bilan de la guerre est la défaite des États-Unis, qui après de nombreuses années de présence militaire n'ont pas atteint leur objectif, bien au contraire.
Les interventions américaines en Irak et en Afghanistan, qui ont toutes deux échoué, ont conduit les États-Unis à une impasse géostratégique pendant deux décennies clés. Son erreur lui a permis de passer du stade où ils étaient la seule puissance mondiale hégémonique à celui de l'ascension imparable de la Chine et de la réémergence de la Russie en tant que puissance mondiale - après l'effondrement de l'URSS -, notamment après la deuxième guerre de Tchétchénie, un tournant dans l'ascension militaire de Moscou.
Ayant accepté leur défaite militaire, les États-Unis ont convenu avec les talibans de se retirer d'Afghanistan. Washington est conscient que dans quelques mois, les talibans renverseront le gouvernement actuel et domineront l'ensemble du territoire afghan, et pas seulement celui de la majorité pachtoune - à laquelle ils appartiennent. Les talibans ont tiré les leçons des erreurs du passé et ont désormais pris le contrôle militaire de toutes les frontières du pays, laissant les seigneurs de guerre non pachtounes totalement isolés de tout contact extérieur et rendant leur position militaire aussi ridicule qu'intenable.
Les négociations de l'administration Biden avec les talibans se concentrent sur les deux points que la Maison Blanche entend continuer à contrôler après son retrait militaire.
- Contrôle du commerce de l'opium. Comme l'administration américaine l'a répété à plusieurs reprises, "nous ne sommes pas venus en Afghanistan pour lutter contre le commerce de l'opium", non seulement ils l'ont toléré, mais, de surcroit, ils ont collaboré avec ce commerce de l'opium tout au long du processus interventionniste. L'opium afghan représente 80 % de l'opium mondial et est principalement contrôlé par les talibans et accessoirement par le gouvernement actuel, en phase terminale, de Kaboul.
Washington y a toujours été impliqué, prenant une part importante en échange de la non-intervention. L'argent de la drogue est utilisé pour payer les services de renseignement et les opérations spéciales "secrètes". Le contrôle de l'opium présente un second intérêt dans la mesure où l'opium atteint, entre autres, la Russie, où la consommation d'opium chez les jeunes Russes constitue un problème majeur de santé publique. Une autre branche de la route de l'opium atteint l'Europe occidentale via la Turquie, mais la consommation de ces opiacés en Europe occidentale est assez faible.
- L'Afghanistan, sous le contrôle des talibans, est un centre d'expansion du djihadisme islamique, en particulier dans deux directions : dans la province chinoise du Xianjang, ce qui pose des problèmes à Pékin, et en Asie centrale et dans les républiques musulmanes de Russie, ce qui pose des problèmes à Moscou. En fait, les Talibans ont soutenu le Mouvement islamique d'Ouzbékistan, qui a attaqué l'ancienne république soviétique depuis ses bases afghanes. Cette attaque a été la seule occasion où il a été nécessaire de mobiliser l'Organisation du traité de sécurité collective (une alliance militaire défensive dont la Russie est le noyau) pour repousser une agression extérieure contre l'un de ses États membres.
La Chine et la Russie ont défini leurs stratégies.
Ni la Russie ni la Chine n'ont la moindre intention de laisser les talibans faire de l'Afghanistan le déstabilisateur islamiste de l'Asie centrale, ce que la Maison Blanche souhaite en revanche. Moscou et Pékin ont leur propre stratégie et les deux gouvernements ont organisé des rencontres avec les chefs talibans, qu'ils reconnaissent déjà comme des interlocuteurs valables, en ignorant l'actuel gouvernement terminal de Kaboul.
Du côté russe, le 9 juillet à Moscou, un entretien a eu lieu avec une délégation de talibans dirigée par Abadul Latif Mansur (3). La Russie s'intéresse à l'Asie centrale pour étendre la Communauté économique eurasienne et contrôler l'islamisme dans la région. Elle n'est pas disposée à laisser le nouveau gouvernement taliban faire dérailler ses plans, ni à permettre aux talibans de s'allier à la Turquie pour renforcer la présence de cette dernière dans cette région clé de l'Asie centrale. La Russie a clairement fait savoir qu'elle n'était pas disposée à répéter des situations telles que l'attaque naguère lancée par le Mouvement islamique d'Ouzbékistan. Moscou, qui a fait plusieurs démonstrations récentes de son énorme puissance militaire, a clairement exprimé sa position.
Le géopolitologue russe Alexandre Douguine a écrit dans un article (4) que "la Russie doit agir activement pour empêcher la situation en Asie centrale de dégénérer en chaos et en instabilité, et à cette fin, Moscou doit agir en coopération avec l'Iran, le Pakistan, mais aussi avec la Chine, l'Inde et les États du Golfe, en accordant un rôle crucial dans la stabilité de la région à la coopération avec la Turquie". Douguine poursuit en affirmant que "l'Occident", c'est-à-dire les États-Unis et l'Union européenne, devrait être exclu du théâtre de l'Asie centrale. La vérité est que l'UE n'a aucune chance d'agir sur cette scène clé pour la stabilité mondiale, et - comme dans le cas de la Syrie - son seul rôle sera celui d'une victime de l'instabilité créée dans cette région. Le retrait chaotique des États-Unis provoquera une nouvelle crise des réfugiés en Europe occidentale. En d'autres termes, l'erreur stratégique de la Maison Blanche sera payée de cette manière par l'Europe (5).
Du côté chinois, la rencontre entre la délégation des talibans, conduite par le mollah Abul Ghani, et le ministre des affaires étrangères de Pékin, Wang Yi, a eu lieu le 28 juillet dans la ville chinoise de Tianjin. Pékin a pu imposer aux Afghans l'engagement que Kaboul ne soutiendrait pas le Mouvement islamique du Turkestan oriental, un groupe musulman ouïghour actif dans la région chinoise du Xinjiang, peuplée de musulmans. D'autre part, le départ des États-Unis et une nouvelle situation politique en Afghanistan permettront d'importants investissements économiques chinois, principalement dans les infrastructures, qui seront très bien accueillis par le futur gouvernement taliban (6). Car, comme le rappelle la journaliste italo-suisse Chantal Fantuzzi, il est clair pour la Chine que le retrait de ses troupes est une défaite pour les Etats-Unis, et Pékin va profiter de cette défaite (7).
Intellectuels et Race: un livre percutant de Thomas Sowell
par Francis Richard
Ex: https://lesobservateurs.ch/2021/08/10/intellectuels-et-race/ & Francis Richard
Thomas Sowell définit les deux termes du titre de son livre, qui, comme le dit Laurent Obertone dans sa préface, sent bon la mort sociale:
- La race [...] constitue un concept social avec une base biologique.
- Les intellectuels sont des gens exerçant une profession particulière: à savoir, des gens dont le travail débute et prend fin avec des idées.
Une des caractéristiques des intellectuels est qu'ils ne paient aucun prix pour avoir tort, quel qu'il soit et quelles que soient les conséquences catastrophiques pour des millions d'autres gens.
(les hommes politiques partagent ce privilège...)
Dans ce livre, donc, l'auteur parle des idées qu'ont émises les intellectuels, l'intelligentsia, au cours du XXe siècle, au sujet de la race, plus précisément aux États-Unis où il est né.
L'ÈRE PROGRESSISTE
Au début du siècle passé, ces intellectuels, qui n'étaient ni des incultes, ni des excentriques, promouvaient le déterminisme génétique pour expliquer les disparités entre les groupes raciaux et étaient adeptes de l'eugénisme.
Pour affirmer une telle chose, ces progressistes se basaient sur des données empiriques telles que taux de criminalité, taux de maladies, résultats aux tests d'intelligence et performances scolaires.
Seulement ces intellectuels eurent tendance à ignorer le vieil avertissement venu des statisticiens que corrélation n'est pas causalité.
Seulement ces intellectuels ne tinrent pas compte des nombreuses raisons historiques, géographiques et démographiques, qui font que des groupes diffèrent les uns des autres dans leurs compétences, expériences, cultures et valeurs.
Thomas Sowell a donc beau jeu, par exemple, de montrer, faits à l'appui, que ce que nous savons, concernant race et intelligence, est un petit îlot de savoir dans un vaste océan d'inconnu.
L'ÈRE "LIBERAL1"
Si l'hérédité était l'orthodoxie régnante de l'ère progressiste, l'environnement devint l'orthodoxie régnante de l'ère "liberal".
Cette ère commence surtout au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Par environnement, il faut entendre l'environnement extérieur contemporain plutôt que l'environnement culturel interne des minorités elles-mêmes:
Si les minorités étaient considérées comme le problème avant, la majorité était considérée comme le problème désormais.
Aux États-Unis, la discrimination que la majorité blanche exercerait sur les minorités, notamment la minorité noire, expliquerait les résultats économiques et autres de celles-ci.
Ces idéologies de la doléance et de la victimisation proviennent des médias, des institutions éducatives et d'autres institutions imprégnées de la vision de l'intelligentsia.
Seulement l'intelligentsia ne voit pas que les résultats économiques et autres de la minorité noire n'ont pas de rapport avec l'évolution du degré de racisme dans la société américaine.
Ces résultats ont, au contraire, par exemple, un rapport avec l'évolution dans le temps du salaire minimum, institué pas le Fair Labor Standards Act2, qui a un impact vérifiable sur le taux de participation et de chômage de la force de travail noire.
L'ÈRE MULTICULTURELLE
Thomas Sowell voit dans cette nouvelle ère de la fin du siècle précédent une extension de la précédente, parce que l'adoption des lois et politiques des droits civiques n'a pas permis les avancées économiques et sociales escomptées.
L'intelligentsia réfute sans arguments, sinon d'autorité, que les cultures particulières des minorités puissent être accusées des disparités de revenus, d'éducation, de taux de criminalité ni de désintégration familiale.
Ce faisant, elle incite les gens qui composent celles-ci, plutôt que de changer, c'est-à-dire de chercher à s'améliorer, à se figer là où le hasard de la naissance les a mis et à mettre en cause le système externe plutôt que leur culture interne.
Ce n'est pas propre à la minorité noire des États-Unis. Thomas Sowell donne l'exemple des Blancs de classes inférieures en Grande-Bretagne qui sont poussés par l'intelligentsia à cultiver l'envie et le ressentiment:
Lorsqu'une race de gens ayant produit Shakespeare et Sir Isaac Newton produit désormais un grand nombre de jeunes gens qui sont fonctionnellement analphabètes et incapables d'arithmétique simple, est-il besoin d'invoquer les gènes ou la discrimination pour expliquer cette dégénérescence?
L'ÉTAT-PROVIDENCE ET L'INDUSTRIE RACIALE
Ce qui a intensifié ces types de comportement, c'est l'État-providence:
Une fois mis en place, l'État-providence peut subventionner des comportements contre-productifs, que l'État-providence excuse ou encourage, mais qui seraient impossibles à voir perdurer sans l'argent des contribuables.
Ce qui n'a rien arrangé, c'est l'industrie raciale, avec sa justice sociale (et l'excuse préconçue), sa discrimination positive (et ses effets négatifs) et son dogme de l'effet disparate de certaines normes (sur le taux de réussite de différents groupes):
La question des races est plus qu'une catégorie biologique ou une catégorie sociale. Elle est devenue une industrie, avec sa propre infrastructure, ses secteurs, ses incitations et ses ambitions.
L'ÉGALITÉ
Parmi les idées en vogue chez l'intelligentsia, il y a enfin le concept d'égalité, avec ses multiples significations, qui peut être une source fertile de danger pour les individus, les races et les sociétés entières:
L'égalité de traitement par la loi, par exemple, est très différente de l'égalité des résultats économiques, et l'égalité des potentialités est très différente de l'égalité des capacités développées.
Or ce ne sont pas les moyens préconisés par l'intelligentsia qui ont permis, permettent et permettront l'ascension de groupes, de l'extrême pauvreté à la richesse, mais des moyens banals et souvent ardus:
Les réalisations méritées, qu'elles soient modestes ou spectaculaires, apportent un respect de soi, ainsi que le respect des autres, que l'on peut rarement obtenir en jouant même avec succès un rôle de parasite au nom d'une "égalité" factice.
Francis Richard
NB
Thomas Sowell, économiste né en 1930 en Caroline du Nord, est noir. Ou Afro-américain, comme on dit au pays de Malcolm X. Il dispose ainsi d'une sorte de pass sanitaire, pour aller au fond d'un sujet dont nul académicien blanc ne pourrait même esquisser les contours de manière honnête, sans y perdre carrière et réputation.
(Préface de Laurent Obertone)
Notes:
1- Au sens américain
2- Par Franklin Roosevelt en 1938.
Intellectuels et Race, Thomas Sowell, 184 pages, Éditions Résurgence (traduit de l'anglais par Stéphane Geyres, Daivy Merlijs et Pascal Boutingorry)
Céline fait des trous dans la page tandis que Brasillach permet de voir à travers...
Frédéric Andreu
A sa sortie en 1932, le Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Destouches, dit Céline, a fait l’effet d’un séisme dans le monde littéraire. Depuis, admirateurs et détracteurs lui reconnaissent un génie incomparable. On comprends alors pourquoi la découverte récente de milliers de pages inédites de Céline – en pleine folie covidiste – fait l’effet d’une réplique sismique !
Cela, c’est du Céline tout craché ! Une malle remplie de centaines de pages inédites en pleine mythographie covidiste ! Les lustres et les tables de nos logis se remettent à trembler. Et on cherche même la direction des abris…
Lanceur d’alerte, Céline est le grand démystificateur de notre temps. Il a passé au crible toutes les propagandes idéologiques, capitalisme, communisme, sionisme, etc ; et la Collaboration ne fut pas en reste avec ses vieillards qui « sentent le pipi »... Bref, toutes les (im)postures sont passées au crible. Et il a même inventé un terme pour les désigner : le «blabla» rentré dans notre langue de tous les jours. Les blablas, ce sont ces vieilles couches de peinture qu’il est allé décaper à l’intérieur même de la langue. Au total, pas moins de 80.000 pages écrites à la main pour parvenir, dirons certains, à la toile même du fond émotif des choses !
«C’est des filigranes la vie, ce qui est écrit nette, c’est pas grand-chose ; ce qui compte, c’est la transparence !» s’écria-t-il à qui voulait l’entendre. On comprends mieux pourquoi lire du Céline, c’est beau comme un jour en décomposition, un soleil couchant avec ses flammes mourantes. On ouvre un roman de Céline,il en sort des rayons crépusculaires. Une fois refermé le livre, il ne reste plus qu’à traverser la nuit comme un voyage.
Céline pourfend les mythographies aliénantes - a commencé par la propagande qui a conduit la France a déclaré la guerre à l’Allemagne en 1939 - mais cela vaut aussi pour la langue écrite elle-même. De romans en romans, Céline atteint la toile de fond des choses de la toile, encore toute vibrante d’émotions. Brasillach nous révèle au contraire - notamment dans son roman Comme le temps passe - la mythologie personnelle de notre vie intime.
Il n’y aurait donc non pas une mais deux « mythologies » vibratoirement actives dans nos vies individuelles et collectives. Une mythologie de seconde main, des pages aussi captatives qu’aliénantes, écrites par d’autres, et une mythologie qui nous précédent. C’est cette légende que l’on tente d’apercevoir au cours de notre passage sur terre.
Deux auteurs, deux parcours, deux styles à la fois antithétiques et complémentaires, à l’instar du crépuscule et de l’aurore. J’ai comme dans l’idée que l’un n’aurait pas été possible sans l’autre… le premier décape la langue jusqu’à la trame émotive tandis que l’autre laisse miroiter, entre ses pages, le matin profond de notre mémoire.
Il est grand temps de relire Céline et Brasillach avant la fin du jour.
Début 2020, quelques jours de vie avec le virus ont suffi pour faire passer l'Italie d'un état de droit à un "état d'exception" et la prolongation du confinement, la cinquième, jusqu'au 31 décembre 2021, a consolidé un état d'urgence qui a débuté le 31 janvier 2020; les décrets du Premier ministre visant à contenir le Coronavirus sont en fait une limitation de nos libertés.
Un Occident fragile et présomptueux s'est soudainement retrouvé face à un redde rationem et la question qui se pose maintenant est la suivante : jusqu'où ira l'"État d'exception" et jusqu'où ira-t-il ?
En 1922, Carl Schmitt a défini le souverain comme "celui qui décide en état d'exception", un terme qui indique les mesures exceptionnelles prises en temps de crise et qui doit être compris à la lumière de l'ancienne maxime selon laquelle "necessitas legem non habet".
Cependant, nos Pères constituants n'ont pas pris cette hypothèse en considération, car il était impensable que le Premier ministre puisse devenir Souverain et cette hypothèse n'était pas non plus plausible pour le reste de l'Occident.
Au demeurant, c'est l'"état d'exception" du siècle dernier qui a accompagné les dérives qui ont conduit au totalitarisme.
Ce n'est pas un droit spécial, c'est la suspension plus ou moins modulée de la loi qui apparaît aujourd'hui comme une technique de gouvernement mise en œuvre avec l'extension toujours plus grande des pouvoirs de l'exécutif par l'émission de décrets et de mesures prises, justement, dans un "état d'exception".
L'exercice de cette prérogative érode de fait la démocratie, une institution récente telle que nous la connaissons, qui est aujourd'hui également mise à mal par un virus.
L'activité législative du Parlement est de facto marginale, tandis que dans le pays, par le bas, le pouvoir de décision des conseils locaux est désormais un simulacre.
L'"État d'exception" s'est imposé sur la base d'un principe selon lequel la nécessité caractérise une situation singulière dans laquelle la loi perd son pouvoir et devient progressivement le fondement et la source du droit.
Le droit n'admet pas de lacunes et si le juge doit juger même en présence de vides législatifs, par extension, lorsqu'une lacune du droit public apparaît, le pouvoir exécutif a l'obligation d'y remédier: c'est l'"État d'exception" qui s'est soudainement installé.
Les lois non écrites, celles de la nécessité, l'emportent sur le droit, qui réagit en conséquence, mais se trouve dans une position défensive, dénonçant la fragilité qui caractérise l'Occident même sur ces fronts.
Dans l'"état d'exception", la décision suspend ou annule les normes, les rituels, les délais et les procédures qui, dans une démocratie, constituent la substance.
"Ce que l'arche du pouvoir contient en son centre, c'est "l'état d'exception" (Giorgio Agamben, 2003), et c'est une machine qui a fonctionné à travers le fascisme, le national-socialisme et les régimes communistes, nous atteignant de manière feutrée mais efficace, et qui se réaffirme aujourd'hui dans tout l'Occident à cause d'un virus.
"En temps de crise, le gouvernement constitutionnel doit être modifié dans la mesure où cela est nécessaire pour neutraliser le danger et rétablir la situation normale - .... - le gouvernement aura plus de pouvoir et les citoyens moins de droits... la démocratie est l'enfant de la paix et ne peut vivre sans sa mère" (C. L. Rossiter, NJ, 1948), des mots écrits dans l'immédiat après-guerre, mais toujours pertinents maintenant que l'État belligérant n'est pas nécessairement sanglant.
Brèves réflexions sur une question qui a refait surface avec ardeur dans un Occident caractérisé par une fragilité déjà évidente après le 11 septembre 2001, mais qu'il faut maintenant aborder, avant qu'elle ne devienne incontrôlable.
Les frontières mouvantes, à grande vitesse, s'instaurent à une cadence inouïe dans une Europe qui se voulait sans frontières, qui proclamait le droit de tous à la libre circulation...!
Une autre question est claire: le concept de "frontière" attaqué au début de ce millénaire est maintenant revenu avec toute son ancienne puissance pour marquer les cartes de différentes couleurs, à commencer par celle d'une Europe qui doit retrouver son âme, et ce qui s'est passé à Barcelone est un signe clair de fatigue.
L'obligation de rester chez soi, entre quatre murs, a également ravivé la signification du "mur" en tant qu'instrument de défense.
Un scénario complexe qui propose un défi à ramener dans la seule sphère possible, celle de la Politique, entendue comme l'art de rendre possibles les choses nécessaires.
La politique, cependant, est sans défense dans un état d'exception.
Après plus de 20 ans, la maison d'édition Luni editrice a décidé de republier "Curzio Malaparte" de Giuseppe Pardini, qui, à la différence de la biographie de Giordano Bruno Guerri L'arcitaliano (Bompiani, 1980), se concentre sur l'aspect purement politique de l'écrivain de Prato, reconstruisant son idéologie comme "plus linéaire et plus solide" que ce qui est communément jugé, voyant dans l'histoire personnelle de Malaparte pas mal d'éléments d'incertitude, de remise en question et de contradiction.
En même temps, en reconstruisant sans cesse son auto-biographie qui frise souvent l'hagiographie, Malaparte a essayé de se faire passer pour un éternel persécuté, une victime du pouvoir en place, marginalisé pour ses idées courageuses et à contre-courant. Il faut dire aussi que ces éléments, sur l'évaluation éthique desquels on pourrait discuter, contribuent à faire de Malaparte un écrivain encore plus intéressant, puisque c'est précisément sur la limite ambiguë entre le vrai et le faux, les données de la chronique et l'invention littéraire que se joue le succès de ses œuvres les plus connues, comme "Kaputt" et "La peau".
L'essai de Pardini se base sur les vastes archives constituées par l'arrière-petit-fils de l'écrivain, Niccolò Rositani Suckert, y compris les collections documentaires éditées en douze volumes par la sœur de Curzio, Edda Suckert Ronchi.
Parmi les mentors de Malaparte, on compte Italo Balbo et son collaborateur Nello Quilici, mais malgré le soutien de ce membre du quadrumvirat dirigeant (ou peut-être à cause de cela, si l'on considère ses relations orageuses avec le Duce), la fortune fasciste de l'écrivain a fluctué. Il a d'abord collaboré au Resto del Carlino, puis devient rédacteur en chef du Mattino et enfin prend la prestigieuse rédaction de La Stampa, d'où il est renvoyé, condamné à l'exil puis acquitté, et se réfugie de plus en plus souvent à Paris, où il se rapproche de la faction du régime qui rêve de " succéder " à Mussolini, mais dans une perspective de continuité du système fasciste. Mais même dans ce contexte, il ne se comporte pas de manière franche et transparente et est dénoncé pour "activité antifasciste", même s'il conserve une certaine bienveillance "en haut"; Telesio Interlandi intercède en sa faveur auprès de Galeazzo Ciano, pour lequel il reprend sa collaboration sous un pseudonyme au Corriere della Sera. Ses fiançailles avec Virginia Agnelli, la veuve d'Edoardo, ont facilité les choses.
Dans l'après-guerre, il manifeste une véritable phobie du communisme, "je ne peux pas croire que les Italiens aient perdu la raison au point de vouloir finir comme la Tchécoslovaquie", mais après ce que le même essai appelle une "approche opportuniste". Il reprend son exil en France, en faisant une critique décisive de l'intrusion des partis dans les affaires publiques et du "fascisme des antifascistes", ce qui donne une idée de l'incision et de la lucidité de ses anticipations intellectuelles, mais de la façon dont elles sont toujours proclamées sur des tons de stentor avec des accents très grandiloquents, ce qui rend ses corrections de trajectoire peu crédibles, bien qu'en théorie légitimes pour un homme qui pense et parle avec une adhésion honnête au changement des choses: "Tout parti politique est composé du pire d'une nation, il est la somme du mauvais goût, de l'ignorance de la nation. Les artistes doivent mépriser la politique et mépriser tous les politiciens, sans distinction de parti".
Malaparte s'aime sans limites, il croit probablement vraiment à l'image qu'il se construit, par exemple lorsqu'il écrit: "tout vient du fait que je m'efforce constamment d'être (de ne pas penser) un Italien comme tout le monde et que je n'y arrive pas". Des vers comme les célèbres de la Cantata dell'Arcimussolini,"Spunta il sole e canta il gallo o Mussolini monta a cavallo", sont difficilement contestables pour un personnage qui est passé de l'adhésion - Piero Gobetti l'a décrit comme le "plus fort théoricien du fascisme" - à l'antifascisme, avec un timing suspect, après la fin du régime. Mais Pardini ne croit pas au transformisme: "Un caméléon, alors, Curzio Malaparte? Non". Il "n'a pas joué un rôle particulièrement important au sein du fascisme, et était en effet une figure en marge du régime même lorsqu'il occupait des postes de responsabilité dans des journaux très importants [...] Déçu par le fascisme, il a également été déçu par le post-fascisme". L'accusation de voltagabbana (de girouette) serait donc "trop étroitement liée au 'personnage'", alors qu'il faut considérer "Malaparte en dehors de la légende et du mode de vie anticonformiste souvent créé et exhibé à dessein par lui-même".
Dans ses dernières années, l'écrivain entretient une collaboration fluctuante avec Il Tempo de Renato Angiolillo, pour lequel il est un envoyé spécial à Moscou et en Chine, officiellement invité par le gouvernement de la République populaire, d'où il envoie également des articles qui paraissent dans l'hebdomadaire communiste Vie Nuove, grâce à la participation de Davide Lajolo. Cette mission le rapproche du parti communiste, grâce à la sympathie suscitée par le contact avec la civilisation millénaire chinoise. Malheureusement, dès son arrivée en Chine, il développe une tumeur au poumon qui entraîne sa fin, "au milieu des attentions et des concessions des cartes de membre du parti (du PRI et du PCI) et des conversions religieuses au catholicisme", qui survient après une longue agonie le 19 juillet 1957.
La culture italienne du XXe siècle doit sans nul doute s'accommoder de la figure de Malaparte et de son œuvre, indépendamment de l'évaluation de ses opinions, parfois au risque de la banalité, comme son souhait d'un "système politique efficace, juste, bien ordonné et bien administré, régi par des lois justes et modernes". Dans ses pérégrinations, l'écrivain se rapproche des positions de la gauche modérée et s'engage directement dans les élections administratives de 1956 à Prato, sur la liste du Parti républicain. De plus, Pardini a raison, c'est aussi de cette nature contradictoire qu'est né "l'aspect irrationnel, métaphysique et métapolitique de la pensée de Malaparte, base authentique mais non unique de ses œuvres".
Le petit caporal Macron a pris en 2017, le pouvoir à la hussarde. Une affaire réglée en quelques mois et à la surprise des vieilles badernes du PS, et de LR. Devenu Président, nous dirons « général », il a engagé une nouvelle campagne pour se maintenir au pouvoir. Comme pour la précédente, il prend des risques et surprend.
LE PAYS DIVISÉ EN DEUX
Les commentateurs et les conseillers s'affolent : une partie de la population s'est mobilisée, dans la rue, en plein été, contre les mesures « Passe-Sanitaire ». Du jamais vu… Tout au moins à notre époque. On se souvient que les « évènements » de mai 68 ont été enterrés par les vacances... Aujourd'hui, c'est l'inverse qui se produit. Les manifestations grossissent, pendant les vacances. Les échéances successives qui imposent à la population la vaccination, poussent dans la rue de plus en plus de Français. L'action du Gouvernement est en train de créer, de toute pièce, une opposition irréductible. Macron divise les Français en deux camps, un camp important, ceux qui bénéficient du « passe-sanitaire », les vaccinés (deux fois pour le moment) et les autres. Ces deux camps sont de taille inégale, les Kollabos sont une large majorité, mais les manifestants sont certainement les plus déterminés. Ils sont à la limite de la révolte, face à l'agression qu'ils subissent. Ils ont conscience d'être pris dans un piège. Ils le vivent très mal. Ils sentent bien qu'ils sont pris dans une nasse, et pris pour des cons.
Macron veut qu'ils se soumettent. Et pour les faire céder, Macron va jusqu'à leur faire perdre leur emploi (et sans droit au chômage, un scandale pur, pour des gens qui ont cotisé !), ne plus pouvoir se faire soigner, ne plus pouvoir se déplacer, ne plus pouvoir s'approvisionner dans les grands centres commerciaux. Ils se retrouvent, par la volonté du Prince, privés de services pour lesquels ils payé impôts et cotisations... Volés, comme dans un bois !
BOUTE FEU
Il est clair que Macron veut mettre le feu au pays. La manœuvre est évidente, grossière. Et personne, parmi les leaders, ne proteste. Aucune dénonciation (à part Philippot). Les syndicats sont couchés -à part Force Ouvrière- et quelques syndicats catégoriels. Comment les Centrales syndicales peuvent-elles accepter une agression pareille contre les salariés ? L'absence de réaction en dit long sur l'état du mouvement syndical en France. Les syndicats vivent des subventions de l'Etat. Ils ne sont plus une arme de défense des salariés. Ils sont un instrument aux mains du pouvoir.
Même silence, incroyable, du monde politique. Macron ne semble pas avoir d'opposant. La classe politique s'est compromise depuis des mois dans la glu des mesures « politiques » de lutte contre l'épidémie : pas de masques, masques obligatoires ; enfermement, libération, enfermement, libération... ; Remdesivir, puis plus de Remdesivir ; vaccins libérateurs, puis vaccins obligatoires... Elle semble sidérée comme la majorité de la population... Les politiques ont peur. Ils attendent ! Macron est seul sur scène, et il fait le spectacle tout seul. Il mène la danse, les journalistes battent la mesure et font la claque. Les mesures qu'il prend et qui risquent de mettre le pays à feu et à sang, semblent même approuvées par l'opposition. Il va pouvoir les justifier par « l'épidémie », et jouer le « sauveur ». Quand la rue sera en feu, le boutefeu deviendra pompier. Comme De Gaulle en 68, il recueillera les suffrages de la peur...
Tout au moins, voilà sa manœuvre. N'oublions pas qu'il y a eu un premier acte à cette méthode, l'affaire des gilets jaunes. La répression (sanglante) et sans pitié a permis à Macron de remonter dans les sondages. Parce que, même avec presque rien à perdre, l'électeur veut de l'ordre... Un climat social tendu, ce serait pour Macron l'assurance d'une réélection... Il a vérifié, avec les gilets jaunes, que ça marche.
L'INCONNUE DE LA JEUNESSE
C'est une constante de l'histoire, qu'une population jeune est propice à la guerre ou aux mouvements sociaux violents. C'est ce que nous avons vu, récemment, avec les « Printemps Arabes ». Aujourd'hui, la mobilisation estivale touche une population peu politisée, qui se situe à droite ou à gauche...des actifs, ou des retraités, des femmes autant que des hommes. Les jeunes, lycéens et étudiants ne sont pas présents.
Mais que se passera-t-il à la rentrée ? Même si la population française est relativement âgée, la jeunesse qui est rassemblée pendant la période scolaire dans les centres-villes des Métropoles, peut entrer dans les manifestations de protestation. Ce qui ne s'était pas passé au moment du mouvement des gilets jaunes. Les motifs de mobilisation touchent directement les préoccupations des jeunes et des adolescents : la possibilité de voyager, de sortir en boite, d'aller aux concerts, aux spectacles, de trouver des jobs d'étudiant...
Le thème de la liberté, et de l'avenir est très sensible. Et que dire de l'inconnue des effets à long terme des vaccins qui ne sont que des produits expérimentaux ? Difficile que cette crainte ne touche pas les plus jeunes.
Même s'il a eu la prudence d'exonérer les forces de l'ordre des obligations vaccinale, même s'il a désamorcé la bombe que constitue le transport routier en permettant aux chauffeurs de continuer à travailler sans être vaccinés, Macron prend un risque politique. Il reste l'inconnue de l'ampleur de la réaction du monde étudiant. Macron compte certainement sur ses supplétifs que sont les black-blocks pour diviser le mouvement de protestation. Pour monter les manifestants de droite contre les manifestants de gauche... Mais cette méthode qui a si bien réussi contre les gilets jaunes, fonctionnera-t-elle cette fois encore ?
Tocqueville et la destruction du Nouveau Monde par ses conquérants
par Nicolas Bonnal
« A mesure que nous avancions, le but de notre voyage semblait fuir devant nous. »
Tocqueville n’a pas fait que de l’analyse en voyageant en Amérique ; il a aussi fait du tourisme avec son ami Beaumont et son bref journal de voyage est un des plus beaux et plus durs qui soient ; car le style incomparable de notre artiste romantique se heurte au mur de briques du puritain américain qui va détruire le monde. Chercher la nature façon Thomas Cole et Alfred Bierstadt est déjà dur ; en effet :
« Une des choses qui piquaient le plus notre curiosité en venant en Amérique, c’était de parcourir les extrêmes limites de la civilisation européenne, et même, si le temps nous le permettait, de visiter quelques-unes de ces tribus indiennes qui ont mieux aimé fuir dans les solitudes les plus sauvages que de se plier à ce que les blancs appellent les délices de la vie sociale ; mais il est plus difficile qu’on ne croit de rencontrer aujourd’hui le désert. A partir de New-York, et à mesure que nous avancions vers le nord-ouest, le but de notre voyage semblait fuir devant nous. Nous parcourions des lieux célèbres dans l’histoire des Indiens, nous rencontrions des vallées qu’ils ont nommées, nous traversions des fleuves qui portent encore le nom de leurs tribus; mais partout la hutte du sauvage avait fait place à la maison de l’homme civilisé, les bois étaient tombés, la solitude prenait une vie. »
Les indiens eux-mêmes sont déjà des êtres qui rétrécissent, comme dans le film éponyme de Jack Arnold. Tocqueville ajoute sans concession :
« Les Indiens que je vis ce jour-là avaient une petite stature; leurs membres, autant qu’on en pouvait juger sous leurs vêtements, étaient grêles; leur peau, au lieu de présenter une teinte rouge cuivré, comme on le croit communément, était bronze foncé, de telle sorte qu’au premier abord elle semblait se rapprocher beaucoup de celle des mulâtres. Leurs cheveux noirs et luisants tombaient avec une singulière raideur sur leurs cous et sur leurs épaules. Leurs bouches étaient en général démesurément grandes, l’expression de leur figure ignoble et méchante. Leur physionomie annonçait cette profonde dépravation qu’un long abus des bienfaits de la civilisation peut seul donner. On eût dit des hommes appartenant à la dernière populace de nos grandes villes d’Europe, et cependant c’étaient encore des sauvages. Aux vices qu’ils tenaient de nous se mêlait quelque chose de barbare et d’incivilisé qui les rendait cent fois plus repoussants encore. »
Le contact avec l’Occident souille. On ne saurait être plus guénonien. Et pourtant on n’a pas affaire à des inconnus :
« Ces êtres faibles et dépravés appartenaient cependant à l’une des tribus les plus renommées de l’ancien monde américain. Nous avions devant nous, et c’est pitié de le dire, les derniers restes de cette célèbre confédération des Iroquois, dont la mâle sagesse n’était pas moins connue que le courage, et qui tinrent longtemps la balance entre les deux plus grandes nations de l’Europe. »
Iroquois.
L’égoïsme froid de l’Américain frappe Tocqueville (il a bouleversé et révolté Beaumont – voyez nos textes) :
« D’autres avouaient que probablement l’Indien mourrait; mais on lisait sur leurs lèvres cette pensée à moitié exprimée : qu’est-ce que la vie d’un Indien? C’était là le fond du sentiment général. Au milieu de cette société si jalouse de moralité et de philanthropie, on rencontre une insensibilité complète, une sorte d’égoïsme froid et implacable lorsqu’il s’agit des indigènes de l’Amérique. Les habitants des États-Unis ne chassent pas les Indiens à cor et à cri ainsi que faisaient les Espagnols du Mexique; mais c’est le même instinct impitoyable qui anime ici comme partout ailleurs la race européenne. »
On ne peut pas dire qu’il la porte dans son cœur cette race européenne qui a rompu déjà avec ses racines spirituelles et le règne de la qualité.
Il ne faut pas lui parler de promenade romantique à notre pionnier :
« Traverser des forêts presque impénétrables, passer des rivières profondes, braver les marais pestilentiels, dormir exposé à l’humidité des bois, voilà des efforts que l’Américain conçoit sans peine s’il s’agit de gagner un dollar, car c’est là le point; mais qu’on fasse de pareilles courses par curiosité, c’est ce qui n’arrive pas jusqu’à son intelligence. Ajoutez qu’habitant d’un désert il ne prise que l’œuvre de l’homme. Il vous enverra volontiers visiter une route, un pont, un beau village; mais qu’on attache du prix à de grands arbres et à une belle solitude, cela est pour lui absolument incompréhensible. Rien donc de plus difficile que de trouver quelqu’un en état de vous comprendre. »
Après Tocqueville se lance dans de belles descriptions méditatives et presque transcendantales. On pense à Chateaubriand, Senancour, à Maurice de Guérin (merveille méconnue du centaure) :
« Il est difficile de se figurer le charme qui environne ces jolis lieux où l’homme n’a point fixé sa demeure, où règnent encore une paix profonde et un silence non interrompu. J’ai parcouru dans les Alpes des solitudes affreuses où la nature se refuse au travail de l’homme, mais où elle déploie jusque dans ses horreurs mêmes une grandeur qui transporte l’âme et la passionne. Ici la solitude n’est pas moins profonde, mais elle ne fait pas naître les mêmes impressions. Les seuls sentiments qu’on éprouve en parcourant ces déserts fleuris, où, comme dans le Paradis de Milton, tout est préparé pour recevoir l’homme, c’est une admiration tranquille, une émotion douce et mélancolique, un dégoût vague de la vie civilisée, une sorte d’instinct sauvage qui fait penser avec douleur que bientôt cette délicieuse solitude aura cessé d’exister. »
Mais le blanc va arriver: « déjà, en effet, la race blanche s’avance à travers les bois qui l’entourent, et dans peu d’années l’Européen aura coupé les arbres qui se réfléchissent dans les eaux limpides du lac et forcé les animaux qui peuplent ses rives de se retirer vers de nouveaux déserts. »
Il y a quand même des mavericks chez ces blancs, des artistes, des coureurs des bois comme on disait :
« …ce sont les Européens qui, en dépit des habitudes de leur jeunesse, ont fini par trouver dans la liberté du désert un charme inexprimable. Tenant aux solitudes de l’Amérique par leur goût et leurs passions, à l’Europe par leur religion, leurs principes et leurs idées, ils mêlent l’amour de la vie sauvage à l’orgueil de la civilisation, et préfèrent à leurs compatriotes les Indiens, dans lesquels cependant ils ne reconnaissent pas des égaux. »
Mais il n’y a rien affaire contre le blanc destructeur :
« ce peuple immense qui, comme tous les grands peuples, n’a qu’une pensée, et qui marche à l’acquisition des richesses, unique but de ses travaux, avec une persévérance et un mépris de la vie qu’on pourrait appeler héroïque, si ce nom convenait à autre chose qu’aux efforts de la vertu; peuple nomade que les fleuves et les lacs n’arrêtent point, devant qui les forêts tombent et les prairies se couvrent d’ombrages, et qui, après avoir touché l’Océan-Pacifique, reviendra sur ses pas pour troubler et détruire les sociétés qu’il aura formées derrière lui… »
Avant de détruire ou de bombarder le reste du monde ! Comme dit Beaumont l’Amérique est le seul pays qui n’ait pas eu d’enfance mystérieuse ! Sa mission était de nous engloutir dans la matrice mafieuse, matérialiste et numérique.
Puis notre voyageur redevient poète et évoque la similitude entre cette forêt et le grand océan. On pense à Melville, à Moby Dick bien sûr et au si bel essai de Jacques Cabau sur la Prairie perdue :
« Il nous est souvent arrivé d’admirer sur l’Océan une de ces soirées calmes et sereines, alors que les voiles, flottant paisiblement le long des mâts, laissent ignorer au matelot de quel côté s’élèvera la brise. Ce repos de la nature entière n’est pas moins imposant dans les solitudes du Nouveau-Monde que sur l’immensité des mers. »
Et plus loin :
Ce n’est pas au reste dans ce seul cas que nous avons remarqué la singulière analogie qui existe entre la vue de l’Océan et l’aspect d’une forêt sauvage. Dans l’un comme dans l’autre spectacle, l’idée de l’immensité vous assiège. La continuité, la monotonie des mêmes scènes étonne et accable l’imagination. »
On a déjà évoqué nos coureurs des bois (redécouvrez en ce sens la captive aux yeux clairs de Hawks) ; ils reviennent sous la plume de notre indien :
« Pénétrez sous cette cabane de feuillage; vous y rencontrerez un homme dont l’accueil cordial et la figure ouverte vous annonceront dès l’abord le goût des plaisirs sociaux et l’insouciance de la vie. Dans le premier moment, vous le prendrez peut-être pour un Indien. Soumis à la vie sauvage, il en a volontairement adopté les habits, les usages et presque les mœurs : il porte des mocassins, le bonnet de loutre et le manteau de laine. Il est infatigable chasseur, couche à l’affût, vit de miel sauvage et de chair de bison. »
Or cet homme est un bon Français :
« Cet homme n’en est pas moins resté un Français gai, entreprenant, fier de son origine, amant passionné de la gloire militaire, plus vaniteux qu’intéressé, homme d’instinct, obéissant à son premier mouvement moins qu’à sa raison, préférant le bruit à l’argent. Pour venir au désert, il semble avoir brisé tous les liens qui l’attachaient à la vie. On ne lui voit ni femme ni enfants. »
Et de le comparer au rude américain enfant de Caïn :
« A quelques pas de cet homme habite un autre européen qui, soumis aux mêmes difficultés, s’est raidi contre elles. Celui-ci est froid, tenace, impitoyable argumentateur. Il s’attache à la terre et arrache à la vie sauvage tout ce qu’il peut lui ôter. Il lutte sans cesse contre elle, il la dépouille chaque jour de quelques-uns de ses attributs. Il transporte, pièce à pièce, dans le désert ses lois, ses habitudes, ses usages, et, s’il se peut, jusqu’aux moindres recherches de sa civilisation avancée. L’émigrant des États-Unis n’estime de la victoire que ses résultats… »
Tocqueville sent le danger du métissage ; et il écrit à ce sujet :
« Ne sachant comment se guider au jour incertain qui l’éclaire, son âme se débat péniblement dans les langes d’un doute universel : il adopte des usages opposés, il prie à deux autels, il croit au rédempteur du monde et aux amulettes du jongleur, et il arrive au bout de sa carrière sans avoir pu débrouiller le problème obscur de son existence. »
Ce qu’il ressent dans son voyage (la région de Détroit et du lac Erié donc) c’est l’effrayant et rapide bouleversement en cours :
« Cinquante lieues séparent encore cette solitude des grands établissements européens, et nous sommes peut-être les derniers voyageurs auxquels il ait été donné de la contempler dans sa primitive splendeur : tant est grande l’impulsion qui entraîne la race blanche vers la conquête entière du Nouveau-Monde! C’est cette idée de destruction, cette arrière-pensée d’un changement prochain et inévitable qui donne, suivant nous, aux solitudes de l’Amérique un caractère si original et une si touchante beauté. »
On est presque chez Tolkien (chez Fenimore Cooper il règne une aura presque elfique parfois). L’homme a un trop grand pouvoir de destruction. Tocqueville :
« On les voit avec un plaisir mélancolique. On se hâte en quelque sorte de les admirer. L’idée de cette grandeur naturelle et sauvage qui va finir se mêle aux magnifiques images que la marche de la civilisation fait naître. On se sent fier d’être homme, et l’on éprouve en même temps je ne sais quel amer regret du pouvoir que Dieu vous a accordé sur la nature. L’âme est agitée par des idées, des sentiments contraires; mais toutes les impressions qu’elle reçoit sont grandes, et laissent une trace profonde. »
Sources :
Tocqueville : Quinze Jours au Désert souvenirs d’un voyage en Amérique
"Vous êtes invité à une série de sessions en ligne de "Social Dreaming" qui se dérouleront chez Zoom de 12 à 13h15 (GMT / BST) tous les jeudis du 18 mars au 24 juin 2021, y compris un bilan post-matrice."
"Les participants partagent leurs rêves de la nuit et s'associent librement aux rêves proposés dans la matrice pour trouver des liens, établir des connexions et révéler un nouveau sens et une nouvelle compréhension du contexte social et de l'environnement sociopolitique actuels, en particulier, la pandémie de COVID-19, un an après."
Il y a quelques mois, un de mes amis chercheurs, très au fait du fonctionnement des mécanismes de contrôle du pouvoir sur le monde, m'avait parlé des derniers développements et des bizarreries de la recherche dans laquelle était plongé le célèbre Institut Tavistock pour les relations humaines. "Il faut que tu voies ça", m'a-t-il prévenu. Mais je ne me suis pas immédiatement lancé. Je l'ai laissé reposer jusqu'à un moment qui me paraissait plus opportun.
La visite du directeur de la CIA en Colombie a déclenché une série d'événements qui, avec l'opération médiatique coûteuse et bien planifiée contre Cuba, ont déclenché une série de messages sur les médias sociaux qui m'ont ramené à Tavistock.
"J'ai fait un rêve, et ce rêve, hier 11 juillet 2021, a commencé à se réaliser. J'ai rêvé d'un Cuba libéré de la dictature, libéré de la répression, libre de s'exprimer et sans conditions. Ensemble nous pouvons, frères, luttons pour notre rêve de voir Cuba libre #SOSCuba #CubaLibre".
Le message du bot a déclenché quelque chose dans mon esprit. L'éternelle question du fonctionnement de ces mécanismes qui permettent à des millions d'êtres humains de laisser de grandes inégalités et des injustices sociales passer inaperçues. Ce n'est pas du cynisme ou de la naïveté, c'est un grand rêve collectif auquel nous avons été conduits.
Un mécanisme artificiel où la science et la technologie convergent pour mettre un filtre sur les faits du monde, un code qui introduit (input) la réalité et produit des émotions et des actions (outputs) à l'image et à la ressemblance de ceux qui ont suffisamment de pouvoir pour tisser l'enchevêtrement de messages, de contenus et d'idées qui voyagent à travers l'immensité des réseaux sociaux numériques et qui atteignent nos esprits à travers des dispositifs de consommation dont l'interface reconnaissable est un écran.
L'état de semi-conscience collective
Au Tavistock, ils ont une préoccupation en ce moment. Quels types de rêves partagés ont été générés dans le contexte de la pandémie. Comme l'explique Mannie Sher, l'un de leurs consultants et principaux chercheurs :
"Le but du rêve social est d'explorer les couches profondes de la signification des phénomènes sociaux et culturels par le biais des rêves et des associations de rêves. Le rêve social est une méthode de recherche visant à identifier les connaissances sociales et culturelles par l'application d'une analyse scientifique des rêves", affirme-t-il.
Les événements qui ont un impact sur la population constituent un contexte idéal à cet effet. Du 11 septembre 2001 à la conjoncture imposée par le coronavirus, en passant par les incidents de protestation sociale à Tel Aviv en 2011 et le mouvement Occupy London, le Tavistock Institute s'apprête à s'attaquer à l'inconscient collectif (ou, dans le jargon scientifique, à surveiller les groupes de contrôle et les groupes expérimentaux) afin d'obtenir une image claire de la manière dont se construit le sens collectif de ces temps.
Ce n'est pas une mince affaire. Tavistock fournit des études et des recherches qui sont utilisées par un nombre important d'entreprises et de groupes de réflexion dans le monde entier. Les clients dont les analyses décident des armes et/ou des politiques financières. En bref, ils servent à redessiner ou à ajuster les engrenages de la planète.
A ce stade, il convient de se demander où se situe ce projet de matrice de rêves sociaux et les événements qui explosent dans la région. Eh bien, voici l'hypothèse de travail.
La pandémie de COVID-19 et les mesures de restriction de la mobilité humaine ont transformé le monde en une grande scène. Assis sur leur canapé, des millions d'êtres humains ont soudain constaté que l'accès à la réalité était conditionné par des plates-formes technologiques de diffusion de contenus audiovisuels offrant bien plus qu'un simple divertissement.
Ce n'est pas sans précédent. Melinda Davies a prévenu, il y a quelque temps, que l'espèce humaine était confrontée à un "exode massif de l'univers physique", et que la réalité commençait à devenir entièrement mentale.
L'exposition à l'écran offrait aux humains non plus un univers alternatif, mais l'univers lui-même. Le fait est, comme le propose Davies, que "les valeurs, les images, les processus et les modèles de l'écran primaire façonnent même ce qui se passe en dehors de celui-ci. L'écran primaire est la nouvelle vie réelle, le macro-cadre dans lequel nous vivons".
Quelle coïncidence que moins d'un mois après le début des manifestations à Cuba, Netflix nous offre un baptême du feu avec la série Comment ils sont devenus des tyrans, avec une sélection de tyrannies taillées tout droit dans la planche à dessin de l'OTAN. Vous voyez généralement Saddam Hussein, Staline, les Kims et Mouammar Kadhafi. Bien sûr, il n'y a toujours rien dans votre programme sur Pinochet, Stroessner ou Franco. Peut-être pour la deuxième saison ?
Dans un monde où, comme le démontre Manuel Castells, les intérêts financiers, politiques et militaires finissent par converger vers les mêmes nœuds de contrôle qui gèrent ce que nous voyons, comment nous le voyons et quand nous le faisons, l'augmentation de l'exposition aux écrans et aux contenus pilotés par les algorithmes des sociétés de production technologique et audiovisuelle a plongé la planète entière dans un état de semi-conscience collective qui produit les mêmes effets que le cinéma ou la télévision.
Christian Metz (photo), critique et spécialiste français du cinéma, a expliqué que l'effet de l'expérience cinématographique s'apparentait à une "hallucination". Le cinéma implique en quelque sorte la réduction des "défenses du moi".
" Pour que cela se produise, il faut une " instance voyante " (qui constitue le film lui-même comme un discours, comme une instance qui expose l'histoire et la fait voir). En outre, l'état de submotricité renvoie à l'état de passivité des spectateurs qui absorbent tout par les yeux, rien par le corps", a expliqué M. Metz.
Lorsque nous constatons, non plus depuis la toile des bots, mais à travers des êtres humains en chair et en os, que la balance de l'indignation ne bouge que dans les cadres imposés par les images, les idées, les concepts que leur dictent les algorithmes des plateformes de streaming et des applications numériques, nous reconnaissons que nous sommes absolument dépassés par une guerre imaginative franchement asymétrique. Ce n'est pas qu'ils omettent délibérément les outrages commis contre les Palestiniens ou contre la ligne de front des citoyens colombiens, ou contre les centaines d'êtres humains plongés dans l'obscurité par les carabiniers chiliens. Ils ne peuvent tout simplement pas les voir.
Comme l'explique l'anthropologue Marc Augé (photo), la bataille clé de notre époque est celle de "l'abstraction du regard", ou plus directement du détournement de notre attention.
Un regard qui est en soi le seul qui nous appartient et où entre en jeu ce que nous sommes. Il ne s'agit pas du kidnapping de nos yeux dix heures par jour à travers un écran. Il s'agit de la monopolisation de nos référents, symboles, attentes, souvenirs et utopies.
Pour tous ceux qui ont pu apprécier le film Inception, dont l'intrigue tourne autour de la possibilité d'installer une idée dans le subconscient, il est beaucoup plus facile de relier les processus et les acteurs qui servent à faire bouger et à maintenir les rouages du contrôle social.
"Le processus d'initiation fonctionne, nous dit-on, en plaçant la forme la plus simple d'une idée au plus profond du subconscient d'un personnage pendant qu'il rêve, par le biais d'une série de suggestions qui amènent effectivement le personnage à se donner l'idée (selon les mots du maître faussaire de Tom Hardy, Eames). Et le subconscient, nous dit-on, est motivé par l'émotion, pas par la raison, et qu'une émotion positive l'emporte sur une émotion négative. Le niveau le plus profond du subconscient est représenté par un coffre-fort ou une chambre forte, à l'intérieur duquel l'esprit stocke ses pensées et/ou ses souvenirs les plus privés".
Alors, quel est le fond de l'idée qu'ils essaient de planter ? C'est simple. Que tout projet politique et social différent de l'ordre hégémonique est un échec et n'est pas viable. Un éternel retour à la fin de l'histoire, déguisé par des algorithmes et des interfaces graphiques prétentieux.
Il ne s'agit pas seulement de défendre des intérêts économiques, il ne s'agit pas seulement des produits pharmaceutiques, ou des banques et de leur avancée contre les crypto-monnaies, il s'agit de maintenir intouchables les piliers idéologiques et spirituels qui soutiennent l'ordre lui-même.
Le vaccin Spoutnik V, sans parler de l'Abdala, a déclenché des signaux d'alarme dans la matrice. Le système est terrifié par les capsules rouges.
Il ne peut y avoir de contre-exemples réussis, surtout s'ils parviennent à sauver la vie de millions d'êtres humains. C'est pourquoi toute expérience alternative est boycottée par des sanctions, des coups d'état, des blocus, des séditions internes, l'assassinat des leaders émergents. Si ceux qui tissent les fils du pouvoir mondial permettent l'insertion dans le système de messages qui contredisent leur récit symbolique par des faits, il y a un risque d'effondrement. Un réveil collectif, comme ils l'appellent.
Le discours de Xi Jinping à l'occasion du 100e anniversaire du Parti communiste chinois a été analysé dans le monde entier, et il ne pouvait en être autrement compte tenu du rôle désormais mondial de Pékin.
Le choix de Xi de jouer Mao Zedong a été noté. Un choix, en effet, et non une obligation, qui doit être considéré comme tel dans sa référence à la révolution chinoise, qui a ensuite été détournée avec la révolution culturelle de la "bande des quatre", causant du tort à l'Empire du Milieu.
Une telle référence n'est pas le fruit du hasard, étant donné que Xi Jinping a combattu les continuateurs de ce moment sombre de la Chine et a été élu président précisément après avoir battu ceux qui, au sein du parti communiste, dirigé par Bo Xilai, rêvaient d'un retour à ces gloires.
La "bande des quatre" lors de son procès.
Bo Xilai écoutant le verdict qui le condamne à la perpétuité.
Le discours de Xi était évidemment un péan aux "fortunes et progressions magnifiques" de son pays, et il ne pouvait en être autrement. On a voulu voir dans ses propos un défi au monde, notamment au moment où il a souligné que ceux qui tentent de s'opposer à la Chine "finiront la tête cassée et en sang".
En fait, le clin d'œil du président chinois était autre chose : non pas une menace pour le monde, mais une mise en garde contre une éventuelle agression. "Nous n'avons jamais maltraité, opprimé ou assujetti le peuple d'aucun autre pays", a-t-il déclaré, "et nous ne le ferons jamais", comme l'histoire le confirme.
Mais il a prévenu: "Le peuple chinois ne permettra jamais à des forces étrangères de nous dominer, de nous opprimer ou de nous asservir. Quiconque se fait des illusions à cet égard se cassera la tête et versera du sang sur la Grande Muraille d'acier faite de la chair et du sang de 1,4 milliard de Chinois.
Et à propos de la campagne anti-chinoise, il a ajouté: "Nous n'accepterons pas les prédications hypocrites de ceux qui se sentent autorisés à nous faire la morale", une référence pas du tout voilée aux États-Unis et à la Grande-Bretagne.
Il ne pouvait pas non plus manquer de mentionner Taïwan: "Résoudre la question de Taïwan et réaliser la réunification complète de la Chine est une mission historique et un engagement inébranlable du Parti communiste chinois".
"Nous tous, compatriotes des deux côtés du détroit de Taïwan, devons nous unir et avancer à l'unisson. Nous devons prendre des mesures résolues pour faire échec à toute tentative d'indépendance de Taïwan."
D'autre part, l'idée de l'indépendance de Taïwan est très récente et va de pair avec la recherche d'un ébranlement du géant asiatique, brisant la doctrine de la Chine unique, pivot de la géopolitique asiatique globale.
En fin de compte, ce fut un discours tissé d'évidences factuelles, rehaussé simplement par l'habit de type maoïste que portait Xi et accentué par l'agitation géopolitique du jour. Bien sûr, l'attitude décisive du président chinois peut être frappante, mais elle découle de la politique intérieure, qui est moins monolithique qu'il n'y paraît.
Et cela découle d'une initiative rapportée par l'influent magazine américain Politico au début du mois de juin: "Dans un discours prononcé lors d'une session d'étude du Politburo cette semaine, Xi a stupéfié les observateurs les plus chevronnés par certains commentaires qui semblaient signaler un adoucissement spectaculaire de la rhétorique dure que Pékin tenait ces dernières années en référence aux États-Unis, à l'Europe et à d'autres nations".
En fait, il a demandé aux dirigeants du pays de se concentrer sur la diffusion d'une image "fiable, aimable et respectable" de la Chine. Et Xinhua, le média officiel de Pékin, a même suggéré que le pays pourrait adopter une approche "humble" dans ses relations avec le monde extérieur".
Il est probable que, comme dans d'autres circonstances, Xi Jinping a été accusé d'être trop mou par la faction nationaliste, d'où la nécessité pour lui de s'affirmer dans son discours du centenaire.
Policiers et manifestants à Hong Kong.
Ce n'est pas une nouvelle controverse au sein de la Chine: également sur la question de Hong Kong, lors du soulèvement indépendantiste, Xi avait fait preuve de patience, s'opposant aux siens qui auraient voulu une intervention à somme nulle, avec un compromis ultérieur (fin des libertés dont jouit la ville, mais pas de bain de sang).
Il n'est pas non plus concevable que la Chine renonce à Taïwan, dont la déclaration d'indépendance sonnerait comme une déclaration de guerre, un peu comme le Texas se séparant des États-Unis (un thème qui a d'ailleurs retrouvé une actualité floue).
Bien sûr, Xi n'a pas épargné le monde des avertissements, mais le sujet n'est pas la troisième guerre mondiale, ni une poussée de Pékin pour conquérir le monde, mais pour accroître son influence mondiale.
Cela ne conduirait pas à la domination chinoise du globe, puisque, comme Pékin le reconnaît lui-même, la primauté américaine est destinée à durer, mais cela donnerait naissance à ce multilatéralisme que les partisans de l'unilatéralisme américain considèrent comme une menace existentielle.
Il est dommage que ces tétragones de la reductio ad unum soient associés à divers cercles qui, tout en rejetant cette vision obscure, sont incapables de renoncer à l'idée de l'exceptionnalisme américain, qui, au-delà des nobles intentions de ceux qui l'idéalisent, est une "pensée magique" - comme le définit Ishaan Tharoor dans le Washington Post - qui apporte de l'eau à cet obscurantisme.
Le discours de Xi devrait donc être réduit à la chronique géopolitique du moment, n'ajoutant rien et ne retirant rien à la situation critique actuelle. Des critiques qui sont malheureusement vouées à durer, alors qu'il serait urgent de parvenir à une convergence, que la propagande adverse rend impossible.
Un article intéressant de Jon Schwarz dans The Intercept retrace l'histoire de l'OTAN et réfléchit à sa pertinence aujourd'hui. Il rappelle que l'OTAN est née dans l'urgence après la Seconde Guerre mondiale, en 1949, à une époque où l'Europe était détruite et où "la puissance des États-Unis était si prépondérante qu'elle pouvait simplement dicter leur conduite à ses alliés".
Les interlocuteurs de Washington étaient si impuissants que l'Alliance a été discutée "en secret pendant quinze jours au Pentagone". D'où le rôle prépondérant des États-Unis, auxquels les alliés sont de facto attelés.
Bien sûr, il y avait un risque que l'Union soviétique et le communisme s'étendent au Vieux Continent, notamment en raison de la force des partis communistes occidentaux. Mais Schwarz rappelle que les victimes russes de la guerre étaient au nombre de 27 millions, soit un Russe sur six. Un tribut de sang pour lequel "même Staline aurait eu du mal à motiver son propre pays à se lancer immédiatement dans une autre aventure similaire".
L'OTAN, le Pacte de Varsovie et la guerre froide
De plus, les partisans de l'OTAN considèrent l'Alliance comme une réponse indispensable à la guerre froide imposée par les Russes. Mais l'histoire nous dit le contraire, puisque le Pacte de Varsovie est né six ans plus tard. Ainsi, "une lecture plus fidèle de l'histoire suggère que la formation de l'OTAN a contribué à intensifier et à institutionnaliser la guerre froide" plutôt qu'à l'endiguer.
Le Pacte de Varsovie reflète le modèle antagoniste de l'OTAN, ne différant que par le numéro de l'article engageant les pays membres à la défense mutuelle : non pas l'article 5, mais l'article 4.
L'objectif déclaré de l'OTAN était de se défendre contre la menace de l'Union soviétique et du communisme en général, y compris les partis communistes de l'Ouest, que l'organisme militaire devait empêcher d'accéder au pouvoir, en prodiguant "confiance et énergie" aux forces démocratiques, avec des déclinaisons encore à découvrir dans les méandres obscurs de l'histoire de l'Italie (stratégie de la tension, etc.) et de celles des autres pays.
Mais l'objectif implicite de l'OTAN, et du Pacte, était de faire des pays adhérents des satellites de leurs dominateurs respectifs, les États-Unis et l'Union soviétique. D'autre part, depuis l'époque de la Ligue Delio-Atlantique, "accorder une protection est le moyen essentiel par lequel les pays puissants lient à eux les pays moins puissants". En d'autres termes, il s'agissait de structurer et de garantir l'irrévocabilité de la "sphère d'influence" des deux puissances.
L'OTAN ne s'arrête pas, elle se transforme
Une fois l'Union soviétique dissoute, l'ennemi qui rendait l'OTAN nécessaire a disparu et elle aurait dès lors dû se dissoudre. Au contraire, ses objectifs ont changé, la rendant indispensable pour faire face aux nouvelles menaces, qui auraient certainement pu être traitées par des moyens différents qui, tout en préservant la convergence du plus grand nombre, auraient été moins contraignants pour les États subordonnés.
"Le temps a donné raison aux critiques les plus virulents de l'OTAN, qui affirmaient qu'elle était surtout un instrument agressif de la puissance américaine". La nouvelle doctrine a en effet permis à l'OTAN de s'engager dans des guerres d'une nature différente de celle envisagée par ses premiers impulseurs : il ne s'agit plus de la défense d'un État membre, mais de guerres agressives, légitimées de diverses manières sous l'égide de l'ONU, comme la guerre en ex-Yougoslavie et en Libye.
La subordination de l'OTAN à la doctrine des guerres sans fin a donc généré de nouvelles critiques dans le monde, tandis que d'autres ont été produites par des événements moins conflictuels, mais non moins déstabilisants, comme l'élargissement de l'alliance militaire en Europe de l'Est.
L'élargissement en Europe de l'Est
Une expansion qui a d'ailleurs rompu le pacte passé avec l'ancien ennemi, comme le note The Intercept, rappelant la promesse solennelle faite par James Baker, le secrétaire d'État de George H. W. Bush, à Gorbatchev, qui lui avait fait une promesse de paix. Bush, en effet, avait émis cette promesse à Gorbatchev, qui avait demandé d'éviter l'élargissement de l'OTAN dans l'ancien espace soviétique, que Moscou aurait perçu comme une menace existentielle.
James Baker a rassuré son interlocuteur "non pas une mais trois fois que cela ne se produirait pas". Pas un pouce de la juridiction militaire actuelle de l'OTAN ne s'étendra en direction de l'Est", avait-t-il promis. Depuis lors, la quasi-totalité de l'Europe de l'Est a été absorbée par l'Alliance.
"La Russie, note The Intercept, a accueilli de tels événements avec le même enthousiasme que celui qu'auraient les États-Unis si le Mexique, le Canada et un Texas nouvellement indépendant se joignaient à une alliance militaire dirigée par la Russie.....
Aujourd'hui, "l'OTAN regarde plus loin, son horizon est la planète entière", à tel point qu'elle a mis la Chine, qui se trouve sur les rives du Pacifique, dans sa ligne de mire. Et comme par le passé, elle poussera d'autres pays à la rejoindre en les convainquant de diverses manières. Et "tout comme l'OTAN a contribué à créer la guerre froide à l'époque, elle est en train d'en créer une autre aujourd'hui".
La religion otaniste
La remarque finale de Schwarz est très pertinente: "Tragiquement, il n'y a pas de débat à ce sujet, ni aux États-Unis ni en Europe. Comme l'a dit Biden, le petit nombre d'élites impliquées dans ces débats considère l'OTAN comme une instance 'sacrée'."
"De même, lorsqu'il a préconisé la création de l'OTAN, le ministre britannique des Affaires étrangères de l'époque, Ernest Bevin, a déclaré qu'elle était nécessaire pour 'le salut de l'Occident'."
"Aussi étrange que cela puisse paraître aux gens normaux, pour les élites occidentales, l'Otan est devenue une institution de nature religieuse et ne peut donc être remise en question, pas plus que le pape n'est ouvert au débat sur la Sainte Trinité. Et nous savons tous comment les religions peuvent mener à la guerre".
Les nouveaux chiens de garde et le passe sanitaire
par Nicolas Bonnal
La presse française, qui appartient à quelques oligarques (dont Bernard LVMH, qui pèse aujourd’hui MILLE milliards…de francs) et est subventionnée à hauteur de 500 millions d’euros, dégoûte les Français, tant elle aura été crasse et ignoble depuis le début de cette histoire : affolement, confinements, masques, vaccins, meurtres de masse, passes sanitaires, chantage et menaces, elle nous aura tout imposé. Malheureusement il n’y a rien de nouveau sous le soleil: depuis les années Mitterrand et le passage du col Mao au Rotary (Hocquenghem) nous sommes dans un présent permanent d’omerta (Coignard), d’abjection et de désinformation. Nous sommes là pour enrichir les riches et pour empoisonner les Français, disent les gardiens de camp médiatique et électronique.
C’est que les gens dont nous parlons sont des chiens de garde. Et quels dobermans ! Et quels roquets ! Revenons-en alors au maître-livre de Serge Halimi, trublion du Mondediplomatique, qui rappelait dans son très documenté pamphlet que le journaliste est avant tout un enthousiaste :
« La censure est cependant plus efficace quand elle n’a pas besoin de se dire, quand les intérêts du patron miraculeusement coïncident avec ceux de « l’information ». Le journaliste est alors prodigieusement libre. Et il est heureux. On lui octroie en prime le droit de se croire puissant. Fêtard sur la brèche d’un mur de Berlin qui s’ouvre à la liberté et au marché, petit soldat ébloui par l’armada de l’OTAN héliportant au Kosovo la guerre « chirurgicale » et les croisés de l’Occident, avocat quotidien de l’Europe libérale au moment du référendum constitutionnel : reporters et commentateurs eurent alors carte blanche pour exprimer leur enthousiasme. Le monde avait basculé dans la « société de l’information », avec ses hiérarchies « en réseau », ses blogs et ses nouveaux seigneurs. »
La presse fut chargée d’encenser Davos :
« Le capitalisme a ses charités, ses philanthropes dont la mission est d’enjoliver un système peu amène envers ceux qu’il ne comble pas de ses bienfaits. La presse trône au premier plan de ces campagnes de blanchiment. Ainsi, Davos, autrefois conclave des « global leaders » soucieux de « créer de la valeur » pour leurs actionnaires, serait presque devenu un lieu de virée pour patrons copains et citoyens. »
Halimi tacle au passage l’effarant Joffrin :
« N’accablons pas Laurent Joffrin. Lui qui, pendant les années Reagan, célébra les États- Unis et le libéralisme (l’émission « Vive la crise ! » fut en partie son œuvre) n’a fait que traduire à sa modeste échelle ce que, sous la double pression de la concentration capitaliste et d’une concurrence commerciale favorisant le conformisme et la bêtise, le journalisme est devenu presque partout : creux et révérencieux. »
La géographie ça sert d’abord à faire la guerre, disait Yves Lacoste. La presse encore plus, surtout dans une puissance belligène et coloniale :
« Pendant les guerres, la presse se soucie moins de consensus, de pédagogie, de complexité, et davantage de réchauffer l’ardeur des combattants. Presque tout a été dit sur l’effondrement de l’esprit critique lors de la guerre du Golfe où, mis à part L’Humanité et La Croix (par intermittence), chacun des directeurs de quotidien se plaça au service de nos soldats. Quasiment unanimes, les hebdos, radios et télévisions firent chorus, se transformant en classe de recyclage pour officier au rancart vaincu en Algérie trente ans plus tôt et soucieux de prendre, dans les médias, sa revanche sur les Arabes. »
Halimi souligne cette haine pathologique du peuple. On la sentit venir en 1992 au moment de Maastricht. Juste là confinée au nationaliste pauvre (raciste, fasciste, nazi, antisémite, etc.), cette haine se communiqua à tout le peuple de gauche, du centre ou d’ailleurs :
« En 1992, la campagne du référendum sur le traité de Maastricht répéta les « dérives » observées pendant la guerre du Golfe. Là encore, beaucoup de choses se conjuguèrent : la volonté d’encourager l’élite éclairée qui construit l’avenir (« l’Europe») alors que le peuple ne sait qu’exhaler ses nostalgies, sa « xénophobie » et ses « peurs » ; la préférence instinctive pour les options du centre, surtout lorsqu’elles s’opposent aux extrêmes « populiste » et « nationaliste » ; enfin la place accordée aux avis des experts et des intellectuels, eux aussi particulièrement sensibles aux ressorts précédents. Intelligence contre irrationalité, ouverture contre repli, avenir contre passé, ordre contre meute : tous ces fragments d’un discours méprisant de caste et de classe resurgirent au moment du référendum de mai 2005 sur le traité constitutionnel européen. »
Et comme on continue de chercher la petite bête immonde ici et ailleurs, Halimi rappelle :
« Il a fallu attendre la fin du second septennat de François Mitterrand pour découvrir que l’ancien président de la République avait, sciemment et longtemps après la guerre, continué à fréquenter un haut dignitaire de Vichy impliqué dans les basses œuvres de ce régime, qu’il avait envoyé à la guillotine des militants de l’indépendance algérienne…Tant d’enquêteurs et tant de journaux se prétendant concurrents pour arriver à ce résultat-là!»
Ce qui est juif, disait Goebbels à Fritz Lang, nous en décidons. Ce qui est antisémite aussi.
Concluons philosophiquement comme l’andouille Ferry. La presse française est crevée depuis longtemps. Comme l’Eglise ou les partis, elle survit en hystérésis, grâce à nos subventions.
L'interview de Sergio Romano à Libero, qui décrit le changement qui s'est produit aux États-Unis, passant d'un président isolationniste, et donc non hostile à l'intégration européenne, à un empereur qui entend restaurer l'hégémonie américaine dans le monde, mérite d'être lue.
L'interview de Romano
Mais la réaffirmation de l'unicité (incontestable) de la puissance américaine dans le monde se fait évidemment au détriment des pays européens, puisque "le leadership mondial signifie toujours enlever du pouvoir à d'autres sujets", à qui l'on demande de revenir au rôle d'États clients du maître d'outre-mer.
Relancer l'alliance atlantique", explique M. Romano, "n'a qu'une seule signification: nous, les États-Unis, nous nous occupons de la politique de sécurité mondiale, nous avons le monopole de la force et nous prenons seuls les décisions. Aussi : nous protégeons nos alliés. Mais tout cela constitue une entrave à l'intégration européenne".
En ce qui concerne les relations avec la Russie, M. Romano a réitéré ce qu'il a toujours expliqué, à savoir que Moscou considère l'élargissement et le renforcement de l'OTAN dans les pays baltes et en Europe orientale, notamment à ses frontières, avec une "hostilité objective". Si Biden est capable de comprendre ces préoccupations, dit Romano, ce sera bon pour le monde.
Il est inutile de brandir l'affaire de la Crimée dans une perspective anti-russe, puisqu'elle est désormais russe et le restera. Sur ce point, un exemple intéressant : "Rappelons que Khrouchtchev a concédé la péninsule à Kiev en 1954 comme lorsqu'un riche industriel donne les clés de sa Ferrari à un employé pour aller faire un tour"...
Enfin, M. Romano fait part de sa perplexité face à l'idée de M. Biden de lancer une "ligue des démocraties", en déclarant : "Nous n'en avons pas besoin. Quel est l'intérêt ? Dire que Xi Jinping n'est pas démocratique ? Objectivement, cela me semble être un geste anti-chinois".
"Nous, Européens, avons-nous intérêt à donner des leçons de démocratie aux Chinois ? - Non. Biden n'est pas Trump, et j'ajouterais heureusement. Mais il n'admettra jamais que les États-Unis ont besoin de la Chine comme adversaire. Nous, Européens, en revanche, n'en avons pas du tout besoin [...]. Et attaquer Pékin sur la question de la contagion me semble être la pire des choses.
Le scoop australien et le défi de la Chine
Sur ce dernier point, nous avons un autre scoop qui voudrait renforcer la thèse selon laquelle le coronavirus a été créé dans le laboratoire de Wuhan et a échappé à tout contrôle. Sky News Australia, qui dispose de preuves de la présence de chauves-souris dans le biolab de Wuhan sur lequel les chercheurs ont mené des expériences risquées, a avancé cette affirmation.
Un scoop bizarre, puisque le fait qu'il y ait eu des chauves-souris ou non ne change rien, puisque les chercheurs du laboratoire ont déclaré qu'ils menaient des études sur les virus provenant des chauves-souris, notamment sur le Sras, qui avait sévi en Chine en 2002 (il est évident qu'un bio-lab l'étudie, comme il est évident que le biolab de Fort Detrick étudie les "pathogènes les plus dangereux du monde").
Nous n'entrerons pas dans les détails, qui ne nous intéressent pas pour le moment, mais nous nous limiterons à observer l'origine du nouveau scoop, l'Australie, et à prendre note d'une coïncidence chronologique.
Cette nouvelle intervient alors que le plus grand État australien (qui est une fédération), l'Australie occidentale, a appelé à une politique moins hostile à la Chine, expliquant qu'il ne s'agit pas de "s'incliner" devant Pékin, mais d'initier une politique plus "rationnelle" à l'égard du géant asiatique. Après le scoop de Sky News Australia, nous pensons que la demande aura été soumises à des critiques.
La compétition avec Pékin sera longue et il faudra malheureusement s'habituer à cette alternance de haute et de basse tension, à ce courant de nervosité qui traverse le monde, fonctionnel et nécessaire à la relance du leadership global des Etats-Unis.
Il y a de l'ironie dans tout cela. La présidence Biden voudrait tourner la page de la folie néocon qui a produit tant de désastres aux États-Unis et surtout dans le monde, et revenir aux gloires des présidences démocratiques à la Kennedy (c'est du moins l'image qui est passée dans les narratifs officiels, la réalité étant bien différente).
Revenir, c'est-à-dire, à l'époque où l'Empire n'avait besoin que de déployer sa puissance douce et sa persuasion morale pour subordonner l'Occident à lui et tenir à distance les menaces extérieures, la guerre étant reléguée à unrecoursextrême.
Mais malheureusement, la concurrence avec la Chine est très éloignée de ce modèle idéal. La nervosité dont il est imprégné et la propagande enflammée qui l'accompagne vibrent encore de toute la folie néocon que cette présidence voudrait reléguer au registre des mauvais souvenirs.
La pandémie de Covid-19 a affecté la vie quotidienne des gens, l'économie et, bien sûr, la politique. Les gouvernements, afin de contenir les contagions, ont mis en place une série de mesures pour empêcher la propagation incontrôlée du Sars-CoV-2. Le problème principal - qui est aussi la critique que de nombreux leaders d'opinion et intellectuels n'ont cessé de formuler - est que la lutte contre le coronavirus risque de produire des effets irréversibles au sein de la société et, plus particulièrement, dans ces mécanismes délicats qui régulent les relations interpersonnelles.
Si, pour enrayer les infections, il est nécessaire de limiter les possibilités de contact avec les autres, de réduire les sorties inutiles, de mettre fin aux activités "non essentielles", de fréquenter les écoles à distance, etc., si tout cela se produit, alors non seulement la vie quotidienne des personnes, mais aussi leur façon de vivre dans la communauté humaine seront complètement bouleversées. Aux premiers stades de l'urgence sanitaire, alors que personne ne savait ce qu'était ce virus et comment il agissait, les citoyens du monde entier - à l'exception de cas sporadiques - ont accueilli favorablement les confinements et les mesures restrictives. À long terme, un an et demi après le déclenchement de la pandémie, le récit paternaliste de la protection de la santé a commencé à s'estomper.
Avec une économie dans le marasme - si personne ne peut sortir et si les activités "non essentielles" sont arrêtées, une bonne partie de l'économie cesse de fonctionner - nous avons commencé à voir des protestations contre les mesures restrictives colportées par les différents gouvernements. Dans un tel scénario, quel rôle ont joué les partis populistes ? Ou plutôt, l'avènement de la variable Covid-19 a-t-il affaibli leur champ d'action ou a-t-il donné une nouvelle vigueur à des formations politiques qui avaient stagné après des années de polémiques contre les élites ?
La pandémie et le phénomène populiste en Europe
En observant la scène européenne, nous avons constaté que dans pratiquement tous les pays, il existe un phénomène populiste qui se respecte. De l'Espagne à la France, de l'Italie à l'Allemagne, en passant par le Royaume-Uni et la Suède, les situations à prendre en compte sont multiples. Pour donner un aperçu général, nous avons fait appel à Marco Tarchi, politologue, l'un des principaux experts du populisme, professeur de sciences politiques à l'université de Florence et auteur de Italia Populista. Dal qualunquismo a Beppe Grillo (Il Mulino).
"D'une certaine manière, la pandémie a affaibli le populisme. Lorsqu'un pays est confronté à une menace qu'il ressent comme sérieuse, et de surcroît inattendue, il a tendance à se rassembler en majorité autour de ceux qui le gouvernent. En d'autres termes, elle ressent le besoin paternel, et donc celui qui gouverne devient en quelque sorte un phare et un point de référence pour la communauté", a expliqué M. Tarchi.
Si l'on exclut le cas controversé d'Orban, des Polonais et d'autres gouvernements d'Europe de l'Est, dans les pays où le phénomène populiste était en progression, la crise sanitaire a fortement réduit sa capacité à s'implanter et à s'étendre. À quel avenir faut-il s'attendre ? Il est difficile de donner une réponse définitive, car l'avenir du populisme, a ajouté M. Tarchi, dépend avant tout d'une variable, à savoir "les proportions des conséquences négatives de la crise de Covid sur le système économique et social".
L'importance de l'économie
En Europe, des mesures ont été prises pour éviter le risque d'une débâcle économique. "Nous savons que, par l'injection de capitaux virtuels, les politiques de la BCE, l'UE, etc., nous avons essayé et essayons de contenir, ou plutôt de pousser le plus loin possible dans le temps, un éventuel effondrement du système économique productif", a souligné M. Tarchi. Cette manœuvre va-t-elle réussir ? " Le succès ou l'échec des populistes en dépend. Comme certains l'ont admis, tôt ou tard, la "facture" devra être payée", a ajouté le professeur.
En bref, beaucoup dépendra de la manière dont les gouvernements pourront se prémunir contre d'hypothétiques crises économiques qui pourraient frapper leurs pays respectifs. Il n'est pas certain que cela se produise, mais il est plausible de s'attendre à ce que certaines catégories de citoyens, parmi les classes les moins aisées, se retrouvent dans la situation désagréable de devoir "payer la facture" des fermetures.
Il est clair que, à mon avis, il y aura un renouveau du populisme", a déclaré Tarchi, "également en raison d'une autre conviction, que je ne suis pas le seul à avoir, mais que j'ai exprimée de manière particulièrement forte depuis plus de vingt ans. Le populisme est un phénomène cyclique". Dans quel sens cyclique ? " Comme l'a écrit Loris Zanatta, le populisme est une rivière karstique : il disparaît puis réapparaît. Nous n'avons jamais vu de populisme avec une tendance linéaire. Par conséquent, nous devions nous attendre à ce que, après des années et des années de croissance, nous ayons un reflux de ce phénomène".
La (grande) limite du populisme
Le populisme a, entre autres, une énorme, énorme limite. Qu'est-ce que c'est ? "Il ne peut pas se donner de solidité car cela est en dehors de sa nature. Les mouvements qui se donnent une solidité - ajoute Tarchi - sont ceux qui sont structurés, organisés et institutionnalisés. De par leur nature, les mouvements populistes ne vivent pas bien l'institutionnalisation. Ils le subissent ou deviennent autre chose. Nous verrons ce qui se passera mais, comme je l'ai écrit il y a des années, le populisme est "l'invité inconfortable des démocraties"".
Et qu'est-ce que cela signifie ? "Le phénomène populiste reste toujours présent au sein des démocraties et ne peut jamais en être chassé. Par moments, il sera manifestement présent, puis il disparaîtra et reviendra. Pour l'instant, nous n'avons guère vu de populisme réellement ancré dans un réseau gouvernemental, du moins en Europe. Si cela se produit, ce sera quelque chose de nouveau. Mais comment se porte le populisme, à la lumière de la pandémie de Covid ?
"Pas bien, bien qu'il ne soit nullement dans le coma. Il a un problème de santé passager, et comme toujours ses chances ou ses malheurs dépendent de l'état de santé de ses adversaires. Le populisme se lève, en fait, lorsque les institutions de la démocratie libérale commencent à grincer, lorsque les partis traditionnels ne peuvent plus bénéficier de la confiance de la population, etc." En tout état de cause, le populisme ne peut être considéré, comme certains le prétendent, comme la cause des crises, mais plutôt comme la "conséquence des crises dont il se nourrit"". De ce point de vue, "les crises étant une constante périodique de la politique, le populisme ne disparaîtra jamais. Il aura cependant des moments de splendeur et des moments négatifs".
Le populisme et la souveraineté sont deux concepts politiques complètement différents. Bien que les médias fassent souvent l'erreur de superposer les deux termes comme s'ils étaient synonymes, il existe en fait des différences significatives qui séparent les phénomènes populistes et souverainistes.
Les premiers ne suivent pas de dogmes, ils incarnent une lutte générique du peuple contre les élites, accusées d'être des usurpatrices de richesses, ils proposent des solutions simples à des problèmes complexes et poussent à une réforme de la démocratie, afin qu'elle soit la plus directe possible. Ils proposent des solutions simples à des problèmes complexes et poussent à une réforme de la démocratie de la manière la plus directe possible. Les populismes se nourrissent également des crises économiques et démocratiques, au point qu'ils peuvent être considérés comme d'excellents thermomètres pour mesurer la santé d'un système politique donné.
Ce n'est pas le cas des souverainismes, dont les expériences, tout en partageant des points de contact avec les phénomènes populistes, voire en faisant usage du même populisme dans la communication politique, ou dans d'autres domaines, visent à protéger l'identité d'un État-nation par rapport à la communauté internationale, aux frontières et, plus généralement, aux prérogatives de la nation.
Ces dernières années, des leaders politiques hybrides sont apparus dans le monde entier, difficiles à étiqueter dans un sens ou dans l'autre. La situation est encore compliquée par le contexte des pays qu'ils représentent, qui ne sont parfois même plus considérés comme démocratiques mais comme "autocratiques", pour ne pas dire autoritaires. Prenons le cas de Viktor Orban, premier ministre de Hongrie, chef du parti Fidesz, un politicien chevronné qui a été légitimement élu par le peuple à l'issue de compétitions électorales régulières. Orban est accusé - en termes péjoratifs - d'être un populiste, un souverainiste et un démagogue. Au-delà des considérations évaluatives des journalistes et des experts, quelle est la place de personnes comme Viktor Orban sur la scène politique actuelle ? Et quel est leur objectif politique ?
Orban : populiste ou souverainiste ?
La figure politique d'Orban est assez énigmatique. Le leader hongrois peut-il être qualifié de populiste ? Selon Marco Tarchi, politologue, expert du populisme et professeur de sciences politiques à l'université de Florence, nous sommes confrontés à un malentendu non résolu. "Conceptuellement, le problème est que nous n'avons pas encore fait une distinction claire entre le populisme et la souveraineté. Il y a cependant une distinction claire et, de ce point de vue, Orban joue la carte d'un souverainisme fortement conservateur et traditionaliste, qui n'a pas nécessairement trop de points communs avec le populisme", a immédiatement précisé M. Tarchi.
Après tout, le populisme est également capable, par définition, d'adopter des positions conservatrices dans certaines circonstances. En Hollande, nous pouvons prendre l'exemple de Geert Wilders et de son Parti pour la liberté ; Wilders représente une formation populiste qui peut compter sur un fond idéologique très peu conservateur. Orban, quant à lui, "joue la carte du conservatisme", mais son patriotisme national-religieux est compliqué par le fait que, malgré une nette majorité catholique, la Hongrie possède également un protestantisme vivant. En bref, nous avons affaire à un leader politique qui utiliserait le populisme comme un outil pour obtenir du soutien, tout en s'appuyant sur un conservatisme sous-jacent bien évident dans la société hongroise.
Mais quel est l'avenir de Viktor Orban ? "Orban peut devenir, s'il réussit et s'il le veut, le leader d'un nouveau conservatisme réactif, qui ne se résignerait plus seulement à diminuer la vitesse du changement imposé par les progressistes, mais qui est prêt à combattre le progressisme sur son propre terrain", a expliqué M. Tarchi. Toutefois, Orban doit faire face à une importante épée de Damoclès, la même épée qui plane au-dessus de la tête des gouvernements polonais, tchèque et slovaque.
"Le boulet pour Orban, et dans une certaine mesure aussi pour les autres membres du groupe de Visegrad, est le fait qu'il n'est pas en mesure de quitter l'Union européenne, car d'un point de vue économique, un tel mouvement provoquerait un énorme bouleversement pour la Hongrie", a ajouté M. Tarchi. Le Premier ministre hongrois devra donc constamment faire face aux sanctions, au dénigrement et aux attaques plus ou moins directes de Bruxelles, du moins tant que l'UE conservera le leadership qu'elle a actuellement. "Le rôle d'Orban, en dehors des frontières magyares, est très difficile à interpréter", conclut Tarchi.
Les dirigeants du groupe de Visegrad
Orban n'est que la partie émergée de l'iceberg d'un phénomène complexe. Il est le prototype des récents leaders apparus en Europe de l'Est, quelque part défini contradictoirement et simultanément comme populiste, souverainiste et conservateur. Souvent, ces hommes politiques combinent ces trois concepts, retravaillant de nouvelles formes de communication. Il y a cependant des différences à prendre en compte, dictées par l'importance que les pays respectifs gouvernés par ces personnalités jouent sur l'échiquier géopolitique international. En effet, le rôle de la Hongrie d'Orban est une chose, celui de la Pologne, de la République tchèque ou, mieux encore, de la Russie, en est une autre.
"La logique de conduite du pouvoir de Vladimir Poutine prend en compte la dimension mondiale de son pays. Celle d'Orban, celle des Tchèques, ou même celle des Slovaques et des Polonais, ne peut que tenir compte d'une interdépendance beaucoup plus grande", a répété M. Tarchi. Il est vrai, a-t-il ajouté, que "le groupe de Visegrad existe" et qu'il y a "une coordination entre ces pays pour intervenir sur certains points, notamment celui du blocage de l'immigration". Cependant, la menace de l'UE d'Ursula von der Leyen reste vivante, celle d'agir par le biais de sanctions et de plans nationaux individuels liés à l'UE nouvelle génération. Cela peut mettre plusieurs "bâtons dans la roue".
Quoi qu'il en soit, conclut M. Tarchi, malgré les rencontres entre les dirigeants du groupe de Visegrad et les diverses proclamations, "je ne vois pas encore se former de manière organique ou très coordonnée un front souverainiste conservateur capable d'agir de manière similaire dans tous les pays et de constituer un contre-pouvoir - bien que limité pour l'instant - à celui de l'UE".